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lundi, 02 septembre 2024

Le Moyen-Orient et la puissance maritime des États-Unis

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Le Moyen-Orient et la puissance maritime des États-Unis

Leonid Savin

Le créateur du concept de puissance maritime des États-Unis, l'amiral Alfred Thayer Mahan, a d'abord insisté sur la création d'une force navale puissante pour assurer la sécurité de la navigation dans le monde et empêcher les ennemis de s'approcher des frontières des États-Unis. Au 20ème siècle, surtout après la Seconde Guerre mondiale, la situation a changé et, depuis lors, Washington a l'intention de contrôler d'autres régions par la présence permanente de ses bases militaires.

La puissance de la marine américaine repose sur sa capacité à utiliser la force ou à menacer de l'utiliser, mais pour les États-Unis, la marine remplit également d'importantes fonctions diplomatiques et policières. Pour mener à bien ces tâches, la marine américaine emploie régulièrement des marines, des forces d'assaut amphibies et des garde-côtes.

Ces trois services navals disposent de plusieurs capacités interconnectées qui, selon eux, constituent la puissance maritime des États-Unis.

Selon la doctrine navale américaine, cette puissance maritime est réalisée grâce aux éléments suivants :

Présence avancée. La marine se déploie dans diverses régions où les États-Unis ont un intérêt stratégique.

Dissuasion. Elle dissuade les adversaires d'agir contre les États-Unis, leurs alliés et leurs partenaires. Par exemple, les sous-marins lanceurs d'engins de la marine américaine constituent l'un des piliers de la triade nucléaire. Ils sont particulièrement appréciés pour leur capacité à se dissimuler et à rester une menace crédible lors d'un éventuel conflit nucléaire.

Contrôle de la mer. Le contrôle de la mer offre une liberté d'action nécessaire à la poursuite d'autres objectifs, tels que la protection des navires, le scellement militaire - qui comprend l'utilisation de cargos pour déployer des moyens militaires - et les blocus.

La projection de puissance. Elle permet de menacer ou de diriger des frappes - des attaques de missiles balistiques aux assauts amphibies - contre des cibles à terre pendant des périodes prolongées.

La sécurité maritime. Elle protège le commerce maritime - environ 90% des échanges mondiaux se font par bateau - et maintient généralement l'ordre en mer. Les opérations comprennent la lutte contre la piraterie, l'interception des drogues, la protection de l'environnement et d'autres mesures d'application de la loi.

L'aide humanitaire. Elle répond aux catastrophes naturelles ou causées par l'homme en apportant une assistance médicale, alimentaire, logistique et sécuritaire. Par exemple, l'armée américaine a construit une grande jetée à plusieurs kilomètres de la côte de la bande de Gaza pour permettre aux cargos de décharger des cargaisons d'aide humanitaire destinées à l'enclave.

Les deux derniers points sont largement appliqués dans la diplomatie et la politique étrangère, bien que même au tout début de la formation de la puissance maritime américaine, un concept tel que la « diplomatie de la canonnière » soit apparu, basé sur une combinaison d'actions militaires et politiques américaines contre un certain nombre de pays. Toutefois, Washington a franchi une nouvelle étape en mélangeant les objectifs et les missions civiles et militaires.

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Selon la doctrine de guerre navale des États-Unis, « les actions clés de la marine, du corps des marines et des garde-côtes qui renforcent la sécurité nationale comprennent l'amélioration de la coopération et le renforcement mutuel des capacités, la sensibilisation collective dans le monde entier et la fourniture d'options globales et efficaces pour répondre aux menaces dans la sphère maritime ». Le partenariat maritime mondial est un cadre global par lequel le gouvernement américain encourage et entretient des relations de coopération avec des partenaires maritimes internationaux. En collaboration avec d'autres forces armées américaines, d'autres agences américaines, des organisations non gouvernementales et le secteur privé, l'industrie, la marine, le corps des Marines et les garde-côtes résolvent des problèmes maritimes mutuels tels que la liberté de navigation, la sécurité commerciale, la dissuasion du terrorisme et la protection des ressources des océans, sur une base volontaire, informelle et non contraignante" [i].

Au total, 340.000 personnes servent dans la marine américaine. À cela s'ajoutent 94.000 réservistes et 221.000 civils dont le travail est directement lié à la marine américaine.

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Selon un rapport au Congrès américain daté du 6 août 2024 [ii] , la marine américaine compte 296 navires, dont 12 porte-avions, 31 navires de débarquement amphibie, 15 croiseurs, 73 destroyers, 23 frégates et 66 sous-marins représentent la principale force de frappe (dont 12 sont équipés de missiles balistiques).

Selon les plans du Pentagone, la taille de la flotte devrait être portée à 381 navires, dont 31 navires d'assaut amphibie plus grands, qui devraient être construits dans les années 2030. En outre, la marine prévoit d'ajouter 150 navires sans pilote d'ici 2045 dans le cadre de son objectif de créer des « forces hybrides » qui opéreront au-dessus et au-dessous de la ligne de flottaison, c'est-à-dire des drones de surface et des drones sous-marins. Compte tenu de l'utilisation de tels moyens en mer Noire par les forces armées ukrainiennes, ces drones pourraient avoir un certain effet d'escalade lorsqu'ils seront déployés. Toutefois, il est plus probable qu'au début, les véhicules sans pilote soient utilisés à des fins de reconnaissance.

La décision de moderniser la marine américaine a été en partie influencée par le succès de la Chine dans le développement de sa marine [iii], mais le Pentagone et la Maison Blanche tiennent compte à la fois de l'Iran et de la Russie, en particulier de l'apparition d'armes supersoniques chez cette dernière, qui ont été utilisées dans la pratique lors de son opération militaire spéciale en Ukraine.

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Et bien que les États-Unis renforcent leur présence au large des côtes chinoises, la puissance maritime de ce pays n'est nulle part plus évidente que dans la région du Moyen-Orient. Le commandement central de la marine américaine et la cinquième flotte sont situés à Bahreïn. Il exerce sa juridiction sur une zone d'environ 2,5 millions de miles carrés, comprenant le golfe Persique, le golfe d'Oman, le nord de la mer d'Arabie, le golfe d'Aden et la mer Rouge. La mission du commandement central de la marine américaine est de mener des opérations de sécurité maritime, de coopérer en matière de sécurité sur le théâtre des opérations militaires et de renforcer les capacités maritimes des pays partenaires afin d'assurer la sécurité et la stabilité dans la zone d'opérations de la 5ème flotte américaine [iv].

Une force navale spéciale pour le Moyen-Orient a été créée aux États-Unis en 1949 et, en 1971, la base de la marine américaine a été déployée à Bahreïn.

Le Qatar abrite le siège régional du Commandement central des États-Unis.

À l'heure actuelle, plusieurs milliers de militaires américains sont stationnés au Moyen-Orient, et plusieurs milliers d'autres sur des navires en mer dans la région, bien que les chiffres fluctuent. Au total, les États-Unis disposent d'installations militaires sur au moins dix-neuf sites - dont huit sont considérés comme permanents par de nombreux analystes régionaux - dans des pays tels que le Bahreïn, l'Égypte, l'Irak, Israël, la Jordanie, le Koweït, le Qatar, l'Arabie saoudite, la Syrie et les Émirats arabes unis. L'armée américaine utilise également de grandes bases à Djibouti et en Turquie, qui font partie d'autres commandements régionaux mais contribuent souvent de manière significative aux opérations américaines au Moyen-Orient [v].

Tous les pays hôtes ont des accords de base avec les Etats-Unis, à l'exception de la Syrie, où les troupes américaines ont en fait occupé deux zones où elles ont stationné leurs bases.

Au début du mois d'août, plusieurs grandes formations de navires de guerre opéraient dans la région, notamment un groupe d'attaque de porte-avions et un groupe d'assaut amphibie.

Un groupe de porte-avions comprend généralement un porte-avions, un croiseur, un sous-marin d'attaque, quatre à six destroyers et un navire de ravitaillement avec les munitions et l'équipement nécessaires. Un tel groupe compte environ sept mille cinq cents employés. Le porte-avions accueille 75 avions, dont au moins 40 chasseurs d'assaut. On peut donc dire que la puissance navale des États-Unis comprend implicitement un instrument de suprématie aérienne, qui permet de projeter rapidement une force de frappe sur de plus longues distances.

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Au cours des années précédentes, les États-Unis ont maintenu leurs navires dans le golfe Persique pour dissuader l'Iran, mais aussi en partie en raison de la lutte contre la piraterie dans la région de la Corne de l'Afrique. Cette présence a été considérablement renforcée cette année en raison des tensions régionales provoquées par la guerre d'Israël contre les Palestiniens, ainsi que par les attaques des Houthis, qui contrôlent le golfe d'Aden en mer d'Arabie et le détroit d'Ormuz en mer Rouge. Par ailleurs, la coalition de 20 pays réunie par les États-Unis à la fin de l'année dernière pour mener l'opération Prosperity Guardian n'a abouti à rien [vi].

Parmi les pays arabes, seul Bahreïn l'a rejointe, apparemment pour la seule raison qu'il héberge la 5ème flotte américaine.

Et les Houthis ont continué et continuent de lancer régulièrement des missiles et des drones à la fois sur Israël et sur divers navires en mer Rouge.

Il convient d'ajouter qu'étant donné que l'Iran est désigné comme une menace dans les documents doctrinaux de la Maison Blanche, du département d'État américain et du Pentagone, toutes les forces associées à la République islamique d'Iran sont désignées comme des ennemis potentiels des États-Unis. Au moins six pays sont considérés comme potentiellement dangereux en raison de la présence en leur sein de groupes ou de mouvements qui, d'une manière ou d'une autre, sont orientés vers l'Iran, soit en raison de liens religieux (chiisme), soit en raison d'un soutien de Téhéran. L'Irak est la force la plus redoutable, puisqu'on y trouve au moins cinq groupes comptant des dizaines de milliers de membres. Il s'agit de Kataib Hezbollah, The Badr Organization, , Asaib Ahl al-Haq, Harakat Hezbollah al-Nujaba et Kataib Sayyid al-Shuhada (plus de cent mille personnes au total). Le Hezbollah opère au Liban et compte jusqu'à 45.000 combattants. La Palestine est représentée par le Hamas (à partir de 30.000) et le Jihad islamique palestinien (les estimations varient de 1000 à 15.000 personnes). La brigade Fatemiyoun, la brigade Zainabiyoun, la brigade Baqir et la brigade Quwat al-Ridha (environ 20.000) sont situées en Syrie. Le mouvement Ansarallah Houthi au Yémen compte environ 30.000 combattants au moins compétents, bien que le nombre total soit d'environ 200.000. Il n'y a pas de données sur les brigades Al-Ashtar à Bahreïn. Néanmoins, il est impossible de nier l'existence d'un maquis armé et la planification d'opérations contre le personnel de l'US Navy.

La plupart de ces groupes, selon les déclarations d'experts américains, tirent régulièrement sur les bases américaines dans la région, ainsi que sur des navires liés d'une manière ou d'une autre aux États-Unis et à Israël [vii].

Face à ces menaces réelles et imaginaires, les États-Unis sont susceptibles de renforcer leur présence navale dans la région.

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En outre, du point de vue du positionnement mondial, le Moyen-Orient est organiquement lié à la région méditerranéenne, qui est sous le contrôle de l'OTAN et où les États-Unis ont également des bases militaires. La 6ème flotte américaine est basée à Naples. De ce côté, l'Afrique du Nord peut donc être menacée (comme ce fut le cas en Libye lors de l'opération de l'OTAN contre ce pays en 2011), ainsi que l'ensemble du Levant, où les États-Unis et leurs alliés ont des antagonistes au Liban, en Syrie et en Palestine.

D'autre part, la vaste région Indo-Pacifique jouxte le Moyen-Orient, pour lequel le concept d'une région Indo-Pacifique libre et ouverte (FOIP) est appliqué.

Il convient de noter que la FOIP, en plus de stimuler l'interaction des partenaires américains par le biais de la stratégie de dissuasion de Washington, offre une approche conceptuelle en contraste avec la stratégie chinoise « Une ceinture, une route », attirant l'attention de l'Australie et de l'Europe sur l'importance de promouvoir le développement économique et l'investissement en Asie du Sud-Est.

Désormais, ce concept est également considéré comme un certain cadre pour l'élargissement du réseau de partenaires et d'alliés traitant des questions de sécurité dans la région indo-pacifique, afin d'alléger le fardeau supporté par les États-Unis, en le transférant simplement à d'autres pays [viii].

Par conséquent, la militarisation en cours du Moyen-Orient par les États-Unis, d'une manière ou d'une autre, concernera la sécurité de l'ensemble de l'Eurasie, même si, tout d'abord, cet effet sera évident pour sa ceinture maritime méridionale.

Notes:

[i] https://dnnlgwick.blob.core.windows.net/portals/14/Courses/Maritime%20Staff%20Operators%20Course/NDP-1-Naval-Warfare-( Mar-2010)_Chapters2-3.pdf?sr=b&si=DNNFileManagerPolicy&sig=2lMMssNQ%2FLyl1Fipw3oHsaF%2FKqAPTuJt6iVyiLbwKkA%3D

[ii] https://sgp.fas.org/crs/weapons/RL32665.pdf

[iii] https://crsreports.congress.gov/product/pdf/RL/RL33153

[iv] https://www.cusnc.navy.mil/

[v] https://www.cfr.org/article/mapping-growing-us-military-presence-middle-east

[vi] https://www.nytimes.com/2023/12/31/world/middleeast/us-houthi-clash.html

[vii] https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/tracking-anti-us-and-anti-israel-strikes-iraq-and-syria-during-gaza-crisis

[viii] https://www.hudson.org/foreign-policy/rise-free-open-indo-pacific-challenge-deterrence-kenneth-weinstein-william-chou

mardi, 02 juillet 2024

Le triomphe de la multipolarité met-il fin à la géopolitique classique ?

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Le triomphe de la multipolarité met-il fin à la géopolitique classique?

Lorenzo Maria Pacini

Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/il-trionfo-del-multipolarismo-pone-fine-alla-geopolitica-classica

Dans la transition vers un monde multipolaire, de nombreuses questions se posent au niveau de la théorie, dont l'une des principales est la suivante : le triomphe du multipolarisme met-il fin, ou non, à la géopolitique classique ?

Le père de la théorie du monde multipolaire, le philosophe russe Alexandre Douguine, n'a pas formulé de réponse correcte et complète à cette question dans la première phase de sa propre composition théorique, car il était alors prématuré de raisonner sur les scénarios de réussite de la théorie. Aujourd'hui, cependant, une réponse s'impose d'urgence.

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Commençons par les fondamentaux. La géopolitique classique, codifiée entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle, voit dans les mots de l'amiral Halford Mackinder l'un de ses axiomes déterminants, qui a incontestablement dicté sa loi jusqu'à aujourd'hui: "L'Eurasie est le Heartland. Celui qui contrôle le Heartland contrôle le monde". C'est autour de cet axe géographique de l'histoire que s'est inscrite toute la géopolitique que nous connaissons. Aujourd'hui, le concept qui emporte toutes les conséquences scientifiques dans le contexte de la transformation de la géopolitique classique en géopolitique du monde multipolaire est le Heartland distribué, ou réparti, si vous préférez. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons examiner la structure sémantique de la géopolitique classique reposant sur le dualisme essentiel entre la civilisation de la mer (également dans le sens du platonicien Proclus qui décrit l'ancienne civilisation de l'Atlantide et la définit comme "la pire" de l'histoire) et la civilisation de la terre, qui est préservée, qui reste présente, et toutes les implications et élaborations qui proviennent des études de Carl Schmitt sur les deux types de civilisation. La géopolitique classique opère avec deux projections de ces principes dans la géographie et l'histoire mondiale, en identifiant comment ils seront incorporés et manifestés dans les grandes puissances du monde.

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Nous retenons donc cette interprétation des deux types de civilisations. Le dualisme déjà prôné par le philosophe grec Proclus est pleinement confirmé par Mackinder, qui souligne que ce dualisme est constitué de principes permanents, deux facteurs de développement des civilisations de l'humanité et qui peuvent être identifiés tout au long de l'histoire humaine : l'attirance pour le temps, la matérialité, l'éphémère ; l'attirance pour la verticalité, l'esprit, les valeurs stables. Il est intéressant de noter que l'eau de mer ne peut pas être bue, car elle est toxique pour les êtres humains, et donc que l'eau de mer est en quelque sorte la mort, alors que l'eau douce, terrestre, est l'eau de la vie. Cette dualité "exclusive" entre deux points d'attraction historico-géographiques est au cœur de la géopolitique classique. Les conflits que nous vivons s'inscrivent parfaitement dans la lecture dualiste ci-dessus. La géopolitique classique trouve également sa validité dans le contexte actuel, si l'on pense à des conflits bien connus comme le conflit russo-ukrainien, dont on sait qu'il s'agit d'un choc de civilisations entre l'Occident et la Russie, ou le conflit israélo-palestinien. On ne peut pas dire que la géopolitique classique est dépassée, car ses lois fonctionnent encore pleinement aujourd'hui et on peut donc encore l'utiliser comme méthodologie d'interprétation. Cependant, une question demeure : peut-on aller plus loin ?

On peut observer avec une calme objectivité que le Heartland classique, l'Eurasie, ne suffit plus à faire contrepoids à la civilisation de la mer. Considérons donc deux formes de géopolitique post-classique, soit la géopolitique d'aujourd'hui : la géopolitique unipolaire, qui affirme l'absence de dualisme et le triomphe de la civilisation thalassocratique telle que décrite par Francis Fukuyama, Yuval Noah Harari, Klaus Schwab, les démocrates américains partisans de ce monde unipolaire ou, dans certains cas, a-polaire, qui envisage l'annulation absolue de la Civilisation de la Terre, même en tant que concept. Cette première forme de géopolitique post-classique, nous pouvons la baptiser post-polarisme, en parfaite adéquation avec la post-modernité, c'est la géopolitique contemporaine "dogmatique" (au sens thalassocratique, évidemment), elle est née de penseurs imprégnés de géopolitique thalassocratique classique et n'admet pas la dissidence.

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En lisant les événements actuels sous cet angle, il est clair que la Russie d'aujourd'hui mène la "guerre du passé" pour ouvrir le monde à l'avenir: c'est la dernière guerre géopolitique du passé, la dernière menée selon les axiomes mackindériens ; ce qui viendra ensuite sera "autre", différent, ambitieusement multipolaire. Notez bien : la Russie d'aujourd'hui, après la catastrophe des années 1990, n'a plus les moyens de s'imposer seule comme une puissance mondiale en concurrence avec la civilisation unipolaire de l'Occident. L'Eurasie ne se suffit plus à elle-même : elle manque de stabilité démographique et économique, ce qui oblige les Russes qui se battent pour une géopolitique classique traditionnelle à se battre avec de nouvelles normes, à tracer des routes différentes et à explorer des territoires inconnus. La Russie a besoin d'alliés et de partenaires pour mener à bien cette mission historique. D'un point de vue plus métaphysique, les Russes sont les porteurs de la dernière volonté sacrée tellurocratique, luttant pour l'éternité contre la temporalité.

En imaginant la victoire de la Russie dans cette dernière guerre de la géopolitique classique, l'extension de l'idée russe au monde entier n'est pas envisageable, car la Russie n'a pas d'idéologie universelle - ce qui est le cas des Américains, comme l'idéologie des droits de l'homme, le genderisme, etc. - qui puisse séduire les élites et les peuples du monde. La Russie est trop petite dans ce sens. Elle peut se sauver en tant que "petite Eurasie", limitée à la Russie elle-même, mais cela ne sera pas décisif car il s'agit d'un combat défensif et non offensif, et à long terme, cela ne paie pas. D'où la multipolarité : si nous ne pouvons pas accepter la domination thalassocratique et ne pouvons pas proposer l'Eurasie comme une idée universelle, alors nous devons passer à la multipolarité. La grande Chine, l'Inde montante, l'Afrique émancipée de l'Occident européen sont des exemples d'indépendance, et il faut absolument exclure tout projet d'ingérence russe, ne serait-ce que sur le plan conceptuel. La Russie a une vision impériale (dans un sens totalement différent du passé), mais pas mondiale. Il n'est pas permis, même en théorie, d'imaginer les autres pôles comme soumis à la puissance russe.

C'est là que naît la géopolitique du monde multipolaire, là que naît une alternative. L'Occident reste un (macro)pôle avec sa validité maritime, avec le mondialisme comme idéologie ; tout l'anti-mondialisme est une continuation et une transfiguration de la civilisation de la Terre: le Heartland est désormais réparti sur plusieurs pôles, il se transforme et se réadapte, avec une multiplicité de facettes. Cette pluralisation opérationnelle représente une transformation décisive qui est déjà en cours.

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Lors des élections américaines de 2016, on a bien vu ce " démembrement ", au moins apparent, du macro-pôle appelé l'Ouest: les côtes (côte Est et côte Ouest) ont voté pour les démocrates, les États territorialement centraux ont voté pour les républicains. Cette "géopolitique intérieure" a considérablement modifié le destin de l'hégémon étoilé. Une sorte de Heartland intérieur se dessine en Amérique, de sorte que les États-Unis ne peuvent plus être considérés uniquement comme une civilisation maritime. C'est un point absolument décisif. Il existe une sorte de civilisation de type heartland à l'intérieur même de la civilisation de la mer. Nous devons commencer à écrire l'histoire du Heartland américain. Il est intéressant de noter que dans l'article historique de Mackinder sur l'axe géographique de l'histoire, il parle des États-Unis comme d'une civilisation tellurocratique, de la même manière que la Russie, ce qui indique qu'il y a eu un changement radical, temporellement, après la proclamation des 14 principes par le président de l'époque, Woodrow Wilson. Ce sont ces points qui ont redéfini la position de l'Amérique à l'égard de la thalassocratie.

Nous pouvons également imaginer que la Russie n'est pas totalement terrestre : il existe une élite thalassocratique au sein de la Russie, comme y appartiennent les dirigeants des années 1990, des entrepreneurs libéraux de type occidental, de nombreuses personnes qui ont émigré lors de l'effondrement de l'URSS et qui sont ensuite revenues en tant que seigneurs du capitalisme libéral. C'est pourquoi la civilisation de la mer et la civilisation de la terre sont devenues des principes identifiables au sein même de toutes les civilisations.

Aujourd'hui, nous pouvons parler, pour donner quelques exemples supplémentaires, du Heartland chinois, représenté par Xi Jinping, qui est profondément tellurocratique, mais qui dispose d'une énorme puissance maritime commerciale, donc d'une extension maritime, même si la Chine n'est pas historiquement une puissance maritime. Il en va de même pour Narendra Modi, qui souhaite proposer une Inde indépendante et "décolonisée en conscience", et il s'agit là d'un Heartland, mais en même temps, l'Inde présente un fort tropisme maritime qui la fait tendre vers le mondialisme, avec des alliances avec les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, comme cela c'est déjà vu au 20ème siècle. Le monde islamique est également composé de pays plus terrestres, tels que l'Iran, et d'autres pays qui sont parfaitement intégrés dans le mondialisme international, tels que les "princes du pétrole" de la péninsule arabique et au-delà. En Afrique aussi, de nombreuses forces promeuvent un panafricanisme qui est l'affirmation d'un Heartland africain, d'une authentique civilisation de la terre, tandis que d'autres gouvernants veulent faire partie du projet occidental qui les fascine et les séduit. En Ibéro-Amérique, c'est la même chose : des pays poussent vers une intégration terrienne, tandis que d'autres dirigeants sont passionnément atlantistes. Théoriquement, cela se produit également en Europe, qui est aujourd'hui totalement sous contrôle atlantiste : regardez le populisme de droite qui a vanté - et continue de le faire - une ouverture multipolaire, mais en partant de prémisses erronées, à tel point qu'il a acquis une bonne partie du pouvoir politique uniquement pour trahir à temps la représentation populaire, confirmant que dans un territoire occupé militairement, politiquement, économiquement et culturellement par une puissance étrangère (les États-Unis), la préservation du pouvoir n'est pas possible sans l'intervention de la mer. L'Europe ne pourrait et ne devrait pas être soumise à d'autres pôles ou civilisations, mais elle l'est en fait au pôle atlantiste ; il existe une Europe théorique, qui existe virtuellement et qui a une grande histoire, qui est aujourd'hui dans une phase "cachée" et qui n'a rien à voir avec la Russie. Cependant, la Russie se bat aujourd'hui pour la multipolarité, ce qui représente une chance pour l'Europe de renaître. La seule Europe possible est une Europe indépendante, sans puissance extérieure d'aucune sorte, autonome et géopolitiquement pour elle-même. Enfin, le Heartland américain voit dans la lutte électorale, aujourd'hui représentée par le duel entre Joe Biden et Donald Trump, une paraphrase de l'affrontement géopolitique interne entre Terre et Mer. C'est la fin de la lutte géopolitique classique.

Nous entendons l'appel à une géopolitique révolutionnaire, non seulement académique, mais aussi faite d'un militantisme en lutte contre la dictature de l'unipolarité et du post-polarité.

La géopolitique du monde multipolaire, en revanche, est dangereuse, parce qu'elle nous fait considérer ce que nous vivons aujourd'hui sous un jour nouveau. Et elle nous offre un moyen de le réaliser.

Lorenzo Maria Pacini

Source : https://domus-europa.eu/

mercredi, 22 mai 2024

Athènes et Sparte

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Athènes et Sparte

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/atene-e-sparta/

J'ai toujours pensé, et je continue à penser, que la guerre du Péloponnèse représente un modèle, un paradigme, éternellement valable pour comprendre les relations et les conflits entre les puissances.

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Ce n'est pas une grande idée, d'ailleurs. D'éminents politologues se sont toujours penchés avec un intérêt particulier sur le conflit entre Athènes et Sparte afin de mieux comprendre les comparaisons et les affrontements entre les puissances contemporaines. De Carl Schmitt à McKinder en passant par Haushofer, ils y ont vu l'éternel affrontement entre la Terre et la Mer. Entre des puissances éminemment mercantiles et thalassocratiques, et d'autres articulées sur la Terre et fondées sur la force des hommes.

Jusqu'à Donald Kagan. Qui, soit dit en passant, est le père de Robert et Frederich, deux des idéologues néocons les plus actifs. Très écoutés par l'administration Biden. Notamment parce que Robert est le mari de Victoria Nuland.

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Donald Kagan, à Yale, a consacré une grande partie de sa vie universitaire à l'étude de la guerre du Péloponnèse. Un travail monumental. Totalement, ou presque, centré sur un point précis. Pourquoi, à la fin, Athènes, l'Athènes démocratique, puissance mercantile et thalassocratique, a-t-elle perdu ? Pourquoi a-t-elle été vaincue par Sparte ?

La question, bien sûr, n'était pas purement académique. Les États-Unis se sont presque toujours considérés comme la nouvelle Athènes. Et, en effet, ils présentent toutes les caractéristiques d'une puissance thalassocratique. Celle-ci tend à contrôler le commerce et les routes commerciales. Et à brouiller les cartes, pour empêcher d'autres, une puissance d'un autre style, une nouvelle Sparte, d'unifier, et de contrôler, la Terre.

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Se demander, comme le faisait le vieux Kagan, pourquoi Athènes a perdu contre Sparte, c'était se demander quelles erreurs Washington devait éviter pour réussir à vaincre l'URSS.

Les choses se sont alors déroulées comme nous le savons tous. La puissance économique, le soft power des États-Unis, a mis à genoux une puissance soviétique épuisée. Avec des dirigeants vieux et fatigués. Et l'URSS a implosé en plusieurs fragments. La partie a été considérée comme terminée.

L'effondrement de l'URSS n'a cependant pas signifié la fin de la Russie. Celle de l'idéologie soviétique, bien sûr, qui, soit dit en passant, était déjà une sorte de cadavre. Mais la Russie est autre chose. Une réalité géopolitique avec laquelle il fallait tôt ou tard composer.

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Et aujourd'hui, le Grand Jeu a repris. Sans l'affrontement idéologique qui l'avait couvert, ou du moins voilé, dans un passé récent. Car, à moins d'avoir les oreilles bouchée à l'émeri, il est évident qu'il n'y a plus de conflit entre l'idéologie marxiste-léniniste et la démocratie libérale. Et d'ailleurs, la réalité d'aujourd'hui conduit à penser que, même dans le passé, cette antithèse ne servait qu'à masquer la dure réalité. Un jeu entre puissances. Entre terre et mer. Comme à l'époque d'Athènes et de Sparte.

Mais aujourd'hui, Sparte n'existe plus.

La Russie, bien sûr. La grande puissance qui s'étend entre l'Europe et l'Asie, la rivale de toujours de Londres d'abord, de Washington aujourd'hui.

Mais en arrière-plan, l'affrontement avec la Chine se dessine de plus en plus clairement. Cette dernière, d'économique qu'elle était, devient de plus en plus menaçante sur le plan stratégique. Et dans un avenir proche, facilement, cet affrontement glissera vers la dimension militaire.

Et puis il y a l'Inde. Un autre géant économique et démographique. Dont la puissance militaire est en pleine croissance. Et qui, malgré la politique prudente de Modi, commence à agacer de plus en plus les Etats-Unis. A tel point que, cette semaine encore, l'administration Biden est allée jusqu'à menacer Delhi de sanctions. Si elle ne rompt pas sa coopération avec Téhéran pour la construction d'un grand port et d'une plate-forme commerciale à Chabahar. Une menace à laquelle l'Inde a répondu par un silence très... significatif.

Trop de Sparte pour une seule Athènes. Qui ne se rend manifestement pas compte qu'elle est de plus en plus isolée. Cécité... dangereuse. et, d'une certaine manière, folie arrogante.

Cette même arrogance qui, selon Thucydide, a poussé les dieux à abandonner Athènes.

vendredi, 29 mars 2024

Désordre mondial et contrôle des routes maritimes

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Désordre mondial et contrôle des routes maritimes

Par Mario Porrini

Source: https://www.centroitalicum.com/disordine-mondiale-e-controllo-delle-rotte-marittime/

La crise des Etats-Unis est la crise d'un empire thalassocratique, c'est-à-dire fondé sur la domination des mers. La question de Taïwan s'inscrit dans le vaste contexte géographique de la mer de Chine méridionale où la Chine, si elle supplantait les États-Unis, deviendrait la première puissance mondiale. Les attaques des Houthis dans le détroit de Bab el Mandeb contre les navires commerciaux naviguant vers le canal de Suez pourraient entraîner une hausse vertigineuse du coût de l'énergie et des marchandises, sachant que 10 à 13 % du commerce mondial et 20 % des importations de gaz et de pétrole en Europe passent par là. La Méditerranée est le trait d'union entre l'Atlantique, contrôlé par l'alliance Europe-Amérique du Nord, et l'Indo-Pacifique, où se joue la compétition entre les Chinois et les Américains. La mer Méditerranée est vitale pour notre survie et l'Italie doit agir pour regagner le terrain perdu.

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L'importance et la force d'une nation se révèlent dans sa capacité à contrôler les routes maritimes. La mer occupe une place de plus en plus centrale sur le plan géostratégique. 70 % de la surface de la Terre est recouverte d'eau et 80 % de la population mondiale est concentrée dans une ceinture située à moins de 200 km de la côte. La plupart des activités productives de l'humanité se développent sur la mer : le transport le long des lignes de communication maritimes, l'écoulement du pétrole et du gaz, les activités de pêche et l'exploitation des ressources énergétiques et minérales trouvées dans les fonds marins. Aujourd'hui, 90 % des marchandises et des matières premières transitent par la mer et 75 % de ce flux passe par quelques passages vulnérables, les "choke points" ("points d'étranglement" ou "goulots d'étranglement"), constitués par les canaux internationaux et les détroits. L'histoire nous a appris comment les empires occidentaux, du britannique à l'américain, sont nés et se sont consolidés en dominant la mer. La crise des États-Unis et du monde occidental en général provoque des situations d'instabilité qui poussent de nombreux pays émergents, même de taille moyenne, à agir sans scrupules pour exploiter toutes les opportunités possibles de mettre en pratique leurs "doctrines bleues", fondées sur l'hypothèse que "si vous ne dominez pas en mer, vous n'avez pas de pouvoir".

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Comme nous le disions, le monopole de la puissance américaine semble s'estomper progressivement et les zones de crise se multiplient. La question de Taïwan s'inscrit dans le vaste contexte géographique de la mer de Chine méridionale où se développe depuis quelque temps le grand enjeu stratégique pour le contrôle de l'océan Pacifique et de l'Asie du Sud-Est. L'île reste en effet la clé de l'accès de la mer de Chine orientale à la mer de Chine méridionale, car elle fait partie, avec Okinawa et les Philippines, de ce que l'on appelle la "première chaîne d'îles", qui conditionne la sortie des navires civils, commerciaux et militaires de la Chine populaire dans le vaste océan Pacifique, en conjonction avec la "deuxième chaîne d'îles", qui s'étend des îles japonaises à Guam et aux îles Mariannes. Si la Chine y parvenait en supplantant les États-Unis, elle franchirait une étape décisive pour s'établir et se consolider en tant que première puissance mondiale. Cette perspective va également à l'encontre des intérêts du Japon et de la Corée du Sud, en termes de sécurité de leurs flux commerciaux, car elle impliquerait un renforcement décisif du contrôle politico-militaire de Pékin sur la mer de Chine méridionale, qui constitue à son tour la clé obligatoire pour l'accès au détroit de Malacca. Afin d'empêcher toute modification du statu quo, les États-Unis maintiennent des bases terrestres et navales au Japon et en Corée du Sud, ainsi que leurs propres débarquements militaires aux Philippines, en Australie, en Nouvelle-Zélande, à Guam et à Singapour, ainsi que sur l'île de Diego Garcia et en Thaïlande, cette dernière étant située au milieu de l'océan Indien. Les contacts entre les avions de la marine chinoise et américaine sont pratiquement quotidiens et les risques d'un accident pouvant conduire à la guerre ne sont pas si éloignés.

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Une autre zone de crise dangereuse est représentée par la mer Rouge, où ces dernières semaines les attaques se sont multipliées dans le détroit de Bab el Mandeb, contre des navires commerciaux naviguant vers le canal de Suez, touchés par des drones et des missiles lancés depuis le Yémen par les rebelles houthis, les miliciens pro-iraniens, qui ont annoncé vouloir stopper les navires marchands à destination d'Israël si les bombardements sur Gaza ne cessent pas. Chaque année, 23 000 navires transitent entre Suez et Bab el Mandeb, mais au cours des deux derniers mois, ces volumes ont diminué d'un tiers. Pour des raisons de sécurité, en effet, plusieurs compagnies maritimes ont décidé de changer de route, à commencer par la Mediterranean Shipping Co (MSC), la plus importante compagnie de transport de conteneurs au monde, qui a ordonné à ses navires de se diriger vers le cap de Bonne-Espérance, en allongeant considérablement la route, afin de ne pas courir le risque d'attaques. Depuis octobre dernier, plus de 100 navires marchands ont déjà opté pour le contournement de l'Afrique. Sachant que 10 à 13 % du commerce mondial et 20 % des importations de gaz et de pétrole de l'Europe passent par là, il est certain que des hausses vertigineuses du coût de l'énergie et des marchandises se produiront. Si la situation d'insécurité devait perdurer, elle causerait d'énormes dommages économiques aux pays riverains de la Méditerranée, car les navires marchands chargés de marchandises destinées à l'Europe feraient escale à Rotterdam et dans d'autres ports de l'Atlantique. À Trieste et à Gênes, on est déjà en état d'alerte et l'on s'inquiète beaucoup de l'avenir. Ceux qui tremblent sont surtout l'Égypte, qui perçoit 9,3 milliards de dollars par an sur le péage du canal de Suez. Les États-Unis ont annoncé qu'ils voulaient combattre les rebelles et, en vue d'une éventuelle intervention militaire, ils renforcent leur flotte dans la région. Ils ont également annoncé la mise en place d'une coalition internationale, sans que l'on sache exactement qui en fait partie. L'Italie, quant à elle, se prépare à envoyer la frégate "Fasan" en mer Rouge. Cependant, toute intervention militaire risque d'impliquer l'Iran, qui protège les rebelles houthis, et de déclencher une guerre aux conséquences totalement imprévisibles.

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De nombreux pays émergents misent sur la mer pour s'affirmer sur tous les plans, économique, géostratégique et militaire. De la Chine à la Turquie, de l'Inde au Nigeria, plusieurs acteurs se disputent la primauté sur des espaces maritimes même très étendus. L'accès aux principales routes commerciales représente une "condition sine qua non" pour étendre son influence, à tel point que les mers sont traitées comme des terres et que la compétition pour dessiner les zones économiques exclusives respectives suit les mêmes principes que la géopolitique classique, ignorant toute règle de droit international.

Malgré les apparences, l'étroit bassin méditerranéen revêt une importance particulière car, avec seulement 1 % de la surface mondiale des eaux, il est traversé par 20 % du trafic maritime mondial. Pour rappeler les dimensions du jeu méditerranéen, il semble opportun de fournir quelques données géopolitiques et quelques chiffres de base. La mer qui est déjà "la nôtre" se révèle géopolitiquement comme le résultat du jeu entre les Etats-Unis et la Chine, dont l'enjeu ultime est le contrôle du maximum de routes océaniques, donc des détroits, des goulets d'étranglement, qui les facilitent. La Méditerranée est en effet un connecteur entre l'Atlantique, océan sous contrôle total de l'alliance Europe-Amérique du Nord, et l'Indo-Pacifique, où se joue la compétition entre Chinois et Américains. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'Océan central assure non seulement 20 % du trafic maritime mondial, mais aussi 27 % du commerce de conteneurs, développant ainsi 10 % du PIB mondial. Après le récent élargissement du canal de Suez, ces pourcentages devraient encore augmenter. La route méditerranéenne est trop importante pour le commerce mondial et les grandes puissances ne peuvent pas permettre que sa navigation soit entravée.

L'Italie, avec ses quelque 8 000 km de côtes au milieu de ce qui était pour les Romains la "Mare Nostrum", est le premier pays d'Europe en termes de quantité de marchandises importées par voie maritime, tandis qu'environ 80 % du pétrole nécessaire aux besoins nationaux arrive dans ses ports. Notre pays possède la 11e flotte marchande du monde et la 3e flotte de pêche d'Europe, avec plus de 12 700 bateaux de pêche et 60 000 employés travaillant dans le secteur. Le secteur maritime national génère à lui seul environ 3 % du PIB, avec un multiplicateur économique de 2,9 fois le capital investi. Pour nous tous, l'économie bleue représente plus de 50 milliards d'euros par an, avec près d'un million d'employés et plus de 200 000 entreprises, dans un contexte géoéconomique en pleine croissance. Pour le "système-pays", expression très en vogue aujourd'hui, le rôle de la mer est déterminant pour la prospérité et la sécurité nationale. Les routes maritimes par lesquelles transitent les matières premières importées sont cruciales pour une économie de transformation comme celle de l'Italie. Il s'agit d'une vaste zone, pleine d'opportunités pour notre réalité commerciale, mais aussi de menaces qui mettent en péril ses intérêts. Malheureusement, en termes de logistique et d'installations portuaires en général, nous, Italiens, sommes à la traîne, notamment en raison de rivalités de clocher et d'un manque de coordination de la part de l'État. Nous devrions investir massivement dans les infrastructures, car l'Italie est au centre d'une mer stratégique et occupe une position plus que privilégiée. Dommage que la grande majorité de nos hommes politiques, depuis des décennies, ne semblent pas s'en rendre compte.

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La mer Méditerranée devient chaque jour plus encombrée. Compte tenu du retour des Russes, à partir de l'intervention en Syrie en 2015 et des guerres en Ukraine et à Gaza qui ont marqué le renforcement de l'US Navy, nous nous trouvons au centre de la zone possible de confrontation entre les puissances qui étaient déjà des protagonistes de la guerre froide. Les bases US/OTAN sur notre territoire, presque toutes situées à proximité de la mer, témoignent de la manière dont, depuis Washington, la Botte est considérée comme une plate-forme logistique et stratégique irremplaçable ainsi qu'un carrefour entre l'Eurasie et l'Afrique, avec le détroit de Sicile comme jonction fondamentale. L'occupation américaine de notre territoire, qui remonte à la Seconde Guerre mondiale, ainsi que la passivité de nos hommes politiques, limitent considérablement notre indépendance en nous empêchant d'agir dans le sens de nos intérêts nationaux. Le gouvernement soi-disant souverainiste de Giorgia Meloni s'est lié pieds et poings à l'Algérie, qui a assumé un rôle clé dans notre approvisionnement énergétique et considère donc comme siennes de vastes zones de la mer de Sardaigne, y envoyant ses sous-marins pour y faire flotter son drapeau. La situation est délicate, mais nous ne pouvons pas rester passifs en permettant à quiconque de s'introduire dans nos eaux territoriales. Ces dernières années, sur notre frontière maritime méridionale, dans ce qui fut la Libye et qui est aujourd'hui une terre disputée entre milices et puissances étrangères, la Russie s'est installée en Cyrénaïque et la Turquie en Tripolitaine sans que rien ne soit fait de notre part pour contrer l'intrusion de nations géographiquement éloignées dans une région qui devrait relever de notre sphère d'influence. La Turquie elle-même est très active pour étendre sa présence loin de ses frontières. Nous avons évoqué la Libye, mais le contrôle du détroit des Dardanelles par Ankara lui permet non seulement de tenir en échec la Russie qui, sans son autorisation, ne peut faire transiter sa flotte de la mer Noire à la Méditerranée, mais aussi l'Ukraine dont les exportations de blé partent exclusivement d'Odessa. La Turquie, installée à Chypre depuis des décennies, revendique la possession des îles grecques au large de ses côtes et, dans ce contexte d'agitation générale, pourrait profiter d'une occasion favorable pour faire un coup d'État. Enfin, Ankara, par l'intermédiaire de sociétés turques, a obtenu des concessions dans les ports d'Oslo, de Stockholm, de Trieste, de Tarente, de Malte et de Bizerte, utiles à la fois pour stimuler l'économie nationale - la demande de produits turcs est forte dans les pays d'Europe centrale en raison des vagues migratoires - et pour se projeter géopolitiquement dans le centre-ouest de la Méditerranée et, grâce au système autoroutier africain, dans l'Afrique sub-saharienne.

La mer Méditerranée est vitale pour notre survie et l'Italie doit agir pour regagner le terrain perdu. Un saut qualitatif décisif dans notre approche de la géopolitique devrait consister à ajouter la dimension sous-marine aux cinq domaines stratégiques classiques : terre, mer, air, espace et cyberespace. La face cachée de la mer, dont nous ignorons presque tout, concerne les ressources stockées dans les fonds marins, mais surtout les câbles Internet sous-marins, par lesquels transitent 95 % des données, et les oléoducs et gazoducs. L'environnement sous-marin est important pour de nombreuses questions stratégiques pour le pays : de l'énergie à la sécurité alimentaire, en passant par la recherche technologique, la santé et la médecine. La vulnérabilité des cibles situées dans les fonds marins a été confirmée par le sabotage du gazoduc de la Baltique Nord Stream. Un premier signe de l'intérêt particulier que nous portons à cette dimension et de la construction d'une stratégie nationale en la matière est la nouvelle de l'inauguration, ces derniers jours à La Spezia du Pôle sous-marin national, coordonné par la Marine italienne, basé sur la coopération entre structures publiques et privées - ministères, industries, dont Leonardo et Fincantieri, universités et organismes de recherche - pour développer des synergies entre les différentes excellences nationales dans le domaine de la sécurité environnementale sous-marine. La Marine met à disposition le Centre de Soutien et d'Expérimentation Navale et bénéficie de la proximité du "Centre de Recherche Maritime", organe exécutif de l'OTAN qui s'occupe de la recherche scientifique et technologique dans le domaine de la navigation.

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La création de ce pôle serait également louable, mais l'élément essentiel doit être la volonté politique de protéger fermement les intérêts nationaux pour ne pas courir le risque d'être étranglé. C'est pourquoi il semble étrange que le gouvernement "souverainiste", qui prétend vouloir défendre les infrastructures sous-marines par lesquelles transitent toutes les informations, y compris les informations confidentielles, ait donné un avis favorable à la vente de TIM au fonds américain KKR, cédant ainsi le contrôle d'un secteur stratégique comme les télécommunications à une entreprise privée étrangère. La défense de nos intérêts est une question de survie. Sans une action décisive, cohérente et soutenue dans ce sens, nous sommes destinés à disparaître, en tant que nation et en tant que peuple.

mardi, 23 janvier 2024

Batailles navales

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Batailles navales

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/battaglie-navali/#google_vignette

La Chine a mis en mer un nouveau porte-avions après deux ans de travaux. Celui-ci jouera le rôle de vaisseau amiral de sa flotte de guerre. Pas moins de 340 navires. Un chiffre qui en fait la plus grande au monde. Et ce porte-avions, le Fujian, est comparable à ceux des classes Ford et Nimitz des États-Unis. Toutefois, contrairement aux porte-avions américains, le Fujian n'utilise pas la propulsion nucléaire.

Je laisse toutefois l'évaluation technique aux militaires et aux initiés. Ce qui m'intéresse ici, c'est de souligner à quel point, en l'espace de quelques décennies, l'armée populaire chinoise a changé de peau. Elle s'est transformée, selon une orientation précise qui suit la nouvelle stratégie géopolitique de Pékin.

Une stratégie totalement inédite dans l'histoire de la Chine. Indice que la nature même de l'ancien Empire du Milieu est en train de changer radicalement.

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En effet, la Chine, tout au long de son histoire millénaire, a toujours été une puissance terrestre. Une "tellurocratie", qui fondait sa force sur d'immenses armées terrestres. Et de grandes masses d'hommes en armes.

Une force qui a cependant toujours été sa limite. L'obligeant à jouer un rôle régional, aussi vaste soit-il. Et à souffrir de la confrontation avec des puissances d'un autre type. Moins massives et plus agiles.

C'est ce que l'on a vu, historiquement, avec le Japon. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Et, dans une certaine mesure, lors de la guerre de Corée. Lors de la confrontation directe, bien que brève, avec les États-Unis.

Au cours des deux dernières décennies, l'oligarchie du mandarin rouge a opéré un changement radical au sein des forces armées chinoises. Ce changement s'est accéléré sous la direction de Xi Jinping.

L'ère des grandes armées terrestres est révolue. La Chine développe désormais un système de troupes aéroportées spécialisées. Et, en plus, se dote d'une grande flotte.

La volonté de faire de la Chine une puissance capable d'intervenir militairement - si nécessaire pour ses intérêts - dans n'importe quel scénario sur le globe est évidente. Et, surtout, d'exercer le contrôle/défense des voies de transport maritime et des côtes avec les systèmes portuaires qui en sont les plaques tournantes nécessaires. En fait, un pouvoir tellurocratique qui est en train de devenir une thalassocratie. Ou qui y aspire en partie. Sans pour autant renoncer au contrôle de son propre espace géographique diversifié.

Il ne faut pas considérer l'antithèse terre/mer de manière rigide et schématique. L'histoire nous fournit de nombreux exemples de métamorphoses. Où le Béhémot s'est transformé en Léviathan. Et vice versa.

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L'empire de Rome. Une puissance terrestre par excellence, qui s'est toutefois transformée en thalassocratie avec le transfert du centre du pouvoir à Constantinople.

La Ligue hanséatique allemande, qui, en tant que puissance maritime et mercantile, est devenue plus tard l'un des piliers de l'Allemagne, puissance terrestre.

Et nous pourrions multiplier les exemples.

Le monde d'aujourd'hui est une réalité extrêmement fluide. Changeante et incertaine. Avec des frontières de plus en plus floues et difficiles à définir. Et où les mers, les océans sont devenus de plus en plus importants. Parce qu'ils sont le théâtre privilégié du commerce. Et donc de l'affrontement entre puissances mercantiles et, en même temps, géopolitiques.

L'avenir, pour autant qu'on puisse l'entrevoir par éclairs, ce n'est pas la Pax Americana de la mondialisation, théorisée par Fukuyama. C'est la lutte permanente entre des thalassocraties de tailles différentes pour le contrôle des routes maritimes.

Un monde de pirates et de corsaires. Une grande bataille navale.

samedi, 01 avril 2023

La géopolitique anglo-américaine et la mer

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La géopolitique anglo-américaine et la mer

"Talassocrazia" est un essai intéressant de Marco Ghisetti sur les relations de pouvoir mondiales liées à la terre, à l'eau et à l'air.

par Andrea Scarano

Source: https://www.barbadillo.it/108636-la-geopolitica-anglo-americana-e-il-mare/ 

Géopolitique

Les descriptions méthodiques des espaces, des équilibres et de la répartition du pouvoir entre les États figurent parmi les principales modalités de l'approche géopolitique des relations internationales.  Marco Ghisetti (auteur de Talassocracia - I fondamenti della geopolitica anglo-statutitense, publié en 2021 par Anteo edizioni) se demande si ce type d'analyse conserve sa validité face aux profondes transformations économiques, technologiques et militaires de notre époque. Il compare la pensée des "pionniers" et des classiques du sujet - Mahan, Mackinder et Spykman - qui ont vécu au tournant des 19ème et 20ème siècles, sans pour autant négliger les développements les plus récents.    

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L'essai de Ghisetti sur la thalassocratie chez Anteo Edizioni

Puissances maritimes et puissances terrestres

Le fait que la réflexion ne concerne pas exclusivement les cercles académiques est évident au cours d'un récit largement fondé sur la centralité de la domination de la mer et du contrôle de ses centres névralgiques, sur le contraste entre les puissances navales et terrestres, sur l'éternelle nécessité pour les États-Unis - une puissance "insulaire" de facto, héritière de l'Empire britannique - de s'étendre à la recherche de nouveaux marchés et de se doter, en temps de paix comme en temps de guerre, d'une flotte efficace, y compris pour des raisons de défense nationale.

La pertinence de facteurs tels que la géographie comme élément permanent, le caractère illusoire de l'idée que les conflits d'intérêts entre nations "civilisées" ne peuvent conduire à des guerres et le poids décisif de l'action humaine introduisent le débat sur des catégories imperceptiblement mobiles telles que le "cœur de la terre", zone charnière du continent asiatique qui peut en fait être étendue à l'Allemagne, zone enclavée et point d'appui de la puissance terrestre, réserve inépuisable de matières premières, terre d'où proviennent les menaces récurrentes à la suprématie de Washington.

La connaissance des relations privilégiées entre cette dernière et Londres permet de réfléchir au choix presque apriorique de l'Angleterre (géographiquement "partie intégrante de l'Europe") de boycotter systématiquement l'idée d'un continent unifié, notamment parce que - comme l'a rappelé Jean Thiriart il y a quelques années - cela aurait provoqué la création d'une force capable de l'envahir. C'est dans ce sens que l'on peut interpréter la mise en garde de Mackinder, partisan convaincu en 1943 d'une alliance élargie à l'Union soviétique et à la France en tant que "tête de pont", selon laquelle les États-Unis devaient participer activement aux politiques d'équilibre soutenues par le Royaume de Sa Majesté, qui visaient à s'opposer à l'ennemi terrestre allemand sous la forme de puissances amphibies.

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L'antinomie entre les peuples maritimes, démocratiques et idéalistes d'une part, et les peuples terrestres, autoritaires et organisateurs d'autre part, ne masque cependant pas certaines faiblesses, qui sont soulignées lorsque Mahan soutient, par exemple, que les embargos économiques et alimentaires entraînent un faible coût en vie et en souffrance et que l'ouverture globale au commerce et aux processus de vie européens génère automatiquement des bénéfices pour l'ensemble de l'humanité ; ou lorsque Mackinder fait l'éloge de la tendance des Britanniques à conclure des alliances avec des pays plus faibles tout en omettant de préciser leurs intentions de diviser pour régner et, pire encore, d'évoquer les massacres perpétrés contre les Irlandais.

L'introduction du terme Eurasie - grand ensemble géographique formé d'un centre, d'un croissant intérieur (péninsule européenne, Asie du Sud-Ouest, Inde et Chine) et d'un croissant extérieur (États-Unis, Grande-Bretagne, Japon et Australie) - comme conception du monde intimement liée à l'idéalisation de l'homme "continental" s'accompagne du déploiement de trois enjeux cruciaux, de la division en deux moitiés physiquement très inégales, la délimitation de l'Europe selon une ligne de partage - celle de l'Oural - considérée par beaucoup comme insatisfaisante, et la dispute complexe autour de l'identité de la Russie, essentiellement suspendue entre un substrat européen et un élément tartare-asiatique.

Le postulat de l'appartenance à une civilisation eurasiatique a été récemment revisité et en partie idéologisé par le courant de pensée néo-eurasiste qui, au nom de la coopération économique, politique et militaire de deux acteurs "obligés" par l'histoire et la géographie de partager un destin commun, s'oppose vigoureusement au "glissement" du vieux continent dans un état de subalternité par rapport aux Etats-Unis et à l'OTAN ; une perspective exactement identique à celle qui prône, de l'autre côté de l'océan, l'expansion vers l'est de l'Europe et de l'Alliance atlantique, utilisées comme avant-postes "démocratiques".

La nouvelle hégémonie américaine

La nature profondément anarchique de la communauté internationale et la lutte constante pour le pouvoir comme boussole de la politique étrangère des nations sont les pierres angulaires qui guident l'élaboration par Spykman de la stratégie d'"endiguement" de l'URSS suite à la Seconde Guerre mondiale ; une vision extrêmement réaliste attribue aux différents pays des priorités divergentes, à l'équilibre planétaire (susceptible d'évoluer comme un champ magnétique soumis à des changements de force relative ou à l'émergence de nouveaux pôles) les traits de l'instabilité et aux États-Unis, facilités par une situation géographique enviable, un rôle dominant.

L'insuffisance de la domination maritime pour garantir une position hégémonique est, en revanche, la principale justification de la théorisation du "droit" de l'administration étoilée à s'implanter militairement et durablement à la fois dans les territoires d'outre-mer et dans la zone frontalière euro-asiatique, exerçant une fonction d'"overseas balancer" où le choc des puissances menace cycliquement de s'intensifier.

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L'identification d'une ligne de fracture entre l'ancien et le nouveau monde est aussi pertinente pour l'inclusion du Royaume-Uni dans le premier que pour l'hypothèse - considérée comme tout sauf lointaine - d'une alliance entre le Japon, l'Allemagne, l'Italie et l'URSS, accréditée par les intentions de Staline de travailler à un armistice avec les Allemands après la bataille de Stalingrad et par des précédents symptomatiques, tels que les accords Molotov - Ribbentrop et le pacte de non-agression nippo-soviétique.

La promotion par les deux superpuissances de l'indépendance des colonies vis-à-vis des empires européens après 1945 est interprétée par l'auteur comme une politique visant à la remplacer par une forme plus sophistiquée de domination, visant des États formellement libres mais fortement dépendants économiquement.

Dans cette perspective, la reconstitution de certains passages historiques cruciaux - des caractéristiques de la doctrine Wilson au besoin de dominer les marchés européens, besoin manifesté depuis la crise de 1929, de l'obstination pour obtenir la capitulation inconditionnelle des puissances de l'Axe à la nécessité de lier à soi le processus de reconstruction d'après-guerre à travers le Plan Marshall et la division de l'Europe en deux - constitue le cadre dans lequel les États-Unis ont poursuivi d'abord l'objectif de détruire définitivement la suprématie de cette dernière et ensuite celui de l'intégrer dans le système capitaliste de marché, dans un état de subalternité qui était également flagrant d'un point de vue militaire.

Il est significatif de rappeler comment, minimisant les justifications idéologiques courantes utilisées pour démêler le sens des guerres menées au 20ème siècle par les États-Unis en Corée et au Viêt Nam, Henry Kissinger s'est précisément référé à des raisons géopolitiques dans la crainte plus générale que le Japon ne se lie politiquement à l'URSS, glissant dans les sables mouvants préconçus par la "théorie des dominos". 

Enfin, la dimension culturelle de la primauté de la thalassocratie, fondée sur un concept problématique comme celui d'"Occident", géographiquement incertain, instrument des projets d'incorporation méditerranéenne et de la stabilisation des rapports de force consolidés depuis l'aube de la guerre froide, sur la base de l'acceptation sans critique de l'américanisme comme destin par les Européens, n'est certainement pas la moindre.

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La force du yen et l'économie de la concurrence chinoise sont des facteurs qui ont joué un rôle important dans le développement de la région.

Concurrence chinoise

Si, après l'effondrement du communisme, l'élargissement de l'OTAN à l'Est a sans doute eu pour fonction de dévitaliser les mécanismes de fonctionnement de l'UE, la capacité des Etats-Unis à s'ériger en seul hégémon régional et à entraver les autres acteurs désireux d'en faire autant a trouvé une nouvelle confirmation dans la représentation des "trois Méditerranées" identifiées par Yves Lacoste : l'américaine, avant-poste de l'expansionnisme dans l'Atlantique et le Pacifique ; l'européenne, facilitée par l'aplatissement des oligarchies continentales et la pénétration de la politique du "diviser pour régner" sur ses rives méridionales ; l'asiatique, où les Etats-Unis se sont imposés dans le passé aux dépens du Japon et sont aujourd'hui concurrencés par la Chine. Dans ce dernier cas, la collaboration avec les pays de second rang de la région (qui ne veulent pas se retrouver dans l'orbite d'influence de Pékin) est configurée comme une tentative de réponse aux itinéraires de la nouvelle route de la soie, un signe significatif non seulement d'ouverture au capital et au commerce international, mais aussi d'un changement radical de perspective en ce qui concerne l'attention portée à l'importance de la mer.

Conclusions

L'ouvrage de Ghisetti, qui n'est pas toujours lisse sur le plan stylistique, est enrichi par l'analyse des documents stratégiques anglo-américains rédigés en 2020-21, qui laissent présager une remise en question de l'effort d'intégration continentale et de coopération entre la Russie, la Chine et (à l'arrière-plan) l'Iran, le tout assorti du renforcement express des forces militaires ukrainiennes, comme autant de " prolongements " naturels d'un processus de déstabilisation initié à la fin de la guerre froide dans l'espace eurasiatique et dans le Caucase, " cœur de la terre " potentiellement menaçant pour les équilibres existants.

Accusée de déterminisme et parfois même de cautionner des " pulsions " autoritaires, la géopolitique apparaît à l'heure de la mondialisation comme une discipline plus à même - comme l'affirme également l'auteur - de fournir des outils appréciables de compréhension et de prévision des actions des acteurs politiques, en partie encore conditionnées par l'influence des classiques.  

 

16:34 Publié dans Actualité, Géopolitique, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, thalassocratie, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 23 mars 2023

La valeur géopolitique des "Méditerranées" du monde

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La valeur géopolitique des "Méditerranées" du monde

Par Marco Ghisetti (2020)

Source: https://osservatorioglobalizzazione.it/osservatorio/il-valore-geopolitico-dei-mediterranei-del-mondo

J'accepte avec plaisir l'invitation de l'Osservatorio Globalizzazione à proposer un résumé de mon article "Hégémonie et Méditerranées", contenu dans le numéro 1/2021 de "Eurasia. Rivista di studi geopolitici" [1], qui vient d'être mis sous presse. Quelques jours après la publication de ce volume, la marine, le corps des marines et les garde-côtes américains ont publié une stratégie commune intitulée "Advantage at sea". La divulgation de tels documents est un événement aussi important que rare, qui ne se produit que sous les auspices des chefs d'état-major interarmées des États-Unis, c'est-à-dire l'institution qui réunit les plus hauts échelons des différentes institutions militaires américaines. Pour bien comprendre son importance, la dernière divulgation d'une stratégie conjointe remonte à 2015, avec le document qui a officiellement donné le coup d'envoi de la stratégie du "multilatéralisme" suivie par le dernier Obama et l'ensemble de l'administration Trump [3]. En effet, les directives énoncées dans les stratégies conjointes - dont "Advantage at sea" précise qu'elles s'appliqueront "pour la prochaine décennie" - guident les actions des institutions militaires américaines quels que soient les différents locataires et gouvernements qui se forment à la Maison Blanche.

Je ne peux manquer de noter que la nouvelle stratégie américaine suit parfaitement ce que j'ai identifié dans l'article "Hégémonie et Méditerranées" et, dans des perspectives différentes, ce qui est exprimé dans les autres articles du volume. Ceci n'est bien sûr pas dû à mes contacts au sein de l'état-major américain, qui m'ont permis de lire le document avant sa publication officielle, mais parce qu'une bonne méthode pour comprendre les principales directives par lesquelles l'action d'un acteur politique se développera consiste à combiner les objectivités géographiques avec les subjectivités représentatives et les contingences internationales qui caractérisent cet acteur. Dans les paragraphes suivants, je résumerai les résultats de mon étude en les superposant à la nouvelle stratégie américaine, tentant ainsi de fournir une interprétation utile de la manière dont les États-Unis caractériseront leur politique étrangère au cours de la prochaine décennie.

Hégémonie et Méditerranées

L'article "Hégémonie et Méditerranées" pose les prémisses théoriques suivantes, qui réunissent la géographie marxiste française (Yves Lacoste) et l'école néo-réaliste américaine (John J. Mearsheimer) :

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(1) Il existe trois grandes mers méditerranéennes dans le monde : la Méditerranée euro-arabe, la Méditerranée américaine (Golfe du Mexique et Floride) et la Méditerranée asiatique (Mers de Chine méridionale et orientale). Un acteur interne à la Méditerranée peut accéder à l'hégémonie régionale en devenant l'acteur le plus puissant de la région, en unifiant et en fermant ces eaux aux acteurs externes, augmentant ainsi sa propre puissance de manière exponentielle. D'autre part, un acteur externe peut facilement projeter sa marine en une Méditerranée et remplir la fonction d'"équilibreur outre-mer", c'est-à-dire empêcher, par une stratégie d'alliances avec des acteurs locaux secondaires et la projection de sa propre marine, un challenger hégémonique d'atteindre l'hégémonie. En raison de leurs caractéristiques géographiques, les trois grandes régions méditerranéennes du monde sont les plus vastes espaces sur lesquels une puissance régionale peut imposer son hégémonie. L'unification du monde sous l'égide d'un seul État est impossible en raison de la "force restrictive" de l'eau et de certains obstacles terrestres.

(2) Être le seul hégémon régional du monde est la meilleure condition pour un acteur politique, car l'État obtient ainsi une situation de sécurité bénigne et multiplie son pouvoir de manière exponentielle. C'est pourquoi, une fois l'hégémonie atteinte, l'hégémon régional fera tout pour empêcher un autre acteur de faire de même avec sa propre macro-région, car cela impliquerait une diminution drastique de son propre pouvoir relatif.

Ceci étant dit, l'article étudie la situation dans les trois principales régions méditerranéennes du monde, qui peut être résumée de manière télégraphique comme suit :

(a) la Méditerranée américaine est hégémonisée par les États-Unis. Ils sont actuellement le seul hégémon régional au monde, ce qui leur confère un multiplicateur de puissance. Les États-Unis ont intérêt à empêcher l'émergence d'un second hégémon régional, car cela rééquilibrerait radicalement la répartition de la puissance mondiale et mettrait fin à leur puissance écrasante. En outre, les caractéristiques géopolitiques particulières de l'Amérique du Nord font des États-Unis la "véritable île contemporaine", l'"héritier nécessaire de l'empire maritime britannique", un État qui jouit d'une "position insulaire à l'échelle continentale", une caractéristique qui les rend particulièrement enclins à la domination thalassocratique : une domination vers laquelle ils se sont lancés dès la fin du 19ème siècle et qu'ils ont couronnée par une victoire lors de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'ils ont vaincu tous les autres adversaires hégémoniques et qu'ils ont également ancré leur marine dans les régions méditerranéennes d'Europe et d'Asie. Enfin, l'une des composantes fondamentales de cette domination thalassocratique repose également sur la promotion et la défense de valeurs et de systèmes politiques et économiques fonctionnels à la promotion de l'expansionnisme commercial américain, sans lequel le système économique américain imploserait.

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(b) La Méditerranée asiatique se caractérise, après la défaite du Japon impérial et de l'Union soviétique - contre lesquels les États-Unis déploient leur potentiel de guerre - par la présence d'un nouveau challenger hégémonique: la Chine. Bien que la Chine n'ait pas encore publié de stratégie globale pour sa macro-région, la façon dont Pékin qualifie Taïwan de "province rebelle" qui retournera à sa patrie ou la Méditerranée asiatique de "mer de Chine méridionale", délimitée par une "ligne à neuf tirets" délimitant les "eaux territoriales chinoises" sur lesquelles Pékin jouit de "droits historiques exclusifs", trahissent les intentions de la Chine d'imposer sa propre doctrine Monroe dans la région, ni plus ni moins comme les États-Unis l'ont fait pour l'Amérique.

D'autre part, la croissance économique, politique et militaire de la Chine ne peut que tenter Pékin d'imposer sa propre hégémonie régionale, ce qui ne peut se faire que par l'expulsion de la marine américaine de la Méditerranée asiatique. Toutefois, pour un acteur extérieur, une doctrine Monroe chinoise ou à caractéristiques chinoises ne serait pas si différente du projet japonais de création d'une zone de coprospérité commune en Asie. Si les États-Unis renonçaient à leur fonction d'"équilibreur outre-mer" en Asie, la Chine serait en mesure d'accéder pleinement à l'hégémonie régionale, ce qui entraînerait un rééquilibrage radical de la répartition du pouvoir international et la fin de l'unipolarité des États-Unis. En outre, une Chine érigée en hégémonie ne resterait pas enfermée en Asie, mais progresserait encore plus rapidement vers l'Europe grâce à son propre projet de nouvelle route de la soie, avec lequel elle tente d'unir les deux extrémités de l'Eurasie (l'Asie et la Méditerranée européenne). C'est pourquoi une diminution drastique de la présence américaine en Europe est dans l'intérêt à long terme de la Chine. Avec une Chine hégémonique sur le plan régional, les États-Unis trouveraient encore plus difficile et coûteux de contrer l'expansionnisme chinois sur d'autres théâtres internationaux par le biais de leur propre marine, et pourraient même voir leur propre hégémonie en Amérique menacée.

(c) La Méditerranée européenne se caractérise par l'absence de challenger hégémonique, mais aussi par une plus grande instabilité. Toute la côte nord fait partie de l'Alliance atlantique, constituant ainsi un protectorat américain. De plus, les classes dirigeantes européennes ont tendance à croire que leurs propres intérêts correspondent aux intérêts "atlantiques et occidentaux". Par conséquent, elles promeuvent et protègent les politiques de fractionnement avancées par les États-Unis au lieu de rechercher l'hégémonie régionale. Les côtes méridionales de la Méditerranée européenne sont caractérisées comme le lieu où les pays méditerranéens s'affrontent pour accroître leur propre pouvoir au détriment des autres États méditerranéens, ce qui favorise en fait les politiques de fractionnement des États-Unis. L'inverse est vrai pour les côtes orientales, où, suite à la résistance du régime syrien d'Al-Assad, la politique américaine de fractionnement a été rejointe par une politique égale et opposée poursuivie par les puissances telluriques de la Russie, de l'Iran et de la Chine. Ces trois puissances ont intérêt à empêcher un nouveau fractionnement du monde qui favoriserait Washington, et cherchent au contraire à unifier la région sous leur influence et à expulser l'influence américaine afin de se caractériser comme des puissances hégémoniques régionales.

À la lumière de ces résultats, l'article conclut en étudiant les deux grandes tendances différentes de "fractionnement" et d'"intégration" poursuivies respectivement par les États-Unis d'une part et la Chine, la Russie et l'Iran d'autre part [4]. Ces deux tendances égales et opposées font des Méditerranées européenne et asiatique des "espaces de déchargement" des tensions internationales, c'est-à-dire là où se joueront les jeux les plus importants pour la domination du monde : celui de rester le seul hégémon régional du monde contre celui d'arracher l'unipolarité aux États-Unis.

La Chine est actuellement le principal challenger, car elle est le seul État capable d'atteindre l'hégémonie régionale et, à partir de là, de se hisser au même niveau que les États-Unis. Par conséquent, l'intérêt premier des États-Unis sera de saboter les divers projets d'intégration qui se déroulent à cheval sur la Méditerranée européenne et asiatique (c'est-à-dire un intérêt de fractionnement), tandis que l'intérêt de la Chine, de la Russie et de l'Iran est d'amener leurs macro-régions sous leur influence et d'expulser les États-Unis (c'est-à-dire un intérêt d'intégration).

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L'avantage sur mer 

D'où l'article "Hégémonie et Méditerranée". Or, la stratégie navale américaine qui vient d'être publiée (en 2020) confirme pleinement ce qui a été noté dans l'article.

La stratégie de "l'avantage en mer" confirme que "les États-Unis sont une nation maritime. "Notre sécurité et notre prospérité dépendent des mers" [5], que la Russie et la Chine (auxquelles s'ajoute l'Iran) sont les principales menaces car, en raison de leurs "développements navals agressifs et de leurs modernisations militaires", elles pourraient tenter et même réussir à expulser les États-Unis de certaines mers et de la gestion de certains "points névralgiques stratégiques" (détroits, isthmes, bases et routes navales), arrachant ainsi la suprématie maritime aux États-Unis. En particulier, la plus grande menace est posée par la Chine, qui "a mis en œuvre une stratégie et une approche révisionnistes [6] ciblant le cœur de la puissance maritime américaine [c'est-à-dire qu'elle] cherche à corroder la gouvernance maritime internationale, à refuser l'accès aux centres logistiques traditionnels, à entraver la liberté des mers, à gérer l'utilisation des goulets d'étranglement névralgiques, à dissuader notre engagement dans les différends régionaux et à remplacer les États-Unis en tant que collaborateur privilégié dans les pays du monde entier". En outre, alors que la flotte américaine est dispersée dans le monde entier, celle de la Chine est concentrée dans le Pacifique, où elle "cherche à établir sa propre hégémonie régionale [et] étend également sa portée mondiale [avec la] Nouvelle route de la soie", devenant ainsi capable de se projeter aussi loin de ses côtes qu'elle n'a jamais été capable de le faire auparavant.

En outre, la stratégie de "l'avantage sur mer" identifie l'Arctique (qui est aussi, d'une certaine manière, une "Méditerranée", comme nous l'avons vu dans le numéro consacré à l'Eurasie) comme une zone qui vient de s'ouvrir à la concurrence maritime entre les États-Unis, la Russie et la Chine. Pour cette raison, les stratèges américains estiment que les États-Unis étant une "puissance maritime", ils ne peuvent permettre à leurs concurrents d'utiliser à leur avantage la puissance maritime qui résulterait de la domination de l'Arctique. "Advantage at Sea" écrit textuellement: "nous ne pouvons pas céder de l'influence [...]. Les décennies à venir apporteront des changements dans la région arctique qui auront un impact significatif [sur] l'équilibre mondial des pouvoirs"; une région, l'Arctique, où la marine américaine souffre actuellement d'un retard technologique et stratégique important par rapport à la Russie et à la Chine.

Les Méditerranées d'Eurasie comme "espaces de déchargement"

Selon les stratèges américains, non seulement les États-Unis sont une nation maritime qui tire sa puissance de sa domination sur la mer, mais la puissance elle-même qui peut être tirée de la mer s'est accrue, car en intégrant la puissance navale à d'autres domaines, non purement militaires, il est possible de "multiplier l'influence traditionnelle de la puissance maritime pour produire une force totale plus compétitive et plus létale". En ce sens, on peut comprendre l'impératif catégorique de la stratégie conjointe qui vient d'être publiée : réaffirmer et défendre la domination maritime des États-Unis sur les anciens et les nouveaux théâtres maritimes en exploitant leur marine et en sabotant tout processus d'intégration significatif.

En effet, puisque les États-Unis sont et se considèrent comme une puissance maritime dont la sécurité et la prospérité dépendent de leur suprématie navale et de leur capacité à accéder librement aux différentes mers du monde, et puisque les principaux challengers à la domination américaine sont des acteurs eurasiens (Chine, Russie, Iran), les différentes méditerranées du continent eurasien - tant les grandes comme les méditerranées européenne et asiatique et les plus petites comme la Baltique ou la Mer d'Azov, en ajoutant la Méditerranée arctique - seront les endroits où, comme l'indique la stratégie de l'"avantage en mer", les États-Unis concentreront leur marine et leurs efforts fractionnés pour empêcher les challengers régionaux de fermer ces eaux méditerranéennes à l'influence et à la puissance maritime des États-Unis. C'est pourquoi, pour comprendre la stratégie de la superpuissance américaine "pour la prochaine décennie" - une décennie au cours de laquelle les échelons les plus élevés des institutions militaires américaines estiment que "nos actions au cours de cette décennie façonneront l'équilibre de la puissance maritime pour le reste du siècle" - on ne peut faire l'impasse sur une compréhension approfondie de l'état et de la situation géopolitiques des différentes "Méditerranées de l'Eurasie", c'est-à-dire de ces lieux qui - en raison de la double tendance au "fractionnement" (États-Unis) et à l'"intégration" (Chine, Russie, Iran) - se transforment en "décharges" de tensions internationales, c'est-à-dire en lieux où se joueront les jeux les plus importants pour la domination du monde au cours de la décennie qui vient de s'ouvrir.

En ce sens, le numéro 1/2021 "Les Méditerranées d'Eurasie" qui vient d'être publié par "Eurasia. Rivista di Studi geopolitici" [7] propose une étude approfondie de ces lieux et de la façon dont ils se transforment en "décharges" de tensions internationales ; des lieux où - en répétant une dernière fois les mots des dirigeants militaires américains - les actions entreprises par les principaux acteurs internationaux au cours de cette décennie "façonneront l'équilibre du pouvoir maritime mondial pour le reste du siècle". Le conflit entre les grandes puissances dans ces eaux aboutira donc soit à la victoire de la thalassocratie américaine, soit à sa disparition. On ne peut comprendre les grandes dynamiques de puissance internationale qui vont se mettre en place dans la décennie qui vient de s'ouvrir sans en tenir compte.

Notes:

[1] Marco Ghisetti, Hegemony and the Mediterranean, in "Eurasia. Rivista di Studi geopolitici", vol. 1/2021, pp. 35-51

[2] Advantage at Sea : Prevailing with Integrated All-Domain Naval Power, peut être consulté à l'adresse suivante : https://media.defense.gov/2020/Dec/16/2002553074/-1/-1/1/TRISERVICESTRATEGY.PDF

[3] A Cooperative Strategy for 21st Century Seapower (Une stratégie de coopération pour la puissance maritime du 21ème siècle).

[4] Une première perspective entre ces deux tendances, développée plus tard dans "Hegemonies and Mediterraneans", a été présentée ici : https://www.eurasia-rivista.com/integrazione-e-frammentazione-libano-e-bielorussia/

[5] Nous citons directement le document officiel. Nos traductions. 

[6] Pour une critique de l'accusation de "révisionnisme international" portée contre la Chine, la Russie et l'Iran, voir : Marco Ghisetti, Russie, Chine et Iran: des puissances révisionnistes, Opinio Juris, 2020, https://www.opiniojuris.it/russia-cina-e-iran-potenze-revisioniste/

[7] Le nouveau numéro d'"Eurasia" peut être consulté à l'adresse suivante : https://www.eurasia-rivista.com/negozio/lxi-i-mediterranei-delleurasia/

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À propos de l'auteur / Marco Ghisetti

Marco Ghisetti est diplômé en politique mondiale et relations internationales et en philosophie. Il a travaillé et étudié en Europe, en Russie et en Australie. Il s'intéresse principalement à la géopolitique, tant pratique que théorique, à la théorie politique et à la philosophie politique, et plus particulièrement aux courants néo-eurasiatiques et à la pensée communautaire. Il collabore avec le magazine géopolitique Eurasia et l'Osservatorio Globalizzazione.

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samedi, 21 août 2021

La "thalassocratie" de Marco Ghisetti

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La "thalassocratie" de Marco Ghisetti

Luciano Pisani

Ex: https://www.geopolitica.ru/it/article/la-talassocrazia-di-marco-ghisetti

Marco Ghisetti, Talassocrazia. I fundamenti della geopolitica anglo-statunitense,(=Thalassocratie. Les fondements de la géopolitique anglo-américaine), Préface de Leonid Savin, Anteo Editions, 2021, Pages 200, € 18,00.

Marco Ghisetti est un jeune collaborateur prometteur de la revue géopolitique Eurasia, responsable de la série "Classics" chez "Anteo Edizioni" et responsable de la "section anglo-saxonne" au "Centro Studi Eurasia e Mediterraneo".

La monographie "Thalassocratie" a été publiée, selon l'auteur, après une année de recherche sur l'évolution doctrinaire de la pensée du monde anglo-saxon en matière de relations internationales, et en particulier du Royaume-Uni et des États-Unis, en vue d'identifier les sources originales à partir desquelles elle s'est développée et sur lesquelles elle s'est construite.

L'ouvrage propose ensuite une méthode de recherche composée d'un triangle interprétatif qui combine les contingences internationales avec les faits géographiques et, enfin, les éléments interprétatifs et volitifs qui caractérisent l'acteur politique. L'ajout de l'élément interprétatif et volitif (le troisième sommet du triangle) constitue une originalité dans la recherche scientifique et se caractérise par le fait qu'il s'agit d'une force précieuse qui accompagne l'ensemble du livre; c'est une force parce qu'elle réussit à sonder et à rendre compte non seulement des motivations, mais aussi des désirs et des craintes qui influencent réellement les décisions que prend l'acteur politique lorsqu'il est confronté à un dilemme auquel il doit donner une réponse.

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Par exemple, la révolution spatiale qui s'est produite en Angleterre au début de la période dite colombienne (XVIe-XIXe siècles), décrite par Ghisetti à l'aide d'une quantité remarquable de références scientifiques, réussit, en décrivant habilement le contexte historico-géographique et l'horizon de sens dans lequel l'Angleterre se déplaçait et interprétait le monde, à expliquer pourquoi l'Angleterre a décidé de couper, pour ainsi dire, le cordon ombilical qui la liait à l'Europe et à devenir une "baleine" (Carl Schmitt), s'insérant ainsi dans un tissu de significations qui l'a amenée à se considérer comme un pays "de l'Europe, mais pas en Europe" qui, finalement, lui a fait pratiquer la politique bien connue de l'isolationnisme-interventionnisme et de l'équilibre des forces (balance of power) envers le continent européen tout en s'étendant le long des voies océaniques du monde, construisant ainsi son propre empire transocéanique. Ce faisant, Ghisetti parvient à expliquer pourquoi un autre pays, par exemple le Japon, également situé dans une conjoncture spatio-temporelle similaire à celle de l'Angleterre (le Japon est, comme l'Angleterre, un empire insulaire qui, d'une part, fait face à une énorme masse terrestre et, d'autre part, dispose du vaste océan) a décidé au contraire de se fermer au monde extérieur avec la politique du Sakoku.

Plus précisément, le texte de Ghisetti accorde une attention particulière à la "représentation géopolitique" ou au "tissu de sens" dans lequel les différents acteurs internationaux se situent et pour lequel ils opèrent certains choix plutôt que d'autres (par exemple, se replier sur soi comme le Japon ou traverser les océans comme l'Angleterre). En résumé, l'homme est certes un animal politique, mais il est aussi un homme géographique, puisqu'il habite, vit et interprète l'espace (ou les espaces); en somme, il "habite géopolitiquement l'homme".

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En particulier, Ghisetti attire l'attention sur la représentation géopolitique qui caractérise les acteurs qui décident de suivre une politique démonstrative mondiale de type thalassocratique, qui consiste évidemment à établir un réseau particulier de signification. Tout cela peut paraître très philosophique, voire trop théorique, pourtant le triangle interprétatif qui unit, pourrait-on dire, l'espace, le temps et la culture, et à travers lequel l'auteur interprète la réflexion et l'action géopolitique des Etats-Unis et de l'Angleterre, constitue une originalité qui est, à notre avis, très prometteuse et porteuse d'excellents développements possibles pour l'avenir de la recherche sur les relations internationales.

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La recherche de Ghisetti réussit, en effet, et, en même temps, montre (bien qu'indirectement, puisqu'il n'est pas intéressé à traiter ce sujet spécifique dans cette monographie) ce qu'un auteur profond mais ignoré, Carlo Maria Santoro, déplorait déjà dans les années 90. C'est-à-dire, comment l'étude de la politique internationale, surtout après l'avènement du moment unipolaire américain, a été dominée par un paradigme interprétatif de type économiste qui fut fusionné avec une autre et tout aussi grave déviation conceptuelle, d'une matrice normative, orientée vers l'illumination du futur avec la torche fumante du passé récent. Ce paradigme, qui constituait déjà une alternative sans alternative dans le débat géopolitique aux échelons supérieurs de la société américaine au moins depuis les années 50, s'est imposé égoïstement aussi dans les milieux académiques et politiques italiens et européens (à la plus petite exception de la France, peut-être parce qu'elle est encore vaguement influencée par le passé gaulliste).

Eh bien, selon la thèse devenue majoritaire en Europe en si peu de temps (au point que l'on se demande si cette conquête des esprits n'était pas gramsciennement téléguidée), le monde devait marcher inexorablement sur la voie dite du progrès, progrès qui est certes interprété comme linéaire mais dont le fondement est plutôt contesté quand il n'est pas tout simplement mythique. Et ce progrès, selon la pensée générale sur la politique mondiale qui avait été imposée, se serait maintenant arrêté en raison de l'action compensatoire de certains acteurs qui, en résistant militairement, institutionnellement et culturellement à la propagation de cette mentalité sur le globe, ne peuvent être interprétés que comme des États voyous et criminels, puisqu'ils empêchent ce qui est normativement juste, bon et souhaitable.

Mais c'est (aussi) ici que le texte "Thalassocratie" s'avère utile, car, en identifiant "les fondements de la géopolitique anglo-américaine", il révèle à la fois les concepts fondateurs du discours géopolitique contemporain, et les intérêts gramsciens derrière l'imposition de certaines idées et horizons de sens, ainsi que leurs éventuelles contradictions ou insuffisances pratiques et théoriques, et leur éventuelle désirabilité.

Il peut être facile, par exemple, de montrer comment les idées sur l'ordre mondial qui ont été acceptées presque unanimement et immédiatement au lendemain de la guerre froide étaient les idées de la thalassocratie anglo-américaine, mais il est beaucoup plus difficile de montrer comment ces idées sont représentatives presque exclusivement de certaines fractions du big business américain, en particulier celles liées aux intérêts industriels et bancaires-financiers multinationaux.

Plus difficile encore, d'ailleurs, est de démontrer où se situe le hiatus dans la représentation géopolitique du type thalassocratique - du moins dans la manière dont il s'est affirmé dans la pensée et l'action anglo-américaines.

Et pourtant, le livre de Ghisetti réussit à identifier le péché originel de la vision thalassocratique du monde propagée par les États-Unis et le Royaume-Uni. Si en effet, comme l'écrit Ghisetti, la stratégie mondiale thalassocratique est basée sur un double mouvement d'isolationnisme et d'interventionnisme, sur une stratégie qui veut dominer les océans du monde (puisque la mer ne peut être que dominée, et non organisée/organisable ou possédée) et que pour une puissance maritime la mer n'est pas le point où finit la terre et son empire, mais une grande route qui relie les différentes régions du monde, la promotion d'un expansionnisme économique agressif devient presque obligatoire pour qui veut entreprendre une stratégie maritime globale.

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L'arrière-pays de son propre État ne devient alors qu'une base, une île entourée d'un monde hostile où l'on peut se retirer après avoir navigué dans le monde et frappé ses adversaires: une frappe sans pouvoir en retour être frappé. Et en effet, Ghisetti note, en commentant les travaux du "père de la géopolitique américaine", Alfred Mahan, comment cet amiral, en tentant de fournir une justification normative à l'expansion américaine et à la conquête de territoires et de bases outre-mer, va jusqu'à "promouvoir l'occupation de territoires déjà habités par d'autres populations en faisant appel à la nécessité d'exploiter et de rendre productifs tous les territoires du monde" à travers un principe universel de "droit d'occupation" dont les détenteurs sont "les plus productifs et les plus efficaces". Et, en raison de la relation intime entre le pouvoir économique et le pouvoir militaire qui caractérise les pouvoirs thalassocratiques libéraux anglo-américains, ce droit justifie aussi moralement et normativement les opérations de conquête anglo-américaines, tout en blâmant et en diabolisant ceux qui tentent d'y résister. En fait, cette résistance à la conquête et à la promotion de l'"esprit occidental" libéral et maritime est un frein au progrès linéaire qui veut étendre l'"oasis dans le désert" qu'est, selon Mahan, la "civilisation" qui a Washington pour capitale.

On trouve donc ici l'une des sources de la pensée géopolitique libérale et américaine et la raison pour laquelle, une fois que le communisme historique du XXe siècle s'est effondré, tant sur le plan statistique qu'idéologique, l'employé du département d'État des États-Unis, c'est-à-dire l'employé du même département qui planifie les bombardements au phosphore blanc contre les États voyous (et qui est considéré à tort comme un philosophe et dont le nom est Francis Fukuyama) a décrété la "fin de l'histoire", c'est-à-dire l'unification complète des mentalités, des cultures et des traditions, toutes devant se diluer dans l'océan indistinct du libéralisme. En d'autres termes, la création d'un espace mondial unique, uni sous l'égide du président des États-Unis, qui n'est rien d'autre que le chef de l'exécutif responsable devant les centres de pouvoir où se trouve le véritable centre de commandement dont dépend la Maison Blanche elle-même : les groupes bancaires-financiers colossaux qui dominent l'économie.

Mais l'histoire n'est pas terminée, et elle ne pourrait pas l'être : le maître de l'histoire n'est pas l'homme, et de toute façon d'autres acteurs (géo)politiques, que l'on peut encadrer dans le même triangle interprétatif proposé par Ghisetti afin d'identifier leur diversité spatiale, culturelle et temporelle, ont endigué le flot thalassocratique qui se déversait dans toutes les parties du monde. D'où également la capacité de notre auteur à proposer et à créer de nouveaux cadres d'interprétation pour comprendre les développements de la théorie de la politique mondiale qui seraient mieux valorisés, car plus utiles pour comprendre les actions et les réflexions des différents acteurs mondiaux que ceux qui, depuis la guerre froide, ont été établis dans les milieux universitaires et médiatiques.

Ce qui a été dit s'applique à la sphère théorique. Toutefois, il convient de souligner que le livre de Ghisetti consacre en fait plus de place à la discussion pratique et stratégique qui a caractérisé les actions du Royaume-Uni et des États-Unis (en tout cas placée par rapport au processus théorique d'évolution), qu'à l'approfondissement du cadre théorique discuté ci-dessus. Mais même ici, alors qu'il ne fait aucun doute que le poids accumulé des livres écrits sur l'expansionnisme nord-américain, sur la guerre froide et sur le moment unipolaire américain est déjà suffisant pour percer les planchers les plus résistants des bibliothèques, le texte de Ghisetti se caractérise par une louable originalité, qui rompt avec les schémas stériles de la discussion académique répétitive et stérile. En effet, non seulement le livre "Thalassocratie" parvient à remettre en ordre l'évolution doctrinaire des fondements de la pensée géopolitique (anglo-américaine) (la naissance de la véritable île continentale avec Mahan, le conflit entre île et continent avec Mackinder, l'union de la puissance militaire américaine avec la puissance financière avec Bowman et le conflit entre nouveau et ancien monde avec Spykman), mais relie cette réflexion à l'action concrète, en proposant des lectures qui peuvent sembler un peu trop audacieuses mais qui, pour ceux qui veulent s'arrêter et réfléchir, doivent être prises avec la plus grande considération et le plus grand sérieux.

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Par exemple, les images des forces américaines s'échappant du Viêt Nam en hélicoptère font partie de l'imaginaire commun, tout comme les nombreux films sur cette guerre au cours de laquelle les États-Unis ont tenté d'empêcher la propagation du communisme au Viêt Nam, en envoyant des milliers et des milliers de leurs propres jeunes hommes y mourir et en gaspillant une quantité énorme de ressources pour mener une guerre que, malgré leur incontestable supériorité militaire, technologique et politique sur le Viêt Nam du Nord, les États-Unis ont fini par perdre de façon désastreuse. Eh bien, pour Ghisetti, la conclusion est tout autre, puisque, affirme l'auteur, les États-Unis ont en fait gagné cette guerre. Simplement, les objectifs primaires étaient tout à fait différents de la prévention de l'expansion du communisme au Vietnam.

À la lumière de ce qu'il considère comme les fondements de la géopolitique anglo-américaine, Ghisetti explique, en reconstituant le processus d'enclenchement du conflit, qu'au Vietnam, le véritable objectif des États-Unis était d'éviter la création d'une entente entre le rimland asiatique et le cœur soviétique ou chinois du continent. Plus précisément, l'objectif était de faire en sorte que le Japon, qui était à l'époque la plus grande économie asiatique, ne joue pas la "carte asiatique", c'est-à-dire décide ou se trouve obligé de combiner la puissance de ses propres industries et de son économie avec la main-d'œuvre bon marché et les réserves d'énergie et de matières premières de la Chine et de l'Union soviétique. Les États-Unis y sont parvenus grâce à la guerre du Viêt Nam et aux divers coups d'État et aux diverses déstabilisations anticommunistes et antimaoïstes qu'ils ont lancés dans tout l'Extrême-Orient tout en combattant au Viêt Nam. Cette conclusion peut sembler étrange, mais elle est bien argumentée dans le livre et, à la réflexion, elle s'avère plus vraie (et à notre avis, c'est la vraie) que les affirmations selon lesquelles les États-Unis ont simplement perdu au Viêt Nam ou que l'objectif était de contenir le communisme et non de maintenir le Japon attaché à lui-même. Sinon, pourquoi les États-Unis n'avaient-ils aucun problème à soutenir des dictatures, même socialistes, chaque fois que cela servait leurs intérêts ?

De la même manière, la même interprétation peut être proposée pour interpréter l'invasion de l'Afghanistan et le désastreux retrait actuel, comparé à juste titre par beaucoup à celui du Vietnam. Et c'est précisément pour cette raison que les théories prétendant que l'action américaine en Afghanistan visait à arrêter Ben Laden, détruire Al-Qaïda, s'emparer des réserves énergétiques, imposer une transition démocratique, etc. Au contraire, la raison que l'on peut déduire du texte de Ghisetti semble beaucoup plus convaincante, à savoir que l'objectif principal était de maintenir le monde musulman dans une situation de chaos (la fameuse géopolitique du chaos) et de s'interposer, même militairement dans l'une des principales régions conjoncturelles entre l'Extrême et le Proche-Orient et entre le soi-disant cœur de la terre et la zone frontalière eurasiatique, en vue d'interposer son armée comme diaphragme diviseur entre les puissances eurasiatiques qui, à l'aube du XXIe siècle, se sont caractérisées comme les principaux candidats à l'organisation du continent. Même le retrait précipité des États-Unis d'Afghanistan, qui rappelle celui du Vietnam, peut être lu sous cet angle : l'intention est de créer un bourbier ingérable en Afghanistan, des sables mouvants sur lesquels couler tout accord entre Russes, Chinois et Iraniens. Pour cette raison, la mission en Afghanistan a également été, tout comme le Vietnam, un succès pour les oligarchies américaines.

Ces considérations, comme on l'a dit, peuvent sembler pour le moins curieuses, mais elles reposent sur un cadre conceptuel très habituel et sont bien argumentées. En outre, cet impact conceptuel s'avère encore plus solide si l'on prend en considération les nombreux auteurs et stratèges que Ghisetti étudie pour comprendre l'évolution et l'influence exercée par le système doctrinaire américain: des auteurs et des stratèges allant de Zbigniew Brzezinski à Manlio Graziano, de François Thual à Aleksandr Douguine, de Tiberio Graziani à Henry Kissinger, d'Yves Lacoste à John Mearsheimer, de Claudio Mutti à Colin Gray. En bref, le texte est vraiment solide et bien structuré (permettez-moi une plaisanterie: comme doivent l'être les "fondations" de toute habitation ou système de pensée), tant du point de vue historico-théorique que du point de vue pratique-stratégique. Tout cela dans un texte pas trop long et très facile à lire; un texte, en conclusion, qui a toutes les qualités pour être une véritable "fondation" pour les analyses et les recherches futures sur le sujet en question. 

mardi, 13 juillet 2021

Dix réflexions sur la terre et la mer

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Dix réflexions sur la terre et la mer

Adriano Scianca

Ex: https://www.centrostudilaruna.it/terraemare.html

1

"L'histoire du monde est l'histoire de la lutte des puissances maritimes contre les puissances terrestres et des puissances terrestres contre les puissances maritimes". Ainsi Carl Schmitt, dans son petit chef-d'œuvre Terre et Mer (Adelphi, Milan 2002). Le Schmitt que nous rencontrons ici n'est pas le penseur scientifique et rigoureux que connaissent tous ceux qui ont lu ses textes juridiques, mais plutôt le lecteur de Guénon et le connaisseur expert du symbolisme ésotérique, engagé de manière quasi obsessionnelle dans la recherche de la clé symbolique de l'histoire de l'humanité. Or, cette clé symbolique, pour Schmitt, c'est le conflit des éléments. Sillonnant le globe "avec la roue et la rame" - pour reprendre une expression de Carlo Terracciano - l'homme a toujours perçu son propre être au monde à travers l'expérience du choc séculaire entre la Terre et la Mer.

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Que représentent la Terre et la Mer sur le plan géophilosophique ? La Mer est d'abord la négation de la différence, elle ne connaît que l'uniformité, alors que dans la Terre il y a toujours variation, dissemblance. La mer n'a pas de frontières, à l'exception des masses continentales à ses extrémités, c'est quelque chose qui lui est antithétique, l'anti-mer. La Terre est toujours sillonnée par des frontières tracées par l'homme, au-delà de celles qu'elle donne elle-même comme barrières naturelles. La mer, c'est la mobilité permanente, le flux sans centre stable, le "progrès". C'est le chaos et la dissolution. La Terre est la constance, la stabilité, la gravité. C'est la hiérarchie et l'ordre. La mer est le capital, la terre est le travail. Le travail est tellurique dans la mesure où il est fixe, c'est la production concrète ; le Capital est au contraire liquide, c'est l'exploitation et l'aliénation. Le travail crée, le capital détruit. La Terre-Travail est donc incarnée par l'Est métaphysique, la terre de ce qui naît (sol orient, soleil levant ; " orient " en vieux russe est vostok, " se lever ", tandis qu'en allemand c'est Morgenland, terre du matin), tandis que le Capital-Mer est l'Ouest métaphysique, ce qui meurt (sol occidens, soleil déclinant ; " Ouest " est zapad, " tomber ", en russe et en allemand Abendland, la terre du soir, du déclin). Concrètement et historiquement, la Mer est incarnée par les thalassocraties anglo-saxonnes, la Terre par la tellurocratie continentale eurasienne.

3

Le conflit entre la terre et la mer acquiert ainsi un caractère concret, historique et politique. Oswald Spengler (Prussianisme et socialisme, Edizioni di Ar, Padoue 1994) a illustré ce choc par l'opposition entre l'esprit communautaire prussien et l'individualisme anglais. Pour l'auteur du Crépuscule de l'Occident, les âmes anglaise et prussienne s'opposent comme deux instincts, deux "on ne peut pas faire autrement" : d'une part, l'esprit authentiquement socialiste, l'essence de l'État, la subordination à la totalité communautaire ; d'autre part, l'esprit individualiste, la négation de l'État, la révolte de l'individu contre toute autorité. Le type anglais et le type prussien "révèlent la différence entre un peuple dont l'âme s'est formée dans la conscience d'une existence insulaire, et un peuple gardien d'une marque, dépourvu de frontières naturelles et par conséquent exposé à l'ennemi de tous côtés. En Angleterre, l'île a remplacé l'État organisé." D'où aussi la perception différente de ce que doit être l'économie et de ses finalités : " de la manière de percevoir la réalité qui distingue le véritable colon de la marque frontière et l'Ordre chargé de la colonisation, découle nécessairement le principe de l'autorité économique de l'Etat. [...] Le but n'est pas l'enrichissement de quelques individus ou de chaque individu, mais le renforcement maximal de la Totalité. [...] L'instinct de maraudeur sur les mers qui caractérise le peuple insulaire comprend la vie économique d'une manière entièrement différente. Ici, c'est une question de lutte et de butin".

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4

L'existence insulaire - donc non-historique et non-politique - typique de l'Angleterre se retrouve multipliée à la puissance n dans la théologie occidentaliste américaine. L'Amérique - l'éternelle Carthage, l'anti-Eurasie par excellence - est à tous égards l'héritière géopolitique et géophilosophique de l'Angleterre. L'esprit mercantile, l'instinct de prédation et l'individualisme bourgeois y atteignent des niveaux délirants. La conscience de l'insularité conduira les Américains à se considérer comme les habitants d'une forteresse inattaquable, ce qui renforcera également leur certitude de représenter les élus du Seigneur. L'Amérique se conçoit comme la terre promise séparée des nations corrompues (Thomas Jefferson : "heureusement pour nous [nous sommes] séparés par la nature et un vaste océan des ravages exterminateurs d'un quart du globe") et comme l'île imprenable. Cette illusion de sécurité prend fin le 11 septembre 2001. Ce jour-là, l'Amérique rencontre son propre jumeau : le terrorisme. L'action des pirates de l'air rappelle inévitablement le caractère fluide, mobile, indéfinissable de l'essence de l'Amérique. Le terrorisme, en effet, est quelque chose d'insaisissable, d'introuvable : il n'a pas d'uniformes, pas de règles, pas de limites ; il n'a pas d'État, pas de centre fixe, pas de Terre. Le terrorisme est le miroir de l'Amérique.

5

Le titanisme prédateur, pirate et mercantile typique des thalassocraties est animé par une soif de domination inextinguible qui ne peut être limitée par aucune règle. La règle, en effet, distingue, discrimine, sépare ; la mer, au contraire, ne connaît pas de distinctions ni de différences, pas même entre la guerre et la paix, les combattants et les civils. La guerre devient une continuation du marché par d'autres moyens, elle n'est plus ontologiquement différente de la paix. Dans la guerre terrestre, observe Schmitt dans l'ouvrage cité ci-dessus, "les armées s'affrontent dans des batailles ouvertes et rangées ; en tant qu'ennemis, seules les troupes engagées dans l'affrontement se font face, tandis que la population civile non combattante reste en dehors des hostilités. Tant qu'ils ne prennent pas part aux combats, ils ne sont pas des ennemis et ne sont pas traités comme tels. La guerre maritime, quant à elle, repose sur l'idée que le commerce et l'économie de l'ennemi doivent être affectés. Dans une telle guerre, l'"ennemi" n'est pas seulement l'adversaire qui se bat, mais tout citoyen ennemi, et enfin aussi le neutre qui commerce et entretient des relations économiques avec l'ennemi." La guerre terrestre est une guerre de guerriers. La guerre maritime est une guerre de maraude.

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6

Sur l'île, donc, le capitaliste remplace le politicien et le corsaire prend la place du soldat ; ce n'est que sur la Terre que l'existence de l'homme est immédiatement politique : en elle, l'homme trace des frontières, répétant l'acte archétypal de Romulus. N'étant pas protégé par des barrières naturelles, l'homme est obligé de devenir authentiquement lui-même, de sortir d'une existence purement biologique, animale, naturaliste. Il doit créer son propre monde. L'existence politique, en effet, a un caractère purement tellurique ; le droit existe parce qu'il y a la Terre. La mer, en revanche, échappe à toute tentative de codification. Elle est an-œcuménique, comme le disait le grand géopoliticien Friedrich Ratzel. Dans L'origine dell'opera d'arte (in Sentieri interrotti, La Nuova Italia, Milan 2000), Heidegger a montré avec une profondeur extraordinaire cette caractéristique de la Terre comme condition de possibilité du monde humain. La Terre et le Monde, pour Heidegger, prennent une signification qui peut être ramenée, respectivement, à la nature et à la culture, ou à la sphère de l'enracinement dans le sol natal et à la sphère de la décision pour un projet. La Terre est le fond abyssal qui donne un sens à tout ce qui s'en détache comme produit de l'activité humaine ; "sur elle et en elle l'homme historique fonde sa vie dans le monde". Entre les deux aspects, il existe une tension dialectique dans laquelle "le Monde est fondé sur la Terre et la Terre surgit à travers le Monde". Le Monde, sphère de ce qui dérive de la libre activité humaine, "ne peut se détacher de la Terre s'il doit, comme région et voie de tout destin essentiel, être fondé sur quelque chose de certain". Sinon, si le Monde prévaut sur la Terre, nous avons la rationalité technologique qui détruit et viole la nature dans son projet de domination totale. Si, par contre, la Terre l'emporte sur le Monde, alors nous avons l'œuvre de l'homme qui se résorbe dans les profondeurs obscures de la nature, comme l'herbe qui pousse sur les ruines des maisons abandonnées. Il est bon, au contraire, que la Terre et le Monde soient toujours dans une confrontation/affrontement continu qui les exalte tous les deux sans les annuler. L'homme a toujours tendance à aller au-delà de la nature, mais il doit toujours se souvenir du caractère dévastateur d'une culture livrée à elle-même. On ne peut jamais s'échapper de la Terre sans douleur.

7

Le "surhumanisme horizontal" (Gabriele Adinolfi) qui caractérise la prévalence du monde humain sur la Terre conduit à la réduction à zéro de la diversité. Or, l'absence de variété et de différence caractérise précisément l'essence de la Mer. Géophilosophiquement, c'est le jumeau du désert. Le désert est l'élément par excellence de la désolation, de l'absence de changement, de l'uniformité. Ce n'est pas un hasard si le monothéisme religieux est l'enfant du désert. Et ce n'est pas un hasard si le monothéisme économique est l'enfant de la mer. Dans le désert, il n'y a pas de dieu qui puisse se manifester à travers la nature, il n'y a pas de cosmos destiné à être le corps vivant des dieux ; il n'y a qu'une plate monotonie qui engendre par réflexion un Dieu qui est le Totalement Autre par rapport au monde. La désolation du désert renvoie à la solitude métaphysique d'un Dieu qui est avant tout et au-delà de tout, qui ne peut être saisi conceptuellement ni représenté figurativement, dont le nom ne peut même pas être prononcé. Un Dieu bien trop semblable au Néant. De même, l'uniformité maritime fluide génère la monnaie divine, celle par laquelle toute marchandise peut être échangée mais qui n'est pas elle-même une marchandise, l'équivalent universel de toute entité, qui doit donc nécessairement être rien. Si l'argent était quelque chose, il serait incarné dans une marchandise particulière et ne pourrait pas remplir sa fonction. L'argent est la catégorie abstraite qui égalise tous les biens concrets, tout comme le Dieu unique est l'abstrait par rapport auquel les hommes concrets sont rendus égaux. Nivellement, égalité, uniformité : c'est le paysage physique et spirituel déterminé par l'élément mer/désert.

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Le monothéisme du marché découle donc de la mer. Après tout, la nature particulière de l'économie actuelle va particulièrement bien avec l'élément liquide. L'ère moderne est en effet l'ère des flux : flux d'informations, flux de capitaux, flux de marchandises, flux d'individus. Même le pouvoir devient un flux, il se dématérialise, il devient une réalité subtile, qui traverse les corps et les esprits sans être "solidifié" dans un Palais d'Hiver. L'homme lui-même perd sa solidité, il devient flexible, il doit sans cesse se réajuster au flux du marché, abandonnant pour toujours tout enracinement, toute identité stable, tout fondement sûr. C'est le monde de la nouvelle économie, fondé - observe Alexandre Douguine - sur l'"évaporation" des concepts fondamentaux de l'économie, sur une dématérialisation de la réalité. Le montant des capitaux employés dans les secteurs classiques de l'économie, ceux de la production "réelle", est effroyablement inférieur à celui des marchés boursiers et de la finance virtuelle. La masse monétaire dans le monde d'aujourd'hui est égale à près de quinze fois la valeur de la production. En fait, le capitalisme s'affranchit aujourd'hui des marchandises pour se concentrer directement sur l'autoproduction tourbillonnante de l'argent, dans un système totalement autoréférentiel où l'argent ne sert qu'à générer plus d'argent. La valeur d'usage des biens tend vers zéro, tandis que leur valeur d'échange tend vers l'infini. L'économie perd toute référence physique, l'internet dépasse les limites de l'espace et du temps, le fondamentalisme libéral brise les règles et ainsi le marché mondial devient une marée inarrêtable qui efface tout résidu d'humanité sur son passage. La Mer/Marché déborde, la Terre est totalement submergée.

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En effet, l'assaut de la Mer sur la Terre entraîne la disparition de cette dernière. C'est la mise à mort des territoires. Face à la marée montante, il n'y a plus de terre émergée, c'est-à-dire qu'il ne reste rien de la Terre telle qu'elle est parce qu'elle a été historiquement habitée par l'homme. Les territoires deviennent de simples zones, des espaces déshumanisés dont l'essence est purement mercantile. Les frontières entre les zones sont comme les frontières dessinées sur l'eau : ce sont de pures conventions valables sur le papier à des fins commerciales, et non des limites de division d'un espace humain. "Entre les zones, cependant, des liens doivent passer : passages d'argent, de marchandises, de signes. Ces liens sont indispensables et marquent le passage de la géographie au réseau" (Simone Paliaga, L'uomo senza meraviglia, Edizioni di Ar, Padoue 2002). Le réseau "exonère" le territoire de son essence physique, le dématérialise, le rend fluide. Le réseau égalise et remet à zéro la différence des lieux qui sont en eux-mêmes différents, incomparables et irréductibles les uns aux autres. L'opacité du différent s'efface au profit de la transparence du réseau, dans lequel chaque lieu est égal à l'autre. Comme en pleine mer, où personne ne peut établir sans autres indications où l'on se trouve sur la planète.

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Si la Mer déborde et fait son dernier assaut sur la Terre, les gardiens de la Terre doivent faire face au danger avec une fermeté qui ne peut cependant pas se transformer en immobilisme. Si tout est Mer, alors, à la manière de D'Annunzio, navigare necesse est. Dans le monde des flux, des réseaux, de la mobilité inépuisable, nous ne pouvons pas rester dans l'attente d'un choc frontal que nous ne gagnerons jamais, parce que l'ennemi nous surpasse en force et en organisation et surtout parce qu'il n'est pas seulement "devant" mais aussi à côté de nous, au-dessus, au-dessous et à l'intérieur de nous. " Pour chevaucher le tigre, c'est-à-dire pour ne pas se noyer dans la crue du fleuve, il faut [...] ne jamais essayer, de la manière la plus absolue, d'aller à contre-courant mais il faut exploiter les vents, suivre les dynamiques, émergeant soudain sur la crête de la vague pour offrir des interprétations actualisées, correctes, en ordre et non en conformité " (Gabriele Adinolfi, Nuovo Ordine Mondiale, S.E.B. Milan 2002). L'avenir sera fait de réseaux agiles et solidaires, et non de paroisses monolithiques et divisées. Il faut assumer l'attitude "liquide" de l'époque tout en restant ancré à la Terre et enraciné dans une Communauté de destin qui incarne encore des valeurs en net contraste avec l'éthos contemporain. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons nous placer de manière constructive au cœur de l'affrontement qui nous voit - pour toujours et à jamais - face à l'Aeterna Carthago.

* * *

Tiré d'Orion 235 (2004).

Carl Schmitt, Terre et Mer, Adelphi, Milan 2002.

lundi, 05 avril 2021

Le retour de Carthage : la nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni

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Le retour de Carthage : la nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni

Traduction par Juan Gabriel Caro Rivera

Le 16 mars 2021, le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a présenté un nouveau document qui définit la stratégie de la politique étrangère et de la défense britannique pour les 30 prochaines années. Le document s'intitule "La Grande-Bretagne dans un monde compétitif". Un examen complet a donc été élaboré à Londres sur les questions de sécurité, de défense, de développement et de politique étrangère.

Selon le document, les dirigeants actuels de la Grande-Bretagne considèrent la Chine et la Russie comme la principale menace pour leur pays. Bien que le document indique clairement que la priorité doit être accordée à la région indo-pacifique (la lutte contre la Chine), l'accent est mis sur l'Europe de l'Est (l'"endiguement" de la Russie).

Londres utilisera à la fois les sanctions économiques et la pression militaire contre ses ennemis. Pour y parvenir, le Royaume-Uni procédera à une modernisation de ses armements, cybernétique, spatial, naval et nucléaire. En 2030, les forces armées britanniques prévoient de disposer de 260 têtes nucléaires. Ainsi, l'armée britannique sera présente partout dans le monde et l'île britannique deviendra "un résolveur de problèmes et un gestionnaire de conflits à l'échelle mondiale".

La Grande-Bretagne et la société ouverte

Le concept d'une Grande-Bretagne mondiale n'est en aucun cas nouveau. Il a toujours été la bannière d'une partie du pouvoir conservateur britannique qui était favorable au Brexit. Il faut garder à l'esprit que deux courants distincts étaient favorables à la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE: d'une part, les populistes, très désabusés par l'UE en tant qu'institution transnationale et libérale, et, d'autre part, les ultra-libéraux (également connus sous le nom de néo-conservateurs). Pour ces derniers, l'UE n'était pas assez libérale et était trop "continentale" par rapport à la Grande-Bretagne, qui a historiquement lié son destin à la défense de sa mission particulière de puissance maritime, au libre marché et à la promotion de la "démocratie" dans le monde. Ce sont précisément ces forces personnifiées dans le néoconservateur britannique, l’intellectuel à l'origine du Brexit, Michael Gove, et l'ancien maire de Londres, Boris Johnson, qui ont finalement gagné et écarté les populistes qui avaient des idées beaucoup plus traditionalistes comme Nigel Farrage.

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La stratégie actuelle des élites britanniques consiste à faire de leur pays une île par laquelle transitent tous les flux financiers, informatiques et toutes sortes de "réseaux" mondiaux (le terme "réseau" est utilisé 52 fois dans le document), en faisant partie intégrante des réseaux de sécurité internationaux. Le Chatham House (Royal Institute of International Affairs) (1) avait déjà proposé plusieurs idées similaires concernant la politique internationale (la Grande-Bretagne étant une sorte de corridor mondial où convergeraient toutes les contradictions mondiales). Nous pouvons dire que le gouvernement britannique et le plus important groupe de réflexion britannique ont les mêmes idées mondialistes sur l'avenir de la Grande-Bretagne.

Le document affirme ouvertement qu'il existe une "compétition idéologique" entre les puissances libérales et "autoritaires" ; puissances autoritaires qui agissent contre les démocraties, et que Londres doit devenir l'un des principaux champions des "démocraties" dans le monde.

Le document indique que "le premier objectif de la Grande-Bretagne, en tant que ‘’force du bien’’ projetée dans le monde, doit être de soutenir toutes les sociétés ouvertes et de protéger les droits de l'homme".

Le document est caractérisé par une image manichéenne du monde divisé en noir et blanc. Dans ce sens, les ennemis (c'est-à-dire la Russie et la Chine) sont considérés comme le mal absolu et les Britanniques eux-mêmes sont considérés comme parties prenantes des "forces du bien". En outre, le concept de "société ouverte" est mentionné tout au long du document.

La mission des ‘’États puniques’’ et la ‘’Grande Reconstruction’’

Le 13 novembre 2018, la Henry Jackson Society a discuté en profondeur du concept de Grande-Bretagne mondiale dans une perspective géopolitique. La Henry Jackson Society est un think tank très influent qui compte parmi ses membres plusieurs députés britanniques (parmi lesquels on peut compter l'un des amis des enquêteurs de Bellingcat, le vétéran du renseignement militaire anti-russe Robert Seely), des journalistes (comme Mark Urban, l'un des confidents de Skripal, qui est un spécialiste des questions de renseignement et des assassinats secrets), l'ancien chef du MI-6 Sir Richard Dearlove, l'ancien chef de la CIA James Woolsey, le néoconservateur William Kristol et également certains membres qui dirigent l'Atlantic Council (organisation interdite en Russie). A également participé à ce forum le cerveau derrière le Brexit : Michael Gove.

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Lors de cette réunion de 2018, le professeur Andrew Lambert, qui appartient à la Royal Military Academy Sandhurst, l'institution militaire la plus prestigieuse du Royaume-Uni, a exposé en détail la mission historique de la Grande-Bretagne en tant que Sea Power (2). Pour Lambert, comme pour tous ceux qui ont participé à la réunion, le Sea Power constitue un type d'identité très particulier assumé dans l'Antiquité par les Phéniciens et les Carthaginois, puis par les Vénitiens, les Néerlandais et les Britanniques.

Cette identité considère le commerce comme un principe fondamental. Les puissances maritimes estiment que le marché doit être ouvert tout comme la mer est ouverte à la navigation. En outre, les puissances maritimes ne se caractérisent pas par l'utilisation directe et ouverte de forces militaires, mais pratiquent plutôt l'équilibre par le contrôle de certains points nodaux importants. La pensée des puissances "maritimes" tente de transférer les principes juridiques de la mer aux relations sociales terrestres, puisque les frontières n'existent pas en mer et que le libre-échange se développe (bien que les forces militaires puissent également se déplacer librement). Il est intéressant de voir que cette analyse reprend point par point les idées de Carl Schmitt, qui décrivait la confrontation entre Terre et Mer comme des principes géopolitiques antagonistes.

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Prof. Andrew Lambert.

Cependant, il est incroyable que l'élite britannique utilise ouvertement ces catégories et se considère comme les continuateurs de l'empire commercial carthaginois qui était l'ennemi de Rome. Le professeur Lambert voit également la Russie d'aujourd'hui comme la continuation de "Rome", tandis que l'Occident libéral est une sorte de ‘’Carthage collective’’. La Chine est considérée comme une puissance terrestre.

Tout cela aide à comprendre pourquoi Lambert préconise l'ordre fondé sur des règles, "un ordre fondé sur des règles claires". C'est l'ordre auquel Londres exhorte toujours Moscou et Pékin à revenir.

Selon Lambert, l'ordre international n'est pas seulement un "cadeau" que la puissance navale britannique a fait au monde. Tout cela s'est construit grâce aux "navires à vapeur, aux câbles télégraphiques sous-marins, aux communications sans fil, aux services bancaires, au transport maritime et à la finance internationale".

Lambert affirme que "le Royaume-Uni a créé tous ces services parce qu'ils faisaient partie de ses intérêts nationaux. Nous n'avons pas créé tout cela par charité ; un ordre fondé sur des règles claires n'est pas bon en soi, il n'est bon que dans la mesure où il sert les objectifs pour lesquels il a été créé.

La nouvelle stratégie de politique étrangère et de défense du Royaume-Uni reprend plusieurs de ces thèses, arguant que "le système international qui repose sur les règles du jeu créées après la guerre froide a largement profité au Royaume-Uni et à d'autres nations du monde". Il est donc entendu que la Russie et la Chine doivent revenir à l'ordre unipolaire qui existait auparavant et reconnaître la domination mondiale de l'idéologie libérale comme la seule idéologie possible.

En ce sens, la "société ouverte" est comprise comme une société qui doit être soumise à des influences extérieures, ou s'autodétruire, de la même manière que les Britanniques ont "ouvert" la Chine au XIXe siècle afin d'imposer le libre commerce de l'opium. Les puissances maritimes sont favorables à une société ouverte pour les mêmes raisons qu'elles ont favorisé l'ouverture des mers ou le libre-échange.

Il est également intéressant de constater que l'élite géopolitique britannique se considère comme les continuateurs de la mission de "conquête" de Carthage contre Rome. L'ancienne Carthage a perdu, dit Andrew Lambert, mais ses successeurs ont eu beaucoup de succès en étant capables de créer la civilisation occidentale moderne.

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Désormais, le rôle du prince Charles en tant qu'architecte de la "Grande Reconstruction" est clair. La volonté d'imposer l'unipolarité par la force fait désormais partie de l'agenda des libéraux britanniques et européens (Prince Charles et Klaus Schwab). Les États-Unis, malgré toute leur puissance, ont montré qu'après avoir élu et soutenu Trump, ils restent au fond trop provinciaux et sont trop liés à des principes "terrestres", ce qui les différencie beaucoup de l'ex-métropole.

Un parcours plutôt problématique

Mais il ne faut pas se leurrer: cette indépendance, ou plutôt la nouvelle autonomie de Londres par rapport à la politique de Washington, thème sur lequel insistent les partisans d'une "World Britain", ne doit pas être sous-estimée. Avec cette autonomie, Londres ne se défait pas des États-Unis, elle entend simplement les remettre sur les rails. L'empire décrépit des États-Unis, représenté par le dément Biden, doit être aidé tant qu'il n'abandonne pas sa mission libérale d'hégémon mondial. La Grande-Bretagne doit donc maintenant commencer à assumer sa responsabilité en tant que puissance maritime afin de faire face aux puissances continentales qui remettent en cause l'ordre mondial.

La Russie doit donc surveiller de près les activités de la Grande-Bretagne en Europe de l'Est et surtout en Ukraine à partir de maintenant. Les services spéciaux britanniques et ses forces armées coopèrent activement avec le régime de Kiev depuis longtemps. En ce sens, la montée des tensions militaires autour du Donbass et la future guerre qui est sur le point d'éclater sont sans doute liées à la nouvelle politique que Londres promeut. Les médias ukrainiens ont écrit sur la façon dont l'organisation britannico-néerlandaise Bellingcat fait chanter Vladimir Zelensky et menace d'ouvrir une enquête contre lui pour une prétendue "trahison" pendant son administration. Il y a aussi des preuves que Zelensky essaie de résoudre tout cela avec l'aide du MI-6.

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Dominick Chilcott et Erdogan.

Un autre grand problème auquel la Russie est confrontée est la Turquie. Londres entend aider Ankara tant sur le plan économique que sur celui de la sécurité, notamment parce qu'elle reconnaît la croissance rapide de ce pays en tant que puissance. Suite à la publication de la nouvelle stratégie de politique étrangère, l'ambassadeur britannique en Turquie, Dominic Chilcott, a déclaré sur Twitter que Londres souhaitait "travailler avec la Turquie car il s'agit d'une puissance régionale importante qui peut aider à résoudre les problèmes de Chypre et de la Libye ainsi qu'à renforcer le système international basé sur des règles du jeu claires" (3).

N'oublions pas non plus que l'actuel chef du MI-6, Richard Moore, a été ambassadeur en Turquie, et qu'Ersin Tatar, actuel président de la République turque de Chypre du Nord, qui a fait ses études secondaires en Angleterre et ses études universitaires à Cambridge, peuvent avoir des relations entre eux. Il est important de prendre en compte les réseaux d'influence britanniques dans les pays arabes du Moyen-Orient, y compris la Syrie.

Cependant, il est impossible d'ignorer l'ingérence continue de la Grande-Bretagne en Afrique et l'"empire" britannique PMC qui opère sans aucune interférence sur ce continent.

Guerre informatique

Il est curieux de constater que dans le document publié le 16 mars, qui nous donne un aperçu de la stratégie de la Grande-Bretagne dans le monde, une section est consacrée à un programme de lutte contre la désinformation et de développement des médias. Ce programme fait partie du Fonds pour les conflits, la stabilité et la sécurité du ministère britannique des affaires étrangères, connu pour avoir parrainé les Casques blancs qui ont soutenu les groupes terroristes syriens.

Le programme a commencé à fonctionner en 2017 et vise les médias qui publient en russe. Auparavant, le portail américain Grayzone (4) était soutenu par Reuters, la BBC et Bellingcat, toutes des agences financées par ce programme de contre-information.

Chaque année, ce programme dispose d'environ 23 à 25 millions de livres sterling (leur site officiel ne montre qu'une petite fraction de la somme d'argent fournie par l'APD - Aide publique au développement), qui sont dépensées :

Renforcer les médias indépendants et les ONG ;

Interagir avec des publics potentiellement vulnérables à la désinformation ;

Tous types de projets de communication stratégique, y compris le suivi, l'évaluation et la recherche sur les médias ennemis ;

Interagir avec les parties prenantes et évaluer les coûts de la mise en œuvre du programme.

Toutes sortes de projets de communication stratégique, y compris le suivi, l'évaluation et la recherche des médias ennemis ;

Interagir avec les parties prenantes et évaluer les coûts de mise en œuvre du programme.

Le site web du gouvernement britannique contient très peu d'informations sur ce programme et indique simplement qu'un certain nombre d'"ONG" et d'autres organisations connexes y participent. Cependant, la section sur les "coûts de mise en œuvre du programme et les participants intéressés par le programme" est vide. Il est simplement indiqué qu'ils sont laissés de côté pour des "raisons de sécurité", ce qui semble indiquer que les services spéciaux britanniques sont en contact direct avec les personnes "intéressées par ce projet".

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Parmi les partenaires directs de ce programme figurent le Foreign Office et le ministère britannique de la défense, ce qui indique que tout cela fait partie d'une guerre informatique dirigée contre la Russie. Et cette guerre va non seulement se poursuivre, mais aussi s'intensifier dans les années à venir.

Le papier World Britain in a Competitive World. A Comprehensive Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy Issues indique que Londres cherche à renforcer son rôle sur la scène internationale en étant l'une des principales forces libérales promouvant la "Grande Reconstruction". Cela signifie qu'une guerre ouverte a été déclarée contre la Russie et la Chine. Sur le front idéologique, cette guerre prend la forme d'une lutte pour la "démocratie" et la "société ouverte" mondiales en tant que "forces du bien" qui doivent éliminer le mal. Il ne faut pas faire de prisonniers. Carthage dit que "Rome" doit être détruite.

Notes :

  1. (1) https://www.chathamhouse.org/2021/01/global-britain-global-broker
  2. (2) https://henryjacksonsociety.org/members-content/the-future-of-global-bri...
  3. (3) https://twitter.com/DChilcottFCDO/status/1372091995443855361
  4. (4) https://thegrayzone.com/2021/02/20/reuters-bbc-uk-foreign-office-russian-media/

Source : https://katehon.com/

vendredi, 01 janvier 2021

« Avantage en mer » : la nouvelle stratégie navale des Etats-Unis

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« Avantage en mer » : la nouvelle stratégie navale des Etats-Unis

Par Marco Ghisetti

Ex: https://www.eurasia-rivista.com

La marine américaine, le corps des Marines et les garde-côtes ont publié conjointement le 17 décembre 2020 un document intitulé Advantage at Sea. Soit le prédominance de la puissance navale intégrée, tous domaines confondus "1

La publication de tels documents est un événement assez rare (l'avant-dernier a été publié en 2015, avec le document qui a officiellement lancé la stratégie du "multilatéralisme" suivie par Obama et Trump). De telles publications ne se produisent que sous les auspices des chefs d'état-major conjoints des États-Unis, c'est-à-dire l'institution qui rassemble les chefs d'état-major de toutes les branches de l'armée américaine. La divulgation de ce document signifie que les chefs des différentes institutions militaires américaines se sont mis d'accord sur le type de stratégie à suivre "pour la prochaine décennie" - une stratégie qui fournira donc la directive générale aux forces armées américaines, indépendamment des locataires de la Maison Blanche. La prochaine décennie, comme l'écrit l'exergue du document, "façonnera l'équilibre de la puissance maritime pour le reste du siècle".

Le raisonnement cardinal du document peut être résumé comme suit :

(1) "Les États-Unis sont une nation maritime. Notre sécurité et notre prospérité dépendent des mers".

(2) La Chine et la Russie (en particulier la Chine) constituent des menaces pour la sécurité nationale des États-Unis, car en raison de leurs "développements et modernisations navales agressives", sur le plan militaire, elles pourraient tenter d’expulser et de réussir à expulser les États-Unis de certaines mers et de la gestion de certains "points stratégiques clés" (détroits, isthmes), faisant perdre aux États-Unis "l'avantage en mer" qu'ils ont acquis par leur victoire lors de la Seconde Guerre mondiale et dont ils tirent toujours leur superpuissance. L'Iran et la Corée du Nord sont également définis comme des "rivaux".

(3) En conséquence, le document expose les principales directives visant à maintenir "l'avantage en mer" des États-Unis et à le refuser aux autres pays. Essentiellement : intégration accrue des différentes divisions armées, amélioration technologique de l'appareil de guerre (également dans le domaine de la guerre hybride et de l'intelligence artificielle), demande d'une plus grande collaboration de la part des "alliés", gestion directe des routes commerciales, de transport et de navigation, obstruction ferme et décisive de toute tentative de fermeture des zones maritimes dominées jusqu’ici par les États-Unis ou d’abandon de celles-ci aux pays rivaux surtout dans la gestion des "points focaux", défense de la suprématie navale américaine dans les mers traditionnelles (en particulier le Pacifique) et obtention de la supériorité dans l'Arctique.

***

Plus précisément, la déclaration commune commence par souligner la nature "maritime" de la puissance globale des États-Unis, une nature qui a été établie grâce à la "domination au-dessus et au-dessous des vagues et dans les cieux" obtenue après la "victoire de la Seconde Guerre mondiale" et maintenue "pendant 75 ans" depuis lors. Grâce à cette domination, affirme le document, les États-Unis ont pu promouvoir la sécurité, le bien-être et la prospérité non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour tous les pays qui ont décidé de participer aux règles du jeu.

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Aujourd'hui comme hier, dit le secrétaire de la marine Kenneth J. Braithwaite dans un appel lancé dans l'exergue au "peuple des États-Unis", "l'ordre international fondé sur le droit est à nouveau attaqué". La menace à laquelle sont confrontés les États-Unis et d'autres pays est due au fait qu'en raison de "développements technologiques importants et d'une modernisation militaire agressive", ainsi que d'une tendance générale au "révisionnisme", la Chine et la Russie menacent l'ordre mondial actuel en "contestant l'équilibre des pouvoirs dans des régions clés et en cherchant à saper l'ordre mondial existant".

Cette menace est due au fait que "les États-Unis ne peuvent plus supposer que l'accès aux océans du monde", c'est-à-dire la condition sine qua non de la mondialisation centrée sur les États-Unis, "reste illimité [sans entraves] en cas de conflit". Si, en fait, les États-Unis ont rendu possible leur propre prospérité et celle des autres grâce à l'ouverture et à la sécurité des océans qu'ils ont assurée pour eux-mêmes et pour les autres par leur suprématie maritime, cet avantage militaire "s'érode à un rythme alarmant", menaçant par conséquent "cette ère de paix et de prospérité". "Le rapport de force", en fait, dans certaines régions, penche en faveur de ces deux acteurs révisionnistes, qui montrent des signes non seulement qu'ils ne veulent pas agir en tant qu'acteurs respectueux de l'ordre mondial établi, mais plutôt qu'ils veulent utiliser leur pouvoir pour poursuivre des "intérêts autoritaires".

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"En cas de conflit, la Chine et la Russie essaieront probablement de s'emparer d'un territoire avant que les États-Unis et leurs alliés ne préparent une réponse efficace - ce qui aboutira à un fait accompli." De plus, ces deux États ont le potentiel de causer des dommages massifs à l'économie mondiale par des cyberattaques et des attaques cinétiques ou en s'attaquant aux câbles sous-marins. Quoi qu'il en soit, le principal ennemi à "long terme" est la Chine, car elle "a mis en œuvre une stratégie et une approche révisionnistes qui visent le cœur de la puissance maritime américaine [c'est-à-dire] cherche à corroder la gouvernance maritime internationale, à refuser l'accès aux centres logistiques traditionnels, à entraver la liberté des mers, à gérer l'utilisation des goulets d'étranglement névralgiques, à dissuader notre engagement dans les différends régionaux et à remplacer les États-Unis comme collaborateur privilégié dans les pays du monde entier". De plus, alors que la flotte américaine est dispersée dans le monde entier, celle de la Chine est concentrée dans le Pacifique, où elle "cherche à établir sa propre hégémonie régionale [et] étend également sa portée mondiale [avec la] nouvelle route de la soie", devenant ainsi capable de se projeter aussi loin de ses propres côtes qu'elle n'a jamais pu le faire auparavant.

Selon la déclaration commune, l'importance traditionnelle de la domination sur les mers et les océans n'a pas diminué en raison des récents développements technologiques et de l'approfondissement de la mondialisation ; en fait, ce n'est pas seulement la domination des mers qui a rendu ces développements possibles, mais c'est en intégrant la puissance navale dans les différents domaines qu'il est possible de "multiplier l'influence traditionnelle de la puissance maritime afin de produire une force totale plus compétitive et plus meurtrière". En ce sens, on comprend l'impératif catégorique de la stratégie commune, consistant à réaffirmer et à défendre la domination maritime américaine sur les anciens et les nouveaux théâtres maritimes, à faire en approfondissant le niveau d'intégration des différents départements militaires : intégration qui doit également englober des domaines qui, à première vue, pourraient sembler sans rapport avec la fonction de "préservation de la sécurité maritime", notamment "la diplomatie, l'application des lois, l'habileté politique", ainsi que la gestion plus ou moins directe des "navires marchands, des infrastructures portuaires, des constructeurs de navires". Toutes ces relations sont d'une importance capitale pour garantir l'utilisation sans restriction du domaine maritime, assurer notre sécurité et protéger notre prospérité".

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En tout état de cause, le fait que la stratégie décrite dans "Avantage en mer" ne constitue pas un changement fondamental de la stratégie de domination américaine est confirmé par le document lui-même, qui indique que "les objectifs de sécurité des États-Unis sont restés constants depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis ont cherché à protéger leur territoire et à assurer des conditions mondiales favorables à la liberté, au commerce et à la paix. Nous avons déjoué les tentatives de nos rivaux de soumettre des régions ou d'empêcher l'accès aux océans du monde. Chaque fois que ces intérêts durables ont été menacés, les États-Unis ont agi de concert avec des nations partageant les mêmes idées pour protéger nos objectifs communs et changer le comportement des nations qui opèrent en dehors des normes internationales établies".

1400867965078.jpgEn effet, la doctrine maritime américaine a fait preuve d'une constance de plusieurs siècles depuis qu'elle a été élaborée pour la première fois par Alfred Thayer Mahan, l'influent amiral qui a systématisé les bases théoriques de l'influence de la puissance maritime sur l'histoire, fournissant aux États-Unis l'étoile polaire qui a guidé leur politique navale dans le monde entier depuis la fin du XIXe siècle. Pour Mahan, en effet, les États-Unis étaient les héritiers nécessaires de l'empire maritime britannique, un héritage qui les a élevés au rang de "véritable île contemporaine", d'"île majeure" et qui, après être devenu le seul État à avoir atteint une hégémonie régionale complète, sûrs de leur "caractère insulaire" à l'échelle du continent, ont projeté leur puissance navale dans le monde entier grâce à leur domination sur la puissance maritime. Et dans cette optique, les États-Unis empêchent tout autre acteur de devenir hégémonique dans sa propre région, ce qui impliquerait l'expulsion de la marine américaine des eaux de cette région.

Ce qui constitue plutôt, d'une certaine manière, une nouveauté dans le cas qui nous préoccupe aujourd’hui, c'est l'importance accordée à la région arctique, une zone inaccessible à l'époque de Mahan mais désormais ouverte à l'influence de la puissance maritime. Et en fait d'une ouverture à la concurrence maritime que la stratégie énonce lorsqu'elle affirme que "nous ne pouvons pas renoncer à notre influence [...]. Les prochaines décennies apporteront des changements dans la région arctique qui auront un impact significatif" sur l'équilibre mondial des pouvoirs ; une région où, cependant, la marine américaine souffre de lourds retards technologiques et stratégiques par rapport à la Russie et à la Chine.

Cela signifie que le besoin perçu de contenir la Russie et la Chine dans l'Arctique, associé à leur retard général par rapport à ces deux acteurs, conduira probablement les États-Unis à une course à la militarisation de la macro-région arctique dans une tentative de saboter, en particulier, la branche polaire de la nouvelle route de la soie. En tout cas, depuis quelques années, les stratèges américains insistent sur l'importance stratégique que prend l'Arctique : l'idée avancée en 2019 d'acheter le Groenland au Danemark n'est que l'exemple le plus frappant mais, malgré ces tentatives, la Russie et la Chine avancent plus vite que les États-Unis dans leurs projets arctiques.

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Si l'on tient bien compte des idées énoncées dans la stratégie de l'"avantage en mer", le fait majeur à retenir est que la sécurité des États-Unis dépend essentiellement de leur supériorité maritime et qu’ils doivent dès lors agir pour réaffirmer cette supériorité qu'"ils perdent à un rythme alarmant". L'idée-force est énoncée dès la première ligne de l'introduction du document, qui stipule que "nos actions au cours de cette décennie façonneront l'équilibre des pouvoirs pour le reste du siècle". Par conséquent, il est difficile de ne pas conclure qu'une telle stratégie entraînera une course aux armements impulsée par les États-Unis pour imposer leur suprématie dans l'Arctique en militarisant la macro-région et, en outre, pour empêcher la Chine d'obtenir l'hégémonie dans la Méditerranée asiatique, avec des risques énormes pour la sécurité internationale. 

  1. 1) Ce document peut être consulté ici: https://media.defense.gov/2020/Dec/16/2002553074/-1/-1/1/...

 

Marco Ghisetti

Marco Ghisetti est titulaire d'un doctorat en politique mondiale, en relations internationales et en philosophie. Il a travaillé et étudié en Europe, en Russie et en Australie. Il s'occupe principalement de géopolitique, tant pratique que théorique, de théorie politique et de philosophie politique. Parmi les différents centres d'études ou revues qui ont publié ses articles, outre Eurasia, figurent Osservatorio Globalizzazione et Geopolitical News PR.

vendredi, 13 novembre 2020

Les océans, un défi de la souveraineté - Entretien avec Richard Labévière

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Les océans, un défi de la souveraineté

Entretien avec Richard Labévière

Le Zoom - TVL

 
La France possède le deuxième espace maritime et le premier espace sous-marin du monde ! Sa Marine nationale est opérationnelle partout, ses savoir-faire techniques couvrent tous les enjeux de défense et de sécurité, et pourtant, même si l'action de l'Etat en mer reste un modèle, notre pays peine à exploiter ces atouts. Alors qu'une nouvelle géopolitique des océans s'ouvre devant nous, le journaliste et consultant Richard Labévière propose de retrouver la force de notre souveraineté et de notre liberté avec un principe :"Reconquérir par la mer". C'est le titre de son dernier ouvrage !
 
 
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Retrouvez-nous sur : https://www.tvlibertes.com/

mercredi, 14 octobre 2020

Yan Giron : Précis de la puissance maritime

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Yan Giron : Précis de la puissance maritime

(conférence en ligne)

 
Le Cercle Aristote a l'honneur de recevoir Yan Giron, Ingénieur agronome spécialisé en gestion et aménagement des pêcheries maritimes, diplômé de l’Ecole Nationale d’Agronomie de Rennes pour une conférence en ligne sur son dernier ouvrage intitulé : "Précis de la puissance maritime, agir sur les océans" paru aux éditions Bernard Giovanangeli.
 
 
Pour aller plus loin :
➡️Retrouvez le dernier ouvrage de note invité : https://www.bgedition.com/detailbouti...
➡️Retrouvez ses articles et publications : https://www.diploweb.com/_Yan-GIRON_....
 
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jeudi, 12 mars 2020

Julien Freund e la Talassopolitica

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Julien Freund e la Talassopolitica

Sul numero 02/2018 di Rivista di Politica possiamo leggere un’interessante coppia di articoli: Ernesto C. Sferrazza Papa, Topolitiche del Conflitto. A partire dalla traduzione italiana di La thalassopolitique di Julien Freund e appunto La talassopolitica. Spazio e tempo della politica nell’era tecnologica. Il perché questi saggi siano oggi importanti è presto detto: la politica del XXI secolo è dominata da un mainstream mediatico e accademico in cui dominano temi quali cooperazione, organismi sovranazionali oltre che concetti, come diritti umani e interventi umanitari, che in linea teorica dovrebbero appartenere a tutta l’umanità senza distinzione; la realtà però è che la politica internazionale non può prescindere da due elementi centrali, ovvero il Tempo (la Storia) e lo Spazio (la Geografia). La riflessione di Freund va appunto nella direzione di analizzare il nuovo (il testo è del 1985) spazio politico in connessione con la tecnologia.

Il breve lavoro di Freund nasce come postfazione della traduzione francese di Land und Meer di Carl Schmitt e quindi si inserisce in un dibattito politico e filosofico ben preciso che ruota intorno al concetto di geopolitica. Freund condivide con l’autore tedesco sia la natura conflittuale della politica identificabile nel nesso amico-nemico, sia l’idea che la storia umana possa essere interpretata come una lotta tra due diverse tipologie di potenze: continentali e quindi telluriche i cui elementi centrali sono lo Stato e la sovranità; marittime che sono mobili e più fluide. In questa interpretazione spaziale della politica internazionale Freund pone poi l’accento su due considerazioni centrali: il ruolo degli Oceani e in particolare dell’Oceano Pacifico è centrale; l’emisfero Sud sta aumentando il suo peso relativo. Ne consegue che il ruolo dell’Europa è destinato a declinare sempre più visto che è l’unico dei continenti a non avere uno sbocco sul Pacifico. In questo contesto acquisisce quindi un ruolo centrale la talassopolitica, ovvero il pensare le forme della politica partendo dalle loro manifestazioni su uno spazio oceanico (il che esclude quei casi storici di potenze marittime legate però a mari interni come il Mediterraneo).

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Vi è un altro elemento della riflessione di Freund da prendere in considerazione, ovvero il ruolo della tecnologia. Infatti, se sulla terraferma è possibile muoversi e spostarsi senza l’uso della tecnologia, negli oceani ciò diviene semplicemente impossibile e dunque è il progredire della tecnologia che ha portato l’Oceano ad acquisire il ruolo centrale che Freund gli riconosce. L’autore francese fa però un ulteriore passo in questa direzione, poiché afferma che con il sottomarino nucleare si è rovesciato il tradizionale rapporto tra terra e mare, ovvero ora è la terra alla mercé del mare perché con il sottomarino nucleare, in grado di operare in modo indipendente senza bisogno, quasi, di rifornimenti, viene meno anche la centralità delle basi terresti per il controllo dei mari e soprattutto minaccia direttamente la terra con i suoi missili e con l’elemento sorpresa che è innato nell’arma.


È dunque la talassopolitica, insieme alla tecnologia, a dover essere presa come elemento centrale per lo studio della politica internazionale. La geopolitica rimarrà importante, ma per i rapporti interni alle singole regioni, mentre a livello globale serve ragionare in termini appunto di talassopolitica.

Freund è un autore relativamente poco noto in Italia, anche se sono disponibili in italiano varie opere (qui un interessante trittico scritto da Campi per inquadrare l’autore e il suo pensiero sulla guerra), ma questa sua riflessione seppur appartenente ancora al periodo della Guerra Fredda ci appare molto utile per almeno due ragioni principali. Primo, pone al centro della riflessione politica il problema degli spazi e quindi della geografia. Troppo spesso nella politologia contemporanea e negli studi sulla politica internazionale si concede spazio a statistiche, dati e riflessioni etico-morali senza prendere minimamente in considerazione gli spazi politici e geografici dove le azioni si svolgono. In realtà lo Spazio influenza profondamente la Politica ed è un elemento da prendere sempre in considerazione, specie se, come oggi, quegli spazi politici stanno mutando radicalmente. Secondo, riflette sui grandi mutamenti politici e tecnologici che influenzano il nostro mondo e offre interessanti spunti sul tema dell’irregolare, ovvero il partigiano, rispetto agli oceani e quindi emerge come il terrorista di oggi sia come la figura del pirata più che del corsaro, il quale seguiva direttive di uno Stato.


Una lettura interessante che aiuta a comprendere meglio gli Spazi della politica internazionale del XXI secolo.

 

mercredi, 09 mai 2018

L'Atlantique Nord redevient une mer américaine

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L'Atlantique Nord redevient une mer américaine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La Marine américaine, par la voix de l'Amiral John Richardson, chef des Opérations navales, vient d'annoncer qu'elle réactivait sa « Seconde flotte ». Celle-ci, décommissionnée depuis 2011, couvrira une grande partie de l'Atlantique depuis le pôle nord jusqu'à la Mer des Caraïbes, incluant les côtes européennes. La Seconde flotte avait été mise en place après la seconde guerre mondiale, dans le cadre de l'Otan.

Aujourd'hui, comme précédemment, la Seconde Flotte sera principalement dirigée contre la Russie. Les incursions de la marine russe sont extrêmement rares dans l'ensemble de cette zone. Elles se limitent à la mer de Norvège et à la mer du Nord, en couverture des frontières russes. Récemment l'Otan avait accusé la Russie d'opérations de surface et sous-marines en Baltique, Atlantique Nord et mers arctiques. Avant 2011, la flotte comportait environ 126 navires, 4.500 avions et 90.000 hommes. Elle était répartie sur diverses bases de la cote Est américaine.

La nouvelle Seconde flotte, d'effectifs sans doute plus réduits, pour raisons d'économie, se donnera pour mission, selon l'amiral Richardson, d'exercer toutes manœuvres utiles dans l'ensemble de l'Atlantique, ainsi que d'intercepter pour examen tout navire suspecté de représenter une menace. Le concept de coordination éventuelle avec les marines européennes n'a pas été évoqué. Manifestement, celles-ci ne seront pas consultées.

On notera que cette annonce de l'US Navy suit de près celle faite par Vladimir Poutine concernant l'existence de missiles hypersoniques. Le Pentagone sait parfaitement que de tels missiles peuvent détruire tout navire ennemi, sans possibilités avant longtemps de parade. On consultera à ce sujet un article de Dedefensa http://www.dedefensa.org/article/les-usa-face-a-lhyperson...

Faut-il en conclure que Washington courra délibérément le risque de voir un de ses navires, après des provocations répétées de la Seconde flotte, détruit par un missile russe du type Kinzal ? La seule riposte à sa portée sera en ce cas nucléaire, nucléaire tactique avant de devenir stratégique. Ce seront l'occasion attendue d'une guerre nucléaire contre la Russie, difficile à engager actuellement sans prétexte.

Comme nous l'avons relaté, Vladimir Poutine le sait et ne veut pas provoquer délibérément d'incident avec les Etats-Unis susceptible d'entraîner une riposte nucléaire. D'où l'accusation de « mollesse » que certains lui ont faite. Mais si la Seconde flotte, en Atlantique Nord, en Baltique et en Arctique, se fait de plus en plus agressive, pourra-t-il longtemps ne pas répondre ?

jeudi, 01 février 2018

Een wereldorde gewrocht op wereldzeeën

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Een wereldorde gewrocht op wereldzeeën

door Jonathan Van Tongeren

Ex: http://www.novini.nl

In zijn boek Land en zee schetst de Duitse staatsrechtsgeleerde Carl Schmitt (1888-1985) de geopolitieke bronnen van het internationale recht en de Anglo-Amerikaanse wereldhegemonie, hij lokaliseert die in de overgang van de Britten van een eilandnatie naar een echte zeemacht.

In de eerste hoofdstukken van zijn boek schetst Schmitt de ontwikkelingen in de scheepvaart, de verkenning en de uiteindelijke beheersing van de zeeën. Hij gebruikt daar ettelijke hoofdstukken voor, waarmee hij ook het punt van de grote geleidelijkheid van deze ontwikkelingen overbrengt. Eerst was er wel zeevaart, maar waren er nog geen echte zeemachten, de zee begon als kustvaart en later beperkten handelsmachten als Genua en Venetië zich aanvankelijk tot binnenzeeën als de Middellandse Zee en de Zwarte Zee. Pas in de loop van de vijftiende eeuw gaat men de kust van Afrika verkennen, rondt men uiteindelijk de Kaap en trekken ontdekkingsreizigers als Vasco da Gama en Magellaan er op uit. En Columbus niet te vergeten.

schmitt.jpg.pagespeed.ic.Fn7rzaPS8K.jpgMaar het zijn protestanten in Noordwest-Europa die zich tot echte zeemachten ontwikkelen, doordat watergeuzen en piraten een primaire afhankelijkheid van de zee ontwikkelen. Het zullen uiteindelijk dan ook de Engelsen (en zij die als de Engelsen denken) zijn die de vrijgemaakte maritieme energieën beërven en het idee propageren dat de zee vrij is, dat de zee niemand toebehoort.Dat idee lijkt eerlijk genoeg, de zee is vrij dus van iedereen, niet waar? Maar als de open zee niemand toebehoort, geldt er uiteindelijk het recht van de sterkste. “De landoorlog heeft de tendens naar een open veldslag die beslissend is”, schrijft Schmitt. “In de zeeoorlog kan het natuurlijk ook tot een zeeslag komen, maar zijn kenmerkende middelen en methoden zijn beschieting en blokkade van vijandelijke kusten en confiscatie van vijandige en neutrale handelsschepen [..]. Het ligt in de aard van deze typerende middelen van de zeeoorlog, dat zij zich zowel tegen vechtenden als niet-vechtenden richten.”

En dan maakt Schmitt een cruciaal punt: “[S]inds de Britse inbezitname van de zee raakten de Engelsen en de volkeren die in de ban van Engelse ideeën staan, eraan gewend. De voorstelling dat een landrijk een wereldomspannende macht zou kunnen uitoefenen zou volgens hun wereldbeeld ongehoord en onverdraaglijk zijn.”

Het Britse eilandrijk groeide uit tot een wereldomspannende macht, doordat het voor de zee koos. “Nadat de scheiding van land en zee en de tweespalt der beide elementen eenmaal tot constitutie van de planeet was geworden” ontwikkelde men een hele manier van denken en een internationaal rechtssysteem “waarmee de mensen voor zichzelf de wijsheid en redelijkheid van deze situatie verklaarden, zonder het oerfeit daarvan in het oog te houden: de Britse keuze voor de zee en de tijdsgebondenheid daarvan.” Zodoende kunnen we ons geen ander mondiaal economisch systeem en geen ander internationaal recht meer voorstellen. Daaruit blijkt “dat de grote Leviathan ook macht over de geest en de ziel van de mens heeft”.

Land en zee is rijk aan waardevolle gedachten, maar tegelijk een zeer compact boek, zodat de lezer vooral de tijd moet nemen om de sterk geconcentreerde ideeën die het bevat op zich in te laten werken. Recent is er een Nederlandse vertaling verschenen bij Uitgeverij De Blauwe Tijger, die dit klassieke werk mooi uitgevoerd heeft in een tweetalige editie met op de rechterpagina’s de vertaling en links het originele Duits. Een kleinood voor iedereen die iets wil begrijpen van de wereld waarin wij leven!

N.a.v. Carl Schmitt, Land en zee. Een wereldhistorische beschouwing (Uitgeverij De Blauwe Tijger: Groningen, 2017), vertaling: Henry van Sanderburg, paperback met stofomslag.

samedi, 11 novembre 2017

Tierra, Mar y Katechon

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Tierra, Mar y Katechon

Pueblos de la Tierra y pueblos del Mar

Ex: http://www.hiperbolajanus.com

El hombre asumió el principio de territorialidad desde el mismo momento que dejó de ser nómada, cuando en el lejano Neolítico comienza a establecerse en un territorio determinado, bajo comunidades de cierta amplitud, y con un código de valores y unas normas de convivencia que comienzan a forjarse de forma más o menos difusa, en un principio, y con mayor claridad en el devenir de los siglos. Así podríamos definir, de forma simple y concisa los inicios de la historia de la humanidad civilizada, en lo que nos remite al germen del poder político y del desarrollo de estructuras más o menos complejas que derivan en formas estatales de distinta naturaleza.
 
En este sentido es muy interesante destacar las reflexiones de Carl Schmitt al respecto, quien nos habla de una antítesis fundamental en la base del dominio político sobre el territorio. Se trata de un antagonismo que nos remite a dos tipos claramente diferenciados de entornos: por un lado la tierra y por el otro el mar. Estos dos elementos, que vemos claramente expuestos con posterioridad en la obra de Aleksandr Duguin, cuando nos habla del dominio de la tierra (telurocracia) y el dominio del mar (talasocracia), reúnen una serie de condicionamientos a nivel simbólico que reflejan naturalezas en contraste.
 
En el caso de la tierra nos remite a un elemento sólido, compacto y sobre el cual se pueden generar riquezas concretas, en forma de cultivos y cosechas o incluso proporcionarle una identidad al dividirlo, al ser susceptible de contener la impronta del hombre y de las actividades humanas en general. No en vano distintos estratos de asentamientos humanos se superponen sobre la tierra firme, y a día de hoy arqueólogos, paleontólogos o cualquier otro tipo de especialista puede conocer y estudiar la huella del pasado a través de los restos materiales contenidos en esa tierra. De modo que la tierra, en definitiva, es testigo y soporte de nuestras actividades, y por ese mismo motivo es posible establecer un dominio claro y efectivo sobre la misma, un dominio político sin lugar a dudas.
 
En el caso del mar ocurre exactamente lo contrario, y lo vemos reflejado en la ausencia de fronteras de ningún tipo, especialmente en lo que respecta a su superficie, donde se suceden interminables extensiones de un agua que, como elemento líquido, impide que la acción del hombre deje huella sobre la misma. Es muy complicado afirmar un principio de territorialidad sobre el mar, en la medida que es imposible compartimentarlo o dividirlo de manera alguna, de ahí que el dominio sobre los territorios marítimos haya sido, y siga siendo, un principio más difuso desde la perspectiva del derecho político.
 

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Los valores de la Tierra
 
Pero más allá de las cuestiones angulosas y complejas del derecho político, debemos contemplar dentro de la antítesis entre la tierra y el mar otro tipo de elementos que nos remiten al terreno más ideológico, lo cual supone un contraste que dentro de los posicionamientos de los teóricos más actuales del Eurasianismo vemos reflejados. Los valores ideológicos inherentes a la tierra, aquellos que representan el dominio político efectivo, se han traducido en una serie de ítems ideológicos muy claros: aquellos pueblos, imperios o civilizaciones basadas en el dominio de las masas y territorios continentales tienden a ser contrarios a las ideas vinculadas al progreso, a una concepción progresivo-evolutiva de la sociedad en los términos en los cuales es concebida por el liberalismo. El hecho de que la tierra no se atenga a los mismos criterios que el mar, que no sea maleable del mismo modo que lo son los océanos y que cualquier modificación se realice sobre un espacio fijo, nos habla de valores conservadores, contrarios a cualquier idea o principio de Devenir. En este caso debemos hablar de valores tradicionales, heroicos y espirituales que nos remiten a principios fuertemente enraizados en las conciencias de sus pobladores.
 
Del mismo modo la posesión y dominio de la tierra nos remite a un principio de Personalidad, que es el que alude al desarrollo no solo de un derecho privado, sino a la propia formación de un sentido aristocrático y vertical del poder. No en vano, en las sociedades tradicionales la existencia de una aristocracia terrateniente y la fundación de su poder sobre el dominio de posesiones territoriales ha sido fundamental. Respecto al tema de la Personalidad es importante destacar que ha sido uno de los elementos que Evola señala como uno de los procesos disolutivos propios de la Modernidad. La Personalidad, como afirmación de esos valores fuertes, desde la integridad y armonía interior son fundamentales para entender la concepción antropológica existente en este tipo de sociedades. Del mismo modo la Personalidad nos remite a la Persona, vinculada a un principio de identidad individual, que no individualista, dentro de la colectividad, que es otra de las referencias fundamentales defendida por los valores de la Tierra. El sentido comunitario-orgánico tan propio de las generaciones que nos precedieron, depositarias de valores agrarios en referencia a la vital importancia que hablábamos al comienzo, y es que aquellos que mantienen un vínculo directo con la tierra y ligan su existencia a ésta se impregnan de los valores duraderos y firmes que ésta representa. Del mismo modo la estructuración de una comunidad de este tipo entiende la necesidad de que cada una de las personas que la forman represente un rol o una función determinada, es lo que nos remite a la reforma gregoriana del siglo XIII, la que nos habla de la trifuncionalidad de la sociedad cristiana (los que trabajan la tierra, los que hacen la guerra y los que rezan), lo que implica un desarrollo vertical de la estructura de poder, una verdadera jerarquía en la que el dharma de cada persona establece el lugar que se ocupa en el conjunto.
 

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Los valores del Mar
 
Dentro del conglomerado ideológico que define los valores del mar hallamos principios e ideas diametralmente opuestos. El mar ignora fronteras y desconoce todo principio de unidad, como decíamos su estado líquido lo condena a la permanente indeterminación. Es imposible fijar fronteras físicas o moldear el paisaje del mismo de una forma duradera. De hecho, dentro de las concepciones tradicionales, el agua se relaciona con el estado previo a la Creación y al sentido de lo Primordial, es la referencia a la protomateria, a lo increado o lo que permanece en el caos o en la no-creación, con los cual alude a un principio oscuro. Las aguas nos remiten a lo preformal y el hecho de sumergirse en las aguas nos habla de muerte y disolución. Con lo cual los valores vinculados al mar nos remiten a valores que podríamos considerar anti-tradicionales. De hecho, y es algo muy significativo, han sido pueblos talasocráticos, que han fundamentado su poder sobre el dominio marítimo los que han construido la modernidad. Los países anglosajones, y más concretamente Gran Bretaña, han sustentado las bases de sus imperios mundiales sobre el dominio de los mares. En este caso prevalecen valores cosmopolitas, aquellos que hablan de la ausencia de vínculos orgánicos y comunitarios, así como el predominio de un individualismo disgregador, vinculado a intereses materiales y a la ausencia de principios y valores fuertes. Por este motivo los pueblos anglosajones han desarrollado un tipo de moral utilitarista y pragmática, donde han sido más importantes los efectos prácticos de las acciones, los beneficios dentro de un plano material, más que cualquier otro principio o valor político-ideológico inquebrantable. El cosmopolitismo y la reivindicación del individuo son dos procesos disgregativos de la modernidad. Es importante el matiz lingüístico y terminológico que se deriva del concepto «individuo», que deja entrever ese principio abstracto e indeterminado frente a la Persona y la Personalidad inherentes a los valores de la Tierra, y es que el individuo cosmopolita, materialista y pragmático es también un relativista moral, que carece de esa unidad y fortaleza interior propia de quienes integran la perspectiva terrestre, es un accidentalista y un oportunista, enemigo de cualquier valor absoluto y principio trascendente. No es casualidad que la democracia ateniense llegase a su punto de mayor apogeo con el triunfo de la talasocracia, que permitió el acceso de esclavos y metecos al cuerpo social bajo criterios materialistas y utilitaristas y bajo una concepción de la sociedad totalmente horizontal.

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Sobre la idea de Katechon en Carl Schmitt

La interpretación clásica de Katechon

Está claro que los valores del Mar se han terminado por imponer y la Modernidad se ha fraguado al amparo de este tipo de civilización de carácter descendente. Actualmente, bajo el periodo histórico en el que vivimos, en el contexto de la Posmodernidad, nos hallamos en un punto de encrucijada, en lo que no es un momento exclusivo a lo largo del devenir histórico. Obedece a la lógica de los ciclos históricos, describiendo movimientos elípticos, de ascenso, con sus etapas de apogeo, y de descenso con etapas de oscuridad e inversión. Hay un concepto, que aparece referenciado en la obra de Carl Schmitt que resulta muy interesante desde la perspectiva teológico-política y filosófica, la cual nos ha permitido establecer una conexión entre la historia como un fenómeno factual, fundada en los hechos, y el propio acaecer de los acontecimientos humanos. Se trata del concepto de Katechon, al que se hace referencia originariamente en el siguiente pasaje bíblico en el que se describen las tres etapas que impiden la llegada del Anticristo:
Porque el misterio de la iniquidad ya está en acción, sólo que aquel que por ahora lo detiene, lo hará hasta que él mismo sea quitado de enmedio. Y entonces será revelado ese inicuo, a quien el Señor matará con el espíritu de su boca, y destruirá con el resplandor de su venida;...
(2 Tesalonicenses 2-7)

En este fragmento, San Pablo parece referirse a una especie de corriente subterránea que recorre la historia y que caracteriza como «el misterio de la iniquidad», por el mal y por la acción del Anticristo. No obstante la acción contaminante y envilecedora del mal aparece como contrarrestada por otra fuerza misteriosa, la cual es citada de forma neutra, «como aquello que impide» y en género masculino como «aquel que por ahora lo detiene». Este principio inicuo está destinado a manifestarse en toda su trágica virulencia, sin embargo, está condenado a ser derrotado y eliminado, a ser «quitado de enmedio». A continuación San Pablo añade que «Jesucristo lo destruirá con el aliento de su boca» (2 Tesalonicenses, 2-8).
 
La interpretación de la exégesis cristiana es una tarea hartamente complicada, y más si atendemos al fragmento anteriormente citado. Muchas han sido las teorías que han tratado de aportar luz a las palabras de San Pablo pero, sin embargo, los propios Padres de la Iglesia han tratado de desafiar el misterio de las palabras paulinas para adentrarse en una interpretación que comprende una vertiente teológico-política. Se trataría de una fuerza misteriosa que desde tiempos del Imperio Romano y en lo sucesivo, especialmente durante la Edad Media y en el camino hacia la Modernidad actual, habría contenido una serie de desgracias y calamidades que podrían haberse materializado con las profecías de Daniel y el Apocalipsis y que habrían precedido al momento de la Parusía de Cristo. El Katechon nos aparece como una categoría que Carl Schmitt ha utilizado para aplicarla a las propias dinámicas de la política internacional y en la función de las ideologías y las potencias liberales, en aquellas catalogadas anteriormente, como parte de la ideología del Mar.
 
La interpretación según Carl Schmitt
 
De hecho, el propio Schmitt aplica la categoría de Katechon a los Estados Unidos en el momento en el que se produce su entrada en la Segunda Guerra Mundial en el lado de los ingleses, estableciéndose la adhesión de los norteamericanos a la estrategia y herencia talasocráticas de éstos últimos. En este sentido encontramos el concepto de Katechon, en su definición más primaria, como un obstáculo a toda transformación razonable y a todo crecimiento sano. El ensayo de Carl Schmitt donde aparecen claramente formuladas y sistematizadas estas ideas lo encontramos en El nomos de la Tierra en el derecho de Gentes del Jus Publicum Europaeum, donde se establecen una relación entre el elemento jurídico y la Tierra, de modo que entre ambos media una digresión sobre el Imperio como Katechon en la respublica christiana medieval. De hecho este principio nos aparece como una especie de fuerza capaz de mantener en estado de suspensión la idea escatológica del fin del mundo en el ámbito del acontecer humano mediante la creación de una gran potencia histórica. Esa idea de Imperio emerge consagrada o ungida bajo una gran misión histórica, en una especie de contexto de salvación escatológica que permitía, en el ámbito del mundo medieval, establecer un principio de continuidad con el propio Imperio Romano. A partir de entonces vemos cómo el concepto bíblico de Katechon se hace más profano y pierde las raíces místicas que lo vinculan directamente a la idea del fin de los tiempos y la venida del Segundo Reino de Cristo.
 

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De algún modo se produce una transformación del concepto de Katechon durante el Medievo, y esa fuerza misteriosa que, atendiendo a la etimología del término griego τὸ κατέχον que significa «retener», «agarrar» o «impedir», con unas connotaciones dentro del ámbito de lo trascendente, de esa fuerza misteriosa, que a través de un fundamento escatológico vinculado a la propia idea de imperio, le era confiada una misión de acuerdo con la visión metapolítica y metafísica de los Padres. A partir de la Edad Media esta fuerza misteriosa, que «retenía», pasa de tener una función de conservación y reacción a presentar un principio de legitimación «activista» al materializarse mediante un proyecto mundano y político, en lugar de la espera de la venida del Reino de Cristo, sometiendo las prerrogativas de tal reino a la relativización del poder mundano. De hecho, y como ocurre en la citada obra, Schmitt nos habla del Katechon como la principal fuerza que desde el Imperio Romano, y con su continuidad a través de la respublica Christiana medieval se produce una transición en la que esa fuerza histórica de naturaleza extraordinaria y sobrehumana experimenta la citada transformación.
 
No obstante, y al margen de la utilización del término en el contexto medieval, tenemos otras aplicaciones que el propio jurista alemán intenta aplicar el concepto de Katechon a otros contextos diferentes a aquellos de la teología política del Imperio, especialmente en los últimos años de la década de los cuarenta, cuando las potencias del Eje han sido derrotadas, donde el concepto adquiere una significación histórica e ideológica que se opone a la deriva técnica y de planificación de tiempos inestables vinculada a la victoria del liberalismo anglosajón y del marxismo soviético en la Segunda Guerra Mundial. Una alianza entre elementos técnicos, adaptados a las necesidades del mercado y las nivelaciones socialistas. Hay una visión apocalíptica de ese mundo de posguerra, en la cual parece transfigurarse una visión de este pensamiento como sufrimiento y agonía, en una especie de prefiguración del trágico destino de la cruz, como factores caracterizantes de todo Katechon y está vinculado a un fin determinado y que está en plena consonancia con el propio misterio de la salvación dentro de la doctrina cristiana. Forma parte de un diseño divino cuyos contornos solamente nos serán visibles al final de lo tiempos y frente al cual únicamente cabe la confianza y la esperanza.
 
A partir de este contexto de posguerra el katechon aparece asociado a los vencidos, a aquellos que no quieren renunciar a escribir la historia pese a sus condiciones de extrema debilidad y que, incluso, no renuncian a la posibilidad de combatir a las fuerzas que emergen como vencedoras del conflicto, las que construyen el Nuevo Orden Mundial en Yalta, y que representan las fuerzas de la planificación técnico-económica que suponen un precipitarse del mundo hacia un activismo nihilista, la sociedad de masas. Se trata de un intento de resistir que nos puede recordar a la postura evoliana que vemos en Orientamenti, en la que la resistencia interior aparece como una estrategia, aunque más de replegamiento y defensa pero sin renunciar al contraataque. Schmitt habla de la «crucifixión» como parte de la naturaleza y experiencia humana en la historia y sobre la función y el modelo que representa para el cristiano la crucifixión de Jesús. Su muerte como esclavo, por un poder arrogante y autodivinizado se convierte, para Schmitt, en el símbolo de la persecución del enemigo contra los vencidos en la guerra justa. Todo ello en contra del principio racional y caballeresco en la relación amigo-enemigo, dentro del concepto de justus hostis, que representa respecto a todos los fanáticos fautores del justum bellum.
 

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A partir de la sistematización del nomos de la tierra comienza una fase en la que Schmitt aprecia cómo van produciéndose unos antagonismos, y en términos de confrontación, entre el pensamiento histórico cristiano y las filosofías de la historia de la era de la técnica, bajo la idea típicamente moderna y prometeica como un obstáculo providencial en relación al misterio conectado con el camino en el devenir temporal de la humanidad. Se trata de la acción del katechon vinculada a la promoción de una concepción política vinculada a concreción terrestre del orden y del derecho y de los valores orgánico-comunitarios. Esta fuerza misteriosa no aspira a convertirse en una fuerza dúctil y maleable en manos de la humanidad, sino que su misterio se funda sobre la idea de la aceptación de los límites humanos. Tal aceptación implica también que las pretensiones hegemónicas de la nueva humanidad surgida a partir de 1945, en su configuración nihilista y tecnocrática del poder mundial se encuentran sometidas a un límite, lo cual también supone una esperanza de cara a la redención frente al inmanentismo, y el consumismo hedonista de la nueva civilización. De modo que aquí Katechon implica una apelación a una forma de actuar alternativa a las dinámicas aparentemente en confrontación, pero en realidad solidarias, de las ideologías «redentoras» del capitalismo y el comunismo bajo las cuales subyace una peculiar interpretación de la historia.
 
Las connotaciones y prolongaciones del concepto katechónico podrían dar lugar a innumerables ideas e interpretaciones dentro del campo del derecho, la filosofía o la geopolítica que traspasarían nuestros objetivos y pretensiones, que no van más allá de mostrar un elemento interesante dentro de los diferentes recursos ideológicos e interpretativos que el lúcido pensamiento del eminente jurista alemán Carl Schmitt, puede aportarnos.

vendredi, 10 novembre 2017

«Democracia y talasocracia: Antología de ensayos geopolíticos», de Claudio Mutti

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«Democracia y talasocracia: Antología de ensayos geopolíticos», de Claudio Mutti

Ex: http://www.hiperbolajanus.com

La obra que nos disponemos a presentar supone una novedad editorial de primer orden en el ámbito editorial en lengua hispana. Hasta el momento hemos profundizado en el ámbito de la geopolítica desde una perspectiva alternativa, atendiendo a los escritos del profesor Aleksandr Duguin o Leonid Savin, sin olvidar la obra dedicada al ex-presidente iraní Mahmud Ahmadineyad bajo la autoría de Sepehr Hekmat y Alí Reza Jalali, bajo las cuales hemos tratado de trazar una panorámica a nivel de contenidos, estrategias y significados dentro de lo que se conoce como el Eurasianismo, una escuela de pensamiento geopolítico que encuentra en Rusia a sus autores más cualificados.
 
Democracia_y_talasocracia_Claudio_Mutti.jpgEl Eurasianismo es un modelo geopolítico alternativo y completamente antitético respecto al modelo unipolar imperante en la actualidad, que bajo la batuta estadounidense ha impuesto sobre el resto del planeta la hegemonía liberal. Los valores asociados al liberal-capitalismo se han convertido en los dominantes a nivel planetario, y bajo la égida de estos y mediante la doctrina de los «derechos humanos» se ha pretendido exportar este modelo de civilización a todos los rincones del planeta, y esto con toda la carga ideológica que conlleva y la ausencia de un auténtico principio de respeto a aquellas realidades fundamentales del ethos de los pueblos, ignorando la diversidad de culturas, creencias y cosmovisiones que conlleva el gran mosaico que compone la humanidad. Es precisamente frente a ese Leviatán contra el que es necesario actuar, y frente al cual el Eurasianismo representa un modelo adaptado a las realidades étnicas, culturales y existenciales de los pueblos, y nos habla de un principio de equilibrio, de bloques geopolíticos que se convierten en interlocutores de la política internacional al mismo nivel, sin someterse a la autoridad de uno de ellos.
 
Dentro de este contexto, del que representa el Eurasianismo y las diversas ramificaciones o prolongaciones asociadas a su doctrina, es donde podemos enmarcar «Democracia y talasocracia», del conocido lingüista, filólogo, intelectual italiano Claudio Mutti, quien es a su vez el director de la revista Eurasia y de «Edizioni all'insegna del Veltro», editorial italiana con una línea afín a la de Hipérbola Janus y que comparte nuestro espíritu anticonformista. Dentro de este compendio de ensayos geopolíticos podemos encontrar una multitud de temáticas magistralmente hilvanadas a través de un hilo conductor muy concreto: la particular relación entre el espacio político como una especie de matriz sobre la que se superponen e interactúan diversos espacios como pueda ser aquel económico, social, demográfico o lingüístico.

La talasocracia de la Atenas clásica
 
Particularmente esta obra destaca la importancia que factores de naturaleza geográfica pueden producir en el ámbito de la acción política. Paralelamente, podemos extender estas consideraciones tanto en el tiempo como en el espacio, y asistir a la interacción de todos estos elementos y variables en el devenir de la historia, desde los bloques geopolíticos enfrentados en la Antigua Grecia hasta los tiempos presentes, haciendo especial hincapié en aquellos autores que, como Tucídides, Estrabón o Aristóteles, que se convirtieron en epígonos de la geopolítica y nos permiten descubrir relaciones geopolíticas especialmente imbricadas en el curso de épocas históricas muy tempranas. Al mismo tiempo, la acción de los hombres en los entornos de civilización que se desarrollaban en torno al Mediterráneo nos aparecen como elementos activos en las transformaciones y cambios que se producen, sin ser meros elementos pasivos al servicio de la correlación de variables descritas, sino que modifican permanentemente el espacio y hay una simbiosis entre el espacio que ocupan y la generación de un tipo de valores y visiones del mundo muy concretas.
 
De hecho, ya vimos con Carl Schmitt la importancia que el espacio geográfico ha jugado en la Cosmovisión de los pueblos y en su forma de hacer política en el mundo. El mar, que define el modelo talasocrático, es el espacio en el que se despliega su dominio, siempre fue una frontera difusa, difícil de delimitar, y de ahí que establecer una compartimentación o imponer una determinada soberanía sobre el mismo sea una tarea compleja. Es precisamente ese carácter particular del mar el que ha dotado a pueblos como el ateniense en la Antigüedad o a los anglosajones en la actualidad de un modelo de civilización y valores caracterizado por el cosmopolitismo, la preeminencia del materialismo o el individualismo o la horizontalidad del modelo democrático.
 
La cuestión lingüística
 
Otras temáticas nos remiten al tema lingüístico, y más concretamente a la evolución y el papel que la lengua ha jugado en el contexto geopolítico. Hay un evidente nexo entre la capacidad político-militar y la lengua, que en última instancia supone un elemento mucho más eficaz y duradero en la extensión del dominio o un derecho de conquista, en la medida que es capaz de perpetuarse en el tiempo y generar lazos profundos entre los pueblos. Este fenómeno, que vemos reflejado en el mismo origen y desarrollo de nuestras lenguas patrias, como europeos, arranca desde la desintegración del imperio fundado por Roma, con la desintegración de sus distintas partes, la particular evolución de cada una de ellas, y las lenguas romances, unidas cada una de ellas a un destino nacional diferenciado. En este sentido, y durante el último siglo, definido por el ascenso y consolidación de la hegemonía estadounidense, el inglés ha impregnado nuestras lenguas de neologismos en una auténtica invasión lingüística, de la cual no solo la Italia natal de nuestro autor, el egregio profesor Claudio Mutti, ha sido una víctima destacada, sino que es un fenómeno perceptible a nivel global, y en este caso particular, aquellos que tenemos el castellano como lengua materna debemos reconocer la naturaleza invasiva de muchos términos que hoy día son de uso común en nuestra lengua. Estamos hablando de términos como running, parking, marketing, selfie, starup, tablet y un largo etcétera que suponen una expresión del dominio e influencia del mundo anglosajón durante la era moderna.
 

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Asia y Europa
 
Paralelamente, y dentro del pensamiento Eurasianista, no podemos obviar realidades geopolíticas tan importantes como la que representa Turquía, en un área geográfica de encrucijada, la Puerta Sublime, el límite entre Oriente y Occidente, la importancia de su papel geopolítico, sus potencialidades, su legado cultural y lingüístico y los vínculos profundos con otras estados pueblos del Asia Central, donde podemos ver la interacción de las variables que comentábamos al inicio. Hablamos no solo de Turquía, también hablamos de otras grandes potencias regionales como Irán o Kazajistán, que, se hayan ocupan unos espacios geográficos extensos y que suponen la confluencia e integración de vastos espacios que van desde las estepas centrales de Asia hasta el Índico, comprendiendo unos amplios territorios con un gran potencial económico, energético y humano, así como con una historia rica y compleja, en tradiciones, en fuentes culturales, en mitos y en la construcción de imperios.
 
Habiendo esbozado algunos de los aspectos que son tratados en la antología de ensayos, magistralmente abordados por el profesor Claudio Mutti, y excelentemente prologados por Francisco de la Torre, ahora dejamos al lector la tarea de adentrarse en su contenido y de sacar sus propias conclusiones, desentrañando sus claves y tratando de contrastarlas con la realidad imperante. Para nosotros es un orgullo contar con esta obra en nuestro catálogo, y entendemos la necesidad de su aparición en castellano como una forma de homenajear la prolongada trayectoria de Claudio Mutti por estos derroteros ideológicos, los que nos permiten construir una alternativa frente al imperio de lo políticamente correcto, de de la falsa e hipócrita doctrina de los derechos humanos y las diversas estrategias utilizadas por la potencia talasocrática para neutralizar y anular a sus potenciales enemigos, aquellos que son depositarios de una realidad cultural, espiritual y existencial mucho más arraigada y sólida, y que como antítesis frente a las potencias marítimas cimentan sus bases sobre el dominio de la tierra, obedeciendo a un tipo de cosmovisiones jerárquicas, tradicionales y conservadoras.

El libro ya se encuentra disponible en formato papel con encuadernación de tapa blanda a través de Amazon, como también es posible adquirirlo a través de email.

mercredi, 18 mai 2016

L’ère de la pyropolitique a commencé…

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Robert Steuckers :

L’ère de la pyropolitique a commencé…

pyro1.jpgQu’entendent les quelques politologues contemporains par « pyropolitique », concept qui vient d’être formé, notamment par le Professeur Michael Marder (cf. infra) ? Pour comprendre le contexte dans lequel ce vocable nouveau a émergé, il convient d’explorer deux domaines particuliers, exploration qui nous permettra de cerner le contenu même de la pyropolitique : le premier de ces domaines est celui de la théologie politique, avec, notamment, les réflexions de Juan Donoso Cortès sur le libéralisme, le socialisme et le catholicisme (posé, dans son œuvre, comme la « Tradition » à l’état pur) ; il faudra aussi, en explorant ce domaine de la théologie politique, relire les textes où Carl Schmitt affirme que tout concept politique moderne recèle en lui-même, quelque part, une racine théologique ; deuxième domaine à explorer dans l’œuvre politologique de Carl Schmitt : le corpus dans lequel le juriste de Plettenberg pose les confrontations du monde contemporain comme un choc permanent entre forces élémentaires brutes, de pré-socratique mémoire, en l’occurrence l’affrontement entre l’élément Terre et l’élément Eau. Toute expression réelle du politique (« das Politische ») étant, dans cette optique, une expression du facteur élémentaire « Terre », le politique en soi ne pouvant avoir qu’un ancrage tellurique, continental. Le véritable homme politique est alors une sorte de géomètre romain, explique Carl Schmitt dans son Glossarium publié après sa mort. Un géomètre qui mesure et organise le territoire qui tombe sous sa juridiction.

Suite aux deux défaites allemandes de 1918 et de 1945, la Terre n’a plus été l’élément dominant de la politique mondiale : elle a été remplacée par l’Eau, élément du Léviathan thalassocratique. D’où Carl Schmitt démontre quelle dialectique subversive et mortifère se profile derrière la lutte de la Terre (« Land ») contre la Mer (« Meer »). L’Eau/la mer arrache finalement la victoire au détriment des forces telluriques et des puissances continentales. Dans son Glossarium, Carl Schmitt insiste lourdement sur les effets désastreux, pour toute civilisation, de l’écrasante victoire de l’hydropolitique américaine.

« Pyros » signifie « feu » en grec ancien et représente un autre élément fondamental selon Michael Marder, qui combine en son sein plusieurs aspects : celui d’un feu omni-dévorant, aux flammes destructrices, mais aussi des corollaires comme la lumière et la chaleur, aspects autres, et tout aussi fondamentaux, de l’élément « feu ». Si Schmitt avait campé le choc animant la scène internationale comme le choc entre les deux éléments « Eau » et « Terre », cela ne signifie pas que les éléments « air » et « feu » n’existaient pas, ne jouaient aucun rôle dans le politique, même si cela ne transparaissait pas aussi clairement aux époques vécues par Schmitt.

L’élément « Feu » recouvre dès lors plusieurs significations : il est la force brûlante/dévorante de la destruction (que l’on retrouve dans les révolutions anti-traditionnelles) ; il est aussi la « lumière-sans-chaleur » de l’idéologie des Lumières ou encore la chaleur couvant sous la cendre, celle de la révolte silencieuse contre les institutions abstraites et anti-traditionnelles issues des divers corpus modernistes du 18ème siècle des Lumières.

Dès le moment historique où il n’y a plus aucun territoire vierge à conquérir et à organiser sur la planète (voir les thèses de Toynbee à ce sujet), à la mode tellurique/continentale des géomètres romains, la « Terre », en tant qu’élément structurant du véritable politique, cède graduellement sa place prépondérante, non seulement à l’Eau mais aussi au Feu. L’Eau est l’élément qui symbolise par excellence le libéralisme marchand des thalassocraties, des sociétés manchestériennes, des ploutocraties : voilà pourquoi un monde dominé par l’élément Eau refuse de reconnaître limites et frontières, les harmonies paisiblement soustraites à toute fébrilité permanente (Carl Schmitt rappelle dans son Glossarium que qui cherche le repos, immobile, en mer coule et se noie). Il n’y a plus d’ « otium » (de repos fructueux, d’introspection, de méditation, de transmission sereine) possible, il n’y a plus que du « neg-otium » (de la nervosité fébrile, des activités matérielles, acquisitives et cumulantes, sans repos). Seul ce « neg-otium » permanent et ubiquitaire survit et se développe de manière anarchique et exponentielle, submergeant tout sous son flux. Nous vivons alors dans des sociétés ou une accélération sans arrêt (Beschleunigung) domine et annule toutes les tentatives raisonnables de procéder à une « décélération » (Entschleunigung). Dans cette perspective, toute véritable pensée écologique, et donc non politicienne, vise à ramener l’élément Terre à l’avant-plan de la scène où se joue le politique (même si la plupart de ces menées écologiques sont maladroites et empêtrées dans des fatras de vœux pieux impolitiques).

La domination de l’hydropolitique, par l’intermédiaire des superpuissances maritimes, conduit donc à la dissolution des frontières, comme nous pouvons très clairement le percevoir aujourd’hui, à la suprématie mondiale de l’économique et aux règles hypermoralistes du nouveau droit international, inauguré par le wilsonisme dès la première guerre mondiale. L’économique et l’hypermoralisme juridique étant diamétralement contraires aux fondements du politique vrai, c’est-à-dire du politique tellurique et romain.

glos338_BO1,204,203,200_.jpgCependant, même si la Terre est aujourd’hui un élément dominé, houspillé, cela ne veut pas dire qu’elle cesse d’exister, de constituer un facteur toujours potentiellement virulent : elle est simplement profondément blessée, elle gémit dans une hibernation forcée. Les forces hydropolitiques cherchent à détruire par tous moyens possibles cette terre qui ne cesse de résister. Pour parvenir à cette fin, l’hydropolitique cherchera à provoquer des explosions sur les lambeaux de continent toujours résistants ou même simplement survivants. L’hydropolitique thalassocratique va alors chercher à mobiliser à son profit l’élément Feu comme allié, un Feu qu’elle ne va pas manier directement mais confier à des forces mercenaires, recrutées secrètement dans des pays ou des zones urbaines en déréliction, disposant d’une jeunesse masculine surabondante et sans emplois utiles. Ces forces mercenaires seront en charge des sales boulots de destruction pure, de destruction de tout se qui ne s’était pas encore laissé submerger.

L’apogée des forces thalassocratiques, flanquées de leurs forces aériennes, a pu s’observer lors de la destruction de l’Irak de Saddam Hussein en 2003, sans que ne jouent ni l’adversaire continental russe ni les forces alliées demeurées continentales (l’Axe Paris-Berlin-Moscou). Il y avait donc de la résistance tellurique en Europe et en Russie.

Mais la guerre contre l’Irak baathiste n’a pas conduit à une victoire totale pour l’agresseur néoconservateur américain. Les puissances thalassocratiques n’étant pas des puissances telluriques/continentales, elles éprouvent toujours des difficultés à organiser des territoires non littoraux comme le faisaient les géomètres romains. Les terres de l’intérieur de l’Irak arabe et post-baathiste résistaient par inertie plus que par volonté de libération, ne passaient pas immédiatement au diapason moderniste voulu par les puissances maritimes qui avaient détruit le pays. Cette résistance, même ténue, recelait sans doute un maigre espoir de renaissance. Or cet intérieur irakien, mésopotamien, doit être maintenu dans un état de déréliction totale : la thalassocratie dominante a eu recours à l’élément Feu pour parfaire cette politique négative. Le Feu est ici l’incendie destructeur allumé par le terrorisme qui fait sauter immeubles et populations au nom d’un fanatisme religieux ardent (« ardent » dérivant du latin « ardere » qui signifie « brûler »). Les attentats terroristes récurrents contre les marchés chiites à Bagdad (et plus tard au Yémen) constituent ici les actions les plus horribles et les plus spectaculaires dans le retour de cette violente pyropolitique. Le même modèle de mobilisation pyropolitique sera appliqué en Libye à partir de 2011.

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Lorsque l’on refuse les compétences du géomètre, ou qu’aucune compétence de géomètre n’est disponible, et lorsque l’on ne désire pas créer un nouvel Etat sur les ruines de celui que l’on a délibérément détruit, nous observons alors une transition vers une pyropolitique terroriste et destructrice. L’ex-élite militaire baathiste, dont les objectifs politiques étaient telluriques, ont été mises hors jeu, ont cherché emploi et vengeance : elles ont alors opté pour la pyropolitique en créant partiellement l’EIIL, l’Etat islamique, qui s’est rapidement propagé dans le voisinage immédiat de l’Irak meurtri, aidé par d’autres facteurs et d’autres soutiens, aux intentions divergentes. Aux sources de l’Etat islamique, nous trouvons donc des facteurs divergents : une révolte (assez légitime) contre le chaos généré par l’agression néoconservatrice menée par les présidents Bush (père et fils) et une manipulation secrète et illégitime perpétrée par les puissances hydro- et thalassopolitiques et leurs alliés saoudiens. L’objectif est de mettre littéralement le feu aux pays indésirables, c’est-à-dire aux pays qui, malgré tout, conservent une dimension politique tellurique. L’objectif suivant, après la destruction de l’Irak et de la Syrie, sera d’amener le Feu terroriste chez les concurrents les plus directs du monde surdéveloppé : en Europe d’abord, aujourd’hui havre de réfugiés proche- et moyen-orientaux parmi lesquels se cachent des terroristes infiltrés, puis en Russie où les terroristes tchétchènes ou daghestanais sont d’ores et déjà liés aux réseaux wahhabites.

Conclusion : la stratégie thalassocratique de mettre le Feu à des régions entières du globe en incitant à des révoltes, en ranimant des haines religieuses ou des conflits tribaux n’est certes pas nouvelle mais vient de prendre récemment des proportions plus gigantesques qu’auparavant dans l’histoire. C’est là le défi majeur lancé à l’Europe en cette deuxième décennie du 21ème siècle.

La pyropolitique de l’Etat islamique a un effet collatéral : celui de ridiculiser –définitivement, espérons-le-  les idéologies de « lumière-sans-chaleur », dérivées des Lumières et professées par les élites eurocratiques. La lumière seule, la trop forte luminosité sans chaleur, aveugle les peuples et ne génère aucune solution aux problèmes nouveaux qui ont été fabriqués délibérément par l’ennemi hydro- et pyropolitique, qui a l’habitude de se déguiser en « allié » indispensable. Toute idéologie politique déterminée uniquement par l’élément « lumière » est aveuglante, dans la perspective qu’inaugure Michael Marder en sciences politiques ; elle est aussi dépourvue de tous sentiments chaleureux, déterminés par l’aspect « chaleur » de l’élément Feu. Cette absence de « chaleur » empêche tout élan correcteur, venu du peuple (du pays réel), et ôte tout sentiment de sécurité. Toute idéologie de « lumière sans chaleur » est, par voie de conséquence, condamnée à échouer dans ses programmes d’organisation des sociétés et des Etats. Les Etats européens sont devenus des Etats faillis (« failed States ») justement parce que leurs élites dévoyées n’adhèrent qu’à des idéologies de « lumière-sans-chaleur ». Dans les circonstances actuelles, ces élites ne sont faiblement défiées que par des mouvements plus ou moins populistes, exigeant le facteur « chaleur » (la Pologne fait exception).

L’Europe d’aujourd’hui subit une double agression, procédant de deux menaces distinctes, de nature différente : la première de ces menaces provient des systèmes idéologico-politiques relevant de la « lumière seule » parce qu’ils nous conduisent tout droit à cet effondrement planétaire dans la trivialité qu’Ernst Jünger avait appelé la « post-histoire ». L’autre menace est plus visible et plus spectaculaire : c’est celle que représente la pyropolitique importée depuis le monde islamisé, littéralement incendié depuis deux ou trois décennies par divers facteurs, dont le plus déterminant a été la destruction de l’Irak baathiste de Saddam Hussein. La pyropolitique de l’Etat islamique vise désormais à bouter le feu aux pays de l’Europe occidentale, tenus erronément pour responsables de l’effondrement total du Proche- et du Moyen-Orient. La pyropolitique de l’Etat islamique est un phénomène complexe : la dimension religieuse, qu’elle recèle, se révolte avec sauvagerie contre l’idéologie dominante de l’Occident et de la globalisation, qui est, répétons-le, une idéologie de lumière froide, de lumière sans chaleur. Exactement comme pourrait aussi se révolter un pendant européen de ce déchaînement féroce de feu et de chaleur, qui agite le monde islamisé. Ce pendant européen viserait alors le remplacement définitif des nuisances idéologiques aujourd’hui vermoulues, qualifiables de « lumière seule ». Le piètre fatras libéralo-eurocratique, condamnant les peuples au dessèchement et au piétinement mortifères et post-historiques, cèderait le terrain à de nouveaux systèmes politiques de cœur et de chaleur. L’avatar néolibéral des idéologies de « lumière seule » cèderait ainsi devant un solidarisme générateur de chaleur sociale, c’est-à-dire devant un socialisme dépouillé de toute cette froideur qu’avait attribué aux communismes soviétique et français Kostas Papaioannou, une voix critique du camp marxiste dans les années 60 et 70 en France.

La pyropolitique salafiste/wahhabite n’est pas seulement une critique, compréhensible, de la froideur des idéologies de la globalisation ; elle recèle aussi un aspect « dévorateur » et extrêmement destructeur, celui qu’ont cruellement démontré les explosions et les mitraillades de Paris et de Bruxelles ou que mettent en exergue certaines exécutions publiques par le feu dans les zones syriennes conquises par l’Etat islamique. Ces attentats et ces exécutions visent à insuffler de la terreur en Europe par le truchement des effets médiatiques qu’ils provoquent.

L’utilisation de ces dimensions-là de la pyropolitique, et le fait qu’elles soient dirigées contre nous, en Europe, constituent une déclaration de guerre à toutes les parties du monde où la religiosité absolue (sans syncrétisme aucun) des wahhabites et des salafistes n’a jamais eu sa place. Le monde, dans leur perspective, est un monde constitué d’ennemis absolus (Dar-el-Harb). Nous faisons partie, avec les orthodoxes russes, les Chinois ou les bouddhistes thaïlandais, de cet univers d’ennemis absolus. Position qu’il nous est impossible d’accepter car, qu’on le veuille ou non, on est toujours inévitablement l’ennemi de celui qui nous désigne comme tel. Carl Schmitt et Julien Freund insistaient tous deux dans leurs œuvres sur l’inévitabilité de l’inimitié politique.

Personne ne peut accepter d’être rejeté, d’être la cible d’un tel projet de destruction, sans automatiquement se renier, sans aussitôt renoncer à son droit de vivre. C’est là que le bât blesse dans l’Europe anémiée, marinant dans les trivialités de la post-histoire : le système politique qui la régit (mal) relève, comme nous venons de le dire, d’une idéologie de lumière sans chaleur, mise au point au cours des cinq dernières décennies par Jürgen Habermas. Cette idéologie et sa praxis proposée par Habermas n’acceptent pas l’idée agonale (polémique) de l’ennemi. Dans son optique, aucun ennemi n’existe : évoquer son éventuelle existence relève d’une mentalité paranoïaque ou obsidionale (assimilée à un « fascisme » irréel et fantasmagorique). Aux yeux d’Habermas et de ses nombreux disciples (souvent peu originaux), l’ennemi n’existe pas : il n’y a que des partenaires de discussion. Avec qui on organisera des débats, suite auxquels on trouvera immanquablement une solution. Mais si ce partenaire, toujours idéal, venait un jour à refuser tout débat, cessant du même coup d’être idéal ? Le choc est alors inévitable. L’élite dominante, constitué de disciples conscients ou inconscients de l’idéologie naïve et puérile des habermassiens, se retrouve sans réponse au défi, comme l’eurocratisme néolibéral ou social-libéral aujourd’hui face à l’Etat islamique et ses avatars (en amont et en aval de la chaîne de la radicalisation). De telles élites n’ont plus leur place au devant de la scène. Elles doivent être remplacées. Ce sera le travail ardu de ceux qui se sont toujours souvenu des enseignements de Carl Schmitt et de Julien Freund.

Robert Steuckers,

Forest-Flotzenberg, mai 2016.   

Source: Michael Marder, Pyropolitics: When the World is Ablaze (London: Rowman and Littlefield, 2015).

pyromarder2.jpgLectures complémentaires (articles du Prof. Michael Marder):

"The Enlightenment, Pyropolitics, and the Problem of Evil," Political Theology, 16(2), 2015, pp. 146-158.

"La Política del Fuego: El Desplazamiento Contemporáneo del Paradigma Geopolítico," Isegoría, 49, July-December 2013, pp. 599-613.

"After the Fire: The Politics of Ashes," Telos, 161, Winter 2012, pp. 163-180. (special issue on Politics after Metaphysics)

"The Elemental Regimes of Carl Schmitt, or the ABC of Pyropolitics,"  Revista de Ciencias Sociales / Journal of Social Sciences, 60, Summer 2012, pp. 253-277. (special issue on Carl Schmitt)

 

Note à l'attention des lecteurs:

La version originale de ce texte est anglaise et a paru pour la première fois le 6 mai 2016 sur le site américain (Californie): http://www.counter-currents.com dont le webmaster est Greg Johnson qui a eu l'amabilité de relire ce texte et de le corriger. Merci!

La version espagnole est parue sur le site http://www.katehon.com/es , lié aux activités d'Alexandre Douguine et de Leonid Savin. Merci au traducteur!

La version tchèque est parue sur le site http://deliandiver.org . Merci au traducteur!

mercredi, 20 mai 2015

EE.UU. desvía su interés geopolítico hacia el Extremo Oriente

Ex: http://www.elespiadigital.com

El Ejército estadounidense baraja la posibilidad de usar buques y aeronaves para impugnar las reivindicaciones territoriales de Pekín en el mar de China Meridional, un movimiento que podría aumentar la tensión en una zona en disputa, informa 'The Wall Street Journal' citando a funcionarios estadounidenses.

Según 'The Wall Street Journal', el secretario de Defensa estadounidense Ashton Carter ha pedido a su personal que "busque opciones", incluido el uso de aviones de vigilancia sobre las islas y el envío de buques de guerra de EE.UU. a menos de 12 millas náuticas de los arrecifes del archipiélago de Spratly, que son reclamados por China.

Si EE.UU. desafía las demandas de China usando naves o buques de guerra y Pekín defiende su posición, el resultado podría ser el aumento de las tensiones en la región

"De ser aprobados por la Casa Blanca, este tipo de movimientos buscarían enviar el mensaje a Pekín de que EE.UU. no accederá a las reivindicaciones territoriales chinas sobre las islas artificiales en lo que EE.UU. considera aguas y espacio aéreo internacionales", reza el artículo.

De acuerdo con los funcionarios consultados por el rotativo, aunque EE.UU. ya ha expresado que no reconoce las islas artificiales como territorio chino, hasta ahora la Marina estadounidense no ha enviado sus aviones militares o buques a menos de 12 millas náuticas de distancia de los arrecifes para evitar la escalada de tensiones.

Las fuentes explicaron que actualmente existe un "creciente impulso" en el Pentágono y la Casa Blanca para tomar medidas concretas "con el fin de enviar una señal a Pekín de que la reciente construcción en las Spratly ha ido demasiado lejos y ha de detenerse".

Según 'The Wall Street Journal', la idea del Pentágono es que cualquier despliegue militar "aumentaría la presión sobre los chinos para que hagan concesiones sobre las islas artificiales".

Sin embargo, prosigue la publicación, ello podría tener el efecto contrario y hacer que Pekín "amplíe la construcción en desafío a EE.UU." y, potencialmente, dar lugar a nuevas reclamaciones chinas en la zona.

"Si EE.UU. desafía las demandas de China usando naves o buques de guerra y Pekín defiende su posición, el resultado podría ser el aumento de las tensiones en la región", advierte el artículo.

Las propuestas militares aún no han sido presentadas formalmente a la Casa Blanca, que tendría que aprobar cualquier cambio en la postura de EE.UU. sobre el tema.

Una caravana de buques ruso-china se acerca al Mediterráneo realizando maniobras

Dos corbetas chinas y un buque de misiles sobre cojín de aire de la Marina rusa han iniciado las maniobras conjuntas al zarpar del puerto de Novorosíisk rumbo a los estrechos del Bósforo y Dardanelos, que cruzarán este jueves.

Según un portavoz del Ministerio de Defensa ruso citado por RIA Novosti, los buques ya han iniciado los entrenamientos en su camino hacia la zona del ejercicio principal, situada en el mar Mediterráneo. Allí se les sumarán otros cinco buques de guerra rusos y una embarcación de apoyo china.

"Cada milla náutica del recorrido de los buques se utiliza con la máxima eficacia para el aprendizaje marino de las tripulaciones", agregó el oficial. En concreto, los tripulantes de las naves trabajarán en la coordinación de su comunicación y mejorarán conjuntamente sus capacidades de maniobra en alta mar.

La fase activa de los ejercicios navales tendrá lugar entre el 17 y el 21 de mayo. El pasado día 8 las corbetas de la Armada china atracaron en un puerto ruso por primera vez –en este caso en el de Novorossíisk– para participar el día siguiente en las celebraciones del Día de la Victoria.

Paul Craig Roberts: "Washington cometió un error que podría ser fatal para la humanidad"

La Casa Blanca está decidida a bloquear el surgimiento de las dos potencias nucleares clave, Rusia y China, ninguna de las cuales aceptará la hegemonía de EE.UU., opina el politólogo y economista norteamericano Paul Craig Roberts, quien considera que "Washington cometió un error que podría ser fatal para la humanidad".

"EE.UU. siempre ha tenido una buena opinión de sí mismo, pero con la caída de la Unión Soviética la autosatisfacción alcanzó nuevas cumbres. Nos convertimos en el pueblo excepcional, el pueblo indispensable, el país elegido por la historia para ejercer la hegemonía sobre el mundo", escribe el politólogo en un artículo publicado en su sitio web. Agrega que "esta doctrina neoconservadora libera al Gobierno de EE.UU. de las limitaciones del derecho internacional y permite a Washington usar la coerción contra Estados soberanos con el fin de rehacer el mundo".

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Debido a esta política, Pekín actualmente se está confrontando con la estrategia estadounidense conocida como 'Pivot to Asia' (giro a Asia), y con "la construcción de nuevas bases navales y aéreas de EE.UU. para asegurar el control de Washington en el mar de China Meridional, que ahora se define como una de las áreas de interés nacional para los estadounidenses", señala el autor.

Por otro lado, el intento de contener a Rusia es el origen de "la crisis que Washington ha creado en Ucrania y de aprovecharla para hacer propaganda antirrusa", explica Roberts.

Rusia y China finalmente se han dado cuenta de que tienen que elegir entre el vasallaje o la guerra

En su opinión, "la agresión y la propaganda descarada" de EE.UU. no han hecho más que convencer a Rusia y China de que "Washington tiene intenciones de guerra, y haberse dado cuenta de ello ha empujado a los dos países hacia una alianza estratégica".

Ni Rusia, ni China aceptarán el llamado "estatus de vasallaje aceptado por el Reino Unido, Alemania, Francia y el resto de Europa, así como Canadá, Japón y Australia", afirma el analista político, que añade que "el precio de la paz mundial es que todo el mundo acepte la hegemonía de Washington".

"En el frente de la política exterior, la arrogancia de la autoimagen de Estados Unidos como el país 'excepcional e indispensable' y con los derechos hegemónicos sobre otros países significa que el mundo se prepara para la guerra", escribe Roberts.

A su juicio, "a menos que el dólar, y con él el poder de EE.UU., se derrumbe o que Europa encuentre el coraje para romper con Washington y llevar a cabo una política exterior independiente diciendo adiós a la OTAN, una guerra nuclear es nuestro probable futuro".

El precio de la paz mundial es que el mundo acepte la hegemonía de Washington

En su columna, Roberts también aborda la cuestión de las celebraciones en Moscú del Día de la Victoria sobre el nazismo, que los políticos occidentales boicotearon, mientras que "los chinos estaban allí en su lugar", con el presidente sentado junto a Vladímir Putin durante el desfile militar en la Plaza Roja, lo cual, según el politólogo, marcó un "punto de inflexión histórico".

Aunque la comparación de las bajas soviéticas con las de EE.UU., Reino Unido, y Francia juntas "deja totalmente claro que fue Rusia quien derrotó a Hitler", en su discurso con motivo del 70.º aniversario de la rendición de la Alemania nazi el presidente estadounidense solo mencionó a las fuerzas de EE.UU. En cambio, el presidente Putin "expresó su agradecimiento a los pueblos de Gran Bretaña, Francia y EE.UU. por su contribución a la victoria", recuerda el exasesor económico del Gobierno de Ronald Reagan.

Desde hace muchos años el mandatario ruso declara públicamente que "Occidente no escucha a Rusia", escribe el autor del artículo. "Washington y sus Estados vasallos en Europa, Canadá, Australia y Japón no escuchan cuando Rusia dice 'no nos presionen tanto, no somos el enemigo, queremos ser su socio'", lamenta Roberts.
 
Por culpa de la política de Washington, "Rusia y China finalmente se han dado cuenta de que tienen que elegir entre el vasallaje y la guerra", opina el politólogo, advirtiendo que "Washington ha cometido un error que podría ser fatal para la humanidad".

dimanche, 03 mai 2015

Geopolitica dell’acqua

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Geopolitica dell’acqua

Molto più che il petrolio, l'acqua sta diventando la nuova risorsa strategica nel controllo di popolazioni e intere regioni. Il suo monopolio potrebbe alterare notevolmente la geopolitica, alimentare conflitti socio-politici e militari.
 
 
Ex: http://www.lintellettualedissidente.it 
 

La cinematografia è stata in grado molto spesso di descrivere problematiche socio-politiche in modo assai più accurato della saggistica o dei manuali universitari. Nel film della saga di James Bond Quantum of Solace, uscito nel 2008, l’imprenditore Dominc Greene cerca di ottenere il controllo dei bacini di approvvigionamento idrico della Bolivia, al fine di imporre un monopolio di mercato su questa importante risorsa. Per buona parte del film, si è portati a credere che il vero piano sia il controllo di un giacimento petrolifero. L’oro nero è stato infatti per decenni la principale risorsa energetica da controllare, al punto da provocare crisi economiche, instabilità socio-politiche, colpi di Stato e conflitti militari. Da qui a qualche anno il quadro di riferimento potrebbe mutare radicalmente e, proprio come descritto nel film di James Bond, l’acqua diventerà la nuova risorsa su cui nazioni, società, imprenditori e trafficanti tenteranno di imporre il proprio monopolio.

L’importanza dell’approvvigionamento idrico non è infatti sentita unicamente da associazioni ambientaliste o attivisti no-global, ma anche da autorevoli esponenti dei governi e studiosi di relazioni internazionali. Il generale Colin Powell, comandante in capo dell’Esercito statunitense durante la Guerra del Golfo e Segretario di Stato nell’amministrazione Bush Jr., spiegò infatti che: “Lo sviluppo sostenibile è un obbligo morale e umanitario, ma è anche un imperativo per la sicurezza. Povertà, degrado ambientale e diseguaglianze portano alla distruzione di popolazioni, società, nazioni. Questa triade nefasta può destabilizzare stati e persino intere aree geografiche”. Un duro richiamo all’importanza delle risorse ambientali è stato fatto anche dal Segretario Generale dell’Onu Ban Ki Moon, il quale, congiuntamente alla crisi ucraina e siriana, ha ricordato i rischi che una sottovalutazione delle conseguenze di una crisi dell’acqua può avere per la sicurezza internazionale.

Di “guerre dell’acqua” si parla infatti già da qualche decennio e nel 1989, l’ex Segretario UN Boutros-Ghali, all’epoca Ministro degli esteri egiziano, denunciò che la sicurezza nazionale dell’Egitto era nelle mani di almeno altri otto Paesi africani. L’appello chiarisce bene che il controllo della risorsa idrica non ha valore unicamente come fattore ambientale, ma influisce pesantemente sul piano economico, politico e strategico di una Nazione; il potere di pressione che possiedono i paesi a monte dei fiumi è chiaramente maggiore di coloro che si trovano a valle. La minaccia di una guerra per il controllo del petrolio è cosa data per acquisita, ma in un futuro di medio-termine l’acqua rischia di accendere molti più conflitti politico-militari dell’oro nero. In alcune aree del mondo, corrispondenti a quasi il 40% della popolazione mondiale, la scarsità di acqua potrebbe avere gli stessi effetti della crisi dei prezzi del petrolio nel 1973.

L’India e il Bangladesh sono in competizione da anni per il controllo del Gange, il Messico e gli Stati Uniti per il Colorado, la Repubblica Ceca e l’Ungheria per Danubio e nell’Asia centrale cinque repubbliche ex sovietiche si contendono i già risibili bacini dell’Amu Darja e del Sjr Darja. Ma è sopratutto nel Medio Oriente che i conflitti per il controllo idrico potrebbero modellare fortemente gli scenari geopolitici ed economici. Tornando all’Egitto, nel Paese oltre 60 milioni di abitanti dipendono per lo più interamente dalle acque del Nilo, sebbene le origini del fiume si trovino in altre regioni. L’85% delle acque sono infatti generate dalla piovisità dell’Etiopia dove scorrono come Nilo azzurro verso il Sudan e soltanto dopo raggiungono il paese dei Faraoni. Il restante 15% dipende dal cosi detto Nilo bianco, ossia il sistema fluviale che nasce dal lago Vittoria in Tanzania e raggiunge la controparte azzurra nei pressi di Khartoum, capitale sudanese.

In base ad accordi del 1959 con il Sudan, l’Egitto ha diritto a 55,5 miliardi di metri cubi di acqua (su 84) mentre a Khartoum ne spettano 18,5. Per completare il fabbisogno idrico, l’Egitto integra con modesti metri cubi di acque freatiche, drenaggio agricolo e acque di scolo municipali trattate. Ma la richiesta di acqua non è costante nel tempo e, secondo le stime, entro un decennio il paese potrebbe aver bisogno di oltre 70 miliardi di metri cubi di acqua. I nuovi accordi tra i paesi africani che beneficiano delle acque del Nilo hanno invece già portato il Cairo a rivolgersi al Consiglio di Sicurezza dell’Onu ritenendo violati i propri diritti di approvvigionamento idrico. La problematica affrontata dall’Egitto è però, come detto, comune a decine di paesi: Botswana, Bulgaria, Cambogia, Ungheria, Congo, Lussemburgo, Mauritania, Paesi Bassi, Romania, Siria, Israele, tutti ricevono più del 75% delle loro risorse idriche da paesi vicini che si trovano a monte.

Una soluzione politica al conflitto israelo-palestinese si è arenata negli anni ’50 anche per via di inconciliabili posizioni sulle acque del Giordano, che servono da fonte idrica tanto per i territori palestinesi quanto per Israele. L’avvenire dello sfruttamento di questo fiume è motivo di discussione tra i paesi della regione e si somma alle preoccupazioni per la scarsità generale di acqua in tutto il quadrante mediorientale. Calcoli relativi agli sviluppi demografici, all’evoluzione climatica e idrologica, sembrano anticipare forti gap nel rapporto domanda-offerta delle risorse idriche negli anni che verranno, con conseguenti tensioni politiche. Il 70% delle acque mediorientali è infatti destinato alle colture irrigue, sebbene esse siano in una fase di forte declino; questo perché, agli occhi dei governanti arabi, l’autarchia alimentare, l’esigenza di contenere fenomeni di inurbamento incontrollabili e le pressioni esercitate dalle lobby degli agricoltori, sono fattori molto più importanti nella scelta di allocazione delle risorse.

Il controllo delle acque è evidente sarà sempre più importante e strategico, forse perfino più del petrolio. L’accendersi o lo scongiurarsi di conflitti militari e di crisi economico-sociali potrebbero rapidamente dipendere da un bene che si è troppo spesso dato per scontato. Ormai, come insegna la Libia e la Siria, anche un conflitto regionale può avere conseguenze di portata geopolitica ampie e pericolose. Sfortunamente, James Bond potrà disinnescare le speculazioni di avidi imprenditori soltanto nella celluloide.

vendredi, 15 novembre 2013

Historical Reflections on the Notion of “World War”

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Robert Steuckers:

Historical Reflections on the Notion of “World War”

First thesis in this paper is: a World War was started in 1756, during the “Seven Years’ War” or “Austrian Succession War” and has lasted till now. We still experiment the effects of this 1756 World War and present-day events are far results of the scheme inaugurated during that remoted 18th century era.

Of course, it’s impossible to ignore all the dramatic events of the 17th century, which lead to the situation of the mid-18th century, but it would make this short paper too exhaustive. Even if Britain could already master the Western Mediterranean by controling Gibraltar and the Balears Isles after the “Spanish Succession War”, many British historians are anyway aware nowadays that British unmistakeable supremacy was born immediately after the “Seven Years’ War” and that seapower became the most determining factor for global superiority since then. Also it would be silly to forget about a certain globalization of conflicts in the 16th century: Pizzaro conquered the Inca Empire and stole its gold to finance Charles V’s war against the Ottomans in Northern Africa, while the Portuguese were invading the shores of the Indian Ocean, beating the Mameluks’ fleet in front of the Gujarat’s coasts and waging war against the Yemenite and Somali allies of the Turks in Abyssinia. The Spaniards, established in the Philippines, fought successfully against the Chinese pirates, who wanted to disturb Spanish trade in the Pacific. Ivan IV the Terrible by conquering the Volga basin till the Caspian made the first steps in the direction of the Russian conquest of Northern Asia. The war between Christianity (as defined by Emperor Charles V and Philipp II of Spain) and the Muslims was indeed a World War but not yet fully coordinated as it would always be the case after 1759.

For the British historian Frank McLynn, the British could beat their main French enemy in 1759 —the fourth year of the “Seven Years’ War”— on four continents and achieve absolute mastery of the seas. Seapower and sea warfare means automatically that all main wars become world wars, due to the technically possible ubiquity of vessels and the necessity to protect sea routes to Europe (or to any other place in the world), to transport all kind of materials and to support operating troops on the continental theatre. In India the Moghul Empire was replaced by British rule that introduced the harsh discipline of incipient industrialism to a traditional non hectic society and let the derelict Indian masses —of which one-third perished during a famine in 1769— produce huge bulks of cheap goods to submerge the European markets, preventing for many decades the emerging of a genuine large-scale industry in the main kingdoms of continental Europe. While France was tied up in a ruinous war in Europe, the British Prime Minister Pitt could invest a considerable amount of money in the North American war and defeat the French in Canada, taking the main strategical bases along the Saint-Lawrence river and conquering the Great Lakes region, leaving a giant but isolated Louisiana to the French. From 1759 on, Britain as a seapower could definitively control the Northern Atlantic Ocean and the Indian Ocean, even if the French could take revenge by building a new efficient and modern fleet in the 1770s anyway without regaining full global power.

The Treaty of Paris of 1763 marked the end of French domination in India and Canada, a situation that didn’t preoccupy Louis XV and his mistress Madame de Pompadour but puzzled the King’s successor, the future Louis XVI, who is generally considered as a weak monarch only interested in making slots. This is pure propaganda propagated by the British, the French revolutionaries and the modern trends in political thought. Louis XVI was deeply interested in seapower and sea exploration, exactly as the Russian were when they sent Captain Spangberg who explored the Kurils and the main Northern Japanese island of Hokkaido in 1738 and some years or decades later when they sent brilliant sailors and captains around the world such as Bering and his Lieutenant Tshirikov —who was the first officer to hoist the Russian imperial flag on the Pacific coast of Northern America— and Admiral von Krusenstern (who claimed the Hawai Islands for Russia), Fabian Gottlieb Bellingshausen (who circumnavigated the Antarctic for the first time in mankind’s history) and Otto von Kotzebue (who explored Micronesia and Polynesia), working in coordination with land explorers such as Aleksandr Baranov who founded twenty-four naval and fishing posts from the Kamtshatka peninsula to California. If the constant and precious work of these sea and land explorers would have been carried on ceaselessly, the Pacific would have become a Russian lake. But fur trade as a single practiced economical activity was not enough to establish a Russian New World empire directly linked to the Russian possessions in East Siberia, even if Tsar Aleksandr I was —exactly as Louis XVI was for France— in favour of Pacific expension. Tsar Nikolai I, as a strict follower of the ultraconservative principles of Metternich’s diplomacy, refused all cooperation with revolutionary Mexico that had rebelled against Spain, a country protected by the Holy Alliance, which refused of course all modifications in political regimes in name of a too uncompromising traditional continuity.

Louis XVI, after having inherited the crown, started immediately to prepare revenge in order to nullify the humiliating clauses of the 1763 Paris Treaty. Ministers Choiseul and Praslin modernized the dockyards, proposed a better scientific training of the naval officers and favoured explorations under the leading of able captains like Kerguelen and Bougainville. On the diplomatic level, they imposed the Spanish alliance in order to have two fleets totalizing more vessels than the British fleet, especially if they could table on the Dutch as a third potential ally. The aim was to build a complete Western European alliance against British supremacy, while Russia as another latent ally in the East was trying to concentrate its efforts to control the Black Sea, the Eastern Mediterranean and the Northern Pacific. This was a genuine, efficient and pragmatical Eurasianism avant la lettre! The efforts of the French, Spaniards and Dutch contributed to the American revolt and independance, as the colonists of the thirteen British colonies on the East Coast of the present-day US-territory were crushed under a terrible fiscality coined by non-elected officials to finance the English war effort. It is a paradox of modern history that traditional powers like France and Spain contributed to the birth of the most anti-traditional power that ever existed in mankind’s history. But modernity is born out the simple existence of a worldwide thalassocracy. The power which detains seapower (or thalassocracy) is ipso facto the bearer of modern dissolution as naval systems are not bound to Earth, where men live, have always lived and created the continuities of living history.

Pitt ,who was governing England at that time, could not tolerate the constant challenge of the French-Spanish-Dutch alliance, that forced Britain to dedicate huge budgets to cope with the united will of the challenging Western European powers. This lethal alliance had to be broken or the civil peace within the enemies’ borders reduced to nothing in order to paralyze all fruitful foreign policies. French historians such as Olivier Blanc put the hypothesis that the riots of the French Revolution were financed by Pitt’s secret funds in order to annihilate the danger of the French numerous and efficient vessels. And indeed the fall of the French monarchy implied the decay of the French fleet: for a time, vessels were still built in the dockyards to consolidate the seapower of which Louis XVI dreamt of but as the officers were mainly noblemen, they were either dismissed or eliminated or compulsed to emigrate so that there was no enough commanding staff anymore and no able personnel that could have been easily replaced by conscription as for the regiments of the land forces. Prof. Bennichon, as a leading French historian of navies, concludes a recent study of him by saying that workers in the dockyards of Toulon weren’t paid anymore, they and their families were starving and consequently looted the wood reserves, so that the new Republican regime was totally unable to engage the British forces on sea. Moreover, the new violent and chaotic regime was unable to find allies in Europe, the Spaniards and the Dutch prefering to join their forces to the British-lead coalition. The English were then able to reduce French naval activities to coastal navigation. A British blocus of the continent could from then on be organized. On the Mediterranean stage, the French after the battle of Abukir were unable to repatriate their own troops from Egypt and after Trafalgar unable to threaten Britain’s coasts or to attempt a landing in rebelling Ireland. Napoleon didn’t believe in seapower and was finally beaten on the continent in Leipzig and Waterloo. Prof. Bennichon: “Which conclusions can we draw from the Franco-British clash (of the 18th century)? The mastery of seapower implies first of all the long term existence of a political will. If there is no political will, the successive interruptions in naval policy compels the unstable regime to repeated expensive fresh starts without being able in the end to face emergencies... Fleets cannot be created spontaneously and rapidly in the quite short time that an emergency situation lasts: they always should preexist before a conflict breaks out”. Artificially created interruptions like the French revolution and the civil disorders it stirred up at the beginning of the 1790s, as they were apparently instigated by Pitt’s services —or like the Yeltsin era in Russia in the 1990s— have as an obvious purpose to lame long term projects in the production of efficient armaments and to doom the adverse power plunged into inefficiency to yield power on the international chessboard.

The artificially created French revolution can so be perceived as a revenge for the lost battle of Yorktown in 1783, the very year Empress Catherine II of Russia had taken Crimea from the Turks. In 1783 the thalassocratic power in Britain had apparently decided to crush the French naval power by all secret and unconventional means and to control the development of Russian naval power in the Eastern Mediterranean and in the Black Sea, so that Russian seapower couldn’t trespass the limits of the Bosphorus and interfere in the Eastern Mediterranean. What concerns explicitly Russia, an anonymous document from a British government department was issued in 1791 and had as title “Russian Armament”; it sketched the strategy to adopt in order to keep the Russian fleet down, as the defeats of the French in the Mediterranean implied of course the complete British control of this sea area, so that the whole European continent could be entangled from Norway to Gibraltar and from Gilbraltar to Syria and Egypt. This brings us to the conclusion that any single largely dominating seapower is strategically compelled to meddle into other powers’ internal affairs to create civil dissension to weaken any candidate challenger. These permanent interferences —now known as “orange revolutions”— mean permanent war, so that the birth of a global seapower implies quasi automatically the emerging process of permanent global war, replacing the previous state of large numbers of local wars, that couldn’t be thoroughly globalized.

After Waterloo and the Vienna Conference, Britain had no serious challenger in Europe anymore but had now as a constant policy to try to keep all the navies in the world down. The non entirely secured mastery of the Atlantic and the Indian Oceans and the largely but not completed mastery of the Mediterranean was indeed the puzzle that British decision-makers had to solve in order to gain definitively global power. Aiming at acquiring completely this mastery will be the next needed steps. Controling already Gibraltar and Malta, trying vainly to annex to Britain Sicily and Southern Italy, the British had not a complete grasp on the Eastern Mediterranean area, that could eventually come under control of a reborn Ottoman Empire or of Russia after a possible push in direction of the Straights. The struggle for getting control overthere was thus mainly a preventive struggle against Russia and was, in fact, the plain application of the strategies settled in the anonymous text of 1791, “Russian Armament”. The Crimean War was a conflict aiming at containing Russia far northwards beyond the Turkish Straights in order that the Russian navy would never become able to bring war vessels into the Eastern Mediterranean and so to occupy Cyprus of Creta and, by fortifying these insular strong points, to block the planned shortest highway to India through a future digged canal through one of the Egyptian isthmuses. The Crimean War was therefore an wide-scale operation directly or indirectly deduced from the domination of the Indian Ocean after the French-British clash of 1756-1763 and from the gradual mastery of the Mediterranean from the Spanish Succession War to the expulsion of Napoleon’s forces out of the area, with as main obtained geostrategical asset, the taking over of Malta in 1802-1804. The mastery of this island, formerly in the hands of the Malta Knights, allowed the British and the French to benefit from an excellent rear base to send reinforcements and supplies to Crimea (or “Tavrida” as Empress Catherine II liked to call this strategic place her generals conquered in 1783).

The next step to link the Northern Atlantic Ocean to the Indian Ocean through the Mediterranean corridor was to dig the Suez Canal, what a French engineer Ferdinand de Lesseps did in 1869. The British by using the non military weapon of bank speculation bought all the shares of the private company having realised the job and managed so to get the control of the newly created waterway. In 1877 the Rumanians and the Bulgars revolted against their Turkish sovereign and were helped by Russian troops that could have reached the coasts of the Aegean Sea and controled the Marmara Sea and the Straights. The British sent weapons, military trainers and ships to protect the Turkish capital City from any possible Bulgarian invasion and occupation in exchange of an acceptance of British sovereignty on Cyprus, which was settled in 1878. The complete control of the Mediterranean corridor was acquired by this poker trick as well as the English domination on Egypt in 1882, allowing also an outright supervision of the Red Sea from Port Said till Aden (under British supervision since 1821). The completion of the dubble mastery upon the Atlantic and the Indian Ocean, that had already been acquired but was not yet fully secured, made of Britain the main and uncontested superpower on the Earth in the second half of the 19th century.

The question one should ask now is quite simple: “Is a supremacy on the Atlantic and Indian Oceans and in the Mediterranean area the key to a complete global power?”. I would answer negatively. The German geopolitician Karl Haushofer remembered in his memoirs a conversation he had with Lord Kitchener in India on the way to Japan, where the Bavarian artillery officer was due to become a military attaché. Kitchener told Haushofer and his wife that if Germany (that dominated Micronesia after Spain had sold the huge archipelago just before the disasters of the American-Spanish war of 1898) and Britain would lost control of the Pacific after any German-British war, both powers would be considerably reduced as global actors to the straight benefit of Japan and the United States. This vision Kitchener disclosed to Karl and Martha Haushofer in a private conversation in 1909 stressed the importance of dominating three oceans to become a real global unchallenged power: the Atlantic, the Pacific and the Indian Ocean. If there is no added domination of the Pacific the global superpower dominating the Atlantic, the Mediterranean and the Indian Ocean, i. e. Britain at the time of Kitchener, will be inevitably challenged, risking simultaneously to change down and fall back.

In 1909, Russia had sold Alaska to the United States (1867) and had only reduced ambitions in the Yellow Sea and the Sea of Japan, especially after the disaster of Tshushima in 1905. France was present in Indochina but without being able to cut maritime routes dominated by the British. Britain had Australia and New Zeland as dominions but no strategical islands in the Middle and the Northern Pacific. The United States had developped a Pacific strategy since they became a bioceanic power after having conquered California during the Mexican-American war of 1848. The several stages of the gradual Pacific strategy elaborated by the United States were: the results of the Mexican-American War in 1848, i. e. the conquest of all their Pacific coast; the purchase of Alaska in 1867; and the events of the year 1898 when they colonized the Philippines after having waged war against Spain. Even if the Russian Doctor Schaeffer tried to make of the volcanic archipelago of Hawai a Russian protectorate in 1817, US American whale hunters used to winter in the islands so that the islands came gradually under US domination to become an actual US strong point immediately after the conquest of the formerly Spanish Philippines in 1898. But as Japan had inherited in Versailles the sovereignty on Micronesia, the clash foreseen by Lord Kitchener in 1909 didn’t happen in the Pacific between German and British forces but during the Second World War between the American and Japanese navies. In 1945, Micronesia came under American influence, so that the United States could control the entire Pacific area, the North Atlantic area and gradually the Indian Ocean, especially when they finished building a navy and airforce strong point in Diego Garcia in the very middle part of the Indian Ocean, from where they can now strike every position along the coasts of the so-called “Monsoon countries”. According to the present-day American strategist Robert Kaplan, the control of the “Monsoon lands” will be crucial in the near future, as it allows the domination of the Indian Ocean linking the Atlantic to the Pacific where US hegemony is uncontested.

Kaplan’s book on the “Monsoon area” is indeed the proof that American have inherited the British strategy in the Indian Ocean but that, contrary to the British, they also control the Pacific except perhaps the maritime routes along the Chinese coasts in the South China Sea and the Yellow Sea, that are protected by a quite efficient Chinese fleet that is steadily growing in strength and size. They nevertheless are able to disturb intensely the Chinese vital highways if Taiwan, South Korea or Vietnam are recruited into a kind of East Asian naval NATO.

What could be the answer to the challenge of a superpower that controls the three main oceans of this planet? To create a strategical thought system that would imitate the naval policy of Choiseul and Louis XVI, i. e. unite the available forces (for instance the naval forces of the BRICS-countries) and constantly build up the naval forces in order to exercice a continuous pressure on the “big navy” so that it finally risks “imperial overstretch”. Besides, it is also necessary to find other routes to the Pacific, for instance in the Arctic but we should know that if we look for such alternative routes the near North American Arctic bordering powers will be perfectly able to disturb Northern Siberian Arctic coastal navigation by displaying long range missiles along their own coast and Groenland.

History is not closed, despite the prophecies of Francis Fukuyama in the early 1990s. The main problems already spotted by Louis XVI and his brilliant captains as well as by the Russian explorers of the 18th and 19th centuries are still actual. And another main idea to remember constantly: A single World War had been started in 1756 and is not finished yet, as all the moves on the world chessboard made by the actual superpower of the time are derived from the results of the double British victory in India and Canada during the “Seven Years’ War”. Peace is impossible, is a mere and pure theoretical view as long as a single power is trying to dominate the three oceans, refusing to accept the fact that sea routes belong to all mankind.

Robert Steuckers.

(Vorst-Flotzenberg, november 2013).

 

Bibliography:

  • Philippe Conrad (ed.), “La puissance et la mer”, numéro spécial hors-série (n°7) de La nouvelle revue d’histoire, automne-hiver 2013.

  • Philippe Conrad, “Quand le Pacifique était un lac russe”, in “La puissance et la mer”, op. cit..

  • Philippe Bonnichon, “La rivalité navale franco-anglaise (1755-1805)”, in “La puissance et la mer”, op. cit.

  • Niall Ferguson, Empire – How Britain Made the Modern World, Penguin, Harmondsworth, 2004.

  • Richard Harding, Seapower and Naval Warfare – 1650-1830, UCL Press, London, 1999.

  • Robert Kaplan, Monsoon – The Indian Ocean and the Future of American Power, Random House, New York, 2011.

  • Charles King, The Black Sea – A History, Oxford University Press, 2004.

  • Frank McLynn, 1759 – The Year Britain BecameMaster of the World, Pimlico, London, 2005.

  • Richard Overy, Atlas of 20th Century History, Collins Books, London, 2005.

  • Tom Pocock, Battle for Empire – The Very First World War – 1756-63, Caxton Editions, London, 1998.

  • Robert Steuckers, “Karl Haushofer: l’itinéraire d’un géopoliticien allemand”, sur: http://robertsteuckers.blogspot.com (juillet 2012).

jeudi, 31 octobre 2013

La Kriegsmarine et l'Opération Barbarossa

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La Kriegsmarine et l'Opération Barbarossa

Ingo Lachnit

En conquérant toute la côte atlantique de la France en juin 1940, les armées de Hitler ont dégagé le Reich de l'encerclement maritime que lui avaient imposé les Britanniques et les Français. La victoire allemande à l'Ouest ouvre au Reich les portes du large. A partir de ce moment, la Kriegsmarine ébauche des projets globaux et non plus purement défensifs, limités à la Mer du Nord et à la Baltique. C'est l'Amiral Carls, Commandant en chef du Groupe Est, qui fut le premier à fournir une étude globale, définissant les objectifs de la guerre sur mer (1). Son mémorandum reflète parfaitement l'état d'esprit des chefs de la marine allemande, après que les côtes atlantiques de la France soient tombées aux mains des Allemands.

L'Allemagne: une puissance d'ordre à l'échelon mondial

Carls, dans son mémorandum, parlait un langage clair. Sans circonlocutions, il déclare que l'Allemagne, désormais, doit devenir une puissance mondiale. Il ne craint pas de mener la guerre “contre la moitié ou les deux tiers du monde”. Déjà en 1938, il avait dit que l'Allemagne pouvait envisager de mener un tel combat avec succès. En déclarant que l'Allemagne devait devenir une puissance mondiale, Carls imposait à la marine une ligne de conduite, qui impliquait, à son tour, plusieurs objectifs de guerre: après avoir récupéré les anciennes provinces et territoires du Reich à l'Ouest et réclamé le retour des anciennes colonies africaines, Carls préconisait la constitution d'une confédération des Etats d'Europe du Nord sous l'égide allemande, regroupant, outre le Reich, une Grande-Flandre, les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège, y compris leurs possessions d'outre-mer. Les possessions qu'apporteraient le Danemark et la Norvège dans la nouvelle communauté d'Etats (Spitzberg, Groenland, Islande, Iles Féroé), garantirait la domination maritime du Reich dans l'Atlantique-Nord, qui serait encore consolidée par l'annexion des Iles anglo-normandes et des Shetlands  —la marine considéraient encore l'annexion de ce petit archipel au Nord de l'Ecosse comme un but de guerre en 1944. Cette position fortifiée dans le Nord aurait permis à l'Allemagne d'avoir un accès libre aux zones centrales de l'Atlantique, grâce à l'inclusion dans la sphère d'influence du Reich d'une bande littorale ouest-française. Les ports de cette bande littorale auraient servi de tremplin vers le sud, permettant du même coup de se rendre maîtres de la côte ouest-africaine. Sur cette côte, l'Allemagne devra s'assurer quelques territoires, de façon à s'aménager des points d'appui. Ensuite, l'Union Sud-Africaine, y compris la Rhodésie du Sud, deviendraient des Etats indépendants et se détacheraient de l'Empire britannique, s'empareraient de Madagascar et des îles avoisinantes, de façon a créer une “chaîne” de points d'appui qui s'étendrait de l'Océan Indien au Pacifique, en passant pas les colonies néerlandaises (Indonésie), tombées sous influence allemande grâce à l'inclusion de la Hollande dans la communauté des Etats du Nord de l'Europe. Cette “chaîne” aboutirait au Bornéo septentrional qui serait, lui aussi, détaché de l'Empire et passerait sous domination allemande.

Cette esquisse des ambitions allemandes, élaborée par Carls, correspondait bel et bien à l'état d'esprit qui régnait dans les états-majors de la marine. Seuls quelques officiers ont émis des revendications plus modérées, mais qui ne portaient que sur les détails, non sur l'essentiel. Ainsi, le Chef du 1er Skl., le Contre-Amiral Fricke, en formulant une ligne de conduite légèrement différente, estimait que l'Allemagne devait en priorité s'affirmer comme puissance européenne dominante. Fricke suggérait de ne pas mettre la charrue avant les bœufs et de ne pas aller trop vite en besogne en voulant faire de l'Allemagne une puissance mondiale. Le Commandant-en-chef de la Marine, le Grand-Amiral Raeder, pour sa part, refusait de s'emballer pour les projets trop audacieux et ne voulait pas perdre de vue l'essentiel: les objectifs à court terme; l'acquisition de points d'appui insulaires et continentaux le long des côtes africaines ne serait alors qu'un objectif à moyen terme. Dans les détails, les buts déclarés variaient d'une personnalité à l'autre. Mais il n'en demeure pas moins vrai que tous les officiers de l'état-major de la marine de guerre étaient d'accord sur un point: l'Allemagne était devenu une puissance d'ordre et devait s'affirmer en tant que telle sur toute la surface du globe. Aucun officier de marine ne mettait en doute la nécessité de faire du Reich la puissance hégémonique en Europe, la puissance organisatrice d'un “grand espace” économique européen, avec son complément colonial africain. Cette mission devait forcément donner à l'Allemagne une vocation planétaire. Toutes les ébauches de la marine impliquaient une Weltpolitik  de grande envergure. Sans la moindre hésitation, les officiers de la marine prévoyaient de bétonner et de consolider les positions du “Reich Grand-Allemand” sur le plan géostratégique, de même que ses intérêts outre-mer, de “façon définitive, sur le fond, pour tous les temps”.

L'objectif à court terme: devenir une puissance coloniale

Les exigences coloniales de la marine allemande, de même que sa volonté d'acquérir des points d'appui, vise en premier lieu à asseoir solidement les revendications allemandes. Carls souhaitait un désarmement de l'Angleterre et de la France et pensait qu'il ne fallait réaccorder l'égalité en droit à ces deux puissances que lorsqu'elles auraient accepté l'ordre nouveau imposé par le Reich à l'Europe. Leurs empires coloniaux devront être réduit en dimensions, afin qu'ils soient égaux en taille aux possessions allemandes d'outre-mer, mais ne devront en aucun cas être détruits. Les possessions coloniales de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Italie demeureront suffisamment vastes, après que l'Allemagne ait accedé au statut de grande puissance mondiale, “pour leur assurer l'existence et assez de puissance”, toutefois “dans les proportions que nous aurons souhaitées”. L'objectif de devenir “puissance mondiale” ne pourra se concrétiser que dans la mesure où l'Allemagne se montrera capable d'assurer l'équilibre entre les autres puissances. Carls parle en fait d'“auto-limitation” (Selbstbeschränkung)  quand il parle du Reich; il ne perçoit pas celui-ci comme une puissance qui règnerait seule sur le destin de la planète, mais qui serait davantage “régulatrice” de la politique internationale. La notion de “puissance mondiale” (Weltmacht) n'est donc pas synonyme, dans la pensée de Carls”, de “domination (non partagée) sur le monde” (Weltherrschaft).  Les objectifs coloniaux énoncés dans le mémorandum ont une connotation nettement restauratrice. Ils se contentent, pour l'essentiel, de rétablir les colonies allemands d'avant 1918, en leur adjoignant quelques possessions françaises et la Rhodésie, qui souderait ses colonies entre elles.

Carls renonce à toute acquisition en Méditerranée et à toute intrusion dans les sphères d'infuence américaine et japonaise. Il tient compte du fait “que le Führer ne veut pas s'installer en Méditerranée, ni s'immiscer dans les sphères d'influence américaine et japonaise”. Carls savait intuitivement quel état d'esprit régnait dans le quartier général du Führer et devinait ce que ce dernier voulait entendre. Il élaborait ses plans non pas dans les limites de son propre domaine mais tenait davantage compte des intentions du commandement suprême que Raeder quand il rédigeait ses rapports. Raeder, lui, n'élaborait de projet que sur base de son domaine spécifique et tentait, envers et contre tout, de l'imposer au commandement suprême.

Ce qui frappe, c'est la mansuétude de Carls à l'égard de l'ennemi principal du Reich, la Grande-Bretagne. Celle-ci, dans la mesure du possible  —c'est-à-dire si elle ne s'oppose pas au Reich allemand de manière irrémédiable—  conserverait son Empire et demeurerait une puissance thalassocratique. Carls exprime de la sorte, outre une admiration pour l'œuvre coloniale des Britanniques, le point de vue de la marine: l'Empire britannique a eu une fonction stabilisante dans l'équilibre international. Sa chute favoriserait le Japon, puissance qui cherche l'hégémonie à l'échelle du globe, et qui se révèlerait, dans un avenir plus lointain, un nouvel adversaire du Reich allemand.

La Marine: facteur de décision dans la guerre

ship5.jpgLa marine de guerre allemande s'est toujours définie dans et par sa lutte contre la flotte britannique. Dans cette optique, l'Allemagne, en s'opposant à l'Angleterre, est logiquement, par la volonté du destin, obligée de devenir une puissance thalassocratique à l'échelle du globe. Cette vision des choses est solidement ancrée dans la marine depuis Tirpitz. Le corps des officiers de marine n'a jamais cessé de penser et d'agir dans le cadre de ces idées claires et compactes; tous ses objectifs s'inscrivent dans cette logique implaccable, même après 1918, année de la défaite que n'admettent pas plus les officiers de marine que ceux de l'armée de terre. Dans son Dienstschrift IX  (Note de service IX), rédigé en 1894, Tirpitz avait conçu le rôle des armées de terre  —protéger l'Etat contre l'arbitraire de l'ennemi—  comme inférieur à celui, sublime, de la marine: emporter la décision en cas de guerre. Cet état d'esprit témoigne de la cohésion morale, élitaire et sélective, du corps des officiers de marine allemands; ces hommes étaient convaincus de l'importance de leur arme et cette conviction, largement partagée, s'est perpétuée et renforcée après 1918 et l'intermède de Weimar. Le vocabulaire lui-même en témoigne: la marine est kriegsentscheidend,  elle force la décision, fait la décision, en cas de guerre. Tel est le noyau de la pensée stratégique et opérative de la marine. Ce qui explique la franchise avec laquelle la marine élabore ses plans pour faire de l'Allemagne une Weltmacht. Elle n'est pas victime de l'euphorie qui règne dans le Reich après la victoire sur la France mais s'inscrit plus simplement, plus naturellement, dans la tradition forgée à la fin du XIXième siècle par Tirpitz, tout en espérant, avec les nouveaux acquis territoriaux, rencontrer plus de succès.

Le problème de l'Angleterre

Comme les opérations contre la “forteresse insulaire” britannique s'avèrent lentes et n'emportent aucun succès, et comme l'invasion de l'Angleterre est reportée à l'année 1941, les esprits, en Allemagne, se concentrent sur le “problème anglais”. Si l'Angleterre ne peut être vaincue sur son île métropolitaine, il faudra trouver des points faibles dans l'Empire et y remporter des victoires décisives qui obligeront le gouvernement britannique à composer et à accepter la paix allemande. Cette question, essentielle, préoccupait bien entendu tous les militaires allemands, les chefs de la marine comme l'état-major de la Wehrmacht. Pour résoudre le problème anglais, il y avait plusieurs possibilités:

1) Une guerre contre les sources d'approvisionnement qui s'inscrirait dans le cadre d'une guerre économique de plus vaste envergure.

2) Des attaques ponctuelles contre les points névralgiques de l'Empire, de façon à ce qu'il s'effondre. A portée des Allemands, par ordre d'importance, nous avions, à l'époque: Suez, Gibraltar et Malte.

3) L'acquisition de positions stratégiques navales en Afrique du Nord et de l'Ouest, afin de donner aux opérations dans l'Atlantique l'ampleur souhaitée.

4) Intensifier la guerre des croiseurs. C'est l'idée motrice de Raeder.

La question qui se pose alors: où les chefs de la marine allemande doivent-ils porter le poids de leurs armes, en concentrant toutes leurs forces? Afin d'obtenir l'effet escompté le plus rapidement possible, avec les meilleures chances de succès?

Le tonnage anglais se concentrait dans l'Atlantique. C'est par l'Atlantique et la Méditerranée que passent les axes vitaux qui relient la Grande-Bretagne à ses sources d'énergie venues d'outre-mer. Fragmenter ces axes était la mission des sous-marins. Les chefs de la marine considéraient donc que la guerre anti-tonnage dans l'Atlantique était prioritaire. Mais le commandant en chef de la Marine tenait à la guerre traditionnelle des croiseurs, qu'il voulait mener en deux endroits: dans l'Atlantique et en Méditerranée (sur ce théâtre en guise de diversion). Mais comme les plus lourdes unités allemandes se trouvent dans l'Atlantique, elles ne peuvent être déployées en Méditerranée. Convaincu du grand impact que pourrait avoir sa stratégie de diversion  —laquelle ne pouvait que s'amplifier dès le début de la guerre du Pacifique et prendre des proportions globales—  Raeder envoya ses sous-marins en Méditerranée. Il s'est heurté à une critique sévère des sous-mariniers, hostiles à cette stratégie de diversion. Pour Dönitz, la Méditerranée n'avait qu'une importance secondaire. Selon Dönitz, toutes les mesures qui visent à diviser et disperser les forces ennemies sont erronées, car elles ne peuvent que contribuer à prélever des forces allemandes hors de la zone principale des combats, qui est l'Atlantique. Mais, dans l'optique de Raeder, au contraire, la Méditerranée ne revêt pas une importance stratégique qui ne vaudrait que pour la diversion qu'il entend planifier. En lançant une offensive contre Suez, il veut trancher l'“artère principale” de l'organisme qu'est l'Empire britannique et porter ainsi le coup fatal à l'Angleterre. Après la prise de Suez, les résidus de la domination britannique en Méditerranée pourraient facilement être éliminés avec l'aide de la flotte française. Sans nul doute, Raeder exagérait l'importance de la Méditerranée pour les Britanniques mais n'avait pas tort de valoriser l'importance des côtes du nord et de l'ouest de l'Afrique et comptait sur la coopération française dans les opérations navales dans l'Atlantique.

L'Atlantique, l'Afrique du Nord-Ouest et Suez: tels sont les objectifs principaux de la stratégie de la marine allemande.

Y avait-il communauté d'intérêt entre la France et l'Allemagne?

Au fur et à mesure que les officiers supérieurs de la marine allemande élaborent et peaufinent leur stratégie, la France vaincue acquiert de plus en plus de poids à leurs yeux. Le choc de Mers-el-Kébir et de Dakar du côté français, l'impossibilité de mener à bien l'Opération Seelöwe  (le débarquement en Angleterre) du côté allemand, contribuent à un rapprochement franco-allemand, qui devrait se concrétiser par un effort de guerre commun. Et comme les Italiens et les Espagnols n'ont pas réussi à chasser les Britanniques de la Méditerranée, contrairement à ce qu'avaient espéré les Allemands, les chefs de la marine allemande en viennent à estimer que la participation française à la guerre navale contre l'Angleterre est indispensable. Pour que les Français deviennent les adversaires de l'Angleterre, les Allemands doivent leur donner des garanties politiques, qui valent le prix d'une entrée en guerre de Vichy à leurs côtés. Raeder envisage une alliance en bonne et due forme avec les Français et souhaite que Berlin élargisse l'axe tripartite Rome-Berlin-Tokyo à Vichy. L'inclusion de la France dans le nouvel ordre européen a été l'une des exigences de base des chefs de la marine allemande.

Ceux-ci ont trouvé des appuis dans l'état-major de la Wehrmacht. Le Général-Major Warlimont, Chef du L/WFSt, après une visite à Paris, s'est fait l'avocat du rapprochement franco-allemand. L'Afrique du Nord-Ouest et de l'Ouest constitue un flanc stratégique indispensable contre l'Angleterre ainsi qu'un espace économique soustrait au blocus britannique. Le conseiller militaire de Hitler, le Chef de l'état-major général de la Wehrmacht, le Colonel-Général Jodl, partage ce point de vue. La France pourrait aider le IIIième Reich et lui donner la victoire finale, si elle met à la disposition des Allemands ses bases africaines. Si l'Allemagne perd les bases nord-africaines possédées par la France, expliquent les chefs de la marine, il ne sera plus possible de battre l'Angleterre dans la guerre commerciale qui se déroule dans l'Atlantique. Cette formulation est évidemment osée. Mais il n'en demeure pas moins vrai que la masse territoriale nord-africaine et ouest-africaine constitue une barrière importante contre toutes les attaques anglo-saxonnes contre le Sud de l'Europe. En outre, ce territoire peut servir de base pour des attaques de l'aviation allemande contre les Etats-Unis.

Kriegsmarine-Cruiser-KMS-Prinz-Eugen-14.jpgUne alliance franco-allemande constituerait donc un atout complémentaire, qui permettrait au Reich de faire son jeu sur le continent européen. Mais Hitler s'imaginait toujours qu'il allait pouvoir faire la paix avec l'Angleterre. Il laisse le sort de la France dans l'indécision. Après Mers-el-Kébir, l'Allemagne assouplit encore ses mesures de démobilisation, politique qui ne correspond pas du tout aux souhaits de la Marine et de l'état-major de la Wehrmacht, qui, eux, envisageaient de consolider militairement une communauté d'intérêt franco-allemande.

La campagne de Russie

Mais un projet militaire va s'avérer plus déterminant que tous les problèmes soulevés par la stratégie nouvelle, proposée par la marine allemande, plus déterminant aussi que tous les problèmes non résolus et toutes les occasions perdues: celui de lancer une campagne contre la Russie. Ce projet freine définitivement le développement de la stratégie maritime suggéré par Carls. La stratégie maritime dépend désormais de la guerre sur terre.

Pour les chefs de l'armée de terre, la capitulation de la France et l'impossibilité pour la Grande-Bretagne d'entreprendre des opérations sur le continent ont rendu impossible la guerre sur deux fronts. Du moins dans un premier temps. Mais l'élimination de la France n'a pas donné à la Kriegsmarine la liberté qu'elle souhaitait avoir sur ses arrières. Les forces opérationnelles de la marine allemande étant faibles, ses chefs ne pouvaient considérer l'Opération Barbarossa que comme un fardaud supplémentaire. Mais, mise à part cette objection, la marine n'avait nulle crainte quant au déroulement de la guerre à l'Est: “Les forces militaires qu'aligne l'armée russe doivent être considérées comme très inférieures à nos troupes expérimentées. L'occupation d'un territoire s'étendant du Lac Ladoga à la Crimée en passant par Smolensk est militairement réalisable, de façon à ce qu'en détenant ce territoire, il nous soit possible de dicter les conditions de la paix” (2). Les chefs de la marine partagent la conviction des dirigeants politiques de l'Allemagne: le Reich gagnera la guerre à l'Est sans difficulté. Mais doutent que, par cette victoire, la guerre contre l'Angleterre sera plus rapidement terminée. La marine croit en effet que l'impact d'une victoire allemande à l'Est sera mininal sur le moral de l'ennemi occidental. Les victoires allemandes sur le continent ne contraindront nullement la Grande-Bretagne à composer. Au contraire, l'effort exigé par la campagne de Russie sera tel qu'il favorisera une victoire anglaise dans l'Atlantique et rendra aux Britanniques toutes les positions perdues. Pire: si la Russie ne s'effondre pas immédiatement, l'Allemagne court un danger très grave, dans le sens où les territoires non neutralisés de l'URSS deviendront ipso facto des tremplins pour une attaque américaine. Dans l'esprit des chefs de la marine, le combat principal, c'est-à-dire la guerre contre l'Angleterre, pourrait bien être perdu, même si l'Opération Barbarossa débouche sur une victoire.

La guerre à l'Est soulage l'Angleterre

Les chefs de la marine jugent la sécurité globale de l'Allemagne, en incluant le facteur “Russie” dans des catégories qui justifient l'attaque contre l'URSS: la sécurité de l'Allemagne exige la consolidation, par des moyens militaires, d'un espace qui soit à l'abri de toute attaque extérieure, l'élimination, par des moyens politiques, des petits Etats peu fiables, et, enfin, la construction, par des moyens économiques, d'une autarcie continentale. Les chefs de la marine, de surcroît, acceptent les projets de colonisation et les dimensions idéologiques inhérents à la guerre contre l'URSS. Sur un plan politique plus général et animés par la conviction que les forces armées soviétiques de terre et de mer constituent un danger pour le Reich, les chefs de la marine s'alignent exactement sur les thèses du gouvernement allemand. Si les objectifs de construire un espace intangible ou une autarcie économique justifiaient dans une certaine mesure la guerre à l'Est, aux yeux du gouvernement, la marine, elle, tire des conclusions opposées. Dans son évaluation de la situation, trois éléments sont importants: 1) la conviction que l'Allemagne aurait obtenu tout ce qu'elle voulait de la Russie, même sans lui faire la guerre; 2) le problème anglais restait sans solution; 3) un éventail de réflexions sur l'industrie militaire.

Pour la marine, l'Angleterre est l'ennemi n°1

Du point de vue de la marine, le gouvernement du Reich surestime la “masse soviétique” et poursuit, vis-à-vis de Moscou, une politique de concessions inutile. Le gouvernement allemand devrait au contraire montrer à l'Union Soviétique, fragile parce que tout un éventail de crises la guette, la puissance politique et militaire du Reich. Les Russes, pour l'état-major de la marine, sont prêts à négocier, ce qui rend toute guerre inutile. Moscou, pensent les officiers supérieurs de la marine allemande, ira au devant de tous les souhaits de l'Allemagne.

La mission première de la marine de guerre est donc d'affronter directement l'Angleterre. Si celle-ci est abattue, le Reich obtiendra presque automatiquement la victoire. Toute campagne militaire à l'Est influencerait négativement la situation stratégique de l'Allemagne sur mer et jouerait en faveur de l'Angleterre, qui serait de fait soulagée. Le Korvettenkapitän Junge, chef du département “marine” auprès de l'état-major général de la Wehrmacht, tire les mêmes conclusions: l'Allemagne ne doit pas entrer en guerre contre la Russie, avant que l'Angleterre ne soit mise hors course.

La campagne à l'Est a-t-elle été une alternative?

Fricke (Chef de la 1ière Skl.) constatait que les Anglo-Saxons, affaiblis après avoir perdu leur allié continental potentiel, la Russie, ne s'en prendraient plus à la grande puissance continentale que serait devenue l'Allemagne. Mais cette constatation n'a en rien influencé l'élaboration de la stratégie navale allemande, favorable, en gros, à la campagne de Russie. La marine a été incapable de s'opposer avec succès à l'option anti-soviétique du gouvernement allemand. Mais ni Fricke ni les officiers supérieurs de la Kriegsmarine n'ont pu voir dans le projet “Barbarossa” une entreprise qui aurait contribué à abattre l'Angleterre (pour Hitler, ce n'était d'ailleurs pas l'objectif). Les gains territoriaux à l'Est ne compenseront nullement le tonnage que les Allemands, occupés sur le continent, ne pourront couler dans l'Atlantique, théâtre où se décide réellement le sort de la guerre. Les chefs de la marine ne voient ni la nécessité ni l'utilité d'une opération à l'Est, qui éloignerait les Allemands de l'Atlantique. Le Reich, pour les marins, ne perdra ni ne gagnera la guerre en Russie. Le destin de l'Allemagne se joue uniquement dans l'Atlantique.

Si l'option Barbarossa se concrétise, l'industrie de l'armement consacrera tous ses efforts à l'armée de terre et à l'aviation. Si les livraisons russes cessent d'arriver en Allemagne à cause de la guerre germano-soviétique, la marine en essuiera les conséquences et ne pourra plus espérer aucune priorité dans l'octroi de matières premières et de carburants. La guerre à l'Est ôtera à la marine son principal fournisseur de matières premières. Ses chefs ne pensent pas, en conséquence, que les opérations en Russie apporteront une solution au problème des matières premières, domaine où l'Allemagne est dans une situation précaire. Les livraisons de pétrole pour l'Opération Seelöwe ne seront pas nécessairement assurées, une fois l'Opération Barbarossa terminée. En conséquence, la marine estime que la campagne de Russie n'est qu'un élargissement compromettant de la guerre, pire, qu'elle l'étend dans une mauvaise direction et au moment le plus inapproprié.

Appréciation

Avec la victoire sur la France en juin 1940, la marine allemande peut enfin mettre au point sa “grande stratégie”. Mais cette stratégie prend fin avec le débarquement allié en Afrique du Nord de novembre 1942. Pour Raeder, la “grande stratégie navale” est une alternative à l'Opération Seelöwe et, plus tard, à l'Opération Barbarossa, dont il n'a jamais été convaincu de l'utilité. La stratégie maritime n'est pas une stratégie partielle ou complémentaire, qui se déploierait parallèlement à la guerre sur terre. Elle est une stratégie globale qui affecte également les opérations sur le continent. Aujourd'hui, il n'est pas possible de dire comment elle aurait influencé le cours de la guerre, si elle avait été appliquée sans restriction.

Dans les mois qui se sont écoulés entre la fin de la campagne de France et le début de la campagne de Russie, le III° Reich a pu choisir entre plusieurs options: 1) Il se tient coi, renonce à entamer toute opération et organise la défensive; 2) Il poursuit la guerre à l'Ouest jusqu'à la capitulation anglaise et impose sa paix; 3) Il se tourne vers l'Est, soumet la Russie et se retourne vers l'Ouest avec l'atout complémentaire: un continent uni par la force et inexpugnable. Aucune de ces options n'avait la chance de réussir à 100%. Toutes pouvaient réussir ou échouer. Evidemment, la stratégie consistant à demeurer coi ou la stratégie navale préconisée par les chefs de la marine, qui n'a pas été appliquée, ont le beau rôle dans les querelles entre historiens: personne ne peut dire avec certitude qu'elles étaient erronées, puisqu'elles ne se sont pas traduites dans le concret. Quant à la “solution continentale”, recherchée par Barbarossa, elle a échoué. Mais elle aurait pu réussir.

Notes:

(1) M. SALEWSKI, Die deutsche Seekriegsleitung 1935-1945, 3 tomes, tomes 1 & 2, Francfort s. M., 1970-75. Tome 3: Denkschriften und Lagebetrachtungen 1938-1944. Pour notre propos: Tome 3, pp. 108 et suivantes.

(2) 1/Skl, “Betrachtungen über Russland”, 28 juillet 1940 (Salewski, tome 3, pages 141 et suivantes).  

mercredi, 15 février 2012

Admiral Alfred von Tirpitz

Admiral Alfred von Tirpitz

Ex: http://www.globalsecurity.org/

Tirpitz (1849-1930) German admiral and politician, was born at Kiistrin March Iq 1849. He entered the Prussian navy in 1865, and by 1890 had risen to be chief-of-staff of the Baltic station in the Imperial navy. In 1892 he was in charge of the work of the chief-of-staff in the higher command of the navy. He was promoted to be rear-admiral in 1895, and in 1896 and 1897 he was in command of the cruiser division in east Asiatic waters. In 1899 he reached the rank of vice-admiral and in 1903 that of admiral. For the long period of 19 years, from 1897 to 1916, he was Secretary of State for the Imperial navy, and in this capacity advocated the navy bills of 1898, 1900, 1907 and 1912 for increasing the German fleet and successfully carried them through the Reichstag. In 1911 he received the rank of grand-admiral, and he retired in 1916.

Germans had their own word for Tirpite; he was "Tirpitz the Eternal," which freely interpreted meant that among numerous qualities he possest one that was rare in German cabinets; he was the one minister who displayed tenacity in holding his job. No German since Bismarck had held public office so long. The Kaiser had had an endless succession of chancellors, foreign ministers, war ministers and colonial secretaries; but "Tirpitz the Eternal," until he was suddenly displaced early in 1916 on the submarine issue, apparently had a life tenure. With the adoption of unrestricted submarine warfare in February, 1917, however, he returned to power and on him was placed the chief responsibility for the warfare thereafter was carried on.

The best account of Adml. von Tirpitz's naval achievements and political activities is contained in the book which he published in 1919 under the title of Erinnerungen. In that book he shows how gigantic was the task of creating the new German navy with which Great Britain had to reckon at the outbreak of the World War. Not only had a whole array of subsidiary industries to be established and supplies of raw materials secured; thousands of skilled workmen and hundreds of directing personalities of strong character and exceptional ability had to be found and trained. It has been customary to attribute the creation of the German navy to the Kaiser William II., and it is true that in large part the initiative for successive increases, and the demagogic appeals by which they were supported, originated with the Emperor. On the other hand, it was Tirpitz who not only conducted the practical advocacy of these schemes in the Reichstag, but also organized the service of propaganda in the German press and on the platform, putting popular pressure on the parliamentary representatives of the nation and constraining them to agree to the enormous expenditure which these schemes entailed. William II. was often a hindrance as well as a help, and Tirpitz gives instances in which the work of the construction departments and even that of the Secretary of State were interrupted or hampered by wild-cat Imperial projects for the construction of architecturally impossible vessels or of mechanically impossible machinery. One of these projects, on which an elaborate report had actually to be submitted to the Emperor, was a device for which it was claimed that it had solved the problem of perpetual motion.

Tirpitz advances two contentions; first, that he would have sent the navy into decisive action at an earlier stage of the war; secondly, that he would have made an earlier and more ruthless use of the German U-boats; but his opponents traverse both these claims, and in particular assert that as Secretary of State he had neglected the construction of submarines, so that Germany entered the war with a comparatively small supply of these vessels.

Things that lay on the surface did not really produce the Great War - neither the ultimatum to Serbia nor hurried mobilizations, nor the invasion of Belgium. Back of all these stood in succession a long series of events which as deeply affecting national interests, ambitions, and fears had changed national policies and popular psychology. One fact that probably had most to do in changing the whole morale of the German people within a few years was the German navy and that meant Tirpitz.

He was more than a sailor, politician or administrator; he was a statesman who, for good or ill, fundamentally directed the course of European history. No longer ago than 1890 Lord Salisbury for lands in Africa had given Heligoland back to the Kaiser - that same Heligoland which in the World War served so effectively as a German naval base. The explanation was simple enough ; in 1890 the" German Empire had no fighting fleet. For many years afterward Great Britain still unallied with any other Power could glory in her "splendid isolation." For a generation Russia silently meditating the overthrow of British power in the East, had been playing the part in the British outlook that Germany came to play in later years. In 1893 England and France had been almost on the verge of war over Fashoda. In the nineties the tie that bound Great Britain to her colonies, and especially to Canada, Australia, and New Zealand, was slighter than it had been in years, but within fewer than ten years these conditions had so changed that instead of being splendidly isolated, England found herself splendidly allied. France and Russia, hereditary enemies, had become earnest friends and were now England's friends and the colonies and mother country found themselves reunited in a happy family.

The man chiefly responsible for this change was Tirpitz and his famous "preamble," which as put into the naval law of 1900, formed a new basis for the future history of Europe. "Germany must have a fleet of such strength," the preamble read, "that a war, even against the mightiest naval Power, would threaten the supremacy of that Power." No nation had ever before announced a national policy in such challenging fashion. Germany had declared her purpose to build a navy so strong that it could destroy the navy of Great Britain.

Hence came a change in British foreign policy, an abandonment of "isolation," and that series of alliances, ententes, understandings, and good feeling, that ultimately left Germany and her Austrian ally with no friend in Europe except the Turk. Despite official explanations, magazine articles, and interviews, Englishmen saw only one purpose in a steadily increasing German sea-power which in case of war was to isolate Great Britain and ferry a German army across the Channel. So long as Great Britain remained the greatest naval Power and Germany the greatest military Power, there had been no possibility of conflict. Germany's army and Britain's navy both served similar national ends; each protected the nation from obvious dangers, but neither could fight the other.

As the elder Moltke was the directing genius of German militarism, so Tirpitz started Germany on the path of navalism which was to become the Kaiser's absorbing passion. In looking for the real inspiration of the German fleet one had, however, to go beyond Tirpitz and the Kaiser. The inspiring mind was not a German but an American ; a man who wrote a book which, soon after its appearance, became the Kaiser's inseparable companion - Admiral Mahan and his "The Influence of Sea Power in History." "I have not read your book." said the Kaiser on meeting Mahan. "I have devoured it!"

Tirpitz's origin, although very respectable, was comparatively bourgeois; his father was a lawyer and judge in Frankfort-on-the-Oder. Tirpitz was born in the Mark of Brandenburg, more than one hundred miles from the sea. He grew up a somewhat raw-boned, ungainly, loutish boy, not especially marked for talent, distinguished only by a certain force of character and fixt determination. To his father he presented something of a problem and when only sixteen was placed on board one of several frigates which composed the Prussian navy and at that time served chiefly as havens for the younger sons of impecunious Prussian noblemen. In after years youthful aristocrats were often pained at Tirpitz's habit of advancing sons of tradesmen over their heads and would run to the Kaiser for consolation. "You'll have to pet along with him as well as you can," the Emperor would say, "That's what I have to do."

Once a ball-room favorite was discussing with Tirpitz his chances of naval promotion. "You have very white hands for a man who hopes to command a cruiser," was all the comfort he received. Another candidate for advancement discovered that, in the eyes of Tirpitz, he had one insuperable disqualification; he was a splendid dancer. "The fact that you waltz so divinely," said the Grand Admiral, "proves that you have no sea-legs. Sailors in the German navy can not waltz their way to the bridge. Go learn the hornpipe."

He never regarded social graces as desirable attributes for men who expected to fight battles at sea, and always frowned upon the practise of using warships in foreign ports for balls and receptions. His talents so stood upon the surface - initiative, industry, knowledge, commanding personality, the evidence which he gave, in every act and work. of a capacious brain - that his career became one success after another. He was a lieutenant at twenty; a lieutenant- commander at twenty-five and twenty years after entering the navy was flying the pennant of a rear-admiral. He first attracted the attention of the Kaiser by reorganizing the German torpedo fleet. He was also instrumental in establishing the German outpost of Kiaochow which was directly under his jurisdiction as Minister of Marine.

After serving on a commission for torpedo experiments, Tirpitz entered the Admiralty as chief of staff at Kiel, the headquarters of the fleet. In the prime of life, with his varied training and experience, he had now reached a position where his talent for organization and his initiative had full sway. Von Tirpitz had the imaginative constructiveness of the mathematician and the genius of the engineer. Under his fostering care the torpedo service became a flourishing branch of the German navy where formerly it had consisted of a few unimportant mosquito boats.

With his forked beard, large, round face, huge bulk, he incarnated physically the sea-god Neptune. With a genuine sailor he could easily unbend. He could roar out a sailor's ditty with the best of them. His business and his relaxations were all nautical and he had one favorite topic of conversation - the disgraceful inadequacy of the Kaiser's fleet and the necessity of placing German sea-power on a plane with its military strength. If he had one enthusiasm, it was the British Navy; he admired its history. traditions and great achievements. Nelson, Drake, Hawkins. and other great sea-rovers had been the guiding influences of his life. When he came to the United States with Prince Henry in 1902. American naval officers found him a delightful and congenial comrade as well as a wide-awake observer.

The task enjoined upon him by the Kaiser was a definite one; to create an effective German fleet. Public opinion, and public opinion only, as he manipulated it, created the German fleet. Before he was admiral, or a naval statesman, Tirpitz became a press-agent - probably the most successful in the world; certainly the one who operated on the largest scale. America never organized a press bureau that could compare with Tirpitz's.

His Navy League - started in 1898 - was the parent of all similar organizations. While Tirpitz organized his Flotten-verein Prince Henry was placed at its head, purely for the purpose of being the main instrument in a "campaign of education." Tirpitz sought to teach the German people why they needed a navy, what kind they needed, and how they could get it. The league had branches not only in every province, city, town, village, and hamlet in the empire, hut in every part of the world where Germans lived. Even England - the country against which the German navy was aimed - had branches of the German Navy League, and it had thousands of loyal and contributing members in the United States. It poured forth an unending stream of naval information. in the shape of newspaper articles, interviews, pamphlets, and lithographs; it had motion-picture shows and lecturers who visited the remotest villages. It even introduced its propaganda into public schools. As a result the most benighted Pomeranian peasant who had hardly known that salt water existed and had never imagined what a warship was began to discuss glibly the relative values of destroyers and light cruisers and to debate the possibilities of dreadnoughts and submarines.

The German navy, almost as much as the army, began to figure as a bulwark of the empire. Besides the Navy League, Tirpitz organized a regular press bureau. These agencies, always active. displayed particular liveliness when legislation was pending. He organized special excursion trips from the interior to the seaboard, at extremely low rates, so that the everyday German farmer and workman, with his wife and babies, might have an opportunity to see the Kaiser's battleships, inspect big guns, and so feel himself a part of a machine he had helped to pay for.

When the Reichstag met and took under consideration naval estimates they found they had a new master; back of Tirpitz were the "folks at home." He was not only a great press agent but a finished wire-puller and button-holer. He did not stiffly remain aloof and request the Reichstag to do certain things, but went among its members with an ingratiating smile and a quiet voice. making individual appeals. He cultivated members, joked with them told them funny stories, made them his friends.

In the United States von Tirpitz was later identified with the submarine campaign and that policy of ruthlessly sinking merchant-vessels, without warning, which brought the United States into the war, but the admiral was long an opponent of the submarine. For many years he favored the torpedo-boat above the U-boat as an effective naval weapon. In December, 1905, he wrote that the submarine was valuable for certain narrowly limited purposes only; in April, 1910, he still admonished the German Naval Department to place the interests of the torpedo-boat fleet before those of the submarine; as late as 1912 he gave little favor to the submarine.

The Dreadnought apparently destroyed at a stroke the strong navy that Tirpitz had laboriously built up on conventional lines, but Tirpitz saw the situation in another light. It really furnished him the great opportunity he had been seeking. The dreadnought was the most colossal instance of miscalculation that naval history records. It was true that, as Sir John had foreseen, it made obsolete the German navy, but it made obsolete the British Navy as well. After it was launched, the first-line battle strength of all navies would be measured by dreadnoughts and by dreadnoughts alone. This meant that, in the race for naval supremacy, every nation would start on even terms. England had had such a great lead that, had the status quo been preserved, Germany could never have caught up with her but when England voluntarily pigeon-holed her whole fleet, she lost this enormous handicap. Tirpitz sprang at this opportunity with all the rapidity of genius.

In 1908 the Reichstag amended its program so that an ultimate German navy of fifty-eight dreadnoughts became Tirpitz's answer to Sir John's challenge and an appropriation of $50,000,000 for rebuilding the Kiel Canal, so that these ships could pass through was promptly voted. Sir John had asserted that Germany, in 1906, hadn't a single slip big enough to build a dreadnought; three years later she had seventeen. Tirpitz had called together all the biggest shipbuilders and told them to prepare to build these warships. Such an enormous spurt followed in shipping equipment as the world had never seen before.

jeudi, 01 décembre 2011

Verstärkte amerikanische Militärpräsenz in Australien richtet sich gegen China

Verstärkte amerikanische Militärpräsenz in Australien richtet sich gegen China

Edward Miller

Obama kündigt vor Machtprobe im Südchinesischen Meer Ausbau der amerikanischen Militärpräsenz in Australien an.

Die australische Premierministerin Julia Gillard und der amerikanische Präsident Barack Obama haben die herzlichen Beziehungen ihrer Vorgänger wiederaufleben lassen, als sie am 16. November der Öffentlichkeit die historische Vereinbarung präsentierten, nach der zunächst 250 amerikanische Marinesoldaten im Militärstützpunkt Robertson Barracks in der Nähe von Darwin, der Hauptstadt des Nördlichen Territoriums, stationiert werden sollen.

Mehr: http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/geostrategie/edward-miller/verstaerkte-amerikanische-militaerpraesenz-in-australien-richtet-sich-gegen-china.html