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mercredi, 16 mars 2022

Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner

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Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner

par Irnerio Seminatore

Source: https://www.ieri.be/fr/publications/wp/2022/mars/le-retour-de-la-guerre-en-europe-et-lart-de-gouverner

« Pour revenir à la paix, il faut établir un équilibre entre puissance et légitimité qui constitue l'essence même de l'art de gouverner ».

Irnerio Seminatore, Président fondateur de l’Institut Européen des Relations Internationales de Bruxelles (IERI), nous explique les ambitions russes et l’évocation de l’arme nucléaire. Docteur en droit et en sociologie, il est l’auteur de « La multipolarité au XXIe siècle » (VA Éditions) qui précise la multipolarité de notre monde et les risques d’affrontement entre les pôles (Camille Chevolot, Collaboratrice VA Editions).

Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner (sensemaking.fr)

LE RETOUR DE LA GUERRE EN EUROPE ET L'ART DE GOUVERNER

Irnerio Seminatore

Dans un pamphlet-fiction au titre anticipateur 2017. Guerre avec la Russie. Un cri d'alarme de la haute hiérarchie militaire, le Général Richard Shirref, ancien Commandant Suprême des forces alliées en Europe (DSACEUR) à l'Otan (2011-214), a soutenu la thèse que la Russie est devenue l'adversaire stratégique de l'Occident et qu'elle prépare un affrontement frontal avec l'Otan et un plan d'invasion des pays baltes. Le but de cette invasion serait de rétablir une zone d'influence entre la "défense collective" de l'Alliance et les frontières de la fédération russe. Les raisons de tensions ne manquent pas avec ces Etats-charnières entre l'Est et l'Ouest (jusqu'à 40% de la population russophone a un statut discriminatoire de "non citoyens"). C’était en 2017.

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Depuis 2014, une rupture est intervenue entre la Russie et l'Ukraine, ainsi qu’entre la Russie et l'Union européenne, à propos de la révolution de couleur de Maïdan, tenue par Moscou comme un coup d'Etat et le retour de la Crimée à la Russie, considérée par les Occidentaux comme une annexion. Cette rupture est également à l'origine de la naissance des deux républiques auto-proclamées du Donbass (Donetzk et Lougansk), aujourd'hui, reconnues unilatéralement par la Russie comme républiques indépendantes.

On peut affirmer que le retour de la guerre en Europe a pour origine la rupture de l'unité territoriale de l’Ukraine, rendant impossible l'exercice de la pleine souveraineté de Kiev, le revirement pro-occidental du gouvernement du pays, dont la demande d'adhésion à l'Otan menace les intérêts de sécurité de Moscou et le non respects des accords de Minsk, dont les garants sont, avec la Russie, Paris et Berlin, le fameux format Normandie.

Le livre-fiction du Général britannique R. Shirref est-il une pure vision de l'esprit? La "surprise stratégique" d'une invasion armée venant de l'Est n'a-t-elle pas été prévue par anticipation par l’Ouest ? Les signaux contradictoires venant de Washington et de Bruxelles sur la non-intervention occidentale directe en Ukraine, n'ont pas arrêté une planification longue, méticuleuse et calculée, au cours des négociations diplomatiques, nécessairement ambiguës, de Biden, Scholz et Macron avec Poutine, à soumettre à Xi-Jing-Ping, lors des jeux olympiques. Le but de l'ambiguïté et du double jeu entre Poutine et le Président Macron ou le Chancelier Scholz ont été conformes aux règles classiques du réalisme politique, oubliées par les Européens. Il s'agissait de décrédibiliser la détermination des États-Unis d'intervenir en Ukraine ou de défendre, de manière plus large l'Europe, en minant au même temps l'unité de façade de l'Otan. Ainsi, suite au refus des garanties de sécurité occidentales à Moscou, l'invasion militaire de l'Ukraine a été tranchée.

Le but de guerre

Le but de guerre ou, selon la terminologie russe "d'opération spéciale de maintien de la paix", s'est précisée en plusieurs objectifs :

- le premier et principal est de décapiter politiquement l'Ukraine, lui ôtant son statut d'Etat souverain

- parallèlement de provoquer le découplage de la sécurité européenne et atlantique

- de s'assurer de l'effondrement de l'Otan, impuissante à garantir la sécurité collective

- enfin de détruire les infrastructures militaires offensives, préjudiciables pour la sécurité et la défense russes.

L'arme nucléaire et l'escalade

En termes de possible recours tactique à l'arme nucléaire, dont l'emploi en premier fait partie intégrante de la pensée stratégique russe, son évocation par Poutine, rappelle un scénario du pire et préfigure l'hypothèse d'une escalade, allant du conventionnel au nucléaire et du tactique au stratégique. Dans une hypothèse concrète, les gains territoriaux obtenus au plan conventionnel, seraient protégée par le chantage et l'escalade nucléaires, ceux d'un tir anti-cité, auquel ne pourraient répondre ni les européens ni les américains.

Par ailleurs l'isolationnisme bi-partisan des Etats-Unis, à propos du déni d'envoi de soldats américains en défense de l'Ukraine, valide la conviction d'une "surprise stratégique" planifiée depuis longtemps et provoque le réveil tardif des Européens pour une indépendance politique et une autonomie stratégique propres.

En termes de diplomatie et de consensus prévisible, la non intervention directe occidentale en Ukraine a été le fondement, pour Moscou, d'une longue négociation entre Américains et Russes, puis Russes et Européens, afin d'établir assurances et réassurances réciproques et d'aboutir parallèlement à une conception de l'invasion de l'Ukraine sous la forme initiale d'un Blitzkrieg.

L'enjeu du conflit imminent était existentiel pour les deux parties, la Russie ne pouvant pas reculer devant sa sécurité et les Européens devant leurs conceptions de la démocratie. Le prix à payer pour le défi sécuritaire des Occidentaux, s'appelle finlandisation de l'Ukraine, autrement dit arrêt de l'élargissement de l'Otan. En effet "si l'Ukraine rejoignait l'Otan, cela signifierait avoir des missiles à 180 Km de Moscou" (Général Inzerilli, ancien chef des services secrets italiens/photo, ci-dessous). A ce propos l'Agence de presse Reuters a titré le 7 mars dernier, “La Russie s’arrêtera à l'instant, si l'Ukraine respecte ses conditions : « que l’Ukraine cesse toute action militaire, modifie sa constitution pour consacrer la neutralité, reconnaisse la Crimée comme territoire russe et reconnaisse les républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk comme États indépendants. »

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"Pour le reste, l'Ukraine est un Etat indépendant et il vivra comme il veut, mais dans des conditions de neutralité (comme la Suisse, l'Autriche, la Suède..)".

D'autre part la politique des sanctions, décidée par les États-Unis et par l'Union Européenne, comporte une pénalité évidente, non seulement pour l'économie et le peuple russes, mais pour l'économie et les peuples occidentaux. Politiquement elle pousserait le président russe à chercher une alternative en Asie, accroissant sa dépendance vis-à-vis de la Chine. Ainsi, une guerre suscitée par l'unilatéralisme atlantiste des États-Unis aboutirait à un multipolarisme asymétrique Chine-Russie.

Un message spécial russe sur la "Sécurité égale et indivisible"

Dans le but de justifier ses arguments et, au courant d'une guerre de l'information qui bat son plein, la diplomatie russe a adressé un message spécial aux pays occidentaux sur le thème de la "sécurité indivisible", car ce qui est visé par ce principe est la modification sournoise des rapports de force et de la balance mondiale du pouvoir, susceptibles de devenir menaçants pour la Russie, de l'extérieur et de l'intérieur.

Sur le plan régional et dans un contexte mouvant et aléatoire l'aide en armements accordés par l'Union Européenne à l'Ukraine apparaît, à une analyse critique, comme une solidarité équivoque, car elle sert à jeter de l'huile sur le feu et à alimenter une résistance prolongée qui ne résout pas le problème de la sécurité égale sur l'ensemble du continent, mais reporte les causalités du conflit dans une perspective sans autre issue que le cumul et l’aggravation de la crise. La situation définissant la conception de la "sécurité égale", aux yeux de Moscou, a été le rappel de Lavrov, dans sa conférence de presse du 5 mars, selon laquelle "l'augmentation de la sécurité d'un pays, ne peut se faire au détriment d'un autre". Puis, à l'adresse des Occidentaux, par une personnalisation désenchantée du rappel : "Ils nous écoutent, mais ils ne nous entendent pas !".

Plus dur et moins diplomatique Poutine, qui, au cours d'une conversation téléphonique avec Macron, du dimanche 6 mars, dispensa froidement: "Par la voie des négociations ou par celle de la guerre", les objectifs russes seront atteints.

La nature explicite de cette revendication est celle d'une politique de puissance, assurée d'elle-même. Le caractère implicite, un rappel des hiérarchies, des limites de la souveraineté et d'une complémentarité inclusive du "verbe" diplomatique et de l'action militaire (R. Aron). Ou encore, de la caractéristique capitale de tout système international, la mixité de coopération et de conflit.

Il faut en déduire le caractère limité de la souveraineté nationale de Kiev, asservie, pour pouvoir s'exercer, à la souveraineté dominante de Washington et au même temps niée, pour vouloir exister, par la souveraineté prépondérante de Moscou.

Personne, sur la scène internationale et surtout pas l'Union Européenne définit un projet d'ordre européen et mondial pour demain et donc les principes de la stabilité et de la sécurité du Heartland et de ses jonctions occidentales, car personne ne semble en mesure de définir les intentions et buts réels de la Russie poutinienne, qui se sent entourée de pays hostiles, arborant les drapeaux de l'Otan.

De manière générale, pour revenir à la paix, il faut établir un équilibre entre les deux composantes de l'ordre international, puissance et légitimité qui constitue l'essence même de l'art de gouverner. Les calculs de pouvoir, sans dimension morale, transformeraient tout désaccord en épreuve de force" (H. Kissinger). La recherche de cet équilibre par une médiation (Israël, Turquie et Chine), ressemble parfaitement à la situation actuelle, car les Occidentaux remettent en cause la légitimité du pouvoir autocratique de Poutine et ce dernier rejette toute intrusion ou atteinte, portée à la Russie par une forme d'unilatéralisme offensif (Irak, Lybie, Syrie, Soudan... allocution du 8 mars 2022).

Or, arrêter un conflit ou reconstruire un système international, après une épreuve de force majeure, est le défi ultime de l'art de gouverner.

Ainsi, évaluer la signification des tendances en cours, signifie, pour l'Europe réévaluer la notion d'équilibre des forces et réduire significativement la rhétorique des valeurs, que les Occidentaux ont cherché à promouvoir, avec ambiguïté, depuis la fin du colonialisme. Défaillants sur le premier point (logique de puissance), les Européens semblent l'être aussi sur le deuxième, car la rhétorique des valeurs se situe aux deux niveaux de l'ordre international, celui de la défense des principes universels, valables pour tous, et celui de la pluralité des histoires et des cultures régionales, ainsi que des diverses formes des régimes politiques. Une attitude différente ou opposée, marquerait une volonté d'assimilation forcée ou un dictat de légitimité, porteurs de conflits.

L'ethnosociologie de l'Ukraine dans le contexte de l'opération militaire

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L'ethnosociologie de l'Ukraine dans le contexte de l'opération militaire

Alexandre Douguine 

Source: https://katehon.com/en/article/ethnosociology-ukraine-context-military-operation

Une compréhension approfondie de l'opération militaire spéciale en Ukraine nécessite une explication préalable : à quoi avons-nous affaire, au sens large du terme ? Les notions de "nation", de "nationalité", de "peuple", d'"ethnos" sont totalement confondues, d'où celles de "Russes", "Ukrainiens", "Petits Russes", etc. Nous devrions d'abord dresser une carte ethno-sociologique et répartir les concepts avec lesquels nous opérons dans l'analyse de ce conflit.

Principales catégories ethno-sociologiques

Rappelons les points principaux de l'ethnosociologie. L'ethnosociologie opère avec les concepts suivants :

- ethnos,
- peuple,
- nation,
- société civile.

Ils correspondent à différents types de sociétés. L'ethnos est le mode de vie le plus archaïque, caractéristique des petites communautés agraires ou pastorales, où il n'existe pas de division sociale et de classe verticale. Les relations au sein d'un groupe ethnique sont strictement horizontales, et sa mentalité est construite sur des mythes. Il s'agit d'une société archaïque à l'identité collective.

Un peuple est un groupe ethnique qui s'est engagé sur le chemin de l'histoire, a construit un État, fondé une religion ou une culture distincte. Presque toujours, un peuple se compose de deux ou plusieurs groupes ethniques, qui sont unis dans une structure abstraite. Le peuple a une division en classes et une hiérarchie, une verticale du pouvoir. Il s'agit d'une société traditionnelle. L'identité y est collective et se distingue par des domaines. La plus haute réalisation historique d'un peuple est la création d'un Empire.

La nation n'apparaît qu'à l'époque moderne dans la société bourgeoise. Une nation est une communauté artificielle fondée sur l'identité individuelle. Les nations sont apparues en Europe à l'époque moderne. Ici, la hiérarchie sociale est basée sur le principe de la richesse matérielle. C'est le type de société caractéristique du début de la Modernité.

La société civile apparaît lorsque s'effectue la transition de la nation vers le Monde Unique et le Gouvernement Mondial. La société civile se manifeste pleinement dans le mondialisme. Elle possède la même identité individuelle qu'une nation, mais sans frontières nationales. La société civile prend forme au sein des nations et des États bourgeois, mais sort progressivement de leur cadre et acquiert un caractère mondial. Ici, l'identité nationale artificielle est abolie et l'individualisme devient global. Historiquement, la société civile est caractéristique de la fin de la période moderne et de la période postmoderne.

Les Slaves de l'Est deviennent un peuple

Appliquons maintenant cet appareil conceptuel au conflit ukrainien.
Qui sont les Russes ? Cette question n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît à première vue. Elle nécessite également une clarification du point de vue ethnosociologique.

Les Slaves de l'Est étaient divisés en tribus qui se trouvaient à l'état d'ethnos, lequel s'est avéré être intégré à la Russie ancienne sous la direction d'une élite princière militante. En fait, cette élite elle-même, d'origines varègue et sarmate, était appelée "Rus", bien que la présence en son sein de familles princières et aristocratiques des Slaves polabiens (Bodrichi et Lutichi) ne soit pas à exclure. Les Slaves orientaux devinrent la principale population de l'ancienne Rus : d'où le nom de "Russes" et aussi de "Rusyns". De même, les Gaulois romanisés, conquis par la tribu germanique des Francs, commencent à être appelés "Français".

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Un peuple se forme dans l'ancien État de la Rus dont le centre est à Kiev,. L'élite y conserve son identité, mais adopte la langue de la majorité de la population, composée de Slaves orientaux. Le substrat ethnique (tribus slaves orientales) devient un peuple.

Il est caractéristique qu'en même temps que le peuple, la Rus de Kiev acquiert d'autres attributs:

- l'État,
- la religion (au début - pendant une courte période - le paganisme réformé, puis - de manière constante - l'orthodoxie),
- culture (écriture, chronique, éducation, etc.).

Les Slaves de l'Est entrent dans l'histoire.

Les Slaves de l'Est se divisent

S'ensuit toute une série de processus historiques au cours desquels la Rus de Kiev elle-même perd son unité. Les Slaves orientaux sont divisés - mais pas par tribus, mais par territoires, ayant souvent des destins différents. Il ne s'agit pas d'une désintégration en formations ethniques pré-étatiques, mais de la division d'un peuple déjà uni - la Rus de Kiev. Le sort de ces diverses branches est déterminé par les aléas des querelles princières et des processus politiques autour de la Rus'.

Ainsi, progressivement, les Grands Russes se forment à partir de la branche orientale des Slaves de l'Est. Ils s'avèrent être les Russes des principautés orientales - Vladimir, Riazan, etc. Dans le même temps, ils comprennent également divers groupes finno-ougriens et turcs. Les princes de Vladimir se livrent à une concurrence féroce avec ceux de l'Ouest pour le trône de grand-duc à Kiev (!), et à un moment donné, ils parviennent à l'obtenir. Ensuite, ils transfèrent le trône à Vladimir, puis à Moscou. Peu à peu, dans la partie orientale de la Russie (également à l'origine l'ancienne périphérie nord-est !) et dans le Nord russe, se forme l'une des branches des Slaves orientaux, à savoir le peuple de la Rus de Kiev. On les appelle parfois "Russes" de manière généralisée, bien qu'il serait plus exact d'utiliser le terme "Grands Russes", puisque la partie occidentale des Slaves orientaux est également russe au sens plein du terme.

Cette partie occidentale des Slaves orientaux, c'est-à-dire le seul peuple russe orthodoxe du Grand-Duché de Kiev, se divise à son tour en deux branches - nord-ouest et sud-ouest. Les Russes du nord-ouest deviennent des Biélorusses, puisque cette partie de la Russie était appelée Belaya (blanche). Les Russes du sud-ouest seront plus tard appelés Petits Russes, bien que ce terme soit compris à la fois de manière large (incluant les terres de Galicie-Volhynie) et étroite (par rapport à l'Ukraine centrale). Il est important de souligner qu'il ne s'agit pas de tribus, mais de parties d'un même peuple, divisées selon des critères politiques et historiques.

Progressivement, les trois branches des Slaves orientaux (les futurs Grands Russes, Petits Russes et Biélorusses) perdent leur souveraineté (un pouvoir princier indépendant, reconnaissant toujours entre-temps l'ancienneté des Grands Ducs) et se retrouvent au sein d'autres entités politiques plus fortes.

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Les futurs Biélorusses, puis les Petits Russes, se retrouvent dans la structure du Grand-Duché de Lituanie, et après l'union avec la Pologne - dans le cadre du royaume polono-lituanien.

Ceux que l'on appellera les Grands Russes conservent le statut de pouvoir grand-ducal à Vladimir, puis à Moscou, et sont directement subordonnés à la Horde d'Or.

Ici commence une grave division dans le destin des Slaves de l'Est. Trois branches d'un même peuple (et non d'une ethnie !) se retrouvent dans des systèmes politiques différents.

Différence de destin et perte du statut d'État

Les Grands Russes conservent le pouvoir des Grands Ducs et l'identité orthodoxe, que les khans de la Horde d'Or, fidèles au principe de tolérance religieuse de Gengis Khan, n'avaient pas empiété.

Les Biélorusses et les Petits Russes se retrouvent dans un État européen catholique, ce qui place les orthodoxes dans des conditions d'infériorité. Ainsi, l'élite princière et militaire est progressivement intégrée à la gentry polonaise, et la population rurale reste dans la position dites des "schismatiques orientaux". La partie occidentale des Slaves orientaux perd son statut d'État, mais préserve farouchement la foi, la langue et la culture orthodoxes.

Et bien que les petits Russes et les Biélorusses fassent partie d'un seul et même peuple - Kiev (!) - ils sont privés du signe le plus important du peuple - le statut d'État. Cela rend leur position dans l'État polono-lituanien proche d'un groupe ethnique opprimé.

Plus tard, une partie des Slaves du sud-est passe sous la domination de l'Empire ottoman, et de l'État des Habsbourg (Empire autrichien). Cela brouille encore plus l'identité du peuple et le divise, le réduisant à nouveau au statut de groupe ethnique.

La politique de ces États, qui comprenaient la partie occidentale des Slaves orientaux, était différente selon les pays et les époques. Le Grand-Duché de Lituanie, avant l'union avec la Pologne catholique, était païen, et un certain nombre de princes étaient très favorables à l'orthodoxie. Par conséquent, les princes et boyards de Russie occidentale et la population rurale qui s'y trouvait n'étaient soumis à aucune pression et se sentaient comme dans leur propre État, où les Slaves orthodoxes constituaient la grande majorité de la population et une partie importante de l'élite. À un moment donné, la balance aurait pu pencher vers l'adoption de l'orthodoxie par la noblesse lituanienne. Ainsi, les Russes occidentaux auraient pu devenir le peuple axial de l'État balto-slave.

Après l'union avec la Pologne et un virage brutal vers le catholicisme, la situation a commencé à se détériorer progressivement. Les Russes ont perdu leur position dans l'élite, leur supériorité numérique et la liberté de religion. Ils sont devenus partie intégrante d'un peuple différent - polono-lituanien, avec une orientation différente - catholique et européenne. Au cours de cette période, l'uniatisme est apparu, c'est-à-dire des tentatives d'unir les orthodoxes aux catholiques, tout en maintenant le rite byzantin mais en reconnaissant la primauté du pape de Rome. Cela permettait aux Slaves orientaux du royaume polono-lituanien de s'intégrer plus complètement à l'État. La conversion directe au catholicisme était toutefois préférable à cette fin. Mais la grande majorité des ancêtres des petits Russes et des Biélorusses sont restés fidèles à l'orthodoxie, liant fermement leur identité religieuse et culturelle à celle-ci. En cela, ils sont restés fidèles au choix unique de tous les Slaves orientaux au moment du baptême de la Russie par le saint grand-duc Vladimir.

Cependant, l'orthodoxie dans l'ouest de la Russie, contrairement à la Russie moscovite, se trouvait dans des conditions différentes. La proximité des catholiques et leur politique agressive de prosélytisme ne pouvaient qu'influencer la religion orthodoxe, qui a progressivement absorbé les influences occidentales. En outre, à partir d'un certain moment, l'orthodoxie est devenue une partie de la culture paysanne, ayant absorbé de nombreux éléments folkloriques locaux. En général, l'identité religieuse des Grands Russes, d'une part, et des Petits Russes et des Biélorusses, d'autre part, étant restée dans son noyau, a commencé à différer quelque peu.

Dans tous les cas, les Petits Russes et les Biélorusses se sont retrouvés en dehors de leur État et, sous la domination d'autres souverains, sont devenus une minorité ethnique et religieuse, à moins, bien sûr, qu'ils ne choisissent de changer leur identité en faveur du catholicisme.

Les Grands Russes créent un empire et reconquièrent la Rus de Kiev à l'Ouest

Le destin des Grands Russes prend une forme différente. Alors que la Horde d'Or s'affaiblit, ils renforcent à nouveau leur indépendance et commencent à construire un État souverain - à partir du maintien du statut grand-ducal de Moscou, où la présidence des métropolitains de Kiev (c'est-à-dire le centre même de la religion) est transférée de Vladimir, qui l'avait acquise de Kiev. Ainsi, les Grands Russes ont commencé à construire la Rus moscovite, incluant, au fur et à mesure de son renforcement, de nouveaux groupes ethniques et des fragments du peuple de la Horde d'or.

Au final, les Grands Russes devinrent un Empire mondial à part entière.

À mesure qu'il se renforce, le royaume de Moscou commence à conquérir les territoires de la Rus de Kiev au détriment du royaume polono-lituanien. Ainsi, des groupes distincts de la partie occidentale des Slaves orientaux sont revenus dans un État russe à part entière. Ils ont conservé leurs langues et leurs anciens modèles culturels, ainsi que certaines caractéristiques acquises à l'époque de la vie "sous les catholiques", bien qu'ils aient généralement conservé l'orthodoxie et ont donc commencé à être perçus comme quelque peu différents des Grands Russes. Mais dans l'État moscovite, ils ont reçu un nouveau statut de groupes ethniques, qui pouvaient librement se joindre au peuple, ou conserver leurs propres caractéristiques. Les Grands Russes eux-mêmes étaient des communautés agraires, tandis que l'élite était qualitativement différente d'eux. Par conséquent, les Biélorusses et les Petits Russes ordinaires sont devenus la même population rurale que l'était la paysannerie des Grands Russes. Et la gentry (aristocratie militaire) est allée servir le tsar russe.

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Un cas particulier était celui des communautés cosaques du sud de la Russie, qui préservaient le mode de vie des peuples nomades militaires de la steppe.
Lors des campagnes militaires vers les régions occidentales, la Rus moscovite commença à rassembler en un seul État tous les Slaves orientaux, restaurant ainsi, tant sur le plan territorial qu'ethnique, la Rus de Kiev, seulement complétée de manière significative par les terres orientales conquises par Moscou.

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Libération de l'Ukraine : étapes

Au XVIIe siècle, le Cosaquie de Zaporozhie, sous la direction de l'hetman Bogdan Khmelnitsky, se révolte contre les Polonais et, lors de la Rada de Pereyaslavl (1654), décide de rejoindre le royaume moscovite.

En 1667, le tsar Alexei Mikhailovich conclut la trêve d'Andrusovo avec le Commonwealth polono-lituanien. La Russie reçoit l'Ukraine de la rive gauche. La "Paix éternelle" de 1686 attribue ces territoires à la Russie, ainsi que la russification de l'armée zaporizhienne. En outre, Moscou rachète Kiev, que les troupes russes tiennent depuis 1654.

Plus tard, pendant les guerres russo-turques, la Russie, qui a déjà le statut d'Empire, conquiert les vastes territoires de l'actuelle Ukraine du Sud et de la Crimée. Ces terres nouvellement acquises sont appelées Novorossiya. Chaque nouvelle guerre avec la Turquie renforce le contrôle territorial de la mer Noire par la Russie. Une partie importante de ces terres est colonisée par des paysans grand-russes provenant des régions centrales de la Russie.

En 1775, l'armée zaporizhienne située dans la région du Bas-Dniepr est liquidée. Une partie des cosaques part en Turquie, et l'autre est déplacée dans le Caucase du Nord, devenant la base de l'armée des cosaques du Kouban. Les anciennes terres militaires continuent d'être peuplées de paysans de la Petite Russie et de la Grande Russie. Les villes fondées par les tsars russes dans les nouveaux territoires : Mariupol, Yekaterinoslav (Dnepropetrovsk), Odessa, etc. sont peuplées par des représentants de différents groupes ethniques de l'Empire.

En 1793, lors du deuxième partage du Commonwealth polono-lituanien (État polonais), la Russie intègre à ses territoires l'Ukraine de la rive droite et la Podolie. Lors du troisième partage - en 1795 - la Volhynie. Seules la Galicie et la Rus (Ruthénie) subcarpatique restent en dehors de la Russie. Ainsi, la majorité de la branche sud-ouest des Slaves orientaux se retrouve dans un seul État, avec les Grands Russes et les Biélorusses, également inclus dans la Russie lors de la prise de la Lituanie, puis de la Pologne.

Dans le même temps, ni la Biélorussie ni l'Ukraine n'étaient des États au cours de ces périodes. Les principautés médiévales de la Russie occidentale n'ont pas pu maintenir leur indépendance et ont été subjuguées et démantelées par les Lituaniens, les Polonais et les Hongrois. Elles ont été préservées avec le statut d'un ethnos dans le contexte d'autres peuples. La Russie les a rendus à un État souverain slave oriental (russe au sens large du terme) avec une religion orthodoxe et de vastes territoires. Ils pouvaient rester des ethnies, ou se fondre dans le peuple uni de l'Empire.

Cela plaçait les Biélorusses et les Petits Russes devant un choix qui est resté et reste ouvert jusqu'à aujourd'hui. Certains pouvaient accepter l'identité panrusse (étatique, impériale) et fusionner avec elle, tandis que d'autres pouvaient choisir de préserver leur identité ethnique - y compris les dialectes linguistiques courants en Russie occidentale. C'est ce que faisaient généralement les communautés paysannes, même si elles avaient également un accès total aux vastes territoires de la Russie (dans la mesure où les paysans étaient libres dans l'État russe dans son ensemble, et où leur statut changeait à différentes époques). Quoi qu'il en soit, il y avait beaucoup de colons petits russes à la fois en Russie centrale et en Sibérie méridionale, qui à l'époque tsariste était appelée "Ukraine grise", où une partie importante de la population avait des racines petits russes.

Les territoires de Galicie, de Bucovine du Nord et de la Rus des Carpates sont restés le plus longtemps en dehors du contexte panrusse. Les deux premiers étaient jusqu'en 1918 inclus dans la partie autrichienne de l'Autriche-Hongrie (Cisleithanie). La Transcarpathie était la terre de la couronne hongroise (Transleithanie). Après la Première Guerre mondiale, la Galicie et la Volhynie, qui étaient russes depuis la fin du 18e siècle, ont fait partie de la Pologne redevenue un Etat indépendant.

La Bukovine du Nord a ensuite fait partie de la Roumanie, et la Transcarpathie est entrée dans le giron de l'Etat de Tchécoslovaquie.

Ces terres (à l'exception de la Transcarpathie) n'ont été réunies au reste de la Russie qu'avant la Grande Guerre patriotique, et la Transcarpathie - en 1945. Ensuite, en Russie même, il y avait un régime bolchévique. Par conséquent, les Ukrainiens occidentaux modernes ne connaissaient qu'une seule Russie - soviétique, dont l'attitude à l'égard de laquelle - en raison des caractéristiques totalitaires du régime bolchevique - était ambiguë, et parfois même directement négative.

Le nationalisme ukrainien, une construction artificielle

Passons maintenant à des époques plus modernes, lorsque la formation de nations politiques commence en Europe. Ce processus en Europe de l'Est, et encore plus en Russie, s'est déroulé avec un retard important, tout comme les réformes bourgeoises en général. La création de collectifs politiques dotés d'une identité fictive fondée sur la citoyenneté individuelle s'est déroulée beaucoup plus lentement qu'en Europe. En Russie, il y avait un Empire et un peuple, ainsi que de nombreux groupes ethniques qui préféraient ne pas s'intégrer pleinement au peuple et conserver leurs structures plus archaïques. Il en était ainsi non seulement avec les peuples de Sibérie ou du Nord, mais aussi avec ceux du Caucase, de l'Asie centrale, et même des régions occidentales habitées par des Slaves orientaux. Cependant, le mode de vie ethnique a été largement préservé par les communautés paysannes de la Grande Russie, qui constituaient la principale population de l'Empire.

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Compte tenu des contradictions politiques entre l'Empire russe et l'Europe occidentale, le processus de formation de nations artificielles est devenu un outil politique. Selon ce principe, les puissances occidentales, devenues elles-mêmes des nations, ont détruit leurs adversaires - la Turquie ottomane, l'Autriche-Hongrie et l'Empire russe. C'est ainsi que le nationalisme est né dans le contexte de la Russie. Mais ses diverses formes dans des contextes ethniques et territoriaux différents étaient qualitativement différentes. Ainsi, la Pologne a cherché à devenir indépendante en s'appuyant sur son histoire : après tout, autrefois, elle était non seulement indépendante de la Russie, mais elle était à son niveau, et l'a même surpassée, jusqu'à la prise de Moscou par les Polonais au temps des troubles. Le nationalisme polonais était basé sur une étape historique où les Polonais étaient un peuple à part entière - slave occidental et catholique - (strictement au sens ethno-sociologique). Le nationalisme des groupes ethniques turcs, beaucoup moins bien formé que le polonais, faisait appel à la Horde d'or et aux héros fabuleux des puissances des steppes.

Mais le nationalisme ukrainien qui a émergé à la fin du XIXe siècle était encore plus artificiel et sans fondement que les autres versions au sein de l'Empire russe. Il a été promu principalement par les Polonais, dans l'espoir d'opposer les Ukrainiens aux Grands Russes, d'obtenir un allié dans la lutte contre la Russie et, à long terme, de rétablir leur domination sur la Russie occidentale. Les Polonais ont pris une part active à la création d'une "langue ukrainienne" tout aussi artificielle, sursaturée de polonismes. Dans le même temps, en l'absence d'au moins un analogue de l'État politique des Slaves de l'Ouest et de l'Est dans l'histoire, la nation a été inventée de toutes pièces sur la base non pas de la culture réelle de la Petite Russie, mais d'inventions totalement ridicules.

Les autorités d'Autriche-Hongrie ont également contribué à la création du nationalisme ukrainien, en essayant de l'utiliser, d'une part, contre les Polonais en Galicie, et d'autre part, contre la Russie.

Le nationalisme ukrainien a commencé à prendre rapidement forme au moment de l'effondrement de l'Empire russe, mais il s'agissait des premiers pas, incomparables avec le nationalisme polonais. En un sens, "l'identité ukrainienne" n'était qu'un outil du nationalisme polonais dans sa lutte contre la Russie. Dans la confrontation géopolitique entre la Russie et l'Occident, ce nationalisme et, par conséquent, le projet de création d'une "nation ukrainienne" ont été instrumentalisés, entre autres, par l'Empire britannique pendant la guerre civile, lorsque Halford Mackinder, le fondateur de la géopolitique, était le haut-commissaire de l'Entente pour l'Ukraine.

La place de la "nation" dans le dogme bolchevique

La prise du pouvoir en Russie par les bolcheviks et l'expansion de leur pouvoir sur la quasi-totalité de ses territoires, y compris l'Ukraine, ont placé la question de la "nation" dans un nouveau contexte théorique.

Dans la théorie marxiste, l'ère des nations bourgeoises devait être remplacée par un système capitaliste unifié et une société civile mondiale correspondant à ses phases avancées. Cela créait les conditions de l'internationalisme. Mais contrairement aux libéraux, les marxistes croyaient qu'après le triomphe du mondialisme capitaliste, l'ère des révolutions prolétariennes devait venir, lorsque la classe ouvrière internationale renverserait le pouvoir également international du capital. Marx concevait le communisme comme la phase suivante après l'ère où la société civile deviendrait mondiale et où aucun groupe ethnique, peuple ou nation ne devrait subsister. C'est ce qui s'est passé en théorie.


En pratique, les bolcheviks ont pris le pouvoir dans un Empire précapitaliste, presque médiéval, où l'essentiel était le peuple russe (au sens ethno-sociologique), avec de nombreuses ethnies ayant une vision archaïque du monde et une religion profondément enracinée. Personne n'avait de nation. Et la modernisation et l'européanisation de l'élite impériale étaient superficielles et peu profondes. Les transformations capitalistes étaient également fragmentaires, et la grande majorité de la population était composée de paysans. Par conséquent, Marx a exclu la possibilité d'une révolution prolétarienne en Russie : elle n'est pas devenue suffisamment capitaliste, et en outre, le capitalisme n'a pas pleinement révélé son potentiel mondial. Mais les bolcheviks, malgré tout, ont pris le pouvoir et ont tenté de le conserver à tout prix. Cela les a obligés à opter pour des constructions théoriques extravagantes.

Les bolcheviks et la question ukrainienne

Dans un premier temps, les bolcheviks ont soutenu le nationalisme ukrainien, le considérant comme un allié naturel dans la lutte contre l'Empire, contre le "tsarisme". Cela était conforme à la partie du marxisme qui soutenait que toutes les sociétés doivent passer par la phase capitaliste et se former en nations pour ensuite les surmonter. Les Ukrainiens n'étaient ni une nation, ni une société capitaliste, ni un État, mais faisaient partie du peuple de l'Empire russe, conservant dans certains secteurs des caractéristiques culturelles ethniques. Par conséquent, les bolcheviks ont dû inventer l'Ukraine afin de l'insérer avec beaucoup d'exagération dans leur théorie du progrès socio-économique.

Après avoir pris le pouvoir, les bolcheviks ont radicalement changé leur attitude envers l'Ukraine. Désormais, la présence d'un État ukrainien allait à l'encontre des intérêts des bolcheviks. Ils ont donc annoncé que le capitalisme avait déjà été construit en Ukraine, que la nation ukrainienne avait été créée, qu'elle avait vécu assez longtemps et qu'elle était maintenant prête à entrer consciemment dans l'ère post-nationale de l'internationalisme prolétarien. Cependant, pendant un certain temps dans les années 1920 et 1930, le discours internationaliste s'est combiné à l'"ukrainisation" - l'imposition forcée de la langue et de la culture ukrainiennes à toute la population qui se trouvait dans le cadre de l'Ukraine soviétique. C'est ainsi qu'est né le territoire de l'Ukraine moderne, dans lequel l'histoire de l'Empire russe se mêle à l'arbitraire dogmatique des bolcheviks.

La RSS d'Ukraine et ses composantes

Lénine a réuni dans la République socialiste soviétique d'Ukraine
- le territoire de la Hétairie cosaque, qui a prêté serment d'allégeance au royaume russe en 1654 ;
- les régions de Kiev et de Tchernihiv, conquises aux Polonais par Alexei Mikhailovich en 1667, qui font partie de l'Hetmanat autonome (Petite Russie) au sein de la Russie ;
- la Nouvelle Russie (de Zaporozhye à Odessa), conquise sur l'Empire ottoman par Catherine la Grande ;
- L'Ukraine de la rive droite, intégrée à l'Empire russe par la même Catherine après les partages de la Pologne ;
- les terres primitivement russes (peuplées à la fois de Grands Russes et de Petits Russes) - Slobozhanshchina (Kharkov) et Donbass.

À la veille de la Grande Guerre patriotique, l'URSS a intégré la Volhynie et la Galicie, la Bucovine du Nord, la Bessarabie du Nord et la Bessarabie du Sud à l'Ukraine (ces dernières ont fait partie de l'Empire russe de 1812 jusqu'à son effondrement). En 1945, le territoire de la Rus subcarpathique y a également été ajouté, habité par une autre branche des Slaves orientaux - les Rusyns (Ruthènes).

Khrouchtchev y a ensuite ajouté la Crimée en 1954.
Puisque personne n'allait construire une nation à part entière dans l'Ukraine socialiste (selon l'idéologie des bolcheviks, elle appartenait au passé capitaliste - mais pas pour longtemps), toute la population était considérée comme un secteur standard d'un seul peuple soviétique. Les bolcheviks ont combattu sans merci le "nationalisme bourgeois".

 

dimanche, 13 mars 2022

Analyse du conflit en Ukraine

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Analyse du conflit en Ukraine

Par Daniele Perra

Source: https://www.eurasia-rivista.com/analisi-del-conflitto-in-ucraina/

L'analyse suivante est divisée en trois sections distinctes et tente d'évaluer le conflit à travers les aspects du droit international, de la doctrine militaire et des données économiques. Plus précisément, tout en reconnaissant que, comme l'affirmait Karl Haushofer, la géopolitique n'est pas une science exacte, on tentera de démontrer que l'action russe, loin d'être "ratée" ou mal planifiée (comme elle est présentée dans un Occident toujours plus éloigné de la réalité), est le produit d'un calcul froid et rationnel , tenant compte des coûts et des avantages.

Sur le point de droit

Il est très difficile d'évaluer selon les critères d'un droit international essentiellement américano-centré ce qui apparaît comme l'agression militaire d'une puissance non occidentale. Toutefois, il convient de rappeler que la Russie, dans le passé (intervention en Syrie et annexion de la Crimée sous le concept de "Responsabilité de protéger"), a souvent essayé de se présenter comme un État agissant précisément en accord avec ce droit.

Tout d'abord, le droit international actuel peut être considéré comme une sorte de jus contra bellum à opposer au concept de justa causa belli. Cette approche théorique antimilitariste est, bien entendu, foulée aux pieds sans que cela ne choque particulièrement l'opinion publique lorsque la guerre est menée par la puissance hégémonique au niveau mondial (les États-Unis) ou l'avant-poste occidental au Levant (Israël). À cet égard, il faut se rappeler qu'il existe quelques exceptions à la violation de l'intégrité territoriale d'un État (théoriquement) souverain. Ceci est permis soit en cas d'autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies, soit en cas de légitime défense collective nécessaire. Cette autodéfense (cas de la Russie) doit répondre à deux critères: a) la nécessité ; b) la proportionnalité.

Il est clair que l'intervention russe est le produit inévitable du mépris par l'Occident à l'égard du droit plus que légitime à la sécurité de la deuxième puissance militaire du monde. Moscou ne peut tolérer une nouvelle expansion de l'OTAN vers l'Est, avec l'installation conséquente de systèmes de missiles en Ukraine capables de frapper le territoire russe en quelques minutes (la nucléarisation de l'espace géographique russe est le rêve des dirigeants militaires américains depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale) ; Moscou ne peut tolérer l'installation de laboratoires biologiques militaires américains à ses frontières [1]. Il est tout aussi évident qu'une intervention militaire russe (pas plus de 70.000 soldats) peut (du moins en théorie) répondre au critère de proportionnalité.

Jusqu'à présent, nous restons dans le domaine très complexe de "l'attaque préventive" utilisée à plusieurs reprises par des homologues occidentaux (Israël en 1967, les Etats-Unis en 2003 en Irak sur la base de fausses preuves). Des sources au sein des services de Moscou font également référence à une éventuelle opération ukrainienne de grande envergure dans le Donbass (grâce à l'utilisation de miliciens formés en Pologne par l'OTAN) qui aurait été empêchée par une action russe. Au-delà, il existe deux autres cas d'intervention "légitime" : (a) la violation du principe de diligence raisonnable ; (b) l'usurpation.

La première s'applique en réponse aux attaques de groupes terroristes et de bandes armées (c'est-à-dire d'acteurs non étatiques) lorsque l'État ayant juridiction sur ces acteurs ne prend pas les mesures qui s'imposent (l'Ukraine face à des groupes paramilitaires, selon l'interprétation russe). La seconde s'applique lorsqu'un État (l'Ukraine) exerce des fonctions gouvernementales sur le territoire d'un autre État (les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk reconnues comme indépendantes par Moscou à une époque précédant le conflit). A cela s'ajoute, et cela semble sans doute être l'argument le plus fort en faveur de Moscou, le non-respect des accords de Minsk et les actions militaires ukrainiennes répétées (aussi brutales soient-elles) pour rétablir l'ordre dans les régions orientales du pays, qui ne sont pas par hasard également les plus industrialisées et riches en ressources.

À la lumière de ce qui a été écrit jusqu'à présent, il est clair que toute justification de l'intervention militaire russe au niveau du droit international est pour le moins assez faible. En fait, il s'agit plutôt d'une tentative de surmonter le positivisme normatif (et l'hypocrisie substantielle) du droit international américano-centrique au nom d'une idée de nomos de la terre liée à un concept historico-spirituel de possession et d'appartenance à l'espace géographique.

Enfin, outre le fait que le droit international lui-même est souvent interprété (surtout par les grandes puissances) à leur guise, on ne peut oublier la suggestion que Iosif Staline a faite à Chiang Ching-kuo, délégué de la République de Chine auprès de l'URSS à la fin de la Seconde Guerre mondiale: "tous les traités sont du papier brouillon, ce qui compte, c'est la force" [2].

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Aspects militaires

L'ancien militaire et analyste de la Fondation pour la défense des démocraties, Bill Roggio, a affirmé que la propagande occidentale a conduit à une incompréhension totale de la stratégie militaire russe en Ukraine (3). En particulier, Roggio souligne que l'Occident s'est concentré à tort sur la thèse selon laquelle l'échec de la prise de Kiev dans les premiers jours du conflit signifierait inévitablement l'échec de l'action russe.

Certes, Moscou pensait que l'entrée de ses troupes en territoire ukrainien aurait pu générer un effondrement immédiat du gouvernement de Kiev. Toutefois, cela ne signifie pas qu'une stratégie n'avait pas été prévue qui aurait pu ignorer cet événement. L'analyse des forces sur le terrain, dans ce cas, parle très clairement.

Depuis plusieurs jours, on parle d'une colonne de chars russes de plus de 60 km de long stationnée immobile à la périphérie de Kiev. Pourquoi n'est-elle pas attaquée par l'armée ukrainienne ? Pourquoi n'entre-t-elle pas dans Kiev ?

A la première question, l'ancien général Fabio Mini a répondu que ladite colonne n'est pas attaquée simplement parce que Moscou contrôle l'espace terrestre et aérien [4]. C'est pourquoi Kiev continue de réclamer une No Fly Zone qui n'arrivera jamais (à condition que le fanatisme des franges les plus extrémistes de l'atlantisme choisisse d'opter pour une guerre mondiale). L'entrée dans Kiev, avec le risque de finir écrasée dans une guérilla urbaine entre des factions ukrainiennes qui se combattent déjà (le meurtre d'un négociateur plus enclin au compromis en est la démonstration la plus évidente), n'est pas nécessaire, étant donné que la réunification entre les forces russes arrivant du nord et celles arrivant du sud couperait l'Ukraine en deux, rendant impossible le ravitaillement des troupes et milices opérant sur le front le plus chaud, celui de l'est. Empêcher l'entrée dans les centres urbains et contrôler les infrastructures énergétiques reste l'objectif principal de l'opération militaire russe. L'attaque de la centrale électrique de Zaporizhzhia a été mentionnée à plusieurs reprises. Eh bien, aucun analyste ne semble avoir remarqué que juste au-dessus de la centrale se trouve le canal qui, en 2014 (après l'annexion de la Crimée), a été fermé dans le but précis d'étrangler la péninsule de la mer Noire en lui refusant tout approvisionnement en eau. Le contrôle de cette infrastructure est crucial pour rétablir l'approvisionnement en eau de la région.

À ce stade, à la lumière du succès de propagande de l'ancien acteur Volodymyr Zelenskyi, dont les profils sur les plateformes sociales sont une apothéose de fake news et de déclarations de soutien de l'élite de l'atlantisme (von der Leyen, Biden, Draghi), du sionisme et des multinationales qui leur sont liées, on peut se poser une autre question : pourquoi Moscou s'attaque-t-il aux répétiteurs de télévision mais ne ferme-t-il pas Internet ?

C'est là que la question se complique. Comme l'a souligné l'ancien général de l'armée de l'air chinoise Qiao Liang, la guerre du XXIe siècle est avant tout une cyber-guerre indissociable de son appareil technologique. Les armées (celle de la Russie n'est pas différente) sont dépendantes des technologies de l'information. Ce facteur, selon Qiao, peut être à la fois un avantage et un inconvénient. La technologie de l'information, en effet, est basée sur les puces et la possibilité d'éviter la dépendance à ces instruments est désormais inexistante. Cela rend la protection des données de plus en plus problématique, et l'incapacité à surmonter les faiblesses potentielles découlant du haut niveau d'informatisation représente un risque permanent pour la durabilité des capacités et des actions militaires. C'est pourquoi le choc des puissances au XXIe siècle (et le conflit en Ukraine, avec son mélange de guerre traditionnelle et de cyberattaques, en est le principal indicateur et anticipateur) se déroulera principalement dans ce qu'on appelle le cyberespace.

En conclusion, l'action de Moscou (conçue pour ne pas être trop longue mais pas trop courte non plus) vise toujours à imposer ses propres conditions sur la table des négociations : neutralisation de l'Ukraine et reconnaissance de l'annexion de la Crimée et de l'indépendance des républiques dans l'est de l'Ukraine actuelle. Il ne faut pas oublier qu'il a fallu à la Wehrmacht plus d'un million d'hommes et cinq semaines pour vaincre la Pologne en 1939. À cette occasion, tant les Allemands que les Polonais se sont peu souciés de la population civile. Aujourd'hui, la Russie a choisi de limiter au maximum les attaques contre les centres de population et d'établir (en accord avec son homologue de Kiev) des corridors humanitaires qui, pour l'instant, ne semblent pas fonctionner au mieux en raison de l'obstructionnisme des groupes paramilitaires ukrainiens (le tristement célèbre Bataillon Azov surtout).

Si Moscou a une stratégie précise à long terme, il est tout aussi vrai que l'Occident en a une aussi. En fait, il n'est pas exclu que l'Occident se soit déjà préparé à l'éventualité d'un gouvernement ukrainien en exil. L'envoi d'armes et la facilitation du voyage vers ce pays d'Europe de l'Est de mercenaires et de terroristes internationaux peuvent être interprétés par la volonté précise de poursuivre la déstabilisation de la région si Moscou parvient à ses fins.

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Le fait économique

Le fait que le Premier ministre israélien Naftali Bennett se soit rendu à Moscou le jour du Shabbat pour rechercher une médiation dans la crise a provoqué des remous. Outre le facteur géopolitique (montrer son amitié envers la Russie pourrait s'avérer utile en Syrie contre la présence iranienne), il ne faut pas négliger les profonds intérêts économiques et de stabilité interne que l'entité sioniste a dans le conflit. En fait, une grande partie de la population d'Israël, qui est entre autres l'un des principaux importateurs de blé ukrainien, est originaire des républiques qui faisaient autrefois partie de l'Union soviétique. C'est pourquoi une éventuelle prolongation de l'affrontement n'aiderait en rien l'équilibre entre les différentes communautés ex-soviétiques au sein de l'entité sioniste et une économie qui, malgré les mythes de la propagande mensongère, vit déjà largement de l'aide étrangère.

Lorsque l'on parle des données économiques, on ne peut bien sûr pas ignorer le sujet des sanctions. Puisqu'il a été question d'"actions sans précédent" de la part de l'Union européenne, il sera bon d'analyser les effets réels que ces actions peuvent avoir. À cet égard, on peut partir du fait que la Russie dispose d'un trésor de 630 milliards de dollars qui peut être dépensé pour supporter le fardeau des "actions sans précédent" que je viens de mentionner. Il convient également de rappeler que ces dernières années, peut-être en préparation de la guerre et de la réponse occidentale, la Russie a réduit son ratio dette/PIB (la dette publique russe représente 12,5 % du PIB, alors que la dette américaine est de 132,8 %) ; elle a réduit sa dette extérieure ; elle a accumulé de grandes quantités d'or (2300 tonnes), l'actif refuge qui prend de la valeur en même temps que les crises géopolitiques ; et elle a sciemment cédé des titres de la dette américaine. À cela s'ajoutent l'énorme disponibilité de matières premières et la relation étroite avec les deux plus grands pays fabricants du monde (la Chine et l'Inde, qui n'ont guère l'intention de suivre la vulgate des sanctions).

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A l'abondance de matières premières s'ajoute la production avancée d'aluminium, de titane (le groupe russe Vsmpo-Avisma couvre largement les besoins en titane de Boeing et Airbus) et de palladium (50% de la production à l'échelle mondiale). Sans parler de la production de céréales, dont le blocus à l'exportation met déjà en crise le secteur italien des pâtes (un sujet pour une éventuelle étude approfondie sur la géopolitique de l'alimentation). Cela signifie que toute contre-sanction russe aurait des effets potentiellement dévastateurs sur l'économie européenne, déjà à genoux après deux années de gestion désastreuse de la crise de la pandémie. Tout cela pour le plus grand plaisir de Washington qui, en jetant les bases de ce conflit, avait vu une belle opportunité de se débarrasser du principal concurrent à l'hégémonie du dollar : l'euro. C'est pourquoi elle invite encore ses vassaux européens à approvisionner Kiev en avions de combat. L'objectif, en fait, est d'élargir le conflit à l'ensemble du continent.

NOTES

[1] Voir Le pentagone bio-armes, www.dylana.bg.

[2] Liu Xiaofeng, La nouvelle Chine et la fin du droit international américain, www.americanaffairsjournal.org.

[3] Poutine n'est pas fou et l'invasion russe n'est pas un échec. L'illusion de l'Occident sur cette guerre, www.fdd.org.

[4] Ukraine, l'ancien général Fabio Mini : "Regardez le ciel, pas la longue colonne de chars. Si c'est une attaque contre Kiev, elle viendra de là", www.ilfattoquotidiano.it.

samedi, 12 mars 2022

Idéologie, propagande et conflit

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Idéologie, propagande et conflit

Par Daniele Perra

Source: https://www.eurasia-rivista.com/ideologia-propaganda-e-conflitto/

"Par conséquent, c'est un précepte ou une règle générale de la raison que tout homme doit s'efforcer d'obtenir la paix, dans la mesure où il a l'espoir de l'obtenir, et lorsqu'il ne peut l'obtenir, rechercher et utiliser toutes les aides et tous les avantages de la guerre. La première partie de cette règle contient la première loi fondamentale de la nature, qui est de rechercher la paix et de l'obtenir. La seconde, la somme de la loi de la nature, qui consiste à se défendre par tous les moyens possibles."

(Thomas Hobbes, Léviathan)

Dans son interprétation personnelle de l'œuvre la plus célèbre de Thomas Hobbes, Carl Schmitt souligne combien la figure du Léviathan évoque avant tout "un symbole mythique plein de significations cachées" [1]. Ce mythe, selon le grand juriste allemand, doit être compris avant tout comme une lutte séculaire d'images. En effet, dans le livre de Job, à côté de la figure du Léviathan (l'animal marin le plus fort et le plus indomptable), un autre animal est dépeint avec autant d'importance et de richesse de détails : le Béhémoth terrestre.

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Après un rapide examen des interprétations chrétiennes de ce "mythe" (par exemple, selon l'Apocalypse de Jean, dans le célèbre Liber Floridus du 12e siècle, l'Antéchrist est représenté trônant sur Léviathan tandis qu'un démon chevauche Béhémoth), Schmitt se concentre sur l'exégèse juive, où les deux bêtes deviennent des symboles des puissances mondaines et païennes hostiles aux Juifs. "Le Léviathan", affirme Schmitt, "représente les bêtes sur mille montagnes (Psaumes 50:10), c'est-à-dire les peuples païens" [2]. Dans ce sens, l'histoire du monde est présentée comme une lutte des peuples païens les uns contre les autres. En particulier, la lutte se déroule entre le Léviathan - les puissances maritimes - et le Béhémoth - les puissances terrestres.

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Béhémoth essaie de déchirer le Léviathan avec ses cornes, tandis que le Léviathan bouche la gueule et les narines de Béhémoth avec ses nageoires, le tuant. Ceci, poursuit Schmitt, est "une belle image de l'étranglement d'une puissance terrestre par un blocus naval" [3] (la référence, bien sûr, est au blocus naval avec lequel les Britanniques ont étranglé l'économie allemande pendant la Première Guerre mondiale). Dans tout cela, les Juifs regardent les peuples de la terre s'entretuer: "pour eux, ces massacres et égorgements mutuels sont légaux et casher. C'est pourquoi ils mangent la chair des peuples tués et en tirent la vie" [4].

Si l'interprétation schmittienne de ce thème biblique est appliquée aux événements actuels, il n'est pas particulièrement difficile d'identifier la Russie et l'Europe respectivement comme le Béhémoth et le Léviathan, et les États-Unis comme ceux qui "se nourrissent de la chair des tués et en vivent".

Dans deux articles publiés sur le site Eurasia, intitulés "L'ennemi de l'Europe" et "Comparaison des modèles géopolitiques", on a tenté d'expliquer comment les Etats-Unis, à travers deux guerres mondiales en l'espace de trente ans (ce n'est pas une coïncidence si l'historien Eric Hobsbawm a parlé d'une "deuxième guerre de trente ans" et Ernst Nolte d'une "guerre civile européenne"), ont réussi à évincer la Grande-Bretagne de son rôle de puissance mondiale, l'épuisant dans une lutte sans merci avec l'Allemagne. La "Grande Guerre" se prête particulièrement bien à ce schéma d'interprétation, puisque les États-Unis ne sont intervenus qu'après s'être transformés de pays débiteur en pays créditeur et après s'être assurés que les concurrents européens sortiraient du conflit, quelle que soit l'issue, dans des conditions économiques désastreuses. Et il ne semble pas déplacé d'utiliser le même schéma d'interprétation pour la crise actuelle en Europe de l'Est, étant donné que, aujourd'hui comme en 1914, les États-Unis sont le plus grand pays débiteur du monde. 

Toutefois, une telle approche nécessite une réflexion approfondie. Nous avons choisi de commencer cette analyse par une citation de Thomas Hobbes pour la simple raison que le philosophe anglais reconnaît que l'État est avant tout un système de sécurité destiné à garantir la sécurité de son peuple et à éviter un retour à l'état de nature : la lutte de tous contre tous.

9782081395497.jpgHobbes déclare expressément qu'il est du devoir de tout homme de rechercher la paix. Mais lorsque cela ne peut être réalisé, il a le droit d'utiliser les avantages de la guerre. Le penseur de Malmesbury, à son crédit, dit aussi autre chose. Plus précisément, il affirme la nécessité du respect des pactes, car : "sans une telle garantie les pactes sont vains et ne sont que des paroles vides, et le droit de tous les hommes à toutes choses demeurant, on est toujours dans la condition de la guerre [...] Mais quand un pacte est fait, alors le rompre est injuste et la définition de l'injustice n'est rien d'autre que le non-respect du pacte" [5].

Et encore : "C'est pourquoi celui qui rompt l'alliance qu'il a contractée, et qui déclare par conséquent qu'il pense pouvoir le faire avec raison, ne peut être reçu dans une société qui se réunit pour la paix et la défense, si ce n'est par l'erreur de ceux qui le reçoivent, ni, une fois reçu, rester sans que ceux qui voient le danger de leur erreur" [6].

Quelle est l'utilité de ces citations face au conflit actuel en Ukraine ? Il est bon de procéder par ordre. En 1987, les États-Unis et l'Union soviétique ont signé le traité INF - Intermediate-range Nuclear Force Treaty, qui réglementait le placement de missiles balistiques à courte et moyenne portée sur le sol européen. À peu près au même moment, Washington a donné à Moscou des garanties que l'OTAN ne s'étendrait pas vers l'est.

En 2014, l'Ukraine était dirigée par Viktor Ianoukovitch, dont le principal défaut (plus que la corruption généralisée) était d'avoir opté pour une éventuelle entrée du pays dans l'Union économique eurasienne. En effet, dans sa vision, l'ex-république soviétique était censée être un pont entre l'est et l'ouest et non une rupture géographique entre la Russie et le reste de l'Europe. Dans une interview accordée à CNN quelques semaines après le coup d'État à Kiev, le spéculateur ("philanthrope") George Soros a ouvertement déclaré qu'il avait contribué à renverser le "régime pro-russe" afin de créer les conditions nécessaires au développement d'une démocratie de type occidental. Non seulement cela, mais le gouvernement ukrainien post-golpiste a été sélectionné selon une méthodologie d'entreprise. Plus précisément, la sélection a été effectuée par deux cabinets de "chasseurs de têtes", Pedersen & Partners et Korn Ferry, qui ont choisi 24 personnes sur une liste de 185 candidats parmi les étrangers vivant en Ukraine (sans surprise, le gouvernement post-golpiste comprenait un Américain, un Lituanien et un Géorgien) et les Ukrainiens vivant au Canada et aux États-Unis. L'ensemble du processus - et cela ne devrait pas être une surprise - a été financé par Soros lui-même par le biais de la fondation Renaissance et du réseau de conseil politique [7].

Non moins troublant a été le processus de sélection de l'actuel président ukrainien, que la propagande atlantiste, dans un élan d'humour et de blasphème, a comparé à Salvador Allende. Volodymir Zelens'kyi, acteur et comédien d'origine juive aux talents incontestables (étant donné sa capacité à hypnotiser un public occidental déjà enivré par deux années de rhétorique pandémique militariste), avant de se consacrer à la politique était sous contrat avec la télévision privée du puissant oligarque Igor Kolomoisky. Également d'origine juive, ancien président de la Communauté juive unie d'Ukraine et du Conseil européen des communautés juives, Kolomoisky est également connu pour avoir financé les groupes paramilitaires qui massacrent les civils dans le Donbass depuis huit ans et pour avoir placé des primes de 10.000 dollars sur les têtes des miliciens séparatistes (Il va sans dire que ce sont les mêmes groupes qui ont assassiné le journaliste italien Andy Rocchelli (photo, ci-dessous) dans le silence absolu de nos médias, bien plus intéressés à défendre les droits bafoués d'un étudiant égyptien en études de genre).

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Biographie: https://www.worldpressphoto.org/andy-rocchelli

Or, pour en revenir à l'affirmation hobbesienne selon laquelle "la définition de l'injustice n'est rien d'autre que le non-respect de l'alliance", on ne peut manquer de rappeler qu'en plus d'avoir accepté une large expansion de l'OTAN vers l'Est, les États-Unis ont opté en 2018 (sous l'administration Trump) pour un retrait unilatéral du FNI, sanctionnant de fait la possibilité d'amener leurs missiles aux frontières de la Russie. Comment la deuxième puissance militaire du monde aurait-elle dû réagir à un tel acte ? Il est bon de commencer par les aspects diplomatiques.

Le 17 décembre 2021, le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie a publié le projet d'accord sur les garanties de sécurité soumis à l'OTAN et aux États-Unis. Il s'agissait notamment : a) d'exclure toute nouvelle expansion de l'OTAN vers l'est (y compris l'Ukraine) ; b) de ne pas déployer de troupes supplémentaires ; c) d'abandonner les activités militaires de l'OTAN en Ukraine, en Europe de l'Est, dans le Caucase et en Asie centrale ; d) de ne pas déployer de missiles à moyenne et courte portée dans des zones à partir desquelles d'autres territoires peuvent être touchés ; e) de s'engager à ne pas créer de conditions pouvant être perçues comme des menaces ; f) de créer une ligne directe pour les contacts d'urgence [8].

En outre, Moscou a expressément exigé le retrait de la déclaration de Bucarest dans laquelle l'OTAN a établi le principe de la "porte ouverte" en ce qui concerne l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'alliance. Naturellement, Washington et l'OTAN ont rejeté en bloc les demandes russes.

Il est essentiel de souligner ce fait, car la liberté invoquée aujourd'hui par le président ukrainien dans ses appels "sincères" n'est rien d'autre que la "liberté" de ses protecteurs de placer sur le sol ukrainien des missiles qui peuvent atteindre Moscou en quelques minutes, la détruisant avant même qu'elle ait une chance de réagir. Et la rhétorique belliqueuse utilisée par les gouvernements collaborationnistes européens (l'Italie en premier lieu) défend cette idée plutôt bizarre de liberté, sur la base de laquelle (nous le répétons) la deuxième puissance militaire du monde (ainsi que le principal fournisseur d'énergie de l'Europe) ne se voit pas garantir le droit à la sécurité.

Pour cette idée malsaine de la liberté (l'Italie est une fois de plus au premier rang, malgré la présence de plus de 70 têtes nucléaires américaines qui en font une cible directe en cas d'éventuelles représailles), il a été décidé d'envoyer des armes à Kiev (qui finiront dans les mains de groupes paramilitaires plus intéressés par la chasse à leurs concitoyens pro-russes que par la guerre contre les Russes) et de ne soumettre qu'un quart du système bancaire russe à des sanctions.

Au nom de cette idée de liberté, produit de la manipulation idéologico-géographique qui porte le nom d'Occident, le suicide économique et financier de l'Europe a été décidé (à la grande joie de Washington). Et toujours sur la base de cette idée dérangeante de la liberté, une "chasse aux sorcières" a été déclenchée, dans laquelle des artistes de renommée internationale sont priés d'abjurer leur patrie ; dans laquelle des cours sur Dostoïevski sont annulés, pour être ensuite rétablis lorsqu'un auteur ukrainien donne un avis "contradictoire" (comme si le par condicio pouvait s'appliquer à la littérature) ; dans laquelle toute voix en désaccord avec la vulgate officielle est réduite au silence et accusée de pro-poutinisme ; et dans laquelle les trente dernières années d'agression de l'OTAN (dont soixante-dix-huit jours de bombardement de la Serbie) et les huit années précédentes de guerre en Ukraine sont oubliées.

Il existe un terme pour tout cela : la guerre idéologique. La guerre idéologique est une guerre dans laquelle, pour reprendre la définition de Schmitt, l'ennemi est diabolisé et criminalisé. Par conséquent, elle devient digne d'être anéantie. La guerre idéologique ne connaît aucune limite et se fonde sur la subversion de la réalité. C'est la guerre imaginaire des pseudo-intellectuels, des journalistes et des analystes géopolitiques en proie à une surexcitation guerrière. C'est la guerre dans laquelle de faux mythes sont créés : la résistance héroïque des soldats ukrainiens sur l'île aux Serpents (qui se sont rendus sans tirer un coup de feu), le fantôme de Kiev abattant six avions de chasse russes (qui n'ont jamais existé), la résistance ukrainienne retournant les panneaux de signalisation pour confondre l'avancée russe (à l'ère de la guerre technologique). Cette guerre imaginaire est celle dans laquelle la Russie est décrite comme un pays isolé alors qu'en réalité elle renforce sa coopération avec la Chine et le Pakistan (deux puissances nucléaires) et dans laquelle l'UE et l'Anglosphère sont présentées comme le "monde entier". 

NOTES

[1] C. Schmitt, Sul Leviatano, Il Mulino, Bologna 2011, p. 39.

[2] Ibid, p. 45.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] T. Hobbes, Leviatano, BUR, Milan 2011, p. 149.

[6] Ibidem, p. 155.

[7] Se Soros e la finanza scelgono il governo dell’Ucraina, www.ilsole24ore.com.

[8] Russie : les garanties de sécurité demandées à l'OTAN sont révélées, www.sicurezzainternazionale.luiss.it.

Opération militaire en Ukraine : Analyse géopolitique

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Opération militaire en Ukraine : Analyse géopolitique

En toute exclusivité: la perspective russe selon Alexandre Douguine

Alexandre Douguine

Source: https://katehon.com/en/article/military-operation-ukraine-geopolitical-analysis?fbclid=IwAR3Y3lIY5eabLUPz3tvclSDLIcGNl6PFCv0d4vj71c0Avnjof-Ojj7AzSBM


La question ukrainienne à l'origine de la géopolitique

La place de l'Ukraine dans la confrontation géopolitique entre la Terre et la Mer a déjà fait l'objet de nombreux écrits et de descriptions détaillées. Il est d'ailleurs symbolique que le fondateur de la géopolitique, Halford J. Mackinder, ait été le haut commissaire de l'Entente pour l'Ukraine pendant la guerre civile en Russie. Et à cette époque-là, dans le gouvernement blanc de Wrangel, le fondateur de l'eurasisme, le géographe Piotr Savitsky, qui fut le premier, dans le journalisme de langue russe, à mentionner lui-même le terme "géopolitique" et à exposer les points principaux de cette méthodologie, travaillait comme assistant du ministre des Affaires étrangères Peter Struve.

La géopolitique : la guerre continuelle entre la terre et la mer

Mackinder a formulé la théorie de la grande guerre des continents, l'opposition entre la civilisation de la Mer (l'Occident en général, l'Empire britannique plus spécifiquement) et la civilisation de la Terre (Heartland, Russie-Eurasie) quelques années plus tôt, en 1904, dans son célèbre ouvrage The Geographic Pivot of History.  Terre (Rome, Sparte) et Mer (Carthage, Athènes) représentent deux civilisations antagonistes, opposées en tout - traditionalisme et modernité, spiritualité et matérialisme, esprit militaire et esprit commercial. Le conflit qui les oppose est une constante de l'histoire du monde.

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L'Eurasie, théâtre d'affrontements géopolitiques

Au cours des derniers siècles, lorsque le Grand Jeu, la confrontation entre les empires britannique et russe, battait son plein, la grande guerre continentale s'inscrivait dans l'espace de l'Eurasie. Dans cet espace, le "Heartland", c'était la Russie. Et la "civilisation de la mer" était portée par l'Angleterre. L'Angleterre tentait d'enserrer l'Eurasie de l'extérieur, depuis les océans. La Russie se défendait de l'intérieur, en essayant de briser le blocus.

La principale bande territoriale où se multipliaient les tensions se nommait alors, dans le langage spécial de la géopolitique mackindérienne, le Rimland, la "zone côtière". Elle s'étendait de l'Europe occidentale à l'Asie du Sud-Est, comprenait l'Inde et la Chine, en passant par le Moyen-Orient et l'Asie centrale.

L'objectif de la Mer était de subjuguer le Rimland. L'objectif de la Terre était de briser cette influence et de déserrer l'anneau de l'anaconda thalassocratique qu'il fallait rétrécir. C'est la raison de l'avancée de la Russie en Asie centrale et en Extrême-Orient.

D'où la formule principale de la géopolitique: "Qui contrôle l'Europe de l'Est contrôle le Heartland. Qui contrôle le Heartland, contrôle le monde". Telle est la théorie.

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Le démembrement de la Grande Russie

De par sa position de Haut Commissaire de l'Entente, Mackinder tenta de mettre la théorie en pratique. La guerre civile russe a donné à la civilisation de la mer une nouvelle chance de repousser les frontières du Rimland vers l'est, aux dépens des territoires qui quittaient alors la sphère de la puissance russe - la Finlande, la Pologne et, surtout, l'Ukraine.

Mackinder (comme Savitsky) avait compris que la victoire des bolcheviks conduirait inévitablement à une confrontation avec l'Occident et à une tentative de recréer l'Empire russe sous une nouvelle forme (et c'est exactement ce qui s'est passé). Et face à cette perspective, Mackinder a exigé que le gouvernement britannique soit plus actif dans l'aide aux Blancs [1], il a tenté de convaincre les dirigeants anglais de la nécessité de soutenir l'indépendance de l'Ukraine. Il a également élaboré un plan visant à séparer de la Russie la grande région du Caucase méridional, la Biélorussie, l'Asie centrale, ainsi que la Sibérie orientale et même un certain nombre de territoires du sud de la Russie. Plus tard, en 1991, l'effondrement de l'URSS permet, dans une large mesure, de réactiver le plan de Mackinder.

L'Ukraine et le cordon sanitaire

L'Ukraine jouait un rôle majeur dans le plan géopolitique de Mackinder. Ce territoire, avec la Pologne et les pays d'Europe de l'Est, faisait partie du "cordon sanitaire", une zone stratégique qui devait être sous le contrôle direct de l'Angleterre et de la France (les alliés de l'Entente à l'époque) et empêcher tout rapprochement entre la Russie et l'Allemagne. Retenue par un "cordon sanitaire", la Russie-Eurasie ne pouvait pas devenir un Empire à part entière. Sans l'Ukraine, la Russie n'est pas un Empire. Et de plus, l'Ukraine, rendue hostile à la Russie et placée sous le contrôle direct des Anglo-Saxons, couperait la Russie de l'Europe continentale, où l'Allemagne, à son tour, était un Heartland, mais pas un Heartland mondial (comme la Russie), mais local, européen. Le conflit de l'Angleterre avec l'Allemagne (aussi avec l'Autriche) était une constante de la géopolitique européenne.

En conséquence, le projet d'une Ukraine indépendante était initialement dirigé contre la Russie et était supervisé par les Anglo-Saxons.

Les bolcheviks créent et démantèlent simultanément l'Ukraine

Nous savons que pendant la guerre civile, les Blancs ont adhéré à une politique de restauration d'un Empire uni et indivisible. En même temps, ils dépendaient du soutien de l'Entente, qui leur imposait certaines conditions. Quoi qu'il en soit, le gouvernement britannique, n'étant pas d'accord avec Mackinder sur la nécessité d'un soutien fort aux Blancs en échange de leur accord à la sécession de l'Ukraine, les Blancs ont perdu la guerre. Dans cette configuration, le sujet a donc été écarté de l'ordre du jour.

Les bolcheviks, quant à eux, ont d'abord soutenu l'Ukraine et encouragé activement les cercles nationalistes en pensant qu'ils s'étaient orientés contre le "tsarisme", mais ils ont ensuite opté pour une politique centraliste, voyant que l'Ukraine n'allait pas accepter le pouvoir bolchevique sans se plaindre et cherchait à céder aux Anglo-Saxons (ce qui signifiait alors le "capitalisme mondial"). Par conséquent, comme Mackinder l'avait prévu, Lénine a commencé la saisie directe de l'Ukraine, qui n'avait pas eu, dans son passé, une histoire d'État indépendant et était une proie relativement facile pour les Rouges. Les Rouges n'ont pas réussi à conquérir la Pologne par le même stratagème. Mais le territoire de la Biélorussie, qui était revendiqué par la Pologne de Piłsudski, est resté aux mains des Rouges.

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Ensuite, déjà sous l'autorité des bolcheviks en 1922, Lénine a donné à la République socialiste soviétique d'Ukraine les vastes territoires qui avaient toujours fait partie de l'Empire russe - Slobozhanshchina, Donbass, Novorossiya, ainsi que de vastes zones au nord (oblast de Tchernigov) et à l'ouest (Petite Russie proprement dite). La Galicie est restée sous la tutelle de la Pologne, la Bucovine faisait partie de la Roumanie. La Crimée appartenait à la RSFSR.

Mais cet arrangement territorial de l'Ukraine n'impliquait pas véritablement la création d'un État. Le pouvoir bolchevique s'étendait à tous les territoires de l'URSS et, dans l'esprit de l'idéologie internationaliste, il ne pouvait être question d'un statut d'État pour les différentes républiques. Il s'agissait presque d'une division purement administrative dans le cadre d'un pouvoir solidement unifié. C'est exactement ce que Mackinder avait craint.

Les bolcheviks ont à la fois créé l'Ukraine et l'ont abolie (en tant qu'État indépendant).

L'Ukraine dans l'URSS après la Grande Guerre patriotique

La Galicie, la Volhynie et la Bukovine ont été annexées à l'Ukraine juste avant la Grande Guerre patriotique et la Transcarpathie - juste après la guerre. Mais à ce moment-là, la Russie-Eurasie sous la forme de l'URSS s'est déplacée de manière significative vers l'ouest, déplaçant la frontière du pays au détriment du Rimland, et établissant son contrôle sur l'Europe de l'Est, qui était toute entière sous le pouvoir de Moscou. L'URSS a ainsi réduit à néant et totalement aboli le "cordon sanitaire" de Mackinder et de Lord Curzon, s'installant directement en Europe continentale et s'emparant, en fait, des territoires de l'ancienne Prusse/Brandebourg (RDA).

Dans une telle position - profondément à l'arrière de ce rimland européen de l'Eurasie et donc dans le Heartland eurasien - l'Ukraine a existé jusqu'en 1991. Dans le même temps, pour des raisons de convenance purement administrative dans les limites d'un État absolument unitaire, Khrouchtchev a transféré en 1954 la Crimée à Kiev. Du point de vue géopolitique, cependant, cela ne signifiait rien, car toutes les frontières entre les sujets de l'URSS, les républiques fédératives, étaient conditionnelles et ne signifiaient rien du tout dans la pratique.

L'atlantisme et le monde bipolaire

Pendant la guerre froide, l'Occident est revenu à sa pratique particulière de la géopolitique. C'est ainsi qu'en 1949, suivant les modèles mise au point par Mackinder, l'OTAN (l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) a été créée. Le terme "Atlantique" ayant été introduit dans le sigle de l'organisation militaire, le vocable "atlantisme" devient synonyme de "civilisation de la mer", de thalassocratie, dans le sens exact où Mackinder l'entendait. L'"atlantisme", c'est l'Occident et ses alliés, le monde capitaliste avec un noyau dur anglo-saxon, dont le centre, au XXe siècle, s'est progressivement déplacé de Londres à Washington, de l'Angleterre aux États-Unis.

La carte dessinée par Mackinder correspondait parfaitement à l'équilibre des forces dans la guerre froide, et les deux camps - le communiste et le capitaliste - étaient strictement alignés sur les critères attribués à la Terre et à la Mer. Le bloc de l'Est était la Terre, avec l'URSS en son centre, le Heartland. Le bloc occidental était la Mer, centrée sur l'Atlantique (les Anglo-Saxons), mais comprenait les colonies stratégiques d'après-guerre des États-Unis - les pays d'Europe, le Japon et d'autres États du tiers-monde qui proclamaient leur allégeance au capitalisme. Ils étaient disposés en ordre dispersé en Asie, en Afrique et en Amérique latine, qui constituaient la carte géopolitique de la confrontation mondiale. Terre et Mer s'affrontaient rarement directement (comme lors de la crise des missiles de Cuba), et agissaient généralement par le biais de leurs mandataires, les régimes pro-soviétiques ou pro-américains. Et si la Terre était directement impliquée dans un conflit - comme en Tchécoslovaquie, en Afghanistan, etc., alors la Mer s'y opposait par le biais de mandataires, de "proxies", de groupes et de mouvements antisoviétiques sans intervenir directement. Et quand la Mer intervenait ouvertement - comme en Corée et au Vietnam -  la Terre aidait indirectement, avec des conseillers, la diplomatie, l'économie, etc.

Le problème du Rimland

Pendant la guerre froide, le problème du Rimland est redevenu extrêmement pertinent. Ainsi, le géopolitologue américain Nicholas Spykman, révisant les théories de Mackinder, arrive à la conclusion que c'est le Rimland qui est la principale zone de confrontation. Il formule la loi de la géopolitique comme suit : "Celui qui contrôle le Rimland contrôle le monde". Mais il ne s'agit pas d'une nouvelle géopolitique, mais d'une réinterprétation - mineure - du poids des zones principales dans la théorie de Mackinder. D'autant plus que Mackinder lui-même a commencé par énoncer une théorie sur "l'Europe de l'Est", c'est-à-dire sur ce qui deviendra le "cordon sanitaire", et que celui-ci appartient au Rimland.

Quoi qu'il en soit, la guerre froide, d'un point de vue géopolitique, était une bataille pour le Rimland. Moscou a tenté d'étendre son influence - par le biais de partis et de mouvements de gauche - en Europe, au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique et en Amérique latine. À une certaine époque, la Chine maoïste faisait également partie d'un camp socialiste unique, c'est-à-dire du Heartland eurasien.

L'attaque de l'Atlantisme

Lorsque l'URSS a commencé à s'affaiblir, les géopoliticiens atlantistes (Z. Brzezinski, R. Gilpin, etc.) ont commencé à penser et à agir de manière plus avant-gardiste. Outre le modèle bipolaire et le déplacement partiel de l'équilibre à la périphérie du monde et le long des contours de l'Eurasie, ils ont commencé à élaborer des concepts plus audacieux, évoquant un monde unipolaire. Ainsi, les idées de Mackinder ont retrouvé leur fraîcheur et leur pertinence. Pour obtenir la victoire décisive et finale de la civilisation de la mer, il fallait briser le bloc de Varsovie, puis de préférence l'URSS, et enfin ce qu'il en restait. En d'autres termes, faire progresser de manière significative le Rimland dans les profondeurs de la terre, en le bridant et en bloquant l'accès aux "mers chaudes", vers lesquelles la Russie tentait constamment de se porter.

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L'un des géopoliticiens atlantistes les plus constants était Zbigniew Brzezinski. À l'époque bipolaire, il soutenait farouchement les forces antisoviétiques en Afghanistan, jusqu'à et y compris Al-Qaïda. Au début des années 80, Brzezinski et Kissinger se sont efforcés de rompre définitivement les derniers liens que la Chine entretenait encore avec l'URSS, en cherchant à l'inclure dans l'économie mondiale et à l'intégrer progressivement dans la civilisation de la mer.

Lorsque les processus destructeurs de l'URSS ont commencé à agir, les atlantistes ont augmenté la pression sur l'Europe de l'Est, provoquant, fomentant et soutenant par tous les moyens possibles des sentiments artificiellement antisoviétiques/russophobes. D'un point de vue géopolitique, le soviétique et le russe coïncidaient à l'époque.

Avec Gorbatchev, l'effondrement rapide du camp socialiste a commencé. La Terre reculait, la Mer avançait. Nous ne devons donc pas être surpris que l'expansion de l'OTAN vers l'Est ait commencé et se soit parachevé. Cette expansion était à l'origine inscrite dans la théorie géopolitique de l'atlantisme. On ne pouvait rien attendre d'autre de la politique atlantiste.

La création de l'anti-Russie

Lorsque l'on a assisté à l'effondrement de l'URSS, les projets de Mackinder visant à démembrer la Russie-Eurasie, redevenaient toujours plus pertinents. Les frontières conditionnelles des républiques au sein d'un État unitaire, entièrement et étroitement contrôlé par le parti communiste, se sont soudainement transformées en frontières d'États-nations souverains. Tous les États post-soviétiques ont été créés selon les moules atlantistes. Ces entités n'ont d'autre sens que d'être anti-russes. L'une de ces "Anti-Russie" était la Fédération de Russie elle-même. Mais parce que la Fédération de Russie occupait le territoire du Heartland, même si elle s'est considérablement réduite, elle représente toujours la Terre ennemie aux yeux des géopoliticiens atlantistes, c'est-à-dire de l'ennemi thalassocratique. Et pour achever l'ennemi, il a fallu pousser l'OTAN plus loin vers l'Eurasie, et aussi tenter de démembrer la Russie elle-même (la première campagne de Tchétchénie, la vague des séparatismes internes à la Fédération de Russie, etc.)

La Russie ne pourra jamais se relancer sans l'Ukraine.

Tous ces processus, Brzezinski les a compris et a contribué à les mettre en pratique (comme Mackinder l'avait fait auparavant). Dans son célèbre livre Le grand échiquier, Brzezinski parle ouvertement de la nécessité de démembrer davantage la Russie, de renforcer le "cordon sanitaire", etc. Plus important encore, Brzezinski comprend le rôle de l'Ukraine dans cette question. Brzezinski dit à son propos que la chose la plus importante est :

    - d'arracher irrévocablement l'Ukraine, alors hésitante, à la Russie,
    - d'en faire un avant-poste de l'Atlantisme et
    - d'imposer à son peuple le nationalisme russophobe comme idéologie principale.

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Sans l'Ukraine, la Russie ne sera jamais en mesure de devenir une puissance souveraine à part entière, un Empire, un pôle indépendant du monde multipolaire. Ainsi, le sort de l'unipolarité et du globalisme (pour Brzezinski, c'est presque la même chose), dépend de la capacité de l'Occident à mettre en œuvre la séparation de l'Ukraine d'avec la Fédération de Russie. Après tout, si la Russie et l'Ukraine s'unissent - d'une manière ou d'une autre, l'unipolarité s'effondrera et la carte géopolitique changera à nouveau de manière irréversible.

La bataille pour l'Ukraine et contre la Russie est une constante historique dans la stratégie géopolitique de l'Occident. Cela explique tout, de la déclaration d'indépendance à la révolution orange Iouchtchenko-Timochenko, en passant par le Maïdan et huit années de préparation intensifiée par Kiev, sous la houlette des instructeurs atlantistes, aux opérations militaires visant à s'emparer du Donbass et de la Crimée.

La naissance de la géopolitique en Russie : L'Eurasie comme sujet

Depuis le début des années 1990 en Russie, juste au moment de l'effondrement de l'URSS et de l'arrivée au pouvoir des agents atlantistes (l'ancien ministre des Affaires étrangères Andrey Kozyrev a directement admis qu'il était un atlantiste), contrairement à l'attitude politique et idéologique de base envers le libéralisme et l'occidentalisme, la Russie - principalement dans les cercles militaires (en particulier, à l'Académie d'état-major militaire) - a commencé à développer sa propre école géopolitique. Elle était basée sur l'eurasisme, car ce sont les premiers Eurasiens russes qui, dans les années 1920, ont décrit la carte géopolitique de la confrontation entre la Russie et l'Occident, en dehors de l'idéologie communiste (les Eurasiens étaient des Blancs). Leurs idées sont les plus adaptées à la situation actuelle, face à l'offensive de l'OTAN à l'Est et aux propres politiques incompréhensibles (par endroits perfides) de Moscou. Les militaires ne pouvaient pas prendre pour amis ceux dont ils enregistraient toutes les heures les intentions et les actions agressives contre la Russie. Mais le gouvernement libéral est resté sourd à la géopolitique. Néanmoins, l'école géopolitique ne pouvait être détruite. Tout le monde était occupé par les processus fascinants de la corruption totale.

La géopolitique expliquait parfaitement ce qui se passait en Europe de l'Est et dans l'espace post-soviétique dans les années 1990 (l'écrasement par la mer de la terre, l'expansion des "cordons sanitaires" et du territoire du Rimland), mais cette compréhension restait à l'intérieur des cercles militaires, qui n'appréciaient guère la politique officielle, mais qui n'avaient à l'époque aucun poids ni aucune influence politique. Les atlantistes, en revanche, ont méthodiquement poursuivi leur cause, nourrissant et renforçant l'anti-Russie, à la fois à l'extérieur et, en partie, au sein même de la Fédération de Russie.

Poutine change le vecteur géopolitique

Tout a changé lorsque Poutine est arrivé au pouvoir. Il a commencé par restaurer la souveraineté de la Russie, à se débarrasser des agents atlantistes qui étaient à la tête du pays, à concentrer et à développer son potentiel militaire, et à renforcer l'unité de la Russie. La deuxième campagne de Tchétchénie, l'introduction des districts fédéraux et les changements dans la législation ont renforcé l'intégrité territoriale et la verticalité du pouvoir. Poutine a progressivement commencé à s'opposer de plus en plus à l'Occident et à mener une politique d'intégration eurasienne dans l'espace post-soviétique. En bref, Poutine a rendu à la Russie le statut de sujet de la géopolitique, et a anénati son état de déréliction, qui faisait d'elle un objet de la géopolitique globale, atlantiste. Il a rejoint de manière consciente et responsable la grande guerre continentale au nom de la Terre.

Cela n'a pas échappé à l'Occident et a entraîné une pression accrue sur les pays post-soviétiques pour qu'ils adoptent une position de plus en plus anti-russe, pour qu'ils s'intègrent plus rapidement aux structures occidentales. Cela a touché tous les pays post-soviétiques, mais surtout l'Ukraine. Il dépendait de l'Ukraine de déterminer si la Russie serait capable ou non de restaurer pleinement sa souveraineté géopolitique. Selon les lois de la géopolitique, sans l'Ukraine, la Russie n'est pas un Empire, pas un pôle, pas une civilisation, mais avec l'Ukraine, elle est un Empire, un pôle et une civilisation. Et cette formule peut être lue depuis deux positions - celle des yeux de la Mer et celle des yeux de la Terre. De toute évidence, Poutine l'a lue avec les yeux de la Terre, car il était et reste le dirigeant du Heartland, conscient et puissant.

Le nationalisme ukrainien comme outil géopolitique de l'Atlantisme

Dans le même temps, l'initiateur des cataclysmes en Ukraine était l'Occident atlantiste. Même les politiques neutres, modérément pro-occidentales - multi-vectorielles - de Kuchma ou de Yanukovich ne convenaient pas aux atlantistes. Ceux-ci ont fait pression sur Kiev pour que l'Ukraine se transforme le plus rapidement possible en une anti-Russie agressive et radicale, attaquante. Dans cette logique, Kiev devait attaquer. 

Cela explique la Révolution orange, le Maïdan et les raisons de l'opération militaire russe actuelle.

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L'Occident se battait pour l'Ukraine. Il faut tenir compte du fait que l'Ukraine n'a pas du tout d'histoire en tant qu'Etat inscrit dans la durée, et que les territoires dans lesquels elle se trouve sont historiquement accidentels et sont le résultat de la créativité administrative des bolcheviks. Lorsque Poutine a justifié l'opération militaire en Ukraine en disant que "Lénine a créé l'Ukraine", il avait parfaitement raison. Cependant, Lénine n'a pas créé l'Ukraine en tant que telle, mais une des zones de contrôle bolchevique parmi d'autres. La nationalité, selon la théorie bolchevique, devait être complètement dépassée dans une société internationale socialiste. Lénine a créé l'Ukraine et l'a en fait immédiatement abolie.

Par conséquent, après 1991, il y avait sur le territoire de l'Ukraine des peuples et des territoires ayant chacun une histoire, une identité, une langue et une culture complètement différentes. La moitié d'entre eux n'étaient pas du tout différents des Russes. La seconde moitié était constituée d'Ukrainiens plus ou moins russifiés. Et seule une écrasante minorité professait une idéologie nationaliste autoproclamée. Mais seule cette minorité était capable, selon les géopoliticiens occidentaux, de transformer les Ukrainiens en une "nation" et ce, à un rythme accéléré. Il s'agissait d'un projet géopolitique atlantiste. Dans d'autres pays, l'Occident a soigneusement éradiqué le nationalisme, surtout dans ses formes radicales. En Ukraine, cependant, l'Occident a agi exactement à l'inverse, soutenant activement toutes les formes de nationalisme jusqu'aux plus extrêmes. Selon les stratèges atlantistes, c'était le seul moyen d'accélérer la formation d'une construction artificielle, rigidement russophobe, un simulacre virtuel de nation. C'est pourquoi la sphère de l'information était si importante, car elle inculquait de manière obsessionnelle aux Ukrainiens une haine infondée des Russes et de tout ce qui unissait nos peuples. Toutes les inepties étaient utilisées, jusqu'à "l'ancienne civilisation des anciens Ukrainiens", ce qui n'aurait provoqué qu'une totale perplexité en Occident. Cependant, toute l'opération était supervisée par les services secrets atlantistes, et c'est pourquoi l'Occident a créé une image artificielle de l'Ukraine comme une jeune démocratie ouvertement vulnérable, souffrant de la menace russe. En fait, un état d'esprit nazi s'est affirmé de manière obsessionnelle dans la société, inextricablement lié à l'atlantisme et même au mondialisme libéral (peu importe combien ces systèmes se contredisent, car le mondialisme nie l'État, et le libéralisme toute identité collective, et surtout l'identité nationale).

L'affrontement final

Le virage russophobe prononcé de Kiev et de l'ensemble de la société ukrainienne est le résultat des événements de Maidan de 2013-2014, qui ont culminé avec l'expulsion et la fuite du président Ianoukovitch. Ianoukovitch n'était ni un politicien pro-russe ni un eurasiste. C'était plutôt un pragmatique à courte vue, mais même cela, du point de vue de l'Occident, était tout aussi inacceptable. L'Occident voulait "tout et pas tout". En regardant la Russie de Poutine se renforcer et en tenant compte des événements de 2008 en Géorgie, où l'Occident a également opposé Saakashvili à la Russie, mais où le résultat n'était clairement pas en faveur de la civilisation de la Mer, les Atlantistes ont décidé d'agir par les méthodes les plus radicales.

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L'actuel président américain Joe Biden, alors vice-président, et d'autres membres de son équipe, comme Victoria Nuland, etc., ont participé très activement au renversement de Ianoukovitch et à la préparation du Maïdan. L'objectif était le même que celui de Mackinder et Brzezinski : arracher enfin l'Ukraine à la Russie et préparer le terrain pour un conflit violent entre Kiev et Moscou.

Poutine a répondu en ramenant la Crimée dans le giron russe et en soutenant le Donbass, mais cela n'a pas résolu le problème sur le plan géopolitique. Poutine a déjoué le plan visant à accélérer l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, notamment celui qui visait à expulser la marine russe de Sébastopol, il a ensuite empêché les génocides en Crimée et dans le Donbass, mais l'ampleur de l'Ukraine était trop importante pour qu'il puisse poursuivre son offensive eurasienne en 2014 et mener la défense du monde russe à sa conclusion logique. À ce moment-là, la Terre a cessé de réagir. Le processus des accords de Minsk avait commencé, mais d'un point de vue géopolitique, il était évident qu'aucune solution pacifique ne pourrait être trouvée et qu'une confrontation directe se produirait inévitablement tôt ou tard. En outre, les services de renseignement russes ont reçu des informations selon lesquelles la partie ukrainienne ne faisait que profiter de ce report pour préparer une opération militaire dans le Donbass, puis en Crimée.

Les forces nationalistes qui avaient remporté le coup d'État de 2014 à Kiev haïssaient encore plus la Russie, déployaient une propagande massive pour laver le cerveau de la population, lançaient une opération punitive brutale contre les habitants du Donbass, victimes d'un génocide systématique, et préparaient une attaque contre le Donbass et la Crimée d'ici le printemps 2022. Dans le même temps, Kiev, en collaboration avec l'Occident, élaborait des plans pour construire ses propres armes nucléaires. En outre, il y avait des laboratoires biologiques dispersés dans toute l'Ukraine, engagés dans des expériences illégales pour produire des armes biologiques.

Tout cela faisait partie d'une même géostratégie atlantiste.

[1] L'armée blanche (également connue sous le nom de Gardes blancs ou simplement Blancs) était des forces militaires qui ont combattu le régime bolchevique pendant la guerre civile russe.

La grande instrumentalisation du sermon du patriarche orthodoxe

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La grande instrumentalisation du sermon du patriarche orthodoxe

par Antonio Catalano 

Source : Antonio Catalano & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-grande-strumentalizzazione-del-sermone-del-patriarca-ortodosso

- La7 : "Sermon choquant. Kirill : "C'est une guerre juste contre le lobby gay".
- Famiglia Cristiana : "Le triste sermon du patriarche de Moscou : ces mots que nous n'aurions pas préféré entendre".
- Il Mattino : "Sermon choquant : La guerre en Ukraine est contre ceux qui soutiennent les gays".
- Il Giorno : "Kirill : la guerre est juste, elle est contre le lobby gay".
- La Stampa : "Sermon choquant : Droit de combattre, résister au lobby gay'".
- Ansa : "Kirill, droit de se battre, c'est contre le lobby gay".
- Il Giornale : "Délire mystique du patriarche orthodoxe : "La guerre est juste, écrasons le lobby gay"".
- Sky Tg24 : "Droit de se battre, c'est contre le lobby gay"".
- Il Corriere : "Kirill : la guerre est juste, combattons le lobby gay".
- Il Fatto : "Choqué par les propos du patriarche Kirill sur les homosexuels".

Je vais m'arrêter d'énoncer les titres de nos journaux en Italie, mais je pourrais continuer, tant la liste est longue. Ne voit-on pas clairement comment se forme la soi-disant "opinion publique"? Par ailleurs, quand on fait la guerre... à la guerre comme à la guerre... la guerre est menée avec tous les moyens disponibles, sans jamais être subtile, même en couvrant le David de Michel-Ange d'un tissu noir. Je ne suis pas choqué que la presse à l'esprit unique fasse son travail, mais ceux qui veulent aller plus loin ne peuvent se contenter de boire l'eau empoisonnée qui nous est offerte dans un cycle continu par l'information dite "libre". Par souci d'honnêteté, je me dois de signaler dans la presse nationale une réflexion calme et argumentée de Francesco Borgonovo dans la Vérità d'aujourd'hui.

J'ai cherché le texte sur le web, ce n'était pas facile, on ne trouve que des phrases citées dans les journaux, alors je suis allé directement sur le site du Patriarche et, grâce au traducteur (la traduction n'est donc pas très bonne), j'ai lu le texte complet du sermon (deux pages, c'est court, je le rapporte dans les commentaires). Comme quiconque veut le vérifier, le sermon de Kirill ne contient pas la phrase "cette guerre est contre ceux qui soutiennent les gays", ni, comme le dit le Corriere, que le patriarche de Moscou "a prié pour la souffrance des soldats. Les soldats russes, on suppose".

Dans le sermon du patriarche de Moscou, il est surtout question d'une "lutte métaphysique". À un moment donné, en effet, il déclare que "tout ce qui précède indique que nous sommes entrés dans une lutte qui n'a pas une signification physique, mais métaphysique".

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Cela n'enlève rien au fait qu'après avoir parlé du Carême comme d'un printemps spirituel, il déclare : "Mais nous savons que ce printemps a été éclipsé par de graves événements liés à la détérioration de la situation politique dans le Donbass, que constitua pratiquement le déclenchement des hostilités". Kirill attribue donc le déclenchement des hostilités à la "détérioration de la situation dans le Donbass". En d'autres termes, de la guerre de "basse intensité" menée depuis huit longues années et qui a fait 8000 morts, et dont notre presse "libre" a toujours fait semblant de ne pas voir. Kirill dit que depuis huit ans, on tente de détruire ce qui existe dans le Donbass. "Et dans le Donbass, il y a un rejet, un rejet fondamental des soi-disant valeurs qui sont proposées aujourd'hui par ceux qui prétendent au pouvoir mondial". Passage ignoré par la plupart de nos journaux.

Le patriarche aborde ensuite la question que les gens de presse, et ceux qui les lisent, feignent de ne pas en comprendre la haute valeur symbolique. "Aujourd'hui, il y a un tel test pour la loyauté de ce gouvernement [= le pouvoir mondial], une sorte de transition vers ce monde 'heureux', le monde de la surconsommation, le monde de la 'liberté' visible." Mais quel est ce test, demande le patriarche. "Le test est très simple et en même temps terrible : il s'agit d'une parade gay. Les demandes faites à de nombreuses personnes d'organiser une parade gay sont un test de loyauté envers ce monde très puissant ; et nous savons que si les gens refusent ces demandes, alors ils n'entrent pas dans ce monde, ils en deviennent des étrangers".

Eh bien, je ne pense pas qu'il ait dit quoi que ce soit de scandaleux. Ce n'est pas un mystère que la "gay pride" est utilisée comme un cheval de Troie pour pénétrer en territoire "ennemi". Un peu comme les incursions des Pussy Riot ou des ONG, sans surprise, généreusement soutenues par des magnats occidentaux. La religion libérale progressiste a ses rites de passage, et malheur à ceux qui les rejettent. L'East Journal l'a candidement écrit en 2020, en consacrant un article aux droits des LGBT et en déclarant qu'"en Ukraine, en Moldavie et en Géorgie, l'adoption de lois anti-discrimination a été un critère essentiel pour la signature d'accords d'association et de libéralisation des visas entre ces pays et l'UE". Le même article soulignait que ces "avancées législatives" avaient toutefois eu lieu "principalement sur le papier", et ajoutait de lourdes critiques à l'égard du gouvernement de Kiev, qui était manifestement réfractaire aux applications.

Mais revenons à Kirill. "Les parades gay sont conçues pour montrer que le péché est l'une des variantes du comportement humain. C'est pourquoi, pour rejoindre le club de ces pays, vous devez organiser une gay pride. Pas pour avoir fait une déclaration politique, pas pour avoir signé des accords, mais pour avoir organisé une parade gay. Et nous savons comment les gens résistent à ces demandes et comment cette résistance est réprimée par la force. Cela signifie qu'il s'agit d'imposer par la force un péché condamné par la loi de Dieu, et donc d'imposer par la force aux gens la négation de Dieu et de sa Vérité".

Le patriarche de Moscou et de toute la Russie, en tant que prêtre chrétien, avait auparavant rappelé, toujours dans le sermon, qu'en entrant dans le champ du Grand Carême, "essayons de pardonner à tout le monde". "Par notre pardon, nous confions nos délinquants entre les mains de Dieu, afin que le jugement et la miséricorde de Dieu puissent s'exercer sur eux. Pour que notre attitude chrétienne envers les péchés, les déceptions et les insultes des hommes ne soit pas la cause de leur mort, mais que le juste jugement de Dieu s'exerce sur tous".

Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec les paroles de Kirill, chacun peut faire ce qui lui convient, mais il est évident que nous sommes confrontés à une manipulation des paroles du patriarche. Avec son sermon, Kirill n'ajoute rien de nouveau à ce qui a déjà été dit en d'autres occasions. Le patriarche veut creuser une tranchée pour défendre cette "âme" russe que le progressisme libéral "occidental" entend anéantir pour pouvoir vagabonder dans cet immense espace libre comme au temps d'Eltsine. Un Occident qui se renie en reniant son histoire, sa civilisation, sa culture profondément imbriquée dans le monde russe, qui est prêt à tout perdre sauf son "âme".

Les limites de la patience russe

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La limite de la patience russe

Par Claudio Mutti

Source: https://www.eurasia-rivista.com/il-limite-della-pazienza-russa/

"Patrie de la patience, terre des Russes !"
Fyodor Ivanovič Tjutčev

Il y a environ trente ans, en 1993, le politologue américain John Mearsheimer posait l'éclatement d'un conflit entre la Russie et l'Ukraine comme inévitable. "La situation, écrit-il dans Foreign Affairs, est mûre pour qu'une vive rivalité sécuritaire éclate entre les deux pays. Les grandes puissances divisées par une ligne frontalière très large et non protégée, comme celle qui sépare la Russie et l'Ukraine, entrent souvent en conflit poussées par la crainte pour leur propre sécurité. La Russie et l'Ukraine pourraient surmonter cette dynamique et apprendre à vivre ensemble en harmonie, mais une telle solution serait très inhabituelle (1).

A cette approche, basée sur un modèle "étatiste" de l'école réaliste, Samuel Huntington reproche d'ignorer le fait historique des "liens historiques, culturels et personnels étroits qui unissent la Russie et l'Ukraine et le fort degré d'assimilation mutuelle qui existe entre les populations des deux pays" [2] ; soulignant plutôt la "profonde césure culturelle qui divise l'Ukraine orthodoxe orientale et l'Ukraine uniate occidentale" [3], le théoricien du "choc des civilisations" a appelé à envisager la possibilité d'une scission du pays en deux parties, mais a jugé improbable une guerre russo-ukrainienne.

Presque simultanément, l'ancien conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski, se référant ouvertement à la célèbre formule de Sir Harold Mackinder ("Celui qui gouverne l'Europe de l'Est gouverne le cœur du monde ; celui qui gouverne le cœur du monde gouverne le monde insulaire [4] ; celui qui gouverne le monde insulaire gouverne le monde" [5]), a illustré la fonction stratégique fondamentale qu'une Ukraine séparée de la Russie pourrait jouer pour faciliter le renforcement du contrôle américain sur l'Eurasie.

"L'Ukraine, nouvel espace important sur l'échiquier eurasien", a soutenu Brzezinski dans Le Grand Échiquier, "est un pivot géopolitique parce que son existence même en tant que pays indépendant contribue à transformer la Russie. Sans l'Ukraine, la Russie cesse d'être un empire eurasien. (...) Si Moscou reprend le contrôle de l'Ukraine, avec ses cinquante-deux millions d'habitants et ses grandes ressources, ainsi que l'accès à la mer Noire, la Russie trouve automatiquement un moyen de devenir un puissant État impérial, s'étendant sur l'Europe et l'Asie" [6].

La "géostratégie pour l'Eurasie" [7], proposée par Brzezinski aux États-Unis, impliquait donc qu'il fallait à tout prix empêcher Moscou d'exercer son hégémonie sur sa sphère d'influence historique. L'Ukraine, à laquelle Brzezinski a assigné la fonction de bloquer la Russie à l'ouest et au sud, est ainsi devenue le "bouclier défensif" de l'Europe centrale (un concept réitéré dans les mêmes termes, vingt-cinq ans plus tard, par le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Conférence de Munich sur la sécurité [8]) ; une autre tâche de l'Ukraine serait de maintenir le Belarus sous un contrôle constant. Enfin, bien que Brzezinski se soit rendu compte que la Russie aurait "incomparablement plus de mal" [9] à accepter l'entrée de l'Ukraine dans l'alliance militaire hégémonisée par les États-Unis, Kiev fournirait à l'OTAN des bases militaires et lui garantirait l'accès à la mer Noire. Ainsi, avec l'affaiblissement de la Russie, l'Ukraine aurait été le canal permettant de relier le bloc occidental à la région de la Transcaucasie et lui aurait donc permis de menacer la République islamique d'Iran à bout portant.

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Le projet élaboré par Brzezinski constitue le contexte stratégique du document que l'OTAN et l'Ukraine ont elles-mêmes signé en 1997 pour formaliser leur partenariat. Dans ce document, on peut lire que "le rôle positif de l'OTAN consiste à maintenir la paix et la stabilité en Europe, à promouvoir une plus grande confiance et une plus grande transparence dans la zone euro-atlantique, et à ouvrir la coopération avec les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale, dont l'Ukraine est une partie inséparable". Plus tard, en novembre 2002, les relations entre l'OTAN et l'Ukraine seront approfondies et élargies avec l'adoption du plan d'action OTAN-Ukraine, "qui renforce les activités de réforme de l'Ukraine en vue de sa pleine intégration dans les structures de sécurité euro-atlantiques" [10].

Dans le projet géostratégique de Brzezinski, le rôle attribué à l'Ukraine s'inscrivait dans un panorama européen caractérisé par l'élargissement de l'OTAN à l'Est et l'élargissement complémentaire de l'Union européenne, "tête de pont géopolitique essentielle de l'Amérique en Eurasie"[11]. L'élargissement de l'Union européenne n'aurait donc pas dû inquiéter outre mesure la Maison Blanche, bien au contraire. "Une Europe plus grande - a assuré Brzezinski - élargira le champ de l'influence américaine (...) sans créer en même temps une Europe, si intégrée politiquement qu'elle pourrait bientôt défier les États-Unis dans des affaires géopolitiques de grande importance pour l'Amérique ailleurs dans le monde, notamment au Moyen-Orient" [12].

En offrant à l'Ukraine la perspective d'adhérer à l'Union européenne, en s'ingérant sans vergogne dans les affaires ukrainiennes pour aider les subversifs de Maïdan à transformer l'Ukraine en un pays hostile à la Russie, en apportant un soutien politique et militaire au régime issu du coup d'État, et en soutenant les initiatives anti-russes des administrations américaines, l'Union européenne et les gouvernements de certains pays européens ont activement collaboré à la consolidation de la "tête de pont démocratique" requise par le projet américain de pénétration du continent eurasien.

Enfin, après plus de 20 ans de patience, la Russie a été contrainte de réagir. Même un ancien soldat de l'OTAN, le général Marco Bertolini [13], a admis: "Les États-Unis ne se sont pas contentés de gagner la guerre froide, ils ont également voulu humilier la Russie en prenant tout ce qui se trouvait d'une certaine manière dans leur zone d'influence. La Russie a vu les États baltes, la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie entrer dans l'OTAN : face à l'Ukraine, qui lui aurait ôté toute possibilité d'accès à la mer Noire, elle a réagi" [14].

Bien avant de franchir le Rubicon, Vladimir Poutine avait averti l'Occident. Déjà en 2007, lors de la conférence annuelle sur la sécurité de Munich, il avait dénoncé le caractère agressif et provocateur de l'expansion de l'OTAN. En Bulgarie et en Roumanie, dit-il, il y a des bases américaines dites avancées avec environ cinq mille hommes chacune. Il s'avère que l'OTAN a déployé ses forces avancées en direction de nos frontières, tandis que nous, tout en continuant à remplir nos engagements en vertu du traité [15], nous ne réagissons en aucune façon. Je pense qu'il est évident que l'expansion de l'OTAN n'a rien à voir avec la modernisation de l'Alliance elle-même ou la sécurisation de l'Europe. Au contraire, elle représente un sérieux facteur de provocation qui réduit le niveau de confiance mutuelle. Et nous avons le droit de demander : contre qui cette expansion a-t-elle lieu ? Et qu'est-il advenu des déclarations faites par nos interlocuteurs occidentaux après la dissolution du Pacte de Varsovie ? Où sont ces déclarations aujourd'hui ?" [16].

NOTES

[1] John J. Mearsheimer, "The Case for a Nuclear Deterrent", dans Foreign Affairs, n° 72, été 1993, p. 54.

[2] Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations et le nouvel ordre mondial, Garzanti, Milan 2001, pp. 38.

[3] Samuel P. Huntington, op. cit. p. 39.

[4] L'île-monde est, pour Mackinder, la masse continentale qui comprend l'Europe, l'Asie et l'Afrique.

[5] "Qui gouverne l'Europe de l'Est commande le Heartland ; qui gouverne le Heartland commande l'île-monde ; qui gouverne l'île-monde commande le monde" (H. J. Mackinder, Democratic Ideals and Reality. A Study in the Politics of Reconstruction, [1919, 1942], National Defense University, Washington 1996, p. 106.

[6] Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard. American Primacy and Its Geostrategic Imperatives, Basic Books, New York 1997, p. 46.

[7] Zbigniew Brzezinski, op. cit. p. 197.

[8] "L'Ukraine est le 'bouclier de l'Europe' contre l'armée russe. C'est ce qu'a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de la conférence sur la sécurité de Munich" (ANSA, Berlin, 19 février 2022).

[9] Zbigniew Brzezinski, op. cit. p. 121.

[10] https://www.nato.int/docu/sec-partnership/sec-partner-it.pdf

[11] Zbigniew Brzezinski, "A Geostrategy for Eurasia", Foreign Affairs, septembre-octobre 1997, p. 53.

[12] Zbigniew Brzezinski, op. cit, p. 199.

[13] Le général Marco Bertolini était, entre autres, le chef d'état-major de la "force d'extraction" de l'OTAN en République de Macédoine (ARYM) pour la récupération éventuelle des vérificateurs de l'OSCE au Kosovo.

[14] www.liberoquotidiano.it, 24 février 2022.

[15] Le Traité adapté sur les forces armées conventionnelles en Europe, signé en 1999.

[16] Discours de Vladimir Poutine à la 43e Conférence de Munich sur la sécurité, Eurasia. Journal of Geopolitical Studies, 2/2007, p. 251.

vendredi, 11 mars 2022

Pourquoi Biden voulait que Poutine attaque l'Ukraine

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Pourquoi Biden voulait que Poutine attaque l'Ukraine

Maria Scopece 

Toutes les convergences parallèles de la Russie et des États-Unis en Ukraine. Le rôle du Qatar sur le gaz à destination de l'Europe selon l'administration américaine. Et les faiblesses internes de Biden et de Poutine. Conversation entre Germano Dottori (Limes) et Lucio Martino (Institut Guarini)

SOURCE : https://www.startmag.it/mondo/ucraina-russia-usa/?fbclid=IwAR2eShy-pb385NegsS_0TTT8kXsvbNBTzUFlRIl2uAArvB5XNheqDgeB7Qc

Cui prodest la menace de guerre en Ukraine ? Au président russe Vladimir Poutine et au président américain Joe Biden. Le professeur Germano Dottori, analyste géopolitique et conseiller scientifique de la revue de géopolitique Limes, et Lucio Martino, membre de l'Institut Guarini pour les affaires publiques de l'Université John Cabot et ancien directeur de recherche au Cemiss, le Centre militaire d'études stratégiques, soutiennent la convergence parallèle des intérêts des deux dirigeants.

Dossier Ukraine

"Les objectifs de politique étrangère actuellement poursuivis par l'administration américaine sont clairement wilsoniens, l'extension et la protection de la démocratie partout dans le monde font désormais partie d'une stratégie et d'une idéologie néo-conservatrices - a souligné Lucio Martino lors d'une conversation sur la page Facebook du professeur Dottori . De plus, la politique étrangère de l'administration Biden est entre les mains de personnes comme Victoria Nuland, l'épouse de Robert Kagan, l'idéologue de l'administration de Bush fils, celui des guerres du Moyen-Orient, mais aussi comme Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale, ou Antony Blinken, le secrétaire d'État lui-même. C'est la même équipe qui a signé la politique étrangère américaine de 2003, la guerre en Irak, la question du Kosovo de 2008 et la crise ukrainienne de 2014. C'est une équipe qui a pour objectif de réduire la taille de la Fédération de Russie, de ce point de vue idéologique, il y a donc une cohérence."

Victoria Nuland et le scandale de la crise ukrainienne de 2014

Victoria Nuland est une diplomate de longue date, elle a été directrice adjointe du département des affaires soviétiques pendant la présidence Clinton et conseillère du vice-président Dick Cheney. George Bush Jr l'a nommée ambassadrice auprès de l'OTAN à Bruxelles et, sous le président Obama, elle est devenue secrétaire d'État adjointe aux affaires européennes et eurasiennes, gérant les relations diplomatiques avec les pays européens et l'OTAN. Elle a joué un rôle central dans la gestion de la crise ukrainienne en 2014, et a été au centre d'un scandale parce qu'elle a dit Fuck the EU lors d'un appel téléphonique privé avec l'ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey Pyatt. L'appel téléphonique a été intercepté et publié sur Youtube.

Biden et les difficultés de la politique intérieure

Environ un an après son élection, Joe Biden navigue déjà en eaux troubles. Sa cote d'approbation personnelle n'a cessé de baisser, passant de 55 % à 36 %, son retrait précipité d'Afghanistan a porté un coup à son image, l'inflation a atteint 6 % pour la première fois depuis des décennies et le déficit fédéral a atteint le chiffre record de 3000 milliards de dollars. "L'administration Biden n'a guère connu de lune de miel avec son électorat", a ajouté M. Martino. "L'inflation est la plus élevée depuis quarante ans, ce qui a même entraîné une pénurie de produits de première nécessité. C'est un pays divisé culturellement, politiquement et aussi ethniquement selon des lignes identitaires qui sont les mêmes que celles de la guerre civile d'il y a 150 ans". Dans ce contexte, le succès en politique étrangère pourrait être une porte de sortie. "L'administration Biden se tourne vers la politique étrangère pour chercher l'affirmation et le succès, ce théâtre pourrait être l'Ukraine".

Les intérêts américains au Qatar

L'une des raisons des intérêts anti-russes des États-Unis concerne le gaz qatari.  Selon Lucio Martino, les Etats-Unis voudraient "rediriger les intérêts européens loin de la Russie par le biais d'un mécanisme de sanction encore plus sévère que celui qui est actuellement en place. Je ferais le rapprochement entre la crise ukrainienne et l'accord qui vient d'être conclu avec le Qatar, qui est un autre grand producteur de gaz naturel". Le Qatar "a été élevé au rang de pays allié, presque comme s'il était membre de l'OTAN. Le grand dessein, s'il en est un poursuivi par l'administration Biden, me semble être celui-ci", a ajouté M. Martino.

Poutine cherche le succès en politique étrangère

Détourner l'attention des problèmes intérieurs vers la politique étrangère n'est pas l'apanage de l'administration américaine. "J'ai l'impression que le succès que Poutine cherche à obtenir actuellement en Ukraine est de fixer des enjeux et d'empêcher l'alliance atlantique de s'étendre davantage vers l'est, en arguant que la Fédération de Russie ne peut l'accepter, et en essayant également de montrer aux dirigeants ukrainiens actuels que la garantie de sécurité fournie par l'Occident à leur pays n'est pas si solide. Le jeu dialectique qui se joue entre les parties atteindra à un moment donné un "moment de vérité".

La guerre : une hypothèse plausible pour le déclenchement des sanctions

La guerre, selon Dottori, serait une hypothèse plausible. Mon impression est que les Américains essaient de convaincre les Russes que l'agression peut être payante", selon le conseiller scientifique de la revue Limes : "Au moment où ils font savoir au monde entier que la guerre est probable, ils en font en quelque sorte une hypothèse normale, voire acceptable, à laquelle l'opinion publique internationale est préparée, et d'autre part, en abandonnant les Ukrainiens à leur destin, ils mettent Poutine dans la position de devoir envisager une attaque facile, ou en tout cas une situation dans laquelle l'Ukraine se retrouve complètement seule".

L'attaque contre l'économie européenne

Tout cela peut entraîner d'énormes conséquences. "Si les Russes n'attaquent pas, la stratégie américaine tire un coup dans l'eau - a ajouté M. Dottori - Si les Russes attaquent et mènent une offensive même limitée, des sanctions sont déclenchées, ce qui pourrait être le véritable objectif de l'administration américaine, afin de séparer définitivement la Russie du marché européen de l'énergie et de porter en quelque sorte un coup à la solidité de l'économie européenne à un moment où l'Europe sort de la pandémie et a besoin de se relancer. La stratégie comporte de multiples objectifs dans lesquels l'Europe peut également être une cible. L'Ukraine est un jeu complexe dans lequel les Européens, les Américains et les Russes ne sont pas complètement alignés, en fait ils me semblent être en compétition les uns avec les autres.

Maria Scopece

La guerre de religion de Vladimir Poutine

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La guerre de religion de Vladimir Poutine

Vladimir Poutine a attaqué l'Ukraine animé par un dessein politico-religieux ultra-conservateur. L'autonomie de Kiev signifie également l'autocéphalie de l'Église orthodoxe ukrainienne

Andrea Molle 

Source: https://www.dissipatio.it/putin-dostoevskij-ucraina/

En Occident, nous sommes certains que Poutine a envahi l'Ukraine uniquement pour des raisons géopolitiques, stratégiques ou économiques et nous oublions un facteur fondamental de la politique russe contemporaine : la religion. C'est parce que, malheureusement, en Occident, la religion est considérée comme un élément irrationnel, ou tout au plus comme une expérience privée et en tout cas sans rapport avec la dynamique de la politique.

En réalité, on pourrait dire, à mon avis, que l'invasion est pour Poutine un acte profondément religieux. Ou plutôt une étape dans son projet de recréer un État impérial chrétien sur le modèle des anciens empires préindustriels : une entité étatique qui réunit le pouvoir temporel et spirituel, se proposant alors comme l'unique référence internationale pour ceux qui rejettent la laïcité, qu'elle soit de type néo-libéral individualiste en Occident, ou de type collectiviste socialiste en Chine. 

Le plan de Poutine s'inscrit dans un cadre contre-révolutionnaire plus complexe dans lequel les franges traditionalistes de l'orthodoxie russe, du protestantisme évangélique américain et du traditionalisme catholique convergent dans le cadre d'une unité supranationale inspirée du christianisme médiéval. Le dénominateur commun de cette agrégation est le désir de réaffirmer la pureté de la foi chrétienne en opposition au sécularisme décadent du monde occidental et au pouvoir croissant de la Chine et du monde islamique, tel qu'envisagé par Samuel Huntington.

De ce point de vue, nous pouvons également comprendre la dynamique de l'action de désinformation promue par le Kremlin ces dernières années. Si nous analysons son contenu, tant textuel que visuel (mèmes), nous pouvons mettre en évidence des lignes de tendance qui reposent largement sur le fondamentalisme chrétien. Pour cette raison, ils ont immédiatement gagné l'approbation des mouvements traditionalistes et identitaires. Au fil des ans, ils ont également alimenté l'idée que Poutine est une sorte de figure messianique, la seule entité politique capable aujourd'hui de contrer la dégradation et l'immoralité prêtées à la civilisation occidentale en la restaurant aux splendeurs d'un supposé âge d'or.

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Aux États-Unis, le nationalisme chrétien s'est incarné à la fois dans le monde subversif du suprémacisme blanc et dans le monde institutionnel du courant "théo-con" et de la soi-disant alt-right, initialement promue par Steve Bannon et qui voit aujourd'hui plusieurs représentants politiques siéger au Congrès américain. L'Europe catholique, en revanche, a posé un sérieux problème pour la réalisation de cette convergence transnationale. L'élection du pape François en 2013 s'est avérée capable d'endiguer la formation d'un axe transversal entre les deux côtés de l'Atlantique. Malgré les nombreuses tentatives faites tant par les Américains, par exemple à travers leur soutien au Brexit ou l'ouverture d'un think tank dirigé par Bannon lui-même à Rome, que par les Russes, avec les fréquents voyages en Europe du philosophe politique et représentant du courant mystique et noétique au sein de l'orthodoxie Aleksandr Gelyevich Dugin (Douguine), le projet n'a jamais vraiment pris pied sur le vieux continent. Il y a toutefois eu l'émergence d'un courant traditionaliste quantitativement important au sein de l'Église catholique, mais il n'a jamais réussi à créer une masse critique suffisante pour promouvoir un véritable schisme. C'est ici, d'ailleurs, que l'on trouve bon nombre des partisans européens de Poutine.

En Russie, grâce également à l'application des préceptes de la Quatrième théorie politique de Douguine, Poutine a réussi à promouvoir l'Église orthodoxe comme point de référence de ce mouvement, gagnant ainsi à la fois la sympathie des évangéliques américains et l'intérêt des traditionalistes européens. Ces dernières années, Poutine a vu sa popularité croître en tant que point de référence moral de ce monde. Et c'est là que se pose, à mon avis, la question ukrainienne : l'Église orthodoxe ukrainienne n'a jamais reconnu la prétention de Moscou à la primauté et c'est un sérieux problème pour Poutine, car, dans la théologie orthodoxe qu'il a embrassée, Kiev occupe religieusement la deuxième place après Jérusalem.

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Pour faire court, en 980, le prince Vladimir le Grand a unifié les actuelles Russie, Biélorussie et Ukraine en un seul royaume. Se tournant vers Constantinople, Vladimir décide de se convertir au christianisme, épousant l'une des princesses impériales et faisant passer l'ensemble du royaume sous l'égide de l'église byzantine. Dès lors, Kiev devient un centre névralgique de l'Empire byzantin, comme en témoigne sa riche architecture religieuse. C'est également pour cette raison qu'au XIIIe siècle, la ville a été soumise aux tentatives de conquête d'autres princes russes et d'envahisseurs mongols, qui ont fini par s'installer dans ce qui est aujourd'hui Moscou, donnant naissance à l'Église orthodoxe russe, qui est devenue avec le temps l'une des églises les plus riches et les plus puissantes du monde oriental. La profonde tension entre le siège patriarcal de Moscou et l'Église ukrainienne a duré jusqu'à la chute de l'URSS, lorsque cette dernière a recommencé à se tourner vers Kiev. Avec la dissolution du bloc soviétique, les tensions ethniques bien connues ont commencé, entraînant l'émergence de tendances autonomistes parmi les minorités russes, comme par exemple en Crimée et aujourd'hui dans le Donbass, pour lesquelles la religion a toujours représenté un élément fondamental de leur identité ethnique. En 2018, l'Église orthodoxe ukrainienne unifiée s'est rendue complètement indépendante de Moscou, en réactivant l'ancien siège patriarcal à Kiev avec le placet du Patriarcat œcuménique de Constantinople.

Poutine et les autorités religieuses russes ont vivement protesté et ont tenté d'imposer leur primauté en s'appropriant la figure de Vladimir le Grand, prétendant qu'il n'était pas ukrainien mais russe. La proximité de Kiev avec le patriarcat de Constantinople, qui a toujours été le sommet de l'orthodoxie et qui, au fil du temps, a adopté des positions progressistes sur diverses questions religieuses et sociales, a été considérée comme une menace directe pour le pouvoir du patriarcat de Moscou, qui aspire au contraire à devenir le symbole du conservatisme et du traditionalisme chrétien dans le monde entier.

Pour le président russe, dont la fortune politique est également due à sa capacité à faire appel aux sentiments religieux de son peuple, prendre parti contre Kiev était nécessaire pour légitimer ses propres aspirations politiques et religieuses. Vladimir Poutine a commencé à se considérer comme le véritable héritier de Vladimir le Grand, se voyant comme une sorte de Vladimir II, en mission pour reconstruire l'âme et les frontières de la Sainte Mère Russie. 

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Cela explique pourquoi l'existence même de l'Ukraine en tant qu'État indépendant et prétendant au rôle d'unificateur et de "christianisateur" des peuples russes est lue par Poutine presque comme une offense personnelle. Pour Poutine et l'Église de Moscou, l'invasion est donc devenue une partie indispensable de la croisade pour reconquérir la terre sainte de l'orthodoxie, dans laquelle Kiev figure comme une seconde Jérusalem.

Cela explique également la participation forcée de la Biélorussie au conflit. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, quand on écoute attentivement les discours de Poutine, on y trouve de nombreuses références pseudo-religieuses et eschatologiques à ce conflit. Enfin, un élément très important est la fréquence et la quasi-intimité de ses contacts passés et présents avec Israël (Jérusalem), la Turquie (Constantinople) et l'Italie (Rome) : des pays qu'il considère peut-être secrètement comme les seuls dignes d'interagir sur un pied de quasi-égalité avec la Russie, dans la mesure où ils sont les héritiers de ces mêmes empires auxquels il fait évidemment référence. En ce sens, l'Italie devrait peut-être occuper un rôle de premier plan dans les négociations, au lieu d'être éclipsée comme toujours par la France et l'Allemagne, pays envers lesquels Poutine ne cache pas un certain mépris paternaliste. 

Il est difficile de faire des prédictions sur l'avenir du conflit, mais il est certain que les sanctions fondées sur la conception de la Russie comme un acteur rationnel influencé uniquement par des facteurs économiques ne suffisent pas. Poutine voit son combat comme une croisade contre l'hérésie et la décadence morale occidentale, où la renaissance de la Russie est inspirée et approuvée par Dieu. C'est pourquoi il sera très difficile de trouver une solution à la crise avec les outils auxquels nous avons été habitués jusqu'à présent, car Poutine ne peut même pas envisager de céder ses prétentions sur l'Ukraine. 

lundi, 07 mars 2022

La guerre mondiale à l'Est

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Stefan Schubert

La guerre mondiale à l'Est

Ex: https://kopp-report.de/der-weltkrieg-im-osten/

D'un point de vue purement militaire, la guerre en Ukraine est un conflit militairement limité, comme on le dit sobrement dans le jargon militaire. Mais les sanctions ont pris une telle ampleur et une telle dynamique que leurs effets s'apparentent à une bombe atomique économique. La destruction totale de l'économie russe est désormais l'objectif ouvertement revendiqué par l'Occident. Mais cette bataille finale comporte des risques considérables, tant pour la puissance économique allemande que pour la situation militaire à l'Est. Ce n'est rien de moins que jouer avec le feu, car personne n'est en mesure de prédire comment un Vladimir Poutine ébranlé et acculé va réagir.

La plus haute fonctionnaire de l'UE, Ursula von der Leyen, qui n'a pas été élue à ce poste mais qui doit son pouvoir uniquement à ceux qui tirent les ficelles dans les coulisses, est en mode guerre depuis plusieurs jours. Cela surprend beaucoup l'observateur objectif, car pas un seul coup de feu n'a été tiré sur un pays membre de l'UE. Ce qui est encore plus déconcertant, c'est la motivation de von der Leyen pour faire avancer le "mode guerre" au sein de l'UE.

Une telle volonté d'action de sa part a non seulement manqué à tous les soldats de la Bundeswehr pendant son mandat de ministre de la Défense, et c'est exactement le contraire qui s'est produit.

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Lors d'entretiens personnels, des officiers d'élite ou haut gradés la caractérisaient comme la "fossoyeuse" de la troupe en raison de son action qui fut quasiment destructrice. Comme elle a été intronisée par Angela Merkel, qui a représenté la déstabilisation de l'Allemagne comme aucun autre chancelier, la boucle est bouclée. Von der Leyen parle désormais ouvertement de la destruction de la base économique de la Russie. De tels fantasmes de destruction contre les 145 millions d'habitants du grand pays de l'Est ont une connotation plus que déconcertante au regard de l'histoire commune du siècle dernier.

Il faudrait plusieurs pages pour simplement énumérer les innombrables sanctions contre la Russie : l'exclusion des banques russes de SWIFT s'est accompagnée de la privation des Russes d'une grande partie de leurs propres réserves d'or et de devises, d'une valeur de plus de 600 milliards de dollars. La FIFA, l'UEFA et le Comité olympique ont exclu des athlètes et des équipes russes, et une chasse publique aux milliardaires russes, les oligarques, a été lancée. Ils ne sont pas accusés d'avoir participé à la guerre en Ukraine, mais seulement d'être "proches" de Poutine.

Le vieil homme blanc américain Joe Biden, dans son premier discours sur l'état de l'Union, a lancé à la face des milliardaires russes, et sans doute à celle de Poutine lui-même, la déclaration de guerre suivante : "Nous allons prendre vos yachts, vos appartements de luxe et vos jets privés".

Malgré tout son zèle, l'Occident, qui se pose comme si moralement supérieur, semble, ces jours-ci, ne plus accorder aucune importance aux bases juridiques de ces expropriations et confiscations. La classe supérieure russe doit désormais se trouver dans la quasi impossibilité de séjourner en Europe et en Amérique à cause des sanctions et du durcissement de la politique des visas. Roman Abramovitch, entre autres - qui est encore propriétaire du club de football londonien FC Chelsea, serait en train d'essayer de vendre sa villa de 180 millions d'euros et son penthouse londonien de trois étages pour 26 millions de livres.

Le message de l'UE et des Américains pour les oligarques s'assène à coups de maillet. Ceux qui sont avec Poutine, même s'ils sont neutres, ne pourront ni gagner ni investir de l'argent en Occident, et même les longues vacances en yacht sur la Côte d'Azur tomberont à l'eau. Mais le véritable message de ce message va bien au-delà des projets de vacances, car il met en œuvre un appel direct au coup d'État contre Poutine. Ce n'est que si les milliardaires russes s'opposent ouvertement à Poutine et participent à un changement de régime, sous quelque forme que ce soit, qu'il y aura un avenir pour eux et leurs enfants en Occident. Cette déclaration de guerre de l'Occident va créer un front mondial qui risque d'entraîner la nouvelle puissance mondiale, la Chine, dans le conflit. En effet, la Chine s'est jusqu'à présent exprimée de manière pro-russe et pourrait atténuer bon nombre des sanctions imposées par l'Occident. Au plus tard dans ce cas, le conflit ukrainien se transformerait en une guerre économique mondiale.

Les Russes sont les nouveaux non vaccinés

Bien entendu, nous compatissons avec les Ukrainiens et ils ont besoin de notre aide. L'armée russe a envahi le pays sur ordre de Poutine. Point final. L'expansionnisme de l'OTAN vers l'Est a certes pu être l'un des déclencheurs, mais il ne justifie pas la guerre contre le pays voisin. Surtout maintenant, alors que la stratégie militaire risque de changer. La guerre éclair s'étant enlisée, le nombre de victimes dans les villes risque désormais d'être élevé. Les chars, les tirs de missiles et les attaques aériennes menacent de détruire les centres-villes et les infrastructures.

Mais, malgré toutes les critiques, qu'y peuvent les plus de 3 millions de personnes d'origine russe qui vivent en Allemagne ? L'incitation de certains groupes de la population contre d'autres, qui, eux, seraient bien ciblés par la politique et les médias contrairement à certains, tient la république en otage depuis des années déjà et la polarise. Les effets de cette incitation de masse frappent maintenant les Russes en Allemagne.

Les réseaux sociaux montrent un petit supermarché russe dans la Ruhr dont les vitrines ont été brisées et dont la façade a été recouverte de peinture blanche. Un restaurateur allemand a immédiatement déclaré que toutes les personnes ayant un passeport russe étaient des personnes indésirables qu'il refusait de servir. Même les jeunes enfants ne sont pas épargnés par cette société civile qui se targue d'être si tolérante. Sur les réseaux sociaux, une vidéo devient virale : un père tente de parler à une enseignante de son fils qui est rentré à la maison perturbé. L'enseignante, qui serait une de ces auxiliaires qui aident les élèves à faire leurs devoirs, cela n'est pas clairement établi, avait forcé le garçon à enlever sa veste préférée, car il s'agissait d'une veste de l'équipe olympique russe.

La bien-pensante, dûment idéologisée, a alors prononcé la phraséologie typique de ces derniers jours, celle qui évoque la "solidarité" avec l'Ukraine et autres. Nous en sommes arrivés là dans ce que nos dirigeants et nos idéologues appellent "la meilleure Allemagne de tous les temps".

vendredi, 04 mars 2022

Le général de la Bundeswehr Gerd Schultze-Rhonhof : "Le président Poutine a tiré le frein d'urgence"

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Le général de la Bundeswehr Gerd Schultze-Rhonhof: "Le président Poutine a tiré le frein d'urgence"

L'auteur et ancien général de la Bundeswehr Gerd Schultze-Rhonhof revient sur les causes du conflit ukrainien et les rôles honteux joués par les puissances impliquées

propos recueillis par le Dr. Bernhard Tomaschitz

Source: https://zurzeit.at/index.php/praesident-putin-hat-die-notbremse-gezogen/

Votre livre sur le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale s'intitule "La guerre qui avait plusieurs pères". Combien de pères la guerre ou le conflit en Ukraine ont-ils ?

Schultze-Rhonhof : Il s'agit de huit États et alliances d'États, à savoir l'Allemagne et la France en tant qu'avertisseurs et médiateurs infructueux, les États-Unis, l'OTAN et l'UE en tant que faux jetons dans le jeu et la Russie, l'Ukraine et les oblasts de Donetsk et de Lougansk, soit ceux qui ont joué avec le feu.

Je voudrais ajouter une chose : tout ce désastre a commencé par un événement heureux, la réunification allemande. Une partie du prix à payer a été la promesse faite par le secrétaire d'État américain Baker à M. Gorbatchev, le 8 février 1990, que "l'OTAN n'avancerait pas d'un pouce vers l'Est". Cette promesse a été confirmée le 17 mai 1990 par le secrétaire général allemand de l'OTAN, M. Wörner, puis à nouveau par notre ministre des Affaires étrangères, M. Genscher, en présence de M. Baker. Cette dernière assurance est encore visible aujourd'hui sur Internet sous la forme d'un petit film visionnable sur Youtube. Ce prix pour la réunification n'a jamais été payé. Aujourd'hui, Poutine en a fait les frais.

Gerd Schultze-Rhonhof, né en 1939 à Weimar, marié, trois filles, soldat de 1959 à 1996, en dernier lieu commandant de division et commandant militaire dans la région militaire de Basse-Saxe. Retraité, il est l'auteur de plusieurs livres sur les prolégomènes de la Seconde Guerre mondiale.

A l'époque, dans les années 90, la situation géopolitique était très différente. L'Union soviétique s'était effondrée. La Russie était faible et devait faire face à de nombreux problèmes internes. Aujourd'hui, la Russie est un pays sûr de lui. Les Américains ont-ils sous-estimé cette situation et pensé qu'ils pourraient continuer comme avant ?

Schultze-Rhonhof : Les Américains ont toujours une énorme longueur d'avance sur les Russes. Ils ont probablement cru qu'ils pouvaient se permettre de ne pas tenir leur promesse. Dans le cas du souhait des Ukrainiens de rejoindre l'OTAN et de la sécession des deux oblasts à majorité russe, ils ont en outre invoqué et compté sur un principe qu'ils ont eux-mêmes bafoué sans scrupule à de nombreuses reprises en Amérique du Sud et au Proche-Orient : l'intégrité territoriale d'autres États.

Puisque vous évoquez l'intégrité territoriale : Un autre principe du droit international qui fait partie de l'intégrité territoriale est la non-ingérence dans les affaires intérieures d'autres États. Or, il semblerait que les États-Unis aient joué un rôle important dans le coup d'État de Maidan en 2014.

Schultze-Rhonhof : C'était et cela reste toujours un événement opaque. Il est tout à fait possible que les Américains aient eu leur mot à dire dans le coup d'Etat de Maidan - peut-être aussi les Anglais - afin d'alimenter la révolution contre le président de l'époque, Ianoukovitch. Entre-temps, certains tireurs d'élite étrangers ont déclaré avoir tiré sur les manifestants et les policiers depuis les toits autour de la place Maidan, attisant ainsi la colère des parties en présence. A l'époque, à partir de 2014, j'ai souvent noté des chiffres dans les médias sur les détachements d'étrangers en Ukraine, par exemple 150 mercenaires de la société militaire privée américaine Greystone portant des uniformes ukrainiens, puis 400 mercenaires de la société de services militaires américaine Academy (anciennement Blackwater, ndlr). Une autre fois, il s'agissait de 75 instructeurs militaires britanniques. Les États qui envoient des mercenaires peuvent toujours dire qu'ils n'ont pas utilisé de militaires, et ils n'ont alors pas besoin de se justifier pour les violations du droit de la guerre commises par leurs mercenaires.

    En Ukraine, les intérêts nationaux des États-Unis se conjuguent avec les intérêts financiers de la famille Biden.

Pourquoi les Etats-Unis font-ils une telle fixation sur l'Ukraine ?

Schultze-Rhonhof : Il s'agit de la volonté d'hégémonie des États-Unis en Europe et d'intérêts économiques de grande ampleur. L'Ukraine a des ressources naturelles importantes et c'est un marché d'exportation considérable. Pensez à la Treuhand qui a liquidé l'économie de la "RDA" en Allemagne. À l'époque, des étrangers fortunés pouvaient racheter des sociétés et des entreprises à des prix défiant toute concurrence. C'est ce qui attend aujourd'hui les étrangers disposant de moyens financiers importants en Ukraine. Le fils du président américain Biden, Hunter Biden, qui siège aujourd'hui au conseil d'administration de la plus grande entreprise gazière ukrainienne, Burisma, est un exemple de ce type de chanceux. Il reçoit un montant fixe en dollars pour chaque millier de mètres cubes de gaz naturel qui passe par les tuyaux de Burisma. Dans ce cas, les intérêts patrimoniaux de la famille Biden se combinent avec les intérêts économiques nationaux des États-Unis.

Pourquoi le conflit d'influence en Ukraine a-t-il pris une telle ampleur, au point de dégénérer en guerre ?

Schultze-Rhonhof : Cela a été une longue évolution, à commencer par la réunification allemande et l'effondrement de l'Union soviétique. En 1990, la réunification avait été acceptée parce que les Américains avaient soi-disant renoncé à tout élargissement de l'OTAN vers l'Est. Cet engagement n'a pas été respecté. En 2001, Poutine a proposé une zone de libre-échange paneuropéenne incluant la Russie. Cette proposition a été rejetée. En 2007, lors de la conférence sur la sécurité de Munich, Poutine a qualifié un nouvel élargissement à l'Est sur le territoire de l'ancienne Union soviétique de "franchissement d'une ligne rouge". Il n'a pas été pris au sérieux. En 2008, les États-Unis ont demandé l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, ce qui a échoué en raison du veto de la France et de l'Allemagne, ce pourquoi nous les remercions.

Jusque-là, tout s'est déroulé pacifiquement.

Schultze-Rhonhof : Cela a continué. En 2013, l'UE a proposé à l'Ukraine un accord d'association et en 2014, le nouveau président Porochenko, orienté vers l'Occident, a exprimé le souhait que l'Ukraine rejoigne l'OTAN. La sonnette d'alarme a alors retenti au Kremlin. Il était clair pour Poutine qu'après l'UE, l'OTAN et, avec elle, les Américains s'installeraient en Crimée et que la marine américaine prendrait le contrôle du port de guerre russe de Sébastopol si cela devait se produire. Il en a tiré les conclusions et a annexé la péninsule de Crimée, dont la population est majoritairement russe. La population de Crimée avait d'ailleurs déjà choisi de rester dans le giron russe à 93% lors de l'indépendance de l'Ukraine en 1991, suite à un référendum.

Peu après la prise de contrôle de la Crimée par la Russie, les deux oblasts de Lougansk et de Donetsk, majoritairement peuplés de Russes, ont également souhaité se séparer de l'Ukraine. Ils ont déclaré leur indépendance, ce qui a entraîné une guerre civile dans l'est de l'Ukraine, qui dure depuis huit ans. Grâce à la médiation de la France et de l'Allemagne, les accords de Minsk ont été conclus en 2015 entre l'Ukraine et la Russie, la puissance protectrice des deux oblasts sécessionnistes. Cet accord prévoyait un cessez-le-feu et une loi sur le statut spécial de Lougansk et de Donetsk au sein de l'Ukraine. Au lieu de cela, le gouvernement de Kiev a promulgué en 2018 une "loi de réintégration" pour les deux oblasts, interdisant toute négociation avec eux et l'utilisation de leur langue maternelle russe dans les écoles. La guerre civile s'est poursuivie sans relâche dans l'est de l'Ukraine. Poutine a vu à la fois la souffrance de la population dans la zone de guerre et la réticence du gouvernement de Kiev à honorer les accords de Minsk en accordant une autonomie partielle à Lougansk et au Donetsk, et il a observé les pressions constantes de Kiev pour être admis dans l'OTAN. Selon Poutine, un grand Etat membre de l'OTAN situé directement à la frontière russe était et reste incompatible avec les intérêts vitaux de la Russie en matière de sécurité. Il a donc ordonné un déploiement de troupes comme menace aux frontières avec l'Ukraine et a demandé à deux reprises au président américain, en décembre 2021, de renoncer de manière permanente à l'admission de l'Ukraine dans l'OTAN. Deux fois cela lui a été refusé. Une fois de plus, Poutine en a tiré ses conclusions.

Voyez-vous un risque que ce conflit se transforme en un incendie généralisé ?

Schultze-Rhonhof : Je ne nie pas ce risque, mais je pense que c'est peu probable. Si la Russie contraint l'Ukraine à accepter une quelconque relation de dépendance, elle aura déjà un énorme problème sur les bras. Mais la Russie ne peut pas se permettre de s'engager dans une guerre contre l'OTAN. Je pense que Poutine est un calculateur froid. Il ne le fera pas. Poutine a toujours demandé que deux choses soient mises au point: premièrement, que l'Ukraine ne soit pas admise dans l'OTAN et, deuxièmement, que le Donbass soit apaisé avec la fin de la guerre civile qui y sévit. Dans quelques semaines, il aura obtenu les deux.

    S'engager dans une guerre avec l'OTAN serait trop difficile pour la Russie. Poutine ne le fera pas.

Il est frappant de constater que l'Union européenne ne fait que répéter ce que disent les États-Unis. N'est-ce pas inquiétant, car le conflit ukrainien concerne aussi et surtout la sécurité de l'Europe ?

Schultze-Rhonhof : L'UE est à cet égard un chien de garde sans dents. Elle n'a joué aucun rôle dans cette crise et n'a donné aucune impulsion. Les seules impulsions positives de l'Europe sont venues de la France et de l'Allemagne avec les deux conférences de Minsk. Pour le reste, la Commission européenne n'a rien trouvé d'autre expédient que des menaces de sanctions qui, une fois de plus, coûteront très cher à la population européenne. S'il y avait eu un seul homme d'État doté d'un sens stratégique et de la persévérance nécessaire au quartier général de l'OTAN ou à la Commission européenne, l'Ukraine aurait été finlandisée à temps, c'est-à-dire déclarée neutre par traité, comme l'étaient autrefois la Suisse, l'Autriche et la Finlande.

Les médias disent maintenant "c'est la guerre de Poutine". Vous êtes d'accord ?

Schultze-Rhonhof : Cela ressemble à un blâme unilatéral qui, exprimé de manière aussi péremptoire, ne reflète nullement la vérité. En tant qu'auteur du livre "1939 - La guerre qui eut plusieurs pères", je pense que la responsabilité d'une guerre n'incombe pas seulement à celui qui l'a commencée, mais aussi à celui qui a contribué à la provoquer auparavant.

L'entretien a été mené par Bernhard Tomaschitz.

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Les enjeux de la guerre en Ukraine. Une perspective métaphysique

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Les enjeux de la guerre en Ukraine. Une perspective métaphysique

Avec le lancement de la vaste opération militaire russe sur le territoire ukrainien, le monde entier est entré dans une phase décisive de son histoire. Et en gardant à l’esprit que l’histoire n’est pas un déroulement mécanique, implacable et fataliste d’événements sans aucune sens, restant ouverte à une infinité d’options et de probabilités, déterminées par la volonté divine, la fin de cette bataille majeure est incertaine.

Toute l’humanité semble saisie par le tourbillon d’éléments d’une force irrésistible, par la puissance aveugle de contradictions insurmontables, dont la libération ne peut avoir d’autre issue que celle d’une lutte à mort entre deux mondes, entre deux visions de la vie. Cet affrontement planétaire ne semble pas laisser place à une fin où les deux parties s’entendraient sur un compromis. Chacun des belligérants aspire à l’anéantissement définitif de l’ennemi.

Derrière le plan étroit des deux camps belligérants se cachent deux visions antagonistes et diamétralement opposées du monde et de la vie. C’est un choc majeur de civilisations radicalement différentes, qui ne peut s’affirmer que par contraste au modèle opposé. Au cœur de cette bataille irréconciliable se trouvent deux modèles civilisationnels. En fait, deux civilisations qui diffèrent de façon frappante.

Voici donc le profil identitaire des ces deux mondes d’un point de vue métaphysique.

• la civilisation tellurocratique versus la civilisation thalassocratique;
• la civilisation de la Terre contre la civilisation de la Mer;
• la civilisation continentale versus la civilisation océanique;
• la civilisation de la clarté céleste versus la civilisation de l’obscurité marine;
• la civilisation stable versus la civilisation versatile;
• la civilisation verticale versus la civilisation horizontale;
• la civilisation de la Tradition versus la civilisation de la Modernité;
• la civilisation de la croix versus la civilisation usuraire;
• la civilisation du salut contre la civilisation de la perdition;
• la civilisation solaire versus la civilisation sélénaire;
• la civilisation de l’amour contre la civilisation de la haine;
• la civilisation du transcendant contre la civilisation de l’immanent;
• la civilisation de l’esprit versus civilisation de la matière;
• la civilisation de la masculinité versus la civilisation du féminisme gynécocratique;
• la civilisation religieuse versus civilisation païenne;
• la civilisation du sacré versus la civilisation du profane;
• la civilisation du mysticisme contre la civilisation du gnosticisme;
• civilisation colombienne versus civilisation reptilienne;
• la civilisation créationniste versus la civilisation évolutionniste;
• la civilisation du christocentrisme versus la civilisation de l’anthropocentrisme;
• la civilisation organique versus civilisation nihiliste;
• civilisation naturelle versus civilisation mécaniciste;
• la civilisation de la foi versus la civilisation du scientisme;
• la civilisation des lentes transformations versus la civilisation des ruptures révolutionnaires;
• la civilisation lumineuse de l’esprit contre la civilisation terne de la matière;
• la civilisation de la vie contre la civilisation de la mort;
• la civilisation du don versus la civilisation de l’argent;
• civilisation contemplative versus civilisation utilitaire;
• la civilisation de l’honneur contre la civilisation de l’intérêt;
• la civilisation de l’esprit de sacrifice versus la civilisation hédoniste;
• la civilisation des héros contre la civilisation des marchands;
• la civilisation des saints contre la civilisation des idoles;
• la civilisation du culte du travail versus la civilisation du profit parasitaire;
• la civilisation rurale versus la civilisation urbaine;
• la civilisation de la modération contre la civilisation de l’abondance;
• la civilisation du naturel versus la civilisation technocratique;
• la civilisation de l’harmonie versus la civilisation du chaos;
• la civilisation du beauté versus la civilisation de l’abominable;
• la civilisation de la famille contre la civilisation de la perversion sexuelle;
• la civilisation de la fidélité versus la civilisation de la promiscuité ;
• la civilisation de la morale contre la civilisation de la dépravation;
• la civilisation de la fertilité contre la civilisation de la stérilité;
• la civilisation du sens versus la civilisation de l’absurde;
• la civilisation de la décence contre la civilisation de l’indécence;
• la civilisation du génie humain versus la civilisation de l’intelligence artificielle;
• la civilisation de l’homme contre la civilisation du transhumanisme.

Cette bataille n’est donc pas entre deux pays, mais entre deux manières de vivre et d’interpréter la vie. Et dans ce cas, il importe moins que tous ceux qui sont du côté de la Russie sont conscients ou non de sa mission civilisationnelle. Il ne pouvait en être autrement puisque ce pays doté d’une mission historique majeure a subi deux énormes chocs civilisationnels: l’expérimentation communiste et l’expérimentation libérale. Mais malgré ces traumatismes historiques, les archétypes ancestraux, la dot spirituelle byzantine, les codes culturels continentaux ont été préservés dans les profondeurs de l’inconscient collectif. Au-delà des traumatismes historiques, de l’ankylose et des tics idéologiques obsolètes, se cache la vigueur régénératrice d’une nation qui n’a pas abandonné sa vocation à faire l’histoire et à perdurer dans le temps.

La lutte convulsive de toute l’humanité comme au bord d’une mort inexorable a commencé il y a deux ans, avec le lancement de la phase finale de la conspiration occulte visant la dépopulation de la planète. Rien ne semblait pouvoir renverser le cours des événements. Mais cette guerre pourra-t-elle désormais arrêter le génocide mondial et mettre fin aux tueries de masse par injection, ou ne fera-t-elle qu’accélérer la fin implacable de la civilisation humaine?

Nos prières s’adressent à notre bon Dieu pour permettre la victoire des forces de la lumière et nous donner un peu plus de temps pour vivre. Face à la mort imminente, nous sommes toujours dans une crise de temps pour nous repentir.

Notre espoir est que la tragédie sanglante de la guerre en Ukraine ne précipitera pas la fin du monde, mais seulement la fin de ce monde déchu, qui sera suivie d’un nouveau commencement.

P.S.: Et ceux qui hésitent encore, ne sachant à quel côté de la ligne de front adresser leur sympathie, il serait bon de ne retenir que quelques figures monstrueuses qui sont dans le camp des pacifistes antirusses: le prédateur financier et oligarque sordide George Soros, la super-star satanique Madonna et Marina Abramović, célèbre pour ses improvisations artistiques sinistres avec des rituels sataniques du cannibalisme, des assassinats de bébés, des perversions sexuelles, etc., cette personne démoniaque étant étroitement liée au clan Iluminati Rothschild.

Toute l’armée de mercenaires du monde entier, qui a rejoint il y a deux ans l’arnaque du Covid-19, arborant leurs masques de protection et nous appelant à l’injection, arbore désormais déjà un autre masque, celui des amoureux de la paix et en même temps d’alliés des guerriers de Kiev. Derrière ces masques se cache le rictus hideux des forces mondialistes maléfiques.

Iurie Roşca
04.03.2022

Finlandisation de l'Ukraine ? - Deux points de vue de l'Autriche neutre

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Finlandisation de l'Ukraine ?

Deux points de vue de l'Autriche neutre

Erich Körner-Lakatos & Bernhard Tomaschitz

Source : https://zurzeit.at/index.php/ploetzlich-ist-fuer-selenskij-eine-neutralitaet-der-ukraine-denkbar/ & https://zurzeit.at/index.php/kommt-es-zur-finnlandisierung-der-ukraine/


Va-t-on vers une finlandisation de l'Ukraine?

Erich Körner-Lakatos

Neutralité et renonciation à l'adhésion à l'OTAN : une alternative envisageable

Au vu de la situation en Ukraine, on parle ces derniers jours de la possibilité que le pays situé sur le Dniepr renonce à l'avenir à adhérer à l'OTAN et devienne un Etat durablement neutre. Des signes en ce sens sont même apparus dans la bouche du président Volodymyr Zelenski (soit dit en passant, le prénom Volodymyr signifie Vladimir ; Zelenski et son adversaire Poutine partagent donc au moins le même prénom). Avant cela, Emmanuel Macron avait déjà évoqué le terme de finlandisation, car la Finlande et l'Ukraine sont tout à fait comparables d'un point de vue géographique : les deux pays ont une longue frontière avec leur voisin oriental, la Russie, qui est militairement surpuissante.

En d'autres termes, la finlandisation signifie que le petit voisin ne peut affirmer son indépendance limitée que si sa neutralité présente une caractéristique particulière, à savoir un déséquilibre en faveur de la Russie. Un autre parallèle saute aux yeux : la Finlande et l'Ukraine ont longtemps fait partie de la Russie des Tsars, l'Ukraine en sa totalité en fit même partie après le pays nordique, et, dans ses frontières actuelles pendant la seule période de domination communiste. Les deux pays n'ont pu obtenir leur indépendance étatique que pendant une période de faiblesse de la Russie.

Pour comprendre ce que signifie la finlandisation pour la future Ukraine, il est nécessaire de se pencher sur l'histoire de la Finlande pendant qu'a germé le processus qui a donné, in fine, cette forme particulière de neutralité.

Comme on le sait, la Finlande faisait partie de la sphère d'intérêt soviétique en vertu du protocole additionnel secret du pacte Molotov-Ribbentrop signé en août 1939. C'est pourquoi les troupes soviétiques ont envahi les trois États baltes, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, sans rencontrer de résistance. Il en fut autrement en Finlande : pendant la guerre dite de l'hiver 1939/40, l'armée finlandaise, relativement petite, remporte des succès défensifs et met à mal l'Armée rouge, affaiblie par les purges de Staline. Ce n'est qu'au bout de six mois que la supériorité de Moscou se fait sentir et qu'Helsinki doit demander un armistice et subir des pertes territoriales, tout en étant épargnée par l'occupation.

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La situation est similaire après la guerre dite "de Continuation" qui rangea la Finlande du côté allemand dans le cadre de l'entreprise Barbarossa. En 1944, la Finlande n'est pas non plus occupée, mais commence alors une période qui durera jusqu'à l'effondrement de l'Union soviétique et qui est connue sous le nom de finlandisation, c'est-à-dire de prise en compte particulière des sentiments et des souhaits de Moscou.

Sous les présidences de Juho Paasikivi (1946-1956) et d'Urho Kekkonen (1956-1981), la Finlande a plutôt le statut de vassal de l'Union soviétique, du moins en politique étrangère. Kekkonen, qui appartient au parti paysan du centre et gouverne de manière presque dictatoriale, fait participer les communistes finlandais au gouvernement. On murmure même que Kekkonen a travaillé pendant des années pour les services secrets soviétiques, le KGB.

L'obéissance anticipée d'Helsinki est frappante. Lorsque la télévision suédoise diffuse un film basé sur la nouvelle d'Alexandre Soljenitsyne Un jour dans la vie d'Ivan Denissovitch, la Finlande coupe les émetteurs des îles Åland (un groupe d'îles dans le golfe de Botnie entre la Suède et la Finlande) parce que le bureau de la censure d'Helsinki interdit le film car il est considéré comme hostile aux Soviétiques. Le roman L'Archipel du Goulag, également écrit par Soljenitsyne, ne peut pas être publié en finnois - le chef de l'État Kekkonen s'y oppose. Par crainte d'effrayer Moscou.

Les manuels scolaires ne doivent rien contenir qui puisse fâcher les amis russes (les deux pays ont signé un traité d'amitié en 1948). Même la vie culturelle est soumise à une censure sévère : les acteurs et les artistes de cabaret qui se permettent de faire de petites blagues sur le voisin de l'Est n'obtiennent plus de rôles.

Leonid Brejnev et son Politburo vieillissant se réjouissent d'autant plus des quelque mille manifestations festives organisées en Finlande en 1970. L'occasion en est le retour du centenaire de la naissance de Vladimir Ilitch Lénine, le fondateur de l'Union soviétique.

D'autre part, entre 1945 et 1979, l'économie finlandaise connaît un essor fulgurant, basé sur l'économie de marché occidentale. On se transforme pour le voisin de l'Est en une sorte d'épicerie fine, qui profite certes en premier lieu à la nomenklatura, c'est-à-dire à la classe des fonctionnaires du PC soviétique.

En ce qui concerne l'Ukraine, une neutralité à la finlandaise serait un moindre mal. D'autres scénarios - un État vassal à la manière de la Biélorussie, voire une incorporation totale dans la Fédération de Russie - ne sont probablement pas du goût des citoyens ukrainiens.

***
Soudain, la neutralité de l'Ukraine est envisageable pour Zelensky

Dr. Bernhard Tomaschitz

Un statut de neutralité aurait permis à l'Ukraine d'éviter la guerre avec la Russie

Dans le cadre de l'opération militaire lancée par la Russie en Ukraine, les troupes russes ont désormais atteint la capitale Kiev. Face au désespoir de sa propre situation, le président ukrainien Volodimir Zelensky est manifestement en train de changer d'avis.

Dans un message vidéo diffusé sur Telegram, Zelensky a déclaré qu'il était prêt à discuter d'un statut de neutralité pour l'Ukraine: "Nous n'avons pas peur de la Russie, nous n'avons pas peur de parler avec la Russie, de parler de tout : des garanties de sécurité pour notre pays et un statut de neutralité". Si l'Ukraine avait négocié plus tôt un statut de neutralité avec la Russie ou avait déclaré sa neutralité de son propre chef au lieu de se laisser entraîner dans le sillage de la politique hégémonique américaine, le pays aurait évité bien des désagréments. Notamment la guerre actuelle avec son puissant voisin de l'Est.

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En outre, Zelenskij s'est plaint de ce qu'il considère comme un manque de solidarité de la part de l'OTAN : "Nous sommes livrés à nous-mêmes. Qui est prêt à partir en guerre pour nous ? Honnêtement, je ne vois personne. Qui est prêt à donner des garanties à l'Ukraine pour qu'elle devienne membre de l'OTAN ? Franchement, tout le monde a peur".

Pour les États-Unis, l'Ukraine, qui a été réarmée et qui devait se rapprocher de l'OTAN, était un instrument important pour parfaire l'endiguement de la Russie. Mais dans la situation actuelle, les pays de l'OTAN ne sont pas prêts à envoyer des soldats dans ce pays non-membre, pour des raisons compréhensibles. En ces heures amères, l'Ukraine et son président Zelenski doivent se rendre compte qu'ils ont été des pions dans le jeu des États-Unis.

jeudi, 03 mars 2022

Géopolitique d'un échec

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Géopolitique d'un échec

par Stefano De Rosa 

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/geopolitica-di-un-fallimento

Au lieu de justifier une critique à sens unique contre la Russie, les événements de guerre en Ukraine devraient surtout interpeler l'Union européenne sur sa fonction politique, laquelle est inexistante, et sur sa subordination aux États-Unis et à l'OTAN

Au cours de l'été 2008, l'actualité internationale et la diplomatie du monde entier ont été monopolisées par la crise russo-géorgienne. Presque tous les commentateurs et décideurs politiques ont traité les événements caucasiens selon la distinction habituelle entre "bons" et "mauvais", plaçant la Géorgie, l'OTAN, les États-Unis et l'UE parmi les premiers et la Russie, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud parmi les seconds.

L'affaire présentait des analogies avec la question du Kosovo, une région serbe à majorité albanaise qui, une décennie plus tôt, a jugé bon de se séparer de la Serbie, faisant valoir un droit fondé sur l'autodétermination des peuples et donnant naissance à une nation artificielle. Chacun se souvient de la façon dont l'Occident - avec sa logique coloniale du XIXe siècle - s'est comporté face à la réaction légitime de Belgrade qui, voulant préserver son intégrité territoriale, ne pouvait tolérer le séparatisme islamo-kosovar.

L'OTAN, composée d'États membres dans un but de défense mutuelle, a bombardé un État souverain - la Serbie - sans que cet Etat n'ait menacé l'un de ses membres. Pour la première fois, l'Alliance atlantique est intervenue dans une guerre civile sans mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, inaugurant ainsi une nouvelle ère dans les relations internationales, dans laquelle le "droit d'ingérence" était justifié par la défense de la démocratie, des minorités et des droits de l'homme.

Un critère refusé, par exemple, aux Serbes de Bosnie (quelques années plus tôt), aux Kurdes ou au Tibet, au nom de la (prétendue) intangibilité des frontières. Cette guerre - une monstruosité juridique avalisée, de surcroît, en Italie par le gouvernement D'Alema - s'est révélée être un dangereux précédent historique, dont la légitimité a été contestée par de larges couches de l'opinion publique internationale et, de manière significative, par la Russie elle-même.

Plus de neuf ans plus tard, les camps des acteurs se sont inversés: c'est la Russie, alliée traditionnelle de la Serbie, qui a bénéficié politiquement de l'indépendance vis-à-vis de la Géorgie des deux petites républiques ethniques caucasiennes, désireuses d'entrer dans la sphère d'influence et la protection militaire du Kremlin. Pourquoi la Russie aurait-elle fait fi en 2008 du principe d'autodétermination (si cher au président Wilson en 1919) alors qu'en 1999, son exercice était garanti aux Kosovars avec la précieuse contribution de l'uranium appauvri des bombes lancées sur Belgrade ?

Cela n'a pas eu pour résultat le bombardement de Moscou par l'OTAN en 2008. De toute évidence, l'intangibilité des frontières était considérée comme un principe élastique à adapter au potentiel atomique ou au droit de veto à l'ONU du "mauvais" pays. Les récurrences de l'histoire (et parfois de la géographie) se sont répétées au cours de l'hiver 2022 en Ukraine. Les revendications des républiques autoproclamées de Donetsk et Luhansk dans le Donbass reconnues par Moscou étaient similaires à celles des républiques ethniques de Géorgie en 2008 et similaires aussi avec celles du Kosovo en 1999: les raisons invoquées étaient linguistiques, culturelles et religieuses pour justifier un détachement légitime (malgré une application intermittente du principe d'autodétermination des peuples) d'avec l'État auquel elles appartiennent.

Plutôt que de se diviser, de se demander si les craintes de la Russie sont fondées et si les raisons de son action militaire sur le territoire ukrainien sont justifiées, il serait plus constructif de se demander quelle est la fonction actuelle de l'Union européenne et si, dans cette affaire, elle n'a pas manqué une nouvelle occasion de se libérer de la protection des États-Unis, d'un point de vue énergétique et militaire, et de se différencier de l'OTAN, d'un point de vue politico-international. Une approche géopolitique à long terme pourrait peut-être offrir des éléments pour une meilleure compréhension prospective des événements et nous permettre d'échapper au joug d'une propagande narrative banalisée et à sens unique.

À cet égard, la théorie organique de l'État élaborée en 1897 par Friedrich Ratzel peut venir à la rescousse. Il considère l'entité étatique comme un organisme vivant et, en tant que tel, ayant tendance à s'étendre, à acquérir de nouveaux espaces également par le biais de fusions entre États et à lutter pour la conquête de son espace vital (le Lebensraum, l'espace géographique dont il a besoin pour vivre). Selon Ratzel, ce sont les batailles et les conflits, et non les accords, qui régissent les relations entre les États.

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À la mort de Ratzel en 1904, Sir Halford Mackinder (photo), dans un discours célèbre à Londres, a parlé du "pivot géographique de l'Histoire", le Heartland, le cœur eurasien de la Terre. Le géographe anglais a appelé cette région l'île du monde, dominée par le Heartland. Mackinder a écrit en 1919 : "Celui qui dirige l'Europe de l'Est dirige le Heartland ; celui qui dirige le Heartland dirige l'île du monde ; celui qui dirige l'île du monde dirige le monde". Il est facile d'y voir les préoccupations d'un exposant de la "thalassopolitique" dont parle Julien Freund.

La Première Guerre mondiale venait de se terminer. Pour Mackinder, il était essentiel d'empêcher une alliance entre l'Allemagne et la Russie et donc la conquête du Heartland. D'où la nécessité de créer des "États tampons" pour contrecarrer ce projet. Malgré les développements ultérieurs de la Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide et de l'effondrement du système soviétique, son modèle peut encore être adopté avec succès pour clarifier la dynamique d'un présent qui, autrement, serait incompréhensible.

Il ne peut y avoir de politique - pour emprunter à Carl Schmitt - que s'il existe une pluralité d'entités politiques entretenant entre elles des relations amicales ou hostiles. L'unification politique du monde poursuivie par la globalisation économique et financière conduit à une "dépolitisation totale" (Alain de Benoist). Le dilemme schmittien entre le monopole mondial d'une seule puissance (univers), d'une part, et les sphères d'intervention et les aires de civilisation (plurivers), d'autre part, est la véritable clé d'interprétation de ce qui se passe sur le flanc oriental de l'Europe.

Sans connaître l'issue, le mérite de l'initiative russe est, pour l'instant, au moins celui d'avoir remis la géographie et la politique sur le devant de la scène. Elle a également mis en évidence une saine distinction entre solide et liquide, entre fermeture et ouverture, entre identité et hybridité, entre enracinement et nomadisme, entre sentiment de limitation et omnipotence. C'est sur ces dichotomies que les chancelleries et les consciences individuelles doivent être appelées à s'exprimer. Il ne s'agit pas d'adhérer sans critique à ces visions stratégiques et culturelles ou de les partager. Ce qui est important, cependant, c'est de ne pas les négliger ou de les reléguer dans les scories contaminées de l'histoire.

 

 

Ukraine, la première guerre sociale et cybernétique de l'histoire

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Ukraine, la première guerre sociale et cybernétique de l'histoire

Francesca Salvatore

Source: https://it.insideover.com/guerra/ucraina-la-prima-guerra-social-e-cyber-della-storia.html

Une guerre étrange qui nous catapulte dans le troisième millénaire. Semblable à aucune autre, si ce n'est la peur et les rues tachées du sang des innocents. Le conflit en Ukraine est une émission en direct constante qui passe par les réseaux sociaux comme une émission en direct continue d'un reality show dystopique. Les réseaux sociaux sont remplis d'images postées par les protagonistes eux-mêmes qui, à l'aide de smartphones et de connexions précaires, se documentent, demandent de l'aide et exorcisent la peur.

Le reportage en direct rend obsolètes les reporters, les correspondants, les relais, les documents et les histoires. D'autre part, le web est un protagoniste sombre. La guerre de l'information du Kremlin va de pair avec l'escalade militaire en cours. Le flux de désinformation se poursuit depuis des mois afin de discréditer l'Ukraine en tant que pays et en tant que société. Puis il y a ceux, comme le collectif Anonymous, le réseau sans visage de "bons" geeks, qui décident de faire la guerre à Poutine en sabotant ses sites gouvernementaux. C'est comme être dans les Hunger Games, mais ce n'est "que" le début de 2022.

Un conflit sur l'air

"Papa, maman, je vous aime". La vidéo d'un jeune soldat ukrainien partant en guerre a fait le tour du monde. Un "Piero" 3.0 qui ne laisse pas derrière lui une photo en noir et blanc, immobile à côté d'un pilier, et encore moins des lettres du front qui arriveront des semaines plus tard. Il emmène son monde à la guerre avec lui, et marquera la guerre par des nouvelles de chez lui. Tant que ce téléphone émet, c'est une bonne nouvelle. Les réseaux sociaux arrivent dans les abris, tandis que les bombes déchirent le ciel et nous font passer nous aussi des "foyers chaleureux" au théâtre de la guerre. Les objectifs des téléphones portables bénis/maudits immortalisent les regards, les chars d'assaut, documentent la vie et la mort. Et c'est sur les réseaux sociaux que les dirigeants lancent des appels et des réparties.

Le président ukrainien Zelensky n'abandonne jamais son téléphone, et c'est son sceptre en ces heures tragiques. De ce téléphone, il écrit des messages sur les réseaux sociaux, prend des photos pour témoigner qu'il est vivant, incite les Ukrainiens à résister par des messages vidéo, dirige l'armée: le web fait partie intégrante de sa mythopoïèse, qui mêle chevalerie, courage et drame.

Mais les médias sociaux sont aussi la bête noire de Moscou en ce moment : Facebook a interdit à tous les médias d'État russes de parrainer et de monétiser leur contenu, tandis que Moscou a bloqué l'accès à Twitter sur le territoire russe. Le web est devenu un véritable front où s'affrontent vérité, mensonges et post-vérités, où les fake news sont générées et les démentis correspondants à la vitesse de l'éclair. Facebook a commencé à bloquer le contenu de quatre médias russes comme étant des sources possibles d'informations trompeuses, déclenchant la colère de Poutine qui demande que ces blocages soient retirés. Les forums de discussion, les photos de profil, les histoires et les reels deviennent instruments de guerre, pour la fomenter, la documenter, se rebeller contre elle.

La cyberguerre est déjà là

Parallèlement à une invasion, les cyberattaques mettent le grappin sur un système étranger. L'année 2021 nous a silencieusement habitués à ce nouveau type d'attaques, puisque leur nombre et leur gravité moyenne ont atteint des niveaux jamais égalés en Italie ou à l'étranger. Un exemple frappant est l'attaque contre le Colonial Pipeline aux États-Unis, qui a révélé en mai dernier, pour la première fois, comment les pirates informatiques peuvent perturber le fonctionnement du système d'un pays : le plus important réseau d'oléoducs américains a été bloqué, les approvisionnements ont été interrompus et le président Biden a été contraint de déclarer l'état d'urgence en pleine pandémie. La puissance de l'attaque, principalement à des fins d'extorsion, avait ouvert un énorme point d'interrogation sur l'avenir. Jeudi, le jour où Moscou a attaqué l'Ukraine, le Conseil européen, en plus de condamner l'invasion, a appelé "la Russie et les formations soutenues par la Russie à cesser les campagnes de désinformation et les cyber-attaques", marquant ainsi le début d'une nouvelle ère.

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Toutefois, il ne s'agit pas entièrement d'une cyberguerre. La bataille du web et des réseaux sociaux en matière d'informations trafiquées et déformées est le volet information de cette guerre, mais en soi, elle n'est rien d'autre que les fausses informations traditionnelles véhiculées auparavant par d'autres méthodes. Plusieurs cyberattaques ont eu lieu ces derniers jours, dont l'origine remonte à Moscou. Selon les experts du Washington Post, dans les prochains jours, les cyberattaques vont s'intensifier pour deux raisons principales : en réponse aux sanctions occidentales ; et comme instrument de soutien tactique aux opérations militaires sur le terrain.

La guerre hybride que suppose le conflit ukrainien est ainsi confirmée. En ce qui concerne le premier point, selon le journal, dans les prochaines heures, "il est très probable que nous assisterons à l'intensification de l'utilisation de capacités cybernétiques offensives avec des cyberattaques en guise de représailles contre les sanctions imposées à la Russie". Même l'Italie ne peut se targuer d'être à l'abri : le secteur de l'énergie en particulier est sur le qui-vive, où les attaques pourraient être plus probables et potentiellement plus dommageables.

Le 22 février, les spécialistes de l'Unité 42, le groupe de recherche basé à Palo Alto et spécialisé dans les cybermenaces, ont signalé "une augmentation significative des cyberattaques" au cours des neuf jours précédents. Depuis la mi-février, une série d'attaques Ddos (celles qui bloquent les réseaux et les infrastructures) a frappé le gouvernement et les banques ukrainiennes.

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Le 23 février, des organisations américaines (CISA, FBI, National Security Agency) et le National cyber security center (NCSC) britannique ont signalé la propagation de Cyclops Blink, un malware distribué à l'aide d'une mise à jour du célèbre antivirus WatchGuard. Les agences ont remonté la piste du malware jusqu'à Sandworm, une organisation cybercriminelle bien connue qui a des liens avec le gouvernement russe : une équipe qui comprendrait plusieurs officiers militaires du Crane (Direction principale des renseignements russes). Il s'agit du même groupe responsable des attaques de 2015 et 2017 contre l'Ukraine via le ransomware Petya.

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Les Anonymous et la "bonne guerre"

Les hacktivistes du célèbre groupe qui se cache derrière le masque de Guy Fawkes enchaînent actuellement les actions. Dans un long message vidéo, le mouvement international de pirates informatiques a déclaré la "guerre" au président Poutine après que les troupes russes ont envahi l'Ukraine dans le cadre d'une opération appelée "OpRussia - Defend Ukraine". Dans la vidéo, le collectif appelle les gens à rejoindre la cyber-guerre au nom de la défense des droits de l'homme.

Samedi, le groupe de pirates informatiques a rendu inaccessibles depuis longtemps les sites Web du Kremlin et du ministère de la Défense, ainsi que celui du diffuseur russe RT - la première chaîne d'information en langue anglaise de Russie. Samedi également, après que Poutine a ordonné une plus grande censure de ce qui pouvait être montré à la télévision, les Anonymous ont piraté les réseaux de télévision et ont diffusé un montage de la guerre en cours. En arrière-plan, une chanson russe de Monatyk, qui a participé au concours Eurovision de la chanson en 2017. Et encore, un site du réseau de contrôle du gaz russe a également été piraté, dans le cadre de l'offensive contre la Russie et pour la défense de l'Ukraine. Il s'agit du terminal russe Linux à Nogir, en Ossétie du Nord. "Nous avons modifié les données et augmenté la pression du gaz à tel point que cela a failli provoquer un incendie", peut-on lire dans un tweet des hackers. "Mais cela n'a pas été le cas", ajoute-t-il, "grâce à l'action rapide d'une personne responsable. En tant que collectif, Anonymous a pour objectif d'aider à fournir des informations valables au peuple russe sur les actions "folles" de Poutine, tout en essayant d'aider le peuple ukrainien en fournissant des colis de soins, en essayant de garder les canaux de communication ouverts et en aidant à obscurcir leurs communications des "yeux indiscrets".

Au début, les opérations perturbatrices des hackers les plus notoires du monde ont suscité un soutien inconditionnel et une sympathie collective. Mais de nombreux doutes entourent une organisation aussi mystérieuse et pourtant puissante de "justiciers du web".  Combien de hackers y a-t-il dans le collectif ? Comment s'organisent-ils ? La série d'actions perturbatrices en Russie est-elle vraiment de leur fait ? Est-il possible qu'un État soit derrière eux, se cachant pour empêcher l'escalade ? À ce stade de la "règle de suspicion", toutes les hypothèses sont plausibles.

Le collectif est officiellement né en 2003 lorsque des images et du contenu sont apparus pour la première fois de manière anonyme sur "4Chan", un site anglophone de conseil en image fondé par Christopher Poole en 2003, sur le modèle du site japonais "2channel". Dès le départ, Anonymous s'est déclaré être "une idée, un drapeau qui rassemble ceux qui veulent la justice et l'honnêteté dans le monde". Parmi leurs exploits les plus récents, citons les menaces à l'encontre d'Elon Musk, accusant le milliardaire de surinfluencer les cryptomonnaies par le biais de ses messages sur les médias sociaux ; et encore l'attaque contre l'Église de Scientologie en 2008, contre Visa et Mastercard en 2010 et l'opération KKK en 2015, lorsque les identités de plus de 1000 membres du Ku Klux Klan ont été rendues publiques.

Colonel Douglas Macgregor : "Poutine met en garde l'Otan depuis 15 ans"

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Colonel Douglas Macgregor : "Poutine met en garde l'Otan depuis 15 ans"

Roberto Vivaldelli

Source: https://it.insideover.com/guerra/il-colonnello-macgregor-putin-ha-avvisato-per-15-anni-la-nato.html

L'ancien président américain Donald Trump a toujours apprécié et tenu en haute estime les opinions hors normes du colonel Douglas Macgregor, à tel point qu'il a failli le nommer conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche après le départ de John Bolton en 2019. Vétéran de la guerre du Golfe, Macgregor est l'auteur de Breaking the Phalanx, un texte proposant la réforme de l'armée américaine, qui a intéressé le secrétaire à la Défense de l'époque, Donald Rumsfeld, à l'automne 2001. Après avoir quitté l'armée en 2004, Macgregor a souvent été invité à commenter la politique étrangère américaine à la télévision - sur Fox News, en particulier -, souvent à partir d'une position moins conventionnelle, critiquant l'immigration illégale et le magnat libéral, George Soros, avec des mots très durs.

Le 27 juillet 2020, la Maison Blanche a annoncé l'intention de Donald Trump de nommer Macgregor au poste d'ambassadeur des États-Unis en Allemagne, mais les médias libéraux américains ont lancé une offensive haineuse contre le vétéran de l'armée américaine en raison de ses positions, ce qui a conduit à l'enlisement de sa nomination au sein de la commission des affaires étrangères du Sénat. Lorsque l'idée de s'installer à Berlin a été écartée, il a été nommé conseiller principal du secrétaire à la défense par intérim Christopher Miller le 11 novembre 2020. Aujourd'hui, le colonel Macgregor est de retour dans l'actualité, une fois de plus en raison de ses opinions résolument "contre-culturelles" sur l'invasion russe de l'Ukraine, telles qu'exprimées sur Fox News. Nous l'avons rattrapé pour lui poser quelques questions.

Macgregor : "Poutine a averti l'Occident depuis des années"

Selon le vétéran de l'armée américaine, l'invasion russe de l'Ukraine était planifiée depuis des mois. L'objectif de Vladimir Poutine, explique-t-il, "est de faire en sorte que les États-Unis et leurs alliés ne puissent pas stationner des missiles et des forces de combat à la frontière" avec la Fédération de Russie. Dans son discours du 24 février, le président russe a souligné que "ce qui se passe est une mesure nécessaire. On ne nous a laissé aucune possibilité de faire autrement". Une lecture correcte, selon le colonel Macgregor. "Oui. Poutine a essayé à plusieurs reprises, depuis au moins 15 ans, de signaler l'opposition de la Russie à l'avancée de l'OTAN vers les frontières de la Russie."

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Le colonel explique quels sont les objectifs du Kremlin en Ukraine : "Moscou veut une Ukraine neutre, non alignée et non hostile à la Russie. Le modèle est l'Autriche et son traité d'État de 1955. Il n'est pas enclin à traverser le Dniepr et à se diriger vers l'ouest. L'armée russe a déjà encerclé et coupé les forces ukrainiennes à l'est du fleuve Dniepr. Elle souhaiterait une résolution telle que décrite. Si cela échoue, elle écrasera les forces ukrainiennes, traversera le Dniepr et annexera ou déclarera l'Ukraine orientale comme une République russe indépendante. Cela lui donnerait le "tampon" qu'elle souhaite", explique Macgregor. "Compte tenu de la géo-hydrographie de l'Ukraine occidentale, elle peut retenir au-delà du Dniepr les forces occidentales qui tenteraient de traverser le fleuve et qui rencontreraient une destruction certaine par des moyens conventionnels." Mais combien de temps l'armée ukrainienne peut-elle résister à l'avancée russe ? L'expert n'a aucun doute: "Au maximum 30 jours". Et les sanctions économiques n'arrêteront pas Moscou: "Les sanctions ont-elles forcé Moscou à quitter la Crimée ? Les sanctions ont-elles forcé l'Iran à se soumettre aux exigences des États-Unis et d'Israël ? Non. Les sanctions ne changent pas les gouvernements".

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"Biden a provoqué la Russie"

L'ancien conseiller principal du Pentagone sous l'administration Trump explique quelles ont été les erreurs de l'actuel locataire de la Maison Blanche, Joe Biden. Il aurait essayé de tout faire sauf d'établir un dialogue diplomatique avec la Fédération de Russie: "Biden a commencé son mandat en condamnant Poutine et son gouvernement. Il n'a pas cessé de menacer Poutine et de pousser les gouvernements européens à le rejoindre. Plus sérieusement, Macgregor note que "les forces américaines ont mené des exercices et des opérations militaires à moins de 50 miles nautiques de Saint-Pétersbourg". En revanche, l'ancien président Donald Trump a "écouté le président Poutine, en cherchant à améliorer les relations avec la Russie". Cependant, note-t-il, "Poutine a compris que le président Trump avait été subverti par son propre gouvernement et a conclu qu'il devait se préparer à une nouvelle administration américaine hostile. Encore une fois, le résultat est l'action en cours dans l'est de l'Ukraine".

Une autre question clé concerne l'ordre mondial qui émergera après la fin du conflit. L'isolement de l'Occident et les sanctions économiques sévères pousseront la Russie à se tourner de plus en plus vers la Chine, mais attention : il ne s'agit pas, pour le moment, d'une véritable "alliance". "Moscou et Pékin ne sont pas des alliés", explique le colonel Macgregor. "Ce sont des partenaires stratégiques qui entretiennent des relations économiques mutuellement bénéfiques. Tous deux sont menacés par les États-Unis et, bien sûr, coopèrent pour des raisons de sécurité."

mercredi, 02 mars 2022

Mourir à 50 ans dans une église orthodoxe ou à 70 ans dans un supermarché occidental: tel est le choix de la ménagère ukrainienne !

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Mourir à 50 ans dans une église orthodoxe ou à 70 ans dans un supermarché occidental: tel est le choix de la ménagère ukrainienne !

par Frédéric Andreu

Ce qui motive en premier lieu les masses humaines, guidés par des élites débiles, résident au niveau du bas-ventre. Les Ukrainiens se trouvent devant un choix de civilisation et identitaire que leur imposent, ni la Russie, ni l'Europe européenne, mais les forces otanesque de la division. Ils sont partagés entre, d'un côté, la perspective d'un salaire à 200 Euros qu'impliquerait le rattachement au contre-Empire du grand frère russe et de l'autre, les paillettes lucifériennes de l'Occident...

Le problème, c'est que la stratégie impériale des Etats-Unis et de l'Otan oblige à ce faux choix. Elle pose un limes entre votre âme et votre ventre. Cela c'est la victoire postume de Brzezinski, le merlin noir des élites étatuniennes.

A ce jeux-là, il n'est pas impossible que l'Ukraine connaisse un partage géopolitique en deux, au niveau du fleuve Dniepr. Mais cela rimerait alors avec le martyr des minorités de part et d'autre. Cette politique serait la victoire des puissances atlanto-sionistes qui sont derrière ce scénario diabolique.

L'un des rares politiques français qui ne s'y résigne pas n'est pas issu des rangs de la droite. C'est Jean-Luc Mélanchon, ancien député socialiste, certes, mais pas plus ni moins que ne l'était Marcel Déat avant guerre... En fait, la classe politique embourgeoisée et technocratique qui règne en France et à Bruxelles, capables des pires traîtrises et des pires non-sens historiques, déclarent en coeur: “avec nos sanctions, nous allons isoler la Russie !”.

L'hôpital se moque vraiment de la Charité ! Ces idiots utiles de l'Amérique pensent isoler un pays-continent 35 fois plus vaste que la France, allié de surcroît à la Chine et à l'Inde, pays dont le réservoir démographique correspond à la moitié de la population mondiale !

Résultat de cette stupidité sans nom est le suicide de l'Europe : c'est la petite péninsule européenne et non la Russie qui serait isolée comme une tête isolée du corps.

L'Europe aurait alors pour seule perspective d'être une annexe du grand marché américain. Bien sûr, que les démographes se rassurent, l'Afrique pourra toujours suppléer au manque démographique des Européens : les populations noires déracinées pourront se déverser, toujours plus nombreuses, sur le Vieux Continent, avec la bénédiction d'un pape tiers-mondiste et des élites européennes panmixistes.

Quand cette classe de Libéraux-traitres non élue qui dirige l'Union Européenne parle de paix, il faut entendre LGBTISME, pensée unique, matérialisme pratique, MacDonaldisation souriante de la société. Avec la mise au ban de la Russie, l'Europe sera en “paix” à la puissance dix. Voici le contenu du mot “paix” pour la génération à venir ! Adieu Homère et Pic de la Mirandole ; bonjour le clown multicolore Mac Do !

Les partisans du réel savent au contraire que l'Europe a tout intérêt à s'ouvrir à cette Russie frappée de l'aigle à deux têtes, l' ”empire bicéphale” reliant notre présent à la grande politique transcontinentale des derniers Bourbons.

En effet, on ignore trop souvent, dans le pays régicide qui a coupé la tête à Louis XVI, que le projet du Bon Roi était non seulement de lier alliance avec la maison des Habsbourg par le mariage avec Marie Antoinette, mais aussi de créer une alliance commerciale, voire plus, avec la Russie de Catherine II. A l'époque les élites russes et européennes ne parlaient pas seulement en terme de taux d'inflation et de statistique, ils ne parlaient pas dans un anglais d'aéroport mais dans le français de Molière. Ils parlaient de philosophie, de découverte des îles, de voyage, de vin et de belles lettres.

On ne sait généralement pas, non plus, que cette politique que les derniers Bourbons ont incarné par des mariages et des liens diplomatiques, est dans les faits, le même tropisme que Napoléon Bonaparte a suivi mais que l'Empereur a été contraint de faire par la guerre...

Les deux tentatives ont échoué, mais c'est pourtant ce flambeau-là qu'il faudrait reprendre car il est inscrit dans le destin même de la France, à la fois politique et spirituel. Il s'agit aussi de faire passer l'oxygène du poumon gauche (l'Europe) au poumon droit (la Russie) et vice-versa. Ce futur est tout simplement inscrit dans le critérium géographique de la terre puisque la France commence le Grand Continent et la Russie le termine, preuve que le plan spirituel et matériel ne s'opposent pas. Cela, Louis XVI et Catherine II le savaient, lui le catholique pratiquant ; elle, l'orthodoxe, lorsqu'elle déclara que la France devait être “nation privilégiée de la Russie”. La Révolution dite “française”, fomentée en réalité par des agents anglais, allait mettre un terme à ce rêve.

Et si le rêve de la Monarchie et de l'Empire napoléonien se réalisait finalement par un socialiste franc-maçon d'inspiration révolutionnaire ? Dans ce cas, Jean-Luc Mélanchon resterait dans l'Histoire d'abord et avant tout comme Français !

 

mardi, 01 mars 2022

La Russie: la lutte contre la Turquie passe par l'Ukraine

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La Russie: la lutte contre la Turquie passe par l'Ukraine

Emanuel Pietrobon

Source: https://it.insideover.com/guerra/russia-se-il-contrasto-alla-turchia-passa-dall-ucraina.html

L'Ukraine est le doigt, la transition multipolaire est la lune. Le changement de régime en Ukraine est un faux-fuyant, la réécriture du système de sécurité européen est l'objectif. Cette guerre n'est pas une affaire isolée, dont le déclenchement s'est produit soudainement et du jour au lendemain, mais un chapitre clé de la nouvelle guerre froide. Un chapitre dans lequel les intérêts et les voies de la Russie et des États-Unis s'affrontent, dans lequel l'Union européenne est paralysée et l'Empire céleste sur le qui-vive, et qui, de surcroît, est le dernier reliquat des nouvelles guerres russo-turques.

Kiev, berceau de la Russie et rêve de la Turquie

L'Ukraine, veine exposée du Vieux Continent et ligne de fracture inter-civilisationnelle depuis la nuit des temps, c'est seulement ici que la plus grave crise entre l'Ouest et l'Est de l'après-guerre froide aurait pu éclater. Et, de fait, elle a éclaté.

Convoitée par tous, des Polonais aux Mongols, l'Ukraine est un lieu qui, au-delà des apparences et des stéréotypes, a une histoire complexe et une identité plurielle. Pour les Russes, c'est l'un des berceaux de la civilisation orthodoxe slave, en tant que foyer de la plus ancienne organisation étatique des Slaves orientaux - la Rus' de Kiev. Pour les Polonais, c'est la fille prodigue de leur plus importante constitution impériale : la République dite des Deux Nations. Pour les Américains, les derniers arrivés, c'est le "pivot géopolitique" de l'Eurasie - le nœud territorial décisif dont dépend l'hégémonie sur l'Europe et la vassalisation de l'Europe par le rejet définitif de la Russie à l'est, sa transformation en empire asiatique.

Mais l'Ukraine a joué et continue de jouer un rôle clé, tant sur le plan politique qu'historique, pour une autre puissance: la Turquie. Prolongement du monde turc (Türk dünyası) depuis l'invasion mongole de 1223, l'Ukraine est dans les tranchées des guerres russo-turques depuis la bataille de Kalka et a façonné l'imaginaire collectif des habitants de la Sublime Porte pendant des siècles, leur ayant donné Roxelana et le mythe de la Petite Tatarie.

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Il ne faut pas s'étonner, à la lumière de l'histoire, que la Turquie ait vu dans l'Euromaïdan une occasion de prendre pied dans un ancien domaine, populairement connu sous le nom de Hanshchyna, et qu'elle y ait fait des paris et des investissements importants, en particulier pendant la présidence Zelensky, étendant ses tentacules dans divers domaines : de l'industrie au commerce, en passant par la sécurité régionale, la défense et les affaires religieuses.

Un compte rendu ?

L'avancée des forces armées ukrainiennes dans le Donbass en 2021 n'aurait pas été possible sans l'utilisation des nouveaux Janissaires mortels du ciel, les drones Bayraktar TB2. Et la transformation de la minorité tatare en un pilier de l'ordre post-Euromaidan, avec ses bataillons de combattants volontaires actifs entre Donetsk et Lugansk, ne se serait pas produite aussi rapidement sans la médiation anatolienne.

Le Kremlin n'a jamais caché qu'il ressent un fort sentiment d'agacement, parfois à la limite de l'animosité ouverte, à l'égard de l'ordre du jour turc en Ukraine. Parce que Recep Tayyip Erdoğan était et est l'un des chefs de file du mouvement contre la reconnaissance de la souveraineté russe sur la péninsule de Crimée. Il était et reste parmi les principaux financiers de l'économie ukrainienne - 7 milliards de dollars d'échanges commerciaux au total en 2021, contre 4 milliards en 2019. Et il figurait parmi les principaux fournisseurs d'armements aux forces armées ukrainiennes, à la réorganisation desquelles la Turquie a également contribué.

Le lien entre l'Ukraine et la Turquie est devenu si solide sous l'ère Zelensky qu'en août 2020, le chef du Marinsky avait inauguré les travaux pour l'adhésion du pays au Conseil turc en tant que membre observateur. Un lien solide, certes, mais qui prendrait fin inévitablement si la Fédération de Russie parvenait à re-satelliser l'Ukraine.

Trois indices font une preuve

Les preuves que l'attaque de Moscou contre Kiev est également à considérer dans le contexte des nouvelles guerres russo-turques ne manquent pas : il y en a au moins trois, mais d'autres pourraient être ajoutées étant donné l'évolution constante de la situation. Et puisque, selon Agatha Christie, un indice est un indice, deux indices sont une coïncidence, mais trois indices font une preuve, l'affaire mérite d'être approfondie.

Le premier indice est le fait que c'est la deuxième fois en deux mois que la Russie envoie ses soldats sur un théâtre contesté avec la Turquie : au début de l'année, c'était le Kazakhstan. Dit de cette façon, il est clair que cela ne peut qu'apparaître comme un étirement basé sur l'attraction, mais l'image est incomplète. Car en Turquie, curieusement, l'intervention éclair au Kazakhstan par le biais de l'Organisation du traité de sécurité collective a été reçue très froidement et interprétée par certains comme un avertissement, un message subliminal adressé au Conseil turc.

Le deuxième élément de preuve est le bombardement d'un navire marchand turc au large d'Odessa, qui s'est produit de manière éloquente dans les heures qui ont suivi le déclenchement de la guerre. Un bombardement symbolique, en ce sens qu'il s'est terminé sans blessés ni morts, et qui, du moins dans l'immédiat, a eu l'effet escompté : réduire considérablement l'exposition de la Turquie au conflit.

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Le troisième indice, qui pour l'instant est aussi le dernier, est l'arrivée en Ukraine d'une petite armée de Tchétchènes - composée de dix mille à douze combattants (photo, ci-dessus) - sous le commandement de Ramzan Kadyrov, fidèle de Poutine et ennemi juré d'Erdoğan. On ne sait pas quelles sont les véritables raisons de l'intervention tchétchène en Ukraine, mais une chose est plus que certaine : l'utilisation de ces effectifs contre les Ukrainiens aurait un impact négatif sur le soutien de l'opinion publique à la guerre - qui est déjà faible, comme en témoignent les protestations pacifistes qui ont explosé comme une traînée de poudre dans toute la Fédération -, il est donc possible qu'on lui ait délégué la tâche de régler des comptes avec les agents turcs sur place, à savoir les islamistes et les djihadistes, en échange d'une carte blanche dans la chasse aux dissidents anti-Kadyrov.

Peu de choses ont été écrites sur l'alliance profane entre l'Ukraine post-Euromaidan et l'islam radical, mais cela ne signifie pas qu'il s'agisse d'un phénomène sans importance et insignifiant. Deux bataillons d'islamistes tchétchènes combattent les séparatistes pro-russes dans le Donbass depuis 2014. Des éléments djihadistes ont été capturés par le FSB, accusés de travailler pour les services secrets ukrainiens. Et les islamistes du Hizb al-Tahrir, une organisation légale dans certains pays mais interdite dans d'autres, dont la Russie, ont transformé l'Ukraine en un maxi-camp de recrutement, convertissant les Tatars à leurs croyances fondamentalistes.

Qu'est-il advenu de ces guérilleros et islamistes, dont l'implication dans le sabotage d'infrastructures critiques est bien connue, dont la présence dans le Donbass a été constatée et dont les liens avec les djihadistes internationaux ont fait l'objet de rumeurs et, dans d'autres cas, ont été prouvés ? Nous n'entendons pas parler d'eux, car ils sont loin des projecteurs, mais ils existent, ils sont nombreux - des milliers - et c'est à eux que le Kremlin, via Kadyrov, pourrait maintenant vouloir donner la chasse.

La vision de Poutine contre le plan de Biden

Les garanties de sécurité proposées par le Kremlin à l'Alliance atlantique ces derniers mois, qui avaient une forme difficilement acceptable mais un fond tout-à-fait compréhensible - pour ceux qui avaient des oreilles pour entendre - ont été conçues dans le but d'ouvrir une table de négociation : partir de 100, en sachant que l'autre partie offrait 0, pour arriver à un 50 avantageux.

La concentration de troupes aux confins de l'Ukraine était un moyen de parvenir à une fin: un levier de pression utilisé par le Kremlin dans l'espoir d'impressionner, ou plutôt d'intimider, la Communauté euro-atlantique et de la persuader d'entamer une action attendue depuis longtemps, à savoir les travaux d'une nouvelle conférence de Yalta. Remodeler la forme et l'objectif de l'architecture défensive-offensive euro-atlantique, en réduisant son potentiel de pénétration stratégique au cœur de la Russie européenne. Œuvrer pour un "diviser pour régner" mutuellement bénéfique, car il s'appuie sur les principes de non-ingérence et de sphères d'influence. Créez, si possible, un mécanisme de concertation sur le modèle du Congrès de Vienne de 1815.

Aux États-Unis, où le parti de la diplomatie triangulaire - s'ouvrir à la Russie pour isoler la République populaire de Chine - n'a toutefois jamais réussi à prendre pied dans la salle de guerre, c'est pourquoi l'intense séance de négociation a connu une issue malheureuse. La vision du parti qui règne depuis l'ère Obama, le parti du "double endiguement", a prévalu, sentant le retour de bâton potentiel de cette arme à double tranchant qu'est la diplomatie de la canonnière. Retirer cette force potentielle cyclopéenne sans avoir obtenu quoi que ce soit, pas même une lueur d'ébauche, était tout simplement devenu impossible - le point de non-retour était inévitablement passé - et aurait représenté une défaite tonitruante pour Poutine à différents niveaux : contractualité, crédibilité, image.

Et c'est ainsi, au milieu de refus clairs, de non ambigus et de portes fermées à tous les bâtisseurs de ponts en puissance - au premier rang desquels Emmanuel Macron - que l'administration Biden a fait tomber Poutine dans le piège machiavélique : rendre l'évitable inévitable, transformer l'option la plus éloignée en la seule viable. Pour gagner sans combattre. Faire d'une pierre deux coups : l'Union européenne, en lui faisant oublier l'autonomie stratégique et la détente, et la Russie, entraînée dans une guerre fratricide pleine d'embûches.

Groupe de travail Feniks (Flandre) : Finies les guerres fratricides !

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Groupe de travail Feniks (Flandre) : Finies les guerres fratricides !

En ce moment, toute notre civilisation réagit avec indignation face à l'invasion russe en Ukraine. Une guerre que personne n'aime voir éclater si près de nous, en Europe. De nombreux postes sur la frontière ont été franchis, ce qui viole l'intégrité territoriale de l'Ukraine elle-même. Toutes les victimes dans cette guerre sont regrettables, et pire, toutes auraient pu être évités.

Il y a maintenant une surenchère de condamnations et de sanctions contre la Russie, qui a lancé les opérations cette semaine. De manière réaliste, la plupart des gens se rendent compte que cela ne résoudra pas le conflit. Aucune sanction économique, et certainement aucun bâtiment illuminé en bleu et jaune, ne fera changer d'avis les Russes. Par impuissance, nous crions notre dépit à travers des déclarations sur les médias sociaux et dans la presse, même si nous devons admettre qu'aucun d'entre nous ne veut voir son propre pays partir en guerre.

Nous devons toujours tirer les leçons de l'histoire pour nous tourner vers l'avenir, y compris et surtout dans le cas présent.

Ce qui a provoqué cette invasion est facilement oublié, voire délibérément nié. Les politiciens occidentaux aiment se laver les mains dans l'affaire et blâmer Poutine de manière unilatérale. Cependant, la raison de cette invasion pose problème sur la scène internationale depuis un certain temps et fait constamment surface depuis 2014. En 2014, la politique occidentale a soutenu l'opposition ukrainienne de l'époque dans la révolution de Maidan, qui réclamait un cours pro-occidental, pro-UE et pro-OTAN et surtout anti-russe. Entre autres, notre ancien Premier ministre Guy Verhofstadt s'est rendu à Kiev pour jeter un peu plus d'huile sur le feu (contre une belle rémunération bien sûr).

Les accords précédents entre l'OTAN et la Russie ont été davantage mis en péril. Un accord (entre l'Occident, l'OTAN, et la Russie) selon lequel l'OTAN ne s'étendrait pas dans les anciens pays ayant été sous tutelle soviétique. Pour les Russes fraîchement désoviétisés, il s'agissait d'éviter à la Russie d'être encerclée par des bases hostiles de l'OTAN dans son voisinage direct. Depuis la promesse américaine selon laquelle l'Ukraine pourrait rejoindre l'OTAN en 2008, la Russie a exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes, mais l'Occident s'est retranché derrière la souveraineté nationale de l'Ukraine, alors qu'il cherchait, à grand renfort d'argent, à rapprocher l'Ukraine de l'UE et de l'OTAN. Ce jeu a été bien perçu par les Russes comme une menace directe pour leur grand pays.

Nous pouvons envisager ce conflit de deux façons. Soit nous réagissons d'un point de vue ethnocentrique et blâmons unilatéralement la Russie, ce qui entraînera des sanctions longues et sévères et l'envoi de troupes supplémentaires à l'Est. Ou bien nous essayons d'avoir une vue d'ensemble et de penser le long terme. Alors peut-être devrions-nous accepter le fait patent que le temps où l'Occident fixait unilatéralement les termes de la politique internationale est désormais derrière nous, et que certains lobbyistes occidentaux tels les néoconservateurs, comme feu John Mccain, et les libéraux comme Guy Verhofstadt ne servent pas du tout les intérêts de l'Europe qui ne pourra s'épanouir que dans la paix.

La guerre en Ukraine montre que nous avons besoin d'une stratégie géopolitique différente. Avons-nous, en tant qu'Européens, le courage de nous regarder et de défendre nos propres intérêts ? Prenons-nous notre défense en main au lieu de la négliger comme nous l'avons fait au cours de ces 30 dernières années ? Ne pourrions-nous pas commencer par développer une force de paix européenne continentale dans une zone déclarée neutre au lieu de réclamer (et de pérenniser) des frontières dures entre l'OTAN d'une part et, par exemple, la Russie (ou la Chine, ou, à l'avenir, la Turquie) d'autre part ? Ou bien allons-nous réagir avec grande indignation pendant quelques semaines seulement, en portant encore davantage préjudice à notre propre économie et en ne faisant rien pour qu'à la prochaine crise, nous soyons tout aussi impuissants ?

Pour aller plus loin dans la réflexion :

https://m.youtube.com/watch?v=JrMiSQAGOS4

https://youtu.be/oPe6Z6fVRHM

https://synergon-info.blogspot.com/2022/02/oorlog-in-euro...

https://ejmagnier.com/2022/02/25/poetins-oorlog-met-oekra...

https://m.youtube.com/watch?v=JrMiSQAGOS4

https://youtu.be/oPe6Z6fVRHM

https://ejmagnier.com/2022/02/24/putins-war-on-ukraine-cu...

https://caitlinjohnstone.substack.com/p/civilized-nations...

l-ossuaire-de-douaumont-et-le-cimetiere-a-verdun-contenant-les-reste-des-soldats-francais-et-allemands-mort-durant-la-bataille-de-verdun_6164782.jpg

lundi, 28 février 2022

Guerre en Ukraine : le suicide de l'Europe

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Guerre en Ukraine : le suicide de l'Europe

par Luigi Tedeschi

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/guerra-in-ucraina-le-responsabilita-dell-europa-zombie-atlantica

L'invasion de la Russie est arrivée, l'attaque contre l'Ukraine s'est déroulée selon les prédictions (et les souhaits) de Biden. En fait, les avertissements répétés d'invasion, l'état d'alerte de l'OTAN et les sommets récurrents avec les dirigeants européens avaient un but précis : réaligner l'Occident face à l'ennemi absolu du moment, en tant que menace pour le nouvel ordre mondial orchestré par les États-Unis. Après la fuite humiliante d'Afghanistan, avec l'état de guerre civile qui perdure aux Etats-Unis, avec la crise économique post-pandémique et le retour corrélatif de l'inflation, la présidence Biden, qui s'est avérée très faible et qui connait une forte baisse de soutien interne, était à la recherche d'une nouvelle urgence, afin de rallier l'opinion publique nationale et les alliés de l'OTAN contre un nouvel ennemi absolu. Et cela s'est incarné dans la figure de Poutine, déjà défini comme un "criminel" au début de sa présidence. La figure de l'ennemi irréductible, de la menace perpétuelle pour la sécurité des Etats-Unis, pour les valeurs de l'Occident, est un mantra récurrent de la politique étrangère américaine. La perspective d'un ennemi à combattre et à vaincre constitue donc un mythe fondateur, assumé de temps à autre pour justifier idéologiquement le rôle dominant de la puissance mondiale américaine.

Du point de vue américain, il ne s'agissait pas de défendre l'intégrité territoriale et de sauvegarder l'indépendance de l'Ukraine, mais d'imposer à la Russie l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN. En réalité, l'expansion progressive de l'OTAN en Europe de l'Est a représenté une phase décisive de la stratégie de pénétration en Eurasie, avec le démembrement consécutif de la Russie : il s'agissait de reproduire, à grande échelle, la même stratégie du chaos déjà expérimentée dans l'ex-Yougoslavie, après la dissolution de l'URSS. Cette politique expansionniste de l'OTAN a toutefois été entravée par la réaction de la Russie de Poutine qui, dès 2014, avec l'occupation de la Crimée et du Donbass, a réussi à s'opposer à l'occidentalisation de l'Ukraine suite à la "révolution colorée" (c'est-à-dire le coup d'État) de Maïdan, qui a retiré l'Ukraine de la sphère d'influence russe.

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Poutine s'oppose à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN car il veut préserver les besoins de sécurité de la Russie. Mais il existe un précédent historique bien connu : lorsque l'URSS a voulu installer ses bases de missiles à Cuba, la menace de guerre nucléaire de l'Amérique de Kennedy a contraint l'Union soviétique à abandonner ses plans.

On peut donc se demander comment Biden entendait protéger l'Ukraine de l'invasion russe, puisqu'il n'a accepté aucune négociation avec Poutine qui permettrait d'éviter la poursuite de l'expansion de l'OTAN vers l'est et qu'il a déclaré à plusieurs reprises qu'il ne voulait pas autoriser une intervention militaire américaine en Ukraine. L'Occident s'est borné à déclarer verbalement qu'il n'était pas prévu que l'Ukraine rejoigne l'OTAN dans un avenir proche, mais Biden a refusé de conclure un quelconque accord officiel avec Poutine sur la question. En outre, la confiance de Zelenski lui-même dans le soutien européen et américain est totalement incompréhensible à la lumière des résultats des conflits précédents en Afghanistan, en Géorgie et au Kurdistan (pour n'en citer que quelques-uns), où les Américains se sont retirés et ont toujours abandonné leurs alliés à leur sort.

Mais les États-Unis poursuivent des objectifs bien différents dans le conflit ukrainien. L'invasion russe de l'Ukraine est une excellente occasion pour les États-Unis de rompre les relations entre l'Europe et la Russie et de tuer dans l'œuf toute velléité d'autonomie européenne vis-à-vis de l'OTAN et des États-Unis. Des divisions européennes internes apparaissent au sujet des sanctions contre la Russie. Une grave crise énergétique pourrait réduire la puissance économique de l'Allemagne et de l'Europe et placer l'Europe dans une position subordonnée dans la zone d'influence atlantique. Cependant, l'UE s'est alignée sur la russophobie américaine. Scholz, en représailles à l'invasion russe, a bloqué le démarrage du gazoduc Nord Stream 2. Biden a été exaucé. En effet, les États-Unis ont l'intention de libérer l'Europe de la dépendance énergétique russe afin de lui imposer la dépendance énergétique américaine.

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L'imposition même de sanctions à la Russie est contestée en Europe. Tant en matière d'approvisionnement énergétique que dans le domaine économique et financier. En excluant la Russie du système des transactions rapides internationales, l'intention est de provoquer l'isolement et l'effondrement économique ultérieur de la Russie. Mais la Russie possède déjà son propre système de paiement et pourrait également utiliser les systèmes alternatifs fournis par la Chine. Dans ce cas, il y aurait une restriction mondiale significative de la zone dollar. Le blocage du système de paiement swift entraînerait également une grave crise du système bancaire et économique européen. Les banques françaises et italiennes sont exposées à la Russie à hauteur de plus de 50 milliards d'euros, l'Italie dépend à 50 % du gaz russe et ses exportations vers la Russie s'élèvent à environ 8 milliards d'euros par an. La mondialisation a conduit à l'interdépendance mondiale des marchés. L'Occident est maintenant la victime du système même qu'il voulait imposer au monde.

Depuis Obama, les États-Unis prévoient de réduire le rôle de l'économie européenne dans le monde. Mais la fin des échanges entre l'Occident et la Russie n'aurait pour effet que de renforcer l'axe russo-chinois (qui se targue déjà d'un volume d'échanges de 140 milliards), en opposition ouverte avec l'Occident. L'Occident, en outre, a supprimé sa propre mémoire historique. Si, pendant la guerre froide, l'URSS et la Chine de Mao avaient été alliées, quel aurait été le sort de l'Occident ?

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L'invasion russe de l'Ukraine aurait-elle pu être évitée ? La réponse est affirmative. Les accords de Minsk, qui prévoyaient l'autonomie des régions russophones du Donetsk et de Luhank (Lugansk) et les laissant sous la souveraineté ukrainienne, auraient pu être mis en œuvre. Mais l'Ukraine a refusé. Les rencontres diplomatiques entre les dirigeants russes et occidentaux se sont révélées être un dialogue de sourds, étant donné le refus américain préjudiciable à tout accord avec Poutine (qui fait déjà l'objet de sanctions occidentales depuis 2014) sur l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Jusqu'à la veille de l'invasion, Zelenski avait réitéré sa position en faveur de l'adhésion de l'Ukraine à l'UE et à l'OTAN, telle qu'elle est inscrite dans sa constitution.

Mais surtout, c'est l'Europe qui est responsable du triste sort de l'Ukraine, soumise à l'invasion dévastatrice de la Russie. On peut pécher en pensée, en parole, en acte et par omission. Et les péchés d'omission commis par cet ectoplasme atlantique qu'est l'Europe sont irrémédiables. En fait, l'Europe aurait pu proposer une négociation autonome avec la Russie, impliquant l'adhésion de l'Ukraine à l'Europe, mais pas à l'OTAN. Cela aurait permis de préserver l'intégrité de l'Ukraine en imposant sa neutralité en tant que pays-pont nécessaire dans les relations entre l'Europe et la Russie. Le rôle de l'OTAN en tant qu'avant-poste armé aurait au contraire condamné l'Ukraine à la dépendance économique et militaire de l'Occident.

Dans ce contexte, l'Europe se serait désengagée de l'Alliance atlantique. Mais cette perspective est rejetée par l'Europe, car elle signifierait que l'Europe assume le rôle d'un acteur autonome par rapport aux États-Unis dans la géopolitique mondiale. Dans l'UE actuelle, l'OTAN s'identifie et se superpose à l'Europe. Tous les anciens membres du Pacte de Varsovie, qui étaient russophobes, sont devenus membres de l'UE, comme ils appartiennent à l'OTAN. L'européanisme actuel coïncide donc avec l'atlantisme. En conclusion, l'UE existe en tant qu'organe européen supranational au sein de l'Alliance atlantique.

Dans cette perspective atlantiste (et l'unité européenne au sein de l'OTAN est continuellement réaffirmée par tous les dirigeants des États membres de l'UE), l'Europe ne peut que subir, tant économiquement que politiquement, les conséquences du conflit entre les États-Unis et la Russie, seuls véritables protagonistes de la crise ukrainienne. Comme l'a déclaré Alberto Negri dans son récent article "Poutine et les Européens unis dans le paradoxe", cette situation présente également des aspects paradoxaux : "Mais le meilleur est encore à venir. L'augmentation de la consommation et des investissements en 2021 et d'autres facteurs ont contribué à la multiplication par quatre du prix du gaz en Europe. Ainsi, la Russie a également multiplié le chiffre d'affaires de Gazprom, alors qu'elle a considérablement réduit ses approvisionnements. En outre, Moscou reste le plus grand fournisseur unique de pétrole en Europe, avec une part de 25 %. En bref, le moteur de l'économie européenne est entre les mains de Poutine et l'argent européen finance l'effort de guerre russe. Est-ce qu'on va s'en sortir ?" Ou assisterons-nous, comme tout le suggère, au suicide de l'Europe ? Mais un zombie, c'est-à-dire un mort-vivant, peut-il se suicider ?

Guerre en Ukraine : le point de non-retour - 32 points sur la question ukrainienne

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Guerre en Ukraine : le point de non-retour

32 points sur la question ukrainienne

par Roberto Buffagni

Source : Roberto Buffagni (28 fév. 2022) & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/guerra-in-ucraina-il-punto-di-non-ritorno

Je résume aussi brièvement que possible le déroulement des événements passés et propose une hypothèse interprétative des événements futurs.

1. La cause profonde de la guerre est la décision stratégique américaine d'étendre l'OTAN à l'Est. L'expansion a commencé avec l'administration Clinton, après l'effondrement de l'URSS. George Kennan, Henry Kissinger, John Mearsheimer - pour ne citer que les principales personnalités américaines dans le domaine des relations internationales - l'ont considéré comme une erreur de première grandeur, annonciatrice de graves conséquences.

2. Le sommet de l'OTAN de 2008 à Bucarest a déclaré que la Géorgie et l'Ukraine rejoindraient l'OTAN. La France et l'Allemagne s'y opposent mais cèdent à la pression américaine. Le résultat est un compromis : aucune date d'entrée n'est spécifiée.  

3. La Russie fait immédiatement savoir que l'entrée de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'OTAN est inacceptable. La raison sous-jacente est que la Géorgie et l'Ukraine dans l'OTAN deviendraient des bastions militaires occidentaux à la frontière russe. Immédiatement après le sommet de Bucarest, la Russie envahit la Géorgie pour l'empêcher de rejoindre l'OTAN. Elle n'est ni politiquement ni militairement capable de faire de même avec l'Ukraine.

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4. En 2014, les États-Unis orchestrent un coup d'État en Ukraine et installent un gouvernement qui leur plaît et qui met le désir de rejoindre l'OTAN dans la constitution.

5. En 2021, les États-Unis et les pays de l'UE commencent à armer sérieusement les Forces Armées ukrainiennes.

6. Fin 2021, la Russie ouvre des discussions diplomatiques avec les États-Unis. Le point clé de la proposition russe est la signature d'un traité garantissant que l'Ukraine ne rejoindra pas l'OTAN. Contre la coutume diplomatique, la Russie rend le projet de traité public.

7. Les États-Unis refusent de garantir par écrit que l'Ukraine ne rejoindra pas l'OTAN, car cela reviendrait à renoncer au rôle décisionnel "superiorem non recognoscens" dans l'ordre international unipolaire qu'ils détiennent depuis l'effondrement de l'URSS. Ils font immédiatement savoir qu'ils n'interviendront PAS militairement pour défendre l'Ukraine en cas d'attaque russe. Une grande puissance nucléaire n'affronte une autre grande puissance nucléaire sur le terrain que lorsque ce qui est en jeu est un intérêt vital pour les deux. L'Ukraine est un intérêt vital pour la Russie, elle n'est PAS un intérêt vital pour les États-Unis.

8. Lors de la conférence de Munich, le chef du gouvernement ukrainien annonce que l'Ukraine envisage d'acquérir des armes nucléaires tactiques. Les plus petites armes atomiques tactiques peuvent effacer une division blindée de la surface de la terre.

9. Peut-être à cause de cette annonce, la Russie accélère. Elle reconnaît les républiques du Donbass, envahit l'Ukraine. Elle mène la guerre de la manière la plus susceptible d'épargner la vie des civils, en vue de la réconciliation/stabilisation de l'Ukraine. L'objectif stratégique russe ne comprend PAS la conquête totale ou partielle du pays, mais sa neutralisation, la reconnaissance des républiques du Donbass et de Crimée, la démilitarisation de l'Ukraine.

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10. Les États-Unis - plus précisément, l'establishment qui dirige leur politique étrangère et qui est en mesure d'influencer fortement toute administration - décident de mettre en œuvre une stratégie de guerre indirecte, dans le but de provoquer un "changement de régime" en Russie, et utilisent les pays de l'UE comme un instrument politique, en assumant le rôle d'"OTAN politico-économique".

11. Des sanctions économiques majeures sont imposées à la Russie par les États-Unis et les pays de l'UE, y compris le gel, c'est-à-dire la saisie, des actifs de la Banque nationale russe détenus dans les pays occidentaux (un acte de guerre).

12. Des mesures draconiennes sont également décidées par les pays de l'UE, qui sont aussi de véritables actes de guerre : l'UE finance et envoie à l'Ukraine des systèmes d'armes non seulement défensifs mais aussi offensifs (avions de chasse). La distinction entre les systèmes d'armes offensifs et défensifs, qui n'a aucune valeur sur le champ de bataille, est toutefois pertinente sur le plan juridique. Envoyer des systèmes d'armes défensifs à un pays en guerre ne constitue pas un acte de guerre contre son ennemi, envoyer des systèmes d'armes offensifs oui.

13. La Suède et la Finlande, pays neutres limitrophes de la Russie, annoncent qu'ils envisagent de rejoindre l'OTAN.

14. L'Allemagne annonce un vaste programme de réarmement.

15. L'envoi de systèmes d'armes à l'Ukraine ne change pas l'issue du conflit en Ukraine, car il ne modifie pas l'équilibre des forces entre les protagonistes, qui penche fortement en faveur de la Russie. Il s'agit d'une provocation adressée à la Russie. Elle la met au défi de réagir à des actes de guerre réels, sachant qu'une réaction militaire russe contre des pays de l'UE, qui sont également des pays de l'OTAN, provoquerait un conflit ouvert OTAN-Russie. L'intention de la provocation est de démontrer l'impuissance russe : "Vous avez mordu plus que vous ne pouvez mâcher", et ainsi déstabiliser le gouvernement de la Fédération de Russie.

16. Le gouvernement russe lève l'alerte nucléaire. C'est un cas de "escalade pour désescalade". Par l'escalade, un message est envoyé à l'adversaire : "Sachez que nous sommes prêts à aller jusqu'au bout, y compris au conflit nucléaire. Désescaladez ou subissez les conséquences".

17. Les premiers entretiens entre les représentants des gouvernements ukrainien et russe sont annoncés pour ce matin.

18. L'opération de "changement de régime" en Russie exploite toutes les failles du conflit en Russie, en premier lieu les nationalismes des États qui composent la Fédération. Le scénario envisagé par les planificateurs est similaire à celui déjà mis en œuvre dans l'ex-Yougoslavie : guerre civile, fragmentation de la Fédération de Russie, implosion de l'État fédéral, nouveaux gouvernements dirigés par des politiciens acceptables pour l'Occident, et le président fédéral russe V. Poutine, déjà décrit par les médias occidentaux comme un gangster mentalement dérangé, comme le président yougoslave Milosevic accusé devant le Tribunal international de La Haye.  

19. Il est très clair, d'après ce qui précède, que la Russie NE PEUT PAS reculer. S'il le fait, le gouvernement sera déstabilisé et la deuxième phase de l'opération de changement de régime sera déclenchée : des révolutions colorées dans les États constitutifs de la Fédération de Russie. En outre, l'Ukraine est la dernière ligne de défense militaire et politique de la Fédération de Russie, qui est dos au mur et défend sa survie.  

20. Je rappelle que pour éviter la situation actuelle très dangereuse, il aurait suffi de deux choses : a) garantir par écrit que l'Ukraine ne rejoindrait pas l'OTAN; b) qu'un seul pays de l'UE propose, avant le début des hostilités, une révision du système de sécurité européen tenant compte des intérêts russes, orientée vers la neutralisation de l'Ukraine.  

21. Je prédis que les pourparlers entre l'Ukraine et la Russie ne donneront aucun résultat. Le gouvernement ukrainien est dirigé par les États-Unis. Il est dans l'intérêt des États-Unis, en vue de l'opération de changement de régime, de gagner du temps et d'accroître la pression sur le gouvernement russe.

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22. L'attitude actuelle des pays de l'UE n'est dans l'intérêt d'aucun pays européen, y compris les voisins de la Russie. En fait, la Russie n'a PAS l'intention de s'étendre, ni en Ukraine ni ailleurs (elle n'en a pas la capacité politico-militaire). La Russie défend son intégrité politique et sa survie en tant qu'État unitaire.

23. L'attitude actuelle des pays de l'UE fait courir un grand risque à tous les pays européens. Elle est dictée par les États-Unis, qui peuvent ainsi mener une politique de "guerre courte" contre la Russie à coût zéro. Le coût économique et politique est payé par les peuples d'Europe.

24. L'attitude actuelle des pays de l'UE laisse soupçonner que leurs dirigeants ne se rendent pas compte de la gravité des actes qu'ils posent, ni de leurs éventuelles conséquences.

25. En effet, je répète que la Russie NE PEUT PAS faire marche arrière, et que ses objectifs ne sont pas expansionnistes ou impérialistes, mais strictement défensifs. La Russie les considère comme des intérêts vitaux, qu'elle doit sécuriser pour survivre.

26. La Russie est une grande puissance nucléaire. Personne au monde, à part Dieu ou le recul, ne sait quelles pourraient être les conséquences d'une opération réussie de changement de régime en Russie, car personne ne peut savoir qui contrôlerait l'arsenal nucléaire russe, ou des parties de celui-ci, plus que suffisantes pour provoquer une destruction catastrophique.  

27. De plus, un échec définitif de l'opération de changement de régime après son succès partiel et temporaire pourrait encourager un comportement désespéré et irrationnel de la part des dirigeants politiques russes, qui, je le rappelle encore une fois, ont le sentiment de se battre pour la survie de la Russie.

28. La décision allemande de réarmer, et d'envoyer en Ukraine des armes qui tueront les soldats russes, combinée à la présence en Ukraine de formations qui rappellent le national-socialisme, ne peut que rappeler aux Russes ce qui s'est passé lors de la deuxième guerre mondiale, lorsque les Allemands ont tué 22 millions de civils russes, et qu'une partie des Ukrainiens s'est rangée du côté des nazis contre l'URSS. Les Russes appellent la seconde guerre mondiale la "Grande guerre patriotique", célèbrent solennellement son souvenir, se rassemblent autour d'elle. Le patriotisme et le nationalisme sont une force très puissante en Russie. Les émotions qu'ils suscitent lorsque la survie de la nation est jugée en danger peuvent dépasser la rationalité.

29. Très important : à partir de maintenant, il est absolument nécessaire de prendre au pied de la lettre, et de croire du premier au dernier mot, les avertissements et menaces officiels adressés à l'Occident par les dirigeants russes. En effet, les dirigeants politiques russes n'ont non seulement aucune raison de mentir ou de proférer des menaces vides de sens, mais ils ont absolument besoin d'être clairs, sincères et cohérents dans leurs déclarations officielles à l'Occident. C'est en effet le seul instrument à sa disposition pour contrôler rationnellement le cours des événements et éviter qu'ils ne deviennent incontrôlables et ne précipitent une catastrophe. Penser que les dirigeants russes bluffent est une recette pour le désastre.

30. Il est très important que ceux qui partagent cette lecture des événements transmettent, du mieux qu'ils peuvent, aux parlementaires italiens leur désaccord inquiet pour l'attitude de notre gouvernement et de l'UE. Il convient de rappeler que seul le Parlement peut légitimement décider des actes de guerre et que l'article 11 de la Constitution italienne "répudie la guerre comme instrument d'offense à la liberté des autres peuples et comme moyen de régler les différends internationaux". Il s'agit d'un différend international, qui peut être réglé rapidement en garantissant la neutralité de l'Ukraine.

31. En conclusion, rappelons qu'une attitude agressive et intransigeante, et pire, la collaboration à l'opération de "changement de régime" en Russie, peut précipiter l'Ukraine dans l'abîme. L'issue militaire du conflit, compte tenu des forces sur le terrain et de l'incapacité de la Russie à faire marche arrière, est prédéterminée. Le seul effet réel d'une agression intransigeante pourrait être une augmentation de la pression militaire russe pour conclure rapidement les opérations. Cela impliquerait l'adoption d'un style de guerre beaucoup plus violent et une augmentation spectaculaire des pertes civiles. Si les événements devenaient incontrôlables et débouchaient sur une confrontation directe entre l'OTAN et la Russie, une attitude agressive et intransigeante pourrait également plonger les nations européennes dans l'abîme.

32. De nombreuses personnes suivent le déroulement de cette affaire comme s'il s'agissait d'une série télévisée. Ce n'est pas une série télévisée, c'est la réalité. Nous ne sommes pas à Disneyland, nous ne sommes pas au pays des merveilles. Nous ne sommes pas des enfants : il n'est pas vrai que Papa USA, qui est si fort et si juste, nous protège et veillera à ce que tout se termine de la meilleure façon possible. Soyons des adultes responsables. Une fois cette crise passée, nous discuterons à nouveau des valeurs, des modèles de société, des raisons et des torts, qui sont très importants. Mais avant de discuter des valeurs et des modèles de société, nous devons savoir comment vivre et survivre.

dimanche, 27 février 2022

Guerre en Ukraine: la spirale autoréalisatrice

Guerre en Ukraine: la spirale autoréalisatrice
 
Source: Page Facebook de Pierre-Emmanuel Thomann
 
Pourquoi la guerre entre la Russie et l'Ukraine a t-elle éclaté de manière aussi rapide ? A partir du moment où les propositions russes ont été rejetées en bloc par les Etats-Unis et les membres de l'OTAN, une aggravation de la situation n'était qu'une question de temps, mais pourquoi si vite ?
 
Les historiens débattent encore aujourd'hui sur les causes et le déroulé des évènements et décisions qui ont abouti au déclenchement de la première guerre mondiale et il en sera ainsi pour ce conflit. Toutefois, en gardant à l'esprit les nombreuses incertitudes du brouillard de la guerre, voici mon hypothèse.
 
Paradoxalement, c'est la guerre de communication des Anglo-Saxons accusant la Russie d'une invasion imminente qui a provoqué l'accélération des évènements. On peut poser l'hypothèse que c'est un bon exemple de prophétie auto-réalisatrice. La guerre de communication des Anglo-Saxons et gouvernements atlantistes a ensuite évolué depuis le déclenchement du conflit accusant la Russie d'une invasion non provoquée de l'Ukraine. Il s'agit en réalité, non pas d'une invasion, mais d'une opération de neutralisation de l'Ukraine après plusieurs décennies d'actions hostiles des Etats-Unis et leurs allés de l'OTAN envers la Russie depuis la disparition de l'URSS.
 
Cette campagne de désinformation largement relayée par les médias française et allemands n'a d'équivalent que la propagande des Etats-Unis lors de l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis en 2003, et celle de la province serbe du Kosovo en 1999. Le déclenchement de l'opération militaire russe ne s'est d'ailleurs pas produite à la date annoncée par les médias et membres des gouvernements anglo-saxons, mais décalée dans le temps à la suite d'un enchaînement plus complexe de tractations diplomatique et d'évènements sur le terrain.
 
En effet, reprenons le déroulé des évènements.
 
La Russie a fait des propositions en décembre 2021, aux Etats-Unis et à l'OTAN, pour une nouvelle architecture de sécurité européenne, incluant l'arrêt de l'élargissement de l'OTAN, notamment à l'Ukraine, la promesse de pas installer des systèmes d'armes aux frontières de la Russie, et un retour des capacités et des infrastructures militaires du bloc en Europe à l’état de 1997, date de la signature de l’Acte fondateur OTAN-Russie.
 
La seule réponse des Etats-Unis (et son supplétif le Royaume-Uni) a précisément été le déclenchement d'une guerre de communication accusant la Russie d'une invasion imminente, afin de détourner le regard sur leur propres objectifs, c'est à dire refuser toute négociation substantielle sur l'élargissement de l'OTAN, torpiller à l'avance toute négociation séparée des Européens, notamment les tentatives des diplomaties françaises et allemandes, et accélérer les livraisons d'armes à l'Ukraine qui a ensuite repris les bombardements contre le Donbass. L'objectif non-explicite était de provoquer une guerre entre la Russie et l'Ukraine, en utilisant cette dernière comme force militaire supplétive pour affaiblir la Russie sans envoyer un seul soldat américain.

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La Russie avait de son côté vraisemblablement anticipé plusieurs scénarios. Soit les médiations européennes .aboutissaient à une promesse de stopper l'élargissement de l'OTAN avec la négociation d'un nouveau traité de sécurité européen, soit la Russie serait contrainte, comme elle l'avait annoncé dès 2021, de procéder à des mesures technico-militaires pour assurer sa sécurité, mais aussi celle du Donbass, qui n'a en réalité jamais cessé d'être sous les bombardements ukrainiens depuis 2014, depuis qu'il ont gagné leur guerre d'indépendance après le coup d'Etat à Kiev.
 
La situation pouvait vraisemblablement encore se détendre, si les Européens avaient clairement promis dans un traité de geler de manière définitive l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et éviter de promettre de livrer des armes à l'Ukraine, et si l'Ukraine avait aussi enfin accepté de mettre en oeuvre les accords de Minsk, Toutefois les accords de Minsk n'étaient déjà plus décisifs , car ils ne pouvaient être pleinement efficaces que dans une négociation plus globale sur une nouvelle architecture de sécurité, dont l'arrêt de l'élargissement de l'OTAN. Selon ce scénario, les Russes ne seraient sans doute pas intervenus.
 
La médiation européenne, trop tardive n'a pas abouti, car il n'y a pas eu de promesse sur le fond et les gouvernement français et allemands n'ont pas élaboré de position clairement différente et indépendante des Etats-Unis. .Les Européens ont en même temps largement relayé le narratif des Etats-Unis, et l'UE a démontré quelle n'était qu'un annexe de l'OTAN sur cette question.
L'Ukraine n'a pas cessé de réclamer une adhésion à l'OTAN tout en maintenant des troupes massées aux frontières du Donbass et intensifiant les bombardements sur la ligne de front du Donbass.
 
La dégradation rapide de la situation aux frontières du Donbass a donc convaincu les Russes , que l'option d'un négociation substantielle était impossible et que la volonté des Etats-Unis, et leurs alliées européen était de poursuivre l'otanisation inexorable et accélérée de l'Ukraine. La préparation d'une offensive dans le Donbass (à l'image du président Ukrainien Poroshenko en 2014 en contradiction avec sa promesse de négocier avec les républiques séparatistes du Donbass) était même de plus en plus probable.
 
L'option de la reconnaissance des République indépendantes du Donbass pour assurer leur sécurité et l'option de la neutralisation de l'Ukraine, car les deux objectifs ne sont pas séparables, est devenue une nécessité. L'Ukraine devenait une anti-Russie et un Etat-front armé par les membres de l'OTAN dans la cadre de la création d'un arc d'instabilité autour de la Russie. Les extensions successives de l'OTAN menacent les frontières de la Russie et ont pour objectif depuis la chute de l'URSS de la repousser dans ses terres continentales, et empêcher l'émergence du monde multipolaire pour préserver la suprématie des Etats -Unis (voir carte) en Europe et dans le monde. Ce d'autant plus qu'ils sont en régression géopolitique depuis l'échec de la tentative de changement de régime Syrie, et le départ d'Afghanistan. Idéalement ils souhaitent aussi provoquer un changement de régime sur la territoire de la Russie, comme en Ukraine.
 
L'opération militaire russe est évidemment une réplique au changement de régime à Kiev en 2014, et perçu comme une libération pour les Ukrainiens souhaitant la meilleure relation possible avec la Russie, voire une réunification, a fortiori dans le Donbass C'est le retour du balancier géopolitique,
 
Les Anglo-Saxons parlent désormais d'une invasion provoquée, alors qu'ils sont responsables de cette évolution, en refusant de stopper l'otanisation de l'Ukraine, et sachant parfaitement qu'il s'agissait d'un casus belli pour la Russie. Celle-ci l'a démontré depuis la guerre Russie-Géorgie en 2008. De plus, pour les Russes , il ne s'agit pas d'invasion, car ils considèrent qu'il s'agit de libérer les Ukrainiens d'un régime illégitime sous contrôle des Etats-Unis. Le statu quo n'est plus possible.
 
Cela fait longtemps que les Etats-Unis cherchent à provoquer une guerre entre la Russie et l'Ukraine, qui est leur proxy mais les conséquences géopolitiques, contrairement à leurs attentes, ne leur seront pas forcément favorables car dans le monde multipolaire, il sera très difficile d'isoler la Russie. Les gouvernements français et Allemands ont encore raté une occasion de montrer qu'il pouvaient être indépendants des Anglo-Saxons. La décision de livrer des armes à l'Ukraine démontre a postériori, que leur tentative de médiation n'était pas crédible sur les question de fond, et souligne leur alignement sur les priorités géopolitiques des Etats-Unis, et leur rôle de supplétifs. C'est un mauvais calcul, car une chose est sûre, la Russie ne peut pas perdre cette guerre, car il s'agit de son intérêt vital intérêt vital, non seulement géostratégique mais aussi du point de vue de la continuité de la Russie historique. Les membres des gouvernements actuels allemands et français, dont les visions du monde sont modelées par les idéologies atlantistes et mondialistes hors sol, sont non seulement incapables d'identifier et de préserver les intérêts des nations qu'ils sont censés incarner, mais ils sont aussi des somnambules de la géopolitique.

La guerre en Ukraine et les querelles intra-européennes

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La guerre en Ukraine et les querelles intra-européennes

Vincenzo Bovino

SOURCE : https://medium.com/@thegreatgame/the-war-in-ukraine-and-the-contest-of-europe-3602fe9dba7b

L'Europe est le continent le plus important, le plus convoité en termes de prestige culturel, de situation géographique et vu les compétences étendues de ses habitants. Le fait économique ne suffit pas à décrypter les enjeux de la planète, les puissances impériales regardent l'Europe pour se jauger. Les Chinois en sont bien conscients et se concentrent sur l'Europe pour perturber la mondialisation en cours et saper la supériorité américaine.

L'Europe est au cœur du différend, la crise ukrainienne découle de ce fait, la politique étrangère des États-Unis semble capricieuse et imprévisible, pourtant un fil conducteur relie l'attitude de tous les gouvernements de l'ensemble du spectre politique américain du siècle dernier : l'hostilité envers une puissance rivale dans l'espace eurasien. Le contrôle de l'Europe passe par l'endiguement de la Russie et la politique de Biden poursuit également un autre objectif : ralentir, retarder et éventuellement saboter l'autonomie stratégique européenne, en évitant la soudure de l'Allemagne, de la France et peut-être un peu de l'Italie, avec les Russes.

L'Ukraine s'est retrouvée dans un jeu plus vaste, le lieu où se croisent des tendances et des mentalités opposées. Sur le champ de bataille, les troupes et les véhicules blindés se déplacent, mais il ne s'agit pas seulement d'un conflit régional visant à affirmer des sphères d'influence, mais d'une attaque qui affaiblit l'Europe, prise entre les feux croisés d'impérialismes opposés.

La crise ukrainienne n'a pas été soudaine, elle a une origine historique, culturelle et politique séculaire qui s'est ravivée à partir de 2014, lorsque le dernier gouvernement pro-russe le plus fiable a été submergé par les manifestations de rue et les manœuvres politiques euro-atlantiques.

La Russie tente de regagner de l'influence dans son voisinage étranger et la question ne concerne pas seulement les armements de l'OTAN et leur destination. Kiev devient un symbole : le premier noyau étatique slave est attesté entre la fin du 9e et le début du 10e siècle, lorsque la Rus' de Kiev, fondée par un certain Rjurik, probablement un chef viking, commence son ascension.

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Au fil des siècles, l'émergence de différentes identités a polarisé la société ukrainienne, qui est divisée en fractures sociales, ethniques et linguistiques. Le territoire ukrainien est divisé en deux, la partie nord et ouest ukrainophone est sentimentalement plus proche de l'Europe centrale, tandis que l'est russophone regarde vers sa patrie.

Pour en revenir à l'actualité, la question ukrainienne est une énigme, pas trop difficile à résoudre si l'on prend quelques données sans se laisser berner par les apparences d'antagonismes plus fictifs que réels.

Commençons par une question : l'Ukraine est-elle stratégiquement importante pour les États-Unis ? Non. Et c'est encore plus clair maintenant, puisqu'il n'y a eu aucune volonté d'envoyer des soldats pour contrer les Russes. L'Ukraine a été approvisionnée en armements et rien de plus, elle est (scandaleusement) considérée comme un pion consommable, elle a été abandonnée à elle-même, comme en témoigne la décision des Américains de retirer les formateurs présents sur le territoire et de transférer leur personnel diplomatique à Lviv, dans la zone la plus occidentale, jouxtant la Pologne, dans la Galicie, province anti-russe par excellence.

Le sale jeu des prétendants

Les Américains concentrent leurs attentions sur l'Indo-Pacifique, déterminés à contenir la Chine, ils n'ont pas besoin d'encercler davantage la Russie, déjà confinée dans un espace imposant des mouvements qui ne sont qu'étroits. Biden n'a jamais voulu négocier une réorganisation de l'architecture de sécurité européenne avec Poutine, mais il s'est montré prêt à faire des concessions modérées, étant donné que la configuration actuelle garantit toujours un contrôle substantiel sur le vieux continent. Biden a préparé un piège, Poutine a calculé chaque mouvement, suivant d'abord la voie politique puis choisissant l'option militaire, prenant même en compte le risque de sanctions qui ne l'affectent guère si l'on pense aux énormes réserves de liquidités dont il dispose.

La tentative européenne

Emmanuel Macron avait immédiatement compris le plan anti-européen des Américains et avait agi bien avant les autres chancelleries européennes. Il avait pressenti les intentions mal dissimulées de Biden et s'est consacré avec abnégation à l'objectif de la détente. La France, titulaire de la présidence tournante du Conseil de l'Europe, ainsi que l'Allemagne, ont tenté de proposer une médiation entre Washington et Moscou, afin d'agir comme une troisième force.

Macron s'était montré prêt à évaluer les garanties de sécurité données par le Kremlin à l'Alliance atlantique et à garantir une position neutre à l'Ukraine. Les États-Unis, au cours des trois derniers mois de négociations serrées, même après les entretiens de Biden et de Poutine à Genève le 10 janvier, ont fait preuve de bonne volonté mais ont refusé certaines demandes spécifiques de l'adversaire, concernant la fermeture des installations de missiles en Roumanie et les démantèlement de celles qui sont actuellement en construction en Pologne.

Macron a joué toutes ses cartes de médiateur pour éviter que l'Union européenne ne soit acculée par les deux prétendants. Les Russes et les Américains avaient-ils vraiment la volonté de parvenir à un compromis ?

Biden est en train de gagner sans tirer un coup de feu, Poutine a choisi la voie la plus difficile. Le conflit militaire déclenché par le Kremlin, motivé par une justification bon marché, telle que la restauration des conditions démocratiques (rappelant certaines hypocrisies linguistiques américaines), a pour seul objectif de plier l'Ukraine à sa volonté. Le choix de la date de la première attaque, le matin du 24 février, anniversaire de la fuite du dernier président pro-russe de Kiev, Viktor Yanukovich, en 2014, est également symbolique. "La Russie est une tempête" a écrit le poète Aleksandr Blok en 1918 et la tempête est servie.

La guerre peut être gagnée sur le terrain, mais à moyen et long terme, une victoire stratégique est nécessaire et, en ce moment, parallèlement à la douleur, le sentiment nationaliste ukrainien s'intensifie dans une fonction anti-russe. Il est impossible pour les soldats russes de rester sur le terrain pendant de nombreux mois, en raison du manque de personnel militaire, de l'extension complexe du territoire et des coûts considérables que génèrerait un conflit de basse intensité. Dans quelque temps, la Russie sera probablement confrontée aux mêmes problèmes avec ses nombreux voisins, temporairement endormis et réfléchissant à leur vengeance.

Une autre triste vérité demeure, l'indécision des nations européennes, le contraste interne entre des forces plus autonomes et d'autres plus alignées sur les positions américaines, entravent l'affirmation d'une Europe plus puissante et souveraine.

Vincenzo Bovino

BELGIUM. NATO. UKRAINE. Expert Debates

BELGIUM. NATO. UKRAINE. Expert Debates

 
Experts:
 
Kris Roman, representative of Donetsk People's Republic (Belgium)
Willy Van Damme, journalist (Belgium)
Robert Steuckers, translator (Belgium)
Alfred Vierling, international law expert (The Netherlands)
Moderator: Dr. Johan Bäckman (Finland)

samedi, 26 février 2022

La crise ukrainienne et l'Occident: la dimension idéologique

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La crise ukrainienne et l'Occident: la dimension idéologique

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitica.ru/en/article/ukrainian-crisis-and-west-ideological-dimension

La crise autour des événements d'Ukraine a des dimensions à la fois géopolitiques et idéologiques. Dès le début de l'aggravation de la situation aux frontières orientales de ce pays, diverses forces politiques aux États-Unis et en Europe ont évalué différemment le déroulement des événements. Les libéraux et les mondialistes ont soutenu Kiev, les représentants d'autres mouvements idéologiques ont adopté une position plus favorable à la Russie. Le début des hostilités à grande échelle contre le régime actuel de Kiev de la part jouée par la Russie a provoqué diverses réactions : de l'hystérie de la part des libéraux, à la condamnation avec un appel à entamer immédiatement un dialogue de la part des conservateurs.

Pôle libéral : bataille idéologique

Indépendamment du pays, les partisans les plus zélés de "l'indépendance ukrainienne" ont été les libéraux et les mondialistes. Pour eux, le conflit ukrainien est une confrontation entre la Russie "autoritaire" et l'"Ukraine démocratique". Pour le célèbre pseudo-historien gay et transhumaniste israélien Yuval Noah Harari, la résolution de "la question fondamentale de l'avenir de l'histoire et de l'avenir de l'humanité" dépend de l'Ukraine. Selon le pseudo-philosophe libéral français Bernard-Henri Lévy, l'Occident devrait déclarer au moins une "guerre froide" à la Russie.

Francis Fukuyama, l'un des chefs de file des néoconservateurs, Bill Kristall, et d'autres intellectuels libéraux, tant aux Etats-Unis qu'en Europe, ont lancé des appels pour imposer des sanctions immédiates et sévères contre la Russie avant même le début de l'opération militaire du 24 février. Leur point de vue est clairement exprimé dans l'un des articles de Francis Fukuyama: "L'Ukraine est aujourd'hui un État avancé dans la lutte géopolitique mondiale entre la démocratie et l'autoritarisme. Les Européens qui tiennent à la démocratie libérale pour eux-mêmes doivent comprendre qu'ils ne peuvent pas être des spectateurs dans ce conflit. Les ambitions de Poutine vont bien au-delà de l'Ukraine ; il a clairement indiqué ces dernières semaines qu'il aimerait inverser les gains démocratiques européens réalisés depuis 1991 et créer une sphère d'influence russe dans l'ensemble de l'ancien Pacte de Varsovie. En dehors de l'Europe, les Chinois surveillent de près la réponse de l'Occident à cette crise, pesant leurs perspectives de réincorporation de Taïwan. C'est pourquoi la défense de l'Ukraine doit être d'une importance urgente pour tous ceux qui se soucient de la démocratie mondiale."

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Cette partie de l'éventail politique préfère ne pas remarquer que la "démocratie" ukrainienne révèle des tons ultra-nationalistes. Ou, comme l'explique le politologue allemand Andreas Umland, ce processus de confrontation avec la Russie, fait que l'on passe rapidement à l'accusation de "fascisme" adressé à la Russie et à la comparaison de Poutine avec Hitler.

Pour les libéraux, le début d'une opération militaire russe en Ukraine exige une intervention occidentale immédiate, y compris une intervention militaire. En particulier, selon Francis Fukuyama : "Nous avons maintenant besoin de quelque chose de plus que des sanctions".

Le même point de vue est partagé par les dirigeants libéraux des États-Unis, du Canada et des pays d'Europe occidentale. Parmi les figures politiciennes, la position la plus anti-russe est occupée par les libéraux de gauche - les Verts européens. Ainsi, Yannick Jadot, le candidat des Verts à l'élection présidentielle française, a condamné les réactions plutôt "molles" d'Eric Zemmour, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon face à la décision de la Russie de reconnaître les deux Républiques du Donbass et a appelé à la défense de la "démocratie" en Ukraine.

La droite

Si les libéraux offrent un modèle clair pour comprendre ce qui se passe autour de l'Ukraine ("la démocratie contre l'autoritarisme", "le monde global de l'avenir" contre le "passé", "le progrès contre la régression"), il n'existe pas une telle interprétation à droite comme à gauche. La droite et la gauche populistes ont tendance à soutenir la Russie ou à adopter une position neutre, appelant au dialogue. La "droite" traditionnelle, en règle générale, s'aligne sur la position des libéraux.

Aux États-Unis, la crise ukrainienne a divisé le parti républicain

La plupart des républicains du Congrès ont soutenu la décision de Joe Biden d'imposer des sanctions à la Russie. Certains ont même loué les actions de Biden, comme le déploiement de plus de troupes américaines en Europe de l'Est pour renforcer les défenses de l'OTAN.

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Mais des sections influentes de l'establishment républicain, dont le sénateur Josh Hawley, le présentateur de Fox News Tucker Carlson et le candidat au Sénat de l'Ohio J. D. Vance (photo), s'opposent à l'ingérence américaine en Ukraine. Ils soutiennent que l'extension de l'engagement américain dans l'OTAN est une erreur et que le président devrait plutôt se concentrer sur la lutte contre la Chine et la sécurisation de la frontière sud de l'Amérique.

L'ex-président Trump lui-même, commentant les décisions du président de la Russie, l'a qualifié de "brillant". "Oh, c'est merveilleux", a déclaré Trump à ce sujet. En même temps, l'homme politique n'a pas manqué de déclarer que déjà sous sa présidence, un tel développement des événements aurait été impossible. L'ancien président américain utilise la situation ukrainienne pour critiquer Joe Biden. Après le 24 février, la rhétorique de Trump n'a pas changé. De plus, pendant le début de l'opération militaire russe, alors que d'autres grandes chaînes de télévision américaines sonnaient l'appel, Douglas McGregor, un colonel retraité de l'armée américaine, qui a été nommé par Trump au poste d'ambassadeur des États-Unis en Allemagne, déclarait:  "La première chose que nous devons faire est de reconnaître que le principal point de vue de Poutine - pas seulement son point de vue, mais aussi le point de vue du gouvernement russe, qu'ils défendent depuis 25 ans, est valable. Ils ne veulent pas de troupes américaines, de missiles et de troupes de l'OTAN juste de l'autre côté de la frontière dans l'est de l'Ukraine". Selon McGregor (photo, ci-dessous), les États-Unis devraient s'entendre avec la Russie sur la neutralité de l'Ukraine afin d'éviter tout conflit.

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L'idéologue populiste américain Stephen Bannon a également évalué les actions de la Russie de manière plutôt positive. Selon lui, "la situation dans les régions orientales russophones de l'Ukraine, cette crise est créée à 100 % par les actions de l'administration Biden."

La droite propose également une évaluation idéologique de ce qui se passe. Pour les libéraux, la reconnaissance de la RPD et de la RPL, suivie du déploiement de troupes russes sur place, est un coup porté à l'ordre mondial libéral. Les conservateurs populistes américains évaluent les conséquences mondiales de ce mouvement de manière similaire, mais de manière positive.

Selon les mots du blogueur et commentateur conservateur populaire Steve Posobik, "C'est l'effondrement complet de l'ordre mondial néolibéral. C'est une situation où tout revient au modèle des sept civilisations de Sam Huntington. ... Il s'est avéré que les civilisations, les intérêts nationaux et le réalisme l'ont emporté".

Après le début de l'opération militaire en Ukraine, les médias et les commentateurs libéraux et néo-conservateurs ont commencé à persécuter Stephen Bannon, qui a parlé positivement de Poutine dans l'une des émissions avec le fondateur de Blackwater, Eric Prince.

Les données des sociologues montrent qu'à l'heure actuelle, l'électorat du parti républicain américain est le moins enclin à soutenir les aventures anti-russes de Biden. Ainsi, seuls 43 % des électeurs républicains ont soutenu les démarches de Biden visant à transférer des troupes américaines en Europe, contre 56 % des indépendants et 70 % des démocrates, selon un sondage de l'université Quinnipiac. Pour une partie importante de l'électorat du Parti républicain, les problèmes internes sont importants, pas une crise dans une autre partie du monde.

En France, la position la plus "anti-russe" sur le flanc droit a été prise par Valérie Pécresse, une candidate du parti républicain de droite. Elle s'est en fait ralliée à la position du président libéral Emmanuel Macron, qui prône à la fois la pression sur la Russie et le dialogue avec elle. "Il faut avoir un vrai dialogue avec la Russie, et je soutiendrai ce dialogue, mais ce n'est pas un dialogue de soumission aux positions russes", a déclaré Mme Pécresse. Après le début de l'opération militaire en Ukraine, la candidate a déclaré sa "pleine solidarité" avec l'Ukraine et a proposé de prendre des "mesures sévères" contre la Russie.

Marine Le Pen, leader du Rassemblement national, a qualifié la décision du président Poutine d'"acte extrêmement regrettable" mais a déclaré que "tout doit être fait pour retrouver la voie du dialogue afin d'assurer la paix en Europe". Elle prône le retrait des troupes russes du Donbass, mais la reconnaissance de la Crimée comme étant russe.

Après le début de l'opération militaire de la Russie en Ukraine, la position de Mme Le Pen n'a pas changé. Elle prône le retrait des troupes russes et l'ouverture d'un dialogue avec Moscou. Selon elle, la France devrait prendre l'initiative d'organiser une réunion diplomatique sous l'égide de l'ONU avec la participation des États-Unis, de la Russie, de l'Ukraine, de la France, de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, ainsi que de la Pologne, de la Roumanie, de la Hongrie et de la Slovaquie, États limitrophes de l'Ukraine,

A son tour, Eric Zemmour, parlant de positions similaires à celles de Donald Trump, critiquant les actions de la Russie, a noté que l'OTAN et la politique d'expansion de l'alliance contre les intérêts de la Russie sont à blâmer pour la violation des frontières de l'Ukraine.

En général, la position de Zemmour n'a pas changé depuis le 24 février. Selon lui, la France devrait initier un accord de l'OTAN avec la Russie pour arrêter l'expansion de l'alliance.

En général, la position de la partie droite des populistes français est à retenir. La condamnation rituelle de la Russie est compensée par des déclarations sur la nécessité d'un dialogue.

En Allemagne, le parti populiste de droite "Alternative pour l'Allemagne" (AfD) s'est initialement prononcé en faveur des actions de la Russie. Le leader de l'AfD, Tino Chrupalla (photo, ci-dessous), a souligné que les résidents de la DPR et de la LPR ont le droit de décider eux-mêmes à quel pays ils appartiennent.

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Dans une déclaration au nom du parti, l'AfD a toutefois déclaré qu'il exprimait des "regrets" quant aux développements actuels. La situation actuelle est une conséquence de "l'expansion de l'OTAN vers l'est, qui a été promue contrairement à tous les accords avec Moscou". Ainsi, l'Occident a "violé les intérêts légitimes de la Russie en matière de sécurité." À son tour, le politicien berlinois de l'AfD, Gunnar Lindemann (photo, ci-dessous), a posté des feux d'artifice sur Twitter en l'honneur de la reconnaissance des républiques populaires par la Russie.

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L'opération militaire de la Russie en Ukraine a été condamnée par l'AfD : Alice Weidel, chef de la faction au Bundestag, et Tino Chrupalla ont déclaré que "la Russie doit immédiatement arrêter les hostilités et retirer ses troupes d'Ukraine."

En Italie, le chef du parti de la Ligue, Matteo Salvini, a condamné la "violation" des frontières de l'Ukraine, mais s'est opposé à l'imposition de sanctions contre la Russie.

La gauche

En France, la plupart des candidats de gauche à la présidentielle se sont manifestés pour condamner les actions russes dans le Donbass. Ainsi, Christiane Taubira, ex-ministre de la Justice, a déclaré que "La solidarité des États européens avec l'Ukraine ne doit pas faiblir", le chef du Parti communiste français (PCF) Fabien Roussel a souligné que : "La reconnaissance par le Président de la Russie de l'indépendance des deux républiques séparatistes d'Ukraine est une décision extrêmement grave et dangereuse ! Tout doit être fait pour désamorcer cette guerre qui s'embrase aux portes de l'Europe !

Les mêmes politiciens ont condamné l'opération militaire de la Russie en Ukraine.

Même Jean-Luc Mélenchon, le leader du mouvement populiste de gauche France Insoumise, qui avait auparavant une attitude positive envers la Russie, a déclaré que "quoi que l'on pense des arrière-pensées ou de la logique de la situation, néanmoins, c'est la Russie qui a pris la responsabilité de cet épisode".

Le 24 février, l'homme politique de gauche a condamné le recours à la force par la Russie et a appelé à la mobilisation des forces de défense de l'UE et de la France. Selon lui, la France devrait promouvoir un dialogue pacifique.

En Allemagne, le parti de gauche a déclaré qu'il condamnait unanimement les actions de la Russie comme étant contraires au droit international. Dans une déclaration commune, les dirigeants du parti et du groupe parlementaire Susanne Hennig-Wellow, Janine Wissler, Amira Mohamed Ali et Dietmar Bartsch ont accusé le président russe de reconnaître les "républiques populaires" de Louhansk et de Donetsk et perçoivent l'"invasion" y associée des troupes russes en Ukraine comme étant "contraires au droit international, violant la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine et augmentant le danger d'une guerre majeure en Europe". Ces gauchistes patentés exigent le retrait des troupes russes du Donbass. Sevim Dagdelen et Gregor Gysi, des députés de gauche du Bundestag qui ont précédemment exprimé des positions pro-russes et accusé l'OTAN d'alimenter le conflit en Ukraine, ont appelé à prévenir une guerre entre la Russie et l'OTAN. Dans le même temps, Mme Dagdelen (photo, ci-dessous) a accusé la Russie de violer le droit international.

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Bien que Gysi et Dagdelen soient opposés aux sanctions contre la Russie, le parti compte de fortes voix de gauche qui accusent la Russie d'un chauvinisme et d'un nationalisme de grande puissance et qui soutiennent l'approche libérale qui veut des sanctions.

Sarah Wagenknecht, une représentante de l'aile populiste de la gauche, a également condamné les actions de la Russie, les qualifiant de "violation claire des accords de Minsk".

Le 24 février, Die Linke a publié une déclaration officielle affirmant que "le bombardement et l'invasion des troupes russes en Ukraine constituent un nouveau niveau d'agression de la part de Poutine, que nous condamnons dans les termes les plus énergiques possibles".

En Italie, le ministre des affaires étrangères du parti populiste de gauche "5 étoiles", Luigi Di Maio, a condamné la Russie, appelant à des sanctions "proportionnelles" contre la Russie.

Libéralisme contre réalisme

En général, aux États-Unis et dans les pays européens, les populistes de gauche et de droite sont plus susceptibles d'agir à partir de la position consistant à "comprendre" les actions de la Russie et à promouvoir le dialogue avec elle, plutôt que de soutenir carrément ses actions. Les positions des parties "gauche" et "droite" du spectre populiste dans cette situation dans chaque pays sont pratiquement similaires, à l'exception des Etats-Unis, où il n'existe pas de pôle populiste sérieux au sein du parti démocrate. Aux États-Unis également, les populistes considèrent le plus ouvertement que la crise du Donbass "ne regarde pas les États-Unis".

En Europe, à son tour, parmi les pays qui ont un impact sérieux sur l'agenda international, c'est au Royaume-Uni que l'éventail politique est le plus uni sur des bases anti-russes. Il n'y a pas non plus de structures populistes sérieuses dans la politique de ce pays. Plus ou moins proches de la position des populistes continentaux sont les idées de Nigel Farraj, l'ancien chef du UK Independence Party (UKIP), qui considère qu'il faut adopter un moratoire sur l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN et ne pas surenchérir l'hystérie sur "l'invasion" de l'Ukraine par la Russie.

En général, malgré la condamnation rituelle de la Russie, les forces populistes, de gauche comme de droite, considèrent la crise sous l'angle de la théorie du réalisme dans les relations internationales (RI). Pour eux, elle n'a pas de contenu idéologique, et malgré la différence d'intérêts possible, le dialogue avec la Russie est possible, même s'ils ne saluent pas les actions militaires de Poutine. Les libéraux (y compris les libéraux de droite et de gauche) comprennent le conflit ukrainien différemment : tout d'abord, comme une confrontation idéologique (la théorie libérale des RI), qui exclut tout dialogue.

En général, on s'attend à une pression informationnelle massive à court terme, peut-être même à des tentatives d'engager des poursuites pénales sous des prétextes farfelus contre des populistes de gauche et de droite dans les pays occidentaux. Les libéraux utilisent la situation en Ukraine pour faire pression sur leurs rivaux. Ce faisant, ces rivaux seront également contraints de s'adapter au discours anti-russe ambiant. Cependant, les éventuels succès de la Russie et les échecs et gaffes des gouvernements libéraux de l'Occident, au contraire, apporteront des arguments aux mouvements et dirigeants populistes qui insistent sur une vision réaliste de la politique mondiale. Dans une large mesure, l'alignement politique des pays occidentaux dépendra des perspectives de l'opération militaire russe en Ukraine.