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vendredi, 30 juillet 2021

L'approbation par la Russie de la connectivité entre l'Asie centrale et l'Asie du Sud fait progresser la multipolarité

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L'approbation par la Russie de la connectivité entre l'Asie centrale et l'Asie du Sud fait progresser la multipolarité

par Andrew Korybko

Le soutien enthousiaste du ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, à la connectivité entre l'Asie centrale et l'Asie du Sud montre que la Russie est sur le point d'achever le "Grand partenariat eurasiatique" qu'il a toujours envisagé pour souder le supercontinent.

La mise en place du "Grand partenariat eurasiatique" (GPE) est l'un des principaux objectifs de la grande stratégie russe. Elle envisage de relier le supercontinent par des projets d'infrastructure et des accords commerciaux afin d'accélérer l'émergence d'un ordre mondial multipolaire. Cet objectif final complète celui de la Chine, qui vise à établir une communauté de destin commun pour l'humanité, ce qui renforcera la stabilité stratégique en faisant de tous les pays - y compris les pays aujourd'hui encore rivaux - des parties prenantes de la réussite de chacun. Le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, a approuvé avec enthousiasme la connectivité entre l'Asie centrale et l'Asie du Sud lors de la conférence qui s'est tenue la semaine dernière dans la capitale ouzbèke de Tachkent, un moment crucial pour le GEP puisqu'il s'agit de la dernière pièce de ce puzzle géo-économique.

Certains des propos tenus par ce diplomate de haut niveau mondial lors de son discours d'ouverture méritent d'être soulignés :

"La nature représentative de cet événement est une preuve éclatante qu'il y a demande croissante d'un programme d'unification en Eurasie et dans le reste du monde... Nous abordons la question de la connectivité entre l'Asie centrale et l'Asie du Sud principalement à travers le prisme des processus d'intégration qui ont acquis un grand dynamisme dans toute la région eurasienne. La Russie a toujours été favorable à la formation du Grand Partenariat Eurasien, un processus d'intégration qui sera à l'oeuvre dans tout l'espace allant de l'océan Atlantique au Pacifique, un ensemble géographique qui soit libre au maximum de toute entrave inutile pour permettre la circulation des biens, des capitaux, de la main-d'œuvre et des services et ouvert, sans exception, à tous les pays de notre continent commun, l'Eurasie, et aux unions intégrantes qui y ont déjà été créées, notamment l'Union économique eurasienne (UEEA), l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est.

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L'intensification et l'élargissement de cette collaboration en vue d'une ample intégration dans le cadre de l'Union économique eurasienne constituent une partie incontournable du processus d'émergence du grand partenariat eurasien... Dans ce vaste contexte, la connectivité accrue entre l'Asie centrale et l'Asie du Sud ouvre de nouvelles perspectives pour le développement des processus commerciaux, économiques et d'investissement sur le continent eurasien. Tout d'abord, cela implique une expansion des voies de transport, en particulier des chemins de fer, entre les deux régions. Cela deviendrait un élément important dans la création d'un espace logistique homogène et uni qui relierait les ports du sud de l'Iran et de l'Inde aux villes du nord de la Russie et des pays de l'UE. Russian Railways, conjointement avec ses partenaires, est prêt à participer à la réalisation d'études de faisabilité pour les projets concernés.

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Nous avons accepté avec intérêt la proposition du Président de la République d'Ouzbékistan, Shavkat Mirziyoyev, d'aligner le Transsibérien et le corridor Europe-Chine occidentale sur de nouveaux projets régionaux. Nous sommes prêts à discuter de cette initiative en détail. L'idée d'aligner l'infrastructure énergétique de l'Asie centrale et de l'Asie du Sud est très prometteuse. L'EAEU travaille à la création d'un marché unifié de l'énergie électrique. Ce processus pourrait être synchronisé avec des projets d'approvisionnement en énergie en Asie centrale et du Sud... Dans le même temps, la poursuite du développement de liens mutuellement bénéfiques entre les États d'Asie centrale et du Sud et leurs voisins dans les domaines de l'investissement, des infrastructures, de l'humanitaire et autres contribuera à promouvoir les processus d'unification en Eurasie, ainsi que dans un contexte politique plus large. La Russie souhaite promouvoir ce programme constructif. Je suis convaincu que les résultats de cette conférence y contribueront également."

Comme on peut le constater, faire progresser la connectivité russo-sud-asiatique via l'Asie centrale est désormais une priorité pour Moscou. 

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Il existait jusqu'à présent deux moyens indirects par lesquels la grande puissance eurasienne cherchait à atteindre cette région géostratégique du supercontinent. Le plus connu est le couloir de transport Nord-Sud (NSTC) qui traverse l'Azerbaïdjan, l'Iran et la mer d'Oman jusqu'en Inde, tandis que le plus récent, qui date de 2019, est le couloir maritime Vladivostok-Chennai (VCMC) qui traverse la mer du Japon, la mer de Chine orientale, la mer de Chine méridionale, le détroit de Malacca, la mer d'Andaman et le golfe du Bengale. Ce que la Russie tente enfin de faire, c'est de rationaliser la connectivité transrégionale à travers l'Asie centrale et l'Afghanistan après le retrait, exactement comme je l'ai proposé dans mon document d'orientation de l'année dernière publié par le prestigieux Conseil russe des affaires internationales (RIAC).

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Intitulé "Le rôle du Pakistan dans le Grand Partenariat Eurasien de la Russie", je faisais valoir que si l'Asie du Sud est la dernière pièce régionale du GEP de la Russie, il s'ensuit naturellement que l'amélioration des relations russo-pakistanaises est véritablement la clé de l'achèvement de cette grande vision stratégique, car il est grand temps que ces deux anciens rivaux commencent à explorer un partenariat stratégique en raison de leurs intérêts communs en matière de sécurité en Afghanistan et de connectivité régionale pour relier l'Asie centrale et l'Asie du Sud. En outre, la vision du président Poutine d'un corridor Arctique-Sibérie-Océan Indien, qu'il a dévoilée pour la première fois lors de son discours à la réunion annuelle du Valdai Club en octobre 2019, complète parfaitement la vision du Pakistan d'étendre le corridor économique Chine-Pakistan vers le nord (N-CPEC+).

Certains développements récents ont ajouté une substance significative à ces visions complémentaires. Le premier est l'accord conclu en février entre le Pakistan, l'Afghanistan et l'Ouzbékistan en vue de créer un chemin de fer trilatéral entre eux (PAKAFUZ). Un mois plus tard, l'Ouzbékistan a annoncé la conférence sur la connectivité transrégionale qu'il a finalement accueillie la semaine dernière. Cette annonce a été suivie peu après par le dévoilement par le Pakistan de sa nouvelle grande stratégie géo-économique. Le ministre des affaires étrangères, M. Lavrov, s'est ensuite rendu au Pakistan pour la première fois en neuf ans, début avril, mois au cours duquel les États-Unis ont annoncé leur intention de se retirer complètement d'Afghanistan. Enfin, lors de la réunion virtuelle du mois dernier entre les plus hauts diplomates chinois, pakistanais et afghans, Kaboul s'est engagé à s'appuyer sur Gwadar, le port terminal du CPEC.

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Il est peu probable que la Russie ait été surprise par l'une ou l'autre de ces évolutions rapides, ce qui explique qu'elle ait pu s'y adapter avec autant de souplesse, comme on l'a vu la semaine dernière. Après tout, mon document d'orientation du RIAC de juin 2020 proposait le modèle de connectivité transafghane par lequel l'intégration de l'Asie centrale et de l'Asie du Sud pourrait se poursuivre (désormais décrit comme PAKAFUZ au lieu de N-CPEC+), ce qui ferait progresser l'intégration russo-pakistanaise et compléterait ainsi le GEP. Le ministre des Affaires étrangères, M. Lavrov, est le président du conseil d'administration du RIAC. Il est donc tout à fait possible qu'il ait étudié mon travail au cours de l'année écoulée et qu'il ait intégré certaines de mes propositions dans la formulation des politiques de son pays.

Indépendamment de la manière dont la Russie peut réaliser que ses grands objectifs stratégiques en Eurasie ne peuvent être atteints qu'en renforçant la connectivité avec le Pakistan via l'Afghanistan, le point le plus saillant est qu'elle est finalement parvenue à cette conclusion et qu'elle s'efforce aujourd'hui activement de faire progresser les modalités associées. Il s'agit non seulement de la coopération en matière d'infrastructures, mais aussi de la coordination politique du processus de paix en Afghanistan, afin de stabiliser cet État de transit irremplaçable et d'améliorer ainsi la viabilité de sa vision du GEP orientée vers l'Asie du Sud. Des changements géo-économiques majeurs se préparent actuellement dans le cœur de l'Eurasie, et leurs résultats façonneront directement l'avenir de l'ordre mondial multipolaire émergent.

Par Andrew Korybko
Analyste politique américain

Source: http://oneworld.press/?module=articles&action=view&id=2127

mardi, 20 juillet 2021

La Russie retourne en Afghanistan

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La Russie retourne en Afghanistan

Alexandre Douguine

Parlons de l'Afghanistan. Le retrait des troupes américaines constitue un tournant très sérieux dans l'équilibre global des forces en géopolitique d'Asie centrale. Dans un avenir prévisible, le mouvement radical des Talibans, qui unit les Pachtounes, le plus grand groupe ethnique d'Afghanistan, arrivera au pouvoir d'une manière ou d'une autre. Il s'agit d'une force extrêmement active, et il y a quelques raisons de croire que les reculs honteux des Américains, qui, comme d'habitude, ont abandonné leurs laquais collaborationnistes à leur sort, vont tenter de retourner les talibans contre leurs principaux adversaires géopolitiques dans la région, la Russie et l'Iran.

La Chine sera elle aussi directement touchée, car l'Afghanistan est un élément essentiel du projet d'intégration "One Belt One Road". Les talibans pourraient également servir de base à une escalade dans le Xinjiang, en mobilisant et en soutenant les islamistes ouïghours.

En outre, la montée en puissance des talibans pourrait déstabiliser la situation en Asie centrale dans son ensemble et, dans une certaine mesure, créer des problèmes pour le Pakistan lui-même, qui est de plus en plus libéré de l'influence américaine.

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Les Américains sont entrés en Afghanistan dans un environnement géopolitique très différent. La Russie était extrêmement faible après les années 90 et semblait avoir été mise au placard. Pour être en sécurité dans ce modèle unipolaire, les Américains ont décidé de renforcer une présence militaire directe au sud de la Russie et, ce faisant, d'éliminer les forces du fondamentalisme islamique qui servaient précisément les intérêts géopolitiques occidentaux, surtout à l'époque de la guerre froide.

Aujourd'hui, après avoir évalué les changements survenus dans le monde et, surtout, la transformation de la Russie et de la Chine en deux pôles indépendants, de plus en plus indépendants de l'Occident mondialiste, les États-Unis ont décidé de revenir à leur stratégie précédente. En retirant leur présence militaire directe dans un Afghanistan exsangue, les États-Unis tenteront de se décharger de toute responsabilité et de faire subir à d'autres l'inévitable contrecoup que constitueront les talibans, qui sont, on le sait, extrêmement militants.

Dans une telle situation, Moscou a décidé à juste titre d'être proactive. La consolidation du pouvoir des talibans n'étant qu'une question de temps, il ne faut pas attendre de voir comment et quand le régime actuel, collaborationniste et pro-américain, sera renversé. Il faut négocier avec les Pachtounes maintenant. Comme nous l'avons vu récemment lors de la visite d'une délégation de talibans à Moscou. Les Talibans sont désormais une entité indépendante. Et l'approche réaliste de Poutine exige que l'on tienne compte d'un tel acteur, parce que cet acteur est là, sur le terrain, et s'est avéré inébranlable.

La déstabilisation de toute l'Asie centrale est inévitable si on laisse la situation en Afghanistan se dégrader. Cela affectera directement le Tadjikistan, l'Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Turkménistan - c'est-à-dire que cela n'affectera pas directement les intérêts de la Russie et de l'OTSC.  Par conséquent, la Russie doit assumer la responsabilité de ce qui se passe dans le prochain cycle de l'histoire sanglante de l'Afghanistan.

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Ici, la Russie devrait agir en tenant compte de la structure en mosaïque de la société afghane - les intérêts des groupes ethniques non pachtounes d'Afghanistan - Tadjiks et Ouzbeks, ainsi que les chiites Hazaras et la minorité ismaélienne du Bodakhshan - devraient certainement être pris en compte. La Russie a été trop longtemps et trop profondément impliquée dans le labyrinthe afghan pour être enfin apte à comprendre les subtilités de la société afghane. Cette connaissance, ainsi que le potentiel stratégique de la Russie et son prestige accru, constituent un avantage très sérieux.

La coopération de la Russie à la préparation d'un avenir afghan en harmonie avec d'autres acteurs régionaux - avec l'Iran et le Pakistan ainsi qu'avec la Chine, l'Inde et les États du Golfe - est cruciale. La Turquie, un partenaire difficile mais aussi tout à fait souverain, pourrait servir de courroie de transmission vers l'Occident.

Mais l'essentiel est d'exclure sciemment l'Occident - principalement les États-Unis, mais aussi l'Union européenne - du nouveau formatage eurasiatique en gestation qui devra rapidement résoudre le problème afghan. Ils ont montré ce dont ils sont "capables" pour résoudre l'impasse afghane. Cela s'appelle en bref et simplement : un échec total.  Rentrez chez vous, et nous ne voulons plus vous voir en Asie centrale à partir de maintenant. L'Eurasie est aux Eurasiens.

Cela ne signifie pas que le problème afghan sera facile à résoudre sans l'Occident. Ce ne sera certes pas facile. Mais avec l'Occident, ce n'est pas possible du tout.

Source: https://www.geopolitica.ru/article/rossiya-vozvrashchaetsya-v-afganistan

mardi, 29 juin 2021

Poutine et Xi blindent leur Axe. Mais l'UE risque l'échec

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Poutine et Xi blindent leur Axe. Mais l'UE risque l'échec

Lorenzo Vita

Ex: https://it.insideover.com/politica/putin-e-xi-blindano-lasse-ma-per-lue-si-rischia-il-fallimento.html

Vladimir Poutine et Xi Jinping ont convenu de prolonger le traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération, espérant être les garants et le symbole d'un "nouveau type de relations internationales" à une époque de "changements turbulents". Xi a parlé de cet accord renouvelé comme d'"une pratique vivante pour construire un nouveau type de relations internationales" et que "peu importe le nombre d'obstacles à surmonter" car ce que nous vivons, selon le président chinois, est une période caractérisée par des "crises multiples". Ces propos ont également été partagés par M. Poutine, qui a souligné qu'il s'agit d'un "mécanisme de coordination bilatérale à plusieurs niveaux qui n'a pas d'équivalent dans la pratique mondiale". La Chine et la Russie, selon le président de la Fédération de Russie, peuvent jouer un rôle de "stabilisateurs" des différentes crises internationales.

La Chine et la Russie se rapprochent, alors. Encore une fois. Et c'est un message qui ne peut être sous-estimé, surtout s'il est inséré dans le contexte international délicat dans lequel l'accord est conclu. Surtout en termes de timing.

Après la rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine, il semblait que l'Occident et Moscou commençaient enfin à se parler sans ériger de murs entre les deux blocs, mais le dernier geste de l'Union européenne, à savoir le rejet de l'accord franco-allemand sur un nouveau dialogue avec la Russie, a mis fin (pour l'instant) à la première timide saison de dégel de l'ère Biden. Une démarche qui n'a pas plu à Angela Merkel ni même à Emmanuel Macron, convaincus qu'il s'agissait du début de l'autonomie stratégique de l'Europe par rapport au monde et surtout de la confirmation du caractère toujours moteur de l'axe entre la France et l'Allemagne.

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Ce n'était pas le cas. L'Union européenne a montré une fois de plus qu'elle n'a aucune volonté particulière de parler d'une seule voix et de rouvrir le canal avec la Russie. Et tandis que l'Allemagne et la France nouent de nouvelles relations avec le Kremlin (notamment Berlin par le biais de Nord Stream 2), Poutine se tourne à nouveau vers l'Est, Xi Jinping renouant les fils de l'axe asiatique après que Biden ait clairement indiqué qu'il souhaitait parler au président russe comme un adversaire reconnu et non plus comme un partenaire secondaire dans cet immense système politique, militaire et économique. Un arrêt qui a mis dans le tiroir, pour le moment, les rêves d'un possible nouveau tournant dans le style de la "pratique de la mer" de la mémoire italienne.

Pour Poutine et Xi, le signal est double. Et pas nécessairement identiques pour cette raison. Du côté russe, le chef du Kremlin a voulu démontrer, après le sommet avec le leader de la Maison Blanche, qu'il n'est lié à aucun schéma idéologique. Poutine se sent libre de parler à l'Ouest et à l'Est et, s'il n'accepte pas d'être évincé de la tête d'une superpuissance, il ne peut certainement pas se montrer trop conciliant vis-à-vis des demandes américaines de détachement progressif de son voisin chinois. Et il est certain que le passage du navire britannique devant la Crimée ainsi que l'arrêt de l'initiative européenne d'un sommet avec Moscou ne peuvent être considérés comme des gestes d'ouverture envers la Fédération, qui peine déjà à trouver une véritable approche proactive vis-à-vis de l'Occident. En bref, l'impression est que Poutine a voulu faire comprendre, après ces incidents et surtout quelques heures avant le sommet du G20, que la Russie est un pays qui a une ligne stratégique claire et une politique étrangère qui ne se plie pas au duopole sino-américain.

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Du côté chinois, le signal est tout aussi clair. Xi doit faire comprendre aux États-Unis qu'il n'a pas subi de revers diplomatique ces derniers mois. Et si la nouvelle présidence américaine a organisé le sommet avec Poutine et réaffirmé l'unité du G7 et de l'OTAN précisément contre Pékin, le leader chinois peut tranquillement montrer qu'il a d'excellentes relations avec le Kremlin au point d'obtenir des accords d'une importance fondamentale et de pouvoir les définir comme des facteurs de stabilisation mondiale. Pékin lance donc un signal de dialogue avec Moscou mais aussi un avertissement à Washington, manifestant dans la réalité ce danger redouté par beaucoup, à savoir que l'orbite chinoise a désormais intégré la Russie et que Moscou est toujours plus orientée vers l'espace asiatique que vers l'espace européen. Un bloc géographiquement immense, dans lequel les capitaux et la technologie chinois se combinent à la force militaire et à la projection stratégique russes.

Pour les États-Unis, il est clair que ce renouvellement des accords de coopération est un signal d'alarme. Mais c'est surtout un signal d'alarme pour l'Europe qui, après l'échec de la première tentative de dialogue avec la Russie et après avoir confirmé son adhésion à la ligne anti-chinoise imposée par Washington, se retrouve aujourd'hui à avoir des problèmes avec Moscou et Pékin en même temps. Le flop de l'accord franco-allemand réitère le refroidissement des relations euro-russes qui rappelle la saison qui a définitivement éloigné Poutine de l'Occident. Si du point de vue des relations avec la Chine, même l'absence physique de Wang Yi pour le G20 (le ministre ne sera qu'en liaison vidéo) est un signe que quelque chose a changé dans les relations entre le Vieux Continent et l'ancien Empire du Milieu. L'UE risque d'avoir commis une nouvelle erreur sur la voie de l'autonomie stratégique. Et cet alignement russo-chinois sera fondamental non seulement en Asie, mais aussi en Afrique, véritable banc d'essai de l'Union européenne dans le monde.

dimanche, 27 juin 2021

La stratégie italienne vis-à-vis de l'Asie centrale

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La stratégie italienne vis-à-vis de l'Asie centrale

Par Vincenzo D'Esposito

http://osservatorioglobalizzazione.it/progetto-italia/la-...

Située au centre de la mer Méditerranée, la péninsule italienne joue le rôle de charnière entre l'Orient et l'Occident depuis l'époque de Marco Polo. Avec la fin de la guerre froide, en particulier, il a été possible de lancer une activité importante pour promouvoir l'influence du Bel Paese dans les nouvelles républiques postsoviétiques d'Asie centrale. Dans cette stratégie, un rôle clé a été joué par les excellentes relations que Rome a pu cultiver avec les principales puissances régionales d'Asie centrale. La politique de l'Italie à l'égard des ‘’Stans’’ doit donc être lue à la lumière d'un large éventail de variables.

La recherche de ‘’Living Space’’

L'Italie est un État pauvre en matières premières. Au cours des deux derniers siècles, sa principale préoccupation a toujours été d'assurer un approvisionnement suffisant en matières premières et, en particulier, en combustibles fossiles. Cette nécessité a conduit Rome à s'impliquer, surtout après la seconde guerre mondiale, dans de nombreuses régions importantes en vue de leur extraction.

Compte tenu de la projection géoéconomique traditionnelle de l'Italie en tant que région, qui voit dans la Méditerranée dite élargie la principale zone d'influence du Bel Paese, il n'est pas surprenant qu'en termes de géopolitique énergétique, Rome soit allée bien au-delà de la région euro-méditerranéenne. Devant importer la quasi-totalité des combustibles fossiles nécessaires à son économie, l'Italie a, au fil des décennies, tissé des relations économiques avec d'innombrables États présents dans les principales régions extractives situées au-delà de sa sphère d'influence historique.

Au cours des dernières décennies, l'Italie a également dû faire face à l'essor économique de la Chine et de l'Asie du Sud-Est. Le développement des pays d'Extrême-Orient a entraîné une réorientation commerciale stratégique pour l'Italie, ce qui l'a amenée à considérer avec un intérêt croissant les territoires traversés par le projet géo-économique chinois des Routes de la Soie.

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La recherche de nouvelles régions d'où importer des combustibles fossiles et la nécessité de trouver un débouché pour les produits finis italiens vers l'Extrême-Orient ont placé l'Asie centrale dans une position de premier plan. Située à mi-chemin entre l'Europe et la Chine, cette région est devenue au fil des ans un élément fondamental de la vision géopolitique de l'Italie.

Pourquoi l'Asie centrale ?

L'ancien Heartland de Mackinder s'étendait de l'Arctique russe aux rives de la mer Caspienne, en passant par l'Himalaya et les hauteurs de l'Afghanistan. C'était un territoire pratiquement inaccessible depuis la mer, surtout au cours des siècles passés, lorsque la navigation dans l'Arctique était presque totalement absente et que les grandes puissances maritimes avaient du mal à pénétrer dans cette région vaste mais, par endroits, totalement inhospitalière. L'Italie, puissance maritime mais aussi partiellement terrestre, fait exception à cette règle. Depuis le Moyen Âge, en effet, les marchands génois et vénitiens ont commercé avec les riches villes qui ont surgi le long de la route de la soie. Le voyage de Marco Polo, de Venise à la Chine en passant par l'Asie centrale, est célèbre.

Cette région coincée entre la Chine, la Turquie, la Russie et l'Iran a donc appris très tôt à connaître les Italiens. Avec la chute de l'Union soviétique, un État qui considérait déjà l'Italie sous un jour beaucoup moins favorable que le reste de l'Occident, la région située de l'autre côté de la mer Caspienne a ouvert une multitude de possibilités aux entreprises italiennes. Poursuivant une politique de diversification des approvisionnements énergétiques, Rome a résolument visé ce territoire stratégique également pour les implications politiques qu'une coopération économique pourrait faciliter.

Les champs pétrolifères du Kazakhstan ont immédiatement attiré l'attention de la principale compagnie pétrolière italienne, ENI, qui a commencé à opérer dans le pays en 1992, en acquérant la concession en coopération avec Shell du champ de Karachaganak. Chaque jour, ENI extrait 240.000 barils de pétrole et 280 millions de mètres cubes de gaz de ce champ. Les autres champs kazakhs dans lesquels ENI est active sont Isatay, Abay et Kashagan. Un autre pays important en termes d'énergie est le Turkménistan, où l'Italie est entrée en 2008, toujours grâce à ENI, avec le champ pétrolifère de Burun dans la partie occidentale du pays. Dans ce cas, environ 3 millions de barils de pétrole sont extraits par an. Le dernier pays important du point de vue des ressources gazières et pétrolières est l'Ouzbékistan, auquel l'Italie accède à partir de 2021 par le biais d'une filiale d'ENI, Versalis, qui devrait construire un complexe chimique à Karakul.

Si la question énergétique reste la priorité pour guider l'approche de l'Italie en Asie centrale, les relations avec les États-Unis et l'Union européenne ne sont pas les mêmes.

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Si la question énergétique reste la priorité pour orienter l'approche italienne en Asie centrale, les relations cordiales que l'État a réussi à établir avec les cinq anciennes républiques soviétiques ont également favorisé des initiatives dans des secteurs autres que le pétrole et le gaz. Les investissements dans les énergies renouvelables au Kazakhstan, dans l'agriculture et la mécanique en Ouzbékistan et dans l'hydroélectricité au Tadjikistan ne sont que quelques-uns des vecteurs par lesquels Rome projette son influence le long de la route de la soie. Au Tadjikistan, en particulier, le géant Webuild, anciennement Salini Impregilo, construit ce qui sera le plus grand barrage d'Asie centrale: le barrage de Rogun.

Les gouvernements italiens ont été particulièrement attentifs aux États d'Asie centrale, s'attirant parfois même les critiques de la communauté internationale, comme dans l'affaire Shalabayeva. Les intérêts économiques qui lient Rome à Nursultan Nazarbaïev ont en effet conduit le gouvernement Letta de l'époque à renvoyer au Kazakhstan, en mai 2013, la femme du dissident Mukhtar Ablyazov et sa fille. Les juges de Pérouse ont appelé à juger les sept policiers impliqués et ont récemment décidé qu'il s'agissait d'un "enlèvement d'État".

Une région habitée par des acteurs différents

L'avantage majeur dont bénéficie l'Italie dans son approche de la région d'Asie centrale est toutefois lié aux relations particulièrement favorables qu'elle a établies avec les grandes puissances actives dans la région. La Russie, la Chine et la Turquie ont, en effet, des intérêts importants en Asie centrale.

La Russie, qui domine la région depuis plus de deux siècles, est particulièrement active dans les questions liées à la sécurité et à l'intégration eurasienne, avec un certain nombre d'organisations impliquant

Draghi, le dialogue entre Rome et l'Asie centrale revêt une importance fondamentale. Assurer la présence italienne le long des nouveaux canaux commerciaux vers la Chine à travers une chaîne d'États amis, bien huilés par les investissements et la collaboration politique, pourrait être un choix gagnant. Le monde regarde Moscou et les États d'Asie centrale. L'OTSC, la CEI et l'UEE sont les piliers qui soutiennent l'architecture que la Russie a mise en place pour lier à elle les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale.

La Chine, terminus historique de la route de la soie, a donné un nouveau souffle à ce projet, en le soutenant par des investissements importants. Les ‘’stans’’ ont été fortement intéressés par le flux d'investissements venant de Pékin, en en profitant pour moderniser leurs infrastructures et ouvrir leurs économies à un marché de près d'un milliard et demi de personnes. Enfin, en profitant du mécanisme multilatéral de l'OCS, la Chine s'est progressivement insérée dans la région également en termes de sécurité.

La Turquie est l'État qui est culturellement le plus proche des républiques d'Asie centrale, puisque celles-ci parlent le turc et ont une culture mongole-turque au nord et une culture perse-turque au sud. Moins présente sur le front de la sécurité, la Turquie se montre très active vis-à-vis de la région au-delà de la Caspienne par le biais du Conseil turc pour promouvoir l'idée du pan-turquisme. Le corollaire de cette idée devrait être une coopération économique et politique renforcée, que la Turquie poursuit à la fois sur le plan bilatéral et par un intérêt renouvelé pour l'ECO.

Des conditions favorables pour l'Italie

La relation historique privilégiée entre Rome et Moscou, ainsi que les relations positives que l'Italie a su créer avec la Turquie dans les principales zones où les deux sphères d'influence se chevauchent, jusqu'au dialogue positif existant avec la Chine, font de l'Italie un partenaire idéal pour les ‘’Stans’’.

Acteurs particulièrement affirmés dans la défense de leurs intérêts, les Etats d'Asie centrale trouvent dans le Bel Paese un canal privilégié de dialogue avec l'Union européenne. Rome est, en effet, le principal importateur de pétrole kazakh et l'un des plus grands investisseurs européens dans la région. La culture italienne est par ailleurs largement appréciée, tandis qu'au niveau national, un intérêt se crée à l'égard de ces pays si stratégiques dans le dessein géo-économique de relier l'Europe à l'Asie par les routes de la soie.

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Le gouvernement italien a mis en place en 2019 une table de dialogue Italie/Asie centrale qui sert à coordonner les politiques et les investissements vers une région qui devient de plus en plus attractive à cet égard. À ce niveau, le processus de libéralisation de l'économie de l'Ouzbékistan, le deuxième moteur économique de la région, qui permet aux investisseurs internationaux de considérer l'Asie centrale comme un ensemble de marchés complémentaires, a été très utile.

Du point de vue de la réorientation stratégique de l'Italie vers l'Est, malgré certains coups de frein du nouveau président vers l'Est et l'Italie aussi.

jeudi, 24 juin 2021

La Russie: retour à l'Europe de l'Atlantique au Pacifique

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La Russie: retour à l'Europe de l'Atlantique au Pacifique
 
Pierre-Emmanuel Thomann
 
Ex: https://www.facebook.com/profile.php?id=100009416474466
 
Une tribune de Vladimir Poutine, plaidant pour une «Europe de l'Atlantique au Pacifique», à l'occasion de l'anniversaire de l'offensive allemande contre l'URSS en 1941 il y a 80 ans, a été publiée dans le journal Die Zeit . le 22 juin.
 
Cette tribune démontre que la stratégie géopolitique de la « Grande Eurasie » de la Russie (qui est aussi associée à un pivot vers l'Asie), n'est pas dirigée contre l'Europe, mais offre une réinitialisation des relations entre l'UE et la Russie, pour promouvoir un meilleur équilibre entre la vision euro-atlantiste exclusive d'un grand Occident ( sous le slogan d'une « alliance des démocraties » avec les Etats-Unis comme chefs de file) et une « Grande Asie » avec pour centre de gravité la Chine et de son projet des routes de la soie.
 
Cette proposition est opportune pour positionner la Russie dans le contexte de la nouvelle présidence américaine et la tournée récente de Joe Biden en Europe, l'élection du futur chancelier en Allemagne à l'automne, et la présidentielle en France en 2022.
 
Vladimir Poutine se réfère d'ailleurs au général de Gaulle :
« Nous espérions que la fin de la guerre froide serait synonyme de victoire pour l'ensemble de l'Europe. Dans peu de temps, semble-t-il, le rêve de Charles de Gaulle d'un continent uni deviendra une réalité, non pas tant sur le plan géographique, de l'Atlantique à l'Oural, que sur le plan culturel et civilisationnel, de Lisbonne à Vladivostok. »
Le choix du journal Die Zeit, un média allemand, n'est pas anodin. Il reflète aussi la réalité géopolitique européenne, avec l'Allemagne devenue la puissance centrale de l'UE.
 

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Ce média est proche de la SPD (gauche libérale), qui se réfère encore parfois à l'Ostpolitik de Willy Brand inspiré par Egon Bahr dans les années 70.
 
Le général de Gaulle avait promu et anticipé dès les années 60 une Europe de l'Atlantique à l'Oural lorsque la Russie serait sortie du communisme tandis que la chancelier allemand Willy Brand avait promu l'Ostpolitik pour opérer un rapprochement entre l'Allemagne de l'Ouest et l'URSS et les membres du pacte de Varsovie. L'objectif était de faire baisser les tensions dans le cadre de la guerre froide mais aussi avec en ligne de mire l'Allemagne de l'Est pour créer les conditions d'une future réunification. L'Ostpolitik a contribué à la chute de l'URSS selon les Allemands. Après la guerre froide, l'Allemagne avait proposé un partenariat économique avec la Russie en 2007 dans le cadre de sa vision d'une « Europe de Lisbonne à Vladivostok ». Plus récemment, Dimitri Medvedev a remis sur la table l'idée d'un traité de sécurité entre l'Europe et la Russie au lendemain de la guerre Russie-Géorgie en 2008 et avait obtenu le soutien (déclaratoire) de Nicolas Sarkozy. Enfin Emmanuel Macron a proposé une nouvelle architecture européenne de sécurité avec la Russie en 2018 .
 
Ces initiatives pour une entente continentale après la guerre froide n'ont pas débouché sur une nouvelle configuration géopolitique européenne, car la vision euro-atlantiste est restée la boussole géopolitique principale des Etats membres de l'OTAN et l'UE. La rivalité géopolitique franco-allemande a aussi empêché de construire une synergie géopolitique franco-allemande. L'Allemagne s'est toujours méfiée jusqu'à présent de la vision du général de Gaulle susceptible de remettre en cause l'ancrage à l'ouest de l'Allemagne et son lien privilégié avec les Etats-Unis. La France s'est aussi inquiétée d'une déplacement du centre de gravité géopolitique européen vers l'Allemagne à l'occasion d'un rapprochement germano-russe.
 

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Comment surmonter cet obstacle ? Il y aurait aujourd'hui des avantages géopolitiques tant pour la France que pour l'Allemagne, mais aussi leurs partenaires européen à négocier un pivot vers la Russie, afin de ne pas rester enfermés dans la rivalité croissante entre les Etats-Unis et la Chine, d'autant plus que la Russie propose une réinitialisation des relations avec l'Europe de l'Ouest. Un rapprochement franco-russe sur les questions géostratégiques et un rapprochement germano-russe sur les questions économiques, pourraient contribuer à surmonter la fracture en plein cœur de l'Europe avec la Russie. Sur le modèle de l'Europe des nations, il s'agirait d'atteindre un meilleur équilibre géopolitique dans le monde, au niveau pan-européen, mais aussi entre la France et l'Allemagne au sein d'un nouveau triangle franco-germano-russe.
 
L'Allemagne et la France sauront-elles saisir cette fois-ci cette nouvelle occasion ?
 
Cartes :
 
-Projet russe de Grande Eurasie
-Nouvelle architecture géopolitique européenne

jeudi, 10 juin 2021

Le Forum de St Pétersbourg. Une cartographie du siècle eurasiatique

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Le Forum de St Pétersbourg. Une cartographie du siècle eurasiatique

Par Pepe Escobar

Source The Saker’s Blog

Il est impossible de comprendre les détails de ce qui se passe sur le terrain en Russie et dans toute l’Eurasie, sur le plan commercial, sans suivre le Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF).

Allons donc droit au but et proposons quelques exemples choisis de ce qui a été discuté lors des principales sessions.

L’Extrême-Orient russe. Voici une discussion sur les stratégies, largement couronnées de succès, visant à stimuler les investissements productifs dans l’industrie et les infrastructures dans l’Extrême-Orient russe. L’industrie manufacturière en Russie a connu une croissance de 12,2 % entre 2015 et 2020 ; en Extrême-Orient, elle était du double, à 23,1 %. Et de 2018 à 2020, l’investissement en capital fixe par habitant y était de 40 % plus élevé que la moyenne nationale. Les prochaines étapes sont centrées sur l’amélioration des infrastructures, l’ouverture des marchés mondiaux aux entreprises russes et, surtout, la recherche des fonds nécessaires (Chine ? Corée du Sud ?) pour les technologies de pointe.

L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Comme j’ai pu le constater moi-même lors des précédentes éditions du forum, il n’existe rien de comparable en Occident pour ce qui est de discuter sérieusement d’une organisation telle que l’OCS, qui a progressivement évolué de son objectif initial de sécurité vers un rôle politico-économique de grande envergure.

La Russie a présidé l’OCS en 2019-2020, lorsque la politique étrangère a pris un nouvel élan et que les conséquences socio-économiques du Covid-19 ont été sérieusement abordées. Désormais, l’accent devrait être mis sur la manière de rendre ces nations membres, en particulier les « stans » d’Asie centrale, plus attrayantes pour les investisseurs mondiaux. Parmi les intervenants figuraient l’ancien secrétaire général de l’OCS, Rashid Alimov, et l’actuel secrétaire général, Vladimir Norov.

Le Partenariat eurasiatique. Cette discussion portait sur ce qui devrait être l’un des nœuds essentiels du siècle eurasiatique : le corridor international de transport nord-sud (INSTC). Un précédent historique important s’applique : la route commerciale de la Volga des 8e et 9e siècles qui reliait l’Europe occidentale à la Perse – et qui pourrait maintenant être prolongée, dans une variante de la Route de la soie maritime, jusqu’aux ports de l’Inde. Cela soulève un certain nombre de questions, allant du développement du commerce et de la technologie à la mise en œuvre harmonieuse de plateformes numériques. Les intervenants sont originaires de Russie, d’Inde, d’Iran, du Kazakhstan et d’Azerbaïdjan.

Le partenariat de la Grande Eurasie. La Grande Eurasie est le concept russe global appliqué à la consolidation du siècle eurasien. Cette discussion est largement axée sur la Big Tech, notamment la numérisation complète, les systèmes de gestion automatisés et la croissance verte. La question est de savoir comment une transition technologique radicale pourrait servir les intérêts de la Grande Eurasie.

Et c’est là que l’Union économique eurasienne (UEEA) dirigée par la Russie entre en jeu : comment la volonté de l’UEEA de créer un grand partenariat eurasien devrait-elle fonctionner dans la pratique ? Parmi les intervenants figurent le président du conseil d’administration de la Commission économique eurasienne, Mikhail Myasnikovich, et une relique du passé d’Eltsine : Anatoliy Chubais, qui est désormais le représentant spécial de Poutine pour les « relations avec les organisations internationales en vue de réaliser les objectifs de développement durable ».

Il faut se débarrasser de tous ces billets verts

La table ronde la plus intéressante de la SPIEF était consacrée à la « nouvelle normalité » (ou anormalité) post-Covid-19 et à la manière dont l’économie sera remodelée. Une sous-section importante portait sur la manière dont la Russie peut éventuellement en tirer parti, en termes de croissance productive. Ce fut une occasion unique de voir la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, le gouverneur de la Banque centrale russe, Elvira Nabiullina, et le ministre russe des finances, Anton Siluanov, débattre autour de la même table.

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En fait, c’est Siluanov (photo) qui a fait tous les gros titres concernant le SPIEF lorsqu’il a annoncé que la Russie allait abandonner totalement le dollar américain dans la structure de son fonds national souverain et réduire la part de la livre sterling. Ce fonds aura plus d’euros et de yuans, plus d’or, et la part du yen restera stable.

Ce processus de dédollarisation en cours était plus que prévisible. En mai, pour la première fois, moins de 50 % des exportations russes étaient libellées en dollars américains.

Siluanov a expliqué que les ventes d’environ 119 milliards de dollars d’actifs liquides passeront par la Banque centrale russe, et non par les marchés financiers. En pratique, il s’agira d’un simple transfert technique d’euros vers le fonds souverain. Après tout, cela fait déjà des années que la Banque centrale se débarrasse régulièrement de ses dollars américains.

Tôt ou tard, la Chine suivra. En parallèle, certaines nations d’Eurasie, de manière extrêmement discrète, se débarrassent également de ce qui est de facto la monnaie d’une économie basée sur la dette, à hauteur de dizaines de trillions de dollars, comme l’a expliqué en détail Michael Hudson. Sans compter que les transactions en dollars américains exposent des nations entières à l’extorsion d’une machine judiciaire extra-territoriale.

Sur le très important front sino-russe, qui a été abordé lors de toutes les discussions du SPIEF, le fait est que l’association du savoir-faire technique chinois et de l’énergie russe est plus que capable de consolider un marché pan-eurasien massif et capable d’éclipser l’Occident. L’histoire nous apprend qu’en 1400, l’Inde et la Chine étaient responsables de la moitié du PIB mondial.

Alors que l’Occident se vautre dans un effondrement auto-induit, la caravane eurasienne semble inarrêtable. Mais il y a toujours ces satanées sanctions américaines.

La session du club de discussion du Valdai a approfondi l’hystérie : les sanctions servant un agenda politique menacent de vastes pans de l’infrastructure économique et financière mondiale. Nous en revenons donc une fois de plus au syndrome inéluctable du dollar américain servant d’arme, déployé contre l’Inde qui achète du pétrole iranien et du matériel militaire russe, ou contre les entreprises technologiques chinoises.

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Des intervenants, dont le vice-ministre russe des finances, Vladimir Kolychev, et le rapporteur spécial des Nations unies sur les « effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l’homme », Alena Douhan, ont débattu de l’inévitable nouvelle escalade des sanctions anti-russes.

Un autre thème récurrent dans les débats du SPIEF est que, quoi qu’il arrive sur le front des sanctions, la Russie dispose déjà d’une alternative à SWIFT, tout comme la Chine. Les deux systèmes sont compatibles avec SWIFT au niveau logiciel, de sorte que d’autres nations pourraient également l’utiliser.

Pas moins de 30 % du trafic de SWIFT concerne la Russie. Si cette « option » nucléaire venait à se concrétiser, les nations commerçant avec la Russie abandonneraient presque certainement SWIFT. En outre, la Russie, la Chine et l’Iran – le trio « menaçant » l’hégémon – ont conclu des accords d’échange de devises, bilatéralement et avec d’autres nations.

Cette année, le SPIEF a eu lieu quelques jours seulement avant les sommets du G7, de l’OTAN et de l’UE, qui mettront en évidence l’insignifiance géopolitique de l’Europe, réduite au statut de plateforme de projection de la puissance américaine.

Et moins de deux semaines avant le sommet Poutine-Biden à Genève, le SPIEF a surtout rendu un service à ceux qui y prêtent attention, en traçant certains des contours pratiques les plus importants du siècle eurasien.

Pepe Escobar

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

dimanche, 16 mai 2021

Alternative iranienne au canal de Suez

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Alternative iranienne au canal de Suez

Par Valery Kulikov

Source: New Eastern Outlook

Avec le récent blocage du canal de Suez par le porte-conteneurs Ever Given, de nombreux pays sont déjà activement impliqués dans la recherche et la discussion d’une éventuelle alternative future à cette voie de transport maritime reliant l’Europe et l’Asie. Ainsi, la Russie a proposé la route maritime du Nord, et Israël a rappelé l’idée du canal Ben-Gourion, qui pourrait relier la Méditerranée à la mer Rouge en contournant le canal de Suez. 

L’Iran n’est pas en reste, proposant comme l’une des « routes de contournement » le couloir de transport nord-sud du golfe Persique à la mer Noire, dont il a suggéré l’idée en 2016. Selon Amin Tarafo, du ministère des Routes et du Développement urbain de la République islamique, cette route sera lancée dans un avenir proche et permettra non seulement d’activer les connexions des pays de la région avec l’Europe, mais aussi d’accroître le rôle de la mer Noire, de l’Iran et du Caucase dans le transport mondial. Le 19 avril, un autre cycle de négociations sur le fonctionnement de cette voie de transport a eu lieu entre les représentants de la Grèce, de l’Iran, de l’Arménie, de la Géorgie et de la Bulgarie. Dans le même temps, la possibilité pour d’autres pays intéressés par la coopération de se joindre au projet a été soulignée.

Mahmoud Ommati, vice-président du conseil d’administration de l’Association iranienne des sociétés de transport international, a déclaré que l’Iran peut jouer le rôle d’un corridor entre le Nord et le Sud dans le commerce international. Dans le même temps, il a rappelé que le pays est sur le point de rejoindre l’Union économique eurasienne (UEEA), qui comprend l’Arménie, la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie et le Kirghizistan, ce qui, il en est convaincu, entraînera une prospérité supplémentaire du corridor Nord-Sud. Selon M. Ommati, la création de ce corridor de transport a été décidée par la Russie, l’Inde et l’Iran en 2000, et la République islamique pourrait jouer un rôle clé en tant qu’alternative appropriée au canal de Suez.

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Un autre projet très prometteur comme alternative au canal de Suez est, bien sûr, l’idée de construire une route maritime russo-iranienne de 750 km de long entre la Caspienne et le golfe Persique à travers le territoire de l’Iran. L’idée de ce projet est née après la guerre russo-turque de 1877-78, comme une opportunité de relier l’océan Indien à la mer Caspienne par cette voie maritime, puis de traverser la Caspienne vers l’Europe du Nord via la Volga. Sous le règne de Nicolas II de Russie, une commission russo-iranienne a même été créée, en 1904, et a commencé à concevoir ce canal. Deux options étaient alors envisagées : l’occidentale (vers la côte du golfe Persique) et l’orientale (directement vers l’océan Indien). Cependant, une série de guerres et d’autres événements ont empêché la réalisation concrète de ce projet : guerre avec le Japon, première guerre mondiale, révolution d’octobre en Russie, puis deuxième guerre mondiale. Cependant, il existe des informations selon lesquelles, lors de la conférence de Téhéran en 1943, Joseph Staline a rencontré le Shah d’Iran et lui a parlé de cette route. Le projet avait une importance non seulement commerciale et économique, mais aussi militaro-stratégique.

Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se sont fortement opposés à la construction du canal, car ce projet, outre son objectif de transport, revêtait une importance militaro-stratégique considérable pour la Russie. Washington et ses alliés occidentaux s’y sont activement opposés, alors même que l’Iran était sous forte influence américaine pendant la guerre froide. Comme l’ont noté à l’époque certains médias américains et du Moyen-Orient, Washington, afin d’empêcher la création d’une alliance militaro-politique entre l’Iran et l’Irak, ainsi que la construction du canal Caspienne-Golfe Persique, est même allé jusqu’à déclencher une guerre entre ces deux pays du Moyen-Orient en 1980 et à entretenir une crise armée dans la région. Et en 1997, Washington a même lancé une sérieuse mise en garde à Téhéran contre toute tentative de commencer la construction d’un tel canal, promettant des « sanctions sévères », car ce projet pourrait objectivement affaiblir l’influence géopolitique des États-Unis et leur contrôle sur les voies de transport mondiales.

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Ces dernières années, cependant, ce projet, appelé en Iran le « fleuve iranien », a fait son retour. Le Kazakhstan, le Turkménistan, un certain nombre de pays de l’océan Indien et la Chine ont déjà manifesté leur intérêt pour ce projet. La délégation iranienne a même visité le canal Don-Volga, la voie navigable Volga-Baltique, établi des contacts de travail avec la société russe Rosmorrechflot au sujet de l’éventuelle mise en œuvre conjointe de ce projet, dont le coût est estimé à environ 10 milliards de dollars et, selon les estimations des experts iraniens et russes, ces investissements seront rentabilisés dans les cinq ans suivant le début de la construction du canal. La partie iranienne de l’itinéraire du projet s’étend dans l’ouest et le sud-ouest de l’Iran – du port iranien d’Anzali (sud de la Caspienne), puis le long des rivières Sefīd Roud – Karkheh – Nahr el-Kahla, cette dernière se jetant dans le Shatt el-Arab. Il est à noter qu’il s’agit d’un large chenal fluvial pour les navires de navigation mixte fluvio-maritime, se jetant dans le golfe Persique. En 2018, le nouveau statut du bassin de la Caspienne par les pays riverains a levé les obstacles juridiques à la construction du canal, de sorte que la route Caspienne d’une telle voie navigable passera par les eaux interieures, où il n’y a pas de zones maritimes nationales.

Par conséquent, cette voie navigable constituera la route de transit maritime eurasiatique la plus courte depuis la région de la Baltique, en passant par le canal Volga-Baltique et le long de la Volga jusqu’à la mer Caspienne, puis à travers l’Iran jusqu’au golfe Persique/l’océan Indien. Il sera possible d’atteindre l’océan Indien deux fois plus rapidement par cette voie navigable que par le Bosphore – les Dardanelles – Suez – la mer Rouge, ce qui explique pourquoi de nombreux pays ont commencé à manifester un intérêt croissant pour ce projet. Et le développement favorable des relations entre l’Iran et la Russie aujourd’hui, ainsi que l’intérêt de la Chine et d’un certain nombre d’autres grands États asiatiques pour ce projet, permettent d’espérer une évolution assez rapide de l’alternative russo-iranienne au canal de Suez, du stade de projet à celui de construction réelle.

Valery Kulikov, expert politique, en exclusivité pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

Traduit par Zineb, relu par Wayan pour le Saker Francophone

mercredi, 12 mai 2021

L'importance géopolitique de la Mongolie au stade actuel

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L'importance géopolitique de la Mongolie au stade actuel

Pourquoi la Mongolie est-elle toujours dans le jeu géopolitique ?

Ex : https://katehon.com/ru/article/geopoliticheskoe-znachenie...

La Mongolie d'aujourd'hui est l'un des meilleurs exemples de la transformation relativement rapide et réussie d'un ancien pays socialiste en un pays moderne, dynamique et démocratique doté d'un système politique multipartite, d'une économie de marché et d'une politique étrangère ouverte.

Alors qu'elle était en marge de la politique internationale il y a seulement quelques décennies, la Mongolie attire de plus en plus l'attention de la communauté internationale, des hommes politiques, des politologues, des économistes, des chefs d'entreprise et des médias. Un certain nombre de facteurs géopolitiques, stratégiques, économiques et autres ont suscité un intérêt croissant pour la Mongolie. Le pays, qui occupe une position stratégique importante en Asie intérieure profonde, est en train de devenir le théâtre de rivalités politiques et économiques ouvertes et cachées entre la Russie, la Chine, les États-Unis, le Japon, l'UE, le Royaume-Uni, le Canada et la Corée du Sud, entre autres.

La situation de la Mongolie est importante sur le plan stratégique, car elle se situe sur la "colonne vertébrale" de la Chine, mais aussi dans le "ventre" de la Russie.

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Outre les liens bilatéraux avec les pays étrangers, la Mongolie utilise activement le format multilatéral de la coopération internationale, en participant à de nombreuses organisations intergouvernementales. Il suffit de citer des organisations faisant autorité telles que l'ONU, l'OCS, l'OSCE, l'OTAN et l'ASEM, auxquelles la Mongolie participe à des degrés divers, pour comprendre le degré d'implication de la Mongolie dans les relations internationales.

Entre-temps, le pays est confronté à de graves problèmes économiques. Lorsque les prix des produits de base sont montés en flèche au début des années 2000 - en particulier l'or et le cuivre, dont la Mongolie dispose en abondance -, le pays est brièvement devenu l'économie à la croissance la plus rapide du monde, avec la bourse la plus rentable. Des chercheurs d'or poussiéreux d'Amérique du Nord et d'Europe ont bu du brandy coûteux dans des boîtes de nuit somptueuses à Oulan-Bator. Mais le boom minier a été de courte durée, et en 2017, la Mongolie a dû se tourner vers le Fonds monétaire international pour obtenir une aide financière.

Il serait commode d'attribuer les difficultés de la Mongolie à la fameuse "malédiction des ressources" qui frappe les pays qui investissent massivement dans un petit nombre de produits de base sans pouvoir se diversifier. Aujourd'hui, la Mongolie est l'otage des prix des matières premières. Chaque jour, la Mongolie est confrontée à de très sérieux défis pour préserver sa démocratie et se bat pour survivre.

En effet, la place de la Mongolie dans le système actuel des relations internationales est unique. Premièrement, seules deux nations dans le monde - la Russie et la Chine - partagent une frontière avec la Mongolie. Ses deux voisins sont des grandes puissances. Effectivement, ce sont toutes deux de grandes puissances, ce qui influence grandement la signification géopolitique de la position de la Mongolie et l'intérêt du monde extérieur pour le pays.

Deuxièmement, la Mongolie n'est pas seulement un objet dans le nouvel alignement des puissances dans le Grand Jeu. Avec une population d'un peu plus de trois millions d'habitants et un potentiel économique et de politique étrangère incomparable à celui de ses voisins, ce pays participe activement aux affaires internationales et contribue à l'agenda politique. Cependant, la Mongolie n'est pas encore désignée comme un partenaire égal de la Russie et de la Chine, les géants de la civilisation. Ce fait donne lieu à toute une série de problèmes qui doivent être résolus.

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Bien que la Mongolie proclame l'équivalence de tous les partenaires étrangers avec lesquels elle coopère, il est possible d'identifier certains d'entre eux avec lesquels la partie mongole accorde la plus grande priorité. À ce jour, la Mongolie a établi des partenariats stratégiques avec cinq États: la Russie (en 2006), le Japon (en 2010), la Chine (en 2014), l'Inde (en 2015) et les États-Unis (en 2019). Avec tous les autres partenaires étrangers, la Mongolie établit des relations de moindre importance. Dans le même temps, même parmi les cinq pays susmentionnés, il est possible d'identifier sa hiérarchie conventionnelle. Ce n'est pas un hasard si les partenariats stratégiques ont été établis principalement avec Moscou, Tokyo et Pékin. Ces préférences sont dues à un certain nombre de circonstances objectives de nature géographique, politique, économique et autre.

Le fait est que la Mongolie est distinctement différente de ses voisins, d'une part, et étroitement liée à eux par des liens historiques et culturels, d'autre part. Dans l'histoire mondiale, le treizième siècle est appelé à juste titre l'ère de l'empire mongol, fondé par Gengis Khan. Après avoir été connus de l'ensemble du monde habité d'Eurasie, les Mongols ont rejoint d'autres grandes nations conquérantes et se sont déclarés comme un peuple représentant une civilisation distincte. Toutefois, à partir du XVIIe siècle, la grandeur de la Mongolie en tant que noyau politique de la civilisation eurasienne a été remplacée par plusieurs siècles de dépendance à l'égard de l'Empire Qing.

La volte-face d'Elbegdorj à l'égard de son voisin du sud met en évidence la position agressive de la Chine dans la région, ainsi que les difficultés que rencontrent les petits pays face à des superpuissances dont ils dépendent de plus en plus pour leur développement économique (la Chine consomme actuellement environ 90 % de toutes les exportations de la Mongolie). Comment choisiront-ils entre les valeurs démocratiques et la prospérité lorsque le monde se rassemblera dans des camps concurrents dirigés par Washington et Pékin ?

La Mongolie espère se couvrir en étant à la fois un "partenaire de l'OTAN" (avec des pays comme le Japon et la Nouvelle-Zélande) et un observateur de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Toutefois, le risque pour un pays comme la Mongolie, comme pour de nombreux voisins de la Chine, est que l'hostilité entre les pays augmente - et cela obligera à choisir clairement son camp.

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Ce qui est intéressant, c'est de savoir comment l'avenir immédiat de la Mongolie, située entre les deux géants que sont la Russie et la Chine, va évoluer sous l'influence de leurs géopolitiques qui définissent la situation mondiale actuelle.

La Russie, qui a été contrôlée par les Mongols jusqu’au XVIIe siècle, s'est renforcée et est devenue l'un des rares pays à définir la politique mondiale. Bien qu'aujourd'hui la Chine domine dans le chiffre d'affaires du commerce extérieur de la Mongolie, celle-ci reste stratégiquement dépendante de la Russie.

Tout ce qui précède nous permet de classer avec confiance la Mongolie comme un sujet actif de la politique mondiale moderne. Mais elle est encore très jeune et fragile. Sa viabilité peut être ébranlée par un certain nombre de circonstances extérieures. Dans le monde turbulent d'aujourd'hui, avec ses guerres de l'information, ses sanctions économiques et ses conflits militaires, la sécurité nationale de la Mongolie ne peut être assurée que par des liens organiques étroits, dans un dialogue constant avec ses voisins. Par conséquent, le principal défi de la Mongolie sur la scène internationale consiste à démontrer à ses voisins proches et lointains la valeur intrinsèque du dialogue pacifique pour préserver sa sécurité nationale.

Conclusion: la Mongolie se trouve dans une position extrêmement précaire sur le plan géographique, démographique et économique. Enclavée et isolée en Asie de l'Est, elle possède la plus faible densité de population de toutes les nations souveraines du monde. Trois millions de personnes, dans un pays de la taille de l'Alaska, vivent à côté de 133 millions de Russes au nord et de 1,4 milliard de Chinois au sud. Le pays possède également l'un des climats les plus froids du monde. Si ces facteurs limitent largement l'économie de la Mongolie, celle-ci possède le meilleur cachemire du monde, un énorme potentiel de tourisme écoculturel et, surtout, d'immenses réserves minérales.

En définitive, le garant ultime de la souveraineté de la Mongolie reste la Russie. Elle a un intérêt clair et durable dans une Mongolie indépendante, et son contrôle stratégique sur les secteurs de l'énergie et des transports de la Mongolie en fera un adversaire redoutable en cas de futures menaces chinoises, qu'elles soient économiques, politiques ou militaires.

vendredi, 16 avril 2021

Kazakhstan : les États-Unis sont-ils derrière les provocations anti-chinoises ?

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Kazakhstan: les États-Unis sont-ils derrière les provocations anti-chinoises?

Sebastian Gross

Ex : https://xportal.pl/

Les manifestations organisées au Kazakhstan fin mars 2021 contre l'expansion économique chinoise (vous pouvez en savoir plus ici : https://xportal.pl/?p=38905 ) ont donné lieu à de nombreuses spéculations quant à l'identité du bénéficiaire final de ces protestations motivées par la sinophobie. En analysant le volume des investissements étrangers dans la plus grande république d'Asie centrale, on peut arriver à une conclusion inattendue: ce sont les États-Unis qui s'intéressent à la divergence sociopolitique entre le Kazakhstan et la Chine. Comme le disait le gangster américain Al-Capone: « Rien de personnel, c'est juste du business ».

Commençons par les chiffres. Selon le ministère de l'économie du Kazakhstan, les principaux investisseurs dans l'économie de cette ancienne république soviétique au cours des seize dernières années sont trois pays occidentaux: les Pays-Bas, les États-Unis et la Suisse. La Chine occupe la quatrième place en termes d'investissements (la Russie n'est qu'en cinquième position). Quant aux Pays-Bas et à la Suisse, il est clair qu'il s'agit de projets communs de sociétés multinationales qui ne sont "enregistrées" que dans les pays européens mentionnés. À titre de comparaison: les Pays-Bas ont investi 218,6 milliards de dollars au Kazakhstan, tandis que la Chine n'a investi que 19,5 milliards de dollars. Toutefois, examinons les investissements des États-Unis.

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Astana, capitale du Kazkhstan.

La plus grande entreprise à capitaux étrangers au Kazakhstan est la compagnie pétrolière Tengizchevroil, fondée par Chevron (USA), qui détient 50 % des parts, et ExxonMobil (USA), qui détient à son tour 25 % des parts. Il y a un mois, le magazine américain Forbes (1) expliquait que Chevron avait l'intention d'investir 22 milliards de dollars dans le projet Tengiz au Kazakhstan. L'empreinte américaine est également visible dans Karachaganak Petroleum Operating B.V. sous la forme d'une participation de 18 % de Chevron.

La production de cigarettes est la deuxième industrie la plus rentable au Kazakhstan après l'industrie pétrolière. Cette industrie est également dominée par les compagnies de tabac américaines, qui ont organisé des co-entreprises au Kazakhstan: Japan Tobacco International Kazakhstan, Philip Morris Kazakhstan et British American Tobacco Kazakhstan Trading.

Il est clair que la Chine est loin d'être à la hauteur de ce filon pétrolier du Kazakhstan. Pékin s'est contenté de petits investissements dans le développement et l'infrastructure de l'industrie minière et de transformation, dans l'ingénierie mécanique et les entreprises chimiques. En fait, toutes ces industries sont actuellement un terrain trop difficile pour les États-Unis. Le calcul des Américains est simple: semer les ferments de la sinophobie dans la société kazakhe, puis s'inquiéter de "l'occupation chinoise", exprimer des sentiments chaleureux à l'égard du "peuple kazakh épris de liberté" et enfin proposer de mettre le Kazakhstan sous protection. Et ce que signifie l'étreinte chaude et sulfureuse des "partenaires américains" est une chose connue de première main chez nous en Pologne, par exemple.

Cependant, l'initiateur des rassemblements anti-chinois, Zhanbolat Mamay, du Parti démocratique du Kazakhstan (opposition), ne compte pas baisser les bras. Après l'action de protestation, il a écrit un appel révolutionnaire sur Facebook (2): "La lutte continue! Nous ne permettrons pas la substitution de notre patrie!". L'opposant a noté que "les autorités ont tellement peur" qu'elles ont même coupé l'Internet à Almaty.

"Cela signifie que l'esprit du pays ne s'est pas éteint, nous sommes prêts à nous battre!" - il a continué à faire un appel émotionnel aux personnes qui pensent comme lui. "Nous ne restons pas assis à la maison quand le pays est en danger! Nous devons continuer à lutter contre l'expansion chinoise. Bien sûr, le problème ne peut être résolu par une seule protestation. Ce n'est qu'un des premiers pas vers une grande bataille. Il faut sauver notre pays, notre gouvernement doit revenir à la raison car il est endetté auprès de la Chine et met en péril notre indépendance !"

Tout cela signifie seulement que la lutte américano-chinoise pour les ressources dans ce pays le plus riche en minéraux d'Asie centrale sera permanente. La question intéressante, bien sûr, est de savoir s'il y a une place pour la souveraineté du Kazakhstan dans cette bataille.

***

« Solidarité kazakh » : la résistance à l'expansion chinoise s'accroît en Asie centrale

Au Kazakhstan, la plus grande république d'Asie centrale, un rassemblement contre l'expansion chinoise a eu lieu. L'action de protestation s’est déroulée le 27 mars 2021 à Almaty. Elle a été initiée par un politicien de l'opposition, Zhanbolat Mamay, du Parti démocratique du Kazakhstan. Sur sa page sur Facebook [1], l'opposant prévient :

"Les autorités ne diffusent pas trop d'informations sur les 56 usines chinoises au Kazakhstan. À l'avenir, cela deviendra une menace majeure pour l'indépendance de notre pays. La Chine ne donnera pas des milliards de dollars gratuitement. Ce n'est que le début de l'expansion économique et démographique. Les usines chinoises ne sont pas construites pour les travailleurs du Kazakhstan".

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Zhanbolat Mamay.

À titre d'exemple, Zhanbolat Mamay a cité les pays africains, où une expansion chinoise similaire s'est déjà révélée être un poison pour la souveraineté des républiques du continent noir. "La Chine a investi des centaines de milliards de dollars dans ces pays. En conséquence, les gouvernements africains sont totalement dépendants de Pékin. Ils y ont même ouvert leurs bases militaires ".

Expliquer que depuis 2017 seulement, dans la République est-africaine de Djibouti, a été rendue opérationnelle la première base étrangère de la marine chinoise. Toutefois, selon des sources ouvertes, l'intérêt de la Chine est également lié aux infrastructures d'autres ports militaires dans des pays africains tels que l'Angola (port de Lobitu), le Kenya (Lamu et Mombasa), le Mozambique (Beira et Maputo), la Tanzanie (Bagamoyo) et l'Érythrée (Massawa). La plupart de ces ports sont déjà utilisés par les navires d'approvisionnement chinois.

Il est difficile de contester la logique qui sous-tend les déclarations de l'homme politique d'opposition kazakh. Tout en appelant à un rassemblement anti-chinois, il pose également de bonnes questions: "Croyez-vous que le Kazakhstan, qui enverrait ses cadres dans la lointaine Afrique, en dépensant des dizaines de milliards de dollars, ne s'ingérerait pas dans l'économie, la politique et les affaires intérieures de son peuple ?".

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Toutefois, les sinophobes kazakhs ont aussi leurs adversaires, qui font valoir que, premièrement, l'Afrique est très éloignée et que, deuxièmement, les relations économiques entre le Kazakhstan et la Chine sont mutuellement bénéfiques, ce qui est lié au chiffre d'affaires commercial en constante augmentation. Cependant, les partisans du Parti démocrate ont un contre-argument fort, arguant d'une sorte d'"agression cachée" de la part de Pékin. Ils font référence aux "camps de concentration du Xinjiang", dont le nom officiel en Chine est "camps de rééducation", par lesquels sont passés des dizaines de milliers de Kazakhs vivant dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang en RPC.

"La population du Xinjiang n'est pas inférieure à celle du Kazakhstan. Cela signifie que Pékin transforme l'ensemble de l'État en un camp de concentration. Comment peut-on rester assis et regarder ça ? Lorsqu'il s'agit d'intérêts nationaux, nous devons tous être unis et solidaires. Nous avons besoin d'un parti de résistance pour arrêter l'expansion chinoise. Si nous ne prononçons même pas un mot pour l'instant, quand allons-nous enfin élever la voix? Combien de temps allons-nous rester sous la couette sans nous inquiéter pour chacun d'entre nous?" Force est de constater que les propos tenus par l'opposant kazakh sont similaires à ceux de l'époque de ‘’Solidarité’’ en Pologne, si l'on remplace "Chinois" par "Soviétiques".

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Outre les appels lancés sur les réseaux sociaux, les opposants à l'influence chinoise organisent des manifestations dans les rues des grandes villes kazakhes. Certes, la police n'a pas encore supprimé la propagande d'agitation, mais il faut se souvenir que Zhanbolat Mamay a été arrêté pendant trois jours en février 2021. Pour des appels similaires à un rassemblement illégal. On peut s'attendre à ce que, cette fois, les autorités kazakhes neutralisent l'opposant, ce qui, bien entendu, ne résoudra pas le problème global de la domination économique de la Chine sur le Kazakhstan voisin.

Sebastian Gross pour Xportal.pl

[1] https://www.facebook.com/zhanbolat.mamay/posts/3963018753740950

lundi, 12 avril 2021

Le cœur de l'Asie espère la paix, la stabilité et la prospérité pour l'Afghanistan

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Le cœur de l'Asie espère la paix, la stabilité et la prospérité pour l'Afghanistan

Zamir Ahmed Awan

Ex: https://www.geopolitica.ru/it/article/

Le processus Heart of Asia-Istanbul (HoA-IP), établi le 2 novembre 2011 à Istanbul, en Turquie, est une initiative partagée par l'Afghanistan et la Turquie. Il s'agit d'une plate-forme pour une coopération régionale sincère et axée sur des résultats tangibles, qui place l'Afghanistan au centre de ses préoccupations, en reconnaissance tout simplement le fait qu'un Afghanistan sûr et stable est vital pour la prospérité de la région sise au cœur de l'Asie. La plateforme vise à relever les défis et les intérêts communs de l'Afghanistan et de ses voisins et partenaires régionaux. Heart of Asia comprend 15 pays participants, 17 pays de soutien et 12 organisations de soutien régionales et internationales. Les membres impliqués dans le processus sont la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan, l'Afghanistan, l'Iran, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Azerbaïdjan, l'Ouzbékistan et la Turquie. L'objectif est de promouvoir la sécurité régionale et la coopération économique et politique, axée sur l'Afghanistan par le biais du dialogue et d'une série de mesures de confiance.

La neuvième conférence ministérielle "Heart of Asia - Istanbul Process" s'est tenue les 30 et 31 mars 2021 à Douchanbé, au Tadjikistan. L'envoyé spécial des États-Unis pour l'Afghanistan et des représentants des talibans ont assisté à la conférence.

L'Afghanistan souffre d'instabilité, de guerre et de troubles politiques depuis près de quatre décennies. Le pays a été gravement détruit, les infrastructures, la production d'énergie, l'industrie, l'agriculture, presque tous les secteurs économiques sont gravement endommagés. L'éducation, les soins de santé et la vie sociale sont presque inexistants. La souffrance du peuple afghan a atteint un point culminant et doit cesser immédiatement. Les Afghans ne sont pas le peuple d'un Dieu inférieur. Il existe un consensus total entre les parties prenantes et les nations régionales pour rétablir la paix et la stabilité en Afghanistan.

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L'Afghanistan est un voisin important et un pays frère du Pakistan avec des liens historiques, religieux et culturels forts; les deux nations possèdent des liens étroits et un destin commun. Aucune autre nation ne peut prétendre avoir des liens aussi immuables avec l'Afghanistan et donc être plus désireuse de paix et de progrès en Afghanistan que le Pakistan. En fait, le Pakistan a sacrifié 80.000 vies précieuses, subi de lourdes pertes économiques et des répercussions négatives sur le tissu social à cause de l'intolérance, de l'extrémisme, du terrorisme, de la culture des armes à feu et de la drogue, du trafic et de la contrebande, etc.

Le Pakistan est le premier pays à vouloir un Afghanistan pacifié, stable et prospère. Le Pakistan a toujours contribué à la paix en Afghanistan et a joué un rôle essentiel pour amener les talibans à la table des négociations à Doha. L'accord de paix entre les États-Unis et les talibans a été signé en février 2020 et constitue une réussite importante. Il est temps d'appliquer l'accord de paix. La mise en œuvre de l'accord est une garantie de paix et de stabilité durables.

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L'ancien président Trump a tenu sa promesse et a réduit le niveau des troupes à seulement 2500 avant de quitter son poste. Selon l'accord, les troupes restantes doivent être évacuées avant le 1er mai 2021. Toutefois, les déclarations sont contradictoires quant au retrait des troupes d'ici la date limite et une prolongation de six mois supplémentaires pourrait être proposée. Les Talibans ne sont pas disposés à accorder un quelconque délai supplémentaire et insistent pour appliquer l'accord à la lettre.

Dans son discours tenu au cœur de la conférence interministérielle asiatique, le ministre pakistanais des affaires étrangères a déclaré que "nous avons constamment mis en garde contre le rôle des fauteurs de troubles à l'intérieur et à l'extérieur de l'Afghanistan". En fait, il existe une résistance à la paix de la part de quelques factions à l'intérieur de l'Afghanistan, qui ne sont pas censées jouer un rôle dans les futurs arrangements politiques en Afghanistan et s'opposent donc à tout accord de paix qui se ferait sans eux. Quelques pays exploitaient l'instabilité de l'Afghanistan pour leurs propres intérêts et menaient des actions terroristes et de sabotage depuis le sol afghan jusqu'au Pakistan. Ils constituent certainement un obstacle au processus de paix en Afghanistan. La communauté internationale doit prendre note de ces facteurs et être vigilante pour les endiguer à temps.

Le ministre pakistanais des affaires étrangères a suggéré que nous devrions nous concentrer sur les points suivants :

- Consolider et renforcer les progrès réalisés au cours du processus de Doha.

- Préserver les investissements de la communauté internationale et les gains de développement qui en ont résulté au fil des ans.

- Assurer un retrait ordonné et responsable.

- Veiller à ce que la réduction de la violence et le cessez-le-feu soient réalisés le plus rapidement possible.

- Amener le processus mené par les Afghans, et dont ils sont les protagonistes spécifiques et autochtones, à un règlement politique durable.

- Obtenir l'engagement financier de la communauté internationale pour soutenir l'Afghanistan sur la voie d’un progrès post-conflit.

- Planifier la reconstruction et le développement économique à long terme de l'Afghanistan.

- Créer des facteurs d'attraction pour les réfugiés afghans afin qu'ils puissent rentrer chez eux dans la dignité et l'honneur grâce à un plan à ressources limitées doté de ressources adéquates.

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Le Pakistan a engagé un milliard de dollars pour le développement et la reconstruction de l'Afghanistan. Sur ce montant, environ 500 millions de dollars ont déjà été consacrés à des projets d'infrastructure et de renforcement des capacités du pays. Le Pakistan a instauré un nouveau régime de visas pour faciliter les voyages et, malgré le COVID-19, cinq postes frontières ont été ouverts pour promouvoir le commerce et le transit bilatéraux. Le Pakistan a également rendu le port de Gwadar opérationnel pour le trafic et le transit afghan.

Il est à espérer que la communauté internationale mettra en œuvre l'accord de paix, rétablira une paix permanente et résoudra la question une fois pour toutes.

Article original de Zamir Ahmed Awan :

https://www.geopolitica.ru/en/article/heart-asia-hopes-afghan-peace-stability-and-prosperity

vendredi, 09 avril 2021

Quo vadis Erdogan? Quo vadis Turquie?

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Quo vadis Erdogan? Quo vadis Turquie?

Irnerio Seminatore

L'affront à l'Europe pour la gifle diplomatique infligée à Mme von der Leyen est un bluff protocolaire sans fondement. Erdogan a appliqué avec froideur la règle bien connue du: «Ubi major, minor cessat». Selon les règles, il y a un seul représentant officiel de l'Union, le Président du Conseil Européen, ayant rang de Chef d’État et, comme tel, du droit de préséance dans les relations extérieures. En tant que Cheffe de l'exécutif, Mme von der Leyen a eu le traitement conforme au protocole. Où est il le problème? L'Ego de Madame est il supérieur aux institutions des 27? Le droit de préséance est il fondé sur les mérites que la présidente de la Commission a acquis dans la gestion catastrophique de la pandémie du Covid 19? Si l'unité de l'Europe s'imposera de l'extérieur, comme le remarqua avec lucidité Z. Brzezinski dans « le Grand Échiquier », vu l'essoufflement de l'idée et de l'idéal d'origine, sa prise en charge sera le lot d'un appareil bureaucratique lourd et éloigné de l'adhésion populaire. Dans ces conditions l'atout de cet élan nécessaire pourra-t-il venir d'un protocole institutionnel trahi, par l'abandon de la part de l'UE, de toute conception de l'histoire, de la puissance et de l'aliment démocratique du pouvoir? Sur ce plan la Turquie est le seul pays au monde qui occupe militairement, à Chypre, une portion de l'espace européen, qui opère par chantage vis à vis de l'Union Européenne, la menaçant d'ouvrir les vannes à grande échelle de l'immigration, contre l'extorsion de 6 milliard d'euros pour leur entretien au termes d'un pacte migratoire d'un effroyable cynisme; qui a soutenu le Djihad islamique militairement et tactiquement, qui n'hésite pas à modifier les équilibres politiques et territoriaux entre l’Azerbaïdjan et l'Arménie, et entre le Maréchal K.Haftar et le Gouvernement de Tripoli en Libye. C'est encore le pouvoir étatico-confessionnel qui aida militairement la Bosnie-Herzégovine au courant des guerres balkaniques et pendant la dissolution de la vieille Yougoslavie et ça a été l'aide de la Turquie, en soutien du Kosovo contre la Serbie et celle du Djihad contre les kurdes et les azéris, qui ont fait plier sans honneur les socio-démocrates européens. Erdogan est le « trouble jeu » de la Méditerranée dans ses prospections pétrolières en eaux territoriales grecques, qui joue au double jeu au sein de l'Otan, en achetant des systèmes d'armes à la Russie et en abattant des avions russes par des accidents « involontaires ». La Turquie c'est encore le pays, en mesure de déstabiliser irréversiblement l'Union Européenne, par le poids représentatifs qu'elle aurait au sein du Conseil Européen, dépassant le poids de l'Allemagne et c'est son orientation islamique et son sunnisme militant, qui représentent l'antagonisme historique des États-chrétiens de jadis, qui ferait d'elle le fossoyeur de l'empire de la « norme » d'Occident, après avoir été l'héritier de Mehemmet, fossoyeur de Byzance et de l'empire romain romain d'Orient. Quel sera le positionnement de la Turquie dans le scénario d'une nouvelle « guerre froide », technologique et stratégique et des défis globaux entre la Chine et les États-Unis?

Le monde d'aujourd'hui, multipolaire et planétaire, est fragmenté e difficile à gérer et tend à créer des tensions excentriques, qui défient tout à la fois la puissance établie et la puissance émergente. La réponse de Joe Biden, par la voie de Richard Haass et de Charles Kuchpchan du « Council on Forein Relations » a été un test classique du dialogue stratégique entre le grandes puissances. Ce modèle est celui du Congrès de Vienne, mais dans l'absense d'un pouvoir dominant et d'un principe de légitimité commun et partagé. Or, dans le contraste entre la nouvelle alliance des technocraties-démocratiques contre les technocraties-autocratiques, promues dans le but historique de donner de la stabilité au système, assuré jusqu’ici par les États-Unis, puissance prépondérante, l'avantage comparatif des États-Unis reste celui des alliances. « Quid boni » de l'association de la Turquie, comme facteur d'incertitude et de dissolution? Puisque la configuration des deux alliances dépendra de la qualité des associés et de la confiance qu'ils inspirent, quel message de politique globale Charles Michel et Mme U. von der Leyen sont ils aller proposer à Erdogan et symétriquement Borrel à Lavrov, dans la compétition qui se dessine et quel mélange entre légitimité et intérêts géopolitiques, qui rende « compatible » et donc viable, la participation de la Turquie à la coopération/confrontation du XXIème siècle? Le grand tribunal de l'histoire pourra-t-il convertir les condamnations à mort par pendaison, en démissions forcée de leurs fonctions, pour haute trahison de l'Europe, à Mme Merkel et à Mme von der Leyen?

(Ci-joint le texte "L'Union européenne, La Turquie et l'Eurasie" publié sur la "Revue Générale" belge N.11/12 de Décembre 2014)

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L'UNION EUROPÉENNE, LA TURQUIE ET L'EURASIE

Analyse géopolitique des deux hypothèses adhésion ou « partenariat privilégié » ?

Les relations entre l'Europe et la Turquie sont inscrites dans une géopolitique eurasienne, caractérisée par une triple métamorphose: de la géographie, de la puissance et des équilibres stratégiques. La première transformation concerne la masse continentale la plus importante du monde, celle de l'Eurasie, cœur géopolitique de l'Histoire ; la deuxième, le rôle accru des espaces océaniques ; la troisième, la stabilité stratégique qui, après la période de la bipolarité se commue en son contraire, l'instabilité, le déséquilibre et la fragmentation politique.

En revenant à la première transformation, celle-ci a pour objet le changement des paradigmes géopolitiques structurants qui imposent une nouvelle lecture du système international et donc un nouveau rapport entre le « Rimland » et le « Heartland ». Ce changement est fondamental. En effet dans le cadre de cette lecture, l'Europe et la Turquie appartiennent à des configurations géopolitiques distinctes : la Turquie fait partie du « Heartland », le « pivot des terres » ou encore « pivot géographique de l'Histoire » et l'Europe au « Rimland » planétaire, l'anneau des terres, qui va de la péninsule de Kamtchaka au Golfe Persique. Il en découle que la Turquie et l'Europe constituent deux entités géographiques aux projections diverses et que leurs stratégies sont déliées l'une de l'autre. Après l'effondrement de l'Empire soviétique, la Turquie retrouve son « espace vital » dans la masse centrale des continents, le « pivot des terres » où elle redécouvre ses sources linguistiques et son Histoire profonde, autrement dit, l'idéologisation du passé et les origines de l'Empire Ottoman. Selon cette lecture l'Europe se caractérise comme isthme occidental de l'Asie ou « Rimland » eurasien, car elle fait partie intégrante du « Rimland » planétaire, valorisé par le système maritime mondial et l'unité des océans. Le « Rimland » eurasien est dominé par les débouchés maritimes, le régime des eaux et les échanges par la voie des océans.

Pour les Etats européens de la bordure Atlantique après la fin des années 1990, le « paradigme géopolitique » dominant devient l'Eurasie à la place de l'Europe, qui fut le théâtre central du conflit Est-Ouest. Ainsi, le vieux pivot géographique du monde de Halford J. Mackinder se déplace vers le « pivot des mers », le « sealand » inter-océanique de l'Océan indien.

Dans ces nouvelles conditions, la politique d'élargissement de l'UE comme politique de stabilisation à la marge de la péninsule eurasienne perd de sa pertinence et montre sa précarité historique. Elle perd de son sens originel, qui était fondé sur une perspective d'intégration de l'Europe de l'Est et de la Russie. La politique d'élargissement à de nouveaux pays impose comme une loi du gouvernement politique, un noyau restreint de direction politique et d'abandon de toute politique de dilution du pouvoir.
Sous cet angle sont à adopter les alliances permanentes, les partenariats privilégiés et les coalitions ad hoc. Ces choix géopolitiques mettent en exergue la fragilité institutionnelle et politique de la construction européenne. En effet, les constantes géographiques et les legs de l'Histoire imposent aux fédérations en gestation l'impératif d'un pouvoir fort, sous peine de se dissoudre. L'UE doit éviter les dilutions successives aux marges extérieures du continent car elle doit contrer les déséquilibres qui en découlent à l'intérieur. Re-conceptualiser les paradigmes structurants du système international actuel c'est faire œuvre de lucidité politique, d'intuition stratégique et de perspective historique.

Ainsi vis-à-vis de la Turquie, l'approche en termes de « partenariat privilégié » découle de préoccupations réalistes, de souci d'autonomie et de convergence d'intérêts. La vocation géopolitique de la Turquie est continentale et consiste à renouer avec son passé. Son premier objectif demeure une politique de stabilisation autour de la Mer Noire, du Caucase du Sud, de la Mer Caspienne et de l'Asie Centrale, et cela en accord avec l'Union Européenne. En revanche, l'approche globale de l'Europe s'inscrit dans une perspective à trois volets, intercontinental, océanique et identitaire :

- La perspective intercontinentale inclut l'espace eurasien et la dimension africaine ;

- La perspective inter-océanique se définit par un réseau de bases, d'escales et de points clés maritimes, découlant des accords avec les pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), qui font de l'Europe, ancienne puissance coloniale, un acteur géostratégique mondial ;

- La perspective d'ordre identitaire pousse à la distinction entre l'Europe et l'Amérique et donc à la définition politique et culturelle de deux Occidents, un Occident européen et un Occident américain.

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Or re-conceptualiser la politique d'élargissement et de voisinage, c'est tout d'abord reformuler les paradigmes structurants de l'ordre international, ce qui implique l'identification du pivot stratégique de la planète et de l'acteur ou des acteurs qui se disputent son contrôle. Cette reconfiguration permet de définir les régions décisives de rivalité mondiale et a au-delà, les grands enjeux qui ont scandé les affrontements décisifs de l'humanité. Au XXIème siècle la bataille décisive pour l'Hégémonie et pour le leadership mondial se fera en Eurasie, entre la puissance extérieure du cœur géopolitique du monde et l'acteur prééminent de la masse continentale dominante. Elle se fera sur le front marginal des continents (façades subcontinentales et péninsulaires) et de ce fait sur les rivages, les littoraux et les routes maritimes intercontinentales du « Rimland » mondial. C'est la raison pour laquelle l'Europe, pour définir une stratégie unitaire dans le monde, devra valoriser prioritairement l'approche inter-océanique (Océans Atlantique, Pacifique et Indien) et insérer le projet d'Union des pays riverains de la Méditerranée, du Proche et Moyen-Orient et du Golfe, dans une perspective continentale (Mer Noire, Caucase du Sud et Asie Centrale). La Turquie et le plateau iranien font partie de cette deuxième perspective, principalement continentale. Pour l'Europe occidentale et pour la Turquie, la géopolitique décisive se précisera par le choix que la première fera de sa relation historique avec la Fédération de Russie. Ce choix de long terme est historique et sera largement déterminé par trois acteurs essentiels, l'Allemagne, les Etats-Unis et la Chine.

A la périphérie occidentale des bouleversements de l'échiquier eurasien, l'Europe et la Turquie font la politique de leur géographie. La Turquie accroît son influence vers les terres d'Asie Centrale et en direction du Golfe et exerce un équilibre de pouvoir entre la Russie, pivot de l'Eurasie et l'Océan Indien, cœur des masses océaniques. Dans le Caucase, elle influe sur le containment de la Russie et de l'Iran. En Méditerranée et dans le Golfe, elle est serrée entre Israël et l'Egypte, qui a renoué avec Moscou. Dans cette même région, les Kurdes, alliés d’Israël, effectuent une percée militaire vers les puits de pétrole et repoussent l'embrasement du Califat et de l'Etat islamique, qui s'élargit à ses portes.

Si la bipolarité avait enfermé l’Europe dans la partie occidentale du continent, la nouvelle phase de l’histoire restitue à l’Europe son passé et sa diversité lointains. L’élargissement de l’UE et ses perspectives lui permettent de prendre à revers les puissances terrestres euroasiatiques par l’étendue de la projection des forces que justifie sa puissance navale et péninsulaire. Cette projection est rendue possible par l’accès aux zones côtières de la Méditerranée, de la mer Noire et de la Caspienne, et à celle du Golfe, à l’océan Indien et à l’Asie du Sud.. En survol et sur l'échiquier eurasien, l'Europe est un joueur incomplet et imparfait tandis que les Etats-Unis sont un arbitre global, un pivot géopolitique clé et un acteur dominant. 

Les limites de l'Europe et les capacités d'absorption de l'UE

Pour ce qui est des « frontières extérieures » de l’Europe, elles sont devenues un sujet d’actualité et d’interrogation institutionnelle, à partir de la décision du Conseil du 17 décembre 2004 d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Turquie.
La crainte d’une Union qui ne connaît plus de limites, ni à l’Est ni au Sud-Est du continent exige la définition d’un cadre organisateur général des relations extérieures de l’UE. Ainsi, deux dimensions problématiques sont concernées, une, de nature institutionnelle et, l’autre, de nature sécuritaire.

- La première est liée aux « capacités d’absorption » de l’Union Européenne, et concerne le poids et l’équilibre institutionnel au sein du Conseil des ministres de l’Union, mais aussi les capacités budgétaires et les politiques de solidarité et de cohésion.
- La deuxième se réfère aux relations de proximité, les Balkans occidentaux, zone à très forte instabilité politique et à haut potentiel de conflits et à la présence de ressources et de revendications territoriales, aiguisant les crises latentes ou gelées.

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La réorganisation des partenariats actifs des pays du Sud/Sud-Est de l’Europe constitue la base de lancement de la part de l'UE d'un « pacte de stabilité du Caucase du Sud et de la grande mer Noire », comme concept organisateur et cadre géopolitique de la réorientation régionale en matière de sécurité.

Ainsi un meilleur accès aux ressources énergétiques de l’Asie Centrale influencera le vent de libéralisation et de pluralisme politique des pays ex-soviétiques. Dans la logique de leur intérêts bien compris, cela devrait favoriser le retour de l’Europe dans le « grand jeu » qui est mené en Asie Centrale et dans la bordure des « Balkans eurasiens »1, par les États-Unis, la Chine, le Pakistan et l’Inde.

Cette réorientation du processus d’élargissement comporte une transformation de l’équation stratégique, du Caucase à l’Asie centrale et du Heartland, au golfe Persique, incluant la Turquie. 

Projection de l’UE vers le Caucase et l’Asie centrale

La projection de l’Union Européenne et de la Turquie vers le Caucase et l’Asie centrale pourrait répondre à une série d’objectifs :
- fixer les limites de l’UE, donc des demandes d’adhésion recevables ;
- faire de l’Europe un partenaire influent dans une politique mondiale redéfinie ;
- favoriser le dialogue et la planification, par l’identification des défis à affronter collectivement (détérioration de l’environnement, surpopulation, fanatismes, pandémies, catastrophes naturelles) ;
- fixer un agenda de sécurité planétaire pour le XXIe siècle, 

L'Union Européenne, les Etats-Unis et la Turquie

L'objectif commun de l'UE et des États-Unis dans le monde est la gestion d'un système maîtrisable et d'une structure de coopération géopolitique qui s'oppose à l'anarchie – exigeant une coopération étroite et un partage des responsabilités. Au-delà de la région euro-atlantique qui trouve ses frontières géographiques dans les tracés de la géopolitique russe établie au XVIIIème siècle, la disparité et le pluralisme des intérêts et des valeurs ne permettent pas l'intime association du leadership cooptatif et d'une hégémonie démocratique, propre à l'espace euro-atlantique.

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Ces considérations expliquent la non-recevabilité de la demande d'adhésion de la Turquie à l'UE. La Turquie appartient à l'extérieur de ce tracé continental, ce qui lui impose une politique étrangère et de sécurité dictée par sa position de carrefour à la croisée de trois continents.

La géopolitique du plateau turc dictée par la fonction de jonction eurasienne interdit une vision stratégique commune à l'Europe, mais justifie en revanche celle d'un « partenariat privilégié » aux contenus et formes variables.

La Turquie entre intégration et conflit

La Turquie est placée à mi-chemin entre deux espaces, d'intégration et de pacification relatives propres de l'Europe Occidentale et de revendications d'autonomie et d'indépendance, circonscrits par la région du Moyen et Proche Orient, du Golfe et de la Méditerranée Orientale.

La géopolitique suggère à la Turquie une stratégie eurasienne, enracinée dans son Histoire.

En revanche, l'Europe occidentale est poussée à concevoir une stratégie globale de projection de puissance en tant que péninsule de la masse continentale.

Peut-il y avoir, dans cette antinomie, un avenir commun entre l'UE et la Turquie transcendant les déterminismes de la géographie et la crise des négociations bilatérales, depuis l'acceptation du statut de candidat à l'adhésion en 1999 ? Sur quels sujets, de politique intérieure et internationale, peuvent-ils se reporter leurs objectifs communs ? Sur quelles conceptions de la sécurité, régionale et mondiale et sur quels vulnérabilités et défis ? Y a-t-il une convergence lisible en matière de régime politique, ou même en matière de croissance et de conception de la relance économique, sur lesquelles divergent par ailleurs les deux principaux pays européens, la France et l'Allemagne ?

L'ambiguïté stratégique de l'UE

Les ambiguïtés européennes inhérentes aux « limites » de l'Europe sont une cause de tension de l'UE avec la Russie, à propos des pays du Partenariat Oriental et avec la Turquie, en ce qui concerne le Sud-Est du continent. Ces ambiguïtés posent un premier problème, consistant à savoir si les États-Unis, la Russie et la Chine sont prêts à reconnaître à l'Europe un rôle de parité et donc de partenariat. Il faudrait évidemment, pour se voir reconnaître un tel rôle, que l´Europe retrouve une vitalité démographique et économique qui lui font défaut et se dote des moyens, y compris militaires, de ses ambitions (sans oublier le fameux numéro de téléphone réclamé par M. Kissinger !)

En deuxième lieu, il s'agit de savoir si l'Europe aura à l'avenir une identité propre sur le plan politique et militaire, avant de poursuivre les élargissements qui disloquent son centre de gravité politique.

Enfin, il s'agira de voir si l'UE pourra s'accommoder des conceptions françaises concernant la distribution des pouvoirs au sein des institutions transatlantiques ou à l'inverse, si elle se pliera au leadership allemand, soutenu par les États-Unis.

Les conséquences régionales de la crise ukrainienne

Les querelles continentales sur les issues de la crise ukrainienne, le rôle de négociateur incontournable de la part de l'Allemagne vis-à-vis de la Russie et la présence ultime des États-Unis sur le continent, dans la Mer Noire et dans la Caspienne, influent sur la nature des relations entre l'UE et la Turquie.

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La nouvelle centralité de l'Allemagne en Europe après l'effondrement de la bipolarité, ne lui requiert plus d'être le rempart historique contre l'Est, exercé pendant la longue période médiévale et poursuivi jusqu'en 1945, rôle qui lui a attribué sur le continent la fonction conjointe de créateur d'ordre et d'hégémon.

Comme l'a récemment déclaré Henry Kissinger, ancien Secrétaire d'Etat américain, « l'Allemagne est condamnée à prendre plus de responsabilités » dans les affaires du monde »2. Elle s'affirme sur la scène diplomatique et devient la clé de l'entrée des pays des Balkans occidentaux dans l'Union (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Serbie), jouant également l'intermédiaire entre V. Poutine et P. Porochenko.
Ainsi, la crise ukrainienne pose le problème de l'équilibre continental avec la Russie et donc les différentes perspectives d'équilibre euro-russe, au vue des deux lectures nationales de la stratégie européenne, française et allemande.

En effet, l'adhésion de la Turquie à l'UE perturberait non seulement les relations franco-allemandes en Europe, mais également les relations bilatérales franco- et germano-russes, influant directement sur les ambitions européennes dans leur ensemble, autrement dit sur le projet d'Union comme dessein d'ordre politique continental.

Le projet européen et les tensions extérieures

Par ailleurs, le projet européen, bien que soutenu par une dynamique historique et politique propre, comporte trois tensions extérieures : une venant de la Russie, la deuxième de l'Amérique et la troisième du Moyen-Orient, du Golfe et de la Méditerranée. L’Europe ne pourra se réaliser sous l'égide exclusive de l'Allemagne, ni sur une hostilité ou une nouvelle coalition contre elle, car ces dilemmes imposeraient des choix difficiles aux États-Unis et porteraient atteinte aux ambitions de la France sur la spécificité de son rôle international.

La Turquie, la « question russe » et le déséquilibre stratégique dans le Sud-Est du continent

Ainsi la crise ukrainienne et l'annexion de la Crimée ont remis à l'ordre du jour la « question russe » (appelée autrefois la « question d'Orient ») et donc le contrôle de la Mer Noire et des détroits du Bosphore, bref le rôle de la Turquie et celui antinomique des États-Unis sur la porte d'accès occidentale à l'Eurasie, où se joue le sort du monde.

La déstabilisation de l'Ukraine représente une distorsion géopolitique dont les répercussions en Méditerranée orientale ne tarderont pas à se faire sentir.

Il serait hasardeux voire erroné de soutenir que l'UE comme ensemble post-national pourrait trouver un rééquilibrage avec l'adhésion de la Turquie et dans une implication conséquente dans la zone de turbulence du Proche et Moyen-Orient et du Golfe.

L'Europe, la Turquie, la Russie, les États-Unis et l'Eurasie

Une partie délicate se joue entre l'Europe, les États-Unis et la Russie, depuis la chute de l'Union Soviétique, pour le contrôle de l'Eurasie. Cette partie concerne tout aussi bien des acteurs pivots régionaux comme l'Ukraine, l'Azerbaïdjan, la Turquie et l'Iran, que des acteurs géostratégiques de taille : la Russie, l'Inde, le Japon et l'Indonésie.

Le rôle d'arbitre de ce « jeu » est assuré par les États-Unis, puissance extérieure au grand échiquier de l'Eurasie, qui essaient de réduire l'influence de la Russie par la constitution d'un axe Tachkent – Bakou, Tiblissi – Kiev, et d'un corridor énergétique Bakou – Ceyhan permettant l'exportation d'hydrocarbures de la Mer Caspienne, par l'évitement du transit à travers la Russie.

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La politique de l'UE vis-à-vis de la demande d'adhésion de la Turquie a consisté à repousser son entrée dans l'Union, car l'adhésion ferait de celle-ci un joueur équivalent à l'Allemagne en termes de représentation, de décision et de souveraineté partagée au sein du Conseil et de Parlement Européens3. Cela bouleverserait la logique profonde de l'Union, dont le projet de réconciliation concerne des États européens et repose sur une communauté d'origine, la chrétienté et l'héritage de Rome (primauté du droit, équilibre des pouvoirs et séparation augustinienne du spirituel et du politique), tradition reprise ensuite par le Saint-Empire Romain Germanique. Cette adhésion serait porteuse d'un double paradoxe : elle ferait d'un État extra-européen un des États les plus importants de l'Union et de la « communitas christiana », une communauté  musulmane de confession sunnite et islamo-conservatrice, provoquant un changement stratégique fondamental vis-à-vis du reste du monde.

L'entrée de la Turquie dans l'UE aurait également pour effet de rabaisser le rôle de la France et d'associer l'Europe à un partenariat cooptatif avec l'Amérique, renforçant le pouvoir de celle-ci pour toute entreprise d'influence et de domination extérieure à caractère global.

En termes géopolitiques, la Turquie est inscrite dans l'espace des « Balkans eurasiens », aux problèmes ethniques et culturels d'une très grande complexité. Ces problèmes ont été aggravés en Ukraine, Syrie, Iran, dans le Golfe, en Afghanistan et en Asie Centrale dans le but d'affaiblir la Russie, par une politique de roll back et au sein de l'Union Européenne, par l’absence d'un stratégie internationale lisible. Cet affaiblissement de l'UE demeure sans solution immédiate dans la région qui va de la Géorgie à la Moldavie, Transnistrie et Roumanie, et s'ajoute comme frein stratégique et financier à l'adhésion de la République turque. A ses portes, l'éventuel Etat du Kurdistan représente un danger pour la stabilité politique du gouvernement islamo-conservateur et pour la cohésion nationale turque. L'ouverture vers les Etats arabes, consécutive à la « rupture » diplomatique du Ministre des Affaires Etrangères, A. Davutoglu, et résumée par la formule « zéro ennemi» (2000) a inversé la politique nationaliste antérieure.

Dans ces conditions, les revirements de la politique étrangère de la Turquie ne peuvent figurer comme des éléments de stabilisation régionale, particulièrement nécessaire, après les révoltes arabes et le tournant pris par celles-ci en Syrie, Irak et Egypte.

Les dirigeants turcs n'ont pas pris la mesure des changements intervenus dans le monde et en particulier au Grand Moyen-Orient, au Golfe, en Méditerranée et en Afrique sub-saharienne. Ce n'est plus l'Etat-nation, post-colonial, faible, vulnérable ou en déliquescence, qui demeure la structure de régulation d'ensembles sociaux disparates mais les religions radicalisées et la violence obscurantiste des petites sociétés prémodernes, djihadistes ou guerrières, affirmant leurs souverainetés par le Califat, le nihilisme et le chaos. Dans ces conditions, les dirigeants turcs ont appris qu'il n'y a plus d'interlocuteurs fiables, identifiés et légitimes avec qui négocier.

Les États-Unis et le Grand Echiquier

Les États-Unis, sortis gagnants de la Guerre Froide, maîtrisent de moins en moins

- un système international devenu non seulement multipolaire mais polycentrique et

- les zones de non-droit.

Ils ont besoin de réassurer leurs alliés de l'OTAN pour dissiper les doutes du déclin et de l'incapacité du Président Obama à jouer le rôle de leader de l'Occident. L'exercice de cette nouvelle version de l'Empire, déterritorialisé et en réseau, a cependant besoin de se déployer dans l'espace physique et de gouverner des hommes, selon les régimes politiques qui correspondent à leurs traditions anciennes, étrangères à l'idée d'Europe et à celles d’État et de démocratie.

Ainsi, la première contradiction de la gouvernance mondiale est qu'elle ne peut s'exercer ni dans le cadre de la démocratie représentative, ni dans le respect des convictions des minorités religieuses et donc dans les formes de la laïcité occidentale. En effet, le rejet de la séparation augustinienne du domaine temporel et spirituel, que l'intégrisme djihadiste exècre et combat, impose l'apostasie et la fidélité à une seule divinité, au prix de massacres et de barbaries d'un autre âge et donc l'obéissance aveugle à un seul régime : celui du Califat, qui désinstitutionnalise l’État-moderne, issu du Traité de Westphalie (1648).

L'UE et les trois options de politique étrangère de la Turquie

Si, comme le remarque avec lucidité Z. Brzezinski dans Le Grand Echiquier, « l'unification européenne apparaît de plus en plus comme un processus qui s'impose de l'extérieur et pas comme un idéal auquel on croit » et si l'idée européenne a été prise en charge par un appareil bureaucratique lourd et éloigné de l'adhésion populaire, de telle sorte que l'Union Européenne donne l'impression d'un conglomérat de soLciétés affectées par un malaise social chronique, quelle impulsion la Turquie peut-elle donner à un organisme qui a perdu son élan intérieur ?

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A la chute de l'empire soviétique dans les années 1990, la Turquie, qui est l'un des pivots géopolitiques clés de l'Eurasie et dispose d'atouts dépassant les conditionnalités léguées par la géographie, a tenté de redéfinir son identité et sa cohésion nationales.

Parmi les trois options qui se sont offertes à sa classe dirigeante:
- l'adhésion à l'Union Européenne, dans le but de devenir un État occidental laïc et moderne, suivant en cela l'héritage d'Atatürk ;

- l'orientation islamiste modérée, prétendant à une conciliation entre Islam et démocratie et ayant comme corrélat l'ouverture vers les autres pays arabes de la région dans le but de créer une zone de stabilité dans la région, cette option s'est traduite par une rupture stratégique. Cette option « zéro ennemi » (de Davutoglu 2000) s'est traduite par une rupture stratégique, prenant la forme d'un appui à l'opposition islamiste de Bashar Al-Assad, soutenu par la Russie et l'Iran et balayant les ambitions de stabilité régionale, mise à mal par les crises successives des pays arabes ;

- le néo-nationalisme, suggéré par la grande histoire ottomane, lui faisant découvrir une nouvelle mission envers les peuples turcophones et musulmans de la Mer Caspienne et de l'Asie Centrale.

Ces trois orientations, aux axes stratégiques divergents, ont introduit une série d'incertitudes dans la politique étrangère de la Turquie. En effet, elles l'ont engluée :
- dans les conflits ethniques et religieux qui minent la région, cumulant les difficultés et provoquant l'exode de populations Kurdo- turques (soit 20 % de la population à l'Est du pays). Ces derniers réclament l'indépendance nationale dans une lutte qui les engage à côté des Kurdes irakiens et syriens.

- dans des aventures contre-productives en Méditerranée, avec l'épisode de la flottille de militants pro-palestiniens envoyée à Gaza dans le but de rompre le blocus israélien, ce qui a eu pour effet de rapprocher Israël des Kurdes, de la Grèce et de Chypre.
dans le refus d'aider à la résolution du conflit gelé avec l'Azerbaïdjan, ce qui a poussé l'Arménie à rejoindre le projet eurasiatique de Moscou.

Dans un contexte international en pleine métamorphose, l'hostilité de l'Iran à l'égard des États-Unis et de l'Occident a incité Téhéran à adopter une politique plus accommodante vis-à-vis du Kremlin, autre adversaire historique, tandis que la politique étrangère de la Turquie, leader potentiel d'une communauté turcophone eurasienne imprécise et mal définie, s'est tournée vers l'Asie Centrale.

Propositions pour un « Partenariat Privilégié » entre l'UE et la Turquie

L'idée d'adopter un « partenariat privilégié » comme entente stratégique réfléchie entre l'UE et la Turquie est fondée sur série d'évidences ayant pour base de nouveaux paradigmes:
- l'Eurasie à la place de l'Europe
- l'anarchie internationale au lieu de l'intégration
- la définition des intérêts vitaux et donc une politique de sécurité et de défense au lieu de l'idéologisation des valeurs (la démocratie et les droits de l'Homme)
- le passage probable d'une « logique de négociation » permanente » entre Etats européens à une phase d'équilibres de compétition ou de chacun pour soi.

Si la tâche principale de l’UE a été le développement étendu de la stabilité internationale qui constitue le cadre conceptuel de l’intégration du continent le prolongement de cette responsabilité dans la région du plateau turc, du Caucase du Sud et de la grande mer Noire, lui permet d’atteindre un niveau de responsabilités politiques qui dépassent la sphère régionale et atteignent la stabilité mondiale.

En particulier, dans la zone visée aucun des grands partenaires régionaux n’a les moyens, ni dispose d’un consensus stratégique lui permettant de prétendre à la prééminence régionale.

La signature de partenariats privilégiés et actifs, avec les pays ayant choisi le régime qui assure au mieux leur vocation au changement politique et à l’ouverture internationale, est la seule solution compatible avec le maintien du projet européen et la préservation de son message. C’est à partir de cette perspective commune à l'UE et à la Turquie et guère d’une dangereuse dilution de l’Europe, que peut s'établir une entente stratégique.

Au niveau du système international, la gestion des relations extérieures et les retournements des situations imposent à l’UE d’avoir une personnalité politique forte, une structure de décision efficace et des « limites extérieures » qui ne demeurent une source de perceptions erronées. Ceci exige une vision réaliste du monde, car la coexistence de la paix et de la guerre est toujours immanente, la dialectique des antagonismes toujours à l’œuvre et la conscience de l’hétérogénéité du monde toujours là, pour prouver que les individus et les peuples n’obéissent pas aux mêmes conceptions du juste et de l’injuste, de démocratie et de liberté et que la diversité des régimes politiques et des corps sociaux engendre différents types d’inégalités, d’inimitiés et de conflits et avec ceux-ci des génocides et des guerres.

Notes

1 Les « Balkans eurasiens » constituent, selon Brzezinski, une mosaïque ethnique, le cœur d’une vaste « zone de pouvoir vacant » et d’instabilité interne. Ils regroupent neuf pays : le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Géorgie et l’Afghanistan. On peut y inclure la Turquie et l’Iran (voir carte en annexe).

2 Extrait du journal Le Monde 26 août 2014

dimanche, 04 avril 2021

Accord Iran-Chine : Montesquieu à Pékin

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Accord Iran-Chine : Montesquieu à Pékin

Le grand fait d’actualité, c'est la signature du partenariat stratégique global de 25 ans entre l'Iran et la Chine

Les infrastructures contre l'énergie : un classique

Par Pierluigi Fagan

Ex : http://www.elzeviro.eu/

À court terme, l'Iran, qui se trouve sur la ligne de faille Ouest-Est comme la Russie, la Turquie, la Syrie, a été empêché de se tourner vers l'Ouest. Il se tourne alors tout naturellement vers l'Est et la Chine obtient ainsi de l'énergie pour son propre développement. Mais c'est à moyen et long terme que l'on pourra observer les futures vicissitudes les plus intéressantes.

Pékin obtient un maillon important dans sa stratégie de créer des infrastructures commerciales, selon son projet connu sous le nom d'initiative Belt and Road Initiative. L'Iran est une charnière territoriale/géopolitique fondamentale dans ce projet (en effet, l'accord intervient après cinq ans de négociations, rien n'a été improvisé ici), voyons pourquoi :

1) Le partenariat avec l'Iran. Le partenariat avec l'Iran permet d'offrir une alternative à la route de la Chine vers les républiques d'Asie centrale (via la Chine occidentale ou le Xinjiang, où ont surgi, comme par hasard (?) les problèmes avec les Ouïgours). Elle peut aller au nord vers la Russie ou au sud, vers l'Iran.

2) Une autre voie passe par la frontière avec le Pakistan. Une fois au Pakistan, vous pouvez aller au sud et exploiter les ports côtiers comme une alternative mixte terre-mer pour contourner les éventuels points d’étranglement autour de Malacca, ou vous pouvez aller à l'ouest et entrer en Iran pour continuer la route est-ouest où, comme nous le verrons au point 5, de nouvelles alternatives portuaires se présentent.

3) La stratégie des ports directs sur l'océan Indien. Après la Malaisie, la Thaïlande et surtout le Myanmar (ensuite le Sri Lanka, les Maldives?), le tout pour contourner les éventuels blocages à hauteur de Malacca ou pour éviter les turbulences prévisibles en mer de Chine méridionale, Pékin a envisagé d'autres alternatives avec le Pakistan et l'Iran.

4) L'ensemble de cette affaire affecte les relations contradictoires entre la Chine et l'Inde. Les deux sont géo-historiquement condamnés à coexister, mais l'Inde a deux longueurs de retard sur la Chine en termes de développement de tous les facteurs nécessaires à la puissance, donc fait montre de peu de collaboration et de peu d'envie de compétition.

Dans cette césure, les États-Unis se sont insérés. La stratégie des alternatives qui encerclent l'Inde lui enlève son pouvoir de négociation. Mais la DSP avec l'Iran crée également un problème supplémentaire, car l'Inde a conclu un accord de collaboration tout aussi stratégique avec la Russie et l'Iran lui-même, une sorte de mini-route du coton à laquelle les Indiens tiennent. De plus, l'Inde importe de l'énergie de l'Iran.

5) La majeure partie des jeux se déroule évidemment en Iran. En Iran, dans le sud-est, vous pouvez avoir un autre port permettant de sortir de l’enclavement. Vous pourriez conclure des accords raisonnables avec l'Inde pour tirer parti de leur trilatérale avec la Russie et l'Iran. Vous pourriez remplacer l'Inde dans la trilatérale si les Indiens vous infligent une rebuffade difficile à digérer.

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De la frontière ouest de l'Iran, on peut aller en Irak (6) et le reconstruire, de là en Syrie (7) ce qui signifie accéder à la Méditerranée, faire pression sur la Turquie (8) pour la pousser à accepter le "plat riche que je vais lui cuisiner" en l’obligeant à avaler le crapaud ouïghour (les Ouïghours sont un peuple turc et les Chinois savent que les dernières bandes armées djihadistes irréductibles dans le nord de la Syrie, sont composées d’Ouïghours sponsorisés par Ankara), passer par la Jordanie en Israël (9), quitte à ce que celui-ci se fasse l’ami des Chinois comme des Palestiniens.

N'oubliez pas que sur la côte israélienne, il existe déjà un port ami auquel on peut accéder depuis le golfe d'Aqaba, une alternative si d’aucuns bloquent Suez.

10) Mais considérez que vous avez également d'excellentes relations avec tous les Arabes sunnites, indistinctement (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Oman, Koweït, etc.). Mais il est toujours préférable d'avoir des alternatives et donc, si vous avez des sunnites dans votre jeu, vous devez aussi avoir des chiites, afin de vous équilibrer. Vous êtes peut-être le moyen terme d'une relation complexe, ce qui vous rend égaux, et en plus vous êtes "athées".

Vous obtenez donc la première et la plus importante des choses utiles dans un monde multipolaire: les amis. Amis, non pas parce que vous vous appréciez, bien sûr, mais parce que vous avez des intérêts en commun, des intérêts économiques et commerciaux, le plus ancien atout dans les relations internationales. L'avantage géopolitique suit (armes, ports, bases militaires à éviter mais demain on ne sait jamais).

Le projet BRI offre plusieurs avantages

  1. A) il crée un tissu d'accords bilatéraux stratégiques, c'est-à-dire multidimensionnels ;
  2. B) conçu sur la base d'une priorité commerciale et économique, il met pacifiquement les relations au diapason les unes des autres ;
  3. C) il est redondante, c'est-à-dire qu'il offre des alternatives aux alternatives, ce qui le rend "résilient" ;
  4. D) puisque chaque partenaire bilatéral n'est pas essentiel, il faut avoir des alternatives partielles, des négociations futures sur des nœuds qui se présenteront d'eux-mêmes ou parce qu'ils seront poussés par des adversaires (US) vous voit dans une position de force relative, vous avez les alternatives, le partenaire ne les a pas ;
  5. E) il met les partenaires en concurrence potentielle les uns avec les autres, en diminuant leurs attentes ;
  6. F) enfin, il envoie un message aux Européens de ce genre: ‘’si vous aviez été libres de développer votre propre stratégie géopolitique, nous aurions traité avec vous ainsi qu'avec les pays du Moyen-Orient puisque cette zone aurait eu votre influence, mais comme vous êtes esclaves des Américains, nous comblons le vide créé par votre inaction et votre insipidité. Pensez-y...

Quant au grand match Chine contre États-Unis…

J'ai écrit il y a des années, dans le livre que j'avais alors publié, qu'en fin de compte, la question est très simple: les Chinois ont de l'argent, les Américains ont des armes. Un peu le contraire de la guerre froide gagnée parce que l'argent bat les armes, toujours. Mais jouer avec les Soviétiques n'est pas la même chose que jouer avec les Chinois. Donc à moyen-long terme il n'y a pas de jeu, les Chinois auront toujours plus d'argent (technologies, produits, infrastructures, savoir-faire, marchés de débouchés, etc.) et, dans les pays disputés, les armes ne se mangent pas, elles ne font pas aimer les dirigeants locaux, elles ne donnent pas de stabilité, de puissance et de développement.

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De plus, le pragmatisme chinois, étant forcément pragmatique et réaliste et non basé sur des valeurs "idéalistes", met tout le monde d'accord, chiites et sunnites, Indiens et Pakistanais, Turcs et peut-être même Kurdes. Il y a aussi des Kurdes dans le nord de l'Iran, dont le territoire doit être traversé pour se rendre chez les Turcs.

Comme ils le savent bien au Moyen-Orient où la tradition mercantile est profondément ancrée dans l'histoire (tout comme en Chine), le meilleur accord est celui où tout le monde gagne ou presque. Les Américains ne peuvent alors que contenir, créer des frictions (plus ou moins artificielles ou fabriquées), ralentir, ce qu'ils feront certainement. (La première personne à citer "Le piège de Thucydide" sera bannie, je plaisante...)

Philosophiquement, dans la "philosophie des relations entre les peuples de la planète Terre", la stratégie chinoise fait allusion au vieux "doux commerce" de Montesquieu. Traduire "doux" par "gentil" : "... c'est une règle presque générale que là où il y a des coutumes douces, il y a du commerce ; et que là où il y a du commerce, il y a des coutumes douces" (Esprit des Lois) avec un contraste final entre les "nations douces" et les nations "grossières et barbares".

En réalité, il semble que le concept remonte à Montaigne et a enchanté ensuite Voltaire, Smith, Hume, Kant. Une analyse de ce concept en termes d'histoire des idées peut être trouvée dans A. O. Hirschman (O. Hirschman, Le passioni e gli interessi, Feltrinelli, p. 47). Où, en outre, il y a aussi des considérations sur les moqueries de Marx et Engels.

Nous avons donc des nations qui se déclarent au moins socialistes (Chine) et qui agissent sur la base de principes critiqués par Marx mais promus par des libéraux européens dont les héritiers contemporains (États-Unis, Royaume-Uni) sont pourtant d'accord avec Marx. Eh, qu'est-ce que vous pouvez faire, l'ère du complexe est compliquée.

Ce que je peux vous dire, c'est : soyez prudent. Ce qui aujourd'hui, dans l'esprit partisan qui vous faisait applaudir les Indiens contre les cow-boys dans les films américains des années 70, vous fait applaudir David contre Goliath, demain quand David sera Goliath, il créera une contradiction. La Chine représente à elle seule près d'un cinquième de l'humanité. Pensez-y.

mardi, 30 mars 2021

L'Iran signe un accord stratégique avec la Chine pour déjouer les sanctions américaines

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L'Iran signe un accord stratégique avec la Chine pour déjouer les sanctions américaines

par Michele Giorgio

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

Tous deux dans le collimateur des Etats-Unis, Pékin et Téhéran ont signé hier l'accord de coopération de 25 ans dont on parle avec insistance depuis l'été dernier. La poignée de main entre le chef de la diplomatie de Téhéran, Mohammad Javad Zarif, et le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en visite en République islamique, a sanctionné un pacte entre les deux pays que les médias chinois qualifient de "coopération stratégique, au niveau politique et économique’’. Lors des sommets iraniens, l'ambiance a été tout simplement euphorique. Les investissements de 400 milliards de dollars que la Chine va réaliser dans la République islamique en échange d'un approvisionnement avantageux en pétrole, ne sont pas seulement un moyen d'annuler partiellement les sanctions américaines qui étranglent l'économie iranienne. Ils montrent que l'Iran est capable de se défendre et de résister au blocus asphyxiant mis en place par l'administration Trump passée et que le nouveau président Joe Biden ne lèvera que si Téhéran fait des concessions majeures, et pas seulement sur ses ambitions nucléaires.

Pékin fait comprendre une fois pour toutes qu'elle n'a plus seulement des ambitions économiques au Moyen-Orient. Elle proclame qu'elle est prête à jouer un rôle de premier plan à la table de la relance du JCPOA - l'accord international sur le nucléaire iranien dont Donald Trump est sorti en 2018 - et à celles de la diplomatie régionale, en concurrence avec Washington. "La coopération entre l'Iran et la Chine aidera à la mise en œuvre de l'accord nucléaire par les signataires européens et au respect des engagements pris dans le cadre de l'accord", a déclaré le président iranien Hassan Rohani, espérant le soutien de la Chine contre l'unilatéralisme américain. Il y a quelques jours, Pékin a proposé d'accueillir un sommet international avec les Israéliens et les Palestiniens. "Pour que la région sorte du chaos et bénéficie de la stabilité, elle doit se libérer de l'ombre de la rivalité géopolitique des grandes puissances... Elle doit construire une architecture de sécurité qui réponde aux préoccupations légitimes de toutes les parties", a ensuite déclaré un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Traduction: nous sommes présents maintenant là aussi où il n’y a plus seulement les Américains (et les Russes) qui dictent leur volonté. Et ce n'est probablement pas une coïncidence si Wang est arrivé à Téhéran pour signer l'accord une semaine après le clash de la réunion d'Anchorage entre les États-Unis et la Chine. Une sorte de réponse sèche de Pékin aux intimidations de Washington.

Les projets à mettre en œuvre sont ambitieux. Des télécommunications au secteur bancaire, en passant par les ports et les chemins de fer jusqu'au système de santé. En échange, l'Iran vendra du pétrole à la Chine à des prix avantageux et en quantités suffisantes pour répondre aux besoins croissants de Pékin. Les deux pays coopéreront également sur le plan militaire en organisant des exercices conjoints. Le New York Times, qui a une vision américaine de l'accord, doute de la réalisation de nombreux projets tant que la question du programme nucléaire iranien n'est pas résolue: "Si l'accord nucléaire s'effondre complètement, écrivait-il hier, les entreprises chinoises pourraient également devoir faire face à des sanctions secondaires de la part de Washington".

En vérité, les critiques ne manquent pas, même en terres iraniennes où certains avertissent que trop d'espace et d'influence ont été accordés à la Chine. Mais Téhéran, en grande difficulté à cause de la pandémie et des sanctions économiques américaines, n'avait pas d'alternative à l'énorme investissement promis par la Chine. "Pendant trop longtemps, nous avons mis tous nos œufs dans le panier de l'Occident et cela n'a pas donné de résultats", a déclaré Ali Shariati, un analyste iranien, "maintenant si nous changeons notre politique et regardons vers l'Est, ce ne sera pas plus mal".

mardi, 09 mars 2021

La Sibérie, ventre mou de la Russie?

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La Sibérie, ventre mou de la Russie?

Par Tommaso Minotti

http://osservatorioglobalizzazione.it/

77% du territoire russe est formé par une Sibérie sans réelles frontières. Dans cette région inhospitalière, où l'on ne compte que trois habitants au kilomètre carré, se concentrent 70 % des ressources pétrolières et gazières de la Fédération de Russie. Cela fait de la Sibérie une région stratégiquement importante pour Moscou. Le problème est que de plus en plus de Sibériens se sentent exclus des accords commerciaux lucratifs que la Russie et la Chine scellent dans la région. Ce sentiment provoque du ressentiment, surtout envers Moscou, qui est considérée comme une force étrangère, capable seulement d'exploiter la région sans rien donner en retour. Et c'est dans ce contexte potentiellement dangereux pour l'intégrité territoriale et le bien-être économique de la Russie que se développent les pulsions régionalistes, déjà présentes dans l'histoire mais restées longtemps en sommeil.

Contexte historique : quand la Sibérie ne se considérait pas comme russe

Déjà à l'époque tsariste, il y a eu des dérives séparatistes et régionalistes de la part d'éléments de la haute société sibérienne. Le premier d'entre ces contestataires fut Nikolaï Novikov, qui a émis une théorie sur une Sibérie indépendante dès 1838. En 1863, il y a eu une tentative de rendre cette immense région autonome, mais elle a été réprimée. Les principaux théoriciens de cette expérience, certes irréaliste, ont été avant tout Afanasy Shchapov, mais aussi Potanine et Yandritsov. Le premier, surtout, était le principal théoricien de l'oblstnichestvo, c'est-à-dire du régionalisme aux impulsions indépendantistes.

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Un partisan de la Sibérie indépendante fut également l'un des penseurs et fondateurs de l'anarchisme : Bakounine. Pendant la guerre civile russe qui a suivi la révolution d'octobre, les régionalistes sibériens se sont rangés du côté des Blancs, plus précisément de l’Amiral Koltchak. Mais ils ont d'abord créé un gouvernement autonome de Sibérie de courte durée, basé à Tomsk. Le gouvernement a été de courte durée car il a été décidé de soutenir les ennemis des bolcheviks sans essayer d'obtenir l'indépendance de la Sibérie.

À l'époque soviétique, les autorités centrales ont décidé de diviser les provinces de ce territoire sans fin afin d'avoir un contrôle plus efficace sur l’ensemble des terres sibériennes. Les poussées autonomistes semblaient perdre du pouvoir. Cependant, avec l'effondrement de l'URSS et l'arrivée de Poutine au pouvoir, il y a eu un changement de politique dans l'administration du territoire sibérien. Il a été décidé de fusionner les oblasts, ce qui s'avère contre-productif car les velléités régionalistes refont alors surface.

Un danger pour la Russie ?

Les Sibériens développent un certain ressentiment envers Pékin et Moscou, même s'ils ont été culturellement influencés à la fois par la Chine et, bien sûr et dans une bien plus large mesure, par la Russie. En ce sens, nous assistons à une véritable floraison des activités régionalistes dans les domaines les plus variés.

Manifestations, séminaires, propositions de référendum sur une plus grande autonomie de la Sibérie et diverses autres initiatives en ligne. Le web est un véhicule efficace pour les mouvements régionalistes, dont le plus important est celui qui s’est donné pour nom les "Vrais Sibériens". Mais la montée du régionalisme ne se limite pas au web.

Un séminaire sur l'indépendance de la Sibérie a été présenté à l'université d'Irkoutsk. Il aurait été parrainé par un département américano-sibérien, mais aucune information plus détaillée n'est disponible à ce jour. L'exposition d'art "Les États-Unis de Sibérie" a fait beaucoup de bruit, mais seulement en Russie. A côté de ces initiatives culturelles, il y a des mouvements politiques. En plus des initiatives nées sur Internet, il existe également des organisations plus profondément ancrées dans le territoire, dont la plus importante est le ‘’Mouvement sibérien’’. Enfin, il convient de noter un fait intéressant, même s'il n'en est qu'à ses débuts. De plus en plus de gens dans cette partie de la Russie se disent "Sibériens" et de moins en moins "Russes". Des signes petits mais révélateurs de quelque chose qui bouge.

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Drapeau de la région de Novosibirsk.

Protestations en Sibérie

Mais il n'y a pas que les initiatives culturelles et les mouvements politiques dont l'influence réelle est difficile à établir. Des manifestations ont également eu lieu, presque toutes avec un épicentre à Novossibirsk. En 2011 et 2012, la ville a été touchée par des manifestations dont le moteur était également régionaliste. La colère contre Moscou et la politique du Kremlin, perçue comme éloignée des intérêts des Sibériens, était particulièrement vive. En 2014, une marche pour la fédéralisation de la Sibérie a été interdite par les autorités gouvernementales. Un autre symptôme qui indique que quelque chose bouillonne dans la marmite. Enfin, en juillet 2020, à Khabarovsk, entre cinquante mille et quatre-vingt mille personnes sont descendues dans la rue pour protester contre l'arrestation du gouverneur Furgal. Il était très aimé par son propre peuple, mais n'était pas apprécié par les dirigeants du Kremlin, qui le considéraient comme déloyal. La foule, bien que n'ayant pas déclaré d'intentions régionalistes, était cependant hostile à Moscou et à l'État central. Enfin, autre signe de l'attention croissante du gouvernement central, deux blogueurs régionalistes nommés Loskutov et Margoline ont été mis sous étroite surveillance par les autorités judiciaires.

Une question politique

Mais quelles sont les caractéristiques du régionalisme sibérien, particulièrement fébrile à Omsk. Cette ville est devenue le nouveau centre autonomiste de la région. Revenons sur les particularités des poussées qui commencent à se produire en Sibérie. Tout d'abord, il faut dire que le soutien aux nombreuses initiatives qui ont été discutées ci-dessus est politiquement transversal. Le régionalisme n'est pas hégémonisé par un seul parti mais est soutenu par diverses composantes hétérogènes, pour l'instant nettement minoritaires, émanant de presque toutes les organisations politiques présentes sur le territoire. Une autre caractéristique est l'opposition à la politique financière de Moscou dans la région. Comme la région est la principale source de richesse de la Russie, la Sibérie souhaite une baisse des impôts. En bref, on croit, en Sibérie, que les relations ne sont pas équilibrées mais, au contraire, nettement déséquilibrées en faveur de la Russie occidentale. Enfin, le régionalisme bénéficie également d'un certain soutien dans les institutions. On l'a vu dans l'affaire Furgal, où la colère contre la destitution d'un homme politique populaire s'est combinée à une intolérance mal dissimulée envers Moscou, avec des connotations clairement régionalistes.

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Pour l'instant, le Kremlin a réagi en essayant de centraliser le plus possible. Bien que les impulsions régionalistes n'aient pas été jusqu'à présent particulièrement puissantes ou importantes, il est toujours nécessaire de garder un œil sur la situation en Sibérie. Région cruciale pour la Russie, qui tire l'essentiel de ses richesses de cette terre sans limites et peu peuplée, la Sibérie risque de devenir la prochaine cible américano-occidentale pour lancer l'assaut contre la Russie qui a d'abord vu l'effondrement de l'Ukraine puis du Belarus dans son environnement proche. La nouvelle administration américaine veut continuer sur la voie belliciste déjà empruntée par Obama, dont elle a recyclé de nombreux ex-collaborateurs : elle entend, sans fléchir, exercer une pression maximale sur la Russie.

Sans oublier le fait que la Chine bénéficierait elle aussi de la faiblesse de la Russie dans la région. Surtout parce que le Céleste Empire a déjà l’avantage d’une proximité géographique qui facilite l'exercice de son influence. Mais pour l'instant, ce ne sont que des hypothèses. Il n'en reste pas moins que le régionalisme sibérien fait son retour.

À propos de l'auteur / Tommaso Minotti

Né en Brianza en 2000. Étudiant en histoire à l'université de Milan, il est passionné par la politique nationale et internationale. Il s'intéresse principalement aux relations entre les nations. Il s'intéresse particulièrement aux questions sociales et économiques qui lient les différents États et garde toujours un œil sur l'histoire. Il collabore également avec L'Antidiplomatico où il gère l'espace "Un altro punto di vista" (‘’Un autre point de vue’’).

lundi, 08 mars 2021

La quête de pouvoir de la Chine et le débat sur la puissance nationale. Vers la prééminence mondiale?

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Source: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/mars/du-monde-harmonieux-au-r-ve-chinois-la-chine-et-sa-strat-gie-de-s-curit

Du "monde harmonieux' au "rêve chinois"

La Chine et sa stratégie de sécurité

La quête de pouvoir de la Chine et le débat sur la puissance nationale. Vers la prééminence mondiale?

Deuxième partie

par Irnerio Seminatore

Texte reparti en deux sous-titres:

I. LA CHINE ET SA STRATÉGIE DE SÉCURITÉ. UN NOUVEL ÉQUILIBRE ENTRE DÉFENSE MODERNISÉE. GUERRE ASYMÉTRIQUE ET STRATÉGIE MILITAIRE

(première partie; cf. : http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/02/28/du-monde-harmonieux-au-reve-chinois-la-chine-et-sa-strategie-de-securite.html

II. LA QUÊTE DE POUVOIR DE LA CHINE ET LE DÉBAT SUR LA PUISSANCE NATIONALE. VERS LA PRÉÉMINENCE MONDIALE?

(deuxième partie)

***

TABLE DES MATIÈRES

I. LA CHINE ET SA STRATÉGIE DE SÉCURITÉ. UN NOUVEL ÉQUILIBRE ENTRE DÉFENSE MODERNISÉE, GUERRE ASYMÉTRIQUE ET STRATÉGIE MILITAIRE (première partie)

Chine et États-Unis. Préservation du "statu quo" ou inversion de prééminence

De la "défense passive en profondeur"(Mao) à la "défense active" dans les "guerres locales et limitées" (Deng Tsiao Ping et Xi Jinping)

La puissance nationale comme stratégie

"Vaincre le supérieur par l'inférieur"

Sur la "guerre d'information asymétrique d'acupuncture" et la guerre préventive

Conditions pour l'emporter dans un conflit limité

L'asymétrie, son concept et sa définition

L'asymétrie, le nouveau visage de la guerre et la "double spirale des défis"

II. LA QUÊTE DE POUVOIR DE LA CHINE ET LE DÉBAT SUR LA PUISSANCE NATIONALE. VERS LA PRÉÉMINENCE MONDIALE ? (deuxième partie)

Normalisation et "diplomatie asymétrique"

De la stratégie triangulaire (Chine, Union Soviétique, États-Unis) au condominium planétaire (duopole de puissance)

Paix et Guerre dans une conjoncture de mutations

Une entente pacifique renforcée avec les États-Unis de la part de la Chine? Ou un "rééquilibrage stratégique à distance" de la part des États-Unis?

De Deng Xiaoping à Xi Jinping, vers l'inversion de prééminence?

Le "Rapport Crowe" et l'analogie historique

Deux questionnements et deux interprétations des tensions actuelles et de leurs issues
L'activisme chinois et les "intérêts vitaux" de la Chine

Le "Rapport 2010" et la mission historique des forces armées chinoises

L'ordre apparent et la ruse. Sur les répercussions stratégiques et militaires de la nouvelle "Route de la Soie"

***

II. LA QUÊTE DE POUVOIR DE LA CHINE ET LE DÉBAT SUR LA PUISSANCE NATIONALE. VERS LA PRÉÉMINENCE MONDIALE? (deuxième partie)

Normalisation et "diplomatie asymétrique"

Depuis la normalisation des relations avec les États-Unis, lors de la visite de Nixon et de Kissinger à Mao Zedong en 1972, nous assistons à une surprenante montée en puissance, civile et militaire, de la Chine, destinée à jouer un rôle de plus en plus grand en Extrême Orient, dans le Pacifique, dans l’Asie du Sud-Est et en Asie centrale, mais aussi à affirmer sa marche vers la prééminence planétaire, par une diplomatie active dont la place centrale est représentée par ses rapports avec les USA.

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Les rapports avec les USA ont été qualifiés par des officiels de Pékin, sous la Présidence Hu Jintao (2003-2013), comme "un partenariat stratégique et constructif tourné vers le XXIème siècle".

Ces déclarations ont constitué le fondement d’une "diplomatie asymétrique", dont la doctrine stratégique reposa sur la politique des "quatre non" : "Non à l’hégémonisme, non à la politique de force, non à une politique de blocs, non à la course aux armements".
En termes opératoires, cela signifia la préférence accordée aux relations bilatérales dans le règlement des contentieux frontaliers, l’utilisation active des relations multilatérales au sein des organisations régionales et, enfin, l’emploi des bénéfices de la croissance pour faire face aux différends politiques croissants avec un esprit de négociation et de compromis

De la stratégie triangulaire (Chine, Union Soviétique, États-Unis) au condominium planétaire (duopole de puissance)

La stratégie triangulaire de la Chine résulta d'une articulation d'objectifs corrélés:

- isoler les USA, en attisant les contradictions entre leur rôle mondial et celui de garant politico-militaire de la sécurité du Japon

- fomenter les craintes encore très vives des pays asiatiques, contre une éventuelle remilitarisation et nucléarisation de l'Empire du Soleil Levant, en mettant en crise le système de sécurité nippo-américain, qui visait à contenir la Chine,

- enfin, faire prendre conscience aux États-Unis que, pour assurer leur influence en Eurasie et pour maintenir leur stratégie de présence en Asie centrale et en Asie-Pacifique, ils devaient réorienter radicalement leurs alliances et opter pour un véritable partenariat géopolitique, de portée mondiale, avec la Chine, puissance de la terre, qui est à considérer, théoriquement, comme l’allié naturel des États-Unis, puissance de la mer.

Ainsi, les relations sino-américaines passeraient de la posture d’un affrontement éventuel, à la posture d’un condominium planétaire, autrement dit à celui d’un duopole de puissance inédit et dés-occidentalisé, asiatisé et sinisé.

Deux problèmes interdépendants se posaient alors aux États-Unis et en Asie Extrême Orientale:
- la définition des "limites" à assigner à la Chine dans son aspiration à devenir une puissance régionale dominante et le seuil de dangerosité acceptable pour accéder au rang de puissance globale.

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Quelle aire d’influence lui serait-elle reconnue? Quel espace de manœuvre avec Taïwan, la Malaisie, la Birmanie, pour le contrôle du détroit de Malacca et du goulet de Singapour, et quel déploiement des capacités militaires permettraient à la Chine d’exercer une maîtrise maritime des voies d’accès du Japon au pétrole du Golfe et du Moyen Orient et aux marchés de l’Europe Occidentale et Orientale ?

En conclusion, beaucoup d’inconnues et d’incertitudes planaient à l'époque sur la stabilité régionale en Extrême Orient ainsi que sur les poussées nationalistes qui tiennent encore en éveil l’Asie, aux immenses disparités, économiques, politiques et culturelles, marquées également par un retour prononcé aux jeux d’influences et à la "Balance of Power".

Paix et Guerre dans une conjoncture de mutations

La politique étrangère chinoise construit l’avenir sur une mutation de taille, dictée par sa transformation de puissance mondiale classique en puissance globale, un type de puissance qui est en même temps pluri-dimensionnelle et « hors limite » ; une puissance terrestre, maritime, spatiale et en réseau.

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Li Zao Xing.

La Chine, d’après le Ministre des Affaires Étrangères, Li Zao Xing se prépare-t-elle à atteindre des "ambitions démesurées grâce à une politique extérieure mesurée"?
Le but de la politique chinoise de construire sur le long terme et au courant du XXIème siècle, "une société d’aisance moyenne", ne peut être atteint que dans un contexte international favorable et celui-ci serait caractérisé par une "paix mondiale prolongée" et "une ère nouvelle, combinant alliances et affrontements: une ère de non guerre (n.d.r.-mondiale ou systémique)".

C’est dans ce contexte de quête de la suprématie globale, que doivent être lus les efforts inhabituels de la "diplomatie de l’apaisement", pour mettre un terme aux multiples tensions territoriales avec les pays frontaliers, le long des lignes de frontières terrestres parmi les plus longues du monde (protocole d’accord entre la Chine et l’Inde du 11 avril 2005, accord de Vladivostok du 2 juin 2005 entre Russie et Chine).

Il s’agit-là d’ententes pacifiques à haute importance stratégique entre les deux puissances majeures de l’Eurasie, la Russie et la Chine, dont la signification a été de
jouer à la pression démographique au Nord, dans les zones inhabitées de la Sibérie Centrale et Orientale et de créer des liaisons d’assurance et de confiance au Sud, dans le but de créer des liens de vassalité et de déférence avec les pays de l’ASEAN.

Une entente pacifique renforcée avec les États-Unis de la part de la Chine? Ou un "rééquilibrage stratégique à distance" de la part des États-Unis?

Ici, l'entente pacifique renforcée, par une stratégie de sécurisation des voies maritimes dans les mers de Chine du Sud, acquiert une dimension plus offensive vers l'Océan Pacifique, par le développement de capacité d'interdictions navales et spatiales, mais cette dimension est encore de théâtre.

En effet la Mer de Chine Méridionale devient un des théâtres géopolitiques parmi les plus critiques de la planète, car se superposent ici les projections d'influence de la Chine, à caractère expansif et le rôle régional des États-Unis, à caractère défensif. Les premières remettent en cause la stabilité régionale, le deuxième préfigure un "soft containment" global d'un type nouveau. Les perspectives changent encore en se plaçant au niveau planétaire ou systémique. A partir de discours d'Obama à Tokyo en novembre 2009, la politique de l'Administration américaine visera à définir les États-Unis comme "une Nation du Pacifique" , ce qui explique le nouveau "grand jeu" qui se dessina à partir de là, entre les États-Unis et la Chine, en mer de Chine méridionale. En effet, le désengagement des USA de l'Irak et du Pakistan permit un réengagement américain en Asie-Pacifique, dans le but d'en faire une priorité géopolitique pour le XXIe siècle.

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Cet réengagement des États-Unis se définira comme projet de partenariat, liant valeurs et intérêts américains, par la création d'une grande aire de libre-échange dans la zone Pacifique et comme renforcement du dispositif et des alliances militaires (ANZUS) défiant les ambitions régionales de la Chine, à propos des îles Paracels. Le cadre de ces disputes territoriales se situait entre Beijing et quatre pays de l'ASEAN (Vietnam, Philippines, Malaisie, Brunei, et Taïwan). Or, dans la perspective d'un monde multipolaire et de plusieurs types de menaces, les États-Unis resteraient en retrait et laisseraient leurs alliés se prendre en charge par eux-mêmes, n'intervenant, par hypothèse, qu'en dernier recours. Il s'agirait dans ce cas d'un "rééquilibrage stratégique à distance". Pourquoi cette ruse et à partir de quelle conception? Christopher Laye a développé en 1997 l’idée selon laquelle, en cas d'hégémonie incomplète, le contrôle régional sur la montée en puissance d'un acteur à vocation hégémonique, visant à maximiser la puissance ou la sécurité, peut être délégué à un État-tiers allié ou à plusieurs États régionaux de première ligne. Dans le cas de la Chine au Japon, à la Corée et à l'Australie. Dans l'hypothèse d'un échec, la puissance hégémonique aurait l'obligation d'intervenir, pour rétablir le "statu-quo" ou la stabilité, directement ou avec son système d'alliances, car la stabilité du système dépendrait de la puissance dominante.

De Deng Xiaoping à Xi Jinping, vers l'inversion de prééminence?

Avec le passage de l'ère Deng Xiaoping à celle de Xi JInping,la Chine est elle passée d'une politique de "modernisation et d'ouverture", axée sur intégration dans l'ordre mondial à une trajectoire de grande puissance, orientée vers une stratégie, une ambition et un grand défi à l'ordre hégémonique, à la quête de sa prééminence? En situation de pente vers un terrain d'affrontement, la Chine est elle prête à en payer le prix, que la sophistication des nouveaux systèmes d'armes rend plausible, celui d'une "guerre nucléaire limitée" ? L'hégémonie américaine est-elle totalement dépassée et la guerre inter-étatique est elle encore une menace pour la paix mondiale? Et surtout a-t-elle encore une fin et laquelle? Au moment où les États-Unis semblent entamer un déclin relatif et la démocratie américaine présente des fissurations illibérales, la reconfiguration du système international, en Europe et en Asie, est susceptible de devenir une source de dangers. Le processus de diffusion de puissance permet l'ascension de nouveaux États forts qui modifient la "Balance of Power" mondiale, créant de nouvelles sources d'instabilités. Le vieux système de la bipolarité, devenu unipolaire, puis tendenciellement multipolaire et, sur fond de démondialisation, tri-penta-polaire, acquerra en perspective et à nouveau un visage bipolaire, à une échelle planétaire amplifiée. La propension à l'instabilité et à la guerre inter-étatique d'une telle configuration est au moins équivalente à sa tendance à la stabilité. l'inconnue objective étant dans la fragmentation politique, interne et internationale et dans les facteurs de violence transnationaux en tout ordre, ethniques, religieux et civilisationnels. Ceux-ci compliqueront les calculs des puissances majeures du système, accroissant le désordre.

Ainsi, face aux résurgences des diplomaties réalistes à raisonner en termes de rapports de forces, de course aux armements et de budgets comme dans les deux grands siècles (XVIIème et XIXème) de l'équilibre de puissances et de la politique de cabinet (ou chambre des boutons nucléaires), la transition géopolitique et stratégique de nos jours, sera difficile à gérer; en particulier entre les États-Unis et la Chine, et entre la Chine et la Russie, et la Chine, le Japon et les deux Corées, sans parler du Pakistan et de l'inde et, au Grand Moyen Orient, entre la Turquie, la Syrie, Israël, l'Iran et les pays du Golfe. La multipolarité d'aujourd'hui, différente en nombre et en dangerosité par rapport à sa forme antérieure, engendrera des instabilités browniennes, qui affecteront à nouveau l'Europe, si les États-Unis s'en retireront et les vieilles méfiances et les vieux antagonismes renaîtront entre les pays du vieux continent. Ça sera à ce point qu'un grand moment d'opportunité venant d'Asie, dominera le péril stratégique à Taïwan et la Chine millénaire pourra alors inverser la prééminence hégémonique, s'affirmant par la force et la glorification de la force.

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Les manœuvres navales conjointes de l'Iran, de la Russie et de la Chine dans l'Océan indien et le Golfe Persique, du 16 février 2021, alors que l'Otan organisait un sommet sur la "rivalité stratégique" à l'encontre de la Russie et de la Chine, ravivent la rivalité avec l' Amérique et provoquent des tensions qui rappellent la mise en place d'une sorte de "guerre froide" à caractère bipolaire, sur fond de lutte d'influences multipolaires. Cette stratégie n'est pas sans rappeler la pertinence des intérêts vitaux de chaque puissance, bref le rappel d'une menace régionale, fondée sur des structures capacitaires asymétriques et en ascension, remettant en cause la présence américaine et sa légitimité.

Il s'ajoute que Xi Jinping lui même a soufflé sur le feu par une rhétorique guerrière à Shautou, port militaire de la Chine méridionale, invitant les soldat de l'ALP à se tenir "prêts à mener une guerre" contre la "province renégate de Taïwan", le 13 octobre 2020.

Le "Rapport Crowe" et l'analogie historique

Dans ce contexte, les théories de la "montée pacifique" et d'un "monde harmonieux" dépendent du niveau d'assurance qui peut être obtenu par la diplomatie et du degré de confiance, induit par la stabilité régionale et locale. Elles peuvent être compromises par le développement de la technologie et des systèmes d'armes, conçus en vue d'acquérir une avancée stratégique significative, qui amène en retour à une course aux armements et à des risques de conflits. C'est au sujet d'une analyse comparée des équilibres internationaux du concert européen du XIXème et des perturbations dans le calcul des rapports de force, successifs à l'unification de l'Empire allemand en 1871, que le débat sur le destin national de la Chine (2007-2010), a suscité une quête sur les sources de la confiance d'un pays millénaire, la tradition, l'idéologie et l'esprit national. L'analyse historique semble avoir démontré que les causes du conflit de la première guerre mondiale en Europe furent moins les structure des rapports de forces issus de l'unification allemande, que les enjeux et les ambitions des élites de l'Empire et, parmi d'autres importants facteurs, le plus influents de tous, le nationalisme et les irrédentismes diffus. La rivalité anglo-allemande, qui se greffait sur cette tension permanente, domina la politique européenne de la fin du XIXème, lorsque le monde se résumait à l'Europe et fut caractérisée par les difficultés d"une diplomatie rigide et sans flexibilité, limitant le champ d'action d'action des principaux pays du concert européen. En effet, compte tenu de l'unification de l'Allemagne montante, qui se sentait entourée d'hostilité et de limites à son influence, poussa le Foreign Office britannique à s'interroger sur la menace objective de l'Empire allemand, pour sa survie et pour la compatibilité de la montée en puissance, surtout navale, d'un pays continental, avec l'existence même de l'Empire britannique.

51s5tOl4y-L._SX355_BO1,204,203,200_.jpgAujourd'hui comme hier la compétition est devenue stratégique et la limitation des espaces de manœuvre consentis, a provoqué la lente création de deux blocs d'alliances rivales, auxquelles le nationalisme ou le souverainisme renaissants fournissent l'aliment idéologique pour les futurs belligérants. En ce qui concerne l'analogie historique, toujours imprécise, entre la situation européenne du XIXème et celle eurasienne du XXIème, la question de fond,qui préoccupait la Grande Bretagne de l'époque et les États-Unis d'aujourd'hui, était de savoir si la crise d'hégémonie et le problème de l'alternance qui iraient se manifester, étaient dus à la structure générale de la configuration du système ou à une politique spécifique de l'un ou de l'autre des deux "compétitors" et si, in fine, l'existence même de l'empire américain serait menacée et avec elle, celle de l'Occident et de la civilisation occidentale, jusqu'à sa variante russo-orthodoxe. Le Mémorandum Crowe, dans le cas de l'Allemagne montante et dans le cadre d'une analyse de la structure de la puissance, concluait pour l'incompatibilité entre les deux pouvoirs, britannique et allemand, et excluait la confiance et la coopération de la part de la Grande Bretagne. Ainsi l'importance des enjeux, interdisait à celle-ci d'assumer des risques et l'obligeait à prévoir le pire.

Deux questionnements et deux interprétations des tensions actuelles et de leurs issues

Dans la situation actuelle, deux questionnements et deux interprétations sont possibles, du coté chinois et du côté américain Du pont de vue historique la Chine et les États-Unis représentent deux États-civilisations qui prétendent à deux types d'universalité et à deux identités hétérogènes. Celles-ci se réalisent dans le Pacifique et dans le monde de manière incompatible et antithétique, excluant la confiance entre deux cultures opposées, une ouverte et directe et l'autre allusive, symbolique et cryptée. Les institutions politiques sont nées, pour l'Amérique du refus du Léviathan et de la logique des contre-pouvoirs et, pour la Chine millénaire, de la divinisation de l’empereur et du principe absolu de hiérarchie, mentale et sociale, justifiant et pratiquant l'obscurité et le secret des propos. Une coopération authentique ne peut naître que la confiance, qu'interdisent l'idéologie politique et les défis intérieurs, de nature démographique, générationnelle et sociale en Chine, et de nature, raciale, sociale et politique en Amérique. Ici la différence capitale est dans la conception de l'ordre social, à obtenir par la concurrence, la mobilité et le progrès économique et scientifique, en Chine dans l'idéologie millénaire de la tradition et dans celle, marxisante, du parti-État, qui exclut contestations et oppositions. Toujours en termes de défis intérieurs, le consensus de masse repose en Amérique dans les classes moyennes en décomposition et en Chine d'une exclusion des droits individuels, subordonnés à la constitution de l’État. La contrainte physique et la privation de la liberté ne peuvent revêtir la même importance en Chine ou en Amérique, car l'origine des droits est en Chine dans l’État et, en Occident, dans l"individus ou dans la fiction du peuple-souverain. La question des droits de l'homme et celle de la stratégie d'endiguement de la Chine, par la réunion d'une ceinture d’États de démocratie formelle, fait partie d'un projet américain d'une reconfiguration de l'Asie et, plus largement de l'Eurasie. En réalité, la présence américaine en Asie est jugée cruciale pour le maintien de la stabilité régionale, car aucun pays en Asie ne veut vivre dans une région dominée par la Chine. La modernisation militaire de l'APL, dont le but stratégique est l'objet d'interrogations multiples, fait de la région Asie-Pacifique, plus encore de l'Asie Centrale, une zone où les risques de confrontation ne sont pas à exclure. Dans ce contexte, les Etats-Unis ont réaffirmé l'engagement de leurs pays aux côtés de certains pays de l'ASEAN et surtout de l'ANZUS (USA, Australie, Nouvelle Zélande conclu en 1951), inquiets de l'influence grandissante de la Chine dans la région Asie-Pacifique, en apportant une réponse au "dilemme chinois" de l'Australie, dont le défi consiste à concilier un ancrage économique de plus en plus oriental avec une diplomatie et une posture militaire clairement occidentale.

L'activisme chinois et les "intérêts vitaux" de la Chine

Cette zone est désormais inclue, d'après le "New York Times", dans le périmètre des "intérêts vitaux" de la Chine au même titre du Tibet et du Taïwan, bien qu'aucune déclaration officielle n'ait étalé cette position.

Or le Linkage entre la mer de Chine Méridionale et la façade maritime du Pacifique est inscrite dans l'extension des intérêts de sécurité chinois.

A travers les mers du sud et les détroits transite 50% des flux mondiaux d'échange, ce qui fait de cette aire maritime un théâtre de convoitises et de conflits potentiels, en raison des enjeux géopolitiques d'acteurs comme la Corée du Sud et le Japon qui constituent des géants manufacturiers et des pays dépendants des exportations.

Une des clés de lecture de cette interdépendance entre zones géopolitiques à fort impact stratégique, est le développement des capacités navales, sous-maritimes et de surface, de la flotte chinoise.

Le "Rapport 2010" et la mission historique des forces armées chinoises

index2010r.jpgL'évaluation des besoins de sécurité et de défense de la Chine est contenue dans le "Rapport 2010" concernant les forces armées du pays.

Dans ce document, intitulé la "Mission historique des forces armées chinoises", énoncé par le Président Hu-Jintao dans sa relation au XVII Congrès du Parti Communiste en octobre 2017, le pouvoir suprême assigne à l'Armée populaire de Libération "le but de construire une nation prospère dotée d'une armée forte" et trace une perspective unifiée pour les capacité de combat et de projection de forces de l'APC. Il définit ainsi, au plan maritime, une stratégie d'interdiction à large spectre, qui n'est plus focalisée uniquement sur Taïwan et inclut désormais la Mer Jaune, dans laquelle patrouillent les flottes du Japon et de la Corée du Sud.

Bien que l'actuelle capacité d'interdiction de la flotte chinoise tienne à distance de la frontière maritime de la Chine les flottes étrangères, la mise en mer de la plus importante flotte sous-marine et amphibie d'Asie est en train de combler et de surmonter les vieilles carences d'un support satellitaire d'appui, pour l'identification des cibles mobiles.
Il s'agit là d'un point-clé opérationnel qui influence la stratégie militaire générale et les capacités de combat dans un contexte informatisé.

Au plan général, la prise de conscience de l’indépendance des rôles entre le premier atelier du monde et le premier consommateur d’énergie et de matières premières de la planète, part de l'acquisition d'un point de force, "la zone économique chinoise", premier pôle mondial de croissance après les USA et avant le Japon et l’Allemagne. Ces objectifs imposent à la Chine une exigence de sécurisation des voies maritimes qui lui dictent une stratégie, dite du "collier des perles", visant à jalonner le couloir maritime des importations pétrolières entre le Golfe et le détroit de Malacca, en modernisant le port de Gwadar et celui de Chittagong en Bangladesh. Cette stratégie a conduit également la Chine à adopter une politique d’approvisionnement et de sécurité énergétique duale, maritime et terrestre.

C'est à partir de cette exigence de sécurisation et d'autonomie stratégique qu'est né à Astana le projet OBOR (One Belt, one Road) de 2013, reprenant le parcours des vieilles  Routes de la Soie.

Puissance de la terre, la Chine, rivalisant avec la puissance de la mer, entend manœuvrer, en cas de conflit, par les lignes intérieures du continent, sans dépendre d'une société extérieure à l'Asie.

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En Eurasie, marquée par la diversités des États et des institutions, la dominance continentale est passée de la Russie à la Chine et le resserrement des alliances prendra la forme d'une activation du réseau des routes de la soie, modifiant le rapport des forces global.

En effet la guerre, selon Sun Tzu, ne se gagne pas principalement à la guerre ou sur le terrain des combats, mais dans sa préparation ou plus modernement dans sa planification. Autre naturellement est la victoire à la guerre selon son concept.

Les risques de conflit instaurent en tout cas une politique ambivalente, de rivalité-partenariat et d'antagonisme.

Il s’agit d’une politique qui a pour enjeu le contrôle de l’Eurasie et de l’espace océanique indo-pacifique, articulant les deux stratégies complémentaires du Heartland et du Rimland.

L'ordre apparent et la ruse. Sur les répercussions stratégiques et militaires de la nouvelle "Route de la Soie"

Dans la perspective d'un ordre global et à la recherche de formes d' équilibre et de stabilité à caractère planétaire, la Chine, poursuivant une quête d’indépendance stratégique et d'autosuffisance énergétique étend sa présence et sa projection de puissance vers le Sud-Est du Pacifique, l’Océan Indien, le Golfe et l'Afrique, afin de contrer les goulots d’étranglement de Malacca et échapper aux conditionnements extérieures maritimes, sous contrôle américain.

Elle procède par les lignes internes, par la mise en place d'un corridor économique et par une route énergétique Chine-Pakistan-Golfe Persique, reliant le Port de Gwaidar, au pivot stratégique de Xinjiang.

Beijing adopte la gestion géopolitique des théâtres extérieures et resserre ses liens continentaux avec la Russie.

L'influence chinoise est concrétisée par la construction d'une gigantesque "Route de la Soie", reliant le nord de la Chine à l'Europe, via le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Turkménistan.

Rien de semblable, depuis l'époque pré-impériale (VIIème siècle avant J.C.), lorsque commença la construction de la Grande Muraille, achevée par Quin (en 221 avant J.C.), après avoir conquis un à un l'ensemble des Royaumes combattants et avoir unifié ainsi la Chine.

La similitude n'est pas pour dérouter, car l'idée d'unifier l'Eurasie n'est pas lointaine de l'esprit de Xi-Jinping.

Or Obor rassemble à un véritable "Cheval de Troie" de l'âge moderne, destiné à faire basculer l'Histoire du côté de l'Orient Chinois.

Cette entreprise colossale pourrait avoir pour principe un précepte de Maître Sun Tzu. Dans la guerre,"trompe l'ennemi sur tes intentions!" "Une guerre victorieuse repose sur le mensonge". L'art de vaincre précède le conflit armé et l'accompagne. C'est l'art de tromper, dissimuler et manipuler.

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Avec Obor, la Chine entend manœuvrer, à l'intérieur des terres, rivalisant dans tous les domaines, y compris les plus sophistiqués (les numériques), avec la puissance thalassocratique dominante dans l'Océan Pacifique et Indo-pacifique.

Or ce projet de modernisation et de mondialisation, présente l’entreprise de la Chine comme pacifique, une "Initiative" et pas comme une "grande stratégie", pour éloigner toute allusion à la guerre.

Ainsi l’influence de la stratégie chinoise dans les grandes affaires du monde, demeure une "question d’intérêt vital", non seulement pour la Chine et pour la paix, mais également pour la survie de Chung Kuô et la stabilité régionale et mondiale au XXIème siècle.

Bruxelles le 7 mars 2021

dimanche, 28 février 2021

Urga. Le pays de Ungern

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Urga. Le pays de Ungern

Par Stanislav Khatuntsev

Ex : https://centroevolianogranada.blogspot.com

Traduction vers l’espagnol de Juan Gabriel Caro Rivera

Le baron blanc qui a accordé l'indépendance à la Mongolie

Dans la steppe montagneuse de Mongolie, le vent souffle de façon incontrôlable d'un côté à l'autre, ne laissant que de l'herbe à la surface du sol. Le sifflement et le hurlement des éléments provoquent une horreur à la fois archaïque et mystique. Et au milieu des hurlements du vent, on entend le hennissement d'un cheval qui brise la monotonie de ce paysage abrupt et sauvage. Au-delà de l'horizon, au sommet d'une haute colline rocheuse, sur laquelle les nuages passent fantastiquement et rapidement, apparaît la figure d'un cavalier portant une robe mongole dorée. Le cheval, comme s'il s'agissait d'une énorme tour sombre, se cabre et se cabre, coupant l'atmosphère avec ses yeux fous. Son cavalier l'apprivoise avec une main de fer. Il s'agit du baron Ungern.

Il y a exactement 100 ans, une série d'événements importants se sont produits qui sont associés à son nom.

Le lieutenant général Roman Fedorovitch von Ungern-Sternberg est sans aucun doute une figure légendaire. Il était l'un des dirigeants du mouvement Transbaïkalien Blanc, étant le second à commander ce système qui avait été créé par l'ataman Semyonov, à qui l'amiral Koltchak, en tant que souverain suprême de la Russie, avait transféré tous les pouvoirs militaires et civils des territoires qui se trouvaient dans "l'Extrême-Orient russe".

Roman Fedorovitch était un ami de Semyonov pendant la Première Guerre mondiale et les deux hommes se connaissaient depuis longtemps. Tous deux se sont battus ensemble. Au cours de l'été 1917, Semyonov, qui avait les pouvoirs du gouvernement provisoire, retourna dans sa patrie en Transbaïkalie. Il a appelé Ungern à venir dans sa patrie et à y rester avec lui. C'est là qu'ils ont commencé à lutter ensemble contre les bolcheviks. Lorsque Semyonov prit Chita en août 1918, le baron de la division de cavalerie asiatique établit plus tard sa base d'opérations à Dauria, où il contrôlera le trafic de l'East China Railway.

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C'est là que ce général blanc a commencé à concocter des plans de proportions véritablement planétaires: il souhaitait ressusciter dans tout l'Ancien Monde les monarchies qui étaient tombées, en restaurant les dynasties renversées de Chine (les Qing) et de Russie (les Romanov). Le territoire de Khalkha, également connu sous le nom de ‘’Mongolie extérieure’’, sera la première étape de la réalisation de ses plans. En août 1920, Ungern, avec son armée de "smachus" (cosaques), arrive en Mongolie fin octobre et prend d'assaut sa capitale Urga.

À partir de l'automne 1919, la Khalkha est occupée par les "gamins", soldats de l'Armée républicaine de la Chine révolutionnaire, qui volent et oppriment les Mongols, perpétrant toutes sortes d'injustices et de violences contre la population, afin de venger le fait que, quelques années auparavant, les Mongols avaient osé se libérer de la domination chinoise. Urga était la base et le quartier général de ces envahisseurs, qui disposaient d'une force militaire assez importante et bien équipée selon les normes locales. Les troupes d’Ungern étaient 10 à 12 fois moins nombreuses que les troupes chinoises, tandis que les fils de l'Empire Céleste étaient largement inférieurs en nombre de canons. Il n'est donc pas surprenant que les deux assauts désespérés que le baron a lancés contre Urga aient échoué.

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Finalement, Ungern a retiré ses troupes de l'autre côté du fleuve Kerulen, qui était le centre de la résistance contre les envahisseurs chinois et où l'empire de Gengis Khan a émergé. De nombreux Mongols, mécontents de la domination chinoise sur leur pays, y affluent de partout.

La Division de Cavalerie Asiatique a rapidement récupéré les troupes qu'elle avait perdues, tandis que son chef, qui comprenait parfaitement l'ennemi, menait une guerre psychologique efficace contre la garnison des "gamins". Après quelques mois, les Chinois superstitieux, qui se sont retrouvés dans un pays très différent de leur patrie, laquelle est pleine de riz et de soie, attendaient que le terrible châtiment des dieux puissants qui protégeaient le "Bouddha vivant", le grand prêtre d'Urga et souverain de Mongolie, Bogdo-Gegen, leur tombe dessus à tout moment. Chaque nuit, ils regardaient avec crainte les gigantesques feux de joie allumés par les habitants et les soldats d’Ungern au sommet de la montagne sacrée Bogdo-Khan-ul, au sud de la ville. Les terribles rumeurs propagées par les agents du baron privent les "gamins" de tout espoir de victoire.

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Peu avant la nouvelle attaque contre Urga, quelque chose d'absolument incroyable se produisit: dans la cour de la maison du gouverneur, Chen Yi, et en plein jour, un jour d'hiver, Ungern lui-même est apparu. Comment il a réussi à traverser la capitale ennemie sans se faire repérer est incompréhensible, surtout si l'on considère qu'elle était pleine de troupes, grouillante de patrouilles et entourée de toutes sortes de postes armés. Sur le chemin du retour, le baron a remarqué une sentinelle chinoise qui dormait devant la porte de la prison. Une telle violation de la discipline militaire l'exaspère au plus profond de son âme, et le général blanc réveille le soldat négligent à coups de poings, lui expliquant qu'il est impossible de dormir pendant la garde, car lui, Ungern, va le punir de ses propres mains. Après cela, le chef de la Division de Cavalerie Asiatique a calmement quitté la ville et s'est rendu à Bogdo-Khan-ul. Après la panique provoquée par sa fuite, les soldats n'ont pas pu organiser un escadron pour le poursuivre. L'incident a fini par être considéré comme un miracle : seules des forces surnaturelles auraient pu aider le baron dans son infiltration sur le territoire d'Urga et le faire sortir sain et sauf.

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Ce sont ces mêmes forces surnaturelles qui, selon les soldats chinois, ont aidé Ungern à kidnapper - en plein jour, devant toute la ville (au sens littéral du terme) et sous le nez de tout un bataillon de gardes - Bogdo-Gegen, qui était assigné à résidence. Cet événement démoralise même les commandants du corps expéditionnaire chinois : le général Guo Songling s'enfuit de la capitale à la tête d'une unité de gardes qui sont les mieux préparés au combat : c’était un corps de 3000 soldats d'élite de la cavalerie.

La supériorité numérique des Chinois sur la Division de Cavalerie Asiatique diminue, mais elle reste assez importante, étant de cinq à huit fois supérieure au nombre de soldats alignés par Ungern. En revanche, les soldats d’Ungern possédaient 5 à 6 fois plus d'artillerie et de mitrailleuses que les Chinois.

Cela n'a pas empêché le baron de poursuivre une opération bien planifiée qui allait mener au succès de son corps expéditionnaire. Au petit matin du 2 février 1921, un assaut frontal est lancé, auquel les Chinois résistent farouchement. Le lendemain, les combats ont cessé, puis l'assaut a repris et les "gamins" ont fui dans la terreur. La capitale de la Mongolie extérieure a été libérée le 4 février, et Ungern a remporté d'énormes trophées, dont de grandes quantités d'or et d'argent raflées dans les entrepôts de la banque d'Urga.

La guerre contre les Chinois n'était cependant pas terminée et toute une série de batailles acharnées s'ensuivit contre le corps expéditionnaire des Gamins, dont les effectifs étaient encore plusieurs fois supérieurs à ceux de la division de cavalerie asiatique. Mais à la fin, ils furent pratiquement détruits. Peu d'entre eux retournèrent en Chine, et les troupes d’Ungern gagnèrent à nouveau un important butin de guerre, dont plusieurs milliers de prisonniers.

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Le 22 février 1921, une cérémonie solennelle a lieu à Urga : Bogdo-Gegen VIII monte à nouveau sur le trône du Grand Khan de Mongolie. La monarchie est à nouveau rétablie et les Mongols accordent à Ungern toutes sortes d'honneurs et de privilèges. Il a reçu le surnom de Tsagan (c'est-à-dire Blanc) Burkhan, ou "Dieu de la guerre", étant considéré comme l'incarnation de Mahakala-Idam, une divinité lamaïste à six bras qui punissait cruellement les ennemis de la "foi jaune". Désormais, le nom du baron inspirait à ses ennemis une peur superstitieuse. Sous ses bannières étaient réunis tous les représentants de plus d'une douzaine de peuples d'Asie et d'Europe : Russes, Autrichiens, Français, Bachkirs, Chinois, Japonais, Tibétains, Coréens et Mandchous. Il y eut même... un Noir qui servit dans la division de cavalerie asiatique. Il s'agissait d'une petite Internationale blanche qui, sous la bannière de diverses religions traditionnelles - christianisme, bouddhisme et islam - s'opposait à l'athée Internationale rouge.

Fin mai, Ungern a lancé sa dernière campagne contre la Russie soviétique. Il espérait provoquer des soulèvements anti-bolcheviques dans l'Altaï et le Yenisei supérieur, dans la province d'Irkoutsk, en Transbaïkalie. Mais le peuple n'avait aucune envie de se confronter au nouveau gouvernement qui avait remplacé un système prédateur d'appropriation des excédents par une série d'impôts en nature relativement supportables. La lutte dans la région du Baïkal s'est avérée vaine et le baron a fini par se replier en Mongolie. C'est sur le fleuve Egiin-Gol, poursuivi par les "Rouges" et divisé en deux brigades, que la mutinerie a éclaté dans la Division de Cavalerie Asiatique. Von Ungern-Sternberg perdit le contrôle de ses troupes et fut arrêté par les officiers d'une division mongole qu'il s'attendait à ce qu’elle lui restât fidèle. La cavalerie asiatique s'est mise en route vers l'est, en direction de la Mandchourie, et le 15 septembre, le baron a été abattu dans la ville de Novonikolaïvsk, qui était la capitale de la "Sibérie rouge".

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L'épopée d’Ungern à Urga et en Mongolie a eu un impact significatif sur l'histoire de l'Asie intérieure. Sans lui, la Khalkha serait resté sous le contrôle du gouvernement de Pékin. Les autorités de la Russie soviétique ne voulaient pas entrer en conflit avec son voisin du sud et si le baron n'avait pas éliminé les "gamins", les bolcheviks n'auraient pas envahi la région et la Mongolie extérieure n'aurait pas quitté la sphère d'influence chinoise, ce qui est arrivé à la Mongolie intérieure, à l'Ordos, etc. C'est donc grâce à la guerre menée par Ungern que la Mongolie s'est détachée de l'orbite de Pékin et est entrée dans celle de Moscou.

Il est intéressant de noter que, pour la même raison ("l'aventure de Ungern"), la Chine a fini par perdre la région d'Uryankhai, la future Tuva, qui, en 1914, est passée du statut de partie de l'Empire céleste à celui de protectorat de l'Empire russe, et a fait partie de l'URSS jusqu’en 1944. Comme chacun sait, c'est à Tuva (dans la ville de Chadan) que l'actuel ministre de la défense de la Fédération de Russie, Sergei Shoigu, est né.

D'ailleurs, l'actuelle République de Chine (l'île de Taïwan) considère toujours cette région autonome turque, qui fait partie de la Fédération de Russie, comme faisant partie du territoire d'État de la Chine.

Ajoutons à cela que dans l'actuelle république de Mongolie, beaucoup considèrent le général blanc comme un héros national qui a libéré le pays d'une puissance étrangère. En novembre 2015, le musée dédié à Ungern a été solennellement ouvert près d'Oulan-Bator avec l'aide directe de l'Institut d'histoire et d'archéologie de l'Académie des sciences de ce pays.

C'est, à bien des égards, un résultat paradoxal de la vie du monarchiste le plus fidèle et le plus convaincu du XXe siècle.

samedi, 02 janvier 2021

Le Grand Khorasan : un modèle géopolitique dans le cadre de la multipolarité

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Le Grand Khorasan : un modèle géopolitique dans le cadre de la multipolarité

Un point de vue tadjik

Karim Nazriev

Ex : https://www.geopolitica.ru

À différents moments et dans différents espaces, les forces dirigeantes de la société ont soulevé des questions liées au développement de l'État et ont présenté diverses propositions pour le développement de celui-ci. Chaque État peut se développer à sa manière, et il doit trouver et mettre en œuvre sa propre voie vers le développement et vers la réalisation de ses grands projets. Les stratégies pour les développement à suivre (obligatoirement) pendant le prochain millénaire sont proposées par les superpuissances et les organisations internationales, qui ne prennent pas en compte le développement de tous les pays du monde, et ne sont spécifiques qu’à un petit nombre d'États qui façonnent la politique mondiale et déterminent le processus politique du globe.

Tout le monde croit que les grandes puissances mondiales et les puissances en voie de développement veulent également le développement des autres États, ce qui est en fait tout à fait contradictoire dans la réalité. La réalité, c’est que, dans les conditions modernes, il y a un dilemme entre la sécurité et le développement. Le développement d'un État est susceptible de poser problème à un autre, ou l'affaiblissement d'un État déjà faible peut aussi poser un problème grave pour un grand pays. Il est dans l'intérêt des grandes puissances mondiales de maintenir une inégalité générale dans les processus de développement à l’œuvre dans le monde car, ainsi, elles conservent leur statut. À cet égard, tous les pays du monde n'ont pas les mêmes intérêts, d'une part, ils essaient de prendre le contrôle de la plus grande partie du monde, et, d'autre part, d'autres essaient de ne pas être détruits dans les affrontements entre les superpuissances. La disparition de certaines nations de la carte politique du monde, ces dernières années, est le résultat des actions menées par les superpuissances. Dans de nombreux cas, le développement de tout État se traduit par son expansion, et en fait, tout empire sera détruit s'il n'est pas élargi. La voie de l'expansion dans les conditions modernes ne passe pas par l'expansion proprement dite, mais par l’application de nouvelles méthodes. Par conséquent, le rôle géopolitique qui se profile derrière tout développement d’un État se révèle très important. Les intérêts géopolitiques ont été un facteur important pour les États dans le passé, le restent dans le présent et le resteront l'avenir, car ils sont un vecteur de la politique étrangère et contribuent de ce fait au développement de l'État.

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Dans les conditions modernes, les intérêts géopolitiques du Tadjikistan sont débattus dans différents cercles. Mais il s'agit d'intérêts qui ne sont pas essentiellement géopolitiques. D'une part, il est très difficile d'exprimer un point de vue géopolitique propre au Tadjikistan, car les possibilités et le potentiel du pays sont limités et son champ d'action est très restreint. Bien sûr, dans une telle situation, une expertise géopolitique est nécessaire pour saisir la moindre opportunité d'atteindre de plus grands objectifs. Étant donné que les intérêts géopolitiques du Tadjikistan doivent être pris en considération dans le cadre imposé par les superpuissances et par les environnements politiques particuliers de la région du monde où se situe le Tadjikistan, il est important de savoir que, de prime abord, on peut dire que ces intérêts n'existent pas sur le plan géopolitique. En fait, il est illogique de considérer les intérêts géopolitiques du Tadjikistan par rapport aux superpuissances mondiales et régionales, car nous sommes une sorte de pur objet géopolitique passif pour ces pays.

Dans ce cas, seul et isolé, le Tadjikistan ne cherche qu’à obtenir son propre statut particulier et à acquérir une certaine importance mineure dans les conflits d'intérêts opposant les grands États. Le Tadjikistan n'a aucun intérêt géopolitique bien profilé dans une telle situation, mais il est cependant possible d'y avoir des aspirations géopolitiques.

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Dans l'histoire de la politique mondiale, le rôle des Tadjiks et des Perses dans la formation des empires et des États, ainsi que dans la civilisation a été très important. C'est une réalité objective qui ne peut être niée par aucun sujet actuel de l’échiquier international ou par un quelconque parti pris. Le grand continent de l'Antiquité était sous la domination de l'Empire perse. Au fil du temps, le changement d'acteurs dans le processus politique, les tournants de l'histoire et les facteurs objectifs et subjectifs ont supprimé la sphère d'influence des Tadjiks et des Perses. D'autres forces sont devenues les déterminants du destin des sociétés et des communautés qui leur étaient voisines. Le processus politique a trouvé de nouveaux maîtres ; les conséquences de ce changement de donne ont changé le cours de l'histoire. Afin de ne pas répéter le cycle historique, une grande communauté sociale - les Tadjiks - a été éparpillée dans différents pays, afin de ne pas recréer le potentiel précédent. Cette pratique a commencé après l'effondrement de l'État samanide, comme en témoigne l'émergence de trois pays persanophones au cours des siècles suivants sur la scène historique. Les forces qui ont réalisé ce paysage géopolitique avec trois pays différents pour les Tadjiks dans cette région et qui ont pratiqué la même politique dans d'autres parties du monde, en appliquant le principe de "diviser pour régner", sont les États impérialistes de la nouvelle étape de l’histoire.

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Le nouvel impérialisme, ou néo-impérialisme, a limité les possibilités de ses anciennes colonies au point d'éliminer toutes les caractéristiques de leur indépendance dans le plein sens du terme, à l'exception du nom, ce qui fait de leur pseudo-indépendance une indépendance purement formelle. Dans ces conditions, le phénomène de l'indépendance politique va diminuer et l'État deviendra une simple province du nouvel ordre mondial. La conquête et l'expansion dans leur sens classique, ne sont plus d’actualité, mais dans les conditions déterminées par le néo-impérialisme, la conquête des terres des États « provinciaux » se fait d'une manière nouvelle. Les conditions en vigueur dans la modernité sont la suite logique de l'impérialisme classique. Il convient de noter que s'il y a un changement de sujets dans d'autres strates politiques, les néo-impérialistes modernes sont les mêmes que les anciens colonisateurs. Rien n'a changé dans le paysage cratopolitique du monde, et l'élite mondiale dirigeante n’a fait que changer de nom sur la scène mondiale. La colonisation qualitativement nouvelle est la politique des néo-impérialistes du monde, qui ont pris le contrôle de certaines régions géopolitiques et luttent pour étendre leur sphère d'influence. La division du monde entre les néo-impérialistes et le redécoupage des frontières s'est traditionnellement poursuivie sous une forme ou une autre. Le néo-impérialisme n'est pas un phénomène complètement nouveau, il est guidé par les lois de l'impérialisme classique. Avec le progrès de la civilisation, de la science et des réalisations spirituelles des peuples, l'accent mis sur les éléments matériels de la géopolitique, tels que les ressources souterraines, la terre, l'eau, etc. n'a pas diminué. La tâche principale du néo-impérialisme est d'utiliser les États comme source de matières premières et de les maintenir dans une dépendance sectorielle. Chaque puissance néo-impérialiste a ses propres méthodes pour traiter avec les pays qui n’appartiennent pas directement à leur sphère d’influence. Aucun pays néo-impérialiste n'a intérêt à ce que les Etats non impérialistes parviennent à l'autarcie. D'autre part, la dépendance de tout État non impérialiste à l'égard d'autres pays et l’obligation à suivre un mouvement indiqué par d’autres sont une preuve évidente des lacunes de l'indépendance formelle. Pour trouver une solution appropriée à ce problème, il faut avant tout faire preuve d'indépendance d'esprit, car l'idée d'appartenance n'a pas la capacité de créer une alternative.

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La force du néo-impérialisme a érodé le sentiment de confiance dans les États soi-disant indépendants, qui croient qu'il n'y a pas d'autre solution que la subordination à ce nouveau système. Dans la plupart des pays, il n'est pas question d'envisager un nouveau système mondial, différent du néo-impérialisme. L'esprit d'impuissance imprègne la communauté scientifique dans ces pays qui ne cesse plus de répéter qu’il est nécessaire de s'adapter au nouveau système et non de penser à des alternatives. Le débat sur l'indépendance n'est pas une question triviale, il doit être renforcé et amélioré en fonction de l'espace et du temps.

Il est nécessaire de s'appuyer sur la géopolitique pour renforcer l'indépendance de la République du Tadjikistan.

Dans le temps et l'espace d'aujourd'hui, il est important de s'appuyer sur les connaissances géopolitiques. La géopolitique ne doit pas être utilisée à des fins cognitives, mais à des fins pratiques et empiriques, et doit être mise en œuvre en articulant des concepts concis. À cet égard, il est nécessaire de présenter la géopolitique intérieure, celle de la voie vers le développement du Tadjikistan dans un avenir proche et lointain. Le renforcement de l'indépendance du Tadjikistan est impossible sans un développement intérieur, et celui-ci doit prendre de l'élan. Il doit y avoir une impulsion pour le développement basée sur le potentiel national, car si l’on place l'espoir en un avenir meilleur, qui ne dépendrait que des seules actions entreprises par d’autres États, cela ne nous mènera qu’à la destruction de l'indépendance du pays. Par conséquent, le processus de décision doit être rationnel et stratégique. Les intérêts géostratégiques et géopolitiques du Tadjikistan devraient être formés sur la base des capacités existantes. Naturellement, il n'y a pas suffisamment de potentiel intérieur pour le développement du Tadjikistan et on ne peut pas compter sur lui seul sur le plan stratégique. À cet égard, il est nécessaire de trouver un moyen stratégique de protéger et de renforcer l'indépendance du Tadjikistan. Le Tadjikistan doit se constituer en un bouclier géopolitique basé sur un "Lebensraum".

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Le "Lebensraum" du Tadjikistan est le "Grand Khorasan". Le projet du Grand Khorasan a pour but le développement du Tadjikistan, la protection du Tadjikistan et l'avenir du Tadjikistan. Dans le nouvel ordre mondial et les divers processus mondiaux, le Tadjikistan n'a pas d'autre voie de développement. Il existe d'autres plans, mais dans ceux-ci, le Tadjikistan perd son essence d'État indépendant. La doctrine et les projets mis en œuvre en Asie centrale sont considérés comme peu intéressants pour le Tadjikistan. En fait, ces doctrines ne prennent pas en compte le statut propre du Tadjikistan. Les concepts et les projets du "Grand Turan", de la "Grande Asie centrale" et de la "Sinicisation" ne peuvent être dans l'intérêt du Tadjikistan. Le projet du Grand Khorasan est une alternative à ces concepts et une réponse géopolitique et géostratégique à ceux-ci.

Le "Grand Khorasan" est la correction des erreurs et des injustices historiques et l'application de la justice historique. Le "Grand Khorasan" est l'aspiration géopolitique de chaque Tadjik, et ce concept devrait contribuer à l'éducation géopolitique de toute individualité tadjik et à la formation de la pensée géopolitique tadjik. Nous devons savoir que l'avenir du Tadjikistan est impossible sans le projet du Grand Khorasan. Il devrait être suivi dans les milieux scientifiques et dans la politique actuelle.

La sagesse géopolitique et la géophilosophie constituent la base du projet du Grand Khorasan. Le Tadjikistan mène une politique de paix dans une nouvelle ère historique. Cela signifie que le Tadjikistan n'a pas d'objectifs expansionnistes, ne veut usurper aucun pays, ne vise pas la conquête de territoires : tout cela n'est pas le but vectoriel de la politique étrangère du Tadjikistan. La question de savoir comment nous allons obtenir le projet du Grand Khorosan est donc importante. La première étape est franchie, c'est-à-dire que les fondateurs ressentent le besoin de créer un "Grand Khorasan", il y a une renaissance du Grand Orion, une mémoire historique entre en scène ou un cycle historique se répète, le projet du "Grand Khorasan" est lancé. En effet, l'Iran et l'Afghanistan, tout comme le Tadjikistan, ont besoin d'un "Grand Khorasan".

La mise en œuvre du projet du Grand Khorasan intervient à un moment où la lutte pour le pouvoir en Asie centrale s'intensifie. Les États-Unis font tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger le "cœur de l'Asie" et pour maintenir longtemps leurs troupes sur le sol afghan. L'erreur géopolitique de la Russie, de la Chine et de l'Iran a été de faciliter et non d'empêcher les États-Unis de venir en Afghanistan. Cependant, cette erreur ne pourra pas être corrigée dans les années à venir. Les États-Unis, s'appuyant sur l'Afghanistan, cherchent à libérer les États d'Asie centrale de la subordination russe et à mettre en œuvre la doctrine de la grande Asie centrale avec l'Afghanistan et d'autres États de la région. À cet égard, il convient de noter que le chaos qui règne sur le territoire de l'Afghanistan et les intérêts divergents des pays de la région compliquent la mise en œuvre du projet "Grand Khorasan".

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Le projet du Grand Khorasan, une fois mis en œuvre dans les pays de langue persane et ayant atteint ses objectifs stratégiques, ouvrira la porte aux pays voisins. C'est une renaissance historique qui remet tout à sa place. Ailleurs en Asie centrale, il existe un potentiel et une opportunité similaires pour l'unification des peuples et des nations. Cependant, une telle possibilité s’offre aux États du "Grand Khorasan". Il est important de noter que l'intégration et les processus d'intégration sont une question de temps. Les pays du monde, sous une forme ou une autre, forment des associations visant toujours plus d’intégration dans une zone distincte. L'intégration est considérée comme un phénomène propre au nouvel âge : on l’ignore souvent mais, dans la plupart des cas, on est inconscient qu'il s'agit là de la première étape vers la formation du système mondial et du nouveau gouvernement mondial. La plupart des États et des chefs d'État du monde n'ont pas compris les secrets du processus d'intégration et n'ont pas su créer les conditions d’autres processus intégrateurs. Cependant, l'intégration dans le cadre du Grand Khorasan prend une forme complètement différente, montrant un élément d'intégration différent car il est centrifuge par rapport à la conception d’un gouvernement mondial et s’éloigne du nouveau système et du nouvel ordre mondial. En effet, la formation d'un nouvel ordre mondial basé sur une conception atlantiste n'est pas dans l'intérêt des pays du Grand Khorasan.

L'indépendance politique du Tadjikistan n'interviendra que si le pays est autosuffisant. Cependant, les conditions mondiales et régionales, d'une part, et les intérêts des superpuissances, d'autre part, entravent l'autarcie du pays. C'est pourquoi il faut tout d'abord influencer la situation locale. L'influence ne vient que lorsque nous disposons d’un grand potentiel et d’un grand pouvoir. C'est pourquoi le projet "Grand Khorasan" est le reflet de l'énorme potentiel des acteurs régionaux et un moyen d'influencer d’abord les conditions en place de la région et, deuxièmement, d’influencer la formation des processus politiques mondiaux.

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Dans les conditions modernes, il n'y a pas d'autre moyen de proposer un nouvel ordre en dehors du nouvel ordre mondial, qui est le projet exclusif de l'élite politique mondiale. Dans un tel ordre mondial, seul un petit nombre d'États ont acquis l'indépendance politique et ont donné aux autres pays l'indépendance dont ils avaient besoin. L'indépendance politique des pays du monde, dont le Tadjikistan, est mesurée dans le cadre du nouvel ordre mondial. Dans ce cas, la volonté tadjike de l'État tadjik ne peut pas se réaliser, car les conditions mondiales ne le permettent pas. La mesure de l'indépendance politique du Tadjikistan dans le cadre du nouvel ordre mondial nécessite un examen par des experts, qui déterminera le phénomène de la volonté politique et de la détermination politique, et la mesure dans laquelle le Tadjikistan est souverain. Le projet du Grand Khorasan vise également à renforcer l'indépendance politique du Tadjikistan, à poursuivre son développement et son amélioration, et à protéger le pays. Comprendre l'essence de ce projet, définir la souveraineté politique du Tadjikistan, les conséquences du nouvel ordre mondial pour le pays, les intérêts des superpuissances et son impact sur le Tadjikistan, les conséquences et les perspectives pour le futur proche et lointain, tend inévitablement à un mégaprojet – celui du "Grand Khorasan".

dimanche, 06 décembre 2020

Le déclin des Etats-Unis et l’Axe islamo-confucéen

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Le déclin des Etats-Unis et l’Axe islamo-confucéen

Par Daniele Perra

Ex: https://www.eurasie-rivista.com

Parler ouvertement du déclin impérial des États-Unis d'Amérique, surtout lorsque les prétendus "accords d'Abraham" sont signés et que l'Union européenne publie une résolution condamnant le prétendu empoisonnement de l'opposant russe Alexei Navalny, qui bloque en fait les travaux pour le Nord Stream 2 (réalisant ainsi le rêve de Washington)[1], est une opération compliquée qui risque de générer plusieurs malentendus.

S'il est vrai que les États-Unis sont inévitablement confrontés à une période de crise et de déclin, il est tout aussi vrai que leur hégémonie mondiale (ce qui, en termes géopolitiques, pourrait être défini comme un "moment unipolaire") est encore loin d'être terminée.

Cependant, et malgré les apparences, il y a des signes évidents de ce déclin, tant au niveau interne qu'externe. Un énorme volume de fiction et de propagande a été produit autour de l'élection de Donald J. Trump en 2016. Une propagande dont même les personnages insoupçonnés (ou presque) qui, jusqu'à récemment, désignaient les États-Unis comme le principal ennemi, n'étaient pas à l'abri.

La victoire de Donald J. Trump a en effet été présentée comme la victoire d'un candidat anti-système et d'une forme nord-américaine de "populisme", même si elle a été déclinée en termes totalement postmodernes. Aujourd'hui, bien que la campagne présidentielle actuelle suive plus ou moins les mêmes pistes, on peut dire, en connaissance de cause, que Donald J. Trump, loin de remporter les élections de 2016 grâce à ses impulsions populistes et anti-systémiques, les a remportées principalement parce qu'il a dépensé deux fois plus que son adversaire pour la campagne [2]. Ce qui a été présenté comme une lutte entre le bien et le mal (l'affrontement entre le président anti-système et l'État dit "profond"), n'est rien d'autre qu'un affrontement entre différentes stratégies et appareils, ce qui n’est pas du tout étranger à l'histoire des États-Unis. Et on peut dire (toujours en connaissance de cause) que l'émergence de forces perturbatrices internes est historiquement synonyme de crise et de déclin pour une "entité impériale". Plutôt qu'une force révolutionnaire (comme la propagande l'a dépeint), le trumpisme est simplement la dernière tentative pour sauver la mondialisation américaine et, avec elle, une hégémonie mondiale de plus en plus déclinante.

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Notre analyse portera principalement sur les facteurs externes qui sont à l'origine de ce déclin. Et à cet égard, plusieurs facteurs doivent être pris en compte. Tout d'abord, nous devons garder à l'esprit que la crise pandémique a inévitablement accéléré toute une série de processus géopolitiques qui, selon toute probabilité, auraient pris plusieurs mois, voire des années, pour émerger. Dans d'autres analyses publiées dans Eurasia, il a été fait référence, par exemple, aux accords de cessez-le-feu commercial entre la Chine et les États-Unis qui, seulement en janvier de cette année 2020, ont été présentés par les officines de propagande américaines comme une grande victoire de la diplomatie de Washington. Mais quelques mois plus tard, on parlait déjà à nouveau de "guerre froide" et de "bipolarisme".

En fait, les accusations continues et répétées contre la Chine pour la propagation (et souvent même la fabrication)[3] du virus ont incité Pékin à modifier sa stratégie à l'égard de sa puissance rivale en déclin : les Chinois sont passés d'une stratégie d'accompagnement du déclin à une stratégie nettement plus agressive.

L'accord de coopération entre l'Iran et la Chine, paraphé en juillet, est étroitement lié à ce changement de stratégie. Les fondements de cet accord remontent à la visite de Xi Jinping à Téhéran en 2016. À cette occasion, les deux pays ont produit un communiqué commun sur 20 points qui révèle des passages d'un intérêt tout particulier. Le point 5, par exemple, stipule : "Les deux parties se soutiennent fortement l'une l'autre en ce qui concerne les questions relatives à leurs intérêts fondamentaux tels que l'indépendance, la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale. La partie iranienne poursuit son engagement ferme en faveur de la politique de la Chine unique. La partie chinoise soutient le "Plan de développement" de la partie iranienne ainsi que le renforcement du rôle de l'Iran dans les affaires régionales et internationales"[4].

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Le point 7 dit : "L'Iran se félicite de l'initiative de la Chine concernant la "ceinture économique de la route de la soie et la route maritime de la soie du XXIe siècle". En s'appuyant sur leurs forces et avantages respectifs ainsi que sur les possibilités offertes par la signature de documents tels que le "protocole d'accord sur la promotion conjointe de la ceinture économique de la route de la soie et de la route maritime de la soie du XXIe siècle" et le "protocole d'accord sur le renforcement des capacités industrielles et minérales et des investissements", les deux parties développeront la coopération et les investissements mutuels dans divers domaines, notamment les transports, les chemins de fer, les ports, l'énergie, l'industrie, le commerce et les services"[5].

Il est tout à fait clair que la coopération stratégique fondée sur ces hypothèses peut être perçue comme une menace directe par les États-Unis. Le pacte, qui durera 25 ans, redonne en effet de la vigueur au projet de la nouvelle route de la soie et redonne à l'Iran un rôle central dans le processus d'intégration eurasienne. En outre, elle surmonte le régime de sanctions nord-américain connu sous le nom de stratégie de "pression maximale", transformant la République islamique en un carrefour de première importance pour le commerce eurasien (l'Iran est au carrefour des directions Nord-Sud et Ouest-Est du continent) exactement comme dans l'Antiquité, lorsque la langue parlée le long de la route de la soie était le persan.

Comme l'a déclaré Ali Aqa Mohammadi (conseiller du Guide suprême Ali Khamenei) : "Ce document bouleverse le régime des sanctions et contrecarre de nombreux plans américains pour la région [...] La coordination entre la Chine et l'Iran peut faire sortir la région de l’emprise des États-Unis et briser leur réseau régional.

La coopération stratégique entre les deux pays est non seulement axée sur les investissements dans le secteur de l'énergie ou dans les infrastructures [7], mais aussi dans le secteur militaire. Le premier résultat (et aussi le plus inquiétant pour les États-Unis) des accords sino-iraniens a été le refus par le Conseil de sécurité des Nations unies de la demande nord-américaine de prolongation de l'embargo sur la vente d'armes à la République islamique, qui a expiré en octobre 2020. En fait, à partir d'octobre, la Chine commencera à fournir à Téhéran divers systèmes et armements de nouvelle génération.

Il est bien connu que la Chine et la Corée du Nord ont développé des liens militaires étroits avec l'Iran depuis le début des années 1980. Pékin, par exemple, a fourni un grand nombre de missiles balistiques à la République islamique nouvellement formée pendant la guerre contre l'Irak pour contrebalancer les plates-formes de lancement Scud B de fabrication soviétique fournies à l'armée de Saddam Hussein. La Chine a également joué un rôle fondamental en aidant Téhéran à développer son secteur militaire, à tel point que les plates-formes de missiles iraniennes actuelles sont basées sur des technologies chinoises[8].

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Par conséquent, grâce à cet accord de coopération, l'économie et le secteur militaire de Téhéran seront sérieusement renforcés. Dans le même temps, la Chine pourra bénéficier non seulement d'un approvisionnement stable (et de prix réduits) en hydrocarbures, mais aussi d'une entrée effective sur un vaste marché pour ses produits technologiques.

Mais ce ne sont pas les seules raisons pour lesquelles l'axe Pékin-Téhéran est considéré comme une menace sérieuse pour les États-Unis. Il y a d'autres facteurs à prendre en compte.

Tout d'abord, il est important de souligner, une fois de plus (si besoin est), que les États-Unis n'ont plus la force de faire face à un conflit militaire direct de grande envergure avec une puissance rivale.

L'Iran et la Chine ont tous deux montré qu'ils étaient "prêts" à affronter directement les États-Unis, si nécessaire. En comparaison, cette volonté (et cette disponibilité) s'est transformée en une sorte de dissuasion stratégique. Une guerre contre l'Iran (ou une attaque directe sur son propre territoire - la "ligne rouge" établie par le Corps des gardiens de la révolution) n'a jamais été réellement déclarée, car le Pentagone lui-même est conscient qu'elle coûterait de l'argent, causerait de graves dommages aux intérêts nord-américains dans la région, des vies humaines et une crise énergétique mondiale aux effets imprévisibles.

Une fois de plus, la Chine et l'Iran ont montré qu'ils ne veulent pas du tout la guerre, mais qu'ils sont prêts à la mener. Et tous deux savent parfaitement qu'en cas de conflit direct avec l'un des alliés régionaux des Etats-Unis (au Moyen-Orient ou dans la zone indo-pacifique), tout "l'Occident" et son opinion publique prendront inévitablement parti contre eux. C'est pourquoi un tel conflit a besoin non seulement d'une valeur stratégique mais aussi d'une valeur "morale". À cet égard, comme l'a souligné l'analyste Hu Xijin, les dirigeants de l'Armée populaire de libération ont établi qu'un éventuel conflit entre la Chine et un pays voisin avec lequel Pékin a des différends territoriaux doit respecter des exigences spécifiques : a) la Chine ne doit en aucun cas tirer le premier coup de feu ; b) la Chine doit montrer à la communauté internationale que tous les efforts ont été faits pour éviter le conflit ; c) la Chine ne doit jamais se permettre d'être impliquée de manière impulsive dans une confrontation militaire directe.

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En outre, un récent rapport du Pentagone a montré la menace que représente pour les États-Unis le renforcement militaire continu de la Chine[9].

L'un des objectifs de Pékin est de doubler ses capacités nucléaires d'ici 2030. De plus, la Chine possède plus de 12.000 missiles balistiques d'une portée comprise entre 500 et 5.000 km : elle a donc la capacité de frapper les intérêts américains dans le Pacifique occidental. Mais ce qui préoccupe vraiment le Pentagone, ce sont les capacités conventionnelles de l'Armée Populaire de Libération. Celle-ci possède en effet les forces navales et terrestres les plus nombreuses au monde : une armée dynamique et moderne capable de surmonter rapidement des conflits maritimes limités et, par conséquent, de défier la domination thalassocratique nord-américaine.

Il est tout aussi important de comprendre comment les États-Unis réagissent à la menace posée par la croissance des puissances eurasiennes et par leur coordination. En ce sens, outre les opérations classiques de sabotage le long de la nouvelle route de la soie, il faut se concentrer sur la signature des récents "accords d'Abraham" entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn (mais avec la possibilité de les étendre à d'autres monarchies arabes).

Il convient de souligner tout d'abord qu'il ne s'agit pas d'un simple coup de pouce électoral pour la campagne présidentielle de Donald J. Trump, ni d'une simple "justification" pour vendre des technologies militaires sophistiquées aux monarchies du Golfe aux dépens de la Chine. Si l'on oublie que de tels accords, signés par des entités financières (avant d’être politiques) qui, en réalité, n’ont jamais été en guerre contre Israël mais qui coopèrent souvent et volontairement avec lui à plusieurs niveaux, représentent la victoire du profit sur tout le reste (sur l'Homme avec un "H" majuscule, sur tout ce qui, malgré les efforts de l'"Occident", continue à maintenir en vigueur des valeurs sacrées, celles de la religion et celles des idées), ce qui est le plus intéressant ici est la portée géopolitique de l'opération de Trump.

Elle ouvre les marchés arabes à Israël et, grâce au projet de Corridor Trans-Arabe (étudié en opposition directe avec les corridors économiques de la Nouvelle Route de la Soie)[10], ouvre les portes de l'Océan Indien à l'entité sioniste. Ainsi, dans un sens plus large, les accords d'Abraham cherchent à saper (ou à limiter) le processus d'intégration eurasienne. Comme l'a laissé entendre le secrétaire d'État américain Mike Pompeo lui-même, plus pragmatique et moins enclin à la rhétorique pseudo-pacifiste de la propagande trumpiste, l'axe Israël/Monarchies du Golfe est fonctionnel pour la défense des intérêts américains dans la région et permet une plus grande concentration des forces dans la zone indo-pacifique.

Ces accords doivent donc être compris non seulement en termes anti-iraniens ou anti-turcs, comme une grande partie des analyses géopolitiques ont tenté de le démontrer, mais aussi anti-pakistanais et anti-chinois. Le Pakistan, par exemple, étant le seul État musulman à posséder un arsenal nucléaire, est naturellement dans la ligne de mire des sionistes. Aujourd'hui plus que jamais, après avoir pris acte de la tentative de limiter l'influence wahhabite en son sein [11] par les dirigeants politiques actuels, sa dénucléarisation figure parmi les objectifs premiers du sionisme.

Cependant, les "accords d'Abraham" ont également jeté les bases d'une autre menace pour la stratégie régionale sioniste et nord-américaine : le rapprochement et la revitalisation d'un lien entre l'Iran et la Turquie qui surmonte également le contraste entre les deux pays sur le champ de bataille syrien.

Le 8 septembre, la sixième réunion de haut niveau du Conseil de coopération entre Téhéran et Ankara a débuté. L'objectif de cette coopération, qui est bloquée depuis plusieurs années précisément à cause du conflit syrien, est de renforcer les relations entre la Turquie et l'Iran dans les domaines commercial et sécuritaire. En fait, les deux États ont également lancé récemment plusieurs opérations militaires conjointes dans le nord de l'Irak contre des groupes terroristes kurdes.

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Ce renforcement des relations, outre qu'il permet de mettre un terme aux interprétations sectaires (d'origine principalement occidentale) des conflits du Moyen-Orient, est également utile pour reconstruire le dialogue entre les forces de résistance au régime sioniste en Palestine : le Hamas (aujourd'hui, lié à la Turquie et au Qatar) et le Hezbollah (Parti et mouvement de résistance d'inspiration khomeyniste). Lors des réunions au sommet tenues à Beyrouth, les dirigeants politiques des deux mouvements, ayant surmonté les divisions générées par le conflit syrien, sont arrivés à la conclusion que le Hamas et le Hezbollah sont sur la même ligne dans l'opposition et la lutte contre Israël [12]. Sans considérer le fait qu'amener le Hamas au même niveau de capacité militaire que le Hezbollah, en plus de représenter une certaine menace, constituerait une fois de plus un élément de dissuasion contre de nouvelles opérations sionistes potentielles dans la bande de Gaza [13].

En février dernier, lors d'une conférence donnée à l'Institut d'études stratégiques d'Islamabad, l'ambassadeur iranien au Pakistan Seyyed Mohammad Ali Hosseini a suggéré l'idée de créer une alliance entre cinq pays (Turquie, Iran, Pakistan, Chine et Russie) pour favoriser la coopération eurasienne et résoudre pacifiquement tout différend régional.

La formation d'une telle alliance permettrait en outre de créer une forme de ceinture de sécurité capable de protéger l'Asie centrale (le "cœur du monde") des actions de sabotage, de déstabilisation et d'endiguement de tout développement, menées par l'Amérique du Nord.

Les premiers signes dans cette direction proviennent des exercices militaires "Caucase 2020" qui se dérouleront dans la région du Caucase entre le 21 et le 26 septembre et qui, axés sur les tactiques de défense et d'encerclement, impliqueront des unités militaires de Chine, de Russie, du Pakistan, d'Iran, d'Arménie, de Biélorussie et du Myanmar.

Il y a lieu d’être absolument convaincu que la création d'un axe islamo-confucéen (ou islamo-confuciano-orthodoxe)[14] pourrait représenter l’accélérateur du déclin de l'hégémonie américaine et de la faillite de toutes les stratégies visant à empêcher la naissance d'un ordre mondial multipolaire. L'espoir doit aussi se faire jour, d'ailleurs, de voir advenir le réveil des civilisations anciennes et combatives de l'Eurasie afin d’aider l'Europe à surmonter ce qui semble être une condition irréversible d'assujettissement culturel et géopolitique.

NOTES:

[1] Voir European Parliament Resolution on the situation in Russia: the poisoning of Alexei Navalny, www.europal.europa.eu.

[2] Fait qui montre bien comment fonctionne la « démocratie américaine » dont on vante tant le modèle. Voir à ce propos : Jean-Michel Paul, The economics of discontent. From failing elites to the rise of populism, Bruxelles 2018.

[3] Et, last but not least, la « recherche scientifique », menée par la Rule of Law Society et par la Rule of Law Foundation de Steve Bannon et Guo Wengui, qui prétendent démontrer l’origine du virus dans le laboratoire de Wuhan.

[4]Full text of Joint Statement on Comprehensive Strategic Partnership between I.R. Iran, P.R. China, www.president.ir.

[5]Ibidem.

[6]Iran-China deal to ditch dollar, bypass US sanctions: Leader’s Advisor, www.presstv.com.

[7] Cet accord de coopération prévoit plus de 400 milliards d’investissement. Une autre somme de 220 milliards sera versée au profit du secteur des infrastructures, visant le développement des liens ferroviaires (trains à grande vitesse) tant à l’intérieur de l’Iran que pour relier ce pays au reste de l’Eurasie : de la Chine à l’Asie centrale et, de là, à la Turquie et à l’Europe.

[8]China’s key role in facilitating Iran’s military modernization and nuclear program, implications for future relations, www.militarywatchmagazine.com.

[9]H. Xijin, China must be militarily and morally ready for a potential war, www.globaltimes.cn.

[10]Selon le mode particulier qu’implique le Corridor CPEC (China Pakistan Economic Corridor) ; il y a la possibilité que celui-ci soit prolongé pour relier directement le port de Gadwar au Pakistan à celui de Shabahar en Iran. Les deux ports seraient ainsi reliés entre eux et renforcés par une liaison ferroviaire qui, à son tour, favoriserait un développement économique régional de grande ampleur.

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[11] Récemment, il y a eu des manifestations anti-chiites à Karachi au Pakistan (ce qui met en exergue l’influence profonde du wahhabisme saoudien sur une bonne part de la population pakistanaise). Ces désordres montrent clairement quelles sont les motivations géopolitiques à l’œuvre dans cette région du monde. Déchaîner à nouveau la violence au Pakistan, pour le déséquilibrer de l’intérieur, s’avère utile pour retarder le mise en œuvre définitive du CPEC et pour discréditer le rapprochement lent mais continue du gouvernement d’Imran Khan avec les puissances d’Eurasie :la Russie et la Chine en premier lieu.  

[12]Hamas-Hezbollah talks and Iran-Turkey cooperation come at crucial time, www.middleeastmonitor.com.

[13] Les bombardements ont lieu tous les jours sur la Bande de Gaza, dans le silence assourdissant des médias occidentaux, silence qui a pour objectif de faire ignorer ces faits.

[14]Dans ce cas précis, on ne peut parler en termes « huntingtoniens », soit en terme de choc des civilisations, vu que l’Occident n’est pas une civilisation mais une construction idéologique utile pour garantir la domination américaine sur les espaces géographiques, soumis « géopolitiquement » à Washington.

lundi, 23 novembre 2020

Le RCEP s’arrime aux Nouvelles routes de la soie

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Le RCEP s’arrime aux Nouvelles routes de la soie

par Pepe Escobar
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Ho Chi Minh, dans sa demeure éternelle, le savoure avec un sourire divin aux lèvres. Le Vietnam a été l’hôte – virtuel – de la signature par les dix nations de l’ASEAN, plus la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, du Partenariat économique régional global, ou RCEP [Regional Comprehensive Economic Partnership dans son acronyme anglais, NdT], au dernier jour du 37e sommet de l’ASEAN.

Le RCEP, qui a été initié il y a huit ans, rassemble 30 % de l’économie mondiale et 2,2 milliards de personnes. C’est le premier signe prometteur de ces enragées années 2020, qui ont commencé avec l’assassinat du général Soleimani, suivi d’une pandémie mondiale et maintenant de douteuses exhortations à une Grande Réinitialisation [Great Reset, NdT].
 
Le RCEP intronise l’Asie Orientale comme centre incontesté de la géoéconomie. En réalité, le siècle asiatique est déjà en train de prendre forme depuis les années 1990. Parmi d’autres asiatiques ou expatriés occidentaux qui l’ont identifié, j’ai publié en 1997 mon livre intitulé « Le 21ème siècle : Le siècle asiatique » (extraits ici.)

Le RCEP pourrait forcer l’Occident à réfléchir un peu, et comprendre que la principale histoire ici n’est pas que le RCEP « exclut les États-Unis » ou qu’il est « conçu par la Chine ». Le RCEP est un accord à l’échelle de l’Asie orientale, lancé par des Asiatiques, et débattu entre égaux depuis 2012, y compris le Japon, qui à toutes fins utiles se positionne comme faisant partie du monde global industrialisé. C’est le tout premier accord commercial qui unit les puissances asiatiques que sont la Chine, le Japon et la Corée du Sud.

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Il est désormais clair, au moins pour de vastes régions de l’Asie de l’Est, que les 20 chapitres du RCEP réduiront les tarifs douaniers dans tous les domaines, simplifieront les dédouanements, avec l’ouverture totale d’au moins 65 % des secteurs de services et l’augmentation des limites de participation étrangère, consolideront les chaînes d’approvisionnement en privilégiant des règles d’origine communes et codifieront les nouvelles réglementations sur le commerce électronique.

En ce qui concerne les points essentiels, les entreprises feront des économies et pourront exporter n’importe où dans le spectre des 15 pays sans avoir à se préoccuper des exigences spécifiques et distinctes de chaque pays. Voilà ce qu’est un marché intégré. 

Quand le RCEP s’arrime aux Nouvelle routes de la soie

Le même disque rayé sera diffusé sans interruption sur la manière dont le RCEP facilite les « ambitions géopolitiques » de la Chine. Ce n’est pas la question. La question est que le RCEP a évolué comme le compagnon naturel du rôle de la Chine devenant le principal partenaire commercial de pratiquement tous les acteurs de l’Asie de l’Est.

Ce qui nous amène à l’angle géopolitique et géoéconomique clé : Le RCEP est le compagnon naturel de l’Initiative des Nouvelles routes de la soie (NRS), qui, en tant que stratégie commerciale et de développement durable, ne s’étend pas seulement à l’Asie de l’Est, mais s’étend aussi plus profondément vers l’Asie centrale et occidentale.

L’analyse du Global Times est correcte : l’Occident n’a pas cessé de déformer l’objectif des NRS, sans reconnaître que « l’initiative qu’il calomnie est en fait très populaire dans la grande majorité des pays situés le long de la route des NRS ».
Le RCEP va recentrer ces NRS – dont la phase de « mise en œuvre », selon le calendrier officiel, ne commence qu’en 2021. Les financements à faible coût et les prêts spéciaux en devises offerts par la Banque chinoise de développement deviendront beaucoup plus sélectifs.
 
L’accent sera mis sur le côté santé des NRS, en particulier en Asie du Sud-Est. Les projets stratégiques seront la priorité : ils s’articulent autour du développement d’un réseau de corridors économiques, de zones logistiques, de centres financiers, de réseaux 5G, de ports maritimes clés et, surtout à court et moyen terme, de hautes technologies liées à la santé publique.

Les discussions qui ont abouti au projet final du RCEP se sont concentrées sur un mécanisme d’intégration qui peut facilement contourner l’OMC au cas où Washington persisterait à la saboter, comme ce fut le cas pendant l’administration Trump.

L’étape suivante pourrait être la constitution d’un bloc économique encore plus fort que l’UE – une possibilité qui n’est pas farfelue lorsque la Chine, le Japon, la Corée du Sud et les dix pays de l’ASEAN travaillent ensemble. Sur le plan géopolitique, la principale motivation, au-delà d’une série de compromis financiers impératifs, serait de consolider quelque chose comme « Faites des affaires, pas la guerre ».

Le RCEP marque l’échec irrémédiable du TPP de l’ère Obama, qui était le « bras commercial de l’OTAN » dans son « pivot vers l’Asie » imaginé au Département d’État. Trump a explosé le TPP en 2017. Le TPP n’était pas un « contrepoids » à la primauté commerciale de la Chine en Asie : il s’agissait surtout d’une liberté totale pour les 600 sociétés multinationales qui étaient impliquées dans le projet. Le Japon et la Malaisie, en particulier, l’avaient remarqué dès le début.

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Le RCEP marque aussi inévitablement l’échec irrémédiable du sophisme du découplage, ainsi que toutes les tentatives de creuser un fossé entre la Chine et ses partenaires commerciaux d’Asie de l’Est. Tous ces acteurs asiatiques vont désormais privilégier le commerce entre eux. Le commerce avec les nations non asiatiques sera envisagé après coup. Et chaque économie de l’ASEAN accordera une priorité absolue à la Chine.

Les multinationales américaines ne seront pas pour autant isolées, puisqu’elles pourront profiter du RCEP via leurs filiales au sein des 15 nations membres. 

Qu’en est-il de la Grande Eurasie ?

Et puis il y a le proverbial gâchis indien. Le message officiel de New Delhi est que le RCEP « affecterait les moyens de subsistance » des Indiens vulnérables. C’est la phrase code pour désigner une invasion supplémentaire de produits chinois bon marché et efficaces.

L’Inde a participé aux négociations du RCEP dès le début. Son retrait – avec la condition que « nous pouvons y adhérer plus tard » – est une fois de plus un cas spectaculaire de se tirer une balle dans le pied. Le fait est que les fanatiques Hindutvas qui sont derrière le « modiisme » ont parié sur le mauvais cheval : le partenariat Quad et la stratégie indo-pacifique encouragés par les États-Unis, qui s’expriment sous la forme d’un endiguement de la Chine et empêchent ainsi le resserrement des liens commerciaux.

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Aucun « Made in India » ne compensera la bévue, géoéconomique et diplomatique, qui implique de manière cruciale que l’Inde se distancie de l’ASEAN. Le RCEP consolide la Chine, et non l’Inde, en tant que moteur incontesté de la croissance de l’Asie de l’Est dans le cadre du repositionnement des chaînes d’approvisionnement post-Covid.

Une suite géoéconomique très intéressante est ce que fera la Russie. Pour l’instant, la priorité de Moscou implique une lutte de Sisyphe : gérer les relations turbulentes avec l’Allemagne, le plus grand partenaire d’importation de la Russie.
Puis il y a aussi le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine – qui devrait être renforcé sur le plan économique. Le concept russe de Grande Eurasie implique une implication plus profonde à l’Est et à l’Ouest, y compris l’expansion de l’Union économique eurasienne (EAEU), qui, par exemple, a conclu des accords de libre-échange avec des nations de l’ASEAN comme le Vietnam.

L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) n’est pas un mécanisme géoéconomique. Mais il est intriguant de voir ce que le président Xi Jinping a déclaré lors de son discours d’ouverture au Conseil des chefs d’État de l’OCS la semaine dernière.

C’est la citation clé de Xi : « Nous devons soutenir fermement les pays concernés pour faire avancer sans heurts les grands programmes politiques intérieurs conformément au droit ; maintenir la sécurité politique et la stabilité sociale, et nous opposer résolument aux forces extérieures qui s’immiscent dans les affaires intérieures des États membres sous quelque prétexte que ce soit. »

Cela n’a apparemment rien à voir avec le RCEP. Mais il y a de nombreuses intersections. Aucune interférence de « forces extérieures ». Pékin prenant en considération les besoins des membres de l’OCS en matière de vaccins Covid-19 – et cela pourrait être étendu au RCEP. L’OCS – ainsi que le RCEP – étant la plate-forme multilatérale permettant aux États membres de régler leurs différends par la médiation.

Tout ce qui précède met en évidence l’intersectorialité de l’IRB, de l’UEE, de l’OCS, du RCEP, des BRICS+ et de l’AIIB, qui se traduit par une intégration plus étroite de l’Asie – et de l’Eurasie – sur le plan géoéconomique et géopolitique. Pendant que les chiens de la dystopie aboient, la caravane asiatique – et eurasienne – continue d’avancer.

Pepe Escobar

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

vendredi, 06 novembre 2020

Robert Steuckers : Entretien sur le conflit du Caucase pour la presse azerbaidjanaise

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Robert Steuckers : Entretien sur le conflit du Caucase pour la presse azerbaidjanaise

Propos recueillis par Zaur Medhiyev

La localité de Barda a été récemment touchée par un missile arménien. Quatre personnes ont été blessées. Ce n'est pas la première fois que des roquettes arméniennes frappent des villes. Pour quelle raison l’Arménie mène-t-elle ce type d’action ?

L’escalade dans la guerre actuelle au Sud du Caucase provient d’agents provocateurs qui veulent empêcher la rentabilisation de l’axe de communication terrestre dit « South-North », partant de l’Inde, traversant l’Iran et l’Azerbaïdjan pour arriver en Russie dans le bassin de la Volga. Ce corridor, qui porte le nom anglais de « International North-South Transport Corridor » prévoit la construction de communications navales, ferroviaires et routières sur une distance de 7200 km au départ de Mumbai (Bombay) en Inde. La Russie et l’Inde ont signé le protocole d’accord en mai 2002. En 2014, le trajet Mumbai-Bakou a été testé via le port iranien de Bandar Abbas. Ensuite, on a procédé à un test de fonctionnement entre Mumbai et Astrakhan sur la Volga. D’autres voies sont prévues vers l’Europe mais surtout vers le Kazakhstan et le Turkménistan. L’objectif est de renforcer sur la masse continentale eurasienne la « trade connectivity » ou « connectivité commerciale » et d’éviter les goulots d’étranglement créés depuis deux siècles par les puissances thalassocratiques dont la stratégie visait à « contenir » la principale puissance continentale, c’est-à-dire la Russie, et à l’empêcher d’atteindre les mers chaudes.

La réalisation de ce Corridor a également pour but de diminuer les coûts de transport de 30% et de réduire la longueur des trajets de 40%. L’Azerbaïdjan et l’Arménie ont signé ultérieurement l’accord de mai 2002, avec d’autres pays de la région et d’Asie centrale. L’Azerbaïdjan a eu l’intelligence politique de s’impliquer à grande échelle dans ce projet en construisant de nouvelles routes et de nouvelles voies de chemin de fer. La réunion de Téhéran du1 novembre 2017 a ainsi permis de normaliser et d’améliorer les relations entre l’Azerbaidjan chiite et l’église orthodoxe russe, de conclure des accords contre le terrorisme (wahhabite), de prendre des mesures pour lutter contre le narcotrafic et de sceller le projet de réaliser le Corridor. Ces accords sont importants et méritent d’être ancrés dans les faits.

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L’Iran voisin veut, dans le cadre de ce magnifique projet, agrandir le port de Chahabar et réaliser, à terme, un grand canal transiranien, l’Iranrud, qui relierait l’Océan Indien à la Caspienne, notamment au port d’Astara, situé à la frontière entre l’Iran et l’Azerbaïdjan. Ce développement régional intéresse les Européens conscients des impératifs de la géopolitique car, de cette façon, l’Europe, elle aussi, échapperait aux goulots d’étranglement que sont Gibraltar, Suez et Aden.

L’Arménie, depuis quelques années, a malheureusement laissé le projet en jachère. Or le tronçon ferroviaire et l’axe routier Iran-Arménie sont les chaînons manquants (les « missing links ») pour que les embranchements de ce Corridor puissent atteindre également la Mer Noire via la Géorgie. En septembre 2013, Serge Sarkissian signe des accords ferroviaires avec Vladimir Poutine, où la Fédération de Russie promet d’investir quinze milliards de roubles dans le projet.

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Pour les stratégistes américains actuels, ceux du Deep State, qui s’inscrivent dans la logique forgée en 1904 par Sir Halford John Mackinder, ces axes de communication doivent être bloqués à tout prix car ils défient, par leur existence même, toutes les stratégies développées par les puissances maritimes qui exigent la liberté des mers depuis le 17ème siècle. Dans le cadre qui nous occupe, aucune entrave aux axes de communication terrestre ne peut s’imposer. Les puissances maritimes tablent certes toujours sur leurs flottes mais aussi sur leurs dispositifs satellitaires et sur la maîtrise du numérique. Les puissances continentales gardent le lien avec la terre, le tellurique : leurs figures tutélaires sont le paysan et le géomètre romains. Depuis deux ou trois décennies, les stratégistes américains parient sur des guerres hybrides, impliquant la manipulation d’ONG comme en Ukraine, en Géorgie et en Arménie, ce qui a permis à Pachinian d’arriver au pouvoir en 2018, comme par hasard juste après les accords de Téhéran de 2017, scellés par ses prédécesseurs, dont l’ex premier ministre Serge Sarkissian, son vieil ennemi depuis 2008, et surtout l’ancien président Robert Kotcharian qu’il a fait emprisonner. L’objectif de ces ONG subversives est de saboter l’acheminement des marchandises et des hydrocarbures en direction des rimlands les plus riches comme on le voit avec l’acharnement américain contre les gazoducs Nord Stream 2 dans la Baltique. Dans le conflit qui ravage aujourd’hui le Caucase, il s’agit de saboter les voies de communication terrestre en gestation. Nous ne pouvons tolérer un tel sabotage car si les juristes des puissances maritimes du 17ème siècle (qui sont toujours les mêmes) plaidaient pour la liberté des mers, nous devons aujourd’hui militer pour la liberté des terres et rejeter tous les conflits qui bloquent les voies destinées à réorganiser le continent.

Enfin, les opérations de guerre en cours font évidemment des victimes dans les deux camps. Toutes sont à déplorer.

Des experts, dont des Russes, ont appelé Erevan à déposer les armes et à s'asseoir à la table des négociations, fournissant à l'Azerbaïdjan un calendrier pour le retrait des forces d'occupation. Cependant, Pachinian répond en appelant à une guerre totale. Quelle est la raison de cette obstination obsessionnelle?

Les Russes sont parfaitement conscients d’un fait : si une guerre de longue durée s’installe au Sud de la chaîne du Caucase, le projet du Corridor Inde/Arctique sera remis aux calendes grecques, ce qui irait au détriment de tous, en Europe comme en Asie. Ensuite, il faut savoir deux choses : la Russie a une frontière commune avec l’Azerbaïdjan et non avec l’Arménie. Le transit potentiel du Corridor passera dès lors par l’Azerbaïdjan en priorité. Ce raisonnement, les Iraniens et les Indiens doivent le tenir aussi. Si Pachinian appelle à la guerre totale, contrairement aux vœux de Moscou, c’est qu’il suit un ordre du jour occulte, établi par les services secrets américains. Cependant, il sait, et les Américains savent, que les Arméniens peuvent compter sur la sympathie de tous les peuples orthodoxes (surtout les Russes), de bon nombre de chrétiens catholiques, de la diaspora arménienne de France et des Etats-Unis. L’Azerbaïdjan ne pourra pas compter sur un tel soft power pour deux raisons : c’est un pays musulman et, dans les circonstances actuelles en Europe occidentale et centrale, les musulmans n’ont pas bonne presse. Ensuite l’alliance tacite avec la Turquie, qui envoie sur le front des mercenaires djihadistes syriens et libyens, dessert considérablement votre pays car les discours d’Erdogan, tenus à Strasbourg, Hasselt et Cologne, au cours de ces deux dernières décennies ont hérissé les Européens et ressuscité la phobie antiturque qui remonte au temps des croisades. Même si on peut dire qu’Erdogan n’a pas tort de fustiger les sales manies idéologiques qui ont défiguré l’Europe depuis une soixantaine d’années et ont culminé dans l’abjection au cours de ces dix dernières années. Quant à ses charges contre Macron, ma foi, je dois dire que je ris aussi dans ma barbe quand je les entends…

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Pour pallier cet inconvénient, l’Azerbaïdjan devrait mettre en avant les bonnes relations avec l’église orthodoxe russe, scellée lors de la réunion de Téhéran en novembre 2017. Face à l’opinion publique russe, il conviendrait aussi de desserrer les liens avec l’OTAN, sans pour autant renoncer aux gazoducs et oléoducs transanatoliens TANAP, base concrète de l’alliance de facto entre la Turquie et l’Azerbaïdjan.

Après la guerre, Pachinian et ses camarades seront-ils jugés ?

En principe, je suis contre le fait de juger des hommes d’Etat ou des chefs de guerre après une défaite militaire. Le Tribunal de La Haye est une sinistre farce, comme peuvent en attester les Serbes, les Croates et les Bosniaques (et demain les Kosovars) qui ont subi ses foudres. J’ai aussi plus de respect pour les hommes politiques qui affrontent les aléas de l’histoire ou pour les soldats qui mettent leurs vies en jeu que pour les sinistres et médiocres juristes, aux raisonnements creux et aux corps mous, qui ont l’effroyable toupet de juger leurs actes. Il n’y a pas d’êtres plus méprisables qui grouillent sur cette Terre. Je ne souhaite donc pas la création d’un nouveau tribunal de cette sorte après le conflit qui ravage le Caucase aujourd’hui. Lecteur de Carl Schmitt, j’ai médité, avec le Professeur Piet Tommissen, les écrits de ce grand penseur allemand sur la notion d’amnistie.

Le gouvernement belge reconnaît le Karabakh comme faisant partie du territoire de l'Azerbaïdjan. Mais le parlement flamand prend sa propre décision selon laquelle, dit-il, le Karabakh est un État séparé. Comment peut-on expliquer cela? Comment le Parlement flamand peut-il s'opposer à l'avis du ministère fédéral des Affaires étrangères?

L’architecture politique du royaume de Belgique est compliquée et il est toujours malaisé de tenter de l’expliquer à des étrangers. Même à nos voisins les plus proches. La situation est tendue en Belgique aujourd’hui. Le gouvernement central (fédéral) est composé de partis majoritairement non flamands. La population majoritaire est cependant flamande (plus de 60%) mais n’est quasi pas représentée dans le nouveau gouvernement fédéral. Par conséquent, le Parlement flamand jouera le jeu d’une opposition politique intransigeante tant que ce gouvernement sera en place, puisqu’il le juge antidémocratique et non représentatif de la population flamande, donc illégitime. L’idéologie majoritaire en Flandre privilégie systématiquement les peuples réels contre les Etats et le droit à la sécession de toutes les communautés ethniques minoritaires. Cela vaut pour la Catalogne et l’Ecosse comme cela a valu pour le Kosovo. Aujourd’hui, cette lecture est appliquée au Haut Karabakh, considéré comme arménien parce que peuplé d’Arméniens. A cela s’ajoute une solidarité chrétienne (même chez les agnostiques) et un affect antiturc dû au rejet de l’immigration marocaine et anatolienne, où l’idéologie salafiste et frériste s’implante dangereusement, mettant en danger tous les projets de convivialité interculturelle et d’intégration. Parmi les victimes de cette expansion sournoise du salafisme : un imam chiite marocain, tué par un extrémiste nord-africain.

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A Bruxelles, la communauté arménienne a organisé des rassemblements non autorisés, voire bloqué les rues. Comment les habitants ordinaires de la capitale ont-ils réagi à cela?D'ailleurs, ces rassemblements ont été dispersés par la police. Y a-t-il eu une nouvelle déclaration sur le «génocide»?

J’ai certes entendu parler d’une manifestation arménienne à Bruxelles mais non d’un blocage des rues. Cela s’est plutôt passé sur une autoroute française dans la région de Lyon. Je n’ai pas entendu de déclaration sur le génocide, sauf que la négation de ce génocide est interdite par les lois belge et française.

 

Le rapprochement sino-iranien: nouveau champ d’action de la guerre économique

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Le rapprochement sino-iranien: nouveau champ d’action de la guerre économique

par Nathan Crouzevialle

Ex: https://infoguerre.fr

Mai 2018, Donald Trump décide de se retirer unilatéralement des accords sur le nucléaire iranien, imposant par la suite de nouvelles sanctions contre l’Etat perse, et cela malgré l’opposition des Etats européens. Forte de cette stratégie, c’est la Chine qui apparaît ici comme axe de repli pour la République Islamique.

Conséquence des relations irano-américaines, la République islamique se tourne vers la Chine

L’Empire du milieu n’a pas attendu plus tard que cet été pour montrer sa volonté de signer un accord historique[i] « Lion-Dragon » prévoyant des investissements de 400 milliards de dollars sur 25 ans. 280 milliards de dollars d’investissement destinés aux industries pétrolières et gazières et 120 milliards pour les transports et la technologie sont les termes de l’accord, contre quoi l’Iran s’engage à vendre à l’état chinois des barils de pétrole à bas prix.

C’est donc l’Iran qui apparaît comme nouveau terrain d’affrontement, où deux camps s’opposent. D’un côté, un bloc composé des Etats-Unis en figure de proue accompagnés par des pays européens que sont la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. De l’autre côté, l’Iran, la République Populaire de Chine et dans une certaine mesure la Russie. Si cette division bipartite peut sembler quelque peu simpliste, il n’en reste que chacun des acteurs placent ses pions enfin d’empêcher une avancée adverse.

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Victime de l’extraterritorialité du droit américain, le pays est victime d’un manque crucial de capitaux étrangers, pourtant indispensables à son développement. Et alors que le taux d’inflation et de chômage ont atteint des niveaux records en Iran, c’est sur fond d’ennemi commun que naît une union bilatérale[ii] au goût d’ambition mondiale pour le parti communiste chinois et régionale pour la république Islamique. C’est sur une région historiquement « maîtrisée » par les Etats-Unis que la Chine démontre sa capacité à défier l’état américain.

L’Iran : pièce de l’échiquier de la Belt and Road Initiative

Belt and Road Initiative ou les nouvelles routes de la soie en français, voilà ce qui dicte le jeu chinois. Matérialisation concrète d’une forme d‘impérialisme chinois, le pays ne cesse d’étendre son influence géopolitique via des infrastructures et des accords commerciaux ambitieux. L’Iran apparaît comme pierre angulaire du projet. Il est important de noter que l’Iran est le troisième exportateur de pétrole pour la Chine mais que c’est également plus de 60% du pétrole qui est à destination du marché asiatique qui transite par le détroit d’Ormuz. On comprend dès lors que la Chine n’a aucun intérêt à laisser se dépérir le pays bien au contraire.

Le développement promis des infrastructures de transport comme le port de Chahbahar – qui est exclu des sanctions américaines – ou celle d’un train qui reliera directement Urumqi dans le Xinjiang à Téhéran en passant par les quatre pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Turkménistan), fait de toute évidence sens pour l’Iran[iii]. Dans la même lignée, la Chine qui est désormais capable de produire des centrales nucléaires compte bien également équiper ce pays avec ces technologies.

De plus, cet accord permettrait un renforcement dur approchement militaire des deux Etats. En effet, pour la première fois en décembre 2019, la Chine, l’Iran et la Russie ont mené des manœuvres communes dans l’Océan Indien et le Golfe d’Oman afin « d’assurer la sécurité internationale du commerce » selon les communiqués officiels. En réalité derrière cette démonstration de force, la Chine veut être impliquée dans de nouvelles zones d’opérations pour assurer son influence pour assurer la bonne tenue de son modèle commercial[iv].

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La communication officielle ne doit pas masquer la réalité[v], il apparait évident que cette union de circonstances permet à la Chine de s’assurer une présence militaire dans des zones d’influence stratégiques primordiales, telles que le détroit de Malacca et le détroit d’Ormuz. La Chine est désormais très présente dans la zone de l’océan indien ou son influence se fait de plus en plus pesante pour les différents acteurs. L’empire milieu a notamment pour projet la construction d’une deuxième base militaire à côté du port pakistanais de Gwadar après celle construite à Djibouti. Cette présence militaire inédite renverse le prisme américain jusqu’à alors dominant dans la région et se place comme un acteur majeur dans la région. C’est sans oublier, que l’embargo de l’ONU sur la vente d’armes à l’Iran prendra fin le 18 octobre, et s’il n’a pas été reconduit le pays perse pourrait s’avérer être un nouveau marché de taille pour Pékin.

Les enjeux monétaires

La Chine installe en réalité un « pont » virtuel mettant hors-jeu les Etats-Unis, profitant de la politique agressive menée par le président américain à l’encontre de l’Etat iranien. Le pétrole exporté sera payé par des échanges de biens, de services et de technologies mais également via la nouvelle monnaie électronique chinoise « l’e-RMB ». Cette toute nouvelle monnaie numérique permet en réalité à l’Iran et à la Chine de contourner sans problème toute sanction imposée par les États-Unis – évitant toute liaison avec le cours du dollar également. De plus, elle permettra à Pékin de faire prévaloir une autre monnaie que le dollar devenant de la sorte une réelle alternative aux billets verts américains.

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Au terme de cette démonstration, Il apparaît que l’Iran se confirme comme un point stratégique majeur pour la Chine. Cela d’une part pour la sécurisation de ces sites maritimes et terrestres, mais également via une sécurisation énergétique indispensable pour l’Etat asiatique. Cette situation pourrait aboutir très probablement à une certaine dépendance économique pour l’Iran vis-à-vis de la Chine mais elle amène également une contradiction forte au sein de la république islamique. Cette dernière proclame vouloir exporter la révolution et protéger les musulmans dès lors il est intéressant de constater son silence sur le traitement réservé aux Ouïghours. Ce silence en dit long sur les besoins en financement de l’économie iranienne.

Il semblerait donc que le rapport de force sino-américain ait trouvé un nouveau terrain de jeu, l’Etat iranien pris entre les deux hégémons doit faire un choix cornélien. Cette grille de lecture sous le prisme de la guerre économique nous permet de mieux comprendre les enjeux derrière cet accord titanesque. La Chine comme à son habitude joue une partie de Go en plaçant ses pions dans la région pour encercler des zones d’influence. Sa relation avec l’Iran n’est pas sans arrière-pensée[vi]

Nathan Crouzevialle.

Notes

[i] https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-teheran-et-pekin-main-dans-la-main

[ii] https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-2-page-519.htm

[iii] https://lecridespeuples.fr/2020/07/16/les-sanctions-americaines-poussent-la-chine-et-liran-vers-un-partenariat-strategique/

[iv] https://www.revueconflits.com/iran-chine-russie-allies-de-circonstance-michel-nazet/

[v] https://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Thierry-Kellner-sur-les-relations-entre-la-Chine-et-l-Iran-les.html

[vi] https://www.youtube.com/watch?v=bo5dzWD1tpM&t=754s

lundi, 26 octobre 2020

Kris Roman rencontre Robert Steuckers sur le thème des grands axes de communication terrestre en Eurasie

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Время Говорить 

Kris Roman rencontre Robert Steuckers sur le thème des grands axes de communication terrestre en Eurasie

 
ВРЕМЯ ГОВОРИТЬ! РАЗГОВОР С КРИСОМ РОМАНОМ
 
Dans le talk show Время Говорить («Il est temps de parler»), Kris Roman reçoit des invités spéciaux qui expliquent au grand public leurs découvertes et leurs connaissances sur des sujets d'actualité. Dans cet épisode, enregistré le 17-10-2020, Robert Steuckers est notre invité. Les conflits au Haut-Karabakh, en Syrie, dans le Donbass, au Yémen et ailleurs montrent une tension accrue dans le monde. Robert Steuckers explique dans cet épisode de «Vremya Govorit» les différents intérêts ainsi que les axes eurasiens.
 

samedi, 26 septembre 2020

The International North-South Transport Corridor: Shifting Gears in Eurasian Connectivity

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The International North-South Transport Corridor: Shifting Gears in Eurasian Connectivity

 

By

Ex: https://moderndiplomacy.eu

As the centre of gravity of the global power play tilts towards its economic underlining,

issues like trade, connectivity and infrastructure have come to warrant greater significance in foreign policies. This holds particularly true in Central Asia where the need for investment coupled with its strategic geographical stretch has drawn increasing attention towards the potential of transport corridors as catalysts of economic integration and connectivity. While China’s colossal Belt and Road Initiative (BRI) has been at the centre of global attention, India, Iran and Russia have mapped out their own plans for a transcontinental transport corridor. The International North-South Transport Corridor (INSTC) is a landmark initiative for Eurasian connectivity. Twice as short as the traditional trade route between India and Russia, the corridor augments economic cooperation and gives sea access to land-locked member states in Central Asia. This paper seeks to advance an understanding of the development of the INSTC and examine its significance in the Asian transportation grid. In doing so, it analyses the geopolitical dynamics that underlie the project’s agenda, examines it in the context of the BRI, explores the stumbling blocks in its developments and comments on its future prospects while highlighting some recommended policy changes.

Bridging the Connectivity Gap

The International North-South Transport Corridor is a 7200 km-long multimodal transportation network that links the Indian Ocean to the Caspian Sea via the Persian Gulf onwards into Russia and Northern Europe. Launched as a joint initiative by India, Iran and Russia in 2000 and ratified by the three in 2002, the corridor has now expanded to include eleven more members, namely, Azerbaijan, Armenia, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tajikistan, Turkey, Ukraine, Syria, Belarus, Oman and Bulgaria (observer status). The 2000 agreement was set in motion with the objectives of simplifying and developing transportation services, enhancing access to global markets and coordinating transit policies while also ameliorating route security. India’s accession to the Shanghai Cooperation Organisation (SCO) in 2017 and the Ashgabat Agreement in 2018 have only increased these connectivity prospects.

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Figure 1: The INSTC route and the standard Suez route. Credit: Wikimedia Commons

Although the original agreement envisaged connecting India and Iran to Central Asia and Russia, the potential of the corridor to gradually envelop the Baltic, Nordic and even the Arctic regions is no longer far-fetched. The first or the central branch of the corridor of the INSTC begins from the Mumbai port in the Indian Ocean Region and connects to the Bandar Abbas and Chabahar ports on the Strait of Hormuz and then passing through the Iranian territory via Nowshahr, Amirabad and Bandar-e-Anzali, runs by the Caspian Sea to reach the Olya and Astrakhan Ports in Russia. The second or the western branch connects the railway network of Azerbaijan to that of Iran via the cross-border nodal points of Astara (Azerbaijan) and Astara (Iran) and further to India via sea route. The third or the eastern branch of the corridor connects Russia to India through the Central Asian countries of Kazakhstan, Uzbekistan and Turkmenistan. Notably, the INSTC is multimodal in nature, encompassing sea, road and rail routes in its network to offer the shortest route of connectivity for Eurasian cargo transport. Bereft of the INSTC, cargo between India and Russia moves either through the Netherlands’ port of Rotterdam or China’s Qingdao port which takes over 50 days for transit. The INSTC in its completion cuts this transit time down to about 16-21 days. It also offers a considerably shorter route than the Suez Canal transit passage which, besides being overloaded, is also much more expensive than the former. This was made apparent by the dry run conducted by the Federation of Freight Forwarders’ Association of India (FFFAI) in 2014 with the objective of discerning structural problems and missing links in the corridor. The study demonstrated that the INSTC was 30 percent cheaper and 40 percent shorter than the traditional Suez route, slashing the transit time to an average of 23 days for Europe-bound shipments from the 45-60 days taken by the latter. Although the study identified streamlining and coordination with allied agencies as some of the pitfalls, it ascertained that the corridor did not pose infrastructural or security hurdles in the maiden dry run. The second dry run, reportedly conducted in 2017, generated a similar sense of optimism.[1]

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With an estimated capacity of 20-30 million tons of goods per year, the corridor facilitates transit and bolsters trade connectivity. But besides the more obvious benefits of increased trade, the time and cost savings coupled with access to new markets also translate into increased competitiveness in exports. This holds particularly true for the INSTC because unlike the BRI, the INSTC nations have a level-playing field, allowing for benefits to be distributed more evenly. For India, the corridor also augments its ‘Make in India’ initiative. Access to nations of the Eurasian Economic Union alone can offer it a market of 173 million people. Additionally, the corridor facilitates free trade agreements, opens new opportunities to engage with more regional trading blocs and in harmonising policies while bringing about a more uniform legal climate and enhances regional stability. 

Geopolitical Geometries

The INSTC acts as a gateway for India to reconnect with the resource-rich nations of Central Asia and Eurasia. It makes for one of the most salient aspects of India’s Connect Central Asia policy which was initiated by Indian policy markers in 2012 in a bid to revamp its ties with Central Asia. In a way, the INSTC serves the more proactive stance that the Indian foreign policy has come to adopt in recent years. For a long time, India’s westward connectivity had been disrupted by its contentious relations with Pakistan. In providing a direct link to the Iranian ports of Chabahar and Bandar Abbas, the INSTC allows the nation to bypass the Pakistan hurdle. Furthermore, it presents India with an opportunity to re-engage with Russia which, in the light of India’s increasingly cordial relations with the United States, has been advancing its relations with Pakistan. In 2018, bilateral trade between India and Russia stood at USD $8.2 billion, a dismal amount compared to the envisaged target of US $30 billion in bilateral trade by 2025. The need to re-energize trade coupled with the lack of a coterminous border renders the INSTC imperative for the two.

The INSTC also makes way for India to offset growing Chinese presence in the region. The partly Indian-built port of Chabahar in Iran is not only central to India’s connectivity to Central Asia but also holds significant strategic importance. Located just 72 kilometres west of the Pakistani port of Gwadar which has been developed under the BRI, Chabahar allows India to counter the Chinese strategic foothold in the Indian Ocean Region. The port is also pivotal for land-locked Afghanistan to unlock its trade potential and reduce its dependence on Islamabad. In this context, it is worthwhile to note that, positioned at the crossroads of the North-South and East-West transit corridors, Iran is the lynchpin to the success of the INSTC. Isolation of Iran in the wake of the U.S. sanctions then can inevitably put the actualisation of the INSTC in jeopardy. However, the signing of an MoU between the state-backed Container Corporation of India (Concor) and Russian Railways Logistics Joint Stock Company (RZD) in 2020 to transport cargo via the INSTC despite the threat of U.S. sanctions indicates a promising outlook for the full operationalisation of the corridor.

The geopolitical geometries of the INSTC are complicated not only by tangled relations with extra-regional players but also amongst the members themselves. Azerbaijan’s accession to the INSTC in 2005 spurred the corridor’s spread in the Caucasus and heralded the bridging of missing links like the Qazvin-Rasht-Astara railway line. Anticipating up to seven million tons of cargo transit through its territory in the medium term, Azerbaijan has agreed to finance $500 million for the project. But besides the economic benefits, the corridor also makes for a geopolitical asset for Azerbaijan in offering an opportunity to further isolate Armenia with which the country shares adversarial relations. The INSTC undermines Armenia’s own underfunded regional railroad initiative by providing more suitable economic dividends and linking Iran with Turkey via Georgia’s Black Sea Ports while bypassing those of Armenia with the Baku-Tbilisi-Kars route. Notably, for Armenia, the completion of the Armenia-Iran Railway Concession Project would bring colossal direct benefits for its economy by allowing it to avoid the Turkey and Azerbaijan blockade. However, given the paucity of funds, the Armenian project has remained only on paper. Another case in point is the possibility of friction in Russia-Iran relations in the future if a sanctions-free Iran makes headway in becoming an energy hub and gaining larger shares in the oil and gas markets of Europe which has been striving to reduce its dependence on Russian gas. Moreover, realities of the INSTC’s geopolitical geometries may complicate even further if the corridor expands to include countries from the Baltic and Nordic regions along with other interested states like Japan under its ambit. Nevertheless, given that the main argumentation behind the corridor is to reap commercial benefits, it is unlikely for the geopolitical rationale to override economic reasoning.

The INSTC and BRI: A Harmonious Grid?

The INSTC and China’s BRI are both colossal multi-modal undertakings which enhance economic connectivity and promote infrastructural growth. However, conceived almost a decade before the launch of the BRI,  the INSTC is a much older project. Unlike the BRI where China plays the role of the foreman, it follows a much more multilateral approach with multiple stakeholders participating on a level playing field. INSTC proposals are also devoid of ‘debt-trap’ fears which have often plagued the appeal of the BRI. While this makes the INSTC much more transparent and reliable and thereby increases its tenability in the long run, it also implies more constraints in its development process. The shortage of funds for constructing missing links in the corridor is one such example. As the helmsman of the BRI, China is not only willing to invest large sums into the project but is also willing to risk markedly low returns on its long-term investments. This, however, points to the concern that the entire project is a decisive strategic manoeuvre. For India, this holds particularly true for the CPEC stretch on the BRI whose Gwadar port is seen as a catalyst for China to gain a strategic foothold in the Indian Ocean Region. China’s bid to extend ties into Afghanistan and Iran have stirred these tensions further. Nonetheless, it is important to note that Iran’s growing ties with China need not necessarily come at the cost of India-Iran relations. Besides, the North-South axis of the INSTC can, in fact, complement the East-West axis of the BRI to make for a more cohesive transport grid in Eurasia. Although the INSTC and China’s BRI initiative are often pitted against each other, it must be understood that the two are not entirely incompatible with each other.

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Bottlenecks and Constraints

Progress on the INSTC has taken place in fits and starts. Following the progress made in the first few years of its inception, development on the corridor slowed down from 2005 to 2012. Progress picked up the pace again after the sixth meeting of the INSTC members in 2012 and the project has been gradually gaining momentum since. Coincidently, this was the same year in which India launched its ‘Connect Central Asia’ initiative. One reason behind the sluggish pace of progress was the imposition of sanctions on Iran which isolated it on the global stage. The other major stumbling block has been the lack of financial backing. None of the three main participants has pockets deep enough to ensure unwavering funds for a project of this scale. Different stakeholders are funding different sub-projects creating structural and technical problems for the corridor owing to its disjointed nature. One such problem is the break of gauge issue. The standard railway gauge used by Iran, a central transit hub, is different from the broad gauge used by Russia and the Central Asian nations. For instance, the Rasht-Astara rail link requires a change of gauge from the standard one as the line crosses from Iran into Azerbaijan. This necessitates the need for more change of gauge facilities. The presence of multiple stakeholders creates other problems like customs control and documentation issues, lack of harmony in transportation laws and improper insurance coverage.[2] Moreover, the project still lacks an information exchange platform. This points to the absence of adequate digitalisation and private sector participation in the INSTC. Although the corridor has garnered interest from some companies like Deutsche Bahn, private sector involvement in the corridor has largely remained dormant owing to their concerns for steady returns on investment and security fears. The corridor passes through regions with critical security risks — be it instability in the conflict-ridden Caucasus, extremism in Afghanistan, domestic discord or forms of transnational organised crime like drug trafficking. This puts the security of cargo transit into question and few companies are willing to gamble with this risk, putting the project’s economic viability in jeopardy.

The Path to the Future

While the North-South Corridor holds immense potential, its full realisation is contingent on the resolution of the bottlenecks and constraints impeding its progress. Addressing these challenges requires closer cooperation with government agencies and private enterprises at both regional and international levels. First, it is imperative to understand that the main selling point of the corridor is commercial gain from increased connectivity. To this end, the INSTC members must avail and make practical and effective use of its complementarity with the existing grid of transnational corridors in Eurasia owing to the North-South axis that the corridor operates on. Synergy with other corridors will allow the INSTC to create additional positive economic spill-overs. Synchronisation with corridors of the Trans-European Transport Network such as the North-Sea Baltic corridor, with organisations like the Black Sea Economic Cooperation (BSEC) and other nations like Japan, Myanmar and Thailand can significantly enhance the outreach of the project. Second, the INSTC members must incorporate new digital technologies, launch a web portal for information exchange and build digital nodes along the corridor to turn it into a fully integrated networking system. One way of achieving this is to have India, with its robust IT sector, take the lead in the digitalisation of the corridor. The other is to push for greater participation from the private sector which is significantly more efficient in advanced technologies.[3] Third, infrastructural and technical issues must be resolved. Integration of logistics assets, provision of visa facilities, ease of gradients, aggregation of cargo bound in the return direction and increasing availability of change of gauge facilities are some steps in this direction. Fourth, it is equally important to work towards greater harmonisation of policies. This necessitates the creation of high-level working groups and adept integration of policies and laws. It is, however, important to ensure that changes introduced in the direction of legal harmonisation must not be integrated with local laws unexpectedly in a trice but rather in a step-by-step manner to ascertain a smooth transition. Only once these steps are undertaken and the existing bottlenecks removed, can the INSTC members expand the ambit of the project to include new domains like smart energy, blockchain technology, pipeline connectivity, and consider the prospects of extending the corridor to areas like North Africa and the Arctic region.

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Conclusion

The International North-South Transport Corridor was initiated based on the vision of India, Russia and Iran to enhance strategic partnership and economic cooperation by augmenting connectivity through Central Asia. Although the initial progress was slow, the project has expanded dramatically to potentially increase its reach up to Northern Europe. Extending its geographical stretch to such an extent and tapping into its vast potential, however, is bound to be a time taking process. Questions over sanctions on Iran and Russia, the mustering of adequate economic wherewithal and lack of private participation still linger. Nonetheless, it would be unwise to judge the corridor’s capacity to deliver before it becomes fully operationalised. Given that development on the corridor is still underway, it can be easily modified to overcome structural problems. Cargo exchange and private participation are also bound to drum up further as Asia slowly develops into a larger consumer market itself. While this presents a positive outlook for the corridor’s future, its actualisation rests on the ability of the member states to maintain sustained efforts.


[1] Hriday Ch. Sharma, “Turning the International North-South Corridor into a ‘Digital Corridor’”, Comparative Politics Russia, 4 (2018), 125, 10.24411/2221-3279-2018-10008.

[2] “INSTC Conference-India 2015”, 87-94.

[3] Hriday Sharma, “Turning the International North-South Corridor into a ‘Digital Corridor’”, 124-138

vendredi, 11 septembre 2020

The New Axis: Berlin-Warsaw-Moscow-Bejing?

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The New Axis: Berlin-Warsaw-Moscow-Bejing?
 
by Konrad Rekas
Ex: http://oneworld.press
 
In fact, the axis from Berlin through Warsaw to Moscow and Beijing, the continental bridge that realists wrote about, who saw geopolitical and geoeconomic benefits and obviousness – this is the future.

What is the lesson from the anniversary of the Molotov-Ribbentrop Pact? That it was the Polish minister Józef Beck who could and should sign a pact with Molotov or Ribbentrop, and preferably with both - instead of sitting like this… believing in "Western guarantees".

Do Not Count On The Mistakes Of Others By Making Our Own

Poland has focused on the German-Russian conflict many times in its history, most often not supporting either side, but the forces that provoked these clashes. And despite the immediate benefits - it was a strategic Polish FAULT, which had to be based on the hope that one of our great neighbours would also make a mistake and act against their own geopolitical interests. Such a mechanism took place, for example, on the eve and during the Great War, which MUST be an almost successful suicide both for Russia and Germany - because that was the reason why it broke out. A similar situation happened in World War II, when Hitler, in turn, not only betrayed Nazism by selling it to great capital, but also tried to deny the geopolitical destiny of Germany, causing a war only in the interest of the Anglo-Saxons and for their rule over the World. Par excellence, therefore, both the Russian mistake in World War I and the German fault in World War II temporarily paid off for Poland - however, in the first case, almost only because there was simply a season to appoint small and weak national transition states in Central Europe as a necessary stage of reaching World Government (i), and in the second case, we were shielded by the scale of the Soviet victory and the suspension by communism of further geopolitical and civilization processes for less than half a century.

For the truth, the German-Russian alliance, or more broadly the Euro-Eurasian alliance, is the most obvious thing in the World, and it is by no means true that this is a deal, without exception, that can only deadly for the very existence of Poland. Well, that is, this is deadly, but only in a situation where Poland itself assumes the absurd role of the Trojan horse of Atlantism, deliberately acting against its own geopolitical determination. If we, Poles, stop considering as our historical mission to counteract the absolutely necessary combination of the potential of Europe and Eurasia - then we will become BENEFICIARIES, and not a hindrance to this process, which is also profitable for us.

China: A Necessary Fulfilment To Eurasia

Equally evident, but more recent date, is the geopolitical falsehood of the conflict with China, which seems to be the dominant economic power of Asia, and is our natural partner, not an enemy, for Poland and the whole of Central Europe, thus providing an opportunity to escape the trap of medium development and investment, barely keeping us alive, but transferring profits outside our country. And it does not matter for such an emerging natural European-Russian-Chinese alliance that historically China had moments in its long history, or rather makings, when the periodic advantage of the mercantile factor could make it the Ocean Empire. However, there has always been an introverted withdrawal to the Continental areas and the return of the domination of the political factor over the trade factor, typical for this formation.

Now the situation might only look different. But is it really bad? Let us remember, however, that such as United States had all the data to not go Alfred Mahan’s way, but to remain an alternative Continent, that is China has this comfort in the opposite direction to some extent. Their real return to Zheng He’s routes does not have to deny Eurasianism, but only supplement its formula.

Anyway, the Eurasian choice of Europe (including Poland) would be a salvation for all of us from the burdensome American dependence and the destruction of suicide, which for the Old Continent were two World Wars, and for Poland a joyful appearance in the Second one as a pretext, a spark, and the first a victim of a conflict that artificially divides (our) natural allies. In fact, the axis from Berlin through Warsaw to Moscow and Beijing, the continental bridge that realists wrote about, who saw geopolitical and geoeconomic benefits and obviousness – this is the future. Let us not repeat the mistakes of our ancestors, let us not ignore the reality that is happening around us. Whenever we went against our geopolitical destiny in history, only sacrifice and destruction awaited us. It is high time to change that.

(i) Nota bene, on the eve of the Great War, Russia was planning to give Poles independence, because it was already fed up with us, and its ruling spheres felt a deep reluctance to think about joining more lands inhabited by Poles. In addition, the Russians finally found a partner, in the form of Polish National-Democracy, to whom they could leave Poland - both in the conviction of the unity of interests and the durability of such governments in reborn Poland, more reliable than conservatives deprived of social support. This has been a theme that has been running in Polish-Russian relations for 300 years. Already Catherine II, sending Nikolai Repnin to Poland as her ambassador, instructed him: "We need reliable Poles!". And nothing has changed since the times of the Great Empress...

By Konrad Rękas
Polish journalist
 

dimanche, 30 août 2020

Effondrement occidental : l’Allemagne tentée par l’axe Moscou-Pékin ?

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Effondrement occidental : l’Allemagne tentée par l’axe Moscou-Pékin ?

Le chaos post-Covid dans lequel se débat l’empire occidental capitaliste pourrait bien rebattre les cartes des alliances géopolitiques plus vite qu’il n’y paraît. « L’Alliance eurasienne définitive est plus proche que vous ne le pensez », écrit le journaliste Pepe Escobar dans un récent billet.

Rappelons que l’Eurasie désigne conjointement l’Europe et l’Asie en tant que continent unique. Comme nous l’explique le Grand jeu à longueur de ses chroniques reprises sur le yetiblog, l’alliance Moscou-Pékin est déjà factuelle à l’heure qui l’est. Ces deux puissances ont bien compris qu’une véritable puissance se mesurait à deux critères :

  • son autonomie économique-énergétique-technologique (souveraineté)
  • une alliance intelligente avec le ou les puissances qui peuvent lui permettre de se procurer ce dont elle manque encore.

Il est une autre chose que ces deux puissances émergentes ont aussi très bien assimilé : on ne peut plus compter sur une vieille puissance décatie comme l’est l’Amérique de Trump (ou de Biden). Pepe Escobar citant Poutine :

« Négocier avec l’équipe Trump, c’est comme jouer aux échecs avec un pigeon : un oiseau dément qui marche sur l’échiquier, chie sans discernement, renverse des pièces, déclare la victoire, puis s’enfuit. »

Le pragmatisme allemand dans l’océan des dérives psychopatheuses occidentales

À la différence de leurs homologues déments du bloc occidental. Poutine et Xi Ping ont ceci de commun qu’ils sont de vrais chefs d’État pragmatiques et intelligents, pas les chargés de mission demeurés et inopérants de quelques mafias financières occultes en pleine désintégration (suivez mon regard du côté de l’Élysée).

Un seul pays occidental échappe au carnage psychopatheux qui frappe le bloc occidental : l’Allemagne. C’est le fameux pragmatisme allemand qui a permis à ce pays de se tirer de l’épisode pandémique de coronavirus bien mieux que ses voisins européens. C’est le pragmatisme allemand qui a fait de Berlin la puissance dominante de l’assemblage hétéroclite qu’est l’Union européenne. Et soyez persuadés que Frau Merkel a pris depuis longtemps la mesure de la déliquescence de ses homologues washingtoniens quels qu’ils soient ou quels qu’ils pourraient être après la présidentielle US du 3 novembre.

Lorsqu’il parle d’« alliance eurasienne » – qui devrait inclure l’ensemble de la partie occidentale du continent européen – Pepe Escobar évoque naturellement surtout une jonction Berlin-Moscou-Pékin, les autre pays membres de l’UE étant partie négligeable, sinon ridicule.

Le lobbying de Moscou et de Pékin auprès de Berlin

Il va de soi que l’Allemagne a encore de nombreux intérêts à défendre au sein du bloc occidental, ses exportations d’automobiles vers les États-Unis par exemple. Mais l’effondrement économique de l’Occident, les désordres monétaires qui finiront par s’ensuivre avec un euro trop fort pénalisant les exportations allemandes, le constat enfin que l’axe Pékin-Moscou est en train de prendre l’ascendant militaire sur l’empire US, y compris dans sa chasse-gardée maritime, font grandement réfléchir la chancellerie allemande. Se couper de l’approvisionnement en gaz et pétrole russes, risquer de subir une fermeture du détroit d’Ormuz suite aux agressions permanentes du Deep State US contre l’Iran serait suicidaire pour l’Allemagne.

Si l’axe Moscou-Pékin est déjà une réalité, écrit Pepe Escobar, le rapprochement Berlin-Pékin est déjà largement avancé. Et le chaînon manquant, mais pas si lointain, pragmatisme oblige, est le lien Berlin-Moscou. La conclusion imminente du Nord-Stream II, le lobbying malin de Moscou pour séduire Frau Merkel et surtout les séquelles économiques inouïes de l’épidémie de Covid sur le capitalisme occidental, pourraient bien précipiter ce jeu de bascule fatal pour Washington.

=> Lire : Definitive Eurasian Alliance Is Closer Than You Think par Pepe Escobar sur Zero Hedge.