Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.
mardi, 26 juin 2012
Le Bulletin célinien n°342 - juin 2012
Le Bulletin célinien n°342 - juin 2012
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Le Bulletin célinien n°342 - Bloc-Notes
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dimanche, 24 juin 2012
Louis-Ferdinand Céline - Knut Hamsun
Louis-Ferdinand Céline - Knut Hamsun
par Marie-Laure Béraud
Ex: http://www.lepetitcelinien.com/
Nous remercions l'auteur d'avoir bien voulu nous faire partager ce texte.
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vendredi, 22 juin 2012
XIXè Colloque international Louis-Ferdinand Céline du 6 au 8 juillet 2012 à Berlin
XIXè Colloque international Louis-Ferdinand Céline du 6 au 8 juillet 2012 à Berlin
Le dix-neuvième Colloque international Louis-Ferdinand Céline, organisé par la Société d'études céliniennes, se déroulera du 6 au 8 juillet 2012 au Frankreich-Zentrum de la Freie Universität de Berlin (Rheinbabenallee 49, Berlin). Voici le programme complet de ces trois journées.
Bianca ROMANIUC-BOULARAND
Figure et espace dans la trilogie allemande et dans Féerie pour une autre fois I
Des collabos aux Balubas : le miroir sonore de l'histoire dans la trilogie allemande
François-Xavier LAVENNE
Orphée en Allemagne : la trilogie, parcours à travers les enfers et quête de l'écriture
12h30 - Assemblée Générale de la Société d'études céliniennes
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jeudi, 21 juin 2012
Jean Prévost, homme libre et rebelle
Jean Prévost, homme libre et rebelle
par Pierre LE VIGAN
Qui connaît encore Jean Prévost ? Assurément plus grand monde. Cet oubli est de prime abord étonnant. Voici un écrivain français, intelligent bien qu’intellectuel, patriote sans être anti-allemand, anti-hitlérien sans être communiste, il fut aussi maquisard et fut tué dans le Vercors durant l’été 44.
La France d’après-guerre a fort peu honoré cet homme, non plus que la France actuelle. L’air du temps est à la contrition mais pas à l’admiration. Jean Prévost a pourtant des choses à nous dire : sur le courage et sur l’intelligence, et sur le premier au service de la seconde comme l’avait rappelé Jérôme Garcin (1).
Dominique Venner écrit de son côté : « Pamphlétaire, critique littéraire et romancier, Jean Prévost venait de la gauche pacifiste et plutôt germanophile. C’est le sort injuste imposé à l’Allemagne par les vainqueurs de 1918 qui avait fait de lui, à dix-huit ans, un révolté. Depuis l’École normale, Prévost était proche de Marcel Déat. Il fréquentait Alfred Fabre-Luce, Jean Luchaire, Ramon Fernandez. À la fin des années Trente, tous subirent plus ou moins l’attrait du fascisme. Tous allaient rêver d’une réconciliation franco-allemande. Tous devaient s’insurger contre la nouvelle guerre européenne que l’on voyait venir à l’horizon de 1938. Lui-même ne fut pas indifférent à cet « air du temps ». En 1933, tout en critiquant le « caractère déplaisant et brutal » du national-socialisme, il le créditait de certaines vertus : « le goût du dévouement, le sens du sacrifice, l’esprit chevaleresque, le sens de l’amitié, l’enthousiasme… (2) ». Une évolution logique pouvait le conduire, après 1940, comme ses amis, à devenir un partisan de l’Europe nouvelle et à tomber dans les illusions de la Collaboration. Mais avec lui, le principe de causalité se trouva infirmé. « Il avait choisi de se battre. Pour la beauté du geste peut-être plus que pour d’autres raisons. Il tomba en soldat, au débouché du Vercors, le 1er août 1944. (3) ».
Jean Prévost est d’abord un inclassable : ni communiste, ni catholique, ni même communiste-catholique comme beaucoup, rationnel sans être rationaliste, progressiste sans être populiste au sens démagogique, patriote sans être nationaliste. Un intellectuel nuancé et, dans le même temps, un homme privé vif, tourmenté, sanguin, passionné, exigeant vis-à-vis de lui-même. Un aristocrate. Stendhal dont Prévost fut un bon spécialiste disait que le « vrai problème moral qui se pose à un homme comblé » est : « que faire pour s’estimer soi-même ? ». Jean Prévost fit sien ce problème. Pour y répondre, il « raturait sa vie plutôt que son œuvre ». Et il se « dispersait » dans une multiplicité de centres d’intérêt : critique littéraire, cosmologie et polémologie, philosophie du droit et architecture… En fait, Jean Prévost foisonnait. Sa pseudo-dispersion était profusion. « Jamais de ma vie je n’ai pu rester un jour sans travailler. »
Éloigné de tout dandysme, Jean Prévost veut savoir pour connaître. Son travail intellectuel est ainsi un « rassemblement » de lui-même, une mise en forme de son être, qui se manifeste par des prises de position rigoureuses et souvent lucides. Grand travailleur tout autant que grand sportif, Jean Prévost attend que le sport lui fournisse « ce bonheur où tendait autrefois l’effort spirituel ». C’est aussi pour lui un antidote à la civilisation moderne. « Les Grecs, écrit-il, s’entraînaient pour s’adapter à leur civilisation. Nous nous entraînons pour résister à la nôtre. »
Malgré la diversité de ses dons, Prévost évoque le mot de Stendhal sur ceux qui « tendent leur filet trop haut ». Il fait partie de ceux qui « pêchent par excès ». Mais c’est un moindre défaut car, comme Roger Vaillant le dit à propos de Saint-Exupéry, « l’action le simplifie ». Et Prévost est un homme d’action. Jean Prévost est aussi aidé par une idée simple et robuste de ses devoirs et de ce qui a du sens dans sa vie : le plaisir, l’amour de ses enfants, les amis, le souci de l’indépendance de son pays.
Trop païen pour ne pas trouver que la plus détestable des vertus – ou le pire des vices – est la « reconnaissance » envers autrui, trop français pour ne pas avoir le sens de l’humour, « décompliqué des nuances », mais plein de finesse et de saillies (en cela nietzschéen). Jean Prévost se caractérise aussi par la temporalité rapide de son écriture qui est celle du journalisme. C’est ce sens du temps présent qui l’amène (tout comme Brasillach, mais selon des modalités fort différentes), à l’engagement radical, c’est-à-dire, dans son cas, à la lutte armée contre les Allemands dans le maquis du Vercors. C’est là que cet homme, multiple, entier, solaire, trouva sa fin. Il avait écrit : « il manque aux dieux-hommes ce qu’il y a peut-être de plus grand dans le monde; et de plus beau dans Homère : d’être tranché dans sa fleur, de périr inachevé; de mourir jeune dans un combat militaire ».
Pierre Le Vigan
Notes
1 : Jérôme Garcin, Pour Jean Prévost, Gallimard, 1994.
2 : Idem.
3 : Dominique Venner, dans La Nouvelle Revue d’Histoire, n° 47, 2010.
• Publié initialement dans Cartouches, n° 8, été 1996, remanié pour Europe Maxima.
Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com
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vendredi, 25 mai 2012
Simon Leys, l’intempestif
Simon Leys, l’intempestif
Un des rares écrivains vivants que l’on devrait déclarer d’utilité publique
En ce temps-là, tout anticommuniste était un chien. Achat obligé en Chine sous peine de travaux forcés, le Petit Livre Rouge se vendait comme des petits pains à Saint-Germain-des-Prés. Philippe Sollers s’exaltait à traduire les poèmes du Grand Timonier dans Tel Quel. Et parce qu’il avait osé le premier un essai critique sur la Révolution culturelle avec Les Habits neufs du président Mao (1971), la sinologue maoïste Michelle Loi ne trouvait rien de plus honnête que de révéler le véritable patronyme de Simon Leys dès le titre de son libelle contre lui Pour Luxun. Réponse à Pierre Ryckmans (Simon Leys), espérant ainsi que celui-ci devienne persona non grata en Chine. Il est vrai que l’on ne s’en prenait pas comme ça à la « Révo. Cul. » et à ses laudateurs dont Jean-François Revel dirait plus tard que s’ils n’avaient pas de sang sur les mains, ils en avaient sur la plume.
Autant le négationnisme nazi arriva après le nazisme, autant le négationnisme stalinien et maoïste commença tout de suite, et non par le biais de quelques extrémistes délirants et isolés, du reste immédiatement exclus des thébaïdes intellectuelles mais bien par celui de l’ensemble des maîtres-censeurs du Flore et dont certains sont toujours honorés sur les plateaux de télévision, tel l’inoxydable Alain Badiou qui se donne encore le droit, comme le rappelle, mi-consterné mi-amusé, Leys, d’écrire à propos de Lénine, Staline, Mao, Guevara et autres bienfaiteurs du XXème siècle qu’ « il est capital de ne rien céder au contexte de criminalisation et d’anecdotes ébouriffantes dans lesquelles depuis toujours la réaction tente de les enclore et de les annuler. » Rien que pour cette piqûre de rappel, d’autant plus nécessaire que l’amnésie historique, partie intégrante du programme totalitaire, continue, comme l’a bien vu Frédéric Rouvillois, à être la règle auprès d’un grand nombre d’intellectuels, la lecture de ce Studio de l’inutilité devrait être déclarée d’utilité publique. En vérité, ce Belge qui résista aux tanks de l’intelligentsia des années 70 et suivantes, fut notre homme de Tian’anmen à nous.
Pour autant, l’intérêt de ce Studio n’est pas seulement d’ordre purgatif. Intempestif en politique, Simon Leys l’est tout autant en littérature – et c’est là que le plaisir commence. Esprit curieux, érudit toujours plaisant, il n’est jamais là où on l’attend. Peut-être est-ce dû à cette « belgitude » qui, comme chez Henri Michaux sur lequel s’ouvre ce recueil d’essais, est la marque d’une carence originelle, d’une « conscience diffuse d’un manque » que l’auteur de L’ange et le Cachalot va tenter de compenser par la singularité et le paradoxe – l’inadaptation étant toujours la chance de l’esprit libre. Et l’adaptation trop grande provoque la malchance de l’artiste – celle qui finira par toucher Michaux lui-même qui, en voulant, à la fin de sa vie, corriger son œuvre de sa spontanéité originelle, la gâchera en lui donnant un tour bien trop culturel pour être artistique. C’est qu’entre temps, Michaux sera pour sa gloire et son malheur devenu français – c’est-à-dire à l’époque un intellectuel de gauche se rangeant à l’opinion la plus avantageuse et la plus dépravée, au fond la plus utile, celle qui permet, écrit Simon Leys, de « délivrer des brevets de bonne conduite et des médailles récompensant l’effort méritant, qu’il s’agisse de la Chine de Mao ou du Japon d’après guerre » et qu’il se serait sans doute bien gardé de faire s’il était resté belge.
Se garder de tous les clichés de la « francitude », au risque de perdre les pouvoirs qu’elle donne, telle sera la probité de Simon Leys qui, à l’instar de Simone Weil qu’il admire, choisira toujours la justice plutôt que son camp. En plus de rester fidèle à ses goûts, ce qui dans notre pays où tout le monde aime ou déteste la même chose est aussi une preuve d’héroïsme. Ainsi, lorsqu’Antoine Gallimard et Jean Rouaud le contactent pour savoir quel est pour lui « le roman du XX ème siècle », il ne propose pas, comme tout un chacun, l’énième chef-d’œuvre de Céline, Proust ou Kafka, mais remet à l’honneur d’autres titres moins côtés quoique tout aussi importants, tels Le nommé Jeudi de Chesterton et L’agent secret de Conrad, deux romans qui mettent en scène terroristes et contre-terroristes et qui à leur manière parlent de cette possession révolutionnaire qui fut la marque abominable du XX ème siècle et qu’un Dostoïevski avait déjà anticipée dans ses Possédés. Paradoxe personnel de Leys dont on connaît l’amour de la mer mais qui choisit de Conrad, l’un des plus grands écrivains maritimes s’il en est, le roman le plus urbain, le moins épique, et qui en guise d’eau ne parle que de la pluie londonienne. Mais cohérence métaphysique de Leys qui voit dans cet Agent secret la volonté de Conrad, apatride comme lui, de décrire la terrifiante réalité européenne du début du siècle avec ses conspirations prométhéennes, son nihilisme délirant, sa future violence continentale.
A l’instar de René Girard et de Conrad, Leys est un romantique qui connaît mieux que personne les mensonges du romantisme que seul l’art romanesque peut dévoiler. Y compris ceux qui se mêlent justement de mer et de navigation, sa passion-répulsion. Car la mer réelle n’est pas celle qu’ont fantasmée nombre d’auteurs (et parmi les plus grands comme Baudelaire), en faisant une sorte d’évasion du quotidien, d’horizon paradisiaque, d’aventure féérique comme la rêvait le pauvre Marius dans la trilogie de Pagnol. Non, la vérité que seuls les marins savent mais taisent est que « la mer est invivable ». La mer est stupide, plate, monotone, stérile, cruelle. La mer rappelle que la Nature n’est pas cette bonne maman accueillante sur laquelle se sont pâmés Charles Trenet et Renaud mais bien cette marâtre qui traite sans pitié les hommes et les marins de surcroît. Le « rêve nautique » est plein de noyade, de scorbut, de discipline inhumaine – aussi faux et aussi mortifère que le rêve maoïste. Mais l’amnésie poétique a la vie aussi dure que l’amnésie idéologique. Que sait-on exactement de Magellan et de son voyage aussi héroïque qu’infernal (et qu’il ne termina pas, se faisant tuer à mi-route par des indigènes philippins) ? Au-delà de la performance, indiscutable pour l’époque, de ce premier tour du monde et qui allait changer la donne du monde, « ce que l’expédition démontra – faisant de Magellan l’involontaire ancêtre idéologique de la globalisation, c’est la circumnavigabilité du globe : tous les océans communiquent. »
A partir de Magellan, le monde ne sera en effet plus qu’une affaire de communication, commercialisation, médiatisation, aliénation – et mal de mer. Alors, certes, on peut toujours rêver d’une cité parfaite, comme celle qu’organisèrent pour un temps sur leur île les fameux « naufragés des Auckland » en 1865 (et qui inspirera à Jules Verne quelques années plus tard son Ile mystérieuse), on peut toujours rêver, à l’instar de Simon Leys lui-même, d’une université castalienne où professeurs et étudiants se retrouveraient pour la seule quête de la connaissance pure et de la vérité désintéressée (quoique, rajoute malicieusement l’auteur, « les étudiants constituent un élément important, mais pas toujours indispensable » !), l’on peut toujours imaginer une tour d’ivoire aristocratique dans laquelle se protéger du monde, le problème est que, comme le disait Flaubert, l’on ne pourra jamais éviter cette « marée de merde [qui] en bat les murs, à les faire crouler. » La merde de l’utile, évidemment.
Simon Leys, Le Studio de l’inutilité, Flammarion, 2012.
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jeudi, 24 mai 2012
Le Dictionnaire des polémistes
Un nouveau Bouquin de Synthèse nationale :
Le Dictionnaire des polémistes,
d'Antoine de Rivarol à François Brigneau,
Tout au long de l’année 2011, Robert Spieler a proposé aux lecteurs de Rivarol, l’hebdomadaire de l’opposition nationale et européenne, une série d’articles consacrés aux polémistes qui marquèrent l’histoire de la presse depuis la Révolution française, jusqu’au milieu du XXe siècle. Il reprend ainsi le travail effectué par Pierre Dominique dans son ouvrage publié au début des années 60 (et aujourd’hui épuisé) Les Polémistes français depuis 1789.
Ce Dictionnaire des polémistes rassemble tous ces articles. Vous retrouverez ici les grands noms qui, en leur temps, marquèrent les esprits. Ils n’hésitaient pas à dénoncer les puissants du moment. Beaucoup parmi eux payèrent très cher leur engagement. Aujourd’hui, la liberté d’expression se heurte encore aux ukases du politiquement correct et, comme hier, des lois liberticides, beaucoup plus insidieuses sans doute, empêchent les vrais polémistes de s’exprimer…
Robert Spieler, ancien député, fondateur d’Alsace d’abord, Délégué général de la Nouvelle Droite Populaire, est aussi l’un des journalistes de l’hebdomadaire Rivarol. Chaque semaine il décortique avec délectation et cynisme l’actualité dans sa fameuse Chronique de la France asservie et résistante.
■ Commandez le Dictionnaire des Polémistes :
Règlement à la commande par chèque à l’ordre de Synthèse nationale à retourner à :
Synthèse nationale 116, rue de Charenton 75012 Paris
18, 00 € l’exemplaire (+ 3 € de port)
Bulletin de commande : cliquez ici
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mardi, 22 mai 2012
Maurice Bardèche, Européen fidèle
Maurice Bardèche, Européen fidèle
par Georges FELTIN-TRACOL
Après avoir écrit pour la même collection la biographie condensée d’Henri Béraud, de Léon Daudet, de Henry de Monfreid, de Hergé et de Saint-Loup, Francis Bergeron évoque cette fois-ci la vie d’une personne qu’il a bien connue : Maurice Bardèche.
On sait que Bardèche fut l’exemple-type de la méritocratie républicaine hexagonale. Ce natif d’un village du Cher en 1907 montra très tôt de belles dispositions intellectuelles pour l’étude et la littérature. Excellent élève, ce boursier se retrouve à l’École normale supérieure (E.N.S.) où il allait côtoyer une équipe malicieuse constituée de José Lupin, de Jacques Talagrand (le futur Thierry Maulnier) et de Robert Brasillach, l’indéfectible ami. « Brasillach lui fait du thé, lui offre des gâteaux catalans. Mais la culture littéraire de Brasillach date un peu; Bardèche lui fait découvrir à son tour Proust, alors qu’il vient d’obtenir le prix Goncourt, Barrès, dont les funérailles nationales datent tout juste de deux ans, et Claudel, ancien de Louis-le-Grand, dont l’œuvre est déjà reconnue (p. 16). »
À l’E.N.S., Maulnier et Brasillach commencent à publier dans la presse tandis que « Bardèche […] se destine réellement à l’enseignement supérieur, et […] voit son avenir dans l’approfondissement de la connaissance des grands textes et des grands auteurs (p. 20) ». À côté de sa passion littéraire, Maurice Bardèche éprouve de tendres sentiments pour la sœur de son ami Robert, Suzanne Brasillach. Ils se marient en juillet 1934 et partent en voyage de noce pour l’Espagne en compagnie de Robert qui vivra avec eux jusqu’en 1944 ! Francis Bergeron raconte qu’au cours de ce voyage, Maurice Bardèche faillit mourir dans un accident de la route. Bardèche fut trépané et conserva sur le front un « enfoncement dans le crâne (p. 26) ».
On ne va pas paraphraser cet ouvrage sur le talentueux parcours universitaire de Bardèche qui suscita tant d’aigreurs et de jalousie. Sous l’Occupation, si Robert Brasillach travaille à Je suis partout, Bardèche préfère se tenir à l’écart des événements et se dévoue à Stendhal et à Balzac. Or le mois de septembre 1944 marque un tournant majeur dans la destinée du jeune professeur : il est arrêté, puis emprisonné. Il voit ensuite son cher beau-frère jugé, condamné à mort et exécuté le 6 février 1945. Dorénavant, « la vie et, plus encore, peut-être, le martyre et la mort de Robert [vont] occup[er] une place centrale tout au long de l’existence de Maurice (p. 43) ». Guère attiré jusque-là par la politique, Maurice Bardèche s’y investit pleinement et va produire une œuvre remarquable, de La lettre à François Mauriac (1947) à Sparte et les Sudistes (1969). En outre, afin de publier les œuvres complètes de Robert Brasillach, il fonde une maison d’édition courageuse et déjà dissidente, Les Sept Couleurs.
Le respectable spécialiste de littérature du XIXe siècle se mue en fasciste, terme qu’il endosse et qu’il revendique d’ailleurs fièrement dans Qu’est-ce que le fascisme ? (1961). Dès la fin des années 1940, il se met en relation avec d’autres réprouvés européens dont les militants du jeune M.S.I. (Mouvement social italien). En 1952, il participe au célèbre congrès de Malmö qui lance le Mouvement social européen dont le bulletin francophone est Défense de l’Occident (titre ô combien malvenu, car les positions qui y sont défendues ne rappellent pas l’occidentalisme délirant d’Henri Massis – il faut comprendre « Occident » au sens d’« Europe » et de « civilisation albo-européenne pluricontinentale »). Sorti en décembre 1952, ce titre est dirigé par Bardèche. Si le M.S.E. s’étiole rapidement, miné par des divergences internes et des scissions, Défense de l’Occident devient une revue qui accueille aussi bien les nationaux que les nationalistes, les nationalistes-révolutionnaires que les traditionalistes. La revue disparaîtra en novembre 1982. Francis Bergeron n’en cache pas l’ensemble inégal du fait, peut-être, d’une forte hétérogénéité thématique visible à la lecture de ses nombreux collaborateurs.
Par fascisme, Bardèche soutient une troisième voie hostile au capitalisme et au socialisme. Mais son fascisme, anhistorique et éthéré, cadre mal avec les réalités historiques du fascisme. Dès 1963 dans L’Esprit public, Jean Mabire rédigeait un article roboratif intitulé « L’impasse fasciste » repris successivement dans L’écrivain, la politique et l’espérance (1966), puis dans La torche et le glaive (1994). Au-delà des blessures vives de la Seconde Guerre mondiale, « Maît’Jean » esquissait de nouvelles perspectives européennes et authentiquement révolutionnaires.
Déjà marqué par son fascisme assumé, Maurice Bardèche accepte d’être un paria de l’histoire parce qu’il ose un avis révisionniste sur les événements contemporains. « Ses exercices de “ lecture à l’envers de l’histoire ”, comme il les appelle lui-même, font partie des points les plus détonants de son discours. Ils démontrent son courage tranquille, et ne peuvent que susciter l’admiration. Sur le fond, il y aurait certes beaucoup à dire, explique Bergeron. De toute façon, comme l’a rappelé Bardèche lui-même à Apostrophe, on ne peut plus s’exprimer librement sur ces questions (p. 87). » Saluons toutefois sa clairvoyance au sujet de la mise en place d’une justice internationale mondialiste. Déjà prévue dans l’abjecte traité de Versailles de 1919, cette pseudo-justice planétaire se réalise à Nuremberg et à Tokyo avant de réapparaître dans les décennies 1990 et 2000 à La Haye pour l’ex-Yougoslavie, à Arusha pour le Rwanda et avec l’ignominieuse Cour pénale internationale qui veut limiter la souveraineté des États.
Tout en étant fasciste et après avoir prévenu en 1958 le camp national du recours dangereux à De Gaulle, Maurice Bardèche n’hésite pas à vanter le caractère fascisant des régimes de Nasser et de Castro, et à faire preuve dans Défense de l’Occident d’une grande lucidité géopolitique. « Bardèche […] faisait bouger les lignes de la vision géopolitique de son camp (p. 67). » Cet anti-sioniste déterminé encourage le panarabisme et, dès l’automne 1962, appelle les activistes de l’Algérie française à délaisser leur nostalgie et à relever le défi de la nouvelle donne géopolitique. Il est l’un des rares à cette époque à prôner une entente euro-musulmane contre le condominium de Yalta.
C’est sur la question européenne que Maurice Bardèche a conservé toute sa pertinence. Quand on lit L’œuf de Christophe Colomb (1952) ou Sparte et les Sudistes, on se régale de ses fines analyses. Bardèche réfléchissait en nationaliste français et européen. À la fin de l’opuscule, avant l’habituelle étude astrologique de Marin de Charette et après les annexes biographiques, bibliographiques, de commentaires sur Bardèche et de quelques-unes de ses citations les plus marquantes, Francis Bergeron reproduit l’entretien que lui accorda Bardèche dans Rivarol du 5 avril 1979 (avec les parties supprimées ou modifiées par Bardèche lui-même). Cet entretien est lumineux ! « Devons-nous accepter […] de ne pas nous défendre contre la concurrence sauvage, déclare Bardèche, accepter le chômage, le démantèlement d’une partie de notre industrie, la dépendance à laquelle nous risquons d’être contraints ? » On croirait entendre un candidat à l’Élysée de 2012… Le sagace penseur de la rue Rataud estime que « l’Europe qu’on nous prépare ne sera qu’un bastion avancé d’un empire économique occidental dont les États-Unis seront le centre »… Il prévient qu’« il ne faut pas que l’Europe ne soit que le cadre agrandi de notre impuissance et de notre décadence », ce qu’elle est désormais. Il importe néanmoins de ne pas rejeter l’indispensable idée européenne comme le font les souverainistes nationaux. L’Europe demeure plus que jamais notre grande patrie civilisationnelle, identitaire et géopolitique. « L’Europe indépendante constitue un idéal ou plutôt un objectif », juge Bardèche avant d’ajouter, prophétique, que « la crise économique peut nous aider à la faire plus vite qu’on ne le croit ».
Ce nouveau « Qui suis-je ? » est bienvenu pour découvrir aux plus jeunes des nôtres l’immense figure de ce fidèle Européen de France, ce magnifique résistant au politiquement correct !
Georges Feltin-Tracol
• Francis Bergeron, Bardèche, Pardès, coll. « Qui suis-je ? », (44, rue Wilson, 77880 Grez-sur-Loing), 2012, 123 p., 12 €.
Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com
URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=2520
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lundi, 21 mai 2012
Le Bulletin célinien n°341 - mai 2012
Le Bulletin célinien n°341 - mai 2012
- Marc Laudelout : Bloc-notes
- *** : Hommages à Claude Duneton
- Benoît Le Roux : Céline vu de Rennes en mars 1939
- Louis La Motte-Meurdel : Bagatelles pendant un massacre ou Céline à Rennes [1939]
- Paul Werrie : Entre Céline et Robert Poulet
- B. C. : Une version célinienne du mythe de Babel (2)
Un numéro de 24 pages, 6 € franco.
Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.
Le Bulletin célinien n°341 - Bloc-Notes

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dimanche, 06 mai 2012
Du chevalier au cuirassier Destouches : l'art du pamphlet comme un art de la guerre
Du chevalier au cuirassier Destouches : l'art du pamphlet comme un art de la guerre
par J.-Fr. Roseau
Ex: http://www.lepetitcelinien.com/
Étude comparée de la violence polémique et critique chez Jules BARBEY D'AUREVILLY et Louis-Ferdinand CÉLINE
Les prétentions aristocratiques de Céline, léguées par les récits d’un modeste employé d’assurance hanté par le mythe de la déchéance, ne relèvent pas seulement d’une reconstruction délirante ou fantasmatique du passé familial, mais tirent leur légitimité d’une généalogie désormais attestée. Comme le chouan du même nom, chargé d’informer les troupes royalistes émigrées sur les côtes anglaises durant les guerres révolutionnaires, la souche paternelle des Destouches est originaire de la Manche. Issu en ligne directe des seigneurs de Lantillère, comme il se plaît à l’indiquer dans une lettre adressée à une amie d’enfance (1), Louis-Ferdinand Céline descend d’un cousin éloigné au dixième degré de Jacques Des Touches de La Fresnaye, érigé en figure historique par le texte éponyme de Jules Barbey d’Aurevilly (2). La lumière faite sur l’ascendance aristocratique de Céline, le métier des armes devenait un devoir. Pour autant, du Chevalier au cuirassier, fallait-il en conclure une même culture guerrière, exprimée, à plus d’un siècle de distance, dans le maniement conjoint du sabre et de la plume ?
Quant à Barbey, sa posture chevaleresque est un appel du sang (3). Vaguement unis par ces lointaines racines, normandes et nobiliaires, mais plus encore par une verve brillante de polémiste forcené, ces deux atrabilaires ont une vénération commune pour l’art de batailler, et perçoivent l’écriture comme un jet d’amertume et de rage libéré. Si Barbey comme Céline ont excellé dans la carrière des Lettres en ferraillant contre la pensée dominante, c’est avant tout par l’adoption d’une langue radicale et cruelle, portant ouvertement l’empreinte d’une virulence martiale à la fois séduisante, ivre et brutale. On a pu évoquer çà et là les parentés éthiques et idéologiques de ces deux écrivains réduits à l’isolement à force de convictions politiquement anachroniques et moralement douteuses. Pourtant, noyée dans le bruit parasite de leur époque, leur voix hargneuse et provocante n’en a pas moins sonné comme un ultime refus de ce que l’opinion posait comme vérité définitive.
De la critique considérée comme un art militaire
« Je devrais être aujourd’hui […] le maréchal d’Aurevilly », écrit Barbey à la veille de sa mort, lui qui rêvait d’une « existence passionnée, fringante, vibrante, même cahotée, pleine d’un bruit essentiellement militaire, un tumulte de charges endiablées et de sonneries éclatantes, avec le faste attirant d’uniformes empourprés et d’aiguillettes d’or sautillantes dans le galop des purs-sang » (4). Cette phrase, d’ailleurs, n’est pas sans faire penser au rythme haletant des trompettes céliniennes. Il y a chez eux un souffle épique qui tient de l’assaut littéraire. A défaut du bâton de maréchal, il aura obtenu l’honneur non moins glorieux d’être nommé « connétable des Lettres françaises ». Céline, en revanche, gradé maréchal des logis à quelques mois de la déclaration, a vécu le baptême douloureux du feu comme un fait structurant de son évolution morale, littéraire et idéologique (5). Pessimistes, Céline et Barbey d’Aurevilly le sont tous les deux face à l’espérance vaine et fallacieuse d’un progrès de l’humanité. Ils s’escriment l’un et l’autre contre la nonchalance facile des donneurs de leçons collectives qui, sur fond d’humanisme éclairé et de bonté philanthropique, prennent la défense du faible contre la brute intolérante et fanatique.
Du catholique hystérique à l’antisémite enragé
Polémique contre Sartre et Zola : la haine de l’intellectuel
Autre point commun de l’anti-intellectualisme aurevillien et célinien, la négation systématique du talent. Zola, par exemple, n’invente rien. C’est un « singe de Balzac dans la crotte du matérialisme ». Il apparaît ainsi comme une hydre sans unité, dont Barbey refuse tout talent littéraire au-delà du pastiche. Sa chair, dit-il encore, « est faite des chairs mêlées de Victor Hugo, Théophile Gautier et Flaubert ». La méthode satirique de Céline use des mêmes procédés. Le prétendu génie de Sartre ne dépasse pas celui d’un lycéen fort en thème ou d’un plagiaire habile. Sartre, en somme, est un « Lamanièrdeux… » !
Au-delà des analogies littéraires et critiques entre les deux auteurs, il existe également une convergence idéologique marquée par le refus des idéaux démocratiques et progressistes. On a déjà pointé les ressemblances du conservateur royaliste et du patriote pacifiste sous la notion d’ « anarchisme de droite » (15). Mais plus encore que son isolement face aux idées du temps, c’est bien l’art impétueux de ses écrits polémiques, drôles et sinistres à la fois, qui fait du cuirassier Destouches l’héritier littéraire de l’auteur inquiétant du Chevalier Destouches.
2 - Le Chevalier Des Touches paraît pour la première fois en 1864.
5 - Pour H. Godard, l’expérience martiale de Céline « restera la référence absolue » en littérature comme en politique, cf. Céline scandale, Paris, Gallimard, 1998, p. 47.
7 - L.-F.Céline, D’un Château l’autre, Paris, Gallimard, « coll. Folio », 1957, p. 30.
8 - « Le Catholique hystérique », dans E. Zola, Mes Haines, Paris, G. Charpentier, 1879, pp. 41-55.
11 - L.-F. Céline, A l’agité du bocal, Paris, Herne, 1995, 85 pages.
12 - Correspondance générale, t. VI, Paris, Les Belles Lettres, 1986, p. 203.
13 - L.-F. Céline, Entretien avec le professeur Y, dans Romans, IV, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1993, p. 497 : « les impuissants regorgent d’idées ».
15 - Céline et Barbey servent d’exemples emblématiques à l’ouvrage de François Richard, cf. « La haine des intellectuels, dans Les Anarchistes de droite, Paris, Presses Universitaires de France, 1997
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vendredi, 20 avril 2012
Quando Céline era solo un giovane corazziere in armi nella Grande Guerra
di Andrea Lombardi
Fonte: barbadillo
Louis-Ferdinand Destouches (in arte Céline), uno dei massimi romanzieri del ‘900, dopo il successo del suo libro di esordio Viaggio al termine della notte (1932) e di Morte a credito (1936), e le polemiche suscitate da Bagatelle per un massacro (1938), operò con i suoi romanzi una vera rivoluzione dello stile narrativo, culminata nella cosidetta Trilogia del nord (Nord, Rigodon e Da un castello all’altro). Uomo dalle molte vite, soldato nella prima guerra mondiale, direttore di piantagioni, membro di una commissione sanitaria della Società delle Nazioni, medico di periferia, scrittore, bohemienne, e infine Collabo e reprobo, la prima vita di Céline sarà quella di corazziere a cavallo: infatti Louis Destouches, nato il 27 maggio 1894 a Courbevoie (Parigi) si arruolerà il 28 settembre 1912, con ferma triennale, nel 12eme Régiment Cuirassiers (12° Reggimento Corazzieri) di stanza a Rambouillet, nel dipartimento degli Yvelines nella regione dell’Île-de-France. Il 12eme “Cuir” era un’unità scelta, con una lunga tradizione militare risalente al 1668: creato da Luigi XIV per suo figlio quale Régiment “Dauphin-Cavallerie”, fu rinominato 12° Reggimento di Cavalleria nel 1791 dopo la Rivoluzione Francese. Il reparto si distinse in numerose battaglie: dalle Campagne del Re Sole alle Guerre della Rivoluzione, subordinato all’Armata del Reno; da Austerlitz, Jena e Waterloo a Solferino, alla disastrosa guerra franco-prussiana del 1870-1871. I primi tempi di servizio presso il 12° ben difficilmente potevano ricordare al giovane Louis queste antiche glorie, preso come doveva essere, da buona recluta, a spalare letame, strigliare il pelo dei cavalli e centellinare i pochi spiccoli della diaria, vessato dalla disciplina di ferro dei sottuff’ di carriera, come ricordato d’altronde da lui stesso in Casse-Pipe! Dopo un anno da militare di truppa, Louis è promosso Brigadiere il 5 agosto 1913, e quindi Maresciallo d’alloggio il 5 maggio 1914.
Il 31 luglio, a Saint-Germain, il Reggimento è mobilitato e il 2 agosto si assembra nella regione a sud di Commercy. Louis accoglierà la notizia della guerra con lo stesso entusiasmo patriottico di milioni di giovani come lui in tutta Europa, come testimoniato da questa lettera ai genitori scritta poco prima della partenza per il fronte, tanto diversa per stile e spirito dal Viaggio al termine della notte:
“Cari genitori: l’ordine di mobilitazione è arrivato partiamo domani mattina alle 9 h 12 per Étain nelle pianure della Voevre non credo che entreremo in azione prima di qualche giorno […] è una sensazione unica che pochi possono vantarsi di aver provato […] Ognuno è al suo posto sicuro e tranquillo tuttavia l’eccitazione dei primi momenti ha fatto posto a un silenzio di morte che è il segno di una brusca sorpresa. Quanto a me farò il mio dovere sino in fondo e se per fatalità non dovessi tornare… siate sicuri per attenuare la vostra sofferenza che muoio contento, e ringraziandovi dal profondo del cuore. Vostro figlio”.
Il 12°, al comando del Colonnello Blacque-Belair, e facente parte della 7ª Divisione di Cavalleria, condurrà numerose missioni di ricognizione tra la Wöevre, la Mosa e l’Argonne nell’agosto e settembre 1914: il terreno dove opererà, boscoso, con campi cintati da muretti a secco tagliati da fossi e canali, è inadatto all’impiego della cavalleria, men che meno quella pesante. La guerra del ’14 inizia a mostrarsi per quello che è: niente eroiche cariche di cavalieri, ma un cieco tritacarne. Louis scriverà allora a casa lettere di ben altro tono rispetto a quelle precedenti; l’assurdità della guerra inizia a far nascere in lui Céline:
“La lotta s’impegna formidabile, mai ne ho visto e ne vedrò di così tanto orrore, noi camminiamo lungo questo spettacolo quasi incoscienti per l’assuefazione al pericolo e soprattutto per la fatica schiacciante che subiamo da un mese davanti alla coscienza si para una specie di velo dormiamo appena tre ore per notte e marciamo quasi come automi mossi dalla volontà istintiva di vincere o morire Nessuna nuova sul campo di battaglia quasi sulla stessa linea del fuoco da 3 giorni i morti sono rimpiazzati continuamente dai vivi a tal punto che formano dei monticelli che bruciamo e in certi punti si può attraversare la Mosa a piè fermo sui corpi tedeschi di quelli che tentano di passare e che la nostra artiglieria inghiotte senza posa. La battaglia lascia l’impressione di una vasta fornace dove s’inghiottono le forze vive delle due nazioni e dove la più fornita delle due sarà la vincitrice”.
Ad ottobre il Reggimento è inviato nelle Fiandre, partecipando a duri combattimenti assieme ad alcune unità di fanteria nel settore tra Ypres e Poelkapelle; il 27 ottobre, quest’ultima località è battuta incessantemente dal tiro dell’artiglieria e delle mitragliatrici tedesche, tanto che sembra impossibile garantire con staffette le comunicazioni tra il 125° e il 66° Reggimento di fanteria, che stanno cercando di strappare l’abitato di Poelkapelle al nemico. È in questo momento che il Maresciallo d’alloggio Destouches, comandato presso il Comando di Reggimento, si fa avanti, dandosi volontario per questa missione quasi suicida. Louis riuscirà a condurre a termine il pericoloso compito, ma al ritorno, intorno alle ore 18, è ferito gravemente al braccio destro. Dopo essersi ricongiunto alla sua unità, data la mancanza di posti disponibili nelle ambulanze o tende-ospedale a causa del gran numero di feriti e moribondi, dovrà raggiungere a piedi, camminando per sette chilometri, un ospedale da campo presso Ypres. Sarà poi da lì evacuato a Hazebrouck, dove sarà operata la frattura del braccio, e poi ricoverato in degenza all’ospedale militare Val-de-Grâce a Parigi, dove subirà un secondo intervento chirurgico il 19 gennaio 1915. Dichiarato inabile al servizio a causa della sua ferita, viene riformato il 2 settembre 1915: finisce così il servizio attivo di Louis Destouches nell’Armée.
Per l’eroismo dimostrato sul campo sarà citato nell’ordine del giorno del 29 ottobre del Reggimento, insignito della Medaglia Militare il 24 novembre 1914 e della Croce di Guerra con Stella d’Argento.
La rivista L’Illustré National del dicembre 1914 dedicherà al fatto d’arme che lo vide protagonista una tavola a colori a tutta pagina: Louis-Ferdinand Céline la mostrerà sempre con orgoglio a ogni suo visitatore nell’eremo di Meudon, tanti anni e tante vite più tardi.
Bibliografia:
Dauphin-Boudillet, Album Céline
Gibault, Céline
Ruby – de Labeau, Historique du 12eme Régiment Cuirassiers (1668-1942)
Le 12eme Régiment Cuirassiers (1871-1928)
Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it
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jeudi, 12 avril 2012
Ernst Jünger, lecteur de Maurice Barrès
Harald HARZHEIM:
Ernst Jünger, lecteur de Maurice Barrès
Nationalisme, culte du moi et extase“Je ne suis pas national, je suis nationaliste”: cette phrase a eu un effet véritablement électrisant sur Ernst Jünger, soldat revenu du front après la fin de la première guerre mondiale qui cherchait une orientation spirituelle. Soixante-dix ans plus tard, Jünger considérait toujours que ce propos avait constitué pour lui l’étincelle initiale pour toutes ses publications ultérieures, du moins celles qui ont été marquées par l’idéologie nationale-révolutionnaire et sont parues sous la République de Weimar.
L’auteur de cette phrase, qui a indiqué au jeune Jünger la voie à suivre, était un écrivain français: Maurice Barrès. Bien des années auparavant, dans sa prime jeunesse, Ernst Jünger avait lu, en traduction allemande, un livre de Barrès: “Du sang, de la volupté et de la mort” (1894). On en retrouve des traces dans toute l’oeuvre littéraire de Jünger.
Maurice Barrès était né en 1862 en Lorraine. Tout en étudiant le droit, il avait commencé sa carrière de publiciste dès l’âge de 19 ans. A Paris, il trouva rapidement des appuis influents, dont Victor Hugo, Anatole France et Hippolyte Taine. Dans ses premiers ouvrages, Barrès critiquait l’intellectualisme et la “psychologie morbide” que recelait la littérature de l’époque. A celle-ci, il opposait Kant, Goethe et Hegel, qui devaient devenir, pour sa génération, des exemples à suivre. Après l’effondrement des certitudes et des idéologies religieuses, le propre “moi” de l’écrivain lui semblait le “dernier bastion de ses certitudes”, un bastion éminemment réel duquel on ne pouvait douter.
Il en résulta le “culte du moi”, comme l’atteste le titre général de sa première trilogie romanesque. Le “culte du moi” ne se borne pas à la seule saisie psychologique de ce “moi” mais cherche, en plus, à dépasser son isolement radical: le moi doit dès lors se sublimer dans la nation qui, au contraire du moi seul, est une permanence dans le flux du devenir et de la finitude.
Le processus de dépassement du “moi” individuel implique un culte du “paysage national”, donc, dans le cas de Barrès, de la Lorraine. Dans les forêts, les vallées et les villages de Lorraine, Barrès percevait un reflet de sa propre âme; il se sentait lié aux aïeux défunts. Le “culte du moi” est associé au “culte de la Terre et des Morts”. Ce culte du sol et des ancêtres, Barrès le considèrera désormais comme élément constitutif de sa “piété”. L’Alsace-Lorraine avait été conquise par les Allemands pendant la guerre de 1870-71. Une partie de la Lorraine avait été annexée au Reich. Barrès devint donc un germanophobe patenté et un revanchard, position qu’il n’adoucira qu’après la première guerre mondiale, après la défaite de l’ennemi. Dans un essai écrit au soir de sa vie, en 1921, et intitulé “Le génie du Rhin”, cette volonté de conciliation transparaît nettement. Ernst Jünger l’a lu dès sa parution.
Barrès posait un diagnostic sur la crise européenne qui n’épargnait pas l’esprit du temps. Il s’adressait surtout à la jeunesse, ce qui lui valu le titre de “Prince de la jeunesse”. Pourtant la radicalisation politique croissante de son “culte du moi”, sublimé en nationalisme intransigeant, effrayait bon nombre de ses adeptes potentiels. Ainsi, Barrès exigeait que le retour des Français sur eux-mêmes devait passer par l’expurgation de toutes influences étrangères. Le “moi”, lié indissolublement à la nation, devait exclure toutes les formes de “non-moi”. Cela signifiait qu’il fallait se débarrasser de tout ce qui n’était pas français et qu’il résumait sous l’étiquette de “barbare”. Il prit dès lors une posture raciste et antisémite. Son nationalisme s’est mué en un chauvisnisme virulent qui se repère surtout dans ses écrits publiés lors de l’affaire Dreyfus. Une haine viscérale s’est alors exprimée dans ses écrits. En 1902, Barrès a rassemblé en un volume (“Scènes et doctrines du nationalisme”) quelques-uns de ces essais corsés.
Barrès n’était pas seulement un homme de plume. Au début des années 80 du 19ème siècle, il avait rejoint le parti revanchiste du Général Boulanger et fut élu à la députation de Nancy.
Après la seconde guerre mondiale, Ernst Jünger comparait le Général Boulanger à Hitler (ce que bien d’autres avaient fait avant lui). Après une conversation avec le fils de Barrès, Philippe, il en arriva à la conclusion que cet engagement en faveur de Boulanger a dû le faire “rougir” (EJ, “Kirchhorster Blätter”, 7 mai 1945).
En 1894, Barrès avait écrit “Du sang, de la volupté et de la mort”, recueil d’esquisses en prose et de récits de voyage en Espagne, en Italie et en Scandinavie, pimentés de réflexions sur la solitude, l’extase, le sexe, l’art et la mort. Le corset spatial étroit du nationalisme de Barrès éclatait en fait dans cette oeuvre car il ne privilégiait plus aucun paysage, n’en érigeait plus un, particulier, pour le hisser au rang d’objet de culte: chacun des paysages décrits symbolisait des passions et des sentiments différents, qu’il fallait chercher à comprendre. En lisant ce recueil, Ernst Jünger a trouvé dans son contenu l’inspiration et le langage qu’il fallait pour décrire les visions atroces des batailles, relatées dans ses souvenirs de guerre. De Barrès, Jünger hérite la notion de “sang”, qui n’est pas interprétée dans un sens biologique, mais est hissée au rang de symbole pour la rage et la passion que peut ressentir un être. Quant aux descriptions très colorées des paysages, que l’on retrouve dans l’oeuvre de Barrès, nous en trouvons un écho, par exemple dans “Aus der goldenen Muschel” (1944) de Jünger.
Maurice Barrès est mort en 1923. Peu d’écrits de lui ont été traduits en allemand. Le dernier à l’avoir été fut son essai “Allerseelen in Lothringen” (“Toussaint en Lorraine”), paru en 1938. Après la deuxième guerre mondiale, aucun écrit de Barrès n’a été réédité, retraduit ou réimprimé. On a finit par le considérer comme l’un des pères intellectuels du fascisme. Barrès a certes été élu à l’Académie Française en 1906 mais sa réhabilitation en tant que romancier est récente, même en France, alors que Louis Aragon l’avait réclamée dès la fin de la seconde guerre mondiale.
Jünger ne s’est pas enthousiasmé longtemps pour ce nationaliste français. Dès la moitié des années 20 du 20ème siècle, il s’oriente vers d’autres intérêts littéraires. Jünger n’évoque Barrès explicitement qu’une seule fois dans ses oeuvres journalistiques et militantes, alors que le Lorrain les avait inspirées. Dans “Vom absolut Kühnen” (1926), Jünger affirme qu’il “préfère la France de Barrès à celle de Barbusse”, parce qu’il entend récuser l’idéologie pacifiste de ce dernier.
Toutes les évocations ultérieures de Barrès relèvent du rétrospectif. Jünger ne puise plus aucune inspiration nouvelle dans les écrits de Barrès. Jünger, âgé, comparait le sentiment qu’il éprouvait face à la défaite allemande de 1918 au désarroi qu’ont dû ressentir les jeunes Français en 1871 (cf. “Siebzig verweht”, IV, 23 octobre 1988). Il répète dans ce même passage que Barrès l’avait fortement influencé dans le travail de façonnage de sa propre personnalité, une imprégnation barrèsienne, dont il s’était distancié assez tôt. En 1945, Jünger notait que “lui-même et les hommes de sa propre génération étaient arrivés trop tard en beaucoup de choses, si bien que la voie, que Barrès avait encore pu emprunter, ne leur était plus accessible”. Dès le début des années 30 du 20ème siècle, Ernst Jünger en était arrivé à considérer le nationalisme barrèsien comme une construction dépassée, née au 19ème siècle et marquée par lui. Cette position l’a empêché de s’engager dans le sillage d’un politicien chauvin comme Boulanger, c’est-à-dire comme Hitler.
Dans la bibliothèque de Jünger à Wilflingen, on trouve deux ouvrages de l’écrivain français: “Amori et Dolori sacrum. La mort de Venise” et les quatorze volumes de “Mes cahiers”. Ces “cahiers”, Jünger les évoque dans une notule envoyée à Alfred Andersch: “Vous me comptez non pas parmi les conservateurs-nationaux mais parmi les nationalistes. Rétrospectivement, je suis d’accord avec vous. J’ose même dire que j’ai inventé le mot; récemment en lisant ses “Cahiers”, je me suis découvert de remarquables parallèles avec Maurice Barrès. Il y dit: ‘...je suis né nationaliste. Je ne sais pas si j’ai eu la bonne fortune d’inventer le mot, peut-être en ai-je donné la première définition’” (cf. “Siebzig verweht”, II, 7 juin 1977).
Ernst Jünger a donc lu les “Cahiers” de Barrès de manière fort occasionnelle car la plupart des quatorze volumes des “Cahiers”, dans la bibliothèque de Wilflingen, n’ont en apparence que rarement été ouverts; certains n’ont même pas été coupés. En 1971, Jünger a dit: “Barrès aussi est désormais derrière moi”. La teneur de cette assertion n’a plus été modifiée jusqu’à la mort de l’écrivain allemand.
Harald HARZHEIM.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°23/2005; trad. française: avril 2012).
http://www.jungefreiheit.de/
Harald Harzheim est écrivain, dramaturge et historien du cinéma. Il vit à Berlin. Il travaillait en 2005, au moment où il rédigeait cet article, à un essai sur la “Démonologie du cinéma” d’Ernst Jünger.
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jeudi, 05 avril 2012
Louis-Ferdinand Céline : Le gribouilleur céleste
Louis-Ferdinand Céline : Le gribouilleur céleste
Ex: http://www.lepetitcelinien.com/

Si le XIXème siècle a eu le privilège de le voir naitre, le XXème siècle a eu celui de le voir écrire. Écrire, déstructurer, casser, broyer, pour enfin révolutionner une langue française essoufflée. On entre dans l’œuvre de Céline comme on s’élance au cœur d’une cathédrale dévastée, car, n’en déplaise à Baudelaire, pas de place ici pour le luxe, le calme et la volupté. L’écrivain compose sur les ruines de l’humanité, assassinant jusqu’à l’amour qu’il « traque, abîme, et qui ressort de là : pénible, dégonflé, vaincu… ».
Atypisme revendiqué, populisme lyrique, musicalité de la prose ; la plume de Céline est un « scalpel de mage ». Chaque virgule est un rouage d’argent dans une mécanique d’or, chaque page se « débrousse comme le temple d’Anghkor », chaque couteau tiré est une larme qui tombe, chaque mensonge est une demi-vérité. Céline était médecin des pauvres. Sans doute a-t-il autant soigné par son œuvre que par sa médecine.
L’alchimiste des mots n’a pourtant pas compté ses détracteurs. L’anti-judaïsme philosophique, qu’il partage avec bon nombre de grands auteurs, Voltaire et Hugo en tête, lui aura valu la mise à l’index et l’opprobre de ses contemporains. À la suite de la publication de ses pamphlets, Sartre « l’agité du bocal », traducteur d’Heidegger, ira jusqu’à l’accuser de collaboration avec l’ennemi. C’était oublier que si Céline pouvait tremper sa plume dans l’ambroisie, il pouvait aussi la noyer dans le cyanure. La réponse qu’il fit à Sartre éleva jusqu’au mythe l’art de la diatribe. Il y a fort à parier que le « ténia aux yeux embryonnaires » regretta longuement son commentaire. Fort de cette séance épistolaire d’acupuncture au pic à glace, sonnant comme un rappel à l’ordre, il préféra le silence au ridicule. A croire que lui aussi sortit de là : pénible, dégonflé et vaincu.
Auteur controversé, à la fois adulé et maudit, Céline n’a incarné qu’une école: la sienne. Son histoire est celle d’un nihiliste marginal, chansonnier du chaos, pessimiste et lucide à l’égard de la nature humaine. Sa vision de l’homme se résume à la victoire de Caliban sur Ariel. Force est de constater que cinquante années après, la « révolte de l’esprit sur le poids » n’a pas eu lieu.
Les controverses à l’endroit de Céline en sont les exemples les plus probants. Douce mascarade que celle qui consiste à retirer le maudit de Meudon des célébrations nationales. Preuves que les pressions communautaristes prévalent sur la légitimité des ministres français. En attendant bienveillamment que la famille Klarsfeld, descendante directe de Tomas de Torquemada, prenne la peine de se déplacer outre-manche pour demander l’autodafé en grande pompe des œuvres de Shakespeare pour son « Marchand de Venise », finissant leur voyage en Allemagne afin de prétendre à la saisie de tous les ouvrages de Schopenhauer, notamment son « Foetor Judaicus ».
Un racket moral à deux vitesses qui confine au grotesque mais qui finit pourtant noyé dans les eaux troubles du conformisme. Et tous les demi-spécialistes qui s’excitent, pérorent, rhétorent sur l’ambivalence d’un talent schizophrène. Autant de commentateurs volontaires qui lisent sans projeter et dissertent sans comprendre qu’il n’y a jamais eu qu’un seul système, qu’une seule vision du monde, qu’un seul Céline.
On peut penser que la prolongation post-mortem de l’anathème aurait convenu au docteur Destouches, voire qu’il l’aurait souhaité. Quoi de plus mesquin, en effet, que d’être couronné par un siècle qui s’est fait un sacerdoce d’ériger la tartufferie en vertu cardinale. Les époques pardonnent tout à leurs contemporains, sauf le génie. Lui qui appréhendait avec beaucoup de quiétude le repos de sa mort, je crains que sa plume n’ait jouée contre lui.
Son talent l’a rendu immortel. Et s’il vous vient l’envie de vérifier ce céleste postulat, rendez-vous au cimetière de Meudon. Asseyez-vous près de la roche qu’il partage avec son épouse « à l’ombre du monument adjudicataire et communal élevé pour les morts convenables dans l’allée du centre ». Regardez la pierre gravée, respirez, ouvrez « le voyage ». Alors vous conviendrez que cet endroit est le seul au monde ou Louis-Ferdinand Céline ne se trouve pas.
Maxime LE NAGARD
Le Bréviaire des patriotes, 22 mars 2012.
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Le Bulletin célinien n°340 - avril 2012
Le Bulletin célinien n°340 - avril 2012
- Marc Laudelout : Bloc-notes
- M. L. : Céline dans la presse
- P.-L. Moudenc : Cette prose flamboyante
- P.-L. Moudenc : Les souvenirs de Henri Mahé
- Bernard Baritaud : Pour une association Mac Orlan
- Pol Vandromme : Maurice Bardèche et Céline
- André Suarès : Les rires de crocodile [1946]
- Louis-Albert Zbinden : La blessure d’un paradis perdu [1973]
- B.C. : Une version célinienne du mythe de Babel [1]
Un numéro de 24 pages, 6 € franco.
Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.
Le Bulletin célinien n°340 - Bloc-Notes
La bibliographie Tout sur Céline serait-elle l’Arlésienne ? Annoncée pour l’année du cinquantenaire de la mort de l’écrivain, elle n’a pas encore vu le jour. Aussi convient-il de s’en expliquer auprès des souscripteurs. Cette bibliographie a, comme on le sait, trois co-auteurs : Arina Istratova, Alain de Benoist et Marc Laudelout. Le but de l’imposante Bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline, publiée il y a plus de vingt-cinq ans par Jean-Pierre Dauphin et Pascal Fouché, n’était pas de prendre en compte l’abondante littérature secondaire qui a été consacrée à l’auteur de Nord ¹. C’est cette situation que les auteurs de Tout sur Céline ont voulu pallier. Leur bibliographie référencera tous les livres, brochures, tirés à part, travaux universitaires et numéros spéciaux de revues, parus en langue française et dans d’autres langues, qu’il a été possible d’identifier. Elle ne citera ni les articles sur Céline, dont la recension exhaustive serait difficilement réalisable (mais a déjà été entreprise par Jean-Pierre Dauphin pour la période 1914-1961 ²), ni – sauf très rares exceptions qui ont paru justifiées – les livres qui ne consacrent à Céline que des sections ou des chapitres particuliers : histoires générales de la littérature, études diverses sur les « fascismes littéraires », etc.
Cette bibliographie comprendra cinq parties principales : (A) les publications périodiques et les séries éditoriales entièrement consacrées à Céline ; (B) les travaux universitaires (mémoires, masters et thèses) dont Céline a fait l’objet ; (C) les ouvrages publiés ; (D) la documentation filmographique (émissions télévisées essentiellement) ; (E) la documentation phonographique (émissions radiophoniques, discographie, partitions). Un complément relatif à Internet constituera la partie (F). Une dernière partie (G) recensera les associations spécialisées dans les études céliniennes.
Cette bibliographie fournira au total près de 2000 références, dont plus de 800 thèses ou mémoires universitaires identifiés. C’est précisément cette partie-là qui donne le plus de fil à retordre aux auteurs. Alors même qu’ils en étaient au stade des épreuves, ils ont encore constaté de trop nombreuses erreurs dues au fait que les travaux universitaires (non publiés) sont souvent mal répertoriés. Nombreux sont, dans ce domaine, les renseignements lacunaires ou tout simplement erronés. Cela s’explique par le fait que toutes les universités ne recensent pas de manière méthodique et précise les thèses soutenues en leur sein. La situation est, comme on s’en doute, encore plus complexe pour les mémoires de maîtrise. Les auteurs espèrent clôturer enfin ce vaste chantier cette année. Le tirage sera limité à 300 exemplaires. Tous ceux qui ont souscrit sont bien entendu assurés de recevoir cette bibliographie dès sa sortie de presse ³. Nous espérons qu’ils voudront bien ne pas (trop) tenir rigueur de ce retard aux auteurs. L’un des souscripteurs, célinien patenté et chercheur de talent, a bien voulu faire part de sa compréhension : « Pour ma part, perfectionniste comme je le suis, je sais trop bien qu’il faut prendre tout le temps nécessaire pour faire un travail se rapprochant le plus possible de la perfection. Par conséquent, même si votre bibliographie ne sortait que dans un an, je n’en ferai pas un drame. » Puissent tous les autres souscripteurs partager ce sentiment !
Marc LAUDELOUT
1. Jean-Pierre Dauphin & Pascal Fouché, Bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline, 1918-1984, BLFC, 1984. Cet ouvrage est épuisé mais une version électronique est disponible sur www.biblioceline.fr
2. Jean-Pierre Dauphin, Bibliographie des articles de presse & des études en langue française consacrés à L.-F. Céline, 1914-1961, Du Lérot, 2011.
3. La souscription est actuellement close. Le prix de vente est de 65 €, frais de port inclus.
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mercredi, 21 mars 2012
Céline, profeta de la decadencia
Céline, profeta de la decadencia
GISELLE DEXTER Y ROBERTO BARDINI
Ex: http://www.elmanifiesto.com/
"Rencorosos, dóciles, violados, robados, con las tripas fuera y siempre jodidos. (...) Hemos nacidos fieles y así morimos". El autor de esta frase es un médico, físico y viajero francés a quien nadie conoce por su verdadero apellido: Destouches.
En cambio, los ambientes literarios y culturales de todo el mundo reconocen su talento magistral como escritor bajo el nombre que eligió para entrar –sin saberlo, entonces– por la puerta grande de la literatura: Louis Ferdinand Céline (1884-1961). La frase citada pertenece, precisamente, a la obra que lo consagró internacionalmente: Viaje al fin de la noche.
Céline sucumbió, junto con un grupo de jóvenes y talentosos intelectuales franceses, a lo que Benito Mussolini llamó "la tentación fascista", en el período que va de la primera a la segunda guerra mundiales. Este "pecado", con variantes, también se dio en Bélgica, Holanda, Noruega, Finlandia, Croacia, Polonia y Hungría. Ninguno de estos países, sin embargo, contó con una congregación de autores tan brillante, trágica y malograda como la de Francia. Entre sus principales exponentes figuran, entre otros, Pierre Drieu la Rochelle y Robert Brasillach. A todos ellos se les aplicó, según los casos, la ley del "encierro, destierro o entierro"; todos ellos recibieron el despectivo apodo de colabos, es decir "colaboracionistas" con el enemigo.
Una intelectual italiana antifascista y feminista, María Antonietta Machiochi, define a Céline como "el más genial de los escritores nazifascistas". A muchos historiadores, literatos y críticos les resulta muy difícil digerir esta doble realidad que incluye el reconocimiento a su genialidad como escritor y su identidad "políticamente incorrecta". Y, por si fuera poco, hay que agregar una faceta más: su rabioso antijudaísmo.
"Uno de los gigantes de nuestra época"
Lo cierto es que no existe polémica acerca de su talento; casi todos los prólogos a sus obras incluyen, junto con el repudio a su elección ideológica, las alabanzas al estilo literario: "escritura hablada", "anárquica expresividad", "grafía desquiciada". Entre las etiquetas también hay que incluir "absoluto cinismo", "pesimismo radical", "nihilismo deslumbrante". Sus admiradores políticos, incluso, lo llaman "el profeta de la decadencia europea"... Y se podría continuar.
Uno de sus adversarios, Jean Paul Sartre, quien antes de convertirse en filósofo existencialista había sido simpatizante comunista, escribe en 1946: "Tal vez Céline sea el único que permanezca de todos nosotros". Etienne Lalou, novelista, cronista de L’Express y productor de radio y televisión, dice: "Céline ha restituido al francés hablado sus títulos de nobleza y, sin él, una parte de la literatura moderna no sería lo que es". Lalou, un creador alejado de cualquier cosa vinculada a Hitler y Mussolini, lo llama "uno de los gigantes de nuestra época".
Céline es voluntario en la Primera Guerra Mundial, de la que regresa con el 75 por ciento de su cuerpo mutilado. Al terminar el conflicto, comienza a estudiar medicina. Egresa en 1924, con una tesis sobre el médico húngaro Felipe Ignacio Semmelweis (1818-1865), a quien un colega contemporáneo definió como "un poeta de la bondad". Esa tesis se convertirá en 1937 en Semmelweis, una bella biografía sobre el investigador que luchó contra la fiebre puerperal hasta el último día de su vida. En la nota preliminar de este libro, el novelista español Juan García Hortelano (1928-1992) escribe:
"La agresividad, componente indispensable de la obra maestra, alcanza en Céline al universo entero y verdadero. En el caos, el asesinato, la injusticia, el terror y la debilidad juegan la partida; el que pueda envidar, gana; sólo perderán los débiles, para quienes la opción se limita a la fuga o la muerte. Céline, en absoluto partidario del suicidio, es el primer escapista que, refractario a la mentira, no huye. Tampoco se apiada (...).Destruye el mundo, minuciosamente (...), con el arma que supo manejar. Céline es un lenguaje nuevo. Del francés hablado, mal hablado, destiló un sistema de ruptura de la lengua, en el que reside toda su gloria".
Novela "irreductible y salvaje"
Céline se alista en la marina. De 1924 a 1928 integra misiones de la Sociedad de Naciones en África y Estados Unidos; por su cuenta, visita la Unión Soviética. Al regreso a Francia, trabaja en una clínica estatal en Clichy, un suburbio al norte de París, donde prácticamente sólo atiende a pobres. En 1940, se presenta nuevamente al ejército como voluntario pero es rechazado por las secuelas de sus heridas anteriores.
Su obra incluye los siguientes títulos: Viaje al fin de la noche (1932), Muerte a crédito (1936), Mea Culpa (publicado luego de su regreso de la Unión Soviética, 1936), Bagatelles pour un massacre (1937), L´école des cadavres (1938), Les Beaux Draps (1941), Guignol´s Band (1943), Casse Pipe (1949), Feerie pour une autre fois (1952), De un castillo a otro (1957), Norte (1960) y Rigodon, publicada después de su muerte.
Con Viaje al fin de la noche gana el premio Renaudout. Ferdinand Bardamu, el protagonista de la novela, es un héroe desilusionado y castigado que vive experiencias extremas, siempre al borde del abismo: herido en la Primera Guerra mundial, enamorado de una prostituta sin futuro, víctima de un trabajo embrutecedor en las colonias francesas en África, perseguidor del "sueño americano" –que no se parece al del publicitado mito– y de nuevo en Francia como médico rural de campesinos miserables.
Las reflexiones de Viaje al fin de la noche sobre la condición humana son amargas. Robert Saladrigas escribe en "Céline, el recluso de Dinamarca" (La Vanguardia, Cataluña, 24 de julio de 2002): "Novela única, irreductible, salvaje; un sólido monumento literario contra el que nada han podido el tiempo, los tifones de la historia ni la aberrante ideología de quien la escribió con un talento que desborda cualquier esquema en el que se pretenda encajarla. Es difícil no pensar en una poderosísima creación de la naturaleza que resulta literalmente abrumadora". En Viaje al fin de la noche se lee:
"Los hombres se aferran a sus cochinos recuerdos, a todas sus desgracias, y no se les puede sacar de ahí. Con eso ocupan el alma. Se vengan de la injusticia de su presente revolviendo en su interior la mierda del porvenir. Justos y cobardes que son todos, en el fondo. Es su naturaleza. (...) Os lo digo, infelices, jodidos de la vida, vencidos, desollados, siempre empapados de sudor; os lo advierto: cuando los grandes de este mundo empiezan a amarlos es porque van a convertirlos en carne de cañón".
Un destino trágico
Después de la caída del régimen de Vichy, la vida de Céline será una sucesión de sufrimientos que parecen copiados de sus propias novelas. Y parece confirmarse que la vida imita al arte hasta en sus aspectos más desgarradores.
Radio Londres, portavoz de la Resistencia Francesa, ofrece una recompensa por su captura, vivo o muerto. En 1944, Céline se retira de Francia junto con las tropas alemanas. Hace una escala en Alemania, donde paradójicamente sus libros están prohibidos. De ahí, busca refugio en la neutral Dinamarca. El Consejo Nacional de los Escritores, vinculado con la Resistencia, divulga una "lista negra" con doce autores colaboracionistas; él, desde luego, es uno de ellos. Entre los escritores denunciantes se encuentran muchos envidiosos del talento del "profeta de la decadencia", que no pueden tolerar el éxito de Viaje al fin de la noche.
En septiembre de 1945, un juez le dicta orden de arresto por "traición a la patria". Poco después, una denuncia anónima informa a la embajada francesa en Copenhague que el fugitivo se encuentra en esa ciudad. El 17 de diciembre de 1945, Céline es encarcelado. El novelista permanecerá en una celda de la severa prisión de Vestre Faengsel durante 16 agónicos meses. Entre otros vejámenes, sus carceleros lo mantienen sin calefacción en pleno invierno danés. Hay que tomar en cuenta que había quedado mutilado después de la Primera Guerra; además, estaba enfermo y se le agravaron sus dolencias hasta límites insoportables: enteritis, pelagra y reumatismo. Céline sale en libertad el 24 de junio de 1947, sin cargos, con 40 kilos menos.
El juicio al escritor "maldito" se lleva a cabo el 21 de febrero de 1950, en París, en ausencia de acusado y de un abogado defensor; lo condenan a un año de prisión, pena inferior a la cumplida con carácter preventivo en Dinamarca. Puede regresar a Francia recién el primero de julio de 1951. A seis años de terminada la guerra, toda su obra ha sido destruida.
Se establece con su mujer y decenas de gatos y perros en Meudon, cerca de París. En 1953 abre un consultorio médico para atender a personas sin recursos. Se hace imprimir tarjetas de presentación en las que se lee: "Louis Ferdinand Céline - Ave del paraíso". Recibe siete u ocho cartas diarias con insultos y amenazas; y otras tantas llenas de admiración y elogios. Unas y otras lo tienen sin cuidado. Escribe: "Anarquista soy, he sido, sigo siendo. ¡Y me traen sin cuidado las opiniones!"
Poco a poco, Céline recupera el prestigio literario que, a pesar de todo, le pertenece. Pero el sistema se lo devuelve a regañadientes, haciendo constar siempre que había sido –y continuaba siendo– un "maldito". En 1953, la editorial Gallimard edita nuevamente sus libros. De la larga lista de sus obras, cuatro continúan prohibidas a casi medio siglo de haber sido escritas: Bagatelles pour un massacre, L´école des cadavres, Les Beaux Draps y Mea Culpa. Y esto en Francia, país que se reconoce a sí mismo como cuna del liberalismo, precursor de la moderna democracia, practicante del lema Igualdad, fraternidad, solidaridad.
El marginado vuelve a escribir. Relata sus experiencias durante el exilio en De un castillo a otro (1957), Norte (1960) y Rigodon, publicada póstumamente. En 2002 se divulgan sus Cartas de la cárcel. Son casi 200 mensajes originalmente escritos en el áspero papel de baño carcelario, recopilados por su biógrafo François Gibault. "Sufro mi destino. No sé de qué crímenes soy culpable. Pero esta incertidumbre puede durar –me temo– años", dice Céline en una de sus cartas. Y en otra: "Es duro tener un mundo entero de odio contra uno".
En el prefacio, Gibault, refiriéndose a los panfletos antisemitas de Céline, explica que éste "sabía lo que había escrito antes de la guerra y por qué lo había escrito". Pero cuando se descubrió el genocidio judío "aquellos panfletos adquirían un cariz trágico que nadie había descubierto ni denunciado en el momento de su publicación, mientras que él mismo aparecía como un asesino". Sus escritos, elaborados para evitar la guerra, "pero con las exageraciones sin las cuales Céline no habría sido el que era y que aparecían a la luz de los acontecimientos como incitaciones a la matanza, servían de pretexto, pese haber sido escritos antes del genocidio, para una partida de caza en la que el objetivo era él".
Carlos Manzano, traductor de Cartas de la cárcel –y de la mayoría los libros de Céline en español– respalda las afirmaciones de François Gibault: "Él sentía desprecio por los alemanes, nunca fue colaborador de los nazis. Siempre lo negó y nunca se pudo demostrar nada; después, cuando volvió a Francia, se encerró y nunca quiso hablar con la prensa ni con nadie".
En mayo de 2002, el primer manuscrito de Viaje al fondo de la noche fue subastado en París por casi un millón 800 mil dólares. Las 876 páginas del original –llenas de tachaduras y correcciones– quedaron en Francia ya que la Biblioteca Nacional interpuso su derecho prioritario para que el texto no salga del país. Para los especialistas, el hallazgo del texto tiene un valor inestimable, ya que permite comprender los mecanismos mediante los cuales se construyó una de las obras más importantes y sombrías del siglo XX. Durante más de 40 años, el original fue motivo de las más increíbles versiones: se decía que fue perdido, recuperado y quemado por Céline; también que estaba oculto en Argentina, en manos de nazis refugiados.
La suma que se pagó por el histórico escrito de Céline superó el monto en que fue subastado, en 1988 por la casa Sotheby’s, el manuscrito de El proceso, de Franz Kafka: un millón y medio de dólares. El texto del primer tomo de En busca del tiempo perdido, de Marcel Proust, otro clásico, fue rematado en 2001 por Christie’s en poco más de un millón de dólares.
Dejemos algunas reflexiones finales por cuenta de Andreu Navarra Ordoño, autor de "Céline: el hombre enfadado" (revista Babab Nº 11, Madrid, enero de 2002), quien define a Viaje al fondo de la noche como "una de las más feroces sátiras contra la civilización occidental". El escritor español se pregunta: "¿Es injustificado desentenderse del mundo cuando éste se ha convertido en una estafa universal, en algo así como una trampa a gran escala? ¿Cómo no hubiera podido enfadarse ante semejante espectáculo? ¿Niega Céline alguna vez las acusaciones de que fue objeto? En absoluto. Sí nos ofrece sus reflexiones, nunca alegaciones".
Céline falleció en Meudon en 1961, a los 77 años. En algún momento de su vida, escribió: "En este mundo vil, nada es gratuito. Todo se expía: el bien, como el mal, se paga tarde o temprano. El bien mucho más caro, lógicamente".
© Giselle Dexter y Roberto Bardini
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lundi, 12 mars 2012
Le Bulletin célinien n°339 - mars 2012
Le Bulletin célinien n°339 - mars 2012
Marc Laudelout : Bloc-notes
M. L. : Milton Hindus et L.-F. Céline
Pascal Ifri : In memoriam Milton Hindus
M. L. : La rencontre à Korsør
Philippe Alméras : Milton Hindus face au géant
M. L. : Corinne Luchaire et Céline
Jacqueline Demornex : Le noir destin de Corinne Luchaire
*** : Corinne Luchaire et Céline. De Baden-Baden à Sigmaringen, un itinéraire commun.
*** : Karl Epting et l’Institut allemand (p. 23)
Un numéro de 24 pages, 6 euros franco.
Abonnement annuel : 50 €
Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.
Le Bulletin célinien n°339 - Bloc-notes
Il est bien connu que la France croule sous un excès de règlementation. Celle-ci s’avère parfois paralysante. En témoignent les efforts contrariés de François Gibault, conseil de Lucette Destouches, pour faire restaurer la tombe des parents de Céline au cimetière du Père-Lachaise dans une concession accordée jadis à la grand-mère maternelle de l’écrivain, Céline Guillou, née Lesjean. La dernière « propriétaire » en fut Marie Joubert-Guillou, la veuve de Louis Guillou, l’« Oncle Édouard » de Mort à crédit.
La tombe étant en mauvais état, François Gibault, par ailleurs président de la Société d’Études céliniennes, a décidé, en accord avec Lucette, de la faire restaurer (1). Réponse négative de la Conservation du Père-Lachaise : « Afin que le Bureau des concessions reconnaisse des droits à votre cliente sur cette sépulture, il convient d’établir, au moyen de pièces d’état civil ou d’actes notariés, sa qualité héréditaire par rapport à Madame Veuve Guillou, la concessionnaire (2) ». Tâche ardue et pas vraiment indispensable, Lucette Destouches ne demandant pas d’être reconnue titulaire de cette concession mais seulement l’autorisation de faire restaurer la tombe de ses beaux-parents, précise François Gibault dans un courrier ultérieur. Réaction inflexible du chef du Bureau des concessions : « Seul des ayants droit dûment reconnus par l’administration sont autorisés à intervenir sur leur concession (3). » Pour que Lucette soit reconnue en tant qu’ayant droit, il aurait fallu que « Madame Veuve Guillou, née Lesjean » léguât la sépulture soit à « Marguerite Destouches, née Guillou » [la mère de l’écrivain], soit « à Louis Guillou », soit directement à « Madame Destouches, née Almansor » (4). Bel hommage (involontaire) à Georges Courteline, lui aussi inhumé au Père-Lachaise. L’administration ne devrait-elle pas, au contraire, se réjouir de voir quelqu’un – membre de la famille, de surcroît – prendre en charge les frais de restauration d’une tombe ? D’autant qu’il ne s’agit pas de la modifier en quoi que ce soit mais de la nettoyer et de redorer les noms des personnes qui y sont inhumées (5). Mais les ronds-de-cuir ne badinent pas avec le règlement.
Ultime paradoxe : François Gibault a rencontré moins de difficultés à Septeuil pour la restauration de la tombe de Raoul Marquis, le fameux « Courtial des Pereires », autre personnage de Mort à crédit (6).
Il reste à espérer qu’à l’avenir, la tombe de Céline, sise au cimetière des Longs-Réages à Meudon, pourra, elle, être entretenue sans obstacle.
Marc LAUDELOUT
Notes
1. Lucette Destouches, la Société d’Études céliniennes et François Gibault lui-même ayant décidé de prendre chacun en charge un tiers des frais de restauration de la tombe.
2. Lettre du Chef du Bureau des Concessions à François Gibault (20 décembre 2011).
3. Lettre du Chef du Bureau des Concessions au même (17 janvier 2012).
4. Entretemps, Gaël Richard, qui a eu accès au testament olographe de Marie Guillou (laquelle n’a pas eu d’enfant), a découvert que la légataire universelle était sa nièce, Germaine Decorde, épouse de Jean Croisille. Aujourd’hui la titulaire de cette concession est sa fille, la chanteuse Nicole Croisille. Espérons qu’elle réservera une réponse favorable à la requête de François Gibault.
5. Outre les parents de Céline, sont inhumés dans ce caveau (qui comprend six places) : sa grand-mère (maternelle), Céline Guillou, née Lesjean (1847-1904) ; son grand-père, Jacques Guillou (1847-1879) ; son arrière grand-père, Julien Guillou (1847-1879) ; et son oncle, Julien [dit Louis] Guillou (1874-1954).
6. Il est vrai que, dans ce cas, la procédure est plus simple, François Gibault s’étant rendu propriétaire de cette concession. La décision de restaurer cette tombe fut prise lors de la dernière assemblée de la SEC, à Dinard. En couverture : la photographie de la tombe restaurée. À noter que François Gibault envisage également la pose d’une plaque rappelant que Raoul Marquis est l’un des principaux personnages de Mort à crédit.
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vendredi, 24 février 2012
Livr'arbitres n°7
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lundi, 06 février 2012
Le Bulletin célinien n°338 - février 2012
Le Bulletin célinien n°338 - février 2012

Marc Laudelout : Bloc-notes
François Marchetti : Mort à crédit en danois
Bilan du cinquantenaire (livres, revues, émissions télévisées, colloques, théâtre)
Öyvind Fahlström : Ma rencontre avec Céline
Jean-Paul Louis : Pascal Pia, critique de Céline
B. C. : Les images du Déluge dans Casse-pipe
Un numéro de 24 pages, 6 euros franco.
Abonnement annuel : 50 €
Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.
Le Bulletin célinien n°338 - Bloc-notes
Après 1945, Céline ne souhaitait pas la réédition de ses textes polémiques, y compris Mea culpa (1936) jamais republié de son vivant. Par la suite, c’est à plusieurs reprises que l’ayant droit autorisa sa parution dans des éditions collectives : celle de Balland (1967), puis celle du Club de l’Honnête Homme (1982), et enfin celle des Cahiers Céline (1986). Ce libelle (20 pages dans l’édition princeps) est l’un des textes politiques les plus importants de Céline. C’est à tort qu’on l’a pris, à cause du titre essentiellement, pour une sorte de repentir. « La vraie révolution ça serait bien celle des Aveux », écrit-il pourtant dans ce texte. Au-delà du communisme ¹, la charge vise le matérialisme et l’essence même de l’homme. Tel qu’il est réellement et non pas tel que le rêvent les utopismes totalitaires. À la fin du siècle passé, il se trouvait encore des céliniens pour dénoncer « l’anticommunisme criminel » [sic] de Mea culpa. C’était, on l’aura compris, avant la chute du Mur de Berlin.
Jean-Paul Louis, lui, nous propose aujourd’hui une merveille : la version préparatoire et le texte définitif de Mea culpa, avec la reproduction intégrale du manuscrit ². Le format in-octavo a été judicieusement choisi pour présenter au mieux, folio après folio, le fac-similé du manuscrit, accompagné en regard de sa transposition en haut de page et du passage correspondant au texte final en pied de page. Cette édition scientifique du manuscrit, on la doit sans surprise à Henri Godard, familier des textes céliniens. Dans l’avant-propos, il dit l’intérêt de cette présentation : « On saisit ici visuellement à la fois, dans la graphie, la fièvre d’une écriture toujours improvisée dans l’instant et les états successifs, qui sont en l’occurrence au nombre d’au moins quatre. » Et de constater que « ses formules les plus fortes ou les plus drôles viennent souvent dans une reprise ultérieure. Ses ajouts sont des développements. Quand on a l’occasion de les isoler, ils mettent en évidence les idées auxquelles il tient le plus. » Cette édition, imprimée sur beau papier, met ainsi à l’honneur l’écrivain de combat que fut aussi Céline. Il suffit de relire ce brûlot pour se rendre compte que l’écrivain ne perd pas son talent lorsqu’il trempe sa plume dans le vitriol, bien au contraire. Et ce qui est vrai pour Mea culpa l’est aussi pour Bagatelles pour un massacre qui comporte des pages fulgurantes sur l’enfer soviétique ³, absentes du premier pamphlet. Henri Godard note que celui-ci est bien différent de ceux qui le suivront. C’est vrai en partie seulement car ce « sentiment fraternel » – « quatrième dimension » appelée de ses vœux dans Mea culpa – trouvera dans Les Beaux draps l’expression d’une manière de programme : « Il faut que les enfants des autres vous deviennent presque aussi chers, aussi précieux que les vôtres, que vous pensiez aussi à eux, comme des enfants d’une même famille, la vôtre, la France toute entière. C’est ça le bonheur d’un pays, le vrai bouleversement social, c’est des papas mamans partout. » On est assurément loin, n’en déplaise à ses contempteurs, d’un Céline misanthrope et nihiliste.
Marc LAUDELOUT
1. Même si, rappelons le, la bande-annonce du livre portait en 1936 ce seul mot : « Communisme » (peut-être proposée par Robert Denoël et avalisée par Céline). Le tirage était de 20.000 exemplaires.
2. Louis-Ferdinand Céline, Mea culpa (Version préparatoire et texte définitif. Édition d’Henri Godard avec la reproduction intégrale du manuscrit), Du Lérot, 2011, 104 pages. Tirage limité à 300 exemplaires numérotés sur bouffant ivoiré et quelques exemplaires hors commerce sur Hollande pur chiffon. Cet ouvrage ne sera pas réimprimé. Saluons, une fois encore, le remarquable travail de Jean-Paul Louis, éditeur-imprimeur.
3. Le retour d’URSS s’effectua, comme on sait, sur le paquebot le Meknès. Découverte récente : sur un livre de Panaït Istrati, Le Bureau de placement (1936), lecture de voyage d’une passagère, Céline apporta cette dédicace : « À madame Pierre Ducoudert. Souvenir d’un très agréable voyage après une terrible aventure. LF Céline. »
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mardi, 31 janvier 2012
Francis Puyalte, le journalisme et Céline
Francis Puyalte, le journalisme et Céline
par Marc Laudelout

Marc LAUDELOUT
Le Bulletin célinien n°337, janvier 2012
• Francis Puyalte. L’Inquisition médiatique (préface de Christian Millau), Éd. Dualpha, coll. « Vérités pour l’Histoire », 2011, 338 p., 38 € frais de port inclus aux Éd. Dualpha, Bte 30, 16 bis rue d’Odessa, 75014 Paris.
1. Saphia Azzedine, Héros anonymes, Éditions Léo Scheer, 2011.
2. Francis Puyalte, « Les confidences de la femme de Céline », Le Figaro, 20 mai 1992 & « Les souvenirs de la femme de Céline », Le Figaro, 30 décembre 1992. Articles repris dans Le Bulletin célinien, n° 123 et n° 127.
3. Philippe Bilger, « Au journalisme inconnu », Justice au singulier. Le blog de Philippe Bilger [http://www.philippebilger.com], 10 décembre 2011. Repris sur le site http://www.marianne2.fr
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dimanche, 29 janvier 2012
Céline et le thème du Roi Krogold
Céline et le thème du Roi Krogold
par Erika Ostrovsky
Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/

Si nous voulons regarder de près le thème de Krogold, nous devons nous baser sur les fragments que nous trouvons dans Mort à crédit. Bien que Céline parle à plusieurs reprises de tout un manuscrit perdu, d'un « roman épique (2) », d'une « légende celte (3) », intitulée La Volonté du roi Krogold, nous n'en avons retrouvé aucune trace. Heureusement, la légende, telle qu'elle paraît dans Mort à crédit, est suffisante pour révéler des aspects très intéressants de la vision fondamentale de Céline et nous fournit donc une clef précieuse pour la compréhension de son oeuvre.
La légende elle-même fait irruption assez abruptement dans Mort à crédit, à chaque fois qu'elle apparaît. Le récit ne se fait nullement de manière suivie : il saute, s'arrête, reprend ; ce n'est pas dans l'intrigue que réside son importance. L'histoire elle-même n'a rien d'extraordinaire : elle ressemble superficiellement à maintes oeuvres médiévales qui décrivent une lutte entre deux adversaires, et pourrait presque passer pour un pastiche des romans épiques. Céline, en parlant de Krogold, le classe parmi ses oeuvres lyriques, ironiques (4), indiquant peut-être que son penchant pour l'humour se fait sentir dans la forme donnée à la légende. Cet humour révèle peut-être un souci de dissimuler l'importance fondamentale du thème de Krogold.
Le fragment le plus important est aussi le premier qui paraît dans Mort à crédit. Introduit dans un chapitre qui débute sur un plan terre à terre, il étonne par son ton élevé, son style lyrique, la profondeur de ses jugements. La lutte entre la réalité et la légende, décrite de manière frappante, font de ce chapitre l'un des plus importants du livre.
Celui qui est élu pour écouter la légende est Gustin Sabayot, homme désabusé, fatigué, un peu charlatan, connard, abruti par les circonstances, le métier, la soif, les soumissions les plus funestes. Ferdinand lui demande : Peux-tu encore, en ce moment, te rétablir en poésie ?... faire un petit bond de cœur et de bide au récit d'une épopée, tragique certes, mais noble, étincelante !... Te crois-tu capables ?... (5) Mais Gustin reste assoupi sur son escabeau, passif, indiquant dès le début qu'il sera incapable du bond qu'on réclame de lui : ce qui fait de la légende un récit prononcé dans le vide, mais qui doit être prononcé quand même.
Le récit commence après une courte introduction, en langage parlé, comme une dernière tentative pour atteindre Gustin, pour l'entraîner vers la légende. Puis, il s'élève soudainement, prenant l'allure d'un conte ; la langue devient littéraire, noble ; le rythme ralentit. Nous sommes en pleine légende. La scène est un champ de bataille : Dans l'ombre montent les râles de l'immense agonie d'une armée. Parmi eux, Gwendor le Magnifique expire, mis à mort par le roi Krogold pour l'avoir trahi. A l'aube, la mort paraît devant Gwendor. Suit le dialogue entre Gwendor et la Mort, qui est d'une importance capitale :
« As-tu compris, Gwendor ?
— J'ai compris, ô Mort ! J'ai compris dès le début de cette journée... J'ai senti dans mon coeur, dans mon bras aussi, dans les yeux de mes amis, dans le pas même de mon cheval, un charme triste qui tenait du sommeil... Mon étoile s'éteignait entre tes mains glacées... Tout se mit à fuir ! Ô Mort ! Grands remords ! Ma honte est immense !... Regarde ce pauvre corps !... Une éternité de silence ne peut l'adoucir !...
— Il n'est point de douceur en ce monde, Gwendor ! rien que de légende ! Tous les royaumes finissent dans un rêve !... »
Le chapitre se termine sur la réaction de Gustin : sa méfiance face à la beauté, son refus de « rajeunir », sa défense contre la légende, ses demandes d'explications. Mais il n'est pas facile de mettre le monde de la poésie sur la table de dissection, sous la lumière crue de tous les jours : C'est fragile comme papillon. Pour un rien ça s'éparpille, ça vous salit. Il vaut mieux ne pas
insister, s'éloigner de ceux qui ne peuvent pas comprendre.
Et cependant, quelque chose pousse l'auteur à continuer son récit. Il se tourne vers nous dans le chapitre suivant, sans grand espoir d'être compris et avec un sourire amer, semble-t-il, pour nous décrire le château du roi Krogold : ... Un formidable monstre au cœur de la forêt, masse tapie, écrasante, taillée dans la roche... pétrie de sentines, crédences bourrelées de frises et de redans... d'autres donjons... Du lointain, de la mer là-bas... les cimes de la forêt ondulent et viennent battre jusqu'aux premières murailles...
Et Gustin a, encore une fois, une réaction négative : Gustin il n'en pouvait plus. Il somnolait... Il roupillait même. Je retourne fermer sa boutique.
Dans ces deux pages de Mort à crédit, Céline réussit à nous donner une synthèse de sa vision fondamentale. Nous reconnaissons d'abord l'opposition foncière entre le domaine de la poésie, de la légende ou du mythe, et celui de la vie quotidienne. Le bond qui projette l'homme, au-dessus, en dehors de cette vie, le moment où il se « rétablit en poésie », est le seul qui puisse le sauver d'un avilissement quasi total. Ici, cette conviction fondamentale nous est présentée de façon pessimiste, car Gustin n'est nullement capable de se rétablir en poésie. Dans son métier de médecin (et, en ceci, il est en quelque sorte le double de Ferdinand, comme Robinson l'était pour Bardamu dans le Voyage), il a été inondé par toute la misère du quartier où il exerçait : Eczémateux, albumineux, sucrés, fétides, trembloteurs, vagineuses, inutiles, les « trop », les « pas assez », les constipés, les enfoirés du repentir, tout le bourbier, le monde en transferts d'assassins, était venu refluer sur sa bouille, cascader devant ses binocles depuis trente ans, soir et matin.
C'est Gwendor le Magnifique qui paraît le premier. Le décor est important. C'est sur un énorme lit de mort, sur un champ de bataille que nous le voyons, agonisant, entouré de blessés qui râlent dans l'ombre. Lentement, le silence se fait, étouffant tour à tour cris et râles, de plus en plus faibles, de plus en plus rares... A l'aube, la Mort paraît. Le dialogue de Gwendor avec elle résume sa propre vie, la vie humaine.
La Mort devient la voix de la lucidité, de l'amère réalité. Elle fait contraste avec la douce mélancolie de Gwendor, avec ses idées romanesques et presque naïves, ses efforts pour trouver des solutions à la misère de la vie et de la mort.
Le roi Krogold, qui paraîtra plus tard dans la légende, impose déjà sa présence dans les premières remarques et dans la description de son château. Nous savons qu'il est brutal, qu'il rend sa terrible justice sans pitié. Son château, comme lui, est un formidable monstre, une masse taillée dans la roche, pleine d'oubliettes, une vraie demeure de bourreau. N'avons-nous pas là déjà l'évocation de tous les domaines monstrueux que Céline va décrire dans ses romans ultérieurs, la fondation de ces châteaux cauchemardesques qui vont s'élever dans ses dernières œuvres ? Et les armes royales, le serpent tranché au cou saignant qui proclame Malheur aux traîtres ! ne flotteront-elles pas à la cime de toutes les forteresses bourrées de cachots qui hantent les dernières œuvres de Céline ? Ici, cependant, Krogold et son château symbolisent, sans plus, tout ce qui est opposé à Gwendor : la cruauté, la victoire, l'autorité établie, la vie impitoyable.
Le côté bourreau du roi Krogold ressort plus clairement dans les autres parties de la légende que nous trouvons à divers endroits de Mort à crédit.
Grâce à lui, les forces bestiales, barbares, l'emportent ; la défaite totale, la subjugaison des victimes, de tous ceux qui ont osé s'opposer à son règne, s'accomplit. Et même dans la légende, l'amère vérité s'impose : le monstre n'est pas vaincu par le héros; la justice ne triomphe pas. C'est là le fond de la pensée de Céline qui se révèle. Il revient toujours à la surface dans ses œuvres.
Et la légende elle-même, domaine de l'imagination et du rêve qui s'incarne en Gwendor, n'est-elle pas aussi menacée que lui ? Pour triompher, les forces de la brutalité doivent rejeter ou détruire celles de la poésie. En effet dans Mort à crédit, la légende devient un danger pour son auteur, car on l'accuse d'avoir débauché le petit André par ce moyen, d'être un révolté dangereux qui sème l'indiscipline à travers les rayons de Monsieur Lavelongue. Il doit donc être châtié comme traître à l'ordre établi. Pour ses proches, il devient le maudit qui, c'est évident, finira sur l'échafaud. Il faut l'éloigner comme un pestiféré.
Ferdinand lui-même, ahuri par les conséquences de ses incursions dans le monde défendu de la poésie, devient peureux et commence à se défendre contre les tentations du rêve, de la légende. Mais il y a toujours danger qu'elles reviennent. Nora, au « Meanwell College », le menace par sa féerie, son sortilège, par des ondes, des magies, et il se défend de toutes ses forces. Le monde poétique agit avec puissance. C'est lui qu'incarne Nora à côté de l'érotique : elle émanait toute l'harmonie, tous ses mouvements étaient exquis... C'était un charme, un mirage... Quand elle passait d'une pièce à l'autre, ça faisait comme un vide dans l'âme.
En fait, Nora ressemble à Wanda la Blonbe, évoquée dans la légende du roi Krogold. Le plus grand danger, cependant, se présente quand l'enchantement de Nora est renforcé par celui des légendes, par l'éblouissement d'un livre de contes anciens. Mais celui qui a été châtié pour avoir autrefois dévoilé son dévouement au monde de la poésie, n'en veut plus souffrir ; et Ferdinand rejette celui-ci de manière féroce, brutale : Je me suis cramponné au gazon... J'en voulais plus, moi, merde ! des histoires J'étais vacciné !...
Je m'en rappelais pas moi des légendes ?... Et de ma connerie? A propos ? Non ? Une fois embarqué dans les habitudes où ça vous promène ?... Alors, qu'on me casse plus les couilles ! Cependant, il est impossible de renoncer à ce monde si puissant (6) ; Ferdinand, adulte, n'est nullement guéri de son penchant d'enfant et raconte toujours sa légende à Gustin. Il nous dit à la deuxième page du roman (qui, chronologiquement, en est la dernière) : J'aime mieux raconter des histoires. J'en raconterai de telles qu'ils reviendront exprès, pour me tuer, des quatre coins du monde. Phrase étrangement prophétique : ce sera, en effet, le destin de Céline poète.
Si la légende du roi Krogold raconte la défaite de Gwendor (le Poétique), si le roman lui-même semble décrire les attaques du monde brutal qui menace, ou les marchés dégradants qu'il faut quelquefois conclure, les dénonciations mêmes qui sont parfois nécessaires (7), Mort à crédit dans sa totalité affirme le rêve, la poésie, la légende. Non que Céline partage, avec Marcel Proust, la conviction que le domaine de l'imagination est tout-puissant. Il est vrai que la légende de Krogold, comme celle de Golo, est une projection magique, mais elle ne peut pas transfigurer la réalité. Elle reste opposée à celle-ci, île de rêve ou de poésie — fragile, facilement salie ou détruite. L'image de Krogold ne peut pas, comme celle de Golo, effectuer la métamorphose du bouton de porte de la réalité. C'est plutôt l'image qui est déchirée, anéantie, si le bouton de la porte est brusquement secoué par une main brutale ou indifférente. En dépit de cela, cependant, le côté légendaire, féerique, poétique revient continuellement dans l'oeuvre de Céline, par des moyens obliques, dans des phrases isolées, des apartés presque...
Et la légende du roi Krogold, même si Céline déplore sa disparition, n'est pas vraiment perdue. Elle ne nous donne pas seulement une clef importante pour Mort à crédit, mais elle se réanime de maintes manières dans toute son oeuvre. Ses thèmes ont des racines tellement profondes dans l'esprit de l'auteur qu'elles ne peuvent que se frayer un chemin dans ses écrits. Nous n'avons qu'à regarder les derniers romans pour voir combien les lignes du roi Krogold, esquissées d'abord de manière assez sommaire, se sont élargies et approfondies : le château de Krogold, dont nous ne voyons que la silhouette dans Mort à crédit, se concrétise pour atteindre toutes ses proportions ahurissantes dans l'immense domaine habité de monstres qu'est Kräntzlin, ou le château cauchemardesque de Siegmaringen où les démons sont des familiers. C'est là aussi que nous retrouvons un Krogold d'autant plus terrible qu'il est devenu femme : Nicha qui règne avec ses dogues et règle l'ouverture des portes de l'enfer. Mais l'autre face de la légende se réaffirme aussi. La beauté, la douceur, l'harmonie, la pitié, la poésie essentielle que nous trouvions chez Gwendor, s'étendent sur des êtres divers: des jeunes filles gracieuses qui passent un instant dans une vie(8) ; de vieilles dames fragiles qui habitent le monde de la poésie, chez lesquelles on ressent une « musique de fond », comme Mme Bonnard (9) ; des animaux qui ont une justesse, une beauté, même dans leur agonie (10), les danseuses finalement, qui s'acheminent vers toute la poésie, l'harmonie possible à l'homme, et à leur tête celle qui en est l'incarnation : Lili, Arlette, Lucette.
Erika OSTROVSKY
Céline et le thème du Roi Krogold, Herne, 1972.
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mardi, 24 janvier 2012
L'insolence des anarchistes de droite
L'insolence des anarchistes de droite

Article de Dominique Venner dans Le Spectacle du Monde de décembre 2011
Ex: http://www.dominiquevenner.fr/
Les anarchistes de droite me semblent la contribution française la plus authentique et la plus talentueuse à une certaine rébellion insolente de l’esprit européen face à la « modernité », autrement dit l’hypocrisie bourgeoise de gauche et de droite. Leur saint patron pourrait être Barbey d’Aurévilly (Les Diaboliques), à moins que ce ne soit Molière (Tartuffe). Caractéristique dominante : en politique, ils n’appartiennent jamais à la droite modérée et honnissent les politiciens défenseurs du portefeuille et de la morale. C’est pourquoi l’on rencontre dans leur cohorte indocile des écrivains que l’on pourrait dire de gauche, comme Marcel Aymé, ou qu’il serait impossible d’étiqueter, comme Jean Anouilh. Ils ont en commun un talent railleur et un goût du panache dont témoignent Antoine Blondin (Monsieur Jadis), Roger Nimier (Le Hussard bleu), Jean Dutourd (Les Taxis de la Marne) ou Jean Cau (Croquis de mémoire). A la façon de Georges Bernanos, ils se sont souvent querellés avec leurs maîtres à penser. On les retrouve encore, hautins, farceurs et féroces, derrière la caméra de Georges Lautner (Les Tontons flingueurs ou Le Professionnel), avec les dialogues de Michel Audiard, qui est à lui seul un archétype.
Deux parmi ces anarchistes de la plume ont dominé en leur temps le roman noir. Sous un régime d’épais conformisme, ils firent de leurs romans sombres ou rigolards les ultimes refuges de la liberté de penser. Ces deux-là ont été dans les années 1980 les pères du nouveau polar français. On les a dit enfants de Mai 68. L’un par la main gauche, l’autre par la main droite. Passant au crible le monde hautement immoral dans lequel il leur fallait vivre, ils ont tiré à vue sur les pantins et parfois même sur leur copains.
À quelques années de distances, tous les deux sont nés un 19 décembre. L’un s’appelait Jean-Patrick Manchette. Il avait commencé comme traducteur de polars américains. Pour l’état civil, l’autre était Alain Fournier, un nom un peu difficile à porter quand on veut faire carrière en littérature. Il choisit donc un pseudonyme qui avait le mérite de la nouveauté : ADG. Ces initiales ne voulaient strictement rien dire, mais elles étaient faciles à mémoriser.
En 1971, sans se connaître, Manchette et son cadet ADG ont publié leur premier roman dans la Série Noire. Ce fut comme une petite révolution. D’emblée, ils venaient de donner un terrible coup de vieux à tout un pan du polar à la française. Fini les truands corses et les durs de Pigalle. Fini le code de l’honneur à la Gabin. Avec eux, le roman noir se projetait dans les tortueux méandres de la nouvelle République. L’un traitait son affaire sur le mode ténébreux, et l’autre dans un registre ironique. Impossible après eux d’écrire comme avant. On dit qu’ils avaient pris des leçons chez Chandler ou Hammett. Mais ils n’avaient surtout pas oublié de lire Céline, Michel Audiard et peut-être aussi Paul Morand. Ecriture sèche, efficace comme une rafale bien expédiée. Plus riche en trouvailles et en calembours chez ADG, plus aride chez Manchette.
Né en 1942, mort en 1996, Jean-Patrick Manchette publia en 1971 L’affaire N’Gustro directement inspirée de l’affaire Ben Barka (opposant marocain enlevé et liquidé en 1965 avec la complicité active du pouvoir et des basses polices). Sa connaissance des milieux gauchistes de sa folle jeunesse accoucha d’un tableau véridique et impitoyable. Féministes freudiennes et nymphos, intellos débiles et militants paumés. Une galerie complète des laissés pour compte de Mai 68, auxquels Manchette ajoutait quelques portraits hilarants de révolutionnaires tropicaux. Le personnage le moins antipathique était le tueur, ancien de l’OAS, qui se foutait complètement des fantasmes de ses complices occasionnels. C’était un cynique plutôt fréquentable, mais il n’était pas de taille face aux grands requins qui tiraient les ficelles. Il fut donc dévoré.
Ce premier roman, comme tous ceux qu’écrivit Manchette, était d’un pessimisme intégral. Il y démontait la mécanique du monde réel. Derrière le décor, régnaient les trois divinités de l’époque : le fric, le sexe et le pouvoir.
Au fil de ses propres polars, ADG montra qu’il était lui aussi un auteur au parfum, appréciant les allusions historiques musclées. Tour cela dans un style bien identifiable, charpenté de calembours, écrivant « ouisquie » comme Jacques Perret, l’auteur inoubliable et provisoirement oublié de Bande à part.
Si l’on ne devait lire d’ADG qu’un seul roman, ce serait Pour venger Pépère (Gallimard), un petit chef d’œuvre. Sous une forme ramassée, la palette adégienne y est la plus gouailleuse. Perfection en tout, scénario rond comme un œuf, ironie décapante, brin de poésie légère, irrespect pour les « valeurs » avariées d’une époque corrompue.
L’histoire est celle d’une magnifique vengeance qui a pour cadre la Touraine, patrie de l’auteur. On y voit Maître Pascal Delcroix, jeune avocat costaud et désargenté, se lancer dans une petite guerre téméraire contre les puissants barons de la politique locale. Hormis sa belle inconscience, il a pour soutien un copain nommé « Machin », journaliste droitier d’origine russe, passablement porté sur la bouteille, et « droit comme un tirebouchon ». On s’initie au passage à la dégustation de quelques crus de Touraine, le petit blanc clair et odorant de Montlouis, ou le Turquant coulant comme velours.
Point de départ, l’assassinat fortuit du grand-père de l’avocat. Un grand-père comme on voudrait tous en avoir, ouvrier retraité et communiste à la mode de 1870, aimant le son du clairon et plus encore la pêche au gardon. Fier et pas dégonflé avec çà, ce qui lui vaut d’être tué par des malfrats dûment protégés. A partir de là on entre dans le vif du sujet, c’est à dire dans le ventre puant d’un système faisandé, face nocturne d’un pays jadis noble et galant, dont une certaine Sophie, blonde et gracieuse jeunes fille, semble comme le dernier jardin ensoleillé. Rien de lugubre pourtant, contrairement aux romans de Manchettes. Au contraire, grâce à une insolence joyeuse et un mépris libérateur.
Au lendemain de sa mort (1er novembre 2004), ADG fit un retour inattendu avec J’ai déjà donné, roman salué par toute la critique. Héritier de quelques siècles de gouaille gauloise, insolente et frondeuse, ADG avait planté entre-temps dans la panse d’une république peu recommandable les banderilles les plus jubilatoires de l’anarchisme de droite.
Notes
Alain Fournier, dit ADG (1947-2004), un pseudonyme choisi à partir des initiales de son tout premier nom de plume, Alain Dreux-Gallou. Une oeuvre jubilatoire plein d ‘irrespect contre les “valeurs” avariées d’une époque corrompue.
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mercredi, 11 janvier 2012
Le Bulletin célinien n°337 - janvier 2012
Le Bulletin célinien n°337 - janvier 2012

- Marc Laudelout : Bloc-notes
- Pierre Assouline : Céline et Hergé
- *** : Anticélinisme primaire
- M. L. : Dans les revues et les livres
- M. L. : Céline dans la presse clandestine
- Noël Arnaud : Boris Vian, le style et Céline
- M. L. : Francis Puyalte, le journalisme et Céline
- M. L. : Le cas François Chalais
- François Chalais : Notes sur Guignol’s band [1944]
- Jean-Pierre Doche : Théâtre (Stanislas de la Tousche)
- Charles-Louis Roseau : Céline ou le génie de l’écriture « à la manière de »
Un numéro de 24 pages, 6 € frais de port inclus.
Abonnement pour l’année 2012 (11 numéros) : 50 €
Le Bulletin célinien
B.P. 70
Gare centrale
BE 1000 Bruxelles
Le Bulletin célinien n°337 - Bloc-notes

Lors de la rentrée solennelle de la Conférence du stage, un jeune avocat, Fabrice Epstein, a prononcé un Plaidoyer pour la publication des pamphlets de Louis-Ferdinand Céline. Quant aux contresens, jugez plutôt : « [Céline] publie — 1937, Bagatelles pour un massacre. Devinez le massacre de qui !? ; 1939, L’École des cadavres. Devinez quels cadavres !? ; 1941, Les Beaux draps. Devinez pour qui il prépare un linceul... ». Avant de rédiger le texte de cette conférence, Me Epstein s’est documenté auprès de son confrère François Gibault et d’Émile Brami. Que ne leur a-t-il demandé la signification de ces titres ! Cela nous aurait épargné ces commentaires tendancieux (2). Je note que c’est aussi grâce à François Gibault qu’il a pu rencontrer Lucette Destouches. Pour la remercier de son accueil, lui a-t-il annoncé que, dans son allocution, il se proposait de gratifier son mari d’épithètes aussi tempérées que « abominable », « génocidaire » ou « répugnant » ? Étrange démarche enfin que celle consistant à plaider pour la réédition des pamphlets et à poursuivre une maison d’édition qui les publie à l’étranger. Motif invoqué ? L’illégalité de cette vente, lesdites rééditions étant faites sans l’aval de la veuve de Céline (3).
Notre robin se révèle ainsi plus catholique que le pape de la Célinie, François Gibault, défenseur des intérêts de Lucette. Le souci des prérogatives de l’ayant droit inspire donc Me Epstein. Encore eût-il pu questionner le manque de cohérence qui consiste à interdire la réédition de trois pamphlets mais à permettre celle de Mea culpa, des lettres aux journaux de l’occupation et de la préface de L’École des cadavres. Paraphrasant le proverbe yiddish placé en exergue de sa plaidoirie, je conclurai en affirmant que si la justice s’attache à poursuivre les écrits d’un auteur mort il y a cinquante ans, elle pourrait aussi mettre en accusation la société – critiques et public – qui les a, pour une grande part, favorablement accueillis à l’époque. Mais n’est-ce pas précisément ce qu’implique ce plaidoyer ? L’originalité de la démarche étant de faire condamner pénalement ces écrits et, dans le même élan, de plaider pour qu’ils soient réédités (4).
Marc LAUDELOUT
Le Bulletin célinien n°337, janvier 2012.
1. Rappelons que la défaite de 1940 fit 60.000 soldats français morts en six semaines de combats.
2. Il serait aussi bien inspiré de réviser ses connaissances historiques. Ainsi il écrit que Céline « est pressenti pour diriger l’Institut des Questions juives… mais, pas de chance, ce sera Darquier de Pellepoix » ? Soit deux erreurs en une phrase. Pour la première affirmation, Epstein aurait dû consulter le tome 2 de la biographie de son confrère Gibault (p. 257) ; quant à la seconde, tous ceux qui s’intéressent à cette période ne confondent évidemment pas IEQJ (Institut d’Étude des Questions juives) et CGQJ (Commissariat général aux questions juives). Lorsqu’on veut traiter d’un sujet, il importe de bien le connaître. Coïncidence amusante (qu’ignore sans doute Me Epstein) à propos de cette époque : son cabinet, rue des Pyramides, est voisin de l’immeuble qui fut le siège du PPF (!).
3. Réédition d’autant plus scandaleuse que, horresco referens, elle s’accompagne, pour l’un de ces textes, d’un « commentaire critique de Robert Brasillach », comme le souligne le conférencier. Si l’on ajoute que ces livres sont édités au Paraguay, ancien refuge de nazis en fuite, cette initiative devient, on le comprend, intolérable.
4. Considérant cette allocution comme « la plus importante de cette année célinienne surchargée », Henri Thyssens, lui, a tenu à « saluer ce jeune avocat qui a eu le courage de briser le silence (…) qui entoure l’œuvre de Céline ». La teneur de ce discours est-elle de nature à compromettre sa carrière naissante ? Chacun jugera…
(texte disponible sur www.lepetitcelinien.com)
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vendredi, 30 décembre 2011
Céline contre le Spectacle
Céline contre le Spectacle par Stéphane Zagdanski

Dès l’adolescence, Céline se montre angoissé par la mort – ce qui est commun –, et soucieux de ne pas noyer cette angoisse sous la parlotte – ce qui l’est moins. À quinze ans, étudiant en Angleterre tandis que sa tante Joséphine agonise, il écrit à ses parents : « Aussitôt que l'échéance finale sera arrivée, écris-moi un mot ou envoie-moi un télégramme. “Mort” suffit. En un mot, puisque tout espoir est perdu… »
« “Mort” suffit » ! Cette idée qu’en bavardant on masque la fatalité qui, en coulisses, fait de toute vie une « mort à crédit », Céline n’y renoncera jamais. C’est à partir d’elle qu’il fomentera son acerbe critique sociale, virulemment anarchiste, d’une perspicacité à toute épreuve tant que la paranoïa antisémite ne s’en mêle pas. Cette lucidité en fera un des rares précurseurs de la critique du Spectacle que Debord, par d’autres biais et selon un tout autre système de références, a poussée à son comble.
Les lecteurs de Voyage au bout de la nuit se souviennent de la déclaration de foi anarchiste de Bardamu qui ouvre le roman. Mais a-t-on remarqué que l’intervention primordiale d’Arthur Ganate est frappée au sceau du pessimisme le plus froid concernant la propagande du progrès : « Siècle de vitesse ! qu’ils disent. Où çà ? Grands changements ! qu’ils racontent. Comment çà ? Rien n’est changé en vérité. Ils continuent à s’admirer et c’est tout. » Tout Céline est déjà là, qui critiquera dans les années 50 la télévision, la radio et la publicité comme machines à abrutir en flattant la vanité humaine des « perruchelets paoniformes ».
La guerre de 14, bien sûr, appose un poinçon de sang au pessimisme substantiel de Céline. Il a, comme il l’écrit dans Voyage, « l’imagination de la mort », les autres non. Ce qui signifie qu’il ne se paye pas de mots, les autres si. À Joseph Garcin, qui a connu comme lui cet « enfer dont il ne faudrait pas revenir », il écrira le 1er septembre 1929 : « Vous avez saisi l'essentiel, le reste n'est que fatras de mots sans portée... ».
Dès 1916, dans une lettre à son père où il raconte avoir lu tous les journaux parus en France, il témoigne de son incroyance radicale en toute propagande, remarquant comme le mensonge s’appuie sur un certain style faisandé qu’il passera sa vie à vitupérer : L’« éloge pompeux de réformes qui s'imposent », s’accompagne « de phrases cascadeuses, ridicules de rhétorique empanachée ». Et 40 ans avant le « Ne travaillez jamais » de Debord, Céline avoue : « On prétend que le travail anoblit, je prétends qu'il avilit. »
En 1914, Céline n’a pas seulement côtoyé et étudié la mort, il a vu la déliquescence de toutes les vanités ; les hommes se sont révélés à lui comme autant d’écorchés de l’âme dans leurs petitesses sans fard. C’est aussi à cette déchéance, si peu conforme au mythe de l’Empire colonial, qu’il assistera en Afrique après la guerre, dont il rend également compte dans Voyage. « Sur la Meuse et dans le Nord et au Cameroun », écrit-il à Garcin en 1933, « j'ai bien vu cet effilochage atroce, gens et bêtes et lois et principes, tout au limon, un énorme enlisement… ». La même année, à son ami Élie Faure qui tente de le convaincre du bien-fondé du socialisme, Céline énonce le principe de son inconvertibilité idéologique, de ce qu’il nommera plus tard, concernant son anarchisme, sa « boussole personnelle, indéréglable » : « Crever pour le peuple oui – quand on voudra – où on voudra, mais pas pour cette tourbe haineuse, mesquine, pluridivisée, inconsciente, vaine, patriotarde alcoolique et fainéante mentalement jusqu'au délire. » C’est l’époque où Céline admire encore Bergson et Freud, dont le pessimisme structurel l’influence grandement. Céline écrit en 1933 à Albert Thibaudet : « L'énorme école freudienne est passée inaperçue. Toute la haine raciale n'est qu'un truc à élections. Le tourment esthétique n'est même pas murmurable. » Il demande à son amie juive viennoise Cillie Ambord de lui traduire Trauer und Melancholie, et lui écrit juste après l’accession d’Hitler au pouvoir : « Je suis bien content de vous savoir pour le moment en sécurité mais la folie hitler va finir par dominer l'Europe pendant des siècles encore. Mr Freud n'y peut rien. » Et en bon freudien, Céline se doute que nazisme et fascisme prospèrent sur la servitude volontaire : « Ici », écrit-il à Garcin le 15 février 1934, « c'est l'hystérie collective, voilà le fascisme en route, on attend l'homme à poigne avec ou sans moustaches. Les Français sont masochistes. Progrès ? où quand ? je ne vois qu'une vieille nation ratatinée. »
Ce qui caractérise la lucidité de Céline, c’est qu’il ne choisit aucun camp. Ni le socialisme ni le fascisme, ni l’URSS ni l’Amérique. Écoeuré par l’humain en soi, il rédige en 1934 Mea Culpa, un premier pamphlet, avant Bagatelles, qui reste un chef-d’oeuvre de clairvoyance concernant la servitude volontaire, une déclaration de guerre à toutes les utopies, tous les optimismes : « Il faudrait buter les flatteurs, c'est ça le grand opium du peuple... L'Homme il est humain à peu près autant que la poule vole. Quand elle prend un coup dur dans le pot, quand une auto la fait valser, elle s'enlève bien jusqu'au toit, mais elle repique tout de suite dans la bourbe, rebecqueter la fiente. C'est sa nature, son ambition. Pour nous, dans la société, c'est exactement du même. »
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jeudi, 29 décembre 2011
Abécédaire « Céline »

Florilège passionné consacré à un auteur admiré. Les éditions Plon ont lancé avec succès, depuis de nombreuses années, la collection des Dictionnaires Amoureux et je rends hommage à cette initiative foisonnante. En cette fin d’année du cinquantenaire de la mort de Céline, que notre « courageux » Ministre de la Culture a refusé de célébrer (et pourtant l’ancien auteur d’Une Mauvaise Vie a rencontré aussi, plus modestement certes, avec sa plume, un cortège d’indignation…), je souhaitais rendre une inclination personnelle à mon auteur de prédilection, dont je connais et mesure en permanence les écarts insupportables inscrits dans les pamphlets de 1937/1942, mais qui occupe, pour moi et à jamais, une place éminente dans les Lettres Françaises assortie d’un itinéraire tellement hors norme que l’on ne peut approcher son œuvre et sa vie dans la simplification ou le jugement hâtif…
A
Lucette Almanzor : Le 20 juillet 2012, cette Grande Dame, atteindra son centenaire. Danseuse et chorégraphe, elle a accompagné Céline dans l’Allemagne en flamme et en son exil forcé au Danemark. Elle a épousé Céline en 1943 et elle l’a accompagné jusqu’à sa mort avec tendresse, bienveillance et acuité. Elle est la légatrice pugnace des oeuvres de Céline et elle a toujours défendu avec constance et autorité la mémoire du Reclus de Meudon et elle en a été aussi la Muse Inspirée, car le personnage de Lili, de la trilogie Allemande (D’un Château L’autre, Nord et Rigodon), pose en permanence son charme de pas chassé…
Respect absolu à Lucette et si les « 8 plumes » ont du mal à se retrouver en déplacement, rendre visite à Lucette à Meudon serait une initiative exceptionnelle !
Arletty : La « conscrite » de Courbevoie, née comme Céline en fin de dix-neuvième siècle, a aussi vécu « une fin d’Occupation » compliquée avec la justice de son pays : « Je ne suis pas très résistante et si mon coeur est à la France, mon cul est à moi ! » dira t-elle…Elle est toujours restée fidèle à la fougue et à l’indépendance de Céline et Henri Godard, dans sa biographie de 2011, a exhumé une jolie photographie où l’on découvre Céline, Arletty et Michel Simon, en joie, assistant aux répétitions des élèves de Lucette.
Marcel Aymé : Un homme de Montmartre fidèle à Céline, par intermittences certes, mais qui a reconnu son génie et son élan et qui rendait visite régulièrement à l’écrivain en ses dernières années, cela ne s’oublie pas. Relire Uranus nous rapproche de la Trilogie Allemande Célinienne.
B
Bardamu : Personnage central et flamboyant, quasi épique, de Voyage au bout de la Nuit, qui reste dans les mémoires de manière intacte et permanente et qui doit beaucoup, dans ses élans et doutes à Céline lui-même…
Bébert : chat emblématique de Céline et personnage à part entière de la Trilogie Allemande, que je recommande à Véronique (des 8 plumes), amoureuse également des câlins félins ; la tendresse de Lucette, qui recherche prioritairement à nourrir Bébert en Allemagne du Nord sous les bombes infernales, ne pourra laisser insensible notre organisatrice dynamique et structurante du blog.
Bulletin Célinien : Depuis trente ans, sans relâche et avec une passion continue alliée à une érudition méritoire et inlassable, le Bulletin Célinien et son Directeur : Marc Laudelout, à Bruxelles, analyse, décortique et modernise la connaissance de Céline. Abonnez-vous au Bulletin Célinien pour 11 numéros par an (50 euros au total) et vous réaliserez un investissement culturel intelligent pour Noël…
C
Elizabeth Craig : Danseuse, dédicataire de Voyage au bout de la nuit et passion enflammée de l’écrivain, qui a tenté de la retrouver aux Etats-Unis : exprimer un Amour aussi puissant pour le désenchanté misanthrope qu’est Céline signifie qu’Elizabeth se voyait vraiment inspirante et attendue…
D
Destouches : Louis Destouches, état civil réel de Céline, et que l’on retrouve dans les Carnets Intimes du Soldat Destouches, magnifiquement illustrés par Tardi (remarquable connaisseur de Céline), qui contribuent à dévoiler précisément et directement les désespoirs, détresses et douleurs du combattant poilu du front de 14. Céline a été gravement blessé en 1914, lors d’une mission pour laquelle il était volontaire et à 20 ans, sa vie sera fracturée à jamais. Qui ne comprend pas le drame de 14 ne peut lire et cerner les itinéraires Céliniens…
E
Essai médical (avec spéciale dédicace à Benoît, notre médecin littérateur des 8 plumes, qui apprécie Céline et qui a consacré une chronique percutante sur l’hommage rendu par Bukowski à Céline, ouvrage que j’ai eu plaisir à découvrir, merci à lui)…
Céline a consacré sa thèse de médecine, qu’il a préparée par la voie spéciale réservée aux anciens combattants, à Philippe Ignace Semmelweis, pionnier des médecins hygiénistes et qui a beaucoup influencé la construction future de la médecine du travail. Céline s’est toujours tenu à une morale rigoureuse sans alcool, sans tabac et sans café, considérant que l’ouvrier Français trouvait, avec le débit de boisson, un allié du patronat et il reprenait ainsi les théories de syndicalistes de l’époque (comme Jules Durand, le Havrais célèbre tombé dans la démence après avoir voulu freiner l’expansion des cafetiers…) pour lesquels les débits de boisson représentaient « l’Assommoir du Peuple », selon la formule de Zola…
F
Flaubert n’a jamais été à proprement parler un modèle pour Céline, mais il admirait sa volonté de création stylistique et de perfection. Il lui rend cependant hommage en déclarant qu’il a voulu, avec ses livres, « créer une petite musique reconnaissable et différente » ; pour qui lit et s’enivre de Céline, cette « musique là » se repère aisément.
Hervé, des 8 plumes, écrit avec un style pénétrant et riche et il ne tient qu’à lui (mais je suis certain que cela se concrétisera) de mettre en scène ce talent et que de futurs lecteurs apprécient sa veine inspirée…
G
Gaston Gallimard : un double G à l’époque du triple A : plus prosaïquement, les « engueulades et insultes » de Céline à Gaston participent de l’histoire littéraire. On y retrouve, au milieu d’injures trouvailles (qui ont inspiré selon les dernières réflexions Hergé pour les jurons d’un célèbre capitaine…), une affection sincère de Céline pour son deuxième éditeur (le Voyage avait été refusé par Gallimard puis fut édité par Denoël…) et une récompense réelle, reconnue par Céline, pour faire partie du cortège des auteurs à la couverture nrf.
Henri Godard, biographe accompli de Céline, accompagnateur investi des éditions des oeuvres complètes de Céline dans la Pléiade et surtout organisateur de la Correspondance intense de l’auteur, en cette même collection, qui constitue une référence de l’histoire littéraire et de l’histoire Européenne de la première moitié du XXème siècle. Surtout Henri Godard sait apprécier et admirer Céline sans oublier son parcours antisémite, et il donne des arguments fiables pour scinder le génie littéraire du parcours contestable, parfois même insoutenable, de l’auteur.
H
Milton Hindus : Américain, admirateur de Céline, qui va correspondre avec lui et le rencontrer en son exil au Danemark. Rencontrer un lecteur, juif de surcroît, représente pour Céline une forme de réhabilitation…La rencontre au Danemark se déroule cependant difficilement et le caractère d’imprécateur et entier de Céline n’aide pas à la confrontation, et, la découverte par Milton Hindus des pamphlets a certainement contribué à refroidir une affection naissante qui restera balbutiante… Milton Hindus a publié en 1950 un livre appelé « The Crippled Giant », traduit en France en 1951, sous le titre insipide de « Céline tel que je l’ai vu » aux éditions de l’Herne, par ailleurs éditeur de deux albums Céline admirables, que je vous recommande. « Cripple » se traduit en Français par handicapé, boiteux, infirme, rhumatisant, paralysé, et au sens propre comme en ironie, on imagine donc que l’image laissée ne fut pas celle que l’admirateur avait en perspective…
I
Erika Irrgang : Etudiante allemande que Céline a rencontrée en 1932, avant sa consécration littéraire due au « Voyage ». Comme Céline, Erika a connu la misère et a décidé d’en sortir à tous prix. Chez elle, selon Henri Godard, « le génie est une combinaison de folie et de roublardise » et pour Céline, il faut du vice, « de la roublardise », pour se libérer du romantisme… Autant dire que les rapports entre eux ont été simples, physiques, directs, mais Céline correspondra avec elle, sur une longue période, pour qu’elle conserve la maîtrise de son corps et il la pousse par exemple à utiliser le sexe « comme une arme et non comme un asservissement ». Céline devient hygiéniste, même en l’intimité…
J
Karen Marie Jensen : Danseuse de music-hall (ah les danseuses et Céline, cela mérite un chapitre à part où l’on partirait du plaisir magnifié des sens en mouvement pour aussi tomber, par instants, dans le fétichisme voyeur…), qui rencontre Céline au moment où sa carrière littéraire se construit et qui conservera avec lui des liens importants, notamment pour ses opérations de dépôt d’économies dans un coffre de banque à Copenhague, ce qui permet de cerner aussi les raisons personnelles qui ont conduit Céline, non sans courage dans les ruines Allemandes, à choisir le Danemark comme pays d’exil.
Ernst Jünger : Il faut lire les journaux de guerre d’Ernst Jünger parus dans la Pléiade, indispensables pour comprendre les relations franco-allemandes déchirées puis cicatrisées et devenues « référentes Européennes » au XXème siècle. Mais les deux hommes, anciens combattants de 14, ne se sont pas appréciés et Jünger, bien élevé, ne pouvait admettre les excès et les décalages incessants de Céline. Et pourtant ces deux là écrivent dans la même veine : celle du pessimisme sur le genre humain mais aussi sur la lucidité d’ouvrir en permanence des lueurs d’espoir. Je ne sais si Yves, des 8 plumes, a déjà lu Ernst Jünger, mais comme j’apprécie fortement ses chroniques toujours inventives et avides de nous faire découvrir de nouveaux talents, je recherche modestement ici à l’imiter…
K
Milan Kundera : L’auteur a proposé une définition de la sagesse dans le roman : « il y a dans l’essence de la fiction quelque chose qui empêche le romancier de réduire un personnage, sitôt qu’il prend quelque importance, à la caricature que ses préjugés lui en feraient faire dans un autre cadre ». Il n’y a pas de plus belle définition inspirante pour caractériser le romancier Céline.
L
Marc Laudelout : J’ai conversé par courriels avec cet homme de référence et que j’estime fortement, inlassable chercheur et découvreur de nouvelles réflexions et archives exhumées sur Céline ; son bulletin constitue une mine d’informations indispensable pour tout amateur éclairé.
Robert Le Vigan dit La Vigue : Acteur reconnu dans les Années Trente, il a, comme Céline, choisi des engagements contestables et il va traverser avec l’auteur, Lili et Bébert, l’Allemagne en flamme, dès 1944, et s’intégrer comme un personnage illustre et décalé dans la Trilogie Allemande. Dans Rigodon, on apprend que La Vigue s’isole et recherche la fuite individuelle plutôt que la solidarité avec le couple Destouches et Céline regrette et fustige cette fuite, son style ici devient sang… Mais l’affection perdurera… Le Vigan s’exilera en Argentine et sera appuyé financièrement par Arletty et Jean-Louis Barrault jusqu’à la fin de ses jours.
André Lwoff : Prix Nobel de Médecine avec Jacob et Monod, grand admirateur de Céline, qui a cependant reconnu que la thèse de médecine de l’écrivain comportait des insuffisances de rigueur biologique. Quand il entend le souffle sulfureux de Bagatelles pour un Massacre, où Céline établit de pseudo statistiques nauséabondes sur le nombre comparé de morts juifs et non juifs dans la guerre de 1914, cette absence de rigueur lui reviendra comme une lancinante habitude…
M
Curzio Malaparte : L’auteur de Kaputt, admirateur de Céline, que je relis en ce moment et que je chroniquerai en janvier, a décidé de mettre une partie de ses droits d’auteur à Céline, qu’il savait en difficulté financière lors de son emprisonnement au Danemark en 1946. Céline s’est dit touché par « ce geste chaleureux et fraternel » : ces moments là ne s’oublient pas.
Thorvald Mikkelsen : Avocat de Céline au Danemark : Céline lui doit sa non extradition en la France déchaînée par les excès de l’épuration, de 1945, où il aurait pu connaître le peloton d’exécution pour « intelligence avec l’ennemi » (ce qui est historiquement faux car Céline a toujours agi seul et sans aucun relais et il avait en haine tenace le genre humain en général, refusant avec excès souvent toute compromission). Mikkelsen lui a permis d’utiliser sa maison du Danemark du Jütland pour passer, après une année d’emprisonnement, un exil difficile et douloureux, mais bienveillant et surtout porteur de renouveau littéraire puisque germera en cette période les prémisses de la Trilogie Allemande.
N
Marc-Edouard Nabe : Un grand écrivain, d’abord et définitivement. Un admirateur de Céline inspiré, cultivé et profond. Un indépendant qui s’autoédite et dont on peut acheter les livres par internet ou dans des magasins alimentaires autour de son quartier Parisien, et un tel courage dans la réalité économique contemporaine force le respect. Un livre écrit en hommage à Lucette, affectif et reconnaissant. Un livre, pour moi le meilleur livre lu l’an dernier, et qui a été finaliste du Renaudot, L’homme qui arrêta d’écrire. Il n’aimerait pas les comparaisons mais son indépendance farouche, son parcours jugé souvent sulfureux, ses passions, son érudition, sa volonté permanente de tout sacrifier au style constituent pour moi des références Céliniennes majeures que je ne peux qu’admirer. Et en plus « bon sang ne saurait mentir », il vient filialement du grand jazz…Alors cet homme, je ne peux que l’aimer !
Roger Nimier : « Cavalier de deuxième classe Nimier », c’est ainsi qu’il se présentait à Céline, qu’il appelait le “Maréchal des Logis Destouches” : Roger Nimier, jeune auteur prometteur et de talent, contribuera fortement à réinsérer Céline dans l’actualité littéraire et surtout à crédibiliser son retour en France, alors que la critique le fustigeait et ne voyait en lui que l’auteur égaré des Pamphlets. Quand je relis Nimier, je retrouve la qualité corrosive et l’éclat dynamique et fougueux de la prose de Caroline, à qui j’adresse les pensées affectueuses d’un certain ex nommé Frédéric…
O
Jacques Offenbach : Céline ouvre pleinement ses sens à la chorégraphie, d’abord, puis à la musique ensuite. Il a passé son enfance passage Choiseul, quartier commerçant puis surtout quartier des théâtres lyriques. Précisément le théâtre des Bouffes Parisiens d’Offenbach dégage une entrée des artistes qui ouvre sur le passage même ; on peut donc imaginer que les rencontres fugaces et éphémères avec les danseurs et musiciens ont pu creuser l’inspiration de l’écrivain.
P
Gen Paul : Peintre Montmartrois, grand ami de Céline, qui même après sa rupture consommée avec l’artiste lui conservera toute sa vie une indéfectible fraternité. Ils ont fait ensemble les quatre cents coups et leur invitation à l’Ambassade d’Allemagne, en pleine Occupation, où Gen Paul va caricaturer Hitler est restée dans les annales. Gen Paul sera rebaptisé Jules dans le roman de Céline, Féerie (merci de dire Féerie et non Féérie comme cela est souvent employé à tort, féerie vient de fée…) et la figure négative donnée au personnage est apparue comme un acte d’hostilité. Devenir l’ami de Céline se méritait mais cette amitié ouvrait les portes au foisonnement culturel et à une ambiance inimitable ; la conserver nécessitait un soutien inébranlable, total et absolu (qui a dit manipulatoire ?…) Marie-Florence associe à la qualité de chroniques inspirées, le sens permanent de l’image : quand il y aura une rétrospective Gen Paul sur Montmartre, je suis certain qu’elle pourra suggérer en touches appropriées les soubresauts du Paris des Années Trente.
Evelyne Pollet : Lectrice avide et assidue du Voyage, elle entretient une correspondance émue avec l’auteur. Ils finissent par se rencontrer et comme le décrit Céline très directement « en vingt minutes il fut décidé que la jalousie était un sentiment honteux et l’amour un mythe, je la portais sur le lit et nous fûmes unis… ». Evelyne habitait à Anvers et ils visitent ensemble les musées de la Ville ; Céline est fasciné par les « Dulle Griet », les « figurations des violences de la guerre » de Bruegel, si vous me permettez cette traduction personnelle du néerlandais, et du coup il s’enflamme (sa grand-mère paternelle était originaire du Nord) : « Flamand par mon père et Brughelien par instinct, j’aurais du mal à ne pas délirer entièrement du côté du Nord… ».
Marcel Proust : Marc-Edouard Nabe admire Céline et Proust. Humblement je suis passionné de Céline, je n’ai pas encore la connaissance assouvie de Proust. Céline ne cachait pas son intérêt pour le Grand Marcel mais il a toujours pris soin de ne s’inféoder à personne. En exil au Danemark, il cite cependant l’auteur du Temps Retrouvé : « dure est la loi inévitable qui veut que l’on ne puisse s’imaginer que ce qui est absent ».
Pamphlets : Il n’est pas possible de parler de Céline sans avoir en permanence le reflet des pamphlets. J’ai déjà dit dans une chronique en octobre dernier, en notre cher blog, que je souhaitais enfin que l’on puisse parler de Céline sans se voir en permanence jugé « douteux » ou « intolérant ». J’écris souvent sur le sujet et cet abécédaire n’intègre que des fragments de réflexion… Il reste que les trois pamphlets chronologiquement écrits : Bagatelles pour un massacre ; L’école des cadavres et Les beaux draps, entre 1937 et 1942, constituent des îlots de racisme et des textes proches des publicistes anti-juifs de l’entre deux guerres. Si l’on se gardera d’un jugement définitif, car nous n’avons pas vécu la période, et que l’on considèrera certes que l’antisémitisme constituait une opinion alerte et récurrente en cette époque, je ne peux pas, nous ne pouvons pas, cautionner les atmosphères haineuses, assombries en permanence, délirantes souvent de ces brûlots où l’on trouve encore parfois des veines et flambées enivrantes d’écriture mais au service d’un « romantisme d’assainissement » comme disait Lucien Combelle, écrivain collaborationniste, dans cette expression terrifiante qui a développé toutes les douleurs de la shoah… Oui Céline a été antisémite et l’est certainement resté. Non il n’a jamais été milicien et n’a jamais participé aux compromissions abjectes des dénonciations. Est-ce suffisant pour l’exonérer, certes pas. Les pamphlets devront être un jour réédités au travers d’une édition de mise en perspective historique ; aujourd’hui ils sont trouvables sur les sites internet des groupuscules fascisants et cette exploitation se voit intolérable. J’ai acheté chez un bouquiniste Lyonnais en 2003 une édition originale de Bagatelles pour un massacre (pardon à mon épouse qui m’en a voulu un certain temps…) et cela fut une épreuve douloureuse : le livre associe méchanceté, approximations et haine directe. C’est en ce sens que le cinquantenaire de la mort de Céline aurait pu contribuer à une analyse sans faiblesse mais apaisée. Pour aller plus loin (vous connaissez ma marque de fabrique) sur ce sujet, je vous recommande vivement le livre d’André Derval : Accueil critique de Bagatelles pour un massacre, que l’on se procurer auprès du Bulletin Célinien à Bruxelles, remarquable synthèse critique sur la perception du livre en 1938 et qui nous permet de saisir les ambiances de l’époque sur l’antisémitisme très/trop facilement assimilé à une opinion comme une autre (réalité à méditer de nos jours où certains propos sont trop patiemment entretenus et où l’on ne fustige plus certains dérapages…).
Points de suspension : Vous l’avez remarqué, je vénère les points de suspension qui laissent le lecteur imaginer la suite et la fin et permettent de placer le débat en ouverture perpétuelle. Céline use et abuse des points de suspension jusqu’à déraciner le style classique, mais tout cela était voulu : il fallait désacraliser le style pour imposer « une nouvelle petite musique »… Et cette musique se savoure avec acuité et sensibilité, à l’image des chroniques de Cécile, toujours touchantes et pétries de tendresse.
Q
Raymond Queneau : Un des rares auteurs à avoir écrit dans les années cinquante, à une époque où il était de bon ton de dénigrer Céline, ce soutien apprécié : « malgré les difficultés de la vie publique et privée, Céline a continué son œuvre avec Féerie pour une autre fois, où l’on retrouve l’incontestable vigueur d’expression de ses premiers livres ».
R
Ludwig Rajchman : Directeur de la Section d’hygiène de la Société des Nations à Genève (l’ancêtre de l’ONU créé par le Traité de Versailles), c’est à lui que Céline doit une nomination dans une Institution Internationale qui lui permettra de parcourir le Monde et notamment de pénétrer les Etats-Unis (oh les pages sur les USA dans le Voyage, que de merveilles…). Il rapportera à son mentor et responsable des chroniques avisées sur les insuffisances ou éléments intéressants concernant la médecine préventive au travail et surtout sur la nécessité d’intégrer l’hygiène en permanence dans l’acte de travail pour prévenir épidémies et pandémies. De Rajchman, Céline a dit « il m’aimait comme un fils et il m’a fait voyager ». Comparaison n’est pas raison et même si la vie a créé des éloignements, Rajchman (de confession juive) n’a jamais renié son protégé et son fils spirituel a toujours été reconnaissant de son enseignement. Qui a dit que Céline était complexe et difficile à suivre ?
S
Jean-Paul Sartre dit « l’Agité du bocal » : J’ai passé le Bac Français en 1980, l’année de la mort de Sartre et l’année où tous les professeurs post soixante huitards vénéraient les réflexions de l’homme qui a soi-disant créé l’existentialisme, dont j’ai toujours eu du mal à cerner le sens, mais je suis certain qu’Hervé va m’apporter son éclairage. J’ai apprécié, quoique modestement, les romans de Sartre, notamment Les Mains sales, mais je n’ai jamais adhéré aux positions du philosophe ni apprécié ses engagements. Il s’est trompé en permanence et notamment sur le génocide Cambodgien (erreur la plus grave, même si la fin de sa vie l’a vu renouer avec la générosité d’accueil des « Boat People »), sur le terrorisme de la Bande à Baader, sur les dictatures communistes à qui il rendait visite avec enthousiasme… Mais je n’ai pas à juger le parcours de l’homme, sinon je ne serai pas cohérent avec ma position sur Céline. Ceci dit, Sartre va insulter Céline, en 1945, en considérant que les pamphlets ont été écrits par vénalité, par soucis de plaire aux Occupants et même pour se faire « payer » par eux… Ces âneries monumentales, qui ne résistent pas à l’examen d’un Céline toujours en refus de compromission et anticonformiste, valurent à Sartre une réponse cinglante de Céline intitulée : « à l’agité du bocal »… J’attends la position du Ministère de la Culture pour le cinquantenaire de la mort de Sartre…
T
Jean-Louis Tixier-Vignancour : Avocat au charisme reconnu et accompagnateur de la France Nationaliste, pleurant les Colonies perdues : il a été l’avocat des anciens de l’OAS et de l’Algérie Française, compagnon de route et mentor du naissant Jean-Marie Le Pen… Un pedigree d’avocat qui n’aide pas à rendre Céline sympathique qui l’a choisi comme défenseur… Céline, en fait, ne connaissait pas l’avocat, en son exil au Danemark, mais il lui doit le génie de l’illusion : Tixier a fait signer par le Ministre de la Justice une décision d’amnistie pour faits « d’indignité nationale » (cf. écriture des pamphlets) du fait de services rendus à la nation pour engagement lors du premier conflit mondial d’un certain Monsieur Louis Destouches, sans aucunement faire référence à Céline… Et voilà comment Céline a pu revenir en France, amnistié…
U
Général d’Urbal : Chef de section de Céline lors des premiers engagements de 14 et symbole du militaire généreux avec ses hommes et partageant leurs souffrances : une espèce rare pour Céline, farouchement devenu antimilitariste et qui – je l’ai déjà dit en octobre – préférait « tout sauf la guerre », ce fameux « tout » qui a bouleversé ses engagements…
V
Voyage au bout de Céline : Lisez ou relisez le Voyage mais lancez-vous dans la conquête de la Trilogie Allemande et notamment de Nord, pour moi le meilleur livre existant dans la littérature française du XXème siècle, plongez-vous dans la noirceur magnifiée et dans les délires ou élucubrations des personnages de Mort à Crédit et passez un moment bref comme intense en compagnie de la détresse des poilus avec Casse-Pipe.
W
Horace Walpole : Citation de cet auteur, un peu méconnu de nos jours (il me fallait bien trouver un « W », déjà que je n’ai pas trouvé de « X »…) : « le monde est une comédie pour ceux qui pensent et une tragédie pour ceux qui sentent ». Céline a toujours préféré sentir que penser et ses romans s’écrivent avec la présence de l’odeur du vécu et du sang et des larmes parcourus par l’âme humaine…
Y
Entretiens avec le Professeur Y : Petit opuscule plein de malice et de décalage de Céline, paru en Folio, et magnifié par un récent livre de Philippe Sollers.
Z
Antonio Zuloaga : Intime de Céline et membre de la fameuse bande de l’entre deux guerres, dite bande de Montmartre, avec Gen Paul et Céline en fers de lance.
Merci pour votre patience et merci pour votre écoute, en cette dédicace à l’adresse de mon écrivain de référence. Merci à Laurent Martinet de l’Express de considérer cette chronique comme décalée de nos obligations du respect des 2000 caractères…
Eric
http://blogs.lexpress.fr/les-8-plumes/, 13 décembre 2011.
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mercredi, 28 décembre 2011
Vient de paraître : Mea Culpa

Commande auprès de l'éditeur :
Tél. 05 45 31 71 56
du.lerot@wanadoofr
Du Lérot, éditeur
Les Usines Réunies
16140 Tusson
www.editionsdulerot.fr
Dans ce volume, tous les ajouts sont présentés à la place qu'ils occupent dans le texte définitif (une série de cinq folios isolés qui constituent en réalité non un ajout mais une variante est donnée en Appendice). Folio après folio, le fac-similé est accompagné en regard de sa transcription en haut de page et du passage correspondant du texte final en pied de page.
Dans son écriture, Céline procède toujours par additions, expansions et approfondissements. Aux diverses étapes, il s'emploie à nourrir le texte initial. Ses formules les plus fortes ou les plus drôles viennent souvent dans une reprise ultérieure. Ses ajouts sont des développements. Quand on a l'occasion de les isoler, ils mettent en évidence les idées auxquelles il tient le plus.
L'étude des états successifs intéresse d'autant plus ici qu'il s'agit de Mea culpa, texte capital qui fait le point sur l'anthropologie et la philosophie céliniennes à un moment critique de l'évolution de Céline. Celui-ci part des constats qu'il vient de faire en U.R.S.S., où la fin de l'exploitation capitaliste lui semble n'avoir pas plus amélioré les hommes que leur condition matérielle. Il en tire sur la nature humaine des conclusions dont la sévérité est celle des Pères de l'Église, auxquels il se réfère d'ailleurs explicitement. Ce credo très sombre, et même virulent, ne fait encore place à l'antisémitisme que sous la forme d'une brève mention (« Pourvu qu'on se sente un peu juif ça devient une "assurance-vie " »), dont l'effet est par la suite amoindri par une autre en sens contraire : « On deviendra "totalitaires". Avec les juif, sans les juifs. Tout ça n'a pas d'importance. » En revanche, ce pessimisme affiché n'exclut pas l'affirmation d'une « quatrième dimension » de l'existence humaine, celle du « sentiment fraternel ».
Ce premier pamphlet est bien différent de ceux qui le suivront. On est encore loin de Bagatelles pour un massacre, qui sera écrit peu après. Ce livre furieux n'est annoncé ici que de biais, en premier lieu par une allusion à la déception qu'a été pour Céline l'accueil médiocre fait à Mort à crédit (« Tout créateur au premier mot se trouve à présent écrasé de haines, concassé, vaporisé ») : le redoublement de cette déception avec le refus de ses ballets sera quelques mois plus tard l'étincelle qui mettra le feu aux poudres. Céline, d'autre part, avait encore beaucoup à dire sur l'U.R.S.S., on le pressent dans un ajout concernant les hôpitaux de Leningrad. Pour le reste, ce condensé de la vision célinienne de l'homme, en mal comme en bien, est une pièce essentielle du puzzle, que l'on peine parfois à assembler, de la figure dessinée par l'œuvre de Céline.
Henri GODARD
1. Publié en décembre 1936 par Denoël dans Mea culpa suivi de La Vie et l'ouvre de Semmelweis ; actuellement disponible dans le volume Céline et l'actualité (Cahiers de la NRF, Gallimard) ; reproduit ici avec l'aimable autorisation d'Antoine Gallimard.
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lundi, 05 décembre 2011
Bulletin célinien n°336 décembre 2011
Le Bulletin célinien n°336 décembre 2011
Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°336. Au sommaire :
- Marc Laudelout : Bloc-notes
- Claude Duneton : Un engagement lyrico-stylistique
- François Pignon : Retour en juillet 1961…
- *** : La vente du cinquantenaire
- Francis Bergeron : Paris Céline
- P. S. : Montaigne dans « Voyage au bout de la nuit »
- Jean-Claude Demeilliez : Céline à Dinard
- Robert Le Blanc : Céline en Bretagne, le grand retour
Un numéro de 24 pages, 6 € frais de port inclus.
Abonnement pour l’année 2012 (11 numéros) : 50 €
Le Bulletin célinien
B.P. 70
Gare centrale
BE 1000 Bruxelles
Le Bulletin célinien n°336 - Bloc-notes
En cette année du cinquantenaire, un ultime colloque Céline s’est déroulé le 9 novembre à Paris sous l’égide de la Fondation Singer-Polignac. André Derval y prononça une communication sur « L’accueil critique de Céline, du vivant de l’auteur ». C’était l’occasion de lui demander si, dans le dossier de presse de la période concernée, il avait pu constater des accusations du même genre formulées par des exégètes céliniens. De sa réponse, j’ai essentiellement retenu que, selon lui, il n’y a nullement dérive et qu’accuser Céline d’avoir appelé à l’extermination, comme le fait Viviane Forrester dans la préface citée, ne fait pas nécessairement référence au génocide mais peut aussi s’appliquer, par exemple, à un pogrom. Certes (2). Mais je ne suis pas certain qu’un lecteur contemporain lisant « extermination des juifs » ne songe pas ipso facto aux événements de la deuxième guerre mondiale. Je ne suis pas davantage certain que certains spécialistes de Céline ne récusent pas ce commentaire de François Gibault selon lequel, après la guerre, « Bagatelles et L’École (…) apparaissaient à la lueur des événements que l’on sait comme des appels au massacre » [ce qu’ils ne sont donc pas, ndlr], et qu’« à la lumière de ce que l’on venait de découvrir en Allemagne, ces pamphlets prenaient un tour tragique (…), tandis que Céline lui-même prenait figure d’assassin. » Et d’ajouter : « Céline, mieux que tout autre, savait qu’il n’avait pas voulu l’holocauste et qu’il n’en avait pas même été l’involontaire instrument (3) ». Au risque de me répéter, je dirai qu’il ne s’agit nullement d’exonérer Céline de ses excès, ni même de nier qu’il a manqué de compassion à une époque où elle eût été requise. Autre chose est de lui dénier tout regard compassionnel, ne voyant que « manœuvre ressemblant fort à de l’opportunisme, dont l’auteur ne sort pas grandi (4) » là où d’autres — tel un Yves Pagès, peu suspect de complaisance à l’égard de Céline – perçoivent une réelle humanité. Dira-t-on bientôt que la figure du sergent Alcide dans Voyage au bout de la nuit est une construction habile totalement dénuée de sincérité ?
On n’a assurément pas fini de disserter du cas Céline. Un mot, pour conclure : s’il était ce monstre cynique, inaccessible à la pitié et indifférent au sort de ses contemporains, aurait-il écrit cette œuvre dont l’émotion et la sensibilité sont les caractéristiques premières ? Que ce pamphlétaire, avec tout le génie qui fut le sien, se soit fourvoyé, il était le premier à l’admettre. Sans pour autant formuler le moindre reniement, on le sait. Mais Céline serait-il Céline sans ses outrances et cette démesure qui lui vaut encore tant d’inimitiés ? Au moins ne faudrait-il pas lui prêter des idées qui ne furent pas les siennes.
Marc LAUDELOUT
1. Viviane Forrester, « La peau dernière », préface à Pierre Duverger, Derniers clichés, Imec-Écriture, 2011.
2. François Gibault, préface aux Lettres de prison à Lucette Destouches et à Maître Mikkelsen, Gallimard, 1998.
3. Dans Bagatelles pour un massacre, Céline écrit : « Les Juifs à Jérusalem, un peu plus bas sur le Niger, ils ne me gênent pas ! ils me gênent pas du tout !... Je leur rends moi tout leur Congo, toute leur Afrique ! »
4. André Derval, « Singulier ou pluriel ? Céline, du nombre... », Revue des Deux mondes, n° 6, juin 2011, p. 141.
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