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lundi, 04 juillet 2016

Le test PISA devient un dangereux instrument de promotion de l’illettrisme et de propagande mondialiste

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Le test PISA devient un dangereux instrument de promotion de l’illettrisme et de propagande mondialiste

Stevan Miljevic
Enseignant
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

J’ai toujours apprécié le test PISA. L’idée de comparer les différents systèmes scolaires m’a toujours semblé un excellent moyen de se situer et de se remettre en question. Certes, il n’est pas parfait, les enseignements qui sont les siens sont somme toute restreints en comparaison de ceux des mega-analyses sérieuses existantes dans le monde éducatif (mais qu’on ne prend malheureusement pas en compte…) mais, dans l’ensemble, l’outil est intéressant. Ou plutôt devrai-je dire était, tant l’imparfait d’un passé définitivement révolu semble se profiler au regard des dernières orientations prises par le test éducatif de l’OCDE.

En 2012 déjà, outre les traditionnels tests portant sur les maths, la langue maternelle et les sciences, PISA commençait à fournir des impulsions farfelues avec un nouveau module portant sur la résolution de problèmes. Pour bien comprendre ce que les grands pontes de l’OCDE entendent par résolution de problème, voici un exemple de question qu’on trouvait alors :

Il s’agissait donc pour l’élève de tâtonner jusqu’à trouver un trajet de 15 minutes. Toute connaissance a complètement disparu de la chose (sauf évidemment la lecture de l’énoncé). Même les plus élémentaires calculs étaient évacués puisque le programme se chargeait d’additionner les durées des différents tronçons. Autant dire qu’une telle question n’analyse en fait que la capacité qu’a un élève à tâtonner et éventuellement à persévérer un peu devant l’échec. Si on peut estimer que l’école peut, accessoirement, se livrer occasionnellement à ce genre de performances, il ne faudrait pas oublier que son rôle est totalement à l’opposé : elle transmet des connaissances, ce qui est justement la meilleure manière de résoudre des problèmes sans avoir à recourir au tâtonnement et donc au hasard.

En poussant un peu la réflexion, il faut bien admettre que l’apprentissage de la résolution de problème par des heuristiques hasardeuses est le propre des sauvages, des personnes vivant à l’état de nature hors civilisation. Et encore est-ce là tout relatif, puisque toutes les sociétés, même les plus primitives essaient d’organiser un minimum de transmission des savoirs…Ce que Schleicher et consort estiment donc comme important est…la capacité que peut avoir un illettré à se mouvoir dans un environnement technologique ! Autant dire l’inverse de tout ce que le progrès peut apporter !

Mais ce n’est pas tout. Encouragé par ce ballon d’essai, l’aréopage OCDE a franchi un pas supplémentaire puisque le PISA 2015 fut l’occasion de tester la collaboration entre élèves pour résoudre des problèmes ! Il ne leur suffit donc plus de tester le vide, il faut le faire en collaboration avec d’autres ! Et de mettre sur pied des situations en ligne bidon simulant l’interaction avec d’autres élèves par le biais d’un tchat à choix multiples. Penser à la nécessité de former un élève à communiquer via la technologie à l’ère de whatsapp et des réseaux sociaux, il fallait le faire ! De plus, à voir les propositions possibles, je pense honnêtement que si j’avais été élève j’aurai cliqué à quelques reprises sur des réponses farfelues rien que pour le plaisir ! Voici quelques étapes d'une situation problème à résoudre collectivement pour vous faire une idée.

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Les grands penseurs de l’OCDE ne semblent pas être au fait que la résolution de problème par le biais d’heuristiques hasardeuses comme la collaboration sont des éléments que l’évolution humaine semble avoir préprogrammés en nous. Ce qui a pour conséquence que ce sont des objectifs que nous atteignons extrêmement rapidement et sans faire de grands efforts. Autant dire des éléments dont on peut laisser l'apprentissage à la vie de tous les jours. L’école devrait plutôt avoir pour ambition d’atteindre le lointain, le difficile, ce que la vie ne nous apprendra pas d'elle-même.

Le big boss du PISA justifie ces choix par la nécessité au 21ème siècle de travailler de nouvelles compétences, de cesser de transmettre des connaissances. Pour lui, l’école doit dorénavant « donner une boussole à chacun, pour le rendre capable de construire son propre savoir, apte à distinguer le vrai du faux quand il navigue sur Google » démontrant par là une totale incompétence en matière de fonctionnement du cerveau. En effet, pour pouvoir raisonner ou distinguer ce qui est vrai du faux, il est impératif d’avoir des connaissances. On ne raisonne pas à partir de rien.

Mais la cerise sur le gâteau réside vraisemblablement dans le mépris de la démocratie qu’exprime le grand patron du PISA. Lorsqu’on est démocrate et à la tête d’un institut de recherche international sur l’éducation, on s’abstient de politiser son discours. Surtout ce qui touche aux contenus éducatifs. L’école n’est pas là pour former des militants, mais pour donner des éléments permettant à tout un chacun de se faire son opinion de la manière la plus neutre possible. Or, ça, Schleicher et consort semblent s'en moquer comme de leur dernière chaussette puisqu’ils préconisent d’une part de former les gens à « accepter de perdre leur boulot » en leur donnant « confiance en leur capacité d’en trouver un ou d’en créer un autre », ce qui fait, vous l’imaginez bien, le grand bonheur de tous ceux qui se battent pour la protection des travailleurs. D’autre part, ils annoncent la couleur pour le PISA 2018 qui testera… suspense, roulements de tambour… le niveau d’«acceptation entre les peuples, les cultures » autrement dit la dose de cosmopolitisme ingurgitée par les élèves. Je vois d’ici se réjouir les islamo-sceptiques ou simplement ceux qui pensent que l’assimilation est une meilleure option que le multiculturalisme.

En bref, ce qui était à la base une bonne idée est en train de dégénérer en un fatras d’inepties pédagogiquement et idéologiquement orientées. En conséquence, il ne me reste qu’à demander à monsieur Schleicher de montrer l’exemple en acceptant de céder son travail à une autre personne plus compétente et démocrate avec toute la confiance en sa propre capacité à en retrouver un qu’il souhaite que notre jeunesse développe…

Stevan Miljevic, le 1er juillet 2016 pour les Observateurs.ch et contrereforme.wordpress.com

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Ce qu'on doit au grec et au latin

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Ce qu'on doit au grec et au latin

Ex: http://www.marianne.net
 
Face au déclin des cadres idéologiques modernes, il est utile et urgent de lire ou de relire Tacite, Plutarque ou Cicéron. Car l'humanisme antique et ses classiques indémodables ne sont pas que l'archéologie de la pensée, ils continuent de nous donner les clés pour comprendre nos problèmes existentiels et nos crises contemporaines.

« La Grèce et Rome sont la mémoire commune de nos cultures contemporaines, mémoire qui dépasse les frontières, transcende les langues, les religions et les nationalités, mais mémoire aujourd'hui menacée par la violence intégriste comme par l'utilitarisme libéral », expliquaient la philosophe Barbara Cassin et la philologue Florence Dupont dans une pétition « pour une refondation de l'enseignement des humanités » destinée à défendre les langues antiques face à la réforme du collège proposée par Najat Vallaud-Belkacem. « Si je lis la littérature grecque ou latine, c'est parce que Homère et Horace, Lucrèce et Aristote, Sénèque et Marc Aurèle me donnent des clés pour comprendre ma vie d'aujourd'hui », renchérit le critique William Marx dans une tribune intitulée « Le grec et le latin pour préserver l'esprit du 11 janvier ». De manière inattendue et intempestive, l'antiquité gréco-latine et son héritage reviennent hanter nos débats contemporains les plus brûlants. Sur le terrain des idées, les éditeurs n'hésitent pas à rééditer des textes rares et anciens pour les faire résonner avec nos problématiques : pour parler de nos relations avec Angela Merkel, pourquoi ne pas recourir à la Germanie de Tacite (De situ ac populis Germaniae, 98 après Jésus-Christ) puisque «[vis-à-vis de l'Allemagne] la leçon de Tacite reste d'actualité», comme le justifie la quatrième de couverture ? Pour s'opposer au fanatisme, la collection «Mille et Une Nuits» propose ainsi, pour moins de 3 €, un court traité de Plutarque tout aussi ravageur que ceux de Voltaire : De la superstition.

Face au libéralisme ploutocratique, autant revenir aux origines étymologiques du mot, en lisant l'une des deux éditions de la comédie d'Aristophane Ploutos disponibles à petit prix (celle de Fayard étant très directement sous-titrée : Dieu du fric). Les futurs candidats aux primaires pourront même s'appuyer sur les conseils de Cicéron à son frère pour être élu consul - opportunément réédités sous le titre de Petit manuel de campagne électorale... Face au déclin ou à la suspicion que connaissent nos cadres idéologiques modernes, force est de constater notre besoin de retourner à l'humanisme antique et à ses classiques indémodables : Quid novi sub sole ?

daphnisXTLY1qcj84mo1_1280.jpgDe fabuleux détours

Mémoire vivante de mythes et de fictions, les romans de l'univers gréco-latin méritent d'être écoutés, sans s'arrêter à un corpus prétendument scolaire. Aussi admirables que soient ces œuvres, qui mériteraient qu'on puisse retourner vers elles d'un œil neuf, ce serait se tromper que de limiter la littérature antique aux épopées d'Homère et de Virgile, à la tragédie grecque ou aux mythologies d'Hésiode. Loin d'offrir un intérêt simplement archéologique, les romans antiques (noirs, d'aventures, historiques ou de mœurs, pour employer des catégories modernes) offrent ainsi une invitation à de fabuleux détours, en possédant la vertu d'instiller du très nouveau au cœur du supposé connu, dans une forme d'exotisme intérieur à notre culture. Certes, au sens strict, le roman, qui est un terme construit au Moyen Age, n'existait pas dans l'Antiquité - pas plus que la lecture privée et à voix basse moderne : seuls quelques récits grecs de l'époque hellénistique (Daphnis et Chloé, de Longus ; Leucippé et Clitophon, d'Achille Tatius ; les Ethiopiques, d'Héliodore ; le Roman de Chairéas et de Callirhoé, de Chariton) et quelques textes latins (le Satiricon, de Pétrone, les Métamorphoses, d'Apulée) peuvent être appelés rétrospectivement romans - mais quels romans ! Contrairement à Zola qui réduisait tous les romans antiques à « la même histoire banale et invraisemblable », le lecteur moderne, peut-être moins obsédé par le réalisme du récit et la rationalité de l'intrigue, y trouvera des récits à suspense formidablement divertissants : par exemple ce texte aujourd'hui parfaitement oublié, le Roman de Chairéas et de Callirhoé, qui accumule les voyages en mer, les revers du destin, les histoires d'enlèvements, de reconnaissance, de fausses morts, en un véritable cliffhanger à faire pâlir ses successeurs. Voulez-vous l'enchantement d'amours hors le monde ? A défaut d'une psychologie moderne, Daphnis et Chloé, pastorale sensuelle et romantique par anticipation, ringardise dans son idéalisme bien des « romances » contemporaines. Capable de se moquer de ses propres lieux communs, comme dans le délicieux Leucippé et Clitophon, d'Achille Tatius, antiroman avant la lettre, le roman grec a pour thème principal les mésaventures d'un couple uni dans un univers hostile : face à l'adversité d'un monde cruel, désordonné et absurde, l'amour et le stoïcisme du couple sont les seules valeurs qui vaillent. Les héros redécouvrent dans un monde inhospitalier et instable « la surprise de vivre au présent », comme l'explique l'historien du roman Thomas Pavel : voilà des schémas et des thèmes que ne feront au fond que reprendre, en plus ou moins bien, nos best-sellers de l'été, pour nous accompagner dans nos problèmes existentiels - amor omnibus idem. Les Latins ont quant à eux marqué notre mémoire littéraire (et des cinéastes comme Pasolini ou Fellini) par la puissance scandaleuse de leurs romans de mœurs, mais on ne saurait pour autant les réduire aux banquets du Satiricon : érotisme souriant, magie et conte initiatique, roman picaresque se mêlent à la tradition grecque du roman d'aventures dans des récits parfaitement désaxés, sans qu'on sache si les Métamorphoses d'Apulée (appelées parfois aussi l'Ane d'or pour des raisons que des millénaires d'érudition n'ont pas vraiment réussi à élucider) détournent la métaphysique platonicienne au profit du burlesque ou, au contraire, font de l'humour une voie suprême d'accès aux mystères célestes.

On n'hésitera pas non plus à découvrir des textes qui ne sont pas des fictions au sens strict, mais qui peuvent aujourd'hui être lus en tant que telles : les formidables vies et chroniques romancées des historiens antiques. Si la bataille des Thermopyles est redevenue un mythe avec 300, le film de Zack Snyder, et sa suite, 300, naissance d'un empire, de Noam Murro, il faut lire ce que Les Belles Lettres appellent la Véritable Histoire de Thémistocle, à savoir le récit, tout haletant, et, en un sens, tout aussi romanesque, qu'ont produit Plutarque, Diodore et Hérodote sur la bataille de Salamine. La Vie d'Apollonios de Tyane, de Philostrate, est moins riche en documents qu'en épisodes fantastiques sur les cultes solaires orientaux : contrairement aux Vies parallèles édifiantes de Plutarque, c'est une vie imaginaire assez rocambolesque d'un illuminé comme celles que pourraient raconter les romanciers d'aujourd'hui. Sulfureuses et cruelles jusqu'à l'horreur sont les vies racontées par Suétone, dont les empereurs dépravés font passer DSK pour un petit-maître (lisez sa Vie de Néron), et, a fortiori, celles, plus mélancoliques, de Tacite (lisez sa Vie d'Agricola) : leur vision ironique du monde politique et leur nostalgie d'un âge d'or du pouvoir trouvent, mutatis mutandis, bien des échos dans notre imaginaire français ; elle nous permet, quoi qu'il en soit, de relativiser la gravité des turpitudes contemporaines. Quant à l'Histoire véritable, de Lucien de Samosate, que l'on peut trouver dans une collection des Belles Lettres en poche sous le titre de Voyages extraordinaires, c'est, derrière l'apparence d'un récit sérieusement géographique, une facétie qui nous emmène au-delà du monde connu pour moquer Homère et Platon. Plutôt que de rappeler doctement son importance dans l'histoire de la littérature (c'est le premier récit de science-fiction et le premier exemple de voyage sur la Lune), enivrons-nous plutôt de sa verve comique désopilante dirigée à l'encontre de toute forme d'héroïsme - c'est dire à quel point, avant même que le mot « littérature » existe, les écrivains antiques étaient capables à la fois de satisfaire et de moquer nos besoins de légendes.

Romans accessibles

hersent_daphnis.jpgFin août, paraîtra un volume de 1 200 pages compact et très accessible et préfacé par Barbara Cassin, Romans grecs et latins (Les Belles lettres). D'ici là, à l'exception des Ethiopiques, le roman-fleuve d'Héliodore, qui n'est hélas facilement lisible que dans le très beau volume de la Pléiade consacré par Pierre Grimal aux Romans grecs et latins, on retrouvera tous ces récits en poche et parfois gratuitement en ligne sur Gallica dans des éditions anciennes - lorsque ce n'est pas dans des éditions numériques gratuites et facilement téléchargeables pour nos liseuses, en goûtant alors le plaisir de revenir, sur ces machines électroniques, à cette forme de lecture tabulaire qui était celle de tous les écrits dans l'Antiquité... On pourra préconiser ainsi pour les plages d'avant la réforme du collège un programme de lecture vraiment original : son principe serait de redécouvrir dans notre Antiquité notre propre étrangeté - pour emprunter une formule au héros du Patient anglais, de Michael Ondaatje : « Assez de livres. Donnez-moi Hérodote, c'est tout. » De nobis fabula narratur.

Romans grecs et latins, édition dirigée par Romain Brethes et Jean-Philippe Guez, Les Belles Lettres, 1 200 p., 35 €.

Quand les anciens inventaient les manuels de psychologie 

 

epic414-gf.jpgEn juin 1993, la collection « Mille et Une Nuits » (Fayard) lança un nouveau concept éditorial, «le classique à 10 francs», avec une réussite immédiate : la Lettre sur le bonheur, d'Epicure, se vend à plus de 100 000 exemplaires. Il sera suivi par pléthore de manuels de vie antique, bien dignes de se trouver au rayon développement personnel des librairies : on compte rien moins que six éditions à moins de 10 € de De la brièveté de la vie, de Sénèque, (certaines étant habilement suivies du commentaire célèbre de Denis Diderot). En faisant un saut par-dessus la morale chrétienne, les traités de sagesse antique, ceux-là mêmes qui nourrirent la Renaissance, viennent réintroduire les valeurs épicuriennes ou stoïques dans nos existences pressées. Plutarque est particulièrement mis à l'ouvrage, et ses traités moraux, qui faisaient le délice de Montaigne, sont transformés pro bono en opuscules utiles vendus peu cher, car ne coûtant rien en droits d'auteur aux éditeurs : on trouvera chez Arléa De l'excellence des femmes (qui est tout sauf un traité féministe avant l'heure), Erotikos («l'érotique», proposé comme une réflexion sur les vertus et les inconvénients de l'homosexualité), la Conscience tranquille (qui souligne, nous dit-on, « le bonheur de vivre loin des passions » et « la vanité insupportable des bavardages ») ou encore quatre traités sur l'Ami véritable ou les pensées de l'historien hellénistique sur l'Intelligence des animaux, leurs droits et comportements. Cicéron servira évidemment à réfléchir sur la morale (le Traité des devoirs, c'est-à-dire le De officiis), sur la Vieillesse (c'est sous ce titre que plusieurs éditeurs reprennent en poche son Caton l'ancien), un autre éditeur proposant de fabriquer une trilogie Devant la mort, Devant la souffrance, le Bonheur en découpant en extraits les Tusculanes, recueil d'entretiens philosophiques du Ier siècle avant Jésus-Christ) actualisé et transformé en bréviaire. Pour quelques euros, Pline le Jeune servira, quant à lui, quelques millénaires avant Facebook et ses détracteurs, à réfléchir à la nécessité d'un Temps à soi : là encore, par un bien habile retitrage, les lettres de l'historien latin font résonner à notre profit « la douceur et noblesse de ce temps à soi, plus beau, peut-être, que toute activité ». De la philosophie émiettée en leçons de vie pour éditeur en quête de bon coup commercial et pour lecteur en peine de normes - lorsque ce n'est pas en viatiques en tout genre, comme en témoigne la traduction dans la collection « Retour aux grands textes » du savoureux, mais bien vain, Eloge de la calvitie du rhéteur alexandrin Synésios de Cyrène (IVe siècle) : voilà à quoi nous servent aussi les antiques...

mercredi, 29 juin 2016

L’Education en échec. Former des élèves créatifs

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L’Education en échec. Former des élèves créatifs

Stevan Miljevic
Enseignant

Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

On entend souvent dire qu’un prof qui transmet des connaissances n’éveille pas la créativité de ses élèves. Par contraste, permettre à l’élève de tâtonner et découvrir par lui-même serait nettement plus porteur. Chacun a bien entendu le droit d’avoir sa propre opinion sur un sujet. Même si celle-ci ne se fonde sur à peu près rien de sérieux. Personne ne peut vous interdire de croire aux soucoupes volantes. Mais quand ces avis ont un impact sur la vie d’autrui et qu’une tentative de validation empirique est possible, il serait peut-être bon d’approfondir un peu la question et de voir ce que des démarches scientifiques sérieuses peuvent nous apprendre avant de se servir de son prochain comme d’un cobaye.

Etre créatif, c’est être capable d’imaginer ou de mettre en œuvre un concept ou un objet nouveau, de découvrir une solution originale à un problème[1]. Selon André Tricot, on ne naît pas créatif, mais on le devient. Ce qui semble confirmé par l’intégralité des recherches menées à ce jour sur ce domaine. Attention toutefois de ne pas confondre la créativité consistant comme on vient de le dire à générer de l’innovation avec la qualité de ces créations. On peut être très créatif et ne produire que du très médiocre qualitativement parlant. Tout comme, à l’inverse, on peut n’être que peu innovant mais toucher au génie.

Comment donc l’école peut-elle contribuer à former des gens créatifs quantitativement comme qualitativement ? Comment peut-elle augmenter le potentiel créatif des individus qui la fréquentent ?

Etre créatif nécessite de connaitre son sujet

La première des choses à prendre en considération est le fonctionnement de l’esprit humain. J’ai déjà longuement évoqué sur ce site la manière dont les psychologues cognitivistes abordent la question, à savoir que c’est au sein de la mémoire que se fait le processus de réflexion. Pour faire court, la mémoire à court terme est le lieu de la pensée. Elle n’a qu’une capacité fort limitée (environ 7 éléments en simultané) et ne peut donc traiter qu’un nombre limité d’informations en même temps. Cette limite n’est toutefois plus valide si les informations en question sont déjà connues et stockées de manière cohérente dans la mémoire à long terme.

En conséquence, plus on connait de choses sur le sujet qui occupe nos pensées, plus on libère de possibilités pour notre esprit d’aborder le problème différemment. Quelqu’un qui ne maîtrise pas sa matière ne peut donc que difficilement être créatif puisqu’avant même d’arriver au stade de la création, il lui faut se représenter la situation et la comprendre. Or, ces deux opérations vont consommer une grande partie des ressources mentales disponibles. En outre, être créatif demande d’aller vers le non-commun, ce qui demande également de grandes ressources cognitives. Si le capital disponible cognitif disponible est épuisé, alors rien ne pourra être effectué, la personne se trouvant en état de surcharge cognitive.

Ajoutons à cela que si l’individu ne possède pas suffisamment d’éléments de savoir au sujet de la situation, le risque est grand d’en créer une mauvaise représentation et de rendre ainsi quasi impossible toute action pertinente. On ne peut pas interagir correctement sur un objet qu'on a mal définit et compris.

Comme on le voit, le rôle joué par les connaissances disponibles en mémoire à long terme est primordial. Si capital d’ailleurs qu’il ne s’arrête pas là : un des plus puissants moteurs de la créativité réside dans la capacité de notre esprit à faire des analogies. Etre créatif ce n’est pas générer quelque chose de neuf en partant du néant car tout ce que notre pensée produit est le fait d’analogies réalisées avec des situations déjà rencontrées précédemment. Etre créatif c’est mettre à profit des connaissances existantes dans un domaine pour aborder un phénomène dans un autre domaine. Sans quoi il n’y a pas innovation. L’être humain fait d'ailleurs continuellement des comparaisons entre ce qui lui arrive et ce qu’il a déjà vécu. Sa cognition dépend de l’exploitation continuelles d’expériences passées avec lesquelles il arrive à lier la situation qu’il affronte.[2] Il le fait d’ailleurs maintes fois par seconde sans en être forcément conscient [3].

Notons encore que posséder un grand bagage de connaissances sur un sujet permet également de connaitre ce qui a déjà été dit ou fait en la matière et donc d’éviter de réinventer l’eau chaude à chaque instant.

Ainsi qu'une multitude d'autres…

Plus donc on a de connaissances stockées dans notre mémoire à long terme et plus nous avons la capacité de faire des analogies créatrices, que celles-ci soient volontaires ou non. Plus précisément, plus on connait d’éléments sur divers sujets, plus on a de possibilités de créer des analogies entre ces domaines. Ces analogies peuvent être de surface ou profondes. Une analogie de surface se fait entre deux connaissances simples, dont les traits communs peuvent être aisément identifiés. Par exemple, Einstein a développé une de ses meilleures idées en partant de la ressemblance quasi visuelle existante entre une équation mathématique et une équation physique ! [4]

Une analogie profonde, en revanche, a trait à la manière dont les concepts et connaissances se lient. Plus on connait les divers éléments constitutifs d’une situation, plus la manière dont ceux-ci interagissent entre eux apparaît. Dès lors, l’analogie peut ne plus porter sur les éléments de surface mais sur la structure de la situation, sur un regard plus abstrait. A ce jour, il semble qu’aucun moyen n’ait été trouvé pour pouvoir enseigner directement ces structures profondes, l’esprit commençant nécessairement par appréhender une situation en surface.[5] Ce qui ramène une nouvelle fois à l’impératif d’un bon bagage de connaissances sur une vaste gamme de domaines.

Ces divers aspects de la créativité doivent nous amener à penser intelligemment  les contenus scolaires. Certains voudraient en effet que l’école ne se focalise que sur ce qui est utile aux élèves directement. Or, et puisque les humains sont capables d’apprendre par eux-mêmes à peu près tout et n’importe quoi à partir du moment où cela fait partie de leur environnement et leur est utile quotidiennement, il est impératif, au contraire, que l’école apprennent aux jeunes des connaissances qui ne correspondent ni à leur environnement immédiat, ni à leur passion. L’école doit s’évader du carcan de l’utilité directe.[6] Une des pierres angulaires de cet impératif réside justement dans la nécessité d’augmenter au maximum le potentiel créatif des élèves. Pour faire des analogies créatrices en nombre, il faut avoir de vastes connaissances dans de multiples domaines autres que ceux dans lesquels on évolue régulièrement que ce soit professionnellement ou socialement.

N’oublions toutefois pas que si ces connaissances doivent être les plus étendues possibles, il est tout aussi impératif qu’elles soient bien maîtrisées sans quoi elles seront inutilisables.

Des techniques pour générer des idées créatives ?

D'autres affirment que la créativité est une compétence mobilisable dans n’importe quel domaine. Cette idée n’est qu’un mythe. La créativité est inextricablement liée aux connaissances qu’on possède sur un sujet. Mais cela ne suffit pas. Pour pouvoir être créatif, il faut également être capable de prendre du recul par rapport aux connaissances rencontrées et les aborder d’une manière nouvelle.

Connaître certaines techniques permet effectivement de maximiser la capacité de « lâcher prise », de prendre de la distance vis-à-vis du problème qu’on est en train de traiter et de créer ainsi volontairement des analogies créatrices. Par exemple, on peut imaginer enseigner aux élèves des techniques sur la manière de travailler pour générer des solutions créatives à un problème. Le travail de groupe peut avoir pour avantage de laisser autrui exprimer ses pensées et ainsi de détacher l’individu des siennes. Mais pas n’importe quel travail de groupe. Par exemple, contrairement aux idées reçues, le brainstorming est certainement une des plus mauvaises manières d’obtenir des solutions créatives.[7] Mais il existe également bien d’autres techniques individuelles efficaces. Ce n'est certes pas le Saint Graal car les analogies involontaires sont bien plus nombreuses, mais c'est mieux que rien.

A ce propos, Hattie affirme que l’efficacité des programmes de créativité est fortement liée à la manière de les transmettre. Et de vanter les mérites des pédagogies structurées, explicites, notamment le Direct Instruction pour y parvenir plutôt que les façons de travailler implicites et constructivistes.[8] Il est plus pertinent de considérer ces techniques comme des objectifs à atteindre, des connaissances procédurales à transmettre de la manière la plus claire possible plutôt que de miser sur l’implicite et de les traiter comme des outils mobilisables afin d’acquérir d’autres connaissances.

La passion comme moteur

Tous les grands scientifiques qui font des découvertes marquantes sont en général des obsédés de leur domaine. S’ils ne l’étaient pas, ils n’auraient jamais pu déceler les analogies demeurées insaisissables jusqu’à eux. En cela, on se rend compte que les poussées créatives vers l’abstraction ne peuvent pas être provoquées à merci. On peut bien évidemment inciter à émettre des idées créatrices sur un sujet, mais celles-ci sont totalement dépendantes du degré de maîtrise du sujet. Or, seuls l’obsession, l’engagement et la persévérance permettent de dépasser le stade de connaisseur expérimenté pour atteindre celui de véritable expert et ainsi ouvrir les portes nécessaires à de véritables innovations.[9]

Tricot avertit : ce statut d’expert n’est pas facile à gérer car bien souvent il interfère avec la capacité à trouver le bonheur dans la vie de tous les jours.[10] L’individu qui veut aller jusqu’au bout de sa passion doit donc être au clair et savoir qu’il lui faudra faire un choix.

Si l’école n’a pas pour rôle de créer de telles passions, en revanche, en valorisant l’effort, en apprenant à vaincre les difficultés sans abaisser le niveau d’exigences, elle apprend aux élèves la ténacité. Ce résultat, on ne l’obtient pas en s’alignant sur les envies des élèves.

En conclusion : une grave confusion

L’école du constructivisme et des compétences qui domine aujourd’hui la scène scolaire occidentale est une école qui n’a pas compris ce qu’est la créativité. Par son inefficacité à faire acquérir des connaissances, son incapacité à définir précisément les corpus à transmettre, son acharnement à chercher l’utile et à plaire, elle ne permet pas aux élèves d’acquérir le bagage de connaissances indispensables à toute activité créatrice.

Elle ne leur permet pas non plus de développer au mieux des techniques visant à faire jaillir de la créativité tant elle est obnubilée par l’apprentissage implicite de celles-ci inhérent à toutes les formes de pédagogies qualifiées à tort d’actives.

En fait, l’école constructivo-compétente fait une grave confusion entre laisser les élèves exprimer une créativité fort limitée et augmenter significativement leur potentiel créatif. La différence est à peu près autant grande que celle existante entre laisser un gamin qui connait l'addition en faire de nombreuses ou lui apprendre la soustraction, la multiplication et la division.

Le 28 juin 2016, Stevan Miljevic

pour les Observateurs.ch et contrereforme.wordpress.com

[1] http://www.formapex.com/sciences-cognitives/640-et-la-cre...

[2] Hofstadter et Sander « L’analogie, cœur de la pensée », Odile Jacob, Paris, 2013, p.38

[3] Ibid. p.26

[4] Voir la vidéo d’André Tricot suivante un peu après la 15ème minute

[5] http://www.formapex.com/daniel-willingham/1004-les-connaissances-inflexibles-premiere-etape-vers-lexpertise?616d13afc6835dd26137b409becc9f87=4d34101224fa8bcc8a53050fda55c277

[6] Amadieu et Tricot « Apprendre avec le numérique », Retz, Paris, 2014, pp.97-98

[7] De Bruyckere, Kirschner, Hulshof « Urban Myths About Learning and Education », Academic Press, Londres, 2015 p.79

[8] John Hattie « Visible Learning », Routledge, London and New York, 2009, pp.155-156

[9] Hofstadter et Sander « L’analogie, cœur de la pensée », Odile Jacob, Paris, 2013, p.364

[10] La vidéo d'une conférence donnée par André Tricot sur le sujet "Compétence et créativité"

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mercredi, 22 juin 2016

Trabajo, educación y cultura

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Trabajo, educación y cultura

Alberto Buela (*)

Trabajo

Suele recomendarse en filosofía, así lo han hecho, entre otros, Heidegger, Zubiri, Bollnow y nuestro Wagner de Reyna, que la primera aproximación al objeto de estudio sea a través de un acercamiento etimológico. Porque, como afirma Heidegger: “el lenguaje empieza y termina por hacernos señas de la esencia de una cosa”[1]. Así comprobamos que  trabajo proviene del verbo latino tripaliare que a su vez proviene de tripalium= tres palos, que era un cepo o yugo hecho con tres palos donde se ataban los bueyes y también a los esclavos para azotar. Vemos como la aproximación etimológica a término trabajo nos revela su vinculación al sufrir, a cualquier actividad que produce dolor en el cuerpo. De ahí que el verbo tripaliare significa en latín atormentar, causar dolor, torturar.

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Aclarado el término pasemos ahora a su descripción fenomenológica. El trabajo, que puede ser definido como la ejecución de tareas que implican un esfuerzo  físico o mental para la producción de algún tipo de bienes o servicios para atender las necesidades de los hombres, tiene dos manifestaciones: como opus= obra y como labor=labor. En tanto que obra expresa el producto o bien objetivo que produce, mientras que como labor expresa el producto subjetivo que logra.

Sobre la obra no hay discusión, la obra está ahí, al alcance de la mano y de la vista, a lo sumo puede discutirse si ésta está bien o mal hecha. El asunto se complica en el trabajo como labor, pues implica una subjetividad, la del trabajador. Pues en la labor está implicada la expresión del propio trabajador. Hasta no hace mucho se reservaba el término de “labores” a una materia en los colegios de señoritas. Creo que la materia se denominaba “manualidades y labores”, donde hilado, el bordado, el tejido y la costura constituían su temática. Es que el trabajo como labor implica la formación profunda del hombre que trabaja. No es necesario aclarar que el término hombre comprende tanto a la mujer como al varón, pues ambos forman parte del género hombre. La lengua alemana posee también dos términos para designar las manifestaciones del trabajo: Arbeit para obra y Bildung para labor. Y este último tiene el sentido de formación.

Y acá es donde encontramos nosotros la vinculación entre el trabajo y la escuela: en la búsqueda no tanto de la información, de conocimientos sino en la búsqueda de la formación del educando.

Y a esto sobre todo ayuda el trabajo en una época tan desacralizada como la que hoy nos toca vivir, pues lo sagrado desapareció de nuestra conciencia habitual. Y la educación en los valores morales se ha hecho muy difícil, teniendo en cuenta que lo que el niño ve a diario es corrupción, crímenes, asesinatos, robos, golpizas, droga, desorden, anomia, etc.

Así el trabajo es el único medio que tenemos a mano para crear virtud[2], al menos por la repetición de actos, de levantarnos todos los días temprano aunque no nos guste. De lavarnos la cara y peinarnos. A cumplir un horario. De tener que escuchar al compañero de trabajo con sus diferencias y acostumbrarnos a convivir con el otro, aunque más no sea por ocho o seis horas diarias. El trabajo limita y morigera el capricho subjetivo, de donde nacen todas nuestras arbitrariedades y nuestros males.

Y como la virtud se funda en la repetición habitual de actos buenos, el trabajo nos permite el paso inicial a la virtud, que es hacer las cosas bien, correctamente, evitando el daño al otro y al medio ambiente.  

En nuestro país hemos tenido el privilegio de proclamar que existe una sola clase de hombre: el que trabaja. U otro: gobernar es crear trabajo. Incluso la máxima obra teórico-política que con rasgos propios y originales se realizó en Argentina durante el siglo XX fue la Constitución del Chaco de 1951, donde en su preámbulo afirma: Nosotros el pueblo trabajador….y no como las Constituciones de1853, incluso la de 1949 y la actual de 1994: Nosotros el pueblo…al típico estilo liberal, hijo de los juristas de la Revolución Francesa.

Es que en una época no tan lejana se sostuvo y se proclamó a los cuatro vientos el ideal de la liberación por el trabajo y a través de él, el ahorro. Es que el salario justo es aquel que permite hacer frente a la necesidad de consumo más un plus para el ahorro.

Hoy, por el contrario, el no trabajo y el subsidio han venido a reemplazar el ideal de la liberación por el trabajo. Esperemos que no sea para siempre y podamos retomar tan loable ideal.

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Educación

Como hicimos con el término trabajo, observamos que educación viene del latín ducere que significa guiar, conducir. De modo que educar consiste en poder guiar conducir al educando al logro de su formación de hombre como tal.

Este ideal educativo nos viene desde los griegos con su famosa paidéia, que significó la formación del hombre de acuerdo con su auténtico ser; el de la humanitas romana de Varrón y Cicerón, de educar al hombre de acuerdo con su verdadera forma humana; el del mundo cristiano con su idea de ejemplaridad en todos los tratados De Magistro de los pensadores medievales que tienen a Cristo como maestro de los maestros y el del mundo moderno con Johann Pestalozzi y su método.

Todo este ideal educativo se plasmó en nuestro país a partir de la ley 1420 por la cual la educación primaria tiene como objeto la eliminación del analfabetismo y la formación en el niño de los valores morales. (Se enseñan modos, maneras, costumbres. En una palabra, se enseñan hábitos prácticos etc.)

De igual manera la educación media tiene por objeto fortalecer la conciencia de pertenencia histórico-política a la Nación a que se pertenece. (Se enseñan valores ciudadanos y patrios. En una palabra hábitos socio-políticos)

Y finalmente la educación superior que tiene por objeto entregar un método de estudio sistemático y reconocido, en donde los logros de los niveles previos se puedan expresar y se detecten las carencias.

Todo este ideal educativo se cuestionó a partir del último cuarto del siglo XX cuando masivamente la escuela dejó sus ideales de formación para limitarse, en el mejor de los caso, ha ser una simple transmisora de conocimientos.

La escuela, y hay que recordarlo una vez más, como su nombre lo indica es y debe ser antes que nada el lugar del ocio. El término viene del latino schola, el que a su vez viene del griego scolh(scholé) que significa ocio. Antes que cualquier otra cosa, la escuela es el lugar del ocio. Si se quiere, el lugar donde no se hace nada. Nada de útil, nada que no tenga su fin en sí mismo. Nada en vista a otra cosa que no sea la formación del propio educando. El carácter de útil, la utilidad, viene después de la escuela y es en general una preocupación de los padres. Una vez que se terminó la escuela se verá si sus enseñanzas son útiles. Pero la escuela no es otra cosa que el lugar para aprender en el ocio. Es el disfrutar jugando en el aprendizaje, un aprendizaje que vale por sí mismo y no en vista a otra cosa. Este aprender es por nada. Tiene un fin en sí mismo que es el acceso al saber y la sabiduría.

Hace 2500 años Platón en la Carta VII nos legó una enseñanza perdurable de cómo aproximarnos al saber y la sabiduría: primero a través del nombre, luego buscando la definición, en tercer lugar la imagen representada para llegar por último al conocimiento mismo. Y para que se entienda pone el ejemplo del círculo. En primer lugar tenemos un nombre llamado círculo, luego buscamos la definición compuesta de nombres y predicados: aquello cuyos extremos distan todos igual del centro. En tercer lugar la imagen como representación sensible, copia imperfecta y no permanente ejemplificada por círculos y ruedas. Para llegar finalmente al conocimiento mismo, todo ello “después de una larga convivencia con el problema y después de haber intimado con él, de repente, como la luz que salta de la chispa, surge la verdad en el alma[3]

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Cultura

Cada vez que escuchamos hablar de cultura o de gente culta, asociamos la idea con la gente que sabe mucho, que tiene títulos, que es léida, como decían nuestros padres, allá lejos y hace tiempo. Es por eso que ha hecho fama, a pesar de su demonización política, la frase de Goebbels: Cada vez que me hablan de cultura llevo la mano a mi revólver. Porque sintetiza mejor que nadie, en un brevísimo juicio, el rechazo del hombre común, del hombre del pueblo llano, al monopolio de la cultura que desde la época del Iluminismo para acá poseen y ejercen los ilustrados y sus academias.

Cultivo

En cambio para nosotros cultura es el hombre manifestándose. Es todo aquello que él hace sobre la naturaleza para que ésta le otorgue lo que de suyo y espontáneamente no le da. Es por ello que el fundamento último de lo que es cultura, como su nombre lo indica, es el cultivo.

Cultura es tanto la obra del escultor sobre la piedra amorfa, como la obra del tornero sobre el hierro bruto o como la de la madre sobre la manualidad del niño, cuando le enseña a tomar el cubierto.

Vemos de entrada nomás, como esta concepción es diametralmente opuesta a esa noción libresca y académica que mencionamos al comienzo.

El término cultura proviene del verbo latino colo/cultum que significa cultivar.

Para el padre de los poetas latinos, Virgilio, la cultura está vinculada al genius loci (lo nacido de la tierra en un lugar determinado) y él le otorgaba tres rasgos fundamentales: clima, suelo y paisaje.

Caracterizado así el genius loci de un pueblo, éste  podía compartir con otros el clima y el paisaje pero no el suelo. Así como nosotros los argentinos compartimos el clima y paisaje con nuestros vecinos pero no compartimos el suelo. Y ello no sólo porque sea éste último donde se asienta el Estado-Nación sino, desde la perspectiva de Virgilio el suelo es para ser cultivado por el pueblo sobre el se asienta para conservar su propia vida y producir su propia cultura.

Enraizamiento

Pero para que un cultivo fructifique, éste debe echar buenas raíces, profundas y vigorosas que den savia a lo plantado. Toda cultura genuina exige un arraigo como lo exige toda planta para crecer lozana y fuerte, y en este sentido recordemos aquí a Simone Weil, la más original filósofa del siglo XX, cuando en su libro L´Enracinement  nos dice: el reconocimiento de la humanidad del otro, este compromiso con el otro, sólo se hace efectivo si se tienen “raíces”, sentimiento de cohesión que arraiga a las personas a una comunidad”[4]. La filósofa ha dado un paso más, pues, pasó del mero echar raíces al arraigo que siempre indica una pertenencia a una comunidad en un lugar determinado.

El arraigo, a diferencia del terruño que es el trozo de tierra natal, abarca la totalidad de las referencias a la vida que nos son familiares y habituales. El arraigo genuino se expresa en un ethos nacional.

Fruto

Luego de haber arado, rastreado, sembrado, regado y esperado el madurar, aparece lo mejor que da el suelo: el fruto, que cuando es acabado, cuando está maduro, es decir perfecto, decimos que el fruto expresa plenamente la labor y entonces, nos gusta.

Sabor

Y aquí aparece una de esas paradojas del lenguaje que nos dejan pensando acerca del intrincado maridaje entre las palabras y las cosas. Nosotros aun usamos para expresar el gusto o el placer que nos produce un fruto o una comida una vieja expresión en castellano: el fruto  nos “sabe bien”. Y saber proviene del latín sapio, y sapio  significa sabor. De modo tal que podemos concluir que hombre culto no es aquel que sabe muchas cosas sino el que saborea las cosas de la vida.

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Sapiente

Existe para expresar este saber un término que es el de sapiente, que nos indica, no sólo al hombre sabio, sino a aquel que une en sí mismo sabiduría más  experiencia por el conocimiento de sus raíces y la pertenencia a su medio[5]. Los antiguos griegos tenían una palabra para expresar este concepto: jronhsiV  (phrónesis)

Vemos, entonces, como la cultura no es algo exterior sino que es un hacerse y un manifestarse uno mismo. Por otra parte la cultura, para nosotros argentinos, tiene que americanizarse, pero esto no se entiende si se concibe la cultura como algo exterior. Como una simple imitación de lo que viene de afuera, del extranjero.

No hay que olvidar que detrás de toda cultura auténtica está siempre el suelo. Que como decía nuestro maestro y amigo el filósofo Rodolfo Kusch: “El simboliza el margen de arraigo que toda cultura debe tener. Es por eso que uno pertenece a una cultura y recurre a ella en los momentos críticos para arraigarse y sentir que está con una parte de su ser prendido al suelo”[6]

Cultura y dialéctica

Es sabido desde Hegel para acá, que el concepto es “lo que existe haciéndose”, que para él, encuentra su expresión acabada en la dialéctica, que tiene tres momentos: el suprimir, el conservar y el superar. Y no la vulgar versión de tesis, antítesis y síntesis a que no tienen acostumbrados los manuales. Hemos visto hasta ahora como la cultura pone fin, hace cesar la insondable oquedad de la naturaleza prístina con el cultivo, la piedra o el campo bruto, por ejemplo, y en un segundo momento conserva y retiene para sí el sabor y el saber de sus frutos, vgr.: las obras de arte. Falta aún describir el tercero de los momentos de esta Aufhebung  o dialéctica.[7]

Si bien podemos, en una versión sociológica, entender la cultura como el hombre manifestándose, “la cultura, afirmamos en un viejo trabajo, no es sólo la expresión del hombre manifestándose, sino que también involucra la transformación del hombre a través de su propia manifestación”[8].

El hombre no sólo se expresa a través de sus obras sino que sus obras, finalmente, lo transforman a él mismo. Así en la medida que pasa el tiempo el campesino se mimetiza con su medio, el obrero con su trabajo, el artista con su obra.

Esta es la razón última, en nuestra opinión, por la cual el trabajo debe ser expresión de la persona humana, porque de lo contrario el trabajador pierde su ser en la cosas. El trabajo deviene trabajo enajenado. Y es por esto, por un problema eminentemente cultural, que los gobiernos deben privilegiar y defender como primera meta y objetivo: el trabajo digno.

Esta imbricación entre el hombre y sus productos en donde en un primer momento aquél quita lo que sobra de la piedra dura o el hierro amorfo para darle la forma preconcebida o si se quiere, para desocultar la forma, y, en un segundo momento se goza en su producto, para, finalmente, ser transformado, él mismo, como consecuencia de esa delectación, de ese sabor que es, como hemos visto, un saber. Ese saber gozado, experimentado, es el que crea la cultura genuina.

Así la secuencia cultura, cultivo, enraizamiento, fruto, sabor,  sapiencia y cultura describe ese círculo hermenéutico de la idea de cultura.

Círculo que se alimenta dialécticamente en este hacerse permanente que es la vida, en donde comprendemos lo más evidente cuando llegamos a barruntar lo más profundo: que el ser es lo que es, más lo que puede ser.

Resumiendo, hemos visto como el trabajo genera virtud, al menos mundana o no trascendente, que se relaciona con la educación en tanto ambas actividades buscan la formación del hombre en su ser, para que éste pueda plasmar en su vida una cultura genuina, esto es, vinculada a su arraigo.

(*) arkegueta, aprendiz constante

alberto_buela_0.jpgbuela.alberto@gmail.com

www.disenso.info

[1] Heidegger, Martín: Poéticamente habita el hombre, Rosario, Ed. E.L.V., 1980, p. 20.-

[2] Otro gran iniciador laico, en algunas virtudes, es el deporte.

[3] Platón: Carta VII, 341 c 4. También en Banquete 210 e

[4] Weil, Simone: Echar Raíces, Barcelona, Trotta, 1996, p. 123.-

[5] Buela, Alberto: Traducción y comentario del Protréptico de Aristóteles, Bs.As., Ed. Cultura et labor, 1984, pp. 9 y 21. “Hemos optado por traducir phronimós por sapiente y phrónesis por sapiencia, por dos motivos. Primero porque nuestra menospreciada lengua castellana es la única de las lenguas modernas que, sin forzarla, así lo permite. Y, segundo, porque dado que la noción de phrónesis implica la identidad entre el conocimiento teórico y la conducta práctica, el traducirla por “sabiduría” a secas, tal como se ha hecho habitualmente, es mutilar parte de la noción, teniendo en cuenta que la sabiduría implica antes que nada un conocimiento teórico”.

[6] Kusch, Rodolfo: Geocultura del hombre americano, Bs.As. Ed. F.G.C., 1976, p.74.

[7] Buela, Alberto: Hegel: Derecho, moral y Estado, Bs.As. Ed. Cultura et Labor- Depalma, 1985, p. 61 “En una suscinta aproximación podemos decir que Hegel expresa el conceto de dialéctica a través del término alemán Aufhebung o Aufheben sein que significa tanto suprimir, conservar como superar. La palabra tiene en alemán un doble sentido: significa tanto la idea de conservar, mantener como al mismo tiempo la de hacer cesar, poner fin. Claro está, que estos dos sentidos implican un tercero que es el resultado de la interacción de ambos, cual es el de superar o elevar. De ahí que la fórmula común y escolástica para explicar la dialéctica sea la de: negación de la negación”.

[8] Buela, Alberto: Aportes al pensamiento nacional, Bs.As., Ed. Cultura et labor, 1987, p.44.-                   

samedi, 18 juin 2016

Bac pour tous, cultivés nulle part !

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Bac pour tous, cultivés nulle part !

La grande déculturation a fait son œuvre !

 
Docteur en droit, journaliste et essayiste
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr

Nos convictions morales sont-elles fondées sur l’expérience ? Le désir est-il par nature illimité ? Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’Histoire ? Faut-il démontrer pour savoir ? Machiavel, Descartes et Hannah Arendt, le libre arbitre, l’erreur volontaire sans intention de la commettre, l’histoire vécue et l’histoire narrée… Autant de sujets, de concepts, d’auteurs constituant le millésime 2016 du fameux « bac philo », lequel se réduit, depuis des lustres, à une matière parmi d’autres.

Nos têtes blondes et brunes sont sommées d’argumenter, d’étayer, de démontrer, sans sombrer dans l’écueil du hors-sujet, du psittacisme ou de la compilation de citations. Las. Car, in fine, que va-t-on évaluer ? L’aptitude réelle du candidat à la rhétorique ? Celle d’avancer une réflexion critique et analytique soutenue par une solide culture des « humanités » ? Nenni. Il n’est qu’à voir les néo-bacheliers, primo-rentrants des universités, pour se rendre à cette triste évidence : le fragile vernis des illusions de leur excellence encensée quelques mois plus tôt se craquelle, laissant entrevoir la terrible et angoissante réalité de leur médiocrité.

Le temps de dresser ce terrifiant constat, il est déjà trop tard. Et une course acharnée précipite étudiants et enseignants dans une lutte impossible contre le temps irrémédiablement perdu. La grande déculturation a fait son œuvre. Non pas que la culture ne serait plus enseignée. Au contraire l’est-elle par sa diffusion massive, exponentielle, égalitaire. Bref, estime à bon droit Renaud Camus, « plus la culture est diffusée, moins il y en a pour chacun et moins elle a de consistance ».

Parce que la culture ne peut être, par définition, ce bien le mieux partagé au monde, il en résulte une multitude de prétendants éminemment convaincus, du haut de leur ignorance infatuée, qu’ils sont titulaires d’un droit-créance naturel et sacré aux savoirs et aux diplômes. Le « culturel » s’est arrogé cet exorbitant privilège, corollaire du quantitativisme : l’égalitarisme. Nous réclamons une nouvelle nuit du 4 août !

Nous avons conscience de ce qu’une telle approche aristocratique, sinon élitiste (défendue par Renaud Camus, notamment), peut avoir d’inacceptable et de scandalisant dans nos sociétés hyper-démocratiques post-avancées. Son euphémisation n’atténuera pas pour autant la réalité. Elle ne l’en rendra que plus implacable. Car l’on ne peut rester plus longtemps insensible à la détresse dans laquelle, pareille à une nasse étouffante, nos étudiants se trouvent pris, sans espérer raisonnablement, sauf au prix d’efforts himalayens, s’en délivrer.

« Le système a produit ce qui lui était nécessaire : une main-d’œuvre bon marché, mise en concurrence avec un sous-prolétariat exotique […], formée à une tâche précise et, surtout, débarrassée de la culture globale qui lui permettait, jadis, d’analyser le système, de se représenter dans ce système – et, in fine, de le critiquer », écrivait Jean-Paul Brighelli dans La Fabrique du crétin (2005). Cette « culture globale », ce minimum intellectuel vital, est précisément ce qui fait défaut et dont la carence plonge nos enfants dans la désespérance. Naguère, le certificat d’études, sanctionnant les « humanités » classiques, avait bien plus de valeur que ce papier mâché improprement dénommé « baccalauréat », délivré après ânonnement du programme télé pseudo-culturel pondu par l’Éducation nationale.

vendredi, 10 juin 2016

La fin du collège unique: un marronnier?

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La fin du collège unique: un marronnier?

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Proclamée comme une des mesures phares à l'issue de la réunion de Béziers intitulée « OZ ta droite ! », celle-ci m'a fait rire jaune. Le collège unique a été instauré dans les années 70 car l'Etat voulait créer une société de services et de diplômés... L'idée était bonne en elle-même mais s'est heurtée à certaines réalités dont l'une d'elle est l'immigration. Le collège unique n'est peut-être pas la racine du problème. Mis en place alors que notre tissu industriel commençait à diminuer, que le chômage augmentait et que l'immigration se faisait plus importante (regroupement familial), le collège unique est bien plus une victime du contexte que la cause du problème. Ainsi plutôt que de vilipender le « collège unique » il faudrait se questionner surtout sur ce qui a contribué à son échec, ce qui n'est jamais vraiment fait ni chez ses promoteurs, ni chez ses détracteurs.

Pour supprimer le collège unique il faudrait pouvoir proposer des filières professionnelles plus tôt : or nous n'avons plus que 2 à 3% des actifs dans l'agriculture et une grosse vingtaine dans l'industrie et le bâtiment, pas de quoi permettre de trouver des débouchés à la plupart des ados... Si on part du principe que le cursus scolaire sert essentiellement à former des agents économiques, alors il faut partir de l'objectif, le projet économique, et repartir vers la base, le cursus scolaire. Tout en prenant en considération qu'un cursus dure environ 20 ans, c'est pour un projet économique à l'horizon 2040 qu'on mettrait en place vers 2020 un nouveau système scolaire en cas de victoire de la « droite dure » ! On se rend donc bien compte qu'entre les paroles (la suppression du collège unique) et la réalité (mettre en place un système scolaire correspondant au projet économique souhaité), il y a un gouffre ! D'autant que nous peinons à croire qu'un mauvais élève fainéant et indiscipliné fera un bon ouvrier, un bon artisan ou un bon agriculteur capable d'effort, de sérieux et de rigueur...

Par ailleurs, le collège unique n'empêche absolument pas les écarts de niveau entre classes et entre établissements. Les classements publiés dans les sacs à pubs hexagonaux établissant les « meilleurs collèges » sur différents critères l'attestent. Ainsi le collège unique n'est pas un véritable problème puisque la carte scolaire d'un côté et le privé sous contrat ou hors contrat de l'autre permettent globalement à tout le monde de s'y retrouver. Sauf cas exceptionnel, les élèves d'un établissement ont un niveau très similaire. Et s'il y a bien un domaine dans lequel les parents sont généralement soucieux de leurs enfants, c'est bel et bien l'enseignement... Aujourd'hui les établissements privés des grandes métropoles se métamorphosent avec de plus en plus de familles issues de l'immigration qui y inscrivent leurs enfants pour leur « éviter » le collège de quartier. Ce sont parfois des familles extrêmement soucieuses de l'éducation reçues et des valeurs véhiculées.

En d'autres termes : le problème n'est donc pas que le collège soit unique ou non, puisque de toute façon les écarts de niveau existent entre établissements et tout le monde le sait très bien, le problème c'est plutôt de savoir ce qu'on a à proposer aux "jeunes" à l'issue de leur cursus scolaire...

Sur ce point, faisons un peu de sociologie, on pointera du doigt le fait que la génération post 2001 est née dans un monde particulièrement anxiogène (terrorisme, chômage, insécurité) et qui a toujours connu le numérique (ordinateurs, téléphones portables, tablettes, …). Les « jeunes » auxquels les enseignants doivent faire face n'ont donc plus rien à voir avec ceux par exemple des années 80 ou même 90, époque où rien n'allait déjà plus pour certains... Hyper-connectés mais victimes d'une pauvreté relationnelle avec l'entourage familial, les adolescents sont souvent confrontés à une absence de référentiels solides et de verticalité. La question du collège unique est donc secondaire, ce qui compte c'est que le collège soit un creuset de formation et d'éducation permettant d'introduire une certaine verticalité qui contraste avec l'horizontalité introduite par le numérique. Évidemment à cette nécessaire verticalité il faut ajouter la hiérarchie des valeurs. Bien loin d'une absence de valeurs, les adolescents sont confrontés à une profusion de valeurs*. En un clic ils peuvent avoir accès à tout, et aussi à n'importe quoi. Le rôle de l'éducateur et du pédagogue revient donc à les aider à hiérarchiser, à faire preuve de discernement et d'esprit critique. Et cette tâche est extrêmement ardue. Le problème n'est donc pas qu'on apprend plus rien à l'école, mais que les élèves considèrent le savoir scolaire comme une information parmi d'autres et les valeurs et référentiels de l'école comme des valeurs parmi d'autres. En somme, le numérique aura réussi là où le pédagogisme post-moderniste avait échoué.

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Avant l'an 2000, malgré les divorces ou les familles recomposées, la plupart des enfants vivaient dans des milieux de classes moyennes où subsistaient un tissu social et des grand-parents garants de certaines « valeurs ». Les ado actuels sont victimes de la double peine : d'un côté leur environnement familial n'est pas toujours porteur (parents post 68 et grand-parents 68ards) et de l'autre le numérique les coupe de leur environnement familial. Ils ne peuvent donc connaître rien d'autre que l'horizontalité et le relativisme car aussi bien leur famille que le numérique les maintiennent dans cet univers de pensée. Ainsi, une observation fine des collégiens actuels permet de se rendre compte que le collégien (et le lycéen) ne cherchent pas la distinction mais l'uniformisation. Alors que des années 50 aux années 90, toutes les générations ont connu leurs lots de rebelles (des teddy boys aux neo-metalleux en passant par les mods, les rappeurs, les punks, les skins, etc...) la plupart des ados aujourd'hui ne cherchent pas à appartenir à des tribus de ce type mais tout au contraire cherchent des référentiels qu'ils n'ont pas. Ainsi s'explique le succès de l'islam dit « radical » chez les jeunes issus de l'immigration dont les revendications ne passent plus par le rap contestataire et une culture gauchisante (de type I AM ou Zebda...) mais plutôt par le rap ultra-violent mêlé à l'islamisme. C'est donc sans grand étonnement qu'on constate la porosité entre le grand banditisme et le jihadisme, elle existe aussi chez les plus jeunes entre petite délinquance et revendication identitaire.

Ce que nous avons à proposer à nos jeunes, autant sur le plan professionnel que des valeurs, est donc bien plus important que la structure même du collège qui n'est qu'un outil pour atteindre un ou plusieurs objectifs.

Ici on se heurte alors à la conception de l'enseignement. Celui-ci a-t-il pour objet de former de futurs employés ou bien de permettre l'acquisition d'un socle culturel commun ? Sans opposer les deux, c'est un débat de fond que ne tranche pas le débat sur le collège unique si celui-ci est mal posé. Mais cela nous donne une piste. Jusqu'à preuve du contraire, les partisans de la suppression du collège unique perçoivent l'école essentiellement comme un lieu de formation. Mais ils font fausse route, car les systèmes éducatifs ont toujours peu ou prou pour mission de faire adhérer les enfants aux valeurs de la communauté. On en revient donc à cette question des valeurs. L'hystérisation autour des « valeurs républicaines » vient bel et bien de ce constat. Et si nous sommes attachés à la liberté éducative (cf. ici) nous ne sommes pas dupes : quelle société peut tolérer qu'au nom des « libertés » certains prônent des valeurs rigoureusement inverses ? Les libéraux naviguent eux aussi en plein relativisme en défendant la liberté éducative sans condition et la fin du collège unique pour des motifs économiques : cela ne peut conduire qu'à toujours plus d'atomisation sociale là où l’école républicaine s'essaye bon an mal an de maintenir ce qui peut encore subsister de « société ». Ils font une nouvelle fois fausse route : non seulement l'organisation de l'éducation d'un Etat / d'une société / d'une communauté doit être a minima déterminée par des objectifs économiques, mais elle doit également être réfléchie pour des objectifs de cohésion sociale reposant sur des valeurs et des principes partagés.

Si on ne peut pas résumer ce sujet à un marronnier en raison de son importance, il n'en demeure pas moins souvent traité de façon démagogique par des individus qui soit n'y connaissent rien, soit ne sont pas honnêtes quant à leurs objectifs.

Jean / C.N.C

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

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* Le rapport aux idées et valeurs

Pour ces deux auteurs, les termes employés ne sont aucunement péjoratifs.

Il s’agit du septième rapport en pleine mutation, qui transforme la nature des engagements de l’individu hypermoderne. À présent, les individus sont particulièrement critiques et réflexifs. Critiques, parce que leurs jugements de valeur reposent sur un raisonnement qui se réclame de la démonstration scientifique (de plus en plus de personnes ont le baccalauréat, font des mathématiques, des sciences dites « dures » ou humaines…). Ils réclament le droit de critique et de proposition à l’égard de toutes les normes en vigueur. Réflexifs, parce que les individus s’interrogent sans cesse et fonctionnent par tests, essais, erreurs. Ils se donnent les moyens d’une distance d’avec eux-mêmes. C’est la « prise de tête », comme disent les élèves et étudiants. Ils sont avant tout en quête de « sens », comme en témoigne la fortune du mot. Avant, ils recevaient le sens des religions et des idéologies ; aujourd’hui, ils les mettent à l’épreuve. L’encadrement communautaire laisse place au tâtonnement individuel qui prend deux formes principales : celle d’un « bricolage » au sens de Claude Lévi-Strauss et d’un « braconnage » au sens de Michel de Certeau.

C’est en effet le règne du « bricolage » des valeurs. Dans son œuvre La Pensée sauvage, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss met en lumière la notion de « bricolage intellectuel » pour spécifier la façon dont, dans les « sociétés premières », on s’exprime par « un mouvement incident » « avec les moyens du bord », avec ce que l’on a « sous la main », c’est-à-dire « un ensemble à chaque instant fini d’outils ou de matériaux, hétéroclite ». Le résultat en est contingent et n’est pas définissable par un projet ; le bricolage se fait « avec les résidus de constructions et de destructions antérieures » (Lévi-Strauss, 1962, pp. 31-32). Cela s’applique à nos contemporains quand il s’agit de leur recherche de valeurs.

Il existe également un « braconnage » des valeurs. Pour Michel de Certeau, le « braconnage » est une pratique culturelle qui consiste à « voyager », « circuler sur les terres d’autrui » et « ravir les biens d’autrui » en toute impunité. C’est ne pas avoir de lieu, « ne pas être ici ou là, l’un ou l’autre, ni l’un ni l’autre, à fois dedans et dehors, perdant l’un et l’autre en les mêlant », associant des éléments épars dont on est « l’éveilleur et l’hôte » mais jamais « le propriétaire » (de Certeau, 1990, p. 251). Le braconnier « esquive la loi du milieu social » et déroute, « fugue », pille et invente au gré de son bon vouloir, « ruse » et « joue » avec différents éléments et contenus culturels (ibid., pp. 252-253). Les individus braconnent ainsi leurs valeurs. Dès lors, l’engagement n’est plus de l’ordre de l’évidence communautaire, il est vécu comme une mise à l’épreuve des idées et des valeurs de chacun.

Ce « braconnage » ou ce « bricolage » des valeurs est souvent interprété – lorsqu’il s’agit des plus jeunes générations – comme une perte de valeurs. Combien de fois entendons-nous que « les jeunes n’ont plus de valeurs », que « les jeunes n’ont plus de repères »… De fait, le diagnostic est très mal posé. En effet, il n’y a aucune perte des valeurs ou des repères. D’un point de vue sociologique, c’est exactement l’inverse qui se produit dans les sociétés occidentales. Jamais des générations n’ont eu accès à une telle palette des valeurs. Avec Internet, les groupes de pairs, la multiplication des réseaux et des connexions dans un monde globalisé… tout devient possible, car accessible. À l’heure de la remise en cause des religions institutionnalisées, des idéologies et des grands récits qui ont fait l’identité des générations antérieures, notre société connaît par contraste une effervescence axiologique, c’est-à-dire une prolifération des valeurs, une ébullition des références, celles-ci pouvant être contradictoires et déconcertantes. Dans le cadre de ce brouillage des balises de sens, l’enjeu pour les adolescents mais aussi pour les jeunes adultes est alors de hiérarchiser, de faire le tri dans le charivari des valeurs. Le problème majeur en effet n’est pas celui de la perte ou de la fin des valeurs, mais bien celui de leur profusion et de leur hiérarchisation. »

Source : Olivier Bobineau, La troisième modernité, ou « l'individualisme confinitaire », https://sociologies.revues.org

 

mercredi, 08 juin 2016

Lettre ouverte de Claire Polin, Président de SOS Education

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Plus bas... Toujours plus bas...

Lettre ouverte de Claire Polin, Président de SOS Education

Ex: http://www.leblancetlenoir.com

Chère amie, cher ami,


10701855_300x300.jpgJe viens de passer la journée avec une équipe de jeunes professeurs membres de SOS Éducation à examiner les nouveaux manuels scolaires que les éditeurs envoient à tour de bras aux établissements pour répondre à la réforme des programmes scolaires.

C'est l'horreur. Je crois que jamais, au grand jamais, je n'avais vu une telle salade pédagogiste et des propositions d'exercices aussi consternantes.

Songez qu'on propose désormais aux élèves, en français, d'écrire du rap ou de répondre à des SMS de rupture : ‘’Cc c mwa, jcroi kon devré fer 1 brek’’. On leur demande en mathématique de compter des smileys et des "émoticônes". En physique, on les invite à s'intéresser à l'intensité du courant qui a électrocuté Claude François dans sa baignoire. Etc., etc.

La subversion idéologique est bien sûr partout sournoisement diffusée : ainsi, un manuel de 4ème propose un exercice de rédaction invitant à critiquer son enseignant en "contournant [sa] censure"... que recherche-t-on ainsi, sinon saper l'autorité et le prestige des professeurs ?

Les funestes "EPI" (Enseignements Pratiques Interdiciplinaires) ont fait leur apparition dans la quasi-totalité des ouvrages que j'ai parcourus. On y mélange tout et n'importe quoi, la progression est complètement atomisée, déstructurée... franchement, je plaignais de tout mon cœur ces jeunes enseignants qui se demandaient comment il allaient bien pouvoir faire cours avec ces manuels !

Mais le pire, c'est en histoire-géographie.

Comme on pouvait s'y attendre, la plupart des nouveaux manuels font quasiment l'impasse sur les pages glorieuses de l'histoire de France, pour s'attarder des chapitres entiers sur la culpabilisation mémorielle et la repentance. Pour eux, c'est simple : l'histoire de France, c'est l'esclavagisme au XVIIIème siècle, la colonisation au XIXème, et la collaboration au XXème.

Dans mon vieux Manuel Malet et Isaac, Louis XIV avait droit à presque 100 pages. Maintenant il n'en a plus que... 4 ! Et cela pour expliquer qu'il a ruiné le royaume !

Et certains éditeurs vont jusqu'à faire l'apologie de la ministre Najat Vallaud-Belkacem et de sa réforme du collège, en reproduisant la Une du quotidien socialiste Libération !

Heureusement, il y a quand même quelques bonnes surprises. Le manuel Terre des Lettres, par exemple, qui en français conserve un bon niveau d'exigence sans sacrifier à la mode du tout-pédago. Et en histoire, il y a bien sûr... le Nouveau Manuel d'Histoire publié par la Fondation Aristote avec La Martinière, et coordonné par l'historien Dimitri Casali, avec une belle préface d'un ancien ministre de l'éducation.

Ce manuel d'histoire qui couvre tout le niveau cycle 4 (5ème-4ème-3ème) est vraiment une bouée de sauvetage lancée aux professeurs en perdition dans la réforme du collège. Il présente une approche chronologique, qui tient compte du programme, mais qui complète aussi ses lacunes. Les illustrations sont splendides, les textes bien écrits, et surtout équilibrés dans leur perspective sur les événements historiques. Je viens de découvrir qu'un spécimen est intégralement consultable en ligne, et je vous invite vraiment à prendre le temps de le parcourir en cliquant sur cette image :

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Comme vous le voyez, dans ce manuel, pas d'approche thématique éclatée, pas d'EPI, pas de jugements anachroniques sur les pages sombres du passé : mais des leçons solides, une maquette claire, et quelques exercices ludiques pour intéresser les élèves.

Si vous connaissez des professeurs d'histoire, il faut absolument leur faire connaître cet ouvrage ! Transférez-leur ce message sans plus attendre.

Une jeune enseignante enthousiasmée par cet ouvrage m'a confié : "Je crois que ce manuel d'histoire va devenir le symbole de la résistance à la réforme du collège..."

Si vous partagez cet avis, n'hésitez pas à transférer ce mail !

Avec toutes mes meilleures pensées,

Claire Polin
Présidente de SOS Éducation


PS. : Nous avons reçu, à SOS Éducation, plusieurs dons de personnes généreuses qui souhaitaient apporter leur soutien à ce Nouveau Manuel d'Histoire ; je tiens à préciser que nous n'en sommes pas les auteurs ! Nous avons transmis ces dons à la Fondation Aristote, qui nous a précisé que son seul objectif est de diffuser ce manuel explicite et fédérateur au plus grand nombre d'élèves. Si vous souhaitez vraiment les aider, faites connaître leur travail à tous vos amis en transférant ce mail et en copiant ce lien sur vos réseaux : fr.calameo.com/read/0048146550d5fdab964a4

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jeudi, 19 mai 2016

Education: vers une révolution numérique?

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Education: vers une révolution numérique?

Stevan Miljevic
Enseignant
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

Ordinateurs, téléphones portables ou autres tablettes sont régulièrement pressentis pour faire une entrée en force dans les salles de classe. L’avenir de l’enseignement résiderait dans les nouvelles technologies. Dans cette optique, l’ère du tableau noir et du papier serait révolue, et peut-être même celle du maître qui enseigne. Place au progrès. Place à la révolution technique.

Tout le monde n’adhère toutefois pas à ces conceptions naïves. Certes, les progrès techniques ouvrent de belles perspectives, mais sont-elles réellement à la hauteur des espérances engendrées ? Les nouvelles technologies sont-elles vraiment la solution miracle pour favoriser les apprentissages de nos élèves? Au vu des coûts qu’engendrerait une telle évolution, la moindre des choses est de prendre le temps de la réflexion, de peser les pours et les contres.

Un outil d’une efficacité moyenne

Dans sa méga-analyse, John Hattie s’est penché sur plus de 80 méta-analyses traitant de la question. Pour donner un ordre de grandeur, cela équivaut à des expérimentations menées sur plus de 4 millions d’élèves! L’enseignement assisté par ordinateur se voit gratifié d’un effet d’ampleur moyen de 0.45[1]  alors que la moyenne séparant ce qui est réellement efficace de ce qui ne l’est que peu se situe à 0.40. Autrement dit, l’apport moyen des nouvelles technologies est concluant sans toutefois pouvoir être considéré comme la panacée en matière éducative.

Devant l’immense palette de possibilités offertes par la technologie, Hattie précise que certaines pratiques basées sur l’usage des ordinateurs sont en fait très efficaces alors que d’autres ne le sont pas du tout. Autrement dit, il n’y a aucun dogmatisme à avoir, c’est ce que vous faites avec l’ordinateur qui va déterminer si oui ou non son utilisation se justifie. Et de développer un peu sa pensée en signalant que l’impact obtenu est bien plus grand lorsque l’ordinateur est là pour compléter un enseignement traditionnel plutôt que pour le remplacer. A titre d’exemple, lorsqu’on utilise l’ordinateur pour prolonger les périodes de pratiques d’apprentissage, l’effet est positif. Il en va de même si l’élève se sert de tutoriels afin de combler certaines lacunes. De même, l’ordinateur peut fournir des feedbacks très adaptés aux élèves afin que ceux-ci révisent leurs performances. Cela dit, le nombre de tâches auxquelles il peut répondre de manière adaptée reste malgré tout assez restreint, sur des sujets bien précis et ne concerne que des questions fermées.

Hattie précise encore qu'à ce jour, rien ne permet d’avancer que les progrès de la technologie fassent augmenter l’effet moyen obtenu en enseignant à l’aide d’ordinateurs[2]. Enfin, il ajoute que l’effet obtenu grâce aux ordinateurs est également fortement dépendant du niveau de maîtrise qu’a l’enseignant de l'outil [3].

Internet n’aide pas vraiment à apprendre

L’ordinateur peut donc s’avérer un remarquable assistant. En revanche, l’utilisation d’internet pour apprendre prend la forme d’une fausse bonne idée. Olson et Wisher qui y ont consacré une attention particulière, notent que les effets obtenus par ce biais sont en général les plus bas qu’on puisse obtenir dans toute la gamme des interventions éducatives basées sur l’ordinateur. Hattie ne dit du reste pas autre chose puisqu’il mesure pour cette pratique un effet d’ampleur de 0.18, soit un des plus faibles qui soit.[4]

Nicholas Carr nous en donne une bonne explication. Il fait remarquer que des dizaines d’études arrivent à la conclusion que lorsque nous nous connectons sur internet, nous entrons dans un environnement favorisant la lecture en diagonale, la pensée hâtive et distraite et l’apprentissage superficiel[5].

Amadieu et Tricot approfondissent la question: certaines caractéristiques des documents numériques telles que la richesse des formats d’information (animations, vidéos, images, textes…), les fonctions de navigation et d’interaction dans les documents (moteur de recherches, liens hypertextes…) ainsi que l’étendue des informations (liens vers d’autres documents) peuvent effectivement favoriser des modes de lecture en diagonale ou par scan du texte : le lecteur survole le texte à la recherche de mots clés ou d’informations précises au lieu de lire le tout dans son intégralité.[6] Une des conséquences en est qu’il passe largement à côté d’informations dont il n’a pas conscience de l’importance.

Dans le même ordre d’idée, les études menées sur les employés de bureau démontrent que ceux-ci font de fréquents aller-retour avec leur boite e-mails, allant jusqu’à plus de 40 fois par jour consulté celle-ci. Les réseaux sociaux disponibles ainsi que l’ensemble des ressources consultables en ligne vont dans le même sens, à savoir que le travail en cours est fréquemment interrompu avant d’être repris. Cognitivement, ces arrêts suivis du redéploiement de la pensée ont un coût cognitif potentiellement élevé. Si donc les ressources limitées de la mémoire à court terme sont sollicitées de la sorte, le niveau de compréhension et donc d’apprentissage s’en trouve affecté.[7]

Une étude menée récemment par le prestigieux M.I.T. vient confirmer ces soupçons : les étudiants disposant de moyens pour surfer sur internet durant les cours réussissent moins bien leurs examens que les autres. Ils sont régulièrement distraits et leurs performances s’en ressentent de manière critique. A tel point d’ailleurs que les chercheurs impliqués suggèrent que bannir les nouvelles technologies des salles de classe équivaut à bonifier l’enseignement dispensé ![8] Si donc même les étudiants d’une si prestigieuse école se font avoir, qu’est ce qui va se passe avec des enfants ou des adolescents ?

La multitude de possibilités offertes par internet n’est cependant pas la seule explication aux déficiences d’apprentissage résultant de l’utilisation du net comme moyen d’enseignement. A chaque fois qu’un lecteur rencontre un lien hypertexte, son cerveau doit traiter la question « faut-il cliquer dessus ou non ? » Cette évaluation, ainsi que la navigation éventuelle entre les différents liens, la construction du sens au travers de multiples documents impliquent des résolutions de problème mentalement exigeantes et sans rapport avec la lecture proprement dite. La charge cognitive s’exerçant sur la mémoire de travail est ainsi considérablement alourdie, l’aptitude du lecteur à comprendre et retenir ce qu’il lit diminue.[9] Amadieu et Tricot font aussi remarquer que le manque d’organisation des documents numériques implique aussi un alourdissement de la charge qui s’exerce sur l’esprit de l’élève. Alors qu’un manuel scolaire classique est généralement organisé à l’aide d’une table de matières, de chapitres, de titres, sous-titres, d’un index etc, sur internet on passe d’un document à l’autre par le biais de connexions entre des contenus complètement indépendants les uns des autres et donc sans aucune organisation.[10]

fotolia_68681662_xs.jpgQuel est l’impact du numérique sur nos capacités ?

Tout le monde s’accorde à dire que la lecture sur écran est plus fatigante que la lecture papier. En revanche, il n’existe aucun consensus au sujet d’un éventuel impact de l’utilisation intensive des nouvelles technologies sur le fonctionnement du cerveau. La plasticité de celui-ci laisse à penser que cela pourrait impacter notre manière de traiter les informations. Mais sans certitude. Une telle évolution est vue par certains avec enthousiasme alors que pour d’autres, il s’agit d’une catastrophe sans précédent. Mais l’état actuel des connaissances scientifiques sur la question ne permet pas de lever ces incertitudes. Voilà un domaine sur lequel il est urgent de se pencher. Certains chercheurs se sont d’ailleurs déjà mis au travail et trois études menées à l’université de Waterloo analysant le rapport entre le taux d’utilisation des smartphones et les performances cognitives viennent d’être publiées. Elles font état d’une corrélation entre l’intensité de l’usage du smartphone et des lenteurs cognitives. La question de savoir si la faiblesse cognitive est à l’origine de l’usage intensif du smartphone ou s’il s’agit de l’inverse n’est toutefois pas encore tranchée.[11] Cela dit, mon expérience d’enseignant a tendance à me faire penser que, généralement, ce ne sont pas les gens avec les plus grandes difficultés qui cherchent le plus d’aide…

Mais encore…

En 1913, Thomas Edison disait que « les livres seront bientôt obsolètes dans les écoles. Les élèves recevront un enseignement visuel. Il est possible d’enseigner tous les domaines de la connaissance humaine par le cinéma. Notre système scolaire va complètement changer d’ici à dix ans. »[12] Avec le recul d’une bonne centaine d’années, on se rend compte qu’Edison avait tort sur toute la ligne. Certes, les enseignants se servent de vidéos pour renforcer leurs pratiques mais la révolution technologique du cinéma ni même la télévision n’ont jamais radicalement bousculé les pratiques enseignantes. Il se pourrait bien que l’ordinateur et, plus généralement, les nouvelles technologies, ne fassent pas exception. C’est en tout cas ce que laissent présager les études menées à ce jour.

Les férus de nouvelles technologies vont donc rester encore un moment sur leur faim. Car même pour motiver les élèves, elles n’atteignent pas les sommets escomptés. La raison en est simple : C’est l’objectif de son utilisation qui peut faire vibrer et non le média lui-même. Un jeune ne s’enthousiasme pas stupidement devant un portable s’il ne peut l’utiliser que pour appeler ses parents. Si l’intérêt existe bien évidemment, il doit être modéré : une étude menée en 2011 sur les attentes des jeunes a démontré que les étudiants préfèrent que l’usage des nouvelles technologies dans les cours soit modéré et pas intensif.[13]

C’est autant plus vrai que l’utilisation de ces outils numériques que peut même diminuer son attention en faisant vagabonder son esprit. Par exemple, l’utilisation du smartphone en classe peut faire penser une élève au sms/whatsapp qu’elle n’a pas reçu le matin même, ce qui lui rappellera qu’elle doit changer sa photo de profil facebook, ce qui lui fera penser au bouton qu’elle a sur le nez etc. Au final, elle est alors à des années-lumière de ce qui se passe autour d’elle. Il en est d’ailleurs de même pour toute tentative visant à adapter les enseignements aux intérêts des élèves.[14]

Exit donc les twictées et autres dispositifs farfelus. Si on veut utiliser sérieusement les nouvelles technologies dans une salle de classe, il faut éviter de se demander comment on peut les intégrer dans un cours, mais bien plutôt s’interroger sur la plus-value que celles-ci peuvent apporter à l’enseignement. Et si effectivement un bénéfice se dégage, alors là la technologie prendra la place qui lui est due.

Stevan Miljevic,

le 17 mai 2016 pour contrereforme.wordpress.com et lesobservateurs.ch

[1] http://visible-learning.org/hattie-ranking-influences-effect-sizes-learning-achievement/

[2] John Hattie « Visible Learning, A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement », Routledge, NY, 2009, p.221

[3] John Hattie and Gregory Yates « Visible Learning and the science of how we learn », Routledge, NY, 2014, p.198-199

[4] John Hattie « Visible Learning, A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement », Routledge, NY, 2009, p.227

[5] Nicholas Carr « Internet rend-il bête ? », Robert Laffont, Paris, 2011, p.168

[6] Amadieu et Tricot « Apprendre avec le numérique, mythes et réalités », Retz, Paris, 2014, p.71

[7] Ibid p.189 une des études en question : Renaud, Ramsay & Hair « You’ve got Email ! Shall I deal with it now ? » International Journal of Human Computer Interactions, 21, n.3, 2006, p.313-332

[8] http://www.theguardian.com/education/2016/may/11/students... consulté le 14 mai 2016

[9] Nicholas Carr « Internet rend-il bête ? », Robert Laffont, Paris, 2011, p.182. Des exemples d’études menées à ce sujet et référencées par Nicholas Carr : Miall & Dobson « Reading Hypertext and the Experience of Literature », Journal of Digital Information, 2, n.1, 13 août 2001, Niederhauser, Reynolds et al. « The influence of Cognitive Load on Learning from Hypertext », Journal of Educational Computing Research, 23, n.3, 2000, .237-255 et Zhu « Hypermedia Interface Design : The Effects of Number of Links and Granularity of Nodes », Journal of Educational Multimedia and Hypermedia, 8, N.3,1999 p.331-358

[10] Amadieu et Tricot « Apprendre avec le numérique, mythes et réalités », Retz, Paris, 2014, p.73

[11] http://www.danielwillingham.com/daniel-willingham-science-and-education-blog/the-brain-in-your-pocket

[12] Amadieu et Tricot « Apprendre avec le numérique, mythes et réalités », Retz, Paris, 2014, p.4

[13] De Bruyckere, Kirschner, Hulshof « Urban Myths about Learning and Education », Academic Press, London, 2015 p.136 L’étude dont il est question est Jones & Shao « The net generation and digital natives : implication for higher education », York : Higher Education Academy, 2011

[14] Willingham « Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école », La Librairie des Ecoles, Paris, 2010, p.64

mercredi, 18 mai 2016

Éducation nationale: licencier les idéologues, une réforme à mener de toute urgence

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Éducation nationale: licencier les idéologues, une réforme à mener de toute urgence

Entretien avec Jean-Paul Brighelli

Propos recueillis par Eléonore de Vulpillières

Ex: http://www.lefigaro.fr

FIGAROVOX/ENTRETIEN - François Hollande et ses ministres de l'Education nationale successifs ont organisé les assises de la refondation de l'école.

Pour Jean-Paul Brighelli, les réformes défendues par le gouvernement prônent un égalitarisme qui tue nos élites et accentue les inégalités.


Jean-Paul Brighelli est enseignant à Marseille et essayiste. Spécialiste des questions d'éducation, il est ancien élève de l'Ecole normale supérieure de Saint- Cloud, et a enseigné les lettres modernes en lycée et à l'université. Il est l'auteur de La fabrique du crétin (2005, Jean-Claude Gawsewitch éditeur).

Son dernier livre, Voltaire ou le Jihad, le suicide de la culture occidentale, vient de paraître aux éditions de l'Archipel.


LE FIGARO. - François Hollande et ses trois ministres de l'Education nationale successifs - Vincent Peillon, Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem - se réunissent les 2 et 3 mai pour les assises de la refondation de l'école au Palais Brongniart. Exercice utile ou opération de communication?

Jean-Paul BRIGHELLI. - Votre question contient la réponse. Les enseignants ont encore trouvé la force, en 2012, de voter majoritairement à gauche — encore que leur vote du second tour n'ait pas débordé d'enthousiasme. C'est un fonds de commerce que la Gauche aime réactiver de temps en temps — de la même manière qu'un partenaire infidèle, après une nuit de fredaines, vous assure ses grands dieux qu'il vous aime toujours, en caressant vos cornes. Mes collègues qui ont voté Hollande en 2012 jurent leurs grands dieux qu'on ne les y reprendra plus — et vu l'incohérence de certaines propositions de l'opposition, ils se demandent à nouveau s'ils ne vont pas replonger. Même si Mme Vallaud-Belkacem a été jusqu'ici le meilleur agent électoral de tout ce qui ressemble à une opposition au gouvernement au sein du corps enseignant — et des parents, qui peu à peu prennent conscience du mauvais tour joué à leur progéniture.

Que penser de la réécriture des programmes - du primaire à la 3ème? Était-elle utile?

La réécriture des programmes était certainement indispensable aux idéologues qui se sont emparé du ministère de l'Education depuis la fin des années 1960. Je dis «idéologues» dans le sens que Hanna Arendt donne au terme, qualifiant ainsi ceux qui ont perdu tout contact avec la réalité, qu'ils remplacent par une fantasmagorie issue de leurs certitudes, mais certainement pas du réel. Les élèves étaient au bord du gouffre: ces programmes, conformes en tous points à l'idéologie européenne des «compétences» (qui fait bon marché des savoirs réels, encore plus des cultures et des langues nationales) leur permet de faire un grand bond en avant.

Il faut que l'opposition (quelle qu'elle soit) comprenne bien qu'il est essentiel de dire que l'une de ses premières mesures, en matière d'éducation, sera de réécrire complètement les programmes, et de jeter à la poubelle des manuels serviles, bourrés d'erreurs, qui seront devenus obsolètes. Essentiel. Comme il est essentiel de promettre — au moins promettre! — de revenir sur la réforme du collège et sur celle du lycée, lancée par Luc Chatel, dont les résultats si sont absolument catastrophiques que le ministère refuse obstinément d'en publier l'évaluation. Et, enfin, de rompre avec la logique des «compétences», imposée par le cadre européen et le Protocole de Lisbonne, qui a des effets pervers sur toute la chaîne de transmission. À ce jour, il n'y a que Nicolas Dupont-Aignan qui ait pris ce type d'engagement.

Trois ans après la publication du décret sur les rythmes scolaires, ceux-ci ont-ils démontré leur efficacité?

Tout le monde sait que l'imposition des rythmes scolaires a créé des difficultés sans nombre à une foule de petites communes aux moyens limités. C'est une réforme imposée par des Parisiens fortunés à une France périphérique exsangue. Ce n'est pas d'activités ludiques que les enfants ont besoin: c'est de cours de Français, de Maths, d'Histoire et de Sciences. De Français surtout — la langue est aujourd'hui dans un état alarmant.

Plutôt que de rajouter des charges aux communes, nous devons à très court terme rajouter des heures de cours perdues — plus de 600 rien qu'en français en vingt ans au collège. Si tant d'enfants (18% officiellement!) arrivent en Sixième sans maîtriser les fondamentaux, à commencer par le lire et l'écrire, c'est que quelque chose s'est détraqué à l'école primaire, quels que soient les efforts des instituteurs. Programmes et emplois du temps sont à revoir de fond en comble.

Et ce n'est pas en imposant une logique curriculaire (par cycles de trois ans) que l'on cachera la déroute de l'enseignement français. Ce sont des jeux de cape dans la grande corrida électorale.

La réforme du collège est contestée, aussi bien par les enseignants que par les parents d'élèves. Comment le gouvernement peut-il s'y prendre pour la défendre?

La réforme est indéfendable. Sous prétexte de favoriser cet égalitarisme qui tue nos élites, quand elle ne les encourage pas à aller voir ailleurs, elle accentue les inégalités, avec pour seule justification de faire quelques économies d'horaires méprisables. En encourageant par ailleurs les établissements privés à maintenir leur offre aux frais des parents, elle installe une école à deux vitesses qui fera le lit des insatisfactions futures. Et il est essentiel, je le répète, qu'une opposition consciente (l'est-elle?) assure qu'elle repensera de fond en comble cette réforme, qui est par ailleurs nécessaire, en s'adressant aux acteurs de terrain, aux praticiens, et non à des «experts» auto-proclamés.

Par ailleurs, ce n'est pas en expulsant manu militari trois responsables du SNALC de ses grandioses Assises de la refondation que le gouvernement, qui refuse obstinément depuis des mois de recevoir les syndicats opposés à la réforme, qui représentent 80% des enseignants, que le gouvernement parviendra à faire croire qu'il n'est pas assis sur des certitudes idéologiques qui n'ont rien à voir avec le réel. Ni en refusant avec la dernière énergie, comme le fait Mme Vallaud-Belkacem, de participer à un débat avec l'un ou l'autre des opposants à la réforme, qui aurait enfin l'opportunité de dire quelques vérités dans le flot de mensonges du ministre.

La prime de 800 euros accordée aux professeurs des écoles (en maternelle et en primaire) est-elle une initiative louable? Faut-il y voir une décision électoraliste?

800 euros, divisé par 12 mois… Après tout, Judas a bien trahi le Christ pour trente deniers. S'il se trouve des enseignants, qui devraient être singulièrement échaudés par quatre ans de gabegie et d'errements pédagogiques, encore aptes à voter PS l'année prochaine, ils ne vaudront pas mieux que Judas. Sauf que ce sont nos enfants qui sont crucifiés, en ce moment.

Qu'on me comprenne bien: ce n'est pas de primes ponctuelles que les enseignants ont besoin. C'est d'une revalorisation conséquente, après six années de stagnation salariale. C'est surtout vrai dans les salaires de départ: on n'attire pas les mouches avec du vinaigre, ni des étudiants doués avec 1560 € après cinq ou six ans d'études.

Quant à la promesse faite par Les Républicains d'augmenter les enseignants (sans que le montant de cette augmentation soit chiffré) en échange d'une augmentation de 20% de leur charge de travail, je suggère à tous ceux qui l'approuvent de venir faire classe une semaine —18 heures de cours en moyenne, préparations et corrections en sus, soit 39 heures selon les calculs d'un ministère qui n'aime guère les enseignants — dans un établissement lambda, pas même difficile. Et puis on en reparlera.

mardi, 10 mai 2016

Ces manuels scolaires qui accentuent la grande déculturation

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Ces manuels scolaires qui accentuent la grande déculturation

Les nouveaux manuels scolaires sont proprement sidérants.

 
Juriste
 
SG du Collectif Culture, Libertés et Création
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr 
 
Les nouveaux manuels scolaires sont proprement sidérants. En me promenant sur la Toile, j’ai découvert quelques extraits de ces ouvrages qui servent à instruire nos enfants. Propagande pro-immigration massive, œuvres mal écrites, « revues de presse » orientées… Est-ce ainsi que Najat Vallaud-Belkacem, actuel ministre de l’Education nationale, entend faire des jeunes esprits les citoyens « conscients » de demain ? Ou est-ce ainsi que le ministère rééduque des esprits qui ne sont pas encore formés ? Je penche pour la deuxième solution.

colibriagecouv_460786.jpgCitons en exemple les manuels de sixième et de cinquième de la collection Colibris, éditée par les Éditions Hatier pour l’enseignement du français. Dans la catégorie « expression orale », les élèves étudieront une chanson de l’artiste belge Stromae, adaptation de Carmen dont je me permets de vous livrer quelques extraits : « Prends garde à toi/Et à tous ceux qui vous like/Les sourires en plastique sont souvent des coups d’hashtags. » Il y a pire, certes. Mais s’agit-il vraiment d’un texte qui mérite d’être étudié en classe, sachant, en outre, que la majorité des élèves écoutent ce chanteur à la maison ? Non. Rajoutons que la chanson est truffée de mots d’anglais, ce qui (vous en conviendrez) est assez étrange pour un cours censé traiter de la langue de Molière.

Autres œuvres d’envergure évoquées dans ces manuels : Le Ventre de l’Atlantique, de Fatou Diome, L’Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa, de Romain Puértolas ou bien encore Faire l’amour, de Mikaël Ollivier (issu du recueil Des filles et des garçons, de Thierry Magnier, en partenariat avec le collectif Ni putes ni soumises). Les extraits des deux premiers romans mentionnés racontent des histoires de personnes venues en France, immigrés illégaux présentés de façon positive, voire sous les traits de victimes. L’objectif paraît évident : convaincre les enfants du bien-fondé de l’immigration de masse pour qui aurait un cœur. Que les ouvrages soient mineurs et assez mal écrits doit indifférer les « pédagogues ».

olli99990H.jpgFaire l’amour relate un dialogue entre des « jeunes », Tommy et Leïla. Nous sommes loin de la grande littérature quand Tommy, gêné et enamouré de Leïla, déclare : « J’te trouve… Enfin, je t’trouve bonne, quoi ! » Les élèves sont si méprisés par le ministère qu’on leur donne à lire des textes d’une abyssale vacuité. Pourtant, je suis convaincu que les plus modestes auraient tout à gagner à lire de vrais textes et, mieux, qu’ils apprécieraient de les lire si on savait les leur expliquer correctement.

Parmi les exercices proposés, les collégiens sont aussi invités à imaginer l’histoire d’amour de Karim et Léa à travers les âges, « dans l’Antiquité, sous Louis XIV et en l’an 3000 ». No comment. Au moins, les professeurs ne doivent pas s’ennuyer en lisant les copies !

Moins amusants, les désormais fameux exercices de « décryptage des médias ». La revue de presse sur les « migrants » propose un petit jeu des sept erreurs entre deux couvertures, l’une de Valeurs actuelles, l’autre de Télérama. Bien évidemment, tout est fait pour que les collégiens s’indignent du manque d’humanité de Valeurs actuelles. Excusez du peu, même Boulevard Voltaire est cité (preuve que nous sommes lus en haut lieu ?) ! Probablement pas pour être vanté comme étant un des seuls médias libres, n’appartenant ni à l’État, ni à une grande fortune…

 

jeudi, 28 avril 2016

Wanneer elk kind een ‘probleem’ wordt

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Door: Johan Sanctorum

Ex: http://www.doorbraak.be

Wanneer elk kind een ‘probleem’ wordt

Lijdt het onderwijs aan een zorg-obsessie door overmatige feminisering?

Momenteel piekert Hilde Crevits, Vlaams minister van Onderwijs (en voor alle duidelijkheid naar mijn mening een bekwame politica) zich suf over het feit dat zgn. onhandelbare kinderen wel eens van school worden gestuurd. Crevits introduceerde ook het M-decreet dat zoveel mogelijk kinderen met een (mentale) beperking in het gewoon onderwijs wil, en ziet een actievere rol weggelegd voor de CLB’s (Centra voor Leerlingenbegeleiding).

‘Zorg’ is het nieuwe sleutelwoord, ‘inclusief onderwijs’ het motto. Elk kind is uniek, zo heet het, en een klas moet vooral de diversiteit van de samenleving weerspiegelen.

Pamperlogica

Dat klinkt allemaal prachtig, maar daarmee zadelt mevrouw Crevits het onderwijzend personeel ook op met een enorme opdracht: elke leerkracht moet zich als therapeut opwerpen, tegenover een groep van kinderen die allemaal wel ‘een probleem’ hebben: te stil, te luidruchtig, te slim, te dom, overgevoelig, ondergevoelig, te sociaal, niet sociaal genoeg. De leerstof zelf komt op het tweede plan (vandaag kan een twaalfjarige nog geen zin ontleden of een degelijk opstel schrijven), er moet vooral geremedieerd worden, mede met behulp van een legertje zogenaamde zorgverleners die natuurlijk aan hun trekken moeten komen. De thuissituatie en de zogenaamde ‘achtergrond’ wordt een canvas waarop alle mogelijke correctiemodellen worden geprojecteerd. Overal loert de kansarmoede en elk kind is ergens wel slachtoffer. Tot overmaat van ramp heeft een bevraging uitgewezen dat een flink deel van de Vlaamse jeugd ‘met tegenzin naar school gaat’. Help!

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Ik durf dit te benoemen als een nefaste vorm van feminisering. En nu weet ik dat een aantal vrouwelijke lezers zal steigeren, het zij zo. Volgens recente tellingen is in het basisonderwijs 86 procent van de leerkrachten en directieleden vrouwelijk. In het secundaire onderwijs ligt dat cijfer lager, maar toch nog 62 procent. De tendens is al decennia aan de gang, en werd aangescherpt door diverse factoren als het antidiscriminatiediscours, het gemak voor de vrouw om een pedagogisch beroep met het huishouden te combineren, maar ook de aangroei van het aantal allochtone schoolgangers met een ‘achtergrond’ die vraagt om extra begeleiding, en ten slotte, jawel, een groot contingent loslopende psychologen die onderwijs met permanente therapie verwarren.

Met het woord ‘vervrouwelijking’ bedoel ik niet eens het percentage vrouwen dat in het onderwijs werkt, maar vooral de neiging om elke probleem te psychologiseren, te emotionaliseren, en van elk kind een probleemkind te maken. Het is dus ook een mannenkwestie: de nieuwe man is soft, empathisch, begrijpend, geduldig en, nu ja, ‘vrouwelijk’. Wie aan die normen niet beantwoordt, is al snel een ‘psychopaat’, een titel die bijvoorbeeld nu ook presidentskandidaat Donald Trump heeft meegekregen omdat hij niet ‘empathisch’ genoeg zou zijn, nogal recht voor de raap spreekt, en een lichaamstaal bezigt die niet echt eigen is aan bijeenkomsten van onze boerinnenbond.

Daarmee is de opgang van de ‘zachte waarden’ ook verbonden met het fenomeen van de politieke correctheid. Hyperdemocratie, het koesteren van minderheden en de leuze dat ‘iedereen uniek is’, tegenwoordig in elke schoolfolder te vinden, ontaardt snel in een pamperlogica die het individu steeds weer definieert vanuit een diagnose. Nieuw uitgevonden kwaaltjes zoals ‘hypersensitiviteit’ moeten een en ander medicaliseren want het kind moet een naam hebben.

Cultureel vinden we deze vertrutting terug in fenomenen als K3 en heel de Studio-100-industrie (niet toevallig heel populair bij onderwijzeressen), de cultus van de laagdrempeligheid en ‘inclusie’, missverkiezingen voor kinderen, etc.

De ouders zijn een deel van het probleem: ofwel kijken ze naar hun kinderen niet om en verwachten ze dat de school hen ‘opvangt’, ofwel, net andersom, gaan ze mee in het zorgdiscours, zien hun kind als een ‘speciaal geval’ dat speciale begeleiding nodig heeft, en stellen haast absurde eisen aan leerkrachten.

Ergens zou men bijna gaan pleiten voor een nieuwe ‘vermannelijking’ van de pedagogie, met nadruk op structuur, regelmaat, no nonsense attitude en - horresco referens - een vorm van discipline. Gewoon tafels leren en zinnen ontleden. De school is geen inrichting en de meeste kinderen zijn gewoon normaal. Gun hen dat ook, mevrouw de minister.

Johan Sanctorum is filosoof, publicist, blogger en Doorbraak-columnist.

samedi, 23 avril 2016

Pédagogie: la situation problème est le tombeau des constructivistes

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Pédagogie: la situation problème est le tombeau des constructivistes

Stevan Miljevic
Enseignant
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

A l’école des compétences, résoudre des problèmes est devenu la panacée. Par problème, on entend des situations dont le chemin menant à la solution n’est pas immédiatement disponible. Généralement, ces situations demandent, pour être résolues, de mettre en œuvre plusieurs savoirs et/ou habilités différentes.

Ces situations problèmes sont le fleuron des constructivistes et de tous ceux qui se rattachent aux pédagogies dites centrées sur l’élève. Paradoxalement, une analyse détaillée de la manière dont les scientifiques perçoivent les situations problèmes et leur mode de résolution va nous mener à quelques conclusions plutôt surprenantes.

Un peu d’histoire : le behaviorisme

Au début du 20ème siècle, les premiers théoriciens a avoir étudié la notion de problème se rattachaient au courant dit du behaviorisme. Ces gens se focalisaient sur l’idée que lorsqu’on soumettait un être à des stimuli, celui-ci adoptait un comportement nouveau en réaction à ceux-ci. Les behavioristes ne s’intéressaient pas franchement à ce qui se passait dans la tête du sujet, mais plutôt à la réaction de celui-ci face à la situation vécue.

Edward_Thorndike.jpgThorndike est un des grands penseurs du behaviorisme. Sa contribution principale à la recherche a été la conceptualisation de l’apprentissage par essai-erreur. Un exemple emblématique des recherches expérimentales menées par Thorndike est celui de la boite-problème (1911). Il s’agit d’une cage dans laquelle un chat est enfermé. La cage est dotée d’un dispositif d’ouverture que le félin doit trouver. Les observations de Thorndike l’ont amené à considérer que dans un premier temps, le comportement de l’animal dans la boite paraissait extrêmement désordonné, tentant de s’évader en passant par les barreaux, se débattant, griffant la porte… En agissant de la sorte, le chat finit tôt ou tard par actionner accidentellement le dispositif d’ouverture et par s’échapper. En répétant l’expérience, au bout d’un certain nombre d’essais plus ou moins grand, le temps que met l’animal pour sortir de la cage va se raccourcir.

Cette approche de la résolution de problèmes s’appuie sur deux idées centrales : la première est que la situation doit être motivante, sans quoi l’exploration n’aura pas lieu. Dans la conception behavioriste, la motivation n’est que le moteur déclenchant l’activité de l’individu. La seconde, elle, réside dans le renforcement, c'est-à-dire l’augmentation de l’association de la réponse à la situation. Autrement dit, la répétition des essais-erreurs de la pratique permet au chat d’augmenter sa capacité à sortir de la cage. Il apprend de ses erreurs.

L’approche gestaltiste

A la suite du courant behavioriste, une nouvelle manière de concevoir la résolution de problèmes va voir le jour : la Gestalt. Pour les gestaltistes, la solution ne peut pas venir de la répétition des essais-erreurs, mais d’un changement soudain de point de vue. Cette découverte brusque d’une organisation (Insight) permettant de comprendre la situation et donc de la résoudre ne dépend pas des tâtonnements préalables et peut survenir d’un seul coup.

gestalt0005c54g186001.jpgUne expérience menée par Koehler (1927) au sujet de l’intelligence des singes supérieurs permet d’illustrer cette approche. Koehler a enfermé un chimpanzé dans une cage et posé une banane sur le sol à l’extérieur de la cage de telle sorte que le singe ne puisse pas l’atteindre. Un bâton est également déposé dans la cage. Le singe va d’abord tenter de s’emparer de la banane avec ses bras. N’y arrivant pas, il renonce et va s’assoir dans la cage. Tout à coup, il se lève, se saisit du bâton et va l’utiliser pour déplacer la banane vers la cage afin de s’en saisir.

Il y a bien entendu un comportement nouveau dans cette situation. Mais celui-ci ne dépend pas de ses expériences ultérieures puisqu’il n’y a pas d’amélioration progressive de sa part. Ce qui va provoquer l’apparition d’un comportement mieux adapté. La relation nouvelle et soudaine que le singe a été capable de réaliser entre la banane et le bâton va lui permettre de résoudre son souci.

L’approche de la Gestalt ne contredit pas les apports du behaviorisme, elle se contente uniquement de remettre en cause leur généralité.

L’émergence du cognitivisme

La Gestalt a commencé à déplacer le regard des chercheurs des comportements vers ce qui se passe dans la tête des individus. Mais elle n’a fait qu’effleurer la question. Les gestaltistes ne voient en effet dans le changement d’attitude qu’un simple mécanisme perceptif. Dans cette optique, que la situation soit dotée en contraintes et incitations suffisamment fortes pour que se fasse la découverte est amplement suffisant.

La psychologie cognitive, elle, voit dans la résolution de problème tout un ensemble de mécanismes de résolution dont le sujet n’a pas forcément conscience. Il s’agit de les faire émerger afin de comprendre où se situent les difficultés et de trouver le moyen de les contourner.

Globalement, la résolution de problème passe par deux stades important : l’interprétation du problème et les mécanismes de résolution.

Comment interprète-t-on un problème ?

Si le problème est écrit comme c’est souvent le cas dans le cadre scolaire, la première étape réside dans la compréhension syntaxique de l’énoncé. Va s’ensuivre la construction d’une représentation de l’état initial et de l’état final demandé. Enfin, si possible, l’individu doit se représenter la procédure optimale à suivre pour passer de l’état initial à l’état final.

Les études menées aux Etats-Unis sur la compréhension des journaux démontrent que la phase de compréhension n’est pas évidente et que nombreux sont ceux qui échouent simplement parce qu’ils ne comprennent pas les documents relatifs à l’état initial de la situation. Il est alors impossible de construire des représentations réalistes. La quantité de connaissances disponibles va également influencer la précision de la construction de la représentation des états initiaux et finaux. Pour donner un exemple, un élève qui ne connait pas le verbe « retrancher » ne peut pas construire l’état final qu’on lui demande dans un intitulé du type « retranchez 5 à 13 » . Il sait peut-être soustraire mais n’arrive pas à savoir où on lui demande d’aller et donc va être incapable de choisir la procédure adéquate.

Les mécanismes de résolution

Lorsqu’il se trouve face à un problème, l’individu puise dans le répertoire de procédures qu’il a mémorisé afin d’en trouver une qui soit analogue à ce qui lui est demandé. Au pire va-t-il en sélectionner une se rapprochant du problème et tenter de la particulariser. En face d’une situation problème, on essaie toujours, consciemment ou non, de l’assimiler à une situation connue. Plus un individu a résolu d’énigmes, plus il a de cordes à son arc. C’est là une des caractéristiques qui distingue un expert d’un novice. L’expert connait beaucoup plus de mouvements possibles pour aller de l’état initial à l’état final. Par exemple, face à l’intitulé « Pierre a cinq billes. Il en a gagné à la récréation. Après, il en a 8. Combien en a-t-il gagné ? », un adulte sait qu’il lui suffit de soustraire le nombre initial du nombre final. L’enfant, qui n’a vu l’addition que dans le sens a+b=c, va comprendre que Pierre a augmenté son capital-bille mais ne dispose pas de la bonne procédure. Il va alors logiquement appliquer la seule règle qu’il connait, à savoir 5+8=13.

Si la personne ne possède pas en mémoire de problème se rapprochant de celui qu’elle doit résoudre, elle peut faire des inférences sur la base des connaissances qu’elle a en stock. Inférer consiste à ajouter une information à celles qui sont fournies afin d’interpréter la situation. Par exemple, en tentant de résoudre le problème DONALD + GERALD = ROBERT avec D=5, elle va naturellement commencer avec l’addition des deux D finaux, trouver que T vaut 0 et qu’il y a une retenue. Puis continuer en déduisant que R est impair puisque L+L ne peut que donner un chiffre pair auquel on ajoute 1. Et de déduire que R est forcément inférieur ou égal à 9 et n’est pas 5 puisque c’est D. Il ne reste donc que les possibilités 1-3-7-9. La personne continuera alors les inférences jusqu’à restreindre au maximum le champs des possibilités.

S’il n’est pas/plus possible non plus de se servir de ses connaissances pour résoudre le problème, il ne reste à l’individu plus qu’à avancer à l’aide d’heuristiques. Les heuristiques sont des règles générales qui peuvent être appliqués à peu près n’importe où. L’heuristique d’essais et tests est la plus courante : elle consiste à tenter dans chaque état de sélectionner l’action qui mène à un nouvel état semblant se rapprocher le plus du but et d’essayer de l’appliquer. Si cela ne fonctionne pas, on teste autre chose jusqu’à ce qu’on trouve une solution. On est là dans un processus à peu près purement hasardeux.

D’autres types d’heuristiques sont possibles, comme celle des fins et moyens. Elle consiste à comparer l’état initial et le but, à noter les différences, à les ordonner et à chercher pour chacune d’elles un moyen de les faire disparaître. Il s’agit toutefois d’une heuristique que des débutants n’arriveront vraisemblablement pas à produire tant elle surcharge la mémoire de travail (il faut garder en mémoire l’état initial, l’état final, les sous-buts qu’on a découpé en plus de chercher les opérateurs permettant d’avancer). Il n’est de plus pas certain qu’il pense à agir de la sorte si on ne lui a pas enseigné explicitement cette stratégie.

Que déduire de tout cela ?

Plusieurs conclusions peuvent être tirées de cette présentation :

  • Tout d’abord, la recherche de procédures analogues en mémoire à long terme demande qu’un maximum de problèmes aient été résolus au préalable. Il n’est pas nécessaire que ceux-ci aient été faits de A à Z par les élèves. L’enseignant peut tout aussi bien faire démonstration de la manière dont un expert s’y prend pour résoudre un problème. A condition bien entendu de faire en sorte de ne pas perdre ses élèves en route. Un minimum de bon sens permet de constater qu’on confrontera l’élève à un nombre bien plus important de résolutions réussies si l’enseignant montre un maximum d’exemples avant que l’élève ne se lance lui-même dans l’activité. D’une part parce que l’élève les résoudra plus rapidement que s’il doit chercher seul et d’autre part parce qu’il aura vu travailler un expert à plusieurs reprises. Le top réside dans l’addition d’une phase où l’élève et l’enseignant travaillent ensemble avant que les apprenants ne se jettent à l’eau seuls. Enseigner des stratégies de résolution de problèmes est donc bien plus efficace que de mettre l’élève en situation de problème directement. Plus le modelage (la transmission) de ces stratégies est conséquent et plus l’élève va emmagasiner de schémas de résolution qu’il pourra tenter de réutiliser dans d’autres cas.
  • La capacité de faire des inférences dépend des connaissances emmagasinées par l’élève. La seule manière de raisonner en situation problématique sans se fier à un processus hasardeux exige des connaissances. Plus un élève connaît de choses, plus il a possibilité de les réutiliser pour produire ces fameuses inférences et ce dans des domaines variés. Et plus il sera apte à continuer à avancer dans la complexité sans arriver à une surcharge cognitive qui le mettra hors d’état de continuer.
  • Un élève qui ne possède ni un grand répertoire de situations résolues ni des connaissances étendues ne pourra que se rabattre sur des méthodes hasardeuses pour résoudre son problème.
  • Laisser les élèves user de ces fameuses heuristiques hasardeuses n’a pas grand sens. C’est là une méthode fort chronophage. De plus, qu’on n’améliore nullement un processus hasardeux en le pratiquant à outrance. Pour accroître au maximum le réservoir des procédures et connaissances disponibles de chaque élève, il convient d’utiliser le temps à l’école de la manière la plus judicieuse qui soit.
  • le bref historique des recherches sur la résolution de problème devraient nous inviter à reconsidérer les pédagogies constructives « centrées sur l’élève » d’un autre œil. Surtout si on s’adonne à une relecture du discours constructiviste typique. On va au devant de quelques bonnes surprises. Lorsque les constructivistes et autres pédagogos de tout poil se revendiquant du progrès critiquent les tenants d’une pédagogie transmissive au prétexte que celle-ci rendrait les élèves passifs, ils adoptent un point de vue qui fait fi de ce qui se passe dans la tête des élèves. Un point de vue qui se concentre uniquement sur la relation stimulus (transmission)-comportement (passivité de l’élève). Un regard qui n’est donc rien d’autre qu’un point de vue…behavioriste du début du 20ème siècle !!!
  • Ils sont d’ailleurs tout autant behavioristes lorsqu’ils arguent de la nécessité de mettre les élèves dans des situations motivantes pour réaliser leurs apprentissages. Souvenez vous l’exemple du chat dans sa cage. Depuis lors on a bien avancé dans la compréhension de la motivation et on sait qu’elle peut tout aussi bien, voire même mieux apparaître en relation avec un travail bien fait et maitrisé.
  • Le conflit socio-cognitif qu’ils cherchent à développer (pour autant qu’il fonctionne) pour réorganiser différemment les connaissances de l’élève est un pur produit de la Gestalt. Il s’agit simplement de faire en sorte qu’un changement de point de vue survienne. Dans cette optique, les obstacles dressés volontairement dans les documents de travail et l’environnement de groupe suffisent à produire ce changement. Une approche basée sur les sciences cognitives aurait,elle, chercher à favoriser ce changement de point de vue. Par le biais d’une démonstration du maitre par exemple. Alors certes, les enseignants constructivistes interviennent également, mais leur manière de faire pour imposer ce fameux changement de point de vue, mais cela ne sera jamais aussi rapide et efficace qu’une transmission préalable. Autant dire que si on peut y voir une petite incursion dans le monde des sciences cognitives, elle est relativement timide.
  • Il en va de même pour leur notion de l’erreur. Si les constructivistes voient à juste titre, dans l’erreur une manière d’apprendre, ils en restent plus ou moins à Thorndike et à sa manière de laisser le chat faire ses erreurs pour apprendre au lieu de prendre les devants. Après tout l’élève peut tout aussi bien apprendre de celle-ci si c’est l’enseignant qui les lui montrent au préalable. Là aussi, le nombre d’erreurs et le pourquoi de celles-ci que l’enseignant peut montrer est largement supérieur à celui qu’un élève va faire tout seul ou en groupe. C'est supérieur quantitativement comme qualitativement.

En définitive, à peu près tout dans le discours des tenants du progrès et du constructivisme nous ramène à une période antérieure au développement des sciences cognitives. Ce que ces gens nous présentent comme la panacée en matière de nouveauté est en fait un vieux disque rayé dont les plages évoquent des recherches datant du début du 20ème siècle et qui tourne en boucle depuis cette époque…

Stevan Miljevic,

le 16 avril 2016 pour Lesobservateurs.ch et contrereforme.wordpress.com

Bibliographie:

Jean-Marc Meunier "Raisonnement, résolution de problèmes et prise de décision", Dunod, Paris, 2016

Françoise Cordier et Daniel Daonah'h "Apprentissage et mémoire", Armand Colin, 2ème édition, 2012

http://edutechwiki.unige.ch/fr/R%C3%A9solution_de_probl%C3%A8me

samedi, 09 avril 2016

Lehrerdämmerung – Christoph Türcke

Lehrerdämmerung – Christoph Türcke

Das Buch hier bestellen:
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Zum vierten Mal bespricht Ellen Kositza, Literaturredakteurin der Zeitschrift Sezession, ein Buch von aktueller Bedeutung. Diesmal: »Lehrerdämmerung. Was die neue Lernkultur in den Schulen anrichtet« von Christoph Türcke.
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mercredi, 09 mars 2016

Against Transcendence: Where Progressive Education Goes Wrong

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Against Transcendence: Where Progressive Education Goes Wrong

Thomas F. Bertonneau

Ex: http://peopleofshambhala.com

Modern education, taking it as an exemplary modern institution, fails, as we have seen, because it rudely repudiates the past and arrogantly proposes only to think forwards without first mastering the prerequisite skill of thinking, and therefore also of understanding, backwards.  The essential fact about thinking backwards is that, before the subject begins his movement towards mastery, he must acquire the requisite tools for doing so on faith; in other words, education being a movement from ignorance to knowledge, it can never justify itself in advance, but requires of the learner the equivalent of discipleship or wagering.  The learner must accept any number of premises and procedural formulas without understanding them, but on the understanding that those who have gone down the path before him have found them necessary and useful.  

My present thesis is related to my previous thesis, which was that “when higher education – or any phase of education – repudiates faith it repudiates its own character as education, the structure of education being identical with the structure of faith.”  I wish now to argue, while continuing the critique of the modern mentality carried out under that earlier thesis, that the structure of reality is the same as the structure of revelation, and when institutions repudiate revelation they repudiate their own raison-d’être, which is to constitute a meaningful human response to reality.

Because modernity rejects faith, it also rejects revelation.  It assigns revelation to the genre of religion, against which, to protect itself from what it regards as a bane, deadly to its reason and secularity, it raises a vehemently guarded cordon sanitaire.  An anecdote will suggest the degree of this vehemence and the glee with which it expresses itself.  The philosophy faculty of the college that employs me annually hosts an endowed lecture the purpose of which is to bring to campus someone currently feted by the philosophical community for his or her outstanding, or at any rate notable, work.  Some few years ago the invitation went to Dr. Eugenie Scott, director of the National Center for Science Education, whose mission entails standing vigilance over any attempt by “Creationists” and “Intelligent Design” advocates, those nemeses of Enlightenment, to infiltrate education.  That particular year, the orator was celebrating the NCSE’s then-recent legal victory (Kitzmiller v. Dover, 2005) against the “Creationist” and “Intelligent Design” menace in Pennsylvania.

In an auditorium before the entire Philosophy faculty, representatives of numerous other faculties, and no small number of enthusiastic undergraduates, the much-anticipated speaker repeatedly earned herself rounds of robust applause for rehearsing in detail two specifics of the legal outcome that the NCSE’s lawsuit had forced.  First, she and the NCSE had gotten a judge (yes, a judge) to decide what science is (applause); second, in consequence of this decision, a library came under compulsion to remove a particular book from the shelves (applause).  The complementary Power-Point presentation to the talk incorporated a graphic component that began as a plain map of the United States across which in sequence little fires began to appear – the Beltane orgies of “Creationism” and “Intelligent Design.”  This digital gimmick also earned an energetic outburst of hand-clapping.

The rule of irony never to explain itself will perhaps not suffer unduly by a temporary suspension, just for one paragraph.  The occasion in honor of the intellectual crusader, sponsored by a faculty of professional rationalists, resembled nothing so much as Revivalist anti-liquor meeting or a Blue-Stocking rally to keep that wicked pool hall out of town.  One half-expected a hysterical penitent to emerge from the audience, throw himself at the good doctor’s feet, and confess out loud that he had once fleetingly felt up the heresy – whereupon might he please receive absolution from “Sister Science” for his sin?  That the audience could not see itself in such a light suggests that its constituent members had descended from intellectual commitment to a set of propositions, whose persuasiveness they would still be willing to debate, to emotive espousal of a Manichaean dispensation that consists only of true-believers in the righteous cause and the great unwashed.  And yet insofar as those who applaud the authorization of judges to decide the scientific validity of claims are, indeed, modern liberals – that is to say, people who participate eagerly in the “deconstruction” of inherited, as they see it, falsehood – then they, themselves, are “Creationists.”

No one, after all, can deconstruct what has not previously been constructed.  Modern liberals are also conformists, unable to resist peer pressure.  On the occasion of the homiletic against “Creationism,” only two people in the auditorium withheld their approbation.

True, the reality in respect of which modern liberals are “Creationists” is the cultural, not the cosmological, reality; but it is precisely the cultural reality that most urgently concerns human beings – who over the millennia of their ongoing survival-experiment have created the webs of meaning that, if they never abrogated the cosmological reality, nevertheless stood in considerable tension with it, acknowledging that reality while enabling their creators to overcome the base elements of their animal nature through experience of the tension.  Modern liberals thus concede that culture is a transfiguring artifact.  They insist at the same time that nature is uncreated or that it is self-creating, but peculiarly they remain extremely reluctant to admit that the uncreated or self-creating nature is non-deconstructable.  They treat nature as though it was the same as culture although of course their theory of culture (“constructivism”) remains defective because it has no anchor in the concept of a self-stabilizing reality.  Modern liberals wish not to acknowledge that the nature, to which culture adapts itself, always by degrees of comparable failure or success, is fixed such that its structure precludes abrogation.  If modern liberals acknowledged that fact, which would entail acknowledging that there is a non-abrogatable, human nature, then their argument that culture is generically so plastic that people may construct it or deconstruct it as they please would become dubious, even untenable.

The uncreated or self-creating, but nevertheless fixed nature, one aspect of which modern liberals celebrate and another aspect of which they elide, has a peculiar relation to the human intelligence that attempts to understand and respond to it.  Either actively or passively that reality makes a demand.  It reveals itself, as it is and what it is, whether or not the apprehending subject-consciousness approves of its quiddity or not; and concerning the subject-consciousness’s approval, in fact, that same external and objective “is-ness” remains cold and oblivious, declaring itself without apology.  Like the river in the Jerome Kern song, it just keeps rollin’ along.  The uncreated or self-creating, but nevertheless fixed nature is thus functionally the equivalent of absolute nonnegotiable revelation, as invoked by religion.  That, incidentally, is how philosophy has seen it – from the Pre-Socratics to the Platonists, and, once again, from the Neo-Platonists and their Christian successors, right up to the incipiently Post-Christian Transcendentalists.  I return to my thesis: That the structure of reality is the same as the structure of revelation, and when institutions repudiate revelation they repudiate their own raison-d’être, which is to constitute a meaningful human response to reality.

51sAaPEUT7L._AC_UL320_SR228,320_.jpgThe philosopher of politics and history Eric Voegelin (1901 – 1985)  argued his impressive original of my own entirely dependent thesis in his massive study of Order and History (begun in 1956, carried forward in five volumes through to the 1980s).  In Volume I of the series, Israel and Revelation, Voegelin began famously by observing the paradox that “the order of history emerges from the history of order”: That is, humanity comes to terms with the world, including itself, forwards, by what Voegelin calls the “symbolization of truth”; but only backwards, historically, will a later society be able to sort out and re-codify the cumulus of symbolizations “adequately,” thereby arriving at an “intelligible structure.”  Voegelin argues, however, that the beginning of the process, where symbolization remains “compact,” and the later discernment of the “intelligible structure,” have the same revelatory, and in context the same entirely valid, character.  Hesiod’s cosmo-theology in his Theogony would thus be as valid an attempt to come into “attunement” with reality as Heraclitus’ Logos of three hundred years later.  That the Logos-philosophy is also an advance over the Theogony, a movement from compactness to articulation, never undoes Hesiod’s achievement

Voegelin sees the human situation as “paradoxical.”  The reality that becomes a phenomenon, literally a shining-forth, for consciousness is, on the one hand, “a datum of experience insofar as it is known to man by virtue of his participation in the mystery of its being”; but it is also “not a datum of experience insofar as it is not given in the manner of an object of the external world but is knowable only from the perspective of participation in it.”

It belongs to Voegelin’s theory that societies form themselves according to a powerful founding vision, each of which constitutes a “leap in being” for consciousness, as it develops along the axis of history.  It so happens that the earliest self-articulating and self-reporting societies, the ones that began to put themselves in evidence at the cusp of the Neolithic and Early Bronze Ages, drew their institutional structure from the powerful impression made by the heavens on human observation.  These are the “cosmological societies,” based on what Voegelin calls “the cosmological myth,” familiar from the examples of Mesopotamia and Egypt but found also in the Far East and in Meso-America.  Voegelin remarks importantly that “the cosmological myth arises in a… number of civilizations without apparent mutual influences.”  Wherever the myth appears and forms the basis of the subsequent society, the experience that gives rise to it is the same, and this generic homogeneity suggests that the experience is objective, not an arbitrary fantasy of some gullible subject.

In Israel and Revelation Voegelin writes, “The cosmological myth… is [a] symbolic form created by societies when they rise above the level of tribal organization.”  But what specifically is the “cosmological myth”?  It is the discovery and the subsequent symbolization of order in the celestial realm, taken as the unavoidable model for a reorganization of life in the human realm.  “When man creates the cosmion [the little cosmos] of political order, he analogically repeats the divine creation of the cosmos.”  More than that, however, as Voegelin explains, “the analogical repetition is not an act of futile imitation.”  Rather, the repetition is creative and arises from the intuition of “participating in the creation of order.”  The repetition is furthermore conditioned by humanity’s “existential limitations.”  Implicit in the emergence of the cosmological societies is the discovery of a human nature which must find “attunement” with cosmic nature.  “Attunement” is necessary because the cosmic reality that reveals itself to emerging consciousness is an inalterable quiddity that makes a demand.  Human nature is also an inalterable quiddity that makes a demand.

According to Voegelin, symbolization even in its early stages is aware of itself, as symbolization.  The symbol-makers consciously attempt to know the directly unknowable by way of analogy; they thus concede that something exists beyond the horizon of empirical knowledge that indubitably is while at the same time remaining a mystery, which men at best can only adumbrate, and yet to which they must maintain orientation.  As Voegelin puts it in his analysis of Mesopotamian myth, “Cosmological symbolization is neither a theory nor an allegory”; but rather “it is the… expression of the participation, experienced as real, of the order of society in the divine being that also orders the cosmos.”  Voegelin remarks that differences in symbolization never bothered the Mesopotamians of the contending city-kingdoms, who were capable of seeing that the other city’s gods were functionally and therefore essentially the same as their own; in the hydraulic empires there existed a noteworthy understanding of symbolic equivalency.  The image of extravagant spoils would have been thoroughly familiar to the Erechites, but the notion of a religious war would have struck them as nonsense.

When in The World of the Polis (1957) Voegelin turns his attention from the Near East, Egypt, and Israel to Hellenic civilization, he discovers a unique “leap in being” beyond the symbolism of cosmological compactness, but he cautions that the Greek insight into the structure of reality must not be characterized as abolishing the older insight.  The “leap in being” is not “progress,” understood in the modern, parochial sense; rather it absorbs the previous insight, without which it could not have sprung into existence.  Voegelin writes, “The philosopher must beware of the fallacy of transforming the consciousness of an unfolding mystery into the gnosis of progress in time” although that is typically what modern thinkers do when they invoke the “ultimacy” of their doctrines, “for such absolutism… involve[s] us in the Gnostic fallacy of declaring the end of history.”  Try to imagine any modern discourse without its Greek vocabulary.  It is impossible.  Modern people, despite their rejection of transcendence, still live in the reality opened up by the Ionian “leap in being,” but they are less and less able to penetrate that reality.

At the dawn of the Hellenic consciousness, which is also the dawn of Western consciousness, Voegelin places “the prophetic singers who experienced man in his immediacy under the gods; who articulated the gulf between the misery of the mortal condition and the glory of memorable deeds, between human blindness and divine wisdom, and who created the paradigms of noble action as guides for men who desired to live by memory.”  Hesiod never arrived at his idea of order by induction, nor did he deduce it syllogistically; he experienced it in the spontaneously self-organizing vision on Helicon that he reports in rich detail in the Invocatio of the Theogony.  That experience enabled Hesiod to find the previously concealed order in the chaotic mass of inherited lore about the world and the gods, to be the organizing voice of which the Muses had nominated him.

The later philosophical development of the Homeric-Hesiodic theo-anthropology, whose earliest manifestation comes with Parmenides and Heraclitus, also originates in intuitions of order that deserve the epithet of prophetic.  Concerning Heraclitus, Voegelin insists on the “deliberateness and radicalism” of his inquiry.  Heraclitus discovered nothing less than a new dimension of human nature, the daimon or soul, the faculty wherewith the subject kens the sophon or wisdom in reality and comes into transcendent communion with the Logos.  The Logos meanwhile is the principle that establishes the Order of Being; and which, one of the surviving fragments says, both does and does not wish to be called by the name of Zeus.  According to Voegelin, while Heraclitus carried on the speculation of the Milesian physicists, and while his book must have included a cosmology, the Heraclitean Being should not be confused with the cosmos, which functions as its signifier in the constitution of the great sign.  The Heraclitean Being is a level of order transcending the cosmos of mere things.

In Voegelin’s view, Heraclitus’ subordination of cosmology to ontology adds up to a towering achievement.  Heraclitus, writes Voegelin, “speaks of the Logos, meaning his discourse; but this Logos is at the same time a sense or meaning, existing from eternity, whether proclaimed by the… literary Logos or not.”  Unless cosmology were animated by the reservoir of meaning that the soul senses as lying beyond the congeries of mere things, its inquiry would be a futile activity; cosmology would be an endeavor of description without orientation or purpose.  In Heraclitus’ vision, Voegelin continues, “the cosmos… is nature in the Milesian sense and, at the same time, it is the manifestation of the invisible, universal divinity; it is a universe given to the senses and, at the same time, the ‘sign’ of the invisible God.”  Two thousand years later, Johannes Kepler sustained the same conviction, as his Mysterium Cosmographicum (1596) attests.  To restate the first part of my thesis: The structure of reality is the same as the structure of revelation

These surveillances permit a re-visitation of the event that I discussed at the beginning of the present essay, the public lecture, sponsored by a university Philosophy faculty, during which the lecturer garnered plaudits for insisting that the cosmos is non-intentional and that those who would impute intentionality to it are destroyers of science whom the law should suppress.  What a descent from Herr Kepler!  What a descent from Heraclitus!  But we must check ourselves.  The guardians of scientific orthodoxy including the vigilant all-sniffing lady-proboscis, not to mention the Philosophy faculty of a state university and many faculty-members from other departments, are all more intelligent, perceptive, and educated than the gnomic Ephesian or his star-gazing spiritual descendant of the Reformation.  They are critical thinkers.  The present, being the culmination of progress, obviously possesses of a type of knowledge unavailable to the benighted ages, whose mentality at whatever degree of articulation modernity has obviated.  Modernity disdains to call this superlative knowledge, held in absolute certainty, truth, because it rejects the concept of truth, but it nevertheless believes what it believes with adamant conviction.

51vG5BZQZxL._SX332_BO1,204,203,200_.jpgThe knowledge which scientistic Puritanism so aggressively publishes, and which the Philosophy faculty so vigorously applauds, is a peculiar but typically modern species of knowledge.  It is less a positive assertion of anything than it is a denial or, better yet, a denunciation of a longstanding prior assertion, and as such its character is largely if not entirely negative.  Such knowledge is not sufficient by itself, offering its theses for impartial examination, but rather it requires a public performance to validate it.  It must sweep up the crowd into a mood of unanimity.  Such a performance, its rationalistic appurtenances notwithstanding, is essentially a cultic ritual: The spokeswoman’s presentation corresponded to an archaic exorcism, whose action banishes the smut of profanation from the boundaries of the community.  And what specific bane fell under banishment?  “Creationism,” according to the organization’s website, “refers to the religious belief in a supernatural deity or force that intervenes, or has intervened, directly in the physical world.”  In sum, matter, in its uncreated purity, must never be contaminated by spirit.  But why should an inversion of the classic Gnosticism, which remains Gnostic for all that it is an inversion, be a requirement?

If the universe had an author, if it were created rather than uncreated, its structure would be authoritative; its order would be that of an intentional and immutable creation whereupon all modern utopian schemes that depend on the premise that nature may be deconstructed and reconstructed however one likes would appear in the fullness of their common petulant impossibility.  The scientistic assault on Transcendence resembles what Voegelin, in The Ecumenic Age (1965), identifies as the Gnostic rebellion against reality.  Because a certain type of mentality responds to any limitation, including the natural limitations, with irrational resentment, the entirety of nature can become an object of rage and vituperation.  The quintessentially modern campaign of de-symbolization is tantamount to the new creation of an illusory but comforting “second reality” in which the limitations inherent in the Order-of-Being disappear and men begin, as they believe, to correct the intolerable structure of reality.  I end by reiterating and slightly modifying the second part of my thesis: When institutions repudiate revelation, which is the same as the Order of Being, they repudiate their own raison-d’être, which is to constitute a meaningful human response to reality.

Thomas F. Bertonneau earned a Ph.D. in Comparative Literature from the University of Califonia at Los Angeles in 1990. He has taught at a variety of institutions, and has been a member of the English Faculty at SUNY Oswego since 2001. He is the author of three books and numerous articles on literature, art, music, religion, anthropology, film, and politics. He is a frequent contributor to Anthropoetics, the ISI quarterlies, and others.

lundi, 22 février 2016

The Need to Read Better!

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The Need to Read Better!

By Linda Schrock Taylor

Ex: http://www.lewrockwell.com

In 1930, 3 million American adults could not read. Most of those 1 million white illiterates and 2 million black illiterates were people over age fifty who had never been to school. (Regna Lee Wood)

In 2003, 30 million American adults could not read. Most had been to school for many years. (70% of prison inmates could not read; 19% of high school graduates could not read) (Illiteracy Statistics)

In 2003, The U.S. Department of Education’s National Institute of Literacy completed a National Assessment of Adult Literacy (NAAL) and concluded:

NUMBER OF ADULTS IN EACH PROSE LITERACY LEVEL

Below Basic: 30 million adults (14% of population)

no more than the most simple and concrete literacy skills

Basic: 63 million adults (29% of population)

can perform simple and everyday literacy activities

Intermediate: 95 million adults (44% of population)

can perform moderately challenging literacy activities

Proficient: 28 million adults (13% of population)

can perform complex and challenging literacy activities

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It can safely be assumed that during the twelve (12) years since this shocking news was released, little has been done to slow the rate of decline in literacy levels, and next-to-nothing has been done to decrease the numbers of illiterates and functional illiterates. The cost of this ever-growing national disaster is heartbreakingly high, both for the compromised individuals and for the nation as a whole. NAAL’s definition of literacy: “The ability to use printed and written information to function in society, to achieve one’s goals, and to develop one’s knowledge and potential.” The noninstitutional population of adults and teens aged 16 and over (not seasonally adjusted) not in the workforce during January of 2016, was 95,051,000. One cannot help but wonder about a correlation between the 2016 unemployment figures and those 93,000,000 illiterates and functional illiterates counted by NAAL in 2003.

In January of 2015, Dr. Sandra Stotsky said that most US college freshmen read at 6-7 grade levels. The assigned reading selections in today’s public schools are written at such low reading levels that the students using those materials fail to develop the vocabulary base, reading fluency, and content reading experiences necessary to prepare them for college/university complex reading and thought processes. I observed the same problems when I taught freshmen reading and English classes at a state university in Michigan. The vast majority of my students read at a fifth-grade level when tested with reading materials written in the 1920s. The students were quite offended when informed of their actual reading levels. As they were provided with additional materials to read, they had to admit that, indeed, they could not read classic academic fare. They then became angry at their high school teachers for not expecting more of them. These students could not write about their readings, either. One Detroit student explained how he became an “A” composition student: “Almost no one turned in homework so just by writing something, anything, and turning it in, I was an A student.”

Such students, when faced with traditional academic standards and teacher expectations, flounder, drop out, fail to perform at their potential, waste tuition money and time, further compromising their lives and their value to America. If our best and brightest are costing America so dearly, consider the great numbers of compromised readers enrolled in remedial classes in middle and high schools; in community colleges, colleges, and even in universities. Consider the expenses for those of all ages receiving remedial help in classes for English as a second language. Count up the hundreds of millions of dollars spent supporting those who, because they cannot read so cannot or will not support themselves, depend on taxpayer dollars for housing, food, utilities, health care, as well as for child rearing costs for their offspring.

With great discouragement, consider the public and personal costs for those sitting in reform schools, jails, and prisons where inmates receive little academic remediation and cannot look for jobs or report to work; and think of the tens of millions of people who work in jobs far beneath their intellectual levels, earning incomes far beneath their value, all because of their inferior reading abilities.

If a count were to be made of all individuals whose lives are less valued and less valuable because their schools failed to teach them to read by using the correct method for a phonetic language, the total would probably reach 90% or more of the American population. As Don Potter recently reminded people, “Even if every school in America started teaching the alphabet code today and every child was taught to read well with phonics, that would not solve the massive problem of teen and adult illiteracy that we have on our hands now.”

I had no choice but to write a book to help adults and teens improve their reading levels…and thus their lives…because few educators will admit to the breadth of the problem, and fewer still have any idea how to go about solving it.

woman_reading_a_book_with_glasses_in_mouth_360_360_90.jpgAmericans became a highly literate people beginning in Colonial times because the ability to read the Bible was encouraged and expected at all ages, five and above. Schooling was valued so a book like Noah Webster’s “Blue-Backed Speller” became a best seller found in nearly every home. Historically, for 3,500 years, countries with languages with alphabets have successfully taught their citizens to read by using sound-to-letter correspondence, i.e. phonics. But in 1929-30, John Dewey began training America’s elementary teachers to teach reading by the memorization of sight words. The abject failure of American schools to teach children to read began then and continues unabated to this day, even in the face of that appalling 2003 finding of 93,000,000 functional illiterates age 16 and over! THAT alone should have slapped both shame and sense into educators at all levels, from first-grade teachers through university teacher training professors, all across the nation. But it did not. How telling; how utterly shameful that they all were able to disregard the findings; to never look at themselves in any mirrors; and to continue doing what they have been doing since Dewey set them on the oh, so, erroneous path.

Dewey had observed deaf children being taught to read by memorizing sight words on flash cards. Dewey erroneously inferred that if deaf children could learn to read using such a method, one could only imagine how well it would work for hearing children! “One could only imagine” was exactly right because neither deaf nor hearing children learn to read using sight word memorization. Deaf students, including my own brother, dependent upon flash card instruction, usually graduate from high school with, at best, a 3rd-grade reading level. American prisons are filled with individuals who read at or below a 3rd-grade level, 70% of whom do not read at all. In all probability, most individuals dependent on welfare read below a 3rd-grade level, if at all. My mother always maintained that “In today’s schools, the only children who learn to read well do so in spite of the curriculum and the instruction, not because of it!” She was so right.

Thomas Jefferson said, “Educate and inform the whole mass of the people…They are the only sure reliance for the preservation of our liberty.” I look about and see America on the downslide with our liberties being the first things to go over the proverbial cliff. Wise advice abounds but if only 13% of our voting-age citizens can read, evaluate, and act upon complex explanations and suggestions, it is no wonder that we are losing both our liberties and our country.

Both adults and teenagers need an easy, manageable way to improve their reading skills so they not only improve their own lives but also save our liberties in America and thus improve the lives us all.

With that goal foremost; with remedial instruction as my knowledge base; with my career spent teaching and tutoring teens and adults in schools, universities, even in jail, I set about planning a book of methodical, short, essential, incremental lessons that my target populations could handle alone or with the help of a friend, relative or tutor. The lessons first teach, then give practice in the use of those small parts of the “code” in which English is written down into print. Our teachers forget to explain that English has been written down in a Code, and our teachers also forget to tell us that in order to read English, we must first be taught to understand and use the different pieces of the Code. Instead, we are left to guess! We do pretty well when we only have to guess that an ‘f’ is used to represent the /f/ sound. But, oh, how we need someone to explain that the spelling ‘wr’ “is only used at the beginning of words which convey the concept of twisting”! I have a master’s degree in English and I never guessed that clue! Actually, I never even thought about the ‘wr’ situation until Dr. Joseph Stomberg taught it to me about ten years ago. (That was after I had been teaching for about 35 years, unfortunately.)

But we need not dwell on what we do not know. Just understand that the schools let us all down, then use my book to learn the aspects of English that you never learned. Your reading skills will be all the better for the new knowledge and the practice stories included in the book will improve reading speed and mental agility. A life improves when a person can read better!

The Best of Linda Schrock Taylor

Linda Schrock Taylor [send her mail] is a reading specialist, writer, and retired teacher. She is the author of Read Better! For Adults and Teens, a manual for those wanting to read better with greater ease and more efficiency. The book includes short important lessons for use of the code in which English is written, followed by 80 practice stories arranged incrementally, ranging in difficulty from mid-elementary through college levels, with graded scoring for charting progress. Linda is now writing Spell Better, her second in a series for teens and adults. Visit Linda’s website to see lesson samples: http://www.ReadWriteSpellBetter.com.

creativecommons.org

Previous article by Linda Schrock Taylor: Here’s How To Teach Reading

jeudi, 18 février 2016

Why Liberal Education in a Capitalist Society?

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Why Liberal Education in a Capitalist Society?

As the president of an American college with a distinctive approach to liberal learning, I have watched from afar with great interest as curiosity has grown in Europe about liberal, as opposed to specialized, higher education. That curiosity has now culminated in this gathering, where we are sharing our thoughts about grounding an education on the study of great books and original sources.

This curiosity comes along with conflict—the conflict between liberal education and specialized education. So, instead of spending my time on a discussion of the mechanics of our program of study at St. John’s, I will address my remarks first to the conflict between liberal and specialized education and why I think the former is essential to success and happiness in the latter. I have approached my remarks as though I might be addressing skeptics of liberal education.

Modern higher education has become hyper-specialized, and the divisions among the specialties have become integrated into our habits of thinking. It is taken for granted that progress in thought is made on the front edges of specialized research. So our institutions of learning have shaped themselves into structures that foster, promote, and reward an increasingly intense focus on increasingly narrow fields of study.

Now, the mindset that assumes the dominance of specialization in higher education sees generalist education as basic and simple, perhaps even simple-minded. It relegates general education to grammar schools, as a sort of necessary training in basic facts and elementary skills. Higher education, on the other hand, is thought of as an initiation into the mysteries of advanced thinking. It must be taught by professors who, having themselves discovered paths to the forefronts of their specialties, will lead aspiring students along those same paths.

I am not here to reject this perspective. It would be foolish. The very real advances made by the continually growing number of specialties are too obvious to deny. But I do hope to persuade you that the emphasis of this perspective on cutting-edge discoveries has eclipsed another view of higher education, one that, while recognizing the value of specialization, at the same time believes there is something more important in education than specialization. That view is what I, and others like many of you who share this vision, call liberal education—education that fosters individual freedom, both in thinking and in living.

The distinction between specialized and liberal education is not new. In a way, Aristotle captured it in a brief passage from On the Parts of Animals:

Toward all study and inquiry, whether lowly or exalted, there seem to be two ways of holding oneself. Concerning every object of study and inquiry, whether low or high, there seem to be two ways to comprehend the matter. One is aptly called detailed knowledge of the subject, the other, a sort of cultivated understanding. For it is proper to an educated person to be able to judge adroitly whether a speaker is presenting an account well or not well. And indeed, we think both that someone of this sort is generally cultivated, and that this cultivation consists in the ability to do what has just been said.

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Aristotle is describing, on the one hand, specialized knowledge, and, on the other hand, what used to be called sound reasoning: namely, the combination of training in logic, interpretation, and argumentation that allows well-educated people to tell whether anyone—even an expert in a particular subject—is arguing cogently. It is by some such ability that a scientific layman, like me, can study a famous paper on quantum physics by Einstein, Podolsky, and Rosen and see that their reasoning is suspiciously circular, as well as laden with all sorts of metaphysical assumptions that make their conclusions dubious.

Sound reasoning is one intellectual ability that cuts across, or rises above, specialized disciplines. Let us call such things transdisciplinary. Later, I will speak about another transdisciplinary ability that is just as important as sound reasoning. But for now, let sound reasoning stand as one example of the content of a liberal, as opposed to specialized, education, and one that was recognized as long as 2,500 years ago.

If the distinction between specialized and liberal education is ancient, so too is the conflict between them. One could argue that Socrates was put to death by people whom he, a layman, demonstrated to be ignorant about the subjects in which they claimed to specialize. So it is also nothing new that we find ourselves living in the midst of this conflict.

Nor is it a new thing that some people are curious about resolving the conflict. Down through the centuries, starting perhaps in prehistoric times, schools have been founded to bridge the gap, to cultivate students generally, and to help them to see the proper relations between liberal education and specialized education. And this was precisely what happened almost eighty years ago when the founders of our program of study at St. John’s College, Scott Buchanan and Stringfellow Barr, set in place our current curriculum. What did they come up with?

As you know, St. John’s is often called the first Great Books college. The label stuck because of the strategy Buchanan and Barr adopted to cultivate a liberal education. Their idea was to have students read and discuss the works of the foundational thinkers and artists of the Western tradition. While the readings have evolved over time, not much has changed in a fundamental way at St. John’s in the eight decades since.

Our program consists of four years of intense discussions about literary, philosophical, historical, political, mathematical, scientific, and musical masterworks. We hold our main discussions twice a week for two or more hours in the evening. We call these discussions seminars. The participants include two faculty members and sixteen to nineteen students. Supporting the work of the seminars are other classes dedicated to sharpening the logical, interpretive, and argumentative skills needed to try to understand the seminar books. These we call our tutorials, in language, mathematics, and science, and they meet three times a week during the day, usually for seventy to ninety minutes. These classes have one faculty member and about thirteen to fifteen students. We have campuses in two lovely settings: in Santa Fe, New Mexico, and Annapolis, Maryland, allowing students to transfer back and forth, but also allowing for local campus innovations to keep us looking at ways to improve our program.

Why do we insist on reading original sources? First, because they are difficult. If you want people to become proficient at sound judgment, they must cut their teeth on hard objects. Second, because they are original, both in the sense of being at the beginnings of long trains of thought that flow out of them, and in the sense of having invented or uncovered new starting points for thinking. They transcend time and remain relevant because they continue to lie behind new discoveries and new thinking. And third, because they are elemental—not in the sense of being simple, but in the sense of being close to building blocks of thought. They are also often quite beautiful.

Now there are many criticisms of programs like ours. Some attack the selection of texts for being biased. Some reject the very notion of a “great” book. There are too many such critiques to treat in the short time I have today, but I would like to respond to one of them, because it goes to the heart of what this conference is trying to accomplish.

Some think that it is a fool’s errand to try to read the original texts written by authors dating back thousands of years. Some might even argue that it cannot be done by modern students. On the contrary, they argue, students need to be guided by experts in the languages of the authors, experts in the historical context of the authors, experts in the biographies of the authors—in short, by someone who has specialized knowledge to impart to the student.

This is the usual way of teaching at a university. The expert may, indeed, assign original works, or parts of them, for the students to read. Quite often, the reading assignments are from secondary sources that attempt to explain or critique or contextualize the original sources. But once the reading is done, students must attend lectures in which the works are interpreted for them by the expert lecturer. In this way, it is thought the students gain knowledge that they could never get for themselves unaided. And their reading of the original work becomes mediated by a learned expert, who, for better or worse, may act as a brake on the free exploration that the student might undertake if confronting the original work directly.

Expert teaching then, will often regard detailed knowledge as the end of learning. The facts, the ideas, the arguments that the student gleans from the expert can be tested, and then the teacher knows whether the student has learned what the teacher taught.

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Liberal education does not think about teaching in this way. Of course, facts are important. Knowing things is important. But it is possible to learn lots of facts, lots of ideas, and lots of arguments without gaining the transdisciplinary abilities that help us to approach all facts, all ideas, and all arguments with a disciplined attention to their relative importance and interconnectedness. It is, so to speak, learning without learning. The result is detailed knowledge—perhaps even spectacularly detailed knowledge—but little or no cultivation of the transdisciplinary abilities that enable sound judgment. It is the intellectual equivalent of giving a man a fish instead of teaching him to fish. Now, of course, it is possible to teach specialized subjects liberally—and I dare to say many or most of you try to do this in your classes—but is not easy to depart from the syllabus, testing students on expected outcomes, and so on.

Now, liberal education has no aversion to facts, ideas, and arguments. On the contrary, it recognizes them as the material of intellectual activity. And it certainly does not disparage detailed knowledge. On the contrary, it recognizes that one of the greatest satisfactions in life is mastering a specialized field of inquiry or a specialized activity. But it prefers to place its emphasis on learning how to approach knowledge generally; that is, on mastering the transdisciplinary abilities that make possible self-directed learning.

Why does liberal education emphasize self-directed learning? Because its aim is to help people become free. The purpose of liberal education is not to produce high-functioning specialists: It is to educate people who are free to search out knowledge on their own, people who are not dependent on others to tell them what they need to know, and ultimately, people who are the best judges of their own needs. As Scott Buchanan once wrote:

Liberal education has as its end the free mind, and the free mind must be its own teacher. Intellectual freedom begins when one says with Socrates that he knows nothing, and then goes on to add: I know what it is that I don’t know. My question then is: Do you know what you don’t know and therefore what you should know? If your answer is affirmative and humble, then you are your own teacher, you are making your own assignment, and you will be your own best critic.

Buchanan recognized that the spur to learning rests in the recognition of one’s own ignorance.

Today’s critics of liberal education decry such sentiments as high-toned but empty rhetoric—tattered remnants of aristocratic paternalism. In our modern, capitalist world, they say, what every individual needs most of all is exactly some sort of specialty that can be bartered for the means of survival. And what society needs most of all is workers with exactly such specialties to provide the innovation that keeps the economic engine humming. Hawking propagandistic notions like “intellectual freedom” and “cultivated understanding”—even if they are not merely antiquated fictions—they say, is cruel and fraudulent educational malpractice given the realities of the twenty-first century.

In response, I say that no view of higher education could be more enervating or debilitating. Freedom of thought and cultivated understanding are absolutely crucial for these times. Modern democratic societies are predicated on the freedom of the individual. Citizens of these democracies must think for themselves and make generally sound judgments, which is more likely if they have learned how to learn. Liberal democracies cannot survive without liberal education.

Moreover, capitalism cannot continue to flourish without liberal education. Why not? Because it needs, as its champions rightly understand, continual innovation for its survival. And liberal education grounded in original sources is a powerhouse of innovation for two reasons. First, because the original sources comprise the historical record of the most successful innovations in human history. As such, they are models to be studied for what they can reveal to us about the process of making new discoveries and creating new beginnings. And second, because they demonstrate the crucial role of imagination in human affairs.

Imagination is the second transdisciplinary ability that I mentioned earlier, the one that may be even more important in our time than sound reasoning. Both free thinking and innovation depend on having the imagination to see alternate ways of being, to envision worlds that we do not yet see before us, to reconsider what is there, and to conceive what could be there in its place.

Training the imagination proceeds through the study of metaphor, by which I mean all connections of any kind among different objects, both in the physical world and in thought. The study of metaphor rises above all distinctions among academic specialties, for the simple reason that any two things or ideas are related in some way, although it may take some ingenuity to find the points of similarity or difference. Repeated practice to develop this ingenuity results in a powerful imagination, one that reveals hidden connections and even follows the threads of merely possible connections to find, as yet, undiscovered objects. And it is liberal education that promotes the transdisciplinary ability of imagination, by investigating metaphors wherever they occur, in literature and the arts, in mathematics and science, in politics and history.

For all the undoubted progress made by modern academic disciplines, they nevertheless constrain the imagination. The specialized methodology of each discipline insulates it from others, enclosing the specialty in the safety of its currently accepted paradigm. Each discipline has to decide what it considers a proper object, what counts as evidence, what forms of argumentation are acceptable, and so on. Imagination is not so constrained. Skilled in the study of metaphor, it can easily revise the notion of its object, quickly change course, and find new connections to speed it on its journey of discovery.

Of course, specialists too can make astounding journeys of discovery. But when they do so, it is because their imagination has been sparked by recognizing a new connection. When Darwin supposed that Nature might select traits in the manner of a livestock breeder, he sailed on the winds of imagination to a new country of thought, and transformed the science of heredity forever. Or when Crick and Watson imagined that chemical substances could function as elements in a code like those developed during the war.

Imagination, indeed, is the originator of disciplines, the innovator of specialties. It is only from the universe of all connections that a discipline can select its particular connections. That is to say, the special disciplines, each and every one, were established by the power of imagination surveying the universe of connections and choosing the particular connections that would apply in each specialty.

Imagination, like sound judgment, transcends all specialties. It is the generator of all innovation, including the innovation so necessary to capitalism. And it is a particular concern of liberal education. So those who reject liberal education on the ground that specialized knowledge is the engine of innovation are cutting off their noses to spite their faces.

I have tried to show in this short address that liberal education grounded in original sources can develop transdisciplinary abilities that are hardly to be expected from specialized disciplines, that these abilities are the foundations of intellectual freedom and creative innovation, and that twenty-first-century societies desperately need freedom of thought if they are to survive as democracies, and imagination if they are to prosper in their capitalism.

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I have not addressed many questions you may have about the specific choices we have made at St. John’s concerning our approach to liberal education, such as questions about the particular books on the Program and our choice to read them chronologically, about our way of turning the class over to the students, about our decision not to organize our studies into courses, about our reasons for requiring the faculty to teach across the curriculum, or about the openness of the Program to change as time goes on and knowledge expands. Perhaps we can take up some of them in the question period.

Let me close now by expressing the hope that over the next day or two, through our shared conversation and questioning, we can advance beyond our present state of curiosity about liberal education and begin to devise ways to resolve the conflict with specialized education.

Books on the topic of this essay may be found in The Imaginative Conservative Bookstore. This essay was the address to a conference in Amsterdam on the Liberal Arts and Sciences Education and Core Texts in the European Context (September 11-12, 2015) and is republished here with kind permission of the author. 

Christopher B. Nelson is a Senior Contributor to The Imaginative Conservative. He is president of St. John's College in Annapolis. St. John's College, with campuses in Annapolis, Maryland, and Santa Fe, New Mexico, is an independent, four-year college that is devoted to liberal education. Students and faculty engage directly -- not through textbooks and lectures but through study and discussion -- with original texts and ideas that are the foundation of Western thought.
 

samedi, 06 février 2016

Un regard évolutionniste sur l’éducation

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Un regard évolutionniste sur l’éducation
 
Stevan Miljevic
Enseignant
Ex: http://www.lesobservateurs.com
 

La psychologie évolutionniste est le fruit de la rencontre entre la psychologie et la théorie de l’évolution. Elle vise à expliquer les comportements humains sur la base d’hypothèses évolutionnistes.

Comment ça marche ?

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Dans son acceptation universelle, cette nouvelle manière de concevoir le fonctionnement de l’esprit postule qu’à l’exemple des autres organes, le cerveau également a été façonné par la sélection naturelle. L’hypothèse est la suivante : lorsque certains problèmes universels se sont posés à nos ancêtres des cavernes, ceux qui possédaient les capacités cognitives les plus adaptées à leur résolution ont survécu et se sont multipliés alors que les autres disparaissaient. De cette manière, le cerveau de l’espèce humaine s’est adapté de manière à fournir les meilleures potentialités de résolution des situations problématiques rencontrées par nos prédécesseurs chasseurs-cueilleurs.

La quasi-totalité des humains de la préhistoire ont été confrontés à des problèmes globalement assez similaires. Ils ont notamment dû faire face à de longues périodes de fluctuations climatiques et ont été obligés de s’adapter à certaines contraintes issues de leur environnement proche. Comme la vie isolée du groupe n’était pas possible, ils ont également été exposés à des dynamiques sociales complexes plus ou moins pareilles. Celles-ci se sont exprimées au sein du groupe tout comme dans les relations entretenues avec d’autres clans humains. Face à des contraintes existentielles fortes et universelles, le cerveau humain a muté petit à petit pour permettre aux hommes d’acquérir le plus simplement possible toute une série de compétences nécessaires à leur survie.

L’évolutionniste David Geary classifie ces capacités dans un groupe commun appelé capacités primaires ou naïves. Elles sont naïves car, selon lui, après plusieurs dizaines/centaines de milliers d’années d’évolution, le génie humain est désormais naturellement programmé pour que ces compétences se développent par elles-mêmes, sans effort particuliers, inconsciemment et très rapidement. Le degré de complexité de ces compétences ne change absolument rien à l’affaire.

Mais quelles sont donc ces compétences primaires ?

Dès que l’homme des cavernes a été amené à bâtir des abris, à créer des outils pour la chasse ou à user du feu pour cuisiner et ainsi augmenter ses chances de survie, il lui a fallu définir ses besoins pour y arriver, explorer et analyser son environnement proche et en extraire les ressources nécessaires. En conséquence, et puisque ces activités se sont perpétuées sur de longues périodes, le cerveau de l’homme s’est adapté de manière à faciliter la mise en branle de ces compétences. Ainsi, des modifications sont intervenues et, depuis, l’être humain a acquis des prédispositions innées à résoudre des problèmes. Il en va également de même dans le domaine des interactions sociales

Comme l’encéphale de nos élèves est calibré de manière à ce que ces compétences primaires se développent naturellement, il en découle que les dispositifs pédagogiques de résolution de problème, de découverte, d’enquête ou autre projet sont inutiles en terme de développement de compétences. Tout comme d’ailleurs les systèmes d’enseignement visant à développer des compétences transversales du type communicatives ou collaboratives. Si tout cela se fait naturellement, inutile de réinventer l’eau chaude systématiquement en classe. Concentrons plutôt nos efforts sur des choses qui en valent la peine.

Le seul résidu d’utilité qui peut éventuellement rester à ces méthodes réside dans l’acquisition de connaissances qu’elles peuvent susciter. Or, à ce sujet, les études empiriques menées à ce jour sont claires : ces méthodes d’apprentissage ne génèrent qu’une efficacité très limitée.  La thèse évolutionniste abat ainsi définitivement les derniers vestiges de crédibilités qui pouvaient rester au constructivisme éducatif.

Autres apports évolutionnistes

L’apport de Geary et des évolutionnistes pour le domaine éducatif ne s’arrête pas là. Leur théorie prétend également répondre à la lancinante question du « pourquoi apprendre » et donc, par là même, du contenu de ces apprentissages. Selon eux, en exerçant et développant leurs compétences primaires, les hommes ont développés d’autres connaissances qui, elles, n’étaient pas nécessaires à leur survie directe. Ainsi, au fur et à mesure que les sociétés ont crû, qu’elles ont évolué, elles ont acquis un corpus de connaissances culturelles et scientifiques dont la nature diverge profondément des habilités primaires : les connaissances secondaires. Soit qu’elles soient trop récentes soit qu’elles n’aient pas trait à la survie de l’espèce, ces nouveaux savoirs n’ont pas suscité de développement particulier du cerveau et nécessitent donc un effort particulier et important pour être assimilés.

L’accumulation de ces nouvelles connaissances a permis aux hommes d’aller de plus en plus loin, de s’éloigner de plus en plus du concret de tous les jours et d’atteindre des niveaux d’abstraction de plus en plus conséquents. Les savoirs ainsi générés s’éloignent ainsi de plus en plus des aptitudes primaires humaines. Voici deux exemples pour illustrer le cas : en mathématiques, l’aspect très concret de la géométrie la place à proximité des aptitudes primaires alors que l’algèbre, abstrait, en constitue un pôle bien plus éloigné. Dans le domaine de la langue maternelle, la lecture et l’écriture, inventions culturelles tardives, sont nettement plus éloignés des capacités primaires que ne peut l’être l’expression présente très tôt dans l’histoire de l’humanité.

A ce sujet, il faut aussi noter que puisque les élèves sont pré-conditionnés au développement de leurs capacités primaires, ils sont aussi naturellement motivés à les utiliser. Ce qui explique pourquoi un déficit de motivation peut survenir dès lors qu’on les en éloigne. La nature humaine telle qu’elle s’est développée au travers de l’évolution interfère donc régulièrement dans l’acquisition des savoirs académiques.

Enfin, selon Geary, les écoles sont apparues dans nos sociétés dès lors que l’écart existant entre les compétences primaires et les aptitudes secondaires non vitales mais que la société estime nécessaires à une bonne intégration est devenu trop conséquent pour que les habilités primaires permettent à chacun de les acquérir par soi-même. L’école doit donc servir d’accélérateur pour leur acquisition. Ce qui signifie notamment que plus l’objectif à atteindre est éloigné des capacités primaires de l’élève, plus il est nécessaire que le guidage exercé par l’enseignant soit important car les capacités propres de l’élèves ne lui permettent pas d’y arriver seul.

De tout ceci il me semble pouvoir déduire que :

  • Le constructivisme n’a pas sa place dans l’éducation sauf éventuellement pour atteindre les objectifs les moins élevés et ambitieux, ceux dont la nature les place à proximité des capacités
  • Le travail sur la plupart des compétences générales/transversales n’a que très peu d’intérêt. Les compétences ne prennent du sens qu’en tant que combinaisons complexes de différentes connaissances académiques.
  • Une école utile et efficace est une école qui laisse aux individus la responsabilité des apprentissages qu’ils peuvent effectuer facilement tout seul (apprentissage basé sur l’utilisation des capacités primaires) et se concentre plutôt sur ce qui est plus difficile à atteindre tout seul.
  • Pour y arriver un guidage direct important des enseignants est nécessaire. Celui-ci doit être en adéquation avec l’architecture cognitive des élèves
  • Le déficit motivationnel dû à la nature des savoirs à acquérir doit être comblé par des systèmes pédagogiques efficaces permettant l’émergence d’un nouveau type de motivation issue du sentiment d’efficacité personnelle.

Autant dire que si on se fie à l’approche évolutionniste,  notre école fait à peu près tout faux aujourd’hui.

Stevan Miljevic, le 5 février 2016 pour contrereforme.wordpress.com et lesobservateurs.ch

PS: certaines conclusions émises ici bas ne sont pas celles de l'auteur étudié mais celles que j'ai personnellement déduites de ces lectures

Bibliographie et sitographie:

David Geary "The why of learning" in Educational Psychologiste, July 2009 pp.198-201 disponible ici https://www.researchgate.net/publication/233080942

David Geary "Evolution and Education" in Psicothema, February 2010 disponible ici https://www.researchgate.net/publication/41138739

David Geary "Primal Brain in the modern classroom"  disponible ici https://www.researchgate.net/publication/253952304_Primal_Brain_in_the_Modern_Classroom

David Geary "Principles of Evolutionary Educational Psychology" in Learning and individual differences, July 2013 disponible ici https://www.researchgate.net/publication/222830140

 

vendredi, 05 février 2016

Kwaliteit onderwijs laag door hersenspoeling

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Kwaliteit onderwijs laag door hersenspoeling


Ex: http://curiales.nl

Wereldburgerschap
Wereldburgerschap is een oude theorie die aangereikt wordt in een nieuw politiek correct jasje. Tegenwoordig worden leerlingen al op (zeer) jonge leeftijd in wereldburgerschap onderwezen, maar het komt ook op grote schaal voor in het voortgezet- en hoger onderwijs. Wereldburgerschap dwingt een individueel overdreven veel open te staan voor andere culturen, waardoor het besef van nationale trots- en identiteit in gevaar komt. Volgens wereldburgerideologen bestaan er in de ideale wereld geen volken of grenzen meer. Kortom, een irrationele theorie waarvan de toegevoegde waarde nog bewezen moet worden. Voor meer informatie wat betreft wereldburgerschap verwijzen wij u door naar het artikel van Daniël Leeuwenhart.

Cultuurrelativisme
Cultuurrelativisme gaat er van uit dat culturen te gecompliceerd zijn om met elkaar vergeleken te worden. Aanhangers van cultuurrelativisme beweren daarom dat alle culturen gelijk aan elkaar zijn. Zonder dat we het doorhebben is cultuurrelativisme diep geworteld in onze maatschappij. Probeert u maar eens te verkondigen dat de westerse cultuur in bepaalde opzichten beter is dan andere culturen. Inderdaad, dat is vrijwel onmogelijk. Maar waarom is dit eigenlijk niet mogelijk? Afgelopen oktober werden er in het Oost-Afrikaanse land Tanzania zeven mensen levend verbrand omdat zij verdacht werden van hekserij. Enkele maanden eerder werden er in Iran twee mannen opgehangen voor het feit dat ze homoseksueel waren. Het is duidelijk dat wij in vergelijking met Tanzania en Iran een grotere mate van vrijheid en veiligheid genieten. Is het daarom verkeerd te zeggen dat onze cultuur in bepaalde opzichten beter is?

Joods-christelijke traditie
Langzaam maar zeker verdwijnt het christelijk onderwijs uit Nederland. Veel geschiedenis en waarden van onze cultuur zijn verbonden aan de Joods-christelijke traditie. In krimpgebieden door heel Nederland verdwijnen de komende jaren scholen. De nog bestaande scholen worden gefuseerd en meestal gaat men dan over op openbaar onderwijs. Nederlandse christenen vrezen dat hun identiteit zal verdwijnen. Met uitzondering van enkele partijen maakt de Nederlandse politiek geen aanstalten om het christelijk onderwijs in bescherming te nemen en voort te zetten. Vooral de linkerkant van het politiek spectrum is blij met het verdwijnen van de Joods-christelijke waarden uit het onderwijs. Deze zelfde linkerkant stelt vreemd genoeg geen Kamervragen over de opkomst van islamitisch onderwijs in Nederland. De kwaliteit van het onderwijs op islamitische scholen is vaak slecht. Bovendien staan erg veel islamitische waarden haaks op onze westerse waarden.

just-say-no-to-school-indoctrination.jpgLinkse indoctrinatie
In november 2013 startte Yernaz Remautarsing, student politicologie aan de Universiteit van Amsterdam, de Facebook-groep “Linkse indoctrinatie op mijn universiteit”. De pagina is zeker een bezoek waard. De groep heeft momenteel bijna 3000 leden en bevat een stortvloed aan informatie over links onderwijs op universiteiten in heel Nederland. Zo komen wij erachter dat op de Universiteit van Amsterdam een portret van Karl Marx hangt. Verder dwingen leraren studenten linkse lectuur te kopen.

Klimaatverandering
Ook klimaatverandering is een betwist onderwerp. Bijna iedereen heeft er wel een mening over. Onder experts en geleerden is er een grote mate van verdeeldheid over het onderwerp. Helaas is er in het onderwijs weinig ruimte voor verschillende meningen en standpunten. Klimaatverandering wordt op verschillende universiteiten als vak aangeboden. Hierdoor zijn studenten geneigd te geloven dat klimaatverandering de oorzaak van menselijke activiteit is. De school zal toch heus geen onwaarheden verkondigen?

Oikofobie
Oikofobie betekent de angst voor het eigene. De Haagse Hogeschool is een goed voorbeeld van een onderwijsinstelling die bang is de Nederlandse identiteit uit te drukken. Zo werd in 2009 de kerstboom uit de school verwijderd, omdat deze niet meer zou passen bij het internationale- en diverse karakter van de school. Ook het eerder genoemde wereldburgerschap wordt hier bijna heilig verklaard. Verder verdwijnen er ook steeds meer Nederlandstalige opleidingen, waardoor studenten gedwongen worden lessen te volgen in het Engels. Bovendien worden er informatieavonden gegeven om Zwarte Piet uit te leggen aan internationale studenten. Uiteraard is de initiatiefnemer van deze avond van buitenlandse afkomst en fel tegenstander van Zwarte Piet.

Het is duidelijk dat het Nederlandse onderwijssysteem vele twijfelachtige, irrationele en soms zelfs gevaarlijke theorieën onderwijst. In plaats van aandacht te besteden aan deze theorieën, zouden leraren hun tijd veel beter kunnen besteden aan het geven van waardevolle vakken of bijles. Waarom wordt er toch zoveel waarde gehecht aan doctrines waarvan de waarheid en functionaliteit betwist wordt?

mardi, 26 janvier 2016

L’enseignement de l’histoire est nécessaire pour l’orientation

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L’enseignement de l’histoire est nécessaire pour l’orientation

L’abandon programmé de l’histoire

par Carl Bossard*

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

Pour les réformateurs scolaires, l’«histoire» en tant que matière indépendante est superflue. Dans le meilleur des cas, cette tendance restera une note de bas de page… de l’histoire. Remarques concernant un fourvoiement.


Quiconque travaille avec des jeunes gens connaît leur intérêt historique et leur fascination pour les époques et les cultures. Il connaît leur désir de comprendre leur propre univers et les univers étrangers. Mais leurs connaissances factuelles et celles des relations d’interdépendances entre les faits sont minimes. Détourner les yeux n’est pas une solution; l’école doit faire contrepoids. Mais elle préfère supprimer l’histoire en tant que matière indépendante.

KlioClementino291.jpgTout appartient au présent

«Actuellement, les jeunes gens vivent de manière interconnectée, dans l’horizontale», déclare l’écrivain zougois Thomas Hürlimann. Et d’ajouter: «Ils sont simultanément à Tokyo, à New York et à Berlin; mais la dimension historique n’est pour eux qu’une page de Wikipédia.» Tout appartient au présent.
Tout ce qu’on ne peut pas se représenter n’existe pas, pourrait-on en conclure. Voici encore une citation de Hürlimann: «Ma génération, au contraire, a grandi dans la verticale: au début, il y eut l’ancien testament, puis Rome, puis l’histoire de l’ancienne Suisse. Les gens se comprenaient comme une prolongation de ce qui fut autrefois.»1


Là, Thomas Hürlimann a raison: les dates et les faits restent dans l’horizontale.

Les connaissances ne naissent pas incidemment

Elles sont les signatures du présent. Les connaissances et la formation contiennent une verticalité. L’école est donc confrontée à d’importantes tâches. On peut certes distiller des informations utiles des données amassées (cf. «Big Data»), mais elles sont uniquement complémentaires. Elles ne génèrent guère des connaissances. Les connaissances ne naissent pas incidemment. Elles sont le résultat du travail et non l’effet accidentel du fait d’essuyer et de trouver. Apprendre et comprendre, c’est ce que chaque élève doit faire personnellement.


C’est astreignant. Il faut un enseignement stimulant, un discours basé sur le dialogue et des enseignants très présents. Ce qui importe, ce sont des enseignants exigeant et confrontant leurs élèves à des structures dont les jeunes ne feraient jamais connaissance dans leur propre monde du présent. Donc, un enseignement représentant une force opposante, rempli de courage d’aller à contre-courant. L’horizontale a besoin de la verticale.

Enseigner de réels contenus sans date d’échéance

L’école, dans sa mission de conduire les enfants dans le développement de leurs facultés d’apprentissage, est plus importante que jamais. Et c’est pourquoi les plans d’études doivent se concentrer sur les contenus et les connaissances formelles de base permettant de rester durablement capable d’apprendre – et non sur les actualités: de réels contenus sans date d’échéance. Dans une société basée sur les services et la communication, il faut avoir, dans sa langue maternelle, des connaissances linguistiques orales et écrites bien développées. Il est de grande importance d’avoir aussi des capacités élémentaires en mathématiques et en sciences naturelles; une condition absolue est également la qualification en langues étrangères.


Un autre élément important de formation est de connaître sa propre histoire pour être capable de relier l’origine et l’avenir. Dans notre civilisation moderne, nous avons besoin du sens historique – plus que jamais. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons entrer en relation avec l’étrangeté qui se rapproche de nous et l’étrangeté de notre propre passé, dont nous nous éloignons rapidement, suite au continuel progrès. Une telle attitude permet de coopérer et d’affronter l’avenir positivement. La pensée historique en est la base.

L’histoire doit être présente en tant qu’histoire

Mais les écoles suisses ont supprimé l’histoire en tant que matière indépendante. L’histoire erre comme un essaim nébuleux dans le domaine disciplinaire «Sciences de l’Homme et de la société» sous forme de pièces détachées incohérentes: un peu de Lacustres, un peu de Romains, une dose de chevalerie. Aucune vue d’ensemble, aucune connaissance liant les différents aspects, aucune structure, pas même au niveau temporel. L’histoire a été systématiquement dévaluée.


Aucun nombre d’heures garanti. Guère de contrôles. Le Plan d’études 21 n’y corrige rien, tout au contraire. Il efface l’histoire même au collège. La matière devient une partie du domaine disciplinaire «Espaces, époques, sociétés» – avec la géographie. Y sont définies douze exigences principales. L’histoire n’y apparaît plus qu’en fragments dispersés. Leur valeur n’est pas définie. Ce sont les enseignants qui décident de leur importance. Ces constructions individuelles ne donnent aucune nouvelle valeur à la matière «Histoire».

Espaces, époques, sociétés

Aussitôt qu’une discipline disparaît en tant que domaine indépendant, le contenu disparaît également. Dans les têtes des enfants, cela va de soi: «Si l’histoire ne se manifeste pas en tant qu’histoire, elle n’est pas présente dans leurs têtes», précise une didacticienne d’histoire. «La notion ‹Histoire› indique de manière programmatique le contenu principal de la science de l’histoire, son maniement de la temporalité, sa manière de la réflexion et l’analyse du passé», critique l’historien Lucas Burkart.2 Dans un domaine disciplinaire «Espaces, époques, sociétés», cela se perd, ajoute-t-il. L’histoire enseigne de faire des liens dans le sens de la largeur, mais aussi entre le passé et le présent.


François E. Weinert, psychologue du développement renommé et vice-président de la Société Max-Planck, a déjà mis en garde contre de telles matières groupées: «Les matières en tant que systèmes de connaissance pour l’apprentissage cognitif sont irremplaçables. Il n’y a aucune raison de créer un pêle-mêle hétérogène des matières.» La seule exception étant l’enseignement par projets; là, des phénomènes réels ou des problèmes de notre monde forment le point de départ.

Une boussole dans un monde complexe

La dynamique civilisationnelle est effrénée. Mais le regard en avant a besoin du rétroviseur. Plus la société change rapidement, plus la connaissance de sa propre histoire est importante – et la conscience: «Nous venons de là.» Si nous perdons cette dimension, nous perdons la verticale. Si nous nous plaçons uniquement dans l’horizontale et ne nous rapportons qu’au présent, nous perdons nos liens avec l’histoire et donc l’orientation – et sans orientation, il n’y a pas de valeur fondamentale de cohésion possible, et pas d’idée de la raison d’être de la Suisse. L’école permet un regard en arrière; mais ce regard est toujours aussi dirigé en avant. L’avenir a besoin de connaître les origines, pour rappeler l’expression souvent citée d’Odo Marquard.


C’est pourquoi l’histoire est si importante. Elle raconte des histoires captivantes. Les gens ont besoin des bonnes histoires. Elles éveillent l’intérêt. Elles mènent vers des événements, telles la Révolution française de 1789 et la Révolution helvétique de 1798 ou vers la création de l’Etat fédéral en 1848. Non pas comme des événements isolés, comme un ensemble sans contexte, comme un voisinage sans nom. Ce ne sont pas de simples dates ou de simples faits, appris par cœur et reproduit mécaniquement. Non. Chaque événement est relié au présent dans un large cadre.


Cela peut être démontré, par exemple, avec l’époque de 1798 à 1848 – l’une des époques les plus passionnantes de l’histoire suisse. Aussi pour les adolescents. C’était la lutte pour la modernisation de la Suisse et de son essor vers l’avenir, le conflit entre l’Etat unitaire et la fédération d’Etats, le conflit entre le centralisme napoléonien français – symbolisé par la pomme – et l’ancien particularisme helvétique – symbolisé par la grappe de raisins. La lutte pendant 50 ans entre la pomme et la grappe fut intensive. Il y eut la guerre; le sang coula. La Suisse en fut presque dissolue. L’Etat fédéral de 1848 amena le compromis – symbolisé par l’orange: un pays varié avec des Etats membres aussi autonomes que possible – grâce à une structure étatique fédérale.


La parallèle avec le présent est évidente – et voilà donc le postulat de l’historien suisse Herbert Lüthy: «Toute l’histoire est histoire du présent parce que le passé en tant que passé ne peut pas être vécu, mais seulement en tant que passé dans le présent.»

Les liens sont la clé vers le monde de l’avenir

C’est uniquement quand nous reconnaissons les choses dans leur contexte, que les mondes historiques apparaissent. La compréhension des liens historiques développe la sensibilité pour les dimensions temporelles et les processus de développement, concernant ce qui a changé et ce qui est actuel. Les liens sont alors la clé vers le monde de l’avenir. Ce n’est pas un hasard si le philosophe Hans Blumenberg qualifia, il y plusieurs années, la formation non pas d’un «arsenal», mais d’un «horizon». Ce n’est pas un assemblement de dates et de faits, mais un moyen de s’orienter. L’enseignement permet de s’orienter dans les mondes intellectuels et historiques.


Cela ne vient pas tout seul. Chaque compréhension importante – aussi historique – doit être élaborée mentalement. Dans la verticale. Aucune machine à données ne pourra nous épargner cela, dans l’avenir non plus. Et la matière scolaire «Histoire» est une espèce d’assurance de base. Le Land de Hesse, très progressif, avait supprimé cette matière et entre-temps l’a réintroduite – après que l’actualité leur ait fourni les preuves qu’ils étaient dans l’erreur.    •

*    Carl Bossard a été directeur du gymnase/lycée Alpenquai de Lucerne et recteur-fondateur de la Haute Ecole pédagogique de Zoug.

Source: www.journal21.ch/geschichtsvergessenheit-als-programm

1    Alexandra Kedves. Thomas Hürlimanns Kirschgarten. In: Tages-Anzeiger du 5/6/15, p. 25
2    Lucas Burkart. Jugendliche sollten eine Faszination für andere Zeiten entwickeln. In: Neue Zürcher Zeitung du 18/3/12

15:13 Publié dans Ecole/Education, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, enseignement, école, éducation | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 12 janvier 2016

Le latin, discipline de l’esprit... par Antoine Desjardins

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Le latin, discipline de l’esprit...

par Antoine Desjardins

Ex: http://metapoinfos.hautfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Antoine Desjardins, cueilli sur Causeur et consacré au projet d'éradication de l'enseignement du latin porté par les pédagogistes du ministère de l’Éducation Nationale. Professeur de Lettres modernes, Antoine Desjardins est membre de l'association Sauver Les Lettres.

Le latin, discipline de l’esprit

« Le grammairien qui une fois la première ouvrit la grammaire latine sur la déclinaison de “Rosa, Rosae” n’a jamais su sur quels parterres de fleurs il ouvrait l’âme de l’enfant. »

Péguy, L’Argent, 1913

Dès lors qu’on s’en prend au latin, à l’allemand (langues à déclinaisons), qu’on affaiblit ou qu’on dilue ces enseignements, on s’en prend à la grammaire mais aussi aux fonctions cognitives : à l’analyse et à la synthèse, à la logique, à la mémoire pourtant si nécessaire, à l’attention. On s’en prend à la computation sémantique et symbolique, au calcul (exactement comme on parle de calcul des variantes aux échecs), à la concentration. On s’en prend donc indirectement à la vigilance intellectuelle et à l’esprit critique.

« L’âme intellective » qu’Aristote plaçait au dessus de « l’âme animale », elle-même supérieure à « l’âme végétative » : voilà désormais l’ennemi.

Mais le pédagogisme a déclaré la guerre à cette âme. Il est un obscurantisme qui travaille à humilier l’intelligence cartésienne, présumée élitiste : il est un mépris de la mathématique et de la vérité, il sape le pari fondateur de l’instruction de tous, il nie les talents et la diversité, fabrique de l’homogène ou de l’homogénéisable. Il mixe et il broie, il ne veut rien voir qui dépasse. Il est d’essence sectaire et totalitaire. Il est un ethnocentrisme du présent  comme le souligne Alain Finkielkraut : « Ce qu’on appelle glorieusement l’ouverture sur la vie n’est rien d’autre que la fermeture du présent sur lui même. »  Il utilise à ses fins la violence d’une scolastique absconse,  jargon faussement technique destiné à exercer un contrôle gestionnaire. Le novmonde scolaire exige en effet sa novlangue. Activement promue par nos managers, elle est loin d’être anodine : elle montre l’idée que ces gens se font de ce qu’est la fonction première du langage : une machine à embobiner et à prévenir le crime par la pensée claire.

L’URSS, à qui ont peut faire bien des reproches, eut au moins cette idée géniale, à un moment, de faire faire des échecs à tout le monde ! Quel plaisir pour beaucoup d’enfants, quelle passion dévorante qui vit éclore tellement de talents. De très grands joueurs vinrent des profondeurs du petit peuple russe : c’est cela aussi ce que Vilar appelait l’élitisme pour tous, utopie pour laquelle je militerai sans trêve ! Si j’avais la tâche d’apprendre les échecs à mes élèves, je ne leur ferais pas tourner des pièces en buis avec une fraise à bois dans le cadre d’un EPI (enseignement pratique interdisciplinaire) ! Je leur apprendrais, pour leur plus grand bonheur, le déplacement des pièces, les éléments de stratégie et de tactique ! je les ferais JOUER : Je ne pars pas du principe désolant, pour filer mon analogie, que ce noble jeu est réservé à une élite, aux happy few, tout simplement parce que c’est faux ! Je ne pars pas du principe également faux que ce jeu est ennuyeux !

Le plaisir de décortiquer une phrase latine est unique : c’est un plaisir de l’intelligence et de la volonté, une algèbre sémantique avec ses règles, comme les échecs. On perce à jour une phrase de latin comme Œdipe résout l’énigme du Sphinx. Tout le monde devrait pouvoir y parvenir. Construire une maquette de Rome avec le professeur d’histoire ou un habit de gladiateur avec celui d’arts plastiques… ne relève pas du même plaisir ! Je pense que ce qui ressortit au périscolaire, même astucieux, ne doit plus empiéter sur le scolaire.

Mais la logique, aujourd’hui, est attaquée et l’Instruction avec elle. Des dispositifs « interdisciplinaires » nébuleux proposant des « activités » bas de gamme et souvent franchement ridicules, viennent jeter le discrédit sur les disciplines et dévorer leurs heures. Comme si des élèves qui ne possèdent pas les fondamentaux allaient magiquement se les approprier en « autonomie » en faisant n’importe quoi. Pauvre Edgar Morin ! La complexité devient… le chaos et la transmission, le Do it yourself. Portés par une logorrhée toxique produite en circuit industriel fermé, des « concepts » tristement inspirés du management portent la fumée et même la nuit dans les consciences. La « langue » des instructions officielles donnerait un haut-le-cœur à tous les amoureux du français : on nage dans des « milieux aquatiques standardisés », on finalise des « séquences didactiques », on travaille sur des « objectifs » (de production), on valide des « compétences » (Traité de Lisbonne), on doit « socler » son cours, donner dans le « spiralaire » et le « curriculaire », prévoir des « cartographies mentales ». Voilà à quoi devrait s’épuiser l’intelligence du professeur. Voilà où son désir d’enseigner devrait trouver à s’abreuver. Cela ne fait désormais plus rire personne… En compliquant la tâche du professeur, on complique aussi celle de l’élève. On plaque une complexité didactique artificieuse et vaine sur la seule complexité qui vaille : celle de l’objet littéraire, linguistique, scientifique, qui seul devrait mobiliser les ressources de l’intelligence.

Dans les années 2000, déjà, le grand professeur Henri Mitterand, spécialiste de Zola,  appelait le quarteron d’experts médiocres qui s’appliquaient et s’appliquent encore  à la destruction de l’école républicaine, les « obsédés de l’objectif » ! Depuis, ils sont passés aux « compétences » et noyautent toujours l’Institution : rien ne les arrête dans leur folie scientologico-technocratico-égalitaro-thanatophile. Finalement ces idéologues fiévreux ne travaillent pas pour l’égalité (vœu pieu) mais pour Nike, Google, Microsoft, Coca-Cola, Amazon, Bouygues, etc. Toutes les multinationales de l’entairtainment, de la bouffe, des fringues, de la musique de masse, disent en effet merci à la fin de l’école qui instruit : ce sont autant de cerveaux vierges et disponibles pour inscrire leurs injonctions publicitaires. Bon, il est vrai que nos experts travaillent aussi pour Bercy : l’offre publique d’éducation est à la baisse, il faut bien trouver des « pédagogies », si possible anti-élitistes et ultra démocratiques, pour justifier ou occulter ce désinvestissement de l’État et faire des économies.

Après trente ans de dégâts, il serait temps de remercier les croque-morts industrieux de la technostructure de l’E.N. qui travaillent nuit et jours à faire sortir l’école du paradigme instructionniste à coup de « réformes » macabres. Des experts pleins de ressentiment, capables de dégoûter pour toujours de la littérature (bourgeoise !) et de la science (discriminante !) des générations d’élèves ! Des raboteurs de talents qui, et c’est inédit, attaquent à présent, en son essence même, l’exercice souverain de l’intelligence : les gammes de l’esprit ! Ils n’ont toujours pas compris que l’élève joue à travailler et que l’art souriant du maître consiste à exalter ce jeu.Plus que jamais aujourd’hui, nos élèves ont besoin, avec l’appui des nouvelles technologies s’il le faut, mais pas toujours, de disciplines de l’esprit qui fassent appel à toutes les facultés mentales. Ils doivent décliner, conjuguer, mémoriser, raisonner, s’abstraire. Ils doivent apprendre la rigueur, la concentration et l’effort : toutes choses qu’un cours transformé en  goûter McDo interdisciplinaire ne permet guère. Ils ont besoin d’horaires disciplinaires substantiels à effectifs réduits, de professeurs  passionnés et bien formés et non d’animateurs polyvalents : la réforme du collège prend exactement le chemin inverse.

Quant à moi, dans l’œil de tous mes élèves, je la vois, oui, l’étincelle du joueur d’échecs potentiel, du latiniste en herbe qui s’ignore, du musicien ou du grammairien, du germaniste, de l’helléniste en herbe qui veut aussi faire ses gammes pour pouvoir s’évader dans la maîtrise. Déposer dans la mémoire d’un élève de ZEP, pour toujours, le poème fascinant et exotique de l’alphabet grec. Peu me chaut qu’on ne devienne pas Mozart ou Bobby Fischer ou Champollion, c’est cette étincelle ou cette lueur qu’il me plaît de voir grandir. L’innovation en passera désormais par une ré-institution de l’école et une réaffirmation de ses valeurs. Il faut participer à la reconstruction d’une véritable culture scolaire, où l’élève apprenne à conquérir sa propre humanité. Au lieu de moraliser, il faut instruire ! Au lieu d’abandonner l’élève il faut le guider.

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Par la pratique assidue des langues, la lecture des grands textes, il faut maintenir les intelligences en état d’alerte maximum au lieu de baisser pavillon et de glisser plus avant dans l’entonnoir de la médiocrité en prêchant un catéchisme citoyen bas de gamme à usage commun. Il ne s’agissait pas pour Condorcet et les autres de fabriquer du citoyen pacifié, docile, lénifié, mais bien de porter partout la connaissance, l’esprit de doute méthodique, l’esprit scientifique, la fin des préjugés ! Dans le même mouvement, qu’on en finisse avec cette espèce de maximalisme égalitaire qu’on dirait inspiré de doux idéologues cambodgiens génocidaires. Comme l’a montré Ricœur en son livre sur l’histoire (La mémoire, l’histoire, l’oubli) une société dépense une grande violence pour ramener à chaque instant une position d’équilibre (égalité/normalité) quand il y a un déséquilibre (inégalité/anormalité). A grande échelle, cette violence peut s’avérer meurtrière et criminelle. Relisons notamment Hannah Arendt sur les questions d’éducation et sur l’analyse du totalitarisme. L’égalité ne saurait être l’égalisation, elle doit être l’égalité des chances : chacun a le droit de réussir autant qu’il le peut et autant qu’il le mérite.

Pour un pouvoir politique, quel qu’il soit, c’est prendre un grand risque d’émanciper le peuple, de le rendre autonome. L’école des « compétence » et de « l’employabilité » qu’une poignée de réformateurs nous impose est une école du brouillage et de l’enfumage des esprits, de l’asservissement du prof-exécutant et des élèves « apprenants ». En attaquant le latin, elle s’en prend de façon larvée non pas à un ornement scolaire, mais à sa substance même : la gymnastique de l’esprit.

Si, comme le pensait Valéry, la politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde, on comprend mieux que l’école programme désormais l’impuissance intellectuelle et l’art d’apprendre à ignorer.

Antoine Desjardins (Causeur, 6 janvier 2016)

dimanche, 10 janvier 2016

Les réformes scolaires actuelles favorisent-elles l’esprit critique?

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Les réformes scolaires actuelles favorisent-elles l’esprit critique?

Stevan Miljevic
Enseignant
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

L’école qui transmet des connaissances est régulièrement présentée comme une institution remplissant des têtes de notions n'ayant que peu de sens au lieu d’apprendre aux élèves à raisonner.  J’ai déjà montré que cette idée est fausse et trompeuse car c’est sur la base des connaissances que s’élabore le raisonnement (1). Le but du présent billet est d’approfondir encore un peu plus la question afin d’exercer une lecture critique des réformes qui secouent l’école francophone ces dernières années.

Qu’est-ce que le raisonnement ?

Qu'entend-on par pensée critique ou raisonnement? Raisonner, c’est "exercer une activité mentale par laquelle on produit des arguments complets, ou par laquelle on produit ou évalue la conclusion d’un argument ou sa preuve". (2) Un argument se compose de deux types de propositions : d’une part des propositions évidentes  par elles-mêmes  ou démontrées dans un autre raisonnement appelées prémisses et d’autre part une proposition unique appelée conclusion qu’on tente de justifier, d’affirmer ou  de soutenir par le biais des prémisses. Les prémisses et la conclusion sont reliées par des liens ou connexions. Pour donner un exemple très simple, « Si le chevalier combat, alors la reine est inquiète » est un argument dans lequel « le chevalier combat » est une prémisse alors que « la reine est inquiète » en est la conclusion. La liaison s’effectue à l’aide de « Si, alors ».(3)

Sans titre

Pour pouvoir argumenter ou juger de la validité d’un argument, il faut donc être au minimum capable de comprendre ses prémisses et sa conclusion, d’en juger la pertinence ainsi que  d’établir ou d’interroger la validité des liens et connecteurs les liant entre elles.  En d’autres termes, il faut avoir des connaissances portant sur ce qui constitue les prémisses et la conclusion et être capable de faire des inférences logiques pour relier ces deux ensembles.

Notez bien que l’activité de résolution de problème suit globalement la même structure et s’inscrit elle aussi parfaitement dans cette définition du raisonnement.

Le rôle des connaissances

L’architecture cognitive humaine impose des limites strictes. L'esprit ne peut traiter que peu d’éléments simultanément. (4) La seule manière de pouvoir mobiliser de nombreuses connaissances en parallèle consiste à les avoir déjà retenues et comprises. Tout ce qui est déjà mémorisé est gratuit en terme de coût cognitif alors que les informations provenant de  l’environnement (internet, livres etc) pèsent lourdement sur les capacités de la mémoire de travail et peuvent amener à une surcharge. Le cerveau n’est alors plus apte à faire ce qu’on lui demande. Il est donc évident  que tout ce qui est du domaine du travail sur les prémisses ou la conclusion qu’implique d’argumenter est largement favorisé par la possession et la maîtrise d’une solide culture générale.  Et redisons-le une énième fois: cette acquisition est maximisée par la pédagogie explicite par opposition aux méthodes dites actives. (5)

Certains thuriféraires de la fausse modernité ripostent que notre société génère tant de connaissances que celles-ci sont très rapidement désuètes. Et de conclure sur l’inutilité de les apprendre. Coupons court à ces affabulations : les contenus scolaires sont traditionnellement des connaissances éprouvées depuis des lustres. Ce qui implique que leur durée de vie est bien plus longue que celle des savoirs générés par les dernières avancées scientifiques,  encore largement débattues et dont la pérennité n’est pas encore assurée.

Développer la capacité d’inférence ?

Reste à savoir  s’il est plus opportun d’accentuer l’acquisition de connaissances ou la capacité d’inférer. Et le cas échéant, de trouver la meilleure manière de bonifier celle-ci. Plusieurs écoles de pensées s’opposent puisque « certains théoriciens défendent l’idée que les individus effectuent des inférences logiques de façon parfaitement naturelle et spontanée car ces inférences relèvent d’une base innée, alors qu’à l’opposé d’autres soutiennent qu’elles sont le produit de l’expérience et de l’apprentissage. » (6) Il n’y a donc pas de consensus et les positions varient, partant de celles affirmant n’avoir jamais rencontré d’erreurs pouvant être attribuées sans ambiguïté à un raisonnement erroné jusqu’à celles niant à peu près toute forme d’innéité en passant par des postures mixtes et intermédiaires.

Les deux traditions majeures de la psychologie cognitive qui se sont penchées sur la question, à savoir celle des travaux sur l’expertise et celle qui analyse ce qui ressort de la lecture du journal peuvent nous éclairer. Elles arrivent à la conclusion que la caractéristique la plus universelle de la pensée critique est la possession d’un vaste background de connaissances bien maîtrisées. (7) La plupart du temps, ce n’est pas l’éventuel manque de structure logique des inférences qui est à l’origine de l'incapacité à penser de manière critique mais bien plus l'incapacité à concevoir ou à comprendre des prémisses. Cette position serait justifiée par plusieurs études empiriques sérieuses. (8)

Il semble donc que l’accent doive être mis sur les connaissances plutôt que sur le développement de stratégies spécifiques à l’élaboration d’une pensée critique si on veut maximiser les  gains éducatifs. Ce qui n’empêche bien entendu pas un travail sur les deux aspects en simultané. Tout en gardant bien  à l’esprit où doivent se situer les priorités.

Toutefois, si décision est prise de focaliser sur le développement des inférences, les expériences menées à ce jour démontrent là aussi que la meilleure manière de procéder est de transmettre  explicitement les manières de faire plutôt que de miser sur l’implicite, la découverte ou autre faribole axée projet. (9)

Le raisonnement comme inhibition des automatismes

Certains auteurs ajoutent une  dimension supplémentaire au raisonnement. Selon eux, raisonner c’est aussi être capable, dans certaines circonstances, de stopper les réflexes automatiques afin de laisser place à la réflexion logique. Pour les constructivistes, le prétexte était trop beau et permettait de critiquer les apprentissages menant à l’automatisation. Mais même en admettant cette hypothèse, les expériences empiriques réalisées à ce jour leur donne tort puisque la manière la plus efficace pour apprendre aux élèves à faire cette transition de l’automatisme à un système logique consiste à émettre des alertes exécutives verbales. (10) Dit plus simplement, il s’agit d’indiquer aux élèves concrètement le piège et comment y remédier. On est donc à mille lieux des méthodes dites actives…

A première vue, il peut sembler raisonnable qu'un automatisme empêche de raisonner. Mais c'est oublier que tout automatisme permet de diminuer la charge cognitive qui s’exerce sur l’esprit. Et permet ainsi de traiter plus de données en parallèles ! Un équilibre fin doit ainsi être trouvé. Ce d’autant plus qu’un certain nombre d’études démontrent que plus le niveau d’expertise (que l’automatisation facilite et dont elle est un des traits) dans un domaine augmente, plus la pensée se dérigidifie et permet à l’expert de basculer plus facilement consciemment de l’automatisme au raisonnement logique. (11) Dès lors, l’automatisation n'est ni plus ni moins qu'un passage nécessaire afin de permettre à un individu de mieux contrôler sa pensée.

Explication de ce pseudo paradoxe: le fait de continuer à travailler avec une connaissance déjà apprise permet de la rendre flexible : la manière dont elle est stockée en mémoire à long terme va évoluer vers quelque chose de plus profond, de plus abstrait. La multiplication des situations où ces connaissances interviennent permet de les comparer et de déplacer ainsi peu à peu  l'attention de l'élève des connaissances vers la structure profonde de la situation, la manière dont les concepts et connaissances se lient entre eux. (12)

L’esprit critique se transfère-t-il aisément d’un domaine à l’autre?

Puisque des structures profondes identiques se retrouvent dans un certain nombre de situations à priori radicalement différentes, on peut dès lors se demander s’il ne serait pas utile d’enseigner ces structures profondes directement. Malheureusement, l’esprit ne fonctionne pas de la sorte. Si les éléments composants les prémisses ne sont pas maîtrisés au point d’être des connaissances flexibles, il sera très difficile de passer directement à la structure profonde de la situation. Ce d’autant plus que la capacité de travail de la mémoire à court terme va se retrouver réduite d’autant que les divers éléments de la situation ne sont pas acquis.

Si donc on veut augmenter au maximum les capacités de transfert, on est obligé de maximiser la quantité des connaissances réellement acquises et  de multiplier autant que possible la nature des structures profondes dans lesquelles on les utilise.  Pour y arriver, la meilleure manière est de mettre l’accent sur l’acquisition des connaissances tout en réinvestissant systématiquement les anciennes connaissances dans les activités qui ont trait aux nouvelles.

Quid de l’interdisciplinarité ?

Mettre sur pied des dispositifs scolaires d’interdisciplinarité n’a pas grand sens au regard de ce qui a été dit. Certes le mérite de rendre plus flexibles les connaissances utilisées existe, mais cela ne contribue pas à créer une capacité générale à relier des connaissances de nature différente. Tout au plus cela permet-il de déplacer le cloisonnement existant entre les différentes savoirs acquis dans les diverses branches et de re-cloisonner le tout autrement. Mais surtout, le temps consacré à réaliser des projets (qui, rappelons-le, ne sont pas du tout efficaces en terme d’acquisition de nouvelles connaissances) est un temps sacrifié en terme d’augmentation du capital de savoir disponible. Et cela sans même évoquer les problèmes de coordination entre enseignants ou de savoirs  que partiellement maîtrisés par ceux-ci (puisqu'hors de leur champ disciplinaire) qui ne peuvent que tirer encore un peu plus le niveau vers le bas.

Tout au plus, si vraiment un besoin irrépressible d’interdisciplinarité se fait sentir, peut-on imaginer un dispositif où l’acquisition des connaissances dans une branche se ferait en partant des savoirs acquis dans une autre discipline (Par exemple, un enseignement d’histoire partant des connaissances géographiques, de sciences prenant appui sur les mathématiques etc. L’inverse étant tout aussi valable). Dans ce cas, on se retrouverait effectivement dans une situation impliquant le franchissement des frontières disciplinaires désiré, l’augmentation du capital-savoir et la flexibilisation des connaissances déjà acquises.

Au vu de ce qui a été dit, je vous laisse juge pour évaluer la pertinence des réformes engagées dans le monde scolaire francophone, que cela soit les plans d’étude axés sur le travail d’analyse au détriment de l’acquisition des connaissances, sur l’imposition de modalités pédagogiques peu efficaces (méthodes de l’enquête, de la découverte, du projet, de l’entrée par le complexe, du ludique etc.) ou sur les fantasmes d’interdisciplinarité.

Stevan Miljevic, le 8 janvier 2016

pour lesObservateurs.ch et contrereforme.wordpress.com

NOTES:

(1) https://contrereforme.wordpress.com/2015/12/17/les-tetes-...

(2) « Psychologies du Raisonnement » sous la direction de Sandrine Rossi et Jean-Baptiste Van der Henst, de Boeck, Paris, 2007, p.15

(3) http://www.unifr.ch/philo/modern-contemporary/lauper/docu... consulté le 3 janvier 2016

(4) https://contrereforme.wordpress.com/2015/12/17/enseigner-...

(5) Voir par exemple le classement établi par John Hattie qui relègue les pédagogies axées sur la découverte ou le jeu bien loin derrière http://visible-learning.org/hattie-ranking-influences-effect-sizes-learning-achievement/

(6) « Psychologies du Raisonnement » sous la direction de Sandrine Rossi et Jean-Baptiste Van der Henst, de Boeck, Paris, 2007, p.41

(7) D. Hirsch JR « The Schools we need  and why we don’t have them“, Anchor Books, New York, 1999, p.152

(8) Ibid p.136-1377

(9) Lisa M. Marina, Diane F. Halpern « Pedagogy for developing critical thinking in adolescents: Explicit instruction produces greatest gains » https://drive.google.com/file/d/0B9acqT9DN0pjMzdmODRhMzQt... consulté le 3 janvier 2016

(10) Olivier Houdé « Le raisonnement », Que sais-je ?, PUF, Paris, 2014, p.85

(11) Fernand Gobet, « Psychologie du talent et de l’expertise », De Boeck, Bruxelles, 2011, p.129

(12) http://www.formapex.com/daniel-willingham/1004-les-connai... Consulté le 4 janvier 2016

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samedi, 02 janvier 2016

Enseigner aujourd'hui: le règne de l'utopie pédagogique

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Enseigner aujourd'hui: le règne de l'utopie pédagogique

Entretien avec Pierre de Laubier

Ex: http://lerougeetlenoir.org

Pierre de Laubier est devenu professeur par vocation tardive. Il a raconté son expérience de professeur de français et de latin au sein de l’enseignement catholique sous contrat dans L’Ecole privée… de liberté – dont vous trouverez ici un compte rendu – et enseigne aujourd’hui l’histoire dans un collège libre. Il est aussi le rédacteur du journal satirique L’Aristoloche et du blogue Chronique de l’école privée… de liberté.

Cet article est le troisième d’une série d’entretiens, portant sur la crise de l’enseignement français, qu’il a donné au Rouge et le Noir.

R&N : Lorsqu’on parle de la crise de l’enseignement, un des termes qui revient les plus souvent est celui du pédagogisme. Quel est le rôle des idéologies éducatives dans l’enseignement actuel ?

Pierre de Laubier : Les professeurs ont accueilli le pédagogisme avec une certaine faveur parce que ce jargon d’apparence scientifique paraissait donner de l’importance à leur métier. Bien imprudemment, en fait, car cet égalitarisme utopique, issu de la vulgate marxiste recyclée par la sociologie ringarde de Bourdieu, a fini par aboutir à la réforme Haby, qui est la source de tous leurs maux. Tout cela repose, en définitive, sur le postulat que c’est le milieu qui détermine tout : les croyances, les valeurs, les comportements, et même les aptitudes intellectuelles. L’école était, pour ces idées folles et totalitaires, un terrain d’application idéal, puisqu’elle était obligatoire et disposait d’une administration centralisée. Dans la vie économique, les dures réalités ont depuis longtemps dissipé ces illusions. Mais l’école est un milieu relativement clos qui a pu, à coups de rallonges budgétaires, continuer d’appliquer ces notions fausses. Les « pédagogues » portent donc une lourde responsabilité dans l’état actuel de l’enseignement.

R&N : N’est-il pas nécessaire, pour écarter tout malentendu, de faire une différence entre la pédagogie dans un sens classique, la manière de bien enseigner, l’Ars docendi de saint Thomas d’Aquin, et le pédagogisme utopique qui sévit dans l’Éducation nationale, notamment sous la férule de Philippe Meirieu ?

Pierre de Laubier : Le pédagogisme que nous critiquons repose sur une conception fausse de l’homme et univoque de la société. Une vision de l’homme qui sépare l’esprit du corps, comme si les différences entre les individus qui sautent aux yeux concernaient tous les aspects de la personne, sauf l’intelligence ! Or, on pense avec tout son corps, pas avec son cerveau, lequel ne marche pas du tout à la manière d’un ordinateur. On commence se rendre compte qu’il existe des « intelligences multiples ». Mais comme on déduit leur existence de la seule observation du cerveau, on conserve l’idée que le corps n’est qu’un véhicule chargé de déplacer la tête d’un point à un autre. L’autre volet, c’est une vision univoque de la société, avec l’idée que l’école sert d’abord à permettre ou favoriser l’ascension sociale. L’« égalité des chances » est une utopie. Par malheur, elle est devenue une obsession. Pour obtenir un traitement différent, on en est réduit à se faire passer pour malade, ou pour fou ! Ces idées fausses ont donné naissance à un système absurde, dont seul le démantèlement permettra aux pédagogies véritables d’éclore ou de renaître. La grande vertu d’une pédagogie comme celle de Montessori, par exemple, est qu’elle est pratique, à tous les sens du terme : d’une part, elle tient compte du fait que les enfants ont un corps ; et puis on ne peut la comprendre qu’en voyant ce qui se passe dans une classe où elle est en usage. La pédagogie est une vertu quasi spirituelle, faite de patience, d’humilité, d’indulgence, d’empathie envers les enfants, qui conduit au souci de faire éclore l’intelligence au lieu de pratiquer le bourrage de crâne ou ce qu’on appelait autrefois le « chauffage ». Ce sont ces vertus qui font la différence entre un simple savant et un pédagogue. Il y a quelque chose de religieux dans l’éducation, même laïque. Vous parlez de Thomas d’Aquin, mais je dirai d’abord quelques mots de saint Augustin. Ce qui me semble essentiel chez lui, c’est cette conscience que le professeur s’adresse à ses élèves avec des mots, mais que les mots ne sont pas les choses. Il peut conduire l’élève vers la vérité, mais pas la lui imposer, puisque la vérité n’est pas tout entière dans les mots qu’il emploie. L’élève doit donc faire lui aussi une démarche vers la vérité pour appréhender l’essence des choses. C’est l’antidote au nominalisme qui est un des fléaux de notre temps. Il y a dans l’enseignement, comme dans la vérité, une part de mystère. Les philosophes des lumières, eux, appellent tout mystère « superstition » et se croient capables d’embrasser tout le réel avec la raison. Toute vérité révélée leur paraît être une limite à la liberté. Ils se séparent donc aussi de Thomas d’Aquin, pour qui l’enfant n’est pas un vase vide qu’on remplit à sa guise : il contient un principe de savoir que le pédagogue fait croître. Car l’homme a une nature et « l’essence précède l’existence », pour paraphraser Sartre à l’envers. C’est ce qui le rend libre d’aller vers la vérité. Mais si « l’existence précède l’essence », la liberté précède la vérité, si bien que le maître devient tout-puissant et peut façonner l’enfant. C’est ce que Rousseau préconise carrément dans l’Emile : « Qu’il croie toujours être le maître, et que ce soit toujours vous qui le soyez. Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté. » La nature humaine, à partir de laquelle la liberté se construit, protège en quelque sorte l’enfant contre les abus de l’éducation et de l’enseignement. Sans elle, il n’y a que des déterminismes. L’idéologie officielle actuelle découle des lumières et de cet existentialisme dont Kant est le grand ancêtre. L’éducation, l’instruction, le milieu, deviennent des « déterminismes » qui empêchent la liberté. C’est pourquoi quelqu’un comme M. Peillon, qui a le mérite de s’exprimer avec une parfaite clarté, se propose d’« arracher » les enfants à « tous les déterminismes ». Mais, en bonne logique, il ne peut que les remplacer que par d’autres déterminismes, décidés par lui-même, ou par une idéologie officielle, ou par un utilitarisme d’Etat. Il n’y a plus de liberté possible, ni théorique, ni pratique.

R&N : Ces théories utopiques, élaborées loin des salles de cours, s’appliquent pourtant aux aspects les plus concrets de l’enseignement. Comment le pédagogisme se manifeste-t-il dans le quotidien des élèves ?

Pierre de Laubier : Quand il impose des méthodes de lecture ou d’apprentissage du calcul qui sont contraires au bon fonctionnement de l’esprit humain, les effets sont bien entendu désastreux : tout le monde connaît les ravages de la « méthode globale ». Je n’en dirai rien de plus car de nombreux auteurs ont réfuté cette prétendue méthode qu’en réalité son échec patent aurait dû suffire à discréditer. Ce qui est grave, c’est que le centralisme et l’autoritarisme du système font qu’elle a encore quelques temps à vivre, hélas ! D’autant plus qu’il est important de noter que les gardiens du temple, ceux qui rédigent les programmes et les directives, sont pour beaucoup d’entre eux des enseignants qui n’enseignent pas, ce qui les rend imperméables aux réalités. Mais pour parler des effets quotidiens du pédagogisme, je dois revenir à mon expérience personnelle en tant que professeur, qui ne concerne que le collège et le lycée. Là, le pédagogisme se manifeste surtout de manière indirecte. Il y a peut-être quelques croyants, mais peu de pratiquants… Les professeurs supportent avec patience les « formations » qu’on leur impose, tâchent de décoder le contenu des circulaires afin de ne pas avoir de problème avec l’inspection… et font ensuite ce qu’ils veulent, ou ce qu’ils peuvent ! La plupart, me semble-t-il, cherchent, à partir du programme et des circulaires dont ils sont bien obligés de tenir compte, à se rapprocher, autant que faire se peut, de l’enseignement traditionnel et du bon sens. C’est ce que j’ai fait, avec l’aide d’une collègue rompue à cet exercice. Du reste, si l’on décode les programmes pour en extraire l’idée de départ, on constate que celle-ci n’est pas toujours aussi fausse qu’on pourrait le croire. Ainsi, en français, le programme s’inspire du « structuralisme », qui a ses excès, mais il invite à recentrer l’analyse sur le texte lui-même, plutôt que sur un vague rappel d’un contexte historique ou culturel. Ce n’est pas une mauvaise idée. De même, l’introduction d’exercices d’invention, autrefois inconnus au lycée, est une bonne chose. Mais les bonnes idées finissent toujours par être passées à la moulinette, avec l’intention permanente de mettre tout le monde à la même enseigne. Je n’hésite pas à dire que la dissertation a ses travers, car elle peut se réduite à un simple exposé d’idées générales illustrées d’exemples littéraires. Néanmoins, je regrette sa disparition car une dissertation convaincante exige tout de même un usage judicieux des exemples et des citations, ce qui suppose de la finesse et de la culture. C’est un exercice stimulant pour les élèves capables, mais on l’a fait passer au second plan. Tout comme l’exercice d’invention, on en a fait une extension d’un exercice d’analyse ou de commentaire, parce qu’on considère que l’étude de « documents » permet de camoufler le manque de connaissances des élèves. Tout cela est bien trop univoque, et même ce qu’on appelle l’« oral » de français est, si l’on y réfléchit, un exercice écrit présenté de vive voix. Il existe pourtant toute une partie de la littérature qui est faite orale : c’est le théâtre.

R&N : Si l’on considère donc cette emprise égalitariste dans le grand projet utopique des pédagogues, ne peut-on pas considérer cette construction comme la mise à mort pure et simple de l’enfant en tant qu’individu ?

Pierre de Laubier : L’absurdité des programmes et des directives oblige les professeurs à des exercices de contorsion désagréables, mais il faut en effet souligner que les premières victimes de cet égalitarisme inepte sont les élèves. L’égalitarisme et l’individualité de l’enfant ne sont pas compatibles. Il faut sacrifier l’un ou l’autre, et jusqu’à présent ce sont les enfants qui le sont ! En ce qui me concerne, j’avais au lycée des classes de première technologique, dont le programme est calqué sur celui des sections générales, avec seulement des chapitres en moins. Mais le programme du bac général repose encore sur une certaine capacité d’analyse et l’acquisition d’une culture littéraire. Exactement ce dont les élèves des classes technologiques sont dépourvus ! Sinon, ils seraient dans la filière générale. Une approche (par exemple) plus comparative, plus intuitive, moins analytique, leur profiterait mieux. Mais comme la classe de première se termine par un examen auquel il faut bien les préparer, il est presque impossible de leur apporter ce dont ils ont besoin. Quelle tristesse ! Car, même dans ces filières, les élèves sont loin d’être fermés à la littérature d’autrefois. Souvent, ils ont d’autant moins de préjugés qu’ils n’ont pas de repères chronologiques. Je ne m’attendais pas, je l’avoue, à entendre une élève me déclarer : « Mon roman préféré, c’est la Princesse de Clèves. » Par contre, l’analyse détaillée des textes les rebute. Ainsi, à la longue, le phénomène du collège unique contamine le lycée, depuis que l’objectif d’amener 80 % d’une génération au bac a été proclamé.

R&N : L’échec de ces méthodes est pourtant avéré, comme vous l’avez vous-même dit. Comment se fait-il donc que, malgré tout, elles perdurent ?

Pierre de Laubier : Les dogmes pédagogiques ont cet effet de rendre les programmes tellement décalés par rapport aux aptitudes et aux besoins des élèves qu’il est épuisant pour les professeurs d’essayer d’y être fidèle, tout comme aux directives énigmatiques qu’on leur impose ; et il est du reste impossible d’y parvenir. Les « programmes » sont une sorte d’idéal inaccessible au commun des mortels, une divinité qui domine les professeurs de son ombre inquiétante et les tient en respect, puisqu’ils savent qu’ils ne sont que de pauvres pécheurs incapables d’obéir à ses commandements... Tout le monde le sait, les inspecteurs les premiers. Vu d’en bas, c’est absurde. Mais, vu d’en haut, cela présente quelques avantages : le discours pédagogique perdure tout de même parce qu’il est un moyen de l’emprise de l’administration sur ses membres, et d’autre part parce qu’il sert à justifier le système. Son principal rôle, aujourd’hui, est un rôle de camouflage. Les notions d’« interdisciplinarité » ou de « transversalité » sont là pour dissimuler le fait que la plupart des élèves sont incapables de suivre les programmes. De plus, les jargons pédagogiques se rendent volontairement obscurs, d’abord pour échapper à l’entendement et donc à la critique, ensuite afin de dissimuler les intentions véritables du ministère, notamment le fait que de nombreuses matières sont devenues des instruments de propagande et d’endoctrinement.

R&N : Considérons que l’on veuille rester à l’intérieur des structures existantes. Y a-t-il, à votre sens, une manière de contourner ces théories ?

Pierre de Laubier : A mon avis, ce n’est pas la priorité. Du point de vue intellectuel, l’égalitarisme est mort. Il est plus urgent de changer l’organisation que de combattre l’idéologie qui a présidé à la construction du système, mais, aujourd’hui, il me semble que les pédagogues ministériels ne font plus qu’énoncer les dogmes d’une religion officielle à laquelle nul ne croit plus guère. Ces idéologies seraient lettre morte si l’organisation qu’elles ont fait naître ne perdurait pas. Or c’est des vices de cette organisation que les enfants sont victimes. Vu d’un point de vue idéologique, le développement des études de documents et des questionnaires à choix multiples, par exemple, repose sur l’idée sotte et naïve que le savoir serait « réactionnaire » ou « bourgeois », et qu’on peut s’en passer ; mais c’est aussi une nécessité pratique : quand les élèves sont incapables d’ingurgiter les connaissances nécessaires, il faut bien s’en passer ! Et s’ils en sont incapables, c’est à cause du collège unique. On en revient donc toujours au même point. Cette fausse science pédagogique mérite qu’on s’en moque, mais la combattre n’est pas une priorité : elle serait morte depuis longtemps, et ceux qui la professent avec elle, si l’organisation du système était bonne. Les vices de l’organisation sont plus graves que les mauvaises intentions des acteurs. Détruisez l’organisation, tranchez les liens de sujétion entre la base et le sommet, et les idéologies n’y survivront pas. Elles ne sont plus, pour employer la terminologie marxiste, que la « superstructure » de la structure qu’elles ont fabriquée. Et elles s’évanouiront d’elles-mêmes quand cette structure sera démantelée, si toutefois les politiques ont le courage de le faire.

R&N : La seule véritable solution reste donc la rupture. Mais dans ce cas, ne faudrait-il pas concevoir une manière d’enseigner qui puisse affranchir les professeurs du bricolage actuellement en pratique ? La pédagogie utopique, qui part de l’abstrait pour déformer le concret, ne devrait-elle pas, en somme, être remplacée par une véritable pédagogie du réel ?

Je ne crois pas possible de définir une manière d’enseigner. Il faut en définir mille ! Le réel, c’est de proposer aux élèves des programmes qu’ils sont capables d’assimiler, et de les confier à des professeurs dont les aptitudes correspondent à leur tâche. Aujourd’hui, les élèves sont assujettis par le collège unique (j’y reviens toujours) aux mêmes programmes partout, quel que soit leur milieu, leur tempérament, leur âge, et j’ajoute : quel que soit leur sexe ; et d’autre part des professeurs recrutés par concours, puis répartis au petit bonheur, selon les notes obtenues et divers critère dont aucun n’a de rapport avec la pédagogie. Si les chefs d’établissements avaient le choix de leurs professeurs, un pas énorme serait fait en direction du réel, et l’expression « équipe pédagogique » qu’on emploie à l’envi commencerait à prendre un sens. Puisque vous avez employé le mot « bricolage » dans un sens péjoratif, le parlerai plutôt de jardinage : faisons de chaque école un « jardin d’enfants ». Aucun jardin ne ressemble à une autre, et les vertus d’un bon jardinier ressemblent à celles d’un bon professeur.

samedi, 26 décembre 2015

Suppression de la licence de lettres classiques

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Suppression de la licence de lettres classiques

Pourquoi cette suppression ?

Quid ? La raison invoquée par les autorités administratives est le manque d’étudiants dans cette discipline. Certes il y en a peu, mais  à qui la faute ?  Pourquoi les étudiants optent-ils  peu pour les études littéraires alors que jusqu’au début des années 70, il y avait pléthore de jeunes licenciés en littérature et  postulants à la fonction de professeurs ?

La source empoisonnée  

Depuis plusieurs années, la désaffectation des étudiants  pour les études littéraires a son origine dans la difficulté des élèves dans la compréhension de la langue et d’un texte de lecture courante du fait de la généralisation de l’usage des méthodes de nature globale de lecture qui s’est faite dès les années 50, usage pérennisé envers et contre tout, aujourd’hui encore, malgré  les avatars dénoncés.  Telle est  bien la source empoisonnée ! Rappelons à cet égard,  que le concepteur de la méthode globale de lecture, Nicolas Adam, précepteur dans les familles aristocratiques, a conçu cette méthode en 1787 (un hasard, sûrement !)  faisant cette déclaration : «… éloignez d’eux ( les enfants)  les textes latins et grecs, et amusez-les avec des mots entiers… » . Nous sommes donc bien au cœur du problème et s’il est possible de faire un lien avec le « …ah ! çà ira ! çà ira ! çà ira ! les aristocrates… on les pendra !… » nous pouvons penser qu’il aurait pu ajouter «… et pour qu’ils ne se reproduisent pas, abrutissons leurs enfants ! » Autrement dit, ce « pédagogue » savait ce qu’il faisait et cette déclaration fut en même temps l’aveu de l’aptitude des méthodes traditionnelles d’apprentissage de la lecture alors en usage, à faciliter la lecture des textes littéraires et à former une élite intellectuelle.  Tout ceci explique  que nos « pédagogues » continuent de faire de « l’acharnement pédagogique » avec ces méthodes pour « achever la révolution » (sic) comme l’a dit sans complexes Vincent Peillon, tout en prétendant qu’elles ne sont plus utilisées alors que les textes les plus officiels les préconisent  et que 95% des écoles publiques et privées sous contrat  les pratiquent pour la bonne et simple raison que les manuels en usage sont des livres de méthodes de nature globale et que les enseignants – du public et du privé sous contrat –  sont initiés à ces méthodes dans les IUFM  (alias ESPE) et font du « global » sans le savoir ! – le mot n’étant jamais prononcé !  Or, si ces méthodes permettent aux enfants de lire les mots, elles ne permettent pas pour autant de comprendre le sens des phrases.  Pourquoi ? parce-que l’apprentissage de la lecture est basé sur la mémoire des mots et non sur la logique de leur agencement, contrairement à la méthode alphabétique. Le sens étant difficilement acquis, il est loisible de remarquer que les enfants qui ont appris à lire de cette façon n’ont pas une propension à lire des textes car ils ont de la difficulté à les comprendre.

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Organisation des carences intellectuelles

C’est d’ailleurs pour masquer les carences intellectuelles qui ont résulté de l’usage des méthodes de nature globale et leur pérennisation qui a entraîné un chamboulement de l’organisation scolaire dès les années 60.  Les classes de premier cycle des lycées ont été remplacées par les classes de C.E.S (collèges d’enseignement secondaire) où ont enseigné non plus des professeurs certifiés ou agrégés comme précédemment, mais d’anciens instituteurs – qui n’avaient à l’époque, qu’un baccalauréat en poche. De ce fait, l’enseignement de la littérature a pu être considérablement allégé sans susciter trop de remous et celui des langues anciennes – et tout particulièrement le latin – reporté de la 6ème à la 2nde, le faisant passer en même temps en matière optionnelle et souvent proposé  à des heures dissuasives de la journée ou de la semaine ! A cela s’ajoute la volonté de privilégier la langue vivante étrangère – l’anglais – au détriment du français et des langues anciennes. Ainsi aujourd’hui, en Terminale S et ES, il n’y a pas de cours de français ni de littérature française, par contre 4 heures de langue vivante (anglais) sont dispensées et en Terminale littéraire, seulement 2heures de cours sont réservés à la littérature française  contre 5h30 de langue vivante dont 1heure 30 de littérature étrangère. Dans ces conditions, comment choisir une filière littéraire à l’arrivée à l’Université ? Comment donner le goût de la littérature française à des élèves qui, en fin de cursus secondaire, n’ont pas même la connaissance des textes littéraires qu’en avaient autrefois, les enfants au sortir du primaire ? C’est ainsi qu’ont progressivement disparu les étudiants «  littéraires » au profit des « scientifiques ». Les littéraires survivants ont donc été et sont toujours  les rescapés de ces méthodes et de l’enseignement qui en a suivi soit par le fait des parents qui ont pourvu directement ou indirectement à cette carence, soit par le fait d’un enseignement dans des écoles réellement libres : ils sont donc, à ce jour, peu nombreux, mais…

virgile100909790L.jpgLe pire est devant nous dans l’Université publique…  

…Car  l’administration de l’Education Nationale anticipe. En effet, tout l’enseignement universitaire public est appelé à s’écrouler en raison de la « refondation » de l’Ecole du primaire à l’Université incluse et dont Vincent Peillon est le dernier maître d’œuvre, « refondation »  basée sur la suppression des cours et le remplacement par des activités au cours desquelles l’élève (sic) est censé construire son savoir , sans qu’il y ait obligation de résultat , activités maquillées sous des oripeaux de baptême divers et variés. Comment, dans ces conditions, maintenir un enseignement universitaire public, et au premier chef, la littérature ? Nous voyons mal comment des élèves issus d’un tel système dit encore « scolaire » seraient capables d’appréhender des études littéraires. Mais il y a  mieux  encore…

Pourquoi la métamorphose en licence en « humanités » ?

L’enseignement universitaire public vivant les derniers soubresauts de son agonie, l’administration de l’Education nationale a déjà anticipé aussi depuis plusieurs années en fusionnant les universités avec les IUFM (alias ESPE*) qui deviennent – dans les textes – les seuls chefs d’orchestre de la formation des « maîtres » (sic) du primaire à l’Université incluse ;  tout l’enseignement universitaire va se faire sous leur férule. C’est la raison pour laquelle, dans le cas présent de la suppression de la licence de « lettres classiques », une fois l’absorption de l’enseignement littéraire dans la rubrique « humanités » acquise,  les « humanités » en question vont progressivement être métamorphosées en « sciences humaines », c’est-à-dire  en psychologie et en sociologie déjà généreusement dispensées dans cette sinistre institution qui se propose d’étudier le comportement de l’homme  dépouillé de toute ses attaches, de toute son histoire, de toute sa culture , de tout ce qui fait son identité, de toutes ses racines et donnant libre cours aux élucubrations les plus fantaisistes. Faisant ainsi disparaître  la culture littéraire, c’est toute l’histoire d’un peuple, d’une civilisation qui disparaît. C’est bien ce que veut le système : faire table rase du passé.

Devons-nous croiser les bras ?

Certes, la situation est gravissime et si nous pensons pouvoir toujours compter sur  l’Université publique pour former des professeurs, la fonction enseignante va disparaître , notre culture et notre civilisation avec. Or, les écoles primaires et secondaires  réellement libres, indépendantes, se développent de plus en plus et s’attachent à dispenser un enseignement de qualité,  notamment un enseignement littéraire conséquent avec reprise substantielle des cours de latin et de grec. A court terme, certains élèves issus de ces écoles vont tout naturellement avoir le goût de transmettre ce qu’ils ont appris et vouloir exercer le beau métier de professeur. Mais, en fin de cursus secondaire, ils vont se trouver devant le vide de l’Université publique. Aussi pour que la chaîne de la transmission des savoirs ne soit pas rompue, pour que notre culture subsiste, il est nécessaire que se créent et se développent, dans le prolongement de ces collèges et lycées indépendants, des universités   privées qui seules, pourront permettre d’assurer la pérennité de notre culture.  Et foin de l’Université publique ! Ses diplômes ne sont plus déjà que des coquilles vides !

*Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education

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samedi, 05 décembre 2015

Rébellion n°72: une autre éducation!

Une autre éducation !...

Nous vous signalons la parution de la revue Rébellion (n°72, novembre - décembre 2015). Vous pourrez notamment lire dans ce numéro un dossier sur l'éducation et des articles de David L'Epée et de Charles Robin, l'auteur de La gauche du Capital (2014).

On notera au passage que la revue dispose désormais d'un très beau site que nous vous invitons à consulter : Rébellion

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Au sommaire de ce numéro :

Éditorial: Hic Sunt Dracones

Réflexion : L’allogénat, ou l’appel au coucher des luttes révolutionnaires françaises et africaines, par Dany Colin

Actualité : Et revoilà les gaucho-humanitaristes dans la rue ! par Jean Morvan

Dossier : Pour une autre Education

La fabrique de l’aliénation sur l’école techno-libérale, par Charles Robin
« Produire du temps de cerveau disponible » : l’éducation dans le monde moderne, par Marie Chancel et Dazibao
La destruction de l’Ecole : Objectif politique prioritaire du Pouvoir, par Patrick Visconti

Polémique : Les chiens de garde aboient et la caravane passe, par David L’Epée

Commande 4 euros (port compris) :

Sur la boutique ou par courrier :

Rébellion c/o RSE BP 62124 31020 TOULOUSE cedex 02

lundi, 16 novembre 2015

Enseigner des compétences ou des connaissances?

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Enseigner des compétences ou des connaissances?

par Stevan Miljevic
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Un peu partout dans les pays occidentaux, la vision traditionnelle de l’école qui transmet des connaissances a cédé le pas à une nouvelle forme d’apprentissage axé sur les compétences. Le maître qui enseignait des savoirs, c’est désormais terminé. Il doit maintenant céder sa place à un animateur supervisant la construction de compétences par de jeunes apprenants. L’école de grand papa tout juste bonne à remplir des têtes a donc vécu. Place à la formation du futur, celle qui préfère les têtes bien faites aux têtes bien pleines.

Cette (r)évolution est généralement présentée comme l’inéluctable conséquence de l’entrée dans le 21ème siècle, des avancées des sciences de l’éducation et de la psychologie cognitive comme de la démocratisation du savoir et du progrès technologique. Mais au delà des slogans, qu’en est-il réellement ? Les avancées scientifiques réalisées à ce jour et les changements sociétaux survenus justifient-ils vraiment ce renversement spectaculaire ?

Qu’est ce qu’une compétence ?

 Un traitement sérieux de ces questions nécessite, en préalable, une définition claire de ce qu’est une compétence. Mais pour se faire, un premier détour du côté des connaissances est souhaitable. Il existe trois types de connaissances : les connaissances factuelles ou déclaratives (dates, définitions, faits, etc), les connaissances procédurales (manipulations mentales qui doivent être effectuées dans le but de résoudre un problème. Par exemple, la manière d’additionner deux fractions ou alors la série de questions sur l’auteur, la date et la nature du document que doit se poser un élève devant un document historique) et les connaissances contextuelles (celles permettant de savoir quand et pourquoi utiliser telle ou telle procédure en vue de résoudre un problème).

Quand un élève se trouve dans une situation qui demande de mobiliser et d’articuler plusieurs de ces connaissances et qu’il est capable de le faire, alors on dit de lui qu’il est compétent. On peut donc décrire la compétence comme la capacité à mobiliser et articuler diverses connaissances afin de résoudre un problème. Rien de bien nouveau, l’école construit des compétences depuis belle lurette. Dans l’optique traditionnelle, l’apprentissage des connaissances est le premier pas effectué dans le processus d’acquisition de compétences. A ce sujet, la seule question d’intérêt est de savoir à quel moment de la scolarité (obligatoire, secondaire ou tertiaire) doit apparaître telle compétence dans telle branche. Certaines branches activant, en effet, plus tôt que d’autres, la mise en branle d’une compétence dans son intégralité.

Ce qui pose problème aujourd’hui avec l’approche par compétences telle que préconisée est qu’elle découple en grande partie la compétence de l’acquisition des connaissances préalables nécessaires. Puisque les connaissances sont disponibles via la technologie, autant en faire l’impasse et cesser de réserver l’intégralité des compétences à des niveaux ultérieurs. Les compétences pour tous par la multiplication du nombre de situation où l’élève doit effectuer ce travail d’association des informations dès l’école obligatoire en somme. On se focalise uniquement sur la mise en synergie de diverses ressources dans des situations complexes. L’élève n’a plus besoin d’apprendre ces connaissances, il lui suffit d’aller les chercher pour effectuer son travail.

Le fonctionnement du cerveau

 Afin de juger de la pertinence des approches, il faut aussi comprendre comment fonctionne le cerveau. Contrairement à certaines idées préconçues, la mémoire n’est pas simplement un espace de stockage. C’est également le lieu du raisonnement. On distingue deux sortes de mémoire : la mémoire à long terme (MLT) et la mémoire à court terme (MCT). La MLT est responsable du stockage des informations. Elles regroupent celles-ci en petites structures. Si vous y stockez des informations sur les « ours polaires », alors les notions « pelage blanc », « 4 pattes », «  avec des griffes » etc. seront toutes groupées entre elles. Plus on connaît de choses sur un sujet particulier, plus le regroupement qui lui correspond est volumineux. [1]

 De son côté, la MCT est le lieu où le cerveau traite les problèmes. Son rôle consiste à assembler les informations de manière à répondre aux diverses demandes. Une des particularités de la MCT est qu’elle ne peut mobiliser qu’un nombre réduit d’informations (4 à 7 selon les chercheurs) en simultané. Elle ne peut mobiliser qu’un nombre réduit de connaissances acquises et d’informations extérieures supplémentaires en parallèle. Dès qu’elle dépasse ce stade, l’élève est en surcharge cognitive et n’est plus capable de réaliser ce qu’on attend de lui.[2]

Implications du fonctionnement de la mémoire sur les contenus d’apprentissage

Cette présentation sommaire de la manière dont le cerveau opère permet d’apprécier l’importance d’une bonne culture générale. Lorsque la MCT exige de la MLT une restitution de connaissances pour comprendre un texte, traiter un problème ou autre, celles-ci apparaissent sous la forme des blocs dans lesquels elles ont été stockées.[3] Or, chaque regroupement ne compte que pour un élément dans le traitement par la MCT. Ainsi, pour reprendre l’exemple précédent, si l’ « ours polaire » est nécessaire, alors il entraine dans son sillage le « pelage blanc », les « 4 pattes » et les « griffes » sans que cela n’alourdisse la charge qui s’exerce sur la mémoire à court terme. Des informations non mémorisées, elles, compteraient chacune pour un élément distinct. Et donc, plus un élève connaît de choses, plus sa capacité de compréhension, d’analyse, d’évaluation ou autre synthèse est élevée. A l’inverse, plus il dépend d’aides extérieures, plus ses facultés d’effectuer les synergies nécessaires entre les informations se restreignent, comme sa capacité à réussir ce qu’il entreprend.

La capacité à assimiler de nouvelles choses est elle aussi mise à mal par le manque de culture générale : dès lors que quelqu’un peine à comprendre une nouveauté, il lui est beaucoup plus difficile de se l’approprier également. Connaître plus et mieux favorise donc l’apprendre à apprendre tant vanté dans le milieu éducatif.[4]

L’approche par compétences ne semble pas en mesure de combler ces lacunes. Si la répétition de situations dans lesquelles la MCT est impliquée à plein régime permettait d’élever le nombre d’informations traitables en simultané, alors une entrée par les compétences pourrait se justifier. Or il n’en est rien: la capacité de travail de la mémoire à court terme ne bouge pas d’un iota. On peut traiter autant de problèmes que l’on veut, la limite reste toujours située entre 4 et 7 éléments.

De plus, il convient également de signaler que le transfert d’une compétence comme d’une connaissance d’un domaine à un autre est loin d’être aisé.[5] Et que donc il n’est pas non plus certain que la multiplication de ce genre de tâches dans le cadre scolaire puisse être rentable dans d’autres situations de la vie courante.

 Ce qu’en disent les études empiriques

 On pourrait cependant imaginer que le travail par compétence peut s’avérer payant non pas dans l’augmentation des facultés de la MCT mais qualitativement, dans sa manière de réaliser les synergies nécessaires. La meilleure manière d’éprouver cette hypothèse est de consulter les études empiriques menées sur le terrain. L’étude PISA est à ce titre d’un intérêt certain, puisqu’elle se veut justement une étude mesurant des compétences et non des connaissances. Or les pays qui trustent les premières places (pays asiatiques) n’ont pas de plans d’étude axés compétences. D’ailleurs, à une exception près (qui s’explique par d’autres raisons), la majeure partie des pays où les approches par compétence ont été instaurées n’obtiennent pas des résultats faramineux. L’exemple le plus parlant est vraisemblablement les Etats-Unis dont les écoles forment massivement à cette approche et dont les résultats sont faibles.

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Plus encore, partout où les approches par compétence ont été introduites, Tous les tests empiriques effectués constatent une baisse des résultats. De la Genève de la fin du 20ème siècle au Québec de ces dernières années[6] en passant par les comparaisons inter-écoles américaines[7], tous sont unanimes. Non seulement les curriculums orientés connaissances sont plus précis et donc plus efficaces[8], mais même dans ceux prônant des approches compétences, un travail explicite remplaçant l’apprentissage implicite d’une compétence par la transmission d’une connaissance procédurale est supérieur : au lieu de laisser l’élève se dépatouiller seul, on peut en effet travailler la synergie des informations nécessaire dans une tâche complexe sous la forme d’une connaissance procédurale à acquérir. Il peut, par exemple, s’agir d’enseigner à l’élève les questions à se poser pour résoudre son problème.[9] En bref, dans tous les cas, les connaissances l’emportent sur les compétences.

Le progrès a-t-il quelque chose à voir là dedans ?

 En faisant exception de ce qui a été dit jusque là, affirmer qu’une approche par compétences est inéluctable au 21ème siècle exige trois postulats de base : 1) Les gens ont accès à une multitude de sources d’information. Il est indiscutable. 2) Non seulement les individus possèdent cette multitude de choix, mais ils en font usage. A ce niveau ça se gâte : le 20ème siècle nous a déjà prouvé au travers de la pluralité des journaux existants ou des chaines de télévision que cela n’était pas le cas, que nombreux sont ceux qui utilisent cette pluralité pour se divertir, mais que la grande majorité ne s’en sert pas pour faire travailler les hautes fonctions cognitives du cerveau. Le raisonnement le plus courant consiste à se simplifier la vie. D’ailleurs, les cognitivistes sont d’accord sur le fait que notre cerveau n’est pas conçu pour réfléchir mais pour éviter de le faire.[10] 3) La complexité va être de plus en plus incontournable pour tout un chacun. Rien, à part la science fiction, ne permet d’étayer cette affirmation. Surtout si on peut transformer ces compétences sous forme de procédures, alors la technologie pourrait elle-même, à la longue, les réaliser. Mais nous n’en sommes pas là. Et, comme vu précédemment, la meilleure manière d’y répondre n’est en tout cas pas celle prônée actuellement.

Une approche réellement novatrice ?

Il convient enfin de battre en brèche un dernier argument, celui de la nouveauté. En fait, les approches par compétences ont déjà été tentées aux USA dans les années 20 et les années 50[11] avant de réapparaître dans les 90’s. L’URSS également a testé cette approche aux alentours de 1920[12]. Et, à ma connaissance, il est fort probable que déjà durant la période de la révolution industrielle, ce genre d’expériences a été tenté en Allemagne[13]. Etonnamment, ces manières de faire l’école ont toutes été abandonnées. Il serait peut-être temps de se demander sérieusement pourquoi. Et d’arrêter d’invoquer la science et le progrès pour justifier tout et n’importe quoi !

Stevan Miljevic, le 12 novembre 2015 pour lesObservateurs.ch et Les Cahiers de l'Indépendance N.14 (à paraître)

[1] Mario Richard et Steve Bissonnette « Les sciences cognitives et l’enseignement » in Gauthier, Tardiff, « La pédagogie, théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours », 3ème édition, Gaëtan Morin, 2012, pp.240-241

[2] Hattie et Yates « Visible Learning and the science of how we learn », Routledge, NY, 2013, p.146-151

[3] Mario Richard et Steve Bissonnette « Les sciences cognitives et l’enseignement » in Gauthier, Tardiff, « La pédagogie, théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours », 3ème édition, Gaëtan Morin, 2012, pp.241

[4] Daniel Willingham « Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école », la Librairie des Ecoles, Paris, 2009, p.42-47

[5] Ibid p.97 à 102

[6] http://www.actualites.uqam.ca/2014/reforme-scolaire-plus-...

ou http://www.libreexpressionquebec.qc.ca/Societe/ReformeEdu...

[7] Voir par exemple Christopher Jencks « What’s Behind the Drop in Test Scores ? », Working Papers for a New Society 6 (juillet-août 1978) p29-41 cité par E.D.Hirsch Jr, « The Making of Americans , Democracy and our schools », Yale University Press, New Haven and London, 2009, p.28-29. L’œuvre entière de Hirsch va dans ce sens.

[8] Bissonnette, Richard, Gauthier « Comment enseigne-t-on dans les écoles efficaces ? », PUL, Laval, 2006, p.93-95

[9] Voir dans le classement établi par John Hattie, la supériorité nette du Problem solving teaching sur le Problem based learning http://visible-learning.org/hattie-ranking-influences-eff... ainsi que Hattie and Yates, Visible Learning and the Science of How we learn », Routledge, London and New York, 2014, p.72-79 ou https://drive.google.com/file/d/0B9acqT9DN0pjMzdmODRhMzQtY2Q4My00ZWY3LTg0YjAtNTExMTFmNTA2MTNm/view

[10] Daniel Willingham « Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école », la Librairie des Ecoles, Paris, 2009, p.4

[11] http://lexiconic.net/pedagogy/diane.pdf

[12] http://www.lesobservateurs.ch/2014/09/14/heures-gloire-du...

[13] Voir dans Theo Dietrich, "La pédagogie socialiste, fondements et conceptions", François Maspero, 1973 la partie concernant le pédagogue Kerschensteiner et https://fr.wikipedia.org/wiki/Georg_Kerschensteiner

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