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lundi, 23 décembre 2024

Roumanie: le rôle (pas si caché) des Etats-Unis derrière le chaos électoral

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Roumanie: le rôle (pas si caché) des Etats-Unis derrière le chaos électoral

par Roberto Vivaldelli

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/romania-il-ruolo-...

La semaine dernière, la décision de la Cour constitutionnelle roumaine d'annuler le premier tour des élections présidentielles, quelques jours avant que devait se tenir le second, a fait couler beaucoup d'encre. Cette décision a eu pour effet de réinitialiser le processus électoral, le gouvernement étant appelé à fixer une nouvelle date pour le scrutin. Le premier tour, qui s'est tenu le 24 novembre, avait été remporté à la surprise générale par Călin Georgescu, indépendant de droite et critique à l'égard de l'OTAN, qui devait affronter au second tour la pro-européenne Elena Lasconi, du parti Sauver l'Union roumaine. Voici ce qui se cache derrière tout cela.

L'implication des États-Unis en Roumanie

L'arrêt de la Cour a été rendu à la suite de la « déclassification » de documents des services de renseignement qui auraient montré une opération massive d'ingérence étrangère de la part de Moscou en faveur de Georgescu, face à son adversaire, une ingérence qui se serait manifestée dans les sondages. La dite ingérence se serait produite par l'utilisation de milliers de comptes de médias sociaux destinés à manipuler l'opinion publique, en exploitant des plateformes telles que TikTok et Telegram. Quelques heures après la décision retentissante de la Cour suprême, M. Georgescu a déclaré à une chaîne de télévision que la démocratie roumaine était « attaquée », qualifiant le verdict de « coup d'État formalisé ».

Cependant, à l'heure actuelle, il n'a pas été établi, même superficiellement - et encore moins dans une mesure suffisante pour constituer une preuve juridiquement admissible - que les comptes sur TikTok auraient pu avoir un impact électoral tel qu'ils auraient modifié ou influencé de manière significative le processus électoral. Mais ce n'est pas le seul aspect controversé de cette décision « choc ». Comme l'a révélé le journaliste d'investigation américain Lee Fang dans Substack, les critiques de Georgescu à l'égard de l'Alliance atlantique pendant la campagne électorale « ont alarmé les responsables des États-Unis et de l'OTAN ». Actuellement, note Lee Fang, la Roumanie est le point de départ des programmes de formation de l'OTAN pour les pilotes ukrainiens et accueille un projet de construction qui aboutira à la construction de la plus grande base de l'OTAN en Europe », qui sera construite près de l'actuelle base militaire “Mihail Kogalniceanu”, qui sera agrandie et qui est située près du port pontique de Constanta.

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La réaction du département d'État

À ce moment-là, explique le célèbre journaliste, des groupes de réflexion et des ONG financés par les États-Unis - par l'intermédiaire des programmes d'aide à l'étranger de l'USAID, de la National Endowment for Democracy (NED) et du département d'État - se sont empressés d'influencer la décision de la Cour suprême roumaine et d'alimenter le récit de la prétendue ingérence russe, dénoncée par des organisations telles que Global Focus et Funky Citizens. Il s'agit d'ONG financées par l'USAID, la NED et l'ambassade américaine à Bucarest. Dans les jours qui ont précédé l'arrêt de la Cour suprême, ces organisations - loin d'être au-dessus des parties, bien évidemment - ont soutenu des narratifs visant à délégitimer le résultat des élections, en accusant des plateformes sociales telles que TikTok d'avoir diffusé des contenus pro-Georgescu. Existe-t-il des preuves que ces prétendus comptes sociaux ont effectivement déterminé le résultat de l'élection en faveur du candidat indépendant de droite ? Non, bien sûr, il n'y en a aucune.

Flux d'argent en provenance des États-Unis vers des ONG anti-Georgescu

Parmi les ONG financées par les États-Unis qui se sont distinguées dans les accusations portées contre M. Georgescu figure Expert Forum, qui a affirmé que TikTok avait violé ses conditions d'utilisation en autorisant la diffusion de contenus pro-Georgescu pendant les élections. Septimius Pârvu, directeur exécutif de l'organisation, a déclaré lors d'un récent séminaire en ligne, que certains comptes TikTok pro-Georgescu avaient été créés en 2016, suggérant qu'il s'agissait de la preuve d'une « opération à long terme ». Les archives fédérales montrent que l'ambassade des États-Unis à Bucarest a fourni un flux régulier d'argent à Expert Forum. Le dernier contrat en date a accordé au groupe 79.964 dollars pour développer une « solution intégrée contre la régression démocratique en Roumanie ».

Et ce n'est pas tout, car l'ingérence américaine dans le processus électoral roumain est bien plus vaste. Comme le rapporte InsideOver, l'accusation d'utiliser de faux comptes sur TikTok pour obtenir du soutien et diffuser de la « désinformation » émane de l'Association pour la technologie et l'Internet, elle-même membre de European Digital Rights (EDRi), qui se décrit comme « le plus grand réseau européen de défense des droits et des libertés en ligne ». Mais la partie la plus intéressante concerne les bailleurs de fonds de ce réseau, tels que les habituelles Open Society Foundations du magnat libéral George Soros, le réseau Omidyar du fondateur d'eBay Pierre Omidyar, la Fondation Ford, la Fondation MacArthur, et bien d'autres encore. Il s'agit, de toute évidence, de « bonnes interférences » et non de mauvaises (et non des interférences qui, jusqu'à présent, demeurent "présumées") comme celles qui proviendraient de Moscou.

mercredi, 18 décembre 2024

La démocratie, c'est ce qui profite aux écosocialistes

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La démocratie, c'est ce qui profite aux écosocialistes

Par Conny Axel Meier

Source: https://www.pi-news.net/2024/12/demokratie-ist-was-den-oe...

« Cela doit avoir l'air démocratique, mais nous devons tout avoir en main » (Walter Ulbricht début mai 1945).

L'émission de ZDF-Heute de samedi dernier était très révélatrice à un égard. Il s'agissait de la Corée du Sud. On sait que le président Yoon Suk Yeol y avait déclaré la loi martiale pour une raison futile (il s'agissait du budget à venir) et qu'il avait ensuite dû se dégonfler et lever cette loi martiale. Cela n'a pas suffi à l'opposition de gauche du « Parti démocratique » qui a demandé au Parlement le remplacement du président qui avait été démocratiquement élu par le peuple. Pour cela, ils avaient d'abord besoin, avant que la Cour constitutionnelle n'intervienne, d'une majorité des deux tiers des voix des députés, c'est-à-dire 200 sur un total de 300 qui peuvent déposer la demande auprès de la Cour constitutionnelle. Parallèlement, l'opposition a envoyé ses partisans dans la rue pour manifester en faveur de la destitution. La proclamation de la loi martiale étant également allée trop loin pour une partie du parti au pouvoir, Yoon a été destitué par 204 voix. Cela a suffi de peu pour obtenir une majorité des deux tiers.

La gauche entend définir seule ce qu'est la démocratie

Ce qui frappe ici, c'est le commentaire de la ZDF. Ils citent comme seule voix à ce sujet Park Chan Dae, le président du groupe parlementaire du Parti démocrate (DP), un parti d'opposition, situé à gauche. Celui-ci a qualifié le vote des parlementaires de « victoire pour le peuple et la démocratie ».

A retenir: si la gauche gagne, c'est une victoire pour le peuple et la démocratie ! Si cinq des 300 députés démocratiquement élus avaient voté différemment, la proposition aurait échoué. Selon la ZDF, ce ne serait alors pas une victoire pour la démocratie. « Démocratique », c'est seulement ce qui profite à l'oligarchie de gauche. Si le vote n'est pas conforme aux souhaits des rouges-verts, il ne s'agit plus de démocratie.

C'est nous qui décidons de ce qu'est la démocratie, disent-ils ! Les exploiteurs socialistes du peuple en sont convaincus. Partout où ils sont au pouvoir, ils gonflent les ministères et les institutions avec leurs partisans inutiles. Les tribunaux, les commissariats de police, les parquets et les dirigeants de la "protection de la Constitution" (Sûreté allemande) sont tous fidèles à l'extrême gauche.

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Démocratie et "mur coupe-feu" (Brandmauer ou "cordon sanitaire")

La conception de la démocratie du cartel des partis écosocialistes a déjà été abordée dans nos colonnes à plusieurs reprises. Conformément à leur doctrine d'exclusion, celle du « mur coupe-feu » (Brandmauer, équivalent du "cordon sanitaire" belge, ndlr), la démocratie n'est pas simplement la volonté du peuple, mais exclusivement ce qui correspond à leurs fixations idéologiques. Lorsque, au Bundestag, les représentants des « partis du bloc » parlent de « notre démocratie » et des « partis démocratiques », cela rappelle la conception de la démocratie qu'avaient les communistes au 20ème siècle.

L'ancien président du Conseil d'État de la « République démocratique ( !) allemande », Walter Ulbricht, aurait été fier de ses petits-enfants spirituels de la CDU/CSU, de la SPD, de la FDP et des Verts. Les communistes du parti de gauche (Die Linke) et les adhérents de la Ligue de Wagenknecht sont de toute façon en phase. Tous sont d'accord et chantent en chœur: nous sommes les « démocrates » et l'AfD est « antidémocratique ». Les faits ne jouent aucun rôle dans leurs raisonnements, seule l'idéologie compte. On vient de voir comment cela fonctionne en Thuringe. La queue communiste remue désormais même si elle est celle du chien pseudo-conservateur.

La CDU/CSU peut écrire ce qu'elle veut dans son programme électoral, même si elle copie le modèle de l'AfD à l'identique. Ils n'appliqueront rien de tout cela. Ils ne le veulent d'ailleurs pas. Celui qui, comme Friedrich Merz, veulent absolument former une coalition avec les Verts, ne veulent et ne peuvent rien changer à la situation désastreuse de l'Allemagne. Merz ne veut pas quitter la grande coalition des écosocialistes, mais en devenir la mascotte.

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Vous voulez d'autres exemples ?

Géorgie

Cette situation complexe n'existe pas seulement en Corée du Sud et en Allemagne. En Géorgie, les écosocialistes veulent se débarrasser du gouvernement patriotique récemment élu en toute bonne pratique démocratique, organisent des manifestations violentes et recourent au chantage financier, avec le soutien de la Commission européenne. Ce gouvernement n'est pas, comme le prétendent les gauchistes dans les médias, favorable à la Russie. Il est favorable à la Géorgie !

Moldavie

En Moldavie, les marionnettes de l'UE ont rapidement exclu de l'élection presque tous les Moldaves expatriés en Russie, de peur que les élections ne se déroulent pas comme prévu par la tutelle de l'UE. En revanche, les Moldaves résidant dans les pays occidentaux ont pu voter sans encombre, car ces derniers ont largement fait pencher la balance en faveur des vassaux de l'UE.

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Roumanie

En Roumanie, c'est également un patriote, Calin Georgescu, qui a remporté le premier tour des élections présidentielles. Lui non plus n'est pas un ami de la Russie, comme on le prétend. Il a gagné parce qu'il a fait passer les intérêts roumains avant les intérêts de l'OTAN. Bruxelles a obtenu que l'élection soit annulée.

Pour cela, il a fallu « convaincre » la Cour constitutionnelle roumaine qu'une prétendue influence russe s'était exercée, car quelques jours auparavant, a contrario, la régularité des élections avait été confirmée.

Les bureaucrates de gauche autoproclamés de Bruxelles, Berlin et Paris préfèrent qu'à l'avenir, dans toute l'Europe, les candidats et les partis qui ne sont pas favorables à l'UE et à l'OTAN soient exclus des élections. Il ne sera alors plus possible de voter « mal ». Tout cela avec la prémisse suivante: cela doit avoir l'air démocratique, mais nous, les écosocialistes, voulons tout avoir en main.

conny.jpgQui est Conny Axel Meier?

Conny Axel Meier (né en 1956) est actif depuis plus de 20 ans en tant que publiciste, défenseur des droits de l’homme et critique de l’islam. Depuis 2004, il a été secrétaire de la "Fédération des mouvements citoyens" (BDB). En 2006, il faisait partie des premiers membres de "Pax Europa". En 2008, il a joué un rôle clé dans la fusion des deux associations pour créer le "Mouvement citoyen PAX EUROPA" (BPE) et en est devenu le premier directeur général à plein temps jusqu’en 2016. En 2019, il a déménagé avec son épouse et est parti en exil politique en Hongrie, d’où il écrit régulièrement pour PI-NEWS.

mercredi, 11 décembre 2024

L'UE et la cour constitutionnelle roumaine annulent les élections roumaines: un futur mode d'action pour la dictature des eurocrates ?

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L'UE et la cour constitutionnelle roumaine annulent les élections roumaines: un futur mode d'action pour la dictature des eurocrates?

Bucarest/Bruxelles. Après l'annulation surprise du premier tour des élections présidentielles roumaines par la Cour constitutionnelle roumaine, l'état d'urgence politique règne dans ce pays du sud-est de l'Europe. En réaction immédiate à l'arrêt de la Cour suprême, le président Klaus Johannis, dont le mandat devait normalement s'achever le 21 décembre, a annoncé son intention de continuer à exercer ses fonctions jusqu'à une date indéterminée.

L'arrêt de la Cour constitutionnelle a également annulé les résultats des élections législatives du 1er décembre - le scrutin doit désormais être entièrement remis en jeu. Aucune date n'est prévue à cet effet. Lors des élections législatives, trois partis de droite avaient réussi à entrer au Parlement de Bucarest avec un total d'environ 30 pour cent, soit trois fois plus que lors des dernières élections.

Les observateurs s'accordent à dire que le jugement de la Cour constitutionnelle, sans précédent dans l'histoire roumaine, est un jugement de complaisance à l'égard de l'UE. Peu de temps auparavant, la Commission européenne avait dénoncé une prétendue influence russe sur les élections et accusé le vainqueur surprise, le candidat indépendant de droite Călin Georgescu, d'avoir été manipulé à l'aide du média social TikTok. La Cour constitutionnelle de Bucarest a repris cette accusation, mais n'a fourni aucune preuve dans sa motivation pour l'annulation des élections.

L'opinion publique roumaine est désormais indignée par la mise à l'écart de fait du peuple souverain. Même la concurrente défaite de Georgescu, Elena Lasconi du parti technocratique néolibéral « Union Sauve la Roumanie » (USR), qui avait obtenu 19,7 pour cent au premier tour des élections, a protesté énergiquement contre l'annulation du scrutin. « Aujourd'hui, le moment est venu où l'Etat roumain a bafoué la démocratie. Dieu, le peuple roumain, la vérité et la loi l'emporteront et trouveront les coupables de la destruction de notre démocratie », a-t-elle commenté sur Youtube, invoquant la “volonté légitime” et le droit des plus de neuf millions d'électeurs à pouvoir voter pour le candidat de leur choix. La décision de la Cour constitutionnelle est « illégale, immorale et destructrice de la démocratie ».

La suite des événements est totalement ouverte. On ne sait pas non plus si Georgescu sera à nouveau sur les listes électorales lors du nouveau scrutin - une enquête a été ouverte à son encontre.

Les observateurs soulignent le caractère de précédent que revêtent les événements en Roumanie. Un scénario roumain pourrait également se produire en Allemagne, où les nouvelles élections du Bundestag sont prévues début 2025, si un bon résultat de l'AfD à Bruxelles suscite également la désapprobation des pontes de l'eurocratie. Maximilian Krah, eurodéputé non inscrit de l'AfD, a résumé la situation sur X: "Si l'establishment en Roumanie réussit son coup d'Etat, aucune élection dans l'UE ne sera plus à l'abri d'une annulation. Georgescu et ses partisans se battent désormais non seulement pour la Roumanie, mais aussi pour la démocratie dans toute l'Europe" (mü).

Source: Zue rst, Dec. 2024.

lundi, 09 décembre 2024

Pourquoi la Roumanie est si importante pour l'OTAN

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Pourquoi la Roumanie est si importante pour l'OTAN

Source: https://dissident.one/waarom-roemenie-zo-belangrijk-is-vo...

L’OTAN construit actuellement en Roumanie la plus grande base militaire d’Europe, près de la frontière avec l’Ukraine et non loin de la mer Noire. Cette base vise à transformer considérablement l’infrastructure de l’OTAN, écrit Thomas Oysmüller.

La Roumanie, flanc sud-est de l’OTAN avec un accès à la mer Noire, revêt une importance stratégique particulière pour l’Alliance. D’importants investissements ont été réalisés: la plus grande base de l’OTAN en Europe y est actuellement en construction. Avec un président qui s’écarterait d’un alignement inconditionnel avec l’Occident, ce projet pourrait être compromis.

Une ville militaire sur la mer Noire

À 100 kilomètres de la frontière ukrainienne et directement sur la mer Noire, la plus grande base militaire jamais construite par l’OTAN est en cours d’aménagement sur l’aéroport régional de Constanța. Bientôt, 10.000 soldats y seront stationnés – des forces terrestres, aériennes et maritimes. Les travaux ont commencé en mars 2024.

La presse conformiste allemande a rapporté cet été des informations sur le projet, à une époque où personne n’imaginait que la Roumanie, depuis son adhésion à l’OTAN en 2004, devenue un refuge politiquement stable et sûr pour les États-Unis, pourrait soudainement tomber sous l’influence de forces politiques critiques à l'endroit de l’OTAN:

« L’OTAN souhaite renforcer le flanc oriental de l’alliance de défense en Roumanie orientale. Ce site est d’importance stratégique: proche de l’Ukraine et à seulement 15 kilomètres de la mer Noire, que la Russie revendique comme sienne. L’OTAN a négligé la région pendant des années, mais depuis l’annexion de la Crimée par la Russie, elle s’est lancée dans un réarmement massif. Depuis l’invasion totale de l’Ukraine, son importance n’a jamais été aussi grande. »

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L’aéroport, situé près de la ville de Constanța, possède déjà une section militaire utilisée par l’armée roumaine et ses alliés de l’OTAN. Au cours des vingt prochaines années, la base aérienne « Mihail Kogălniceanu » sera considérablement agrandie et modernisée. L’objectif est d’étendre la base sur 3000 hectares, soit environ dix fois la superficie du Tempelhofer Feld à Berlin, et de surpasser même la grande base de Ramstein en Rhénanie-Palatinat.

Un investissement colossal de l’OTAN

Le projet coûtera 2,5 milliards d’euros à l’OTAN, et l’expansion progressive de la base devrait durer vingt ans. Une véritable « ville militaire », une « ville OTAN », est prévue: avec des écoles, des crèches, des magasins et un hôpital. Les familles des soldats y vivront également. Sur le plan technique, des pistes de décollage et d’atterrissage, des voies de circulation et des hangars pour le matériel militaire sont prévus. Des dépôts de munitions, de carburant et des espaces de stockage pour les technologies sont également planifiés.

Balkan Insights a rapporté au début du projet :

« La nouvelle base donnera à la Roumanie un rôle accru dans l’architecture de sécurité de l’OTAN et une position renforcée en mer Noire, actuellement dominée militairement par la Russie. »

Un regard sur l’exercice « Steadfast Defender 2024 » de l’alliance militaire montre à quel point la Roumanie est devenue importante pour l’OTAN. Une partie clé de cet exercice, également dirigé par l’Allemagne, consistait à transférer des troupes prêtes au combat en Roumanie. De plus, le pays voisin, la Moldavie – petit État encore neutre – se situe entre l’OTAN et l’Ukraine. Les tensions en Moldavie et en Transnistrie ont continué à s’intensifier. La direction politique moldave cherche un rapprochement avec l’UE et l’OTAN, contrairement à l’opposition.

Une rupture possible de la Roumanie avec l’OTAN

Une rupture radicale de la Roumanie avec la ligne de l’OTAN – et Calin Georgescu-Roegen avait annoncé une telle démarche avant que les élections ne soient annulées – serait difficilement acceptable pour Washington.

dimanche, 08 décembre 2024

La démocratie à géométrie variable de l’Occident collectif

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La démocratie à géométrie variable de l’Occident collectif

Ala de Granha

Source: https://electomagazine.it/la-democrazia-a-geometria-varia...

Que fait-on lorsqu’on perd les élections? Peut-être un peu d’autocritique, on se questionne sur les raisons de l’échec, on blâme le destin cynique et cruel, ou encore on accuse les électeurs de ne pas avoir compris les propositions des perdants. Des réponses du passé. L’Occident collectif est plus moderne, plus avancé. Alors, tout simplement, il rejette les résultats des urnes.

Et il attribue la faute à d'hypothétiques ingérences russes. Un peu comme les fausses armes chimiques irakiennes utilisées pour justifier l’invasion anglo-américaine et la mort de centaines de milliers d’Irakiens.

Ainsi, en Géorgie, l’Occident collectif organise une protestation spontanée dans la rue pour renverser le gouvernement nouvellement réélu. Réélu grâce à Moscou, bien sûr. Pendant ce temps, dans la démocratique Roumanie, le premier tour de l’élection présidentielle est annulé parce qu’il est inadmissible que le candidat désapprouvé par Bruxelles ait remporté la victoire. Et peu importe qu’il aurait perdu de toute façon au second tour. Mieux vaut ne pas prendre de risques.

Cependant, il est parfaitement acceptable qu’en Moldavie, les électeurs locaux aient rejeté la dirigeante au service de l’OTAN, car les votes par correspondance, provenant uniquement des pays amis, ont ensuite inversé les résultats. Ainsi, la volonté de ceux qui vivent dans leur propre pays ne compte pas, face aux choix de ceux qui l’ont quitté.

Mais malheur à quiconque ose parler de fraude lorsque les « bons » remportent la victoire. Voilà leur démocratie, une démocratie à géométrie variable.

mercredi, 27 novembre 2024

Syndrome du sauveur ou le Cheval de Troie est parmi nous

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Syndrome du sauveur ou le Cheval de Troie est parmi nous

Par Iure Rosca

Les élections présidentielles en Roumanie ont suscité un intérêt particulier de la presse internationale. Et la presse alternative semble avoir eu une bonne occasion de tester sa capacité à discerner entre vérité et simulacre. Mais comme «les nôtres» préfèrent souvent être trompés par la séduction et impressionnés par les apparences, ils font partie des partisans et promoteurs d’imposteurs comme Donald Trump ou de ses clones comme Calin Georgescu.

Beaucoup de ceux qui sont dans notre camp s’imaginent qu’il pourrait encore y avoir un pays où quelqu’un qui n’est pas contrôlé par le Système, peut avoir un résultat électoral majeur. Autrement dit, ceux qui prétendent critiquer le Système deviennent ses victimes par excès de crédulité et par «wishful thinking». Nous n’aimons pas penser que le coup d’état à l’échelle mondiale est un fait accompli. Il s’est pleinement manifesté en 2020 avec la fausse pandémie. À cet égard, le livre de notre ami suédois Jacob Nordangard «The Global Coup d’Etat: The Fourth Industrial Revolution and the Great Reset» est très utile.

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Notre obsession électoraliste, la religion du républicanisme, les mythes de la «souveraineté populaire» et du suffrage universel nous empêchent d’accepter le fait que, dans les conditions de la démocratie de masse, on ne peut pas obtenir un renversement de situation en faveur des intérêts nationaux.

Calin Georgescu est un exemple classique d’ingénierie sociale, mis en œuvre depuis longtemps. Il s’agit d’un franc-maçon notoire, membre du Club de Rome, qu’il a loué jusqu’à aujourd’hui, mais qui prétend l’avoir abandonné il y a un an, parce que le club serait détourné de «ses idéaux lumineux». Il a longtemps travaillé à l’ONU, étant un expert en «développement durable», qui, comme on le sait, est la stratégie de l’élite mondiale visant la destruction et l’asservissement de l’humanité. Georgescu a travaillé pendant de nombreuses années au sein du gouvernement roumain, notamment en tant que responsable des programmes des Nations unies pour la mise en œuvre de la stratégie de développement durable.

En outre, Calin Georgescu n’est pas gêné de louer publiquement et à plusieurs reprises la franc-maçonnerie alors qu'il a raconté qu’il n'était pas un maçon. Il dit que c’est la maçonnerie qui a le mérite historique d’avoir créé l’Etat roumain moderne. En plus, dit-il, Mozart était maçon, et cela ne le rend pas moins brillant.

La Roumanie a traversé de nombreux moments tragiques après la chute du communisme. Mais ce carriériste et initié n’a jamais pris une attitude publique envers la tragédie de son propre peuple. Il a été activé il y a quelques années et lancé dans la vie publique roumaine après son départ de l’ONU. Et il a été parasiter d'une manière très réussie le discours nationaliste. Son discours grandiloquent, plein de références aux symboles sacrés de l'histoire et de la culture roumaine, a réussi à impressionner de nombreuses personnes. Et pour le rendre encore plus crédible, il s’est déclaré très tôt comme un sympathisant du mouvement des légionnaires et de son chef Corneliu Codreanu, ainsi que du maréchal Antonescu.

Calin Georgescu représente un cas classique d’opposition contrôlée, un simulacre, une poupée de mondialistes bon pour séduire le public crédule. Il lui a été assigné le rôle de Sauveur tout comme dans le cas de Trump. C’est pourquoi, à l’aide de techniques de manipulation utilisées par les services spéciaux roumains affiliés aux mondialistes, il a été promu au second tour des élections présidentielles. 

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Le truc a été couronnée de succès, étant soutenue par les milieux sionistes en Roumanie tels que l’Institut Wiesel et les réseaux Soros en contestant avec véhémence sa candidature, en le taguant de fasciste, de nazi, d'extrémiste, etc. Et pour rendre la légende encore plus crédible, Calin Georgescu a été promu au deuxième tour avec une dame, Elena Lasconi (photo), une progressiste qui représente un parti politique produit par le réseau Soros, USR, pro-LGBTQ, pro-OTAN et pro-UE etc. Autrement dit, les Roumains doivent choisir entre un outil des globalistes avec le masque d’un grand patriote et un autre outil de globalistes sans masque. L’équation pour le second tour des élections présidentielles en Roumanie imite le tandem Trump-Harris, faisant ainsi voter pour le faux patriote ou au moins pour le moindre mal.

La manœuvre des mondialistes a réussi à manipuler les cercles de dissidence antimondialiste à la fois à cause du discours anti-Système de Calin Georgescu et parce que la presse dominante dans le monde l’avait critiqué pour son discours nationaliste. Je voudrais ici mentionner la formule extrêmement pertinente de notre ami Youssef Hindi qui, en caractérisant ces apparences fulminantes de prétendus souverainistes, dit qu’il s’agit d’un «nationalisme israëlo-conforme». Marine Le Pen, Viktor Orban, Mario Salvini seraient précisément de cette facture. Soit dit en passant, les deux derniers ont déjà fait preuve de solidarité avec Benjamin Satanyahu après que la Cour pénale internationale ait émis un mandat d’arrêt pour crimes de génocide. Orban et Salvini invitent le leader sioniste coupable de crimes inimaginables à visiter respectivement la Hongrie et l’Italie.

Calin Georgescu doit être placé dans la même «famille politique». Maintenant, évoquons un autre détail important à cet égard. La presse de Bucarest annonce avec faste que l’envoyé du grand vainqueur Trump, Robert Kennedy Jr., vient soutenir Calin Georgescu dans les élections. Je crois personnellement que cet ancien démocrate a été accepté dans le camp de Trump non pas pour sa position anti-vaccin, mais pour son soutien total et ardent à Israël. Donc, nous avons toujours encore un nationaliste israëlo-conforme. Il est également intéressant de noter ici que la garniture entière des futurs membres du cabinet Trump se compose exclusivement de sionistes fanatiques ou de leurs serviteurs. Leur devise est «Israël first!».

À l'ère de la haute technologie et de la manipulation généralisée, après avoir appris la leçon historique sur les prêteurs d'argent et les commerçants qui ont produit la république et les élections pour contrôler la politique, il est tout à fait regrettable de constater qu'autant de gens dans notre camp se laissent encore tromper par les apparences. Dans des situations aussi embarrassantes, on ne sait même pas faire la distinction entre les naïfs de bonne foi et ceux qui nous ont infiltrés pour nous manipuler. S'il vous plaît, admirez le sauveur de la Roumanie sur un cheval blanc et dans l'armure de Superman. Ce ne sont pas de fausses photos, elles font partie de la campagne de promotion de Călin Georgescu.

D'ailleurs, Călin Georgescu pratique aussi le judo comme Poutine et se baigne dans le lac en plein hiver. Un bon candidat pour lequel il faut voter.

La société du spectacle fonctionne à coup sûr. Et le public est très impressionné par ce théâtre sans fin.

jeudi, 18 avril 2024

La Pologne et la Roumanie tentent-elles d'annexer une partie de l'Ukraine?

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La Pologne et la Roumanie tentent-elles d'annexer une partie de l'Ukraine?

Germán Gorráiz López

Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/la-polonia-e-la-romania-stanno-cercando-di-annettere-parte-dellucraina

Le conflit ukrainien aurait signifié un retour à la guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis et un retour à la doctrine de l'endiguement, dont les fondements ont été posés par George F. Kennan dans son essai "The Sources of Soviet Behaviour" publié dans le magazine Foreign Affairs en 1947 et dont les idées principales sont résumées dans la citation suivante: "Le pouvoir soviétique est imperméable à la logique de la raison mais très sensible à la logique de la force".

La cinquième phase de la guerre froide s'est déroulée en deux temps: l'entrée de la Finlande et de la Suède dans les structures militaires de l'OTAN, l'augmentation des forces militaires avec quatre nouveaux bataillons déployés à la frontière européenne avec la Russie et la réponse russe à l'installation au Belarus de missiles Iskander-M équipés d'ogives polyvalentes et de missiles antiaériens S-40, selon la dynamique de la guerre froide (action-réaction).

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Nous assistons également à la cinquième phase du déploiement du bouclier antimissile en Europe (Euro DAM), qui a débuté en mai 2016 avec l'entrée en service du système de défense antimissile Aegis Ashore sur la base de Deveselu (Roumanie), à seulement 600 km de la péninsule de Crimée. De son côté, la Russie aurait installé à Kaliningrad des missiles Iskander M équipés d'ogives polyvalentes ainsi que des missiles antiaériens S-400 avec lesquels, selon les termes du politologue Vladimir Abrámov, En cas de fermeture par l'OTAN de l'enclave soviétique de Kaliningrad sur la mer Baltique, la crise des missiles Kennedy-Khrouchtchev (octobre 1962), dont Cuba était l'épicentre, pourrait se reproduire.

La signature de la paix dans le conflit ukrainien est-elle proche ?

Quant aux États-Unis, dans le camp démocrate, les signes de sénilité de Biden, la pandémie de fentanyl et la forte inflation couleraient la popularité du leader démocrate, ce qui pourrait faciliter le retour triomphal de Donald Trump à la présidentielle de 2024 en lui ouvrant la voie vers la Maison Blanche après les dernières décisions de la Cour Suprême. Par conséquent, une victoire républicaine en 2024 représenterait le déclin de la stratégie atlantiste de Biden et Soros, engagée à virer Poutine du pouvoir, la signature d'un accord de paix en Ukraine et le retour à la Doctrine de coexistence pacifique avec la Russie.

Ainsi, après la victoire de Trump, nous pourrions assister à la signature d'un accord de paix stipulant que l'Ukraine ne rejoindra pas l'OTAN et que le différend ukrainien sera délimité avec la division de l'Ukraine en deux moitiés, laissant l'Est du pays, y compris la Crimée, le Donbass, Zaporizhia et Kherson sous l'orbite russe. Pendant ce temps, le centre et l'ouest de l'Ukraine actuelle navigueront sous la tutelle de la Pologne. Poutine obtiendrait le contrôle total de la mer d'Azov et l'Ukraine s'assurerait une sortie vers la mer Noire, tandis que la ligne imaginaire reliant Kharkov, Zaporiyia, Bajmut et Rubizhne deviendrait le nouveau mur de Berlin de la guerre froide 2.0.

Un tel accord voudra être torpillé par Zelensky, qui fera tout pour impliquer l'OTAN dans le conflit ukrainien, ce qui ferait encore plus de Zelensky un boulet pour les États-Unis, qui devrait être écarté immédiatement, car il n'est pas exclu qu'il soit accusé de corruption et contraint à l'exil aux États-Unis.

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La Pologne et la Roumanie veulent-elles annexer une partie de l'Ukraine ?

La Pologne cherche à devenir un acteur local dans ce nid de frelons qu'est l'Europe de l'Est et à étendre son influence à la région ukrainienne, en revendiquant le droit d'incorporer la région de Lviv, occupée par la Pologne de 1918 à 1939, dans le territoire polonais. Ainsi, selon le directeur du Service de renseignement extérieur russe (SVR), Sergey Naryshkin, dans ses déclarations à RIA Novosti, "les dirigeants polonais ont l'intention d'organiser des référendums en Ukraine occidentale pour obtenir l'annexion des territoires de Lviv, d'Ivano-Frankivsk et de la majeure partie des oblasts de Ternopil en Ukraine".

Pour ce faire, la Pologne a suspendu le traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, ce qui implique que la Pologne "ne serait plus obligée de se conformer aux dispositions de l'OTAN sur la limitation de la taille des forces armées et leur déploiement" et serait donc libre d'occuper la région ukrainienne de Lviv et de l'incorporer ensuite à la Pologne après la signature du futur traité de paix entre l'Ukraine et la Russie.

Claudiu Tarziu, président du Conseil national de gouvernement de l'Alliance pour l'Union des Roumains (AUR), dans un discours prononcé dans la ville roumaine de Iasi, a énuméré les territoires que la Roumanie devrait annexer: la région de la Bucovine du Nord, la région de la Bessarabie, le territoire de Hertsa, inclus dans la région ukrainienne de Tchernovtsi, frontalière de la Roumanie, et la région ukrainienne de Transcarpathie. Le territoire ukrainien sous le contrôle de Kiev se réduirait alors considérablement.

samedi, 16 décembre 2023

Cioran, quand l'âme de la patrie roumaine se confond avec la patrie française

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Cioran, quand l'âme de la patrie roumaine se confond avec la patrie française

Gennaro Malgieri

Source: https://electomagazine.it/cioran-quando-lanima-della-patria-romena-di-origine-si-fonde-con-la-patria-francese/

Emil Cioran (1911-1995) est le plus grand écrivain non français du 20ème siècle. Son roumain semble avoir été traduit dans la langue de Montaigne avec un naturel étonnant. Comment la "francisation" à laquelle il s'est consacré dès son débarquement sur les bords de la Seine en 1937 a fait de lui le connaisseur le plus pénétrant de l'âme de sa nouvelle patrie, alors qu'il n'a jamais renié celle d'origine, dont il a puisé les personnages pour considérer la France avec la mentalité du Slave et l'expérience du "Parisien": à la fois actif et pessimiste, indolent et cynique. Les deux aspects de son caractère se transforment en aphorismes sublimes et abyssaux, comme dans ses réflexions sur la France, écrites en 1941, sur ce qui allait devenir son pays avant même qu'il ne l'ait décidé.

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En effet, il était naturel pour Cioran de choisir la France comme "lieu" de son voyage existentiel et spirituel, car il y voyait reflétées les contradictions qui l'agitaient. Et son opuscule intitulé De la France, proposé il y a quelque temps en Italie par les éditions Voland pour la première fois, confirme son amour critique pour son pays d'adoption, dans l'histoire duquel il s'immerge presque avec volupté, en soulignant son excentricité et sa tendance à se décomposer avec insouciance, pourrait-on dire, pour ensuite se relever en s'accrochant à une grandeur ancestrale toujours remise en question, même par ceux qui avaient tout intérêt à la préserver. Je pense à un Chateaubriand, mal aimé de Cioran, qui, comme De Maistre (curieusement aimé du Roumain), s'est attaché à revigorer l'idée d'une France éternelle - enveloppée de christianisme dont le "génie", surtout pour le premier, est plus esthétique que religieux, qui aurait dû reprendre la vocation carolingienne de sa mission universelle et qui, au lieu de cela, s'est retrouvée à manier l'universalisme laïque de la Grande Révolution, ruisselante de sang et d'intolérance, embrassée, trahie et essentiellement niée par son dernier César, comme en témoigne le Mémorial de Sainte-Hélène.

Cioran fait ses adieux à la langue roumaine en optant pour le français avec Divagations, le dernier livre écrit dans son idiome natal. Il s'agit d'un tournant existentiel plutôt que littéraire. La lecture, enfin rendue possible par sa publication chez l'éditeur italien Lindau, le confirme pleinement.

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Contrairement à ses textes antérieurs, marqués par de fortes influences philosophiques, Cioran, dans ce premier recueil d'aphorismes encore non mûrs, suspendu entre de petits essais et de minuscules considérations extemporanées, une œuvre en somme dépourvue de projet unitaire, contrairement à ses textes ultérieurs, révèle une tendance à une mélancolie cosmique sublimée par la perception d'une réalité à la fois insaisissable et décadente. Il tend l'oreille au silence qui enveloppe l'univers et y perçoit le vide. Sans espoir et sans Dieu. Un énorme abîme qu'il voit devant lui, au fond duquel il s'efforce d'entrevoir un but à la vie. La décomposition de l'existence, qu'il approfondira dans les grands textes de sa maturité, est évoquée dans Divagations non pas à la manière d'un nihiliste "idéologique", comme on pourrait le penser, mais d'un percepteur de sensations qui l'amènent à décrire l'évanescence de tout ce qui l'entoure, esquissant une théorie de l'abandon qui caractérisera la "mise en pièces" de la modernité qui se fera plus tard avec la minutie d'un anatomopathologiste.

Que nous dit donc ce livre ? Simplement que le monde, comme le note Costantin Zaharia dans la préface de l'édition originale, "est absurde dans son essence et que le tumulte qui l'agite ne porte aucun signe de signification". Un état de souffrance permanent, en somme. Au point que le livre s'ouvre sur cette profession de foi: "Nous ne donnons voix qu'à des douleurs sans nom; les autres, qui forment la trame des instants, nous les jetons à la poubelle de l'évidence". Et rien ne semble apaiser ce malaise intériorisé au point de rendre surprenants les "exercices d'admiration" que Cioran proposera plus tard, esquissant des figures majestueuses qui puisent dans le désespoir des raisons d'espérer et de renaître, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Mais dans Divagations, il n'y a de place que pour l'anéantissement.

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J'en veux pour preuve : "Quand j'observe le silence ultramontain des paysages, l'impassibilité sublime des arbres, la dilapidation du soleil sur des cristallisations vertes qui étonnent et troublent l'esprit, quand on connaît les gisements de la sensibilité, une nostalgie sans contenu monte à la surface du cœur, embrassant l'espace avec une majesté suave et funèbre, alors la beauté m'apparaît comme le poison le plus fort qu'ait jamais goûté l'âme".

On ne saurait mieux décrire la douleur d'une âme qui a passé toute sa vie à chercher quelque chose, doutant jusqu'à la fin qu'elle le trouverait.

Cioran est le symptôme d'un malaise. Exagéré, sans doute, consciemment. C'est pourquoi ses textes se lisent comme un bréviaire séculaire dans lequel il n'est pas difficile de discerner, parmi d'innombrables aspérités, des éclats d'affliction sincère qui reflètent notre condition précaire de créatures imparfaites abandonnées au bord de l'inconnu.

15:34 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emil cioran, roumanie, france, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 29 novembre 2023

Le "Zalmoxis" de Mircea Eliade

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Le "Zalmoxis" de Mircea Eliade

par Joakim Andersen

Source: https://motpol.nu/oskorei/2023/10/30/mircea-eliade-zalmoxis/

Le spécialiste roumain des religions Mircea Eliade (1907-1986) est une source d'enrichissement pour les universitaires et les critiques de la civilisation, notamment parce que ses critiques s'inscrivent dans une perspective de droite. Dans sa jeunesse, il a été proche de la Garde de fer nationaliste et, en exil, il a fréquenté Evola, Dumézil, Bataille et le cercle Eranos de Carl Jung. Sa critique de la civilisation s'appuie sur une connaissance approfondie des sociétés et des cultures historiques, qui démontre avec force à quel point l'Occident moderne est devenu déviant. En outre, il manque quelque chose que les comparaisons avec d'autres cultures montrent comme la dimension mythique est universellement humaine; son absence est remplie de pseudo-mythes, de manies et de problèmes de santé.

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Eliade a écrit de manière initiée et passionnante sur tous les sujets, de l'initiation et des forgerons aux chamans et à l'éternel retour. Un ouvrage intéressant est Zalmoxis - The Vanishing God. Il s'agit d'un recueil d'articles intitulé "Comparative Studies in the Religions and Folklore of Dacia and Eastern Europe" (Études comparatives des religions et du folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est). En termes d'histoire religieuse, ils sont unis par un intérêt pour les créations religieuses qui manquent d'expression écrite et, souvent, de critères chronologiques. Eliade a écrit qu'en étudiant le folklore roumain, il a souvent rencontré des problèmes méthodologiques similaires à ceux rencontrés dans l'étude des peuples "primitifs". En même temps, il était conscient que la rencontre avec les valeurs religieuses archaïques pouvait être fructueuse pour l'homme moderne, "ces univers de valeurs spirituelles archaïques enrichiront le monde occidental autrement qu'en ajoutant des mots à son vocabulaire (mana, tabu, totem, etc.) ou à l'histoire des structures sociales". On reconnaît ici Eliade comme un critique de la civilisation, soucieux de rappeler à l'homme moderne ce qu'il a perdu. Un fil conducteur intéressant de Zalmoxis, étant donné que les articles se concentrent sur la patrie d'Eliade, est la tentative d'identifier les aspects de l'âme populaire. Eliade était bien conscient que le monde religieux des Géto-daces ne correspond pas nécessairement à celui que nous trouvons dans le folklore roumain, mais l'approche est fructueuse et peut être utilement appliquée au folklore suédois également.

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Dans l'introduction de "Les Daces et les loups", Eliade constate que les Roumains sont un peuple de loups. De nombreuses tribus indo-européennes s'identifient au loup, notamment par le biais de noms ethniques tels que daoi/daker, hyrkanoi, orkoi et hirpi sorani. Il existe un lien évident avec les associations cultuelles masculines dans lesquelles le loup jouait souvent un rôle central. Parfois, des tribus entières semblent avoir adopté le nom de loup à partir de ces associations, parfois des Männerbünde ont conquis d'autres groupes et leur ont donné leur nom. C'est une lecture fascinante, mais qui n'est probablement pas nouvelle pour les lecteurs de notre site suédois Motpol. Eliade résume tout cela en disant que "l'essentiel de l'initiation militaire consistait à transformer rituellement le jeune guerrier en une espèce d'animal sauvage prédateur. Il ne s'agissait pas seulement de courage, de force physique ou d'endurance, mais "d'une expérience magico-religieuse qui changeait radicalement le mode d'être du jeune guerrier. Il devait transmuter son humanité en accédant à une fureur agressive et terrifiante qui le transformait en un carnivore enragé".

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Eliade a constaté que les Roumains étaient un peuple de loups à trois égards. Ils descendaient des Daces, conquis par les Romains, qui à leur tour descendaient de Rémus et Romulus ("les fils du dieu-loup Mars, allaités et élevés par la louve du Capitole"). Seul un tel peuple pouvait assimiler les Daces. La Roumanie moderne est ensuite née de l'invasion des terres daco-romaines par Gengis Khan et ses descendants, où l'on retrouve le mythe du loup ("le mythe généalogique des Gengis-Khanides proclame que leur ancêtre était un loup gris descendu du ciel et accouplé à une biche").

Eliade's_Chamanisme.jpgLa section sur Zalmoxis est également intéressante, Eliade comparant son culte à la fois aux mystères initiatiques comme ceux d'Éleusis et au chamanisme. Il évoque l'immortalité de l'âme, le symbolisme des grottes, les katabasis, l'immortalité, Pythagore, les dieux-ours, les Jordanes, la confusion entre les chèvres et les Goths, et les traces de chamanisme dans la Grèce antique. Il est fascinant de constater que le chaman apparaît en partie dans les récits de philosophes tels que Parménide et Pythagore. Cependant, la conclusion d'Eliade est que Zalmoxis était un représentant des mystères plutôt que des chamanes. Il mentionne également que Zalmoxis a été rapidement assimilé par le Christ, ce qui est logique étant donné les grandes similitudes entre les deux personnages. D'autres figures ont survécu jusqu'à l'époque moderne dans le folklore roumain, mais Zalmoxis a presque complètement disparu. Du moins jusqu'à ce qu'une renaissance nationale, à l'époque moderne, fasse revivre l'archétype indigène, "toujours et partout Zalmoxis est revivifié parce qu'il incarne le génie religieux des Daco-Gètes, parce que, en dernière analyse, il représente la spiritualité des "autochtones", des ancêtres presque mythiques conquis et assimilés par les Romains". L'union du pouvoir religieux et du pouvoir séculier apparaît ici comme un fil rouge, une caractéristique nationale, de l'époque dacienne à la Garde de fer et à Ceausescu.

Un chapitre passionnant sur l'histoire des religions traite d'un mythe de la création qui revient chez les Roumains, les Bulgares, les Russes, les Polonais et les Roms de Transylvanie, mais aussi chez plusieurs peuples d'Asie et d'Amérique du Nord. Le monde est recouvert d'eau, Dieu et le Diable se rencontrent et le Diable prend de la boue au fond de la mer. Dans certaines versions du mythe, il tente ensuite de noyer un Dieu endormi en le faisant rouler dans l'eau, mais au lieu de cela, la masse terrestre se développe. Dans d'autres versions, moins dualistes, un oiseau aide Dieu pendant le processus de création. Dans plusieurs variantes, Dieu est alors inopinément passif et a besoin d'aide pour achever la création. Eliade retrace ici une relation avec le dieu du ciel plutôt lointain, un deus otiosus, chez plusieurs peuples d'Eurasie. Dans une société chrétienne, elle peut également séparer le Créateur des éléments de la création tels que le mal et le péché, "la distance de Dieu est directement justifiée par la dépravation de l'humanité. Dieu se retire au ciel parce que les hommes ont choisi le mal et le péché". Eliade a également constaté qu'il semble s'agir d'un mythe ancien qui a atteint l'Amérique du Nord et l'Europe, souvent influencé par le dualisme iranien, où le Diable a remplacé l'aide de Dieu dans le port des animaux.

Moldavia's_coat_of_Arms_of_1481.jpgUn passage intéressant de Zalmoxis raconte comment le prince Dragos a fondé la Moldavie à la suite d'une chasse à l'aurochs, une version des mythes sur la chasse rituelle et les guides animaux. C'est notamment un animal sauvage qui a montré aux Vandales le chemin de Gibraltar ; de même, les Huns ont trouvé leur chemin vers des terrains de chasse plus civilisés au-delà des marécages. Eliade a également abordé le symbolisme du cerf et du taureau. Dans d'autres chapitres, il aborde la mandragore, le monachisme, le chamanisme roumain et l'importante ballade Miorita. Cette dernière est très populaire parmi les Roumains, Eliade affirmant qu'elle exprime l'âme populaire ("nous sommes en présence d'une création populaire encore vivante, qui touche l'âme populaire comme aucune autre ; en d'autres termes, il y a une "adhésion" totale et spontanée du peuple roumain aux beautés poétiques et au symbolisme de la ballade"). Dans le chapitre consacré à Miorita, il aborde également ce qu'il appelle le christianisme cosmique, une version sud-est européenne de la foi.

Dans l'ensemble, comme d'habitude, l'ouvrage est très facile à lire. Certaines sections peuvent être plus pertinentes que d'autres, les chapitres sur le peuple des loups et le mythe de la création m'ayant personnellement davantage intéressé, mais Eliade est intéressant quel que soit le sujet qu'il aborde. L'approche consistant à explorer l'âme populaire roumaine à travers l'étude des coutumes et du folklore est inspirante et peut fournir des pistes à ceux qui souhaitent faire quelque chose de similaire avec les Suédois.

dimanche, 05 février 2023

De Zalmoxis à Gengis Khan: religions et folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est selon Eliade

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De Zalmoxis à Gengis Khan: religions et folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est selon Eliade

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/da-zalmoxis-a-gengis-khan...

Mircea Eliade, l'éminent historien roumain des religions, bien qu'ayant vécu la majeure partie de sa vie en exil à l'étranger, a conservé un lien étroit avec la culture de son propre peuple et, surtout, un intérêt jamais dissimulé pour la spiritualité de l'ancienne Dacie. En témoigne, de manière très détaillée, son ouvrage intitulé Da Zalmoxis a Genghis Khan. Le religioni e il folklore dell'Europa orientale (= "De Zalmoxis à Gengis Khan. Les religions et le folklore de l'Europe orientale"), que l'on peut trouver en librairie grâce aux Edizioni Mediterranee, édité par Horia Corneliu Cicortaş et avec une traduction d'Alberto Sobrero (pour les commandes : 06/3235433, ordinipv@edizionimediterranee.net, pp. 275, euro 27,00). Ce volume a été publié pour la première fois en France en 1970. Il est sorti en Italie en 1972 et, vu son discret succès critique et commercial, a été traduit dans de nombreuses langues en peu de temps. Le texte se compose de huit chapitres: six d'entre eux sont des reprises d'essais précédents publiés dans des magazines et des périodiques. Deux chapitres sont spécialement conçus pour ce livre.

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Le premier d'entre eux fait référence à Zalmoxis et traite de l'histoire religieuse des Gétes & Daces. Un autre essai est consacré à la relation entre cette ancienne population et les loups, tandis qu'un article sur la "Ballade du mouton devin" est destiné, selon les intentions d'Eliade, à compléter les cinq autres essais sur les traditions populaires roumaines. Ils traitent respectivement des mythes cosmogoniques dualistes, de la chasse rituelle, de la légende de Maître Manole, des pratiques chamaniques et du culte de la mandragore. La référence du titre à Gengis Khan, nous rappelle Cicortaş, est purement symbolique: "puisque les invasions mongoles ne sont pas mentionnées dans le livre" (p. 8), alors qu'elles ont joué un rôle fondamental dans la formation de l'imaginaire des Daco-Romains, notamment par rapport à l'ancêtre totémique identifié dans le Loup gris. Il ne faut pas oublier que, pour Eliade, "le culte de Zalmoxis et tous les mythes, symboles et rituels qui informent le folklore religieux des Roumains ont leurs racines dans un univers de valeurs spirituelles antérieur à l'apparition des grandes civilisations du Proche-Orient ancien et de la Méditerranée" (p. 17).

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Cela explique l'intérêt pour ce patrimoine spirituel, qui n'a jamais failli chez l'érudit. Elle s'est d'abord manifestée à la fin des années 1920, après le séjour du savant en Inde, mais est revenue se manifester dans les années 1940, avant et après la fin de la Seconde Guerre mondiale. De plus, Eliade avait fondé, en 1938, la première revue internationale roumaine d'études historico-religieuses, intitulée, non par hasard, Zalmoxis. Sur le texte que nous présentons, l'intellectuel a travaillé entre 1968 et 1969, à une époque où il était occupé à peaufiner certaines de ses œuvres les plus érudites. Sans cette concomitance d'engagements, De Zalmoxis à Genghis Khan "aurait probablement été beaucoup plus vaste" (p. 11). En effet, l'auteur avait prévu d'ajouter à la première édition des chapitres consacrés à d'autres aspects de la ritualité et du folklore de la Roumanie et de l'Europe de l'Est. Le lecteur de la nouvelle édition italienne trouvera en annexe l'essai que l'historien des religions a consacré à l'exégèse des căluşari, fêtes masquées saisonnières.

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Cet essai confirme également l'importance méthodologique attribuée par Eliade, dans le comparatisme historico-religieux, à la dimension ethnologique. Il recourt continuellement, pour aller au fond des choses, au sens caché des mythes et des rituels: "à l'héritage culturel du folklore [...] Une source précieuse surtout dans le cas des peuples dits "non scripturaires"" (p. 11). Le chercheur est fermement convaincu que l'humus spirituel des Daces ne pouvait être appréhendé que "dans l'univers des valeurs spécifiques des chasseurs et des guerriers, ou plus précisément à la lumière des rites initiatiques de nature militaire" (p. 18). Plus précisément, la duplicité ambiguë, chthonique et tellurique, de Zalmoxis "devient compréhensible lorsque le sens initiatique de l'occultation et de l'épiphanie du dieu est révélé" (p. 18). Le mythe cosmogonique roumain, à la lumière de cette intuition, ne peut être réduit, sic et simpliciter, aux dualismes des Balkans et de l'Asie centrale, mais doit être lu, note Eliade, à travers le thème de la "lassitude de dieu": "une expression surprenante de ce deus otiosus réinventé plus tard par le christianisme populaire, dans la tentative désespérée de rendre dieu étranger aux imperfections du monde et à l'apparition du mal" (p. 18).

La même "chasse rituelle", pratiquée aux premiers temps de la Dacie, pour l'intellectuel roumain doit être placée à l'origine de la principauté de Moldavie. Le monastère d'Argeş parvient également à rendre son symbolisme explicite, non pas simplement par rapport aux mythes de construction, mais par rapport aux autres: "le sens originel d'un sacrifice humain primitif" (p. 18). L'une des ballades populaires les plus connues de Roumanie, la Mioriţa présente la fonction oraculaire des animaux dans la Dacie antique.

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Le culte de la mandragore, s'il est interprété correctement, met en évidence le lien étroit entre la Vie et la Mort. Lire ce livre, c'est être projeté dans un univers archaïque d'une grande profondeur symbolique. Eliade, dans ces pages, a transmis à l'époque contemporaine l'héritage immémorial sur lequel s'est construite la civilisation européenne. Une occasion à ne pas manquer, à ne pas gaspiller, à l'heure où la culture de l'annulation entend faire une tabula rasa de notre mémoire historique.

Giovanni Sessa

mercredi, 18 mai 2022

La russophilie et la russophobie comme facteurs géopolitiques en Europe de l'Est

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La russophilie et la russophobie comme facteurs géopolitiques en Europe de l'Est

par le comité de rédaction de Katehon

Source: https://www.ideeazione.com/russofilia-e-russofobia-come-fattori-geopolitici-nelleuropa-orientale/

Le rôle clé dans la position des pays est joué par la présence ou l'absence d'élites souveraines au pouvoir.

L'opération militaire spéciale (SVO, abréviation russe) menée par la Russie en Ukraine dure depuis trois mois et est loin d'être terminée. Cette longue campagne n'aurait pas été possible sans l'assistance militaire sans précédent de l'OTAN au régime ukrainien. Les pays d'Europe de l'Est limitrophes de l'Ukraine jouent un rôle clé à cet égard. D'une part, c'est par le territoire de ces États que passent les livraisons d'équipements militaires. Ils fournissent également de vieilles armes soviétiques, avec lesquelles l'armée ukrainienne a l'habitude de travailler. D'autre part, ce sont ces pays qui accueillent la plus grande part des réfugiés ukrainiens. Ils supportent les principaux coûts et risques d'une confrontation avec la Russie.

Dans cette optique, le facteur idéologique acquiert une importance particulière. La russophobie ancrée dans la psychologie nationale ou, au contraire, une attitude traditionnellement amicale ou neutre envers la Russie peuvent être des facteurs influençant la stabilité dans un pays donné. À cet égard, les pays d'Europe de l'Est ne sont pas homogènes.

Slovaquie

En avril, les autorités slovaques ont livré à l'Ukraine leur système unique de défense aérienne S-300. La livraison du complexe a eu lieu en secret. L'opposition s'est fortement opposée à ce geste. Elle a accusé les autorités slovaques d'entraîner le pays dans le conflit et de réduire ainsi la capacité de défense du pays. Les États-Unis ont promis d'envoyer des systèmes de défense aérienne Patriot à la Slovaquie. Toutefois, ils seront contrôlés par du personnel militaire non slovaque, ce qui prive la Slovaquie du contrôle de son espace aérien, dé-souverainisant de la sorte ce petit pays.

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L'ancien premier ministre slovaque et leader du parti Smer-SD, Robert Fico (photo), affirme que "le transfert des S-300 pour la défense aérienne à l'Ukraine est un acte de guerre aux conséquences imprévisibles pour la Slovaquie".

Malgré les protestations, le Premier ministre slovaque Eduard Heger est allé plus loin et, le 12 avril, a proposé de fournir des avions MiG-29 slovaques à l'Ukraine. L'armée de l'air slovaque possède une douzaine de ces appareils. Auparavant, même la Pologne n'osait pas prendre une telle mesure, craignant les attaques russes sur son territoire. Dans le même temps, malgré la propagande anti-russe, un tiers des Slovaques soutiennent l'opération militaire spéciale russe en Ukraine.

Le 4 mai, la Slovaquie a également annoncé qu'elle était prête à réparer les équipements militaires ukrainiens endommagés. Ainsi, la république, où les sentiments pro-russes, a-t-on noté, étaient les plus prononcés parmi tous les pays d'Europe centrale avant l'opération militaire spéciale, est la plus intensément impliquée dans les hostilités parmi tous les pays du flanc oriental de l'OTAN. La raison en est que ce pays est le moins "sujet" de sa propre histoire. En 2018, la Slovaquie a connu sa "révolution colorée", les manifestations "anti-corruption" fomentées par l'Occident ont conduit à la démission de Robert Fico, puis à la perte de la majorité parlementaire par le parti Smer-SD. Le gouvernement slovaque peut être contraint de faire ce que même la Pologne n'ose ouvertement pas faire. Cette politique s'accompagne de répressions : ils tentent de priver Robert Fico de son mandat de député et l'arrêtent pour avoir divulgué des informations sur les violations fiscales de ses adversaires (les informations auraient été obtenues illégalement). Auparavant, un autre leader de l'opposition, le chef du parti populiste de droite Notre Slovaquie, Marian Kotleba, a été privé de son mandat parlementaire sur la base d'accusations forgées de toutes pièces.

Pologne

Le 30 mars, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a déclaré que la Pologne "établissait des normes d'un certain type" sur ce que l'on appelait auparavant la russophobie. Varsovie se sent comme un nouveau centre de l'Europe qui, sur la vague du sentiment anti-russe, tente de démontrer son leadership. D'une part, cela s'applique à la France et à l'Allemagne. D'autre part, la Hongrie. Le vice-premier ministre du gouvernement polonais et véritable leader du parti au pouvoir Droit et Justice, Jaroslaw Kaczynski, a déclaré que la Pologne "ne peut plus coopérer" avec la Hongrie tant que celle-ci ne change pas de cap.

Nous parlons de la coopération entre la Hongrie et la Russie. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban tente de bloquer toute tentative d'imposer des sanctions européennes sur le gaz et le pétrole russes, car elles "tueraient la Hongrie". La Hongrie est également le seul pays européen à réclamer une enquête objective et indépendante sur la tragédie de Bucha. D'autres ont déjà accusé la Russie de tout.

"Lorsque le Premier ministre Orban dit qu'il ne peut pas voir ce qui s'est exactement passé à Bucha, on devrait lui conseiller de consulter un ophtalmologue", a poursuivi le chef du parti Droit et Justice au pouvoir.

Malgré la tentative de la Pologne de jouer les premiers violons dans le concert russophobe des puissances occidentales, cela n'a pas amélioré ses relations avec Bruxelles. Les dirigeants conservateurs de la Pologne sont depuis longtemps en conflit prolongé avec les dirigeants de l'UE. Pour cette raison, l'UE a suspendu l'allocation de fonds à la Pologne.

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Le 4 mai, le président polonais Andrzej Duda (photo) a déclaré dans une interview au Wall Street Journal que pour lui "la présence de troupes américaines dans notre région" est une garantie contre "l'expansion de la politique impériale russe". Il a souligné qu'il serait "très heureux si ces troupes restaient ici de façon permanente".

Hongrie

La décision de Viktor Orban de payer le gaz russe en roubles pourrait entraîner l'isolement de la Hongrie, a menacé le ministre allemand de l'économie Robert Habeck.

Selon lui, les actions du Premier ministre hongrois contredisent la décision du G7 de payer l'énergie russe dans les devises stipulées dans les contrats: dollars et euros. Ainsi, l'UE commence déjà à mettre en œuvre sa politique d'isolement, qui a été clairement évoquée en prévision de la victoire électorale d'Orban.

La position de la Hongrie a été critiquée par d'autres pays de l'OTAN et de l'UE pendant les mois de l'opération militaire spéciale. Les dirigeants ukrainiens ont accusé Budapest de planifier la saisie de territoires ukrainiens (sans noter l'existence de tels plans en Pologne). En conséquence, le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'est retrouvé sur le site Myrotvoretz dans la liste des ennemis de l'Ukraine.

Dans l'UE, la Hongrie s'oppose fermement aux plans visant à imposer un embargo pétrolier à la Russie, même avec une prolongation pour la Hongrie et la Slovaquie jusqu'à la fin de 2023. Parmi les pays d'Europe centrale et orientale, la Hongrie adhère à la position la plus indépendante, ce qui complique la construction d'un front commun anti-russe.

Roumanie

En Roumanie, le pompage de la société par la propagande anti-russe a conduit à une attaque terroriste contre l'ambassade de Russie le 6 avril, lorsqu'un citoyen local faisant l'objet d'une enquête pour pédophilie s'est déclaré ukrainien et a foncé sur les grilles de l'ambassade de Russie à Bucarest, après quoi il s'est immolé avec sa voiture.

La Roumanie, en cas d'escalade du conflit en Transnistrie, pourrait prendre le contrôle de la République de Moldavie, selon des sources médiatiques russes. Le sud de la Bessarabie - une partie de la région ukrainienne d'Odessa, séparée du principal territoire ukrainien par une barrière naturelle - l'estuaire du Dnestr - revêt également une importance stratégique pour la Roumanie.

La Roumanie, comme la Pologne, joue un rôle clé dans l'approvisionnement de l'Ukraine en carburant et en armes occidentales. La présence des troupes américaines dans le pays augmente. Dans le même temps, la Roumanie intensifie sa coopération avec l'Ukraine pour envoyer des marchandises via la Moldavie. Par conséquent, la Roumanie devient d'une importance capitale dans la fourniture d'armes au sud de l'Ukraine et à la région d'Odessa et dans l'exportation de produits ukrainiens.

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Bulgarie

En Bulgarie, des manifestations ont eu lieu tout au long du mois d'avril contre les livraisons d'armes à l'Ukraine. Les manifestations étaient organisées par le parti parlementaire "Vazrazhdane" ("Renaissance"). Le président Rumen Radev (photo) s'est opposé à la fourniture d'une assistance militaire à l'Ukraine. La décision de Gazprom de suspendre les ventes de gaz à la Bulgarie a heurté les positions des russophiles bulgares. Cependant, cette situation a été causée par le refus du gouvernement du pays lui-même d'acheter du gaz en roubles.

Le 4 mai, le parlement bulgare (à l'exception des députés de Renaissance) a voté en faveur de la fourniture d'une assistance humanitaire et militaro-technique à l'Ukraine. Kiev souhaiterait réparer ses équipements militaires en Bulgarie et exporter des céréales via le port de Varna (les ports roumains sont déjà pleinement utilisés par l'Ukraine). Le président Radev a critiqué la décision du parlement, déclarant qu'"il y a un danger d'entraîner la Bulgarie dans ce conflit". Selon le chef de l'État, "le conflit ne sera pas court, il s'intensifiera et nécessitera des solutions raisonnables, et le terme même d'"assistance militaro-technique" est plutôt vague et risqué".

Il convient de noter qu'en Bulgarie, le niveau de soutien à la Russie au cours des derniers mois (février à mai) a chuté de 32% à 25%. En même temps, il faut tenir compte du fait que dans le contexte de la propagande hystérique anti-russe et de la réticence de nombreux Bulgares à parler aux sociologues de leur véritable état d'esprit, par peur de la répression et de l'ostracisme, dans le contexte du discours anti-russe dominant dans les médias, 25% est un chiffre substantiel. Dans cette situation, au moins un quart de la population déclare ouvertement son désaccord avec le récit anti-russe.

Grèce

En Grèce, tout comme en Bulgarie, des manifestations contre la fourniture d'armes à l'Ukraine ont eu lieu début avril. Cependant, aujourd'hui, les principaux arguments des manifestants sont la critique de l'augmentation des prix de l'énergie associée à l'adhésion de la Grèce aux sanctions anti-russes.

En général, les facteurs de russophilie ou de russophobie ne jouent pas un rôle particulier en Grèce. Les principales forces anti-guerre du pays sont la gauche. La détérioration de la vie des gens ordinaires est un facteur clé pour contrer l'implication dans le conflit. En général, dans les pays de l'OTAN d'Europe de l'Est, le facteur russophilie et russophobie joue un rôle en Slovaquie et en Bulgarie, où les forces pro-russes étaient auparavant au moins un peu évidentes. C'est dans ces pays que se pose aujourd'hui la question de la stabilité politique et d'éventuelles élections anticipées en raison de problèmes politiques internes, mais un facteur externe agit comme un catalyseur : le conflit en Ukraine et la perspective d'être entraîné dans une guerre avec la Russie.

Dans les États baltes, en Pologne et en Roumanie, la situation est plus stable. Toutefois, d'une manière générale, la pression de Washington, Londres et Bruxelles est si forte que l'opposition des forces pro-russes en Bulgarie et en Slovaquie risque d'être brisée. Le rôle clé dans la position des pays, comme le montre l'exemple de la Hongrie, est joué par la présence ou l'absence d'élites souveraines au pouvoir. Dans le premier cas, même l'expérience historique relativement négative des relations avec la Russie ne fait pas obstacle à une évaluation sobre de la situation. Au contraire, dans les pays totalement dépendants de l'Occident et dotés d'élites faibles, aucune expérience historique positive ne joue un rôle particulier ; de plus, il est possible en peu de temps de "raviver" la conscience de la majorité de la société par une exposition médiatique intense.

16 mai 2022

mercredi, 09 mars 2022

Lucian Blaga: Vision, identité et culture populaire

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Augusto Fleck

Vision, identité et culture populaire

Source: http://novaresistencia.org/2022/03/08/visao-identidade-e-cultura-popular/

Il existe un long débat au sein des sphères dissidentes et conservatrices sur la position de la culture populaire, des structures les plus caractéristiques du peuple aux festivals et à l'art produit à l'écart des cercles élitistes et bourgeois. Avec l'aide de la philosophie du poète roumain Lucian Blaga, nous pouvons réfléchir à la manière dont cette culture est proprement le fruit de notre "vision".

Lucian Blaga est un philosophe peu connu en dehors de la sphère universitaire roumaine. Sa poésie, en revanche, est plus répandue et fait même l'objet de traductions en portugais, bien que son impression et sa lecture soient également limitées. Philosophe entre deux mondes, sous l'influence de l'idéalisme et de la poésie d'Allemagne ainsi que de la culture roumaine qui l'entourait, Blaga a également dialogué intensément avec la métaphysique et la phénoménologie.

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Dans le domaine de l'épistémologie, il a eu l'audace de réaliser que les catégories kantiennes qui sous-tendaient la physique moderne étaient insuffisantes pour lire adéquatement la nouvelle physique et pour saisir la conscience de la connaissance dans son ensemble, en proposant que dans l'horizon des mystères, non seulement la lumière qui atténue le mystère produit la connaissance, mais qu'il existe un autre type de "cognoscence" qui intensifie et radicalise le mystère jusqu'à sa limite.

9782825108222_1_75.jpgComme produit de ses réflexions, une théorie entièrement nouvelle sur les processus de formation culturelle émerge, puisqu'il a compris l'homme lui-même comme une sorte de mutation ontologiquement culturelle, la culture étant une réponse imagée ou métaphorique de l'homme pour comprendre le mystère qui se trouve au-delà de l'horizon. L'horizon, pour Blaga, est une sorte d'atmosphère axiologique, d'orientation ou de forme, capable de donner un sens à la création culturelle. La culture est donc une manifestation ou une cristallisation anthropologique et géosophique d'horizons spatiaux subconscients.

Dans l'ordre, cet horizon spatial subconscient produit chez l'homme une "vision", une capacité qui fait de lui, en fait, un Homme. C'est lorsqu'il contemple l'horizon et réfléchit à sa finitude, qui reflète la finitude même de l'être, que la nature "rompt" avec son imperturbable sommeil conscient et en vient à exister pour le mystère et à le tenter.

Cette vision, bien sûr, est la muse la plus fondamentale du processus créatif et culturel. La culture n'est pas, comme l'a supposé la modernité à bien des égards, un ensemble de structures fonctionnelles produites par l'homme pour le maintien de son bien-être physique et la garantie de ses biens, mais une condition stylistique et linguistique qui donne un sens au sujet, des outils pour traiter le mystère.

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Dans le sillage de ce processus, chaque identité qui se forme est une matrice stylistique et structurelle correspondant à la relation entre l'horizon spatial (subconscient), la vision et l'horizon phénoménal de chaque peuple, un "être-avec historique". C'est pourquoi, contrairement aux animaux, la culture humaine posséderait, pour Blaga, tant de différences organisationnelles et dynamiques. Ainsi, exister ne peut réellement avoir un sens qu'à partir d'une vision spécifique sous laquelle nous modulons notre interaction avec le monde. Dans ce sens, Blaga dialogue à la fois avec les "styles civilisationnels" de Spengler, l'être de Heidegger et la cosmologie civilisationnelle de Douguine. Un amalgame presque typiquement roumain de leurs philosophies, pour être précis. Nonobstant la roumanité intrinsèque des images proposées par Blaga, ses catégories proposent une universalisation métaphysique, épistémologique et anthropologique qui peut être adéquate dans un autre système linguistique, tel que le nôtre (ndt: lusophone).

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Par conséquent, la culture populaire en tant que création identitaire à partir de la vision est un élément irrémédiablement concret de la relation existentielle et quotidienne de l'homme avec ce qui le rend homme.

Cela nous ramène, en quelque sorte, au problème de la culture populaire vs la culture de masse, tant en ce qui concerne la production artistique que le statut de nos fêtes populaires, sévèrement critiquées pour être barbares, immondes, etc.

La critique de la culture populaire est un thème récurrent dans les milieux conservateurs comme symptôme de décadence. En fait, il ne semblera pas étrange à tout traditionaliste de réaliser que lorsqu'une civilisation s'épuise dans la véritable essence de son esprit et que le crépuscule approche - ou plutôt, lorsque sa vision devient floue et que l'horizon n'est pas plus contemplatif qu'une obscurité métaphysique - l'art même produit sera en quelque sorte d'affecté.

Le problème de cette interprétation et du comportement subséquent, consistant à fétichiser l'exotique et l'exogène culturel, est une mauvaise compréhension de la civilisation même dont on fait partie. Il faut reconnaître qu'à l'orée de notre existence, aucun type de création culturelle ne dialogue avec l'aspect mystérieux et révélateur de l'existence aussi bien que la nôtre. Douguine souligne cet aspect lorsqu'il applique au cosmos la condition d'accès à l'infini, l'unité dans la multiplicité, l'immersion totale dans le particulier comme condition de l'éternel.

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Cela ne signifie pas, par exemple, un rejet total de ce qui est extérieur, car les grandes œuvres ont également le pouvoir de toucher le mystère par le biais de métaphores et de les exposer de telle sorte qu'une comparaison soit possible. La philosophie est aussi un art de la traduction.

Les deux éléments les plus troublants s'avèrent être : (1) une aliénation complète du sujet par rapport à son identité culturelle propre, tandis qu'il cherche dans le passé des cultures anciennes et éteintes, dans son sommet et sa mémoire apollinienne, une sorte d'ode à la beauté comme forme catégorique (2); une réduction de l'art populaire contemporain à l'état décadent du monde, une généralisation dangereuse et potentiellement délétère.

Même aux heures les plus sombres de la nuit de la civilisation, chaque peuple possède encore sa puissance immanente et un mouvement vers l'horizon et la cristallisation révélatrice. C'est cela qui potentialise le renouvellement de la puissance vers l'éternel que les fêtes populaires et l'art de notre peuple produisent, à travers notre matrice stylistique, sans avoir à recourir au plâtre effrité et décoloré des époques culturelles antérieures.

En réalité, toutes ces préoccupations et ces excès découlent de la même inquiétude et du même manque de soin qui imprègnent presque tout le travail intellectuel : savoir séparer ce qui est universel et qui relève de la démarche philosophique, anthropologique et métaphysique, de ce qui est particulier et qui reflète un horizon spécifique, qui ne manque pas, même dans l'abîme, de toucher et de dialoguer intimement avec le mystère qui nous rend humains.

jeudi, 03 février 2022

Mircea Eliade et la Garde de Fer

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"Mircea Eliade et la Garde de Fer", livre de Claudio Mutti

Une critique de Riccardo Rosati

Ex: https://www.ereticamente.net/2016/05/mircea-eliade-e-la-guardia-di-ferro-di-claudio-mutti-recensione-a-cura-di-riccardo-rosati.html?fbclid=IwAR0WbrOzMm5iO54pYlDuR3BiIDhO6foulDq0JPzsXhA2WOxqxBzHtcjF8RA

Ro2-184x300.jpgLe livre de Claudio Mutti est un outil précieux pour comprendre le passé gardiste d'Eliade. C'est un livre petit mais important, qui présente une recherche méticuleuse des sources, une opération qui n'est certainement pas facile, puisque pendant la période de la dictature en Roumanie, beaucoup de documents ont été détruits. Il s'agit d'un ouvrage qui éclaire la période all'ant de 1936 à 1938, alors qu'Eliade était membre du mouvement de la Légion de l'Archange Michel, ou Garde de Fer, comme on l'appelle souvent en Europe occidentale. Cette relecture actualisée de l'ouvrage que Mutti a consacré en 1989 au célèbre historien des religions démontre une fois de plus combien le savant italien est un point de référence pour approfondir le "légionnaire" Eliade. 

Le texte s'ouvre sur une citation de Franco Cardini, qui soutient que la Garde de Fer est un phénomène qui doit être étudié : "[...] d'un point de vue sociologique et anthropologique-ethnologique plutôt qu'idéologico-politique [...]". Mutti est bien conscient de la nécessité d'analyser l'implication directe d'Eliade dans les événements de son pays non pas dans une perspective idéologique qui serait limitative, mais dans une perspective spirituelle, active et participative. L'esprit et l'âme, comme l'a fait l'érudit roumain pendant une partie de sa vie, doivent être mis au service du Peuple et non de soi-même, et c'est déjà une leçon importante que nous pouvons tirer de ce livre.

Un autre élément souligné par Mutti concerne la pertinence autobiographique dans la fiction d'Eliade : "Il existe cependant une partie de la production d'Eliade dans laquelle la donnée autobiographique n'est pas déclarée, mais est souvent habilement dissimulée dans le contexte d'une intrigue fictive, tout en conservant une transparence lucide". Il le fait avec un style d'écriture très particulier : un ton apparemment "froid" et enclin à la synthèse, mais qui s'avère captivant, poussant à lire la page suivante et ainsi de suite, posant des questions auxquelles on tente, et souvent on réussit, à donner des réponses.

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C'est le cas de Forêt interdite (1955)... s'agit-il d'un roman autobiographique ? Mutti conclut qu'il ne l'est pas, bien qu'il se déroule dans le camp de prisonniers de Miercurea Ciuc, où le philosophe des religions  a été emprisonné. Le voyage de Mutti dans le militantisme d'une certaine jeunesse roumaine, à travers le récit d'Eliade, avec des épisodes aussi héroïques que vrais, est vraiment évocateur. Nous nous rappelons, par exemple, comment dans le camp d'internement, Nae Ionescu (le professeur d'Eliade) a créé une "université légionnaire" ou lorsque les membres de la Garde se relayaient avec une précision militaire dans la prière et le jeûne. 

Il y a des universitaires qui ont connu la prison ou, comme dans ce cas, un camp d'internement. Aux yeux de la droite progressiste d'aujourd'hui, cela suscite la peur et la suspicion, comme si cela diminuait la valeur du chercheur qui se heurte à une politique oppressive, corrompue et injuste. Mais c'est précisément tout ce qui relève du militantisme et de l'engagement qui les dérange, ainsi que les actes de courage. C'est ce qui est arrivé à Fosco Maraini au Japon, mais on ne parle jamais de son emprisonnement volontaire, on se contente de dire qu'il s'est coupé le doigt pour obtenir les faveurs des militaires japonais. Un intellectuel qui vit en captivité génère un monde en lui-même, il doit le faire pour survivre. Dans le cas de Gramsci, la prison a été paradoxalement sa grande chance, mais quand il s'agit d'un penseur de droite, tout devient hooliganisme, subversion, ille nihil dubitat qui nullam scientiam habet.

Un chapitre du livre s'intitule "La dernière chance de la Roumanie", reprenant les mots d'Emil Cioran. Pouvons-nous emprunter cette phrase aujourd'hui pour affirmer que la pensée traditionnelle est la dernière chance de l'Occident ? Cioran avait-il donc raison de croire que le salut de la société moderne résidait dans la "destruction de la démocratie"? Le texte de Mutti n'évite pas les réflexions de ce genre, étant empreint de ce courage nécessaire aujourd'hui pour dénoncer les ténèbres qui dominent le monde, comme lorsqu'il parle, sans mâcher ses mots, du "veto sioniste" qui a empêché la candidature d'Eliade au prix Nobel.

En outre, Mutti n'hésite pas à aborder de front les problèmes socioculturels de la société contemporaine, en utilisant avec profit une perspective traditionnelle. C'est ce qu'il a fait lors d'une conférence sur René Guénon qui s'est tenue à Rome il y a quelques années, au cours de laquelle il a réussi à proposer une lecture du philosophe français qui n'était finalement pas cérébrale et "alchimique" - comme cela arrive ponctuellement chez presque tous les soi-disant guénoniens - en stigmatisant le rôle occulte de Basile Zaharoff (1849 - 1936) (photo) : une figure malheureuse, peu connue et étudiée, mais qui a dirigé le destin du monde tel que nous le connaissons aujourd'hui. Cela nous semble être la seule façon possible d'être un traditionaliste, l'audace d'entrer dans la lutte, même politique si nécessaire !

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Eliade lui-même le dit clairement avec ses propres mots : "Pour moi, qui ne croyais pas au destin politique de notre génération (ni à l'étoile de Codreanu), une déclaration par laquelle je me dissociais du Mouvement semblait non seulement inacceptable, mais même absurde". Il y a donc un temps pour la recherche et un temps pour l'engagement ; l'un ne doit jamais prévaloir sur l'autre, mais ils ne doivent pas non plus entrer en conflit. Le monde occidental dans lequel nous vivons ne peut pas s'abreuver d'ésotérisme pur, c'est une étape complexe et il a besoin, avant de l'atteindre, d'un éveil, qui passe inexorablement par le fait de rendre la Tradition compréhensible, d'expliquer comment elle n'est pas une "fuite du monde", mais une puissante rentrée dans celui-ci, non pas tant pour le détruire, dans une tentative de remettre anachroniquement les mains de l'histoire à zéro, mais pour le "rectifier" de manière évolutive.

Riccardo Rosati.

vendredi, 31 décembre 2021

Protectionnisme et industrialisation - La théorie économique de Mihail Manoilescu. 

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Protectionnisme et industrialisation - La théorie économique de Mihail Manoilescu

Par Bogdan C. Enache

Ex: https://blog.ignaciocarreraediciones.cl/proteccionismo-e-industrializacion-la-teoria-economica-de-mihail-manoilescu-por-bogdan-c-enache/

(Note de la rédaction : Mihail Manoilescu (1891-1950) était un économiste roumain très influent dans l'espace des pays périphériques, notamment en Europe de l'Est et en Amérique latine, en particulier au Brésil, au début du XXe siècle. Ses idées sur le développement de l'industrie nationale et le protectionnisme stratégique contredisent clairement l'orthodoxie néolibérale dominante, mais l'environnement dans lequel elles ont été générées et débattues présente encore de nombreuses similitudes - et donc une pertinence - avec la situation des États qui cherchent actuellement à naviguer dans un système économique mondial d'échanges asymétriques, d'exploitation commerciale et de coercition de la souveraineté aux mains d'acteurs nationaux et transnationaux et d'entités multilatérales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international).

(Version espagnole de Gonzalo Soaje, gonzalosoaje@ignaciocarreraediciones.cl)

En dehors du Brésil et de la Roumanie, Mihail Manoilescu est essentiellement un économiste oublié, et même dans ce dernier pays, lorsque son nom est mentionné, il est généralement enseigné comme un théoricien du commerce ou un protectionniste, bien qu'il soit un théoricien du développement, de la croissance, du commerce et de la planification industrielle, tous réunis en un seul. En bref, il était essentiellement un théoricien implicite de la macroéconomie (1) à une époque où la macroéconomie commençait tout juste à s'imposer comme une discipline. Le peu de choses que l'économie anglo-saxonne d'après-guerre a assimilé de lui s'est produit indirectement et presque par hasard, par l'intermédiaire d'économistes en dehors du courant dominant de Paul Samuelson qui, peut-être en raison de leurs positions idéologiques "entachées", ou du peu d'attention accordée à la Roumanie après l'établissement du régime communiste, ont rarement mentionné son nom, comme ils ne l'ont pas fait, mentionnent rarement son nom, comme la "théorie des pièges du développement" de Paul Rosenstein-Rodan ou la "théorie des cycles de dépendance des produits de base" de Raul Prebisch (*), même si, dans les années 30, Manoilescu avait une énorme influence intellectuelle et politique. À l'époque, il était une sorte d'icône intellectuelle pour le groupe des économies moins développées des institutions de Genève - le Fonds monétaire international (FMI)/la Banque mondiale/l'Organisation mondiale du commerce (OMC) naissante de l'ère de la Société des Nations - contre l'orthodoxie de l'économie politique de l'époque, ainsi qu'un intervenant régulier aux conférences de style Davos organisées par les régimes d'António de Oliveira Salazar (2), de Benito Mussolini (3) et aussi d'Adolf Hitler (4). 

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Keynes des pauvres 

Bien que le lien soit rarement fait, sa théorie a plus de points communs avec celle de John Maynard Keynes qu'avec la pensée protectionniste antérieure. Dans la macroéconomie de Keynes, qui s'applique aux économies industrialisées ou développées, la théorie classique de l'équilibre de l'offre et de la demande est réfutée par l'existence de ressources inutilisées, de la pauvreté au milieu de l'abondance. Dans la théorie de Manoilescu, un programme protectionniste d'industrialisation "big push" qui brise les contraintes apparentes telles que l'avantage comparatif est basé sur l'existence de ressources sous-utilisées, d'une abondance au milieu de la pauvreté. Alors que Keynes devait s'attaquer au problème du chômage de masse dans les sociétés industrialisées, Manoilescu se concentrait sur le sous-emploi de masse dans les sociétés agraires, qui devenait également un risque politique compte tenu de l'élévation du niveau d'éducation et des attentes (en effet, le mouvement en Roumanie (**) qu'il a approché dans la dernière partie de sa carrière était, par essence, une révolte en Roumanie), en substance, une révolte de la première génération de paysans ayant reçu une éducation universitaire, une conséquence de la fracture rurale-urbaine plutôt qu'une fracture urbaine-urbaine, correspondant parfaitement à ce que Samuel Huntington définira plus tard, sans jamais faire référence à la Roumanie, comme des "révolutions rouges-vertes" simultanées dans des sociétés en mutation).

Le commerce était plus essentiel pour Manoilescu que pour Keynes, car pour une économie essentiellement agraire, en particulier une économie souffrant d'inflation en temps de guerre comme celle de la Grande-Bretagne, mais également privée de ses réserves d'or, les exportations de matières premières vers les économies industrielles étaient essentielles pour maintenir la stabilité monétaire. Il ne faut pas oublier qu'au sommet de son influence, Manoilescu était, sinon un théoricien monétaire travaillant pour l'administration coloniale britannique en Inde comme Keynes, du moins un praticien monétaire, en tant que gouverneur de la Banque nationale de Roumanie. Dans une économie où les importations consistent principalement en biens industriels, qu'ils soient destinés à l'investissement en capital ou à la consommation ostentatoire de la classe riche selon Veblen, la demande et la volatilité des prix des produits agricoles dans les pays industriels importateurs ont eu un impact négatif sur la stabilité monétaire du pays exportateur. Par conséquent, l'industrialisation par la substitution des importations et le protectionnisme promus par la théorie de Manoilescu avaient non seulement une dimension de croissance et de développement, mais aussi une dimension monétaire.   

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Le libre-échange en déclin

L'intérêt de Manoilescu pour l'industrialisation et les tarifs douaniers comme moyen d'y parvenir n'était pas original. Après l'ère Cobden-Chevalier des accords de libre-échange au milieu du XIXe siècle, l'Europe s'oriente vers des politiques tarifaires bien avant le début de la Première Guerre mondiale. Bien qu'elles n'aient été officiellement indépendantes qu'en 1877, les Principautés roumaines, puis les Principautés unies de Roumanie et enfin simplement la Principauté de Roumanie ont non seulement participé, bien que souvent d'office, à la vague de libre-échange de Manchester, mais ont été une sorte de berceau de la politique de laissez-faire, à tel point que certains historiens parlent aujourd'hui encore d'une grande expérience de modernité appliquée pour la première fois sur ces terres. Étant officiellement des États vassaux de l'Empire ottoman, mais sous la protection partagée des grandes puissances de l'époque et, après 1859, pratiquement indépendants, la politique de libre-échange sans restriction sur les terres roumaines convenait non seulement aux puissances rivales mais aussi, du moins à cette période de formation de l'État-nation, aux élites roumaines, qui l'ont intériorisée après le démantèlement du monopole commercial ottoman en 1828 et y ont vu un gage de sécurité, compte tenu notamment de l'importance croissante de la route fluviale du Danube, qui a donné naissance à la première institution internationale permanente : la Commission du Danube. Ainsi, le premier et unique prince dirigeant des Principautés unies de Roumanie, Alexandru Ioan Cuza, a pu déclarer au Parlement, en harmonie quasi totale avec les libéraux de 1848 et l'opposition conservatrice, que le pays était opposé à tout régime protectionniste, car la véritable bataille de politique économique de l'époque était la redistribution de la propriété foncière. Cependant, dans les décennies qui ont suivi l'indépendance du pays et la proclamation d'un royaume, dans toute l'Europe, l'idéologie du libre-échange a atteint son apogée et a simultanément commencé à perdre du terrain. En Roumanie, ce passage d'un régime de libre-échange à une protection modérée a commencé avec la loi générale sur les tarifs de 1886, renouvelée et améliorée par la loi générale sur les tarifs de Costinescu en 1906. Cette politique établie, ainsi que sa formation saint-simonienne, ont fait de Manoilescu l'un des principaux promoteurs de l'industrialisation du pays : un néo-libéral (sic !) dans le vocabulaire politique de l'époque, c'est-à-dire un libéral qui croyait en l'utilisation de l'État pour réaliser le progrès économique, contrairement aux vieux libéraux (5) qui s'accrochaient encore au libre-échange et à une politique relativement non interventionniste, qui, dans la Roumanie de l'entre-deux-guerres, ont fini par se ranger du côté du Parti national paysan plutôt que du côté des libéraux. Ce fut le cas de Gheorghe Tașcă, le plus sérieux critique de Manoilescu en Roumanie. Selon lui, et selon d'autres économistes du Parti national paysan comme Virgil Madgearu, une politique de protectionnisme visant à accélérer l'industrialisation serait préjudiciable à la population agraire et empêcherait ou retarderait la modernisation du secteur car les agriculteurs devraient payer un coût plus élevé pour acquérir des outils. 

"La protection à court terme impose un coût à court terme au consommateur pour un bénéfice national à long terme ; à long terme, pour ainsi dire, elle devrait se payer d'elle-même".

Guerre commerciale avec l'Autriche-Hongrie

Les droits de douane de 1886 sont le résultat d'une longue guerre commerciale avec l'Autriche-Hongrie après la signature d'une convention de libre-échange en 1876 sur le mouvement du bétail. Bien que l'accord ait réduit les droits de douane et comporte une clause de libre transit mutuel, il ne contenait pas de réglementations non tarifaires telles que les réglementations vétérinaires, et les autorités de Vienne ont profité de cette lacune pour interdire les exportations de bétail roumain, décimant ainsi l'industrie et contribuant à convertir le secteur agricole roumain d'exportateur de bétail en producteur de céréales. Mais les tarifs douaniers de 1886 étaient également fondés sur l'argument de l'industrie naissante, aujourd'hui tout à fait dominante, de créer un marché pour la production industrielle nationale. Selon l'argument de l'industrie naissante à la Friedrich List, les tarifs douaniers restaient un coût irrécupérable pour les consommateurs, mais un coût temporairement irrécupérable nécessaire pour qu'une entreprise ou une industrie émerge là où il n'y en avait pas, face à une concurrence dévastatrice et pas toujours loyale. En bref, l'argument du tarif pour les industries naissantes était que, sans lui, il n'y aurait pas de marché de taille suffisante pour rendre la construction d'une usine plus rentable que l'importation de biens industriels, mais qu'une fois l'usine en activité, c'est-à-dire lorsque l'industrie arrive à maturité, le tarif, qui couvrait essentiellement le coût de l'investissement fixe dans la nouvelle industrie, n'est plus nécessaire et les biens de consommation produits peuvent alors être encore moins chers que ceux importés. Ainsi, la protection à court terme impose un coût à court terme au consommateur pour un bénéfice national à long terme ; à long terme, pour ainsi dire, elle devrait s'amortir.

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Conformément à l'industrie naissante et à la politique de développement naissante, les tarifs généraux de 1886 et 1906 n'étaient pas des mesures protectionnistes grossières. Ils prévoyaient des exemptions pour l'importation de machines et d'autres biens d'équipement nécessaires à l'investissement dans les installations de production nationales et étaient accompagnés de lois facilitant l'accès au crédit (un autre problème dans les économies moins développées) pour les entrepreneurs en herbe, qui pouvaient toutefois faire l'objet d'abus et créer une relation clientéliste corrompue entre la politique, la bureaucratie et les entreprises. Toute cette industrie de promotion des politiques commerciales, fiscales et de crédit, déjà en place depuis la fin du XIXe siècle, constitue l'arrière-plan de la théorie de Manoilescu. Mais sa théorie, bien qu'elle puisse être considérée comme une systématisation de la politique roumaine établie - du parti libéral, en particulier - du début du 20e siècle, va au-delà des arguments protectionnistes antérieurs sur certains points importants.   

Programme de Vintilă Brătianu 

Le décideur économique le plus influent de la Roumanie du début du XXe siècle est Vintilă Brătianu, issu de la famille Brătianu qui a pratiquement présidé successivement le Parti national libéral depuis sa création jusqu'aux années 1930. Il est l'auteur du programme économique libéral dont le slogan électoral a saisi l'essentiel avec une concision élégante et durable, "Par nous". Alors que Manoilescu était un fonctionnaire de bas niveau, dont le milieu familial était lié au mouvement socialiste qui, en 1899, a rejoint le Parti national libéral en tant que faction autonome, Vintilă Brătianu était l'homme politiquement et financièrement bien connecté en charge du développement de l'industrie roumaine.

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Pays agraire, par la proportion de l'occupation de la population et de la production nationale, la Roumanie était aussi un pays riche en ressources naturelles, surtout en ressources naturelles qui étaient alors à l'avant-garde du développement industriel, comme le pétrole. Le slogan du Parti libéral faisait avant tout référence à un débat sur la meilleure façon de promouvoir le développement de ces ressources. Le parti conservateur, bientôt remplacé, avec l'introduction du suffrage universel masculin en 1917, par le parti national paysan en tant que deuxième parti le plus important, était plus enclin à une politique de laissez-faire, comme le montre le compromis de la loi sur les mines de 1895, qui, dans le programme du parti national paysan, est devenu connu sous le nom de "politique de la porte ouverte". Cela signifiait qu'il fallait autoriser des investissements étrangers débridés, car cela correspondait aux intérêts de ses électeurs agraires orientés vers l'exportation, tandis que les libéraux promouvaient une série de politiques fiscales et réglementaires (quotas de propriété du capital, quotas de représentation de la nationalité des dirigeants, etc.), dont le point culminant était un article constitutionnel de 1923 établissant la propriété publique des ressources souterraines, conçu pour donner au gouvernement roumain et aux propriétaires roumains de l'industrie d'exploitation des ressources un rôle majeur.  

Lien avec le socialisme 

La théorie de Manoilescu est autant le produit de la pensée et des politiques économiques libérales de l'époque que celui des débats socialistes locaux. Le principal théoricien socialiste de la Roumanie de la fin du XIXe siècle, un pays qui avait une communauté de phalanstères de type Fourrier (***) dès 1830, était un homme appelé Constantin Dobrogeanu-Gherea, l'un des fondateurs du Parti roumain des travailleurs socialistes démocratiques (1893), dont la grande originalité était d'avoir remarqué que la théorie économique marxiste orthodoxe ne correspondait pas tout à fait aux faits de pays comme la Roumanie, car au lieu d'un grand prolétariat opprimé comme en Allemagne, on pouvait trouver une grande paysannerie opprimée comme en Allemagne, on pouvait trouver une grande paysannerie opprimée dont la conscience de classe fonctionnait différemment de celle des travailleurs (David Mitrany, un théoricien britannique des relations internationales né en Roumanie au milieu du 20e siècle, écrira plus tard que l'existence de cette grande paysannerie, dotée de la propriété foncière, dans des pays comme la Roumanie ou la Pologne, d'ailleurs, était précisément ce qui rendait la révolution bolchevique peu attrayante dans ces pays). L'accent mis par Manoilescu sur le produit global de la valeur du travail et sa distribution, bien que filtré par David Ricardo, remonte à ces débats socialistes et libéraux de gauche roumains sur la paysannerie. Le point culminant a été atteint dans la décennie qui a suivi le soulèvement des paysans de 1907 contre les propriétaires terriens qui louaient souvent leurs biens à des administrateurs, soulèvement qui, dans de nombreuses régions du pays, a dû être réprimé par l'armée. La paysannerie roumaine a mis le feu aux poudres, renversé un gouvernement conservateur, fait des milliers de morts selon un bilan encore indéterminé, et le bouleversement a fait la une des journaux du monde entier. Avec la génération de Mihail Manoilescu, la paysannerie roumaine va entrer dans la théorie économique.  

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La Roumanie d'après 1918 a considérablement accru la portée de la politique de développement industriel du Parti national libéral. Bien que le pays ait plus que doublé en taille, il est resté une nation agraire. L'unification a intégré quelques provinces légèrement plus industrialisées gouvernées par les Austro-Hongrois, ainsi qu'une province pratiquement non industrielle anciennement gouvernée par la Russie, laissant le pays globalement identique à ce qu'il était auparavant. Toutefois, son potentiel et ses ambitions économiques étaient bien plus importants. 

L'économie communautaire

Manoilescu développe sa théorie dans ce contexte roumain d'après-guerre, marqué par les grandes ambitions du programme économique national-libéral et les déséquilibres économiques de l'économie de guerre, à savoir l'inflation, la dépréciation de la monnaie, la dette et des économies plus fermées.

À l'époque, les débats économiques internationaux dans les forums officiels se concentrent sur le rétablissement de la stabilité monétaire d'avant-guerre, un effort auquel la Roumanie, membre du bloc aurifère de l'Union latine, se joint, bien que la plupart de ses réserves d'or aient été confisquées par l'Union soviétique. La Russie, qui y a été envoyée en sûreté en 1917 lorsque l'Allemagne et ses alliés ont envahi plus de la moitié du pays, ne parvient jamais vraiment à établir la parité d'avant-guerre et dévalue sa monnaie à plusieurs reprises. La deuxième grande question était le rétablissement du commerce et des flux de capitaux dans le contexte de l'après-guerre, qui, dans la pratique, est étroitement lié à la première question. Les propositions les plus ambitieuses à cet égard, qui sont aujourd'hui considérées comme les précurseurs de l'Union européenne, prévoyaient une zone de libre-échange à l'échelle européenne, voire une union douanière à l'échelle européenne. La région de l'ancien empire des Habsbourg ou de l'Empire austro-hongrois, qui englobe aussi en partie le royaume de Roumanie, est le plus souvent citée comme exemple dans ces propositions des effets économiques pernicieux de la fragmentation nationale, tandis que d'éminents économistes autrichiens, travaillant à l'intérieur ou à l'extérieur des bureaux de la Société des Nations, comme Gottfried Haberler ou Fritz Machlup, jetteront les bases de la théorie moderne de l'intégration économique. Cependant, aucun État n'était vraiment disposé à démanteler complètement les nombreux contrôles, réglementations et restrictions mis en place pendant la guerre et servant aujourd'hui divers groupes d'intérêts.

Outre ces deux grandes questions, un troisième grand débat économique s'est déroulé à Genève, où se trouvaient les bureaux de la Société des Nations, opposant les intérêts des pays développés ou industrialisés à ceux des économies agraires ou moins développées, représentées principalement par les pays d'Europe centrale et orientale et ceux d'Amérique latine, bien que les pays d'Europe du Sud aient également été impliqués, en ce qui concerne les termes de l'échange déloyaux (6). Le problème sera aggravé pendant l'entre-deux-guerres par l'instabilité du dosage des politiques dans les pays industrialisés, où l'insistance orthodoxe sur les taux de change fixes de l'étalon-or et la libre circulation des capitaux à la fin du XIXe siècle cohabitent avec un système désorganisé de contrôles croissants, de restrictions commerciales et de préférences coloniales, ce qui rend difficile pour les pays exportateurs de matières premières de préserver leur stabilité macroéconomique. C'est dans ces circonstances que la théorie de Manoilescu a acquis une notoriété internationale. Elle promettait aux pays en développement un moyen de prendre en main leur destin économique et l'espoir de combler l'écart avec les économies développées ou, du moins, de devenir plus autosuffisants. Le fait qu'il ait capté le sentiment de repli sur soi et de nationalisme qui régnait partout dans les années précédant et suivant la Grande Dépression faisait partie de son attrait. Aujourd'hui encore, il constitue un remarquable témoignage intellectuel, essentiel à la compréhension de cette période turbulente. 

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"Cette simple observation se généralise en ce que l'on appelle la constante de Manoilescu ou le ratio de Manoilescu : la productivité de l'industrie est toujours supérieure à celle de l'agriculture. Par conséquent, une politique d'industrialisation se justifie pour des raisons économiques."

Au-delà de Ricardo 

La théorie de Manoilescu commence par un ensemble d'observations empiriques. Les biens agricoles, mais aussi les produits de base en général, ont une valeur par unité d'heure travaillée inférieure à celle des biens industriels, car une production plus élevée implique des coûts moyens plus élevés ou un revenu moyen plus faible. Cette simple observation se généralise en ce que l'on appelle la constante de Manoilescu ou le ratio de Manoilescu : la productivité de l'industrie est toujours supérieure à celle de l'agriculture. Par conséquent, une politique d'industrialisation se justifie pour des raisons économiques. Une politique protectionniste quasi-autarcique comme moyen de parvenir à l'industrialisation n'est pas un non-sens, puisque le coût d'opportunité des droits de douane n'est pas le surplus du consommateur auquel on renonce comme dans la théorie orthodoxe, mais la production à valeur ajoutée à laquelle on renonce du fait de l'existence du droit de douane. L'argument de l'avantage comparatif suppose un modèle simple à deux biens et deux prix, tandis que l'argument généralisé de Manoilescu révèle un modèle à deux biens et quatre prix, dans lequel la poursuite de la prescription conventionnelle de l'avantage comparatif est une solution sous-optimale. Comme dans la macroéconomie keynésienne, la prémisse cachée de l'argument était l'existence de ressources sous-développées, plutôt que sous-utilisées, telles que le capital humain, le savoir-faire et l'épargne. Cela n'a pas toujours été le cas, bien que depuis les années 1860, la Roumanie ait eu une série de politiques éducatives, dont l'enseignement primaire obligatoire, de bonnes écoles secondaires dans les villes, des programmes d'alphabétisation et de culture populaire dans les zones rurales, ainsi qu'une élite ayant reçu une éducation occidentale privée ou publique, qui, dans l'entre-deux-guerres, reproduisait et maintenait une vie universitaire, culturelle et scientifique, petite mais vivante, de niveau comparable, dont Manoilescu (et de nombreuses autres personnalités) était un produit (7). 

Résultats non concluants 

Bien que le programme autarcique de Manoilescu n'ait jamais été appliqué systématiquement en Roumanie, le programme national-libéral "Par nous", plus systématique, dont il s'est inspiré pour son modèle abstrait, a été la politique dominante dans l'entre-deux-guerres, à l'exception du changement de politique inopportun du gouvernement national paysan, lorsqu'en pleine Grande Dépression, alors que le protectionnisme sévissait dans le monde entier, la Roumanie a effectivement essayé son programme de libéralisation "Portes ouvertes". Et malgré les nombreuses critiques que l'on peut formuler à l'encontre de cette politique protectionniste de développement industriel durant cette période turbulente et compliquée, le fait est qu'en 1938, l'industrie, les services et la construction ont dépassé la barre des 50% de la production nationale (8). En quelque trois décennies, marquées par une guerre coûteuse et une dépression mondiale, le pays s'est transformé d'un pays essentiellement agraire, avec une économie essentiellement ferroviaire et portuaire, en un pays agro-industriel, avec quelques industries de pointe et des produits industriels surprenants tels que l'avion de chasse IAR-80, tant admiré et redouté, produit localement et détruit par les Soviétiques jusqu'à sa dernière pièce. Il est vrai que les séries reconstituées du PIB (9) pour la période montrent un taux de croissance par habitant maigre, presque plat, au cours de la période, avec de grands écarts par rapport à la moyenne, ce qui rend très difficile l'évaluation de l'effet endogène de la politique, mais le changement relatif de sa composition n'est pas contesté. 

Contacts fascistes 
L'esprit du fascisme

Manoilescu était lui-même un personnage controversé, pompeux et quelque peu excentrique, même à son époque, mais il reste l'économiste le plus influent, le plus oublié et le plus discrédité que la Roumanie ait jamais produit. Il est passé du statut d'ingénieur brillant et ennuyeux, d'intellectuel et de haut fonctionnaire à celui d'une personnalité politique influente et pas toujours couronnée de succès, mais sans jamais disposer d'un grand nombre de partisans.

Bien qu'il ait commencé par être une sorte de Vintilă Brătianu néo-libéral, travaillant pour le premier gouvernement libéral de l'après-Première Guerre mondiale, il dédaigna, comme beaucoup d'intellectuels de son temps, en particulier celui issu des boyards ruraux des plaines du sud de la Moldavie, la soi-disant oligarchie libérale organisée autour de la famille Brătianu et entra en politique avec le plus grand rival du Parti libéral au début des années 1920, le Parti du peuple formé par le maréchal Alexandru Averescu, un héros de guerre à la retraite.

Comme un certain nombre d'intellectuels roumains et européens en général, il a rapidement développé de la sympathie et de l'admiration pour le régime de Mussolini, sur lequel il a théorisé de manière extensive et originale. Il l'a trouvé inspirant pour son efficacité apparente à relever les défis et à surmonter les contradictions de l'économie et de la société modernes, une étape logique dans l'histoire de l'organisation politique et sociale. Et, comme l'a montré l'économiste politique Philippe C. Schmitter, certaines parties de ses idées corporatistes ont perduré jusqu'à aujourd'hui, bien que sous une forme démocratique, dans les multiples organes qui rassemblent les fonctionnaires gouvernementaux, les employeurs et les syndicats de travailleurs qui existent à travers l'Europe et qui constituent une caractéristique du capitalisme continental de la fin du 20e siècle. 

En 1930, il soutient le retour sur le trône du prince Carol (le futur roi Carol II), qu'il connaît personnellement depuis ses années d'école et qui avait été déshérité en 1926, sous le gouvernement libéral de Ionel Brătianu. Cela lui vaut une carrière politique de courte durée au sein du Parti national paysan, le parti au pouvoir à l'époque, qui, sous la direction de Iuliu Maniu, a pratiquement permis ce que l'on a appelé "la restauration", dont il s'est retiré après s'être brouillé avec Virgil Madgearu, l'économiste en chef du parti. Pendant un certain temps, au début des années 1930, Manoilescu était considéré comme un membre du cercle étroit des collaborateurs du roi Carol II - la clique, comme l'appelaient ses détracteurs. Cependant, les deux ne se sont pas entendus longtemps. En tant que gouverneur de la Banque nationale de Roumanie en 1931, il a refusé de renflouer une banque roumaine très importante et emblématique de l'époque, la banque Marmorosch, Blank & Co, ce qui, selon les rumeurs et spéculations politiques de la presse enfiévrée de l'époque, l'a monté contre le roi Carol ou les intérêts supposés des amis du roi dans cette affaire.   

Quoi qu'il en soit, Manoilescu s'est déplacé vers l'extrême droite, a fondé son propre parti ou sa ligue corporatiste insignifiante et, à la fin des années 1930, est devenu un mécène du mouvement légionnaire, au moment où le roi Carol II commençait à le réprimer durement. En 1940, alors que le régime schmittien du roi Carol II s'effondre, il se voit néanmoins confier le rôle de bouc émissaire chargé de négocier avec la Bulgarie l'arbitrage dit de Vienne, orchestré par Mussolini et Hitler, dont l'intention officielle est de revoir les injustices très médiatisées de la paix de Versailles dans le sud-est de l'Europe, ce qui entraîne la perte de deux comtés côtiers roumains. Le vaniteux Manoilescu a rempli ce rôle dans l'espoir encore plus vain d'éviter une perte territoriale beaucoup plus importante au bénéfice de la Hongrie dans des négociations parallèles qui déboucheraient sur un diktat. Comme d'autres hauts fonctionnaires experts, il a continué à exercer cette fonction sous le régime du général Ion Antonescu, bien que sa gestion de la crise existentielle du pays à l'été 1940, avec les pertes territoriales qui s'ensuivirent sur les trois fronts, ait nui à sa réputation, même auprès des partenaires de la coalition légionnaire pro-nazie du régime militaire d'Antonescu.

Lorsque la Roumanie a rompu son alliance avec l'Allemagne et qu'a pratiquement commencé l'occupation soviétique - qui a d'abord déplacé d'importants équipements industriels, parfois même des usines entières, puis extrait du pays des quantités considérables de ressources naturelles (des céréales et du pétrole à l'uranium) à titre de réparations de guerre par le biais d'une série de coentreprises pendant une dizaine d'années - il a fait partie du premier groupe d'hommes politiques et de hauts fonctionnaires à être arrêtés. Il a réussi à rédiger ses Mémoires pendant une brève période de liberté, avant d'être emprisonné par le régime communiste roumain fantoche installé par les Soviétiques dans la tristement célèbre prison de Sighet, où il mourra plusieurs années plus tard, sans procès et enterré dans une tombe anonyme, comme de nombreuses autres personnalités politiques de l'époque de différentes obédiences.   

"Sa théorie du développement industriel par substitution aux importations, fondée sur l'expérience roumaine d'avant la Seconde Guerre mondiale, était en fait une politique répandue dans l'ensemble du monde en développement dans les années 1950 et 1960".

L'oubli et le souvenir 

Le plus grand héritage intellectuel de Manoilescu se situe aujourd'hui en dehors de la Roumanie, notamment au Brésil, où le régime de Getúlio Vargas (photo, ci-dessous) à la fin des années 1930 a adopté ses idées comme politique économique officielle, même si son influence opérationnelle officieuse, qu'il serait très intéressant d'étudier systématiquement, est bien plus importante et peut être détectée dans divers pays au-delà de l'Amérique latine, de l'Inde post-coloniale à, en un sens, la politique économique chinoise contemporaine.

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Sa théorie du développement industriel par substitution aux importations, fondée sur l'expérience roumaine d'avant la Seconde Guerre mondiale, était en fait une politique répandue dans l'ensemble du monde en développement dans les années 1950 et 1960 et s'apparente à la politique plus réussie du Japon et, plus généralement, de l'Asie de l'Est en matière d'industrialisation et de promotion des exportations, en particulier après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, il est pratiquement inconnu aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, où l'on s'attendrait à trouver toute la sagesse de l'économie sous une forme lisible, oublié en France et en Allemagne, où il a publié ses principaux ouvrages, tandis qu'au Brésil, il est toujours enseigné dans les départements d'économie et est connu des intellectuels et des responsables de la politique économique.

cpmm.jpgEn Roumanie, il semble à première vue presque aussi oublié que n'importe où ailleurs qu'au Brésil ; aucun livre n'a été publié sur lui ou ses idées, seulement des informations éparses ici et là, et très peu de chercheurs, pratiquement aucun éminent, qui prétendent vraiment poursuivre ou engager son héritage intellectuel (ndt: on notera toutefois le livre de Cristi Pantelimon, v. ci-contre) ; mais les vestiges de sa vie et de sa pensée sont toujours là et refont inévitablement surface de temps en temps, généralement avec une certaine controverse concernant son antisémitisme, comme lorsque la Banque nationale de Roumanie a émis en avril 2016 une pièce de collection à l'effigie de Mihail Manoilescu, dans le cadre d'une série commémorant ses anciens gouverneurs. 

Le colonialisme financier mondial

La réapparition la plus notable a eu lieu sous le régime communiste de Nicolae Ceaușescu et pratiquement toutes les connaissances et utilisations qui existent actuellement en Roumanie concernant la théorie de Manoilescu remontent à cette période. Après avoir refusé de participer, et même condamné publiquement, l'invasion de la Tchécoslovaquie par le Pacte de Varsovie en 1968, Ceaușescu a cherché à éloigner la Roumanie communiste de l'hégémonie de Moscou. Sur le plan interne, cela signifiait avant tout une politique de désoviétisation culturelle et de réhabilitation des valeurs nationales, qui avait en fait commencé timidement sous son prédécesseur, Gheorghe Gheorghiu-Dej, peu après la négociation réussie du retrait des troupes soviétiques du territoire roumain en 1958, mais sans réforme réelle et profonde du système communiste en tant que tel.

Sur le plan extérieur, elle inaugure une période de diplomatie multilatérale, également initiée par Dej avec une déclaration équidistante sur le conflit de leadership sino-soviétique au sein du bloc communiste, qui comprend, entre autres, l'adhésion exceptionnelle de la Roumanie communiste au FMI et à la Banque mondiale en 1972, avec le statut de pays en développement, le même groupe de pays couvrant l'Amérique du Sud, qui a grandement apprécié et utilisé les idées de Manoilescu dans la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), une organisation qui a finalement réalisé une initiative de 1939 formulée pour la première fois à la Société des Nations à Genève.

L'éloignement de Moscou et l'ouverture de la Roumanie communiste à l'Ouest et au reste du monde à la fin des années 1960 et dans les années 1970 ont permis au régime de Ceaușescu d'accéder à des crédits en dollars, à des transferts de technologie et à des marchés étrangers pour mener à bien un ambitieux programme d'industrialisation. Bien que le régime n'ait jamais abandonné la planification centrale et les références de style soviétique, la désoviétisation culturelle, associée à l'engagement économique de l'Occident et du tiers monde, a permis, et même nécessité, la renaissance de certaines idées et pratiques économiques clés qui ont guidé la politique et la pensée économiques précommunistes de la Roumanie. Dès 1965, avant même que Ceaușescu n'accède à la succession, le régime communiste roumain s'est mobilisé pour rejeter la proposition d'un économiste soviétique, le plan dit Emil Valev, pour l'intégration économique de l'Europe de l'Est et de l'Union soviétique, le COMECOM (10), basé sur le principe de la spécialisation de la production, qui aurait transformé près de la moitié de la Roumanie d'après la Seconde Guerre mondiale en une périphérie agricole de Moscou. L'homme chargé de démolir intellectuellement le plan Valev par le Politburo roumain était Costin Murgescu, un historien de l'économie avec un passé idéologique jeune de légionnaire devenu communiste. En 1967, il se voit également confier la direction d'un nouvel institut de recherche économique directement subordonné au ministère du commerce extérieur et de la coopération internationale, bientôt connu sous le nom d'Institut de l'économie mondiale, où a été élaborée la majeure partie de la pensée économique de la dernière partie de la période communiste et où ont été formés la plupart des hauts fonctionnaires qui continuent d'occuper des postes décisionnels importants à ce jour.

Le principal ouvrage de Manoilescu y a été réimprimé en 1986, à une époque où le régime s'engageait pourtant dans une politique autarcique extrêmement coûteuse d'un point de vue social. La crise pétrolière des années 1970 et la chute du régime du Shah en Iran, avec lequel la Roumanie communiste entretenait de bonnes relations ; la hausse des taux d'intérêt sur ses engagements en dollars lorsque Paul Volcker (****) a commencé à contrôler l'inflation ; la perte de la bonne volonté des États-Unis à l'égard du régime de Ceaușescu créée lors des manœuvres diplomatiques d'Henry Kissinger pour mettre fin à la guerre du Vietnam et de la détente qui a suivi, en raison de son bilan décevant en matière de droits de l'homme ; et la concurrence accrue des pays exportateurs d'Asie de l'Est, mobiles vers le haut, bon marché et innovants, sur les marchés du tiers monde, se sont combinés au début des années 1980 pour contraindre le régime communiste roumain à mener ce que l'on appellerait aujourd'hui une politique d'austérité extrême. Contrairement à ce qui se passe dans les économies capitalistes, l'austérité, c'est-à-dire la réduction des dépenses publiques courantes pour rembourser ou contrôler les coûts de la dette encourue, n'a pas été synonyme de chômage et de faillites, mais de pénurie chronique de biens et de détérioration de leur qualité. Cependant, la marche vers l'industrialisation, inspirée par le dogme marxiste-léniniste, mais désormais renforcée par certaines des considérations de Manoilescu et d'autres pré-communistes, n'a pas été abandonnée. Au contraire. La nouvelle politique supposait non seulement la liquidation forcée des établissements ruraux et la construction de luxueux centres civiques, mais, après avoir remboursé toute la dette en dollars acquise pendant la période de détente, elle impliquait de suivre une politique largement planifiée d'octroi de crédits aux pays du tiers-monde pour les importations roumaines (bien qu'à ce jour, on constate que certaines dettes impayées de l'ère Ceausescu figurent dans les registres financiers de pays comme la Libye, Cuba, le Vietnam, etc.) Cette économie de pénurie de biens de consommation est ce qui, selon de nombreuses personnes, a finalement entraîné la chute du régime Ceausescu, tandis que l'indépendance financière vis-à-vis de l'argent soviétique et occidental est ce qui, selon certains, a retardé la transition vers une économie de marché dans le pays après 1989, par rapport à ses voisins du nord-ouest. Cet échec économique de la transition roumaine peut se mesurer assez simplement : d'un niveau de PIB par habitant presque égal, voire supérieur de 4,76%, en 1989 par rapport à celui de la Pologne, le pays était en 2017 environ 12,97% en dessous, selon les statistiques actuelles de la Banque mondiale (11). 

L'éléphant dans la pièce 

Les appels plutôt populistes en faveur de la protection du capital roumain et d'une nouvelle politique industrielle nationale, lancés crescendo ces dernières années par le parti social-démocrate, souvent soutenu par le parti national libéral ou par des factions indépendantes de ce dernier qui se partagent actuellement le pouvoir, ne font que rarement, voire jamais, référence au programme national libéral de développement industriel d'avant le communisme, aux travaux de Manoilescu ou à l'utilisation par le régime communiste de certaines de ses applications dans ses affaires internationales, bien qu'il existe une étrange similitude. Toutefois, bon nombre des personnes qui avancent ces arguments aujourd'hui sont en fait d'anciens étudiants et de jeunes professeurs qui l'ont lu et édité dans les années 1970, 1980 et même au début des années 1990, et qui devraient bien connaître l'histoire économique de la Roumanie, puisqu'ils en sont en partie et dans une certaine mesure les derniers protagonistes. Ainsi, Cristian Socol, le principal défenseur d'une nouvelle politique industrielle nationale, ne mentionne ni Manoilescu ni les rudiments de la planification industrielle réalisée à son époque, peu avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, qui impliquait un autre économiste roumain de premier plan, Nicolae Georgescu-Roegen, Il a préféré faire la publicité de ses conseils politiques en se référant aux expériences françaises et néerlandaises plus prestigieuses de la Seconde Guerre mondiale, ou au mieux en faisant une référence passagère aux développements brésiliens ultérieurs de ses idées, bien que les observateurs experts puissent facilement lire entre les lignes.   

Notes sur la révolution à venir

Et le fait que la Commission nationale pour la stratégie et la prévision, récemment rebaptisée, qui est censée remplir les fonctions de planification et de prévision indicatives des institutions équivalentes fondées par Jean Monnet et Jan Tinbergen à l'apogée de la planification stratégique, a été dotée par le gouvernement social-démocrate de Viorica Dăncilă d'un comité d'anciens membres du Conseil national de planification de l'époque communiste, une institution d'un type très différent, dont la planification était impérative, remplaçant le marché sans le compléter ni le guider. Le gel intellectuel de l'ère communiste, suivi d'une transition dysfonctionnelle et plutôt décevante, a empêché un développement significatif, et pendant longtemps même la reconnaissance, de la théorie, ou de pratiquement toute théorie, en Roumanie, mais très peu de personnes de cette génération allaient réellement contester de manière critique son héritage. Dans un pays dépourvu d'une classe d'affaires et d'une culture capitaliste historiquement fortes, l'étatisme et le dirigisme tendent à être, par défaut, l'idéologie économique préférée des élites, malgré des flirts post-communistes plutôt limités, par circonstance et par nécessité, avec l'idéologie du marché libre.

Entre-temps, la théorie et la politique économiques se sont enrichies même en ce qui concerne la politique de développement industriel, offrant des raisons plutôt orthodoxes basées sur les échecs de coordination, les problèmes d'information et les économies d'agglomération pour que le gouvernement manipule les résultats du marché, alors que l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne (qui, en substance, consiste en une union douanière) est un facteur majeur du développement économique du pays, qui consiste essentiellement en une union douanière et un marché commun) rend l'accent mis par Manoilescu sur les droits de douane et les restrictions à l'investissement direct étranger en tant qu'instruments politiques assez problématique à poursuivre au niveau national, du moins compte tenu des engagements internationaux actuels, soulignant les limites de l'expérience passée.

Notes

(*) Économiste argentin et ancien directeur de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC).
(**) La Garde de Fer ou Légion de l'Archange Michel, un mouvement fondé en 1927.
(***) Communauté de production et de résidence théorisée par le socialiste utopique français Charles Fourier comme base de son système social.
(****) Économiste américain et directeur de la Réserve fédérale sous les présidences de Jimmy Carter et de Ronald Reagan, de 1979 à 1987.

(1) Dans le sens où Luiz Carlos Bresser-Pereira, l'un des derniers continuateurs brésiliens de la théorie de Manoilescu, parle de la macroéconomie du développementalisme. 

(2) Le romancier portugais José Saramago, lauréat du prix Nobel, décrit l'émotion produite par l'économiste roumain lors d'un tel événement dans son roman L'année de la mort de Ricardo Reis, ce qui peut donner au lecteur une idée de la raison pour laquelle les théories de Manoilescu ont été plus largement acceptées et développées au Brésil.  

(3) Le livre de Manoilescu sur la théorie politique et l'économie, Le siècle du corporatisme (1936), a été approuvé avec enthousiasme par le dirigeant fasciste italien comme une description fidèle de l'économie politique de l'Italie fasciste.  

(4) Manoilescu a contribué et publié dans le journal du Kiel Institute für Weltwirtschaft, la principale institution de recherche économique internationale en Allemagne et la plus ancienne au monde. Raúl Prebisch y a lu son travail.

(5) La division entre les nouveaux ou néolibéraux et les anciens libéraux dans la Roumanie du début du XXe siècle, qui est marquée par le livre de Ștefan Zeletin, Le néolibéralisme (1927), n'était pas une division entre des générations biologiques, car Mihail Manoilescu et Gheorghe Tașcă, par exemple, avaient fondamentalement le même âge et venaient même du même comté, mais plutôt une division entre deux générations de dirigeants à la tête du Parti national libéral au tournant du siècle. Quoi qu'il en soit, Zeletin donne une explication roumaine de la transition visible dans toute l'Europe continentale, et plus tard aussi en Grande-Bretagne, d'une idéologie libérale de laissez-faire à une idéologie plus protectionniste et interventionniste.   

(6) Dans le cas de la Roumanie, par exemple, le rapport entre la valeur d'une tonne métrique d'exportations et la valeur d'une tonne métrique d'importations passe d'une fourchette de 0,20 à 0,35 entre 1901 et 1915 à une fourchette de 0,06 à 0,19 entre 1919 et 1937, voir. Andrei, Tudorel (ed.), România, un secol de istorie : date statistice , Editura Institutului Național de Statistică, Bucarest, 2018, p. 407. 

(7) Ainsi, par exemple, le taux d'alphabétisation, malgré des disparités régionales persistantes, a bondi de 19,6% de la population en 1899 à 61,8% en 1930. Seulement 1,1 % de la population (1,4 % d'hommes, 0,6 % de femmes) avait une formation universitaire cette année-là.

(8) Selon l'Étude économique de l'Europe, publiée à Genève en 1949, en 1938, la part de l'industrie dans le revenu national de la Roumanie était de 16,9%, les services de 39%, la construction de 5,6% et l'agriculture de 38,4%. La valeur nette de la production industrielle roumaine a été estimée à 253 millions de dollars aux prix de 1938.

(9) Les séries de données historiques proviennent d'Axenciuc (2012) et de Maddison (2018). Voir aussi Voinea, Liviu (ed.), Un veac de sinceritate. Recuperarea memoriei pierdute a economiei românești 1918-2018, Editura Publica, Bucarest, 2018.  

(10) Le Conseil d'assistance économique mutuelle, l'organisation économique du bloc de l'Est, fondé par l'Union des républiques socialistes soviétiques en 1949 en réponse au plan Marshall américain et aux dernières initiatives de l'Europe occidentale.

(11) Les deux chiffres sont exprimés en prix courants du dollar US, tels qu'ils figurent dans les données des comptes nationaux de la Banque mondiale et les fichiers de données des comptes nationaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

mercredi, 03 novembre 2021

La Roumanie, l'Europe et le Projet "Intermarium"

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La Roumanie, l'Europe et le Projet "Intermarium"

par Cristi Pantelimon*

Source: article paru dans „Eurasia. Rivista di Studi geopolitici”, Anno XIV – n. 4, Ottobre-Dicembre 2017


L'année 2016 avait enregistré les débuts d'une nouvelle opération géopolitique sur le sol européen, sous l'appelation d'Intermarium. Tout le scénario de cette opération montre que l'Intermarium, vieille nostalgie impériale polono-lituanienne du Moyen Âge, est aujourd'hui une construction artificielle, anti-européenne, contraire aux besoins réels de la géopolitique européenne et eurasienne. Elle constitue un instrument américain de contrôle de la périphérie orientale de l'Union européenne, c'est-à-dire de l'espace de contact entre le monde allemand (et plus généralement ouest-européen) et le monde russe. La Roumanie ne semble pas intéressée à jouer le rôle que les Etats-Unis ont attribué à la Pologne et à l'Ukraine; les déclarations de ses représentants suggèrent qu'elle n'a pas l'intention de se distancer du noyau franco-allemand de l'Europe.

L'été dernier, la présentation du groupe d'assistance dit Intermarium a eu lieu à Kiev, à l'hôtel Radisson Blue, qui, selon un article de presse ouvertement favorable au projet Intermarium, préfigurerait un bloc géopolitique compact, doté de tous les attributs nécessaires, et serait une "initiative de l'Est" (1). La carte qui accompagne l'article en question est vraiment audacieuse: elle indique la zone de la nouvelle construction géopolitique, en partant de la zone de l'ex-Yougoslavie, avec la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la Slovénie ; il est curieux qu'elle n'inclue pas l'Albanie, qui est par ailleurs un client fidèle de l'OTAN ; elle inclut la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne, l'Ukraine, la Roumanie et aussi, ce qui est extrêmement intéressant, le Belarus. Cerise sur le gâteau: la Crimée apparaît sur la carte, probablement comme une partie de l'Ukraine. L'article fait un long excursus dans la protohistoire de ce projet géopolitique, en commençant par l'union polono-lituanienne de 1569 à Lublin. En réalité, les racines du royaume polono-lituanien sont encore plus anciennes, puisque dès 1385, l'histoire rapporte l'accord politico-dynastique de Krewo, entre la reine polonaise Jadwiga et le grand-duc de Lituanie Jogaila, avec lequel les bases du futur État polono-lituanien (2) ont été posées. Si nous examinons la carte de la fédération polono-lituanienne au Moyen Âge (3), nous pouvons constater que ses territoires correspondaient plus ou moins à ceux de la Pologne actuelle, partiellement à ceux de l'Ukraine et du Belarus et aux territoires baltes, mais n'avaient aucun lien avec les régions balkaniques et roumaines. On peut en dire autant des territoires correspondant à la Hongrie, à la République tchèque et à la Slovaquie d'aujourd'hui. La vie assez courte de ce royaume polono-lituanien s'est terminée au XVIIIe siècle par le partage de la Pologne en 1772-1775 entre la Prusse, l'Autriche et la Russie.  

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Si l'on laisse de côté l'histoire dramatique et troublée de la Pologne et des Polonais et que l'on revient à notre époque, une question se pose: qu'est-ce qui rend possible la relance de ce projet ? De même, nous devons répondre à une autre question: dans quelle mesure le projet actuel est-il important pour la Roumanie ?

L'article cité répond très clairement à la première question: "L'Intermarium, en sa qualité d'alliance d'Etats post-soviétiques, voudrait être le stimulus d'un projet plus ambitieux, qui irait jusqu'à mettre en commun, sur une plus grande échelle, les forces militaires de l'ensemble des pays en question", afin de créer une sorte d'alliance complémentaire à l'OTAN qui s'opposerait à l'impérialisme russe. L'article précise ensuite les éléments économiques communs de cet espace, mais aussi les éléments culturels.

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Mais l'essentiel a été dit lorsqu'il s'agit d'énoncer la finalité militaire de cette nouvelle construction géopolitique. Un autre article en faveur de l'Intermarium apporte une petite contribution: cette première conférence tenue à Kiev s'est déroulée sous les auspices du mouvement ukrainien Azov, qui a donné son nom au célèbre bataillon qui a combattu les séparatistes dans le Donbas et dont le chef suprême, Andrij Biletski, est député à la Rada ukrainienne (4). L'Intermarium serait, ni plus ni moins, "un vecteur alternatif de l'intégration européenne". En effet, les initiateurs de ce projet espèrent, même s'il s'agit pour l'instant d'une hypothèse lointaine, dans la "possibilité d'avoir des alliés au sein de la Fédération de Russie, avec le projet d'autonomie de la région de Kaliningrad, connue pour son importance stratégique dans le domaine nucléaire". Les critiques d'Andrij Biletski à l'égard de l'Union européenne, de la France, de l'Allemagne et des États d'Europe occidentale, accusés de détruire bureaucratiquement l'Europe, y furent largement exposées. Il est vrai qu'il existe une tendance à revenir aux valeurs traditionnelles dans le cadre des nations européennes. Enfin, l'homme politique ukrainien estime que l'ère des États-nations puissants dans le cadre de l'Europe est revenue et que l'Ukraine peut être un modèle dans cette perspective. L'article sur cette première conférence de présentation de l'Intermarium a également été repris et traduit en anglais (5). L'impression que l'on a est celle d'un programme de propagande.

Qui dirige l'orchestre d'Intermarium ?

Pour comprendre qui sont les "ténors" de cette partition, qui contient ici et là quelques notes alléchantes (pour un spécialiste de la géopolitique faisant autorité comme Robert Steuckers, l'initiative Intermarium peut être positive en principe, mais elle est aujourd'hui mise en œuvre par ceux qui cherchent à empêcher l'accord russo-allemand, qui redonnerait sa gloire au Heartland dont parlait Halford Mackinder) (6), il sera utile de citer un prestigieux analyste américain, expert dans le domaine dont nous parlons, à savoir George Friedman. Dans un article du 7 juillet 2017, l'analyste américain affirme que l'Intermarium n'est rien d'autre que l'instrument avec lequel les États-Unis tentent d'empêcher toute initiative de la Russie de se déplacer vers l'ouest: "Son but serait de contenir tout mouvement potentiel de la Russie vers l'ouest. Les États-Unis la soutiendraient. Le reste de l'Europe s'en inquiéterait" (7). En d'autres termes, l'Intermarium sera un problème tant pour la Russie que pour le reste de l'Europe. Friedman inclut également la Turquie dans ce périmètre (aux côtés de la Pologne et de la Roumanie, qu'il considère - préférence personnelle ? - états de référence de la nouvelle construction) (8). D'un point de vue économique, Friedman voit dans l'Intermarium un potentiel de réplique à petite échelle du modèle économique américain, plus "entrepreneurial" que celui de l'Europe occidentale (c'est-à-dire plus conforme aux règles du marché, donc plus proche des intérêts américains), un potentiel de perturbation pour l'Union européenne, qui a de toute façon suffisamment de raisons d'être perturbée....

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La Pologne, qui est peut-être l'acteur le plus important de ce projet géopolitique, a certainement son propre intérêt à être attirée par celui-ci. Les raisons ne sont pas seulement liées aux relations historiques de la Pologne avec ses voisins orientaux et occidentaux. La Pologne a des ambitions régionales, qui, selon nous, ne seront pas diminuées par l'échec relatif de l'Ukraine, bien au contraire. L'historien polonais Tomasz Szczepanski (photo) le dit franchement: "Le fondement du projet Intermarium est l'objectif de créer en Europe de l'Est (ou Europe centrale et orientale), comprise comme la région entre la Russie et l'Allemagne, un pôle de puissance capable de contrebalancer la puissance des deux voisins. Le but de la création d'un tel pôle est de sécuriser la région contre les tentatives impériales de la Russie et de l'Allemagne et de créer les conditions du libre développement des nations de la région" (9). Le même historien affirme que si, d'un point de vue politique, l'Intermarium est un élément d'équilibre face à l'impérialisme russe, d'un point de vue culturel, il est plutôt opposé à l'occidentalisme. Dans cette approche, nous entendons déjà un autre niveau de discours, plus sophistiqué, bien loin de la propagande anti-russe ou anti-allemande à bon marché.

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L'auteur polonais met les points sur les i lorsqu'il affirme que les nations de la région d'Europe de l'Est, qui ont connu l'hégémonie russe, ont davantage confiance dans une alliance avec les États-Unis (qui est loin d'être parfaite) que dans une Union européenne qui viserait géopolitiquement à évincer les États-Unis d'Europe. Les craintes de la Pologne doivent être prises en compte (l'historien polonais rappelle que, juridiquement, la constitution allemande stipule que les frontières de l'Allemagne sont celles de 1937) dans la nouvelle architecture de sécurité européenne, car les ignorer ne pourrait que conduire à une aggravation de la situation générale en Europe. Avec tous les mérites de ses observations, l'auteur polonais démontre une compréhension limitée du contexte politique global lorsqu'il met sur la table (cela semble être un leitmotiv de l'approche politique liée à l'Intermarium) le problème de Kaliningrad, qui lui semble une aberration géopolitique et une menace pour la Pologne. Il propose, sic et simpliciter, la "solution" de ce problème à l'avantage de l'État polonais...

Ces remarques montrent comment les différends historiques intra-européens empêchent une possible construction européenne avec de réelles valeurs géopolitiques, débarrassée de toutes ces querelles plus ou moins dépassées. Une telle entreprise devrait se détacher des idiosyncrasies historiques, des égoïsmes nationaux (sans ignorer les vertus et les besoins naturels des nations européennes), afin de faire de l'Europe un véritable acteur sur la scène géopolitique mondiale. Grâce à la vision de Thiriart d'une Europe de Lisbonne à Vladivostok (difficile à imposer, reconnaissons-le, au niveau mental collectif des "tribus" européennes, comme Thiriart appelait les nations comme de simples entités morales et culturelles, dépourvues de ferveur politique), nous arrivons à comprendre ce que chaque nation européenne devrait sacrifier dans le cadre d'un projet géopolitique d'intégration du continent. Voici ce qu'écrit Thiriart : "Au début du XXIe siècle, les États comptant moins de 400 ou 500 millions d'habitants seront éliminés de l'histoire. (...) La plus grande absurdité que j'ai pu lire ces dernières années est celle de "l'Europe aux cent drapeaux" (...). Les grands États, les seuls qui survivront au XXIe siècle, devront nécessairement être politiques et devront nécessairement réprimer, écraser et éradiquer toutes ces vagues identités "raciales", linguistiques et religieuses qui pourraient interférer avec l'Imperium. Seul l'État-nation politique permet la construction de grands États libres, historiquement autonomes. Hobbes a dit à juste titre: "La liberté, c'est la puissance". Aujourd'hui, pour nous, la puissance serait une république impériale qui s'étend de Dublin à Vladivostok, dans les structures d'un État unitaire et centralisé" (10).

Les idées de Tomasz Szczepanski sont également pertinentes pour le cas roumain. Un géopoliticien et homme de culture de la stature d'Alexandre Douguine a récemment déclaré à Bucarest, lors de la présentation de son livre Destin eurasien, que la Russie a commis de nombreuses erreurs à l'égard de la Roumanie, ainsi que de l'Ukraine (11). Un tel discours, orienté vers l'avenir et non vers le passé des relations avec la Russie, est beaucoup plus approprié à la situation actuelle de l'Europe, qui doit faire face aux plus grandes provocations géopolitiques de l'après-Seconde Guerre mondiale (peut-être plus grandes que celles des années 1990, lorsque l'empire soviétique s'est effondré). Dans une telle perspective, le projet Intermarium est sans valeur. Elle ne fait que remplacer une relative (inévitable ?) hégémonie interne européenne par une hégémonie ou une ingérence géopolitique non européenne (États-Unis). Toute puissance géopolitique spatialement étrangère peut spéculer sur les différences de potentiel géopolitique entre les États européens afin de déstabiliser l'unité européenne. L'alternative à l'intégration européenne sera appelée désintégration européenne. D'autre part, l'auteur polonais cité ci-dessus souligne que les relations entre l'Intermarium (dont le noyau est posé en Pologne et en Ukraine) et la Russie ne doivent pas être inévitablement conflictuelles, au contraire. Une Russie plus "pacifique" sur le plan géopolitique serait souhaitable. À notre avis, une Russie "impérialiste" (au sens large) serait également acceptable, à condition qu'elle joue le rôle de l'hégémon idéal envisagé par Carl Schmitt (12).

Dans le même sens, toujours dans une perspective allemande (cette fois-ci celle de Jordis von Lohausen), la géopolitique d'une Europe unie devra devenir la géopolitique d'un Reich idéaliste, c'est-à-dire d'un Empire qui, en tant que tel, reconnaît la valeur et la validité de toutes les nations qui acceptent de le rejoindre. Qu'une telle Europe puisse avoir plusieurs moteurs (Russie, Allemagne, France, etc.) est moins important. Il est plus important que, au-dessus de toutes ses composantes, l'intérêt général du continent prévale (13). 

Le fait que l'Intermarium soit un élément dangereux pour l'unité européenne est déjà évident au vu des nouvelles concentrations de troupes russes... à la frontière de cette construction géopolitique (pour l'instant) fictive. Si la Pologne et l'Ukraine sont les piliers militaires de cette construction (à notre avis la Roumanie a un rôle moins important et nous verrons pourquoi), de nouvelles unités militaires russes apparaissent dans la zone de démarcation de ce nouvel espace, en réponse aux manœuvres de l'OTAN dans la partie orientale de l'Europe. La coagulation des sous-unités géopolitiques au sein de l'Europe prévue par Thiriart entraîne une nouvelle séparation, un nouveau rideau géopolitique, cette fois peut-être plus dangereux, car il ne s'agit plus d'une frontière idéologique, mais d'une frontière purement militaire, déplacée de Berlin à Kiev (14). 

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La place de la Roumanie dans la matrice Intermarium

Toutes les déclarations officielles roumaines montrent que la Roumanie essaie de ne pas se distancer du soi-disant noyau dur européen, formé par l'Allemagne et la France. C'est précisément contre ce noyau dur que l'Intermarium se formera, si tant est qu'il se forme. Avec un président d'origine allemande et une histoire francophile au cours du siècle dernier, la Roumanie n'a aucune raison de jouer la carte anti-européenne choisie par la Pologne. Relativement indépendante du point de vue de la production d'hydrocarbures (les importations de gaz russe ne représentant que 15% des besoins), la Roumanie, contrairement à la Pologne, avec laquelle elle entretient de bonnes relations (l'épisode le plus marquant de la solidarité entre les deux nations est l'asile donné en 1939 par la Roumanie au gouvernement polonais), ne semble pas intéressée par le rôle de petite hégémonie locale que lui propose la Pologne avec l'Intermarium. On pourrait même dire que la Roumanie tente de concilier les deux camps, le pro-atlantique et le pro-européen, en préférant une politique attentiste. Un épisode récent important est lié à la politique d'équipement de l'armée roumaine, un domaine extrêmement sensible, à partir duquel on peut deviner l'orientation géopolitique plus générale du pays. Ainsi, la Roumanie s'est engagée à acheter des batteries de missiles Patriot et la presse a parlé d'un "accord de principe" du département d'État américain pour la transaction. Parallèlement, dans le cadre de la récente visite du président français Macron en Roumanie, les spécialistes de la défense ont entamé des discussions avec l'entreprise française concurrente, MBDA, dont l'offre semble être meilleure que celle des Américains !(15).

De cette manière, la Roumanie s'ouvre à une orientation géopolitique que nous pourrions définir, bien que timidement, comme multipolaire, sentant que le rôle hégémonique des Etats-Unis en Europe et dans le monde commence à s'affaiblir. En ce sens, on constate des efforts clairs de régulation des relations avec la Russie, mais aussi une (ré)ouverture d'importantes voies de collaboration avec la Chine, un acteur géo-économique et géopolitique qui, jusqu'à récemment, était " bloqué " aux portes de la Roumanie pour des raisons de pro-atlantisme exacerbé. Récemment, la Roumanie a entamé des discussions importantes pour la construction de deux réacteurs nucléaires avec la Chine ; cela montre une volonté de transgresser les inhibitions géopolitiques inspirées par les États-Unis. Dans ces conditions, avec toute la publicité qui lui est faite, l'Intermarium ne peut apparaître que comme une construction artificielle, anti-européenne et régressive par rapport aux besoins réels de la géopolitique européenne et eurasienne.

Notes:

[1] http://hajde.fr/2017/03/21/lunion-baltique-mer-noire-une-...

[2] Ion Constantin, Din istoria Poloniei și a relațiilor româno-polone, Ed. Biblioteca Bucureștilor, 2005, p. 18.

[3] https://ro.wikipedia.org/wiki/Uniunea_statal%C4%83_polono...

[4]http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2016/07/2...

[5] http://reconquista-europe.tumblr.com/post/146993199731/th...

[6] http://robertsteuckers.blogspot.ro/search?q=Intermarium

[7] https://geopoliticalfutures.com/intermarium-three-seas/

[8] George Friedman s'est fait remarquer pour l'attention qu'il porte à la Roumanie. A sa façon, il est un observateur attentifdes relations entre la Roumanie et la Fédération de Russie. Il était présent à Chisinau (avec ses conseillers, bien entendu), pour présenter une fondation de nature géopolitique. Il est intéressant de souligner le fait que Friedman est considéré proche des intérêts de Moscou par les unionistes roumains les plus résolus. Sa prudence lors des déclarations de Chisinau pourrait aussi être le reflet dela situation générale dans laquelle se trouve la République de Moldavie, un Etat qui, manifestement, ne désire par suivre la voie de l'Ukraine voisine, étant bien plus prudent dans sa politique d'équilibre entre l'Est et l'Ouest. 

[9] http://www.europemaxima.com/l%E2%80%99autre-europe-un-ent...

[10] V. http://www.leblancetlenoir.com/2015/04/europe-l-etat-nati...

[11]http://adevarul.ro/news/politica/reportaj-ideologul-putin...

[12] V. Carl Schmitt, The Concept of Reich in International Law, în Carl Schmitt, Writings on War, Polity Press, 2011, pp. 101-110. Pour développer utilement cette thématique, en réfénrenceplus particulièrement à Carl Schmitt, on se réfèrera à Günter Maschke:  http://www.archiveseroe.eu/maschke-a112853978

[13] Jordis von Lohausen,  Les empires et la puissance, Ed. du Labyrinthe, 1996, pp. 196-197.

[14] http://www.limesonline.com/lanakonda-della-nato-alle-port...

[15] http://www.cotidianul.ro/cum-au-marcat-francezii-in-lupta...

 

lundi, 01 novembre 2021

La Roumanie et les fausses alliances stratégiques

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La Roumanie et les fausses alliances stratégiques

par Cristi Pantelimon*

La Roumanie se trouve dans une situation géopolitique ambiguë, que l'on pourrait considérer comme celle des "fausses alliances". Elle privilégie la relation stratégique avec les puissances atlantistes afin de se défendre contre une prétendue agressivité de la Russie. Une telle vision et la géopolitique qui en découle n'ont aucun fondement dans la situation géo-historique de la Roumanie, un État continental par définition. Une telle alliance peut fonctionner pendant un certain temps, mais elle ne sera que conjoncturelle et opportuniste. On peut dire la même chose des États occidentaux. La seule stratégie géopolitique à long terme qui se fonde sur l'histoire du continent est la stratégie eurasiste, c'est-à-dire une tentative de consolidation du Grand Continent de Lisbonne à Vladivostok.

5y_AF3GZO1JL8fAI_h8i7-pryXM.jpgLa Roumanie, comme d'autres États européens, est clairement confrontée au problème des fausses alliances. Ce syntagme a été utilisé dans la longue réflexion que le géopolitologue et général autrichien Jordis von Lohausen a consacrée au destin géopolitique de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale dans son ouvrage Mut zur Macht. Denken in Kontinenten (1). Lohausen est un chercheur d'autant plus intéressant qu'il propose souvent une solution aux conflits géopolitiques passés sur le mode d'une histoire contrefactuelle, étant extrêmement crédible dans ce registre. Ses réflexions et ses solutions géopolitiques visent à renforcer une conception qui n'était pas pleinement réalisée au moment historique où les événements ont eu lieu, mais qui est encore plus évidente après la fin de ces événements. Ainsi, son continentalisme et son eurasianisme sont d'autant plus crédibles qu'au moment de la Seconde Guerre mondiale (et aussi de la Première), ils n'ont pas été pleinement soutenus par les puissances européennes, avec les conséquences qui sont sous nos yeux aujourd'hui : une Europe qui se trouve, pratiquement, à la discrétion des puissances thalassocratiques (surtout les États-Unis) et de l'OTAN (où l'influence des États-Unis est presque totale) ; une Europe qui ne peut pas résoudre ses problèmes, non pas à cause d'un manque de capacité bureaucratique, mais à cause d'un manque de vision globale d'un point de vue géopolitique et géostratégique. Le moment est venu pour l'Europe de choisir entre des alliances conjoncturelles et souvent opportunistes (celles avec les puissances thalassocratiques) et des alliances durables et logiques (peut-être plus difficiles à articuler pour le moment) avec les puissances continentales, en particulier la Russie.

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La géopolitique : une science traditionnelle ?

Cette provocation est également manifeste dans le cas de la Roumanie, traversée par une véritable ligne de fracture géopolitique, quoique non déclarée, entre les adeptes de l'atlantisme d'une part et les adeptes (de plus en plus nombreux et déterminés) d'un continentalisme que la crise actuelle de l'Europe semble sortir de sa léthargie.

La géopolitique est souvent une science romantique. En d'autres termes, elle est pratiquée, en dehors de ceux qui, à un moment donné, semblent avoir la décision politique, par une série de personnes qui restent en dehors des véritables jeux de pouvoir, mais dont la mission est de créer, avec leurs idées, de véritables "états d'esprit", pour reprendre la notion de René Guénon. Ainsi, à côté de la dimension que nous avons appelée romantique (pour souligner le caractère gratuit, culturel et désintéressé de la géopolitique), ce secteur de la pensée humaine fait également ressortir son caractère profondément traditionnel, peut-être le moins mis en évidence jusqu'à présent. Si nous acceptons cette perspective, la géopolitique devient brusquement un territoire de liberté d'esprit, où ce qui n'est pas possible dans la réalité immédiate peut être considéré comme une probabilité ou une alternative créative dans le futur. Ce n'est qu'en ce sens que la géopolitique peut revendiquer une dimension créative; c'est-à-dire que ce n'est que dans la lutte avec la réalité à partir d'un certain moment qu'elle peut manifester ses qualités profondes. Une géopolitique des données concrètes et immuables, une géopolitique des faits achevés, des décisions déjà prises et du présent déjà transformé en un passé inerte est une fausse géopolitique, une géopolitique dépourvue de sens. Comme l'histoire humaine, la géopolitique est aussi une agonie (agonie comme lutte) pour la transformation des données réelles du monde, une lutte pour la revitalisation de l'humanité et son équilibre perpétuel.

Il découle de ces considérations que la géopolitique, parmi de nombreuses autres possibilités d'affirmation, a pour destin essentiel la critique et la négation des états de fait apparemment établis, la critique et la négation des évidences imposées par l'idéologie, de la pensée unique, du confort dans l'acte de réflexion.

En tant que science traditionnelle, la géopolitique doit chercher, tout d'abord, à découvrir quelles sont les sources de la force géopolitique. Qu'est-ce qu'une force géopolitique ? C'est cette force qui s'oppose à la domination injuste, non traditionnelle, non naturelle d'un peuple ou d'un espace donné. Il existe une domination géopolitique naturelle et une domination géopolitique non naturelle. La domination géopolitique naturelle est celle qui se déroule dans un esprit traditionnel. Selon le géopoliticien Jordis von Lohausen, la force géopolitique doit protéger la vie. Si elle ne le fait pas et commence à protéger les aspects superficiels de la vie, la force s'ankylosera et deviendra nuisible: "Tout pouvoir provient de la vie et est soumis au devoir de protéger la vie. Si elle perd ce sens originel, si elle se perd dans des objectifs superficiels, si elle ne cherche que le succès, alors elle se corrompt (...) Comme la flamme de la lanterne qui émet une dernière lumière avant de s'éteindre, ainsi la course à la superficialité célèbre ses triomphes, qui ne sont que la confirmation d'une réelle extinction" (2).

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La Roumanie et les "tentations" stratégiques

La géopolitique de la Roumanie actuelle est, malheureusement, tributaire des aspects non traditionnels et donc, à notre sens, non géopolitiques de l'Europe occidentale. Une Europe occidentale qui se complaît dans une "fausse alliance" (ce syntagme appartient aussi à Lohausen) avec la thalassocratie mondiale américaine. Une alliance qui, sous couvert de protection (aujourd'hui contre le "danger russe") ne fait que débiliter l'esprit vital du continent et lui rendre un mauvais service à long terme.

L'aperçu de cette débilitation européenne dirigée par les États-Unis est bien illustré par Lohausen dans une postface de l'ouvrage cité. Lohausen s'exprime de la manière la plus directe qui soit: "Cinquante ans de croissance ininterrompue de la richesse sous le parapluie nucléaire américain n'ont pas seulement érodé la conscience de soi des Européens, ils ont aussi engourdi leur vigilance et détruit leur volonté de se défendre. La richesse sans défense est toujours une invitation au vol et au pillage. Le pouvoir est comme l'eau: il ne connaît pas d'espaces vides (3). Comme dans le cas de l'Europe occidentale, l'alliance stratégique de la Roumanie avec les États-Unis est un piège caché par le besoin de protection totale.

La première idée exprimée à propos de cette alliance est qu'elle fonctionne comme une protection contre la résurgence de l'esprit agressif de la Russie. Mais ce qui apparaît de ce point de vue est une situation et une idée contradictoires. D'une part, la Russie décrite comme un État agresseur doit intensifier sa vigilance militaire et géopolitique sur la Roumanie et dès lors renforcer la fameuse alliance (le "partenariat stratégique") avec les États-Unis. En revanche, ce qui est étrange, c'est que la Russie se voit refuser la puissance géopolitique dans la même mesure, ce qui la réduit au statut d'"acteur" sur la scène internationale. On fait souvent des comparaisons qui se veulent humiliantes, en comparant le produit intérieur brut des États-Unis à celui de la Russie, ou le niveau des dépenses en armement des premiers à celui des seconds. A l'évidence, ces comparaisons aboutissent à une Russie presque caricaturale en tant que poids géopolitique.

Le premier geste géopolitique naturel de la Roumanie serait de reconnaître la puissance géopolitique de la Russie et de tenter de la "capturer" dans l'esprit d'une collaboration stratégique continentaliste. En effet, dans l'hypothèse d'un affaiblissement géopolitique de la Russie, la Roumanie, contrairement à ce que préconise la recette atlantiste officielle, devrait contribuer à accroître cette puissance géopolitique. Nonobstant certaines contradictions historiques entre la Roumanie et la Russie, l'intérêt du Continent, qui n'est pas occasionnel et qui n'est pas opportun, serait celui d'une collaboration mutuellement bénéfique.

Toutefois, cette recette de collaboration présupposerait une image globale du continent européen qui ne correspond pas à la vision actuelle (4). Malheureusement, l'élite politique et militaire de la Roumanie actuelle semble être prisonnière d'une idée préconçue anti-russe, souvent subtilement, mais continuellement, alimentée par la "mémoire" d'épisodes historiques embarrassants dans les relations entre les deux pays (5). L'idée qu'à l'heure actuelle, la Roumanie a les mêmes intérêts géopolitiques que les États-Unis a infiltré la mentalité collective de l'élite intellectuelle roumaine. Une telle idée ne résiste toutefois pas à une analyse approfondie.

indexMV.jpgDans l'entre-deux-guerres, un célèbre sociologue et philosophe roumain (martyr du changement brutal de la situation géopolitique européenne en 1945), Mircea Vulcănescu (1904-1952), a proposé une vision intéressante des forces qui ont façonné en profondeur la civilisation roumaine. Sa théorie peut être appelée "théorie des tentations historiques" et consiste principalement en la théorisation subtile d'un mécanisme d'"éternel retour" aux origines du peuple roumain à travers le souvenir (plus ou moins une anamnèse de type platonicien) des éléments constitutifs de son ethnogenèse. Vulcănescu, cependant, ne privilégie pas l'aspect ethnique ou anthropologique au sens biologique, mais plutôt l'aspect strictement culturel et civilisationnel. "Chaque peuple, chaque âme populaire peut être caractérisée par un certain dosage de ces tentations, qui reproduisent dans son architecture interne l'interpénétration dans l'actualité spirituelle des vicissitudes historiques par lesquelles le peuple respectif est passé" (6).

En bref, il s'agit d'une série d'attractions irrésistibles, de forces configurantes que l'on retrouve non seulement dans les périodes d'épanouissement historique, mais surtout dans les périodes de bouleversement et de provocation historiques. Les influences extérieures s'accompagnent toujours d'un douloureux processus de reconfiguration morphologique ou, peut-être, de pseudomorphose. Mais ces influences, une fois subies, deviennent des tentations ou des facteurs générateurs d'énergies historiques, des éléments de nature vitale dans l'affirmation historique d'une communauté.

Selon Vulcănescu, les plus importantes tentations historiques des Roumains sont la tentation grecque, la tentation romaine, la tentation byzantine, la tentation russe, la tentation germanique, la tentation française et la tentation thrace (que l'auteur roumain considère comme la plus importante de toutes, étant de nature "résiduelle", c'est-à-dire liée au noyau). Ces "tentations" correspondent à certaines tendances qui façonnent le cadre global de la civilisation roumaine. Comme on le voit, les Roumains, peuple profondément continental (qui, selon Marija Gimbutas (7), réside précisément dans le "foyer" de l'Europe ancienne), n'ont pas de liens spirituels profonds avec le monde d'où vient aujourd'hui leur "salut" géopolitique, le monde atlantique. Au contraire, toutes les références anciennes ou récentes de la spiritualité roumaine sont d'ordre continental. Dans ces conditions, même si l'on peut spéculer sur le fait que la géopolitique a des règles différentes de l'histoire, il n'en est pas moins vrai que l'histoire et la géographie, ensemble, fournissent les orientations les plus sûres pour la géopolitique, comprise, comme nous l'avons dit plus haut, comme une science de l'empreinte traditionnelle.

Les alliances actuelles de la Roumanie et de l'Europe occidentale peuvent fonctionner. Mais ce fonctionnement n'aura jamais qu'un sens conjoncturel et opportuniste.


* Cristi Pantelimon, sociologue, est l'auteur des ouvrages suivants : Corporatisme şi economie. Critica sociologică a capitalismului, Ed. Academiei Române, Bucureşti, 2009 ; Prin cenuşa naţiunii, Ed. Etnologică, Bucureşti, 2006 ; Sociologie politică, Ed. Fundaţiei România de Mâine, Bucureşti, 2005. Il a coordonné les volumes collectifs suivants : Modernităţi alternative, Ed. Institutului de Ştiinţe Politice şi Relaţii Internaţionale, 2013 ; (avec Antoine Heemeryck), La globalisation en perspective. Elites et normes, Ed. Niculescu, 2012 ; Ideea naţională şi ideea europeană, Ed. Institutului de Ştiinţe Politice şi Relaţii Internaţionale, Bucureşti, 2009. Il a édité : Emile Durkheim, Diviziunea muncii sociale, Ed. Antet, Bucureşti, 2007 et Donoso Cortés, Eseu asupra catolicismului, liberalismului şi socialismului, Ed. Antet, Bucureşti, 2007. Il est l'auteur de traductions et d'articles sur divers sujets d'actualité pour le blog www.estica.eu. En italien : Vasile Gherasim e l'Eurasia spirituale, "Eurasia" 4/2015.  

Article paru dans: EURASIA. Revue d'études géopolitiques, Année XIII - Numéro 1, Janvier-mars 2016

Notes:

1. Kurt Vowinckel, Berg am See, 1979 și 1981. Nous citons l'édition française : Jordis von Lohausen, Les empires et la puissance. La géopolitique aujourdʼhui, Éd. du Labyrinthe, 1996.
2. Jordis von Lohausen, Les empires et la puissance. La géopolitique aujourdʼhui, Éd. du Labyrinthe, 1996, p. 78.
3. Ibid, p. 320.
4. De notre point de vue, ces dernières années, la vision concernant le continent européen a de nouveau subi une distorsion qui rappelle la guerre de l'information de la période de la guerre froide. Cette fois, le mal axial du monde n'est pas l'URSS, mais tout ce qui est sous l'influence de la Russie, à commencer bien sûr par la Russie elle-même. L'Europe n'est l'Europe que si la Russie en est éliminée. Une telle perception coïncide avec les plans atlantistes et maximalistes du pouvoir à Washington, mais est évidemment désastreuse pour l'ensemble du continent (que tout géographe non régenté idéologiquement voit s'étendre non pas jusqu'à l'Oural, mais au-delà... jusqu'à Vladivostok). 
5. Bien sûr, cette "mémoire" n'est pas seulement présente dans l'espace roumain. La logique de la situation fait que les forces anticontinentales de l'espace russe agissent dans le même sens : le "fascisme" roumain reste, semble-t-il, une cible privilégiée pour un nationalisme russe dépourvu de véritable horizon géopolitique. 
6. Mircea Vulcănescu, Dimensiunea românească a existenței, Ed. Fundației Culturale Române, București, 1991, p. 43.
7. " La Roumanie est le foyer de ce que nous avons appelé l'Europe ancienne, une entité culturelle située chronologiquement entre 6500 et 3500 av. J.-C., fondée sur une société matriarcale, théocratique, pacifique, amoureuse de l'art et créative, qui a précédé les sociétés guerrières patriarcales indo-européennes des âges du bronze et du fer " (Marija Gimbutas, Civilizație și cultură, Ed. Meridiane, București, 1989, p. 49).

 

 

mardi, 05 octobre 2021

Nae Ionescu et la séduction d'une génération qui s'est tournée vers la Garde de fer

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Nae Ionescu et la séduction d'une génération qui s'est tournée vers la Garde de fer

Sa biographie, publiée par l'éditeur Castelvecchi, décrit l'atmosphère qui a également rapproché Eliade et Cioran des idées de Codreanu

par Giovanni Sessa

Ex: https://www.barbadillo.it/101043-nae-ionescu-e-la-seduzione-di-una-generazione-che-guardava-alla-guardia-di-ferro/

Ionescu-2-350x483.jpgDans la culture du 20e siècle, la Roumanie a joué un rôle central. L'étude et la recherche étaient les domaines dans lesquels les jeunes intellectuels de ce pays tentaient de surmonter la marginalité existentielle résultant du fait d'être né dans une province "orientale". Pensez, parmi beaucoup d'autres, à Cioran, Eliade, Noica, Vulcănescu, pour ne citer que quelques exemples exemples éminents de la " jeune génération " formée à l'école de Nae Ionescu, qui était considéré comme un maître incontesté par ces jeunes érudits précoces, à l'esprit très vif. Une biographie reconstituant la vie intellectuelle de Ionescu est désormais disponible pour les lecteurs italiens. Il est dû à la plume de Tatiana Niculescu, Nae Iounescu. Il seduttore di una generazione (= Le séducteur d'une génération), qui vient de paraître dans le catalogue de la maison Castelvecchi, édité par Horia C. Cicortaş et Igor Tavilla (pour les commandes : 06/8412007 ; info@castelvecchieditore.com, pp. 240, euro 22.00).

Le livre commence par la reconstitution de l'environnement familial du philosophe. Il est né en 1890 à Brăila, une ville portuaire danubienne où circulaient une grande variété de marchandises et de personnes venues du monde entier. Il y a passé son enfance et une partie de son adolescence. Son père étant fonctionnaire, la famille avait un niveau de vie raisonnable. Malheureusement, cet homme est mort prématurément, laissant à ses héritiers de lourdes dettes. Des années plus tard, Nae écrira qu'il a connu "toutes les misères de la vie à l'âge où les autres ouvraient à peine les yeux sur le monde" (p. 13). Son grand-père paternel, Stroe Ivaşcu, un serf au caractère bien trempé, a joué un rôle important dans son univers intérieur. Dans son village natal de Tătaru, Stroe Ivaşcu était l'une des personnalités paysannes les plus remarquables : il s'était émancipé et avait occupé des postes administratifs, devenant un petit propriétaire terrien. Nae honorera la mémoire de son grand-père tout au long de sa vie, voyant en lui les vertus de la classe rurale, que le philosophe opposait à la dégénérescence anthropologique illustrée par la figure du citoyen moderne.

Pendant ses années d'école secondaire, ses lectures socialistes et stirnériennes, ainsi que son caractère rebelle, ont conduit à son expulsion de l'école. Il passe l'examen du baccalauréat en tant qu'élève privé et s'inscrit à la faculté de littérature et de philosophie de Bucarest. Là, menant une vie de privations et de passion studieuse, il s'est prévalu de la tutelle du professeur Rădulescu-Motru. Outre l'anarchisme individualiste, il est frappé par les exercices spirituels d'Ignace de Loyola: "Il croyait [...] que ces exercices transformaient l'esprit et la volonté de ceux qui les pratiquaient en "une arme d'acier qui peut être détruite mais non vaincue"" (p. 35). C'est dans le milieu universitaire qu'il rencontre et tombe amoureux d'Elena-Margareta Fotino, la fille d'un officier et sa future épouse. Pendant leur période de séparation, les deux amoureux ont entretenu une correspondance intense qui témoigne de leur passion mutuelle. Après avoir obtenu son diplôme en Roumanie, Nae est allé en Allemagne pour son doctorat, d'abord à Göttingen, puis à Munich. Il ne s'y installe pas immédiatement, estimant que la philosophie n'est plus le centre de ses intérêts. Il écrit à sa bien-aimée: "Pourquoi te consacrer autant à la philosophie ? [...] il apporte beaucoup de pensées et beaucoup de déceptions " (p. 56). Il ne tolère même plus les conférences du père de la phénoménologie: "Husserl vaut moins qu'un sou!" (p. 56).

À son arrivée à Munich, qui connaît alors une formidable période d'effervescence intellectuelle, notamment animée par Stefan George et les "Cosmiques", Nae s'entiche de Wagner, théoricien de l'aryanisme. Il lit de Gobinau et Chamberlain, qui voient dans le Christ "un représentant de la race aryenne, séparé de la religion juive et de l'histoire du peuple juif" (p. 67). En philosophie, les choix du jeune homme s'orientent vers une pensée non systématique et anti-moderne. Lorsque la Roumanie s'est rangée du côté de l'Entente pendant la Première Guerre mondiale, il a été emprisonné dans le camp de Celle. Il s'y lie d'amitié avec le Père Jérôme, qui l'initie à l'étude du mysticisme. Libéré, il travaille pour la maison d'édition Tyrolia à Munich et est témoin de l'agitation socialiste qui secoue la ville. C'est à cette époque qu'il semble avoir rencontré Alfred Rosenberg. De retour à Bucarest, il devient professeur d'allemand au lycée militaire du monastère de Dealu: " Dans ses relations avec ses élèves, "il était difficile de distinguer l'autorité professorale de l'affection quasi paternelle qu'il leur portait et même de l'amitié", et "l'esprit socratique de l'échange de paroles [...] amenait l'élève à clarifier ses propres problèmes " (p. 100).

 

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Il intensifie ses collaborations journalistiques et remplace Cranic, un théologien, dans les pages de Cuvăntul. De ces colonnes, il a lancé de véritables appels au rétablissement de la pureté originelle et mystique de l'orthodoxie roumaine en utilisant, en même temps, la connaissance de la philosophie occidentale, même contemporaine. Il a présenté un nombre considérable d'étudiants à la rédaction, dont Eliade et Sebastian. Dans ces années-là, le "mythe" Ionescu est né: les étudiants qui ont écouté ses conférences maïeutiques dans un silence religieux à l'université l'ont durablement établi. Il est devenu "un prototype à imiter sans fin et une icône vivante" (p. 136). Il se lie avec Maruca Cantacuzino, qui est bien implantée dans les cercles politiques et la haute société de Bucarest. Sa vision politique devient claire: la vie publique "a deux éléments constitutifs, les masses et la Couronne" (p. 156). Le parti "paysan" de Maniu, dont Nae se sentait proche, avait donc deux choix devant lui: la dictature des masses ou "la consolidation de la monarchie [...] qui [...] fonctionnerait alors sur la base d'un mandat mystique des masses, avec des pouvoirs illimités" (p. 156-157).

Il se range, non sans ambiguïté, du côté du retour du roi Carol et se retrouve bientôt à soutenir Codreanu et la Garde de fer, car il partage l'appel "à forger une identité nationale et ressent une forte sympathie pour la cause de la régénération morale de la société" (p. 160). Lors de l'investiture de Carol, il l'a salué comme "roi de la nation", "roi de la réalité".

Carol voulait utiliser Ionescu comme médiateur dans les relations avec les Gardistes. Codreanu, dans les intentions de Carol II et du philosophe, devaient constituer le parti unique de la "Dictature royale". Cette proximité dangereuse, ainsi que l'ostracisme qu'il rencontre bientôt à la Cour, le conduisent en prison à plusieurs reprises: lorsqu'il est libéré, son corps, usé par les souffrances endurées, ne résiste pas à une série de crises cardiaques. Il décède le 15 mars 1940 dans la villa de Băneasa. On a dit que, comme Socrate, il avait été empoisonné. Le lendemain, Noica informe Cioran du départ du Maître, regrettant que leur génération soit orpheline : " une époque s'achève et une étonnante aventure de l'esprit s'achève également" (p. 10). Malgré les contradictions existentielles, grâce au travail de ses étudiants, la pensée de Ionescu a survécu.

 
Giovanni Sessa

18:48 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, roumanie, nae ionescu, années 20, années 30, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 27 août 2021

L’État roumain a annoncé qui est son ennemi n°1: Iurie Roșca

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L’État roumain a annoncé qui est son ennemi n°1: Iurie Roșca

 

Iurie Roşca est déclaré persona non grata sur le territoire roumain

Le 14 août 2021, le signataire de ces lignes, un ancien dignitaire de la République de Moldavie, journaliste, éditeur et militant civique avec une carrière de personnalité publique de 35 ans, a été interdit d’entrée sur le territoire roumain.Les agents de la police des frontières m’ont ainsi informé que cette interdiction m’avait été imposée, sans en expliquer les raisons.Ils ont seulement précisé que je suis couvert par le libellé passé en lettre H du document qui m’a été remis et qui s’intitule « Refus d’entrer à la frontière ». Voici la définition qui me concerne : ”C’est une personne pour qui consigne de refus d’entrée a été ordonnée”. Les éléments suivants sont inscrits sur l’en-tête : « Roumanie. Ministère de l’Intérieur. Police des frontières. Le poste frontière d’Albița ». J’ai également été informé verbalement par les officiers respectifs que cette interdiction aurait été imposée par une ordonnance d’urgence du gouvernement roumain en septembre 2020 pour une période de trois ans.  Cependant, rien n’est expressément écrit dans le texte du document respectif ni sur la date d’adoption de cette décision, ni sur la durée pour laquelle je suis persona non grata sur le territoire roumain.

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Il faut noter en particulier que dès la fin de l’épisode de mon expulsion de Roumanie, à partir du même jour du 14 août et ce pendant plusieurs jours, une gigantesque campagne de dénigrement public de ma personne a été organisée par toute la pieuvre de la presse dominante en Roumanie et en République de Moldavie. Toutes les chaînes de télévision et de radio, centrales et provinciales, des dizaines de portails d’information, des structures médiatiques telles que la BBC, Free Europe, Deutsche Welle ont déclenché une véritable guerre médiatique contre moi. Et, bien entendu, aucun mercenaire déguisé en journaliste n’a JAMAIS appelé la personne ciblée pour lui demander son avis sur ce qui s’était réellement passé. Évidemment, il s’agit d’une campagne de presse visant à me discréditer en tant que personnalité publique.

Qui aurait pu commander une telle opération de presse? Bien sûr, les mêmes cercles d’influence qui contrôlent à la fois l’État roumain et les réseaux de presse qui servent leurs intérêts occultes.Nous les appelons généralement par divers euphémismes, plus ou moins conventionnels: mondialistes, globalistes, corporatocratie, ploutocratie, banksters, etc.Nous les appelons aussi communément le Monde Occulte, les artisans du Nouvel Ordre Mondial.Ce sont ces cercles derrière le rideau de l’histoire et de la politique internationales qui ont été la cible de mes enquêtes journalistiques et de mes critiques publiques ces dernières années.

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Les causes qui auraient pu conduire aux mesures punitives contre moi, entreprises au nom de l’État roumain

A travers mes articles de presse, à travers des conférences académiques, à travers mon activité éditoriale, à travers ma présence internationale, à travers la multitude d’événements publics dans lesquels j’ai abordé des sujets géopolitiques, économiques, socio-politiques et, plus largement, civilisationnels, j’ai réussi à concentrer l’attention de la diplomatie occidentale, du réseaux Soros, de toute la pieuvre qui a vassalisé et dévasté mon pays, ainsi que les autres pays du monde.

Je suis pratiquement la seule personne publique en République de Moldavie, qui articule systématiquement un discours eurosceptique, souverainiste, anti-atlantique, favorable au nationalisme économique et surtout centré sur les valeurs du christianisme orthodoxe.Je suis un critique fervent et constant du „politiquement correct”, de la pensée unique, de la promotion du colonialisme économique et de l’agenda LGBT.Je combats l’unipolarisme américano-centré et l’hégémonie du capitalisme spéculatif, je révèle l’essence de la dictature de la ploutocratie mondiale, qui prend actuellement la dimension d’une technocratie et nous pousse vers une ère de transhumanisme et vers un goulag planétaire numérique.

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Je pense que l’interdiction d’entrer en Roumanie aurait pu également se fonder sur les événements publics que j’avais organisés à l’occasion de mes dernières visites à Bucarest. Le 24 janvier 2020, nous avions organisé la présentation du livre de l’auteur français Lucien Cerise «Neuro-pirates. Réflexions sur l’ingénierie sociale».Au cours de cet événement, nous avons annoncé notre intention de proposer de tels événements éditoriaux chaque mois, avec la présence d’auteurs occidentaux anti-système (voir le lien lors de l’événement : https://www.youtube.com/watch?v=_9VczDUUCf8). Puis le 5 mars 2020 a suivi la présentation de mon livre „L’Intérêt National comme Modus Vivendi” (voir lien : https://www.youtube.com/watch?v=hUL2WVdnj2I).

J’incline à croire que ces deux événements publics ont achevé de remplir le verre de patience des vrais maîtres de la Roumanie.

Il est à noter que depuis décembre 1989 et jusqu’à présent,je suis la seule personne d’origine roumaine à qui l’on a interdit d’entrer en Roumanie. Bien que je n’ai pas la nationalité roumaine, je suis un descendant de citoyens roumains qui l’ont perdue suite à l’invasion soviétique de la Bessarabie en 1940.Et comme je n’ai jamais mené d’activité criminelle sur le territoire de la Roumanie, ni eu aucune activité économique ni même pas enfreint le code de la route, il est clair que je suis persécuté pour mes convictions exprimées publiquement. C’est mon attitude ferme envers le Système qui a fait de moi l’ennemi public numéro un de la Roumanie. En fait, de la mafia qui contrôle cet État.

Il est bien connu qu’après la chute du communisme les pays de l’espace ex-communiste ont été envahis et colonisés par la corporatocratie occidentale. Les centres d’influence occidentaux, qui ont définitivement dé-souverainisé dans la seconde moitié du XXe siècle non seulement les pays du Tiers-Monde, mais aussi les États d’Europe occidentale, les États-Unis et le Canada, ont aussi lancé une offensive générale contre les peuples d’Europe Centrale et de l’Est, utilisant à cette fin tout l’arsenal de la guerre non-militaire.Ainsi, l’expansion du réseau des ONG et des médias a assuré la colonisation de l’esprit collectif des anciens peuples captifs de l’Empire soviétique. La  «thérapie de choc », l’instauration du régime de libre-échange, l’imposition de prêts exorbitants, la privatisation de masse et la libéralisation des prix ont assuré la colonisation économique. Le diktat des vainqueurs de la Guerre Froide a imposé le paradigme libéral comme une idéologie unique, à caractère axiomatique, qui a produit l’uniformisation et la vassalisation de tout le spectre politique dans l’espace ex-communiste.L’imposition de l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce, l’Union européenne et l’OTAN ont achevé le processus de soumission des pays ex-communistes.

Quelques précisions sur mon passé

Le signataire de ces lignes était pleinement engagé dans le mouvement anticommuniste et d’émancipation nationale à la fin du siècle dernier, étant dans le tourbillon de tous les événements qui ont précédé la chute de l’URSS et suivi cet événement géopolitique majeur.J’ai été l’un des dirigeants du premier parti anticommuniste, avec d’autres camarades j’ai créé les premiers journaux libres, j’ai dirigé pendant deux décennies le plus ancien parti anticommuniste, qui a eu la plus longue présence parlementaire continue, pendant cinq législatures, de 1990 à 2009.J’ai été quatre fois député au Parlement de la République de Moldavie, deux fois vice-président du Parlement et vice-premier ministre du pays.

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Ma pensée politique et implicitement la trajectoire de mon action politique étaient typiques des patriotes de cet espace. Entré dans la vie publique comme anticommuniste et nationaliste, je croyais naïvement que l’Occident collectif, en concurrence avec le système soviétique, serait notre allié naturel, et que le modèle occidental nous serait bénéfique. Ceci explique le fait que le rejet du paradigme communiste a nous a jeté dans le piège du paradigme libéral. Mais l’expérience acquise au fil du temps nous a montré le vrai visage de nos « bienfaiteurs » occidentaux.Ainsi, de la position de combattant contre l’empire soviétique, je me suis retrouvé dans la position de combattant contre l’empire planétaire américain.Et si jusqu’à il y a une dizaine d’années j’étais l’ennemi numéro un de Moscou, entre-temps je suis devenu l’ennemi numéro un de Washington.

J’ai eu une carrière de journaliste pendant quatre décennies. J’ai également publié toute une série de livres, dont certains sont disponibles au format PDF ici : http://iurierosca.md/carti/.Parmi les derniers volumes du soussigné figurent «La chute de l’URSS dans l’UE. Chroniques antilibérales »(2014), «Orthodoxie et nationalisme économique»(2017),”La conspiration des démons rouges. 100 ans depuis le coup d’État bolchevique. Interviews”(2017) „L’Intérêt National comme Modus Vivendi. Les Chroniques d’un dissident eurosceptique”(2020).

En tant qu’éditeur, j’ai publié ces dernières années une série de livres d’auteurs anti-système au sein de la Maison d’édition de l’Université populaire. Les auteurs que j’ai publiés représentent tous une pléiade de la nouvelle dissidence souverainiste européenne,résistante à l’hégémonie américaine. Ces auteurs sont parus exclusivement dans notre maison d’édition, aucune autre maison d’édition en République de Moldavie ou en Roumanie (le même espace linguistique) n’a publié d’auteurs de cette nouvelle vague de patriotes anti-atlantistes.Nous listons ici une série d’auteurs édités en traduction roumaine par nos soins: Hervé Juvin, Ivan Blot, Jean-Michel Vernochet, Youssef Hindi, Lucien Cerise, Valérie Bugault, Pierre-Antoine Plaquevent (tous les sept étant des auteurs français non-alignés de premier plan),Alexandre Dougine (le sociologue et géopoliticien le plus remarquable de Russie à l’heure actuelle), Ilie Badescu (le sociologue et géopoliticien le plus remarquable de Roumanie aujourd’hui).

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Je suis l’organisateur d’une initiative internationale, appelée Chisinau Forum, créée en 2017, qui a eu trois éditions et a réuni des intellectuels de premier plan de plusieurs pays du monde, pleinement engagés dans le courant de la pensée et de l’action souverainiste.En mai 2017, la réunion de Chisinau a abouti à l’adoption du document suivant :https://flux.md/stiri/le-manifeste-de-chisinau-créer-la-g....  Je reproduis ici le titre du document adopté en mai 2017: «Le Manifeste du Chisinău: Créer une grande Europe. Le brouillon géopolitique du monde multipolaire». En décembre de la même année 2017, a suivi la deuxième édition de notre forum, qui s’est déroulée sous la devise suivante : «Le capitalisme financier et ses alternatives pour le 21e siècle. Contributions à la quatrième théorie économique ». (vidéo complète: https://flux.md/stiri/video-international-conference-fina...– chisinau-15-décembre).Suit la troisième édition de septembre 2019. Les discours des participants sont disponibles sur www.flux.md. Voici mon discours d’ouverture : https://flux.md/stiri/chisinau-forum-iii-international-co....

En 2019, à l’initiative de l’avocat international Arnaud Develay, nous avons organisé une délégation de souverainistes européens, qui s’est rendue en Syrie, victime d’une guerre d’agression. Au cours de cette visite, nous avons eu toute une série de réunions publiques dans plusieurs villes de Syrie. Ce fut une expérience de solidarité intense avec le peuple syrien. J’ai fait des reportages quotidiens sur ce que j’ai vu en Syrie, que j’ai publiés sur www.flux.md (Voir ici exemple: https://flux.md/stiri/externe/foto-video-conferinta-publi...).

Je suis poursuivi depuis 2017, l’affaire est en cours, je risque jusqu’à 7 ans de prison

Le 29 février 2017, mon domicile a été perquisitionné par le parquet anticorruption. C’est alors que j’ai découvert que j’étais poursuivi dans une affaire fabriquée par l’ancien gouvernement criminel. Je suis accusé du délit de « trafic d’influence ». Je risque d’être condamné à 7 ans de prison. Ceci dans les conditions dans lesquelles j’ai critiqué sévèrement ceux qui ont usurpé le pouvoir de l’État en République de Moldavie depuis 2009 et l’ont maintenu en captivité jusqu’à il y a un an et demi.Après le changement de pouvoir, y compris le procureur général, plusieurs dizaines de personnes ont été annoncées par le parquet général comme „victimes de la persécution politique du régime Plahotniuc lors de l’usurpation du pouvoir de l’Etat”. Ceci en dépit du fait que, contrairement à moi, aucune des personnes acquittées n’avait eu d’activité publique en désaccord avec l’ancien gouvernement. La plupart d’entre eux n’ont souffert qu’en tant qu’hommes d’affaires.Mais mon cas n’a pas bénéficié du même traitement, bien que je fus un opposant irréconciliable à ce régime. L’affaire est toujours devant le tribunal, au stade de l’audience préliminaire.

2020-2021: La Grande Réinitialisation, l’usurpation du pouvoir à l’échelle mondialladictature technocratique

À partir de mars 2020, je fus le seul intellectuel de la République de Moldavie et parmi les quelques personnalités publiques de tout l’espace roumain, pleinement engagé à démasquer le projet des mondialistes d’établir le Nouvel Ordre Mondial comme une forme de dictature à l’échelle mondiale, progressant rapidement sous prétexte médical. J’ai réalisé plusieurs centaines d’enregistrements vidéo, quotidiennement, en roumain et en russe, dévoilant point par point tous les éléments de cette mascarade mondiale, dont la cible se réduit à deux priorités majeures des satanistes cachés en coulisses:

  • DEPOPULATION ou LA REDUCTION DE LA POPULATION MONDIALE DE 90-95%;
  • L’ESCLAVAGISATION DES SURVIVANTS DE CET HOLOCAUSTE PLANÉTAIRE.

Voir à cet égard : www.flux.md, iurierosca.md, altermedia.md, chaîne Telegram Iurie Roșca.

Imposition de la « p(l)andemie », les mesures liberticides et génocidaires comme le port du masque, les tests et surtout les injections forcées et répétées, les confinements, la destruction méthodique des économies du monde, la numérisation totale, la suppression de l’argent liquide,  Agenda 21 et Agenda 2030, „développement durable”, Club de Rome et ” limites de croissance”, le rapport 2010 de la Fondation Rockefeller, Bill Gates et Klaus Schwab, Organisation mondiale de la santé et GAVI, nanoparticules, 5G, cyber pandémie, urgence climatique (mythe du réchauffement climatique et armes climatiques), traces chimiques, agenda transhumanisme, puces, programmation prédictive, contrôle sur l’esprit humain, ingénierie sociale, etc., etc.Voici les sujets que j’ai abordés dans mes discours, ceux-ci s’appuyant sur une multitude de sources internationales d’une crédibilité maximale.

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Il est bien connu que mes matériaux bénéficient d’une audience importante sur les réseaux sociaux, certains d’entre eux cumulant plus de 500 000 vues et des dizaines de milliers de partages et de likes.Ma chaîne YouTube a été supprimée. Mon compte Facebook de base est actuellement bloqué pendant 30 jours.Les médias dominants, parrainés par les mondialistes, font la promotion agressive de leur agenda et entreprennent régulièrement des campagnes pour dénigrer ma personne. Le but est de me compromettre et ainsi de discréditer mon discours public.

Malheureusement, en République de Moldavie, aucun parti politique, aucune organisation non gouvernementale, aucun journaliste n’a adopté d’attitude critique envers le régime dictatorial sous prétexte de santé depuis un an et demi.Ma voix reste singulière, ce qui fait de moi une cible privilégiée de toutes les attaques des agents du pouvoir mondialiste.

Conclusion

L’acte punitif d’exécution publique au travers de l’interdiction du mon entrée en Roumanie, mes poursuites pénales pendant des années,ansi que  le lynchage médiatique sont les moyens traditionnels utilisés par les centres d’influence basés en Occident contre un adversaire dangereux pour leurs intérêts. Je suis une figure publique mal vue dans les cercles qui établissent méthodiquement actuellement l’agenda du Nouvel Ordre Mondial.Au cours de ma longue carrière de personnalité publique, je me suis déjà habitué à un état de terreur psychologique permanente.Mais malgré tout le harcèlement et la pression, je ne céderai pas et je ne renoncerai pas à dire la vérité.

Iurie Roșca,

Chisinau,

République de Moldavie,

23.08.2021

Telephone portable: +373 79 77 44 44 (Telegram, Signal, Viber)

Adresse électronique: roscaiurieppcd@gmail.com

 

dimanche, 27 décembre 2020

Eliade et Cioran : l’échange épistolaire sur la fin de l'Europe

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Eliade et Cioran : l’échange épistolaire sur la fin de l'Europe

Par Andrea Scarabelli

Ex : https://blog.ilgiornale.it/scarabelli

Le 22 avril 1986, Mircea Eliade meurt à Chicago. Il avait perdu connaissance deux jours auparavant, abandonné dans sa chaise de lecture : il tenait dans ses mains un livre fraîchement imprimé, contenant un portrait de lui-même, aussi net que sacrément génial. Il s'agissait du livre Exercices d'admiration ; son auteur, Emil Cioran, il l’avait rencontré pour la première fois, de nombreuses années auparavant, autant dires plusieurs vies antérieures, en 1932 de l'autre côté de l'océan. L'"ontologue" Constantin Noica le lui avait présenté. De retour d'une conférence sur Tagore, Eliade était alors l'enfant prodige de la "jeune génération" qui s'était surtout rassemblée autour du "Socrate roumain" Nae Ionescu, chef spirituel d'un groupe d'intellectuels nés à l'aube du XXe siècle, dont beaucoup se sont ensuite répandus à travers l'Europe et le monde dans ce qui fut l'une des dernières diasporas modernes. L'une des plus fécondes, comme l'a souligné Adolfo Morganti il y a quelques années dans le numéro d'Antarès consacré à ce sujet. Elle a dispersé dans le monde entier des génies absolus tels que Cioran et Eliade mais aussi, notamment, Ioan Petru Culianu et Paul Celan, sans oublier Eugène Ionesco, Camilian Demetrescu et Vintilă Horia (selon qui, comme l'indique le titre de l'une de ses œuvres les plus célèbres, même Dieu est né en exil).

41V8pVT+FQL._SX308_BO1,204,203,200_.jpgEntre les deux hommes, presque des contemporains, séparés par seulement quatre ans de vie, est née une amitié qui - entre les hauts et les bas de l’existence, comme cela arrive souvent aux hommes dotés de caractère et de profondeur spirituelle - a duré jusqu'à la fin des jours d'Eliade (Cioran le suivra en 1995). Un monument littéraire à cette relation de longue durée entre deux géants de l’esprit est Una segreta complicità  (Adelphi), la première édition mondiale de la correspondance entre les deux exilés roumains, d'où émerge une incroyable complémentarité, mêlée d'antagonisme, souvent non exempte de virulente controverse, comme le rappellent les deux éditeurs, Massimo Carloni et Horia Corneliu Cicortaş, mais toujours sous la bannière d’une entente secrète que Cioran a témoigné à Eliade le jour de Noël 1935 :

"Bien que j'éprouve une sympathie infinie pour vous, je ressens parfois le désir de vous attaquer, sans argument, sans preuve, et sans idées. Chaque fois que j'ai eu l'occasion d'écrire quelque chose contre vous, mon affection s'est accrue. Envers tous les gens que j'aime, j'ai un sentiment si complexe, chaotique et ambigu, que le simple fait d'y penser me donne le vertige. Je suis peut-être le seul, parmi les amis que vous avez, à comprendre vos accès de colère, votre désir de supprimer la continuité de la vie".

C'est, après tout, l'expression vivante d'un personnage titanesque, qui survit non seulement dans la lutte, mais peut-être précisément grâce à la lutte, l'incarnation d'une vision tragique du cosmos, mais en même temps une force vitaliste et foudroyante (ceux qui croient que le sentiment tragique implique une conception sombre et pessimiste de l'existence devraient lire quelque passagers de l’oeuvre de Nietzsche).

Mais l'intérêt de cette correspondance n'est pas seulement biographique. En plus d'enregistrer les étapes et les bifurcations de deux vies exemplaires et paradigmatiques, la succession des lettres - surtout les toutes premières, plus intéressantes de ce point de vue - rend compte directement d'une civilisation à l'agonie, étouffée par la pression des événements, un kaléidoscope des tragédies du XXe siècle, un sinistre prélude à la catastrophe finale, qui retirera à jamais l'Ancien Monde de la liste des acteurs de l'Histoire du Monde. Eliade écrivit à Cioran ce qui suit en novembre 1935, depuis Bucarest:

"Ces dernières semaines, je n'ai fait que penser à la fin apocalyptique de notre époque. J'ai la conviction que tout va s'arrêter très bientôt, peut-être même dans trente, quarante ans ; l'art, la culture, la philosophie - tout ira en enfer. Tout ce qui concerne notre époque (Kali-yuga) va s'effondrer de manière apocalyptique. L'Europe est en train de craquer - de stupidité, d'orgueil, de luciférisme, de confusion. J'espère que la Roumanie n'appartient plus à ce continent qui a découvert les sciences profanes, la philosophie et l'égalité sociale".

Ceux qui naguère auraient défini ces mots comme des "prophéties noires" n'ont qu'à considérer l'état "culturel" actuel de notre civilisation. En comparaison, ces perspectives ne sont peut-être que trop édifiantes.

17928284.jpgDe même, la différence entre deux visions du monde opposées concernant l'Est et l'Ouest apparaît chez les deux hommes, Cioran cherchant pour ainsi dire à trouver un Est dans l'Ouest, et Eliade étant poussé à aller dans la direction opposée, sans toutefois se laisser aller à l'exotisme facile, tant à la mode à l’époque que maintenant. Il écrit à Cioran le 23 avril 1941 depuis Lisbonne, où il séjourne en tant qu'attaché de presse à la légation roumaine (le magnifique Journal portugais, publié en italien par Jaca Book, témoigne de son séjour en terres lusitaniennes) : "Vivant face à l'Atlantique, je me sens de plus en plus attiré par des géographies qui m'étaient autrefois insignifiantes. J'essaie de trouver mon salut en dehors de l'Europe. Vasco de Gama est toujours arrivé en Inde".

D'ailleurs, avant que son imagination ne revienne des rives ensoleillées de la Lusitanie, l'historien des religions avait été physiquement en Inde une décennie plus tôt. De 1928 à 1931, pour être précis, avant d'être diplômé en 1933 de l'université de Bucarest. Il avait retravaillé et élargi sa thèse de doctorat (dont la version originale a été récemment publiée par les Edizioni Mediterranee, éditée par Cicortaş) pour en faire le volume Yoga. Essai sur les origines du mysticisme indien, publié en 1936 et rapidement envoyé à Cioran, qui le commente comme suit : "En lisant votre Yoga, j'ai réalisé à quel point je suis européen. À chaque étape, j'ai comparé Nietzsche avec lui. Je me sens plus proche des derniers bolcheviks ou derniers hitlériens que de la technique de la méditation. Vos raisons de revenir d'Inde me lient à une vision politique de l'univers".

9782070328444_1_75.jpgLeur relation épistolaire et humaine survivra à cette Europe dont ils avaient tous deux rédigé le rapport d’autopsie, vivant en ses derniers moments comme l’on vit la fin d'une saison, avec cette amère conscience qui transparaît d'une note du Journal portugais d'Eliade datant de novembre 1942 (un an après la lettre précitée) et écrite dans la ville espagnole d'Aranjuez avec ses mille palais et jardins caressés par le Tage : "Le palais rose. Les magnolias. A côté du palais, des groupes de statues en marbre. Vous pouvez entendre le bruit des eaux du Tage qui se déversent dans la cascade. Une promenade dans le parc du palais : de nombreuses feuilles sur le sol. L'automne est arrivé. Les rossignols. Le minuscule labyrinthe d'arbustes. Des bancs, des ronds-points. Nous sommes les derniers". J'aime à penser que dans cette lointaine année 1942, dans l'œil de la tempête, Eliade parlait implicitement de lui et de son vieil ami, à des centaines de kilomètres de là, mais partageant avec lui un destin bien plus élevé, que même la tragédie européenne qui a suivi n'a pas pu écraser.

A partir de 1945, pendant onze ans, ils vivent tous deux à Paris, puis Eliade s'installe aux Etats-Unis, où il reste jusqu'à la fin de ses jours, rencontrant Cioran en France pendant les vacances d'été. Ces "deux Roumains de la ‘jeune génération’, jetés par le destin en Occident" ne cesseront jamais de s'écrire, avec leur patrie tourmentée désormais loin derrière eux, dans une relation destinée à dépasser ce Minuit de l'Histoire qu'était le XXe siècle ("Tout est religieux, puisque l'histoire ne l'est pas" écrivait Cioran à Eliade en 1935, faisant inconsciemment écho au concept de terreur de l'histoire qu'Eliade développerait dans ses écrits, l'idée qu'en dehors de la sphère du sacré, l'histoire s'épuise dans un ensemble d'abattoirs).

Leur relation n'a cessé de se poursuivre, au-delà de l'histoire, au-delà de la douleur: en découvrant le portrait dessiné par son ami, il semble qu'Eliade, juste avant de fermer les yeux et de ne plus jamais les ouvrir, ait souri.

vendredi, 25 décembre 2020

Réflexions sur la Vingt-Cinquième heure de Virgil Gheorgiu à l'heure du Covid et du confinement

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Réflexions sur la Vingt-Cinquième heure de Virgil Gheorgiu à l'heure du Covid et du confinement

par Nicolas Bonnal

Ex: https://nicolasbonnal.wordpress.com

La vingt-cinquième heure ? C’est selon Virgil Gheorgiu : « Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un messie ne résoudrait rien. »

10364170._SX318_.jpgNous y sommes car nous avons devant nous une conspiration avec des moyens techniques et financiers formidables, une conspiration formée exclusivement de victimes et de bourreaux volontaires. On a vu les bras croisés le cauchemar s’asseoir depuis la mondialisation des années 90 et la lutte contre le terrorisme, puis progresser cette année à une vitesse prodigieuse, cauchemar que rien n’interrompt en cette Noël de pleine apostasie catholique romaine. La dégoutante involution du Vatican s’est faite dans la totale indifférence du troupeau de nos bourgeois cathos, et on comprend ce qui pouvait motiver Drumont, Bloy ou Bernanos contre une telle engeance de bien-pensants. Un pour cent ou un pour mille de résistants ? Le reste s’est assis masqué et a applaudi.

La situation est pire que sous le nazisme ou le communisme, car à cette époque elle était localisée. Il y a des Thomas Mann, il y a des Soljenitsyne pour témoigner, pour tonner contre, comme dit Flaubert. Là, la situation techno-nazie de Schwab et consorts est et sera globale. La crise du virus a déclenché une solution totalitaire planétaire et des expédients ubiquitaires et démentiels. Certes c’est surtout l’occident la cible, et cette vieille race blanche toujours plus gâteuse, que je mettais en garde il y a  dix (Lettre ouverte) ou trente ans (La Nuit du lemming). Mais c’est le propre des Cassandre de n’être jamais crus ou des Laocoon d’être étouffés par les serpents. Lisez dans Virgile l’entrée du cheval dans la cité de Troie pour comprendre. Après la mort de Laocoon le peuple troyen enjoué abat les murs et laisse entrer la machine pleine de guerriers. Allez, un peu de latin :

Diuidimus muros et moenia pandimus urbis.

005705267.jpgNous sommes donc à la veille d’une gigantesque extermination et d’un total arraisonnement. Et tout cela se passe facilement et posément, devant les yeux des victimes consentantes ou indifférentes que nous sommes. Nous payons ici l’addition de la technique et de notre soumission. De Chateaubriand à Heidegger elle a été rappelée par tous les penseurs (voyez ici mes chroniques). C’est cette dépendance monotone qui nous rend incapables de nous défendre contre les jobards de l’économie et de l’administration qui aujourd’hui veulent faire de leur troupeau humain le bifteck de Soleil vert ou les esclaves en laisse électronique. Et le troupeau est volontaire, enthousiaste comme disait Céline avant juin 40.

Chateaubriand dans ses Mémoires :

« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l’état matériel s’améliore, le progrès intellectuel s’accroît, et les nations au lieu de profiter s’amoindrissent : d’où vient cette contradiction ?

C’est que nous avons perdu dans l’ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n’étaient point commis de sang−froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment religieux. A cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ; si on les jugeait autrefois d’une manière différente, c’est qu’on n’était pas encore, ainsi qu’on l’ose affirmer, assez avancé dans la connaissance de l’homme ; on les analyse actuellement ; on les éprouve au creuset, afin de voir ce qu’on peut en tirer d’utile, comme la chimie trouve des ingrédients dans les voiries. »

9782266002622-fr.jpgVoilà pourquoi les parlements et les administrations ne seront arrêtés par rien. Et le troupeau renâclera peut-être trois minutes mais il se soumettra comme les autres fois sauf qu’ici ce sera global et simultané. Quant aux minorités rebelles (1% tout au plus) le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles ne sont pas très agissantes…

Dans la vingt-cinquième heure Virgil Gheorghiu dénonce avec son personnage Trajan notre déchéance liée au progrès, au confort, à la technique, à la bureaucratie, ce qu’on voudra. Et cela donne :

« Nous apprenons les lois et la manière de parler de nos esclaves pour mieux les diriger. Et ainsi, peu à peu, sans même nous rendre compte, nous renonçons à nos qualités humaines, à nos lois propres. Nous nous déshumanisons, nous adoptons le style de vie de nos esclaves techniques… »

Cela explique pourquoi l’homme moderne fils des droits constitués et pas gagnés se laisse liquider partout si commodément.

« L’homme moderne sait que lui-même et ses semblables sont des éléments qu’on peut remplacer. »

Celui qui ne veut pas de leur ordre nouveau sera liquidé ou marginalisé (pas de restau, de magasin, de transport, d’eau, d’électricité). Georghiu, futur prêtre orthodoxe, le dit :

« Ceux qui ne respectent pas les lois de la machine, promue au rang des lois sociales, sont punis. L’être humain qui vit en minorité devient, le temps aidant, une minorité prolétaire. »

L’humain déshumanisé, Gheorghiu l’appelle le citoyen technique :

« Les esclaves techniques gagneront la guerre. Ils s’émanciperont et viendront les citoyens techniques de notre société. Et nous, les êtres humains, nous deviendrons les prolétaires d’une société organisée selon les besoins et la culture de la majorité des citoyens, c’est-à-dire des citoyens techniques. »

unnamedqsjvg.jpgEt comme Chateaubriand Gheorghiu rappelle :

« Dans la société contemporaine, le sacrifice humain n’est même plus digne d’être mentionné. Il est banal. Et la vie humaine n’a de valeur qu’en tant que source d’énergie. »

Et de conclure moins lugubre que visionnaire :

« Nous périrons donc enchaînés par les esclaves techniques. Mon roman sera le livre de cet épilogue… Il s’appellera la vingt-cinquième heure. Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un messie ne résoudrait rien. Ce n’est pas la dernière heure : c’est une heure après la dernière heure. Le temps précis de la société occidentale. C’est l’heure actuelle, l’heure exacte. »

Je dis moins lugubre que visionnaire car il est temps de voir et de dire que tout cela est au final scientifique et juste, comme disait l’orthodoxe Vladimir Volkoff. Volkoff disait que le bolchévique c’est celui qui en veut plus, idéaliste, progressiste, banquier central, militaire ou agent secret ou même journaliste. Le troupeau c’est celui qui n’y croit pas ou ricane et de toute manière  se soumet. C’est celui qui en veut moins. C’est le troupeau des troyens euphoriques.

PS. Gheorgiu écrit aussi : Pour finir les hommes ne pourront plus vivre en société en gardant leurs caractères humains. Ils seront considérés comme égaux, uniformes et traités suivant les mêmes lois applicables aux esclaves techniques, sans concession possible à leur nature humaine. Il y aura des arrestations automatiques, des condamnations automatiques, des distractions automatiques, des exécutions automatiques. L’individu n’aura plus droit à l’existence, sera traité comme un piston ou une pièce de machine, et il deviendra la risée de tout le monde s’il veut mener une existence individuelle. Avez-vous jamais vu un piston mener une vie individuelle ? Cette révolution s’effectuera sur toute la surface du globe. Nous ne pourrons nous cacher ni dans les forêts, ni dans les îles. Nulle part.

Virgil Gheorghiu – La vingt-cinquième heure

https://chroniquesdepereslavl.blogspot.com/2020/12/guerre-contre-lhomme.html

dimanche, 10 mai 2020

La Roumanie à deux doigts de la violence politique

Roumanie – Dès l’accession (d’une rapidité certes surprenante), en 2014, de Klaus Iohannis à la plus haute responsabilité de l’État roumain, ses détracteurs ont usé et abusé contre lui du qualificatif « nazi ». Dans la plupart des cas, de façon assez stupide : ceux qui l’employaient, ne sachant guère ce que recouvre le terme, se contentaient de faire ainsi méchamment allusion à l’origine ethnique de Klaus Iohannis , issu d’une minorité de langue allemande (les « Saxons » de Transylvanie) de ce pays multiethnique qu’est la Roumanie. Des liens familiaux ont aussi été mis en exergue (les Saxons ayant, dans les années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale, bien souvent cédé aux sirènes de l’hitlérisme), liens familiaux dont Klaus Iohannis n’est bien entendu pas responsable. Et si on a certes pu relever chez lui des propos suggérant un certain antisémitisme, ce dernier est trop répandu en Roumanie pour qu’on puisse en tirer quelque conclusion que ce soit quant aux phobies supposées dudit Klaus Iohannis, et encore moins quant à leur origine.

Il existe néanmoins une affinité grandissante entre le discours politique de Klaus Iohannis et certains thèmes de l’idéologie de l’Allemagne hitlérienne – affinité dont il est probable que Iohannis lui-même n’ait pas conscience, ce dernier ne semblant pas briller par sa culture historique ou philosophique.

Bref retour en arrière :

National_Liberal_Party_Romania.pngDès la campagne menant à sa première élection, Klaus Iohannis – suivi en cela par la quasi-totalité de la « droite » roumaine rassemblée autour de lui – a systématiquement évacué la politique de son discours électoral.

En Hongrie, le FIDESZ au pouvoir se présente comme « de droite » ou « conservateur » (ajoutant éventuellement « illibéral » depuis 2015, à l’usage de publics plus initiés) ; que ces étiquettes soient appropriées ou non, elles ont le mérite de situer l’idéologie de ce parti de gouvernement sur un spectre idéel, où d’autres positions sont aussi possibles : l’opposition parlementaire au FIDESZ, par exemple, bien qu’essentiellement libérale à la Macron, est généralement nommée – et se nomme souvent elle-même – opposition « de gauche » (ou, de plus en plus, « écologiste » pour certains). Elle constitue donc une option politique, que les médias proches des partis de gouvernement ne recommandent naturellement pas à l’électorat, mais dont tout le monde reconnaît la dignité.

Partidul_Social_Democrat_logo.svg.pngEn Roumanie, dès sa campagne de 2014, non content de dénoncer la présence, dans les rangs de la « gauche » roumaine, de quelques personnalités soupçonnées de malversations, Klaus Iohannis a décidé de faire de ses adversaires « socio-démocrates » (à vrai dire : populistes) « le parti de la corruption », tandis que son propre camp (de facto libéral à la Macron) cessait de se définir comme la « droite » roumaine, pour devenir le camp « du travail bien fait ». Ce remplacement relativement brutal (quoique non dénué de précédents dans la vie politique roumaine de l’après-1989) de la politique par la morale a été accompagné :

  • D’abord d’une exploitation médiatique assez malsaine de l’origine (territorialement transylvaine, ethniquement germanique) du candidat, instaurant symboliquement une hiérarchisation géo-biologique de la population roumaine : au Nord-ouest, les transylvains travailleurs, donc riches, cultivés et disciplinés ; au Sud-est (à l’extérieur de l’arc carpatique), les valaques et moldaves, paresseux, voleurs, obscurantistes, portés au mensonge et à l’assistanat. Ce discours a, en 2014 (et même encore un peu en 2019 !) séduit beaucoup d’électeurs issus de la minorité hongroise de Transylvanie. L’ironie du sort a voulu que Klaus Iohannis, élu grâce à eux, se soit ensuite avéré être le président le plus magyarophobe de l’histoire constitutionnelle roumaine (époque communiste comprise). Klaus Iohannis est en effet avant tout une marionnette de l’État profond roumain, lui-même inféodé à l’Empire occidental, qui n’accepte pas les velléités d’indépendance de la Hongrie de Viktor Orbán.
  • Puis, assez vite, d’une coloration de plus en plus biopolitique de ce moralisme. La Roumanie de Klaus Iohannis est devenue « la Roumanie propre », tandis que son adversaire socio-démocrate (en dépit du fait que son programme n’a plus rien de marxiste depuis trente ans) devenait « la peste rouge ». Dans les médias proches de la « droite » roumaine, il est depuis plusieurs années implicitement admis que les électeurs du Parti Social-Démocrate ne peuvent « commettre » un tel choix électoral qu’en l’absence de facultés intellectuelles appropriées – et, à chaque poussée électorale du PSD réapparaît l’idée de remettre en cause le suffrage universel, pour en exclure soit les non-diplômés (réputés idiots), soit les pauvres (scrutin censitaire), soit les vieux – soit toutes ces catégories à la fois (que le discours de la droite roumaine tend de toute façon à confondre).

C’est ici qu’apparaît un trait spécifiquement est-européen de ce discours d’extrême-droite, dont on trouvera aussi des équivalents en Ukraine (chez les « ultras »), ou encore en Pologne (chez les adversaires du PiS), mais qui a naturellement de quoi surprendre l’observateur d’Europe occidentale : son caractère « progressiste ». C’est en effet une rhétorique d’extrême-droite (hostile à la démocratie, anti-égalitariste, construisant « l’ennemi intérieur », etc.) qui puise moins sa légitimité dans un passé plus ou moins mythique que dans une certaine vision (eugéniste et technologiste) de l’avenir. Ce pourquoi elle réussit en même temps à être favorable au multiculturalisme, à l’agenda LGBT etc.. On reconnaît là un thème majeur de l’idéologie américaine, effectivement très présente en Roumanie, à la fois par les canaux culturels ordinaires (actifs aussi en Europe de l’Ouest), et, de façon plus directe, par la propagation cancéreuse des sectes néo-protestantes pilotées depuis les États-Unis d’Amérique.

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Le dénouement (en cours) :

Une fois instruit de ces éléments, on comprend mieux pourquoi, dans la Roumanie de Klaus Iohannis, la « crise du Covid » ne pouvait que dégénérer.

Apparemment, pourtant, tout s’est passé comme ailleurs : sortant d’une insouciance coupable, le gouvernement est d’abord surpris par une menace mal connue, et médiatiquement grossie par la « communication de crise » du gouvernement chinois ; il surréagit donc, et – étant, comme presque partout ailleurs en Europe, à peu près dénué de moyens d’action technique au terme de décennies de saccage néo-libéral du secteur public – trouve une solution techniquement peu convaincante, mais spectaculaire, dans la folie suggérée à Boris Johnson (vite imité par Macron) par le gourou Neil Ferguson : le confinement. Jusqu’ici, rien de très surprenant, vu de France, d’Italie, de Suisse ou même de Hongrie.

Mais voilà : en Roumanie, « l’idéologie Covid » se superpose si parfaitement à celle du régime Iohannis qu’elle le mène tout naturellement à ses dernières conséquences. J’ai déjà évoqué ailleurs le premier acte du drame, à savoir la transformation rapide, en mars-avril 2020, de cette démocratie (certes plus formelle que réelle, compte tenu du poids de l’État profond) en dictature militaire. J’ai aussi évoqué les amendes – d’un montant record en Europe – infligées à la pelle pour les moindres infractions à des règles de confinement particulièrement absurdes et liberticides. Ces amendes sont très vite devenues une des premières recettes fiscales de l’exsangue État roumain.

Or ce 6 mai, la Cour Constitutionnelle roumaine a frappé ces amendes d’illégalité. Elle reproche notamment au décret qui les institue de ne pas définir avec assez de précision les conditions de constatation du délit, ouvrant ainsi un espace d’arbitraire policier que tout le monde a, en effet, pu constater. Ami français : à bon entendeur…

Sans attendre, Klaus Iohannis a, dès le 7 mai, a consacré une allocution télévisée au commentaire de cette décision et de la situation du pays. Confondant allègrement communication de crise et discours de campagne, il a désigné deux ennemis de la « Roumanie propre » qu’il pense incarner :

  • un appareil judiciaire dont il laisse entendre qu’il serait secrètement complice du PSD (que cet appareil judiciaire a pourtant fort sévèrement puni à l’époque où ce parti était présidé par Liviu Dragnea, aujourd’hui incarcéré), et
  • à nouveau, le PSD lui-même. Bien qu’en charge du gouvernement – dirigé par son acolyte Ludovic Orban –, et en dépit du fait que le PSD a approuvé au parlement les pouvoirs exceptionnels confiés audit gouvernement au début de la « crise sanitaire », Iohannis avait déjà, le 29 avril, accusé (sans le moindre fondement) le PSD de « vouloir vendre la Transylvanie aux Hongrois ». Cette fois-ci, plaçant carrément PSD et Covid19 sur le même plan, il donne au discours biopolitique de l’extrême-droite libérale au pouvoir en Roumanie sa forme achevée, parfaite et probablement définitive. La métaphore dangereuse de la « peste rouge » est devenue hallucination en bonne et due forme.

Examinons, donc, l’impact de ces deux « calamités » sur la société roumaine :

Le bilan officiel du Covid19 est aujourd’hui en Roumanie de 888 morts, soit, en deux mois de décompte, 1.26 jour de mortalité générale. Cette situation est d’ailleurs générale en Europe post-communiste, pour, notamment, des raisons de faible longévité (notamment masculine), que j’ai analysées ailleurs. Rien n’indique donc que ce taux de mortalité soit à l’avenir susceptible d’une forte augmentation, ni dans des conditions de confinement actuelles, ni hors confinement (comme le suggère assez clairement l’exemple biélorusse, équivalent oriental de l’exemple suédois).

J’ai souvent évoqué dans ces chroniques le bilan des gouvernements du PSD de Liviu Dragnea (2016-2019), qui a notamment doublé les salaires de la fonction publique – et donc ceux des professions de santé, ralentissant ainsi l’exode des médecins roumains. Aussi léger que soit le bilan roumain de l’épidémie, on peut donc raisonnablement penser que, sans ces gouvernements, il aurait été un peu plus lourd.

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Bien plus que par un Covid qui y tue bien moins que les grippes ordinaires, ou par la « peste rouge » du timide PSD, la Roumanie semble donc actuellement menacée par le délire autoritaire de Klaus Iohannis et de l’extrême-droite atlantiste qu’il incarne.

On ne compte plus les voies de faits commises par des membres des forces de l’ordre sur des passants circulant pourtant régulièrement. Il est aussi question de médecins – de toute évidence intimidés – refusant aux victimes de telles violences un certificat d’attestation qui leur est pourtant statutairement dû. Sous prétexte de lutte contre les « fake news », le régime a fait fermer divers sites d’information hostiles à Klaus Iohannis, dont le site Justițiarul, auquel Klaus Iohannis porte une vieille rancune, pour avoir révélé l’un des aspects les moins reluisants de son ascension sociale au début des années 1990 : ses liens avec un réseau canadien de trafic d’enfants (le site étant censuré, impossible de fournir un lien, ndlr). Sur Internet, enfin, une armée de trolls (a priori issus des effectifs des services « secrets » – c’est-à-dire de la police politique roumaine, la plus nombreuse d’Europe) guette le moindre signe de scepticisme à l’égard du confinement, pour brutalement rappeler à l’ordre le « contrevenant », en évoquant les souffrances de parents placés en soins intensifs (à ceci près que la Roumanie n’a probablement pas assez de lits de soins intensifs pour héberger les parents de tous ces trolls).

Conclusion provisoire :

La question est maintenant avant tout de savoir dans quelle mesure l’État profond roumain conserve encore le contrôle du simulacre démocratique qu’il gère de plus ou moins près depuis l’assassinat du couple Ceauşescu. Si tel est encore le cas, alors Klaus Iohannis est certainement très proche de sa fin politique, et servira de fusible. Ses charges exagérées contre le PSD peuvent dans ce cas avoir été mises en scène dans le but de doper a contrario la popularité de ce parti (désormais tout aussi contrôlé par l’État profond que le PNL de Iohannis), qui accèderait alors pacifiquement au pouvoir, « afin que tout change pour que rien ne change ».

Si, en revanche, Klaus Iohannis s’avérait être sincère dans le délire paranoïaque et eugéniste affiché par ses dernières interventions publiques, on pourrait désormais s’attendre au pire. Dans ce second cas, il serait tout aussi improbable de le voir finir son mandat (voire l’année) aux commandes de l’État roumain. Mais il risquerait alors, avant de quitter la scène de façon plus ou moins brutale, de laisser un bilan plus lourd que celui du Covid-19, voire (et ce n’est pas peu dire) plus lourd que celui du confinement.

 

Extrait de: Source et auteur

mercredi, 13 novembre 2019

La Roumanie, entre intégration mondialiste et partenariat multipolaire

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La Roumanie, entre intégration mondialiste et partenariat multipolaire

Ex: https://www.geopolitica.ru

La Roumanie est un ancien pays communiste qui fait partie depuis environ une quinzaine d’années de l’intégration euro-atlantiste. Afin de mieux décrypter la situation actuelle de ce pays, je voudrais d’abord comparer brièvement l’état présent des faits avec celui qui a précédé la prétendue « révolution », qui nous a amené libéralisation, privatisation, progressisme et a imprimé une orientation générale vers la mondialisation. En substance, je pense que l’on peut dire qu’au cours de ces 30 dernières années, nous sommes passés du stade de l’oppression communiste – mais au moins nous étions toujours propriétaires des ressources et de l’économie du pays – à un triste statut de colonie dans laquelle nous n’avons presque aucune souveraineté, ni industrie, ni propriété des ressources, ni culture nationale.

Entrons maintenant dans les détails. En ce qui concerne la situation économique de la Roumanie avant 1989, on nous dit aujourd’hui qu’il n’y a pas de données officielles parce que tout, dans le communisme, était mensonger, si bien que les données fournies par le gouvernement de Nicolae Ceaușescu étaient exagérées et politisées. Ces données visaient à dépeindre la « grandeur » du communisme et du « souverain bien-aimé », mais en réalité le système économique était défectueux et inefficace. Il est vrai que la propagande mégalomaniaque était absolument réelle, mais l’idée qu’il n’y a pas de données et que le système était dysfonctionnel semble relever d’une nouvelle forme de manipulation du peuple.

En effet, n’oublions pas que la Roumanie a été l’un des très rares pays dans le monde entier à avoir réussi, au printemps 1989, à rembourser intégralement sa dette envers le FMI (21 milliards de dollars). Ensuite, tous ceux qui ont vécu à cette époque savent, par exemple, que dans chaque ville, même dans les plus petites, il y avait au moins une grande entreprise, avec des centaines ou des milliers de salariés. Au total, il y avait dans le pays environ 1200 grandes usines et entreprises qui avaient une production massive dans de nombreux domaines : machines, grands et petits véhicules, industrie extractive, habillement, industrie alimentaire… et une grande partie de la production était destinée à l’exportation. Selon les déclarations publiées par les médias centraux d’un ancien secrétaire d’État et ensuite directeur de l’Institut d’économie de l’Académie roumaine, Constantin Ciutacu, la Roumanie était dans les années 1980 parmi les 10 premiers pays d’Europe comme puissance industrielle, avec la plus forte croissance économique.

Aujourd’hui, les sociétés transnationales sont parvenues à contrôler plus de 90% du capital utilisé dans l’économie du pays et, conformément à un récent rapport rendu public par un sénateur, plus de la moitié des sociétés multinationales qui exploitent nos ressources depuis 20 ans n’ont rien payé avec les redevances qu’elles sont censées payer, selon les contrats.

La Roumanie est aujourd’hui le deuxième pays le plus pauvre de l’Union européenne, avec le taux d’inflation annuel le plus élevé de l’UE.

En conséquence, au cours des dix dernières années, plus de quatre millions de citoyens de la population active ont émigré, issus des milieux les mieux formés et les plus instruits, ce qui représente plus de 20% de la population du pays. Cela nous place au 5e rang des populations émigrantes dans le monde, bien plus que dans les pays voisins.

Les relations Roumanie-Moldavie

Nous voyons donc quels sont les soi-disant « avantages » de notre intégration dans les structures euro-atlantistes. Aussi, peu importe à quel point le nouvel ordre politique a critiqué le régime communiste (dont je ne suis pas partisan), il semble que la situation actuelle soit bien pire. Dans ce contexte, je tiens à souligner l’orientation des négociations en cours, en vue de parvenir à une approche « européenne » entre la Roumanie et la République de Moldavie. Je considère que ces deux pays sont frères, du même genre, nous avons le même sang (à l’origine) et nous parlons la même langue, et nous sommes essentiellement unis au niveau de l’âme et de la conscience. Seuls les vicissitudes et les intérêts historiques des grandes puissances ont dessiné en 1940 une ligne de démarcation artificielle entre nous. Mais aujourd’hui, étant donné que la Roumanie est déjà occupée par l’empire mondialiste, il est tout à fait logique que l’alliance euro-atlantiste soutienne ce rapprochement entre nous comme un moyen de pénétrer plus profondément vers la Russie, qui est sa véritable cible.

Ce que la Russie représente aujourd’hui

La Russie dérange l’empire mondialiste en s’opposant efficacement à ses plans. Avec la Chine, la Fédération de Russie constitue un pôle de pouvoir fort différent de l’ordre unipolaire hégémonique que veulent les États-Unis et ceux qui gouvernent réellement l’Amérique. Et les mondialistes n’essaient même pas de cacher que c’est exactement ce qu’ils veulent. La Russie est actuellement le principal pôle du christianisme dans le monde, le pôle des conservateurs des traditions morales et spirituelles chrétiennes qui ont jadis constitué la base de toute la culture européenne. Pourtant, ces valeurs chrétiennes ont été presque complètement déracinées en Occident par l’assaut de normes dites « progressistes » et « politiquement correctes ».

D’un point de vue militaire, il est important de noter que la Fédération de Russie a bloqué l’expansion impérialiste américaine qui a commencé après 2001. Le renversement du régime en Syrie, stoppé en 2017-2018, prenait la même voie que les changements de régime antérieurs, imposés en Irak, en Libye et dans d’autres pays du Moyen-Orient qui figuraient depuis longtemps sur la liste des pays à contrôler que les États-Unis avaient établie. Dans tous ces pays, l’OTAN, sous la direction des États-Unis, a attaqué sous prétexte « d’interventions humanitaires » et n’a apporté que des catastrophes à tous les niveaux, comme prix de la domination américaine. L’intervention décisive de la Russie, soutenue par la Chine, a également permis de bloquer le coup d’État vénézuélien au début de cette année. Le coup d’État poursuivait l’imposition totalement illégale d’un soi-disant nouveau « président », en fait une marionnette de la CIA. La Fédération de Russie continue d’être un facteur fondamental pour le maintien de la paix au Moyen-Orient, et je fais spécifiquement référence au fait que la coalition atlantiste dirigée par les États-Unis vise avec insistance à attaquer l’Iran.

La position délicate des pays de la zone tampon entre la Russie et la zone euro-atlantique

Compte tenu de ce contexte international tendu, il me semble nécessaire de souligner que la Roumanie et la Moldavie, comme tous les pays de la ceinture qui relient la mer Noire à la mer Baltique, devraient choisir soigneusement avec qui elles s’allient. La décision est d’autant plus importante que les théories géopolitiques soulignent que ces États sont essentiels pour le contrôle de l’Eurasie, la principale terre continentale du monde (Heartland). Les pays respectifs occupent une position clé dans cette zone de confrontation entre les deux grandes alliances (atlantiste et continentale) et c’est pourquoi il est difficile de croire que les pays de cette zone puissent s’engager avec succès sur une voie de neutralité et d’indépendance.

Une autre chose importante à souligner est qu’à mon avis, la Russie d’aujourd’hui n’est plus l’URSS d’hier. En ce sens, il est révélateur d’examiner les faits et non la propagande. Ceux qui cherchent à discréditer la Russie cherchent aujourd’hui à superposer son comportement aux anciennes pratiques de l’URSS, mais la différence est évidente pour tout analyste objectif d’un point de vue militaire, politique, idéologique ou économique. Dans le même temps, les États-Unis, qui dirigent l’alliance euro-atlantiste, sont présentés par leurs partisans comme un garant de la démocratie et de la liberté dans le monde. Pour clarifier les choses, il suffit d’examiner les actions de la Fédération de Russie, des États-Unis et de l’OTAN au cours des 20 dernières années. L’alliance OTAN/États-Unis a attaqué un nombre croissant de pays, même après la guerre froide, qui a fait des centaines de milliers de morts et provoqué le chaos dans ces régions.

Comment fonctionne le mondialisme

Sur la base des observations faites au fil du temps, on peut décrire brièvement comment le mondialisme agit pour s’emparer du pouvoir et dominer les pays du monde. En ce qui concerne la ligne économique, la création du système pétrodollar favorise progressivement le dollar américain comme monnaie de réserve mondiale. Le système des banques nationales est centralisé, sous le contrôle d’un cartel transnational occidental. Les États sont encouragés à emprunter et à devenir débiteurs, mais les dettes augmentent ensuite de façon exponentielle. L’augmentation de la dette s’accompagne d’une perte de souveraineté et de ressources naturelles. Les États qui ont tendance à sortir du système sont soumis à des sanctions économiques qui les affectent très durement, précisément parce que les leviers fondamentaux du système sont contrôlés par l’élite mondialiste. Récemment, il n’y a pas eu beaucoup d’alternative. Mais la situation a changé depuis que de plus en plus d’États ont commencé à comprendre que la seule façon de sortir de la domination du monopole mondialiste est l’alliance avec d’autres États afin d’atteindre un ordre multiple. À cet égard, on peut noter qu’un processus ferme de « dédollarisation » a déjà commencé.

Au niveau militaire et paramilitaire, nous avons vu comment fonctionne l’empire mondialiste dans le cas des soi-disant « États voyous » : en soutenant, finançant et même en organisant des « protestations de l’opposition », déclenchant plus ou moins des « révolutions de couleur », qui aboutissent à des changements de régime. Et si ces méthodes ne suffisent pas, la nécessité d’une « intervention humanitaire » est invoquée et l’action américaine dirigée par l’OTAN entre en jeu.

Sur le plan social et idéologique, les structures de soutien de la société, des hiérarchies et des classes sociales ont été affaiblies : la classe des intellectuels libres et du clergé, puis la classe des petits commerçants indépendants et en général toute la classe moyenne. La mondialisation divise la société en une « élite » de très rares super-riches qui ont le pouvoir, et de l’autre côté, une grande masse de personnes tenues dans l’ignorance, la pauvreté et manipulées pour voter comme le suggèrent habilement les médias, qui sont presque entièrement détenus par l’Élite. La démocratie est devenue un instrument de nivellement et de déstructuration (atomisation) de la société sous l’angle de l’égalité et des droits de l’homme. Un exemple : dans les pays émancipés, on ne permet plus de manifester en public les éléments religieux chrétiens pour ne pas offenser les autres, plus exactement les immigrés, et c’est pourquoi la religion chrétienne doit – de l’avis des législateurs mondialistes – être isolée, marginalisée, pratiquée uniquement en privé. Les progressistes veulent aussi que la famille traditionnelle ne soit plus un modèle fondamental, ils soutiennent que les mariages LGBT peuvent être tout aussi bons. Ou que les droits de l’individu sont plus importants que les droits de la communauté. Et que l’idée même de l’existence de « nations » serait dépassée.

En ce qui concerne le concept de nation, je rappelle que, par exemple, le philosophe allemand Hegel voyait la « nation » comme l’expression d’un ordre divin manifesté sur Terre : « [L’unité de la volonté universelle et subjective se trouve, d’un point de vue archétypal] dans l’État, dans ses lois, dans ses arrangements universels et rationnels ». Dans le même ordre d’idées, l’un des plus grands historiens et hommes politiques roumains, Nicolae Iorga, a déclaré que ce qui définit une nation est une communion de conscience et d’âme entre les membres de cette nation : « Nous ne sommes pas ensemble parce qu’il y a pour tous le même régime douanier, la même administration, les mêmes circonstances quotidiennes, mais parce que la même âme nous anime tous ».

Pourtant, nous voyons que le progressisme et la « pensée politique correcte » de la société euro-atlantiste contemporaine tendent à uniformiser et à désagréger ces ressorts profonds de la conscience et de l’âme nationale. Il en résulte un conglomérat plat et amorphe, qui a perdu sa dimension verticale : l’enracinement dans les traditions et l’aspiration collective selon un modèle transcendant.

Se connecter à la Source (Dieu) est la meilleure voie

Une dernière idée que je tiens à souligner est qu’une véritable alternative au système mondialiste ne peut fonctionner que si une mutation se produit au niveau de la population générale. Quelles que soient les bonnes idées que nous avons, si elles ne sont pas assimilées puis soutenues par la population, le système reste vulnérable aux coups d’État, à la corruption et à la manipulation. Et la mutation la plus importante est la reconnaissance de la dimension verticale dont je parlais tout à l’heure. Et surtout la reconnexion à la Source Divine. Dieu est l’allié invincible. C’est justement pourquoi certains essaient de faire en sorte que l’on ne s’en rende pas compte, ou qu’on l’oublie.

Source - FLUX

dimanche, 05 mai 2019

Mihail Manoilescu: “Protectionism 2.0” – The (New) Name of the (Old) Game in Postwar Developmentalism

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Mihail Manoilescu: “Protectionism 2.0” – The (New) Name of the (Old) Game in Postwar Developmentalism

Ex: http://www.themarketforideas.com

Mihail Manoilescu, more than an engineer, journalist or professor, was a Romanian political and economic thinker. Although in his country he was not recognized and his theory used, he has inspired other countries in different regions. His ascension was great, as great as his fall. Mihail Manoilescu ended up in the darkness of oblivion, obscurity and, consequently, death. 

Early years 

Mihail Manoilescu was born on December the 9th, 1891, in Tecuci, Romania, coming from a family with old boyar origins (Boyar was a nobility title attributed to members of the 10th-17th century Russian aristocracy). In 1893 the family moved to Iași. Mihail Manoilescu remained there until he began his university studies. His father, Constantin Manoilescu, was a teacher and member of the Socialist Party. Natalia Grigoreanu, his mother, was also a teacher.

In 1910, he graduated from the National High School in Iași. Mihail Manoilescu wanted to pursue law studies, but his precarious financial situation, left fatherless when he was nine years old, did not permit it. Consequently, he applied and was admitted to the National School of Bridges and Roads in Bucharest (now The University Politehnica of Bucharest), and graduated as valedictorian in 1915.

He was assigned to the Ministry of Internal Affairs after completing his university studies, as an engineer, in an artillery regiment in Roman, Moldova. Under Eng. Tancred Constatinescu’s leadership, he built an original model of howitzer (the “Manoilescu type” 210 mm howitzer). Mihail Manoilescu’s career started in the military area and, after the First World War, became the General Director of the Ministry of Industry and Trade in 1921.

Mihail Manoilescu started his incursion into the business world through investment in the minerals sector. Together with his brother, Grigore Manoilescu, he became co-owner of Sorecani Mines, in Cluj County. They made a significant investment and opened new galleries considerably increasing the production of lignite. They established an agreement with the Belgian company Electrobel to build a power plant in Aghireșu, inaugurated in 1930. 

Economic thought 

While developing his financial backing and power, including by becoming shareholder in a bank, Mihail Manoilescu published a book that many consider his greatest and most relevant bibliographical work: Théorie du protectionnisme et de l’échange international (Theory of protectionism and international exchange) in 1929.

Looking for a simple overview of the main ideas/concepts of Mihail Manoilescu, Sorin Șuteu (2016) considered the “author’s main findings:

  • In any country, labour productivity varies considerably depending on the economic branch. The biggest differences are between industry and agriculture. Their report is relatively constant and was named the Manoilescu constant.
  • It makes the industrialized countries have considerably higher labour productivity than predominantly agrarian countries.
  • As a result, in international trade, when an industrialized country sells a product to an agrarian country, we actually talk about the exchange between the work of a small number of industrial workers and the work of a large number of agricultural workers”.

Manoilescu, as per above considerations, considered that industrialized countries had the capacity and power to exploit agricultural countries by means of trade. The natural consequences of this situation were the losses in the national income that were recorded. In order to solve these shortcomings, “the author proposes two solutions:

  1. The industrial way, consisting in the manufacture of goods, in the country, with labour productivity above the national average.
  2. The commercial way, based on the importation of those goods with lower labour productivity than the national average” (Șuteu 2016).

To implement these ideas, Mihail Manoilescu’s recommendation is to adopt the measures aimed to protect and stimulate the economic sectors with productivity above the national average.

Although influenced by the economist Friederich List, he theoretically distanced himself from List: the protection he advocated was not temporary. He believed he had identified an important exception to the conclusions derived from exchange models, based on the presumed perfect competitiveness of the markets, which were behind the free trade policy advocated by most economists. 

mm-livre2.jpgImpact abroad 

At the time it was published, the book was harshly criticized by classical economists such as Jacob Viner (1932), or neoclassicists such as Bertil Ohlin (1933). In 1954, future Nobel laureate Arthur Lewis seems to have independently presented the argument, originally proposed by Manoilescu, that protection was justified in less developed countries, where wages in industry were excessive in relation to agriculture (Lewis 1954, 159). In the late 1950s, Everett Hagen also concluded in an article that historical experience suggested that protectionism was responsible for the acceleration of economic progress in countless countries, which were fully industrialized after the English Industrial Revolution. The United States, Japan, the Soviet Union and three Latin American countries – Brazil, Colombia and Mexico – clearly exemplified this statement. In each of these cases, the increase in per capita income was associated with the greater participation of the industrial sector in the global income, that is, the income of industrial employees increased more than the growth of the world economy. Therefore, it was statistically true that industry contributed more to raising per capita income.

This theory was very well received in Latin America. At this time, Brazil was in a very serious economic crisis following the Great Depression of 1929. So, this theory was growing because of the difficulties and challenges that Brazil experienced in the export competition with African and Asian countries. This fact was used to justify the low wages in Brazil.

The industrialists of São Paulo generally supported the values of organization, elitism, industrialization and, increasingly, as the 1930s progressed, of state intervention in the economy. After 1937, they also supported the Getúlio Vargas (1937-45) dictatorship. It is no wonder, therefore, that they were attracted to Manoilescu’s theses, values, and attitudes.

Industrial production grew by 50% between 1929 and 1937, creating income and strengthening the domestic market (Furtado 1980). The Brazilian economy recovered relatively quickly after the crisis, returning to a 9% annual growth rate already in 1934. This policy generated deficits for the government, but sustained the level of economic activity; the domestic protection given to the industry through exchange control, the regulation of the compulsory consumption of domestic production of raw materials, and the prohibition of imports by idle companies were fundamental for the industry to grow at an average of 10% per year between 1930 and 1936. Rising imports stimulated the use of the idle capacity of industries; fiscal, monetary, credit, and coffee policies ensured demand on the other side, causing industry to grow by more than 11% a year between 1934 and 1937. 

Impact at home 

In Romania, the protectionist doctrine of Manoilescu could not be applied. This doctrine was not accepted in the geopolitical context of the nation. After 1944, another model of development was applied by external imposition. In Brazil and in other Latin American countries as well, political and intellectual elites evinced a pragmatism in thought and action that was free to adopt Manoilescu’s theory as the basis for economic development strategies.

mm-livre1.jpgIt is important to consider that, over time, Manoilescu not only acquired sympathy for Nazi and fascist regimes, but also he was a believer in these social and political models. The subsequent situation of Soviet dominance in Romania, mainly after the end of the Romanian-German alignment, made impossible any attempt or intention to adopt his economic conceptions.

After World War II, Manoilescu completely lost his credibility, mainly because of the support he gave to the regimes that were in place, or that would come to take power in the 1930s, in Italy, Germany, Spain, Portugal and Brazil, then for the eventual failures of his theory. His political pragmatism led him to renege on his economic ideas, to support the Third Reich on the eve of the war, and to advocate Romania’s insertion into the German war effort as a supplier of primary products.

Through his influence and integration into Romanian political power before the fall of the Nazi regime, his status, credibility and his own life would be doomed. In 1945, Mihail Manoilescu was arrested for one year and two months, without a trial. He was also fired from the Political Economy Department of the University Politehnica of Bucharest and purged from university surroundings. He was released from the prison, but kept under surveillance.

In 1948, Mihail Manoilescu was arrested again for political reasons. He was taken to several prisons and, in 1950, he was jailed in Sighet together with the former officials of the interwar and war periods, who had been incarcerated in conditions of extermination and who had never been brought to trial. He died in prison on December 30th, 1950. The family was only notified eight years after, in May 1958. After his death, legal procedures were brought against him for his activity as a journalist and he was sentenced in absentia on April 1952. 

Conclusion 

It is verified that the bibliographical work and the protectionist theory of Manoilescu gained great importance for the foreign countries, mainly in the case of Brazil. Over time, his economic theses were re-evaluated and not all of them were discarded, being analysed until the present day, contributing to the enrichment of the debates about the adoption of national economic measures. 

Photo credit: https://expo1921.mnir.ro/ro/expozitia/expozitia-si-targul... 

Bibliography 

Furtado, C. 1980. Formação Econômica do Brasil. São Paulo: Ed. Nacional, http://www.afoiceeomartelo.com.br/posfsa/Autores/Furtado,....

Lewis, W.A. 1954. Economic Development with Unlimited Supplies of Labour. The Manchester School 22(2): 139-191.

Love, J.L. 1996. Crafting the Third World: Theorizing Underdevelopment in Rumania and Brazil. Stanford University Press, https://books.google.ro/.

Pușcaș, V.; Sălăgean, M. 2012. Mihail Manoilescu – Economic Thought and Economic Reality. Anuarul Institutului de Istorie “George Barițiu” din Cluj-Napoca, tom LI: 325-336, http://www.historica-cluj.ro/anuare/AnuarHistorica2012/19....

Silva, L.O. 2010. Roberto Simonsen: A industrialização brasileira e a Segunda Guerra Mundial. História Econômica & História de Empresas 13(2): 25-52, https://doi.org/10.29182/hehe.v13i2.

Șuteu, S. 2016. Mihail Manoilescu and the Theory of Protectionism. Revista de Management și Inginerie Economică 15(4) http://www.rmee.org/abstracturi/62/20_Personalitati_Mihai....

 

mardi, 12 mars 2019

Between Buddha & Führer: The Young Cioran on Germany

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Between Buddha & Führer:
The Young Cioran on Germany

ecioran-barbarie.pngEmil Cioran
Apologie de la Barbarie: Berlin – Bucharest (1932-1941)
Paris: L’Herne, 2015

This is a very interesting book released by the superior publishing house L’Herne: a collection of Emil Cioran’s articles published in Romanian newspapers, mostly from before the war. Besides becoming a famous aphorist in later years, before the Allied victory, Cioran was still free to be a perceptive and biting cultural critic and political analyst.

While reading the book, I was chiefly interested in understanding the motivations behind Cioran’s support for nationalism and fascism. We can identify a few recurring themes:

  • A sense of humiliation at Romania’s underdevelopment, historical irrelevance, and cultural/intellectual dependence with regard to the West: “That is why the Romanian always agrees with the latest author he has read” (22).
  • A pronounced Germanophilia, appreciating German artists’ and intellectuals’ intensity, pathos, and diagnostic of Western decadence.
  • Frustration with democratic politics as leading selfish individualism and political impotence.
  • A marked preference for belief and irrational creativity over sterile rationalism and skepticism.

Cioran, who had already been well acquainted with German high culture during his studies in Romania, really took to Hitlerian Germany when he moved in 1933 there on a scholarship from the Humboldt Foundation. He writes:

In Germany, I realized that I was mistaken in believing that one can perfectly integrate a foreign culture. I hoped to identify myself perfectly with the values of German history, to cut my Romanian cultural roots to assimilate completely into German culture. I will not comment here on the absurdity of this illusion. (100)

The influence of Cioran’s German sources clearly shines through, including Nietzsche, Spengler, and Hitler himself.[1] [2] Cioran’s infatuation proved lasting. He wrote in 1937: “I think there are few people – even in Germany – who admire Hitler more than I do” (240).

On one level, Cioran’s politics are eminently realistic, frankly acknowledging the tragic side of human existence. He admires Italian Fascism and especially German National Socialism because these political movements had restored strong beliefs and had heightened the historical level and international power of these nations. If liberties must be trampled upon and certain individuals marginalized for a community to flourish, so be it. On foreign policy, he favors national self-sufficiency and Realpolitik as against dependence upon unstable or sentimental alliances.

Cioran is extremely skeptical of pacifist and universalist movements, convinced that great nations each have their own historical direction. Human history, in his view, would not necessarily converge and ought to remain pluralistic. If Europe was to converge to one culture, this would tragically require the triumph and imposition of one culture on the others. In particular, he believed Franco-German peace would be impossible without the collapse of one nation or the other (little did he suspect both would be crushed). Diversity and a degree of tension between nations and civilizations were good, providing “the essential antinomies which are the basis of life” (98).

Alongside these rather realistic considerations, spoken in a generally detached and level-headed tone, Cioran’s politics and in particular his nationalism were powerfully motivated by a sense of despair at the state of Romania. Cioran viscerally identified with his nation and intensely felt what he considered to be its deficiencies as a bucolic and peripheral culture. He then makes an at once passionate and desperate plea a zealous nationalist and totalitarian dictatorship which could spark Romania’s spark geopolitical, historical, and cultural renewal. Only such a regime, on the German model, could organize the youth and redeem an otherwise irrelevant nation. The continuation of democracy, by contrast, would mean only the disintegration of the nation into a collection of fissiparous and spoiled individuals: “Another period of ‘democracy’ and Romania will inevitably confirm its status of historical accident” (225).

Cioran_Reichsausländer_01-200x300.jpgA rare and stimulating combination in Cioran’s writings: unsentimental observation and intense pathos.

Cioran’s nationalism was highly idiosyncratic. He writes with amusing condescension of the local tradition of nostalgic and parochial patriotic writing: “To be sure, the geographical nationalism which we have witnessed up to now, with all its literature of patriotic exaltation and its idyllic vision of our historical existence, has its merits and its rights” (150). He was also uninterested in a nationalism as merely a moralistic defensive conservatism, defined merely as the maintenance of the borders of the Greater Romania which, with the annexation of Transylvania, had been miraculously established in the wake of the First World War.

For Cioran nationalism had to serve a great political project, it had to have a set of values and ambitions enabling a great historical flourishing, rather than be merely a sentimental or selfish end in itself. He writes of A. C. Cuza, a prominent politician who made anti-Semitism his signature issue:

Nationalism, as a sentimental formula, lacking in any ideological backbone or political perspectives, has no value. The dishonorable destiny of A. C. Cuza has no other explanation than the agitations of an apolitical man whose fanaticism, which has never gone further than anti-Semitism, was never able to become a fatality for Romania. If we had had no Jews, A. C. Cuza would never have thought of his country. (214)

Similarly, Cioran argues that the embrace of nationalism is dependent on time and purpose:

One is a nationalist only in a given time, when to not be a nationalist is a crime against the nation. In a given time means in a historical moment when everyone’s participation is a matter of conscience. The demands of the historical moment also mean: one is not [only] a nationalist, one is also a nationalist. (149-50)

Cioran was also – at least in this selection of articles – uninterested in Christianity and aggressively rejected Romania’s past and traditions, in favor a revolutionary project of martial organization, planned industrialization, and national independence. For Cioran, Romania needed nothing less than a “national revolution” requiring “a long-lasting megalomania” (154).

All this seems far removed from the agrarian traditionalism and Christian mysticism of Corneliu Zelea Codreanu’s Iron Guard. Cioran did, however, hail the Guard as a Romanian “awakening” and after Codreanu’s murder wrote a moving ode to the Captain [3]. By contrast, Cioran excoriates the consensual Transylvanian politician Iulia Maniu as an ineffectual and corrosive “Balkan buddhist,” peddling “political leukemia” (220).

A friend of mine observed that at least some aspects of Cioran’s program resembles Nicolae Ceaușescu’s later formula: perhaps late Romanian communism did seek to reflect some of the nation’s deep-seated aspirations concerning its place in the world.

One is struck by the contrast between Cioran’s lyricism on Germany, his desperate call to “transfigurate” Romania, and his perfectly lucid and quite balanced assessment of Fascist Italy [4]. There is something quite unreasonable in Cioran’s revolutionary ambitions. Fascism, certainly, is an effective way of instating political stability, steady leadership, and civil peace, annihilating communism, maximizing national power and independence, and educating and systematically organizing the nation according to whatever values you hold dear.

cioranherne.jpgBut fascism cannot work miracles. Politics must work with the human material and historical trajectory that one has. That is being true to oneself. To wish for total transformation and the tabula rasa is to invite disaster. Such revolutions are generally an exercise in self-harm. Once the passions and intoxications have settled, one finds the nation stunted and lessened: by civil war, by tyranny, by self-mutilation and deformation in the stubborn in the name of utopian goals. The historic gap with the ‘advanced’ nations is widened further still by the ordeal.

In the case of Romania, I can imagine that a spirited, moderate, and progressive authoritarian regime might have been able to raise the country’s historical level, just as Fascism had in Italy. Romania could aspire to be a Balkan hegemon. Beyond this, raising Romania would have required generations of careful and steady work, not hysterical outbursts, notably concerning population policy. The country had a comparatively low population density – a territory twice the size as England, but with half the population. There was a vigorous and progressive eugenics movement in interwar Romania [5] which also sought to improve the people’s biological stock, but this came to naught.

Another very striking aspect of Cioran’s fascism and nationalism is that he does not take race seriously. He says in his first article written from Germany (November 14, 1933):

If one objects that today’s political orientation [in Germany] is unacceptable, that it is founded on false values, that racism is a scientific illusion, and that German exclusivism is a collective megalomania, I would respond: What does it matter, so long as Germany feels well, fresh, and alive under such a regime?

Reducing National Socialism’s appeal to mere emotional power, although that is important, will certainly puzzle progressive racialists and evolutionary humanists.[2] [6] In the same vein, Cioran occasionally expresses sympathy for communism, because of that ideology’s ability to inspire belief. There is something irresponsible in all this. And yet, living in an order of rot and incoherence, we can only share in Cioran’s hope: “We have no other mission than to work for the intensification of the process of fatal collapse” (51).

One wonders how Cioran’s disenchantment with Hitlerian Germany occurred. The fact that he wrote his conversion note [7]On France [7] in 1941, before the major reversals for the Axis, is certainly intriguing.

Cioran’s comments on Romania’s ineptitude are striking and sadly well in line with the current state of the Balkans. Cioran hailed from Transylvania, which though having a Romanian majority, had significant Saxon and Hungarian minorities and a tradition of Austro-Hungarian government. Cioran contrasts the stolid Saxons with the erratic Romanians, the staid Transylvanian “citizens” with the corrupt “patriots” of the old-Romanian provinces (Wallachia, Moldova). So while he rejected any idea of Romania becoming merely a respectable, prosperous “Switzerland,” Cioran also desired some good old-fashioned (bourgeois?) competence. He indeed calls Transylvania “Romania’s Prussia.”

To this day, besides Bucharest, the wealthier and more functional parts of the country are to be found in Transylvania. In the 2014 presidential elections, there was an eerie overlap [8] between the vote for the liberal-conservative candidate Klaus Iohannes and the historical boundaries of Austria-Hungary.

What I find most stimulating in Cioran is his dialectic between his concerns as a pure intellectual – lucidity, the vanity of things, universal truth – and his recognition of and desire for the intoxicating needs of Life: belief, action in the here-and-now, ruthlessness, and passion. Cioran writes:

The oscillation between preoccupations that could not be further from current events and the need to adopt, within the historical process, an immediate attitude, produces, in the mind of certain contemporary intellectuals, a strange frenzy, a constant irritation, and an exasperating tension. (117)

I was shocked to encounter the following passage and yet the thought had also occurred to me:

In Germany, I began to study Buddhism in order not to be intoxicated or contaminated with Hitlerism. But my meditation on the void brought me to understand, by the contrast, Hitlerism better than did any ideological book. Immediate positivity and the terror of temporal decision, the total lack of transcendence of politics, but especially the bowing before the merciless empire of becoming, all these grow in a dictatorship to the point of exasperation. A suffocating rhythm, alternating with a megalomaniacal breath, gives it a particular psychology. The profile of dictatorship is a monumental chiaroscuro. (233-34)

Nature, ‘red in tooth and claw,’ and the inevitable void: a fertile dialectic, from which we may hope Life with prevail.

Notes

[1] [9] E.g. Cioran observes that fears surrounding Hungary’s ambition to reconquer Transylvania from Romania only existed due to Romania’s own internal political weakness: “[There is an] unacceptable illusion among us according to which foreign relations could compensate for an internal deficiency, whereas in fact the value of these relations depends, at bottom, on our inner strength” (171). A classic Hitlerian point.

[2] [10] Elsewhere, Cioran denounces, in the name of a lucid Realpolitik, overdependence on the unreliable alliance with France and sympathy for the “Latin sister nation” Italy, which was then supporting Hungary: “Concerning affinities of blood and race, who knows how many illusions are not hidden in such beliefs?” (172). Certainly, people have often confused linguistic proximity with actual blood kinship.

 

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[2] [1]: #_ftn1

[3] ode to the Captain: https://www.counter-currents.com/2016/10/ode-to-the-captain/

[4] Fascist Italy: https://www.counter-currents.com/2019/01/italy-mussolini-fascism/

[5] eugenics movement in interwar Romania: https://www.upress.pitt.edu/books/9780822961260/

[6] [2]: #_ftn2

[7] conversion note : https://www.counter-currents.com/2019/02/ciorans-on-france/

[8] eerie overlap: https://www.reddit.com/r/MapPorn/comments/8cv6cf/the_map_of_the_austrohungarian_empire_18671918/

[9] [1]: #_ftnref1

[10] [2]: #_ftnref2

lundi, 18 février 2019

Cioran’s On France: Thriving Amidst Decay

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Cioran’s On France: Thriving Amidst Decay

Emil Cioran
De la France 
Paris: L’Herne, 2015

This is a strange, vile little book as only Emil Cioran [2] knew how to produce. It was only recently published, in both the original Romanian and in French translation,[1] [3] having been written in 1941 and left to languish for decades in some cardboard box in the Cioran archives. Cioran wrote the book in the wake of France’s pathetic defeat in 1940, inspired by his conversations in Parisian cafés and his bicycling through the villages of the French countryside. Contemporary political events are quite understated, however. For Cioran, there is no question of engaging in puerile journalism; in his view, France’s decay was many centuries in the making.

I first read the book some time ago and remembered nothing except a feeling of revulsion. I recently reread it, this time taking notes. As so often with Cioran, when I gather my notes, my initial revulsion gives way as I see the bigger picture and glimmers of hope, and the work ends up being strangely endearing to me.

I don’t know if the author ever meant for the text, which was written in pencil, to be published at all, let alone in its current form. It seems likely it was written in a few inspired bursts of Cioran’s brilliant and morbid Muse. It is a conversion note. Before 1941, Cioran thought in German, had wished he could have been German, and wrote in Romanian, oscillating between despair and the mad hope that a new barbarism could save Romania from irrelevance and Europe from decadence. After 1945, Cioran had settled into his Parisian home and would henceforth write exclusively in French, as a “lucid” aesthete of nihilism and decline.

Why would someone want such an intellectual destiny for oneself? On France explains it. This is a prolonged meditation upon France, her greatness, vanity, and decay, a book-long portrait of the past glories and the steady and pathetic decline of a great nation. Cioran has in fact fallen in love with his adoptive land; it is indeed a love letter. His prose is often overwritten, but quite insightful: “I perceive France rightly by all that is rotten within me” (40). France is decadent, lifeless, and over-intellectual, just like himself. The book opens with an apt anonymous quotation in French: “Collection d’exagérations maladives” (a collection of sickly/obsessive exaggerations). Rest assured there is a point to all of this, if one bears with it.

ecfrance.jpgCioran, like Nietzsche, writes with a kind of visceral identification with human history and the evolution of our consciousness as recorded in our literature and philosophy. For Cioran, how could one live without being part of a great nation? For him, a nation is a social, linguistic, and ethnic reality culminating in a shared psychic reality; a great nation is an agent influencing the course of human history, rather than a collection of individuals. A nation is a kind of conversation, a shared mind, extending across the centuries; at the same time, nations are equally mortal and artificial creations. Hence for Cioran, “France,” “Germany,” and “Romania” are entities which are at once conventional and whose potentialities and defects are intimately felt, about which the stakes could not be higher.

Cioran’s actual observations on France can be stereotypical or overwritten, but they are often on point and insightful. France had been the quintessential nation, a historical agent like no other, “a nation afflicted with good fortune” (28), which had known a stable and “regular” development (unlike the stagnation of the Balkans, or the erratic history of Germany and Russia). France was a nation which had never been “humiliated by comparisons,” whose people had never felt themselves to be “deracinated” by foreign influences, who had never felt the material or psychological need to emigrate (27). France was a world unto itself, psychologically self-sufficient, and in that sense strangely provincial, at the same time setting the tone for the entire world: “France – like ancient Greece – has been a universal province” (24). The nation could happily develop at her own, leisurely pace, for she was the world.

In this sense, all of Europe, and indeed much of the world, existed in France’s shadow. For all those formless populaces which wanted to be nations, France set the tone for what was “normal.” France had been the “soul of Europe,” a cultural and even political hegemon. Cioran delights in the decline of the “Grande Nation”: “From the Frenchmen of the Crusades, they have become the Frenchmen of the kitchen and the bistrot: bien-être and boredom” (53).

I recently had reason to observe that I don’t know what it is like to have been born in a second-rate or failed nation. France’s (and the West’s) standard-setting “normality” is in fact highly exceptional [4].

By the time of the Enlightenment, French confidence was also grounded in a belief in reason and progress. This was an “acosmic” culture not troubled by the sublimity and dread of metaphysics, too comfortable in reason, a formal classicism, and an “anti-Dionysian” (80) culture of the head, not of the heart,[2] [5] and committed to the “sterile perfection” of writing (24). It became the nation of self-satisfied Alexandrianism.

All that was over and done with. In the late Middle Ages, France had wavered “between the monastery and the salon” (17), before decisively opting for the latter. The French, since the Enlightenment and in particular during the Revolution, were a perfect example of the weakness of “reason” as a guide for a people. France had degenerated from a nation into a mere populace of selfish individualists, hence sterile, and long given to chatter, overrefinement, and gastronomy (one appreciates the overgeneralizations here). The French gave no place to the unconscious, they were not “deep,” and they had become skeptical and unwilling to die for any ideal (38). Because at this time Cioran seems to only have cared for intensity of feeling and belief, he sees the only remaining vitality left in France in Communism and the working class, although her “revolutionary career” was probably over, anyway (73; hence also some Slavophile sentiments, since Cioran never really distinguished between Russians and Communism, 41).

visuel-cioran.jpgCioran, a voracious reader with a vast intellectual culture, is extremely critical of French thought and culture throughout history. Cioran foresees a great convergence: France’s bourgeois decadence indicates where all the other nations are heading, and by that decadence she will also really become a “normal” country, as afflicted by doubt and inferiority complexes as all the rest (45, 49). Cioran writes implausibly, “Her decline, obvious for almost a century, has not been opposed by any of her sons with a desperate protest” (63).

By this point, one could fairly accuse the wretch Cioran of sadism. Some kids like to tear the wings off of flies, others just like to watch a once-beautiful flower slowly rot from blight.

Cioran has perhaps only one unambiguously positive thing to say about France, the embrace of fleeting beauty:

France’s divinity: Taste. Good taste.

According to which the world – to exist – must please; must be well-made; consolidate itself aesthetically; have limits; be a graspable enchantment; a sweet flowering [fleurissment] of finitude. (14-15)

He observes that France is “the country of the phenomenon in itself,” of impression, before adding, “If appearances are everything, France is right” (78). Very Zen and very true, no? If life is but a succession of fleeting moments, let them be beautiful.

Cioran luxuriates in France’s decay, and some of the passages are frankly revolting in embellishing – as Alain Soral has complained [6] – spiritual and civilizational rot:

[France] can only live up to [her past] if she accepts her end with style, by masterfully refining a crepuscular culture, by extinguishing herself with intelligence and even with splendor – not without corrupting the freshness of her neighbors or of the world through her decadent infiltrations and dangerous insinuations. (47-48)

There are fecund disintegrations and sterile ones. A great civilization which provincializes itself diminishes its spiritual volume; but, when it spreads the elements of its dissolution, when it universalizes its failure, the twilight retains some symbols of the mind and saves the appearance of nobility. (75)

He also writes, “Of France’s twilight we can only speak in aesthetic terms; we do not feel it, and the French do not feel it either” (59). Well, perhaps a metic could feel this way, but not a Frenchman raised in the knowledge that his country was a great nation among the lights of the world, passed down to us as a sacred patrimony by the sacrifice of millions of French soldiers and peasants. Let us recall Charles de Gaulle’s famous words:

All my life, I have had a certain idea of France. I am inspired in this as much by sentiment as by reason. . . . I instinctively have the impression that Providence has created her for consummate achievements or exemplary misfortunes. If mediocrity marks her deeds and actions, however, I have the feeling of an absurd anomaly, attributable to the faults of the French and not to the genius of the fatherland. But also, the positive side of my mind convinces me that France is only truly herself when she is at the first rank; that only vast enterprises can compensate for the ferments of dispersion which her people carries; that our country, as it is, among the others, as they are us, must, under penalty of death, aim high and stand tall. In short, by my lights, France cannot be France without greatness.

Let it be said that Charles de Gaulle, for all his failures [7], passed this conviction on to the more earnest and impressionable minds of the younger generation through this myth – those who only-too-naïvely took their elders’ words at face value, and who could therefore only be shocked by the nation’s decomposition and slouching into mediocrity. And are de Gaulle’s words not also true, to a great extent, for Europeans in general, who always yearn to dedicate themselves heart and soul to a great cause, without which they are prone to living like dogs? And I cannot tell you how many idealistic young Europeans I have met, who are among the best of our race, who dedicate themselves to the Third World, for there can still be found struggle, sacrifice, and emotional depth and intensity, which can only contrast with the superficiality and barrenness – a rare spiritual oblivion – of coddled life in the post-war West.

I can see a point in Cioran’s musing, but there is also something disgusting – and in some respects simply noxious – for both France and Europe. Cioran, in fact, seems torn: generally favoring belief and fanaticism as the antithesis of decadence (hence sympathy for Hitlerism and Bolshevism), but occasionally observing that perhaps Europe needs a bit of doubt, which France could bring (65).

Cioran is convinced of the catastrophic effects of the illusions of “reason” and “progress.” But if France, the pioneer-nation of the Enlightenment, would cease to believe in such follies . . . surely Western man could finally awaken from these self-satisfied, sterilizing slogans! Or, at least, Cioran believes he, as an “intellectual vampire” (60), could be a lucid and fecund writer in this context. He leapfrogs centuries of history:

Hailing from primitive lands, the Wallachian underworld, with the pessimism of youth, and then arriving in an overly ripe civilization, what a source of shivers before such a contrast! Without a past amidst an enormous past . . . From the pasture to the salon, from the shepherd to Alcibiades! (66)

Hence, Cioran loves France because she has fallen from self-assured greatness into a doubt and pessimism much like his own. Whereas he had previously loved Hitlerian Germany for its irrational faith, he now presents France as a mirror image of himself, an entire nihilist country in which he might be able to achieve the highest lucidity:

An entire country which no longer believes in anything, what an exalting and degrading spectacle! To hear them, from the lowest of citizens to the most lucid, say the obvious with detachment: “La France n’exist plus,” “Nous sommes finis,” “Nous n’avons plus d’avenir, “Nous sommes un pays en décadence,” what a reinvigorating lesson, when you are no longer a devotee of delusions! (69)

ciorantala.jpgFrance is “a consoling space” for Cioran: “With what impatience I have awaited this outcome, so fertile for melancholic inspiration!” (70). The wandering and soon-to-be stateless Cioran wants to limit himself to a particular culture and place: “He who embraces too much falsifies the world, but in the first instance, himself . . . A great soul enclosed in the French forms, what a fecund type of humanity!” (87). France’s comfortable decadence will shield Cioran from his own excesses: “Let her measure cure us of pathetic and fatal wanderings” (32), “A country’s lack of life will protect us against the dangers of life” (88). Crepuscular France will finally give Cioran the opportunity to be in harmony with his time: “Alexandrianism is erudite debauchery as a system, theoretical breathing at the twilight, a moaning of concepts – and the only moment when the soul can harmonize its darkness with the objective unfolding of the culture” (70).

In short, Cioran seizes the opportunity to join a decadent, highly intellectual nation, so as to explore the depths of nihilism and see where one emerges. I can appreciate this kind of personal and philosophical project.

Cioran carves a role out for himself as a fertilizing maggot in the corpse of French civilization. Cioran, not disinterestedly, affirms that the greatness of a nation can be measured by its ability to inspire metics to join and serve it, which I suppose is partly true (92-94). Cioran then foresees his own destiny in this new home:

What would I do if I were French? I would rest in Cynicism. (40)

France needs a pathetic and cynical Paul Valéry, an absolute artist of the void and of lucidity. (48)

My destiny is to wrap myself in the dregs of civilizations. How can I show my strength except by resisting in the midst of rot? The relationship between barbarism and neurasthenia balances this formula. An aesthete of the twilight of cultures, I turn my gaze of storm and dreams upon the dead waters of the mind . . . (65)

To refuse to go extinct, even though we have delighted in the inevitable march towards extinction. (82)

A kind of moribund fury lies in the aesthetes of decadence. (84)

Cioran affirms that decadence can only be overcome, not through sentimental nostalgia or insincere conservatism, but by uncompromisingly going deeper . . . perhaps then nihilism will be transcended? That which is falling ought to be pushed, that which doesn’t kill us, and so on.

On France seems to be a book-long philosophical exercise. There are well-established traditions in this kind of morbid meditation in both Stoicism and Buddhism, schools which strongly resonated with Cioran. In Stoic analysis, one breaks down an object to its most essential, unappetizing forms so as to overcome our desires with objectivity. As Marcus Aurelius wrote in his Meditations:

When you have savories and fine dishes set before you, you will gain an idea of their nature if you tell yourself that this is the corpse of a fish, and that the corpse of a bird or a pig; or again, that fine Falernian wine is merely grape juice, and this purple robe some sheep’s wool dipped in the blood of a shellfish; and as for sexual intercourse, it is the friction of a piece of gut and, following a sort of convulsion, the expulsion of some mucus. Thoughts such as these reach through to the things themselves and strike to the heart of them, allowing us to see them as they truly are. So follow this practice throughout your life, and where things seem most worthy of your approval, lay them naked, and see how cheap they are, and strip them of the pretenses of which they are so vain. (Marcus Aurelius, Meditations, 6.13)

The Buddhists attribute a similar meditative exercise to Gautama: contemplating the various aspects of our being (mind, body, actions, including defecation and urination), breaking down our body into parts, and indeed contemplating our body subject to various degrees of decomposition (notably in the Satipatṭhāna Sutta). By this, one attains a certain objectivity and imperviousness, one is learning to look the truth in the face without flinching.

On France appears to be the fruit of this kind of philosophical exercise. By stripping France of her pretensions and even the usual dignities necessary for a nation or an individual’s self-respect, Cioran sees his new home objectively. This is indeed one of Cioran’s “nay-saying, corrosive books,” a challenge, the overcoming of which will make us stronger.

In the 1920s and ’30s, no one denied the decadence which already afflicted the France of the Third Republic. No one today can deny that all Europe is decadent, unashamed of her impotence and dedicated to the most impoverished materialist and humanitarian principles, consecrated to the Last Man foreseen by Nietzsche, and with no end in sight. Given all this, Cioran’s observations and his challenge remain deeply relevant to us. Cioran is torn, but points to the need for decidedly modern barbarians: “I dream of a culture of oracles in logic, of lucid Pythias . . . and of a man who would control his reflexes with a supplement of life, and not through austerity” (89).

En guise de conclusion, I recall the words of the Buddha:

Just as a sweet-smelling and pleasant lotus grows on a heap of refuse flung on the high road, so a disciple of the Fully Awakened One shines resplendent in wisdom among the blind multitude, the refuse of beings. (Dhammapada, 58-59)

Some translated excerpts from this book will be published at Counter-Currents in the coming days.

Notes

[1] [8] The French edition is incidentally quite elegant and has been printed using blue ink.

[2] [9] Cioran often writes of nations having or lacking vigor “in the blood,” using this word strangely more in a psychological than hereditarian sense.

 

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[2] Emil Cioran: https://www.counter-currents.com/2019/01/cioran-germany-hitler/

[3] [1]: #_ftn1

[4] standard-setting “normality” is in fact highly exceptional: http://www.unz.com/gdurocher/the-convergence-hoax/

[5] [2]: #_ftn2

[6] Alain Soral has complained: https://www.counter-currents.com/2019/01/cioran-aesthete-of-despair/

[7] his failures: http://www.counter-currents.com/2016/04/de-gaulles-failure/

[8] [1]: #_ftnref1

[9] [2]: #_ftnref2

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