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mardi, 26 avril 2022

Après la conquête de la mer d'Azov

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Après la conquête de la mer d'Azov

par Federico Dezzani

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/dopo-la-conquista-del-mare-di-azov & Federico Dezzani

Au 57e jour de la guerre russo-ukrainienne, le ministère russe de la Défense a annoncé la conquête de la ville de Marioupol. Il est temps d'analyser comment la campagne militaire a évolué au cours des deux derniers mois, comment elle pourrait évoluer dans un avenir proche et, surtout, quelles seront ses répercussions internationales: il est de plus en plus évident que les puissances anglo-saxonnes veulent utiliser le conflit pour affaiblir la Russie et, en même temps, déstabiliser l'Allemagne et l'Italie.

Une guerre par procuration tous azimuts

Un peu moins de deux mois après le début des hostilités russo-ukrainiennes, le ministère russe de la Défense a annoncé la conquête de la ville de Marioupol, qui compte environ 400.000 âmeset est située sur le littoral de la mer d'Azov: seul le grand complexe sidérurgique, qui fait partie du kombinat de l'acier construit dans le Donbass dans les années 1930, reste encore aux mains des troupes ukrainiennes désormais clairsemées, mais sa chute est une question de temps. La Russie a donc obtenu un premier résultat stratégique tangible: elle a recréé un pont terrestre avec la péninsule de Crimée (annexée en 2014) et transformé la mer d'Azov en un lac intérieur. Les frontières russes sont donc revenues, sur le front sud, à la conformation de la première moitié du XVIIIe siècle, lorsque l'empire tsariste a réussi à arracher la mer d'Azov aux Turcs et à entrer dans les mers chaudes.

Il est particulièrement utile de reconstituer comment la Russie est parvenue à ce résultat en l'espace de deux mois. Dans notre analyse effectuée au "jour -1", nous avions supposé une campagne militaire de grande envergure, d'une durée de 30 à 40 jours, qui conduirait les Russes jusqu'au Dniepr et à partir Odessa jusqu'au Dniestr. Les faits montrent toutefois que cette option, une campagne militaire de grande envergure sur le territoire ukrainien, n'a jamais été envisagée par les stratèges russes qui pensaient à tort pouvoir se limiter à une "opération militaire spéciale" aux fins éminemment politiques, à savoir le renversement du gouvernement Zelensky et l'avènement d'une junte militaire qui rétablirait la coopération traditionnelle entre la Russie et l'Ukraine. Appeler les opérations qui ont duré du 25 février au 31 mars la "bataille de Kiev" est erroné: on peut tout au plus parler d'une "intimidation de Kiev", car les Russes n'ont jamais envisagé de conquérir la ville dans cette phase de la guerre. La "première phase" de la campagne militaire peut être résumée par l'appel lancé par Poutine aux militaires ukrainiens le 26 février 2022 pour qu'ils prennent le pouvoir et se débarrassent de la "bande de drogués et de néonazis", facilitant ainsi le début des négociations.karte-meerenge-von-kertsch.jpg

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Ces calculs se sont révélés erronés, car Moscou a sous-estimé le degré de pénétration des puissances anglo-saxonnes dans l'appareil ukrainien: en huit ans (le temps écoulé entre la révolution colorée de 2014 et aujourd'hui), Londres et Washington ont eu les moyens de s'insinuer jusque dans le coin le plus caché de l'État et de l'armée ukrainiens, éliminant les éléments qui auraient pu accepter l'appel de Poutine et renverser Zelensky. À ce moment-là, les Russes se sont retrouvés dans une position militaire aussi inconfortable qu'improductive: une tête de pont autour de Kiev, alimentée avec de grandes difficultés logistiques par la Biélorussie et exposée à la guérilla des nationalistes ukrainiens. Tant qu'il y avait la possibilité d'un règlement politique du conflit (les négociations tenues en Biélorussie puis en Turquie), les Russes sont restés aux portes de Kiev. Une fois ce scénario écarté, ils se sont retirés en bon ordre du nord de l'Ukraine pour poursuivre des objectifs militaires plus concrets dans le sud-est de l'Ukraine: c'est la "phase deux", annoncée dans les derniers jours de mars. La nomination du général Aleksandr Dvornikov, déjà en charge des opérations militaires en Syrie, comme commandant unique du front ukrainien, annoncée le 9 avril, peut être considérée comme le tournant de la campagne, qui prend de moins en moins de connotations politiques et de plus en plus de connotations militaires. Il convient toutefois de noter que deux mois après l'ouverture du conflit, la Russie ne s'était pas encore lancée dans la destruction systématique des infrastructures ukrainiennes, qui, si une approche purement militaire avait été suivie, aurait dû avoir lieu dès les premières heures de la campagne.

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La conquête de Mariupol (avec ses aciéries, photo ci-dessus) annoncée le 21 avril, avec le déploiement consécutif des troupes engagées dans la ville, devrait être le prodrome de la déjà célèbre "bataille du Donbass", dont les Russes ont jeté les bases en conquérant, le 24 mars, le saillant d'Izyum: sur le papier, elle se préfigure ainsi comme une grande tenaille qui, partant du nord et du sud, devrait se refermer sur la ville de Kramatosk. Les avantages que pourraient obtenir les Russes seraient multiples: la destruction de l'armée ukrainienne concentrée depuis le début des hostilités dans le Donbass (estimée à environ 40.000-60.000 unités) et l'affinement des futures frontières, de manière à rendre compacte la région à annexer à la Russie. Quoi qu'il en soit, même en cas de défaite sévère de l'armée ukrainienne, il est peu probable que la "bataille du Donbass" marque la fin des hostilités.

Les puissances anglo-saxonnes ont intérêt à prolonger le conflit le plus longtemps possible et, à cette fin, s'apprêtent à déverser de plus en plus d'armes en Ukraine pour alimenter la "résistance". Le Royaume-Uni, en particulier, qui joue un rôle de premier plan en Ukraine, comme en témoigne le voyage de Johnson à Kiev le 9 avril, a promis d'envoyer des instructeurs, de l'artillerie, des missiles anti-navires Harpoon et même des véhicules blindés pour transporter les systèmes anti-aériens Starstreak. Cet activisme britannique s'explique par le fait que dans la "troisième guerre mondiale" menée par les puissances anglo-saxonnes contre les puissances continentales pour le contrôle du Rimland, le quadrant européen de l'Eurasie a été mis entre les mains de Londres, tandis que Washington et Canberra doivent se concentrer sur le Pacifique et la Chine.

Qu'est-ce que les puissances anglo-saxonnes espèrent gagner en prolongeant jusqu'au bout la guerre en Ukraine, à créer une nouvelle "Syrie" au cœur de l'Europe? Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises dans nos analyses, toute compréhension géopolitique des événements actuels doit englober l'Eurasie dans son ensemble et donc l'axe horizontal Chine-Russie-Allemagne (avec ses nombreuses branches verticales en Birmanie, au Pakistan, en Iran, en Italie, etc.). En prolongeant le conflit pour au moins toute l'année 2022, en jetant de plus en plus d'armes létales sur le théâtre ukrainien, les puissances maritimes anglo-saxonnes espèrent :

- affaiblir davantage la Russie, de manière à rendre possible la chute de Poutine et la relocalisation stratégique du pays dans une fonction anti-chinoise (ou du moins la disparition de la Russie en tant que facteur de puissance, dans le sillage d'une crise politique et d'un effondrement socio-économique) ;

- mener à bien la déstabilisation de l'Europe, en mettant un accent particulier sur l'Allemagne et l'Italie.

A plusieurs reprises, en effet, il a été souligné que les objectifs anglo-saxons de la guerre en Ukraine se situaient sur deux fronts: le russe et l'allemand. Les invectives de plus en plus violentes de Zelensky à l'encontre des dirigeants allemands, coupables de ne pas fournir suffisamment d'armes et de faire obstacle à l'embargo total sur la Russie, illustrent bien ce phénomène. En exacerbant le conflit en Ukraine et en le faisant traîner jusqu'à l'automne prochain, les Anglo-Américains espèrent imposer le blocus convoité sur les approvisionnements énergétiques en provenance de Russie, plongeant ainsi l'Allemagne et l'Italie, qui sont les plus dépendantes du gaz russe, dans une récession économique grave et prolongée. À ce moment-là, l'"axe médian" de l'Europe, qui a son prolongement naturel en Algérie et qui tend naturellement à converger vers la Russie et la Chine, serait jeté dans le chaos ou, du moins, sérieusement affaibli, également parce que les Anglo-Saxons travaillent activement à faire de la terre brûlée partout où les Italiens et les Allemands peuvent s'approvisionner, en Libye comme en Angola. Chaque missile Starstreak envoyé par les Britanniques en Ukraine est un missile visant à laisser l'Allemagne et l'Italie sans énergie: tout porte à croire que l'automne 2022 sera l'un des plus difficiles de mémoire d'homme.

samedi, 07 août 2021

Istanbul, le canal de la discorde

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Istanbul, le canal de la discorde

par Marco Valle

Ex: https://blog.ilgiornale.it/valle/2021/08/07/

Samedi 5 juillet 2021, Recep Tayyip Erdogan a officiellement inauguré les travaux du Kanal Istanbul, une voie navigable de 45 kilomètres de long, 150 mètres de large et 25 mètres de profondeur qui reliera la mer Noire à la mer de Marmara. Aussi grand, sinon plus, que Suez et Panama, l'ouvrage contournera le détroit du Bosphore, décongestionnant le passage maritime encombré (48.000 transits par an en moyenne) et transformant la partie européenne de la métropole turque en une véritable cité insulaire.

L'ouverture des chantiers, aussi symbolique soit-elle, couronne l'ancien rêve de Soliman le Magnifique : une idée visionnaire et ambitieuse que, cinq siècles après le départ du sultan, le président à la main de fer a reprise et relancée avec obstination. La première annonce de l'ouverture du "quatrième détroit" turc remonte à 2011 - "voici mon projet fou", a-t-il proclamé devant les ministres ébahis - ; maintes fois reporté, modifié et discuté, le plan a finalement été approuvé par le Parlement en mars dernier. L'excavation sera achevée, du moins selon des sources gouvernementales optimistes, en seulement six ans et coûtera au total environ 15 milliards de dollars.

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Apparemment, rien de nouveau, du moins pour les dirigeants de l'AKP, le parti au pouvoir depuis 2002. Depuis lors, son leader indéboulonnable, Erdogan - d'abord en tant que premier ministre et, depuis 2014, en tant que président de la république - a promu de grands projets d'infrastructure visant à moderniser le visage du pays, à promouvoir la croissance économique et, surtout, à renforcer le consensus interne, base de sa longévité au pouvoir. Un mécanisme qui s'est toutefois grippé puisque l'économie turque est en grande difficulté et que la dévaluation catastrophique de la livre turque (une perte de plus de 400% par rapport au dollar en une décennie) continue de pénaliser un cadre économique aggravé par les coûts de la pandémie, le ralentissement des activités de production et le recul très net du tourisme. En bref, des caisses à moitié vides, de nombreuses dettes et une question cruciale : qui va payer les coûts de "Kanal Istanbul"? Certainement pas les six principales banques d'affaires turques qui, comme le confirme Reuters, se sont montrées très réticentes à financer un projet coûteux et, en même temps, extrêmement conflictuel.

En attendant d'hypothétiques bailleurs de fonds étrangers - le ministre des transports Adil Karaismailoglu a évoqué des investisseurs chinois, qataris ou peut-être néerlandais - la contestation s'amplifie. En première ligne, le maire de la ville, Ekrem Imamoglu, membre du Parti républicain populaire, principale force d'opposition, ennemi juré d'Erdogan et probable adversaire aux élections présidentielles de 2023. Fort du soutien des scientifiques et des écologistes et des craintes de centaines de milliers d'habitants, M. Karaismailoglu n'a pas hésité à dénoncer les risques sismiques (le tracé longe la redoutable ligne de faille sismique anatolienne), les désastres écologiques imminents (pour Greenpeace, il s'agit d'une "catastrophe aux conséquences imprévisibles" et les océanographes craignent la mort de la mer de Marmara déjà languissante) et, surtout, la certitude que le projet représente une gigantesque spéculation immobilière. Ce soupçon est amplement confirmé par la hausse prodigieuse des prix des logements (de 25 dollars le mètre carré à 800), face aux maigres compensations des expropriations depuis 2013.

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La question déjà complexe est encore compliquée par l'aspect géopolitique, un facteur central. Depuis 1936, les passages du Bosphore sont régis par la Convention de Montreux, chef-d'œuvre diplomatique de Kemal Ataturk, qui garantit le trafic des navires marchands de tous pavillons et limite l'accès à la mer Noire des navires militaires de pays tiers. Jusqu'à présent, la Turquie a joué son rôle de garant avec équilibre, mais l'ouverture de la voie navigable (avec la taxe de transit attenante) pourrait être l'occasion tant attendue par Erdogan de classer les anciens accords et d'ouvrir une nouvelle phase, tout cela devant être compris et analysé.

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Comme le note Lorenzo Vita dans son excellent livre L'onda turca (Historica-Giubilei Regnani, 2021), consacré à l'expansion navale d'Ankara: "La Russie n'aime pas du tout l'idée que la Turquie abandonne les clauses de Montreux. Poutine a appelé Erdogan pour exprimer le point de vue russe sur le détroit. Le président turc a répondu que pour l'instant l'abandon du Traité de Montreux n'est pas mis en question, mais l'attention du Kremlin est un signe de ce qui pourrait arriver. Car si Moscou a tout intérêt à empêcher que l'équilibre de la mer Noire ne soit rompu, la curiosité est grande à Washington: surtout dans une phase d'escalade impliquant l'Ukraine et la "Crimée". Les États-Unis seraient en fait "très intéressés par une voie maritime exclue de cette convention". Si la Turquie décidait de renégocier le traité ou d'exclure la nouvelle voie navigable de l'accord, Washington aurait l'occasion de se débarrasser d'un goulot d'étranglement fondamental, donnant libre cours à la liberté de navigation et à l'idée d'armer la "mer Noire".

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Des préoccupations également partagées par de nombreux amiraux à la retraite, dont Cem Gurdeniz, le théoricien du "Mavi Vatan" (la patrie bleue), le pilier doctrinal de la nouvelle marine turque. En avril, 104 officiers ont signé une déclaration critiquant l'idée du "Kanal" et considérant la sortie de Montreux comme un suicide politique. En réponse, Erdogan a accusé les marins de préparer un coup d'État et les a jetés en prison ou assignés à résidence. Pour Lorenzo Vita, il s'agit d'un signal fort: "Au bloc nationaliste et laïc qui conteste 'Kanal Istanbul', à la Russie et aux États-Unis. Elle montre que la possibilité d'exclure le canal de la Convention est une hypothèse réelle. Tellement réelle que ceux qui condamnent l'hypothèse sont considérés comme dangereux, même si cela conduit à arrêter un homme qui a façonné la stratégie navale turque actuelle".

Marco Valle.

mercredi, 07 avril 2021

Le pacte de la mer Noire. Quand l'axe Turquie-Ukraine irrite Poutine

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Le pacte de la mer Noire. Quand l'axe Turquie-Ukraine irrite Poutine

Par Gregorio Baggiani

Ex : https://formiche.net/

Avertissement : ce document émane d’une structure de l’OTAN. Il nous apparaît cependant intéressant à plus d’un titre : il souligne le double jeu de la Turquie, révèle son rôle toujours important au sein de l’Alliance Atlantique, montre que l’intérêt d’Ankara pour Kiev prépare, en quelque sorte, l’inclusion de l‘Ukraine dans l’Otan.

De l'énergie à l'armement, la Turquie et l'Ukraine se rapprochent de plus en plus, et sont désormais officiellement jumelées. Une entente en mer Noire qui inquiète la Russie dans une large mesure et qui pourrait également avoir des répercussions au Moyen-Orient. L'analyse de Gregorio Baggiani, analyste de la Fondation du Collège de défense de l'OTAN.

L'intensification des relations turco-ukrainiennes est l'une des principales nouveautés de ces dernières années. Elle représente un important facteur de stabilité, puisqu'elle rétablit un équilibre des forces qui avait été perturbé par l'annexion russe de la Crimée en mars 2014, certes illégale du point de vue du respect du droit international, mais qui s'est déroulée dans un contexte de forte escalade des tensions internationales au niveau systémique en raison de la crise ukrainienne.

La Russie et la Turquie sont "unies" par des intérêts communs tels que le commerce de l'énergie, la vente de systèmes d'armes (en particulier le système de missiles S-400, qui permet de contrôler l'ensemble de la mer Noire et une partie de la Méditerranée, une zone sur laquelle la Turquie lorgne de manière de plus en plus agressive), une aversion commune pour les systèmes politiques libéraux et surtout par la nécessité de maintenir la mer Noire sous la domination exclusive des principales puissances côtières.

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Sans compter que la Turquie reste un membre fondamental de l'OTAN, même si elle n'est plus considérée comme un allié fiable par de nombreux autres États membres. Erdogan utilise habilement, autant que très peu scrupuleusement, l'appartenance à l'OTAN pour s'opposer à la Russie lorsque cela est nécessaire, tout en menaçant d'étendre les relations avec la Russie pour obtenir des concessions de la part de l'OTAN, dans la mesure où celle-ci joue un rôle clé dans la protection militaire des États-Unis au Moyen-Orient et au-delà.

Mais ces éléments ne suffisent pas à déterminer une entente durable entre les grandes puissances de la mer Noire, car la Russie et la Turquie sont également divisées par des problèmes régionaux; voir le Caucase du Sud, et le Nagorny-Karabakh en particulier, ainsi que la Syrie et la Méditerranée orientale, où le panturquisme, ou le pantouranisme, se heurte inévitablement aux visées expansionnistes du voisin russe. Ceux-ci inspirent évidemment la peur, même dans un État militairement puissant comme la Turquie (dont la force militaire s'est de toute façon affaiblie après les purges de l'armée qui ont suivi la tentative de coup d'État de juillet 2016).

Dans ce contexte, on assiste donc à une intensification des relations commerciales par le biais d'un accord de libre-échange et de coopération militaire, mais aussi diplomatique, entre la Turquie et l'Ukraine, les deux États littoraux les plus importants après la Russie.

La Turquie soutient sans réserve ou sans ambiguïté la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de frontières internationalement reconnues et se félicite donc de la coopération dans le cadre de la Plate-forme pour la désoccupation de la Crimée à laquelle Moscou s'oppose évidemment de manière unilatérale, mais ferme, parce qu'elle remet en cause une question qu'elle considère comme désormais close.

Les ministères de la défense et les autres départements concernés des deux pays doivent assurer le succès de tous les projets bilatéraux. Ils ont l'intention d'achever dès que possible les négociations sur un accord de libre-échange entre l'Ukraine et la Turquie, d'intensifier la coopération au sein de la Commission intergouvernementale pour le commerce et la coopération économique et d'accroître les investissements turcs dans les projets d'infrastructure en Ukraine.

Les deux pays accueilleront l'« Année de l'Ukraine » en Turquie et l'« Année de la Turquie » en Ukraine. En outre, une sorte de jumelage est prévu, dans le sens où l'Ukraine a exprimé son intérêt à promouvoir la coopération avec la Turquie dans le domaine religieux également.

Cela inclut même la construction d'une nouvelle mosquée importante à Kiev, une manière de reconnaître et de récompenser la petite communauté musulmane ukrainienne, tout en présentant l'Ukraine comme ouverte au monde musulman, faisant de la mer Noire une mer de commerce et de communication interreligieuse.

Au niveau diplomatique international, cette alliance unique entre la Turquie et l'Ukraine finira par faire basculer les votes de nombreux États islamiques vers l'Ukraine lorsque l'ONU sera appelée à se prononcer sur la question de la Crimée, une occupation par le passé déjà sanctionnée par l'ONU à plus d'une reprise.

Ce qui est clair, c'est une sorte de compétition acharnée entre la Russie et l'Ukraine pour s'attirer les faveurs du monde arabe, et de ce qu'on appelle le tiers-monde en général au niveau international et surtout au sein des Nations unies, (il n'est pas surprenant de constater dernièrement un fort activisme russe à la recherche de voix pour résister aux résolutions de condamnation à l'ONU pour l'occupation de la Crimée et des débouchés commerciaux et géopolitiques en Afrique, surtout le long de la côte sud de la mer Rouge, en particulier à Port Soudan, un avant-poste stratégique pour le contrôle de la navigation en transit vers le golfe Persique et l'océan Indien, où s'effectue une part importante du trafic commercial et énergétique mondial) et un autre pour l'accès aux marchés du Moyen-Orient, pour lequel le contrôle de la mer Noire est absolument essentiel, comme pour l'extraction du gaz et du pétrole, dont la mer Noire est riche et dont l'extraction contestée par la Russie représente un élément supplémentaire de tension et de discorde entre Moscou et Kiev qui, idéalement, devrait être discuté dans le cadre de négociations multilatérales complexes qui, cependant, semblent inévitablement se heurter à des difficultés.

Il va sans dire que cette convergence d'intentions et d'intérêts entre la Turquie et l'Ukraine est fortement désapprouvée par Moscou et suivie avec une certaine inquiétude dans la mesure où elle vise intrinsèquement à contenir les aspirations expansionnistes de la Russie en Mer Noire même (et surtout comme projection en Méditerranée orientale et en Syrie), malgré le fait qu'il existe entre la Russie et la Turquie une importante collaboration de type sectoriel, donc non organique et structurelle du point de vue politique.

D'autre part, certains acteurs extérieurs à la région, les États-Unis en particulier, voient d'un bon œil une alliance entre Ankara et Kiev, comme une alliance visant spécifiquement à empêcher Moscou de satisfaire ses besoins de projection stratégique, ce qui l'aiderait à augmenter le volume des échanges commerciaux et politico-diplomatiques avec le reste du monde. Cela accroît de manière directement proportionnelle son statut politique et diplomatique et lui permet de devenir ou d'être l'un des pôles indépendants de la politique mondiale, ce que l'on appelle le nouvel ordre multipolaire, auquel les dirigeants et, dans une certaine mesure, la population russe elle-même aspirent fortement, et qui est illustré par le concept de velikoderzavnost ou de grande puissance.

vendredi, 09 mars 2018

Osteuropa: Wiederbelebung antirussischer Allianz

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Osteuropa: Wiederbelebung antirussischer Allianz
 
Die Ukraine, Moldau und Georgien beleben mit US-Unterstützung die "GUAM"-Allianz neu. Hauptfeind: Russland.

Von Marco Maier

Ex: https://www.contra-magazin.com

Ursprünglich umfasste der sogenannte "GUAM"-Block (GUAM Organization for Democracy and Economic Development) die Länder Georgien, Ukraine, Aserbaidschan und Moldau. Doch nach der Wiederbelebung durch die anderen Mitglieder (infolge der Unterstützung durch die USA) teilte Aserbaidschan mit, man wolle an der Konferenz "Georgien, Moldau und Ukraine: Östliche Partnerschaft und aktuelle Sicherheitsherausfoderungen" in der moldauischen Hauptstadt Chisinau (die am 2. März abgehalten wurde) nicht teilnehmen, da man sich an der klar antirussischen Agenda nicht beteiligen werde.

Das störte die Oligarchen-Regierungen der anderen Länder jedoch herzlich wenig. Da unter den 150 Teilnehmern der Konferenz auch US-Kongressabgeordnete und Vertreter der neokonservativen Denkfabrik "Atlantic Council" waren, die keine Gelegenheit auslassen antirussische Ressentiments zu schüren, verkauften diese eben gerne ihre Seele. Wenn man sich nur laut und energisch genug gegen Russland stellt, sind Gelder und sonstige Hilfen aus dem Westen sicher. Nicht umsonst ging man im Jahr 2014 dazu über, nicht mehr Russisch als offizielle Arbeitssprache zu verwenden, sondern Englisch.

Für Washington ist das "GUAM-Revival" eine perfekte Möglichkeit, eine militärische Parallelstruktur zur NATO in der Region zu etablieren. Da die Statuten des westlichen Kriegsbündnisses es verbieten, Länder mit laufenden militärischen Konflikten aufzunehmen, können die Ukraine, Moldau und Georgien nicht der NATO beitreten. Aber sie können eben ein eigenes von der NATO unterstütztes Bündnis schließen, welches ebenfalls gegen Russland gerichtet ist.

Eric Zuesse fasste das Ganze perfekt zusammen: "Was bringt sie zusammen? Alle drei Staaten werden von Oligarchen regiert die Reformen blockieren. Mit ihren Volkswirtschaften in großen Schwierigkeiten, versprechen die regierenden Eliten ihren Völkern das Paradies, wenn sie der EU und der NATO beitreten und gute Freunde der Vereinigten Staaten werden. Die Übernahme einer Anti-Russland-Politik ist ihre Bezahlung für westliche Hilfe und Unterstützung. Ihre eigenen nationalen Interessen und ihre Souveränität werden gegen Krümel ausgetauscht, die vom Tisch des Herren herunterfallen."

samedi, 29 octobre 2016

Réflexions géopolitiques sur les turbulences du Donbass

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Robert Steuckers:

Réflexions géopolitiques sur les turbulences du Donbass

Maintes fois, j’ai eu l’occasion de souligner l’importance de l’Ukraine et plus spécialement de la partie orientale de cette nouvelle république née après la dissolution de l’Union Soviétique. Cette partie, le Donbass, est aujourd’hui en effervescence, une effervescence fabriquée et importée dans des buts bien précis. Cette région est en effet une région-portail (une « gateway region » disent les stratégistes américains), c’est-à-dire une région dont la maîtrise assure le contrôle et la fluidité optimale des communications entre les blocs impériaux, les vastes espaces politiquement unifiés, situés à l’Est et à l’Ouest de leur territoire. Si une puissance extérieure à cet espace finit par contrôler une telle région-portail, les communications optimales entre les empires voisins se compliquent voire se tarissent. En l’occurrence, une pacification du Donbass sans russophobie ni europhobie permettrait à l’Union européenne, à la Russie, aux petites puissances du Caucase, au Kazakhstan, à l’Iran et finalement à la Chine de construire et de consolider sur le long terme des réseaux ferroviaires, routiers et fluviaux donc à fonder des impérialités pratiques autorisant tous les échanges sur la masse continentale asiatique : nous aurions un dépassement des infra-impérialismes, des survivances des impérialismes antagonistes du passé, de tous les internationalismes secs et irrespectueux des legs du passé, etc. Les dynamismes globaux pourraient s’exprimer mais sans araser les traditions pluriséculaires voire plurimillénaires des civilisations qui ont marqué de leur sceau de vastes régions d’Eurasie.

L’histoire des théories géopolitiques nous l’enseigne : l’impérialisme britannique hier, l’impérialisme américain aujourd’hui ont toujours refusé toute synergie continentale à même d’impulser des dynamismes qui échapperaient à leur contrôle et procureraient aux peuples des fluidités qui ne seraient pas marines. On connait l’histoire du « Grand Jeu » à partir du 19ème siècle : la puissance maritime britannique, maîtresse des Indes, cherchait par tous les moyens à repousser la puissance continentale des tsars loin des « rimlands » qu’elle entendait contrôler jusqu’à la fin des temps. La guerre de Crimée n’est pas autre chose qu’une tentative de bloquer la Russie sur la rive septentrionale de la Mer Noire. Dans Kim, un roman de Kipling situé aux Indes, il s’agit de démasquer les espions russes qui se promènent, sous prétexte de recherches archéologiques, géologiques ou zoologiques, dans les montagnes de l’Himalaya ou de l’Hindou Kouch. Aujourd’hui, on n’envoie pas la Brigade Légère ou les troupes de Mac Mahon en Crimée : on pratique la guerre de quatrième génération, la guerre indirecte, le « proxy warfare ». Les combats qui se déroulent dans le Donbass à l’heure actuelle ne sont finalement que des réactualisations de ceux qui ont ensanglanté la Crimée entre 1853 et 1856.

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Nous vivons un cycle non encore clos de guerres mondiales depuis les affrontements franco-britanniques en marge de la guerre européenne de Sept Ans, à la suite de laquelle la France a perdu l’Inde et le Canada, soit toute prépondérance en Amérique du Nord et dans le sous-continent indien, dans l’Atlantique Nord et l’Océan Indien (« Océan du Milieu »). Suite à cette défaite majeure, Louis XVI poursuit une politique navale qui mènera le Royaume de France à reprendre le contrôle de l’Atlantique Nord en 1783, suite au soulèvement des « Insurgés » américains, tandis que, la même année, Catherine II, Impératrice de toutes les Russies, boute les Ottomans hors de Crimée et y installe des bases navales russes, dans l’intention de cingler vers Constantinople, de franchir les Dardanelles et de pénétrer dans le bassin oriental de la Méditerranée. Catherine II voulait créer une civilisation éclairée germano-balto-slave entre Baltique et Mer Noire, marqué par les souvenirs lumineux de l’hellénisme.

La situation est analogue aujourd’hui. Un retour de la Russie dans les ports de Crimée signifie, aux yeux des Atlantistes qui ne pensent qu’en termes de belligérance éternelle, 1) une menace permanente sur la Turquie (en dépit de l’alliance actuelle et très récente entre Erdogan et Poutine), 2) un risque de voir Moscou revenir et s’accrocher en Méditerranée orientale, au départ de la base navale de Tartous en Syrie. Pour enrayer ce processus potentiel, contraire aux intentions géopolitiques habituelles des puissances maritimes anglo-saxonnes, il faut désormais, dans la perspective des guerres de quatrième génération, soit fabriquer une nouvelle « révolution orange » analogue à celles de 2004 et de 2011, soit, si ce type de subversion ne fonctionne plus, créer un abcès de fixation durable sous forme d’un conflit chaud plus ou moins classique, afin d’atteindre un double objectif : barrer la route des Dardanelles à la Russie, imposer un verrou sur la nouvelle route de la soie entre l’Europe et la Chine, exactement à l’endroit où Génois et Vénitiens se connectaient aux voies commerciales de l’Asie centrale, vers l’Inde et la Chine, principales puissances économiques de la planète avant la révolution industrielle, la conquête définitive des Indes par les Britanniques et la destruction de la Chine impériale suite aux guerres de l’opium.

La stratégie des révolutions de couleur a certes fonctionné en Ukraine mais elle s’est aussi avérée insuffisante pour éliminer toute présence russe en Crimée et en Mer Noire ou pour gêner l’utilisation de la voie fluviale que constitue le Don, qui se jette en Mer Noire juste à l’Est de la péninsule criméenne, un Don qui lie les espaces maritimes pontique et méditerranéen au cœur des terres russes. Pour pérenniser un abcès de fixation au flanc d’une Russie qui se réaffirme, il faut bien davantage que du désordre civil permanent, que des manifestations ou des concerts de casseroles. Il faut une zone de turbulences chaudes, il faut exploiter des facteurs plus explosifs, plus incendiaires (ce n’est pas un hasard si l’on commence à reparler de « pyropolitique », c’est-à-dire de stratégies visant littéralement à livrer les pays récalcitrants  -ou les régions-portail utiles aux adversaires principaux du moment-  à un feu dévorateur, celui de la guerre chaude entretenue sur le long terme ou celui du terrorisme qui manie explosifs, voitures piégées, etc). Pour déclencher et maintenir cette pyro-stratégie, les services utiliseront des formes résiduaires de nationalisme outrancier, qui ont sans doute eu leurs raisons dans l’histoire, comme d’autres reliquats de nationalismes violents en Europe occidentale. Mais qui aujourd’hui ne servent plus qu’à asseoir des politiques belligènes et retardatrices d’une grande synergie eurasiatique. Je rappelle ici que Carl Schmitt qualifiait de « retardatrices » les puissances thalassocratiques anglo-saxonnes : ou, plus subtilement, des « accélératrices contre leur volonté » car leurs démarches retardatrices accéléraient la prise de conscience de leurs adversaires qui, pour répliquer, ne pouvaient que faire taire tous leurs antagonismes stériles et anachroniques.

Les mêmes services retardateurs (ou accélérateurs involontaires, Beschleuniger wider Wille) importeront, pour parachever l’horreur, dans l’Est de l’Ukraine ou en Crimée, une dose de djihadisme tchétchène pour pallier le manque d’enthousiasme ou de volontaires. On tentera, dans la foulée, de lier ce djihadisme, forcément marginal en Ukraine, terre uniate à l’Ouest, terre orthodoxe au centre, à l’Est et au Sud, à celui des djihadistes du Caucase ou de Syrie. Il se créera ainsi une internationale des forces subversives/retardatrices, insoupçonnée pour le commun des téléspectateurs vu son invraisemblable hétérogénéité, fabriquée au départ de nationalismes résiduaires, de souvenirs de la seconde guerre mondiale, de particularisme tatar ou d’islamisme fondamentaliste : les techniques d’ahurissement médiatique pourront alors donner leur pleine mesure ! C’est là, précisément, que réside la supériorité des internationales de fausse résistance, mises en œuvre par les puissances maritimes : elles sont vendues à un public occidental ignorant à grands renforts de campagnes médiatiques, un public qui, par le truchement d’une autre propagande biséculaire, se croit le plus éclairé de la planète où ne vivraient que des abrutis. Elles parviennent à mobiliser et à unir des forces qui seraient normalement hostiles les unes aux autres, ou qui s’ignoreraient si aucune impulsion extérieure ne s’exerçait, dans un projet destructeur dont elles seront les seules à tirer bénéfice.

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Les Etats-Unis peuvent se permettre une telle stratégie destructrice, pyropolitique, parce qu’ils sont une puissance extérieure aux espaces russe, pontique, méditerranéen oriental, proche-oriental.  Les effets destructeurs qu’ils enclenchent n’ont guère d’effets sur leur propre sanctuaire national. La bride est laissée sur le cou du milliardaire Soros pour créer ce chaos au départ de sociétés en apparence privées, d’organisations non gouvernementales qui reçoivent tout de même de larges subsides de fondations liées aux deux principaux partis américains. Ces interventions subversives sont autant d’indices de ce que la géopolitique allemande de Karl Haushofer nommait des « Wachstumsspitzen », soit des « pointes avancées d’une croissance », en l’occurrence une croissance impérialiste illégitime car anti-impériale et retardatrice de processus unificateurs et pacificateurs.

La présence américaine en Méditerranée est déjà l’indice de l’éviction des puissances maritimes européennes hors de l’espace même de leur propre aire civilisationnelle. Ce processus d’éviction s’est effectué en plusieurs étapes. Immédiatement après la première guerre mondiale, est signé le bien oublié Traité de Washington (1922). Ce Traité impose la parité du tonnage des flottes de guerre pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni (+ /- 500.000 tonnes), octroie 300.000 tonnes au Japon qui hérite dans le Pacifique de la Micronésie allemande et ne laisse à la France que 220.000 tonnes et à l’Italie à peine 180.000 tonnes. Les puissances méditerranéennes sont lésées. L’Allemagne et la jeune URSS ne sont pas concernées par le traité, les bâtiments de la flotte austro-hongroise ont été détruits ou redistribués aux alliés vainqueurs (dont la Yougoslavie). Le tonnage et le statut de la flotte allemande sont réglés par le Traité de Versailles, qui les réduit à presque rien. Les puissances thalassocratiques sont telles parce qu’elles ont imposé un traité qui jugulait expressément le tonnage de leurs adversaires ou de leurs alliés putatifs. Aucune puissance ne pouvait égaler ou dépasser la flotte américaine en plein développement depuis 1917 ; aucune puissance maritime mineure (ou devenue mineure) ne pouvait dépasser les tonnages qui leur avaient été imposés en 1922. Ce Traité de Washington est rarement évoqué, bien qu’il soit déterminant pour l’histoire mondiale jusqu’à nos jours (où la Chine développe ses capacités maritimes en face de ses côtes…). On ne l’évoque guère car la France de la Chambre bleue-horizon, qui chante une victoire chèrement acquise au prix du précieux sang de ses classes paysannes, voit cette victoire se transformer en victoire à la Pyrrhus dès le moment où ce Traité de Washington lui barre de fait la route du large et écorne sa puissance en Méditerranée. La flotte de 220.000 tonnes est certes suffisante pour tenir les parts de l’Empire en Afrique du Nord et au Levant mais est bien insuffisante pour dominer le large, pour se projeter vers le Pacifique ou l’Atlantique Sud. Tirpitz l’avait dit : à l’aube du 20ème siècle, une puissance n’est vraiment puissante que si elle a pu développer ses capacités navales. L’Italie n’obéira quasiment jamais aux injonctions du Traité. L’Allemagne ne remontera jamais la pente, en dépit de son régime totalitaire. La France non plus, ni avant guerre ni après guerre, malgré les audaces théoriques de l’Amiral Castex à l’ère gaullienne.

En 1940, l’horrible tragédie de Mers-el-Kébir porte un coup terrible aux capacités maritimes de la France. A partir de 1945, la présence américaine en Méditerranée occidentale et orientale, dans le cœur même de l’espace civilisationnel européen, est prépondérante et se renforce par le soutien inconditionnel apporté à l’Etat d’Israël, devenu au fil des décennies le gardien des côtes les plus orientales de la Grande Bleue, à portée du Canal de Suez. Après l’affaire de Suez en 1956, Britanniques et Français sont vivement priés de cesser toute revendication dans l’espace est-méditerranéen.

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La double problématique de la Crimée et du Donbass doit être pensée dans ce contexte général d’éviction des petites et moyennes puissances maritimes hors des mers intérieures de la grande masse continentale eurasienne. Les grandes puissances thalassocratiques ont d’abord visé la Méditerranée (et l’Adriatique qui offre un tremplin vers le cœur de la Mitteleuropa germano-danubienne), ensuite le Golfe Persique par les interventions successives contre l’Irak de Saddam Hussein et par le boycott de l’Iran (précédé d’un sabotage de la flotte du Shah). Aujourd’hui, c’est la volonté de s’immiscer plus profondément encore dans cette masse continentale, en contrôlant la Mer Noire et en contenant la Russie le plus loin possible de son littoral, qui justifie les interventions en Ukraine et en Crimée, le soutien à une Géorgie en voie d’occidentalisation politique et l’appui indirect, par financement saoudien ou qatari, des djihadistes tchétchènes ou daghestanais. Demain, en déployant une double stratégie de soutien et aux djihadistes caucasiens et à un Azerbaïdjan qui, allié à la Turquie, neutraliserait l’Arménie (encore maîtresse du Nagorno-Karabagh), en organisant ensuite la subversion de l’Ouzbékistan après le récent décès de son président Karimov, la thalassocratie américaine visera à contrôler aussi la Caspienne pour en chasser Russes et Iraniens et pour arrêter la « Wachstumsspitze » économique chinoise en Ouzbékistan, qui lui livre désormais la quasi-totalité des hydrocarbures qu’il produit. Finalement, la stratégie de Brzezinski, élaborée dans son ouvrage Le Grand échiquier (1997), triomphera si aucune résistance ne se dresse, si aucune rétivité par rapport aux médias dominants ne surgit pour contrecarrer ce projet faisant fi de la diversité et de la multipolarité du grand espace eurasien et du monde. Tels sont les enjeux vitaux qui se jouent aujourd’hui au Donbass. Peu d’Occidentaux l’ont compris. Quelques-uns, des aventuriers aux cerveaux hardis, participent à ce combat pour préserver l’héritage de la triple alliance continentale du 18ème entre la France, l’Autriche et la Russie.

 (Forest-Flotzenberg, octobre 2016).

lundi, 28 décembre 2015

Krim-Tataren: Aufbau einer Guerilla-Truppe mit „türkischer Hilfe“

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Krim-Tataren: Aufbau einer Guerilla-Truppe mit „türkischer Hilfe“

Ein selbsternannter Führer der Krim-Tataren behauptet, dass die türkische Regierung die Krim-Blockade unterstützte. Zudem soll sie eine Guerilla-Truppe unterstützen, die Sabotage-Aktionen auf der Halbinsel durchführen soll. Will die Türkei damit weiter den Konflikt mit Russland anheizen?

Von Christan Saarländer

"Während sich die Kiewer Regierung noch am Kopf kratzt, unterstützen uns die Türken bereits", so Lenur Islymanow, der selbsternannte Führer der militanten Krim-Tataren. Es soll bereits finanzielle Unterstützung von türkischer Seite erhalten haben und diese bald in die ukrainischen Kräfte eingegliedert werden. "Mehr als hundert Mann haben sich uns bereits angeschlossen", so Isylmanov in einem Interview weiter.

Innerhalb von einem Jahr will der Führer der Krim-Tataren zusammen mit den ukrainischen Streitkräften die Krim zurückerobern.Die Mehrzahl der Krim-Bewohner stammt aus Russland und entschied sich in einem Referendum im März 2014 mit überwältigender Mehrheit für die Rückkehr zur Ukraine. Sowohl die Kiewer Putsch-Regierung als auch der Westen akzeptiert diese Entscheidung nicht. Will man die Krim nun also mit terroristischen Aktivitäten wieder zurückerobern?

Zuvor waren bereits die faschistischen Grauen Wölfe aus der Türkei auf der Halbinsel gesichtet worden, die in der Vergangenheit immer wieder durch terroristische Aktionen aufgefallen waren. Auf einem Bild auf Twitter posiert der Organisator der Krim-Blockade mit Anhängern der "Grauen Wölfe" während der Krim-Blockade. Die Krim-Blockade führte auf der Krim zu Stromausfällen. Inzwischen hat das russische Festland die Stromversorgung übernommen.

Contra-Magazin berichtete jüngst von der Beteiligung der türkischen Extremisten an der Krim-Blockade. Die Organisation gilt als gewaltbereit und auch in Deutschland werden die Aktivitäten von den Landesverfassungsschutz-Ämtern mit Sorge beobachtet. Die Vereinigung wird zudem mit dem Stay-Behind-Programm der NATO in Verbindung gebracht, ein ultra-rechtes Partisanenprogramm, welches in Friedenszeiten für zahlreiche Terroranschläge verantwortlich gemacht wurde.

Sollte die Türkei offiziell die Aktivitäten der pro-westlichen Krim-Tataren finanziell Unterstützen, wäre das nach dem Abschuss der russischen Su-24 der nächste feindselige Akt der Türkei. Nach Angeben der Moskauer Nachrichtenagentur TASS verhandelt die Ukraine mit Israel und der Türkei über ein Freihandelsabkommen.

dimanche, 20 décembre 2015

Vers une “ukrainisation” de la Turquie ?

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Vers une “ukrainisation” de la Turquie ?

Ex: http://www.dedefensa.org

On nous dit que les affaires vont soudainement très bien entre la Turquie et l’Ukraine. Le “Calife à la place du Calife“ et le “roi du chocolat”, – respectivement MM. Erdogan et Porochenko, – se sont trouvés comme pacte d'amitié une fondamentale inimité commune qui les pousse à mettre en place une alliance irrésistible. Erdogan s’appuie sur l’OTAN et les USA, Porochenko sur Joe Biden et les USA, ce qui vous a un air de famille ; Erdogan alimente Daesh en bons conseils et en camions-citernes, Porochenko laisse faire ses croix gammées, ce qui vous a un air de complicité. Tous les deux, bien sûr, se jugent assez assurés des “valeurs” postmodernes pour réclamer une admission des plus rapides dans l’UE, ce qui a de moins en moins de chances de se faire ; en attendant cette issue qui ne viendra pas, ces deux pays sont, par des moyens divers, des nuisances constantes pour l’UE, qui doit supporter la pesanteur extrême de leur allégeance supposée.

Voici donc quelques mots sur “les affaires” que Turcs et Ukrainiens envisagent de faire ensemble désormais liés par leur commun sentiment antirusse (Russia Insider du 12 décembre, repris de International Business Times) :

« As tensions between Moscow and Ankara continue, Turkey has turned to another Kremlin foe and Eastern European state: Ukraine. Defense firms in Turkey and Ukraine have begun talks on tank modernization programs, Defense News reported Sunday.

» Both Turkey and Ukraine find themselves at odds with the Kremlin. Russia applied harsh economic sanctions against Ankara after Turkey shot down a Russian jet at the end of November, saying the aircraft crossed into its sovereign airspace. Moscow denies this allegation. Ukraine continues to battle Russian-backed separatists in the Eastern Donbass region in a conflict that has left over 8,000 people dead. Moscow continues to deny playing any direct military role in the conflict in Ukraine. The situation has prompted the leaders of Turkey and Ukraine to warm relations. “We have agreed on a plan of our actions and preparations for my visit to Turkey, which is due in the first quarter of 2016,” Ukrainian President Petro Poroshenko said at the start of the month. “We are expecting this visit to make a breakthrough.” »

Si le processus n’est pas vraiment étonnant, il est remarquable par l’espèce de mimétisme qui est en cours d'installation entre les deux directions, tant la politique semble ne pouvoir se concevoir aujourd'hui que sur l'apriorisme de l'histilité comme référence, y compris les références communes. Notre hypothèse suggère de considérer une évolution de la Turquie qui pourrait avoir lieu si aucun événement majeur ne vient débloquer ses relations avec la Russie. Un tel déblocage semble particulièrement difficile en raison de l’extrême fermeté de la politique russe qui est un élèment nouveau et très puissant d'une part, de l’attitude pour l’instant intransigeante d’Erdogan, facilitée par son isolement intérieur volontaire et l’évolution de son pouvoir vers une sorte d’absolutisme constitutionnel d’autre part.

Il semblerait alors possible que la Turquie d’Erdogan suive une évolution très spécifique, se comportant désormais comme l’Ukraine de Porochenko, empilant menace sur menace contre les Russes, parlant de guerre, de riposte, pratiquant divers actes d’illégalité internationale, figurant avec à sa tête une structure népotique, corrompue et mafieuse (le clan Erdogan), etc. A notre sens, la politique turque ne se trouve pas loin, désormais, d’être engagée sur la voie de se trouver réduite au cadre d’action et à la pratique ukrainiennes, elle-même réduite à développer des séries d’anathèmes antirusses comme axe fondamental de sa politique générale. C’est ce que nous nommons l’“ukrainisation” de la Turquie, qui constitue un processus d’abaissement de la politique extérieure à un simple antagonisme sans issue ni perspective constructive, sinon le ridicule des menaces de destruction de la Russie ; dans ce cadre, la politique se réduit de plus en plus à ne considérer qu’une seule référence, qui est l’hostilité à la Russie, et considérant ses liens avec les autres en fonction de l’attitude des autres vis-à-vis de cette orientation.

Il y a là un “modèle” assez nouveau de “faillitisation” des États (la nouveauté de la chose justifiant de proposer un terme nouveau pour la qualifier) ; c’est-à-dire un processus non pas de faillite normale (il y aura toujours un FMI  de fortune ou un bankster d’infortune pour sauver la baraque au dernier moment) mais bien de développement des structures et du statut de l’État vers une sorte de faillite volontaire, par processus de corruption psychologique avec le reste qui suit selon un objectif de plus en plus unique et essentiellement négatif ; une faillite qui s’effectue dans la mesure de son abaissement, de sa réduction à des processus négatifs de communication essentiellement et au choix d’une narrative également négative (antirusse) à la place de la prise en compte des vérités-de-situation.

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A la lumière de l’exemple ukrainien, ce “modèle“ nous paraît beaucoup plus crédible comme effet des processus-Système, que le modèle traditionnel des “États-faillis” (“failed states”). Il installe l’impuissance et la paralysie à mesure des emportements de la rhétorique, c’est-à-dire la faillite soutenue par la jactance et une sorte de politique du sur-place puisqu’entièrement conditionnée par la négativité des liens avec la Russie. (La Russie est la seule référence à considérer à cet égard à cause de sa puissance pri,ncipielle [la souveraineté] et l'effet antiSystème de plus en plus marqué de sa politique.) Il s'agit d'une sorte de faillite par les termites (considérées comme un symbole de l'évolution décrite), qui minent la psychologie, effectivement évoluant vers une sorte de néantisation de toute existence souveraine. Au bout du compte, ce “modèle“ n’est même plus celui de vassal du bloc-BAO mais plutôt de parasite du Système qui embarrasse le Système plus qu’il ne le sert bien qu’il en soit sa créature, et dont le sort serait de plus en plus de tourner en rond sur lui-même, nourrissant son propre désordre encore plus que disséminer ce désordre hors de lui-même, et minant décisivement sa propre substance. En effet et bien entendu, l“ukrainisation“, ou “modèle ukrainien”, laisse libre à chacun de ses adeptes de développer sa propre forme de désordre intérieur, celui de “Kiev-la-folle“ s'étant déjà imposé comme typique et très spécifique comme il convient à un archétype ; ainsi pourrait-on penser, pour assurer la narrative et rassurer les esprits inquiets, qu'il s'agit d'une sorte de souveraineté, mais invertie : la souveraineté qui s'exprime dans le choix souverain qu'on fait de la forme de sa propre impuissance et du désordre de soi-même.

mardi, 23 décembre 2014

Pourquoi la Russie a-t-elle décidé de mettre un terme au projet South Stream?

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Pourquoi la Russie a-t-elle décidé de mettre un terme au projet South Stream?

« Le projet South Stream était voué à l’échec dès le départ »

Propos recueillis par Thomas Gras

Ex: http://www.lecourrierderussie.com

Entretien avec Said Gafourov, économiste spécialiste de l’Orient et conseiller auprès du gouvernement russe.


Le 1er décembre, le président russe Vladimir Poutine a déclaré, lors d’une visite d’État en Turquie, que Moscou stoppait la réalisation du projet de gazoduc South Stream. La raison invoquée est la « position non constructive » de l’Union européenne. Vladimir Poutine a également annoncé que, pour répondre aux besoins de l’économie turque, la Russie était prête à construire un nouveau pipeline vers la Turquie et à le prolonger, si nécessaire, jusqu’en Grèce. Qu’est-ce qui se cache derrière la fermeture de South Stream ? Le Courrier de Russie a posé la question à Said Gafourov, économiste spécialiste de l’Orient et conseiller auprès du gouvernement russe.

Le Courrier de Russie : Comment avez-vous réagi à l’annonce de l’abandon de la construction du gazoduc South Stream ?

Said Gafourov : J’ai été surpris par cette décision, même s’il fallait s’y attendre. Le projet South Stream, selon moi, était voué à l’échec dès le départ, car beaucoup trop cher [le coût du projet était estimé à quelque 25 milliards d’euros, ndlr]. La construction d’un gazoduc sous l’eau est une entreprise très onéreuse, et dangereuse. С’est une opération requérant d’importantes garanties sur le long terme et un partage des risques entre les parties. L’acheteur endosse la responsabilité de la demande, au cas où elle diminuerait, alors que le vendeur, ici Gazprom, est responsable du maintien des prix, s’ils venaient à monter.

LCDR : L’Europe est-elle d’accord pour partager ces risques ?

S.G. : En Europe, si les acheteurs sont des compagnies privées, les conditions sont fixées par Bruxelles. Et elles sont loin d’être équitables pour les fournisseurs, qu’il s’agisse de la Russie ou d’un autre pays. La position de l’UE consiste à dire : Vous amenez le gaz chez nous à vos frais, et nous le prenons au prix que nous voulons et sans garantie sur le long terme. Bien évidemment, cette situation ne peut pas satisfaire la Russie qui, dans le projet South Stream, se heurte en outre à un autre obstacle majeur : le troisième paquet énergie européen, interdisant aux producteurs de gaz de posséder des pipelines en Union européenne. Ce paquet contraint Gazprom à permettre à n’importe quel autre fournisseur d’utiliser son gazoduc pour livrer du gaz en Europe. Résultat, même si aucun autre acteur du marché ne se manifeste, la compagnie russe ne pourra pas utiliser le South Stream à pleine capacité, elle devra laisser une partie des pipelines en réserve, ce qui affecte grandement la rentabilité du projet et le rend économiquement peu fiable pour la partie russe. Le paquet énergie a été utilisé par l’UE comme une arme, et la Russie en a eu assez.

LCDR : Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a d’ailleurs ouvertement accusé l’Union européenne, le 5 décembre, d’avoir fait échouer le projet de gazoduc.

S.G. : L’Union européenne n’est pas « unique » : elle est constituée de points de vue politiques multiples et très différents. On y trouve notamment un groupe de bureaucrates qui se sont opposés à la réalisation du South Stream au nom de leurs intérêts personnels. Leur but n’était pas tant de faire du mal à Gazprom que de contrôler les flux monétaires liés au gaz afin de pouvoir s’en servir comme moyen de pression sur les compagnies et hommes politiques. Ces individus ne voulaient pas en arriver à la fermeture du projet, mais nous y sommes. Ce ne sont ni plus ni moins que des manœuvres et négociations secrètes de type mafieux.

LCDR : Doit-on définitivement faire une croix sur South Stream ?

S.G. : Non. Il y a des chances que le projet ne disparaisse pas complètement, bien que Gazprom affirme le contraire. La question centrale est de savoir quels changements auront lieu à Bruxelles dans les mois à venir. Les individus dont je parlais doivent être remplacés. Il faut briser cette bureaucratie mafieuse à Bruxelles. Les personnes chargées de la sécurité et de la livraison de gaz en Europe n’ont pas à commettre de tels actes irresponsables. Ensuite, la réouverture du projet dépendra beaucoup de l’évolution d’un certain nombre de facteurs, tels que la variation du coût du matériel de construction sous-marine, de l’obtention de garanties sur la demande et de la levée des sanctions contre Gazprom. D’ailleurs, les compagnies européennes impliquées [l’italien Eni, le français EDF et l’allemand Wintershall, ndlr] n’ont pas entériné la fin du South Stream et feront tout pour qu’il aboutisse.

LCDR : Le nouveau projet de Gazprom envisage de traverser la Turquie par un nouveau gazoduc afin d’aller jusqu’à la Grèce, où serait construit un hub à la frontière. Pourquoi cette route rencontrerait-elle plus de succès que le tracé par la Bulgarie ?

S.G. : Premièrement, le projet est moins cher, puisqu’il est principalement terrien, et deuxièmement, la Turquie ne suit pas le régime des sanctions. N’oublions pas que Gazprom est touché par les sanctions occidentales et ne peut obtenir de crédits à long terme auprès des banques européennes. Ensuite, la Grèce dispose de plus de pouvoir au sein de l’UE que la Bulgarie. D’autant que la prochaine élection présidentielle grecque [avancée au 17 décembre, ndlr] devrait être remportée par un représentant du parti de gauche, Syriza [très opposé à la politique de Bruxelles, ndlr].

LCDR : Quel rôle joue la Turquie dans cette affaire ?

S.G. : La Turquie compte devenir le principal centre de transit du gaz en direction de l’Europe du Sud, à la place de l’Ukraine. Gazprom a présenté un contrat intéressant à Ankara, lui accordant une ristourne sur le gaz. Bien que le prix de vente soit tenu secret, je pense que les Turcs pourraient payer moins de 300 dollars les 1 000 m3, alors que la moyenne européenne oscille entre 300 et 500 dollars. Le projet proposé par Gazprom n’est néanmoins pas une réalité, mais une possibilité. L’Union européenne doit maintenant prendre une décision quant à sa réalisation. Si Bruxelles est honnête d’un point de vue concurrentiel, elle acceptera le projet russo-turc, car elle doit être heureuse qu’il existe, outre l’Ukraine, une nouvelle route gazière au Sud.

Long de 3 600 kilomètres et d’une capacité estimée à 63 milliards de mètres cubes par an, le South Stream devait relier la Russie à l’Europe du Sud sous la mer Noire vers la Bulgarie, puis l’Italie et l’Autriche, afin de contourner le territoire ukrainien. Pour réaliser la partie terrestre du pipeline, la Russie avait signé des accords intergouvernementaux avec l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, la Hongrie, la Grèce, la Serbie et la Slovénie. Sa construction avait débuté le 7 décembre 2012 dans la région d’Anapa (Caucase russe), et la première des quatre conduites du gazoduc devait entrer en service fin 2015.

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« Bruxelles n’arrête pas de nous mettre des bâtons dans les roues dans le projet South Stream. Si les problèmes continuent, nous considèrerons d’autres opportunités et choisirons des pays de transit qui ne sont pas membres de l’Union européenne. L’Europe se trouvera avec encore un nouveau pays de transit. Je ne comprends vraiment pas à quoi Bruxelles est en train de jouer. »
Vladimir Poutine, le 24 mai, lors d’une rencontre avec les représentants des agences de presse internationales.

samedi, 13 décembre 2014

Gibt es im Schwarzen Meer Elefanten?

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Gibt es im Schwarzen Meer Elefanten?

F. William Engdahl

Nein, ich spreche nicht von den rosa Elefanten, die einem manchmal erscheinen können, wenn man ein bisschen zu tief ins Glas geschaut hat. Im Jargon der Ölindustrie sind Elefanten neu entdeckte Ölfelder mit mehr als 100 Millionen Barrel förderbarem Rohöl. Manche Geologen westlicher Ölgesellschaften behaupten, solche »Elefanten« seien mittlerweile ausgerottet, und das wiederum sei ein Zeichen dafür, dass die Ölreserven der Welt weitgehend erschöpft seien. Die Realität zeigt jedoch immer deutlicher das Gegenteil.

Der renommierte niederländische Erdöl-Ökonom Peter Odell hat einmal gesagt, das Öl gehe uns nicht aus, sondern uns fließe ständig neues Öl entgegen … wo immer wir danach suchten. Jetzt gibt es offenbar im Schwarzen Meer reihenweise Elefanten mit Milliarden Barrel Rohöl.

Rumänien, das oft als der kranke Mann in der EU betrachtet wird, hat kürzlich entdeckt, dass es vielleicht gar nicht so arm ist wie gedacht. 2011 erhielt das Geologie-Büro Purvin & Gertz den Auftrag, potenzielle Ölfelder vor der Küste zu erkunden. Damals entdeckten Israel, Zypern und andere Länder gerade riesige Öl- und Gasfelder im östlichen Mittelmeer.

Die Tests ergaben für Rumänien gute geophysikalische Aussichten in den Gewässern vor der Küste. 2012 gaben der US-Ölkonzern ExxonMobil und die rumänische Ölgesellschaf OMV Petrom die Ergebnisse für Domino-1, Rumäniens erste Aufschlussbohrung in 930 Metern Tiefe, bekannt. Bestätigt wurde ein Erdgaslager von rund drei Billionen Kubikfuß (Tcf, nach dem englischen »trillion cubic feet«), der größte Erdgasfund in der Geschichte des Unternehmens.

Durch mögliche Territorialstreitigkeiten mit Bulgarien wurde die weitere Entwicklung in dem Gebiet gebremst. Aufmerksamkeit erregte allerdings, dass Domino-1 nur eine von fünf geologisch ähnlichen Strukturen vor der rumänischen Schwarzmeerküste ist.

Mehr lesen:

http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/geostrategie/f-william-engdahl/gibt-es-im-schwarzen-meer-elefanten-.html

lundi, 08 décembre 2014

Las razones de Putin para “suspender” el South Stream

El cierre del gasoducto ruso South Stream en Europa ha desatado una gran polémica en torno a las motivaciones de Moscú. ¿Qué hechos están detrás de su suspensión y qué futuro le aguarda al un nuevo oleoducto de Rusia en Turquía? Rusia ha cancelado el proyecto del oleoducto South Stream de 63.000 millones metros cúbicos para suministrar gas al sur de Europa. Ahora, en vez de transitar a través de Bulgaria, miembro de la UE, el gas fluirá a través de Turquía y de Grecia. Según expertos, South Stream podría cubrir un 20% de las necesidades de gas de la UE.

Gazprom ha confirmado oficialmente que Rusia construirá un gasoducto alternativo utilizando fondos y materiales destinados al proyecto original de South Stream. El gigante del gas ruso aún planea tender un gasoducto hacia Turquía y el sur de Europa, pero que no pasará por territorio de Bulgaria. El director ejecutivo de Gazprom, Alexéi Miller dijo que el nuevo gasoducto cruzaría el Mar Negro y que suministraría 14.000 millones metros cúbicos a Turquía. 

La UE señaló que el proyecto no podía llevarse a cabo, debido a que la crisis de Ucrania se había intensificado, y a que aumentó la oposición al gasoducto ruso en el territorio europeo. El Ministro de Energía de la UE, Gunther Oettinger, abiertamente amenazó con obstruir trabajos en el gasoducto South Stream, debido a que Moscú no reconoció el nuevo Gobierno de Kiev.

 

"De hecho, la Comisión Europea no solo no ha contribuido a la realización de este proyecto, sino además que vemos que ponen trabas para su puesta en marcha. Si Europa no quiere ponerlo en práctica, entonces no será realizado", dijo Putin en Ankara durante su visita a Turquía.

El cierre del proyecto no se traducirá en la llegada de menos gas para Europa. Los oleoductos rusos Nord Stream y Yamal harán llegar gas a Europa, y en 2014 Rusia suministrará 155.000 millones de metros cúbicos, la mitad de los cuales pasarán por territorio de Ucrania. De hecho, el objetivo de South Stream era suministrar gas a la UE eludiendo a Ucrania, que en el pasado reciente ha protagonizado tensas disputas con Rusia por el gas.

El cese de South Stream no es una buena noticia para las empresas de la UE que ya han invertido 2.500 millones de euros en el proyecto. Perder South Stream también podría significar para Europa tener una menor seguridad energética. La Unión Europea depende de Rusia, ya que el país le suministra un tercio del gas, recuerdan los expertos. Europa no puede prescindir totalmente del gas ruso, según reconoció Jerome Ferrier, jefe de la Unión Internacional del Gas y vicepresidente de la compañía francesa Total.

Turquía es el segundo mayor cliente de Gazprom en la región después de Alemania. La asociación de gas entre Rusia y Turquía empezó en 1984, cuando se firmó el primer acuerdo. Hoy en día Turquía es uno de sus socios extranjeros más importantes en este sector.

Serbia pide explicaciones por la suspensión del South Stream

Serbia mantendrá negociaciones con socios europeos y rusos para pedir explicaciones a raíz de la suspensión de la construcción del gasoducto South Stream, declaró este miércoles el presidente serbio, Tomislav Nikolic. "Hablaremos sobre este tema absolutamente en serio con los socios europeos y rusos", dijo.

Según Nikolic, Serbia quiere aclarar "qué se puede esperar, qué perdimos y qué, posiblemente, recibiremos" en relación a los suministros de gas.

Destacó que la introducción de sanciones contra Rusia por parte de Serbia hubiera provocado mayor daño que el cierre del South Stream. Sin embargo, Serbia quería obtener la confirmación de la parte rusa de que el país no se quedará sin suministros de energía en invierno.

Por su parte, la viceministra serbia de Tráfico, Construcción e Infraestructura, Zorana Mihajlovic, dijo que no cree en la suspensión del proyecto y subrayó que Serbia hizo todo lo posible para salvarlo. "Hicimos todo lo posible para construirlo, ya que para nosotros es una cuestión de estabilidad energética", afirmó.

Asimismo, expresó la esperanza de que en un futuro próximo se logre un acuerdo para continuar la construcción del South Stream.

El cierre del South Stream ofrece a Rusia influencia financiera sobre Europa

La renuncia a construir el gasoducto South Stream ofrecerá a Rusia recursos financieros de influencia sobre Europa, declaró a Sputnik Sam Ori, vicepresidente ejecutivo de la compañía energética Securing America's Future Energy.

"Actualmente los países europeos no extraen gas natural licuado; en el mercado no existe una oferta amplia de gas estadounidense y tampoco hay otras alternativas; de esta manera, Rusia obtiene recursos financieros de influencia sobre Europa", dijo.

Según el experto, desde una perspectiva a corto plazo, la dependencia de Europa del petróleo ruso y del gas natural licuado es una "potente baza" para Rusia.

¿Anuncia la caída de precios del petróleo una nueva crisis global?

Los bajos precios del petróleo pueden provocar una crisis financiera mundial debido a la concentración de los instrumentos financieros relacionados con este recurso energético en 'zonas problemáticas'.

El auge del petróleo y el gas en EE.UU. fue posible gracias a los préstamos enormes que recibieron las compañías petroleras. Y las petroleras recibían préstamos no solo de accionistas o bancos: también obtuvieron cientos de miles de millones de dólares mediante la colocación de bonos de baja calidad, pero alta rentabilidad.

Según una estimación reciente de JP Morgan, si los precios del petróleo se mantienen en los 65 dólares por barril durante tres años, el 40% de todos estos bonos serán incumplidos.

"Aunque estamos ante un escenario incierto y a largo plazo, los problemas ya se están sintiendo ahora. Los expertos afirman que alrededor de un tercio de la deuda de las empresas energéticas en el mercado de estos bonos se encuentra actualmente 'en zona problemática'", señala el artículo publicado en 'Vesti', que subraya que "los bancos y otras instituciones financieras podrían sufrir impagos desde el sector petrolero".

El artículo resume que "los bajos precios del petróleo constituyen un problema no solo para empresas petroleras y exportadores. Los fondos de inversión, ávidos de grandes beneficios, invirtieron su dinero en el sector del petróleo y el gas. Por el momento, la crisis no amenaza el mundo, pero si los precios del petróleo no se recuperan, más adelante una gran cantidad de personas y empresas en EE.UU. perderán su dinero y la crisis financiera en la mayor economía se extenderá rápidamente por todos los mercados".

dimanche, 07 décembre 2014

Abandon de South Stream?

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Abandon de South Stream?

L'Europe perdante sur tous les tableaux

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le chantier South Stream avait été lancé en décembre 2012, bien avant le conflit russo-ukrainien à l'initiative des groupes russe Gazprom et italien ENI. L'objectif du projet South Stream était au départ de diversifier les routes du gaz russe en contournant l'Ukraine par où transite actuellement près de la moitié des livraisons russes vers l'Union européenne.
 
 
South Stream devait relier sur 3.600 km la Russie à la Bulgarie en passant sous la mer Noire, et via la Serbie, la Croatie, la Slovénie et la Hongrie, arriver en Autriche. Le coût de la construction du gazoduc qui avait été évalué à 23 milliards d'euros par le russe Gazprom, majoritaire dans la société South Stream aux côtés de ENI et EDF notamment, a finalement été estimé à 32 milliards d'euros. South Stream devait entrer en service en 2016.

Aujourd'hui, Gazprom veut substituer à South Stream un nouveau gazoduc vers la Turquie, d'une même capacité de 63 milliards de M3 par an. Ce projet a été entériné par Moscou à la suite d'une visite de Vladimir Poutine à Ankara le 1er décembre. Moscou justifie l'arrêt du projet South Stream dans sa configuration initiale par l'opposition de Bruxelles au passage du gazoduc sur le territoire de ses Etats membres, et notamment sur celui de la Bulgarie. L'Union européenne, de l'avis général, a cédé aux pressions américaines visant à bloquer South Stream au profit de voies à construire que contrôleront les intérêts américains. Mais le parcours de celles-ci n'a pas encore été déterminé, compte tenu de rivalités entre les Etats européens susceptibles d'être traversés. Son financement n'est pas encore négocié.

Vladimir Poutine, à Ankara, a indiqué que le gazoduc de substitution à South Stream allait voir le jour. Il viendra doubler le Blue stream, qui achemine déjà le gaz russe vers la Turquie en passant sous la mer Noire. Un système de distribution de gaz sera construit à la frontière gréco-turque. Le marché turc est, pour Gazprom, le débouché le plus important après l'Allemagne.

Dépendante par ailleurs à 50 % du gaz russe, la Turquie veut s'en affranchir en construisant 80 centrales thermiques (dont une vingtaine au charbon) et trois centrales nucléaires. Le géant russe Rosatom a emporté l'appel d'offres pour construire la première de celle-ci, celle d'Akkuyu, dans la région de Mersin, au sud. Ce contrat est d'une valeur de 20 milliards de dollars. Autant de milliards dont Areva devra faire son deuil, à supposer qu'elle ait eu des espoirs en ce sens.

Un abandon qui pourrait ne pas être définitif

Cependant, les dommages que ressentirait l'Union européenne d'un abandon par la Russie du projet South Stream seraient tels que les ministres de l'Energie des pays participant au projet South Stream se réuniront mardi 9 décembre à Bruxelles afin d'évaluer la situation. "Les opérations préparatoires n'ont pas été interrompues. Une nouvelle date a été fixée: celle du 9 décembre, pour une rencontre des ministres de l'Energie de South Stream. Cette rencontre aura lieu et permettra, je l'espère, de régler certaines questions, y compris concernant le 3e paquet énergie. Par ailleurs, il faut espérer que les relations entre l'Union européenne et la Russie se normaliseront finalement » a déclaré le premier ministre bulgare Boïko Borissov lors d'une conférence de presse conjointe avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Selon lui, son gouvernement n'a pas reçu de note officielle sur l'abandon du projet par la Russie. Ceci permettrait de se mettre d'accord sur la réalisation du projet South Stream. La question du 3e paquet énergie désigne une des subtilités qui empêche l'Europe de se comporter « normalement » sur le marché international de l'énergie. Le Troisième paquet de libéralisation du marché de l'énergie interdit aux sociétés de production de gaz de posséder les gazoducs de transport sur le territoire de l'Union européenne.

Lune de miel entre la Turquie et la Russie

En attendant, l'effet des « sanctions » à l'encontre de la Russie, imposées par les Etats-Unis à l'Europe, se révèle doublement négatif pour cette dernière. Non seulement elle perd les bénéfices économiques et politiques que devait, malgré son coût, lui apporter le projet South Stream, mais elle voit la Turquie se rapprocher, sans doute durablement de la Russie, alors que ses propres relations avec Ankara se sont sérieusement refroidies du fait de la mise en sommeil de négociations visant à permettre l'entrée de la Turquie dans l'Union.

Apparemment, la Russie ne craint pas que, sous l'influence turque, des mouvements autonomistes musulmans se renforcent en son sein ou à sa périphérie. Des engagements turcs destinés à les prévenir auraient été obtenus, tant et si bien que de nouvelles mosquées financées par la Turquie pourraient être construites en Crimée. En échange, Ankara abandonnerait ses efforts pour obtenir la chute de Bashar al Assad en Syrie, lequel Bashar est, rappelons-le, un allié stratégique de la Russie au Moyen-Orient.

La Turquie n'est pas seulement une puissance islamique dont les européens pouvaient à juste titre redouter l'influence sur leurs populations, mais une puissance économique. Qu'elle se tourne durablement vers la Russie, et peut-être aussi à cette occasion vers la Chine, membre du BRICS et de l'Organisation de coopération de Shanghai, entraînera des pertes considérables pour les européens. Au plan de leurs intérêts économiques, notamment allemands et français, mais aussi au plan politique. L'Union européenne sera ainsi de plus en plus isolée, alors que dans le même temps la diplomatie américaine négocie tous azimuts avec les Etats arabes du Golfe, mais aussi avec la Turquie et désormais la Syrie, sur le point de rentrer en grâce.

* Voir sur ces sujets l'article récent de Philippe Grasset
http://www.dedefensa.org/article-notes_sur_le_volte-quart_du_ma_tre_du_faire_a_kido__04_12_2014.html

 

Jean Paul Baquiast

mercredi, 07 mai 2014

La crise ukrainienne accélère la recomposition du monde

La crise ukrainienne accélère la recomposition du monde

La crise ukrainienne n’a pas changé radicalement la donne internationale, mais elle a précipité des évolutions en cours. La propagande occidentale, qui n’a jamais été aussi forte, cache surtout la réalité du déclin occidental aux populations de l’Otan, mais n’a plus d’effet sur la réalité politique. Inexorablement, la Russie et la Chine, assistés des autres BRICS, occupent la place qui leur revient dans les relations internationales.

| Mexico (Mexique) | 29 avril 2014
Ex: http://www.voltairenet.org
 
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La crise ukrainienne a mis en évidence la magnitude de la manipulation des opinions publiques occidentales par les grands media, les chaines de TV comme CNN, Foxnews, Euronews et tant d’autres ainsi que par l’ensemble de la presse écrite alimentée par les agences de presse occidentales. La manière dont le public occidental est désinformé est impressionnante, et pourtant il est facile d’avoir accès à une masse d’informations de tous bords. Il est très préoccupant de voir comment de très nombreux citoyens du monde se laissent entraîner dans une russophobie jamais vue même aux pires moments de la Guerre froide. L’image que nous donne le puissant appareil médiatique occidental et qui pénètre dans l’inconscient collectif, est que les Russes sont des « barbares attardés » face au monde occidental « civilisé ». Le discours très important que Vladimir Poutine a prononcé le 18 mars au lendemain du référendum en Crimée a été littéralement boycotté par les médias occidentaux [1], alors qu’ils consacrent une large place aux réactions occidentales, toutes négatives naturellement. Pourtant, dans son intervention Poutine a expliqué que la crise en Ukraine n’avait pas été déclenchée par la Russie et présenté avec beaucoup de rationalité la position russe et les intérêts stratégiques légitimes de son pays dans l’ère post-conflit idéologique.

Humiliée par le traitement que lui a réservé l’Occident depuis 1989, la Russie s’est réveillée avec Poutine et a commencé à renouer avec une politique de grande puissance en cherchant à reconstruire les lignes de force historiques traditionnelles de la Russie tsariste puis de l’Union soviétique. La géographie commande souvent la stratégie. Après avoir perdu une grande partie de ses « territoires historiques », selon la formule de Poutine, et de sa population russe et non russe, la Russie s’est donné comme grand projet national et patriotique la récupération de son statut de superpuissance, d’acteur « global », en assurant en premier lieu la sécurité de ses frontières terrestres et maritimes. C’est précisément ce que veut lui interdire l’Occident dans sa vision unipolaire du monde. Mais en bon joueur d’échecs, Poutine a plusieurs coups d’avance grâce à une connaissance profonde de l’histoire, de la réalité du monde, des aspirations d’une grande partie des populations des territoires antérieurement contrôlés par l’Union soviétique. Il connaît à la perfection l’Union européenne, ses divisions et ses faiblesses, la capacité militaire réelle de l’Otan et l’état des opinions publiques occidentales peu enclines à voir augmenter les budgets militaires en période de récession économique. À la différence de la Commission européenne dont le projet coïncide avec celui des États-Unis pour consolider un bloc politico-economico-militaire euro-atlantique, les citoyens européens dans leur majorité ne veulent plus d’élargissement à l’Est de l’UE, ni avec l’Ukraine, ni avec la Géorgie, ni avec aucun autre pays de l’ex-Union soviétique.

Avec ses gesticulations et ses menaces de sanctions, l’UE, servilement alignée sur Washington, montre en fait qu’elle est impuissante pour « punir » sérieusement la Russie. Son poids réel n’est pas à la hauteur de ses ambitions toujours proclamées de façonner le monde à son image. Le gouvernement russe, très réactif et malicieux, applique des « ripostes graduelles », tournant en dérision les mesures punitives occidentales. Poutine, hautain, se paye même le luxe d’annoncer qu’il va ouvrir un compte à la Rossyia Bank de New-York pour y déposer son salaire ! Il n’a pas encore fait mention de limitation dans la fourniture de gaz à l’Ukraine et l’Europe de l’Ouest, mais tout le monde sait qu’il a cette carte dans la manche, ce qui contraint déjà les Européens à penser à une réorganisation complète de leur approvisionnement en énergie, ce qui mettra des années à se concrétiser.

Les erreurs et les divisions des occidentaux mettent la Russie en position de force. Poutine jouit d’une popularité exceptionnelle dans son pays et auprès des communautés russes des pays voisins, et on peut être sûr que ses services de renseignement ont pénétré en profondeur les pays auparavant contrôlés par l’URSS et lui donnent des informations de première main sur les rapports de force internes. Son appareil diplomatique lui donne de solides arguments pour retirer à l’« Occident » le monopole de l’interprétation du droit international, en particulier sur l’épineuse question de l’autodétermination des peuples. Comme on pouvait s’y attendre, Poutine ne se prive pas de citer le précédent du Kosovo pour vilipender le double langage de l’Occident, ses incohérences, et le rôle déstabilisateur qu’il a joué dans les Balkans.

Alors que la propagande médiatique occidentale battait son plein après le référendum du 16 mars en Crimée, les vociférations occidentales ont subitement baissé d’un ton et le G7 lors de son sommet à la Haye en marge de la conférence sur la sécurité nucléaire n’a plus menacé d’exclure la Russie du G8 comme il l’avait claironné quelques jours plus tôt mais simplement a annoncé « qu’il ne participerait pas au sommet de Sotchi ». Ceci lui laisse la possibilité de réactiver à tout moment ce forum privilégié de dialogue avec la Russie, crée en 1994 à sa demande expresse. Première reculade du G7. Obama de son côté s’est empressé d’annoncer qu’il n’y aurait aucune intervention militaire de l’Otan pour aider l’Ukraine, mais seulement une promesse de coopération pour reconstruire le potentiel militaire de l’Ukraine, composé en grande partie de matériel soviétique obsolète. Seconde reculade. Il faudra des années pour mettre sur pieds une armée ukrainienne digne de ce nom et on se demande bien qui va payer compte tenu de la situation catastrophique des finances du pays. De plus, on ne sait plus exactement quel est l’état des forces armées ukrainiennes après que Moscou ait invité, avec un certain succès semble-t-il, les militaires ukrainiens héritiers de l’Armée rouge, à rejoindre l’armée russe en respectant leurs grades. La flotte ukrainienne est déjà entièrement passée sous contrôle russe. Enfin, autre marche arrière spectaculaire des États-Unis : il y aurait des conversations secrètes très avancées entre Moscou et Washington pour faire adopter une nouvelle constitution à l’Ukraine, installer à Kiev à l’occasion des élections du 25 mai un gouvernement de coalition dont les extrémistes néo-nazi seraient exclus, et surtout pour imposer un statut de neutralité à l’Ukraine, sa « finlandisation » (recommandée par Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinsky) [2], ce qui interdirait son entrée dans l’Otan, mais permettrait des accords économiques tant avec l’UE qu’avec l’Union douanière eurasiatique (Russie, Biélorussie, Kazakhstan). Si un tel accord est conclu, l’UE sera mise devant le fait accompli et devra se résigner à payer la facture du tête-à-tête russo-US. Avec de telles garanties Moscou pourra considérer comme satisfaites ses exigences de sécurité, aura repris pied dans son ancienne zone d’influence avec l’accord de Washington et pourra s’abstenir de fomenter le séparatisme d’autres provinces ukrainiennes ou de la Transnistrie (province de Moldavie peuplée de russes) en réaffirmant très fort son respect des frontières européennes. Le Kremlin offrira par la même occasion une porte de sortie honorable à Obama. Un coup de maître pour Poutine.

Conséquences géopolitiques de la crise ukrainienne

Le G7 n’a pas calculé qu’en prenant des mesures pour isoler la Russie, outre le fait qu’il s’appliquait à lui-même une « punition sado-masochiste » selon la formule d’Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères français, il précipitait malgré lui un processus déjà bien engagé de profonde recomposition du monde au bénéfice d’un groupe non occidental dirigé par la Chine et la Russie réunies au sein des BRICS. En réaction au communiqué du G7 du 24 mars [3], les ministres des Affaires étrangères des BRICS ont fait connaître immédiatement leur rejet de toute mesures visant à isoler la Russie et ils en ont profité pour dénoncer les pratiques d’espionnage états-unien tournées contre leurs dirigeants et pour faire bonne mesure ils ont exigé des États-Unis qu’ils ratifient la nouvelle répartition des droits de vote au FMI et à la Banque Mondiale, comme premier pas vers un « ordre mondial plus équitable » [4]. Le G7 ne s’attendait pas à une réplique aussi virulente et rapide des BRICS. Cet épisode peut donner à penser que le G20, dont le G7 et les BRICS sont les deux principaux piliers, pourrait traverser une crise sérieuse avant son prochain sommet à Brisbane (Australie) les 15 et 16 novembre, surtout si le G7 persiste à vouloir marginaliser et sanctionner la Russie. Il est à peu près sûr qu’il y aura une majorité au sein du G20 pour condamner les sanctions à la Russie, ce qui de fait reviendra à isoler le G7. Dans leur communiqué les ministres des BRICS ont estimé que décider qui est membre du groupe et quelle est sa vocation revient à placer tous ses membres « sur un pied d’égalité » et qu’aucun de ses membres « ne peut unilatéralement déterminer sa nature et son caractère ». Les ministres appellent à résoudre la crise actuelle dans le cadre des Nations unies « avec calme, hauteur de vue, en renonçant à un langage hostile, aux sanctions et contre-sanctions ». Un camouflet pour le G7 et l’UE ! Le G7, qui s’est mis tout seul dans une impasse, est prévenu qu’il devra faire d’importantes concessions s’il veut continuer à exercer une certaine influence au sein du G20.

En outre, deux événements importants s’annoncent dans les prochaines semaines.

D’une part Vladimir Poutine se rendra en visite officielle en Chine en mai. Les deux géants sont sur le point de signer un accord énergétique d’envergure qui affectera sensiblement le marché mondial de l’énergie, tant sur le plan stratégique que financier. Les transactions ne se feraient plus en dollars, mais dans les monnaies nationales des deux pays. En se tournant vers la Chine, la Russie n’aura aucun problème pour écouler sa production gazière au cas où l’Europe de l’Ouest déciderait de changer de fournisseur. Et dans le même mouvement de rapprochement la Chine et la Russie pourraient signer un accord de partenariat industriel pour la fabrication du chasseur Sukhoï 25, fait hautement symbolique.

D’autre part lors du sommet des BRICS au Brésil en juillet prochain, la Banque de Développement de ce groupe, dont la création a été annoncée en 2012, pourrait prendre forme et offrir une alternative aux financements du FMI et de la Banque Mondiale, toujours réticents à modifier leurs règles de fonctionnement, pour donner plus de poids aux pays émergents et à leurs monnaies à côté du dollar.

Enfin il y a un aspect important de la relation entre la Russie et l’Otan peu commenté dans les média mais très révélateur de la situation de dépendance dans laquelle se trouve l’« Occident » au moment où il procède au retrait de ses troupes d’Afghanistan. Depuis 2002, la Russie a accepté de coopérer avec les pays occidentaux pour faciliter la logistique des troupes sur le théâtre afghan. À la demande de l’Otan, Moscou a autorisé le transit de matériel non létal destiné à l’ISAF (International Security Assistance Force) par voir aérienne ou terrestre, entre Douchambé (Tadjikistan), l’Ouzbekistan et l’Estonie, via une plateforme multimodale à Oulianovk en Sibérie. Il s’agit rien de moins que d’acheminer toute l’intendance pour des milliers d’hommes opérant en Afghanistan, entre autre des tonnes de bière, de vin, de camemberts, de hamburgers, de laitues fraîches, le tout transporté par des avions civils russes, puisque les forces occidentales ne disposent pas de moyens aériens suffisants pour soutenir un déploiement militaire de cette envergure. L’accord Russie-Otan d’octobre 2012 élargit cette coopération à l’installation d’une base aérienne russe en Afghanistan dotée de 40 hélicoptères où les personnels afghans sont formés à la lutte anti-drogue à laquelle les occidentaux ont renoncé. La Russie s’est toujours refusé à autoriser le transit sur son territoire de matériel lourd, ce qui pose un sérieux problème à l’Otan à l’heure du retrait de ses troupes. En effet celles-ci ne peuvent emprunter la voie terrestre Kaboul-Karachi en raison des attaques dont les convois sont l’objet de la part des talibans. La voie du Nord (la Russie) étant impossible, les matériels lourds sont transportés par avion de Kaboul aux Émirats Arabes Unis, puis embarqués vers les ports européens, ce qui multiplie par quatre le coût du repli. Pour le gouvernement russe l’intervention de l’Otan en Afghanistan a été un échec, mais son retrait « précipité » avant la fin de 2014 va accroître le chaos et affecter la sécurité de la Russie et risque de provoquer un regain de terrorisme.

La Russie a aussi d’importants accords avec l’Occident dans le domaine de l’armement. Le plus important est sans doute celui signé avec la France pour la fabrication dans les arsenaux français de deux porte-hélicoptères pour un montant de 1,3 milliards d’euros [5]. Si le contrat est annulé dans le cadre des sanctions, la France devra rembourser les montants déjà payés plus les pénalités contractuelles et devra supprimer plusieurs milliers d’emplois. Le plus grave sera sans doute la perte de confiance du marché de l’armement dans l’industrie française comme l’a souligné le ministre russe de la Défense.

Il ne faut pas oublier non plus que sans l’intervention de la Russie, les pays occidentaux n’auraient jamais pu aboutir à un accord avec l’Iran sur la non prolifération nucléaire, ni avec la Syrie sur le désarmement chimique. Ce sont des faits que les médias occidentaux passent sous silence. La réalité est qu’en raison de son arrogance, de sa méconnaissance de l’histoire, de ses maladresses, le bloc occidental précipite la déconstruction systémique de l’ordre mondial unipolaire et offre sur un plateau à la Russie et à la Chine, appuyée par l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et bien d’autres pays, une « fenêtre d’opportunité » unique pour renforcer l’unité d’un bloc alternatif. L’évolution était en marche, mais lentement et graduellement (personne ne veut donner un coup de pied dans la fourmilière et déstabiliser brusquement le système mondial), mais d’un seul coup tout s’accélère et l’interdépendance change les règles du jeu.

En ce qui concerne le G20 de Brisbane il sera intéressant de voir comment se positionne le Mexique, après les sommets du G7 à Bruxelles en juin et des BRICS au Brésil en juillet. La situation est très fluide et va évoluer rapidement, ce qui va demander une grande souplesse diplomatique. Si le G7 persiste dans son intention de marginaliser ou exclure la Russie, le G20 pourrait se désintégrer. Le Mexique, pris dans les filets du TLCAN et du futur TPP devra choisir entre sombrer avec le Titanic occidental ou adopter une ligne autonome plus conforme à ses intérêts de puissance régionale à vocation mondiale en se rapprochant des BRICS.

Source
La Jornada (Mexique)

 
 

[1] « Discours de Vladimir Poutine sur l’adhésion de la Crimée », par Vladimir Poutine, Réseau Voltaire, 18 mars 2014.

[2] « Henry Kissinger propose de finlandiser l’Ukraine », Réseau Voltaire, 8 mars 2014.

[3] « Déclaration du G7 sur la Russie », Réseau Voltaire, 24 mars 2014.

[4] “Conclusions of the BRICS Foreign Ministers Meeting”, Voltaire Network, 24 March 2014.

[5] « La France vendra-t-elle des armes à la Russie ? », Réseau Voltaire, 20 mars 2014.

mercredi, 30 avril 2014

What Makes Odessa Rise in Protest?

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What Makes Odessa Rise in Protest?

Alexander DONETSKY

Ex: http://www.strategic-culture.org

 

The people of Donetsk and Lugansk regions captured administrative buildings, got hold of arms and declared independence from Ukraine. They are fighting the Kiev regime. The world attention is focused on what is happening there. But there are other hotbeds in Ukraine. Unlike Donbass, the region of Odessa has no border with Russia and it’s not a homeport for the Russian Black Sea Fleet. But local people hit the streets with Russian flags and express their will to get separated from Ukraine.

In ancient times there region was populated by Greeks, the populated areas were mainly concentrated along the rivers Dnieper, South Buh and Dniester, which run directly into the Black Sea. There were other colonies: the ancient Greek cities of Tyras, Olbia and Nikonia trading with Scythian and Cimmerians. 

The successive rulers in the Middle Ages included Nogai Ulus of Golden Horde and many others. 

odessa.gifDuring the reign of Khan Haci I Giray of Crimea (1441–1466), the Khanate was endangered by the Golden Horde and the Ottoman Empire and, in search of allies, the khan agreed to cede the area to Lithuania. The site of present-day Odessa was then a town known as Khadjibey (named for Hacı I Giray, also spelled Kocibey in English). It was part of the Dykra region. However, most of the rest of the area remained largely uninhabited in this period. In 1765 the Ottomans rebuilt a fortress at Khadjibey (Hocabey), which was named Yeni Dünya. Hocabey was a sanjak centre of Silistre Province.

During a Russia-Ottoman Empire war a small Russian force headed by Spanish Grand Don José de Ribas y Boyonswas captured the fortress to let it be a forlorn place for four years more. Then Ribas was assigned to build a city and a home port for a squadron of galleys he was to command. It boosted trade. François Sainte de Wollant, an engineer from Brabant, was responsible for the construction. 

De Ribas was the first mayor of Odessa. The city really thrived under Armand-Emmanuel du Plessis, Duke of Richelieu, and a successor of the legendary cardinal of France. During 12 years of his rule the population grew four times and the city became the heart of the Novorossiysk region. A theatre, a printing-house and an institute were built. Later Richelieu returned to France to hold the positions of Foreign Minister and prime-Minister (twice). 

The first city settlers were Greeks, Italians, Albanians, and Armenians. By the end of XIX century Russians accounted for 49% of the population but one could see people of all nationalities and from all the countries of the world. By 1912 the city’s population increased to half a million, it became the fourth largest city of the Russian Empire after Moscow, Saint-Petersburg and Warsaw. 

The 1917 revolution made it change hands. The cosmopolitan city dwellers were indifferent to the Whites, Reds and British-French occupation force. At that they always treated with disrespect the Ukrainian authorities headed by Michael Grushevsky (Mykhailo Hrushevsky), Symon Petliura and Pavel (Pavlo) Skoropadskyi. They did not believe that those people were able to create a viable state. They were treated as occupants by the Russian speaking population of Odessa. 

By the beginning of WWII the city was populated by Russians (39, 2 %), Jews (36, 9 %), Ukrainians (17, 7 %) and Poles (2, 4 %). Partly the population left the city in front of the offensive by German and Romanian troops, 250 thousand remain surrounded by the enemy. After the Red Army left the city, they faced the hardships of life under occupation. 80-90% of those who remained were Jews, Almost all of them died in the hands of Nazi, Romanian soldiers and Ukrainian nationalists. Ghettos and concentration camps left little chance to remain alive for the victims of Holocaust. 

In the 1980s Jews got an opportunity to leave for Israel. Then the Ukraine’s independence was accompanied by abrupt fall in living standards. It drastically reduced the Jewish population. No matter that, the Jewish community remained to be the most numerous and influential. 

The coup in Kiev tool place in February 2014 had little support among city dwellers. The Kiev rulers are mainly represented by advocates of Ukrainian integral nationalism that appeared in the 1920-30s as a mixture of Italian fascism and German national-socialism with specific Ukrainian features. The Ukraine’s interim government is represented by odious personalities openly advocating Nazi ideology. For instance, Andriy Parubiy, the head of National Security and Defense Council of Ukraine, who tried to register a Nazi political party at the beginning of the 1990s. Back then the Justice Ministry refused to do it because the word «national-socialism» was included in the name. Parubiy changed the order of words to head the Social-Nationalist organization. The program remained filled with xenophobia and racism. The party later became Svoboda. Today it is headed by well-known anti-Semite and xenophobe Oleh Tyahnybok. Svoboda boasts a few members in the Yatsenyuk government. 

Pravy Sector was the main driving force behind the coup. It’s a conglomerate of Nazi oriented groups with Trizub as the leader. It stands for the purity of white race and calls for Hitler times practiced purges. Pravy Sector also comprises the «Patriots of Ukraine» created by Parubiy as a Social-Nationalist youth organization. The «Patriots» served as a basis for establishing the Social-Nationalist Assembly in 2008. The first thing it did was the announcement of war to be waged against other races, the plans to make Ukraine a nuclear state and global domination as a goal to be reached. According to the Assembly’s program, national minorities are to be either assimilated or exiled. 

Many people who live in Odessa lost their next of kin during the days of Holocaust; the prospect of being ruled by the people making part of the Kiev government is unacceptable for them… Ukrainian policemen treated Jews no better than Germans; they advocated the nationalist ideology which practically became state ideology of contemporary Ukraine. The Maidan slogan «Long Live Ukraine. Glory to the Heroes!» is nothing else but the password of the Organization of Ukrainian Nationalists named after Stepan Bandera, an agent of Abwehr who took an oath of loyalty to Hitler. He and Roman Shukhevych, captain of Wehrmacht, deputy commander of punitive force are recognized as heroes. 

No way could this government be acceptable for the people who live in Odessa. They will always oppose it. Trying to see a hand of Moscow here is useless. The reason for people’s sentiments lies in the history of the city. 

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lundi, 07 avril 2014

De Kosovo a Crimea. ¿Por qué lo llaman derecho cuando quieren decir poder?

Por Teresa Aranguren*

amerikosovo.jpgPero de qué se escandalizan cuando dicen que se escandalizan de la intervención rusa en Crimea. A juzgar por las declaraciones del presidente de los EEUU, de los dirigentes europeos y por supuesto también de toda una galería de analistas, expertos y tertulianos de eso que llamamos Occidente, nos enfrentamos a un caso, sin precedentes, de violación del derecho internacional y por tanto merecedor de respuesta adecuada, en forma de sanciones, por parte de La Comunidad Internacional. O sea que se trata de defender la legalidad o por expresarlo más filosóficamente de una especie de imperativo moral que nos obliga a actuar. Y la verdad es que planteado así no quedaría más remedio que suscribirlo.

Pero las leyes o rigen para todos o “no son”. Y por eso mismo hay que preguntarse qué pasa cuando quienes se erigen en principales valedores del derecho son al mismo tiempo quienes más descarada e impunemente lo quebrantan. Y sí, me refiero a EEUU y a sus aliados europeos, evitando conscientemente decir Unión Europea porque en cuestión de política exterior no suele ser Unión y menos aún Europea, sino simples “aliados de EEUU”.

Hay comparaciones que para algunos resultan odiosas no tanto porque no vengan al caso sino porque quizás vienen demasiado al caso. Son demasiado esclarecedoras. Como la de Kósovo y Crimea, en su momento respectivas provincias de Serbia y Ucrania, en las que una gran mayoría de la población que no se identifica con la nación a la que teórica o legalmente pertenece alienta reclamaciones secesionistas. Desde el punto de vista jurídico la situación es muy similar por no decir idéntica. Pero lo que valió para Kósovo no vale para Crimea. O viceversa.

Y sí, hay que recordar Kósovo. Hay que recordar que la OTAN, es decir EE.UU y sus aliados europeos, lanzó una campaña de ataques aéreos sobre lo que entonces aún se denominaba Yugoslavia en flagrante violación del Derecho Internacional.

Por supuesto la justificación del atropello fue muy humanitaria. Había que bombardear a unos para supuestamente salvar a otros: la población albanesa de Kósovo. La vía diplomática se dijo entonces estaba agotada. Pero bastaría recordar lo que ocurrió en las conversaciones de Rambouillet, la supuesta “última oportunidad para la paz”, cuando los ministros de exteriores europeos comparecieron sonrientes ante la prensa anunciando que el gobierno yugoslavo aceptaba las condiciones políticas que se le habían planteado y que por tanto la opción militar podía descartarse. Pero en esa rueda de prensa había una ausencia significativa, la de la secretaria de estado estadounidense, Madelaine Albraigh, que mientras los europeos se felicitaban por el acuerdo, estaba reunida con los representantes albano-kosovares, en concreto los dirigentes del grupo armado UCK ( ejército de liberación de Kósovo), para fijar un pliego de nuevas condiciones –entre ellas, la celebración de un referéndum que abriría la vía a la independencia de Kósovo y la presencia de tropas de la OTAN en todo el territorio de Yugoslavia- que difícilmente el gobierno de Belgrado podría aceptar. “No podemos bombardear a los serbios porque los albaneses no acepten” fue el comentario con el que, según una fuente diplomática, Madelaine Albraigh justificó la necesidad de endurecer las condiciones a la parte yugoslava. Así se agotó la vía diplomática. Yugoslavia no aceptó las nuevas condiciones. Poco después, el 24 de marzo de 1999, cayeron las primeras bombas.

Y durante tres meses los aviones de la OTAN bombardearon puentes, fábricas, barrios residenciales, trenes, coches de línea, hospitales, una embajada, un convoy de refugiados, el edificio de la televisión estatal…el concepto crimen de guerra cuadra bastante bien con muchos de aquellos ataques y la verdad no me hubiera importado acudir como testigo presencial de aquellos crímenes si alguno de ellos hubiera sido alguna vez juzgado. Pero siempre supimos que no lo serían. Que el derecho internacional no rige para EEUU y sus aliados. Que no se trataba de derecho sino de poder.

La campaña de ataques de la OTAN terminó con la firma de los acuerdos de Kumanovo, por los que el gobierno yugoslavo aceptaba retirar sus efectivos militares y policiales de Kósovo, devolver y ampliar el estatuto de autonomía al territorio y permitir el despliego de las tropas de la Otan en lo que aún era una provincia de Serbia; a cambio se ponía fin a los bombardeos y se garantizaba la integridad territorial de Yugoslavia, es decir, el estatus de Kósovo como provincia autónoma no sería alterado.

El final de la historia es sobradamente conocido: Kosovo proclamó su independencia con el activo respaldo de los países que habían bombardeado Yugoslavia y que -con alguna variación de matiz, como España que por razones obvias no ha reconocido la independencia de Kósovo- son los mismos cuyos representantes se llevan ahora las manos a la cabeza ante el supuesto desafío a la legalidad internacional perpetrado por Rusia.

Por cierto en el Kósovo independiente donde apenas queda presencia de las poblaciones- serbios, gitanos, goranos- no albanesas, se ubica Camp Bondsteel, la mayor base militar que EEUU tiene en el exterior y que empezó a construirse en junio de 1999, a los pocos días de la entrada de las tropas de la OTAN en el territorio. Además del valor estratégico de su emplazamiento, Camp Bondsteel ha servido, a partir de 2001, como centro de detención clandestino y alternativo a Guantánamo.

El argumento del derecho internacional en boca de algunos resulta obsceno.

* Periodista. Cubrió desde Belgrado y Prístina la campaña de bombardeos de la OTAN en Yugoslavia.

Fuente: Semanario Serbio

Extraído de El Espía Digital.

vendredi, 04 avril 2014

Vérités ukrainiennes

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Vérités ukrainiennes

LE POINT SUR L’UKRAINE

Des vérités qui peuvent déranger

Ex: http://www.terreetpeuple.com

Cet article vient en prolongement du dossier « Pourquoi l’Eurasie » du n° 59 de Terre et Peuple Magazine, en raison de l’évolution de l’actualité de ce pays. On s’y référera pour connaître tous les tenants et les aboutissants de la crise ukrainienne. En bref, l’Ukraine constitue un enjeu géopolitique primordial dans la guerre politico-économique sans merci que livre l’Occident américanisé et mondialisé à la Russie identitaire de Poutine. On connaît bien les preuves de ce containment : adhésion des pays d’Europe de l’Est à l’OTAN, installation d’un bouclier antimissile aux portes de la Russie (Pologne, Roumanie, Turquie), soutien aux révolutions de couleur de toutes sortes (Serbie, Ukraine, Géorgie…) destinées à affaiblir la Russie dans son environnement direct.

Mais les Occidentaux sont allés trop loin et ont offert à Poutine l’occasion de laver l’humiliation vécue avec le bombardement des villes serbes et l’expulsion des Serbes du Kosovo en 1999. Poutine est un grand joueur d’échecs et un champion de judo, la première qualité lui donne l’avantage d’agir avec deux coups d’avance, la seconde lui permet d’esquiver les coups et d’utiliser la force de l’adversaire pour la retourner contre lui. La fessée infligée, en 2008, à la petite Géorgie trop amoureuse de l’oncle Sam, qui a permis de russifier les deux provinces séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, aurait dû servir de leçon aux Occidentaux. Que nenni ! Ils ont cru pouvoir arracher l’Ukraine à l’influence du Kremlin.

La première tentative de 2004, dite « révolution orange » permet de mettre au pouvoir des pantins pro-occidentaux, Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko. L’incurie et la corruption de leur gouvernement poussent le premier à l’exil et la seconde à la prison. En 2009, par effet de balancier, le prorusse Viktor Ianoukovitch (tout aussi corrompu) revient au pouvoir à l’issue d’élections irréprochables.

Le 21 novembre 2013, Ianoukovitch refuse de signer l’accord d’association avec l’Union européenne. En fait, il n’a pas le choix : cet accord impose à l’Ukraine de pousser progressivement les forces russes hors de Crimée (où, évidemment, l’OTAN ne tarderait pas à s’installer). Dès le lendemain, comme par hasard, la place Maïdan est occupée par des manifestants pro-occidentaux, très bien encadrés. Car, il est vrai que, depuis vingt ans, nombre d’ONG américaines sont à la manœuvre. C’est Victoria Nuland, l’envoyée spéciale judéo-américaine elle-même, qui a déclaré que les Etats-Unis avaient investi plus de 5 milliards de $ dans la révolution ukrainienne et qu’il était temps d’en retirer les fruits (propos auquel elle ajouta la délicieuse phrase : « I fuck European Union » !).

Le 21 février, Ianoukovitch signe un accord avec trois plénipotentiaires de l’Union européenne, le Polonais Sikorski, l’Allemand Steinmeier et le Français Fabius. Cet accord, destiné à ramener la paix civile, met en péril le plan judéo-américain qui exige l’éviction de Ianoukovitch et son remplacement par un gouvernement fantoche. Le lendemain, la place Maïdan s’enflamme, les bâtiments officiels sont attaqués et Ianoukovitch s’enfuit. Des observateurs neutres (il ne s’agit pas des médias français…) remarquent des tireurs sur les toits qui visent systématiquement les policiers ; certaines sources dénoncent la présence d’anciens agents du Mossad pour encadrer les émeutiers (une vieille tradition israélo-étatsunienne). Les forces de l’ordre paient un prix élevé : 17 morts et près de 500 blessés. Mais la démocratie et la liberté sont passées (sic). Tous les pays de l’UE, y compris ceux qui ont signé l’accord de la veille, s’empressent de reconnaître le gouvernement provisoire, au mépris des lois internationales, car il ne s’est agi que d’un coup d’Etat qui a chassé illégalement un président légitimement élu. Qu’à cela ne tienne !

Mais le scénario occidental, si huilé est-il, n’a pas envisagé l’inenvisageable. Comme le renard de la fable « Le corbeau et le renard », Poutine annexe, sans coup férir, la Crimée, acte irréversible s’il en est. Cela lui permet de ramener à la mère-patrie la population russe de la presqu’île, mais surtout de sécuriser la base de Sébastopol et ses annexes. L’ours russe reprend donc le contrôle de la mer Noire et s’ouvre en grand la porte vers la Méditerranée (et la base syrienne de Tartous).

Pour les Ukrainiens, le bonheur promis par l’Union européenne n’est pas pour demain. Comme prévu, Gazprom augmente le prix du gaz russe de plus d’un tiers. Mais les « amis » du peuple ukrainien ne se montrent guère plus généreux : le FMI impose à l’Ukraine un régime drastique avant de verser le premier dollar. Les Ukrainiens auraient dû écouter les Grecs, les Chypriotes et les Espagnols avant de se jeter dans les bras de l’UE. L’avenir de l’Ukraine est d’être un pont entre l’Europe et la Russie, pas d’être la dernière roue de la charrette bruxelloise ou un porte-avions américain au cœur de l’Eurasie.

Voici pour l’état des lieux, en évolution permanente. Mais il faut aussi s’attarder sur quelques zones d’ombre. Les nationalistes ukrainiens sont-ils sincères et manipulés, ou bien sont-ils complices des menées occidentales ? Certains d’entre nous sont fascinés par les mouvements Svoboda ou Praviy Sektor. Les voici déchirés entre leur poutinophilie et une certaine nostalgie. Je vais donc leur permettre de régler ce dilemme. Il ne suffit pas de se promener avec des tatouages et des colifichets pour avoir une conscience politique. La question est plutôt : « dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es ».

Le 7 février, soit deux semaines avant le coup d’Etat, Oleh Tyahnibok, leader de Svoboda, parade aux côtés de Victoria Nuland, d’Arseni Iatseniouk, son poulain (futur Premier ministre du gouvernement provisoire) et accessoirement membre de la Trilatérale, et enfin de Viktor Klitschko, le boxeur président du parti UDAR, qui est soutenu par l’International Republican Institute et le National Democratic Institute, tous deux bien connus pour être des courroies de transmission du Département d’Etat américain. On ajoutera que les trois interlocuteurs de Tyahnibok sont juifs, ce qui explique sans doute le soutien indéfectible que leur prodiguent nos produits maison, Fabius et Lévy. De quoi faire se retourner dans sa tombe Stefan Bandera, fondateur de Svoboda, qui ne passait pas pour être philosémite.

Ce n’est pas la première fois que des mouvements qualifiés de populistes, et même de fascistes et de néonazis, se commettent avec les sionistes. Je rappellerai l’étrange voyage en Israël, en 2011, de 35 leaders européens des dits partis : Geert Wilders pour le PW hollandais, Filip Dewinter pour le Vlaams Belang flamand ou Heinz Christian Strache pour le FPÖ autrichien, parmi d’autres (Suédois, Allemands…). J’y ajouterai le pèlerinage de Louis Aliot, vice-président du FN, à Yad Vashem, la même année.

Quant à Praviy Sektor, son cas est encore plus intéressant. Né « spontanément » à l’automne 2013 de l’union de quelques groupuscules qui jugeaient Svoboda trop mou, il est subventionné par la diaspora ukrainienne des Etats-Unis (sic). Bizarrement, en mars 2014, Praviy Sektor fonde une nouvelle structure, Russian Legion, formée de Russes et destinée à lutter contre Poutine, y compris par des actes terroristes en Russie, notamment la destruction de pipelines. Pire encore, Dmitry Yarosh, le chef de Praviy Sektor, a fait alliance avec l’islamiste tchétchène Dokou Oumarov dans le but de « créer un front antirusse de l’Ukraine au Caucase ». Pour finir, j’ajouterai que Yarosh et des leaders du mouvement ont été reçus par l’ambassadeur d’Israël à Kiev, Reuven Din El, et se sont engagés à « lutter contre le racisme et l’antisémitisme ». Ce qui fait tache pour de soi-disant néonazis !

Quant à nous, notre positionnement est clair : les amis de nos ennemis (et les ennemis de nos amis) ne sont pas nos amis. Entre l’Occident (Etats-Unis, UE, Israël et quelques autres) qui veut imposer aux peuples une société mondialisée, déculturée et métissée, et un Poutine qui prône une révolution conservatrice et défend l’identité européenne et blanche, en rejetant l’immigration allogène et en réduisant l’islam conquérant, notre choix est fait.

Il y a vingt ans, j’avais tenté de convaincre mes amis croates et serbes de ne pas se tromper d’ennemis, à savoir les Bosniaques musulmans soutenus par « l’Occident ». Cela n’empêcha pas les néo-oustachis et les néo-tchetniks, les uns partisans de la Grande Croatie et les autres de la Grande Serbie, de s’entretuer au nom de toutes les haines accumulées. Il n’y eut que des vaincus : les Croates ne purent annexer la province d’Herceg Bosna et furent contraints de cohabiter avec les musulmans (qu’ils haïssent), et les Serbes durent abandonner la Krajina et la Slavonie, avant de perdre le Kosovo. Que ceci serve de leçon à tous les nationalistes dont le regard se limite aux rancœurs du passé, particulièrement à l’est de l’Europe.

Il serait ainsi dommage que les nationalistes ukrainiens soient aveuglés par leur russophobie, même si celle-ci est justifiée par le traitement infâme que leur ont infligé les Soviétiques pendant plus de 70 ans. Car l’Ukraine a le malheur de se situer au mauvais endroit tout en étant le « grenier à blé » de l’Europe de l’Est et un réservoir énorme de ressources naturelles. L’Ukraine a tout pour attiser les convoitises. Mais elle est aussi extrêmement fragile, car fracturée entre deux peuples inassimilables : l’Ouest catholique, dont l’histoire et la culture regardent vers la Pologne, la Lituanie et l’Autriche, et l’Est orthodoxe, qui n’a d’yeux que pour Moscou. Ce qui est donc en jeu, c’est un risque immense de guerre civile. Et pire encore. Qu’on se souvienne de ces mots de Jacques Benoist-Méchin, dans L’Ukraine, fantôme de l’Europe : « Et dans ce décor d’enfer, qui défie toute description, cinq armées différentes, venues de tous les coins de l’horizon, vont passer et repasser « comme une râpe » sur le corps sanglant de l’Ukraine : armée polonaise de Pilsudski, armée ukrainienne de Petlioura, armée blanche de Denikine et de Wrangel, armée noire des paysans anarchistes de Makhno, et enfin armées rouges de Staline et de Budienny ». L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement.

AC

mercredi, 19 mars 2014

La Crise ukrainienne et la troisième voie géopolitique

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La Crise ukrainienne et la troisième voie géopolitique

par Jure Vujic

Ex: http://www.polemia.com

«L’Eurasisme russe aurait tout intérêt à ménager les nationalismes européens de cet espace centre-européen et de l’espace pontique de la mer Noire y compris l’Ukraine, plutôt que de nier leurs identités nationales et d’attiser leurs positions russophobes.»

♦ Polémia a reçu de son contributeur franco-croate, Jure Georges Vujic, une analyse géopolitique de la crise ukrainienne. Donner accès à la diversité des points de vue fait partie de notre ligne éditoriale. Nous la soumettons donc à la réflexion de nos lecteurs.
Polémia

Il semblerait que la crise ukrainienne divise la mouvance nationale et eurasiste en deux camps, le premier soutenant l’opposition nationaliste ukrainienne en tant que vivier identitaire et vecteur national-révolutionnaire, le second, le camp des «eurasistes» russophiles, qui, pour des raisons géopolitiques anti-atlantistes, soutiennent l’intervention russe en Crimée. Pourtant, cette vision binaire  demeure quelque peu simplificatrice. C’est pourquoi je réitère « qu’il faut savoir raison garder » et que la démesure dans l’analyse géopolitique, le jusqu’au-boutisme et l’engouement belliciste ne font que conforter une fois de plus l‘hybris  et le conflit entre des peuples européens et, une fois n’est pas coutume, sur la terre européenne.

Bien sûr, il faut rappeler que  suite à la décision du gouvernement élu de ne pas signer d’accords commerciaux avec l’Union européenne, le camp atlantiste et américain a tenté d’orchestrer une seconde « Révolution orange » cette fois-ci en s’appuyant et en manipulant des groupes ultranationalistes ukrainiens aux fins  d’installer un pouvoir pro-occidental à Kiev. Le nationalisme ukrainien extrêmement dynamique est autant antirusse qu’antioccidental alors que les arguments de l’adhésion à l’UE servent uniquement de levier d’émancipation de la tutelle russe. Par ailleurs, l’expérience de la Hongrie de Orban démontre très bien que l’on peut être dans l’UE et mener une politique nationale et souverainiste.

D’une part, je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse d’une confrontation entre une vision eurasiste pro-russe et un nationalisme ukrainien pro-atlantiste. Il faut  avoir à l’esprit la question de la légitimité des manifestations du peuple ukrainien systématiquement spolié et paupérisé par des régimes corrompus et oligarchiques successifs, tour à tour pro-occidentaux et pro-russes (la famille du présidentViktor Ianoukovitch s’est enrichie de près de 8 milliards d’euros par an). D’autre part, l’opposition entre le sud-est russophone de l’Ukraine et l’EuroMaidan s’est cristallisée en raison du ressentiment antirusse qui s’est développé dans la partie occidentale de l’Ukraine. Si une partie des habitants s’est organisée en formations paramilitaires et a manifesté contre le nouveau gouvernement de Kiev, c’est parce que la révolution a gagné à ses yeux une connotation antirusse plutôt que pro-européenne.

Il est en effet déplorable que l’Ukraine soit entre le marteau et l’enclume, et  n’ait finalement que le choix entre l’intégration européenne pro-atlantiste et la soumission au voisin russe. C’est dans les leçons de l’histoire européenne qu’il faut peut-être chercher la solution. « L’Ukraine a toujours aspiré à être libre » a écrit Voltaire dans son Histoire de Charles XII, à propos de l’hetman Mazeppa. L’identité ukrainienne s’est cimentée il y a une dizaine de siècles et n’est pas près d’être russifiée, quand bien même son histoire reste étroitement liée à la Russie. L’Ukraine est et restera un pays écartelé entre le géant eurasiatique qu’est la Russie à l’est, et l’Europe centrale beaucoup plus proche de l’Occident. Etymologiquement le nom d’’Ukraine est associé à celui de « marche », et c’est ainsi qu’il faut la traiter en tant qu’espace géopolitique pontique et médian. C’est pourquoi la Russie aurait tout intérêt à traiter le peuple ukrainien et l’identité ukrainienne sur un pied d’égalité et de réciprocité plutôt qu’obstinément nier leur existence nationale, les associer à des «petits Russes», ce qui ne fera qu’exacerber le sentiment ukrainien antieurasiste et antirusse.

La Crimée se prononce pour son rattachement à la Russie

L’identité ukrainienne tout comme l’histoire des peuples cavaliers, de souche européenne, fait partie intégrante de notre héritage indo-européen le plus ancien tout comme le constitue l’héritage slavo-russe et orthodoxe. Il faut rappeler que c’est un chercheur ukrainien Iaroslav Lebedynsky, qui enseigne à l’Institut national des langues et civilisations orientales, qui nous a livré de remarquables  récits historiques sur les Scythes, les Sarmates, les Saces, les Cimmériens, les Iazyges et les Roxolans, les Alains, etc. qui témoignent de l’identité pluriséculaire de ces peuples de souche européenne sur cet espace eurasiatique qui va de l’Europe centrale jusqu’aux confins de la Sibérie orientale, espace qui ne possède pas de frontières naturelles comme l’expliquait le général Heinrich Jordis von Lohausen dans son traité de géopolitique. En effet, l’importance géostratégique pontique de l’Ukraine, bordée par la mer Noire et la mer d’Azov au sud et située entre l’Europe occidentale et la masse continentale eurasiatique, dépend en majeure partie de sa configuration frontalière. Les régions historiques ukrainiennes, comme la Volhynie et la Galicie (jadis polono-lituaniennes), la Bukovine (jadis moldave) ou la Méotide (jadis tatare criméenne), s’étendent  également sur les pays voisins, ouvrant ainsi une profondeur stratégique à la Russie au nord et à l’est, à la Biélorussie au nord, à la Pologne, à la Slovaquie et la Hongrie à l’ouest et à la Roumanie et la Moldavie au sud-ouest.

Bien sûr, il convient d’un point de vue géopolitique de soutenir le projet eurasiste russe comme facteur de rééquilibrage multipolaire face aux menées néo-impériales atlantistes, mais ce projet géopolitique grand-européen eurasiste doit être avant tout un projet fédérateur, de coopération géopolitique, fondé sur le respect de tous les peuples européens, sur le respect des souverainetés nationales et sur le principe de subsidiarité. L’affirmation agressive et exclusiviste de la composante slavo-orthodoxe et « grand-russe » dans le projet eurasiste, surtout dans les territoires centre-européens et du sud-est européen catholiques qui gardent un mauvais souvenir de l’expérience soviétique, ne fera au contraire que raviver les tensions entre les peuples européens, ce qui fait le jeu de la stratégie atlantiste qui divise pour régner. Par ailleurs, tout comme il convient de dénoncer la fragmentation ethno-confessionnelle qui est à l’œuvre au Moyen-Orient en tant qu’instrument de domination atlantiste, il convient aussi de se méfier des constructions annexionnistes ou irrédentistes linguistiques « grand-russes » sous prétexte d’unification « des terres russophones » qui peuvent à long terme avoir les mêmes effets dissolvants en Eurasie dans le Caucase et en  Europe centrale, car le même argument linguistique pourrait justifier la revendication séparatiste d’ethnies ou de populations non-européennes sur le sol européen. En effet, le déchaînement du nationalisme ethno-confessionnel à l’ouest de l’Ukraine inquiète les minorités ethniques et notamment les Polonais, les Hongrois et les Roumains. Les Tatares de Crimée qui semblent avoir déjà choisi leur rattachement à la Russie ne peuvent pas rester à l’écart de la recomposition en cours à l’ouest et au sud-ouest d’Ukraine. Ainsi le groupe  ethnique des Gagaouzes qui forment une communauté homogène en Moldavie s’est déjà prononcé par référendum pour l’intégration eurasienne. On assiste également à une montée en puissance du facteur turcophone dans la région du Caucase et dans les Balkans (en Bosnie Herzégovine), plus particulièrement dans le contexte des processus d’intégration dans l’espace eurasien.

Il faut rappeler que l’Ukraine, au-delà du contexte très particulier de ce pays (en réalité constitué de deux ensembles historiquement antagonistes, l’un catholique-uniate, tourné vers l’ouest et l’autre orthodoxe proche de la Russie), constitue un exemple des possibilités de manipulation d’un sentiment national. Pourtant je ne suis pas certain qu’un recentrage « grand-russe » de l’Ukraine constitue un pôle de stabilité géopolitique eurasiatique à long terme dans la mesure où le sentiment antirusse en Ukraine est fortement enraciné et cela depuis plusieurs siècles. La perception du projet eurasiste vu de Paris, Moscou, Vienne, Berlin, Zagreb, Kiev est très différente et variable. Dans les ex-pays du bloc soviétique, l’eurasisme est souvent perçu comme une idéologie néocoloniale «  grande russe  » et post-soviétique, car ces pays ont retrouvé leur indépendance nationale et étatique dans les années 1990 après la chute du Mur de Berlin (et non au XVIIIe ou XIXe siècle), et il est compréhensible qu’ils restent récalcitrants à tout projet fédérateur, multinational et/ou néo-impérial, alors que d’autres pays européens qui ont vécu « leur printemps des peuples » en 1848 ou avant, sont plus ouverts au discours eurasiste grand-continental. Il faut alors tenir compte de ces variables pondérables de psychologie collective (au même titre que les fameuses guerres de représentation) lorsqu’on adopte une position géopolitique  pan-européenne. L’eurasisme ne devrait pas évoluer vers un projet néocolonial et impérialiste (L’idée d’empire n’est pas réductible à l’impérialisme) mais rester fidèle à l’idéal de l’empire en tant qu’unité organique et œcuménique dans la diversité. Cet eurasisme géopolitique n’a jamais été aussi cohérent et  stable que lorsqu’il a été respectueux des idendités, et des diverses composantes impériales comme cela a été le cas lors de l’alliance austro-franco-russe du XVIIIe siècle, de la Sainte-Alliance et de l’Union des Trois Empereurs, voire en tant que projets d’alliance franco-germano-austro-russe de Gabriel Hanotaux (1853-1944), avant 1914.

Il convient également de constater que le projet eurasiste « grand-européen » ne peut reposer uniquement sur un pôle russo-centré, et que si l’on raisonne en termes de continent (de l’Atlantique à la Sibérie), il semblerait que ce projet soit à double vitesse, l’un russo-centré autour de l’union eurasiatique qui s’articule autour de la composante russo-slavo-orthodoxe et l’autre que l’on peut qualifier d’eurasiste-médian ou centre-européen (voire germano-slave mitteleuropéen) qui s’étend de l’Europe occidentale héritière de l’empire Carolingien (héritière de l’Empire romain) et l’eurasisme central-danubien qui s’étend le long de l’ancien limes danubien, à son embouchure dans la mer Noire, jusqu’à l’espace scythien de la Dobroudja, à la charnière de la Roumanie et de la Bulgarie actuelles. Le point de jonction de l’Eurasie russo-centré et de cette Eurasie centre–européenne est l’Ukraine qui de par sa position pontique relie et verrouille ainsi l’espace centre-européen pannonien et la profondeur eurasiatique vers l’est. Pourtant ce qui différencie àl’heure actuelle ces deux projets eurasiens complémentaires, c’est l’héritage historique de l’Union soviétique. En effet l’ensemble des peuples rattachés à la couronne austro-hongroise (Croates, Slovaques, Hongrois, Tchèques) gardent un mauvais souvenir de la férule communiste et des Etats multinationaux fantoches tels que la Yougoslavie titiste et la Tchécoslovaquie en tant que zones tampons et cordons sanitaires créés par la politique britannique dans les Balkans. C’est la raison pour laquelle l’Eurasisme russe aurait tout intérêt à ménager les nationalismes européens de cet espace centre-européen et de l’espace pontique de la mer Noire y compris l’Ukraine, plutȏt que de nier leurs identités nationales et d’attiser leurs positions russophobes.

Ainsi la crise ukrainienne peut être l’occasion ou jamais de réfléchir et de peut-être redéfinir les axes géopolitiques d’une Eurasie triarchique reposant sur la triplice géopolitique carolingienne-occidentale/catholique autro-hongroise et centre-européenne/slavo-orthodoxe eurasiatique.

Jure Georges Vujic
11/03/2014

Correspondance Polémia – 16/03/2014

Turkey and Crimea

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Turkey and Crimea

Nikolai BOBKIN

Ex: http://www.strategic-culture.org

 
On 16 March, the people of Crimea will independently determine their own future. Opinion polls show that the overwhelming majority of Crimeans (75-80 percent) have already decided in favour of becoming part of the Russian Federation. Crimea is being given a unique opportunity to reunite with its historic homeland. Several days ago, Barak Obama called the overthrow of the legitimate authorities in Kiev a triumph of democracy. Now Crimea will give President Obama a lesson in democracy... 

By supporting the coup, the US has laid the foundations for a broad restructuring process of the Ukrainian state into a looser confederation of regions. The principle of self-determination, to which the people of Crimea are adhering, is enshrined in international law, while non-recognition of the results of the people’s will would be the latest evidence of the American establishment’s commitment to the project of creating a ‘Ukrainian Reich’ within former Ukraine. The Western media are lying when they talk about the so-called full solidarity of all NATO countries with the American position. In truth, Washington’s position is not supported by many of those with a special interest in Crimea and these include Turkey, since Crimea is home to Crimean Tatars, who are ethnically close to Turks.

Ankara is worried about the risk of deepening the political crisis in Ukraine. While offering to accept the preservation of Ukraine’s territorial integrity as a basis for resolving the conflict, the Turkish Foreign Ministry is nevertheless warning Kiev against creating military tension in Crimea, where «our kinsmen – the Crimean Tatars» live. In the past, Ankara has done much for Crimea to become the Tatars’ homeland again. Kiev, however, has never given the development of Crimea much attention, removing up to 80 percent of the autonomous republic’s revenue and giving nothing back in return. For Turkey, with its highly-developed tourism industry, the deplorable state of tourism in Crimea, as well as the peninsula’s infrastructure, which has fallen into complete disrepair and has not been modernised since Soviet times, are compelling evidence of Kiev’s disdain for the fate of the Crimean people. Many in Turkey well understand why Crimea becoming part of Russia is the natural desire of the overwhelming majority of those living on the peninsula. Turkey’s Foreign Affairs Minister, Ahmet Davutoğlu, believes that «Crimea should not be an area of military tension; it should be a centre of prosperity, tourism, and intercultural relations».

At the same time, the Turkish government is being forced to consider its own position with regard to Crimea, and the internal forces that adhere to the opposite point of view. In some parts of the country, the compatriots of Crimean Tatars are organising demonstrations against Crimea becoming part of Russia. Zafer Karatay, a Tatar member of the Turkish Assembly, is calling for Ankara to intervene in Crimea and a confrontation with Russia. His opponents respond: «What business do we have in Crimea? Why is Crimea so important?» Well, the Kiev scenario of the illegal overthrow of President Yanukovych may well be used by the Americans to change the leadership in Turkey. In this regard, Prime Minister Erdoğan has clearly stated that it is not a case of Turkey choosing between Moscow and Washington or Ukraine and Russia, it is a case of choosing between a tool of destabilisation like the pro-American Maidan protests and adhering to the fundamental principles of international law. 

Many Turkish politicians disliked Davutoğlu’s hasty trip to Kiev immediately following the coup. Given that Ankara does not have an answer to the question «What should Turkey do now?», such a visit is definitely cause for bewilderment. Davutoğlu’s statement, meanwhile, «that Crimean Tatars are currently the main apologists for Ukraine’s territorial integrity» shocked many observers. They reminded the minister of the number of Turkish compatriots in the 46-million strong Ukraine, as well as the fact that Turkey had a strategic partnership with the previous legitimate authorities in Kiev to which neither Turchynov nor Yatsenyuk are able to add anything except a hatred of Russia. Davutoğlu’s assurances regarding the fact that the new regime in Kiev «will take all necessary measures to protect the rights of Turks living in Crimea» has also given rise to scepticism. It is unlikely that the fascist authorities in Kiev currently threatening Ukraine’s multimillion Russian population are going to concern themselves with the fate of the relatively small Crimean Tatar community. Pragmatists in the Turkish government have warned the head of the Turkish Foreign Ministry, who has promised Kiev «political, international and economic support to protect Ukraine’s territorial integrity», against any hasty actions and even statements towards Moscow. 

Commenting on events in Kiev, the Turkish Minister for EU affairs, Mevlut Çavuşoğlu, referred to the European’s approach towards Ukraine as completely wrong, and that asking Ukrainians to choose between Europe and Russia was a grave political mistake. «Russia»,Çavuşoğlu pointed out, «is part of the European continent.» Turkey still does not understand why Brussels, which thinks that Turkey does not meet its high democratic standards and for many years has refused Turkey’s accession to the EU, has decided that the new Ukraine is more democratic than Turkey – and that is even after the bloody coup carried out by Western stooges. There is the feeling that supporting the new regime in Kiev could cost Erdogan’s government dearly.

Should Turkey join sanctions against Moscow, the country’s economists are predicting the collapse of the national economy, which is closely tied to Russian hydrocarbon supplies. They consider energy exports from Russia to be «a national security issue» and are warning that even Europe, which is also dependent on Russian gas, has not allowed itself to cross the line of open hostility to Moscow, despite unprecedented pressure from Washington. Turkey is still a growing market for Russia, and its gas supplies to the country increase by 4-5 percent annually and exceed 30 billion cubic metres. There is a desire to diversify Ankara’s sources, but there is no real alternative to Russian blue-sky fuel. America’s promises to replace Russian gas with its own shale surrogate in connection with calls to support anti-Russian sanctions are eliciting a smile from Turkish experts. The infrastructure needed for the supply of liquefied fuel would be more expensive than the cost of Russian supplies for the next 5-7 years. And it is not just Turkey’s energy economy that will lose out. Trade between Russia and Turkey exceeds 33 billion dollars, and nearly four million Russians visit Turkey every year, leaving behind at least USD 4 billion. 

The Turkish media has also made explicit references to the fact that the significance of Ukraine and Russia for Turkey’s foreign policy is incomparable. Turkish political observer Fuat Kozluklu, meanwhile, writes that Russia’s decision to use force if necessary to protect Ukraine’s Russian and Russian-speaking population was a good deterrent to the Ukrainian radicals and the Western politicians watching over them. Putin’s determination to stand up for the interests of Russians in his neighbouring country has revealed Russia’s real strength, while Moscow’s actions have the sole intention of preventing the further escalation of tensions in Ukraine. It is also from this point of view that many Turkish analysts are regarding the forthcoming referendum in Crimea.

 

jeudi, 27 juin 2013

Énigme turque et ours russe

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Énigme turque et ours russe

Ex: http:://www.dedefensa.org/

Le site DEBKAFiles annonce que la Turquie a décidé de fermer ses frontières aux rebelles syriens, et plus précisément au passage d’armes US et otaniennes vers la Syrie. On connaît DEBKAFiles, dont les informations sont diffusées à partir de milieux proches des services de sécurité israéliens et sont nécessairement de véracité variable. Pourtant, il est un domaine où DEBKAFiles s’est montré ces derniers temps particulièrement attentif, qui est celui du comportement de la Russie, et du poids grandissant de la Russie sur la crise syrienne et tout ce qui va autour. Il semble d’ailleurs que cette orientation corresponde à une attention grandissante d’Israël vis-à-vis de la Russie, considérant ce pays désormais comme un acteur majeur de la région avec lequel il faudrait éventuellement envisager (dans le chef d’Israël) certains arrangements, à mesure que les USA sont moins actifs et dominateurs qu’auparavant et le sont de moins en moins. Par conséquent, les nouvelles que donne DEBKAFiles concernant la Russie sont particulièrement soignées et, souvent, reflètent certaines vérités de la situation. Or, la nouvelle rapportée ici concernant la Turquie est directement liée à la Russie, et à la crainte d’Erdogan concernant les réactions de la Russie si la Turquie continue à aider les rebelles syriens. Tout cela correspondrait assez justement au rôle grandissant de la Russie.

Le texte dont nous faisons ci-dessous des citations est donc de DEBKAFiles, du 22 juin 2013.

«The US decision to upgrade Syrian rebel weaponry has run into a major setback: DEBKAfile reveals that Turkish Prime Minister Tayyip Erdogan phoned President Barack Obama in Berlin Wednesday, June 19, to report his sudden decision to shut down the Turkish corridor for the transfer of US and NATO arms to the Syrian rebels. [...]

»Erdogan’s decision will leave the Syrian rebels fighting in Aleppo virtually high and dry. The fall of Qusayr cut off their supplies of arms from Lebanon. Deliveries through Jordan reach only as far as southern Syria and are almost impossible to move to the north where the rebels and the Hizballah-backed Syrian army are locked in a decisive battle for Aleppo.

»The Turkish prime minister told Obama he is afraid of Russian retribution if he continues to let US and NATO weapons through to the Syrian rebels. Since the G8 Summit in Northern Ireland last week, Moscow has issued almost daily condemnations of the West for arming “terrorists.”

»Rebel spokesmen in Aleppo claimed Friday that they now had weapons which they believe “will change the course of the battle on the ground.” DEBKAfile’s military sources are strongly skeptical of their ability – even after the new deliveries — to stand up to the onslaught on their positions in the embattled town by the combined strength of the Syrian army, Hizballah troops and armed Iraqi Shiites. The prevailing intelligence assessment is that they will be crushed in Aleppo as they were in Al Qusayr. That battle was lost after 16 days of ferocious combat; Aleppo is expected to fall after 40-60 days of great bloodshed.

»The arms the rebels received from US, NATO and European sources were purchased on international markets – not only because they were relatively cheap but because they were mostly of Russian manufacture. The rebels are thus equipped with Russian weapons for fighting the Russian arms used by the Syria army. This made Moscow angrier than ever.»

Par ailleurs, le même DEBKAFiles annonce des renforts importants venant de Russie pour la Syrie, notamment un contingent de 600 “marines” russes, soldats d’infanterie de marine ou/et forces spéciales (Spetnatz). Ce déploiement est présenté comme une mesure consécutive au sommet du G-8, et à ce qui est présenté par DEBKAFiles comme “un échec” (le sommet) et l’occasion pour les Russes de se forger une conviction concernant les livraisons d’armes du bloc BAO vers les rebelles, non seulement projetées mais d’ores et déjà en cours. Ce point est évidemment à mettre en corrélation avec la nouvelle que le même DFEBKAFiles annonce ci-dessus concernant la décision turque de fermer sa frontière aux rebelles syriens. L’argument de la protection des 20.000 citoyens russes en Syrie est largement présenté comme impératif dans la décision russe d’envoyer ces forces en Syrie, avec l’annonce supplémentaire que des forces aériennes russes seraient déployées en Syrie si une no-fly zone était établie par le bloc BAO. (DEBKAFiles, le 21 juin 2013 .)

«Just one day after the G8 Summit ended in the failure of Western leaders to overcome Russian resistance to a resolution mandating President Bashar Assad’s ouster, Moscow announced Wednesday June 19, the dispatch to Syria of two warships carrying 600 Russian marines. They were coming, said the official statement, “to protect the Russian citizens there.” Russian Deputy Air Force Commander Maj.-Gen. Gradusov added that an air force umbrella would be provided the Russian expeditionary force if needed.

»DEBKAfile's military sources report that the pretext offered by Moscow for sending the force thinly disguised Russian President Vladimir Putin’s intent to flex Russian military muscle in response to the delivery of Western heavy arms to Syrian rebels – which DEBKAfile first revealed Tuesday, June 18.»

Si elle est confirmée, la nouvelle donnée par DEBKAFiles concernant la Turquie est évidemment du plus grand intérêt. Si l’on s’en tient aux seules circonstances décrites et toujours en leur accordant le crédit de la véracité, on dirait, en un terme hérité du temps de la Guerre froide, qu’une telle circonstance se nommerait “finlandisation”, en plus appliquée à un membre de l’OTAN dans le cas turc (ce que n’était pas la Finlande dans les années de Guerre froide). Il s’agit de la paralysie, ou plus simplement de l’absence volontaire d’actes de politique extérieure, et encore plus d’actes militaires contraires aux intérêts de l’URSS, qui caractérisait la politique générale de la Finlande en échange de l’indépendance que respectait cette même URSS.

Dans tous les cas, – véracité ou pas de la nouvelle, – il ne fait aucun doute qu’en cas d’aggravation de la tension en Syrie, avec renforcement russe direct, pour une raison ou l’autre, la Turquie sera soumise de facto à de très fortes pressions russes dans le sens qu’on devine. Cela conduirait effectivement à une situation tout à fait inédite, dans la mesure extrêmement importante pour ce cas où la Turquie est membre de l’OTAN. On rapprochera ce cas d’une autre occurrence évoquée le 4 juin 2013 (Russia Today) par Medvedev, lors de questions qui lui étaient adressées par des journalistes, durant le Euro-Atlantic Forum, en Ukraine, et qui concernent plutôt le flanc Nord des rapports Russie-OTAN. Les réponses de Medvedev sur l’attitude de la Russie concernant de nouveaux membres de l’OTAN pourraient être extrapolées pour d’actuels membres de l’OTAN, notamment la Pologne, particulièrement concernée puisqu’elle déploie des missiles antimissiles US contre lesquels sont déployés des SS-26 Iskander russes dans l’enclave de Kaliningrad. Là aussi, la démarche russe telle qu’elle se dessine, également contre des membres de l’OTAN (la Pologne pouvant bien être la Turquie du Nord à cet égard), prend de plus en plus l’aspect d’une riposte offensive aux pressions exercées contre la Russie depuis vingt ans par l’OTAN, les USA et les divers États-clients (anciens d'Europe de l'Est complètement “rachetés” par les réseaux et l'argent US) et autres ONG téléguidés par les USA (type “révolutions de couleur“ et “agression douce“).

«When a reporter asked Dmitry Medvedev how the balance of forces in Europe will change if Sweden and Finland decide to enter NATO, the Russian Prime Minister answered that his country would have to react to such developments. “This is their own business; they are making decisions in accordance with the national sovereignty doctrine. But we have to consider the fact that for us the NATO bloc is not simply some estranged organisation, but a structure with military potential,” the head of the Russian government said adding that under certain unfavorable scenarios this potential could be used against Russia. “All new members of the North Atlantic alliance that appear in proximity of our state eventually do change the parity of the military force. And we have to react to this,” the top official noted.»

D’autre part, et considérant d’un autre point de vue la nouvelle initiale concernant la Turquie, on admettra qu’un (nouveau) changement d’orientation sinon d’“alliance” de facto de la part d’Erdogan, prenant ses distances du bloc BAO pour s’extraire du guêpier syrien et se replacer dans un axe Moscou-Ankara-Téhéran, pourrait être de bonne politique intérieure pour lui. Cela permettrait de remobiliser puissamment les forces qui l’ont soutenu fermement jusqu’à ce qu’elles perdent un peu de leur allant avec sa politique syrienne anti-Assad, détestée par de nombreux milieux turcs, y compris dans son propre parti, y compris chez les contestataires qui occupent actuellement les rues. Il s’agirait, comme nous l’avons envisagé, d’une voie vers une “relégitimisation” d’Erdogan (voir le 10 juin 2013), qui pourrait contribuer notablement à réduire les dimensions et le dynamisme de la contestation publique.

samedi, 31 décembre 2011

Guerre de Crimée, première guerre moderne

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Dirk WOLFF-SIMON:

Guerre de Crimée, première guerre moderne

L’historien britannique Orlando Figes vient de dresser un bilan étonnant de la Guerre de Crimée

La seconde moitié du 19ème siècle a été essentiellement ébranlée par trois faisceaux de faits guerriers qui, selon les historiens militaires, ont marqué de manière déterminante l’évolution ultérieure des guerres: il s’agit de la Guerre de Crimée (1853-1856), de la Guerre civile américaine (1861-1865) et les guerres prussiennes/allemandes (Guerre contre le Danemark en 1864, Guerre inter-allemande de 1866 et Guerre franco-allemande de 1870/71).

Pour l’historien anglais Orlando Figes, la Guerre de Crimée, que l’on avait quasiment oubliée, n’est pas un de ces innombrables conflits qui ont marqué le 19ème siècle mais au contraire son conflit central, dont les conséquences se font sentir aujourd’hui encore. Elle a coûté la vie à près d’un million d’êtres humains, a modifié l’ordre politique du monde et a continué à déterminer les conflictualités du 20ème siècle. De nouvelles impulsions d’ordre technique ont animé le déroulement de ce conflit et par là même révolutionné les affrontements militaires futurs de manière fondamentale. Les conséquences techniques de ces innovations se sont révélées très nettement lors de la guerre civile américaine, survenue quelques années plus tard à  peine. Déjà, cette Guerre dite de Sécession annonçait les grandes guerres entre peuples du siècle prochain.

Orlando Figes a récemment consacré un livre à ce chapitre négligé de l’histoire européenne, où la Russie a dû affronter une alliance entre la Turquie, la France et l’Angleterre (O. Figes, “Crimea”, Penguin, Harmondsworth, 2nd ed., 2011). Il nous rappelle fort opportunément que cette guerre a bel et bien constitué le seuil de nos temps présents et un conflit annonçant les grandes conflagrations du 20ème siècle. L’enjeu de ce conflit est bien sûr d’ordre géopolitique mais ses prémisses recèlent également des motivations religieuses de premier plan. Cette guerre a commencé en 1853 par de brèves escarmouches entre troupes turques et russes sur le Danube et en Mer Noire. Elle a pris de l’ampleur au printemps de 1854 quand des armées françaises et anglaises sont venues soutenir les Turcs. Dès ce moment, le conflit, d’abord régional et marginal, dégénère en une guerre entre grandes puissances européennes, qui aura de lourdes conséquences.

Généralement, quand on parle de la Guerre de Crimée, on ne soupçonne plus trop la dimension mondiale qu’elle a revêtu ni l’importance cruciale qu’elle a eu pour l’Europe, la Russie et pour toute cette partie du monde, où, aujourd’hui, nous retrouvons toutes les turbulences contemporaines, dues, pour une bonne part, à la dissolution de l’Empire ottoman: des Balkans à Jérusalem et de Constantinople au Caucase. A l’époque le Tsar russe se sentait appelé à défendre tous les chrétiens orthodoxes se rendant sur les sites de pélèrinage en Terre Sainte; pour lui, la Russie devait se poser comme responsable de leur sécurité, option qui va donner au conflit toute sa dimension religieuse.

Au-delà de la protection à accorder aux pèlerins, le Tsar estimait qu’il était de son devoir sacré de libérer tous les Slaves des Balkans du joug ottoman/musulman. En toute bonne logique britannique, Orlando Figes pose, pour cette raison, le Tsar Nicolas I comme “le principal responsable du déclenchement de cette guerre”. Il aurait été “poussé par une fierté et une arrogance exagérées” et aurait conduit son peuple dans une guerre désastreuse, car il n’avait pas analysé correctement la situation. “En première instance, Nicolas I pensait mener une guerre de religion, une croisade découlant de la mission russe de défendre les chrétiens de l’Empire ottoman”. Finalement, ce ne sont pas tant des Russes qui ont affronté des Anglais, des Français et des Turcs mais des Chrétiens orthodoxes qui ont affronté des catholiques français, des protestants anglais et des musulmans turcs.

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Orlando Figes a réussi, dans son livre, à exhumer les souvenirs confus de cette guerre en retrouvant des témoignages de l’époque. Certains épisodes de cette guerre, bien connus, comme le désastre de la “charge de la brigade légère” ou le dévouement de l’infirmière anglaise Florence Nightingale ou encore les souvenirs du jeune Léon Tolstoï, présent au siège de Sébastopol, sont restitués dans leur contexte et arrachés aux brumes de la nostalgie et de l’héoïsme fabriqué. Son récit sent le vécu et restitue les événements d’alors dans le cadre de notre réalité contemporaine.

Sous bon nombre d’aspects, la Guerre de Crimée a été une guerre conventionnelle de son époque, avec utilisation de canons, de mousquets, avec ses batailles rangées suivant des critères fort stricts de disposition des troupes. Mais, par ailleurs, cette Guerre de Crimée peut être considérée comme la première guerre totale, menée selon des critères industriels. Il faut aussi rappeller qu’on y a utilisé pour la première fois des navires de guerre mus par la vapeur et que c’est le premier conflit qui a connu la mobilisation logistique du chemin de fer. D’autres moyens modernes ont été utilisés, qui, plus tard, marqueront les conflits du 20ème siècle: le télégraphe, les infirmières militaires et les correspondants de guerre qui fourniront textes et images.

Les batailles fort sanglantes de la Guerre de Crimée ont eu pour corollaire une véritable mutation des mentalités dans le traitement des blessés. La décision de la première convention de Genève de 1864, prévoyant de soigner les blessés sur le champ de bataille, de les protéger et de les aider, est une conséquence directe des expériences vécues lors de la Guerre de Crimée. La procédure du triage des blessés, où les médecins présents sur place répartissent ceux-ci en différentes catégories, d’après la gravité de leur cas et la priorité des soins à apporter, selon la situation, a été mise au point à la suite des expériences faites lors de la Guerre de Crimée par le médecin russe Nikolaï Ivanovitch Pirogov. L’infirmière britannique Florence Nightingale oeuvra pour que le traitement des blessés, qui laissait à désirer dans l’armée anglaise, soit dorénavant organisé de manière rigoureuse. Figes rend hommage à cette icône de l’ère victorienne en rappellant que ses capacités se sont surtout révélées pertinentes dans l’organisation des services sanitaires.

Des 750.000 soldats qui périrent lors de la Guerre de Crimée, deux tiers étaient russes. Les civils qui moururent de faim, de maladies ou à la suite de massacres ou d’épurations ethniques n’ont jamais été comptés. On estime leur nombre entre 300.000 et un demi million. Figes évoque également la “Nightingale russe”, Dacha Mikhaïlova Sevastopolskaïa. Dacha, comme l’appelaient les soldats, avait vendu tous ses biens tout au début de la guerre pour acheter un attelage et des vivres: elle rejoignit les troupes russes et construisit le premier dispensaire pour blessés de l’histoire militaire russe. Sans se ménager, elle soigna les blessés pendant le siège de Sébastopol. A la fin de la guerre, elle fut la seule femme de la classe ouvrière à recevoir la plus haute décoration du mérite militaire.

Le principal but de la guerre, pour les Français et les Anglais, était de vaincre totalement la Russie. C’est pourquoi le siège de Sébastopol, havre de la flotte russe de la Mer Noire, constitua l’opération la plus importante du conflit. Le 8 septembre 1855, le port pontique tombe. Et Léon Tolstoi écrit: “J’ai pleuré quand j’ai vu la ville en flammes et les drapeaux français hissés sur nos bastions”. Tolstoï était officier combattant et rédigea, après les hostilités, ses “Souvenirs de Sébastopol”. Un officier français, quant à lui, note dans son journal: “Nous ne vîmes riens des effets de notre artillerie, alors que la ville fut littéralement broyée; il n’y avait plus aucune maison épargnée par nos tirs, plus aucun toit et tous les murs furent détruits”.

Lors des négociations de paix, la Russie n’a pas dû céder grand chose de son territoire mais elle a été profondément humiliée et meurtrie par les clauses du traité. En politique intérieure, l’humiliation eu pour effet les premières réformes qui impliquèrent une modernisation de l’armée et la suppression du servage. Sur le plan historique, il a fallu attendre 1945 pour que la Russie retrouve une position de grande puissance pleine et entière en Europe. Tolstoï l’avait prédit: “Pendant fort longtemps, cette épopée-catastrophe de Sébastopol, dont le héros fut le peuple russe, laissera des traces profondes dans notre pays”. Orlando Figes a réussi à réveiller chez ses lecteurs les souvenirs et les mythes de ce conflit oublié.

Dirk WOLFF-SIMON.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°49/2011; http://www.jungefreiheit.de/ ).

Version allemande du livre d’Orlando Figes: Krimkrieg. Der letzte Kreuzzug, Berlin Verlag, Berlin, 2011, 747 p., 36 euro.

criméegouttmann.gifEn français, on lira avec autant de profit le livre tout aussi exhaustif d’Alain Gouttmann, La Guerre de Crimée 1853-1856. La première guerre moderne, Perrin, Paris, 2003.

 

Gouttmann évoque l’émergence d’un “nouvel ordre international”, suite à cette Guerre de Crimée.

 

 

 

mardi, 05 mai 2009

Moldavie: une "révolution colorée" avortée?

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Moldavie: une “révolution colorée” avortée?

 

 

Par Bernhard TOMASCHITZ

 

La Moldavie est, en Europe, un foyer de pauvreté, excentré et marginal, mais elle a été à la une de l’actualité ces dernières semaines. En effet, l’opposition a boycotté le nouveau décompte des voix ordonné à la mi-avril par le Tribunal constitutionnel. Le parti “Notre Moldavie”, qui est dans l’opposition, évoque dans ce contexte “une farce” dont le but est de camoufler des irrégularités dans l’organisation du scrutin. Le Parti libéral et le Parti libéral-démocratique veulent, eux aussi, boycotter le nouveau décompte des voix.

 

Les trois partis de l’opposition réclament de nouvelles élections. Le scrutin du 5 avril avait clairement donné la victoire au Parti communiste (PCRM) du Président Vladimir Voronine, avec 49,9% des voix. Parmi les partis de l’opposition, seuls franchissent la barre des 6% pour pouvoir siéger au Parlement le Parti libéral avec 12,9% des voix, le Parti libéral-démocrate avec 12,2% et “Notre Moldavie”, avec 9,9%. En début d’année, il avait été décidé de faire passer cette barrière de 4 à 6%. Les treize autres partis qui se présentaient aux électeurs n’ont pas réussi à obtenir suffisamment de voix pour obtenir des élus au Parlement. Ces élections ont pourtant été considérées par l’OSCE  comme “libres et correctes”, mises à part quelques petites irrégularités.

 

Après la victoire des communistes, les partisans de l’opposition ont pris d’assaut le siège de la présidence et les bâtiments du parlement dans la capitale Chisinau (Kichinev), pour y bouter le feu. Une femme a perdu la vie; il y a eu plus de 200 blessés et au moins 193 arrestations. Une question demeure ouverte: qui se profile derrière ces désordres? Le Président Voronine qui, d’une part, tient à rapprocher son pays de l’UE et, d’autre part, souhaite garder ses relations étroites avec la Russie, a déclaré aux journalistes du quotidien espagnol “El Pais”, que des forces étrangères favorisaient les désordres. Voronine dit ensuite qu’il détient la preuve que “neuf personnes venues de Serbie” et des “agents des services secrets roumains” avaient été aperçus tandis qu’ils “dirigeaient” les événements. La police moldave a pu notamment photographier un “Yougoslave” distribuant des “documents émanant d’une institution nord-américaine”. L’homme d’Etat communiste, on s’en doute, n’a pas bonne opinion des manifestants: “Le résultat des élections ne les intéressent pas. Nous assistons au déploiement du même scénario qu’à Belgrade, Tiflis, Bichkek et Kiev”. Voronine rappelle donc à ses lecteurs espagnols les “insurrections” similaires qui ont eu lieu, au cours de ces dernières années, en ex-Yougoslavie, en Géorgie, au Kirghizstan ou en Ukraine. D’après le président moldave, les désordres qui ont affectés son pays présentent des similitudes avec la “révolution des roses” en Géorgie et la “révolution orange” en Ukraine. “Certaines forces en profitent, ajoute-t-il, pour saisir l’occasion de mener l’une de ces opérations que l’on baptisera ensuite du nom d’une couleur”. L’analyse de Voronine rencontre bien sûr l’approbation de Moscou. La Russie veut empêcher que le paysage politique de la Moldavie, un pays de 33.000 km2, se modifie de fond en comble et la fasse basculer, comme l’Ukraine et la Géorgie, dans l’orbite américaine.

 

A la Douma d’Etat russe les désordres de Moldavie ont été décrits comme la tentative de “tireurs de ficelles” occidentaux cherchant à promouvoir une “révolution des fleurs” supplémentaire, la cinquième, après l’Ukraine, la Géorgie, le Kirghizstan et la Mongolie. “Cinq cas similaires, de même typologie, nous permettent de tirer certaines conclusions”, a déclaré Konstantin Kozatchev, président de la Commission des Affaires étrangères. Et il a ajouté: “De tels événements surviennent toujours lorsque les forces pro-occidentales perdent les élections”.

 

Et, de fait, les médiats russes et moldaves évoquent quelques événements préliminaires qui rappellent, de manière frappante, la “révolution orange” ukrainienne à la charnière des années 2004/2005. Ainsi, de jeunes manifestants, venus principalement des campagnes, ont été amenés dans la capitale par bus. Et cela dans un pays ou le revenu mensuel moyen est de 120 euro. C’est la raison pour laquelle les communistes au pouvoir soupçonnent que de riches “sponsors” se dissimulent derrière les événements. Deux hommes se retrouvent ainsi dans le collimateur: Gabriel Stati et son père Anatoli Stati, l’homme le plus riche de Moldavie. Tous deux sont actifs dans le commerce du pétrole au départ du Kazakhstan et de divers pays africains. Stati s’était écrié, deux jours avant les élections, qu’il allait voter “pour les partis d’inspiration démocratique”. Cet appel est parvenu au public par le biais d’une association de sports de combat que préside Stati. La rumeur circule à Chisinau que ce sont justement les membres de cette association qui ont saccagé le Parlement et le siège de l’administration présidentielle. A la demande de la Moldavie, l’oligarque, à peine âgé de 32 ans, a été arrêté en Ukraine et sera extradé vers son pays.

 

Le rôle de la Roumanie, pays membre de l’OTAN et de l’UE, est également ambigu dans les événements récents à Chisinau. Les manifestants arboraient en effet des drapeaux roumains et réclamaient l’ “Anschluss” avec la mère-patrie roumaine. La plus grande partie de l’actuelle République moldave a effectivement fait partie de la Roumanie pendant l’entre-deux-guerres et a été annexée en 1940 par l’Union Soviétique. La plupart des Moldaves sont ethniquement parlant des Roumains; seule la Transnistrie, qui se trouve sur la rive orientale du Dniepr, est majoritairement peuplée de Russes et d’Ukrainiens. La Transnistrie réclame son indépendance  depuis 1992, en recevant l’appui de la Russie. Le Président roumain Traian Basescu a cherché à calmer le jeu et a déclaré lors d’une allocution télévisée: “La Roumanie n’émet aucune revendication sur les territoires qu’elle a jadis possédés, ne veut aucune modificiation des actuelles frontières d’Etat et ne veut en aucune manière enfreindre la souveraineté de la République moldave”. Mais il a ajouté cette phrase que l’on peut qualifier de “cryptique”: “notre pays ne tolèrera pas que le fleuve Prouth devienne un nouveau Rideau de Fer”. L’avenir de la Moldavie ne se décidera donc pas à Chisinau mais à Bucarest et à Moscou.

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°17/2009; traduction française: Robert Steuckers).