Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 02 novembre 2017

La Bandera Jeanne d’Arc, des monarchistes français engagés dans la guerre d’Espagne

carlsites.jpg

La Bandera Jeanne d’Arc, des monarchistes français engagés dans la guerre d’Espagne

par Frederic de Natal

Ex: http://www.vexilla-galliae.fr

Après avoir été l’otage des militaires (1923-1930), le roi Alphonse XIII tente de reprendre les rênes d’une monarchie constitutionnelle malmenée depuis un siècle par différents pronunciamientos, 3 guerres carlistes et une éphémère république. L’Espagne est divisée et les élections d’avril 1931 vont signer la fin de la monarchie espagnole des Bourbons. Avec le départ du roi, une nouvelle république qui sombre dans l‘instabilité et l’anarchie politique. La guerre civile éclate en 1936 et va jeter les espagnols dans un violent combat fratricide.

falange_1.jpgLes républicains comme les nationalistes tentent de rallier les différents pays européens à leur cause respective. En France, les élections du 3 mai 1936 ont porté au pouvoir une coalition de partis de gauche. Le Front populaire répond, d’abord dans un premier temps, favorablement à la demande de son homologue espagnol avant de faire machine arrière devant la forte opposition de droite qui oscille du côté des nationalistes conduit par le général Francisco Bahamonde y Franco.  Parmi les partisans de ce général entré en sédition, le mouvement monarchiste Action française (AF) de Charles Maurras.  Son organe de presse éponyme lance une virulente attaque dans ses colonnes contre les républicains et lance des appels aux dons.

Avec l’échec de la prise du palais Bourbon qui a ruiné tout espoir de retour de la monarchie lors de la journée du 6 février 1934, les camelots du roi bouillonnent. Si la France ne leur donne pas l’opportunité de se mesurer militairement aux républicains, devant se contenter de quelques combats de rues et autres paires de gifles retentissantes, l’Espagne va offrir à ces monarchistes l’opportunité de prouver leur ardeur au combat. Cette guerre, au quelle on les a préparé depuis une décennie, va bientôt prendre les allures d’une croisade pour cette fameuse ligue de l’entre-deux-guerres, bientôt rejointe par celle du Parti social Français (ex Croix de feu) ou du Parti populaire français.

Composée de français venus de toute la France et des confins de l’empire colonial (Montpellier, Paris, Marseille, Besançon, Ajaccio, Alger ou Casablanca, la Bandera (ou Phalange) Jeanne d’Arc (Bandera Juana de Arco) allait bientôt être portée sur les fonts baptismaux du monarcho-nationalisme. Rassemblant plus de 500 volontaires français (dont Yves Bernanos, le fils de Georges,  un des théoriciens de l’AF), belges et suisses, elle est commandée par le capitaine Henri Bonneville de Marsangy qui a recruté bon nombre de ces volontaires avec l’aide de l’architecte bonapartiste et futur président du conseil municipal de Paris, Charles Trochu. Ce monarchiste d’Action française a 19 ans lorsqu’il s’engage en 1914 dans la cavalerie de l’armée française. Cité 5 fois pour actes de bravoure, il côtoie de prestigieux noms de l’armée comme Weygand, de la Rocque ou même un certain capitaine de Gaulle. Mais sa hiérarchie se méfie de ce jeune officier dont les convictions politiques sont trop éloignées de la république et freine ses promotions. Henri Bonneville de Marsangy décide donc de démissionner peu avant le déclenchement de la guerre d’Espagne.

La France décide d’appliquer un principe de neutralité face à ce conflit qui frappe à ses frontière mais par un habile tour de passe- passe légal va honorer un contrat signé en 1935 qui prévoyait à l’Espagne une importante livraison d’armes. La révélation de cet accord commercial coïncide avec les informations relayées par la presse française concernant les crimes perpétrés par les forces républicaines. En Catalogne, les anarchistes et les communistes incendient des églises et tuent des prêtres.  Même la Sagrada Familia, en cours de construction, est l’objet de la vindicte des républicains qui n’hésitent pas à s’entretuer eux-mêmes. Cette « Terreur rouge » force Bonneville de Marsangy à réagir. D’abord journaliste de guerre sous les pseudonymes de Guillaume de Brassy et François de Roussemeau, il écrit pour « l’Action française » et « Matin » avant de se muer en combattant néo-chouan.

Parmi les Tercios, l’unité de la Légion étrangère espagnole qui se démarque par ses hommes au poitrail découvert, qui cohabite avec la Bandera Jeanne d’Arc, son fanion dénote. C’est un drapeau tricolore sur lequel on a cousu une fleur de lys sur sa partie blanche. Parmi les monarchistes, Bonneville de Marsangy force le respect. Il a le caractère romantique et guerrier que l’on prête aux héros des guerres de Vendée et de la Chouannerie. Il mène ses troupes à l’assaut de l’Alcazar de Tolède qu’il libère aux côtés des carlistes et des franquistes. Mais ses exploits militaires se termineront tragiquement le 10 février 1937 à la bataille de San Fernando. Il ne se relèvera pas de ses blessures.

brigades_internationales_de_franco-sylvain_roussillon.jpgSi d’autres officiers marquent la vie de cette brigade de volontaires monarchistes, tel que le général (cagoulard) Lavigne-Delville (1866-1957), elle n’échappe aux dissensions internes. Chaque groupe nationaliste tentant de s’approprier un leadership à peine reconnu par l’état-major franquiste, quelque peu agacé par l’esprit gaulois de ces volontaires qui s’entendent que trop avec les requetés carlistes. Si ces « légitimistes espagnols » ont rallié le général Franco c’est autant par haine de la république  qu’ils entendent restaurer la monarchie au profit du prince Charles –Alphonse de Bourbon. Franco se méfie de ces monarchistes traditionalistes mais ne peut « se payer le luxe » de s’en séparer. Le prétendant carliste est aussi un roi de France (Charles XII) pour la minorité légitimiste française présente au sein de ces volontaires. Face aux camelots du roi, ceux que l’on surnomme les « aplhonsistes » se distinguent par le port du béret vert que l’on retrouve chez les monarchistes de la Rénovation espagnole.  Un soutien logique attendu quand on sait que légitimistes français et carlistes partageaient les mêmes convictions et que ces deux groupes s’étaient retrouvés sur les mêmes champs de batailles lors des 3 guerres carlistes qui mèneront un de leur champion (don Carlos VII ou Charles XI) sur un éphémère trône d’Espagne à la fin du XIXème siècle.

En décembre 1937, la phalange monarchiste française est placée sous la direction d’un commandement espagnol. Elle a été missionnée à diverses reprises pour saboter avec succès les sources d’approvisionnement des républicains mais se plaint de ne pas être affectée au front. Finalement, elle participera à la bataille de Teruel le 6 février 1938 où elle subira de lourdes pertes.

Durant la guerre d’Espagne, plus de 50% de ses effectifs décéderont au combat mais le triomphe du nationalisme franquiste viendra couronner les efforts de ces croisés anti-communistes qui avaient placé leurs convictions royalistes sous la bannière de la pucelle d’Orléans. La France reconnaitra d’ailleurs en mars 1939, l’Espagne de Franco et s’empressera de nommer comme ambassadeur de France à Madrid, un héros (controversé) de la première guerre mondiale : le maréchal Philippe Pétain.

Que deviennent alors ces engagés de la Bandera Jeanne d’Arc après leur démobilisation, que l’extrême-droite française mythifiera au cours de la seconde moitié du XXème siècle mais que l‘histoire de France a volontairement occulté au profit des Brigades internationales. Avec le déclenchement de la seconde guerre mondiale, certains vont s’engager dans la résistance (comme le député Michel de Camaret, camelot du roi qui fera une carrière diplomatique (ministre, consul, sera sur le front indochinois aux côtés du fils de Bonneville de Marsangy [il perdra la vie à Diên Biên Phu] avant d’être élu sous l’étiquette du Front national de 1984 à sa mort en 1987. Ou encore Luc Robet (1913-1992), partisans des thèses d’Albert de Mun, qui restera célèbre pour avoir fondé un groupe de résistants monarchistes en Bretagne) d’autres dans la Légion des volontaires français (Noël de Tissot, disparu mystérieusement en 1944 ou le milicien Jacques-Flavien Boiré de Lafaye [1914-2002]).

Longtemps ignorés par les livres d’histoire traitant de la guerre d’Espagne, les monarchistes français de la Bandera Jeanne d’Arc ont retrouvé toute leur place dans un ouvrage paru sous le titre « Les Brigades internationales de Franco »  en 2012. Son auteur ? Sylvain Roussillon. Le seul, loin d’être un inconnu de l’histoire politique de l’Action française et un spécialiste du Carlisme, qui pouvait rendre hommage et justice à un pan méconnu de l’histoire monarchiste française où orléanistes, légitimistes et nationalistes se mêleront pour la défense d’une valeur commune : la restauration de l’état constitutionnel, catholique et légitime aboli par les partis républicains.

Frederic de Natal

 

mardi, 31 octobre 2017

Entrevista a don Serafín Fanjul

fanjul.jpg

Entrevista a don Serafín Fanjul

El Catoblepas

Ex: http://www.nodulo.org

El catedrático de Literatura Árabe de la UAM responde a las preguntas que le formula El Catoblepas sobre el islamismo y España

Serafín Fanjul es Catedrático de Literatura Árabe en la Universidad Autónoma de Madrid, autor de Al-Andalus contra España. La forja de un mito (Siglo XXI, 2000), así como de diversos estudios literarios (Literatura popular árabe, Canciones populares árabes, El mawwal egipcio) y de varias traducciones de obras cimeras de la literatura árabe (Libro de los avaros de al-Yahiz, A través del Islam de Ibn Batuta, Maqamas de al-Hamadani o Descripción general del África de Juan León Africano); también ha publicado un libro de relatos breves (El retorno de Xan Furabolos) y dos novelas (Los de Chile y Habanera de Alberto García). Ha participado, con una ponencia titulada «Al-Andalus, punta de lanza», en los Segundos Encuentros de «Filosofía crítica del presente» que, con el título de Guerra y Globalización, organizó Nódulo materialista en Madrid los días 15 y 16 de Marzo de 2004. Con ocasión de esta participación le fue solicitada una entrevista que concedió gustosamente, y que El Catoblepas publica a continuación. Vaya nuestro agradecimiento pues al Profesor Fanjul por su generosa contribución.

Usted es Catedrático de Literatura Árabe por la Universidad Autónoma de Madrid: ¿se considera usted un «arabista»? ¿Podría elaborar una breve historia de su disciplina en España, o por lo menos mencionar aquellos hitos que la jalonen, así como indicar, si existen, las diferencias entre su institucionalización en España respecto a su institucionalización en el resto de Europa? ¿A quién o quiénes consideraría usted como sus «maestros»?

fanjullibro.jpgLo de ser o no un «arabista» es una cuestión de perspectiva y de lo que queramos indicar con la palabra. En la actualidad, cualquier licenciado al que un periódico encarga un comentario ya se considera tal y arabista era don Emilio García Gómez que dedicó toda su larga vida a los estudios árabes. Si no se utiliza como una condecoración o signo distintivo especialísimo, sino como lo que debe ser, una mera descripción, sí creo que soy bastante arabista, aunque no le otorgue mayor importancia a esta clase de catalogaciones. Sí rechazo algo que se está haciendo mucho ahora y es afirmar «los arabistas dicen esto o aquello» sobre el tema que sea. Ni hay opiniones unánimes ni es deseable que las haya. Bien es cierto que no faltan quienes pretenden pastorearnos de un modo más bien ridículo enviándonos –sobre todo por emilio– comunicados, condenas y declaraciones retóricas contra Israel, Estados Unidos o José Mª Aznar para que manifestemos nuestra fervorosa adhesión a las tonterías que se les ocurren, tonterías –además– nada inocentes ni desinteresadas.

Elaborar una historia del arabismo español requiere demasiado espacio. Remito a los trabajos de Manuela Manzanares (Instituto Hispano-Arabe de Cultura, Madrid 1971) y de James T. Monroe y al articulito de Bernabé López (Revista Awraq, vol XI, 1990, Instituto de Cooperación con el Mundo Arabe), aunque éste último adolece de una ideologización muy del gusto progre del momento, muy correcto políticamente. También puede verse el artículo de Miguel Cruz Hernández «Los estudios islamológicos en España en los siglos XIX y XX» (Actas del VII Seminario de Historia de la Filosofía Española e Iberoamericana).

El orientalismo y el arabismo europeos nacieron a principios del XIX como consecuencia de la acción colonial de las potencias europeas sobre el norte de Africa y el Oriente Próximo. Es normal que así fuera: mejor conocer para mejor dominar. Por suerte los científicos, meros aficionados en los inicios, terminaron por valorar y dar vida propia a las materias que estaban estudiando (Filología, Arqueología, Historia, Literatura, Antropología, Etnografía, &c.) y desarrollaron, en líneas generales, una labor muy honrada y muy útil de salvamento, edición, difusión de infinidad de materiales de todo tipo. Algo que los árabes no han apreciado ni agradecido. Muy al contrario, pensaban –y piensan– que aquel esfuerzo no tenía más objetivo que perjudicarles, lo cual es una distorsión lamentabilísima. Yo mismo he señalado más arriba que las directrices originales marchaban por esa vía, en exceso teórica. La realidad desbordó las previsiones y creo que la inmensa mayoría de los profesionales ha trabajado –y trabaja– por puro amor al conocimiento y a descubrir mundos insospechados. A muchos árabes, no a todos, esto no les cabe en la cabeza y se equivocan. Las Mil y Una Noches nunca han sido valoradas por la sociedad culta árabe y se salvaron por el empeño de Galland, un cónsul francés, y por la buena acogida que tuvieron en Europa. Bien es cierto que difunde una imagen de la sociedad árabe demasiado fabulosa, de cuento, como lo que son. Y así hay que entenderlas, no como un trasunto verídico de la sociedad, aunque algo tengan de eso.

En España el arabismo, cuya necesidad ya se había intuido en tiempos de Carlos III con la iniciación de la catalogación de los manuscritos de El Escorial por el sacerdote libanés Cassiri, no surge hasta bien entrado el siglo XIX con los primeros trabajos de Gayangos (a Conde no sé si se le puede tomar muy en serio) y después de Simonet y Codera. En medio hay unos cuantos nombres que podrían clasificarse, según la expresión de García Gómez, de anfibios. Aquí había una peculiaridad que se podía explotar distinta de los móviles europeos: la existencia en la Península de un islam local en tiempos pretéritos. Así,se enfocó todo durante muchos años a los estudios andalusíes, lo cual es lógico y bueno. Quizá el error consista en ceñirse sólo y exclusivamente a ese capítulo. Sin embargo, a partir de los años sesenta del siglo XX, la multiplicación de especialistas y la extensión de los estudios árabes en el plano administrativo facilitó la apertura de otras vías de trabajo. Bienvenidas sean. Todas.

Indirectamente, soy discípulo de don Emilio García Gómez aunque nunca me dio clases por encontrarse desempeñando una función de embajador mientras yo estudiaba. A don Elías Téres Sádaba lo recuerdo con mucho afecto y respeto por su gran calidad profesional y su honradez intelectual y humana, me ayudó de forma muy desinteresada y sin pretender ejercer cacicato de ningún género sobre mí, algo excepcional en nuestra Universidad. Por lo demás, hube de dar muchos palos de ciego para aprender cosas que deberían haberme enseñado mis supuestos mentores del tiempo. Yo elegí mis temas de estudio y los fui modificando en función de las posibilidades reales y concretas que tenía, viviendo en Madrid en los años setenta y ochenta, pero siempre con una idea muy clara: sin independencia no vale la pena ser arabista ni nada. Y eso no se perdona.

Un argumento muy común, usado para resaltar la importancia del denominado legado andalusí en España, es la existencia de un vocabulario de raíz arábiga en el español, caso de palabras tales como algarabía, alcázar, &c. Lo mismo ocurre con otros componentes culturales... Según lo entiende usted, ¿qué hay de realidad y de imaginario en esta influencia?

Este del léxico es un argumento típico y tópico de gentes que no saben ni árabe ni lingüística. Cifrar el «legado andalusí» en el vocabulario de origen árabe es desconocer que 1.º) el léxico es el elemento que más fluctúa y cambia en toda lengua; 2.º) el hecho de que una palabra sea de origen árabe ni siquiera implica que el objeto que designa lo sea (el caso de aceituna es paradigmático y que, por cierto, coexiste con el doblete «oliva» en la misma Andalucía); 3.º) Es normal que determinadas técnicas agrícolas, médicas o de construcción en la Edad Media se sirvieran de léxico árabe por la importancia que en su desempeño tuvo entonces la comunidad musulmana o hispanoárabe; 4.º) El peso de ese léxico está en declive constante desde el siglo XIII (en el cual, ver los estudios de Sola y Neuvonen, era el 0,4% de los textos conservados; en Cervantes es el 0,5%); 5.º) De las 4.000 voces de etimología árabe, en la actualidad no creo que se utilice, en el español vivo, ni el 10%; 6.º) No hay léxico de etimología árabe en la vida espiritual, se circunscribe a cuestiones muy materiales; 7.º) El afrancesamiento de la sociedad española no procede de que digamos batalla, centinela, bayoneta o jardín, sino de que hayamos asumido y adoptado los modos de comportamiento, la extensión social de la conducta de la sociedad «francesa» o, más bien, europea y occidental de los siglos XIX y XX.

Sea como fuera el concepto de «legado» indicaría que los españoles actuales recibimos en herencia la «cultura andalusí», estando obligados, por tanto, a conservarla como tales herederos suyos. Sin embargo, cuando se habla de la influencia griega y romana, no se habla en estos términos. ¿Somos herederos, tenemos tal «responsabilidad»?

No creo que debamos convertir en un programa la conservación de tal o cual cultura. Eso es negar el concepto mismo de cultura, meterla en un pozo al que echamos agua a diario para que no se mustie. No hace falta estar diciendo a todas horas que pertenecemos a la cultura neolatina, sencillamente porque eso es así. Mal asunto es que haya que «defender « una cultura con vallas y cortafuegos y trincheras y comisarios. Eso están haciendo los separatistas de distintos pelajes con el resultado de un empobrecimiento cultural de sus propias sociedades: peor para ellos y para sus «países». Otra cosa es que nos abrumen con falsificaciones que intentan suplantar a la realidad, caso de las «raíces árabes» de Andalucía y, si nos descuidamos, de toda España. Me da risa, por lo esperpéntico, cuando leo a un señor de La Coruña afirmar que somos moros, incluido él. A estos extremos lleva el dejarse arrastrar por tópicos y modas del momento, para caer bien, estar al día, no desentonar

Usted ha escrito una serie de obras, Al-Andalus frente a España y La quimera de al-Andalus, las más conocidas, criticando el mito que representa Al-Andalus como una convivencia armoniosa y tolerante entre culturas. Se dice que el gato fue «creado» para que el hombre pudiese acariciar un león: ¿podría decirse que el mito de al-Andalus nace, en el XIX, como una especie de Oriente inofensivo, para solaz y recreo de los «intelectuales y artistas» europeos? ¿Es el llamado «legado andalusí» nuestro caballo de Troya?

Esa idea del Oriente inofensivo personificado en al-Andalus (edulcorado, embellecido) es buena. García Gómez tiene un párrafo –que cito en La Quimera de al-Andalus– que va por ese camino. No quiero hacer caricatura de don Emilio, pero en el fondo lo reconoce y él mismo se recreó, para su uso particular, una historia y una literatura de al-Andalus muy limada y capada de asperezas. Al-Andalus, como todas las sociedades medievales, fue brutalísimo e insufrible para nuestros actuales conceptos de vida. Será «caballo de Troya» si se lo permitimos a los mixtificadores que, en realidad, son pocos. Aunque les sigue una caterva de escritores, periodistas y políticos que no saben de lo que hablan.

Hay obras, como la de Olagüe, que niegan el que la España visigoda haya sido «conquistada» por los musulmanes, sino que más bien fue el descontento de la población hispano-romana con los visigodos dirigentes lo que dio lugar a la presencia de los musulmanes en la Península. Según se sostiene desde estas posiciones, la «conquista» del 711 es un invento retrospectivo para justificar la «Reconquista»: ¿cómo ve este asunto?

Lo de Olagüe es una majadería que no se puede tomar en serio.

En La quimera de al-Andalus dedica un capítulo a Los Moriscos y América, así se titula. Usted ha escrito una novela, Los de Chile (Libertarias/Prodhufi, 1994), de tema americano. ¿Qué hay de presencia morisca en la conquista americana?

fanjulandalus.jpgNo voy a exponer aquí el contenido de ese capítulo dedicado a los moriscos en América: es excesivamente largo. Pero sí puedo aclarar que mis conclusiones, después de dos años de trabajo (para un solo capítulo) son difíciles de modificar. La presencia de moriscos es irrelevante, aunque las comunidades árabes de América y los siempre temibles divulgadores se apliquen a repetir lo contrario por tierra, mar y aire. Sin probar nada, claro. Como «se sabe que fue así» no hay que demostrar nada.

En uno de sus Episodios Nacionales, Benito Pérez Galdós narra la vida de un español convertido al judaísmo en la ciudad marroquí de Tetuán, hacia el año 1859. Este español, en tanto que judío, es siervo de un musulmán y recibe un trato análogo al que podríamos dispensar a un animal doméstico o de compañía. ¿Este trato, según lo describe Galdós, que los musulmanes otorgan a los judíos es pura literatura o es algo que se puede constatar históricamente? En su último libro, La quimera de al-Andalus, da una pinceladas acerca de la trayectoria de Maimónides en este sentido: ¿podría recordarlas aquí?

El trato recibido por los judíos en la sociedad de predominio islámico es malo y el hecho, innegable, de que en la sociedad europea cristiana medieval fuese peor en muchos momentos, no lo convierte en bueno. Sobre esto recomiendo leer el libro de Bernard Lewis «Los judíos del islam», que además de maravillosamente documentado, es una obra ponderada y muy objetiva. Las persecuciones abundaron, el trato sistemático vejatorio, también. Maimónides es un ejemplo –muy utilizado por los propagandistas de Las Tres Culturas, paradójicamente como prueba de convivencia– de intelectual coaccionado, forzado a emigrar, a hacerse musulmán y finalmente procesado por haber vuelto al judaísmo. Yo no sé de qué hablan quienes esgrimen su caso como muestra de tolerancia islámica. No sé si es ignorancia o cara dura, o las dos cosas.

En uno de los capítulos de su último libro habla de la visión que de al-Andalus se hace en las escuelas de países como Túnez y Siria. ¿Cómo se interpreta desde la instrucción pública marroquí?

Con menos virulencia que en países inmersos en el nacionalismo chovinista como es el caso de Siria o Iraq pero también con exageración del carácter paradisíaco y de la usurpación que los «cristianos» perpetramos.

Uno de los casos más notorios y polémicos de la inadaptación del Islam a las sociedades laicas del presente es el del chador, pañuelo que obligatoriamente llevan las mujeres árabes cubriendo su cabeza. Muchos grupos han hablado de intolerancia por la reciente prohibición de esta prenda en Francia. Otros, apelando al pasado inmediato, señalan que en Francia se pasó con gran facilidad del chador a la ablación del clítoris. ¿Qué representa realmente el chador dentro de la moral islámica?, ¿hasta dónde llega su «obligatoriedad» en las sociedades musulmanas?

El hiyab –que no chador, que es persa– se considera piadoso y como sucede con toda posibilidad acaba convirtiéndose en obligación por parte de los más rigoristas y estos suelen trazar las líneas de conducta general en sociedades sometidas por el miedo, como es el caso de las muy numerosas comunidades de inmigrantes que han formado guetos muy cerrados en Francia y en España estamos en vías de conseguir que formen, dada la inhibición y apatía de los poderes públicos. La ablación es otro asunto y no todos los árabes, ni menos aun todos los musulmanes, la practican. Por fortuna, porque de lo contrario veríamos a las feministas multiculturalistas defendiéndola como algo excelente y prueba de la liberación de la mujer en el Tercer Mundo. Por desgracia no estoy exagerando. Eso hacen con respecto al «hiyab» cuando, de hecho, es una muestra de sumisión y obediencia a su dueño (padre, marido, hermano, tío): sus encantos sólo pueden verlos estos familiares. Y los servidores eunucos, está buena la observación. La ablación es una costumbre ancestral del Valle del Nilo y en él se practica desde tiempos faraónicos. Se ha extendido al Africa Negra, pero no es un ritual islámico. Sin embargo, el islam oficial, el que manda, en Egipto se aferra a ella como medio de control de las mujeres. El gran Shej de al-Azhar (en El Cairo) la defendía con argumentos como amenazar con el sida a las mujeres que se libraran de ella, es decir que lo contraerían y contagiarían a sus maridos, o sea condena de soltería perpetua. Casi ná.

Solemos comprobar que, cuando un grupo radical islámico comete un atentado, lo realiza por medio de la inmolación de un suicida, ya sea cargado de explosivos, o pilotando un vehículo, avión, &c. Este comportamiento es impensable en una sociedad cristiana, en la que vemos como carente de sentido el matarse uno mismo. De hecho, grupos terroristas como ETA jamás han practicado este tipo de atentados suicidas. ¿Es el fenómeno de la inmolación algo inherente a la sociedad islámica o puede considerarse una mera contingencia o, más bien, una necesidad provocada por su «desesperación», como señalan los defensores de grupos como el palestino?

El suicidio como método de acción terrorista no es inherente al islam, aunque históricamente lo practicaran los asesinos de Persia y Siria en sus atentados políticos, pues se daba por segura la muerte del terrorista. El convencimiento de ir al Cielo facilita mucho tal burrada. Los círculos oficiales islámicos dicen condenarlo pero la realidad es que no hacen nada por impedirlo. Y su actitud –y actuación– sería determinante.

El Islam: ¿«sometimiento»?, ¿«paz»?, ¿las dos cosas?... La yihad: ¿esfuerzo?, ¿guerra santa?, ¿las dos cosas?...

fanjulquimera.jpg«Islam» en árabe significa «sumisión». Pertenece a la misma raíz verbal de «paz», pero significa sumisión. Contar otra cosa es salirse por peteneras. «Yihad» significa, sobre todo y antes que nada, «guerra santa o combate por la fe», como se prefiera. También vale lo de las peteneras.

Con motivo de la guerra de Iraq y posterior ocupación, los medios de comunicación han mencionado repetidas veces la existencia de dos grupos islamistas enfrentados en ese país: sunnitas (que parecen ser partidarios del depuesto Sadam Hussein) y chiitas, representados principalmente por clérigos y que piden el reconocimiento de Iraq como república islámica. En el norte, como es sabido, están los kurdos... ¿Podría explicar qué diferencias políticas y religiosas existen entre estas dos corrientes islamistas, y cuál es la relación de cada una con los kurdos?

La diferencia fundamental (aparte algunos detalles litúrgicos o de tabúes alimentarios) estriba en que los chíies mantienen la idea del derecho al califato de Alí (yerno de Mahoma) por encima de los otros sucesores. Alí fue depuesto por Muawiya tras aceptar un arbitraje en Siffin y finalmente asesinado. También fue muerto su hijo Husein en Kerbela. En este pleito dinástico del siglo VII se basa la diferencia fundamental entre unos y otros. La Chía también esta subdividida en múltiples grupos y en la principal subsiste algo más semejante al clero cristiano. En la Sunna, en teoría, no hay clero. Los kurdos son sunníes pero anteponen su condición étnica y cultural a la adscripción religiosa. Los chiíes sí estaban mayoritariamente enfrentados a Saddam Husein.

Además de sunnitas y chiitas, los musulmanes aparecen divididos en distintos grupos, de distinto rango, Wahabíes, Hermanos Musulmanes, Malikíes, El Tabligh..., algunos incluidos en otros, otros enfrentados entre sí... Muchas veces se dice que no existe en el Islam la unidad que se le otorga desde el Occidente cristiano (de igual manera que en el «Occidente cristiano» no existe unidad: católicos, ortodoxos, protestantes; españoles, franceses, yanquis, británicos;...). Se dice también que la política, digamos «El Estado», fue una creación de Occidente para dividir a los musulmanes...: así como franceses, italianos, alemanes... son distinciones reales, marroquíes, argelinos, iraníes, saudíes... serían categorías «occidentales» proyectadas sobre los islamitas para dividirlos... En fin, ¿cree usted que «musulmán» y «cristiano» son conceptos suficientes como para significar las realidades que se supone soportan?, es decir, ¿hay claridad y distinción en tales conceptos según las realidades que denotan, o, al contrario, la realidad es más «compleja», como se suele decir, de tal modo que no puede ser medida en absoluto por tal distinción?

La realidad es compleja pero no imposible de aprehender. Las diferencias internas del islam que tanto esgrimen los multiculturalistas occidentales sin profundizar en ellas no son más que un pretexto para relativizar todo y agarrarse en cada momento a lo que mejor les conviene. Hay unos cuantos principios básicos –y actuaciones consiguientes– en los cuales coinciden todos los musulmanes prácticamente y eso son habas contadas. Aparte cuestiones básicas de dogma que, obviamente, son iguales para todos y de coincidencia en los ritos (los cinco pilares famosos), hay cuestiones muy comunes: la inferioridad de la mujer (se disfrace como se disfrace, por lo común poco), la relación distante y nada amistosa con las otras religiones y la persecución a muerte de los apóstatas, por poner algunos ejemplos concretos.

¿Qué papel puede desempeñar una comunidad islámica de cerca de 1.800 millones de adeptos en la actual globalización capitalista liderada por Estados Unidos? ¿Cree usted, o mejor aún, sabe si existe alguna capacidad de articulación de esta gran masa de islamistas, más allá del fenómeno fundamentalista con el que suele manifestarse?

Que yo sepa, los musulmanes oscilan entre 1000 millones de personas y 1100, lo que no es poco. Aparte de la fuerza de la creencia religiosa no veo ningún movimiento ni idea política capaz de aglutinarles, como no sea la fuerza del resentimiento contra Occidente. Dilucidar la justicia o injusticia, o la base lógica de tales sentimientos requeriría entrar en todos los casos, uno por uno y cotejar los matices.

Por último, desde la «Semana Trágica», pasando por la «Marcha Verde», Perejil, los atentados de la «Casa España» en Casablanca, hasta el 11M: ¿cómo ve la relación entre España y Marruecos y en qué situación cree se encuentra España en estos momentos tras las decisiones tomadas por el nuevo gobierno?

La relación de España con Marruecos ha sido y va a seguir siendo conflictiva, diga lo que quiera el actual gobierno, tan aficionado como es a ignorar los problemas, sonreír y decir que aquí no pasa nada. Lo único que conseguirán con su inhibición y falta de respuesta al acoso permanente de Marruecos es que los problemas crezcan y que quienes estén en La Moncloa dentro de veinte años –si por entonces sigue habiendo Moncloa y un presidente en ella– deban dar respuestas mucho más duras que las que ahora serían suficientes para detener el empujón. España puede ofrecer inversiones (ya hay muchas), un cupo legal y reglamentado de inmigrantes, asistencia cultural y técnica, apoyo político ante Europa (Marruecos ya tiene el apoyo de Francia y Estados Unidos pero tal vez el nuestro no sobre), acuerdos comerciales ventajosos, &c. Marruecos debe ofrecer el corte desde su lado de la inmigración ilegal y del tráfico de drogas, renuncia a la anexión de Ceuta y Melilla, tratados pesqueros razonables y justos para todos, control de todo tipo de delincuencia. Pero no creo que el gobierno actual vaya a hacer otra cosa sino rendirse, ante un oponente mucho más débil. Qué divertido.

mercredi, 25 octobre 2017

Charles Quint : empereur d'une fin des temps

1313160-Titien_Charles_Quint_à_la_bataille_de_Mühlberg.jpg

Charles Quint : empereur d'une fin des temps

Auteur : Denis Crouzet
Editeur : Odile Jacob
Nombre de pages : 450
 
Ex: http://www.famillechretienne.fr

L’historien Denis Crouzet brosse un portrait saisissant de Charles Quint dans le contexte de la fin de la chrétienté.

Quand le pape Benoît XVI a renoncé à la charge pontificale en février 2013, le philosophe Alain Finkielkraut compara le geste du pape allemand à celui de l’empereur Charles Quint. Le 25 octobre 1555, dans son palais bruxellois, le vieil homme s’adressait ainsi à la cour impériale : « Je me sens maintenant si fatigué que je ne saurais vous être d’aucun secours, comme vous le voyez vous-même. Épuisé et brisé comme je le suis, j’aurais des comptes à rendre à Dieu et aux hommes si je ne renonçais à gouverner. » Tout comme Benoît XVI, l’homme pleura amèrement après cette annonce, puis se retira dans un monastère.

9782738134585.jpg

L’un et l’autre ne peuvent se comprendre qu’à travers la mission qu’ils estimaient avoir reçue de Dieu. L’historien Denis Crouzet nous la décrit dans son dernier essai. Un ouvrage dense, à la lecture exigeante, mais d’une richesse incomparable. Plutôt que de céder à la facilité du genre biographique, l’auteur nous transporte sur une courte période allant de 1545 à 1552. Sept années d’un règne qui en compte trente-six. L’époque est l’un des moments charnières de l’Histoire européenne et de la civilisation : dans sa lutte contre les princes protestants réunis dans la ligue de Smalkalde, Charles Quint semble avoir remporté la victoire à Mühlberg en 1547. Mais en 1552, le traité de Passau établit définitivement le célèbre principe : « Tel prince, telle religion. » Il s’agit du jour où « tout bascule », puisque l’Europe chrétienne n’est plus, déchirée entre catholiques et protestants.

Certes, l’empereur Charles Quint vit une époque qui sait le glorifier, mais ce personnage impénétrable cachait en lui une peur face au tragique de l’Histoire : « Une épreuve dramatique toujours recommencée, durant laquelle ce qui a été gagné est sous tension d’être perdu, bien vite. » Plus Bourguignon que Habsbourg, il est la parfaite illustration du mot de Boileau : « Rarement un esprit ose être ce qu’il est. » Mais il savait aller de l’avant, sous la contrainte, imitant par ailleurs le Christ fait homme. Stoïque, mais chrétien.  

Christophe Dickes

jeudi, 19 octobre 2017

Catalogne : sécession, séparation, autonomie. La comédie des faux dissidents

catrajoy.jpg

Catalogne : sécession, séparation, autonomie. La comédie des faux dissidents

Michel Lhomme,
philosophe, politologue
 
Ex: https://metamag.fr

L’Espagne a retenu son souffle et même le footballeur argentin Messi était prêt à quitter le Barca pour défendre la “madre patria” mais voilà, il y a toujours eu une certaine dose de comique chez les  trotskistes, un surréalisme cynique, un dadaïsme de pacotille

La Catalogne n’aura été indépendante que six secondes, histoire de ne pas perdre la face. Son président séparatiste a trouvé la faille : une indépendance politique unilatéralement proclamée mais pas d’indépendance juridique et ce, après un week-end où des centaines de milliers de Catalans et des millions d’Espagnols se sont levés et lui ont demandé de renoncer au nom d’une Hispanité enfin retrouvée mais pour combien de temps ?

‘Prou! Recuperem el seny” (“Assez! Retrouvons la raison”) avaient clamé dimanche les opposants catalans à la sécession pour défendre l’unité de la grande Espagne à l’issue d’une semaine d’émotion et d’angoisse dans tout le pays mais pas seulement, pour aussi toute l’Amérique latine, les Philippines, tout ce qui compte sur terre de restes du grand Empire. Le réveil dominical de “la majorité silencieuse” a bien été un tournant dans la crise.

Mariano Rajoy n’utilisera pas l’article 155 de la Constitution et encore moins  l’article 156 (l’état de siège) permettant de retirer réellement et définitivement son autonomie à la région. On négociera encore l’unité de l’Espagne. Puigdemont a finalement cédé parce que le monde économique s’écartait des indépendantistes, plusieurs entreprises ayant décidé de déménager dès lundi leur siège social de la région qui représente 19% du PIB du pays espagnol, pour 16% de la population. Deux grandes banques, CaixaBank et Banco de Sabadell, ont initié ce mouvement suivi de prés par un des principaux groupes locaux du bâtiment.

L’Europe ne souhaitait pas l’indépendance

Les événements allaient trop vite car le capitalisme libéral a pourtant besoin d’États-Nation affaiblis  par le séparatisme. L’Europe des marchands et des juges, de la future démocratie procédurale et de la dictature administrative n’est pas encore tout à fait achevée. De fait, pour faire prospérer le business sans entrave, il faut absolument liquider toutes les communautés traditionnelles.

Depuis des années, la remise en cause de l’unité espagnole n’était pas seulement mue par le séparatisme politique mais elle touchait toute l’éducation, le folklore avec ses coutumes, ses danses, ses costumes et surtout sa corrida. Comme en France, il s’agissait de réécrire l’Histoire, de gommer l’esprit  chevaleresque de la Phalange de José Antonio, d’oublier l’héroïsme de la Légion espagnole et plus que tout la ferveur doloriste mais ô combien sublime du catholicisme espagnol réduit, il y a déjà quelques années à des sauteries papales sur fond de house lors des Journées de la Jeunesse.

Mais l’Europe sans nations, comment faire ?

En France, on a cassé toute velléité de nationalisme par l’antiracisme idéologique  et la conversion au nouveau monothéisme, ce que des  intellectuels  à la Edgar Morin déclarent depuis toujours alors qu’en Espagne ce fut par le séparatisme régional et autonomiste (comme en Belgique, en Italie, en Grande-Bretagne). Ainsi, l’Europe unie pour le commerce ne ressemblera pas à des Etats-Unis d’Europe puisqu’elle ne doit absolument pas être une puissance. Ce sera un espace neutre, dépolitisé, spectaculaire, marchand, touristique ou archéologique, l’espace désunie des tribus .

catalan-map-dialectes.png

Lors d’un débat dit « d’urgence », après quatre jours de crise catalane, le vice président de l’Union européenne, Frans Timmermans avait appelé au dialogue. Un porte parole de la Commission avait répété le 6 octobre : « Il s’agit d’une affaire intérieure à l’Espagne ». Il est pourtant bien clair que ce souhait affiché de non ingérence et de dialogue de l’UE n’était rien d’autre qu’un coup de pouce indirect donné aux Catalans tout comme l’absence de positionnement scandaleux de la Conférence épiscopale espagnole à laquelle, en plus, on n’avait rien demandé.

Pour l’Espagne, la déclaration catalane  n’est en réalité ni une victoire, ni une défaite mais la poursuite d’une faiblesse mortelle et suicidaire que les ennemis de l’hispanité continueront habilement d’exploiter. Mais un État purement constitutionnel, celui de 1978, peut-il encore continuer d’exister avec autant d’incertitude, de subterfuges, de négociations biaisées, de reculades permanentes ? La déclaration surréaliste mais fanatique d’une indépendance sans indépendance, d’une république en pleine monarchie, d’un « je m’en vais mais j’y reste ! » ( Me voy, pero quizá me quedo) ne durera pas longtemps mais encore faut-il que résonne de nouveau le poétique mot d’Espagne. Or comme pour la douce France, il s’agit partout de déclarer et de faire penser que l’Espagne ou la France n’existent pas, n’existent plus.

Plus rien dans le vocabulaire et l’histoire officielle, une « histoire mondiale de la France » écrivent nos nouveaux historiens, ne doit en effet rappeler la France ou l’Espagne. On nous demande peut-être aujourd’hui de défendre les Espagnols mais en réalité, on ne nous demande pas de défendre l’Espagne, si ce n’est un ordre juridique abstrait et sacro-saint, celui du “Grundgesetz” de la loi fondamentale à l’allemande c’est-à-dire un vulgaire  papier  écrit qui confond Souveraineté populaire et Constitutionalité. On a un peu honte de rappeler l’évidence mais l’Espagne n’est pas la Constitution. Ce n’est pas non plus la démocratie. Osons d’ailleurs ce parallèle européo-hispanique. L’Européen n’est pas une constitution, il est une race et un esprit.

C’est pourquoi d’ailleurs l’Europe continue et continuera selon le sacrifice de Dominique Venner d’exister malgré la paperasse de Bruxelles ou les tomes de lois indigestes de ses juristes serviles comme l’Espagne existe et existera toujours par delà ses constitutions.

Qu’est-ce en effet que l’Espagne ?

Un grand, un immense empire, auprès duquel l’Union Européenne européenne voire l’ONU d’aujourd’hui ne sont qu’une sordide caricature. L’Espagne sans Constitution, c’est en effet l’Espagne de Charles Quint qui maintenait unifiée des territoires aussi divers que le Pérou, le duché de Milan, le royaume de Sicile, le comté de Flandres, la Colombie et sa propre péninsule, avec son ensemble pourtant bigarré de petits seigneurs, de privilèges, de communes libres, d’usages et de coutumes de toute sorte. Or, cet énorme territoire se gouvernait avec une armée minuscule et avec une bureaucratie qui à l’époque n’atteignait  pas même la moitié du nombre de postes actuels d’un gouvernement autonome. Un ordre du palais Alcázar prenait alors des mois à parvenir à Mexico ou à Lima mais il était exécuté à la lettre.

Nonobstant, pour les néo-historiens “mécontemporains“, ces Espagnols n’étaient que des inquisiteurs ou des prêtres décadents qui cependant, avec seulement le Trône et l’Autel, maintenaient mieux l’unité de leur royaume que l’Union ou la monarchie des autonomies n’en est aujourd’hui capable .

La droite espagnole choisira-t-elle  entre l’Espagne et la Constitution?

Nonobstant, bien qu’il est été fomenté par une réécriture de l’Histoire tendancieuse et manipulée, nous ne pouvons nier  le sentiment national qui s’est  formé en Catalogne et qui est authentique. Il y a là toujours un esprit, quelque chose de vivant qui rugit dans les entrailles d’un nouveau patriotisme et qui feront que oui, les catalans ne seront sans doute plus jamais espagnols, à moins d’un vrai miracle mais il faut aussi comprendre que si cela est arrivé, c’est que durant quatre décennies, on a fait en sorte là-bas que le nom de l’Espagne lui-même soit tabou.

lundi, 16 octobre 2017

L’impasse de l’indépendance catalane

Catalognedrapbal.jpg

L’impasse de l’indépendance catalane

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Toutes les identités d’Europe doivent être préservées et il n’y a aucune raison en soi que l’identité catalane soit écrasée par l’identité castillane. Elles ont toutes le même droit de perpétuer leur héritage/patrimoine et de le transmettre aux nouvelles générations. La France jacobine a écrasé les identités propres à son territoire en imposant le français, c’est-à-dire en réalité le francilien, la dialecte d’oïl de la région parisienne, siège du centralisme capétien puis républicain. Et de même le régime franquiste en Espagne a violemment réprimé les nationalismes catalan et basque.

Mais depuis les années 70, les provinces d’Espagne, comme la Catalogne, ont bénéficié d’une large autonomie. Ce ne sont pas les Espagnols qui mettent en danger l’identité catalane mais les prétendus indépendantistes catalans eux-mêmes, animés par une idéologie gauchiste qu’on peut retrouver chez Podemos, et qui les amènent à se faire les promoteurs d’une immigration immodérée, créant ainsi la seule menace réelle sur l’identité catalane.

En réalité, la pire chose qui pourrait arriver aux Catalans eux-mêmes serait que ces « indépendantistes » qui nient la parenté de culture entre Castillans et Catalans, et entre Européens en général, arrivent au pouvoir d’un Etat devenu indépendant, où ils distribueront la nationalité catalane à tout le monde, détruisant l’identité catalane qu’ils prétendent défendre.

Le gouvernement espagnol ne veut pas de l’indépendance catalane pour de bonnes et de mauvaises raisons. Sa façon d’affirmer son pouvoir ne paraît pas adéquate. Il aurait suffi de garantir les conditions démocratiques d’un référendum, que les indépendantistes auraient certainement perdu, pour désactiver leur action.

Les régionales ou indépendantistes de droite, notamment en Flandre, qui ont apporté leur soutien à l’indépendance catalane se trompent de combat. Les identitaires catalans font fausse route en acceptant que leurs pires adversaires en Catalogne réalisent cette indépendance à laquelle eux-aussi aspirent. Une responsable de SOM Catalans déclare ainsi qu’il n’y a « rien de commun entre l’Espagne et la Catalogne », ce qui est une absurdité d’un point de vue historique. Cette identitaire catalane revendique également la Catalogne française, mais aussi les Baléares et Valence.

Outre le combat commun pour la Reconquista, il y a le même héritage celte, romain et germanique (gothique), sans parler de l’héritage ibère plus ancien. Ce genre de déni me fait penser à celui des souverainistes français, qui considèrent que la France et les autres nations d’Europe n’ont rien en commun, alors que dans le même temps selon eux « tout le monde » peut devenir français.

Alors que le combat identitaire implique de se placer dans le cadre d’une Europe unie, nous retrouvons là les égarements nationalistes classiques. Faire de la Catalogne un État souverain de plus, quel intérêt ? Pour ne pas avoir à contribuer économiquement au reste de l’Espagne, alors même que la gouvernance catalane pratique l’assistanat généralisé ?

Il est indéniable que les États nationaux classiques sont incapables de protéger les Européens contre le mondialisme, mais si l’État espagnol en est incapable, que dire du futur État catalan ? Le cas de l’Écosse est différent puisque c’est parce qu’elle veut rester en Europe qu’elle envisage de se séparer du Royaume-Uni, mais pour y appliquer la même politique migratoire suicidaire, en pire.

Il ne faut pas un État de plus en Europe, mais un seul Etat pour l’Europe. En ce sens, Catalans et Espagnols resteront les citoyens d’un même ensemble, sans les contentieux historiques désormais ringardisés, qui s’appellera l’Europe. C’est dans l’unité politique du continent que se trouvent la réconciliation et la restauration des identités d’Europe menacées par le globalisme, qu’il soit libéral ou marxiste. Les défenseurs de l’indépendance catalane ont tort. Les partisans d’une Espagne unie aussi. Tous deux nient l’essentiel, la nécessité d’une Europe politique forte et unie qui n’a que faire de querelles de clochers sans intérêt, tant que les identités sont préservées.

C’est par l’Europe que l’identité catalane, comme l’identité castillane d’ailleurs, sera préservée. Il est donc impératif que les catalans identitaires laissent à cette extrême-gauche funeste ce fantasme d’une souveraineté de papier et œuvrent plutôt à l’émergence d’une Europe unie, respectueuse par subsidiarité des identités intra-européennes.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

dimanche, 15 octobre 2017

Lettre au Prof. Alberto Buela à propos de l'affaire catalane

Catalogne-en-camping-car.jpg

Lettre au Prof. Alberto Buela à propos de l'affaire catalane

Chers amis,
 
Voici la réponse que j'adresse ce jour à notre ami argentin, le Prof. Alberto Buela, suite aux propos tenus par Alain de Benoist sur la question catalane qui agite aujourd'hui la scène politique européenne. Bien à vous ! (RS).
 
Querido Alberto,
 
Deux choses sur la question qui soulève aujourd'hui une polémique au sein de notre camp:

1) Le droit éventuel à la sécession était accordé, à mon sens, aux peuples et/ou régions qui appartenaient à des puissances anti-impériales et anti-traditionnelles, de façon à ce qu'elles puissent intégrer ou réintégrer l'Empire; cela ne vaut pas pour le Saint-Empire ou pour l'Espagne impériale (les deux Empires dont mes ancêtres étaient ressortissants et dont je me considère ressortissant envers et contre tous les ressacs historiques); cela ne vaut pas davantage pour la Russie ou même la Serbie, héritière de l'Empire de Stepan Dusan et du Roi Lazare, définitivement assassiné par les Ottomans en 1389; lors des colloques nationaux-révolutionnaires de Bruxelles et de Cologne en 1929-1930, seule l'Irlande est évoquée et seules sont visées les puissances occidentales (France et Angleterre): c'est une réponse aux 14 points de Wilson qui ont servi à démanteler l'Empire austro-hongrois et à créer le chaos en Europe centrale. Tout lecteur et disciple de Carl Schmitt devrait logiquement le savoir.
 
2) Le problème de la Catalogne, c'est qu'elle ne connaît plus de catalanisme positif, alors qu'il y a eu des centaines d'initiatives catalanistes très positives, depuis certaines dérives anarchisantes du début du 20ème siècle et surtout depuis les concessions faites par Lluis Companys en 1936 aux pires éléments subversifs (que même les communistes trouveront inacceptables), concessions que semblent réitérer les indépendantistes actuels, prêts à hisser aux postes de décision des futures politiques culturelles catalanes les pires festivistes, subversifs et délirants que ceux du temps de Companys, mutatis mutandis; la photo d'une responsable catalane en train d'uriner dans la rue laisse présager le pire. Ensuite, il y a ce que craignent aussi certains indépendantistes: voir le nouveau pouvoir éventuel accorder la citoyenneté catalane à 825.000 immigrés dont les menées fondamentalistes sont particulièrement dangereuses (voir: Ignacio Cembrero, La Espana de Alà, Ed. "La esfera de los libros", Madrid, 2016).
 
Beaucoup de nos amis ignorent les ressorts de l'histoire espagnole et, partant, de tout le bassin occidental de la Méditerranée. Il n'y a pas de métapolitique cohérente sans une conscience historique solide. Sans cette cohérence historique, la métapolitique est du vent, pure flatus vocis.
 
Bien à toi,

RS.

mardi, 10 octobre 2017

Comprendre la question catalane

manifestation-massive-a-barcelon.jpg

Comprendre la question catalane

Ex: http://cerclearistote.com

Le 30 novembre 1934, un jeune député madrilène déclarait devant le Parlement espagnol : « […] pour beaucoup, ce problème catalan est un simple artifice et pour d’autres ce n’est qu’une affaire de cupidité ; or ces deux attitudes sont parfaitement injustes et maladroites. La Catalogne, c’est beaucoup de choses à la fois, et beaucoup plus profondes qu’un simple peuple de marchands. La Catalogne, c’est un peuple profondément sentimental ; le problème de la Catalogne ce n’est pas un problème d’importation et d’exportation ; c’est un problème — très difficile —, un problème de sentiments ». Jordi Pujol, président de la Généralité de Catalogne pendant près d’un quart de siècle, dira un jour de l’auteur de ces propos qu’il est « un de ceux qui ont le mieux compris la Catalogne, et dans des circonstances très difficiles » (Tiempo, 22 décembre 1997, nº 816). Au grand scandale des gardiens de l’historiquement correct, il se référait alors à l’avocat fondateur de la Phalange Espagnole, José Antonio Primo de Rivera.

La question catalane est, aujourd’hui comme hier, avant tout historico-affective, ensuite politique, et enfin, économique. Depuis 1980 et surtout depuis 2010, chaque année, le 11 septembre, d’énormes foules se mobilisent en Catalogne pour se manifester en faveur de l’indépendance. La Diada Nacional de Catalunya, c’est la fête nationale commémorant la chute de Barcelone devant les troupes de Philippe V, petit-fils de Louis XIV, le 11 septembre 1714. En quarante ans, depuis la Transition démocratique, le problème catalan n’a pas cessé de s’aggraver. Près de 40 % de l’électorat catalan ne se satisfait plus aujourd’hui du Statut d’autonomie, qui avait pourtant été adopté en deux temps, d’abord en 1979, puis, à nouveau, avec des compétences accrues, lors du référendum de 2006 (73,9 % de voix favorables). La majorité de la classe politique catalane actuelle (union circonstancielle d’indépendantistes de droite et d’extrême gauche) considère l’Autonomie dont elle a bénéficié jusqu’ici comme très insuffisante. Non seulement le régionalisme, mais le fédéralisme sur le modèle de la Suisse, de l’Allemagne ou des États-Unis, sont pour elle des voies mortes et enterrées. Elle ne souhaite plus désormais qu’une chose, franchir le pas de l’indépendance.

Independencia.jpg

Le référendum du 1er octobre 2017, organisé par les autorités catalanes en violation de la Constitution, loi fondamentale de la démocratie espagnole, a fait la démonstration de cette volonté sécessionniste. Une parodie de référendum, ouvertement anticonstitutionnelle, qui a été largement improvisée. Il n’y avait pas de listes électorales, des urnes étaient déposées dans la rue et les électeurs pouvaient voter plusieurs fois sans être vraiment contrôlés. Selon les autorités de la Generalitat, 90 % des votes ont été favorables à l’indépendance. La participation aurait été, selon les mêmes sources, de 42 % (2 200 000 personnes sur 5 300 000 appelées à voter). Si l’on retire les 10 % de non, c’est un peu moins de 38 à 40 % de l’électorat qui se serait ainsi prononcé en faveur de l’indépendance. Mais quoi qu’il en soit, après des décennies marquées à la fois par la pusillanimité du gouvernement central de Madrid et la pugnacité croissante des indépendantistes catalans, la sécession ne semble plus une hypothèse invraisemblable.

Comme tous les nationalismes, le nationalisme catalan puise sa force autant dans la conscience et la volonté d’être une communauté de destin que dans l’existence d’une langue, d’un territoire et d’un particularisme historico-culturel. Mais cela dit, l’histoire millénaire de la Catalogne et de sa langue est une clef de compréhension de son identité.

Hispania_3a_division_provincial.PNG

La province romaine d’Hispanie citérieure (moitié nord de la Péninsule ibérique) a été fondée en 195 av. J.-C. Elle était administrée à partir de Tarraco (la Tarragone actuelle), ville où les Wisigoths s’étaient installés en 410. À la fin du VIIIe siècle, après l’invasion musulmane, l’empire carolingien a fixé sa frontière politico-militaire dans la partie orientale des Pyrénées. C’était la fameuse Marche hispanique, organisée en comtés, avec notamment les comtés catalans de Pallars, Ribagorce, Urgell, Cerdagne, Barcelone, Gérone, Osona, Empúries et Roussillon. Au cours des siècles suivants, les comtes de Barcelone ont développé leur territoire par une série d’alliances matrimoniales, d’héritages et de conquêtes. En 1150, le comte Raimond-Berenger IV se marie avec Pétronille d’Aragon. Leur fils, Alphonse II, devient roi d’Aragon et comte de Barcelone. Une autre union dynastique a des conséquences capitales pour l’Espagne : le mariage de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle la Catholique, reine de Castille, en 1469, qui permet d’unifier le pays bien que chaque royaume conserve ses institutions et ses lois propres. Au XVIe siècle, la Catalogne a un vice-roi, l’archevêque de Tarragone, nommé par Charles Ier (Charles-Quint). Pour la première fois, le territoire est gouverné comme une région unifiée.

Catalogne-1659.gifAu cours de la guerre de Trente Ans (1618-1648), les Français s’emparent du Roussillon. Pour faire face aux besoins de la guerre, le comte-duc d’Olivares, Premier ministre de Philippe IV, décide d’augmenter les impôts et de procéder à une levée de soldats catalans. Ces mesures soulèvent immédiatement l’hostilité des paysans et d’une partie des autorités catalanes. Les évêques de Vic et de Barcelone rejoignent leur capitale à la tête de 3000 paysans révoltés. Le 16 janvier 1641, le président de la Généralité, Pau Claris, proclame la République indépendante de Catalogne sous la protection du roi de France. Mais il hésite, se ravise, et le 23 du même mois soumet complètement la Catalogne à Louis XIII. Philippe IV la récupérera, mais sans le Roussillon, dix ans plus tard, lors du traité des Pyrénées (1659).

Felipe_V_de_España.jpgÀ la mort de Charles II, dit l’ensorcelé, dernier des Habsbourg, une guerre de succession éclate entre deux prétendants : Philippe V, de la maison des Bourbons (petit fils de Louis XIV) et l’Archiduc Charles d’Autriche (futur Charles VI, souverain du Saint Empire). La Castille et la Navarre se rangent résolument dans le camp de Philippe V, mais la Couronne d’Aragon, qui possède le territoire de la Catalogne, se prononce pour « Charles III ». Après plusieurs années de conflit (1701-1715), les Bourbons finissent par l’emporter. Au lendemain de sa victoire, Philippe V signe les Décrets de Nueva Planta (1707-1716), qui suivent le modèle français de centralisation de l’État et modifient profondément les institutions traditionnelles « des Espagnes » (les fors, les coutumes et les libertés civiles des royaumes de Castille, Aragon, Valence, Majorque et du Principat de Catalogne se voient limités et restreints).

Les premières dispositions légales contre la langue catalane sont adoptées aux XVIIIe et XIXe siècles par des réformistes francophiles, francs-maçons puis libéraux de gauche. Pour eux, le castillan doit être la langue modernisatrice de l’Espagne à l’image du français en France. La liste des personnalités de cette élite « ilustrada » est sans équivoque ; on y retrouve le comte d’Aranda, le comte de Floridablanca, Manuel Godoy, Manuel José Quintana, Mendizábal, Claudio Moyano, O’Donnell, Sagasta, ou Romanones.

Catalunya 1812.jpgEn 1812, après l’invasion napoléonienne, la Catalogne est divisée en quatre départements et incorporée à l’Empire français. La population ne tarde pas à se rebeller comme dans le reste de l’Espagne et l’occupant est forcé de se retirer en 1814. L’Espagne sort exsangue de l’aventure napoléonienne. À nouveau en 1823, un contingent de l’armée française intervient (les « Cent mille fils de Saint-Louis »), mais cette fois avec l’accord de la Sainte-Alliance. Les guerres d’indépendance hispano-américaines (1810-1833) sonnent le glas de l’Empire hispanique. Construit sur le modèle libéral-jacobin français, l’État-nation qui le remplace ne parviendra jamais à se consolider durablement. Tout au long du XIXe siècle, les putschs militaro-libéraux se succèdent à bon rythme (pas moins de 33 coups d’État sur 35 sont « progressistes » de 1814 à 1884). À plusieurs reprises la guerre civile éclate. La Première Guerre carliste (1833-1840) oppose l’Espagne traditionnelle de l’infant Charles de Bourbon à l’Espagne libérale des partisans d’Isabelle II. La Catalogne se mobilise largement en faveur des carlistes. Elle fait le même choix lors de la Deuxième Guerre carliste (1846-1849) et son territoire est même le principal théâtre des opérations militaires.

À partir du second tiers du XIXe siècle, le mouvement culturel Renaixença commence à se développer. Il contribue à la survie des traditions et de la langue catalane. Il a le soutien de l’Église, par l’intermédiaire de l’évêque, écrivain, Torras y Bages et du prêtre, poète, Jacinto Verdaguer. Les normes du catalan moderne seront fixées plus tard, au début du XXe siècle, par le linguiste Pompeu Fabra.

maragall.jpgLe catalanisme politique naît pour sa part dans les années 1880. Ses premières personnalités les plus notoires sont les fédéralistes républicains Francisco Pi y Margall (président de la 1re République espagnole, en 1873) et Valenti Almirall. Trois partis sont fondés en quelques années : La Lliga de Catalunya, en 1887, l’Unió Catalanista, en 1891 et la Lliga Regionalista d’Enric Prat de la Riba et Francesc Cambo, en 1901. L’idéologie de ces partis est régionaliste, conservatrice et interclassiste. Leur principal succès est l’obtention de la Mancommunauté de Catalogne en 1914. Cette institution fonctionne jusqu’en 1925. Elle regroupe les quatre provinces catalanes (Barcelone, Tarragone, Lérida et Gérone) et permet une certaine gestion politico-administrative commune.

1922 et 1931 voient la naissance de deux autres partis indépendantistes de centre gauche : Estat Català du militaire franc-maçon, Francesc Macià et Ezquerra Republicana de Frances Macià, Lluis Companys et Josep Tarradellas. À cette époque, les immigrés, qui sont attirés par la Catalogne industrielle, proviennent des classes populaires du sud de l’Espagne et sont farouchement antinationalistes. Ils sympathisent et militent surtout dans la CNT anarchiste, mais aussi dans la Fédération catalane du parti socialiste et considèrent le nationalisme catalan comme un mouvement bourgeois. Leurs descendants, d’origine principalement andalouse, constituent aujourd’hui une bonne partie de la population catalane.

companys2517580.jpg

Lors de l’avènement de la Seconde République espagnole (14 avril 1931), le président d’Ezquerra Republicana, Francesc Macià, proclame depuis le Palais de la Généralité de Catalogne : « La République catalane comme État intégrant la Fédération ibérique ». Un an et demi plus tard, le 9 septembre 1932, les Cortès espagnoles adoptent le premier Statut d’autonomie de la Catalogne. Désormais, un gouvernement et un parlement siègent à Barcelone. Mais en octobre 1934, lors du soulèvement socialiste, le président de la Généralité, Luis Companys, apporte son soutien aux révolutionnaires contre le gouvernement de la République dirigée par le leader du parti radical Alejandro Lerroux. À son tour, Companys affirme à partir du balcon de la Généralité : « le Gouvernement que je préside assume toutes les facultés du pouvoir en Catalogne et proclame l’État catalan dans la République fédérale espagnole ». Mais après l’échec de la révolution socialiste, le Statut d’autonomie est suspendu par le gouvernement de Madrid. Il ne sera rétabli qu’au lendemain des élections de février 1936 qui verront la victoire du Front Populaire.

Après la « Guerre d’Espagne » (1936-1939), sous la dictature de Franco (1939-1975), le nationalisme et le séparatisme catalans sont sévèrement réprimés. L’opposition nationaliste et séparatiste catalane est pratiquement absente pendant toute la durée du franquisme. La seule résistance sérieuse et menaçante pour le régime provient alors des anarchistes, des communistes et des nationalistes basques. Il ne faut pas non plus oublier que pendant la guerre civile une partie du catalanisme politique (notamment les membres de la Lliga Regionalista et de la Lliga Catalana de Francesc Cambo), a combattu résolument dans les rangs du camp national. Bon nombre de Catalans ont accueilli avec enthousiasme les troupes de Franco, à Barcelone, en janvier 1939. Parmi les vainqueurs, il y a des intellectuels et des artistes catalans prestigieux comme Josep Pla, Eugenio d’Ors, Salvador Dali, José Maria Sert, Fernando Valls Tabernerou ou Martín de Riquer. Pendant les premières années du régime franquiste, la langue catalane est réprimée et combattue « comme véhicule du séparatisme ». Mais à partir de 1944-1950, une certaine libéralisation culturelle permet l’enseignement de la philologie catalane, la publication de livres et les représentations théâtrales en catalan. La Catalogne sera l’une des régions d’Espagne qui bénéficiera le plus du « miracle économique espagnol » des années 1959-1973.

En 1978, la Constitution de l’Espagne démocratique généralise le principe autonomique. 17 communautés autonomes sont créées (avec deux villes autonomes, Ceuta et Melilla). La Catalogne est définie comme « nationalité » et la langue catalane est déclarée officielle au même titre que l’espagnol. Pendant vingt-huit ans (de 1980 à 2003 et de 2010 à 2015), la Catalogne est gouvernée par les nationalistes de Convergencia y Unio, une fédération de partis dont l’idéologie est libérale et démocrate-chrétienne. Une coalition de gauche (Parti socialiste, Verts et nationalistes d’Esquerra Republicana) ne parviendra à occuper le pouvoir que pendant sept ans.

Convergència_i_Unió_(logo).jpg


Lors des dernières élections au parlement de Catalogne, en septembre 2015, les deux coalitions indépendantistes, qui encouragent le processus de sécession de l’Espagne et qui revendiquent la Catalogne française, Junts pel Si (Ensembles pour le oui), et Candidatura d’Unitat Popular, ont obtenu la majorité des sièges (respectivement 62 et 10 sur un total de 135 sièges). Le nationalisme radical est aujourd’hui incontestablement la force politique hégémonique de la Catalogne. Mais à l’avenir, il lui faudra gérer l’augmentation constante du nombre des immigrés étrangers (15 % de la population en particulier africaine) et la présence majoritaire de locuteurs d’espagnol (57 % de la population).

La Catalogne avec ou sans l’Espagne ? La réponse appartient théoriquement à l’ensemble du peuple espagnol et non pas au seul peuple catalan. La Constitution espagnole reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions, mais elle précise qu’elle « a pour fondement l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols ». En dehors de la révolution, la seule voie possible de l’autodétermination est 1. que le Parlement catalan propose aux Cortès générales de réformer la Constitution et 2. que le peuple espagnol se prononce démocratiquement en dernière instance.

Cela dit, pratiquement, et de par la volonté de la classe politique espagnole, la réponse dépend aussi largement du bon vouloir des autorités de l’UE. « Les Kosovars ont montré le chemin à suivre », répètent inlassablement les indépendantistes catalans… Ils aiment aussi se comparer aux Irlandais réprimés par les Britanniques. Mais l’ironie de l’histoire, c’est que les Catalans n’ont jamais été les victimes d’un État jacobin centraliste et répressif, comme ils le prétendent ni « volés et condamnés à payer pour le reste de l’Espagne ». Bien au contraire, la Catalogne a toujours été l’une des régions les plus privilégiées de l’Espagne. Quant à la comparaison qu’aiment à faire les indépendantistes catalans entre les néolibéraux espagnols (conservateurs libéraux du PP et sociaux-libéraux du PSOE), tous mondialistes, atlantistes, multiculturalistes et europhiles, avec les « libéraux jacobins » et les « franquistes/fascistes » d’antan, c’est une vaste fumisterie.

Arnaud Imatz

lundi, 09 octobre 2017

Discurso de José Javier Esparza en la manifestación de Madrid

 

1060220-manifestation-pour-defendre-l-unite-de-l-espagne-a-la-veille-d-un-referendum-d-autodetermination-con.jpg

Discurso de José Javier Esparza en la manifestación de Madrid

Ex: https://www.elmanifiesto.com

Es tanto y tan importante lo que ha representado la gigantesca manifestación de Barcelona, que la celebrada en Madrid el día anterior, 7 de octubre (aniversario, por cierto, de la victoria de Lepanto), puede parecer poca cosa, nada, una bagatela que reunió a... ¡150.000 personas! Uno de los grandes hitos de esta manifestación estuvo constituido por el discurso que pronunció nuestro colaborador y amigo, antiguo director de este periódico, José Javier Esparza, quien habló junto con otros oradores, como Santiago Abascal (presidente de Vox), Javier Barraycoa (de la asociación catalana Somatemps) y Francisco Caja (de la también catalana Convivencia Cívica). Éste es el video de su alocución.

José_Javier_Esparza_-_Premios_HO_2009.jpg

 

jeudi, 05 octobre 2017

Catalogne, vers la défaite des séparatistes

L’indépendance de la Catalogne et sa séparation d’avec l’Espagne pourraient être proclamés dans les jours prochains par le gouvernement et le parlement régional. Est-ce à bon droit, et surtout est-ce pratiquement possible dans la situation présente ?

La Catalogne a-t-elle le droit de faire sécession ?

Du point de vue du principe, il faut être conscient qu’il n’existe pas nécessairement et automatiquement de droit à faire sécession dans tous les cas et toutes les situations :

  • Il ne s’agit pas d’un droit fondamental de l’être humain, et aucune des définitions des droits de l’homme n’inclut un droit de séparer la région ou l’unité territoriale où l’on habite de la nation à laquelle il appartient. Le droit international reconnait certes le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », mais il s’agit là des situations dans lesquelles aucune égalité n’existe entre citoyens de différentes origines ethniques – typiquement, une situation coloniale – ou encore d’Etats non démocratiques comme l’étaient les Empires centraux défaits en 1918 au moment de la proclamation du président WilsonEn l’occurrence, tous les Espagnols disposent des droits que leur garantit un Etat démocratique, qu’ils habitent à Barcelone, à Madrid ou à Pampelune, et les habitants de la Catalogne ne sont évidemment pas dans la situation d’un peuple dépendant et colonisé
  • Il n’existe pas non plus de droit à faire sécession qui serait reconnu par un quelconque traité international. Encore une fois, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne porte que sur ceux des peuples qui n’en disposent pas déjà. En l’occurrence, les Catalans ne sont nullement dans une situation de droits réduits et d’oppression comme l’étaient par exemple les Algériens musulmans du temps de la colonisation
  • Sans doute, ce droit peut être reconnu par la constitution ou les règles appliquées par tel ou tel pays. Ainsi le Canada dans le cas du Québec, le Royaume-Uni pour l’Ecosse, ou encore la France pour la Nouvelle-Calédonie qui votera dans un an sur une possible indépendance. Dans ce cas, le droit à sécession est créé et découle des règles de ces pays. En l’occurrence, la Constitution espagnole – comme encore par exemple celle des Etats-Unis – ne reconnait pas le droit d’une province ou d’une autre unité sub-étatique à faire sécession

Dire que la Catalogne n’a pas le droit de faire sécession est donc simplement énoncer un fait, que par ailleurs on s’en réjouisse ou qu’on le déplore.

Même sans en avoir le droit, l’indépendance de la Catalogne est-elle possible en pratique ?

Du point de vue pratique, il serait évidemment pensable que quoique n’en ayant pas le droit, un gouvernement local ou un mouvement politique fasse sécession quand même. Cela s’appelle une insurrection, ou une révolution, et certes l’Histoire fournit de nombreux exemples, parfois réussis, souvent violents.

Dans le cas de la Catalogne cependant, il est très probable que cela n’arrivera pas. Les indépendantistes ont réussi un joli coup tactique avec leur exploitation intelligente des affrontements avec la police lors des débordements du vote du 1er octobre, mais dans l’ensemble ils sont dans une position très faible, pour ne pas dire sans espoir :

1) Suivant les différentes enquêtes d’opinion et suffrages passés, les indépendantistes représentent 40 à 50% de la population de Catalogne – certes nettement plus mobilisés que les autres. C’est encore le résultat du 1er octobre, du moins à en croire les indépendantistes qui annoncent 42% de participation et 90% de vote oui (1)

Cependant, ce pourcentage baisse sévèrement lorsque la question devient l’indépendance sans appartenance à l’Union Européenne. Ce simple fait montre qu’une grande partie des indépendantistes même ne sont pas profondément convaincus, pas suffisamment en tout cas pour accepter des inconvénients économiques sans doute réels mais tout de même passagers – car une Catalogne indépendante finirait bien par se faire admettre en UE, même après un certain nombre d’années. A plus forte raison, une grande partie des indépendantistes ne sont pas prêts à accepter des difficultés et épreuves plus sérieuses pour leur cause. Or, les difficultés arrivent !

2) Le vote du 1er octobre a créé une situation où le gouvernement espagnol dispose d’une méthode très simple pour gagner : il lui suffit de se retrancher derrière le respect et l’application de la loi, toute la loi. Et c’est bien ce qu’il fait.

Le discours du roi (2) – évidemment d’accord avec le gouvernement, nous parlons d’une monarchie constitutionnelle, Felipe VI n’est pas un Louis XIV – est de ce point de vue en quelque sorte le « dernier avertissement sans frais » adressé aux séparatistes. L’inculpation pour sédition du chef de la police régionale de Catalogne le 4 octobre n’est que la première d’une longue série, si du moins le président de la Generalitat – le gouvernement local – et le parlement régional déclarent l’indépendance comme ils l’ont annoncé et comme les règles qu’ils ont eux mêmes définies les y obligent.

manifestation-independance-catalogne.jpg

3) Devant l’application sans état d’âme de la loi – avec ou sans utilisation de l’article 155 de la Constitution permettant la suspension au moins partielle de l’autonomie régionale – des mouvements de protestation de grande ampleur sont prévisibles. Ces mouvements n’auront cependant guère d’autre impact que de dégrader et faire pourrir la situation en Catalogne… notamment sur le plan économique. Le gouvernement espagnol peut se permettre cela, même si évidemment ils préféreraient l’éviter. La Generalitat et les chefs indépendantistes, non, car l’accumulation des difficultés économiques ne tardera pas à éloigner d’eux les plus modérés de leurs partisans, tout en galvanisant leurs opposants et en suscitant des pressions plus ou moins discrètes ou publiques des principaux chefs d’entreprise pour les faire reculer

4) Les indépendantistes sont par ailleurs dénués de tout soutien international – à l’exception du président vénézuélien Maduro, sans doute ! – les voisins de l’Espagne n’ayant aucune envie d’y aggraver le désordre ni d’appuyer des actions séparatistes illégales. Il y a évidemment le souci d’un précédent, car s’il est démontré qu’en foulant aux pieds toutes les règles de droit on peut obtenir quelque chose et même l’indépendance, l’exemple risque de faire école. Il y a aussi tout simplement le refus d’une politique agressive contre l’Espagne, car soutenir dans un pays démocratique un mouvement qui viole la constitution serait évidemment inamical pour ne pas dire pire

En somme, les indépendantistes se sont placés dans une situation où soit ils reculent au tout dernier moment en s’abstenant de toute déclaration d’indépendance, ce qui leur serait maintenant difficile et en tout cas politiquement coûteux, soit ils donnent au gouvernement espagnol une occasion en or de démontrer par les faits à la majorité des habitants de Catalogne qu’il n’y avec les séparatistes pas d’avenir ni économique – l’impact des protestations suite aux arrestations le rendra évident – ni d’ailleurs d’avenir en Union Européenne. Si beaucoup de partisans de l’indépendance de la Catalogne semblent avoir perdu cette réalité de vue, l’isolement international des indépendantistes lors de l’épreuve de force à venir finira par le leur rappeler.

Il est probable que Carles Puigdemont et ses partisans escomptaient une autre réaction de l’Etat espagnol, une disposition à toujours continuer de négocier quoi qu’il en soit, et à leur céder ce qu’ils demandent même au mépris des règles de la Constitution du pays. Peut-être espéraient-ils encore que l’UE intervienne en médiation, créant une situation symétrique entre le gouvernement du pays appliquant le droit et celui de la région qui le viole, ce qui les aurait avantagés.

Erreur stratégique majeure, qu’ils vont payer comptant.

catmanif.jpg

La défaite des séparatistes catalans

Il y aura sans doute encore beaucoup de bruit et de fureur, et la situation pourrait empirer avant de s’améliorer. Mais la position stratégique des séparatistes est telle qu’il est très difficile de les imaginer empêcher le gouvernement espagnol de l’emporter.

De leur point de vue, la seule chance de peut-être changer la situation serait de parvenir à faire couler le sang, c’est-à-dire de pousser le gouvernement de Madrid à la faute et à faire au moins un mort parmi les manifestants. Peut-être les plus extrêmes d’entre eux l’espèrent-ils. C’est cependant et fort heureusement peu probable : Madrid a pu constater que de simples échauffourées comme lors du vote du 1er octobre se paient cher en termes d’image, et il y a fort à parier que la police aura désormais pour instruction d’être plus prudente et de préférer céder ponctuellement du terrain que de répondre à une provocation, afin d’éviter de nouvelles blessures. A plus forte raison, un décès.

Sauf à ce que les choses en arrivent là, la situation finira par se calmer lentement, à mesure de l’épuisement des protestations, permettant à l’activité économique de reprendre sans plus d’obstacle. Le moment venu, à la faveur de nouvelles élections, un nouveau gouvernement régional sera élu.

Tout cela ne changera sans doute pas le fait qu’une partie des Catalans souhaiteraient être indépendants de l’Espagne. Cependant la démonstration pratique que forcer l’indépendance au mépris du droit ne produit rien d’autre qu’une impasse avec troubles économiques, traduction en justice des principaux organisateurs et pas d’autre perspective en cas de succès que l’isolation des voisins européens devrait faire réfléchir plus d’un partisan de l’indépendance et rendre cette option moins attractive à l’avenir. Le basculement d’une partie même réduite des indépendantistes dans la violence armée paraît peu probable, et ne créerait qu’une impasse encore pire : l’Espagne a fait face pendant plusieurs décennies à un mouvement terroriste au Pays Basque, l’ETA qui a tué plus de 800 personnes, et elle a tenu jusqu’à en voir la fin (3)

Certains des partisans de l’indépendance catalane pourraient chercher à l’obtenir dans le cadre de la loi espagnole, donc en faisant d’abord campagne pour une réforme de la constitution (4), cherchant pour cela des alliés politiques dans d’autres régions et à l’échelle du pays. 

D’autres pourraient finir par se satisfaire de l’autonomie très étendue que l’Espagne reconnaît déjà à ses régions, notamment la Catalogne.

1 – Il faut être conscient que le vote du 1er octobre ne répond absolument pas aux critères d’un référendum sérieux ni honnête. Pour mémoire, rappelons quelques-unes de ses caractéristiques :

  • Pas de de Commission électorale
  • Pas de listes électorales, n’importe qui pouvait voter n’importe où
  • Pas de contrôle des électeurs, des activistes anti-indépendance ont publié des images démontrant qu’ils avaient voté plusieurs fois
  • Dans plusieurs villages, le nombre de votes a d’ailleurs été supérieur à la population
  • Une partie des votes n’étaient pas anonymes, les bulletins n’étant pas dans une enveloppe
  • Pas de sécurité des urnes dont au moins une partie étaient opaques
  • Les règles électorales ont été modifiées le matin même du vote
  • Le résultat ne peut être indépendamment confirmé, pas davantage que la participation : il faut croire sur parole les chefs indépendantistes. Ou pas
  • Dans l’organisation du vote, pas moins de 20 des 34 articles de la loi du parlement régional qui l’avait autorisé ont été violées
  • Cette loi avait d’ailleurs été cassée par la justice, étant donné qu’elle ne respectait pas la constitution, ni les attributions d’un parlement régional

Le vote catalan du 1er octobre aurait fait honte à Vladimir Poutine, s’il avait été organisé en Crimée.

2 – Le texte intégral du discours de Felipe VI le 3 octobre est accessible ici – demander la traduction automatique par votre navigateur qui est d’excellente qualité, probablement revue par un traducteur humain. Le roi d’Espagne a appuyé sans réserve les démarches du gouvernement pour faire appliquer la loi – il faut dire qu’il y est obligé, voici le texte du serment prononcé lors de son couronnement :

« Je jure de remplir fidèlement mes fonctions, de respecter et faire respecter la Constitution et les lois, et de respecter les droits des citoyens et des régions autonomes. »

Respecter et faire respecter, voilà précisément le sujet

3 – L’avantage des gens qui soutiennent un ethno-nationalisme pour raisons en grande partie économiques – préjugés envers les autres Espagnols qui seraient paresseux, inefficaces voire voleurs, égoïsme fiscal – par rapport aux idéologues violents, c’est qu’ils ont du moins le bon sens de ne pas être prêts à mourir ni à tuer pour une telle cause. On préfère le plus souvent sa peau à ses sous.

catvote.jpg

4 – Une réforme de la Constitution espagnole autorisant une région à organiser sa séparation du pays devrait d’après son article 168 d’abord être approuvée dans son principe par les deux tiers à la fois de l’Assemblée et du Sénat, puis être suivie de nouvelles élections parlementaires et de l’approbation définitive, d’une part par les parlementaires à la majorité des deux tiers, d’autre part par l’ensemble des citoyens dans un référendum.

En effet, autoriser la partition de l’Espagne nécessiterait de réformer le titre préliminaire de la Constitution, lequel en son article 2 dispose que :

« La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols.»

dimanche, 10 septembre 2017

GLOIRES ET MISÈRES DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE ESPAGNOLE

LextrDD_BUEBXcAA6xk6.jpg

GLOIRES ET MISÈRES DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE ESPAGNOLE

Ex: http://www.cerclearistote.com

À la suite du double attentat islamiste ou islamique (?) de Las Ramblas de Barcelone et de Cambrils, le 17 août 2017, les Mossos d’Esquadra (force de police de la Catalogne) ont abattu cinq terroristes. Quatre l’ont été par un même agent de la force publique, un ancien légionnaire espagnol. À cette occasion, plusieurs lecteurs m’ont interrogé sur l’origine et l’existence de la Légion étrangère espagnole corps de soldats professionnels crée il y a près d’un siècle sur le modèle de la Légion étrangère française. Voici la réponse [1].

À l’instar de son aînée française, la Légion étrangère espagnole est très tôt entrée dans la légende. Notamment, grâce au célèbre roman français de Pierre Mac Orlan, La Bandera (1931), et, plus encore, à l’adaptation de celui-ci au cinéma, quatre ans plus tard, par Julien Duvivier. Ayant rencontré un immense succès, ce film met en scène l’histoire d’un jeune homme, Pierre Gilieth (Jean Gabin), qui, accusé de meurtre, s’enfuit à Barcelone pour s’engager dans le Tercio de extranjeros (« Tercio des étrangers »). Attiré par la prime juteuse offerte à qui permettra de le capturer, l’indicateur de police Fernando Lucas (Robert Le Vigan) se lance sur les traces du présumé coupable.

la-bandera-affiche.jpg

Figure au grand cœur, Pierre Gilieth s’éprend de la belle Aischa Slaoui (Annabella) qu’il épouse avec l’espoir de refaire sa vie. Mais le terrible destin ne cesse de le rattraper. Il tombe bientôt en héros sous les balles des rebelles du Rif, rédimé par son sacrifice, non sans avoir, avant de mourir, serré la main de Lucas devenu compagnon de combat. Seul survivant de la section décimée, l’ex-chasseur de prime énumère la longue liste des « morts au champ d’honneur » ; Pierre Gilieth est décoré et promu au grade de caporal à titre posthume.

Julien Duvivier avait obtenu l’autorisation et l’aide du gouvernement de la République espagnole pour réaliser ce film. Plusieurs scènes furent tournées sur le territoire du Maroc sous protectorat espagnol, en particulier près du quartier général de la Légion. Deux détails anodins éclairent, d’une certaine manière, la nature des controverses dont le Tercio allait être ultérieurement l’objet : d’abord, l’apparition fugace d’un officier borgne et manchot, claire allusion à son fondateur, José Millán-Astray ; ensuite, la dédicace appuyée à son commandant de 1923 à 1926, le lieutenant-colonel Francisco Franco -, qui sera supprimée du générique au lendemain du « soulèvement national » de juillet 1936.

millan-astray-titulo.jpg

À l’origine de l’épopée légionnaire espagnole il y a donc José Millán-Astray y Terreros [2], un officier cabossé et couturé de partout. Né le 5 juillet 1879, il est le fils d’un avocat et écrivain. Entré, après avoir entamé des études de droit à contrecœur, à l’Académie d’infanterie de Tolède, admis, à dix-sept ans à l’École supérieure de guerre, il s’engage comme volontaire aux Philippines où son courage et sa volonté lui valent la Gran Cruz de Maria Cristina (Grand croix de Marie Christine de Habsbourg, alors reine régente).
De retour en Espagne, le jeune José réintègre l’École de guerre dont il sort, en 1909, officier diplômé d’état-major. Capitaine puis commandant, il fait carrière dans les regulares, les troupes indigènes d’Afrique réputées pour leur combativité, notamment à la tête du 2e tabor de Larache (1915), un bataillon de goumiers marocains sous encadrement espagnol. Au Maroc, il se couvre de gloire : blessé quatre fois, il perd un bras, un œil et une partie de la mâchoire. Cela lui vaut la Médaille militaire.

L’année 1919 se révèle décisive. Tirant les leçons des échecs du contingent en Afrique du Nord et des troubles sociopolitiques qu’ils ont suscités dans la Péninsule, Millán-Astray estime que la solution réside dans la création d’un corps de soldats professionnels, sur le modèle de la Légion étrangère française. Enthousiaste, opiniâtre et persuasif, il obtient un entretien avec le ministre de la Guerre, le général Tovar, qui ordonne à l’état-major d’étudier son projet. Le haut commissaire espagnol au Maroc, le général Dámaso Berenguer, lui apporte son soutien et, le 5 septembre 1919, il part pour Alger, à la tête d’une commission chargée d’étudier le fonctionnement de la Légion française. « On nous reçut avec beaucoup d’amabilité et de camaraderie, écrira Millán-Astray dans son livre La Légion (1923). Par la suite, nous apprîmes que cet accueil si cordial était dû à la reconnaissance des Français pour l’action de notre roi en faveur de leurs prisonniers pendant la guerre européenne ». De retour le 27 octobre, il transmet son étude aux autorités madrilènes. Le 7 janvier 1920, il est nommé lieutenant-colonel et, le 28 du même mois, un décret royal crée le Tercio de Extranjeros.

legiondibujo--644x724.jpg

Aux XVIe et XVIIe siècles, sous les Habsbourg, les « tercios » étaient les unités d’élite de l’armée espagnole. Composés de volontaires, souvent comparés aux légions romaines et aux phalanges macédoniennes, ils assurèrent, pendant plus d’un siècle, l’hégémonie militaire de l’Espagne. C’est donc en référence à ce passé prestigieux que fut choisi le nom du nouveau corps. Crée en 1920 par Alphonse XIII et son ministre de la guerre le vicomte d’Éza, Le Tercio de Extranjeros deviendra le Tercio de Marruecos, en 1925, puis la Legión, en 1937.

C’est cependant le 20 septembre 1920, jour de l’engagement du premier légionnaire, qui sera retenu comme date de naissance officielle de la Légion étrangère espagnole. Le lieutenant-colonel Millán-Astray en prend le commandement, choisissant comme premier adjoint le commandant Francisco Franco. Comme lui, ce dernier s’est couvert de gloire en Afrique. Grièvement blessé au ventre alors qu’il était jeune lieutenant des regulares, détenteur de deux médailles militaires et décoré de la Légion d’honneur par la France, il va gravir tous les grades et devenir, à trente-trois ans, le plus jeune général d’Europe.

Franco est l’organisateur de la Légion, mais c’est Millán-Astray qui lui imprime son caractère et sa physionomie. Notamment en rédigeant un credo du légionnaire, largement inspiré du Bushido, le code d’honneur médiéval du chevalier nippon au XIIe siècle redéfini à l’aube du XXe siècle par le général Nogi Maresuke, le vainqueur de Port Arthur lors de la Première Guerre sino-japonaise (1894). À l’esprit de camaraderie et de solidarité sans condition, au culte de la bravoure et du sacrifice, s’ajoutait un souverain mépris de la mort (et non son apologie, comme on l’affirme parfois au prix d’un contresens), exprimé, notamment, par le célèbre cri « Viva la muerte ! » (« Vive la mort ! ».)

Pendant quelques mois, les hommes du Tercio entonnent une version adaptée de La Madelon. Mais très vite ils adoptent deux chants plus en accord avec leur style de vie : Le fiancé de la mort et La chanson du légionnaire. Outre un pas de défilé plus rapide que celui des autres unités — à l’inverse de leurs homologues français —, un point essentiel distingue les légionnaires espagnols : la place accordée à la religion. « Pour être un bon chevalier légionnaire, écrivait encore récemment le commandant Fernando Jorge Perez Blanca, il faut seulement être un bon chrétien et un bon Espagnol de naissance ou d’adoption ». Ainsi la Légion est-elle omniprésente lors des processions de la Semaine sainte. À cette occasion, ses hommes rendent hommage au Cristo de la Buena Muerte (Christ de la Bonne Mort) qu’ils portent tour à tour sur l’épaule ou à bout de bras, déclenchant les acclamations de la foule. Une tradition qui s’enracine au plus profond de l’histoire et de l’âme espagnole. Au XVIe siècle, le plus grand général des Tercios, l’italien Alexandre Farnèse (1545-1592), gouverneur des Pays-Bas, ami du fils de Charles Quint don Juan d’Autriche, lui-même vainqueur de Lépante, n’avait-il pas pour habitude de faire agenouiller ses soldats avant de combattre pour prier la Vierge Marie et l’apôtre Saint-Jacques, patron de l’Espagne ?

Le premier quartier du Tercio est établi sur le mont Garcia Aldave, à Ceuta. Une position occupée par l’Espagne depuis 1860 et qui lui permet de contrôler le détroit de Gibraltar. Les légionnaires s’y maintiendront jusqu’en 2008. De sa fondation, en 1920, jusqu’à la fin du conflit, en 1927, le Tercio participe à toute la guerre du Rif contre Abdelkrim. En juillet 1923, Franco – devenu entre-temps colonel — succède comme commandant au lieutenant-colonel Rafael Valenzuela (qui avait lui-même succédé à Millán-Astray), tombé à la tête de ses hommes à Tizzi Azza. Il s’illustre, en septembre 1925, lors du débarquement dans la baie d’Alhucemas, entre Ceuta et Melilla. Engageant 13 000 Espagnols, sous les ordres du général Miguel Primo de Rivera, et un petit contingent français, cette opération est une des plus célèbres de la Légion espagnole. Il s’agit aussi du premier débarquement aéronaval de l’histoire (il sera étudié lors de la préparation du débarquement de 1944 en Normandie). La part décisive qu’il y a prise vaut à Franco d’être élevé, en février 1926, au grade de général de Brigade.

Au lendemain de la chute d’Alphonse XIII et de l’avènement de la IIe République (1931), les Cortès décident de réformer l’armée afin de se débarrasser d’officiers jugés peu fiables. La fin de la guerre du Rif permet de réduire les effectifs militaires à commencer par ceux du Tercio. Une période délicate semble s’annoncer pour celui-ci. Mais, en octobre 1934, le gouvernement de la République (une coalition de radicaux et de libéraux conservateurs), fait appel aux légionnaires et aux troupes indigènes pour affronter un soulèvement révolutionnaire socialiste rapidement circonscrit aux Asturies [3]. Les 3e, 5e et 6e banderas étouffent l’insurrection. Coordonnant les opérations depuis Madrid, le général Franco apparaît alors comme le défenseur de la légalité, le « sauveur de la République », face aux factieux d’un parti socialiste bolchevisé appuyé par les communistes et, dans une moindre mesure, par les anarchistes.

yague.jpg

Les 17 et 18 juillet 1936, lorsqu’éclate l’insurrection contre le gouvernement issu de la victoire électorale du Frente popular cinq mois plus tôt, le Tercio est sous les ordres du colonel, plus tard général, Juan Yagüe. Il le restera jusqu’à la fin de la guerre civile, en 1939. Il s’agit du seul officier supérieur ouvertement national syndicaliste, admirateur déclaré du fondateur de la Phalange, José Antonio Primo de Rivera [4]. Pour nombre de jeunes officiers africanistes, farouchement anticommunistes mais non moins partisans de réformes sociales radicales, il est une sorte d’icône vivante.

Pendant la guerre civile, les légionnaires de Yagüe sont engagés dans plus de 3000 actions. Au début des hostilités, la Légion est composée de 6 banderas. À la fin, elle atteint son effectif maximum avec 18 banderas. Après avoir assuré le succès initial du soulèvement dans la zone du protectorat, le Tercio joue un rôle clé dans son extension en Espagne proprement dite. Notamment en assurant, dans des conditions particulièrement périlleuses, le transport aérien de plus de 2000 légionnaires de Tétouan à Séville — un millier d’autres étant acheminé par mer. Onze ans après le premier débarquement aéronaval d’Alhucemas, la Légion espagnole est ainsi l’auteur du premier pont aérien de l’histoire. Et dès septembre, elle contribue puissamment à la libération de l’Alcazar de Tolède, qui était encerclé depuis deux mois par les troupes gouvernementales et les miliciens du Frente popular. On les retrouvera, ensuite, en première ligne, lors des terribles combats pour la prise de Madrid. Son nom, entre autres, est associé aux batailles de Brunete, Jarama, Aragon Teruel, de l’Ebre, etc.

Parmi les nombreux volontaires qui intègrent des unités légionnaires, il ne faut pas oublier les Viriatos portugais et la Compagnie française Jeanne d’Arc [5]. Plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, des légionnaires seront présents sur le Front de l’Est, d’abord dans la Division bleue (1941-1943) puis dans la Légion bleue (1943-1944).

Blog_del_suscriptor_141999023_10382399_1706x960.jpg

Tragédie pour l’Espagne, la guerre civile fut aussi une tragédie pour sa Légion étrangère. Deux épisodes ont alors terni sa réputation. Le premier est le massacre de quelque 500 prisonniers par les hommes de Yagüe après la prise de Badajoz, le 14 août 1936. Le second est la célèbre altercation entre Millán-Astray, — devenu général de brigade — et le philosophe catholique-libéral, Miguel de Unamuno dans l’amphithéâtre de l’université de Salamanque, le 12 octobre 1936, lors de la « fête de la race » ou « de l’hispanité ». Le professeur Maldonado ayant critiqué vertement les Basques et les Catalans, Unamuno prend courageusement leur défense, sans se laisser impressionner par le cri de « Viva la muerte ! », qui retentit dans la foule. Il prend même directement à partie Millán-Astray en fustigeant : « le mutilé, sans la grandeur de Cervantès, qui trouve un réconfort dans la multiplication des invalides en Espagne ». Laissant alors éclater sa colère, ce dernier lance : « ¡ Muera la intelectualidad traidora ! » (« Mort à l’intellectualité traîtresse ! » que l’on a souvent traduit improprement — à dessein — par « Mort à l’intelligence ! »). Nombreux sont désormais les adversaires du fondateur de la Légion, y compris dans l’armée, qui ne se privent pas de le traiter d’histrion et de provocateur. Placé quelques mois à la tête du service de presse et de propagande, puis député aux Cortès, il est finalement écarté et nommé directeur du corps des mutilés de guerre.

LextrIIII.jpg

Après la Seconde Guerre mondiale, la Légion se recentre sur sa base marocaine d’origine. Mais l’heure est à la décolonisation. Comme la France, l’Espagne accorde l’indépendance au Maroc, en 1956, gardant toutefois les territoires d’Ifni et le Sahara occidental. Mais ceux-ci entrent bientôt en rébellion. En novembre 1957, la Légion doit dégager les villes de Sidi Ifni et d’El Aiun, encerclées par les indépendantistes. Le territoire d’Ifni sera finalement cédé au Maroc, douze ans plus tard, par les accords de Fez. Reste le Sahara occidental, revendiqué tant par le royaume chérifien et la Mauritanie que par le Front Polisario, soutenu par l’Algérie. En 1973, la Légion est à nouveau mobilisée pour faire face aux premières attaques du Front Polisario. Profitant de l’isolement international de l’Espagne et de la lente agonie de son vieux Caudillo, le Maroc organise alors la fameuse « Marche verte », vers le Sahara, au cours de laquelle les légionnaires canalisent et repoussent plusieurs dizaines de milliers de marcheurs. Deux ans plus tard, l’Espagne se retire définitivement du Sahara au profit du Maroc et de la Mauritanie. Le Tercio se replie sur Melilla, Ceuta et l’île de Fuerteventura, dans l’archipel des Canaries.

La paix revenue, la Légion doit affronter de nouvelles difficultés. Aux problèmes d’adaptation et de frustration, s’ajoute, dans les années 1980, l’hostilité de plusieurs membres des gouvernements socialistes et, surtout, de certains milieux médiatiques qui, mettant en cause son passé et son recrutement (il lui est reproché notamment de recruter des « délinquants »), réclament sa dissolution. Le corps fait face à ces attaques en renonçant à certaines de ses particularités, ou en les altérant. Ainsi, la possibilité pour les hommes du rang de devenir sous-officiers, voire lieutenants ou capitaines, est-elle supprimée. Surtout, l’engagement des étrangers est-il restreint aux seuls Hispano-Américains et Guinéo-Équatoriens.

fn-0136340242500.jpg

Mais à partir des années 1990, à la faveur des nouvelles obligations internationales de l’Espagne, la Légion va devenir incontournable. L’histoire, dit-on, balbutie. Ici, elle se répète. Les mêmes causes engendrent les mêmes effets. À nouveau l’hostilité à l’appel du contingent impose le recours aux volontaires et professionnels. Avec les parachutistes d’infanterie de marine et les forces spéciales, la Légion demeure l’une des rares unités espagnoles performantes et efficaces. À l’instar des légionnaires français, ses 4000 hommes et leur savoir-faire sont indispensables aux missions de l’Organisation des Nations Unies (ONU), de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou de l’Union européenne. C’est ainsi que, depuis vingt ans, de la Bosnie-Herzégovine à l’Afghanistan, en passant par le Kosovo, l’Irak, la République démocratique du Congo et le Liban, la Légion étrangère espagnole ne cesse plus d’être sollicitée.

Arnaud Imatz

[1] Une première version abrégée de cet article a été publiée dans Le Spectacle du Monde, nº 592, septembre 2012.
[2] Sur le sujet on peut lire en particulier : José Luis Rodriguez Jiménez ¡ A mi la legión ! De Millán-Astray a las misiones de paz, Barcelone, Planeta, 2005 et Luis Togores, Millán-Astray: Legionario, Madrid, La Esfera de los libros, 2003. Il existe un livre sur les Espagnols engagés dans la Légion étrangère française : Joaquin Mañes Postigo, Españoles en la legión extranjera francesa, Barcelone, Inédita Ediciones, 2009.
[3] Sur les origines et les antécédents de la guerre d’Espagne, on peut se reporter au livre de Stanley Payne, La guerre d’Espagne. L’histoire face à la confusion mémorielle, préface d’Arnaud Imatz, Paris, Le Cerf, 2010.
[4] Voir Luis Togores, Yagüe : El general falangista de Franco, Madrid, La Esfera de los Libros, 2010.
[5] Sylvain Roussillon leur a consacré deux chapitres dans son livre, Les brigades internationales de Franco, Paris, Via Romana, 2012.

vendredi, 01 septembre 2017

Ortega y Gasset et la montée eschatologique de la stupidité

ortega_y_gasset_jose_gggggggggg.jpg

Ortega y Gasset et la montée eschatologique de la stupidité

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Relire Ortega Y Gasset, pourquoi faire ?

Pour y trouver les éléments expliquant notre présent effondrement moral, intellectuel et psychique, qui ne frappe pas encore tout le monde, comme il ne frappait pas encore tout le monde à l’époque d’Hitler, Staline et Mussolini !

Sous un masque libéral d’emprunt britannique, Ortega a surtout célébré l’homme traditionnel, l’élite traditionnelle, et a il a regretté l’avènement de l’homme-masse, le dernier homme nietzschéen, qui est toujours plus content, toujours plus massifié et toujours plus soumis.

Comme Tocqueville, le très modéré (en apparence) auteur espagnol voit arriver un homme bien nouveau et bien inquiétant :

« Symptôme d'une autre réalité, d'une réalité très grave : l'effroyable homogénéité de situation où le monde occidental tout entier sombre de plus en plus. Depuis que ce livre a paru, et par les effets de la mécanique qui y est décrite, cette identité s'est développée d'une manière angoissante. »

Au fait, laissons de côté la palingénésie sur l’homme de droite ou de gauche à laquelle ce grand penseur est ramené par les ilotes et les aborigènes de la culture. Le mot important ici, comme sous la plume de Bernanos, celui de la France contre les robots, est celui d’imbécile.

« Etre de gauche ou être de droite c'est choisir une des innombrables manières qui s'offrent à l'homme d'être un imbécile; toutes deux, en effet, sont des formes d'hémiplégie morale. »

Ortega Y Gasset reprend la comparaison coutumière avec le vieil et décati empire romain, mais avec quelle subtilité :

« A suivre la route où nous nous sommes engagés, nous aboutirons tout droit, par la diminution progressive de la « variété des situations », au Bas-Empire, qui fut lui aussi une époque de masses et d'effroyable homogénéité.

Déjà sous le règne des Antonins on perçoit clairement un phénomène étrange qui aurait mérité d'être mieux mis en évidence et analysé par les historiens : les hommes sont devenus stupides. »

C’est d’ailleurs vrai, il n’y a plus eu de grand écrivain, de grand poète romain, ni même de grand compositeur, après le début du deuxième siècle. Comme pour nous pour le début du misérable (horreur puis divertissement) vingtième siècle.

JOG-l2.jpg

Ortega souligne l’effondrement du langage (Nietzsche le fait bien sûr, quand il parle de David Strauss et de la presse – de la langue pressée –  qui bouffe le verbe allemand)…

« Mais le symptôme et, en même temps le document le plus accablant de cette forme à la fois homogène et stupide - et l'un par l'autre - que prend la vie d'un bout à l'autre de l'Empire se trouve où l'on s'y attendait le moins et où personne, que je sache, n'a encore songé à le chercher : dans le langage. Le premier est l'incroyable simplification de son organisme grammatical comparé à celui du latin classique… »

Après la langue, ce qui nourrit le crétinisme est non pas la politique, mais le politicisme. On écoute le grand homme :

« Le politicisme intégral, l'absorption de tout et de tous par la politique n'est que le phénomène même de la révolte des masses, décrit dans ce livre. La masse en révolte a perdu toute capacité de religion et de connaissance, elle ne peut plus contenir que de la politique - une politique frénétique, délirante, une politique exorbitée puisqu'elle prétend supplanter la connaissance, la religion, la « sagesse », en un mot les seules choses que leur substance rend propres à occuper le centre de l'esprit humain. »

Le politicisme a une fonction anti-spirituelle, comme le sport d’ailleurs qui accompagnait le développement des fascismes :

« La politique vide l'homme de sa solitude et de sa vie intime, voilà pourquoi la prédication du politicisme intégral est une des techniques que l'on emploie pour le socialiser. »

Ortega n’est guère optimiste. Nous sommes condamnés à nous standardiser (de l’étendard de Jeanne d’Arc à la standardisation fordienne, un beau programme de civilisation, pas vrai ?)

« L’homme de vingt ans constatera bientôt que son projet se heurte à celui du voisin, il sentira combien la vie du voisin opprime la sienne. Le découragement le portera à renoncer, avec la facilité d'adaptation propre à son âge, non seulement à tout acte, mais encore à tout désir personnel ; il cherchera la solution contraire, et imaginera alors pour lui-même une vie standard, faite des desiderata  communs à tous; et il comprendra que pour obtenir cette vie, il doit la demander ou l'exiger en collectivité avec les autres. Voilà l'action en masse.

C'est une chose horrible… »

Bien avant la prison planète, le camp de concentration électronique, Ortega Y Gasset note :

« Dans une prison où sont entassés beaucoup plus de prisonniers qu'elle n'en doit contenir, personne ne peut changer de position de sa propre initiative ; le corps des autres s'y oppose. »

Enfin une jolie notation qui fera plaisir aux partisans du général Lee (le refus de l’Etat centralisé totalitaire – dixit Murray Rothbard, philosophe juif libertarien).

« Ces mois derniers, tout en traînant ma solitude par les rues de Paris, je découvrais qu'en vérité je ne connaissais personne dans la grande ville, personne sauf les statues. »

Ortega remet d’ailleurs l’Amérique à sa place :

« Le vieux lieu commun: « l'Amérique est l'avenir », avait obscurci un instant leur perspicacité. J'eus alors le courage de m'inscrire en faux contre cette erreur et j'affirmai que l'Amérique, loin d'être l'avenir, était en réalité un passé lointain, puisqu'elle était une façon de primitivisme… »

Tout cela est dans ses géniales préfaces. Voyons le corpus de cette révolte des masses. Après un éprouvant et larmoyant trimestre de tourisme, il est bon de se replonger dans un Ortega Y Gasset :

« Ce trait, d'une analyse complexe, est bien facile à énoncer. Je le nommerai le phénomène de l'agglomération, du « plein ». Les villes sont pleines de population ; les maisons, de locataires. Les hôtels sont remplis de pensionnaires ; les trains, de voyageurs; les cafés, de consommateurs ; les promenades, de passants. Les salles d'attente des médecins célèbres sont envahies de malades, et les spectacles - à moins qu'ils ne soient trop déconcertants, trop intempestifs - regorgent de spectateurs. Les plages fourmillent de baigneurs. Ce qui, autrefois, n'était jamais un problème, en devient un presque continuel aujourd'hui : trouver de la place.

Restons-en là. »

JOG-l1.jpg

Un homme nouveau, un mutant est apparu : l’homme-masse. Ortega :

« … autrefois, aucun de ces établissements et de ces véhicules n'était habituellement plein. Aujourd'hui, ils regorgent de monde, et, au dehors, grossit une foule impatiente d'en profiter à son tour. Bien que ce fait soit logique, naturel, il est hors de doute qu'il ne se produisait pas auparavant, et qu'il se produit aujourd'hui. »

Une observation naturelle. La Guerre et le divertissement de masse made in USA (lisez mon Céline, le chapitre sur Hermann Hesse et son Loup des steppes) ont produit un homme qui aime l’amoncèlement.

« Les individus qui composent ces foules ne sont pourtant pas surgis du néant. Il y a quinze ans, il existait à peu près le même nombre d'êtres qu'aujourd'hui. »

Cette masse est fière d’elle :

« Aujourd'hui, au contraire, les masses croient qu'elles ont le droit d'imposer et de donner force de loi à leurs lieux communs de café et de réunions publiques… »

L’époque aussi craint ; elle se dit moderne et elle enterre tout le reste (d’où la disparition des statues, livres, histoire, peuples, sexes, etc. qui embarrassent notre modernité devenue abusive en ce début de vingt-et-unième siècle) :

« Il est inquiétant qu'une époque se nomme elle-même « moderne », c'est-à-dire dernière, définitive, comme si toutes les autres n'étaient que des passés morts, de modestes préparations, et des aspirations vers elle… »

Je parle tout le temps de présent perpétuel, notion présente chez Hegel, Kojève, Debord. On le rencontre dès le début du dix-neuvième siècle en lisant Balzac, Gogol, Tocqueville, Edgar Poe. Plus génialement, Ortega parle lui d’un présent définitif qui accompagne nos crétins du progrès.

« Sous le masque d'un généreux futurisme, l'amateur de progrès ne se préoccupe pas du futur; convaincu de ce qu'il n'offrira ni surprises, ni secrets, nulle péripétie, aucune innovation essentielle; assuré que le monde ira tout droit, sans dévier ni rétrograder, il détourne son inquiétude du futur et s'installe dans un présent définitif. »

C’est tellement beau qu’on le répète en espagnol, langue aujourd’hui interdite sur le tiers du territoire espagnol :

« Bajo su máscara de generoso futurismo, el progresista no se preocupa del futuro: convencido de que no tiene sorpresas ni secretos, peripecias ni innovaciones esenciales; seguro de que ya el mundo irá en vía recta, sin desvíos ni retrocesos, retrae su inquietud del porvenir y se instala en un definitivo presente.”

Ortega insiste après Bloy ou Flaubert sur l’autosatisfaction de cet homme masse moderne qui exécute partout des jugements sommaires (Guy Debord) :

« L'homme-masse se sent parfait… En revanche, l'homme médiocre de notre temps, ce nouvel Adam, ne doute jamais de sa propre plénitude… Sa confiance en lui-même est paradisiaque.

Le sot ne soupçonne pas sa sottise : il se croit très spirituel. De là cette enviable tranquillité avec laquelle il se complaît et s'épanouit dans sa propre bêtise. »

Il cite une belle phrase d’Anatole France…

« Le méchant se repose quelquefois, le sot jamais. »

Le con, pour reprendre Audiard, qui reprenait saint Thomas (1), ose en effet tout, mais surtout tout le temps.

Notre humaniste remet à leur place fascisme et bolchévisme, mais on n’insistera pas.

« C'est pourquoi bolchevisme et fascisme, les deux essais « nouveaux » de politique que tentent l'Europe et ses voisines, sont deux exemples évidents de régression essentielle. »

JOG-l3.jpg

Il observe comme Alexis Carrel ou la Boétie que l’homme est victime du luxe, et qu’il sombre dans l’imbécillité. J’ai étudié cette notion chez Pearson, et bien sûr chez Pétrone et Juvénal.

« Nous aurions tendance à nous imaginer qu'une vie engendrée dans l'abondance excessive serait meilleure, de qualité supérieure, plus « vivante » que celle qui consiste précisément à lutter contre la disette. Mais il n'en n'est pas ainsi. »

Bizarrement, Ortega n’aime ni le sport ni la plage ! La culture et l’amour étaient mal vus dans la société de bronzés qui s’annonçait…

« Par exemple, la tendance à faire des jeux et des sports l'occupation centrale de la vie; le culte du corps – régime hygiénique et souci de la beauté du costume; l'absence de tout romantisme dans les relations avec les femmes; se distraire avec l'intellectuel, mais le - mépriser au fond, et le faire fouetter par les sbires et les laquais; préférer une vie soumise à une autorité absolue plutôt qu'à un régime de libre discussion, etc.). »

Sur le sport et les plages, notre auteur se montre une rare fois optimiste :

« Tout, depuis la manie du sport physique (la manie, non le sport lui-même), jusqu'à la violence en politique, depuis l' « art nouveau » jusqu'aux bains de soleil sur les ridicules plages à la mode. Rien de tout cela n'a vraiment de racines profondes, car tout cela n'est au fond que pure invention, dans le mauvais sens du mot, dans le sens de caprice frivole. »

Le caprice frivole est prêt à en reprendre pour un troisième siècle ! Enfin il donne une bonne définition de l’homme-masse :

« Je m'attarde donc loyalement, mais avec tristesse, à montrer que cet homme pétri de tendances inciviles, que ce barbare frais émoulu est un produit automatique de la civilisation moderne. »

Barbare automatique est une belle expression, un oxymore pour nous qui allons bientôt être remplacés ou dépecés par les robots.

Mais Ortega Y Gasset évoque aussi un effondrement moral, un encanaillement :

« L'avilissement, l'encanaillement n'est pas autre chose que le mode de vie qui reste à l'individu qui s'est refusé à être celui qu'il fallait qu'il fût. Son être authentique n'en meurt pas pour cela. Mais il se convertit en une ombre accusatrice, en un fantôme qui lui rappelle constamment l'infériorité de l'existence qu’il mène, en l'opposant à celle qu'il aurait dû mener. L'avili est un suicidé qui se survit. »

Qui vit trop meurt vivant, dit Chateaubriand. L’occident ne peut pas mourir puisqu’il est déjà zombie.

Nouvelle pique contre les américains :

« Quand la masse agit par elle-même, elle ne le fait que d'une seule manière - elle n'en connaît point d'autre. Elle lynche. Ce n'est pas par un pur hasard que la loi de Lynch est américaine : l'Amérique est en quelque sorte le paradis des masses ».

Mais ne nous acharnons plus sur eux ! Que sommes-nous devenus, Français, Italiens, Allemands, pour jeter la pierre aux pauvres américains ?

Ortega Y Gasset consacre ensuite un beau chapitre à la catastrophe étatique (voyez Nietzsche et son monstre froid, Tocqueville et sa puissance tutélaire) :

« Aujourd'hui, l'Etat est devenu une machine formidable, qui fonctionne prodigieusement, avec une merveilleuse efficacité, par la quantité et la précision de ses moyens. Etablie au milieu de la société, il suffit de toucher un ressort pour que ses énormes leviers agissent et opèrent d'une façon foudroyante sur un tronçon quelconque du corps social.

L'Etat contemporain est le produit le plus visible et le plus notoire de la civilisation. »

L’étatisme suppose la fin de la vie et de sa spontanéité :

« Voilà le plus grand danger qui menace aujourd'hui la civilisation: l'étatisation de la vie, l' « interventionnisme » de l'Etat, l'absorption de toute spontanéité sociale par l'Etat; C'est-à-dire l'annulation de la spontanéité historique qui, en définitive, soutient, nourrit et entraîne les destins humains. »

L’étatisation suppose bureaucratisation et stérilisation, elle est la clé de notre suicide. Nous sommes assassinés par l’Etat (il nous ôtera la peine de vivre, pronostique Tocqueville), par le super-Etat européen, et par l’Etat mondial techno-totalitaire.

« L'Etat pèse avec une suprématie antivitale sur la société. Celle-ci commence- à devenir esclave, à ne plus pouvoir vivre qu'au service de l'Etat. Toute la vie se bureaucratise. Que se produit- il? La bureaucratisation provoque un appauvrissement fatal de la vie dans tous les domaines.

La richesse décroît et les femmes enfantent peu. Alors l'Etat, pour subvenir à ses propres besoins, renforce la bureaucratisation de l'existence humaine. »

La bureaucratisation aboutit à la guerre moderne :

« Cette bureaucratisation à la seconde puissance est la militarisation de la société. »

Je vous laisse relire ce classique qui n’a pas encore révélé tous ses secrets, comme on dit à la télé !

Note

(1) Thomas : Et propter eandem rationem etiam omnes stulti, et deliberatione non utentes, omnia tentant, et sunt bonae spei

Petite bibliographie

Nicolas Bonnal – Céline, la colère et les mots (Avatar) ; Chroniques sur la fin de l’histoire ; le livre noir de la décadence romaine (Amazon.fr)

Chateaubriand – Mémoires d’outre-tombe, la Conclusion

Ortega Y Gasset – la révolte des masses

Alexis de Tocqueville – De la démocratie en Amérique, II

Hermann Hesse – le loup des steppes

Nietzsche – Ainsi parlait Zarathoustra ; considérations inactuelles (David Strauss)

Edgar Poe – Entretiens avec une momie

20:13 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : espagne, josé ortega y gasset, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 29 août 2017

Du "populisme" d'après Laclau, Mouffe, Errejon.

bonnetsrougesmanif.jpg

Du "populisme" d'après Laclau, Mouffe, Errejon

Par

Blog : Le blog de Vincent Présumey

Avertissement d' "euro-synergies": ce texte émane d'une voix de gauche qui s'oppose à l'utilisation par les populistes de gauche de l'oeuvre de Carl Schmitt. Nous affichons cet article pour montrer les arguments de cette gauche radicale qui refuse aujourd'hui, pour de bonnes et de mauvaises raisons, les théories émises par les idéologues de Podemos ou d'autres mouvements postmarxistes.Nous supposons que nos lecteurs pourront faire la part des choses: rendre à Marx ce qui revient à Marx, à Gramsci ce qui revient à Gramsci et à Schmitt ce qui revient à Schmitt. Coïncidentia oppositorum !

* * *

Le "populisme" est à la mode. Voici quelques mois, beaucoup d'adhérents de la "France insoumise" s'insurgeaient contre l'emploi de ce terme à l'égard de leur mouvement, croyant qu'il s'agissait de les amalgamer au Front National, dans la continuité des attaques que nous tous, militants de gauche opposés aux normes de la dite "construction européenne", avons eu à connaître depuis des années. Mais ils ont fini pour la plupart d'entre eux par réaliser que leur chef se réclame du dit "populisme" depuis un certain temps déjà, en tant qu'axe stratégique pour les présidentielles puis pour son mouvement, et leur réponse a changé : elle consiste à dire que les critiques ignorent la profondeur analytique et conceptuelle de la chose, laquelle renvoie aux oeuvres de deux supposés grands penseurs, l'un, décédé, l'argentin Ernesto Laclau, l'autre étant l'universitaire belge Chantal Mouffe.

Un petit livre (rouge ! - aux éditions catholiques du Cerf) est devenu le bréviaire de pas mal d'entre eux, et il est vrai que Construire un peuple, Pour une radicalisation de la démocratie, entretiens entre la théoricienne du "populisme" C. Mouffe et son principal promoteur dans Podemos (1), Inigo Errejon, est réussi au point de vue de la vulgarisation : il donne une version abrégée des conceptions principales de ce courant. Il me servira donc ici de point de départ pour une rapide analyse de ses principaux aspects idéologiques.

Chantal Mouffe et l'essentialisme.

Chantal Mouffe présente comme le résultat de profondes recherches sociologiques et politologiques un certain nombre de truismes que le bon sens connaît fort bien depuis toujours : "les identités politiques ne sont pas données, elles ne répondent pas à une nature par essence, mais sont constamment en construction." Ces formules s'opposent, selon elle, au "marxisme" et aux "marxistes" ainsi qu'à la "social-démocratie". La grande critique du "marxisme" à cet égard a été faite par elle-même et Ernesto Laclau en 1985 dans Hégémonie et stratégie socialiste (2). Le "marxisme" avait "une conception essentialiste qui faisait de l'existence des identités politiques le préalable à leur articulation dans le discours.", à savoir : "un "essentialisme de classe", dans lequel les identités politiques dépendaient de la position de l'acteur social dans les rapports de production, rapports qui déterminent sa conscience."

Dans un premier temps on pourrait penser qu'est visé le déterminisme économique, à l'oeuvre notamment dans le "marxisme" officiel de la seconde Internationale au début du XX° siècle , repris sous une forme aggravée dans les formulations idéologiques liées au stalinisme, déterminisme qui peut s'autoriser de telle ou telle formule de Marx mais certainement pas de l'ensemble de son oeuvre. Seuls deux "marxistes" trouvent grâce aux yeux de C. Mouffe, en tant qu'"hérétiques" supposés et pas en tant que "marxistes", Gramsci et Lukacs. Qu'aussi bien chez Lénine que chez Trotsky ou Rosa Luxembourg la place de l'action politique consciente contredise explicitement tout déterminisme économique semble lui avoir échappé (cette pauvre R. Luxembourg avait bien fait quelques efforts, explique-t-elle, mais "sans y arriver vraiment" !).

Le déterminisme économique, en fait, n'est en rien la cible de Chantal Mouffe. Ce n'est pas tant la supposée "dépendance" de l'identité politique envers les rapports de production qui est appelée par elle "essentialisme", ni une formation de la conscience qui serait directement conditionnée par la place de l'individu dans ces rapports. Ces visions schématiques "marxistes" ne font que lui faciliter la tache, mais ce ne sont pas elles qu'elle vise. C'est la relation entre rapports sociaux et identités politiques, c'est l'idée que les forces politiques correspondent évidemment à des intérêts sociaux pas forcément immédiatement conscients, qui est taxée d' "essentialisme".

Il nous faut faire une petite parenthèse sur ce terme. C. Mouffe en effet, procède à une inversion – Marx aurait peut-être dit : une inversion idéologique ! - dans son emploi.

mouffelivre.jpg

Qu'est-ce que l' "essentialisme" ? Depuis Aristote on oppose l'essence d'une chose à ses accidents, mais ceci n'est une opposition que pour les interprètes superficiels - déjà chez Aristote, le nécessaire n'existe pas sans le contingent ni l'essence sans les accidents. La véritable opposition est celle du nominalisme et de l'essentialisme et elle a été exposée et explicitée notamment par les biologistes. "Le chat a des poils parce qu'il est un mammifère" est une proposition banale, essentialiste sans le savoir : le concept de mammifère ne préexiste pas ontologiquement aux individus (3). Dans une démarche scientifique, reposant sur le réalisme – le monde existe indépendamment et antérieurement à ma perception -, il faut se garder, avec une vigilance en éveil, de tout essentialisme, de toute conception centrée sur une norme idéale, de toute confusion entre science et valeur.

Une très belle critique de l'essentialisme se trouve sous la plume de Marx, dans la Sainte Famille (1844) : à la pomme et à la poire réelles que je mange, est substitué le concept de fruit, et pomme et poire deviennent des manifestations du "fruit absolu", chaque chose individuelle devenant l'incarnation d'une abstraction, d'une essence.

L'essentialisation, explicite ou implicite, de l'adversaire ou du contradicteur, est un phénomène courant qui constitue le principal obstacle aux débats argumentés : untel dit ceci parce qu'il est cela, un "marxiste", un "libéral", ou, pire, en raison de sa "nature", de classe, ethnique, de genre, etc (la pensée essentialiste est obligatoire dans le racisme). Ceci évite ou empêche de considérer ce que dit effectivement untel. La critique de l'essentialisme recoupe donc la critique de l'idéalisme et de l'institution d'abstractions figées à titre de modèles explicatifs, mais elle va au delà car elle critique aussi l'explication essentialiste des pensées, opinions et identités elles-mêmes : elle permet un matérialisme non dogmatique.

Il s'agit de rompre avec la classe ouvrière.

Ce que C. Mouffe, elle, dénonce comme "essentialisme" constitue précisément le contraire de l'essentialisme, à savoir le fait d'écarter les explications toutes faites sur les idées des uns et des autres par la référence à un quelconque mot en "isme" permettant de les classifier dans des catégories figées, pour pouvoir accomplir l'effort de prise en compte des réalités sociales et individuelles (les deux allant toujours de pair), des rapports matériels des individus entre eux et avec le monde, non pour ériger ces rapports en une nouvelle "essence", mais pour approcher au plus près la réalité concrète mouvante et contradictoire. Elle essentialise, par contre, le "marxisme", et avec lui la "social-démocratie", leur adressant ce reproche central qui pour elle résume, en fait, leur soi-disant "essentialisme" :

"Leur théorisation était différentes, mais finalement les deux courants ["marxisme" et "social-démocratie"] abordaient le socialisme en fonction des demandes de la classe ouvrière." (je souligne, VP).

La "social-démocratie", ce sont les partis socialistes, social-démocrates, travaillistes, ayant largement dérivés vers le libéralisme. Le "marxisme", c'est ici ce qui est censé s'être situé "à gauche" des précédents, soit, principalement, les partis communistes et apparentés. Pour Chantal Mouffe leur grand défaut était de procéder "en fonction des demandes de la classe ouvrière" (sic). Althussérienne orthodoxe jusque là (et peut-être bien réelle "marxiste essentialiste" ! ), elle aurait pris conscience du problème en raison de son engagement féministe londonien. Sans doute. On notera la double essentialisation a-critique à laquelle elle procède.

Premièrement, les forces politiques issues de la social-démocratie et du stalinisme (qu'il soit permis d'appeler ainsi les catégories essentialisées de C. Mouffe que sont "la social-démocratie" et "le marxisme", on se rapproche ainsi, d'un cran, du réel), représentaient bel et bien la classe ouvrière, et c'est bien là, deuxième point central, ce qu'il leur est reproché.

Exit tout questionnement sur la bureaucratie, la confiscation de la représentation, l'Etat "soviétique", etc. C. Mouffe en rompant avec ce qu'elle considérait comme son "marxisme", n'a pas à faire l'effort de critiquer le rapport politique de subordination et d'instrumentalisation, ni donc de se questionner sur les forces sociales en jeu, des appareils social-démocrates et "communistes" issus du stalinisme, avec la classe ouvrière. Non : le problème, c'est la référence à la classe ouvrière.

Pas de rupture avec les vieux partis en tant qu'appareils bureaucratiques, mais une rupture réelle avec toute référence à la classe ouvrière, et donc avec le mouvement ouvrier. La "critique de l'essentialisme" joue là le rôle classique d'une couverture idéologique : la conscience est proclamée autonome, les classes n'existent pas, donc inventons. Rompre avec "l'essentialisme" voulait dire rompre avec la classe ouvrière. Inventons ! Inventons quoi ? Le "populisme".

Voici le Populisme !

Le populisme fut ainsi défini par Ernesto Laclau dans La raison populiste :

"Un mode d'articulation opérant selon une logique équivalentielle, qui aboutit, par un enchaînement d'équivalences entre une multiplicité de demandes hétérogènes, à créer un peuple."

Sous ce verbiage impressionnant, voire intimidant, on pourrait penser qu'on a une démarche pragmatique assez simple, voire cynique, somme toute :

"L'idée des néo-populistes, c'est d'allier des luttes locales et a priori sans lien, comme par exemple celle pour le mariage homosexuel et celle contre la construction d'un aéroport et celle contre la fermeture d'une école maternelle. Chaque lutte possède un ennemi local (les cathos intégristes, les promoteurs immobiliers, la mairie de droite). Plus on agrège des luttes ensemble, moins ce qui "nous" relie a de substance, mis à part celle d'être en lutte contre une série d'ennemis tout aussi protéiformes. On a donné le nom de peuple, ou "les gens", pour décrire le nous, et celui des élites pour décrire l'ennemi. Ça permet de mobiliser toutes ces luttes dans un front large. Donc c'est pas si compliqué que ça, la formule est pas si obscure que ça en contexte, la stratégie fonctionne pour gagner des élections (voir Syriza, Podemos, Revolution Ciudadana) en évitant la fragmentation qui caractérise la gauche de la gauche depuis longtemps." (je recopie ici une intervention dans un débat sur Facebook).

Mais aucun des exemples donnés ici, et on pourrait en ajouter d'autres, ne s'est construit en réalité de cette manière. En ce qui concerne Podemos, il y a eu initiative politique d'un groupe, dans le contexte créé par les mouvements massifs d' "indignés" occupant les places publiques en 2012, mais il ne s'agit pas de l'expression politique directe de ce mouvement, ni de la fédération de luttes "sans lien entre elles". C. Mouffe et I. Errejon sont pleinement d'accord et se félicitent du fait que "l'initiative de Podemos est lancée sans aucune forme de consultation préalable entre les mouvements, ni les assemblées, ni avec les indignés." Il ne fallait surtout pas soumettre cette initiative à la discussion ! Le mode d'articulation dont parle Laclau n'est pas la fédération démocratique de mouvements divers. Au demeurant, ces mouvements étaient déjà articulés dans le 15M et les Indignés, précisément parce qu'ils n'étaient pas sans liens entre eux, mais que tous étaient des réactions sociales aux attaques capitalistes – "essentialisme" "marxiste" ! La question de leur représentation politique se posait publiquement, ouvertement, en Espagne depuis 2012. Comme l'avoue très franchement Errejon, Podemos en tant que mouvement "populiste" n'a pas été pensé et fondé pour assurer démocratiquement cette représentation. De fait, il n'aurait pas agi autrement si l'intention avait été de court-circuiter et de confisquer cette représentation le plus vite possible (4).

mouffeschmitt.jpg

Les modes idéologiques actuelles à l'extrême-gauche ne facilitent pas, il est vrai, la compréhension critique de ce dont il s'agit réellement là. Ainsi, le terme d' "intersectionnalité" peut être facilement combiné aux "modes d'articulation" à la Mouffe-Laclau. Rien n'existerait "par essence", ni classes, ni genres, ni nations, tout serait "construction sociale et langagière", croyance qui constitue justement le plus sûr moyen de faire de l'essentialisme réel, celui que critiquait Marx il y a un siècle et demi, et que critiquent les biologistes aujourd'hui : cataloguer des "ismes" et des "phobies" les uns à côté des autres ("classisme", "sexisme", "homophobie", "islamophobie", "spécisme" ... (5)) en éclatant toute compréhension unifiée de la société et des rapports de production, ce qui permet éventuellement d'y faire son marché et de choisir son "isme" et sa "phobie" (6).

Au fond, Laclau et Mouffe ne font-ils pas de l' "intersectionnalité" ? Certes, mais avec un petit quelque chose de plus assez éclairant sur les confusions possibles autour de cette notion.

Deux termes clefs sont présents dans la formulation fumeuse de Laclau citée ci-dessus. Les "demandes" sont "hétérogènes", ce qui peut vouloir dire plus encore que sans lien apparent (mais avec un lien social sous-jacent), comme présenté ci-dessus par l'intervenant sur Facebook. Elles peuvent être, même, et elles le sont chez Laclau – comme elles l'étaient dans le mouvement politique qui a toujours été le sien : le péronisme de gauche – contradictoires, opposées.

C'est-à-dire, en termes soi-disant "essentialistes", qu'elles peuvent émaner de groupes sociaux aux intérêts opposés. Le "mode d'articulation" façon Laclau associe des intérêts opposés. Et il les associe dans "un peuple", seconde notion clef.

Combinons tout cela : il s'agit d'unir des intérêts sociaux opposés dans un seul et même "peuple". Dit comme cela, c'est certes beaucoup moins original ...

"Nous" contre "Eux".

Chez Laclau, ce dont il vient d'être question est la plupart du temps présenté comme une description des pratiques socio-politiques effectives, surtout dans des sociétés destructurées par le néolibéralisme comme celles d'Amérique du Sud, plus que comme une méthode préconisée pour construire des organisations politiques de masse. De Peron à Christina Kirchner, présidente néo-péroniste de l'Argentine qui lui rendra un hommage appuyé à sa mort en 2004, en passant par Chavez, Morales, Correa ..., mais aussi des rassembleurs de "droite", voire néolibéraux comme Fujimori au Pérou, le "mode d'articulation" à la Laclau a pu être fréquemment identifié, au point de friser la banalité sans contenu.

Mouffe entend, sur ces fondements, définir une manière de "produire du politique" expression synonyme ici du "construire un peuple" de Laclau : "Il me paraît fondamental de comprendre que la politique consiste à créer un "nous" et que ça implique nécessairement de le distinguer d'un "eux". Le sujet politique collectif (le "peuple") se constitue en désignant, en affrontant, en détestant, un ennemi : c'est ce qui fait son identité, puisque lui-même est formé de groupes aux intérêts hétérogènes voire opposés. L'ennemi est perçu comme celui qui vous fait du mal, mais sa définition ne doit pas être "essentialiste", comme de bien entendu : il n'est donc pas défini, mais décrit, et ne sera donc pas forcément, un groupe exploiteur et/ou oppresseur. Juste un ennemi.

Nous touchons là à l'apport plus propre à C. Mouffe. Elle a péché cette brillante trouvaille chez un illustre "penseur du politique" : Carl Schmitt. Il est permis de dire, l'ignorance ne servant de rien à personne (Spinoza), que chez Carl Schmitt, le "nous" était le Volk germanique, le "eux" la juiverie internationale (7). Carl Schmitt était le principal théoricien du "politique" et du droit, ou du non-droit, de l'Etat national-socialiste allemand entre 1933 et 1945. Certes, on ne saurait voir là une sorte de principe de contre-autorité qui interdirait d'étudier ou de se servir de Carl Schmitt. Il faut l'étudier, mais sans être dupe. Or, dans Construire un peuple, C. Mouffe, I. Errejon et l'éditeur évitent soigneusement d'informer le lecteur de ces données élémentaires sur le supposé grand penseur dont il est ici question. N'ayons pas la naïveté de croire qu'ils ont supposé les lecteurs tous assez cultivés pour savoir de qui il retournait. La jeune lectrice ou le jeune lecteur "insoumis" pourra facilement s'imaginer que Carl Schmitt était un grand "critique du libéralisme", et l'ignorance à cet égard se manifeste même chez de possibles lecteurs d'un âge plus canonique (8).

Le leader charismatique.

L'addition d'intérêts hétérogènes construit "un peuple" en se définissant comme un "nous" contre un "eux", et en se rassemblant autour de la figure d'un chef charismatique :

"Pour créer une volonté collective à partir de demandes hétérogènes, il faut un personnage qui puisse représenter leur unité, je crois donc qu'il ne peut pas y avoir de moment populiste sans leader, c'est évident." - un leader "charismatique".

Un peuple, un ennemi, un leader !

Sa relation à la base est autoritaire dans le cas du "populisme de droite" – et de mentionner Marine Le Pen. Mais il peut y avoir "un autre type de relation, moins vertical" ... sans plus de précisions, et l"horizontalité insoumise" en la matière n'a convaincu que les convaincus ...

Pour appuyer ces propos de C. Mouffe, I. Errejon pense opportun de citer le dirigeant anarchiste espagnol Buenaventura Durruti. L'exemple, comme le seraient tous les exemples pris dans l'histoire du mouvement ouvrier à l'exception partielle de Ferdinand Lassalle, est mal choisi, car ici la lutte commune (et non les "demandes hétérogènes" !), et l'organisation, préexistent au dirigeant reconnu comme tel. Dans le schéma "populiste" le chef est au contraire un identifiant nécessaire et donc préalable, puisque les "demandes" sont "hétérogènes" : la figure du chef et la figure de l'ennemi sont l'une et l'autre indispensables.

L'agonisme "démocratique".

Parvenu à ce stade, le sympathisant du "populisme" ou du "populisme de gauche" s'estimera sans doute en droit de protester :

"Vous êtes en train de nous tailler un costard qui suggère fortement que des mouvements comme la France insoumise sont des hordes fédérées par un Chef, contre une représentation de l'Ennemi, visant à fonder un Peuple dans lequel des intérêts – des intérêts de classe - hétérogènes, coexistent. Vous êtes en train de nous faire croire que c'est comme Mussolini. Mais vous mentez, car C. Mouffe dit bien qu'elle pense "avec et contre" Schmitt, sa vision du politique se situant dans le cadre de la démocratie pluraliste. Aucun confusion avec le fascisme n'est donc permise."

Il est exact que, à ce stade, les caractéristiques énumérées se prêtent fort bien à la description du fascisme lors de son émergence. Précisons toutefois que je ne me suis pas livré ici à un exercice autre que l'analyse du discours des théoriciens du "populisme" sur lui-même. Ni Podemos, ni la FI, ni le M5S italien, n'ont été ici analysés en eux-mêmes par leur place dans les rapports sociaux et politiques réels (de manière "marxiste essentialiste" !). Nous en sommes encore à l'analyse du discours et de la théorie. Et il est vrai qu'à ce stade, c'est en effet assez "inquiétant" !

Mais rassurons-nous donc, C. Mouffe, qui "pense" avec C. Schmitt, ne préconise pas de détruire quelque ennemi que ce soit par la violence, mais seulement d'instaurer temporairement, par la voie des urnes, une "hégémonie" nouvelle. Elle prend soin de distinguer l'antagonisme de Schmitt de ce qu'elle appelle l'agonisme de la démocratie pluraliste, qu'elle entend donc préserver. Nous voila rassurés ... mais "pensons" un peu, nous aussi, "avec et contre" C. Mouffe !

mouffeagon.jpg

L'agon, c'est la compétition chez les citoyens grecs de l'Antiquité, fort conflictuelle, mais se situant dans le champ de la confrontation politique, rhétorique ... ou sportive. Il ne devait pas dégénérer en stasis, en guerre civile - mais c'est arrivé, souvent. La joute politique agonistique fait vivre la démocratie dans la cité en donnant forme aux conflits, sans jamais détruire la cité, ce qui se produit lorsque l'un des groupes en compétition – le démos, l'aristocratie, les nouveaux riches ...- entreprend de faire prévaloir radicalement ses intérêts. Pour être précis, l'agon évite d'entrer dans la voie de la réalisation du partage des terres et de l'abolition des dettes, ces deux revendications révolutionnaires du monde antique et au delà, qui s'accompagnent souvent, qui plus est, lorsque tel ou tel groupe entreprend de les satisfaire, de la libération collective d'esclaves. Historiquement l'exemple romain est intéressant : vers 130-120 av. J.C., les Gracques, voulant restaurer un corps civique étrillé par les inégalités, sont entrés dans la voie du partage des terres et de l'abolition des dettes. Leurs adversaires aristocratiques ont déclenché contre eux les guerres civiles romaines, au nom de la préservation de la république, conduisant à sa liquidation après des décennies de guerres généralisées dans toute la Méditerranée. L'ordre agonistique a été sauvé de la révolution sociale ... au prix de sa disparition. La compétition politique a disparu, remplacée par les joutes de rhéteurs et les jeux du cirque.

Le sens précis de la démocratie pluraliste maintenue par la confrontation agonistique, mais non antagonique, selon C. Mouffe, est que jamais le cadre social de celle-ci, que serait le capitalisme, ne prendra fin. I. Errejon enfonce le clou : le "libéralisme" veut mettre fin au conflit et donc à la politique, et le "marxisme" veut abolir "la contradiction capital-travail", passant à des "sociétés sans politique". Donc : si nous voulons préserver la politique, n'abolissons pas la contradiction capital-travail (on comprend mieux que le populisme soit disposé à être tout ce que l'on voudra, sauf une organisation de classe).

Qu'il y ait là une réaction contre de nombreux discours "marxistes", et aussi utopistes ou anarchistes, annonçant une société sans classe, ni Etat, ni politique, sans doute. Mais enfin, nous avons affaire à des gens qui se prévalent de leur capacité à "penser", et à "penser" "avec et contre", s'il vous plaît ! La notion d'"agonisme" opposée à "antagonisme" provient, disions-nous, des anciens Grecs, chez lesquels il n'y avait pas de "contradiction capital-travail". Preuve qu'on peut avoir de la "politique" sans celle-ci, non ? Que le réglement de cette contradiction là doive mettre fin au politique, au débat, aux confrontations d'intérêts, d'idées et d'objectifs, demanderait à être démontré, et ne l'a jamais été (y compris par ceux qui souhaitaient cette eschatologie). En somme, C. Mouffe et I. Errejon, ces "post-marxistes", conservent précieusement par devers eux une croyance, et une seule, de l'ancien mouvement ouvrier : celle selon laquelle en finir avec le capitalisme mettrait fin à la politique. Peu importe qu'ils tiennent la chose pour impossible ou pour dangereusement possible, le résultat est le même, puisque cette croyance devient chez eux un repoussoir. Au service d'une orientation politique précise : en finir avec le mouvement ouvrier, ne plus représenter d'intérêts de classe, unir des intérêts de classe opposés, et donc, préserver le capitalisme.

Or, il se trouve que le compère Carl Schmitt, sur ce point, était tout à fait d'accord. La contradiction capital-travail n'était pas son sujet et il entendait clairement maintenir le capitalisme. Sauf que chez lui, l'union du "peuple" sous un "chef" contre un "ennemi", maintenant au passage le capitalisme, détruisait sans états-d'âmes la démocratie pluraliste et même libérale. Cela s'appelait, permettons nous encore l'impolitesse de le rappeler, le national-socialisme, abrégé en nazisme, n'est-ce pas.

Aucun doute sur le fait que C. Mouffe est pour la démocratie pluraliste et donc qu'à ce titre, elle est bien "contre" son maître C. Schmitt. Mais démocratie pluraliste et capitalisme pour elle font bloc, sont associés. Donc, maintenir la démocratie pluraliste implique de maintenir le capitalisme, même si elle n'insiste pas trop, se contentant en général de sous-entendre ce point comme une évidence qui devrait aller de soi. Son "populisme", qui est, sinon "de gauche", en tout cas pas "de droite", se maintiendrait ainsi dans les limites d'une confrontation rigoureuse et animée, débordant la bienséance libérale, mais toujours civilisé. Pas de sang.

Qu'il soit permis d'avoir un doute, non pas sur la sincérité de l'attachement de C. Mouffe à la démocratie, mais sur le fait qu'on puisse rester civilisé en galvanisant des foules derrière un chef et contre un ennemi, tout en préservant le capitalisme. De ce point de vue, l'expérience de plusieurs gouvernements de gauche latino-américains est importante, particulièrement celle du Venezuela, qui, sous Chavez, était resté, voire véritablement devenu, une démocratie pluraliste. Mais sous Maduro ... non seulement le capitalisme, mais le paiement des dividendes aux actionnaires et créanciers impérialistes, sont préservés. Quand à la démocratie pluraliste ...

D'ailleurs C. Mouffe, devant les élans "antagonistes" d'I. Errejon qui compare la passion politique contre l'ennemi à celle des bandes de supporters d'un match de foot – une comparaison signifiante, nous y reviendrons -, lesquelles "'s'entre-tuent parfois", concède que "l'agonisme n'élimine pas l'antagonisme, c'est une façon de le sublimer." Des régimes qui "subliment" la passion de foules que l'on ne peut satisfaire sur le fond car le capital et son accumulation sont maintenus et poursuivis, il y en a eu ... et leur degré de violence, pas "antagonique" envers le capital, s'est avéré "antagonique" envers la civilisation et la culture humaines.

Nous ne sommes donc pas rassurés par la profession de foi démocrate-pluraliste "avec et contre" C. Schmitt de C. Mouffe.

Soyez quand même rassurés, notre ADN est antifasciste !

Errejon précise : "Pour nous, l'adversaire ce sont ceux d'en haut qui ont confisqué la démocratie, pas ceux d'en bas, sous prétexte qu'ils viendraient d'autres pays ou qu'ils auraient une autre couleur de peau. Ceux qui auraient ce genre d'idées, pas question de négocier ni de discuter avec eux ; pour nous, c'est une frontière infranchissable."

Avec les fascistes, racistes et xénophobes, il entend avoir des rapports "antagonistes" et pas "agoniques".

Dont acte. Mais il y a un talon d'Achille. C. Mouffe le fait ressortir elle-même. Elle explique d'abord que si "la confrontation peuple/caste" est bien de nature "agonistique", ceci signifiant clairement "qu'il ne s'agit pas d'essayer d'en finir avec la "caste" par une révolution ou un coup d'Etat" (et donc qu'il ne s'agit pas d'en finir avec elle d'une façon générale, car la "démocratie pluraliste" supposant la "confrontation agonistique" aucun des deux camps opposés ne doit être éliminé, tout au plus peuvent-ils se transformer en d'autres termes contradictoires opposés). Ces précisions étant apportées, elle demande à I. Errejon : "qui sont ceux de la caste" ?

"Leur indéfinition même fait leur pouvoir mobilisateur", répond ce dernier. Si nous étions rassurés, nous ne le sommes plus.

La "caste" et "l'oligarchie" sont les termes qui désignent, dans les trois mouvements "populistes" d'Europe occidentale, nonobstant leurs différences, que sont Podemos, la FI et le M5S, la figure de l'ennemi. Dans les deux premiers d'entre eux, peut-être même aussi dans le troisième, nul doute que ce sont les capitalistes qui sont perçus ainsi par beaucoup d'adhérents de base. L' "essentialisme" a la vie dure, forcément puisqu'il s'agit des rapports sociaux réels ... Mais dans le discours des chefs, il ne s'agit pas du capital, mais seulement de sa couche supérieure, le capital financier et boursier, lequel n'aurait pourtant aucune existence si le capital dit "productif" ne l'engendrait pas et ne recourrait pas à lui en permanence. La dénonciation de la "caste" est donc une formulation ambigüe qui se nourrit de l'existence du capital financier. Lui sont agrégés les politiciens et les gros acteurs médiatiques. Il s'agit là d'une représentation fétichisée, qui fantasme l'ennemi dans la figure du riche médiatique. Elle est indissociable des représentations traditionnelles contre la "finance cosmopolite", c'est-à-dire des représentations antisémites qui s'exprimaient ouvertement avant 1945, et à nouveau aujourd'hui dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale. Il est indispensable de dire et de comprendre cela pour caractériser les "populismes". En faisant ce constat, personne n'a traité I. Errejon ou J.L. Mélenchon d'antisémite. Toute tentative d'interdire que cette question soit abordée au motif que ce serait malséant, est une tentative d'interdire tout débat démocratique sérieux sur ce à quoi nous avons effectivement affaire (9).

Plus généralement la figure de l'ennemi est plastique et évolutive, ce qui semble beaucoup plaire à I. Errejon. Lui-même ne fera jamais d'un groupe ethnique ou national son ennemi, pas de doutes là-dessus. Mais la méthode de mobilisation politique qu'il théorise et promeut ne comporte en elle-même aucun garde-fou contre cela. Au contraire, en suscitant à la fois la "passion" dans la dénonciation de "la caste", sans que le but soit pour autant de transformer les conditions sociales qui fondent l'existence de la dite "caste", elle est susceptible de porter à son paroxysme passion et frustration en même temps. Dans la société capitaliste, de telles contradictions politiques ne se résolvent en général que par la désignation de boucs émissaires ne faisant pas partie du coeur de la classe dominante.

A propos du "patriotisme".

La métaphore favorite d'I. Errejon pour décrire ce que doit être la mobilisation de la foule rassemblée contre la caste est le match de foot. C'est plus qu'une métaphore : les "passions" doivent être mobilisées, explique C. Mouffe – d'autant plus qu'il s'agit d'associer des couches que leurs intérêts pourraient opposer. Dans un cadre de pensée présenté comme rationnel, le congédiement des conditions sociales concrètes en tant qu'"essentialisme" ouvre grand la porte à l'irrationnel, non pas à cet irrationnel qui est en chacun de nous, non pas aux émotions et passions d'amour et de colère qui animent évidemment tout mouvement social vivant, mais bien à l'irrationnel proprement dit, la galvanisation autour du Chef charismatique, la célébration du drapeau – I. Errejon est en quête d'un "drapeau", de l'objet -, la sensation des individus fusionnant dans le slogan, le cri, l'émulation du match. Toute une thématique de "la foule" qui remonte à Gustave Le Bon refait surface ici, qui n'est pas la même chose que la foule constituée, marchant à la lutte, faite d'individus conscients ou accédant à la conscience, de la manifestation "ouvrière", laquelle n'est pas pour autant sans chaleur et souffle.

Au final, le "peuple" qu'il s'agit de "construire" est déjà là, c'est celui des Etats-nations à défendre contre le "mondialisme" de la "caste" - cette problématique là est peut-être plus présente chez I. Errejon que chez C. Mouffe, de même que son appétence pour "la plèbe". Il me semble, dans ce cadre, significatif que les termes "patrie" et "patriotisme" soient utilisés par eux, préférentiellement à "nation". Cette évolution se retrouve chez J.L. Mélenchon, où l'idée nationale républicaine et égalitaire se mélange et fait de plus en plus place à un pathos émotionnel autour de "la patrie", terme qui renvoie à la filiation et au sol. La terre, les morts, la colline inspirée ... le sang, sont-ils si loin ?

errejon.jpg

Qu'il soit au moins permis de poser la question. Cela d'autant plus que la non mise en cause de la "démocratie pluraliste" équivaut de fait au maintien des Etats existants. En France, J.L. Mélenchon est un défenseur conséquent des intérêts impérialistes "nationaux". En Espagne, I. Errejon est gêné et contourné envers l'Etat espagnol. Mais, conséquent, il a pris la décision de l'appeler "Espagne" et de laisser de côté la question de la monarchie. Catalogne, Pays Basque et Galicie font donc partie de "l'Espagne", même si I. Errejon se réserve une marge de manoeuvre sur ces questions.

Ils ont bon dos ...

Ajoutons rapidement quelques remarques sur les références de nos penseurs. J'en ai mentionné une qui me semble de loin la plus sérieuse et la plus problématique : Carl Schmitt. Mais celui dont on aime à prononcer le nom, comme s'il était un label de pensée profonde, c'est "Gramsci". On pourrait dire que nous assistons à la mise en scène d'une essentialisation de Gramsci ...

Il est vrai que ceci n'a rien de nouveau. Dans le PC italien de Palmiro Togliatti, qu'I. Errejon invoque régulièrement comme le grand exemple passé de réussite "national-populaire", avait commencé la fétichisation de "Gramsci" au détriment de sa pensée impossible à mettre en cage, elle. C. Mouffe sait cependant très bien à quoi s'en tenir et elle a la franchise de le dire :

" ... nous reprenons son idée de "guerre de position", la lutte à l'intérieur des institutions, mais Gramsci pensait que c'était en préparation de la "guerre de mouvement", lors de la rupture révolutionnaire. Et ça, nous l'avons laissé de côté." En effet ; et de plus la "guerre de position" de Gramsci est loin de se réduire à "la lutte à l'intérieur des institutions".

Mouffe poursuit : "Un autre exemple est que le noyau central d'une hégémonie doit toujours être une classe fondamentale, et nous avons écarté cette idée."

Que reste-t-il alors du révolutionnaire prolétarien et marxiste Antonio Gramsci ? Rien, si ce n'est des expressions qui font intelligent, telles que l'assaisonnement à tout propos d'un peu de "guerre de position". C. Mouffe et I.Errejon sont ceci dit convaincus que "si Gramsci avait vécu à notre époque, il serait arrivé à une conception semblable à la notre" !

Cette affirmation nous apprend beaucoup sur la psychologie sociale (ah,"essentialisme", quand tu nous tiens ...) de Mouffe et Errejon. Le "marxisme" dont ils ont hérité dans leur jeunesse, résultat de décennies d'impasses politiques et bureaucratiques, était d'une telle fadeur que c'est sans doute un sentiment de libération intellectuelle qui les habite, et se complète d'un sentiment universitaire de supériorité, une fois qu'ils ont rompu avec leur fétiche, "l'essentialisme", et que licence leur est donner de raconter ce qu'ils veulent.

Le traitement de Gramsci est central. Nous le retrouvons avec quelques antiennes sur Hegel dont le "travail du négatif" est assimilé à la construction du peuple contre "eux" sans que jamais la négation ne s'arrête, car, c'est bien connu, il ne faut surtout pas mener la lutte à son terme. Et nous le retrouvons envers Machiavel, tantôt avec la thématique du nouveau Prince qui construit un peuple, une véritable idée machiavélienne qui conseille d'ailleurs au dit Prince de faire une révolution sociale pour cela, tantôt avec celle de la lutte agonistique des dominants et des dominés dans la cité, dont on oublie un peu vite que Machiavel la fait persister au moyen du "retour au principe" de la république, une rinovazione ou une réformation qui est à l'origine du mot "révolution", faute de laquelle la république se corrompt et meurt.

Du réformisme ?

Daniel Tanuro, dans une contribution dont je puis reprendre la plupart des termes (11), conclut ainsi sur ce supposé "populisme" :

"Il [ce "pauvre Gramsci"] doit se retourner dans sa tombe car ce que Mouffe propose est ce que la social-démocratie a prétendu faire… et qui l’a transformée en social-libéralisme. "

Je crois toutefois qu'il est nécessaire de pousser le bouchon un peu plus loin. Le réformisme était un courant du mouvement ouvrier qui préconisait une évolution progressive. Il est peu à peu devenu un non-réformisme, rallié aux contre-réformes dites libérales. Le "populisme" reprend en effet la thématique réformiste, refusant la révolution ou l'appelant "révolution citoyenne". Mais ce n'est pas une simple reprise. D'une part, il se présente comme la réponse à la corruption des vieux partis issus du mouvement ouvrier, et cette réponse consiste à "construire le peuple", au lieu de, et contre, le fait d'agir pour la représentation politique du prolétariat. D'autre part, il y met une chaleur "plébéienne", comme dirait Errejon, "patriotique", faisant appel à la notion centrale d' "ordre", qui le situe, si l'on veut faire des rapprochements historiques, non comme une résurgence du réformisme d'un Blum ou d'un Huysmans, certainement pas, mais comme un courant "néo" au sens de Marcel Déat en 1932 (12). Cela ne veut pas dire qu'on affirme qu'il finira de la même façon. Mais c'est un droit et un devoir imprescriptibles que de mettre en débat ces éléments, un droit et un devoir envers la génération de maintenant.

VP, le 24/08/2017.

Notes:

(1) Errejon est le théoricien mais pas le chef charismatique, qui est Pablo Iglesias. Il est cependant important de noter que Podemos, par rapport à la FI et au M5S, reste l'organisation qui ressemble le plus à un parti au bon sens du terme. Cela tient au fait qu'un mouvement social l'a précédé et a permis son émergence, et que des courants existent de fait en son sein, différences qui ne sont pas négligeables.

(2) Faire de l'idéologie un facteur autonome était déjà un thème central de Laclau en 1977 dans Politics and Ideology in Marxist Theory, New Lefts Books éd.

(3) Sur la critique de l'essentialisme par les biologistes de l'évolution, qui n'a rien à voir avec l'emploi de ce terme chez Mouffe, voir le Guide critique de l'évolution, sous la direction de G. Lecointre, Belin, 2009.

(4) Errejon est naturellement convaincu que si l'initiative n'avait pas été prise alors, aucune formation politique nouvelle n'aurait vu le jour. Il est vrai que les fondateurs de Podemos ont occupé le vide laissé par gauche et extrême-gauche traditionnelles. Mais il est vrai aussi que depuis 2012 la question d'une nouvelle formation politique était posée ouvertement et massivement en Espagne.

(5) Pour des raisons qu'il serait trop long de développer ici, le mot "racisme" est par contre de moins en moins présent dans ces énumérations, qui mettent à sa place notamment l'islamophobie.

(6) Le PIR (Parti des Indigènes de la République) dit rejeter l' "intersectionnalité". En fait il choisit un seul groupe ethno-religieux au nom duquel toute forme d'oppression est pour lui légitime.

(7) "Il est permis de le dire". Car, comme de longue date pour le nazi philosophe Martin Heidegger, il n'est en fait pas permis de le dire dans certains cercles et publications. Il est d'ailleurs à craindre que la mode "populiste" n'entraîne une mode des idées soi-disant profondes de Carl Schmitt, le nazi juriste.

(8) http://clubpolitiquebastille.org/spip.php?article197 Charles Jérémie écrit, pour jeter l'anathème sur mon "auvergnate" personne ("Vincent Présumey écrit beaucoup de sa bonne Auvergne, parfois des choses intéressantes."), que "Ainsi, faire découler de Chantal Mouffe, Carl Schmitt and Co un possible antisémitisme est tout à fait insensé. Imbuvable." . Que penser d'un "ashkénaze" prenant la défense de ... Carl Schmitt contre un "auvergnat"!? Il est vrai qu'on apprend dans le même article que "En France dans le mouvement ouvrier, il n’y a qu’un exemple de contamination antisémite.", celui des néos, et encore seulement à la fin des années trente ! Décidément, oui, "L'ignorance n'a jamais servi de rien à personne" (Spinoza).

(9) Tel est bien le sens de l'interdit jeté par C.Jérémie contre la soi-disant accusation d'antisémitisme envers Mélenchon, dans l'article en lien à la note précédente. "Stigmatiser me lasse", écrit-il plus haut. Il doit donc ressentir une grande lassitude.

(11)

https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/120817/le-mom...

(12)

https://blogs.mediapart.fr/robert-duguet/blog/040817/l-hi...

Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.

mardi, 13 juin 2017

José Ortega y Gasset contre la barbarie de la spécialisation

ortega_y_gasset_jose_gggggggggg.jpg

José Ortega y Gasset contre la barbarie de la spécialisation

Dans La Révolte des masses, José Ortega y Gasset décrit la contamination des sociétés modernes par « l’homme-masse ». Le triomphe de celui-ci est tel qu’il a su imposer son tempérament médiocre à tous les domaines de la vie. Alors que les sociétés traditionnelles définissaient l’individu d’élite comme un homme « total », le XXe siècle fait du barbare spécialiste la figure de la nouvelle « aristocratie » intellectuelle.

L’idéal d’intelligence dans les sociétés du passé était celui de l’homme « total », de l’homme « universel », plus tard de l’homme « encyclopédique ». « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre », disait le portail de l’Académie de Platon, fondée au IVe av. J.-C. La philosophie, alors la plus haute des sciences, n’était accessible qu’à ceux qui étaient d’abord formés à la connaissance des règles spatiales. Au Xe siècle, à Bagdad, Al-Fârâbî, le « second maître », était à la fois philosophe, penseur du droit musulman et musicien. Le Quattrocento a produit Léonard de Vinci, peintre et inventeur de génie. Au XVIIe siècle, en France, Descartes, bien que fondateur de la philosophie moderne, écrivit le Discours de la méthode puis les Méditations métaphysiques. Plus tard, en Allemagne, Leibniz, auteur de la Théodicée, fut aussi l’un des inventeurs du calcul infinitésimal, après Archimède et avant Newton.

Pour José Ortega y Gasset, la fin du XIXe siècle marque un tournant dans l’histoire des sciences et voit émerger un nouveau modèle d’homme : le spécialiste. Celui-ci vient remplacer l’homme d’élite occidental traditionnel autrefois doué d’une « culture générale ». Pour l’auteur de La Révolte des masses, la naissance de l’encyclopédie contient en germe la dérive à venir. Si l’encyclopédie se présente comme une compilation du savoir universel, elle implique également sa fragmentation, son découpage en domaines de compétence. L’homme « encyclopédique » a engendré un monstre : le barbare spécialiste. « Mais lorsque, en 1890, une troisième génération prend le commandement intellectuel de l’Europe, nous nous trouvons en présence d’un type d’homme scientifique sans précédent dans l’histoire. C’est un homme qui, de tout ce que l’on doit savoir pour être un personnage cultivé, ne connaît qu’une science déterminée, et encore n’en possède vraiment que cette minime portion qui intéresse ses investigations personnelles. Et il en arrive à considérer comme une vertu le fait de ne pas s’occuper de tout ce qui demeure en dehors de l’étroit domaine qu’il cultive plus spécialement, et traite de “dilettantisme” toute curiosité pour l’ensemble des connaissances. » Il faut bien mesurer le ridicule d’une telle accusation. Ainsi l’arrogant spécialiste se permet de voir une inclination au « dilettantisme » chez l’homme qui a pour but d’embrasser la totalité des savoirs. Platon, Descartes, Leibniz, dilettantes ! Par conséquent, seul le spécialiste serait sérieux dans son travail.

Le spécialiste : un savant-ignorant

En réalité, l’avènement du spécialiste est lié à celui de « l’homme-masse » dont Ortega y Gasset dresse le portrait dans son essai. Une des dispositions mentales caractéristiques de « l’homme-masse » est son mépris pour tout ce qui l’a précédé. « Notre temps se caractérise par l’étrange présomption de se croire supérieur à tout autre temps du passé ; mieux encore : de feindre qu’il ignore tout ce passé, de ne pas y reconnaître des époques classiques et normatives, mais de se juger soi-même comme ayant une vie supérieure à toutes les anciennes et irréductibles à elles. » Voilà pourquoi le barbare spécialiste peut se considérer sans trop de difficulté comme plus sérieux que Leibniz ou plus travailleur que Platon. Pour Ortega y Gasset, l’homme vulgaire gouverne aujourd’hui le monde. Il est donc logique qu’il se soit aussi imposé dans le domaine scientifique. « La science expérimentale a progressé en grande partie grâce au travail d’hommes fabuleusement médiocres, et même plus que médiocres. C’est-à-dire que la science moderne, racine et symbole de la civilisation actuelle, accueille en elle l’homme intellectuellement moyen et lui permet d’opérer avec succès. » Selon lui, la science, telle qu’elle a triomphé au début du XXe siècle, est partagée en « petits segments » et se réduit à un « mécanisme ». La science peut donc être pratiquée par des individus qui ne possèdent pas de connaissance globale et organique. Désormais, elle est accessible à des techniciens, à des opérateurs qui maîtrisent des « méthodes comme avec une machine » et qui n’ont pas besoin de « posséder des idées rigoureuses sur leur sens et leur fondement ». Le spécialiste a les yeux rivés sur sa discipline et est incapable de la moindre prise de recul. Ortega y Gasset affirme : « Le spécialiste “sait” très bien son petit coin d’univers, mais il ignore radicalement tout le reste. » Il est donc victime d’une déformation ou, si l’on veut, d’une illusion d’optique. Il croit que le monde qu’il étudie est le seul digne d’intérêt, que monde qu’il a face à lui est le seul qui compte. Le barbare spécialiste n’a pas de vision panoramique.

chaplin_tempsmodernes3.jpg

Aux yeux d’Ortega y Gasset, le spécialiste bouleverse l’ancienne hiérarchie entre « savant » et « ignorant ». Il est responsable d’une rupture épistémologique sans précédent. « Ce n’est pas un savant, car il ignore complètement tout ce qui n’entre pas dans sa spécialité ; mais il n’est pas non plus un ignorant, car c’est un “homme de science” qui connaît très bien sa petite portion d’univers. Nous dirons donc que c’est un savant-ignorant, chose extrêmement grave, puisque cela signifie que c’est un monsieur qui se comportera, dans toutes les questions qu’il ignore, non comme un ignorant, mais avec toute la pédanterie de quelqu’un qui, dans son domaine spécial, est un savant. » La « barbarie de la spécialisation » tient précisément dans cette confusion. Autrefois, on pouvait dire qu’une civilisation était développée en proportion du nombre d’individus d’élite qui la faisaient rayonner, qu’elle était barbare en proportion du nombre d’individus médiocres qui la composaient. La barbarie moderne – celle de l’homme-masse – a ceci de particulier qu’elle ne distingue plus clairement « savant » et « ignorant ». Aujourd’hui, les hommes d’élite sont des médiocres et les médiocres sont des hommes d’élite.

Au XXe siècle, il n’y a jamais eu autant d’ « hommes de science », c’est-à-dire de barbares spécialistes, et aussi peu d’hommes de culture. Pour Ortega y Gasset, cette désunion de la science et de la culture est une tragédie. Cette nouvelle donne épistémologique doit conduire à une impasse car les « bassets tourne-broche de la “rôtisserie de la science” » seront incapables de refonder quoi que ce soit quand l’heure sera venue, comme ce fut le cas avec Copernic, Galilée, Newton ou Einstein. « Car la science a besoin de temps en temps, pour régler son propre accroissement organique, d’un travail de re-consitution ; or, je l’ai déjà dit, ce travail requiert un effort d’unification chaque fois plus difficile, qui chaque fois embrasse des régions plus vastes du savoir total. »

jeudi, 18 mai 2017

José Javier Esparza: "Las ideas siempre tienen consecuencias"

Esparza.jpg

José Javier Esparza: "Las ideas siempre tienen consecuencias"

Entrevista con uno de los divulgadores más prolíficos y más a contracorriente del momento.

mardi, 16 mai 2017

Imperiofobia y leyenda negra

IyLN-ill9167_1.jpg

Imperiofobia y leyenda negra

Esto es HistoCast. No es Esparta pero casi. ¿Existe una aversión a los imperios? Esta es la tesis de María Elvira Roca Barea, que pone varios ejemplos y nos desgrana extensamente la hispanofobia y la leyenda negra utilizada en este caso. Es acompañada por @HugoACanete y @goyix_salduero. Os recordamos que nos podéis seguir a través de nuestra cuenta de twitter @histocast y en facebook.

Libro de Imperiobia y la leyenda negra: bit.ly/2j1nLZ9

Secciones Historia:
- Imperios y leyendas negras - 4:45
- Orígenes de la hispanofobia - 38:49
- Asunción de la hispanofobia - 2:19:44
- Bibliografía - 3:26:37

Bibliografía:
- Imperiofobia y la leyenda negra - María Elvira Roca Barea
- Memorias de un tambor 19 - La Leyenda Negra (podcast)


IyLN-4233_L38_04_x.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Soundtrack (CC BY 3.0):
_ghost - Reverie (small theme)
Ivan Chew - I have often told you stories
Onlymeith - Quiet rain
Pitx - Chords for David
Doxent - Forgotten land
Snowflake - Ethereal space
Kirkoid - Space bazooka
Gurdonark - Plains
Ivan Chew - Nanyang journey
Flatwound - The long goodbye
Pitx - Hidden blues
Javolenus - Ianiscus
_ghost - Two swords
Alxd - Epic trailer 2
Stephane Lorello - Epic fantasy
Peritune - Material epic
Marc Fussing Rosbach - Epic greenland - Hourglass
Alex Beroza - Improvisation on friday...
Ivan Chew - Dark woods II

Soundtrack (CC BY-NC 3.0) y autorizado por el autor:
Ruin roads - On the edge
Ruin roads - Diamond white

samedi, 18 mars 2017

José Javier Esparza "De la nueva Derecha a la "alt-right"

Esparza2010_0.jpg

José Javier Esparza

"De la nueva Derecha a la "alt-right"

Ponencia de José Javier Esparza en el Seminario de metapolítica 2017:
"De la nueva Derecha a la "alt-right"
www.seminariometapolitica.wordpress.com

jeudi, 23 février 2017

Jorge Verstrynge: Siempre me fascinó el Nacional-Bolchevismo

jorge-verstrynge-y-ahora-que-hacemos-entrevista.jpg

Jorge Verstrynge: Siempre me fascinó el Nacional-Bolchevismo

vendredi, 17 février 2017

Y a-t-il un populisme de gauche ? Le cas de Podemos

podemos-españa.jpg

Y a-t-il un populisme de gauche ?

Le cas de Podemos

par Javier Portella

Ex: http://www.bvoltaire.fr 

Comment ce Michéa, qui voit juste en mettant dans le même panier « Hayek et Foucault », peut-il ne pas voir que Podemos, c’est du « Foucault » tout craché ?

« Tout mon livre doit être lu comme un soutien à la révolution culturelle accomplie par Podemos et aux combats des partisans de la décroissance ! » C’est ainsi que Jean-Claude Michéa – quelqu’un pour la pensée duquel j’ai la plus grande estime – s’exprimait l’autre jour lors de l’entretien accordé à Libération et où il était question de son dernier livre Notre ennemi, le capital. C’est curieux de constater la déférence avec laquelle les médias amis du capital accueillent la pensée iconoclaste, anti-système, de Jean-Claude Michéa ; lequel, loin de leur faire la moindre courbette, en profite, comme c’était le cas lors de l’entretien à Libé, pour décocher des flèches envenimées contre l’esprit libéral-libertarien que le journal incarne.

La raison la plus probable d’un tel accueil est sans doute… la plus bête aussi : c’est quand même de la « gauche » que Michéa vient, doivent-ils se dire, les bobos des rédactions ! Quoi qu’il en soit, le fait est que toute cette déférence médiatique ne va pas sans rappeler celle que les grands médias espagnols ont accordée à Podemos ; une déférence sans laquelle jamais le parti de ces jeunes gauchistes ne serait passé, dans l’espace de quelques mois, du néant où il était aux portes (encore closes) du pouvoir.

Mais la comparaison s’arrête là car, quelles que soient les illusions que Michéa se fait à l’égard de Podemos, il n’y a aucun rapport entre l’idéologie de ce parti et la pensée de ce grand penseur qui a mis nettement en lumière le rapport intime reliant le libéralisme de « droite » (le capitalisme, dans sa dimension économique) et le libertarisme de « gauche » (le même capitalisme sous son jour sociétal).

Comment Michéa, ce grand pourfendeur du nihilisme libertarien qui déracine tout à son passage, peut-il applaudir à la « révolution culturelle » accomplie par ceux qui ne rêvent que de dissoudre les restes d’identité nationale qui peuvent encore demeurer en Espagne, tout comme ils souhaitent en finir avec l’assujettissement des femmes frappées, aujourd’hui encore, prétendent-ils, par l’oppression patriarcale ? Qu’y a-t-il à admirer chez ces partisans de la théorie du genre qui se font les apôtres des revendications des associations de lesbiennes, gays, transsexuels et transgenres, sans oublier – c’est finalement là le plus important – que s’ils parvenaient au pouvoir, ils ne se borneraient pas à faciliter la vie de l’oligarchie en sauvegardant l’invasion migratoire que nos peuples subissent : les gens de Podemos adorent tellement la dissolution « multiculturelle » qu’ils seraient parfaitement capables d’organiser des ponts aériens pour aller chercher les migrants directement sur place.
 

MUJERES-facebook.jpg

Deux femens se sont enchaînées dans la cathédrale Almudena: un happening foucaldien de mauvais goût. Même si Foucault peut être qualifié de "nietzschéen", ce faux nietzschéisme n'est en tous les cas pas "apollinien"... 

Comment ce Michéa, qui voit juste en mettant dans le même panier « Hayek et Foucault », peut-il ne pas voir que Podemos, c’est du « Foucault » tout craché ? Sans doute ne le voit-il pas parce que si, sur le plan sociétal, Podemos tombe en plein dans la fange nihiliste, il n’en va pas de même sur le plan économique. Là, c’est vrai, son libertarisme ne rejoint nullement le libéralisme, les positions anticapitalistes de Podemos étant plus qu’évidentes – du moins sur le papier, car mille autres questions restent posées.

Il y a deux grands fronts, finalement, dans la lutte du peuple contre les élites de l’oligarchie : le front sociétal ou culturel, et le front économique. Lorsqu’on oublie, chez ceux qu’on appelle parfois « les populistes de gauche », leur déchéance nihiliste concernant l’invasion migratoire, la dissolution sexuelle, la négation de l’identité nationale, lorsqu’on ne retient que leurs « bonnes intentions » sur le plan économique, cela revient à considérer que, de ces deux fronts – et là, je ne pense pas qu’au seul Michéa –, il y en a un qui l’emporte décidément sur l’autre. Cela revient à considérer, en un mot, que l’argent et la bouffe sont toujours la clé du monde : son « infrastructure », comme l’appellent depuis toujours les marxistes – clé ou infrastructure qu’aucun libéral-capitaliste ne saurait, d’ailleurs, contredire.

Javier Portella. 

mardi, 14 février 2017

Sierra de Madrid

Z1.jpg

vendredi, 13 janvier 2017

Darío Fernández-Morera, author of 'The Myth of the Andalusian Paradise'

andalusianparadise.jpg

Darío Fernández-Morera, author of 'The Myth of the Andalusian Paradise'

Focus Today

Darío Fernández-Morera, author of the new book, The Myth of the Andalusian Paradise: Muslims, Christians, and Jews under Islamic Rule in Medieval Spain, explains why President Obama is wrong to say that Islam has a proud tradition of tolerance.


Originally aired on theDove TV & Radio 3-10-16
See more at http://thedove.us and http://facebook.com/thedoveonline

 

dimanche, 18 décembre 2016

La Luz del Norte por Carlos X. Blanco

LuzNorte000000.jpg

La Luz del Norte por Carlos X. Blanco

17.50€

¿Quién fue realmente el Rey Pelayo?

¿Qué ocurrió en la batalla de Covadonga?

¿Qué acontecimientos vivía la península durante el siglo VIII?

http://editorialeas.com/shop/argos/la-luz-del-norte-por-c...

La historiografía tradicional da por establecido y concluido el relato sobre don Pelayo, noble astur que resistió a la conquista de la península Ibérica por los musulmanes, frenó la expansión del Islam en este territorio e inició la dinastía de los reyes asturianos. El asunto, sin embargo, no puede (ni debe) afrontarse desde una perspectiva única, la que sitúa a Pelayo como figura épica providencial que tras derrotar a los ejércitos africanos en Roncesvalles da inicio a la saga de nuestra Reconquista.

Carlos X. Blanco ha elegido la versión de don Pelayo, muy extendida y bastante plausible, de la Crónica Albeldense, conciliándola con la leyenda que lo traslada a Tierra Santa para huir de las intrigas de Witiza, sobre quien recaían sospechas de haber urdido la muerte de Favila, padre de nuestro protagonista. Adscrito a una sociedad iniciática fuertemente cohesionada por la fe cristiana y el convencimiento legitimista de la civilización hispano-romana, Pelayo vuelve a Hispania (el regresado del mar), e inicia su aventura, la diplomacia, la guerra y los dramáticos juegos del poder, hasta convertirse en adalid de la resistencia contra el Islam y primus inter pares entre la nobleza goda y astur.

José Vicente Pascual (escritor)

AUDIO: 

http://play.cadenaser.com/audio/1474022512_758888/

Carlos X. Blanco. Autor de La luz del norte. Pelayo, revisitado

   

Escrito por Lupercio González  

Ex: http://fuionasturias.com  

 
Es asturianista declarado, y va más allá: se considera covadonguista. 'Y no me avergüenzo. Cuando voy a Covadonga, reconozco mi identidad en aquella cascada y aquella gruta'. Como niño asturiano, se familiarizó con el mito de Pelayo y el inicio de la Reconquista. Como adulto, ha querido recrear aquellos escenarios y hechos históricos, rindiendo su particular homenaje al héroe astur.
Foto: Fusión Asturias
 

carlos-x-blanco.jpg


-¿Por qué volver a contar la historia de don Pelayo?


-Me pareció justo, casi un deber, recrear esta figura que es muy desconocida entre los propios asturianos, y muchas veces no se toma ni en serio. Los historiadores han discutido mucho, que si era un noble godo, que si era astur... pero más allá de ese enigma, es fascinante lo que siempre se consideró su gesta: defender esta patria de un invasor extranjero. Así que la novela está enfocada como una especie de tributo a un héroe muy nuestro, asturiano y español, que fue un liberador al margen de cualquier ideología.


-¿Por qué La luz del norte?


-En los primeros capítulos se cuenta como esas fuerzas extranjeras dominaban, saqueaban, esclavizaban... Hispania entera estaba en una gran oscuridad, y en un país remoto, muy mal comunicado, se abre una luz de esperanza, un proyecto de futuro. Eso fue la batalla de Covadonga. En realidad no debió de ser más que una pequeña escaramuza, pero ahí el reino asturiano puso el freno a una pretensión de imperio mundial, algo que el islam tenía y tiene.

"Los que hemos estudiado la cultura y la lengua asturiana también somos culpables del mal momento actual. No hemos sabido transmitir un mensaje de autoestima y conocimiento"

-¿Cuánto de invención y cuánto de narración histórica hay en esta novela?


-Bueno, tenemos unas crónicas de la época muy parcas en información, así que yo parto de los datos históricos, pero también he incluido aventuras de mi propia cosecha: hay batallas, persecuciones, incluso algún elemento fantástico. En realidad tenemos muy pocos testimonios arqueológicos, e incluso hay quien desprecia la batalla de Covadonga como una leyenda. ¡Pero es que la leyenda es realidad para nosotros! A todo niño asturiano se le ha hablado de Covadonga, siempre se le ha hecho revivir lo que ahí pasó.


-No sólo con esta novela, usted siempre se ha movido en terrenos asturianistas, ¿Cómo percibe que se trata lo astur hoy en día?


-Pésimamente. Estamos en un momento crítico en el que o dejamos de tener conciencia colectiva como asturianos, o nos rearmamos para que permanezca al menos un rescoldo. Y, desde luego, los que hemos estudiado la cultura y la lengua asturiana también somos culpables. Lo hemos hecho fatal, no hemos sabido transmitir un mensaje de autoestima y conocimiento no de nuestros tópicos, sino de nuestra verdadera historia y nuestras raíces.
Esto no tiene que ver con ninguna ideología: ser asturianista no es ser de izquierdas ni de derechas, ser independentista o dejar de serlo. Es amar a tu patria, y eso implica investigar, conocer, transmitir ese amor a tus hijos.


-Sin embargo, se publica mucho sobre temas relacionados con lo asturiano. ¿Es un baremo fiable?


-No, porque en un mundo editorial muy falso, que depende de la subvención, se forman círculos cerrados de personas subvencionables. Hay un exceso de pedantería y una especie de cultismo de escribir sólo para unos críticos que te van a ser favorables ya a priori. El error es escribir para un grupo reducido, sin abrirse a ese pueblo asturiano que tiene pocos libros, revistas, documentales, actividades que le permitan reencontrarse con su identidad.


-¿Haría falta un nuevo Pelayo?


-Más que una figura individual, debería crearse un sujeto colectivo. Ni si quiera sería imprescindible que fuera político, pero sí que hubiera un grupo ilustrado, como en la época de Jovellanos, que supiera transmitir a sus hijos y a su entorno ese amor por lo propio, esa autoestima que estamos perdiendo.
En ese sentido, sería importante no dejarse llevar por un nacionalismo falso, porque a partir de la creación del estado de las autonomías en España se ha tendido a crear una especie de disfraz de identidad regional, que no es real. Es como cuando uno va disfrazado con el traje regional, que muchas veces no se corresponde con la verdadera indumentaria que habría que investigar y recuperar.

09:49 Publié dans Histoire, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : don pelayo, wisigoths, asturies, espagne, reconquista, histoire, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 31 octobre 2016

Miguel de Unamuno: Siegen ist nicht überzeugen

CMU-94-Foto677.jpg

Siegen ist nicht überzeugen

von Carlos Wefers Verástegui

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Am 12. Oktober 1936, fast drei Monate nach Beginn des Spanischen Bürgerkriegs, kam es in der Universität Salamanca zu einem Eklat.

Der berühmte Philosoph und Rektor der Universität, Miguel de Unamuno y Jugo, erklärte sich offen gegen die aufständischen Rechten und Militärs des Generals Franco. Salamanca war zum damaligen Zeitpunkt Hauptstadt der „Nationalen“ in ihrem Kampf gegen Volksfrontregierung und Zweite Spanische Republik. Der 12. Oktober, der Tag der Entdeckung Amerikas, war der spanische Nationalfeiertag. Die Begehung dieses Feiertags seitens der Rechten, die im Namen der nationalen Einheit Spaniens, des Katholizismus und überhaupt der „spanischen Sendung in der Welt“ zu den Waffen gegriffen hatten, musste, mitten im Bürgerkrieg, besonders symbolträchtig aufgezogen werden. Und tatsächlich wurde er zum Fanal in mehr als nur einem Sinne.

Kreuzzug gegen den Bolschewismus

Einer der Gründe, weshalb Salamanca als Hauptstadt in Frage kam, war die politische Stärke der dortigen Rechten: eine ruhige, ländlich geprägte Provinzhauptstadt, fast ohne Industriearbeiterschaft, und in der die lokale Oligarchie und die Kirche noch fest im Sattel saßen. Der Bischof von Salamanca, Monseñor Enrique Plá y Deniel, war es gewesen, der den Aufstand der Rechten zum „Kreuzzug“ gegen den Bolschewismus und für die christliche Zivilisation erklärt hatte. Auch er war es, der den augustinischen Symbolismus der „zwei Reiche“ der Situation anpasste: Die Republik bedeutete den weltlichen Staat, gegenüber dem die Aufständischen den Staat Gottes zu behaupten hatten. Diese Auslegung der „Zwei-​Reiche-​Lehre“ rechtfertigte theologisch als eine dringend benötigte höhere Weihe den Aufstand.

Die Universität Salamanca war als Ganzes beileibe nicht „rechts“, doch hatte sich in ihren internen Streitigkeiten der ultraklerikale Sektor immer wieder erfolgreich gegenüber den Verfechtern des „Fortschritts“ durchgesetzt. Von „linken“ und fortschrittlichen Elementen „gesäubert“ und einmal offen zu den Aufständischen übergegangen, war es ihre Aufgabe, am Nationalfeiertage ihren Beitrag zur Legitimation des frisch aus dem Bürgerkrieg hervorgegangenen Regimes zu leisten.

Miguel_Unamuno.jpg

Unamuno stellt sich auf Seiten der Putschisten

Ein Risikofaktor war der betagte Rektor der Universität, Miguel de Unamuno y Jugo (18641936). Wie viele andere in der spanischen Öffentlichkeit hochgestellte Persönlichkeiten hatte auch Unamuno die Republik einst begeistert begrüßt, um sich später geekelt von ihr abzuwenden. Genauso wie José Ortega y Gasset war nämlich auch Unamuno schnell von ihrem rasenden Antiklerikalismus, ihrer Pöbelhaftigkeit und ihrem freimaurerischen Fortschrittsglauben abgestoßen.

Der bei der spanischen Intellektualität vom Anfang des zwanzigsten Jahrhunderts beliebte Ruf nach einer gewalttätigen Lösung der Probleme Spaniens klang bei Unamuno nach, als dieser sich bei Ausbruch des Bürgerkriegs spontan auf die Seite der Putschisten stellte. Kurzerhand wurde er von der Volksfrontregierung vom Amt des Rektors der Universität Salamanca abgesetzt, doch währte diese Absetzung nicht lange: die Aufständischen belohnten seine Parteinahme zu ihren Gunsten flugs mit der Wiedereinsetzung.

Die Opfer des Terrors

Als der Nationalfeiertag sich näherte, hatte Unamuno sich aber bereits von den „Nationalen“ – den aufständischen Militärs sowie ihrer faschistischen Anhängerschaft von der Falange-​Partei – distanziert. Die Militarisierung Salamancas war nicht ohne Blutvergießen vonstatten gegangen: Kurz nach dem Militärputsch hatten Soldaten auf dem „Plaza Mayor“, dem weltberühmten Rathaus-​Hauptplatz, eine Gruppe Demonstranten zusammengeschossen. Fünf von ihnen kamen dabei ums Leben. Auch die politischen Säuberungsaktionen wurden vom ersten Tag an mit wahrem Übereifer betrieben: Alles, was einen „republikanischen“ Hintergrund hatte oder nicht offen zu den Aufständischen übergegangen war, hatte gute Chancen, mit oder ohne Prozess erschossen zu werden. Der politische Terror wurde für viele Menschen zum Alltag. Zu den Opfern gehörten von vornherein auch viele Freunde von Unamuno, wie der protestantische Geistliche Atilano Coco: Als junger Mann war Unamuno republikanischer Liberaler gewesen, später wechselte er zum „Sozialismus“ der Spanischen Sozialistischen Arbeiterpartei (PSOE). Diese Bekanntschaften standen jetzt alle auf der Abschussliste oder waren bereits erschossen worden.

Die neue „nationale“ Universität begeht das „Fest der Rasse“

Der Festakt der Universität Salamanca zum „Tag der Rasse“ – d.h. des Tags der welterobernden und zivilisierenden „Rasse“ der Spanier – sollte, mitten im Bürgerkrieg, eine Kampfansage und ein Bekenntnis zugleich sein. Als höchste akademische Autorität war die Teilnahme Unamunos eine Formalität, wenn auch eine bedeutungsschwere. Dass Unamuno eine Rede halten würde, war nicht eingeplant. Mit den ersten drei Rednern, die allesamt bekannte Gelehrte waren, hielten die Freund-​Feind-​Kategorien des Bürgerkriegs Einzug in den Festssaal. Dieser wurde zum Szenario der eigenen nationalen Verklärung sowie der Dämonisierung des Gegners. Besonders die zur Republik haltenden und, folglich, „von Spanien abtrünnigen“ Katalanen und Basken wurden zum Sinnbild eines krebsartigen „Antispanien“ gemacht.

Letzteres wurde Unamuno zum Stichwort. Er ergriff das Wort, um den selbsternannten Verteidigern von Christentum, Zivilisation und Spaniertum den Spiegel vorzuhalten. In Anwesenheit der sich auch ideologisch im Kriege befindenden katholischen Hierarchie fragte Unamuno nach den christlichen Werten der Gnade, der Verzeihung und der Barmherzigkeit. Danach führte er aus, dass die These, dass Katalanen und Basken das „Antispanien“ seien, dieselben Katalanen und Basken getrost so umdrehen könnten, um aus den „Nationalen“ das Antispanien zu machen. Die Aufständischen seien nämlich weder des Christentums, das der im Festsaal zugegene katalanische Bischof Plá y Deniel ihnen gelehrt hatte, noch der spanischen Sprache, die er, der Baske Unamuno ihnen gelehrt hatte, mächtig.

Unamuno rechnet mit den Aufständischen ab

Während seiner Rede kam Unamuno auf die Formel: „Siegen ist überzeugen, und was man vor allem tun muss, ist überzeugen. Nicht überzeugend ist der Hass, der dem Mitleid keinen Raum lässt, nicht überzeugend ist Hass gegen diejenige Intelligenz, die kritisch und differenziert ist, die inquisitiv-​fragend ist, aber nicht fragend im Sinne von Inquisition.“ Die versammelten Gäste, in der Mehrzahl Falangisten und Militärs, waren schon längst gegen Unamuno aufgebracht, vor allem der alte Haudegen General Millán Astray war hochgradig erregt. Dieser fuchtelte die ganze Zeit über nervös an seinem Pistolenhalfter herum, letztendlich quellte aus ihm in faschistischer Manier „Tod den Intellektuellen! Es lebe der Tod!“

Das gab Unamuno Gelegenheit, Millán Astray auf seine eigene, intellektuelle Art, und nicht ohne Gebrauch zahlreicher Sophismen, vorzuführen: Millán Astray sei nur ein armer Kriegsinvalid, ähnlich Cervantes, nur dass Cervantes bei allem persönlichen Unglück sich seinen geistigen Großmut bewahrt habe. Er, Unamuno, habe sein Leben lang Paradoxien fabriziert, doch die soeben vom General Millán Astray vorgebrachte sei ihm ekelhaft und lächerlich. „Das klingt genauso, als ob man sagen würde: Tod dem Leben!“

Darauf folgten Unamunos bewusst prophetisch gewählte Worte, die so auch in die Geschichte eingehen sollten: „Ihr werdet siegen, doch überzeugen werdet ihr nicht. Ihr werdet besiegen, weil ihr mehr als genug rohe Kraft dazu habt, aber überzeugen werdet ihr nicht, weil überzeugen überreden bedeutet. Und um zu überreden benötigt ihr etwas, was euch in diesem Kampf fehlt, und zwar Vernunft und Recht …“

voluntarios requetes navarros.jpg

Das Eingreifen von Francos Ehefrau rettet Unamuno

Die ganze Szene hatte sich in einer von der nationalistischen Erregung extrem aufgeladenen Atmosphäre abgespielt. Das Publikum, ohnehin Unamuno feindlich gesinnt, folge Millán Astray im Chor in der rituellen Größenbekundung Spaniens: „Spanien!“ „Eines!“ „Spanien!“ „Großes!“ „Spanien!“ „Freies!“. Eine Gruppe Falangisten grüsste ein Portrait General Francos, das den Saal präsidierte, mit dem faschistischen Gruß.

Einige aufgeregte Offiziere machten es gleich Millán Astray: sie drohten Unamuno mit der auf dem Pistolenhalfter aufgelegten Hand. Namentlich der Ehefrau General Francos, Carmen Polo, ist es zu verdanken, dass Unamuno nach diesem Auftritt unversehrt blieb und sicher nach Hause gebracht werden konnte, indem sie ihn offensiv am Arm packte und aus dem Saal führte. Bis zu seinem Tode, am 31. Dezember 1936, blieb Unamuno unter Hausarrest. Bereits am 22. Oktober unterschrieb General Franco die endgültige Absetzung Unamunos als Rektor der Universität Salamanca.

Intellektuelle im Bürgerkrieg

Wie verhalten sich Intellektuelle, wenn sich die gesellschaftlichen Zustände zuspitzen? Können sie dann besonderen Einfluß nehmen oder drohen sie zwischen die Fronten zu geraten?

Allgemeingültige Antworten darauf gibt es natürlich nicht, aber einzelne Beispiele sind sehr lehrreich. Viele Intellektuellen fühlen sich von radikalen Gesellschaftsexperimenten angezogen und finden diese dann doch sehr häufig abstoßend, sobald sie umgesetzt wurden. Auf Miguel de Unamuno, sein Verhalten im Spanischen Bürgerkrieg und die mutige Rede vom 12. Oktober 1936 trifft dies auch zu. Warum das so typisch ist, erkennt man nur, wenn man sich die Lebens– und Denkwege der Intellektuellen ansieht.

Unamuno und die liberale Romantik

Unamuno entstammte dem Großbürgertum der baskischen Hauptstadt Bilbao. In seiner Jugend war er entscheidend beeinflusst von der für dieses Bürgertum typischen liberalen Romantik. Diese bezeichnete fortan seine geistige Entwicklung als ein ununterbrochenes Ringen um den Glauben. Unamuno kam so zu einem bei ihm charakteristisch ausgeprägten Mystizismus und Spiritualismus.

Diese besondere Geistigkeit Unamunos verhielt sich zu den verschiedensten Gegenständen im Sinne des „ewigen Gesprächs“ der Romantik. Im Mittelpunkt desselben konnten bei Unamuno unterschiedslos die „Essenz eines urwüchsigen Baskentums“ genauso stehen wie die alle hispanischen Völker verbindende „Hispanidad“. Seine romantische Geistigkeit erlaubte ihm zudem ein Aufgehen in einem überindividuellen „Höheren“ genauso wie einen genialen Ichkult. Als politischer Romantiker konnte er sich sowohl für die „Werte der Tradition“ erwärmen als auch für moderne sozialistische Anschauungen.

Ein Mann der Widersprüche

Anstatt nun diese höchst gegensätzlichen Positionen in sich selbst zur Versöhnung zu bringen oder sich auf eine einzige Position festzulegen, hielt Unamuno diese absichtlich aufrecht. Unamuno übernahm bald diesen, bald jenen Gegensatz, ohne Scheu vor all den Widersprüchen zu verspüren. Er verfuhr hier kasuistisch, also von Fall zu Fall, bzw. je nach Gelegenheit, „occasionalistisch“, wie es nach Carl Schmitt geradezu typisch für den Romantiker ist. Diese inneren Konflikte, die bei Unamuno nie zu einem Ende kamen, sind nun für seine „geistige Unabhängigkeit“ und, speziell im Bürgerkrieg, für seine oft bewunderte couragierte Haltung zuständig.

Wie jeder soziale Konflikt, so fordert auch der Bürgerkrieg, dass jeder Einzelne sich festlegt. Das erfordert aber wiederum, dass man sich im Frieden mit sich selbst befindet. Oder, wie der Soziologe Gabriel de Tarde ausführt, „nur wenn der individuelle Zweikampf beendet ist, beginnt der soziale“. Für Unamunos nie enden wollende geistige Entwicklung aber waren als stärkste aller Spaltungsmotive religiöse Glaubenskämpfe verantwortlich. Aufgrund dieser inneren Spaltung war es ihm deshalb nicht möglich, sich der äußeren Bürgerkriegssituation angemessen zu stellen. Diese Unfähigkeit und auch der Unwille Unamunos machen sein eigentliches Dilemma aus: sein Freiheitsstreben hätte sich niemals damit abgefunden, sich einfach in sein Schicksal zu ergeben. Letzteres hätte Unamuno als knechtischen Fatalismus empfunden, der etwas als „sein“ Schicksal annimmt, was es eigentlich nicht ist. Die Imperative des Bürgerkriegs duldeten aber keine Ausnahme.

Miguel de Unamuno-8_zpsqrzczdp1.jpg~original.jpg

Missverständlichkeiten aller Art

Unamunos zweifellos couragierte, einer hochgradig erregten Versammlung entgegen geschleuderte Worte „Ihr werdet siegen, überzeugen aber werdet ihr nicht!“ werden damit nur seiner persönlichen Entrüstung, nicht aber der objektiv gegebenen, der faktischen Bürgerkriegssituation gerecht. Eine solche intellektuell zu meistern ist nur mit Denkmitteln möglich, die in der machiavellistisch-​nietzescheanischen Tradition stehen. Unamuno aber stand, wenn auch über anarchistisch-​liberalistische Vermittlung, in der Tradition des Christentums.

Während sein „rechter“ Gegenüber – die klerikale Rechte, die Militärs, die Falangisten – im letzten Jahrzehnt vor dem Bürgerkrieg zumindest praktisch bei Machiavelli und Nietzsche in die Schule gegangen war, war Unamunos Auftreten, wie es bei seinem „Occasionalismus“ anders nicht sein konnte, willentlich widersprüchlich geblieben. Missverständnisse waren daher von vornherein vorprogrammiert. Und tatsächlich waren es um Unamuno wenig bekümmerte, durch den Bürgerkrieg in Rage versetzte Leidenschaften sowie ein Rattenkönig von Missverständnissen gewesen, die dafür gesorgt hatten, dass Unamuno als Rektor der Universität Salamanca wiedereingesetzt und, in dieser Eigenschaft, zu den „nationalen“ Feierlichkeiten des „Tags der Rasse“ geladen worden war. Seine vom „nationalen“ Publikum als anstößig empfundene Rede für Menschlichkeit und Nächstenliebe im Bürgerkrieg war deshalb in Wahrheit ein der Zuhörerschaft als solcher unkenntlicher Monolog und ein Glaubensbekenntnis noch dazu.

Glaube steht gegen Glauben

Heute wird Unamunos Rede oftmals interpretiert als ein Einstehen für „Intelligenz“ bzw. „Vernunft“, im Gegensatz zur Gewalt. Diese Interpretation bewegt sich aber nur im Bereich der Mittel, nicht aber der Zwecke. Denn die „Intelligenz“ bzw. „Vernunft“ war Unamuno genauso Mittel in seinem Kampf, wie die nackte Gewalt den Aufständischen ein Mittel in „ihrem“ Bürgerkrieg war. Dass aber eine unüberwindbare Kluft herrscht zwischen dem inneren Kampf, den einer in sich selbst durchmacht, und dem äußeren Kampf, der sich gnadenlos aufzwingt, ist Unamuno niemals klar geworden.

Sein Glaube wollte das nicht hinnehmen, nicht „wahr“ haben. Unamuno war zwar durchaus, wie er selbst sagte, Prophet im eigenen Land. Aber er predigte auch unzweifelhaft in der Wüste. Nicht Intelligenz und Gewalt standen sich nämlich im Großen Saal der Universität Salamanca gegenüber, sondern es stand Glaube gegen Glauben. Das ist aber das unvermeidliche Schicksal gerade des bürgerlichen Intellektuellen, bei aller Freiheitsliebe und auch geistigen Unabhängigkeit sich in den Wirbel der Ereignisse hineingesogen zu sehen, um letzten Endes nichts anderes verteidigen zu können als eben seinen eigenen Glauben.

mercredi, 14 septembre 2016

Roger Devlin - Islamic Spain: A Multicultural Lie

Roger Devlin - Islamic Spain: A Multicultural Lie & Trump Reboots American Politics

F. Roger Devlin, Ph.D. is an independent scholar. He is the author of Alexandre Kojeve and the Outcome of Modern Thought, Sexual Utopia in Power, and many essays and reviews in such publications as The Occidental Quarterly, American Renaissance, Counter-Currents, VDare, Modern Age, The Social Contract, Alternative Right, and The Last Ditch. A bibliography of his work is available online at Devliniana.

In the first hour, Roger discusses his review of The Myth of the Andalusian Paradise: Muslims, Christians, and Jews under Islamic Rule in Medieval Spain by Dario Fernandez-Morera – a book that refutes the glorification and romanticizing of civilizations that have supposedly reached the same pinnacle of success as Western civilizations. Roger outlines Fernandez-Morera’s analysis of the Moorish conquering of Spain that began with the Arab invasion of 711 AD, when towns were brutally massacred under threat of accepting the Koran or the sword. We discuss the Germanic Visigoths who were in control of the Iberian Peninsula during this time frame and had built up a civilization based in the ways of the Roman Empire. We consider how the current Islamic invasion echoes past religious intolerance, as we’re seeing the utopian dream of multiculturalism trampling on the cultural traditions of the West. Roger emphasizes the reality of the Muslim way of thinking in that the religion of Islam has no comprehension of Western values of female self-determination and self-control, and he says their contemptuous view of women is simply a fundamental tenet that cannot be unlearned or assimilated within the West. Roger has long predicted that feminists would be at the forefront of ushering in another Muslim invasion, as their total lack of understanding of the authoritarian nature of the Muslim religion has ironically created a bridge to the destruction and replacement of the liberal values feminists value most.

In the member hour, we get into the current radicalization of US politics and the unraveling of an ideology that can be seen in the common thread of both Trump and Sanders camps demonstrating Americans’ deep dissatisfaction with the status quo. Roger talks about how Trump has managed to coalesce around the Nationalist movement and warns that we will probably see, yet again, just how little power our presidential puppets have over the liberal democrat policymakers. We look at how the Black Lives Matter movement is working in favor of the Trump campaign, along with why the media has decided to turn on the police and blow the issue of violence against blacks completely out of proportion. Roger points to the religion of modern liberalism and the mainstream media’s emotional programming of the uneducated as the root of the demographic decline of America’s founding stock, and we measure up how the doctrine of equality has fooled many into believing that the immigrant collective is interested in adopting the objectivity of White Western liberals. Then, Roger explains how the decay of the bourgeoisie and the rise of the managerial class to power has shaped the ideology of instant gratification and consumerism as manifested in the globalist corporate model and the bureaucratic monstrosity of government. At the end, we turn our thoughts to educating our future generations of leaders on the follies of racial diversity and the importance of preserving the cultural identity.

Guest's Site:
https://devliniana.wordpress.com/

Listen to the second hour of this show and get full access to our archives at http://redicemembers.com

Subscribe and stream or download over 1000 programs, videos, films, Insight episodes & Red Ice TV

More Red Ice Radio:
https://redice.tv/red-ice-radio

Follow us on Twitter: https://twitter.com/rediceradio
Like us on Facebook: https://facebook.com/RedIceCreations
Subscribe to our YouTube: https://youtube.com/user/RedIceRadio
RSS feeds: https://redice.tv/rss

vendredi, 01 juillet 2016

Elections parlementaires en Espagne : le Parti Populaire en tête

Sondage-lections-Espagne-Juin-2016_0.jpg

Elections parlementaires en Espagne : le Parti Populaire en tête

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Ce dimanche 26 juin, des élections législatives étaient organisées à nouveau en Espagne, suite à l’incapacité des partis de mettre en place une coalition gouvernementale, en raison notamment du poids croissant de Podemos dans l’opinion. La droite (Parti Populaire) avait notamment fait un score assez médiocre en 2015 avec 28.71% des voix contre 22% pour le PSOE.

Le Parti Populaire de Mariano Rajoy obtient 33.03% (+4.2%) des voix et 137 sièges (+14) et sort donc conforté dans les urnes, après son échec cinglant en 2015. Beaucoup d’électeurs ont voulu voter utile et éviter de se retrouver à nouveau dans la situation d’instabilité gouvernementale. Difficile néanmoins de dire si le PP va pouvoir gouverner au sein d’une coalition de centre-droit, sachant qu’il faut 175 sièges au moins pour disposer d’une majorité.

Le PSOE progresse quant à lui très légèrement, en obtenant 22.66% des sièges (+0.7%) mais en régressant en nombre de sièges avec seulement 85 députés (-5). Il reste donc durablement affaibli par la montée en puissance, à ses dépens, de Podemos et par le poids en général de la gauche radicale.

Podemos, divisé en trois listes contre deux en 2015, a obtenu en tout 17.55% des voix (+0.6) et 59 sièges (+2). L’organisation se renforce donc légèrement dans les urnes mais bien moins que certains sondages ne le laissaient présager. Elle est néanmoins durablement enracinée dans le cadre électoral espagnol.

Ciudadanos (C’s), la formation de centre-droit, qui sera peut-être le partenaire de la droite parlementaire, obtient 13.05% des voix et 32 sièges. La formation perd 0.9% des voix et 8 sièges. A eux deux, PP et C’s n’auraient pas la majorité. Il est probable que la droite catalane (CDC) s’ajoute à l’équation, le CDC ayant eu 2.01% des voix et 8 sièges, ce qui donnerait une coalition fragile de 177 sièges.

La gauche radicale se maintient dans les urnes. L’organisation En Comu Poden (ECP) obtient 3.55% des voix et 12 sièges alors que « En Comu » en 2015 obtenait 3.69% et le même nombre de sièges. Ce parti résiste donc mais ne progresse pas. L’ERC (« Gauche républicaine ») obtient 2.63% (+ 0.24= des voix et 9 sièges (-), alors que les organisations basques EAJ-PNV et EH Bildu voient leurs scores quasi inchangés, à savoir 1.2% (-) et 5 sièges (-1) pour la première et 0.77% (-0.1) et 2 sièges (-).

Enfin, le Parti Nationaliste Catalan (CCa-PNC) obtient 0.33% des voix (-0.01) et un siège unique, alors que le parti de défense des animaux (PACMA) avec 1.19% des voix (+0.32) échoue à rentrer au parlement.

La droite nationale quant à elle, représentée essentiellement par le parti nostalgique FE-JONS, n’obtient qu’environ 0.05% des voix (0.04% pour le seul FE-JONS), et échoue donc lamentablement comme à chaque fois. Son incapacité à s’unir et à renouveler le discours l’explique aisément. PxC, le mouvement identitaire catalan, est laminé avec 722 voix, et la FE (Phalange Espagnole) n’obtient que 254 voix. Tout est à reconstruire et il manque surtout la personnalité de synthèse autour de laquelle tous pourraient s’organiser. En Espagne et au Portugal aussi, la droite nationale reste marginale pour des raisons historiques, le souvenir négatif des dictatures droitières et catholiques étant encore vivace.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

jeudi, 30 juin 2016

Die Geschichte der Reconquista

reconq9_333cac4a33_b.jpg

Die Geschichte der Reconquista

von Carlos Wefers Verástegui
Ex: http://www.blauenarzisse.de

Vor einigen Jahren kam im identitären Umfeld das Motto von der „Reconquista“ auf. Carlos Wefers Verástegui erklärt ihre historischen Hintergründe.

Die Reconquista, die Rückeroberung der iberischen Halbinsel von den islamischen Mauren, sollte Vorbild sein für einen ähnlichen europäischen Prozess. In diesem gilt es, dass die angestammten europäischen Völker sich selbst, ihre Identität und ihre Freiheit, ihre Ethnizität, sowie ihr damit verbundenes Selbstbestimmungsrecht, wiedererlangen.

Obwohl das mit der „Reconquista“ damals wohl mehr schlagwortartig gemeint, als klar durchdacht war, war es eine glückliche Wortwahl: Bereits die ursprüngliche spanische „Reconquista“ (7111492) hatte primär als Wiedererlangung eines verlorenen bzw. Erholung eines erschöpften Landes etwas mit Identität zu tun.

donpelf6c24b22fb_b.jpgDie islamische Eroberung verlief schnell

Die „Vorgeschichte“ der Reconquista, aus der sie allein verständlich wird, ist die Eroberung und Zerstörung des spanischen Westgotenreichs durch den Islam. Im Jahre 711 fielen nordafrikanische Berbertruppen im Auftrage ihrer arabischen Herren in Spanien ein. Der Heerbann des der Überlieferung zufolge letzten Westgotenkönigs Roderich wurde nahe der südspanischen Stadt Jeréz de la Frontera geschlagen. Die Muslime brauchten kaum ein Jahrzehnt, um die ganze iberische Halbinsel zu erobern. Die Hauptstadt des Westgotenreichs, Toledo, fiel noch im selben Jahr, 711. Gegen Ende des zweiten Jahrzehnts des 8. Jahrhunderts standen die Muslime an den Pyrenäen und machten sich daran, die südfranzösischen Besitzungen des Westgotenreiches sowie fränkisches Gebiet zu erobern.

Ausschlaggebend dafür, dass es zur Reconquista kam, ist also die enorme Geschwindigkeit, mit der Spanien dem Islam in die Hände fiel. Trotz des Widerstands und zahlreicher Abwehrschlachten stürzte das Westgotenreich wie ein Kartenhaus in sich zusammen.

Ein Bruderkrieg mit fatalen Folgen

Die Gründe dafür sind in einer totalen Krise der westgotischen Monarchie zu suchen. Eine Systemkrise hatte den Staat entscheidend geschwächt. Eine strukturelle Schwäche war das Festhalten an der Wahlmonarchie, während bereits Tendenzen bestanden, die jeweilige königliche Hausmacht zur Basis einer Erbmonarchie zu machen. Dieser die monarchische Verfassung betreffende Konflikt entlud sich in Form von Thronstreitigkeiten.

Die Wahl Roderichs wurde so zum Auslöser eines Bruderkriegs. Die Aufständischen, die Familie des vorherigen Königs Witiza und ihre Anhängerschaft, versuchten sich gegenüber Roderich durchzusetzen, indem sie den islamischen Gouverneur Nordafrikas um Hilfe baten. Als das berberische Expeditionskorps schließlich in Spanien landete, befand sich Roderich auf einem Feldzug gegen baskische Volksstämme. Diese hatten zum denkbar schlechtesten Zeitpunkt die Stadt Pamplona überfallen, so dass Roderich gezwungen war, die ihm treuen Kräfte im Norden zu konzentrieren.

Ein entkräftetes Reich

Auch wirtschaftlich und demographisch war das Westgotenreich zur Zeit der Invasion stark angeschlagen. Widrige Klimaverhältnisse, Heuschreckenplagen, Pestepidemien und Hungersnöte hatten die größtenteils unfreie Bevölkerung dezimiert. Zudem hatte das Vordringen des Islam im Mittelmeerraum zum Untergang des Handels geführt. Aber bereits die antijüdische Gesetzgebung davor hatte den Niedergang des Handels eingeläutet. Die Westgoten waren offiziell mit ihrem König Rekkared 587 vom Arianismus zum Katholizismus übergetreten. Die Christusvorstellungen, die die katholische Monarchie der Westgoten von nun an definierten, waren ein zentralisierendes und vereinheitlichendes Motiv. Wie zuvor schon die arianischen Westgoten mussten die Juden entweder zum Katholizismus übertreten oder sich ihre Unterdrückung und Verfolgung gefallen lassen. Als die islamischen Heere durch Spanien zogen, halfen ihnen die Juden oftmals bei der Eroberung der Städte. Das war nur verständlich, wussten sie doch von ihren Glaubensbrüdern in Nordafrika, dass die Verhältnisse unter dem Islam für sie erträglicher sein würden.

Letztendlich war auch die Heeresverfassung des Westgotenreiches zu plump und ungelenk, um schnell genug auf eine Invasion reagieren zu können. Sie befand sich mitten in einem Umbildungsprozess. Es kam also, wie es kommen musste, das Westgotenreich fiel mit einem Schlag.

Barbaren fingen die Reconquista an

Zehn Jahre bevor Karl Martell die über die Pyrenäen vorgedrungenen Muslime mit seinen „Panzerreitern“ zwischen Tours und Poitiers zurückschlug (732), wurde im nordspanischen Asturien der Grundstein zur „Reconquista“ gelegt. Der westgotische Adlige Pelagius war dort untergetaucht und leistete gemeinsam mit den Einheimischen und andern nach Norden geflohenen Spaniern und Westgoten (von nun ab „Hispanogoten“) Widerstand.

Nach einigen Scharmützeln, der legendären „Schlacht von Covadonga“ (722), konnte er für sich ein kleines Fürstentum behaupten. Die Muslime schenkten ihm und seinen Männern trotz der Niederlagen wenig Beachtung. Sie waren zu beschäftigt mit der Kontrolle des reicheren und für sie auch klimatisch angenehmeren Südspaniens und machten sich daran, ihre Eroberung in Richtung der französischen Provence voranzutreiben.

Es liegt durchaus im Bereich des Möglichen, dass Pelagius bereits von Anfang an, eine Rückeroberung ganz Spaniens von den Mauren angedacht hatte. Militärisch konnten sein Schwiegersohn Alfons I. und dessen Bruder Fruela die Uneinigkeit, die unter Berbern und Arabern aufgekommen war, ausnutzen, um den Nordwesten der iberischen Halbinsel bis zum Duero vom Islam zu befreien. Die christliche Bevölkerung, die sie dort vorfanden, führten sie nach Norden, um ihr Königreich zu stärken. Auch gelang es ihnen, die an Asturien grenzenden Gebiete ihrer Herrschaft einzugliedern.

„Neogotizistische“ Kulturoffensive gegen den Islam

Wichtiger noch als diese Konsolidierung des asturischen Nachfolgestaats des Westgotenreiches war dessen „politische Formel“: die Könige von Asturien und später León stammten nicht nur von den Westgoten ab. Auch rechtlich machten sie Anspruch auf die gesamte Erbmasse des Westgotenreiches. Dessen Wiederherstellung war deshalb sowohl Seins– als auch Rechtsgrund der jungen asturischen Monarchie: Sie wurde zum Grundbestandteil ihrer Legitimität.

Diese „neogotizistische“ Formel wurde noch Ende des 8. Jahrhunderts vom Klerus besorgt und stellte eine Art Kulturoffensive gegen den Islam dar. Später, im Hochmittelalter, diente sie der Untermauerung des spanischen Kreuzzuggedankens. Die Reconquista fand ihren eigentlichen Antrieb im Gefühl und in der Überzeugung, nicht bloß der Kontinuität, sondern der Identität zwischen Westgoten und asturischen Nordspaniern. Das germanische Element, das die kaum 200.000 Westgoten, die zudem noch romanisiert waren, nach Spanien gebracht hatten, erlebte eine ungeahnte kulturelle Blüte. Germanische Personennamen und Gebräuche erfuhren eine Verbreitung und genossen eine Popularität, die in keinem Verhältnis zur tatsächlichen numerischen Stärke der westgotischen Volksmassen stand.

Besondere Zugkraft bekam der Gedanke der „Wiedererlangung“ des Westgotenreiches durch mozarabische Mönche. Die Mozaraber waren in Al-​Andalus lebende, jedoch christlich gebliebene Hispanogoten, die infolge der kulturellen Vorherrschaft von Islam und Arabertum selbst in ihren Gebräuchen arabisiert waren. Die mozarabische Geistlichkeit verstand diese fortschreitende Arabisierung richtig als eine Vorstufe des Übertritts zum Islam. Um diesen Prozess zu unterbinden, gingen mozarabische Kleriker mit dem Islam auf Konfrontation. Ihr Opfertod war ein klarer Aufruf zum Widerstand.

reconquista.jpg

Um 1100 wäre die Reconquista abgeschlossen gewesen

Während der Christenverfolgungen des 9. Jahrhunderts flohen tausende Mozaraber nach Norden. Und mit dem mozarabischen Klerus zog eine auf der Höhe der Zeit stehende Geschichtstheologie mit nach Asturien-​León. Diese spitzte die traditionelle politische Formel der asturischen Monarchie noch mehr polemisch gegen den Islam zu. Die ursprüngliche Idee einer „Wiedererlangung“ oder „Zurückholung“ fand ihre endgültige Ausformulierung in einer apokalyptischen Geschichtstheologie. Diese bildete ein höchst wirksames Programm im Kampf gegen den Islam.

Mit ihr hielt die Reconquista bis ins 11. Jahrhundert hinein militärisch schritt. Ihre Prophezeiung einer Wiederherstellung Spaniens bewahrheitete sich so, mit jedem gegen die Muslime errungenen Erfolg, von selbst. Kriegerisch waren die Nordspanier dem Islam derart überlegen, dass, wie der Arabist Felipe Maíllo Salgado bemerkt, die Reconquista bereits im Jahr 1100 zu ihrem Abschluss hätte kommen können. Dass das nicht geschah, ist vor allem der Tatsache zu verdanken, dass das unermessliche reiche, nicht sehr wehrhafte und überfeinerte Al-​Andalus dazu einlud, sich Tribute zahlen zu lassen nach der Devise, dass eine Kuh, die sich melken lässt, nicht geschlachtet wird.

00:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : reconquista, espagne, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook