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vendredi, 28 février 2020

Itinéraire posthume de l’antilibéralisme schmittien. Un héritage incontournable ?

Itinéraire posthume de l’antilibéralisme schmittien. Un héritage incontournable ?

Une critique de Tristan Storme
Ex: https://www.raison-publique.fr

arton276-c1eeb.jpgEditeur : Armand Colin
Collection : Le Temps Des Idées
Nb. de pages : 400 pages
Prix : 21 euros.

Référence : Critique publiée dans Raison publique, n° 8, avril 2008, pp. 153-165.

- Jan-Werner Müller, Carl Schmitt : Un esprit dangereux, trad. par Sylvie Taussig, Paris, Armand Colin, coll. « Le temps des idées », 2007, 400 p.

Publié à l’origine en anglais il y a cinq ans, l’ouvrage de Jan-Werner Müller, Carl Schmitt : Un esprit dangereux, aujourd’hui traduit en français dans la collection « Le temps des idées » dirigée par Guy Hermet, tombe à point nommé dans le monde universitaire et intellectuel francophone, où il n’est pas rare d’entendre que ce « Hobbes du vingtième siècle » [1] n’aurait plus rien à nous livrer. Schmitt, un esprit à la fois brillant et dangereux — ou, pourrait-on dire, dangereux en raison de son talent indéniable — a connu la crise de la république de Weimar, les deux guerres mondiales, la séparation de l’Allemagne et la Guerre froide ; son œuvre vieille de soixante-dix ans est, quelque part, le parangon des meurtrissures que porta le siècle récemment écoulé [2]. En mai 1933, le juriste rhénan adhérait à la NSDAP, donnant du crédit au régime hitlérien au travers de nombreux textes rédigés durant cette période. S’il prend néanmoins ses distances à l’égard du Führer dès 1936, il ne reniera jamais son antisémitisme philosophique, comme l’atteste avec virulence le recueil de ses journaux publié après sa mort, en 1991. C’est cette compromission qui fait d’ailleurs question ; les commentateurs se sont interrogés, en vue de savoir jusqu’à quel point un tel ralliement se répercuta sur les écrits schmittiens ultérieurs. Certains exégètes ont aussi pris le parti d’affirmer que les prémisses analytiques de l’adhésion de Schmitt au nazisme se découvraient à la lecture de ses livres de jeunesse. Depuis quelques années, semblables questionnements ont été au cœur des débats français. Mais force est de reconnaître qu’en dépit de son passé funeste, Carl Schmitt semble avoir suscité l’intérêt d’auteurs très différents et joué un rôle particulièrement influent dans l’évolution des discussions politico-philosophiques contemporaines. Dans son ouvrage, Jan-Werner Müller, professeur à l’université de Princeton, s’attèle à examiner de près la réception essentiellement européenne (surtout allemande) de l’œuvre du juriste rhénan ou, comme il le dit si bien lui-même, à « constituer une histoire critique de "ce que Schmitt a signifié" pour le vingtième siècle. » [3]

Dans une première partie, intitulée « Un juriste allemand au vingtième siècle », Müller retrace chronologiquement, et avec érudition, le parcours biographique et intellectuel de Carl Schmitt, depuis la rédaction de ses deux thèses de doctorat jusqu’au retranchement du savant dans son village natal du Sauerland, au lendemain du procès de Nuremberg. Pointant du doigt les contradictions et les arguments forts de la pensée de Schmitt, l’auteur compose le portrait d’un jeune publiciste qui, dès l’amorce de sa carrière, s’employa à forger et à affûter un arsenal théorique destiné à mettre à mal le libéralisme bourgeois, le parlementarisme dominé par les intérêts d’une frange sociétale non représentative. La doctrine libérale, qui refuse de discerner ses ennemis et de reconnaître le primat de la décision, participerait du phénomène d’envahissement de l’État par la société dont serait responsable la prolifération des associations économiques. À la lecture des premiers chapitres, on comprend rapidement qu’aux yeux de Müller, l’antilibéralisme constitue la pierre angulaire, le motif central de la pensée politique de Schmitt, telle qu’elle s’est déployée durant les années vingt. Le philosophe de Weimar s’est évertué à rendre la mass democracy compatible avec l’autoritarisme, par l’intermédiaire d’une théorie de la représentation à même de rendre publiquement présent le peuple rassemblé. Il oppose sa définition particulière de la démocratie aux conceptions libérales de la notion qui l’identifient à une simple addition des voix des individus esseulés dans l’isoloir. Müller n’aurait pas pu procéder autrement qu’en restituant le contexte d’énonciation des philosophèmes schmittiens, dans la mesure où l’examen de l’impact de cette pensée représente le centre névralgique de son étude. Puisqu’il opère de la sorte, il peut éminemment tenter, dans la suite du récit, de répondre à la question de savoir ce qui, en dehors de la conjoncture contextuelle, est susceptible d’être extirpé et de survivre à son fondateur.

Depuis les travaux de Dirk van Laak [4], Carl Schmitt : Un esprit dangereux est certainement, à ce jour, l’examen le plus exhaustif qui a trait à la réception allemande, et plus largement européenne, des idées schmittiennes. Müller sillonne l’héritage du juriste, auteur par auteur, tout en évitant soigneusement le travers qui consisterait à débusquer des « schmittiens » partout, au détour de la moindre citation ; il rapporte en substance les nombreux débats pointus et spécialisés qui animèrent l’histoire des idées politiques de l’après-guerre, livrant des tendances, des filiations qu’il ne cherche nullement à plaquer sur une typologie embarrassante. Les arguments des successeurs et des interlocuteurs intellectuels de Carl Schmitt sont livrés dans toute leur singularité discursive. Si bien qu’il est difficile qu’échappe au lecteur le fait que Schmitt ait pesé de manière considérable sur les raisonnements de nombre de ses contemporains. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, quoique privé d’enseignement et écarté des universités, Carl Schmitt, ayant refusé de se soumettre à la dénazification, reçoit furtivement dans sa demeure à Plettenberg une minorité influente de penseurs qui participèrent à la mise sur pied de la nouvelle structure étatique ouest-allemande : Nicolaus Sombart, Hanno Kesting, Reinhart Koselleck, Roman Schnur, Armin Mohler ou encore Ernst-Wolfgang Böckenförde, pour ne citer que quelques noms. Il n’est donc pas faux d’affirmer, avec Habermas, que « l’histoire de cette influence a[urait] une valeur fondatrice pour l’État allemand. » [5] L’ombre de l’auteur de La notion de politique a effectivement plané sur les controverses d’après la guerre et accompagné le façonnage théorique du paysage juridico-polititque de la RFA. Devant le triomphe de l’adversaire américain, Schmitt, qui refusa de faire contrition et de consacrer la mise au ban de l’unité politique allemande, a permis d’assurer « la continuité d’une tradition allemande qui aurait été mise en cause. » [6] Tenu en dehors du « système », à l’écart des lieux déterminants, il est devenu une figure d’inspiration emblématique pour toute une série de jeunes théoriciens qui n’hésitèrent aucunement à puiser, dans son œuvre, des conceptions plutôt mal perçues à l’époque. Ses réflexions, conservatrices et autoritaires, furent relayées ; elles alimentèrent les discussions relatives à la rédaction d’une Constitution pour l’Allemagne de l’Ouest, exhumant l’option d’une protection de la démocratie renaissante contre ses ennemis antidémocratiques. L’idéal d’un État fort fut puissamment reconduit dans les écrits d’Ernst Forsthoff, schmittien devant l’Éternel, bien décidé à remettre l’État au-dessus de la société et des intérêts conflictuels qui animeraient cette dernière.

9783428159802.jpgMais l’œuvre du publiciste de Weimar n’a pas seulement eu écho à travers les travaux d’auteurs plus ou moins conservateurs : la réception de la pensée du juriste a pour spécificité d’être étonnamment polarisée. Jürgen Habermas lui-même, l’un des plus farouches contempteurs du théoricien du politique, n’a pas manqué de reconnaître l’exactitude du constat de Schmitt qui conclut à une déliquescence de la logique parlementaire. L’histoire de l’ « espace public » suit, en effet, à la lettre l’analyse que soumet Carl Schmitt de la transformation progressive du parlementarisme [7]. Dans son ouvrage, Müller rapporte que Henning Ritter, le fils de Joachim Ritter, avait déjà laissé sous-entendre qu’il existerait « une relation entre la pensée de Habermas et celle de Schmitt » [8] ; plus récemment, et en France qui plus est, Philippe Raynaud a défendu la thèse suivant laquelle la pensée du défenseur du patriotisme constitutionnel serait particulièrement redevable de celle du juriste allemand, « dans la mesure même où elle s’est constituée contre le décisionnisme de Schmitt » [9]. Phénomène plus curieux encore, une partie des doctrinaires libéraux prit l’initiative de libéraliser la pensée « du plus brillant ennemi du libéralisme qu’ait vu le siècle. » [10] Certains envisagèrent de composer un libéralisme amendé, capable de répliquer aux défis lancés par le juriste rhénan. Schmitt aurait diagnostiqué avec précision et acuité les failles et les faiblesses de la doctrine libérale, formulant des « questions percutantes » qui tourmentèrent les orthodoxies libérales ; il demeurerait entièrement envisageable de remédier aux problèmes de la neutralité et de la stabilité politique, deux béances qui fragiliseraient les théories libérales, en redéployant différemment les concepts du juriste — à se confronter aux anamnèses du philosophe conservateur, le libéralisme en ressortirait grandi. Parmi d’autres, Odo Marquard et Hermann Lübbe « s’efforcèrent de libéraliser des pans entiers de sa pensée pour la mettre au service de la démocratie libérale, c’est-à-dire pour la fortifier et lui donner de meilleurs outils pour qu’elle soit à même de relever des défis antilibéraux. » [11] Il en résulte « un mélange instable de priorités libérales et de moyens non libéraux. » [12] Lübbe s’est notamment risqué à prélever la méthode décisionniste chez Schmitt, dans l’optique assumée de renforcer la démocratie libérale. Cependant, comme l’indique Müller, une pareille entreprise dévoile avec clarté les limites d’une compatibilité des concepts schmittiens avec la pensée libérale, vu que Lübbe, par exemple, se voit contraint de délier la stabilité politique du principe de justification publique. Mais l’extrême droite ne demeure pas en reste ; elle s’est, elle aussi, penchée sur les arguments avancés par le juriste. En effet, sur une autre case de l’échiquier politique, la Nouvelle Droite française, menée par Alain de Benoist, a pour sa part multiplié les références à Schmitt afin de préserver la particularité des peuples contre l’universalisme libéral abstrait [13].

Au bout de chaque avenue, détaillée par Müller, qu’empruntèrent les nombreux « héritiers » de Carl Schmitt, aussi divers fussent-ils, émerge l’antilibéralisme pérenne du savant de Plettenberg. D’autres exégètes ont également émis une semblable hypothèse, sans toutefois l’étayer avec force détails comme l’a fait Jan-Werner Müller [14]. La tangibilité patente de la mondialisation socio-économique qui, d’autre part, s’étend au nom de principes éthiques (l’exportation des Droits de l’Homme), « ranime en permanence la tentation de reprendre la critique que Schmitt a dirigé contre un libéralisme tour à tour impuissant ou hypocrite » [15] — de la reprendre ou de s’en inspirer, de l’amender et de la prolonger. Les questions posées par le penseur conservateur ainsi que les diagnostics qu’il énonce ont connu une prorogation considérable au vu de la chronologie qu’a bâtie Müller. Il y a d’ailleurs fort à parier que les thèses et les outils conceptuels forgés par Schmitt en son temps n’ont pas terminé de nous livrer leurs vertus heuristiques, qu’elles demeurent susceptibles de nous révéler leur « actualité » potentielle.

En filigrane, Müller met le doigt sur deux phénomènes majeurs, qu’il analyse pour partie, et qui touchent de très près à l’héritage des théories politiques de Carl Schmitt. Ces deux questions ont trait à l’usage on ne saurait plus actuel — souvent polémique — des idées du juriste rhénan. Incontestablement, elles attestent de l’actualité manifeste de certains pans importants de la pensée de Schmitt, elles témoignent du caractère indéniable de l’héritage schmittien. D’un côté, à l’heure de la mondialisation, le post-marxisme semble éprouver toutes les difficultés du monde à se (re)définir : pour pallier un « manque » conceptuel, des théoriciens de la gauche radicale ont vu en Schmitt une formidable source d’inspiration disposée à redorer un blason obsolescent. D’autre part, bien qu’il est (ou qu’il fût) coutumier de dépeindre l’auteur du Nomos de la Terre comme le héraut de la cause statonationale, il semblerait que celui-ci ait pu léguer un attirail systématique habilité à penser positivement l’intégration macro-régionale, et plus particulièrement européenne, ainsi que moult arguments à même de souligner les faiblesses potentielles de toute construction continentale.

LES TOURMENTS THÉORIQUES DU POST-MARXISME : LE CONFLIT EN GUISE DE POLITISATION

Après la chute du mur de Berlin, Müller le répète à plusieurs endroits de son livre, une certaine gauche post-marxiste devait redécouvrir la pensée politique de Carl Schmitt. Les accointances de la gauche avec les concepts du théoricien conservateur ne relèvent toutefois pas d’une situation entièrement inédite. Depuis les années soixante, plusieurs auteurs ou mouvements radicaux se sont intéressés de près aux écrits du juriste, à commencer par Joachim Schickel, maoïste de son état. La Théorie du partisan, publiée en 1962, et l’optimisme général que purent inspirer à Schmitt les luttes anticoloniales n’y sont pas pour rien dans l’intérêt de la gauche qui essaie de penser le rôle de la guérilla dans les limites d’une idéologie révolutionnaire [16]. Peu de temps plus tard, toujours en Allemagne, Johannes Agnoli ressuscitait la critique schmittienne du parlementarisme, arguant que l’organe représentatif aurait développé une structure profondément oligarchique qui, de fait, ne représenterait plus le peuple mais l’État [17]. À la même période, en Italie, Mario Tronti et les « Marxisti Schmittiani » empruntaient le syntagme de l’ami et de l’ennemi — critère spécifique du politique —, l’interprétant sous la forme d’une compréhension renouvelée de l’antagonisme de classes [18]. On le voit, les récents emprunts à gauche ne sont pas sans posséder quelques antécédents de marque. C’est probablement chez Antonio Negri et Giorgio Agamben que le recyclage équivoque de concepts schmittiens pour une analyse ou pour une résolution normative des problèmes politico-philosophiques contemporains s’avère le plus frappant. Alors qu’Agamben mobilise le paradigme de l’ « état d’exception », Negri réfléchit le « pouvoir constituant » en s’appuyant notamment sur La dictature [19]. La visibilité retentissante des thèses et des prescriptions de ses deux auteurs a fait prendre conscience de l’ampleur d’un phénomène d’actualité, celui d’un « schmittianisme » (ou d’un « schmittisme ») de gauche. Selon Yves Charles Zarka, qui persiste a pensé que Schmitt est l’auteur de documents et non d’une œuvre, si l’extrême droite en vient à faire appel à Carl Schmitt, ce serait là « une chose naturelle », puisqu’elle ne ferait que « revendiquer ce qui lui appartient et selon une rhétorique habituelle », mais que la gauche radicale « prenne le même chemin », voilà un phénomène quelque peu incongru qui, d’après le spécialiste français de Hobbes, témoignerait d’une « crise idéologique » profonde du post-marxisme [20]. Pourquoi donc — car il est vrai qu’une telle inspiration ne semble pas aller de soi — une partie de la gauche actuelle s’est-elle empressée de recourir aux philosophèmes d’un conservateur aguerri qui, par surcroît, se compromit un temps avec le Reich hitlérien ?

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Dans un ouvrage publié il y a peu, Jean-Claude Monod tente d’apporter une première explication à ce curieux syndrome, en précisant que « les lectures marxistes de Schmitt pourraient faire l’objet d’une étude en soi » [21]. Il existerait sinon une réelle connexité, du moins une connivence notable, entre la pensée marxiste et celle du publiciste de Weimar : elles consacreraient, toutes les deux, l’existence d’une distinction conceptuelle originale. À la fois sanctifiée par Schmitt et par les théories marxistes, « la dissociation du libéralisme et de la démocratie » légitimerait un certain type de violence — celle de la classe ouvrière dans le cas des épigones de l’auteur du Capital. Mais, d’un autre côté, « la dissociation du politique et de l’étatique », constat malheureux dans La notion du politique, permettrait à l’extrême gauche actuelle de libérer le peuple — le pouvoir constituant — du joug de la souveraineté du prince [22]. Cette proximité analytique aurait rendu possible un emploi réfléchi (et infléchi) des thèses de l’ancien partisan du Troisième Reich. Les outils empruntés par « les schmittiens de gauche ou d’extrême gauche » leur auraient surtout permis de dénoncer l’un des travers de l’ordre libéral, à savoir le sapement de l’État de droit par le biais de procédures d’exception totalement banalisées [23]. La traduction en français du livre de Müller met à la portée du lectorat francophone un constat qui, quoique formulé quelques années auparavant, s’apparente grandement à celui de Monod. Néanmoins, le professeur de Princeton insiste plus particulièrement sur le fait que la gauche aurait trouvé chez Schmitt une réponse, qu’elle juge sans doute déterminante, dans l’objectif de pallier le besoin d’une repolitisation de la lutte contre le libéralisme triomphant ; c’est-à-dire le besoin d’une constitution de l’unité politique face à l’adversaire capitaliste. « En particulier, nous dit Müller, la pensée de Schmitt est censée compenser l’absence du politique et, plus encore, l’absence d’une théorie de l’État dans le marxisme. » [24] Partant du théoricien du politique, la gauche d’inspiration schmittienne finirait par célébrer le retour du conflit international ouvert, afin de s’opposer à l’universalisme libéral qu’elle calomnie pour cause de son hypocrisie. Plutôt que de concevoir « un modèle d’action politique à proprement parler », elle se borne à « réaffirmer la nature inévitablement conflictuelle du politique » (soit qu’elle estime cela comme une nécessité véritable, soit qu’un engagement dans une telle direction lui paraît préférable au triomphe du marché mondial) [25]. Dans tous les cas, il semble pour Müller que le post-marxisme souffre d’insuffisances théoriques, dans son combat contre le libéralisme, et qu’à ce titre, la pensée du plus fidèle détracteur de la doctrine libérale a pu tenir lieu d’expédient.

9782707149701.jpgSi en Allemagne ou en Italie, les emprunts contemporains aux théories de Schmitt peuvent prendre appui sur de véritables précédents, Zarka souligne qu’il s’agit en réalité d’un « phénomène assez nouveau en France » [26] — l’étude de Müller se cantonne d’ailleurs principalement aux deux premiers pays cités, et l’auteur ne cache pas que le « terme » de son parcours introspectif ne soit que « tout provisoire » [27]. Daniel Ben Saïd et Étienne Balibar ont, entre autres, eu recours à la pensée du juriste, ce dernier soutenant pour sa part que « pour connaître l’ennemi, il faut aller au pays de l’ennemi. » [28] Les réflexions de Balibar, ancien élève d’Althusser, nous apparaissent comme une piste conséquente, dans l’optique de concilier le « schmittianisme de gauche » (antilibéral) avec le refus de consacrer l’avènement du conflit comme mode d’être du politique. L’exigence d’une politisation — ou, plus simplement, d’une définition d’un « état » politique — peut déboucher, en dernière instance, sur « une résistance à la violence » [29]. Le philosophe français reconnaît sans ambages que le juriste rhénan a pesé sur l’histoire des idées politiques ; il n’a du reste pas hésité à affirmer, dans sa préface à la traduction du Der Leviathan de Schmitt, que la pensée de celui-ci était « l’une des pensées les plus inventives » [30] du vingtième siècle. C’est en s’adossant à la théorisation schmittienne de la souveraineté, qui lui apparaît « indispensable » pour comprendre l’ensemble des discours ayant trait « aux limites d’application » d’un tel concept [31], que Balibar a pu développé « la thèse d’un extrémisme du centre », taxant l’État de droit libéral d’être doté d’une « face d’exception » qui participerait à l’exclusion des anormaux et des déviants [32]. Mais cette prise en considération des arguments antilibéraux du juriste, que Balibar actualise et façonne, ne l’a pas empêché de questionner les « effets destructeurs de la violence, y compris de la violence révolutionnaire. » [33] La violence détruirait la possibilité même de la politique dont le maintien nécessiterait « un moment propre de civilité », c’est-à-dire un moment à l’issue duquel serait introduit l’impératif de l’anti-violence. À bien lire Balibar, il n’est pas certain que schmittianisme et post-marxisme soient incapables d’avancer de concert vers la génération d’une action politique de gauche.

LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE OU L’OUBLI DE L’ÉLÉMENT PROPREMENT « POLITIQUE »

Il peut sembler inadapté, à première vue, de formuler l’hypothèse d’un rapprochement plausible entre la pensée politique de Carl Schmitt et les considérations théoriques actuelles autour de la construction européenne. Nicolas Sombart, qui a fréquenté le juriste déchu à Plettenberg, a réprouvé le fait que la plupart des lecteurs du publiciste découvraient, selon lui, « le faux Schmitt », à savoir le « concepteur de cette machine célibataire qu’est l’ "État" » [34], alors que l’auteur du Nomos de la Terre avait surtout su diagnostiquer le déclin de la forme étatique moderne qui serait parvenue à son terme. Avec le passage à l’ère globale, les Européens devraient songer à remplacer l’État, vieilli et poussiéreux, « par des formes d’ "unité politique" substantielles, véritablement souveraines. » [35]

41YfDNAAdOL.jpgDepuis une dizaine d’années, les études schmittiennes se sont élargies à la question d’un prolongement continental et européen de la notion du « politique ». Ce phénomène naissant, encore à l’état d’un décantage initial, fut impulsé, pour l’essentiel, par les recherches de Christoph Schönberger et d’Ulrich K. Preuss [36]. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le penseur conservateur s’était effectivement donné pour objectif de réfléchir sur l’avenir du Vieux Continent, désormais pris en étau entre les deux puissances dominantes. La « reconstruction » européenne, telle qu’il la voyait se dessiner, lui apparaissait comme une entreprise menée à l’encontre des Allemands vaincus et qui manquait, par ailleurs, de se pourvoir des attributs du politique. À la vue d’une Europe « kidnappée par des esclaves » [37] et soumise au dictat des vainqueurs, Schmitt conçoit un équilibre mondial reposant sur l’instauration d’un pluriversum de « grands espaces ».

Après 1945, le juriste rhénan revoit sa théorie du Großraum qu’il avait mise, dans un premier temps, au service du régime nazi. Celle-ci prévoit la suppression des entités étatiques en tant que lieux de souveraineté et leur incorporation au sein d’un espace « aux limites indéterminées, ou plutôt flexibles » [38], où chacun des peuples phagocytés disposerait de droits différentiels. Sous l’impulsion d’un « centre », du Reich allemand, un grand espace européen unifierait le Vieux Continent sur la base d’un critère d’appartenance christique (ou chrétien), constituant de fait une réponse appropriée au dépérissement progressif du concept d’État. Carl Schmitt n’a de cesse d’identifier l’Europe à la chrétienté ; cette dernière représenterait une solide alternative au bloc soviétique et au bloc libéral — marxisme et libéralisme étant tous deux la conséquence d’un noyau métaphysique athée et de croyances immanentistes. Se composerait, dès lors, un ordre mondial fondé sur la coexistence de plusieurs blocs autonomes — les grands espaces — qui permettrait ainsi un rééquilibrage des puissances. Tomas Kostelecky, en particulier, s’autorise à interpréter la notion de Großraum comme l’analyse intéressante d’un effacement tendanciel des frontières [39]. Schmitt aurait pressenti le déplacement progressif du lieu de la souveraineté depuis les entités étatiques vers un grand espace européen, préfigurant de ce fait l’avènement d’une construction d’échelle continentale.

L’élargissement des frontières géographiques s’accompagne, dans la théorie du penseur conservateur, d’une révision des limites « nationales » : la théorisation d’un Großraum passe inévitablement par une redéfinition du concept de nation. « Une Europe démocratique avait d’abord besoin d’un peuple européen homogène » [40], ce que la croyance en Jésus-Christ était toute disposée à fournir. Schmitt estime qu’un pacifisme morne ne peut, en aucun cas, prodiguer les propriétés vertueuses du politique. Dans sa construction de l’après-guerre, l’Europe aurait omis de fonder le patriotisme européen sur l’identification d’un autre, d’un ennemi, de se fonder sur l’homogénéité du peuple chrétien à même d’édifier une forme authentiquement politique pour le continent. Le savant de Plettenberg bat en brèche l’idéal du refus de la puissance ; il souhaite faire de l’Allemagne le « pôle impérial » d’une nation chrétienne, refusant d’un même geste la sanction des triomphateurs et l’élaboration d’une formule politique « neutre ».

Les questions de l’État-nation — et des relations internationales —, de la souveraineté, de l’ordre juridique européen, soulevées par Schmitt à son époque, sont actuellement consubstantielles au problème de l’intégration européenne. C’est assez logiquement que les raisonnements de ce dernier paraissent susceptibles, au jour d’aujourd’hui, de trouver une utilité particulièrement éloquente dans le cadre des discussions théoriques relatives à l’idée d’Europe. Si les écrits du juriste permettent d’attaquer systématiquement les thèses « néo-cosmopolitiques » et de nourrir l’ensemble des discours « souverainistes », nous rejoignons Müller sur le fait qu’il est également tout à fait pensable que de tels textes puissent peser sur les réflexions des néo-kantiens et des libéraux, dans l’optique bien différente de solidifier le modèle cosmopolitique. Il semble que s’il souhaite prendre effet, le cosmopolitisme y gagnerait beaucoup à prendre en compte « la dialectique schmittienne de la souveraineté et de l’unité politique forgée à peine de vie et de mort » [41], en vue d’envisager, en fin de compte, d’y échapper complètement. Müller formule, en filigrane, l’hypothèse suivante : probablement que ceux qui relèvent le défi de réfléchir à de nouvelles identités supranationales devront, d’une manière ou d’une autre, se mesurer aux philosophèmes de Carl Schmitt, afin d’imaginer les moyens nécessaires au dépassement de l’homogénéité et de l’hostilité [42]. Le penseur conservateur pourrait, semble-t-il, nous aider, a contrario, à penser (à renforcer ?) le domaine du métanational. Existerait-il une thématique plus actuelle en théorie politique ?

CONCLUSION

Yves Charles Zarka a tout récemment précisé la distinction qu’il avait opérée entre les œuvres et les documents, lorsque dans un article paru dans Le Monde au lendemain de la publication en français du Der Leviathan de Schmitt, il avait affirmé que les textes du juriste allemand appartenaient à la catégorie des documents [43]. Il écrit que « ce qui fait le caractère particulier du document est d’être inscrit dans un moment historique dont il est un témoignage, d’en être d’une certaine manière inséparable. En revanche, une œuvre nous interpelle au-delà de son temps, en dehors du contexte où elle a été écrite pour nous parler aussi bien de son temps que du nôtre. En ce sens, […] Schmitt est l’auteur de documents. » [44] Durant l’espace d’un demi-siècle, Carl Schmitt a influé sur l’ensemble du spectre politique, de l’extrême gauche italienne à la Nouvelle Droite française — et il continue de le faire de manière posthume. Il reste à espérer que la traduction en langue française de l’ouvrage de Jan-Werner Müller fera prendre conscience du poids et de l’importance qu’ont pu prendre les diagnostics et les anamnèses souvent judicieuses de l’adversaire le plus virulent du libéralisme — ce qui n’a jamais contraint ses lecteurs de partager les suggestions normatives qui corroborent l’analyse. S’obstiner à discréditer à tout prix la pensée du savant de Plettenberg au point de refuser que les écrits de ce dernier constituent une œuvre, au motif qu’entachés par le nazisme, ils n’auraient plus rien à nous dire d’actuel, est un tour de passe-passe plutôt difficile à réaliser.

Une critique de Tristan Storme

 
Pour citer cet article :

Notes

[1] L’expression est de George D. Schwab, « un chercheur de l’université de New York » qui, écrit Müller, fut « à l’origine de la redécouverte américaine de Schmitt » (Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 302).

[2] Nous paraphrasons ici la formule d’Étienne Balibar : « Carl Schmitt est le plus brillant et donc [nous soulignons] le plus dangereux des penseurs d’extrême droite » (BALIBAR, Étienne [entretien avec], « Internationalisme ou barbarie », propos recueillis par Michael Löwy et Razmig Keucheyan, SolidaritéS, n° 30, mercredi 2 juillet 2003, p. 22, texte disponible sur : http://www.solidarites.ch/index.php... ).

[3] Op. cit., p. 9.

[4] Cf. surtout VAN LAAK, Dirk, Gespräche in der Sicherheit des Schweigens : Carl Schmitt in der politischen Geistesgeschichte der frühen Bundesrepublik, Berlin, Akademie Verlag. 1993.

[5] HABERMAS, Jürgen, « Le besoin d’une continuité allemande. Carl Schmitt dans l’histoire des idées politiques de la RFA », trad. par Rainer Rochlitz, Les Temps Modernes, n° 575, juin 1994, p. 31.

[6] Ibid., p. 32.

[7] Schmitt a développé sa compréhension de l’évolution du régime parlementaire dans Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus (Parlementarisme et démocratie, trad. par Jean-Louis Schlegel et préface de Pasquale Pasquino, Paris, Seuil, coll. « Essais », 1988).

[8] Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 369.

[9] RAYNAUD, Philippe, « Que faire de Carl Schmitt ? », Le Débat, n°131, septembre – octobre 2004, p. 165.

[10] Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 13.

[11] Ibid., p. 169. C’est nous qui soulignons.

[12] Ibid., p. 184.

[13] « 13. L’intégrisme européen et l’essor de la (des) nouvelle(s) droite(s) européennes », in ibid., pp. 288-303.

[14] Claire-Lise Buis affirme, parmi d’autres, que « l’antilibéralisme est bien un élément fondamental de regroupement des fidèles schmittiens » (« Schmitt et les Allemands », Raisons politiques, n°5, février 2002, p. 151).

[15] Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 29.

[16] « 8. Le Partisan dans le paysage de la trahison : la théorie de la guérilla de Schmitt — et ses partisans », in ibid., p. 204-219.

[17] « La critique du parlementarisme », in ibid., pp. 240-248.

[18] « Schmitt et la haine de classes : les Marxisti Schmittiani », in ibid., pp. 248-253.

[19] Cf. notamment AGAMBEN, Giorgio, État d’exception. Homo sacer, II, 1, trad. par Joël Gayraud, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2003 ; NEGRI, Antonio, Le pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité, trad. par Étienne Balibar et François Matheron, Paris, PUF, coll. « Pratiques théoriques », 1997.

[20] ZARKA, Yves Charles, « Carl Schmitt, après le nazisme », Cités, n°17, 2004, p. 148.

[21] MONOD, Jean-Claude, Penser l’ennemi, affronter l’exception. Réflexions critiques sur l’actualité de Carl Schmitt, Paris, La Découverte, coll. « Armillaire », 2007, p. 21.

[22] « Les usages opposés de Schmitt : une longue histoire », in ibid., pp. 21-31.

[23] Ibid., p. 107.

[24] Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 302.

[25] Ibid., p. 310 ; pp. 321-322.

[26] ZARKA, Yves Charles, Un détail nazi dans la pensée de Carl Schmitt, suivi de deux textes de Carl Schmitt traduits par Denis Trierweiler, Paris, PUF, coll. « Intervention philosophique », 2005, p. 92.

[27] Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 343.

[28] BALIBAR, Étienne (entretien avec), loc. cit., p. 22.

[29] Cf. BALIBAR, Étienne, « Violence et civilité. Sur les limites de l’anthropologie politique », in GÓMEZ-MULLER, Alfredo, La question de l’humain entre l’éthique et l’anthropologie, Paris, L’Harmattan, coll. « Ouverture philosophique », 2004. Le texte est disponible sur : http://ciepfc.rhapsodyk.net/article... .

[30] « Le Hobbes de Schmitt, le Schmitt de Hobbes », préface à : SCHMITT, Carl, Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes, p. 8.

[31] BALIBAR, Étienne, « Prolégomènes à la souveraineté : la frontière, l’État, le peuple », Les Temps Modernes, n°610, septembre – octobre – novembre, 2000, p. 50.

[32] « Le Hobbes de Schmitt, le Schmitt de Hobbes », préface à : SCHMITT, Carl, op. cit., p. 11. C’est l’auteur qui souligne.

[33] BALIBAR, Étienne (entretien avec), « Internationalisme ou barbarie », propos recueillis par Michael Löwy et Razmig Keucheyan, SolidaritéS, n° 30, mercredi 2 juillet 2003, p. 23.

[34] « Promenades avec Carl Schmitt », in SOMBART, Nicolaus, Chroniques d’une jeunesse berlinoise (1933-1943), trad. par Olivier Mannoni, Paris, Quai Voltaire, 1992, p. 324.

[35] Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 342.

[36] Cf. WAGNER, Helmut, « La Notion juridique de l’Union européenne : une vision allemande », trad. par Pascal Bonnard, Notes du Cerfa, n°30(a), février 2006, pp. 1-13. Le texte est disponible sur : http://www.ifri.org/files/Cerfa/Not... .

[37] Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 203.

[38] KERVÉGAN, Jean-François, « Carl Schmitt et "l’unité du monde" », Les études philosophiques, n° 1, janvier 2004, p. 13.

[39] Cf. KOSTELECKY, Tomas, Aussenpolitik und Politikbegriff bei Carl Schmitt, München, Neubiberg-Institut für Staatwissenschaften, 1998.

[40] Carl Schmitt : Un esprit dangereux, p. 14. C’est nous qui soulignons.

[41] Ibid., p. 337.

[42] « Une ère post-héroïque ? Après la nation, l’État — et la mort politique », in ibid., pp. 336-338.

[43] ZARKA, Yves Charles, « Carl Schmitt, nazi philosophe ? », Le Monde, n° 17998, vendredi 6 décembre 2002, p. VIII.

[44] ZARKA, Yves Charles, « Carl Schmitt ou la triple trahison de Hobbes. Une histoire nazie de la philosophie politique ? », Droits – Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n° 45, 2007, p. 177.

Le droit des peuples réglé sur le grand espace de Carl Schmitt

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Le droit des peuples réglé sur le grand espace de Carl Schmitt

par Karl Peyrade

Ex: https://www.lerougeetlenoir.org

Avec Le droit des peuples réglé sur le grand espace (1939-1942), Carl Schmitt commence à s’intéresser, dans le cadre de son analyse juridique et géopolitique, à la question de l’espace. Le droit international public est désigné par le juriste allemand comme le droit international des gens, c’est-à-dire ceux qui appartiennent à un Etat territorialement délimité dans un pays homogène. Le concept de grand espace apparaît au XIXe siècle avec l’idée de territoires équilibrés. Dans la tradition juridique française initiée par Jean Bodin puis reprise par les jacobins, ce sont plutôt les frontières naturelles qui ont servi à justifier l’expansion gallicane. A l’opposé, la logique de grand espace valide le droit des peuples à forte population à dominer sur les autres. La conception française s’articule sur un schéma géographique tandis que la notion de grand espace est liée à un déterminant démographique.

41Slx8ar6bL._SX328_BO1,204,203,200_.jpgCe paradigme spatial apparaît très explicitement dans la doctrine Monroe de 1823. Cette théorie américaine revendique l’indépendance de tous les Etats américains, interdit leur colonisation par des Etats tiers et défend à ceux-ci d’intervenir en leur sein. Elle crée donc un corpus de règles ayant vocation à s’appliquer à un grand espace qui est l’espace américain. La difficulté réside dans le fait que la doctrine Monroe a évolué avec le temps. Elle est passée d’un non-interventionnisme catégorique à un impérialisme intransigeant, d’une neutralité à une position morale donnant le droit de s’ingérer dans les affaires des pays du monde entier. « L’aversion de tous les juristes positifs contre une telle doctrine est bien compréhensible ; devant pareille imprécision du contenu normatif, le positiviste a le sentiment que le sol se dérobe sous lui », ironise l’auteur. En fait, les américains ont modifié leur interprétation de la doctrine Monroe au fil du temps et de leurs intérêts. La raison d’Etat se passe facilement des débats juridiques car contrairement à ce que de nombreux juristes pensent, dans la lignée du positivisme juridique, le droit ne créé rien. Il est simplement le reflet d’un rapport de forces. Les marxistes le désigneraient comme étant une superstructure.

D’après Talleyrand, l’Europe est constituée de relations entre Etats. Monroe est le premier à parler de grand espace. Le grand espace repose sur l’idée d’inviolabilité d’un espace déterminé sur lequel vit un peuple avec un projet politique. Il suppose aussi l’absence d’intervention dans les autres espaces. Au départ, ce principe était donc interprété dans un sens continentaliste. Mais à l’arrivée, on débouche sur un interventionnisme capitaliste et universaliste avec le triomphe de l’interprétation britannique. Le passage de la neutralité à l’impérialisme américain s’incarne particulièrement en la personne du président Wilson (1917). Ce dernier a fait du principe local du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes un principe à valeur universelle. Carl Schmitt critique cette « réinterprétation de la doctrine Monroe, au départ idée concrète du grand espace, géographiquement et historiquement déterminée, en principe général d’inspiration universaliste, censé valoir pour la Terre entière et prétendant à l’ubiquité ».

Le principe de sécurité des voies de communication britanniques constitue un bon exemple de notion universaliste au profit de l’impérialisme anglo-saxon. Contrairement aux Etats-Unis et à la Russie, il n’existe pas de continuité spatiale dans l’empire britannique qui est une addition de possessions émiettées sans espace déterminée et sans cohérence. Afin de justifier la sécurité des voies de communication, les anglais ont adopté des principes universalistes permettant d’assimiler l’empire britannique au monde. En effet, les anglais régnaient sur la mer. Ils avaient donc intérêt à ce que les voies maritimes soient sécurisées au nom de leur principe de sécurité des voies de communication leur permettant d’intervenir partout et de dominer les espaces maritimes des pays neutres. A titre d’exemple, ils ont empêché le monopole français sur le Canal de Suez en invoquant le principe de droit naturel des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cela n’a en revanche pas fonctionné à Panama où les américains leur ont justement opposé la doctrine Monroe.

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Philosophiquement, la vision universaliste du monde trouve sa source dans la théorie du droit naturel du XVIIe siècle qui trouve son apogée dans le concept de liberté commerciale forgée au XIXe siècle. Il ne faut pas confondre la loi naturelle qui vient de Dieu et le droit naturel selon lequel les hommes naissent tous avec des droits inhérents à leur personne humaine. Ainsi, au-delà des caractéristiques ethniques, culturelles ou religieuses, l’homme parce qu’il est homme dispose de certains droits fondamentaux. L’avènement des droits de l’homme constitue l’aboutissement suprême de la théorie du droit naturel.

A l’inverse de cette théorie, la logique des grands espaces n’a pas de portée universaliste. Elle intègre l’évolution historique des grandes puissances territoriales ayant de l’influence sur des pays tiers. Le paradigme n’est donc plus national mais spatial. Au sein de l’espace dominé par une grande puissance règne la paix en raison de l’exigence de non-intervention. Mais en dehors de cet espace, l’intervention redevient possible. Carl Schmitt reprend le concept allemand d’empire pour l’adapter aux particularités de son époque. L’impérialisme répond au contraire à une vision supra ethnique, capitaliste et universaliste. L’auteur plaide pour le Reich allemand contre les deux universalismes de son temps : l’URSS socialiste et la révolution mondialo-libérale occidentale. Il faut rappeler que la pensée schmittienne n’est en aucun cas une pensée racialiste ce que les membres de la SS n’ont pas manqué de lui reprocher. Elle s’appuie en revanche sur un peuple constitué historiquement et ayant conscience de lui-même. Pour Schmitt, le concept d’empire est traversé par les mêmes idées, la même philosophie, ancré dans un grand espace et soutenu par un peuple.

« Les autres concepts de l’espace, désormais indispensables, sont en premier lieu le sol, à rattacher au peuple par une relation spécifique, puis celui, corrélatif au Reich, débordant l’aire du peuple et le territoire étatique, du grand espace de rayonnement culturel, mais aussi économique, industriel, organisationnel […] L’empire est plus qu’un Etat agrandi, de même que le grand espace n’est pas qu’un micro-espace agrandi. L’Empire n’est pas davantage identique au grand espace ; chaque empire possède un grand espace, s’élevant par là au-dessus de l’Etat spatialement déterminé par l’exclusivité de son domaine étatique, au-dessus de l’aire occupée par un peuple particulier. »

Plusieurs conceptions peuvent découler de cette notion de grand espace. Une acception purement économiste pourrait le voir uniquement comme le lieu de l’échange commercial avec d’autres grands espaces. La vision impériale, et non impérialiste, aboutirait à des relations entre empires basés sur des grands espaces. Au sein de ces grands espaces, des relations interethniques pourraient voir le jour. Sous réserve de non-ingérence de puissances étrangères, des relations interethniques pourraient même naître entre empires différents. La notion d’empire permet, contrairement à l’universalisme des droits de l’homme, de conserver les Etats et les peuples.

Juridiquement, l’espace est traditionnellement abordé par le droit de la manière suivante : le droit privé l’appréhende à travers l’appropriation d’une terre tandis que le droit public le considère comme le lieu d’exercice de la puissance publique. Les théories positivistes voient le droit comme « un ordre intimé par la loi ». Or, « les ordres ne peuvent s’adresser qu’à des personnes ; la domination ne s’exerce pas sur des choses, mais sur des personnes ; le pouvoir étatique ne peut donc se déterminer que selon les personnes ». Le positivisme juridique n’admet donc l’espace que comme un objet relevant de la perception, déterminé selon le temps et l’espace. Au fond, il s’agit d’un espace vide sur lequel s’exerce le pouvoir étatique. A l’inverse, Carl Schmitt part de l’espace pour fonder tout ordre juridique. L’auteur note l’influence juive au sein du droit constitutionnel allemand sur le concept d’espace vide : « Les rapports bizarrement gauchis qu’entretient le peuple juif avec tout ce qui touche au sol, à la terre et au territoire découlent du mode singulier de son existence politique. La relation d’un peuple à un sol façonné par son propre travail d’habitation et de culture, et à toutes les formes de pouvoir qui en émanent, est incompréhensible pour un esprit juif. » Le juriste allemand conclue son ouvrage en insistant sur le vocable juridique du Moyen-Âge qui avait une dimension spatiale (Stadt = site, civitas = cité, Land = terre etc.) et en constatant que la négation de l’espace conduit à la négation des limites ce qui aboutit à l’universalisme abstrait.

« Ces considérations ne visent certes pas à prôner le retour vers un état de choses médiéval. Mais on a bien besoin de subvertir et d’éliminer un mode de pensée et de représentation regimbant à l’espace, dont le XIXe siècle marque l’avènement, et qui gouverne encore la conceptualisation juridique tout entière ; en politique internationale, il va de pair avec l’universalisme déraciné, négateur de l’espace et par là sans limite, de la domination anglo-saxonne des mers. La mer est libre au sens où elle est libre d’Etat, c’est-à-dire libre de l’unique représentation d’ordre spatial qu’ait pu penser le droit d’obédience étatique. »

nomos.jpgOuvrage court mais très exigeant, Le droit des peuples réglé sur le grand espace constitue une bonne introduction à l’ouvrage majeur Le nomos de la terre qu’écrira par la suite Carl Schmitt. Ecrit dans un style toujours clair sans être universitaire, le livre présente le grand mérite d’être en avance sur son temps. A une époque où l’on réfléchissait encore en termes de nation, il anticipe largement les grandes évolutions du monde. Aujourd’hui, comment nier que le monde est traversé par une logique de blocs animés par une puissance dominante. L’espace américain est dominé par les Etats-Unis, l’espace asiatique par la Chine et l’espace eurasiatique par la Russie. Il n’y a guère que l’Europe qui ne suit pas cette évolution. En effet, au lieu de s’ancrer dans son espace culturel et religieux, elle a préféré se dissoudre dans un système technico-économique abstrait sous-tendu par les inévitables droits de l’homme. A trop nier l’espace, on finit par nier l’homme comme produit d’un enracinement culturel pour aboutir à l’homme-marchandise.

Karl Peyrade

vendredi, 21 février 2020

ACTUALITÉ DE CARL SCHMITT: Les notions de politique, de guerre discriminatoire et de grands espaces

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ACTUALITÉ DE CARL SCHMITT:

Les notions de politique, de guerre discriminatoire et de grands espaces

Sur le NOMOS de la Terre et la dissolution de l'ordre européen

par Irnerio Seminatore

Ex: http://www.ieri.be

TABLE DES MATIÈRES

La République de Weimar et ses débats

L'ami et l'ennemi

La théorie moderne de l’État

La dissolution de l'ordre européen

Union européenne et Confédération d’États. De la guerre inter-étatique à la "guerre civile mondiale"

Ordre cosmopolitique, logique de la terre  et droits circonscrits

Le "pluriversum" comme nouvel ordre planétaire

Le Nomos de la Terre, la criminalisation de l'ennemi et la géopolitique des grands espaces

Types de Guerre et ordres juridiques

L'unification des théâtres et la sécurité collective

Conflits et systèmes d'équilibre: C.Schmitt et H.Kissinger

Le dilemme de l'ordre international. Système de règles ou système de forces? 

L'Europe, la démondialisation et les dangers du consensus de masse.

**********************************************

La République de Weimar et ses débats

Carl Schmitt (1888-1985),  figure centrale  de la "révolution conservatrice" allemande fut l'une des personnalités  marquantes du débat constitutionnel  de la République  de Weimar, puis de la montée et triomphe du national-socialisme des années 20 et 30.

Ses ouvrages et en particulier "La notion de politique" ne cessèrent d'être les références de base de la politologie allemande de l'époque.

Quant à cette notion, il bouleversa les paradigmes de la politique, comme lieu de discrimination de l'ami et de l'ennemi et dans le sillage  de celle-ci  il décela les fondements  des concepts de souveraineté et de décision, en gardant pour maîtres Machiavel, Bodin et Hobbes. Sa contribution est au confluant de doctrines et de situations diverses et elle est  redevable,pour l'aspect doctrinal de  la mise en relation de la métaphysique et de la théologie politiques, propres à  la tradition de la "Respublica Christiana" du Moyen Age , avec le rationalisme de la politique moderne et, pour la conjoncture politique et intellectuelle, de  la période d'incertitudes et d'instabilité, ouverte par le Traité de Versailles et par le passage de l'Empire allemand à la République de Weimar.

Lorsque parut, en 1927, la "Notion de politique", la plupart des politistes déduisaient la spécificité de la politique de la théorie générale de l’État. Or la politique est une activité primordiale, consubstantielle à la constitution de la société et précède l'invention moderne  de l’État, forme historique et périssable de la politique. Puisque Schmitt refuse de définir la politique par le droit ou par l'institution de l’État, il en radicalise le trait essentiel, celui d'une "relation spécifique et fondamentale, ne se laissant déduire d'aucune autre relation et à laquelle on peut réduire toute autre activité et tout motif politique, qui est celle de l'ami et de l'ennemi".

Dans la conception de Schmitt le primat du  politique sur le droit est fondé sur la distinction, selon laquelle le politique est constituant et le droit régulateur. Ce primat repose en effet  sur une décision souveraine, qui rend effectives, en temps de crise ,les situations d'exception, car "il n'existe pas de normes, que l'on puisse appliquer au cahos".

"Souverain est qui décide de l'exception en situation d'exception. En effet la normalité ne prouve rien et l'exception prouve tout, car la règle ne vit qu'à partir  de l'exception". Dans ces conditions, la dictature souveraine préserve l'unité, face au danger d'une situation prolongée de crise. Ici le risque extrême est la dangerosité existentielle de l'ennemi, à combattre et à anéantir. Dans ce cas la dictature du souverain rétablit l'ordre détruit, le droit bafoué et la sécurité menacée , par un pouvoir d'exception et d'urgence.

L'ami et l'ennemi

C'est par le primat du politique qu'on peut faire le partage entre l'ami et l'ennemi, fondement du concept de politique dans sa réalité existentielle, lorsque l’État est mis lui même en question et qu'une lutte est à mener sans limites juridiques.

La distinction entre l'ami et l'ennemi est d'exprimer le"degré d'intensité d'un lien, ou d'une séparation, d'une association ou d'une dissociation". Quant à la figure de l'ennemi, il s'agit d' un ennemi public (hostis) et non privé (inimicus), contre lequel une guerre est toujours possible.Or, pour qu'une guerre soit déclarée contre l'ennemi interne ou extérieur, il faut qu'un certain type d'ordre soit  remis en cause. Or,à l'époque de Weimar,cette remise en cause concernait la stabilité politique, par l'absence d'un État fort et d'une économe saine. Ce fut alors la raison pour laquelle, dès cette période, la constitution de l’État opposa C.Schmitt à l'inspiration libérale de la période et à la démocratie de masse, professés par les courants sociaux démocrates, en raison de leur capacité  de dissolution de l' homogénéité sociale du pays.

L'homogénéité est ici à entendre comme l'accord de tous sur les décisions fondamentales de l'être politique, ce qui constitue une masse en unité. Or la substance  de cet ensemble   est de l'ordre des sentiments et des affects, tandis que sa dissolution résulte de la problématisation de la raison moderne, sans foi ni transcendance.

Poussant plus loin sa critique de la  paralysie de la démocratie de Weimar, et opposant à l'idéologie du progrès  l'image de l’État qui décide et qui gouverne, Carl Schmitt blâme  la neutralisation et la dépolitisation du régime des partis, le parlamentarisme érodé et la ploutocratie, ainsi que la "passivité" de la bourgeoisie, comme classe "discutidora" (Donoso Cortès) et devient un partisan de "l’État fort" et  de la "démocratie plébiscitaire".

51mFmfLmnNL._SX319_BO1,204,203,200_.jpgLa théorie moderne de l’État


Quant à la Constitution de la République de Weimar, paralysée par le pluralisme des intérêts particuliers et le libéralisme montant, considéré comme l'indécision organisée au sein de débats parmementaires sans fin, l’État se  rend incapable, selon Schmitt,  d'affronter la démocratie de masse. En se démarquant des droits de l'homme universel, indépendants du droit positif,  Schmitt soutient l'idée que toute constitution politique résulte d'un ordre qui se rend effectif par le droit, sans s'identifier à celui-ci. Or, dans toute constitution le souverain,( homme ou office), crée le cadre des conditions préalables du droit, l'ordre fondateur, la constitution.  Sous cet angle, l’État moderne est  légitimé démocratiquement, mais la démocratie, comme régime politique, est conditionnée à son tour, par la forme d’État et par l'homogénéité du peuple.
Enfin, en matière de relations internationales, Schmitt est à considérer comme le dernier représentant du " Ius Publicum Europaeum", le courant de pensée qui esquissa la trame du droit public européen, fondé sur la reconnaissance de la légalité et légitimité du "droit à la guerre" des États , au XVI ème et XVIIème siècles, tant exalté au XVIIIème, remis en cause par la Révolution française, repris avec le Congrès de Vienne en 1815 et prolongé jusqu'à l'universalisme abstrait de la Société des Nations et des Nations Unies au XXème siècle.

La dissolution de l'ordre européen


L'universalisme des institutions internationales   du premier et du deuxième après guerre, est tenu comme inapte à concevoir la variété des formes de la communauté juridique mondiale , car fait défaut à la Société des Nations et aux Nations Unies "toute pensée constructive  et toute substance d'une communauté" de peuples.

Quant au système international international publique, l'architecture  de celui-ci ne peut être assurée par une quelconque application de la "théorie pure du droit" ,à la Kelsen, dérivée d'une "Grundnorm", car celle-ci est de nature logico-transcendentale et  occulte l'origine profonde des normes.

D'après le Traité de Versailles et vis à vis  de l'Allemagne, les institutions universelles prolongeraient, pour Schmitt, sous un manteau juridique formel, la situation de guerre, derrière un ordre de façade et une paix "inauthentique".

Dans le cadre d'une situation européenne instable ou menaçante, la possibilité de l’État de s'autoconserver repose, pour Schmit, sur une action qui émane de sa souveraineté et de son autonomie, la capacité d'une décision  d'exception.

Ainsi , la survie  d'une communauté politique a besoin d'un État pourvu du "ius belli", car la guerre comme inimitié radicale ne peut exister que d’État à État et seul l’État peut lui consacrer des ressources vitales.

Sous cet angle, l’État qui mène une politique pacifiste ou humanitaire cesse d'être un sujet politique ou une unité significative du système international (Union européenne), car seul l’État, caractérisé par un rapport stable à son territoire et qui reste dans une relation de possession naturelle avec lui,  peut assurer l'auto-conservation d'une société.

41-mdkcq6IL._SX328_BO1,204,203,200_.jpgUnion européenne et Confédération d’États. De la guerre inter-étatique à la "guerre civile mondiale"

La naissance de l'Union Européenne,dans les années 50, anticipant sur un monde pacifié, remplace l'ancien ordre étatique autour d'un concept dépolitisé et fonctionnel, l'intégration régionale, se situant entre les deux niveaux, du globalisme  et les États nationaux classiques. Elle marque la fin de la géopolitique traditionnelle, comme rivalité entre sujets belliqueux et résiste à la tendance continentale et eurasienne  des "grands espaces", ainsi qu'à la diversification du monde multipolaire.

Sa constitution d'acteur incomplet, lui interdit de se ranger du coté des puissances eurasiennes  et de pratiquer un jeu d' équilibre  et de contre-poids entre le pouvoir thalassocratique dominant et la logique continentale du Heartland. Par ailleurs elle participe du politéisme des valeurs,  propre à l'universalisme  mondialiste et ne peut saisir les occasions de l'ère post-moderne, pour profiter de la reconfiguration du monde.

Avec le désencrage de la Grande Bretagne du continent  se confirme  la prépondérance des puissances de la mer sur celles de la terre et la déterritorialisation du pouvoir d'éversion, qu'il prenne la forme du néo-terrorisme global ou d'autres formes de conflit armé. Ceci  implique  une transformation de la guerre inter-étatique en "guerre civile mondiale". La politique devient une simple potentialité d'opposition et de révolte, au cœur d'un universalisme nihiliste. Dans ce contexte le processus de démondialisation en cours, avec l'irruption du politique  et le retour sécuritaire de la forme étatique, implique une revendication d'indépendance et d'initiative stratégique, autrefois impensable, vis à vis de l'Amérique. Cette revendication postule également une réforme institutionnelle profonde .Selon l'ancien président de la Commission, Jacques Delors, l'Union européenne devrait s’inspirer du modèle de la confédération d’État et des capacités d'action de troisième force. Conçue en revanche comme espace euro-atlantique et comme appendice de l'Amérique, sa liberté de manœuvre est limitée, bien qu'elle puisse se donner le but commun de la conservation politique, si son existence politique était assortie d'un "ius belli". Or, l'objectif historique d'Hégémon est d'éviter la constitution d'un bloc continental eurasien, le Heartland, rivalisant avec les États-Unis. Pour rappel, l'évolution planétaire du monde, depuis l'effondrement de l'Union Soviétique a comporté une déterritorialisation des sociétés, dépourvues de frontières et la soumission du monde à la logique des flux, ou, en définitive,à la logique de la mer. Au même temps l'élargissement de l'Union européenne et de l'Otan vers les grands espaces d'Asie a substitué le principe d'ordre des relations internationales, de l'universalisme abstrait du droit international public aux rapports de force du réalisme classique.

Ordre, cosmopolitisme, logique de la terre et droits circonscrits


L'affaiblissement des États souverains, débuté dans les entre deux guerres,  fait perdre aux conflits leur caractère limité aux profit des notions de guerre illimitée et  d'alliances militaires, qui coïncident aujourd'hui, avec les pôles de pouvoirs d'un système désormais planétaire.

Par ailleurs, l'apparition des grands espaces, depuis le XVIème siècle avec la découverte des Amériques, pose  le problème d'un nouvel ordre, qui puisse devenir le fondement de nouvelles légitimités et allégeances.

Avec le "Nomos de la terre"(1950) Schmitt exprime l'exigence d'une réflexion qui rende possible l'instauration de ce  nouveau droit et identifie cette condition dans l'enracinement des  nouvelles lois dans la logique de la terre , comme unités d'un ordre et d'un espace circonscrits.

La  condition de l'espace est primordiale, pour Schmitt, car elle définit le fondement de la légalité internationale,  toute forme d' ordre comportant  une délimitation de l'espace. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la modernité occidentale peine à imposer des formes de pouvoir stables, puisqu'elle a remplacé l'ordre concret de la terre par l'ordre abstrait de la loi . On comprendra mieux l'opposition de Schmitt à la pensée positiviste (H.Kelsen) et à l'idéal cosmopolitique (E.Kant),car Schmitt fait appel au substrat originel de toute société, la terre,comme fondement ancestral du droit

L'occultation de l'origine des normes par H.Kelsen, fait rappeler à Schmitt la  conception pluraliste des sources du droit, comme socle de toutes les manifestations  de l'ordre social

Il en découle que tout peuple, est lié à son environnement géopolitique, dont il est empreint et que la négation, par les universalistes, de tout enracinement à une source de vie, est une négation des souverainetés qui s'y exercent.

La conception actuelle du "nouvel ordre mondial" (W.Bush) rompt avec la diversité des attachements aux sols, politiques et moraux, civils et religieux, par l'universalisme fictif d'un modèle  unique,le régime démocratique, comme modèle de déracinement et d'aliénation culturelle.

Ainsi , à titre de prévention, le "pluri-versum" des peuples et des États, qui  est le nom schmittien de la multipolarité actuelle,représente  la succession historique des souverainetés européennes et leur dépassement, dans  la perspective des "grands espaces" et dans l'irruption planétaire d' un ordre global.

9783428074716-fr.jpgLe "pluriversum" comme nouvel ordre planétaire

A la fin du deuxième conflit mondial, Schmitt tire le bilan de l'affaiblissement de l’État souverain et de la  fin du système international euro-centrique. Le constat d'un universalisme sans espace et d'un normativisme abstrait, dépourvu  d'une légalité sur  laquelle fonder des accords, pousse Schmitt à interroger le nouvel ordre planétaire, afin de dégager les règles communes à une pluralité d'acteurs dissemblables. Ça lui saute aux jeux avec évidence que le nouvel ordre ne peut être le produit d'une logique juridique, mais d'un ordre spatial délimité. Le nouveau Nomos,se dessine ainsi, comme"la forme immédiate, par laquelle l'ordre social et politique d'un peuple, devient spatialement visible". La lecture planétaire  de Schmitt est celle d'une diversification du monde en grands espaces autonomes, globalement opposés à l'universalisme de la puissance hégémonique et alternatif à un univers d'Etats-Nations déclinant. Le Nomos de la Terre, la criminalisation de l'ennemi et la géopolitique des grands espaces

Avec "Le Nomos de la Terre" (de 1950), Schmitt consacre sa réflexion aux relations internationales, une constante omniprésente de sa conception de la politique. Il semble même que les relations extérieures aient constituées une priorité sur la politique intérieure, où le critère de l'ami et de l'ennemi reste latent. Schmitt remonte en effet, dans cet ouvrage, aux origines ancestrales du droit inter-étatique, émanant de l'Europe, jusqu'au début de l'âge moderne, après l'effacement de la République Chrétienne et la fin des guerres de religions. Il repère là un ordre spatial, précédant l'ordre juridique, car, pour être concret et non "utopique", tout ordre juridique est , pour Carl Schmitt, un ordre de la terre et une délimitation territoriale . Contre " l'humanisme neutralisant" de More et d’Érasme, qui deviendra plus tard, la philosophie de la paix internationale de la Société des Nations et des Nations Unies, Schmitt, vise la limitation de la guerre et non la criminalisation de celle-ci (avec ses corrélats de crimes et d'atrocités). qui conduisent  à la "guerre totale" et à la volonté d'anéantissement de l'ennemi. En effet la criminalisation de l'ennemi en droit international du XXIème siècle par les tenants de la sécurité collective des Nations-unies, se démarque de la conception des juristes  du "Ius Publicum Europaeum", qui faisaient abstraction de la "guerre juste",sur la base du concept de guerre entre souverainetés, réciproquement égales et menant des guerres limitées. La philosophie  du nomos de la terre  est ainsi, pour résumer,  la limitation de la guerre, finalité essentielle de tout droit international, une guerre envisagée sous l'angle des transformations, qui lui font subir l'extension des "théâtres" et la nouvelle "géopolitique" de l'ordre juridique.

Types de guerre et ordres juridiques

Ainsi et de manière analytique Schmitt y met en évidence les transformations de la relation entre guerre et ordres normatifs.

Ainsi ,dans la "guerre juste", élaborée par les théologiens du Moyen Age,sous la double autorité du Pape et de l'Empereur, garants suprêmes d'un droit des gents, chrétien, européen et terrien , l'inégalité des adversaires était une supposition bien réelle, qui faisait de ce type de conflit une guerre unilatérale et limitée, au delà de la qualification juridique de la "iusta causa".

La guerre- duel, entre souverainetés régulières des temps modernes ( issues du traité de Westphalie, 1648 ), fondée sur l'égalité formelle des belligérants, demeurait bilatérale et circonscrite.

En revanche la guerre discriminatoire ou guerre sanction du XXème siècle tend à devenir totale,  sous l'effet des conceptions universalistes et "utopiques", étendues à un ordre global (l'émisphère occidental) et comporte la criminalisation de l'ennemi, dans  le but de l'éradiquer, en agresseur et en coupable, rabaissé au rang de criminel. L'exemple majeur a été  le Traité de Versailles, qui manqua à sa tache primordiale de rétablir la paix.

L'ouvrage est reparti en  quatre grandes sections, qui  scandent  l'élargissement de la scène géopolitique et différencient les nouveaux  théâtres sur la base de stratégies euro-centriques du monde.

A_La première partie repose sur l'idée que tout ordre juridique est situé dans une région du monde  et ancré dans les clôtures d'un sol. Une "prise de terres" ancestrale est donc le titre de légitimité fondamental de tout ordre juridique, qui implique souvent une action de guerre.

B-La deuxième  traite de l'expansion coloniale européenne vers le Nouveau Monde. Elle se traduit par la découverte  des Amériques et la délimitation de champs d'action distincts entre l'Espagne et le Portugal par deux lignes globales, fixant leurs zones respectives d'influence,de commerce et d'évangélisation ( traité de Tordesillas, 1494),intégrées par des "lignes d'amitié" assignées aux deux puissances neutres ,la France et la Grande Bretagne. Au delà régnait, en principe, par  convention admise ,un état de nature sans foi ni loi, où une guerre de conquête sans limites pouvait opposer les belligérants européens. La guerre était corsetée en Europe, dans l'utilisation de la violence armée,par l'impératif religieux de la République Chrétienne, de telle sorte que Grotius et  Pufendorf formalisèrent le "ius gentium", oubliant que le titre de légitimité des États souverains d'Europe découlait de la "découverte" et de "l'occupation" des terres des Amériques.

C-La troisième partie parvient à la description de la guerre-sanction. En effet, comme suite à une "prise de terre" planétaire de la part des puissances européennes s'affirme la coexistence de deux ordres concrets   aux statuts distincts, le statut homogène de la mer et les statuts hétérogènes des terres.
C'est seulement la puissance globale qui opère la  jonction entre ces deux ordres et garantit un équilibre de pouvoir entre terre et mer (l'Angleterre d'abord et les États-Unis ensuite), conforme à ses intérêts géopolitiques. On passe ainsi, à la fin du XIXème ,de l'ordre territorial et souverain de l'Europe, celui du "Ius publicum europaeum", purement inter-étatique, à un ordre d'essence mixte, qui distingue les relations  métropolitaines étatiques (ou européennes), des rapports  coloniaux, non étatiques  et non européens. Les grandes transformations géopolitiques entraînent avec elles ,des changements importants dans les deux sphères,  du droit privé et du droit publique, qui sont respectivement, topique et  concret le premier( le commerce) et utopique et abstrait le deuxième ( les droits universels). Dans le même temps la guerre devient limitée et d'occupation (en Europe),  mondiale , totale, illimitée et d'anéantissement (dans les deux hémisphères) La figure de l'ennemi change également de statut et configure la puissance hostile en ennemi de l'humanité, en figure éversive, par rapport à celle d'un acteur local, bien identifié et souverain . Le processus de criminalisation de la politique étrangère et mondiale s"achève enfin , par une plongée tragique, non pas dans  l'anarchie hobbesienne, mais dans une sorte de nihilisme apocalyptique.

D-Dans la quatrième partie Schmitt approfondit la dichotomie des deux ordres, métropolitain et colonial et analyse la fin du dualisme, qui a caractérisé le  "ius publicum européum", suite à l'émergence d'un droit international indifférencié, par l'affirmation  de la notion d'Occident au niveau planétaire (XXème siècle).

L'unification des théâtres et la sécurité collective

Les théâtres de guerre, jadis séparés, sont unifiés conceptuellement par une vision universaliste et utopique de l'ordre mondial, assurée par l'abstraction du droit, la moralisation des litiges et la doctrine de la sécurité collective (la SdN  et les ONU). Une sécurité,garantie  par l'interventionnisme de l'acteur hégémonique (les Etats-Unis), ou encore, par l'adoption d'une repartition territoriale du monde, qui intègre la conception "multipolaire" de la planète, dans  la défense concrète  du nouveau nomos  atlantique et globaliste, aujourd'hui à son déclin.

9783428158065.jpgSchmitt, en  excluant toute conception universaliste du droit international parvient à la conclusion que l'ordre du monde ne peut se réaliser sans antagonismes entre les grands espaces, ou sans la domination d'un centre sur sa périphérie. Toutefois il reconnaît l'exigence d'une autorité supérieure, en mesure de trancher sur les différends et les tensions entre forces régulières et irrégulière, intérieures et extérieures. Il est incontestable que l’État moderne se distingue de tous les autres, pour avoir dompté,  à l'intérieur de ses frontières,  la relation ami-ennemi , sans l'avoir totalement supprimée.

Par ailleurs et dans  l'ensemble de son œuvre, Schmitt semble privilégier la priorité de la politique extérieure sur la politique interne, confirmée par sa recherche en matière de droit international public, qui porte sur le  principe de limitation de la guerre et sur la source de stabilité,  constituée par l’enracinement géopolitique  de tout système normatif.

Ainsi se conclut l'immense effort de théorisation, entrepris sous la République de Weimar et achevé, en ses grandes lignes, avec le "Nomos de la Terre".

On passe du cadre intellectuel de la politique interne  et donc de la distinction entre l'ami et l'ennemi, avec, en corrélat, la problématique de l’État moderne et de ses oppositions intérieures maîtrisables , à l'ordre imprévisible des relations internationales de l'âge planétaire.

Conflits et systèmes d'équilibre : C. Schmitt et H. Kissinger

La conclusion du système de pensée schmittien, élaboré au courant de trente ans, viendra de Carl Schmitt lui même, avec l'observation selon laquelle :" La pratique du "Ius publicum Europaeum" tendait à comprendre le conflit, dans le cadre d'un système d'équilibres. Désormais on les universalise, au nom de l'unité du monde".

Conclusion à laquelle parviendra également H.Kissinger dans "L'Ordre du Monde", lorsqu'il essaie de définir l'ordre souhaitable du XXIème siècle,  sur le modèle de la paix  de Westphalie (1648), rappelant  que "La paix de Westphalie ne reflétait pas une perspective morale unique, .......mais reposait sur un système d’États indépendants, acceptant que leurs ambitions respectives soient freinées par l'équilibre général des forces, réduisant l'ampleur des conflits ".

Le dilemme de l'ordre international. Système de règles ou système de forces?

Comment parvenir à la constitution d'une structure d'ordre ,capable de limiter les conflits et de préserver la paix ,dans un monde global?

C'est la question ontologique du système international actuel.

Par un système de règles admises et respectées, qui limitent  la liberté d'action des États, ou par un équilibre des forces, qui interviennent en cas d'effondrement des règles?

41tQLwk8LyL.jpgCe dilemme et cette  problématique rapprochent Schmitt et Kissinger, au delà de leur plaidoirie respective en faveur de l'Allemagne ou des Etats- Unis.

Deux éléments sont aujourd'hui communs à l'analyse des réalités internationales et apparaissent tout à fait incontournables, la multiplicité des acteurs, des civilisations et des cultures et, à l'opposé, l'unicité du cadre d'action, l'unité d' un monde clos, limité et interdépendant .

En revanche deux moyens demeurent optionnels: celui des règles communes d'ordre conventionnel et celui du système des forces, aux références divergentes et aux objectifs incompatibles.

Nous retrouvons dans ce dilemme de l'art de gouverner et de la High Polics l'éternelle opposition entre la loi et la force,  au service de l'idéal de la paix et de la sécurité, auquel ont consacré leurs esprits Schmitt et Kissinger,le premier avec la dialectique de l'ami et de l'ennemi, le deuxième dans la perspective du consensus et du rôle de l"Amérique, les deux en l'absence de la figure du perturbateur radical , la figure du peuple.

L'Europe, la démondialisation et le danger du consensus de masse

Au moment où l’irruption de la politique dans un monde dépolitisé, éveille  les peuples sous la bannière inattendue du populisme ou de l'éversion violente, suggérant l'exigence d'un nouveau compromis historique entre le démos et les élites, le danger de la "guerre civile mondiale" vient de l'absence conjointe du consensus de masse et de la négation de normes universelles observées.

Il en découle la perte de contrôle des pouvoirs, affranchis de la logique des équilibres et des contre-poids assurés au système de Westphalie par l'assurance des rapports de force, désagrégés aujourd'hui par le choc des civilisations et des cultures, qui engendrent un ordre chaotique du monde et une vision nihiliste de l’avenir.

 

 

dimanche, 09 février 2020

Carl Schmitt spiegato ai giovani

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Carl Schmitt spiegato ai giovani

Intervista con Niccolò Rapetti

Ex: https://ragionipolitiche.wordpress.com

La complessità e la irriducibilità a formule del pensiero politico di Carl Schmitt sono immediatamente evidenti guardando alla sua travagliata fortuna scientifica. Si tratta innanzitutto di un reazionario cattolico, un conservatore compromesso nel regime hitleriano; negli anni però la sua critica anti-imperialista e anti-liberale ha iniziato a piacere molto anche alla sinistra e pur nel suo evidente anti-americanismo il suo libro Il nomos della Terra è oggi lettura obbligata per gli ufficiali di marina americana. Professor Carlo Galli, mi viene spontanea una domanda: di chi è Carl Schmitt?

51nlk4lnd+L._SX326_BO1,204,203,200_.jpgÈ un grande giurista del diritto pubblico e del diritto internazionale, che ha avuto il dono di un pensiero veramente radicale, e la sorte di vivere in un secolo di drammatici sconvolgimenti intellettuali, istituzionali e sociali. Ciò ne ha fatto anche un grande filosofo e un grande scienziato della politica; e lo ha esposto a grandi sfide e a grandi errori.

È innanzitutto necessario chiarire la posizione di Schmitt nella storia delle idee e del diritto: Carl Schmitt è «l’ultimo consapevole rappresentante dello jus publicum europaeum, l’ultimo capitano di una nave ormai usurpata». Che cos’è lo jus publicum europaeum? Come e quando inizia il suo declino, che Schmitt attraversò «come Benito Cereno visse il viaggio della nave pirata»?

Lo jpe è l’ordine del mondo eurocentrico della piena modernità; un ordine che è anche Stato-centrico, al quale Schmitt sa di appartenere anche se è ormai in rovina. Un ordine, per di più, che egli stesso decostruisce, mostrando che si fondava sul disordine, cioè non solo sull’equilibrio fra terra e mare ma anche sulla differenza di status fra terra europea e terre extra-europee colonizzate. Il declino di quell’ordine nasce quando si perde la consapevolezza della sua origine di crisi: quando l’uguaglianza formale fra Europa e non-Europa viene affermata nelle teorie (gli universalismi dell’economia, del diritto, delle teorie politiche democratiche e della morale) e nella pratica (l’imperialismo delle potenze anglosassoni, la loro – interessata – esportazione del capitalismo e della democrazia). Cioè per Schmitt dai primi anni del XX secolo.

Come si coniugano gli elementi «febbrilmente apocalittici» (teologia) e quelli «causticamente razionali» (diritto) nel pensiero politico di Carl Schmitt? In che posizione si trova il giurista Schmitt nei confronti di tecnica e teologia, diritto positivo e katechon?

Schmitt non è un apocalittico in senso proprio, nonostante sia così interpretato da Taubes. La teologia è, nel suo pensiero, un punto di vista, sottratto all’immanenza moderna, a partire dal quale comprendere diritto e politica, e le loro dinamiche. La teologia non ha la pretesa di essere una sostanza fondativa (Schmitt non è un fondamentalista) ma è anzi la consapevolezza dell’assenza di sostanza (di Dio), nell’età moderna. Questa assenza, che Schmitt reputa irrimediabile, è la spiegazione del fatto che la modernità è instabile, e che il suo modo d’essere è l’eccezione: questa richiede la decisione perché si possano formare ordini, e continua a vivere dentro gli ordini e le forme, che quindi non possono mai essere chiusi, razionali, neutralizzati. Da ciò deriva anche l’importanza del potere costituente, ovvero dell’atto sovrano che fonda un ordine a partire da una decisione reale sull’amico e sul nemico. E da ciò anche la tarda insistenza sulla terra (sulla concretezza spaziale) come possibile fondamento stabile degli ordini.

Considerando la distinzione politica fondamentale Freund-Feind, che opinione può avere Schmitt di tendenze fondamentali del suo e del nostro tempo, universalismo e pacifismo, che escludono per definizione l’idea di nemico?

418dj-pLosL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgSchmitt pensa – e lo spiega in tutta la sua produzione internazionalistica, dal 1926 al 1978 – che ogni universalismo e ogni negazione della originarietà del nemico siano un modo indiretto per far passare una inimicizia potentissima moralisticamente travestita, per generare guerre discriminatorie. Per ogni universalismo chi vi si oppone è un nemico non concreto e reale ma dell’umanità: un mostro da eliminare. Perché ci sia pace ci deve essere la possibilità concreta del nemico, non la sua criminalizzazione, secondo Schmitt.

Dopo aver annunciato la morte dello Stato nel saggio Il Leviatano di Hobbes, Schmitt teorizzò un’alternativa al potere statale, adeguata alla nuova concezione globale del pianeta che conservando la natura plurale del politico, potesse compiere la grande impresa «degna di un Ercole moderno»: domare la tecnica scatenata. Stiamo parlando dei Grandi Spazi, la cui formulazione è contenuta nella conferenza L’ordinamento dei grandi spazi nel diritto internazionale scritto nel 1939. Ce ne può parlare?

Il Grande Spazio, o Impero, è la risposta di Schmitt al Lebensraum nazista. Non ha caratteristiche biologiche, ma è in pratica la proposta di egemonia di una forma politica all’interno di uno spazio geografico-politico in cui continuano a esistere altre forme politiche non pienamente sovrane. Il GS è più che una sfera d’influenza, perché è gerarchicamente organizzato al proprio interno e perché è chiuso a influenze esterne; ed è diverso dallo Stato perché non è del tutto omogeneo giuridicamente: perché non è un «cristallo». I GS sono i soggetti di una concezione plurale delle relazioni internazionali; le due superpotenze del secondo dopoguerra, invece, per Schmitt erano due universalismi (capitalismo e comunismo) in lotta fra di loro e in instabile equilibrio.

Negli interrogatori dell’immediato dopoguerra Schmitt difese strenuamente la propria concezione del nuovo ordinamento spaziale chiarendone la differenza rispetto alla vera dottrina politica del Terzo Reich cioè lo spazio vitale razziale-biologico. È però indubbio che nel grande spazio come pensato da Schmitt si annidi un antisemitismo coerente con ciò che è condizione sine qua non della teoria: un rapporto forte e concreto tra etnia-popolo e terra civilizzata. Il nemico quindi, per Schmitt, non è l’ebreo in quanto Un-mensch (sotto-uomo, razza inferiore), ma l’«ebreo assimilato» che si pone come elemento sradicante della territorialità e della concretezza di una cultura. Dove sta allora la verità, che cosa direbbe sull’imputato e sull’imputazione: ideologia o scienza?

In Schmitt ideologia e scienza non sono distinguibili: ogni scienza è orientata,  storica; è affermazione di un ordine concreto, oltre che ricostruzione genealogica degli ordini. L’antisemitismo, poi, è presente in tracce più o meno evidenti in buona parte della filosofia tedesca – da Hegel a Schopenhauer, da Marx a Heidegger –, in forme diverse e con significati diversi; nei grandi filosofi non è mai determinante – ovvero, non è il motivo che dà origine al filosofare –: l’ebreo è utilizzato come un esempio di non-appartenenza, di individualistico sradicamento, di coscienza infelice e al contempo aggressiva. Il capitalismo, il socialismo e  la tecnologia sono spiegati anche (certo, non soltanto – soprattutto nel caso di Marx –) attraverso l’ebraismo, insomma. Questo atteggiamento – che è presente con forse maggiore virulenza anche nella destra francese – è ai nostri occhi gretto, insensato, pericolosissimo e tendenzialmente criminale. Schmitt, come persona, è stato antisemita in seguito al suo cattolicesimo (una delle fonti dell’antisemitismo in Europa; ma anche Lutero era violentemente antisemita), senza però che l’antisemitismo fosse particolarmente rilevante o importante nel suo pensiero; la sua adesione al nazismo, che a suo tempo ha sorpreso tutti,  non è dovuta all’antisemitismo ma a un misto di disperazione (per la caduta di Weimar, che aveva cercato vanamente di salvare), di orgoglio (la pretesa di poter guidare il nazismo verso un pensiero «civilizzato» e verso la soluzione della crisi dello Stato) e di ambizione (la chiamata in cattedra a Berlino, la vicepresidenza della associazione dei giuristi tedeschi, il ruolo tecnico rilevantissimo nella stesura di alcune leggi costituzionali come quella dei «luogotenenti del Reich» – 1933 –, la nomina a consigliere di Stato prussiano). Data la struttura radicale del suo pensiero, cioè dato il nichilismo che dopo tutto vi alberga e che gli impedisce ogni valutazione di carattere morale, e dato anche il suo precedente larvato antisemitismo, Schmitt non ha avuto remore nell’adeguarsi all’antisemitismo nazista – ben diverso da ogni altro – che pure non gli apparteneva, e che ha prodotto effetti terribili e grotteschi nei testi da lui scritti dal 1933 al 1936 (anno della crisi del suo rapporto con il regime), con alcuni strascichi nel libro hobbesiano del 1938 e nei testi «segreti» del primo dopoguerra (in realtà scritti per essere pubblicati postumi). In generale, per lui l’ebraismo è un altro nome del liberalismo (il problema è che nella fase nazista è trattato come la causa del liberalismo). La responsabilità politica, morale e storica è tutta sua; gli studiosi devono sapere che la forza del suo pensiero sta altrove, e al tempo stesso devono sapere che quel pensiero è indifeso davanti a questo tipo di aberrazioni (ma anche ad altre analoghe, di altro segno).

1200px-Grabstein_Carl_Schmitts.jpegCarl Schmitt si è spento nel 1985 a Plettenberg in Westfalia alla veneranda età di 97 anni. Ciò significa che il suo sguardo non supera la «cortina di ferro» e si estende solo alla realtà della guerra fredda. Anche durante questo delicato periodo Schmitt ha continuato la sua attività di studioso e attento indagatore delle questioni di diritto internazionale dei suoi anni. Si espresse quindi sul dualismo USA-URSS, vedendo in esso una tensione verso l’unità del mondo nel segno della tecnica che avrebbe sancito l’egemonia universale di un «Unico padrone del mondo». Superando il 1989, e guardando al presente, possiamo dire che gli Stati Uniti dopo il ’91 hanno definitivamente preso scettro e globo in mano? L’American way of life è il futuro o il passato? Già Alexandre Kojève, per esempio, parlava di un nuovo attore politico e culturale e di una possibile «giapponizzazione dell’occidente».

Lascerei da parte Kojève, a suo tempo affascinato da Schmitt ma studioso di tutt’altra provenienza e di altre ambizioni. Quanto al resto, non è vero che gli Usa siano stati i padroni solitari del mondo, se non forse negli anni Novanta quando hanno affermato che il cuore del nomos della Terra è il benessere del cittadino americano. Hanno esportato la democrazia, e in realtà il loro capitalismo, ovunque e con ogni mezzo, praticando guerre presentate come azioni di polizia internazionale, con o senza la copertura dell’Onu. Ma hanno anche trovato resistenze ovunque: i terrorismi che spesso hanno armato, e  che si sono rivoltati contro di loro; ma anche soggetti geo-politici e geo-economici abbastanza forti da essere in grado di  affermare le proprie pretese – Cina, Russia, Iran, la stessa Germania con la sua forza economica di esportazione, solo per fare qualche esempio –. In ogni caso, gli Usa hanno dovuto assumere, dopo la crisi del 2008, una postura difensiva: protezionismo, per difendersi da economie più dinamiche della loro; ritiro militare da aree un tempo strategiche, come parte del Medio Oriente; scarsa propensione a interventi massicci in aree di crisi (che è la vera differenza fra l’amministrazione Trump e quelle democratiche che lo hanno preceduto); severa compressione della omogenea diffusione del benessere nella loro società. Resta invariato il diritto che gli Usa rivendicano ed esercitano di intervenire ovunque nel mondo con azioni mirate contro i loro nemici, che ora come sempre essi criminalizzano. Ma oggi non sono i padroni del mondo: l’Eurasia (Cina e Russia) ha un peso pari a quello dell’Euro-America (a parte il fatto, importantissimo, che entrambe queste macro-realtà sono divise al loro interno).

Al conflitto parziale e regolato tipico dello jus publicum europaeum (1648-1914) Schmitt contrapponeva la moderna guerra discriminatoria condotta per justa causa dove il nemico è concepito come criminale sul piano legale e inferiore moralmente. Le parti in conflitto non si pensano più come justi hostes, nemici reali che si riconoscono reciprocamente come sovrani sui propri confini, ma esprimono una guerra giusta che legittima l’impiego dei moderni mezzi di annientamento. La guerra regolare e circoscritta diventa allora con i due conflitti mondiali, totale e discriminatoria alla stregua di una guerra civile su scala mondiale; una guerra non tra regolari eserciti ma in cui anche i civili e la proprietà privata diventano oggetto di annientamento attraverso i bombardamenti aerei. Eppure in questa lucida e terribile diagnosi Schmitt aveva ancora la forza della speranza e concludendo il Dialogo sul nuovo spazio scrive: «sono convinto che dopo una difficile notte di minacce provenienti da bombe atomiche e simili terrori, l’uomo un mattino si sveglierà e sarà ben felice di riconoscersi figlio di una terra saldamente fondata». La questione, invece, oggi non solo è irrisolta ma si è radicalizzata lasciandoci uno Schmitt spaesato. Come si configura una guerra in un mondo globalizzato dove «le uniche linee generate dall’economia che siano geograficamente leggibili sono quelle degli oleodotti» e la religione torna ad essere politica e fortemente identitaria?

Oggi la guerra non ha più, prevalentemente, le forme della guerra totale che ha assunto nella Seconda guerra mondiale. Ma resta una guerra discriminatoria, come fu quella: democrazia contro terrorismo, Bene contro Male (concetto reversibile, com’è evidente). Nell’età globale, poi, in un mondo reso indistinto dall’omogeneità spaziale richiesta dal capitalismo, con l’ausilio dell’elettronica, si è rafforzata la tendenza verso la guerra discriminatoria, poliziesca, asimmetrica (Stati – e i loro contractors– contro bande armate, in mezzo a popolazioni civili): una guerra globale che scavalca i confini e che piomba dall’alto ovunque siano lesi gli interessi di alcune grandi potenze. Una guerra, certo, che – da entrambi i lati – non rispetta i vecchi parametri: distinzione fra interno ed esterno, fra civile e militare, fra nemico e criminale, fra pubblico e privato, fra religione e politica. Una guerra tanto lontana dai modelli tradizionali che un generale inglese ha potuto scrivere, citando John Lennon, «war is over».

Che cosa rimane dello studio di Schmitt sulla figura del combattente partigiano nell’epoca del terrorismo islamico e delle «crociate» americane per la democrazia e la libertà? Oggi il partigiano è ancora «l’ultima sentinella della terra»?

La figura del partigiano, elaborata da Schmitt nei primissimi anni Sessanta del XX secolo, è uno dei tentativi di pensare il ‘politico’ – in sé destabilizzante – in modo concreto e relativamente stabile: il che è possibile perché il partigiano è tellurico, perché difende un territorio. Il partigiano è portatore di inimicizia reale, non assoluta: combatte per uno scopo, non per mera volontà di distruggere. Non è un terrorista, un figlio dell’universalismo, della tecnica, di una volontà di dominio  globale. Se al tempo di Schmitt il partigiano poteva essere il vietcong (il che provocò a Schmitt qualche precoce simpatia a sinistra), oggi non è chiaro dove e con chi possa essere identificato.

9780199916931.jpgLa grande questione dello Schmitt del secondo dopoguerra, concentrato su questioni di diritto internazionale, è l’urgenza di un «nuovo nomos della terra» che supplisca ai terribili sviluppi della dissoluzione dello jus publicum europaeum. Porsi il problema di un nuovo nomos significa considerare la terra come un tutto, un globo, e cercarne la suddivisione e l’ordinamento globali. Ciò sarebbe possibile solo trovando nuovi elementi di equilibrio tra le grandi potenze e superando le criminalizzazioni che hanno contraddistinto i conflitti bellici nel ’900. A scompaginare il vecchio bilanciamento tra terra e mare, di cui l’Inghilterra, potenza oceanica, si fece garante nel periodo dello jus publicum europaeum, si aggiunge, però, una nuova dimensione spaziale: l’aria. L’aria non è solo l’aereo, che sovverte le distinzioni «classiche» di «guerre en forme» terrestre e guerra di preda marittima, ma è anche lo spazio «fluido-gassoso» della Rete. Grazie ai nuovi sviluppi della politica nel mondo si rende sempre più evidente come l’era del digitale non apra solamente nuove possibilità (e nuovi problemi) per l’informazione e la comunicazione, ma si configuri, nella grande epopea degli uomini e della Terra, come l’ultima, grande, rivoluzione spaziale-globale. Come possono rispondere le categorie del nomos di Carl Schmitt al nuevo mundo del digitale?

Se Schmitt non è solo il pensatore del conflitto indiscriminato, ma di un conflitto che è destinato a produrre un ordine, sia pure transitorio e mai neutrale, è chiaro che allora non convive bene né col capitalismo mondializzato, né con la tecnica globalizzata, né con la dimensione fluida e virtuale della Rete. In realtà, un significato contemporaneo di Schmitt sta in varie altre circostanze: inizia un’età post-globale, e per molti versi post-liberaldemocratica (ma non necessariamente post-statuale), contrassegnata da un nuovo pluralismo politico fra Grandi Spazi (non chiusi economicamente, però: questo è il problema) e quindi da un nuovo rilievo delle logiche geopolitiche e geostrategiche (di cui Schmitt è stato interprete originale e non pedissequo); nascono nuove richieste di sovranità anche in Occidente, dove prima regnava l’ideologia del mercato; la gestione della politica è sempre più spesso affidata a esecutivi forti, che agiscono attraverso «stati d’eccezione» più o meno espliciti; le dinamiche dell’esclusione interna verso i «diversi» si fanno più esplicite e il conflitto si fa più aspro (anche su questioni simboliche di fondo). Ma più ancora che di una importanza di Schmitt per decifrare il presente, è da sottolineare il suo grandissimo rilievo per decifrare la modernità e la sua crisi; per ri-codificare e ri-trascrivere la storia intellettuale, istituzionale e politica degli ultimi tre secoli (si pensi solo ai suoi libri sul parlamentarismo, sulla dittatura, sulla costituzione); per criticare genealogicamente e per decostruire il razionalismo e il pensiero dialettico. È questo rilievo critico – da assumere in modo non a-critico – a spiegare l’immensa  fortuna attuale di Schmitt nella letteratura scientifica, filosofico-politica, a livello davvero mondiale, tanto a  destra quanto a  sinistra, tanto in Europa quanto nelle Americhe e in Asia: attraverso Schmitt si ri-pensa il rapporto fra ragione e politica, fra opacità e  trasparenza, fra conflitto e ordine.

samedi, 25 janvier 2020

Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-Speaking World

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Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-Speaking World

by Dongxian Jiang

 Ex: https://www.voegelinview.com

Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-Speaking World: Reorienting the Political, Kai Marchal and Carl K.Y. Shaw, eds. Lanham, Lexington Books, 2017.

51SaQUAXfmL._SX331_BO1204203200_-e1527628158686.jpgCarl Schmitt and Leo Strauss are extremely popular in China, especially in Mainland China—this is no longer a secret in the Western academia. As early as 2003, Stanley Rosen had already told the Boston Globe that “A very, very significant circle of Strauss admirers has sprung up, of all places, China.”[1] Then, in 2010, Mark Lilla, after returning from a visit to Chinese universities, published a widely-circulated article in the New Republic, reporting that there was a “strange taste in Western philosophers” among Chinese scholars and college students, i.e. their strange obsession with Leo Strauss and Carl Schmitt.[2] A 2015 article published on “The China Story” website by Flora Sapio further described the reception of Carl Schmitt by China’s New Left intellectuals and showed the author’s concern with the potential danger of Schmitt’s legal and political theory.[3] Schmitt and Strauss have become philosophical and political stars in China is well-known in the Western world. The question that still puzzles people is—Why?

It is in line with this growing visibility of China’s “Schmitt-Strauss fever” that Kai Marchal and Carl K.Y. Shaw edited this current volume on Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-speaking World, a long-waited contribution to the decoding of and engagement with this enigmatic intellectual phenomenon. The greatest virtue of this volume is, as the two editors say in the Introduction, that “while individual authors may differ in their evaluation of the nature of this reception and its possible implications,” they all agree that this intellectual phenomenon should be treated in a serious way (p. 13). Taken as a whole, this volume is currently the most in-depth discussion in the entire world of the Chinese receptions of Schmitt and Strauss, and should be recommended to anyone who is interested in Chinese intellectual history in the post-Mao era.

Readers who are intrigued by the Schmitt-Strauss fever in the Sinophone world would naturally ask three questions, and they expect that this volume would answer them from different angles. First, why are Schmitt and Strauss so popular in China (the “Why” question)? Second, how do Chinese intellectuals use Schmitt’s and Strauss’s political thought to participate in China’s political debates? And third, how can liberals respond to these Chinese Schmittians and Straussians, if they are using Schmitt’s and Strauss’s “illiberal” thought to express their discontent with the Western modernity? The contributors in this volume aim to do all these jobs, but as I shall demonstrate, several drawbacks of the book might have made it unsuccessful to fulfill readers’ expectations. Specifically, I shall argue, while the volume contains detailed answers to the second question, it does not provide persuasive and sufficient accounts of the “Why” question. In addition, though the volume aims to engage with the Chinese Schmittians and Straussians, the strategies that some contributors use may not be promising in the Chinese context.

As a book dealing with the Chinese reception of Schmitt and Strauss, several chapters are devoted to the analysis of the writings of Chinese Schmittians and Straussians, with a focus on how they use Schmitt’s and Strauss’s ideas to address distinctively Chinese issues. The chapters by Shaw, Marchal and Nadon are especially helpful for readers to know who the Schmittians and Straussians are in China and how they are politically motivated to invoke Schmitt’s and Strauss’s authorities. These close analyses, based on first-hand textual evidence, provide solid bases for the contributors in this volume to engage with the Chinese thinkers, and to show what they are getting right and where they are going wrong.

In terms of the historical accounts of China’s reception of Schmitt and Strauss, contributors have made significant efforts in reconstructing the historical context of China’s post-Mao period and in explaining why certain Schmittian and Straussian ideas have resonance in this particular circumstance. For example, Shaw is very successful in providing “a contextual and immanent analysis which demonstrates the rationale of the receptions, the inner logic of the theoretical reconstructions, and their relevance for contemporary Chinese intellectual debates” (p. 40). Similarly, Charlotte Kroll reconstructs the legal and political issues that Chinese intellectuals cared about when Schmitt was introduced, and connects Schmitt fever with what Jan-Werner Mueller calls “Schmitt’s globalization” in the 1990s. Before unfolding his engagement with and critique of Liu Xiaofeng’s interpretation and application of Strauss’s political thought in the Chinese context, Marchal presents an overview of the intellectual trajectories of China’s leading Straussians and briefly explains why Strauss is attractive to scholars who are concerned with the “nihilism” issue in the post-Maoist China.

However, as the Schmitt-Strauss fever is the most enigmatic, even “strange” intellectual phenomenon in contemporary China, this volume should have devoted more efforts to the investigations into the “Why” question. A reasonable account of this phenomenon must answer 1) why it is in this particular historical moment that Schmitt and Strauss become authoritative for many Chinese intellectuals, and 2) why it is Schmitt and Strauss, not other critics of Western modernity and liberal democracy, that especially attract the attentions of Chinese intellectuals. In the 1980s and 90s, for example, one of the most fashionable things to do among China’s leading intellectuals was to discuss Nietzsche, Heidegger, Sartre, and Foucault. Why these critics of modernity and liberal democracy, either from the Left or the Right, did not trigger a similar wave of anti-liberalism in China is a question that all scholars interested in Chinese political thought should painstakingly think about. Therefore, a contextualized account of the Schmitt-Strauss fever is not complete if there lacks a comprehensive investigation of China’s reception of Western thought in general, and of China’s reception of anti-Enlightenment and illiberal thought in particular. This, I admit, is not an easy task, but is worth doing if we really take the Schmitt-Strauss fever in China seriously.

Another thing that this volume should have done is an excavation of the pre-Schmittian and pre-Straussian writings of intellectuals like Liu Xiaofeng and Gan Yang, to name a few, because these writings may provide some clues for explaining their intellectual transformations. Contributors like Marchal and Nadon have mentioned that Liu and Gan were not Schmittians and Straussians from the very beginning of their academic lives, but what they have not fully elaborated is that these two figures were active liberals before encountering Schmitt and Strauss. In the 1980s and early 90s, Liu was a “cultural Christian” advocating for China’s radical transformation from “traditional culture” to Christianity, but his political position was by and large liberal. Gan asked Confucianism to modernize itself in order to embrace modern values such as individual rights, equality, pluralism, and democracy. Before their encounter with Schmitt and Strauss, they were obsessed by various “illiberal” or “anti-liberal” philosophers in the West, such as Nietzsche, Heidegger and Sartre, but this obsession did not prevent them from appreciating Berlin, Habermas and Rawls. Just one year before Liu Xiaofeng’s open conversion to Strauss’s political thought and his embrace of illiberalism, he was using public reason liberalism to criticize Charles Taylor and his Chinese followers who wanted to use communitarian insights to fight for the Confucian causes.

After his Straussian turn, however, Liu has been increasingly intolerant of liberal political theory, thinking that a return to the “classical mentality” is incompatible with the pursuit of liberal reform in China. A detailed description of Liu’s “liberal years” may make his sudden but whole-hearted conversion to Schmitt and Strauss more enigmatic, but may also provide hints about whether his particular and idiosyncratic conception of liberalism actually paved way for his later conversion to anti-liberalism. For example, a close reading of his early works shows that the pursuit of an “absolute value” is a constant theme in his liberal years, and that his discomfort with value pluralism to some extent foreshadows his embrace of Strauss’s political thought.

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The absence of detailed and sound explanations of the Schmitt-Strauss fever may be remedied if the Chinese Schmittians and Straussians in this volume could take this opportunity to explain why they think that China needs Schmitt and Strauss for imagining its political future. Readers may have the expectation to look for direct articulations and defenses of their motivations for invoking the authority of Schmitt and Strauss. The volume contains three articles written by Mainland Chinese and Taiwanese scholars who are sympathetic toward Schmitt and Strauss.

Among them, however, only Chuan-Wei Hu’s is a straightforward defense of Strauss in the Taiwanese context and an articulation of why Strauss matters for Taiwan’s democracy. The other two “Mainland” pieces, surprisingly, refrain from providing any direct answers to the “Why” question, and thus miss the opportunity for Mainland Chinese Schmittians and Straussians to make a case for themselves. Han Liu’s chapter, which argues that the global diffusion of constitutionalism and judicial guardianship is a bad thing, does not provide any positive proposals for China to design an alternative legal system in accordance with Schmittian insights, despite his merely one-paragraph assertion that “China should pay attention to its own political culture, however defined, to ground a firm constitutional authority” (pp. 134-5).

The chapter by Jianhong Chen, a leading Mainland Straussian, provides an excellent reinterpretation of Strauss’s political thought, and he argues, against various Western scholars, that Strauss should not be understood as a conservative thinker merely defending the status quo, because political philosophy as Strauss understands is still a radical “negation” of actual politics, thus preserving a utopian and normative dimension. By claiming that Heinrich Meier’s interpretation of Strauss is a myth (pp. 197-8), Chen hints that Liu Xiaofeng’s reception of Strauss might also be mistaken, because Liu encountered Strauss largely through Meier’s secondary literature. But, again, Chen does not elaborate the possible implications of his understanding of Strauss, such as whether Strauss can be used in a way to challenge the political status quo in China. If readers who are not able to read Chinese want to understand why Schmitt and Strauss are important for China from an indigenous perspective, they can read Wang Tao’s article published in the Claremont Review of Books, in which he provides an explanation and justification of China’s reverence for Strauss.[4]

Lastly, the most significant accomplishment that this volume has achieved is a theoretical engagement with the Chinese Schmittians and Straussians. The contributors believe that this wave of anti-liberalism in China inspired by Schmitt and Strauss should be taken seriously, and this volume is a valuable addition to the intercultural conversation in the burgeoning field of comparative political theory. Chapters written by Shaw, Wenning, Nadon and Marchal are recommended for readers who are looking for evaluations of the Schmitt-Strauss fever. Among these four chapters, Shaw and Marchal are generally critical of the Chinese Straussians, arguing that they either fail to grasp Strauss’s true spirit or distort his key teachings. Wenning has a similar critical attitude toward Chinese Schmittians and claims that these scholars have not recognized the “internal complexity” (p. 82) of Schmitt’s thought. Based on his discussion of Schmitt’s later writings, to which few Schmitt scholars have paid adequate attention, Wenning shows how this underappreciated dimension of Schmitt’s political thought might have the potential to overcome the one-sidedness of the current Chinese reception of Schmitt. In contrast, Nadon provides the most positive evaluation of the Chinese reception of Strauss, and contends that Liu Xiaofeng may ultimately “articulate a new and inspiring vision of what Chinese civilization could be” (p. 12).

A theme that unifies many contributors in this volume is their worry that some leading Chinese intellectuals in this fever, most notably Liu Xiaofeng, have an extremely hostile attitude toward liberalism and liberal democracy. While their discontent with Western cultural hegemony should be sympathized, contributors still feel that liberalism as a universal value should be defended in the Chinese context. As Marchal and Wenning have exemplified, one strategy to criticize Chinese Schmittians and Straussians is to show that they are misinterpreting Strauss and neglecting the internal richness of Schmitt. However, I wonder whether this is a promising strategy for engaging with these anti-liberal scholars.

Take Marchal’s chapter as an example, the underlying logic of his strategy is that if Chinese intellectuals get Strauss correctly, then they should have used Strauss for different purposes, rather than merely justifying China’s particular tradition and extant authoritarian regime. Based on his comparison of Strauss and Liu Xiaofeng, he argues that Liu’s use of Strauss “leads to a number of fundamental distortions” of Strauss’s claims in On Tyranny, that “instead of having discerned Strauss’s esoteric messages, Liu may thus have misunderstood his teacher” (p. 184), and that “Liu Xiaofeng’s project is being played out according to a very different agenda than Strauss’s original project,” which Strauss “likely never anticipated” (p. 181). In a word, “It is quite remarkable that the Chinese Straussian Liu Xiaofeng can relate to Strauss’s critique of liberal democracy without further ado in a non-liberal, non-democratic society (which China undoubtedly still is)” (p. 186).

However, what makes Marchal’s comparison of Strauss and Liu problematic is that he applies a double standard when interpreting Strauss’s and Liu’s works respectively. In terms of Strauss, Marchal is fully aware that his works are notoriously enigmatic, and recognizes that reconstructing a “real Strauss” is extremely difficult, so he carefully chooses what he thinks the “more convincing and theoretically plausible” secondary literature, and based on these, provides a charitable reading of Strauss’s political philosophy, i.e., Strauss as an eternal sceptic and critical friend of liberal democracy. When it comes to Liu, he chooses Liu’s most “Straussian book” to date, Republic and Statecraft, as a target for criticism, because he thinks that Liu misapplies Strauss’s teachings in On Tyranny in this book. However, the problem with his reading of Liu is that he does not attempt to use the same method to decode Strauss’s and Liu’s writings, thus making his understanding of Liu dubious and uncharitable.

As Liu himself claims in the afterword of this book, Republic and Statecraft is an expansion of his reading notes of Xiong Shili’s lengthy letter to Mao Zedong.[5] In this book, there is no place where Liu openly articulates his own positions, and, like Strauss, he hides his own ideas behind his textual analysis of Xiong’s letter. Xiong was a well-known New Confucian philosopher in twentieth century China who claimed that modern values such as equality and democracy could be interpreted from the Confucian canons. When the CCP came to power in 1949, Xiong decided to stay in the Mainland, and wrote a series of letters to Mao to make a plea for the protection of China’s traditional culture by arguing that the revolutionary spirit was compatible with Confucianism. In one letter, Xiong expressed his admiration of Mao by claiming that Mao was a modern reincarnation of the ancient sage-king, and that his authoritarian rule was necessary for China to realize freedom and democracy. Liu finds this letter extremely interesting, and uses a Straussian hermeneutics to interpret Xiong’s thought.

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Marchal is aware that Liu is practicing Straussian hermeneutics in this book, but surprisingly, he unreflectively presumes that Liu affirms and praises Xiong’s ideas. Without presenting any quotations from this book, Marchal argues that “[Liu’s] argumentation in Republic and Statecraft strongly suggests that Liu regards Xiong Shili’s attempt to ground Mao’s revolution in the horizon of traditional Chinese culture as meaningful” (p. 188). It is true that Liu does admire Mao in recent years, but this does not necessarily mean that Liu expresses his admiration in a way similar to Xiong’s. His other Straussian writings show his disapproval of the attempt in the twentieth century to develop modern values from within the Confucian tradition, because the Straussian teaching of “transcending the modern horizon” inspires him to praise classical Confucianism, in which, according to him, moral and political hierarchy is the core of the authentic Confucian spirit. As Xiong belongs to the New Confucian school and speaks highly of equality and democracy, it is highly probable that Liu, in his Republic and Statecraft, fundamentally disagrees with Xiong’s ideas. Therefore, while reading Strauss in a charitable way, Marchal to a large degree provides an uncharitable reading of Liu. This double standard fatally discredits his claim that Liu distorts Strauss’s thought, as Liu may easily retort that Marchal is distorting Liu’s thought in the first place.

However, even if Marchal could distribute his charity evenly to Strauss and Liu, the effectiveness of his strategy in combating Chinese anti-liberalism is still doubtful. After all, to what extent is Liu distorting Strauss is a highly contestable issue, as Strauss himself is an extremely enigmatic political thinker. For Marchal, the “real Strauss” he identifies is a Strauss constantly skeptical about Western modernity but never attempts to offer any positive account of a radical alternative, not to mention actively pursues such an alternative in political actions (p. 176). In contrast, Liu distorts Strauss in the sense that he wants to craft a concrete alternative based on the Chinese tradition, and tends to put this project into action.

Were Marchal to do a close analysis of Liu’s interpretations of Strauss, he would quickly find that Liu is almost familiar with Strauss’s entire corpus, and it is extremely difficult to claim that Liu distorts Strauss without going through all his quotations of Strauss’s original texts. In particular, what Marchal does not mention in this chapter is that Liu is especially interested in Strauss’s “theologico-political predicament,” i.e., the tension between the philosopher and the political society. According to Strauss, it is the philosopher’s virtue to constrain its eagerness to challenge the conventions, customs, moral codes, religions, superstitions, laws, and political authorities of the political society, because a replacement of these nomoi with pure reason will lead to the very disintegration of the political society. Therefore, the philosopher should uphold and gently improve the nomoi in his exoteric teachings, while conceal his true philosophical teachings in his esoteric writings.

What Liu takes from Strauss is that a philosopher in the Chinese context should do the same thing, but this leads him to protect the extant values and political authority which Chinese people have inherited from the ancient times, against the encroachment of Enlightenment thought from the modern West. Liu’s construction of the Chinese nomoi might be wrong and politically motivated, as Marchal shows in his chapter, but this does not mean that Liu’s understanding of Strauss per se is also mistaken. After all, Strauss never anticipated that his thought would be applied someday in a non-Western society, so he did not set a rule for approvable applications, despite his criticism of totalitarianism and communism. Therefore, instead of “distorting” Strauss, one might say that Liu is “extending” Strauss in the Chinese context.

Therefore, if Marchal really wants to criticize Chinese Straussianism and defend liberal principles, his call for a correct understanding and application of Strauss in Mainland China may not work well. Even if there is a correct understanding of Strauss, the application of Strauss might be “beyond right and wrong,” and Marchal actually accepts that “[Strauss’s] writings encourage alternative readings in the context of non-Western intellectual traditions” (p. 174). In the “Conclusion” of his chapter, Marchal hopes that “it may be possible that other forms of Chinese Straussianism may preserve a genuinely critical, zetetic force,” a “more balanced understanding of the cultural differences between East and West,” and a less nationalist defense of the authoritarian regime (p. 191).

However, if Marchal really wants to achieve these goals and give liberalism a try in China, one may wonder whether Strauss is the “Mr Right”—Why not drop Strauss and resort to other liberal thinkers in the West for intellectual resources? After all, as primarily a critic of modernity and liberal democracy, Strauss not only upsets liberals in China but also liberals in the Western world. His mystical genre and his unwillingness to engage in public dialogues make him unfit for defending liberalism, let alone defending liberalism in the Chinese context. As the prospect of liberalism in China has been increasingly bleak in recent years, the need for a straightforward defense of basic liberal principles is needed. Building a liberal-friendly team of Straussianism in China as Marchal hopes is not impossible if some scholars can do what American Straussians did after 2001, i.e., defending Strauss while reconciling him with liberal democracy, but people caring about the future of Chinese liberalism may wonder whether Strauss is really an indispensable intellectual authority at all. After all, why should liberals play the game whose rules are one-sidedly settled by their rivals, instead of opening a new field to play?

Finally, at the end of my review, I should point out that even if the volume offers a variety of insights, it should have had some stylistic improvements for readers to have a better reading experience. Key arguments should be presented clearly in the beginning of each chapter, and convoluted expressions should be avoided. Therefore, readers interested in the Chinese reception of Schmitt and Strauss can start from this volume, but they have good reasons to wait for better works on this subject to be done.

Notes

[1] Jeet Heer, “The Philosopher the Late Leo Strauss has Emerged as the Thinker of the Moment in Washington, but His Ideas Remain Mysterious. Was He an Ardent Opponent of Tyranny, or an Apologist for the Abuse of Power?” Boston Globe, May 11, 2003.

[2] Mark Lilla, “Reading Strauss in Beijing,” New Republic, 2010, http://www.newrepublic.com/article/magazine/79747/reading-leo-strauss-in-beijing-china-marx#, accessed March 19, 2014.

[3] Flora Sapio, “Carl Schmitt in China,” The China Story, Oct 7, 2015, https://www.thechinastory.org/2015/10/carl-schmitt-in-china/, accessed March 31, 2018.

[4] Wang Tao, “Leo Strauss in China,” Claremont Review of Books, Spring 2012, accessed March 19, 2014, http://www.claremont.org/publications/crb/id.1955/article_detail.asp.

[5] Liu Xiaofeng, Gonghe yu jinglun 共和与经纶 (Republic and Statecraft), Beijing, Sanlian chubanshe, 2012, 303-4.

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Dongxian Jiang

Dongxian Jiang is a Ph.D. Candidate in Political Theory at Princeton University where he is also the Laurance S. Rockefeller Graduate Prize Fellow at Princeton’s University Center for Human Values. He is working on a dissertation justifying liberal principles in the Chinese context.

vendredi, 24 janvier 2020

Le premier Carl Schmitt

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Le premier Carl Schmitt

En cette rentrée où nous n’avons pas beaucoup de traductions de grands textes de sciences sociales à nous mettre sous la dent, on peut se réjouir que les Éditions de l’EHESS nous offrent l’accès à un texte clé d’un auteur dont le soupçon qui l’entoure, à juste titre au vu de son engagement nazi, nous fait trop oublier qu’il a été un très grand juriste : Carl Schmitt, qui publia Loi et jugement en 1912.


Carl Schmitt, Loi et jugement. Une enquête sur le problème de la pratique du droit. Trad. de l’allemand et présenté par Rainer Maria Kiesow. EHESS, 167 p., 22 €


Loi-et-jugement.jpgDe l’œuvre proprement juridique du jeune Carl Schmitt, disons de celle d’avant 1933, nous possédons en français Théorie de la constitution (1928, PUF 1993), La valeur de l’État et la signification de l’individu (1914, Droz 2003), mais il nous manquait jusqu’aujourd’hui un petit ouvrage de 1912 intitulé Loi et jugement, qu’Olivier Beaud, dans sa préface à l’édition française de Théorie de la constitution, qualifie de « véritable recherche de théorie du droit abordant les questions les plus fondamentales ».

Carl Schmitt a vingt-trois ans en 1912 et ce qui fascine dans ce texte, de jeunesse mais déjà très maîtrisé, c’est, avec la rigueur du questionnement, le souci constant d’éviter l’amalgame, la confusion et le malentendu ; l’éclairage qu’il jette sur la notion de décision telle que l’entendra l’auteur de la Théologie politique tout au long de sa vie. Rééditant Gesetz und Urteil en 1969, Carl Schmitt met lui-même en perspective son travail, en souligne les enjeux pour la pratique du droit d’abord, et laisse entendre toutes les conséquences que « l’autonomie de la décision », qu’il cherche à dégager, peut avoir sur la doctrine de l’État et de la souveraineté. Et il prévient qu’une « polémique farouche » a voulu travestir sa conception de la décision en « un acte fantastique de l’arbitraire ». Nous voilà avertis : si nous voulons évaluer l’œuvre de Schmitt, nous ne pouvons pas nous priver de lire Loi et jugement, car s’y trouve le « sens originel » dans sa « simplicité » de ce que signifie décider.

Alors que fleurissent les doctrines du droit dans le monde germanique de l’époque, mais aussi dans l’ensemble de l’Europe, Schmitt s’intéresse à la pratique. Mais il ne va pas le faire en sociologue, sa confrontation avec Marx et Weber n’a pas encore eu lieu, encore moins en psychologue – sans cesse dans l’ouvrage, Schmitt cherche à se démarquer de la psychologie et en particulier de celle du juge –, mais en restant à l’intérieur du droit, cherchant à élaborer une sorte de théorie de la pratique du droit possédant – l’auteur tient à éviter le terme d’autonomie – un « critère autochtone » par rapport au théorique. Hans Kelsen, le père de la Théorie pure du droit, n’a encore publié en 1912 que ses Problèmes fondamentaux de la doctrine du droit constitutionnel, mais il représente déjà le positivisme normatif que Schmitt s’emploie à disqualifier.

Le point de départ est une question (bien entendu elle-même « décisive », puisqu’elle décide déjà de ce qu’est l’ordre juridique ; en même temps, comme le dit Schmitt dans son avant-propos, elle « est décidée » par la pratique) : « quand une décision judiciaire est-elle correcte ? ». Commence alors un extraordinaire cernement de la question qui rappelle la méthode débouchant sur la définition du critère, et donc de l’essence, pour Schmitt, du politique. Ce n’est ni le comment on décide, ni les statistiques de décisions correctes, ni les diverses opinions sur leur correction ; la question n’interroge pas non plus l’histoire de la pratique, ni l’évolution historique des idéaux, mais « le critère de rectitude qui est spécifique à la pratique du droit ».

Une fois ce que l’on recherche déterminé, Schmitt se livre à la réfutation de différentes thèses : celle de la rectitude d’une décision par sa « conformité à la loi » ou à la « volonté du législateur » qui au mieux transforme le jugement en opération logique (« logicisme de la justice ») de subsomption du cas particulier sous la norme générale, au pire réduit le juge à un « automate ». De ce point de vue, Schmitt se démarque aussi bien de l’herméneutique jurisprudentielle, identifiant interprétation correcte et décision correcte, que du mouvement connu sous le nom d’« école libre du droit » (Freirechtsschule) qui cherchait à élargir de manière extra-juridique (jugements moraux, culture) le concept de loi et de norme et auquel Schmitt reproche d’être incapable à la fin de dégager un critère de rectitude autre que celui du normativisme juridique (la conformité à la loi).

Pour découvrir ce critère de rectitude spécifique, il faut d’abord bien distinguer la doctrine du droit et la pratique du droit, ce que Schmitt appelle sa « détermination » (Rechtsbestimmtheit ; à ce point central du texte, le traducteur fait opportunément remarquer que le terme de Besttimmtheit vient de la logique de Hegel, mais il ne va pas malheureusement plus loin dans son commentaire), autrement dit le moment où le juge statue sur un cas, dit le droit (iurisdictio ou iurisfactio), énonce, en le créant ainsi dans sa détermination hic et nunc, le to dikaion (le juste). Le résultat de cette opération ne peut être déduit, son caractère aléatoire et risqué ne peut être effacé. La motivation du jugement ne peut se superposer parfaitement à la décision. La pratique découvre là son autonomie, le droit statué n’existe pas avant le jugement, comme une pure et simple application. Il est produit. Ce qui ne fait pas pour autant du juge un législateur.

À la fin, quel est ce critère de rectitude appartenant de « manière autochtone à la pratique du droit » ? Une décision judiciaire est correcte si « l’on peut admettre qu’un autre juge aurait décidé de la même manière ». C’est ici que le décisionnisme du jeune Schmitt, mais il nous a prévenus que la polémique ultérieure avait défiguré son concept, doit devenir l’objet de toutes les attentions. Invoquer « l’autre juge », c’est introduire une collégialité, la position collective de gens de métier ; au-delà, c’est faire appel à une sorte de sensus judiciarii d’une société, d’une époque, bref, c’est réintroduire l’histoire et la sociologie, là où pourtant Schmitt voulait les écarter.

Mais introduire le tiers, c’est aussi consacrer un mouvement constant dans l’histoire moderne du droit, celui de la hiérarchisation des juridictions et de la complexité des relations entre les différentes cours. Surtout, en appeler à « l’autre juge » consiste à circonscrire le jugement dans la « prévisibilité » et la « calculabilité », même dans le cas où un jugement serait rendu contra legem. Ceux qui ont lu Derrida, et le Derrida lecteur de Schmitt pour qui l’expression schmittienne de « décision calculable » serait un oxymore, seront surpris par cette reprise (en main ?) soudaine du concept de décision, tout à coup arraché à l’indétermination (et pour cause puisque Schmitt parle de « détermination du droit ») au risque, au saut, à l’incommensurabilité des motifs et de l’acte de jugement. Mais on comprend que tous ces points qui caractérisent la rectitude de la décision autorisent Schmitt à penser qu’ainsi il échappe au « fantastique de l’arbitraire ».

L’auteur d’Ex captivitate salus ne réécrit pas en 1969 son texte de 1912 sous le coup de la querelle. Encore une fois, il nous indique que sa réflexion sur l’autonomie de la décision n’est pas restée sans conséquences sur la définition de la souveraineté étatique. En 1912, il cherche à isoler le propre de la pratique correcte du droit et veut en discerner le critère déterminant, et l’on découvre que ce n’est pas tant la décision qui l’intéresse que la mise au jour du degré d’autochtonie de la pratique du droit par rapport à la doctrine, et la définition de ce qu’est l’ordre juridique.

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Peut-on affirmer que Schmitt, pour le politique, va suivre le même cheminement, guidé par la même préoccupation ? Répondre à cette question permettrait, non pas d’oublier son engagement nazi, mais de savoir si nous pouvons conserver la recherche du critère du politique (sans conserver la différence ami/ennemi) sans forcément se focaliser sur la souveraineté (est souverain celui qui décide) mais au contraire, comme semble s’y essayer en ce moment même Bruno Latour, sur l’autonomie de la pratique politique.

lundi, 25 novembre 2019

Donoso Cortés lu par Carl Schmitt

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Donoso Cortés lu par Carl Schmitt

par Juan Asensio

Ex: http://www.juanasensio.com


Il se peut qu'il faille désormais écrire Cortés au lieu de Cortès, sauf à vouloir être pris pour le dernier des imbéciles dans les petits cénacles réactionnaires parisiens (s'il en reste, ce dont je doute !, ou dans ceux, puant la trouille universitaire se parant du paletot de la distanciation critique, se déclarant non réactionnaires quoique lecteurs d'auteurs réactionnaires), en allant de la sorte contre l'usage orthographique français (1), non seulement le plus ancien mais le plus récent, y compris même au sein de la belle collection La Nuit surveillée dirigée par Chantal Delsol (2).
Il se peut aussi que les universitaires ou les esprits curieux trouvent plus intéressant de lire le très long commentaire, parfois simple paraphrase de Schmitt agrémentée de mots compliqués (3), que Bernard Bourdin inflige à plusieurs textes pourtant assez brefs du grand juriste allemand, plutôt que l'ample présentation que fit jadis du contre-révolutionnaire espagnol Louis Veuillot, et dans un style qui bien sûr n'est point celui de notre commentateur que je qualifierai, pour ne pas l'accabler, de résolument plat.
Dans les deux cas cependant, nous perdons le plaisir de lire un texte écrit en bon français point complètement phagocyté par les notes de bas de page et, hélas, par de bien trop nombreuses et consternantes fautes d'orthographe, et nous gagnons une écriture d'un lyrisme de bibliothécaire constipé, qui ne parvient guère à répondre à cette question par autre chose que de bien pesantes considérations de thésard pour thésard : pourquoi Carl Schmitt s'est-il si visiblement intéressé à Donoso Cortés ?
Certes, faisons justice à Bernard Bourdin, dont les commentaires savants représentent plus de la moitié de l'ouvrage, de bien connaître ce sujet particulièrement ardu qu'est la théologie politique ou encore le «problème théologico-politique» qui, au siècle passé, «est indissociable de la sécularisation» (p. 109), à différencier, apparemment, d'une théologie (ou d'une «anthropologie théologique», p. 136) du politique, tout autant que les textes pour le moins complexes de Carl Schmitt, ce contempteur érudit de l'humanisme libéral et de la «pensée techno-économique» (p. 121), en développant la perspective schmittienne selon laquelle «la théologie a des potentialités politiques, au point de porter les germes de sa propre sécularisation (ou de son immanentisation)» et que, par voie de retour, le politique a «des potentialités théologiques, au risque toutefois de dissoudre les conditions d'exercice de son autonomie» (p. 122). Quoi qu'il en soit, et nous aurons de la sorte résumé l'ample commentaire de Bernard Bourdin, «avec la voie ouverte par Donoso Cortés, puis réhabilitée et systématisée par Schmitt, seul le statut théologique du politique est en mesure de mettre en échec le monopole communiste de l'interprétation de l'histoire ou du siècle» puisque la théologie politique selon Carl Schmitt «lui substitue une interprétation théologique de l'histoire, dont le centre vital est l'Incarnation» (p. 96), un point qui d'ailleurs n'est quasiment pas évoqué par notre exégète. S'il est clair que Carl Schmitt «en appelle à une transcendance théologico-politique» (p. 95), autrement dit, dans les temps troublés qui sont les nôtres, à une décision qui «a une signification imminente ayant un accent eschatologique (qui se confond avec une vision apocalyptique) pour conjurer la catastrophe» (p. 61), nous ne savons pratiquement rien (hormis un passage de quelques lignes s'étendant des pages 23 à 24 du commentaire de Bourdin) de l'idée qu'il se fait du Christ, sur le modèle de la belle étude de Xavier Tilliette consacrée à cette thématique.
donosotimbre.jpgLa deuxième partie de l'ouvrage est consacrée aux textes proprement dits de Carl Schmitt mais il faut attendre la page 157 de l'ouvrage, dans une étude intitulée Catholicisme romain et forme politique datant de 1923, pour que le nom de Cortés apparaisse, d'ailleurs de façon tout à fait anecdotique. Cette étude, plus ample que la première, intitulée Visibilité de l’Église et qui ne nous intéresse que par sa mention d'une paradoxale quoique rigoureuse légalité du Diable (4), mentionne donc le nom de l'essayiste espagnol et, ô surprise, celui d'Ernest Hello (cf. p. 180) mais, plus qu'une approche de Cortés, elle s'intéresse à l'absence de toute forme de représentation symbolique dans le monde technico-économique contemporain, à la différence de ce qui se produisait dans la société occidentale du Moyen Âge. Alors, la représentation, ce que nous pourrions sans trop de mal je crois appeler la visibilité au sens que Schmitt donne à ce mot, conférait «à la personne du représentant une dignité propre, car le représentant d'une valeur élevée ne [pouvait] être dénué de valeur» tandis que, désormais, «on ne peut pas représenter devant des automates ou des machines, aussi peu qu'eux-mêmes ne peuvent représenter ou être représentés» car, si l’État «est devenu Léviathan, c'est qu'il a disparu du monde du représentatif». Carl Schmitt fait ainsi remarquer que «l'absence d'image et de représentation de l'entreprise moderne va chercher ses symboles dans une autre époque, car la machine est sans tradition, et elle est si peu capable d'images que même la République russe des soviets n'a pas trouvé d'autre symbole», pour l'illustration de ce que nous pourrions considérer comme étant ses armoiries, «que la faucille et le marteau» (p. 170). Suit une très belle analyse de la rhétorique de Bossuet, qualifiée de «discours représentatif» qui «ne passe pas son temps à discuter et à raisonner» et qui est plus que de la musique : «elle est une dignité humaine rendue visible par la rationalité du langage qui se forme», ce qui suppose «une hiérarchie, car la résonance spirituelle de la grande rhétorique procède de la foi en la représentation que revendique l'orateur» (p. 172), autrement dit un monde supérieur garant de celui où faire triompher un discours qui s'ente lui-même sur la Parole. Le décisionnisme, vu de cette manière, pourrait n'être qu'un pis-aller, une tentative, sans doute désespérée, de fonder ex abrupto une légitimité en prenant de vitesse l'ennemi qui, lui, n'aura pas su ou voulu tirer les conséquences de la mort de Dieu dans l'hic et nunc d'un monde quadrillé et soumis par la Machine, fruit tavelé d'une Raison devenue folle et tournant à vide. Il y a donc quelque chose de prométhéen dans la décision radicale de celui qui décide d'imposer sa vision du monde, dictateur ou empereur-Dieu régnant sur le désert qu'est la réalité profonde du monde moderne.
Affirmer de notre monde techniciste qu'il n'a pas de tradition, c'est admettre que la pensée qui n'est que technique est purement révolutionnaire car, face à la «logique de la pensée économique, forme politique et forme juridique sont pareillement accessoires et gênantes», en ceci que l'une et l'autre, l'une avec l'autre, convoquent le monde de la représentation, qui est de fait le monde de la hiérarchie et de la verticalité, de «quelque chose de transcendant», autrement dit encore : «une autorité venue d'en haut». Ainsi, «une société construite uniquement sur le progrès technique ne serait donc que révolutionnaire», affirme Carl Schmitt, ajoutant qu'elle «se détruirait bientôt, elle-même et sa technique» (p. 175), probablement parce que la révolution menée méthodiquement jusqu'aux plus profondes racines est le nihilisme triomphateur, auquel la dernière parcelle d'être ne saurait longtemps prétendre résister. L'univers de la verticalité est, par essence, conservateur, alors que celui de la stricte horizontalité rhizomique de la Machine est, par essence aussi si l'on peut imaginer ce que serait l'essence de la technique, révolutionnaire : tournant à vide, la machine se détruit pour construire puis détruire d'autres machines, dans un holocauste de ferraille et de chair réduite à de la nourriture pour ferraille.
C'est dans l'Introduction aux quatre essais composant le texte intitulé Donoso Cortés interprété dans le contexte européen global datant de 1950 que Carl Schmitt, assez bellement, écrit que le nom du philosophe politique espagnol s'est toujours «inscrit dans l'écho de la catastrophe» (p. 187) et même, qu'il se tient «devant notre époque» puisque, «à chaque intensification de l'évolution de l'histoire mondiale, de 1848 et 1918 jusqu'à la guerre civile mondiale globale de notre époque, sa signification a augmenté au fur et à mesure, de la même manière que le danger croît en même temps [que] ce qui sauve» (p. 195; j'ai ajouté que, manquant dans notre ouvrage).
Dans le texte suivant qui est d'ailleurs un extrait de la fameuse Théologie politique de Schmitt, le grand juriste entre dans le vif du sujet en disant de Donoso Cortés qu'il est un décisionniste, lui qui du reste avait qualifié, génialement selon Schmitt, la bourgeoisie parlementaire comme n'étant rien d'autre qu'une «classe discutante», una clasa discutidora (p. 201) : «suspendre la décision au point décisif, en niant qu'il y ait quoi que ce soit à décider, cela devait leur paraître», à Cortés mais aussi à De Maistre, «une étrange confusion panthéiste» (p. 203), Schmitt définissant alors la dictature comme étant non point le contraire de la démocratie «mais de la discussion» puisqu'il appartient «au décisionnisme, dans la forme d'esprit de Donoso, de supposer toujours le cas extrême, d'attendre le Jugement dernier» (p. 204), puisque le «noyau de l'idée politique» est «la décision morale exigeante», et la décision pure, la décision absolue, «sans raisonnement ni discussion, ne se justifiant pas, et donc produite à partir du néant» (p. 206), du néant de la volonté du dictateur qui est capable de trancher face au mal radical que De Maistre tout comme Cortés voyaient à l’œuvre sous leurs yeux.
csdonoso.jpgVoilà bien ce qui fascine Carl Schmitt lorsqu'il lit la prose de Donoso Cortés, éblouissante de virtuosité comme a pu le remarquer, selon lui et «avec un jugement critique sûr» (p. 217), un Barbey d'Aurevilly : son intransigeance radicale, non pas certes sur les arrangements circonstanciels politiques, car il fut un excellent diplomate, que sur la nécessité, pour le temps qui vient, de prendre les décisions qui s'imposent, aussi dures qu'elles puissent paraître, Carl Schmitt faisant à ce titre remarquer que Donoso Cortés est l'auteur de «la phrase la plus extrême du XIXe siècle : le jour des anéantissements [ou plutôt : des négations] radicaux et des affirmations souveraines arrive», «llega el dia de las negaciones radicales y des las afirmaciones soberanas» (p. 218), une phrase dont chacun des termes est bien évidemment plus que jamais valable à notre époque, mais qui est devenue parfaitement inaudible.
C'est le dernier texte, intitulé Donoso Cortés interprété dans le contexte européen global et publié en 1949 qui à nos yeux est le plus intéressant, puisqu'il place l'ambassadeur espagnol dans un «contexte unique d'histoire mondiale qui s'impose de nouveau, depuis 1848, à chaque nouvelle génération de pensée européenne» (p. 238), contexte où des auteurs aussi différents que Bruno Bauer, Friedrich Strauss ou encore Sören Kierkegaard ont exercé leur pensée, ce dernier ayant d'ailleurs, selon Carl Schmitt, porté la critique la plus intense contre son époque : «Il savait qu'à l'époque des masses, ce ne sont pas les hommes d’État, les diplomates ni les généraux, mais des martyrs, qui décident des événements historiques».
Lentement mais sûrement, Carl Schmitt approche de la particularité saisissante du monde dans lequel ont vécu ces penseurs et, plus encore, le lion cherchant qui dévorer qu'ils annonçaient dans leurs textes, à savoir «la reconnaissance distincte de la pseudo-religion de l'humanité absolue, qui a déjà ouvert la voie à une terreur inhumaine». C'est là «un nouveau savoir», poursuit Schmitt, «plus profond que les nombreuses sentences à grande allure de De Maistre sur la révolution, la guerre et le sang» car, en effet, «comparé à l'Espagnol qui a plongé son regard dans l'abîme de la terreur de 1848, de Maistre est encore un aristocrate de la Restauration de l'Ancien Régime, qui a prolongé et approfondi le XVIIIe siècle» (p. 246, l'auteur souligne). Ainsi, «ce que Donoso a à communiquer est autre chose que la philosophie des auteurs conservateurs et traditionalistes, qui pouvaient d'ailleurs l'avoir influencé fortement. Ce sont des éruptions semblables à des éclairs, qui bien des fois fusent d'un nuage, d'une rhétorique traditionnelle de tout autre nature» (pp. 246-7) (5).
Et Carl Schmitt de revenir à ce qu'il pense être le centre ténébreux de l'orage que ces auteurs ont pressenti plus ou moins finement, Donoso Cortés le premier, comme s'il se fût agi d'un très puissant baromètre indiquant une forte baisse de pression que les optimistes ont toujours eu le tort de confondre avec une atmosphère sereine : «Ce qui ne cesse de le remplir d'effroi, c'est toujours le même savoir : que l'homme élevé par les philosophes et les démagogues en mesure absolue de toutes choses n'est aucunement, comme ils l'affirment, une incarnation de la paix, et qu'il combat plutôt, dans la terreur et la destruction, les autres hommes qui ne se soumettent pas à lui» (pp. 247-

Notes
(1) La visibilité de l’Église, Catholicisme romain et forme politique, Donoso Cortés interprété dans le contexte européen global. Quatre essais, constituent ce volume disposant d'un très long commentaire de Bernard Bourdin, à vrai dire un essai à part entière qui s'étend des pages 11 à 137. J'ai parlé d'un nombre assez élevé de fautes orthographiques qui affligent les longs commentaires de Bernard Bourdin (note 1 p. 41, mise et non mis en cause; confrontée et non confronté à la page 46, le et non la premier thème, p. 48, etc.), d'incorrections et d'usages impropres de termes (comme le verbe incombe mal employé à la page 29) sans compter des maladresses de style (un en inutile à la page 30), mais il faut aussi remarquer que l'auteur ne sait visiblement pas de quelle manière insérer une citation au sein de son propre commentaire. Je note que les traductions elles-mêmes de Carl Schmitt, qui constituent la seconde partie de l'ouvrage, portent elles aussi beaucoup de fautes, dont la plus consternante est un «la loi» en lieu et place de «le roi» (p. 214). Soit le texte de cet ouvrage n'a pas été relu et nous voyons là, une fois de plus, les effets désastreux d'économies de bout de chandelle, puisqu'un relecteur/correcteur, du moins faut-il le supposer, l'eût amendé. Soi ce texte a bel et bien été relu et, alors, il faut renvoyer au collège les auteurs responsables d'une telle mauvaise copie.
(2) Rappelons en effet que Théologie de l'histoire et crise de la civilisation était le titre d'un recueil de textes de Juan Donoso Cortés paru, donc, dans cette collection des éditions du Cerf. J'ai rendu compte de ce beau volume ici. Saluons la cohérence d'une politique éditoriale qui, après nous avoir présenté certains des textes du théoricien contre-révolutionnaire, nous donne à lire ses commentaires par le juriste conservateur.
(3) Comme «transcendance théologico-politique» (p. 95), «anthropologie pessimiste» (p. 105) ou même «anthropologie théologique du politique» (p. 136), union de trois termes qui, à eux seuls, mériteraient une thèse !
(4) «Le Diable aussi, pour le nommer, a sa légalité, il n'est pas le néant, par exemple, mais quelque chose, même si c'est quelque chose de lamentable. S'il n'était rien, le monde ne serait pas mauvais, mais le néant. Le Diable n'est pas la négation de Dieu, mais sa pauvre et méchante singerie, qui trouve son châtiment en ce qu'elle a sa propre et épouvantable légalité de développement» (p. 151).
(5) Comme il se doit, une énième faute dépare ce passage, traditionaliste étant orthographié avec deux n.

dimanche, 03 novembre 2019

Carl Schmitt : La distinction ami-ennemi comme critère du politique, Tristan Storme

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Carl Schmitt : La distinction ami-ennemi comme critère du politique, Tristan Storme

 
Sulfureux à plus d’un titre, le juriste allemand Carl Schmitt a défini la notion de politique en accordant une place centrale à l’ennemi, qui serait d’après lui « notre propre question en tant que figure ». La communauté politique ne se déterminerait comme telle qu’en désignant l’hostis par l’intermédiaire d’une décision étatique, c’est-à-dire en décidant d’entrer en guerre. Seul l’État serait, par ailleurs, apte à garantir la paix interne et la pluralité des États souverains assurerait l’équilibre pacifié du continent européen. La genèse du politique et les conditions de son maintien s’expliqueraient à travers une série de notions fondamentales (l’ami, l’ennemi, la pluralité des États), impliquant toujours l’appareil étatique comme titulaire de la souveraineté, et donc le rejet d’un concept constitutif d’humanité. Tristan Storme est maître de conférences en sciences politiques à l’université de Nantes et membre du laboratoire de recherche Droit & Changement Social. Ses recherches et son enseignement concernent notamment la pensée de Carl Schmitt, juriste et philosophe allemand sur lequel il a publié : Carl Schmitt et le marcionnisme (Cerf, 2008) ; Carl Schmitt, lecteur de Tocqueville. La démocratie en question (dans la Revue européenne des sciences sociales, 2011).
 
Conférence donnée lors des Rencontres de Sophie le 15 mars 2019 au Lieu Unique de Nantes. http://philosophia.fr/activites-renco...
 
Voir tout le programme des Rencontres de Sophie "Guerre et paix", Philosophia, Lieu Unique, Nantes http://philosophia.fr/wp-content/uplo...
 

mardi, 24 septembre 2019

Carl Schmitt par Georges FELTIN-TRACOL

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Carl Schmitt

par Georges FELTIN-TRACOL

L’intervention de cette Rentrée porte sur une personnalité considérée par la novlangue inclusive officielle comme « sulfureuse » et « controversée ». Né en juillet 1888 à Plettenberg dans cette Rhénanie qui appartient à la Prusse depuis le Congrès de Vienne en 1814 – 1815, Carl Schmitt fut un juriste réputé. Il fut aussi un remarquable spécialiste du droit constitutionnel.

Ce n’est pourtant pas le plus grand penseur du droit politique du XXe siècle qui nous intéresse aujourd’hui. C’est l’Européen digne qui épousa d’abord la Tchèque Paula Dorotic, puis une fois le divorce obtenu, la Serbe orthodoxe Duschka Todorovic. En 2017, Aristide Leucate a publié dans la collection « Qui suis-je ? » chez Pardès une sobre et belle biographie. Trois ans auparavant, sous la direction de Serge Sur sortait aux CNRS – Éditions un ensemble de contributions remarquables intitulé Carl Schmitt. Concepts et usages. Enfin, l’an passé, les magistrales Éditions du Lore ont fait paraître Sur et autour de Carl Schmitt. Un monument revisité par Robert Steuckers.

Outre trois textes d’hommage au professeur Piet Tommissen (1925 – 2011), grand ami de Julien Freund, ce nouvel ouvrage évoque non seulement l’œuvre et les concepts du penseur allemand, mais aussi ses sources (Clausewitz, Gustav Ratzenhofer) et sa postérité outre-Rhin, en particulier chez le théoricien de la nation allemande Bernard Willms (1931 – 1991). Par son prussianisme indéniable, son catholicisme intransigeant, son soutien critique au national-socialisme et son approche révolutionnaire-conservatrice (Robert Steuckers a raison de lire les écrits de Gilles Deleuze à l’aune de Schmitt et réciproquement), Carl Schmitt occupe toujours une position intellectuelle majeure, malgré la marginalité de sa troisième partie de sa vie de ses deux détentions consécutives par les forces d’occupation alliées en 1946 – 47 jusqu’à sa mort dans sa ville natale en avril 1985.

Dans le cadre de la présente chronique, on s’intéressera au géopoliticien visionnaire du « Grand Espace ». Prolongement de la Mitteleuropa, de l’harmonisation économique et douanière des empires allemand et austro-hongrois avant 1914, le « Grand Espace » envisage l’organisation politique, sociale et économique des continents ou de parties continentales. Prenant acte dès 1945 de la faillite du système westphalien – ce que ne comprennent toujours pas les souverainistes français –, Carl Schmitt réfléchit à un nouvel ordre diplomatique mondial qu’il appelle le « Nomos de la Terre », titre de son maître – ouvrage paru en 1950. Le « Grand Espace » transcende l’État au sens classique du terme dans un cadre continental et/ou impérial. C’est une solution ambitieuse et volontariste. « L’Europe d’aujourd’hui est contrainte de répondre à un double défi, note Robert Steuckers, d’une part, s’unifier au-delà de tous les vieux antagonismes stato-nationaux, pour survivre en tant que civilisation, et d’autre part, renouer avec son tissu pluriel, extrêmement bigarré, dans un jeu permanent d’ancrages, de réancrages et d’arrachements projectuels (p. 87). »

Le « Grand Espace » s’inspire ouvertement de la doctrine Monroe qui exige en 1823 la fin de toute emprise européenne en Amérique. Une fois le « Grand Espace » européen réalisé, « les affaires critiques européennes ne regarderaient que les Européens, explique David Cumin dans Carl Schmitt. Concepts et usages, à l’exclusion des autres Puissances. Par conséquent, réciprocité oblige, celles des Arabes ne regarderaient que les Arabes, celles de l’Afrique noire, que l’Afrique noire, celles des Américains ou des Asiatiques, que les Américains ou les Asiatiques, à l’exclusion des Puissances européennes. Les États-Unis seraient expulsés d’Europe, comme la France de l’Afrique noire… (p. 41) ».

Le « Grand Espace » constitue donc une réponse valable autant à l’aberration cosmopolite de la mondialisation qu’à l’illusion mortelle du bunker national. Carl Schmitt ne défendait pas un simple monde multipolaire. Il concevait à rebours de tous les universalismes fomentés en partie par certains cénacles de la philosophie des Lumières le pluriversum, c’est-à-dire un univers de civilisations différenciées dynamique, conflictuel et vivant. Une perception plus que jamais d’avenir !

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 28, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 10 septembre 2019 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

Livre disponible auprès des éditions du Lore: https://ladiffusiondulore.fr

dimanche, 26 mai 2019

EL TIEMPO QUE URGE, PABLO DE TARSO Y CARL SCHMITT

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EL TIEMPO QUE URGE, PABLO DE TARSO Y CARL SCHMITT

Por Antonio Sánchez García
Ex: http://elblogdemontaner.com

“La contracción del tiempo, el re-manente (1 Cor 7,29: «el tiempo es breve [lit., ‘contraído/abreviado’], el resto,..*) es la situación mesiánica por excelencia, el único tiempo real.” Giorgio Agamben, El tiempo que resta.

A Baltasar Porras y Ovidio Pérez Morales

1

El centrismo apaciguador y dialogante de todos los tiempos ha odiado al jurista y pensador alemán Carl Schmitt, concentrando su escandaloso reclamo en contra de su radicalidad filosófico política en dos frases que condensan su amplia obra de teología política: “soberano es quien decide del estado de excepción”, frase con la que encabeza una de sus obras más importantes: Teología Política (1922); y “la diferenciación específica a la que se dejan remitir las acciones y motivaciones políticas, es la diferencia de amigo y enemigo”, la frase más sustantiva y polémica de su obra príncipe El concepto de lo político (1932).[1]

Para ello ocultan o dicen desconocer sus críticos, poco importa si de buena o mala fe, que no existe reflexión divorciada del contexto histórico político que lo sustenta, lo que Hegel sintetizara en una de sus más polémicas frases, si se piensa que su pensamiento es la culminación del idealismo alemán: Wahrheit ist konkret, la verdad es concreta. Ortega, tan mal preciado e incomprendido a pesar de su inmensa estatura intelectual, lo tradujo a su aire, con esa excelencia estilística que lo caracterizara: “Yo soy yo y mi circunstancia y si no la salvo a ella no me salvo yo.” (Meditaciones del Quijote, Madrid, 1914)

teologie.jpgCarl Schmitt, alemán, católico in partibus indifelis y profundo conocedor de la teología cristiana, que fundamenta y da sentido a su pensamiento y acción, sólo es verdaderamente compresible en función de su circunstancia y sus esfuerzos por salvarla.  Nació y vivió en medio de los tormentosos tiempos de la confrontación bélica que definió a la Europa de comienzos del Siglo XX y culminara en las dos Guerras Mundiales, las más devastadoras conflagraciones bélicas de la historia humana, culminando en los dos totalitarismos del siglo pasado: La revolución rusa de Lenin-Stalin y la revolución alemana de Adolf Hitler. Cuyas más nefastas  consecuencias sirven de telón de fondo a su pensamiento.

¿Alguien puede negar que bajo el imperio de esas circunstancias lo político no fuera la confrontación amigo-enemigo? Pues esos años y todos los que le siguieran, hasta el día de hoy, hicieron carne de las ideas expuestas por Thomas Hobbes en su Leviatán (Londres, 1651), según las cuales el estado natural que subyace a la historia de la humanidad es la barbarie: bellum omnia contra omnes, la guerra de todos contra todos. Razón que, según el mismo Hobbes, habría impuesto la necesidad de crear un monstruo que pudiera contener, delimitar, regular y si fuera posible, impedir dicha belicosidad y enemistad primigenia en que se desarrolla la existencia humana: el Estado, ese Leviatán bíblico que impera en los mares. Cuestionado, convertido en botín de las facciones en pugna y neutralizado por esa guerra de todos contra todos, caerían las sociedades en un estado de casi barbarie primigenia, como en su tiempo caerían las salvajes sociedades americanas, tal cual lo indica en su magna obra: “Los pueblos salvajes en varias comarcas de América, si se exceptúa el régimen de pequeñas familias cuya concordia depende de la concupiscencia natural, carecen de gobierno en absoluto, y viven actualmente en ese estado bestial a que me he referido. De cualquier modo que sea, puede percibirse cuál será el género de vida cuando no exista un poder común que temer, pues el régimen de vida de los hombres que antes vivían bajo un gobierno pacífico, suele degenerar en una guerra civil.”[2]

Es, precisamente, ese estado, el que ha sido caracterizado por el concepto introducido por Carl Schmitt en la polémica político ideológica de nuestro tiempo como “estado de excepción” (Ausnahme Zustand) . Su esencia: el Estado ha perdido su poder de decisión y control soberano y la guerra de todos contra todos, redefinida por Schmitt en la inseparable dualidad de amistad y enemistad (Freundachft-Feinschft) – conceptos generales que nada tienen que ver con las relaciones personales entre los sujetos, sino con la densidad del enfrentamiento por la conquista del Poder, es decir: la apropiación del Leviatán – se convierte en la lucha mortal por conquistarlo. La sociedad, sin una soberanía fundante de legitimidad aceptada por el conjunto de los ciudadanos – tal como acontece hoy en Venezuela, con dos gobiernos yuxtapuestos sin reconocimiento recíproco ni aceptados por el conjunto social – , queda a la deriva y susceptible al asalto de la más combativa, decidida y voluntariosa de las partes en combate para restablecer la soberanía, ya esté en manos de amigos o de enemigos.

ca.jpgSon esos conceptos, soberanía y legitimidad, como la valoración de las virtudes clásicas del soberano capaz de resolver el estado de excepción – la decisión y la voluntad – las que incomodan y disgustan a nuestros dialogadores, conciliadores y pacifistas de fe y profesión. Pues carecen de ellos. Es la tara que se encuentra en la raíz de esta oposición “conversadora”, para usar otro concepto caro al jurista alemán. En este caso concreto, privilegiar el diálogo y la conversación, el espurio entendimiento de partes ontológicamente enemigas y contrapuestas, antes que luchar con decisión y voluntad para restablecer la soberanía democrática, única capaz de ejercer una hegemonía legal y jurídica aceptada por el todo social. Negarse, como lo afirmara el pensador judío alemán Jacob Taubes en su ardorosa defensa de Carl Schmitt[3], a compartir el katechon, ese concepto paulista que invoca la necesidad de ponerle fin al caos y oponerse a las tendencias apocalípticas que estallan cuando las fuerzas disgregadoras provocan un estado de excepción. Y ello, como lo afirma Pablo en su Epístola a los romanos, con la urgencia debida, ho nyn kairós, en el “momento presente», vale decir: “en el tiempo que resta”. Ahora mismo, no el día de las calendas.

2

Si bien estamos en un ámbito estrictamente filosófico y desde un punto de vista fenomenológico la descripción y la caracterización conceptual propuesta por Schmitt no supone juicios psicológicos individuales ni valoraciones morales: el enemigo es enemistad política pura, a la búsqueda del control sobre el sistema establecido, que persigue con las armas en la mano  quebrantar, poseer y transformar de raíz, y el amigo es, a su vez, o debiera ser, su mortal contrincante, aquel que recurriendo al imperativo del echaton, defiende con voluntad y decisión el estado de derecho, ho nyn kairós, en el tiempo que nos resta, vale decir: ahora mismo. El amigo lo es para quienes están de este lado del asalto, de la fracción de los asaltados – los demócratas – , de ninguna manera del lado de los asaltantes – los autócratas. Estos son, en estricto sentido schmittiano, un mortal enemigo. Lo que, llegado el momento del inevitable enfrentamiento, puede incidir y de hecho incide, sobre la percepción y la voluntad de los contrincantes en su esfera personal. Dice Schmitt: “Los conceptos amigo y enemigo deben ser tomados en su sentido concreto, existencial, y no como metáforas o símbolos, ni mezclados ni debilitados a través de otras concepciones económicas, morales, y muchísimo menos en un sentido privado, individualista, en sentido psicológico como expresión de sentimientos y tendencias individuales. No son oposiciones normativas ni contradicciones ‘puramente espirituales’.  En un típico dilema entre espíritu y economía, el liberalismo pretende diluir al enemigo en competidor comercial (Konkurrent), y desde el punto de visto político espiritual en un mero antagonista de un diálogo. En el ámbito de lo económico no existen, por cierto, enemigos sino sólo competidores, y en un mundo completamente moralizado y purificado éticamente puede que existan, si acaso,  sólo dialogantes.” [4]Desde luego, no en la realidad. Ni muchísimo menos en la nuestra, como quedara demostrado en Santo Domingo, desmentido de manera cruel y sangrienta en el enfrentamiento amigo-enemigo de la masacre de El Junquito. Oscar Pérez es el símbolo, la metáfora, de una enemistad ontológica, mortal. Todo diálogo pretende enmascararla en un falso entendimiento. Como ahora mismo el de Oslo.

csjt.jpgLa diferenciación schmittiana es de trascendental importancia, precisamente porque quienes más se oponen a su cabal comprensión son aquellos sectores “liberales”, también en sentido schmittiano, – digamos: electoralistas, parlamentaristas, habladores y dialogadores, así sean socialdemócratas o socialcristianos, incluso liberales – , que, incapaces de comprender la totalidad social en disputa y asumir, consecuentemente, la naturaleza existencial, biológica de la guerra que nos ha declarado el chavomadurismo castro comunista – confunden enemistad con “competencia” y buscan en el diálogo y el contubernio resolver cualquier obstáculo a su justa ganancia. Confunde el ámbito de lo político con el mercado, y al Estado con la Asamblea Nacional. Olvidando, es decir traicionando el hecho de que el origen de la República, como Estado soberano, nació y se forjó de una Guerra a Muerte y de que, sentando un precedente hoy brutalmente irrespetado por los partidos de la que en el psado inmediato fuera la MUD y es hoy el llamado Frente Amplio, desconocen la decisión propiamente schmittiana, aunque a más de un siglo de distancia de la formulación del jurista alemán, que dictó el mandato definitorio del parto de nuestra Nación: «Españoles y Canarios, contad con la muerte, aun siendo indiferentes, si no obráis activamente en obsequio de la libertad de América. Americanos, contad con la vida, aun cuando seáis culpables.» Fue la Guerra a Muerte, en “donde todos los europeos y canarios casi sin excepción fueron fusilados” según el balance que hiciera Bolívar. Si no el texto, el sentido debiera ser emulado. Lo traicionan quienes se confabulan con los asaltantes y, con buenas o malas intenciones, se hacen cómplices de la guerra a muerte contra nuestra democracia y nuestra República. Tampoco Bolívar se opuso al diálogo y la negociación. Pero no en 1812, cuando declarara la Guerra a Muerte, sino en 1820, cuando la guerra estaba ganada. Traicionan a la República quienes lo olvidan.

[1] “Die spezifisch politische Unterscheidung, auf welche sich die politischen Handlungen und Motive zuruckzufahren Lassen, ist die Unterscheigung con Freund und Feind.” Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen, Duncker & Humblot, Berlin, 2002.

[2] Thomas Hobbes, El Leviatán, Pág.104. Fondo de Cultura Económica, México, 1994.

[3] Jacob Taubes, La Teología Política de Pablo

[4] Ibídem, Pág. 28.

vendredi, 24 mai 2019

Schmitt’s Blakean Vision of Leviathan and Behemoth

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Schmitt’s Blakean Vision of Leviathan and Behemoth

Schmitt wrote The Leviathan in the State Theory of Thomas Hobbes (1938) in order to analyze the figure of the great Biblical fish leviathan as it figures as a symbol in Hobbes’ political theory. Part of the book consists of a genealogy of the leviathan as it appears in Western culture, from the Bible through to nineteenth-century English literature. From there, Schmitt delves into Hobbes’ political theory and its mechanistic core before providing a thoughtful assessment of the fate of continental liberalism and its decline in the early twentieth century.

Schmitt possessed a great deal of learning in many areas, including the history of European art and culture. His book on Hobbes, and its genealogy of the leviathan, allows Schmitt to display that learning. Of particular interest here is Schmitt’s wide reading in English literature from the Renaissance to the modern period. What follows is a long quote, but one that serves the purpose of helping us understand a hidden insight behind Schmitt’s appraisal of Hobbes’ political theory in the book. He explains:

The leviathan is cited a few times in Shakespeare’s dramas as a powerful, enormously strong, or quick sea monster, without any symbolism pointing toward the politico-mythical. Moreover, when he illustrates the unrestrained savagery of the plundering soldiers, as, for example, in the third act of Henry V, he gives no hint of medieval theological demonology or of a methaphysically determined enmity. Notwithstanding fanatical Bible-quoting writers, English literature was governed at the time of Hobbes’ Leviathan (around 1650) by a completely nonrnythical and nondemonic conception of the leviathan. The leviathan, it appears, was hardly suitable as an allegory in the style of the sixteenth and seventeenth centuries. For example, Milton did not attach any enigmatic symbolism to the leviathan in his Paradise Lost, depicting him as a huge sea monster. In a satirical-literary depiction of hell by Thomas Dekker, which was published for the first time in 1607, there appears a postillion of hell who explains its geography to a just deceased London miser and is characterized as a "lackey of that great leviathan." If I understand his depiction correctly, the leviathan is still the devil but not in the medieval-theological sense or in the sense of Dante's portrayal in The Inferno or even in the sense of Swedenborg's images of hell, but in a thoroughly literary-ironic sense and in the style and in the atmosphere of English wit. In Sanderson’s Sermons (II/310) of around 1630, God deals "with the great leviathans ofthe world." Here the leviathans are simply "the greats" of this world. This colloquial usage evolved further, permitting Burke (Works, VIll, 35) to speak of the Duke of Bedford as the "Leviathan of all the creatures of the Crown" and de Quincey (in 1839) of a lawsuit against such a powerful opponent as the "leviathan of two counties."
The leviathan finally becomes a humorous description of all sorts of unusually large and powerful men and things, houses, and ships. Slang, too, has appropriated this imposing word. Hobbes was undoubtedly responsible for exerting a specific influence on the colloquial usage of the word. I am not sure whether a place in Richard Ligon's History of the Island of Barbados, which reminds one of Hobbes' description, was actually influenced by him: "What produces harmony in that leviathan is a well-governed commonwealth." It is understandable why Locke, Hobbes' adversary. did not avoid the polemical usage of leviathan: "A Hobbist will answer: 'because the Leviathan will punish you, if you do not.'" Mandeville's fable about the bee (1714) speaks in a typically Hobbesian manner: "The gods decided that millions of you, well attached to each other, compose the strong leviathan."

csleviathan.jpgWhat is interesting about this extensive genealogy is the glaring omission of William Blake’s rendering of the leviathan (see above image, dated 1805). Some have associated the image with Schmitt — for instance, in this Internet edition of Land and Sea — and this association is even more interesting because Schmitt omits Blake’s work in this passage.

Immediately before this passage, Schmitt indicated that he was intersted in the leviathan in visual art, and discussed in particular the work of Bosch and Bruegel. In his discussion of English literature, he goes as far back as Shakespeare, and as far forward as de Quincey. Along the way, Schmitt touches on two of Blake’s major influences, Milton and Swedenborg, and even cites one of Blake’s immediate contemporaries: Edmund Burke. In the above passage, Schmitt reads around Blake very closely without naming him, even when the need is obvious.

A possible reason for this omission is that Blake’s image does not tell the story that Schmitt wishes to tell about Hobbes’ leviathan, but instead, it does points towards his own conception of the state, and his own vision of leviathan and behemoth. In the book, he criticizes Hobbes and his vision of the leviathan on a few grounds, and one of them is Hobbes’ mechanistic humanism. Hobbes’ brilliant insight was that all that was required for a human community to create a functioning state was to trade protection for obedience with a state that operates as an impersonal mechanism: the ‘leviathan.’ It seems like a simple trick, and is accomplished without religion — there can be a state church, for instance, or the state can tolerate varieties of belief, but ultimately it is the state that determines the place of religion in society. Following his experience with the English Civil War, Hobbes created the image of the behemoth to symbolize rebellion. Schmitt’s sees Hobbes’ symbols of leviathan and behemoth as being sharpened in the subsequent history of modernity, and to find themselves in mutated form in contemporary concepts of “state and revolution,” and Schmitt uses the phrasing of state and revolution to deliberately evoke the title of Lenin’s book by the same name.

Schmitt believed that the well-functioning state was not only determined by its order (which Hobbes’ state theory provides), but also by its orientation (which Hobbes’ theory does not provide), which has a religious or at least strong mythic basis. Schmitt’s state theory is more like the depiction of leviathan and behemoth in Blakes image. Hobbes was only concerned with the leviathan and behemoth as they contended in the terrestrial sphere, without any relationship to a transcendent realm or idea. To relate Hobbes’ theory to Blakes image is to see leviathan and behemoth contending solely within that sphere, as if we were to cut that sphere out of the picture and view it alone as a complete depiction of the state. Blake, however, includes above the terrestrial sphere a realm of God, angels, and other figures who look down on the terrestrial sphere with concern.

Because the liberal state, in Schmitt’s view, did not have a common orientation for everyone in that state, it eventually succumbed to private organizations with private orientations, particularly parties, churches, and trade unions. These indirect powers operating in the private sphere, Schmitt observes, have a tremendous advantage in the liberal state because they can mobilize power, and then act upon other individuals and groups, and even the state. As Schmitt says, “indirect” power works by masking (Schmitt uses the word “veil”) their power, which “enables them to carry out their actions under the guise of something other than politics — namely religion, culture, economy, or private matter — and still derive all the advantages of state.” As a result, private organizations in the liberal state “enjoy all the advantages and suffer none of the risks entailed with the possession of political power.” But private organizations in the liberal state enjoy this advantage in part because of the human need to seek orientations, which is ultimately the stronger element of Schmitt’s understanding of the state as order and orientation.

The human desire for orientation is can be satisfied by a private organization or by inward withdrawl. This withdrawl acts upon the liberal state in its own way, by becoming what Schmitt calls a “counterforce of silence and stillness.” Mystical withdrawal is perhaps one way to view at least some of the figures in Blake’s image: in particular, those that sit with God and amongst the angels, looking down with concern.

mardi, 29 janvier 2019

Emmanuel Pasquier - Le terrorisme à la lumière de la Théorie du partisan de Carl Schmitt

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Emmanuel Pasquier - Le terrorisme à la lumière de la Théorie du partisan de Carl Schmitt

samedi, 12 janvier 2019

Uit het arsenaal van Hefaistos

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Uit het arsenaal van Hefaistos (1)

Uit het arsenaal van Hephaistos

Tien Traditionalistische perspectieven op de ideologie van de vijandelijke elite

aan de hand van Robert Steuckers’

Sur et autour de Carl Schmitt. Un monument revisité

(Les Edition du Lore, 2018)

door Alexander Wolfheze

Voorwoord: de anatomische les van Carl Schmitt en Robert Steuckers

Zonder macht kan rechtvaardigheid niet bloeien,

zonder rechtvaardigheid vergaat de wereld tot as en stof.

– vrij naar Goeroe Gobind Singh

Eerder is hier al zijdelings aandacht besteed aan bepaalde aspecten van het gedachtegoed van Duits staatsrecht specialist en rechtsfilosoof Carl Schmitt (1888-1985)i – dit essay zal Schmitt’s wetenschappelijke nalatenschap in meer detail bekijken. Aanleiding hiertoe is het recent verschijnen van het nieuwste boek van Belgisch Traditionalistisch publicist Robert Steuckers. Met Sur et autour de Carl Schmitt bijt Steuckers in de Lage Landen de spits af met een eerste substantiële monografie die past bij de recente internationale rehabilitatie van Schmitt’s hoogst originele – en hoogst actuele – gedachtegoed.ii Lange tijd was Schmitt’s gedachtewereld en levenswerk nagenoeg ‘taboe’ door zijn – complexe en daarom gemakkelijk vulgariseerbare – associatie met het Naziregime. Inderdaad werd Schmitt in mei 1933, kort na Hitler’s machtsovername, lid van de NSDAP en ondersteunde hij de autoritaire amputatie van de in zijn ogen – en die van bijna alle Duitsers – ongeneeslijk verrotte Weimar instituties. Inderdaad werd hij na de ondergang van het Derde Rijk door de Amerikaanse bezettingsautoriteiten geïnterneerdiii en weigerde hij consistent zich te onderwerpen aan de politiekcorrecte ‘wederdoop’ van semiverplichte Entnazifizierung: zijn principiële verzet tegen de bezetter kostte hem zijn academische carrière en zijn maatschappelijke aanzien. Die houding werd echter niet ingegeven door groot enthousiasme voor het Naziregime: in Schmitt’s visie schoot dat regime volledig tekort in termen van hogere legitimiteit en historische authenticiteit.iv Schmitt’s weigerde zich na Stunde Null simpelweg in te laten met de nieuwe ideologische Gleichschaltung – en met collaboratie met de bezetter. Ongeacht de exacte mate van Schmitt’s inhoudelijke ‘besmetting’ met de meer virulente uitwassen van het Nationaalsocialisme, blijft het een feit dat Schmitt’s denken en werken in dezelfde naoorlogse ‘quarantaine’ belandde waarin ook het denken en werken van vele andere Europese grote namen werd ‘weggezet’. Zo eindigde hij – net als Julius Evola in Italië, Louis-Ferdinand Céline in Frankrijk, Mircea Eliade in Roemenië, Knut Hamsun in Noorwegen en Ezra Pound in Amerika – in het rariteiten kabinet van de geschiedenis.

LORE-CS-Steuckers_site.jpgMaar zeventig jaar later blijkt dat de na de Tweede Wereld Oorlog tot standaarddoctrine verheven historisch-materialistische mythologie van ‘vooruitgang’ en ‘maakbaarheid’ – de socialistische variant in het ‘Oostblok’ en de liberale variant in het ‘Westblok’ – de Westerse beschaving aan de rand van de ondergang heeft gebracht. Na de val van het Realsozialmus in het Oostblok valt de hele Westerse wereld ten prooi aan wat men het ‘Cultuur Nihilisme’ kan noemen: een giftige cocktail van neoliberaal ‘kapitalisme voor de armen en socialisme voor de rijken’ en cultuurmarxistische ‘identiteitspolitiek’ (de nieuwe ‘klassenstrijd’ van oud tegen jong, vrouw tegen man en zwart tegen blank). Dit Cultuur Nihilisme kenmerkt zich door militant secularisme (vernietiging levensbeschouwelijke structuur), gemonetariseerd sociaaldarwinisme (vernietiging sociaaleconomische structuur), totalitair matriarchaat (vernietiging familiestructuur) en doctrinaire oikofobie (vernietiging etnische structuur) en vindt zijn praxis in de Macht durch Nivellierung mechanismen van de totalitair-collectivistische Gleichheitsstaat.v Dit Cultuur Nihilisme wordt nog steeds in eerste plaats gedragen door de forever young ‘baby boom’ generatie van rebels without a cause, maar zij plant zich nu voort als shape-shifting ‘vijandelijke elite’ die zichzelf voedt uit steeds weer nieuw uitgevonden ‘onderdrukte minderheden’ (rancuneuze beroeps-feministen, ambitieuze beroeps-allochtonen, psychotische beroeps-LBTG-ers). De macht van deze vijandelijke elite berust op twee onlosmakelijk met elkaar verbonden krachtenvelden: (1) de globalistische institutionele machinerie (de ‘letterinstituties’ – VN, IMF, WTO, WEF, EU, ECB, NAVO) waarmee zij zich onttrekt aan staatssoevereiniteit en electorale correctie en (2) het universalistisch-humanistische discours van ‘mensenrechten’, ‘democratie’ en ‘vrijheid’ waarmee zij zich de ideologische moral high ground toe-eigent. Deze dubbel trans-nationale en meta-politieke machtspositie stelt de vijandelijke elite in staat zich systematisch te onttrekken aan elke verantwoordelijkheid voor de enorme schade die zij toebrengt aan de Westerse beschaving. De door de vijandelijke elite begane misdaden – industriële ecocide (antropogene klimaatverandering, gewetenloze milieuverontreiniging, hemeltergende bio-industrie), hyper-kapitalistische uitbuiting (‘marktwerking’, ‘privatisering’, social return), sociale implosie (matriarchaat, feminisatie, transgenderisme) en etnische vervanging (‘vluchtelingenopvang’, ‘arbeidsmigratie’, ‘gezinshereniging’) – blijven ongestraft binnen een institutioneel en ideologisch kader dat letterlijk ‘boven de wet’ opereert. Het is alleen met een geheel nieuw juridisch kader dat deze straffeloosheid kan eindigen. Carl Schmitt’s rechtsfilosofie levert dat frame: zij biedt een herbezinning op de verloren verbinding tussen institutioneel recht en authentieke autoriteit en op wat daar tussenin hoort te liggen – maatschappelijke rechtvaardigheid. Voor het herstel van deze verbinding benut Schmitt het begrip ‘politieke theologie’: de aanname dat alle politieke filosofie direct of indirect voortvloeit uit al dan niet expliciet ‘geseculariseerde’ theologische stellingnamen. De politieke verplichting om een op immanente rechtvaardigheid gericht institutioneel recht te bevorderen ligt dan in het verlengde van een transcendent – theologisch – onderbouwde autoriteit.

Het is tijd het achterhaalde politiekcorrecte en niet langer houdbare ‘taboe’ op Carl Schmitt’s gedachtegoed te corrigeren en te onderzoeken welke relevantie het kan hebben voor het hier en nu overwinnen van de Crisis van het Postmoderne Westen.vi Robert Steuckers’ Sur et autour de Carl Schmitt laat ons daarbij niet alleen een monumentaal verleden bezoeken – het laat ons ook actuele inspiratie putten uit het machtige ‘Arsenaal van Hephaistos’vii

(*) Net zoals bij zijn voorafgaande bespreking van Steuckers’ werk Europa IIviii kiest de schrijver hier voor een de dubbele weergave van zowel Steuckers’ oorspronkelijke – wederom haarscherpe en azijnzure – Franse tekst als een Nederlandse vertaling. Zoals ook daar gezegd, deelt de schrijver de mening van patriottisch publicist Alfred Vierling dat de Franse taalcultuur essentieel afwijkt van de mondiaal hegemoniale Angelsaksische taalcultuur die in toenemende mate de Nederlandse taalcultuur domineert – en daarmee uit haar oorspronkelijke balans brengt. Toegang tot de Franse taal is feitelijk onontbeerlijk voor elke evenwichtig belezen Nederlandse lezer, maar het gebrek aan Franse taalkennis kan niet zonder meer de jonge Nederlandse lezer in de schoenen worden geschoven. Dit gebrek – een echte handicap bij elke serieuze studia humanitatis – komt grotendeels voor rekening van het opzettelijk idiocratische onderwijsbeleid van de Nederlandse vijandelijke elite. Eerder is in dat verband al gewezen op het dumbing down beleid dat veel verder terug dan het slash and burn staatssecretarisschap van onderwijs crimineel Mark R., namelijk op de cultuur-marxistische Mammoet Wet. De schrijver komt de lezer hier daarom tegemoet door hem zowel Steuckers’ originele Frans als zijn eigen ietwat (contextueel) vrije Nederlandse vertaling voor te leggen – vanzelfsprekend houdt hij de verantwoordelijkheid voor minder geslaagde pogingen om de Belgisch-Franse ‘bijtertjes’ van Steuckers weer te geven in het Nederlands. Een glossarium van essentiële Steuckeriaanse neo-logismen is bijgevoegd.

(**) Naar opzet is dit essay niet alleen bedoeld als recensie, maar ook als metapolitieke analyse – een bijdrage tot de patriottisch-identitaire deconstructie van de Postmoderne Westerse vijandelijke elite. Het is belangrijk te weten wie deze vijand is, wat hij wil en hoe hij denkt. Carl Schmitt’s gedachtegoed levert een rechtsfilosofische ‘anatomische’ ontleding van de vijandelijke elite – het trekt in die zin definitief de schuif weg onder die elite. Robert Steuckers levert een briljante actualisatie van dat gedachtegoed – de patriottisch-identitaire beweging van de Lage Landen is hem een dankwoord en felicitatie verschuldigd.

(***) Enerzijds wordt de ouderwets gedegen geschoolde lezer hier om geduld gevraagd met het ‘betuttelende’ apparaat van verklarende noten: dit is bedoeld voor de vele – met name jongere – lezers die door decennialange onderwijskaalslag zijn beroofd van basaal intellectueel erfgoed. Anderzijds wordt de niet in ouderwetse scholing opgevoede – en wellicht daardoor afgestoten – lezer hier om uithoudingsvermogen gevraagd: hij moet bedenken dat tekst die ‘pretentieus’ kan overkomen (point taken) niet anders is dan een reflectie van zijn eigen erfgoed, namelijk dat van de Westerse beschaving. Als de patriottisch-identitaire beweging ergens voor staat is het voor die beschaving – ΜΟΛΩΝ ΛΑΒΕ.ix

1. De wereld van het Normativisme als wil en voorstellingx

auctoritas non veritas facit legem

[macht, niet waarheid, maakt wet]

Steuckers begint zijn bespreking van het leven en werk van Carl Schmitt met een reconstructie van de cultuurhistorische wortels van de naoorlogse Westerse rechtsfilosofie. Hij herleidt de historisch-materialistische reductie – men zou kunnen zeggen ‘secularisatie’ – van de Westerse rechtsfilosofie tot de Reformatie en de Verlichting.xi De godsdienstoorlogen van de 16e en 17e eeuw resulteerden in een tijdelijke terugval van de Westerse beschaving tot een ‘natuurlijke staat’ die slechts gedeeltelijk kon worden gecompenseerd door de noodgreep van het klassieke Absolutisme (tweede helft 17e en eerste helft 18e eeuw).xii Dit ‘noodrem’ Absolutisme wordt gekenmerkt door de hooggestileerde personificatie van totaal soevereine monarchistische macht als laatste beschermer van de traditionalistische samenleving tegen de demonische krachten van modernistische chaos: na het wegvallen van de oude zekerheden van de sacrale en feodale orde grijpen ‘absolute’ monarchen in om de ontwrichtende dynamiek van het vroeg mercantiel kapitalisme, de ontluikende burgerrechten beweging en de escalerende tendens naar religieuze decentralisatie te kanaliseren. Cultuurhistorisch kan deze terugval op ‘persoonsgebonden’ auctoritas worden opgevat als een tijdelijke ‘noodmaatregel’: …en cas de normalité, l’autorité peut ne pas jouer, mais en cas d’exception, elle doit décider d’agir, de sévir ou de légiférer. ‘…onder normale omstandigheden speelt [zulk een absolute] autoriteit geen rol, maar in het uitzonderingsgeval moet zij besluiten handelend, overheersend en wetgevend op te treden.’ (p.4) Deze absolutistische ‘noodmaatregel’ is echter slechts lokaal en tijdelijk effectief: de pionierstaten van de moderniteit, zoals Groot-Brittannië en de Republiek der Zeven Verenigde Nederlanden, blijven ervan gevrijwaard – ‘semi-absolutistische’ episodes als de Stuart Restauratie en het stadhouderschap van Willem III ten spijt. Zelfs in zijn hartland overschrijdt het Absolutisme al binnen een eeuw zijn houdbaarheidsdatum – de Amerikaanse en Franse Revolutie markeren het einde van het Absolutisme en de definitieve Machtergreifung van de bourgeoisie als nieuwe dominante kracht in de Westerse politieke arena.

De burgerlijk-kapitalistische Wille zur Macht wordt abstract uitgedrukt in een politieke doctrine die gebaseerd op de effectieve omkering van de voorafgaande Traditionalistische rechtsfilosofie (dat wil zeggen van de klerikaal-feodale ‘politieke theologie’): dit nieuwe Normativisme, geconstrueerd rond burgerlijk-kapitalistisch belangen, abstraheert en depersonaliseert de staatsmacht – Thomas Hobbes beschreef haar al als een mythisch-onzichtbare ‘Leviathan’.xiii Abstractie vindt plaats door ideologisering en depersonalisering door institutionalisering: beide processen zijn gericht op het bevestigen en bestendigen van de nieuwe burgerlijk-kapitalistische hegemonie in de politieke sfeer. Rigide routines en mechanische procedures (‘bureaucratie’, ‘administratie’, ‘rechtstaat’) vervangen de menselijke maat en de persoonlijke dimensie van de macht: concrete macht verandert in abstract ‘bestuur’. L’idéologie républicaine ou bourgeoise a voulu dépersonnaliser les mécanismes de la politique. La norme a avancé, au détriment de l‘incarnation du pouvoir. ‘De republikeinse en burgerlijke ideologie wil het politieke mechanisme depersonaliseren. Zij bevordert normatieve macht ten koste van belichaamde macht.’ (p.4) Het eerste consistente experiment met het Normativisme als Realpolitik eindigt in de Grote Terreur van de Eerste Franse Republiek: het illustreert de totalitaire realiteit die noodzakelijkerwijs voortvloeit uit de consequente toepassing van het do-or-die motto dat het burgerlijk-kapitalistisch machtsproject in zowel formele (republikeinse) als informele (vrijmetselaars) vorm dekt: liberté, égalité, et fraternité ou la mort. De ethische discrepantie tussen de utopische ideologie en praktische applicatie van dat machtsproject wordt pas ideologisch afgedekt – en tot norm verheven – in het 19e eeuwse Liberalisme: het Liberalisme wordt de politieke ‘fabrieksstand’ van de moderniteit. Onder de propagandistische oppervlakte van het Liberalisme – de utopie van ‘humanisme’, ‘individualisme’ en ‘vooruitgang’ – ligt zijn diepere substantie: de met (sociaaldarwinistische) pseudowetenschap gerechtvaardigde economische uitbuiting (‘monetarisatie’, ‘vrije markt’, ‘concurrentie’) en sociale deconstructie (‘individuele verantwoordelijkheid’, ‘arbeidsmarkt participatie’, ‘calculerend burgerschap’) die met wiskundige zekerheid eindigen in sociale implosie (door Karl Marx geanalyseerd als Entfremdung en door Emile Durkheim als anomie). De op lange termijn door het Liberalisme bewerkstelligde ‘superstructuur’ berust op een zeer puristische – en daarmee zeer bestendige – vorm van Normativisme: het Liberalisme heeft daarmee tegelijk de hoogste totalitaire capaciteit van alle modernistische (historisch-materialistische) ideologieën. Zo wijst Aleksandr Doegin in zijn historische analyse, naar het Engels vertaald als The Fourth Political Theory, op deze intrinsieke – logisch-consistente en existentieel-adaptieve – superioriteit van het Liberalisme. …[L]e libéralisme-normativisme est néanmoins coercitif, voire plus coercitif que la coercition exercée par une personne mortelle, car il ne tolère justement aucune forme d’indépendance personnalisée à l’égard de la norme, du discours conventionnel, de l’idéologie établie, etc., qui seraient des principes immortels, impassables, appelés à régner en dépit des vicissitudes du réel. ‘…[H]et liberaal-normativisme werkt desalniettemin afpersend, het is zelfs veel dwingender dan de dwang die wordt uitgeoefend door een sterfelijk heerser, want het tolereert geen enkele vorm van gepersonifieerde onafhankelijkheid ten opzichte van zijn eigen ‘norm’ (conventionele consensus, standaard ideologie, politieke correctheid), verheven tot een eeuwig en ongenaakbaar principe dat zich permanent onttrekt aan de wisselvalligheden van de werkelijkheid.’ (p.5) Sociologisch kan de totalitaire superstructuur van het Liberaal-Normativisme worden beschreven als ‘hyper-moraliteit’.xiv

De vraag dringt zich op naar de rechtsfilosofische ‘bewegelijkheid’ en de ideologische relativeerbaarheid van deze schijnbaar onwrikbaar in de psychosociale Postmoderniteit verankerde monoliet. Het antwoord op deze vraag ligt in een doorbreken van de event horizon, de ‘waarnemingshorizon’ van de Liberaal-Normativistische Postmoderniteit. Een doorbraak van de ‘tijdloze’ dimensie van het Liberaal-Normativisme is mogelijk via een ‘Archeo-Futuristische’ formule: de gelijktijdige mobilisatie van hervonden oude kennis en nieuw ontdekte kracht levert de benodigde combinatie van voorstellingsvermogen en wilsbeschikking.

ii Alain de Benoist’s korte en geactualiseerde introductie Carl Schmitt actuel (2007) is inmiddels in het Engels vertaald en uitgegeven door Arktos, voor een bespreking zie https://www.counter-currents.com/carl-schmitt-today/ .

iii Op Hitler’s sterfdag werd Schmitt in Berlijn door het Rode Leger gearresteerd maar na een kort verhoor werd hij meteen weer vrijgelaten. Hij werd later als potentieel verdachte bij het Neurenberger Tribunaal alsnog opgepakt en geïnterneerd door de Amerikaanse bezetter. Plettenberg, Schmitt’s geboorte-, woon- en sterfplaats, ligt in Westfalen en dus in de toenmalige Amerikaanse bezettingszone.

iv De volgende aantekening in zijn dagboek schetst Schmitt’s diep kritische houding tegenover de subrationeel-collectivistische (‘volksdemocratische’) wortels van het Naziregime: Wer ist der wahre Verbrecher, der wahre Urheber des Hitlerismus? Wer hat diese Figur erfunden? Wer hat die Greuelepisode in die Welt gesetzt? Wem verdanken wir die 12 Mio. [sic] toten Juden? Ich kann es euch sehr genau sagen: Hitler hat sich nicht selbst erfunden. Wir verdanken ihn dem echt demokratischen Gehirn, das die mythische Figur des unbekannten Soldaten des Ersten Weltkriegs ausgeheckt hat.

v Uit de titel van een werk van de Duitse rechtsfilosoof Walter Leisner.

vi Hier wordt het ‘Westen’ gemakshalve gedefinieerd als het agglomeraat van de Europese natiestaten die hun oorsprong vinden in de West-Romeinse/Katholieke Traditie in plaats van de Oost-Romeins/Orthodoxe Traditie, kortweg West-Europa plus de overzeese Anglosfeer.

vii In de Klassieke Oudheid was (Grieks:) Hephaistos (Latijn: Vulcanus) de smid van de goden en beschermgod van de smeedkunst – dit dus in verwijzing naar ‘Schmitt’.

ix De ‘laconische’ spreuk van de Spartaanse koning Leonidas voor de Slag bij Thermopylae (480 v. Chr.) in reactie op de Perzische oproep om de wapens neer te leggen en de hopeloze strijd te staken – de strekking ervan is zoiets ‘Kom ze maar halen’, maar dan korter en krachtiger.

x Een ‘schuine’ verwijzing naar de titel (en inhoud) van het hoofdwerk van de Duitse filosoof Arthur Schopenhauer (1788-1860), Die Welt als Wille und Vorstellung.

xi Verg. Alexander Wolfheze, The Sunset of Tradition and the Origin of the Great War (2018) 53ff en 367ff (voorwoord vrij toegankelijk via de knop View Extract op https://www.cambridgescholars.com/the-sunset-of-tradition-and-the-origin-of-the-great-war en recensie vrij toegankelijk via https://www.counter-currents.com/tag/alexander-wolfheze/ ).

xii Een belangrijke cultuurhistorische reflectie van deze regressie is te vinden in Thomas Hobbes’ midden-17e eeuwse visie van een universeel geprojecteerde (proto-sociaal-darwinistische) bellum omnium contra omnes.

xiii Voor een literaire deelanalyse van de cultuurhistorische uitwerking van het Normativisme gedurende de 20e eeuw verg. Tom Zwitzer, Permafrost: een filosofisch essay over de westerse geopolitiek van 1914 tot heden (2017).

xiv Verg. Jost Bauch’s Abschied von Deutschland: Eine politische Grabschrift (2018).

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Uit het arsenaal van Hefaistos (2)

Uit het arsenaal van Hephaistos, deel 2

2. Door het glazen plafond van het Postmodernisme

ΔΩΣ ΜΟΙ ΠΑ ΣΤΩ ΚΑΙ ΤΑΝ ΓΑΝ ΚΙΝΑΣΩ

[geef me een plaats om op te staan, en ik zal de aarde bewegen]

– Archimedes

Een van de gevaarlijkste ‘kinderziekten’ van de recentelijk in de hele Westerse wereld opkomende patriottisch-identitaire verzetsbeweging tegen de globalistische Nieuwe Wereld Orde is haar onvermogen tot een correcte inschatting van de aard en kracht van de vijandelijke elite. De wijdverspreide (‘populistische’) volkswoede en beginnende (‘alt-right’) intellectuele kritiek die deze verzetsbeweging voeden worden deels gekenmerkt door oppervlakkig pragmatisme (politiek opportunisme) en emotionele regressie (extremistische samenzweringstheorieën). Beide kunnen worden begrepen als politieke en ideologische weerslag van een natuurlijk zelfbehoudsinstinct: in confrontatie met existentiële bedreigingen zoals de doelbewuste etnische vervanging van de Westerse volkeren en de escalerende psychosociale deconstructie van de Westerse beschaving hebben politiek purisme en intellectuele integriteit simpelweg geen prioriteit. Toch is het belangrijk dat de patriottisch-identitaire beweging deze kinderziekten – met name quick fix politieke ‘islamofobie’ en short cut ideologisch ‘anti-semitisme’ – zo snel mogelijk ontgroeit.i Een ‘preventieve zelfcensuur’ met betrekking tot de legitieme cultuurhistorische vraagstukken die vervlochten zijn in de ‘islamofobische’ en ‘antisemitische’ discoursen, zoals afgedwongen door het huidige politiekcorrecte journalistieke en academische establishment, is daarbij uitdrukkelijk niet aan de orde. De patriottisch-identitaire beweging geeft uitdrukkelijk prioriteit aan authentieke (dus niet slechts legalistische) vrijheid van meningsuiting: zij stelt zich op het standpunt dat politiekcorrecte (zelf)censuur en repressief mediabeleid averechts (letterlijk: ‘extreemrechts’ bevorderend) werken doordat ze het publiek wantrouwen vergroten. Door de flagrante partijdigheid van de systeempers (stigmatiseren van elke rationele kosten-baten analyse van de massa-immigratie, negeren van etnisch-geprofileerde grooming gangs, ‘herinterpreteren’ van islamistische terreur incidenten) en door het shoot the messenger overheidsbeleid ten aanzien van systeemkritische media (fake news projecties, Russian involvement verdachtmakingen, digitale deplatforming) haken mensen massaal af uit de mediale en politieke mainstream. De teloorgang van de klassieke (papieren en televisie) media en de versplintering van het politieke speelveld zijn hiervan slechts de meest oppervlakkige symptomen. De patriottisch-identitaire beweging, daarentegen, werpt zich nu op als verdediger van door de vijandelijke elite verraden – want voor haar nu overbodige en gevaarlijke – oude vrijheden van pers en meninguiting.ii De patriottisch-identitaire beweging valt nu de taak toe de door de vijandelijke elite prijsgegeven – neoliberaal verkochte en cultuurmarxistische verraden – Westerse beschaving te beschermen: dat houdt in dat ze een hoge intellectuele en ethische standaard te verdedigen heeft. Een correcte inschatting van de aard en kracht van de vijandelijke elite is daarbij een prioritaire – zelfs voorliggende – opgave: de ‘vijand’ kortweg afdoen als ‘de Islam’ of ‘het Joodse wereldcomplot’ (of beide tegelijk) doet simpelweg geen recht aan deze opgave.

Het correct benoemen van de vijandelijke elite vergt meer dan een simpele – religieus, ethisch en existentieel op zich correcte – verwijzing naar haar ontegenzeggelijk ‘duivelse’ kwaliteit: het absolute kwaad dat resulteert uit industriële ecocide, bloeddorstige bio-industrie, etnocidale ‘omvolking’, neoliberale schuldslavernij en matriarchale sociale deconstructie spreekt voor zich.iii Er is meer nodig: het is nodig te komen tot een juridisch-kaderende en politiek-actioneerbare identificatie van de vijandelijke elite. Robert Steuckers analyse van Carl Schmitt’s ‘politieke theologie’ is in dit opzicht van grote toegevoegde waarde: zij levert het intellectuele instrumentarium dat nodig is voor deze – wellicht grootste – opgave van de Westerse patriottisch-identitaire beweging.

3. Het Liberalisme als totalitair nihilisme

le libéralisme est le mal, le mal à l’état pur, le mal essentiel et substantiel

[…het liberalisme is een absoluut kwaad: het kwaad in pure vorm,

het kwaad als essentie en substantie…] (p.37)

Steuckers analyseert het Liberaal-Normativisme als de default ideology van de vijandelijke elite – de ideologie die haar machtsstatus staatsrechterlijk legitimeert: Le libéralisme… monopolise le droit (et le droit de dire le droit) pour lui exclusivement, en le figeant et en n’autorisant plus aucune modification et, simultanément, en le soumettant aux coups dissolvants de l’économie et de l’éthique (elle-même détachée de la religion et livrée à la philosophie laïque) ; exactement comme, en niant et en combattant toutes les autres formes de représentation populaire et de redistribution qui s’effectuait au nom de la caritas, il avait monopolisé à son unique profit les idéaux et pratiques de la liberté et de l’égalité/équité : en opérant cette triple monopolisation, la libéralisme et son instrument, l’Etat dit ‘de droit’, prétendant à l’universalité. A ses propres yeux, l’Etat libéral représente dorénavant la seule voie possible vers le droit, la liberté et l’égalité : il n’y a donc plus qu’une seule formule politique qui soit encore tolérable, la sienne et la sienne seule. ‘Het liberalisme… monopoliseert (1) het recht (en het recht om recht te spreken) door het [voor eens en altijd] vast te leggen, door geen enkele aanpassing meer toe te laten en door het prijs te geven aan de ‘oplossende’ inwerking van [een ongebreidelde] economie en [een losgeslagen] ethiek (een ethiek die ontsnapt aan een godsdienstig kader en die wordt gekaapt door ‘seculiere filosofie’). Door ten bate van het exclusieve eigen profijt tegelijkertijd alle andere vormen van (2) [niet partij-politieke] volksvertegenwoordiging en (3) [niet-monetaire economische] redistributie te ontkennen en te saboteren, monopoliseert het liberalisme uiteindelijk ook het [volledige] ideële en praktische [discours] van vrijheid, gelijk[waardig]heid [en] billijkheid. Met deze drievoudige monopolie positie kan het liberalisme – via zijn instrument genaamd ‘rechtstaat’ – een claim leggen op universele geldigheid. In zijn eigen ogen vertegenwoordigt de liberale staat aldus de enig mogelijk [en alleenzaligmakende] weg naar recht, vrijheid en gelijkheid. Daarmee blijft er maar één enkele acceptabele politieke formule over: de liberale – en alleen de liberale.’ (p.38) Dit is de achtergrond van door het neoliberale globalisme als universalistisch-absoluut afgespiegelde ‘waarden’ als good governance en human rights. Vanuit Traditionalistisch perspectief vertegenwoordigt het door Steuckers gedefinieerde Liberaal-Normativisme de tastbare politiek-ideologische ‘infrastructuur’ die hoort bij een erboven liggende maar ontastbare cultuur- en psychohistorische ‘superstructuur’ die hier eerder werd aangeduid met het begrip ‘Cultuur Nihilisme’: de geconditioneerde belevingswereld van sociaaleconomische Entfremdung, psychosociale anomie, urbaan-hedonistische stasis en collectief-functioneel malignant narcisme.iv Dit Traditionalistisch perspectief sluit naadloos aan bij Steuckers’ analyse van de tastbare cultuurhistorische inwerking van het Liberaal-Normativisme, dat hij expliciet benoemt als ….[le] principe dissolvant et déliquescent au sein de civilisation occidentale et européenne. …[L]e libéralisme est l’idéologie et la pratique qui affaiblissent les sociétés et dissolvent les valeurs porteuses d’Etat ou d’empire telles l’amour de la patrie, la raison politique, les mœurs traditionnelles et la notion de honneur‘…[h]et principe van ‘oplosmiddel’ en ‘verrotting’ in het hart van de Westerse en Europese beschaving. …[H]et liberalisme is bij uitstek de ideologie en de praktijk die gemeenschappen verzwakt en die de dragende waarden van de staat of het imperium, zoals vaderlandsliefde, staatsmanschap, traditietrouw en eerbesef, ‘oplost.’ (p.36-7)v

Vanuit Traditionalistisch perspectief wordt de cultuurhistorische inwerking van het Liberaal-Normativisme bepaald door een groter metahistorisch krachtenveld (de neerwaartse tijdspiraal die door de Hindoeïstische Traditie wordt benoemd als Kali Yuga en door de Christelijke Traditie als ‘Laatste Dagen’). Het historische agency van het Liberaal-Normativisme als drager van een contextueel functionele Wertblindheit komt expliciet tot uitdrukking in Steuckers’ prognose: …une ‘révolution’ plus diabolique encore que celle de 1789 remplacera forcément, un jour, les vides béants laissés par la déliquescence libérale ‘…[het is] onvermijdelijk dat op een zekere dag een nog duivelser revolutie dan die van 1789 de gapende leegte zal opvullen die de liberale verrotting heeft achtergelaten.’ (p.37) Een eerste indicatie van die nog achter het Liberaal-Normativisme verscholen liggende diepere leegte kan worden gevonden in het recente monsterverbond tussen het neoliberalisme en het cultuurmarxisme (in de Nederlandse politieke context is dit verbond al zichtbaar in de tegelijk graai-kapitalistische en diep-nihilistische programma’s van VVD en D66). Steuckers laat zien hoe Schmitt de cultuurhistorisch neerwaarts-regressieve aard van het Liberaal-Normativisme dubbel filosofisch en religieus duidt. Schmitt benoemt de consistente Liberaal-Normativistische begunstiging van pre-Indo-Europees primitivisme (Etruskisch moederrecht, Pelagiaanse ‘katagogische’ theologie) ten koste van de Indo-Europese beschaving (Romeins vaderrecht, Augustiaanse ‘anagogische’ theologie).vi Het Traditionalisme ziet in deze begunstiging een meta-historische beweging richting ‘neo-matriarchaat’: dit verklaart de chronologische samenhang tussen de Postmoderne hegemonie van het Liberaal-Normativisme en typisch Postmoderne symptomen als feminisatie, xenofilie en oikofobie.vii Sociologisch wordt deze fenomenologie zeer treffend beschreven als passend in de ontwikkeling van een ‘dissociatieve samenleving’.viii Het spookbeeld van een absoluut nihilistisch vacuüm werpt zijn schaduw al vooruit in Postmoderne discoursen als ‘open grenzen’ (genocide-op-bestelling), ‘transgenderisme’ (depersonalisatie-op-bestelling), ‘reproductieve vrijheid (abortie-op-bestelling) en ‘voltooid leven’ (dood-op-bestelling) – discoursen die als regelrecht ‘duivels’ zijn te begrijpen vanuit elke authentieke Traditie.ix

Afgezien van de natuurlijke interetnische (feitelijk ‘neo-tribale’) conflicten van de hedendaagse ‘multiculturele samenleving’ (bio-evolutionaire spanningsvelden, interraciale drifttrajecten, postkoloniale minderwaardigheidscomplexen) is het vooral de in toenemende mate diabolische leefwereld van de Liberaal-Normativistische Westerse ‘samenleving’ die het existentiële conflict tussen Westerse autochtonen en niet-Westerse allochtonen voedt. Voor elke traditionele Moslim uit het Midden-Oosten, voor elke traditionele Hindoe uit Zuid-Azië en voor elke traditionele Christen uit Afrika is de Liberaal-Normativistische open society van het Postmoderne Westen niet slechts een abstract (theologisch) kwaad, maar een geleefde (existentiële) gruwel. De gewapende terreur van de islamistische jihad is weliswaar naar (getolereerde) vorm een offensief onderdeel van de ‘verdeel en heers’ strategie van de globalistische vijandelijke elite, maar naar (geleefde) inhoud is hij beter te begrijpen als een defensief mechanisme tegen de godslasterlijke en mensonterende leefrealiteit van het Liberaal-Normativisme. Vanuit Traditionalistisch perspectief zou men kunnen stellen dat een Islamitisch Kalifaat inderdaad een (zeer relatief) ‘beter’ alternatief is voor de Westerse volkeren dan de bestiale ontmenselijking van de zich in het Postmoderne Liberaal-Normativisme aftekenende hellegang.

Hiermee is de grootste vijand van de Westerse volkeren – en tegelijk de gemeenschappelijke vijand van alle volkeren die nog leven naar authentieke Tradities – politiek benoemd: het totalitair nihilistische Liberalisme. Het Liberaal-Normativisme wordt politiek verwezenlijkt door het Liberalisme: het programma van de vijandelijke elite wordt vormgegeven door het Liberalisme. Daarbij moet worden aangetekend dat het Liberalisme sinds de Tweede Wereld Oorlog in de Westerse wereld gestaag de status heeft verworven van ‘standaard politiek discours’. Het Liberalisme doordringt, vervormt en ontregelt alle aanvankelijk concurrerende politieke stromingen – Christen Democratie (CDA, CU), Sociaal Democratie (PVDA, SP), Civiel Nationalisme (PVV, FVD) – nu zozeer dat elk spoor van authentieke democratisch-parlementaire oppositie richting een alternatieve maatschappijvorm ontbreekt. Steuckers benoemt dit ‘politicide’ proces als een functie van het ‘ideologische sterilisatie’ vermogen van het Liberalisme. Ook buiten het klassieke partijkartel (in Nederland te definiëren als de standaard bestuurspartijen – VVD, D66, CDA, CU en PVDA) is het Liberalisme nu zozeer tot politieke habitusx geworden, dat alle overige partijen – grotendeels onwillekeurig, onbewust, onbedoeld – in de rol vallen van controlled opposition. De resulterende ‘consensuspolitiek’ – in Nederland geassocieerd met het letterlijk nivellerende ‘poldermodel’ – wordt in de Westerse wereld conventioneel benoemd als ‘Neoliberalisme’ (datering: Thatcher-Reagan-Lubbers).

4. Het Liberalisme als politicide

Het ‘democratisch gekozen’ parlement is nooit de plaats voor authentiek debat:

het is altijd de plaats waar het collectivistisch absolutisme zijn decreten uitvaardigt.

– Nicolás Gómez Dávila

De vorming van Liberalistisch-geleide partijkartels en Liberalistisch-gestuurde consensuspolitiek is grotendeels te wijten aan de simpele praktijk van het parlementarisme: door de techniek van het hyper-democratisch genivelleerde en van de realiteit losgekoppeld ‘debat’ reduceert het parlementarisme alle ‘meningen’ en ‘standpunten’ grosso modo tot hun laagste gemene deler: die van het grotesk materialistische en totaal amorele Liberalisme. In het totaal nivellerend debat vervangt kwantiteit (‘democratie’) kwaliteit, vervangt gevoel (‘humaniteit’) verstand, vervangt abstract ‘bestuur’ (regelgeving, bureaucratie, protocol) concrete rechtvaardigheid en vervangt infantiele impulsiviteit (‘behoefte bevrediging’) het collectieve toekomstperspectief. De ‘koopkracht’ gaat altijd voor nalatenschap, de life style gaat altijd voor duurzaamheid en het relationele experiment gaat altijd voor gezinsbescherming. Het parlementarisme is de politiek-institutionele reflectie van de door het Liberalisme bevorderde collectivistische nivellering: het is de reductio ad absurdum van het politieke bedrijf – politiek als talkshow entertainment.[L]’essence du parlementarisme, c’est le débat, la discussion et la publicité. Ce parlementarisme peut s’avérer valable dans les aréopages d’hommes rationnels et lucides, mais plus quand s’y affrontent des partis à idéologies rigides qui prétendent tous détenir la vérité ultime. Le débat n’est alors plus loyal, la finalité des protagonistes n’est plus de découvrir par la discussion, par la confrontation d’opinions et d’expériences diverses, un ‘bien commun’. C’est cela la crise du parlementarisme. La rationalité du système parlementaire est mise en échec par l’irrationalité fondamentale des parties. ‘[D]e essentie van het parlementarisme ligt in debat, discussie en publiciteit. Zulk parlementarisme kan zichzelf als waardevol bewijzen in Areopagenxi met rationeel en helder denkende mannen, maar dat is niet langer het geval wanneer daarin rigide ideologische partijen tegenover elkaar staan die beweren de ultieme waarheid in pacht te hebben. Dan is het debat niet langer loyaal: het einddoel van de deelnemers is dan niet langer om door een discussie en een confrontatie van meningen en ervaringen het ‘hogere belang’ te ontdekken. Hierin ligt de crisis van het [huidige] parlementarisme. De rationaliteit van het [huidige] parlementaire systeem faalt door de fundamentele irrationaliteit van de partijen.’ (p.18-9)

Het is onvermijdelijk dat deze zelfversterkende crisis in toenemende mate wordt gevoed door voorheen in de politiek ‘onzichtbare’ maatschappelijke groepen. Het escalerende proces van politieke nivellering voedt zich met de individuele ambities en rancunes van de zelfbenoemde ‘voorvechters’ van zogenaamd ‘gediscrimineerde’ groepen. Wie zoekt zal vinden: er zijn altijd nieuwe ‘ondergepriviligeerde’ groepen (uit) te vinden: jongeren, ouderen, vrouwen, allochtonen, homoseksuelen, transgenders. Het totalitair nihilistische Liberalisme is het uit dit proces resulterende diepste (meest ‘gedeconstrueerde’ en meest ‘gedesubstantialiseerde’) politieke sediment – en sentiment: het is de politieke ‘nul-stand’ die overblijft na het totaal nivellerend ‘debat’, dat wil zeggen na de neutralisatie van alle pogingen tot politiek idealisme, politieke intelligentie en politieke wilsbeschikking.

Het Liberalisme realiseert de politieke (parlementaire, partitocratische) dialectiek van het Liberaal-Normativistische ideologie. In Schmitt’s visie is de dialectische vicieuze cirkel die voortvloeit uit deze ideologie alleen te doorbreken door een fundamenteel herstel van het politiek primaat. Steuckers formuleert dit als volgt: Dans [cette idéologie], aucun ennemi n’existe : évoquer son éventuelle existence relève d’une mentalité paranoïaque ou obsidionale (assimilée à un ‘fascisme’ irréel et fantasmagorique) – …il n’y a que des partenaires de discussion. Avec qui on organisera des débats, suite auxquels on trouvera immanquablement une solution. Mais si ce partenaire, toujours idéal, venait un jour à refuser tout débat, cessant du même coup d’être idéal. Le choc est alors inévitable. L’élite dominante, constituée de disciples conscients ou inconscients de [cette] idéologie naïve et puérile…, se retrouve sans réponse au défi, comme l’eurocratisme néoliberal ou social-libéral aujourd’hui face à l’[islamisme politique]… De telles élites n’ont plus leur place au-devant de la scène. Elles doivent être remplacées. ‘In [deze ideologie] kan een [echte] vijand niet bestaan: zelfs maar het mogelijke bestaan van zulk een [vijand] te suggereren is al ‘bewijs’ van een paranoïde of obsessieve mentaliteit (vast geassocieerd met een irreëel en ingebeeld ‘fascisme’) – …er bestaan alleen maar ‘discussie partners’. Daarmee organiseert men debatten die altijd onveranderlijk eindigen in een oplossing. Maar als die altijd in ideaal [vorm gedachte discussie] ‘partner’ op een dag elk debat weigert, dan vervalt ook meteen dat ideale [‘discussie model’]. Een [existentiële] shock toestand is dan onvermijdelijk. De heersende elite, die bestaat uit bewuste of onbewuste discipelen van [deze] naïeve en kinderlijke ideologie…, zal [dan] geen antwoord op deze uitdaging hebben – net zoals de neoliberale en sociaaldemocratische eurocratie [geen antwoord heeft] op het [politiek islamisme]… Voor zulke elites is geen plaats meer op het [politieke] toneel – zij moeten worden vervangen.’ (p.245)

i Voor een analyse van ‘islamofobie’ en ‘antisemitisme’ in de context van de Nederlandse patriottisch-identitaire beweging verg., resp., http://www.identitair.nl/2018/08/laat-de-islam-met-rust.html en http://www.identitair.nl/2018/12/van-jq-naar-iq.html .

iii Voor een cultuur- en psychohistorische plaatsbepaling van de vijandelijke elite verg. https://www.erkenbrand.eu/artikelen/de-levende-doden-1/ .

iv Voor een opsomming van de belangrijkste in deze ‘superstructuur’ samenvallende cultuurhistorische fenomenen verg. Alexander Wolfheze, The Sunset of Tradition and the Origin of the Great War (2018) 9-12.

v Een bio- en psychosociale analyse van de cultuurhistorische inwerking van het Liberaal-Normativisme is te vinden in het werk van de Duitse socioloog Arnold Gehlen (1904-76). Zijn structurele oppositie tussen (anagogische) Zucht en (katagogische) Entartung laat een objectief meetbare analyse toe van het Liberaal-Normativistische de-socialisatie proces (sociale ‘deconstructie’).

vi De theologische verwijzing betreft een vroeg-Christelijke doctrinaire controverse die in de Westerse context werd beslecht ten voordele van de erfzonde-erkennende leer van Augustinus (354-430) en ten nadele van de erfzonde-ontkennende leer van Pelagius (360-418).

vii Voor de cultuurhistorische ontwikkeling van het neo-matriarchaat verg. https://www.erkenbrand.eu/artikelen/de-levende-doden-1/ – voor een actueel inkijkje in de neo-matriarchale belevingsrealiteit verg. https://www.counter-currents.com/2018/12/against-escapism/ .

viii Verg. Jost Bauch’s Abschied von Deutschland: Eine politische Grabschrift (2018).

ix Het spookbeeld van de ultieme totalitaire staat, d.w.z. een leefwereld waarin de hele sociale en individuele sfeer is overwoekerd door de staat, vormt al het thema van vroeg 20ste eeuwse dystopische literaire klassieken zoals Jevgeni Zamjatin’s My (1924), Aldous Huxley’s Brave New World (1932) en George Orwell’s Nineteen Eighty-Four (1949).

x De sociologische omschrijving van sociaal-psychologische conditionering (hexis, mimesis) van Pierre Bourdieu.

xi Een verwijzing naar de heuvel nabij de Acropolis waar in de Klassieke Oudheid de Atheense senatoren bijeen plachten te komen.

vendredi, 11 janvier 2019

From the Arsenal of Hephaestus

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From the Arsenal of Hephaestus

 
Ex: https://www.geopolitica.ru
 
Ten Traditionalist Perspectives on the Ideology of the Hostile Elite in the Exegesis of Robert Steuckers’ Sur et autour de Carl Schmitt. Un monument revisité (Les Edition du Lore, 2018).

 

Prologue: the Anatomy Lesson of Carl Schmitt and Robert Steuckers[1]

Without power, righteousness cannot flourish,

without righteousness, the world will flounder in ashes and dust

- Guru Gobind Singh

LORE-CS-Steuckers_site.jpgSome aspects of the intellectual heritage of German legal philosopher Carl Schmitt (1888-1985) have already been dealt with by the author in general terms[2] - this essay is meant to look at Schmitt’s scientific oeuvre in more detail. The recent publication of the latest book of Belgian Traditionalist publicist Robert Steuckers affords a suitable opportunity for revisiting Schmitt’ work in a more comprehensive fashion. In the Low Countries, Steuckers’ book Sur et autour de Carl Schmitt represents the first substantial monograph dedicated to the rehabilitation of Schmitt’s highly original - and highly topical philosophy of law.[3] For many years, Schmitt’s intellectual universe and life-world were effectively ‘taboo’ due to his - complex and therefore easily vulgarized - association with the Nazi regime. It is a fact that Schmitt became a member of the NSDAP in May 1933, only a few months after Hitler’s seizure of power, and that he supported Hitler’s authoritarian amputation of the Weimar institutions - as did nearly all other German men and women at the time. It is a fact that he was interned by the American occupation authorities after the downfall of the Third Reich[4] and that he consistently refused to be subjected to the politically correct ‘second baptism’ of semi-obligatory ‘denazification’. His principled stance against foreign occupation cost him his academic career and social status. This stance, however, was not inspired by any great enthusiasm - or even basic respect - for the Nazi regime: in Schmitt’s view, this regime was fatally flawed in terms of higher legitimacy and historical authenticity.[5] After Stunde Null, Schmitt simply refused the new ideological Gleichschaltung demanded by the occupying powers. Irrespective of the exact degree to which Schmitt’s work can be considered intrinsically ‘tainted’ in the context of the virulent excesses of National Socialism, the fact remains that his life’s work was placed in the same post-war quarantine that befell the life work of other great European thinkers. It ended up in history’s cabinet of curiosities, together with that of Italy’s Julius Evola, France’s Louis-Ferdinand Céline, Romania’s Mircea Eliade, Norway’s Knut Hamsun and America’s Ezra Pound.

But seventy years later it is becoming increasingly evident that the historical-materialist mythology of ‘progress’ and ‘constructability’, now raised to the status of standard doctrine (with a socialist variety in the Eastern Bloc and a liberal variety in the Western Bloc), has brought Western civilization to the brink of extinction. After the fall of Eastern Bloc Realsozialmus, the entire Western world has fallen prey to what may be termed ‘Cultural Nihilism’: a poisonous cocktail of neo-liberal ‘capitalism for the poor and socialism for the rich’ and cultural-marxist ‘identity politics’ (the new ‘class struggle’ of old against young, female against male and black against white). This Cultural Nihilism is characterized by militant secularism (destroying religious cohesion), monetarized social-darwinism (destroying social-economic cohesion), totalitarian matriarchy (destroying family cohesion) and doctrinal oikophobia (destroying ethnic cohesion) and it is practised through the Macht durch Nivellierung (‘power through levelling’) mechanism of the totalitarian-collectivist Gleichheitsstaat.[6] The prime carrier of Cultural Nihilism is still the forever young ‘baby boomer’ generation of rebels without a cause, but that generation is now replacing itself by a time-less, shape-shifting ‘hostile elite’, feeding off continuous new discoveries of ‘repressed minorities’ (resentful feminists, ambitious immigrants, psychotic LBTG-activists). The power of this hostile elite resides in two distinct but intricately linked force fields: (1) the globalist institutional machinery (the ‘letter institutions’ - UN, IMF, WTO, WEF, EU, ECB, NATO) that allows it to overrule state sovereignty and electoral correction and (2) the universalist-humanist discourse of ‘human rights’, ‘democracy’ and ‘freedom’ that allows it to monopolize the ‘moral high ground’. This double trans-national and meta-political power position allows the hostile elite to systematically elude any responsibility for the stupendous damage it is inflicting on Western civilization. The crimes committed by the hostile elite - industrial ecocide (anthropogenic climate change, environmental degradation, diabolical bio-industry), hyper-capitalist exploitation (‘free market’, ‘privatization’, ‘social return’), social implosion (matriarchy, feminization, transgenderism) and ethnic replacement (‘asylum policy’, ‘labour migration’, ‘family reunification’) - go unpunished within an institutional and ideological framework that operates literally ‘above the law’. Only an entirely new legal framework can end the legal immunity enjoyed by the hostile elite. Carl Schmitt’s philosophy of law provides that new frame: it offers a restoration of the lost link between institutional law and authentic authority and of what is found between these two - actual justice. To restore this link, Schmitt uses the concept of ‘political theology’, i.e. the assumption that all political philosophies are shaped, directly or indirectly, by theological positions that may or may not take on an ostensibly ‘secularized’ shape. From that perspective, the political imperative of promoting institutional laws aimed at immanent justice is derived from transcendently - theologically - defined authority.

The time has come to end the entirely anachronistic and increasingly untenable ‘taboo’ on Carl Schmitt’s work and thought - and to investigate its relevance during the contemporary Crisis of the Postmodern West.[7] Robert Steuckers’ Sur et autour de Carl Schmitt permits us not only a fascinating visit to a monumental past. It also permits us to find the weapons that are needed in the here and now - it gives us access to the mighty ‘Arsenal of Hephaestus’.[8]

(*) As in the earlier review of Steuckers’ work Europa II,[9] the reviewer has chosen for a double presentation of Steuckers’ original French text - sharp and acidic as usual - as well as an English translation. As stated in that earlier review, the reviewer shares the view of patriotic publicist Alfred Vierling that the French literary culture is essentially different from the English literary culture to a degree that virtually precludes one-on-one ‘translation’. This means that French language skills are actually indispensable for any conscientious studia humanitatis. The lack of such skills among the younger generations of the West, however, is not primarily due to any intellectual complacency: it can be directly attributed to the hostile elite’s anti-education policy of deliberate ‘dumbing down’. The reviewer is therefore willing to meet younger readers half-way by presenting both Steuckers’ original text and his own somewhat ‘free’ English translation. Obviously, the reviewer acknowledges his responsibility for the less successful attempts at transposing Steuckers’ ‘biting’ Walloon-French into English. A glossary of Steuckerian neologisms is added at the end of the text.

(**) This essay is not only meant to provide a review, it is also meant as a metapolitical analysis and a contribution to the patriotic-identitarian deconstruction of the Postmodern Western hostile elite. It is important to know who the enemy is, what he aims at and how he thinks. Carl Schmitt’s life work provides an ‘anatomical’ dissection of the hostile elite’s legal philosophy - it effectively deprives the hostile elite of any authentic foundation. Robert Steuckers has achieved a brilliant rehabilitation of Schmitt’s work - the patriotic-identitarian movement of the Low Countries owes him gratitude and congratulations.

(***) On the one hand, those readers that have still been traditionally educated are asked for patience with the somewhat ‘patronizing’ explanatory notes: these are meant to assist those younger readers that have been deprived of their basic intellectual heritage by decades of anti-education. On the other hand, those readers that lack a traditional education - and that may feel ‘put off’ by any ‘pretentious’ text - are asked for an effort at bettering themselves. They should realize that what may appear ‘pretentious’ reflects, in fact, nothing else than their own stolen heritage - the heritage of Western civilization. If the patriotic-identitarian movement is meant to protect anything of value, then it is exactly that: Western civilization itself - ΜΟΛΩΝ ΛΑΒΕ.[10]

 

1. The World of Normativism as Will and Representation[11]

auctoritas non veritas facit legem

[power, not truth, makes law]

 

Steuckers commences his extensive overview of the life and work of Carl Schmitt with a reconstruction of the cultural-historical roots of post-war Western legal-philosophical thought. He retraces the historical-materialist reduction - one might say ‘secularization’ - of the Western philosophy of law to the Reformation and the Enlightenment.[12] The religious wars of the 16th and 17th Centuries resulted in the temporary regression of Western civilization into a ‘state of nature’ which could only be partially compensated for by the ‘emergency measure’ of classical Absolutism during the second half of the 17th and the first half of the 18th Century.[13] This ‘emergency brake’ Absolutism is characterized by a highly stylized personification of totally sovereign monarchic power as the last protection of a traditionalist community against the demonic forces of modernist chaos. After the abolition of the old securities of the sacred and feudal order, the ‘absolutist’ monarchs intervene in order to channel the disruptive dynamics of early mercantile capitalism, the incipient civil rights movement and the escalating tendency to religious decentralization. From a cultural-historical perspective, this ultimate resort to ‘hyper-personalized’ Auctoritas can be interpreted as a temporary ‘emergency measure’: ...en cas de normalité, l’autorité peut ne pas jouer, mais en cas d’exception, elle doit décider d’agir, de sévir ou de légiférer. ‘...in normal circumstances, [such an absolute] authority does not play a role, but in exceptional circumstances, it must act in a decisive, over-ruling and legislating fashion.’ (p.4) But this absolutist ‘emergency measure’ is only locally and temporarily effective: the pioneering nations of modernity, such as Great Britain and the Dutch Republic, remain exempt - despite ‘semi-absolutist’ measures such as the Stuart Restoration and the stadtholderate of William III. Even in its heartland, Absolutism reaches its expiry date in less than a century - the American and French Revolutions mark the end of Absolutism and the final Machtergreifung of the bourgeoisie as the new dominant force in the Western political arena.

The bourgeois-capitalist Wille zur Macht is abstractly expressed in a political doctrine that is based on the effective inversion of the preceding Traditionalist philosophy of law (i.e. of the clerical-feudal ‘political theology’): this new Normativism, constructed around bourgeois-capitalist interests, abstractifies and depersonalizes state authority - Thomas Hobbes already describes it as the mythically invisible ‘Leviathan’.[14] Abstractification is achieved through ideologization and depersonalization is achieved through institutionalization: both processes are directed at the foundation and consolidation of the new bourgeois-capitalist hegemony in the political sphere. Rigid routines and mechanical procedures (‘bureaucracy’, ‘administration’, ‘legislation’) replace the human measure and the personal dimension of Traditionalist power: concrete power is replaced by abstract ‘governance’. L’idéologie républicaine ou bourgeoise a voulu dépersonnaliser les mécanismes de la politique. La norme a avancé, au détriment de l‘incarnation du pouvoir. ‘The republican and bourgeois ideology needs to depersonalize the mechanics of politics. It favours normative power over embodied power.’ (p.4) The first consistent experiment with Normativism as Realpolitik ends with the Great Terror of the First French Republic: it illustrates the totalitarian reality that necessarily results from the consistent application of the do-or-die motto that covers the bourgeois-capitalist power project in its formal (republican) as well as its informal (freemasonic) forms: liberté, égalité, et fraternité ou la mort, ‘liberty, equality and fraternity - or death’. The ethical discrepancy between the utopian ideology and the practical application of this power project is ideologically covered by - and established as a norm in - 19th Century Liberalism. Liberalism is the political ‘default setting’ of modernity. The propagandistic surface of Liberalism - its utopia of ‘humanism’, ‘individualism’ and ‘progress’ - covers its deeper substances: the pseudo-scientifically (social-darwinistically) justified economic disenfranchisement (‘monetarization’, ‘free market’, ‘competition’) and social deconstruction (‘individual responsibility’, ‘labour marker participation’, ‘calculating citizenship’) that mathematically result in social implosion (Karl Marx’ Entfremdung and Emile Durkheim’s anomie). In the long term, Liberalism results in a ‘superstructure’ that is based on a very puritanical - and therefore highly resilient - form of Normativism: Liberalism has the highest totalitarian potential of all modernist (historical-materialist) ideologies. Thus, Alexander Dugin historical analysis, translated into English as The Fourth Political Theory, points to the intrinsic - logically-consistent and existentially-adaptive - superiority of Liberalism. ...[L]e libéralisme-normativisme est néanmoins coercitif, voire plus coercitif que la coercition exercée par une personne mortelle, car il ne tolère justement aucune forme d’indépendance personnalisée à l’égard de la norme, du discours conventionnel, de l’idéologie établie, etc., qui seraient des principes immortels, impassables, appelés à régner en dépit des vicissitudes du réel. ‘...[S]till, Liberal Normativism is coercive - it is even much more coercive than the power exerted by any mortal ruler, because it does not tolerate any form of personalized autonomy with regard to its own ‘norm’ (conventional consensus, standard ideology, political correctness), which is elevated to an eternal and unapproachable principle that is permanently exempt from the vagaries of real life’. (p.5) From a sociological perspective, the totalitarian superstructure of Liberal Normativism can be described as ‘hyper-morality’.[15]

The apparently inviolable foundation of the Liberal Normative monolith in the bedrock of Postmodern social psychology raises the question of whether or not it is possible to dislodge by the application of legal philosophy. An affirmative answer to that question depends on breaking through the ‘event horizon’ of Liberal Normative Postmodernity, i.e. stepping beyond its epistemological boundary. A break-out from the ‘timeless’ dimension of Liberal Normativism is by means of an ‘Archaeo-Futurist’ formula: the simultaneous mobilization of re-discovered ancient knowledge and newly discovered strength will provide the necessary combination of imagination and willpower.

 

2. Through the Glass Ceiling of Postmodernism

ΔΩΣ ΜΟΙ ΠΑ ΣΤΩ ΚΑΙ ΤΑΝ ΓΑΝ ΚΙΝΑΣΩ

[give me a place on which to stand, and I will move the Earth]

- Archimedes

One of the most important childhood diseases of the patriotic-identitarian resistance movement, now rising up against the globalist New World Order throughout the entire Western world, is its inability to correctly assess the nature and power of the hostile elite. The widening (‘populist’) public anger and incipient (‘alt-right’) intellectual criticism that feeds this resistance movement are partially characterized by superficial pragmatism (political opportunism) and emotional regression (extremist conspiracy theories). Both of these phenomena can be understood as the political and ideological reflections of the natural instinct of self-preservation: in a confrontation with direct existential threats, such as the ethnic replacement of the Western peoples and the escalating psychosocial deconstruction of Western civilization, political purity and intellectual integrity simply lack priority. Still, it is of vital importance that the patriotic-identitarian movement outgrows these childhood diseases as quickly as possible - especially its ‘quick fix’ political islamophobia and its ‘shortcut’ ideological anti-semitism.[16] It should be empathically stated that this does not imply any recourse to the kind of ‘preventive self-censorship’ that is now practised by the politically correct journalistic and academic establishment with regard to legitimate cultural-historical questions that are embedded within the larger discourses of ‘islamophobia’ and ‘anti-semitism’. The patriotic-identitarian movement is bound to prioritize authentic - not merely legalistic - freedom of expression: it is bound to the position that politically correct (self-)censorship and repressive media policies are counter-productive because they increase public distrust and because they feed political extremism. The obvious ‘pride and prejudice’ of the system press (which stigmatizes every rational cost-benefit analysis of ‘mass-immigration’, ignores the ethnic profiles of ‘grooming gangs’ and re-interprets incidents of islamist terror) and the governmental policy of ‘shoot the messenger’ with regard to critical media (through ‘fake news’ projections, ‘Russian involvement’ smear campaigns and digital ‘deplatforming’) have caused the public to abandon the journalistic and political ‘mainstream’. The downfall of the traditional (paper and television) media and the splintering of the political landscape merely represent the surface reflections of this development. Now it is up to the patriotic-identitarian movement to lead the defence of the old freedoms of press and opinion, freedoms that have been now been discarded by the hostile elite as superfluous - and dangerous.[17] The task of defending Western civilization, which has been sold out by the neo-liberals and betrayed by the cultural-marxists, has now devolved upon the patriotic-identitarian movement. A correct assessment of the nature and power of the hostile elite is now its highest priority - without it, a winning strategy is impossible. A short-cut identification of the ‘enemy’ as ‘the Islam’ or a ‘Jewish world conspiracy’ simply does not stand up to cold calculus and ruthless realism required from this assessment.

The correct identification of the hostile elite requires more than a simple - albeit ethically and existentially correct - reference to its undeniably ‘demonic’ quality. The absolute evil that results from industrial ecocide, bloodthirsty bio-industry, neo-liberal debt slavery and matriarchal social deconstruction is self-evident.[18] But more is needed: it is necessary to achieve a legal understanding and a political strategy that ‘frames’ the hostile elite in a definitive manner. In this regard, Robert Steuckers’ analysis of Carl Schmitt’s ‘political theology’ is of great value: it offers the intellectual tools that are necessary to complete this - possibly greatest - task of the Western patriotic-identitarian movement.

3. Liberalism as Totalitarian Nihilism

...le libéralisme est le mal, le mal à l’état pur, le mal essentiel et substantiel...

[...liberalism is evil, evil in its purest form, evil in essence and substance...] (p.37)

Steuckers analyzes Liberal Normativism as the ‘default ideology’ of the hostile elite, i.e. the ideology that ultimately legitimizes its hold on power: Le libéralisme... monopolise le droit (et le droit de dire le droit) pour lui exclusivement, en le figeant et en n’autorisant plus aucune modification et, simultanément, en le soumettant aux coups dissolvants de l’économie et de l’éthique (elle-même détachée de la religion et livrée à la philosophie laïque) ; exactement comme, en niant et en combattant toutes les autres formes de représentation populaire et de redistribution qui s’effectuait au nom de la caritas, il avait monopolisé à son unique profit les idéaux et pratiques de la liberté et de l’égalité/équité : en opérant cette triple monopolisation, la libéralisme et son instrument, l’Etat dit ‘de droit’, prétendant à l’universalité. A ses propres yeux, l’Etat libéral représente dorénavant la seule voie possible vers le droit, la liberté et l’égalité : il n’y a donc plus qu’une seule formule politique qui soit encore tolérable, la sienne et la sienne seule. ‘Liberalism monopolizes (1) the law (and the right to legislate) by [permanently] setting its boundaries, by not allowing for any fundamental adaptations and by exposing it to the ‘dissolving’ effects of [an uncontrolled] economy and [borderless] ethics (ethics that escape any religious framework and are hijacked by ‘secular philosophy). By denying and sabotaging all other forms of (2) [non-party political] representation and (3) [non-monetarized economic] redistribution for the sake of its own exclusive profits, liberalism also monopolizes the [entire] ideal and practical [discourse] of freedom, equality [and] fairness. Through this triple monopoly [and] through its state-enforced ‘legal order’, liberalism is able to claim [an absolute] universal validity. In its own eyes, the liberal state represents the sole possible [and sole redeeming] way to achieve law, freedom and equality. Thus, only one acceptable political formula remains: liberalism - and liberalism alone.’ (p.38) This is the background on which neo-liberal globalism is able to project ‘universal’ and ‘absolute’ values such as ‘good governance’ and ‘human rights’. From a Traditionalist perspective, Liberal Normativism as defined by Steuckers represents the political and ideological ‘infrastructure’ that reflects the higher but intangible cultural- and psycho-historical ‘superstructure’ that was here earlier defined as ‘Cultural Nihilism’, viz. the experiential reality that is pre-conditioned by social-economic Entfremdung, psycho-social anomie, urban-hedonist stasis and collectively-functional malignant narcissism.[19] This Traditionalist perspective fits seamlessly into Steuckers’ analysis of the tangible cultural-historical effects of Liberal Normativism. Steuckers explicitly describes Liberal Normativism as ....[le] principe dissolvant et déliquescent au sein de civilisation occidentale et européenne. ...[L]e libéralisme est l’idéologie et la pratique qui affaiblissent les sociétés et dissolvent les valeurs porteuses d’Etat ou d’empire telles l’amour de la patrie, la raison politique, les mœurs traditionnelles et la notion de honneur... ‘...[t]he ‘dissolving’ principle and ‘rot’ in the heart of Western and European civilization. ...[L]iberalism represents the ideology and practice that most effectively weakens communities and that most effectively dissolves the values on which state[s] and empire[s] are build: love of country, responsible statesmanship, traditional loyalty and authentic honour.’ (p.36-7)[20]

From a Traditionalist perspective, the cultural-historical effects of Liberal Normativism are determined by larger meta-historical dynamic, i.e. the downward time spiral that Hindu Tradition interprets as Kali Yuga and that the Christian Tradition interprets as ‘Latter Days’. The historical agency of Liberal Normativism as a carrier of a contextually functional Wertblindheit is explicitly recognized in Steuckers’ prognosis: ...une ‘révolution’ plus diabolique encore que celle de 1789 remplacera forcément, un jour, les vides béants laissés par la déliquescence libérale ‘...[it is] inevitable that, someday, an even more [openly] demonic revolution than that of 1789 will fill the gaping void that has been caused by the liberal rot.’ (p.37) A first indication of the deeper ‘outer dark’ that still lies hidden beyond the Liberal Normativist facade is found in the recent monster alliance between neo-liberalism and cultural-marxism in Western politics (in Dutch politics this alliance is visible in the program of the governing coalition parties, which combines the ‘disaster capitalist’ agenda of the VVD and the ‘deep nihilist’ agenda of the D66).[21] Steuckers highlights Schmitt’s doubly philosophical and theological interpretation of the regressive cultural-historical tendency of Liberal Normativism. Schmitt draws attention to the consistent Liberal-Normativist support for pre-Indo-European primitivism (Etruscan matriarchy, Pelagianist ‘katagogic’ theology) at the expense of Indo-European civilization (Roman patriarchy, Augustinian ‘anagogic’ theology).[22] Traditionalism associates this tendency with a meta-historical movement towards a ‘neo-matriarchy’: this explains the chronological relation between the Postmodern hegemony of Liberal Normativism and typically Postmodern symptoms such as feminization, xenophilia and oikophobia.[23] In sociological terms, this phenomenology can be accurately described as befitting the development of a ‘dissociative society’.[24] The spectre of an absolute nihilist void is already casting ahead its shadow in Postmodern discourses such as ‘open borders’ (genocide-on-demand), ‘transgenderism’ (depersonalization-on-demand), ‘reproductive freedom’ (abortion-on-demand) and ‘completed life’ (euthanasia-on-demand) - discourses that are straightforwardly demonic in any authentic Tradition.[25]

Leaving aside the natural interethnic (effectively ‘neo-tribal’) conflicts of contemporary ‘multicultural societies’ (conflicting bio-evolutionary strategies, interracial libido trajectories, post-colonial inferiority complexes), the prime trigger of the existential conflict between indigenous Westerners and non-Western immigrants is found in the increasingly diabolical life-world of Liberal-Normativist Western ‘society’. For every traditional Muslim from the Middle East, for every traditional Hindu from South Asia and for every traditional Christian from Africa the Liberal-Normativist ‘open society’ or the Postmodern West not only an abstract (theological) evil but also a lived (experiential) horror. Even if the armed terror of the islamicist jihad is (a tolerated) part of the offensive ‘divide and rule’ strategy of the hostile elite in form, in substance it can also be understood as a defensive mechanism against the blasphemous and dehumanizing experience of life under Liberal-Normativist rule. From a Traditionalist perspective, it could be said that for the Western peoples an Islamic Caliphate would, in fact, represent a (very relatively) ‘better’ alternative to the bestial dehumanization that will logically result from the ‘harrowing of hell’ of fully-implemented Liberal Normativism.

Thus, the greatest enemy of all the Western peoples - in fact, the common enemy of all peoples that still live according to authentic Traditions - is politically identified: totalitarian-nihilist Liberalism. Liberal Normativism is politically realized through Liberalism: the program of the hostile elite is shaped by Liberalism. In this regard, it is important to note the fact that, since the Second World War, Liberalism has gradually gained the status of ‘standard political discourse’. Liberalism has infiltrated, disfigured and transformed its political rivals, including Christian Democracy (the Dutch CDA and CU, which have joined the liberal governing coalition without the slightest compunction), Social Democracy (the Dutch PVDA and SP, which have been marginalized through decades of compromise) and Civil Nationalism (the Dutch PVV and FVD, which have failed to formulate a viable alternative vision of society). This process has advanced to point of eradicating any trace of authentic democratic-parliamentarian opposition in key areas such as economic and social policy. Steuckers views this process of ‘politicide’ as a function of Liberalism’s intrinsic power of ‘ideological sterilization’. Even outside of the core party cartels (in the Netherlands these are represented by standard ‘governing parties’ of VVD, D66, CDA, CU and PVDA) Liberalism has become a political habitus[26] - all other parties automatically (largely unintentionally) take on the role of ‘controlled opposition’. The result is ‘mainstream politics’ (in the Netherlands it is explicitly referred as the all-levelling ‘polder model’), now dominating the entire West since the 1980’s rise of ‘Neo-Liberalism’: the rise to power of Margaret Thatcher in Britain, Ronald Reagan in America and Ruud Lubbers in the Netherlands.

4. Liberalism as Politicide

A ‘democratically elected’ parliament can never be the place for authentic debate:

it is always the place where collectivist absolutism issues its decrees.

- Nicolás Gómez Dávila

The formation of Liberalist-led party cartels and Liberalist-guided consensus politics is largely due to the simple practice of parliamentarism: the parliamentary technique of the hyper-democratically dumbed-down and hyper-regulated unrealistic ‘debate’ reduces all ‘opinions’ and ‘viewpoints’ to their lowest common denominator, which is always found in grossly materialist and totally amoral Liberalism. The all-levelling debate replaces quality with quantity (‘democracy’), thought with feeling (‘humanism’), concrete justice with abstract governance (regulation, bureaucracy, protocol) and collective future planning with individual impulse gratification. ‘Purchasing power’ always outweighs generational legacy, ‘lifestyle’ always prevails over ecological sustainability and ‘relationship experiments’ always have priority over family life. Parliamentarism is nothing but the political and institutional reflection of the collectivist levelling sentiment that underpins bourgeois Liberalism: it represents the reductio ad absurdum of politics - politics as talk show entertainment.[L]’essence du parlementarisme, c’est le débat, la discussion et la publicité. Ce parlementarisme peut s’avérer valable dans les aréopages d’hommes rationnels et lucides, mais plus quand s’y affrontent des partis à idéologies rigides qui prétendent tous détenir la vérité ultime. Le débat n’est alors plus loyal, la finalité des protagonistes n’est plus de découvrir par la discussion, par la confrontation d’opinions et d’expériences diverses, un ‘bien commun’. C’est cela la crise du parlementarisme. La rationalité du système parlementaire est mise en échec par l’irrationalité fondamentale des parties. ‘[T]he essence of parliamentarism is found in debate, discussion and publicity. Such parliamentarism may prove itself an asset in an Aeropagus [assembly][27] of rational and clear-minded gentlemen, but this is no longer the case when rigidly ideological parties are confronting each other with claims of possessing the ultimate truth. The latter debate is no longer loyal: the aim of its participants is no longer the discovery of the ‘higher cause’ through a discussion and an exchange of opinions and experiences. Herein lies [the cause of] the crisis of [comtemporary] parliamentarism. The rationality of the [present] parliamentary system fails due to the fundamental irrationality of the parties.’ (p.18-9)

It is inevitable that this self-reinforcing crisis is increasingly fed by groups that were previously ‘invisible’ in the political landscape. The escalating process of political levelling is fed by the individual ambitions and resentments of the self-appointed ‘representatives’ of supposedly ‘discriminated’ groups. Seek and you shall find: there are always more ‘under-privileged’ groups (to be invented): young people, old people, women, immigrants, homosexuals, transgenders. Totalitarian nihilist Liberalism is the deepest (maximally ‘deconstructed’, maximally ‘desubstantivized’ political sediment - and sentiment - that results from this implosive process: it is the political ‘zero position’ that remains after the all-levelling ‘debate’, i.e. after the neutralization of all attempts at political idealism, political intelligence and political willpower.

Liberalism realizes the political (parliamentarist, partitocratic) dialectics of the Liberal-Normativist ideology. In Schmitt’ view, the dialectically vicious circle that results from this ideology can only be broken by a fundamental restoration of political authority. Steuckers states this as follows: Dans [cette idéologie], aucun ennemi n’existe : évoquer son éventuelle existence relève d’une mentalité paranoïaque ou obsidionale (assimilée à un ‘fascisme’ irréel et fantasmagorique) - ...il n’y a que des partenaires de discussion. Avec qui on organisera des débats, suite auxquels on trouvera immanquablement une solution. Mais si ce partenaire, toujours idéal, venait un jour à refuser tout débat, cessant du même coup d’être idéal. Le choc est alors inévitable. L’élite dominante, constituée de disciples conscients ou inconscients de [cette] idéologie naïve et puérile..., se retrouve sans réponse au défi, comme l’eurocratisme néoliberal ou social-libéral aujourd’hui face à l’[islamisme politique]... De telles élites n’ont plus leur place au-devant de la scène. Elles doivent être remplacées. ‘In [this ideology] a [real] enemy cannot be conceived of: even to suggest the possible existence of such an [enemy] is ‘proof’ of the paranoid or obsessive mentality (always associated with an unreal and imaginary ‘fascism’) - ...there are only ‘debating partners’. With [such partners] debates are organized and these debates always end in a solution. But if, one day, this partner - always thought of in abstract terms of rational perfection - would actually refuse the debate, then the ideal [‘discussion’ model] would immediately fail. An [existential] shock would be inevitable. The ruling elite, which is [entirely] made up of conscious and unconscious adherents to [this utterly] naive and infantile ideology..., would have no answer to this challenge - in the same manner that neoliberal and social-democrat eurocrats [have no answer] to [political islamism]... Such elites do not deserve a place on the [political] stage - they have to be replaced.’ (p.245)

5. Liberalism as Anti-Law and Anti-State

A Marxist system can be recognized by its protection of criminals

and its criminalization of opponents.

- Alexander Solzhenitsyn

Sometime during the aftermath of the Machtergreifung of the soixante-huitards the hostile elite has taken the strategic decision to replace the indigenous peoples of the West.[28] Its underlying logic is as clear as it is ruthless. The European peoples have proven to be historically incompatible with Modernity, as it is defined by Culture Nihilism: this is why they have to be mixed with and replaced by more malleable - less intellectual, less demanding, less self-conscious - slave peoples. The European peoples are demographically infertile under totalitarian dictatorship, they are economically unproductive in urban-hedonist stasis and they are politically unreliable in debt slavery.[29] But the ethnic replacement of the Western peoples is a project with considerable risks: even the most optimally calibrated Umvolkung recipe and the most carefully calculated dosage of its various ingredients (mass immigration, ethnically selective natalist policy, affirmative action, native economic deprivation) demand a political balancing act of unparalleled refinement. To achieve the political ‘point of no return’ (the demographically-democratically checkmate of the Western peoples) the hostile elite runs the risk that its amputation-transplantation operation will fail when the double psychological and spiritual anaesthesia fails, causing the patient to awake on the operating table. Until that point is reached, the expiry date of the hostile elite depends on two main anaesthetic medicines: (1) the hedonist-consumerist defined level of ‘wealth’ and ‘wellness’ and (2) the educative-journalistic manipulated politically correct consensus. If one of these two elements fall under a certain critical measure (a measure that is gradually revised downward), the danger of the patient awakening increases exponentially. Thus, a certain minimum remnant (constantly revised downward as well) of the welfare state, labour legislation, political pluriformity and freedom of opinion must be maintained until the process of ethnic replacement has been completed. The neoliberal-globalist ideals of entirely ‘open borders’, of an entirely amoral ‘open society’ and a total social-economic bellum omnium contra omnes can only be fully realized after the ethnic replacement project has reduced the native Western population to the status of ‘endangered species’, confined to marginal ‘reservations’. Until that time, the transition process creates a legal predicament for the hostile elite: it has to carefully manage the maximum speed with which Western state institutions and laws can be demolished and replaced with Liberal anti-state institutions and anti-laws. If this demolition and replacement take place too quickly, the Liberal anti-state risks an uncontrollable backlash: an early overdose of chaos and injustice in the public sphere risks a premature alienation and collective countermovement among the native Western populace.

The increasingly grotesque side-effects of the Liberal demolition of state institutions and legal safeguards are particularly problematic in case of those privileges that are the exclusive preserve of the ‘immigrants’ (‘affirmative action’, ‘preferential treatment’, ‘housing priorities’, ‘targeted subsidies’) and of those sanctions that are explicitly aimed at the natives (student loans, commercial credit and administrative fines for natives vs. scholarships, grants and prosecution dismissal for ‘immigrants’). The contrast between the bureaucratic hurdles, fiscal pressure, labour market congestion and housing shortages faced by the native population (particularly its unfortunates: the homeless, the infirm, the poor) and the red carpet treatment (free legal assistance, free shelter and free money followed by priority housing, start-up facilities and full access to social support) provided to foreign colonists (including masses of fraudsters, thieves and rapists) is becoming more grotesque every year. As the immigrant population explodes due to ‘managed migration’ (‘Marrakesh’),‘family reunification’ (‘human rights’) and ‘child allowances’ (‘legal equality’) - always at the expense by the native population - the hostile elite risks pushing the native population into electoral resistance (‘populist parties’) and civil disobedience (gilets jaunes) too soon and too far. The hostile elite is attempting to abolish the historical gains of 150 years of Western civilization - legal recourse, labour law, social security, educational opportunity, universal healthcare, administrative integrity, responsible governance - in the space of no more than two generations. Here, the generational divide (essentially the divide between baby-boomer and post-baby-boomer) is essential because it is vitally important to ‘clean’ the collective memory of the Western populace: to make sure that inconvenient concepts such as ‘educational standards’, ‘living wage’, ‘income security’, ‘old age insurance’ and ‘justice for all’ are eradicated as quickly as possible. The hostile elite is close to achieving this aim, even if it is not fully ‘in the clear’ yet.

The Liberal anti-state and anti-law of the hostile elite has already basically reduced its hardworking, conscientious and naive indigenous subjects to ‘milk cows’ and ‘slaughter cattle’ to be exploited on behalf of a rapidly increasing mass of ruthless, unproductive, fraudulent and criminal ‘immigrants’. The sickening burden of this colonizing immigration is particularly crushing for the most vulnerable indigenous groups: day labourers, small entrepreneurs, pensioners, the physically and mentally handicapped and single-parent families. The hostile elite is silencing their feeble protests against demographic inundation and social-economic marginalization with mind-twisting and utterly cynical one-liners such ‘multicultural enrichment’ and ‘humanitarian duty’, ‘market forces’ and ‘private responsibility’. In the Dutch context, their situation is best symbolized by a caricature picture that is now frequently becoming reality: the humble indigenous bicyclist who is stopped in the pouring rain by the traffic police to be fined for a defect light, when a few yards away an ‘immigrant’ drugs lord is speeding through the red light in his sports car on the way to launder his ill-gotten riches in the ‘convenient store’ of his family clan.

But worse is yet to come - and many are starting to experience this ‘in the flesh’. Worse is the experience of indigenous girls and women: with the clients of their ‘lover boys’[30] during their school years, with their ‘rapefugee’ stalkers during their college years and with their ‘#metoo’ affirmative action ‘bosses’ during their working lives. And the worst is hidden still: the murderous decolonization (Lari 1953, Algiers 1956, Stanleyville 1964, Kolwezi 1978, Air Rhodesia Flight 827 1979) and the postcolonial atavism (Macías Nguema in Equatorial Guinea 1968-79, Muammar Kaddafi in Libya 1969-2011, Idi Amin in Uganda 1971-79, Pol Pot in Cambodia 1976-79, Saddam Hussein in Iraq 1979-2003) of the Third World bode ill for the future of the remnant native population of the West once it is fully colonized by primitive Africans and resentful Asians. Perversion is already the becoming the standard modality of Western bureaucracies and judiciaries as the indigenous Western peoples are abandoned and left to face terrorism, criminality and persecution without effective recourse. They are left with a toothless police that is caught up in red tape, a matriarchal anti-judiciary that is protecting criminals against victims, a silent media cartel that is hiding the ‘colour of crime’[31] and a perverted political system that prioritizes ‘public perception’ over public responsibility. These collective experiences, however, are now fast accumulating into a critical mass that threatens the whole ethnic replacement: they are, in fact, creating space for an effective collective challenge to the hostile elite. The moral legitimacy of the native resistance is giving it the status of an ‘Authority in the Making’, empowering it to tear up the seemingly inescapable but wholly fraudulent ‘IOU from history’ that the hostile elite is foisting on the Western peoples. The traffic light of history is flashing yellow for Liberalism. The gilets jaunes have already shown the Liberal hostile elite the ‘yellow card of history’: it is now up to the Western peoples to write out its red card - and to transfer it from the political stage to the penalty box of history.

6. The Patriotic-Identitarian Resistance as Authority in the Making[32]

And that, knowing the time, that now it is high time to awake out of sleep:

for now is our salvation nearer than when we believed.

The night is far spent, the day is at hand:

let us therefore cast off the works of darkness,

and let us put on the armour of light.

- Romans 13:11-12

The basis of a successful campaign of Liberal Normativism as an ideological model and of Liberalism as a political force is the realization that both are the mortal enemies of Western civilization. For the Western peoples, the annihilation of Liberalism as a political force is an absolute precondition for a successful reconquista of state sovereignty and ethnic identity. In this case, the absolute right of survival coincides with the ethical imperative of resistance. This ethical imperative applies to all nations with ‘their back against the wall’, as formulated by Marek Edelman, the last leader of the Zydowska Organizacja Bojowa (‘Jewish Combat Organization’): We knew perfectly well that we had no chance of winning. We fought simply not to allow the Germans alone to pick the time and place of our deaths. We knew we were going to die.[33]

In this regard, the Western patriotic-identitarian movement would be well advised to take to heart what Steuckers has to say about the illusion of ‘dialogue’ with the hostile elite. Reasonability and dialogue end - have to end - when one is faced with an existential threat: ...l’ennemi n’est pas bon car il veut ma destruction totale, mon éradication de la surface de la Terre: au mal qu’il représente pour moi, je ne peux, en aucun cas et sous peine de périr, opposer des expressions juridiques ou morales procédant d’une anthropologie optimiste. Je dois être capable de riposter avec la même vigueur. La distinction ami/ennemi apporte donc clarté et honnêteté à tout discours sur le politique. ‘...the enemy simply cannot be good, because he seeks my total destruction [and] my eradication from the face of the Earth: I cannot, when faced with the [absolute] evil that he represents to me, apply the legal and moral prescriptions of [a misguided] anthropological optimism - if I do so, I will become extinct. I must be able to retaliate with equal vigour. Thus, the distinction between friend [and] enemy provides the political discourse with clarity and honesty.’ (p.51)

The hostile elite, which speaks through Liberal Normativism and which acts through Liberalism, has declared war on the Western peoples and on Western civilization: the Western peoples are simply left with no other choice than to fight for their lives and to appoint a newly-legitimate ‘authority in the making’. The weapons with which the Western patriotic-identitarian resistance can deal the intellectual deathblow to the hostile elite can be found in the arsenal of Carl Schmitt - Robert Steuckers’ Sur et autour provides the key to this arsenal. One of the weapons to be found there is Schmitt’s philosophical validation of the restoration of authentic Auctoritas.

7. Decisionism as State Theory

In Gefahr und grosser Noth

Bringt der Mittel-Weg den Tod

[In danger and distress

The middle way leads to death]

- Friedrich von Logau

The weakness of the hostile elite’s pseudo-philosophy of law is ruthlessly exposed in Steuckers’ analysis of Schmitt’s basic notions of the inevitably concrete and personal dimension of all authentic forms of legitimate law and power. The concrete and personal dimensions of law and power are best illustrated in its unavoidable incarnation in the person of the judge: the person of the judge bridges the gap between abstract and historically determined law (legal code, jurisprudence) and the concrete and contemporary reality (event, circumstance). La pratique quotidienne des palais de justice, pratique inévitable, incontournable, contredit l’idéal libéral-normativiste qui rêve que le droit, la norme, s’incarneront tous seuls, sans intermédiaire de chair et de sang. En imaginant, dans l’absolu, que l’on puisse faire l’économie de la personne du juge, on introduit une fiction dans le fonctionnement de la justice, fiction qui croit que sans la subjectivité inévitable du juge, on obtiendra un meilleur droit, plus juste, plus objectif, plus sûr. Mais c’est là une impossibilité pratique. ‘The daily, inevitable and undeniable practice of due legal process contradicts the Liberal-Normativist illusion that laws and norms can [somehow] be realized without a flesh-and-blood intermediary. By imagining an ‘absolute law’ that eliminates the person of the judge, it introduced a legal fiction: a fiction that proposes a better, more just and more objective law without the inevitable subjective [mediation of the] judge. But, [of course,] no such thing is possible in practice.’ (p.5-6) No legal verdict can be conceived of without the physical presence of a Vermittler, i.e. a man of flesh and blood who is - consciously or unconsciously - shaped by values and sentiments. Thus, no legal order can be conceived of without the imprint of the specific (historically and contextually experienced) charisma of the judge. In the Postmodern context, this charisma will tend to be of a collectivist-tainted, resentment-fed and downward-directed negative nature. Parce qu’il y a inévitablement une césure entre la norme et le cas concret, il faut l’intercession d’une personne qui soit une autorité. La loi [et] la norme ne peu[vent] pas s’incarner toute[s] seule[s]. ‘Because there will always be a gap between the [abstract] norm and the concrete [case], mediation by personalized authority is a necessity. [Thus,] the law [and] the norm can never incarnate themsel[ves].’ (p.6) The same concrete and personalized dimension apply with regard to political power: the entirely abstract, institutionalized and bureaucratized form of political power that is wished for, believed in and aimed at my Liberal Normativism is simply impossible. Thus, the inevitable and indispensable incarnation of political authority remains ...le démenti le plus flagrant à cet indécrottable espoir libéralo-progressisto-normativiste de voir advenir un droit, une norme, une loi, une constitution, dans le réel, par la seule force de sa qualité juridique, philosophique, idéelle, etc. ‘...the most definitive argument against the incorrigible liberal-progressivist-normativist hope that it will be possible, one day, to achieve a real-world law, norm [and] order that is solely based on judicial, philosophical and idealist quality.’ (p.6)

Under the aegis of totalitarian Liberal Normativism, however, Postmodern West politics has no longer any space for rational debate and superior argumentation: only ‘might is right’. L’idéologie républicaine ou bourgeoise a voulu dépersonnaliser les mécanismes de la politique. La norme a avancé, au détriment de l‘incarnation du pouvoir. ‘The republican and bourgeois ideology is aimed at the depersonalization of the mechanics of politics. It favours normative power at the expense of personalized power.’ (p.4) The contemporary power of Liberal Normativism is psychosocially anchored in an anti-rational matriarchal conditioning that abolishes all personalized forms of authentic authority in a hyper-collectivist règne de la quantité.[34] Dramatic illustrations of this increasingly oppressive matriarchal reality can be found in the Western European ‘ground zero’ of Postmodernity: in the ex-nation states of ‘Anti-Frankrijk’ en ‘Anti-Germany’ the policies of anti-tradition, anti-nationalism and anti-masculine are now metastasizing into openly sadomasochistic projects of self-mutilating and suicidal Umvolkung à l’outrance. In this context, every form of collectivist resistance (parliamentary ‘opposition’ and extra-parliamentary ‘activism’) against the idiocratic and absurdist excesses of Liberal Normativism is doomed to failure because it will limit itself to pragmatic ‘symptom management’. By limiting themselves to the matriarchal-collectivist (doubly politically-institutional and psycho-social) ‘frame’ of Liberal Normativism, such parliamentary opposition (the AfD in Germany, the FvD in the Netherlands) and such extra-parliamentary activism (the Reichbürger movement in Germany, the gilets jaunes movement in France[35]) are effectively reduced to ‘lightning conductors’. There exists only one true remedy for the matriarchal-collectivist ‘anti-authority’ of Liberal Normativism: patriarchal-personalized authority as defined in Traditionalist Decisionism.

The Decisionist approach to law and politics is always concrete, and therefore also physical and personal. In legal-philosophical terms, it is primarily concerned with the physical protection of the concrete (geographically and biologically bounded) realities of state and ethnicity. In Decisionism, earthly realities always take priority over abstract norms: ist erdhaft und auf Erde bezogen [the law is earth-bound and refers to earthly reality]. In metapolitical terms, it proceeds from the recognized necessity of personalized authority in order to meet physical calamities as well as overdoses of ‘normative’ power. It sanctions personalized authority for the effective management of existential threats against the state and the people: Ausnahmezustand, ‘state of emergency’, Ernstfall, ‘case of emergency’, Grenzfall, ‘borderline case’. This highest command authority is based on the (temporary) suspension (in fact: correction) of (normative) law through its (temporary) personification: this emergency measure is applied whenever the legal order, the power of the state or the survival of the nation are undermined or shaken. ...[E]n cas de normalité, [cet] autorité peut ne pas jouer, mais en cas d’exception, elle doit décider d’agir, de sévir ou de légiférer. ‘...[U]nder normal circumstances, th[is] authority stands outside daily life, but in case of emergency it is obliged to act, to rule and to legislate [directly].’ (p.4) This ‘emergency power’ kicks in case of existential threats from without (natural disaster, enemy invasion) and from within (rebellion, treason). In Traditional societies, this personalized authority is permanently (institutionally) available in the ‘reserve functionality’ of sacred office. In pre-modern Western societies, this reserve functionality is institutionally represented in the Monarchy, regulated either through election or succession. The sacred nature of the highest command authority is derived from the transcendental (and therefore anagogical) concept of state and nation that prevailed in all pre-modern societies. Carl Schmitt’s philosophy of law - inspired by the Traditionalist-Catholic state theory of Donoso Cortés[36] - retains this sacred element in its transcendental definition of a holistically conceived unity of state, nation and society. This unit, as qualified through the ancient notions of Unitas Ordinis, ‘Unified Order’, Societas Civiles, ‘Civil Society’ and Corpus Mysticum, ‘Mystical Body’, is taken to represent a creation that is naturally organic as well as divinely ordained - as such it can never be wholly encompassed by any political institution. The man that fate has called upon to defend the life of this mysterious ‘creature’ is held to be imbued with a sacred vocation of the highest order.

Thus, from a Traditionalist perspective, the state-nation-society agglomerate constitutes a living organism and a historical community with a mystical destiny that constitutes a political a priori: politics should be shaped around its needs and interests and politics serves it. ...[L]e peuple... n’est pas chose formée (par une volonté humaine et arbitraire) mais fait empirique et n’est jamais ‘formable’ complètement; il restera toujours de lui un résidu rétif à tout formatage, un reste qui échappera à la volonté de contrôle des instances dérivées de certaines ‘Lumières’... [L]a souveraineté populaire ne peut être entièrement représentée (par des députés) car alors une part plus ou moins importante de sa présence concrète est houspillée hors des institutions de représentation, lesquelles ne représent[e]nt plus que les intérêts ou des réalités fragmentaires. ‘...[T]he people... is not a ‘construct’ (to be made and unmade according to human will), but rather an empirical given fact that can never be entirely ‘malleable’ [in a political sense]: it always retains an indivisible residue that resists [all attempts at] ‘construction’ - a residue that remains intangible in terms of the kind of institutional control that derives from ‘Enlightenment’ [thought]... [N]ational sovereignty [and electoral mandates] can never be entirely representative through ‘representation’, because a [certain] - larger or smaller - part of the concrete presence [of the nation] will always be excluded from institutional representation, [because such a representation] will be inevitably focussed on fragmentary interest and realities.’ (p.33) The Traditionalist definition of the state-nation-society agglomerate is found in the vision of ... la ‘nation unie’, non mutilée par des dissensions partisanes, donc une nation tournant ses forces vives vers l’extérieur, et non pas vers sa seule sphère interne en y semant la discorde et en y désignant des ennemis, provoquant à terme rapide l’inéluctable implosion du tout. La Nation comme l’Eglise doit être un coïncidentia oppositorum : elle doit faire coïncider et s’harmoniser toutes les forces et différences qui l’irriguent, en évitant les modi operandi politiciens qui sèment les dissensus et ruinent la continuité étatique... ‘...the ‘unified nation’, undivided by partisan strife - a nation that directs its vital force outwards, and not merely inwards, where [that force] will create frictions and factions, results in inevitable and early total implosion. As in the case of the Church, the Nation is called upon to constitute a coïncidentia oppositorum: it must focus all [its] powers and harmonize the differences that feed its growth. It must avoid all politicized modi operandi - [factional divides and party-political narrow-mindedness] - that would cause [societal] friction and that would endanger the continuity of its state [sovereignty]...’ (p.38)

From this follows the double theological and legal imperative of a trans-democratic and trans-secular state authority which is simultaneously open in a downward (earthly) and upward (heavenly) direction and which guarantees the historical continuity of the nation(s) that it represents. A built-in permanent Decisionist ‘reserve option’ - a (temporal) ‘dictatorial’ command structure to deal with the Ernstfall - is an indispensable part of this state authority. Within the Traditionalist philosophy of law of the Christian world this reserve option is always ‘framed’ - and limited - by the higher transcendental principle of Caritas, which is explicitly expressed in the key principles of Catholic politics: Community, Solidarity and Subsidiarity. Caritas: the ‘anthropologically pessimistic’ Christian ethical imperative and pious practice of magnanimity with all creatures that need protection and assistance. First and foremost these are those people that are vulnerable, incapacitated or weak-minded - children, women, the poor, the sick, the handicapped and the dying. But these are also the animals and plants that cannot speak up for themselves and that are subject to man’s dominion. Noblesse oblige. In the Traditionalist philosophy of law of the Christian world the Monarchy was the highest natural and legitimate carrier of Decisionistically defined Auctoritas: ...les familles royales, qui incarnent charnellement les Etats dans l’Ancien régime, offrent de successions de monarques, différents sur le plan du caractère et de la formation, permettant une plus grande souplesse que les régimes normatifs et normateurs. Elles permettent la continuité dans l’adaptation et le changement, apportés par les héritiers de la lignée. En ce sens, les monarchies constituent des contrepoids contre le déploiement purement technique de la raison normative, qui fait basculer les Etats dans l’abstraction et apportent, in fine, la dictature. ‘...royal families - which are made to literally embody the state during the [Absolutist] ancien régime - offer a [continuous] succession of [ever new generations of] monarchs differ in character, upbringing and education: they offer a [‘built-in’ and] much greater flexibility than ‘normative’,... [democratically liberal] regimes. In this sense, monarchies offer a counterbalance against the purely ‘technocratic’ rule of normative ‘reason’ that reduces states to legal abstractions and, eventually, to [normative] dictatorships.’ (p.36) In a Monarchy the principle of Subsidiarity postulates an additional and derivative role for other ‘privileged’ institutions as well: the Clergy and the Nobility are called upon to carry many responsibilities - they are burdened with a secondary Decisionist Pflicht zur Tat, or ‘obligation to act’. All of these Traditional institutions were assumed to take on a number of natural and legitimate obligations on the basis of an existential quality that is simply unimaginable under the aegis of Liberal-Normativist modernity - a quality that can best be grasped in a number of concepts of more ‘aristocratically minded’ languages: solemnidad, ‘solemnity’, gravedad, ‘gravity’, Haltung, ‘composure’, Würde, ‘dignity’. In this regard, Steuckers points to the ‘Roman Form’ that is essential to this existential orientation - an orientation that was largely eliminated from the originally Roman-Catholic Church during the 20th Century aggiornamento that is now associated with Second Vatican Council (1962-65).[37] This Roman Form views ...l’homme... comme un être combattant, un être sans cesse préoccupé de limiter le chaos naturel des choses, de donner forme au réel, de maintenir les continuités constructives léguées par l’histoire... ‘man... as a warrior creature, a creature that is waging an incessant struggle against the chaotic state of the natural [world and that is called upon] to give structure to the reality [around himself and] to maintain the constructive continuities that he has inherited from history...’ (p.41)

This Roman Form is deconstructed in the utterly false ‘anthropological optimism’ of Liberal Normativism, which sets ‘self-made’ - cosmologically ‘autonomous’, sinless ‘free’, morally ‘self-determining’ - ‘modern man’ aside from Divine Creation, the Divine Order and Divine Providence. Liberal Normativism does not offer - cannot offer - any alternative for the Roman Form that it has ‘deconstructed’: Liberal Normativism is an exclusively negative ideology that can only thrive on denial, deconstruction and destruction. In political terms, it represents the abdication of Fortitudo, ‘fortitude’, and its replacement with administrative chaos and legal impunity. In economic terms, it represents the abdication of Temperantia, ‘self-restraint’, and its replacement with greedy materialism and unbridled consumerism. In social terms, it represents the abdication of Castitas, ‘chastity’, and its replacement with public feminization and private immorality. In psychological terms, it represents the abdication of Humilitas, ‘humility’, and its replacement with megalomania and narcissism. Thus, in the sense of Carl Schmitt’s politische Theologie, Liberal-Normativism can be interpreted as the political application of theological antinomianism.

8. The Antinomianist Project of the Hostile Elite

errare humanum est, perservare est diabolicum

[to err is human, to persist is diabolic]

Liberal-Normativism is entirely incompatible with any form of positive (eudaemonic, anagogic) - let alone Traditionalist (holistic, Decisionistic) - philosophy of law or concept of state. Its antinomianism - its pretence to be exempt from Divine Order and the Divine Law - places it outside and under and transcendentally inspired form of philosophy and statecraft. In the words of Robert Steuckers: Le normativisme se place en dehors de tout continuum historique puisque la norme, une fois instaurée, est jugée tout à la fois comme un aboutissement final et comme indépassable et, en théorie, le normativisme exclut toute dérogation au fonctionnement posé une fois pour toutes comme ‘normal’, même en cas d’extrême danger pour les choses publiques. ‘Normativism places itself outside all forms of historical continuity because, as soon as it is installed, its norm achieves the status of necessary and unsurpassable finality. Strictly speaking, normativism excludes any kind of exemption from the once-and-for-always established ‘normal’ functionality [of state power], even if the greater good is threatened in an unprecedented manner.’ (p.35) The epistemological and ontological ‘steel cage’ of Liberal Normativism closes with mathematical precision - in its doctrinal perfection, it wholly excludes all corrective possibilities. In this regard, Steuckers designates the legalism of Liberal Normativism as the ultimate arcanum of Western Postmodernity. This pharisaic legalism guarantees the (mentally preventive) ‘deconstruction’ of all authentic visions of a societas perfecta. It literally rules out the Decisionist (pragmatic, flexible, temporary) Auctoritas that is built into every Traditionalist concept of state power and philosophy of law.

In the chapter La décision dans l’oeuvre de Carl Schmitt, ‘The Decision in the Work of Carl Schmitt’, Steuckers provides a precise analysis of Schmitt’s intellectual Werdegang. He points to the remarkable parallelism between Schmitt’s intellectual development and the 20th Century development of the Liberal-Normativist epistemological-ontological ‘steel cage’. The three phases that Steuckers distinguishes in Schmitt’s work and life can be interpreted as three phases in the development of the antinomian project of the hostile elite, i.e. three phases in the construction of the Liberal-Normativist totalitarian dictatorship that is nearing completion under the aegis of Western Postmodernity. Steuckers names each of these three phases after the historical function of the ‘decision-maker’ - the symbolic personification of highest command power - during the phase in question. In the framework of this essay, which aims at a ‘short anatomy of the ideology of the hostile elite’, it is useful to briefly review each of these three ‘decision makers’ according to an improvised - artificial but investigative - ‘timetable’.

(1) The phase of the Beschleuniger, the ‘Accelerator’, which covers the forty years between two symbolically important years in Western history, viz. 1905, marking the first military-political victory of a non-Western over a Western great power (the Russo-Japanese War) and the ‘constitutionalization’ of the last Traditional Western autocracy (First Russian Revolution), and 1945, marking the final military-political victory by late-modern trans-nationalism (Grossraum, American and Soviet superpower) over the classic-modern nation-state (Lebensraum, Axis powers).[38] This phase is characterized by an ‘engineering ideology’ that allows for a technical acceleration of power, in the sense of a chronological break-through as well as a spatial break-out. Here, ‘1905’ expresses a double breaking-point in terms of significant power expansions in technique (submarine exploration, aviation, ether communication, spectrum analysis) as well as cognition (Einstein’s annus mirabilis, the Weber Thesis, de Saussure’s semiotics, Durkheim’s social fact-finding). The technical suppression of the classic-modern nation-state during this phase starts with an acceleration of sea power (1905 marks the launch of the Dreadnought and the start of the Naval Arms Race) and ends with a break-out into literally supra-terrestrial power: the launch of V-2 Wunderwaffe number MW18014 on 20 June 1944 marks the start of the Space Age and the ‘Trinity Test’ of 16 July 1945 marks the start of the Nuclear Age. It is ironic that the pursuit of revolutionary and transformative forms of power was most explicitly incorporated in the ideologies of the geopolitical losers of 20th Century, viz. in Italian Futurism and in German Technical Idealism.[39] In this regard, Steuckers points to the fact that Schmitt’s legal-philosophical analysis of the economically and technologically motivated Beschleuniger can only be properly understood as an expression of the new ‘titanic’ ontology that is incarnated in German Technical Idealism, i.e. the same ‘spectral’ spirituality that inspires technocrats of the Third Reich such as Albert Speer and Wernher von Braun. The German Technical-Idealist aim of transformative Beschleunigung also characterized the parallel philosophical explorations of Martin Heidegger.[40] Here it should be noted that the search for a way out of the dead-end of Western Postmodernity would benefit from a systematic revaluation of the ideal content of German Technical Idealism - such a revaluation would be much more interesting than the endless ruminations over its ideological weight. A revaluation of German Technical Idealism can proceed from its emphasis on a productive (qualitatively measured) rather than a commercial (quantitatively measured) economy and on an explorative rather than a utilitarian science.

(2) The phase of the Aufhalter, the ‘Inhibitor’, which covers the forty years between the Götterdämmerung of German Technical Idealism and the Promethium Sky over Hiroshima[41] from 1945 till 1985. 1985 is not only the year of Carl Schmitt’s death; it is also symbolically significant as the year after George Orwell’s 1984 and as ‘point of no return’ in anthropogenic global warming - it marks the point at which the Postmodern ‘fall into the future’[42] becomes inevitable and at which all ‘inhibitions’ fail. This phase is characterized by a protracted ‘delaying action’ of the (political, social, cultural) traditional institutions of Western civilization against the rising tide of (doubly technical-industrial and psycho-social mobilized) proto-globalism that starts to flood the Western heartland in 1945. During this phase, these traditional institutions (Monarchy, Church, Nobility, Academy) are gradually pushed back in their role as Katechon. As Aufhalter the Katechon represents the ‘shield of civilization’ that surrounds any Traditional society.[43] Le katechon est le dernier pilier d’une société en perdition; il arrête le chaos, en maintient les vecteurs la tête sous l’eau. ‘The katechon is the last pillar of a society in dissolution: it holds back the [forces of] chaos by holding [its] vectors below the surface.’ (p.10) During this phase, the roots of authentic philosophy of law are gradually cut away: its Ortungen (as expressed in Schmitt’s adage Das Recht ist erdhaft und auf die Erde bezogen, ‘the law derives from the Earth and refers back to the earthly realm’) are abolished in a global process of de-naturalization, de-territorialization and de-location. During this phase, the Katechon institutions are no longer able to stop the literally all-mobilizing but teleologically negative process of globalization - they mere retain a residual function as a temporary inhibitor.[44] The political reflection of this cultural-historical process is found in the deliberate globalist demolition of the nation-state: states and ethnicities are stripped of their sovereign rights and authentic identities. The geopolitical force field is increasingly dominated by an all-mobilizing, all-liquefying and border-less thalassocracy: the all-monetarizing ‘sea power’ that gradually expands outwards from its Atlantic-Anglo-Saxon heartland through tides of money and commerce.[45] Globalist fata morgana’s such as ‘universal human rights’, ‘international law’, ‘free market mechanisms’ and ‘open borders’ are raised to the status of ‘norm’ in the political arena. L’horreur moderne, dans cette perspective généalogique du droit, c’est l’abolition de tous les loci, les lieux, les enracinements, les im-brications. Ces dé-localisations, ces Ent-Ortungen, sont dues aux accélérations favorisées par les régimes du XXe siècle, quelle que soit par ailleurs l’idéologie dont ils se réclamaient. ‘The modern horror that finds expression in this genealogy of law is the eradication of all loci - all placements, all roots [and] all enclosures. These ‘displacements’, these Ent-Ortungen, result from the accelerations that are favoured by all 20th Century regimes, irrespective of the [formal] ideological [discourses] that they claim to represent.’ (p.10)

(3) The phase of the Normalisateur, the ‘Normalizer’, approximately coincides with the Postmodern Era. During this phase, the structural inversion of the traditional institutions and values of Western civilization is basically completed. The political-institution and legal-philosophical role of the Katechon, which was previously determined by the positive (anagogic) trajectory of Western civilization is now reversed and replaced by that of the ‘Normalizer’, i.e. by the political-institutional and legal-philosophical ‘anti-christ’ in pursuit of the negative (katagogic) norm of globalist Postmodernity. This is the phase of fully-fledged Liberal Normativism. Steuckers points to the ‘Weimar Standard’ as the ‘factory setting’ of Liberal Normativism: this standard provides, as it were, the ‘sacred’ reference point and the ideal form of secular-bourgeois Liberalism. The thalassocratic ‘New World Order’, enforced by the ‘letter institutions’ (UN, IMF, WEF, EU, NATO), implements this ‘Weimar Standard’ on a global scale, hijacking the technical (digital, virtual) innovations that are now directly linking ‘borderless’ products and services to ‘borderless’ demands and emotions (world wide web, social media, virtual reality). Instability becomes the standard modality in all spheres of life. In the political sphere, ‘open borders’ prevail. In the social sphere, ‘open relations’ prevail. In the psychological sphere, ‘open access’ prevails: relations are reduced to ‘role-playing’, interactions are reduced to narcissist ‘ego communication’ and intimacies are reduced to the ‘pornosphere’. In the cultural sphere, ‘open sources’ prevail: knowledge is reduced to ‘resource management’ and publicity is reduced to ‘(b)log activity’ - Schmitt uses the term Logbücher. The spiritual ‘melt-down’ of Western civilization during this nearly literal new ‘Age of Aquarius’ is a fact. Against this background the role of the ‘Normalizer’ becomes clear. La fluidité de la société actuelle... est devenue une normalité, qui entend conserver ce jeu de dé-normalisation et de re-normalisation en dehors du principe politique et de toute dynamique de territorialisation. Le normalisateur, troisième figure du décideur chez Schmitt, est celui qui doit empêcher que la crise conduirait à un retour du politique, à une re-territorialisation de trop longue durée ou définitive. La normalisateur est donc celui qui prévoit et prévient la crise. ‘The fluidity of society... has [now] become ‘norm’: the [dialectic] process of de-normalization and re-normalization is permanently put beyond the grasp of political power and territoriality. The normalizer, the third avatar of the ‘decision-maker’ in Schmitt[’s work], is appointed to manage all crises in such a way as to prevent any definitive or prolonged return to the [exercise of] political power or re-territorialization. Thus, the normalizer is the one that foresees and prevents such crises.’ (p.14) Effectively, the ‘Normalizer’ is charged with the permanent maintenance of the Liberal-Normativist anti-order: he must prevent the widespread recognition of the Ernstfall and the resulting declaration of a state of emergency. In religious terms, this would be the classical function of the ‘anti-christ’. This ‘Normalizer’ is now incarnated in the hostile elite of the Postmodern West. The functionality of the hostile elite as ‘Normalizer’ explains the extreme forms of its antinomian project: institutional oikophobia, rabid demophobia, politically correct totalitarianism, Orwellian censorship, matriarchal ‘anti-law’, idiocratic anti-education, social deconstruction and ethnic replacement.

9. The Decisionist Alternative

In the beginning of a change the patriot is a scarce man,

and brave, and hated and scorned.

When his cause succeeds, the timid join him,

for then it costs nothing to be a patriot.

- Mark Twain

An answer to the question of whether or not the fast-growing patriotic-identitarian movement in the heavily battered nation-states of the West is able to politically destroy the globalist New World Order in its old heartland will depend on its meta-political - philosophical, ideological - ability to break out of the ‘frame’ of Postmodernity, which was here identified as the ‘steel cage’ of Liberal-Normativism. Within the limited framework of this essay, extensive consideration of this problem is impossible - all that can be done here is to indicate the approximate direction in which this ability must be sought.

Martin Heidegger already pointed to the profound psycho-social conditioning that follows from the ontological quality of Western Modernity. Liberal Normativism can be defined as the psycho-social reflection of this ontological quality, which Heidegger exposes as embodied in the Modern-Western Gestell, or ‘technical frame’. Jason Jorjani has pointed to the necessity of an explicit re-orientation on the Techne as an autonomous and self-creative force field that determines this Gestell: only a brand-new technical-idealist ‘re-thinking’ of this Techne will provide control over the Gestell. Jorjani has started this process of re-thinking: his Archaeo-Futurist approach encapsulates this Techne and is thus able to break through the epistemological ceiling of historical-materialism. Jorjani’s break-out from historical-materialist discursive dialectics has delivered a fatal blow to the Liberal-Normativist ideology that is based upon these dialectics - but only if and when that break-out is followed up by a ruthless exploitation of its final (political, economic, social, cultural) consequences. In terms of this exploitation, Carl Schmitt’s philosophy of law is highly relevant, because it offers a possibility of an Archaeo-Futurist deconstruction of Liberal Normativism in its political and legal guises. It provides a ‘crowbar’ with which to wrench open the political-legal ‘steel cage’ of the Liberal-Normativist anti-state and anti-law. This crowbar is found in Decisionism, as sanctioned by Carl Schmitt’s philosophy of law. Carl Schmitt breaks down the (abstract, deconstructive) discursive dialectics of Liberal Normativism by the (concrete, constructive) Realdialektik of Decisionism. Decisionism recovers the habitus of Ordnungsdenken and it restores the authentic (flexible, pragmatic) counter-norm of the Obrigkeitsstaat. Decisionism offers the patriotic-identitarian movement an Archaeo-Futuristically valid deconstruction of Liberal Normativism.

Steuckers’ reconstruction of Schmitt’s philosophy of law provides the building blocks of a new, Archaeo-Futuristically framed Decisionism as a remedy for Liberal Normativism. An Archaeo-Futuristically determined Decisionism will have to take its cue from the institutional and legal-philosophical Western Tradition: Tout avenir doit être tributaire du passé, être dans sa continuité, participer d’une perpétuation, faute de quoi il ne serait qu’une sinistre farce, un projet éradicateur et, par là même, criminel. ‘Every [vision of the] future must recognize itself as heir of the past and as [carrier of historical] continuity: otherwise, it will be nothing more than a sinister farce, a project of destruction and, therefore, a criminal [enterprise].’ (p.60-1) At the same time, it is important to build in an important caveat: Steuckers points to the need for a pragmatic application of Decisionism, befitting the contemporary reality: ...il y a... deux dangers à éviter, celui de caricaturer la tradition, [comme] éloigné[e] de tout véritable souci du...’ politique politique’, et celui de l’abandonner au profit de maigres schémas normativistes. ‘... two dangers must be avoided: [first,] a caricature of tradition, divorced from an effective concern for... a [always pragmatic] ‘political politics’, and, [second,] an abandonment of tradition in favour of substance-less normativist schemes.’ (p.63) Accordingly, there can be no neo-reactionary return to anachronistic forms of Decisionism: ...les régimes pré-libéraux... étaient plus stables sur le long terme, [m]ais... on ne pourra pas les restaurer sans d’effroyables bains de sang, sans une sorte d’apocalypse. [On] doit dès lors éviter l’enfer sur terre et œuvrer au maintien des stabilités politiques réellement existantes. ‘...the pre-liberal forms of government [that ruled the pre-modern world]... were more stable in the long term, [b]ut... they cannot be restored without a horrific bloodbath [and] a kind of apocalypse. [It] is imperative to avoid hell on earth and to work within the framework of such political stability as can still be found.’ (p.31) Thus, modern Decisionism should avoid anachronistic purism: it should seek organic development.

Key elements of such an organic development can be found in Steuckers’ reconstruction of the historical trajectory of Western Decisionism. Partially secularized, but still transcendentally-inspired aspects of a Decisionism that serves the ‘greater good’ can be found in a series of chronologically sequential but organically related notions that are scattered throughout the history of the Western philosophy of law. These include: the Corpus Mysticum of Francisco Suárez (1548-1617), the volonté générale of Jean-Jacques Rousseau (1712-78), the élan vital of Henri Bergson[46] (1859-1941), the omul nou of Corneliu Codreanu (1899-1938) and the Reichstheologie of Erich Przywara (1889-1972). These notion transcend all 19th and 20th Century ‘isms’: the transcend fascism (which tends to wrongly view the state as an aim instead of a means), nationalism (which tends to wrongly ascribe an active instead of a passive role to the nation) and parliamentarism (which tends to wrongly prioritize procedures over problem-solving). Thus, there exists an uninterrupted (semi-)Traditionalist continuity that develops alongside - and in constant opposition to - the gradual modernist devolution that has now resulted in the Liberal Normativist New World Order, realized through the (trans-national and informal) potestas indirecta of the hostile elite. This alternative Decisionist continuity offers a guideline for an Archaeo-Futurist deconstruction of Liberal Normativism: it offers an exit from the total Staatsdämmerung of neo-Liberalism and the permanent Ersatz-Revolution of cultural-marxism.

In the peripheral areas of the West, the first signs of a proto-Archaeo-Futurist reaction to Liberal Normativism are already becoming visible: these are the ‘Enlightened Decisionisms’ of Vladimir Putin, Viktor Orbán and Recep Erdogan, very accurate defined as ‘illiberal’ by the Liberal-Normativist propaganda machine. The Western hostile elite is now scrambling to prevent the spread of this Decisionist reactive movement into the Western heartland, a spread that can already be discerned in phenomena such as ‘Brexit’, ‘Trump’ and ‘M5S’. The hostile elite is opting for a Flucht nach vorn, a ‘flight forward’, by an accelerating of its core strategies: the introduction of totalitarian matriarchy (anti-white ‘multiculturalism’, anti-male ‘transgenderism’, anti-intellectual ‘political correctness’), the fostering of social implosion (‘no-fault divorce’, ‘birth control’, ‘sexual revolution’) and the enforcement of ethnic replacement (‘refugee quotas’, ‘migration pacts’, ‘high-skill migration’).

The success of the Western patriotic-identitarian movement in its struggle with the hostile elite depends not only on an intellectual re-armament through the re-instatement of a Decisionist (meta-)political discourse, but also on the inner re-enactment of a deeper Wehr- und Waffen-Instinkt, or ‘defence and armament instinct’.[47] In this regard, Steuckers emphasizes the importance of traditional Western ethics of the crusader, i.e. the double monastic and knightly archetype of the ‘military Katechon’. There is a direct psycho-historical relation between the Crisis of the Modern West and the abolition of the Western monastic and knightly traditions. Steuckers points to the crucial role of crusader ideal in Western history, which tends to recur in highly stylized forms in heroic figures such as Johann Tserclaes Count von Tilly, commander of the Catholic League from 1610 till 1632, Prince Eugene of Savoy, victorious over the French hereditary enemy at Blenheim (1704) and Oudenaerde (1708) and over the Turkish archenemy at Zenta (1697) and Belgrade (1717). The capacity of the Western patriotic-identitarian movement to mount a credible Decisionist challenge against the Liberal-Normativist hostile elite will also depend on a re-enactment of the Western Wehr- und Waffen-Instinkt. This means the capacity to wage war in all spheres: physical, psychological, intellectual and spiritual. The ‘training’ required to reach a sufficient level of ‘fitness’ will have to start with a therapeutic confrontation with the psycho-historical traumas of the West. Session One: a positive inner re-enactment of the existential attitude that is expressed in - obviously German and Prussian - ‘taboo words’ such as Beharrung, ‘persistence’, Kleinkrieg, ‘guerrilla’, Zermürbung, ‘attrition’, totaler Widerstand, ‘total resistance’, totaler Krieg, ‘total war’. Session Two: a transformative projection of this re-enactment into brand-new ‘catch phrases’ that call for peaceful but effective civic resistance: ‘Take the Hit’ (Jared Taylor) and ‘Great White Strike’ (Frodi Midjord). Session Three: the development of an unwavering commitment through a permanent confrontation with the enemy: inward in what the Islamic Tradition terms al-jihad al-akbar, or ‘Greater Holy War’, and outward in what the Augustinian Tradition terms the bellum justum, or ‘Just War’. The discipline and courage that will result from these exercises will bring the hostile elite to its knees soon enough: the hostile elite maybe malicious - it is also cowardly.

Noch sitzt ihr da oben, ihr feigen Gestalten.

Vom Feinde bezahlt, dem Volke zum Spott.

Doch einst wird wieder Gerechtigkeit walten, dann richtet das Volk.

Dann genade Euch Gott!

[Still you are on top, you cowardly figures,

paid by our enemy, ridiculed by our people.

But one day righteousness will prevail - on you will be judged by our people.

On that day, may God be with you!]

- Theodor Körner

 

10. The Eurasianist Dimension

à tous les coeurs bien-nés que la patrie est chère

[to all well-born hearts the fatherland is dear]

The struggle against the globalist hostile elite, which is thinking and operating on a planetary scale, demands more than a patriotic-identitarian intervention at the national level within each Western nation-state: it also demands a certain degree of geopolitical coordination at an international level. In this regard, Steuckers’ brilliant ‘update’ of Schmitt’s Land und Meer analysis[48] is highly relevant. Steuckers points to the fact that the approaching apogee globalism - effectively the apogee of Atlanticist-Anglo-Saxon thalassocracy analyzed by Schmitt - is characterized by ‘pyro-politics’, i.e. a compulsive resort to globalist ‘arson’ in all parts of the world that are not directly accessible to sea power-based globalism. Les forces hydropolitique cherchent à détruire par tous les moyens possibles cette terre qui ne cesse de résister. Pour parvenir à cette fin, l’hydropolitique cherchera à provoquer des explosions sur les lambeaux de continent toujours résistants ou même simplement survivants. L’hydropolitique thalassocratique va alors chercher à mobiliser à son profit l’élément Feu comme allié, un Feu qu’elle ne va pas manier directement mais confier à des forces mercenaires, recrutées secrètement dans des pays ou des zones urbaines en déréliction, disposant d’une jeunesse masculine surabondante et sans emplois utiles. Ces forces mercenaires seront en charge des sales boulots de destruction pure, de destruction de tout ce qui ne s’était pas encore laissé submerger. ‘The hydro-political powers are pursuing the destruction of all land[power] that persists in resisting [globalist thalassocracy] with all means at their disposal. To achieve that aim, hydro-politics is seeking to provoke explosions in all remnants of continent[al power] that continue to exist, or simply continue to survive. To this end, thalassocratic hydro-politics is attempting to mobilize the Fire element as an ally - an [element] that it cannot apply directly, but which it entrusts to those mercenary forces that it secretly recruits from the unemployed surplus male youth [found] in [backward] countries and derelict suburbs. These mercenary forces are committed to the ‘dirty work’ of wanton destruction - [to] the destruction of everything that has not yet allowed itself to be submerged [by globalism].’ (p.241)

Thus, Steuckers explains a number of contemporary geopolitical patterns, such as the waves of ‘humanitarian interventions’ (Somalia 1992, Kosovo 1999, Libya 2011), ‘proxy wars’ (Chechenia from 1994, Sinkiang from 2007, Syria from 2011) and ethnic émeutes, or ‘city riots’ (Los Angeles 1992, Paris 2005, London 2011). Other phenomena that can be explained through the prism of Steuckers’ pyro-politics are the hostile elite’s deliberate creation of ‘colour revolution’, ‘separatism movements’ and ‘failed states’. The writer of this essay proposes to extend this pyro-political analysis to even greater contemporary patterns. Thus, anthropogenic climate change (‘fired up’ through global-scale hyper-consumerism and industrial ‘outsourcing’ to the Third World), global overpopulation (‘fired up’ through ‘development aid’ to the Third World) and intercontinental migration (‘fired up’ through ‘refugee resettlement’ and ‘humanitarian assistance’) can be understood as calculated experiments in globalist pyro-politics. ...[L]a stratégie thalassocratique de mettre le Feu à des régions entières du globe en incitant à des révoltes, en ranimant des haines religieuses ou des conflits tribaux n’est certes pas nouvelle mais vient de prendre récemment des proportions plus gigantesque qu’auparavant dans l’histoire. C’est là le défi majeur lancé à l’Europe en cette deuxième décennie du XXIe siècle. ‘...[T]he thalassocratic ‘scorched earth’ strategy, which is [now] affecting entire regions of the globe by inciting revolts, stoking up religious hatreds and reanimating tribal conflicts, is certainly not new, but it has recently taken on historically unprecedented proportions. This is the greatest challenge facing Europe in the second decade of the 21st Century.’ (p.243)

Steuckers points to Schmitt legal-philosophical validation of a geopolitical vision that offers Europe an alternative to globalist pyro-politics: a European Monroe Doctrine. This alternative finds its legal-philosophical validity in the Decisionist priority of earthly Realpolitik over abstract ‘normative politics’: das Recht ist erdhaft und auf die Erde bezogen, ‘the law derives from the Earth and refers back to the earthly realm’. In the geopolitical vision of Schmitt that has been reconstructed by Steuckers, the atrocious atavism of globalist pyro-politics is directly caused by the philosophical regression that runs parallel to America’s rise as a thalassocratic superpower - the American intervention in the First World War marks the fatal turning point. ...[L]e droit n’existe pas sans territoire et... les civilisations se basent sur une organisation spécifique de l’espace (Raumordnung), d’où découle un jus publicum admis par tous. En Europe, de la fin du Moyen Age jusqu’au début de notre siècle, l’histoire a connu un jus publicum europaeum où l’on admettait que chaque Etat, chaque Nation menaient une guerre juste de son point de vue. Ce respect de l’adversaire et des [motives] qui le poussent à agir humanisera la guerre. Avec Wilson, on assiste à un retour à la discrimination entre les ennemis car l’Amérique s’arroge le droit de mener seule une guerre juste. ‘...[T]here can be no law without territory and... all civilizations base themselves on their own particular Raumordnung, or ‘spatial order’, from which they derive a jus publicum, or ‘public law’, that is recognized by all. From the late Middle Ages till the beginning of the [20th] Century, the history of Europe is determined by a jus publicum europaeum which recognizes the legitimate right of every State and every Nation to wage war, commensurate to its lawful interests. This respect for the enemy and for the motives that cause him to act led to a [relative] ‘humanization’ in [European] warfare. But during [the presidency of Woodrow] Wilson, there is a regression into discrimination between enemies, because [under his leadership] America claims the exclusive right to wage a just war.’ (p.19)

The abstractly normativist philosophy of law that underpins globalist geopolitics and that continues to follow the Wilsonian path can only be deconstructed by a systematic return to concrete legal-philosophical Ortungen, i.e. by literal re-territorializations and the reconstitution of multiple place-bound legal orders. This is the legal-philosophical basis for a viable multipolar geopolitical order - a multipolarity that forms the basis for the Neo-Eurasianist project proposed by Alexander Dugin.[49] Dugin’s work reflects the re-territorialization of the Russian State and Nation after the seventy-year de-territorialization of the trans-national Soviet project. Thus, what Steuckers already predicted in 1985, before Gorbachev’s Glasnost and Perestroika, has come true : Quand les Russes cesseront de se laisser gouverner par de vieux idéocrates, ils seront à nouveau eux-mêmes: le peuple théophore, le peuple porteur du sublime. ‘When the Russian stop allowing themselves to be ruled by old ideocrats, they will again be what they were before: the theophoric people, the people that carry the Sublime’. (p.27) The miraculous resurrection of Russia from the ashes of Soviet Communism can inspire the Western peoples: it sets a precedent for their own resurrection from the ashes of Liberal Normativism.

Thus, the basis of a Eurasianist ‘Monroe Doctrine’ that can protect the peoples and civilizations of Eurasia from globalist thalassocracy must be sought in a concrete legal-philosophical Ortung. Si l’Europe a un droit à l’identité, il convient de définir cette identité à la lumière du concret, en rappelant les lourdes concrétudes de l’histoire et sans ressasser ces pseudo-arguments complètement stériles qu’avancent tous les fétichistes adorateurs d’idéaux désincarnés. Parce que l’Europe n’est pas d’abord une idée, belle et abstraite... L’Europe, c’est d’abord une terre, un espace, morcelé en Etats nationaux depuis le XVIIe siècle, balkanisée avant la lettre en son centre géographique depuis ce pré-Yalta que furent les traités de Westphalie conclus en 1648. ‘If Europe has the right to an identity, then it is necessary to define that identity in the light of concrete [reality], recalling the burdensome concrete facts of [its] history without regressing into the entirely vacuous and sterile pseudo-arguments that have been launched by the adoring fetishists of abstract ideas. Because Europe is not a beautiful and abstract idea... Above all, Europe is a territory, a space that has been divided up into nation-states since the 17th Century, and that has been ‘balkanized’ avant la lettre since the proto-Yalta of the Westphalia Treaties signed in 1648.’ (p.25) Accordingly, the Eurasianist project aims at re-territorializations: politically in restored state sovereignty, socially in restored ethnic identity and economically in restored autarky (i.e. a maximum of self-sufficiency in the production of food, energy and industry for each of its regional ‘welfare spheres’). L’économie, par la crise, nous défie et nous accuse d’avoir fait fausse route. La géopolitique nous dicte ses vieux déterminismes que personne ne peut contourner. Il n’y a que nos volontés qui vacillent, qui ne suivent pas l’implacable diktat du réel et de l’histoire. ‘[Chronic] economic crises are challenging us and they prove to us that we have chosen the wrong path. Geopolitics forces us to deal with the older [earth-bound] realities that cannot be overturned by anybody. It is only our will that is [still] lacking: [we should recover our] determination to follow the incontrovertible signposts of [earthly] and historical reality.’ (p.27)

To defeat the globalist hostile elite, the patriotic-identitarian movement of the West must gain insight into the enemy’s mind and motives. In this respect, it has much to gain by simply revisiting the great thinkers of the Western Tradition. It therefore owes a great debt of gratitude to Robert Steuckers for providing updated access to the rich heritage of Carl Schmitt - and for providing the weaponry it needs to destroy the hostile elite.

Behold, I have created the smith that bloweth the coals in the fire,

and that bringeth forth an instrument for his work;

and I have created the waster to destroy.

No weapon that is formed against thee shall prosper;

and every tongue that shall rise against thee in judgment thou shalt condemn.

This is the heritage of the servants of the Lord,

and their righteousness is of me, saith the Lord.

- Isaiah 54:16-17

 

Glossary

 

Decisionism

doctrine of directly-concrete and physically-embodied

command authority, opposite of indirectly-abstract and psychologically-manipulative Normativism (Rex vs. Lex);

Kakocracy

‘government by the worst’,

rule of the hostile ‘fake-elite of counterfeits’[50];

Normativism

totalitarian doctrine based on the absolute ‘anti-political’ norm established by the combined praxis of neo-liberal nihilism

and culture-marxist deconstruction;

Partitocracy

political ‘hostage-taking’ of parliamentary institutions by party-political interests and party-cartels; mechanism behind Politicide;

Politicide

destruction of political plurality through a monolithic politically-correct party-cartel, introduction of dogmatic political-correctness

as ‘public consensus’ (‘1984’);

Pyro-politics

geopolitical ‘scorched earth’ strategy of the globalist hostile elite to ‘burn away’ all multipolar resistance to its New World Order;

Quiritary

inflexibly legalistic interpretation of political command authority, historically reflected in some of the totalitarian practices of fascism and nazism.

 

Notes


[1] An oblique reference to the title of one of the most famous works of Dutch Golden Age painter Rembrandt, entitled ‘The Anatomy Lesson of Dr. Nicolaes Tulp’ (1632).

[3] Alaine de Benoist’s Carl Schmitt actuel (2007), which provides a concise and updated introduction to Schmitt’s work, has recently been published in English translation by Arktos Publishing – for a review cf. https://www.counter-currents.com/carl-schmitt-today/.

[4] On the day of Hitler’s death Schmitt was arrested in Berlin by Red Army troops, but he was released almost immediately after a short interview. Later, he was re-arrested and interned by the Americans as a potential suspect in the Nuremberg Trials. Plettenberg, the place of Schmitt’s birth, residence and death, is located in Westphalia and it was therefore located in the American Zone of Occupation.

[5] The following excerpt from his diary elucidates Schmitt’s deeply critical attitude to the subrational-collectivist (‘popular democratic’) roots of the Nazi regime: Wer ist der wahre Verbrecher, der wahre Urheber des Hitlerismus? Wer hat diese Figur erfunden? Wer hat die Greuelepisode in die Welt gesetzt? Wem verdanken wir die 12 Mio. [sic] toten Juden? Ich kann es euch sehr genau sagen: Hitler hat sich nicht selbst erfunden. Wir verdanken ihn dem echt demokratischen Gehirn, das die mythische Figur des unbekannten Soldaten des Ersten Weltkriegs ausgeheckt hat. [Who is the true criminal and the true perpetrator of Hitlerism? Who invented this figure? Who has birthed this monstrous episode of horror? To whom we owe these 12 million [sic] dead Jews? I can tell you very exactly: Hitler did not invent himself. We owe hi[s appearance] to the truly democratic brain that concocted the mythical ‘unknown soldier’ of the First World War.]

[6] A reference to the title of a work by German legal philosopher Walter Leisner.

[7] For convenience sake, the ‘West’ will here be defined as the agglomerate of European nation-states that are historically associated with the Western Roman/Catholic Tradition rather than the Eastern Roman/Orthodox Tradition – in short: Western Europe plus the overseas Anglosphere.

[8] In Classical Antiquity (Greek) Hephaestus (Latin: Vulcan) was the smith of the gods and the guardian divinity of smithery: German Schmitt is English ‘Smith’.

[10] The ‘laconic’ bon mot of Spartan king Leonidas at the Battle of Thermopylae (480 BC), where he faced hopeless odds and was summoned by his Persian enemy to put down his weapons - the meaning is a stronger version of ‘Come and take them’.

[11] An oblique reference to the title (and contents) of the main work of German philosopher Arthur Schopenhauer (1788-1860), Die Welt als Wille und Vorstellung.

[12] Cf. Alexander Wolfheze, The Sunset of Tradition and the Origin of the Great War (2018) 53ff and 367ff (preface freely accessible under the button ‘View Extract’ at https://www.cambridgescholars.com/the-sunset-of-tradition... - review freely available at https://www.counter-currents.com/tag/alexander-wolfheze/ ).

[13] An important cultural-historical reflection of this regression may be found in Thomas Hobbes’ mid-17th Century concept of a universally projected (proto-social-darwinist) bellum omnium contra omnes.

[14] For a literary analysis of the 20th Century cultural-historical consequences of Normativism cf. Tom Zwitzer, Permafrost: een filosofisch essay over de westerse geopolitiek van 1914 tot heden (2017).

[15] Cf. Jost Bauch’s Abschied von Deutschland: Eine politische Grabschrift (2018).

[16] Dutch patriotic-identitarian working group IDNL has already addressed these issues in the Dutch context: cf., respectively, http://www.identitair.nl/2018/08/laat-de-islam-met-rust.h... en http://www.identitair.nl/2018/12/van-jq-naar-iq.html .

[18] For a cultural- and psycho-historical analysis of the hostile elite cf. https://www.geopolitica.ru/en/article/living-dead .

[19] For an overview of the most important cultural-historical phenomena that coincide in this ‘superstructure’, cf. Alexander Wolfheze, The Sunset of Tradition and the Origin of the Great War (2018) 9-12.

[20] A bio- and psycho-social analysis of the cultural-historical effects of Liberal Normativism may be found in the work of German sociologist Arnold Gehlen (1904-76). His structural opposition between (anagogically directed) Zucht and (katagogically directed) Entartung allows for the objectively scientific calculus of the Liberal-Normativist process of de-socialization (social ‘deconstruction’).

[21] The VVD (‘People’s Party for Freedom and Democracy’) is the ex-‘classic liberal’ and now utterly corrupt banksterite-globalist party of PM Mark Rutte; the D66 (‘Democrats [19]66’) is the ex-‘progressive liberal’ and now militantly anti-normative (anti-royalist, anti-national, anti-family, anti-religious) party that was until recently led by Alexander Pechtold, who had to resign after a series of scandals in the public and private sphere. 

[22] A theological reference to an early Christian doctrinal controversy that was originally resolved by the recognition of the doctrine of original sin (Augustine 354-430) and the rejection of its denial by Pelagius (360-418).

[23] For a cultural-historical development of neo-matriarchy, cf. https://www.geopolitica.ru/en/article/living-dead - for a descriptive insight into the experiential reality of neo-matriarchy, cf. https://www.counter-currents.com/2018/12/against-escapism/ .

[24] Cf. Jost Bauch’s Abschied von Deutschland: Eine politische Grabschrift (2018).

[25] The spectre of the ultimate totalitarian state, i.e. a life-world in which the entire social and individual sphere is controlled by the state, already provided the central theme of 20th Century dystopian literary classics such as Jevgeny Zamjatin’s My (1924), Aldous Huxley’s Brave New World (1932) and George Orwell’s Nineteen Eighty-Four (1949).

[26] A sociological concept covering social-psychological conditioning (hexis, mimesis) developed by Pierre Bourdieu.

[27] A reference to the hill near the Acropolis where the Athenian senate met during Classical Antiquity.

[28] A proto-type strategy of ethnic replacement is found in the political writings of one of the ideological founders of the trans-national project ‘European Union’, Richard Count von Coudenhove-Kalergi (1894-1972). The possible existence of an anti-European ethnocidal ‘Kalergi Plan’ to implement his vision is the subject of a controversial conspiracy theory, but that vision itself is as clear as it needs to be: The man of the future will be of mixed race. Today's races and classes will gradually disappear owing to the vanishing of space, time, and prejudice. The Eurasian-Negroid race of the future, similar in its appearance to the Ancient Egyptians, will replace the diversity of peoples with a diversity of individuals. (Praktischer Idealismus p.22-3, cf. https://en.wikipedia.org/wiki/Richard_von_Coudenhove-Kale... ).

[29] From Alexander Wolfheze, Alba Rosa. Ten Traditionalist Essays about the Crisis in the Modern West (forthcoming, advance ordering: https://www.goodreads.com/book/show/43409181-alba-rosa ).

[30] In the Netherlands, ‘lover boy’ is a politically-correct euphemism that describes the same ‘grooming gang’ phenomenon that is terrorizing Great Britain.

[31] A reference to the title of a work by Jared Taylor, freely available at https://www.amren.com/the-color-of-crime/ .

[32] A reference to Carl Schmitt’s legal philosophical analysis of the partisan as ‘authority in the making’ in the context of the popular insurrections led by Mao Tse-Tung in China, Vo Nguyen Giap in Vietnam and Ernesto ‘Che’ Guevara in Congo.

[33] On 8 May 1943, Marek Edelman succeeded to the highest command position after the suicide of Mordechai Anielewicz in the bunker of 18 Mila Street. The author had the privilege of speaking to several eye-witnesses of the Warsaw Ghetto Uprising – he lived near Edelman in the Polish city of Lodz (Edelman was anti-zionist, fought for Poland during the Warsaw Uprising of 1944 and thereafter lived in Lodz till his death in 2009).

[34] Cf. René Guénon, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps (1945).

[35] References to, respectively, the German civil rights movement that denies the sovereignty of the Federal Republic of Germany and the French civil rights movement that demanded the resignation of President Macron.

[36] A reference to the Spanish political philosopher Marquis Donoso Cortés (1809-53).

[37] An ‘Archaeo-Futurist’ revaluation of this theme may be found in John Leonard’s recent analysis of the ‘CQ’ (‘Catholic Question’) within the context of Western Postmodernity, cf. https://arktos.com/2018/12/20/the-problem-of-christianity... .

[38] Chronological terminology according to the scheme of Alexander Wolfheze, The Sunset of Tradition and the Origin of the Great War (2018), 390-2 (Early Modernity 1488-1776, Classic Modernity 1776-1920, Late Modernity 1920-1992, Post-Modernity 1992-present).

[39] Cf. Alexander Wolfheze, The Sunset of Tradition and the Origin of the Great War (2018) 237ff.

[40] A first systematic attempt at resuming the Heideggerian line of exploration, directed at a break-through of the historical-materialist Gestell of Western Modernity and a break-out into the ‘spectral space’ that encapsulates it, is found in the work of Jason Jorjani.

[41] A reference to Jason Jorjani’s ‘magical’ interpretation of the ontological (Atlanticist) transformation of Japan, enacted in the collective experience of nuclear warfare.

[42] A reference to the cultural-historical analysis of Peter Sloterdijk’s Die schrecklichen Kinder der Neuzeit. Über das anti-genealogische Experiment der Moderne (2014).

[43] The theme of the Katechon in its Dutch setting is explored in https://www.geopolitica.ru/en/article/dutch-ernstfall .

[44] Carl Schmitt projected this role on Adolf Hitler as ‘Protector of the Law’ (der Führer schützt das Recht) against the revolutionary power of atavist chaos that was (temporarily) disabled during the Nacht der langen Messern, the ‘Night of the Long Knives’.

[45] For a short introduction to the theme of ‘thalassocracy’ cf. https://www.geopolitica.ru/en/article/le-rouge-et-le-noir... .

[46] A notion that implies morpho-genetic synergy that he develops in his best-known work, L’Evolution créatrice – for its Archaeo-Futurist reinterpretation cf. Jason Jorjani’s Prometheus and Atlas (review freely available at https://www.geopolitica.ru/en/article/archaeo-futurist-re...  ).

[47] A reference to Friedrich Nietzsche’s usage of Martin Luther’s theme ‘A mighty fortress is our God, a good defence and weapon’.

[48] A reference to Carl Schmitt’s Land und Meer. Eine weltgeschichtliche Betrachtung (1942).

[49] For a brief introduction to Eurasianism cf. https://www.geopolitica.ru/en/article/le-rouge-et-le-noir... .

[50] A reference to the title of a Dutch political treatise written by Martin Bosma, second in command of Geert Wilders’ patriotic party PVV (De schijn-élite van de valsemunters (2010), made freely available by Bosma at https://gratis-boek.nl/martin-bosma-de-schijn-elite-van-d... ).

 

samedi, 13 octobre 2018

Robert Steuckers: Sur et autour de Carl Schmitt

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Robert Steuckers:

Sur et autour de Carl Schmitt

Sur Carl Schmitt

La décision dans l’œuvre de Carl Schmitt

Carl Schmitt a quitté la vie

Une doctrine de Monroe pour l’Europe

Carl Schmitt, Donoso Cortés, la notion du politique et le catholicisme

allemand

Du droit naturel et de l’essence du politique chez Carl Schmitt

L’Europe entre déracinement et réhabilitation des lieux : de Schmitt à Deleuze

Une bibliographie biographique de Carl Schmitt

Sources et postérité de Carl Schmitt

Pourquoi lire Clausewitz ?

Sur Gustav Ratzenhofer (1842-1904)

Othmar Spann et l’État vrai

La leçon du sociologue et philosophe Hans Freyer

Otto Koellreutter (1883-1972)

L’État comme machine ou les théories politiques pré-organiques

Le Triomphe, fondement du politique ?

Sur le politologue Rüdiger Altmann

Bernard Willms (1931-1991)

Der « Ganze » Rationalismus : réponse de Helmut F. Spinner au rationalisme critique par une relecture de Max Weber et Carl Schmitt

Autour des concepts de Carl Schmitt

La notion d’Ernstfall

L’ère de la pyropolitique a commencé

Carl Schmitt : État, Nomos et « Grands espaces » par Theo Hartman

Annexes

Hommage à Piet Tommissen pour ses 75 ans par Günter Maschke

Adieu au Professeur Piet Tommissen (1925-2011)

Piet Tommissen, gardien des sources

Le livre est disponible à la vente au lien suivant :
http://www.ladiffusiondulore.fr/home/693-sur-et-autour-de...

298 pages - 26 euro

vendredi, 07 septembre 2018

Carl Schmitt fra “terra e mare” alla ricerca di un “nomos” per la Terra

Carl Schmitt. Plaidoyer pour la multipolarité, 1943.png

Carl Schmitt fra “terra e mare” alla ricerca di un “nomos” per la Terra

da Giovanni Balducci
Ex: http://www.barbadillo.it

Nella postfazione a Terra e mare di Carl Schmitt, dal titolo “Il potere degli elementi”, il grande quanto sfortunato filosofo e storico della filosofia Franco Volpi (scomparso prematuramente nel 2009 a soli 57 anni in un banale incidente in bici), facendo fede sul resoconto di un discepolo del grande giurista tedesco, ci presenta la suggestiva immagine di uno Schmitt che nel suo eremo di Plettenberg, in piena seconda guerra mondiale, si interroga circa le sorti del mondo e dell’Europa in particolare, sublimando la sua nostalgia e il proprio isolamento accostando la sua sorte a quella di eminenti predecessori o di mitiche figure di valenti outsider, fra cui Niccolò Machiavelli, che dopo aver insegnato al mondo gli arcana imperii ebbe a terminare i suoi giorni nel suo ritiro di San Casciano e il letterario Benito Cereno, il capitano “bianco”, uscito dalla penna di Herman Melville, ammutinato da schiavi “negri”.

Il grosso problema che a quel tempo ossessionava Schmitt era riuscire a dirimere il conflitto, da lui individuato, fra le due concezioni del mondo cattolica ed ebraica, che caratterizzava la civiltà occidentale. Schimitt, che stranamente – stando al racconto – ha appeso alla parete del suo studio un ritratto del politico ebreo Benjamin Disraeli, quando nelle case di ogni buon tedesco anni ’40 l’unico quadro a campeggiare era quello del Führer, non fa mistero di ritenere come interpretazione vincente la visione ebraica della storia, intesa come progresso dell’umanità verso un “futuro regno di pace”, o se si vuole, verso la “Nuova Gerusalemme”, lontana sì nel tempo, ma situata nell’aldiquà, e dunque ben più concreta di quell’ipotetico aldilà cui anelava la teologia cristiano-cattolica.

Per Schmitt, tuttavia, il cristianesimo può essere interpretato come una sorta di divulgazione “essoterica” fatta ai gentili della vera dottrina giudaica. In effetti, nella stessa interpretazione della Genesi, come espressa nello Zohar, suo commentario cabbalistico, si afferma che compito di ogni pio ebreo e di ogni uomo di retta volontà tra i gentili sarebbe quello di operare per la realizzazione del «tikkun» , la riparazione dell’anima umana (tikkun ha-nefesh) e di rimando del mondo (tikkun ha olàm), riportando la “presenza divina” (Shekhinah), o meglio sarebbe dire, rendendo la stessa presente, nel dominio degli uomini, riscattando in tal modo il peccato di Adamo, che osò separare sé stesso dalla Totalità universale e divina. Lo stesso Disraeli, del resto appare a Schimitt come «un iniziato, un saggio di Sion»: è quanto testualmente scrive nell’edizione di Terra e Mare del 1942; frase saggiamente espunta a guerra finita.

Un altro tema forte delle cogitazioni del grande giurista tedesco è la lotta tra le categorie giuridico-politiche di «Staat» (“Stato”), quella, per intenderci, dello stato “Leviatano” introdotta da Hobbes, e quella, verso cui Schmitt è più propenso, ritenendola superiore sia allo «Staat» di Hobbes sia all’ideologia völkisch che animava l’azione di Hitler e del nazionalsocialismo, di «Großraum» (“grande spazio terrestre”, o anche “ spazio imperiale”).

Questa variante era preferita da Schimitt alla stessa Lega delle Nazioni, incapace di dirimere le grandi questioni europee ed internazionali e di dare nuova legge e nuovo ordine al mondo, secondo il famoso concetto schmittiano di «nomos della terra». Essa inoltre si mostrava in tutta la sua debolezza al confronto con gli Stati Uniti d’America, che Schmitt vedeva come il vero nuovo “arbitro della terra”.

Egli, tuttavia, pur ammirando la dottrina Monroe, che secondo la sua visione delle cose aveva consentito agli Stati Uniti di assurgere al primato internazionale, costituendosi come un mix di indipendentismo e sovranità (isolazionismo?) e interventismo mirato in spazi extranazionali, riteneva che gli Stati Uniti, pur non essendo, a differenza dell’Inghilterra, un fattore di “dissolvimento”, non potevano rappresentare quella che per lui doveva essere la figura del katèchon, capace di frenare il processo dissolutivo dell’Ecumene occidentale, e per due gravi motivi: l’incapacità dimostrata nel recidere il cordone ombelicale dalla madrepatria britannica e al contempo l’ideologia accarezzata di un “nuovo secolo americano”.

Ecco che proprio questo farebbe declassare agli occhi di Schmitt gli Stati Uniti, da possibile katèchon, al ruolo addirittura di “ acceleratore involontario” della definitiva dissoluzione della società occidentale.

La concezione marittima del potere, come portata avanti dagli inglesi, per Schmitt, infatti, aveva avuto un ruolo determinante nella fine della concezione continentale, dunque terrestre, dello Ius publicum Europaeum e dell’ordine tradizionale del Vecchio continente, tendendo essa a radicalizzare i conflitti fino a promuovere l’ideologia di una “guerra totale” , che più non si limita al mero scontro fra eserciti belligeranti, ma porta alla “criminalizzazione” di interi popoli, e addirittura degli stati che commerciano o in qualche modo sono accusati di sostenere l’economia del nemico.

Schmitt paragona l’Inghilterra a una “nave” – a una “nave pirata” ad esser precisi – del resto, gran parte del suo impero è stato costruito grazie ad azioni che non tenevano in nessun conto alcuna legge e il Diritto delle genti. Veri e propri atti di pirateria di schiumatori e buccaneers, come quelli di Francis Drake, poi divenuto Sir, hanno rappresentato il suo quasi consueto modus operandi.

Era pressappoco quanto si stava già profilando sullo scenario di guerra cui Schmitt sta assistendo. Siamo per la precisione nell’anno di “grazia” 1942, quando, sbarcando in Irlanda, giunge in Europa il primo contingente militare statunitense, e la guerra dopo aver attraversato gli elementi terra e aria, si appresta ad interessare l’elemento acqua, facendosi poi addirittura sottomarina.

@barbadilloit

Di Giovanni Balducci

vendredi, 03 août 2018

Ruimterevolutie: Hoe de walvisjacht ons wereldbeeld veranderde

walvisjacht.jpg

Ruimterevolutie: Hoe de walvisjacht ons wereldbeeld veranderde

door Erwin Wolff

Ex: http://www.novini.nl

Het boek Land en zee van de Duitse rechtsfilosoof Carl Schmitt is een opvallende afwijking van zijn gebruikelijke discours. In zijn andere werken schrijft hij vooral over recht, politiek en direct aanverwante zaken. Een voorbeeld is het boek Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus waarin Schmitt in 1923 de parlementaire democratie van de Weimarrepubliek bekritiseert. Bekender is het werk Der Begriff des Politischen waarin hij de politiek tot wij-zij tegenstellingen herleidt. In Land en zee gaat hij echter op heel andere zaken in.

Wat is de aarde eigenlijk en hoe komt het dat we de aarde zien zoals wij die zien? Hoe komt het dat wij anno 2018 de aarde zien als een groen-blauwe bol in een oneindige ruimte? Hoe kan dat zo verschillen van het wereldbeeld van andere volkeren? Volgens Carl Schmitt ligt hier een zogenoemde “ruimterevolutie” aan ten grondslag en die heeft alles te maken met de manier waarop onze voorouders naar hun wereld keken.

CSlandenzee.jpgDe eersten die de omslag maken zijn de oude Grieken in de klassieke Oudheid. Griekenland bestaat uit vele stadstaten, maar de zeemacht Athene en de landmacht Sparta steken in deze Griekse wereld boven allen uit. Het denken van de Grieken veranderde van een volk dat zich enkel met landbouw bezighield naar een zeemacht, omdat het op een gegeven moment het gehele oostelijke deel van de Middellandse zee ging beheersen. De Grieken waren opgesloten in deze context en ze misten de mankracht om hieruit te breken.

Pas toen het Romeinse Rijk uitdijde naar het tegenwoordige Frankrijk en dus naar de Atlantische oceaan, wist de klassieke Oudheid uit deze kooi te breken in de eerste eeuw van onze jaartelling. Maar toen was het eigenlijk al gedaan. Het Romeinse Rijk stortte zichzelf daarna in chaos en er was onder Romeinse leiding geen paradigmaverschuiving.

In de middeleeuwen was heel Europa, van het noorden tot het hele zuiden, opgemaakt uit verschillende agrarische staten. Aan de randen van deze boerenstaten werd er visserij bedreven. Met de Bijbel in de hand werden de Germaanse volkeren van noord tot zuid bekeerd tot het Christendom. De ruimte op de aarde is wat de Middeleeuwers betreft een heleboel land en een heleboel agrarische producten op dat land. Tot het einde van de middeleeuwen is er geen echte verandering in deze zienswijze.

In het Oude Testament is er een mythisch zeedier te vinden, de leviathan (Job, hoofdstuk 40 en 41), en leviathan gaat een grote rol spelen in de omslag van het besef van ruimte van de Germaanse volkeren in Europa. De leviathan, meestal afgebeeld als walvis, lokt de vissers van Europa de zee op omdat deze vis zich niet laat vangen aan de kust. Zonder de walvisjacht zouden de Europese vissers in een smalle strook van de kust zijn gebleven. Het besef van de ruimte op aarde verandert onder druk van de walvisjacht razendsnel. Carl Schmitt beschrijft dit fenomeen als een “ruimterevolutie”. De ruimte waarin men denkt te leven verandert van landmassa naar land- en zeemassa.


Ook de middelen om zich op de zee te begeven veranderen. De galei van de Klassieke wereld worden afgedaan en schepen die de wind opvangen met zeilen doen hun intrede. Men kan veel verder en veel sneller zich op zee begeven. Er wordt een nieuw continent ontdekt en daarmee nieuwe handel, nieuwe regels, nieuwe innovaties. Ongeveer tussen de jaren 1490 en 1600 vinden deze veranderingen plaats. Het besef van de ruimte waarin men denkt te leven verandert en de middeleeuwse ordening der dingen komt definitief ten einde. Hulpeloos rolt de Europese beschaving een nieuw tijdperk binnen.

Het begin is nog wat onhandig. Er gebeurt ook iets geks met Engeland. Vooral Engeland is in de middeleeuwen ook een boerenstaat die zich voornamelijk bezighoudt met schapen, textiel en Frankrijk proberen te veroveren. Het protestantse Engeland draait zijn rug naar het continent Europa en richt zich op de zee. Met zo’n succes zelfs dat het de katholieke landen Spanje en Portugal inhaalt. De heerschappij van de zee is van niemand of iedereen. Maar eigenlijk vooral van één land: Engeland. Dit Germaanse volk beheerst in de negentiende eeuw de zee, de zeehandel en daarmee de wereld. Zozeer zelfs dat Engeland zichzelf niet meer als Europese macht ziet.

We belanden aan in de 20e eeuw en dan vindt een tweede ruimterevolutie plaats. Het oudtestamentische monster, Leviathan, is niet meer zozeer een vis, maar een ijzeren monster in de vorm van een modern slagschip. De overgang van stoomboot naar modern slagschip is niet kleiner dan de overgang van galei naar zeilschip, verklaart Carl Schmitt. Duitsland en enkele andere landen zijn industriële machten geworden en kunnen net zo produceren als Engeland. Hiermee komt de onbetwiste heerschappij over de zee door Engeland ten einde.

Land en Zee is een bijna dichterlijke beschrijving van deze gigantische veranderingen. Het zijn mooie woorden die laten zien hoe het komt dat de Europese beschaving andere volkeren ontdekte en dat het niet die andere volkeren zijn geweest die ons ontdekt hebben.

dimanche, 01 juillet 2018

De Carl Schmitt et du combat tellurique contre le système technétronique

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De Carl Schmitt et du combat tellurique contre le système technétronique

Il y a déjà cinq ans, pendant les fortes manifs des jeunes chrétiens contre les lois socialistes sur la famille (lois depuis soutenues et bénies par la hiérarchie et par l’ONG du Vatican mondialisé, mais c’est une autre histoire), j’écrivais ces lignes :

« Deux éléments m’ont frappé dans les combats qui nous occupent, et qui opposent notre jeune élite catholique au gouvernement mondialiste aux abois : d’une part la Foi, car nous avons là une jeunesse insolente et Fidèle, audacieuse et tourmentée à la fois par l’Ennemi et la cause qu’elle défend ; la condition physique d’autre part, qui ne correspond en rien avec ce que la démocratie-marché, du sexe drogue et rock’n’roll, des centres commerciaux et des jeux vidéo, attend de la jeunesse.»

L’important est la terre que nous laisserons à nos enfants ne cesse-ton de nous dire avec des citations truquées ; mais l’avenir c’est surtout les enfants que nous laisserons à la terre ! Cela les soixante-huitards et leurs accompagnateurs des multinationales l’auront mémorisé. On a ainsi vu des dizaines milliers de jeunes Français – qui pourraient demain être des millions, car il n’y a pas de raison pour que cette jeunesse ne fasse pas des petits agents de résistance ! Affronter la nuit, le froid, la pluie, les gaz, l’attente, la taule, l’insulte, la grosse carcasse du CRS casqué nourri aux amphétamines, aux RTT et aux farines fonctionnaires. Et ici encore le système tombe sur une élite physique qu’il n’avait pas prévue. Une élite qui occupe le terrain, pas les réseaux.

Cette mondialisation ne veut pas d’enfants. Elle abrutit et inhibe physiquement – vous pouvez le voir vraiment partout – des millions si ce n’est des milliards de jeunes par la malbouffe, la pollution, la destruction psychique, la techno-addiction et la distraction, le reniement de la famille, de la nation, des traditions, toutes choses très bien analysées par Tocqueville à propos des pauvres Indiens :

« En affaiblissant parmi les Indiens de l’Amérique du Nord le sentiment de la patrie, en dispersant leurs familles, en obscurcissant leurs traditions, en interrompant la chaîne des souvenirs, en changeant toutes leurs habitudes, et en accroissant outre mesure leurs besoins, la tyrannie européenne les a rendus plus désordonnés et moins civilisés qu’ils n’étaient déjà. »

Et bien les Indiens c’est nous maintenant, quelle que soit notre race ou notre religion, perclus de besoins, de faux messages, de bouffes mortes, de promotions. Et je remarquais qu’il n’y a rien de pire pour le système que d’avoir des jeunes dans la rue (on peut en payer et en promouvoir, les drôles de Nuit debout). Rien de mieux que d’avoir des feints-esprits qui s’agitent sur les réseaux sociaux.

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J’ajoutais :

« Et voici qu’une jeunesse montre des qualités que l’on croyait perdues jusqu’alors, et surtout dans la France anticléricale et libertine à souhait ; des qualités telluriques, écrirai-je en attendant d’expliquer ce terme. Ce sont des qualités glanées au cours des pèlerinages avec les parents ; aux cours des longues messes traditionnelles et des nuits de prières ; au cours de longues marches diurnes et des veillées nocturnes ; de la vie naturelle et de la foi épanouie sous la neige et la pluie. On fait alors montre de résistance, de capacité physique, sans qu’il y rentre de la dégoutante obsession contemporaine du sport qui débouche sur la brutalité, sur l’oisiveté, l’obésité via l’addiction à la bière. On est face aux éléments que l’on croyait oubliés. »

Enfin je citais un grand marxiste, ce qui a souvent le don d’exaspérer les sites mondialistes et d’intriquer les sites gauchistes qui reprennent mes textes. C’est pourtant simple à comprendre : je reprends ce qui est bon (quod verum est meum est, dit Sénèque) :

« Je relis un écrivain marxiste émouvant et oublié, Henri Lefebvre, dénonciateur de la vie quotidienne dans le monde moderne. Lefebvre est un bon marxiste antichrétien mais il sent cette force. D’une part l’URSS crée par manque d’ambition politique le même modèle de citoyen petit-bourgeois passif attendant son match et son embouteillage ; d’autre part la société de consommation crée des temps pseudo-cycliques, comme dira Debord et elle fait aussi semblant de réunir, mais dans le séparé, ce qui était jadis la communauté. Lefebvre rend alors un curieux hommage du vice à la vertu ; et il s’efforce alors à plus d’objectivité sur un ton grinçant.

Le catholicisme se montre dans sa vérité historique un mouvement plutôt qu’une doctrine, un mouvement très vaste, très assimilateur, qui ne crée rien, mais en qui rien ne se perd, avec une certaine prédominance des mythes les plus anciens, les plus tenaces, qui restent pour des raisons multiples acceptés ou acceptables par l’immense majorité des hommes (mythes agraires).

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Le Christ s’exprime par images agraires, il ne faut jamais l’oublier. Il est lié au sol et nous sommes liés à son sang. Ce n’est pas un hasard si Lefebvre en pleine puissance communiste s’interroge sur la résilience absolue de l’Eglise et de notre message :

Eglise, Saint Eglise, après avoir échappé à ton emprise, pendant longtemps je me suis demandé d’où te venait ta puissance.

Oui, le village chrétien qui subsiste avec sa paroisse et son curé, cinquante ans après Carrefour et l’autoroute, deux mille ans après le Christ et deux cents ans après la Révolution industrielle et l’Autre, tout cela tient vraiment du miracle.

Le monde postmoderne est celui du vrai Grand Remplacement : la fin des villages de Cantenac, pour parler comme Guitry. Il a pris une forme radicale sous le gaullisme : voyez le cinéma de Bresson (Balthazar), de Godard (Week-end, Deux ou trois choses), d’Audiard (les Tontons, etc.). Le phénomène était global : voyez les Monstres de Dino Risi qui montraient l’émergence du citoyen mondialisé déraciné et décérébré en Italie. L’ahuri devant sa télé…

Il prône ce monde une absence de nature, une vie de banlieue, une cuisine de fastfood, une distraction technicisée. Enfermé dans un studio à mille euros et connecté dans l’espace virtuel du sexe, du jeu, de l’info. Et cela donne l’évangélisme, cette mouture de contrôle mental qui a pris la place du christianisme dans pas le mal de paroisses, surtout hélas en Amérique du Sud. Ce désastre est lié bien sûr à l’abandon par une classe paysanne de ses racines telluriques. Je me souviens aux bords du lac Titicaca de la puissance et de la présence catholique au magnifique sanctuaire de Copacabana (rien à voir avec la plage, mais rien) ; et de son abandon à la Paz, où justement on vit déjà dans la matrice et le conditionnement. Mais cette reprogrammation par l’évangélisme avait été décidée en haut lieu, comme me le confessa un jour le jeune curé de Guamini dans la Pampa argentine, qui évoquait Kissinger.

J’en viens au sulfureux penseur Carl Schmitt, qui cherchait à expliquer dans son Partisan, le comportement et les raisons de la force des partisans qui résistèrent à Napoléon, à Hitler, aux puissances coloniales qui essayèrent d’en finir avec des résistances éprouvées ; et ne le purent. Schmitt relève quatre critères : l’irrégularité, la mobilité, le combat actif, l’intensité de l’engagement politique. En allemand cela donne : Solche Kriterien sind: Irregularität, gesteigerte Mobilität des aktiven Kampfes und gesteigerte Intensität des politischen Engagements.

Tout son lexique a des racines latines, ce qui n’est pas fortuit, toutes qualités de ces jeunes qui refusèrent de baisser les bras ou d’aller dormir : car on a bien lu l’Evangile dans ces paroisses et l’on sait ce qu’il en coûte de trop dormir !

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Schmitt reconnaît en fait la force paysanne et nationale des résistances communistes ; et il rend hommage à des peuples comme le peuple russe et le peuple espagnol : deux peuples telluriques, enracinés dans leur foi, encadrés par leur clergé, et accoutumés à une vie naturelle et dure de paysan. Ce sont ceux-là et pas les petit-bourgeois protestants qui ont donné du fil à retordre aux armées des Lumières ! Notre auteur souligne à la suite du théoricien espagnol Zamora (comme disait Jankélévitch il faudra un jour réhabiliter la philosophie espagnole) le caractère tellurique de ces bandes de partisans, prêts à tous les sacrifices, et il rappelle la force ces partisans issus d’un monde autochtone et préindustriel. Il souligne qu’une motorisation entraîne une perte de ce caractère tellurique (Ein solcher motorisierter Partisan verliert seinen tellurischen Charakter), même si bien sûr le partisan – ici notre jeune militant catholique – est entraîné à s’adapter et maîtrise mieux que tous les branchés la technologie contemporaine (mais pas moderne, il n’y a de moderne que la conviction) pour mener à bien son ouvrage.

Schmitt reconnaît en tant qu’Allemand vaincu lui aussi en Russie que le partisan est un des derniers soldats – ou sentinelles – de la terre (einer der letzten Posten der Erde ; qu’il signifie toujours une part de notre sol (ein Stück echten Bodens), ajoutant qu’il faut espérer dans le futur que tout ne soit pas dissous par le melting-pot du progrès technique et industriel (Schmelztiegel des industrielltechnischen Fortschritts). En ce qui concerne le catholicisme, qui grâce à Dieu n’est pas le marxisme, on voit bien que le but de réification et de destruction du monde par l’économie devenue follen’a pas atteint son but. Et qu’il en faut encore pour en venir à bout de la vieille foi, dont on découvre que par sa démographie, son courage et son énergie spirituelle et tellurique, elle n’a pas fini de surprendre l’adversaire.

Gardons une condition, dit le maître : den tellurischen Charakter. On comprend que le système ait vidé les campagnes et rempli les cités de tous les déracinés possibles. Le reste s’enferme dans son smartphone, et le tour est joué.

Bibliographie:

Carl Schmitt – Du Partisan

Tocqueville – De la démocratie I, Deuxième partie, Chapitre X

Guy Debord – La Société du Spectacle

Henri Lefebvre – Critique de la vie quotidienne (Editions de l’Arche)

lundi, 19 mars 2018

L'oeuvre de Carl Schmitt, une théologie politique

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L'oeuvre de Carl Schmitt, une théologie politique

L’auteur examine en quatre chapitres l’impact de celle-ci.

hm-lcs.jpgLa leçon de Carl Schmitt

Heinrich Meier

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L’auteur examine en quatre chapitres l’œuvre de Carl Schmitt, en montrant que ce qui l’unifie, c’est qu’elle constitue une «théologie politique». Toutefois, il faut se reporter à la fin de l’ouvrage pour comprendre ce qu’il faut entendre par ce terme. Dans la dernière partie du livre, l’auteur propose une rétrospective sur «la querelle de la théologie politique», qui permet de mieux comprendre le sens de cette expression utilisée dans le reste de l’ouvrage. Il y montre que si l’on interprète souvent l’expression de «théologie politique», à partir des textes mêmes de l’œuvre de Schmitt, comme «une affirmation relevant de l’histoire des concepts ou plutôt une hypothèse de la sociologie de la connaissance qui traite des «analogies de structures» entre des disciplines et des «transpositions» historiques» (p256), on restreint la portée et l’importance de ce concept que l’auteur estime central dans la pensée de Schmitt. Certes, C. Schmitt, évoquant une «théologie politique» a bien l’idée que des juristes ont transféré les concepts théologiques, comme celui de la toute-puissance de Dieu, sur le souverain temporel, dans les Temps modernes. Mais pour lui, la «théologie politique» désigne aussi, derrière cette opération de transfert, la volonté de ces juristes de répondre en chrétien à l’appel de l’histoire en «montrant le chemin à suivre pour sortir de la guerre civile confessionnelle.» Leur entreprise de sécularisation n’était pas portée par des intentions antichrétiennes, mais, bien au contraire, inspirée chrétiennement. Jean Bodin et Thomas Hobbes par exemple, que Schmitt désigne comme «ses amis», se tinrent, dans l’interprétation qu’il en donne, «solidement à la foi de leurs pères, et cela pas seulement de manière extérieure» (p261). Autrement dit, plus qu’un transfert de fait et historiquement repérable, la théologie politique désignerait pour Schmitt une attitude dans laquelle c’est à la politique de remplir une mission héritée de la religion, dans un monde qui se sécularise ou qui s’est sécularisé. La sécularisation, qui advient de fait, doit être gérée dans une intention qui demeure animée par la foi chrétienne. De là résulte entre autre que le critère du politique manifesté par la distinction entre ami et ennemi renvoie, pour l’auteur, en dernière analyse à l’opposition entre Dieu et Satan.

Chapitre 1: la réflexion schmittienne sur la morale

Dans le premier chapitre, centré sur la réflexion schmittienne sur la morale, l’auteur commence par montrer quel tableau –qui l’indigne– Schmitt dresse de son époque: un monde vivant aux pulsations de l’entreprise commerciale, rongé progressivement par la sécularisation et l’abandon de la foi, la démesure des hommes qui en «substituant à la providence les plans échafaudés par leur volonté et les calculs de leurs intérêts, pensent pouvoir créer de force un paradis terrestre dans lequel ils seraient dispensés d’avoir à décider entre le Bien et le Mal, et duquel l’épreuve décisive serait définitivement bannie.» (p15). La science elle-même n’est pour Schmitt que «l’auto-divination contre Dieu». Et Schmitt rejette ces formes d’auto-habilitation, par lesquelles l’homme prétend s’émanciper du Dieu transcendant.

Or, ce que souligne l’auteur, c’est que c’est chez Bakounine que Schmitt trouve en quelque sorte le paradigme de cette rébellion et de cette défense de la désobéissance, contre le souverain et contre Dieu. Bakounine en effet «conteste l’objet de la conviction la plus intime de Schmitt. Il attaque la révélation et nie l’existence de Dieu; il veut supprimer l’Etat et nie l’universalité revendiquée par le catholicisme romain.» (p19) ( «Dieu étant tout, le monde réel et l’homme ne sont rien. Dieu étant la vérité, la justice, le bien, le beau, la puissance et la vie, l’homme est le mensonge, l’iniquité, le mal, la laideur, l’impuissance et la mort. Dieu étant le maître, l’homme est l’esclave. Incapable de trouver par lui-même la justice, la vérité et la vie éternelle, il ne peut y arriver qu’au moyen d’une révélation divine. Mais qui dit révélation, dit révélateur, messies, prophètes, prêtres et législateurs inspirés par Dieu même; et ceux-là une fois reconnus comme les représentants de la divinité sur terre, comme les saints instituteurs de l’humanité, élus par Dieu même pour la diriger dans la voie du salut, ils doivent nécessairement exercer un pouvoir absolu. Tous les hommes leur doivent une obéissance illimitée et passive, car contre la Raison Divine il n’y a point de raison humaine, et contre la Justice de Dieu, point de justice terrestre qui tienne. Esclaves de Dieu, les hommes doivent l’être aussi de l’Eglise et de l’Etat, en tant que ce dernier est consacré par l’Eglise.» Mikhaïl Bakounine, Dieu et l’Etat). La devise «Ni Dieu ni maître» affiche le rejet de toute forme d’obéissance et détruit les fondements classiques de l’obéissance dans la culture européenne d’après Schmitt. Pour Bakounine, la croyance en Dieu est la cause de l’autorité de l’Etat et de tout le mal politique qui en procède. D’ailleurs Schmitt reprend à Bakounine l’expression de «théologie politique» que ce dernier emploie contre Mazzini. Pour Bakounine, le mal vient des forces religieuses et politiques affirmant la nécessité de l’obéissance et de la soumission de l’homme; alors que pour Schmitt – et dans une certaine tradition chrétienne – le mal provient du refus de l’obéissance et de la revendication de l’autonomie humaine.

cs-car.jpgChez ces deux auteurs, politique et religion sont mises ensemble, dans un même camp, dans une lutte opposant le bien au mal, même si ce qui représente le bien chez l’un représente le mal chez l’autre. Pour Schmitt, dans ce combat, le bourgeois est celui qui ne pense qu’à sa sécurité et qui veut retarder le plus possible son engagement dans ce combat entre bien et mal. Ce que le bourgeois considère comme le plus important, c’est sa sécurité, sécurité physique, sécurité de ses biens, comme de ses actions, «protection contre toute ce qui pourrait perturber l’accumulation et la jouissance de ses possessions» (p22). Il relègue ainsi dans la sphère privée la religion, et se centre ainsi sur lui-même. Or contre cette illusoire sécurité, Schmitt, et c’est là une thèse importante défendue par l’auteur, met au centre de l’existence la certitude de la foi («Seule une certitude qui réduit à néant toutes les sécurités humaines peut satisfaire le besoin de sécurité de Schmitt; seule la certitude d’un pouvoir qui surpasse radicalement tous les pouvoirs dont dispose l’homme peut garantir le centre de gravité morale sans lequel on ne peut mettre un terme à l’arbitraire: la certitude du Dieu qui exige l’obéissance, qui gouverne sans restriction et qui juge en accord avec son propre droit. (…) La source unique à laquelle s’alimentent l’indignation et la polémique de Schmitt est sa résolution à défendre le sérieux de la décision morale. Pour Schmitt, cette résolution est la conséquence et l’expression de sa théologie politique» (p24).). Et c’est dans cette foi que s’origine l’exigence d’obéissance et de décision morale. Schmitt croit aussi, comme il l’affirme dans sa Théologie politique, que «la négation du péché originel détruit tout ordre social».
Chez Schmitt, derrière ce terme de «péché originel», il faut lire la nécessité pour l’homme d’avoir toujours à choisir son camp, de s’efforcer de distinguer le bien du mal («Seule une certitude qui réduit à néant toutes les sécurités humaines peut satisfaire le besoin de sécurité de Schmitt; seule la certitude d’un pouvoir qui surpasse radicalement tous les pouvoirs dont dispose l’homme peut garantir le centre de gravité morale sans lequel on ne peut mettre un terme à l’arbitraire: la certitude du Dieu qui exige l’obéissance, qui gouverne sans restriction et qui juge en accord avec son propre droit. (…) La source unique à laquelle s’alimentent l’indignation et la polémique de Schmitt est sa résolution à défendre le sérieux de la décision morale. Pour Schmitt, cette résolution est la conséquence et l’expression de sa théologie politique» (p24).). L’homme est sommé d’agir dans l’histoire en obéissant à la foi («la théologie politique place au centre cette vertu d’obéissance qui, selon le mot d’un de ses plus illustres représentants, «est dans la créature raisonnable la mère et la gardienne de toutes les vertus» (Augustin, Cité de Dieu XII, 14). Par leur ancrage dans l’obéissance absolue, les vertus morales reçoivent un caractère qui leur manquerait autrement.» (p31-32).), et il doit pour cela avant faire preuve de courage et d’humilité. L’auteur montre ainsi que loin de se réduire à la «politique pure», la pensée schmittienne investit la morale en en proposant un modèle aux contours relativement précis.

Chapitre 2: Réflexion sur la conception politique de Schmitt

Dans chapitre II, H. Meier montre que la conception politique de C. Schmitt ne peut être entièrement détachée d’une réflexion sur la vérité et la connaissance. En effet, Schmitt écrit, dans La notion de politique, que le politique «se trouve dans un comportement commandé par l’éventualité effective d’une guerre, dans le clair discernement de la situation propre qu’elle détermine et dans la tâche de distinguer correctement l’ami et l’ennemi». Cela implique que le politique désigne un comportement, une tâche et une connaissance, comme le met en évidence l’auteur. Pour mener à bien l’exigence d’obéissance mise au jour dans le chapitre précédent, il faut une certaine connaissance. Cela semble relativement clair, mais l’auteur va plus loin et défend la thèse selon laquelle non seulement le politique exige la connaissance, mais il veut montrer que l’appréhension du politique pour Schmitt est «essentiellement connaissance de soi» (p46).

La distinction entre l’ami et l’ennemi s’appuie sur une notion existentielle de l’ennemi. L’ennemi présupposé par le concept de politique est une réalité publique et collective, et non un individu sur lequel on s’acharnerait, mu par une haine personnelle. Comme le précise H. Meier, «il n’est déterminé par aucune «abstraction normative» mais renvoie à une donnée de la «réalité existentielle» (…). Il est l’ennemi qui «doit être repoussé» dans le combat existentiel.» (p49). La figure de l’ennemi sert le critère du politique, mais chez Schmitt, selon l’auteur, elle n’est pas le fruit d’une élaboration théorique, voire idéologique, mais elle est ce en face de quoi je suis toujours amené existentiellement à prendre position et elle sert aussi à me déterminer et à me connaître moi-même, sur la base du postulat que c’est en connaissant son ennemi qu’on se connaît soi-même. Grâce à la distinction entre l’agonal et le politique, qui tous deux mettent en jeu la possibilité de ma mort et celle de l’adversaire ou de l’ennemi, mais qui s’opposent sur le sens de la guerre et la destination de l’homme ( Dans une compréhension politique du monde, l’homme ne peut réaliser pleinement sa destinée et sa vocation qu’en s’engageant entièrement et existentiellement pour l’avènement de la domination, de l’ordre et de la paix, tandis que dans la pensée agonale, ce qui compte, c’est moins le but pour lequel on combat que la façon de combattre et d’inscrire ainsi son existence dans le monde. E. Jünger, qui défend une pensée agonale écrit ainsi: «l’essentiel n’est pas ce pour quoi nous nous battons, c’est notre façon de nous battre. (…) L’esprit combattif, l’engagement de la personne, et quand ce serait pour l’idée la plus infime, pèse plus lourd que toute ratiocination sur le bien et le mal» (La guerre comme expérience intérieure).), Schmitt montre qu’il ne s’agit pas de se battre par principe et pour trouver un sens à vie, mais de lutter pour défendre une cause juste, ou mieux la Justice. Et c’est à ce titre que le politique est ce par quoi l’homme apprend à se connaître, à savoir ce qu’il veut être, ce qu’il est et ce qu’il doit être ( H. Meier développe ainsi un commentaire long et précis sur le sens d’une phrase de Theodor Däubler qui revient souvent chez Schmitt: «l’ennemi est la figure de notre propre question». Nous nous connaissons en connaissant notre ennemi et en même temps nous reconnaissons notre ennemi en celui qui nous met en question. L’ennemi, en quelque sorte, est aussi le garant de notre identité. Notre réponse à la question que l’ennemi nous pose est notre engagement existentiel-par un acte de décision – concret dans l’histoire.).

cs-pol.pngLa confrontation politique apparaît comme constitutive de notre identité. A ce titre, elle ne peut pas être seulement spirituelle ou symbolique. Cette confrontation politique trouve son origine dans la foi, qui nous appelle à la décision («La foi selon laquelle le maître de l’histoire nous a assigné notre place historique et notre tâche historique, et selon laquelle nous participons à une histoire providentielle que nos seules forces humaines ne peuvent pas sonder, une telle foi confère à chacun en particulier un poids qui ne lui est accordé dans aucun autre système: l’affirmation ou la réalisation du «propre» est en elle-même élevée au rang d’une mission métaphysique. Etant donné que le plus important est «toujours déjà accompli» et ancré dans le «propre», nous nous insérons dans la totalité compréhensive qui transcende le Je précisément dans la mesure où nous retournons au «propre» et y persévérons. Nous nous souvenons de l’appel qui nous est lancé lorsque nous nous souvenons de «notre propre question»; nous nous montrons prêts à faire notre part lorsque nous engageons ma confrontation avec «l’autre, l’étranger» sur «le même plan que nous» et ce «pour conquérir notre propre mesure, notre propre limite, notre propre forme.»« (p77-78).).

Aussi les «grands sommets» de la politique sont atteints quand l’ennemi providentiel est reconnu. La politique n’atteint son intensité absolue que lorsqu’elle est combat pour la foi, et pas simple combat, guerre limitée et encadrée par le droit des gens moderne (Les croisades sont ainsi l’exemple pour C. Schmitt d’une hostilité particulièrement profonde, c’est-à-dire pour lui authentiquement politique.). C’est pour une communauté de foi, et plus particulièrement pour une communauté de croyants qui se réclame d’une vérité absolue et dernière, au-delà de la raison, que la politique peut être authentique. C’est d’abord pour défendre la foi qu’on tient pour vraie, une foi existentiellement partagée – et qui éventuellement pourrait être une foi non religieuse – que la politique authentique peut exister. C’est ainsi que Schmitt pense défendre la vraie foi catholique contre ces fausses fois qui la mettent en danger et qui sont le libéralisme et le marxisme. Ce qu’on appelle ordinairement ou quotidiennement la politique n’atteint pas l’intensité décisive des «grands sommets», mais n’en est que le reflet.

Chapitre 3: théologie politique, foi et révélation

Dans le troisième chapitre, H. Meier établit l’inextricable connexion entre théologie politique, foi et révélation. Aussi la théologie politique combat-elle l’incroyance comme son ennemi existentiel. Comme le résume l’auteur: «l’hostilité est posée avec la foi en la révélation. (…) la discrimination entre l’ami et l’ennemi trouverait dans la foi en la révélation non seulement sa justification théorique, mais encore son inévitabilité pratique» (p102). Obéir sérieusement à la foi exige, pour Schmitt, d’agir dans l’histoire, ce qui suppose de choisir son camp, c’est-à-dire de distinguer l’ami de l’ennemi. Politique et théologique ont en commun la distinction entre l’ami et l’ennemi; aussi, note l’auteur, «quand le politique est caractérisé grâce à la distinction ami-ennemi comme étant «le degré extrême d’union ou de désunion» (…), alors il n’y a plus d’obstacle au passage sans heurt du politique à la théologie de la révélation. La nécessité politique de distinguer entre l’ami et l’ennemi permet désormais de remonter jusqu’à la constellation ami-ennemi de la Chute, tandis que se révèle le caractère politique de la décision théologique essentielle entre l’obéissance et la désobéissance, entre l’attachement à Dieu et la perte de la foi.» (p104). L’histoire a à voir avec l’avènement du Salut, les fins politiques et théologiques sont indissociables pour Schmitt. La décision entre Dieu et Satan est aussi bien théologique que politique, et lorsque l’ennemi providentiel est identifié comme tel, le théologique et le politique coïncident dans leur définition de l’unique ennemi. Le reste du temps, politique et théologique peuvent ne pas coïncider, dans la mesure où toute confrontation politique ne met pas en jeu la foi en la révélation et où toute décision théologique ne débouche pas nécessairement sur un conflit politique. Et si Schmitt développe une théologie politique, c’est parce que ce qui est fondamental est le théologique (qui toujours requiert la décision et l’engagement de l’homme («la foi met fin à l’incertitude. Pour la foi, seule la source de la certitude, l’origine de la vérité est décisive. La révélation promet une protection si inébranlable contre l’arbitraire humain que, face à elle, l’ignorance semble être d’une importance secondaire.» (p138).)) qui prend parfois, mais pas toujours nécessairement, la forme du politique pour sommer l’homme de se décider.

Puis l’auteur examine la critique de la conception de l’Etat dans la doctrine de Hobbes (dans Le Léviathan dans la doctrine de l’Etat de Thomas Hobbes. Sens et échec d’un symbolisme politique) qu’il étudie en trois points.

Thomas_Hobbes_(portrait).jpgD’une part, Schmitt reproche à Hobbes d’artificialiser l’Etat, d’en faire un Léviathan, un dieu mortel à partir de postulats individualistes. En effet, ce qui donne la force au Léviathan de Hobbes, c’est une somme d’individualités, ce n’est pas quelque chose de transcendant, ou plus précisément, transcendant d’un point de vue juridique, mais pas métaphysique. A cette critique, il faut ajouter que, créé par l’homme, l’Etat n’a aucune caution divine: créateur et créature sont de même nature, ce sont des hommes. Or ces hommes, véritables individus prométhéens, font croire à l’illusion d’un nouveau dieu, né des hommes, et mortels, dont l’engendrement provient du contrat social. Et cette création à partir d’individus et non d’une communauté au sein d’un ordre voulu par Dieu, comme c’était, selon Hobbes, le cas au moyen-âge, perd par là-même sa légitimité aux yeux d’une théologie politique ( C. Schmitt écrit ainsi que: «ce contrat ne s’applique pas à une communauté déjà existante, créée par Dieu, à un ordre préexistant et naturel, comme le veut la conception médiévale, mais que l’Etat, comme ordre et communauté, est le résultat de l’intelligence humaine et de son pouvoir créateur, et qu’il ne peut naître que par le contrat en général.»).

D’autre part, Schmitt critique le geste par lequel l’Etat hobbesien est à lui-même sa propre fin. Autrement dit, cette œuvre que produisent les hommes par le contrat n’est plus au service d’une fin religieuse, d’une vérité révélée, mais, au contraire, est rendu habilité à définir quelles sont les croyances religieuses que doivent avoir les citoyens, qu’est-ce qui doit être considéré comme vrai. Enfin, Schmitt désapprouve le symbole choisi par Hobbes pour figurer l’Etat, le Léviathan.

Comme le note l’auteur, Schmitt pointe la faiblesse et la fragilité de la construction de Hobbes: «C’est un dieu qui promet aux hommes tranquillité, sécurité et ordre pour leur «existence physique ici-bas», mais qui ne sait pas atteindre leurs âmes et qui laisse insatisfaite leur aspiration la plus profonde; un homme dont l’âme artificielle repose sur une transcendance juridique et non métaphysique; un animal dont le pouvoir terrestre incomparable serait en mesure de tenir en lisière «les enfants de l’orgueil» par la peur, mais qui ne pourrait rien contre cette peur qui vient de l’au-delà et qui est inhérente à l’invisible.» (p167). Autrement dit, chez Hobbes, l’Etat peut se faire obéir par la peur de la mort, ce qui rend l’obéissance des hommes relatives à cette vie terrestre, alors que pour Schmitt, ce qui rend décisif et définitif l’engagement politique, c’est qu’il a à voir avec la fin dernière, le salut. Aussi peut-on être prêt ou décidé à mourir pour lutter contre l’ennemi, ce que nous craignons alors le plus est moins la mort violente que l’enfer post mortem. Et on comprend ainsi bien comment le libéralisme est ce qui veut éviter cet engagement, en niant la dimension proprement politique de l’existence humaine.

Chapitre 4: l'histoire comme lieu de discernement

Dans le dernier chapitre, centré sur l’histoire comme lieu de discernement dans lequel doit toujours se décider l’homme, l’auteur montre comment morale, politique et révélation sont liées à l’histoire pour permettre une orientation concrète («Pour la théologie politique, l’histoire est le lieu de la mise à l’épreuve du jugement. C’est dans l’histoire qu’il faut distinguer entre Dieu et Satan, l’ami et l’ennemi, le Christ et l’Antéchrist. C’est en elle que l’obéissance, le courage et l’espérance doivent faire leurs preuves. Mais c’est en elle aussi qu’est porté le jugement sur la théologie politique qui se conçoit elle-même à partir de l’obéissance comme action dans l’histoire.» (p177).). L’exemple privilégié par Schmitt pour mesurer un penseur qui se décide à l’histoire dans laquelle il se fait condamné à naviguer est celui de Hobbes. En effet, pour Schmitt, Hobbes prend position, avec piété pour l’Etat moderne, dans un cadre historique précis, celui des luttes confessionnelles, et sa décision en faveur de l’Etat qui neutralise les oppositions religieuses et sécularise la vie est liée à ce contexte historique. Si pour Schmitt, l’Etat n’est plus au XXème siècle une bonne réponse politique à la situation historique, au temps de Hobbes, se déterminer en faveur de cet Etat était la bonne réponse, puisque l’Etat «trancha effectivement à un moment historique donné la querelle au sujet du droit, de la vérité et de la finalité en établissant le «calme, la sécurité et l’ordre» quand rien ne semblait plus urgent que l’établissement du «calme, de la sécurité et de l’ordre»« (p183). En revanche, une fois conçu, l’Etat comme machine ou comme appareil à garantir la sécurité, il peut tomber entre les mains du libéralisme, du bolchévisme ou du nazisme qui peuvent s’en servir pour parvenir à leur fin, d’où sa critique de l’Etat au XXème siècle.

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La question que pose alors l’auteur est celle de l’engagement de Schmitt. Il montre que Schmitt dans les années 1920 et au début des années 1930 commence par soutenir le fascisme mussolinien dans lequel il voit le modèle d’un Etat qui s’efforce de maintenir l’unité nationale et la dignité de l’Etat contre le pluralisme des intérêts économiques. Il oppose ce type d’Etat au libéralisme qu’il considère comme un «système ingénieux de méthodes visant à affaiblir l’Etat» et qui tend à dissoudre en son sein le proprement politique. Il critique l’Etat de droit bourgeois et en particulier le parlementarisme ( Il écrit ainsi dans l’article «l’Etat de droit bourgeois»: «les deux principes de l’Etat de droit bourgeois que sont la liberté de l’individu et la séparation des pouvoirs, sont l’un et l’autre apolitiques. Ils ne contiennent aucune forme d’Etat, mais des méthodes pour mettre en place des entraves à l’Etat.»). Il démasque l’imposture des prétendues démocraties qui n’intègrent pas le peuple, qui ne lui permettent pas d’agir en tant que peuple ( Pour Schmitt, le peuple ne peut être que réuni et homogène (c’est-à-dire non scindé en classes distinctes ou divisé culturellement, religieusement, socialement ou «racialement»). Il estime également que seule l’acclamation permet d’exprimer la volonté du peuple, à l’opposé des méthodes libérales qu’il accuse de falsifier la volonté du peuple.) mais l’atomisent, ne serait-ce que parce qu’au moment de la décision politique, les hommes sont isolés pour voter, alors qu’ils devraient être unis: «ils décident en tant qu’individus et en secret, ils ne décident pas en tant que peuple et publiquement.» (p204). Ce qui fait que les démocraties libérales sont pour lui des démocraties sans démos, sans peuple. Schmitt veut fonder la politique sur un mythe puissant et efficace, et dans cette optique, il estime que le mythe national sur lequel se fonde le fascisme est celui qui donne le plus d’intensité à la foi et au courage (plus, par exemple, que le mythe de la lutte des classes). Ce que souligne l’auteur cependant, c’est que pour Schmitt, tout mythe est à placer sur un plan inférieur à la vérité révélée. Il s’agit donc pour le théologien politique de ne pas croire ce mythe, national ou autre, parce qu’il est éloigné de la vraie foi, mais de l’utiliser pour intensifier la dimension politique de l’existence que tend à effacer le libéralisme européen de son époque.

Comment concilier la décision de Schmitt en faveur du nazisme au printemps 1933? Pour Heinrich Meier, il faut considérer avant tout que cet engagement est fait en tant que théologien politique et non en tant que nationaliste. Il faudrait la lire comme l’essai pour sortir de deux positions antagonistes et qu’il rejette toutes les deux: le libéralisme et le communisme, tous deux adversaires du catholicisme et animés par une commune tradition visant un objectif antipolitique (L’auteur écrit ainsi: «Pendant les dix années, de 1923 à 1933, durant lesquelles Schmitt, empli d’admiration, suivit le parcours de Mussolini, sa conviction que le libéralisme et le marxisme s’accordaient sur l’essentiel ou en ce qui concerne leur «métaphysique» ne fit que se renforcer: l’héritage libéral était toujours déterminant pour le marxisme, qui «n’était qu’une mise en pratique de la pensée libérale du XIXème siècle». La réunion du libéralisme et du marxisme dans la «nouvelle croyance» du temps présent (…) disposant d’un fonds de dogmes communs et poursuivant le même objectif final antipolitique, devait faire apparaître le fascisme et le national socialisme comme les antagonismes les plus résolus.» (p212-213).). A cela s’ajoute, selon l’auteur, l’idée que le nazisme s’appuie sur la croyance au destin et à l’importance d’agir dans l’histoire. Mais peu après cette explication des raisons de l’adhésion de Schmitt au national-socialisme, l’auteur s’attache à montrer que des critiques du régime apparaissent dans ses écrits. On peut ainsi selon l’auteur lire de nombreux passages du livre sur Hobbes comme des critiques indirectes du régime nazi qui ne pouvaient pas ne pas être prises comme telles à l’époque (par exemple, des passages dans lesquels il explique que si l’Etat ne protège pas efficacement les citoyens, le devoir d’obéissance disparaît, ou des passages exposant que si un régime relègue la foi à l’intériorité, le «contre-pouvoir du mutisme et du silence croît».) Cependant, l’auteur prend également soin de distinguer d’un côté l’éloignement de Schmitt du pouvoir nazi en place et de l’autre la persistance de son antisémitisme. Ainsi le livre sur Hobbes est foncièrement antisémite – l’antisémitisme de ce livre ne serait pas qu’un fond, un langage destiné à répondre aux critères de l’époque – comme, du reste, dans de nombreux ouvrages. Et pour l’auteur cet antisémitisme a son origine dans la tradition de l’antijudaïsme chrétien, ce qui n’a pas détaché Schmitt de l’antisémitisme nazi. Au contraire, comme le souligne H. Meier, «on est bien obligé de dire que c’est l’hostilité aux «juifs» qui lie le plus durablement Schmitt au national-socialisme (…) Et il restera fidèle, même après l’effondrement du Troisième Reich, à l’antisémitisme» (p220).

Puis l’auteur s’intéresse à l’interprétation que Schmitt fait de l’histoire en mettant au cœur de cette interprétation le katechon, qu’on trouve dans la seconde lettre de Paul aux Thessaloniciens, et qu’il définit comme «la représentation d’une force qui retarde la fin et qui réprime le mal» ( Schmitt écrit ainsi dans Terre et Mer: «Je crois au katéchon; il représente pour moi la seule possibilité, en tant que chrétien, de comprendre l’histoire et de lui trouver un sens.»). Schmitt expose une vision chrétienne de l’histoire (notamment exposée dans une critique de Meaning in History de Karl Löwith) qu’il entend opposer à celle du progrès défendue par les Lumières, le libéralisme et le marxisme. La Providence ne peut être assimilée aux planifications prométhéennes humaines. La notion de katechon permet d’une part de rendre compte du retard de la parousie – et donc de l’existence perse de l’histoire ( C’est d’ailleurs dans cette perspective que Paul en parle.); d’autre part, elle «protège l’action dans l’histoire contre le découragement et le désespoir face à un processus historique, en apparence tout-puissant, qui progresse vers la fin. Enfin, elle arme à l’inverse l’action dans l’histoire contre le mépris de la politique et de l’histoire en l’assurant de la victoire promise.» (p231-232). En effet, sans le katechon, on est conduit à penser que la fin de l’histoire est imminente et que l’histoire n’a qu’une valeur négligeable.

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Ainsi, l’auteur parvient à montrer efficacement comment morale, politique, vérité révélée et histoire sont liées dans la pensée schmittienne, pensée ayant son centre dans la foi catholique de Schmitt. On ne peut comprendre la genèse des concepts schmittiens et leur portée véritable qu’en ayant à l’esprit cette foi expliquant sa pensée est moins une philosophie politique – si la philosophie doit être pensée comme indépendante de la foi en la révélation – qu’une théologie politique, pour ainsi dire totale en ce qu’elle informe tous les aspects de l’existence. La tentative d’H. Meier d’expliquer et de rendre compte et de l’engagement de Schmitt dans le nazisme –sans évidemment l’excuser ou n’en faire qu’une erreur malencontreuse– par l’antagonisme que ce régime pouvait manifester à l’encontre des autres régimes (libéralisme, marxisme) qui luttaient contre le catholicisme est pertinente, d’autant qu’elle ne le disculpe pas et qu’elle prend soin de souligner son indéfendable antisémitisme. Il faut aussi reconnaître à l’auteur une connaissance extrêmement précise des textes de Schmitt, de leur contexte et des adversaires que vise ce dernier même lorsqu’ils ne sont pas nommés, ce qui contribue à la clarification de maintes argumentations de Schmitt parfois équivoques ou elliptiques.

mercredi, 14 février 2018

Le signe secret entre Carl Schmitt et Jacob Taubes

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Le signe secret entre Carl Schmitt et Jacob Taubes

par Juan Asensio

Ex: http://www.juanasensio.com

«En effet, même si elle n’est ni nécessité, ni caprice, l’histoire, pour le réactionnaire, n’est pourtant pas une dialectique de la volonté immanente, mais une aventure temporelle entre l’homme et ce qui le transcende. Ses œuvres sont des vestiges, sur le sable labouré par la lutte, du corps de l’homme et du corps de l’ange. L’histoire selon le réactionnaire est un haillon, déchiré par la liberté de l’homme, et qui flotte au vent du destin.»

Nicolás Gómez Dávila, Le Réactionnaire authentique.


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Noté cette idée, lue dans une lettre adressée à Armin Mohler (le 14 février 1952) par le génial et déroutant Jacob Taubes : «Qu’est-ce qui aujourd’hui n’est pas théologie (en dehors du bavardage théologique) ? Ernst Jünger, est-ce moins de la «théologie» que Bultmann ou Brunner ? Kafka, en est-ce moins que Karl Barth ?» (1). J’y retrouve ainsi la notion, chère à Gershom Scholem, selon laquelle le sacré souffle où il veut et, particulièrement, sur les grandes œuvres de la littérature qui, quoi que prétendent les imbéciles de stricte obédience laïcarde, ne peuvent (et ne semblent vouloir) se passer de Dieu.

C’est d’ailleurs à propos de Carl Schmitt que Jacob Taubes, philosophe qui a «entièrement consacré la force de sa pensée à la parole vivante» selon Elettra Stimilli (p. 9) et n'a donc publié qu'un seul livre (sa thèse, soutenue à l'âge de vingt-trois ans, intitulée Eschatologie occidentale éditée en 2009 par Michel Valensi pour les Éditions de l’Éclat), qui fut l’un des plus exigeants lecteurs du juriste qui jamais n'hésita, tel un Grand Inquisiteur, à pourfendre ceux qu'il considérait comme des hérétiques (cf. p. 36), Jacob Taubes donc, tentant même de comprendre les errements du grand penseur catholique sans jamais le condamner (2), a écrit : «Carl Schmitt était juriste, et non théologien, mais un juriste qui foula le sol brûlant dont s’étaient retirés les théologiens» (p. 25).

Jacob Taubes, qui a pris le soin de lire le texte douloureux de Schmitt s'intitulant Ex captivitate salus, sans doute celui où le grand juriste a été le plus sincère et a tenté de justifier ses prises de position, poursuit, cette fois en rappelant Walter Benjamin et sa notion de théologie souterraine, voilée, grimée, de contrebande pourrais-je dire : «Si je comprends un tant soit peu ce que Walter Benjamin construit là comme vision mystique de l’histoire en regardant les thèses de Carl Schmitt, tout cela veut dire : ce qui s’accomplit extérieurement comme un processus de sécularisation, de désacralisation et de dédivinisation de la vie publique, et ce qui se comprend comme un processus de neutralisation allant par étape jusqu’à la «neutralité axiologique» de la science, index de la forme de vie technico-industrielle – comporte également un virage intérieur qui témoigne de la liberté des enfants de Dieu au sens paulinien, et donc exprime un parachèvement de la Réforme» (pp. 53-4).

CSJT-schh.jpgÉvidemment, tout, absolument tout étant lié, surtout lorsqu'il s'agit des affinités électives existant entre les grands esprits qui appréhendent le monde en établissant des arches, parfois fragiles mais stupéfiantes de hardiesse, entre des réalités qu'en apparence rien ne relie (cf. p. 38), je ne pouvais, poursuivant la lecture de cet excellent petit livre qui m'a fait découvrir le fulgurant (et, apparemment, horripilant) Jacob Taubes, que finalement tomber sur le nom qui, selon ce dernier, reliait Maritain à Schmitt, qualifié de «profond penseur catholique» : Léon Bloy, autrement dit le porteur, le garnt ou, pourquoi pas, le «signe secret» (p. 96) lui-même. Après Kafka saluant le génie de l'imprécation bloyenne, c'est au tour du surprenant Taubes, au détour de quelques mots laissés sans la moindre explication, comme l'une de ces saillies propres aux interventions orales, qui stupéfièrent ou scandalisèrent et pourquoi pas stupéfièrent et scandalisèrent) celles et ceux qui, dans le public, écoutèrent ces maîtres de la parole que furent Taubes et Kojève (cf. p. 47). Il n'aura évidemment échappé à personne que l'un et l'autre, Kafka et le grand commentateur de la Lettre aux Romains de l'apôtre Paul, sont juifs, Jacob Taubes se déclarant même «Erzjude» «archijuif», traduction préférable à celle de «juif au plus profond» (p. 67) que donne notre petit livre : «l'ombre de l'antisémitisme actif se profilait sur notre relation, fragile comme toujours» (p. 47), écrit ainsi l'auteur en évoquant la figure de Carl Schmitt qui, comme Martin Heidegger mais aussi Adolf Hitler, est un «catholique éventé» dont le «génie du ressentiment» lui a permis de lire «les sources à neuf» (p. 112).

La boucle est bouclée, mais avouons que son nœud gordien était bel et bien visible dans ce passage : «Il ne fait pas question pour moi que le peuple juif a poursuivi Carl Schmitt toute son existence, que 1936 ne fut pour lui que l'occasion d'une prise de parti «conforme au temps" face à un problème comportant pour lui de tout autres profondeurs. Il était chrétien issu de ces peuples qui regardaient avec haine et jalousie «ceux qui sont d'Israël, auquel appartiennent l'adoption et la gloire et l'alliance et la loi et le culte et les promesses; auquel sont également les pères et duquel provient le Christ selon la chair» (Paul, Épitre aux Romains, chapitre IX dans la traduction de Luther)» (p. 49).

Il n'y a pas là qu'une simple métaphore, car la théologie politique est le nœud, coulant plutôt que gordien, qui serre le cou de notre époque, et ce n'est sans doute pas un hasard si l'étrange dialogue qui s'est noué, c'est le cas de le dire, entre Taubes et Schmitt, soit entre deux apocalyptiques, «bien que l'un appartienne à la révolution et l'autre à la contre-révolution» (p. 10) (3), nous rappelle celui qui a tant fait couler d'encre, parfois fort pâle, entre Heidegger et Celan.

JTCS-abesch.jpgC'est l'importance, capitale, de cette thématique que Jacob Taubes évoque lorsqu'il affirme que les écailles lui sont tombées des yeux quand il a lu «la courbe tracée par Löwith de Hegel à Nietzsche en passant par Marx et Kierkegaard» (p. 27), auteurs (Hegel, Marx et Kierkegaard) qu'il ne manquera pas d'évoquer dans son Eschatologie occidentale (Nietzsche l'étant dans sa Théologie politique de Paul) en expliquant leur philosophie par l'apocalyptique souterraine qui n'a à vrai dire jamais cessé d'irriguer le monde (4) dans ses multiples transformations, et paraît même s'être orientée, avec le régime nazi, vers une furie de destruction du peuple juif, soit ce peuple élu jalousé par le catholiques (et même les chrétiens) conséquents. Lisons l'explication de Taubes, qui pourra paraître une réduction aux yeux de ses adversaires ou une fulgurance dans l'esprit de ses admirateurs : «Carl Schmitt était membre du Reich allemand avec ses prétentions au Salut», tandis que lui, Taubes, était «fils du peuple véritablement élu par Dieu, suscitant donc l'envie des nations apocalyptiques, une envie qui donne naissance à des fantasmagories et conteste le droit de vivre au peuple réellement élu» (pp. 48-9, le passage plus haut cité suit immédiatement ces lignes).

Nous pourrions ici, peut-être, retrouver la trace du Léon Bloy du Salut par les Juifs, ce livre si difficile, extraordinairement polémique, ordurier et, tout à la fois, prophétique, éblouissant et mystique, mais je ne sais si Taubes, qui a mentionné nous l'avons vu Léon Bloy, a lu ce texte, et je ne puis m'aventurer à établir de fallacieux rapprochements entre les visions de l'écrivain et certaines des concaténations, quasi-juridiques dans leur formalisme, des propositions schmittiennes.

Je ne sais pas plus si Léon Bloy aurait fait sienne la thèse de Jacob Taubes sur le katechon de Carl Schmitt censé retenir le déclenchement de l'apocalypse : il s'agirait en fait, par l'instauration d'un régime totalitaire que le juriste a appelé de ses vœux et légitimé intellectuellement, c'est-à-dire juridiquement, de conserver ce qui peut être menacé voire soumis à une destruction certaine, le juriste selon Jacob Taubes investissant dans, pariant alors, quitte à frayer avec le diable, sur ce monde et voyant, dans l'apocalypse, «sous quelque forme que ce soit, le principe adverse», cette évidence l'ayant conduit à faire «tout [son] possible pour le subjuguer et le réprimer, parce que venant de là peuvent se déchaîner des forces que nous ne sommes pas en situation de surmonter» (p. 111). Jacob Taubes n'hésite même pas à affirmer que, s'il avait «eu à choisir entre la démocratie et le gouvernement avec le paragraphe 48 pour faire obstacle aux nazis», il n'aurait pas hésité (p. 110).

Une telle idée, pariant sur l'existence d'une espèce secrète de force d'opposition, de retenue eschatologique, est bien évidemment le contraire même des appels innombrables qu'émit le Mendiant ingrat, désireux, surtout durant ses dernières années de vie, de voir advenir le plus rapidement et violemment possible le déchaînement de la brisure des sceaux.

Le style d'écriture de Jacob Taubes est difficile, heurté, il mime l'oralité, la parole vivante dont il fut un maître (cf. p. 9) par ses nombreuses ellipses, mais il est vrai que les textes recueillis dans ce petit volume passionnant trahissent, en effet, un auteur complexe, ambigu, qui ne semble pas avoir été, c'est le moins qu'on puisse dire, un de ces professeurs à petites lunettes rondes estimant sa réussite universitaire au seul nombre de ses textes publiés. Mais qu'attendre d'autre, après tout, d'un auteur qui se prétend révolutionnaire (et non, comme Schmitt, contre-révolutionnaire) et apocalyptique ?

JT-apo.jpgCette complexité se retrouve dans le jugement de Jacob Taubes sur Carl Schmitt qui, ce point au moins est évident, avait une réelle importance intellectuelle à ses yeux, était peut-être même l'un des seuls contemporains pour lequel il témoigna de l'estime, au-delà même du fossé qui les séparait : «On vous fait réciter un alphabet démocratique, et tout privat-docent en politologie est évidemment obligé, dans sa leçon inaugurale, de flanquer un coup de pied au cul à Carl Schmitt en disant que la catégorie ami / ennemi n'est pas la bonne. Toute une science s'est édifiée là pour étouffer le problème» (p. 115), problème qui seul compte, et qui, toujours selon Jacob Taubes, a été correctement posé par le seul Carl Schmitt, problème qui n'est autre que l'existence d'une «guerre civile en cours à l'échelle mondiale» (p. 109). Dans sa belle préface, Elettra Stimilli a du reste parfaitement raison de rapprocher, de façon intime, les pensées de Schmitt et de Taubes, écrivant : «Révolution et contre-révolution ont toujours évolué sur le plan linéaire du temps, l'une du point de vue du progrès, l'autre de celui de la tradition. Toutes deux sont liées par l'idée d'un commencement qui, depuis l'époque romaine, est essentiellement une «fondation». Si du côté de la tradition cela ne peut qu'être évident, étant donné que déjà le noyau central de la politique romaine est la foi dans la sacralité de la fondation, entendue comme ce qui maintient un lien entre toutes les générations futures et doit pour cette raison être transmise, par ailleurs, nous ne parviendrons pas à comprendre les révolutions de l'Occident moderne dans leur grandeur et leur tragédie si, comme le dit Hannah Arendt, nous ne le concevons pas comme «autant d'efforts titanesques accomplis pour reconstruire les bases, renouer le fil interrompu de la tradition et restaurer, avec la fondation de nouveaux systèmes politiques, ce qui pendant tant de siècles a conféré dignité et grandeur aux affaires humaines» (pp. 15-6).

De fait, l'explication selon laquelle des penseurs de la trempe intellectuelle de Heidegger ou de Schmitt auraient cédé aux sirènes du nazisme pour la simple raison que c'étaient, en tout premier (mais aussi en dernier) lieu, des salauds est évidemment simpliste : ainsi, dire que l'histoire allemande, «que ce soit à partir de Luther, de Bismarck, ou de Charlemagne, ou encore de Schmitt [aboutirait] à Hitler» cela écrit-il, il n'y croit pas, car ces «généalogies sont faciles et ne coûtent rien, on peut les échafauder sans mal. Si l'affaire s'était passée en France, j'aurais pu vous la présenter avec Maurras en remontant jusqu'à Gobineau» (p. 109). On n'ose penser ce que Jacob Taubes eût pu écrire de terrible et définitif sur les travaux d'un historien tel que Zeev Sternhell, habitué, lui, à ce genre de raccourci aussi séduisant que contestable, mais nous savons que, dans le jugement de Taubes sur Schmitt, c'est la prise en compte de l'homme qui a prévalu, non celle de ses idées ou de ses livres, non celle de la pure théorie du droit, cette chimère contre laquelle le juriste s'est battu toute sa vie. En fait, ce qui, in fine, intéresse Jacob Taubes, c'est le fait que Carl Schmitt a dominé, par la pensée, son époque, tout en ne refusant pas de se confronter à la réalité, c'est-à-dire, et cela signe la nature véritable d'un penseur qui est, avant tout, un homme, devoir décider (5), quoi qu'il lui en coûte, s'engager, au-delà même de la loi, par le biais de la miséricorde, de l'amour ou du pardon, trois situations exceptionnelles, absolument personnelles, convoquant plus que toute autre la force de l'individu kierkegaardien, auxquelles Jacob Taubes, dans sa «misérable vie» nous dit-il, n'aura jamais pu renoncer (cf. p. 63).

Notes

(1) En divergent accord. À propos de Carl Schmitt (traduit de l'allemand par Philippe Ivernel, Préface d'Elettra Stimilli, Rivages Poche, coll. Petite bibliothèque, 2003), pp. 61-2. Les chiffres entre parenthèses renvoient à notre édition.

(2) Sur ce refus de condamner Schmitt, à l'inverse de ce que font beaucoup de nos midinettes intellectuelles, Jacob Taubes a des mots remarquables : «Nous [les Juifs] avons bénéficié d’une grâce, en ce sens que nous ne pouvons être de la partie. Non parce que nous ne voulions pas, mais parce qu’on ne nous laissait pas en être. Vous, vous pouvez juger, parce que vous connaissez la résistance, moi je ne peux être sûr de moi-même, je ne peux être sûr de moi-même ni de quiconque, je ne peux être sûr que personne ne soit à l’abri d’une contamination par cette infection du «soulèvement national» et ne joue un jeu fou pendant une ou deux années, sans scrupule, comme le fut Schmitt» (pp. 107-8).

(3) J'ai déjà cité le propos d'Elettra Stimilli. Plus loin, Jacob Taubes écrit : «Car Schmitt pense en terme d'apocalypse, mais d'en haut, à partir des puissances; moi, je pense au contraire d'en bas. Cela étant, nous est commune à tous deux cette expérience du temps et de l'histoire comme délai, comme dernier délai» (p. 45) ou comme «délai limité» (p. 96). Il poursuivra le parallèle entre Schmitt et Benjamin en écrivant : «tous deux ont en propre une conception mystique de l'histoire, dont la pièce essentielle concerne le rapport de l'ordre du sacré à l'ordre du profane» (p. 53).

(4) Je renvoie le lecteur curieux de ces questions éminemment complexes à la préface fouillée que Raphaël Lellouche a donnée à la traduction française, déjà mentionnée, d'Eschatologie occidentale, sous le titre La guérilla herméneutique de Jacob Taubes.

(5) «Schmitt lit la montée de la pensée contre-révolutionnaire, à partir de de Maistre jusqu'à Donoso Cortès, c'est-à-dire jusqu'à la décision absolue, comme une réaction à l'encontre de la passivité traditionaliste et légitimiste», préface de Raphaël Lellouche, op. cit., p. 20. Souvenons-nous également que Schmitt a fait dans sa Théologie politique une lecture de Kierkegaard au travers du concept de la décision.

jeudi, 01 février 2018

Een wereldorde gewrocht op wereldzeeën

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Een wereldorde gewrocht op wereldzeeën

door Jonathan Van Tongeren

Ex: http://www.novini.nl

In zijn boek Land en zee schetst de Duitse staatsrechtsgeleerde Carl Schmitt (1888-1985) de geopolitieke bronnen van het internationale recht en de Anglo-Amerikaanse wereldhegemonie, hij lokaliseert die in de overgang van de Britten van een eilandnatie naar een echte zeemacht.

In de eerste hoofdstukken van zijn boek schetst Schmitt de ontwikkelingen in de scheepvaart, de verkenning en de uiteindelijke beheersing van de zeeën. Hij gebruikt daar ettelijke hoofdstukken voor, waarmee hij ook het punt van de grote geleidelijkheid van deze ontwikkelingen overbrengt. Eerst was er wel zeevaart, maar waren er nog geen echte zeemachten, de zee begon als kustvaart en later beperkten handelsmachten als Genua en Venetië zich aanvankelijk tot binnenzeeën als de Middellandse Zee en de Zwarte Zee. Pas in de loop van de vijftiende eeuw gaat men de kust van Afrika verkennen, rondt men uiteindelijk de Kaap en trekken ontdekkingsreizigers als Vasco da Gama en Magellaan er op uit. En Columbus niet te vergeten.

schmitt.jpg.pagespeed.ic.Fn7rzaPS8K.jpgMaar het zijn protestanten in Noordwest-Europa die zich tot echte zeemachten ontwikkelen, doordat watergeuzen en piraten een primaire afhankelijkheid van de zee ontwikkelen. Het zullen uiteindelijk dan ook de Engelsen (en zij die als de Engelsen denken) zijn die de vrijgemaakte maritieme energieën beërven en het idee propageren dat de zee vrij is, dat de zee niemand toebehoort.Dat idee lijkt eerlijk genoeg, de zee is vrij dus van iedereen, niet waar? Maar als de open zee niemand toebehoort, geldt er uiteindelijk het recht van de sterkste. “De landoorlog heeft de tendens naar een open veldslag die beslissend is”, schrijft Schmitt. “In de zeeoorlog kan het natuurlijk ook tot een zeeslag komen, maar zijn kenmerkende middelen en methoden zijn beschieting en blokkade van vijandelijke kusten en confiscatie van vijandige en neutrale handelsschepen [..]. Het ligt in de aard van deze typerende middelen van de zeeoorlog, dat zij zich zowel tegen vechtenden als niet-vechtenden richten.”

En dan maakt Schmitt een cruciaal punt: “[S]inds de Britse inbezitname van de zee raakten de Engelsen en de volkeren die in de ban van Engelse ideeën staan, eraan gewend. De voorstelling dat een landrijk een wereldomspannende macht zou kunnen uitoefenen zou volgens hun wereldbeeld ongehoord en onverdraaglijk zijn.”

Het Britse eilandrijk groeide uit tot een wereldomspannende macht, doordat het voor de zee koos. “Nadat de scheiding van land en zee en de tweespalt der beide elementen eenmaal tot constitutie van de planeet was geworden” ontwikkelde men een hele manier van denken en een internationaal rechtssysteem “waarmee de mensen voor zichzelf de wijsheid en redelijkheid van deze situatie verklaarden, zonder het oerfeit daarvan in het oog te houden: de Britse keuze voor de zee en de tijdsgebondenheid daarvan.” Zodoende kunnen we ons geen ander mondiaal economisch systeem en geen ander internationaal recht meer voorstellen. Daaruit blijkt “dat de grote Leviathan ook macht over de geest en de ziel van de mens heeft”.

Land en zee is rijk aan waardevolle gedachten, maar tegelijk een zeer compact boek, zodat de lezer vooral de tijd moet nemen om de sterk geconcentreerde ideeën die het bevat op zich in te laten werken. Recent is er een Nederlandse vertaling verschenen bij Uitgeverij De Blauwe Tijger, die dit klassieke werk mooi uitgevoerd heeft in een tweetalige editie met op de rechterpagina’s de vertaling en links het originele Duits. Een kleinood voor iedereen die iets wil begrijpen van de wereld waarin wij leven!

N.a.v. Carl Schmitt, Land en zee. Een wereldhistorische beschouwing (Uitgeverij De Blauwe Tijger: Groningen, 2017), vertaling: Henry van Sanderburg, paperback met stofomslag.

lundi, 29 janvier 2018

Les cinq leçons de Carl Schmitt pour la Russie

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Les cinq leçons de Carl Schmitt pour la Russie

par Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolica.ru

Extrait de The Conservative Revolution (Moscou, Arktogaïa, 1994), The Russian Thing Vol. 1 (2001), et de The Philosophy of War (2004). – Article écrit en 1991, publié pour la première fois dans le journal Nash Sovremennik en 1992.

Le fameux juriste allemand Carl Schmitt est considéré comme un classique du droit moderne. Certains l’appellent le « Machiavel moderne » à cause de son absence de moralisme sentimental et de rhétorique humaniste dans son analyse de la réalité politique. Carl Schmitt pensait que, pour déterminer les questions juridiques, il faut avant tout donner une description claire et réaliste des processus politiques et sociaux et s’abstenir d’utopisme, de vœux pieux, et d’impératifs et de dogmes a priori. Aujourd’hui, l’héritage intellectuel et légal de Carl Schmitt est un élément nécessaire de l’enseignement juridique dans les universités occidentales. Pour la Russie aussi, la créativité de Schmitt est d’un intérêt et d’une importance particuliers parce qu’il s’intéressait aux situations critiques de la vie politique moderne. Indubitablement, son analyse de la loi et du contexte politique de la légalité peut nous aider à comprendre plus clairement et plus profondément ce qui se passe exactement dans notre société et en Russie.

Leçon #1 : la politique au-dessus de tout

Le principe majeur de la philosophie schmittienne de la loi était l’idée de la primauté inconditionnelle des principes politiques sur les critères de l’existence sociale. C’est la politique qui organisait et prédéterminait la stratégie des facteurs économiques internes et leur pression croissante dans le monde moderne. Schmitt explique cela de la manière suivante : « Le fait que les contradictions économiques sont maintenant devenues des contradictions politiques … ne fait que montrer que, comme toute autre activité humaine, l’économie parcourt une voie qui mène inévitablement à une expression politique » [1]. La signification de cette allégation employée par Schmitt, comprise comme un solide argument historique et sociologique, revient en fin de compte à ce qu’on pourrait définir comme une théorie de l’« idéalisme historique collectif ». Dans cette théorie, le sujet n’est pas l’individu ni les lois économiques développant la substance, mais un peuple concret, historiquement et socialement défini qui maintient, avec sa volonté dynamique particulière – dotée de sa propre loi – son existence socioéconomique, son unité qualitative, et la continuité organique et spirituelle de ses traditions sous des formes différentes et à des époques différentes. D’après Schmitt, le domaine politique représente l’incarnation de la volonté du peuple exprimée sous diverses formes reliées aux niveaux juridique, économique et sociopolitique.

Une telle définition de la politique est en opposition avec les modèles mécanistes et universalistes de la structure sociétale qui ont dominé la jurisprudence et la philosophie juridique occidentales depuis l’époque des Lumières. Le domaine politique de Schmitt est directement associé à deux facteurs que les doctrines mécanistes ont tendance à ignorer : les spécificités historiques d’un peuple doté d’une qualité particulière de volonté, et la particularité historique d’une société, d’un Etat, d’une tradition et d’un passé particuliers qui, d’après Schmitt, se concentrent dans leur manifestation politique. Ainsi, l’affirmation par Schmitt de la primauté de la politique introduisait dans la philosophie juridique et la science politique des caractéristiques qualitatives et organiques qui ne sont manifestement pas incluses dans les schémas unidimensionnels des « progressistes », qu’ils soient du genre libéral-capitaliste ou du genre marxiste-socialiste.

La théorie de Schmitt considérait donc la politique comme un phénomène « organique » enraciné dans le « sol ».

La Russie et le peuple russe ont besoin d’une telle compréhension de la politique pour bien gouverner leur propre destinée et éviter de devenir une fois de plus, comme il y a sept décennies, les otages d’une idéologie réductionniste antinationale ignorant la volonté du peuple, son passé, son unité qualitative, et la signification spirituelle de sa voie historique.

Leçon #2 : qu’il y ait toujours des ennemis ; qu’il y ait toujours des amis

Dans son livre Le concept du Politique, Carl Schmitt exprime une vérité extraordinairement importante : « Un peuple existe politiquement seulement s’il forme une communauté politique indépendante et s’oppose à d’autres communautés politiques pour préserver sa propre compréhension de sa communauté spécifique ». Bien que ce point de vue soit en désaccord complet avec la démagogie humaniste caractéristique des théories marxiste et libérale-démocratique, toute l’histoire du monde, incluant l’histoire réelle (pas l’histoire officielle) des Etats marxistes et libéraux-démocratiques, montre que ce fait se vérifie dans la pratique, même si la conscience utopique post-Lumières est incapable de le reconnaître. En réalité, la division politique entre « nous » et « eux » existe dans tous les régimes politiques et dans toutes les nations. Sans cette distinction, pas un seul Etat, pas un seul peuple et pas une seule nation ne pourraient préserver leur propre identité, suivre leur propre voie et avoir leur propre histoire.

Analysant sobrement l’affirmation démagogique de l’antihumanisme, de l’« inhumanité » d’une telle opposition, et de la division entre « nous » et « eux », Carl Schmitt note : « Si on commence à agir au nom de toute l’humanité, au nom de l’humanisme abstrait, en pratique cela signifie que cet acteur refuse toute qualité humaine à tous les adversaires possibles, se déclarant ainsi comme étant au-delà de l’humanité et au-delà de la loi, et donc menace potentiellement d’une guerre qui serait menée jusqu’aux limites les plus terrifiantes et les plus inhumaines ». D’une manière frappante, ces lignes furent écrites en 1934, longtemps avant l’invasion terroriste du Panama ou le bombardement de l’Irak par les Américains. De plus, le Goulag et ses victimes n’étaient pas encore très connus en Occident. Vu sous cet angle, ce n’est pas la reconnaissance réaliste des spécificités qualitatives de l’existence politique d’un peuple, présupposant toujours une division entre « nous » et « eux », qui conduit aux conséquences les plus terrifiantes, mais plutôt l’effort vers une universalisation totale et pour faire entrer les nations et les Etats dans les cellules des idées utopiques d’une « humanité unie et uniforme » dépourvue de toutes différences organiques ou historiques.

41SyAtkwoQL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgCommençant par ces conditions préalables, Carl Schmitt développa la théorie de la « guerre totale » et de la « guerre limitée » dénommée « guerre de forme », où la guerre totale est la conséquence de l’idéologie universaliste utopique qui nie les différences culturelles, historiques, étatiques et nationales naturelles entre les peuples. Une telle guerre représente en fait une menace de destruction pour toute l’humanité. Selon Carl Schmitt, l’humanisme extrémiste est la voie directe vers une telle guerre qui entraînerait l’implication non seulement des militaires mais aussi des populations civiles dans un conflit. Ceci est en fin de compte le danger le plus terrible. D’un autre coté, les « guerres de forme » sont inévitables du fait des différences entre les peuples et entre leurs cultures indestructibles. Les « guerres de forme » impliquent la participation de soldats professionnels, et peuvent être régulées par les règles légales définies de l’Europe qui portaient jadis le nom de Jus Publicum Europeum (Loi Commune Européenne). Par conséquent, de telles guerres représentent un moindre mal dont la reconnaissance théorique de leur inévitabilité peut protéger les peuples à l’avance contre un conflit « totalisé » et une « guerre totale ». A ce sujet, on peut citer le fameux paradoxe établi par Chigalev dans Les Possédés de Dostoïevski, qui dit : « En partant de la liberté absolue, j’arrive à l’esclavage absolu ». En paraphrasant cette vérité et en l’appliquant aux idées de Carl Schmitt, on peut dire que les partisans de l’humanisme radical « partent de la paix totale et arrivent à la guerre totale ». Après mûre réflexion, nous pouvons voir l’application de la remarque de Chigalev dans toute l’histoire soviétique. Si les avertissements de Carl Schmitt ne sont pas pris en compte, il sera beaucoup plus difficile de comprendre leur véracité, parce qu’il ne restera plus personne pour attester qu’il avait raison – il ne restera plus rien de l’humanité.

Passons maintenant au stade final de la distinction entre « nous » et « eux », celui des « ennemis » et des « amis ». Schmitt pensait que la centralité de cette paire est valable pour l’existence politique d’une nation, puisque c’est par ce choix que se décide un profond problème existentiel. Julien Freud, un disciple de Schmitt, formula cette thèse de la manière suivante : « La dualité ennemi-ami donne à la politique une dimension existentielle puisque la possibilité théoriquement impliquée de la guerre soulève le problème et le choix de la vie et de la mort dans ce cadre » [2].

Le juriste et le politicien, jugeant en termes d’« ennemi » et d’« ami » avec une claire conscience de la signification de ce choix, opèrent ainsi avec les mêmes catégories existentielles qui donnent aux décisions, aux actions et aux déclarations les qualités de réalité, de responsabilité et de sérieux dont manquent toutes les abstractions humanistes, transformant ainsi le drame de la vie et de la mort en une guerre dans un décor chimérique à une seule dimension. Une terrible illustration de cette guerre fut la couverture du conflit irakien par les médias occidentaux. Les Américains suivirent la mort des femmes, des enfants et des vieillards irakiens à la télévision comme s’ils regardaient des jeux vidéo du genre Guerre des Etoiles. Les idées du Nouvel Ordre Mondial, dont les fondements furent posés durant cette guerre, sont les manifestations suprêmes de la nature terrible et dramatique des événements lorsqu’ils sont privés de tout contenu existentiel.

La paire « ennemi »/« ami » est une nécessité à la fois externe et interne pour l’existence d’une société politiquement complète, et devrait être froidement acceptée et consciente. Sinon, tout le monde peut devenir un « ennemi » et personne n’est un « ami ». Tel est l’impératif politique de l’histoire.

Leçon #3 : La politique des «circonstances exceptionnelles» et la Décision

L’un des plus brillants aspects des idées de Carl Schmitt était le principe des « circonstances exceptionnelles » (Ernstfall en allemand, littéralement « cas d’urgence ») élevé au rang d’une catégorie politico-juridique. D’après Schmitt, les normes juridiques décrivent seulement une réalité sociopolitique normale s’écoulant uniformément et continuellement, sans interruptions. C’est seulement dans de telles situations purement normales que le concept de la « loi » telle qu’elle est comprise par les juristes s’applique pleinement. Il existe bien sûr des règlementations pour les « situations exceptionnelles », mais ces réglementations sont le plus souvent déterminées sur la base de critères dérivés d’une situation politique normale. La jurisprudence, d’après Schmitt, tend à absolutiser les critères d’une situation normale lorsqu’on considère l’histoire de la société comme un processus uniforme légalement constitué. L’expression la plus complète de ce point de vue est la « pure théorie de la loi » de Kelsen. Carl Schmitt, cependant, voit cette absolutisation d’une « approche légale » et du « règne de la loi » [= « Etat de droit »] comme un mécanisme tout aussi utopique et comme un universalisme naïf produit par les Lumières avec ses mythes rationalistes. Derrière l’absolutisation de la loi se dissimule une tentative de « mettre fin à l’histoire » et de la priver de son motif passionné créatif, de son contenu politique, et de ses peuples historiques. Sur la base de cette analyse, Carl Schmitt postule une théorie particulière des « circonstances exceptionnelles » ou Ernstfall.

L’Ernstfall est le moment où une décision politique est prise dans une situation qui ne peut plus être régulée par des normes légales conventionnelles. La prise de décision dans des circonstances exceptionnelles implique la convergence d’un certain nombre de facteurs organiques divers reliés à la tradition, au passé historique, aux constantes culturelles, ainsi qu’aux expressions spontanées, aux efforts héroïques, aux impulsions passionnées, et à la manifestation soudaine des énergies existentielles profondes. La Vraie Décision (le terme même de « décision » était un concept clé de la doctrine légale de Schmitt) est prise précisément dans une circonstance où les normes légales et sociales sont « interrompues » et où celles qui décrivent le cours naturel des processus politiques et qui commencent à agir dans le cas d’une « situation d’urgence » ou d’une « catastrophe sociopolitique » ne sont plus applicables. « Circonstances exceptionnelles » ne signifie pas seulement une catastrophe, mais le positionnement d’un peuple et de son organisme politique devant un problème, faisant appel à l’essence historique d’un peuple, à son noyau, et à sa nature secrète qui fait de ce peuple ce qu’il est. Par conséquent, la Décision politiquement prise dans une telle situation est une expression spontanée de la volonté profonde du peuple répondant à un défi global, existentiel ou historique (ici on peut comparer les vues de Schmitt à celles de Spengler, Toynbee et d’autres révolutionnaires-conservateurs avec lesquels Carl Schmitt avait des liens personnels).

Dans l’école juridique française, les adeptes de Carl Schmitt ont développé le terme spécial de « décisionnisme », à partir du mot français décision (allemand Entscheidung). Le décisionnisme met l’accent sur les « circonstances exceptionnelles », puisque c’est dans ce cas que la nation ou le peuple actualise son passé et détermine son avenir dans une dramatique concentration du moment présent où trois caractéristiques qualitatives du temps fusionnent, à savoir le pouvoir de la source d’où est issu ce peuple dans l’histoire, la volonté du peuple de faire face à l’avenir et d’affirmer le moment précis où le « Moi » éternel est révélé et où le peuple prend entièrement la responsabilité dans ses mains, et l’identité elle-même.

En développant sa théorie de l’Ernstfall et de l’Entscheidung, Carl Schmitt montra aussi que l’affirmation de toutes les normes juridiques et sociales survient précisément durant de telles périodes de « circonstances exceptionnelles » et qu’elle est primordialement basée sur une décision à la fois spontanée et prédéterminée. Le moment intermittent de l’expression singulière de la volonté porte plus tard sur la base des normes constantes qui existent jusqu’à l’émergence de nouvelles « circonstances exceptionnelles ». Cela illustre en fait parfaitement la contradiction inhérente aux idées des partisans radicaux du « règne de la loi » : ils ignorent consciemment ou inconsciemment le fait que l’appel à la nécessité d’établir le « règne de la loi » est lui-même une décision basée précisément sur la volonté politique d’un groupe donné. En un sens, cet impératif est avancé arbitrairement et pas comme une sorte de nécessité fatale et inévitable. Par conséquent, l’acceptation ou le refus du « règne de la loi » et en général l’acceptation ou le refus de tel ou tel modèle légal doit coïncider avec la volonté du peuple ou de l’Etat particulier auquel est adressée la proposition ou l’expression de volonté. Les partisans du « règne de la loi » tentent implicitement de créer ou d’utiliser les « circonstances exceptionnelles » pour mettre en œuvre leur concept, mais le caractère insidieux d’une telle approche et l’hypocrisie et l’incohérence de cette méthode peuvent tout naturellement provoquer une réaction populaire, dont le résultat pourrait très bien apparaître comme une autre décision alternative. De plus, il est d’autant plus probable que cette décision conduirait à l’établissement d’une réalité légale différente de celle recherchée par les universalistes.

51XZ6ZEG2JL._SX195_.jpgLe concept de la Décision au sens supra-légal ainsi que la nature même de la Décision elle-même s’accordent avec la théorie du « pouvoir direct » et du « pouvoir indirect » (potestas directa et potestas indirecta). Dans le contexte spécifique de Schmitt, la Décision est prise non seulement dans les instances du « pouvoir direct » (le pouvoir des rois, des empereurs, des présidents, etc.) mais aussi dans les conditions du « pouvoir indirect », dont des exemples peuvent être les organisations religieuses, culturelles ou idéologiques qui influencent l’histoire d’un peuple et d’un Etat, certes pas aussi clairement que les décisions des gouvernants mais qui opèrent néanmoins d’une manière beaucoup plus profonde et formidable. Schmitt pense donc que le « pouvoir indirect » n’est pas toujours négatif, mais d’un autre coté il ne fait qu’une allusion implicite au fait qu’une décision contraire à la volonté du peuple est le plus souvent adoptée et mise en œuvre par de tels moyens de « pouvoir indirect ». Dans son livre Théologie politique et dans sa suite Théologie politique II, il examine la logique du fonctionnement de ces deux types d’autorité dans les Etats et les nations.

La théorie des « circonstances exceptionnelles » et le thème de la Décision (Entscheidung) associé à cette théorie sont d’une importance capitale pour nous aujourd’hui, puisque c’est précisément à un tel moment dans l’histoire de notre peuple et de notre Etat que nous nous trouvons, et les « circonstances exceptionnelles » sont devenues l’état naturel de la nation – et non seulement l’avenir politique de notre peuple mais aussi la compréhension et la confirmation essentielle de notre passé dépendent maintenant de la Décision. Si la volonté du peuple s’affirme et que le choix national du peuple dans ce moment dramatique peut clairement définir qui est « nous » et « eux », identifier les amis et les ennemis, et arracher une auto-affirmation politique à l’histoire, alors la Décision de l’Etat russe et du peuple russe sera sa propre décision existentielle historique qui placera un sceau de loyauté sur des millénaires de « construction du peuple » et de « construction de l’empire ». Cela signifie que notre avenir sera russe. Si d’autres prennent la décision, à savoir les partisans de l’« approche humaine commune », de l’« universalisme » et de l’« égalitarisme », qui depuis la mort du marxisme représentent les seuls héritiers directs de l’idéologie utopique et mécaniste des Lumières, alors non seulement le futur ne sera pas russe mais il sera « seulement humain » et donc il n’y aura « pas de futur » (du point de vue de l’être du peuple, de l’Etat et de la nation). Notre passé perdra tout son sens et les drames de la grande histoire russe se transformeront en une farce stupide sur la voie du mondialisme et du nivellement culturel complet au profit d’une « humanité universelle », c’est-à-dire l’« enfer de la réalité légale absolue ».

Leçon #4 : Les impératifs d’un Grand Espace

Carl Schmitt s’intéressa aussi à l’aspect géopolitique des questions sociales. La plus importante de ses idées dans ce domaine est la notion de « Grand Espace » (Grossraum) qui attira plus tard l’attention de nombreux économistes, juristes, géopoliticiens et stratèges européens. La signification conceptuelle du « Grand Espace » dans la perspective analytique de Carl Schmitt se trouve dans la délimitation des régions géographiques à l’intérieur desquelles les variantes de la manifestation politique des peuples et des Etats spécifiques inclus dans cette région peuvent être conjointes pour accomplir une généralisation harmonieuse et cohérente exprimée dans une « Grande Union Géopolitique ». Le point de départ de Schmitt était la question de la Doctrine Monroe américaine impliquant l’intégration économique et stratégique des puissances américaines dans les limites naturelles du Nouveau Monde. Etant donné que l’Eurasie représente un conglomérat beaucoup plus divers d’ethnies, d’Etats et de cultures, Schmitt postulait qu’il fallait donc parler non tant de l’intégration continentale totale que de l’établissement de plusieurs grandes entités géopolitiques, chacune devant être gouvernée par un super-Etat flexible. Ceci est assez analogue au Jus Publicum Europeaum ou à la Sainte Alliance proposée à l’Europe par l’empereur russe Alexandre 1er.

D’après Carl Schmitt, un « Grand Espace » organisé en une structure politique flexible de type impérial et fédéral équilibrerait les diverses volontés nationales, ethniques et étatiques et jouerait le rôle d’une sorte d’arbitre impartial ou de régulateur des conflits locaux possibles, les « guerres de forme ». Schmitt soulignait que les « Grands Espaces », pour pouvoir être des formations organiques et naturelles, doivent nécessairement représenter des territoires terrestres, c’est-à-dire des entités tellurocratiques, des masses continentales. Dans son fameux livre Le Nomos de la Terre, il traça l’histoire de macro-entités politiques continentales, la voie de leur intégration, et la logique de leur établissement graduel en tant qu’empires. Carl Schmitt remarquait que parallèlement à l’existence de constantes spirituelles dans le destin d’un peuple, c’est-à-dire des constantes incarnant l’essence spirituelle d’un peuple, il existait aussi des constantes géopolitiques des « Grands Espaces » qui gravitent vers une nouvelle restauration avec des intervalles de plusieurs siècles ou même de millénaires. Dans ce sens, les macro-entités géopolitiques sont stables quand leur principe intégrateur n’est pas rigide ni recréé abstraitement, mais flexible, organique, et en accord avec la Décision des peuples, avec leur volonté, et avec leur énergie passionnée capable de les impliquer dans un bloc tellurocratique unifié avec leurs voisins culturels, géopolitiques ou étatiques.

La doctrine des « Grands Espaces » (Grossraum) fut établie par Carl Schmitt non seulement comme une analyse des tendances historiques dans l’histoire du continent, mais aussi comme un projet pour l’unification future que Schmitt considérait non seulement comme possible, mais désirable et même nécessaire en un certain sens. Julien Freund résuma les idées de Schmitt sur le futur Grossraum dans les termes suivants : « L’organisation de ce nouvel espace ne requerra aucune compétence scientifique, ni de préparation culturelle ou technique dans la mesure où elle surgira en résultat d’une volonté politique, dont l’ethos transforme l’apparence de la loi internationale. Dès que ce ‘Grand Espace’ sera unifié, la chose la plus importante sera la force de son ‘rayonnement’ » [3].

9782081228733-fr-300.jpgAinsi, l’idée schmittienne du « Grand Espace » possède aussi une dimension spontanée, existentielle et volitionnelle, tout comme le sujet fondamental de l’histoire selon lui, c’est-à-dire le peuple en tant qu’unité politique. Tout comme les géopoliticiens Mackinder et Kjellen, Schmitt opposait les empires thalassocratiques (la Phénicie, l’Angleterre, les Etats-Unis, etc.) aux empires tellurocratiques (l’empire romain, l’empire austro-hongrois, l’empire russe, etc.). Dans cette perspective, l’organisation harmonieuse et organique d’un espace n’est possible que pour les empires tellurocratiques, et la Loi Continentale ne peut être appliquée qu’à eux. La thalassocratie, sortant des limites de son Ile et initiant une expansion navale, entre en conflit avec les tellurocraties et, en accord avec la logique géopolitique, commence à miner diplomatiquement, économiquement et militairement les fondements des « Grands Espaces » continentaux. Ainsi, dans la perspective des « Grands Espaces » continentaux, Schmitt revient une fois de plus aux concepts des paires ennemis/amis et nous/eux, mais cette fois-ci à un niveau planétaire. La volonté des empires continentaux, les « Grands Espaces », se révèle dans la confrontation entre les macro-intérêts continentaux et les macro-intérêts maritimes. La « Mer » défie ainsi la « Terre », et en répondant à ce défi, la « Terre » revient le plus souvent à sa conscience de soi continentale profonde.

Comme remarque additionnelle, nous illustrerons la théorie du Grossraum avec deux exemples. A la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, le territoire américain était divisé entre plusieurs pays du Vieux Monde. Le Far West, la Louisiane appartenaient aux Espagnols et plus tard aux Français ; le Sud appartenait au Mexique ; le Nord à l’Angleterre, etc. Dans cette situation, l’Europe représentait une puissance tellurocratique pour les Américains, empêchant l’unification géopolitique et stratégique du Nouveau Monde sur les plans militaire, économique et diplomatique. Après que les Américains aient obtenu l’indépendance, ils commencèrent graduellement à imposer de plus en plus agressivement leur volonté géopolitique au Vieux Monde, ce qui conduisit logiquement à l’affaiblissement de l’unité continentale du « Grand Espace » européen. Par conséquent, dans l’histoire géopolitique des « Grands Espaces », il n’y a pas de puissances absolument tellurocratiques ou absolument thalassocratiques. Les rôles peuvent changer, mais la logique continentale demeure constante.

En résumant la théorie schmittienne des « Grands Espaces » et en l’appliquant à la situation de la Russie d’aujourd’hui, nous pouvons dire que la séparation et la désintégration du « Grand Espace » autrefois nommé URSS contredit la logique continentale de l’Eurasie, puisque les peuples habitant nos terres ont perdu l’opportunité de faire appel à l’arbitrage de la superpuissance [soviétique] capable de réguler ou d’empêcher les conflits potentiels et réels. Mais d’un autre coté, le rejet de la démagogie marxiste excessivement rigide et inflexible au niveau de l’idéologie d’Etat peut conduire et conduira à une restauration spontanée et passionnée du Bloc Eurasien Oriental, puisqu’une telle reconstruction est en accord avec toutes les ethnies indigènes organiques de l’espace impérial russe. De plus, il est très probable que la restauration d’un Empire Fédéral, d’un « Grand Espace » englobant la partie orientale du continent, entraînerait au moyen de son « rayonnement de puissance » l’adhésion de ces territoires additionnels qui sont en train de perdre rapidement leur identité ethnique et étatique dans la situation géopolitique critique et artificielle prévalant depuis l’effondrement de l’URSS. D’autre part, la pensée continentale du génial juriste allemand nous permet de distinguer entre « nous » et « eux » au niveau continental.

La conscience de la confrontation naturelle et dans une certaine mesure inévitable entre les puissances tellurocratiques et thalassocratiques offre aux partisans et aux créateurs d’un nouveau Grand Espace une compréhension claire de l’« ennemi » auquel font face l’Europe, la Russie et l’Asie, c’est-à-dire les Etats-Unis d’Amérique avec leur alliée insulaire thalassocratique, l’Angleterre. En quittant le macro-niveau planétaire et en revenant au niveau de la structure sociale de l’Etat russe, il s’ensuit donc que la question devrait être posée : un lobby thalassocratique caché ne se trouve-t-il pas derrière le désir d’influencer la Décision russe des problèmes dans un sens « universaliste » qui peut exercer son influence par un pouvoir à la fois « direct » et « indirect » ?

Leçon #5 : La « paix militante » et la téléologie du Partisan

A la fin de sa vie (il mourut le 7 avril 1985), Carl Schmitt accorda une attention particulière à la possibilité d’une issue négative de l’histoire. Cette issue négative de l’histoire est en effet tout à fait possible si les doctrines irréalistes des humanistes radicaux, des universalistes, des utopistes et des partisans des « valeurs communes universelles », centrées sur le gigantesque potentiel symbolique de la puissance thalassocratique que sont les USA, parviennent à une domination globale et deviennent le fondement idéologique d’une nouvelle dictature mondiale – la dictature d’une « utopie mécaniste ». Schmitt pensait que le cours de l’histoire moderne se dirigeait inévitablement vers ce qu’il nommait la « guerre totale ».

Selon Schmitt, la logique de la « totalisation » des relations planétaires au niveau stratégique, militaire et diplomatique se base sur les points-clés suivants. A partir d’un certain moment de l’histoire, ou plus précisément à l'époque de la Révolution française et de l’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique, commença un éloignement fatal vis-à-vis des constantes historiques, juridiques, nationales et géopolitiques qui garantissaient auparavant l'harmonie organique sur la planète et qui servaient le « Nomos de la Terre ».

Sur le plan juridique, un concept quantitatif artificiel et atomique, celui des « droits individuels » (qui devint plus tard la fameuse théorie des « droits de l'homme »), commença à se développer et remplaça le concept organique des « droits des peuples », des « droits de l’Etat », etc. Selon Schmitt, l’élévation de l’individu et du facteur individuel isolé de sa nation, de sa tradition, de sa culture, de sa profession, de sa famille, etc., au niveau d’une catégorie juridique autonome signifie le début du « déclin de la loi » et sa transformation en une chimère égalitaire utopique, s’opposant aux lois organiques de l’histoire des peuples et des Etats, des régimes, des territoires et des unions.

Au niveau national, les principes organiques impériaux et fédéraux ont fini par être remplacés par deux conceptions opposées mais tout aussi artificielles : l’idée jacobine de l’« Etat-nation » et la théorie communiste de la disparition complète de l’Etat et du début de l'internationalisme total. Les empires qui avaient préservé des vestiges de structures organiques traditionnelles, comme l’Autriche-Hongrie, l’empire ottoman, l’empire russe, etc., furent rapidement détruits sous l’influence de facteurs externes aussi bien qu’internes. Enfin, au niveau géopolitique, le facteur thalassocratique s’intensifia à un tel degré qu’une profonde déstabilisation des relations juridiques entre les « Grands Espaces » eut lieu. Notons que Schmitt considérait la « Mer » comme un espace beaucoup plus difficile à délimiter et à ordonner juridiquement que celui de la « Terre ».

La diffusion mondiale de la dysharmonie juridique et géopolitique fut accompagnée par la déviation progressive des conceptions politico-idéologiques dominantes vis-à-vis de la réalité, et par le fait qu’elles devinrent de plus en plus chimériques, illusoires et en fin de compte hypocrites. Plus on parlait de « monde universel », plus les guerres et les conflits devenaient terribles. Plus les slogans devenaient « humains », plus la réalité sociale devenait inhumaine. C’est ce processus que Carl Schmitt nomma le début de la « paix militante », c’est-à-dire un état où il n’y a plus ni guerre ni paix au sens traditionnel. Aujourd’hui la « totalisation » menaçante contre laquelle Carl Schmitt nous avait mis en garde a fini par prendre le nom de « mondialisme ». La « paix militante » a reçu son expression complète dans la théorie du Nouvel Ordre Mondial américain qui dans son mouvement vers la « paix totale » conduit clairement la planète vers une nouvelle « guerre totale ».

Carl Schmitt pensait que la conquête de l’espace était le plus important événement géopolitique symbolisant un degré supplémentaire d’éloignement vis-à-vis de la mise en ordre légitime de l’espace, puisque le cosmos est encore plus difficilement « organisable » que l’espace maritime. Schmitt pensait que le développement de l’aviation était aussi un pas de plus vers la « totalisation » de la guerre, l’exploration spatiale étant le début du processus de la « totalisation » illégitime finale.

Parallèlement à l’évolution fatale de la planète vers une telle monstruosité maritime, aérienne et même spatiale, Carl Schmitt, qui s’intéressait toujours à des catégories plus globales (dont la plus petite était « l’unité politique du peuple »), en vint à être attiré par une nouvelle figure dans l’histoire, la figure du « Partisan ». Carl Schmitt y consacra son dernier livre, La théorie du Partisan. Schmitt vit dans ce petit combattant contre des forces bien plus puissantes une sorte de symbole de la dernière résistance de la tellurocratie et de ses derniers défenseurs.

Le partisan est indubitablement une figure moderne. Comme d’autres types politiques modernes, il est séparé de la tradition et il vit en-dehors du Jus Publicum. Dans son combat, le Partisan brise toutes les règles de la guerre. Il n’est pas un soldat, mais un civil utilisant des méthodes terroristes qui, en-dehors du temps de guerre, seraient assimilées à des actes criminels gravissimes apparentés au terrorisme. Cependant, d’après Schmitt, c’est le Partisan qui incarne la « fidélité à la Terre ». Le Partisan est, pour le dire simplement, une réponse légitime au défi illégitime masqué de la « loi » moderne.

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Le caractère extraordinaire de la situation et l’intensification constante de la « paix militante » (ou « guerre pacifiste », ce qui revient au même) inspirent le petit défenseur du sol, de l’histoire, du peuple et de la nation, et constituent la source de sa justification paradoxale. L’efficacité stratégique du Partisan et de ses méthodes est, d’après Schmitt, la compensation paradoxale du début de la « guerre totale » contre un « ennemi total ». C’est peut-être cette leçon de Carl Schmitt, qui s’inspirait lui-même beaucoup de l’histoire russe, de la stratégie militaire russe, et de la doctrine politique russe, incluant des analyses des œuvres de Lénine et Staline, qui est la plus intimement compréhensible pour les Russes. Le Partisan est un personnage intégral de l’histoire russe, qui apparaît toujours quand la volonté du pouvoir russe et la volonté profonde du peuple russe lui-même prennent des directions divergentes.

Dans l’histoire russe, les troubles et la guerre de partisans ont toujours eu un caractère compensatoire purement politique, visant à corriger le cours de l’histoire nationale quand le pouvoir politique se sépare du peuple. En Russie, les partisans gagnèrent les guerres que le gouvernement perdait, renversèrent les systèmes économiques étrangers à la tradition russe, et corrigèrent les erreurs géopolitiques de ses dirigeants. Les Russes ont toujours su déceler le moment où l’illégitimité ou l’injustice organique s’incarne dans une doctrine s’exprimant à travers tel ou tel personnage. En un sens, la Russie est un gigantesque Empire Partisan, agissant en-dehors de la loi et conduit par la grande intuition de la Terre, du Continent, ce « Grand, très Grand Espace » qui est le territoire historique de notre peuple.

Et à présent, alors que le gouffre entre la volonté de la nation et la volonté de l’establishment en Russie (qui représente exclusivement « le règne de la loi » en accord avec le modèle universaliste) s’élargit dangereusement et que le vent de la thalassocratie impose de plus en plus la « paix militante » dans le pays et devient graduellement une forme de « guerre totale », c’est peut être cette figure du Partisan russe qui nous montrera la voie de l’Avenir Russe au moyen d’une forme extrême de résistance, par la transgression des limites artificielles et des normes légales qui ne sont pas en accord avec les canons véritables de la Loi Russe.

Une assimilation plus complète de la cinquième leçon de Carl Schmitt signifie l’application de la Pratique Sacrée de la défense de la Terre.

Remarques finales

Enfin, la sixième leçon non formulée de Carl Schmitt pourrait être un exemple de ce que la figure de la Nouvelle Droite européenne, Alain de Benoist, nommait l’« imagination politique » ou la « créativité idéologique ». Le génie du juriste allemand réside dans le fait que non seulement il sentit les « lignes de force » de l’histoire mais aussi qu’il entendit la voix mystérieuse du monde des essences, même si celui-ci est souvent caché sous les phénomènes vides et fades du monde moderne complexe et dynamique. Nous les Russes devrions prendre exemple sur la rigueur germanique et transformer nos institutions lourdaudes et surévaluées en formules intellectuelles claires, en projets idéologiques clairs, et en théories convaincantes et impérieuses.

Aujourd’hui, c’est d’autant plus nécessaire que nous vivons dans des « circonstances exceptionnelles », au seuil d’une Décision si importante que notre nation n’en a peut-être jamais connue de telle auparavant. La vraie élite nationale n’a pas le droit de laisser son peuple sans une idéologie qui doit exprimer non seulement ce qu’il ressent et pense, mais aussi ce qu’il ne ressent pas et ne pense pas, et même ce qu’il a nourri secrètement en lui-même et pieusement vénéré pendant des millénaires.

Si nous n’armons pas idéologiquement l’Etat, un Etat que nos adversaires pourraient temporairement nous arracher, alors nous devons forcément et sans faille armer idéologiquement le Partisan Russe qui se réveille aujourd’hui pour accomplir sa mission continentale dans ce que sont maintenant les Riga et Vilnius en cours d’« anglicisation », le Caucase en train de s’« obscurcir », l’Asie Centrale en train de « jaunir », l’Ukraine en train de se « poloniser », et la Tatarie « aux yeux noirs ».

La Russie est un Grand Espace dont la Grande Idée est portée par son peuple sur son gigantesque sol eurasien continental. Si un génie allemand sert notre Réveil, alors les Teutons auront mérité une place privilégiée parmi les « amis de la Grande Russie » et deviendront « les nôtres », ils deviendront des « Asiates », des « Huns » et des « Scythes » comme nous, des autochtones de la Grande Forêt et des Grandes Steppes.

Notes

[1] Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen, p. 127

[2] Julien Freund, « Les lignes de force de la pensée politique de Carl Schmitt », Nouvelle Ecole No. 44.

[3] Ibid.

lundi, 08 janvier 2018

Carl Schmitt en résumé

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Carl Schmitt en résumé

par Georges FELTIN-TRACOL

La saison des étrennes est passée. C’est dommage, car Aristide Leucate, rédacteur à L’Action Française 2000 et à Réfléchir & Agir, par ailleurs chroniqueur à l’émission hebdomadaire « Synthèse » à Radio Libertés, aurait volontiers offert à Yves-Charles Zarka le « Qui suis-je ? » qu’il vient de consacrer à Carl Schmitt. Dénonciateur en chef d’une clique pseudo-universitaire sclérosée qui traque l’infime « détail nazi » dans l’œuvre schmittienne, Zarka aurait sûrement apprécié ce magnifique cadeau…

Il faut reconnaître qu’à rebours de nombreux ouvrages publiés dans cette collection, Aristide Leucate ne retrace pas la vie de Carl Schmitt de sa naissance, le 11 juillet 1888 à Plettenberg, à son décès, le 7 avril 1985 dans la même ville. Certes, il en parle, mais ce sont les repères biographiques de neuf pages quand même placés en annexes qui fournissent l’essentiel. Félicitons-nous aussi de l’absence des trois pages habituelles de bio-astrologie qui n’apportaient rien aux précédentes études.

aristide-leucate.jpgAristide Leucate propose surtout la biographie intellectuelle d’un des plus grands penseurs du XXe siècle. Juriste de formation, universitaire de haut vol, Carl Schmitt est un Prussien de l’Ouest en référence à ces terres rhénanes remises à la Prusse par le traité de Vienne en 1814 – 1815. Francophone et latiniste, ce catholique intransigeant admira toujours l’Espagne et tout particulièrement son Âge d’Or. Il n’est pas fortuit si sa fille unique, Amina, épousa en 1957 un professeur de droit de nationalité espagnole, ancien membre de la Phalange, Alfonso Otero Varela. Ses quatre petits-enfants sont donc des citoyens espagnols.

Carl Schmitt est remarquable dans son hostilité à l’État de droit bourgeois et aux thèses libérales. « Le libéralisme juridique, selon Schmitt, peut être défini comme une excroissance du droit et des libertés individuelles dans le champ du politique, au point de subsumer celui-ci sous l’empire de ceux-là (p. 34) ». Il s’attache au contraire à considérer « le droit comme unité d’ordre concret (p. 39) », à rebours des chimères juridiques positivistes. Aristide Leucate aurait pu mentionner les confrontations qu’avait Schmitt avec les cercles libéraux dont certains comme Röpke assimileront quelques-uns de ses commentaires dans la formulation de l’ordo-libéralisme ou des théories défendues par l’École néo-libérale autrichienne. N’oublions pas que Carl Schmitt et Friedrich A. Hayek font partie des références du Carrefour de l’Horloge.

L’auteur de cette biographie s’attarde longtemps sur la brève adhésion de Schmitt au NSDAP entre 1933 et 1936. Il rappelle que le pseudo-tribunal de Nuremberg l’acquitta bien que les occupants alliés eussent confisqué toute sa bibliothèque et que Schmitt fût révoqué et mis d’office à la retraite à titre disciplinaire sans toutefois bénéficier de la moindre pension. Jusqu’en 1952, il bénéficiera de la « générosité de quelques admirateurs (élèves, amis, collègues) qui, par l’intermédiaire de l’Academia Moralis fondée en 1947, subvinrent à ses besoins (p. 85) ».

Retournant vivre dans sa maison natale qu’il nomme « San Casciano » en référence au lieu d’exil de Machiavel, Carl Schmitt continue à observer la marche du monde d’un point de vue à la fois juridique et philosophique de l’histoire. En 1950 paraît son célèbre Nomos de la Terre. Penseur du politique qui se structure autour de la distinction « ami – ennemi », du décisionnisme, de la nouvelle figure du partisan/terroriste et de la neutralisation des institutions politiques, il théorise le « grand espace » géopolitique. Il « craignait l’avènement d’un État mondial qui signifierait, du même coup, l’anéantissement du politique par neutralisation des antagonismes seuls à même de lui conférer sa substance vitale. La “ dépolitisation ” devait donc être conjurée par la recherche d’un espace politique concret où s’arrimerait la décision du souverain. Ce nouvel ordre international, théorisée, dès 1939 […] inspiré de la doctrine de Monroe (formulée en 1823 par ce président américain), devait prendre acte de l’effacement progressif de l’État en tant que sujet central, sinon architectonique, de l’ancien jus publicum europaeum, et privilégier l’avènement de nouvelles prises et distributions de terres organisées autour d’un Volk (pp. 103 – 104) ». Ce « grand espace » qui peut correspondre à la politogénèse européenne pourrait exercer la fonction vitale de Ketachon, soit de rempart aux ravages de l’entropie politique.

« À l’heure où, dans le monde, il se publie sur Carl Schmitt une étude (livre, monographie ou article) tous les dix jours (p. 10) » et que les États-Unis, l’Amérique latine et la Chine discutent de plus en plus de ses écrits, l’opuscule d’Aristide Leucate constitue une excellente introduction à l’œuvre magistrale de ce très grand maître à réfléchir.

Georges Feltin-Tracol

• Aristide Leucate, Carl Schmitt, Pardès, coll. « Qui suis-je ? », 2017, 124 p., 12 €.

samedi, 30 décembre 2017

Julien Freund : le politique et la décadence

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Julien Freund : le politique et la décadence
 
par Gilles Banderier
 
Ex: http://www.lanef.net

Il faudra écrire l’histoire du processus par lequel, dans la seconde moitié du XXe siècle, la gauche parvint à structurer, puis à occuper en maître le champ des idées, tandis que la droite se laissait faire et abandonnait le terrain. Non que les intellectuels de droite eussent disparu ; ils existaient toujours, mais étaient frappés d’ostracisme : parmi eux, Julien Freund (1921-1993). Présentation d’un esprit puissant trop méconnu.

Julien Freund naquit à Henridorff (Moselle) le 9 janvier 1921, dans un milieu ouvrier. En 1940, il suivit à Clermont-Ferrand l’université de Strasbourg, qui s’y était repliée, et entra dans la Résistance. Il fut arrêté après un attentat manqué contre Laval, emprisonné, mais parvint à s’évader. Durant sa fuite, il croisa par hasard un groupe de Francs-tireurs et partisans (militants communistes), auquel il se joignit. En combattant les Allemands à leurs côtés, il découvrit que les communistes ne valaient guère mieux que les nazis et, durant les décennies de l’après-guerre, Freund fit partie des intellectuels français, au fond pas si nombreux, qui ignorèrent la tentation marxiste. Les responsabilités locales qu’il exerça à la Libération le dégoûtèrent de la politique en tant qu’activité, mais aiguisèrent son intérêt pour la théorie.


Lecteur d’Aristote et de Machiavel, il réussit l’agrégation de philosophie, enseigna dans le secondaire et commença la rédaction d’une thèse de doctorat consacrée à l’essence du politique, sous la direction de Jean Hyppolite, un spécialiste de Hegel et de Marx. À peine Hyppolite eut-il reçu les premiers feuillets qu’il broncha devant la phrase : « Il n’y a de politique que là où il y a un ennemi. » Il mit en avant ses convictions socialistes et pacifistes pour ne pas diriger cette thèse plus avant. Julien Freund se tourna alors vers Raymond Aron, dont la bienveillance permit à l’œuvre de mûrir. Dans la préface de sa thèse, Freund reconnaîtra avoir eu « deux grands maîtres », Raymond Aron et – plus surprenant – Carl Schmitt. Il fallait de l’honnêteté et du courage pour inscrire au seuil d’un livre le nom de ce juriste proche du parti nazi et proclamer une dette à son égard. Parfaitement bilingue (il écrivit de nombreux textes en allemand), Freund fit connaître en France des penseurs tels que Max Weber et Georg Simmel. Il fut également un des premiers, dans notre pays, à parler de Habermas, l’idole de la gauche outre-Rhin.

L’ESSENCE DU POLITIQUE : UNE ŒUVRE « GÉNIALE » (ARON)


Lors de la soutenance, Raymond Aron déclara que L’Essence du politique était une œuvre « géniale ». Elle ouvrit à son auteur les portes de l’Université. Homme de l’enracinement, refusant des offres venues des États-Unis et du Japon, Freund effectua sa carrière académique à Strasbourg. Blessé par les « événements » de 68 (« L’une de mes peines les plus profondes, en Mai 1968, fut de voir certains étudiants maltraiter les livres. Les malotrus ignoraient ce que pouvait signifier pour un fils d’ouvrier de ma génération le plaisir de lire ») et par tout ce qui suivit, Freund prit une retraite précoce en 1979 et se retira à Villé, la bourgade où il s’était installé afin de trouver la paix nécessaire à ses travaux. Bon vivant, travailleur nocturne et grand fumeur, il mourut relativement jeune en 1993, à l’âge de 72 ans, laissant une œuvre que Raymond Aron jugeait supérieure à la sienne, une œuvre dont on commence à comprendre le caractère capital, avec deux livres majeurs, L’Essence du politique (la thèse de 1965) et La Décadence.


La thèse de Julien Freund traitait du politique et non de la politique : derrière la diversité des régimes – monarchie, aristocratie, démocratie, oligarchie et leurs variantes en nombre presque infini – il chercha des principes fondamentaux, unificateurs. Il en dégagea trois :
– la relation du commandement et de l’obéissance ;
– la distinction du public et du privé ;
– la distinction de l’ami et de l’ennemi.


philosophie, philosophie politique, politologie, sciences politiques, julien freund, carl schmitt, Chacun de ces « présupposés » fait l’objet d’analyses minutieuses. L’Essence du politique est un livre dense, mais clair et bien écrit. La pensée ne se dérobe jamais derrière un échafaudage de termes abscons. Si l’on prend l’exemple du troisième présupposé, Freund montra que non seulement l’ennemi est impossible à supprimer, mais encore qu’il est nécessaire pour donner une existence politique à un peuple, développant ainsi l’intuition de Saint-Exupéry : « L’ennemi te limite donc, te donne ta forme et te fonde » (Citadelle).
Freund étudie, à la suite de Carl Schmitt, la parole du Christ (Mt 5, 44 et Lc 6, 27) : « Aimez vos ennemis » et s’interroge s’il est légitime de fonder là-dessus une politique visant à un désarmement unilatéral. Peut-on combattre un adversaire que la morale chrétienne nous enjoint d’aimer ? Quand on a été dans la Résistance, ce n’est pas une question abstraite. Freund rappelle qu’à la différence du français (qui ne dispose que du terme ennemi), le grec et le latin distinguent l’ennemi public (polemos, hostis) et l’ennemi privé (ekhthros, inimicus). Or le texte de l’Évangile parle de l’ekhthros et de l’inimicus. Cet enseignement du Christ n’a donc pas de dimension politique. Dans une de ses œuvres ultérieures, La Fin de la Renaissance, Freund cite cette formule (apocryphe ?) de Joseph de Maistre : « L’Évangile, hors de l’Église, est un poison. » Freund montre que la condition humaine est fondamentalement politique. Il n’a pas existé d’état pré-politique de l’humanité et jamais on ne fera de politique « autrement », comme se l’imaginent pacifistes et utopistes.

LES PIÈGES MORTELS DU PACIFISME ET DE L’ANGÉLISME


Autre illusion pacifiste : une civilisation pourrait ne plus avoir d’ennemi simplement parce qu’elle le voudrait. « Or, répond Freund, c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. » Face au communisme aussi bien que face au nazisme ou à l’islam, pacifisme et angélisme sont des pièges mortels. Pour combattre un ennemi, il faut le reconnaître tel et savoir pour quoi, pour quelles valeurs, on est disposé à se battre. Mais le relativisme et son mot d’ordre « Tout se vaut » ont produit leur effet dissolvant. Si tout se vaut, rien ne mérite d’être défendu. Nous avons timidement érigé la laïcité en rempart mou contre l’islam conquérant, mais qui serait prêt à mourir pour défendre la laïcité ? Il en ira de l’islam comme il en a été du communisme : il s’étendra aussi longtemps que les risques encourus ne seront pas jugés excessifs. Les quelques militants abattus ou autodétruits lors d’attentats constituent un coût humain négligeable, en comparaison de l’effet psychologique dévastateur de ces attentats. Plusieurs centaines d’islamistes jetés en prison ne sont pas une perte, d’autant plus qu’une fois derrière les barreaux, chaque militant en formera dix ou vingt autres, qui sortiront tôt ou tard – souvent tôt.

ANALYSE DE LA DÉCADENCE


Les analyses menées dans L’Essence du politique conduisent à l’autre aspect de la pensée de Julien Freund, son étude de la décadence. L’Europe, écrit-il, est arrivée au bout de sa course. Première et seule civilisation universelle, elle a découvert la Chine, le Japon, le continent américain. Certes, elle pratiqua l’esclavage, mais fut également capable de l’abolir. Or cette civilisation universelle est entrée en déclin et, comme le note Freund, « une civilisation décadente n’a plus d’autre projet que celui de se conserver ». Il qualifiait les nations d’Europe de « pays en voie de sous-développement ».


Comme Bernanos et Boutang, Julien Freund était catholique. Mais on ne trouve chez lui ni leurs fulgurances prophétiques, ni leur ouverture vers la transcendance. Fidèle disciple d’Aristote tel que peint dans L’École d’Athènes, Freund regarde ce monde et lui seul. Sa pensée a influencé des auteurs comme Chantal Delsol, Pierre-André Taguieff, Mathieu Bock-Côté (par l’intermédiaire de Jean Roy, disciple québécois de Freund) ou un penseur se réclamant de l’anarchisme, comme Michel Maffesoli. Ses analyses de la décadence rattachent Freund aux anti-modernes. L’Essence du politique est une somme, une œuvre totale, qui embrasse l’ensemble de la tradition occidentale depuis Platon et propose un cadre conceptuel dans lequel penser des événements qui se sont produits longtemps après sa publication (l’irruption de l’islam, les réseaux sociaux, l’effondrement des systèmes éducatifs occidentaux…). Une œuvre à lire sans attendre qu’il soit trop tard.

Gilles Banderier

Bibliographie
– Julien Freund, L’Essence du politique, Sirey, 1965, réédition Dalloz, 2004.
– Julien Freund, La Décadence, Sirey, 1984.
– Pierre-André Taguieff, Julien Freund. Au cœur du politique, La Table Ronde, 2008.

© LA NEF n°296 Octobre 2017

mardi, 28 novembre 2017

Carl Schmitt - Juriste savant et penseur politique

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Carl Schmitt - Juriste savant et penseur politique

 
Penser le droit autrement : Carl Schmitt - Juriste savant et penseur politique. Entretien avec Aristide Leucate, docteur en droit et écrivain auteur du Qui suis-je ? sur Carl Schmitt.
 
Découvrez la pensée de Carl Schmitt, juriste sulfureux et iconoclaste, penseur du juridique aussi bien que du politique et du géopolitique et qu'on pourrait qualifier d'anti-Kelsen.
 
www.cercledroitetliberte.fr