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lundi, 23 mai 2016

Giono, Céline et Gallimard

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Giono, Céline et Gallimard

par Marc Laudelout

Ex: http://bulletincelinien.com

On a beaucoup commenté la manière dont Céline se comporta avec Robert Denoël, puis Gaston Gallimard. Au moins a-t-il toujours joué franc jeu : « J’étais l’auteur le plus cher de France ! Ayant toujours fait de la médecine gratuite je m’étais juré d’être l’écrivain le plus exigeant du marché – Et je l’étais ¹. »

gionoeeeeee.jpgGiono, c’est autre chose. Sa correspondance avec Gallimard, qui vient de paraître, nous montre un personnage d’une duplicité peu commune. Dès 1928, Gaston lui propose de devenir son éditeur exclusif dès qu’il sera libre de ses engagements avec Grasset. Grand écrivain mais sacré filou, Giono n’aura de cesse de jouer un double jeu, se flattant d’être « plus malin » que ses éditeurs. Rien à voir avec Céline, âpre au gain, mais qui se targuait d’être « loyal et carré ». Giono, lui, n’hésitait pas à signer en même temps un contrat avec Grasset et un autre avec Gallimard pour ses prochains ouvrages. Chacun des deux éditeurs ignorant naturellement l’existence du traité avec son concurrent. But de la manœuvre : toucher deux mensualités (!). La mèche sera vite éventée. Fureur de Bernard Grasset qui voulut porter plainte pour escroquerie et renvoyer l’auteur indélicat devant un tribunal correctionnel. L’idée de Giono était, en théorie, de réserver ses romans à Gallimard et ses essais à Grasset. L’affaire ira en s’apaisant mais Giono récidivera après la guerre en proposant un livre à La Table ronde, puis un autre encore aux éditions Plon.  En termes mesurés, Gaston lui écrit : « Comprenez qu’il est légitime que je sois surpris désagréablement. » Et de lui rappeler, courtoisement mais fermement, ses engagements, ses promesses renouvelées et ses constantes confirmations du droit de préférence des éditions Gallimard. En retour, Giono se lamente : « Avec ce que je dois donner au percepteur, je suis réduit à la misère noire. » Et en profite naturellement pour négocier ses nouveaux contrats à la hausse. Ficelle, il conserve les droits des éditions de luxe et n’entend pas partager avec son éditeur les droits d’adaptation cinématographiques de ses œuvres. Tel était Giono qui, sur ce plan, ne le cédait en rien à Céline. On peut cependant préférer le style goguenard de celui-ci quand il s’adresse  à  Gaston : « Si j’étais comme vous multi-milliardaire (…), vous ne me verriez point si harcelant… diable ! que vous enverrais loin foutre !  ² ».

À l’instar de Céline ³, Giono souhaitait se voir édité de son vivant dans la Bibliothèque de la Pléiade. Dix ans plus tard, le même scénario se répète : l’auteur de Colline meurt en 1970 un an exactement avant la parution de ses Œuvres complètes sur papier bible.

• Jean GIONO, Lettres à la NRF, 1928-1970 (édition établie par Jacques Mény), Gallimard, 2016, 528 p. (26,50 €).

  1. (1) Lettre du 19 mars 1947 (Lettres à Milton Hindus, 1947-1949, Gallimard, 2012, p. 38).
  2. (2) Lettre du 20 juin 1956 (Lettres à la NRF, 1931-1961), Gallimard, 1991, p. 323).
  3. (3) Si Céline eut parfois des mots acides à l’endroit de Giono (« Rabindrathagoriste du poireau »), comment ne pas évoquer ici la belle lettre qu’il lui écrivit en 1953 alors qu’il avait exprimé (à Marcel Aymé) le vague souhait de s’installer dans le Midi. Ce qui valut à Giono ces remerciements émus de Céline : « Mon cher Giono, Marcel Aymé m’a lu votre lettre et je suis bien vivement touché par l’amitié que vous me témoignez et l’accueil que vous faites à mon projet d’aller séjourner vers Manosque». Renonçant finalement au projet, il poursuit : « Je suis bien sensible, croyez-le, à votre si généreuse offre de rechercher autour de vous des personnes disposées à me venir en aide… », pour conclure par cette formule inhabituelle sous sa plume : « Je vous embrasse cher Giono et vous remercie bien sincèrement et m’excuse et vous prie de me croire bien amicalement vôtre. Destouches » (Lettres, Gallimard, 2009).
BC-Cover516.jpgBulletin célinien n°385, mai 2016
Sommaire : 
Dictionnaire célinien des lieux de Paris – L’adaptation théâtrale de Voyage par Damien De Dobbeleer –
D’un Mourlet l’autre –
Rennes, de Céline à Kundera –
Le Journal de Marc Hanrez –
Dictionnaire amoureux de la langue française –
Un texte ignoré de Léon Daudet sur Céline –
Nietzsche et Céline –
Nos archives audio-visuelles

vendredi, 04 mars 2016

Isabelle Bunisset sur Céline: Vers la nuit

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« Céline. Parler de lui ? Tout a été dit ou presque sur l’écrivain. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il est là. Incontestable, même lorsqu’il est contesté. Parler pour lui ? Fendre le masque marmoréen du monument, tenter de regarder l’homme derrière, de capter un filet de voix mourante ? Non, il ne s’agit ni de parler pour lui ou comme lui, mais de parler avec lui. Foin du marbre, de la grande statue dont l’ombre elle-même est si immense qu’elle écrase tout. Chair à chair, pour une fois. Se glisser dans les interstices, chercher à les remplir comme le ferait un ami venu le visiter en toute humilité, l’ami fût-il anonyme. Rester au chevet du malade, auquel le temps paraît bien court – et une éternité, pourtant. Nauséabond, soit .  Jusqu’à l’os, parfois. Propre sur lui, rarement. Probe, à sa façon, certainement, vulnérable toujours : Céline tel qu’en lui-même, tel que je le vois, dans sa nuit, la dernière. »

dimanche, 04 octobre 2015

Céline entre deux guerres

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“ On croyait tout connaître de Louis-Ferdinand Céline un peu plus de cinquante ans après sa disparition, en 1961. L'enquête ici réalisée démontre le contraire. Elle prend pour hypothèse le rôle matriciel de la Grande Guerre dans l'émergence d'une personnalité et d'une oeuvre qui n'ont cessé de questionner le sens de l'événement guerrier et sa résurgence pendant les années 1939-1945.


Elle montre l'ampleur de la déformation ou de la reconstruction de l'expérience personnelle de la guerre des années 1914-1915 dans Voyage au bout de la nuit (1932) mais aussi dans l'ensemble des entretiens et témoignages accordés ou lettres adressées par le docteur Destouches à partir du moment où il est devenu célèbre en 1932 sous le pseudonyme de Louis-Ferdinand Céline. Le brouillage de la réalité vécue de la guerre et la construction d'une mythologie personnelle ont jusqu'à nos jours été largement avalisés par les biographes. L'enjeu est ici celui de la démythologisation de la biographie.


L'ouvrage s'interroge sur les multiples raisons de cette reconstruction biographique en avançant que la dimension officiellement héroïque de l'expérience célinienne de la première guerre est d'autant plus nécessaire à l'identité du combattant que celle-ci sera après 1944 constamment revendiquée et présentée comme une pièce à décharge dans le procès intenté à Céline par la justice de l'Epuration pour ses pamphlets antisémites des années 1937-1941 (republiés jusqu'en 1944) et ses prises de position publiques dans la presse collaboratrice entre 1940 et 1944. En d'autres termes, l'expérience subie d'une première guerre se prolonge sous forme d'argument juridique à l'issue du deuxième conflit mondial. Est aussi en exergue toute la question du pacifisme de Céline comme justification donnée de l'entrée en écriture pamphlétaire à partir de 1937. La connaissance historienne de l'expérience de la guerre est d'autant plus importante que la guerre est elle-même l'origine traumatique revendiquée de l'écriture, du choix de la langue argotique mais aussi et plus fondamentalement de la construction du temps et de l'histoire communes que les romans de Céline construisent. ”

Source: http://zentropa.info

samedi, 03 octobre 2015

La Cavale du Docteur Destouches

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La Cavale du Docteur Destouches, récit de Christophe Malavoy, dessins de Paul et Gaëtan Brizzi, d’après l’œuvre de Louis-Ferdinand Céline1944 : Louis-Ferdinand Céline, son épouse, le comédien Robert le Vigan et le chat Bébert quittent la France pour rejoindre la communauté française collaborationniste à Sigmaringen.

Christophe Malavoy adapte l’oeuvre de Céline et signe, avec la complicité des frères Brizzi, une véritable farce burlesque, hallucinante et drôle, sur un épisode pourtant sombre de notre histoire.1944, Montmartre ploie sous les bombardements de la RAF. Le vent tourne pour les Allemands et les collaborateurs. Le docteur Destouches, plus connu sous son nom de plume, Louis-Ferdinand Céline, muni de faux-papiers, quitte la France en compagnie de Lucette son épouse et Bébert le chat. Direction l’hôtel Brenner à Baden-Baden, où il retrouve Robert Le Vigan, comédien et collabo, qui vient de quitter le tournage des Enfants du paradis.

Ensemble, traversant une Allemagne en ruine, ils se rendent à Sigmaringen, rejoindre le gouvernement en exil de la France Vichyste. Cerné par des personnages hauts en couleur, pitoyables, voire caricaturaux, le drame tourne à la farce burlesque. De cet épisode historique authentique, Céline a tiré une oeuvre incontournable, D’un château l’autre, Nord et Rigodon. Il fallait un sacré culot pour oser s’y attaquer. Christophe Malavoy et Paul & Gaëtan Brizzi se sont lancés ici avec maestria dans leur première bande dessinée.

Source: http://zentropa.info

lundi, 08 juin 2015

En el cumpleaños de Louis Ferdinand Céline: una fiebre obsidional.

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En el cumpleaños de Louis Ferdinand Céline: una fiebre obsidional.

por Manuel Fernández Espinosa

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

Louis Ferdinand Auguste Destouches, más conocido como Louis Ferdinand Céline, nació tal día como hoy, 27 de mayo del año 1894, en Courbevoie. La sangre bretona que corría por sus venas tuvo que darle ese toque melancólico, tan céltico, que a veces asoma en su obra. En su “Carnet del coracero Destouches” que, hasta cierto punto, constituye un cuaderno introspectivo, llega a preguntarse: “¿Soy poético? No. No lo creo; sólo un fondo de tristeza yace en el fondo de mí mismo, y si no tengo el valor de ahuyentarlo con una ocupación cualquiera adquiere en seguida grandes proporciones”.

Toda su obra es un testimonio vital de alguien que nunca se vio a sí mismo como un héroe, sino como un superviviente. El “Viaje al fin de la noche” (su novela más famosa) nos pinta sus peripecias a través de las de su alter ego, el protagonista del “Viaje…”, Ferdinand Bardamu. Novela de aprendizaje, con un fuerte carácter picaresco, Céline lanzó con ella al mundo su grito de rebelión. Una rebelión con causa, la del individuo inteligente que no puede evitar ahorrarse la entrada en la dinámica de la sociedad hipócrita que lo absorbe, pero que resiste y que descubre que los valores chapados de hojalata, por mucho que brillen, no corresponden a nada auténtico. Céline siempre tuvo la idea, algunos dirían que paranoide, de que el “Viaje…” fue lo que nunca le perdonaron: “¡Si me buscan es por el “Viaje…”! ¡Lo aúllo bajo el hacha! ¡Es una cuenta pendiente entre yo y “ELLOS”! en lo más profundo… que no puede contarse… ¡Estamos en peligro de Mística! ¡Qué cosas!” -escribiría en un prólogo retrospectivo para esta novela.

Los panfletos antisemitas de Céline le acarrearían enojosísimas consecuencias tras la II Guerra Mundial. De poco le valió alegar que sus libros fueron prohibidos en la Alemania hitleriana. La suerte estaba echada para él: considerado como un colaboracionista, conforme los aliados iban comiéndole el terreno a los alemanes, Céline emprendió una fuga por Europa central (pudiéramos decir que fue una prolongación del viaje al fin de la noche, de la noche que se alargaba en Europa, de la noche que persiste hoy todavía); con su fuga escapaba de los linchamientos que perpetraban en Francia los verdugos de la mitificada “resistencia”, brutales represalias que nadie ha condenado todavía, que se cebaron con todos aquellos que eran tachados como colaboracionistas. Ciertamente, la situación de Céline fue agravándose progresivamente conforme el Reich sucumbía y, por fin, pudo refugiarse en Dinamarca, donde fue encarcelado a la espera de una resolución. El flamante gobierno francés pidió su extradición para juzgarlo y, si los daneses se lo hubieran entregado, Céline hubiera sido ejecutado como tantos otros franceses; pero, eso sí, sin haber hecho ni la mitad que otros que, para más escarnio, se pavoneaban de haber combatido a los nazis.Es el caso de Jean Paul Sartre o Simone de Beauvoir. Sartre, el gurú del existencialismo y la “gauche divine”, vivió plácidamente, incluso con éxito, mientras los alemanes campaban a sus anchas en París: las autoridades alemanas de ocupación permitieron la puesta en escena de algunas obras de teatro del bizco: el libro de Gilbert Joseph, “Una ocupación tan dulce: Simone de Beauvoir y Jean-Paul Sartre, 1940-1944” puso al descubierto que Sartre no entró jamás en conflicto con los nazis, por mucho que después -tras la victoria aliada- adoptara la pose de irreductible resistente intelectual. Y su compañera, la Beauvoir, diva del feminismo, no tuvo ningún empacho en colaborar en las emisoras del gobierno colaboracionista de Vichy. Sin embargo, nadie los molestó. A Céline, sí: no hizo tanto como estos dos que gozan de un prestigio inmerecido, pero todos fueron contra él.

En el “Viaje…” ya había indicios de una supuesta paranoia celiniana, pero la hostilidad que va a sufrir tras la victoria aliada, incrementa esa sensación de aislamiento hasta mostrar una fiebre obsidional como encontraremos en pocos casos de la literatura. Su estilo sincopado, sus puntos suspensivos, sus tacos, sus crudelísimas afirmaciones sobre hombres y vida imprimen en su obra una inconfundible nota de identidad. Céline supo trasladar la viveza del lenguaje oral al escrito, podemos leer por ahí; pero no es lo único que pretendió (tal vez) Céline: en esos lapsus se entrevera el silencio, el silencio que siempre será una constante tentación para un espíritu orgulloso que no se franquea con cualquiera. Un orgullo de resistente que se reserva la totalidad del juicio que le merecen las pantomimas y las grandilocuentes palabras de los bellacos bien vestidos, bien redichos y bien pensantes; el orgullo, en fin, de quien no acepta ser presa de sus enemigos (la humanidad en pleno, descontando a los más próximos), que se ríe a carcajadas de todas las mentiras de su tiempo (que también son las del nuestro), de quien no pacta con las ficciones que la mayoría comparte. Puntos suspensivos… No hay palabras para expresar la repugnancia que provocan tantas cosas como nos circundan: podemos ser bocazas y locuaces, pero siempre (…) podríamos haber dicho mucho más (…).

Céline supo cultivar su imagen iconoclasta e irreductible, pero el rasgo de toda su nobleza residió en que no lo hizo por cálculo gananciero, sino por su inexpugnable orgullo, el del que se sabe inocente y no le da la gana de ser inmolado ni prestarse a que lo machaquen, con la convicción de ser un hombre solo, acompañado de su mujer, de sus mascotas y de pocos amigos, que no militó nunca en ningún partido, que solo quería dedicarse a escribir y que encontró en sus adversidades la materia para crear una obra colosal que lo mismo haría llorar que reír y que, hasta su mismo adversario Sartre, mimado por el aparato cultural, tuvo que reconocerla como monumento imperecedero de la lengua francesa.

Querer ser uno mismo se paga muy caro. Bien lo supo Céline. Por eso mismo, leerlo es siempre un ejercicio de rebelión muy provechoso que ayuda a ser uno mismo y purga muchos postizos que nos quieren poner.

Fuente: Raigambre

samedi, 30 mai 2015

The Enduring Reputation of Louis-Ferdinand Céline

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The Enduring Reputation of Louis-Ferdinand Céline

“The white people invented the atom bomb, and a little later they disappeared.”
—Louis-Ferdinand Céline, Rigodon

May 27th is the 121st birthday of French writer Louis-Ferdinand Céline (real name: Louis-Ferdinand Destouches)—avant-garde novelist, propagandist, dissident, and physician. In America Céline is mainly known for his first two dark, expressionistic novels, first published in the 1930s, and immediately recognizable in the iconic black-and-white New Directions paperback editions first issued in the 1950s and 60s.

It was lucky, perhaps inevitable, for New Directions publisher James Laughlin to grab the rights to those edgy novels and put them out under the noses of a generation or two of college students and literary hipsters. Because who were Céline’s biggest fans and proponents in 1950s? Why, the Beats of course, mainly W. S. Burroughs, Allen Ginsberg, and Jack Kerouac.[1] Their endorsement went a long way to taking the curse off Céline, positioning him as a transgressive, nihilistic proto-hipster, rather than one more half-cracked Nazi collaborator.

Because that’s the other thing about Céline, his other claim to fame. In the late 1930s he cranked out three heavy tomes of vituperation against contemporary culture and politics (beginning in 1937 with his notorious Bagatelles pour un massacre[2]), all of them denouncing Jewish power and influence. Come the Occupation, 1940-44, Céline moved in pro-Nazi, anti-Bolshevist literary circles, even though neither the Germans nor the French collabos had any use for him as a propagandist. He was too eccentric, vulgar, obscene. Nevertheless he and his wife were forcibly evacuated to Germany at “Liberation” in August 1944, and eventually found their way to Denmark where Céline was convicted in absentia on some vague charge (indignité nationale), though he was later granted amnesty in 1951.

Céline’s reputation in modern France is most peculiar. He has never ceased to be widely popular. His turgid late-30s political “pamphlets” aren’t officially in print or on the stands at the librairie, but most of his other work is readily available, in many editions. The French intelligentsia in particular regard Céline as a national treasure, a rock-star literary titan of the 20th century.

But you can’t just come out and say you like Céline. You have to hedge, apologize, denounce with faint praise. This is true even if you’re Jewish; even if you’re Nicholas Sarkozy. A few years ago, when the French government added Céline’s name to the roster of an upcoming national cultural celebration, critics and politicians went through a ritual of forelock-tugging as they defensively praised Céline as one of their favorite writers. [3] Shrugged President Sarkozy: “You can love Céline without being an antisemite, just as you can love Proust without being a homosexual!”[4]

* * *

I first read Céline forty-one years ago. (June 1973 . . . Watergate . . . Gemstone Stationery.) It was hot and muggy. I was on a bench at the end of the Christopher Street pier in Greenwich Village, and I was avoiding some work I should have been doing. I was in my teens but I knew these old people from the Beat crowd, and they had been talking about what an incendiary, verboten, pro-Nazi, anti-Semitic scamp this Céline person was supposed to be. Reading Céline—or having read Céline—seemed to be the mark of a sophisticate. So I sat there reading Journey to the End of the Night and Death on the Installment Plan over a couple of weeks (they were always prominently on display at Wilentz’s 8th Street Bookshop[5] ), plowing through them doggedly and wondering what the hell was so controversial about them.

Both novels are blackly comedic and semi-autobiographical. Journey to the End of the Night (Fr.: Voyage au bout de la nuit) is mainly a long picaresque tale that goes from Paris at the start of the Great War, to the Western Front, then to African jungles, then—weirdly, disjointedly—to an automobile plant in Detroit, and finally back to Paris again. The second book, Death on the Installment Plan (Fr.: Mort à crédit) is a series of sense-impressions from their author’s experiences working in a public medical clinic, with long hellish flashbacks to childhood and family life.

louis-ferdinand-celine-1932-voyage-au-bout-de-la-nuit.jpgWhat sticks in memory from both books after lo! these many years, with scarcely a return dip in the meantime, is a miasma of filth, poor sanitation—in the trenches, in the slums, everywhere. (Curiously, Céline’s first book, his doctoral thesis in fact, was a biography of Ignaz Semmelweis[6], the father of obstetric antisepsis.) The obsessive disgust is very similar to the first part of Orwell’s Down and Out in Paris and London, which was written about the same time, so one author is unlikely to have influenced the other. Orwell was aware of Céline in the 1930s, since he mentions him in his essay on Henry Miller; but only just barely.

Far less popular in the English-speaking world are Céline’s last trilogy of “novels”: D’un chateau l’autre [2] (Eng.: Castle to Castle), Nord, and Rigadon. English translations of the last two exist, but are hard to find. This trilogy is much more pure memoir than the first two books, and arguably a bit more . . . accessible . . . once you get past the . . . self-indulgent, annoying, three-dot declamatory style . . . that Céline had become addicted to.

The three books describe the adventures of the narrator and his wife after they flee Paris in August 1944. At first their German keepers move them to the Berlin region, then they are transferred for several months to the famous castle of Sigmaringen, north of Lake Constance, where the government-in-exile of Vichy France are also being housed. Céline, acting as house physician, encounters the major players (Marshall Petain, Pierre Laval, etc.) up close, and draws some pathetic portraits of them as they veer from fear to fleeting hope to despair. Finally, the doctor and his wife leave the castle and follow a convoluted itinerary till they wind up in a hotel in Copenhagen where all seems matter-of-fact, bizarrely unaffected by the last five years of war.[7]

The trilogy falls into that very small genre of literature that one might call the Reich-Apocalypse Escape Memoir. As I say, it’s a small genre, but one other entry that resembles Céline’s in level of detail is Christian de la Mazière’s The Captive Dreamer (1974; Fr.: Le reveur casqué). La Mazière was a French nobleman who joined up with the Waffen SS, Charlemagne Division, in the final months of the war and was eventually taken prisoner by Polish partisans. He speaks about his experiences near the end of the documentary The Sorrow and the Pity (1969), in an interview that takes place in Sigmaringen castle itself. What doesn’t appear on screen is the comic episode of how he just barely crossed paths with Céline.

In his memoir, La Mazière relates how he and another newly commissioned officer decide to take a day trip to the castle. It is February 1945, they have just completed Waffen SS training, and will soon be shipped out to the Eastern Front. They take a train to Sigmaringen, imagining that they’ll present themselves for the approval of Petain and Leval. They climb the hill to the castle . . . but no luck. The guards tell them the Maréchal and Minister aren’t taking social calls. On their way down from the castle they spot Céline and his wife in the street, walking with fellow collabo Lucien Rebatet. La Mazière wants to stop and chat with them, but his companion won’t be detained; he’s too spooked by the whole place. And so they hurry on to lunch.[8]

Notes

1. http://realitystudio.org/scholarship/henry-miller-and-william-burroughs-an-overview/ [3]http://ginsbergblog.blogspot.com/2014/05/louis-ferdinand-celine-1894-1961.html [4]

2. https://archive.org/stream/BagatellesPourUnMassacre/bagat_djvu.txt [5]

3. Guardian Books Blog, 31 Jan 2011: http://www.theguardian.com/books/booksblog/2011/jan/31/celine-great-author [6] 

4. L’Express, 21 Jan 2011: http://www.lexpress.fr/culture/livre/quand-sarkozy-celebrait-celine_954362.html [7]

5. http://art-nerd.com/newyork/west-8th-street/ [8]

6. http://www.lepetitcelinien.com/2012/09/louis-ferdinand-celine-semmelweiss.html [9]

7. Merlin Thomas, Louis-Ferdinand Céline. (New Directions Publishing, 1980.)

8. Christian de la Mazière, The Captive Dreamer (1974); Henry Rousso, Petain et la fin de la colaboration: Sigmaringen, 1944-1945. (Bruxelles: Editions Complexe, 1984.)

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2013/05/Celine8.jpg

[2] D’un chateau l’autre: http://www.pdfarchive.info/pdf/C/Ce/Celine_-_D_un_chateau_l_autre.pdf

[3] http://realitystudio.org/scholarship/henry-miller-and-william-burroughs-an-overview/: http://realitystudio.org/scholarship/henry-miller-and-william-burroughs-an-overview/

[4] http://ginsbergblog.blogspot.com/2014/05/louis-ferdinand-celine-1894-1961.html: http://ginsbergblog.blogspot.com/2014/05/louis-ferdinand-celine-1894-1961.html

[5] https://archive.org/stream/BagatellesPourUnMassacre/bagat_djvu.txt: https://archive.org/stream/BagatellesPourUnMassacre/bagat_djvu.txt

[6] http://www.theguardian.com/books/booksblog/2011/jan/31/celine-great-author: http://www.theguardian.com/books/booksblog/2011/jan/31/celine-great-author

[7] http://www.lexpress.fr/culture/livre/quand-sarkozy-celebrait-celine_954362.html: http://www.lexpress.fr/culture/livre/quand-sarkozy-celebrait-celine_954362.html

[8] http://art-nerd.com/newyork/west-8th-street/: http://art-nerd.com/newyork/west-8th-street/

[9] http://www.lepetitcelinien.com/2012/09/louis-ferdinand-celine-semmelweiss.html: http://www.lepetitcelinien.com/2012/09/louis-ferdinand-celine-semmelweiss.html

 

lundi, 04 mai 2015

Céline médecin et écrivain

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« Céline médecin et écrivain » par Frédéric VITOUX

Académie Nationale de Médecine (2007)

 
Frédéric Vitoux, de l'Académie française, a tenu une discussion sur le thème de Céline médecin et écrivain à l'Académie Nationale de Médecine lors de la journée du livre en septembre 2007, entretien diffusé sur Canal Académie, «magazine francophone des Académies sur Internet». Frédéric Vitoux est l'auteur de nombreux romans et essais, notamment de Louis-Ferdinand Céline, misère et parole (Gallimard, 1973), Bébert, le chat de Louis-Ferdinand Céline (Grasset, 1976), d'une biographie de Céline, La vie de Céline (Grasset, 1988). Il vient de faire paraître chez Fayard Jours inquiets dans l'Île Saint-Louis.
 

Il destino di Céline che abbandonò la vita per la letteratura

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Il destino di Céline che abbandonò la vita per la letteratura

di Stenio Solinas

Fonte: Il Giornale

La biografia firmata da De Roux è una meditazione sulla morte e sullo stile: "Aveva rischiato per tutti quelli che non rischiano niente, lecchini e giustizieri"

Dopo l'uscita di La mort de L.F. Céline , Abel Gance, un nome che da solo incarna il cinema, definì il libro «una delle più grandi pagine della nostra letteratura» e il suo autore, Dominique de Roux, uno di «quegli illuminados » sopravvissuti alla modernità.

«Quando si scava volontariamente il fossato che vi separa dagli altri - si finisce per scavare la propria tomba - ma i geni la superano e se la lasciano alle spalle. Si accorgono allora di non poter tornare indietro perché, come dice Nietzsche, “il precipizio più piccolo è il più difficile da riempire”. La tragedia dei grandi uomini comincia allora, morti o vivi, quando hanno superato la loro tomba».

A quel tempo de Roux aveva appena compiuto i trent'anni, Gance stava per toccare gli ottanta, ma a essere «più vecchio di se stesso» il primo era abituato: gli era successo con Ezra Pound, con Gombrowicz, con Borges, numi tutelari e solitari che si era messo sulle spalle e aveva riportato al centro della scena. A vent'anni aveva già fondato una rivista e scritto il suo primo romanzo, a venticinque una casa editrice da dieci titoli l'anno. La sua era un'esistenza compressa e insieme dilatata, una bulimia di esperienze propria di chi viveva con la morte in tasca: un «soffio al cuore» ereditario senza scampo, a meno di non ritirarsi ai margini, «pensionarsi» nell'illusione così di risparmiarsi. Morì che non ne aveva ancora quarantadue, lasciandosi alle spalle un pugno di libri editi e qualcuno inedito; una serie di reportage sulla guerriglia nell'Africa allora portoghese; un ruolo di consigliere politico di Jonas Savimbi, il capo dell'Unita, il movimento di liberazione antimarxista dell'Angola; un numero incredibile di polemiche giornalistiche e letterarie, prese di posizione, rotture, censure, accuse, maldicenze. «È inutile sforzarsi a invecchiare, ogni riuscita è impossibile, minati come siamo dalle nostre necessità di rottura».

È anche alla luce di questa esistenza di corsa e da corsaro delle idee che quel libro su Céline acquista un valore particolare e ora che per la prima volta è qui da noi tradotto ( La morte di Céline , Lantana editore, pagg. 135, euro 16, traduzione di Valeria Ferretti, a cura di Andrea Lombardi), il lettore italiano capisce di avere di fronte non tanto una biografia o il profilo di uno scrittore, ma una meditazione sulla morte e sullo stile, sul valore e il senso della letteratura, sul ruolo stesso di chi la fa. «L'opera di Céline resta uno degli enigmi esemplari del nostro tempo. È la scrittura a condannare Céline; è anche colei che lo salva». Come nota nella sua introduzione Marc Laudelout, editore del Bulletin célinien , la più incredibile e informata rivista sull'autore del Voyage , «mai in così poche parole il destino tragico di Céline sarà così ben definito».

Proprio perché non è una biografia in senso classico, e proprio perché scritto negli anni in cui il vero e il falso su Céline erano ancora strettamente mischiati, il libro di de Roux conserva qualche cliché céliniano (la trapanazione del cranio mai avvenuta, la copertina dell' Illustré National mai esistita, il lungo viaggio attraverso la Germania in fiamme che in realtà fu breve...) di cui il tempo ha fatto giustizia. Anche la natura dell'antisemitismo di Céline gli sfugge, ponendosi egli sulla scia di quell'interpretazione-metafora di André Gide che ormai non regge più. Non gli sfugge però già allora la natura del suo razzismo, nata sull'ossessione per la decomposizione del mondo moderno, basata sul culto della salute e della bellezza come possibile rinascita.

Di là da ciò, La morte di Céline è, come già accennato, una meditazione sulla scrittura. «La parola letteraria non ha più senso. Scrivere, e ancor più scrivere in francese, sembra essere la proiezione di una certa decadenza, di un totale fallimento di se stessi». Si avanza insomma su «termitai di parole decadute», intorpiditi nell' art and business , dove i critici si auto-proclamano creatori e gli scrittori pensano alla carriera, mai all'opera. «Pubblicano e pubblicano, sono delle pulci, ma non se ne rendono conto. Dandies paurosi come conigli, “vecchi parrucconi” della mia generazione». È l'epoca della colonizzazione dei premi letterari e dell'imperialismo degli editori: «Il prestigio si riduce al vuoto, un folclore di cretini si sostituisce alla crudeltà della poesia; la chitarra la venale vanagloria del disco, e tutte quell'esperienze ridicole, così l'Europa dell'anno I dell'era atomica».

La morte, spirituale prima che fisica di Céline, vuol dire proprio questo, il venir meno di un destino. «Céline attribuiva al poeta il potere di cambiare il mondo! Scrivere pamphlet inauditi fu il suo destino, perché voleva che la sua protesta fosse udita. Passare il limite equivaleva a screditarsi. Abbandonava la vita per la letteratura, pratica opposta a quella di Rimbaud». Isolato nel suo miraggio dell'uomo leggendario, Céline aveva capito che «le masse de-spiritualizzate, spoetizzate sono maledette».

Il fatto è che per de Roux «la carriera dell'uomo di letteratura non richiede né audacia né capacità. Si basa su così tanti stratagemmi infimi, che il primo venuto può arrampicarsi facilmente e ingannare il pubblico, con la complicità della moda del momento». Niente a che vedere, insomma, con uno che «aveva rischiato per tutti i letterati che non rischiano niente, lecchini e giustizieri. Aveva voluto essere il messaggero della totalità. Ma all'ultimo atto della tragedia, la catastrofe si esprime da sé in sentenza di morte. Si voleva che niente restasse di Céline».

Così, il pamphlet che gli dedica è una sorta di chiamata alle armi: «In Francia siamo in territorio nemico. Noi saremo sempre in territorio nemico. Gli scrittori che non vogliono sottomettersi alle parole d'ordine, alla macchina delle critiche ufficiali, che lotteranno contro le leggi e la vile dittatura delle mode, che dimostreranno con la loro opera vivente, con la provocazione delle loro vite - contro i traditori incoscienti e i falsi testimoni di professione, contro le razze degli spiriti prostrati - costoro raggiungeranno le sparse membra di Céline in questo deserto dei Tartari dove egli monta la guardia contro chi non giungerà mai». Da allora è passato mezzo secolo e purtroppo non è cambiato niente.


Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

dimanche, 08 mars 2015

Les portes de l'enfer...

Les portes de l'enfer...

Le seizième numéro de la revue trimestrielle Spécial Céline, publiée par les éditions Lafont Presse, est disponible en kiosque ou sur les sites de vente de presse. Consacrée à l'auteur de Mort à crédit, cette revue est dirigée par Joseph Vebret et réalisée avec le concours d'Eric Mazet et de David Alliot.

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Au sommaire :

Actualité

Actualité célinienne, par David Alliot

Étude
Céline en son temps ou Céline avant Céline : 1931, par Éric Mazet

Etude
Les bistrots de Céline, par Serge Kanony

Document
Céline, secrétaire d'association, par David Alliot

Relecture
Le métro émotif, par Pierre Ducrozet

Lectures croisées
Céline le psychopompe funèbre, par Gwenn Garnier-Duguy

Discours
Bardamu à Médan - 1er octobre 1933, par David Alliot

Nouvelle
Guantanamo City - Distraction littéraire, par Jean-François Foulon

mercredi, 24 décembre 2014

Bulletin célinien n°369

 
Vient de paraître :
 
Le Bulletin célinien n°369.
 
Au sommaire :

Marc Laudelout : Bloc-notes [Christian Millau]
Stéphane Balcerowiak : Voyage au bout de l’Argonne
François Lecomte : Le parallèle Céline / Péguy
Vincent Tchamy Kouajie : Langage et narration chez Céline
M. L. : Trotsky – Céline
Éric Mazet : Lucienne Delforge et Louis Destouches (III)
M. L. : Hommage à Kléber Haedens

Le Bulletin célinien,
c/o Marc Laudelout,
Bureau Saint-Lambert,
B. P. 77,
BE 1200 Bruxelles. 

Abonnement annuel : 55 € (onze numéros). Courriel : bulletinlfc@gmail.com

jeudi, 27 novembre 2014

De groote oorlog als strijd tussen iconophilia en iconoclasme: Ernst Jünger en Louis-Ferdinand Céline

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De groote oorlog als strijd tussen iconophilia en iconoclasme: Ernst Jünger en Louis-Ferdinand Céline

lfctéléchargement-2.pngdoor Vincent Blok,

Paper presentation 'de groote oorlog in ons hoofd. wereldoorlog I en de denkende enkeling, Antwerpen (Belgium)

Om ernaar te luisteren:

https://player.fm/series/deburen-podcast-23080/344-lezing-vincent-blok-de-groote-oorlog-als-strijd-tussen-iconophilia-en-iconoclasme

 

 

 

jeudi, 20 novembre 2014

Un écrivain au bout de la nuit?...

Un écrivain au bout de la nuit?...

Le quinzième numéro de la revue trimestrielle Spécial Céline, publiée par les éditions Lafont Presse, est disponible en kiosque ou sur les sites de vente de presse. Consacrée à l'auteur du Voyage au bout de la nuit, cette revue est dirigée par Joseph Vebret et réalisée avec le concours d'Eric Mazet et de David Alliot.

(ex: http://metapoinfos.hautetfort.com ).

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Au sommaire :

Étude
Céline en son temps ou Céline avant Céline : 1930, par Éric Mazet

Voyage
1925 : Céline, un médecin aux Amériques, par Matthias Gadret

Origines
Céline, écrivain breton ?, par Matthias Gadret

Controverse
Monsieur Loyal au 31, rue Greuze, par Éric Mazet

Analyse
De la disparition (Lamartine, Céline et le petit André), par Serge Kanony

Relecture
Au régal de Céline, par Philippe Pichon

Témoignage
Louis-Ferdinand Céline à Copenhague, par Matthias Gadret

dimanche, 09 novembre 2014

Bulletin célinien n°368 (nov. 2014)

Vient de paraître :

Le Bulletin célinien n°368 (novembre 2014)

Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc-notes [Entretiens avec Paul Morand]
- M. L. : Le Journal de Christian Dedet
- M. L. : Florent Morési est mort
- David Desvérité : Djian — Céline
- François Lecomte : Régine Deforges
- Éric Mazet : Lucienne Delforge et Louis Destouches (II)
- Émeric Cian-Grangé : Entretien avec Nicole Debrie

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles. 

Abonnement annuel : 55 € (onze numéros).

Courriel : bulletinlfc@gmail.com

lundi, 20 octobre 2014

Quand Chardonne enjoignait à Morand de répondre à Céline

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Quand Chardonne enjoignait à Morand de répondre à Céline

 

par Marc Laudelout

 

Attendue depuis plusieurs décennies, le premier tome de la correspondance échangée entre Paul Morand et Jacques Chardonne  vient  enfin de paraître. Un pavé d’un millier de pages édité par Gallimard avec le concours du Centre National des Lettres.

 

Autant le dire d’emblée : cette correspondance fait l’unanimité. « Du grand art » (Le Nouvel Observateur), « Le meilleur de la prose française se déploie ici » (Le Point), « Un monument de talent » (L’Express), pour ne citer que ces hebdomadaires ¹. Certes,  les mauvais sentiments des épistoliers n’ont pas manqué d’être tancés. Ils se résument en quatre mots : anticommunisme, antisémitisme, antigaullisme et homophobie, comme on ne disait pas alors. Hormis le premier, ce sont péchés irrémissibles aujourd’hui. Imagine-t-on que dans un entretien radiophonique accordé à Pierre Lhoste (autre rescapé de l’épuration), Morand énumérait placidement les personnalités qui l’avaient le plus marqué : Giraudoux, Armand Charpentier, Philippe Berthelot et… Pierre Laval, « une espèce de gitan prodigieux qui m’a beaucoup influencé » [sic] ². Le croirez-vous ? Ces propos ne furent pas censurés par la radio française. Il est vrai que cela se passait en 1967, autant dire avant le déluge.

 

Chardonne et Morand avaient, comme on le sait, ce point commun d’être tous deux, après la guerre, au ban de la littérature française pour leurs prises de position collaborationnistes. Encore faut-il préciser que Chardonne deviendra, sur certains sujets, plus modéré que son cadet : « Vous parlez des juifs comme jadis Céline ; ils ont l’honneur d’être un mythe. Pour Céline, nous étions tous des juifs, sauf lui. Chez Céline, on excuse tout. Chez un homme aussi intelligent que vous, mystère. ». Et bien plus tard, Chardonne enverra l’un de ses livres, respectueusement dédicacé, au Général de Gaulle, président de la République. La réponse courtoise et flatteuse de ce dernier annihila toutes les réserves de celui qui fit (deux fois) le voyage à Weimar.

 

Heureusement, il y a le style. Celui de Morand surtout. « Rapide, enlevé, percutant, éblouissant » note à juste titre Pierre Assouline ³. Pour ceux qui s’intéressent à l’histoire littéraire des années cinquante, ce recueil est truffé de commentaires sur les talents prometteurs qu’étaient alors Michel  Déon Jacques Laurent, Antoine Blondin, Bernard Frank et bien entendu Roger Nimier dont il est beaucoup question ici tant les liens d’estime et d’amitié entre eux étaient forts. L’hebdomadaire Arts y tient aussi une grande place. Temps hélas révolu où régnait en France une presse littéraire qui ne réduisait pas les critiques à la portion congrue.

 

CHARDONNE_Jac.jpgGrâce à la campagne de presse orchestrée de main de maître par Nimier, c’est aussi, avec D’un château l’autre, le temps de la résurrection littéraire de Céline. Morand est désarçonné par les entretiens que Céline accorde à la presse, notamment à L’Express,  et qui lui valurent la vindicte de ceux qui, quelques années auparavant, le considéraient comme l’un des leurs : « Je comprends mal la position de Céline d’après ses diverses récentes déclarations : “Je suis un pauvre type qui s’est trompé et a perdu la partie” : “J’avais tout prévu”. La logique voudrait qu’il dise : “J’ai souffert pour avoir vu trop loin, mais tout se passe comme je l’ai dit.“ ». C’est que Morand avait une vision partielle des propos que tenait Céline aux journalistes. Ainsi n’avait-il pas connaissance de l’entretien accordé à Radio-Lausanne : « Je ne renie rien du tout… je ne change pas d’opinion du tout… je mets simplement un doute, mais il faudrait qu’on me prouve que je me suis trompé, et pas moi que j’ai raison. »  Problème : Céline lui ayant envoyé son livre dédicacé, Paul Morand s’interroge : « Que dois-je faire avec Céline ?   Si  je le remercie de son livre, j’ai l’air d’en approuver les réserves et déclarations de repentance ; si je n’écris pas, je fais figure de lâcheur.  Répondre sur la forme ? ».  Chardonne le conseille sans barguigner : « Céline n’est pas si renégat. Et puis c’est dans sa ligne d’être un peu renégat (a-t-il jamais pensé quelque chose qui se tienne ?). Il mérite une chaleureuse lettre de vous. Il a souffert. »  Morand se décide alors à écrire à Céline. Et recopie sa lettre à l’intention de Chardonne :

« Je vous ai lu, pendant ce début de vacances, avec une  émotion que vous imaginez mal. J’en étais resté aux Entretiens avec le professeur Y, qui m’avaient déchiré l’âme et l’oreille ; c’était le livre d’un fauve enragé, fou de douleur : bouleversant, illisible pour moi, un cri de mort imprécatoire. Et puis, aujourd’hui, la surprise, la joie de retrouver le talent d’il y a 20 ans, aussi jeune, aussi fort, enrichi de l’appauvrissement de l’homme. Je suis loin de partager vos idées sur Sigmaringen et autres, mais vous me répondriez : “Du haut de votre Sirius helvétique cela se voyait autrement ; comme vous me diriez, en juin 44, vous autres diplomates, vous faites toujours votre plein d’essence à temps, vous en souvient-il ?” Il faudra en reparler. J’ai mille questions, sans réponse jusqu’à présent, à vous poser. Sachez que je ne vous ai pas négligé. Ici, aux heures noires, vous faisiez partie de notre légende ; très près de vous, même pendant l’épreuve danoise. Le sinistre Charbonnière (le renégat de Vichy, ambassadeur à Copenhague),  ce  lapin à grisettes 4 que j’ai pratiqué en 1939 à Londres, et dont la tête Vélasquez (il n’a que cela du XVIIe) m’exaspérait déjà, nous faisait vomir. Jusqu’au jour où Marie Bell me donna enfin de meilleures nouvelles. Votre succès est prodigieux. Les jeunes vous vénèrent. Votre message est attendu, reçu, compris. La génération qui vient est comme les autres : elle déteste ses pères mais elle aime ses grands-pères dont nous sommes. Cela nous aidera à passer le pas. »

 

Cette lettre du 29 juillet 1957 nous était déjà connue par la biographie de François Gibault qui la cite en plusieurs extraits. Y compris la fin (que ne recopie pas Morand à l’intention de Chardonne) :

« Je reviendrai plus souvent en France à la fin de l’année. Un petit coin au haut de l’avenue Floquet (plus bas, que vous connûtes). J’aimerais vous y voir souvent. Yours, ever. »

Quelle fut la réaction de Céline ? « Il en a été très content et m’a longuement répondu », révèle Morand. S’il n’a pas été détruit, cette réponse dort encore dans les archives de feu l’académicien. Chardonne, lui, n’appréciait guère les romans de Céline tout en étant tout de même épaté par sa verve. Lorsque Madeleine Chapsal réunit en volume les entretiens qu’elle réalisa pour L’Express avec divers écrivains  (dont lui-même) 5, il note ceci : « Tout ce que je pense est ramassé là, malheureusement Céline me précède et m’écrase ; écrasant ce bagout sublime. ». « Bagout de génie » écrit-il même dans une autre lettre, même si, à tout prendre, il lui préfère Miller.

 

Comme on le voit, Céline n’est pas absent de cette foisonnante correspondance. Quant aux deux épistoliers, leur destin est bien différent : l’un occupe trois volumes de la Pléiade ; l’autre, pour reprendre la formule du préfacier, connaît un humiliant purgatoire. Céline, lui, n’aura connu ce purgatoire que durant quelques années de son vivant. Tel Morand qui, avec Barbusse et Ramuz, était l’un des rares écrivains contemporains que Céline estimait pour ce qu’ils avaient apporté de neuf.

 

Marc LAUDELOUT

 

Paul MORAND, Jacques CHARDONNE, Correspondance. Tome I : 1949-1960, Gallimard, coll. « Blanche », 2013, 1168 p., édition établie et annotée par Philippe Delpuech ; préface de Michel Déon (46,50 €).

 

Notes

1. Jérôme Garcin, « Les collabos écrivent aux collabos », Le Nouvel Observateur, 15 décembre 2013 ; Jérôme Dupuis, « Paul Morand et Jacques Chardonne, gentlemen flingueurs », L’Express, 1er décembre 2013 ; Sébastien Le Fol, « Chardonne et Morand : affreux, propres et méchants », Le Point, 21 novembre 2013. Le dossier de presse comprend de nombreux autres articles, dont l’article de Jean d’Ormesson, qui a bien connu Paul Morand (Le Figaro, 20 novembre 2013).

Extrait : « Dans une préface brillante et vive, Michel Déon marque bien une certaine opposition entre les deux hommes. L’un, Chardonne, s’installe sans trop bouger dans sa maison de La Frette sur les bords de la Seine ; l’autre, Morand, n’en finit jamais de courir à travers le monde en train, en avion ou au volant de sa Bugatti. (…) Sans doute expurgées de leurs passages les plus raides, le ton de ces pages dont on pouvait craindre le pire est moins agressif et moins provocateur que celles du fameux Journal inutile de Paul Morand, qui avait fait scandale il y a quelques années et qui avait déchaîné les réactions de la presse. (…) Ce qui les unit, c'est une constante intelligence et un vrai sens et un amour de la littérature. Le lecteur d’aujourd’hui n'a pas besoin de partager toutes les aberrations des deux correspondants ni leurs prévisions controuvées – “L’Europe sera cosaque…” – pour prendre plaisir à leurs lectures, à leur agilité intellectuelle et à leur style. On peut aimer des écrivains sans adopter leurs opinions. Ce que j’admire dans la correspondance Morand-Chardonne, ce ne sont pas les idées souvent inacceptables, c'est l’écriture. Assez vite, la supériorité littéraire de l’un des deux complices s’impose. Chardonne écrit bien, mais Morand lance des flammes et règne en majesté. Chardonne s’adresse d’ailleurs à Morand comme à un maître incontesté. Il écrit de lui-même : “Si l'on veut me définir d’un mot, je crois qu’il faut dire : un homme du climat modéré et du temps variable.” Les portraits, les jugements, les raccourcis pressés de Morand tombent comme des rafales de fusil-mitrailleur. Peut-être suis-je injuste envers Chardonne ? Je ne me suis jamais compté parmi ses fanatiques. “Vous aimez Chardonne ? ” me demandait François Mitterrand. “Pas tellement, lui répondais-je. Je préfère Aragon.” “Tiens ! me disait-il d’un ton rêveur, vous préférez Aragon…” François Mitterrand et Chardonne avaient en commun leur Charente natale et un fond de culture de droite – affiché chez Chardonne, camouflé chez Mitterrand. »

Cette correspondance est passée au crible de la critique le 19 janvier dans l’émission « Le Masque et la Plume » (France Inter). Elle a aussi été commentée, le 19 décembre, par François Angelier et Pascal Ory dans l’émission « La Grande Table [“Morand et Chardonne, la correspondance enfin publiée”] » (France Culture) et, le 14 janvier 2014, dans l’émission « Le Libre Journal des Enjeux actuels [“Rebatet, Morand, Chardonne ont-ils mis de l’eau dans leur vin après-guerre ?”] » (Radio Courtoisie). Ces émissions peuvent actuellement être écoutées sur les sites internet respectifs de ces stations.

2. Émission « Une heure avec... » de Pierre Lhoste, France Culture, 18 janvier 1967. Cet entretien est disponible sur les sites internet « youtube » ou « dailymotion ». Lhoste est connu des céliniens pour avoir réalisé en mars 1944 un entretien avec Céline pour le quotidien Paris-Midi (Cahiers Céline 7 [« Céline et l’actualité, 1933-1961 »], pp. 200-202).

3. Pierre Assouline, « Pour aller de Chardonne à Morand, prendre la correspondance », La République des livres, 23 décembre 2013 [http://larepubliquedeslivres.com]

4. François Gibault, qui se base sur la lettre originale de Morand à Céline, lit « lapin à guêtres ».

5. Madeleine Chapsal, Les écrivains en personne, Julliard, 1960.

vendredi, 17 octobre 2014

François Gibault, notable hors norme

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François Gibault, notable hors norme

par Marc Laudelout

 

Né, comme Céline, sous le signe des Gémeaux, François Gibault est, par définition, un être paradoxal : réfractaire aux idées convenues, il rêve de consécration académique et se targue d’être Commandeur de la Légion d’honneur. Alerte octogénaire, il met en pratique les préceptes du docteur Destouches : une saine hygiène de vie  gouvernée  par la condamnation absolue de l’alcool et du tabac. S’il partage avec lui l’amour des voyages et de la danse, il n’apprécie pas, en revanche, la compagnie des chats et des chiens « qui ne savent dire que miaou et wouah wouah ».

 

gibault-L-x.jpgSous le titre Libera me, il signe un livre testamentaire sous la forme d’un dictionnaire émaillé de remarques acides et spirituelles.  Il y passe en revue les personnages appréciés (ils sont légion) et détestés (une poignée), mais aussi les lieux et les choses immatérielles qui comptent pour lui (justice, liberté, tolérance, vérité, volupté,...).

 

La fin des années 70 vit la naissance du célinisme. Essentiellement dû à des universitaires de gauche, il permit la consécration, au sein des facultés de lettres, d’un écrivain réprouvé. Dans ce milieu partagé entre une vive admiration pour le styliste et une franche détestation de l’individu, Gibault, libéral assumé, se singularisa. Lors d’une émission télévisée consacrée à Sartre et Céline, ne fut-il pas le seul à rappeler les complaisances de l’auteur des Chemins de la liberté envers le communisme moscoutaire ?  Lequel  aboutit  au goulag,  asséna-t-il  face  à une sartrienne pithiatique. L’hommage rendu au cimetière de Meudon, le 1er juillet 2011, défrisa certains esprits obtus. De même que cette préface où il affirme que Céline n’a jamais voulu le massacre des juifs. Le président de la SEC n’en a cure. Ce bourgeois ordinaire a du caractère. D’un bout à l’autre de cet ouvrage plane la présence du contemporain capital. Éditeur de Rigodon, biographe de l’écrivain, conseil de Lucette et président de la Société d’Études céliniennes,  François Gibault est  tout sauf un inconnu pour les lecteurs du BC. On ne s’étonnera pas que l’univers célinien se retrouve dans de nombreuses entrées de ce dictionnaire. Celle consacrée à Lucette Destouches bien entendu (« l’intelligence du cœur, le refus de toutes les fatalités, de la bêtise et de la méchanceté »), mais aussi à Marie Bell (« amoureuse de Céline, amour qu’il ne lui a sans doute jamais rendu »), Arno Breker (et son « buste raté » de Céline, réalisé post mortem), Lucien Combelle (« qui jetait sur son passé un regard critique très rare chez les anciens collaborateurs »), Robert Debré (disant de Céline que « c’était un médecin qui avait le feu sacré »), Gen Paul (« rapin alcoolique, Iago, un peu Vidocq »), Guy de Girard de Charbonnières (qu’il vit « vêtu d’une pelisse ornée d’un col de fourrure à poil long »), Karen Marie Jensen (« intelligente et de bonne éducation »),  André Lwoff, deuxième président de la SEC (« un Nobel à notre tête, membre de l’Académie des sciences et de la Française, grand-croix de la Légion d’honneur, nous avions de quoi clouer quelques becs »), Lucien Rebatet (qui « éprouvait pour Céline une admiration teintée de jalousie »), etc. Le portrait de Jeanne Loviton est le plus pittoresque. Introduit dans sa bonbonnière de l’avenue Montaigne par un maître d’hôtel en livrée, Gibault observera que « Madame était de bonne humeur, convaincue de [l’] avoir roulé dans la farine, embobiné comme elle avait embobiné tant d’autres, mis dans sa poche, anesthésié. ».

 

Marc LAUDELOUT

 

François GIBAULT, Libera me, Gallimard, 2014, 421 p. (23,90 €). Voir aussi son livre précédent, Singe (Éditions Léo Scheer, 2011), autobiographie débridée, dont la presse a salué « la prose altière, émue et rigolarde à la fois » (J. Garcin) et « une leçon de littérature dont l’auteur maîtrise tous les registres » (É. Naulleau).

 

 

 

 

jeudi, 16 octobre 2014

Anarquismo de Derecha

Anarquismo de Derecha

Karlheinz Weißman 

Ex: http://www.counter-currents.com

English version here [2]

Traducido por Francisco Albanese

celine_s.jpgEl concepto de anarquismo derechista parece paradójico, de hecho, oximorónico, partiendo desde la suposición de que todos los puntos de vista políticos “derechistas” incluyen una evaluación particularmente alta del principio de orden… En efecto, el anarquismo de derecha ocurre sólo en circunstancias excepcionales, cuando la hasta ahora velada afinidad entre el anarquismo y el conservadurismo puede hacerse aparente. 

Ernst Jünger ha caracterizado esta peculiar conexión en su libro Der Weltstaat (1960):

Der Anarchist in seiner reinen Form ist derjenige, dessen Erinnerung am weitesten zurückreicht: in vorgeschichtliche, ja vormythische Zeiten, und der glaubt, daß der Mensch damals seine eigentliche Bestimmung erfüllt habe. (…)

In diesem Sinne ist der Anarchist der Urkonservative, der Radikale, der Heil und Unheil der Gesellschaft an der Wurzel sucht.

El anarquista en su forma pura es aquél, cuya memoria se remonta más en el pasado: a lo prehistórico, incluso a lo mítico, y que cree que el hombre cumplió en ese momento con su verdadero propósito. (…)

En este sentido, el anarquista es el ur-conservador, el radical, que busca la salud y la enfermedad de la sociedad en sus raíces.

Jünger más tarde llamó “Anarca” a este tipo de anarquista “conservador” o “prusiano, y refirió su propia “désinvolture” como de acuerdo con la misma: un retraimiento extremo, el cuál se nutre y se arriesga en las situaciones límites, pero sólo permanece en una relación observacional con el mundo, ya que todas la instancias del orden verdadero se disuelven y una “construcción orgánica” no es aún, o no será jamás, posible.

Aunque el mismo Jünger fue influenciado inmediatamente por la lectura de Max Stirner, la afinidad de tales pensamientos complejo con el dandismo es particularmente clara. En el dandy, la cultura de la decadencia a finales del siglo XIX personificada, que por un lado era nihilista y ennuyé, por el otro ofrecía el culto de lo heroico y el  vitalismo como alternativa a los ideales progresistas.

index.jpegEl rechazo de las jerarquías éticas actuales, la preparación para ser “no apto, en el sentido más profundo de la palabra, para vivir” (Flaubert), revelan puntos comunes de referencia del dandy con el anarquismo; su estudiada frialdad emocional, su orgullo y su aprecio por la sastrería fina y los modales, así como la pretensión de constituir “un nuevo tipo de aristocracia” (Charles Baudelaire), representan la proximidad del dandy a la derecha política. A esto se suma la tendencia de los dandies políticamente inclinados a declarar simpatía a la Revolución Conservadora o a sus precursores, como por ejemplo Maurice Barrès en Francia, Gabriele d’Annunzio en Italia, Stefan George o Arthur Möller van den Bruck en Alemania. El autor japonés Yukio Mishima pertenece a los seguidores tardíos de esta tendencia.

Además de esta tradición de anarquismo de derecha, ha existido otra tendencia, más antigua y en gran medida independiente, conectada con circunstancias específicamente francesas. Aquí, al final del siglo XVIII, en las etapas posteriores del ancien régime, se formó un anarchisme de droite, cuyos protagonistas reclamaron para sí una posición “más allá del bien y del mal,” una voluntad de vivir “como a los dioses”, y que no reconocieron valores morales más allá del honor personal y el coraje. La cosmovisión de estos libertinos se hallaba íntimamente unida con un ateísmo agresivo y una filosofía pesimista de la historia. Hombres como Brantôme, Montluc, Béroalde de Verville, y Vauquelin de La Fresnaye sostuvieron al absolutismo para ser una materia prima que lamentablemente se opuso a los principios del antiguo sistema feudal, y que sólo sirvió a deseo de bienestar económico de la gente. Actitudes, que en el siglo XIX volvieron a encontrarse con Arthur de Gobineau y Léon Bloy y también en el siglo XX con Georges Bernanos, Henry de Montherlant y Louis-Ferdinand Céline. Esta posición también apareció en una versión específicamente “tradicionalista” con Julius Evola, cuyo pensamiento giraba en torno al “individuo absoluto”.

En cualquier forma en que el anarquismo de derecha aparezca, siempre es conducido por un sentimiento de decadencia, por el desprecio a la era de las masas y por el conformismo intelectual. La relación con la política no es uniforme; sin embargo, no pocas veces el retraimiento se torna en activismo. Cualquier unidad más allá está ya negada por el individualismo altamente deseado de los anarquistas de derecha. Nota bene, el término es a veces adoptado por hombres –por ejemplo, George Orwell (anarquista Tory) o Philippe Ariès– que no exhiben signos relevantes de una ideología anarquista de derecha; mientras que otros, que exhiben objetivamente estos criterios –por ejemplo, Nicolás Gómez Dávila o Günter Maschke– no hacen uso del concepto.

Bibliography

Gruenter, Rainer. “Formen des Dandysmus: Eine problemgeschichtliche Studie über Ernst Jünger.” Euphorion 46 (1952) 3, pp. 170-201.
Kaltenbrunner, Gerd-Klaus, ed. Antichristliche Konservative: Religionskritik von rechts. Freiburg: Herder, 1982.
Kunnas, Tarmo. “Literatur und Faschismus.” Criticón 3 (1972) 14, pp. 269-74.
Mann, Otto. “Dandysmus als konservative Lebensform.” In Gerd-Klaus Kaltenbrunner, ed., Konservatismus international, Stuttgart, 1973, pp. 156-70.
Mohler, Armin. “Autorenporträt in memoriam: Henry de Montherlant und Lucien Rebatet.”Criticón 3 (1972) 14, pp. 240-42.
Richard, François. L’anarchisme de droite dans la littérature contemporaine. Paris: PUF, 1988.
______. Les anarchistes de droite. Paris: Presses universitaires de France, 1997.
Schwarz, Hans Peter. Der konservative Anarchist: Politik und Zeitkritik Ernst Jüngers. Freiburg im Breisgan, 1962.
Sydow, Eckart von. Die Kultur der Dekadenz. Dresden, 1921.

 


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mercredi, 16 juillet 2014

Bulletin célinien n°365

 

 
Le Bulletin célinien n°365
juillet/août 2014
 
Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°365.
 
Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc-notes [Société des études céliniennes]
- Frédéric Saenen : Les Entretiens avec le Professeur Y au miroir de Sainte-Beuve
- Philippe Alméras : « La littérature à travers Céline » ou les bonheurs et les tourments du célinien discret
- Éric Mazet : Voyages [mars-décembre 1926]

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.

Abonnement annuel : 55 € (onze numéros). Courriel : bulletinlfc@gmail.com

samedi, 12 juillet 2014

Hors Série/Le Monde: Céline

 

En kiosque!

Céline est toujours vivant : sans cesse réédité, il est aussi l’un des auteurs français les plus traduits. Entre morgue et provocation, il affirmait avoir démodé tous les écrivains de son temps. Et il avait raison. Il y a, en littérature, un avant et un après Céline. Mais ses pamphlets antisémites jettent sur l’œuvre une ombre qui fait qu’on ne peut l’admirer sans s’interroger. Ainsi, vouloir lui rendre hommage dans ce hors-série reste un exercice périlleux. C’est autour de ce constat que s’articulent les contributions que Le Monde publie, en particulier celles de Pierre Assouline, Delfeil de Ton, Jean-Pierre Martin, Yann Moix et de Jean-François Balmer, où chacun fabrique son Céline, avec une certitude : le bonheur de l’avoir lu et relu.

Le portrait
Auteur d’une biographie de Céline en trois tomes, François Gibault retrace les grands chapitres de La Vie et de l’œuvre de l’écrivain, d’un de ses premiers textes, La Vie et l’Œuvre de Philippe Ignace Semmelwels, rédigé pour sa thèse alors qu’il était étudiant en médecine, à Rigodon, le dernier opus de la « trilogie allemande ». Il met également en perspective le pamphlétaire dont les textes doivent se lire comme ceux d’un homme selon lui « chargé de haine pour les juifs mais aussi pour l’humanité tout entière ».
L’œuvre
Les extraits de textes proposés dans ce hors-série procèdent d’un choix subjectif mais rendent compte de l’œuvre de Céline. On y retrouve toujours la même voix ; entre les romans, les pamphlets ou les chroniques de la « trilogie allemande », seul le ton diffère. Au-delà des polémiques suscitées par l’écrivain, notre intention est de faire éprouver au plus grand nombre le plaisir intense et l’émotion que procure la lecture des romans et d’assurer ceux qui ne l’ont pas encore lu qu’ils ignorent le bonheur que les attend.
L’entretien
Spécialiste du roman français du XXe siècle, Henri Godard a consacré une partie de sa vie à l’étude et à l’édition, notamment dans « La Pléiade », de l’œuvre de Céline. Il a raconté dans son dernier ouvrage, À travers Céline, la littérature (Gallimard), sa recherche de la bonne distance avec l’écrivain, entre horreur morale et enthousiasme littéraire. Dans l’entretien que nous publions, il évoque ce qu’il reste à découvrir sur une écriture et un imaginaire devenus à ce point familiers. L’essentiel, peut-être, selon lui.
Débats et hommages
Il est difficile de ne pas admirer Louis-Ferdinand Céline, mais comment ne pas la haïr ? C’est autour de cette question que les textes prédentés dans les parties « Débats » et « Hommages » s’organisent, avec en toile de fond le bouleversement radical imposé à la langue par l’écrivain. Parmi les textes proposés, nous publions les contributions originales de quatre auteurs, Pierre Assouline, Delfeil de Ton, Jean-Pierre Martin et Yann Moix, et du comédien Jean-François Balmer. Des approches très différentes, chacun fabriquant son Céline.
 

samedi, 21 juin 2014

Bulletin célinien n°364

Le Bulletin célinien n°364
(juin 2014)
 
 
Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°364.
 
Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc notes (Henri Godard)
- Henri Thyssens : Une bibliographie des Éditions Denoël et Steele
- Emmanuelle de Boysson : Le manuscrit de Voyage disponible
- M. L. : Le retour de l’agité du bocal
- Éric Mazet : Voyages [mai 1925 – février 1926]
- M. L. : In memoriam André Bernot

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.
Abonnement annuel : 55 € (onze numéros).
 
Courriel : celinebc@skynet.be.

jeudi, 19 juin 2014

Spécial Céline n°13

Le trimestriel Spécial Céline sort son treizième numéro (juin, juillet, août 2014). En vente en kiosque, 19,50 €.

Le trimestriel Spécial Céline sort son treizième numéro (juin, juillet, août 2014). En vente en kiosque, 19,50 €.

vendredi, 30 mai 2014

Remembering Louis-Ferdinand Céline

Remembering Louis-Ferdinand Céline:
May 27, 1894 – July 1, 1961

By Greg Johnson 

celine à Meudon.jpgLouis-Ferdinand Céline was the pen name of French novelist, essayist, and physician Louis-Ferdinand-Auguste Destouches, who was born on this day in 1894. Céline is one of the giants of 20th-century literature. And, like Ezra Pound and so many other great writers of the last century, he was an open and unapologetic racial nationalist. For more on Céline, see the following works on this website: 

The best online resource about Céline is Le Petit Célinien, http://lepetitcelinien.blogspot.com/ [12]


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lundi, 12 mai 2014

Le Bulletin célinien n°363 - mai 2014

Le Bulletin célinien n°363

mai 2014

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°363.

Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Bloc notes (In memoriam Serge Perrault — Vera Maurice)


- M. L. : François Gibault, notable hors norme


- Arina Istratova & Marc Laudelout : Rencontre avec Serge Perrault


- Eric Mazet : Le docteur Destouches à l'école de la Société des Nations


- M. L. : Jean Guenot

 

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.


Abonnement annuel : 55 € (onze numéros).

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mardi, 15 avril 2014

Le programme socialiste de CÉLINE

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Le programme socialiste de CÉLINE

par Jacqueline MORAND (1972)

Ex: http://www.lepetitcelinien.com

 
L'analyse faite par Céline de la situation sociale est, nous avons pu le constater, extrêmement sombre, et la critique qui l'accompagne très virulente; A l'ampleur des récriminations devrait logiquement correspondre d'importants projets de réforme. Ce n'est pas le cas. Le « programme » socialiste de Céline est un ensemble assez confus de propositions diverses, qui prennent souvent la forme d'aspirations idéalisées présentées un peu au hasard, et qui ne sont ni appuyées par une démonstration rigoureuse, ni assorties de précisions, ce qu'on ne peut manquer de regretter. Cette disproportion est fréquente chez les pamphlétaires et tout spécialement chez les polémistes des années 30. Deux directions se distinguent dans le programme socialiste de Céline. Elles donnent la réplique aux procès intentés au communisme et au matérialisme. C'est d'une part l'égalitarisme et le communisme « Labiche», d'autre part, le spiritualisme.

L'égalitarisme et le communisme « Labiche »

Dans une interview, accordé en 1941 à Claude Jamet, Céline prononçait cette phrase qui devait servir de titre à un article paru peu après : « L'égalitarisme ou la mort ». Il l'annonçait ainsi, expliquant qu'il s'agissait d'une solution apportée aux maux dénoncés du communisme: 
« Contre le jazz, il n'y a que le jazz hot... On ne renversera le communisme qu'en le dépassant, en en faisant plus... Contre la communisme, je ne vois rien que la Révolution, mais alors là, pardon ! La vraie ! Surcommunisme1 ! » 
Déjà, dans Bagatelles pour un massacre Céline avait affirmé sa vocation égalitariste. Il disait avoir découvert très jeune l'inégalité sociale, constatait qu'il avait toujours eu des besoins matériels modestes, et se tenait prêt au garde à vous, « le plus grand partageux qu'on aura jamais connu ».
 
Tant qu'on a pas tout donné, on n'a rien donné, poursuivait-il, et « Débrouillard » doit être supprimé en même temps que « Crédit »
 
C'est dans Les Beaux draps qu'il précise son égalitarisme. L'avènement de la justice sociale absolue est la première étape de la rénovation de la société. « Tant qu'on a pas ouvert Pognon », rien de sérieux ne peut être entrepris. Ce sera la « Révolution moyenneuse », programme ambitieux et brutale que Céline envisage ainsi : Un salaire national identique pour tous, qui varie entre 50 frs salaire minimum et 100 frs salaire maximum par jour. Un semblable maximum de 100 frs est prévu pour les rentes et les revenus. Le surplus passe à l'Etat. Un aménagement familial complète le système : accroissement progressif du salaire en fonction du nombre d'enfants avec un maximum de 300 frs par jour pour les familles nombreuses. Céline avait ici à l'esprit la crise de natalité qui sévissait en France, Egalité absolue pour tous, dictateur, génie ou terrassier, égalité physiologique, devant la faim et le besoin, telle est la première et necessaire condition à l'avènement de la justice sociale. Un tel programme est brutal et ne manquera pas de soulever des protestations, Céline prévoit celles de l'« Elite », terme vague, englobant ceux qui assuement des responsabilités de direction et commandement. L'élite s'insurge, trouve que les « 100 frs » ne conviennent pas à son nécessaire prestige, qu'il est insensé qu'un Directeur des Chemins de fer soit plus médiocrement salarié que son lampiste lorsque ce dernier est père de famille nombreuse. Mais l'élite c'est l'exemple, et Céline poursuit : 
« C'est là qu'on va voir ce que ça pèse non dans les mots, mais dans les faits l'amour de la France... l'enfiévrante passion du bien général... le culte patriote... le désintéressement sacré... les plus hautes cimes d'abnégation... Ah ! ça va être un bon moment ! » (Les Beaux draps, p. 181) 
Après ce « bon moment », et sur ces bases égalitaristes, Céline établit son communisme « Labiche ».
 
Le communisme « Labiche » c'est un communisme petit bourgeois, c'est-à-dire adapté à l'homme et à ses aspirations fondamentales, telles que les conçoit l'écrivain fondées tout spécialement sur le besoin de sécurité. Dans ce système tout le monde sera petit propriétaire : pavillon et jardin de 500 mètres, transmissibles héréditairement et assurés contre les risques et l'accaparement. Le problème de la sécurité est un des soucis majeurs des Français, dont 90 sur 100 rêvent d'« être et de mourir fonctionnaire ». Céline admet cette préoccupation élémentaire, car constate-t-il ironiquement : 
« C'est toujours des douillets nantis, des fils bien dotés d'archevêques qui vous parlent des beautés de l'angoisse. » (Les Beaux draps, p. 140) 
Sans qu'il développe cette idée Céline paraît souhaiter l'établissement d'un système de Sécurité sociale très poussé, protégeant contre le maximum de risques en particulier ceux de chômage, maladie et vieillesse.
 
Pour assurer la sécurité de l'emploi et le fonctionnement de son régime de salaire national unique, il préconise des mesures d'inspiration communiste : nationalisation des banques, mines, chemins de fer, assurances, grands magasins, industries..., kolkozification de l'agriculture. Il pense supprimer ainsi le chômage et s'intéresse encore aux paresseux qu'il met en prison, aux malades qu'il soigne, et aux poètes, qu'il occupe à faire des dessins animés aptes à relever le niveau des âmes.
 
Dans un chapitre des Beaux draps, Céline pose la question du nombre d'heures de travail à imposer à l'ouvrier. Ironisant sur les « jeunes redresseurs », qui pleins de bonne foi parmi leurs statistiques invoquent le travail salut, le travail fétiche et remède de la France, il leur oppose les « pas abstraits », ceux qui vont « trimer la chose ». L'usine est un mal nécessaire qu'il faut accepter mais sans le dissimuler sous de flatteuses descriptions. 35 heures de travail lui semblent alors le maximum que puisse supporter un homme, ouvrier d'usine ou employé de magasin, qui doit affronter le bavardage des clientes « aussi casse crâne qu'une essoreuse broyeuse à bennes ».
 
Tel se présente le communisme « Labiche » de Céline : répartition égalitaire des biens, aménagement du travail, des loisirs, de l'habitation en vue de satisfaire aux besoins de sécurité et petit confort dont l'écrivain imagine l'homme avide. Comment apprécier un tel programme ? Il est aisé, et la plupart des commentateurs de Céline ont fait ce choix, de sourire avec indulgence aux errances de l'auteur turbulent devenu rêveur naïf et, avec en exergue les poètes occupés à faire des dessins animés, de ranger ce communisme « Labiche » parmi les utopies inoffensives et désuètes. S'il ne convient certes pas d'ôter à ces propositions leur caractère de simples esquisses ou ébauches et si l'on doit regretter le silence de l'écrivain quant aux modalités d'application et aux possibilités de réalisation de son programme, il convient aussi de mettre en valeur un aspect habituellement négligé de ce système : le communisme « Labiche » est révolutionnaire. C'est une coupure nette et brutale avec le système social en vigueur, un bouleversement de l'organisation économique, une mutation profonde des rapports sociaux. Nationalisation, kolkozification, salaire unique, le socialisme de Céline va, sur tous ces problèmes au delà du communisme, l'application d'un tel programme se voulant immédiate, et l'écrivain se disant prêt pour sa part. Sous des apparences anodines, le communisme « Labiche » est en réalité « explosif ». Mis en pratique, il se rapprocherait plus de la révolution permanente chinoise que du communisme soviétique. Mais il s'accompagne de recherches spiritualistes, assorties de propositions qui le transforment très sensiblement.

Le spiritualisme

Le programme, auquel nous avons donné cette qualification très générale de « spiritualisme », consiste en l'ébauche des solutions proposées aux maux dénoncés du matérialisme. Le portrait type d'un Céline rustre, grossier, haineux, avide, acharné destructeur, subit une métamorphose. Le calculateur s'avère naïf, le nihiliste se perd en vastes projets, le haineux devient homme de foi. Il fait sienne la belle maxime de Gaston Bachelard : « Rendre heureuse l'imagination2 ». Ces aspirations idéalistes font de lui à la fois un homme du passé et un visionnaire. Le passé se confond pour lui avec le Moyen Âge, siècle de foi, et cet appel à une tradition ancienne a lui-même une signification révolutionnaire selon la démonstration de Peguy. La vision c'est celle du douloureux prophète de la faillite du matérialisme et de l'homme-robot, qui tente de leur opposer la renaissance spiritualiste des assoiffés d'idéal.
 
Le programme spiritualiste est exposé dans Les Beaux draps. La rénovation spirituelle y est entreprise à partir de deux institutions : la famille et l'école.
 
Céline constate avec amertume la crise de la natalité que traverse la France : « L'entrain à la vie n'existe plus. » Il ironise sur le Code de la famille, que le décret-loi du 29 juillet 1939 venait d'instaurer, le traite d'« éthique et chafoin », « code de ratatinés discutailleux préservatifs ». Il s'emporte contre les « décrets de pudeur », inspirés, dit-il, par la richissime maîtresse d'un président du conseil. Tout ceci n'est que tartufferies, le programme familial de Céline est beaucoup plus ambitieux. Il s'agit en somme de recréer la France à partir de la notion de famille. Toutes les familles de France seront réunies en une seule avec « égalité de ressources, de droit, de fraternité ».
 
Le salaire national unique permettra l'égalité des ressources et l'avènement de la respectabilité dans un pays : 
« où y aura plus du tout de bâtards, de cendrillons, de poil de carotte, de bagnes d'enfants, "d'Assistance", où la soupe serait la même pour tous. » (Les Beaux draps, p. 152) 
Programme noble et généreux, difficile à mettre en pratique, les exigences et les espoirs de Céline ne semblent pas connaître de limites ; le prouvent bien ses propos sur la fraternité et l'altruisme absolu qu'il voudrait voir régner entre les familles. Il faut, précise-t-il, que les enfants des autres vous deviennent presque aussi chers que vos propres enfants. Le grand bouleversement social s'analyse en un avènement de « papas et mamans partout ». L'espérance d'un tel altruisme, d'une telle communion entre les hommes, est réellement surprenante sous le plume de Céline, une telle candeur naïve surprend. Les Beaux draps datent de 1941, et l'introduction du « familialisme » dans la politique était à la mode avec Vichy. Céline sans doute s'en inspirait, le laisserait penser cette phrase, qu'il ne précise d'ailleurs pas :
« une seule famille, un seul papa dictateur et respecté » (Les Beaux draps, p. 152)
Il s'attarde plus longuement sur la question scolaire. Dans Bagatelles pour un massacre il s'était déjà livré à de violentes attaques contre le système d'enseignement, en particulier le lycée, qu'il opposait à l'école communale. Il se laissait entraîner par les mots, le rythme de la phrase et la condition des jeunes lycéens devenait cette fresque quasi dantesque :
« Ils resteront affublés, ravis, pénétrés, solennels encuistrés de toutes leurs membrures... soufflés de vide gréco-romain, de cette "humanité" bouffonne, cette fausse humilité, cette fantastique friperie gratuite, prétentieux roucoulis de formules, abrutissant tambourin d'axiomes, maniée, brandie d'âge en âge, pour l'abrutissment des jeunes, par la pire clique parasiteuse, phrasuleuse, sournoise, retranchée, politicarde, théorique vermoulue, profiteuse, inextirpable, retorse, incompétente, énucoïde, de l'Univers : le Corps stupide enseignant... » (Bagatelles pour un massacre, p. 106)
Ces anathèmes contre le système scolaire en vigueur et contre les professeurs, qui n'auront pas plus de force en mai 1968, avaient déjà été lancés par de nombreux écrivains et en particulier « le fils de la rempailleuse de chaise ». Par ailleurs un rapprochement pourrait être fait entre Céline et J. Vallès, dont les jeunesses sinon les tempéraments présentent beaucoup de points de communs : même enfances non bourgeoises, mêmes souvenirs cruels sur la famille3, même apprentissage de la vie par les petits métiers pittoresques4, même mépris pour le collège et les humanités classiques clamé par ces autodidactes à demi. C'est ainsi que J. Vallès dédiera l'un des ouvrages de sa trilogie, Le Bachelier, « A tous ceux qui, nourris de grec et de latin, sont morts de faim. »
 
Pour Céline une politique de rénovation doit être entreprise à partir de l'enfance, « notre seul salut ». Rejoignant les théories freudiennes, il prétend qu'à l'âge de douze ans un homme est émotivement achevé. Or l'enfance est menacée par le système scolaire en vigueur. « Grande mutilante de la jeunesse », l'école transforme les jeunes enfants poètes et guillerets en, en cancres butés presque parfaits vieillards à l'âge de douze ans. C'est l'interpellation fameuse : « O pions fabricants de déserts ! » Rien ne peut se faire sans ou hors l'école, il convient donc de la rénover, de la recréer entièrement, d'en faire un lieu heureux et fructueux à l'âme : « L'école doit devenir magique ou disparaître, bagne figé. »
 
L'école formera l'enfant aux seules choses « utiles » dans la vie : le goût, l'enthousiasme, la passion. (On connait le mépris affiché par Céline à l'égard du mot « utile », d'où le paradoxe de son emploi ici.) 
 
La formule célinienne pour que soit réalisé un tel programme est la suivante : « Le Salut par les Beaux Arts », salut de l'homme et de la société à qui on fait retrouver gaîté et force créatrice. L'école doit s'efforcer d'épanouir la musique intérieure que chacun porte en soi, écho timide du bonheur. Il faut préserver le rêve de l'enfant, inculquer à l'élève le goût des fables, des légendes, du merveilleux qui le délivrera de l'angoisse, dont le chaos de la civilisation mécanique l'accable. L'école ne s'organisera pas :
« à partir des sciences exactes, du Code civil, où des morales impassibles, mais reprenant tout des Beaux-Arts, de l'enthousiasme, de l'émotion du don vivant de création, du charme de race, toutes les bonnes choses dont on ne veut plus. » (Les Beaux draps, p. 169)
Les programmes scolaires se consacreront aux disciplines traditionnelles, mais donneront la primeur à celles susceptibles d'épanouir l'enfant dans ce qu'il a de plus vital. Ils développeront son goût, sa sensibilité, son sens artistique en faisant une large place à l'enseignment de la musique, de la peinture, de la danse... et à certaines disciplines communautaires : chants en choeur, ballets... Il ne faut pas croire que la qualité d'artiste est exceptionnellement accordée à l'individu, bien au contraire. Tout le monde naît artiste :
 « tout homme ayant un coeur qui bat possède aussi sa chanson, sa petite musique personnelle, son rythme enchanteur au fond de ses 36°8, autrement il vivrait pas. » (Les Beaux draps, p. 171)
Boileau, Goethe ont exprimé cette même idée, et aussi Proudhon écrivant : « Nous avons tous le germe5. » 
 
Les programmes scolaires s'attacheront ensuite à l'épanouissement physique de l'enfant en accordant une large place à la pratique assidue des sports :
« Il faut réapprendre à créer, à deviner humblement, passionnément, aux sources du corps... Que le corps reprenne goût de vivre, retrouve son plaisir, son rythme, sa verve déchue, les enchantements de son essor... L'esprit suivra bien !... L'esprit c'est un corps parfait... » (Les Beaux draps, p. 175)
C'est une confusion de la beauté plastique et morale. L'écrivain qui fréquentait et affectionnait les milieux de la danse paraît s'inspirer ici de certaines théories chorégraphiques. Cet appel au développement de la pratique des sports était un des lieux communs des politiciens de l'époque, hommes du Front populaire ou de la droite.
 
L'école enfin, se consacre à l'épanouissement moral de l'enfant. L'intransigeance et la rigueur des aspirations céliniennes le rangent d'emblée parmi les plus sévères moralistes C'est ainsi qu'il exige la « ferveur pour le gratuit » qui « seul est divin », détachement à la fois des biens matériels et des mesquineries du caractère, morale de la grandeur et de la noblesse de coeur. Il prêche le « culte des grands caractères », l'étude pour l'exemple de la vie des ancêtres éminents. C'est une morale ambitieuse, l'écrivain se laisse même aller à parler du « culte de la perfection ».
 
Un tel programme exige des maîtres de qualité. Quelle plus belle définition donner des « vrais professeurs » :
« Gens au cours du merveilleux, de l'art d'échauffer la vie, non la refroidir, de choyer les enthousiasmes, non les raplatir, l'enthousiasme le "Dieu en nous", aux désirs de la Beauté devancer couleurs et harpes, hommes à recueillir les féeries qui prennent source à l'enfance. » (Les Beaux draps, p. 177)
L'enfant ira à l'école jusqu'à 15, 16 ans ; une telle prolongation de la durée des études est aujourd'hui officiellement admise.
 
Il y a du religieux dans un tel système éducatif, initiation, catéchuménat où l'on compte plus sur la générosité et l'enthousiasme que sur l'énergie et l'ambition des élèves, où le beau se trouve intimement confondu avec le bien, l'artiste avec le moraliste et le mystique. Beaucoup d'écrivains et de sociologues ont fait cette association et se sont dans ce but, attachés à tenter d'introduire l'art dans la politique sociale. On peut encore évoquer Proudhon et ses Principes de l'art. Mais cette rénovation, Céline ne l'envisage que sous l'angle du système d'éducation des enfants et ne se soucie pas de rechercher d'autres encadrements la prolongeant au niveau des adultes. Si l'on devait réaliser son programme socialiste, cette lacune se révélerait grave.
 
La société rénovée idéale telle que le conçut Céline se présenterait donc ainsi. L'enfance est heureuse : une famille que ne tourmentent pas les soucis matériels, une école où sont entretenus la gaîté, l'enthousiasme, les rêves, et épanouie la petite « musique intérieure » de chacun. L'adolescent ne connaît pas les soucis de recherche d'emploi (les nationalisations ont selon Céline supprimé le chômage). L'adulte n'a plus de tourments matériels immédiats ou futurs : petit confort et retraite assurés par le « communisme Labiche ». L'altruisme et la bonne entente règnent entre les individus qui sont préservés au mieux des déviations néfastes du caractère : envie, jalousie, corruption, par l'égalité établie devant l'argent. C'est une société heureuse, formée de sociétaires heureux.
 
Ainsi l'amer inquisiteur des vices de la nature humaine, déterministe quant à la fatalité de ces vils instincts, semble bien verser, quand il aborde les problèmes collectifs, dans l'utopisme le plus complet. L'opposition est totale entre le réalisme cruel et noir, avec lequel le romancier analyse l'individu, et l'idéalisme confiant et naïf qu'il apporte à ses projets de réforme des sociétés, dans Les Beaux draps. Le socialisme de Céline est bien dans la tradition du socialisme français et on ne peut manquer de faire des rapprochements avec certains précurseurs du XIXè siècle (en ne retenant par leur foi envers le progrès et la science) tels Fourrier, « un des plus grands satiriques de tous les temps » selon Engels, Proudhon, L'Egalitaire, Etienne Cabet, Pierre Leroux..., ces solitaires du socialisme, aux conceptions certes très différentes mais marquées du sceau commun de l'utopisme.
 
Un qualificatif conviendrait bien au socialisme de Céline, c'est celui de populiste. On a souvent fait du romancier du Voyage un populiste6, le rapprochant de ce mouvement littéraire, défini dans un manifeste paru en 1930 à l'initiative d'André Thérive et Léon Lemonnier. Ce mouvement prétendait susciter des oeuvres tirant leur inspiration directement du peuple et s'insurgeait contre le naturalisme jugé artificiel. Par une analogie accidentelle (il n'y a pas de rapport entre le mouvement littéraire français et le mouvement politique russe) on pourrait rapprocher le socialisme de Céline du socialisme dit populiste, mouvement qui s'exprima avec le plus de vigueur en Russie au siècle dernier.
 
Ce socialisme est affectif, ses caractères spiritualistes et moraux sont très accentués, il donne à la politique des bases émotionnelles et la confusion signalée par M. J. Touchard, à propos de l'esprit de 487, entre le « peuple-prolétariat » et le « peuple-humanité » apparaît ici totale. Les socialistes populistes affichent une méfiance absolue envers les idéologies, la science et, arguant du primat du social, prétendent mépriser la politique. Ils seront traités d'utopistes par les marxistes qui leur opposent un socialisme scientifique.
 
Les idées socialistes de Céline ont donc à première vue un aspect incontestablement démodé, en ce qu'elles évoquent l'utopisme et l'humanitarisme généreux tout autant que vague de certains précurseurs du XIXè siècle beaucoup plus que les combats menés dans l'entre-deux guerres par les partis et les syndicats représentant les travailleurs, classe organisée et poursuivant des objectifs politiques précis. Pourtant ce socialisme célinien soutenu par un ardent spiritualisme peut aussi faire figure d'avant-garde. Les révoltes de la seconde moitié du XXè siècle ne sont plus seulement économiques et politiques mais aussi métaphysiques. Les sociétés tout aussi désemparés que les hommes paraissent de plus en plus hantées par cette « sensation que la matière prolifère aux dépens de l'esprit... peur en somme que la vie ne devienne mort8 ». Les socialismes de demain pourraient s'inspirer d'une éthique spiritualiste et le témoignage de Céline trouve parfaitement sa place dans cette réponse, encore mal formulée, au désarroi d'une époque.
Jacqueline MORAND, Les idées politiques de Céline, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1972. (Réédition en 2010 chez Écriture)
 
Disponible sur Amazon.fr.

 

Notes
1- Germinal, n°1, 28 avril 1944.
2- Gaston Bachelard, Le Matérialisme rationnel, PUF, 1953, p. 18.
3- On peut distinguer à cet égard les écrivains déterminés contre leur enfance : Stendhal, J. Vallès, Céline... et ceux qui en gardent la nostalgie : Mauriac, Bernanos...
4- J. Vallès raconte dans Jacques Vingtras, que, demi-nu dans une baignoire, il fut employé à faire de la figuration pour le lancement publicitaire de la revue La Nymphe.
5- P.-J. Proudhon, Correspondance, t. II, p. 49.
6- cf. P. De Boisdeffre, Histoire vivante de la littérature d'aujourd'hui.
7- J. Touchard, Histoire des idées politiques, Coll. Thémis, PUF, 1965, p. 581
8- E. Ionesco, interview dans L'Express, 5-11 octobre 1970, p. 172.

dimanche, 06 avril 2014

Le Bulletin célinien n°362

Le Bulletin célinien n°362
avril 2014
 
 
 Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Bloc-notes (Sigmaringen de Pierre Assouline)
- Entretien avec Pierre Assouline
- Christian Senn : Décevant Luchini
- M. L. : Célébration des maudits
- Pierre Lalanne : Céline et Léautaud
- Frédéric Saenen : Un céliniste est né…
- François Lecomte : Michel Mohrt
- M. L. : « L’Année Céline 2012 »

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.
Abonnement annuel : 55 € (onze numéros).
Courriel : celinebc@skynet.be.

mardi, 11 mars 2014

Bulletin célinien n°361

Le Bulletin célinien n°361 - mars 2014

Vient de paraître :

Le Bulletin célinien n°361.

Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc-notes (« Le Festin des loups »)
- Robert Le Blanc : Céline et les hommes de Marianne. Berl, Malraux, Fernandez
- Éric Mazet : Embarquement pour l’apocalypse. Janvier – décembre 1929

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.


Courriel : celinebc@skynet.be. Abonnement annuel (11 numéros) : 55 €.