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mardi, 04 novembre 2025

Fondements de la géopolitique d'Alexandre Douguine : une analyse critique

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Les fondementaux de la géopolitique d'Alexandre Douguine: une analyse critique

Source: https://socialismomultipolaridad.blogspot.com/2025/11/fun...

Introduction

osnovygeopolitiki_0-2952310780.jpgPublié en 1997, le livre Les fondementaux de la géopolitique : l’avenir géopolitique de la Russie, dû à la plume du philosophe et stratégiste russe Alexandre Douguine est devenu une œuvre de référence dans les cercles nationalistes et militaires russes. Considéré par beaucoup comme le « manuel géopolitique du Kremlin », le livre propose une vision du monde profondément antimoderne, multipolaire et centrée sur la restauration du pouvoir impérial russe. Il manque, à cet ouvrage, une attention aux luttes de classes, à la conception marxiste de l’histoire et de la société. Il n’analyse pas le rôle destructeur du capitalisme ni les processus impérialistes enracinés dans l’exploitation, l’accumulation et la concentration du capital. De plus, ce texte précède l’évolution ultérieure de la pensée de Douguine, où l’on observe une limitation de la perspective « impériale » russe en faveur d’une approche multipolaire et de l’élaboration de la «Quatrième Théorie Politique» (4TP). Cet article du collectif Cultura Popular offre une analyse détaillée des principales thèses du livre, en insistant sur les passages les plus marquants et une évaluation critique de ses implications.

1. La géopolitique comme science du pouvoir

Douguine part d’un principe fondamental: la géopolitique n’est pas une discipline neutre, mais un outil pour la conquête de l’espace et l’affirmation du pouvoir. En ses termes :

«La géopolitique est la logique de la grande stratégie, la science de la guerre pour l’espace».

Cette conception instrumentale de la géopolitique s’éloigne des approches académiques et se rapproche d’une vision presque darwiniste des relations internationales, où la survie des États dépend de leur capacité à s’étendre et à dominer. Douguine réalise une synthèse originale entre les approches «traditionalistes» (Guénon, Evola) et la «Géographie sacrée» (particulièrement présente dans la dernière partie du livre), ainsi que la tradition réaliste de la géopolitique (McKinder, Haushofer). Cet équilibre et cette synthèse tendent, toutefois, vers le réalisme politique: si un empire veut un avenir et souhaite éviter la destruction ou la soumission, il doit savoir unir ses alliés et diviser ses ennemis.

Le germe de l’Empire, dont Douguine parle, est l’Empire russe (qui s'est transformé par la suite en empire soviétique), mais il ne s’agit que d’un germe. L’objectif de Douguine dans ce livre, à la fin des années 1990, était de bâtir un Empire méta-russe, non exclusivement russe (au sens ethnique, nationaliste, étatiste) mais eurasiatique.

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2. Terre contre mer: la dichotomie fondamentale

Douguine reprend l’opposition classique entre puissances terrestres (Heartland) et puissances maritimes (Rimland), formulée par Halford J. Mackinder et Nicholas Spykman. Selon Douguine, la Russie représente la civilisation de la terre, spirituelle, traditionnelle et communautaire, tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni incarnent la puissance maritime, libérale, individualiste et matérialiste.

« L’histoire du monde est l’histoire de la lutte entre la civilisation de la terre et celle de la mer. »

Dans le texte, l’idée de l’Hispanité est totalement absente, en dehors des catégories marxistes. L’Empire espagnol, bien qu’appuyé sur des aspects thalassocratiques (domination universelle des mers et reconfiguration atlantique de l’Hispanité, laissant de côté ses attaches méditerranéennes), fut un exemple fondamental d’empire tellurocratique. L’Espagne a structuré le continent américain non selon un schéma « générateur », comme dirait Gustavo Bueno, mais selon un schéma « agglutinant », selon le vocabulaire de la théorie des empires de Carlos X. Blanco. Cela signifie que l’Espagne n’a pas simplement appliqué une grille donnée aux terres conquises, répétant de manière homogène, multiplicative, la grille originelle de la Rome antique, mais qu’elle a accru les fondements de son empire en intégrant ethnies, territoires et formes culturelles dans un projet universaliste («catholique»). Entre le modèle anglo-saxon «absorbant» (que Bueno nomme «prédateur») et le modèle chinois d’un empire hautement «agglutinant», l’empire de la monarchie hispanique occupe une position intermédiaire.

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3. Eurasianisme : la renaissance impériale

Le cœur de la pensée de Douguine est l’eurasisme, une doctrine qui propose la création d’un bloc géopolitique dirigé par la Russie, s’étendant de l’Europe de l’Est à l’Asie centrale. Ce bloc doit s’opposer à l’ordre unipolaire dominé par les États-Unis.

« La Russie ne doit pas s’intégrer à l’Occident ou à l’Orient, mais mener une troisième voie : l’Eurasie. »

Le projet eurasien implique de forger des alliances stratégiques avec l’Iran, l’Inde, la Chine et, dans certains scénarios, avec l’Allemagne et la France. L’Ukraine est considérée comme un territoire-clef dans cette optique: sans elle, la Russie ne peut pas constituer un empire. L’indépendance de l’Ukraine et son basculement vers l’OTAN et l’Occident étaient perçus, dès les années 1990, comme des éléments à haut risque pour la sécurité de la Russie.

Les États d’Europe de l’Est et les petites républiques baltes, dont la légitimité historique est douteuse, ont été constamment utilisés par l’Occident comme des entités étatiques marionnettes pour encercler, provoquer et saper la sécurité russe. Leur irresponsabilité face à la géopolitique en fait des proies et des porteurs d'armes entre les mains des Anglo-Saxons, des forces thalassocratiques qui cherchent à contenir toute forme d'Eurasie forte et unie.

Douguine affirme que la libération de l’Europe passe par la création d’un «Axe Paris-Berlin»: l’Allemagne est un élément déterminant pour asseoir une paix eurasiatique et pour la création d’un grand empire. Douguine oublie encore une fois de plus le rôle potentiel de l’Hispanidad. L’Europe atlantique, qui devrait représenter l'ultime frontière occidentale de l’empire eurasiatique, doit redevenir une Europe celtique (issue de l’Arc Atlantique dont le centre, symboliquement, serait Covadonga, arc qui serait donc une alternative à la domination anglo-saxonne sur cet océan). Un Royaume-Uni fragmenté en pays celtes, et une France réorientée vers l’axe Berlin-Moscou, seront des maillons à relier avec une Espagne à vocation atlantique (son origine se trouve dans les Asturies, dans la révolte de Pelayo contre les Maures) et en Amérique ibéro-latine.

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4. Un Empire agglutinant

Un des aspects les plus intéressants du texte de Douguine est l’importance qu’il accorde aux facteurs extra-économiques dans la gestion de l’union agglutinante (et non absorbante) des peuples du futur Empire eurasiatique. La clé pour unir et diviser les peuples réside parfois dans la religion, parfois dans l’ethnie, et toujours, en toile de fond et, dans le cadre des conditions toujours en présence, dans la géographie. Il ne s’agit pas d’un empire «absorbant» (comm le fut la russification, qui fut une erreur en général, suite à la soviétisation de vastes régions d’Asie), mais d’un empire «agglutinant», selon la définition qu'en donne Blanco. L’objectif est d’incorporer la diversité dans un projet stimulant, qui s’enrichit toujours de la diversité de départ. Il s’agirait de porter à grande échelle le projet, d’origine asturienne et médiévale, des « Espagnes » (Las Españas), mais cette fois à une échelle beaucoup plus grande et d'ampleur eurasiatique: autonomie locale et régionale maximales, chaque peuple conservant son identité ethnique, religieuse, linguistique et «forale» (autonomie), tandis que le Pouvoir Central réserverait pour lui les grands desseins stratégiques, la défense et les relations multipolaires avec le reste du monde.

6. Europe : l’alliance indispensable avec Moscou

Douguine consacre plusieurs sections de son livre à l’Europe Occidentale. L’Allemagne est vue comme un allié potentiel si elle rompt avec les États-Unis et s’oriente vers l’Eurasie. La France, avec sa tradition gaulliste, pourrait également s’intégrer dans ce bloc. L’Espagne apparaît à peine, bien que sa position atlantique, qui a été historiquement la clé de son pouvoir entre les 16ème et 18ème siècles, pourrait être pertinente dans un schéma multipolaire. L’Espagne est née dans le Royaume d’Asturies, et ce sont les marins des Asturies, de Santillana et de toute la région Cantabrique (Galice, Asturies, Pays Basque), qui ont créé une Castille « tellurique » (terrestre), avec une flotte qui a affronté la piraterie européenne et musulmane. Il n’y a pas de frontière occidentale possible pour l’Eurasie sans revendiquer l’Hispanidad : a) comme garante de ses côtes contre les « insulaires » américains et anglo-saxons, et b) comme lien incontournable avec la Patria Grande, Nuestra América (en commençant à l’extrémité sud du continent ibéro-américain).

« L’Europe doit se libérer du joug atlantiste et trouver son destin dans la grande Eurasie. »

7. Amérique hispanique, Afrique et Sud Global

Douguine propose une stratégie pour rapprocher l’Amérique hispanique, qu’il appelle à tort et de façon persistante «Latine», et particulièrement le Brésil, comme contrepoids à l’hégémonie américaine. L’Afrique est vue comme un espace de compétition indirecte, où la Russie peut gagner en influence par des alliances anti-occidentales.

« Le Sud Global est un terrain fertile pour l’expansion de l’influence eurasiatique. »

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8. Guerre culturelle et contrôle de l’information

Douguine reconnaît que les enjeux de la géopolitique du 21ème siècle ne se gagneront pas uniquement avec des tanks, mais aussi avec des idées, des réseaux et de la culture. Il propose une guerre culturelle contre le libéralisme, en promouvant des valeurs traditionnelles, religieuses et nationalistes.

« La bataille pour l’âme du monde se joue dans le domaine de la culture. »

Cette dimension idéologique du livre peut s'avérer particulièrement influente sur les mouvements souverainistes, populistes et de gauche en Europe et en Amérique. Son rejet de l’atlantisme et sa connexion avec les théories de la dépendance, de l’échange inégal, du marxisme du « Tiers Monde », du peronisme, du chavisme, du castrisme et de toutes les idéologies émancipatrices qui luttent contre la Doctrine de Monroe et l’impérialisme américain font de Douguine une référence. En termes plus généraux, Douguine revendique un empire agglutinant, proche de celui qu'a théorisé Carlos X. Blanco: c'est, de cette manière, un Grand Espace (selon Schmitt), autocentré et en harmonie pacifique avec les autres, si possible.

Conclusion : manuel de stratégie ou manifeste idéologique ?

Les fondementaux de la géopolitique est plus qu’un traité académique: c’est un manifeste idéologique qui cherche à redéfinir le rôle de la Russie, mais aussi celui de l’Europe, dans le monde. Son influence sur certains secteurs de l’armée russe et la politique extérieure du Kremlin a été largement documentée. Cependant, c’est un texte qui doit être complété par d’autres œuvres et contributions ultérieures du grand philosophe russe, telles que sa théorie du multipolarisme et son approche de la Quatrième Théorie Politique. Il lui manque une analyse économique sur l’évolution du capitalisme au 20ème et 21ème siècle, ainsi qu’une étude des luttes de classes et du conflit stratégique entre États et acteurs (selon G. La Grassa). Une lutte pour le pouvoir.

vendredi, 31 octobre 2025

De Grokipedia à la chute de l'Occident - L'IA remplace l’homme alors que l’Occident approche de sa fin

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De Grokipedia à la chute de l'Occident

L'IA remplace l’homme alors que l’Occident approche de sa fin

Alexander Douguine

Alexander Douguine avertit que l'humanité fait face à un effondrement imminent alors que l’IA, la guerre génétique et la chute du Sacré marquent la dernière descente de l’Occident.

La fin de l'humanité pourrait être plus proche que nous ne le pensons.

Le 27 octobre, d’un simple clic, Elon Musk a remplacé l'encyclopédie en ligne Wikipedia libérale-globaliste (qui a mis 25 ans à se construire) par la Grokipedia neutre, tandis que Jeff Bezos a remplacé 300.000 employés d’Amazon par l’intelligence artificielle. De plus, Musk a préparé une armée de robots, dont l’apparition sur les champs de bataille est attendue pour le printemps prochain. Les cyborgs et les animaux modifiés artificiellement sont déjà en développement. Demain, ce seront les humains eux-mêmes qui seront modifiés.

Guerre et paix évoluent à une vitesse fulgurante.

La recherche génétique a fait de la société une cible facile pour un génocide massif — possiblement avec une composante ethnique. Des armes ethniques ont été créées et pourraient être utilisées à tout moment.

Le contrôle mental a atteint des sommets sans précédent, et la virtualité remplace la réalité.

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Je crois que la convergence de ces menaces pourrait conduire à un effondrement total — non pas sur plusieurs décennies, mais dans les années à venir.

Selon les prévisions statistiques, un effondrement est beaucoup plus probable que la poursuite des tendances actuelles sous quelque forme que ce soit.

Le libéralisme était la dernière idéologie à préserver le statu quo, mais il s’est avéré totalement nihiliste et destructeur, et il s’est effondré. S’y accrocher est inutile. Il a largement provoqué cette situation lui-même.

Tout a commencé avec la perte du Sacré. L'humanité a annulé Dieu. Au début, au nom de l’homme. La religion a été remplacée par la philosophie et la science. Puis l’homme lui-même est entré dans une crise: la philosophie s’est effacée, et la science est devenue la servante de la technologie. L’homme a commencé à se désintégrer en fragments. Transgenres, transespèces (furries, quadrobers, chimères), transethnies, et enfin, transhumanisme. L’homme est devenu une question de choix.

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Il ne faut pas se faire d’illusions: la fin est à portée de main. Pour l’éviter — ou même pour la retarder — nous devons identifier la racine du problème. C’est, en essence, le but de l’Occidentologie. C’est une carte qui permet de saisir la nature de la Modernité occidentale. L’Occident en tant que tel, et surtout la Modernité occidentale, est responsable de tout ce qui arrive à l’humanité.

L’Occident n’est pas seulement un concept géographique mais aussi une limite historique. Hegel a écrit que l’histoire se déplace d’Est en Ouest. Cela signifie du début à la fin. L’Occident est un phénomène eschatologique.

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mardi, 28 octobre 2025

Le Japon se réveille à la Tradition

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Le Japon se réveille à la Tradition

Moscou voit une nouvelle voie alors que le Japon passe d’un déclin libéral à une consolidation sur base de ses valeurs ancestrales

Alexander Douguine

Alexander Douguine voit le tournant du Japon sous Sanae Takaichi comme un réveil civilisateur qui pourrait aligner Tokyo avec la Russie dans la révolte mondiale contre le libéralisme.

Le Japon a élu sa première femme Premier ministre — Sanae Takaichi. Son élection constitue un signe politique très sérieux.

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Partout dans le monde, l’idéologie libérale s’effondre. Dès le début des années 1990, elle avait dominé la politique, l’économie et la culture — presque sans rencontrer d'opposition. Pourtant, après trente-cinq ans de règne ininterrompu, le libéralisme est arrivé à une exhaustion totale. Ses principes fondamentaux — universalité des droits de l'homme, la notion de « fin de l’histoire » (Fukuyama), le principe de l’identité individuelle, la woke culture, l’idéologie transgenre, l’immigration illégale, et le multiculturalisme — ont échoué à l’échelle mondiale.

Les libéraux étaient sur le point de prendre le contrôle de toute l’humanité; aujourd’hui, le libéralisme et le mondialisme s’effondrent partout. La Russie, la Chine, l’Inde, le monde islamique, les pays africains et l’Amérique latine — unis dans le BRICS — se sont levés précisément contre ce programme. L’élection de Donald Trump a été le premier grand coup porté à l’hégémonie libérale: dès son premier jour au pouvoir, il a rejeté les dogmes fondamentaux du projet libéral, y compris l’activisme LGBT et transgenre, ainsi que l’idéologie de la Critical Race Theory — celle du racisme anti-blanc qui avait envahi l’éducation et la culture occidentales. Tout ce paquet a été rejeté par la majorité de l’humanité non-occidentale, et maintenant aussi par l’Amérique elle-même. Seule l’Union européenne reste la dernière forteresse de ce pandémonium, bien que tous ses États membres ne partagent pas encore les mêmes convictions.

Il n’est donc pas surprenant que le paradigme libéral ait également disparu au Japon — longtemps considéré comme un pays intégré dans le monde occidental centré sur l’Amérique. À l’instar des Etats-Unis trumpistes, le Japon a élu une femme qu’on peut qualifier de « Trumpiste » — ou peut-être de «Trumpiste japonaise ». Sanae Takaichi incarne des valeurs traditionnelles: elle voit le mariage comme une union entre un homme et une femme, elle trouve normal que les femmes prenant le nom de leur mari après le mariage, et vise le « zéro immigration » — ce qui signifie que les migrants illégaux et légaux devraient être expulsés du Japon.

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Takaichi appelle à un retour à la foi shintoïste, à une réaffirmation du culte impérial, et à la renaissance du bouddhisme traditionnel. Elle visite régulièrement le sanctuaire dédié aux morts de la guerre de la Seconde Guerre mondiale, défiant ouvertement les récits libéraux sur le passé du Japon. En substance, elle prône la restauration de la souveraineté militaire et politique du Japon. Il est frappant que la première femme Premier ministre ait autrefois joué de la batterie dans un groupe de heavy metal. Cette femme remarquable — une ancienne batteuse de métal — mène désormais la renaissance de l’esprit samouraï, des valeurs traditionnelles, du culte impérial, de la religion shintoïste, et du culte de la déesse du soleil Amaterasu, ancêtre de la lignée impériale.

C’est rien de moins qu’une révolution conservatrice au Japon, qui se déroule sous nos yeux. Le parti bouddhiste modéré Komeito s’est retiré de la coalition de gouvernement avec le Parti libéral-démocrate maintenant dirigé par Mme Takaichi. Pourtant, elle a mobilisé une autre force — le Parti de l’innovation japonaise (Ishin no Kai), encore plus à droite et conservateur.

Est-ce une bonne ou une mauvaise chose pour nous ? Idéologiquement, c’est positif. La Russie aussi revient à des valeurs traditionnelles — aux idéaux de l’Empire, de l’Orthodoxie et de l’identité nationale. C’est notre tendance, comme c’est le cas en Amérique et de plus en plus dans le monde entier. Le Japon, qui se dresse aujourd'hui contre le libéralisme, ne fait que rattraper le reste de l’humanité, qui se débarrasse rapidement de toute la pourriture de l’idéologie libérale.

L’Union européenne reste le dernier bastion du déclin, de la dégénérescence et de la sénilité politiques — mais probablement pas pour longtemps. Le Japon, en revanche, rejoint les rangs des pays fondés sur des valeurs traditionnelles. La Russie appartient à ce même camp, ce qui crée un terrain fertile pour le dialogue.

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Parallèlement, le Japon reste néanmoins bien ancré dans le cadre de la politique étrangère américaine. Sa militarisation croissante signifie qu’il adoptera une ligne plus agressive dans la région du Pacifique. La Russie et le Japon ont une longue et difficile histoire commune — à commencer par la guerre russo-japonaise du début du 20ème siècle, lorsque Tokyo, après la restauration Meiji, s’était orienté vers les États-Unis. Cela pourrait présenter un certain risque pour la Russie.

Pourtant, cette nouvelle orientation du Japon est un défi encore plus grand pour la Chine — un autre géant du Pacifique, et ami proche ainsi que partenaire de la Russie. C’est pourquoi la restauration de relations normales avec un Japon récemment redevenu traditionaliste — et désormais idéologiquement plus proche de nous — ne doit pas se faire au détriment de notre partenariat qu'est la Chine, notre principal allié et partenaire fondamental .

Cependant, si nous voyons dans Sanae Takaichi — cette « batteuse d'esprit samouraï » — quelqu'un qui amorce un véritable mouvement vers la Russie et qui preste un effort sincère pour atteindre la souveraineté stratégique du Japon, c’est-à-dire vise à se libérer du contrôle direct du pays par les Américains, alors nous aurons une bonne base pour discuter. La Russie pourrait établir une relation bilatérale avec le Japon basée sur des intérêts mutuels. Nous pourrions même agir en tant que médiateurs de la paix dans le Pacifique, aidant nos amis chinois à passer de la confrontation à une forme de coopération en Asie de l’Est. En tant que grande puissance pacifique, la Russie pourrait jouer un rôle important dans cette transformation.

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Il est encore trop tôt pour dire ce que la gouvernance de cette exceptionnelle figure du Japon — qui incarne l’essence symbolique de la déesse Amaterasu — apportera. Mais, quoi qu'il en soit, son arrivée au pouvoir marque un moment remarquable dans l’histoire du Japon. Et peut-être, sous cette nouvelle « Déesse Amaterasu », la Russie pourra établir des relations constructives, tournées vers l’avenir, et multipolaires avec le Japon — des relations basées sur les plans idéologique, civilisationnel et géopolitique — en harmonie avec notre alliée et partenaire la plus chère, la grande Chine, où les valeurs traditionnelles prévalent également.

Au fait, les valeurs traditionnelles triomphent aussi dans la belle Corée du Nord — contrairement à ce qui se passe en Corée du Sud, pays qui demeure l’un des bastions de la décadence libérale. J’espère cependant que ce ne sera que temporaire, et que la Corée retrouvera son unité et sera alors véritablement coréenne. Il faut aussi se rappeler qu’il existe de profondes tensions entre la Corée et le Japon.

En résumé, la Russie a maintenant une chance de réinitialiser ses relations avec le Japon sur la base d’un retour commun aux valeurs traditionnelles. Voyons ce que cela donnera.

samedi, 25 octobre 2025

Pourquoi les libéraux se détestent-ils eux-mêmes?

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Pourquoi les libéraux se détestent-ils eux-mêmes?

Alexandre Douguine

Dans la psychologie et les sciences politiques, il existe désormais un terme intéressant qui devient de plus en plus usité: l’oikophobie. Ce terme désigne une haine profonde et irrationnelle de tout ce à quoi on appartient — le foyer, la culture, la famille, le peuple, l’État, et finalement, on débouche sur la haine de soi.

En psychologie, la haine des objets ou des choses courantes comme les meubles et les possessions familières de la maison, ainsi que la colère envers ses proches, peuvent être une manifestation de l’oikophobie.

En politique, l’oikophobie est souvent considérée comme une caractéristique des libéraux et des gauchistes. Ils ont une vision négative de l’amour pour le foyer, la famille, le patriotisme, le respect des traditions et pour toute identité stable. Ils considèrent intrinsèquement ces éléments comme indésirables, voire comme relevant du « fascisme ».

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Dans de nombreux cas, l’oikophobie est favorable aux gauchistes et aux libéraux, car elle peut être efficace pour promouvoir une stratégie de transgression de tout, de contestation, de déplacement des frontières, d’insolence envers les lois, les normes, et en faveur de la rupture de tous les tabous.

Dans la culture post-moderne, cette caractéristique prédominante est devenue la norme — désormais, la transgression et la désobéissance à tout sont devenues la norme, alors que l’adhésion aux traditions et aux lois est condamnée comme un mal à éradiquer.

Plus tôt, Macron avait déclaré que la France n’était pas sa patrie, mais plutôt un hôtel ou un arrêt temporaire dans son itinéraire. C’est pourquoi nous assistons à un déclin esthétique comme celui qui nous a été infligé lors de l’ouverture des Jeux Olympiques 2024 — une transgression et une démesure absolues, reposant sur des versions extrêmes de l’oikophobie. Cela reflète également le profil psychologique et politique de la majorité des mondialistes, des progressistes et des soutiens du Parti démocrate américain.

L’oikophobie est largement répandue parmi les libéraux russes, ainsi que parmi certains courants de la nouvelle gauche russe, qui tendent vers une interprétation trotskyste du marxisme et rejettent la version du patriotisme qui dominait sous l’ère soviétique.

De nouvelles recherches montrent que l’oikophobie est, en son essence, une blessure psychologique, qu’elle soit congénitale ou acquise, souvent liée à d’autres traumatismes psychologiques (souvent survenus durant l’enfance).

Conclusion : les libéraux (oikophobes) doivent suivre une thérapie.

mercredi, 22 octobre 2025

La lecture dialectique initiale de l’œuvre d’Evola selon Douguine

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La lecture dialectique initiale de l’œuvre d’Evola selon Douguine

Raphael Machado

L’étude de la dimension politique de l’œuvre du philosophe traditionaliste italien Julius Evola se heurte toujours au « mur » représenté par sa phase tardive — celle qui se définit par le célèbre (et peu lu) livre Cavalcare la Tigre (= Chevaucher le Tigre).

L’œuvre en question tire son nom d’une parabole orientale qui raconte la terreur causée par un grand tigre dans une région désertique. La seule solution, que trouve le « héros », le cas échéant, est, au lieu d’affronter directement le tigre, de sauter sur son dos, de l’agripper et de s’y tenir jusqu’à ce que la bête s’épuise. Ce n’est qu’alors qu’il devient possible de donner le « coup de grâce ».

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Ce que cela signifie politiquement, pour Evola, fait l’objet d’innombrables interprétations divergentes.

La période tardive d’Evola est habituellement décrite comme une période de «lassitude» face à l’engagement politique — surtout celui de ses «disciples», puisque lui-même n’a eu que quelques années pour tenter d'influencer positivement les régimes fascistes européens des années 30-40.

Cependant, l’Italie des années 50 et du début des années 60 représentait le nadir spirituel de la nation. Elle était occupée militairement par une puissance étrangère, culturellement corrompue par l’invasion de produits de l’industrie culturelle américaine, psychologiquement fracturée par le chaos démocratique, et dans le panorama politique intérieur, Evola voyait que même le nationalisme anti-libéral et anti-communiste s’était rendu conforme à l’ordre hégémonique de manière qui n’était pas simplement superficielle.

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En sous-main, de plus, les plus exaltés commençaient à recourir au terrorisme et à la guérilla urbaine comme tactique de déstabilisation de l’ordre libéral-démocratique. Aux yeux d’Evola, une aventure vouée à l'échec.

Dans ce contexte, la posture à adopter par « l’homme différencié » est celle de l’apolitisme (l'apoliteia).

À partir de ce point, cependant, il est possible d’offrir une vision peut-être plus profonde; la question pourrait être la suivante: dans le stade actuel du cycle civilisationnel, tout effort pour inverser ou contenir la déchéance par l’action politique serait voué à l’échec — le cycle étant trop avancé, et la pourriture intérieure du fascisme et son échec inévitable en étant la preuve évidente.

Selon cette lecture, assez répandue, aucune action politique n’est plus utile ou nécessaire jusqu’à la fin du Kali Yuga. Cavalcare la Tigre représente l’attitude de ceux qui, simplement, « vivent parmi les ruines » en attendant la Fin. D’où l’apolitisme. Naturellement, il ne s’agit pas d’une attente passive, mais d’une attente dans laquelle « l’homme différencié » entreprend le chemin de la lutte spirituelle, cherchant à atteindre sa libération — ou, selon la phase philosophique d’Evola, à devenir « l’individu absolu ».

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Certains disciples d’Evola ont toutefois compris l’apolitisme non comme un abandon de tout engagement politique extérieur, mais comme une disposition intérieure impliquant un double engagement: 1) ne pas se soumettre aux règles politiques du système hégémonique; 2) ne pas s’impliquer émotionnellement dans tout engagement politique extérieur (d’où l’appel au dialogue entre Krishna et Arjuna dans la Bhagavad Gita, comme modèle d’un ethos de l'« action désintéressée »). Pour l’« homme différencié », il restait, selon cette lecture plus radicale, le chemin de la « milice » et de la « guerre sainte ».

Ce dernier point est resté marginal dans l’école évolienne, la majorité ayant toujours interprété l’apolitisme comme une abandon total de l’engagement politique et une focalisation complète sur la « jihad intérieur », avec un autre courant adoptant une posture « modérée » à l’égard de l’engagement politique.

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Le « premier Douguine » propose une lecture particulière de cette question.

Plus récemment, Douguine s’est longuement replongé dans la pensée d’Evola et lui a consacré un livre entier — Julius Evola : Stella del Mattino (= Étoile du Matin), publié jusqu’à présent en Italie uniquement. Dans cette œuvre, notre ami russe propose une lecture essentiellement métaphysique et alchimique de la métaphore du Cavalcare la tigre, en se concentrant sur le caractère yang/yin de la métaphore (puisque Douguine fait remonter la maxime jusqu’à la Chine ancienne), où le tigre représente les forces déchaînées du yin, et le chevaucheur, qui est sous-entendu dans la parabole, n’est pas proprement le yang (qui serait, en réalité, affaibli, déchu à l’ère présente), mais le représentant terrestre du yang.

9163161-978779318.jpgMais 35 ans auparavant, en 1990, Douguine avait formulé quelques réflexions politiques significatives sur l'ouvrage Cavalcare la Tigre, qui furent peu après publiées dans son livre intitulé Révolution conservatrice (Konservativnaïa Revolioutsia). Le penseur russe le situe spécifiquement dans une sorte d’antipode apparent de l’« impérialiste païen ».

Le terme désigne le sujet hypothétique de l’ouvrage Impérialisme païen, un texte de jeunesse dans lequel Evola propose une critique programmatique du fascisme à partir de la perspective d’une pensée politique « conservatrice révolutionnaire » fondée sur une tradition impériale à la fois romaine et gibeline. Là, Evola esquisse — parfois de façon générale, parfois en détail — sa conception de l’État idéal, sa « Platonopolis ». L’œuvre représente, peut-être, le « degré maximal » de politisation de la Tradition, et c’est dans ce sens que Douguine le pose comme la contrepartie de Cavalcare la Tigre.

Tandis que la posture prônée dans Cavalcare la Tigre ressemble à celle de l’anarque jüngerien qui amorce son « Waldgang » — ou, en d’autres termes, la figure de l’« anarchiste de droite » — 30 ans auparavant, Evola offrait au monde la perspective de l’« impérialiste païen ». Changement d’avis ? Maturité ?

Douguine nie toute chose de ce genre. Au contraire, dans la lecture douguinienne, l’« homme différencié » reste toujours le même, ce qui change est le monde du devenir, constamment affecté par les mouvements cycliques et les chocs entre volontés de pouvoir.

Et dans la mesure où le monde change, l’« homme différencié » aborde le monde de différentes manières, selon la phase dans laquelle il se trouve. En ce sens, l’« impérialiste païen », le « gibelin radical », le « conservateur révolutionnaire » devient « anarchiste » et « se retire dans la forêt » lorsque les conditions deviennent défavorables, et que la lutte politique devient infructueuse. La seule chose que l’« homme différencié » a à offrir au monde dominé par les forces de la Contre-Institution est son « Non ».

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Mais dans la mesure où le monde n’est pas, encore une fois, statique, l’«anarchiste» évolien est toujours prêt à «prendre d’assaut les cieux» lorsque les conditions objectives redeviennent favorables à l’action politique (désintéressée).

En réalité, toute la période de la « jihad intérieur » est aussi une préparation à la conquête extérieure du monde, à la «jihad extérieure», «lorsque les étoiles seront alignées».

La lecture douguinienne de cette question offre la sortie la plus adaptée à l’impasse de la «scolastique évolienne» concernant les possibilités d’action dans les phases finales du Kali Yuga.

mardi, 21 octobre 2025

Trump, le découplage et la fiancée étrusque

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Trump, le découplage et la fiancée étrusque

Conversation avec Alexandre Douguine pour le programme télévisé Escalade de Sputnik TV

Alexandre Douguine

Alexandre Douguine imagine un monde arrivé à un point de rupture: l'influence d'Israël sur l'Amérique s'amenuise, Trump joue au poker nucléaire, et l'Occident dépérit comme un cadavre en décomposition, tandis que l'Eurasie prépare sa résurrection.

Présentateur Alexandre Boukarev : Commençons par le sujet le plus brûlant, puisque Donald Trump prononce en ce moment un discours devant la Knesset. On pourrait dire que cela marque une pause ou même un tournant dans le conflit entre Israël et Hamas. La première question est la suivante: dans quelle mesure l’accord entre Israël et le Hamas, que Trump qualifie pompeusement de “fin de la guerre”, est-il réellement durable et, surtout, qui en tirera le plus grand avantage, en ce qui concerne les événements en Israël et dans la bande de Gaza ?

Alexandre Douguine : Il me semble qu’objectivement, c’est une réussite pour Trump. Il a traversé une période électorale difficile. Son soutien total à Netanyahu impliquait l’étape suivante: reconnaître le démantèlement de l’État palestinien, en le reportant indéfiniment. Netanyahu et le gouvernement israélien ont demandé à l’Occident et au monde de refuser totalement de reconnaître la Palestine sous quelque frontière que ce soit, ni à Gaza ni en Cisjordanie, ainsi que le droit d’Israël à créer le “Grand Israël”. C’était leur position, et, apparemment, la cause déclencheuse de la tragédie à Gaza, un vrai génocide de la population locale.

Du point de vue de Netanyahu et de ses partisans radicaux religieux-politiques – Ben-Gvir, Bezalel Smotrich et d’autres ministres – ils suivent les théories de Dov Ber et Yitzhak Shapira sur la préparation à la construction du Troisième Temple et sur le "sacrifice de la vache rouge". Les vaches rouges, entre autres, ont été amenées d’Amérique. Il s’agit d’un ancien rituel juif qui précède la venue du Messie et la construction du Troisième Temple. Pour que cela se réalise, la mosquée d’Al-Aqsa, le lieu sacré de l'Islam à Jérusalem, doit être détruite.

Récemment, Ben-Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, y a mené un rituel religieux, violant ainsi les droits des musulmans tout en préparant symboliquement la mosquée à sa démolition. Il s'agissait d'un rite d’initiation pour la venue du Messie. Trump a soutenu cette ligne pendant longtemps, contre l’avis de ses partenaires occidentaux et de sa propre base, celle du mouvement MAGA, qui est en grande partie devenu anti-israélien. En raison de la politique pro-Netanyahu de Trump, des conflits ont éclaté entre ses propres soutiens en Amérique. Il a pris des risques, mais la prochaine étape de cette politique aurait signifié occuper Gaza, expulser les Palestiniens, refuser leur statut d’État et étendre le Grand Israël aux dépens de la Syrie et du Liban. Trump a suivi Netanyahu presque jusqu’à la fin, jusqu’à la ligne rouge, empruntant ainsi la voie du sionisme chrétien. Un travail idéologique, militaire et diplomatique immense a été réalisé pour orienter l’Amérique à soutenir le projet messianique de Netanyahu.

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Mais l’accord d’aujourd’hui est tout le contraire de cette orientation. Lorsque hier, l’envoyé spécial Witkoff a parlé devant les Israéliens et a mentionné Netanyahu, la foule a protesté et l’a fait taire. Ce n’est pas là une victoire de Netanyahu. L’échange d’otages, la libération de milliers de Palestiniens des prisons et le retrait des troupes de Gaza sont désormais compromis par Netanyahu lui-même. Les conditions du Hamas et des Palestiniens – forger un État palestinien indépendant, soutenu par de nombreux pays et même par l’OTAN, à l’exception des vassaux les plus fidèles de l’Amérique – ont prévalu.

Trump a changé de cap: en soutenant Netanyahu à 99%, il s’est toutefois arrêté juste avant la dernière étape. Ce n’est plus le Grand Israël, ce n’est plus la venue du Messie, ce n’est plus la "vache rouge", ce n’est plus l'édification du Troisième Temple, ce n’est plus la destruction d’Al-Aqsa, et ce n’est plus le transfert des Palestiniens.

À quoi donc ont servi les sacrifices d'hier? Les Palestiniens reviennent à Gaza sous la supervision d'un État palestinien reconnu par l’Occident. Le Hamas aurait pu déposer les armes mais, maintenant, il assiste à son propre triomphe: ses hommes ont combattu pour l’indépendance et y étaient proches. La logique messianique de Netanyahu, qui a lancé une guerre sous la bannière du Messie, s’est effondrée. L’Iran, malgré les attaques perpétrées contre lui, reste solide. Son patriotisme a grandi; les exigences envers les femmes ont diminué: à Téhéran, on voit de plus en plus de femmes sans hijab. La majorité des pays du monde s’opposent à Netanyahu. L’Occident est divisé: les mondialistes, Soros et les Démocrates le rejettent; Trump le soutient, même si ce n’est pas inconditionnellement. Il joue cinq ou six parties en même temps, sans jamais en gagner une, mais en défendant ses propres intérêts. Mais surtout, il a montré qu’il n’était pas la marionnette d’Israël, ce dont on l’avait accusé. Il a obtenu un cessez-le-feu à Gaza, mais il ne s’agit pas d’une paix stable. Netanyahu et le lobby messianique l’accepteront difficilement: car ce serait accepter leur défaite.

Pourquoi alors gaspiller le capital moral de l’Holocauste? Le monde voit maintenant comment les actions d’Israël ont sapé sa supériorité morale. Ce n’est pas le Grand Israël. Trump, plaisantant sur son avion dans le “Paradis”, qui rappelle Biden, transmet chaque pensée sur les réseaux sociaux avec une spontanéité d'extraverti. Ce n’est pas une paix durable, que l'on vient de nous concocter, mais une nouvelle version de la même triste réalité qui pourrait bien mener à la troisième guerre mondiale. Une victoire fragile et momentanée pour Trump, mais une victoire réelle pour le Hamas et les Palestiniens, qui ont discrédité Israël et se sont rapprochés de la création d’un État qui leur serait propre. Cela déstabilise la région avec la menace de nouvelles guerres, peut-être sous des formes encore plus terrifiantes.

Présentateur : Des sondages récents aux États-Unis montrent que même les chrétiens sionistes et évangéliques, qui soutenaient autrefois le lobby israélien – en particulier les jeunes – retirent de plus en plus leur soutien. Sans parler de l’Europe et de la communauté musulmane aux États-Unis, qui fait aussi partie de l’électorat de Trump. Dans ce contexte, puisque, comme vous le dites, Trump n’a pas achevé ce jeu, que pensez-vous que l’avenir réserve à Israël, d’un point de vue politique et existentiel, s’il n’a pas réussi à atteindre l’objectif pour lequel il a tout risqué ?

Aleksandr Dugin : L’objectif pour lequel Israël a tout risqué est un phénomène métapolitique: l’attente de la venue du Messie. C’est quelque chose de plus grave que l’échec d’un complot politique ou d’une opération militaire. La seule signification d’Israël réside dans le fait d’être un projet messianique. Sans le Messie, il n’a aucune justification d’exister. En tant «qu’îlot de démocratie dans une mer islamique», il ne résistera pas. Il est confronté à un choix: intensifier la tension messianique ou s’effondrer. Tout pas en arrière signifie basculer dans le non-être.

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Aux États-Unis, une vague anti-israélienne grandit, même parmi d’anciens soutiens. Les jeunes – en particulier les Groypers, les nouveaux nationalistes qui ne sont pas des partisans de Trump – professent un antisémitisme qui va jusqu'au culte d’Hitler. C’est un phénomène de masse. Ils se demandent : « Israël d’abord ou l’Amérique d’abord ? ». Pour tout politicien, la réponse « Israël d’abord » signifierait la fin de sa carrière.

Tucker Carlson critique Israël avec prudence, s’opposant aux Groypers et faisant appel au patriotisme américain. Charlie Kirk – qui a peut-être été tué parce qu’il refusait de soutenir Israël – était une figure influente. La propagande mondialiste et liée à Soros alimente le sentiment anti-Israël, en envoyant des activistes d’Antifa et des figures du mouvement LGBT protester contre Israël. Les musulmans tentent de les mettre de côté, mais Soros utilise ces forces – tout comme il a utilisé notre opposition – pour des actions pro-palestiniennes.

La pression vient des deux côtés: de droite, des jeunes nationalistes; de gauche, des libéraux. L’Anti-Defamation League, orientée anti-Trump, perd de son influence. L’attitude de l’Amérique envers Israël a changé, et Trump le perçoit. Lui, Kushner et d’autres sionistes ont suivi Netanyahu, mais en tant que pragmatique et homme d’affaires, Trump comprend que la situation ne peut pas lui être favorablement retournée. Le facteur islamique aux États-Unis reste marginal, et le lobby juif continue de dominer la scène politique américaine. Cependant, le sentiment anti-israélien de dizaines de millions de personnes est devenu trop fort pour être ignoré.

Présentateur : Qui paiera pour la reconstruction de Gaza? La question reste sans réponse.

Aleksandr Dugin : C’est une question qui reste ouverte. Rien n’est gratuit. Détruire est facile, créer est difficile. Ils chercheront à rejeter la responsabilité sur l’Europe (qui devra payer), avec une partie seulement à charge des États-Unis. Israël ne paiera rien. Les pays islamiques pourraient participer mais Gaza deviendrait alors un pont pour les processus politiques palestiniens, ce qui menace Israël. D’un point de vue géopolitique et messianique, Israël a été vaincu. Avant que Gaza ne soit reconstruite, le Moyen-Orient traversera des moments de tension. Il est possible qu’Israël lance à nouveau une opération militaire, cette fois contre l’Iran.

Présentateur : Passons à un autre sujet international concernant Donald Trump mais qui concerne cette fois directement la Russie. Je voudrais en savoir plus non pas sur les missiles Tomahawk en soi, mais sur le dialogue indirect qui se déroule via les déclarations de Vladimir Poutine et Donald Trump. Récemment, Trump a mentionné les Tomahawk, puis Poutine a parlé d’Anchorage, soulignant que nous restons fidèles à nos accords et que cette ligne se poursuivra. Trump n’a pas commenté directement, mais a dit qu’il comptait appeler Poutine avant de prendre une décision concernant les Tomahawk. Il semble qu’il y ait deux courants: l'un, caché, invisible pour nous, et l'autre qui implique Zelensky, Macron et d’autres qui discutent des Tomahawk.

Alexandre Douguine : La situation est extrêmement grave et ne doit pas être sous-estimée. Trump, sûr de sa capacité à exercer des pressions, des chantages et à forcer les autres à accepter ce qu’il appelle la “paix”, manipule diverses parties, y compris le puissant lobby pro-israélien et Netanyahu, lobby qui est une force profondément enracinée dans la politique américaine. Ses méthodes coercitives fonctionnent souvent et c’est alarmant. D’un côté, cela le satisfait: c’est un homme des cycles courts, ce n'est pas un stratège. Il résout les problèmes instantanément, encaissant immédiatement les profits. C’est une approche entrepreneuriale: gagner tout de suite, le lendemain n’a pas d’importance. On peut tout perdre au casino, en échangeant des gains à long terme contre des gains rapides. C’est la mentalité d’un entrepreneur américain: la valeur est dans la transaction qui s'effectue ici et maintenant.

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Les conséquences? Il n’a pas de temps de s'attarder sur elles: le rythme doit s’accélèrer. Et ça, c’est dangereux, car jusqu’à présent, cela a fonctionné pour lui. Il applique maintenant cette méthode à la Russie, mais ici, ce n’est pas approprié. Il s’agit de projets à long terme, de grandes stratégies, de géopolitique, toutes choses que Trump évite. Il agit dans l'instant, et cela est forcément risqué. En tentant d’imposer un principe commercial – « Allez, Poutine, faisons la paix à mes conditions » – il entend la réponse de Poutine: « Non, ce ne sont pas mes conditions à moi ». Trump répond alors par des menaces: « D’accord, alors – nous couperons les ponts, enverrons des Tomahawks, de nouvelles armes ». Cette intimidation envers la Russie, tout comme envers la Chine, est extrêmement dangereuse et vaine.

Selon moi, Poutine agit avec la plus grande délicatesse: il ne cède pas sur les questions stratégiques, ne fait pas de compromis sur des intérêts vitaux, et les défend avec fermeté, mais il est prêt à continuer ce jeu désagréable et risqué. L’histoire des Tomahawks, c'est comme au poker. Poutine joue des stratégies complexes; Trump joue au poker, où seuls le bluff et les gestes rapides comptent. Mais si, lors de négociations difficiles, la mise monte, l’apparence de “simple jeu” de notre part disparaîtra.

Peskov l’a affirmé clairement, et nos politiciens ont dit la même chose: nous avons tracé des lignes rouges; l’Occident les a dépassées, et nous n’avons pas réagi. L’Occident croit à tort que nous ne réagirons jamais. Livrer des Tomahawks à Kiev signifie, du point de vue technique-militaire, que du personnel américain attaquera en profondeur le territoire russe: il n’y a pas d’autre moyen, comme le confirment les experts. Trump, avec son style “dur”, lance un ultimatum qui mène directement à un conflit militaire avec nous. Il refuse clairement de penser à une escalade nucléaire, en supposant que cela se déroulera comme avec l’Iran: les États-Unis attaqueront la Russie pour forcer un accord rapide sur l’Ukraine.

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Présentateur : Comme avec l’Iran ?

Alexandre Douguine: L’Iran, éloigné d’Israël, soutient les chiites. Pour l’Iran, la situation était complexe mais elle n'était pas vitale. Pour la Russie, c’est différent: cela touche nos intérêts directs. En jouant à la roulette russe avec l’escalade pour perspective, Trump joue avec le feu. Si nous cédons, si nous ne répondons pas aux attaques avec des Tomahawks sur notre territoire, et  si on ne sait pas ce qu’ils pourraient transporter dans leurs ogives, cela annulerait tous nos succès, sacrifices et souffrances. Il ne s’agit pas de la menace d’une contre-offensive ukrainienne, que nous avons à peine réussi à gérer. C’est quelque chose de bien plus grave. Si nous ne répondons pas aux attaques directes américaines, ils pourront nous faire tout ce qu’ils veulent.

Le monde est dans le chaos; chacun tire dans sa propre direction; il n'y a personne sur qui compter. Nous sommes seuls: ou nous repoussons l’agression américaine, qui pourrait commencer à tout moment, ou une guerre avec les États-Unis sera inévitable. Trump, avec son arrogance agressive, a dépassé une limite que même Biden et les mondialistes ne voulaient pas franchir. Il ne s’agit pas seulement d’Anchorage. C’est du poker géopolitique, où une partie déclare: «Maintenant, on passe à la roulette russe».

Présentateur : Directement à la roulette russe, tel est le nouveau facteur ?

Alexandre Douguine : Oui. Les Tomahawks sont un nouveau facteur dans l'escalade. Il ne s’agit pas de la victoire de l’Ukraine ou de la défaite de la Russie, mais du début d’un affrontement militaire direct entre la Russie et les États-Unis, le seuil de la troisième guerre mondiale. Nous nous sommes approchés de cette ligne à plusieurs reprises et avons fait marche arrière, mais Trump accélère les événements, alimentant les tensions.

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Melania Trump tente de réfuter les fausses informations concernant les enfants ukrainiens, tandis que Maria Lvova-Belova (photo) a démontré de manière convaincante aux Américains l’absurdité des accusations contre notre président et contre elle-même. Nous y sommes parvenus, mais nous ne pouvons arrêter cette escalade maniaque de Trump, déguisée en pacification.

Le prix Nobel de la paix a été décerné à un agent obscur de Soros pour une révolution colorée ratée au Venezuela: une honte absolue pour ce prix. Pourquoi Trump a-t-il besoin de ce prix discrédité? Son image de pacificateur est fausse, fruit de la sénilité et de l’absurdité.

La fragilité de la situation s’accroît, et les Tomahawks la rendent mortellement dangereuse. Zelensky se féliciterait si l’Amérique commençait à se battre pour lui: ce serait sa victoire à lui. Pendant quatre ans, il a cherché à entraîner l’Occident dans un conflit direct avec la Russie; il pourra ensuite se retirer, même si son pays est détruit.

L’élite mondiale se dégrade: certains sombrent dans la démence, d’autres deviennent toxicomanes, changent de sexe ou se transforment en monstres.

L’Occident perd son visage humain. Soros est un monstre; Trump en est un autre, incapable de distinguer les rêves de la réalité. L’Occident décline, entraînant dans sa tourmente notre propre guerre civile avec le mouvement Antifa, les marxistes, les transgenres, la mode furry. Ils exportent cette apocalypse zombie, infectant l’humanité avec le venin de la folie. C’est extrêmement dangereux: l’Occident possède des bases, des armes et le désir de mourir lors d’un spectacle, comme la tour de Babel qui s’effondre et secoue la terre.

Présentateur : Permettez-moi d’aborder le cadre philosophique, puisque vous avez mentionné le Prix Nobel de la Paix. Certains soutiennent que le déclin de l’Occident profite à la Russie seulement si cela se produit lentement, afin que ses effets centrifuges ne déstabilisent pas le monde entier. Comment voyez-vous cela ?

Alexandre Douguine : Ce qui compte, c’est que l’Occident pourrisse sans nous. Il existe une torture appelée «la fiancée étrusque»: attacher un cadavre à une personne vivante de façon à ce que la putréfaction pénètre dans la chair vivante. L’occidentalisme, le libéralisme, la mondialisation, la numérisation, le désir d’imiter l’Occident: c’est cela, cette «fiancée étrusque».

L’Occident est mort, et plus on s’en rapproche, plus il devient dangereux. Que son déclin soit rapide ou lent n’a pas d’importance. La clé, c’est de pratiquer sans retard le découplage, de couper tous liens avec ce monstre toxique. L’Occident a toujours eu une tendance à la dégénérescence, mais il a maintenant atteint le stade terminal, celui d’un déclin irréversible. Si cela se décompose plus rapidement, c’est peut-être même mieux. L’important, c’est d'isoler cette baraque infectée appelée «société occidentale éclairée», de mettre entre elle et nous un mur infranchissable.

L’humanité doit se sauver de l’Occident. Quiconque reste lié à cette «fiancée étrusque» en décomposition est condamné: le poison se répandra, vite ou lentement, peu importe, mais la maladie qu'il apporte est inévitable. La rupture aurait dû se produire il y a cent ans, deux cents ans. Nous repoussons toujours cela, en pensant que l’Occident ne se décomposera pas ou que son déclin sera d’une certaine manière agréable. Les élites contaminées par une pensée à court terme poursuivent le plaisir immédiat, ignorant les conséquences. La contamination a pénétré notre culture et notre sang. La question n’est pas de savoir si un déclin rapide ou lent nous avantage, mais de savoir qu’il doit se produire sans nous. Nous avons fait beaucoup pour nous en détacher, mais il reste encore beaucoup à faire: l’infection est profonde.

Présentateur : Passons maintenant à ce que nous avons fait et à ce que nous faisons, passons au dernier sujet d’aujourd’hui: le sommet des chefs d’État de la CEI au Tadjikistan et le discours de Vladimir Poutine. De nombreuses questions ont été abordées. Je voudrais demander quelles sont les perspectives de la CEI en ce qui concerne la coopération de la Russie avec les autres pays du Commonwealth. Poutine a cité la Biélorussie comme un exemple de coopération avec nos voisins géographiques et historiques. Que voulait-il dire en faisant une analogie entre la Biélorussie et les autres pays de la CEI dans le cadre de projets communs ?

Aleksandr Dugin : Poutine voulait souligner la nécessité de construire, à la place de la CEI, un État unifié de l’Union eurasiatique selon le modèle de l’Union Russie-Biélorussie. C’est notre seule voie.

Ses paroles peuvent être interprétées de plusieurs manières, mais je n’en vois qu’une seule: de ce qui a été dit et non dit, de la logique de l’histoire géopolitique, il en découle que nous devons agir ensemble comme un seul pôle – les peuples de l’Empire russe, de l’ancienne Union soviétique, partie indissociable de la civilisation eurasienne: notre peuple, notre culture, notre société – ou nous nous retrouverons entourés d’États hostiles, non souverains et marionnettes comme l’Ukraine, sous l’influence d’acteurs extérieurs, pas nécessairement occidentaux. Il pourrait s’agir du pôle islamique, de la Chine ou d’autres centres de pouvoir. La souveraineté n’est possible que pour de grands blocs civilisationnels: la Russie, la Chine, l’Inde et le monde islamique. La souveraineté du monde islamique, comme on le voit à Gaza et en Palestine, est faible. Cependant, elle pourrait se réorganiser, peut-être sous l’influence du facteur palestinien, dans un nouveau type de califat. Alors, l’Asie centrale deviendrait une zone de conflit entre le pôle islamique, la Russie et la Chine: c'est là une perspective sombre.

Poutine lance un dernier avertissement: soit la CEI se transforme en une véritable Union eurasiatique, soit le destin des États semi-souverains post-soviétiques sera tragique. Il n’est pas nécessaire d’atteindre une unification totale comme avec la Biélorussie, mais un partenariat militaire, économique, politique et culturel sous forme d’union devrait servir d’exemple à tous les États de la CEI, y compris l’Ukraine. La guerre en Ukraine est le résultat du refus de cette voie, tout comme en Moldavie et en Géorgie. Il manque encore un argument: la conquête de Kiev. Quand nous conquerrons Kiev, les paroles de Poutine auront du poids. Nous devons démontrer la nécessité de l’État de l’Union par un acte décisif et irréversible. Sinon, augmenter la tonalité de la rhétorique ne servira à rien.

Cf.: https://www.multipolarpress.com/p/trump-decoupling-and-th...

 

samedi, 18 octobre 2025

Béhémoth contre Léviathan: la liturgie antilibérale d’Aleksandr Douguine

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Béhémoth contre Léviathan: la liturgie antilibérale d’Aleksandr Douguine

Markku Siira

Source: https://geopolarium.com/2025/10/14/behemot-vastaan-leviat...

La philosophie politique d’Aleksandr Douguine cherche à répondre à la crise du monde moderne du point de vue russe, en cherchant une alternative au système de l’époque, dominé par l’hégémonie occidentale. Les racines de la pensée de Douguine se trouvent cependant chez des penseurs européens tels que Julius Evola et René Guénon, ainsi que Carl Schmitt et Martin Heidegger. Cette combinaison montre que son idéologie ne se limite pas à la pensée russe, mais constitue une synthèse complexe d’ésotérisme ainsi que de philosophie politique et existentielle, par laquelle il remet en cause les valeurs dominantes.

Dans le vide spirituel et idéologique ayant suivi l’effondrement de l’Union soviétique, Douguine a vu le libéralisme occidental s’imposer en Russie comme une force matérialiste et dépourvue d’âme, menaçant les valeurs traditionnelles et l’identité nationale. À partir de cette expérience, il s’est donné pour objectif de restaurer la vocation historique et civilisationnelle de la Russie. Douguine a commencé à formuler la «Quatrième théorie politique», qui rejette le libéralisme, le communisme et le fascisme comme des modèles sociaux qui ont échoué.

La Quatrième théorie politique ne se contente pas de critiquer le passé, mais propose une vision d’un monde multipolaire dans lequel les civilisations peuvent préserver leur singularité. Selon Douguine, la crise de notre époque découle de l’incapacité à respecter les différences culturelles et historiques, qu’il considère comme victimes de l’effet uniformisant du libéralisme mondial. Au cœur de sa philosophie se trouve l’idée d’une Russie puissance géopolitique et spirituelle, menant la résistance contre l’universalisme occidental.

Sur le plan géopolitique, Douguine a développé une version moderne de l’eurasisme jadis formulé par des émigrés russes, visant à fonder un « Empire eurasiatique ». Ce projet a pour but de contester l’ordre mondial occidental dominé par les États-Unis, en créant un système multipolaire qui met l’accent sur les valeurs traditionnelles et la diversité culturelle. Dans la vision ambitieuse de Douguine, l’empire unifie les peuples d’Eurasie sous la direction de la Russie, formant une sphère d’influence significative qui rejette le libéralisme occidental et les effets de la mondialisation.

Ces dernières années, Douguine a diffusé cette vision à l’échelle mondiale. Il est devenu un créateur de contenu actif sur les réseaux sociaux, touchant un public international avec ses publications. Douguine a accordé une attention particulière à Donald Trump, qu’il considère comme un challenger à l’hégémonie globaliste occidentale, espérant que l’Amérique de Trump se rapproche de la Russie de Poutine. Ce rêve est toutefois naïf, car la politique de Trump visait à renforcer le pouvoir unilatéral des États-Unis, ce qui est en contradiction avec l’idéal d’un monde multipolaire.

Le blogueur américain S. C. Hickman examine la philosophie de Douguine dans la perspective schmittienne, à travers les figures métaphysiques de Béhémoth et Léviathan – non seulement comme forces politiques, mais comme puissances ontologiques profondes dont la lutte façonne le monde contemporain. Ce combat reflète la transformation de l’ordre mondial, où tradition et technologie rivalisent pour l’hégémonie.

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Béhémoth incarne le principe de la « terre », qui unit la sacralité du territoire, le caractère liturgique du temps et la vocation civilisationnelle de la politique. Béhémoth parle « russe, grec, persan et sanskrit » – des langues qui symbolisent de profondes traditions historiques. La citoyenneté est définie par l’obéissance à la vocation civilisationnelle, et l’État devient un autel. La vision multipolaire de Béhémoth est une « couronne de temples que les comptables de l’Atlantique ne peuvent pas inspecter », révolte contre la quantification globale.

Hickman souligne que la force du Béhémoth réside dans sa capacité à ancrer l’identité dans la terre et la tradition. Ce principe incarne la vision douguinienne de l’autodétermination des civilisations, où chaque culture conserve son essence unique plutôt qu’une homogénéisation globale.

Béhémoth ne défend pas seulement les racines historiques, mais les élève au rang sacré, faisant de la nation le porteur d’un destin collectif. Dans cette vision, la rationalité technologique et économique moderne est remplacée par une finalité mythique et spirituelle, qui rejette la foi occidentale dans le progrès.

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À l’inverse, Léviathan représente, selon Hickman, le principe de la « mer », devenu une « force globale liquide », très éloignée de la vision étatique originelle de Thomas Hobbes. Il parle « anglais et Co. », passant des langues nationales au code universel de l’économie et de la technologie mondiales. Léviathan transforme « l’océan mondial en réseau et le réseau en cerveau », remplaçant l’État par des algorithmes, la souveraineté par des actions de sociétés et la sécurité par des plans de service.

La force du Léviathan se manifeste dans sa capacité à fondre les individus et les communautés dans un flux numérique homogène, où les frontières et identités traditionnelles se dissolvent dans la logique du marché et de la technologie. Ce changement fait du Léviathan non seulement une puissance économique, mais aussi une puissance ontologique dominante, redéfinissant l’humanité selon des critères de données et d’efficacité, ne laissant derrière lui qu’une « liturgie du code ».

Hickman comprend que, malgré leurs oppositions, Béhémoth et Léviathan partagent une hostilité envers le Logos, principe rationnel de la compréhension humaine. Béhémoth l’enterre sous la révélation et le mysticisme, Léviathan le fragmente en paquets de données; l’un exige le respect du mystère, l’autre l’obéissance aux mesures.

Le résultat, dans les deux cas, est le même: le rôle du citoyen est réduit à la soumission ou à la consommation passive. Ils rivalisent pour savoir qui prendra le pouvoir lorsque le projet libéral sera à peine refroidi. Hickman voit comme alternatives sinistres une vie à l’ombre de deux monstres – «l’autorité sacerdotale-royale» et «le pouvoir de la machine capitaliste».

L’analyse de Hickman révèle la contradiction centrale de la philosophie de Douguine: bien qu’il critique la crise provoquée par le libéralisme, son eurasisme et sa quatrième théorie politique mènent eux aussi à leur propre forme de totalitarisme. L’approche de Douguine est théologique: la vie moderne est une hérésie existentielle, à laquelle il oppose la liturgie, la hiérarchie et la transcendance.

Bien que le système de Douguine soit imparfait, contradictoire et sujet à des interprétations autoritaires, il offre une alternative à ceux qui rejettent le libéralisme. Sa philosophie ne vise pas tant à résoudre des problèmes politiques qu’à remettre en cause tout le fondement du système actuel. Cette approche reflète la mutation du paradigme mondial de notre époque et l’aspiration à un ordre qui brûle en son cœur.

mercredi, 15 octobre 2025

Poutine et la philosophie de la complexité

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Poutine et la philosophie de la complexité

Alexandre Douguine

Animateur : Il existe des dirigeants mondiaux que tout le monde regarde et écoute. Et il y en a d'autres que l'on ne se contente pas de regarder et d'écouter, mais dont on revoit et réécoute les interventions. Vladimir Poutine est l'un des rares dans ce cas. La semaine dernière a eu lieu l'un de ses discours programmatiques, qui a été activement suivi, écouté, commenté – et, sans crainte de le dire, même redouté en Occident. Cependant, selon vous, quel est l'essentiel à retenir du discours de Valdaï du président russe ?

Alexandre Douguine : Vous savez, d'un côté, ce qui a été dit ne différait pas fondamentalement de ses précédentes interventions à Valdaï ou à d'autres tribunes. Mais si l'on suit la séquence de ses discours programmatiques, on voit comment notre président développe pas à pas une philosophie complète, alternative au modèle globaliste occidental. Ce ne sont plus de simples remarques ou des déclarations tactiques. Voilà pourquoi les discours de Trump ne nécessitent pas d'être relus, alors que ceux de Poutine, oui, parce que chacun d'eux est comme un épisode de série, d'autant plus compréhensible si l'on se souvient des précédents.

L'intervention de Trump ressemble à un clip, à un meme: on peut la regarder séparément de l'histoire américaine, séparément de Trump lui-même. Il dit quelque chose de drôle, danse, saute, fait un clin d'œil, menace, fait peur, puis se rétracte. C'est un format à court terme – petit, incohérent, frappant, parfois menaçant, mais contradictoire par rapport à ce qui a été dit une seconde auparavant. Poutine, au contraire, est l'opposé: un dirigeant mondial qui déploie progressivement sa philosophie.

Dans ce discours de Valdaï, il a poursuivi son explication de la multipolarité, dont il parle depuis longtemps, mais de plus en plus souvent, de manière plus concrète et plus profonde. Il s'agit du développement d'une compréhension de la multipolarité, qui renaît non seulement dans notre société, mais aussi dans la conscience du président. Pourquoi la multipolarité ? Parce que c'est quelque chose de nouveau. Ce n'est pas un monde bipolaire, ni un monde unipolaire, ni le système westphalien des États-nations, où chacun serait soi-disant souverain, mais où, en réalité, ce n'est pas le cas. Seuls les grands États-civilisations peuvent être véritablement souverains dans notre monde, et cela devient de plus en plus clair.

À l'origine, la multipolarité n'était qu'un slogan, un meme, sans engagement. Mais désormais, tout comme on trace une ligne entre deux points, la conscience géopolitique et le récit du président avancent dans cette direction. Il définit de plus en plus précisément le modèle d'un monde multipolaire, où les pôles sont des États-civilisations. Et il devient de plus en plus évident que le monde multipolaire ne ressemble à rien d'autre. La seule comparaison possible est celle de l’organisation de l’humanité avant l’ère des Grandes découvertes géographiques: des États-civilisations entiers, le califat islamique, la civilisation indienne, l’empire chinois, les sociétés africaines, les empires ouest-européen et russo-byzantin. Avant le colonialisme, il existait une vraie multipolarité, portée par les empires, les États-civilisations ou les macro-États, comme on dit aujourd’hui. Poutine trace cette transition – non seulement en la théorisant, mais aussi en la réalisant.

Lors de ce nouveau forum de Valdaï, il fait le point: ce qui a été accompli, ce qui ne l’a pas été, où se trouvent les obstacles, où ont eu lieu des avancées. Avec Trump, il y a eu une telle avancée, bien que les partisans de l’unipolarité aient immédiatement corrigé le tir. Le slogan du mouvement MAGA reconnaissait, à son origine, la multipolarité, mais les néoconservateurs font pression sur Trump pour le faire dévier de cette position. C’est un processus constant, grandiose, de passage vers la multipolarité, qui touche toutes les régions du monde: l’intérieur de la Russie, les frontières, le Pacifique, le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Amérique latine. Aux États-Unis et en Europe, une véritable guerre civile oppose conservateurs et libéraux-globalistes, fidèles à l’unipolarité — des politiques qui ne représentent rien d’autre que la volonté frénétique et agonisante de préserver le régime et l’idéologie unipolaires. C’est tout cela que Poutine analyse.

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Les gens commencent à comprendre: il ne s’agit pas d’un meme, mais d’une exigence à laquelle il faut adapter l’éducation, la culture, la politique, l’économie. Nous devons participer activement, de manière proactive et non réactive, à la construction d’un monde multipolaire. Pour cela, il faut que chacun prenne conscience de ce que cela représente: une tendance idéologique, de long terme, fondamentale, qui explique tout le reste. Ce n’est plus une nouveauté, mais un approfondissement du sujet. Ce qui est nouveau, à mon avis, c’est l’accent mis sur la philosophie de la complexité d’Edgar Morin (photo), penseur français qui a développé la théorie de la complexité. Poutine a évoqué à plusieurs reprises les processus non linéaires du nouveau monde, les comparant à la mécanique quantique. Les processus non linéaires, la mécanique quantique — c’est l’interconnexion, où le moindre changement au niveau microscopique, qu’il s’agisse d’un blogueur avec son iPhone ou d’un individu, influence les macro-processus mondiaux. Ce n’est pas une mécanique linéaire.

Pour comprendre ce monde, construire une diplomatie, interagir avec les pôles, analyser les contradictions de l’Occident — divisé entre l’Europe et les États-Unis —, il faut une nouvelle façon de penser. La diplomatie exige d’entrer dans la société, la religion, la culture de chaque pays et de chaque civilisation. Cela exige des diplomates du MGIMO (où j’enseigne la théorie du monde multipolaire et des civilisations) une restructuration complète de leur conscience. Cela concerne les affaires, l’économie, l’industrie, la sphère militaire, la guerre — désormais non linéaire, où les drones rendent obsolètes les paramètres classiques de la guerre industrielle. Selon Poutine, la philosophie de la complexité est le fondement de la nouvelle diplomatie. C’est un appel à abandonner une vision simpliste de la réalité.

Le monde moderne avec sa multipolarité est un système complexe. Rejetons les vieux clichés, cessons de projeter les stéréotypes du passé sur le présent, et intéressons-nous à la mécanique quantique, étudions les civilisations, les religions, les théologies qui redéfinissent aujourd’hui les processus. C’est une invitation à changer de conscience — pour tout l’État, et surtout pour ses élites pensantes. Notre pensée est un mélange de soviétisme, de libéralisme oublié — à la limite de la catastrophe. Si nous ne comprenons pas la complexité de la réalité dans laquelle nous vivons, agissons, prenons des décisions et dont nous dépendons, cela finira mal.

En somme, Poutine a fait appel à la philosophie. Une grande puissance a besoin d’une grande philosophie. Sans elle, elle n’est qu’un golem, un robot technique manipulé par d’autres mains. Le monde est gouverné par ceux qui pensent. Il n’existe pas de dirigeants idiots — s’il y en a, c’est que quelqu’un d’autre tire les ficelles. Le monde est régi par des idées — fausses ou vraies, justes ou cruelles, humaines ou inhumaines. Et cela me semble l’une des principales conclusions du discours de Vladimir Poutine à Valdaï.

Animateur : En quinze minutes, vous avez présenté une analyse circonstanciée, approfondie et globale du discours, de sa signification et de son importance. Mais si l’on regarde les titres de la presse occidentale, il n’y a qu’une seule chose: la Russie a menacé de se livrer à une escalade dans les conflits en cours. En petits caractères, chez les plus responsables, on ajoute: en cas de militarisation de l’Europe, de l’Occident, des États-Unis, en cas d’injection d’armes. Mais dans les titres, partout: la Russie brandit le poing. Votre comparaison est pertinente: d’abord la philosophie, puis les vidéos pour les réseaux sociaux. Mais pour une attention aussi brève de l’Occident, de l’Europe, des États-Unis, où il faut quelque chose de substantiel et de sérieux, que faudrait-il? Ou bien la tactique de Dmitri Anatolievitch Medvedev, qui frappe fort et que le président américain suit volontiers et mord à l’hameçon des provocations, n’est-elle pas plus efficace?

Alexandre Douguine : Je pense que Dmitri Anatolievitch Medvedev s’occupe justement de cela. À chacun son rôle. Vladimir Poutine développe une philosophie sérieuse, réfléchie. L’interprétation occidentale, c’est de la phénoménologie. Un individu, une société, une civilisation voient dans le monde le reflet de leurs propres représentations. En anglais, on parle de « reading », en français de « grille de lecture », c’est-à-dire de schéma d’interprétation. Si un terroriste dit n’importe quoi — « maman » ou « miaou » — on y entendra un message terroriste. L’homme voit ses propres reflets, et il est impossible de le convaincre du contraire — c’est la force de la conscience. L’Europe voit en la Russie un ennemi à travers ce prisme et interprète chaque parole de Poutine en conséquence, ignorant tout le reste.

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Pour être honnête, je n’ai même pas remarqué le thème de l’escalade dans son discours. Poutine a parlé de la défense des intérêts de manière douce et sereine, il a souligné que nous avons plus de points communs avec Trump qu’avec les mondialistes européens. Mais ils retiennent ce qui les arrange: «Poutine menace». Le rapprochement avec l’Amérique, ils ne l’évoquent pas. Ils sont sélectifs: ils veulent voir une menace, se préparent à la guerre contre la Russie, cherchent à la déclencher en nous accusant de provocation, en utilisant n’importe quel prétexte. Si Poutine était resté silencieux, son silence aurait été interprété comme une préparation à l’escalade. C’est incurable.

En ce qui concerne Dmitri Anatolievitch Medvedev, il a parfaitement maîtrisé le style des remarques courtes, percutantes et précises. Cela parle à l’esprit occidental: ils disent « nous allons vous détruire », et lui répond « essayez donc — nous vous frapperons les premiers ». Et cela fonctionne, car à leur niveau de perception, c’est un échange de memes. Un meme contre un meme. Trump: « Le tigre de papier russe ». Medvedev: «Ce tigre remue la queue, et une bombe nucléaire peut tomber sur votre tête». Le dix de cœur bat le neuf — Medvedev a surenchéri. Cela ressemble au jeu du fou, mais selon leurs règles — c’est du poker. Ils ignorent le préférant de Poutine. Dmitri Anatolievitch, à mon avis, prépare l’avenir. Il montre qu'il sera tout aussi patriotique, mais plus dur encore. Si notre tendance se poursuit, il la renforcera.

Medvedev façonne l’image de notre pays — visuellement, brièvement, de façon percutante, mémétique. Le sens de ses messages, c’est la préparation à une ligne assumée. Vladimir Poutine est doux, formule de façon enveloppée, consciemment. Mais il faut le bon et le mauvais policier. Poutine, c’est clairement le bon, Medvedev le mauvais. Ensemble, ils font craquer les criminels, mènent les enquêtes, tracent les lignes, maintiennent l’ordre. Ils se complètent parfaitement — les deux sont nécessaires. Je suis convaincu que Dmitri Anatolievitch sait ce qu’il fait, même si c’est parfois brusque et peu diplomatique. Mais il faut hurler avec les loups quand on vit parmi eux. C’est nécessaire, extérieurement, pour qu’on n’oublie pas à qui on a affaire. C’est l’un de nos blogueurs les plus populaires : les gens lisent, et tout devient clair.

Vont-ils s’intéresser à la philosophie de la complexité d’Edgar Morin, à l’interprétation de Copenhague de la mécanique quantique, à la multipolarité? Certains écouteront. Mais pour les autres, ceux qui n’ont pas envie de se plonger dans ces sujets, le blog de Dmitri Anatolievitch Medvedev dit la vérité. Pour l’homme simple, tout devient clair: en Russie, nous serons au-dessus de tout, jusqu’au bout: « rends-toi, ennemi, reste immobile et couche-toi ! ».

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Animateur : Les résultats des élections influenceront de toute façon la vie de ces pays et nos relations avec eux. Commençons par la Géorgie, où le parti au pouvoir « Rêve géorgien » a obtenu de bons résultats aux élections municipales, recueillant plus de 80% de soutien selon les statistiques officielles. Peut-être s’agit-il d’une question naïve, extérieure ou même primitive. Dernièrement, surtout après les élections, la situation est marquée par des troubles. Certains parlent de protestations, d’autres de manifestations. Bref, les gens descendent dans la rue avec des drapeaux aux couleurs bleu-jaune, bleu-blanc familières. Ces schémas fonctionnent — ceux qui ont été conçus il y a 20, 30, 40 ans pour déstabiliser les pays au régime indésirable. Des schémas occidentaux, appliqués dans différents pays, mais qui ont récemment perdu en efficacité. Ou bien ai-je tort, et mon regard sur la situation est-il trop naïf ?

Alexandre Douguine: D’abord, vous avez raison: mobiliser la société civile pour prendre le pouvoir ou renverser des gouvernements indésirables est une tactique qui a fonctionné pendant des décennies, avec des succès divers. C’est une arme puissante des nouvelles technologies sociales et politiques. Il ne s’agit pas tant de créer de vraies structures d’opposition que de mobiliser des éléments libres de la population: des marginaux, des prêcheurs de rue, des personnes qui ont changé d’orientation. Ce sont des fragments mercuriels, des atomes disséminés dans la société, inutiles à tout, incapables de représenter une position politique. Ils sont de plus en plus nombreux, car la culture occidentale ébranle les consciences. Ces masses errantes, faibles d’esprit, ces foules chaotiques deviennent un outil sérieux de la grande politique. Elles agitent la situation, déstabilisent la société. Puis, sur leurs épaules, arrivent les véritables forces qui prennent le pouvoir et ne le rendent plus.

Ensuite, le régime change, ces foules se dispersent — elles ne réclament pas de participation au pouvoir, elles ne sont rien. Ce sont les déchets, les rebuts des grandes villes, des libéraux, non pas au sens idéologique, mais au sens où chacun ne pense qu’à soi. Ces atomes chaotiques sont faciles à mobiliser pour détruire. Mais ils ne revendiquent rien. Sur leurs épaules s’élèvent les libéraux-pantins, qui instaurent une dictature. Ce fut le cas du Maïdan, ce fut aussi en grande partie le cas en France. Dès que les libéraux accèdent au pouvoir, ils ne le lâchent plus. Quant aux gens qu’ils mobilisent comme une bélier pour renverser des gouvernements légitimes, plus ou moins souverains, ils les renvoient ensuite chez eux. En Géorgie, cela a fonctionné plusieurs fois — c’est là qu’a eu lieu l’une des premières révolutions de couleur.

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Animateur : Mais il y a plus de vingt ans.

Alexandre Douguine : Oui, il y a vingt ans, cela a fonctionné, portant au pouvoir le véritable dictateur nazifiant Saakachvili. Mais il semble que la Géorgie ait développé une immunité contre ces révolutions de couleur, et qu’elle n’y cède plus. Le gouvernement souverain du « Rêve géorgien », au départ pro-occidental, avec une voie européenne artificielle, faible et factice, mais face à cette frénésie d’éléments incontrôlables — provocateurs, terroristes, nazis, et en grande partie une masse de schizophrènes géorgiens —, il s’est renforcé. Il a accumulé de l’expérience, et ne se laisse plus faire.

C’est une chose dangereuse — la philosophie de la complexité. Des rebuts inutiles peuvent renverser le destin d’un pays ou d’une géopolitique. Les micro-processus sont activement exploités. D’ailleurs, en Amérique, le mouvement Antifa est composé de ces éléments. Récemment interdit aux États-Unis, il se fait passer pour « antifasciste », mais c’est une organisation ultra-terroriste qui qualifie les libéraux indésirables de fascistes, qui attaque physiquement, harcèle, dénonce, modifie Wikipédia et tue, comme ce fut le cas pour Charlie Kirk. C’est dangereux, car ces gens sont mentalement instables, facilement enclins à la violence physique.

Mais la Géorgie a développé une immunité. Des anticorps sont apparus, le «Rêve géorgien» s’est renforcé. Il a compris comment gouverner le pays sans gestes brusques, sans céder aux provocations, en suivant l’idée de préserver la souveraineté géorgienne. Il a trouvé les clés: où s’arrêter, où faire preuve de fermeté, où laisser faire, où déplacer. Ils jouent avec ce phénomène dangereux depuis une position de force et d’efficacité. Ils ont compris l’algorithme, l’ont maîtrisé. Après Zourabichvili et les élections précédentes, tout semblait clair. Mais les libéraux, encouragés par les élections truquées en Moldavie où la dictature de Sandu a interdit tout ce qui remettait en cause le pouvoir — et n’ayant pas rencontré de résistance sérieuse, ils ont décidé de secouer la Géorgie à nouveau. Cette fois, je pense que cela ne marchera pas, mais il ne faut pas sous-estimer cette stratégie. Elle fonctionne étonnamment bien: plus il y a d’éléments faibles dans la société, plus elle est efficace.

La culture occidentale favorise leur multiplication, les migrants illégaux — des gens non enracinés dans la société, des atomes libres qui peuvent facilement faire le saut quantique du marginal à la force de destruction. C’est la gestion du chaos — une stratégie utilisée par de grandes puissances mondiales. Je pense que les manifestations en Géorgie ne donneront rien. Mais cette menace permanente resurgira sans cesse dans toute société qui aspire à la souveraineté.

Animateur : À l’horizon, il y a la Tchéquie, où Babiš, ancien leader populaire, revient, et qu’on appelle le messager du changement. Encore une fois, la Tchéquie pourrait rejoindre la Hongrie et la Slovaquie comme un petit bloc de pays sûrs d’eux, qui défendent en priorité leurs propres intérêts, reléguant au second plan les enjeux européens, euro-centristes. Qu’en pensez-vous ? Avec ces élections tchèques, où arrive au pouvoir une personne qui n’est absolument pas prorusse, mais dont la politique diffère de celle menée par une Tchéquie hostile à la Russie depuis ces dernières années.

Alexandre Douguine : La question n’est pas d’être pour ou contre la Russie — c’est un aspect secondaire. Il est remarquable que la Pologne aussi penche de plus en plus vers la souveraineté. La Hongrie et la Slovaquie choisissent en priorité la voie du souverainisme, se libérant de la pression des forces globalistes qui s’efforcent de l’abolir. Leur logique est pragmatique et fondée sur l’intérêt national: ils construisent leur politique étrangère — y compris à l’égard de la Russie — selon le principe: la Hongrie avant tout, la Slovaquie avant tout, et non l’Union européenne.

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Orbán et Fico ne sont pas des hommes politiques prorusses. Ce sont des souverainistes qui défendent avec constance les intérêts nationaux. Un souverainiste similaire est arrivé au pouvoir en Tchéquie. Même la Pologne, hostile à notre égard, évolue dans cette direction.

Je recommande de lire la monographie d’un penseur contemporain très brillant, Alexandre Bovdounov, consacrée au projet de « Grande Europe de l’Est » — sa thèse transformée en ouvrage scientifique. Il y a quelques années, alors que ces processus n’étaient pas encore manifestes, il a démontré que l’Europe de l’Est constitue une entité géopolitique indépendante, différente de l’Europe de l’Ouest. Cela concerne tous les pays de la région: Roumanie, Bulgarie, Pologne, Hongrie, Slovaquie, Tchéquie, et même l’Autriche.

Le projet de la Grande Europe de l’Est, décrit par Alexandre Bovdounov, anticipe une vague de révolutions populistes qui porteront les souverainistes au pouvoir (par des voies démocratiques ou moins démocratiques) — et cela arrivera plus vite en Europe de l’Est qu’en Europe de l’Ouest. Cette région deviendra un pôle autonome: d’un côté, ce pôle sera européen, proche de la France, de l’Allemagne, de l’Angleterre, de l’Espagne, de l’Italie, et de l’autre, il sera proche de nous. C’est une région intermédiaire, une sorte de pont. La zone de la Grande Europe de l’Est pourrait devenir un levier clé dans la grande géopolitique européenne et eurasiatique.

Les petits pays, ayant adopté cette ligne stratégique qu’Alexandre Bovdounov a théorisée, observent la réalisation de ces scénarios, y compris avec l’arrivée de Babiš. Les souverainistes d’Europe de l’Est transformeront progressivement la région en une entité civilisationnelle autonome.

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Dans mon ouvrage « Noomachie », deux volumes sont consacrés à l’Europe de l’Est — slave et non slave. Même si je n’ai pas abordé directement la géopolitique, j’ai étudié les identités culturelles des peuples. C’est un monde unique. La Serbie est un autre exemple frappant de souverainisme.

Progressivement, si l’on tient compte du fait que les souverainistes peuvent garder une attitude critique à notre égard, ce tableau deviendra dominant. La question n’est pas la relation à la Russie, mais celle des dirigeants polonais envers le peuple polonais, des dirigeants tchèques envers le peuple tchèque, des dirigeants serbes envers le peuple serbe. Il s’agit de souveraineté.

La vague de souverainisme en Europe de l’Est conduira à la formation d’une communauté autonome. Nous avons intérêt à ce que cela se produise. Mais cela ne signifie pas qu’ils travaillent pour nous ou qu’ils doivent être russophiles. Leur logique est différente: ils aspirent à l’indépendance et veulent mener une politique uniquement dans l’intérêt de leur État. Ils ont pour cela de bonnes raisons.

Je pense que les forces populistes et populaires l’emporteront plus rapidement en Europe de l’Est qu’en Europe de l’Ouest. En Allemagne, le parti AfD gagne partout dans l’ex-RDA et en Prusse occidentale (Brandebourg), où le totalitarisme libéral est moins présent et où les forces patriotiques sont plus fortes. Cette partie de l’Allemagne réunifiée fait aussi partie de la frontière de l’Europe de l’Est (on peut rattacher la Prusse à l’Europe de l’Est ou centrale).

Ce projet est très intéressant. Ce qui se passe en Europe de l’Est n’est pas un phénomène ponctuel ou un succès des technologies politiques, c’est une tendance de fond. C’est la logique de la Grande Europe de l’Est, qui prend une forme géopolitique réelle.

mercredi, 08 octobre 2025

La Russie tenait à un fil au-dessus de l’abîme: pourquoi le 7 octobre est-il une fête nationale en Russie?

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La Russie tenait à un fil au-dessus de l’abîme: pourquoi le 7 octobre est-il une fête nationale en Russie?

Alexandre Douguine

L’anniversaire de Poutine est une fête nationale, car Poutine lui-même incarne dans notre système politique le princeps. Il existe un concept romain — celui de princeps, du principat. C’est la figure centrale du système politique, intermédiaire entre la république et l’empire. Et Poutine, à cet égard, est un précurseur. Il transforme la république des années 1990 — en voie de désintégration, corrompue, pro-occidentale, privée de souveraineté et en pleine décomposition — en un futur Empire. Et lui-même est comme un pont vers celui-ci.

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Autrefois, les empereurs (et même avant, à l’époque de la République romaine) étaient appelés Pontifes (pontifices), c'est-à-dire bâtisseurs de ponts. Plus tard, ce titre a été repris par le pape de Rome, mais à l’origine, il symbolisait le pouvoir sacré. Et Poutine est justement un tel bâtisseur de ponts. Il construit un pont de la république défaillante, chancelante, désintégrée vers un Empire en pleine ascension.

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C’est là son rôle fondamental. Il ne tient pas seulement à sa position et à ses fonctions, car il existe différentes personnalités qui, une fois arrivées au sommet du pouvoir, en font des usages très divers. Certains pour le bien, d’autres pour le mal; certains pour la tyrannie et leur propre affirmation, d’autres, à l’inverse, vont trop loin dans la piété, oubliant la nécessité du côté redoutable du pouvoir d’État.

C’est pourquoi les possibilités du Souverain Suprême sont en effet immenses, mais beaucoup dépend de la manière dont l’individu, détenteur du pouvoir suprême, correspond à la nature même de ce pouvoir. Et chez Poutine, c’est précisément en tant qu’homme que cette combinaison s’est révélée extrêmement heureuse, voire salvatrice, déterminante pour notre pays à l’époque où nous vivons.

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Il existe une tradition de la fin du Moyen Âge et jusqu’à la Réforme, étudiée par Ernst Kantorowicz, historien et philosophe politique remarquable. Il parlait du phénomène des « deux corps du roi ». L’un des corps est le corps individuel, l’autre — sa fonction de princeps, de souverain. Autrement dit, un corps — celui de l’individu, et l’autre — celui de cette fonction sacrée: être à la tête de la société, à la tête du système politique.

Chez Poutine, nous voyons l’harmonie entre ces deux corps: entre l’individualité de Vladimir Vladimirovitch Poutine, avec son parcours et son histoire personnels, et le corps du Souverain Suprême de la Russie à une période critique et décisive. Et selon la façon dont ces deux corps interagissent, il en résulte soit un tournant heureux ou salvateur, soit, au contraire, un échec.

Chez Poutine, nous voyons l’harmonie de ces deux subjectivités: la subjectivité sacrée du principat et le destin personnel, individuel, d’un homme issu des rangs de la sécurité, patriote, serviteur de sa Patrie à quelque poste que ce soit, même le plus modeste.

Poutine est un homme du peuple. Il est arrivé à sa position véritablement à partir des échelons les plus bas, servant la Patrie à chaque étape avec foi et loyauté. Il est un princeps méritocratique, c’est-à-dire ayant accédé au sommet du pouvoir grâce à ses mérites (meritas), et non par une position ou des privilèges initiaux. Il faut aussi en tenir compte.

À cet égard, Poutine, surtout lorsque nous regardons en arrière sur ses 25 années au pouvoir, a opéré un véritable (et souvent invisible) retournement incroyable dans l’histoire russe. Notre pays glissait vers l’abîme. Il est tombé dans l’abîme en 1991 et, en principe, il aurait dû glisser de la dernière falaise, perdre définitivement sa souveraineté, instaurer une gestion extérieure — ce vers quoi menait en fait la politique de l’ère Eltsine.

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Et c’est précisément Poutine qui a rattrapé notre pays, suspendu à un dernier fil, encore accroché à la falaise avec le risque imminent de s’écraser au fond du gouffre et de voler en éclats (ce qui était alors une réalité à portée de main), et, grâce à un effort incroyable, mais aussi avec beaucoup de précaution, l’a ramené, du moins, sur cette falaise. Et nous avons commencé à penser comment retrouver notre place dans l’histoire, comment restaurer la plénitude de notre souveraineté, comment faire renaître la Grande Russie que nous semblions avoir définitivement perdue dans les années 1990.

À cet égard, Poutine est bien sûr un homme du destin, un homme marqué par le courant de l’histoire russe, difficile, parfois paradoxale, dont la langue, dont l’idéogramme nous échappent parfois. Nous ne comprenons pas toujours ce qu’elle attend de nous, car elle ne parle pas toujours clairement.

Les grandes actions ne sont pas toujours précédées de grands manifestes. Parfois, l’histoire émet des sons indistincts, et ensuite tout s’épanouit et commence à monter. L’histoire russe est pleine de paradoxes, et dans cette histoire, Poutine et son règne, sans aucun doute déjà maintenant (dès le début, c’était évident), sont placés sous le signe de la lumière.

Dans l’histoire romaine, il y avait une tradition de succession d’empereurs. L’un était mauvais, l’autre bon, puis à nouveau un mauvais, puis à nouveau un bon. Ils formaient une structure presque binaire, 1-0 : empereur réussi, empereur raté. Dans notre histoire, ce n’est pas toujours ainsi, mais il y a des souverains qui, à l’évidence, du point de vue des réalisations historiques, dans la trame, dans le texte de notre histoire, sont inscrits en lettres majuscules, dûment soulignées, en caractères gras. Et ils représentent quelque chose d’important, de bon, de salvateur…

Certains dirigeants étaient cruels, d’autres humains. Poutine lui-même, sans aucun doute, n’est pas cruel, il est humain, mais par la grandeur, il se tient au niveau des plus grandes figures de l’histoire russe. Et le fait qu’il parvienne à accomplir ses exploits incroyablement difficiles pour sauver la Russie en politique intérieure sans effusion de sang, qu’il n’usurpe jamais de pouvoirs supplémentaires, ne les dépasse jamais et, au contraire, se comporte de manière extrêmement humaine, bienveillante et tolérante, même envers ses adversaires idéologiques, cela fait de lui bien sûr une personnalité unique.

Je pense que Poutine construit un pont vers la véritable renaissance spirituelle, sociale et économique de la Russie. Et je félicite sincèrement notre Souverain Suprême, princeps, qui relève la Russie, à l’occasion de sa fête ! À l’Ange — couronne d’or !

 

15:44 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : alexandre douguine, actualité, vladimir poutine, russie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 06 octobre 2025

L’humanité sera confrontée à des épreuves terribles

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L’humanité sera confrontée à des épreuves terribles

Alexandre Douguine

Les changements dans l’ordre mondial se produisent généralement par la guerre. Il est très rare que ceux qui détiennent le pouvoir absolu acceptent de s’en défaire volontairement. En général, ils s’y accrochent jusqu’au bout, jusqu’à être détruits et réduits en cendres. Il ne fait aucun doute que c’est également le cas aujourd’hui.

Bien sûr, l’histoire prend parfois des tournures inattendues. Par conséquent, on ne peut qu’hypothétiquement compter, espérer ou, du moins, souhaiter que les dirigeants occidentaux renoncent volontairement à leur hégémonie. Mais tout nous dit que cela est peu probable. Et si cela n’arrive pas, il y aura la guerre. Cette guerre a déjà commencé: la guerre en Ukraine et les conflits au Moyen-Orient en sont le prélude. Mais elle n’a pas encore atteint son plein développement. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un avant-goût de cette grande et fondamentale guerre qui sera menée pour la redistribution de la véritable souveraineté entre les forces en train de naître aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous disons souvent que nous vivons dans un monde multipolaire, que le monde n’est plus unipolaire, que les BRICS sont en ascension et qu’ils représentent « la plus grande partie de l’humanité ». Pourtant, nous voyons que l’hégémonie du système unipolaire demeure très forte, bien qu’elle soit en déclin et que la société occidentale soit confrontée à une crise interne, une implosion plutôt qu’une explosion, qui menace de détruire sa civilisation.

Mais, dans un certain sens, malgré une nette tendance à la baisse, l’hégémonie occidentale reste plus forte que la multipolarité.

Soyons honnêtes : elle est encore capable, par exemple, de restructurer l’équilibre des pouvoirs dans l’espace post-soviétique.

Il est évident que les globalistes agissent depuis trois décennies en Ukraine, en Moldavie, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. Mais c’est nous qui le leur avons permis.

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Et malgré les divisions qui affectent actuellement l’Occident, divisé en deux ou trois forces distinctes — les mondialistes de l’Union européenne, Trump et le mouvement MAGA — leur pouvoir est tel qu’ils parviennent à influencer les élections en Roumanie, à éliminer les candidats qui ne leur conviennent pas, à tuer une dizaine de candidats d’« Alternative pour l’Allemagne » en faisant passer cela pour des « accidents » et, enfin, à manipuler les élections en Moldavie. Parallèlement, la guerre en Ukraine se poursuit, l’Occident ne recule pas et il nous est très difficile de remporter une victoire décisive. Autrement dit, il est prématuré d’affirmer que le monde occidental unipolaire n’existe plus. Il existe toujours, même s’il est à l’agonie.

Et, bien sûr, il est très probable que si le monde unipolaire ne s’effondre pas prochainement, tout finira par nous conduire à une grande guerre.

Je ne sais pas où elle aura lieu. Dans le Pacifique contre la Chine, contre l’Inde, au Moyen-Orient ou avec notre implication directe? Il est tout à fait possible que tout commence précisément chez nous. Ainsi, ce qui se passe en Ukraine pourrait être le début d’une guerre bien plus vaste et grave. Car c’est précisément la Russie — avec nos armes nucléaires, nos territoires, notre identité historique, notre capacité à comprendre les processus mondiaux — qui est de plusieurs pas en avance, même sur la Chine.

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La Chine ne devient que maintenant une puissance véritablement mondiale, ce qui représente une nouvelle qualité, une nouvelle situation pour elle. Il n’est pas certain qu’elle puisse y faire face. Nous avons été une grande puissance mondiale aussi bien au 20ème siècle (une des deux) qu’au 19ème (une parmi plusieurs). La grandeur de la Chine remonte à l’Antiquité. Bien que la Chine soit aujourd’hui sans aucun doute une puissance de premier plan, l’une des deux ou trois qui gouvernent le monde. Mais c’est une expérience nouvelle pour la Chine contemporaine. Il faut s’y préparer, car de nombreuses erreurs peuvent être commises. Dans notre cas, cette expérience est très vivante, et c’est pourquoi la Russie est le principal obstacle pour les mondialistes et leur principal ennemi. Voilà pourquoi c’est nous, et pas d’autres, qui sommes les principaux adversaires dans cette guerre, le paratonnerre à travers lequel circule l’histoire mondiale. C’est nous qui construisons ce monde multipolaire.

La grande question est de savoir si, dans ces circonstances, il sera possible d’éviter une troisième guerre mondiale. Pour l’instant, la seule proposition réaliste serait notre capitulation, c’est-à-dire mettre fin à la guerre volontairement, lever le drapeau blanc à l’avance et nous livrer à la merci des vainqueurs. Mais reconnaître volontairement la défaite ne signifie pas la fin de la guerre. Nous avons encore la volonté et les forces de combattre, et nous ne nous dirigeons pas vers la défaite, mais vers la victoire. Donc, si la seule façon d’éviter une grande guerre est la défaite, ce n’est pas ce que nous voulons, et cette option est donc exclue. Ce n’est pas à nous de décider s’il y aura guerre ou non, il ne nous reste qu’à observer comment le monde unipolaire déplacera les pièces de cette confrontation.

Cependant, dans l’ensemble, je suis d’accord avec l’analyse selon laquelle nous ne pourrons pas éviter une grande guerre mondiale. Et dans ce cas, la Chine sera impliquée, et probablement aussi l’Inde, tout le Moyen-Orient et le monde islamique. Bien entendu, cela aura aussi des répercussions en Afrique et en Amérique latine, où des coalitions se forment également en faveur de l’unipolarité ou de la multipolarité.

C’est pourquoi l’humanité sera confrontée à des épreuves terribles. Nous en vivons déjà certaines. Mais en comparaison de ce qui nous attend, ce que nous subissons aujourd’hui semblera un jeu d’enfants. Je ne m’en réjouis pas, ni ne m’en félicite, comme il est naturel pour toute personne normale. C’est simplement que, presque toujours, tout le monde dit ne pas vouloir la guerre, mais les guerres adviennent malgré tout. Que l’on le veuille ou non. Il y a dans l’histoire une certaine logique à laquelle il est pratiquement impossible d’échapper.

19:10 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, alexandre douguine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 03 octobre 2025

La Dictature de la Société Ouverte - De la démocratie suspendue à la guerre culturelle

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La Dictature de la Société Ouverte

De la démocratie suspendue à la guerre culturelle

Alexander Douguine

Alexander Douguine déclare que les élections en Moldavie dévoilent la main de fer de la dictature libérale-globaliste, un régime qui intensifie la répression alors que la Russie fait face à une épreuve décisive de volonté.

Animateur : Aujourd’hui, nous allons évidemment commencer par les élections en Moldavie: comment elles se sont déroulées, ce qu’elles ont produit, quels sont les résultats et ce que cela signifie pour la Moldavie elle-même et, naturellement, pour la Russie. Selon la CEC du pays, après le dépouillement de 99% des bulletins, le parti « Action et Solidarité » a perdu 10 sièges au parlement. Les résultats préliminaires montrent la répartition suivante des forces: le PAS a reçu 49% des voix, ce qui lui a donné 53 mandats ; le Bloc Patriotique — 24%, soit 27 mandats ; le Bloc Alternatif — 8%, soit 9 sièges ; « Notre Parti » — 6% et 6 sièges ; le parti « Démocratie à la Maison » — 5% et également 6 sièges. Quel tableau se dessine ? Les partis d’opposition ont néanmoins réussi à surpasser le parti au pouvoir, lui refusant une majorité absolue. Cependant, le PAS a conservé un soutien important, obtenant un nombre impressionnant de voix. Pouvez-vous nous dire ce que signifient ces résultats pour la Moldavie et pour la Russie, surtout compte tenu du fait que la rhétorique à notre égard pourrait changer?

Alexander Douguine : Nous assistons à la façon dont le globalisme libéral, vaincu dans la plupart des pays du monde — y compris les États-Unis — tente désespérément de s’accrocher à l’Europe. Là où les régimes libéraux et globalistes subsistent — comme ceux qui prédominaient en Amérique avant Trump — ils ont choisi une nouvelle voie: la dictature libérale directe.

Les procédures démocratiques sont suspendues ou complètement abolies, du moins temporairement. C’est la fameuse « démocratie suspendue » — une suspension partielle et sectorielle qui crée des conditions exceptionnelles pour l’ascension de dirigeants et de partis servant la stratégie globaliste. À cette fin, ils commettent des violations : ils emprisonnent des candidats gênants, comme Evghenia Guțul (photo, ci-dessous), chef de l’autonomie gagaouze, qui est en détention ; ils interdisent des partis, comme « Grande Moldavie ». Les procédures de vote portent atteinte aux droits: sur une diaspora moldave forte de 400.000 personnes en Russie, seules 10.000 ont été autorisées à voter. Il s’agit d’une suppression délibérée visant à préserver l’apparence d’élections tout en garantissant le pouvoir total aux libéraux.

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Nous avons vu cela en Roumanie, où un candidat populiste a remporté le premier tour mais a été écarté et les résultats annulés. Une tactique similaire a été utilisée en France contre Marine Le Pen, qui est poursuivie sur des prétextes fabriqués et privée du droit de se présenter. Qu’est-ce que cela signifie? Là où les libéraux conservent le pouvoir, comme en Moldavie, ils ne l’abandonneront pas même si leur mandat prend fin. Maia Sandu fait partie du système Soros. Soros s’oppose aux États-Unis; Trump s’oppose à Soros; mais en Europe, Soros contrôle de nombreux actifs politiques et géopolitiques. À l’exception de la Slovaquie et de la Hongrie, l’Europe est sous son influence. Aux États-Unis, des poursuites pénales en vertu de la loi RICO ont commencé contre lui, mais son empire globaliste continue de dominer.

En Moldavie, en Roumanie, en Allemagne, en France — partout où ils peuvent agir — ils avancent vers une dictature libérale explicite. Nous l’avons compris trop tard. Maintenant, il y a un réel risque de guerre civile généralisée. Donald Trump, ayant compris à quoi il était confronté, a radicalement changé les règles de vote en Amérique: désormais, on ne peut voter qu’en personne, avec une pièce d’identité, pas par courrier et pas tout le monde, y compris les migrants illégaux, comme le voulaient les démocrates. Les républicains, ayant pris le pouvoir, le conserveront à tout prix ou ils seront finis — il n’y aura pas de prochaine élection. C’est une confrontation entre deux forces: les élites globalistes de Soros et les mouvements populaires disparates. Les mouvements populaires n’ont pas de plateforme ni d’idéologie unifiée.

En Moldavie, les gens votent contre l’usurpation du pouvoir, guidés par le bon sens, mais ils ne sont pas unis. Il y a de nombreux partis dont les dirigeants ne trouvent pas de dénominateur commun. Les régimes de Voronine et Dodon ont laissé passer leur chance, n’ayant pas reconnu la menace des structures de Soros, fondamentalement totalitaires, extrémistes et, dans la pratique, terroristes.

Animateur : Dites-vous que le pouvoir en Moldavie est déjà perdu pour l’opposition?

Alexandre Douguine : Oui, je pense qu’il est perdu, car il ne s’agit plus de démocratie. Celui qui détient le pouvoir décide de ce qui se passera ensuite. Si le pouvoir n’est pas pris et établi comme force dominante, comme les populistes européens veulent le faire — ce qui n’est pas acquis, cela peut mener à la guerre civile — rien ne changera. Les populistes américains, malgré leurs hésitations, ont gagné avec Trump. Celui qui prendra le pouvoir — élites globalistes ou forces populaires disparates — ne devra pas le rendre. Dans notre situation — jamais. Il existe de nombreuses façons de réprimer une opposition fragmentée. Le PAS a perdu 10% [note: plus haut il est dit « 10 sièges » ; ici Douguine semble parler de pourcentage ou de sièges — je reste fidèle au texte qui m'a été soumis pour traduction], mais ils ont le président et la majorité. Ils imposeront leur programme: ils entraîneront la Moldavie dans une guerre contre nous, l’annexeront à la Roumanie ou lanceront une opération en Transnistrie.

Animateur : Et concernant la persécution de l’opposition en cas d’une telle victoire — sera-ce possible?

Alexandre Douguine : Absolument. Ils ne libéreront pas Evghenia Guțul. Il s’agit d’un système totalitaire pour lequel il n’existe pas de lois. Ils savent parfaitement que deux forces opposées existent, et l’antagonisme entre elles grandit chaque jour. Celui qui détient le pouvoir devra s’y accrocher à tout prix. Nous avons sous-estimé l’ampleur de la menace.

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Lorsque la Moldavie avait un président amical et rationnel, Igor Dodon (photo), que je connais personnellement, nous avions l’opportunité de changer la situation. Mais nos illusions sur la démocratie occidentale se sont avérées plus fortes que celles de ses propres adeptes. Aujourd’hui, les derniers à croire encore à la démocratie occidentale, c’est nous, ici à Moscou. En Occident, plus personne n'y croit depuis longtemps. Seules subsistent les forces de la tradition — conservateurs, populistes. Nous sommes fragmentés, sans idéologie unifiée, mais il y a en nous une force, celle du peuple qui s’oppose aux élites.

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Souvenez-vous du parti de Huey Long (photo, ci-dessus), en Amérique au 19ème siècle, qui a essayé de donner une forme politique aux idées du peuple contre les élites. L’actuelle vague de populisme pourrait se cristalliser en une vision du monde conservatrice et multipolaire. Nous y travaillons, mais nous avons un retard catastrophique. Nous faisons face à des régimes libéraux-nazis qu’il faut renverser et déclarer illégaux. Nous avons réussi à le faire en Russie, grâce à Vladimir Poutine — ils ont été déclarés illégaux. Mais les réseaux d’influence subsistent, surtout dans l’éducation.

Partout, je rencontre le réseau ramifié des structures Soros qui imprègnent notre enseignement supérieur: bourses, critères de scientificité — tout suit leurs modèles. Nous essayons de créer une liste blanche de revues académiques exemptes d’influence globaliste, mais les structures toxiques sont partout.

En Moldavie, ils sont impuissants face à eux. Là-bas, le peuple est admirable: culture orthodoxe, gens sensés, mais ils sont divisés. Le parti Shor, le parti de Dodon, les communistes — ils sont tous différents, sans plateforme commune. Le bon sens est là, mais il est insuffisant dans la lutte contre l’idéologie de l'ennemi. Obsédés par le mythe de la démocratie libérale, nous avons raté le moment où nos forces étaient au pouvoir en Moldavie — elles n'étaient pas pro-russes, mais pro-moldaves, non sorosisées, elles étaient souverainistes. Voronine en était. Si nous avions gardé nos positions alors, en comprenant que le prochain gouvernement serait antidémocratique, truqué, avec une persécution totalitaire de la dissidence, il fallait agir de manière décisive, exclure du pouvoir les forces toxiques et extrémistes. Sinon, la guerre civile ou non-civile nous attend. Si, comme en Ukraine, ils prennent le contrôle de toute la société, cela deviendra une guerre contre le pôle qui incarne l’alternative au libéralisme.

Animateur : Vous avez dit « si ». Réussiront-ils ?

Alexandre Douguine : Ils ont déjà réussi. La Moldavie est sous leur contrôle. L’opposition existe, mais elle sera réprimée, achetée, détruite ou emprisonnée sous n’importe quel prétexte. Ils possèdent la Moldavie, et leurs actions futures, hélas, ne dépendent pas de nous. Nous avons perdu toute possibilité de contre-action, pour l'essentiel. L’espace post-soviétique nous échappe, sous nos yeux. Je ne sais pas qui en est responsable — tout cela demeure opaque ici, à Moscou.

Le président agit de manière irréprochable, mais ceux chargés de l’espace post-soviétique ont échoué. Ce n’est pas seulement mon avis. Je ne connais pas leurs noms, je n’ai pas enquêté, et il ne serait pas approprié de les nommer. Mais toute l’arc du monde post-soviétique s’est effondré. Dès qu'une fenêtre d’opportunité s’ouvre — nous la manquons. Des forces souveraines, et non globalistes, arrivent au pouvoir — nous les soutenons, certes, mais très faiblement. Quand l’Occident les harcèle, nous n’apportons pas d’aide dans les moments décisifs. Pas à pas, nous ne comprenons pas la gravité de ce qui se passe. Dans l’espace post-soviétique — en Moldavie, en Ukraine, en Biélorussie — la polarisation règne. Les globalistes soutiennent leurs gens, leur donnant carte blanche pour commettre de la violence, des agressions, pour promouvoir des idéologies nationalistes et néonazies. Ils interdisent ces idéologies chez eux, mais ici, le long de cette ceinture territoriale ex-soviétique, ils les cultivent, leur apportant un soutien politique, médiatique, militaire et économique, les utilisant pour rompre nos liens à des fins subversives.

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La Moldavie risque de devenir un nouveau front de guerre. Tout a changé de niveau. Il y a trente ans, nous avons laissé partir l’Ukraine — c’était un crime. Nous ne la récupérerons pas sans guerre, même pour un statut de neutralité. Il en va de même pour tous les pays de l’espace post-soviétique. Si nous n’avons pas assuré le contrôle de leur neutralité, ils deviennent un nouveau front de guerre. Nous savons que les Ukrainiens, de connivence avec Maia Sandu (photo, ci-dessus), prévoient une intervention militaire en Transnistrie pour couper cette enclave prorusse, la priver de tout rôle stratégique et préserver Odessa pour notre offensive du Sud. Du point de vue de la guerre, ils agissent rationnellement — ils prennent ce qu’ils peuvent. Ils font la guerre contre nous, installent des régimes dictatoriaux, falsifient les élections, piétinent les procédures démocratiques. Et nous, nous clamons que cela est antidémocratique, nous envoyons des notes à l’ONU, aux tribunaux des droits de l’homme. Cela ne sert à rien. Quel était l’intérêt de dire qu’Hitler violait les droits de l’homme? Cela lui était égal. Il était assez fort pour imposer sa politique en Allemagne et dans l’Europe occupée. Il en est de même avec le libéralisme.

Les libéraux ont pris le pouvoir dans l'Occident collectif. Avant Trump, ils contrôlaient totalement l’Amérique. Mais il y a eu une percée des forces populistes — sous les balles, comme pour Charlie Kirk, sous les tentatives d’assassinat comme contre Trump. C’est une guerre entre deux blocs: les élites libérales de Soros et leurs agents, y compris ceux qui agissent en Russie. Chez nous, ils ont été écartés de la politique — grâce à Vladimir Poutine — mais dans les domaines de la culture, de l’éducation, de la société civile, ils sont bien enracinés. Ce n’est que maintenant que la libération commence.

Je les rencontre partout — non seulement achetés par Soros, mais idéologiquement transformés en porteurs de la vision du monde libérale-globaliste, profondément enrôlés. Des peuples entiers, comme l’Ukraine sous un régime nazi, leur sont soumis. Une partie des Moldaves vote pour Sandu — oui, les élections sont truquées, les conditions inégales, mais il y a des gens qui votent quand même. Ils ont capturé une partie de notre peuple frère, orthodoxe et admirable, pénétrant les consciences, manipulant les âmes. C’est une véritable zombification, une propagande du globalisme et du libéralisme. Notre riposte, elle, n'est que sporadique.

Les Moldaves votent pour les partis d’opposition, veulent la paix, l’équilibre avec l’Europe et la Russie, rejettent l’usurpation, les gay prides, la perte de souveraineté. Mais ils sont impuissants tant qu’ils ne s’unissent pas. Il faut une idéologie, une politique décisive et proactive dans l’espace post-soviétique. La prochaine étape, c’est la guerre. Vous ne voulez pas de guerre? — alors il faut des transformations politiques radicales en Moldavie, en Arménie, en Azerbaïdjan, au Kazakhstan. Sinon, la guerre est inévitable — sous une autre forme.

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Animateur : Donc il y a encore des options en Moldavie ? Ou bien ne nous reste-t-il qu’à regarder et attendre que la Moldavie devienne l’Ukraine d’aujourd’hui ?

Alexandre Douguine : Si nous ne voulons pas la guerre ou une participation active à la vie politique de l’espace post-soviétique, nous n’avons pas le choix — d’autres prendront les décisions. Si Soros décide que la guerre est nécessaire, ils la déclencheront. Nous pouvons nous y opposer, mais ils provoqueront le conflit. Si nous n’intervenons pas de façon décisive dans les processus politiques de ces pays, ils le feront pour nous, supprimant les dirigeants souverainistes, en les tuant, en les emprisonnant, en les expulsant et en leur retirant leurs droits — cela se produit partout dans l’espace post-soviétique.

Soit nous nous engageons activement dans la politique de ces pays pour éviter la guerre, soit nous laissons tout à leur discrétion — alors il faudra se battre, et se battre jusqu’à la victoire, en s’emparant de territoires. Nous sommes dans une situation difficile, comme endormis, plongés dans les douleurs fantômes d’un monde qui n’existe plus.

Maia Sandu incarne un régime dictatorial totalitaire. Elle impose ses candidats tout en se cachant derrière l’image d’une petite demoiselle innocente. Soros dispose d’une nouvelle génération — les générations Erasmus, des figures stéréotypées, identiques, sans volonté, qui paraissent impuissantes et superficielles. Mais ce ne sont pas eux qui gouvernent; c’est un système dur de contrôle global, terroriste et radical-libéral qui règne.

Animateur : Il y a des informations complémentaires à vos propos : Moscou affirme que des centaines de milliers de Moldaves ont été privés de la possibilité de voter sur le territoire de la Russie, comme l’a déclaré Peskov au sujet des élections parlementaires dans la république.

Nous avons pour l’instant couvert la question moldave. Je propose de discuter des événements aux États-Unis. J’aimerais entendre vos commentaires sur les déclarations de Donald Trump et la situation qui s’est produite là-bas. Que s’est-il exactement passé ? Je vais le raconter à nos auditeurs. Dimanche dernier, dans l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours au Michigan, pendant l’office, une fusillade a eu lieu. Un homme de 40 ans, armé, a ouvert le feu sur les fidèles puis a mis le feu à l’église. Plus tard, l’assaillant a été neutralisé et l’incendie maîtrisé. Initialement, un mort et neuf blessés avaient été signalés, mais par la suite, on a appris qu’il y avait quatre victimes. Donald Trump a commenté cette tragédie en déclarant : « Cette épidémie de violence dans notre pays doit cesser immédiatement. » Il a écrit cela dimanche sur le réseau social Truth Social. Et voici ce qui m’intéresse: comment Donald Trump compte-t-il lutter contre cette épidémie de violence ?

Alexandre Douguine : Lorsque nous avons discuté de la Moldavie et de l’espace post-soviétique dans la première partie de l’émission, nous avons en réalité touché à la question essentielle. Le monde dans lequel nous vivons est un monde où la violence devient la force déterminante. Si vous ne l’exercez pas contre vos adversaires, eux l’exerceront contre vous. On aimerait trouver un moyen d’éviter ce dilemme, mais c’est impossible.

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Les principes libéraux, exposés dans la « Bible des libéraux » — La Société ouverte et ses ennemis de Karl Popper —, précisent clairement: il existe des ennemis de la société ouverte à gauche et à droite — des conservateurs à droite, des socialistes et des communistes à gauche. Pour que la société ouverte survive, elle doit frapper la première contre ces ennemis. Que signifie « frapper » ? Détruire, supprimer, neutraliser, décapiter, réprimer, appliquer la violence. Les libéraux considèrent cette violence comme nécessaire afin que les ennemis de la société ouverte ne frappent pas les premiers. Point. Nos aspirations bien intentionnées au dialogue, à la négociation, à la persuasion n’ont pas leur place dans ce modèle. Si nous n’attaquons pas, ils frapperont les premiers et nous détruiront pour construire leur "société".

La Russie est devenue un obstacle à leur État global et à leurs plans libéraux, alors ils ont provoqué cette guerre. Nous pouvons crier paix, amitié, démocratie et négociations jusqu’à l’épuisement — la guerre est inévitable. C’est la loi d’aujourd’hui. Cela s’applique aussi à nous. Si nous ne faisons pas preuve de fermeté, si nous n’utilisons pas la violence contre les partisans de la société ouverte, eux — théoriquement, pratiquement, infrastructurellement, idéologiquement — sont prêts à nous frapper. La question est de savoir qui détient le pouvoir d’exercer cette violence.

Je parle de la violence au sens large — pas seulement des meurtres, mais aussi des restrictions. Comment restreindre les terroristes? Comment restreindre les agents étrangers? C’est la pression de l’État. Celui qui est au pouvoir peut prendre l’initiative. Il se passe la même chose en Amérique.

L’arrivée au pouvoir de MAGA et de Trump est une révolution conservatrice affirmant des principes diamétralement opposés à ceux de Soros et de sa "société ouverte". La société ouverte prône la multiplicité des genres, l’importation de migrants illégaux, la dilution de l’identité nationale, la répression des religions traditionnelles, surtout le christianisme, et la négation du patriotisme de la majorité américaine qui a créé l’État, au profit des récits libéraux. Avant Trump, sous Obama et Biden, des forces étaient au pouvoir qui détruisaient l’identité américaine, promouvaient la multiplicité des genres, détruisaient tout. Les chrétiens — évangéliques, mormons, catholiques — sont devenus des cibles de violence et de persécution.

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Charlie Kirk, membre actif du mouvement MAGA et chrétien, a récemment été tué pour sa foi, son conservatisme et son attachement aux valeurs traditionnelles — à leurs yeux, il était un ennemi de la société ouverte.

Pour revenir à Popper: les libéraux disent — tuez l’ennemi de la société ouverte avant qu’il ne vous tue. Ils qualifient tout le monde de fasciste, de communiste, d'agent de Poutine, de nouveau raciste — n’importe quelle étiquette. C’est ainsi qu’ils procèdent. L’assassinat de Charlie Kirk a consolidé les forces populistes MAGA, mais en face il a aussi consolidé les libéraux. Leur réaction a été monstrueuse: ils ont jubilé. C’est comme les Ukrainiens qui célèbrent tout attentat contre le pont de Crimée ou leurs succès terroristes. Une personne innocente est tuée — et toute l’Ukraine exulte. Telle est leur essence. Ils ont le pouvoir, les médias, l’influence sur l’éducation. En Amérique, les blogueurs libéraux n’ont pas pu cacher leur joie: ils ont poussé des cris, ri, sauté, crié « Hourra ! Hourra ! » — un chrétien a été tué. Une telle attitude, présente dans une partie significative de la société américaine, est une incitation au terrorisme. Toutes les cibles deviennent des ennemis de la société ouverte, y compris les chrétiens.

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Animateur : Dois-je comprendre que, pour les démocrates, l’assassinat de Charlie Kirk est devenu la manifestation d’utiliser potentiellement la violence?

Alexandre Douguine : Exactement. Ils ont compris que c’est tout à fait possible, désormais, de faire usage de la violence. La presse démocrate, en particulier Jimmy Kimmel (photo), le célèbre animateur télé, l’a ouvertement soutenu. Trump a renvoyé Kimmel, mais il a été immédiatement réintégré sur ABC — et tout continue. Donc, de fait, c’est possible. Donc — il faut détruire l’ennemi. Trump fait un geste habile: réalisant que le pays s’enfonce dans une spirale de violences croissantes, il rétablit les cliniques psychiatriques. Les démocrates les avaient fermées, déclarant que les troubles mentaux étaient un choix libre, juste une « différence ». Du point de vue des principes DEI — diversité, équité, inclusion — les malades mentaux étaient assimilés aux bien-portants, et les institutions psychiatriques supprimées. Imaginez des millions de malades mentaux errant aux États-Unis? Ils ne sont pas enregistrés, on leur vend des armes, on leur donne des calmants et des drogues qui circulent presque sans contrôle. Les démocrates pratiquent des expériences monstrueuses sur les enfants, leur permettant de changer de sexe ou d'espèce dès le plus jeune âge: un enfant dit « je suis un chat » — et, poussé par des parents démocrates détraqués, on lui coud une queue, sans aucun contrôle médical.

Je suppose que Trump prend une mesure stratégique, en restaurant les cliniques psychiatriques pour assainir une société qui, sous les démocrates, a perdu la notion de normalité. C’est pour cela qu’ils tuent les chrétiens, les conservateurs, en criant « frappez le fasciste ! », ils attaquent quiconque ose ne serait-ce que critiquer modérément l’ordre existant. C’est une guerre civile psychiatrique, où des libéraux et démocrates devenus fous, élevés à la cancel culture, à la persécution et à la diabolisation des adversaires, agissent avec une extrême imprudence.

Des données récemment publiées montrent que 73% des sénateurs et représentants démocrates considèrent Trump comme un fasciste. S’il est fasciste, il est illégitime. Leur culture dit: tout fasciste, réel ou imaginaire, doit être détruit, ses partisans détruits à leur tour, les chrétiens détruits, les ennemis de la société ouverte détruits. Après 2020, dans les États contrôlés par les démocrates, il arrivait que des partisans républicains soient refusés à l’embarquement dans les avions.

Dans une telle réalité — avec les cliniques psychiatriques supprimées, l’accès libre aux armes, une campagne de haine contre des « fascistes » qui n’ont rien à voir avec le fascisme — on vous traitera de fasciste, pour un oui ou un non. Vous dites : « Je ne suis pas fasciste », mais leur logique est: vous êtes un crypto-fasciste et pouvez, en cette qualité, être tué. C’est ainsi qu’ils agissent, en qualifiant tous les ennemis de la société ouverte de fascistes. Les Ukrainiens, qui sont ouvertement nazis, font le sale boulot pour eux, tuant des Russes, et sont dès lors épargnés de l’étiquette de nazisme — ce sont des « enfants ». Leurs opposants, non liés au nazisme, sont déclarés fascistes — sur Wikipédia, ce qui ne peut pas être corrigé.

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Même Elon Musk a constaté que les mensonges, les calomnies et les insultes contre les adversaires idéologiques pullulent sur Wikipédia. Il a proposé des sommes énormes pour la renommer « crappypedia », car tout y est faux, mais les gens y croient. Essayez de la corriger — des censeurs libéraux remplacent l’information neutre par l’inverse si cela jette une ombre sur leur idéologie ou réhabilite des ennemis de la société ouverte. C’est cela, la dictature.

Comment arrêter cette violence? Trump a menacé d’engager une contre-violence dès le premier jour, mais il ne l'a pas lancée. Prenez James Comey, ancien directeur du FBI, qui a été convoqué sous mandat d’arrêt, mais qui peut, en utilisant la loi, ne pas se présenter pendant neuf jours — et il ne se présente pas, puis devient introuvable. Les partisans de MAGA disent: «Trump, tu as le pouvoir plein et entier». Aux États-Unis, le pouvoir présidentiel est légalement immense, malgré certaines limites. Il existe des moyens d’exercer ce pouvoir, d’arracher les racines du réseau libéral terroriste. Emprisonner George Soros, son fils Alexander Soros, qui a amené Maia Sandu au pouvoir — avec la secte anti-moldave, fondamentalement totalitaire, en Moldavie — le mettre en prison, et les résultats seraient différents. Mais Trump hésite. C’est une force puissante, et il comprend qu’il ne pourra peut-être pas y faire face. L’escalade de la violence aux États-Unis, qui augmente chaque jour, pourrait pousser les autorités à agir de façon décisive.

Nous, dans notre foi sacrée en la démocratie, nous nous trompons profondément. C’est le témoignage de notre naïveté, l’illusion que nous vivons dans un monde soviétique bienveillant où tout se décide par des accords et des procédures. Cela nous rend vulnérables, nous transforme en victimes. Ils nous tuent puis nous accusent de notre propre disparition, disant que nous l’avons mérité, et — la roue tourne.

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Trump sous-estime probablement la menace de la démocratie libérale. En Amérique, tout le monde croit à la démocratie, mais elle a cessé de fonctionner depuis longtemps. L’État profond, les élites libérales, en ont usurpé les instruments, les ont accaparés et ont privé le peuple de la capacité de s’en servir. C’est là la dictature idéologique des libéraux. Soit on applique des mesures sévères comme Trump le menace avec la loi RICO contre Soros. RICO est une loi contre la corruption profonde, introduite il y a des décennies, qui permet des mesures extraordinaires: arrestations, perquisitions, interrogatoires sans formalités, car la mafia et le racket avaient tellement pénétré le système que les méthodes ordinaires ne fonctionnaient plus. Trump menace d’utiliser RICO contre Soros et les globalistes, mais pour l’instant il ne fait que brandir le poing. Les documents, j’imagine, sont déjà en train de disparaître. Ils les changent d’endroit, effacent les données des ordinateurs, des disques, des téléphones — ils ne sont pas stupides.

La révolution conservatrice de MAGA est la seule façon de sauver l’Amérique de la guerre civile. La victoire de Trump n’est pas garantie. S’il perd, la violence s’intensifiera et le pays sera déchiré — non pas en deux Amériques, mais en dix ou vingt, comme pendant la guerre de Sécession. Les États-Unis cesseront d’exister. Si Trump gagne, il devra agir avec dureté, sans compromis, en tant que chef de la droite. Dans cette nouvelle guerre civile, la question sera de savoir si Trump et MAGA peuvent rassembler la majorité, ou si la minorité libérale, s’appuyant sur la terreur, pourra écraser la majorité conservatrice.

Nous assistons à une guerre civile mondiale. En Moldavie, l’illusion de la démocratie est utilisée pour détruire la démocratie. Nous devons comprendre que l’ordre mondial s’effondre et que la violence devient la norme, comme au 20ème siècle. Soit vous détruisez l’ennemi, soit il vous détruit. Tous les moyens sont bons. Les libéraux — au nom de la société ouverte — sont prêts à tuer, emprisonner, réprimer et détruire leurs adversaires. Ce n’est pas une métaphore, mais la réalité.

Animateur : Alexandre Guelievitch, merci pour vos réponses détaillées.

Alexandre Douguine : Merci à vous, meilleurs voeux de prospérité.

Deux lectures douguiniennes de la Révolution conservatrice

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Deux lectures douguiniennes de la Révolution conservatrice

Raphael Machado

Source: https://novaresistencia.org/2025/09/27/duas-leituras-dugi...

Parmi les phénomènes politico-philosophiques les plus intéressants du 20ème siècle, notamment pour les critiques non marxistes du libéralisme, la Révolution conservatrice allemande occupe certainement une place de choix.

Sans avoir réellement été un « mouvement » organisé, la Révolution conservatrice – telle qu’elle a été aboprdée dans l’étude thématique d’Armin Mohler, ancien secrétaire d’Ernst Jünger – représente une constellation d’auteurs, de revues et de cercles qui ont fleuri en Allemagne entre 1917 et 1933.

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Des figures aussi diverses qu'Ernst Jünger, déjà cité, que Carl Schmitt, Martin Heidegger, Arthur Moeller van den Bruck, Ernst Niekisch, Othmar Spann, Oswald Spengler et des dizaines d’autres cherchaient – avec, naturellement, une immense variété de projets et de perceptions – dans un certain décisionnisme révolutionnaire, enraciné dans des principes antérieurs aux Lumières, une voie de sortie face à la décadence de la République de Weimar.

Ce qui les distinguait des conservateurs réactionnaires, c’est qu’ils ne souhaitaient pas revenir au passé et restaurer d’anciennes institutions, mais renouveler la nation. Les références au passé sont d’un ordre plus mythique et poétique qu’effectivement pratique. De plus, si les conservateurs réactionnaires acceptaient le capitalisme et étaient liés à la bourgeoisie, les conservateurs révolutionnaires étaient antibourgeois et anticapitalistes.

Mais ils n’étaient pas non plus marxistes, et se méfiaient autant de l’internationalisme cosmopolite que du prétendu rôle moteur d’un prolétariat déraciné, sans parler de la place centrale du matérialisme comme vision du monde et outil analytique.

Comme on le sait également, le sort des figures liées à la Révolution conservatrice sous la dictature nationale-socialiste de Hitler fut varié: certains embrassèrent le régime avec enthousiasme et furent absorbés par le système, d’autres tentèrent de collaborer mais finirent marginalisés, d’autres encore partirent en exil, et certains rejoignirent la résistance et furent persécutés ou même tués.

Après la Seconde Guerre mondiale, la plupart de ces auteurs tombèrent dans l’oubli, à l’exception évidente de Heidegger, et c’est seulement avec l’activisme intellectuel inlassable de la Nouvelle Droite en France et en Allemagne à partir des années 1970 que nombre de ces figures ont pu retrouver, chez les chercheurs et dans le public, une attention intellectuelle.

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L’un des penseurs qui s’est penché sur la Révolution conservatrice en tant que phénomène historico-politique est le philosophe russe Alexandre Douguine, qui n’est pas seulement le principal interprète russe de Heidegger, mais véritablement l’auteur russe le plus influencé de façon générale par la Révolution conservatrice dans ses écrits.

Auteur prolifique écrivant depuis le début des années 1990, Douguine a donc abordé à de nombreuses reprises la Révolution conservatrice au fil des ans, mais il est intéressant de remarquer quelques différences importantes entre ses approches successives du sujet.

J’indiquerai ici principalement comme références l’ouvrage « Révolution conservatrice », publié en 1994 (mais comportant des textes rédigés depuis 1991), et « La Quatrième Théorie Politique », publié en 2009.

Dans l’ouvrage éponyme, Douguine aborde la Révolution conservatrice non seulement comme synonyme de "Troisième Position", mais comme l’essence même de la "Troisième Position". La Révolution conservatrice y prend un caractère universel, constituant le fondement intellectuel (Urgrund) à partir duquel émergent les divers mouvements politiques fascistes en Europe et dans le Tiers Monde, des années 1920 aux années 1970.

On peut donc, dans ce sens, parler d’une « Révolution conservatrice » espagnole, qui trouve dans le phalangisme son expression politique; d’une « Révolution conservatrice » roumaine, qui trouve dans le légionnarisme son expression politique. Julius Evola apparaît ici comme un penseur de la Révolution conservatrice italienne.

Techniquement, le terme devient synonyme de "Troisième Position", un descriptif de l’essence de la "Troisième Position" comme synthèse transcendante des positions typiques de la droite et de la gauche.

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Quinze ans plus tard, Douguine aborde la Révolution conservatrice d’une manière sensiblement différente, fruit de sa propre évolution intellectuelle.

La principale différence est que la Révolution conservatrice cesse d’être l’essence, ou même le synonyme, de la "Troisième Position" (désormais "Quatrième Théorie Politique") et appartient désormais au domaine de l’hétérodoxie tercériste.

Dans la mesure où Douguine conclut au caractère fondamentalement moderne du fascisme, la formule particulière de la Révolution conservatrice, plus radicale que le fascisme, cesse d’être facilement compatible avec les courants dominants de la Quatrième Théorie Politique.

De même que, dans la pratique, les principaux auteurs de la Révolution conservatrice furent marginalisés, sur le plan théorique, les idées-forces de la Révolution conservatrice apparaissent comme essentiellement marginales, voire impuissantes face à la marche en avant du fascisme.

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La Révolution conservatrice, dans cette nouvelle perspective, en raison même de son hétérodoxie, devient une préfiguration de la Quatrième Théorie Politique. Elle émerge du même creuset culturel et philosophique que le fascisme et, dans une certaine mesure, fait partie de la construction de l’atmosphère politico-culturelle qui a permis la manifestation historique du fascisme, mais demeure à l’écart, un courant étranger au flux historique dominant.

Et c’est précisément là que la Révolution conservatrice devient plus intéressante. Dans la mesure où les théories politiques passées sont modernes et convergent dans la Modernité, ce qui importe en elles, ce sont précisément les hérésies et les hétérodoxies, car c’est précisément dans les « écarts » et « aberrations » que l’on peut dévoiler la réminiscence d’éléments prémodernes ou antimodernes.

En conclusion, il est évident que le changement dans la lecture de la Révolution conservatrice découle du changement de position de l’auteur, passé d’une position tercériste au début des années 1990 à une position quarto-théoricienne à la fin de la première décennie du nouveau millénaire.

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De plus, il est indéniable qu’il est possible d’extrapoler la Révolution conservatrice du contexte allemand à un contexte international, la position de ce phénomène variant selon les pays. En Russie même, la Révolution conservatrice fut totalement étrangère tant au fascisme russe qu’à l’État, mais à partir de Staline, certains aspects de l’eurasisme furent absorbés par le système. En Roumanie, en revanche, Nae Ionesco, Mircea Eliade, Emil Cioran et Constantin Noica (photo) – figures citées par Claudio Mutti comme représentants d’un conservatisme révolutionnaire autochtone – furent intimement liés au fascisme roumain.

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Au Brésil, je crois que l’on peut aussi parler d’une Révolution conservatrice, dont les contours restent encore diffus. Ont certainement fait partie de ce phénomène des figures comme Oliveira Vianna, Francisco Campos, Azevedo Amaral (photo), Otávio de Faria, et d’autres encore, certains plus proches de l’État nouveau, d’autres moins, certains nouant un dialogue avec l’intégralisme, d’autres non.

mardi, 30 septembre 2025

La question de Staline en Russie aujourd'hui - Empire, mythe et héritage du pouvoir soviétique

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La question de Staline en Russie aujourd'hui 

Empire, mythe et héritage du pouvoir soviétique

Alexander Douguine

Alexander Douguine retrace comment une figure, celle de Staline, est devenue, dans l’imaginaire russe, à la fois empereur, bourreau et légende.

L’immense popularité de Staline dans la Russie contemporaine est un phénomène complexe.

L’évaluation positive de Staline par la majorité du peuple est liée à plusieurs facteurs :

- Les succès évidents de l’URSS sous sa direction: essor économique, égalité matérielle, victoire dans la guerre, acquisitions territoriales et attitude ferme et impitoyable envers les élites dirigeantes (que le peuple a toujours détestées).

- La comparaison avec d’autres dirigeants de l’URSS — le chaos et la violence de la Révolution et de la guerre civile, où le romantisme héroïque s’était grandement estompé, rendant Lénine bien moins univoque; la propension à susciter des querelles et la bêtise chez Khrouchtchev; la stagnation et la sénile dégradation progressive de Brejnev. Sur ce fond, Staline apparaît éclatant. Un véritable Empereur.

- Le fait que Staline a été attaqué avec le plus de virulence par les libéraux de la perestroïka et des années 1990, libéraux qui étaient absolument répugnants aux yeux du peuple — ils étaient mesquins, russophobes et corrompus. Comparé à ces petits homoncules nuisibles qui n’ont fait que détruire, trahir, vendre et ridiculiser, Staline apparaissait comme divin. La bassesse de ces critiques libérales a contribué à élever la figure de Staline dans l'imaginaire du peuple.

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Dans ce contexte, d’autres aspects de Staline ont été presque totalement oubliés: l’inhumaine cruauté de ses méthodes de prise et de conservation du pouvoir, un machiavélisme hypertrophié, la destruction effective de la paysannerie lors de l’industrialisation et de l’urbanisation, l’imposition d’une idéologie antichrétienne grossière et artificielle, les répressions contre les coupables comme contre les innocents, y compris les enfants, et bien d’autres choses encore.

La position des patriotes russes et de l’Église à l’égard de Staline a été divisée. Sous l’influence des points 1 à 3, et surtout à cause de la haine générale envers les libéraux, non seulement la gauche, mais aussi la droite et même les orthodoxes en sont venus à voir Staline d'un oeil favorable. Ce Staline impérial et mythique a complètement évincé la réalité.

Une minorité de patriotes et de membres de l’Église, cependant, a vu en Staline le bourreau du peuple russe et le persécuteur de l’orthodoxie. Mais précisément à cause de l’anti-stalinisme des libéraux, qui suscitent une répulsion insurmontable chez le peuple, cette position est devenue non seulement impopulaire, mais aussi dangereuse. Quiconque l’exprimait pouvait être accusé de libéralisme, ce qui est la pire des disqualifications pour un Russe — et à juste titre.

Aujourd’hui, le temps d’une évaluation plus équilibrée de Staline n’est toujours pas venu; des mythes idéologiques opposés restent à l’œuvre. Mais ce temps viendra nécessairement. De façon générale, l’histoire russe et notre peuple doivent évaluer sobrement et de façon responsable, dialectique et spirituelle, la période soviétique — ses significations, ses paradoxes, sa place dans la structure russe globale, ainsi que ses chefs et ses personnalités les plus marquantes.

L’obstacle évident à cela est la simple existence des libéraux. Tant qu’ils existent, toute perspective est biaisée et déformée, et aucune analyse sérieuse n’est possible. Ce n’est que lorsqu’ils auront entièrement disparu de notre société que les Russes, libérés de cette infection, pourront se demander: qu’était-ce donc tout cela? Un obscurcissement de la conscience, un effondrement ou une ascension?

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Peut-être est-il temps de commencer à discuter de ce sujet non pas en public (en évitant la rhétorique et la polémique à tout prix), mais dans des cercles russes fermés ? Aujourd’hui, tout finit immédiatement sur les réseaux, dans un flux continu, dans le monde extérieur. Pourtant, les questions subtiles et non évidentes exigent une toute autre atmosphère.

Nous avons besoin de cercles russes fermés, de communautés organiques de gens de notre terre et de notre histoire. C’est en leur sein que les significations profondes peuvent être clarifiées. Les Russes doivent apprendre à écouter les Russes et à parler sur un tout autre ton. Trop longtemps, d’autres ont parlé en notre nom, déformant, consciemment ou non, les structures de notre pensée. Cela est devenu une habitude.

La cristallisation de la pensée requiert des conditions particulières. Viktor Kolesov montre que le mot russe dumat’ (« penser ») est formé de la racine um (« esprit ») et d’un préfixe généralisant très ancien d, qui s’est depuis longtemps fondu avec la racine. Ainsi, « penser » (dumat’) veut toujours dire penser ensemble, en cercle. On peut réfléchir (myslit’) seul, mais on ne peut penser (dumat’) qu’avec tous. D’où le nom même de Douma des boyards. Les boyards [l'aristocratie terrienne] se réunissent et pensent ensemble. C’est un cercle russe institutionnalisé.

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dimanche, 28 septembre 2025

Le « tigre de papier » imaginaire de Trump Le réveil de la Russie, du simulacre à la réalité

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Le « tigre de papier » imaginaire de Trump

Le réveil de la Russie, du simulacre à la réalité

Alexander Douguine

Alexander Douguine affirme que l’insulte qualifiant la Russie de « tigre de papier », proférée par Trump, est fausse, mais qu’elle révèle les illusions d’autrefois de la Russie, alors qu’elle s’éveille à la véritable puissance et à la Victoire.

L’observation de Trump qualifiant la Russie de « tigre de papier » est insultante, cela va de soi. Et, bien sûr, elle est fausse.

Pourtant, il a touché un point sensible. Au début de l’Opération Militaire Spéciale, bien trop de choses en Russie étaient devenues des simulacres. Ce n’est qu’en étant confrontés à une guerre réelle et brutale que nous avons commencé, peu à peu, à comprendre à quel point tout avait été négligé — surtout dans le domaine militaire, et en particulier au niveau du commandement. Les exemples sont nombreux et évidents.

Cela ne vient pas de Trump — qu’il s’occupe d’abord de la dégénérescence complète de sa propre société, où la situation est bien pire — mais, à nos propres yeux russes, les mots « tigre de papier » ne sont pas totalement faux ni de simples éléments de propagande. Nous avons, de manière critique, trop imité autrui ; nous paraissions être ce que nous n’étions pas. Découvrir cela fut périlleux. Pourtant, cela s’est finalement révélé.

Avec le recul, et sous certaines réserves, il y a dans un jugement aussi tranchant quelque chose qui ne peut être rejeté d’un revers de main par la phrase « il n’y a pas d’ours de papier ». On peut découper n’importe quelle figure dans du papier. Les possibilités du simulacre sont immenses.

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Pourtant, je tirerais une autre conclusion de cette accusation hostile. Si, dans une certaine mesure, nous étions un « tigre de papier » au début de l’Opération Militaire Spéciale (mais pas totalement, pour sûr), alors à présent, nous ne le sommes très certainement plus du tout. Même alors, nous ne l’étions pas entièrement. Nous étions un ours vivant, réel, mais endormi. Sur son sommeil flottait un dessin animé grossier — c’était le simulacre. Les élites hésitaient à réveiller l’ours, estimant cela trop risqué et pensant pouvoir se contenter du dessin animé.

Il est désormais évident que sans véritablement réveiller l’ours, nous ne pouvons pas gagner cette guerre. Les moyens purement techniques ne suffiront pas. Nous avons essayé, et cela a échoué. Ainsi, précisément maintenant, une voie a été tracée pour passer du simulacre à la réalité ; une opération visant à réveiller le peuple est en cours.

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Les deux grands défis — la Victoire et la démographie — ne peuvent être relevés que par un réveil, par le passage de l’imitation à la réalité. Tel fut le message d’Andreï Belousov (photo) lorsqu’il a pris ses fonctions de ministre de la Défense : on peut commettre des erreurs, mais on ne peut pas mentir.

Nous ne sommes pas un tigre de papier. Plus maintenant.

Mais cela exige encore une preuve historique solide.

Je crois que l’Occident, qui a provoqué cette guerre, a recueilli par ses services de renseignement et ses réseaux certaines informations secrètes selon lesquelles le « tigre » était « de papier ». Ce n’était pas tout à fait vrai, mais pas totalement faux non plus. L’authenticité oscillait à la limite de la supercherie. La différence résidait dans la nuance, dans quelques points de pourcentage.

Nous avons enduré le moment le plus difficile, quand le bluff s’est effondré, et maintenant nous nous imposons clairement — sur le champ de bataille et chez nous, en diplomatie et dans la construction d’un monde multipolaire — comme quelque chose de réel, de sérieux et de puissant.

Pourtant, il subsiste des traces de « papier ». Pas de manière catastrophique, comme auparavant, mais elles subsistent.

Si, en qualifiant la Russie de « tigre de papier », Trump indique en réalité un retrait du soutien direct à l’Ukraine, les choses deviendront quelque peu plus faciles pour nous. Mais nous devons obtenir la Victoire en toutes circonstances — même si cela ne devient pas plus facile, même si cela devient plus difficile.

Nous vivons un moment charnière dans l’histoire. Nous sommes en train de la briser — et elle tente de nous briser. La balance de la Victoire oscille.

Il est aujourd’hui vital de se tourner vers la science et l’éducation. Et vers la philosophie. Là résident les clés de l’authenticité.

Hegel disait que toute grande puissance devait avoir une grande philosophie. Sans cela, la puissance elle-même devient un simulacre — un « tigre de papier ». L’éveil signifie l’éveil de l’esprit.

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vendredi, 26 septembre 2025

Emmanuel Todd émet la nouvelle dichotomie des “élites globalistes libérales” contre les “forces du peuple”

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Emmanuel Todd émet la nouvelle dichotomie des “élites globalistes libérales” contre les “forces du peuple”

Alfredo Jalife-Rahme

Source: Bajo la Lupa, 24.09.25 - https://www.jornada.com.mx/2025/09/24/opinion/014o1pol

Le penseur Constantin von Hoffmeister, fondateur de Multipolar Press, donne la parole au philosophe et géopolitologue russe Alexandre Douguine – que beaucoup définissent comme l’idéologue du tsar Vladimir Poutine, ce qu’il n’est pas, et qui représente en réalité, depuis son père, l’idéologie des services secrets de l’armée russe.

Douguine est devenu très prolifique et, dans un récent commentaire, au ton péremptoire, diffusé sur ses réseaux, dans le contexte de la “Fin des élites libérales” (sic), il aborde les assertions sensées de l'illustre démographe français Emmanuel Todd, dont le livre le plus récent, La défaite de l’Occident, a déjà été passé en revue ( https://www.jornada.com.mx/2024/01/24/opinion/012o1pol).

Pour Douguine, Todd “est actuellement l’intellectuel français le plus raisonnable (sic)” et il critique sévèrement “les dirigeants européens obsédés par le changement de régime en Russie et en Iran, alors qu’ils finiront probablement par être eux-mêmes remplacés très rapidement”, tandis que “les gouvernements de Russie et d’Iran et leurs économies se renforceront et gagneront un nouvel élan”.

Douguine s’arrête sur la suggestion de Todd d’abandonner les termes “populistes”, “extrême droite” et “nationalistes” et d’adopter une nouvelle dichotomie mieux explicative: celle des “élites globalistes libérales” contre les “forces du peuple”.

Selon Todd : “La tentative des élites de rediriger l’agressivité des personnes insatisfaites contre les Russes a complètement échoué. Ce thème ne fonctionne pas, et plus ils essaient de provoquer une vague de russophobie, plus ils sont eux-mêmes détestés”.

Todd estime que “la confrontation de la Russie avec les élites libérales lui a été plus que bénéfique”, alors que le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président français Macron et le chancelier allemand Merz “sont liquidés”.

Enfin, Todd juge que “l’Ukraine a très peu de temps”, car “ses dirigeants ont parié du mauvais côté (sic) et perdu de manière spectaculaire (https://x.com/constantinvonh/status/1969645434525065705?s...)”.

Il existe déjà des penseurs de haut niveau qui remettent en question la dichotomie topographique dépassée de “gauche” et “droite”, comme l’éminent économiste Jeffrey Sachs, qui s’est révélé être un meilleur géopolitologue et a dénoncé que la vieille dichotomie “gauche-droite” était dysfonctionnelle.

Avec toute l’humilité requise, votre serviteur a proposé la nouvelle dichotomie pour le 21ème siècle: celle qui oppose les “globalistes aux nationalistes” – je comprends que le terme “nationaliste” provoque une anaphylaxie chez les propagandistes du globalisme cataclysmique, c’est pourquoi je n’ai aucun problème à l’échanger contre le terme plus digeste de “souverainistes” (Nationalisme contre globalisme : Dichotomie du 21ème siècle avant l’intelligence artificielle ; https://orfilavalentini.com/esp/item/136/49/nacionalismo-...)”.

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J’ai proposé cette nouvelle dichotomie en raison de l’obsolescence de la bifurcation “gauche-droite”, principalement à l’ère nucléaire – où gauchistes et droitiers périraient de façon identique –, en raison de la tour de Babel linguistique créée par l’imposition de la globalisation financiariste, lorsqu’on en arriva, pour ne citer que l’Amérique latine, à trois types différents de “gauche” (https://www.jornada.com.mx/2022/06/26/opinion/010o1pol), selon des intérêts étiologiques sans aucune axiologie, où a primé l’aberration suprême de voir comment un authentique homme de gauche peut être globaliste en même temps – ce qui constitue un oxymore idéologique – alors que la soroscratie qui domine l’Amérique latine a dénaturé concepts, valeurs et vertus pour servir ses intérêts prédateurs, au point que même ses “suiveurs” de la “gauche travestie” ont été affectés et contaminés.

Du point de vue de la géostratégie, il est aujourd’hui particulièrement significatif que les gouvernements pétroliers de Russie et des États-Unis définissent les “globalistes” comme leurs pires ennemis, tout en exaltant les valeurs “souverainistes” et l’héritage culturel de leurs pays.

De façon transcendantale, Douguine avance que “l’assassinat de Charlie Kirk et le projet du Grand Israël ont fatalement divisé l’édifice politique occidental, qui jusqu’à récemment restait uni grâce au globalisme libéral, en trois pôles opposés, laissant “l’Occident collectif” au bord de la révolution (https://www.arktosjournal.com/p/new-third-position)”.

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jeudi, 25 septembre 2025

La Nouvelle Troisième Position: contre Soros et Netanyahou

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La Nouvelle Troisième Position: contre Soros et Netanyahou

Alexander Douguine

Alexander Douguine affirme que l’assassinat de Charlie Kirk et le projet du Grand Israël ont fatalement fracturé l’édifice politique occidental — que le globalisme libéral maintenait encore récemment — en trois pôles opposés, laissant l’« Occident collectif » au bord de la révolution.

Plusieurs événements d’une importance fondamentale se sont récemment produits sur la scène politique mondiale. D’un côté, il y a eu l’assassinat de Charlie Kirk, un chrétien conservateur et l’une des figures centrales du mouvement MAGA. La cérémonie funèbre, organisée pour lui rendre un dernier holmmage, a rassemblé des centaines de milliers de personnes, y compris tout le gouvernement américain, fut le théâtre de la réconciliation historique entre Trump et Elon Musk, et symbolisa la détermination de la moitié conservatrice de la société américaine à changer radicalement tout le système face à la menace d’un terrorisme libéral de masse.

D’un autre côté, la Grande-Bretagne, le Canada et l’Australie (c’est-à-dire le Commonwealth), ainsi que le Portugal (allié traditionnel de l’Empire britannique), ont reconnu la Palestine. Le Premier ministre Netanyahou, menant une politique de construction du Grand Israël et menant un véritable génocide contre la population palestinienne de Gaza, a maudit ces pays et leurs dirigeants, promettant de terribles représailles.

Parallèlement, Trump et les États-Unis soutiennent entièrement Netanyahou, tandis que les pays européens de l’OTAN semblent s’y opposer.

Que se passe-t-il ?

Il est évident que l’Occident collectif est désormais divisé. Selon de nombreuses lignes de fracture et positions. En particulier concernant le Grand Israël.

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Le tableau est le suivant: les mondialistes de gauche, tous les réseaux de Soros et le Parti démocrate américain sont pour la Palestine et contre Netanyahou. Ce sont eux qui dirigent la flottille Sumud avec Greta Thunberg qui vogue vers Gaza. À leurs côtés se trouvent les musulmans d’Europe et des États-Unis, les salafistes et la gauche avec leur marxisme culturel, les transgenres, les furries, BLM, LGBT et les migrants illégaux (tous interdits en Russie). Voilà le front des opposants à Trump.

L’autre pôle est représenté par l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee, un puissant lobby israélien), les néoconservateurs, les sionistes de droite, une partie de MAGA (la minorité, tandis que des figures comme Tucker Carlson, Candace Owens, Steve Bannon, Alex Jones, Matt Gaetz et même récemment Charlie Kirk se sont positionnés contre Netanyahou) et, surtout, Trump lui-même. Dans l’ensemble, tous sont également critiques envers l’Islam pour son expansion culturelle et envers la Chine pour sa croissance économique et technologique incroyable.

Les principaux dirigeants des mouvements populistes de droite dans l’UE, qui sont en tête dans presque tous les sondages, sont également contre Netanyahou et pour Trump.

Mais… la majorité de MAGA aux États-Unis, tout en n’étant pas pro-palestinienne, s’oppose au lobby israélien aux États-Unis. Il en va de même pour la plupart des populistes de droite en Europe.

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Voici donc le troisième pôle: contre Soros et contre Netanyahou. C’est la position du peuple occidental dans son ensemble. Mais les élites sont divisées selon d’autres lignes de principe.

La contradiction est flagrante: au sommet de la vie politique, même en tenant compte de l’opposition populiste de droite, l’affrontement entre les réseaux de Soros et le lobby pro-israélien continue. Au sein du peuple, cependant, la conviction est ferme que les deux sont inacceptables. Il en résulte un décalage évident.

Cette troisième position aux États-Unis — contre Soros et contre Netanyahou — s’exprime à grande échelle. Elle est portée par des personnalités comme Tucker Carlson, Candace Owens, Steve Bannon et Alex Jones, pratiquement les principaux idéologues de MAGA. Elon Musk est fermement contre Soros et se montre clairement critique envers Netanyahou, mais il évite de trop afficher cette dernière option.

En Europe, cependant, les défenseurs de cette troisième position n’ont même pas le droit d’ouvrir la bouche. La censure libérale y opère de manière particulièrement stricte. Mais MAGA aux États-Unis, se sentant puissant, commence à agir plus librement. Peu avant sa mort, Charlie Kirk lui-même s'est étonné: pourquoi sa liberté de critiquer Netanyahou est-elle moindre aux États-Unis qu’en Israël même? Les opposants les plus radicaux à Netanyahou dans le camp MAGA ont avancé l’hypothèse que les services secrets israéliens pourraient être impliqués dans l’assassinat de Kirk. Cependant, cette théorie n’a pas reçu un large soutien et a même été rejetée par le politicien américain aux positions extrêmes, Nick Fuentes, connu pour ses déclarations vraiment radicales et excessives. En même temps, malgré son extrémisme, le public de Fuentes grandit rapidement et, en dépit de son jeune âge, il est rapidement passé du statut de marginal à celui de figure politique influente.

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Après l’événement historique du stade de l’Arizona, qu’a été la cérémonie d’adieu de Kirk, toutes ces tendances ne feront que s’intensifier. Personne ne doute que les mondialistes libéraux, une sorte de Soros collectif, sont à blâmer pour l’assassinat de Kirk. Les masses exigent l’arrestation de Soros et demandent que sa fondation soit poursuivie selon la procédure spéciale RICO, qui permet aux forces de l’ordre d’agir en mode d’urgence — arrêter, interroger, saisir des documents, surveiller les transactions financières, etc. Trump a en substance qualifié les Soros père et fils d’“ennemis publics”.

Il est intéressant de noter que cette fracture entre pays et forces politiques occidentales se retrouve également dans la question russe. Les réseaux de Soros et les mondialistes sont farouchement et agressivement anti-russes et soutiennent totalement Zelensky. C’est la position des élites libérales-globalistes de l’UE – Starmer, Macron, Merz, en somme les mêmes forces qui ont reconnu la Palestine.

Aux États-Unis, le Parti démocrate continue de réclamer toujours plus d’armes pour Kiev, de nouvelles sanctions contre la Russie et une escalade directe. Trump lui-même dit que la guerre en Ukraine est la “guerre de Biden”, pas la sienne — la guerre des mondialistes, pas celle de MAGA. Il veut donc y mettre fin aussi vite que possible, mais il ne sait tout simplement pas comment.

Ceux qui soutiennent Netanyahou accordent beaucoup moins d’attention à la Russie. Par rapport au Grand Israël et même à la Chine, la Russie est le problème numéro trois. Il existe toutefois certaines personnalités dans le lobby ouvertement pro-israélien aux États-Unis (le terroriste Lindsey Graham, son acolyte démocrate Richard Blumenthal, Mark Levin de Fox, etc.) qui prônent la guerre contre la Russie et poussent Trump dans cette direction.

Trump oscille entre le mouvement MAGA et les néoconservateurs, qui représentent le même “État profond” dont le noyau est formé par les mêmes mondialistes de gauche. Il est significatif que, dans un de ses récents discours, Netanyahou ait lui-même attaqué le “deep state”, rappelant une fois de plus que le sionisme de droite (quelle que soit notre opinion à ce sujet) est une chose, tandis que le globalisme de gauche en est une autre. Pour Soros, Netanyahou est autant un ennemi idéologique que Trump, Poutine, Orbán, Xi Jinping et Modi.

La situation est complexe et nécessite une enquête approfondie.

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Avant Trump, tout était plus simple. L’Occident collectif était libéral de gauche et globaliste — l’idéologie, la politique et la stratégie de Soros étaient globalement partagées par tous. C’était une dictature unanime de l’“État profond” international.

Mais aujourd’hui, tout est plus compliqué et difficile.

Bien sûr, le pôle globaliste de gauche et l’“État profond” international ont conservé leurs positions. Cet “État profond” contrôle encore presque toute l’Europe et détient d’importants leviers aux États-Unis. Cela inclut non seulement le Parti démocrate, mais aussi une multitude de fonctionnaires, juges, shérifs, gouverneurs, hauts gradés militaires, bureaucrates, acteurs culturels, journalistes, blogueurs et oligarques.

La Réserve fédérale, BlackRock de Larry Fink (Fink est récemment devenu chef du Forum de Davos, succédant à un autre mondialiste, Klaus Schwab), la majorité des magnats de la Silicon Valley et les financiers de Wall Street sont tous sous leur contrôle. Leurs positions à la CIA et au FBI sont extrêmement solides.

Mais le pôle MAGA se renforce également, se reconsolide et se rassemble à nouveau après l’assassinat de Charlie Kirk. À cet égard, la réconciliation entre Elon Musk et Donald Trump est symbolique. Elon Musk n’a pas seulement beaucoup aidé Trump à gagner, il a aussi mené des réformes rapides dès l’entrée en fonction de Trump, supprimant un certain nombre de structures globalistes de gauche comme USAID, le ministère de l’Éducation, etc.

Ce qui importe, c’est que l’Occident collectif s’est divisé non en deux mais en au moins trois parties :

- Les mondialistes de gauche (Soros, l’UE, le Parti démocrate) ;

- Le puissant lobby sioniste (qui contrôle en partie le populisme de droite) ;

- Les mouvements du “peuple profond” comme MAGA, critiques à l’égard des mondialistes comme des sionistes.

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Le “peuple profond” est idéologiquement et géopolitiquement le plus proche de nous. Il est sorti de l’ombre et devient peu à peu une force indépendante.

Ce sont là de nouveaux facteurs auxquels nous ne sommes pas habitués. Traditionnellement, les forces de gauche étaient plus proches de l’URSS, mais dans l’Occident moderne elles n’existent tout simplement plus ou ont dégénéré en une parodie trotskiste obsédée par le genre et les migrants illégaux, devenant un outil aux mains des mondialistes de gauche (comme Soros). Dans ce rôle, elles ne nous sont pas seulement inutiles, mais carrément hostiles.

Les alliés objectifs de la Russie en Occident sont les partisans de la révolution conservatrice populaire, chrétiens et traditionalistes. Il nous faut le reconnaître et aller de l’avant.

Chine, simulacres et mort de l’authenticité

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Chine, simulacres et mort de l’authenticité

Quand les copies triomphent et que la dernière braise du goût s’éteint

Alexander Douguine

Alexander Douguine affirme que la Chine ne produit que des simulacres, exposant ainsi la vacuité des prétentions occidentales à l'authenticité et révélant que le vrai discernement appartient uniquement à l'esprit aristocratique.

Si l'on observe attentivement la Chine, il devient évident qu’elle ne produit que des simulacres. On peut goûter au whisky chinois ou conduire une voiture chinoise. Cela ressemble à la chose, et pourtant ce n’est absolument pas la chose. Ici, nous sommes désemparés. Après Deng Xiaoping, les Chinois ont appris à copier absolument tout avec une précision parfaite. Mais ils ne créent rien de nouveau. Savez-vous pourquoi ? Parce que, dans la tradition chinoise — dans le confucianisme, le taoïsme, et même dans le bouddhisme, qui est d’origine indo-européenne mais a été domestiqué par la Chine — ce qui est nouveau appartient au domaine maudit. Et c'y est justement placé.

Copier est sûr. Créer est dangereux. C’est pourquoi, comme l’a justement remarqué le critique d’art Dmitri Khvorostov, l’art chinois — même l’art d’avant-garde — ne produit que de l’ornement. Là où l’Européen éprouve une rupture psychique (ou esthétique), le Chinois produit de l’ornement. Rien de plus.

Les Chinois sont un peuple profondément sain d’esprit. C’est pourquoi ils ne produisent que des simulacres.

Mais comment distinguer l’authentique du faux ? Ici, la question va bien au-delà de la Chine.

Pour quelqu’un dont le Dasein¹ existe de façon inauthentique, originaux et contrefaçons n’existent pas. Il n’a tout simplement aucune capacité à distinguer le vrai de la cheap imitation. Parce qu’il est lui-même un faux. Même s’il est au sommet de la richesse et possède d’énormes sommes d’argent. Les super-riches sont entourés de misérables babioles contrefaites, tout en étant convaincus de vivre au milieu de pièces originales. Parce que leur être même est sans valeur. Leur Dasein existe comme le "On", das Man², et donc leur goût et leur capacité de discernement sont profondément plébéiens.

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Ce qui distingue un aristocrate d’un plébéien, ce n’est ni le statut social ni la richesse, mais la capacité de discernement. Je crois que c’est exactement ce que Lord Henry disait à Dorian Gray, bien que je n’en sois pas sûr. Evgueni Vsevolodovitch Golovine³ me l’a définitivement dit (ou peut-être pas ; je commence à confondre histoire personnelle et histoire du monde…). Il soulignait, avant tout, la capacité à distinguer la copie de l’original. C’est en ce sens que nous avons L’Exemple de Henri Suso⁴. Qu’une chose existe en tant qu’exemplaire n’est donné que par une expérience intérieure subtile. L’expérience de Dieu.

Les Chinois ont réglé la question: ils produisent des contrefaçons, mettant de côté le mystère de l’original. Ce n’est pas leur affaire.

Les consommateurs russes sont encore plus naïfs — ressemblant à de joyeuses villageoises ukrainiennes des bourgades les plus reculées: elles respirent l’arôme, savourent le goût, distinguent le cher du bon marché. Pourtant, elles-mêmes ne sont rien de plus que des babioles, objets produits en masse avec plus ou moins de défauts.

Pour les Chinois, cela ne pose aucun problème. En fait, pour eux, il n’y a aucun problème.

La capacité européenne à distinguer l’original du faux est la dernière braise vacillante du goût aristocratique. Un écho lointain d’une époque où cela avait encore de l’importance. Seule, peut-être, la princesse Vittoria de Aliata⁵ avec son merveilleux château ou le père de notre splendide grand-duc Georges Mikhaïlovitch⁶ sont capables de percevoir cette différence. Les autres — pas du tout.

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C’est précisément pour cela que la Chine est invincible. Elle a ôté le voile dont se parait l’Occident moderne. L’Occident revendique l’authenticité, tout en n’en ayant pas la moindre compréhension.

Baudrillard était très perspicace. Nous vivons dans le troisième ordre des simulacres⁷. Il ne faut pas revendiquer l’authenticité. Cela ne fait que vous rendre plus ridicule et vulgaire.

Le whisky, le vin et le parfum n’ont désormais plus d’autre saveur que celle qu’on vous dit qu’ils ont.

Abandonnez cette chimère de conscience — les responsables des ventes pensent à votre place.

(Traduit du russe vers l'anglais et annoté par Constantin von Hoffmeister)

Notes du traducteur :

(1) Note du traducteur (NT) : Dasein (« être-là ») est le terme de Martin Heidegger pour désigner l’existence humaine comprise comme le déploiement même de l’Être. Dans L'Être et le Temps (1927), Heidegger l’utilise pour décrire la modalité unique d’être par laquelle l’humain rencontre le monde et dévoile le sens.

(2) NT : Das Man (« le On ») est le terme de Heidegger pour désigner l’existence inauthentique, où les individus se conforment à des normes sociales impersonnelles plutôt que de choisir de manière authentique. Cela désigne la condition quotidienne de dissolution dans la voix collective anonyme de la société.

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(3) NT : Evgueni Vsevolodovitch Golovine (1938-2010) était un poète, essayiste et penseur ésotérique russe, associé au Cercle de Youjinsky, un groupe intellectuel underground à Moscou des années 1960 aux années 1980. Puisant dans l’hermétisme, le romantisme allemand, le mysticisme médiéval et la philosophie nietzschéenne, Golovine a cultivé une esthétique aristocratique opposée au matérialisme soviétique et à la société de masse. Connu pour brouiller la biographie personnelle et le mythe historique, il devint une figure culte de la culture ésotérique post-soviétique.

(4) NT : Henri Suso (Heinrich Seuse en allemand, env. 1295-1366), mystique dominicain allemand, a écrit L’Exemple comme traité mystique autobiographique. Rédigé à la troisième personne pour éviter l’orgueil, il présente le « Serviteur de la Sagesse Éternelle » (Suso lui-même) comme un modèle vivant pour l’ascension de l’âme à travers la souffrance, la renonciation et l’union divine. En invoquant Suso, Douguine suggère que la capacité à reconnaître l’authentique dépend d’une perception intérieure affinée, proche du discernement mystique.

(5) NT : La princesse Vittoria Colonna di Paliano de Aliata (1953–2012) fut la dernière résidente de la Villa Valguarnera à Bagheria, en Sicile, l’une des grandes villas aristocratiques de l’île. Plus qu’une noble, elle fut aussi traductrice d’Ernst Jünger et participante active des milieux traditionalistes européens. Sa villa devint un lieu de rencontre pour écrivains, artistes et penseurs, y compris des représentants de la Nouvelle Droite européenne, et elle-même était proche de Guido Giannettini et d’autres intellectuels italiens de droite.

(6) NT : Le grand-duc Georges Mikhaïlovitch Romanov (né en 1981) est le fils unique de la grande-duchesse Maria Vladimirovna de Russie, héritière de la lignée Romanov, et du prince Franz Wilhelm de Prusse, membre de la dynastie allemande des Hohenzollern. Son père s’est converti à l’orthodoxie orientale lors de son mariage, prenant le nom de Mikhaïl Pavlovitch, et a été titré grand-duc dans les cercles monarchistes. Par sa mère russe et son père allemand, Georges unit les traditions des Romanov et des Hohenzollern, deux des plus grandes dynasties européennes, et sa famille demeure associée aux mouvements monarchistes et traditionalistes. Aujourd’hui, Georges réside principalement à Moscou, tandis que son père vit en Allemagne.

(7) NT : Jean Baudrillard (1929-2007) était un philosophe et théoricien culturel français surtout connu pour son concept de simulacres et d’hyperréalité. Par le « troisième ordre des simulacres », il entendait un stade où les signes et images ne représentent plus la réalité mais génèrent leur propre réalité autoréférentielle.

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mardi, 23 septembre 2025

Le 3 septembre, l’Occident s'est éteint - L’intuition d’Alexandre Douguine

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Le 3 septembre, l’Occident s'est éteint

L’intuition d’Alexandre Douguine

Carlos Javier Blanco

Source: https://www.aporrea.org/ddhh/a344711.html

Il y a une intuition juste dans la pensée d’Alexandre Douguine: la Russie, bien qu’étant une partie essentielle de l’Europe, n’a pas d’autre choix que de se tourner vers l’Asie et de s’y unir.

Qui peut nier que la Russie fait partie de l’Europe ? Qui va réfuter que l’Europe ne serait rien, et n’aurait jamais été qu'un rien, sans la nation russe?

Je l’ai déjà souvent exprimé dans mes écrits, par exemple dans mon article «Les deux empires», écrit comme préface à l’œuvre classique de Walter Schubart L’Europe et l’Âme de l’Orient (Ed. esp.: Fides, Tarragone, 2019). À l’Ouest, l’Espagne a contenu les hordes afro-asiatiques qui prétendaient plonger l’Occident chrétien dans une œcumène exclusivement islamique. L’Espagne fut le rempart contre l’Islam durant plus de dix siècles (huit siècles de Reconquista et au moins deux siècles de surveillance en Méditerranée). Ce que fit le Royaume des Asturies-Léon à partir de 722 s’est élargi sur le plan géographique avec l’Empire des Habsbourg espagnols à l’époque moderne: rempart ou katechon face à l’essor atroce et irrésistible de l’hérésie protestante, prélude du libéralisme actuel, du nihilisme et du capitalisme, idéologies et formes matérielles de dissolution de la culture classique, catholique et humaniste. Et rempart contre le Turc.

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Le katechon espagnol à l’Ouest était symétrique au katechon russe à l’Est. Ce qui, de Rome, passa à Oviedo, León, Madrid, soit un esprit impérial de résistance au Mal, fut analogue à l’esprit de Byzance (la seconde Rome) qui passa à Moscou. Cette substance spirituelle transmise fut celle d’un empire katechonique qui mit un frein aux hordes turques ou tatares et sauva également la culture classique, le christianisme (orthodoxe) et l’humanisme, en les adaptant aux peuples slaves et autres populations asiatiques voisines.

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Frein, résistance et conservation combative (katechon) à l’Ouest comme à l’Est. Des empires, et non des impérialismes, qui freinèrent et firent naître des nations. Au milieu, l’Europe et la Méditerranée plongées dans la confusion, la déchirure nihiliste et la lutte fratricide pendant des siècles.

Il est significatif que cette Europe même, déchirée par le libéralisme, le capitalisme financier le plus atroce et le plus vorace, nihiliste et anti-traditionnel, n'ait jamais cessé de donner traîtreusement des coups de pied à la Russie, à la Grande Russie. Ses mystiques, romanciers, compositeurs, ses révolutionnaires, ses athlètes, ses scientifiques sont la chair et le sang de l’Europe. Imaginez-vous une Europe sans Tchaïkovski? Je ne dirai pas qu'elle serait une excroissance, mais ce serait une Europe pauvre et grise. Cette Europe envahie par des allogènes venus de partout trouve sa réserve humaine en Russie. Malheureusement, là-bas non plus, il ne naît plus beaucoup d’enfants.

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Les nazis ukrainiens, tant appréciés par le bouffon Zelensky, aimés par l’OTAN et les Américains, n’ont été qu’un instrument conçu pour dresser tous les murs possibles entre l’Europe amputée (cette Europe d'eunuques, castrée parce que vivotant, en marge, sans la Russie), d'une part, et sa partie essentielle qu’est la Fédération de Russie et d’autres nations sœurs (l’Ukraine elle-même, la Biélorussie, et d’autres encore), d'autre part. Le sabotage du Nord Stream n’a pas été un simple «sabotage» mystérieux. Ce fut un acte imposé par l’hégémon américain, cherchant à s’assurer la domination coloniale de l’Europe, écartée de sa partie intégrale et essentielle, la Russie. Il fallait affamer (du point de vue énergétique) l’Europe, pour que la Russie se tourne vers la Chine et les autres puissances asiatiques de plus en plus lassées du comportement hooliganesque des puissances anglo-saxonnes.

La connexion énergétique russo-chinoise est d'une ampleur considérable et elle est désormais irréversible. La fringale de gaz et d’énergie de l’Europe sera chronique, et cette Europe humiliée sera dépendante d’un fournisseur cher, peu fiable, décadent et probablement non durable pour ses besoins futurs: elle sera dépendante des Américains. Plus que les nazis ukrainiens, rejetons des néonazis actuels d’Israël, d’Allemagne, de l’Anglosphère, etc., ce sont les Américains qui ont forcé la Russie à embrasser le géant chinois, à renforcer ses liens avec l’Inde, à regarder vers une Asie émergente, ne voyant à l’Ouest qu’une meute de chiens nains et dégénérés, de la taille d’une souris, excités par un maître américain qui, dans sa chute, n’a pas peur de détruire le concept qu’il a lui-meme inventé: «l’Occident».

Douguine a vu juste. Le philosophe russe n’est certes pas l’inventeur du concept d’« Eurasisme », mais il est, selon moi, celui qui l’a le mieux actualisé et qui l’a explicité de la façon la plus pédagogique qui soit. La Russie, bien qu’elle aurait dû être essentielle à l’Europe, doit se transcender elle-même et construire – de façon impériale – une réalité supérieure, l’Eurasie, c’est-à-dire un grand bloc continental destiné au sauvetage des idéaux classiques et traditionnels (valeur sacrée de la personne, respect des traditions plurielles des peuples, défense de la communauté, lutte contre le matérialisme et le nihilisme). Douguine sait que l’Europe (occidentale) n’est pas prête à participer à cette mission. Il y eut d’autres grands visionnaires d’une Eurasie : Thiriart, Faye… Peut-être pensaient-ils d’abord à une union des petits caniches européens, débarrassés du maître américain, et sauvés par le grand ours russe. Mais l’ours russe doit aussi penser à se sauver lui-même. Or la série ininterrompue de provocations subies par la nation russe semble ne jamais devoir finir.

Alors que j’écris ces lignes, en ce mois de septembre 2025, je le fais tout en étant stupéfait par les déclarations des dirigeants occidentaux appelant à la guerre, exigeant des sacrifices pour lancer un réarmement ambitieux, aboyant aux portes de leur grand voisin de l’Est. Il y a quelques heures à peine, une sorte d’état d’alerte a été déclenché suite à l’incident de prétendus drones russes tombés sur le sol polonais. De nouveau, la Pologne victimaire veut des ennuis, comme en 1939, demandant à être envahie. La Pologne agressive, en tant que tentacule des « James Bond » britanniques, entre de nouveau en action. Les citoyens européens n’apprennent jamais rien de l’Histoire. La Pologne victimaire, tout comme Israël est également victimaire, est un pays qui brandit ses lettres de créance de peuple malmené par les géants, de peuple malheureux, persécuté par les impérialistes, de peuple déguisé en enfant battu et victime d’abus intolérables. Européen: méfie-toi des victimaires ! Ils pleurent pour susciter ta pitié, mais n’hésiteront pas à te pousser dans l’abîme. La colombe polonaise est, derrière les apparences, un faucon anglo-saxon.

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L’Europe, si elle continue à rester « l’Occident », tombera dans l’abîme. Être «l’Occident», c’est être le jouet des Anglo-Saxons, un jouet qu’une fois brisé ils jetteront. Et la catastrophe s’approche inexorablement. Le lien énergétique russo-chinois est dorénavant irréversible et ambitieux; le lien russo-germanique, lui, est brisé à jamais. Il aurait été de nature énergétique et, d’une manière générale, économique, mais il aurait représenté aussi le premier pas vers un rapprochement spirituel. C’était précisément l’idéal de Walter Schubart, une Europe «johannique» que la partie russophobe du nazisme a détruite.

Cette russophobie d’origine partiellement nazie et entièrement anglo-saxonne a crû de manière inattendue ces derniers temps. Toute personne sensée aurait supposé que des nations petites et détruites par la Seconde Guerre mondiale (dont l’Allemagne ou la Pologne, mais aussi toutes les autres) aspireraient à un monde de paix et de coexistence amicale entre les peuples. Depuis 1945, sous la loi de la Guerre froide, il avait toujours été politiquement correct de se montrer pacifiste. Les enfants des écoles de notre continent ont dessiné des millions de colombes blanches de la paix et chanté des rengaines de John Lennon pendant des décennies. Maintenant, les masques sont tombés: le petit nationaliste polonais et le petit nazi allemand, qui n’est jamais mort spirituellement, reprennent consistence, avec, à la clef, une russophobie de la pire espèce, déjà que celle des nationalismes suprémacistes, rancuniers et de clocher était mauvaise.

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L’intuition de Douguine va se confirmer. L’Eurasie qui va se forger à partir du 3 septembre 2025 s’est déjà révélée au monde lors d’un grand défilé de l’armée chinoise et en entendant les paroles des dirigeants souverains qui évoquent avenir et civilisation, à l’opposé de Trump et d'Ursula, qui parlent de réarmement, de privations, de menaces et de douleur. Cette Eurasie va s’imposer, que cela nous plaise ou non. Les visionnaires occidentaux qui voulaient une Eurasie «de Lisbonne à Vladivostok» ne verront pas facilement leur rêve se réaliser, en y incluant les nations occidentales. L’Eurasie du 3 septembre 2025, celle de l’OCS et des BRICS en constante expansion, laissera hors de «la civilisation» ces chiens de rue pleins de puces (corruption, incompétence, arrogance, ignorance) qui aboient au nom de l’OTAN, de l’Union européenne et des «valeurs de l’Occident».

813cUFbZbbL._SL1500_-1597702177.jpgChine, Russie, Inde (cette dernière a encore de nombreux comptes à régler) et d’autres puissances asiatiques en voie de «déconnexion» émancipatrice (comme le dirait plus ou moins Samir Amin) à l’égard des États-Unis, sont de grands États qui formeront l’Eurasie du 21ème siècle. Les petits chiens de l’Occident, capables de mordre la jambe de ceux qu’ils ont toujours désignés comme ennemis mais désormais incapables de créer une civilisation en phase avec les impératifs de notre temps, continuent à marcher vers cet abîme: «d’un pas ferme, le regard fixé devant soi».

Le drame n’a guère de remède. En Europe, il manque «le sujet émancipateur», c'est-à-dire le peuple. Le degré d’anomie, de nihilisme, d’atonie et de dépravation mentale (qui inclut la paresse) dans les nations occidentales est tel qu’à un niveau populaire, elles ont laissé leurs élites ploutocratiques jouer avec leur vie, leur patrie et leur avenir. À l’époque de ma jeunesse, des déclarations comme celles de Merz, Macron, Starmer, Ursula ou d’autres membres de cette bande criminelle, qu’auraient-elles signifié comme conséquence? Pour la moitié de ce que ces gens-là nous disent aujourd'hui, de leurs mensonges et leurs absurdités, les capitales de notre Europe auraient été, il y a des décennies, remplies de gens en colère, pancartes à la main, exigeant leur démission, la sortie immédiate de l’OTAN, ainsi que des demandes de condamnation pour crimes de guerre présumés. Il ne faut pas oublier qu’il existe une énorme responsabilité partagée avec la Russie dans la mort d’un million et demi d’Ukrainiens.

Il manque en Europe un peuple organisé, un peuple dans la rue qui commence à contester ces criminels « européistes » qui méritent de siéger sur le banc des accusés lors d’une seconde version du procès de Nuremberg. Il manque un peuple éduqué à l’histoire récente du continent. L’Europe a été détruite à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, et la partie non libérée par les Soviétiques n’a eu d’autre choix que d’abandonner toute prétention à une véritable souveraineté, l’Union européenne (et ses institutions antérieures, comme la CEE) n’étant que de simples instruments au service des Américains et de la gouvernance néolibérale de pays dont les élites se sont, dès le départ, soumises aux diktats américains.

Les puissances européennes – toutes, sans exception – traînaient derrière elles une histoire tristement célèbre d’exploitation coloniale du «Tiers Monde». La décolonisation bâclée et criminelle qui a suivi la défaite collective de l’Europe en 1945 n’a fait que préparer la nouvelle colonisation – plus économique que gouvernementale – que les États-Unis préparaient. Il semblait que la torche de la Statue de la Liberté à New York allait éclairer le Sud global, libéré des génocidaires français, britanniques, néerlandais, etc.

Mais le « Tiers Monde » a très vite compris qu’ils n’avaient fait que changer de maîtres. Dès qu’un dirigeant ou une force politique nationaliste ou socialiste résistait aux diktats de Washington, il était rapidement éliminé par des assassinats, des enlèvements, des coups d’État, des insurrections, des invasions. La CIA, comme le MI6, le Mossad et tous les autres tueurs à gages des États occidentaux, ont proclamé depuis 1945 (si ce n’est avant) leurs «valeurs». Le Sud global sait maintenant très bien ce que signifie vraiment la «défense des valeurs occidentales».

543x840-2596355975.jpgL’Eurasie qu’a pressentie Douguine n’est plus celle de Thiriart ou de Faye, mais celle d’une communion spirituelle entre l’élément européen et l’élément asiatique, magnifiquement représentée par Russes et Chinois. Cette communauté spirituelle ne doit pas être négligée à l’avenir. Il ne s’agit pas seulement de commerce de gaz, de minerais rares, de ressources technologiques, ni seulement de coopération scientifique, militaire, etc. Tous ces aspects matériels sont fondamentaux, et ces liens matériels dont l’Europe occidentale est absente sont forts, de plus en plus forts. Mais Douguine n’oublie pas l’aspect métaphysique, sans lequel on ne construit ni civilisations ni empires. La Russie et la Chine furent des empires, en effet. Mais des empires civilisateurs, comme le fut l'empire hispanique. Il faut distinguer empire et impérialisme. Dans toute création humaine, il y a des erreurs et des boucheries, mais les deux empires qui ont subi tant d’humiliations et de morts ont le droit de se reconstruire, malgré leurs erreurs. Et c’est pourquoi, aujourd'hui, c’est l’heure de la Russie et de la Chine. Ces deux empires-nations-civilisations furent les vrais « gagnants » de la Seconde Guerre mondiale, furent les numéros un et deux sur la liste des peuples les plus massacrés: des millions de héros et de martyrs anéantis par l’impérialisme nazi-allemand et japonais. Peu après le silence des armes en 1945, le bruit de la mort se fit de nouveau entendre. Si le critère de Churchill, ce Hitler britannique qui restera à jamais une honte pour l’humanité, avait prévalu, la guerre mondiale n’aurait jamais pris fin, et la fragmentation et l’asservissement de la Russie et de la Chine auraient eu lieu. Le socialisme autoritaire et la ténacité héroïque de deux grands peuples les ont sauvés de toutes les machinations anglo-saxonnes.

Les peuples d’Europe se lèvent, très lentement, contre les élites atlantistes et soumises à l’anglosphère. Souvent, ils le font sous les habits et les modes dites de «l’extrême droite». Mettez-y l’étiquette que vous voulez: populistes, eurosceptiques, xénophobes. Dans mon pays, l’Espagne, une partie importante de ce qu’il reste de la «gauche» fait carrière universitaire ou obtient une ridicule projection sociale en «faisant le chasse aux fascistes». Ces livres aux titres et contenus aussi absurdes que « L’extrême droite 2.0 » ou « Les nouvelles outres du nationalisme » vont dans le même sens que l’antifascisme proclamé, vulgaire stratégie « anti » de la gauche libérale de Soros. Tandis que la gauche a trahi, en grande partie, le marxisme, les peuples et les travailleurs, se mettant entre les mains de gens sinistres comme Soros, Biden et, en général, les grands fonds d’investissement mortifères, leurs pions cherchent des fascistes avec un zèle inquisitorial digne de meilleures causes. Ils n’ont pas compris le changement d’époque.

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Le véritable monde socialiste, la véritable patrie des travailleurs unis, n’est possible que dans le cadre d’un grand bloc continental fortement armé (avec les armes dissuasives du plus haut niveau), doté d’énormes ressources énergétiques, humaines et technologiques. Une masse de plusieurs millions d’hommes et de kilomètres carrés. Les sottises distillées depuis mai 68 puent les machinations de la CIA de tous leurs pores, il suffit de lire un peu en dehors des pages atlantistes qui se prétendent « progressistes ». Cette masse continentale et humaine nommée Eurasie peut domestiquer et vaincre le pire bâtard du néolibéralisme, à savoir le néolibéralisme de marque et de poigne « occidentale », le néolibéralisme anglo-saxon. La cause socialiste est la cause de ce Sud global armé de fortes armées défensives, d’ouvriers et de paysans bien formés et de ressources matérielles suffisantes pour créer un nouvel ordre mondial. L’Occident, avec ses « brokers » et ses « antifascistes » (les deux faces d’un Janus), ne possède rien de tout cela. L’Occident, depuis ce 3 septembre, est mort et plus que mort.

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samedi, 20 septembre 2025

Alexandre Douguine sur l’intégration de l’espace eurasien

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Alexandre Douguine sur l’intégration de l’espace eurasien

Je pense que nous devons restructurer les relations avec les pays de l’espace post-soviétique, c’est-à-dire avec les entités séparatistes qui se sont détachées de notre grande puissance unifiée.

Son noyau est constitué de la Russie, de la Biélorussie et de l’Ukraine, et même ce noyau est actuellement en pleine tourmente. Les autres pays font également partie de ce même grand espace. Nous n’arrivons toujours pas à trouver le ton juste pour dialoguer avec eux. Peut-être cela n’est-il pas facile après ce que nous avons nous-mêmes fait dans les années 1990. Ce que nous avons fait était terrible.

Il nous faut regarder vers l’avenir et comprendre que nous devons adopter un autre style de relations. Je pense que nous devrions établir un algorithme clair pour chaque pays : comment exactement nous encourageons les gestes amicaux à notre égard, ce que nous considérons comme tels gestes, et comment nous réagissons aux insultes, offenses et attaques. Sans parler de la trahison ouverte.

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Chaque pays nécessite une approche propre, mais il doit y avoir un système. Jusqu’à présent, nous avons agi de manière sporadique. Poutine négocie avec les dirigeants, puis tout est transmis à des parties inconnues et tout s’effondre commodément.

Actuellement, il y a des changements importants dans la partie organisationnelle de l’interaction avec l’étranger proche de notre côté. Je pense que c’est une excellente opportunité de passer du chaos au système.

Nous devons élaborer un plan stratégique d’intégration pour chaque pays. Analyser les fondements, évaluer les ressources, déterminer un calendrier. Nous devons rassembler nos terres. Assez de dispersion et de les regarder s’éloigner toujours davantage de nous, comme des plaques de glace.

Si nous voulons être un pôle dans un monde multipolaire, alors nous avons besoin de tous les pays post-soviétiques. Nous devons les rassembler et les transformer en une zone de prospérité commune.

Nous devons développer des méthodes pour réprimer toute manifestation de russophobie directe en temps réel. Il existe des milliers de façons d’exercer une influence. Nous en utilisons trois ou quatre, à peine. Nous devons établir des mécanismes d’intégration qui soient durables et efficaces.

Pour l’instant, à court terme, on pourrait dire que cela suffit. Mais dès que l’on élargit l’échelle, il devient évident que ce n’est absolument pas suffisant. Tout ce qui se passe avec l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Moldavie, et même le Kazakhstan (Dieu merci la Géorgie n’est pas en première ligne, mais à quel point c’est fiable et durable, encore une fois, il n’y a aucune garantie), est en fait une catastrophe de notre politique eurasienne. Cela ne devrait pas être ainsi. Tout doit être sérieusement changé.

C’est sur cela que les autorités travaillent à présent. Il était tout simplement impossible de retarder davantage.

Espérons que toutes les erreurs de calcul seront comprises, et que nous passerons à un travail systématique pour intégrer l’espace eurasien.

jeudi, 18 septembre 2025

Laisser l'URSS derrière soi Le passé soviétique divise; l'avenir russe unit

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Laisser l'URSS derrière soi

Le passé soviétique divise; l'avenir russe unit

Alexander Douguine

Alexander Douguine soutient que l'URSS incarnait à la fois la russophobie et la grandeur russe, et qu'aujourd'hui, les Russes doivent dépasser son héritage non résolu pour construire une Grande Russie souveraine, orthodoxe et créative.

Comment devons-nous nous positionner par rapport à l'URSS ? D'un côté, les bolcheviks ont infligé des dommages irréparables au peuple russe. Des dommages terribles et irréparables. Cela ne peut être contesté; leur idéologie était véritablement russophobe, antichrétienne, purement satanique.

D'autre part, l'élite de l'Empire russe était occidentalisée et russophobe depuis le 18ème siècle, depuis Pierre le Grand. Totalement servile, pareille à l'image que nous a laissée Eltsine. Comment le peuple russe aurait-il pu ne pas se révolter contre une élite aussi occidentalisée ? Et, bien sûr, il s'est révolté.

Il s'est effectivement révolté. Mais une fois de plus sous la direction d'une élite inadaptée. Et avec une idéologie inadaptée. Encore une fois, une idéologie russophobe.

Que fallait-il donc faire ?

Le peuple russe a grandi à travers le communisme, à travers le soviétisme, en tendant vers Dieu et vers les étoiles. Comme le peuple russe est beau et indestructible !

En URSS, il y avait à la fois l'élément marxiste et l'élément russe. L'élément russe était magnifique; l'élément marxiste était loin d'être magnifique, il était même tout en laideur. L'élément populaire, folklorique, en URSS, était très important. Les Russes voulaient être libres. Ils voulaient abolir les élites occidentalisées. Aujourd'hui, les Russes veulent toujours la même chose. Mais cela est secondaire pour l'instant.

Quant à l'URSS, l'équilibre entre les Russes et les non-Russes n'a jamais été trouvé. Aujourd'hui, dans la Fédération de Russie, certains Russes regrettent le passé soviétique (on entend souvent: «Staline, reviens!»), tandis que d'autres rêvent d'un empire et exigent que Lénine soit retiré du mausolée.

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L'idée même de l'URSS nous divise. Ce dont nous avons besoin, c'est que tout nous unisse, nous les Russes. Cela signifie que soit nous devons repenser l'URSS différemment (ni « pour » ni « contre », mais pour le bien du peuple russe), soit nous ne devons pas y penser du tout et aller de l'avant, vers l'avenir russe. Si nous ne parvenons pas à comprendre l'URSS à la manière russe (et nous n'y parvenons pas), alors peut-être est-il temps d'arrêter d'essayer de la comprendre. Laissons-la de côté pour plus tard. Construisons la Grande Russie, totalement indépendante du passé. Seulement tournée vers l'avenir. Nous avons besoin de la Russie du futur. Belle, grande et prospère. Libre et souveraine. Orthodoxe et populaire. Construisons-la.

Il est temps que nous commencions à créer notre propre culture. À nous libérer des clichés et à créer. Tout ce qui s'est passé avant ne doit pas nous freiner. Ce qui est fait est fait. Nous pouvons faire naître quelque chose d'inédit. Le peuple russe est grand, puissant, joyeux et capable de beaucoup de choses.

Nous devons seulement nous libérer. De l'Occident (qui n'est plus aujourd'hui qu'un monceau d'immondices) et de ce que nous n'avons pas réussi à accomplir dans le passé.

Nous devons davantage compter sur nos propres forces.

Quelqu'un a un jour expliqué à notre dirigeant que l'autarcie était une mauvaise chose. C'est une erreur: autarcie signifie la même chose que souveraineté, autosuffisance, mais en grec. Et la souveraineté est une bonne chose. L'autarcie est une bonne chose. Nous avons besoin d'une autarcie créative.

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samedi, 13 septembre 2025

La mort de Charlie Kirk et la guerre civile à venir - L'assassinat qui a divisé l'Amérique en deux

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La mort de Charlie Kirk et la guerre civile à venir

L'assassinat qui a divisé l'Amérique en deux

Alexander Douguine

Alexander Douguine présente l'assassinat de Charlie Kirk comme un tournant décisif, avec le mouvement MAGA uni dans la colère, les libéraux en liesse, l'Ukraine jubilant et l'Amérique glissant vers la guerre civile.

Après la confirmation de la mort de Charlie Kirk (personne ne survit à un tel attentat, à une telle blessure), l'Amérique a explosé. Ce qui est surprenant, c'est que cela s'est produit des deux côtés. Trump et le mouvement MAGA ressentent une douleur sincère et une fureur sauvage. Musk a qualifié les démocrates de terroristes. Tous les membres du MAGA ont oublié leurs contradictions et se sont instantanément unis.

De l'autre côté, les libéraux ne peuvent contenir leur joie et leur exaltation. L'Idiot de Dowds a apparemment été licencié de MSNBC, mais lorsqu'une proposition a été faite au Congrès pour honorer la mémoire de Kirk par une prière, les démocrates ont hurlé : « NON ! ». Les réseaux libéraux ne peuvent contenir leur joie. Leurs camarades plus âgés les exhortent à ne pas trop afficher leurs sentiments. Cela pourrait mal finir. Mais ils n'écoutent pas. Ils sont triomphants. Après tout, un conservateur, un traditionaliste et un chrétien a été tué. Nous nous souvenons comment ces personnes sont étiquetées par leurs adversaires. Cette étiquette semble justifier leur meurtre.

Cela ressemble beaucoup au début d'une guerre civile.

Le Parti démocrate est l'Ukraine de l'Amérique. Ou l'inverse.

Le tireur a tiré à 200 mètres et a disparu. Ils ont arrêté la mauvaise personne.

Il est fort probable que personne ne saura jamais qui sont les véritables commanditaires et auteurs de ce crime, tout comme pour l'assassinat de Kennedy.

Aujourd'hui, tout le monde craint pour Musk. Et pour la vie de tous les patriotes américains et opposants aux libéraux. Une vie dans le collimateur. Pour nous, ce régime a commencé il y a trois ans. Le centre qui donne l'ordre de notre destruction, de l'élimination des partisans de MAGA, est le même.

Oui, l'Ukraine se réjouit du meurtre de Charlie Kirk, contrairement aux libéraux américains, qui essaient au moins de contenir leurs émotions. La différence entre le Parti démocrate américain et l'Ukraine est difficile à trouver. Il s'agit littéralement d'une organisation terroriste internationale.

Kirk a été tué dans une tente portant l'inscription « American Comeback ». Les meurtriers ont déclaré : « Pas du tout. Nous sommes toujours les maîtres ici. »

Le magazine Time a publié un article intitulé « Assez ». Mais c'est loin d'être « assez ». Ce n'est que le début.

En ce grand jour de la fête de la décapitation du vénérable précurseur Jean, nous observons un jour de jeûne strict. Depuis des temps immémoriaux, l'ennemi tue les saints, les justes, les innocents et les personnes simplement honnêtes et nobles. Ce n'est pas sans raison que le diable est appelé « un meurtrier dès le commencement ».

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Comment la campagne de déshumanisation menée par l'élite mondialiste met notre peuple en danger

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Comment la campagne de déshumanisation menée par l'élite mondialiste met notre peuple en danger

Alexander Douguine avertit que l'élite libérale mondialiste, suite à des décennies de déshumanisation et de censure, a ouvert la voie à la violence contre les conservateurs et les traditionalistes.

Alexander Douguine

Les assassins de Charlie Kirk sont Soros, Obama, Biden, Macron, Starmer, Merz - tous des membres de l'élite libérale mondialiste qui, pendant des décennies, ont diabolisé leurs adversaires politiques en les qualifiant (en nous qualifiant) de « fascistes », de « nazis », « d'extrémistes de droite », de « racistes » sans aucune raison.

Ils nous ont déshumanisés, estimant que plus tôt nous serions tués, mieux ce serait. Aux yeux des libéraux, être traditionaliste ou conservateur signifie être « fasciste » et, par suite, être dûment exclu, censuré, tué. Cela a duré des années et des années.

Aujourd'hui, la société découvre à quel point c'est horrible. Cela doit cesser. Mais ils disposent toujours des médias, des réseaux, de Wikipédia, des politiciens, des professeurs, des influenceurs du monde entier qui, qu'ils soient rémunérés ou non, promeuvent leur programme à chaque instant. Ils qualifient cette chasse aux sorcières de « progrès, d'activisme, de prise de conscience woke ».

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Nous devons nous organiser à l'échelle mondiale. Car c'est un fléau mondial. On ne peut pas l'arrêter dans un seul pays isolément. Ils se déplaceront simplement dans un État voisin. Aujourd'hui, les démocrates ont perdu les États-Unis (en partie, comme nous le voyons), mais l'UE est sous leur contrôle total.

Nous avons besoin d'une stratégie. Ils en ont une, pas nous. Les querelles internes au sein du mouvement MAGA reflètent la manière dont les mondialistes, afin de diviser pour mieux régner, poussent les nations à se battre entre elles. L'Ukraine est l'un de ces exemples tragiques. Ils ont réussi à provoquer une guerre civile au sein du peuple russe.

Quand ils ne peuvent pas nous vaincre dans le débat, ils nous tuent physiquement. Souvent par l'intermédiaire d'une personne qui n'est qu'un bouc émissaire, un pantin ou un instrument. Nous devons dénoncer leur stratégie mondiale et élaborer la nôtre.

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Charlie Kirk et ma fille Darya ont été tués par exactement les mêmes personnes. Du moins, les ordres ont été donnés par les mêmes personnes. Grâce à Darya, en mémoire de laquelle une magnifique statue a récemment été érigée dans le domaine de Pouchkine à Zakharovo, un tournant a été pris dans la guerre russe.

Grâce à Charlie, ce sera un tournant américain. Nous ne devons pas nous battre les uns contre les autres, nous devons nous battre ensemble contre notre ennemi commun qui tue nos enfants, nos hommes, nos femmes, nos parents, nos amis. Et il continuera à le faire si nous ne le vainquons pas. Ensemble, unis, en pleine solidarité.

 

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jeudi, 11 septembre 2025

Soros, l'USAID et le moteur des révolutions colorées

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Soros, l'USAID et le moteur des révolutions colorées

Alexander Douguine soutient que les récentes révolutions colorées qui encerclent l'Inde révèlent une stratégie géopolitique cachée.

Alexander Douguine

Les révolutions colorées sont encouragées par Soros et ont été financées par l'USAID. Question: qui est responsable aujourd'hui de l'encerclement de l'Inde, laquelle s'affirme comme un État-civilisation et promeut activement la multipolarité, par des régimes radicaux hostiles et anti-indiens ? Le Bangladesh, le Sri Lanka, le Myanmar, et maintenant le Népal.

Il s'agit d'une question géopolitique et nous ne pouvons ignorer la stratégie qui se cache derrière. Ce doit être l'Occident, car la Chine n'est pas intéressée par les résultats qu'auront à terme ces révolutions colorées. Sans parler de la Russie, qui n'a aucun intérêt direct dans la région et qui est plongée dans sa propre guerre. Mais quel Occident ? Celui de Trump ?

Or Soros est attaqué aux États-Unis par Trump et l'USAID est annulée. Qui d'autre promeut cette géopolitique anti-indienne ? Il y a de plus en plus de faits dans différents endroits du monde qui prouvent qu'une autre force difficilement identifiable opère en coulisses.

Au Népal, quelqu'un a soutenu d'une main la politique stupide des autorités et a fomenté de l'autre main les émeutes des jeunes. Il en va de même en France, en Angleterre et en Allemagne. Qui pousse les dirigeants libéraux à faire des choses stupides et incite simultanément la population à les haïr ?

Nous avons vu exactement le même schéma lors de la révolution ukrainienne de 2014, mais à l'époque, tout était clair. L'Occident était sous le contrôle total des mondialistes libéraux et les États-Unis étaient dominés par les démocrates (qui sont, comme tout un chacun le sait, des mondialistes libéraux). Soros, l'USAID, la CIA, le MI6 et tous les autres services ont travaillé ensemble sur le même programme.

Mais aujourd'hui, la situation est assez différente. Trump est une sorte de joker ou de farceur dans le système. MAGA, Elon Musk et l'http://x.com/e, qui rejette le pandémonium woke, sont de nouveaux facteurs. Mais il semble que ces nouveaux facteurs ne contrôlent pas entièrement la politique américaine, sans parler de l'Occident en général.

Il faut donc identifier les véritables structures qui continuent de diriger le monde dans les coulisses. La situation est beaucoup plus compliquée qu'auparavant, où il y avait un dualisme clair: avec les mondialistes (libéraux), d'une part, et les antimondialistes (populistes, nationalistes, traditionalistes), d'autre part. De nouvelles couches sont apparues désormais.

Il n'est pas facile de les identifier correctement. Il semble de plus en plus que les forces politiques superficielles, les élites et les décideurs soient eux-mêmes les otages d'un jeu plus profond, de simples outils aveugles. Si les élites sont utilisées et trompées, que dire des masses manipulées et endoctrinées ?

mercredi, 10 septembre 2025

Directive de Douguine: "L’ère des États-civilisations – La Russie, la Chine et l’Inde s’élèvent comme les trois pôles d’un monde multipolaire"

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Directive de Douguine:

"L’ère des États-civilisations – La Russie, la Chine et l’Inde s’élèvent comme les trois pôles d’un monde multipolaire"

Alexandre Douguine

Nos États ne sont pas équivalents: certains ont des avantages démographiques, d’autres en possèdent dans la croissance économique, d’autres encore en géopolitique, en ressources naturelles, en armement ou en technologies. Mais aucun d’eux ne dépend de l’autre. Ce sont trois pôles indépendants, voilà ce qu’est la multipolarité. Chacun d’eux a en son cœur sa propre religion, sa propre identité, sa culture et une histoire très ancienne. Cela revêt une signification colossale.

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La Russie a définitivement pris conscience de ne pas être une partie de l’Occident, mais le centre d’un monde russe autonome. Il en va de même pour l’Inde et la Chine. Au centre de l’identité chinoise se trouve l’idée confucéenne de l’Empire chinois. Le maoïsme et le libéralisme de Deng Xiaoping sont des moyens de moderniser la société dans le but de la défendre contre l’Occident. Le noyau reste immuable – la Chine défend ses principes et sa métaphysique.

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Il en va de même pour l’Inde qui, avec l’arrivée au pouvoir des conservateurs de Narendra Modi et du « Bharatiya Janata Party », prend de plus en plus conscience de son opposition à l’Occident en tant que civilisation védique. Modi a opté pour une décolonisation de la conscience indienne et poursuit résolument cette voie, comprenant que le système occidental ne convient pas à la société indienne, fondée sur d’autres principes.

La civilisation russe plonge ses racines dans l’antique société indo-européenne des temps sarmates et scythes, époque où s’est formé le peuple slave. Mais nous sommes devenus une véritable civilisation en embrassant le christianisme et le byzantinisme, avec son héritage gréco-romain. Nous sommes aussi, toutefois, les héritiers de la culture du code indo-européen.

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Après le Grand Schisme des Églises au 11ème siècle, nos chemins ont divergé de ceux de l’Occident. Nous avons continué à porter ce code, tandis que l’Occident s’en est éloigné. À l’époque moderne, il a bâti une civilisation sur des principes antichrétiens et anti-romains, en rompant avec lui-même. Nous, malgré les reculs des 18ème et 20ème siècles, sommes restés porteurs de la foi orthodoxe dans laquelle le Saint Prince Vladimir nous a baptisés.

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Après la chute de Constantinople, nous sommes devenus les seuls héritiers de ce code. Il nous incombait d’être le bastion de l’orthodoxie. Ce n’est pas un hasard si nous sommes appelés la "Troisième Rome". Nous sommes héritiers non seulement du millénaire, mais d’une histoire bien plus profonde, incluant la Perse et Babylone, comme l’écrit Constantin Malofeev dans son livre « Empire ». Depuis 500 ans, nous, les Russes, portons la Couronne de l’Empire en préservant une civilisation que l’Occident a abandonnée.

Ce n’est pas nous qui sommes une partie de l’Occident, mais l’Occident qui est une version dégénérée de nous-mêmes. Ils se sont séparés de la civilisation, tandis que nous lui sommes restés fidèles. Ils sont les fils prodigues qui se sont éloignés en enfer. Nous, nous portons une culture ancienne, les Chinois la leur, les Indiens la leur.

Après des époques pas toujours favorables, nous, les trois États-civilisations renaissants, nous nous rencontrons à nouveau, conscients de notre profondeur. Face à nous, un ennemi commun: l’Occident. Trump aurait pu devenir un autre pôle souverain s’il avait surmonté l’hégémonie des mondialistes, comme il le prévoyait. Mais il n’y est pas parvenu.

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Les trois pôles du monde multipolaire existent déjà. Mais le club du monde multipolaire est ouvert. Dans les BRICS, format plus large que celui de l’OCS, il y a aussi une place pour les mondes islamique, africain et latino-américain. Plus l’Occident nous attaque, plus nous nous rapprochons. Même Trump y contribue, rendant ce processus irréversible – sous sa pression, l’Inde nous a rejoints.

Il y a là quelque chose d’eschatologique. Nous ressentons de façon aiguë notre identité et notre destin, comme jamais au cours des 300 dernières années. Il en va de même pour les Chinois et les Indiens. L’Inde, ancienne colonie, se réveille enfin pour de bon, tout comme la Chine revient à son noyau confucéen. Ce qui était au commencement se révèle à la fin.

Nous entrons dans l’ère des États-civilisations, tandis que l’Occident, en tentant de conserver sa domination, sombre. Il est désormais évident pour tous que son hégémonie est terminée. C’est l’agonie.

dimanche, 07 septembre 2025

Directive de Douguine: "Trump contribue à la formation d’un monde multipolaire, même contre sa volonté"

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Directive de Douguine: "Trump contribue à la formation d’un monde multipolaire, même contre sa volonté"

Alexandre Douguine

Après son accession au pouvoir, Trump aurait pu accepter la nouvelle réalité du monde et tenter de reconquérir une bonne position dominante pour les États-Unis dans un système devenu multipolaire. Au lieu de cela, Trump a choisi la voie de l’agression, et ce sont précisément ses actions — attaques contre la Chine, introduction de droits de douane élevés contre l’Inde, pression sur le Brésil et menaces contre les pays du BRICS, ainsi que la poursuite de l’agression américaine contre la Russie en Ukraine — qui accélèrent la création d’un monde multipolaire, a souligné le directeur de l’Institut Tsargrad, le philosophe Alexandre Douguine :

"Trump ne fait pas cela volontairement, mais sous la contrainte. En tentant de faire échouer la multipolarité et de préserver l’hégémonie américaine, il accélère en réalité sa consolidation".

L’importance du processus en cours ne réside pas seulement dans la rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, rencontre qui symbolise à elle seule l’unité de deux grandes civilisations et puissances, mais aussi dans la présence lors du sommet de l’OCS du Premier ministre indien Narendra Modi, que Trump a profondément heurté par son comportement. À Pékin, lors du sommet de l’OCS, convergent en fait les trois pôles principaux du monde multipolaire: la Chine, la Russie et l’Inde.

Le destin de l’humanité dépendra de la capacité de ces trois pôles à parvenir à une compréhension mutuelle dans ces nouvelles conditions historiques, et non de ce que dit ou fait Trump. Sa mission est déjà accomplie dorénavant : il a poussé la Russie dans les bras de la Chine, et il y a aussi jeté son récent partenaire — l’Inde.

Ces trois grandes civilisations-États s’unissent maintenant. Leur potentiel combiné — économique, démographique, politique, géopolitique, en ressources et en capacités nucléaires — dépasse celui du monde occidental. Voilà la vraie multipolarité, elle était inattendue, mais elle est désormais la réalité.

L’Occident, qui voulait initialement bétonner un monde unipolaire avec l’OTAN pour pièce centrale, la calamiteuse Union européenne et son Israël idiot qui tente de faire valoir sa grandeur sur un petit coin du Moyen-Orient, se trouve face à un contrepoids eurasiatique de grande ampleur. Et personne n’y résistera. À cette nouvelle organisation multipolaire, incarnée par la Russie, la Chine et l’Inde, se joindra aussi le monde islamique — en premier lieu, les chiites d’Iran. Ceux qui hésitent perdront peu à peu toute pertinence, même au niveau régional. Trump voulait s’y opposer, mais il y a finalement contribué lui-même.

La prochaine visite de Vladimir Poutine en Chine, pour le sommet de l’OCS, n’est pas seulement une nouvelle rencontre avec Xi Jinping et Narendra Modi. La situation a changé. L’Occident n’a pas voulu accepter la multipolarité, ce qui signifie que cette multipolarité, désormais, « houspille » l’Occident dans les marges du monde et de l'histoire et le forcera à prendre sa place dans cette hiérarchie, qui ne sera plus en première ligne.

Trump a commencé avec le slogan « Rendons l’Amérique grande à nouveau », en promettant aussi la grandeur pour d’autres pays: faire en sorte qu'eux aussi puissent « redevenir grands ». Mais il n’a pas tenu cette mission, et il a basculé, et c'est navrant, dans une politique néoconservatrice, de mauvais aloi et de bas étage. En tentant de préserver l’hégémonie, il l’a en fait achevée et a transmis l’initiative aux trois pôles d'Eurasie.

Lors du sommet, se réunissent de véritables grandes puissances — la Russie, la Chine et l'Inde. Et c’est eux qui décideront du destin de l’humanité. Que cela plaise ou non, l’avenir appartient à Xi Jinping, à Modi et à Poutine. Ensemble, ils définiront la prochaine ère de l’humanité. Nous inscrivons dans cette nouvelle ère multipolaire nos propres visions. C’est là toute la signification de cette rencontre au sommet de l’OCS.