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Nouvelles routes de la soie, « La ceinture et la route »
Intervention de François-Bernard Huyghe à la 3° session du forum sur les enjeux technologiques des nouvelles routes de la soie (19 décembre 2019, Unesco)
Ex: http://www.huyghe.fr
D’une route l’autre : un étonnement de vingt-deux siècles
Pour parler des relations « technologiques » entre la Chine et l’Europe, il faudrait sans doute remonter avant notre ère, à l’ouverture historique de la route de la soie. L’Occident découvre alors un produit à la fois - - hautement désirable (la vogue de la soie perturbe l’économie romaine dès avant l’ère chrétienne), - - lié au secret (dans la mesure où les acheteurs finaux ne savent ni comment elle est fabriquée, ni comment atteindre directement le pays d’origine) - - et dont l’exportation a été décidée- par l’Empire dans une stratégie de souveraineté.
Dans l’imaginaire, la Chine devient le pays des Sères (de la soie), mais l’itinéraire (par des pistes caravanières avec de rares abris ou par mer, de port en port et de cale en cale) est long, fractionné et aléatoire et l’information authentique se perd souvent en chemin. Ou laisse place à des légendes.
Ces relations sont marquées pendant des siècles par une quasi ignorance (les choses circulent mieux que les connaissances), mais aussi par un rapport culturel ambigu. Ainsi, au fil des siècles, l’Europe s’étonnera à la fois de l’inventivité technologique de l’Empire, du fait que la maîtrise de techniques (comme l’imprimerie, la poudre ou la boussole) ne produisent pas les mêmes effets et ne débouchent pas sur l’équivalent de la Renaissance ou des grandes explorations. Ou encore de la faculté que possède l’Empire de se fermer brusquement au monde en dépit de sa capacité de l’explorer (comme après l’expédition de Zeng-He en 1433).
Ces trois questions que les Européens se sont posées pendant des siècles - technicité, territorialité et autorité: Comment ? D’où ou par où ? Et selon quelle norme ? - reviennent sous des formes très contemporaines. Comme celle d’une «ceinture économique de la route de la soie» («Silk Road Economic Belt», devenue la «Belt and Road Initiative», BRI).
Le projet des nouvelles routes de la soie vise à développer les infrastructures physiques (des routes, des rails, des tuyaux, des ports, etc.), retraçant et prolongeant les routes maritimes et terrestres séculaires des marchandises. Il nous interroge à neuf sur le rapport entre circulation des choses et des informations, mais aussi sur la relation de l’État avec l’économie. Nous parlons ici de la capacité qu’a Pékin de conserver à la fois ses frontières et de se projeter dans un temps long.
Lancé à un rythme étonnant après un discours de Xi Jinping en 2013, mais se projetant sur plusieurs décennies, le projet bientôt inscrit dans la constitution du parti prend valeur de proclamation solenelle d’une ère d’ouverture et d’accélération. Les moyens suivent : l’adjectif qui revient le plus souvent est celui de « pharaonique » pour désigner des budgets de milliards par an.
Évidemment c’est le caractère unidirectionnel de cette circulation (produits manufacturés, capitaux, transferts monétaires, entreprises mobilisées) qui fait problème. Il suscite une crainte du déséquilibre en termes de puissance et d’influence. D’où des réticences, notamment d’E. Macron, face à une « nouvelle hégémonie ». L’Europe se partage plutôt sur un axe Nord/Sud face au projet des Nouvelles Routes, tandis que s’affirme une contre stratégie américaine, puissance maritime s’inquiétant d’une puissance continentale qui la concurrence au-delà de ce qui était imaginable.
On mesurera aussi en cette occasion comment le politique peut utiliser l’obstacle des normes, l’argument de sécurité et confidentialité, les impératifs écologiques, etc., pour contrôler une montée en puissance politique et économique à la fois. Vue de l’ouest ou vues de l’est, ces routes témoignent que nous nous sommes trop vite crus libérés des contraintes de la matérialité (l’économie ce sont d’abord des choses qui circulent et qui demandent des voies et des vecteurs) mais nous avons aussi cru trop tôt qu’un modèle technoéconomique unique s’imposait sans que les Nations puissent faire autre chose qu’accélérer ou retarder l’inévitable.
Parallèlement, la façon dont la Chine est devenue une cyberpuissance fut une autre surprise historique. La numérisation du pays montre aussi comment l’État peut - favoriser l’émergence d’équivalents des GAFAM, mais sans leur accorder d’autonomie géopolitique, - se protéger des influences extérieures, notamment derrière sa « grande muraille de feu » (un dispositif logiciel qui lui permet de s’isoler comme un Intranet mais à l’échelle de la première population du monde), - redéfinir les règles de la cyberstratégie internationale, etc.
Le tout concrétise la maîtrise chinoise dans les trois couches du cyberespace, physique (serveurs, câbles, stockage), logique ou logicielle (non dépendance des algorithmes, normes et plateformes made in USA) et enfin sémantique (au sens du contenu des messages accessibles à sa population).
Sans compter le démenti apporté à la thèse qui prédisait que l’Internet menait irréversiblement, sinon vers un cyberespace émancipé du politique, du moins vers l’adoption d’un régime à l’occidentale ou de ses valeurs culturelles. La Chine n’a pas imité le modèle « californien» cher à la Silicon Valley, ni son type de start-up et son mode de conquête des marchés. En cherchant l’explication technique d’un rattrapage surprenant, mais avec d’autres codes, on constate une adaptation culturelle du capitalisme chinois high tech, des rapports étroits avec l’autorité politique, l’exploitation des effets d’échelle (notamment du plus grand gisement de données potentiel de la planète), l’évolution culturelle de la population, l’hyperréactivité au programme étatique d’innovation systématique, l’intégration des services numériques aux modes de vie...
Là aussi se pose la question des supports et infrastructures. Ainsi dans le domaine de la 5G où l’avance de Huawei suscite des réactions à l’énormité de ses investissements en recherche et à ses ambitions. Mais aussi à des soupçons de cyberespionnage. On voit ainsi la Chine protéger à la fois sa « muraille » (en conservant ses données, en se préservant du pouvoir des GAFAM, en contrôlant les contenus) et exporter ses matériels et réseaux. Toujours le va-et-vient entre la connaissance numérique (des données qui peuvent être dérobées ou protégées, des inventions qui peuvent être reproduites) et le support ou le dispositif physique.
D’où les tenttives d’exclusion de leurs marchés de pays se réclamant pourtant du libéralisme : le politique (USA, Australie, Allemagne) redevient interventionnistes lorsqu’il s’agit de protéger son économie d’une influence qui passerait aussi par les infrastructures numériques. Voir l’obligation faite aux appareils Huawei de se passer de la technologie Android Google. La perspective que les écosystèmes numériques puissent littéralement divorcer et se séparer, chose impensable il y a trois ans, s’impose.
Sans doute en réponse, en Chine, une directive gouvernementale dite « 3-5-2 » joue l’autarcie technologique à long terme : elle exige le remplacement des matériels et logiciels informatiques dans l’administration. Ce qui représente un marché gigantesque. Dans le contexte de ce que l’on a surnommé la balkanisation d’Internet, il faut renoncer à la notion que la technologie est sans frontières et le politique impuissant.
La Chine dans le cadre d’un plan « Made in China 2025 » prévoit de relancer largement l’industrie par des investissements publics dans la recherche et de s’émanciper de plus en plus de la technologie étrangère. Mais aussi d’être un grand pays maritime, en pointe dans l’espace, grand exportateur, etc. Cela fait le lien avec sa défense par une éventuelle « guerre des intelligences » qui exploiterait militairement les technologies sophistiquées émergentes (dans le prolongement de la « guerre hors limites » théorisée dès les années 90). Mais en même temps la coopération civilo-militaire, public-privé,central-régional contribue à l’objectif de faire de la Chine un pays qui investit énormément dans la recherche de pointe...
Enfin, l’Intelligence Artificielle (nous aurions aussi bien pu parler de l’espace, des drones, des robots, des objets connectés etc., tout étant lié) est un domaine où s’est engagée une autre course Chine / USA. Il révèle aussi le rapport entre ambition géopolitique et technologie. Suivant la version la plus souvent rapportée, après la défaire du plus grand maître de Go face à un algorithme en 2016, la Chine aurait décidé d’emporter la compétition plus générale pour l’IA.Et notamment dans le domaine de l’IA dite perceptive (qui reconnaît des visages, des mots, un environnement) ou de son intégration aux usages quotidiens. Là encore il y a des explications à chercher dans le pragmatisme, dans l’échelle de la mutation, dans l’acceptation de la population, dans les interactions entre le pouvoir politique et l’économie... Tout ceci confère un avantage, si l’on admet qu’à ce stade, les deux principales fonctions de l’IA sont d’imiter ou de remplacer le comportement humain (par un calcul plus complet et des instructions plus adaptées) mais aussi d’anticiper ledit comportement et les interactions avec l’environnement pour une meilleure gestion de notre activité. Éventuellement couplée à des objets connectés ou dispositifs, l’IA devient capable non seulement de présenter la meilleure solution en fonction des règles préétablies, mais aussi de s’adapter à chaque situation et de la modifier.
Là encore, l’IA chinoise est partie tard, mais aussi sans avoir connu les « hivers », les phases de blocage de la recherche (et son financement) depuis les années 50. Elle ambitionne de devenir la première au monde à l’horizon de quelques décennies. Ce processus repose sur la synergie entre l’autorité politique et les milieux économiques et universitaires, sur l’échelle de la population qui permet l’exploitation de toute innovation mais aussi sur le contrôle de la population. Ainsi le système dit de crédit social, basé sur l’omniprésence des systèmes de surveillance. En attendant en 2020 le crédit social « corporate » pour les entreprises.
Le hardware et le soft, la route et la muraille, le numérique et le tangible, la souveraineté et le négoce, la copie et l’invention... tout nous semble reposer sur des équilibres et des contrôles, dont rien ne garantit d’ailleurs qu’ils dureront éternellement. Ni qu’ils soient adaptables chez nous ou que de soit souhaitable. Mais qui enseignent au moins aux Européens que l’absence de volontarisme politique et la confiance dans les mécanismes technoéconomiques étaient des erreurs.
Review: “The Dawn of Eurasia: On the Trail of the New World Order” by Bruno Maçães
Ex: https://asianreviewofbooks.com
Some international relations scholars and commentators are rediscovering that Eurasia is a geopolitical unit, a “supercontinent”, in the words of Bruno Maçães in his interesting new book The Dawn of Eurasia. Maçães traces the origins of the term Eurasia to Austrian geologist Eduard Suess in 1885, but the idea that Eurasia should be viewed as a single geopolitical unit is traceable to the great British geopolitical theorist Sir Halford Mackinder in a little-remembered article in 1890 entitled “The Physical Basis of Political Geography”.
Mackinder in that article subdivided Eurasia into the “Gulf Stream Region” (Europe) and the “Indo-Chinese” or “Monsoon” region (East, Central and South Asia) where two-thirds of the world’s population lived, and noted both the Silk Road and seafaring trade routes that linked Europe and Asia. In the early 20th century, Mackinder further developed the notion of Eurasia as the world’s dominant landmass and as a potential seat of a world empire.
Maçães, who is currently a Senior Advisor at Flint Global in London, a Senior Fellow at Renmin University in Beijing and the Hudson Institute in Washington, and a former Portuguese Europe Minister, calls the political world of the 21st century the “new Eurasian world”, but, as noted above, there is really nothing “new” about it, at least in a geographical sense. Indeed, history’s greatest land empires—the Mongols, Napoleonic France, Nazi Germany, and the Soviet Union—were Eurasian. And, as Maçães notes, “[t]he border between Europe and Asia was always unstable, untenable and, for the most part, illusory.”
What then is “new” about the Eurasia of the 21st century that is resulting in a “new world order?”
What’s new is a shift in power from West to East.
The Dawn of Eurasia: On the Trail of the New World Order, Bruno Macaes (Penguin, January 2019; Yale University Press, August 2018 )
What’s new, according to Maçães, is a shift in power—economic and political—from West to East. It is a shift in power from the western part of Eurasia to its eastern part. But it is also a shift in power from non-Eurasian powers—Britain and the United States—to Eurasian powers—especially China and India. This shift occurred, he believes, because Asia caught up with Europe and the West with respect to science, technology, and innovation; in a word, modernization. Maçães explains:
That the Europeans found themselves in a position to control practically the whole world was a direct result of a series of revolutions in science, economic production and political society whose underlying theme was the systematic exploration of alternative possibilities, different and until then unknown ways of doing things.
Asia embarked on a “fast embrace of modernity” such that modernization has become universal.
Maçães is quick to point out, however, that universal modernization is not equal in all societies and that there are “different models of modern society”. This is especially the case with respect to political models. Asian modernization does not mean that Asian nations will follow the liberal democratic path of Europe and the West. So while economic, scientific, and technological modernization is universal, political systems will remain different. Parag Khanna in his new book The Future is Asian urges Asian powers to reject Western liberal democracy in favor of what he calls “technocratic governance”, which he describes as a form of democratic-authoritarian government similar to Singapore’s.
The new world order flowing from universal modernization among rival nation-states will be characterized, writes Maçães, by “a struggle for mastery in Eurasia”. Again, there is nothing “new” about this, except some of the players. China and India are the most conspicuous rising powers, but Russia has staked its claim in the struggle, too.
The Belt and Road Initiative is “a race for power at the heart of the greatest landmass on earth.”
Maçães writes about his “six-month journey along the historical and cultural borders between Europe and Asia” to show that the borders are not real. He traveled to Azerbaijan, the Caucasus, and other places in the region between the Black and Caspian Seas. He highlights the growing importance of Caspian energy resources to Europe, China and Russia, and the growth of Central Asian cities that lie along the path of China’s new Silk Road. He describes China’s plan for a “new network of railways, roads, and energy and digital infrastructure linking Europe and China.” The Belt and Road Initiative, Maçães writes,has the ambition of creating the world’s longest economic corridor, linking the Asia-Pacific economic pole at the eastern end of Eurasia, and the European pole at its western end.
The land component of this initiative is complemented by the “Maritime Silk Road” that connects China to Europe via the South China Sea, the South Pacific and the Indian Ocean. “Together”, he writes, “the land and sea components will strive to connect about sixty-five countries.”
Maçães views China’s Belt and Road Initiative as more than an economic corridor. It risks, he writes, upsetting old geographical realities and evoking a nineteenth-century world of great-power rivalry, a race for power at the heart of the greatest landmass on earth.
Maçães believes that in the struggle for mastery of Eurasia, Russia is an important variable, and that the Trump administration recognizes this. While President Obama rhetorically pivoted to Asia, Maçães explains, President Trump is seeking to pivot to Eurasia. Trump, he writes, views Eurasia in Kissingerian terms—the United States should have better relations with China and Russia than they have with each other. Trump’s strategy, he believes, “would use closer relations with Russia to limit China’s growing power and influence.”
That is a very 19th-century view of the world, but it makes eminent geopolitical sense in the 21st century. Indeed, in Mackinder’s last article on the subject in 1943 in Foreign Affairs, he envisioned a global geopolitical balance between the North Atlantic nations (the US, Canada, and Western Europe), Russia, and the populous lands of South and East Asia. The result, he hoped, would be “[a] balanced globe of human beings.”
Francis P Sempa is the author of Geopolitics: From the Cold War to the 21st Century and America’s Global Role: Essays and Reviews on National Security, Geopolitics and War. His writings appear in The Diplomat, Joint Force Quarterly, the University Bookman and other publications. He is an attorney and an adjunct professor of political science at Wilkes University.
Photo, above: Chinese container cargo trucks after crossing the Kulma pass at the Tajik-China border. Photo: Pepe Escobar / Asia Times
This is arguably the ultimate road trip on earth. Marco Polo did it. All the legendary Silk Road explorers did it. Traveling the Pamir Highway back to back, as a harsh winter approaches, able to appreciate it in full, in silence and solitude, offers not only a historical plunge into the intricacies of the ancient Silk Road but a glimpse of what the future may bring in the form of the New Silk Roads.
This is a trip steeped in magic ancient history. Tajiks trace their roots back to tribes of Sogdians, Bactrians and Parthians. Indo-Iranians lived in Bactria (“a country of a thousand towns”) and Sogdiana from the 6-7th centuries BC to the 8th century AD Tajiks make up 80% of the republic’s population, very proud of their Persian cultural heritage, and kin to Tajik-speaking peoples in northern Afghanistan and the region around Tashkurgan in Xinjiang.
Proto-Tajiks and beyond were always at the fringe of countless empires – from the Achaemenids, Kushan and Sogdians to the Greco-Bactrians, the Bukhara emirate and even the USSR. Today many Tajiks live in neighboring Uzbekistan – which is now experiencing an economic boom. Due to Stalin’s demented border designs, fabled Bukhara and Samarkand – quintessential Tajik cities – have become “Uzbek.”
Bactria’s territory included what are today northern Afghanistan, southern Tajikistan and southern Uzbekistan. The capital was fabled Balkh, as named by the Greeks, carrying the informal title of “mother of all cities.”
Sogdiana was named by the Greeks and Romans as Transoxiana: between the rivers, the Amu-Darya and the Syr-Darya. Sogdians practiced Zoroastrianism and lived by arable agriculture based on artificial irrigation.
Western Pamirs: Road upgrade by China, Pyanj River, Tajikistan to the left, Afghanistan to the right, Hindu Kush in the background. Photo: Pepe Escobar
We all remember that Alexander the Great invaded Central Asia in 329 B.C. After he conquered Kabul, he marched north and crossed the Amu-Darya. Two years later he defeated the Sogdians. Among the captured prisoners was a Bactrian nobleman, Oxyartes, and his family.
Alexander married Oxyartes’s daughter, the ravishing Roxanne, the most beautiful woman in Central Asia. Then he founded the city of Alexandria Eskhata (“The Farthest”) which is today’s Kojand, in northern Tajikistan. In Sogdiana and Bactria, he built as many as 12 Alexandrias, including Aryan Alexandria (today’s Herat, in Afghanistan) and Marghian Alexandria (today’s Mary, formerly Merv, in Turkmenistan).
By the middle of the 6th century, all these lands had been divided among the Turkic Kaghans, the Sassanian Empire and a coalition of Indian kings. What always remained unchanged was the emphasis on agriculture, town planning, crafts, trade, blacksmithing, pottery, manufacture of copper and mining.
The caravan route across the Pamirs – from Badakshan to Tashkurgan – is the stuff of legend in the West. Marco Polo described it as “the highest place in the world.” Indeed: the Pamirs were known by the Persians as Bam-i-Dunya (translated, appropriately, as “roof of the world”).
The highest peaks in the world may be in the Himalayas. But the Pamirs are something unique: the top orographic crux in Asia from which all the highest mountain ranges in the world radiate: the Hindu Kush to the northwest, the Tian Shan to the northeast, and the Karakoram and the Himalayas to the southeast.
Ultimate imperial crossroads
The Pamirs are the southern boundary of Central Asia. And let’s cut to the chase, the most fascinating region in the whole of Eurasia: as wild as it gets, crammed with breathtaking peaks, snow-capped spires, rivers ragged with crevasses, huge glaciers – a larger-than-life spectacle of white and blue with overtones of stony gray.
This is also the quintessential crossroad of empires – including the fabled Russo-British 19th century Great Game. No wonder: picture a high crossroads between Xinjiang, the Wakhan Corridor in Afghanistan and Chitral in Pakistan. Pamir may mean a “high rolling valley.” But the bare Eastern Pamirs might as well be on the moon – traversed less by humans than curly-horned Marco Polo sheep, ibex and yaks.
Countless trade caravans, military units, missionaries and religious pilgrims also made the Pamir Silk Road known as “road of Ideologies.” British explorers like Francis Younghusband and George Curzon hit the upper Oxus and mapped high passes into British India. Russian explorers such as Kostenko and Fedchenko tracked the Alai and the great peaks of the northern Pamir. The first Russian expedition arrived in the Pamirs in 1866, led by Fedchenko, who discovered and lent his name to an immense glacier, one of the largest in the world. Trekking toward it is impossible as winter approaches.
And then there were the legendary Silk Road explorers Sven Hedin (in 1894-5) and Aurel Stein (1915), who explored its historical heritage.
Chinese container cargo trucks negotiate the Western Pamirs. Photo: Pepe Escobar
The Pamir Highway version of the Silk Road was actually built by the Soviet Union between 1934 and 1940, predictably following ancient caravan tracks. The name of the region remains Soviet: the Gorno-Badakhshan Autonomous Oblast (GBAO). To travel the highway, one needs a GBAO permit.
For no less than 2,000 years – from 500 B.C. to the early 16th century – camel caravans carried not only silk from East to West, but goods made of bronze, porcelain, wool and cobalt, also from West to East. There are no fewer than four different branches of the Silk Road in Tajikistan. The ancient Silk Roads were an apotheosis of connectivity: ideas, technology, art, religion, mutual cultural enrichment. The Chinese, with a keen historical eye, not by accident identified “common legacy of mankind” as the conceptual/philosophical base for the Chinese-led New Silk Roads, or Belt and Road Initiative.
Have China upgrade, will travel
In villages in Gorno-Badakhshan, stretched out along stunning river valleys, life for centuries has been about irrigation farming and seasonal-pasture cattle farming. As we progress toward the barren Eastern Pamirs, the story mutates into an epic: how mountain people eventually adapted to living at altitudes as high as 4,500 meters.
In the Western Pamirs, the current road upgrade was by – who else? – China. The quality is equivalent to the northern Karakoram Highway. Chinese building companies are slowly working their way towards the Eastern Pamirs – but repaving the whole highway may take years.
The Pyanj river draws a sort of huge arc around the border of Badakhshan in Afghanistan. We see absolutely amazing villages perched on the hills across the river, including some nice houses and owners with an SUV instead of a donkey or a bike. Now there are quite a few bridges over the Pyanj, financed by the Aga Khan foundation, instead of previous planks jammed with stones suspended above vertiginous cliffs.
From Qalaykhumb to Khorog and then all the way to Ishkoshim, the Pyanj river establishes the Afghan border for hundreds of kilometers – traversing poplar trees and impeccably-tended fields. Then we enter the legendary Wakhan valley: a major – barren – branch of the Ancient Silk Road, with the spectacular snow-capped peaks of the Hindu Kush in the background. Farther south, a trek of only a few dozen kilometers of trekking, it’s Chitral and Gilgit-Baltistan in Pakistan.
The Wakhan could not be more strategic – contested, over time, by Pamiris, Afghans, Kyrgyz and Chinese, peppered with qalas (fortresses) that protected and taxed the Silk Road trade caravans.
The star of the qalas is the 3rd century B.C. Yamchun fortress – a textbook medieval castle, originally 900 meters long and 400 meters wide, set in a virtually inaccessible rocky slope, protected by two river canyons, with 40 towers and a citadel. Legendary Silk Road explorer Aurel Stein, who was here in 1906, on the way to China, was gobsmacked.The fortress is locally known as the “Castle of the Fire Worshippers”.
Pre-Islamic Badakhshan was Zoroastrian, worshipping fire, the sun and spirits of ancestors and at the same time practicing a distinct Badakhshani version of Buddhism. In fact, in Vrang, we find the remains of 7th-8th century Buddhist man-made caves that could have also been a Zoroastrian site in the past. The early Tang dynasty wandering monk Xuanzang was here, in the 7th century. He described the monasteries and, tellingly, took notice of a Buddhist inscription: “Narayana, win.”
Ishkoshim, which Marco Polo crossed in 1271 on the way to the upper Wakhan, is the only border crossing in the Pamirs into Afghanistan open to foreigners. To talk of “roads” on the Afghan side is audacious. But old Silk Road tracks remain, negotiable only with a study Russian jeep, delving into Faizabad and farther into Mazar-i-Sharif.
Here are the parts the 18-year-long, trillion-dollar, Hindu Kush-of-lies-told American war on Afghanistan never reaches. The only “America” available is Hollywood blockbusters on DVDs at 30 cents apiece.
I was very fortunate to spot the real deal: a camel caravan, straight from the ancient Silk Road, following a track on the Afghan side of the Wakhan. They were Kyrgyz nomads. There are roughly 3,000 Kyrgyz nomads in the Wakhan, who would like to resettle back in their homeland. But they are lost in a bureaucratic maze – even assuming they secure Afghan passports.
These are the ancient Silk Roads the Taliban will never be able to reach.
Traveling the Pamir Highway, we’re not only facing a geological marvel and a magic trip into ancient history and customs. It’s also a privileged window on a trade revival that will be at the heart of the expansion of the New Silk Roads.
Khorog is the only town in the Pamirs – its cultural, economic and educational center, the site of the multi-campus University of Central Asia, financed by the Agha Khan foundation. Ismailis place tremendous importance on education.
Badakhshan was always world-famous for lapis lazuli and rubies. The Kuh-i-Lal ruby mine, south of Khorog, was legendary. Marco Polo wrote that in “Syghinan” (he was referring to the historical district of Shughnan) “the stones are dug on the king’s account, and no one else dares dig in that mountain on pain of forfeiture of life”.
Shughnan worshipped the sun, building circular structures with the corresponding solar symbolism. This is what we see in Saka graves in the Eastern Pamir. As we keep moving east, the settled Pamiri culture, with its profusion of orchards of apricots, apples and mulberries, gives way to semi-nomadic Kyrgyz life and irrigated villages are replaced by seasonal yurt camps (not at this time of the year though, because of the bitter cold.)
At Langar, the last village of the Wakhan, rock paintings depict mountain goats, caravans, horse riders with banners, and the Ismaili symbol of a palm with five fingers. Archeologist A. Zelenski, in fascination, called the historical monuments of the Wakhan “the Great Pamir Route.” Aurel Stein stressed this was the main connection between Europe and Asia, thus between the whole classical world and East Asia, with Central Asia in between. We are at the heart of the Heartland.
Last stop before Xinjiang
Following the Wakhan all the way would lead us to Tashkurgan, in Xinjiang. The Pakistani border, close to the Karakoram Highway, is only 15 km to 65 km away, across forbidding Afghan territory.
It’s the Koyzetek pass (4,271 meters) that finally leads to the Eastern Pamir plateau, which the Chinese called Tsunlin and Ptolomy called Iamus, shaped like a giant shallow dish with mountain ranges at the edges and lakes at record altitudes. Marco Polo wrote, “The land is called Pamier, and you ride across it for twelve days together, finding nothing but a desert without habitations or any green thing, so that travelers are obliged to carry with them whatever they need. The region is so lofty and cold that you don’t even see any birds flying. And I must notice also that because of this great cold, fire does not burn so brightly and give out so much heat as usual, not does it cook effectually.”
Murghab, peopled by Kyrgyz – whose summers are spent in very remote herding camps – revolves around a mini-bazaar in containers. If we follow the Aksu river – once considered the source of both the water and the name of the Oxus – we reach the ultimate, remote corner of Central Asia: Shaymak – only 80 km from the tri-border of Afghanistan, Pakistan and China.
The Little Pamirs are to the south. As I reported for Asia Times way back in 2001, it was in this area, crammed with the most important Silk Roads passes of both China and Pakistan, that Osama bin Laden might have been hiding, before he moved to Tora Bora.
From Murghab, I had to inspect the Kulma pass (4,362 meters high), a New Silk Road border. The road – made by China – is impeccable. I found lonely Chinese container truck drivers and businessmen from Kashgar driving made-in-China minivans across the Pamirs to be sold in Dushanbe.
On the High Pamirs we find around 800 ancient lakes created by earthquakes, tectonic activity and glaciers. Yashilkul lake (“Blue Water”), at 3,734 meters frozen this time of the year, sits in a plateau scouted by Stone Age hunters. Tajik archeologist V. Ranov found rock paintings of horses and carts, attributes of Mitra, the Persian god of the Sun. During the 10th to 3rd centuries B.C, the plateau was inhabited by nomadic tribes of the Persian-speaking Sakas.
From Shughnan to Ishkoshim, here we are in what the ancients called “The country of the Sakas.”
From Scythians to containers
The vast Scythian steppes that range from the Danube all the way to China were inhabited by a vast confederation of tribes. Then, in the 2nd to 1st centuries B.C., the tribes started moving to the east of the Greco-Bactrian state. Some of them settled in the Pamirs and became the ethno-genetic component of the Pamiri ethnicity. Alex, my driver, is a true Pamiri from Khorog. He’s also the real Pamir Highway Star with his badass black Land Cruiser. (“It’s a killing machine/ it’s got everything,” as Deep Purple immortalized it.)
The highlight of the Eastern Pamirs is the spectacular blue inland, saltwater Karakul Lake, formed 10 million years ago by a meteor. Under the sun, it’s a radiant turquoise; this time of the year, I saw it deep, deep blue, not really the “Black Lake” that its name implies. Karakul because of its slight salinity was not frozen. This is chong (big) Karakul, the older brother of the kichi (small) Karakul across the border in Xinjiang, which I had the pleasure of visiting in my Karakoram Highway travels.
The High Pamirs are right behind Karakul, concealing the 77-km-long Fedchenko glacier. East of the lake, if you could survive a trek in Arctic conditions, is Xinjiang. The early Tang dynasty wandering monk Xuanzang was here in 642 (he thought the lake was people by dragons). Marco Polo was here in 1274.
Our base to explore Yashilkul and later Karakul was Bulungkul – this time of the year a sort of Arctic station, with only 40 houses served by solar panels in the middle of nowhere, and temperatures hovering around minus 22 Celsius. It’s the toughest of lives. They told me that in winter the temperature drops to -63C.
Farther down the road, I took a diversion east to observe the Kulma pass, at 4,363 meters the official Tajik border with China, reached by a – what else? – made-by-China road, opened in 2004 following the ancient Silk Road.
The Tajik-Kyrgyz border at the Kyzyl-Art pass looked like a scene from Tarkovsky’s Stalker, utterly Soviet-style desolate except for a shared taxi loaded with Kyrgyz going to Khorog. From there, it’s a spectacular drive all the way to the crossroads of Sary Tash, and through the head-spinning, 3,615 meter-high Taldyk pass, towards Osh, the gateway to the Ferghana valley.
The Taldyk pass in southern Kyrgyzstan, all the way to Osh. Photo: Pepe Escobar / Asia Times
All across this mesmerizing Central Asia/Heartland journey, especially in the bazaars, we see in detail the crossroads of pastoral nomadism and irrigation culture, fertilized century after century by cross-cultural Silk Road trade involving herders, farmers, merchants, all of them part of commodity trading and provisioning for the caravans.
We delve into the vortex of immensely rich social, religious, scientific, aesthetic and ideological influences – especially from Persia, India, China and Iran. The shift from overland to sea trade in the 16th century – the start of European world domination – in fact never erased the traditional routes to India via Afghanistan, China via Xinjiang and Europe via Iran. Trade remains the top factor in Central Asian life.
Today the Pamir Highway is a privileged microcosm of what is slowly but surely evolving as the intersection between the New Silk Roads and Greater Eurasia – with its main hubs configured by Russia, China, Iran, Pakistan and – it may be hoped – India.
The ultimate crossroads of civilizations, the Heartland, is back – once again at the heart of history.
(Republished from Asia Times by permission of author or representative)
- D’une part, un itinéraire millénaire par où parvenait la soie de Chine vendue à Rome autour de l’ère chrétienne, et dont le nom est devenu un synonyme romantique de « relations entre Orient et Occident » (en fait, c’est un géographe allemand du XIX° siècle qui invente l’expression : les voyageurs d’époque, eux, ignoraient qu’ils étaient « sur la route de la soie ») - et d’autre part, une discipline moderne qui traite de la façon de protéger, acquérir ou utiliser et diffuser de l’information stratégique pour accroître la puissance économique d’une entreprise ou d’une nation ?
La réponse est dans la question : qui dit route dit circulation de marchandises, de gens, mais aussi d’information. Or les trois ne circulent pas au même rythme ni de la même façon, ni avec les mêmes conséquences.
La soie, d’abord fabriquée uniquement en Chine, traverse toute l’Eurasie, en passant de main en main, de caravane en caravane ou de port en port en plusieurs mois. Elle voyage d’ailleurs avec bien d’autres marchandises, dont les épices, en passant par des intermédiaires qui ont tout intérêt à conserver le monopole du transport sur leur territoire, mais aussi celui de la connaissance des sources d’approvisionnement et de l’origine de ce qu’ils vendent.
Les gens circulent aussi sur les routes, à grand peine et à grand risque. Très peu d’entre eux accomplissent l’itinéraire complet d’Ouest en est ou l’inverse, ils le font très tard et ne sont qu’une poignée à écrire des mémoires qui nous soient parvenus (guère avant le XIII° siècle). Ces voyageurs sont des marchands, des ambassadeurs (vrais ou faux) des soldats, mais aussi des prédicateurs qui peuvent consacrer une bonne part de leur vie à un unique voyage.
Quant à l’information, elle porte sur des connaissances techniques précieuses (qu’est-ce que la soie ? comment est-elle fabriquée ?), sur les pays lointains (leur mœurs, leur système, les possibilités de négoce d’alliance et le dangers qu’ils présentent, leur intérêt géostratégique), sur la géographie et les transports..
Mais cette information est largement déformée ou recouverte par des incompréhensions, de la désinformation délibérée, des mauvaises interprétations, des récits légendaires qui ont plus de succès que les rapports fiables, des croyances et des mythes que les voyageurs projettent sur tout ce qu’ils voient. Sans compter une autre sorte d’information qui circule et qui est destinée à convaincre ou à sauver les âmes : la prédication, pour ne pas dire la propagande des grandes religions avec leurs pèlerins ou leurs prosélytes qui traversent des continents entiers pour répandre (ou recueillir) la parole sacrée. Cette information voyage à travers ds écrits, des images et bien sûr la mémoire des hommes qui sont souvent menteurs, hâbleurs ou naïfs.
Edith et François-Bernard Huyghe se proposent d’explorer trois aspects de cette relation (parmi beaucoup d’autres possibles). - l’idée même de route de la soie, envisagée comme itinéraire commercial, mais aussi comme lien entre des cultures et des civilisations se développe dans un contexte marqué par la guerre économique et des questions géostratégiques - le secret de la soie (à la fois lle fait de savoir qu’elle est produite par un simple vers, et la façon de la fabriquer) a constitué le plus long secret «industriel » de l’Histoire et n’a été percé, au bout de plusieurs siècles, que par de véritables manœuvres d’espionnage. D’autres grands secrets (des épices, du papier, de l’imprimerie, de la poudre…) suivront le même chemin. - sur la route de la soie ont proliféré des réseaux marchands ou autres fonctionnant par l’échange des nouvelles et des savoirs, la fausse information chassant parfois la vraie et la conservation de la mémoire posant des questions cruciales.
Au total, la route de la soie qui cesse vraiment de fonctionner au seuil de l’ère des grandes découvertes et de l’imprimerie, résume parfaitement la circulation des savoirs pendant ce que nous avons baptisé « l’ère du portage », quand une idée ou une information ne circule pas un homme qui la transporte avec lui et à son pas.
L'Eurasie remplacera bientôt les Etats-Unis dans le statut de super-super puissance mondiale
par Jean-Paul Baquiasr
Ex: http://www.europesolidaire.eu
L'Union Européenne, bien que regroupant des Etats dont le poids économique n'est pas négligeable, ne deviendra jamais une super-puissance mondiale. Il faudra que pour cela elle s'affranchisse de la domination politique, économique et culturelle que les Etats-Unis continuent à exercer sur elle depuis l'origine.
Il ne faut jamais oublier que Washington a présidé à sa mise en place des les années 1960 pour en faire une plate-forme leur permettant de préparer une guerre contre la Russie, guerre proprement dite mais aussi diplomatique. Cet objectif demeure toujours d'actualité, l'Otan étant une autre version de l'Europe au plan militaire.
Depuis plusieurs années désormais se sont constitués des unions d'Etats auxquelles l'Union européenne, sur les injonctions répétées des Etats-Unis, refuse toujours de s'associer. Il s'agit essentiellement d'unions économiques, dans lesquelles la Chine joue un rôle essentiel. Mais Washington les considère aussi, non sans raisons d'ailleurs, comme visant à concurrencer la domination américaine. La Chine, en passe de devenir la première puissance économique mondiale, cherche à y étendre son influence. Mais pour beaucoup des Etats moins importants participant à ces unions, il s'agir surtout de regrouper des forces leur permettant de faire face à la domination américaine. Même si la situation économique aux Etats-Unis semble entrée en récession, ceux-ci ont moins que jamais renoncé à étendre leur domination sur le reste du monde.
On pourra d'abord mentionner l'Union Economique Eurasiatique comprenant (nous ne traduisons pas) les Etats suivants : Armenia, Belarus, Kazakhstan, Kyrgyz Republic, Russia Tajikistan et bientôt Moldova. L'objectif en est surtout d'encourager le libre-échange et la coopération économique entre les membres.
Viennent ensuite :
- La très importante Shanghai Cooperative Organization, SCO. (Russia, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tajikistan, Uzbekistan, India, China et Pakistan; avec en observateurs Afghanistan, Iran, Mongolia, Belarus et partenaires de dialogue Armenia, Azerbaijan, Cambodia, Nepal, Sri Lanka et Turquie. Elle compte 4 puissances nucléaires et se donne pour but de renforcer la sécurité et la cas échéant la coopération militaire entre ses membres. Ceux-ci ont signé un accord dit Déclaration de Bishkek visant à faire de l'Asie Centrale une zone excluant l'emploi d'armes nucléaires entre les signataires. Par ailleurs la SCO encourage le renforcement des liaisons ferroviaires et aériennes en son sein.
- L'ASEAN ou Association of Southeast Asia qui date de 1967, (Brunei Darussalam, Cambodia, Indonesia, Laos, Malaysia, Myanmar, Philippines, Singapore, Thailand et Vietnam). Initialement très tournée vers les Etats-Unis, elle le reste, mais négocie aussi aujourd'hui des accords présentés comme stratégiques avec Pékin et Moscou.
Le Regional Comprehensive Economic Partnership (Brunei, Cambodia, Indonesia, Laos, Malaysia, Myanmar, the Philippines, Singapore, Thailand, Vietnam, China, Japan, South Korea, Australia et New Zealand, avec sans doute prochainement l'Inde. Il encourage en priorité les investisseurs étrangers et permet à ceux-ci d'attaquer les gouvernements qui les refuseraient au profit d'investissements publics exclusifs.
- La Belt and Road Initiative. Prévue pour être inaugurée en juin 2021, elle rassemblera 4 milliards de personnes au sein de 130 pays en Eurasie, Afrique, Amérique Latine et Pacifique Sud. Elle veillera à la coordination des politiques économiques, la connectivité des infrastructures, les échanges entre personnes. Elle construit déjà des centrales électriques au Pakistan, des lignes ferroviaires en Hongrie et de nombreux ports maritimes de l'Afrique à la Grèce. L'Iran, stigmatisée par les Etats-Unis, en fait partie.
On comprendrait mal que les principaux pays européens, notamment l'Allemagne, la France et l'Italie, persistent à ignorer tout ceci
Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...
par Caroline Galactéros
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli dans Marianne et consacré à l'indispensable rapprochement entre l'Union européenne et la Russie. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.
Se rapprocher de la Russie n'a jamais été aussi urgent pour la survie de l'Europe
A l’heure où j’écris ces lignes, depuis le sud d’une Europe étourdie de torpeur estivale telle l’insouciante cigale de la fable, un calme étrange semble régner sur les grandes affaires du monde. Un silence inquiétant aussi, comme celui qui précède l’orage en montagne ou le tsunami en mer. En matière de guerre comme de paix, le silence est toujours un leurre. Il se passe en fait tant de choses « à bas bruit » qui devraient mobiliser les chancelleries occidentales et leur faire élaborer des politiques nouvelles, ne serait-ce même que de simples « éléments de langage » disruptifs.
Le nouveau partage du monde n’est pas une césure infranchissable. L’approfondissement du discrédit moral et politique des États-Unis, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump, président grandement sous-estimé mais jugé imprévisible et changeant souvent de pied, pousse les acteurs de deuxième rang, pour survivre en dessous du nouveau duo de tête sino-américain, à ne plus mettre tous leurs œufs dans le même panier, tandis que Washington détruit méthodiquement tous les mécanismes et instruments multilatéraux de dialogue.
Rééquilibrage mondial
La crise du détroit d’Ormuz creuse les fractures attendues, comme celle qui oppose les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite à l’Iran secondé par Moscou et Ankara sous le regard gourmand de Pékin. Elle révèle aussi l’approfondissement de rapprochements plus insolites, tel celui de Moscou et de Ryad, chaque jour plus visible en Syrie au grand dam de Washington. En témoigne, outre leur rapprochement pour maintenir les cours du pétrole, l’amorce d’une coopération militaire entre les deux pays avec des achats de S400 par Ryad (comme d’ailleurs par Ankara dont l’opportunisme ne connait plus de limites). Ryad achètera aussi aux Chinois des technologies de missiles et des drones.
Quant aux Émirats arabes unis, ils ont annoncé au salon IDEX 2019, des acquisitions d’armements divers à la Russie pour 5,4 milliards de dollars et notamment de systèmes anti-aériens Pantsir-ME. Les enchères montent. Autre signe de ce « rééquilibrage », le récent jeu de chaises musicales au sein des services syriens de sécurité, sous la pression de Moscou, au profit de personnalités sunnites adoubées par Ryad, contre l’influence iranienne jusque-là dominante. Même le Hezbollah prendrait quelques ordres à Moscou désormais. De là à penser que la Russie mènera pour longtemps la danse en Syrie, mais souhaite néanmoins favoriser un règlement politique ayant l’imprimatur discret de Washington, Ryad et Tel Aviv – et donc défavorable au clan Assad (le bras-droit du frère de Bachar el-Assad, Maher, putatif remplaçant, vient d’être arrêté) et à son tuteur iranien – il n’y a qu’un pas…
Ce qui ne veut pas dire que Moscou laisse tomber Téhéran. Elle s’en sert pour optimiser son positionnement entre Washington et Pékin. La Russie vient d’annoncer de prochaines manœuvres militaires conjointes. L’Iran, étouffé de sanctions, ne peut évidemment tolérer d’être empêché de livrer même de toutes petites quantités de brut qui assurent la survie politique du régime et la paix sociale. La République islamique a donc répliqué à l’arraisonnement par les Britanniques – à la demande de Washington – du Grace One près de Gibraltar le 4 juillet dernier (pétrolier transportant du pétrole brut léger) et prend la main : saisie le 13 juillet, du pétrolier MT-RIAH puis, le 19 juillet, du britannique Stena Impero…. et enfin le 4 août, par celle d’un troisième bâtiment.
Iran/Etats-Unis : qui a la main sur qui ?
Téhéran menace désormais d’interdire le Détroit d’Ormuz (un tiers du transit mondial d’hydrocarbures) dont elle partage la propriété avec Oman et les Émirats arabes unis (la passe étant par endroits trop étroite pour constituer des eaux internationales) et tolère l’usage international à certaines conditions par les seuls signataires de la Convention maritime internationale de 1982. Il est vrai que Washington met de l’huile sur le feu jour après jour et vient d’imposer illégalement de nouvelles sanctions à l’encontre du ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif- peut être l’ultime et plus compétent négociateur pouvant arrêter l’escalade – notamment pour entraver ses déplacements. Qui veut la paix ? Qui veut la guerre ? De provocations en enfantillages, certains dirigeants semblent avoir perdu tout sens de leurs responsabilités envers la paix mondiale. Car si le Détroit d’Ormuz venait à être véritablement interdit par Téhéran au passage des tankers, l’explosion du prix du brut qui s’ensuivrait serait très vite insupportable pour l’économie mondiale et une gigantesque récession surviendrait. En dépit des apparences, c’est donc l’Iran qui tient le sort des États-Unis et de l’économie occidentale entre ses mains.
La « pression maximale » crânement brandie comme un trophée par le président Trump à l’encontre de Téhéran s’exerce donc dans les deux sens. Cette folle politique de Washington qui prétend contraindre le pouvoir à élargir le spectre de l’accord sur le nucléaire de 2015 (attente parfaitement utopique ou trompeusement avancée pour provoquer un conflit) est un échec patent. Certes, Londres par la voix de son nouveau premier ministre Boris Johnson, dont le pedigree personnel dessine une possible et gravissime double allégeance, a choisi, as usual, « le Grand Large » comme en a témoigné l’arraisonnement du Grace One. L’Allemagne se montre quant à elle prudente, cherchant à ménager la chèvre et le chou et à profiter du manque de discernement de la France.
Bientôt un Yalta 2.0 ?
Paris en effet, s’oppose (pour combien de temps) à une coalition pour garantir la circulation dans le détroit d’Ormuz que demande évidemment Washington, et essaie de s’accrocher à l’Accord moribond… après avoir commis l’insigne faute d’appeler à son extension aux questions balistiques pour complaire à Washington et Tel Aviv. Nous avons donc encore une fois joué, inconsciemment faut-il l’espérer, une partition américaine qui contrevient à tous nos intérêts et précipite la guerre.
Ce focus sur l’actualité internationale du moment ne fait que manifester l’ampleur des enjeux du Yalta 2.0 qui s’annonce. Mais « le Rideau de fer » de ce nouveau partage s’est déplacé vers l’Oural, à l’extrême est de l’Europe, et cette translation met clairement la Russie dans le camp de l‘Europe. En effet, si l’Oural sépare géographiquement l’Europe de l’Asie, à sa verticale se trouvent précisément les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, qui font toujours partie de la ceinture de sécurité de la Russie et sont désormais convoitées par la Chine. Or, si l’Eurasie est toujours au cœur des convoitises des grands acteurs (dont les États-Unis), il est une autre opposition que nous ne voyons pas alors qu’elle devrait pourtant focaliser notre capacité d’analyse stratégique et notre action diplomatique : c’est la rivalité montante entre la Chine et la Russie pour la domination économique et politique de l’Asie centrale et même du Caucase.
Les tracés nord (Chine-Kazakhstan-sud Russie-nord Caucase jusqu’en Mer noire sur le territoire russe) et centre (Ouzbékistan-Turkménistan-Iran-Turquie) des Nouvelles Routes de la Soie visent en effet à mettre sous dépendance économique progressive les « Stans », et donc, au prétexte de la lutte contre les Ouigours musulmans, à permettre à Pékin de disposer progressivement d’un levier de déstabilisation économique et sécuritaire important sur Moscou. L’influence est aussi (et souvent avant tout) faite de capacité de nuisance.
Et l'Union européenne dans tout cela ?
En conséquence, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » – englobant la partie européenne de la Russie – n’a jamais été aussi nécessaire et urgente pour la sauvegarde de l’Union européenne, si cette dernière espère compter entre États-Unis et Chine et éviter le dépècement et la dévoration. Pourtant le rapprochement de l’Union européenne avec la Russie reste ignominieux, inconcevable, indéfendable à nos dirigeants piégés par une vision idéologique et faussée de leurs intérêts comme des nouveaux rapports de force du monde. C’est l’impensé, l’impensable, l’angle mort de la projection stratégique de l’Europe. Pour les élites et institutions européennes, la Russie – que l’on assimile toujours à l’URSS -, est par principe vouée aux Gémonies, l’Amérique idéalisée, le péril chinois minimisé, l’Inde ignorée, le Moyen-Orient déformé et l’Afrique sous-estimée. Les ravages de « la pensée magique » touchent malheureusement aussi la politique extérieure.
Pour entraver une dérive collective vers une nouvelle loi de la jungle internationale qui ne s’embarrassera même plus de gardes fous juridiques imparfaits, il est urgent de retrouver les bases d’une coexistence optimale entre les grands acteurs et ensembles régionaux. Urgent surtout de cesser de croire en la chimère d’un magistère moral occidental ou simplement européen qui a volé en éclats. Dans un saisissant paradoxe, le dogmatisme moralisateur ne passe plus la rampe et une révolution pragmatique et éthique de la pensée stratégique occidentale s’impose. La France peut encore en prendre la tête et entrer en cohérence avec elle-même pour se protéger, compter et convaincre.
« Le ciel et l’océan d’Asie sont assez grands pour que le dragon et l’éléphant dansent ensemble, ce qui amènera à une véritable ère asiatique », a dit un diplomate chinois à la Conférence sur les Nouvelles routes de la Soie à Bombay en 2017[1]. Démontrant ainsi l’importance pour la Chine d’une participation indienne qui légitimerait la devise de Xi Jinping : « l’Asie pour les Asiatiques ».
Il y a quelques années, la « One Belt One Road », a pris le nom de « Belt Road Initiative », afin de corriger l’impression d’une route unique qui courrait à travers l’Eurasie et l’Océan Indien[2]. Cette initiative est le plus souvent dénommée « Nouvelles routes de la Soie » en français. Il s’agit en réalité d’un réseau de coopération régional, initié par les Chinois, avec des projets d’envergure mondiale, qui devrait traverser 65 pays. Ces projets de connectivité et d’infrastructure cherchent à connecter la Chine à ses voisins asiatiques, et d’accéder à l’Europe via l’Asie Centrale et l’Océan indien. Pour ce faire, voies ferroviaires, routes et ports devraient être construits ou modernisés. Il s’agit en réalité de rassembler en un grand programme différentes initiatives qui lui précèdent. Pour autant, les discussions se font principalement sur un mode bilatéral[3].
L’Inde se trouve directement sur les Nouvelles routes de la Soie. Pour certains[4], il s’agit d’une opportunité pour l’Inde, qui serait à même de choisir les projets qui créeraient des bénéfices durables (notamment dans le Nord-Est de l’Inde), tout en rejetant ceux qui seraient entièrement à l’avantage de la Chine. « L’éléphant » serait en effet l’un des rares pays à avoir une économie et un régime politique suffisamment forts pour résister aux désirs hégémoniques du « dragon ».
Cette vue n’est néanmoins pas celle de la majorité des hommes politiques indiens, qui s’inquiètent aujourd’hui des conséquences de cette poussée chinoise. En effet, les Nouvelles routes de la Soie menacent directement l’Inde sur son territoire, et semblent se resserrer en étau autour du pays. L’Inde attaque la Chine sur son manque de transparence avec le soutien européen, américain, et asiatique et africain dans une certaine mesure, mais il est peu probable que cela suffise, d’où le lancement d’initiatives indiennes et de coopérations dans la région.
I/ Un passage controversé par le Cachemire et un encerclement régional
Le projet est particulièrement controversé sur la partie nord-ouest de l’Inde avec le « China Pakistan Economic Corridor » (CPEC). Ce projet de couloir économique est constitué de prêts et d’investissements qui pourraient atteindre la somme de 60 milliards de dollars, sur une distance de 2700 km[5]. Ce réseau est un ensemble d’autoroutes, de lignes ferroviaires, d’oléoducs, de ports, et de parcs de technologie de l’information[6]. Il s’étend de la préfecture de Kashgar (dans la région chinoise du Xinjiang) jusqu’au port de Gwadar (province du Baloutchistan au Pakistan), permettant un accès à la mer d’Arabie. Or, ce couloir passe par un territoire indien et occupé illégalement par le Pakistan depuis de nombreuses années[7]. Si l’on peut considérer, comme le fait Talmiz Ahmad[8], que cela permettra de développer le Pakistan et donc de réduire les causes de l’extrémisme, il n’en demeure pas moins que la souveraineté de l’Inde est mise à mal, et cela renforce la position du Pakistan sur ce territoire. Il ne faut pas oublier que la Chine estime avoir droit au Ladakh, dans la région du Jammu et Cachemire, ce qui rend les Indiens d’autant plus soupçonneux vis-à-vis du CPEC. En outre, et nous y reviendrons, le risque persiste de voir les Chinois transformer ces installations civiles en base navale militaire.
Ce projet a rencontré de nombreuses critiques au sein même du Pakistan, notamment car il risque de réveiller des tensions entre le centre et les unités fédérées, mais aussi au sein mêmes des provinces. Cela est dû aux inégalités que le CPEC risque de causer en ce qui concerne le développement économique et la distribution des ressources[9]. Il est par ailleurs probable que le Penjab pakistanais soit le principal bénéficiaire des projets d’infrastructure et industriels, alors même qu’il s’agit déjà de la province la plus riche et la plus influente du pays sur le plan politique. Mais même là, les Penjabi résisteront sans doute à l’achat de leurs terres par l’Etat.
La situation au Baloutchistan semble tout aussi compliquée en raison des sentiments qui y règnent déjà d’une exploitation et d’un abandon de la part du pouvoir central. La province ne recevra en outre aucun des bénéfices directs du port de Gwadar, et la colère des habitants n’en devient que plus plausible, d’autant que la zone devient hautement militarisée et que les locaux sont déplacés et privés de leur lien vital à leurs terres. Le CPEC ne résoudrait donc en rien les problèmes considérés comme à la racine du problème extrémiste, contrairement à ce qu’espère Talmiz Ahmad, puisque cela pourrait, au contraire, accentuer les inégalités.
En vérité, le CPEC ne constitue que l’un des aspects de la menace chinoise pour l’Inde à travers ce projet. Six des pays voisins ont ainsi signé des accords avec la Chine : le Pakistan donc, mais aussi Sri Lanka, le Bangladesh, le Népal, la Birmanie, et l’Afghanistan. Il n’est pas surprenant, dans ce contexte, que l’Inde voie d’un très mauvais œil ce projet. Ces pays ont un réel besoin d’infrastructure, et apprécient une aide économique non-conditionnée par des engagements de gouvernance ou de transparence[10].
L’un des aspects qui inquiètent le plus l’Inde est en vérité la présence chinoise dans l’Océan Indien. Ses agissements en Mer de Chine méridionale, notamment la construction d’îles[11], pourraient être reproduits. Dans la mesure où Beijing a officiellement établi à Djibouti sa première base militaire à l’étranger en 2017[12], ces inquiétudes ont tendance à se confirmer. Ainsi, la crainte de voir le port de Gwadar se transformer en base navale militaire grandit. Des ports sont également construits en Birmanie, à Sri Lanka. Des sous-marins chinois ont même accosté au Pakistan et à Sri Lanka[13]. Le port sri lankais de Hambantota est d’ailleurs le parfait exemple de la stratégie chinoise : son emplacement stratégique, son financement chinois dont le remboursement est insoutenable pour le pays d’emprunt, et finalement la cession du port et de plus de 6000 hectares alentours pour 99 ans en 2017[14]. L’accord avec la Chine aurait en outre inclus un échange de renseignement dès le départ[15].
II/ Le gouvernement de Modi a fait appel au besoin de transparence et d’égalité
Pour faire face à ce défi, l’Inde a appelé à ce que les projets transnationaux suivent « des normes internationales universellement reconnues, l’Etat de droit, la transparence et les standards internationaux »[16] – une remarque qui fait clairement référence aux Nouvelles routes de la Soie. En effet, il devient évident que les projets sont unilatéraux : non seulement l’endettement envers la Chine n’est pas viable pour les pays ayant contracté des prêts, mais les transferts de compétences semblent inexistants puisque des travailleurs chinois sont envoyés sur place, n’offrant donc aucun emploi aux locaux[17]. En outre, des études de faisabilité au sujet du port sri lankais précité avait estimé que le port ne fonctionnerait pas, et se sont avérées juste puisque 34 bateaux seulement s’y sont rendus en 2012 (contre 3667 dans le port de Colombo, selon le rapport annuel du ministère des Finances cité par Maria Abi-Habib)[18]. Or, tandis que l’Inde avait refusé, la Chine a proposé des prêts, à des taux plus importants que n’importe quel autre prêteur[19]. Ces pratiques sont aussi considérées comme alimentant la corruption (notamment la campagne du président ayant accepté l’accord chinois dans le cas de Ceylan) et les comportements autocratiques dans des démocraties en difficulté[20].
Les reproches exprimés par l’Inde sont soutenus non seulement par l’Europe, mais aussi par les Etats-Unis, le Japon, et l’Australie. S’il est vrai que l’Italie et les pays de l’Est sont particulièrement courtisés par Pékin, toute l’Union européenne est concernée, et elle essaie actuellement de faire front commun[21].
Ces critiques sont également de plus en plus virulentes au sein des organisations internationales et des pays asiatiques et africains, qui commencent à résister à la Chine. Ainsi, au Bangladesh, China Harbour devrait être interdit de contrats futurs en raison d’accusations de corruption envers cette entreprise, qui aurait tenté de soudoyer un fonctionnaire au ministère des Routes[22]. De la même façon, la société-mère, China Communications Construction Company avait été interdite de participer à des projets de la Banque mondiale pour huit ans en 2009, après des actes de corruption aux Philippines[23].
Les accords avec la Chine commencent même à se retourner contre les gouvernements impliqués lors d’élections. En Malaisie, le nouveau Premier Ministre a été élu après avoir remis en cause les investissements chinois dans la campagne – et a annulé un projet de route ferroviaire à 20 milliards de dollars et plusieurs projets de gazoducs et d’oléoducs d’une valeur de 3 milliards de dollars[24]. Aux Maldives, le nouveau Ministre des Finances a remis en cause la préférence chinoise du Premier Ministre, et s’est tourné vers l’Inde[25]. En Afrique, enfin, certains pays annulent ou ralentissent les projets, à cause des énormes dettes qui les accompagnent[26].
L’aspect environnemental, souvent oublié, doit pourtant être pris en compte, et est source d’inquiétudes pour les ONG comme les think tanks : les projets proposés par la Chine auront en effet un impact considérable sur les zones concernées. Ceci est particulièrement vrai du fait que les principaux corridors d’infrastructure traverseront des espaces sensibles écologiquement, et les routes et voies ferroviaires vont mettre en danger les plantes et les animaux des écosystèmes aux alentours. Plus de 265 espèces en danger seraient affectées, et l’accès à des zones reculées jusqu’ici pourrait augmenter le risque de braconnage[27]. Les nouvelles routes de la Soie seront, en outre, un moyen pour la Chine d’exporter une économie qui s’appuie sur les énergies fossiles[28] – dont on connaît déjà les effets néfastes. Pour autant, le pays produit également nombre de technologies liées aux énergies renouvelables, terrain sur lequel elle est en compétition directe avec l’Inde. Le gouvernement Modi a d’ailleurs imposé des taxes à l’importation des panneaux solaires chinois, mais cela ne suffira sans doute pas, là encore, à contrer son rival.
III/ L’Inde doit, pour faire face au désir d’expansion chinoise, créer ses propres projets de coopération
Il est évident, au regard du défi qui se pose à l’Inde, qu’elle doit réagir. S’il est vrai que ses voisins cherchent à contrebalancer les deux puissances, ils semblent aujourd’hui se détourner du projet chinois, et cela peut constituer une opportunité pour la République indienne.
Le Japon, les Etats-Unis, l’Union européenne ou encore les Emirats arabes unis ont démontré un intérêt à travailler avec l’Inde en Afrique, afin de contrer la Chine et d’éviter l’endettement de ces pays[29]. Une coopération avec le Japon, en particulier, semble se développer, à travers le Asia Africa Growth Corridor. Ils pourraient notamment travailler ensemble sur des projets en Birmanie, à Sri Lanka et au Bangladesh[30].
L’Inde pourrait également investir davantage dans le groupe BIMSTEC (Bay of Bengal Initiative for Multi-Sectoral Technical and Economic Cooperation). Etabli en 1997 avec l’intention d’organiser des sommets tous les deux ans, il n’a pourtant vu que trois sommets en deux décennies. Le contexte géopolitique régional a néanmoins relancé une certaine dynamique au sein de ce groupe régional, qui inclue l’Inde, le Bangladesh, le Boutan, la Birmanie, le Népal, Sri Lanka et la Thaïlande. Les secteurs de coopération sont nombreux, puisqu’ils comprennent le commerce, la technologie, l’énergie, le transport, le tourisme, la pêche, l’agriculture, la santé, la lutte contre la pauvreté, le contre-terrorisme, l’environnement, la culture, les contacts entre les peuples et le changement climatique[31]. Des programmes tels la voie ferroviaire trilatérale entre l’Inde, la Birmanie et la Thaïlande et le projet Kaladan, qui permet un accès à la mer pour les États du nord-est de l’Inde via Myanmar, par exemple, doivent encore être finalisés[32]. Il faudra pour cela parvenir à convaincre le Népal et la Thaïlande, qui n’ont pas voulu envoyer plus que des observateurs au premier exercice militaire du groupe afin de ne pas contrarier la Chine[33], que cette coopération est également dans leur intérêt.
Il est tout aussi crucial pour l’Inde de s’assurer que les régions isolées du sous-continent soient mieux connectées à l’ensemble du pays. En effet, un certain nombre de capitales des États du nord-est ne bénéficient ni de ligne ferroviaire pour accéder à leur capitale[34], ni internet : seule 35% de la population de ces États aurait accès à internet[35]. Ainsi le gouvernement a annoncé en 2017 son intention de construire l’« Himalayan rail-express », une ligne ferroviaire rapide qui devrait relier Leh (Jammu et Cachemire) à Hawai (Arunachal Pradesh)[36]. La région du Ladakh au Cachemire fait elle aussi l’objet d’influences chinoises, par la voie de la restauration de monastères bouddhistes, méthode qu’elle emploie également au Tibet[37]. Il faut noter que la visite du Dalai Lama en Arunachal Pradesh a causé des remous[38], et il n’est pas impossible que ce haut lieu du bouddhisme tibétain (où le sixième Dalai Lama est né) fasse l’objet de tentatives d’actions similaires à celles dévoilées au Cachemire.
Dans un tel contexte de tensions et de jeux d’influence, il est aisé de comprendre les réticences de l’Inde vis-à-vis du projet chinois des Nouvelles routes de la Soie. Cette initiative apparaît de plus en plus clairement comme unilatérale, au seul avantage de la Chine. Il est vrai que cette dernière essaie d’impliquer l’Inde, ce qui lui permettrait d’éviter la confrontation. Mais le rival historique ne semble pas près de se laisser convaincre, pour les multiples raisons que nous avons pu évoquer, et qui concernent sa sécurité sur les plans internes comme externes. Dans ce contexte, la coopération avec ses voisins tout comme avec d’autres puissances semble primordiale pour l’Inde.
Cela ne signifie pas une confrontation directe entre les deux puissances asiatiques – elles auraient toutes deux beaucoup à perdre. Elles travaillent d’ailleurs ensemble sur d’autres projets : c’est le cas en Afghanistan. En octobre 2018, elles ont ainsi lancé un programme de formation pour des diplomates afghans, et cela devrait être suivi d’autres projets[39].
[26] CHAUDHURY Dipanjan Roy, « Europe, Japan, US, UAE prefer India for joint infrastructure projects in Africa », Economic Times, 24 novembre 2018.
[27] LA SHIER Brian, « Exploring the Environmental Repercussions of China’s Belt and Road Initiative », Environmental and Energy Study Institute, 3 octobre 2018.
GAUTHE Thierry, « Cartographie. Avec les nouvelles routes de la soie, la Chine tisse une toile mondiale », Courrier international, 14 septembre 2018. URL : https://www.courrierinternational.com/grand-format/cartog.... Consulté le 9 avril 2019.
LA SHIER Brian, « Exploring the Environmental Repercussions of China’s Belt and Road Initiative », Environmental and Energy Study Institute, 3 octobre 2018. URL : https://www.eesi.org/articles/view/exploring-the-environm.... Consulté le 8 avril 2019.
SHAHANE Girish, « India stands to gain the most and risks the least by joining China’s One Belt One Road initiative », Scroll.in, 14 juillet 2018. URL : https://scroll.in/article/882411/india-stands-to-gain-the.... Consulté le 5 avril 2019.
SINGH Gurjit, « India, Japan and the Asia Africa Growth Corridor », Gateway House, 17 janvier 2019. URL : https://www.gatewayhouse.in/japan-aagc/. Consulté le 5 avril 2019.
Les routes de la soie au prisme du néo-eurasisme de Douguine : retour de Béhémoth ou triomphe du Léviathan ?
Ex: http://www.geolinks.fr
« La Grande Eurasie n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un projet à l’échelle civilisationnelle, tourné vers l’avenir.»
Vladimir Poutine, mai 2017
« L’histoire mondiale est l’histoire de la lutte des puissances maritimes contre les puissances continentales et des puissances continentales contre les puissances maritimes »
Carl Schmitt, 1942
Au cœur de la stratégie politique et commerciale internationale de la Chine depuis 2013, le système multi-vectoriel de projets des nouvelles routes de la soie (appelé officiellement Belt and Road Initiative, BRI1 depuis mai 2017), qui souhaite connecter les économies chinoises, européennes, africaines et centre-asiatiques par une densification des réseaux d’infrastructures de transports et de communication, se concrétise chaque jour un peu plus sérieusement. Avec ses différents volets (construction d’infrastructures terrestres et maritimes, coopération économique, énergétique et sociétale), c’est sans doute l’entreprise la plus ambitieuse au monde et, au vu du potentiel de développement économique et des implications géopolitiques qu’elle comporte2, elle suscite de plus en plus de partenariats.
Les réseaux ferroviaires eurasiatiques des Routes de la soie3
Le 9 avril dernier s’est ainsi tenu à Bruxelles le 21ème sommet Chine-Union Européenne, occasion pour l’UE de déterminer une position commune vis-à-vis de la BRI et de discuter des synergies possibles avec son plan européen de connectivité Europe-Asie4, alors que, l’une après l’autre, les nations européennes signent bilatéralement des engagements dans le projet5.
Bien plus que les timides rapprochements des Européens, c’est la perspective de l’édification d’un axe Moscou-Pékin autour de cette initiative qui soulève les analyses géopolitiques les plus audacieuses : Ressurgirait la vieille menace, préfigurée par Mackinder en 1904 dans les propos concluants son « Pivot géographique de l’histoire »6, d’une Chine qui offrirait aux ressources immenses du continent une large façade océanique (ce qui caractérisait pour lui le véritable « péril jaune » menaçant la liberté du monde). En somme un « empire terrien eurasiatique » dominant le Heartland pourrait émerger et reléguer les puissances maritimes occidentales au second rang dans la rivalité générale pour la domination mondiale.Un tel traitement nous ramènerait aux fondamentaux de la discipline par une réappropriation de la dialectique Terre-Mer pour analyser le phénomène routes de la soie. Elle fascine toujours autant de par sa dimension symbolique et son caractère quelque peu réducteur, la rendant accessible au plus grand nombre.
Cela dit, il est vrai que depuis 2014 Russie et Chine ont opéré un rapprochement bilatéral notable7 et coopèrent de plus en plus activement au travers de la BRI : ainsi en mai 2015 fut-il décidé que l’initiative d’intégration continentale portée par la Russie, l’Union économique eurasiatique (UEE), y soit raccordée8 et en novembre 2017 la « route maritime du Nord » est devenue un des corridors de la BRI9. On relève aussi l’imbrication de l’initiative avec le développement de la coopération sino-russe au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS)10.
De facto, une certaine unification continentale dans l’espace eurasiatique semble donc s’esquisser11. Ceci pourrait alors confirmer la portée heuristique persistante de la clé de lecture Terre-Mer. Mais c’est surtout lorsque l’on entre dans une géopolitique des perceptions que cette dialectique conserve sa pertinence : Il existe en effet un paradigme géopolitique affirmant explicitement la nécessité pour la Russie de briser l’hégémonie des puissances maritimes et de reconstituer une unité politique sur la masse continentale eurasiatique, notamment en développant un partenariat stratégique avec la Chine. Cette vision est portée par les auteurs constituant le mouvement d’idée du néo-eurasisme12. C’est une doctrine très en vue en Russie mais aussi dans d’autres États d’Asie Centrale, notamment au Kazakhstan où l’(ex-)président Nursultan Nazarbaev la soutient explicitement13.
Parmi les différents faisceaux composant le mouvement néo-eurasiste, un auteur se distingue : Alexandre Douguine14. Sa pensée, bien que plus marginale aujourd’hui, a connu ses heures de gloire et continue d’inspirer une partie des élites dirigeantes russes, tout en nourrissant bien des fantasmes chez les commentateurs étrangers15. S’il est issu de la pensée eurasiste classique, il y adjoint des filiations intellectuelles peu habituelles qui singularisent ses propositions, les amenant dans un registre métapolitique, métahistorique et culturaliste : Le monde des phénomènes n’est pour lui que le reflet des puissances archétypales qui le meuvent depuis l’invisible et sa pensée s’inscrit dans la bataille gramscienne16 pour l’« hégémonie culturelle »17.
Alexandre Douguine, le « prophète de l’Eurasisme »18
Les analyses ne manquent pas pour venir questionner les convergences et les limites des projets russes et chinois au-regard des ambitions géopolitiques eurasistes, mais elles s’inscrivent généralement sur des plans stratégique, économique, financier, juridique. Dans cette étude, nous souhaiterions sortir de l’empire des faits pour plonger plus profondément dans le monde des idées. Nous proposerons une lecture du phénomène nouvelles routes de la soie à travers le prisme de la doctrine géopolitique d’Alexandre Douguine, en essayant de nous approprier son discours original, structurant la vision-du-monde de certains acteurs impliqués dans le complexe de la BRI.
Nous nous demanderons donc si la Belt and Road Initiative participe de la constitution d’un bloc continental eurasien face à la thalassocratie atlantiste compatible avec les fondamentaux proposés par Alexandre Douguine pour la politique étrangère russe.
Nous exposerons synthétiquement les contenus de la doctrine géopolitique douguinienne et nous verrons que si les projets de la BRI s’inscrivent bien dans un renversement de la hiérarchie des puissances à l’échelle globale marqué par une revalorisation de l’« île mondiale » – donc à un balancement au profit de la Terre –, l’initiative pourrait constituer, sur un plan plus culturaliste, une submersion du continent par la Mer.
Les fondamentaux de la géopolitique d’Alexandre Douguine : la dialectique Terre-Mer revisitée par la « pensée de la Tradition »
Alexandre Douguine s’inscrit dans une filiation géopolitique a priori classique, à la suite de Ratzel (1882, 1900), Mahan (1892), Castex (1935), Mackinder (1904), Spykman (1944), puisqu’il reprend la récurrente opposition Terre-Mer : « La civilisation thalassique, anglo-saxonne […] serait irréductiblement opposée à la civilisation continentale, russe-eurasienne »19, et le cœur de leur affrontement serait le contrôle du Rimland20. Il a surtout hérité des conceptions allemandes, adoptant un prisme foncièrement culturaliste21 : Il associe comme intrinsèques à la civilisation thalassique les attributs de « protestante, d’esprit capitaliste » tandis que la civilisation continentale serait « orthodoxe et musulmane, d’esprit socialiste ». Il figure parmi les tenants d’une approche plutôt déterministe de cette dichotomie, prise non seulement comme clé de compréhension de la politique au niveau global mais aussi comme véritable « explication de l’histoire ». C’est là toute l’originalité de notre auteur, puisqu’il établit un parallélisme entre cette dichotomie, devenue classique en géopolitique, et la dialectique Tradition-Modernité.
Ce second couple conceptuel n’est pas appréhendé selon ses présentations dans la littérature anthropologique ou sociologique, mais entendu selon l’acception originale portée par une école parfois qualifiée de « pensée de la Tradition »22 qui présente des catégories de pensée très éloignées de celles que l’on rencontre habituellement dans le monde académique contemporain et déployée à la suite de l’œuvre du Français René Guénon. La Tradition renvoie chez ces auteurs « traditionistes »23 à une « Sagesse Éternelle » (Sophia Perennis), une connaissance sacrée, immuable et transcendante transmise aux hommes depuis l’origine de l’humanité. Cette Tradition connaîtrait cependant nécessairement un processus d’obscurcissement à travers les âges (afin que toutes les possibilités de l’Être se manifestent, même les plus inférieures), l’avènement du monde moderne correspondant selon eux à la dernière étape de cette dégradation, une ère chaotique précédent la résorption du monde dans l’incréé – ce que l’on retrouve dans les traditions spirituelles comme étant la « fin des temps ». Pour de tels auteurs, la politique ou l’histoire n’ont de sens qu’en tant qu’elles révèlent l’incarnation de principes métaphysiques – ou archétypes – c’est pourquoi nous évoquions en introduction les termes de métapolitique24 et de métahistoire.
Douguine reprend ces conceptions et s’inscrit parmi ces auteurs traditionistes : Chez lui, la puissance maritime « atlantiste » représenterait les forces de dissolution entraînant le monde moderne vers le chaos, tandis que l’Eurasie aurait pour vocation d’être le bastion de la Tradition, le katechon paulinien25 résistant à la venue des Temps. Ainsi dans son œuvre « l’eschatologie se mêle à la géopolitique », puisqu’il la déploie à partir de postulats visant à se positionner politiquement en fonction des fins dernières de l’homme et des entités politiques. Ce prisme métaphysique l’amène à étudier la politique, l’histoire ou la géographie seulement à travers les principes supérieurs qu’elles incarnent. La Russie et les puissances eurasiatiques deviennent l’incarnation de l’archétype structurant « Terre » (Béhémoth), représentant la Tradition, tandis que les stratégies des États-Unis et de leurs alliés sont lues comme faisant le jeu de l’archétype dissolvant « Mer » (Léviathan), associé aux idéologies modernes. Depuis ces postulats, Douguine propose de « constituer un grand bloc continental eurasien » (versant géopolitique) qui se veut « une force intégratrice, un esprit de renaissance »26 (versant eschatologique) en vue d’édifier un modèle multipolaire pour le système international.
Afin de réaliser cette ambition il propose dès les années 1990, en tant qu’« impératif stratégique majeur » pour la Russie, d’intégrer les pays de la CEI dans une Union Eurasienne fédéraliste : « une seule formation stratégique, unie par une seule volonté et par un seul but de civilisation commune »27. À partir de cette base, il appelle cette entité eurasienne à se rapprocher de ses « partenaires naturels » car en situation de « complémentarité symétrique » avec la Russie : UE, Japon, Iran, Inde. Ceux-ci pourraient devenir de véritable « sujets » des Relations internationales et de la mondialisation s’ils participaient à la sortie du système uni-polaire américano-centré (dans lequel ils n’en seraient que des « objets ») pour construire ensemble la multipolarité. Leur partenariat avec la Russie serait pour Douguine gagnant-gagnant, un renforcement mutuel, étant donné qu’ils ont chacun des éléments vitaux à échanger. D’autres formations géopolitiques intéressées par la multipolarité seraient ensuite encouragées à appuyer ce projet de ré-agencement du système international : Chine, Pakistan, pays arabes… alors que le Tiers-Monde serait plutôt partagé en zones d’influence pour des champions régionaux (le Pacifique constituerait la zone d’influence nippone, l’ Afrique la zone d’influence européenne… ici aussi on retrouve l’influence de l’école géopolitique allemande et des pan-ideen de Haushofer). La thalassocratie étasunienne serait quant à elle refoulée dans l’espace américain (sa zone d’influence naturelle). Ainsi aurait-on des entités géopolitiques puissantes avec leurs zones d’influences propres et un certain équilibre entre les pôles. Cet équilibre multipolaire permettrait alors à la puissance tellurique de laisser se redéployer la Tradition.
Schématisation du projet eurasiste d’organisation du système international28
La question que nous poursuivons ici est de savoir si la BRI serait pour Douguine un vecteur potentiel pour ses propositions. Participe-t-elle de l’élan vers la « multipolarité traditionnelle » qu’il appelle de ses vœux ? Voyons alors quels élément dans les projets des nouvelles routes de la soie peuvent être décryptés comme participants des ambitions telluriques néo-eurasistes de réagencement du système international dont nous connaissons maintenant les fondamentaux.
La BRI, facteur d’intégration eurasiatique dans le cadre d’une redistribution globale des cartes de la puissance : quelle compatibilité avec le projet multipolaire néo-eurasiste ?
Vers la multi-polarisation
De prime abord, on peut considérer la BRI comme s’inscrivant dans une stratégie d’émancipation de l’uni-polarité américano-centrée. Comme évoqué en introduction, la BRI vise à développer des lignes de communication routières, ferroviaires et maritimes pour relier la Chine à l’Europe et à l’Afrique orientale, via l’Asie Centrale, le Caucase, la Russie, l’Iran, la Turquie… Couplée avec les initiatives menées dans l’OCS et l’UEE, l’initiative s’imbrique donc dans une stratégie générale d’intégration du Rimland avec la masse eurasiatique29, passant outre les instances multilatérales et les canaux de communications ouverts et normés par les États-Unis.
Ces ambitions pourraient donc bien conduire à la définition de normes non-américaines ou non-occidentales30. On le voit par exemple dans le système d’institutions financières élaboré pour financer les projets de la BRI : Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures, Fonds Routes de la soie, Nouvelle banque de développement des BRICS, associés à un appel aux fonds souverains des États impliqués dans le projet et aux banques commerciales, les projets se financeraient hors de l’orbite de la Banque mondiale (présidée depuis 1944 par un Américain) et du Fonds monétaire international, symboles de la domination internationale des normes américaines.
Vers la re-continentalisation
L’économie mondiale est à l’heure actuelle essentiellement dépendante des flux maritimes. Cette maritimisation des flux a conduit à une littoralisation des activités de production et donc de la démographie mondiale. En effet, puisqu’il faut exporter via les ports, les entreprises se sont rapprochées des côtes, entraînant alors des mouvements de population à la recherche d’emplois. La BRI, en faisant la part belle aux tracés terrestres, pourrait participer d’une re-continentalisation des supports logistiques de l’économie mondiale et, ce faisant, d’une re-continentalisation de ses pôles de productions.
C’est notamment le vecteur ferroviaire qui semble le plus porteur, grâce à une capacité d’emport supérieure et un coût inférieur de 80 % au transport aérien, pour des échanges deux fois plus rapide que par voie maritime31. Si 7500 conteneurs ont transité sur des trains intercontinentaux en 2012, l’objectif est de porter ce nombre à 7.500.000 pour 2020. Pour profiter de ces flux logistiques, de grandes entreprises telles Hewlett Packard ou Ford se sont déjà délocalisées depuis les côtes chinoises vers l’intérieur des terres pour se positionner sur ces lignes de trains prometteuses32.
Compatibilité de la BRI avec le projet néo-eurasiste : Multipolarité et continentalité ne suffisent pas, l’aspect culturel demeure le plus important
Ces dimensions, « terrestre » et multipolaire, semblent faire entrer la BRI en résonance avec les ambitions du projet néo-eurasiste d’Alexandre Douguine. À l’occasion du Belt and Road Forum de mai 2017, Vladimir Poutine a pu adopter la rhétorique néo-eurasiste en affirmant que grâce à des «formats d’intégration tels que la CEEA, l’OBOR, l’OCS et l’ASEAN, nous pouvons bâtir les bases d’un partenariat eurasien plus vaste» offrant une «occasion unique de créer un cadre de coopération commun qui va de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, pour la première fois dans l’histoire». Il ajoute «La Grande Eurasie n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un projet à l’échelle civilisationnelle, tourné vers l’avenir.»33.
Pour autant, même si la BRI renforçait l’organisation multipolaire du système international, et à supposer que la Chine laissera une place à la Russie dans ce nouvel ordre malgré l’asymétrie de leur relation, cela ne toucherait pas l’essence du projet néo-eurasiste. Car, au vu de ce que nous avons esquissé plus haut concernant la pensée traditionnelle, dans la philosophie archétypale douguinienne ce n’est pas la forme qui importe mais le fond, l’esprit. Aussi sa critique de l’uni-polarité thalassocratique ne concerne pas tant la maritimisation de l’économie mondiale que l’esprit maritime qui uniformiserait le monde. C’est pourquoi même si on assistait au reflux de la thalassocratie américaine par la multi-polarisation du système international et à une re-continentalisation de l’économie et de la démographie, une maritimisation culturelle du continent pourrait avoir lieu (un changement du « morphotype » sans modification du « psychotype »).
Cet esprit maritime est caractérisé par Carl Schmitt, l’une des racines intellectuelles d’Alexandre Douguine, qui veut montrer (selon Alain de Benoist, préfaçant la dernière édition de Terre et Mer de Schmitt) la relation logique entre la vie maritime et le libre-échangisme, le capitalisme, le libéralisme, l’individualisme, le parlementarisme, le droit-de-l’hommisme, le constitutionnalisme34… De plus, la « société liquide » (Bauman, 2000) trans-nationaliste créée par la civilisation océanique marchande amènerait peu à peu au délitement du politique, à l’enfoncement dans le fluctuant, le mouvant, le nomade, le réticulaire, le transitoire, à la fragmentation des identités et des sociétés dans l’homogénéité des flots35. Ce sont ces caractéristiques qui sont accolées chez Douguine à la thalassocratie et à la modernité. Le combat eurasiste ne serait donc pas gagné si cette mentalité continuait de s’imposer aux esprits. La multipolarité sans le souffle de la Tradition et la verticalité de la Terre ne serait pas plus souhaitable pour le néo-eurasiste que le système actuel.
Or la BRI est imprégnée à un certain niveau par cette mentalité moderniste : esprit marchand, capitalistique, libre-échangiste et faisant une large place aux marchés financiers ; réticulation de l’espace eurasien, recherche de la vitesse, du mouvement transfrontalier plutôt que de l’ancrage (les marchandises, les capitaux, les travailleurs seront amenés à migrer) ; le tout étant porté par une Chine maoïste, et donc héritière des idées révolutionnaires de 1789, athée, technocratique, pragmatique.
Bien évidemment, les dimensions libérales et constitutionnalistes qui termineraient de caractériser l’esprit maritime sont absentes. Nous sommes essentiellement face dans l’espace eurasien à des puissances (semi-)autoritaires, des démocratures (Max Liniger-Goumaz, 1992) pour qui la souveraineté, le politique, l’Ordre et l’identité (caractéristiques telluriques) sont encore des valeurs importantes (c’est pourquoi Douguine accorde une certaine dimension « traditionnelle » à l’idéologie socialiste, pourtant moderne36). Néanmoins, si l’on suit les auteurs de tendance contre-révolutionnaire, l’esprit moderne-maritime s’est imposé en Occident parce qu’une caste marchande transnationale a pu se constituer et se renforcer jusqu’à s’imposer politiquement pour ensuite dissoudre peu à peu cet ordre politique. Aussi la BRI pourrait-elle donc être l’ouverture nécessaire à la constitution d’une telle caste dans l’espace eurasiatique qui viendrait à terme renverser les valeurs telluriques prônés par Douguine.
Conclusion
Nous avons eu pour but dans cette étude de caractériser le projet des nouvelles routes de la soie au regard de la dialectique Terre-Mer « pérennialiste » d’Alexandre Douguine, qui peut être prise comme un croisement des pensées de Carl Schmitt et de René Guénon. La question était donc de savoir si ces projets constituaient une opportunité pour l’acheminement vers un système international multipolaire accompagné d’une réaffirmation des principes telluriques traditionnels dans l’ordre international – une « domination culturelle » de Béhémoth – ou au contraire s’ils favorisaient l’ouverture vers une diffusion de la mentalité thalassique et moderniste à tout l’espace eurasiatique – le « triomphe » de Léviathan.
Nous avons vu que la coopération stratégique sino-russe autour de la BRI, dans l’hypothèse où la Chine maintiendrait un partenariat équitable envers la Russie, pourrait conduire à une multi-polarisation du système international, avec un continent eurasiatique autonome vis-à-vis de la thalassocratie étasunienne, ce qui constitue le premier versant (géopolitique) du projet néo-eurasiste d’Alexandre Douguine. Cependant, si l’on considère les choses en profondeur et d’un point de vue culturel, l’initiative pourrait porter les germes de l’esprit moderne-maritime qu’il pourfend, le versant eschatologique de son projet serait alors condamné. En vue de constituer ce front de la Tradition37 qu’il appelle de ses vœux, son combat pour l’hégémonie culturelle ne s’arrêterait pas là, il lui faudra encore proposer un modèle permettant d’intégrer les tendances marchandes modernes dans un ordre tellurique politique traditionnel à l’échelle continentale et de maintenir les ancrages identitaires des peuples eurasiatiques.
Ainsi, au regard des fondamentaux de la vision douguinienne, nous pensons que les projets de la BRI pourraient caractériser une véritable croisée des chemins pour les Relations internationales : En effet, l’initiative porte en elle l’opportunité de voir se réaffirmer un ordre du monde basé sur des principes différents de ceux de la mentalité moderne occidentale, tout en comportant le risque de voir cette mentalité se diffuser rapidement au sein du « cœur du monde ». Au-delà même de la perspective eschatologique supportée par Douguine, nous pouvons y voir un réel enjeu en matière de diversité culturelle mondiale : la tension entre différentialisme et uniformisation, représentée chez Schmitt ou Douguine par le combat entre Béhémoth et le Léviathan (la Terre et la Mer au plan non plus géographique mais presque purement mental), est bien réelle !
***
Au delà de cette étude particulière, l’influence de Douguine sur la politique mérite selon nous d’être questionnée et étudiée, cet auteur connaissant une visibilité certaine tant en Russie que dans certaines mouvances idéologiques ouest-européennes. Cependant, si son discours géopolitique rencontre un certain écho et peut emporter l’adhésion parmi les élites russes, l’aspect « gnostique » de ses théories reste bien plus marginal (car estimé irrationnel, idéaliste, hors des critères de la pensée moderne, ou incompris, de par sa difficulté d’accès pour le grand public). Aussi est-il probable que si en apparence le néo-eurasisme et la politique étrangère russe convergent, le dessein recherché soit tout autre : D’un côté nous aurions une politique étrangère réaliste, somme toute moderne bien que conservatrice mais utilisant par opportunité la rhétorique néo-eurasiste, de l’autre une vision traditionnelle métaphysique dont les ambitions ne sont portées que par une minorité restreinte. Nous pensons toutefois que des études politologiques sur l’influence de sa pensée dans le champ des idées et des mouvements politiques serait pertinentes.
Sur un plan plus théorique, une étude conceptuelle sérieuse du couple Tradition-Modernité, confronté avec la réalité empirique, pourrait également offrir selon nous une clé herméneutique intéressante pour la discipline géopolitique, cette dialectique entendue dans son sens guénonien renvoyant à des double-mouvements (différenciation-uniformisation, conservatisme-progressisme, ancrage-nomadisme…) que l’on peut retrouver au cœur de la plupart des rivalités de puissance dans l’espace mondial.
Notes:
1 En chinois, le programme s’intitule Yidai yilu, « Une ceinture, une route » (« One Belt One Road », OBOR). En anglais, l’expression officiellement utilisée par Pékin est toutefois Belt and Road Initiative (BRI).
2 Pour une présentation synthétique du projet, voir notamment : LASSERRE Frédéric et MOTTET Eric, « L’initiative Belt and Road, stratégie chinoise du Grand Jeu ? », Diplomatie, numéro 90, 2018/1, pp. 36-40.
5 Ont déjà été signés des memorandums ou accords d’intégration entre la RPC et le Luxembourg, l’Italie, la Grèce, le Portugal, mais aussi la Lettonie, la Croatie, la Bulgarie ou Monaco. La Deutsche Bahn s’implique aussi financièrement, notamment par des investissement sur la principale ligne ferroviaire Pologne-Chine Voir « Qu’est que l’accord entre la Chine et l’Italie ? », OBOReurope, 24 mars 2019 (URL : https://www.oboreurope.com/fr/accord-chine-italie/, consulté le 11 avril 2019) et CLAIRET Sophie, « Pourquoi l’Europe risque de se perdre sur les nouvelles routes de la soie ? », GeoSophie, 6 janvier 2017 (URL : https://geosophie.eu/2017/02/05/pourquoi-leurope-risque-d..., consulté le 8 avril 2019).
6 MACKINDER Halford, « The Geographical Pivot of History », The Geographical Journal, vol. 23, 1904/4, pp. 421-437, p. 437 pour ces propos.
7 Voir BOULEGUE Mathieu, « La « lune de miel » sino-russe face à l’(incompatible) interaction entre l’Union Economique Eurasienne et la Belt & Road Initiative », Diploweb, 15 octobre 2017.
9 Voir « La route polaire et l’initiative Belt and Road », OBOReurope, 7 novembre 2017 (URL: https://www.oboreurope.com/fr/route-polaire/, consulté le 10 avril 2019). Voir aussi BRUNEAU Michel, L’Eurasie. Continent, empire, idéologie ou projet, Paris, CNRS éditions, 2018, pp. 294-295.
10 Laquelle a une réalité géopolitique conséquente : elle vise à faire coopérer politiquement des pays représentants 2.758.000.000 d’habitants, 38% des approvisionnements en gaz naturel, 20% du pétrole, 40% du charbon et 50% de l’uranium disponibles sur la planète. Voir DUPUY Emmanuel, « Les nouvelles Routes de la Soie et l’Asie Centrale : l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en première ligne… », La Vigie, 16 novembre 2017 (URL : https://www.lettrevigie.com/blog/2017/11/16/les-nouvelles..., consulté le 4 avril 2019)
11 BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016. URL : http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3..., consulté le 6 avril 2019.
12 L’expression néo-eurasisme distingue ces auteurs du mouvement d’idées qualifié d’eurasisme classique, héritier du mouvement slavophile du XIXème siècle et qui finira par se rapprocher de la « révolution conservatrice » allemande. Pour l’histoire intellectuelle de ces mouvements, voir notamment : MEAUX (de) Lorraine, La Russie et la tentation de l’Orient, Paris, Fayard, 2010, 436 pages ; DRESSLER Wanda (dir.), Eurasie : espace mythique ou réalité en construction ?, Bruxelles, 2009, Bruylant, 410 pages (particulièrement pp. 49-68 et 95-106) ; SEDGWICK Mark, Contre le Monde Moderne. Le traditionalisme et l’histoire intellectuelle secrète du XXème siècle, Paris, Dervy, 2008, 380 pages (particulièrement pp/ 287 et ss.).
13 LARUELLE Marlène, « Le néo-eurasisme russe. L’empire après l’empire ? », Cahiers du monde russe [En ligne], 42/1, 2001, mis en ligne le 01 janvier 2007, pp. 71-94.URL: https://journals.openedition.org/monderusse/8437#bodyftn2, consulté le 5 avril 2019.
14 Philosophe, géopoliticien, écrivain et militant politique, né le 7 janvier 1962 à Moscou.
15 Par ses théories et son apparence physique, Alexandre Douguine est régulièrement qualifié de « Raspoutine », de « conseiller occulte du Kremlin », nourrissant des analyses assez éloignées de la réalité de son influence et parfois teintées d’un esprit « complotiste ».
16 Le concept d’hégémonie culturelle a été pensé par Antonio Gramsci, qui a décrit comment une classe dominante faisait aussi reposer son pouvoir sur une domination culturelle, à travers des outils tels que l’école ou les médias. Il s’agit alors pour les forces d’opposition de conquérir les esprits en diffusant au maximum leurs idéologies avant de pouvoir renverser le rapport de domination (préalable sans lequel le nouveau pouvoir ne saurait être accepté par la population), d’où la formule utilisée de « bataille gramscienne ».
19 Le Prophète de l’Eurasisme. Alexandre Douguine, Paris, Avatar Éditions, 2006, pp. 16.
20 Définit par Spykman comme « une région intermédiaire située […] entre le Heartland (cœur du monde) et les mers périphériques […] vaste zone tampon de conflits entre la puissance maritime et la puissance terrestre. Orientée des deux côtés, elle doit fonctionner de manière amphibie et se défendre aussi bien sur terre qu’en mer », car « Celui qui domine le Rimland domine l’Eurasie ; celui qui domine l’Eurasie tient le destin du monde entre ses mains ». Voir SPYKMAN Nicolas, The Geography of the Peace, New York, Harcourt, Brace and Co, 1944, p. 43.
21 La dialectique Terre-Mer est appréhendée dans la littérature géopolitique de façon plus ou moins pragmatique – conception surtout présente chez les Anglo-saxons – ou plus ou moins culturaliste – appréhension plutôt rencontrée chez les auteurs Allemands.
22 Formulation retenue par Christophe Boutin, voir BOUTIN Christophe, Politique et tradition. Julius Evola dans le siècle (1898-1974), Paris, Éditions Kimé, 1992, 513 pages ; Id., « Tradition et réaction : la figure de Julius Evola », In., « Les pensées réactionnaires », Mil neuf cent, n°9, 1991, pp. 81-97.
23 Néologisme proposé par le philosophe Pierre Riffard pour éviter les confusions avec le terme de « traditionalistes », utilisé aussi pour parler de courants politiques ou religieux réactionnaires. Voir : RIFFARD Pierre, L’Ésotérisme, Paris, Robert Laffont, 2003 (1990), 1032 pages. On rencontre parfois le terme « pérennialistes », bien qu’il vise plutôt la frange du mouvement développée sur le continent nord-américain. Voir HOUMAN Setareh, De la Philosophia Perennis au pérennialisme américain, Milan, Archè, 2010, 622 pages.
24 Le mot métapolitique est « à celui de politique ce que le mot métaphysique est à celui de physique […] la métaphysique de la politique » (MAISTRE Joseph (de), Considérations sur la France suivi de l’Essai sur le principe générateur des constitutions, Bruxelles, 2006 (1797), Éditions Complexe, p. 227), et vise à donner à une philosophie politique un fondement d’universalité par la référence à une vérité transcendante, le but étant d’orienter l’être et la société vers cette sphère, de traduire cette transcendance dans la réalité sociale en réfléchissant à l’organisation idéale de la Cité. Sous cette acception, le concept est à distinguer tant de la théologie politique (qui est le transfert de concepts théologiques dans le processus de construction de l’État) que du conservatisme (car il ne se réfère pas au passé mais à la métaphysique immuable, éternelle, supra-temporelle) ou de l’intégrisme (car il ne se réfère pas à une tradition spirituelle particularisée, mais à une Vérité absolue devant être supérieure à ces traditions). Voir BISSON David, René Guénon. Une politique de l’esprit, Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2013, 527 pages, pp. 130 et s., qui utilise le triptyque infra-politique, politique, méta-politique comme clé méthodologique pour analyser l’impact de l’œuvre de Guénon.
25 Entité évoqué par l’apôtre saint Paul, le katechon est un être dont la nature n’est pas précisée et qui a pour vocation d’empêcher la venue de l’Antéchrist. Ce dernier ne peut se manifester pleinement tant que cette entité est dans le monde Voir dans la Bible les versets : 2 Thes. 2, 6-7.
28 Visible sur le site du mouvement EVRAZIA : http://evrazia.org/modules.php?name=News&file=article.... La carte 1 représente le monde unipolaire actuelle, la 2 la contre-stratégie que doit déployer la Russie pour briser l’uni-polarité, la 3 révèle les futures grandes zones d’influence souhaitées par le projet néo-eurasiste et la 4 les « grands espaces » géopolitiques au sein de ces zones.
29 STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, « La Chine et ses objectifs géopolitiques à l’aube de 2049 », in « Regards géopolitiques », Bulletin du Conseil québécois d’études géopolitiques, volume 2, n°1, printemps 2016, pp. 24-28.
30 GARCIN Thierry, « Le chantier – très géopolitique – des Routes de la soie », Diploweb, 18 février 2018.
36 De toute manière, selon les postulats métaphysiques retenus par les auteurs comme Douguine, il n’existe aucun étant « pur » : tout ce qui est manifesté est constitué d’un dosage entre les différentes polarités. Concrètement, il ne peut exister d’entité entièrement tellurique ou entièrement thalassique.
37 En référence à l’ouvrage : DOUGUINE Alexandre, Pour le Front de la Tradition, Nantes, Ars Magna, 2017.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
––, Le Prophète de l’Eurasisme. Alexandre Douguine, Paris, Avatar Éditions, 2006, 349 p.
BISSON David, René Guénon. Une politique de l’esprit, Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2013, 527 pages
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DRESSLER Wanda (dir.), Eurasie : espace mythique ou réalité en construction ?, Bruxelles, 2009, Bruylant, 410 pages.
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Articles
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BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016. http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3...
BOULEGUE Mathieu, « La « lune de miel » sino-russe face à l’(incompatible) interaction entre l’Union Economique Eurasienne et la Belt & Road Initiative », Diploweb, 15 octobre 2017 https://www.diploweb.com/La-lune-de-miel-sino-russe-face-...
BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016.http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3...
La coopération stratégique et scientifique entre la Russie et la Chine se précise
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Nous avons souvent indiqué ici que l'initiative chinoise dite Belt and Road Initiative BRI donnera à la Chine l'occasion de nouer des relations économiques et politiques avec toutes les nations traversées, y compris récemment en Italie.
Une question restait posée : la Russie s'associerait-elle à cette démarche ou, à l'inverse, y verrait-elle une concurrence dangereuse pour les relations qu'elle a depuis longtemps établies avec ses voisins du sud au sein de l'Union économique eurasiatique.
La réponse vient d'être donnée à la seconde Conférence de la BRI qui vient de se tenir à Pékin. Elle rassemblait 37 chefs d'Etat, dont Vladimir Poutine en personne. Celui-ci vient d'annoncer son intention d'associer la Route Polaire Maritime russe à la BRI. Cette route est de plus en plus fréquentée pendant la période de fonte des glaces, période qui ne cesse de s'allonger avec le réchauffement climatique. Ceci devrait faire de l'Arctique une zone de coopération où pourraient se retrouver de nombreux intérêts refoulés vers le nord par ces changements de température. La Chine voit déjà dans la Route polaire un élément majeur de son ouverture au reste du monde.
C'est d'abord la diminution des temps de transport maritime qui l'intéresse. La route du port chinois de Dalian à Rotterdam sera raccourcie de 10 jours par rapport au passage par le détroit de Malacca et le canal de Suez. Par ailleurs, un accès aux ressources de l'Arctique sera précieuse pour un pays surpeuplé et sans grandes ressources propres tel que la Chine.
Dans un premier temps, il s'agira de réaliser des constructions durables sur des plateformes flottant sur la glace et des brise-glaces plus performants. Sans attendre on y étudiera des méthodes permettant de préserver les milieux naturels fragiles de cette partie du monde.
Sur ce plan, beaucoup de scientifiques resteront dubitatifs. On peut craindre que les objectifs économiques l'emportent sur les préoccupations de préservation. D'autant plus qu'à plus long terme des dizaines de millions de personne chassées de chez elles par le réchauffement et la désertification chercheront à se reconvertir non seulement dans le nord de la Sibérie mais dans l'Arctique.
Celle-ci est sans doute trop loin de l'Europe pour qu'elle s'intéresse, hormis quelque peu les pays scandinaves (et Total). Ce sera dommage pour elle.
ENTRE ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DES FORCES ET ÉQUILIBRES RÉGIONAUX DE SÉCURITÉ
VIII MOSCOW CONFERENCE ON INTERNATIONAL SECURITY 2019
par Irnerio SEMINATORE
Texte rédigé en vue de la présentation à la VIIIème Conférence Internationale sur la Sécurité de Moscou des 23-25 avril 2019, organisée par le Ministère de la Défense de la Fédération de Russie.
TABLE DES MATIÈRES
Système et conjoncture
Dissuasion et forces conventionnelles
Les dynamiques et les inconnues du système de la multipolarité
La Chine et la conception chinoise de la mondialisation
La Russie et l'enjeu multipolaire
La stratégie de sécurité de la Russie.
La Russie et le retour des grandes stratégies
La stratégie des États-Unis et les tendances générales du système
L'indispensable dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie
États-Unis et Chine. Sur le syndrome de la puissance dominante. Préservation du "statu quo" ou inversion de prééminence?
Un faux retour aux simplifications stratégiques de la bipolarité
Rivalités, desseins stratégiques et montée des tensions
Système et conjoncture
La conjoncture historique actuelle est caractérisée par la transformation du cadre stratégique général( le système international) et par la montée de déséquilibres régionaux (sous-systèmes) en leurs interactions multiples (linkages).
L'environnement stratégique en est affecté, car les équilibres de pouvoir entre acteurs majeurs du système multipolaire résultent de leurs régimes politiques et de leurs alliances globales et visent à contre-balancer les coalitions adverses et à assurer la stabilité du système (ou son bouleversement).
A cet égard la triple dynamique de la conjoncture actuelle, de fragmentation, de polarisation et de confrontation, se traduit en une reconfiguration des alliances militaires et des équilibres mondiaux, face aux risques de conflits entre Chine- Etats-Unis et Russie.
La triade Chine-Etats-Unis-Russie instaure ainsi, une politique ambivalente, de rivalité-partenariat-antagonisme, qui a pour enjeu le contrôle de la masse eurasienne et de l'espace océanique indo-pacifique, articulant les deux stratégies complémentaires du Heartland et du Rimland.
Ainsi et au niveau local, l'issue des conflits ne dépend pas des rapports balistico-nucléaires entre les leaders des pôles ,mais de alliances tissées par la diplomatie globale.
Dissuasion et forces conventionnelles
Dans cette perspective, le facteur nucléaire,qui avait été relégué au second plan , après l'effondrement de la bipolarité, redevient aujourd'hui la principale indication des tensions politiques entre les pôles et la coopération de sécurité apparaît comme l'indication la plus évidente de l'orientation stratégique des parties, en compétition ou en conflit pour les ressources. Cependant le chantage des armes nucléaires entre Grands, servant à anéantir l'intention positive de l'agresseur,joue un rôle plus grand,quand la menace anti-force est plus crédible.
Les rivalités, qui secouent aujourd'hui plusieurs régions du monde, (les Pays baltes et l'Europe de l'Est (Ukraine), le Caucase (Géorgie), le Maghreb et l'Afrique sub-saharienne, le Proche et Moyen Orient( Syrie, Liban, Israël, Iran, Turquie), le Golfe (Arabie Saoudite, Yemen, Quarar, sunnisme et chiisme), l'Amérique du Sud et du Nord, la mer de Chine méridionale et l'extrême Orient), ont forcé l'Est et l'Ouest à reconfigurer leurs alliances militaires.
Le but en est de fixer des "lignes rouges" entre les intérêts des pôles et les enjeux régionaux, pour empêcher des escalades non maîtrisables, éviter un affrontement direct entre les acteurs majeurs du système et limiter la décentralisation de la violence au niveau régional.
Les dynamiques et les inconnues du système de la multipolarité
D'une manière générale les dynamiques du système de la multipolarité, par rapport au système bipolaire sont constituées :
- par la permanence du jeu inter-étatique, stabilisateur ou perturbateur
- par une transformation des règles du jeu (alliances) et des partenariats stratégiques, fragilisés par la rupture d'accords devenus obsolètes (Salt, INF )
- par un accroissement du nombre des acteurs essentiels (leaders de bloc) et une redistribution asymétrique de la puissance
- par le retour du révisionnisme territorial (rectification des frontières )
- par une modification de la nature de la guerre et par le croisement du conventionnel,du nucléaire et du virtuel, ou encore par l'irruption des espaces cybernétiques et satellitaires, dans les domaines de la géopolitique et de la stratégie.
- par une multiplications des tensions et des conflits décentralisés, influant sur l'équilibre général des forces.
Ainsi, toute tentative de redéfinir un ordre régional quelconque ne peut être conçue aujourd'hui , que dans la perspective d'un ordre planétaire global et à la recherche de formes d' équilibre et de stabilité à caractère planétaire. C'est par référence à la triangulation géopolitique et militaire de la Russie, des États-Unis et de la Chine et, en subordre, de l'Europe, de l'inde et du Japon,que doit être comprise la liberté relative des puissances régionales du Moyen Orient et du Golfe, et c'est là que se situe une des clés de la stratégie générale de la triade.
La Chine et la mondialisation à la chinoise
Dans ce cadre, la Chine, poursuivant une quête régionale et mondiale d’indépendance stratégique et d'autosuffisance énergétique étend sa présence et sa projection de puissance vers le Sud-Est du Pacifique, l’Océan Indien, le Golfe et l'Afrique, afin de contrer les goulots d’étranglement de Malacca et échapper aux conditionnements extérieures maritimes, sous contrôle américain.
Elle procède par les lignes internes, par la mise en place d'un corridor économique et par une route énergétique Chine-Pakistan-Golfe Persique, reliant le Port de Gwaidar, au pivot stratégique de Xinjiang.
Béijin adopte la gestion géopolitique des théâtres extérieures, selon la doctrine Kissingerienne du "Linkage horizontal" et resserre ses liens continentaux avec la Russie.
L'influence chinoise est complétée par la construction d'une gigantesque "Route de la Soie", reliant le nord de la Chine à l'Europe, via le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Turkménistan et opposant les routes terrestres aux routes maritimes.
La Russie et l'enjeu multipolaire
La Fédération de Russie a pris conscience de la mutation profonde de la perspective historique et a adopté le principe du retour à une stratégie générale défensive, qui n'interdit nullement l'initiative et s'exprime par la manœuvre, la percée et l'action. Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine au plan geopolitique, a eu pour but de jouer un rôle d’équilibrage et de contre-poids, au cœur de la masse continentale eurasienne et de repartir les zones d'influence entre les deux puissances dominantes, dans le cadre de la multipolarité. Cette double poussée, virtuellement antinomique, est corrélée à l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), qui fait fonction de stabilisateur régional.
Stratégie de sécurité de la Russie
La lecture de la position russe dans le monde peut être résumée de la manière simplifiée suivante.
Face à la tendance systémique, marquée par l’émergence de pôles de puissance en compétition ou en rivalité , ainsi que par le potentiel de polarisation dû aux alignements mouvants en Asie, la Russie se doit de:
- freiner les élargissements politiques et militaires de l'OTAN en divisant ses adversaires à l'Ouest, en Europe Centrale et au Sud-Est - stopper le processus de désagrégation au Proche, Moyen Orient et Golfe, en promouvant des nouveaux équilibres de pouvoir autour de l'axe Moscou - Damas - Téhéran et en isolant la Turquie et l'Arabie Saoudite dans la redéfinition des pouvoirs régionaux
- rapprocher les anciens satellites dans la zone de "l’étranger proche" par différents moyens (Union Euro-Asiatique)
- renforcer l'unité continentale au cœur de l'Eurasie par établissement d'une coopération plus étroite avec la Chine
La Russie et le retour des grandes stratégies
Les trois théâtres à travers lesquels la culture stratégique russe pense sa sécurité, occidental (de la Mer Baltique aux chaînes des Carpates), méridional (du Danube à l'Iran), oriental (de la Volga aux monts AltaÏ), placent au cœur de cette culture deux notions-clés: la souveraineté territoriale et la profondeur stratégique.On y ajoutera que la projection des forces sur un théâtre extérieur est placée sous la couverture des capacités nucléaires, ce qui permet de dominer militairement ses zones d'influence. Or, si au plan mondial la relation russo-américaine est fondée sur la stabilité stratégique, au plan régional la liberté de manoeuvre de la Fédération russe se déploie sur les deux théâtres, de la Méditerranée et de la Mer Noire.
La stratégie des États-Unis et les tendances générales du système
Le Secrétaire à la Défense de l'Administration Trump,l'ancien Général des Marine's James Mattis, a dévoilé en février 2018, à l'Université John Hopkins une nouvelle stratégie de défense nationale, d'où l'on déduit qu'un changement historique est intervenu depuis deux décennies dans la politique extérieure américaine.
Le principal objectif des États-Unis est désormais la concurrence entre les grandes puissances et non le terrorisme. "La Chine est un concurrent stratégique, qui utilise une politique économique prédatrice pour intimider ses voisins, tout en militarisant des zones de la mer de Chine méridionale".
"La Russie a violé les frontières des pays voisins et exerce un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et sécuritaires de ses voisins".
Par ailleurs, "la Chine recherche" l'hégémonie dans la région indo-pacifique à court terme et le remplacement des États-Unis, pour atteindre la prééminence mondiale dans l'avenir".
"La Russie, pour sa part, tente de briser l'Organisation de l'Atlantique Nord (OTAN) et de changer les structures économiques et sécuritaires européénnes et du Moyen-Orient"
Ainsi,pour les Etats-Unis,une conclusion est certaine : "la menace croissante des puissances révisionnistes aussi différentes que la Chine et la Russie.....cherche à créer un monde cohérent avec leurs modèles autoritaires".
Trois régions clés sont indiquées comme objets d'une préparation au conflit: l'Indo-pacifique, l'Europe et le Moyen-Orient.
Dès lors, face au déclin de l'ordre international,fondé sur des règles acquises de longue date et à une concurrence stratégique entre États, le but de l'Amérique est de rester la puissance militaire prééminente dans le monde et d’œuvrer pour que l'équilibre des forces reste en sa faveur. Elle doit faire en sorte que "l'ordre international reste plus favorable à sa sécurité et à sa prospérité, en préservant l'accès aux marchés".
La rivalité entre grandes puissances et la lutte pour la prééminence se traduisent ainsi en une compétition stratégique accrue.
L'indispensable dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie
Quant à l'Europe de l'Ouest, la globalisation des enjeux de sécurité, impose une analyse des tendances générales du système mutipolaire et suggère l'établissement d'un dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie
Le fondement de ce dialogue repose sur l'exigence d'allègement des tensions et des défis , portés à la stabilité régionale et mondiale.
Il a été observé que des similitudes existent entre deux types de défis, le changement du "statu quo" territorial, en Europe et en mer de Chine méridionale, bref ,en Ukraïne et dans les iles Paracels, Spratley, récif de Mischief et, plus au nord, dans les îles Senkaku (Siaoyu).
Toutefois, dans l' Europe du sud-est, il s'agirait d'un changement de paradigme, concernant l'intégrité territoriale des États; dans l'autre, de "l'internationalisation d'un conflit en mer de Chine" méridionale et orientale, qui cumule une pluralité de revendications de pays frontaliers.
États-Unis et Chine
Sur le syndrome de la puissance dominante
Préservation du "statu quo ou inversion de prééminence?
Les États-Unis seront ils disposés à renoncer à leur prééminence en Europe et en Asie, autrement dit ,dans l'ensemble du système international, ou se montreront capables de trouver des arrangements et des formes de coexistence, qui les détournent d'une fatalité apocalyptique?
En cas de doute, seront ils poussés, par la préservation du"statu quo" et de la prééminence stratégique, ainsi que par une perception antagoniste des faiblesses internes de la puissance rivale, à prendre des risques inconsidérés, par une action de dissuasion préventive?( coup de Copenhague de 1885/UK, Port-Arthur de 1905 et Pearl-Harbor de 1941/ J, Corée du Nord en 1950/URSS)
Au niveau de la conjoncture historique et de la fenêtre d'opportunités, consenties à la Chine,la question est de savoir si l'Empire du milieu a le désir et les moyens de changer le "statu-quo" et d'accéder au rang dominant du système?
Un faux retour aux simplifications stratégiques de la bipolarité
Le cœur du système international de la multipolarité tient certes au triangle stratégique États-Unis, Chine et Russie, mais corrélé à une pluralité de sous- systèmes régionaux, en compétition globale. Ces sous-systèmes sont soumis à des sphères d'influence disputées et souvent exclusives et sont doués d'inégale importance politique et militaire.
Face à un Occident fragmenté,le but de l'Europe réformée (et post- Brexit ) sera-t-il de revenir à un jeu de puissance d'équilibre entre les Etats- Unis et la Russie, bref à la stratégie gaullienne de troisième force, que l'U.E ne peut pratiquer?
Rivalités, desseins stratégiques et montée des tensions
Deux grands mouvements stratégiques rivaux s'esquissent à présent, au niveaux planétaire, internes et extérieurs à l'Eurasie:
- l'alliance sino-russe, assurant l'autonomie stratégique du Hearthland , en cas de conflit et promouvant, en temps de paix, la coopération intercontinentale en matière de grandes infrastructures, (projet OBOR (One Belt, One Road), avec la participation d'environ 70 pays ) - la stratégie du "containement" des puissances continentales par les puissances maritimes du "Rimland" (Amérique, Japon, Australie , Inde, Europe etc), comme ceinture péninsulaire extérieure
Les deux camps sont en rivalité déclarée et leurs buts stratégiques opposés.
En effet, le couple sino-russe est défini "concurrent stratégique", ou "concurrent systémique"(notamment par l'UE vis à vis de la Chine) et refuse de se soumettre à l'ordre international issu de la deuxième guerre mondiale et dessiné par les Etats- Unis .
Dans ce contexte,la défense de l'ordre, de la stabilité et du "statu quo" est assurée par la seule puissance globale du moment, l'Amérique et ses alliés. car, en termes de politique multipolaire, Chine et Russie soutiennent le principe des zones d'influence exclusives, dites de "l'étranger proche", (Ukraine et Géorgie pour la Fédération russe et Mer de Chine méridionale pour Béijin)
En termes prospectifs et sur le plan des équilibres régionaux à long terme, les interventions des États-Unis,depuis la guerre du Golfe, ont altérés les rapports politiques et diplomatiques antérieurs entre Iran, Arabie Saoudite et pays de la région.
Dans cette même zone l'appui militaire de la Russie à la Syrie a influé sur la desoccidentalisation des affaires régionales et mondiales et, localement, sur la défaite de l'extrémisme islamique , au profit des intérêts russes du flanc sud (du Danube à la Perse et en Asie Centrale).
En termes de modernisation politique, au Proche et Moyen Orient, les idéologies importées de l'Occident, libéralisme, socialisme, laïcité, ont fait faillite et les seules formes de régimes politiques adoptées, ont été les dictatures militaires et les totalitarismes religieux, en conflit permanent.
La révision doctrinale des États-Unis en matière de sécurité s'inscrit aujourd'hui dans le gel progressif des accords sur le contrôle des armements nucléaires
Du point de vue stratégique, le retrait américano-russe des accords START et INF, et celui des accords nucléaires avec l'Iran ont sapé la confiance diplomatique entre puissances occidentales et ont mis en crise les relations des USA avec l'Europe
Par ailleurs une bataille idéologique majeure fonde le rapprochement russo-chinois sur le refus des critères occidentaux de légitimations du pouvoir et sur le mode d'exercice de l'autorité, la démocratie libérale pour les uns, l'autocratie souveraine pour les autres.
Les héritages historiques ne résistent pas toujours aux changements et le déplacement du centre de gravité des tensions vers l'Asie Pacifique, motivant la "politique de pivot" d'Obama,comme "ultime épreuve de force destinée à maintenir la Chine à un rang subalterne" (H.Kissinger), privent, en Europe, l'Alliance atlantique de sa raison d'être et risquent de ne pas la faire survivre aux finalités qui l'avaient fait naitre, celle d'un monde bipolaire.
Au même temps, l'émergence de la question nationale, identitaire et de souveraineté, se répercute en une forme de crise de cohésion des institutions européennes et assume le visage sécessionniste de remise en cause du pacte national entre Barcelone et Madrid et entre Londres, Edinbourg et Dublin à propos du Brexit, dans un processus de désagrégation interne des unités étatiques, réalisées au cours des XIX et XXèmes siècles
Ainsi, la politique de l'équilibre des forces en Asie orientale ne permet pas de considérer les États-Unis comme un balancier , mais comme partie intégrante de l'équiliblibre régional, car l'exercice de l'hégémonie mondiale fait de l'Amérique une puissance globale et, au même temps le centre de gravité stratégique du système.
Dès lors, une montée des tensions apparaît comme une perspective probable, au sein du système planétaire, où les principaux acteurs ne sont pas d'accord, ni sur une conception commune de l'ordre mondial, ni sur les règles de conduite pour les atteindre.
VIII MOSCOW CONFERENCE ON INTERNATIONAL SECURITY 2019
System and situation
The current historical situation is characterized by the transformation of the general strategic framework (the international system) and by the rise of regional imbalances (subsystems) in their multiple interactions (linkages).
All this affects the strategic environment, because the balances of power between major players in the multi-polar system result from their global alliances, aimed at counterbalancing adverse coalitions and ensuring the stability of the system (or its transformation).
In this respect, the triple dynamic of the current situation – fragmentation, polarization and confrontation – is reflected in a reconfiguration of the military alliances and global strategic balances, in the face of the risks of conflicts between China, the United States and Russia.
In this way the China-USA-Russia triad is establishing an ambivalent policy of rivalry-partnership-antagonism. At stake is the control of the Eurasian mass and the Indian-Pacific ocean space, expressed in the two complementary strategies of Heartland and Rimland.
In this way and at local level, the outcome of the conflicts does not depend on the nuclear-ballistic relations between the leaders of the poles, but on alliances woven by global diplomacy.
Regional rivalries
The rivalries that are shaking several parts of the world today (the Baltic countries and Eastern Europe (Ukraine), the Caucasus (Georgia), the Maghreb and sub-Saharan Africa, the Near and Middle East (Syria, Lebanon, Israel, Iran, Turkey), the Gulf (Saudi Arabia, Yemen, Qatar, Sunni and Shiite), South and North America, the South China Sea and the Far East), have forced both East and West to reconfigure their military alliances.
The aim is to set "red lines" between the interests of the poles and regional issues, so as to prevent uncontrollable escalations, to avoid any direct confrontation between the major players in the system, and to limit the decentralization of violence at regional level.
Dynamics and unknowns of the multi-polar system
In general, the dynamics of the multi-polar system, compared with the bipolar system, consist of:
- the permanence of the inter-state game, with either stabilizing or disruptive effects
- a change in the rules of the game (alliances) and of strategic partnerships, weakened by the breakdown of agreements that have become obsolete (SALT, INF)
- an increase in the number of key players (block leaders) and an asymmetrical redistribution of power
- the return of territorial revisionism (rectification of borders)
- a change in the nature of war and the mixing of conventional, nuclear and virtual warfare, and also the sudden and rapid inclusion of cybernetic and satellite spaces as geopolitical and strategy fields.
- a multiplication of tensions and decentralized conflicts, influencing the overall balance of forces.
Thus, any attempt to redefine any one regional order can be conceived today only in the perspective of a global planetary order and of the search for forms of planetary equilibrium and stability. It is by reference to the geopolitical and military triangulation of Russia, the United States and China and, at subordinate level, of Europe, India and Japan, that the relative freedom of the regional powers must be understood. It is there that one of the keys to the hoped-for success of the triad's general strategy lies.
The indispensable strategic dialogue between Europe and Russia
When it comes to Western Europe, the globalization of security issues requires an analysis of the general trends of the multi-polar system and suggests the need to establish a strategic dialogue between Europe and Russia.
The basis of this dialogue is the need to alleviate tensions and challenges to regional and global stability
A false return to the strategic simplifications of bipolarity
The heart of the international multi-polarity system correlates with a plurality of regional subsystems, in global competition with one another. These subsystems are subject to disputed and often exclusive spheres of influence and are of unequal political and military significance.
Faced with a fragmented West, will the goal of reformed (and post-Brexit) Europe be to return to a power play of equilibrium between the United States and Russia, in short to the Gaullist third force strategy that the EU is unable to practice? In prospective terms and on the level of long-term regional balances, US interventions since the Gulf War have altered the previous political and diplomatic relations between Iran, Saudi Arabia, and other countries of the region.
In terms of political modernization, in the Near and Middle East, ideologies imported from the West – liberalism, socialism, secularism – have failed and the only forms of political regimes adopted have been military dictatorships and religious totalitarianism, in permanent conflict.
The United States's revision of its security doctrine is expressed today in the progressive freeze on nuclear arms control agreements.
From a strategic point of view, the US-Russian withdrawal from the START and INF agreements, and from the nuclear agreements with Iran have undermined the diplomatic trust between Western powers and produced a crisis in the United States' relations with Europe.
Elsewhere the balance-of-forces policy in East Asia does not allow us to consider the United States as a balancing pole, but as an integral part of the regional equilibrium, since the exercise of world hegemony makes America a global power and at the same time the strategic centre of gravity of the system. For this reason an increase in tensions appears as a likely prospect within the planetary system, where the main actors do not agree, either on a common conception of the world order, on the rules of conduct to achieve it.
Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !
Par Guillaume Berlat
Ex: https://www.les-crises.fr
« Les temps changent. On ne sait pas quand, mais c’est toujours avant qu’on s’en aperçoive » (Catherine Breillat, cinéaste, romancière). Les temps changent, le ton change. Hier bénie, aujourd’hui (presque) honnie. Tel est le traitement que subit désormais la Chine. Au moment où le président chinois, Xi Jinping effectue une brève visite en Europe (Italie, Monaco1, France) en cette dernière décennie du mois de mars 2019, les critiques pleuvent comme à Gravelotte sur l’Empire Céleste2. Violations répétées des droits de l’Homme (Cf. contre les Ouigours ou contre l’ex-président d’Interpol, Meng Hongwei …), visées hégémoniques en Asie, en Afrique, voire en Europe à travers l’initiative des « Nouvelles routes de la soie »; violations graves des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC basée à Genève) en pratiquant une concurrence déloyale, espionnage à grande échelle (Cf. critiques portées contre le géant des télécommunications Huaweï au moment où il concourt au marché de la 5G)…
Telles sont les philippiques qui reviennent le plus souvent, de manière inattendue, dans la bouche des dirigeants occidentaux, européens avec une certaine insistance depuis quelques dernières semaines. Les mêmes qui ne tarissaient pas d’éloge sur l’Empire Céleste, il y a peu encore. Comme si la guerre commerciale contre la Chine dans laquelle s’est lancée Donald Trump avait enfin décillé les yeux de la Belle au Bois Dormant qui a pour nom Europe sur les visées de Pékin. Le temps n’est plus au libéralisme échevelé, à la candeur rafraichissante. Le temps serait plutôt au patriotisme économique, à la Realpolitik, à la défense des intérêts bien compris. Mais, l’Europe (l’Union européenne) divisée et sans cap est-elle bien armée pour mener à bien ce combat contre la puissance montante du XXIe siècle ?3 Puissance normative incontestée, l’Europe est et restera encore longtemps une impuissance stratégique.
***
L’EUROPE : UNE PUISSANCE NORMATIVE
Pour tenter de comprendre l’impasse structurelle dans laquelle se trouve l’Union européenne, il est indispensable de se pencher sur la philosophie générale qui a présidé à sa création (la paix par le droit) pour être en mesure d’apprécier la conséquence de cette démarche (la construction par le vide).
La paix par le droit : une nouvelle utopie.
Faut-il le rappeler, comme le Conseil de l’Europe en 1949, l’Union européenne s’est construite sur le mantra de la paix par le droit (celui qui avait si bien fonctionné à l’époque de la SDN…) ! Par sa force intrinsèque et quasi-divine, la norme est censée résoudre tous les problèmes de l’Europe de l’après Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide, de l’après-Guerre froide et de la nouvelle Guerre froide. Ni plus, ni moins La construction européenne – du traité de Rome au traité de Lisbonne – s’est reposée sur d’énormes conventions internationales que seuls quelques initiés – dont ni vous, ni moi ne sommes – parviennent à comprendre et à interpréter. À Bruxelles, les hommes forts (les fortes femmes) de la Commission et du Conseil sont les juristes. Ils pondent en permanence de nouvelles normes et traquent l’État délinquant soit celui qui ne respecte pas les valeurs du machin (Hongrie, Pologne, Roumanie), soit celui qui viole les sacro-saintes règles budgétaires (Grèce, Italie, voire France)4. L’Europe à 28/27 n’a toujours ni cap, ni affectio societatis alors même qu’elle est secouée par des vents mauvais tant à l’intérieur (feuilleton sans fin du « Brexit », montée du sentiment national, croissance atone, phénomènes migratoires non contrôlés, terrorisme…) qu’à l’extérieur (Diktats américains, arrogance chinoise, cavalier seul russe, déclin de l’Occident…). « Cette non-personne pèse de l’extérieur, sans habiter notre intérieur »5.
La construction par le vide : une puissance Potemkine
Nous avons aujourd’hui un exemple particulièrement éclairant de la vacuité européenne sur la scène internationale en analysant la relation de Pékin avec la France mais aussi avec l’Union européenne. Mais, un léger retour en arrière s’impose. Au cours des dernières années, sous l’influence de la pensée libérale à l’anglo-saxonne (le tout dérégulation), la Commission européenne (agissant dans l’un de ses domaines de compétence exclusif qu’est le commerce) s’est targuée de négocier et de conclure des dizaines de traités de commerce, de libre-échange avec la planète entière. Nos petits marquis drogués aux lobbies, particulièrement actifs à Bruxelles (« un aéropage technocratique, apatride et irresponsable »), nous expliquent fort doctement que tous ces torchons de papier constituent le nec plus ultra de la mondialisation heureuse6, la meilleure garantie pour les citoyens européens en termes de prospérité et de bonheur (« L’Europe des réponses » chère à Nathalie Loiseau), le signe de L’Europe indispensable7. Or, la réalité est tout autre comme ces mêmes citoyens peuvent s’en rendre compte concrètement.
L’Union n’est qu’un tigre de papier ouvert aux quatre vents. Elle ignore un principe cardinal de la diplomatie classique qui a pour nom réciprocité. Elle ouvre grandes ses portes aux entreprises chinoises alors que leurs homologues européennes sont soumises à des règles drastiques et des pratiques déloyales8. Souvenons-nous que Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), porteur de la diplomatie économique, ne jurait que par la Chine. Sans la Chine, point de salut. Or, aujourd’hui, les langues commencent à se délier sur les étranges pratiques commerciales chinoises. Du côté de la Commission européenne, c’était le silence radio. Du côté de nos partenaires, européens, c’était le chacun pour soit et les vaches seront bien gardées. Comme cela est tout à fait normal de la part d’une authentique grande puissance comme l’est la Chine9, Pékin pratique un vieux classique qui a fait ses preuves depuis la nuit des temps, le diviser pour mieux régner, la diplomatie des gros contrats pour mieux faire taire les rabat-joie10. Nous en avons un exemple frappant avec l’Italie qui est le premier pays du G7 à emprunter les « nouvelles routes de la soie »11. Une sorte d’embarquement pour Cythère du XXIe siècle.
L’angélisme est une plaie en ces temps conflictuels. Les États membres de l’union européenne ne comprendront jamais que « les puissants n’accordent leur amitié protectrice qu’en échange de la servitude »12. Ils commencent à peine à percevoir que la Chine entend transformer sa puissance économique en puissance diplomatique et stratégique aux quatre coins de la planète.
L’EUROPE : UNE IMPUISSANCE STRATÉGIQUE
Il est important d’en revenir aux fondamentaux des relations internationales. Dans un monde frappé au coin de la prégnance du rapport de forces, la désunion structurelle de l’Europe fait sa faiblesse sur la scène internationale. Par ailleurs, au moment où l’on nous annonce que l’Union se réveille face à la Chine, le moins que l’on puisse dire est que cette nouvelle posture relève encore de la cacophonie.
La désunion fait la faiblesse : l’Europe s’agite
L’opération de charme du nouvel empereur. C’est que le président Xi Jinping n’est pas né de la dernière pluie. Il sait parfaitement caresser ses hôtes français dans le sens du poil. Il le fait avec un sens aigu de l’emphase diplomatique. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à se reporter à la tribune qu’il publie dans un grand quotidien français à la veille de sa visite en France. Il la conclut ainsi :
« La responsabilité. Ensemble, la Chine et la France pourront apporter de grandes transformations. L’histoire n’a cessé de le prouver au cours des 55 ans écoulés. À l’heure actuelle où l’humanité se trouve à la croisée des chemins, les grands pays du monde ont à assumer les responsabilités qui leur incombent. Membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la France sont invitées à renforcer leur concertation pour défendre le multilatéralisme, préserver les normes fondamentales régissant les relations internationales basées sur les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies, relever conjointement les défis, contribuer à la prospérité et à la stabilité dans le monde et promouvoir la construction d’une communauté de destin pour l’humanité.
Comme dit un proverbe chinois : « Un voyage de mille lieues commence toujours par le premier pas ». L’illustre écrivain français Victor Hugo disait : « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » Aujourd’hui sur un nouveau point de départ historique, la Chine souhaite aller de l’avant avec la France, concrètement et solidement, pour réaliser des accomplissements encore plus éclatants »13.
Et ses officines de propagande (« Échos de Chine ») d’inonder d’encarts publicitaires à l’eau de rose les principaux médias français à la veille de la visite en France du grand timonier sur les thèmes du développement d’un « partenariat stratégique global plus étroitet durable », de « Paris et Wuhan : le Conte de deux cités », de « Beijing et Paris : partenaires majeurs dans la lutte contre le changement climatique » (on en tombe à la renverse en se reportant aux facéties environnementales chinoises), de « Faire progresser plus avant les relations franco-chinoises », des « Perspectives de la coopération pragmatique entre la France et la Chine »… En prime, nous avons même droit aux dernières raffarinades : « Cette année sera une année fertile pour les relations franco-chinoises » (on se croirait revenu au temps d’Alice au pays des merveilles). Dans le rôle de l’idiot utile, Quasimodo n’a pas son pareil. Il est tout simplement parfait et impayable. Une fonction étrange pour un ancien Premier ministre de Jacques Chirac, mais qui ne gêne pas du tout l’intéressé. Ce dernier n’aime d’ailleurs pas qu’on vienne le chercher sur ces ambiguïtés : à l’en croire, il ne joue qu’un seul rôle, celui de poisson-pilote en Chine pour les entreprises françaises. Fermez le ban !
Jupiter tombe sous le charme du carnet de chèques chinois. Comment ne pas succomber aux charmes d’une telle sirène qui arrive avec de nombreuses promesses de contrats pour des entreprises françaises (on met à l’eau bouche avec des quantités extravagantes d’achats d’avions [commande de 300 Airbus pour 30 milliards d’euros par la compagnie d’État CASC]14, de navires et d’autres gadgets dont les Gaulois sont particulièrement friands) ? En bon français, cela s’appelle acheter son ou ses interlocuteurs. Comment évoquer le concept grossier de « violations des droits de l’Homme » dans cette ambiance du genre Embrassons-nous Folleville ?15 Fidèle à son habitude, Emmanuel Macron explique lors de sa conférence de presse commune à l’Élysée que la discussion sur la question des droits de l’Homme avec son homologue a été « franche » mais nous n’en saurons pas plus. Diplomatie de la discrétion oblige !
Oubliées les promesses européennes visant à faire front commun contre le tigre chinois (qui n’est pas de papier, les investissements chinois en Europe sont passés de 1,4 milliard de dollars en 2006 à 42,1 en 2018 après avoir connu un pic de 96,8 milliards en 2017) et vive le cavalier seul, le chacun pour soi dont sont coutumiers les 27/28 ! Il y a fort à parier que les moulinets de Jean-Yves Le Drian (qui accueille le président chinois sur l’aéroport de Nice) sur le thème du double sens des nouvelles routes de la soie feront rapidement pschitt. Il y a fort à parier que les déclarations viriles d’Emmanuel Macron avant la visite officielle chinoise aient autant d’effets positifs sur Xi Jinping que sur Donald Trump en son temps (il devait revenir sur son refus de l’accord sur le climat et sur celui sur le nucléaire iranien, Jupiter nous avait promis). À l’Élysée, Pinocchio (Bijou dans une robe longue rouge immaculée) fait assaut d’amabilités à l’égard de son hôte de marque. Pour nous rassurer sur les bonnes et pures intentions chinoises, quelques experts viennent nous faire la leçon : « La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète »16, « La position de Xi Jinping n’est pas si confortable qu’elle en a l’air »17 au regard de la crise commerciale américano-chinoise18. Il est vrai que quelques nuages assombrissent le ciel bleu chinois après une longue période faste. Est-ce une tendance conjoncturelle ou structurelle ? Il est encore trop tôt pour le dire avec certitude. Mais, heureusement, l’Europe a décidé de sortir de sa torpeur pour prendre la mesure du problème. Faut-il avoir peur de la Chine ?19 Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle qui a noué des relations diplomatiques avec la Chine communiste au nez et à la barbe des Américains.
La cacophonie fait la foire : l’Europe se réveille20
Un réveil tardif et mou. Lors de ses entretiens à la villa Kérylos (Beaulieu), Emmanuel Macron prône « un partenariat équilibré » avec Pékin (déficit commercial de la France de 30 milliards d’euros)21. [Il enfonce le clou lors des entretiens à l’Élysée au cours desquels il déroule le tapis rouge et tous les leviers de la diplomatie gastronomique]. Des limites, du piège de la démagogie surtout lorsque nous apprenons qu’Emmanuel Macron, trop faible pour faire le poids, appelle de ses vœux la constitution d’un front européen (uni, nous imaginons !) destiné à déjouer la stratégie et les ambitions planétaires de Pékin. Trop peu, trop tard, pourrait-on dire. Des mots, toujours des mots… Où est la stratégie suivie d’actes forts d’une Europe unie ? On peine toujours à la découvrir. Ce qui fait le plus défaut à l’Union européenne est sa capacité d’anticipation sans parler de son absence de volonté de prendre à bras le corps les grands problèmes stratégiques du monde. Elle préfère se quereller sur des taux de TVA, de pourcentages de croissance et autres vétilles qui ne contribuent pas à faire d’elle un acteur du monde. En réalité, elle est de plus en plus spectatrice d’un spectacle dans lequel elle joue les seconds rôles. Comme le souligne si justement, Thierry de Montbrial : « Quand on reprend les conversations entre chefs d’État au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit qu’ils ne parlaient pas de tactique, quand ils se rencontraient mais de visions »22. C’est là toute la différence entre celui qui fait l’avenir et celui qui le subit. « La construction européenne vise à surmonter les conflits et les guerres du passé. Elle a pour but la paix, la prospérité, la stabilité, la sécurité. Elle a construit un édifice institutionnel qui est bien huilé et tourne remarquablement bien. Pour renverser la formule d’Emile de Girardin, elle donne l’impression de tourner le dos à l’imprévu pour mieux diriger le cours des choses » comme le souligne un diplomate brillant, Maxime Lefebvre.
Une grande interrogation pour l’avenir.
Que peut-on mettre concrètement à l’actif de l’Union européenne au cours des dernières semaines ?
Une réponse visible, qui n’est pas pour autant efficace, est donnée au bon peuple. Xi Jinping est convié, le 26 mars 2019, à rencontrer à l’Élysée, outre le président Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel et le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker23. Drôle de Sainte-Trinité (le terme de Pieds Nickelés serait plus approprié) pour sermonner le Grand Timonier et répondre d’une seule voix aux ambitieuses « routes de la soie » ! Mais, ce trio parle-t-il et a-t-il reçu mandat expresse des autres partenaires pour parler et s’engager en leur nom ? Emmanuel Macron a fait chou blanc avec son sermon aux citoyens européens. Angela Merkel est sur le départ et voit ses prérogatives rogner par son successeur, AKK24. Jean-Claude Juncker, qui ne sera pas reconduit dans ses fonctions après les élections européennes du 26 mai 2019, peine à marcher à trop lever le coude. Mais, Emmanuel Macron nous indique avoir plaidé pour un « multilatéralisme rénové » (que signifie ce nouveau concept ?) et « plus équilibré » auprès de Xi Jinping tout en confessant l’ampleur des désaccords entre la Chine et le trio choc25. Comme le démontre amplement la guerre commerciale américano-chinoise26, Pékin ne comprend que la force dans son état brut. Un grand classique des relations internationales ! Mais, nous sommes pleinement rassurés en apprenant l’existence de « convergences » euro-chinoises à l’Élysée27. Sur quels sujets, c’est un autre problème ! Nous les sommes encore plus en prenant connaissance des déclarations de de Bruno Le Maire selon lesquelles : « Face à la Chine et aux États-Unis, l’Europe doit s’affirmer comme une puissance souveraine ». Un superbe exemple de diplomatie déclaratoire.
Une réponse moins visible mais plus concrète. Le Parlement européen vient d’adopter (février 2019) et demande la mise en œuvre rapide de « l’instrument de filtrage des investissements directs étrangers pour des motifs de sécurité »28. Il s’agit à l’évidence d’une initiative heureuse qu’il faut saluer. Encore, faut-il qu’elle trouve sa concrétisation dans les meilleurs délais et qu’elle soit ensuite appliquée avec la plus grande rigueur en cas de violation avérée de ses dispositions. L’Union européenne serait bien inspirée de voir ce qui se passe Outre-Atlantique en la matière29. En dernière analyse, il ne faut pas avoir la main qui tremble.
Une réponse encore hypothétique. Manifestement, du côté de la Commission européenne et sous l’amicale pression des États, on commence à mettre au point une sorte de feuille de route dans les relations UE/Chine30. Voici la relation qui nous en est faite par l’hebdomadaire Le Point.
« Nous avons avec la Chine des relations – comment dire ? – bonnes, mais qui ne sont pas excellentes. La Chine aujourd’hui pour nous est un concurrent, un partenaire, un rival. » C’est ainsi que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, concluait le Conseil européen le 22 mars, en amont de la visite de Xi Jinping en Europe, qui sera suivi, le 9 avril, d’un sommet UE-Chine. Emmanuel Macron a invité le président de la Commission et la chancelière Merkel à se joindre à la visite du leader chinois à Paris, en guise de hors-d’œuvre au futur sommet.
La semaine dernière, les chefs d’État et de gouvernement ont débattu des dix mesures que la Commission a mises sur la table vis-à-vis de l’empire du Milieu, qualifié de « rival systémique ». Un changement de ton qui traduit l’impatience des Européens à voir la Chine s’ouvrir à leurs entreprises – notamment les marchés publics –, cesser le dumping déloyal par ses prix, mettre fin au transfert de technologies forcé. En somme, rejoindre le concert des nations dans le cadre de l’OMC et accepter les règles du marché. Or, ce n’est pas le chemin emprunté par Pékin après son adhésion à l’OMC en 2001. Les Occidentaux ont eu la naïveté de croire que la Chine deviendrait une économie sociale de marché. Elle est demeurée étroitement entre les mains du Parti communiste chinois et a inventé une forme de « capitalisme d’État » qui l’a rendue quatre fois plus riche qu’en 2001…
Zhang Ming, l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union européenne, a prévenu les Européens que les avancées en termes d’ouverture économique s’effectueront à un « rythme raisonnable » et que « les demandes européennes seront « progressivement prises en compte ». Donc, il n’y a pas de « grand soir » à attendre ni de la visite de Xi Jinping à Paris ni du prochain sommet UE-Chine.
Parmi les dix mesures préconisées par la Commission, appuyée par Federica Mogherini, la haute représentante pour les relations extérieures, certaines relèvent encore, disons, des bons sentiments. Quand on pense pouvoir coopérer avec Pékin sur l’ensemble des trois piliers des Nations unies, à savoir les droits de l’homme, la paix et la sécurité et le développement, l’Union européenne demeure dans le formalisme diplomatique. Mais il est peu probable que la situation s’améliore, à court terme, au Tibet ou pour la minorité musulmane ouïghour. En revanche, l’Union européenne et la Chine sont davantage en phase sur le climat. Jean-Claude Juncker appellera Pékin à plafonner ses émissions de CO2 avant 2030, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. Il existe également une bonne coopération sino-européenne sur le dossier iranien.
La mesure 5 est un peu plus « punchie » puisque l’UE « invite » la Chine à tenir ses engagements, dont la réforme de l’OMC, « en particulier pour ce qui est des subventions et des transferts de technologies forcés », de même que la protection des indications géographiques. Dans la mesure 6, la Commission appelle le Parlement européen et le Conseil européen à adopter l’instrument international de réciprocité sur les marchés publics avant la fin 2019. Cet appel a été entendu par le Conseil européen qui, dans ses conclusions du 22 mars, appelle à son tour « à la reprise des discussions sur l’instrument international de passation des marchés de l’UE ». On n’en est donc pas à décider. On discute… depuis 2012. L’Allemagne bloquait la discussion. Elle vient de changer d’avis à la faveur de la fusion avortée entre Alstom et Siemens. Ce travail sera donc parachevé lors de la prochaine législature, après les élections européennes. La mesure 7 est également musclée, puisque la Commission se propose de publier des « orientations » afin que les prix proposés dans les marchés publics de l’UE prennent en compte réellement les normes en matière de travail et d’environnement. C’est par ce biais que les concurrents chinois ne pourraient soutenir la concurrence avec les entreprises européennes. Emmanuel Macron, lui, voulait aller plus loin et établir une préférence communautaire dans les marchés publics. Il n’a pas été suivi par une majorité d’États membres. La Commission proposera également de compléter la législation européenne pour contrecarrer les distorsions de concurrence des pays tiers sur les biens et les services échangés dans le marché intérieur. S’agissant de la 5G, la Commission a pris en compte les problèmes de sécurité posés par le leader mondial Huawei et fera des propositions très prochainement, a annoncé Juncker31. On ne peut que se féliciter que Bruxelles ait décidé de ne pas exclure l’équipementier chinois du marché de la 5G32.
Enfin, la Commission invite les États membres à mettre en œuvre le plus rapidement possible, de manière « complète et effective », la récente législation sur le filtrage des investissements étrangers dans les domaines sensibles. Cette législation n’est pas contraignante pour les États, qui sont seulement tenus de s’informer les uns les autres. Cela n’empêcherait nullement, par exemple, l’Italie de poursuivre le partenariat qu’elle vient de signer avec Xi Jinping qui prévoit, dans le cadre du projet pharaonique des « nouvelles routes de la soie », des investissements chinois dans les ports stratégiques de Gênes et de Trieste. Un protocole d’accord « non contraignant », s’est empressé de dire Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, devant les froncements de sourcils suscités par cet accord à Washington, Bruxelles et Paris. « La partie chinoise souhaite des échanges commerciaux dans les deux sens et un flux d’investissements dans les deux sens », a assuré, de son côté, Xi Jinping. « La relation entre l’Union européenne et la Chine ne doit pas être avant tout une relation commerciale, elle doit être une relation politique et géostratégique », a souligné Emmanuel Macron, au sortir du Conseil européen. Le commerce est un des aspects, mais si nous construisons de proche en proche une dépendance géopolitique ou stratégique, nous comprendrons rapidement les conséquences que cela peut avoir. Et nous serons perdants sur les deux points. »33
On l’aura compris, nous ne sommes qu’au début d’un très long processus diplomatique avant que toutes ces mesures deviennent contraignantes34. L’unanimité n’est pas garantie tant la Chine dispose de sérieux leviers d’influence sur les États les plus faibles de l’Union (Grèce, Italie…) et que les 27/28 pratiquent la défense de leurs intérêts nationaux avec celle de l’intérêt européen.
***
« L’Europe n’aura pas eu la politique de sa pensée ». Ce jugement porté par Paul Valéry avant la Seconde Guerre mondiale n’a pas pris la moindre ride en cette fin de deuxième décennie du XXIe siècle. Comme le rappelle fort justement Jean-Pierre Chevènement : « Les Européens se sont accommodés de la vassalisation ». Vassalisation surtout vis-à-vis du grand frère américain depuis la fin de la Première Guerre mondial et soumission vis-à-vis de l’Empire Céleste depuis la fin de la Guerre froide. Comme l’écrit avec le sens aigu de la formule qui est le sien, Régis Debray : « L’Européen a des velléités mais, à la fin, il fait où Washington lui dit de faire, et s’interdit là ou et quand il n’a pas la permission »35. Que veut-il faire avec et/ou contre la Chine qui tisse lentement mais sûrement sa toile des « nouvelles routes de la soie » (« Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie »36), y compris jusqu’au cœur de l’Union (Grèce et maintenant Italie avec l’accord signé par Xi Jinping avec les nouveaux dirigeants37). La réponse est aussi peu claire qu’évidente à ce stade de la réflexion des 27/28. Nous sommes au cœur de la problématique institutionnelle et fonctionnelle de la construction européenne38.
Pourquoi l’Union européenne a-t-elle tant de mal à être unie face à la Chine (« Unité de façade Merkel, Macron-Juncker. Face à l’impérialisme économique de Xi Jinping, l’Europe chinoise ! »39) ? Même si les défis ne manquent pas pour Xi Jinping40, il faudra apprendre à compter avec la Chine et à anticiper des réponses réalistes pour faire jeu égal avec elle41. Aujourd’hui, force est de constater que l’expansionnisme chinois bouscule et divise sérieusement l’Europe qui est restée longtemps inerte42. Longtemps, trop longtemps, le mot « réciprocité » a été considéré comme un mot tabou, grossier du côté européen. Il semble qu’aujourd’hui il soit devenu cardinal dans la langue de certains de nos dirigeants toujours en retard d’une guerre43. Révolution copernicienne pour certains, tournant pour d’autres44. Le temps est venu de trancher le nœud gordien. D’ici là, quand l’Europe s’éveillera vraiment (nous ne savons toujours pas quand compte tenu de son inertie habituelle), le risque est grand qu’elle soit depuis longtemps empêtrée dans la nasse pékinoise et que la Chine s’esclaffera.
Guillaume Berlat 1 avril 2019 1 Alice George, Albert et Charlène de Monaco reçoivent le président chinois et son épouse. Dans les coulisses d’une visite d’État, Point de vue, 27 mars-2 avril 2019, pp. 34 à 37. 2 Gabriel Grésillon/Frédéric Schaeffer, Le président chinois Xi Jinping amorce une tournée Pékin dans une Europe vigilante mais divisée face à Pékin, Les Échos, 21 mars 2019, pp. 6-7. 3 François d’Orcival, Les routes de la puissance et de l’intimidation, Valeurs actuelles, 28 mars 2019, p. 4. 4 Guillaume Berlat, De l’Europe de la sanction à la sanction de l’Europe, www.prochetmoyen-orient.ch , 24 décembre 2018. 5 Régis Debray, L’Europe fantôme, collection « Tracts », Gallimard, 2019, p. 34. 6 Guillaume Berlat, Mondialisation heureuse, balkanisation furieuse, www.prochetmoyen-orient.ch , 11 mars 2019. 7 Nicole Gnesotto, L’Europe indispensable, CNRS éditions, mars 2019. 8 Pierre Tiessen/Régis Soubrouillard, La France made in China, Michel Lafon, 2019. 9 Guillaume Berlat, Quand la Chine s’éveillera vraiment…, www.prochetmoyen-orient.ch , 14 janvier 2019. 10 Jean-Michel Bezat, Pékin emploie la diplomatie des gros contrats avec les Occidentaux, Le Monde, 27 mars 2019, p. 2. 11 Jérôme Gautheret, L’Italie, premier pays du G7 à prendre les « nouvelles routes de la soie », Le Monde, 26 mars 2019, p. 5. 12 Bernard Simiot, Moi Zénobie reine de Palmyre, Albin Michel, 1978, p. 208. 13 Xi Jinping, « La Chine et la France, ensemble vers un développement commun », Le Figaro, 23-24 mars 2019, p. 16. 14 Il convient de rappeler que cette commande avait déjà annoncée, il y a un an déjà, lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron en Chine. Tous ces Airbus seront assemblés en Chine par des ouvriers chinois. Pour remporter ce contrat géant, Airbus aura dû consentir à d’importants transferts de technologies. Pékin n’aura pas dû se livrer à quelques activités d’espionnage pour obtenir des secrets de fabrication. Les clés de la Maison lui auront été confiées. Et, tout cela intervient en toute légalité… 15 François Bougon, La Chine cherche à imposer un nouvel ordre mondial de l’information, s’inquiète RSF, Le Monde, 26 mars 2019, p. 17. 16 Frédéric Lemaître/Marie de Vergès, La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète, Le Monde, Économie & Entreprise, 22 mars 2019, p. 14. 17 Jean-Philippe Béja, La position de Xi Jinping n’est pas si i confortable qu’elle en a l’air, Le Monde, 26 mars 2019, p. 29. 18 Cyrille Pluyette, L’autorité de Xi Jinping écornée, Le Figaro, 6 mars 2019, p. 7. 19 Renaud Girard, Faut-il avoir peur de la Chine ?, www.lefigaro.fr , 25 mars 2019. 20 Isabelle Lasserre, Le réveil des Européens face à la Chine, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6. 21 Cyrille Pluyette, Macron prône un partenariat équilibré avec Pékin, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6. 22 Thierry de Montbrial (propos recueillis par Isabelle Lasserre), « La principale rupture du système international remonte fut 1989 et non 2001 », Le Figaro, 18 mars 2019, p. 20. 23 Brice Pedroletti/Marc Semo, L’Europe affiche son unité face à Pékin. Front européen face à la Chine de Xi Jinping, Le Monde, 27 mars 2019, pp. 1-2. 24 Thomas Wieder, « AKK », la dauphine de Merkel marque sa différence, Le Monde, 27 mars 2019, p. 4. 25 Michel de Grandi, Les Européens invitent la Chine à respecter « l’unité de l’Union », Les Échos, 27 mars 2019, p. 6. 26 Sylvie Kauffmann, L’Europe, champ de bataille sino-américain, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32. 27 Alain Barluet, « Convergences » euro-chinoises à l’Élysée, Le Figaro, 27 mars 2019, p. 8. 28 Éric Martin, L’Union européenne va-t-elle se laisser acheter ? Le filtrage des investissements étrangers en Europe, https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/lunion-europeenne-va-t-se-laisser-acheter-filtrage-investissements , mars 2019. 29 Marie de Vergès, Trump : un an d’escalade protectionniste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 17. 30 Frédéric Lemaître/Jean-Pierre Stroobants/Brice Pedroletti, L’UE durcit le ton face à la Chine, Le Monde, 21 mars 2019, p. 2. 31 Sebastien Dumoulin, L’Union européenne se coordonne face à Huawei, Les Échos, 27 mars 2019, p. 6. 32 Jean-Pierre Stroobants, Huawei : face aux pressions américaines, l’Europe résiste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 18. 33 Emmanuel Berretta, Les 10 préconisations de Bruxelles face à la Chine, www.lepoint.fr , 26 mars 2019. 34 Éditorial, UE-Chine : le bon virage de Paris, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32. 35 Régis Debray, précité, p. 24. 36 Frédéric Pagès (propos presque recueillis par), Les interviews (presque) imaginaires du « Canard ». Xi Jinping : « Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie », Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1. 37 Olivier Tosseri, L’Italie sera bientôt la porte d’entrée des nouvelles routes de la soie en Europe, Les Échos, 21 mars 2019, p. 6. 38 Louis Vogel, Les 7 péchés capitaux de l’Europe, Ramsay, 2019. 39 Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1. 40 Éric de la Maisonneuve, Les défis chinois : la révolution Xi Jinping, éditions du Rocher, mars 2019. 41 Hervé Martin, Les Chinois attrapent les États par la dette, Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 3. 42 Fabrice Nodé-Langlois/Valérie Segond, Les ambitions de Xi Jinping prospèrent dans une Europe divisée, Le Figaro économie, 20 mars 2019, pp. 19-20-21. 43 Anne Rovan, Face à la Chine, Bruxelles tente de trouver la parade, Le Figaro économie, 20 mars 2019, p. 21. 44 Sylvie Kauffmann, Chine-Europe : le tournant, Le Monde, 21 mars 2019, p. 31.
Pour aider le site Proche & Moyen-Orient c’est ici
“Russia is an inalienable and organic part of Greater Europe and European civilization. Our citizens think of themselves as European. That’s why Russia proposes moving towards the creation of a common economic space from the Atlantic to the Pacific Ocean, a community referred to by Russian experts as ‘the Union of Europe’ which will strengthen Russia’s potential in its economic pivot toward the ‘New Asia.’” Vladimir Putin, President of the Russian Federation, February 2012
The allegations of ‘Russian meddling’ only make sense if they’re put into a broader geopolitical context. Once we realize that Washington is implementing an aggressive “containment” strategy to militarily encircle Russia and China in order to spread its tentacles across Central Asian, then we begin to understand that Russia is not the perpetrator of the hostilities and propaganda, but the victim. The Russia hacking allegations are part of a larger asymmetrical-information war that has been joined by the entire Washington political establishment. The objective is to methodically weaken an emerging rival while reinforcing US global hegemony.
Try to imagine for a minute, that the hacking claims were not part of a sinister plan by Vladimir Putin “to sow discord and division” in the United States, but were conjured up to create an external threat that would justify an aggressive response from Washington. That’s what Russiagate is really all about.
US policymakers and their allies in the military and Intelligence agencies, know that relations with Russia are bound to get increasingly confrontational, mainly because Washington is determined to pursue its ambitious “pivot” to Asia plan. This new regional strategy focuses on “strengthening bilateral security alliances, expanding trade and investment, and forging a broad-based military presence.” In short, the US is determined to maintain its global supremacy by establishing military outposts across Eurasia, continuing to tighten the noose around Russia and China, and reinforcing its position as the dominant player in the most populous and prosperous region in the world. The plan was first presented in its skeletal form by the architect of Washington’s plan to rule the world, Zbigniew Brzezinski. Here’s how Jimmy Carter’s former national security advisor summed it up in his 1997 magnum opus, The Grand Chessboard: American Primacy And Its Geostrategic Imperatives:
“For America, the chief geopolitical prize is Eurasia… (p.30)….. Eurasia is the globe’s largest continent and is geopolitically axial. A power that dominates Eurasia would control two of the world’s three most advanced and economically productive regions. …. About 75 per cent of the world’s people live in Eurasia, and most of the world’s physical wealth is there as well, both in its enterprises and underneath its soil. Eurasia accounts for 60 per cent of the world’s GNP and about three-fourths of the world’s known energy resources.” (“The Grand Chessboard:American Primacy And Its Geostrategic Imperatives”, Zbigniew Brzezinski, Basic Books, page 31, 1997)
14 years after those words were written, former Secretary of State Hillary Clinton took up the banner of imperial expansion and demanded a dramatic shift in US foreign policy that would focus primarily on increasing America’s military footprint in Asia. It was Clinton who first coined the term “pivot” in a speech she delivered in 2010 titled “America’s Pacific Century”. Here’s an excerpt from the speech:
“As the war in Iraq winds down and America begins to withdraw its forces from Afghanistan, the United States stands at a pivot point. Over the last 10 years, we have allocated immense resources to those two theaters. In the next 10 years, we need to be smart and systematic about where we invest time and energy, so that we put ourselves in the best position to sustain our leadership, secure our interests, and advance our values. One of the most important tasks of American statecraft over the next decade will therefore be to lock in a substantially increased investment — diplomatic, economic, strategic, and otherwise — in the Asia-Pacific region…
Open markets in Asia provide the United States with unprecedented opportunities for investment, trade, and access to cutting-edge technology…..American firms (need) to tap into the vast and growing consumer base of Asia…The region already generates more than half of global output and nearly half of global trade. As we strive to meet President Obama’s goal of doubling exports by 2015, we are looking for opportunities to do even more business in Asia…and our investment opportunities in Asia’s dynamic markets.”
(“America’s Pacific Century”, Secretary of State Hillary Clinton”, Foreign Policy Magazine, 2011)
The pivot strategy is not some trifling rehash of the 19th century “Great Game” promoted by think-tank fantasists and conspiracy theorists. It is Washington’s premier foreign policy doctrine, a ‘rebalancing’ theory that focuses on increasing US military and diplomatic presence across the Asian landmass. Naturally, NATO’s ominous troop movements on Russia’s western flank and Washington’s provocative naval operations in the South China Sea have sent up red flags in Moscow and Beijing. Former Chinese President Hu Jintao summed it up like this:
“The United States has strengthened its military deployments in the Asia-Pacific region, strengthened the US-Japan military alliance, strengthened strategic cooperation with India, improved relations with Vietnam, inveigled Pakistan, established a pro-American government in Afghanistan, increased arms sales to Taiwan, and so on. They have extended outposts and placed pressure points on us from the east, south, and west.”
Russian President Vladimir Putin has been equally critical of Washington’s erratic behavior. NATO’s eastward expansion has convinced Putin that the US will continue to be a disruptive force on the continent for the foreseeable future. Both leaders worry that Washington’s relentless provocations will lead to an unexpected clash that will end in war.
Even so, the political class has fully embraced the pivot strategy as a last-gasp attempt to roll back the clock to the post war era when the world’s industrial centers were in ruins and America was the only game in town. Now the center of gravity has shifted from west to east, leaving Washington with just two options: Allow the emerging giants in Asia to connect their high-speed rail and gas pipelines to Europe creating the world’s biggest free trade zone, or try to overturn the applecart by bullying allies and threatening rivals, by implementing sanctions that slow growth and send currencies plunging, and by arming jihadist proxies to fuel ethnic hatred and foment political unrest. Clearly, the choice has already been made. Uncle Sam has decided to fight til the bitter end.
Washington has many ways of dealing with its enemies, but none of these strategies have dampened the growth of its competitors in the east. China is poised to overtake the US as the world’s biggest economy sometime in the next 2 decades while Russia’s intervention in Syria has rolled back Washington’s plan to topple Bashar al Assad and consolidate its grip on the resource-rich Middle East. That plan has now collapsed forcing US policymakers to scrap the War on Terror altogether and switch to a “great power competition” which acknowledges that the US can no longer unilaterally impose its will wherever it goes. Challenges to America’s dominance are emerging everywhere particularly in the region where the US hopes to reign supreme, Asia.
This is why the entire national security state now stands foursquare behind the improbable pivot plan. It’s a desperate “Hail Mary” attempt to preserve the decaying unipolar world order.
What does that mean in practical terms?
It means that the White House (the National Security Strategy) the Pentagon (National Defense Strategy) and the Intelligence Community (The Worldwide Threat Assessment) have all drawn up their own respective analyses of the biggest threats the US currently faces. Naturally, Russia is at the very top of those lists. Russia has derailed Washington’s proxy war in Syria, frustrated US attempts to establish itself across Central Asia, and strengthened ties with the EU hoping to “create a harmonious community of economies from Lisbon to Vladivostok.” (Putin)
Keep in mind, the US does not feel threatened by the possibility of a Russian attack, but by Russia’s ability to thwart Washington’s grandiose imperial ambitions in Asia.
As we noted, the National Security Strategy (NSS) is a statutorily mandated document produced by the White House that explains how the President intends to implement his national security vision. Not surprisingly, the document’s main focus is Russia and China. Here’s an excerpt:
“China and Russia challenge American power, influence, and interests, attempting to erode American security and prosperity. They are determined to make economies less free and less fair, to grow their militaries, and to control information and data to repress their societies and expand their influence.” (Neither Russia nor China are attempting to erode American security and prosperity.” They are merely growing their economies and expanding their markets. If US corporations reinvested their capital into factories, employee training and R and D instead of stock buybacks and executive compensation, then they would be better able to complete globally.)
Here’s more: “Through modernized forms of subversive tactics, Russia interferes in the domestic political affairs of countries around the world.” (This is a case of the ‘pot calling the kettle black.’)
“Today, actors such as Russia are using information tools in an attempt to undermine the legitimacy of democracies. Adversaries target media, political processes, financial networks, and personal data.” (The western media behemoth is the biggest disinformation bullhorn the world has ever seen. RT and Sputnik don’t hold a candle to the ginormous MSM ‘Wurlitzer’ that controls the cable news stations, the newspapers and most of the print media. The Mueller Report proves beyond a doubt that the politically-motivated nonsense one reads in the media is neither reliably sourced nor trustworthy.)
The Worldwide Threat Assessment of the US Intelligence Community is even more explicit in its attacks on Russia. Check it out:
“Threats to US national security will expand and diversify in the coming year, driven in part by China and Russia as they respectively compete more intensely with the United States and its traditional allies and partners…. We assess that Moscow will continue pursuing a range of objectives to expand its reach, including undermining the US-led liberal international order, dividing Western political and security institutions, demonstrating Russia’s ability to shape global issues, and bolstering Putin’s domestic legitimacy.
We assess that Moscow has heightened confidence, based on its success in helping restore the Asad regime’s territorial control in Syria,… Russia seeks to boost its military presence and political influence in the Mediterranean and Red Seas… mediate conflicts, including engaging in the Middle East Peace Process and Afghanistan reconciliation….
Russia will continue pressing Central Asia’s leaders to support Russian-led economic and security initiatives and reduce engagement with Washington. …Russia and China are likely to intensify efforts to build influence in Europe at the expense of US interests…” (“The Worldwide Threat Assessment of the US Intelligence Community”, USG)
Notice how the Intelligence Community summary does not suggest that Russia poses an imminent military threat to the US, only that Russia has restored order in Syria, strengthened ties with China, emerged as an “honest broker” among countries in the Middle East, and used the free market system to improve relations with its trading partners and grow its economy. The IC appears to find fault with Russia because it is using the system the US created to better advantage than the US. This is entirely understandable given Putin’s determination to draw Europe and Asia closer together through a region-wide economic integration plan. Here’s Putin:
“We must consider more extensive cooperation in the energy sphere, up to and including the formation of a common European energy complex. The Nord Stream gas pipeline under the Baltic Sea and the South Stream pipeline under the Black Sea are important steps in that direction. These projects have the support of many governments and involve major European energy companies. Once the pipelines start operating at full capacity, Europe will have a reliable and flexible gas-supply system that does not depend on the political whims of any nation. This will strengthen the continent’s energy security not only in form but in substance. This is particularly relevant in the light of the decision of some European states to reduce or renounce nuclear energy.”
The gas pipelines and high-speed rail are the arteries that will bind the continents together and strengthen the new EU-Asia superstate. This is Washington’s greatest nightmare, a massive, thriving free trade zone beyond its reach and not subject to its rules. In 2012, Hillary Clinton acknowledged this new threat and promised to do everything in her power to destroy it. Check out this excerpt:
“U.S. Secretary of State Hillary Clinton described efforts to promote greater economic integration in Eurasia as “a move to re-Sovietize the region.”…. “We know what the goal is and we are trying to figure out effective ways to slow down or prevent it,” she said at an international conference in Dublin on December 6, 2012, Radio Free Europe.”
“Slow down or prevent it”?
Why? Because EU-Asia growth and prosperity will put pressure on US debt markets, US corporate interests, US (ballooning) national debt, and the US Dollar? Is that why Hillary is so committed to sabotaging Putin’s economic integration plan?
Indeed, it is. Washington wants to block progress and prosperity in the east in order to extend the lifespan of a doddering and thoroughly-bankrupt state that is presently $22 trillion in the red but continues to write checks on an overdrawn account.
But Russia shouldn’t be blamed for Washington’s profligate behavior, that’s not Putin’s fault. Moscow is merely using the free market system more effectively that the US.
Now consider the Pentagon’s 2018 National Defense Strategy (NDS) which reiterates many of the same themes as the other two documents.
“Today, we are emerging from a period of strategic atrophy, aware that our competitive military advantage has been eroding. We are facing increased global disorder, characterized by decline in the long-standing rules-based international order—creating a security environment more complex and volatile than any we have experienced in recent memory. Inter-state strategic competition, not terrorism, is now the primary concern in U.S. national security.”
(Naturally, the “security environment” is going to be more challenging when ‘regime change’ is the cornerstone of one’s foreign policy. Of course, the NDS glosses over that sad fact. Here’s more:)
“Russia has violated the borders of nearby nations and pursues veto power over the economic, diplomatic, and security decisions of its neighbors…..(Baloney. Russia has been a force for stability in Syria and Ukraine. If Obama had his way, Syria would have wound up like Iraq, a hellish wastelands occupied by foreign mercenaries. Is that how the Pentagon measures success?) Here’s more:
“China and Russia want to shape a world consistent with their authoritarian model…
“China and Russia are now undermining the international order from within the system…….
Get the picture? China and Russia, China and Russia, China and Russia. Bad, bad, bad.
Why? Because they are successfully implementing their own development model which is NOT programed to favor US financial institutions and corporations. That’s the whole thing in a nutshell. The only reason Russia and China are a threat to the “rules-based system”, is because Washington insists on being the only one who makes the rules. That’s why foreign leaders are no longer falling in line, because it’s not a fair system.
These assessments represent the prevailing opinion of senior-level policymakers across the spectrum. (The White House, the Pentagon and the Intelligence Community) The USG is unanimous in its judgement that a harsher more combative approach is needed to deal with Russia and China. Foreign policy elites want to put the nation on the path to more confrontation, more conflict and more war. At the same time, none of these three documents suggest that Russia has any intention of launching an attack on the United States. The greatest concern is the effect that emerging competitors will have on Washington’s provocative plan for military and economic expansion, the threat that Russia and China pose to America’s tenuous grip on global power. It is that fear that drives US foreign policy.
And this is broader context into which we must fit the Russia investigation. The reason the Russia hacking furor has been allowed to flourish and spread despite the obvious lack of any supporting evidence, is because the vilifying of Russia segues perfectly with the geopolitical interests of elites in the government. The USG now works collaboratively with the media to influence public attitudes on issues that are important to the powerful foreign policy establishment. The ostensible goal of these psychological operations (PSYOP) is to selectively use information on “audiences to influence their emotions, motives, objective reasoning, and ultimately the behavior of… organizations, groups, and individuals.”
The USG now sees the minds of ordinary Americans as a legitimate target for their influence campaigns. They regard attitudes and perceptions as “the cognitive domain of the battlespace” which they must exploit in order to build public support for their vastly unpopular wars and interventions. The relentless Russiagate narrative (which was first referred to the FBI by the chief architect of the Syrian War, former-CIA Director John Brennan) represents the disinformation component of the broader campaign against Russia. Foreign policy elites are determined to persuade the American people that Russia constitutes a material threat to their security that must be countered by tighter sanctions, more sabre-rattling, and eventually war.
Parallèlement à la Russie qui accueille en ce moment même le président libanais, quitte à inquiéter très sérieusement Américains et Israéliens qui ont peur de voir de riches réserves gazières quitter la côte israélienne de la Méditerranée pour se diriger vers la côte libanaise, la Chine a lancé cette semaine une terrifiante offensive contre les États-Unis en plein cœur de l’Europe « américanisée ».
Cette Europe qui s’accroche toujours au modèle américain, à l’OTAN ne voyant plus que le géant aux pieds d’argile qu’est l’Amérique, s’effondre comme un château de cartes.
En Italie, le président Xi Jinping a réussi un coup de maître. Faisant miroiter d’énormes intérêts que l’Italie, parent pauvre de l’Europe de l’Ouest a à gagner, il a mis la main sur les ports et les aéroports italiens et a fini par convaincre les Italiens d’adhérer à la route de la soie. Ce concept qui terrorise les Américains, ne devait pas trop plaire à Emmanuel Macron, représentant pur et dur de l’atlantisme moribond. Et pourtant, arrivé à Nice, en fin stratège militaire qu’il est, Jinping a su trouver les mots et les « sommes » pour séduire Jupiter qu’accompagnait l’Allemande Merkel et l’européiste, Junker.
Bien que la Macronie ait apposé une fin de non-recevoir catégorique au méga-projet « l’Initiative route et ceinture (BRI) », son président avait convié à Paris la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, rien que pour avoir un sommet tripartite avec Xi. Cette rencontre a réuni les trois plus puissants personnages de l’Union Européenne face au numéro un chinois.
Des sources proches des pourparlers, citées par Sputnik, affirment que la partie chinoise a tenté de dissuader l’Europe de recourir à des sanctions et que la dynamique sanctionnelle déclenchée par Washington vise avant tout les intérêts européens. Le président chinois a aussi encouragé la France à emboîter le pas à l’Italie dans le cadre de la BRI. Et cet encouragement est passé par d’alléchants contrats auxquels même la Macronie n’a pas pu dire non.
«La Chine et la France ont signé un contrat de 30 milliards d’euros pour la livraison à Pékin de 300 avions Airbus. C’est sans doute le résultat le plus tangible de la visite de Xi Jinping à Paris. Il témoigne de la confiance de la Chine envers Airbus, ce qui est particulièrement important sur fond de problèmes avec les appareils de Boeing et alors que les États-Unis multiplient leurs offensives contre l’industrie aéronautique française en imposant aux pays européens leurs F-14, leurs F-16 ou encore leurs F-35 …
» Qu’a-t-elle la France à s’obstiner à refuser la perspective particulièrement prometteuse que lui offre la BRI ? La semaine dernière, le président US a porté un nouveau coup dur à l’OTAN en ouvrant grand ses portes au Brésil, un pays qui ne fait pas partie de l’axe transatlantique. La décision a été prise sans consultation avec les membres de l’Alliance dont la France qui s’est toutefois soumise aux exigences militaires des États-Unis. Dans presque tous les dossiers militairo-sécuritaires, de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak voire l’Iran, la France de Macron s’est totalement alignée sur Washington pour n’avoir in fine que le mépris et l’irrespect de l’administration US, se demande Hanif Ghafari, interrogé par Press TV.
« Une chose est néanmoins sûre : le départ du Brésil de BRICS se fera rudement ressentir par les puissances qui en font partie. La Chine prépare sa revanche : elle vise le cœur même de l’alliance atlantiste et anticipe la perspective d’un BRICS sans le Brésil. Pékin travaille à remplacer l’Union Européenne par une Union eurasiatique et la France finira, elle aussi par comprendre que ses intérêts résident en Asie et non pas à l’autre côté de l’Atlantique ».
City of Xi’an and Why the New Chinese Silk Road Terrifies the West?
by Andre Vltchek
Ex: https://journal-neo.org
Snow is falling on the wide sidewalks of the historic city of Xi’an, but people don’t seem to be troubled by the bitter cold.
One of the oldest cities in China, Xi’an, is now vibrant, optimistic and stunningly beautiful. Sidewalks are paved with expensive stones and have more than enough space for pedestrians, electric bicycles, plants, trees and bus shelters.
Attempts by the Communist Party to turn China into an ‘Ecological Civilization’ are visible at every step: trees are revered and protected, comfortable walking is encouraged, while heavy duty, efficient and super modern public transportation is extremely cheap and ecological: the metro, and electric buses. All scooters are also electric, and so are the tricycles that are intended to transport passengers between the metro stations.
Compared to most Asian cities, but even to those in the United States and Europe, Chinese metropolises, including Xi’an, look like sort of urban areas of the future. But they are not ‘impersonal’, nor atomized. They are built for the people, not against them.
Xi’an is where the old Silk Road used to begin, connecting China to India, Central Asia and the Middle East.
It has a special significance and deep symbolism in Chinese history, and it is essential for China’s present and future.
Xi’an is the oldest of the four ancient capitals, and home to the Terracotta Army of Emperor Qin Shi Huang. This tremendous world heritage site is a titanic symbol of loyalty, endurance and optimism. According to the legend, the entire tremendous army followed its commander to the other life, ready to defend him, to fight for him and if necessary, to offer the ultimate sacrifice. What does it all really mean? Is it just an emperor that these brave warriors are ready to sacrifice their lives for, with smiles on their faces? Or is it the nation, or perhaps even the entire humanity they are determined to defend?
Whatever it is, it is enormous, and seeing the sheer size of the monument sends shivers all over my body.
*
Some fifty kilometers away, at the North Station of Xi’an City, an army of the fastest trains on earth is lined up at countless platforms. These beautiful bullet trains connect Xi’an with Beijing, Shanghai and soon, Hong Kong. Some of them are already speeding towards the city of Zhangye, which is the first step on the new rail Silk Road that will soon continue all the way towards the north-western tip of China, at Kashgar. And Kashgar is only 100 kilometers from the border with Kyrgyzstan, and 150 kilometers from Tajikistan.
If someone thinks that China is simply a north Asian country, far away from the rest of the world, they should think twice. In the center of Xi’an, there is a bustling neighborhood, similar to those found in any bustling city of the Middle East. There is a Grand Mosque, a bazaar, and endless lanes of colorful stalls, jewelry workshops, restaurants and halal eateries. Many women here wear colorful clothes and headscarves, while men cover their heads with skullcaps.
The western part of China is a vibrant mix of cultures from the north, as well as Central Asia. And the ancient capital of China – Xi’an – is well known and admired for its multi-cultural identity. Like the former Soviet Union, Communist China is an enormous and diverse country.
*
And the West doesn’t like what it sees.
It hates those super high-speed trains, which, at tremendous speed, as well as cheaply and comfortably, cover distances of thousands of kilometers. It hates where they are going: towards the former Soviet Central Asian republics, and soon, hopefully, towards Afghanistan, Pakistan, Iran, Russia, and one day, maybe even India.
It hates the optimistic spirit of the people of Xi’an, as well as the wise and at the same time, avant-garde environmental policies of China.
It hates that in cities like Xi’an, there are no slums, no homeless people, and almost no beggars: that instead of advertisements, there are beautiful paintings with messages highlighting socialist virtues, including equality, patriotism, respect for each other, democracy and freedom. It hates that most of the people here look determined, healthy, in good spirits, and optimistic.
The West passionately hates the fact that China is essentially Communist, with a centrally planned economy and tremendously successful social policies (by 2020, China will eliminate the last pockets of extreme poverty), even strive for the ecological civilization.
China defies Western propaganda, which hammers into the brains of the people that any socialist society has to be drab, uniform and infinitely boring. Compared to such a city as Xi’an, even the European capitals look dull, depressing, dirty and backward.
Yet China is not rich, not yet. At least on paper, (read: using statistics produced and controlled predominantly by the countries and by the organizations controlled by Washington, London and Paris), its HDI (Human Development Index, compiled by UNDP), is the same as Thailand’s. While the contrast between two countries is striking. Thailand, a feudal society glorified by the West, because of its staunch support during the Vietnam War and because of its anti-Communist drive, is suffering from collapsed infrastructure (no public transportation outside Bangkok, awful airports and train system), monstrous, almost ‘Indonesian-style’ city planning (or lack of it), urban slums, endless traffic jams and basically no control of the government over business. In Thailand, frustration is everywhere, and the murder rate is consequently even higher than in the United States (per capita, according to INTERPOL data), while in China it is one of the lowest on earth.
But above all, the West hates China’s growing influence on the world, particularly among the countries that have been for centuries brutalized and plundered by European and North American corporations and governments. And it is scared that they will, eventually, fully understand that China is determined to stop all forms of imperialism, and to eradicate poverty in all corners of the world.
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Xi’an is where the old and new Silk Roads have their starting points. The new one is called the Belt Road Initiative (BRI), and very soon it will account for tens of thousands of kilometers of railroads and roads connecting and crisscrossing Asia, Africa and Europe, pulling out of misery billions of men, women and children. Once completed, everybody will benefit.
But that is not how the West likes it. ‘Everyone benefiting’ is a totally foreign, even hostile concept, at least in the Western capitals. Only the West, plus those few ‘chosen’ and highly obedient countries (including Japan, South Korea and Singapore) have been, until now, allowed to prosper, forming a strictly ‘by appointment only’ club of nations.
China wants everyone to be rich, or at least not poor.
Most Asians love the idea. Africans love it even more. The new elegant train station in Nairobi, Kenya, is a new symbol, a promise of a better future. Tram lines in Addis Ababa, the construction of a high-speed train line that will go through Laos, all these are marvels unimaginable only a few years ago.
The world is changing, mainly thanks to the determined efforts of China and Russia to finally destroy Western colonialism (the ‘project’ that began so well right after WWII, but, except on paper, was never fully completed).
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Xi’an is rising. In the West, they used to say that life in China is improving, but only for Beijing, Shanghai and Guangdong.
Later they said, for the Pacific coast, OK, life is better, but go further West… Xi’an, Chengdu, Kunming and other cities followed.
Then, the propagandists regrouped: ‘Chinese cities are doing well, but the countryside is suffering’. Then came President Xi’s brainchild – ‘Ecological civilization’, and decisive reforms aimed at improving the standards of living and quality of life all over the most populous country on earth. In 2018, for the first time in modern history, there was a reverse migration from Chinese cities, to the rural areas.
One has to repeat again and again, until it sinks into people’s brains: After 2020, there will be no extreme misery in China.
In our upcoming book “China and Ecological Civilization”, a dialogue between me and leading philosopher John Cobb Jr, John who has been working very closely with the Chinese government on issues of environment and education, explained:
“As I compare China’s success in giving serious attention to the well-being of its natural environment and needy citizens with that of European countries, my reason for betting on China is that I have some confidence that it will maintain governmental control of finance and of corporations generally. If it does this, it can also control the media. Thus, it has a chance of making financial and industrial corporations serve the national good as perceived by people not in their service. Less centralized governments are less able to control the financial and other corporations whose short-term interests may conflict with the common good.”
That may be the main reason why the West is horrified, and trying to antagonize China by all means: If China succeeds, colonialism will collapse, but also corporatism, which, like a fairy-tale monster devours everything in its sight.
*
Facing thousands of determined Terracotta soldiers, I felt the enormity of China.
I imagined hundreds of millions of men and women building the nation; millions of construction sites, not only in China itself, but also abroad. I recalled my neighbors in Nairobi, when I used to live in Africa – optimistic, well-natured but tough Chinese engineers, who used to power-walk, together, every night. I liked, I admired their spirit.
To me, they were like present-day Terracotta soldiers: brave, determined and loyal. Loyal not to the emperor, but to humanity. Not military men, but people who are constructing, building a much better world in all corners of the globe, often with their own hands. Despite the vitriolic spite and nihilism unleased against them by the West.
In Xi’an, I stood in front of the old gate, where everything began, many centuries ago; the old Silk Road. Now, everything was returning here, in a grand circle. The new beginning.
It was cold. It was beginning to snow. But I was immensely happy to be here, and I felt alive and full of optimism for the future of humanity.
I made a few symbolic steps. Millions did before me. Millions will, again, soon.
Here’s a headline that deserves some attention: “Russia to China: Together we can rule the world.” It appeared at Politico EU on February 17, and the author was Bruno Maçães, a former Europe minister for Portugal. Maçães wrote, “In the halls of the Kremlin these days, it’s all about China—and whether or not Moscow can convince Beijing to form an alliance against the West.” (Maçães also wrote a book called The Dawn of Eurasia: On the Trail of the New World Order.)
If Maçães is correct in his reporting, then we’re back to the gloomy world of geopolitician Halford MacKinder—although some would say that we never left it.
Back in 1904, Mackinder, a reader in geography at Oxford, published a paper, “The Geographical Pivot of History.” In it, he warned Britain that the strategic value of its key military asset was waning.
That key asset was the British Navy. For centuries, Britain had mostly relied on naval strength to win wars and maintain the balance of power in continental Europe. During the Seven Years’ War (1756-1763), for instance, the British were undistinguished in ground combat, and yet they won big at sea, using their ships to snap up valuable French possessions in North America, Africa, and India.
Yet in the 20th century, MacKinder argued, new trends were diminishing the power of fleets. As he wrote, “Trans-continental railways are now transmuting the conditions of land power, and now they can have such an effect on the closed heart-land of Euro-Asia.” Mackinder’s point was that the railroad enabled land powers to send armies quickly to far frontiers:
The Russian railways have a clear run of 6,000 miles from Wirballen [Virbalis in present-day Lithuania] in the west to Vladivostok in the east. The Russian army in Manchuria is as significant evidence of mobile land-power as the British army in South Africa was of sea-power.
This recent extension of armies on land was ushering in the possibility of an all-powerful “pivot state,” which, according to Mackinder, could lead to “the oversetting of the balance of power in favour of the pivot state, resulting in its expansion over the marginal lands of Euro-Asia.”
This new kind of geopolitical muscle on the Eurasian landmass, he continued, “would permit the use of vast continental resources for fleet-building, and the empire of the world would be in sight” (emphasis added). In other words, a powerful pivot state in Eurasia would threaten Britain’s navy, and thus Britain itself.
Specifically, Mackinder suggested that Germany and Russia might unite—most likely by conquest—at least part of the Eurasian “world-island.” Or perhaps Japan and China might similarly be joined. Either scenario, Mackinder warned, would be a “peril to the world’s freedom.”
We might add that so far as Mackinder was concerned, a peril to Britain was also a peril to the United States. In Mackinder’s geopolitical reckoning, the two nations were part of the planet’s “outer crescent,” and as such were both less powerful than a united Eurasia—were that ever to happen.
Interestingly enough, at about the same time as Mackinder’s bleak assessment, Sergei Witte, a top minister to Russia’s Czar Nicholas II, was trying to make exactly that scenario come true.
As Witte recorded in his 1915 memoir, he proposed a Eurasian alliance to Germany’s Kaiser Wilhelm II. As he said to the Kaiser, “Your majesty, picture a Europe that does not waste most of its blood and treasure on competition between individual countries.” That is, the Kaiser might envision a land mass “which is…one body politic, one large empire.” He added:
To achieve this ideal we must seek to create a solid union of Russia, Germany, and France. Once these countries are firmly united, all the States of the European continent will, no doubt, join the central alliance and thus form an all-embracing continental confederation.
Witte records that the Kaiser liked the idea, especially since it specifically excluded Britain. Of course, nothing ever came of the suggestion, and in fact, just a decade later, Germany was at war with Russia, France, and Britain.
Yet the dream of a large alliance endured. In the 1920s, an Austrian, Richard von Coudenhove-Kalergi, published a book entitled Pan-Europa, which snowballed into a social movement aimed at uniting the continent. Obviously this effort didn’t get very far, although in subsequent decades, others, too, sought to unify Europe, by means of both war and peace.
So what are we to make of Mackinder’s vision today? In the century since his paper, many power variables have changed. For instance, railroads are not as critically important as they once were.
To Mackinder in 1904, a Eurasian land power would have had the advantage of being able to move its forces around by rail, benefiting from interior lines of communication. By contrast, a sea power would need to transport its forces offshore, along the coast of the world-island, a far slower process. That was a good argument at the time, yet post-Mackinder innovations such as the airplane have changed the nature of both combat and transport. And long-range missiles moot distance altogether.
However, there’s still the basic reality that Russia is a great power. And nowadays, of course, China is a far greater power. So if those two countries were ever to form an alliance, they would pose a huge threat to the West—which is exactly the point that Maçães is making.
Of course, it’s far from obvious that Russia and China are destined to be allies. After all, the normal pattern of geopolitics is that adjacent countries are foes, not friends, and Russia and China have been feuding over Siberia, Mongolia, and Central Asia, on and off, for centuries. Yes, it’s true that during Mao’s early years in power, China and Russia were seemingly joined together, but that red fraternalism didn’t last long. The two states fought a series of border skirmishes for six months in 1969.
That’s why Richard Nixon’s opening to China in 1972 was so important: it turned the Sino-Soviet split into a tacit Sino-American alliance. Indeed, it’s easy to argue that Nixon’s diplomacy was the turning point in the Cold War, dooming the Russians to defeat.
So we can see, the U.S., being what Mackinder would call an outer-crescent state, benefits when Eurasia is divided.
Unfortunately, subsequent American presidents have not been so wise about keeping the Eurasians at odds with each other. In the ’90s, after the Soviet Union collapsed, Bill Clinton, proto-neocon that he was, chose to expand the NATO alliance so it reached all the way to the Russian border. In so doing, the U.S. won the affection of Estonia—and the enmity of Russia. In Mackinderian terms, that wasn’t such a smart swap.
Then, over the next decade, George W. Bush went full neocon. He turned a justifiable invasion of Afghanistan—what should have been a quick punitive mission and nothing more—into a long-term commitment to “nation-building.” And then came the invasion of Iraq, which was neither just nor smart.
As we know, our gains among Afghans and Arabs have been evanescent, if not negative. Yet in the meantime, both Russia and China had been given good reason to believe that Uncle Sam had long-term designs in Asia—Afghanistan borders both China and the former USSR—and that such designs threatened them both.
As a result, a once-modest Chinese initiative, the Shanghai Cooperation Organization (SCO), gained both members and real momentum, as Beijing and Moscow worked jointly together to counter American power in their backyard. The SCO is exactly the sort of Eurasian alliance of Mackinder’s nightmare.
As for the European part of Eurasia, the news from the just-ended Munich Security Conference is a bit ominous. The headline from Bloomberg News reads: “China, Russia Join for Push to Split U.S. From Allies.” Of course, the split may already have occurred: The New York Timesquotes one “senior German official” saying, “No one any longer believes that Trump cares about the views or interests of the allies. It’s broken.”
Underscoring that anonymous official’s point, Johann-Dietrich Worner, head of the European Space Agency, went on the record to say that his agency ought to be cooperating more with China.
To be sure, it’s hard to believe that the European Union, Russia, and China could all end up on the same side—and so maybe we should choose to believe that it’s simply not possible. Moreover, another important Eurasian country, India, has yet to make plain its strategic choices. And let’s not forget one of those outer-crescent countries, Japan.
Yet one can’t look at a globe—a globe reminding us of the size of Eurasia, home to two thirds of the world’s population—and not think of Mackinder’s grim geopolitical prognosis.
Nobody ever said that Mackinder was an optimist. And come to think of it, in our time, Maçães doesn’t seem to be one either.
James P. Pinkerton is an author and contributing editor at The American Conservative. He served as a White House policy aide to both Presidents Ronald Reagan and George H.W. Bush.
Die Macht menschlicher Begegnung als Alternative zur militärischen Eskalationsspirale 13. März 2018 Eggenfelden Europa steht am Scheideweg. Während das entspannungspolitische Experiment des US-Präsidenten Donald Trump nach wenigen Monaten unter dem Druck der Befürworter einer konsequenten Bekämpfung des aufstrebenden geopolitischen Rivalen Russland scheiterte, steht Deutschland als führende Macht Europas nun vor der Wahl, den von der US-Regierung unter Obama aufgezwungenen Anti-Russlandkurs fortzusetzen oder zu einer eigenständigen Vision und Strategie europäisch-eurasischer Integration zurückzufinden. Noch dominiert das "Feindbild Russland" die deutsche Medienberichterstattung. Doch in der politischen Debatte werden Stimmen lauter, die eine pragmatische und an langfristigen Stabilitätsinteressen orientierte Russlandpolitik propagieren. Ist eine EU, die sich von Russland aufs Schärfste abgrenzt der einzig denkbare Entwicklungsweg? Kulturelle und historische Verknüpfungen, die sich über Jahrhunderte zwischen Ost und West herausgebildet haben, zeigen mögliche Entwicklungspfade in einem weiter gefassten Kontext auf. In der Bevölkerung regt sich das Bewusstsein, dass die dialogorientierten und auf Austausch und Kooperation zielenden Ansätze, die Europa aus der Zerstrittenheit des Zweiten Weltkriegs herausgeführt hatten, auch Grundlage werden könnten für tragfähige friedliche Beziehungen zum östlichen Nachbarn Russland. Mittels "Volksdiplomatie" bzw. "Geopolitik von unten" hat die aus Deutschland hervorgegangene "Druschba"-Initiative (russisch für "Freundschaft") einen Weg eingeschlagen, der beiderseits der imaginären "unüberwindbaren" Grenze zwischen Ost und West einen Weg aufzeigt, der die NATO-Russland-Aufrüstungsspirale durch breit angelegte Bewusstseinsarbeit stoppen könnte: Völkerfreundschaft statt militärischer Abschreckung als Weg zum Frieden im eurasischen Raum. Damit könnte eine mittlerweile internationale Bürgerbewegung zugleich zum Wegbegleiter eines sich anbahnenden langfristigen Integrationsprozesses nie da gewesenen Ausmaßes werden: Das Giga-Projekt der eurasischen Integration im Kontext des Billionen-Projekts der "Neuen Seidenstraße".
526 jaar geleden bereikte een groep Spaanse schepen onder het commando van de 41-jarige Genuees Cristoforo Colombo (vernederlandst Christoffel Columbus) het eiland Guanahani. Dit geldt als de ‘ontdekking van Amerika’. De zeelui hadden een reis van 5.700 kilometer in het ongewisse achter zich en hun admiraal daarenboven nog dik zeven jaar aan overtuigingswerk aan de Spaanse en Portugese hoven.
Het idee om simpelweg naar het westen te varen om de oostkust van Azië te bereiken, stamde oorspronkelijk van de Griekse filosoof en naturalist Aristoteles. In de tijd daarna werd het idee onder andere door grootheden als Seneca, Roger Bacon en Pierre d’Ailly naar voren gebracht. In de 15e eeuw was het de Florentijnse geleerde Paolo dal Pozzo Toscanelli die er de grootste voorvechter van was. Tegelijk was de voorstelling van de aarde als schijf grotendeels obsoleet geworden. Zo schreef paus Pius II in zijn rond 1460 verschenen ‘Cosmographia’, dat onze planeet een bol is die om de zon draait. In zoverre zwom Columbus echt niet meer tegen de stroom in, toen hij in 1484 begon te werven voor een zeetocht naar Azië via het westen.
Constantinopel en het Iberisch schiereiland
Bovendien waren de geopolitieke verhoudingen in het Middellandse Zeegebied hem behulpzaam. Want door de Ottomaanse verovering van Constantinopel in mei 1453 was de route over land naar China en Indië afgesneden, wat de zoektocht naar nieuwe handelsroutes over zee enorm stimuleerde.
Overigens onderschatte Columbus de afstand tussen Europa en Oost-Azië ernstig. Hij meende dat de Canarische eilanden en Japan slechts 4.500 kilometer van elkaar verwijderd waren – in werkelijkheid was het 20.000. Verantwoordelijk hiervoor waren de onjuiste gegevens over de breedte van de Euraziatische landmassa van Toscanelli en D’Ailly, waarop Columbus zich baseerde. De respectievelijke deskundigen aan het Spaanse en Portugese hof zagen dit in, en ontrieden hun vorsten in eerste instantie de Genuees te ondersteunen bij zijn onderneming.
De kaart van Toscanelli over een hedendaagse kaart geprojecteerd
Toen kwam echter 2 januari 1492, de dag waarop de emir van Granada, Muhammad XII, capituleerde. Waarmee de Reconquista op het Iberisch schiereiland succesvol afgesloten werd. Nu groeide het verlangen van Isabella I van Castilië en León en Ferdinand II van Aragón, om de Portugese koning Johan II in te halen. Zijn zeevaarders tastten zich namelijk langs de kust van Afrika een weg naar Indië en leken daarbij kort voor een succes te staan.
Koopwaar
Columbus verlangde echter dermate veel privileges, dat de hele zaak daarop stuk dreigde te lopen. De Genuees verlangde namelijk de benoeming tot ‘admiraal van de oceaan’ als ook de titel van onderkoning en gouverneur-generaal van de door hem ontdekte gebieden. Bovendien stond hij erop, dat hij het recht zou hebben om van alle “parels, edelstenen, goud, zilver, specerijen als ook alle andere koop- en handelswaar die in zijn gebied gevonden, geplukt, verhandeld of gewonnen worden, na aftrek van de kosten, een tiende voor zichzelf te houden”. Uiteindelijk gaven Isabella en Ferdinand op advies van hun schatmeester Luis de Santángel op 17 april 1492 in de zogenaamde capitulatie van Santa Fe toe.
De voor de expeditie benodigde twee miljoen Maravedi’s (zo’n 300.000 euro) kwamen echter niet uit de schatkist van het koningspaar, maar grotendeels van het confederale politieleger Santa Hermandad (Heilige Broederschap). Daarnaast droegen Santángel en enkele Genuese kooplieden nog enkele honderdduizenden Maravedi’s bij. Van dat geld werden de grote driemaster (kraak) ‘Santa Maria’ en de twee karvelen ‘Niña’ en ‘Pinta’ gecharterd en van proviand voor een jaar voorzien. Daarnaast moesten circa 90 zeelieden ingehuurd en betaald worden.
De drie schepen verlieten in de morgen van 3 augustus 1492 de haven van Palos de la Frontera bij Huelva in Andalusië, waarbij de Santa Maria onder het bevel van Columbus zelf stond, terwijl de twee andere schepen onder het commando van Vicente Yáñez Pinzón en Martín Alonso Pinzón stonden. Om het beschadigde roer van de Niña te repareren en het grootzeil van de Pinta te vervangen, maakte Columbus weinig later halt in de haven van San Sebastián op het Canarische eiland La Gomera, om op 6 september aan de tocht dwars over de Atlantische Oceaan te beginnen.
Las Indias
In de daarop volgende weken zeilde de groep schepen met bestendige passaatwinden in de rug bij overwegend goed weer met een doorsnee snelheid van tien knopen naar het westen. De admiraal hoopte zo de door Marco Polo beschreven Chinese havenstad Quinsay, het huidige Hangzhou, te bereiken, waar hij de groot-khan brieven van zijn koninklijke opdrachtgevers Isabella en Ferdinand wilde overhandigen. Anders dan vaak onjuist gesteld wordt, was Columbus namelijk niet voornemens naar Indië zelf te varen, maar naar ‘Las Indias’, waarmee naast het eigenlijke Indië destijds ook alle landen ‘voorbij’ Indië (vanuit het westen gezien) bedoeld werden.
In de nacht van 11 op 12 oktober 1492 kreeg de joodse matroos Rodrigo de Triana alias Juan Rodriguez Bermejo van de Pinta een eiland in zicht, waarop de Genuees en zijn bemanning dan later op de dag voet aan wal zetten. Daarover lezen we in Columbus reisdagboek het volgende:
“Om 2 uur ’s morgens kwam het land in zicht, waarvan we zo’n acht zeemijlen verwijderd waren [..] Toen kwamen we bij elkaar en wachtten tot de dag aanbrak. Het was een vrijdag, waarop we voet aan wel zetten op een eiland, dat in de Indianentaal Guanahani heette.”
Met deze ontdekking ontsnapte de admiraal overigens aan een naderende muiterij, want veel van zijn mannen werd de reis, die ogenschijnlijk nergens naartoe leidde, met de dag ongemakkelijker. Om welk eiland het precies gaat, is tot op de dag van vandaag onduidelijk. Inmiddels gelden zowel het Watling-eiland dat sinds 1926 officieel de naam San Salvador heeft, als ook Samana Cay, Plana Cays en Mayaguana in de Bahama’s als mogelijke kandidaten.
Hoe het ook zij, Columbus voer aansluitend tot 16 januari 1493 door de Caraïbische Zee en ontdekte daarbij onder andere Cuba en Hispaniola. De terugtocht vond plaats zonder de Santa Maria, die op Kerstdag van het jaar daarvoor op een zandbank gelopen was. De overige twee schepen bereikten Palos op 15 maart 1493. Daarna werd Columbus als held gevierd.
Geopolitiek
Zo ziet u wat een ingrijpende gevolgen geopolitieke gebeurtenissen kunnen hebben. De verovering van Constantinopel door de Ottomanen en de voltooiing van de reconquista van het Iberisch schiereiland, leidden tot de ontdekking van Amerika. En enkele eeuwen later zou een voormalige kolonie in de Nieuwe Wereld uitgroeien tot de ‘laatste supermacht’.
Maar wat is nu eigenlijk geopolitiek? Het gebruik van de term geopolitiek lijkt de laatste jaren sterk in opkomst te zijn, nadat er enige tijd een taboe op rustte. Dat taboe kwam voort uit de associatie van geopolitiek met Duitse nationaalsocialistische noties als Lebensraum en Heim ins Reich. Een associatie kortom met een specifieke subjectieve en ideologische kijk op geopolitiek. Nu het taboe allengs afneemt, zien we het gebruik van de term sneller toenemen dan het verstaan ervan. Geopolitiek wordt dikwijls gebruikt als synoniem voor internationaal conflict. Of men veronderstelt dat het hoofdzakelijk over pijpleidingen en olie of andere delfstoffen gaat. Nu kunnen die zaken wel met geopolitiek te maken hebben, maar ze zijn niet zelf de geopolitiek. Kort gezegd gaat geopolitiek over de beheersing van geografische ruimtes. Waarbij beheersing uiteraard gradueel kan verschillen van invloed tot effectieve soevereiniteit. In het hiervoor besproken voorbeeld hebben we gezien hoe de beheersing van de geografische ruimtes van wat nu respectievelijk Turkije en Spanje zijn, leidde tot de opschorting van de Oude Zijderoute en een zoektocht naar een nieuwe zijderoute die zou leiden tot de ontdekking van de Nieuwe Wereld, oftewel de Amerika’s.
Enfin, geopolitiek dus, de beheersing van geografische ruimte. Denk maar aan het bordspel Risk, één van de manieren om verder te komen in het spel en kans te maken om te winnen, is het beheersen van continenten. In de geopolitieke realiteit is het niet veel anders. De Verenigde Staten beheersen bijvoorbeeld al geruime tijd het Noord-Amerikaanse continent en hebben stevige invloed in Latijns-Amerika, wat een goede uitgangspositie bood om uit te groeien tot de ‘enige supermacht’.
Eén van de lastigste continenten om onder controle te krijgen in het bordspel Risk is Azië. Ook in de geopolitiek ligt er een sterke focus op dit grote en centrale continent. Azië wordt gedomineerd door twee grootmachten: Rusland, dat zich in Europa bevindt, maar zich ook uitstrekt over Noord-Azië tot aan het Verre Oosten, en China. Mede daartoe gedreven door het westerse sanctiebeleid, is Rusland zich in de afgelopen jaren meer en meer op China gaan richten.
Oost-Azië
Het economisch expansieve China heeft van zijn kant te maken met een Amerikaans containmentbeleid, onder president Obama ‘pivot to Asia’ genoemd. De VS hebben een snoer van bondgenoten en meer halfslachtige partnerlanden in Oost-Azië gevormd, van Zuid-Korea tot Vietnam en verder richting India, waarmee China als het ware ingesnoerd wordt.
Juist de import en export over zee spelen echter een grote rol in de economische ontwikkeling van China. Het conflict in de Zuid-Chinese Zee draait dan ook in essentie niet om een handvol nietige eilandjes, maar om de vraag wie de zeewegen beheerst. De VS werpen zich wel op als kampioen van de vrije navigatie, maar het is veeleer China dat er vitaal belang bij heeft deze zeewegen open te houden.
Door de combinatie van containmentbeleid tegenover China en sanctiepolitiek tegenover Rusland, heeft het Westen deze twee grootmachten onbedoeld in elkaars armen gedreven en zo de consolidatie van een Euraziatische synergie in de hand gewerkt.
China heeft economisch echter zo’n sterke uitstraling in de regio, dat het niet alleen diverse Centraal-Aziatische landen aantrekt, maar dat ook diverse Zuidoost-Aziatische landen het containmentbeleid inmiddels doorbroken hebben. President Duterte van de Filipijnen nam hierin het voortouw en werd al snel gevolgd door de Maleisische regering en later zelfs de Japanse.
Zuid-Azië
China laat zich door dergelijke ontwikkelingen op de korte termijn echter niet in slaap sussen, maar houdt voor de langere termijn nog altijd rekening met een eventuele blokkade van cruciale zeewegen. Zo heeft het transportcorridors met autowegen, spoorwegen, pijpleidingen, diepzeehavens en olie- en gasterminals door Birma en Pakistan aangelegd, waardoor het toegang krijgt tot de Indische Oceaan, i.c. de Golf van Bengalen en de Arabische Zee, met omzeiling van de flessenhals van de Straat van Malakka.
Vanzelfsprekend vertegenwoordigen deze transportcorridors niet dezelfde capaciteit als die van de aanvoer langs de traditionele routes. Niettemin lijken andere spelers er het nodige aan te doen om deze Chinese strategie te doorkruisen. Zo laaide recent het conflict tussen de Rohingya-minderheid en de Birmese staat weer op, uitgerekend in die provincie waar zich de diepzeehaven van Kyaukpyu bevindt die voor China van belang is. Gewapende groeperingen, waarvan de leiders in Saoedi-Arabië zijn opgeleid, richtten dood en verderf aan in dorpen van andere etnische groepen en vielen militaire posten aan. De Birmese regering sloeg keihard terug, maar inmiddels geven ook westerse mensenrechtenorganisaties toe dat de Rohingya het conflict in gang hebben gezet.
Ook de transportcorridor door Pakistan heeft met dergelijke destabilisaties te kampen. In deze regio strekken veel bevolkingsgroepen zich uit over de grens tussen Afghanistan en Pakistan, zodat instabiliteit in Afghanistan ook uitstraalt naar Pakistaanse regio’s.
Ondanks de jarenlange militaire aanwezigheid van de Amerikanen in het land floreren ‘Islamitische Staat’ en de Taliban er nog altijd, zodat de vraag rijst of men soms belang heeft bij het in stand houden van deze groepen ter rechtvaardiging van voortdurende Amerikaanse militaire aanwezigheid. Ondertussen speelt Afghanistan weer een grote rol in de drugshandel en hebben de Amerikanen hier een stevige vinger in de pap. In diverse provincies bestaat daarnaast onvrede over de vermoedelijke exploitatie van mijnen, onder andere uranium, door de Amerikanen.
Centraal-Azië
De voortdurende Amerikaanse aanwezigheid in Afghanistan dient echter ook het indirecte nut, dat men door het instabiel houden van de regio de belangen van de grote concurrent China in deze regio doorkruist. Men onttrekt Afghanistan op deze wijze grotendeels aan de mogelijke economische synergie met China, Pakistan en de Centraal-Aziatische landen en bovendien hangt het schrikbeeld van het overslaan van islamistisch radicalisme naar andere landen in de regio als een donkere wolk boven de politiek van die landen.
Het zoeken naar nieuwe handelsroutes om te ontsluiten, lijkt de aangewezen weg voor China en dit is dan ook precies wat Peking doet. Zo wordt er sterk geïnvesteerd in de economische betrekkingen en de aanleg van nieuwe transportroutes naar Rusland en Siberië en diverse Centraal-Aziatische landen, in het kader van de zogenoemde Nieuwe Zijderoutes (let op: meervoud). Hiermee kan uiteindelijk bijvoorbeeld ook de verbinding over land gelegd worden met Iran en Turkije. Economisch niet onbelangrijke spelers die ieder op hun eigen manier een moeizame verhouding met de VS hebben.
Voor de verbindingen over land naar Voor-Azië en Europa is China echter afhankelijk van de samenwerking met diverse Centraal-Aziatische landen. De regeringen van deze landen zien hier het belang van in, ze hebben zelf baat bij de economische groei en de stabiliteit die dit met zich meebrengt. Dit is de steppe- en woestijnzone tussen de traditionele Russische en Chinese beschavingsgebieden. Hier zijn islamitische en grotendeels Turkse volkeren gevestigd. Dit is echter ook de zwakke plek van de Euraziatische integratie waarop de Amerikanen geregeld in proberen te spelen. Dit was bijvoorbeeld te zien in de Tulpenrevolutie in Kirgizië en we zien het ook in het opstoken van het separatisme onder de Oeigoeren in de noordwestelijke Chinese provincie Sinkiang.
Noord-Azië
Mede vanwege dit complex aan factoren is Rusland een waardevolle partner voor China. Rusland kent reeds een hoge mate van economische en militaire integratie met voormalige Sovjetrepublieken in Centraal-Azië en heeft op die wijze een stabiliserende werking. Daarnaast heeft Rusland goede relaties met traditionele vijanden van China in Azië, zoals India en Vietnam, die anders geheel onder Amerikaanse invloed zouden kunnen komen.
Verder heeft Rusland ook vanwege zijn geografische ligging China het nodige te bieden. Zo wordt er geïnvesteerd in het revitaliseren van de Trans-Siberische spoorlijn, die vertakkingen heeft naar Binnen-Mongolië en Mantsjoerije, maar aan de andere kant ook naar Finland. Hier liggen kansen voor Europa, zowel qua economische kosten als milieukosten ligt intensivering van de handel met Eurazië meer voor de hand dan de intercontinentale handel met Noord- en Zuid-Amerika (TTIP, CETA, Mercosur) waardoor de Europese Commissie in beslag genomen wordt. De Oostenrijkse en Slowaakse regeringen hebben in ieder geval concrete plannen om aan te sluiten op de Trans-Siberische spoorlijn, waarbij in Wenen een grote terminal moet komen voor de overslag naar Europees spoor of andere transportvormen.
Nog groter is het potentieel van de zogeheten Arctische Zijderoute. Rusland en China verkennen in dit kader de mogelijkheden om de Noordoostelijke Doorvaart te gaan gebruiken. Het gaat om een potentiële scheepvaartroute langs de noordkust van de Russische Federatie, die de Stille Oceaan met de Atlantische verbindt via de Beringzee, de Oost-Siberische Zee, Karazee, Barentszzee en de Noorse Zee.
Dit heeft het grote (kosten)voordeel dat deze route voor vrachtschepen tussen China en Europa twee weken korter is dan de route door de Zuid-Chinese Zee, de Straat van Malakka, de Indische Oceaan, het Suez-kanaal en de Middellandse Zee. Daarnaast heeft het voor China het voordeel dat de route grotendeels door de Russische invloedssfeer verloopt en dus veel minder flessenhalzen kent dan de hierboven beschreven gangbare route.
Zo bezien komt ook de recente grootschalige NAVO-oefening Trident Juncture op IJsland, de Noorse Zee en in Noorwegen, zogenaamd tegen een eventuele Russische invasie gericht, in een geheel ander licht te staan. Maar dat terzijde.
Afrika
De Noordoostelijke Doorvaart biedt dus veel voordelen ten opzichte van de nu gangbare route. Het gebied rond het Suez-kanaal is momenteel immers bepaald instabiel. De Straat van Bab el Mandeb, die vanuit de Golf van Aden toegang geeft tot de Rode Zee en het Suezkanaal, ligt immers tussen Jemen enerzijds en Eritrea/Djibouti anderzijds. In Jemen voert een Arabische coalitie onder leiding van Saoedi-Arabië en met ondersteuning van de VS, het Verenigd Koninkrijk en Frankrijk een alles vernietigende oorlog tegen de Houthi-rebellen, waarvan valselijk beweerd wordt dat het Iraanse proxy’s zouden zijn. Iets zuidelijker ligt het door burgeroorlog verscheurde Somalië, van waaruit de piraten van al Shabab opereren. Door de komst van een nieuwe Ethiopische premier lijkt de spanning tussen Ethiopië en Eritrea en tussen Ethiopië en Egypte wat af te nemen, maar een recente (mislukte) moordaanslag op deze politicus maakt behoedzaam. China heeft intussen een militair steunpunt in Djibouti ingericht ter ondersteuning van de bestrijding van de piraterij. Diverse andere landen hebben ook militaire bases in het land en Turkije heeft sinds kort een basis in buurland Somalië om de regering daar te steunen. Vooralsnog is het roeien met de voor handen zijnde riemen, maar het mag duidelijk zijn dat een dermate volatiele regio, inclusief de militaire aanwezigheid van diverse grootmachten een riskante cocktail vormt. Dit maakt een alternatieve verbinding tussen Oost-Azië en Europa des te interessanter.
Voor Rusland heeft dit het bijkomende voordeel dat het een extra impuls kan geven aan de ontwikkeling van het hoge noorden. Zowel Siberië als het Noordpoolgebied herbergen nog veel niet geëxploiteerde bodemschatten, China is dan ook zeer geïnteresseerd in het investeren in de ontsluiting hiervan. Zo neemt China bijvoorbeeld al deel aan de recent begonnen productie van vloeibaar gas (LNG) op het schiereiland Jamal. Toen de Britten tijdens de koude van de afgelopen winter een aardgastekort hadden, moest een grote tanker met LNG van het Jamal-schiereiland aanrukken om de Britten, ondanks sancties en gezwollen retoriek, toch nog een behaaglijke Kerst te geven.
Europa
Met de extra capaciteit van de Nordstream II-pijpleiding zou er zo nodig natuurlijk, via Nederland, op goedkopere wijze meer aardgas naar Engeland geloodst kunnen worden. Of die pijpleiding definitief doorgaat, is echter nog altijd niet geheel duidelijk. Er wordt immense druk uitgeoefend op de betrokken Europese landen om er vanaf te zien. Economisch is de aanleg van Nordstream II echter zeer voor de hand liggend. Russisch aardgas is relatief dichtbij, de kosten voor het transport liggen laag, terwijl de prijzen voor het Russische gas ook goed zijn. Rusland niet gunstig gezinde EU-lidstaten als Polen en Litouwen kiezen er echter om politieke redenen voor te investeren in terminals om per schip veel duurdere LNG te kunnen importeren, bij voorkeur uit Amerika, dus met grote transportkosten en uit schaliegas, dus sowieso al duurder.
De strategische logica van de pijpleiding door de Oostzee is dat hiermee de afhankelijkheid van Oekraïne als doorvoerland verkleind wordt. Om politieke redenen willen verscheidene Europese politici dit niet. Als men de antipathie tegen Rusland even tussen haakjes zet, ligt – gezien de reputatie van Oekraïne voor het illegaal aftappen van gas, waardoor EU-lidstaten met tekorten te kampen hadden – niets meer voor de hand dan het omzeilen van Oekraïne. Door de logica van de oppositie tussen het westerse, Atlantische blok en het Russische blok, zou Europa er echter nog toe komen om in dezen tegen haar eigen belangen in te handelen, zoals Polen en Litouwen reeds voordoen.
Noord-Amerika
De Russische en Chinese investeringen in het Noordpoolgebied doen in de VS intussen reeds alarmbellen afgaan. Zo riep oud-staatssecretaris Paula Dobriansky (dochter van de beruchte Lev Dobriansky) het westerse bondgenootschap op zijn positie in het Noordpoolgebied te versterken en een militaire infrastructuur uit te bouwen. De VS hebben zelf immers maar een relatief kleine claim op het poolgebied, in de vorm van Alaska. Zodoende moeten NAVO-bondgenoten als Canada, Denemarken en Noorwegen er aan te pas komen – onder Amerikaanse leiding uiteraard.
Intussen worden er in de Groenlandse politiek concrete voorbereidingen getroffen voor afscheiding van Denemarken. Chinese bedrijven zijn in de arm genomen voor het winnen van de Groenlandse bodemschatten, maar Chinese aanwezigheid op het Noord-Amerikaanse continent zou natuurlijk een doorn in het oog van Amerika zijn. De Groenlandse regering heeft echter ten eerste de inkomsten uit de winning van haar delfstoffen nodig om financieel onafhankelijk te worden van Denemarken. Ten tweede bevindt de meest noordelijke luchtmachtbasis van de Verenigde Staten zich in Groenland. Van daaruit worden spionagevluchten boven Rusland uitgevoerd. Een verlies van deze positie zou de Amerikaanse greep op de Noordpool verder verslappen.
Slotwoord
We zien kortom dat er op diverse continenten een concurrentiestrijd gaande is tussen de Verenigde Staten en China, waarbij geopolitieke realiteiten als nabijheid, bereikbaarheid en de kostenefficiëntie van transport herhaaldelijk in botsing komen met gevestigde politieke voorkeuren en ideologische vooronderstellingen. Ik durf u echter wel te voorspellen dat de geopolitieke realiteiten de langere adem zullen blijken te hebben.
« Le fond de la destinée russe consiste à révéler au monde un Christ russe, inconnu à l’univers, et dont le principe est contenu dans notre orthodoxie. À mon avis, c’est là que se trouvent les éléments de la future puissance civilisatrice, de la résurrection par nous de l’Europe » lettre de Dostoïevski à Nikolaï Strakhov en 1869
Pour aller à l'essentiel, nous savons qu'Alexandre Douguine a mauvaise presse dans nos milieux mais l'Eurasisme ne se résume pas à Alexandre Douguine et Alexandre Douguine ne se résume pas à ses provocations. Nous connaissons les extraits cités comme des déclarations de foi par les détracteurs de Douguine et qui tournent dans nos milieux, c'est de bonne guerre, mais nous vous renvoyons à la lecture des passages dont il est question dans le contexte de leurs ouvrages et vous constaterez par vous-même qu'il ne s'agit pas de premier degré, la construction littéraire laisse peu de doutes... Nous comprenons que ces extraits de but en blanc peuvent heurter les sensibilités nationalistes et identitaires mais, fondamentalement, Alexandre Douguine n'est pas notre ennemi et ses essais sont autant d'éloges de la frontière ; des plus grandes frontières. C'est l'atlantisme qui est visé. Le conflit ukrainien et les positions d'Alexandre Douguine ont bien évidement joué un rôle majeur dans le rejet de l'eurasisme par les milieux nationalistes français ; nous pensons que pour entretenir un dialogue il est besoin d'interlocuteurs, fussent-ils des adversaires. Nous n'ignorons pas les vues impérialistes de la Russie qui n'est plus la Blanche et Sainte Russie des Tsars et des prophètes.
L'Eurasisme comme phare idéologique malgré les frasques de Douguine ; nous nous devons de le justifier, parce que nous pensons et persistons à penser malgré les mauvais temps ukrainiens et le brouillard néo-souverainiste que l'orientation eurasiste est l'expression idéologique la plus immédiate vers la « révolution conservatrice ».
Le paysage et le réseau eurasiste francophone se divisent en trois franges : le canal historique sous l'égide de l'orthodoxe Constantin Parvulesco et de son fils Stanislas 1er, Prince d'Araucanie (et du « Royaume littéraire » de Patagonie, Nouvelle France – pour comprendre cette filiation inattendue nous vous renvoyons à la lecture du roman de Jean Raspail : « Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie » ), fils et petit-fils de Jean Parvulesco, et dont Laurent James est proche ; les canaux éditoriaux et de diffusion de la nouvelle ex-droite via Alain de Benoist et Christian Bouchet ; et, le plus confidentiel « Eurasisme européen » initié par Maître Steuckers et dans lequel nous nous inscrivons prioritairement.
Le réseau et le mouvement eurasiste francophone sont inexistants en terme de militants, d'activités et d'actualités, l'eurasisme en France reste de la pure littérature de combat et appartient au monde des idées. Cependant, il est nécessaire de s'y intéresser si nous voulons, à terme, incarner une Troisième voie européenne et avoir un véritable dialogue avec les eurasistes russes, parce qu'il y a des filiations qui ne mentent pas. Il y aura des antagonismes idéologiques entre « eurasisme » et ce que vous appelez aujourd'hui « occidentalisme » mais la construction eurasiste reposent sur de nombreuses références occidentales, au sens classique de la révolution conservatrice dans laquelle eurasisme et occidentalisme se confondent, s'inscrivent et pourraient se rejoindre.
Nous vous laissons tout le loisir de vérifier l'existence de l'eurasisme et des différentes formes de sa révolution en lisant la littérature eurasiste la plus immédiate d'Alexandre Douguine à Robert Steuckers, de Jean Parvulesco à Jean Thiriart, de Laurent James à Guillaume Faye, de Eugène-Melchior de Vogüé à Henri de Grossouvre et qui vous donnera toutes les références et filiations, origines et sources nécessaires pour appréhender les orientations eurasistes.
Nous ne savons pas quelle part doit avoir l'eurasisme dans nos propres constructions mais nous savons que l'eurasisme a sa partition à jouer ; et quelle musique !
Cela dit, l'Eurasisme français n'existe pas au-delà d'une tempête dans la baie de Douarnenez, du troquet de Maître Steuckers dans la capitale de toutes les Russies en exil et de la cave ensoleillée de Laurent James, et ce n'est pas un réel problème pour nous parler entre militants d'une génération identitaire et européenne qui se cherche un empire.
Ce qui serait fondamentalement opportun de retenir au sujet de l'orientation eurasiste, c'est l'idée que la Tradition est un feu sacré qui, pour être préservé, pour ne pas s'éteindre, se déplace ; c'est l'histoire de Rome, c'est l'histoire des centres spirituels, c'est l'histoire de notre civilisation. Nous n'avons pas été dissous par l'Empire, nous nous sommes diffusés à travers l'Empire. « La chute de Rome » a été fantasmée, et l'Empire d'Orient a survécu, sauvegardant le meilleur de l'Occident pour lui rétribuer ; à tout barbare, civilisation. Quand commence et quand s'achève une civilisation ? Ou, comment passe-t-on du temple romain à l'église romane ?
Par les médiations du Ciel ; de la « civilisation des pierres levées » à la révolution de Février qui sonne le glas ; de la séparation cataclysmique au schisme parousial ; du recours shamanique aux forêts de Merlin à la mort de Raspoutine ; du centre ardent du catholicisme médiéval aux confins de l'Empire Avar ; au cœur du pagano-christianisme des celtes de Galilée aux battements des tambours de guerre des peuples hyperboréens ; de l'arrivée des Saints de Provence au retour des Cosaques ; de l'ombre d'Attila au pacte de Clovis ; de la furie gauloise aux cris de la Horde d'or ; Pour nous, la Gaule charnelle et notre sang sont toujours déjà présents sur les terres de nos ancêtres et notre salut aux anciens russes et vieux croyants est fraternel ; Par Toutatis !
L'Eurasisme et l'Européisme sont les veines de la Révolution conservatrice, les routes herculéennes vers l'Europe et la plus Grande Europe, vers le retour de la dernière Rome et de la nouvelle Gaule. Moscou est le cœur battant de la Troisième Rome, de la Rome éternelle, réanimée, le centre actuel d'un même combat civilisationnel, de la renaissance religieuse et spirituelle européenne de l’Église Catholique romaine et Orthodoxe grecque, cela peut nous contrarier, la Russie de Vladimir Poutine n'est peut-être pas parfaite, mais nous ne pouvons que l'admettre. Arthur sarmate !
Nous autres, eurasistes, cœurs sauvages de l'Empire, si nous nous proclamons gaulois plutôt que français nous sommes marqués au fer rouge des nationaux et des souverainistes. Pour les néo-païens, nous sommes d'horribles traditionalistes catholiques ; pour les cathos tradis, de terribles gnostiques. Ceux d'entre vous, communistes et libéraux, qui opposez la France à la république comme nous le faisons pour mille raisons excellemment justifiées par Laurent James à plusieurs reprises au sujet des deux France et qui nous reprochent nos ruades contre le chauvinisme ; le nationalisme de pure frime, interprétées comme haute trahison ou suspectées d'antiracisme, ce qui est un comble de mauvaise foi, quelle sera votre dernière patrie quand la terre aura brûlé ? Nous savons qui nous sommes ; nous chérissons notre race. Nous attendons que vous en possédiez une à défaut que le néant vous possède. Tout le monde sait que l'on se bat toujours pour ce que l'on n'a pas ; pour ce que l'on a perdu. Était-ce par distraction ? Alors, recherchez-la partout, priez Saint-Antoine de Padoue, mais ne nous demandez pas de retrouver ce que nous n'avons jamais égaré.
Le mot « eurasisme » n'est pas une fin ; par contre, il faudra bien, tôt ou tard, se rassembler sous une bannière.
De la nôtre, nous avons enlevé le rouge et y avons jeté le Feu. Notre bannière est noire et solaire. Telle est notre anarchie ; notre Droite.
Russie, quelle vision politique pour la Russie au XXIème siècle ?
par Emmanuel LEROY,
Consultant et Président d’Urgence Enfants du Donbass
Ex: http://www.academiedegeopolitiquedeparis.com
Introduction
Avant d’aborder ce qui serait aujourd’hui la vision du monde des héritiers de Vladimir 1er, prince de Novgorod et Grand-Prince de la Rus’ de Kiev, je crois nécessaire d’essayer de comprendre pourquoi la Russie est l’objet de tant de haine de la part des élites qui gouvernent l’occident. Répondre à cette question me parait important car souvent, trop souvent de mon point de vue, depuis le règne de Pierre le Grand, le pouvoir en Russie a eu tendance parfois, à calquer sa politique en réaction ou à l’imitation de l’occident, sans percevoir toujours très clairement les forces véritables qui sont à l’œuvre dans la vision du monde occidentale. Cette tendance lourde a bien évidemment favorisé cette fameuse querelle opposant les slavophiles aux occidentalistes à laquelle l’URSS n’a pas échappé, et dans laquelle la Russie de Vladimir Poutine baigne encore, séparant deux visions du monde antagonistes qu’incarnent parfaitement aujourd’hui des personnalités comme Sergueï Glaziev pour le camp conservateur slavophile ou comme Alexeï Koudrine pour le camp libéral occidentaliste.
Emmanuel Leroy
Définir ce que souhaite le camp libéral n’est pas très difficile, il nous suffit de regarder à quoi ressemble l’occident aujourd’hui, à savoir des sociétés où toute notion de solidarité a disparu, où l’argent règne en maître, où l’homosexualité et le mariage pour tous sont promus comme une norme, et où l’on augmente l’âge de la retraite tout en ouvrant les vannes de l’immigration au lieu de promouvoir la natalité. La faction libérale en Russie est pratiquement absente du champ électoral comme on l’a vu ces dernières années avec les résultats du parti Labloko, mais elle est en revanche surreprésentée dans les médias – contrairement à ce que l’on pense en occident – dans la sphère économique et au sein du gouvernement où aux côtés du Premier ministre siègent d’autres ministres qui ont parfaitement intégré la théorie de la « main invisible » dans leur vision du monde.
Il est plus difficile de définir précisément ce que souhaitent les conservateurs russes car il y a plusieurs approches possibles du conservatisme : il y a celle incarnée par le club Stolypine de M. Glaziev qui au rebours des idées libérales d’Adam Smith souhaiterait un Etat interventionniste sur le modèle de l’Allemagne de Bismarck influencée par les idées de Friedrich List et de son « protectionnisme éducateur ». Il existe aussi un conservatisme slaviste que l’on pourrait qualifier de social-chrétien et qui s’inspire d’auteurs comme Berdiaev, Soloviev, Iline, Dostoïevsky ou encore Soljenytsine mais qui ne semble pas avoir trouvé de traduction politique dans le paysage russe contemporain. Et il existe enfin, grand paradoxe, un conservatisme communiste dont la permanence peut s’analyser non seulement comme une réaction aux dérives libérales de la Russie sous Boris Eltsine mais également comme un contrepoids à l’hégémonie du parti majoritaire – lorsque celui-ci est perçu comme trop libéral – comme on vient de le voir récemment à Vladivostok.
Autre paradoxe de la société russe contemporaine est celui incarné dans les plus hautes sphères de l’Etat où est promue une vision conservatrice et multipolaire du monde, en réaction à la vision unipolaire et totalitaire de l’occident, tout en ayant conservé au plan institutionnel une constitution occidentalo-compatible héritée des années Eltsine et permettant sur le plan économique la mise en place d’une praxis ultra-libérale que ne désavouerait pas l’Ecole de Chicago. Il s’agit là d’une contradiction idéologique majeure que la Russie devra trancher tôt ou tard, et le plus tôt dans l’intérêt du peuple russe lui-même sera le mieux.
Pour mieux comprendre en quoi la Russie d’aujourd’hui incarne, presque malgré elle, l’opposition absolue au système occidental, il faut se pencher d’abord sur les origines profondes de la russophobie, ensuite nous devrons répondre à la question délicate « Que veut faire la Russie ? ».
1/ Les origines profondes de la russophobie
2/ Que veut faire la Russie ?
1/ Les origines profondes de la russophobie
Au fil du temps et de mes réflexions, j’ai acquis la conviction que l’on ne peut comprendre les événements géopolitiques sans avoir présent à l’esprit ce que le grand historien Fernand Braudel appelait la longue histoire et qui renvoie en quelque sorte à l’aphorisme de Nietzsche selon lequel « l’homme de l’avenir sera celui qui aura la plus longue mémoire ».
Si l’on refuse l’idée que la plupart des guerres, des coups d’état, des « révolutions de couleur » auxquels nous assistons relèvent d’une très ancienne vision du monde que j’appelle l’Idéologie anglo-saxonne, on se trouve alors dans la situation d’un médecin traitant un cancer avec de l’aspirine.
Qu’est-ce que l’idéologie anglo-saxonne ?
C’est ce que Kipling a appelé Le Grand Jeu lors de l’affrontement des empires russe et britannique dans ce qui n’était pas encore l’Afghanistan. Mais le Grand jeu c’était aussi l’éradication du catholicisme en Angleterre sous Cromwell, c’était la politique des William Pitt, père et fils, dans l’avènement de la révolution française et de la prise de contrôle de la France après la défaite de Waterloo, c’était la politique impériale de Benjamin Disraeli, c’était la guerre du Japon contre la Russie en 1905 et la 1ère révolution qui suivit, financée par les banques anglo-saxonnes, tout comme la révolution bolchevique de 1917, ce furent les deux guerres mondiales et ce jeu, car pour eux c’est un jeu, même s’il est souvent cruel, continue jusqu’à aujourd’hui avec l’Afghanistan, la Lybie, la Syrie, la Géorgie, l’Ukraine, le Yémen etc..
Je n’aurai pas le temps en quelques minutes de vous résumer 5 siècles d’histoire européenne et a fortiori mondiale, aussi, je voudrais juste esquisser devant vous quelques pistes de réflexion afin que vous creusiez vous-même dans cette direction si vous l’estimez nécessaire.
Le grand rêve de puissance et d’hégémonie mondiale de l’oligarchie anglaise est né, selon moi, au retour de l’expédition autour du monde du pirate Francis Drake le 26 septembre 1580 où la part du butin volé aux Espagnols et réservée à la reine Elisabeth représentait selon certaines sources une fois et demie le budget annuel du royaume. Francis Drake est probablement devenu après ses exploits le modèle à suivre et parmi ses nombreux admirateurs, un en particulier mérite d’être retenu, Walter Raleigh (cf. controverse Ecole de la nuit), car il est le premier à avoir conceptualisé l’idée d’hégémonie anglo-saxonne sur le monde. En effet, ce gentilhomme, un peu pirate lui aussi, eut le temps d’écrire avant sa mort un ouvrage intitulé l’Histoire du monde et dans lequel il affirme : « Qui tient la mer tient le commerce du monde, qui tient le commerce tient la richesse, qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ».
C’est là, à partir de cet exploit de piraterie exceptionnel, qu’est née cette idée de parvenir à la suprématie mondiale par la puissance maritime et l’accaparement des richesses d’autrui.
Mais ce qu’il faut bien comprendre – et c’est cela qui est véritablement révolutionnaire – c’est que cette idée s’est transmise de génération en génération à travers les siècles au sein des élites anglo-saxonnes notamment chez le Britannique Mackinder dont la formule maîtresse est « Qui tient l’Europe orientale tient le heartland, qui tient le heartland domine l’île mondiale, qui domine l’île mondiale domine le monde » et qui s’est transformée chez l’Américain Spykman dans la formule plus ramassée « Qui contrôle le rimland gouverne l’Eurasie ; qui gouverne l’Eurasie contrôle les destinées du monde ».
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’à trois siècles de distance, ces trois personnages partagent tous l’idée de domination du monde et c’est là véritablement qu’il faut comprendre la nature profonde de cette idéologie.
Mais alors en quoi cette idéologie anglo-saxonne serait-elle russophobe ?
Elle n’est pas spécifiquement russophobe, elle a d’abord été francophobe, puis hispanophobe, puis à nouveau francophobe, puis germanophobe, mais il se trouve qu’après les défaites successives de l’Espagne à la fin du XVIIème siècle, de la France en 1815, des empires centraux en 1918 et du monde germanique en 1945, il ne reste plus qu’un protagoniste sur le continent eurasiatique à s’opposer aux Anglo-Saxons, et c’est le peuple russe.
Voilà brièvement résumées, les causes profondes de la russophobie et tant que l’on n’a pas intégré cette vision de la longue histoire, on ne peut comprendre véritablement la nature des conflits qui sont en cours. Ces conflits sont des étapes, des épiphénomènes dans le Grand jeu de contrôle des destinées de l’humanité par la nomenklatura anglo-saxonne et la Russie est le dernier grand obstacle qui se dresse devant elle et voilà pourquoi elle doit disparaître. À n’importe quel prix.
Et elle a bien failli disparaître en 1991 quand elle perdut 1/5ème de son territoire et plus de 30 millions de ses concitoyens qui sont aujourd’hui, Kazakhes, Kirghizes, Ouzbèks ou Tadjiks. Elle a failli mourir aussi durant ces années 90 où elle fut pillée et saccagée ignominieusement par des prédateurs travaillant en étroite relation avec la finance anglo-saxonne.
Pour ceux qui voudraient un dessin explicite, je leur conseille de visiter l’académie Glazounov à Moscou où au 1er étage se trouve un immense tableau de cet illustre peintre et résumant parfaitement le martyre que subit la Russie durant ces années terribles.
Oui, je pense également que la fin de l’Union soviétique a été la plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle car elle a permis à l’occident d’avancer jusqu’aux frontières de la Russie et même de mettre la main sur son cœur historique, la Rus’ de Kiev.
À ce stade, que peut faire la Russie pour inverser le processus et mettre un terme à l’hégémonie totale de ceux qui veulent prendre en main les destinées du monde, car tout bien pesé, c’est bien de cela dont il s’agit : unipolaire ou multipolaire le monde de demain devra choisir et dans ce contexte d’antagonisme absolu, que pourra faire la Russie ?
Et tout d’abord…
2/ Que veut faire la Russie ?
Il peut paraître présomptueux, surtout ici, devant des citoyens russes, de poser cette question, mais si l’on se souvient de ce que disait Churchill lui-même à ce sujet, à savoir que « la Russie était un rébus enveloppé de mystère au sein d’une énigme », il n’est peut-être pas inutile d’ouvrir la matriochka pour essayer de voir ce qu’il y a dedans.
Je crois que la Russie a un rôle essentiel à jouer dans les années qui viennent pour restaurer un équilibre dans le monde mais c’est un message qui est difficile à faire passer car le tempérament russe est assurément peu porté à l’universel, du moins tel que le conçoivent les Français ou les Anglo-Saxons.
Pourtant la Russie a déjà par deux fois dans son existence, proclamé sa vérité dans le monde. La première fois, c’était au nom de la Sainte Alliance quand le Tsar Alexandre 1er tentait d’élever une digue contre les idées destructrices de la Révolution française. La deuxième fois, et c’est un paradoxe, c’est au nom des idéaux de cette même Révolution française que les bolcheviques répandront sur la terre l’idéal prolétarien.
On voit se dessiner en Russie, depuis le début des années 2000 une vision du monde multipolaire et qui semble vouloir s’afficher comme une altérité à l’idéologie occidentale.
Pour bien comprendre la réorientation de la Russie en ce début de XXIème siècle, il faut relire le discours fondamental de Vladimir Poutine à Munich en février 2007 qui entend mettre un terme à l’unipolarité anglo-saxonne et qui réaffirme une certaine conception westphalienne d’équilibre du monde.
Voilà ce que déclarait le Président de la Fédération de Russie : « J’estime que le monde unipolaire n’est pas seulement inadmissible pour le monde contemporain, mais qu’il est même tout à fait impossible. Non seulement parce que dans les conditions d’un leader unique, le monde contemporain (…) manquera de ressources militaro-politiques et économiques, mais, et c’est encore plus important, ce modèle est inefficace, car il ne peut en aucun cas reposer sur une base morale et éthique de la civilisation contemporaine ».
Dans ce discours, Vladimir Poutine remettait également en cause la prétendue primauté du droit étatsunien sur le droit international et dénonçait la volonté des Etats-Unis d’empiéter dans les domaines réservés des autres Etats, notamment à travers la sphère juridique.
Mais contester le modèle occidental en lui opposant la multipolarité – qui n’est qu’un concept creux – n’est pas suffisant. Tant que l’économie et les institutions russes fonctionneront avec le moteur occidental de l’idéologie libérale, la Russie sera confrontée à une contradiction interne qui sera mortelle à terme.
À l’idéologie des droits de l’homme, il faut opposer la primauté du droit des peuples.
Au libéralisme égoïste et destructeur qui ne favorise que l’oligarchie mondiale, il faut opposer l’interventionnisme de l’Etat souverain protecteur des plus faibles.
À la permissivité sans limite et à la destruction des valeurs fondamentales des sociétés humaines, il faut opposer la protection de la famille et des valeurs traditionnelles, y compris religieuses.
Ces quelques exemples montrent bien que la nature de la guerre totale qui oppose aujourd’hui l’occident à la Russie est bien culturelle et idéologique avant d’être militaire et je redoute fort que les conflits chauds ou tièdes comme ceux de Syrie ou du Donbass et dans lesquels les Anglo-Saxons entraînent la Russie aujourd’hui, ne soient que des leurres pour dissimuler le cheval de Troie que jour après jour les occidentaux mettent en place dans tout l’espace de la CEI.
Nous étions en Arménie la semaine dernière avec mon ami Jean-Michel Vernochet pour une série de conférences et de rencontres et nous avons pu mesurer la réalité de la présence étatsunienne dans ce pays ex-soviétique où ils ont installé leur deuxième plus grande ambassade dans le monde aux confins de la Caspienne, de la Mer Noire et de la Méditerranée : pas un programme culturel ou archéologique sans la présence du logo « USAID », pas un café qui n’arbore fièrement le sigle Coca-Cola et jusqu’à la Bibliothèque nationale d’Arménie qui abrite en son sein un « American Corner » où sont diffusées, entre autres, les œuvres de M. Brzezinski et de l’amiral Mahan. Même les Chinois sont présents à Erevan avec leur programme « China Aid ». Nous n’y avons pas vu de programme « Russia Aid » et dans ce pays qui comptait 100% de russophones il y a un quart de siècle, les jeunes générations ne parlent plus que l’anglais et dans moins d’un siècle il n’y aura plus que quelques savants distingués qui parleront encore la langue de Pouchkine.
Plus grave encore que ce que je viens de vous décrire en Arménie, est la reconnaissance de l’Eglise autocéphale d’Ukraine la semaine dernière par le patriarcat de Constantinople. Il s’agit là encore d’une catastrophe géopolitique ou géoreligieuse majeure pour le monde slave. À quoi sert de vaincre militairement le terrorisme manipulé par l’occident en Syrie quand le monde orthodoxe est menacé d’un schisme majeur ?
Je voudrais achever cette intervention en formulant le vœu que la Russie retrouve sa place, toute sa place dans le monde, notamment en reprenant la tête de file des pays non-alignés afin que se dresse contre la maladie occidentale une alliance de pays libres et souverains. La Russie pourrait proposer de remettre à jour la Charte de La Havane de 1948 et d’y entraîner tous les peuples qui veulent sortir de la spirale mortifère de l’idéologie anglo-saxonne. Quelques pays en Europe et dans le monde semblent aujourd’hui se réveiller et être prêts à sortir de l’état de vassalité et d’esclavage dans lequel ils sont plongés.
La Russie non seulement s’honorerait à les y aider, mais ce faisant, j’en suis persuadé, elle se sauverait elle-même.
«La Route de la soie 2018 – de nouvelles voies ouvertes au commerce»
Conférence internationale du 25 juillet 2018 à Nuremberg
par Nils Opel, Nuremberg
Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr
Le 25 juillet 2018 a eu lieu au Centre des Foires et Salons de Nuremberg le congrès d’un jour «La Route de la Soie 2018 – de nouvelles voies ouvertes au commerce». L’organisateur en était le «Groupe Foire de Nuremberg», soutenu par le Ministère bavarois de l’économie, de l’énergie et de la technologie et les Chambres de commerce et d’industrie de Bavière.
Cette carte illustre le réseau mondiale des projets d’infrastructures (chemins de fer, oléoducs, gazoducs, ports, etc.) existants, planifiés ou en construction de la «Nouvelle Route de la soie» («The Belt and Road initiative») à terre ou en mer. (Infographie: https://www.merics.org/de/bri-tracker/mapping-the-belt-and-road-initiative)
Les membres du «NürnbergMesse Group» [Groupe Foire de Nuremberg], l’une des grandes sociétés mondiales de foires et salons, sont pour juste 50% la ville de Nuremberg et le Land de Bavière, ainsi que la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nuremberg (IHK/CCI) et les Chambres de commerce de Moyenne-Franconie pour chacune environ 0,03%. Avec 51 représentations, le Groupe Foire de Nuremberg est actif dans 116 pays dans le monde entier. Il a 7 filiales aux Etats-Unis, en Chine, en Inde, au Brésil, en Italie et en Autriche.
Orientation sur l’Asie et l’Amérique latine
Le programme 2018 de la foire internationale met en évidence l’orientation du commerce extérieur sur l’Asie et l’Amérique du Sud. 31 événements à Nuremberg, 14 en Inde, 10 au Brésil, 8 en Chine, 2 en Thaïlande et un respectivement en Italie, en Russie et aux Etats-Unis.
Le Land de Bavière, coorganisateur, maintient 28 représentations à l’étranger dans le monde entier. En juillet 2018 s’est ouverte la troisième représentation bavaroise en Chine, à Chengdu, ville de Chine centrale, les deux précédentes se trouvant à Shandong et Shenzen. En 2017, la République populaire de Chine était le second partenaire commercial de la Bavière par ordre d’importance. D’après les derniers chiffres, la Chine deviendra en 2018 le plus important partenaire commercial de la Bavière, ainsi que l’a déclaré le ministre bavarois de l’Economie, Franz Josef Pschierer dans son discours d’ouverture du congrès.
Nuremberg et Shenzen, ville du sud de la Chine, sont jumelées depuis 1997. Chaque semaine, depuis 2015 un transport ferroviaire intermodal de 54 containers fait la navette entre Nuremberg et Chengdu. De bonnes raisons pour choisir Nuremberg comme lieu privilégié pour organiser en Allemagne le premier congrès – point de rencontre d’environ 250 visiteurs – ayant trait au projet de «Nouvelle route de la soie». En Asie, ce projet suscite énormément d’intérêt. C’est ainsi que depuis 3 ans se tient à Hongkong un congrès annuel qui a attiré en juin dernier 5000 visiteurs. La Chambre de commerce et d’industrie de Nuremberg, représentant toutes les chambre de commerce et d’industrie allemandes, est régulièrement présente au congrès de Hongkong.
Le projet «Nouvelle route de la soie»
Le projet «Nouvelle route de la soie» a été présenté sous le nom de «One Belt, One Road» en septembre 2013 par le président de la République de Chine Xi Jinping lors de sa visite au Kazakhstan (point principal Belt) et quelques mois plus tard à Djakarta (point principal Road). «Belt» désigne la «ceinture» qui relie la Chine à l’Europe par voie terrestre. On y trouve l’itinéraire ferroviaire nord par le Kazakhstan et la Russie ainsi que l’itinéraire sud en construction par l’Asie centrale, la Turquie et les Balkans occidentaux. A présent, on trouve déjà des gares d’arrivée dans 40 villes de 14 Etats européens. Depuis 2008, il y a déjà eu 8000 trajets de trains de marchandises. Le terme «Road» désigne la voie maritime depuis la côte orientale de la Chine par l’océan Indien et la mer Rouge en direction de l’Europe de Sud. Entre temps, l’appellation «Belt-and-Road-Initiative» a été raccourcie en BRI. Le gouvernement chinois voudrait construire un réseau d’infrastructure intercontinental entre la Chine et l’Europe, l’Afrique, le Proche Orient, l’Asie du Sud, l’Asie centrale et le Sud-Est asiatique. La région inclut 90 Etats et 70% de la population mondiale. Des espaces économiques devraient être reliés et se développer et les régions structurellement faibles devraient en sortir renforcées financièrement. Jusqu’à présent, 900 projets ont été initiés pour un investissement planifié de 900 milliards de dollars.
Une route de la coopération …
Puisque la Banque mondiale et l’Asia Development Bank (ADB) ne seront guère en mesure de couvrir ces besoins financiers, selon Mme Jingqiu Mao, Consule générale de la République populaire de Chine à Munich, l’Asia Infrastructure Investment Bank (AIIB) a été fondée en 2015 à l’initiative de la Chine. Madame Mao a expliqué en détail la «Belt-and-Road-Initiative» dans son discours d’inauguration du congrès. Elle a souligné que l’initiative n’est en aucun cas un instrument stratégique au service de la géopolitique chinoise. La «Nouvelle route de la soie» ne serait donc pas la voie privée d’une partie en particulier, mais une large voie construite par tous et qui doit profiter à tous. Elle s’est catégoriquement prononcée en faveur du libre-échange et de la globalisation, soulignant cependant aussi les bénéfices pour l’économie réelle: la «Nouvelle route de la soie» serait une voie de coopérations amenant un sang nouveau à l’économie. La construction de l’infrastructure doit correspondre à la demande réelle.
… et de l’ouverture de la Chine
En raison des tendances protectionnistes croissantes à l’intérieur du commerce mondial et des turbulences économiques, une collaboration plus étendue, plus profonde et de meilleure qualité devient nécessaire. On ne peut plus revenir à l’époque de l’isolation mutuelle. La «Nouvelle route de la soie» est un produit de l’ouverture et de la coopération au temps de la mondialisation. La Chine est un participant responsable et contribue à la construction du système international existant. Mme Mao est revenue sur l’importance du projet tant pour l’Allemagne que pour la Chine qui se trouvent aux deux extrémités de la Route de la soie: «Si les deux pays peuvent explorer en commun les possibilités des nouveaux champs et des espaces de coopération de la ‹Nouvelle Route de la soie› cela sera certainement porteur – pour les peuples de ces deux pays ainsi que pour les pays et leurs populations tout au long de la Route de la soie – de grands profits économiques et d’avantages concrets.»
Un énorme potentiel de croissance
Le professeur Gabriel Felbermayr, directeur de l’«ifo-Zentrum für Aussenwirtschaft» à l’ifo Institut für Wirtschaftsforschung de Munich, a cité de nombreuses données économiques. L’Eurasie est un grand continent de 4,8 milliards de consommateurs, 92 pays et détenant 60% du produit économique mondial, avec des oasis économiques aux bords qui se seraient adaptés. En 2018, le revenu individuel par habitant est de 28 000 euros à Nuremberg et de 21 000 euros à Shanghai. Il s’agit de l’espace eurasien, ouvert au développement économique. En 2017, le commerce eurasien (ici: le volume du commerce de biens de consommation) entre l’UE et la «Greater China» (Chine, Macao, Hongkong et Taïwan) s’est élevé à 772 milliards d’euros, correspondant à peu près au volume des échanges commerciaux entre l’UE et les pays de la Nafta (USA, Canada, Mexique). Les prévisions du potentiel de croissance au cours des 10 prochaines années seraient de 80% (UE et Greater China), en cela trois fois plus élevé que le potentiel de croissance avec les pays d’outre-Atlantique.
On s’attend à ce que dans la première moitié du siècle, les trois quarts de la future croissance mondiale aient lieu en Eurasie. L’avenir se passera en Eurasie et non dans l’économie nationale transatlantique. Au cours du dernier millénaire, la part de la Chine et de l’Inde dans la production mondiale était respectivement de 25%. Au milieu du XIXe siècle, la Chine a amorcé une forte décroissance, simultanément à la montée en puissance de l’Occident, des Etats du G-7 d’aujourd’hui (USA, Canada, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie, Japon).
Dans les 40 dernières années, on est parvenu à un statut rendant justice à la taille de la Chine. L’OCDE estime que, jusqu’en 2045, la part de la Chine dans le produit mondial brut s’élèvera jusqu’à 25%. (4% en 1990!). Un processus jusqu’alors inégalé dans l’histoire économique. Le changement est tout juste en train de s’accomplir (en 2018, l’UE, les Etats-Unis et la Chine se trouvent à égalité avec environ 20% chacun) et ce serait la raison pour laquelle Donald Trump voit l’adversaire stratégique avant tout en Chine.
Les deux infographies n’illustrent pas seulement la grande importance de la Chine pour le commerce des Etats de l’UE, mais également les changements dans les performances économiques pronostiquées pour les prochaines décennies. (Infographies https://seidenstrasse.bayern/files/2018/08/20180725_Seidenstra%C3%9Fe_09-30A_Prof.-Gabriel-Felbermayr-1.pdf/Zeit-Fragen))
«L’avenir appartient aux Asiatiques»
L’avenir appartient aux Asiatiques, et l’Amérique du Nord doit abandonner le contrôle de l’économie mondiale. Selon l’estimation ADB, les investissements nécessaires au projet BRI seraient de 8 billions de dollar (2010–2020). Cela représente deux fois le PIB de la République fédérale d’Allemagne. Cependant, le président Xi ne parle que d’1 billion. Jusqu’à maintenant, 340 milliards de dollars auraient été dépensés (2014–2017). La Serbie a par exemple reçu 4,9 milliards de dollars, la Grèce 3,6 milliards, le Pakistan 60 milliards. Les investissements de la Chine dans le monde sont à peu près aussi élevés que les investissements de l’étranger en Chine (8 à 9% du flux des investissements dans le monde, environ 150 milliards de dollars des investissements directs étrangers par an).
La Chine est le plus important partenaire commercial de l’Allemagne
Le vecteur des investissements et de la collaboration avec l’Europe serait l’Asia Infrastructure Investment Bank (AIIB), fondée en 2015, et au sein de laquelle il n’y aurait pas de dominance chinoise. Depuis 2017, la Chine serait le plus important partenaire commercial de l’Allemagne (en 2017, le volume des échanges commerciaux s’élevait à 187 milliards d’euros), et l’écart avec les autres partenaires commerciaux devrait encore se creuser. Les coûts de transport seraient à la hauteur de 9 à 13 milliards d’euros par an (5 à 7% du volume commercial). Chaque pourcentage de baisse des coûts de transport génèrera 3 à 4% d’échanges commerciaux supplémentaires. Les économies réalisées par la Route de la soie pourraient générer un volume commercial supplémentaire de 23 milliards d’euros, ou 200 milliards d’euros sur les échanges Chine-UE. Désormais, les coûts de transport sont des barrières commerciales plus importantes que les droits de douane. Mais il ne s’agit pas seulement du commerce entre les agglomérations urbaines mais aussi de la mise en valeur de l’espace eurasien. Il s’agit aussi d’investir des excédents commerciaux de manière profitable et pas seulement dans des emprunts d’Etat américains. «Quittons les emprunts d’Etat américains, favorisons les investissements réels», en Allemagne aussi, cette formule a du sens. L’ascension de la Chine est réelle, l’Europe a besoin d’une stratégie eurasienne et devrait accepter les réalités, chercher et conclure des compromis et réaliser des opportunités.
Le rôle central de l’AIIB, Asia Infrastructure Investment Bank
Au cours de la suite du congrès Nikolai Putscher a fait la présentation de l’AIIB. Putscher est, au sein du conseil d’administration de l’AIIB, directeur du développement de l’alignement stratégique ainsi que de l’analyse des fonctions de contrôle et d’orientation (auparavant, il a entre autres travaillé au FMI). La Chine a proposé que tous les pays puissent participer au BRI mais aussi de développer une banque destinée à l’Asie et à d’autres parties du monde. L’AIIB est une institution légalement indépendante, comptant 86 pays membres.
L’Allemagne ne perçoit pas, contrairement à ce qui se passe avec la banque de développement des BRICS, de structures parallèles dans l’AIIB. Le but du gouvernement fédéral serait de conserver la structure financière internationale en y incluant la participation de la Chine. Il ne doit y avoir de dégradation des normes environnementales et sociales définies par exemple par la Banque mondiale, l’Asian Development Bank et l’African Development Bank. L’Allemagne met à disposition de considérables ressources pour la représentation des intérêts de l’Allemagne et de l’Union européenne dans l’AIIB. Il y a à la banque une discussion très ouverte et internationale. Le développement commercial est surprenant. En deux ans, l’AIIB a accepté la réalisation de 25 projets pour un volume de 4,4 milliards de dollars. (A l’opposé, l’ADB aurait dans le même cas mis 3 ans pour initier le premier projet.) La part chinoise de 26% est donc bien modeste et baissera probablement encore plus. La banque ne serait donc pas une banque chinoise, comme on l’affirme dans la presse américaine. Elle est véritablement dédiée à l’Asie et donc pas une banque uniquement pour la Route de la soie. La banque est très modeste et n’emploie actuellement que 450 collaborateurs (en comparaison: l’ADB a 3000 et la Banque mondiale 15 000 collaborateurs).
Détails de la liaison ferroviaire Chine-Europe
Uwe Leuschner est Senior Vice President pour l’Eurasie de la DB Cargo AG et CEO de DB Cargo Russia, occupant depuis 1993 des postes de direction dans l’industrie logistique en Russie et en Chine. Au cours de la table ronde, il a fourni de nombreux détails concernant la communication ferroviaire entre l’Europe et la Chine. Le premier «train chinois» a fait le trajet entre Chongqing et Hambourg en 2008. Cette année, environ 5000 trains circuleront entre la Chine et l’Europe. La croissance du concept de transport intermodal de containers est de 30% par an. Il s’agit de trains de 41 containers, raccordés en Russie (trafic sur voie à écartement large) à des trains transportant jusqu’à 120 containers. En 2025, les Chinois voudraient faire passer 3,5 millions de containers par cette voie. Il y a un projet (planifié pour environ 2028/29) de faire rouler des trains High-Speed-Cargo entre la Chine et l’Europe jusqu’à Berlin: un train de 300 tonnes toutes les 20 minutes à 350–400 km/h. Cela apportera de grands changements dans la logistique mondiale. Du côté chinois, il y a une garantie de financement de construction des 6000 kilomètres nécessaires de voie à écartement normal. Actuellement le projet est arrêté, car le gouvernement russe exige jusqu’à présent des voies à large écartement. Au cours des vingt dernières années, la Chine a créé le plus vaste réseau de chemin de fer du monde qui serait le plus grand du monde. Au cours des 10 dernières années a été construit un réseau à grande vitesse de 22 000 kilomètres, qui devrait être porté à 35 000 kilomètres d’ici 2025.
Grande importance de l’espace eurasien
L’espace eurasien présente un énorme potentiel pour la croissance économique et les investissements pour l’avenir. Les Chinois ont des idées pour l’industrialisation, par exemple, des projets à la frontière extérieure européenne, tel le plus grand parc industriel construit par la Chine à l’extérieur du territoire chinois, près de Minsk en Biélorussie (d’une surface de presque 100 km2), où les infrastructures et les investissements sont négociées avec les gouvernements au sein de l’Union eurasienne et y sont bien venus. Les Chinois en parlent et auraient déjà conclu des contrats avec les Russes et les Kazakhs. Il est très important de communiquer avec les Chinois à tous les niveaux. Discussions et coopération sont la base des futurs développements.
Projets concrets de la Route de la soie
Les stratégies et les projets concrets pour la Route de la soie ont été présentés par Corinne Abele et Uwe Strohbach. Corinne Abele travaille depuis 1998 pour le Germany Trade&Invest (GTAI) en Greater China. [GTAI: Société de la République fédérale d’Allemagne pour le commerce extérieur et de marketing interrégional, ndt.]. Depuis déjà deux décennies la journaliste, économiste diplômée et historienne de l’Europe de l’Est, analyse les activités économiques et les développements de la Chine. Uwe Strohbach est manager régional pour l’Asie centrale et le Caucase du Sud chez GTAI. Auparavant, il a été coordinateur de projets pour la recherche sur l‘Europe de l’Est à l’Institut pour la recherche économique appliquée à Berlin. Actuellement, Uwe Strohbach analyse les axes de transport eurasiens et l’élargissement des voies de transit entre la Chine et l’Europe.
Par exemple: les énergies renouvelables
Corinne Abele a présenté les développements dans le domaine des ressources en énergies renouvelables. D’ici 2020, la Chine aura installé 770 GW en «New Energies». En 2016 déjà, elle a dépassé l’UE en ce qui concerne la capacité en énergie solaire. D’ici 2020, 20% de la consommation d’énergie primaire ne devraient plus être d’origine fossile. La consommation d’énergie est actuellement de 25% d’énergie non fossile. Dans le domaine automobile, 25% devraient provenir, d’ici 2025, des «nouvelles énergies» (couvert à hauteur de 80% par des marques chinoises).
La Chine a la «vision» d’un réseau d’alimentation électrique mondial. De 2013 à 2018, elle a investi 123 milliards de dollars dans des réseaux d’électricité, dont un certain nombre dans le domaine de la Route de la soie. Par exemple, 62 milliards de dollars sont prévus au Pakistan pour des projets d’énergie hydraulique et pour des réseaux électriques. La Chine est aussi active depuis longtemps au Brésil. Elle y serait le plus grand producteur d’énergie et le principal exploitant de réseaux électriques. La Chine investit dans des lignes de courant continu à très haute tension, une technologie qui est aussi maîtrisée par Siemens et ABB. 35 000 kilomètres de ces liaisons seraient déjà en construction, d’autres suivront. Le volume atteint 250 milliards de dollars. La Chine a investi au cours des 5 dernières années 475 milliards de dollars à l’extérieur de la Chine dans le domaine de l’énergie. Entretemps, la Chine est à la tête du marché mondial en ce qui concerne les produits de protection de l’environnement, principalement dans le domaine des ressources en énergie renouvelable.
Le rôle important de l’Asie centrale
Uwe Strohbach s’est focalisé sur les régions de l’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kirghizistan, Tadjikistan) et du Caucase du Sud (Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie). La superficie de l’Asie centrale est dix fois celle de l’Allemagne avec 72 millions d’habitants. Cependant son PIB n’atteint que 6% du PIB allemand. Les exportations allemandes vers l’Asie centrale seraient à nouveau en augmentation depuis 2017, mais il y a encore un très grand potentiel. La même chose pour le Caucase du Sud, dont le territoire n’est que la moitié de l’Allemagne avec 17 millions d’habitants. Son PIB n’atteint cependant que 1,8% de celui de l’Allemagne. Les Etats de la région tablent, à l’aide de la BRI, sur le triptyque: modernisation, diversification et exportation. Le commerce extérieur Chine/Asie centrale serait passé de 1 milliard de dollars (2002) à 60 milliards de dollars (2017) et atteindra en 2020 probablement au moins 100 milliards de dollars. Strohbach a présenté de nombreux projets planifiés et déjà en cours (rien qu’au Kazakhstan, il y en a 50, entrainant 27 milliards de dollars d’investissements chinois et en Ouzbékistan, 100 avec 23 milliards de dollars d’investissements chinois) parmi lesquels nous citerons les suivants:
Ligne ferroviaire Astana–Almaty, environ 1300 kilomètres jusqu’en 2021, et la ligne ferroviaire Taldyqorghan–Öskemen, 790 kilomètres 2017–2020 (Kazakhstan),
Construction de complexes pétrochimique/gaz et de polyoléfine à Atyraou jusqu’en 2021 (Kazakhstan),
Avancement renforcé du tracé Chine–Kazakhstan–Turkménistan–Iran (les tests ont été couronnés de succès),
Autoroute et chemin de fer de Douchanbe (Tadjikistan) vers le Kachgar (Chine),
Tronçon n° 4 de l’oléoduc Turkménistan–Chine,
Plateforme aérienne sud de Dangara,
Ligne ferroviaire Ouzbékistan–Kirghizistan–Chine (Kachgar): réduction du tracé Europe–Asie centrale–Extrême-Orient de 900 kilomètres,
L’étoile d’Asie: le plus grand parc agroindustriel d’Asie centrale (Centre international d’aviculture et de production de viande au Kirghizistan).
Lancement de nouveaux projets également en Europe
Des projets ont été lancés, non seulement en Asie centrale et aux frontières externes de l’Europe, mais encore à l’intérieur de l’UE. En Grèce, une société chinoise a loué sur plusieurs dizaines d’années la moitié du port du Pirée et veut y investir en grand. De plus, une liaison par train de marchandises a également été planifiée depuis le port du Pirée jusqu’à Belgrade en Serbie. Et les Chinois souhaitent une prolongation de l’itinéraire par Budapest et Vienne jusqu’à Munich. Selon Margot Schüller, spécialiste de la Chine à l’Institut pour les études asiatiques GIGA, ce projet en Grèce aurait déjà reçu la «bénédiction» de la Commission européenne. Ce serait un projet de l’initiative 16+1. Au sein de celle-ci, 16 pays d’Europe de l’Est et du Sud-est sont en pourparlers avec la Chine sur des possibilités de financement de projets d’infrastructure. En Grèce, le projet est en rapport avec l’itinéraire sud de la Route de la soie mentionné au début. Celui-ci doit, partant d’Allemagne, passer par Belgrade et plus loin par la Turquie, l’Iran et les pays d’Asie centrale du Turkménistan, de l’Ouzbékistan et du Kirghizistan jusqu’à la Chine occidentale. Le tunnel sous le Bosphore est en cours d‘aménagement et d’élargissement pour l’adapter à la circulation des trains de marchandises de long cours. Certains tronçons en Turquie et en Iran sont déjà terminés. En outre, il existe déjà une liaison du nord de l’Iran à la Chine qui sera bientôt ouverte au trafic des marchandises.
Différente de la ligne Berlin–Bagdad
L’itinéraire sud de la Route de la soie est très semblable à la liaison ferroviaire Bagdad–Berlin planifiée il y a plus de 100 ans. C’est là, éventuellement, une des raisons des dernières sanctions contre la Turquie et l’Iran. Mais revenons en Europe. La position qu’adoptera l’UE envers le projet BRI est encore peu définie. Mme Skala-Kuhmann, spécialiste de la Société allemande de coopération internationale (GIZ/Deutschen Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit) s’est exprimée ainsi: «Même si l’Europe mais aussi Berlin n’ont pas de stratégie transparente et ne font malheureusement jusqu’à présent aucune déclaration claire concernant «Belt and Road», […] il se passe beaucoup plus de choses que nous nous imaginons.»
En sus diferentes formas de ser definida, la geopolítica siempre ha sido una cuestión altamente concerniente para Rusia. Tanto como disciplina que asocia interés político con geografía con propósitos relacionados con la afirmación del poder nacional, o bien como disciplina que implica una percepción nacional de peligro ante mbiciones externas, la geopolítica es una disciplina latente y predominante en Rusia.
Más todavía, acaso la propia historia de este país podría ser contada en clave geopolítica: solo considérese que los principales acontecimientos desde el siglo XVIII implican a dicha disciplina, y en la mayoría de los casos a la misma supervivencia del país.
Si Pedro el Grande no hubiera derrotado a Suecia en Poltava, posiblemente la configuración actual del territorio ruso no sería la de hoy; lo mismo podríamos decir si Catalina la Grande no hubiera predominado sobre los turcos. En el siglo XIX, la derrota o impotencia de Napoleón en territorio ruso supuso la afirmación de Rusia como gran poder en Europa y en el mundo. Hacia mediados de la centuria, la intervención y victoria externa en Crimea puso una vez más en peligro al país. Finalmente, en el siglo XX Rusia no solo supo de retos externos, sino que incluso sufrió las tremendas consecuencias de “la ambición geopolítica de la centuria”, es decir, el propósito de Hitler de convertir a Rusia “en un lejano país del Asia”, mientras la “Rusia valiosa”, esto es, la zona rica en recursos, permitía la viabilidad y la predominancia del Tercer Reich. El mundo de la guerra fría implicó una dinámica actividad geopolítica global. Finalmente, la Unión Soviética cayó, en parte, debido a la “sobre-extensión imperial”, para utilizar los términos de Paul Kennedy.
El denominado “Estado continuador” de la URSS, la Federación Rusa, pronto comprobó que “el mundo continuaba siendo un sitio peligroso para Rusia”, pues la OTAN, en una decisión que desde Moscú se consideró un incumplimiento de promesas hechas por Occidente sobre las que se pactó el final de la contienda bipolar, inició su ampliación al este, un nuevo “Drang nach Osten”, es decir, una nueva marcha hacia el este. Entonces, en la segunda mitad de los años noventa, Rusia solo pudo manifestar su aprensión geopolítica desde lo retórico porque, como advirtió el presidente Clinton, “la posibilidad que tenía Rusia de influir en la política internacional era la misma que tenía el hombre para vencer la ley de gravedad”.
Con Putin como “re-concentrador” de la política rusa, el enfoque exterior pasó a ser más activo. El país logró ordenarse hacia dentro y el alto precio de las materias primas devolvió a Rusia a la normalidad económica. En este marco, la apreciación geopolítica de Rusia implicó no solo ideas, como la “enunciación” de una suerte de “doctrina Monroe” rusa (“las zonas adyacentes de Rusia son de interés de Rusia”), sino prevención y acción. En 2008, Rusia llevó adelante una movilización militar de carácter preventivo en Georgia (“medidas contraofensivas de defensa”, según la misma terminología rusa). Entonces, una activa OTAN amenazaba asentarse en el mismo territorio del Cáucaso, y para
Moscú ello implicaba una “línea roja”, es decir, un “seísmo geopolítico” inaceptable.
Pero no se trataba de ninguna novedad: desde su mismo nacimiento, Rusia nunca dejó de lado el interés por lo que sucediera en las ex repúblicas soviéticas, sobre todo en aquellas altamente sensibles en relación con el bien geopolítico mayor y protohistórico de Rusia, la profundidad estratégica, y también la identidad geográfica. En este sentido, la frágil y trastornada Rusia de los años noventa mantuvo una extraña concepción: mientras en su relación con Estados Unidos sostuvo un patrón basado en la “emoción” y la cooperación casi irrestricta, en el espacio ex soviético desplegó políticas o técnicas de poder.
Georgia anticipó que Rusia podría ir más allá incluso de la movilización militar. Cuando en 2013-2014 Ucrania se mostró dispuesta a deslizarse hacia las estructuras de la Unión Europea y avanzar hasta el umbral de ingreso a la Alianza Atlántica, la pronta respuesta de Rusia fue anexarse (o “reincorporar”) parte del territorio ucraniano.
No solo quedó en claro que Rusia ya no toleraría nuevos impactos geopolíticos en sus adyacencias, sino que, como advirtieron expertos, podrían surgir “nuevas Crimeas” en Ucrania y también más allá. La nueva situación implicó una enorme inquietud en Occidente y en las ex repúblicas soviéticas, pues se replantearon escenarios de crisis mayor, por caso, en Estonia o Letonia, donde las minorías rusas representaban (y continúan representando) el 25 y 27 por ciento de la población, respectivamente.
La sensibilidad geopolítica de Rusia es extrema en su frontera occidental, pero no menos importante es su inquietud en relación con eventuales acontecimientos que puedan implicar “nuevas disrupciones geopolíticas”, por ejemplo, en las repúblicas centroasiáticas, las que podrían sufrir consecuencias, entre otras, derivadas del accionar de la insurgencia en Afganistán.
La inclusión de los países del Báltico en las estructuras occidentales ha privado a Rusia de la salida a mares exteriores por esa zona, y aunque mantiene conexión directa con el Mar Báltico a través de Kaliningrado, donde posee una importante base naval y un puerto (Baltiysk) cuyas aguas no se congelan, dicho mar es “zona militar de la OTAN”. No obstante, la disrupción geopolítica que implica la pérdida del Báltico y el aislamiento de Kaliningrado (“un pedazo de territorio ruso en la Europa de la OTAN”) podría activar conflictos que busquen la reparación geopolítica, por caso, con Suecia, país que pasó a considerar un choque o querella militar con Rusia como principal hipótesis de defensa (cabe recordar que Moscú mantiene en Kaliningrado sistemas de misiles S-400 y misiles Iskander-M con capacidad nuclear).
En los últimos años se han sumado otras realidades o dinámicas geopolíticas, que hasta podrían pluralizar la misma condición terrestre de Rusia como categoría geopolítica nacional. En efecto, tanto la orientación geopolítica de Rusia hacia el Ártico como así la afirmación naval en el Mar Negro y la proyección de poder naval hacia el Mediterráneo oriental, implican nuevas realidades geopolíticas, las que de consolidarse podrían significar que Rusia sumará a su condición de potencia terrestre la de potencia marítima.
Por supuesto que siempre primará su condición de actor terrestre: su ubicación en el sitio que el geógrafo británico Halford Mackinder denominó “Tierra corazón” hace de Rusia el poder terrestre mundial por antonomasia; pero las exigencias que implican asumir mayores responsabilidades derivadas de su “ampliación estratégica” han recentrado la necesidad de potenciar el poder marítimo.
Desde estos términos, acaso Rusia se encuentra “ad portas” de un segundo ciclo de despliegue de poder marítimo, tal como sucedió en los años sesenta y setenta, cuando la entonces Unión Soviética, siguiendo los métodos y objetivos desarrollados y destacados por el Almirante Serguéi Gorshkov, proyectó poder a escala oceánica global.
En relación con el Ártico, los observadores sostienen que así como en el siglo XIX su condición de actor terrestre empujó a Rusia a consolidar sus dominios en Siberia, hoy es la necesidad de afirmar sus intereses en el Ártico la que la empuja hacia esta zona sensible del globo. Activos estratégicos, población, pretensiones jurídicas, tránsito, amparo militar, ambiciones de terceros, etc., han hecho del Ártico un área de interés vital para Rusia.
Ello, no obstante, no implica abandonar el territorio profundo de Rusia; de hecho, actualmente tienen lugar en Siberia oriental y en Extremo Oriente ruso los mayores ejercicios militares: con la denominación “Bostok-2018” (“Este-2018”), 300.000 efectivos rusos, 36.000 vehículos, 1000 aviones y 80 navíos, a los que se suman soldados y equipos de China y Mongolia, Rusia realiza las maniobras militares más grandes de su historia.
En relación con el Mar Negro, la afirmación de poder naval por parte de Rusia no es solo una respuesta a la creciente presencia de la OTAN en lo que otrora fue considerado un “lago ruso”, sino que representa la antesala de proyección al Mediterráneo oriental, objetivo que necesariamente debe ser alcanzado para, en alguna medida, evitar que en el flanco sur-oeste de Rusia se establezca una nueva oclusión estratégica como ha sucedido en el Báltico.
En cuanto al Mediterráneo oriental, la intervención rusa en Siria no solo obedeció a proveer asistencia a un “Estado cliente” de Oriente Próximo en dificultades, sino a re-geopolitizar una región en la que el ascendente de Rusia casi había desaparecido. El contraste entre el acompañamiento (por no decir la sumisión) de Gorbachov a la política estadounidense para punir a Irak (un viejo “Estado cliente” de la entonces URSS) en 1990-1991 por la invasión a Kuwait, y la obtención de ganancias de poder por parte de la Rusia de Putin tras su apoyo a Damasco, es notable.
Actualmente, si bien posiblemente la predominancia occidental se mantiene en cuanto a medios desplegados, el número de activos navales rusos (que incluye al menos dos submarinos) ha aumentado significativamente frente a las costas sirias. Considerando que Rusia ha logrado ganancias de poder en relación con la guerra en Siria, si por ello entendemos que el régimen ha recuperado gran parte de su territorio, se ha diezmado a la insurgencia y Bachar el Asad continuará al frente de Siria, Rusia mantendrá en Siria importantes capacidades aéreas y navales (Mig-31 K, Su-27, 30, 35, buques antimisiles, submarinos equipados con misiles Kalibr, sistemas S-300 y S-400, etc.).
Finalmente, Rusia ha retornado a considerar el espacio ultraterrestre como “territorio” que exige despliegue y predominancia. Como ha sucedido con el Ártico, no se trata de exploraciones espaciales sino de retomar la iniciativa que básicamente por cuestiones económicas se había resentido desde tiempos soviéticos.
Rusia es, junto a Estados Unidos y China, uno de los poderes espaciales, es decir, poderes que per se han llevado un hombre al espacio; de modo que ello implica capacidades tecnológicas independientes.
En términos geopolíticos, el espacio no es un sitio de interés o “global común” para la humanidad: es un sitio pasible de ser controlado por aquellos con capacidad de proyectar poder. En su reciente obra “Así se domina el mundo. Desvelando las claves del poder mundial”, el analista Pedro Baños nos proporciona valiosas apreciaciones sobre esta cuarta dimensión de la geopolítica.
“Para entender dónde se producirán algunos de los principales duelos por los recursos naturales hay que analizar el actual interés de las grandes potencias, como China, Estados Unidos, Rusia e India, por conquistar planetas. Esta nueva era de colonización está encaminada no solo a instalar en el futuro asentamientos humanos, sino también a acceder a recursos estratégicos escasos en la Tierra […] Además, poner pie en otros planetas proporciona un indudable prestigio internacional y es un muestrario de potencial tecnológico y de la capacidad de influencia geopolítica de un Estado. Para ciertos países también se convierte en una cuestión de supervivencia. Es el caso de China […] A menos de 400.000 kilómetros y tres días de viaje, el suelo selenita es rico en aluminio, titanio, neón, hierro, silicio, magnesio, carbono y nitrógeno. Pero quizá su valor más destacable sea la confirmada presencia de ingentes cantidades de helio-3 a ras del suelo.
Este isótopo no radioactivo, rarísimo en la Tierra, está considerado como la futura principal fuente de energía mediante la fusión nuclear”. En breve, la geopolítica nunca se fue. Solo fue despreciada por una globalización ilusionista durante los años noventa. Los poderes “que cuentan” se están posicionando en términos geopolíticos y ninguno de ellos honra el “pluralismo geopolítico”, es decir, el respeto a la soberanía de otros que afecten sus intereses o el sacrificio por otros o por los “bienes comunes”. Las “nuevas realidades”.
Is Langley Unleashing Jihad Against China in Xinjiang?
Ex: https://www;strategic-culture.org
One of the early indicators that the Trump administration’s foreign and security policies would not be guided by the President’s own preferences but by those of the supposed “experts” – globalists, neoconservatives, and assorted retreads from the George W. Bush administration – with whom he unwisely has surrounded himself was the announcement of a “new” strategy on Afghanistan in August 2017. It was neither new nor a strategy. President Donald Trump allowed his publicly stated preference to get the hell out to be overruled by the guys with the short haircuts who want to stay in Afghanistan, in effect, forever.
But why? What possible national interest could be advanced from a permanent American military presence in a godforsaken piece of real estate about as remote from the United States as it is possible to get while staying on this planet?
One answer was suggested by Colonel Lawrence Wilkerson (US Army-Ret.), former chief of staff to US Secretary of State Colin Powell, at the August 18, 2018, conference of the Ron Paul Institute. Wilkerson’s description of the subjective thinking of the US military has the ring of truth (presented here in authentic Pentagonese BLOCK LETTERS, emphasis added in bold):
‘HERE IS WHAT THE MOST POWERFUL AND MOST STRATEGICALLY-ORIENTED BUREAUCRACY IN OUR GOVERNMENT, THE MILITARY, HAS DECIDED FOR AFGHANISTAN.
‘THERE ARE THREE STRATEGIC REASONS WE WILL BE IN AFGHANISTAN, AS WE HAVE BEEN IN GERMANY SINCE WWII, FOR A VERY LONG TIME—WELL BEYOND THE ALMOST TWENTY YEARS WE HAVE BEEN THERE TO DATE.
‘THESE REASONS HAVE LITTLE TO DO WITH STATE-BUILDING, WITH THE TALIBAN, OR WITH ANY TERRORIST GROUP THAT MIGHT BE PRESENT. THESE THINGS ARE ANCILLARY TO OUR REAL OBJECTIVES.
‘THE FIRST REAL OBJECTIVE IS TO HAVE HARD POWER DIRECTLY NEAR THE CHINESE BASE ROAD INITIATIVE (BRI) IN CENTRAL ASIA.
‘ASK DONALD RUMSFELD HOW DIFFICULT IT WAS TO GET MAJOR MILITARY FORCES INTO THIS EXTRAORDINARILY DIFFICULT LAND-LOCKED TERRAIN IN THE FALL OF 2001. FOR THAT REASON, WE ARE NOT ABOUT TO DEPART.
‘SECOND, IN AFGHANISTAN WE ARE RIGHT NEXT TO THE POTENTIALLY MOST UNSTABLE NUCLEAR STOCKPILE ON EARTH, PAKISTAN’S. WE ARE NOT ABOUT TO LEAVE THAT EITHER. WE WANT TO BE ABLE TO POUNCE ON THAT STOCKPILE VERY SWIFTLY SHOULD IT BECOME A THREAT.
‘THIRD, WE WANT TO BE ABLE TO MOUNT AND COVER WITH HARDPOWER CIA OPERATIONS IN XINJIANG PROVINCE, CHINA’S WESTERNMOST SECTION. THESE WOULD BE OPERATIONS AIMED AT USING THE SOME 20 MILLION UIGHURS IN THAT PROVINCE TO DESTABLIZE THE GOVERNMENT IN BEIJING SHOULD WE SUDDENLY FIND OURSELVES AT WAR WITH THAT COUNTRY.
‘I WILL WAGER THERE ARE NOT A HANDFUL OF OUR CITIZENS WHO REALIZE THAT WE—OUR MILITARY, THAT IS—PLAN TO BE IN AFGHANISTAN FOR THE ENTIRE TIME WE ARE CONSIDERING FOR OUR GRAND STRATEGY—AND PERHAPS BEYOND.’
Beijing’s geographical weak link to Eurasian partnership is Xinjiang, which is BRI’s logistics hub and China’s gateway to the west towards Central Asia, Russia, and Europe. It also conveniently happens to be the home of restive Muslim ethnic Uyghurs.
In short, Xinjiang is an ideal place for the CIA (per Wilkerson) to give Beijing a hotfoot and try to throw an impediment in the way of BRI and thus of Eurasian integration.
Whenever you see western governments and the legacy media wailing about the plight of “persecuted Muslims” somewhere (in a way they never do for Christians anywhere) it should be a tipoff the boys and girls over at Langley are pushing the start button on a jihad against someone for geopolitical reasons having nothing to do with human rights, religious freedom, or other ostensible bleeding heart concerns. That appears to be what we’re seeing today in the strident chorus of alarm from Congress calling for sanctions against Chinese officials.
We’ve seen this movie before. Today we see it against China and Beijing’s Belt and Road Initiative (the Uyghurs, and connectedly the Rohingya in Myanmar, directed against BRI’s China-Myanmar Economic Corridor through Rakhine State on the Bay of Bengal). In the past we saw it in Afghanistan (against the USSR), in the Balkans on behalf of Bosnian Muslims and Kosovo Albanians (against the Serbs), in the Caucasus on behalf of the Chechens (against Russia). Of course the successful overthrow and murder of the Libya’s Muammar Kaddafi and the not-yet-abandoned effort to effect regime change in Syria depend heavily on support for various al-Qaeda affiliates and offshoots.
It’s significant that in all of our post-Cold War 1 military interventions every one (except for Bill Clinton’s invasion of Haiti) was ostensibly to free or rescue some suffering Muslims – never mind that in Afghanistan, Iraq, Libya, Syria, Yemen, Somalia, etc. we somehow ended up killing large numbers of the supposed beneficiaries. Just imagine how many oppressed Muslims we would need to kill liberating Iran! Meanwhile, as we continue to support the Saudi slaughter in Yemen with a US quasi-alliance with al-Qaeda there, there’s nothing to see, folks . . .
Recognizing these crocodile tears for what they are isn’t to suggest that bad things aren’t happening in Xinjiang. But based on past experience it’s reasonable to think that behind the fog of state-sponsored media propaganda the reality is more complex and involves a substantial element of western intelligence ginning up the jihadis against the kaffir Han as we have against many other targets.
‘Since the early 1990s a number of terror incidents by the East Turkistan Islamic Movement (ETIM) [also known as the Turkestan Islamic Party] killed several hundred people in China. ETIM is sanctioned by the UN as an al-Qaeda aligned movement. Three years ago China decided to attack the problem at its roots. It prohibited Salafist-Wahhabi Islamic practice, which was only recently imported into the traditionally Sufi Uyghur-Muslim areas, and it tries to weed out any such ideology. It also fears the potential growth of an ethnic-nationalistic Turkic Uyghur movement, sponsored by Turkey, that could evolve into a separatist campaign.
‘People who are susceptible to such ideologies will be put through an reeducation training which includes language lessons in Mandarin and general preparation for the job market. This may not be the way 'western' countries mishandle a radicalization problem, but it is likely more efficient. There surly are aspects of the program that can be criticized. But to claim that these trainings happen in "concentration camps" and for nonsensical reasons is sheer propaganda.’
‘Xinjiang province is larger than Great Britain, France, Spain, and Germany combined. It is a mostly uninhabitable landscape of mountainous and desert terrain with a tiny population of some 24 million of which only 45% are Muslim Uyghurs of Turkic ethnicity. It would be rather unimportant outer province for China were it not at the core of the new Silk road connections.
‘It is a vulnerable point. An established insurgency in the area could seriously interrupt the new strategic communication lines.
‘Chinese strategists believe that the U.S., with the help of its Turkish, Saudi and Pakistani friends, was and is behind the Islamic and ethnic radicalization of the Turkic population in the province. It is not by chance that Turkey transferred Uyghur Jihadis from Xinjiang via Thailand to Syria to hone their fighting abilities. That the New York Times publishes about the Xinjiang re-education project, and also offers the report in Mandarin, will only confirm that suspicion. China is determined to end such interference.’
One inescapable irony is that the US and other intelligence services likely siccing their terrorist hounds on China represent governments that worship at the absurd altar of “diversity is strength,” unlike the countries they are targeting. Unashamed of their identity and culture, the Han Chinese aren’t buying it. As American nationalist Patrick Buchanan observes:
‘Consider China, which seeks this century to surpass America as the first power on earth. Does Xi Jinping welcome a greater racial, ethnic and cultural diversity within his county as, say, Barack Obama does in ours?
‘In his western province of Xinjiang, Xi has set up an archipelago of detention camps. Purpose: Re-educate his country's Uighurs and Kazakhs by purging them of their religious and tribal identities, and making them and their children more like Han Chinese in allegiance to the Communist Party and Chinese nation.
‘Xi fears that the 10 million Uighurs of Xinjiang, as an ethnic and religious minority, predominantly Muslim, wish to break away and establish an East Turkestan, a nation of their own, out of China. And he is correct.
‘What China is doing is brutalitarian. But what China is saying with its ruthless policy is that diversity—religious, racial, cultural—can break us apart as it did the USSR. And we are not going to let that happen.
‘Do the Buddhists of Myanmar cherish the religious diversity that the Muslim Rohingya of Rakhine State bring to their country?”
If Donald Trump really were master of his own house, maybe he could move forward on his pledge of an America First, national interest-based policy that finds “common ground” (as articulated at the same Ron Paul Institute conference by Colonel Doug Macgregor (US Army-Ret.)) with countries like Russia and China we continue to treat as adversaries.
But as things stand now, Trump’s nominal subordinates continue to do as they please as though someone else occupied the Oval Office. Perhaps they anticipate that will soon be the case.
À l’extrême fin de l’URSS, un jeune Soviétique qui fréquentait les cénacles dissidents de Moscou malgré un père officier dans les services de renseignement publia ses premières réflexions fortement influencées par l’Allemand Herman Wirth. Les mystères de l’Eurasie valurent à l’auteur, Alexandre Douguine, quelques problèmes avec le KGB, puis la notoriété. En 1996, le candidat communiste à l’élection présidentielle, Guennadi Ziouganov, s’y référait explicitement.
Les mystères de l’Eurasie sont désormais disponibles en français grâce aux excellentes éditions Ars Magna dans la collection « Heartland » (2018, 415 p. 30 €). L’ouvrage accorde une très large place au symbolisme, à l’étude des runes russes, à l’eschatologie chrétienne orthodoxe et à l’ésotérisme. Cependant, politique et géopolitique ne sont jamais loin chez Alexandre Douguine qui, dès cette époque, rejoint un néo-eurasisme balbutiant. Ne voit-il pas en « Gengis Khan, le restaurateur de l’Empire eurasien (p. 142) » ? En se fondant sur les recherches des traditionalistes Guénon, Evola et Georgel, il explique que « la Sibérie est toujours restée cachée, inconnue et mystérieuse à travers l’histoire, comme si elle était sous la protection d’une force spéciale du destin, d’un archange inconnu (p. 134) ».
Par mille attaches géo-symboliques fortes, la Sibérie appartient à la civilisation traditionnelle russe dont les racines plongent dans le passé le plus reculé. « L’Eurasie septentrionale, dont la plus grande partie est occupée par la Russie, signale Alexandre Douguine, est donc l’Hyperborée au plus vrai sens du terme, et c’est ce nom qui convient le mieux à la Russie dans le contexte de la géographie sacrée (p. 77). » A contrario, l’Amérique incarne le Couchant du Monde, en particulier les États-Unis, ce « Pays vert », cette contrée d’errance des âmes défuntes. « Il est très révélateur, poursuit Alexandre Douguine, que les Américains aient été les premiers à marcher sur la lune où, d’après diverses traditions archaïques, demeurent les “ âmes des ancêtres ” (pp. 313 – 314). »
L’auteur assigne par conséquent à la Russie d’être une patrie à part. Elle doit rester fidèle à sa vocation impériale, d’où son « patriotisme mystique » qui transcende les nationalités, les ethnies et les religions présentes sur son sol. Il conclut sur la nécessité de « former une alliance sacrée avec ces pays et nations de l’Orient qui luttent pour l’autarcie géopolitique et la restauration des valeurs traditionnelles contre le monde moderne et l’atlantisme, l’agression américaine (pp. 65 – 66) ». Un ouvrage de jeunesse au puissant souffle mystique !
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 90.
Le Pakistan bouleverse le « Grand Jeu » anglo-saxon en Asie Centrale
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Un article, référencé ci-dessous, écrit par un universitaire Pakistanais et repris par le Royal United Services Institute britannique, spécialisé dans les questions de défense (https://rusi.org/), explique comment le Pakistan, considéré comme une zône-tampon du temps de l'Empire britannique, destinée à protéger celui-ci d'une invasion de la Russie, se retrouve aujourd'hui allié de la Russie, opposé aux Américains et de facto, souvent opposé aux Britanniques.
Il s'agit d'une véritable révolution stratégique, par laquelle le Pentagone ne peut plus compter sur l'armée pakistanaise pour renforcer l'influence américaine, notamment militaire, dans toute l'Asie Centrale. Ainsi le Pakistan se révèle comme un soutien aux Talibans en Afghanistan. Ceux-ci sont présentés comme représentant une menace existentielle contre l'Occident. En fait, en liaison avec l'armée pakistanaise, ils viseraient, selon l'auteur, à protéger les populations musulmanes contre le retour d'un Islam de conquête cherchant à les enrôler, notamment en suscitant des attentats « terroristes » sans fins, dans une guerre contre un Islam apaisé.
Celui-ci est bien représenté non seulement au Pakistan mais dans la frontière des Etats dits – stan, dont le plus notable est le Kazakhstan, avec qui, nous l'indiquions dans un précédent article, la France négocie d'importants accords de coopération en matière de nouvelles énergies. Cet Islam apaisé est également très présent en Russie du sud-est.
Nous ne pouvons résumer ou discuter ici l'article, qui nécessiterait des commentaires aussi longs et complexes que l'article lui-même. Disons seulement qu'il devrait être lu par tous ceux qui, en Europe, inquiets des progrès du terrorisme islamique, se demandent si le Pakistan, et notamment la puissante armée pakistanaise, ne jouent pas un double jeu, combattant officiellement les organisations terroristes islamiques telles que Daesh et les aidant officieusement. Selon l'auteur, ce n'est pas et ne devrait jamais être le cas.
Mais l'article devrait aussi faire réfléchir tous ceux qui, en Europe, considèrent la Russie comme elle aussi, une ennemie existentielle. Le fait que le Pakistan se rapproche désormais de la Russie, et que celle-ci joue réciproquement une politique d'alliance avec le Pakistan, devrait monter que celui-ci, dans sa majorité, bien qu'essentiellement musulman, ne jouera jamais le jeu d'un Islam de conquête et de massacres. Par ailleurs, le fait que le Royal United Services Institute britannique publie l'article montre qu'en tous cas, en Grande Bretagne, le Pakistan n'est pas considéré dans l'ensemble comme devant être un ennemi mais un allié. La plupart des citoyens britanniques se déclarant musulmans sont d'ailleurs d'origine pakistanaise.
On objectera que l'opinion de l'auteur de l'article n'est pas nécessairement partagée par toutes les élites pakistanaises. Mais il vaut mieux faire le pari du meilleur que celui du pire.