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vendredi, 06 mars 2015

Troisième Voie sur Radio Courtoisie

L'américanité ou l'Europe...

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L'américanité ou l'Europe...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Diego Fusaro, cueilli sur le site du Cercle Aristote et consacré à la domination qu'exerce les États-Unis sur l'Europe. Professeur d'histoire de la philosophie à l'université de Milan et déjà auteur d'une dizaine d'essais, Diego Fusaro est considéré comme le principal disciple de Costanzo Preve, mort en 2013.

L'américanité ou l'Europe

Après la disparition des systèmes socialistes sous les décombres du Mur de Berlin (9 novembre 1989), et l’élimination subséquente de toute alternative politique digne de ce nom, l’ancien dilemme de Novalis « L’Europe ou la chrétienté » (de l’ouvrage du même titre) s’est  reconfiguré sous les traits d’une alternative perverse et macabre : celle de « l’américanité ou l’Europe ».

La puissance sortie victorieuse de la Guerre froide a depuis lors renforcé ce processus délétère d’américanisation intégrale du « Vieux Continent », déjà entamé à partir de 1945. Cela s’est manifesté notamment dans la culture, non seulement celle de masse, avec l’américanisation de la musique populaire, mais aussi la culture scolaire, qui a subi toute une restructuration capitalistique de son logiciel, et qui s’est dès lors vu de plus en plus façonner sur le modèle entrepreneurial, selon la logique « dettes/crédits », faisant ainsi des professeurs des managers, et des étudiants des apprentis-consommateurs. Cela s’est également manifesté dans les politiques sociales, au travers de la démolition du système européen d’assistanat.

De fait, dans l’histoire récente de l’Europe, de la chute du Mur jusqu’à l’implosion de l’Union soviétique (peut-être la plus grande tragicomédie géopolitique du XXe siècle), plusieurs événements successifs sont venus alimenter un plus vaste processus de substitution paradigmatique du modèle américain, fondé sur un capitalisme dépourvu de toute base éthique, au modèle européen, qui s’était lui constitué en haute lutte comme équilibre entre le capitalisme, le Welfare state et de solides fondations axiologiques. Aujourd’hui, on voit l’Europe devenir de plus en plus un protectorat américain, les États européens étant aux États-Unis ce qu’étaient les satellites du pacte de Varsovie vis-à-vis de l’URSS et de sa ligne de conduite marxiste.

Dernière manifestation en date de ce scénario scandaleux, la stupeur déclenchée il y a quelques temps lors des révélations sur les pratiques obscènes d’espionnage des États-Unis à l’égard de leurs prétendus « alliés » (dans les faits leurs subordonnés).  Mais en réalité, pourquoi tant de stupeur ? Est-ce une nouveauté que cette absence de relation inter pares  entre les États européens et les États-Unis ? Qu’y a-t-il d’exceptionnel à cela ? Fallait-il s’attendre à ce que l’Empire du Bien traitât l’Italie, l’Allemagne, et l’Espagne comme des États libres et égaux à lui ?

La « Quatrième Guerre mondiale » [1] (selon le concept de Costanzo Preve, sur la séquence historique qui s’étend de 1991 à nos jours) a vu la puissance américaine systématiquement entrer en lutte contre les forces qui résistaient à sa domination ; et, aussi bien avec l’Irak en 1991 qu’avec la Libye en 2011, l’on a vu à chaque fois ses soi-disant « alliés » se retrouver acculés à servir leur maître en prenant activement part à ses agressions impérialistes. L’on songe ici à ce que Carl Schmitt écrivait déjà en son temps dans La notion de politique (1927) : « Si, sous forme de sentence ou de quelque autre manière, un peuple se laisse prescrire par un étranger l’hostis (l’ennemi) qui doit être le sien, contre lequel il lui est permis ou interdit de combattre, c’est qu’alors il n’est plus un peuple politiquement libre, mais un peuple satellisé ou subordonné à un autre système politique ». Ces mots sont à l’image de l’Europe actuelle.

Il apparaît chaque jour plus évident que cet État sorti vainqueur de la Guerre froide, qui œuvre aujourd’hui à la stigmatisation de toute contre-puissance se refusant à subir sa domination et sa vision du monde (elle se voit alors immédiatement condamnée comme rogue State, « État voyou »), repose sur une culture impérialiste foncièrement incompatible avec la perspective d’un véritable rapport à l’Autre : qu’elle le présente sous les traits du « terrorisme » ou de la « dictature », ou qu’elle le range avec mépris dans le champ du « Rest of the world », dans tous les cas, elle se refuse a priori à lui accorder la moindre légitimité. Cette règle n’épargne pas les États Européens : dans l’horizon de l’idéologie impériale américaine, ces derniers ont le droit d’exister tout au plus comme protectorat de la Mère-Patrie.

A cette caractéristique, que l’on retrouve dans presque toutes les formes d’impérialisme de l’Histoire, doit être rajoutée une autre : le facteur explicatif majeur que constitue en soi la prégnance aux États-Unis du protestantisme puritain d’origine vétérotestamentaire. Telle est l’idéologie qui alimente la « monarchie universelle » [2] américaine : sous sa caution, les Américains tendent naturellement à se concevoir comme le « Peuple élu », si ce n’est même comme la seule nation digne de ce nom, entraînant par là des conséquences désastreuses sur la vie internationale.

« America stands as the world’s indispensable nation », pouvait-on entendre dans le discours de Bill Clinton du 20 janvier 1997. Si l’Amérique est la seule nation indispensable au monde, alors toutes les autres ne sont plus bonnes à exister que comme ses colonies, au mieux ses subordonnées.

Porte-drapeau d’une « Special mission » qui lui aurait été assignée par Dieu, « l’Empire du Bien » étiquette immédiatement comme « terroristes » toutes les formes de résistance que peuvent lui opposer les peuples opprimés ou les États (de l’Iran à Cuba, en passant par la Corée du Nord jusqu’au Venezuela),  qui, malgré des contradictions internes parfois très lourdes, ne se plient pas au diktat de la mondialisation capitaliste. Par leur positionnement géostratégique courageux, ces derniers rappellent ainsi aux Européens que résister est encore possible (pour prendre à-rebours le titre du peu glorieux best-seller de Walter Sitti : Résister ne sert à rien).

Dans une opposition revendiquée aux chantres du Politiquement correct et à nos éternels « repentis », toujours prompts à discréditer comme pure nostalgie la récupération des catégories de pensée à même de déceler les contradictions de notre temps, la revivification de la critique de l’impérialisme est aujourd’hui d’une importance vitale. Face aux stratégies manipulatoires de la propagande officielle, capable de déclarer à son gré telle ou telle perspective critique comme complètement dépassée, l’impérialisme est aujourd’hui plus vivant que jamais – et que, par son pouvoir d’adaptation, il se soit métamorphosé sous un nouveau visage, compatible avec l’idéologie mondialiste, n’y change rien – ; face à lui, la tendance à le disqualifier comme une catégorie politique désuète  révèle une volonté mal cachée d’anesthésier toute critique en faisant passer pour mort l’objet pourtant bien vivant sur lequel elle est censée s’exercer.

Comme Voltaire en son temps, nous n’aurons de cesse de le répéter : il ne pourra y avoir de démocratie en Europe tant que son territoire sera sous l’emprise de bases militaires états-uniennes. Il ne pourra y avoir d’Europe sans souveraineté géopolitique. Il ne pourra y avoir d’Europe démocratique d’États libres et égaux tant que le « Vieux Continent » continuera d’exister comme simple protectorat d’une monarchie universelle, ou simple pion de l’Eurocratie en place. S’étonner qu’une telle affaire d’espionnage ait pu avoir lieu est un privilège de vierges effarouchées. Il faut, au contraire, s’appliquer à éliminer à la racine les conditions qui rendent possibles des scandales comme celui-ci.

Diego Fusaro (Cercle Aristote, 26 février 2015)

Notes :

Texte original en italien : Diego Fusaro, « Americanità o Europa », Lo Spiffero, Pubblicato Lunedì 08 Luglio 2013.

[1] Constanzo Preve, La Quatrième Guerre mondiale, éd. Astrée, 2008, trad. 2013. Disponible sur : http://www.editions-astree.fr/BC/Bon_de_commande_Preve.pdf

[2] On se réfère ici à l’« Universal monarchie » mentionnée par Kant dans son Projet de paix perpétuelle (1795)

La désincarnation du monde, ou la théorie du genre

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La désincarnation du monde, ou la théorie du genre

par Mathieu Bock-Côté

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Mathieu Bock-Côté revient sur plusieurs incidents dont nous avons déjà parlé et le récent livre de Bérénice Levet « La théorie du genre ou le monde rêvé des anges » :

 

 

Journée de la jupe

Début février, l’école Saint-Constant, sur la Rive-Sud de Montréal, invitait ses élèves, le temps d’une journée, à se travestir. Les garçons devaient s’habiller en filles, et les filles, en garçons et cela, pour promouvoir la tolérance – on connait le refrain. Sans surprise non plus, les parents se révoltèrent. L’école a battu en retraite en expliquant qu’il s’agissait en fait d’une activité ludique, festive, humoristique, même, et qu’il n’y avait là aucune matière à scandale. Ce n’est pas surprenant. Chaque fois qu’une telle initiative explose médiatiquement, c’est cette ligne de défense qui est adoptée, comme s’il fallait désamorcer les critiques en expliquant que rien de grave ne vient de se passer, et qu’on peut vite passer à autre chose. En juin 2014, en semblable situation, une autre école qui avait lancé une journée de la jupe (les garçons devaient s’habiller en jupe pour lutter contre le sexisme) avait répondu qu’il s’agissait en fait d’une initiative du conseil des élèves. Réponse semblable en France quand un lycée de Nantes avait proposé lui aussi sa journée de la jupe, en mai 2014. Mais où les élèves avaient-ils pigé ces idées ?

En réalité, il s’agit à chaque fois d’un épisode parmi d’autres — et ils sont appelés à se multiplier — d’une grande querelle qui s’amplifiera dans les années à venir : celle portée par les promoteurs de la théorie du genre qui se sont engagés dans une opération de réingénierie sociale et identitaire sans précédent dans les sociétés libérales. De nombreux journalistes de chez nous, par exemple, citent avec admiration les sociétés scandinaves qui en sont apparemment déjà familières, notamment l’initiative de cette garderie suédoise où on a mis de l’avant un pronom impersonnel, « hen » pour ne plus dire il ou elle, afin d’éviter de marquer sexuellement l’éducation des enfants – désormais, on ne vise plus l’égalité des sexes, mais une société sexuellement neutre.

On pourrait multiplier les exemples sans trop chercher : la réalité en abonde. Pensons simplement à la dénonciation de plus en plus hargneuse des « jouets genrés », comme s’il y avait quelque chose de fondamentalement malfaisant à offrir à Noël un camion à son garçon et une poupée à sa fille, ou à peindre la chambre du premier en bleu et celle de la seconde en rose – ce qui ne veut pas dire, naturellement, qu’on ne devrait pas offrir des Légos aux enfants des deux sexes ! Pensons à ces parents qui entendent offrir aussi à leurs enfants une éducation non genrée pour les protéger contre les stéréotypes sexués circulant dans la société. Nous rencontrerons d’autres exemples, probablement plus inquiétants, au fil du texte.

Au nom de la lutte contre les préjugés et les discriminations, les militants du genre entendent transformer radicalement nos représentations du masculin et du féminin – en fait, c’est une révolution qu’ils veulent accomplir, et on verra ici pourquoi et comment. Je me souviens de ma première rencontre avec cette théorie, et plus particulièrement avec Judith Butler, sa figure iconique : c’était il y a une douzaine d’années, au début d’une maîtrise en philosophie que j’ai vite abandonnée pour passer à la sociologie. Le séminaire portait sur les philosophies de l’identité, et je m’étais intéressé au néo-féminisme contemporain. Lisant Butler, et les théoriciens du genre, j’avais l’impression de faire une plongée dans les profondeurs du nihilisme académique, celui qui permet à des esprits souvent limités de se piquer d’originalité théorique en prenant à revers la société dans ses évidences les plus fondamentales.

Cette théorie, je n’ai jamais cessé d’en suivre le développement et j’ai constaté, comme tant d’autres, au fil des ans, qu’elle s’était imposée dans toutes les sociétés occidentales et prétendait accomplir une véritable révolution anthropologique. Chez nous, sans qu’on ne s’en rende compte, elle s’est imposée à la manière d’une nouvelle vérité révélée, à la fois dans l’université et les mouvements sociaux qui font officiellement la lutte au sexisme. On ne s’en rendait pas compte, en fait, tellement on la trouvait aberrante – et on ne pouvait imaginer qu’elle soit autre chose qu’une excentricité appelée à passer comme passent souvent les modes. Et pourtant, depuis l’élection de François Hollande, en 2012, elle s’est largement répandue en France, même si elle cheminait déjà à bon rythme avec la droite au pouvoir. Le socialisme de gouvernement s’en réclame : alors que la gauche française renonce encore une fois à ses ambitions économiques, elle trouve là une manière de renouveler son programme politique et idéologique autour des questions identitaires et culturelles, en espérant ainsi associer, encore une fois, le camp adverse à celui de la réaction.

Pour mieux comprendre ce mouvement, on se tournera avec grand profit vers le récent livre de Bérénice Levet, La théorie du genre ou le monde rêvé des anges, (Grasset, 2014) qui l’explore brillamment, et qui vient d’ailleurs d’arriver dans les librairies québécoises. Sa lecture contribuera à éclairer le débat public sur cette question trop souvent déformée par les exagérations des uns et des autres. Bérénice Levet est philosophe, et c’est à la lumière de la philosophie politique qu’elle mène son enquête. Elle retrace l’origine de la théorie du genre, en éclaire les enjeux, en dévoile les conséquences. En fait, elle entre au cœur du sujet, ne se laisse pas entraîner sur de fausses pistes et explicite le malaise de ceux qui devinent que quelque chose de grave se passe ici.

Une humanité indifférenciée

Au cœur de la théorie du genre, on trouve une thèse forte : la différence sexuelle, ou si on préfère, la division sexuée de l’humanité, serait une construction strictement historique, sans quelque fondement que ce soit dans la nature, qui ne serait qu’une mystification censée justifier l’asservissement des femmes. Le masculin comme le féminin seraient de pures constructions sociales, des dispositifs idéologiques coercitifs assignant aux individus un sexe pour mieux les contrôler et les discipliner. L’humanité, dans sa vérité originelle, serait indifférenciée, et c’est à cette situation primitive qu’il faudrait revenir, avant l’apparition des catégories sociales et identitaires qui assignent à chacun une identité selon son sexe biologique[1]. Les catégories sociales, ici, sont considérées comme des catégories arbitraires, sans raison d’être, qui enferment l’individu dans un univers de possibles restreints, l’empêchent de s’inventer en pleine liberté, à la manière d’une œuvre d’art, ce qui était l’obsession de Michel Foucault, l’un des maîtres philosophes de notre temps.

Il y a ici un fantasme du retour à l’origine, avant que l’être humain ne chute dans l’histoire, avant qu’il ne soit souillé par la culture qui l’enserrerait, qui le définirait de l’extérieur, qui le condamnerait au règne de l’hétéronomie. Comme le note Bérénice Levet, le genre « entend hâter l’avènement de ce monde où il n’y aurait plus ni homme ni femme, seulement des individus rendus à une neutralité première, antérieure à cette chute dans la civilisation qu’est la naissance, libres de s’inventer des identités multiples vagabondant à travers les genres et la sexualité » (p.106-107). N’est-ce pas d’ailleurs une tendance lourde de la philosophie politique contemporaine, qui éradique les sexes, les peuples, les cultures et les civilisations, selon le principe de l’interchangeabilité des êtres ? L’humanité contemporaine ne veut plus se reconnaître d’autres différences qu’accidentelles, insignifiantes et le plus facilement possible révocables. L’homme contemporain veut emprunter une identité le temps d’un désir, puis la jeter.

C’est évidemment plus compliqué lorsqu’il est question de l’identité sexuelle, qui représente la part irrépressible de la nature dans le social, celle qui semble la moins contestable. Comment peut-on choisir ce qui semble donné dès la naissance, sauf exception ? Il y a certainement plusieurs manières d’être homme ou d’être femme. Mais encore une fois, sauf exception, peut-on vraiment faire le choix d’être homme ou femme ? Selon la théorie du genre, oui. Le sexe biologique serait négligeable, et il n’y aurait pas d’éternel féminin non plus que d’éternel masculin. Pour la théorie du genre, comme le souligne Levet, « L’identité sexuelle n’est plus un “donné”, mais une expérience purement subjective » (p.19). Libérer l’être humain de l’assignation sexuelle, c’est lui donner la possibilité d’expérimenter tous les possibles, comme s’il pouvait naître de sa propre volonté, comme s’il était délivré de l’héritage et du donné. C’est lui permettre de céder, en fait, au fantasme de l’autoengendrement.

De telles réflexions éclairent de récentes observations de la vie politique québécoise et canadienne. C’est ainsi qu’on a vu en 2013 un groupe comme Juripop réclamer qu’un individu puisse changer juridiquement de sexe sans avoir à passer par la chirurgie – simplement parce qu’il se sent appartenir à l’autre sexe. La subjectivité triomphe ici de tout : l’individu sera ce qu’il veut être, tout simplement et l’État doit se plier à ses désirs – car de telles revendications se formulent inévitablement dans le registre des droits fondamentaux. Le réel peut se dissoudre dans le fantasme d’une humanité asexuée. De même, le Parti libéral du Canada a ouvertement débattu de la reconnaissance possible d’un troisième sexe, indéterminé, pour ceux qui disent ne pas se reconnaître comme homme ou comme femme – un droit reconnu depuis 2014 en Australie. D’autres luttent contre l’assignation obligatoire d’un sexe à la naissance : ce serait une violence faite à l’enfant, l’obligeant à se couler dans un moule qui serait peut-être contraire à celui qu’il se découvrira plus tard. On a même déjà trouvé l’insulte pour ceux qui avoueront éprouver quelques réserves devant un tel programme : ils seront accusés de transphobie[2].

Nous sommes ici au cœur d’une alternative philosophique que Bérénice Levet explicite très bien : « le choix ici est entre l’idée d’un homme précédé, qui ne se construit pas en dehors de tout donné, donné naturel et culturel, un homme limité et le postulat d’un être indéterminé, ouvert à une palette de possibilités auxquelles il doit pouvoir s’essayer sans entrave » (p.33). Elle le dit aussi autrement : le conflit ici repéré n’est pas entre « l’ordre naturel ou divin et la liberté, mais entre deux idées de l’individu et de sa liberté » (p.33). Un peu plus loin, elle précise encore une fois son propos : les camps dans la querelle du genre sont les suivants : « d’un côté, les champions d’une liberté illimitée, d’une indétermination originelle que la société n’aurait d’autre obsession que d’entraver, normaliser, surveiller et punir : de l’autre, les dépositaires d’une pensée de la finitude » (p.34). C’est de notre compréhension de la culture dont il est question.

On comprend l’effet de séduction de cette théorie pour nos contemporains : leur idéal n’est-il pas celui d’une indétermination absolue, et conséquemment, d’une autocréation absolue de soi ? Le donné, ce qui précède et structure l’existence au-delà de la volonté, n’est-il pas ressenti comme une violence absolue ? Levet le note bien, « la différence anthropologique par excellence se voit retraduite dans le langage de l’injustice, de la discrimination. L’égalité ne peut s’attester que dans l’interchangeabilité » (p.35). Nos contemporains sont charmés par l’idée d’une « plasticité intégrale de l’individu » (p.51). Ne peuvent-ils pas ainsi se prendre pour des dieux ? C’est ce que Levet appelle justement « l’ivresse des possibles » (p.83). Nous voulons pouvoir tout être, nous ne nous voulons conditionnés par rien. Cette vision ne joue-t-elle pas un grand rôle dans la vie amoureuse de nos contemporains, qui se croient plus riches de mille histoires possibles que d’une histoire réelle ?

En un mot, le féminin comme le masculin n’existent pas et c’est la mission historique de la théorie du genre de les déconstruire, de les démystifier. « Le féminin et le masculin étant de purs produits de la société, n’existant pas en soi, ils ne sauraient être pensés en eux-mêmes (…). Seuls les rapports sociaux de sexe peuvent être étudiés. La femme n’a pas, à proprement parler, de réalité en soi puisqu’elle est une construction qui varie selon le temps et le lieu » (p.55). Conséquemment, la masculinité et la féminité comme prédispositions existentielles – et non comme catégories absolument fermées et une fois pour toutes définies, faut-il le préciser – relèvent de l’illusion. Il faudra tout transgresser et bricoler aux frontières du féminin et du masculin pour déconstruire le plus possible ces catégories. De là la fascination pour l’androgyne qui fait éclater ces catégories et qui apparaît à la manière d’une créature plus évoluée, ayant enfin transcendé la division sexuelle et la fracture entre l’homme et la femme. L’androgyne serait délivré.

La théorie du genre : un projet politique

Le programme est politique : il pousse à sa possibilité maximale l’entreprise contre-culturelle engagée dans les années 1970. La figure idéologisée du transgenre devient le point d’appui pour une critique de toutes les identités substantielles, dans la mesure où elle vient transgresser la division sexuelle, qui fondait la plus fondamentale d’entre elles. Laurent McCutcheon en fera même l’assise d’un nouveau projet politique : « Il est plausible d’imaginer qu’un jour viendra où, à la naissance, on ne cherchera pas à assigner un mode de vie conforme au sexe biologique et à imposer les stéréotypes de la masculinité et de la féminité. Il est aussi plausible d’imaginer qu’au-delà de la tenue vestimentaire et des rôles sociaux, la société ne sera plus divisée entre les hommes et les femmes. Une personne sera tout simplement une personne. L’évolution de la société, l’ouverture d’esprit, l’éducation, les moyens technologiques et médicaux permettent maintenant d’envisager cette possibilité » [3]. Dès lors, le transphobe sera celui qui cherchera à contenir cette révolution[4].

On devine l’objection légitime : les troubles de l’identité sexuelle ne sont quand même pas la seule invention de militants progressistes obsédés par la déconstruction de la civilisation occidentale ! Bien sûr que non, et une société civilisée cherche à les accommoder le plus possible. Mais c’est une chose que d’accommoder les marginaux, et c’en est une autre de faire exploser des repères indispensables à l’immense majorité des gens[5] – cela fait naturellement penser aux luttes minoritaires annexées et instrumentalisées par la gauche radicale, dans les années 1970, lorsqu’elle comprit que les classes populaires ne jouaient pas leur rôle de chair à canon révolutionnaire et chercha un nouveau point d’appui sociologique, un nouvel exclu à conscrire pour mener en son nom une transformation sociale majeure. La gauche radicale n’a jamais cessé de chercher un nouveau sujet révolutionnaire et c’est sans surprise qu’elle instrumentalise les trans. De ce point de vue, même si elle se présente avec un masque compassionnel pour les hommes et les femmes en détresse, qui sentent leur âme étrangère à leur corps, la théorie du genre est d’abord une lutte idéologique qui promet l’émancipation définitive du genre humain, en faisant sauter le dernier verrou de la nature dans l’ordre social et en disqualifiant toute assignation identitaire venue de l’ordre social et des codes culturels qui le structurent. L’être humain se libérerait en s’arrachant à ses déterminations[6].

Ce qui est amusant, et Levet le note bien, c’est que les partisans de la théorie du genre se masquent derrière une prétention à la scientificité, comme si leurs « révélations » n’avaient rien d’un projet politique et tout d’un dévoilement de vérités longtemps étouffées auxquelles il faudrait finalement faire droit (p.42) [7]. D’ailleurs, mais c’est une ruse à laquelle nous sommes maintenant habitués, ils contestent l’existence même d’une théorie du genre : il n’y aurait que des études sur le genre qui contribueraient à la construction d’un nouveau paradigme pour comprendre la vraie nature de la division sexuée de l’humanité, en révélant sa part artificielle et les dispositifs de pouvoir qui assureraient sa capacité à réprimer ceux qui la contestent (tout comme les partisans du multiculturalisme contestent souvent son existence et le maquillent idéologiquement en une simple réalité factuelle à laquelle il faudrait s’adapter). Les études sur le genre relèveraient des sciences sociales ordinaires et nous renseigneraient sur le réel.

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Il ne faut pas se laisser bluffer par la quincaillerie conceptuelle de ces idéologues. La théorie du genre est aussi scientifique que l’était le marxisme des années rouges, quand n’importe quel universitaire rédigeait un articulet reprenant les concepts d’Althusser se prenait pour un grand esprit et se moquait des attardés qui ne savaient pas que le socialisme était scientifique. Le jargon des théoriciens du genre – par exemple leur loufoque dénonciation de « l’hétérosexisme » ou de « l’hétéronormativité » — relève de l’intimidation académique la plus classique et il faut savoir non pas leur opposer un jargon contraire, mais simplement le bon sens et la moquerie qu’on doit aux faux savants. Mais on ajoutera, en s’en inquiétant, que de tels concepts sont aujourd’hui repris dans les politiques publiques et qu’ils doivent être soumis à un examen rigoureux pour expliciter la vision du monde qu’ils expriment – tout comme en son temps, il fallut aussi démontrer encore et encore l’inanité scientifique du marxisme académique. C’est une simple question d’hygiène intellectuelle, encore une fois.

La théorie du genre se réclame du féminisme – c’est du moins le cas de ceux et celles qui la diffusent avec le plus d’ardeur médiatique. Mais sommes-nous encore vraiment dans l’univers du féminisme ? Il faut tout de même souligner que le féminisme du genre n’est pas le même que celui de celles qui luttaient pour l’égalité des sexes – sexes dont elles reconnaissent l’existence, faut-il le préciser ? On fait ainsi passer pour de la lutte au sexisme l’éradication de la différence sexuelle. Ce n’est évidemment pas la même chose. Peut-on en conclure qu’il y a dans le néo-féminisme contemporain attaché à la théorie du genre une usurpation d’héritage ? À tout le moins, on comprend mieux, à la lecture de Bérénice Levet, les tensions entre les différents courants qui se revendiquent aujourd’hui du féminisme, comme c’était le cas au moment du débat sur la Charte des valeurs à l’automne 2013 et au printemps 2014. Alors que les néo-féministes du genre faisaient du voile islamique une simple expression des préférences identitaires d’un individu désirant exprimer socialement ce qu’il est (comme si la culture ne comptait pour rien), les féministes traditionnelles (devrait-on dire les féministes conservatrices ?) s’occupaient plutôt à affranchir les femmes réelles de symboles représentant leur asservissement dans des cultures où elles étaient effectivement asservies.

On notera toutefois que la critique de Bérénice Levet vise le féminisme en général, et qu’elle n’hésite pas à lui lancer quelques piques. Elle se demande ainsi si nous ne pouvons tout simplement pas dire que le programme du féminisme classique est accompli, que son mandat est achevé. Bérénice Levet dit les choses clairement, et on devine qu’on le lui reprochera : « infléchir les relations des hommes et des femmes dans le sens d’une égalisation des conditions était un projet légitime, mais il est rempli. Abolir l’ordre sexué sur lequel reposait la société, rendre interchangeables l’homme et la femme en est un autre, qu’il convient d’interroger » (p.29). Elle se moque du grand délire sur le patriarcat occidental qu’il faudrait combattre, alors qu’il est abattu depuis longtemps et que l’égalité entre les sexes n’est plus remise en question, même si bien évidemment, aucune société n’est jamais absolument fidèle à ses idéaux, ce qui dégage par définition un espace pour l’engagement politique et les luttes sociales. Chose certaine, nous ne vivons plus dans une société patriarcale et contrairement à ce que veut la formule consacrée, nous n’avons peut-être plus beaucoup de chemin à faire.

Le fanatisme des militants du genre : portrait de la gauche religieuse

Depuis qu’ils ont accédé à la reconnaissance médiatique, on l’a constaté souvent, les partisans de la théorie du genre sont d’une intransigeance qui frise le fanatisme. Ils sont en guerre, en croisade. Ils représentent bien cette gauche religieuse qui entend nous libérer du mal et ne permettra à personne de l’en empêcher. Leur perspective ne peut être nuancée : c’est la lutte du bien contre le mal – le bien de l’utopie postsexuelle, le mal de l’histoire sexuée. Pourquoi feraient-ils des compromis avec les défenseurs du vieil ordre sexué, « hétérosexiste » et « patriarcal » qu’ils se sont donné pour mission d’abattre à tout prix, pour que naisse enfin ce nouveau monde, qui rendra possible un homme nouveau, sans sexe ni préjugés, et ajoutons le, sans patrie et sans histoire, seulement occupé à porter son identité du jour, avant d’en changer le lendemain[8]? Pour faire de ce monde un paradis post-sexuel, ils n’hésiteront pas à vouer aux enfers ceux qui n’ont pas pour leur cause le même enthousiasme qu’eux. Tel est le prix à payer si on veut vraiment reprendre l’histoire à zéro.

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Les militants du genre sont convaincus d’avoir enfin décrypté le secret de l’aliénation humaine. Ils savent comment libérer l’humanité asservie depuis la nuit des temps, et ne se laisseront pas distraire par ceux qui souhaiteraient un débat contradictoire sur les vertus et limites de leur philosophie. Ils ont le fanatisme de ceux qui croient conjuguer la vérité scientifique et la vertu morale et souhaitent la rééducation de la société, pour la convertir à leurs vues. D’ailleurs, l’école n’est-elle pas transformée en laboratoire idéologique appelé à inculquer cette théorie et ses commandements aux générations à venir ? L’objectif des militants du genre, c’est une resocialisation complète de l’humanité – ce qui présuppose d’ailleurs une désocialisation préalable. C’est à l’école qu’on doit arracher le plus tôt possible les enfants à leurs préjugés venus du fond de l’histoire. Et si jamais on avait l’étrange idée d’enseigner à ces enfants les œuvres classiques, on cherchera moins à les faire admirer par les élèves qu’à les amener à y trouver les stéréotypes et préjugés qu’elles relaient.

Mais ce fanatisme qui ne dit pas son nom s’alimente aussi par la résistance du réel, qui ne se laisse pas avaler et reconfigurer par le fantasme du genre. Il se trouve que l’homme et la femme existent dans la réalité et n’en demandent pas la permission aux théoriciens du genre. La féminité et la masculinité s’exacerbent même dans ce qu’elles ont de plus caricatural, lorsqu’on cherche à les nier, comme en témoignent aujourd’hui l’hypersexualisation des femmes et la quête d’une virilité aussi exacerbée qu’ostentatoire (et terriblement appauvrie, faut-il le préciser ?) des jeunes hommes nord-américains. Autrement dit, la féminité et la masculinité, lorsqu’elles ne sont pas civilisées par la culture et par les mœurs, dégénèrent dans leurs représentations archaïques. C’est justement le raffinement de la civilisation qui adoucit le commerce entre les sexes, qui peut le rendre agréable, et qui amène les sexes à se savoir complémentaires et égaux. Les militants du genre ne se rendent pas compte qu’ils provoquent à bien des égards ce qu’ils dénoncent[9].

Le sexe, voilà l’ennemi !

Mais qu’en est-il, justement, dans l’univers du genre, du commerce entre les sexes ? Ce n’est pas une question banale, elle innerve la civilisation (Levet la croit même au cœur de la littérature française) ? Mais les militants du genre sont parvenus à la politiser intégralement, comme si encore une fois, il fallait faire entrer toute la vie sexuelle à l’intérieur d’une théorie politique avec des bons et des méchants. Qu’en est-il aussi de la sexualité ? Car, au cœur de la relation entre l’homme et la femme, il y a bien évidemment le désir sexuel, sa part mystérieuse, les pulsions qui s’y jouent et les tentatives d’un sexe pour plaire à l’autre, chacun à sa manière, et cela, depuis la nuit des temps. Faut-il même dire que d’une culture à l’autre, les hommes et les femmes ne se séduisent pas de la même manière, même si on retrouve des archétypes qui semblent présents dans chacune ? Mais le simple fait de dire cela, aujourd’hui, peut vous valoir les pires épithètes. Les idéologues du genre, Levet le constate, parce qu’ils ne tolèrent pas ce subtil commerce entre les sexes, déploient un nouveau puritanisme pour expurger chacun de ses fantasmes particuliers. Le sexe entre les sexes serait sordide, et c’est un système de domination particulièrement abject qu’il faudrait démonter.

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C’est la sexualité elle-même qui est désormais frappée de suspicion, comme en témoignait récemment la loi californienne Yes Means Yes qui pousse très loin la quête d’une transparence absolue du désir[10]. Évidemment, le consentement est la chose la plus fondamentale qui soit en matière sexuelle. Le harcèlement doit être dénoncé vertement. C’est même la chose la plus élémentaire[11]. Mais doit-on assimiler au harcèlement la simple expression du désir masculin, comme en viennent à le suggérer celles pour qui le moindre compliment non sollicité lorsqu’elles se promènent en robe blanche dans la rue relève déjà de l’agression ? N’y a-t-il pas une part irréductiblement insaisissable et ambiguë dans le désir sexuel ? Le consentement ainsi formalisé à outrance repose en fait sur une négation de la sexualité, dont ne survivront, finalement, que peu de choses. Les dérives sont à prévoir et on a même assisté à la création, dans les suites de la loi californienne, d’une application pour téléphone intelligent permettant de formaliser le consentement à chaque étape de la relation sexuelle, des préliminaires jusqu’au coït — adieu les ébats passionnés, bonjour les formulaires détaillés[12].

La vision du monde qui traverse l’idéologie du genre suggère en fait la nature inévitablement prédatrice et criminelle du désir masculin, qui dirait sa vérité dans la tentation du viol – c’est ce que dit par exemple une philosophe du genre comme Betriz Preciado qui propose une grève de l’utérus pour réduire à néant le diabolique phallus. Conséquemment, on cherchera à l’étouffer, à le censurer. Comme le dit Bérénice Levet, « la criminalisation des hommes avance à grand pas » (p.158). C’est la bonne relation entre les sexes qui s’en portera plus mal. Je le redis, bientôt, chacun, s’il veut s’envoyer en l’air, devra amener son formulaire de consentement, et faire cocher, à chaque étape, sa ou son partenaire en volupté. Enfin, le sexe régulé, encadré, domestiqué, inhibé, contenu, culpabilisé, diabolisé. C’est le contractualisme intégral, et on imagine les intégristes de tout poil s’en féliciter ! Selon le genre, tout homme qui aime conquérir est un barbare violeur en puissance, toute femme qui aime les hommes est une esclave colonisée mentalement par un système avilissant.

Quand on pense au puritanisme sexuel, aujourd’hui, il faudra moins se tourner vers Rome que vers Stockholm. Le catholicisme, aussi moralisateur puisse-t-il être, et il est vrai qu’il se laisse aisément caricaturer en seule morale sexuelle, sait l’homme « pécheur » et entend moins nier la pulsion sexuelle que la transcender. On en pensera ce qu’on voudra, mais au moins, il ne nie pas le réel, il sait la bête humaine tiraillée, et ce qu’il cherche à encadrer, il consent d’abord à en reconnaître l’existence et n’en nie pas la part de beauté, peut-être à regret. Étrangement, il est peut-être finalement moins coercitif que le néo-féminisme à la scandinave, qui diabolise le sexe et s’imagine qu’en changeant les mentalités, de manière coercitive s’il le faut, qu’en politisant toute la réalité, on pourra arracher le mal du cœur de l’être humain, le purifier de son passage par l’histoire, et le faire renaître avec la pureté d’un ange.

Comment résister au genre ?

« Nier par principe la nature, c’est sombrer dans une funeste abstraction » (p.167). C’est un judicieux conseil que donne ici Levet. On pourrait ajouter que l’idée de nature, aussi difficile à concrétiser soit-elle, entrave par définition la tentation totalitaire, en rappelant que l’homme, lorsqu’il lui arrive de se vouloir démiurge, rencontrera toujours une part de lui-même qui n’est pas réformable par la seule volonté politique, que l’homme, être social, n’est toutefois pas qu’une créature de la société, qu’une part de lui-même s’y dérobe et s’y dérobera toujours, qu’il s’agisse de sa part pulsionnelle ou de sa part spirituelle. Une part de l’homme ne se laisse pas complètement absorber par le social, ce qui fait d’ailleurs qu’en tout régime, même le plus oppressif, une part de lui-même y résiste et peut l’amener à renouer avec la liberté. Paradoxe, mais seulement en apparence : c’est dans sa nature, dans sa part socialement insaisissable, que l’homme trouve en partie les conditions de sa liberté.

Au terme de son ouvrage, Levet pose les fondements d’une critique éclairée du genre, qui passe non pas par une absolutisation de la nature (elle se montre sévère, et avec raison, envers ceux qui se contentent d’opposer au genre une série d’études scientifiques relevant de la biologie ou leur foi bétonnée par les textes bibliques, comme c’est trop souvent le cas chez certains de ses adversaires français), mais plutôt, par une ressaisie de l’histoire, pensée non pas comme un amas de préjugés et de stéréotypes, mais parce qu’elle « recèle des trésors d’expérience » (p.29). C’est à partir d’un donné naturel que le féminin et le masculin se sont construits, mais c’est à travers l’histoire qu’ils se sont déployés, nuancés, révisés, retravaillés, réinventés. Levet a raison d’ajouter que nous n’avons pas attendu la théorie du genre pour apprendre qu’il y avait des variations historiques et culturelles dans le masculin et le féminin. Je dirais la chose ainsi : si les cultures et les civilisations ont chacune pensé le masculin et le féminin à leur manière, et si dans cette diversité de manière, c’est la liberté humaine qui se déploie, aucune n’a cru possible d’abolir ces deux catégories irremplaçables de l’esprit humain.

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Il s’agit donc de ressaisir l’histoire et de la délivrer de cette vision victimaire qui la réduit à la tyrannie de l’homme blanc hétérosexuel sur le reste de l’espèce humaine, aujourd’hui en révolte contre lui. Levet se fait sévère envers le féminisme : « c’est lui qui s’est employé à repeindre le passé du commerce entre les sexes aux couleurs de la seule domination » (p.150). Quoi qu’en pensent les spécialistes autoproclamées du féminisme académique, les rapports sociaux de sexe ne sont pas que de domination, et toute disparité entre les sexes ne s’explique pas automatiquement non plus par une telle discrimination. Levet le précise à ceux qui voudraient lui faire un mauvais procès : « il ne s’agit évidemment pas de défendre les stéréotypes, mais de prendre garde à ne pas rabattre toute pensée de la différence des sexes sur des stéréotypes, des préjugés sexistes » (p.129). Et Levet de confirmer son inquiétude : « toute pensée de la différence des sexes n’est-elle pas menacée d’être requalifiée de stéréotype sexiste » (p.130) ?

Trop souvent, nous pensons l’histoire comme un formatage dont on devrait se délivrer à tout prix. « L’horrible mot de formatage, comme celui de normalisation, tous deux très en vogue aujourd’hui, transforment le monde de signification institué dans lequel nous entrons en un ramassis de préjugés, tout processus de transmission en technique de manipulation et les acteurs de cette transmission, les parents, les professeurs, en agents de reproduction d’un monde vieux, crispé, frileux, rétrograde, replié sur lui-même, bref en collaborateurs de normes qui étoufferaient l’originalité » (p.137). C’est ainsi que s’est corrompue la belle idée de transmission : on l’a présenté, suite à Bourdieu, comme un simple discours de légitimation de l’ordre social. Pourtant, la tradition aussi éduque à la liberté : elle rappelle que l’homme ne naît pas d’hier, que le présent n’épuise jamais sa réalité, et donne une valeur à ce qu’il faut conserver du passé, contre ceux qui sont pris d’une furie destructrice contre l’héritage.

Levet a le souci de la culture, et plus particulièrement, de la culture française, qui a si subtilement pensé les rapports entre l’homme et la femme (p.131). Qu’arrive-t-il à l’héritage quand « cette traque aux préjugés sexistes atteint déjà sans discernement tout ce qui a été pensé sous les catégories du masculin et du féminin » ? Elle se porte à la défense des mœurs françaises (p.151) et se désole que « le démantèlement de la civilisation occidentale en générale et de la civilisation française en particulier ne préoccupe plus personne » (p.155). Contre une idéologie, estime-t-elle, il faut moins en brandir une autre, qu’une philosophie qui soit attachée au réel. Rappeler qu’un homme est un homme, une femme est une femme, et que s’ils ne sont heureusement pas figés dans des rôles une fois pour toutes établis, ils ne sont pas absolument interchangeables non plus. Pour s’opposer au nihilisme, c’est dans le réel qu’il faut s’ancrer.

La théorie du genre pousse à l’individualisme radical et représente une tentative de déracinement et de déculturation sans nom des hommes et des femmes. Je l’ai suggéré plus haut : elle est animée par une pulsion religieuse. Elle entend décréer le monde pour le recréer, l’être humain ne résistant pas à la tentation démiurgique, à la pensée de l’illimité, et rêvant finalement d’accoucher de lui-même, un fantasme qu’alimente d’ailleurs la technologie contemporaine, qui n’entend pas seulement améliorer la condition humaine, mais la transfigurer si radicalement qu’elle la relèguerait, telle que nous l’avons connue jusqu’à présent, à n’être plus qu’une forme de préhistoire sans intérêt. Elle incarne bien la barbarie universaliste de ceux qui croient nécessaire de dénuder l’homme pour l’émanciper. La modernité radicale croit que l’émancipation de l’homme passe par sa désincarnation – et par sa fuite hors de l’histoire. À travers la question du genre, ce beau livre de Bérénice Levet formule avec un brio exceptionnel les termes de la question anthropologique pour notre époque.

C’est une des grandes victoires du dernier siècle : la culture a gagné du terrain sur la nature. L’homme et la femme y ont gagné en liberté. Ils se sont dépris de rôles trop étouffants qui comprimaient exagérément les possibilités de chacun. Il fallait certainement défiger la différence sexuelle, lui redonner de l’air, la déhiérarchiser aussi, mais il appartient aujourd’hui à l’individu de la redéployer dans une société remodelée par l’égalité. Dans la théorie du genre, on verra certes une forme d’individualisme radical, mais qui pour s’épanouir, exige que l’État pilote de manière autoritaire la déconstruction de la culture et le démontage des grands repères identitaires qui la symbolisent. Ce en quoi l’individualisme libertaire, pour s’accomplir, a besoin d’un étatisme autoritaire et thérapeutique[13]. Car l’homme, laissé à lui-même, ne veut pas sacrifier son héritage et sa mémoire, et les théoriciens du genre n’hésitent pas alors à verser dans un totalitarisme inédit pour le transformer en monade et le reconstruire selon leurs désirs. On l’aura compris, la question anthropologique ouvre sur celle du régime politique.

Notes

[1] Ce dernier devrait ainsi être ramené à sa part minimale. À tout le moins, et nous y reviendrons, il ne devrait conditionner aucunement le genre, l’identité sexuelle. On espère lui laisser une part résiduelle, à défaut de l’éradiquer complètement.

[2] En novembre 2014, la Journée mondiale contre l’homophobie est ainsi devenue la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie.

[3] Laurent McCutcheon, « La transidentité : la prochaine révolution sexuelle », Le Devoir, 10 juillet 2014.

[4] On voit là la dynamique de pathologisation du désaccord propre qui caractérise le politiquement correct : le marginal devient la norme, et le refus de la société de reconnaître l’inversion de son système normatif devient le signe d’une maladie sociale, une phobie, contre laquelle il faudra lutter en transformant les mentalités.

[5] On nous dira que c’est faire preuve de discriminations que de distinguer entre l’immense majorité et certaines personnes en situation difficile : on répondra qu’il y des limites à voir dans chaque trace du réel qui ne cadre pas avec les consignes de l’égalitarisme radical un système discriminatoire.

[6] Dans son remarquable essai Populisme : les demeurés de l’histoire (Éditions du Rocher, 2015), Chantal Delsol montre bien comment la modernité se pense comme une dynamique d’arrachement radical à soi, de virtualisation de l’existence, pour devenir disponible à tout, sans être conditionné par rien. De ce point de vue, tout ancrage dans une histoire particulière, ou dans un des deux sexes, apparaîtra inévitablement, tôt ou tard, comme une prison. Delsol plaide, quant à elle, pour un renouvellement de la dynamique entre l’émancipation et l’enracinement, en rappelant que les deux termes sont constitutifs de la condition humaine et qu’on ne saurait condamner l’homme à la pure désincarnation, non plus qu’à l’identification absolue à ses ancrages culturels et naturels.

[7] Et Bérénice Levet identifie bien la figure principale de la théorie du genre (et plus exactement, des queer studies), Judith Butler, dont l’œuvre, est célébrée et admirée sur les camps nord-américains, ce qui en dit beaucoup sur l’appauvrissement intellectuel de nos milieux académiques.

[8] On lira aussi de Bérénice Levet un texte absolument remarquable, « Le droit à la continuité historique », paru dans la revue Le Débat, certainement une des contributions les plus importantes à la sociologie de la question identitaire qu’on a pu lire ces dernières années. Bérénice Levet, « Le droit à la continuité historique », Le Débat, no177, novembre-décembre 2013, p.14-22.

[9] Au moment d’envoyer ce texte, je termine la lecture d’un ouvrage absolument exceptionnel de Camille Froidevaux-Metterie, La Révolution du féminin (Gallimard, 2015) qui propose, à travers une réflexion aussi savante que brillante, une réhabilitation anthropologique du féminin sans renoncer par ailleurs à la perspective féministe.

[10] Par exemple, si un jeune homme et une jeune femme sont sous l’effet de l’alcool, le consentement sera considéré comme problématique. On devine dès lors les dérapages programmés dans une telle disposition légale. Faudra-t-il proscrire les relations sexuelles à la sortie des bars, où les jeunes hommes et les jeunes femmes se draguent, l’alcool servant là encore plus qu’ailleurs de lubrifiant social ?

[11] Faut-il vraiment le préciser, le viol est absolument abject tant il est fondé non pas sur le désir, mais l’appropriation sauvage de la femme par l’homme, qui profite de sa plus grande force physique pour l’asservir. Mais la notion de culture du viol, qui s’est imposée en quelques mois dans la vie publique nord-américaine, ne repose-t-elle pas sur une extension insensée de la référence au viol ? Que le simple fait de poser la question puisse aujourd’hui suffire à vous faire suspecter de sympathie pour la violence sexuelle à l’endroit des femmes en dit beaucoup sur le délire idéologique dans lequel nous évoluons.

[12] Fabien Déglise, « Sexualité des jeunes : une application pour le consentement ou l’abstinence », Le Devoir, 2 octobre 2014.

[13] Ou si on préfère, l’atomisation de la société n’est pas sans lien avec son étatisation de part en part, dans la mesure où l’individu, déraciné de toutes ses appartenances, est ainsi condamné à se livrer aux différentes administrations qui prétendent le prendre en charge, en rationalisant le lien social, en le vidant de tout ce qui ne cadre pas avec les prescriptions gestionnaires d’une utopie qui décrète la réalité absolument transparente et qui entend reconstruire la société selon les prescriptions exclusives d’un égalitarisme radicalisé.

Voir aussi:

Ontario — Théorie du genre dans le nouveau programme d’éducation sexuelle

Théorie du genre, le nouveau puritanisme

« Explorer la différence » à l’école primaire : s’habiller dans les habits de l’autre sexe

Le pronom personnel neutre « hen » fait son entrée dans le dictionnaire suédois

« Il ne revient pas à l’école de changer les mentalités »

Book Reviews from http://www.atimes.com

   

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To read full review, click on title

  Pakistan's proclivity for war
The Warrior State: Pakistan in the Contemporary World
by T V Paul

Author T V Paul adds to the numerous unflattering descriptions of Pakistan with his depiction of a "warrior state" whose security forces have outgrown all other institutions and activities and where radical Islamization and its attendant obscurantism have been the consequences of state policy. His explanation for why this continues is elaborate and thought-provoking. - Ehsan Ahrari (Jul 28, '14)

 

  The US-Pakistan ties that bind
No Exit from Pakistan: America's Tortured Relationship with Islamabad by Daniel S Markey

The author argues that even as Pakistanis grow increasingly hostile to the United States', America's interests in South Asia, Central Asia and the Middle East mean that Washington can ill-afford to disengage from Pakistan. Maneuvers by the Obama administration such as managing anti-Americanism sentiment by keeping a lower profile ring true with the policy prescriptions presented, yet the book suffers in places from simplistic reasoning. - Majid Mahmood (Jun 20, '14)

 

  US stuck between dispensability and decline
Dispensable Nation: American Foreign Policy in Retreat
by Vali Nasr


While offering a harsh critique of the President Barack Obama's policies in Afghanistan, Pakistan, and across the Arab World, the author argues that the United States is not declining. This ignores that while the United States became an "indispensable nation" by implementing its stimulating post-World War II vision, it has failed since to develop a comparable vision for the future that is both realistic and doable.
- Ehsan M Ahrari (Jun 13, '14)

 

  A struggle against Israeli soft power
The Battle for Justice in Palestine by Ali Abunimah

The author believes the Palestinian struggle will benefit from a growing awareness of Israeli actions brought about by a "boycott, divestment, and sanctions movement" similar to that which increased international isolation of apartheid-era South Africa. One of the more interesting parts of the work is its exploration of how neoliberal economic patterns have been imposed on Palestine. - Jim Miles (Jun 6, '14)

 

  Re-imagining the caliphate
The Inevitable Caliphate? A History of the Struggle for Global Islamic Union, 1924 to the Present by Reza Pankhurst

A forceful and authoritative attempt at elevating debate over the Islamic caliphate beyond Western elitist perceptions of extremism and radicalization, this book offers a clear-sighted analysis of the movements that have placed the caliphate at center of their revivalist discourse. The book's biggest flaw is arguably the author's reductionist approach toward the potential constituency of the caliphate.
- Mahan Abedin (May 23, '14)

 

  Keeping peace with total war
To Make and Keep Peace Among Ourselves and With All Nations by Angelo M Codevilla

White Anglo-Saxon Protestant interpretations of history are central to the argument this book propounds: that the US needs constant, decisive warfare to ensure its own interests and security. While the thesis suffers because the author fails to recognize that a Washington focused on maintaining control doesn't share his populist values, it offers useful insights into the thinking of the American conservative right. - Jim Miles (May 16, '14)

 

  Shaking the pillars of Israel's history
The Idea of Israel - A History of Power and Knowledge by Ilan Pappe

This exploration of how Israel shaped a historic narrative to create a sense of nationhood and political direction recounts the attacks on historians in the 1990s who challenged the traditional Zionist discourse. The takeaway from this complex book is that issues surrounding the manipulation of victimhood have the potential to erode the foundations that the modern state is built on. - Jim Miles (May 2, '14)

 
 
 

Obama’s “Pivot to Asia” and the Military Encirclement of China

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Is China The World’s New Industrial Super-Power? Obama’s “Pivot to Asia” and the Military Encirclement of China

Obama’ recent visit to India netted a trove of economic, military, and nuclear power agreements with India. The visit – and the agreements -  underscored the attempt by the U.S. state to utilize its ‘pivot to Asia’ to create military and economic alliances with other Asian nations in order to encircle and isolate China.  

The military wing of the ‘Asian Pivot’ is called ‘Air-Sea Battle Plan’. It involves progressively moving up to 60% of  U.S. military forces into the Asian area, alongside the placement of new and advanced military equipment and new military bases and alliances with countries like the Philippines, South Korea, and Japan.

The economic wing of the pivot is the Trans-Pacific Partnership (TPP). It’s a proposed regional regulatory and investment treaty which would exclude and which currently involves negotiations between Australia, Brunei, Canada, Chile, Japan, Malaysia, Mexico, New Zealand, Peru, Singapore, the United States, and Vietnam.

This military and economic encirclement strategy confronts, however, a very  large obstacle. The U.S. state may for now remain the worlds sole military super-power, based on its enormous expenditures for military, security, and online monitoring of the worlds’ people. But China has emerged in the past seven years as the worlds’ leading industrial super-power. In a shift – unprecedented historically for its speed – China has ,moved at warp speed in the past seven years to replace the U.S. as the world’s largest industrial producer.  As recently as 2007, China produced a mere 62% of U.S. industrial output.  But by 2011, China’s  output was 120% of U.S. output, and the gap continues to grow.  This displacement of the U.S. by China is the fastest shift in the balance of world industrial output in recorded economic history.

In the same period in which Chinas’ industrial production essentially doubled, US industrial output shrank by one percent,, EU industrial output  declined by nine percent  and Japans output shriveled by seventeen percent..

This historic shift of industrial power to China has immense consequences. To begin with, we need to recognize that real wealth is not money, stocks, bonds, or the  manipulation of exotic financial instruments such as derivatives as found on Wall Street.  Real wealth is the result of ability to produce goods and services which have value for human beings.

In China the hundreds of thousands of industrial workers churning out products in just one province – Guangdong – outnumber the entire industrial workforce of the U.S. An ever-increasing proportion of the worlds manufactured goods are produced:  each year in China: hundreds of millions of socks to cover the worlds feet; the majority of clothing worn in the U.S. while most-often bearing U.S. brands, is China-made; computers and mobile phones such as  the Apple products are primarily produced in China, as are the notebook computers sold worldwide by Chinese computer company Lenovo. The largest annual production of Chinese state-owned, joint state-private, and solely private  companies.  And the largest annual production of cars in any country  in the world now also takes place in China. And there are the high speed Chinese-made magnetic trains which increasingly crisis-cross the country, and which are being sold and erected in varoius other countries.

The notion that China’s rise can be ‘contained’ or encircled is dubious not only because of China’s industrial prowess, but also because of the international trade it engenders.

As the Economist magazine observed: “China’s international trade in goods did indeed lead the world in 2013. Its combined imports and exports amounted to almost $4.2 trillion, exceeding America’s for the first time.”  In fairness, it should be added that when international trade in services is added to trade in manufactured goods, the U.S. was still ahead.  U.S. industry also retains the lead in hi-tech production methods, though that lead is being narrowed.

China’s trade relationships with other Asian nations – nations the U.S. stare is attempting to woo – constitutes a particular barrier to isolating China. The China–ASEAN Free Trade Area is a free trade area among the ten member states of the Association of Southeast Asian Nations (ASEAN) and the People’s Republic of China.  Implemented in 2010, the China-Asian free trade zone  reduced tarrifs or import duties on 90% of goods to zero.

Prospective participants in the U.S.-sponsored TPP are still engaged in complex negotiations. Even if successful TPP will be primarily a regulatory framework and not an actual free trade zone. By contrast, China-Asian is already the largest free trade area in terms of population, and third largest in nominal GDP, in the world. Besides China, it includes Vietnam, Thailand,, Laos, Cambodia Myanmar, Philippines, Brunei, Indonesia.and Singapore.

Chinese trade with the other member nations is growing at a healthy 10% per year; and currently stands at about 500 billion (U.S.) per year. China is furthering economic integration with its neighbors by providing financial and technical support for construction of railways linking Chinese cities with key points in neighboring countries like Vietnam and Thailand.

As the worlds’ new industrial super-power, trying to encircle or catch China is at best an arduous task. “The train.” one might say, “has already left the station.”

The BRICS Plus Germany

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What Are They Really Up To?

The BRICS Plus Germany

by PEPE ESCOBAR
Ex: http://www.counterpunch.org

Winston Churchill once said, “I feel lonely without a war.” He also badly missed the loss of empire. Churchill’s successor – the ‘Empire of Chaos’ – now faces the same quandary. Some wars – as in Ukraine, by proxy – are not going so well.

And the loss of empire increasingly manifests itself in myriad moves by selected players aiming towards a multipolar world.

So no wonder US ‘Think Tankland’ is going bonkers, releasing wacky CIA-tinted “forecasts” where Russia is bound to disintegrate, and China is turning into a communist dictatorship. So much (imperial) wishful thinking, so little time to prolong hegemony.

The acronym that all these “forecasts” dare not reveal is BRICS (Brazil, Russia, India, China, and South Africa). BRICS is worse than the plague as far as the ‘Masters of the Universe’ that really control the current – rigged – world system are concerned. True, the BRICS are facing multiple problems. Brazil at the moment is totally paralyzed; a long, complex, self-defeating process, now coupled with intimations of regime change by local ‘Empire of Chaos’ minions. It will take time, but Brazil will rebound.

That leaves the “RIC” – Russia, India and China – in BRICS as the key drivers of change. For all their interlocking discrepancies, they all agree they don’t need to challenge the hegemon directly while aiming for a new multipolar order.

The BRICS New Development Bank (NDB) – a key alternative to the IMF enabling developing nations to get rid of the US dollar as a reserve currency – will be operative by the end of this year. The NDB will finance infrastructure and sustainable development projects not only in the BRICS nations but other developing nations. Forget about the Western-controlled World Bank, whose capital and lending capacity are never increased by the so-called Western “powers.” The NDB will be an open institution. BRICS nations will keep 55 percent of the voting power, and outside their domain no country will be allowed more than 7 percent of votes. But crucially, developing nations may also become partners and receive loans.

Damn those communists

A tripartite entente cordiale is also in the making. Indian Prime Minister Narendra Modi will be in China next May – and ‘Chindia’ will certainly engage in a breakthrough concerning their bitter territorial disputes. As much as Delhi has a lot to benefit from China’s massive capital investment and exports, Beijing wants to profit from India’s vast market and technology savvy. In parallel, Beijing has already volunteered economic help to Russia – if Moscow asks for it – on top of their evolving strategic partnership.

The US “pivoting to Asia” – launched at the Pentagon – is all dressed up with no place to go. Bullying Southeast Asia, South Asia and, for that matter, East Asia as a whole into becoming mere ‘Empire of Chaos’ vassals – and on top of it confronting China – was always a non-starter. Not to mention believing in the fairy tale of a remilitarized Japan able to “contain” China.

Isolating the “communist dictatorship” won’t fly. Just watch, for instance, the imminent high-speed rail link between Kunming, in Yunnan province, and Singapore, traversing a key chunk of a Southeast Asia which for Washington would never qualify to be more than a bunch of client states. The emerging 21st century Asia is all about interconnection; and the inexorable sun in this galaxy is China.

As China has embarked in an extremely complex tweaking of its economic development model, as I outlined here, China’s monopoly of low-end manufacturing – its previous industrial base – is migrating across the developing world, especially around the Indian Ocean basin. Good news for the Global South – and that includes everyone from African nations such as Kenya and Tanzania to parts of Southeast Asia and Latin America.

Of course the ‘Empire of Chaos’, business-wise, won’t be thrown out of Asia. But its days as an Asian hegemon, or a geopolitical Mob offering “protection”, are over.

The Chinese remix of Go West, Young Man – in fact go everywhere – started as early as 1999. Of the top 10 biggest container ports in the world, no less than 7 are in China (the others are Singapore, Rotterdam, and Pusan in South Korea). As far as the 12th Chinese 5-year plan – whose last year is 2015 – is concerned, most of the goals of the seven technology areas China wanted to be in the leading positions have been achieved, and in some cases even superseded.

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The Bank of China will increasingly let the yuan move more freely against the US dollar. It will be dumping a lot of US dollars every once in a while. The 20-year old US dollar peg will gradually fade. The biggest trading nation on the planet, and the second largest economy simply cannot be anchored to a single currency. And Beijing knows very well how a dollar peg magnifies any external shocks to the Chinese economy.

Sykes-Picot is us

A parallel process in Southwest Asia will also be developing; the dismantling of the nation-state in the Middle East – as in remixing the Sykes-Picot agreement of a hundred years ago. What a stark contrast to the return of the nation-state in Europe.

There have been rumblings that the remixed Sykes is Obama and the remixed Picot is Putin. Not really. It’s the ‘Empire of Chaos’ that is actually acting as the new Sykes-Picot, directly and indirectly reconfiguring the “Greater Middle East.” Former NATO capo Gen. Wesley Clark has recently “revealed” what everyone already knew; the ISIS/ISIL/Daesh fake Caliphate is financed by “close allies of the United States,” as in Saudi Arabia, Qatar, Turkey and Israel. Compare that with Israeli Defense Minister Moshe Yaalon admitting that ISIS “does not represent a threat to Israeli interests.” Daesh does the unraveling of Sykes-Picot for the US.

The ‘Empire of Chaos’ actively sought the disintegration of Iraq, Syria and especially Libya. And now, leading the House of Saud, “our” bastard in charge King Salman is none other than the former, choice jihad recruiter for Abdul Rasul Sayyaf, the Afghan Salafist who was the brains behind both Osama bin Laden and alleged 9/11 mastermind Khalid Sheikh Mohammad.

This is classic ‘Empire of Chaos’ in motion (exceptionalists don’t do nation building, just nation splintering). And there will be plenty of nasty, nation-shattering sequels, from the Central Asian stans to Xinjiang in China, not to mention festering, Ukraine, a.k.a Nulandistan.

Parts of Af-Pak could well turn into a branch of ISIS/ISIL/Daesh right on the borders of Russia, India, China, and Iran. From an ‘Empire of Chaos’ perspective, this potential bloodbath in the “Eurasian Balkans” – to quote eminent Russophobe Dr. Zbig “Grand Chessboard” Brzezinski – is the famous “offer you can’t refuse.”

Russia and China, meanwhile, will keep betting on Eurasian integration; strengthening the Shanghai Cooperation Organization (SCO) and their own internal coordination inside the BRICS; and using plenty of intel resources to go after The Caliph’s goons.

And as much as the Obama administration may be desperate for a final nuclear deal with Iran, Russia and China got to Tehran first. China’s Foreign Minister Wang Yi was in Tehran two weeks ago; stressing Iran is one of China’s “foreign policy priorities” and of great “strategic importance.” Sooner rather than later Iran will be a member of the SCO. China already does plenty of roaring trade with Iran, and so does Russia, selling weapons and building nuclear plants.

Berlin-Moscow-Beijing?

And then there’s the German question.

Germany now exports 50 percent of its GDP. It used to be only 24 percent in 1990. For the past 10 years, half of German growth depended on exports. Translation: this is a giant economy that badly needs global markets to keep expanding. An ailing EU, by definition, does not fit the bill.

German exports are changing their recipient address. Only 40 percent – and going down – now goes to the EU; the real growth is in Asia. So Germany, in practice, is moving away from the eurozone. That does not entail Germany breaking up the euro; that would be interpreted as a nasty betrayal of the much-lauded “European project.”

What the trade picture unveils is the reason for Germany’s hardball with Greece: either you surrender, completely, or you leave the euro. What Germany wants is to keep a partnership with France and dominate Eastern Europe as an economic satellite, relying on Poland. So expect Greece, Spain, Portugal and Italy to face a German wall of intransigence. So much for European “integration,” it works as long as Germany dictates all the rules.

The spanner in the works is that the double fiasco Greece + Ukraine has been exposing. Berlin as an extremely flawed European hegemon – and that’s quite an understatement. Berlin suddenly woke up to the real, nightmarish possibility of a full blown, American-instigated war in Europe’s eastern borderlands against Russia. No wonder Angela Merkel had to fly to Moscow in a hurry.

Moscow – diplomatically – was the winner. And Russia won again when Turkey – fed up with trying to join the EU and being constantly blocked by, who else, Germany and France – decided to pivot to Eurasia for good, ignoring NATO and amplifying relations with both Russia and China.

That happened in the framework of a major ‘Pipelineistan’ game-changer. After Moscow cleverly negotiated the realignment of South Stream towards Turk Stream, right up to the Greek border, Putin and Greek Prime Minister Tsipras also agreed to a pipeline extension from the Turkish border across Greece to southern Europe. So Gazprom will be firmly implanted not only in Turkey but also Greece, which in itself will become mightily strategic in European ‘Pipelineistan’.

So Germany, sooner or later, must answer a categorical imperative – how to keep running massive trade surpluses while dumping their euro trade partners. The only possible answer is more trade with Russia, China and East Asia. It will take quite a while, and there will be many bumps on the road, but a Berlin-Moscow-Beijing trade/commercial axis – or the “RC” in BRICS meet Germany – is all but inevitable.

And no, you won’t read that in any wacky US ‘Think Tankland’ “forecast.”

Pepe Escobar is the author of Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge and Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009).  His latest book is Empire of ChaosHe may be reached at pepeasia@yahoo.com. This piece first appeared in RT.

Presseschau - März 2015 - INNENPOLITISCHES

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Presseschau - März 2015
 
INNENPOLITISCHES / GESELLSCHAFT / VERGANGENHEITSPOLITIK
 
Rente
Es gibt Geschenke!
Das deutsche Rentensystem ist verbrecherisch. von Derek Scally
 
Verrat der Politik und Lügenpresse am Deutschen Volke - Prof. Dr. Schachtschneider im Gespräch
 
Netflix statt ARD
Regierungsgutachter wollen Rundfunkbeitrag abschaffen
 
(Zum Fall Irmer)
Schwarze Säuberung
Kommentar von Michael Paulwitz
 
(Zitat: "Der Parlamentarische Geschäftsführer der Unionsfraktion, Michael Grosse-Brömer warnte dagegen davor, zu große Hürden aufzubauen. `Ich finde, wir haben zu wenig Wechsel von der Politik in die Wirtschaft und umgekehrt.´ Sie könnten die `häufig gestörte Kommunikationsebene zwischen Politik und Wirtschaft durchaus in Schwung bringen und beleben´."
…. Na dann, ein Prosit auf die Lobbywirtschaft…)
Katherina Reiche wechselt zum VKU
Ein Jobangebot mit „Geschmäckle“
 
Alternative Partei statt Alternative für Deutschland
Die Entscheidung von Bremen
 
(Der "krude Konservatismus" der AfD ist schuld…)
Geringe Wahlbeteiligung
Kommentar: Es läuft etwas sehr schief
 
Wahlerfolg der AfD
Alte Ressentiments statt neuer Ideen
 
Die AfD in Hamburg bleibt weit unter ihren Möglichkeiten
Der Lucke-Henkel-Kruse-Kurs belebt nur die FDP
 
Wie ich 294 Stunden dachte, AfD-Mitglied zu sein
 
"Neue Rechte" in Sachsen-Anhalt
AfD-Chef Lucke stoppt Aufnahme von Rechten
 
Der Fall Edathy
Unappetitlicher Fall SPD
von Michael Paulwitz
 
V-Leute sollen Verbrechen begehen dürfen
 
Luftangriff 1945
Dresden streicht Kranzniederlegung für Bombenopfer
 
Bombardierung Dresdens: Grüne beklagen „Opfermythos“
 
70. Jahrestag der Bombenangriffe
Dresden war ein Kriegsverbrechen
von Malte Lehming
 
Angriff auf Dresden
„Ich bedauere die Zerstörung aufrichtig“
Der Luftangriff auf Dresden war zwar militärisch sinnvoll, moralisch aber zu verurteilen. Zu diesem Schluß gelangte der britische Historiker Frederick Taylor. Im Gespräch mit der JUNGEN FREIHEIT verteidigt Taylor seine Thesen, die in Großbritannien und Deutschland kontrovers diskutiert werden. Das Interview führte JF-Redakteur Moritz Schwarz.
 
Luftkrieg
Die Propaganda der einstigen Gegner lebt
von Horst Boog
 
(Zu Gaucks Dresdner Rede)
Instrumentalisierte Verantwortung
 
Ausstellung zum Holocaust
Keiner kennt den Namen Mengele
Der jüdische Fotograf Rafael Herlich führt junge Muslime durch seine Ausstellung. Was bedeutet die deutsche Geschichte für Migrantenkinder?

Yukio Mishima: the Body as Spirit

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The Body As Spirit: Yukio Mishima, Author, Intellectual, And Warrior

“It is… possible for people to use the body as a metaphor for ideas,” Japanese author Yukio Mishima says in Sun and Steel.

Mishima had been a weak and sickly child, doted on by his over-protective grandmother. He wasn’t allowed to play with other boys, and grew up alienated from male culture (as well as from his mother, who was not allowed to look after him unsupervised). For him, Mishima says, “words came first of all; then… came the flesh. It was… already wasted by words.”

Yukio Mishima, bodybuilder and author

Yukio Mishima

For the author the answer to this waste — which he must have seen also in the Japan of post-World War II, defeated by the American atomic bomb — was to take up Kendo (traditional Japanese sword fighting) and bodybuilding, and to transform his thin frame into a powerful vehicle that could compete with his intellect.

The competition was partly one for attention, and partly one for a Way of being. Like aesthetes in the West, flamboyance and sincerity were not alien to each other, but one and the same. Controversially, Mishima formed his own private army, of about 100 members: the Tatenokai or “Shield Society.” He wanted, he said, to create a society for students who couldn’t, because of ideological reasons, join the Marxists on campus — Marxism was all the rage at the time.

One of the issues that divided the author and the Marxists (whom Mishima respected) was devotion to the emperor. Mishima never said it, but another — and perhaps an even more important area — was the body. The Tatenokai, and Mishima’s own “Way” of being was increasingly to the physical. In a flash of insight, Mishima

understood all kinds of things hitherto unclear to me. The exercise of the muscles elucidated the mysteries that words had made. It was similar to the process of acquiring erotic knowledge. Little by little I began to understand the feeling behind existence and action.

Marxism was intellectual. Mishima was increasingly concerned with the physical, precisely as an expression of ideas rooted in a kind of primordial drama. The flash of insight had come as the author considered the nature of tragedy.

Tragedy, says Mishima, “is born when the perfectly average sensibility momentarily takes unto itself a privileged nobility…”

It follows that he who dabbles in words cannot participate in it. It is necessary, moreover, that the “privileged nobility” find its basis strictly in a kind of physical courage… Tragedy calls for an anti-tragic vitality and ignorance, and  above all a certain ‘inappropriateness.’

By “ignorance,” of course, Mishima does not mean stupidity, vulgarity, or uncouthness (Mishima was very much concerned with elegance, though not as we might understand it today), but, rather, a move away from the intellect toward instinct.

Inoffensive in the West, “inappropriateness” was perhaps a more shocking idea in Japan of Mishima’s era (and even today), where rules of social etiquette are strict and complex, and understanding ones place in the order of society comes as second nature. But, the tragic hero must, of course, go against the convention of his own time. He is the one that steps forward, taking on the challenge to save society from some existential threat, while everyone else goes about their more mundane business.

It is odd, then, that Mishima suggests that the physical body “is foreign to the spirit,” being closer to ideas. Nevertheless, in criticizing those who allow their bodies to become ugly, he suggests that the body can be a vehicle for the spirit. A bulging belly is a “sign of spiritual sloth”, for example. This and other unattractive traits, says Mishima, is “as though the owner were exposing his spiritual pudenda on the outside of his body.”

The author equates such physical ugliness with “individuality.” “If,” says Mishima cryptically, “the body could achieve perfect, non-individual harmony, then it would be possible to shut individuality up for ever in close confinement.” But the idea of “perfect, non-individual harmony” seems to be key to Mishima’s growing interest in the physical. He could escape from the world of the internally and externally ugly through perfecting the body and making that his guiding spirit.

Angel Millar

Angel Millar is an author, blogger, and the editor of People of Shambhala.

Ernst Jünger, il soldato che discuteva di mitragliatrici con Heidegger

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Ernst Jünger, il soldato che discuteva di mitragliatrici con Heidegger

Dalla sua avventurosa vita – quasi come ricordi del ragazzino di famiglia scappato di casa per arruolarsi nella Legione Straniera – da lì, sono riemerse le tracce di ferite. Nelle screpolature della sua pelle di vecchissimo, come tracciati di radici profonde, per la marchiatura del tempo, sono sbucati dal buio dei ricordi i segni cavallereschi, le tacche sulla carne. Nessuno per esempio aveva notato sull’avambraccio un segno secco. Forse occultato dalla rigenerazione della vita quotidiana, ieri, la morte glielo ha ripescato: disteso lungo il suo percorso raggrinzito di corpo morto. Dei suoi capelli bagnati nell’acqua gelida del fiume, bianchissimi fili, la rigidità cadaverica ha catturato l’impercettibile alito, un elmo che è quasi un’aureola. Una foto in bianco e nero restituisce il taglio all’altezza delle orecchie, a nuca nuda, in parallelo con gli alettoni aerodinamici del cappottone d’ordinanza. Le linee telefoniche raccontano già della “mobilitazione totale“ del governo, dei potentissimi professori, degli “amici francesi“, che sul grande morto – innamorato come tutti i morti del ricordo di tutto ciò che è vita – stanno “approntando il memoriale“. Tedesco e “parigino“ a un tempo, della sua avventurosa vita, per tutti i centodue anni portati in faccia al mondo per lui sempre più estraneo, Ernst Jünger porterà sulla bara il fasto di un’esistenza eccezionale, dentro la bara invece, trascinerà “l’addio al mondo“. Era anche un dandy: “La volontà regna sul mondo diventato materiale dell’oggettivazione incondizionata”. È stato “sublime” (glielo diceva un altro dandy). Disse, un giorno, a fondamento del suo destino: “Meglio un delinquente che un borghese”. Sublime bacchettatore di Hitler, che pure era stato suo sodale segreto nella “società di Thule”, schizzinoso rispetto alla pietas del demos, al fondatore del Terzo Reich, rinfacciava sempre l’eccessivo democraticismo, l’insopportabile volgarità plebea delle “camicie brune”. Qualcuno commissionò l’eliminazione di Jünger, Hitler che candidamente lo riconosceva “come un superiore in gradi”, un “vero capo”, lo salvò dai sicari.
Nella sua essenza di testimone, nel suo essere stato passeggero dei battelli a vapore e del Concorde, nel suo essere stato tutto quel che Ernst Jünger è stato, hippy e notabile prussiano, entomologo e romanziere, arrivando adesso all’Oriente Eterno, chiuderà la sua estrema scommessa. Al cospetto dell’Onnipotente, certamente, da algido chirurgo del Nulla qual è, l’orologiaio del Nichilismo sta portando sulle sue spalle di grande morto, l’immagine a lui più profondamente vera, la sua forma, e dunque la divisa. Dell’habitus militare, Jünger ha offerto l’esempio assoluto. Scrittore, infaticabile diarista, interlocutore e protagonista in quell’officina di vampe che fu la Rivoluzione Conservatrice, Jünger non chiude solo un capitolo nella storia della letteratura, ma brucia con la sua morte l’ultimo modo possibile di essere “uo­mo d’arme”. Arrivando davanti a Dio, infatti, davanti al Dio lungamente cercato nelle sua passeggiate quotidiane nel piccolo cimitero del suo villaggio, la sua anima si specchia levigata nella ruvida stoffa grigioverde del soldato. È morto il soldato dunque, l’ultimo vero soldato planetario, erede di Ludovico Ariosto e di Ercole Saviniano Cirano de Bergerac. Innamorato del sogno cavalleresco, ad Alberto Moravia, in un’intervista-dialogo confidò: “Nella guerra nucleare i due giocatori faranno saltare in aria la scacchiera”, e non si capì bene se il cruccio nucleare fosse, per il vecchio Jünger, più un fastidioso ostacolo per la guerra o per la pace. Ritenuto a torto purificato nel dopoguerra, ma forse fortunatamente non troppo purificato, nelle lunghe passeggiate con Martin Heidegger e Carl Schmitt, dopo i primi quindici minuti di conversazione metafisica, arrivati a un altopiano, si lasciavano prendere la mano da altre curiosità, tipo: “Secondo voi, una mitragliatrice collocata qui, quale inclinazione di tiro potrebbe avere?”. Combattente volontario delle due guerre mondiali, di due sconfitte, della prima ne ricordava “di Londra, Parigi e Mosca, lo straordinario entusiasmo della gioventù, l’ebbrezza”, della seconda intuì da subito l’ambiguità: “O ci sarà una rivoluzione, o sarà una lunghissima guerra di trincea, come nel 1914-1918”. Nato a Heidelberg nel 1895, Ernst Jünger è stato decorato due volte con la Croce di Ferro, la più alta onorificenza a cui ogni galantuomo belligerante avrebbe potuto aspirare. La prima l’ebbe dalle mani dell’Imperatore, la seconda, invece, l’ha ricevuta dal suo maldestro allievo, per aver salvato dei dissennati che si erano spinti troppo avanti nella trincea nemica per scattare delle fotografie. Disse: “Fui comunque divertito dall’idea di ricevere la Croce di Ferro per la seconda volta”. Era anche un dandy.

Pietrangelo Buttafuoco

Il 17 febbraio di 17 anni fa moriva Ernst Jünger.

Gibt es einen Linksextremismus der Mitte?

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Gibt es einen Linksextremismus der Mitte?

Martin Lichtmesz

Ex: http://www.sezession.de

Klaus_Schroeder.jpgDie Publikation der Studie [2] des an der FU Berlin tätigen Politikwissenschaftlers Klaus Schroeder (Photo) über die „demokratiegefährdenden Potenziale des Linksextremismus“ hat mich ebenso positiv überrascht wie ihre bereitwillige Rezeption in den Medien.

Schroeder stellt darin das in den letzten Jahren insbesondere von der Friedrich-Ebert-Stiftung verbreitete Bild [3]vom angeblich rechtsdrehenden „Extremismus der Mitte“ mehr oder weniger auf den Kopf – und damit die Wirklichkeit auf die Füße.

Die Junge Freiheit [4] berichtete:

Die deutsche Gesellschaft hat sich nach Ansicht des Politikwissenschaftlers Klaus Schroeder nach links verschoben. „Generell ist die Gesellschaft nach links gerückt und die Parteien auch“, sagte Schroeder im Interview mit Zeit Online. Allerdings nicht so weit, daß man von „linksradikal oder linksextrem“ sprechen könne.

Es gebe einen gewissen Zeitgeist, der mit Willy Brandt schon einmal nach links gerückt sei und mit Helmut Kohl dann eher nach rechts. „Und jetzt mit Merkel eben deutlich nach links. Die Leute denken dann zwar links, wählen aber trotzdem Merkel“, erläuterte der Politikwissenschaftler.

Zu dem Ergebnis kommt Schroeder aufgrund der Ergebnisse seiner jüngsten Untersuchung „Gegen Staat und Kapital – für die Revolution“. Demnach sind linksextreme Ansichten in der Gesellschaft weiter verbreitet, als bislang angenommen. So teile etwa jeder sechste Deutsche linksradikale oder linksextreme Positionen, jeder fünfte plädiere sogar für eine Revolution.

Das „linksextremistische Personenpotential“ in der Bevölkerung liegt laut der Studie bei 17 Prozent und ist in Mittedeutschland mit 28 Prozent wesentlich stärker verbreitet als im Westen (14 Prozent). Ein geschlossenes linksextremes Welt- und Gesellschaftsbild wiesen deutschlandweit etwa vier Prozent der für die Untersuchung Befragten auf.

Die Ergebnisse der Studie selbst sind für kritische Beobachter der buntesdeutschen Republik freilich alles andere als überraschend. Frank Böckelmann [5] brachte die Lage in seinem Buch „Jargon der Weltoffenheit“ [6] mit aphoristischer Verknappung auf den Punkt:

Wer sich als „links“ tauft, kündigt an, noch hartnäckiger fordern zu wollen, was alle anderen ebenfalls fordern.

Rufen wir uns den Hintergrund des Schlagwortes vom „Extremismus der Mitte“ noch einmal ins Gedächtnis. Manfred Kleine-Hartlage definiert ihn in seinem grandiosen neuen Buch „Die Sprache der BRD“ [7] folgendermaßen:

Die Phrase vom »Extremismus der Mitte« bzw. vom Rechtsextremismus, der »in der Mitte der Gesellschaft« angekommen sei, spiegelt, wenn auch in demagogischer Verzerrung, den objektiven Sachverhalt wieder, daß die gesellschaftlichen Machteliten und die ihnen zuarbeitenden linken Ideologen die Mehrheit des Volkes gegen sich haben. Dies nicht etwa deshalb, weil dieses Volk nach rechts gewandert wäre (wie sie glauben machen möchten), sondern weil sie selbst immer weiter nach links gerückt sind, Ideologien vertreten, die noch vor dreißig Jahren als linksradikale Spinnerei galten, jede Bindung ans Volk verloren haben und immer offener eine von utopistischen Wahnideen befeuerte Destruktionspolitik betreiben, die darauf abzielt, nicht weniger den Nationalstaat, die Völker, die Familie und die Religion aus der Welt zu schaffen, und da eine solche Politik mit verfassungskonformen Mitteln nicht durchsetzbar und mit einer demokratischen Verfassung nicht vereinbar ist, müssen am Ende auch die Meinungsfreiheit, die Rechtsstaatlichkeit und die Demokratie dran glauben.

Wir haben es mit der Herrschaft von Menschen zu tun, die das Ziel der vollständigen Umwertung aller Werte und der Umwälzung der Grundlagen von Staat und Gesellschaft verfolgen. Da viele dieser Leute für sich in Anspruch nehmen, die politische Mitte zu verkörpern, gewinnt das Schlagwort vom »Extremismus der Mitte« einen von seinen Erfindern durchaus nicht intendierten ironischen Doppelsinn.

 Perspektivisch gesehen sind die diametralen Bewertungen der „Mitte“ durch die Friedrich-Ebert-Stiftung und Klaus Schroeders also durchaus kongruent. Weitgehend handelt es sich hier um Definitionsfragen. Daß die Linke in hohem Maße die „kulturelle Hegemonie“ innehat, zeigt sich schon allein daran, daß der Begriff „links“ für die Mehrheit der Gesellschaft per se positiv, der Begriff „rechts“ per se negativ besetzt ist.

Diese Vorstellung hat sich inzwischen subkutan derart flächendeckend durchgesetzt, daß sie kaum mehr als ein Konstrukt mit bestimmten Prämissen wahrgenommen wird. Ein Beispiel wäre etwa die Titelseite des aktuellen Profils [8](9/2015), auf der zu lesen ist:

Tsipras, Iglesias, Faymann: Ehrlich links oder verlogen populistisch?

Dies impliziert wie selbstverständlich einen Gegensatz zwischen „ehrlich links“ einerseits und „verlogen“, „populistisch“ oder „verlogen populistisch“ andererseits. Umgekehrt würde keine Zeitung schreiben: „Farage, Gauland, Le Pen, Strache: Ehrlich rechts oder verlogen populistisch?“, weil ja „rechts“ zumeist ohnehin mit „verlogen“, „populistisch“ und Schlimmerem gleichgesetzt wird.

Begriffe, die auf der Linken gemünzt und geprägt worden sind, bestimmen heute die politischen Diskurse, derart, daß selbst Widerspruch gegen linke Politik kaum außerhalb des gesetzten Begriffrahmens formuliert werden kann. Also gibt es auch hier einen klaren Feldvorteil der Linken.

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Vermutlich wäre es ein leichtes, bei vielen Befragten, deren Antworten andernorts als Beispiele für eine Rechtsverschiebung der Mitte gewertet werden, ebensoviele, wenn nicht mehr, linke Vorstellungen und Überzeugungen vorzufinden. Ich würde sogar soweit gehen zu sagen, daß alle Welt heute mehr oder weniger zu einem gewissen Grade „links“ ist, sogar diejenigen, die sich für „rechts“ oder „konservativ“ halten.

Die Effektivität der einschlägigen Schlagworte, selbst der dümmsten und hohlsten, verblüfft mich immer wieder. Sie funktionieren inzwischen wie Knöpfe auf einem Automaten, ohne Verzögerung, Reflektion, unter Ausschluß jeglicher Rationalität. Wann auch immer jemand, sei es auch nur andeutungsweise oder moderat-relativierend, sei es polemisch oder argumentativ gut begründet, es wagt, seine Stimme gegen den einschläfernden Sound des gängigen Jargons zu erheben, kann er mit mathematischer Zuverlässigkeit mit Horden von Widerspruchsrobotern rechnen, die sich ihm mit dem Slogan „XY ist bunt! Wir leben Vielfalt!“ entgegenstellen (ein aktuelles Beispiel siehe hier). [9]

Roboter [10]

Auch an dieser Stelle kann ich es mir nicht verbeißen, Kleine-Hartlage ausgiebig zu zitieren:

Kaum jemand hätte sich wohl vor zwanzig Jahren vorstellen können, welche Karriere einmal das Wort »bunt« machen würde: Wer in der meistbenutzte Suchmaschine nach »bunt« sucht, stößt nicht etwa auf die Beschreibung von Kindergeburtstagsfeiern, sondern überwiegend auf Webseiten, die einen politischen Anspruch erheben, dabei aber reichlich stereotyp (in jedem Fall aber alles andere als bunt) daherkommen: unter anderem »München ist bunt«, »Weiden ist bunt«, »Bad Nenndorf ist bunt«, »Gräfenberg ist bunt«, »Vorpommern ist bunt« – und damit sich auch ja niemand falsche Vorstellungen macht, was unter der erwünschten »Buntheit« zu verstehen ist, folgen Vokabeln, von denen viele in diesem Wörterbuch [7] vertreten sind: »Weltoffen, demokratisch, bunt«, »Gesicht zeigen«, »Bündnis gegen Rechtsextremismus«, »Gräfenberger Menschenrechts- und Demokratieerklärung« (ein bißchen Größenwahn darf auch dabei sein). Den Initiatoren scheint nicht aufzufallen oder es scheint sie nicht zu interessieren, daß ein Land, in dem der Wille zur »Buntheit« den zum Überleben verdrängt,
nicht überleben wird… (…)

Das Schlagwort ist wohl auch deshalb so wirkmächtig, weil es auf rationaler Ebene kaum satisfaktionsfähig ist. Mit Gehirnen, die von infantilen Affekten betäubt sind, läßt sich nicht ernsthaft debattieren. Daher ist Kleine-Hartlages Schlußfolgerung hart, aber ohne Zweifel zutreffend:

Ein Staat, in dem bis hin zum Bundespräsidenten alle vermeintlich seriösen Meinungsmultiplikatoren in stereotyper Weise eine solch kindische Kitschsprache sprechen, ist zum Tode verurteilt. [11]

Es gibt eine Vielzahl von Begriffen linker Provenienz, natürlich auch anspruchsvollere, die ähnlich wirken, und die ebensowenig hinterfragt werden. Böckelmann [6] nennt unter anderem: „Weltoffenheit“, „Emanzipation“, „Selbstbestimmung“, „Gleichstellung“, „Toleranz“ und „Vielfalt“.

Andere Schlagworte werden mit bestimmten Deutungen oder Wertungen belegt, die keineswegs selbstverständlich sind. „Iuvenal“, einer der Stammautoren von pi-news, versuchte unlängst, Begriffe wie“Sozialstaat“, „Europäische Einheit“ oder „Flüchtlinge“ kritisch abzuklopfen (siehe hier [12] und hier [13]).

Auch die deutsche Ausgabe der Huffington Post – ein inzwischen internationalisiertes Flaggschiff der US-amerikanischen Linksliberalen – hat Schroeders Studie emphatisch aufgegriffen [14] und nennt „fünf Gründe“, warum „die Gefahr von links genauso groß ist wie die von rechts“ und man daher über die extreme Linke nicht schweigen dürfe:

1. Die Zahl linksmotivierter Straf- und Gewalttaten steigt

Die Zahl linksextremistischer Straftaten ist laut der FU-Studie allein zwischen 2012 und 2013 um 2500 auf insgesamt 8.637 [15] gestiegen. Damit nahm auch die Zahl der linksextremistisch motivierten Gewalttaten zu – und zwar um 26,7 Prozent.

In der öffentlichen Wahrnehmung würden diese Gewalttaten quantitativ unterschätzt, da der Verfassungsschutz zwischen links und linksextrem motivierten Straf- und Gewalttaten unterscheide und links-motivierte Taten in der Statistik außen vor ließe, heißt es in der Berliner Studie.

2. Es gibt mehr linksextreme als rechtsextremistische Anhänger

Der Verfassungsschutz stuft der Studie zufolge 27.700 Menschen in Deutschland als potentiell linksextrem ein. Diese Zahl liegt weit über der Zahl der offiziell ermittelten Anhänger rechtsextremistischer Gruppierungen [16] – denen stehen 21.700 nahe. Bei einem Drittel der als linksextrem eingestuften Personen sehen die Verfassungsschützer Gewaltbereitschaft.

3. Linksextremisten stehen unter dem Schutz des gesamten linken Milieus

Die mediale Aufmerksamkeit richtet sich eher auf den rechten und islamistischen Extremismus. Linksextreme Aktivitäten rücken eher in den Hintergrund. Darüber hinaus verschwimmen die Grenzen „zwischen extremen, aber demokratischen Linken, so dass alle Linksextremisten unter dem Schutz des gesamten linken Milieus stehen“, schreiben die FU-Forscher.

4. Viele Inhalte linksextremen Denkens sind in der Mehrheitsbevölkerung angekommen

Linksextreme Einstellungen beschränken sich nicht auf die linke Szene, sondern haben zum Teil längst Eingang in die „Mehrheitsgesellschaft“ gefunden, warnen die Forscher weiter. Viele Versatzstücke linksextremen Denkens finden sich im politischen Mainstream [17], ohne dass diese gleich als linksextrem assoziiert werden, erklärt der Mitautor der Studie, Klaus Schröder, in einem Interview mit der „Zeit“.

(…)
5. Linksextremismus birgt demokratiegefährdendes Potenzial

Linksextreme Gruppen und Personen propagieren offen ihr Ziel, die bürgerliche Gesellschaft und den bürgerlichen Staat zu zerschlagen und an seine Stelle eine „neue, anarchistische oder kommunistische Gesellschaftsordnung“ errichten zu wollen. Sie sind also nicht nur „antikapitalistisch, sondern auch demokratiefeindlich eingestellt“, heißt es in der FU-Studie.

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Das bestätigt und wiederholt eine Kritik, die von konservativer Seite, etwa in der Jungen Freiheit, seit Jahren geäußert wird. Die Schlußfolgerung der Autorin verwischt die Spuren allerdings wieder ein wenig:

In keinem Fall ist der Rechtsextremismus zu verharmlosen, aber ebenso wenig darf hier mit zweierlei Maß gemessen werden. Linksextremismus ist genauso gefährlich wie Rechtsextremismus. Es bringt nichts, wenn man sich auf dem linken Auge blind stellt, Gewalt ist Gewalt.

Die aufgelisteten „fünf Punkte“ zeigen doch eher, daß von einer „genauso großen“ Gefahr keine Rede sein kann. Linksextreme Gruppen sind den rechtsextremen Pendants nicht nur zahlenmäßig weit überlegen – die letzteren genießen keinerlei Unterstützung durch den politisch-medialen Mainstream, der sie vielmehr als das „absolut Andere“, „Böse“ und zu Bekämpfende behandelt, während die Linksextremen allenfalls als schlimme Kinder der eigentlich „guten Sache“ gelten. „Links“ und „rechts“ werden mit krass divergierenden Maßstäben gemessen.

Wie gesagt, bin ich überrascht, derlei in der Zeit und der Huffington Post zu lesen – derart, daß ich mich unablässig frage, wo nun der Haken an der Sache ist. Bislang konnte ich ihn nicht finden.

 


 

Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

 

URL to article: http://www.sezession.de/48659/gibt-es-einen-linksextremismus-der-mitte.html

 

URLs in this post:

[1] Image: http://www.sezession.de/48659/gibt-es-einen-linksextremismus-der-mitte.html/dein-kampf

[2] Studie: http://www.fu-berlin.de/presse/informationen/fup/2015/fup_15_044-studie-linksextremismus/index.html

[3] Friedrich-Ebert-Stiftung verbreitete Bild : http://www.fes-gegen-rechtsextremismus.de/pdf_12/mitte-im-umbruch_www.pdf

[4] Junge Freiheit: http://jungefreiheit.de/politik/deutschland/2015/politologe-deutschland-ist-nach-links-gerueckt/

[5] Frank Böckelmann: http://www.sezession.de/45316/der-jargon-der-demokratie-ein-gespraech-mit-frank-boeckelmann.html

[6] „Jargon der Weltoffenheit“: http://antaios.de/buecher-anderer-verlage/aus-dem-aktuellen-prospekt/1468/jargon-der-weltoffenheit

[7] „Die Sprache der BRD“: http://antaios.de/gesamtverzeichnis-antaios/einzeltitel/3854/die-sprache-der-brd.-131-unwoerter-und-ihre-politische-bedeutung

[8] Profils : http://www.profil.at/home/inhalt-profil

[9] l siehe hier).: http://jungefreiheit.de/debatte/streiflicht/2015/zeit-fuer-eine-reformation/

[10] Image: http://www.sezession.de/48659/gibt-es-einen-linksextremismus-der-mitte.html/roboter

[11] zum Tode verurteilt.: https://www.youtube.com/watch?v=mT-uiqM6Vqo

[12] hier: http://www.pi-news.net/2015/02/gegen-den-strich-denken/

[13] hier: http://www.pi-news.net/2015/02/gegen-den-strich-denken-teil-2/

[14] emphatisch aufgegriffen: http://www.huffingtonpost.de/2015/02/26/linksextremismus-linke-gefahr_n_6752454.html?ncid=fcbklnkdehpmg00000002

[15] ist laut der FU-Studie allein zwischen 2012 und 2013 um 2500 auf insgesamt 8.637: http://www.verfassungsschutz.de/de/arbeitsfelder/af-linksextremismus/zahlen-und-fakten-linksextremismus/zuf-li-2013-straftaten.html

[16] rechtsextremistischer Gruppierungen: http://www.verfassungsschutz.de/de/arbeitsfelder/af-rechtsextremismus/zahlen-und-fakten-rechtsextremismus/zuf-re-2013-gewalt-gesamt.html

[17] Versatzstücke linksextremen Denkens finden sich im politischen Mainstream: http://www.zeit.de/gesellschaft/zeitgeschehen/2015-02/demokratie-linksextremismus-studie-klaus-schroeder-fu-berlin-interview