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dimanche, 30 septembre 2018

Conférence: le mouvement völkisch

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Entretien avec Elias Moutran: Le plan Jared Kushner et le national-sionisme pan-arabe

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Le plan Jared Kushner et le national-sionisme pan-arabe

Entretien avec Elias Moutran

 
Analyste et spécialiste de l'histoire politique du Moyen-Orient, Elias Moutran fait le point pour nous sur la situation générale au Moyen-Orient et en Syrie. Il expose ici les grandes lignes du plan Kushner pour la Palestine. Un plan qui prévoit l'établissement d'une série de bantoustans palestiniens en remplacement d'un projet d'Etat palestinien viable voire même du simple droit au retour des populations palestiniennes dans leurs foyers d'origine. Ce plan de redécoupage territorial de grande ampleur s’accompagne aussi de la tentative de faire émerger dans le monde arabe un nationalisme panarabe anti-Iran. Ceci afin de rapprocher les populations arabes des intérêts israéliens et saoudiens dans la région et de les détourner de "l'Axe de la résistance" Russie-Iran-Syrie.
 
Ce pan-arabisme de substitution sera bien entendu hyper libéral et anti-social, à rebours du nationalisme arabe historique. Dans cette perspective, des théories autour d'un complot "séfévide" voire même d'une alliance persane-orthodoxe contre le sunnisme sont des thématiques largement véhiculées par certains mass-médias de langue arabe parmi les plus suivis dans le monde. Un complotisme autorisé qui diffuse aussi l'idée que l'Iran et la Russie aurait comme projet le "grand remplacement" de la population sunnite de Syrie par de nouvelles populations importées. Autant d'éléments de propagande et de "fake news" qu’Élias Moutran dévoile et déconstruit pour nous.
 
Elias Moutran nous rappelle aussi comment l'islamisme politique s'est propagé à partir du Caire dans les années 70 lorsque le président égyptien Anouar el-Sadate décida de contrer l'influence du nationalisme arabe au sein de la jeunesse en appuyant l'islamisme dans les universités. C'est aussi à cette période que l'Egypte se rapprochera d'Israël et tournera le dos à son héritage nassérien. Dans la dernière partie de son intervention, Elias Moutran évoque aussi les similitudes qui existent entre la politique de séduction opérée par Benyamin Netanyahou envers les populistes européens et sa politique de rapprochement avec l'Arabie Saoudite qui vise à contrer l'Iran dans la région. Une stratégie d'influence qui se déploie simultanément en direction des opinions publiques européennes et arabes. Entretien réalisé début septembre 2018.
 
Retrouvez ou contactez les non-alignés pour nous aider ou participer à nos productions : https://www.facebook.com/LesNonAlignes/ contact@les-non-alignes.fr
 

vendredi, 28 septembre 2018

GIVN: een eerlijke kijk op GEOPOLITIEK

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13:37 Publié dans Evénement, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, événement, louvain, flandre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Goethe et les entropies du monde moderne

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Goethe et les entropies du monde moderne

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Une note sublime - et si juste - pour commencer :

« Les apôtres de liberté m’ont toujours été antipathiques, car ce qu'ils finissent toujours par chercher, c'est le droit pour eux à l'arbitraire. »

Je n’avais pas touché à Goethe depuis plus de quinze ans, trop écœuré peut-être parce qu’est devenue l’Allemagne de la mégère inapprivoisée. Et puis, le génie du web aidant (Gallica BNF), j’ai relu avec émerveillement ses conversations avec Eckermann, qui sont un des livres les plus extraordinaires du monde. Imaginons qu’Homère, Shakespeare ou Rabelais aient eu cette chance ; ou même Nietzsche, Tocqueville ou Voltaire... La chance d’un Eckermann…

Nous sommes à la fin des années 1820, quand le « satanisme de l’aventure industrielle » (Drieu) se dessine, et que les Poe, Balzac et Chateaubriand comprennent que nous allons être mangés par Mammon et le « mob », la canaille.

Le génie olympien tout en gardant sa « balance » a vite fait en tout cas de prendre ses distances avec le monde moderne. Il voit tout venir, à commencer par nos talents avariés, dépréciés :

« Celui qui ne veut pas croire qu'une grande partie de la grandeur de Shakespeare est due à la grandeur et à la puissance de son siècle, que celui-là se demande si l'apparition d'un phénomène aussi étonnant serait possible aujourd'hui dans l'Angleterre de 1824, dans nos jours détestables de journaux à critiques dissonantes? Ces rêveries tranquilles et innocentes, pendant lesquelles il est seul possible de créer quelque chose de grand, sont perdues pour jamais! Nos talents aujourd'hui doivent tout de suite être servis à la table immense de la publicité. Les revues critiques qui chaque jour paraissent en cinquante endroits, et le tapage qu'elles excitent dans le public, ne laissent plus rien mûrir sainement. »

Goethe est le premier à voir la menace journalistique (Nietzsche en parle très bien dans la considération inactuelle sur Strauss), ce règne de la quantité appliqué au style et aux idées. Il ajoute :

 « Celui qui aujourd'hui ne se retire pas entièrement de ce bruit, et ne se fait pas violence pour rester isolé, est perdu. Ce journalisme sans valeur, presque toujours négatif, ces critiques et ces discussions répandent, je le veux bien, une espèce de demi-culture dans les masses; mais pour le talent créateur, ce n’est qu'un brouillard fatal, un poison séduisant qui ronge les verts rameaux de son imagination, la dépouille de son brillant feuillage, et atteint jusqu'aux profondeurs où se cachent les sucs vitaux et les fibres les plus délicates. »

On savourera l’image de la botanique dont ce maître fut un champion, comme Rousseau.

Goethe ajoute avec émotion :

« Et puis la vie elle-même, pendant ces misérables derniers siècles, qu'est-elle devenue? Quel affaiblissement,  quelle débilité, où voyons-nous une nature originale, sans déguisement? Où est l'homme assez énergique pour être vrai et pour se montrer ce qu'il est ? Cela réagit sur les poètes; il faut aujourd'hui qu'ils trouvent tout en eux-mêmes, puisqu'ils ne peuvent plus rien trouver autour d'eux. »

Cette évocation del’affaiblissement des forces vitalesqui est ici une primeur, je l’ai évoquée dans mon étude sur Dostoïevski et l’occident. C’est la splendide tirade de Lebedev dans l’idiot :

« Et osez dire après cela que les sources de vie n’ont pas été affaiblies, troublées, sous cette « étoile », sous ce réseau dans lequel les hommes se sont empêtrés.

Et ne croyez pas m’en imposer par votre prospérité, par vos richesses, par la rareté des disettes et par la rapidité des moyens de communication ! Les richesses sont plus abondantes, mais les forces déclinent ; il n’y a plus de pensée qui crée un lien entre les hommes ; tout s’est ramolli, tout a cuit et tous sont cuits ! Oui, tous, tous, tous nous sommes cuits !… »

Comme on sait cette tirade est liée au réseau des chemins de fer (Dostoïevski évoque même Tchernobyl !).  Or le réseau, Goethe en parle quand il évoque au début du tome deuxième l’avènement inévitable et contrariant de l’unité allemande :

« Nous causâmes alors de l'unité de l'Allemagne, cherchant comment elle était possible et en quoi cite était désirable.

« Je ne crains pas que l’Allemagne n'arrive pas à son unité, dit Goethe nos bonnes routes et les chemins de fer qui se construiront feront leur œuvre. Mais, avant tout, qu'il y ait partout de l'affection réciproque, et qu'il y ait de l'union contre l'ennemi extérieur. »

Il évoque l’ouverture des frontières :

« Qu'elle soit une, en ce sens que le thaler et le silbergroschen aient dans tout l'empire la même valeur; une, en ce sens que mon sac de voyage puisse traverser les trente-six Etats sans être ouvert; une, en ce sens que le passeport donné aux bourgeois de Weimar par la ville ne soit pas à la frontière considéré par remployé d'un grand État voisin comme nul, et comme l'égal d'un passeport étranger… »

Et d’ajouter :

« Que l'on ne parle plus, entre Allemands, d'extérieur et d’intérieur; que l'Allemagne soit une pour les poids et mesures, pour le commerce, l'industrie, et cent choses analogues que je ne peux ni ne veux nommer. »

Que je ne peux ni ne veux nommer : on souligne ?

Par contre il voit tout de suite notre Goethe les futures limites de cette unité allemande qui va mettre fin à la culture allemande sous la brutale férule des bureaucrates bismarckiens :

« Mais si l'on croit que l'unité de l'Allemagne consiste à en faire un seul énorme empire avec une seule grande capitale, si l'on pense que l'existence de cette grande capitale contribue au bien-être de la masse du peuple et au développement des grands talents, on est dans l'erreur. »

C’est que Goethe est contre la centralisation, même la française (lisez l’émouvant passage de la rencontre avec Napoléon). La centralisation stérilise. Il écrit :

« Ce serait un bonheur pour la belle France si, au lieu d'un seul centre, elle en avait dix, tous répandant la lumière et la vie… »

goethestatue.jpgC’est « Paris et le désert français » cent ans avant Jean-François Gravier ; mais pour être honnête Rousseau avait déjà méprisé l’usage inconvenant de l’hyper-capitale Paris pour la France.

Et de faire l’éloge de la prodigieuse diversité allemande de son époque (un des seuls à notre époque à l’avoir compris est l’excellent historien marxiste Hobsbawn, qui évoqua aussi l’Italie stérilisée par son unification) :

« Où est la grandeur de l'Allemagne, sinon dans l'admirable culture du peuple, répandue également dans toutes les parties de l’empire? Or, cette culture n'est-elle pas due à ces résidences princières partout dispersées; de ces résidences part la lumière, par elles elle se répand partout… »

Il insiste :

« Pensez à ces villes comme Dresde, Munich, Stuttgart, Cassel, Brunswick, Hanovre, et à leurs pareilles, pensez aux grands éléments de vie que ces villes portent en elles ; pensez à l’influence qu'elles exercent sur les provinces voisines et demandez-vous ; tout serait-il ainsi, si depuis longtemps elles n'étaient pas la résidence de princes souverains? »

Car Goethe sent le risque que l’unité allemande va faire peser sur le génie germanique :

« Francfort, Brème, Hambourg, Lubeck sont grandes et brillantes; leur influence sur la prospérité de l’Allemagne est incalculable. Resteraient-elles ce qu'elles sont, si elles perdaient leur indépendance, et si elles étaient annexées à un grand empire allemand, et devenaient villes de province? J'ai des raisons pour en douter… »

Equilibre, harmonie, autant de thèmes centraux chez notre génie.

Autre sujet, la perfection. A cette époque on considère que la perfection est de ce monde, mais qu’elle n’est pas allemande mais britannique. Comme on sait ce complexe d’infériorité allemand pèsera lourd au vingtième siècle :

« …mais il y a dans les Anglais quelque chose que la plupart des autres hommes n'ont pas. Ici, à Weimar, nous n'en voyons qu'une très petite fraction, et ce ne sont sans doute pas le moins du monde les meilleurs d'entre eux, et cependant comme ce sont tous de beaux hommes, et solides. »

L’anglais (pas le dandy détraqué, le gentleman bien sûr) est beau pour ces raisons :

« Ce qui les distingue, c'est d'avoir le courage d'être tels que la nature les a faits. II n'y a en eux rien de faussé, rien de caché, rien d'incomplet et de louche; tels qu'ils sont, ce sont toujours des êtres complets. Ce sont parfois des fous complets, je t'accorde de grand cœur ; mais leur qualité est à considérer, et dans la balance de la nature elle pèse d'un grand poids. »

C’est le gentleman idéal, le parfait modèle hollywoodien de l’âge d’or (on pense à Stewart Granger à Cary Grant, à Errol Flynn) remis au goût du jour à notre époque postmoderne par les adaptations des petits romans de Jane Austen.

Mais Goethe souligne le déclin de notre perfection de civilisé :

« Du reste, nous autres Européens, tout ce qui nous entoure est, plus ou moins, parfaitement mauvais; toutes les relations sont beaucoup trop artificielles, trop compliquées; notre nourriture, notre manière de vivre, tout est contre la vraie nature; dans notre commerce social, il n'y a ni vraie affection, ni bienveillance. »

Goethe évoque alors en disciple de Rousseau (beaucoup plus germanique que français, et si mal compris en France le pauvre…) le modèle du sauvage :

« On souhaiterait souvent d'être né dans les îles de la mer du Sud, chez les hommes que l'on appelle sauvages, pour sentir un peu une fois la vraie nature humaine, sans arrière-goût de fausseté. »

Parfois même Goethe succombe au pessimisme, quant à la misère de notre temps :

« Quand, dans un mauvais jour, on se pénètre bien de la misère de notre temps, il semble que le monde soit mûr pour le jugement dernier. Et le mal s'augmente de génération en génération. Car ce n'est pas assez que nous ayons à souffrir des péchés de nos pères, nous léguons à nos descendants ceux que nous avons hérités, augmentés de ceux que nous avons ajoutés… »

Goethe alors rêve du paysan, pas encore trop pollué par la civilisation (un petit malin pourrait citer Walter Darré mais aussi les écolos, alors…) :

« Notre population des campagnes, en effet, répondit Goethe, s'est toujours conservée vigoureuse, et il faut espérer que pendant longtemps encore elle sera en état non seulement de nous fournir des cavaliers, mais aussi de nous préserver d'une décadence absolue ; elle est comme un dépôt où viennent sans cesse se refaire et se retremper les forces alanguies de l'humanité. Mais allez dans nos grandes villes, et vous aurez une autre impression… »

Et il insiste encore, au début du tome deuxième de ses entretiens, sur l’affaiblissement des hommes modernes :

« Causez avec un nouveau Diable boiteux, ou liez-vous avec un médecin ayant une clientèle considérable - il vous racontera tout bas des histoires qui vous feront tressaillir en vous montrant de quelles misères, de quelles infirmités souffrent la nature humaine et la société… »

Une vingtaine d’années avant, le jeune Kleist avait évoqué dans son théâtre des marionnettes cette nostalgie et ce regret de la perfection antérieure, nous invitant à remanger de l’arbre de la connaissance pour accéder à un stade supérieur (le transhumain à l’allemande ?).  Citons Kleist :

En sorte, dis-je un peu rêveur, qu’il nous faudrait de nouveau manger du fruit de l’arbre de la connaissance, pour retomber dans l’état d’innocence ?

— Sans nul doute, répondit-il ; c’est le dernier chapitre de l’histoire du monde.

Goethe sentait aussi cette disparition d’innocence, de simplicité (sujet allemand, qu’on retrouve chez Schiller comme dans les élégies II et VIII de Rilke) :

« Ah! nous autres modernes, nous sentons bien la grande beauté des sujets d'un naturel aussi pur, aussi complètement naïf; nous savons bien, nous concevons bien comment on pourrait faire quelque chose de pareil, mais nous ne le faisons pas ; on sent la réflexion qui domine, et nous manquons toujours de cette grâce ravissante… »

Tout cela était déjà dans le Théâtre de Kleist (écrit donc vingt ans avant) :

« Je dis que je savais fort bien quels désordres produit la conscience dans la grâce naturelle de l’homme. Un jeune homme de ma connaissance avait, par une simple remarque, perdu pour ainsi dire sous mes yeux son innocence et jamais, dans la suite, n’en avait retrouvé le paradis, malgré tous les efforts imaginables. »

Et puisqu’on évoque Kleist et ses cardinales marionnettes, c’est dans Werther que l’on trouve cette note intéressante :

« Les objets ne font que paraître et disparaître à mes yeux, et je me demande souvent si mon existence elle-même n’est pas un vain prestige. Il me semble que j’assiste à un spectacle de marionnettes. Je vois passer et repasser devant moi de petits bons hommes, de petits chevaux, et je me demande souvent si tout cela n’est pas une illusion d’optique. Je joue avec ces marionnettes, ou plutôt je ne suis moi-même qu’une marionnette. Quelquefois je prends mon voisin par la main, je sens qu’elle est de bois, et je recule en frissonnant. »

Werther expédiait aussi à sa manière l’homme sans qualités de la modernité :

« Mais, entre nous, l’homme qui cédant sottement à l’influence d’autrui, sans goût personnel, sans nécessité, consume sa vie dans de pénibles travaux pour un peu d’or, de vanité, ou quelque autre semblable fumée, cet homme-là est à coup sûr un imbécile ou un fou. »

Pour terminer sur une note plus prosaïque, évoquons cette belle vision de la mondialisation. Car la maître voit tout venir, (comme son disciple et traducteur Nerval qui voit nos réseaux arriver dans Aurélia). Goethe pressent aussi la future domination américaine :

« Mais ce qui est sûr, c'est que, si on réussit à percer un canal tel qu'il puisse donner passage du golfe du Mexique dans l’Océan Pacifique à des vaisseaux de toute charge et de toute grosseur, ce fait aura d'incalculables résultats et pour le monde civilisé et pour le monde non civilisé. Je m'étonnerais bien que les États-Unis manquassent de se saisir d'une œuvre pareille. On pressent que ce jeune État avec sa tendance décidée vers l'Ouest, aura aussi pris possession, dans trente ou quarante ans, des grandes parties de terre situées au-delà des montagnes Rocheuses, et les aura peuplées… »

Goethe voit le nouveau monde se peupler américain, se remplir :

« On pressent aussi  bien que tout le long de cette cote de l'océan Pacifique où la nature a déjà creusé les ports les plus vastes et les plus sûrs, se formeront peu à peu de très-importantes villes de commerce, qui seront les intermédiaires de grands échanges entre la Chine et l'Inde d'un côté et les États-Unis de l’autre… »

Canal de Panama donc :

« Aussi, je le répète, il est absolument indispensable pour les Etats-Unis d'établir un passage entre le golfe du Mexique et l'océan Pacifique, et je suis sûr qu'ils l'établiront. Je voudrais voir cela de mon vivant, mais je ne le verrai pas. Ce que je voudrais voir aussi, c'est l’'union du Danube et du Rhin… »

Et canal de Suez :

« Et enfin, en troisième lieu, je voudrais voir les Anglais en possession d'un canal à Suez. »

Les Français eurent l’initiative de ces deux canaux qu’ils se firent chiper par les anglo-saxons. Je ne saurais trop inviter mes lecteurs à lire ou redécouvrir ce livre. 

 

Sources

Conversations de Goethe et d’Eckermann, Gallica, BNF

Nietzsche - Considérations inactuelles (Wikisource.org)

Goethe – les souffrances du jeune Werther

Nerval - Aurélia

Heinrich Von Kleist - Sur le théâtre des marionnettes

Dostoïevski - L’Idiot (ebooksgratuits.com)

Nicolas Bonnal - Dostoïevski et la modernité occidentale 

jeudi, 27 septembre 2018

Laurent Obertone à Lille

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20:27 Publié dans Actualité, Evénement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, événement, lille, laurent obertone | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 26 septembre 2018

La stratégie de diabolisation de la Russie

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La stratégie de diabolisation de la Russie

Auteur : Manlio Dinucci 
Ex: http://www.zejournal.mobi
(image: Davide Bonazzi pour "The Boston Globe")

Le contrat de gouvernement, stipulé en mai dernier par le M5Stelle et par la Lega, confirme que l’Italie considère les États-Unis comme son “allié privilégié”. Lien renforcé par le Premier ministre Conte qui, dans sa rencontre avec le président Trump en juillet, a établi avec les USA “une coopération stratégique, presque un jumelage, en vertu duquel l’Italie devient un interlocuteur privilégié des États-Unis pour les principaux défis à affronter”. En même temps cependant le nouveau gouvernement s’est engagé dans le contrat à “une ouverture à la Russie, à percevoir non pas comme une menace mais comme un partenaire économique” et même comme “potentiel partenaire pour l’Otan”. C’est comme concilier le diable avec l’eau bénite.

On ignore de ce fait, au gouvernement comme dans l’opposition, la stratégie USA de diabolisation de la Russie, visant à créer l’image de l’ennemi menaçant contre qui nous devons nous préparer à combattre.

Cette stratégie a été exposée, dans une audition au Sénat (21 août), par Wess Mitchell, vice-secrétaire du Département d’État pour les Affaires européennes et eurasiatiques : “Pour faire face à la menace provenant de la Russie, la diplomatie USA doit être soutenue par une puissance militaire qui ne soit seconde à personne et pleinement intégrée avec nos alliés et tous nos instruments de puissance”.

Augmentant le budget militaire, les États Unis ont commencé à “re-capitaliser l’arsenal nucléaire”, y compris les nouvelles bombes nucléaires B61-12 qui à partir de 2020 seront déployées contre la Russie en Italie et d’autres pays européens.

Les États-Unis, précise le vice-secrétaire, ont dépensé depuis 2015 11 milliards de dollars (qui monteront à 16 en 2019) pour l’ “Initiative de dissuasion européenne”, c’est-à-dire pour potentialiser leur présence militaire en Europe contre la Russie.

À l’intérieur de l’Otan, ils sont arrivés à faire augmenter de plus de 40 milliards de dollars la dépense militaire des alliés européens et à établir deux nouveau commandements, dont celui pour l’Atlantique contre “la menace des sous-marins russes” situé aux USA. En Europe, les États-Unis soutiennent en particulier “les États sur la ligne de front”, comme la Pologne et les pays baltes, et ils ont supprimé les restrictions à la fourniture d’armes à la Géorgie et à l’Ukraine (c’est-à-dire aux États qui, avec l’agression contre l’Ossétie du Sud et le putsch de Place Maïdan, ont amorcé l’escalade USA/Otan contre la Russie).

Le représentant du département d’état accuse la Russie non seulement d’agression militaire mais d’opérer aux États-Unis et dans les États européens des “campagnes psychologiques de masse contre la population pour déstabiliser la société et le gouvernement”. Pour conduire ces opérations, qui entrent dans le “continuel effort du système poutinien pour la domination internationale”, le Kremlin utilise “la panoplie de politiques subversives employé autrefois par les Bolcheviques et par l’État soviétique, mis à jour pour l’ère digitale”.

Wess Mitchell accuse la Russie de ce dans quoi les USA sont les maîtres : ils ont 17 agences fédérales d’espionnage et subversion, parmi lesquelles celle du Département d’État. Celui-là même qui vient de créer une nouvelle figure : “le Conseiller senior pour les activités et tendances malveillantes de la Russie”(1), chargéde développer des stratégies inter-régionales. Sur ces bases, les 49 missions diplomatiques étasuniennes en Europe et Eurasie doivent mettre en oeuvre, dans leurs pays respectifs, des plans d’action spécifiques contre l’influence russe.

Nous ne savons pas quel est le plan d’action de l’ambassade USA en Italie. Mais, en tant qu’”interlocuteur privilégié desÉtats-Unis”, le premier ministre Conte le saura. Qu’il le communique au parlement et au pays, avant que les “activités malveillantes” de la Russie ne déstabilisent l’Italie.

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

(1) Senior advisor forRussian malign activities and trends” ou SARMAT, nom aussi du dernier missile intercontinental russe. “Réaction amusée de la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères : «C’est une violation des droits d’auteur», a déclaré Mme Zakharova. https://fr.sputniknews.com/russie/201808241037798441-depa...(NDT pour la version française)

mardi, 25 septembre 2018

Il barone Ungern e il cuore di tenebra dell’Asia

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Il barone Ungern e il cuore di tenebra dell’Asia

Andrea Scarabelli

Ex: http://blog.ilgiornale.it

Ripercorrere la vita del barone Ungern von Šternberg è un po’ come risalire il fiume alla ricerca del Kurtz di Cuore di tenebra. A unire il «Dio della guerra» e il colonnello conradiano è tutta una visione del mondo, l’idea di sperimentare un piano del reale differente interrogando la sorte, combattendo una personalissima guerra anche nei ranghi altrui, a muto convegno di forze ancestrali che, come la lava al di sotto della crosta terrestre, periodicamente riaffiorano, sussurrandoci quanto sia vano e scialbo il concetto di “civiltà”. Ad accomunare Kurtz e Ungern è questo timor panico, nonché l’idea di un destino individuale che, se percorso fino in fondo, si apre alle vastità della Storia, captandone le linee direttrici: non resta allora che interpretare, come antichi aruspici, il corso dei secoli, e magari forzarli un po’, modernissimi rivoluzionari in un mondo di ombre – le loro, le nostre. Di carne l’uno, di carta l’altro (differenza del tutto trascurabile) il loro impatto sull’immaginario contemporaneo è stato ed è notevole. Se, nella celebre pellicola di Coppola, Kurtz/Brando è finito in Vietnam, su Ungern sono usciti nel corso degli anni parecchi libri, anche in italiano, da Il dio della guerra di Jean Mabire a Il signore terribile di Mehmet Frugis, fino al meno interessante Il barone sanguinario di Vladimir Pozner. Il Barone (di volta in volta «pazzo», «sanguinario», «nero» e chi ne ha più ne metta, a rimpolpare la logorrea aggettivale di certa critica) è uno di quegli sconfitti che periodicamente torna a infestare l’immaginario collettivo, spesso raggiungendo lidi inaspettati. C’è chi vince nello spazio, e chi nel tempo.

La sua figura ha affascinato molti, moltissimi, tra cui (in ordine sparso e senz’ansie di esaustività) il Custine delle Lettere dalla Russia, che il genio eretico di Piero Buscaroli – ben prima di Adelphi – volle inserire nella collana La Torre d’Avorio di Fògola. Tra i “mostri sacri” di Eduard Limonov (assieme a de Sade, Lenin, Mao, Freud e altri), lo troviamo anche nei fumetti, ad esempio in Corte Sconta detta Arcana di Hugo Pratt (uscito su «Linus» nel 1974) e nel recente Ungern Khan. Il dio della guerra di Crisse, edito da Ferrogallico. Come tutti i miti, Ungern si è staccato pian piano dalla realtà storica per raggiungere quella archetipica, quella che non si esaurisce nel puro movimento. Se n’era accorto Jacques Bergier, che nella sua autobiografia spirituale, Je ne suis pas une légende, nel terzo capitolo evocò

Baron_Freiherr_Roman_Nikolai_Maximilian_von_Ungern-Sternberg_2.png«i cavalieri liberi del barone Ungern von Sternberg, che sognava di ricostituire in Asia l’impero di Gengis Khan. Un giorno salì a cavallo e disse ai suoi: “Vado su Alpha Centauri”. Nessuno lo vide mai più».

Ma chi era Roman Fëdorovič Ungern von Šternberg? Nato a Graz nel 1886, aristocratico di origini tedesche avvicinatosi al buddhismo, ebbro di sogni euroasiatici e fucilato dai bolscevichi nel 1921, fu uno di «quei personaggi del XX secolo che fecero il ben noto percorso durante il quale il cavaliere errante si trasforma in bandito da strada, il sognatore in boia e il mistico in dottrinario». A scrivere queste parole è Leonid Juzefovič, autore della monumentale biografia – per cui vale la pena spendere il termine definitiva – edita da Mediterranee nella traduzione di Paolo Imperio, Il Barone Ungern. Vita del Khan delle steppe. Una puntuale ed esaustiva ricostruzione della vita e del contesto storico nel quale operò il protagonista di questa storia, ricca di dati e testimonianze di prima mano.

Quell’uomo, che scelse di partecipare e forzare il volgere dei tempi, vi compare in tutte le sue sfaccettature, dalla Prima guerra mondiale, che lo trovò nella Galizia polacca a combattere contro turchi e austriaci. Nella Grande Guerra vide l’opportunità di una rigenerazione del mondo – nell’ottima compagnia, se è per questo, d’insospettabili come Sigmund Freud e Thomas Mann – nonché la fine della borghesia occidentale, a cui scelse di giurare vendetta. Anche perché, più che la posta in gioco, a lui interessava la dimensione avventurosa della guerra, il suo aspetto, per così dire, “ludico”. A prescindere da cause e finalità, insomma, l’importante è non deporre le armi. D’altronde, dirà tempo dopo, liquidando una volta per tutte la faccenda, «è soltanto ora, negli ultimi trent’anni, che si combatte per un’idea». Ungern insegue la guerra come altri vezzeggiavano la pace, il vino o le donne, e questo sembra non piacere a molti suoi commilitoni: alcuni temono addirittura gli venga assegnata una promozione…

Croce di San Giorgio, dopo la rivoluzione di febbraio del 1917 viene spedito nell’Estremo Oriente, collocandosi nel mezzo del complesso scacchiere di quegli anni contro tutto e contro tutti, insieme all’ataman cosacco Semënov. In un mondo che guarda verso altri lidi, si dichiara fedele agli Zar, adepto di un culto appena rovesciato. «La più alta incarnazione dell’idea di Zarismo è nel collegamento della divinità con il potere umano» dirà sotto interrogatorio, ribadendo una concezione anagogica della regalità. Ma a chi fare riferimento per restaurarla? Secondo solo alle battute di caccia, lo sport prediletto dagli aristocratici è il regicidio; per quanto riguarda la borghesia, neanche a parlarne. Il bolscevismo? Una teologia politica tra le altre. La Terza Internazionale? È nata tremila anni fa e risponde al nome di Babilonia. I rivoluzionari? Dei posseduti. Cosa pensasse della rivoluzione ce lo dice anche Ferdinand Ossendowski nel suo Bestie, uomini e dèi, sempre edito da Mediterranee, che contiene un lungo dialogo dell’autore con il Barone, nella città di Urga (l’attuale Ulan Bator). Ne citiamo solo un estratto:

«Nei testi buddhisti leggiamo apocalittiche profezie relative all’epoca in cui comincerà la guerra tra gli spiriti buoni e quelli maligni. Allora si scatenerà la Maledizione sconosciuta che travolgerà il mondo, distruggendo la civiltà, annientando tutti i popoli. La sua arma è la rivoluzione. Durante ogni rivoluzione, l’intelligenza creatrice che si fonda sul passato viene sostituita dalla giovane forza bruta del distruttore. L’uomo verrà allontanato da tutto ciò che è divino e spirituale».

Intanto, in Russia infuria la guerra civile tra Rossi e Bianchi: la capitolazione dei secondi è ormai questione di mesi. Così, abbandona la Russia ma non si accoda agli altri comandanti che riparano in Europa. Ha sete di Oriente e sceglie la Mongolia, in cui si reca con un manipolo di volontari che costituiscono la sua Divisione di cavalleria. Vi giunge nel 1921: da due anni il paese è occupato dall’esercito cinese, e il suo capo spirituale, il Bogd Kan, ottavo Buddha reincarnato, è agli arresti domiciliari a Urga. Dopo aver chiesto un pronostico ai lama, con forze di gran lunga inferiori ai difensori, attacca e conquista la città, liberando il Bogd Kan ed espellendo dalla Mongolia le truppe cinesi. È il febbraio del 1921.

Nominato Kan, i Mongoli guardano a lui come una figura circonfusa dei misteri più insondabili: è anzi da quel momento in poi che si va formando intorno a Ungern un’aura mitologica, con tanto di poteri soprannaturali, invulnerabilità e invisibilità (concessa per intercessione di alcuni spiriti con cui è in contatto). Si dice che di notte cavalchi in valli e steppe accarezzate dagli ululati dei lupi e ricoperte da ossa umane (una variante lo vuole invece a bordo di una carrozza senza cavalli, scagliata nell’oscurità), si mormora che parli con i gufi, animali psicopompi per eccellenza. Il «Dio della Guerra» sperimenta l’ebbrezza – molto russa prima che nietzschiana, molto superominista, molto Raskol’nikov – di essere al di là del bene e del male. Non lesina – come non ha mai lesinato – in punizioni e torture, talune di una crudeltà spaventosa: d’altronde, non c’è tempo per la morale, quando ci si trova nell’occhio del ciclone che solvet saeclum in favilla.

Agli inizi del marzo 1921, la Mongolia viene proclamata monarchia indipendente. Temuto per la sua efferatezza («non era un sadico per natura» scrive Juzefovič, «ma un ideologo della violenza come ultima risorsa capace di poter ragionare con un’umanità decaduta») e ammirato per i suoi innegabili successi militari, la sua ombra si proietta sul futuro, dando il la a una leggenda che nemmeno la morte s’incaricherà di estinguere. Si dice sia la reincarnazione di Gengis Khan: è suo, tra l’altro, l’anello che porta al dito, di rubino, con uno swastika, simbolo del rapporto tra uno e molteplice (dopo la sua morte verrà sequestrato da Bljucher e passerà poi a Žukov). A questo proposito, è molto interessante la testimonianza di George Roerich, figlio del più famoso Nikolaj, pittore metafisico delle altezze himalayane: «Lui per i Mongoli non è morto… nelle canzoni mongole il Barone dorme lontano dalla portata dei mortali, rifugiato nelle profondità del Tibet, nel Regno di Shambala. Il giorno predestinato questo potente Bator, grande come una montagna, risvegliato, agiterà il mondo. Le sue imprese partiranno dalla Mongolia radunando sotto la sua bandiera i popoli e gli porteranno gloria e onore senza precedenti».

Ex Oriente lux recita l’antica sentenza. Era anche il motto del Barone, per cui la Mongolia non rappresentava che una prima tappa; le sue ambizioni erano più ampie. Riconquistato l’Oriente, avrebbe fatto lo stesso con l’Occidente, in una lunga guerra dal retrogusto escatologico che avrebbe liberato la Russia e poi l’Europa da se stesse. Un grandioso quanto utopistico progetto dal respiro eurasiatico: l’Occidente declinante, precipitato in quel nuovo Medioevo che siamo soliti chiamare modernità, avrebbe ricevuto nuova linfa. Fu proprio con l’idea di sparigliare le carte, rovesciando la bussola della Storia, facendo sorgere il sole ad Ovest, che nel 1921, con quattromila soldati, provò a invadere la Russia sovietica, certo dell’appoggio delle popolazioni siberiane. Dopo qualche barlume di vittoria, la catastrofe fu totale, e un tradimento perpetrato dai suoi stessi uomini dettò il passo agli eventi successivi.

Catturato dai bolscevichi, fu processato pubblicamente il 15 settembre 1921 a Novonikolaievsk (l’attuale Novosibirsk) e fucilato lo stesso giorno, eletto a simbolo del peggio di quel passato. Di ciò che gli accadde dopo l’arresto c’è poco da dire, salvo i suoi interrogatori, durante i quali espose la sua visione del mondo. Una sola cosa: poco prima che il plotone facesse fuoco – consegnando le sue spoglie ad Alpha Centauri, al firmamento di ciò che resiste allo scorrere del tempo – ingoiò la croce di San Giorgio assegnatagli tanti anni e tante vite prima, per salvarla dalle mani rapaci dei boia.

¿Rojos o liberastas?

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¿Rojos o liberastas?

Por Adriano Erriguel

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Deconstrucción de la izquierda posmoderna

Toda lucha por la hegemonía política comienza por una definición del enemigo. Pero siendo la política el ámbito por excelencia del antagonismo, está claro que esas definiciones nunca pueden ser neutrales. No estamos aquí en el campo de la probidad intelectual, ni en el de las pautas verificables de objetividad y precisión. Toda lucha política aspira a movilizar un capital emocional, se apoya en recursos retóricos, intenta arrastrar al antagonista hacia un terreno de juego amañado. En esa tesitura, aquél que determina los códigos lingüísticos ha ganado la partida. No en vano, la hegemonía consiste precisamente en eso: en un juego. O más exactamente, en juegos de lenguaje.

El pensamiento hegemónico de nuestros días – todo eso que el politólogo norteamericano John Fonte bautizaba hace años como progresismo transnacional – ha impuesto de forma aplastante su definición del enemigo. Todo aquél que se enfrente a su visión mesiánica del futuro – un mundo postnacional de ciudadanía global, en el que una gobernanza mundial irá desplazando a las soberanías nacionales – se verá inmediatamente tildado de reaccionario, de ultraconservador o de populista, cuando no de algo peor.[1]

Caben pocas dudas: en el debate público actual casi todas las cartas están marcadas. Si bien el lenguaje nunca es neutral, hoy está más trucado que nunca. Pocos diagnósticos más erróneos – entre los formulados en el siglo XX– que aquél que profetizaba el “fin de las ideologías”. Hoy la ideología está por todas partes. La prueba es que asistimos a la imposición de un lenguaje extremadamente ideologizado, si bien de forma subrepticia y con el noble aval de poderes e instituciones.

¿Un lenguaje ideologizado? Aunque por su omnipresencia parezca invisible, ese lenguaje existe y es el instrumento de una sociedad de control. El control comienza siempre por el uso de las palabras.

¿Qué tipo de palabras? ¿Cómo se organizan?

Si intentamos una clasificación somera podemos distinguir varias categorías. Por ejemplo: las palabras–trampa, aquellas que tienen un sentido reasignado o usurpado (“tolerancia”, “diversidad”, “inclusión”, “solidaridad”, “compromiso”, “respeto”); las palabras–fetiche, promocionadas como objetos de adoración (“sin papeles”, “nómada”, “activista”, “indignado”, “mestizaje”, “las víctimas”, “los otros”); los términos institucionales, santo y seña de la superclase global (“gobernanza”, “transparencia, “empoderamiento” “perspectiva de género”); los hallazgos de la corrección política (“zonas seguras”, “acción afirmativa”, “antiespecista”, “animalista”, “vegano”); los idiolectos universitarios con pretensiones científicas (“constructo social”, “heteropatriarcal”, “interseccionalidad”, “cisgénero”, “racializar”, “subalternidad”); los eufemismos destinados a suavizar verdades incómodas: “flexibilidad” y “movilidad” (para endulzar la precariedad laboral), “reformas” (para designar los recortes sociales), “humanitario” (para acompañar un intervención militar), “filántropo” (más simpático que “especulador internacional”), “reasignación de género” (más sofisticado que “cambio de sexo”), “interrupción voluntaria del embarazo” (menos brutal que “aborto”), “post–verdad” (dícese de la información que no sigue la línea oficial).

Especial protagonismo tienen las “palabras policía” (George Orwell las llamaba blanket words) que cumplen la función de paralizar o aterrorizar al oponente (“problemático”, “reaccionario”, “nauseabundo”, “ultraconservador”, “racista”, “sexista”, “fascista”). Destaca aquí el lenguaje de las “fobias” (“xenofobia” “homofobia”, “transfobia”, “serofobia”, etcétera) que busca convertir en patologías todos aquellos pensamientos que choquen con el código de valores dominantes (pensamientos que, inevitablemente, formarán parte de un “discurso de odio”). Sin olvidar las palabras–tabú: aquellas que denotan realidades arcaicas, inconvenientes y peligrosas (“patria”, “raza”, “pueblo”, “frontera”, “civilización”, “decadencia”, “feminidad”, “virilidad”). [2]

La “Nuevalengua” (Newspeak) de la corrección política tiene dos características: 1) se transmite de forma viral por el mainstream mediático 2) su utilización funciona como un código o “aval” de conformidad con la ideología dominante. El objetivo de la Nuevalengua– como Orwell demostró en “1984”– es determinar los límites de lo pensable. Por eso la hegemonía construye su propio vocabulario, decide sobre sus significados y se atribuye el monopolio de la palabra legítima. De esta forma, cualquier atisbo de rebelión contra el “pensamiento único” se encuentra, ya de entrada, “encastrado” en el campo semántico del enemigo.

Pero ¿qué enemigo?

Los objetores al pensamiento único necesitan definir a qué se enfrentan aquí. Y como estamos hablando de relaciones de antagonismo, la definición, lejos de ser neutral, debe contener un elemento peyorativo que asegure su eficacia política. Los objetores al pensamiento único deben construir su propio campo semántico, deben aprender a jugar los juegos de lenguaje.

¿Quién manda aquí?

En los estudios sobre filosofía del lenguaje es un lugar común citar un famoso pasaje de “Alicia a través del espejo”, de Lewis Carroll. Recordemos el episodio. Alicia dialoga con Humpty Dumpty, el grotesco personaje con forma de huevo, criatura del folklore inglés. En un momento dado, Humpty Dumpty utiliza palabras con un significado aparentemente ajeno al contenido de la conversación. Cuando Alicia se lo reprocha, el diálogo sigue de la siguiente forma:

– “Cuando yo uso una palabra – dijo Humpty Dumpty en un tono desdeñoso – quiere decir lo que yo quiero que diga… ni más ni menos.

– la cuestión – insistió Alicia – es si se puede hacer que las palabras signifiquen tantas cosas diferentes.

– la cuestión – zanjó Humpty Dumpty – es saber quién es el que manda…, eso es todo”.

En su fabulación, Lewis Carroll capturaba de forma sencilla algo que, años más tarde, se convertiría en el gran campo de minas de la filosofía posmoderna: el cuestionamiento de la idea de significado, el desafío a las teorías tradicionales del lenguaje y de la cultura, el post–estructuralismo y la deconstrucción. Básicamente, lo que los filósofos del lenguaje venían a decir – en la línea de Wittgenstein y de Humpty Dumpty – era que el lenguaje se constituye en una serie de “juegos”, y que los enunciados o declaraciones se agrupan en tipologías diferentes que dependen de reglas compartidas y producen una relación entre los hablantes, de la misma forma en que los juegos requieren reglas y generan una relación entre los jugadores. En ese sentido los diálogos pueden ser vistos como una “sucesión de maniobras”: “hablar es luchar” en el sentido de “jugar”. La conclusión esencial de todo esto es que “al ganar una ronda, al replicar de forma inesperada, al alterar los términos del debate, al disentir frente a la posición dominante, podemos alterar las relaciones de poder, aunque sea de forma imperceptible”.[3]

La cuestión es saber quién manda. Aquél de los jugadores que acepte como propio el campo semántico del enemigo, o que maneje un código lingüístico obsoleto, está perdido de antemano.

La lucha por el lenguaje forma parte de un gran fenómeno posmoderno: las guerras culturales.

El Gran Juego

Nuestra aldea global está inmersa en un “gran juego”. Ese juego puede definirse acudiendo a un concepto nacido en el mundo anglosajón: las “guerras culturales”. Lo que ese concepto quiere decir es que la política ha desbordado el ámbito estricto de las doctrinas políticas y los programas electorales. Hoy más que nunca – como lo vio Gramsci hace casi un siglo– todo es política. Tradicionalmente es la izquierda la que mejor lo ha comprendido, y por eso lo ha politizado absolutamente todo: el lenguaje por supuesto, pero muy especialmente todo aquello que atañe a la vida privada y a los aspectos más íntimos de la persona. En la parte que le toca, la derecha – inspirada en los principios del liberalismo clásico – abandonó la vida privada al albedrío de cada individuo y se centró en la gestión de la economía. Una derecha gestionaria frente a una izquierda de valores: esa ha sido – grosso modo y simplificando mucho – la situación durante las últimas décadas. Pero algo ha cambiado en los últimos años. El primer resultado tangible de ese cambio se ha visto en los Estados Unidos, el laboratorio principal de esa “izquierda de valores” que sigue constituyendo, hoy por hoy, el pensamiento hegemónico.

Los meses que precedieron a la victoria de Trump en noviembre 2016 no fueron una campaña electoral al uso, sino más bien la culminación de una “guerra cultural” que se venía librando desde hacía años. Más allá de las estridencias del personaje, lo importante de Trump es el fenómeno social y cultural que representa, y que hizo posible la incubación de este inesperado terremoto político. Lo que ocurrió fue que, ante la dictadura de la corrección política, las fuerzas disidentes habían empezado a construir su propio campo semántico, a quebrar el “marco” lingüístico definido por el enemigo.

Las “guerras culturales” se configuran como un concepto clave para los años venideros. La vieja derecha – la llamada derecha “civilizada”– con su discurso legalista y tecnocrático se encuentra en este terreno completamente perdida. Confiada en el fondo en su superioridad intelectual (acreditada, a su juicio, por la gestión económica) esa derecha se limita a asumir como propias las cruzadas culturales definidas desde la izquierda, transcurridos (eso sí) los plazos preventivos de aclimatación. La razón de fondo es que, en realidad, esa derecha asume el mismo marco mental que la izquierda: la historia tiene un “sentido” que sigue el curso del progreso.

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Pero volvemos a la pregunta anterior. Para los disidentes frente al pensamiento hegemónico: ¿cómo definir al enemigo?

La cosa se complica tras la irrupción, durante los últimos años, de un nuevo elemento: una izquierda populista estimulada por la crisis financiera de 2008. En realidad, esto no constituye ninguna sorpresa. La llegada del populismo de izquierdas se ha visto preparada, durante las últimas décadas, por el aplastante predominio – en los ámbitos cultural, académico y mediático– de la izquierda posmoderna. Existe una relación de continuidad entre los nuevos movimientos de izquierda (llámense populistas, radicales, de extrema izquierda o como se quiera) y la izquierda posmoderna. Ambos comparten los mismos dogmas, el mismo sustrato cultural, la misma mitología progresista. Ambos son el ecosistema natural de la “corrección política”. Ambos son coetáneos del período de máxima expansión del neoliberalismo (una coincidencia nada casual a la que nos referiremos más tarde). Para calificar al pensamiento de esa izquierda posmoderna algunos utilizan el término de “marxismo cultural”. Para calificar a esa izquierda populista muchos continúan refiriéndose al comunismo o al “neo–comunismo”, como si éste fuera una amenaza real, como si éste tuviese la capacidad de reproducir la experiencia totalitaria del siglo XX.

Pero estas definiciones responden a categorías obsoletas. No nos encontramos aquí frente a “marxismo cultural”, ni frente al “marxismo” a secas, ni mucho menos frente al comunismo. Todo lo contrario. La izquierda posmoderna –y esta es la tesis central que defenderemos en estas páginas– tiene muy poco de marxista y sí mucho de neoliberalismo cultural puro y duro.

Pero eso es algo que a primera vista no parece tan claro. Es muy cierto que la izquierda radical usa y abusa de una retórica “retro” (el “antifascismo” en primer lugar) y reclama para sí el patrimonio moral de las luchas “progresistas” del pasado. Pero con ello lo único que hace es parasitar una épica revolucionaria que no le corresponde. En realidad, la apuesta ideológica de la izquierda en todas sus variedades (desde la socialdemócrata hasta la más radical o populista) se inscribe de facto en la agenda de la globalización neoliberal. Y si su pensamiento es a veces calificado como “marxismo cultural”, ello obedece al peso del viejo lenguaje, así como a la rutina mental de la derecha habituada a categorizar como “comunista” todo lo que no le gusta.

Pero no, no nos encontramos en vísperas de un “asalto a los cielos” leninista, ni en el de una socialización de los medios de producción, ni en el de una dictadura del proletariado. Todo lo contrario: el escenario es el de la dictadura de una “superclase” (overclass) mundializada, apoyada en técnicas de “gobernanza” posdemocrática. Un escenario en el que la izquierda radical ejerce las funciones de acelerador y comparsa, preparando el clima cultural propicio a todas las huidas hacia adelante de la civilización liberal. Frente a los desafectos, la izquierda radical asegura – con su celo vigilante e histeria correctista– una función intimidatoria y represora que adquiere tintes parapoliciales. Tareas todas ellas perfectamente homologadas por el sistema.

¿De dónde vienen, pues, los equívocos? En el mundo de las ideas no hay blancos y negros. El vocabulario actual de la corrección política se nutre, sin ninguna duda, de una incubación en el posmarxismo de la Escuela de Frankfurt y sus epígonos. Ahí está el origen de un malentendido – el pretendido carácter “marxista” de la ideología hoy dominante – que la guerra cultural anti–mundialista debería deshacer de una vez por todas, si quisiera asumir una definición eficaz del enemigo.

Conviene para ello hacer un poco de historia.

Los auténticos enterradores del marxismo

Suele pensarse que el fin del marxismo como ideología política tuvo lugar en 1989, con la caída del “socialismo real” y el derrumbe de la URSS. Pero lo cierto es que el marxismo había sido enterrado muchos años antes, y que bastantes de sus enterradores pasaban por ser discípulos de Marx.

En realidad, el acontecimiento que supuso el canto de cisne del marxismo fue la revolución de mayo 1968, el momento en que el movimiento obrero fue desplazado por un sucedáneo: el “gauchismo” liberal–libertario.[4] Pero la epifanía progre de los estudiantes de París y de Berkeley había sido prefigurada – con varias décadas de antelación – por el corpus teórico (también llamado “teoría crítica”) de la “Escuela de Frankfurt”. Fueron los intelectuales del “Instituto para la Investigación Social” fundado en 1923 en esa ciudad alemana los que provocaron, desde dentro, la implosión del marxismo. Muchas de las ideas y temas impulsados por esos intelectuales se encuentran en el origen de los condensados ideológicos que hoy conforman la ideología mundialista.

Desde sus primeros años y durante su etapa de exilio en los Estados Unidos, la Escuela de Frankfurt arrumbó en el desván de la historia el dogma central del marxismo ortodoxo: el determinismo económico, la idea de que son las condiciones materiales y los medios de producción (la infraestructura) los que determinan el curso de la historia, la visión fatalista de un triunfo inevitable del socialismo. Lo que a los intelectuales de Frankfurt les interesaba era la acción sobre la “superestructura”, puesto que son las condiciones culturales – más que la economía – las que determinan la reificación y la alienación de los seres humanos. Algo que Georg Lukács ya apuntaba en “Historia y conciencia de clase” (1923), la obra fundadora del marxismo occidental. No en vano todas las luminarias de la escuela – Max Horkheimer, Theodor Adorno, Erich Fromm, Herbert Marcuse – se centrarían casi exclusivamente en la crítica cultural, dejando de un lado las cuestiones económicas. Lo cual nos lleva al segundo golpe – todavía más letal – que la escuela de Frankfurt iba a propinar al marxismo ortodoxo.

Al centrar sus denuncias en la reificación y la alienación de los seres humanos – y no en las condiciones económicas de explotación capitalista– estos intelectuales desplazaban el fin último de la transformación social: ésta ya no se reduciría a la abolición de las injusticias sociales, sino que se centraría en la eliminación de las causas psicológicas, culturales y antropológicas de la infelicidad humana. En esa línea, estos autores se esforzarían en establecer pasarelas entre el materialismo histórico y pensadores ajenos a esa tradición, tales como Freud (es el llamado “freudo–marxismo”) o – en un improbable ejercicio de malabarismo intelectual – el mismísimo Nietzsche. En realidad, la escuela de Frankfurt es un abigarrado taller de herramientas intelectuales donde se puede encontrar un poco de todo: las intuiciones más brillantes se codean con las amalgamas más precarias, y una crítica extremadamente perspicaz de la modernidad y sus condiciones de desenvolvimiento se ve mezclada con un empecinamiento utópico abocado al dogmatismo. Todo ello bañado en una atmósfera de virtuosismo y de elitismo intelectual que sellaba el extrañamiento definitivo entre los “intelectuales orgánicos” y la gente corriente. O lo que es decir, entre la intelligentsia progresista y el pueblo.

Cosmópolis utópica

La escuela de Frankfurt ofrece una gran paradoja: partiendo del marxismo – o más bien, de una interpretación “humanista” de la obra del “joven Marx” – sus teóricos preparaban el terreno para la ideología orgánica de la globalización neoliberal. El primer puente entre ambos mundos tiene mucho que ver con el fetiche ideológico de estos intelectuales: la idea de utopía. Para la escuela de Frankfurt, la utopía no es un “día del Juicio” o fin de la historia en el sentido marxista – el advenimiento de una sociedad sin clases –, sino que, insuflando una nota de realismo, admiten que si bien nunca alcanzaremos la Salvación o Redención final, el mantenimiento del Ideal – el sueño de la Redención – es un bien en sí mismo, puesto que nos impele a una mejora indefinida de la Humanidad. Es el “principio esperanza” definido por el filósofo Ernst Bloch. Bajo el baremo implacable de la Utopía, el presente se ve así sometido a una acusación perpetua, se ve impelido a avanzar por la senda del cosmopolitismo y de la “tolerancia” en pos del (siempre distante) espejismo utópico. Pero no se trata aquí de una utopía colectivista del tipo de la “sociedad comunista” del marxismo clásico. Desde el momento en que se vincula a una idea de “felicidad” personal, la utopía frankfurtiana concierne sobre todo al individuo. Lo que nos conduce al segundo gran puente con el neoliberalismo.

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Que la “felicidad” como reivindicación individual es un viejo fetiche del liberalismo, es algo que no requiere grandes demostraciones. Basta con leerlo en la Constitución de los Estados Unidos. La aportación de la Escuela de Frankfurt consistió en encauzar hacia esa reivindicación una parte del capital teórico del marxismo, remodelándolo como una especie de filosofía “humanista” y relegando sus enfoques de clase y sus aspiraciones revolucionarias. La llave maestra para ello consistió en el descubrimiento del “joven Marx” – el de los “Manuscritos Económicos y Filosóficos de 1844”– con sus “inclinaciones utópicas y su visión de un hombre nuevo y liberado del egotismo, de la crueldad y de la alienación. La revolución contra el capitalismo se sustituyó por algo parecido a un intento de transformación de la condición humana. El socialismo pasaba así a identificarse con una forma de tratar a la gente, más que con un modelo institucional y político”.[5] Aquí se consuma el auténtico entierro del marxismo.

Frente a las categorías materialistas y positivistas del marxismo – empeñadas en una analogía con las ciencias naturales –, la “Escuela de Frankfurt” enfatizaba los elementos éticos, subjetivos e individuales de la “teoría crítica”, de forma que ésta se configuraba como una teoría general de la transformación social, a su vez espoleada por un deseo de “liberación” entendida en sentido individual. La “liberación” y la “emancipación” eclipsaban así el objetivo de la revolución y se fundían en el horizonte utópico de una “felicidad” orientada al desarrollo personal. No es extraño que Wilhelm Reich – con sus trabajos sobre sexología– o Erich Fromm – con obras como “El concepto de hombre en Marx”– alcanzaran gran popularidad y fueran ampliamente leídos en los medios radicales norteamericanos.

¿Qué quedaba entonces del marxismo? Una retórica, una jerga académica, una dialéctica opresores/oprimidos, una cáscara de romanticismo subversivo al servicio del único sistema que, de hecho, hace tangible ese grial utópico de la “liberación” individual indefinida: el liberalismo libertario en lo cultural, el neoliberalismo en lo económico; lo que es decir: el capitalismo en su estadio final de desarrollo.

Del posmarxismo al neoliberalismo

La primera regla de la guerra cultural es saber leer al enemigo. El legado de la escuela de Frankfurt es demasiado rico como para ser arrojado en el cómodo saco del “marxismo cultural”; de hecho, buena parte de sus postulados admiten una lectura “de derecha”. El caso más evidente – e interesante – es la perspectiva “antiprogresista” desarrollada por una parte de esta escuela.

Una de las paradojas de la teoría frankfurtiana consiste en su crítica sistemática de la modernidad. En realidad, se trata de la única crítica de la modernidad y de la idea de “progreso” que haya sido formulada desde la izquierda, o al menos desde una tradición no conservadora o no reaccionaria. Posiblemente sea también la más brillante de las realizadas hasta la fecha. La experiencia de Auschwitz y la consiguiente ruina del optimismo progresista son las bases sobre las que se construye la obra seminal de Max Horkheimer y Theodor Adorno: “Dialéctica de la Ilustración”. En esa obra, lo que ambos autores vienen a decir es que, después de todo, tal vez el precio a pagar por “el progreso” sea demasiado alto, y que los ideales racionalistas, cuando son absolutizados, revierten en su opuesto: en un nuevo irracionalismo. En su enfoque crítico sobre la Ilustración, ambos autores rechazan la narrativa tradicional que se focalizaba sobre la evolución de las instituciones, las ideas políticas o el progreso tecnológico, y se centran en una crítica antropológica: los daños causados por el despliegue de la razón instrumental en una sociedad totalmente administrada, con sus corolarios de reificación alienación de la persona. Desde esa perspectiva, el panorama de la modernidad y del progreso podía ser muy sombrío. Hay por lo tanto en la Escuela de Frankfurt una apertura hacia un cierto conservadurismo cultural.[6] No en vano Horkheimer señalaba que, así como hay cosas que deben ser transformadas, hay otras que deben ser preservadas, y que un verdadero revolucionario está más cerca de un verdadero conservador que de un fascista o de un comunista.

Pero aceptadas estas premisas, la diferencia con una auténtica “crítica de derecha” es clara: allí donde ésta hubiera puesto el énfasis en la denuncia de la uniformización cultural, el desarraigo identitario y la ruptura del vínculo comunitario (fenómenos todos ellos impulsados por la modernidad), Horkheimer y Adorno tienen un enfoque individualista: la denuncia de la pérdida de “autonomía” personal, el rechazo a los “procesos de dominación” que afligen al individuo. Sea como fuere, la crítica frankfurtiana a la modernidad sigue siendo una píldora dura de tragar para la vulgata progresista y el “pensamiento positivo” de nuestra época. Por eso mismo continúa siendo una aportación insoslayable para todos aquellos que, ya sea desde la derecha o desde la izquierda, desean acometer una deconstrucción teórica de la modernidad, la Ilustración y el “progreso”.

Pero el genio del liberalismo consiste en su capacidad para absorber todas las críticas, su habilidad para transformarlas en “oposición controlada”. El éxito de la “teoría crítica” frankfurtiana marcó su integración en las instituciones, algo que los propios Horkheimer y Adorno habían ya previsto cuando señalaban que, en la medida en que una obra gana en popularidad, su impulso radical se ve integrado dentro del sistema. El liberalismo desechó la parte más auténticamente subversiva de la Escuela de Frankfurt – la crítica de la razón instrumental, el análisis sobre la desacralización del mundo, la reivindicación de los valores no económicos, la denuncia del consumismo, el rechazo a la mercantilización de la cultura, la advertencia sobre la pérdida de “sentido” – y adoptó sus postulados más individualistas y libertarios de “emancipación” y de rechazo a la “dominación” ejercida por la familia, el Estado y la iglesia. La “dialéctica negativa” desarrollada por la Escuela de Frankfurt sirvió así de instrumento a toda una generación de radicales americanos y europeos empeñados en una reconfiguración profunda de la sexualidad, la educación y la familia.

A un nivel teórico más profundo, la “dialéctica negativa” frankfurtiana enlazaba sin solución de continuidad con una nueva generación más radical y carente de los escrúpulos “conservadores” de Horkheimer y sus amigos: la generación del posmodernismo y del post–estructuralismo, de Foucault y de Derrida, de la deconstrucción y de la ideología de género. A partir de los años 1970 se sentarían las bases de una nueva cultura y de un “hombre nuevo”.

Quedaba expedito el camino hacia el neoliberalismo.

…………………………………………………………………………………………

[1] John Fonte, Investigador del Instituto Hudson (Washington), acuñó en 2001 el término “progresismo transnacional” para dirigirse a la ideología de la post–guerra fría. Se trata de una de las mejores descripciones de la ideología mundialista realizadas hasta la fecha. Según Fonte, entre las creencias promovidas por esta ideología figuran: 1) promover las identidades de grupo (género, etnia) sobre las identidades individuales; 2) una visión maniquea de opresores/oprimidos; 3) una promoción de las minorías oprimidas a través de cuotas; 4) la adopción de los valores de estas minorías por parte de las instituciones; 5) el inmigracionismo; 6) la promoción de la “diversidad” frente a la idea de asimilación en países de destino; 7) la redefinición de la democracia para acomodar la representación de las minorías; 8) la deconstrucción “posmoderna” de las naciones occidentales, y su sustitución por el multiculturalismo.   https://www.hudson.org/content/researchattachments/attach...

[2] Para esta clasificación nos apoyamos, de forma bastante libre, en la obra magistral de Jean–Yves Le Gallou y Michel Geoffroy, Dictionnaire de Novolangue. Ces 1000 mots qui vous manipulent. Via Romana 2015, pp. 10–11.

[3] Catherine Belsey, Poststructuralism. A very Short Introduction. Oxford University Press 2002, pp.97–98.

[4] Adriano Erriguel, Vivir en Progrelandia. Mayo del 68 y su legado. www.elmanifiesto.com

[5] Stephen Eric Bronner, Critical Theory. A very short introduction. Oxford University Press 2011, p. 48.

[6] Es lo que el crítico cultural británico Jonathan Bowden llamaba el “secreto íntimo” de la Escuela de Frankfurt. Jonathan Bowden, Frankfurt School Revisionismhttps://www–counter–currents.com)

El libro “Dialéctica de la Ilustración” de Adorno y Horkheimer fue una influencia mayor en los orígenes de la corriente de ideas conocida como la “Nueva derecha” francesa.

elmanifiesto.com

lundi, 24 septembre 2018

La Nouvelle Entreprise Entretien avec Valérie Bugault

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La Nouvelle Entreprise

Entretien avec Valérie Bugault

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com 

[...] L’un des axes forts du travail de Mme Bugault est de faire prendre conscience à un public le plus large possible que le “fait économique” a pris le pouvoir sur le “fait politique” depuis bien longtemps et que le sort du monde se décide bien plus dans des conseils d’administration de multinationales que dans des parlements nationaux. Derrière ces entreprises se cachent les deux pinces d’une même tenaille, l’anonymisation et la concentration des capitaux d’un côté, la dérégulation financière et la libéralisation des flux de l’autre.

Très méthodiquement, l’auteur démonte les mécanismes historiques qui ont permis à cette nouvelle classe de “banquiers-commerçants” de s’accaparer le pouvoir. Il aura fallu patiemment détricoter les rouages de l’État moderne à commencer par le droit continental, hérité du droit romain, pour lui substituer un droit anglo-saxon porteur d’une autre philosophie, individualiste, prédatrice. Il aura aussi fallu développer un système bancaire et financier toujours plus complexe et centralisé autour du système des Banques Centrales pour faire circuler l’argent et donc le pouvoir en dehors des États, privant ces derniers et leurs peuples de toute souveraineté jusqu’à faire craindre la destruction de notre civilisation.

Le message est taillé à la serpe et après une 1ère partie à charge où on fait le tour des suspects habituels, FED, BRI, FMI, OMC, paradis fiscaux et des mécanismes mis en place pour permettre cette domination, Valérie Bugault nous propose une autre vison de l’entreprise et donc de la société à travers la redéfinition des rôles des différents acteurs, les apporteurs de travail, les apporteurs de capitaux, les dirigeants et au milieu, dans le rôle d’arbitre, un État régulateur.

Il s’agit d’une reforme en profondeur qui devrait irradier sur la structure même de la société ou se déploierait cette Nouvelle Entreprise, avec la fin de l’anonymat des capitaux et donc des trusts et des paradis fiscaux, la fin de la déresponsabilisation des dirigeants au travers de la personnalité “morale” et donc le retour du droit romain. Valérie Bugault déclare la guerre au monde financier d’origine anglo-saxonne.

Elle décrit longuement les relations qu’elle imagine entre ses différents acteurs, non pas pour faire disparaître par miracle toutes tensions, mais plutôt pour organiser juridiquement le cadre de ce rapport de force pour ne léser ni les travailleurs sans qui aucune richesse ne peut être produite, ni les apporteurs de capitaux, dont les capitaux sont maintenant exclusivement issu d’un travail réalisé et d’un report de consommation pour permettre le développement économique.

Les dirigeants ne seraient plus liés aux capitaux mais l’objet de négociations entre les partis pour développer un projet d’entreprise plus consensuel en lien avec la société civile. L’État retrouverait son rôle d’arbitre, garant des règles et de la sécurité juridiques des acteurs. Il suffit de se lamenter, il existe des solutions comme l’initiative Monnaie Pleine pour le secteur bancaire, Valérie Bugault nous propose un nouveau modèle d’Entreprise, clé en main.

Interview de Valérie Bugault du 23 Septembre 2018

la-nouvelle-entreprise-722x1024.jpgValérie Bugault est docteur en droit de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. à l’occasion de sa thèse portant sur le droit de l’entreprise, elle a élaboré une théorie juridique unifiée, qualifiée « d’iconoclaste », de l’entreprise. Elle a travaillé comme avocate fiscaliste dans le domaine des prix de transfert ainsi qu’en droit fiscal interne avant de cesser sa carrière d’avocate pour se consacrer à l’analyse des problématiques de géopolitique économique. Elle a notamment publié, en 2016, sur le site du Saker francophone une série d’études intitulée « décryptage du système économique global ».

SF – Pourquoi un livre sur une nouvelle entreprise, l’entreprise actuelle est-elle si défaillante ? Certaines comme les multinationales se portent très bien ?

VB – Les sociétés commerciales sont, dans leur version moderne, nées en France à l’occasion de la loi du 24 juillet 1867. 1 Toutefois, l’idée même des multinationales que nous connaissons aujourd’hui est bien antérieure, elle remonte à ce que la plupart des pays européens ont connu et développé sous le terme générique de « Compagnie des Indes ». Ces entités, mélanges de capitaux privés et de pouvoir militaire, disposaient de toutes les prérogatives de puissance publique, y compris celles de battre monnaie et d’engagement militaire.

Mon expérience familiale alliée à mon expérience professionnelle, y compris celle acquise dans le domaine des « prix de transfert » m’ont permis de comprendre que la structure de la société par actions était en réalité un instrument de captation du pouvoir économique ; et que cet instrument, derrière les apparences, ne servait en réalité que les plus grands détenteurs de capitaux. Ces structures capitalistiques sont organisées de façon hiérarchique au profit de leurs propriétaires majoritaires. Or, l’évolution et la généralisation de l’utilisation des marchés de capitaux, induit une concurrence, plus ou moins forte en fonction des secteurs d’activité et des époques, qui génère une concentration mécanique des capitaux, les plus gros « avalant » les plus petits. Cette concentration a été d’autant plus insidieuse que les propriétaires dominants, souvent très minoritaires, sont, pour ce qui est des entreprises cotées appartenant à des « groupes », dans une très large mesure, anonymes. Ainsi, la pratique des marchés, largement développée par la libéralisation des flux de capitaux imposée par l’idéologie dominante, a permis une énorme concentration des richesses dans des mains de personnes qui restaient, le plus souvent, anonymes. Ce phénomène a été, bien entendu, très amplifié par l’arrivée d’acteurs anonymes, largement incontrôlés, qui gèrent d’énormes masses de capitaux (fondations, fonds de pension, hedges funds, fonds vautours…) ; ajoutons que les « prix de marchés » ont définitivement fini d’être libres à l’arrivée du High Frequency Trading.

L’entreprise commerciale, à structure capitalistique, a été l’instrument discret d’une prise de pouvoir économique des plus gros détenteurs de capitaux sur les plus petits. Dans cette « pièce de théâtre », que l’on ne distingue réellement qu’une fois l’acte final écrit, les petites et moyennes entreprises, les vrais entrepreneurs, les individus créatifs et volontaires, ont finalement servi de « faire-valoir » aux gros capitalistes qui ont, d’une façon ou d’une autre, asservi les PME et mis sous tutelle toute velléité de création de richesse par des individus indépendants.

Ces principaux capitalistes ont été malins et rusés, ce qui est la caractéristique première des banquiers-commerçants issus des orfèvres changeurs du Moyen-Âge, dont ils sont les descendants directs. Ils ont avancé pas à pas, et surtout masqué, en mettant en avant la liberté du commerce et les immenses possibilités de développement social que procurerait un système fondé sur le financement capitalistique. Ils ont fait en sorte que chaque avancée règlementaire du système soit rendue nécessaire par l’avancée précédente. De fil en aiguille nous en sommes collectivement arrivés au point où personne n’imagine plus possible un autre système de développement social.

Or, décrypter les différentes avancées techniques que ce « système intégré » a suivi permet justement de comprendre pourquoi et comment il fonctionne fondamentalement de façon viciée, autour du seul concept de « domination économique ». Cela permet de comprendre également que ce système est devenu le modèle de fonctionnement de la Société politique moderne. Tous les pays du monde sont aujourd’hui concernés par ce modèle déficient qui a, par capillarité, infecté tous les autres « systèmes politiques » en vigueur. Je précise ici qu’il faudrait parler de « système économique » appliqué à l’ensemble de la collectivité humaine ; parler de « système politique » est impropre dans la mesure où justement le concept politique a totalement disparu, il a été phagocyté par le principe commercial de nature économique.

Le type de travail que j’ai effectué, à partir d’un domaine juridique technique, m’a emmené sur un terrain politique et géopolitique. Il m’a également, par un lien de causalité évident, amené à m’interroger, en tant que juriste sur le phénomène monétaire, qui a été, avec l’entreprise capitalistique, l’autre outil, extrêmement puissant, de la prise du pouvoir politique par la caste des « banquiers-commerçants ». De fil en aiguille, on peut dire que ma théorie juridique de l’entreprise m’a logiquement amenée, de façon naturelle et grâce à ma rencontre de Jean Rémy, à faire une théorie juridique de la monnaie. (2)

Finalement, j’ai pu constater que, d’un point de vue sociétal, la monnaie et l’entreprise ont beaucoup de points communs. Fondamentalement, il s’agit de deux « institutions » qui ont un rôle social fondamental à jouer : celui de permettre et de faciliter les échanges de biens et services entre individus, le tout sous le contrôle politique d’un État, c’est-à-dire, nécessairement, à l’intérieur de frontières clairement définies. Cette assertion rend évidemment nécessaire de s’interroger sur la notion d’État, c’est-à-dire sur les sous-jacents juridico-socio-politique de l’État. J’ai ainsi perçu qu’il existait une nécessité vitale d’expliquer au public ce qu’est un État ; qui n’a – vous l’aurez compris – rien à voir (strictement rien) avec l’État qui nous est vendu, par urnes interposées. Nous vivons une époque de perte total de sens philosophique, politique et sémantique. Il faut, absolument retrouver la véritable signification des choses pour reprendre collectivement le chemin de la civilisation.

droitmonnaie.jpgRetrouver le véritable sens politique de l’État permettra au « droit », en tant qu’outil de régulation des comportements socialement toxiques, de reprendre les lettres de noblesse qu’il a lâchement abandonnées au profit des « sciences économiques » chargées de mettre en musique le nouveau modèle de Société, celui de la domination intégrale, sous lequel nous vivons. De technique, mon travail m’a conduite à une réflexion de nature sémantique et quasi philosophique. Cette réflexion, tout à fait vitale, doit être partagée par le plus grand nombre de personne car elle conditionne aujourd’hui et demain la pérennité du genre humain. On en est véritablement et précisément là !

SF – Quelles voies voyez-vous pour mettre ce projet en place ? On voit par expérience que c’est difficile en Russie par exemple avec un État fort et soutenu par son peuple ou en Chine où, sous une autre forme, l’État à la main, les mécanismes du capitalisme “domine” aussi dans des formes assez sauvages.

VB – La première chose à comprendre sont les postulats sous lesquels nous sommes sommés de vivre. Ensuite, ces postulats identifiés, il convient d’identifier les « roues » qui empêchent de sortir de ces postulats idéologiques. En l’état actuel des choses, ce travail collectif n’a pas été fait, il est donc impossible d’agir en vue d’un éventuel changement. Les États forts que vous mentionnez, la Russie et la Chine, ne fonctionnent pas autrement que selon le principe commercial, le principe économique ayant lui-même pris le pas sur le principe politique.

Un combat existe néanmoins dans ces pays, comme d’ailleurs dans la plupart des pays du monde, où certaines personnes commencent à comprendre que le problème ne réside pas dans le faux choix entre « droite-gauche » ou « conservateur-progressiste » mais dans la profonde distinction qui existe entre les partisans du globalisme, qui veulent imposer leur projet de gouvernement mondial, et ceux du nationalisme étatique qui veulent rester maîtres de leurs destins collectifs.

Mon travail ne pourra réellement porter ses fruits que le jour où les gens auront collectivement compris que le problème essentiel réside dans le fait que les collectivités d’individus ont perdu le contrôle de leurs destins collectifs, qui est aujourd’hui largement concentré dans les mains des principaux propriétaires de capitaux. Mes travaux doivent en quelques sorte être considérés comme étant les moyens techniques permettant la mise en place d’un système de remplacement immédiatement opérationnel. Mon travail ne pourra être fonctionnel, opérationnel, que le jour où la collectivité des individus aura décidé de reprendre le contrôle politique de ses institutions ; il restera, par nécessité politique, lettre morte jusqu’à ce que ce jour arrive.

SF – Comment va-t-on organiser cette nouvelle justice qui va avec la nouvelle entreprise ? Ne va-t-on pas assister à de nouvelles concentrations du capital menant à des volontés d’accaparement des rouages de l’État ?

VB – La question de la « justice » est en effet importante, pour ne pas dire « essentielle », elle est intrinsèquement liée au concept politique. Car organiser la vie en commun dans d’acceptables conditions de sérénités, ne peut faire l’économie d’un questionnement sur la « justice ». Sans aller jusqu’à la « justice immanente », sans doute pas de ce monde, l’aspiration à la « justice » est la condition qui permet aux individus de sublimer leurs intérêts individuels ou catégoriels immédiats afin de faire des concessions à d’autres intérêts ou groupe d’intérêts. Ces concessions ne peuvent se faire que si existe un « intérêt commun supérieur » que chaque groupe aura conscience de défendre en faisant les concessions demandées. Cela suppose aussi l’existence d’un « arbitre », chargé de faire appliquer et respecter cet « intérêt commun supérieur ».

L’État, comme la direction des entreprises, existe précisément pour organiser la gestion d’intérêts contradictoire. Le pouvoir politique, tout comme la direction des entreprises, n’ont qu’un seul rôle à jouer : celui d’arbitrer, de faire des choix, entre des intérêts contradictoires. Ce type d’organisation ne peut être mis en œuvre qu’à partir du moment où tous les intérêts présents sont, à un moment où à un autre, pris en considération d’un point de vue social, c’est-à-dire que tous les intérêts ont dument la capacité d’être représentés par les institutions étatiques, qui forment l’organisation de la Société politique.

Ainsi, la mise en œuvre de la justice passe d’abord et avant tout par une juste représentation politique des intérêts en présence ; c’est précisément à cet objectif que répond ma théorie juridique de l’entreprise. Du point de vue « politique », il est parfaitement clair que le principe de séparation des pouvoirs (tels qu’actuellement conçus) allié au modèle parlementaire anglais est tout à fait inapte à répondre à ce besoin. Nos démocraties parlementaires modernes sont disqualifiées pour répondre au besoin de justice dont toute société (au sens de collectivité d’individus) a besoin pour fonctionner de façon satisfaite. Ce modèle d’organisation social qui a été imposé à la suite des Révolutions françaises, américaines etc. est un modèle déficient car il permet justement un accaparement du pouvoir par des groupes anonymes. Ce modèle d’organisation social ne permet pas aux différents groupes d’intérêts en présence de lutter à armes égales car, n’étant pas institutionnellement représentés et contrôlés par un mandat impératif, les décisions sont prises de façon opaques ; les « décisions politiques » font l’objet de tractations plus ou moins douteuses, opérées largement en coulisse, dans le silence et l’anonymat des « cabinets ou des couloirs », et non de façon ouverte et publique avec un médiateur-arbitre pour trancher ouvertement les litiges.

C’est précisément la raison pour laquelle j’ai proposé de revoir l’organisation sociale, politique, autour du concept de « corps intermédiaires ». (3) Là encore, mon travail sur l’entreprise a servi de fil directeur à mon travail institutionnel. C’est aussi la raison pour laquelle j’insiste, dans mon travail sur l’entreprise, pour que les dirigeants prennent la pleine mesure de leur fonction qui est de trancher, d’arbitrer, en toute indépendance et avec l’intérêt social comme ligne directrice, entre les intérêts antagonistes des « apporteurs de capitaux » et des « apporteurs de travail ».

Il faut comprendre que le « pouvoir », qu’il soit « politique » ou, s’agissant d’entreprise, « économique », n’est pas « gratuit » : il correspond fondamentalement à une fonction d’arbitrage et de prise de position entre des intérêts divergents. Ces prises de position ne sont pas sans contrepartie car le « pouvoir » doit être sanctionné si, sur une certaine durée, il s’avère incapable d’œuvrer dans le sens du bien collectif ou, s’agissant d’entreprise, de l’intérêt social. Le pouvoir (et les hommes qui l’incarnent) doit être sanctionné lorsque la collectivité s’aperçoit qu’il a dévié du droit chemin pour emprunter la seule voie de la défense d’un ou plusieurs intérêts catégoriels, au détriment de l’intérêt général.

Qu’il s’agisse de l’entreprise, ou du pouvoir politique, l’essentiel se situe dans le fait d’organiser des institutions capables de représenter tous les intérêts en présence et un pouvoir politique dont le rôle est d’arbitrer entre les intérêts en présence ; ce pouvoir politique doit par ailleurs être, institutionnellement, structurellement, sanctionné s’il dévie du droit chemin de la défense de « l’intérêt commun » pour emprunter celui de la seule défense d’intérêts catégoriels. La politique et le pouvoir se résume finalement à « une entité chargée de défendre l’intérêt du groupe au détriment des intérêts catégoriels ».

SF – Une question plus technique. Comment va se faire la destruction du capital ? Les acteurs ne voudront-t-ils pas en appeler à l’État pour les protéger, les sauver ?

VB – Les acteurs économiques dont vous parlez ont justement phagocyté l’État de telle façon que celui-ci intervienne dans le seul sens de leurs intérêts bien compris. Ce que vous redoutez n’est pas nouveau, cela fait, au bas mot 400 ans que cela dure, depuis globalement, la période dite des Grandes Découvertes, qui a donné le coup d’envoi de l’essor capitalistique avec les différentes Compagnies des Indes. Par ailleurs, parler de « destruction du capital » me gêne en raison de sa connotation idéologique. Il ne s’agit pas tant de détruire le capital que d’empêcher les principaux capitalistes de prendre un pouvoir politique absolu. Il ne s’agit pas de lutter contre un système en soi, il s’agit de lutter contre un système qui est en réalité conçu et utilisé comme une arme de guerre pour s’emparer du pouvoir politique sur les peuples.

En d’autres termes, il ne s’agit pas de lutter contre le pouvoir du capital, il s’agit d’empêcher ce dernier d’être utilisé à des fins de domination. De la même façon, préconiser un juste retour du principe politique n’a pas pour effet de faire disparaître le commerce des activités humaines. Il s’agit, tout au contraire, de remettre les choses à leur juste place en considération de leur utilité sociale ultime : le commerce ne doit pas devenir « principe politique », le commerce ne doit pas devenir le seul moyen de reconnaissance et d’élévation sociale… Pour tourner les choses autrement : je ne prétends pas empêcher les individus créatifs, volontaires, intelligents et honnêtes de s’enrichir mais je prétends, par mes travaux, soumettre la validité des actions de tels individus au jugement collectif, confronter la valeur de leurs apports à l’intérêt collectif, à « l’intérêt social ».

Dans ce nouveau système d’organisation (que je préconise), seuls s’élèveront les hommes et les idées qui apporteront un mieux être à la collectivité, ou à l’entreprise, dans son ensemble. Alors que chacun peut constater que les choses aujourd’hui sont à l’exact opposé : actuellement, seuls s’élèvent dans l’ordre (qui est un réel désordre) social les individus les plus nuisibles, notamment par leur créativité, au groupe, à la Société prise dans son ensemble.

SF – Et à l’international ? Les pays sont plus ou moins bien loti géographiquement ou en termes de ressources, et plus ou moins puissant dans un éventuel rapport de force, comment ce bouleversement va impacter la géopolitique mondiale ?

VB – La question des atouts stratégiques en matière première (énergie, terres arables, terres rares…) reste un véritable sujet. Néanmoins, il ne faut pas voir ce sujet comme un mur infranchissable. Il y a beaucoup d’autres façon d’apprécier la qualité d’un territoire, et notamment en fonction de sa qualité de vie (climat, degré de pollution etc.). Et surtout il existe la possibilité que la créativité humaine contourne ces questions de dotation en matière première par l’innovation et la créativité.

Un des gros problèmes du système de domination sous lequel nous vivons actuellement est justement que la valeur créative des individus peut très difficilement émerger. Il est, par exemple, très difficile pour un individu isolé de déposer et défendre un brevet en raison de la double barrière des coûts et des contraintes administratives.

Dans les projets « d’entreprise », « de monnaie » et « d’État » que je défends, toute personne pourra créer une entreprise innovante en soumettant son projet à 1°) un collectif de personnes qui connaissent le sujet, pour validation et 2°) à l’État – lequel serait à nouveau maître ultime de son principe monétaire, pour financement. Ensuite, une fois lancé, le projet pourra faire appel à l’épargne publique par différents moyens dont, pourquoi pas (?), le système de la blockchain.

Je ne voudrai surtout pas que les gens croient que mon projet d’entreprise rénovée sera un obstacle à l’innovation, il sera, tout au contraire, un catalyseur d’innovations. C’est précisément la raison pour laquelle j’ai expressément mentionné, à l’occasion de ma thèse, que la réalisation d’un bénéfice n’était pas une condition sine qua non de l’entreprise. La première condition de l’entreprise est d’avoir un projet professionnel, qui sera financé en fonction de l’intérêt qu’il présente pour la collectivité.

Vous voyez ainsi que la réforme de l’entreprise telle qu’ici conçue ne pourra voir le jour que si, parallèlement, les États, redevenus des entités politiques, récupèrent leur entière souveraineté monétaire. Car qui détient la monnaie a le pouvoir d’affecter les ressources. Le principe monétaire a aujourd’hui été détourné et subverti par son appropriation par la caste des banquiers-commerçants ; il en résulte, naturellement, que les ressources ne sont pas correctement affectées dans la Société.

SF – On peut aussi voir votre projet comme un énorme coup de frein à la vitesse de rotation des flux de marchandises, une baisse de la quantité pour plus de qualité ? Que fait-on du système économique actuel, des montagnes de dettes ?

Là encore, considérer les choses de cette façon, c’est être victime d’illusion. Car enfin, la multiplication du nombre des entreprises ne suppose en aucune façon un ralentissement des échanges, c’est l’inverse. Plus il y aura d’entreprises viables gérées conformément à leur intérêt propre en fonction du développement de l’intérêt collectif, et plus il y aura d’échanges productifs au sein de la Société. Quant au système économique actuel, il sera peu à peu remplacé, un peu à la façon d’une bonne monnaie qui chasserait la mauvaise.

Concernant les dettes, aujourd’hui contractées par les États sous la pression des principaux détenteurs de capitaux, il conviendrait évidemment d’en faire un audit politique sérieux au regard de leur utilité sociale, qui est également le fondement de leur légitimité. Je rappelle que, de façon fondamentale, un droit qui s’occupe de l’intérêt social du groupe, comme le faisait le droit continental traditionnel, ne fait pas passer l’intérêt catégoriel des créanciers devant l’intérêt général. Il en va, évidemment bien différemment sous la domination actuelle du droit anglo-saxon, qui est fondamentalement un principe de régulation aux mains des plus gros propriétaires de capitaux. La règlementation à l’anglo-saxonne est abusivement qualifié de droit, elle n’est pas un « système juridique » comme l’était le droit continental traditionnel, mais une succession de règlementations utilitaires et opportunistes au bénéfice de la caste capitalistique dominante. C’est précisément dans ce sens que vont les règlementations applicables en comptabilité internationale des entreprises mais c’est également dans ce sens que vont toutes les réformes imposées à la France par les institutions européennes.

SF – Il y a encore d’autres fonctions de la société à remettre debout, l’éducation, l’écologie peut-être, le militaire ? D’autres livres en perspective ?

VB – L’entreprise, et la Société, réformées dans le sens que je préconise peuvent, sinon remédier à tout, du moins produire une organisation sociale viable qui permettra de remédier aux problèmes structurels que nous rencontrons à peu près dans tous les domaines de la vie. Il ne s’agit pas de trouver les clefs du paradis terrestre, mais il s’agit, a minima, de fermer la porte aux paradis artificiels, que sont les paradis fiscaux et de permettre un rééquilibrage des forces institutionnelles en présence au sein d’une collectivité politique. Je n’ai en revanche aucune vocation personnelle à tenter d’améliorer chaque individu, ni à supprimer le mal qui peut, à un moment où à un autre, émerger de tout être humain. Il faut aussi rester modeste et considérer qu’il arrive que des actions ou des règles mues par de bonnes intentions débouchent sur des catastrophes collectives alors qu’à l’inverse, des actions ou des règles justifiées par des intentions plus ou moins honnêtes peuvent aboutir à une amélioration du bien-être collectif.

C’est précisément aux effets pervers des règlementations que « le droit », tel que conçu en Europe continental, était chargé de réfléchir et de répondre. C’est aussi sur la conscience fondamentale que « trop de droit tue le droit » que le droit continental traditionnel fondait ses préoccupations. C’est enfin sur une conception humaniste dans laquelle l’individu était pris en considération dans son contexte collectif (l’intérêt du groupe étant supérieur aux intérêts individuels ou catégoriels) que le droit continental traditionnel était bâti. Précisions ici que c’est à ces préoccupations que répondaient les rédacteurs du Code civil de 1804. Ce Code était conçu dans la droite ligne des anciennes « codifications régionales », sa seule innovation fut dans la centralisation qui s’opérait désormais au niveau de l’État et non plus à celui des régions.

Cette conception du droit est en voie de disparition rapide depuis que le principe de domination capitalistique, notamment représenté par le concept de « propriété économique », inhérente à la règlementation anglo-saxonne est peu à peu venu remplacer le droit continental traditionnel. Aujourd’hui, avec les « modernisations » successives du « droit », nous assistons au phénomène selon lequel les principes du droit civil ne sont plus le « droit commun ». Le Code de commerce conçu en 1807 comme un droit d’exception est aujourd’hui devenu, sans le dire, le véritable droit commun applicable à la collectivité politique. L’inversion du sens des institutions politiques se double d’une inversion profonde des valeurs qui s’imposent à la collectivité.

Quant à l’avenir : mes deux livres (« La nouvelle entreprise » et « Du nouvel esprit des lois et de la monnaie »), les articles que j’écris (que le Saker Francophone à l’extrême amabilité de diffuser), les émissions et conférences que je donne sont le cœur de mon travail ; je le continuerai dans la mesure du possible. Il reste très important de diffuser ces informations et analyses afin de faire réellement bouger les lignes de force sociales. L’objectif est de réconcilier les habitants, de rétablir une coopération entre les gens qui représentent des tendances idéologiques différentes ou adverses. Car les divisions sociales, savamment entretenues depuis trop longtemps, ont pour effet direct et indirect de pérenniser la domination des banquiers-commerçants.

SF – Merci Mme Bugault

Notes

1-Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_24_juillet_1867_sur_... ; https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64790264.texteImage ; https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64790264.texteImage
2-Cf. « Du nouvel esprit des lois et de la monnaie », co-écrit avec Jean Rémy, publié en juin 2017 aux éditions Sigest
3-cf. http://lesakerfrancophone.fr/de-nouvelles-institutions-po... 
 

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La trahison conservatrice

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La trahison conservatrice

par Georges FELTIN-TRACOL

Chers Amis de Radio Libertés,

Dans la soirée du 12 septembre 2018, la caste médiatique hexagonale ne pouvait pas s’empêcher de jubiler et d’avoir une éjouissance journalistique. À l’instigation d’un député Vert féminin néerlandais de seconde classe, le Parlement prétendu européen déclencha par 448 voix, et nonobstant 48 abstentions, la procédure prévue à l’article 7 contre la Hongrie pour une violation putative de l’État de droit.

Quelques heures plus tôt, arrivé spécialement de Budapest, le Ministre-président de la Hongrie, Viktor Orban, n’eut qu’une petite dizaine de minutes pour se défendre devant un parterre de clampins peu représentatifs du fait d’une abstention élevée aux élections européennes. Le chef du gouvernement hongrois, lui, a été triomphalement réélu pour la deuxième fois consécutive avec la confiance massive de ses concitoyens qui furent nombreux à participer au scrutin. Ce si court temps de parole accordé à un authentique représentant du peuple ne surprend pas de la part de ce zoo illégitime qui ne sait que donner des leçons à la terre entière sans jamais se les appliquer.

La surprise de ce vote scandaleux surgit des rangs du Parti populaire européen (PPE), la coalition conservatrice à laquelle appartient le Fidesz. Si les élus de Forza Italia ! ont soutenu le dirigeant magyar à l’instar de leurs compatriotes de la Lega et des autres groupes eurosceptiques, soit un total de 177 voix, les eurodéputés du M5S ralliant le camp majoritaire, le PPE a étalé de profondes divisions. Par exemple, sur les dix-huit Les Républicains, dont le président Laurent Wauquiez tient dans les médiats une ligne dure sur l’immigration, seuls trois d’entre eux dont la sarközyste Nadine Morano ont défendu le gouvernement hongrois tandis que neuf illustres inconnus tels Tokia Saïfi, Jérôme Lavrilleux alias « Le chialeur du 20 heures » ou Alain Lamassoure, ont accepté la doxa immigrationniste. Enfin, huit autres ne prirent pas part au vote ou s’abstinrent. Il faut en nommer certains, réputés pour leurs convictions soi-disant de « droite » : Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux, Rachida Dati et Geoffroy Didier, ancien animateur d’une « Droite forte » (seulement devant les caméras).

Pis, le chancelier conservateur, Sebastian Kurz, président semestriel de l’Union dite européenne, a ordonné à sa délégation conservatrice d’approuver le rapport gauchiste. Il sort ainsi de l’ambiguïté et prouve qu’il garde plus d’affinités avec la rombière de Berlin qu’avec le fringant dirigeant hongrois. L’Autrichien a tout bonnement enterré toute coopération néo-« austro-hongroise » avec le très surfait Groupe de Visegrad. L’attitude de Vienne démontre que le conservatisme actuel préfère se diluer dans le libéralisme et s’éloigne ainsi de l’innovation illibérale. Quant à Viktor Orban, malgré des prises de position pro-israéliennes et libre-échangistes remarquées, il prendra peut-être enfin conscience de l’ampleur de la collusion entre la « droite d’affaires » et l’égalitarisme cosmopolite.

Au même titre que les groupes gauchiste, socialiste, vert-régionaliste et centriste-libéral, le groupe PPE devient plus que jamais un foyer infectieux évident d’économisme bêlant et de droit-de-l’hommisme affligeant. Président de ce groupe à Bruxelles – Strasbourg, le Bavarois de la CSU Manfred Weber, par ailleurs candidat à la présidence de la Commission, avoue volontiers collaborer avec les anti-Européens. « Je me suis engagé durant cette période législative, rassure-t-il au Monde (du 11 septembre 2018), pour qu’aucune force d’extrême droite ne puisse atteindre un poste important [au sein de ce Parlement]. Le PPE a même voté pour des communistes afin de préserver ces postes. » En évoquant les représentants de l’« extrême droite », Weber estime que « ces gens sont des ennemis et ils ne doivent avoir aucun rôle dans les institutions de l’Union ». Quant au président du PPE, l’Alsacien Joseph Daul, il affirme en digne expert de la novlangue mondialiste que « l’Union européenne est basée sur la liberté, la démocratie, l’égalité, la liberté académique, l’État de droit, le respect des droits de l’homme et une société civile libre. Ce sont des valeurs inviolables. Le PPE ne fera aucun compromis, quelles que soient les appartenances politiques (dans Le Figaro du 12 septembre 2018) ». Par cette intervention hilarante s’est révélé un brillant comique, expert en haute-fumisterie !

Largement influencé par des penseurs anglo-saxons d’hier ou d’aujourd’hui comme Edmund Burke et Roger Scruton, le conservatisme continental de ce début du XXIe siècle et sa métastase politicienne, la fameuse « union des droites », contribuent eux aussi au désarmement intellectuel des Européens. Ils ne peuvent pas être des réponses viables aux enjeux fondamentaux du Vieux Continent. Ils incarnent un autre mal que les révolutionnaires traditionalistes communautaires doivent extirper au plus vite de l’opinion. Souhaitons donc que le vote du 12 septembre dernier accélère la décomposition des supposées « droites » européennes !

Bonjour chez vous !

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 91, diffusée sur Radio-Libertés, le 21 septembre 2018.

Michel Jobert

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Michel Jobert

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Qui se souvient encore de Michel Jobert qui se présentait comme « un phénomène insolite dans la vie politique française » ? Né à Meknès au Maroc le 11 septembre 1921 et mort à Paris le 25 mai 2002, combattant dans l’Armée d’Afrique en 1944 – 1945, cet énarque de la promotion « Croix de Lorraine » 1947 – 1948 intègre la Cour des Comptes, puis participe à différents cabinets ministériels parmi lesquels ceux de Pierre Mendès France en 1954 et de Georges Pompidou de 1966 à 1968. Georges Pompidou le nomme ensuite Secrétaire général de la présidence de la République en 1969. En 1973, il devient ministre des Affaires étrangères. En une année, il réaffirme la politique d’indépendance de la France, conteste la double domination planétaire des États-Unis et de l’URSS, tient tête à Henry Kissinger, refuse que le lien transatlantique entérine la soumission des Européens aux volontés de Washington, soutient la cause palestinienne et encourage le dialogue euro-arabe.

Partisan de Jacques Chaban-Delmas à la présidentielle anticipée de 1974, il entre aussitôt dans l’opposition à Valéry Giscard d’Estaing et fonde le Mouvement des Démocrates qu’il situe « ailleurs », au-delà de la gauche et de la droite. Ne pouvant pas réunir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter à la présidentielle de 1981, il se rapproche de François Mitterrand qui le nomme ministre d’État, ministre du Commerce extérieur. Ne disposant d’un cabinet opérationnel que bien longtemps après son entrée en fonction, Michel Jobert tente alors une politique commerciale néo-colbertiste sabotée par les manœuvres de l’Élysée. Constatant finalement qu’« il occupait un poste mal défini, qui n’avait jamais répondu aux nécessités de l’heure », il démissionne en 1983 et poursuit un engagement politique fort loin des modes médiatiques. Ainsi n’hésite-t-il pas à condamner l’intervention occidentale au moment de la Deuxième Guerre du Golfe en 1990 – 1991.

jobertmémoire.jpgLors du référendum de Maastricht de 1992, il appelle à un « oui » critique au nom de l’intérêt de l’Europe, car Michel Jobert est très européen. « L’Europe, si elle nous tient à cœur, n’aura de visage, d’identité, que si elle est capable d’assurer elle-même sa sécurité, au lieu de faire semblant de ne pas voir que, au-dessus d’elle, le parapluie nucléaire américain est troué depuis des années et que les États-Unis se replient d’Europe, à l’évidence (dans L’aveuglement du monde occidental. Chroniques de politique internationale 1993 – 1996, Albin Michel, 1997, p. 334). » Parfois désabusé, il estime par exemple que « la fameuse trilogie – monnaie unique, politique étrangère commune, défense commune – est, malgré les étapes et les dates fixées dans l’accord de Maastricht, du domaine de l’imaginaire ou de l’approximation (op. cit., p. 25) ».

En 1984, il publie Vive l’Europe libre ! Réflexions sur l’Europe avec le centre d’études du Mouvement des Démocrates (Ramsay). Il y avance déjà que « le paradoxe éclatant et pitoyable de l’Europe tient justement dans le contraste entre sa force économique et son inexistence politique. Toutes ces richesses et toutes ces capacités réunies ne sauraient garantir l’existence d’une communauté de destins, sans la détermination d’exister, réaffirmée jour après jour. En un mot, il ne saurait y avoir de Communauté européenne sans volonté de l’Europe (op. cit., p. 10) ».

Réaliste, Michel Jobert propose dans cet ouvrage une monnaie européenne de réserve autonome, une banque centrale européenne et une union monétaire. Il précise en outre « qu’il n’est pas de partisan sincère d’une Europe indépendante qui ne mette, comme condition indispensable à son existence, la réalisation prioritaire d’une politique de défense (op. cit., p. 148) ». Cela implique la formation au-dessus des États-membres d’une Confédération européenne avec un gouvernement désigné par le Conseil européen et qui s’occuperait d’environnement, de culture, de consommation, de famille, de monnaie et de défense. Cet exécutif confédéral serait contrôlé par un Sénat des États et responsable devant l’Assemblée des peuple d’Europe.

Michel Jobert le devinait. Tôt ou tard, « l’Europe entrera dans une zone grise, où il lui manquera l’essentiel : la volonté politique des États d’agir ensemble pour occuper une place sur un échiquier mondial en mutation (L’aveuglement…, op. cit., p. 45) ». Il savait fort bien que « la vocation de la France européenne n’est pas de s’aligner sur “ un consensus mou ” mais de faire fructifier le patrimoine commun des nations européennes, en valorisant d’abord le sien (op. cit., p. 243) ». Il était clair que pour Michel Jobert, « l’Europe sortira de la décadence ou du non-être si elle sait affirmer sa détermination, ses analyses et ses choix pour les imposer, à elle-même d’abord (Vive l’Europe…, p. 61) ».

Il annonçait enfin, visionnaire : « Mais comment ne pas sentir que dans l’Europe, alors que l’Italie, la Yougoslavie et l’Espagne hésitent devant leur destin, la France peut être une inspiratrice et un modèle ? Et qu’elle ne trouvera les recettes d’avenir que dans la participation de tous à cette recherche ? Oui, nous avons la liberté collective de définir et de bâtir notre vie. Les techniciens du pouvoir et leurs commissions n’y suffiront pas. La France est encore un pays colonial; elle a encore sa libération à faire (Mémoires d’avenir, Grasset, 1974, p. 16). » Michel Jobert savait que l’Europe ne sera indépendante qu’avec la fin de la présence délétère étatsunienne.

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 19, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 11 septembre 2018 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

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