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lundi, 17 avril 2023

Des Valkyries dans l'espace: notre Saint-Empire dans les étoiles

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Des Valkyries dans l'espace: notre Saint-Empire dans les étoiles

Par Michael Kumpmann

Source: https://www.compact-online.de/walkueren-im-weltall-unser-reich-in-den-sternen/?fbclid=IwAR2fAu0j-iOyKSRMzvHxd6qAZ4e8GOLM3Nc96__96oC-D7Vq-Stf7arYPYs

Image - Majestueux : l'empereur Reinhard von Lohengramm mène les troupes de l'Empire dans les batailles stellaires. Photo : Capture d'écran

L'Empire allemand survit - dans l'immensité de l'univers. Un auteur de science-fiction japonais a ressuscité l'empereur sur une planète lointaine.

Vous pouvez également faire un voyage littéralement fabuleux dans notre monde mythique avec la volumineuse bande dessinée "L'Anneau du Nibelung" de P. Craig Russell. En savoir plus ici: https://www.compact-shop.de/shop/buecher/p-craig-russell-....

C'est un grand jour pour l'Empire : des dignitaires de toute la galaxie se sont réunis au château de Neu Sanssouci sur la planète Odin dans le système stellaire Valhalla. Un nouvel empereur monte sur le trône: Reinhard von Lohengramm. Ce noble à la crinière blonde et aux yeux d'un bleu éclatant s'était auparavant distingué en tant que commandant des vaisseaux Brunhilde et Tannhäuser. Son génie militaire s'est notamment illustré lors des batailles pour la planète Iserlohn. Le héros de guerre porte désormais la couronne. Son épouse Hildegard est à ses côtés - et Siegfried, son second, qui a fait ses preuves au combat, jure une fidélité éternelle au nouvel empereur.

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L'Empire contre-attaque : l'attaque des héros teutoniques sur la couverture d'un manga japonais. Photo : Capture d'écran

Cette scène est tirée de la série de livres Legend of the Galactic Heroes (en version originale: Ginga Eiyu Densetsu) de l'auteur japonais de fantastique et de science-fiction Yoshiki Tanaka. Les dix romans (1982-1987) de cet écrivain, docteur en littérature et historien amateur, né à Hondo en 1952, ont servi de modèle à de nombreux mangas, films d'animation, jeux informatiques et même à une comédie musicale.

Sa saga de héros galactiques est indéniablement inspirée des mythes germaniques et du wilhelminisme. De nombreux noms de personnes, de lieux et de vaisseaux spatiaux y font référence - les opéras de Richard Wagner semblent notamment avoir séduit le Japonais. Tanaka ne laisse planer aucun doute sur le fait que son empire fictif est une projection future de l'Empire allemand - mais à une échelle galactique.

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La planète désertique d'Allah

L'histoire rappelle fortement le cycle de science-fiction de Frank Herbert, Dune (1965-1985), qui a fait date. Ce dernier est surtout connu pour l'adaptation par David Lynch du premier roman de la série en six parties, La planète du désert, en 1984, et une nouvelle adaptation cinématographique par le réalisateur canadien Denis Villeneuve est sortie sur les écrans fin 2021. La série Dune décrit une époque où l'humanité fait de grands progrès technologiques, mais où elle se corrompt psychologiquement. En fin de compte, la population ne dégénère pas seulement moralement, mais perd également son humanité - elle s'adapte aux machines dans sa façon de penser.

Une rébellion éclate contre cet état de fait et l'établissement d'une monarchie galactique marque la fin de l'ère de la croyance en la science pure. Le nouveau régime assure son pouvoir par des guerres, mais à l'intérieur, un déclin intellectuel et moral s'installe à nouveau, encouragé par les intrigues de la noblesse.

Tous ces motifs sont similaires à ceux de Dune de Herbert et de la Légende des héros galactiques de Tanaka. Les deux histoires sont également centrées sur un héros qui se fait d'abord connaître comme chef militaire avant de prendre le pouvoir. Il y a cependant une différence majeure : alors que Legend of the Galactic Heroes fait référence à la culture allemande, Dune s'inspire des cultures arabe et islamique.

La religion fictionnelle Zensunni présente des similitudes avec la foi mahométane, mais mélangée à des éléments bouddhistes et taoïstes. Le personnage principal, Paul Atréides, est inspiré de l'historique Lawrence d'Arabie, il y a un padischah (grand roi en persan), la symbolique des couleurs, les rites et les coutumes rappellent l'Orient, il y a des allusions à la philosophie guerrière islamique ou aux légendes chiites comme celle de l'imam al-Mahdi (sauveur) ou de l'alam al-Mithal, qui correspond dans le mysticisme soufi au niveau du chaos dans la kabbale juive.

Alors que Tanaka ne traite que de thèmes laïques, Dune doit également être considéré comme une histoire religieuse et spirituelle. Non seulement l'empire galactique est une sorte d'état divin islamique, mais la religion est également le motif central de l'action de chaque personnage et le véritable créateur de l'histoire mondiale. Le grand exploit de Paul Atréides n'est pas de mener une guerre dans le désert pour obtenir du carburant pour les vaisseaux spatiaux, mais d'aider l'humanité à se renouveler car il est Mahdi.

Des Césars cosmiques

Dans Legend of the Galactic Heroes, une république démocratique de type occidental existe avant l'établissement de l'empire. Celle-ci tombe dans un état de désolation à cause du matérialisme et de la corruption. Les perversions sexuelles ne sont pas seulement répandues, elles sont aussi officiellement encouragées par l'élite au pouvoir. L'État se transforme de plus en plus en un État défaillant, où même les crimes tels que la piraterie et le terrorisme sont tolérés au lieu d'être combattus.

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L'empereur (à droite) et son fidèle Siegfried. Unis par la camaraderie, et pas seulement au combat. Photo : capture d'écran

Le général Rudolf von Goldenbaum ne veut plus accepter cela et organise, avec l'aide de l'armée et d'entrepreneurs influents, un coup d'État contre l'équipe dirigeante dépravée. La République est renversée et les nouveaux dirigeants s'attaquent à la corruption et au déclin social et culturel. Pour sauver la civilisation, von Goldenbaum établit un empire galactique sous sa direction. Cela s'inscrit explicitement dans la tradition de l'Empire allemand.

Près de 500 ans plus tard, Arle Heinessen organise une rébellion qui aboutit à la création de l'Alliance des planètes libres, d'inspiration américaine et gouvernée démocratiquement. L'Alliance est en guerre contre l'Empire pendant des siècles. Ce dernier finit par l'emporter. Le génie tactique du général Reinhard von Lohengramm, qui deviendra plus tard le souverain, mène l'armée impériale à la victoire.

A première vue, cela semble être une solution simple: adieu le marxisme culturel et le parlementarisme - place à la monarchie, et tout ira bien. Mais l'histoire de Tanaka n'est pas aussi simple. S'il est vrai qu'il éprouve une certaine admiration pour le règne impérial, ce qui l'intéresse fondamentalement, c'est que ce sont toujours des Césars éminents qui veulent faire tourner la roue de l'histoire, surmonter la décadence et conduire l'humanité vers l'âge d'or.

Mais ils ne peuvent pas non plus arrêter le cours des choses. L'inspiration de l'auteur par Oswald Spengler et son Déclin de l'Occident transparaît ici, tout comme la théorie des grands hommes, telle qu'elle a été défendue par Hegel et Nietzsche. Selon cette théorie, l'histoire est moins déterminée par des masses ou des phénomènes sociaux que par des individus qui parviennent à marquer le monde de leur empreinte par des idées ou des actes. Une grande partie de l'humanité ne serait composée que de suiveurs, incapables de prendre des initiatives. Cela est réservé à des "surhommes" (Nietzsche), que la masse suit ensuite. De ce point de vue, la démocratie ne peut être comprise que comme la domination des médiocres sur les éminents.

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Pas à Versailles, mais dans l'espace : le couronnement du nouveau régent. Photo : capture d'écran

Les critiques libéraux de gauche ont reproché à Tanaka de mettre l'accent sur les leaders héroïques et sur l'armée dans Legend of the Galactic Heroes. D'un point de vue conservateur, il n'y a rien à redire. Une armée forte et fidèle à ses principes est un pilier important de la société. Ce qui est critiquable, c'est que l'histoire présente la politique de pouvoir aristocratique comme le pilier de l'ordre politique et que la religion, qui est en fait un élément constitutif, passe complètement à l'arrière-plan. D'un point de vue traditionaliste, l'idée du sacré est le fondement sur lequel tout le reste est construit.

Jusqu'à présent, la saga de Tanaka n'a été traduite qu'en anglais. De même, la première adaptation en dessin animé, une série de 110 épisodes en quatre saisons publiée au Japon de 1988 à 1997, n'a reçu de licence que pour le marché américain. Les scènes de bataille sont accompagnées de musiques de Beethoven, Wagner et d'autres compositeurs allemands. En outre, il existe plusieurs séries avec des intrigues secondaires, appelées gaiden.

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Le remake de Legend of the Galactic Heroes : The New Thesis (La légende des héros galactiques : la nouvelle thèse) est apparu en 2020 en version doublée allemande. La première saison de douze épisodes a été diffusée à la télévision japonaise en 2018. Une deuxième saison a été publiée entre septembre et novembre 2019 sous la forme de trois films cinématographiques comprenant chacun quatre épisodes. Une troisième saison, composée de 24 épisodes au total, est actuellement en cours de préparation. La date de lancement n'est pas encore connue.

L'empire galactique de Tanaka a également fait son entrée dans la culture Internet. Sur des sites tels que 4chan ou 8kun, des mêmes représentant des personnages d'épisodes du dessin animé circulent en masse, la plupart du temps dans un contexte de droite. Les images montrant Donald Trump en empereur de Lohengramm sont particulièrement populaires en ce moment. Le symbolisme ne pourrait pas être mieux choisi : lui aussi, après tout, se trouve actuellement à New York à la veille d'une bataille décisive.

19:09 Publié dans Bandes dessinées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bandes dessinées, mangas, yoshiki tanaka | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 28 février 2022

Dimitri nous a quittés. Retour sur le parcours de Guy Mouminoux

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Dimitri nous a quittés. Retour sur le parcours de Guy Mouminoux

par Kristol Séhec

Source: https://www.breizh-info.com/2022/02/28/180572/dimitri-nous-a-quittes/

Décédé le 11 janvier 2022, Guy Mouminoux reste connu pour son seul roman, le récit de guerre autobiographique Le Soldat oublié (sous le pseudonyme de Guy Sajer) ainsi que pour ses bandes dessinées humoristiques ou historiques (sous le pseudonyme de Dimitri).

Guy Mouminoux est né à Paris le 13 janvier 1927. En 1916, son père, un poilu fait prisonnier à Verdun, avait rencontré sa mère pendant sa détention en Allemagne. Guy vit sa jeunesse en Alsace et est passionné par la lecture des revues de bandes dessinées humoristiques pour enfants. Il a le don du dessin et rêve d’en faire son métier. Mais en 1940, lorsque cette région est annexée par l’Allemagne, il rejoint les camps de jeunesse allemands. En 1943, comme d’autres « malgré-nous », enrôlé dans la division Grossdeutschland de la Wehrmacht, il participe, à seulement seize ans, aux combats sur le front de l’Est.

* Les bandes dessinées pour enfants.

Dans la première partie de sa carrière, sans avoir fait d’études aux Beaux-Arts, Guy Mouminoux se consacre à la bande dessinée pour enfants, l’une de ses passions de jeunesse. Fin 1946, il publie Les Aventures de Mr Minus, sa première bande dessinée humoristique. C’est le début d’une longue participation aux illustrés pour la jeunesse, d’obédience catholique (Cœurs vaillants…) ou communiste (Vaillant). Il faut se souvenir qu’en octobre 1945, alors que Cœurs vaillants est provisoirement interdit de publication le temps de contrôler s’il a « collaboré », les communistes lancent leur propre journal pour la jeunesse, Vaillant, en jouant sur la confusion des titres. A partir de 1959, il reprend dans Cœurs vaillants la série Blason d’argent, contant les aventures d’Amaury, preux chevalier combattant l’injustice. Il se fait alors un nom dans le monde de la bande dessinée.

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Guy Mouminoux participe également dans le journal Spirou aux Belles histoires de l’oncle Paul, courts récits historiques pour enfants. Au journal Spirou, il rencontre Jijé, auteur majeur de la bande dessinée chrétienne, qui devient l’un de ses meilleurs amis. Ils réaliseront ensemble, au milieu des années 1960, quelques tomes de la série Les Aventures de Jean Valhardi. En 1964, pour le magazine Pilote, il crée une série humoristique, Goutatou et Dorauchaux, imaginant que deux chats constituent l’équipage d’un remorqueur. On découvre alors son style caractéristique qu’il reproduira pour la série Le Goulag. De 1970 à 1980, il crée pour Tintin, la série humoristique Rififi, jeune moineau turbulent, chassé du nid par ses frères à cause des punitions qu’il leur attire.

* Le soldat oublié.

En 1967, Mouminoux publie Le Soldat oublié chez Robert Laffont, qui obtient en 1968 le Prix des Deux Magots. Traduit en près de 40 langues, vendu à près de trois millions d’exemplaires, ce récit autobiographique décrit sa participation aux combats au sein de l’armée allemande. On découvre que Guy est mis au service du Reich allemand, dans le cadre de l’Arbeitsdienst. Il participe au ravitaillement des troupes sur le front de l’Est. Durant l’hiver 1942, le froid est intense. Son unité n’arrive pas à rejoindre à Stalingrad la 6e armée allemande de Paulus. Elle recule de Kharkov à Kiev. Début 1943, après une permission à Berlin où il rencontre Paula, il se porte volontaire pour être incorporé dans la division Grossdeutschland. Il participe alors à la bataille de Koursk, avant de reculer jusqu’au Dniepr. Tentant de repousser l’avancée soviétique, il combat aux côtés des enfants et des vieillards du Volkssturm.  En avril 1945, il se rend aux Anglo-américains. Prisonnier de guerre, il est rapidement libéré du fait de son origine française.

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Dans ce récit, il révèle la forte camaraderie au sein de l’armée allemande. Il décrit dans le détail les conditions de vie du soldat allemand. On découvre le terrible hiver russe (−40 °C), provoquant gelures et amputations. Mais bien que Mouminoux ait pris soin de signer ce roman sous pseudonyme, Guy Sajer (d’après le nom de jeune fille de sa mère), le monde de la bande dessinée découvre la véritable identité de l’auteur, qui reste fasciné par le courage de ces soldats prêts à donner leur vie pour une cause. Dès lors, Guy Mouminoux est parfois rejeté par certaines maisons d’édition.

* Le goulag.

En 1975, Guy Mouminoux prend le pseudonyme de Dimitri. Il réalise alors sa principale série, Le goulag, qui paraît dans les magazines Hop !, fanzine, Charlie mensuel, L’Hebdo de la BD, L’Écho des savanes, L’Événement du jeudi et Magazine hebdo. Il y rencontre Wolinski, Cavanna, Cabu, Gébé, Choron… et Reiser, qui devient l’un de ses meilleurs amis. Le personnage principal du Goulag, Eugène Krampon, flegmatique ouvrier parisien émigré en Union soviétique, est interné au goulag 333 en Sibérie à la suite d’un malentendu. Il vit alors de surprenantes aventures, devenant pilote d’essai, soldat à la frontière sino-russe, champion de football… Il découvre qu’à la chute de l’empire soviétique, la Russie s’ouvre au capitalisme. Les hamburgers remplacent la bonne cuisine russe ! Mais il ne pense qu’à retrouver sa belle Loubianka. En s’adressant à un public plus adulte, Dimitri accède alors à la reconnaissance. Il expliquait que « Le Goulag, pour moi c’est la vie. Il nous entoure, nous sommes en plein dedans. On peut en pleurer mais aussi en rire. C’est un peu comme à la guerre » (Le Choc du Mois, nov. 1990, p. 54). Si Dimitri dénonce avec humour le régime communiste, il reste très attaché au peuple russe.

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Après la disparition de René Goscinny, en 1977, Mouminoux est même pressenti par Georges Dargaud, alors en conflit avec Albert Uderzo, pour poursuivre la série Astérix le Gaulois.

Durant cette période, la gauche le soupçonne d’être d’extrême-droite et la droite l’accuse de fréquenter la gauche.

* La période d’humour grinçant.

Dimitri réalise au début des années 1980 de nombreuses bandes dessinées satiriques.

Deo Gratias (1983), composée d’histoires courtes à l’humour noir grinçant, révèle le constat désespéré de Dimitri sur la civilisation moderne. Sa critique du féminisme, une femme exigeant de livrer un combat de boxe à un homme, est particulièrement féroce. Le noir et blanc lui convient très bien.

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Dans Le Meneur de chiens (1984), un homme détestant la civilisation moderne s’apprête à se suicider. Mais il découvre alors qu’il a le pouvoir de parler aux chiens. Il va mener une meute de chiens féroces à l’assaut d’humains sans défense. Il leur ordonne de les tuer et de les manger. Dans cet album impitoyable, les attaques sont si sanglantes qu’il s’agit presque d’une bande dessinée d’horreur.

Les Mange-merde (1985) décrit une société gangrenée par l’insécurité et le chômage. La révolte gronde. Un jeune chef d’entreprise est ruiné. Il croise la route d’un jeune inventeur. Ensemble, ils rentrent dans un bistrot, qualifié de « dernier refuge gaulois ». Ils vont fuir une bande de racketteurs. De nouveau, Dimitri use de son humour noir féroce pour révéler l’état de la société.

pognonsstorydimitric_35059.jpgPognon’s story (1986) est une étonnante satire socio-politique teintée d’humour grinçant. Qu’on en juge. Un homme, en vacances au bord de la mer, va tenter de gagner de l’argent en déformant son corps pour prendre l’aspect d’animaux. Puis il intègre l’équipage d’un bateau en partance pour l’Amérique centrale. Il y rencontre une aventurière nymphomane qui cherche à acheter frauduleusement des véhicules militaires au Honduras. Puis un ermite lui révèle le secret d’une pierre magique qui rend leur lucidité à ceux qui se l’accrochent aux testicules ! Mais ce pouvoir inquiète le gouvernement…

Contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, la bande dessinée Les Consommateurs (1987), à l’humour caustique, n’est pas une critique de la société de consommation. Un faux médecin se retrouve sans cabinet. Il accepte de se rendre au chevet d’un escroc international protégé par les services secrets. Après s’être fait piquer les fesses par une arête de barracuda ensorcelée, celui-ci se transforme en salamandre et ne peut vivre que dans une baignoire.

Dans La Grand’messe (1988), un éboueur veut changer de métier. Après un accident de voiture, il devient le sosie d’un ministre et le remplace pour déclamer des discours politiques vides de sens. Dimitri critique ici les politiciens qui méprisent leurs électeurs, qu’ils soient de gauche, de droite ou du centre.

L’abattoir (1989) lui vaut son éviction de chez Dargaud. Dimitri imagine qu’un homme au bout du rouleau s’enrôle dans la police. C’est l’occasion pour lui de dénoncer le lynchage d’une police désarmée et son abandon par le pouvoir judiciaire. Il affirme qu’ « on voudrait instaurer le désordre et le chaos qu’on ne s’y prendrait pas autrement » (Le Choc du Mois, nov. 1990, p. 54).

* Les récits historiques.

A partir des années 1980, Dimitri participe au grand succès de la bande dessinée historique, avec des récits particulièrement poignants. Ce sont les conditions extrêmes qui l’inspirent. Pour chacun de ces albums, Dimitri se documente très sérieusement. Il achète des maquettes pour dessiner les modèles sous tous les angles.

La Seconde Guerre mondiale reste son thème de prédilection. Son chef d’œuvre reste sans doute Kaleunt (1988). Il raconte le parcours de Heinrich Schonder, commandant de l’Unterseeboot 200, qui ne montre guère d’intérêt pour le régime national-socialiste. On prend conscience de la terrifiante vie des sous-mariniers, jusqu’à ce que ce sous-marin soit coulé le 24 juin 1943. Le dessin expressif et la colorisation sont superbes.

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L’année suivante, dans Raspoutitsa (1989), Dimitri retrace, après la bataille de Stalingrad, la captivité d’un soldat allemand. Il illustre parfaitement son désespoir, marchant dans la neige au sein de colonnes de prisonniers rejoignant les camps de Sibérie.

D’autres bandes dessinées ont pour cadre la seconde guerre mondiale. Dans D-LZ129 Hindenburg (1999), Dimitri envisage l’hypothèse qu’un complot est à l’origine de l’embrasement du dirigeable Hindenburg, lors de son atterrissage le 6 mai 1937.

Dans Kursk tourmente d’acier (2000), Dimitri décrit, avec une multitude de commentaires, le parcours d’un soldat de l’armée allemande engagé dans la bataille de Kursk, lequel va être témoin de l’atrocité de la guerre. Kamikazes (1997) décrit la psychologie d’un jeune aviateur nippon sacrifiant sa vie pour sa patrie. Dimitri montre que son sens de l’honneur est le même que celui des samouraïs.

Dans le tome 2 de Sous le feu ! (2011), Dimitri prône le sens de l’honneur d’un jeune officier nippon descendant d’une famille de samouraïs. Au cours de la bataille de Malaisie (décembre 1941), il se bat avec bravoure et respecte ses prisonniers. Mais, sanctionné par un officier supérieur, il doit maintenant surveiller des prisonniers anglais chargés de construire un pont. Malgré le sabotage du pont, il continue de défendre les prisonniers de guerre anglais. Cet esprit chevaleresque envers l’ennemi lui évitera la prison en 1945. Dans tous ces récits de guerre, Dimitri explore la conscience tourmentée du guerrier. Mais Dimitri endosse également le point de vue des alliés. Le Convoi (2001) révèle ainsi l’angoisse des marins américains, livrant des armes à l’armée russe, toujours sous la menace des bombardiers et sous-marins allemands.

A titre exceptionnel, Dimitri réalise en 2008 le scénario du tome 1 de la série Les oubliés de l’Empire. Il raconte le parcours d’Üdo Sajer, un jeune wurtembergeois de 16 ans. En 1805, fasciné par l’armée napoléonienne, celui-ci parvient à s’engager, quitte le Saint-Empire romain germanique, et suit une formation militaire. Mais dès sa première bataille, le jeune Sajer découvre l’horreur de la guerre… Dimitri semble ainsi s’amuser à imaginer son parcours s’il était né deux siècles plus tôt, remplaçant ainsi la Wehrmacht par l’armée Napoléonienne.

* La fascination pour la forêt et la mer.

Dès qu’il avait un moment de libre, Dimitri partait se promener en forêt. Il s’y réfugiait lorsqu’il était contrarié, déprimé. Il a célébré son amour pour la forêt dans la bande dessinée Hymne à la forêt (1994). A la fin du premier millénaire, un chevalier errant fuit au coeur de la forêt profonde de la Saxe. Il détient une pierre noire qui va lui donner d’étranges pouvoirs. Après bien des péripéties, il se métamorphose en un beau guerrier solaire à l’armure magique… Sorti en 2007, La Malvoisine s’inspire du Roman de Renard. Dimitri imagine les mésaventures d’un vieux sage, qui tente de faire régner l’ordre et la justice entre les humains et les animaux, et de sa voisine guerrière qui considère que l’homme doit dominer le monde animal. Pour cette histoire, il reprend le dessin animalier de sa jeunesse. Mais ces deux légendes médiévales sont cependant décevantes.

Également fasciné par la mer, Dimitri était un fidèle des fêtes maritimes internationales de Brest. Dans nombre de ses récits, il montre la dureté de la vie en pleine mer.

Meurtrier (1998) évoque la dramatique vie d’un pauvre orphelin, qui après avoir perdu ses parents à l’âge de cinq ans, est pris en charge par une sinistre institution, condamné à une peine de prison pour meurtre, puis devient fantassin pendant la première guerre mondiale. Cet album permet à Dimitri de dessiner de terrifiantes tempêtes maritimes.

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Dans Haute Mer (1993), Dimitri décrit, à l’aube de la première guerre mondiale, le parcours d’un baleinier qui va s’aventurer dans les eaux de l’arctique. Prêt à affronter tous les dangers, le commandant recherche en mer une créature mythique. Le dessin réaliste de Dimitri est si soigné qu’on a l’impression d’être immergé en haute mer.

Dans Sous le pavillon du Tsar (1995), Dimitri nous dévoile la bataille navale de Tsushima, opposant les 27 et 28 mai 1905 les forces russes du Tsar Nicolas II aux japonais. On découvre le quotidien des marins de la flotte russe ainsi que l’horreur d’une bataille navale moderne.

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Le récit de Dimitri le plus surprenant reste sans doute Le Voyage (2003) publié chez Albin Michel en 2003. Aux alentours de 330 avant J.C, le savant Pytheas, originaire de la colonie grecque de Massalia (Marseille), prend la mer pour explorer l’Europe nordique. Il passe les Colonnes d’Hercule (détroit de Gibraltar) et découvre le phénomène des marées, alors inconnu des Grecs. Parvenant à éviter des pirates maures, il pousse plus au nord et atteint l’Armorique et ses mégalithes. Après le pays des Pictes, il parvient à l’île de Thulé, située sur le cercle arctique. Cédant la place à l’imaginaire, Dimitri n’hésite à conter une rencontre entre Pytheas et les dieux antiques puis le peuple atlante. Relire cette bande dessinée après la mort de Dimitri reste un moment émouvant…

Dimitri se définissait comme un européen, ne se sentant en Europe nulle part dépaysé (Le Choc du Mois, fév. 1989, p. 68). Il paraissait très calme, aux manières policées. Mais sa vie restait marquée par son expérience de combattant pendant la seconde guerre mondiale. Il s’exprimait ainsi : « Il m’arrive encore de sauter du lit la nuit. Les trente mois que j’ai passé dans l’armée représentent pour moi 75 % de mon expérience vitale. Le reste de mon existence me semble, en comparaison, si aimable, si facile… Et c’est peut-être monstrueux à dire, mais cette période atroce de ma vie constitue, en même temps, toute ma richesse. Quoi que je fasse, quoi que je cherche comme source d’inspiration, je tombe invariablement là-dessus » (Vécu, juin 2000, p. 85).

Sur le plan artistique, Dimitri avait appris son métier sur le tas. Auteur complet, il réalisait le scénario et le dessin. C’est peut-être la raison pour laquelle son dessin rond, au trait de pinceau nourri, racé et viril, était si caractéristique. Il dessinait avec ses tripes. On retrouvait toujours dans ses bandes dessinées l’idée dramatique qu’on n’échappe pas à son destin. Mais cette idée était souvent portée avec humour.

Conseils de lecture (parmi les œuvres encore éditées) :

Le soldat oublié, 784 pages, 12 euros, Tempus Perrin.

Récits de guerre t. 1 (Sous le pavillon du Tsar, Kamikazes, Meurtrier), 144 pages, 16 euros, Glénat.

Le Voyage, 56 pages, 12,75 euros. Albin Michel BD.

Kristol Séhec


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vendredi, 14 janvier 2022

Ni droite ni gauche: Corto Maltese, figure de l'anarque de Jünger?

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Ni droite ni gauche : Corto Maltese, figure de l'anarque de Jünger?

Gianluca Donati

Ex : http://www.nazionefutura.it

"Camerata Corto Maltese" était le titre d'une rencontre culturelle qui s'est déroulée dans un club de CasaPound il y a quelques années, déclenchant les réactions les plus désordonnées et l'indignation de la famille de l'auteur des albums Corto Maltese, le maître Hugo Pratt. Le désarroi a été argumenté par le fait qu'historiquement, Maltese a été considéré dans l'imaginaire collectif comme appartenant à la "culture de gauche", par exemple, Corto est le fils d'une prostituée gitane, est un véritable nomade (sans maison ni famille), libertin dans ses manières, donc tendant à être "anarchiste" ou "anarchoïde" (et les deux termes ne s'entrechoquent pas). L'intention de la discussion proposée par CasaPound était plutôt d'analyser d'éventuelles "attitudes fascistes", comme le fait que le marin croit en la camaraderie, qu'il est un anti-héros grincheux, individualiste mais prêt à se ranger du côté de ceux qui sont lésés, prêt à se jeter dans les causes perdues ; en outre, Maltese est un romantique, amateur d'aventures. Ces œuvres de "littérature dessinée" (comme Pratt aimait à la définir), sont sorties à une époque, les années 1970, où l'aventure était combattue par la politique et la critique, car elle était considérée comme politiquement "non engagée".

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Naturellement, on a répondu aux arguments de CasaPound en soulignant que le Maltese (et donc Pratt) n'est pas un nationaliste, ne croit pas aux pays et n'est pas raciste. Tout est vrai. Mais avant d'affirmer que Pratt et Maltese sont "de gauche", j'invite à une réflexion plus approfondie, car dans les années 1970, tout le monde dans le milieu politico-culturel de gauche n'était pas aussi convaincu de l'identité progressiste du personnage du maître. Pratt lui-même déclarait dans ces années-là : "Il fallait se remettre à niveau sur Marx et Engels, des auteurs que je devais fréquenter et qui m'ennuyaient immédiatement. J'ai aussi rendu visite à Marcuse et à quelques autres et je suis revenu aux classiques de l'aventure. J'ai immédiatement été accusé d'infantilisme, d'hédonisme et de fascisme". Plus tard, Pratt a été licencié du magazine pour lequel il travaillait, car le rédacteur en chef, politiquement proche du Parti communiste français, l'accusait de libertarisme. Par conséquent, les insinuations d'un Pratt "non gauchiste" ne sont pas une invention récente de Casa Pound. Que cela ne signifie pas "fasciste" est une autre question. Laissons de côté le fait que Pratt a combattu dans la flottille de la X Mas.

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Plus pertinent encore semble être l'indice que nous avons obtenu il y a quelques années de Il Giornale, lorsqu'il a publié une dédicace que Pratt aurait faite à un éditeur français, dans laquelle, de son écriture inimitable, le maître a écrit "De votre fasciste Hugo Pratt". Et cette lettre ne date pas de 1944, mais de 1988. Tout le monde a été déconcerté et a essayé de se moquer de la thèse, mais personne n'a pu donner une explication crédible. Mais en dehors de ces considérations, et en dehors de la passion bien connue de Pratt pour les uniformes, les décorations et les codes d'honneur, nous devrions dire, plus précisément, que s'il est vrai que Maltese est avant tout un "anarchiste", il l'est dans un sens "individualiste" ; Maltese est intolérant vis-à-vis du nationalisme, mais aussi du social-communisme, de l'étatisme et du collectivisme de masse. C'est un homme qui croit en l'honneur et qui aime l'aventure, et surtout les voyages, qui sont pour lui une façon de voyager à l'intérieur de lui-même, à la recherche de son Essence (et c'est là que l'affiliation de Pratt à la franc-maçonnerie se fait sentir) ; c'est un anarchiste-individualiste, et donc un anarchiste de droite. Ce courant de pensée anarchique descend du philosophe Max Stirner, pour qui, derrière le droit et la politique, il n'y a ni loi ni consensus, mais la force et l'irrationnel, allant jusqu'à dire: "Que je dispose ou non d'un pouvoir ou d'un droit légitime ne m'intéresse pas du tout, si je suis puissant, j'ai l'autorité, je n'ai besoin d'aucune autre autorisation ou légitimation".

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C'est une conception de la vie qui a des réminiscences vaguement nietzschéennes. Plutôt qu'un anarchiste - comme nous l'avons dit plus haut - Maltese semble être "anarchoïde", se faisant passer pour un anarchiste par ambition ou par pose, car c'est un "esthète" qui donne plus d'importance à la forme qu'au contenu (ou la forme coïncide avec le contenu), et tend à avoir des attitudes rebelles confuses, même l'étiquette d'anarchiste lui colle à la peau. Individualiste mais pas égoïste, il décide d'intervenir pour défendre quelqu'un ou une cause, uniquement en suivant sa conscience et non parce qu'il y est contraint par une loi ou une institution. Cela exige toutefois une supériorité d'esprit qui n'est pas commune et que seules quelques personnes possèdent. C'est pourquoi Maltese se rapproche de la figure de l'"Anarque" d'Ernst Jünger, où le concept anarchique de liberté se mêle à celui d'une spiritualité aristocratique. Et si l'Anarque-rebelle de Jünger, "qui a recours aux forêts", Maltese cherche et trouve son équilibre entre liberté et altruisme, dans l'immensité de l'océan où les lois "sociales" sont différentes et non soumises à la civilisation organisée et aliénante de la modernité industrielle et urbanisée, à laquelle Maltese s'échappe par le voyage et l'aventure. En effet, ceux qui, pour démontrer l'antifascisme "de gauche" de Maltese, rappellent le célèbre panneau dans lequel le marin donne un coup de pied dans la partie inférieure du corps d'un chef d'escadron. Curieusement, personne n'a souligné que dans la même aventure, Favola di Venezia, Maltese rencontre également un personnage réel, le célèbre poète-soldat Gabriele d'Annunzio, qui, contrairement au chef d'escadron, est dépeint sous un jour positif.

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Il est bien connu que d'Annunzio était un "nationaliste de droite", un individualiste anarchique et décadent, et qu'il a flirté avec le fascisme, bien qu'à contrecœur. La bande dessinée en question a été publiée en 1976, à une époque où il suffisait de montrer d'Annunzio sous un jour bienveillant pour être taxé de fasciste ou de réactionnaire. En conclusion: "Camerata Maltese" était une provocation typique de ces originaux de CasaPound, un forcing, mais si je devais choisir si je dois placer le personnage de Corto Maltese, à droite ou à gauche, je n'aurais aucun doute à le placer à droite, une droite anarchique et libertaire, et dans une vision de "droite inclusive et large", comme je le comprends, un droit de synthèse entre les différentes cultures, le marin avec l'oreille percée peut être considéré, une partie de ce patrimoine artistique - culturel, indépendamment des croyances politiques réelles du grand Pratt.

Gianluca Donati

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vendredi, 19 mars 2021

Marvel: maintenant Captain America devient un héros Lgbt : "Il représente les opprimés"

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Marvel: maintenant Captain America devient un héros Lgbt : "Il représente les opprimés"

Par Ilaria Paoletti

Ex : https://www.ilprimatonazionale.it/

Los Angleles, 16 mars 2021 - Le premier numéro de la série de comics Marvel The United States of Captain America, plus connu sous le nom de Captain America, arrive bientôt dans les kiosques. Et il contiendra une nouveauté parfaitement "en ligne" avec la nouvelle tendance Lgbt.

Captain America "devient" Lgbt

La nouvelle série inspirée des exploits de Captain America, personnage bien-aimé de Marvel, fera ses débuts le 2 juin dans les magazines américains. Dans la première histoire, écrite par Christopher Cantwell avec des dessins de Dale Eaglesham et créée avec l'aide de Joshua Trujillo et Jan Bazaldua, le lecteur suivra les aventures de quatre personnages ayant été Captain America dans le passé (on parle de Steve Rogers, Bucky Barnes, Sam Wilson et John Walker) à la recherche du bouclier volé au héros.

La nouvelle série Marvel

A son tour, le quatrième Captain America de la série Marvel rencontrera des héros devenus leurs épigones dans leurs communautés respectives. Et comme les priorités en termes de ventes et de "renouvellement" du divertissement sont désormais claires, le premier d'entre eux sera Aaron Fischer, alias le premier visage du héros Marvel (incarné par Chris Evans au cinéma) qui est le Captain America de la communauté Lgbt.

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"Inspiré par les héros homosexuels"

"Aaron est inspiré par les héros de la communauté queer : les activistes, les leaders et les personnes de tous les jours qui luttent pour une vie meilleure", déclare Trujillo dans un communiqué de presse, "Il représente les opprimés et les oubliés". J'espère que sa première histoire trouvera un écho auprès des lecteurs et contribuera à inspirer la prochaine génération de héros." "Je tiens à dire un grand merci à l'éditeur Alanna Smith et à Joshua Trujillo pour m'avoir demandé de créer Aaron", dit Bazaldua. "J'ai vraiment aimé le dessiner et, en tant que personne transgenre, je suis heureux de pouvoir présenter une personne ouvertement gay qui admire Captain America et se bat contre le mal pour aider ceux qui sont presque invisibles pour la société". En le dessinant, je me suis dit que Cap combattait des êtres surpuissants et sauvait le monde presque tout le temps, mais qu'Aaron aidait ceux qui marchaient seuls dans la rue à résoudre les problèmes auxquels ils étaient confrontés tous les jours. J'espère que le résultat final plaira aux gens".

Ilaria Paoletti.

lundi, 16 novembre 2020

Princes frondeurs et derniers mousquetaires dans une France uchronique

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Princes frondeurs et derniers mousquetaires dans une France uchronique

par Georges FELTIN-TRACOL

La collection de bandes dessinées « Jour J » repose sur des scénarii d’uchronie. Les Thèmes qu’elle aborde déçoivent régulièrement. Cependant, certains albums sortent de ce lot médiocre. C’est le cas pour les volumes 38 et 40 qui constituent une seule histoire. Leurs auteurs rendent hommage à leur manière aux Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas en faisant du Sieur Charles de Batz de Castelmore dit « d’Artagnan », le personnage principal d’une passionnante trame d’histoire contrefactuelle.

Le point de bifurcation se passe à l’automne 1651 en pleine « Fronde des Princes ». Le jeune roi Louis XIV se rend à Poitiers en compagnie de sa mère, l’ancienne régente Anne d’Autriche, et de son frère le duc Philippe d’Anjou. Le convoi royal s’arrête dans une auberge. Les mousquetaires n’empêchent pas l’attaque des brigands. D’Artagnan échappe au massacre, découvre les corps de Louis XIV et de la reine-mère. Il ramène le nouveau roi Philippe, sain et sauf, au Louvre.

Victime de la Fronde

La minorité de Philippe VII entraîne une nouvelle régence assumée par son oncle paternel, Gaston d’Orléans. Ce dernier se garde bien de rappeler le cardinal Mazarin banni et exilé. Les Frondeurs princiers du prince de sang Condé parviennent à abattre le pouvoir royal proto-absolutiste forgé par François Premier, Henri IV et le cardinal de Richelieu. Cette régence favorise ainsi la reféodalisation du royaume.

Forts de leur victoire, les princes frondeurs lorgnent sur le trône et se divisent. Le roi Philippe IV d’Espagne arrête leurs ambitions. Il les oblige à conclure la Paix d’Évreux. Condé obtient un vaste domaine de l’Aquitaine jusqu’à la vallée de la Loire. Son frère Armand de Bourbon – Conti s’attribue les duchés de Bourgogne et de Provence. Leur beau-frère Longueville gagne la Bretagne et la Normandie. L’Artois, le Charolais, la Franche-Comté, le Roussillon demeurent des territoires habsbourgeoises d’Espagne. Philippe VII devient un souverain nominal, non sacré à Reims, qui ne règne que sur l’Île-de-France. Le roi d’Espagne exprime toute sa ruse. « Mettre un roi, même bâtard, à la tête du royaume de France, c’était recréer un ennemi; couver un nain sous son aile protectrice était plus avisé ! (tome 1, p. 27) ».

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L’aventure se déroule – autre clin d’œil à Dumas – vingt ans plus tard. L’ancien maître d’arme D’Artagnan reçoit d’un Mazarin mourant, revenu en cachette à Paris, la mission d’apporter un document important à Nicolas Fouquet. Un protégé du défunt cardinal, Antoine de Mombéliard (tome 1, p. 52) ou de Montbéliard (tome 2, p. 56), fils d’un catholique et d’une Huguenote, l’accompagne dans un périple relativement dangereux. Cet Antoine serait – autre clin d’œil au Dumas du Vicomte de Bragelonne – son double uchronique. Retranché sur l’île fortifiée de Belle-Île par Vauban, Fouquet est conseillé par Louvois, commande le capitaine Jean Bart et exerce la piraterie contre les galions espagnols. Il commerce aussi avec l’Amérique du Nord. Il y « possède même une île que les Algonquins appellent “ Manna-Hata ” (tome 2, p. 11) ».

Arrivés à bon port, D’Artagnan et Antoine passent par l’intermédiaire de son fidèle aubergiste, Vatel. D’Artagnan retrouve à Belle-Île ses vieux amis, Aramitz et Portau, qui en bons protestants se battent désormais pour le roi d’Angleterre. L’ancien mousquetaire remet finalement à Fouquet le précieux message de Mazarin : le cardinal lui lègue toute son immense fortune. En échange, Fouquet s’engage à poursuivre sa politique anti-habsbourgeoise. Mazarin a en effet consacré les deux dernières années de sa vie à négocier avec l’Angleterre du roi catholique Charles II Stuart. À l’initiative posthume du cardinal, Belle-Île accueille un émissaire de Sa Très Gracieuse Majesté, Antoine, le représentant du roi de France, Fouquet et Louvois. Ils parachèvent l’alliance. Contre l’Espagne et les princes félons, l’Angleterre recevra le duché de Normandie, les Provinces-Unies calvinistes prendront les Flandres espagnoles, y compris Lille, Belle-Île accédera l’indépendante et pourra commercer avec la Bretagne elle-aussi indépendante et le Nouveau Monde.

La fin du royaume des Lys

Ces négociations se font dans l’urgence, car le nouveau roi d’Espagne, Charles II, rompt la paix d’Évreux. Il est prêt à accorder à Philippe VII et à sa Cour « une retraite dans son château d’Estrémadure avec une rente annuelle (tome 1, p. 53) ». Il veut s’emparer de la France et en devenir le nouveau monarque. Cette intention, peu secrète, ravit maints Parisiens hispanophiles plus que jamais hostiles à leur roi légitime qualifié de « giton de Lorraine (tome 1, p. 37) ». Ils savent qu’il a pour amant le chevalier de Lorraine qui meurt au cours d’une émotion populaire. Philippe VII rejette avec hauteur l’offre espagnole. Le roi d’Espagne ordonne alors à Condé de fondre sur Paris.

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L’uchronie est une narration imaginaire qui nécessite une maîtrise pointue de l’histoire. On peut accepter que Mazarin décède en 1671 (et non en 1661). L’absence de pression due à la lourde charge de gouverner le royaume le ménage de dix années d’existence supplémentaire. En revanche, les scénaristes se fourvoient au sujet de Charles II d’Espagne dessiné en adulte en 1671. Or, né en 1661 et roi dès 1665, il n’a que dix ans au début de cette intrigue uchronique, ce qui la gâte en partie.

Déjà composée de nombreux tercios, l’armée de Condé assiège la capitale française et bénéficie des renforts de Conti, figure principale des dévôts et de la Compagnie du Saint-Sacrement. Antoine et les trois mousquetaires décident de rentrer à Paris. Ils traversent les lignes espagnoles et préviennent le roi de France des risques élevés de régicide. Portau et D’Artagnan se sacrifient pour sauver leur roi blessé et évacué sur un navire de Fouquet.

Antoine se met finalement au service de l’ancien surintendant des Finances bien dépité par la tournure des événements. La prise de Paris par les troupes de Condé incite les Anglais à renier l’accord de Belle-Île. Après bien des combats et des discussions, Londres et Madrid s’entendent sur le partage du royaume de France. L’Angleterre prend la Bretagne, la Normandie, l’Île-de-France, l’Orléanais, le Maine et la Champagne. L’Espagne s’empare du reste du territoire. Dans cette nouvelle configuration géopolitique, la Lorraine, d’une part, conserve son indépendance et s’étend non seulement aux Trois-Évêchés (Metz, Toul et Verdun) ainsi qu’à l’intégralité du Barrois, y compris « mouvant ». Les États de Savoie, pour leur part, reprennent leurs droits sur la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex perdus en 1601 au traité de Lyon. Ils arrivent peut-être à gagner le Dauphiné… Quant à l’Alsace, la Décapole perdure et se renforce dans le cadre d’un Saint-Empire romain germanique requinqué qui renoue avec ses frontières occidentales et méridionales initiales.

Les navires de Fouquet cinglent pour leur part avec Philippe VII vers l’Amérique du Nord où le maître de Belle-Île fonde à Manna-Hata un comptoir commercial et une ville. Philippe VII s’investit dans la fondation d’un « grand royaume de la Nouvelle-France (tome 2, p. 56) ». On peut poursuivre à partir de là une trame historico-uchronique en parallèle avec les scénaristes qui prévoient déjà une suite autour d’Antoine. Retrouvant avec la France du Nord une assise continentale perdue en 1453, l’Angleterre se désintéresse de ses premières colonies d’Amérique. Les possessions françaises aux Antilles, en Inde et aux Mascareignes reviennent à titre de dédommagements aux Provinces-Unies.

Des temps uchroniques troublés

Outre Philippe VII, roi d’au-delà de l’océan, il existe dorénavant deux autres porteurs du titre de roi de France : Charles II d’Espagne qui devient Charles X de France, voire Charles XI s’il reconnaît la royauté fictive du cardinal Charles de Bourbon, oncle d’Henri IV et vrai roi de France selon la Ligue, et le roi d’Angleterre, lui aussi Charles X de France. Malgré une forte émigration des familles françaises vers la Nouvelle-France, la présence d’une majorité catholique dans le royaume de « Grande-Angleterre » permet à la dynastie Stuart de mieux résister au Parlement de Westminster. Sans verser dans l’absolutisme propre à la « Grande Espagne », son frère et successeur, Jacques II Stuart, devenu roi d’Angleterre, de France, d’Écosse et d’Irlande, noue une alliance avec son gendre protestant, Guillaume d’Orange, le Stathouder des Provinces-Unies et favorise bon gré mal gré une relative tolérance religieuse.

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Avant de mourir en 1700, Charles II d’Espagne fait de son parent, l’archiduc autrichien Charles de Habsbourg, son seul et unique héritier. L’équilibre européen reste préservé jusqu’en 1711 quand Charles III d’Espagne est élu empereur du Saint-Empire – Charles VI – et hérite de toutes les possessions de la Maison d’Autriche. Nouveau Charles Quint à la puissance considérable, l’empereur Charles VI promulgue en 1713 la Pragmatique Sanction qui fait de sa fille aînée Marie-Thérèse son héritière. Cette décision testamentaire anticipée déclenche un conflit généralisé avec l’Angleterre et d’autres puissances européennes, un mélange redoutable des guerres de succession d’Espagne et d’Autriche : la « Guerre de Succession du Habsbourg ». Pendant ce temps, en Amérique, les Nouveaux-Français contractent des alliances avec des tribus amérindiennes, s’assurent de la maîtrise des bassins hydrauliques du Saint-Laurent et du Mississippi et se dirigent vers l’Ouest et le Sud…

Revenons aux deux volumes du Dernier mousquetaire. Malgré quelques détails erronés, cette aventure uchronique n’en demeure pas moins plaisante tant il est rare que l’Époque moderne y soit traité.

Georges Feltin-Tracol

Le dernier mousquetaire, bande dessinée en deux tomes, scénario de Fred Duval et Jean-Pierre Pécau (assisté de Fred Blanchard), dessin de Vladimir Aleksic, couleur de Nuria Sayago, couverture d’Ugo Pinson et Fred Blanchard, éditions Delcourt, Série B – coll. « Jour J », tome 1, n° 38, 2019, 56 p., 14,95 €, tome 2, n° 40, 2020, 56 p., 14,95 €.

lundi, 05 octobre 2020

René Goscinny 1926 - 1977 - Un grand humoriste français

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René Goscinny 1926 - 1977

Un grand humoriste français

par Jacques Saint-Pierre

Ex: https://anti-mythes.blogspot.com

La bande dessinée fut longtemps une activité méprisée. Il fallut donc à René Goscinny un talent hors du commun pour imposer son œuvre dans l'imaginaire collectif des Français et de bien d'autres peuples. René Goscinny est né en 1926 à Paris. Ses parents n'ont été naturalisés Français que très peu de temps avant sa naissance. Il appartient en effet à une famille juive, originaire de l'Europe orientale et plutôt bourgeoise. Sur le plan philosophique, la famille est profondément laïque et le père de René sera même franc-maçon. En 1928, les parents et leurs deux fils, Claude et René, partent pour l'Argentine, où René passera toute sa jeunesse. Cependant, il n'y aura pas de rupture avec la culture française, car il fera toutes ses études au collège français de Buenos Aires. Il s'y révélera bon élève et obtiendra son baccalauréat en 1943. Il est alors fasciné par la bande dessinée encore balbutiante et par la littérature humoristique. A la suite du décès de son père en 1943, il doit travailler comme comptable, mais ne brille guère dans ces fonctions bien éloignées de ses préoccupations et de sa grande culture. En 1945, il quitte l'Argentine pour les Etats-Unis, où vit un de ses oncles. Sa mère et lui habitent New York et exercent divers petits emplois. Son service militaire, effectué à Aubagne, lui permet de renouer avec la France durant l'année 1946-1947

De retour aux Etats-Unis, la chance semble lui sourire lorsqu'il est engagé, en 1948, par une agence de publicité. Il publie aussi quelques livres pour enfants. A l'époque, Goscinny se considère encore comme un dessinateur. Il rencontre alors trois belges qui séjournent aux Etats-Unis et qui sont de futurs grands noms de la bande dessinée : Joseph Gillain (Jijé), André Franquin et Maurice de Bévère (Morris). Jijé fera comprendre à Goscinny qu'il a un véritable talent de scénariste et non de dessinateur. Ne sentant pas venir la réussite à New York, Goscinny se tourne vers le pays phare de la bande dessinée, la Belgique. A Bruxelles, il est engagé par la World's Press, agence de presse très proche des célèbres éditions Dupuis qui contrôlent Spirou. Il va exercer ses fonctions principalement à Paris, à partir de 1951, dans l’antenne parisienne de l'agence. Son travail lui permet de nouer une amitié solide avec le grand scénariste Jean-Michel Charlier et avec le dessinateur Albert Uderzo.

Couv_59377.jpgGoscinny et Uderzo créent ensemble la première version des aventures de l'indien Oum-Pah-Pah ainsi que les aventures du corsaire Jehan Pistolet. Les deux hommes se spécialisent. Goscinny réalise les scénarios et Uderzo les dessins. René mène une vie rangée, habitant avec sa mère à Paris et travaillant avec acharnement. Peu à peu, le succès lui sourit. Au milieu des années cinquante, il crée avec le dessinateur Sempé le personnage du Petit Nicolas, chronique tendre de l'enfance. En 1955, commence sa longue collaboration avec Morris, dont il va désormais écrire les scénarios de Lucky Luke. Il révèle un formidable talent d'humoriste dans la réalisation de ces parodies de westerns. Certains albums sont de véritables chefs-d'œuvre du genre. Aujourd'hui encore, les albums scénarisés par Goscinny n'ont pas vieilli.

Militant pour la défense des droits des auteurs de bandes dessinées face à leurs employeurs, il est licencié de la World's Press, mais Charlier et Uderzo le suivent. Ils créeront ensemble les agences de presse Edi-France et Edi-Presse. A l'époque, Goscinny travaille beaucoup pour Spirou, mais surtout pour Tintin, où il joue un rôle important.

AVT_Morris_3028.jpegEn 1959, l'hebdomadaire pour la jeunesse Pilote est créé avec le soutien de Radio-Luxembourg. Pilote, auquel il collabore activement, va cependant connaître un demi-succès et de réels déboires. En 1963, le propriétaire, Dargaud, nomme Goscinny et Charlier co-rédacteurs en chef. Ils augmentent la part de la bande dessinée dans l'hebdomadaire. Le succès est alors incontestable et Goscinny en devient directeur en 1967 Pilote sera une pépinière de talents et un espace de liberté. Goscinny y révélera ses qualités humaines et d'animateur d'une équipe très diverse.

Mais l'événement le plus marquant de sa carrière sera la création d'Astérix, en collaboration avec Uderzo, en 1959. Le succès de la série ne Français, mais aussi les étrangers, se passionnent pour les aventures du guerrier gaulois et de ses amis (Obélix, le druide Panoramix...) infatigables résistants à l'occupation romaine. En faisant rire ses lecteurs, Goscinny vient de créer un héros qui va devenir un véritable mythe. Le succès d'Astérix ne fera ensuite que s'amplifier.

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En 1962, il crée encore avec Tabary les hilarantes aventures du sinistre vizir Iznogoud, souvent totalement délirantes.

Les années qui suivront seront contrastées pour Goscinny. D'un côté, il rencontre un succès triomphal en tant qu'auteur, fait un mariage heureux en 1967 et devient père d'une fille, Anne, en 1968; mais, de l'autre, il va souffrir des conséquences des événements de Mai 1968. De nombreux collaborateurs de Pilote critiquent son relatif conservatisme et ébranlent son autorité. Déçu, il finira par en abandonner la direction en 1974.

Il s'intéresse de plus en plus au cinéma avec son grand ami Pierre Tchernia. Il participe largement à la conception des films à succès que seront Le Viager (1972) et Les Gaspards (1973). Puis il crée avec Uderzo les Studios Idéfix, destinés à produire des dessins animés de qualité. Deux incontestables réussites en seront le résultat : Les 12 travaux d'Astérix (1976) et La ballade des Dalton (1978).

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Il meurt en 1977 à 51 ans seulement, d'un accident cardiaque lors d'un test d'effort demandé par son médecin. Il laisse une œuvre considérable, qui continue d'enchanter ses lecteurs et dont l'audience est aujourd'hui mondiale. Astérix, par exemple, a été vendu à environ 300 millions d'exemplaires et traduit en plus de 120 langues. Son lectorat regroupe aussi bien des enfants que des adultes cultivés. Chaque lecteur apprécie une part différente de son talent à multiples facettes. Il est le créateur du seul héros mythique et patriotique créé en France au XXe siècle. Le père d'Astérix, grand humoriste, était aussi un grand Français.

Jacques Saint-Pierre, monde&vie, n°797, 28 juin 2008

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jeudi, 08 février 2018

Né di destra né di sinistra: Corto Maltese come l’Anarca di Jünger

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Né di destra né di sinistra: Corto Maltese come l’Anarca di Jünger
Gianluca Donati
Ex: http://www.nazionefutura.it
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“Camerata Corto Maltese”, così titolava un’incontro culturale svoltasi in un circolo di CasaPound qualche anno fa, scatenando le reazioni più disordinate e l’indignazione della famiglia dell’autore delle opere di Corto Maltese, il maestro Hugo Pratt. Lo sconcerto fu argomentato dal fatto che storicamente, il Maltese è stato considerato nell’immaginario collettivo come appartenente alla “cultura della sinistra”, per esempio, Corto è figlio di una prostituta zingara, è un vero e proprio nomade (senza casa né famiglia), libertino nei modi, quindi tendenzialmente “anarchico” o “anarcoide” (e i due termini non collimano). L’intento della discussione di CasaPound era invece quello di analizzare le possibili “attitudini fasciste”, come il fatto che il marinaio creda nell’amicizia cameratesca, è un antieroe scorbutico, individualista ma pronto a schierarsi con chi ha subito dei torti, pronto a gettarsi dentro le cause perse; inoltre, Maltese è un romantico, amante dell’avventura. Queste opere di “letteratura disegnata” (come amava definirla Pratt), uscirono in un periodo, quello degli anni 70, dove l’avventura era osteggiata dalla politica e dalla critica, perché considerata, politicamente “non impegnata”.

corto_maltese_by_machkamotte-d55yqaq.jpgNaturalmente alle tesi di CasaPound, si rispose facendo notare che Maltese (quindi Pratt) non sia nazionalista, non crede nei Paesi, non è razzista. Tutto vero. Ma prima di affermare che Pratt-Maltese siano “di sinistra”, inviterei a una riflessione più approfondita, perché negli anni 70, non tutti nell’ambiente politico-culturale di sinistra erano poi così tanto convinti dell’identità progressista del personaggio del maestro. Lo stesso Pratt in quegli anni dichiarò: “Bisognava rispolverare Marx ed Engels, autori che dovetti frequentare e che mi annoiarono immediatamente. Visitai anche Marcuse e qualche altro e ritornai ai classici dell’avventura. Venni subito accusato di infantilismo, di edonismo e di fascismo”. Successivamente poi, Pratt fu licenziato dalla rivista per cui lavorava, perché l’editore, politicamente vicino al Partito Comunista Francese, lo tacciava di libertarismo. Perciò, le insinuazioni di un Pratt “non di sinistra”, non sono invenzione recente di CasaPound. Che poi questo non significhi “fascista”, è un altro discorso. Tralasciamo che Pratt abbia combattuto nella Decima Flottiglia Mas.

Già più rilevante sembra essere l’indizio che anni fa ci procurò il Giornale, quando pubblicò una dedica che Pratt avrebbe fatto a un suo editore francese, nella quale, con la sua inconfondibile calligrafia, il maestro scriveva “De votre fasciste Hugo Pratt” (dal tuo fascista Hugo Pratt). E questa lettera non è del 1944, bensì del 1988. Tutti rimasero spiazzati e cercarono d’irridere la tesi, ma nessuno ha saputo dare una spiegazione credibile. Ma a prescindere da queste considerazioni, e al di la della nota passione di Pratt per le divise, le decorazioni e i codici d’onore, più precisamente, dovremmo dire, che se è vero che Maltese è principalmente un “anarchico”, lo è in senso “individualista”; Maltese è insofferente ai nazionalismi, ma anche al social – comunismo, allo statalismo e al collettivismo di massa. È un uomo che crede nell’onore e ama l’azione avventurosa, e soprattutto, il viaggio, che per lui è un modo per viaggiare dentro se stesso, alla ricerca della sua Essenza (e qui l’appartenenza di Pratt alla massoneria si fa sentire); è un anarco-individualista, e quindi, un anarchico di destra. Questo filone del pensiero anarchico, discende dal filosofo Max Stirner, per il quale, dietro il diritto e la politica non c’è la legge o il consenso, ma la forza e l’irrazionale arrivando a dire: «Che io abbia o no un legittimo potere-diritto non mi interessa affatto, se sono potente, ho l’autorità, non ho bisogno di altra autorizzazione e legittimazione».

È una concezione della vita che ha reminiscenze vagamente nietzschiane. Più che anarchico – dicevamo sopra – Maltese sembra essere “anarcoide”, si atteggia ad anarchico per velleità o per posa, perché è un “esteta” che da più importanza alla forma che al contenuto (o la forma coincide con il contenuto), e tende ad avere confusi atteggiamenti ribellistici, standogli stretta anche l’etichetta di anarchico. Individualista, ma non egoista, egli decide di intervenire in difesa di qualcuno o di una causa, unicamente seguendo la sua coscienza e non perché costretto da una legge o un’istituzione. Questo però richiede una superiorità di spirito che non è comune, e che solo poche persone possiedono. Ecco perché Maltese, si accosta alla figura “dell’Anarca” di Ernst Jünger, dove il concetto anarchico di libertà, s’intreccia con quello di una spiritualità aristocratica. E se l’Anarca-ribelle Jungeriano, “passava al bosco”, Maltese cerca e trova il suo equilibrio tra libertà e altruismo, nell’immensità dell’oceano dove le leggi “sociali”, sono diverse e non assoggettate alla civiltà organizzata e alienante della modernità industriale e urbanizzata, dalla quale Maltese fugge attraverso il viaggio e l’avventura. E l’Anarca Maltese, rimanda anche al Superuomo di Nietzsche; infatti, a coloro che per dimostrare l’antifascismo “di sinistra” di Maltese, ricordano la famosa tavola nella quale il marinaio, da un calcio nelle parti basse di uno squadrista, stranamente nessuno ha fatto notare che nella medesima avventura “Favola di Venezia” Maltese incontra anche un personaggio realmente esistito, il celebre poeta-soldato Gabriele d’Annunzio, il quale differentemente dallo squadrista, viene rappresentato positivamente.

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Che d’Annunzio fosse un “nazionalista di destra”, un anarchico-individualista e decadente, e abbia civettato, pur riottoso, col fascismo, è cosa risaputa. Il fumetto in questione fu pubblicato nel 1976, e quelli erano anni nei quali mostrare benevolmente d’Annunzio, era sufficiente per essere bollati come fascisti o reazionari. Concludendo: “Camerata Maltese” fu una provocazione tipica di quei mattacchioni di CasaPound, una forzatura, ma se dovessi scegliere se collocare il personaggio di Corto Maltese, a destra o a sinistra, non avrei dubbi nel collocarlo a destra, una destra anarcoide e libertaria, e in una visione di “destra inclusiva e larga”, come io la intendo, una destra di sintesi tra diverse culture, il marinaio dall’orecchio forato può essere considerato, parte di quel patrimonio artistico – culturale, a prescindere dalle reali convinzioni politiche del grande Pratt.

Gianluca Donati

lundi, 04 décembre 2017

Hergé par le Chouan des villes

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Hergé

par le Chouan des villes

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Le film de Spielberg inspiré des aventures de Tintin m'offre l'occasion de parler un peu des relations qu’Hergé entretenait avec l'élégance. Le vêtement masculin tel qu'il apparaît dans les aventures elles-mêmes fera l'objet (peut-être...) d'un autre billet.

Hergé n'était pas beau. Son nez était trop grand, son visage trop allongé. Il avait quelque chose d’ingrat qui, jeune, le faisait ressembler à un coureur (belge, bien sûr...) du tour de France ! Ce qu'il avait de mieux, c'était ses yeux gris, aux reflets tantôt verts, tantôt bleus. Il y avait aussi sa silhouette longiligne, qui lui donnait une certaine allure. Toute sa vie, il fit attention à sa ligne. A la fin, sous l'effet de la maladie, la minceur devint maigreur. Les portraits d'alors provoquent un malaise : l'inéluctable est là, que des vêtements trop larges révèlent d'autant mieux qu'ils voudraient le dissimuler.

Hergé prêta, nous dit son biographe Benoît Peeters, « une éternelle attention aux vêtements (1). » L'origine de cette préoccupation remonte à son enfance : son père était l'employé d'un atelier de confection spécialisé dans les vêtements pour garçonnets et jeunes gens ; sa mère exerça jusqu'à son mariage la profession d'ouvrière tailleuse. C'est elle qui lui confectionna ses premiers costumes. Grâce à elle, il pouvait porter beau. Son élégance frappa dès leur première rencontre Germaine Kieckens, sa future femme, ou Paul Jamin, son assistant au Petit vingtième, le journal qui allait permettre à Hergé de se faire un nom... ou plutôt un pseudonyme.

Sur les photos de sa jeunesse, on le voit prendre des poses avantageuses, qui ont l'air empruntées à des vedettes de cinéma, succomber à des naïvetés de débutant.

Mais, très vite, il adopte un style discret, classique, reflet fidèle de ses idées conservatrices. Pierre Assouline, un autre de ses biographes, précise : « Pour ce qui est de l'élégance, ses collaboratrices évoquent sa netteté, son chic et son allure sportive (2). »

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Il ne fut cependant pas toujours indifférent à la mode. Il arbore dans les années 7O une coiffure dans le vent - cheveux plus longs recouvrant le haut des oreilles, mèche tombant artistiquement sur le front. La mise se décontracte, à l'image de celle de son héros qui, en 1977, dans Tintin et les Picaros, troque son célèbre pantalon de golf contre un vulgaire jean marron.

Hergé est arrivé alors au terme d'une lente et douloureuse évolution qui l'a amené à se détacher de tout ce qui n'était pas lui. Il a pris ses distances avec le catholicisme de sa jeunesse. Sa quête l'a conduit à s'intéresser, à partir de 1958, au taoïsme. Après bien des hésitations et des scrupules, il a quitté Germaine pour Fanny Vlamynck, de vingt-sept ans sa cadette, qu'il va finir par épouser en 1977. La palette de ses goûts s'est élargie. Il s'est initié à l'art contemporain sous l'influence de son tailleur, M. Van Geluwe, collectionneur d'oeuvres de ce genre. Les audaces de style du Hergé dernière manière témoignent de cette évolution. Audaces somme toute très limitées et parfaitement maîtrisées. Quand, en 1977, le festival d'Angoulême lui rend hommage, il ne renonce pas au costume-cravate. Au milieu des « bullistes » chevelus et mal nippés, sûr qu'il devait heureusement détonner !

S’il évolua, il ne se renia jamais. Ainsi aida-t-il du mieux qu’il le put ses amis journalistes qui, pour avoir « collaboré » avec lui au Soir de Bruxelles pendant la guerre, eurent maille à partir avec la justice.

Le goût d'Hergé pour les belles choses ne se limitait pas aux vêtements. Il aimait aussi, et notamment, les belles voitures. Il adorait la vitesse. « Ses voitures avaient longtemps été des sportives, nous dit Peeters, à la limite de la catégorie bolides. Il aimait conduire très vite, parfois sur des anneaux ou des pistes de performance. » Il a dessiné dans Tintin au pays de l'or noir la Lancia Aprilia à bord de laquelle il aurait quelques années plus tard un grave accident qui laisserait Germaine boiteuse à vie.

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Lancia Aprilia (1937)

Il roule en Porsche, en Mercedes...

Homme mûr, il se voit bien mener, dans sa vaste propriété de Céroux-Mousty, la vie d'un gentleman-farmer. Le Hergé d'alors, c'est un peu le Haddock qui, au début de L'affaire Tournesol, se promène, élégamment vêtu, dans la campagne entourant Moulinsart. Rêve de beauté et d'art de vivre...

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Porsche 1600: Hergé en posséda une...

Toute sa vie, Hergé eut le souci de la tenue, ce mot compris dans tous les sens. Souci né de la rencontre d’une éducation et d’un tempérament. « On ne naît pas impunément dans une famille liée au vêtement », écrit Peeters. J’ajoute qu’on ne naît pas non plus impunément dans une famille catholique ! « Rien ne le met en rage comme la désinvolture, dit Assouline. Plus qu’un crime contre l’esprit, elle est une faute de goût. Elle ne révèle pas seulement l’absence d’éducation, mais surtout le mépris des autres. » Difficile de distinguer ce qui, dans cette haine de la désinvolture et du laisser-aller, revient à l’éducation ou à la personnalité. La vulgarité sous toutes ses formes lui répugne. En 1932, un rappel militaire le sépare deux semaines de sa femme. Dans une lettre qu’il lui adresse, on peut lire ceci à propos des officiers : « La vie qu’ils mènent en commun leur enlève toute délicatesse, tout vernis. » Horreurs de la promiscuité…

Au sens le plus profond, Hergé était un homme d’ordre. Il lui fallait en toute chose – de la plus importante jusqu’à, apparemment, la plus dérisoire – introduire de la cohérence. Ses choix politiques, artistiques et, même, vestimentaires en portent témoignage. Son itinéraire spirituel aussi : découvrant qu’il n’avait jamais eu la foi, il se tourna vers d’autres formes de spiritualité, ne se résolvant pas à l’idée – moderne – d’un monde absurde. Dans l'œuvre univers d'Hergé (le concept est de Nimier), tout tourne rond, tout a du sens.

Les fragilités psychologiques et nerveuses d'Hergé sont connues. Sa rigueur, son exigence, son perfectionnisme le protégeaient de la menace, constante, du chaos. « Il n’avait pas la vocation du bonheur… Il y avait toujours quelque chose qui s’y mêlait… l’inquiétude… l’inquiétude… », écrit Peeters. L’effort créateur a sauvé Hergé du néant – de ce « rêve de blanc » qui, au moment de Tintin au Tibet, faillit venir à bout des défenses que, patiemment, il avait érigées pour contenir ses démons intérieurs. Le bonheur ? Un idéal pour Séraphin Lampion ! Hergé, c’était Sisyphe créateur. Un Sisyphe qu’il ne faut surtout pas imaginer heureux.

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1. Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, Flammarion, 2002. 

2. Pierre Assouline, Hergé, biographie, Plon, 1996.

Tintin et moi

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Tintin et moi

Ex: http://lechouandesvilles.over-blog.com

Ce billet prolonge celui qu’une autre fois j’ai consacré à Hergé.

Quand la tintinophilie vire à la tintinolâtrie, elle ne m'intéresse plus. Ne me demandez pas combien de marches a l’escalier de Moulinsart ni le numéro d’immatriculation de la Lancia Aurelia qui, pilotée par un Italien survolté, traverse en trombe L’Affaire Tournesol. A peine si je sais distinguer les Dupondt à leurs moustaches. Je ne me ruinerais sûrement pas pour posséder l’édition rare d’un album. Je n’ai jamais acheté une statuette en résine d’un de mes personnages favoris. 

Mon amour pour Tintin est d’un autre ordre. Il puise à la source intarissable de l’enfance. Tintin a influencé pour toujours ma représentation de la réalité. Pour moi une canicule, c’est l’asphalte qui fond dans L’Etoile mystérieuse ; une éclipse, c’est Tintin ficelé à son poteau d’exécution qui implore Pachacamac dans Le Temple du soleil. Et chaque fois que je m’apprête à fréquenter un marché aux puces, je rêve d’y retrouver l’ambiance si poétique de celui que parcourt Tintin au début du Secret de la Licorne.

Des BD, il y en a beaucoup. Pourquoi, alors, cette fascination spéciale exercée par Tintin ? Des esprits très brillants ont tenté des réponses. Je n’aurai pas l’outrecuidance de me comparer à eux. Je me contenterai d’une observation fondée sur mon expérience. A mon avis, cette fascination tient beaucoup au dessin d’Hergé, qui a su trouver le point d’équilibre entre réalisme et imaginaire. Les personnages de Blake et Mortimer versent trop dans le premier ; ceux d’Astérix, trop dans le second. Le coup de génie d’Hergé consiste à avoir représenté les adultes avec un regard d’enfant. L’enfant est un caricaturiste-né. Les défauts des grandes personnes lui sautent aux yeux. La vérité peut alors sortir de sa bouche : « Maman, le monsieur a un très gros nez ! » ; « Papa, t’as vu comme la dame est maigre ! »

Si je sais lire les apparences, c’est en grande partie à Tintin que je le dois.

Tintin m’a appris à me méfier des gens qui se déguisent. Ils ont quelque chose à cacher. Je ne parle pas, bien sûr, de Tintin, qui se déguise quelquefois pour arriver à ses – nobles – fins, ni des Dupondt, dont les nombreux déguisements ridicules, censés les aider à se fondre dans le paysage, les désignent au contraire à la moquerie. Je pense à ce génie du mal qu’est Rastapopoulos, qui use d’identités et de panoplies diverses pour accomplir ses méfaits. Rastapopoulos se situe du côté dangereux de l’illusion. Ce n'est pas un hasard si, dans Les Cigares du pharaon, il s’occupe de cinéma et si, dans Coke en stock, il donne un bal masqué sur son yacht.

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Notre vêtement doit exprimer notre être profond. Cela aussi, c’est dans Tintin que je l’ai appris. En un sens, un homme stylé donne l’impression d’être toujours habillé de la même façon. Les saisons passent - auxquelles, bien sûr, il s’adapte -, mais sans affecter sa manière. Que quelqu’un vienne à lui dire : « C’est fou comme vos tenues d’été vous changent ! » et le voilà tout décontenancé. Un style est puissant quand il fait oublier les variations contingentes.

Tintin ne porte pas toujours les mêmes vêtements. Il est parfois en polo, ou en chemisette, ou en chemise, ou en pull… On le voit en costume ou en tenue dépareillée ; il arrive qu’il ait une cravate ou qu’il soit coiffé d’une casquette ; son imperméable est souvent droit, parfois croisé à martingale… Les couleurs aussi sont différentes : blanc, bleu, jaune, beige par exemple pour les chemises… Pourtant, l’impression qui domine, c’est l’absence de changement ! En cela, Tintin a du style. Qu’un élément vienne à dénoter, le lecteur, à raison, ne suit plus. Hergé a commis une faute en remplaçant, dans Tintin et les Picaros, la culotte de golf de son héros par un jean marron (1). Tintin, tout à coup, n’est plus Tintin. Parce que son style, c’est Tintin même.

Mon personnage préféré n’est pas Tintin ; c’est Haddock. Car plus complexe : humain, faible, soumis à son péché, généreux, enfantin, attaché au passé, mécontent des autres et de lui-même, colérique, dépressif – et sensible à la beauté. Ce dernier point a depuis longtemps retenu mon attention. En son château de Moulinsart, l’aventurier se fait gentleman. Il goûte à une vie de luxe et de calme : « Désormais, s’exclame-t-il au début de L’Affaire Tournesol, il ne me faut rien d’autre que cette promenade quotidienne (…) Ah ! le calme ! Ah ! le silence… Ecoutez-le, ce silence… » Dans Les Sept boules de cristal, il arbore le monocle et, dans Les Bijoux de la Castafiore, il revêt plusieurs tenues « dépareillées-chic » de belle apparence.

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Hélas ! La méchanceté des choses (2) a, à chaque fois, raison de son rêve de tranquillité. Son beau vase de Chine et son miroir florentin se brisent mystérieusement ; son ami Tournesol est enlevé ; la Castafiore attire les paparazzis chez lui…

Mon temps passe. Je vieillis. J’adapte du mieux que je peux mon vêtement à mon âge. Les héros d’Hergé n’ont pas eu à se donner cette peine. Pour ces bienheureux, le temps a arrêté son vol. Tintin est toujours un adolescent et Haddock, un homme entre deux âges. Cette bande dessinée a acquis l’intemporalité des œuvres classiques. Elle s’est détachée de sa période d’origine. Qui oserait prétendre qu’avec ses éternels cols durs Tournesol est démodé ? Les générations se succèdent. Tintin parle à mon fils d’une autre façon qu’il m’a parlé. Mais il lui parle ! Les années fuient. Je ne lis plus à cinquante-cinq ans Tintin au Tibet comme je le lisais quand j’étais enfant. Mais je continue de le lire !

Quand je suis triste, je me replonge dans ces livres d’images et ma tristesse se transforme en amicale nostalgie (3).

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1. Pierre Assouline explique, dans Hergé : biographie (Plon) : « La modernisation de l’apparence de Tintin (…), par complaisance vis-à-vis du producteur d’un des deux dessins animés adaptés de l’album, représente le seul moyen de rendre ce personnage à l’allure si désuète acceptable auprès du grand public américain. Mais pour qu’il y ait tout de même une continuité visuelle, les pantalons ne seront pas bleu délavé mais marron, solution bâtarde qui s’avère du pire effet. »
2. J’ai fait mienne cette belle expression de Liane de Pougy.
3. Pour les tenues dans Tintin, se reporter à l’étude qu’en a faite le regretté Paradigme de l’élégance ! 

vendredi, 17 mars 2017

Pascal Zanon overleden

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Pascal Zanon overleden
 

Ex: http://www.stripspeciaalzaak.be

In het al meermaals door sterfgevallen geplaagde jaar moeten we nog het schrijnende overlijden van de op 1 november 1943 in Brussel geboren tekenaar Pascal J. Zanon toevoegen. Hij tekende de eerste negen albums van de reeks Harry Dickson naar de held van Jean Ray.

Pascal_J_Zanon.jpgHij overleed al op 15 januari 2017, maar het nieuws raakte pas een paar weken geleden bekend. De 73-jarige man overleed namelijk in absolute eenzaamheid in een ziekenhuis in Brussel. Eind 2016 drong zijn dokter tijdens een routineonderzoek aan op een operatie omdat er een fatale slagaderbreuk dreigde. De operatie in het ziekenhuis was een succes, maar er waren complicaties en er wachtte hem een revalidatieperiode. Uiteindelijk overleed hij aan een longontsteking. Het ziekenhuis lichtte niemand in en hij werd inderhaast begraven in een kist die werd betaald door de gemeenschap.

Blogger Robert Steuckers herinnert Pascal "Julius" Zanon vooral als een zachtaardige, vriendelijke man met een gouden hart die meticuleus met documentatie te werk ging voor zijn tekeningen die in de klassieke tradities van de klare lijn passen. Dat proces kostte veel tijd waardoor het verschijningstempo laag was. Hij verdiende nauwelijks zijn brood en stortte geen enkele cent aan de sociale zekerheid. Hij gaf zijn geld liever uit aan boeken, ijsjes en taarten. Dat leverde hem weliswaar een proces op, maar na de verloren zaak vertikte hij het nog altijd om te betalen.

Harry Dickson verschijnt sinds 1986. Weldra verschijnt deel 12, het tweede album dat getekend is door Renaud (Jessica Blandy). Philippe Chapelle hielp mee aan deel 9 en tekende deel 10.

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lundi, 09 janvier 2017

Renaud Nattiez aux Amis de Hergé 2016

 

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Renaud Nattiez aux Amis de Hergé 2016

Renaud Nattiez est né entre Paris et la Belgique, pendant la gestation d'On a marché sur la Lune. Ancien élève de l'ENA et Docteur en économie, il est aujourd'hui inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche. Dans ce document, il nous parle de son livre, sorti aux édition "Les Impressions Nouvelles", de son livre intitulé "Le Mystère Tintin - Les raisons d'un succès universel".

jeudi, 27 octobre 2016

Dans la peau de Tintin avec Jean-Marie Apostolidès

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Dans la peau de Tintin avec Jean-Marie Apostolidès

Les Nouveaux Chemins de la connaissance avec Jean-Marie Apostolidès (psychologue et sociologue)

Pourquoi Tintin n’a-t-il pas de corps ? Pourquoi n’y-a-t-il pas de femmes (hormis deux mégères) dans les albums de Tintin ?

Extraits musicaux :
– Parker Ray, « Derrière la chute d’eau ».
– Joseph Haydn, « Lieder Quartett ».
– Alibert, « Debout les zouaves ».
– Renaud et Gauthier Capuçon, « Carnaval des animaux ».
– Pink Floyd, « Seamus ».

 

samedi, 01 octobre 2016

Kuifje en Hergé in Parijs

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Kuifje en Hergé in Parijs

door Guido Lauwaert
Ex: http://www.doorbraak.be

Samengenomen vormen de albums, zoals het oeuvre van elke schrijver, een autobiografie

In het Grand Palais in Parijs loopt momenteel een expositie over Kuifje en zijn geestelijke vader Hergé, Georges Remi, van huis uit Franstalig. De strips en album verschenen eerst in het Frans en dan pas in het Nederlands en vele andere talen.

De expo toont zijn werk en scheert langs zijn karakter en persoonlijkheid en de pers bracht verslag over de opening, zo lyrisch dat het leek of Hitler hoogstpersoonlijk Stalin aan de trekhaak van zijn Mercedes-berline door de Berlijnse straten sleurde. Weinig aandacht echter voor de geestelijke evolutie van Georges Remi. Die is nochtans duidelijk zichtbaar in zijn strips.

Hergé [1907-1983] had een ongelooflijk saaie jeugd. Hij groeide op in de Brusselse randgemeente Etterbeek, indertijd nog zo netjes dat de dufheid als grondvocht uit de muren stonk. Zijn opvoeding was van een katholicisme om gek van te worden, en als blinde volgeling tekent hij zijn afkeer voor het communisme in zijn eerste strip, Kuifje in het land van de Sovjets. De strip verscheen eerst als feuilleton en daarna als album in 1930.*

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In wezen was het een propagandamiddel, verpakt als mooi verhaal, om bij de burgerij het angstgevoel voor het communisme aan te wakkeren. Dat lukte en Hergé, in al zijn naïviteit, ging op dezelfde lijn door met zijn tweede strip uit 1931, Kuifje in Congo. De Afrikanen waren het slachtoffer van Hergé’s pogingen om karikaturen te tekenen. Toen de strip als album verscheen, gebeurde dat met een stunt. Kuifje, gespeeld door een acteur arriveerde per trein in Brussel, vergezeld van tien Afrikanen in broussepakjes en gekooide wilde dieren, die van een circus waren gehuurd. Toen het spektakel in Luik werd herhaald ontstond er bijna een volksopstand. Later schaamde Hergé zich diep voor deze stunt én strip. Niet dat hij zich schuldig voelde om de kwaliteit van de tekeningen, ‘maar het grootschalig afslachten van de Afrikaanse fauna,’ zoals Harry Thompson in Kuifje, een dubbelbiografie [1991]** schreef, ‘stootte hem tegen de borst. Hij werd een fervent tegenstander van de jacht.’

Het eerste album waarin Hergé zich verzette tegen de opinie waarin mensen van eender welk ras worden beschouwd als ondermensen en ongedierte, is De Sigaren van de Farao. Kuifje raakt bevriend met een kudde olifanten, leert hun taal spreken en leeft in hun midden. De morele evolutie van Hergé groeide al in de tweede strip, Kuifje in Amerika [1932], dat eigenlijk Kuifje en de Indianen had moeten heten. Maar Hergé stond nog niet sterk genoeg in zijn schoenen om op te tornen tegen zijn promotor, abbé Norbert Wallez. Door hem heeft Hergé de Indianen naar het tweede plan verdrongen, om zich te focussen op de strijd van de Amerikaanse overheid tegen de maffia. Pas in de vijfde strip, De blauwe Lotus, daterend van 1936, wist Hergé zich los te maken uit de greep van Wallez. Dit album vormt één geheel met De sigaren van de Farao [1934] en toont een ommekeer die zich het sterkst uit in de vaart en stijl, humor en spanning. De veranderingen waren nog oppervlakkig – gericht op tienjarigen – en pas in De blauwe Lotus beginnen ze op te vallen voor de oudere en volwassen lezer.

Worden de Chinezen in de eerste strip nog getypeerd als gele primitieven, die er bij de minste weerstand jankend vandoor gaan, in de vijfde strip toont Hergé een grote betrokkenheid met de politieke toestand van China. De Japanse invasie en het terreurbewind, dat toen nog steeds woedde, zit niet eens diep verborgen in de filosofische aard van de strip. Hergé is volwassen geworden en wordt een vredesapostel, mede dankzij een student aan de kunstacademie van Brussel, Chang Chon Ren. Al zullen er nog enkele strips moeten volgen om de ethische omslag van Hergé even helder te maken als het water van Lake Tahoe.

De albums, van Het gebroken Oor [1937] tot en met De Zonnetempel [1946], worden nu eigenlijk thrillers. Toegegeven, in Het gebroken oor, De zwarte Rotsen [1938] en De Scepter van Ottokar [1939] zit wat antinazisme, maar Hergé blijft bevriend met de Waalse fascist Leon Degrelle, leider van Rex. Maar dat blijft binnenskamers, want het lucratieve zet hem aan tot voorzichtigheid. De verhalen zijn bovendien ingewikkeld, hij springt even slordig om met facts and figures als Dashiell Hammett in The Maltese Falcon van 1930.
Een andere slordigheid is de ‘geniale’ vondst van Hergé in De Zonnetempel. Aan het eind, schrijft Harry Thompson in zijn dubbelbiografie, komt Kuifje op het idee om gebruik te maken van de zonsverduistering waarover hij in de krant gelezen heeft. Hij redt het leven van Haddock en Zonnebloem en dat van zichzelf door op het moment suprême de zon opdracht te geven te verdwijnen. De Indianen zijn doodsbenauwd en weten niet wat hun overkomt. Als zonneaanbidders zouden de Inca’s in werkelijkheid alles geweten hebben over een mogelijke zonsverduistering. Deze onzorgvuldigheid hinderde Hergé, maar hij heeft er nooit wat aan gedaan, en de tweeledige reden hiervoor is te vinden in de volgende alinea.

Eén: kort na het begin van WO II raakte Hergé bevriend met Leopold III. Samen brachten zij al vissend en wandelend bijna dagelijks uren met elkaar door. Van elk album kreeg de koning – en later ook Boudewijn – een gesigneerd luxe-exemplaar. De vriendschap met de domste koning van België, de gestes en zijn Rex-verleden werden hem kwalijk genomen na de bevrijding. Op een haar na ontsnapte hij aan een veroordeling wegens collaboratie.
Twee: tijdens het maken van de strips die net vóór en tijdens WO II verschenen, kreeg Hergé te maken met een opstand in eigen rangen. Edgar P. Jacobs, de man van Blake en Mortimer, eiste dat zijn naam naast die van Hergé verscheen. Tenslotte verzorgde hij de decors, leverde grappen en schreef mee aan het plot. Hergé weigerde. Bob De Moor was de man van de details, wat hij voor het eerst bewees met De zwarte Rotsen. Voor de ‘verbeterde’ versie ervan reisde hij naar Engeland en maakte schetsen van de krijtrotsen, het huis van Dr. Müller, het station van Bishop’s Stortford. Hij reisde door naar het dorp Castlebay op het eiland Barra en naar Lochranza Castle op het eiland Arran. Vervolgens ging hij naar Edinburgh, om er een uniform van de Schotse politie te lenen. Ook hij vroeg een plaats, weliswaar niet op de kaft, maar wel in de colofon. Opnieuw weigerde Hergé. Hij wilde de opbrengst noch de eer met iemand anders delen. Kwam nog bij dat de eindredacteur en de uitgever van het weekblad Kuifje hem voortdurend de deadline onder de neus duwden. Hij kon het tempo niet meer aan. Hij wilde dit zelf bepalen, wat uiteindelijk leidde tot de stichting van Studio Hergé. Eindelijk was hij vrij. Hij zou helaas algauw ondervinden dat dit niet zo was.

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Het enige goede wat de groeiende spanning heeft opgeleverd, is de verschijning van nieuwe figuren. Er ontstaat een Kuifje-familie en -vriendenkring, met als voornaamste personages kapitein Haddock en professor Zonnebloem. Een bijkomende reden voor de creatie van de Kuifje-familie, als tegenhanger van de oplopende ruzies, is dat Hergé zich gaat ergeren aan Kuifje, tot hij zelfs een afkeer krijgt van zijn boyscout en diens poedel. Hij houdt dat echter voor zich, op paar intimi na, al komt de walg voor het eerst naar buiten met een open brief aan Kuifje, die hij voorleest op 21 juni 1964 in het Franse [niet Belgische!] radioprogramma Inter Variétés, en waarvan het meest betekenisvolle deel als volgt luidt:
‘Perfect… als iemand dat is, dan ben jij het wel, Kuifje. Ik zou daar erg blij moeten mee zijn, maar hoe komt het dat ik toch een beetje teleurgesteld ben? Ik had al mijn hoop op kapitein Haddock gevestigd. Doordat jullie zo veel tijd met elkaar doorbrachten kon hij zijn drankprobleem tot redelijke proporties terugschroeven en ik had gehoopt dat jij ook wel wat van zijn gewoonten zou overnemen. Maar jij nam geen enkele zwakheid van hem over.’

De interne ruzies, samen met een midlifecrisis en een uitgeblust huwelijk, zorgen ervoor dat hij last krijgt van zware depressies. Het werd hem allemaal wit voor de ogen en op 19 juni 1947 verdween hij spoorloos. Twee maanden later duikt hij weer op en begint hij aan wat zijn beroemdste strip in twee delen zal worden, Raket naar de Maan en Mannen op de Maan. Het succes hebben beide delen te danken aan de flinke dosis humor en aan het feit dat kapitein Haddock de hoofdrol speelt. Tot op de laatste pagina.
Maar ‘Kuifje’ was echte business geworden. Hergé werd rijk en hijzelf een wereldster. De beroemdheid bleef echter een blok aan het been, wat het aantal depressies maar deed toenemen. Het meeste werk voor Mannen op de Maan gebeurt dan ook door zijn trouwe tekenaar Bob De Moor. Het eerste deel verschijnt in 1953, het tweede deel in 1954. Daarna besluit hij het geweer van schouder te veranderen.

Van De zaak Zonnebloem [1956] tot twintig jaar later met Kuifje en de Picaro’s [1976], ruiken de strips eerder naar filmscenario’s dan naar het traditionele stripverhaal. Wat de verkoop deed stijgen, maar het werd een gewoonte: het succes hem deed vluchten. Voor de zoveelste maal naar wat hij beschouwt als het meest vredevolle en rustgevende land van Europa, Zwitserland. Het is niet toevallig dat het grootste deel van de actie in De zaak Zonnebloem zich in het land van de koeienbellen afspeelt. Langzaam wordt zichtbaar, ook voor de buitenwereld, dat alle strips samen een autobiografie zijn. Er zou echter nog één album volgen voordat zijn geestelijke toestand een dramatische wending neemt. Welbeschouwd is het een voorbode. In Cokes in Voorraad [1958] spelen alle figuren mee die Haddock het liefst uit de weg gaat. Niet alleen de opdringerige verzekeringsagent Serafijn Lampion, maar ook de ijdele sopraan Bianca Castafiore, het pestkind Abdallah, opperschurk Rastapopoulos, de corrupte generaal Alcazar, de superintrigant Dr. Müller, het gewetenloze politiehoofd Dawson… het lijkt wel een familiereünie.

Klap op de vuurpijl is dat Hergé een kast van een huis koopt, buiten Brussel maar gelegen op de route van menige wandel- en rallyclub. Wat hem in zulke mate ergerde, dat hij die afkeer weergeeft aan het slot van Cokes in voorraad, maar er tot zijn afgrijzen het tegenovergestelde effect mee bereikt. De clubs zagen het als een waardering voor hun interesse, en niet als een hint om uit zijn buurt weg te blijven. Hergé raakte bezeten van de gedachte dat hij noch thuis, noch op het werk veilig was voor opdringerige fans.
Hergé’s privéleven verslechterde. De afkeer voor zijn echtgenote was mede oorzaak van zijn verliefdheid op een nieuwe medewerkster, half zo oud als hij, Fanny Vlamynck. Maar het scoutsgevoel, samen met het katholiek gedachtengoed speelden hem hierbij parten. Verscheurd door schuldgevoelens kreeg Hergé weer last van verblindend witte nachtmerries. Hij consulteerde meerdere artsen, maar geen enkele bood een oplossing. Het leek erop dat Kuifje de enige was die aan dit probleem het hoofd kon bieden. En het probleem raakt opgelost… door Kuifje in Tibet, dat als album verscheen in 1960. Kuifje vertrekt naar Tibet om er zijn oude vriend, slachtoffer van een vliegtuigcrash in het Qingzang Plateau te redden. Iedereen verklaart dat er geen overlevende is, maar Kuifje heeft Chang om hulp horen roepen in zijn hoofd. Uiteindelijk blijkt hij gelijk te hebben en volgt er een happy end. Dit album refereert duidelijk naar de behoefte van Hergé om rust, wat inhoudt een verhaal zonder schurken, vuurwapens of geweld, en in een smetteloos decor.

De rust blijkt echter van korte duur te zijn, zelfs nadat de scheiding is uitgesproken, hij gaat samenwonen met Fanny en trouwt met haar in 1977. De rust in de studio is weergekeerd en de witte nachtmerries zijn verdwenen.
Technisch gezien wordt De Juwelen van Bianca Castafiore [1963] beschouwd als Hergé’s meesterwerk. Dat mag zo zijn, maar nog sterker dan Kuifje in Tibet, zegt De Juwelen van Bianca Castafiore meer over de auteur dan welk album ook. De afkeer voor zijn fans neemt toe en hij trekt zich terug uit het openbare leven. Genoeg gereisd. Hij wilde thuisblijven bij Fanny en de buitenwereld zoveel mogelijk ontwijken. Naar het album toe vertaald: het gehele verhaal speelt zich af binnen het domein van kasteel Molensloot. Er wordt geen stap buiten de poort gezet en Haddock wordt het absolute hoofdpersonage. Opnieuw naar de werkelijkheid: alle voorvallen in het verhaal, op dat van de papegaai na, zijn werkelijk gebeurd. Hergé had zo de pest aan de onbetrouwbare klusjesman, dat hij niet eens de moeite nam zijn naam te veranderen. Meneer Bollemans heet in de Franstalige versie gewoon monsieur Boullu. Aardig weetje: toen de Juwelen uitkwam, kreeg Hergé telefoon van een vrouw uit de buurt die wilde weten hoe ze monsieur Boullu kon bereiken. Hij had een veranda voor haar gemaakt die kort na zijn vertrek was ingestort.

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Toen dit album eenmaal was verschenen verklaarde Hergé dat er geen Kuifje meer zou volgen. Dat hield hij vier jaar vol, maar zijn geesteskind achtervolgde hem, wat leidde tot een nieuwe strip die als album verscheen in 1968: Vlucht 714.
Hergé was in topvorm. Artistiek gezien is dit zijn grootste prestatie. Door het gebruik maken van airbrush-technieken geeft Hergé een extra dimensie aan zijn kleurenspectrum en dat vindt zijn oorzaak in de tussenperiode waarin hij, ver van Kuifje, schilderde en zich verdiepte in de beeldende kunst, en bevriend raakte met figuren als Roy Lichtenstein en Andy Warhol, die trouwens een schilderij, annex zeefdruk, van hem zal maken. Bovendien bereikt de filmtechniek bij Hergé een hoogtepunt. Hij maakt meer dan ooit gebruik van de long shot en de close-up, waardoor het verhaal meer vaart krijgt en de karakters meer uitgediept worden. Het is duidelijk dat hij intens aan de strip heeft gewerkt, maar dat vroeg om moeilijkheden. Toen de strip klaar was, bekende hij aan een studiomedewerker, Michael Turner: ‘Ik moet niets meer van Kuifje hebben. Ik kan hem niet meer zíen!’ Toch zal er nog een album verschijnen, haast tien jaar later, Kuifje en de Picaro’s [1976].

Het eerste dat iedereen opviel was Kuifje’s outfit. In plaats van een pofbroek, draagt Kuifje een spijkerbroek. Voor de meerderheid van de fans stortte de wereld in. Hij rijdt bovendien met een brommer en had een Ban de Bom-teken op zijn helm. Kennelijk had Hergé alleen nog maar plezier in zijn werk als hij kon stoeien naar hartenlust en zijn personages vaak belachelijk maken. Zelfs de integere Nestor, van alle zonden vrij, speelt luistervink en zit stiekem aan de fles van kapitein Haddock. Zonnebloem is verstrooider ooit, hij zit met zijn badjas in zijn bad. Al met al is Kuifje en de Picaro’s een mat verhaal en slaat de vonk niet over bij de lezers. Maar ook bij Hergé, geholpen door zijn trouwe secondant Bob De Moor, is dat het geval. Aan het eind van het verhaal zegt Haddock: ‘Nou! Ik zal blij zijn als ik weer thuis zit, op Molensloot.’ De anders zo actieve Kuifje zegt: ‘Ik ook, kapitein.’ Tegen Bob De Moor zegt hij, eenmaal het album in de rekken ligt: ‘J’ai raconté tout.’ Samengevat: in dit laatste [afgewerkte] verhaal heeft het album iets weg van een finale, een laatste reünie, waarin zelfs de belangrijkste nevenfiguren even komen groeten: Alcazar, Serafijn Lampion, Bianca Castafiore, kolonel Sponz. De sterkste scène, waarin het hele geestelijke evolutieproces van Hergé samengebald zit, komt aan het eind. Generaal Alcazar heeft generaal Tapioca van de troon gestoten en de macht overgenomen, maar beiden kunnen niet wennen aan een staatsgreep zonder bloedvergieten.
Alcazar, de winnaar: ‘Geen sprake van fusilleren. Zijn leven wordt gespaard.’ De adjudant van Tapioca, de verliezer: ‘Maar generaal, dat druist tegen alle tradities in. Het volk zou teleurgesteld zijn.’ Tapioca, de verliezer, twijfelt aan de verstandelijk vermogens van Alcazar: ‘De kolonel heeft gelijk, generaal. Wees genadig en schenk mij geen genade! Wilt u mij soms onteren?’ Met het schaamrood op de wangen bekent Alcazar dat hij Kuifje heeft beloofd geen bloed te vergeten. Tapioca: ‘Ik snap ’t al: een idealist hè? Dat soort respecteert niets, helaas. Zelfs de oude tradities niet!’ Alcazar: ‘Ja, ’t is een droeve tijd.’

Toen Kuifje en de Picaro’s uitkwam was Hergé bijna zeventig. Zijn lichaam kon nog jaren mee, maar de wil om door te gaan was verdwenen. Toch zal hij nog een album tekenen. Hergé heeft in 1978 het idee om een strip te maken rond het kunstmilieu met zijn geldbeluste galerijhouders en verzamelaars, die van kunst de kl… kennen. Het verhaal zou een hoogtepunt en slot bereiken in wat totaal nieuw was: hij zou niet winnen maar verliezen. Hij wordt door een malafide kerel in vloeibaar polyester gegoten, zodat hij als kunstwerk voor het nageslacht bewaard blijft. Hergé is echter niet verder gekomen van pagina 42.
In 1980 kreeg hij van zijn artsen te horen dat hij leed aan een bijzondere vorm van leukemie. Zijn toestand ging met horten en stoten achteruit. Op 25 februari 1983 krijgt hij een longontsteking en raakt in coma. Hij werd naar het Brussels academisch ziekenhuis Saint-Luc gebracht, waar hij op 3 maart 1983 om 10 uur ’s avonds overleed. Hij was 75 jaar.

Bob de Moor wilde als eerbetoon het verhaal afwerken, maar hoewel Hergé geen instructies had nagelaten, had hij tien jaar voor zijn dood al gezegd: ‘Als ik er niet meer ben zal Kuifje er ook niet meer zijn. Kuifje is mijn schepping, mijn bloed, zweet en tranen.’ Zijn weduwe, Fanny Vlamynck heeft die wens gerespecteerd en zo is Kuifje overleden op dezelfde dag als Hergé.



* de datum, zoals ook verder, waarop de strip als album verscheen.
** Thompson, Harry; Tintin: Hergé and his Creation. London, 1991; Hodder and Stoughton.
Harry Thompson, Jaap van der Wijk; Hergé, Kuifje: een dubbelbiografie; 1991, Uitgeverij Balans / Kritak.

KUIFJE – Grand Palais, Parijs – te bezoeken tot januari 2017.

lundi, 06 juin 2016

Quand Tocqueville découvrait l’Amérique

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Quand Tocqueville découvrait l’Amérique

 
tocq03089488.jpgPour son premier album,Tocqueville, vers un nouveau monde, l’auteur nantais Kévin Bazot adapte en bande dessinée, avec brio, le récit d’Alexis de Tocqueville Quinze jours dans le désert.

New-York, Été 1831. Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont, jeunes magistrats, sont envoyés aux Etats Unis pour étudier le système pénitentiaire américain. Mais ils préfèrent découvrir l’Ouest américain à la recherche des indiens. Ils se rendent compte que la frontière vers l’Ouest recule très rapidement. Ils traversent des vallées et des fleuves portant encore les noms donnés par les tribus indiennes. Mais partout où ils passent, les Iroquois ont fait place à l’homme civilisé. Arrivés à Buffalo, ils croisent leurs premiers indiens, des clochards en haillons qui ont bradé leurs terres et passent leur temps à boire. Ils comprennent que la conquête de l’Ouest fait son œuvre destructrice avec une bonne conscience à toute épreuve. Tocqueville se demande où sont les Indiens fiers et sauvages. Au-delà de Detroit, petite ville de pionniers, la forêt devient omniprésente. Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont découvrent des terres vierges et grandioses que l’homme n’a pas encore violées. C’est alors qu’ils rencontrent, enfin, d’authentiques Indiens. Les Indiens vont les aider face à des Yankees sans scrupules…

Kévin Bazot a entièrement réalisé le scénario, le dessin et les couleurs de son premier album Tocqueville vers un nouveau monde. Il relève le défi d’adapter Quinze jours dans le désert, récit d’Alexis de Tocqueville.

Né dans une famille légitimiste de la noblesse normande, Alexis de Tocqueville (1805-1859) est connu pour ses analyses de la Révolution française et des démocraties occidentales. Licencié en droit, il est nommé juge auditeur en 1827 au tribunal de Versailles. Il publie en 1835 le premier tome de son ouvrage De la démocratie en Amérique (le second en 1840), œuvre fondatrice de sa pensée politique. À la même époque, il entame une carrière politique en devenant, de 1839 à 1851, député de la Manche. Ce libéral-conservateur est une personnalité éminente du parti de l’Ordre. Louis-Napoléon Bonaparte devenu président de la République, il accepte le ministère des Affaires étrangères. Opposé au Coup d’État du 2 décembre 1851, il vote la déchéance du président de la République. Incarcéré à Vincennes, puis relâché, il quitte la vie politique. Retiré en son château de Tocqueville, il entame l’écriture de L’Ancien Régime et la Révolution, paru en 1856, dont le sujet porte sur le centralisme français. Il exprime sa crainte que la démocratie devienne la dictature de la majorité.

Mais qui sait qu’à 25 ans, Alexis de Tocqueville était parti un an aux États-Unis, en compagnie de son ami Geoffroy de Beaumont ? Il en tira le carnet de voyage autobiographique Quinze jours dans le désert, que son ami Gustave de Beaumont publia deux ans après sa mort. Toute son œuvre est fondée sur ce voyage aux États-Unis.

Adapter Quinze jours dans le désert est ainsi délicat. Kévin Bazot y parvient à merveille. Habitant Nantes depuis 6 ans mais Charentais de naissance, aujourd’hui âgé de 23 ans, Kévin Bazot a découvert la bande dessinée à travers Tintin et Astérix. Il a appris pendant quatre années le dessin à l’école Pivaut de Nantes. Passionné par l’histoire et les récits de voyages, il a commencé par réaliser des illustrations pour ArKéo Junior, un magazine jeunesse de découverte historique et archéologique.

Le brillant coup de crayon de Kévin Bazot nous fait découvrir des paysages denses et majestueux. Ses personnages aux traits expressifs dégagent une vraie force. On ressent la stupéfaction de Tocqueville face à ces superbes contrées sauvages.

L’aspect carnet de voyage est bien mis en valeur par Bazot qui retranscrit le parcours, les rencontres, les dialogues et les aventures de Tocqueville. En effet, Tocqueville recherche le désert : la nature sauvage et l’absence d’êtres humains. Mais il s’agit également d’un livre de réflexion politique et philosophique. Bazot respecte également l’esprit de Tocqueville. Bazot nous amène à réfléchir sur notre civilisation occidentale qui a fait disparaître celle des Amérindiens. Un véritable choc de civilisations !

Kristol Séhec

Tocqueville, vers un nouveau monde, Casterman, 18 €.


[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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mardi, 15 décembre 2015

L’œuvre d’Hergé: un parcours cyclique

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L’œuvre d’Hergé: un parcours cyclique

par Daniel COLOGNE

Scénariste de bande dessinée, déjà biographe d’Hergé dans la collection « Qui suis-je ? » des éditions Pardès, Francis Bergeron retrace à nouveau le parcours du créateur de Tintin dans un excellent ouvrage, Hergé, le voyageur immobile. Géopolitique et voyages de Tin, de son père Hergé, et de son confesseur l’abbé Wallez.

 

« Voyageur immobile », Hergé ne précède pas son héros dans les lieux où il l’envoie. Il se fonde sur une documentation parfois approximative. Par exemple, le Maroc du Crabe aux pinces d’or est fortement « algérianisé » (Louis Blin).

 

Hergé s’inspire de divers contextes géopolitiques : les tensions du Moyen-Orient (Tintin au pays de l’or noir), le conflit sino-japonais (Le Lotus bleu), l’Anschluss (Le Sceptre d’Ottokar), la guerre entre la Bolivie et le Paraguay rebaptisé San Theodoros et Nuevo Rico (L’Oreille cassée).

 

Parmi les 25 « prêtres, curés et moines » mentionnés par Francis Bergeron et gravitant dans l’entourage d’Hergé, l’abbé Norbert Wallez est le plus important. Ainsi sont justifiés le titre et le sous-titre d’un livre qui recueille ma totale adhésion dans le récit des phases ascendantes et descendantes du cycle créatif hergéen.

 

Georges Rémi naît à Bruxelles le 22 mai 1907. Dès l’âge de 15 ans, il publie ses premiers dessins dans des revues proches du scoutisme. Il fait ses études secondaires au Collège Saint-Boniface (banlieue Sud de Bruxelles). À l’époque, on désigne encore ce cycle d’enseignement par l’expression « les humanités ». Il prend très vite pour pseudonyme l’inversion phonétique de ses initiales. Il entre comme employé au quotidien Le Vingtième Siècle, que dirige l’abbé Wallez.

 

Le prêtre crée un supplément destiné à la jeunesse. Tintin apparaît en 1929 dans Le Petit Vingtième. Ses premières aventures l’entraînent « au pays des Soviets » et au Congo belge, colonie 80 fois plus étendue que sa métropole. Ce sont des albums commandés par l’abbé Wallez, anticommuniste virulent et chaud partisan de la présence belge en Afrique subsaharienne.

 

Le milieu d’où Hergé est issu cultive une vision où l’Occident catholique, l’Europe coloniale et la race blanche sont au centre du monde. Mais l’artiste s’émancipe peu à peu de cette tutelle et, dans Tintin en Amérique, il défend les Peaux-Rouges victimes des compagnies pétrolières.

 

Un des principaux mérites de Francis Bergeron est la mise en lumière des sources littéraires d’Hergé : en l’occurrence, l’indianiste Paul Coze.

 

Tintin s’embarque ensuite pour un périple à travers l’Égypte, l’Arabie, l’Inde et la Chine, à la façon d’un Albert Londres ou d’un Joseph Kessel, dans ces années 1930 qui constituent l’âge d’or de la profession de grand reporter.

 

Une autre inspiration d’Hergé, Henry de Montfreid, apparaît dans Les Cigales du Pharaon. Francis Bergeron rappelle opportunément l’influence d’un livre comme Les Secrets de la Mer Rouge sur l’imagination de plus en plus féconde d’Hergé.

 

L’auteur souligne aussi combien les intrigues demeurent peu structurées jusqu’au Lotus bleu, premier d’une série de chefs-d’œuvre. Le rôle de l’ami Tchang est bien connu et il convient plutôt d’épingler le magistère moins notoire du Père Neret, qui met Hergé en garde contre les idées fausses qui courent sur les Chinois.

 

Le scénario des albums suivants devient de plus en plus élaboré tandis que, dans L’Oreille cassée, Tintin rencontre l’ethnologue Ridgewell, qui a décidé de finir ses jours parmi les Arumbayas, tribu fétichiste perdue au fin fond de la jungle amazonienne.

 

Dans L’Étoile mystérieuse, Tintin entreprend une expédition polaire avec son nouvel ami le capitaine Haddock (rencontré dans Le Crabe aux pinces d’or) et une brochette de savants.

 

Ceux-ci ne composent qu’une infime partie de l’impressionnante quantité d’hommes de science que Tintin côtoie, qui pratiquent les disciplines les plus diverses et dont on peut regretter que Francis Bergeron ne les énumère pas dans l’une de ses intéressantes  annexes : Siclone, Fan Se Yang, Halambique, Ridgewell, Topolino, le brave professeur Tournesol et le méchant docteur Müller, les sept profanateurs du tombeau inca, Baxter et Wolff.

 

Sur ce dernier personnage, je m’autorise un désaccord avec l’auteur, mais je ne m’y attarde pas plus que sur l’erreur d’appellation du sosie sioniste de Tintin (Goldstein, et non Finkelstein, dans Tintin au pays de l’or noir).

 

Car ces points de détail sont dérisoires en comparaison du brio avec lequel Francis Bergeron nous amène à la période des « chefs-d’œuvre absolus » : les deux diptyques s’achevant par la découverte de deux trésors, celui de Rackham le Rouge et celui des Incas.

 

Vient ensuite pour Hergé le temps des épreuves : le ridicule harcèlement des épurateurs, la dépression nerveuse, la cure psychanalytique, les fissures de son couple, la rencontre d’une seconde épouse de 27 ans sa cadette et un sentiment de culpabilité, voire une obsession de la pureté perdue que d’aucuns décryptent dans Tintin au Tibet, « l’œuvre au blanc ».

 

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Les intrigues perdent de leur force. Benoît Peeters a beau avoir écrit un livre entier sur Les Bijoux de la Castafiore, force est d’admettre que le scénario est quasi inexistant. Au hasard d’une promenade, Tintin découvre un camp tzigane établi près du château de Moulinsart. Il se laisse bercer par les violons nostalgiques de ces nomades, qui ne sont pas « tous des voleurs », comme le prétendent stupidement les Dupondt. Hergé confirme que son itinéraire singulier est un plaidoyer pour une humanité plurielle. Tintin explore les diverses couches culturelles de l’Amérique précolombienne, se fait un excellent ami dans un émirat arabe, rend hommage à son adversaire japonais Mitsuhiroto qui préfère le suicide au déshonneur, laisse à toute une famille chinoise un souvenir gravé dans les cœurs « comme dans le cristal le plus pur ».

 

À partir de L’Affaire Tournesol, Hergé se laisse gagner par un désenchantement parallèle à un tarissement progressif de son inspiration. Tintin renvoie dos à dos les « bons » Syldaves d’autrefois et les « mauvais » Bordures de toujours, car les uns et les autres veulent s’approprier une invention du brave Tryphon à des fins guerrières. Il ne reconnaît plus son vieil ami Alcazar devenu, dans le très faible Tintin et les Picaros, aussi cupide que son sempiternel rival Tapioca.

 

Je suis moins indulgent que Francis Bergeron envers le diptyque lunaire de 1952 – 1953. Le rythme du récit et l’effort de « suspense » ne reposent que sur deux éléments : le chantage exercé sur Wolff (pour des dettes de jeu, et non pour un passé nazi) et l’intrusion d’un passager clandestin dans la fusée (Jorgen, alias Boris, malfaiteur récurrent déjà actif dans Le Sceptre d’Ottokar).

 

Mais je partage avec Francis Bergeron la perception des années 1943 – 1948 comme l’apogée du cycle créatif d’Hergé. L’artiste a 38 ans en 1945. Il est au milieu de son existence. Il mourra le 4 mars 1983. Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge sont les onzième et douzième albums d’une œuvre qui en totalise 23.

 

Vainement cherché au large des Caraïbes, le trésor se trouve dans une mappemonde qui surmonte une statue de saint Jean. La découverte a lieu dans la crypte du château de Moulinsart. Loin de l’Église de Pierre chère à l’abbé Wallez, nous sommes aux portes de l’Église de Jean et de son ésotérisme qui évoquent plutôt certaines obédiences maçonniques.

 

Aux antipodes des préjugés catholiques, colonialistes et racistes de sa sphère d’origine, le message d’Hergé se résume en une scène d’anthologie extraite du Temple du Soleil.

 

Tintin vole au secours du petit Indien Zorrino brutalisé par d’odieux descendants des conquistadores. Huascar, grand prêtre inca, observe discrètement la scène. Il comprend que Tintin n’est pas un ennemi de sa race. Il lui donne un talisman protecteur avant de fomenter contre lui un attentat ferroviaire. La confrontation des cultures ne se fait pas sans violence, mais la fraternisation finale s’opère dans le climat chevaleresque du culte de la parole donnée. Le grand Inca fait cesser les souffrances des sept savants victimes de magie noire pour avoir violé la sépulture de Rascar Capac. De leur côté, Tintin, Haddock et Tournesol jurent de ne jamais dévoiler en Europe l’emplacement du Tempe du Soleil. Grâce soit rendue à Francis Bergeron de nous avoir fait revivre les aventures qui ont enchanté notre jeunesse.

 

Daniel Cologne

 

• Francis Bergeron, Hergé, le voyageur immobile. Géopolitique et voyages de Tin, de son père Hergé, et de son confesseur l’abbé Wallez, Atelier Fol’Fer (BP 20047, F – 28260 La Chaussée d’Ivry), 2015, 180 p., 16 € (+ 3,70 € de frais de port).


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samedi, 14 novembre 2015

Korbo: Curriculum Vitae of a Politically Incorrect Comic Artist from Flanders in the artificial State of Belgium.

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Korbo: Curriculum Vitae of a Politically Incorrect Comic Artist from Flanders in the artificial State of Belgium.

Korbo, one of the many pen-names he used, was born into a large Flemish family of three generations of painting-artists in Etterbeek, a municipality of “Gross Brüssel” in the Blitzkrieg-year of 1940 (the family originated from the little town of Lier near Antwerp). At the age of 13 he was inspired by Hergé, the famous spiritual father of Tintin, and realized he had the talent to become a comic artist. When he was 14 he went to work as a “printer’s devil” in a lithographic print shop (looked like in the Stone Age!) in Brussels and later in a big newspaper and comics printing business also in Brussels. In 1962 he was employed as a decoration designer in a textile screen printing firm. In 1969 he worked as a cartographer in the Geographic Institute of the University of Leuven, after which he went to Antwerp as an illustration, advertisement and logo designer in a publicity agency. In spring 1971 he joined the crew of a new comic-studio in Antwerp producing comics (scenarios as well as drawings) for the German children’s magazine Fix und Foxi, which defined his interests for the rest of his career! From mid 1973 until 1991 he became poster artist, graphic designer and publicity and editorial illustrator for the promotion service of the biggest magazine publishing and distributing firm in Belgium. Meanwhile he worked freelance as comic artist, cartoonist, illustrator and graphic designer for lots of publishing firms, manufacturers as well as individuals. As well as his official career he also had a parallel political one.

ko26.jpgHe collaborated with an impressive number of nationalist and national-conservative periodicals. EG: Europa Een (1965), Europapost (1966-1970), De Anderen (1967-1968), Alarm (1974-1977), Le Nouvel Europe Magazine (1975-1977), Haro (1977-1978), Austrian  Aktuell/Sieg (1978), Vlaams Blok/Inzet (1980-1986 and occasionally), West Magazine (1981-1983), Revolte (1984 and 2010), De Jonge Geus (1985), Forces Nouvelles (1990-1991), Ket (1996-1999), Nation (2000-2001), Polémique (2002-2003), ‘t Pallieterke (2005 and 2006-2009). Since 1998 he collaborated on Belhamel and in 2001 ‘t Scheldt, on the Internet. For all these publications he produced headings, front-pages, comics, cartoons, illustrations, and in some cases he was simultaneously layout man and editor. With Korbo’s agreement a number of his comics was republished in some periodicals abroad such as Italian La Voce della Fogna (1980), German Gäck (1980-1984), Swiss Le rat noir (1980-1984), Austrian Sieg (1978-1988), French Pas de Panique à Bord (1993). His works were arbitrary republished and plagiarized on a massive scale all over Europe and also the USA and South Africa (and this before internet was in common use!).

From 1980 until 1990 Korbo was also the propaganda campaign-designer of  the Vlaams Blok political party. Later on more occasionally for instance in the 1999 election campaign of Brussels. Motivated by the sensational case of the police Chief Johan Demol, Korbo made a comic booklet. In 1978 he produced his first comic album, a Haro special of 52 pages named Kraaiepoten. It contains a compilation of former comics and of new ones, and comics of two companion authors Jack Marchal and Julius. In 1981 he was commissioned to write a study about extreme right wing comics. It was published under the title Politieke strips: de rechts-radikalen in Opmarsj? in the Stripgids Collectie nr. 26 with 56 pages. In 1984 a second Kraaiepoten album of 50 pages named De Schizofreaken was edited by Korbo as an assembly of his comics already published in West Magazine and completed with some new ones.

ko27.jpgIn 1990 the Glasnost album of 43 pages was published in French, consisting partly of translated comics of West Magazine and partly of new ones, edited by the enigmatic Editions Mystère et Boule de Gomme. In 1995-1996 he collaborated on the French fanzine Bédésup of Marseille where he was making a study about hidden masonic aspects in the collected works of Hergé during the war. It was to become a book, Hèrgé decodé, but the series of articles was interrupted by the death of the publisher of Bédésup, Jean Claude Faur. Meanwhile the material already published about the subject has been copied and plagiarized in a book edited in France in 2010.

 

http://belhamel.artexanis.be/cartoons/cartoons.htm
http://belhamel.artexanis.be/verkeersborden/verkb.htm
http://belhamel.artexanis.be/strips/strips.htm
http://belhamel.artexanis.be/strips/ANIMATIESTRIP.html

 

dimanche, 22 mars 2015

Halte à la Tintinophobie!

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Halte à la Tintinophobie!

FIGAROVOX/HUMEUR

Au Canada, Tintin est accusé de racisme.

François-Xavier Ajavon propose plusieurs mesures pour rendre les BD du reporter politiquement correctes.


François-Xavier Ajavon est chroniqueur sur Causeur.


Les polémiques autour de Tintin poussent comme des champignons après la pluie, comme les champignons sur l'Étoile mystérieuse... Dernière péripétie médiatique en date autour du sulfureux reporter à la houppette blonde et au chien parlant: la charge de la communauté amérindienne de Winnipeg (capitale du Manitoba, au centre du Canada) contre la bande dessinée Tintin en Amérique qu'ils voudraient interdire à la vente dans une chaîne de librairies de la ville.

Les polémiques autour de Tintin poussent comme des champignons après la pluie, comme les champignons sur l'Étoile mystérieuse.

L'album, publié initialement en 1932 puis réédité dans une version couleur modernisée en 1946, véhiculerait selon eux des stéréotypes racistes à l'égard des indiens «Peaux-rouges». L'avocate à l'origine de cette virulente charge communautaire explique: «Les indiens sont présentés comme des êtres sauvages et dangereux, des êtres que l'on doit craindre». Cette représentation des autochtones chez Tintin ferait écho, d'après elle, au racisme subi de nos jours par les amérindiens. La chaîne de librairies visée par cette opération, Chapter's, a d'abord retiré l'album présumé honteux de la vente -avant de vite le remettre en rayon... le temps de mesurer le manque à gagner d'une telle décision (c'est l'album de la série Tintin qui se vend le mieux à travers le monde...)? Ou de simplement le lire? Et de constater -à condition d'aller au-delà de la couverture (où l'on voit Tintin en mauvaise posture, ficelé à un poteau, sous la menace du tomawak d'un chef indien)- que le portrait fait par Hergé des amérindiens est plus complexe que ne veulent bien le dire ses détracteurs...

À Chicago, aux grandes heures de la prohibition, Tintin entreprend de lutter contre la pègre en général et Al Capone en particulier (Dans le précédent opus -Tintin au Congo- le petit reporter était parvenu à démanteler un trafic de diamants organisé par le Saint-Patron de tous les gangsters). Armé de son courage, de sa carte de presse et de son chien Milou, Tintin poursuit l'aventure, se fait enlever par des bandits, est pris dans une guerre des gangs, et finit par atterrir sur les terres des Peaux-Rouges.

Non seulement qu'Hergé n'a pas méprisé les indiens, mais qu'il attribuait plutôt le mauvais rôle aux colonisateurs avides de richesses.

Commencée à l'ombre des gratte-ciels de Chicago, l'aventure se poursuit sous la forme d'une sorte de western belge où le reporter abandonne son style vestimentaire habituel, pour un accoutrement de cow-boy -chemise à carreaux, Stetson avantageux et révolver à la ceinture- que n'aurait pas renié John Wayne. Afin de se tirer d'affaire, l'un des gangsters que pourchasse Tintin convainc les indiens que le petit reporter cherche à les dépouiller de leurs terres. S'ensuit une dizaine de pages où l'on voit le héros de Hergé aux prises avec les autochtones. Le chef déterre la hache de guerre et Tintin est capturé. Voit-on des «sauvages»? Non, mais un peuple défendant sa terre... Le méchant de l'histoire est le gangster américain qui a poussé Tintin dans ce traquenard. À l'issue de la péripétie du pétrole est découvert sur la réserve des Peaux-rouges. Des nuées d'hommes d'affaires cherchent à acheter les terres. L'un de ces vautours offre 25$ au chef, qui refuse, puis toute la tribu est délogée manu militari. On voit une ville entière se construire sur les terres pétrolifères indiennes, en une nuit seulement... On voit par là non seulement qu'Hergé n'a pas méprisé les indiens, mais qu'il attribuait plutôt le mauvais rôle aux colonisateurs avides de richesses.

Ce n'est pas la première fois que Tintin est la cible des militants besogneux du politiquement correct et des censeurs hyperactifs des causes communautaires... L'album Tintin au Congo est régulièrement la cible de procès, de déclarations indignées sur le racisme supposé d'Hergé, et de happenings tragi-comiques dans les librairies. A la fin de l'année 2014 un angoissant «Groupe d'intervention contre le racisme» a organisé une opération coup de poing contre l'aventure congolaise de Tintin: des membres de ce groupuscule sont entrés en force à la Fnac des Halles à Paris pour coller sur les albums d'Hergé le sticker de la honte: «Produit toxique, relents racistes. Peut nuire à la santé mentale»…

L'album Tintin au Congo est régulièrement la cible de procès, de déclarations indignées sur le racisme supposé d'Hergé, et de happenings tragi-comiques dans les librairies.

Afin de faciliter la tâche de la police de la Bande-dessinée (qu'il faudra bien finir par créer...) nous suggérons plusieurs actions afin de rendre les albums de Tintin parfaitement conforme à l'hygiène mentale et morale de notre temps:

- commencer par faire disparaître totalement le personnage du Capitaine Haddock, qui est une honteuse caricature de marin alcoolique. Le syndicat des officiers de marine alcolo-dépendants ne saurait tolérer plus longtemps cette situation.

- il sera nécessaire de revoir intégralement le personnage de la Castafiore, qui pourrait incommoder par son caractère et ses traits bien des chanteuses lyriques en surpoids.

- comment tolérer plus longtemps le personnage de petit démon d'Abdallah, qui tyrannise littéralement Tintin dans plusieurs épisodes? Cette représentation des mineurs issus des pays orientaux pourrait tomber sous le coup de poursuites.

Que penser de la représentation de la gémellité à travers le tandem bouffon des Dupont-d ?! Une commission consultative de jumeaux devra rendre un rapport sur la question. Des États-généraux s'ensuivront. Puis un Grenelle.

- il faudra aussi penser à ménager le peuple imaginaire de Syldavie, on ne sait jamais... certains syldaves imaginaires pourraient déposer plainte.

- et que penser de la représentation de la gémellité à travers le tandem bouffon des Dupont-d?! Une commission consultative de jumeaux devra rendre un rapport sur la question. Des États-généraux s'ensuivront. Puis un Grenelle.

- et les sourds, ne pourraient-ils pas se sentir blessés par le professeur Tryphon Tournesol, son cornet auditif et le génie qu'il a d'être toujours à côté de la plaque?

Quand tous les albums seront épurés, nous pourrons à nouveau les rééditer. Ils seront conformes au temps, et ne blesseront personne.

Toutes les pages seront blanches...

samedi, 14 mars 2015

Eloge du colonel Olrik

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Éloge du colonel Olrik

par Jean-Jacques LANGENDORF

 

Éloge du colonel Olrik, homme de goût, de savoir et d’action, chef du 13e Bureau pour la sûreté de l’État, directeur des services d’espionnage de l’Empire, conseiller de l’empereur Basam Damdu.

 

Dès la deuxième image du premier album des aventures de Blake et Mortimer, il s’impose, souverain et élégant. Entouré par un état-major d’hommes jaunes et déférents, issus d’un croisement nippo-himalayen, il inspecte chars lance-flammes et fusées à charges nucléaires dans le grand arsenal de Lhassa. Arrêtons-nous d’abord sur sa capote vert foncé, au col de vison, aux épaulettes discrètes, d’une coupe parfaite, œuvre du premier tailleur de la capitale tibétaine. Examinons ensuite sa toque de fourrure, dont la face supérieure est doublée de satin rouge, marquée de l’étoile dorée. Mais il y a autre chose encore, qui suscite immédiatement sympathie et respect : son visage aux traits fins et aristocratiques, sa lèvre supérieure bordée d’une fine moustache à la Clarke Gable, sa chevelure jais et son haut front d’intellectuel que nous pourrons admirer lorsque il condescendra à enlever son couvre-chef. Revêtu de son uniforme, nous ne nous lasserons jamais de le contempler. Le voilà debout, près des énormes roues d’un bombardier, des jumelles sur sa poitrine, des sangles supportant un ceinturon qui retient un étui à revolver ou, plus exactement, à Browning, à ses pieds un petit bijou de M.G. 42. Cette fois, c’est une casquette bordée de jaune qui remplace la toque de fourrure. Quant aux bandes, également jaunes, du pantalon de cheval gris souris, mais un gris souris tendre, très tendre, qui virerait presque au rose, elles sont l’apanage de l’officier d’état-major de la grande armée impériale. À n’en pas douter, nous avons là un colonel tsariste, style 1904 – 1905, observant la progression des tirailleurs japonais lors de la bataille de Taampin, avec toutefois l’anormale présence de soldats nippo-himalayens derrière lui. Mais aussi un aristocrate, la manière dont il tient son fume-cigarette l’attestant à satiété. Dans toutes les circonstances de la vie d’ailleurs, circonstances qui lui sont souvent contraires, il ne se départit pas de cette correction vestimentaire, qu’il erre dans le désert (culotte de cheval, bottes d’équitation, chemise de coupe coloniale), qu’il vaque à ses affaires dans les souks du Caire (costume blanc, chemise noire, cravate jaune tendre, feutre mou), qu’il enquête sur l’île atlantique de Sao Miguel (complet bleu foncé à fines rayures, chemise assortie, mais d’un bleu plus léger, nœud papillon), qu’il séjourne à Paris pour s’y occuper de questions météorologiques (à nouveau complet bleu mais sans rayures, chemise blanche, noeud papillon bordeau), qu’il inspecte les catacombes de la Ville-Lumière (complet brun, chemise crème, cravate noire pointillée de jaune, feutre beige). Et que dire de sa robe de chambre rouge, à gros pois blancs, revêtue au débotté ? Mais je m’arrête là pour ne pas tomber dans la revue de mode…

 

Olrik2.jpgPour mieux saisir le niveau, on serait tenté de dire l’altitude, où se situe cette élégance, et derrière cette élégance, le personnage, il suffit de la comparer à la déliquescence vestimentaire des adversaires hargneux et acharnés du colonel, le professeur Mortimer et le capitaine Blake. Tous deux sont les rois de la confection, du prêt à porter et, certainement, des soldes. Voyez Mortimer qui, sur la quatrième de couverture, adresse un aguichant « hello » à ses lecteurs qu’il tient – fatale erreur – pour des admirateurs. Quelle tenue ! Celle du comptable d’une firme de sous-préfecture importatrice de pneus. La chemise s’affaisse sur une ceinture qui cerne un indécent bedon. La disharmonie entre un veston caca d’oie et un pantalon lie de vin, qui se prolonge par des souliers de souteneur napolitain, constitue une insulte à l’œil. Et quelle est cette manière de faquin de s’adresser à son public, la pipe au bec ? À condition de revêtir l’uniforme, Blake s’en sort mieux, sauf s’il porte ces indécents shorts coloniaux, qui lui descendent jusqu’aux genoux. En tenue civile, cependant, il fleure le sous-officier qui, voulant échapper aux regards de ses supérieurs, se glisse subrepticement vers un lieu mal famé.

 

Au-delà du vestimentaire, c’est ensuite le courage, la tranquille intrépidité d’Olrik, qui retiennent notre attention. D’emblée, ils s’affirment sous nos yeux, lorsqu’avec l’élégant chasseur « L’Aile    Rouge », il poursuit le « Golden Rocket », le laid bombardier dans lequel les Dioscures britanniques s’efforcent de lui échapper. Un vrai pilote, qui court sus à l’ennemi et qui ne craint jamais d’affronter les situations les plus périlleuses. Ainsi, lorsqu’il se fait passer pour un prisonnier anglais échappé afin de pouvoir s’introduire dans la base secrète des Britanniques, qui contrôle le détroit d’Ormuz, dans laquelle il sabotera la station de pompage fournisseuse d’énergie, puis s’enfuyant, dissimulé sous une tenue de scaphandrier, alors que les services de sécurité de la base sont à ses trousses. Il n’a pas son égal pour se glisser là où on l’attend le moins, car son ingéniosité est sans limite et cette ingéniosité quelqu’un qui est revenu à plusieurs reprises de derrière les lignes soviétiques en possède une bonne dose. Pour répondre aux nécessités du moment, pour s’introduire là où il veut s’introduire, il se fera éminent archéologue allemand, spéléologue, chef d’une tribu barbare, agent à bord d’un sous-marin, égoutier, bourgeois cossu, locataire d’un élégant appartement parisien, et j’en passe.

 

L’étude de ses actes et de ses pensées me permettent de conclure que le personnage est un remarquable stratège. Ce n’est pas pour rien que Basam Damdu, qui connaît les hommes, et mieux encore les généraux – hommes qui se situent nettement au-dessus des hommes – lui confie la conduite des opérations devant permettre de réduire la base secrète, nid redoutable abritant les derniers parangons de la démocratie agonisante, qui plus est parangons agressifs, prêts à se défendre. Et il va s’acquitter de sa tâche d’une main de maître ! D’ailleurs, ayant achevé sa mission de sabotage dans la base, ayant tout risqué (et gagné) avec une admirable détermination, ayant échappé à la mer qui avait menacé de l’engloutir, échoué sur une plage, que je situe sur l’actuelle côte iranienne, entre les bourgades de Gerk et de Serik, vêtu d’un méchant pantalon qui vient à peine de sécher, d’un maillot de corps, digne des vacances payées d’un syndicaliste du Front populaire, il accueille les éléments aéroportés de l’armée nippo-himalayenne. Le général qui les commande l’informe aussitôt de l’estime dans laquelle on le tient, au sommet, et même au sommet du sommet : « Colonel, par ordre spécial de Sa Majesté, toutes les troupes disponibles ont été mises à votre disposition sous votre commandement direct. » Immédiatement, l’interpellé se penche sur la carte, prend ses dispositions tactiques, ordonne l’attaque, écarte les remarques pusillanimes d’un général : « Oh ! Certes, l’opération coûtera du monde, mais l’enjeu en vaut la peine. » Puis il songe à son uniforme, car il ne sait que trop ce qu’il lui doit : « Et maintenant, Messieurs, permettez-moi d’aller revêtir une tenue digne de mon grade ». L’opération échoue, en raison de l’intervention du super-avion Espadon (d’une beauté fulgurante; trop beau pour avoir été conçu par le professeur Mortimer comme on veut nous le faire croire) mis au point par les Britanniques. Mais n’est-ce pas là un épisode qui symbolise le drame de ces généraux aux capacités supérieures, de ces esprits éminemment tactiques et stratégiques qui, vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ont succombé à la supériorité facile des Alliés, parce que matérielle ?

 

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La base du détroit d’Ormuz ! De ce rocher, jumeau de Gibraltar, situé près du cap Mussendon, situé par 57° de longitude Est et 26° 8 de latitude Nord, si j’en crois la belle carte publiée par le Bombay Marine Office après les expéditions organisées en 1821 et 1825, parlons-en ! Et parlons-en parce qu’il a joué un rôle non négligeable dans mon existence. Lors du périple du début des années 1960 entrepris par Gérard Zimmermann et moi-même à la recherche des vestiges des monuments croisés au Proche-Orient, fatigués de tant d’architecture romane et gothique dans des lieux insolites, un appel s’est fait entendre en nous, germanique dans sa simplicité : Nach Osten ! Nach Osten ! Alors, vers cet Osten nous avons roulés : Ankara, Sivas, Erzerum, Tabriz, Téhéran, puis une inflexion vers le Sud, puis le Sud-Ouest : Persépolis, Isfahan, Schiraz, puis encore un peu plus vers le Sud-Ouest : Bender Bouchir (où Wassmuss assuma les fonctions de consul du Reich avant 1914) en traversant une guerre brutale, d’ailleurs occultée jusqu’à nos jours, dont nous avons à peine pris conscience. Enfin, par des pistes ne méritant pas ce nom, sans cartes, virage en direction du sud-est, vers ce détroit d’Ormuz jacobsien et mythique, dans un paysage affichant effectivement, à peu de choses près, les caractères de celui du Secret de l’Espadon. Mais nous n’atteindrons jamais le lieu magique, l’armée impériale non pas de Basam Damdu mais de S.M.I. le Chah, ayant lancé à nos trousses deux jeeps et une automitrailleuse (l’automitrailleuse du Secret ?) afin de mettre un terme à cette ballade inconsciente dans une région alors aux mains des rebelles tengistanis, ceux-là mêmes soulevés par Wassmuss durant la Première Guerre mondiale.

 

Le temps allait nous apprendre que nous étions allés chercher bien trop loin ce qui se trouvait à portée de mains. À cette époque-là, un frisson parcourait le dos de tout Suisse lorsqu’on évoquait devant lui les noms de Dailly et de Savatan, les deux forteresses enfouies dans la montagne dont l’artillerie barrait la cluse de Saint-Maurice pour arrêter un ennemi venant aussi bien du Sud que de l’Ouest. On savait qu’elles existaient et qu’elles étaient colossales, des générations s’étant appliquées à creuser et aménager le roc, mais on ne savait rien de plus car tous ceux qui y avaient servi, ou y servaient encore, étaient tenus au secret le plus absolu. Or un jour, la guerre froide devenue paix chaude, un certain nombre d’élus furent autorisés à les visiter. Je découvris alors que c’était là, et pas ailleurs, que se trouvait, reproduite 1 : 1, la base secrète de l’Espadon, avec le dédale de ses couloirs, son funiculaire, la salle des turbines (mêmes couleurs, même pavage du sol), ses monte-charges, ses dortoirs, ses emplacements pour mitrailleuses, sa tourelle abritant des pièces de 15, sa salle de commandement. C’est tout juste si, au détour d’une casemate, on n’apercevait pas les silhouettes sinistres de Blake et de Mortimer. Une différence toutefois : lorsqu’on jette un coup d’œil par un périscope, ce n’est pas la côte d’Oman, les îlots à demi engloutis par une mer de plomb fondu sur laquelle vogue un dhauw que l’on aperçoit, mais des cimes altières empanachées de neige avec, au loin, la surface irisée, piquetée de petites voiles blanches, du Léman.

 

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L’homme d’action et d’aventure n’habite que dans l’action et dans l’aventure. Que lui importe le lieu. Tout lui est bon : la tente du bédouin, l’habitacle d’un char, la chambre d’hôtel, le lupanar, les catacombes, la tranchée, le palais, la chaufferie, la geôle même, lorsque les choses tournent mal, voire la chambre de torture. Pour cette raison, il est impossible de déterminer la nature de l’habitat d’Olrik alors que celui de ses contempteurs n’est, hélas, que trop bien situé, dans la Londres bourgeoise. Tout y est ridicule. Les collections prétentieuses – tête de pharaon, objet mayas, masques africains – puent le faux à plein nez. La cheminée, cerclée de briques, crache des flammes trop puissantes pour être honnêtes. Quant à Mme Benson, la gouvernante, sa simple vue nous ouvre une perspective effrayante sur le quotidien de nos deux pourchasseurs d’Olrik. Je ne connais rien de plus ridicule que l’image où ils apparaissent côte à côte, Blake en robe de chambre et Mortimer dans un pyjama sorti en droite ligne d’une boîte d’épinards à la crème. En contemplant le visage de renard chiffonné de Blake, on comprend pourquoi ce dernier, en dépit d’exploits vrais ou fictifs, n’a jamais dépassé le grade de capitaine. Quant à l’ahurissement facial de Mortimer, un ahurissement permanent, il nous autorise à mettre sérieusement en doute ses capacités scientifiques, bien imprécises d’ailleurs. Ingénieur nucléaire ? Archéologue ? Paléologue ? Constructeur d’avions ? Spécialiste en armements ? De toute manière, un dilettantisme de mauvais aloi. De nouvelles recherches, portant sur leur jeunesse, n’ont fait que confirmer ce climat d’étouffement petit-bourgeois dans lequel se meuvent les deux « héros ». Le père de Mortimer, fonctionnaire colonial à Simla, au pied de l’Himalaya, s’est conduit sa vie durant comme un parfait imbécile, quant à la mère – pas trop mal tournée ma foi ! – elle a tout pour ne pas résister aux tentations du bovarysme. Nous avons évoqué la grotesque vision des Dioscures en pyjama et robe de chambre dans leur home douillet. Mais il y a plus grotesque encore : la première rencontre des deux jouvenceaux sur un marché de Bombay, Mortimer sauvant la vie de Blake en train de se faire étriper par un malabar pundjabi, puis tous deux sauvés à leur tour de l’ire populacière par l’intervention… du mahatma Gandhi… ! Un charmant dieu tutélaire pour présider aux existences doucereuses des futurs professeur et capitaine.

 

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Imaginons, en contrepoint, ce qu’ont été l’enfance et l’adolescence d’Olrik, de vieille noblesse balte. Des heures solitaires sur une falaise de la Baltique, battu par les rafales, des lectures orientées par un oncle qui avait servi dans la Garde prussienne, et qui avait promis qu’il se vengerait un jour de la Révolution et des Spartakistes, du tir sur des bouteilles jetées à la mer, de la chasse, un duel à l’épée à douze ans, pour une broutille, avec un adversaire auquel il sectionna l’oreille. Plus tard, un séjour en Angleterre où il apprit entre autres à fabriquer de la fausse monnaie, un stage dans la Waffen S.S. qui l’initia au drill impitoyable, physique et intellectuel, de Bad Tölz puis un passage dans le commando « Brandenburg » (sabotages et enlèvements derrière les lignes soviétiques), enfin quelques mois dans la Légion étrangère, aussitôt après la guerre, avant qu’un envoyé du Grand Basam Damdu, qui passait par hasard à Sidi Bel-Abbès ne discerne ses mérites et ne l’engage au service de son maître. Puisque j’ai évoqué ses lectures, je vais donc aller jusqu’au bout car, mieux que tout autre chose, elles dessinent la silhouette morale d’un homme de sa trempe : Thucydide, Hobbes, Machiavel, Clausewitz, Rühle von Lilienstern, Lawrence d’Arabie, Colmar von der Goltz, le premier Jünger, Ludendorff, René Quinton pour ne citer que ceux qui en lui ont laissé des traces profondes. Examinons un peu les lectures de Mortimer, en laissant de côté les obligatoires ouvrages et revues scientifiques : les insipides romans de Sarah Summertown, un temps sa maîtresse, Memories of India de Baden-Powell, les idylles de Jane Austen, les poèmes de Pope. En ce qui concerne Blake, même en cherchant longuement, on ne découvrira pas grand’ chose : des règlements de service, Conan Doyle, le Livre de la Jungle (dont la leçon lui apparaîtra toutefois obscure), des guides de voyage, la Campagne de Mésopotamie de Townsend, surtout parce que son père avait été fait prisonnier à Kut al-Amara avec lui, et des recueils de mots croisés. À petits esprits, petites lectures…

 

Pour ramener les choses au point essentiel disons qu’Olrik qui, tel un nouveau Sisyphe, remet sans cesse l’ouvrage sur le métier, ouvrage ensuite défait par les Dioscures, a atteint les sommets de la solitude tragique, qui est celle de l’aventurier car l’échec constitue la trame, la texture même, de son existence. Les rongeurs, les insectes, viendront un jour à bout du tigre royal, lui infligeront une blessure dont ils se repaîtront ensuite. Blake et Mortimer (petites idées, petit appartement, petites assurances, petites pantoufles, petits idéaux), appartiennent définitivement à cette catégorie. Dans une certaine mesure, alors que le type « Olrik » n’a cessé de se raréfier, les Dioscures scellent le triomphe du type humain qui a fini par dominer en Europe (et ailleurs) tel que, vers 1900, un Constantin Leontjev nous l’a annoncé dans un livre prophétique, L’Européen moyen, idéal et instrument de la destruction universelle : « Tous les auteurs nous présentent l’idéal de l’avenir comme quelque chose qui leur ressemble, c’est-à-dire le bourgeois européen. Quelque chose de moyen : ni un paysan, ni un seigneur, ni un guerrier, ni un prêtre, ni un Breton ou un Basque, ni un Tirolien ou un Tcherkesse, ni un marquis vêtu de velours et coiffé de plumes, ni un trappiste en robe de bure, ni un prélat en brocard… Non ! Ils se contentent tous de leur appartenance au minable type culturel moyen auquel ils sont redevables de leur position dans la société et de leur genre de vie, prétendant au nom du bonheur universel et de leur comportement diriger le monde du haut comme celui du bas.

 

Apparemment, ces gens ignorent et ne comprennent pas les lois de la beauté car précisément le type moyen est toujours et partout le plus inesthétique, le moins expressif, le moins intense et le moins noble, moins héroïque que des types humains plus complexes et plus extrêmes. »

 

Nous lisons aussi, à travers ces lignes, qui proclament le triomphe « moral » de Blake et Mortimer, le constat de décès de l’aventurier en général et d’Olrik en particulier.

 

Jean-Jacques Langendorf

 

• D’abord mis en ligne sur Le Polémarque, le 3 juin 2011.

 


 

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

 

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samedi, 06 décembre 2014

Tranches de vie...

Tranches de vie...

Les éditions Dargaud viennent de rééditer en un volume unique les cinq tomes de la bande-dessinée de Gérard Lauzier, Tranches de vie, publiés initialement il y a plus de trente ans.

Une excellente nouvelle que cette réédition car l'auteur avait disparu des rayonnages de librairie depuis longtemps. C'est la bd anar de droite par excellence, drôle, grinçante et cruelle. Au détour d'une soirée, d'une partouze ou d'un repas d'affaires, on y croise des soixante-huitards virant gauche caviar et des jeunes cadres dynamique de la droite avancée moderne et décrispée, bref les parents de nos bobos, bling-bling et autres hipsters d'aujourd'hui... Fric, cul, esbrouffe, psychanalyse et ethnomasochisme, c'est le panorama de la décennie 1975-1985, qui peut servir de complément en images du livre de Zemmour, Le suicide français (Albin Michel, 2014)... Bonne lecture !

 

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" Lucide et corrosif, le trait et l'humour de Lauzier appuie là où ça fait rire. Attention, l'intégrale des Tranches de vie provoque grincements de dents et fous rires nerveux. Dans les pages de Pilote arriva un jour un auteur singulier. Détonnant dans un univers de gauchistes hirsutes, cet homme élégant croquait des cadres dépressifs, des intellectuels de gauche suffisants, des révolutionnaires pathétiques et des femmes… sublimes, seuls océans de lucidité dans un monde absurde. Lauzier avait quarante ans d'avance. Aujourd'hui d'une actualité brûlante, la lecture de ses Tranches de vie, outre les fous rires nerveux, est une thérapie contre la connerie contemporaine. Une lucidité décapante pour un portrait un vitriol de la société contemporaine : les cinq albums des Tranches de vie réunis dans une intégrale inédite. "

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lundi, 04 novembre 2013

Het jongste Kuifje is Schots

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Het jongste Kuifje is Schots

Ex: nieuwsbrief / Deltastichting, Nr. 76, Oktober 2013
 
Europa is pluriformiteit, is een veelheid, een lappendeken van talen, culturen, dialecten, ondergroepen, tussengroepen – en conflicten. Een aantal van die lokale culturen, die in vorige eeuwen in een groter, multicultureel geheel waren ondergebracht, en dat bijna moesten bekopen met het verdwijnen van hun eigen cultuur en taal, zijn duidelijk aan een hergeboorte, aan een renaissance begonnen: we denken aan de Catalanen, aan de Schotten, aan de Zuid-Tirolers. En laat ons daar maar voor het gemak ook de Zuid-Nederlanders, de Vlamingen bij rekenen.

Dat nieuwe culturele, economische en dus ook politieke zelfbewustzijn laat zich soms zien op de meest eigenaardige plaatsen. In stripland bijvoorbeeld. De avonturen van Kuifje, de stripheld van Hergé, en tevens een van de mooiste en schitterendste voorbeelden van de “klare lijn”, werden gepubliceerd in meer dan 70 talen. In totaal werden er meer dan 200 miljoen exemplaren van verkocht.  Maar voor de eerste keer werden woorden als “caw cannie” (wees voorzichtig), “haud yer wheesht” (wees stil) en “help ma boab” (goeie hemel!), woorden en uitdrukkingen uit het Schots-Engelse dialect, in een album opgenomen. De vertaling van “De Zwarte Rotsen” werd verzorgd door Susan Rennie, Kelvin Smith Research Fellow aan de universiteit van Glasgow, die het boek vertaalde uit de originele taal, het Frans.  Het werd dus “The Derk Isle”.

De vertaling werd voorgesteld samen met een nieuwe uitgave van de Gaelicversie, “An t-Eilean Dubh”. Het hondje, Milou in het Frans, werd Bobbie in het Nederlands, Terry in het Deens en het Noors en Tobbi in het Ijslands. Voor het Schots koos de vertaler voor het woord Tarrie. En natuurlijk doen ook de detectives mee, de “twa glaikit detetives Nisbet an Nesbit”.

Het stripalbum begint alvast zo: “Tintin an his faithfu dug, Tarrie, are on the trail o an international gang o conterfaiters. Forby, they themsels are bein follaed by the twa glaikit detectives Nisbet an Nesbit”.  Wie het luidop leest, zal geen énkel probleem ondervinden om het Schots-Engels te begrijpen.
 
Peter Logghe

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mercredi, 08 mai 2013

Exposition Tardi - Paris

lundi, 08 avril 2013

Pulp Fascism

Pulp Fascism

By Jonathan Bowden 

Ex: http://www.counter-currents.com/

Editor’s Note: 

The following text is a transcription by V. S. of a lecture entitled “Léon Degrelle and the Real Tintin,” delivered at the 21st meeting of the New Right, London, June 13, 2009. The lecture can be viewed on YouTube here [2]. (Please post any corrections as comments below.)

I have given it a new title because it serves as the perfect introduction to a collection of Bowden’s essays, lectures, and interviews entitled Pulp Fascism: Right-Wing Themes in Comics, Graphic Novels, and Popular Literature, which is forthcoming from Counter-Currents.

I proposed this collection and title to Bowden in 2011, and although he wrote a number of pieces especially for it, the project was unfinished at his death. We are bringing out this book in honor of the first anniversary of Bowden’s death on March 29, 2012. 

jb_index.jpgI would like to talk about something that has always interested me. The title of the talk is “Léon Degrelle and the Real Tintin,” but what I really want to talk about is the heroic in mass and in popular culture. It’s interesting to note that heroic ideas and ideals have been disprivileged by pacifism, by liberalism tending to the Left and by feminism particularly since the social and cultural revolutions of the 1960s. Yet the heroic, as an imprimatur in Western society, has gone down into the depths, into mass popular culture. Often into trashy forms of culture where the critical insight of various intellectuals doesn’t particularly gaze upon it.

One of the forms that interests me about the continuation of the heroic in Western life as an idea is the graphic novel, a despised form, particularly in Western Europe outside France and Italy and outside Japan further east. It’s regarded as a form primarily for children and for adolescents. Yet forms such as this: these are two volumes of Tintin which almost everyone has come across some time or other. These books/graphic novels/cartoons/comic books have been translated into 50 languages other than the original French. They sold 200 million copies, which is almost scarcely believable. It basically means that a significant proportion of the globe’s population has got one of these volumes somewhere.

Now, before he died, Léon Degrelle said that the character of Tintin created by Hergé was based upon his example. Other people rushed to say that this wasn’t true and that this was self-publicity by a notorious man and so on and so forth. Probably like all artistic and semi-artistic things there’s an element of truth to it. Because a character like this that’s eponymous and archetypal will be a synthesis of all sorts of things. Hergé got out of these dilemmas by saying that it was based upon a member of his family and so on. That’s probably as true as not.

The idea of the masculine and the heroic and the Homeric in modern guise sounds absurd when it’s put in tights and appears in a superhero comic and that sort of thing. But the interesting thing is because these forms of culture are so “low” they’re off the radar of that which is acceptable and therefore certain values can come back. It’s interesting to note that the pulp novels in America in the 1920s and ’30s, which preceded the so-called golden age of comics in the United States in the ’30s and ’40s and the silver age in the 1960s, dealt with quite illicit themes.

One of the reasons that even today Tintin is mildly controversial and regarded as politically incorrect in certain circles is they span much of the 20th century. Everyone who is alive now realizes that there was a social and cultural revolution in the Western world in the 1960s, where almost all the values of the relatively traditional European society, whatever side you fought on in the Second World War, were overturned and reversed in a mass reversion or re-evaluation of values from a New Leftist perspective.

Before 1960, many things which are now legal and so legal that to criticize them has become illegal were themselves illicit and outside of the pedigree and patent of Western law, custom, practice, and social tradition. We’ve seen a complete reversal of nearly all of the ideals that prevailed then. This is why many items of quite popular culture are illicit.

If one just thinks of a silent film like D. W. Griffith’s Birth of a Nation in 1915. There was a prize awarded by the American Motion Picture Academy up until about 1994 in Griffith’s name. For those who don’t know, the second part of Birth of a Nation is neo-Confederate in orientation and depicts the Ku Klux Klan as heroic. Heroic! The Ku Klux Klan regarded as the hero, saving the White South from perdition, from the carpet-baggers, some of whom bear an extraordinary resemblance to the present President of the United States of America. Of course, they were called carpet-baggers because they were mulatto politicians who arrived in the South primarily from the North with certain Abolitionist sponsorship and they arrived with everything they owned in a carpet bag to take over. And that’s why they were called that.

That film, which you can get in any DVD store and buy off Amazon for ten pounds or so, is extraordinarily notorious, but in actual fact, in terms of its iconography, it’s a heroic, dualist film where there’s a force of darkness and a force of light. There’s a masculine individual. There’s people who believe that they’ll sort out problems with a gun. The Bible, in an ultra-Protestant way, is their text. It’s what they base metaphysical objectivism and absolute value upon, and that film is perceived retrospectively as an extreme White Right-wing film although Griffith himself is later to do a film called Intolerance and actually, like a lot of film makers, had quite a diverse range of views irrespective of his own Southern and Texan background.

The thing one has to remember is that the methodology of the heroic can survive even if people fight against various forces in Western life. One of the great tricks of the heroic in the last 40 to 50 years is the heroic films involving icons like Clint Eastwood, for example, as a successor to this sort of archetype of John Wayne and the sort of Western stylized masculinity that he represented. Eastwood often plays individualistic, survivalist, and authoritarian figures; Right-wing existentialist figures. But they’re always at war with bureaucracies and values that are perceived as conservative. One of the ways it tricks, which has occurred since the 1960s, is to reorient the nature of the heroic so that the eternal radical Right within a society such as the United States or elsewhere is the enemy, per se.

There’s a comic strip in the United States called Captain America which began in the 1940s. Captain America is a weedy young man who almost walks with a stick and has arms like branches, and of course a friendly American scientist introduces him to a new secret program where he’s injected with some steroids and this sort of thing and immediately becomes this enormous blond hulking superman with blue eyes. Of course, he must dress himself in the American flag so that he can call himself Captain America. So you get the idea! He has a big shield which has the star of the United States on it and has a sidekick who dies in one of the 1940s comics, but of course these figures never die. They’re endlessly brought back. But there’s a problem here because the position that Captain America and a lesser Marvel Comics equivalent called Captain Britain and all these other people represent is a little bit suspect in an increasingly liberal society, even then. So, his enemy, his nemesis, his sort of dualist alternative has to be a “Nazi,” and of course Captain America has a Nazi enemy who’s called the Red Skull.

The Red Skull is a man with a hideous face who, to hide this hideousness, wears a hideous mask over his hideous face as a double take. The mirror cracks so why not wear a mask, but it’s not a mask of beauty. It’s a skull that’s painted red, and he’s called the Red Skull. He always wears green. So, it’s red and green. He always appears and there’s always a swastika somewhere in the background and that sort of thing. He’s always building robots or cyborgs or new biological sorts of creatures to take over the world. Captain America always succeeds in vanquishing him in the last panel. Just in the last panel. The Red Skull’s always about to triumph until the fist of Captain America for the American way and the American dream comes in at the end.

This mantle of the heroic whereby Right-wing existentialists like Captain America fight against the extreme Right in accordance with democratic values is one of the interesting tricks that’s played with the nature of the heroic. Because the heroic is a dangerous idea. Whether or not Tintin was based on Léon Degrelle there is of course a fascistic element to the nature of the heroic which many writers of fantasy and science fiction, which began as a despised genre but is now, because it’s so commercially viable, one of the major European book genres.

They’ve always known this. Michael Moorcock, amongst others, speaks of the danger of subliminal Rightism in much fantasy writing where you can slip into an unknowing, uncritical ultra-Right and uncritical attitude towards the masculine, towards the heroic, towards the vanquishing of forces you don’t like, towards self-transcendence, for example.

iron_dream.jpgThere’s a well-known novel called The Iron Dream and this novel is in a sense depicting Hitler’s rise to power and everything that occurred in the war that resulted thereafter as a science fiction discourse, as a sort of semiotic by a mad creator. This book was actually banned in Germany because although it’s an extreme satire, which is technically very anti-fascistic, it can be read in a literal-minded way with the satire semi-detached. This novel by Norman Spinrad was banned for about 20 to 30 years in West Germany as it then was. Because fantasy enables certain people to have an irony bypass.

Although comics are quite humorous, particularly to adults, children and adolescents read them, scan them because they sort of just look at the images and take in the balloons as they go across because these are films on paper. They essentially just scan them in an uncritical way. If you ever look at a child, particularly a child that’s got very little interest in formal literature of a sort that’s taught in many European and American schools, they sit absorbed before comics, they’re absolutely enthralled by the nature of them, by the absolute villainy of the transgressor, by the total heroicism and absence of irony and sarcasm of the heroic figure with a scantily clad maiden on the front that the hero always addresses himself to but usually in a dismissive way because he’s got heroic things to accomplish. She’s always on his arm or on his leg or being dragged down.

Indeed, the pulp depiction of women which, of course, is deeply politically incorrect and vampish is a sort of great amusement in these genres. If you ever look at comics like Conan the Barbarian or Iron Man or The Incredible Hulk and these sorts of things the hero will always be there in the middle! Never to the side. Always in the middle foursquare facing the future. The villain will always be off to one side, often on the left; the side of villainy, the side of the sinister, that which wants to drag down and destroy.

As the Hulk is about to hit The Leader, which is his nemesis, or Captain America is about to hit the Red Skull, which is his nemesis, or Batman is about to hit the psychiatric clown called The Joker, who is his nemesis, there’s always a scantily clad woman who’s around his leg on the front cover looking up in a pleading sort of way as the fist is back here. It’s quite clear that these are archetypal male attitudes of amusement and play which, of course, have their danger to many of the assumptions that took over in the 1960s and ’70s.

It’s interesting to notice that in the 1930s quite a lot of popular culture expressed openly vigilante notions about crime. There was a pulp magazine called The Shadow that Orson Welles played on the radio. Orson Welles didn’t believe in learning the part, in New York radio Welles, usually the worse for wear for drink and that sort of thing, would steam up to the microphone, he would take the script, and just launch into The Shadow straight away. The Shadow used to torment criminals. Depending on how nasty they were the more he’d torment them. When he used to kill them, or garrote them, or throttle them, or hang them (these pulps were quite violent and unashamedly so) he used to laugh uproariously like a psychopath. And indeed, if you didn’t get the message, there would be lines in the book saying “HA HA HA HA HA!” for several lines as he actually did people in.

The Shadow is in some ways the prototype for Batman who comes along later. Certain Marxian cultural critics in a discourse called cultural studies have pointed out that Batman is a man who dresses himself up in leathers to torment criminals at night and looks for them when the police, namely the state, the authority in a fictional New York called Gotham City, put a big light in the sky saying come and torment the criminal class. They put this big bat symbol up in the sky, and he drives out in the Batmobile looking for villains to torment. As most people are aware, comics morphed into more adult forms in the 1980s and ’90s and the graphic novel emerged called Dark Knight which explored in quite a sadistic and ferocious way Batman’s desire to punish criminality in a very extreme way.

There was also a pulp in the 1930s called Doc Savage. Most people are vaguely aware of these things because Hollywood films have been made on and off about all these characters. Doc Savage was an enormous blond who was 7 feet. He was bronzed with the sun and covered in rippling muscles. Indeed, to accentuate his musculature he wore steel bands around his wrists and ankles, as you do. He was a scientific genius, a poetic genius, and a musical genius. In fact, there was nothing that he wasn’t a genius at. He was totally uninterested in women. He also had a research institute that operated on the brains of criminals in order to reform them. This is quite extraordinary and deeply politically incorrect! He would not only defeat the villain but at the end of the story he would drag them off to this hospital/institute for them to be operated on so that they could be redeemed for the nature of society. In other words, he was a eugenicist!

Of course, those sorts of ideas in the 1930s were quite culturally acceptable because we are bridging different cultural perceptions even at the level of mass entertainment within the Western world. That which is regarded, even by the time A Clockwork Orange was made by Kubrick from Burgess’ novel in the 1970s, as appalling, 40 years before was regarded as quite acceptable. So, the shifting sands of what is permissible, who can enact it, and how they are seen is part and parcel of how Western people define themselves.

Don’t forget, 40% of the people in Western societies don’t own a book. Therefore, these popular, mass forms which in one way are intellectually trivial is in some respects how they perceive reality.

Comics, like films, have been heavily censored. In the United States in the 1950s, there was an enormous campaign against various sorts of quasi-adult comics that were very gory and were called horror comics and were produced by a very obscure forum called Entertainment Comics (EC). And there was a surrogate for the Un-American Activities Committee in the US Senate looking at un-American comics that are getting at our kids, and they had a large purge of these comics. Indeed, mountains of them were burnt. Indeed, enormous sort of semi-book burnings occurred. Pyramids of comics as big as this room would be burnt by US and federal marshals on judges’ orders because they contained material that the young shouldn’t be looking at.

The material they shouldn’t be looking at was grotesque, gory, beyond Roald Dahl sort of explicit material which, of course, children love. They adore all that sort of thing because it’s exciting, because it’s imaginative, because it’s brutal, because it takes you out of the space of normalcy, and that’s why the young with their instincts and their passion and glory love this sort of completely unmediated amoral fare. That’s why there’s always been this tension between what their parents would like them to like and what many, particularly late childish boys and adolescents, really want to devour. I remember Evelyn Waugh was once asked, “What was your favorite book when you were growing up?” And just like a flash he said, “Captain Blood!” Captain Blood! Imagine any silent pirate film from the 1920s and early ’30s.

Now, the heroic in Western society takes many forms. When I grew up, there were these tiny little comics in A5 format. Everyone must have seen them. Certainly any boys from the 1960s and ’70s. They were called Battle. Battle and Commando and War comics, and these sorts of thing. They were done by D. C. Thomson, which is the biggest comics manufacturer in Britain, up in Dundee. These comics were very unusual because they allowed extremely racialist and nationalist attitudes, but the enemies were always Germans and they were always Japanese.

Indeed, long after the passing of the Race Act in the late 1960s and its follow-up which was more codified and definitive and legally binding in the 1970s, statements about Germans and Japanese could be made in these sorts of comics, which were not just illicit but illegal. You know what I mean, the Green Berets, the commandos, would give it to “Jerry” in a sort of arcane British way and were allowed to. This was permitted, even this liberal transgression, because the enemy was of such a sort.

But, of course, what’s being celebrated is British fury and ferocity and the nature of British warriors and the Irish Guards not taking prisoners and this sort of thing. This is what’s being celebrated in these sorts of comics. It’s noticeable that D. C. Thomson, who has no connection to the DC group in the United States by the way, toned down this element in the comics as they went along. Only Commando survives, but they still produce four of them a month.

In the 1970s, Thomson, who also did The Beano and utterly childish material for children for about five and six as well as part of the great spectrum of their group, decided on some riskier, more transgressive, more punkish, more adult material. So, they created a comic called Attack. Attack! It’s this large shark that used to come and devour people. It was quite good. The editor would disapprove of something and they would be eaten by the shark. There was the marvelous balloons they have in comics, something like, “This shark is amoral. It eats.” And there would be a human leg sticking out of the mouth of the shark. Some individual the editor disapproved of was going down the gullet.

Now, Attack was attacked in Parliament. A Labour MP got up and said he didn’t like Attack. It was rather dubious. It was tending in all sorts of unwholesome directions, and Attack had a story that did outrage a lot of people in the middle 1970s, because there was a story where a German officer from the Second World War was treated sympathetically, in Attack. Because it was transgressive, you see. What’s going to get angry Methodists writing to their local paper? A comic that treats some Wehrmacht officer in a sympathetic light. So, there was a real ruckus under Wilson’s government in about ’75 about this, and so they removed that.

judge-dredd-1.jpgVarious writers like Pat Mills and John Wagner were told to come up with something else. So, they came up with the comic that became Judge Dredd. Judge Dredd is a very interesting comic in various ways because all sorts of Left-wing people don’t like Judge Dredd at all, even as a satire. If there are people who don’t know this, Dredd drives around in a sort of motorcycle helmet with a slab-sided face which is just human meat really, and he’s an ultra-American. It’s set in a dystopian future where New York is extended to such a degree that it covers about a quarter of the landmass of the United States. You just live in a city, in a burg, and you go and you go and you go. There’s total collapse. There’s no law and order, and there’s complete unemployment, and everyone’s bored out of their mind.

The comic is based on the interesting notion that crime is partly triggered by boredom and a sort of wantonness in the masses. Therefore, in order to keep any sort of order, the police and the judiciary have combined into one figure called a Judge. So, the jury, the trial, the police investigation, and the investigative and forensic elements are all combined in the figure of the Judge. So, if Judge Dredd is driving along the street and he sees some youths of indeterminate ethnicity breaking into a store he says, “Hold, citizens! This is the law! I am the law! Obey me! Obey the law!” And if they don’t, he shoots them dead, because the trial’s syncopated into about 20 seconds. He’s given them the warning. That’s why he’s called Judge Dredd, you see. D-R-E-D-D. He just kills automatically those who transgress.

There’s great early comic strips where he roars around on this bike that has this sort of skull-like front, and he appears and there’s a chap parking his car and he says, “Citizen! Traffic violation! Nine years!” and roars off somewhere else. Somebody’s thieving or this sort of thing and he gets them and bangs their head into the street. There’s no question of a commission afterwards. “Twelve years in the Cube!” which is an isolation cell. It’s got its own slang because comics, of course, create their own world which children and adolescents love so you can totally escape into a world that’s got a semi-alternative reality of its own that’s closed to outsiders. If some adult picks it up and looks at it he says, “What is this about?” Because it’s designed to exclude you in a way.

Dredd has numerous adventures in other dimensions and so on, but Dredd never changes, never becomes more complicated, remains the same. He has no friends. “I have no need of human attachments,” he once says in a slightly marvelous line. He has a robot for company who provides most of his meals and needs and that sort of thing. For the rest, he’s engaged in purposeful and pitiless implementation of law and order. One of his famous phrases was when somebody asked him what is happiness, and he says in one of those bubbles, “Happiness is law and order.” Pleasure is obeying the law. And there are various people groveling in chains in front of him or something.

Now, there’ve been worried Left-wing cat-calls, although it’s a satire, and it’s quite clearly meant to be one. For example, very old people, because people in this fantasy world live so long that they want to die at the end, and they go to be euthanized. So, they all queue up for euthanasia. There’s one story where somebody blows up the people waiting for euthanasia to quicken the thing, but also to protest against it. And Judge says, “Killing euthanized is terrorism!” War on terror, where have we heard that before? Don’t forget, these are people that want to die. But Dredd says, “They’re being finished off too early. You’ve got to wait, citizen!” Wait to be killed later by the syringe that’s coming. And then people are reprocessed as medicines, because everything can be used. It’s a utilitarian society. Therefore, everything is used from birth to death, because the state arranges everything for you, even though socialism is condemned completely.

There’s another bloc, it’s based on the Cold War idea, there’s a Soviet bloc off on the other side of the world that is identical to the West, but ideologically they’re at war with each other, even though they’re absolutely interchangeable with each other. But the Western metaphysic is completely free market, completely capitalist, but in actual fact no one works, and everyone’s a slave to an authoritarian state.

There’s also an interesting parallel with more advanced forms of literature here. A Clockwork Orange: many people think that’s about Western youth rebellion and gangs of the Rockers and Mods that emerged in the 1960s at the time. Burgess wrote his linguistically sort of over-extended work in many ways. In actual fact, Anthony Burgess wrote A Clockwork Orange after a visit to the Soviet Union where he was amazed to find that, unlike the totalitarian control of the masses which he expected at every moment, there was quite a degree of chaos, particularly amongst the Lumpenproletariat in the Soviet Union.

George Orwell in Nineteen Eighty-Four has an interesting idea, and that is that the proles are so beneath ideology, right at the bottom of society, the bottom 3% not even the bottom 10%, that they can be left to their own devices. They can be left to take drugs. They can be left to drink to excess. They can be left to destroy themselves. Orwell says “the future is the proles” at one point. Remember when Winston Smith looks out across the tenements and sees the enormous washerwoman putting some shirts, putting some sheets on a line? And she sings about her lost love, “Oh, he was a helpless fancy . . .” and all this. And Winston looks out on her across the back yards and lots and says, “If there’s a future, it lies with the proles!” And then he sings to himself, “But looking at them, he had to wonder.”

The party degrades the proletariat to such a degree that it ceases to be concerned about their amusements because they’re beneath the level of ideology and therefore you don’t need to control them. The people you control are the Outer Party, those who can think, those who wear the blue boiler suits, not the black ones from the Inner Party.

TheIronHeel500.jpgThis interconnection between mass popular culture, often of a very trivial sort, and elitist culture, whereby philosophically the same ideas are expressed, is actually interesting. You sometimes get these lightning flashes that occur between absolutely sort of “trash culture,” if you like, and quite advanced forms of culture like A Clockwork Orange, like Darkness at Noon, like Nineteen Eighty-Four, like The Iron Heel, like The Iron Dream. And these sorts of extraordinary dystopian and catatopian novels, which are in some respects the high political literature (as literature, literature qua literature) of the 20th century.

Now, one of the reasons for the intellectual independence of elements in some comics is because no one’s concerned about it except when the baleful eye of censorship falls upon them. A particular American academic wrote a book in the early 1950s called Seduction of the Innocent which is about how children were being depraved by these comics which were giving them violent and racialist and elitist and masculinist stereotypes, which shouldn’t be allowed.

Of course, a vogue for Left wing comics grew up in the 1970s because culture in the United States, particularly men’s culture, is racially segregated in a way which is never admitted. African-Americans have always had their own versions of these things. There are Black American comics. Marvel did two called The Black Panther, and the Black Panther only ever preys on villains who are Black.

There’s another one called Power Man who’s in prison loaded down with chains and a White scientist, who might be Jewish, experiments on him. He’s called Luke Cage and he’s experimented on so he becomes a behemoth. A titan of max strength he’s called, and he bats down the wall and takes all sorts of people on. And yet, of course, all of the villains he takes on, very like the Shaft films which are both about James Bond films which are very similar, all of this material is segregated. It occurs within its own zone.

But you notice the same heroic archetypes return. Yet again there’s a villain in the corner, usually on the left side, Luke Cage has an enormous fist, there’s a sort of half-caste beauty on his leg looking up, staring at him. This sort of thing. It’s the same main methodology. It’s the same thing coming around again.

Although there have been attempts at the Left-wing comic, it’s actually quite difficult to draw upon with any effect. Because, in a way you can criticize comics that are metapolitically Right-wing, but to create a Left-wing one is actually slightly difficult. The way you get around it is to have a comic that’s subliminally Rightist and have the villain who’s the extreme Right. There are two American comics called Sgt. Fury and Sgt. Rock and another one’s called Our Army at War. Sgt. Rock, you know, and this sort of thing. And you know who the villain is because they’re all sort in the Second World War.

The attitude towards Communism in comics is very complicated. Nuclear destruction was thought too controversial. When formal censorship of comics began in America in the 1950s something called the Approved Comics Code Authority, very like the British Board of Film Classification, emerged. They would have a seal on the front of a comic. Like American films in the 1930s, men and women could kiss but only in certain panels and only for a certain duration on the page as the child or adolescent looked at it, and it had to be, it was understood so explicitly it didn’t even need to be mentioned that of course it didn’t even need to be mentioned that it was totally heterosexual. Similarly, violence had to be kept to a minimum, but a certain allowed element of cruelty was permitted if the villain was on the receiving end of it.

Also, the comics had to be radically dualist. There has to be a force for light and a force for darkness. There has to be Spiderman and his nemesis who’s Dr. Octopus who has eight arms. But certain complications can be allowed, and as comics grow, if you like, non-dualist characters emerge.

There’s a character in The Fantastic Four called Doctor Doom who’s a tragic figure with a ruined face who is shunned by man who wants to revenge himself on society because he’s shut out, who ends as the ruler of a tiny little made-up European country which he rules with an iron hand, and he does have hands of iron. So he rules his little Latvia substitute with an iron hand. But he’s an outsider, you see, because in the comic he’s a gypsy, a sort of White Roma. But he gets his own back through dreams of power.

There’s these marvelous lines in comics which when you ventilate them become absurd. But on the page, if you’re sucked into the world, particularly as an adolescent boy, they live and thrive for you. Doom says to Reed Richards, who’s his nemesis on the other side, “I am Doom! I will take the world!” Because the way the hero gets back at the villain is to escape, because they’re usually tied up somewhere with a heroine looking on expectantly. The hero is tied up, but because the villain talks so much about what they’re going to do and the cruelty and appalling suffering they’re going to inflict all the time the hero is getting free. Because you have to create a lacuna, a space for the hero to escape so that he can drag the villain off to the asylum or to the gibbet or to the prison at the end. Do you remember that line from Lear on the heath? “I shall do such things, but what they are I know not! But they will be the terror of the earth!” All these villains repeat that sort of line in the course of their discourse, because in a sense they have to provide the opening or the space for the hero to emerge.

One of the icons of American cinema in the 20th century was John Wayne. John Wayne was once interviewed about his political views by, of all things, Playboy magazine. This is the sort of level of culture we’re dealing with. They said, “What are your political views?” and Wayne said, “Well, I’m a white supremacist.” And there was utter silence when he said this! He was a member of the John Birch Society at the time. Whether or not he gave money to the Klan no one really knows.

There’s always been a dissident strand in Hollywood, going back to Errol Flynn and before, of people who, if you like, started, even at the level of fantasy, living out some of these heroic parts in their own lives. Wayne quite clearly blurred the distinction between fantasy on the film set and in real life on many occasions. There are many famous incidents of Wayne, when robberies were going on, rushing out of hotels with guns in hand saying, “Stick’em up!” He was always playing that part, because every part’s John Wayne isn’t it, slightly differently? Except for a few comedy pieces. And he played that part again and again and again.

Alamo_1960_poster.jpgDon’t forget, The Alamo is now a politically incorrect film. Very politically incorrect. There’s an enormous women’s organization in Texas called the Daughters of the Alamo, and they had to change their name because the White Supremacist celebration of the Alamo was offensive to Latinos who are, or who will be very shortly, a Texan majority don’t forget. So, the sands are shifting in relation to what is permitted even within popular forms of culture.

When Wayne said he was a supremacist in that way he said, “I have nothing against other people, but we shouldn’t hand the country over to them.” That’s what he said. “We shouldn’t hand the country over to them.”

And don’t forget, I was born in ’62. Obama in many of the deep Southern states wouldn’t have had the vote then. Now he’s President. This is how the West is changing on all fronts and on every front. American Whites will certainly be in the minority throughout the federation in 40 or 50 years. Certainly. Indeed, Clinton (the male Clinton, the male of the species) once justified political correctness by saying, “Well, in 50 years we’ll be the minority. We’ll need political correctness to fight that game.”

The creator of Tintin, Hergé, always said that his dreams and his nightmares were in white. But we know that the politically correct games of the future will be Whites putting their hands up in the air complaining because somebody’s made a remark, complaining because they haven’t got a quota, complaining because this form is biased against them, and this sort of thing. They’ll be playing the game that minorities in the West play at the moment, because that’s all that’s left to them. You give them a slice of the ghetto, you predefine the culture (mass, middling, and elite), in the past but not into the future, elements of the culture which are too much reverent of your past don’t serve for the future and are therefore dammed off and not permitted. This is what, in a sense, White people face in America and elsewhere.

One of the great mysteries of the United States that has produced an enormous amount of this mass culture, some of which I have been at times rather glibly describing, is why has there never been a mass serious Right-wing movement of the real Right in the United States. The whole history of the 20th century and before would be different if that had occurred. Just think of it. Not some sort of trivial group, but a genuine group.

Don’t forget, the real position of the American ultras is isolationism. They don’t want to go out into the rest of the world and impose American neo-colonialism on everyone else. They’re the descendants of people who left the European dominion in order to create a new world. Hence, the paradox that the further Right you go in the United States, the more, not pacifist, but non-interventionist you become.

Before the Confederacy, there was a movement called the Know Nothings, and this is often why very Right-wing people in the United States are described as Know Nothings. Because when you’re asked about slavery, which of course is a very loaded and partial question, you said, “Well, I don’t know anything about it.” And that was a deliberate tactic to avoid being sucked in to an abolitionist agenda or a way of speaking that was biased in the political correctness of its own era.

But it is remarkable that although the Confederacy didn’t have the strength to win, if they had won the history of the whole world would be different. The 20th century would have never taken the course that it did.

One of the interesting things about the American psyche, of course, is that many unfortunate incidents, the war that we fought with the United States in 1812, for example, have been completely elided from history. It’s gone! It’s gone! We almost went to war with them in 1896 over Venezuela. That still has slightly interesting intonations even now a century or more on when Joseph Chamberlain was Colonial Secretary. This is again [elided] rather like the Suez incident 1956. There are certain incidents that are played up. And there are anniversaries that are every day on the television, and that you can’t escape from. But there are other anniversaries and other events which have been completely air-brushed from the spectrum and from the historical continuum as if they never occurred.

One episode is the extraordinarily bad treatment of prisoners of war by Americans going way, way back. The Confederates and the Unionists treated each other that way in the Civil War, but the Mexicans certainly got the boot in the 1840s as did the Spanish-Cubans at the turn of the 20th century. Americans beat up every German on principle, including members of Adenauer’s future cabinet when they occupied part of Germany. They just regard that as de rigeur. This frontier element that is there, crude and virile and ferocious, not always wrong, but ultimately fighting in ways which are not in the West’s interests, certainly for much of the 20th century, just gone, is part and parcel of the heroic American sense of themselves.

Where do all of these archetypes ultimately come from? That American popular culture which has gone universal because the deal is that what America thinks today, the world thinks tomorrow. When we allegedly ruled the world, or part of it, in the 19th century, Gladstone once stood in Manchester in the Free Trade Hall and said, “What Manchester thinks today, the world thinks tomorrow.” But now it’s what’s on MTV or CNN today, that the world would like to think is the ruling discourse of tomorrow.

American self-conceptuality is, to my mind, deeply, deeply Protestant in every sense. Even at the lowest level of their popular culture the idea of the heroic man, often a dissident police officer or a rancher or a hero of certain supernatural powers and so forth, but a man alone, a man outside the system, a man whose anti-Establishment, but he fights for order, a man who believes that everything’s settled with a weapon (which is why they always carry large numbers of weapons, these sort of survivalist type heroes). All of these heroes, the ones created by Robert E. Howard, the ones such as Doc Savage and Justice Inc., the Shadow, and all of the super-heroes like Batman.

Superman is interesting. Superman is Nietzschean ideas reduced to a thousand levels of sub-intellectuality, isn’t it? That’s what’s going on. He has a girlfriend who never ages called Lois Lane, who looks 22 now even though she’s about 88 in the trajectory of the script. There’s a villain who’s bald called Lex Luthor who’s always there, always the nemesis, always plotting. Luthor’s reinvented later in the strip as a politician who takes over the city. Superman’s clean and wholesome, you see, whereas the villain becomes a politician. You can see the sort of rhetoric.

luthor-1.jpgLuthor and Superman in the stories are outsiders. They’re both extraterrestrials. Luthor, however, has anti-humanist values, which means he’s “evil,” whereas Superman, who’s partly human, has “humanist” values. Luthor comes up with amazing things, particularly in the 1930s comics, which are quite interesting, particularly given the ethnicity of the people who created Superman. Now, about half of American comics are very similar to the film industry, and a similar ethnicity is in the film industry as in the comics industry. Part of the notions of what is right and what is wrong, what is American and what is not, is defined by that particular grid.

Luthor’s an anti-humanite. Luthor always has these thuggish villains who have several teeth missing and are sort of Lombrosian, and they’re ugly, have broken noses and slanted hats. This is the 1930s. And Luthor says, “I’m sick of the human. We’ve got to transcend the human.” They don’t have words like “transcend” in comics. They say, “go beyond” or something, you know. “We’ve got to go beyond the human. Humans have got to go! I’ve got to replace them with a new species.” And one of his thugs will say, “Way to go, Luthor! This is what we want!” If you notice, you have a comic called Superman, but Superman has liberal values and fights for democracy and the American way, and Luthor, although no one ever says he’s “fascistic,” is harsh, is elitist, is inegalitarian.

You know that the villains have a tendency to punish their own men? You remember Blofeld in the Bond films? One of his own minions will fail him, and he’ll sit in a chair and you know what’s going to happen. A hand strokes the cat with the diamonds around its neck. The villain likes cats, and the cat’s eyes stare on. The finger quivers over the button. And Blofeld, or Luthor, or Dr. Doom, or the Red Skull, or the Joker, or whoever it is, because it’s the same force really, says, “You failed me. There is only one punishment in this organization . . .” Click! The button goes, and there’s an explosion, the bloke screams, goes down in the chair.

There’s a great scene in Thunderball at the beginning where the chair comes up again. It’s empty and steaming, and all the other cronies are readjusting their ties. Blofeld’s sat there, and the camera always pans to his hands, the hands of power. You know, the hands of death, the hands of Zeus, the hands of Henry VIII. The closet would meet, and they’d all be disarmed by guards, but he would have a double-headed axe down by the chair.

It’s said, by American propaganda, that Saddam Hussein once shot his Minister of Health during a revolutionary command council meeting, and the same script had to be continued in the meeting by the Deputy Minister of Health. Just think of how the Deputy Minister felt! Let’s hope he wasn’t wearing gray flannels, because they might have been brown by the end of the cabinet session.

This idea of dualism, moral dualism (ultimately a deeply Christian idea in many ways as well as a Zoroastrian idea) is cardinal for the morality of these comics and the popular films and TV serials and all the internet spin-offs and all of these computer games. Because even when the hero is a woman like Lara Croft and so on, it’s the same methodology coming round and round again. Because adolescent boys want to look at somebody who looks like Lara Croft as she runs around with guns in both hands with virtually nothing on. That’s the sort of dissident archetype in these American pulps going back a long way. It’s just the feminization of heroic masculinity actually, which is what these sort of Valkyries are in popular terms.

Now, the dualist idea is that there’s a force for evil and a force for good, and we know who they are (they are the ones out there!). In The Hulk, the Hulk is green because he’s been affected by gamma rays. The Hulk alternates with a brilliant scientist, but when he’s in his monstrous incarnation—because of course it’s a simplification of Dr. Jekyll and Mr. Hyde in Robert Louis Stevenson’s myth—the Hulk, particularly early on in the comics, is incredibly stupid. If he saw this table in front of him he’d say, “Table. Don’t like table.” And he’d smash it, because Hulk smashes. That’s what he does! He smashes!

The villain in The Hulk is called the Leader. The Leader is the villain. The Leader is all brain. Indeed, the Leader has such a long head that he’s almost in danger of falling over because of the size of his brain. So, like children have to wear a steel brace on their teeth, the Leader wears a steel brace on his head because he’s “too bright.” So, the Leader—notice the Leader is a slightly proto-fascistic, Right-wing, elitist figure, isn’t he? The man who wants to dominate through his mind—is counter-posed by just brute force: the Hulk!

This idea that there’s a force for good and a force for evil and the one always supplants the other, but the one can never defeat the other, because the Leader in The Hulk, the Owl in Daredevil, the Joker in Batman, Dr. Doom in The Fantastic Four, Dr. Octopus and the Green Goblin (another green one) in Spiderman . . . They’re never destroyed. If one of them is destroyed, their son finds their mask in a trunk and puts it on and knows that he wants to dominate the world! And comes back again. They can never be destroyed because they’re archetypes.

The comics hint at a sort of pagan non-dualism partly because they insist upon this good and evil trajectory so much. That’s in some ways when they become quite morally complicated and quite dangerous.

In Greek tragedy, a moral system exists, and it’s preordained that you have a fate partly in your own hands even though it’s decided by the gods. In The Oresteia by Aeschylus, you have a tragedy in a family (cannibalism, destruction, self-devouring) which is revenged and passed through into future generations. So that the Greek fleet can get to Troy, a girl is sacrificed. Clytemnestra avenges herself as a Medusa, as a gorgon against her husband who has killed her own daughter. Then, of course, there’s a cycle of revenge and pity and the absence of pity when the son, Orestes, who identifies with the father, comes back.

In this type of culture, and obviously a much higher level conceptually, it’s noticeable that the good character and the evil character align, are differentiated, merging, replace one another, and separate over the three plays in that particular trilogy.

If you look at real life and you consider any conflict between men, Northern Ireland in the 1970s (we’re British here and many people here are British nationalists). But if you notice the IRA guerrilla/terrorist/paramilitary, the Loyalist guerilla/terrorist/paramilitary . . . One of my grandfathers was in the Ulster Volunteer Force at the beginning of the 20th century, but I went to a Catholic school.

Nietzsche has a concept called perspectivism whereby certain sides choose you in life, certain things are prior ordained. When the U.S. Marine fights the Islamist radical in Fallujah, the iconography of an American comic begins to collapse, because which is the good one and which is the evil one? The average Middle American as he sat reading Captain America zapping the channels thinks that the Marine is the good one, with a sort of 30-second attention span.

But at the same time, the Marine isn’t an incarnation of evil. He’s a man fighting for what he’s been told to fight for. He’s a warrior. There’re flies in his eyes. He’s covered in sweat. He’s gonna kill someone who opposes him. But the radical on the other side is the same, and he sees that he’s fighting for his people and the destiny of his faith. And when warriors fight each other, often there’s little hatred left afterwards, because it’s expended in the extraordinary ferocity of the moment.

This is when this type of mass culture, amusing and interesting and entertaining though it is, begins to fall away. Because whenever we’ve gone to war, and we’ve gone to war quite a lot over the last 10 to 12 years. Blair’s wars: Kosovo. There’s the bombing of the Serbs. Milošević is depicted as evil! Remember those slogans in the sun? Bomb Milošević’s bed! Bomb his bed! Bomb his house! And this sort of thing. Saddam! We’re gonna string him up! The man’s a war criminal! The fact he’d been a client to the West for years didn’t seem to come into it. Hanged. Showed extreme bravery in a way, even though if you weren’t a Sunni in Iraq, definitely, he wasn’t exactly your man.

There’s a degree to which the extraordinary demonization of the Other works. That’s why it’s used. The British National Party won two seats in that election but there was a campaign against it for 12 to 15 days before in almost every item of media irrespective of ideological profile saying, “Don’t vote for these people!” to get rid of the softer protest votes and you’re only left with the hard core. That’s why that type of ideology is used. Maybe humans are hardwired to see absolute malevolence as on the other side, when in actual fact it’s just a person who may or may not be fighting against them.

But what this type of mass or popular culture does is it retains the instinct of the heroic: to transcend, to fight, to struggle, to not know fear, to if one has fear to overcome it in the moment, to be part of the group but retain individual consciousness within it, to be male, to be biologically defined, to not be frightened of death, whatever religious or spiritual views and values that one incarnates in order to face that. These are, in a crude way, what these forms are suggesting. Morality is often instinctual, as is largely true with humans.

I knew somebody who fought in Korea. When they were captured, the Koreans debated amongst themselves whether they should kill all the prisoners. There were savage disputes between men. This always happens in war.

I remember, as I near the close of this speech, that one of Sir Oswald Mosley’s sons wrote a very interesting book both about his father and about his experiences in the Second World War. This is Nicholas Mosley, the novelist and biographer. He was in a parachute regiment, and there’s two stories that impinge upon the nature of the heroic that often appears in popular forms and which I’ll close with.

One is when he was with his other members. He was with his other parachutists, and they were in a room. There was The Daily Mirror, still going, the organ of Left-wing hate which is The Daily Mirror, and on the front it said, “Oswald Mosley: The Most Hated Man in Britain.” The most hated man in Britain. And a chap looked up from his desk and looked at Mosley who was leading a fighting brigade and said, “Mosley, you’re not related to this bastard, are you?” And he said, “I’m one of his sons.” And there was total silence in the room. Total silence in the room, and they stared each other out, and the bloke’s hands gripped The Mirror, and all the other paratroopers were looking at this incident. And after about four minutes it broke and the other one tore up The Mirror and put it in a bin at the back of the desk and said, “Sorry, mate. Didn’t mean anything. Really.” Mosley said, “Well, that’s alright then, old chap.” And left.

The other story is very, very interesting. This was they were advancing through France, and the Germans are falling back. And I believe I’ve told this story before at one of these meetings, but never waste a good story. A senior officer comes down the track and says, “Mosley! Mosley, you’re taking too many prisoners. You’re taking too many prisoners. It’s slowing the advance. Do you understand what I’m saying, Mosley?” And he said, “Sir, yes, I totally understand what you’re saying.” He says, “Do you really understand what I’m saying? You’re slowing the advance. Everyone’s noticing it. Do something about it. Do you understand?” “Sir!”

And he’s off, I guess to another spot of business further down. Mosley turns to his Welsh sergeant-major and says, “What do you think about that? We’re taking too many prisoners.” Because what the officer has told him in a very English and a very British way is to shoot German soldiers and to shoot German prisoners and to shoot them in ditches. What else does it mean? “You’re slowing the advance! You’re taking too many prisoners! You’re not soft on these people, are you, Mosley? Speed the advance of your column!” That’s what he’s saying, but it’s not written down. It’s not given as a formal and codified order. But everyone shoots prisoners in war! It’s a fact! When your friend’s had his head blown off next to you, you’d want revenge!

I know people who fought in the Falklands. And some of the Argentinian Special Forces and some of the conscripts together used dum-dum bullets. Hits a man, his spine explodes. So, when certain conscripts were found by British troops they finished them pretty quickly at Goose Green and elsewhere. This will occur! In all wars! Amongst all men! Of all races and of all kinds! Because it’s part of the fury that battle involves.

One of my views is that is that we can’t as a species, or even as groups, really face the fact that in situations of extremity this is what we’re like. And this is why, in some ways, we create for our entertainment these striated forms of heroic culture where there’s absolutely good and absolutely malevolent and the two never cross over. When the Joker is dragged off, justice is done and Inspector Gordon rings Batman up (because it is he) and says, “Well done! You’ve cleansed the city of a menace.” All of the villains go to an asylum called Arkham Asylum. They’re all taken to an asylum where they jibber insanely and wait for revenge against the nature of society.

I personally think that a great shadow has been cast for 60 years on people who want to manifest the most radical forms of political identity that relate to their own group, their own inheritance, their own nationality, their own civilizational construct in relation to that nationality, the spiritual systems from the past and in the present and into the future that are germane to them and not necessarily to the others, to their own racial and biological configuration. No other tendency of opinion is more demonized in the entire West. No other tendency of opinion is under pressure.

Two things can’t be integrated into the situationist spectacle based upon the right to shop. They’re religious fundamentalism and the radical Right, and they’re tied together in various ways. It’s why the two out-groups in Western society are radical Right-wing militants and Islamists. They’re the two groups that are Other, that are totally outside. The way in which they’re viewed by The Mirror and others is almost the level of a Marvel Comics villain.

I seem to remember a picture from the Sunday Telegraph years ago of our second speaker [David Irving], and I’m quite sure that it’d been re-tinted, at least this is my visual memory of it, to appear darker, to appear more sinister. I remember once GQ did a photo of me years ago when I was in a group called Revolutionary Conservative. That photo was taken in Parliament Square. You know, the square that has Churchill and Mandela in it, that square near our parliament, with Oliver Cromwell over there hiding, [unintelligible] over there hiding further on. That photo was taken at 12:30, and it was a brighter day than this. But in GQ magazine it was darkened to make it look as though it was shot at nine o’clock, and everything was dark, and because it involved so much re-tinting it slightly distorted and reconfigured everything. That’s because these people are dark, you see! They’re the force from outside! They’re that which shouldn’t be permitted!

Whereas I believe that the force which is for light and the force which is for darkness (because I’m a pagan) can come together and used creatively and based upon identity and can lead on to new vistas. But that’s a rather dangerous notion, and you won’t find it in The Fantastic Four when Reed Richards and Dr. Doom do battle, and you won’t find it in Spiderman when Peter Parker and Dr. Octopus (Dr. Otto Octavius) do battle with one another. You won’t see it when the Aryan Captain America is taking on his National Socialist nemesis, the Red Skull. You won’t see it with the Hulk taking on the Leader. You won’t see it in any of these forms. But these forms have a real use, and that is that they build courage.

Nietzsche says at the end of Zarathrustra that there are two things you need in this life. You need courage and knowledge. That’s why Zarathrustra has two friends. He has an eagle, which stands for courage, and he has a snake, which stands for knowledge. And if you can combine those things, and synthesize them, you have a new type of man and a new type of future. And Nietzsche chose the great Persian sage as the explicator of his particular truth, because in the past he represented extreme dualism, but in the future Nietzsche wished to portray that he brought those dualities together and combined them as one heroic force.

Thank you very much! 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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dimanche, 12 février 2012

"Tintin au Congo" ne sera pas interdit

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"Tintin au Congo" ne sera pas interdit

BRUXELLES (NOVOpress) – La justice belge vient de refuser d’interdire la commercialisation de la bande dessinée « Tintin au Congo ». Les exigences de Mbutu Mondondo, un ressortissant congolais, et du Conseil représentatif des associations noires (Cran), ont été déclarées non fondées. Le tribunal a estimé que l’éditeur Casterman, et Moulinsart, la société ayant les droits commerciaux de l’œuvre d’Hergé autres que les droits d’édition, ne s’étaient pas rendus coupables d’infraction à loi de 1981 visant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie.

Selon Mbutu Mondondo, « Tintin au Congo » est une « BD raciste, qui fait l’apologie de la colonisation et de la supériorité de la race blanche sur la race noire ». Pour Alain Berenboom, représentant de Casterman et de Moulinsart, cette œuvre n’est « pas du racisme mais du paternalisme gentil ». « Tintin au Congo » reste aujourd’hui l’un des albums de la série les plus vendus au monde. Il continuera donc à enthousiasmer petits et grands, à la grande fureur des tenants du politiquement correct.

http://fr.novopress.info/107927/tintin-au-congo-ne-sera-pas-interdit/

lundi, 21 novembre 2011

Un affront fait à Hergé!

Un affront fait à Hergé

Lu dans “La Tribune de Genève”, le 3 novembre 2011:

TINTIN-affiche-film-spielberg.jpg“Neuchâtel, 26 octobre.

A propos des aventures de Tintin au cinéma

Ce Tintin version Hollywood contredit la technique de la ligne claire des albums. On est bien loin de la bande dessinée. Tintin, Haddock, les Dupond/t n’ont aucune ressemblance avec les personnages originaux. C’est un affront à Hergé. Ce Tintin, c’est une version à l’américaine, faite par un Américain, ça n’a rien à voir avec des bandes dessinées. C’est une question d’argent pour Spielberg, un point c’est tout! Pauvre Tintin”.

Michel Roy.

dimanche, 24 octobre 2010

Hergé (1907-1983) et la tradition utopique européenne

Hergé (1907-1983) et la tradition utopique européenne

 
Par Daniel Cologne  
 
 

HergéGeorges Remi (devenu Hergé par inversion des initiales) est né à Etterbeek (Bruxelles) le 22 mai 1907 à 7h30. Il aimait à rappeler cette naissance sous le signe des Gémeaux (1). Peut-être explique-t-elle la récurrence du thème de la gémellité dans ses albums (les DupontDupond, les frères Halambique, etc.).

 

Il est également vrai que son père avait un frère jumeau. L’horoscope serait-il sans importance ? Rien n’est moins sûr. Remarquons-y la culmination exacte de Saturne (conjoint au Milieu du Ciel à 25°38’ des Poissons), statistiquement en relation avec un grand intérêt pour les savants et la science lato sensu (2).

Hergé grandit et évolue dans un milieu catholique, belgicain, fascisant et colonialiste. Tintin au Congo exalte la politique paternaliste de la Belgique en Afrique centrale. Les albums situés « au pays des soviets » et en Amérique renvoient dos à dos le communisme totalitaire et la frénésie capitaliste de l’exploitation industrielle.

Mais dès 1934, Hergé élargit sa perspective tandis que Tintin fait route vers l’Orient.

Dans Les Cigares du Pharaon, le professeur Philémon Siclone inaugure la galerie des portraits d’hommes de connaissance. Ceux-ci sont égyptologue, sigillographe (Halambique dans Le Sceptre d’Ottokar), ethnologue (Ridgewell dans L’Oreille cassée), psychiatre (Fan Se Yeng dans Le Lotus bleu), physicien (Topolino dans L’Affaire Tournesol). Quant à Tournesol lui-même, qui devient un personnage récurrent à partir du Trésor de Rackham le Rouge, il s’intéresse autant à la culture des roses (Les Bijoux de la Castafiore) qu’aux techniques de falsification de l’essence (Tintin au pays de l’or noir).

L’Île Noire envoie Tintin au large des côtes écossaises. Dans un château en ruines sévit une bande de faux-monnayeurs. La succession de symboles est évidente. Cet album de 1937 offre la contrefaçon de l’utopie insulaire, vieux thème de la littérature européenne de l’Atlantide platonicienne à sa version modernisée de Francis Bacon (1561-1626), de « l’île blanche » des Hyperboréens à la Cité du Soleil de Tommaso Campanella (1568-1639).

Au Moyen Âge, dans les récits du cycle du Graal, le château se substitue à l’île comme lieu utopique et objet de la quête.

Les premiers dessins d’Hergé paraissent dans le quotidien bruxellois Vingtième Siècle dirigé par l’abbé Wallez. Mais en 1936, l’hebdomadaire parisien Cœurs Vaillants sollicite Hergé pour la création de nouveaux personnages : Jo, Zette et leur petit singe Jocko.

Dans ces nouvelles aventures se confirment à la fois les influences de la tradition utopique européenne, les préfigurations thématiques des chefs d’œuvre futurs et la volonté d’Hergé d’en finir au préalable avec les contrefaçons.

Jo et Zette sont confrontés à des pirates qui annoncent les flibustiers du Secret de la Licorne et dont le repaire sous-marin renvoie aux motifs de l’utopie et de la contre-utopie souterraines. Le chef des pirates est un savant fou, reflet inversé du scientifique inspirant au saturnien Hergé un indéfectible respect. Les deux enfants et leur singe sont finalement recueillis sur une île par de « bons sauvages », réminiscences de Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814). Le jeune Hergé n’est-il pas aussi l’auteur d’un Popol et Virginie chez les Lapinos, bande dessinée animalière dont le titre rappelle l’œuvre maîtresse du célèbre écrivain préromantique ?

La question des sources littéraires d’Hergé demeure controversée. Benoît Peeters estime par exemple excessifs les rapprochements qui ont été faits entre Jules Verne et Hergé.

Il n’en reste pas moins que le savant fou de la contre-utopie du fond des mers mène ses expériences dans sa cité-laboratoire à la manière de Mathias Sandorf dans son île utopique.

Dès 1942, au cœur du « combat de la couleur » (3), Hergé reçoit l’assistance d’Edgar-Pierre Jacobs pour le coloriage de ses albums antérieurs conçus en noir et blanc.

Lorsque Tintin devient un hebdomadaire en 1946, la collaboration de Jacobs s’avère précieuse. Les aventures de Blake et Mortimer reprennent le thème du savant fou (Septimus dans La Marque jaune), parfois récurrent (Miloch dans S.O.S. Météores et Le Piège Diabolique), le tandem Septimus-Miloch s’opposant par ailleurs au savant idéal que constitue le professeur Mortimer.

Parmi les autres collaborateurs du journal Tintin d’après-guerre, Raymond Macherot combine la bande dessinée animalière et l’utopie. Dans Les Croquillards, Chlorophylle et son ami Minimum parviennent à dos de cigogne dans l’île australe de Coquefredouille, où les animaux parlent comme les humains, circulent dans des voitures qui fonctionnent à l’alcool de menthe et sont organisés en une société idéale jusqu’à l’arrivée d’Anthracite, le rat noir perturbateur.

Chlorophylle et Minimum forment un couple inséparable, comme Tintin et le capitaine Haddock à partir du Crabe aux pinces d’or (1941). Chlorophylle rétablit le roi Mitron sur son trône de Coquefredouille de la même façon que Tintin restaure la monarchie syldave dans Le Sceptre d’Ottokar (1938).

La Syldavie est la principale utopie d’Hergé. Avant la guerre, elle n’est encore qu’un petit royaume d’Europe centrale reposant sur des traditions agricoles et menacée par des conspirateurs au service de la Bordurie voisine. L’Allemagne hitlérienne vient d’annexer l’Autriche. Comme pour la guerre entre le Paraguay et la Bolivie (devenus San Theodoros et Nuevo Rico dans L’Oreille cassée), Hergé s’inspire de l’actualité.

Trop perméable à « l’air du temps », Hergé se rend coupable de quelques dérapages dans L’Étoile mystérieuse (1942). Cet album nous interpelle surtout parce qu’il narre une sorte de navigation initiatique (4), à la manière du mythe grec de Jason et des Argonautes, vers une forme d’« île au trésor » (5). L’aérolithe qui s’abîme dans les flots arctiques recèle un métal inconnu sur Terre. Ce métal est la « Toison d’Or » découverte par Tintin, Haddock et leurs amis savants européens au terme d’une course qui les oppose à des Américains sans scrupules.

Onzième album dans une série de vingt-deux, en position centrale dans le corpus hergéen des aventures de Tintin, Le Trésor de Rackham le Rouge synthétise les thèmes utopiques de l’île, du château et du souterrain. Conçu en 1944, cet album met en scène une navigation infructueuse vers une île lointaine et la découverte finale du trésor dans la crypte du château de Moulinsart, et très précisément dans une mappemonde surmontée d’une statue de l’apôtre Jean. L’Apocalypse de Jean comporte vingt-deux chapitres. Cette apparente influence ésotérique sur Hergé est-elle due à la fréquentation de Jacques Van Melkebeke, initié à la Franc-Maçonnerie en 1937 ? Benoît Peeters en paraît convaincu (6).

Une chose est certaine : l’incontestable érudition littéraire de Van Melkebeke autorise à reposer le problème des sources d’Hergé, sur lesquelles le créateur de Tintin a peut-être été trop modeste (7).

Si l’île et le château sont deux thèmes majeurs de la tradition utopique européenne, l’un apparaît en filigrane de l’autre dans Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier (1886-1914), dont aucun biographe d’Hergé ne signale l’influence. Le château des Galais est l’objet de la quête de Meaulnes. Le récit est criblé d’images marines. Alain-Fournier rêvait de devenir navigateur et a raté le concours d’admission à l’École Navale de Brest. La casquette à ancre de Frantz de Galais fait penser à celle du capitaine Haddock.

C’est avec des métaphores marines que Charles Péguy (1873-1914) présente sa région de la Beauce à Notre-Dame de Chartres, illustre vaisseau de l’architecture gothique. Péguy est un ami d’Alain-Fournier, originaire de Sologne, de l’autre côté de la Loire. Péguy est le chantre de la « cité harmonieuse » dont « personne ne doit être exclu ». Péguy est l’écrivain de référence des milieux catholiques des années vingt. L’ambiance intellectuelle où baigne le jeune Georges Remi et certains leitmotive de l’œuvre d’Hergé invitent à l’hypothèse d’une influence de Péguy et d’Alain-Fournier (8) sur le créateur de Tintin.

L’utopie souterraine apparaît dans la littérature européenne au XVIIe siècle avec l’Anglaise Margaret Cavendish (9) et dans l’œuvre d’Hergé dans l’immédiat après-guerre avec Le Temple du Soleil.

C’est en réalité la seconde partie d’un diptyque commencé avec Les Sept Boules de cristal, où l’on retrouve, comme dans L’Étoile mystérieuse, une expédition de sept savants, dont l’américaniste Bergamotte, spécialiste ès sciences occultes de l’ancien Pérou.

Cachée dans les contreforts des montagnes andines, la cité des Incas est atteinte après la périlleuse traversée d’une forêt. Le thème de l’épreuve forestière fait écho aux romans du Graal et à certains contes de Perrault (1628-1703), comme La Belle au bois dormant, dont une version est également fournie par Grimm (1786-1859).

Certes, les Incas punissent le sacrilège de mort et leur science n’est pas, sous le crayon d’Hergé, assez évoluée pour prévoir une éclipse solaire. Néanmoins, leur cité souterraine, qui abrite un trésor dérobé aux regards rapaces des conquistadores, est une sorte d’utopie dans la mesure où l’on y cultive les valeurs chevaleresques, le respect de la parole donnée, la réconciliation et la fraternisation avec l’adversaire. Au début de l’aventure, Tintin défend un petit Indien persécuté par d’odieux colons espagnols. Le grand prêtre inca observe en cachette la scène. Il comprend que Tintin n’est pas un ennemi de sa race. Bien qu’il soit chargé de barrer à Tintin la route du repaire montagnard, il lui offre un talisman protecteur.

Selon Raymond Trousson, l’étymologie du mot « utopie » est incertaine. Le terme vient du grec. Mais la racine est-elle ou-topos (le pays de nulle part) ou bien eu-topos (l’endroit où on est bien) ? L’œuvre d’Hergé est utopique dans les deux acceptions du vocable. Le château de Moulinsart est une « eutopie ». L’île au trésor inaccessible est une « outopie », cette terra australis dont ont rêvé de nombreux écrivains d’Europe, de Thomas More (1478-1535) à Nicolas Restif de la Bretonne (1734-1806).

L’utopie souterraine est conçue par Hergé comme une cité de la science (10), cachée dans les montagnes de Syldavie. De là part l’expédition vers le satellite de la Terre dans le célèbre diptyque du début des années cinquante : Objectif Lune et On a marché sur la Lune. Ainsi modernisée, la Syldavie refait irruption dans l’univers hergéen. Un savant-traître ne peut pas être totalement mauvais. Pour permettre aux autres occupants de la fusée d’économiser l’oxygène et de revenir sur Terre vivants, Wolff se sacrifie en se jetant dans le vide. Le suicide de Wolff est une autre forme de l’hommage d’Hergé à la science et aux savants.

La Syldavie apparaît une dernière fois dans L’Affaire Tournesol (1956). Pour Hergé commence l’époque du désenchantement, du brouillage des repères, de la progressive indistinction des valeurs. Les services secrets syldaves et bordures sont renvoyés dos à dos, comme le sont, dans Tintin et les Picaros (1974), les deux généraux de San Theodoros, le vieil ami Alcazar et son rival Tapioca.

Certes, entre-temps, il y a encore Tintin au Tibet (1960), Vol 714 pour Sydney (1968), où Hergé fait une concession à la mode « ufologique » (hypothèse des visiteurs extra-terrestres) et Les Bijoux de la Castafiore (1963), où Tintin se laisse enchanter par des airs de musique tzigane et où le château utopique de Moulinsart offre une étonnante unité de lieu. Les Tziganes sont accueillis dans le domaine, car ils ne sont pas « tous des voleurs », comme l’affirment stupidement les Dupont-Dupond.

L’esprit européen d’Hergé réside dans le mélange de fascination du savoir et de culte des vertus chevaleresques. Il faut y ajouter l’ouverture à l’Autre, malgré les bavures de la période d’occupation nazie. Car une question mérite d’être posée : le malencontreux financier juif de L’Étoile mystérieuse pèse-t-il si lourd au point de contrebalancer à lui seul la défense des Peaux-Rouges chassés de leur territoire pétrolifère, le secours porté au tireur de pousse-pousse chinois, au petit Zorrino et aux Noirs esclaves de Coke en Stock, la nuance admirative qui accompagne le commentaire de Tintin devant le seppuku du « rude coquin » Mitsuhirato, le plaidoyer pour les « gens du voyage » et leurs violons nostalgiques ?

Si nous sommes avec Benoît Peeters d’« éternels fils de Tintin », c’est parce que nous sommes des Européens capables de nous laisser bercer par des chants tziganes montant des clairières proches de Moulinsart et de toutes les forêts abritant nos châteaux de rêve.

Notes

1 : Benoît Peeters, Hergé. fils de Tintin, Paris, Flammarion, collection « Grandes Biographies », 2002, p. 26.

2 : Michel Gauquelin (1920-1991), Le Dossier des influences cosmiques, Éditions J’ai lu, 1973, et Les Personnalités planétaires, Guy Trédaniel Éditeur, 1975.

3 : Benoît Peeters, op. cit., p. 199.

4 : Jacques Fontaine, Hergé chez les initiés, Dervy-Livres, 2001.

5 : Le parallélisme entre Hergé et l’Écossais Robert Louis Stevenson (1850-1894) est remarquablement étudié par Pierre-Louis Augereau dans son Tintin au pays des tarots, Le Coudray-Maconard, Éditions Cheminements, 1999.

6 : Benoît Peeters, op. cit. Van Melkebeke est cité une quarantaine de fois, du début (p. 36) à la fin (p. 439) de l’ouvrage.

7 : Pudeur et modestie sont aussi des traits « saturniens » selon les statistiques astrologiques de Gauquelin.

8 : Sur la spiritualité d’Alain-Fournier, cf. Lettre inédite d’Isabelle Rivière (sœur du romancier) à Mademoiselle Renée Bauwin (étudiante à l’Institut des Sœurs de Notre-Dame de Namur), 22 janvier 1962.

9 : Raymond Trousson, Voyages aux pays de nulle part. Histoire littéraire de la pensée utopique, Éditions de l’Université Libre de Bruxelles, 1999.

10 : On peut la rapprocher de la « Maison de Salomon » de Francis Bacon (Nova Atlantis), qui inspira la Royal Society anglaise.

Texte paru précédemment dans Europe-Maxima

Le 3 mars 2003 correspondait au vingtième anniversaire de la mort d’Hergé. 2007 verra le centenaire de sa naissance. Opportun est le moment de retracer l’itinéraire du créateur de Tintin.