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samedi, 18 juin 2022

Pour mieux comprendre les institutions iraniennes

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Pour mieux comprendre les institutions iraniennes

par Georges FELTIN-TRACOL

La tradition offre aux peuples un avenir viable. Tournons-nous aujourd’hui vers l’Iran. En 1979, les Iraniens renversent le Shah avec l’appui d’une faction de l’« État profond » yankee. La monarchie valorisait l’antique Perse et se heurtait au clergé chiite. Sa chute permet l’établissement d’une république islamique inédite. Les constitutionnalistes occidentaux expriment depuis lors leur perplexité devant des institutions qui dérogent aux classifications habituelles du droit constitutionnel occidental. Spécialiste de l’Iran, Morgan Lotz présente et commente La constitution de la République islamique d’Iran (Éditions Perspectives libres, 2021, 178 p., 23 €). Avant d’examiner plus en détail ce sujet, on ne peut que regretter que la première partie de ce livre préfacé par Arnaud Christen, c’est-à-dire l’étude historique et institutionnelle, soit parsemée de coquilles rendant la lecture difficile.

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La Constitution de 1979 fait de l’Iran « un régime curieux et intrigant ». En effet, à côté du Vatican et de la république monastique autonome du Mont-Athos, l’Iran est une théocratie constitutionnelle assise sur une incontestable légitimité populaire. Révisée en 1989, la loi fondamentale comprend un long préambule historico-politique, quatorze chapitres et cent soixante-dix-sept articles. Sa disposition interne diffère totalement des rédactions constitutionnelles occidentales. Toutefois, de nombreux articles confirment l’orientation sociale de la République islamique. Ainsi l’article 29 proclame-t-il que « la jouissance de la sécurité sociale en matière de retraite, de chômage, de vieillesse, d’incapacité de travail, d’absence de tuteur, d’indigence, d’accidents et de catastrophes, de besoins en soins sanitaires et médicaux et en surveillances médicales sous forme d’assurance ou autrement, est un droit pour tous ». L’article 30 précise que « l’État a le devoir de fournir les moyens d’éducation gratuits pour toute la nation jusqu’à la fin du cycle secondaire, et de développer les moyens pour l’enseignement supérieur à titre gratuit, afin de permettre l’autosuffisance du pays ». Quant à l’article 44, il explique que « le système économique de la République islamique d’Iran est fondé sur la base de trois secteurs : étatique, coopératif et privé, avec une programmation ordonnée et correcte ».

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Morgan Lotz rappelle bien trop brièvement le rôle de deux intellectuels dans le déclenchement de la révolution de 1979. Bien qu’assassiné en 1977, Ali Shariati mêla dans ses écrits le gauchisme occidental représenté par le Che Guevara, Jean-Paul Sartre, Frantz Fanon et Simone de Beauvoir, et l’enseignement spirituel du chiisme. Le second étudia la philosophie à la Sorbonne et à Heidelberg. Ahmad Fardid (1910 – 1994) fut un disciple de Martin Heidegger. Hostile au « Dispositif » occidental d’aliénation, cet heideggérien invente vers l’âge de trente ans le concept traduit en anglais de « Westoxication », jeu de mot entre « Occident » et « intoxication ». La révolution iranienne a ainsi des sources idéologiques fort guère politiquement correctes.

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Homme de foi et érudit reconnu, Rouhollâh Khomeyni a travaillé sur les penseurs grecs de l’Antiquité, en particulier Platon. Sa République influence l’agencement constitutionnel de l’Iran révolutionnaire. « La République islamique d’Iran, écrit l’auteur, est un système politique de type républicain mêlant les principes islamiques avec une direction présidentielle unitaire, de manière théocratique et constitutionnelle. » Morgan Lotz déplore la légèreté des commentateurs hostiles qui oublient que « la république est un système d’organisation politique dans lequel le pouvoir est exercé par des personnes nommées ou élues selon le mode de scrutin instauré. République ne signifie donc pas forcément démocratie et suffrage universel ». On est très loin de la République française hypostasiée par la clique politico-médiatique hexagonale.

Le chef de l’État iranien, par ailleurs chef des armées et, l’Iran atteignant le seuil nucléaire, pourra employer la bombe atomique, est le Guide de la Révolution islamique dont le mandat est d’une durée indéterminée. Ce religieux chiite est élu par l’Assemblée des Experts, une instance de 86 membres élus au suffrage universel direct pour huit ans. Elle surveille les actes du Guide et peut le révoquer. Pour sa part, le Guide supervise quatre pouvoirs strictement indépendants les uns des autres.

La révision de 1989 abolit la fonction de premier ministre. Ses attributions reviennent au président de la République, élu pour 4 ans renouvelable une fois. Chef du gouvernement (il préside le conseil des ministres) et de l’administration, il nomme ses vice-présidents et ses ministres qui sont tous approuvés par l’Assemblée consultative islamique. Celle-ci peut aussi voter la défiance, individuelle ou collective. L’Assemblée consultative islamique compte 270 élus pour 4 ans. Les juifs, les zoroastriens et les minorités chrétiennes assyriennes, chaldéennes et arméniennes y disposent de représentants. Cette assemblée vote les lois et le budget et peut destituer le président de la République en accord avec le Guide.

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Le président de la République islamique doit composer avec le Guide quand il pourvoit aux ministères stratégiques de la Défense et du Renseignement. Le président iranien sollicite l’avis du Chef du pouvoir judiciaire avant de désigner le ministre de la Justice. Le Chef du pouvoir judiciaire est nommé pour cinq ans par le Guide. Cette « plus haute autorité du pouvoir judiciaire (article 157) » a sous sa tutelle la Cour suprême dont il nomme le président et le procureur général. Il soumet en outre à l’Assemblée consultative islamique qui les élit six candidats pour six ans au Conseil des Gardiens de la Constitution. Les six autres membres sont six jurisconsultes religieux nommés par le Guide. Ce conseil constitutionnel interprète la constitution, approuve toutes les candidatures aux élections et participe aux séances de l’Assemblée.

Il résulte de cette répartition de la puissance publique en quatre pôles de nombreux contentieux politico-juridiques et, parfois, des blocages. Afin que le Guide ne perde pas son autorité et son prestige dans des conflits subalternes, la révision de 1989 crée le Conseil de discernement de l’Intérêt supérieur du régime. Cette institution d’une quarantaine de membres (président de la République, président de l’Assemblée, Chef du pouvoir judiciaire, Conseil des Gardiens de la Constitution, etc.) tranche les désaccords. Elle préserve de cette façon le Guide qui se consacre à l’essentiel.

On comprend mieux pourquoi l’Occident moderne déteste la République islamique d’Iran. Malgré l’embargo et les sanctions économiques, elle demeure pourtant un État souverain. Nonobstant son caractère musulman, l’exemple iranien n’inspirerait-il pas des modèles européens à venir qui dépasseront enfin la philosophie délétère des sordides « Lumières » ?    

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 37, mise en ligne le 14 juin 2022 sur Radio Méridien Zéro.

samedi, 07 mai 2022

Article 11 ou article 89 ?

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Article 11 ou article 89 ?

par Georges FELTIN-TRACOL

Plusieurs polémiques fomentées par la médiacratie ont marqué la récente campagne de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle. L’une d’elles portait sur l’intention de la candidate Marine Le Pen à recourir à l’article 11 de la Constitution afin de modifier la loi fondamentale et de consacrer la supériorité juridique de la législation française sur les traités internationaux et les tribunaux supranationaux. Immédiatement, maints juristes, universitaires et plumitifs ont lancé un procès virtuel pour viol de la Constitution, car l’article 89 aurait la prééminence sur l’article 11.

L’article 89 appartient à lui tout seul au titre XVI qui s’intitule « De la révision ». Rédigé en cinq alinéas, il énonce d’abord que « l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement ». La révision « doit être votée par les deux Assemblées en termes identiques ». Son adoption définitive peut suivre deux procédures distinctes, soit l’approbation par référendum, soit le « Parlement convoqué en Congrès » à Versailles vote la révision à « la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ».

La convocation de l’Assemblée nationale et du Sénat en Congrès se concevait à l’origine pour des révisions secondaires. Force est de constater que sur les vingt-quatre révisions depuis 1958, vingt-et-une ont été entérinées selon cette procédure. L’esprit initial de 1958 est bel et bien détourné au profit des combinaisons politiciennes. Pour preuve, la dernière révision en 2008 voulue par l’ineffable Sarközy ne passe qu’avec deux voix d’avance dont celle du socialiste Jack Lang. L’année suivante, il devient « émissaire spécial du président de la République » à Cuba et en Corée du Nord.

La réunion en Congrès représente une solution de facilité qui enjambe la souveraineté du peuple. Sa généralisation reporte dans les faits la souveraineté nationale des électeurs français vers leurs seuls représentants. On voit ici toute l’ambivalence de la Constitution de la Ve République dont le premier alinéa de l’article 3 stipule pourtant que « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Si le Congrès repousse la révision, le référendum est-il encore possible, quitte à recommencer le parcours législatif préalable ? On peut le penser, car le peuple arbitrerait le différend entre le chef de l’État et le Congrès. Le président de la République pourrait-il aussi employer dans ces circonstances l’article 11 ?

En 1958, cet article stipulait que « le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics ». Le 31 juillet 1995, suite aux demandes insistantes du président de l’Assemblée nationale Philippe Séguin, Jacques Chirac, tout juste arrivé à l’Élysée, fait réviser la Constitution. Le Congrès supprime les dispositions transitoires et la référence à la Communauté (l’ancien empire colonial français), modifie le régime de l’inviolabilité parlementaire, établit la session parlementaire ordinaire unique et étend le champ d’application du référendum prévu à l’article 11 « aux réformes relatives à la politique économique, sociale et environnementale et aux services publics ». On remarquera le caractère flou de la rédaction.

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L’usage de l’article 11 a soulevé et soulève toujours des palabres interminables entre constitutionnalistes qui baignent souvent dans le parlementarisme béat le plus rance. En 1962, Charles De Gaulle l’applique pour imposer aux parlementaires récalcitrants l’élection au suffrage universel direct du président de la République. Premier opposant à De Gaulle, le président du Sénat, le radical Gaston Monnerville, parle alors de « forfaiture ». Le Conseil constitutionnel s’interroge longuement sur la régularité du recours à cet article. Après d’âpres débats, il transmet un avis confidentiel au président qui condamne le procédé. En revanche, l’institution concède en public aux Français le soin de trancher. L’approbation populaire couvre finalement la manœuvre et fonde un précédent constitutionnel interrompu en 1969.

Cette année-là, Charles De Gaulle soumet au référendum par l’article 11 son projet de création des régions et du changement du statut du Sénat. La victoire du non entraîne sa démission immédiate. Pour lui, le chef de l’État dialogue en permanence avec le peuple français par un usage fréquent aux référendums. Premier responsable du devenir de la nation, il arbitre entre le gouvernement, le Parlement, les corps intermédiaires, les forces vives et les électeurs. Dans cette logique, un désaveu suppose le départ inévitable du président de la République. L’article 11 établit donc un mécanisme plébiscitaire qui s’inscrit dans la tradition politique bonapartiste.

Cet égard envers la volonté populaire souveraine ne peut qu’irriter les politiciens ainsi que les officines de l’« État profond » qui organisent le Système, d’où le verrouillage institutionnel qui suivra quelques décennies plus tard. Un putsch jurisprudentiel s’opère dans le cadre de la répartition complaisante du contrôle de constitutionnalité entre le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État. Le Conseil constitutionnel considère bientôt que l’article 11 ne peut pas servir à la révision de la Constitution, car il ne concerne que les projets de loi ordinaires et organiques. Quant au Conseil d’État, il s’assure que la révision ne place pas la France en contradiction avec ses engagements internationaux, vérifie que les mesures envisagées sont de niveau constitutionnel et signale qu’une disposition contreviendrait à l’esprit des institutions, porterait atteinte à leur équilibre ou méconnaîtrait une tradition républicaine constante. En 1998, ce même Conseil d'État réaffirme de manière implicite, à l'occasion d'une décision touchant à la notion de référendum, que l'article 11 ne sert pas à modifier la Constitution. On comprend mieux pourquoi, malgré la victoire du non au traité constitutionnel européen de 2005, Jacques Chirac resta à l’Élysée jusqu’à la fin de son mandat.

La limitation du champ d’application de l’article 11 amoindrit la fonction présidentielle désormais subordonnée aux nombreuses combines des députés et des sénateurs. Cette restriction jamais entérinée par une loi quelconque empêcherait par ailleurs la convocation de toute assemblée constituante demandée par Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise et l’Union populaire. Le Conseil constitutionnel  invaliderait très certainement  une loi organique invitant les électeurs à participer aux modalités constituantes. N’oublions jamais qu’en matière référendaire, le Conseil constitutionnel est consulté par le chef de l’État sur l’organisation des opérations du référendum, sur la conformité des opérations électorales, la prise en compte des réclamations contre le déroulement référendaire qui pourrait l’amener à annuler le scrutin, et à proclamer les résultats. Les populistes de droite et les wokistes islamo-gauchistes doivent prendre en considération ce blocage constitutionnel.

S’affranchir de la tutelle pesante du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État qui méprisent les libertés françaises comme on l’a vu avec les incroyables régressions liberticides pendant la crise covidienne obligerait le chef de l’État à conduire un coup d’État et à dissoudre les principales institutions, ce qui supposerait au préalable l’entière loyauté de la haute-administration, de la magistrature et des forces de l’ordre. Cette décision exceptionnelle devrait ensuite être soumise au peuple qui, en cas de rejet, provoquerait le départ immédiat en exil de son auteur. Les royalistes ont l’habitude de dire que « la République gouverne mal, mais se défend bien ». Ce bref éclairage institutionnel en est un magnifique exemple. Plutôt que de vouloir rénover la baraque, ne faudrait-il pas la laisser s’effondrer ? Attendons les fracas de l’histoire et soyons prêts à l’impensable...

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 31, mise en ligne le 3 mai 2022 sur Radio Méridien Zéro.

samedi, 25 décembre 2021

Le droit européen contre le droit national - en l'occurrence la Pologne

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Le droit européen contre le droit national - en l'occurrence la Pologne

par Jan Sergooris

Ex: Nieuwsbrief Knooppunt Delta vzw - Nr. 164 - December 2021
 
De même que la Hongrie était devenue la tête de Turc de l'UE le mois dernier, c'est maintenant au tour de la Pologne d'être torpillée comme le plus grand pécheur de l'Europe. Cette attaque frontale a été déclenchée par l'arrêt de la Cour constitutionnelle polonaise (PGH) remettant en cause la primauté automatique du droit communautaire sur le droit polonais.

Il n'est nullement dans notre intention de faire l'éloge du régime politique en Pologne. Mais, tout comme nous avons critiqué dans notre précédent bulletin d'information les reportages en Europe occidentale sur la Hongrie et sa soi-disant "loi anti-gay", les reportages des médias grand public sur la Pologne nous dérangent énormément. Pour des raisons purement idéologiques, ils utilisent sans vergogne des demi-vérités et des mensonges complets pour déformer délibérément les faits.

De quoi s'agit-il ? Dans la presse occidentale, des journalistes, des universitaires et des politiciens ont affirmé que la Cour constitutionnelle polonaise (PGH) avait jugé que la Constitution polonaise prévalait toujours sur le droit européen. Pour eux, ce n'est rien d'autre qu'une déclaration de guerre à l'Europe et à ses principes fondateurs. D'ailleurs, les gens parlent toujours de l'Europe alors qu'ils veulent en fait parler de l'UE. Mais cela n'a rien à voir avec le sujet.

Lode Goukens, chargé de cours en "Institutions européennes et mondiales" au Collège universitaire Thomas More, est l'un des rares universitaires à tenter de contrecarrer le parti pris idéologique de la presse politiquement correcte en laissant les faits parler d'eux-mêmes. Il souligne qu'en réalité, le PGH n'indique nulle part que le droit polonais prime de toute façon sur le droit européen. Le PGH a seulement jugé que certains des traités européens n'étaient pas compatibles avec la Constitution polonaise dans certains domaines. Le droit communautaire ne peut primer sur le droit national que si l'UE reste dans les limites des pouvoirs qui lui sont accordés par les États membres. Si l'UE dépasse ces limites, le droit communautaire ne pourra jamais primer sur le droit national. Toujours selon Boudewijn Bouckaert, la Pologne reconnaît explicitement la supériorité du droit européen, mais uniquement lorsqu'il s'agit de compétences qui ont été explicitement transférées dans les traités de l'UE. Il souligne que l'Europe n'est pas un État ou un super-État, mais une organisation conventionnelle dotée de pouvoirs importants mais limités ( !).

Dans les interviews qui ont suivi la décision polonaise, les politiciens, les universitaires et les journalistes d'Europe occidentale se sont évertués à faire comprendre que le droit de priorité de l'UE sur le droit national est une loi de la moyenne. Mais sur quoi se base-t-elle ? Revenons donc à l'histoire récente.

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Dans son livre "Slow Democracy", David Dzjaïz décrit comment la justice sous l'égide de l'UE a clairement déraillé. En droit international classique, un traité européen signé par un État national ne s'appliquait pas encore directement aux citoyens de ce pays. Pour ce faire, l'État devait d'abord transposer le traité dans la législation nationale, c'est-à-dire en pilotant une loi par le parlement. Mais en 1963, la Cour de justice de l'UE (CJUE), dans son arrêt Van Gend & Loos, est allée à l'encontre de la jurisprudence internationale en déclarant que les traités européens sont directement applicables aux citoyens (1). Un an plus tard, la CJUE est allée plus loin avec l'arrêt Costa/Enel (2). Dans cette affaire, la Cour européenne a jugé que, dorénavant, toutes les dispositions juridiques européennes priment sur les législations nationales, y compris les constitutions. Une loi nationale qui ne serait pas conforme au droit européen pourrait être ignorée. Les traités européens sont ainsi devenus une sorte de constitution imposée à toutes les démocraties nationales, qui a primé même sur leurs lois suprêmes, alors que tous les textes fondamentaux de la démocratie affirment que la souveraineté appartient en dernier ressort à la nation. 

Retour en Pologne. Selon le professeur Marc De Vos (Itinera), la révolution de palais polonaise touche une corde sensible dans la construction de l'Union européenne. "L'Union est le résultat final des traités que les pays européens ont conclus par vagues depuis les années 1950. Avec chaque traité, les pays contractants cèdent une partie de leur souveraineté à Bruxelles. Peu à peu, l'Union elle-même a acquis les éléments constitutifs d'un État constitutionnel : un parlement élu, une Commission européenne désignée comme gouvernement de facto, une cour européenne à Luxembourg. L'Union européenne est un État proto-fédéral. Il manque toutefois une chose : un choix clair, inscrit dans les traités constitutionnels de l'Union, concernant la relation hiérarchique entre l'Union et les États membres. Au début de l'unification européenne, il n'y avait pas de consensus politique sur ce point, peut-être même pas de compréhension politique. La Cour de Luxembourg a existé. Dès 1964, la Cour a jugé que le droit européen devait automatiquement primer sur le droit national (supra, Jan S). Toute l'architecture de l'Europe est fondée sur ce principe de primauté. La caractéristique des États fédéraux est que la constitution fédérale régit les relations entre l'État fédéral et les États fédérés et prévoit un mécanisme de règlement des conflits. Dans l'Union européenne, il n'y a jamais eu d'accord. Les États membres n'ont pas eu à modifier leurs constitutions" (Knack 27/7/2021).

Le principe de la primauté du "droit européen" sur le "droit national" n'était pas inscrit dans le traité de Rome ni dans aucun des autres traités européens. Une tentative a été faite pour l'inclure dans la constitution européenne qui a échoué, mais elle n'a pas été incluse dans le traité de Lisbonne (UNHERD).

Herman Michiel affirme également que la priorité du droit européen n'a pas été décrétée par les chefs d'État ou de gouvernement après une décision démocratique des représentants du peuple ou après un référendum, mais par des juristes non élus de la Cour européenne de justice à Luxembourg. Donc pas plus que quelques juges au Luxembourg ! Il n'y a aucune mention d'un traité de souveraineté partagée dans les annales européennes... (12/5/2020 dans Ander Europa).

Le journaliste Bart Haeck confirme que la discussion a été réglée par des juges, et non par des politiciens (de Tijd 21/10/2021). Marc De Vos souligne que la Pologne n'est pas seule dans son attitude. Les deux hautes cours de France (Conseil d' État) et d' Allemagne (Bundesverfassungsgericht), deux membres respectueux des lois de l' UE, ont, ces dernières années, de plus en plus remis en question le fonctionnement de la Cour de justice... Le Royaume-Uni a quitté l'UE en partie par mécontentement face à la jurisprudence européenne incontrôlée et invérifiable qui met la souveraineté nationale sens dessus dessous.....

La Cour constitutionnelle allemande avait déjà jugé à plusieurs reprises dans des arrêts précédents que la préservation d'une véritable démocratie exige que des pouvoirs suffisants restent au niveau national et que la compétence des institutions européennes soit limitée, entre autres, par le principe de subsidiarité (ne pas faire des choses que les États membres peuvent mieux faire eux-mêmes) et le principe de proportionnalité (cela signifie que l'UE ne prend que les mesures nécessaires pour atteindre ses objectifs, et pas plus). Ces principes ont été consacrés dans les traités européens révisés (traité de Lisbonne). Matthias Storme a souligné que dans le contexte de l'achat massif d'obligations gouvernementales par la BCE, la Cour constitutionnelle allemande (le 5/5/2020) a fait une déclaration forte concernant les limites des pouvoirs transférés à l'UE. Les institutions européennes, et plus particulièrement la Banque centrale européenne et la Cour de justice, ont refusé d'entamer un dialogue avec la Cour. Et où était l'indignation des 26 autres États membres parmi les politiciens, les universitaires et dans la presse ?

Conclusion :
 
La chasse aux sorcières contre la Pologne a essentiellement peu ou rien à voir avec les principes concernant la juridiction qui prévaut. Ce n'est rien d'autre qu'un sophisme. Le véritable problème est que la Pologne et la Hongrie, en tant que leaders les plus francs des pays wisigoths, refusent de se conformer politiquement, éthiquement et religieusement aux oukases libéraux de gauche de la Commission européenne et d'autres organes non élus de l'UE. 

Les accusations portées contre les Polonais sont pleines d'hypocrisie. Par exemple, une décision de la Cour constitutionnelle polonaise visant à renforcer les règles relatives à l'avortement était entièrement conforme à l'opinion de la majorité des Polonais qui sont catholiques. Les oligarques de gauche de l'UE n'aiment pas cela.

Ce qu'ils ne veulent pas comprendre, c'est que la population des pays d'Europe de l'Est estime que l'éducation sexuelle de leurs enfants doit relever de la responsabilité des parents, et non d'une idéologie du genre promue par le gouvernement. Alors que la presse occidentale reproche aux zones interdites aux LGTBQ en Pologne d'être un symbole d'homophobie, c'est dans les capitales d'Europe occidentale que les homosexuels sont les victimes quotidiennes de la violence anti-gay, principalement de la part d'extrémistes musulmans. Mais les bien-pensants détournent ostensiblement le regard.

Une autre critique à l'encontre de la Pologne est que la nomination des juges à la Cour suprême en Pologne porte atteinte à la séparation des pouvoirs ... Quel raisonnement bizarre. Dans plusieurs pays européens également, les juges sont nommés ou désignés par des hommes politiques. En Allemagne, par exemple, cela s'applique aux plus hauts juges du Bundesverfassungsgericht. Ces nominations politiques n'ont jamais été une raison de remettre en question l'état de droit en Allemagne. Et la Cour constitutionnelle de Belgique n'est-elle pas un exemple typique d'ingérence politique : sur les 12 membres, six sont nommés parmi les (anciens) politiciens. Et dans le contexte européen, les nominations politiques sont devenues la règle. Les juges de la Cour de l'UE à Luxembourg sont nommés par les différents gouvernements des 26 États membres.

David Engels dit à juste titre que lorsque la Pologne a rejoint l'Union, elle était convaincue que ce projet reposait sur le respect partagé d'institutions sociales fondamentales telles que la famille classique, la propriété privée, l'identité nationale ou la civilisation occidentale. Cependant, les élites européennes se sont de plus en plus tournées vers des idées de gauche radicale telles que le multiculturalisme, la théorie du genre, l'idéologie LGTBQ, le mondialisme, la culture de la dette et le masochisme occidental.

Lode Goukens affirme à juste titre que la CEE, en tant que prédécesseur de l'UE, a de plus en plus glissé du statut d'organisation de libre-échange d'États souverains à celui de club dirigiste et centraliste. Nous pourrions ajouter que la haine et l'intolérance envers ceux qui pensent différemment sont devenues les ingrédients constants de leur recette idéologique.

Jan Sergooris

(1) La société néerlandaise Van Gend en Loos a été confrontée à une taxe à l'importation sur des marchandises importées d'Allemagne. Selon Van Gend en Loos, il s'agissait d'une augmentation des droits de douane interdite par le traité CEE. 

(2) L'affaire Costa Enel concernait un Italien détenant des parts dans une société d'électricité qui se sentait injustement traité par sa nationalisation.

mercredi, 03 novembre 2021

"Une vague migratoire totale" - le professeur Rupert Scholz, expert en droit constitutionnel et ancien ministre de la défense, répond aux questions de ZUERST !

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"Une vague migratoire totale" - le professeur Rupert Scholz, expert en droit constitutionnel et ancien ministre de la défense, répond aux questions de ZUERST !

Ex : https://zuerst.de/2021/11/02/totale-migrationswelle-ex-verteidigungsminister-prof-rupert-scholz-im-zuerst-interview/

Le juriste constitutionnel et ancien ministre fédéral de la Défense, le Prof. Rupert Scholz, a donné à la revue Zuerst une interview sur le désastre de l'Afghanistan et l'état de la nation.

Professeur Scholz, la situation sécuritaire en Afghanistan est fragile. Le retrait précipité a révélé de manière flagrante les défauts de conception de l'ensemble de la mission militaire. Mais le fait que le gouvernement allemand tente apparemment de rattraper son échec politique en rouvrant la frontière aux migrants afghans n'a-t-il pas un poids plus lourd encore ?

Scholz : Le retrait précipité d'Afghanistan est une véritable catastrophe dont l'Allemagne est également responsable. Il est évident que l'Afghanistan a été géré avec des attentes ou des espoirs complètement faux pour l'avenir. Le résultat est un désastre total, pour lequel 59 soldats allemands ont même dû perdre la vie. Tout cela ne peut être réparé en ouvrant les frontières au profit des Afghans. Bien sûr, il faut s'occuper des Afghans qui ont travaillé pour la Bundeswehr ou les magazines d'information des administrations allemandes en Afghanistan. Car ils sont menacés par les talibans. Mais tout cela ne peut être garanti que par le droit d'asile et son contrôle strict. L'ouverture des frontières aux Afghans sur le modèle de 2015 ne peut être envisagée à nouveau.

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Dans une interview de 2018 à Die Welt, vous déploriez déjà "que le droit d'asile soit depuis longtemps dépassé par une vague d'immigration de plusieurs centaines de milliers d'individus". Outre l'Afghanistan, la pression migratoire augmente également via la Méditerranée, les Balkans et l'Europe de l'Est. Cette "vague d'immigration" nous menace-t-elle à nouveau ?

Scholz : La vague totale de migration initiée par le gouvernement fédéral en 2015 nous a  apporté quelque deux millions de migrants, mais, en plus, elle a aussi établi des violations substantielles du droit. Cela ne doit pas se répéter. L'Allemagne est déjà le pays qui compte le plus grand nombre de migrants après les États-Unis, bien que l'Allemagne soit un pays relativement petit et en aucun cas omnipotent sur le plan économique.

L'interview accordée à Die Welt à l'époque portait également sur votre proposition de modifier l'article 16a de la Loi fondamentale sur le droit d'asile. Dans quel but ?

Scholz : L'article 16a de la Loi fondamentale, qui garantit le droit d'asile, est généralement défini à tort comme un pur droit de liberté, c'est-à-dire que l'on croit que toute personne dans le monde a le droit de se voir accorder l'asile en Allemagne. Cependant, ce n'est pas correct. Le droit d'asile est en vérité et avant tout un droit aux subsides sociaux; et les droits à ces subsides comportent également des limites de recevabilité bien définies - à commencer par la capacité à les recevoir, en passant par les problèmes d'intégration jusqu'aux conséquences financières économiques et sociales. Ceci devrait également être clarifié dans le texte actuel de l'article 16a de la Loi fondamentale.

Vous avez, par le passé, averti à plusieurs reprises que les coûts de l'immigration massive mettraient à l'épreuve la "résilience de l'État-providence". Faut-il une limite supérieure ?

Scholz : Dans le sens susmentionné, la "résilience de l'État-providence" est définitivement mise à l'épreuve. Par conséquent, il est juste de fixer une limite supérieure correspondante pour l'admission des migrants. Cela devrait aussi et surtout se faire dans le cadre européen, d'autant plus que la quasi-totalité des États membres de l'UE ne sont pas du tout d'accord avec la politique migratoire de l'Allemagne jusqu'à présent.

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Début 2020, vous avez déclaré : "La décision migratoire de l'automne 2015 était inconstitutionnelle et contraire au droit européen." De quelle manière ?

Scholz : La décision migratoire de 2015 était inconstitutionnelle car elle a été prise sans tenir compte des exigences du droit d'asile selon l'article 16a de la Loi fondamentale. Elle était également inconstitutionnelle au regard du droit européen, car les règlements de Schengen et de Dublin prévus par le droit européen n'ont pas été respectés. Surtout, les règles du protocole de Dublin ont été totalement ignorées. Bien que ce protocole stipule explicitement qu'un demandeur d'asile doit mener sa procédure d'asile dans l'État de l'UE dans lequel il arrive en premier. Tout cela a été tout simplement ignoré par le gouvernement allemand de l'époque et a été critiqué à juste titre par d'autres gouvernements européens, par exemple par le chancelier autrichien Sebastian Kurz.

Cependant, l'Afghanistan ne préoccupe pas seulement le public en ce qui concerne la politique d'immigration. Les récents événements autour de l'aéroport de Kaboul ont également montré l'importance pour l'Allemagne d'un commandement des opérations spéciales prêt au combat et expérimenté. En tant qu'ancien ministre de la défense, comment évaluez-vous la gestion actuelle du KSK (ndt: commandos spéciaux de garde-frontières/Bundesgrenzschutz) ?

Scholz : Les problèmes de l'aéroport de Kaboul ne sont qu'une illustration du désastre global de la politique afghane décrite précédemment. Ce sont précisément des situations de ce genre qui posent des défis que seules des formations de la Bundeswehr compétentes en la matière, comme le KSK, peuvent relever. Il est d'autant plus regrettable et tragique que cet aspect soit lui aussi négligé depuis des années dans la politique militaire du gouvernement allemand. Le KSK n'a pas été entraîné, soutenu et développé avec l'attention et la cohérence nécessaires. C'est plutôt le contraire qui s'est généralement produit - au point de discréditer les membres du KSK qui n'ont fait que professer un patriotisme légitime.

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Dans la Bundeswehr, le mécontentement à l'égard de la direction politique est également important. Les investissements dans les équipements, les véhicules et le personnel stagnent, l'armée vit dans l'ombre et les avions et les navires sont souvent inaptes au combat. Dans le même temps, cependant, les tâches dans les missions internationales, comme sur le flanc oriental de l'OTAN dans la Baltique ou dans la région de crise de l'Afrique de l'Ouest, augmentent. Pouvez-vous comprendre cette contradiction ?

Scholz : Il est vrai qu'il y a beaucoup de ressentiment dans la Bundeswehr à l'égard de la direction politique. Malheureusement, il est également vrai que les investissements en équipements, en formation et en personnel sont absolument nécessaires. Depuis des décennies, notre État ne s'est pas suffisamment occupé de la Bundeswehr - jusqu'à la suspension du service militaire obligatoire, qui reste difficile à justifier. Il est possible de franchir le pas vers une armée professionnelle et de renoncer au service militaire obligatoire. Cela présuppose toutefois que les réglementations transitoires nécessaires soient créées en matière de politique du personnel. Mais c'est précisément ce qui a été ignoré dès le départ lors de la suppression du service militaire obligatoire. Les missions internationales confiées à la Bundeswehr sont essentiellement justifiées, surtout sur la base de la politique d'alliance, par exemple dans les États baltes et dans la zone du Sahel. Mais dans tout cela, il manque en fait un concept stratégique de base véritablement fondamental et de plus grande portée. Pendant des décennies, l'Allemagne n'a même pas pensé à la stratégie militaire et donc à la première condition préalable à une véritable capacité de défense.

31hBkCetpfL._SX313_BO1,204,203,200_.jpgSur un autre sujet : en tant que spécialiste du droit constitutionnel, comment évaluez-vous l'arrêt très discuté de la Cour constitutionnelle fédérale sur la loi sur la protection du climat ?

Scholz : Je ne considère pas que la décision susmentionnée de la Cour constitutionnelle fédérale soit correcte dans son résultat. Aussi importante que soit la protection du climat, et aussi évidente que soit l'application de l'article 20a de la Loi fondamentale, la Cour constitutionnelle fédérale a surinterprété ou exagéré la question en ce domaine. Par conséquent, cet arrêt équivaut à une protection des droits fondamentaux déjà pour les générations futures - même avec la conséquence d'une applicabilité subjective pour les associations de protection de l'environnement d'aujourd'hui et ainsi de suite. L'article 20a de la Loi fondamentale, que j'ai formulé à l'époque en tant que président de la Commission constitutionnelle mixte du Bundestag et du Bundesrat, n'est absolument pas une disposition de droit subjectif, mais une disposition exclusivement objective de droit étatique. La Cour constitutionnelle fédérale n'en a pas suffisamment tenu compte dans cette décision. Il en va de même pour la vision de l'avenir qui est ici chargée de droits fondamentaux. La Cour constitutionnelle fédérale souligne dans toute sa jurisprudence jusqu'à présent que les décisions sur l'avenir des infrastructures en particulier, ce qui inclut la protection du climat, s'accompagnent d'un haut degré de discrétion politique de la part des organes étatiques agissant dans chaque cas et ne sont formulées normativement que dans leur ensemble. La Cour constitutionnelle fédérale n'a cessé de souligner ces principes au cours de plusieurs décennies - et à juste titre. Or, dans la décision actuelle, c'est littéralement le contraire qui se produit, ce qui - je le crains - aura un effet contre-productif au lieu de le justifier dans la politique de protection du climat de demain.

La polarisation de la politique climatique et environnementale est menée avec des mots éthiquement nobles. Y a-t-il un risque que la morale l'emporte sur le droit ?

Scholz : Ce danger existe encore et encore, et il a été intensifié par la décision susmentionnée de la Cour constitutionnelle fédérale. Dans l'ensemble de notre politique, la distinction entre la morale et le droit est toujours trop faible, et surtout lorsque nous croyons devoir soutenir une certaine exigence morale, nous l'exagérons au point qu'elle est supposée être même normativement contraignante. Cependant, il faut toujours faire la distinction entre la morale et le droit. L'État de droit démocratique exige le droit démocratique pour le droit et non pour le bénéfice des exigences morales parfois très singulières des parties intéressées individuelles.

9783428068470.jpgLa remise en cause du droit applicable dans la question de l'asile, les restrictions des droits fondamentaux dans le cadre de la pandémie Corona, les décisions de la Cour constitutionnelle fédérale à caractère politique ou moral, la perte de confiance dans la politique : l'État de droit est-il en crise ?

Scholz : L'État de droit constitutionnel est encore essentiellement intact dans notre pays. Mais les symptômes critiques s'accumulent de plus en plus ; et c'est là que des contre-mesures prudentes doivent être prises. Aucun État constitutionnel ne tombe littéralement du ciel. Tout État de droit qui fonctionne doit être entretenu, soigné et développé face aux menaces respectives. Malheureusement, cette prise de conscience fait de plus en plus défaut dans notre pays. Le résultat est une perte de confiance dans la politique. Les décisions relatives à la pandémie du coronavirus sont également problématiques à bien des égards du point de vue de l'État de droit. Ici, une primauté réglementaire de l'exécutif s'est développée, qui, à bien des égards, est également entrée et continue d'entrer en conflit avec les droits fondamentaux qui ont la priorité en vertu de l'État de droit. Cela aussi a conduit à une perte substantielle de substance de l'État constitutionnel libéral et de sa stabilité.

En particulier, les partis populaires autrefois tout-puissants, la CDU et le SPD, représentent aujourd'hui à peine 50 % de l'électorat, le nombre d'adhérents diminue et les jeunes qualifiés font défaut dans les rangs de ces partis. La notion classique de "parti du peuple"  (ndt: attribuée aux chrétiens-démocrates et aux sociaux-démocrates) est-elle un modèle abandonné ?

Scholz : Pendant des décennies, la stabilité de notre démocratie constitutionnelle a reposé sur la primauté des deux grands partis populaires, la CDU/CSU et la SPD. Leur concurrence et leur orientation vers la population dans son ensemble les ont transformés en partis populaires correspondants, la CDU/CSU dès le début et le SPD au plus tard après le programme de Godesberg. Cela a contribué de manière décisive à la stabilité et à la vitalité de notre démocratie. La compétition entre ces deux grands partis populaires était vraiment bénéfique. Toutefois, la situation a considérablement évolué entre-temps. Le nombre de partis s'est accru, des partis dissidents se sont joints à eux, ainsi que des partis situés aux confins de la droite et de la gauche.

Vous êtes vous-même membre de la CDU depuis 1983, vous avez été ministre fédéral de la défense et vous avez participé à de nombreuses fonctions et mandats pour l'Union. Ressentez-vous une douleur face à l'éviscération (Entkernung) de votre parti en termes de contenu ?

Scholz : Je suis en effet peiné par le fait que la CDU/CSU soit vidée de son contenu. J'ai dû observer ce processus pendant des années et j'ai souvent exprimé mes critiques à son égard. Mais cela a toujours été sans succès.

Avec l'accent mis sur le centre de la classe moyenne et après des années de grande coalition, une démarcation nette avec l'AfD allait de soi. Néanmoins, il existe bel et bien des accords et une coopération au niveau municipal et informel, notamment dans les nouveaux États fédéraux. L'exclusion de l'AfD est-elle viable à long terme ?

Scholz : Il y a donc, parfaitement observable, la considérable éviscération programmatique de la CDU, qui ne cesse de s'amplifier encore. Dans un tel contexte, les électeurs doivent être respectés et ne peuvent être diabolisés ou simplement déclarés extrémistes. Une telle attaque contre les électeurs est absolument antidémocratique et très dangereuse pour l'existence de notre démocratie. En ce sens, je suppose qu'une exclusion de l'AfD sera difficilement tenable sur le long terme. Du moins si l'AfD ne risque pas de se désintégrer elle-même. Certains aspects pourraient bien annoncer qu'un tel développement est possible.

Professeur Scholz, merci beaucoup pour cette interview.

jeudi, 18 janvier 2018

Patriotismo constitucional: Deconstrucción de la conciencia nacional

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Patriotismo constitucional: Deconstrucción de la conciencia nacional

Ex: http://www.katehon.com/es

El proceso separatista  catalán, con su punto álgido en el referéndum ilegal del  1 de octubre de 2017, provocó una reacción patriótica inesperada no solo en Cataluña, traducida en movilizaciones  populares en defensa de la Cataluña Hispánica y la unidad de España.


Una reacción  inesperada además, por las décadas en las que el mismo  régimen del  78 y su clase política, llenos de complejos y de una concepción ajena y beligerante contra todo planteamiento identitario – asociándolo erróneamente con el separatismo - han utilizado el denominado patriotismo constitucional como la respuesta del denominado “bloque constitucionalista” frente  al secesionismo.


Ciertamente el  régimen del  78 se encuentra  ante un fenómeno que se le puede  ir de las manos, por lo que empezó - a través de los partidos constitucionalistas (PP. Ciudadanos y PSOE) y movimientos cívicos afines a éstos-  la canalización de la reacción patriótica hacia un constitucionalismo, responsable por acción u omisión de la actual problemática territorial con los separatismos que no se circunscribe solo a Cataluña o País Vasco.
Y es que, la influencia alemana en el régimen del  78, no solo viene aplicada a la Ley fundamental de Bonn de 1949 o al asumir como propia la idea del “Estado social y democrático de derecho”, los partidos que se llevan turnando en el poder durante la Segunda Restauración, han asumido en sus idearios el concepto de patriotismo constitucional.


En el caso del PSOE era previsible por la matriz izquierdista y socialdemócrata de este concepto, pero en el caso del PP, fue asumido en una ponencia aprobada en su congreso nacional de Enero de 2002, evidenciando una vez más los complejos de la derecha española.


El constitucionalismo, entonces, tiene como base ideológica al patriotismo constitucional, un concepto surgido del “Institut für Socialforschung” (Instituto de Investigación Social), también conocido como Escuela de Frankfurt, en cual se agrupaban seguidores de Marx, Hegel y Freud.


El más conocido de sus teóricos, Jürgen Habermas, en su obra “Identidades nacionales y postnacionales” define al patriotismo constitucional de la siguiente manera:
“En este caso las identificaciones con las formas de vida y tradiciones propias quedan recubiertas por un patriotismo que se ha vuelto más abstracto, que no se refiere ya al todo concreto de una nación, sino a procedimientos y a principios abstractos.”


(…) “En el proceso público de la tradición se decide acerca de cuáles de nuestras tradiciones queremos proseguir y cuáles no.”
Si  nos  atenemos a las palabras de Habermas,  podemos comprender que la consecuencia de la  crisis de la conciencia nacional en España, se debe precisamente a un proceso de deconstrucción de ésta que el mismo Régimen del  78 ha ido realizando, como continuación de todos aquellos que desde el siglo XVIII impusieron la extranjerización y  el rechazo a nuestra identidad cultural e histórica, considerada como algo arcaico y oscurantista que debía ser sustituido por unos valores ilustrados que como aportación negativa, traían la ruptura del individuo con “su circunstancia”, esto es, tradición, identidad, cultura, Historia o etnia; para ser sustituido por un individuo desarraigado que pueda ser manejable por intereses ajenos a la nación de la que forma parte.


Y es que para que exista una conciencia nacional, ésta solo tiene sentido con la fidelidad a nuestras señas de identidad y asumiendo un relato histórico nacional que va desde la Roma Imperial hasta nuestros días, pasando por la reafirmación de España con la Reconquista.


Un patriotismo identitario, popular y soberanista que no suponga la adhesión a regímenes concretos, sino que éstos sirvan a los intereses de España y los españoles por encima de todo.

vendredi, 11 mars 2016

Un regard inquiet vers l’Allemagne

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«L’intoxication de la culture du débat»

Un regard inquiet vers l’Allemagne

par Karl Müller

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

En 1952, juste quelques années après la guerre et seulement un an après sa création, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a interdit, pour la première fois dans son histoire un parti: la Sozialistische Reichspartei (SRP) [parti socialiste de l’empire]. Ce parti se considérait comme le successeur de la NSDAP [parti d’Hitler]. Quatre ans plus tard, en 1956, fut décidé jusqu’à nos jours, une nouvelle et ultime interdiction de parti, à savoir le Parti communiste allemand (KPD).


La Cour constitutionnelle tenta, par ces deux interdits, à répondre aux dispositions de la toute jeune Loi fondamentale de la République fédérale allemande, dans ses articles sur les partis (Article 21 Lf.), exigeant une démocratie forte: «Les partis qui, d’après leurs buts ou selon le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne, sont anticonstitutionnels.» Et de continuer: «La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de l’anti-constitutionnalité.» Notamment cette dernière disposition devait garantir que le reproche de l’anti-constitutionnalité ne devienne pas un instrument de campagne électorale et de diffamation des adversaires politiques et que la question de l’anti-constitutionnalité soit étudiée de façon approfondie au plan juridique.


On sait peu de choses sur la façon dont la Cour constitutionnelle avait défini l’anti-constitutionnalité et notamment la notion de l’ordre constitutionnel libéral et démocratique (FDGO) évoqué dans l’article 21. On ne peut omettre de rappeler cette définition :
«L’Ordre constitutionnel libéral et démocratique dans le sens de l’article 21 II GG est un ordre qui établit, en dehors de toute violence et contrainte, un ordre d’Etat de droit sur la base de l’autodétermination du peuple, selon la volonté de la majorité, dans la liberté et l’égalité. Il faut inclure dans les principes fondamentaux de cet ordre au moins: le respect des droits humains concrétisés dans la Loi fondamentale, notamment le droit de la personne à la vie et au libre épanouissement, le respect de la souveraineté populaire, de la séparation des pouvoirs, de la responsabilité du gouvernement, du respect de la loi de la part de l’administration, de l’indépendance des tribunaux, du principe du multipartisme et de l’égalité de chances pour tous les partis politiques avec le droit constitutionnel de la formation et de l’exercice d’une opposition.» (BVerfGE 2, 1; Leitsatz 2, 12s.)


Malgré cela, on est en Allemagne en passe de placer les opinions et les activités politiques indésirables sous le verdict d’«extrémisme» politique afin de les rendre anticonstitutionnelles. Pendant plusieurs décennies, au cours de la guerre froide, il était opportun de mettre en garde notamment contre l’«extrémisme de gauche» et de mettre cette étiquette sur nombre de mouvements sociaux critiques. Depuis le début des années 90, certains cercles n’ont pas hésité à utiliser cette notion à la suite de l’adhésion de la RDA à l’espace occidental du pays – malgré la situation catastrophique due à cette adhésion, tant sur le plan économique que social, des populations de cette partie du pays – et recommencent depuis quelques années à utiliser la grande menace de l’«extrémisme de droite» concernant les citoyens de la partie orientale de l’Allemagne.


L’ancien président du Bundestag Wolfgang Thierse a exprimé sa suspicion envers la population de l’Est de l’Allemagne. Ce fut le cas après que, dans une ville de l’est de l’Allemagne, une centaine de personnes avaient tenté, en criant «Nous sommes le peuple», d’empêcher les passagers d’un bus de sortir devant un centre d’hébergement pour réfugiés et que, dans une autre ville de la région, un autre centre tout neuf ait été incendié avant qu’il n’ait pu être utilisé. Thierse a su immédiatement qui dénoncer en affirmant que les populations de l’est de l’Allemagne étaient plus «réceptives pour des messages misanthropes» et «moins enracinées dans leurs convictions démocratiques et morales». Cela rappelle les années 90 lorsqu’on tenta d’expliquer des manifestations violentes d’une certaine jeunesse de l’Est par des thèses absurdes qui devaient surtout servir à dénigrer l’éducation et le système scolaire de l’ancienne RDA.

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Les différents points de vue entre l’Est et l’Ouest du pays est illustré par le livre d’un partisan du mouvement PEGIDA (Sebastian Hennig: «Pegida. Spaziergänge über dem Horizont. Eine Chronik» [Une promenade au-dessus de l’horizon. Une chronique]). On peut lire dans la préface: «On ne peut nier: la majorité des manifestants de Pegida sont des personnes ayant déjà été dans la rue en automne 1989. […] L’engagement de Pegida de 2014/2015 n’est pas la suite de la révolution de 1989/90. Mais il y a des ressemblances: en y regardant de près même des ressemblances étonnantes. Nous sommes confrontés à une accumulation de problèmes qu’on ne peut exprimer avec le vocabulaire du système politique au pouvoir. Ceux qui tentèrent de poser ouvertement les questions dérangeantes dans leur propre langage furent rapidement traités de nazis par la presse alignée – ou se présentant comme telle. Cette réaction stupide de la presse a attisé les protestations et a finalement accentué la mobilisation des forces. Le fait de parler d’une ‹manifestation nazie› n’est que le reflet d’une impuissance des responsables politiques, incapables de sortir de leurs idées fixes, ne voulant pas se confronter à la nouvelle réalité. La phrase d’introduction du premier appel de Neues Forum de septembre 1989 reste entièrement d’actualité: ‹Dans notre pays, il semble que la communication entre l’Etat et la population est perturbée›.»


Michael Beleites, auteur de la préface du livre a tout de même été représentant de la Saxe pour les documents de la Stasi pendant 10 ans, de 2000 à 2010. Ne serait-il pas possible qu’un grand nombre des habitants de l’Allemagne de l’Est ait une plus forte sensibilité face aux mensonges et à la tromperie en politique et aux tendances dictatoriales?

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Un collègue de parti de Wolfgang Thierse, le ministre allemand de la Justice Heiko Maas est allé plus loin encore. Il a placé tous ceux qui émettaient des doutes quant à la légitimité de la politique allemande actuelle concernant l’asile et les réfugiés, dans le groupe des «incendiaires spirituels» [geistige Brandstifter]. On ne fit pas même halte devant l’ancien juge de la Cour constitutionnelle Udo Di Fabio, ayant rédigé une expertise juridique pour le gouvernement bavarois, ce qui incita un journal tout à fait conformiste («Kölner Stadt-Anzeiger») d’écrire le 15 février 2016: «La perversion de la culture du débat en est venue à ce que le ministre de la Justice Heiko Maas (SPD) place l’ancien juge de la Cour constitutionnelle Di Fabio dans le groupe des incendiaires spirituels.» Le triste dérapage verbal du politicien de la CDU et commissaire de l’UE Günther Oettinger face à la présidente du parti Alternative für Deutschland (AfD) Frauke Petry, n’a retenu l’attention des médias que brièvement. Normalement, de tels manquements à la dignité d’autrui exigeraient une démission.


Mais une telle perversion de la culture du débat n’est pas due au hasard. Son objectif est la diffamation et l’affaiblissement de la démocratie. Il s’agit d’empêcher une opposition «fondée sur la Constitution et capable de représenter une opposition». En ce basant sur le bon vieux principe «diviser pour régner!». C’est le résultat du fait que la classe politique du pays veut gouverner contre la volonté du peuple et qu’il n’est donc plus possible de lutter avec des arguments. Et cela se passe dans une situation où de lourdes tâches nous attendent. En fait, la politique allemande se trouve, depuis un certain temps déjà, face à une série de crises sérieuses et très réelles. Un coup d’œil attentif dans les journaux le prouve. Mais en réalité, on ne s’efforce pas de trouver des solutions à ces crises, mais bien au contraire de les attiser (sciemment?). Au lieu de chercher avec la population des solutions, auxquelles les gens pourraient faire confiance, on construit des états d’exceptions, on parle d’«absence d’alternatives», on impose de force des solutions, on gouverne contre le peuple – et tout cela avec le soutien des médias, mais aussi avec celui de personnalités et de pays étrangers, voire d’organisations internationales. Une chose est certaine: ce n’est pas ainsi qu’on trouvera des solutions correspondant au bien commun.


Dans son livre «Mit der Ölwaffe zur Weltmacht» [Vers la domination du monde avec l’arme du pétrole] William F. Engdahl a intitulé un chapitre «Le ‹projet Hitler›». Il y décrit les réseaux du monde de la finance des Etats-Unis et de la Grande Bretagne dans les années 20 et 30 du siècle passé, qui mirent tout en œuvre pour affaiblir les démocraties européennes et permettre aux dictateurs de prendre le pouvoir. D’autres ouvrages importants confortent les thèses du livre d’Engdahl. Ce sont entre autres ceux de l’historien anglais Antony C. Sutton «Wallstreet und der Aufstieg Hitlers» [Wallstreet et la montée d’Hitler], de l’historien suisse Walter Hofer paru en 2001 et de l’historien américain Herbert R. Reginbogin «Hitler, der Westen und die Schweiz 1936–1945», ou encore celui paru il y a quelques années de Hermann Ploppa «Hitlers amerikanische Lehrer. Die Eliten der USA als Geburtshelfer des Nationalsozialismus» [Les maîtres américains d’Hitler. Les élites américaines comme accoucheuses du national-socialisme].


Aujourd’hui, même sans l’apparition d’un nouveau Hitler, le danger de la dictature est bien réel, également d’une dictature en Allemagne – cette fois-ci venant d’une autre direction géopolitique et avec d’autres formes de propagande que celle utilisée au cours des 12 années entre 1933 et 1945. Quel autre sens pourrait avoir sinon ce chaos voulu? Faut-il croire que la classe politique allemande voit sa voie vers la démocratie bouchée par l’ignorance et l’arrogance? Ou y aurait-il un plan caché dans tout ça?

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Martin Niemöller, ce théologien évangélique poursuivi par les nazis, nous a transmis la pensée suivante: «Lorsque les nazis ont déporté les communistes, je me suis tu, car je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils ont mis en prison les sociaux-démocrates, je me suis tu, car je n’étais pas social-démocrate. Lorsqu’ils s’en prirent aux syndiqués, je me suis tu, car je n’étais pas syndiqué. Lorsqu’ils s’en sont pris à moi, il n’y avait plus personne pour protester.»


Cette pensée n’a-t-elle pas regagné en actualité face à la «perversion de la culture du débat», des tentatives d’exclusion sociale et de dénigrements en Allemagne? 

mercredi, 13 janvier 2010

L'insegnamento della Costituzione di Fiume

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L'insegnamento della Costituzione di Fiume

 

Giorgio Emili - Articoli

Scritto da Giorgio Emili   

Ex: http://www.area-online.it/ 

La politica si spezza il cuore a forza di predicozzi e buoni sentimenti, nell’era del conflitto sociale.
La Costituzione dovrebbe fare da collante e i valori in essa contenuti dovrebbero essere totalmente condivisi. La realtà, come bene abbiano visto, è un’altra: addirittura opposta. Lo scontro è aperto, i valori non sono condivisi, aleggia da decenni l’idea non dichiarata di una parte giusta che ha vinto e che reca in sé tutto il bene possibile.

La Costituzione italiana – serve parlar chiaro -  in molte parti nasconde questa realtà.
Per molti aspetti continua a essere la Costituzione del dissenso, prodotta da una frattura della storia italiana.
Le istituzione cercano, giustamente, di evidenziare le note concilianti, il sapore pieno di salvaguardia della democrazia e dei valori innati. L’evidenza dei fatti e la scarsa considerazione, da parte dei comuni cittadini, del tessuto della nostra Costituzione (certo, quanti la conoscono realmente?, quanti hanno approfondito le sue norme?) testimoniano che il passo decisivo verso la reale distensione degli animi non è ancora compiuto. Del resto perché tanti tentativi di riforma, perché tante dichiarazioni sulla necessità di un suo adeguamento?
La fiducia nella Costituzione ha, da sempre, sopito il conflitto, rasserenato gli animi, colmato i buchi di ogni possibile deriva. Questo però, a quanto pare, non basta. Fiducia cieca nella Costituzione, ci mancherebbe, ma è bello ricordare che esiste (è esistito) un modello costituzionale diverso (e per certi versi controverso) che ha un filo conduttore invidiabile.
Da uno scritto di Achille Chiappetti abbiamo scoperto una felice ricostruzione della Carta del Carnaro, la Costituzione di Fiume.
«Lo Statuto della Reggenza italiana del Carnaro, promulgato l’8 settembre del 1920, costituisce da sempre – scrive Chiappetti - un angolo oscuro quasi perduto della coscienza costituzionale del nostro Paese. Il suo testo predisposto dal socialista rivoluzionario Alceste De Ambris rappresenta infatti un insieme di estrema modernità e di inventiva anticipatoria di quelli che sarebbero stati i successivi sviluppi dell’organizzazione economica dello Stato fascista e delle democrazie moderne. Il suo impianto – spiega - fondato sul sistema corporativo e sul valore del lavoro produttivo, come fondamento dell’eguaglianza e della libertà, nonché sul non riconoscimento della proprietà se non come funzione sociale, costituisce un modello che e stato troppo spesso dimenticato». Ma la parte più affascinante di quelle considerazioni sullo statuto fiumano riguarda l’analisi di singole norme, soprattutto se confrontate con le attuali della nostra Costituzione.
«La Reggenza riconosce e conferma la sovranità di tutti i cittadini  - dice lo Statuto -, senza distinzione di sesso, di stirpe, di lingue, di classe, di religione». «Amplia ed innalza e sostiene sopra ogni altro diritto i diritti dei produttori». Ancora: «La Reggenza si studia di ricondurre i giorni e le opere verso quel senso di virtuosa gioia che deve rinnovare dal profondo il popolo finalmente affrancato da un regime uniforme di soggezione e di menzogne». Si respira  - chiosa Achille Chiappetti - «un aria di positività e di concordia quasi da costituzione statunitense e non il clima di tensione e scontro che risuona nelle prime parole della nostra Carta repubblicana».
Le conclusioni hanno forte sapore dannunziano e meritano di essere segnalate. Si innalza, infatti, su tutti l’articolo XIV della Carta del Carnaro: «La vita è bella e degna che veramente e magnificamente la viva l’uomo rifatto intiero dalla libertà».
«È nello Statuto fiumano, dunque, che e possibile trovare l’ispirazione per un concetto di socialità posto in maniera differente e del tutto a-conflittuale che meriterebbe di essere ripreso per dare forza ad un nuovo risorgimento italiano».
Ecco. La felicita nella nostra Costituzione non c’è – dice Chiappetti - . E non solo lui.

samedi, 13 juin 2009

The Political Theory Carl Schmitt

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The Political Theory of Carl Schmitt

By Keith Preston - http://attackthesystem.com/

 

Discussion:

 

Carl Schmitt

The Crisis of Parliamentary Liberalism 

The Concept of the Political

 

The Weimar Republic Sourcebook (p. 331, 334-337, 342-345)

 

          The editors of The Weimar Republic Sourcebook attempt to summarize the political thought of Carl Schmitt and interpret his writings on political and legal theory on the basis of his later association with Nazism between 1933 and 1936. Schmitt is described as having “attempted to drive a wedge between liberalism and democracy and undercut the assumption that rational discourse and legal formalism could be the basis of political legitimacy.”(Sourcebook, p. 331) His contributions to political theory are characterized as advancing the view that “genuine politics was irreducible to socio-economic conflicts and unconstrained by normative considerations”. The essence of politics is a battle to the death “between friend and foe.” The editors recognize distinctions between the thought of Schmitt and that of right-wing revolutionaries of Weimar, but assert that his ideas “certainly provided no obstacle to Schmitt’s opportunistic embrace of Nazism.”

 

          As ostensible support for this interpretation of Schmitt, the editors provide excerpts from two of Schmitt’s works. The first excerpt is from the preface to the second edition of Schmitt’s The Crisis of Parliamentary Democracy, a work first published in 1923 with the preface having been written for the 1926 edition. In this excerpt, Schmitt describes the dysfunctional workings of the Weimar parliamentary system. He regards this dysfunction as symptomatic of the inadequacies of the classical liberal theory of government. According to this theory as Schmitt interprets it, the affairs of states are to be conducted on the basis of open discussion between proponents of competing ideas as a kind of empirical process. Schmitt contrasts this idealized view of parliamentarianism with the realities of its actual practice, such as cynical appeals by politicians to narrow self-interests on the part of constituents, bickering among narrow partisan forces, the use of propaganda and symbolism rather than rational discourse as a means of influencing public opinion, the binding of parliamentarians by party discipline, decisions made by means of backroom deals, rule by committee and so forth.

 

          Schmitt recognizes a fundamental distinction between liberalism, or “parliamentarism”, and democracy. Liberal theory advances the concept of a state where all retain equal political rights. Schmitt contrasts this with actual democratic practice as it has existed historically. Historic democracy rests on an “equality of equals”, for instance, those holding a particular social position (as in ancient Greece), subscribing to particular religious beliefs or belonging to a specific national entity. Schmitt observes that democratic states have traditionally included a great deal of political and social inequality, from slavery to religious exclusionism to a stratified class hierarchy. Even modern democracies ostensibly organized on the principle of universal suffrage do not extend such democratic rights to residents of their colonial possessions. Beyond this level, states, even officially “democratic” ones, distinguish between their own citizens and those of other states. At a fundamental level, there is an innate tension between liberalism and democracy. Liberalism is individualistic, whereas democracy sanctions the “general will” as the principle of political legitimacy. However, a consistent or coherent “general will” necessitates a level of homogeneity that by its very nature goes against the individualistic ethos of liberalism. This is the source of the “crisis of parliamentarism” that Schmitt suggests. According to the democratic theory rooted in the ideas of Jean Jacques Rosseau, a legitimate state must reflect the “general will”, but no general will can be discerned in a regime that simultaneously espouses liberalism. Lacking the homogeneity necessary for a democratic “general will”, the state becomes fragmented into competing interests. Indeed, a liberal parliamentary state can actually act against the “peoples’ will” and become undemocratic. By this same principle, anti-liberal states such as those organized according to the principles of fascism or bolshevism can be democratic in so far as they reflect the “general will.”

 

            The second excerpt included by the editors is drawn from Schmitt’s The Concept of the Political, published in 1927. According to Schmitt, the irreducible minimum on which human political life is based is the friend/enemy distinction. This friend/enemy distinction is to politics what the good/evil dichotomy is to morality, beautiful/ugly to aesthetics, profitable/unprofitable to economics, and so forth. These categories need not be inclusive of one another. For instance, a political enemy need not be morally evil or aesthetically ugly. What is significant is that the enemy is the “other” and therefore a source of possible conflict. The friend/enemy distinction is not dependent on the specific nature of the “enemy”. It is merely enough that the enemy is a threat. The political enemy is also distinctive from personal enemies. Whatever one’s personal thoughts about the political enemy, it remains true that the enemy is hostile to the collective to which one belongs. The first purpose of the state is to maintain its own existence as an organized  collective prepared if necessary to do battle to the death with other organized collectives that pose an existential threat. This is the essential core of what is meant by the “political”. Organized collectives within a particular state can also engage in such conflicts (i.e., civil war). Internal conflicts within a collective can threaten the survival of the collective as a whole. As long as existential threats to a collective remain, the friend/enemy concept that Schmitt considers to be the heart of politics will remain valid.

 

           An implicit view of the ideas of Carl Schmitt can be distinguished from the editors’ introductory comments and selective quotations from these two works. Is Schmitt attempting to “drive a wedge” between liberalism and democracy thereby undermining the Weimar regime’s claims to legitimacy and pave the way for a more overtly authoritarian system? Is Schmitt arguing for a more exclusionary form of the state, for instance one that might practice exclusivity on ethnic or national grounds? Is Schmitt attempting to sanction the use of war as a mere political instrument, independent of any normative considerations, perhaps even as an ideal unto itself? If the answer to any of these questions is an affirmative one, then one might be able to plausibly argue that Schmitt is indeed creating a kind of intellectual framework that could later be used to justify at least some of the ideas of Nazism and even lead to an embrace of Nazism by Schmitt himself.

 

          It would appear that the expression “context is everything” becomes a quite relevant when examining the work of Carl Schmitt. It is clear enough that the excerpts from Schmitt included in the The Weimar Republic Sourcebook have been chosen rather selectively. As a glaring example, this important passage from second edition’s preface from The Crisis of Parliamentary Democracy has been deleted:

 

“That the parliamentary enterprise today is the lesser evil, that it will continue to be preferable to Bolshevism and dictatorship, that it would have unforseeable consequences were it to be discarded, that it is ’socially and technically’ a very practical thing-all these are interesting and in part also correct observations. But they do not constitute the intellectual foundations of a specifically intended institution. Parliamentarism exists today as a method of government and a political system. Just as everything else that exists and functions tolerably, it is useful-no more and no less. It counts for a great deal that even today it functions better than other untried methods, and that a minimum of order that is today actually at hand would be endangered by frivolous experiments. Every reasonable person would concede such arguments. But they do not carry weight in an argument about principles. Certainly no one would be so un-demanding that he regarded an intellectual foundation or a moral truth as proven by the question, What else?” (Schmitt, Crisis, pp. 2-3)

 

          This passage, conspicuously absent from the Sourcebook excerpt, indicates that Schmitt is in fact wary of the idea of undermining the authority of the Republic for it’s own sake or for the sake of implementing a revolutionary regime. Schmitt is clearly a “conservative” in the tradition of Hobbes, one who values order and stability above all else, and also Burke, expressing a preference for the established, the familiar, the traditional, and the practical, and an aversion to extremism, fanaticism, utopianism,  and upheaval for the sake of exotic ideological inclinations. Clearly, it would be rather difficult to reconcile such an outlook with the political millenarianism of either Marxism or National Socialism. The “crisis of parliamentary democracy” that Schmitt is addressing is a crisis of legitimacy. On what political or ethical principles does a liberal democratic state of the type Weimar purports to be claim and establish its own legitimacy? This is an immensely important question, given the gulf between liberal theory and parliamentary democracy as it is actually being practiced in Weimar, the conflicts between liberal practice and democratic theories of legitimacy as they have previously been laid out by Rosseau and others and, perhaps most importantly, the challenges to liberalism and claims to “democratic” legitimacy being made by proponents of totalitarian ideologies from both the Left and Right.

 

          The introduction to the first edition and first chapter of Crisis contain a frank discussion of both the intellectual as well as practical problems associated with the practice of “democracy”. Schmitt observes how democracy, broadly defined, has triumphed over older systems, such as monarchy, aristocracy or theocracy in favor of the principle of “popular sovereignty”. However, the advent of democracy has also undermined older theories on the foundations of political legitimacy, such as those rooted in religion (”divine right of kings”), dynastic lineages or mere appeals to tradition. Further, the triumphs of both liberalism and democracy have brought into fuller view the innate conflicts between the two. There is also the additional matter of the gap between the practice of politics (such as parliamentary procedures) and the ends of politics (such as the “will of the people”). Schmitt observes how parliamentarism as a procedural methodology  has a wide assortment of critics, including those representing the forces of reaction (royalists and clerics, for instance) and radicalism (from Marxists to anarchists). Schmitt also points out that he is by no means the first thinker to point out these issues, citing Mosca, Jacob Burckhardt, Belloc, Chesterton, and Michels, among others.

 

          A fundamental question that concerns Schmitt is the matter of what the democratic “will of the people” actually means, observing that an ostensibly democratic state could adopt virtually any set of policy positions, “whether militarist or pacifist, absolutist or liberal, centralized or decentralized, progressive or reactionary, and again at different times without ceasing to be a democracy.” (Schmitt, Crisis, p. 25) He also raises the question of the fate of democracy in a society where “the people” cease to favor democracy. Can democracy be formally renounced in the name of democracy? For instance, can “the people” embrace Bolshevism or a fascist dictatorship as an expression of their democratic “general will”? The flip side of this question asks whether a political class committed in theory to democracy can act undemocratically (against “the will of the people”) if the people display an insufficient level of education in the ways of democracy. How is the will of the people to be identified in the first place? Is it not possible for rulers to construct a “will of the people” of their own through the use of propaganda? For Schmitt, these questions are not simply a matter of intellectual hair-splitting but are of vital importance in a weak, politically paralyzed democratic state where the committment of significant sectors of both the political class and the public at large to the preservation of democracy is questionable, and where the overthrow of democracy by proponents of other ideologies is a very real possibility.

 

          Schmitt examines the claims of parliamentarism to democratic legitimacy. He describes the liberal ideology that underlies parliamentarism as follows:

 

“It is essential that liberalism be understood as a consistent, comprehensive metaphysical system. Normally one only discusses the economic line of reasoning that social harmony and the maximization of wealth follow from the free economic competition of individuals…But all this is only an application of a general liberal principle…: That truth can be found through an unrestrained clash of opinion and that competition will produce harmony.” (Schmitt, Crisis, p. 35)

 

For Schmitt, this view reduces truth to “a mere function of the eternal competition of opinions.” After pointing out the startling contrast between the theory and practice of liberalism, Schmitt suggests that liberal parliamentarian claims to legitimacy are rather weak and examines the claims of rival ideologies. Marxism replaces the liberal emphasis on the competition between opinions with a focus on competition between economic classes and, more generally, differing modes of production that rise and fall as history unfolds. Marxism is the inverse of liberalism, in that it replaces the intellectual with the material. The competition of economic classes is also much more intensified than the competition between opinions and commercial interests under liberalism. The Marxist class struggle is violent and bloody. Belief in parliamentary debate is replaced with belief in “direct action”. Drawing from the same rationalist intellectual tradition as the radical democrats, Marxism rejects parliamentarism as sham covering the dictatorship of a particular class, i.e., the bourgeoise. True democracy is achieved through the reversal of class relations under a proletarian state that rules in the interest of the laboring majority. Such a state need not utilize formal democratic procedures, but may exist as an “educational dictatorship” that functions to enlighten the proletariat regarding its true class interests. Schmitt then contrasts the rationalism of both liberalism and Marxism with irrationalism. Central to irrationalism is the idea of a political myth, comparable to the religious mythology of previous belief systems, and originally developed by the radical left-wing but having since been appropriated by revolutionary nationalists. It is myth that motivates people to action, whether individually or collectively. It matters less whether a particular myth is true than if people are inspired by it.

 

          It is clear enough that Schmitt’s criticisms of liberalism are intended not so much as an effort to undermine democratic legitimacy as much as an effort to confront the weaknesses of the intellectual foundations of liberal democracy with candor and intellectual rigor, not necessarily to undermine liberal democracy, but out of recognition of the need for strong and decisive political authority capable of acting in the interests of the nation during perilous times. Schmitt remarks:

 

“If democratic identity is taken seriously, then in an emergency no other constitutional institution can withstand the sole criterion of the peoples’ will, however it is expressed.” (Sourcebook, p.337)

 

          In other words, the state must first act to preserve itself and the general welfare and well-being of the people at large. If necessary, the state may override narrow partisan interests, parliamentary procedure or, presumably, routine electoral processes. Such actions by political leadership may be illiberal, but not necessarily undemocratic, as the democratic general will does not include national suicide. Schmitt outlines this theory of the survival of the state as the first priority of politics in The Concept of the Political. The essence of the “political” is the existence of organized collectives prepared to meet existential threats to themselves with lethal force if necessary. The “political” is different from the moral, the aesthetic, the economic or the religious as it involves first and foremost the possibility of groups of human beings killing other human beings. This does not mean that war is necessarily “good” or something to be desired or agitated for. Indeed, it may sometimes be in the political interests of a state to avoid war. However, any state that wishes to survive must be prepared to meet challenges to its existence, whether from conquest or domination by external forces or revolution and chaos from internal forces. Additionally, a state must be capable of recognizing its own interests and assume sole responsibility for doing so. A state that cannot identify its enemies and counter enemy forces effectively is threatened existentially.

 

          Schmitt’s political ideas are more easily understood in the context of Weimar’s political situation. He is considering the position of a defeated and demoralized Germany, unable to defend itself against external threats, and threatened internally by weak, chaotic and unpopular political leadership, economic hardship, political and ideological polarization and growing revolutionary movements, sometimes exhibiting terrorist or fanatical characteristics. Schmitt regards Germany as desperately in need of some sort of foundation for the establishment of a recognized, legitimate political authority capable of upholding the interests and advancing the well-being of the nation in the face of foreign enemies and above domestic factional interests. This view is far removed from the Nazi ideas of revolution, crude racial determinism, the cult of the leader and war as a value unto itself. Schmitt is clearly a much different thinker than the adherents of the quasi-mystical nationalism common to the radical right-wing of the era. Weimar’s failure was due in part to the failure of political leadership to effectively address the questions raised by Schmitt.