Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 06 mars 2010

Terre & Peuple Magazine: La force du sacré

Communiqué de "Terre & Peuple - Wallonie"

terre_et_peuple_42.jpgTERRE & PEUPLE Magazine

 

Le numéro 42 de TERRE & PEUPLE Magazine est placé sous l’unique signe de ‘La Force du Sacré’ et du mot d’ordre ‘Terre et Peuple en action.

 

Dans son éditorial, Pierre Vial invite à cesser de nous sacrifier pour ceux qui ne le valent pas. Les sondages sur l’identité menés sur le territoire français révèlent trois catégories : ceux qui s’y déclarent étrangers, par leurs origines, les traîtres collabos d’origine européenne qui déclarent tenir ces origines pour nulles et ceux qui y sont au contraire enracinés. Il l’illustre ensuite le fait avec ces supporters allochtones qui célèbrent ‘festivement’ une victoire sportive en accrochant le drapeau algérien au balcon de l’Hôtel de ville de Toulouse, après avoir décroché et brûlé le drapeau français, pourtant protégé par un cordon de policiers menottés dans leurs consignes !

 

A propos du referendum suisse en faveur de l’interdiction des minarets, les sondages organisés par la plupart des grands organes de presse européens révèlent que leur clientèle approuve les Suisses à 86% (L’Express), 76,98% (Le Figaro), 70% (Euronews) ; 63,2% (Le Soir), 76,3% (Der Spiegel, de), 87% (Die Welt, de), 79% (El Mundo, esp)94% (20 Minutos, esp), 94% (Diario de Noticias, port), 68% (Elsevier, nl). Les lecteurs du Monde estiment même, à 61,5%, que le referendum est un signe de démocratie.

 

Jean Haudry met en gerbe les fleurs que Claude Lévi-Strauss a adressées à Georges Dumézil dans son discours d’accueil à l’Académie française. C’est un véritable canon de béatification.

Pierre Vial, en ouvrant le dossier central, rappelle que la dictature intellectuelle des Lumières, et celle de ses rejetons jumeaux le libéralisme et le marxisme, a imposé une vision matérialiste du monde comme seule idéologiquement correcte, rompant avec la tradition qui voit dans l’homme le produit subtil de trois composantes, le corps, l’esprit et l’âme. Ce que saint Benoît avait, au VIe siècle, repris pour sa communauté monastique dans une règle qui a passé l’épreuve des siècles, équilibrant la vie des moines entre leur corpus (par le travail), leur animus (par l’étude) et leur anima (par la prière).

 

Michèle Favard-Jirard liste les professeurs d’université israéliens, archéologues et historiens, qui font la démonstration de l’inexistence historique de l’Ancien Testament. Les murs de Jéricho ont été emportées par les pluies bien avant que par les trompettes de lévites. Le royaume de David et Salomon se réduit au terroir d’une petite tribu qui inventera l’historiographie biblique durant son exil babylonien. Elle est formée en fait des rescapés de la débâcle des Hyksos, ainsi que le soutenait déjà l’historien juif antique Flavius Josèphe (37 à 100 PC). Il s’agit d’une peuplade qui, refoulée d’Asie centrale par les Indo-européens, s’était installée en Egypte et en sera finalement chassée par le pharaon Amosis (-1580 à -1558), fondateur de cette XVIIIe dynastie qui tentera d’introduire le monothéisme. S’ajoutant à cela la découverte (commanditée par le Congrès Juif) au nord de la Mer Caspienne des vestiges d’Itil, la capitale du royaume des Khazars, tribu d’Asie centrale pas sémitique du tout, qui a servi aux Byzantins de pare-choc contre la poussée de l’islam et s’est convertie en bloc au judaïsme au IXe siècle, il y a largement de quoi troubler tous les Billancourt du sionisme ! Pas tant que cela, semble-t-il, car avec la masse plus c’est gros et mieux ça passe ! Jusqu’à envisager en fin de compte que les Palestiniens soient les seul vrais Juifs, convertis à l’islam ?

Pour Jean Haudry, la Sainte Trinité (de l’évangile de Mathieu 28, 18) provient probablement des diverses triades de divinités du monde indo-européen. Mais celle-ci sont constituées de trois divinités, et non d’une seule en trois personnes. Cette unité se retrouve toutefois dans le mazdéisme de Zarathustra, où le Dieu suprême Ahura Mazda a des rapports privilégiés avec le Saint Esprit (Spanta Manyu, le Bénéfique) et avec le Feu, qui devient le fils du Dieu suprême. Toutefois, à la différence de la conception catholique de la Trinité (avec le filioque), le Saint Esprit mazdéen ne procède que du Père et pas du Fils. On notera que, dans l’Avesta ancien, Manyu ne signifie pas esprit, mais fureur et que Spanta Manyu a un correspondant néfaste, Ahra Manyu, le futur Ahriman, qui préfigure le Satan du christianisme. Les analogies sont foisonnantes !

 

Pélage dévoile ‘l’islam tel qu’on nous le cache’ : la Sunna (tradition transmise par le Prophète à travers le Coran), la Sira (vie du Prophète et de ses compagnons immédiats) et les Hadiths (recueil de ses paroles : 1,5 millions authentifiées ou non). On compte quatre écoles d’interprétation sunnite : le malékisme (Maghreb et France), le hanéfisme (Empire ottoman), le chafisme (Egypte et Proche-Orient) et le hanbalisme, la plus intransigeante, dont le wahabisme (Arabie saoudite) est l’héritier, qui récuse la tolérance, de pur opportunisme économique, à l’égard des infidèles. C’est avec la bénédiction des USA et de l’URSS que la tribu nomade des Bani Saoud s’est emparée des Lieux Saints en s’appuyant sur le wahabisme, par le sabre et le livre.

 

Après avoir parlé à Abraham, Moïse et Jésus, Allah dicte à l’ultime prophète le Livre qui ne peut être que parfait et justifiera de brûler la centaine de milliers d’ouvrages grecs et persans de la bibliothèque d’Alexandrie, qui sont soit faux soit surabondants. Le Coran (le mot signifie ‘récitation’) comporte 114 sourates, classées sans autre ordre que leur longueur, qui comptent ensemble 6.325 versets hétéroclites, aux répétitions incessantes ! Les emprunts sont très nombreux à la Torah, au Talmud et à la Bible et l’analyse linguistique révèle une pluralité d’auteurs. Le texte justifie le rezzou et l’esclavage par le butin, dont un cinquième appartient à Allah, à son Messager et ses proches parents. Les Barbaresques exploiteront la veine du commerce d’esclaves et du rapt non seulement en Afrique subsaharienne, mais en Europe, Islande comprise, jusqu’en 1830 ! On estime à 1.250.000 les Européens raptés au XVIe et XVIIe siècles.

 

Les versions du Coran rédigées en langue vulgaire sont édulcorées et ne rendent qu’un reflet de son mépris pour les kafirs. La colère d’Allah contre eux occupe 650 versets et le jihad 250. La distinction entre grand jihad (victoire sur soi-même) et petit jihad (guerre sainte) n’apparaîtra qu’après trois siècles. En plus d’une religion, l’islam prétend être un code civil, un code pénal et un code moral. La charia est un assemblage de prescriptions empruntées aux autres religions, notamment au judaïsme, dont la haine de l’autre, la persécution des minorités, l’esclavage, le talion, la punition par mutilation, le statut inférieur de la femme, etc. L’apostat qui voudrait s’en émanciper est passible de mort. C’est par faveur d’Allah que les hommes ont autorité sur les femmes, lesquelles leur doivent obéissance, à défaut de quoi Allah recommande : « Frappez-les. » L’honneur de l’homme repose sur ce contrôle sur le corps de la femme. En dépendent ses vertus viriles, y compris sa vaillance guerrière. L’adultère mérite la lapidation, héritée du judaïsme. L’excision, comme la circoncision, est une pratique antérieure au Coran, mais certains hadiths la qualifient d’honneur pour la femme. Le seul péché mortel est d’être incroyant. Le parjure d’un musulman est insignifiant s’il conserve la foi. Il est même louable si c’est pour tromper un incroyant (baise la main que tu ne peux couper). A la différence des païens et des athées qui ne méritent que la mort, les chrétiens et les juifs (« Qu’Allah les anéantisse ! ») n’y sont pas promis tout de suite. Il leur est fait d’abord obligation de coudre sur leur vêtement un signe distinctif, le zunnâr. Il ne peuvent pas pratiquer ouvertement leur religion, ni posséder un cheval, ni des armes, ni un esclave musulman, ni épouser une musulmane, ni assigner un musulman pour s’en faire rendre justice. Cette ‘protection’ se paie d’un impôt mensuel, la jizyat, et d’un impôt foncier, le kharâdj, qui sont perçus sous peine de prison, voire de mort. Dans les pays de charia stricte, toute pratique d’une autre religion est passible de mort. Les pays ‘démocratiques’ s’en tiennent à multiplier l’impôt général par 3,5. Mais dans ces derniers comme dans les autres, le statut des kafirs ne cesse de se dégrader.

 

Sunnites et chiites s’entretuent pour des motifs plus politiques que religieux, en tout cas entre les talibans sunnites et les chiites iraniens. Le Petit Livre Vert de Khomeiny est révélateur : outre la guerre sainte, il promet la république islamique universelle, où en un an les loi punitives déracineront l’immoralité, notamment de manger la viande d’un animal qui a été sodomisé par un homme ou de forniquer en adultère. Mais une femme appartient légalement à un homme par mariage temporaire d’un jour ou même d’une heure et, si un musulman ne peut épouser une chrétienne en mariage continu, il le peut en mariage temporaire. Les sunnites ont eux aussi leur fous de Dieu, qui prouvent que la science est néfaste à la civilisation (islamique) puisqu’elle met le Coran en question. Ils sont résolus à rétablir l’esclavage au Pakistan et, en attendant, à maintenir le pays en jihad permanent, par le terrorisme dans les zones kafirs et la négociation dans les autres. Dans celles-ci, ils comptent sur la pression fiscale pour achever de convertir. Pas si fous que cela, donc !

 

Les uns et les autres se flattent que la civilisation arabo-musulmane soit la matrice du monde moderne, sans s’embarrasser du fait que les grands penseurs musulmans ignoraient le grec et le latin, s’en tenant par piété à l’arabe, langue divine sans doute, mais peu propre à traduire le message classique. Et sans tenir compte de l’apport iranien, indien, arménien.

Conclusion : il faut être ignorant, naïf ou malhonnête pour croire que l’islam est soluble dans la société européenne moderne.

 

A propos de la vision du sacré, lequel de tout temps fait le lien entre l’humain et le divin, Pierre Vial relève d’emblée que notre paganisme unit notre communauté dans la croyance en un univers un, où le contact au divin passe par l’immersion dans le monde et par l’adhésion au vivant. Il se distingue en cela de la croyance en un Dieu unique, seul éternel, extérieur à notre monde transitoire. Les païens que nous sommes contestent à ces croyants le monopole de la transcendance qu’ils s’arrogent. Nous nous situons à la croisée, essentielle et existentielle, du vertical et de l’horizontal, solidaires de tout ce qui vit, comme l’arbre qui plonge ses racines dans la terre et lance dans le ciel ses branches vers les quatre horizons. C’est ce que symbolise pour nous la rune d’Hagal et les croix grecque et celtique. C’est ce qu’évoque Dom Sterckx (OSB) dans son ‘Orientation totale de l’homme’. Cette vision du sacré, bien antérieure au christianisme, est la colonne vertébrale de la culture européenne.

On peut déjà situer un seuil qualitatif de perception du sacré certainement au Paléolithique supérieur (-15.000), avec des manifestations esthétiques et religieuses et avec déjà la référence à un au-delà dans l’apparition des sépultures (-60.000). Dans l’art rupestre animalier, l’homme se représente lui-même, paré d’une ramure de cerf, comme officiant dans la magie de la chasse. Les Vénus et les déesses-mères sont des allusions au principe, vital pour la communauté, de la fécondité féminine, solidaire de la fécondité de la terre pour laquelle l’agriculture et l’élevage néolithiques sacrifient au rythme des saison. L’âge des métaux (-5.000) verra surgir la notion d’axe du monde, centre d’un ordre cosmique sans cesse renouvelé, où le soleil représente le principe transcendant, surveillant hommes et dieux. Homère (-800) dira que le soleil est le garant de la vérité. Il est parfois représenté au centre d’une ramure de cervidé, dont la croix lumineuse du cerf de saint Hubert pourrait être un prolongement, car le disque solaire est censé être tiré le jour par des cerfs et la nuit par des loups. L’âge des métaux va conférer au forgeron un prestige lié aux puissances souterraines démoniaques. Honoré par les guerriers autant que le dieu de la guerre, le dieu forgeron fabrique des armes miraculeuses. Le feu de sa forge l’associe au soleil, au rythme saisonnier et, avec les roues et les chars solaires, au mouvement perpétuel.

 

Jean Haudry souligne, chez les Indo-européens, la dualité du sacré, qui peut être positif et chargé de puissance divine ou négatif et interdit au contact des hommes. Le premier invite à la familiarité avec le dieu, car notre paganisme est une religion d’hommes libres. C’est encore le sacré qui intègre politiquement ces hommes libres à leur communauté, chacun s’y inscrivant dans un cadre divisé en quatre structures, la famille, le clan, la tribu et la nation, toutes fondées sur le sol et le sang. Le célébrant du culte familial est le chef de famille assisté de son épouse, et ainsi pour le chef de clan, le chef de tribu, le roi. Ils officient au centre des membres du groupe, à l’exclusion de tout étranger, autour de la flamme du foyer, qui représente l’âme de la communauté. La révolution culturelle du christianisme visait à éradiquer cette conception païenne du sacré (lapidation d’Hypathie, destruction des sites sacrés par les saints Boniface et Martin). Mais finalement certains ecclésiastiques (dont saint Grégoire 1er) ont estimé, dans les débuts du moyen âge, qu’il serait plus efficace d’intégrer à la nouvelle religion cette vision, si séduisante par ‘le charme infini qu’elle donne à toutes les circonstances de la vie’. Et on se mit à installer des églises à la place, voire dans les lieux sacrés païens (la cathédrale de Syracuse et Saint-Michel-Mont-Mercure). La tripartition indo-européenne trouve alors écho dans les ordres chevaleresques (oratores/laboratores/bellatores) et le culte des bonnes Dames dans la dévotion à la Vierge Marie. Les fêtes païennes sont rebaptisées. Les colonnes des églises, avec leurs chapiteaux feuillus évoquent le bois sacré. Le Christ, nouveau soleil, rayonne dans la rosace des cathédrales. Il faudra attendre le protestantisme pour réagir et revenir aux sources judaïques et Vatican II pour lui emboîter le pas.

 

Le professeur Claude Perrin tente de définir ce qu’est ‘l’honneur aujourd’hui’. Au regard de l’abnégation souvent héroïque des mille morts par jour de la Première Guerre, dont il ne subsiste que le parfum d’un vase vide. L’honneur est alors le corollaire de l’estime de soi-même, par le dépassement dans le sacrifice au bien public. Il tient au sacré, à la croyance en une transcendance. Nos pères, qui avaient un sens aigu de l’honneur, révéraient le sacrifice de Vercingétorix. Le mythe du héros, mobilisateur et réunificateur a été largement utilisé dans cette guerre. Dans l’Ancien Régime, la fidélité au roi était la manifestation de l’honneur dans la soumission à un pouvoir légitime pour qui on nourrit la tendresse qu’on a pour un père et le respect qu’on ne doit qu’à Dieu, sentiments que la Révolution a rendus presque incompréhensibles, en ce qu’ils conservaient l’âme libre jusque dans la plus extrême dépendance. Les piliers honneur-hiérarchie-dignité ont été remplacés par liberté-égalité-fraternité, qui prétendent étendre avec la dignité le devoir d’honneur des nobles aux vilains. Mais ce n’est plus le même code et il faudra les commissaires de la Révolution pour briser les réflexes, les loyautés, les appartenances. L’appartenance suppose l’allégeance dans une foi aux valeurs communes. C’est le contraire de la contrainte de lois liberticides comme la Loi Gayssot. Socrate est mort, en effet, d’avoir parlé sur les sujets prohibés, non par le tyran, mais par les représentants démocratiques de la cité.

 

Comment ne pas citer en regard Albert Camus : « Nous vivons dans un monde où on peut manquer à l’honneur sans cesser de respecter la loi. » ? Ou citer Luc Ferry, ministre de l’Education nationale, qui juge ‘un peu ridicule’ le patriotisme. Abandonnant le code de l’honneur à certains truands, il parle pour une société de bobos, que le suicide de certains perdants laisse perplexe. Il parle pour ces responsables de la crise qui s’obstinent à donner des leçons d’économie. Il parle au monde sportif, où le fair play comme le dopage sont laissés à la discrétion des sponsors. Et au monde politique, où le principe de précaution sert d’alibi au refus du moindre risque. Bernanos avertissait que, dans la civilisation de la machine, la plus redoutable est la machine ‘à liquéfier les cerveaux’, notamment cette télévision dont un de ses grands patrons, Patrick Le Play, se vante qu’elle lui permet ‘de vendre des cerveaux disponibles à Coca Cola’. L’auteur dénonce ainsi, bien sûr, Mai 68 avec l’absence de toute distance, par le tutoiement universel. Et on passe bientôt des enfants battus aux mères battues. L’hédonisme multisensoriel (Alain de Benoist) a vite fait de tuer les engagements sur la durée, de même que les emplois contraignants : les cultivateurs, les médecins de campagne, les petits patrons ne trouvent plus de remplaçants. La tolérance, qui est le mot d’ordre, est en fin de compte la peur de l’avenir et la drogue est le refuge de cette peur. Les gouvernants de cette société de la peur la dirigent en suivant une logique d’épicier ou d’éleveur de volailles, pour qui même l’espérance de vie n’est plus l’objet de souhait. C’est normal dans une civilisation dont le modèle n’est plus le Sage, comme dans l’Antiquité, ni le Saint, comme au Moyen Age, ni l’Uomo Universalis, comme à la Renaissance, mais le Technicien, robot inculte, et tricheur ! Le mot de la fin est au soldat engagé exposé aux risques de l’Afghanistan : « Cela vaut quand même mieux que mourir ivre au volant ! »

Jean Haudry, enfin, éclaire les liens entre Gaulois et Germains, qui sont linguistiquement cousins, si pas jumeaux. Contrairement à ce qu’en écrit Tacite dans sa ‘Germanie’, les Gaulois n’ont pas été les envahisseurs comme le suggère ‘le divin Jules’, mais les premiers occupants. Et il y a eu nombre de populations celto-germaniques, comme ces Eburons dont on ne sait s’ils sont des Germains celtisés ou des Celtes germanisés.

 

00:25 Publié dans Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle droite, identité, mouvement identitaire, wallonie, sacré | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 23 février 2010

Soyons différentialistes!

classification%20des%20races.jpg

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Soyons différentialistes!

 

Un professionnel du marketing me disait, il y a quelques semaines, la nécessité, dans notre monde mo­derne régi par la publicité, d'être identifié rapidement. Ainsi, on a accès aux médias parce que l'on est ca­talogué socialiste, gaulliste, nationaliste, écologiste, etc. Ce sont là des étiquettes commodes mais somme toute très réductrices. Cette règle actuelle, qui consiste à passer sous les fourches caudines de la “réduction”, nous sera appliquée que nous le voulions ou non. Dès lors, ce professionnel du marketing m'a demandé: vous, les synergétistes, comment vous définiriez-vous en un seul mot? C'est le terme “différentialiste” qui n'est apparu comme le plus proche de notre démarche.

 

Etre différentialiste, en effet, c'est être pour le respect des différences, des variétés, des couleurs, des traditions et donc hostile à toutes les tentatives d'uniformiser le globe, de peindre le monde en gris, de sérialiser outrancièrement les gestes de la vie quotidienne et les réflexes de la pensée.

 

Etre différentialiste, c'est être fondamentalement tolérant et non pas superficiellement tolérant comme se piquent de l'être beaucoup de vedettes du prêt-à-penser. Etre différentialiste, c'est respecter les forces numinales qui vivent en l'autre, de respecter les valeurs qui l'animent et s'incarnent en lui selon des mo­dalités différentes des nôtres.

 

Etre différentialiste, c'est donc être hostile à cette sérialisation planétaire à l'œuvre depuis plus d'un siècle, c'est refuser que tous les peuples soient soumis indistinctement aux mêmes règles dites univer­selles. C'est reconnaître à chaque communauté le droit de se développer selon ses rythmes propres. C'est être du côté de la loi de la différAnce, du processus de différAnce générateur de différEnces provi­soires, pour reprendre le vocabulaire de Derrida, c'est-à-dire du côté de la créativité, des mutations per­manentes et constructives, qui suscitent à chaque seconde des formes durables mais mortelles, mar­quées de cette finitude qui oblige à l'action et sans laquelle nos nerfs et nos neurones s'étioleraient, se laisseraient sans cesse aller aux délices de la mythique Capoue.

 

Le différentialisme est en fait une rébellion constante pour préserver ce travail permanent de différAnce à l'œuvre dans le monde, pour empêcher que de terribles simplificateurs ne le bétonnent, ne l'oblitèrent. Mais pour que différAnce il y ait, il faut que soient préservées les différEnces car c'est sur le socle de dif­férEnces en expansion ou en déclin que les hommes dynamiques ou réactifs créeront par différAnce les formes nouvelles, qui dureront le temps d'une splendide ou d'une discrète différEnce. Le différentialisme est donc une rébellion pour garder la liberté de se plonger dans le processus universel de différAnce, armé des vitalités ou des résidus d'une différEnce particulière, qui est nôtre, à laquelle le destin nous a liés.

 

Pour nous l'Europe sera différentialiste ou ne sera plus! Une Europe soustraite par les terribles simplifica­teurs au processus universel de différAnce, privée de ses différEnces vivaces ou abîmées, ne sera plus qu'une Europe étouffée par l'asphalte des idéologies-toutes-faites, une Europe qui n'aura plus la sou­plesse intellectuelle pour faire face adéquatement aux défis planétaires qui nous attendent. Nous ne voulons pas d'un modèle américain, de plaisirs sérialisés, nous voulons sans cesse de l'originalité, nos critères nous portent à aimer le cinéma ou la littérature d'un Chinois inconnu des pontifes médiatiques, d'un Latino-Américain brimé par sa bourgeoisie ou ses militaires aux ordres de Washington, d'un Africain qui n'a pas accès aux pla­teaux de Paris ou de New York, d'un Indien qui refuse les modes pour faire re­vi­vre en lui, à chaque ins­tant, la gloire de l'univers védique! Notre différentialisme est donc ouverture per­ma­nente au monde, com­bat inlassable contre les fermetures que veulent nous imposer la “political correc­tness” et le “nouvel ordre mondial”.

 

Mais cette propension à tout bétonner est aujourd'hui au pouvoir. Comme l'écrivait Pierre Drieu la Rochelle dans son Journal:  «J'ai mesuré l'effroyable décadence des esprits et des cœurs en Europe». Or depuis la rédaction de ce texte, la chute n'a fait que s'accélérer. C'est contre elle que nous avons voulu réagir en nous implantant partout en Europe: pour dialoguer, comparer nos héritages à ceux des autres, pour op­poser nos différEnces et participer ainsi au processus de différAnce, pour épauler ceux qui agissent en dehors des grands circuits commerciaux d'une culture homogénéisée, mise au pas, stérilisée.

 

Notre mouvement s'accroît, bon nombre d'initiatives s'adressent à nous pour œuvrer en commun: j'en veux pour preuve les associations allemandes ou italiennes qui vont participer conjointement à nos uni­versités d'été, qui nous fournissent des orateurs, qui travaillent chacune sur leur créneau, j'en veux pour preuve les journaux, grands et petits, qui s'adressent à nos cadres pour remplir leurs colonnes, j'en veux pour preuve ce théâtre de rue lombard qui pratique, de concert avec “Synergies”, le gramscisme dans sa version la plus pure. En effet, Antonio Gramsci pariait justement sur ce théâtre spontané des rues et des masses, animé par des “intellectuels organiques”, pour jeter bas le cléricalisme dominant à son époque. Berthold Brecht ne disait pas autre chose. La contestation radicale de cette fin de siècle est notre camp, notre seul camp. Nous ne luttons pas pour faire advenir en Europe une grande idéologie verrouillée, un iron heel  de nouvelle mouture, mais justement pour préserver ces spontanéités culturelles qui corrodent les raides certitudes des bigots de toutes espèces.

 

Gilbert SINCYR.

lundi, 15 février 2010

Guillaume Faye et la "convergence des catastrophes"

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2006

Guillaume Faye et la “Convergence des catastrophes”

par Robert STEUCKERS

Introduction à la présentation par Guillaume Faye du livre “La convergence des catastrophes”, signé Guillaume Corvus, Bruxelles, Ravensteinhof, 21 janvier 2006

Dans l’introduction à l’une des versions italiennes du premier livre de Guillaume Faye, “Le système à tuer les peuples”, j’avais tenté de brosser succinctement son itinéraire politique, depuis ses années d’étudiant à l’IEP et à la Sorbonne. J’avais rappelé l’influence d’un Julien Freund, des thèses de Pareto, de Bertrand de Jouvenel sur ce jeune étudiant dont la vocation allait être de mener un combat métapolitique, via le “Cercle Spengler” d’abord, via le GRECE (Groupe de Recherche et d’Etudes sur la Civilisation Européenne) ensuite. J’avais insisté aussi sur son interprétation de Nietzsche, où, comme Alexis Philonenko, il pariait sur un rire sonore et somme toute rabelaisien, un rire déconstructeur et reconstructeur tout à la fois, sur la moquerie qui dissout les certitudes des médiocres et des conformistes. Je ne vais pas répéter aujourd’hui tout cet exposé, qu’on peut lire sur internet, mais je me concentrerai surtout sur une notion omniprésente dans les travaux de Faye, la notion cardinale de “politique”, oui, sur cette “notion du politique”, si chère au Professeur Julien Freund. L’espace du politique, et non pas de la politique (politicienne), est l’espace des enjeux réels, ceux qui décident de la vie ou de la survie d’une entité politique. Cette vie et cette survie postulent en permanence une bonne gestion, un bon “nomos de l’oikos” —pour reprendre la terminologie grecque de Carl Schmitt— une pensée permanente du long terme et non pas une focalisation sur le seul court terme, l’immédiat sans profondeur temporelle et le présentisme répétitif dépourvu de toute prospective.

Le bon “nomos” est celui qui assure donc la survie d’une communauté politique, d’un Etat ou d’un empire, qui, par la clairvoyance et la prévoyance quotidiennes qu’il implique, génère une large plus-value, en tous domaines, qui conduit à la puissance, au bon sens du terme. La puissance n’est rien d’autre qu’un solide capital de ressources matérielles et immatérielles, accumulées en prévision de coups durs, de ressacs ou de catastrophes. C’est le projet essentiel de Clausewitz, dont on fait un peu trop rapidement un belliciste à tous crins. Clausewitz insiste surtout sur l’accumulation de ressources qui rendront la guerre inutile, parce que l’ennemi n’osera pas affronter une politie bien charpentée, ou qui, si elle se déclenche quand même, fera de mon entité politique un morceau dur ou impossible à avaler, à mettre hors jeu. Ce n’est rien d’autre qu’une application du vieil adage romain: “Si vis pacem, para bellum”.

L’oeuvre immortelle de Carl Schmitt et de Julien Freund

D’où nous vient cette notion du “politique”?

Elle nous vient d’abord de Carl Schmitt. Pour qui elle s’articule autour de deux vérités observés au fil de l’histoire :

1) Le politique est porté par une personne de chair et de sang, qui décide en toute responsabilité (Weber). Le modèle de Schmitt, catholique rhénan, est l’institution papale, qui décide souverainement et en ultime instance, sans avoir de comptes à rendre à des organismes partiels et partisans, séditieux et centrifuges, mus par des affects et des intérêts particuliers et non généraux.

2) La sphère du politique est solide si le principe énoncé au 17ième siècle par Thomas Hobbes est honoré : “Auctoritas non veritas facit legem” (C’est l’autorité et non la vérité qui fait la loi/la norme). Nous pourrions, au seuil de ce 21ième siècle, qui s’annonce comme un siècle de catastrophes, tout comme le 20ième, étendre cette réflexion de Hobbes et dire : “Auctoritas non lex facit imperium”, soit “C’est l’autorité et non la loi/la norme qui fait l’empire”. Schmitt voulait dénoncer, en rappelant la science politique de Hobbes, le danger qu’il y a à gouverner les états selon des normes abstraites, des principes irréels et paralysants, parfois vecteurs de dissensions calamiteuses pouvant conduire à la guerre civile. Quelques décennies d’une telle gouvernance et les “noeuds gordiens” s’accumulent et figent dangereusement les polities qui s’en sont délectée. Il faut donc des autorités (personnelles ou collégiales) qui parviennent à dénouer ou à trancher ces “noeuds gordiens”.

Cette notion du politique nous vient ensuite du professeur strasbourgeois Julien Freund, qui était, il est vrai, l’un des meilleurs disciples de Carl Schmitt. Il a repris à son compte cette notion, l’a appliquée dans un contexte fort différent de celui de l’Allemagne de Weimar ou du nazisme, soit celui de la France gaullienne et post-gaullienne, également produit de la pensée de Carl Schmitt. En effet, il convient de rappeler ici que René Capitant, auteur de la constitution présidentialiste de la 5ième République, est le premier et fidèle disciple français de Schmitt. Le Président de la 5ième République est effectivement une “auctoritas”, au sens de Hobbes et de Schmitt, qui tire sa légitimité du suffrage direct de l’ensemble de la population. Il doit être un homme charismatique de chair et de sang, que tous estiment apte à prendre les bonnes décisions au bon moment. Julien Freund, disciple de Schmitt et de Capitant, a coulé ses réflexions sur cette notion cardinale du politique dans un petit ouvrage qu’on nous faisait encore lire aux Facultés Universitaires Saint-Louis à Bruxelles il y a une trentaine d’années: “Qu’est-ce que le politique?” (Ed. du Seuil). Cet ouvrage n’a pas pris une ride. Il reste une lecture obligatoire pour qui veut encore, dans l’espace politique, penser clair et droit en notre période de turbulences, de déliquescences et de déclin.

René Thom et la théorie des catastrophes

Comment cette notion du politique s’articule-t-elle autour de la thématique qui nous préoccupe aujourd’hui, soit la “convergences des catstrophes”? Faye est le benjamin d’une chaine qui relie Clausewitz à Schmitt, Schmitt à Capitant, Capitant à Freund et Freund à lui-même et ses amis. Ses aînés nous ont quittés : ils ne vivent donc pas l’ère que nous vivons aujourd’hui. D’autres questions cruciales se posent, notamment celle-ci, à laquelle répond l’ouvrage de Guillaume Corvus: “Le système (à tuer les peuples) est-il capable de faire face à une catastrophe de grande ampleur, à plusieurs catastrophes simultanées ou consécutives dans un laps de temps bref, ou, pire à une convergences de plusieurs catastrophes simultanées?”. Au corpus doctrinal de Schmitt et Freund, Corvus ajoute celui du mathématicien et philosophe français René Thom, qui constate que tout système complexe est par essence fragile et même d’autant plus fragile que sa complexité est grande. Corvus exploite l’oeuvre de Thom, dans la mesure où il rappelle qu’un événement anodin peut créer, le cas échéant, des réactions en chaîne qui conduisent à la catastrophe par implosion ou par explosion. On connait ce modèle posé maintes fois par certains climatologues, observateurs de catastrophes naturelles: le battement d’aile d’un papillon à Hawai peut provoquer un tsunami au Japon ou aux Philippines. Les théories de Thom trouvent surtout une application pratique pour observer et prévenir les effondrements boursiers : en effet, de petites variations peuvent déboucher sur une crise ou un krach de grande ampleur.

Corvus soulève donc la question sur le plan de la gestion des Etats voire du village-monde à l’heure de la globalisation: l’exemple de l’ouragan qui a provoqué fin août les inondations de la Nouvelle-Orléans prouve d’ores et déjà que le système américain ne peut gérer, de manière optimale, deux situations d’urgence à la fois : la guerre en Irak, qui mobilise fonds et énergies, et les inondations à l’embouchure du Mississippi (dont la domestication du bassin a été le projet premier de Franklin Delano Roosevelt, pour lequel il a mobilisé toutes les énergies de l’Amérique à l’ “ère des directeurs” —ces termes sont de James Burnham— et pour lequel il a déclenché les deux guerres mondiales afin de glaner les fonds suffisants, après élimination de ses concurrents commerciaux allemands et japonais, et de réaliser son objectif: celui d’organiser d’Est en Ouest le territoire encore hétéroclite des Etats-Unis). La catastrophe naturelle qui a frappé la Nouvelle-Orléans est, en ce sens, l’indice d’un ressac américain en Amérique du Nord même et, plus encore, la preuve d’une fragilité extrême des systèmes hyper-complexes quand ils sont soumis à des sollicitations multiples et simultanées. Nous allons voir que ce débat est bien présent aujourd’hui aux Etats-Unis.

Qu’adviendrait-il d’une France frappée au même moment par quatre ou cinq catastrophes ?

En France, en novembre 2005, les émeutes des banlieues ont démontré que le système-France pouvait gérer dans des délais convenables des émeutes dans une seule ville, mais non dans plusieurs villes à la fois. La France est donc fragile sur ce plan. Il suffit, pour lui faire une guerre indirecte, selon les nouvelles stratégies élaborées dans les états-majors américains, de provoquer des troubles dans quelques villes simultanément. L’objectif d’une telle opération pourrait être de paralyser le pays pendant un certain temps, de lui faire perdre quelques milliards d’euros dans la gestion de ces émeutes, milliards qui ne pourront plus être utilisés pour les projets spatiaux concurrents et européens, pour la modernisation de son armée et de son industrie militaire (la construction d’un porte-avions par exemple). Imaginons alors une France frappée simultanément par une épidémie de grippe (aviaire ou non) qui mobiliserait outrancièrement ses infrastructures hospitalières, par quelques explosions de banlieues comme en novembre 2005 qui mobiliserait toutes ses forces de police, par des tornades sur sa côte atlantique comme il y a quelques années et par une crise politique soudaine due au décès inopiné d’un grand personnage politique. Inutile d’épiloguer davantage : la France, dans sa configuration actuelle, est incapable de faire face, de manière cohérente et efficace, à une telle convergence de catastrophes.

L’histoire prouve également que l’Europe du 14ième siècle a subi justement une convergence de catastrophes semblable. La peste l’a ravagée et fait perdre un tiers de ses habitants de l’époque. Cette épidémie a été suivie d’une crise socio-religieuse endémique, avec révoltes et jacqueries successives en plusieurs points du continent. A cet effondrement démographique et social, s’est ajoutée l’invasion ottomane, partie du petit territoire contrôlé par le chef turc Othman, en face de Byzance, sur la rive orientale de la Mer de Marmara. Il a fallu un siècle —et peut-être davantage— pour que l’Europe s’en remette (et mal). Plus d’un siècle après la grande peste de 1348, l’Europe perd encore Constantinople en 1453, après avoir perdu la bataille de Varna en 1444. En 1477, les hordes ottomanes ravagent l’arrière-pays de Venise. Il faudra encore deux siècles pour arrêter la progression ottomane, après le siège raté de Vienne en 1683, et presque deux siècles supplémentaires pour voir le dernier soldat turc quitter l’Europe. L’Europe risque bel et bien de connaître une “période de troubles”, comme la Russie après Ivan le Terrible, de longueur imprévisible, aux effets dévastateurs tout aussi imprévisibles, avant l’arrivée d’un nouvel “empereur”, avant le retour du politique.

“Guerre longue” et “longue catastrophe”: le débat anglo-saxon

Replaçons maintenant la parution de “La convergence des catastrophes” de Guillaume Corvus dans le contexte général de la pensée stratégique actuelle, surtout celle qui anime les débats dans le monde anglo-saxon. Premier ouvrage intéressant à mentionner dans cette introduction est celui de Philip Bobbitt, “The Shield of Achilles. War, Peace and the Course of History” (Penguin, Harmondsworth, 2002-2003) où l’auteur explicite surtout la notion de “guerre longue”. Pour lui, elle s’étend de 1914 à la première offensive américaine contre l’Irak en 1990-91. L’actualité nous montre qu’il a trop limité son champ d’observation et d’investigation : la seconde attaque américaine contre l’Irak en 2003 montre que la première offensive n’était qu’une étape; ensuite, l’invasion de l’Afghanistan avait démontré, deux ans auparavant, que la “guerre longue” n’était pas limitée aux deux guerres mondiales et à la guerre froide, mais englobait aussi des conflits antérieurs comme les guerres anglo-russes par tribus afghanes interposées de 1839-1842, la guerre de Crimée, etc. Finalement, la notion de “guerre longue” finit par nous faire découvrir qu’aucune guerre ne se termine définitivement et que tous les conflits actuels sont in fine tributaires de guerres anciennes, remontant même à la protohistoire (Jared Diamonds, aux Etats-Unis, l’évoque dans ses travaux, citant notamment que la colonisation indonésienne des la Papouasie occidentale et la continuation d’une invasion austronésienne proto-historique; ce type de continuité ne s’observa pas seulement dans l’espace austral-asiatique).

Si l’on limite le champ d’observation aux guerres pour le pétrole, qui font rage plus que jamais aujourd’hui, la période étudiée par Bobbitt ne l’englobe pas tout à fait: en effet, les premières troupes britanniques débarquent à Koweit dès 1910; il conviendrait donc d’explorer plus attentivement le contexte international, immédiatement avant la première guerre mondiale. Comme l’actualité de ce mois de janvier 2006 le prouve : ce conflit pour le pétrole du Croissant Fertile n’est pas terminé. Anton Zischka, qui vivra centenaire, sera actif jusqu’au bout et fut l’une des sources d’inspiration majeures de Jean Thiriart, avait commencé sa très longue carrière d’écrivain journaliste en 1925, quand il avait 25 ans, en publiant un ouvrage, traduit en français chez Payot, sur “La guerre du pétrole”, une guerre qui se déroule sur plusieurs continents, car Zischka n’oubliait pas la Guerre du Chaco en Amérique du Sud (les tintinophiles se rappelleront de “L’oreille cassée”, où la guerre entre le San Theodoros fictif et son voisin, tout aussi fictif, est provoquée par le désir de pétroliers américains de s’emparer des nappes pétrolifières).

Aujourd’hui, à la suite du constat d’une “longue guerre”, posé par Bobbitt et, avant lui, par Zischka, l’auteur américain James Howard Kunstler, dans “La fin du pétrole. Le vrai défi du XXI° siècle” (Plon, 2005) reprend et réactualise une autre thématique, qui avait été chère à Zischka, celle du défi scientifique et énergétique que lancera immanquablement la raréfaction du pétrole dans les toutes prochaines décennies. Pour Zischka, les appareils scientifiques privés et étatiques auraient dû depuis longtemps se mobiliser pour répondre aux monopoles de tous ordres. Les savants, pour Zischka, devaient se mobiliser pour donner à leurs patries, à leurs aires civilisationnelles (Zischka est un européiste et non un nationaliste étroit), les outils nécessaires à assurer leurs autonomies technologique, alimentaire, énergétique, etc. C’est là une autre réponse à la question de Clausewitz et à la nécessité d’une bonne gestion du patrimoine naturel et culturel des peuples. Faye n’a jamais hésité à plaider pour la diversification énergétique ou pour une réhabilitation du nucléaire. Pour lui comme pour d’autres, bon nombre d’écologistes sont des agents des pétroliers US, qui entendent garder les états inclus dans l’américanosphère sous leur coupe exclusive. L’argument ne manque nullement de pertinence, d’autant plus que le pétrole est souvent plus polluant que le nucléaire. Pour Corvus, l’une des catastrophes majeures qui risque bel et bien de nous frapper bientôt, est une crise pétrolière d’une envergure inédite.

La fin du modèle urbanistique américain

Les arguments de Corvus, nous les retrouvons chez Kunstler, preuve une nouvelle fois que ce livre sur la convergence des catstrophes n’a rien de marginal comme tentent de le faire accroire certains “aggiornamentés” du canal historique de la vieille “nouvelle droite” (un petit coup de patte en passant, pour tenter de remettre les pendules à l’heure, même chez certains cas désespérés… ou pour réveiller les naïfs qui croient encore —ou seraient tentés de croire— à ces stratégies louvoyantes et infructueuses…). Kunstler prévoit après la “longue guerre”, théorisée par Bobbitt, ou après la longue guerre du pétrole, décrite dans ses premiers balbutiements par Zischka, une “longue catastrophe”. Notamment, il décrit, de manière fort imagée, en prévoyant des situations concrètes possibles, l’effondrement de l’urbanisme à l’américaine. Ces villes trop étendues ne survivraient pas en cas de disparition des approvisionnements de pétrole et, partant, de l’automobile individuelle. 80% des bâtiments modernes, explique Kunstler, ne peuvent survivre plus de vingt ans en bon état de fonctionnement. Les toitures planes sont recouvertes de revêtements éphémères à base de pétrole, qu’il faut sans cesse renouveler. Il est en outre impossible de chauffer et d’entretenir des super-marchés sans une abondance de pétrole. La disparition rapide ou graduelle du pétrole postule un réaménagement complet des villes, pour lequel rien n’a jamais été prévu, vu le mythe dominant du progrès éternel qui interdit de penser un ressac, un recul ou un effondrement. Les villes ne pourront plus être horizontales comme le veut l’urbanisme américain actuel. Elle devront à nouveau se verticaliser, mais avec des immeubles qui ne dépasseront jamais sept étages. Il faudra revenir à la maçonnerie traditionnelle et au bois de charpente. On imagine quels bouleversements cruels ce réaménagement apportera à des millions d’individus, qui risquent même de ne pas survivre à cette rude épreuve, comme le craint Corvus. Kunstler, comme Corvus, prévoit également l’effondrement de l’école obligatoire pour tous : l’école ne sera plus “pléthorique” comme elle l’est aujourd’hui, mais s’adressera à un nombre limité de jeunes, ce qui conduira à une amélioration de sa qualité, seul point positif dans la catastrophe imminente qui va nous frapper.

La “quatrième guerre mondiale” de Thierry Wolton

Pour ce qui concerne le défi islamique, que Faye a commenté dans le sens que vous savez, ce qui lui a valu quelques ennuis, un autre auteur, Thierry Wolton, bcbg, considéré comme “politiquement correct”, tire à son tour la sonnette d’alarme, mais en prenant des options pro-américaines à nos yeux inutiles et, pire, dépourvues de pertinence. Dans l’ouvrage de Wolton, intitulé “La quatrième guerre mondiale” (Grasset, 2005), l’auteur évoque l’atout premier du monde islamique, son “youth bulge”, sa “réserve démographique”. Ce trop-plein d’hommes jeunes et désoeuvrés, mal formés, prompts à adopter les pires poncifs religieux, est une réserve de soldats ou de kamikazes. Mais qui profiteront à qui? Aucune puissance islamique autonome n’existe vraiment. Les inimitiés traversent le monde musulman. Aucun Etat musulman ne peut à terme servir de fédérateur à une umma offensive, malgré les rodomontades et les vociférations. Seuls les Etats-Unis sont en mesure de se servir de cette masse démographique disponible pour avancer leurs pions dans cet espace qui va de l’Egypte à l’Inde et de l’Océan Indien à la limite de la taïga sibérienne. Certes, l’opération de fédérer cette masse territoriale et démographique sera ardue, connaîtra des ressacs, mais les Etats-Unis auront toujours, quelque part, dans ce vaste “Grand Moyen Orient”, les dizaines de milliers de soldats disponibles à armer pour des opérations dans le sens de leurs intérêts, au détriment de la Russie, de l’Europe, de la Chine ou de l’Inde. Avec la Turquie, jadis fournisseur principal de piétaille potentielle pour l’OTAN ou l’éphémère Pacte de Bagdad du temps de la Guerre froide dans les années 50, branle dans le manche actuellement. Les romans d’un jeune écrivain, Burak Turna, fascinent le public turc. Ils évoquent une guerre turque contre les Etats-Unis et contre l’UE (la pauvre….), suivie d’une alliance russo-turque qui écrasera les armées de l’UE et plantera le drapeau de cette alliance sur les grands édifices de Vienne, Berlin et Bruxelles. Ce remaniement est intéressant à observer : le puissant mouvement des loups gris, hostiles à l’adhésion turque à l’UE et en ce sens intéressant à suivre, semble opter pour les visions de Turna.

Dans ce contexte, mais sans mentionner Turna, Wolton montre que la présence factuelle du “youth bulge” conduit à la possibilité d’une “guerre perpétuelle”, donc “longue”, conforme à la notion de “jihad”. Nouvelle indice, après Bobbitt et Kunstler, que le pessimisme est tendance aujourd’hui, chez qui veut encore penser. La “guerre perpétuelle” n’est pas un problème en soi, nous l’affrontons depuis que les successeurs du Prophète Mohamet sont sortis de la péninsule arabique pour affronter les armées moribondes des empires byzantins et perses. Mais pour y faire face, il faut une autre idéologie, un autre mode de pensée, celui que l’essayiste et historien américain Robert Kaplan suggère à Washington de nos jours : une éthique païenne de la guerre, qu’il ne tire pas d’une sorte de new age à la sauce Tolkien, mais notamment d’une lecture attentive de l’historien grec antique Thucydide, premier observateur d’une “guerre longue” dans l’archipel hellénique et ses alentours. Kaplan nous exhorte également à relire Machiavel et Churchill. Pour Schmitt hier, comme pour Kaplan aujourd’hui, les discours normatifs et moralisants, figés et soustraits aux effervescences du réel, camouflent des intérêts bornés ou des affaiblissements qu’il faut soigner, guérir, de toute urgence.

L’infanticide différé

Revenons à la notion de “youth bulge”, condition démographique pour mener des guerres longues. Utiliser le sang des jeunes hommes apparait abominable, les sacrifier sur l’autel du dieu Mars semble une horreur sans nom à nos contemporains bercés par les illusions irénistes qu’on leur a serinées depuis deux ou trois décennies. En Europe, le sacrifice des jeunes générations masculines a été une pratique courante jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Ne nous voilons pas la face. Nous n’avons pas été plus “moraux” que les excités islamiques d’aujourd’hui et que ceux qui veulent profiter de leur fougue. La bataille de Waterloo, à quinze kilomètres d’ici, est une bataille d’adolescents fort jeunes, où l’on avait notamment fourré dans les uniformes d’une “Landwehr du Lünebourg” tous les pensionnaires des orphelinats du Hanovre, à partir de douze ans. La lecture des ouvrages remarquables du démographe français Gaston Bouthoul, autre maître à penser de Faye, nous renseigne sur la pratique romaine de l’”infanticide différé”. Rome, en armant ces légions, supprimait son excédent de garçons, non pas en les exposant sur les marges d’un temple ou en les abandonnant sur une colline, mais en différant dans le temps cette pratique courante dans les sociétés proto-historiques et antiques. Le jeune homme avait le droit à une enfance, à être nourri avant l’âge adulte, à condition de devenir plus tard soldat de dix-sept à trente-sept ans. Les survivants se mariaient et s’installaient sur les terres conquises par leurs camarades morts. L’empire ottoman reprendra cette pratique en armant le trop-plein démographique des peuples turcs d’Asie centrale et les garçons des territoires conquis dans les Balkans (les janissaires). La raison économique de cette pratique est la conquête de terres, l’élargissement de l’ager romanus et l’élimination des bouches inutiles. Le ressac démographique de l’Europe, où l’avortement remboursé a remplacé l’infanticide différé de Bouthoul, rend cette pratique impossible, mais au détriment de l’expansion territoriale. Le “youth bulge” islamique servira un nouveau janissariat turc, si les voeux de Turna s’exaucent, la jihad saoudienne ou un janissariat inversé au service de l’Amérique.

Que faire ?

L’énoncé de tous ces faits effrayants qui sont ante portas ne doit nullement conduire au pessimisme de l’action. Les réponses que peut encore apporter l’Europe dans un sursaut in extremis (dont elle a souvent été capable : les quelques escouades de paysans visigothiques des Cantabriques qui battent les Maures vainqueurs et arrêtent définitivement leur progression, amorçant par là la reconquista; les Spartiates des Thermopyles; les défenseurs de Vienne autour du Comte Starhemberg; les cent trente-cinq soldats anglais et gallois de Rorke’s Drift; etc.) sont les suivantes :

- Face au “youth bulge”, se doter une supériorité technologique comme aux temps de la proto-histoire avec la domestication du cheval et l’invention du char tracté; mais pour renouer avec cette tradition des “maîtres des chevaux”, il faut réhabiliter la discipline scolaire, surtout aux niveaux scientifiques et techniques.

- Se remémorer l’audace stratégique des Européens, mise en exergue par l’historien militaire américain Hanson dans “Why the West has always won”. Cela implique la connaissance des modèles anciens et modernes de cette audace impavide et la création d’une mythologie guerrière, “quiritaire”, basée sur des faits réels comme l’Illiade en était une.

- Rejeter l’idéologie dominante actuelle, créer un “soft power” européen voire euro-sibérien (Nye), brocarder l’ “émotionalisme” médiatique, combattre l’amnésie historique, mettre un terme à ce qu’a dénoncé Philippe Muray dans “Festivus festivus” (Fayard, 2005), et, antérieurement, dans “Désaccord parfait” (coll. “Tel”, Gallimard), soit l’idéologie festive, sous toutes ses formes, dans toute sa nocivité, cette idéologie festive qui domine nos médias, se campe comme l’idéal définitif de l’humanité, se crispe sur ses positions et déchaîne une nouvelle inquisition (dont Faye et Brigitte Bardot ont été les victimes).

C’est un travail énorme. C’est le travail métapolitique. C’est le travail que nous avons choisi de faire. C’est le travail pour lequel Guillaume Faye, qui va maintenant prendre la parole, a consacré toute sa vie. A vous de reprendre le flambeau. Nous ne serons écrasés par les catastrophes et par nos ennemis que si nous laissons tomber les bras, si nous laissons s’assoupir nos cerveaux.

vendredi, 29 janvier 2010

Le réveil américain des identités

evo-morales-300x300.jpgLe réveil américain des identités

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com/

Enracinement et multiculturalisme

La réélection triomphale d’Evo Morales à la présidence de la Bolivie, début décembre 2009, n’a que vaguement attiré l’attention des médias français surtout préoccupés par l’état de santé d’un chanteur hospitalisé en Californie. Quelle erreur ! car ce nouveau succès électoral pour Morales, s’accompagnant d’une majorité absolue au Parlement, inaugure un changement profond dans la vie institutionnelle de la Bolivie, surtout qu’entre en vigueur la nouvelle constitution, entérinée en janvier 2009 par référendum, qui fait de l’État une République plurinationale avec des autonomies régionales, départementales, municipales et communautaires (ou indigènes). Cette transformation radicale marque particulièrement l’aboutissement d’un long processus revendicatif commencé à l’orée des années 1960 sur l’ensemble du continent : le retour des Indiens d’Amérique.

Ce réveil est fort bien étudié par Yvon Le Bot dans La grande révolte indienne. Mêlant sociologie, sciences politiques, histoire, philosophie politique, ethnologie et géographie, il relate les heurs et malheurs des mouvements d’affirmation identitaire amérindiens tant en Californie qu’au Chili, au Mexique qu’au Pérou. Une fois le livre refermé, on arrive à se demander si les autres manières de désigner l’Amérique centrale et du Sud telles que « Amérique romane », « Amérique ibérique » ou « Amérique latine » demeurent toujours bien pertinentes. En effet, « les mouvements indiens ont contribué à modifier l’image d’une Amérique qui n’est plus uniformément latine, où le modèle de l’État-nation homogène s’est affaibli, la société civile s’est affirmée, les acteurs ont acquis plus d’autonomie, en même temps que se creusaient les inégalités et que des pans entiers de ces pays glissaient dans les flux et les réseaux globalisés ».

En suivant l’auteur dans ses enquêtes sur le terrain, on apprend que les mouvements indiens ont commencé à défendre leurs cultures menacées, puis à se lancer, parfois, en politique (Équateur, Pérou, Bolivie, Mexique avec les zapatistes du fameux sous-commandant Marcos).

Yvon Le Bot évoque, il va de soi, l’influence du président vénézuélien Chavez, mais il en relativise la portée. « Hugo Chavez assaisonne sa “ révolution bolivarienne ” d’innovations d’un passé indien alors même que Bolivar défendait des positions jacobines hostiles à la diversité culturelle (1). » Le réveil indien ne se conçoit d’ailleurs pas comme un « retour à la tradition, [un] revival précolombien ou [un] néo-indianisme new age ». Les luttes indigènes « visent à l’intégration des Indiens dans la nation sur un pied d’égalité, sans qu’ils aient à renoncer à leur identité. […] Elles mettent en cause, en revanche, les modèles verticaux et étatistes et participent à l’émergence d’une société civile et d’une culture politique qui ne gravite plus de manière aussi exclusive autour de l’État et des partis, qui se reconstruit dans les rapports entre la société et le pouvoir. Elles tissent des réseaux en deça et au-delà des institutions de l’État- nation ». Bref, par leur action, « les luttes indiennes dessinent-elles des orientations culturelles, sociales et politiques différentes de celles qui se sont imposées depuis la Renaissance et la Découverte, Descartes et le traité de Westphalie ? Ouvrent-elles la voie à des recompositions ? »

S’affranchir de l’assimilation

Judicieux questionnements, d’autant que l’auteur rappelle que si ce phénomène ne se veut jamais exclusif et « ethniciste », sauf pour l’ethnocacérisme péruvien des frères Humala et le Mouvement indien Pachakuti (M.I.P.) de Felipe Quispe en Bolivie. Ce réveil s’oppose principalement aux politiques étatiques nationales-populaires mises en œuvre d’intégration des minorités via une économie protégée, de substitution des importations, d’industrialisation, de réformes agraires et d’extension des infrastructures et des services publics d’enseignement et de santé. On oublie trop souvent qu’avant de pâtir d’une décennie au moins de régimes militaires néo-libéraux et atlantistes, l’Amérique du Sud se caractérisa par de singulières expériences nationales-révolutionnaires (2). C’est d’ailleurs dans cette continuité que s’inscrit le président Chavez dont « la politique […], précise Yvon Le Bot, est plus d’intégration par assimilation que de promotion de la différence » alors que la quasi-totalité des forces autochtones en recherchent le dépassement qu’elles axent vers un « multiculturalisme tempéré ». « De nombreuses organisations indiennes se sont efforcées de faire reconnaître le caractère multiculturel, pluri-ethnique, voire plurinational, des sociétés et des États nationaux et d’inscrire cette réalité dans les institutions. » On aura compris que le multiculturalisme ici mentionné n’a aucun rapport avec celui que vante la société globale occidentale.

Les mouvements amérindiens contestent le modèle, hérité des Lumières, de l’État-nation. Leur démarche se veut identitaire et communautaire. Elle puise dans « le territoire [qui] est, avec la langue vernaculaire, l’une des principales composantes de cette identité. Pour un paysan, la terre n’est jamais seulement un moyen de production. Cela est particulièrement vrai pour les Indiens. Qu’il s’agisse de groupes amazoniens vivant de l’horticulture, de la cueillette, de la chasse et de la pêche ou de paysans indiens des Andes ou de Mésoamérique, le territoire et l’environnement sont des éléments essentiels de la représentation du monde, de la communauté et de soi. Les Andins l’exprimèrent dans le culte de la Pachamama (Terre Mère). Tout au long du XXe siècle, cette dimension avait été bannie par les mouvements populistes qui prônaient le métissage et l’effacement de la différence indienne, par les réformes agraires et les mouvements paysans visant l’intégration et la modernisation. Elle était combattue également par les organisations d’inspiration marxiste qui s’efforçaient de faire entrer les Indiens dans le schéma de la lutte des classes, fondé sur le développement des forces productives et sur les rapports sociaux de production (3). » Ne serait-ce pas les timides esquisses d’une « troisième voie » continentale ?

Prolongement révolutionnaire-national ou avancée identitaire ?

Yvon Le Bot ajoute que « dans certains cas, […] le multiculturalisme tempéré et le national-populisme identitaire ont contribué à élargir le champ démocratique, le premier en l’étendant aux droits culturels, le second en promouvant la participation sociale et politique des Indiens. Une troisième orientation, différente des précédentes, vise à changer la société et la culture politique depuis le bas, sans prendre le pouvoir. La figure emblématique en est le zapatisme ». Les modalités d’action et d’intervention varient donc suivant les circonstances, la période et le lieu. En Bolivie par exemple, le politologue Hervé Do Alto explique qu’« on assiste à un véritable bouleversement de la société bolivienne. Mais plus qu’un projet révolutionnaire, c’est un processus nationaliste qui place en son cœur les paysans et les indigènes (4) ».

Pour sa part, l’auteur constate que « naguère, l’idée que les mouvements indiens mettent en danger la cohésion nationale était formulée principalement par les défenseurs de la souveraineté de l’État-nation. […] Aujourd’hui ce sont plutôt les mouvements indiens qui défendent la nation face au marché globalisé, contre les logiques de fragmentation et de désarticulation portées par les groupes économiques dominants. En Bolivie, ils soutiennent Morales contre les secteurs autonomistes animés par le patronat de Santa Cruz ».

Hormis par conséquent l’ethnocacérisme et le M.I.P. qui « prépare le rétablissement de l’empire inca du Tawantinsuyu; le Qollasuyu, qui correspond grosso modo à l’actuelle Bolivie andine, en est l’une des quatre parties. Le Manifeste de Jach’ak’achi, charte du mouvement, prône l’autodétermination, l’autonomie territoriale, la reconnaissance de l’identité culturelle et religieuse dans la perspective » d’un État séparé et ethnocentré, Yvon Le Bot avance qu’« aucun indianisme radical, du type de l’islamisme politique ou d’un quelconque nationalisme à base ethnique ou religieux, n’a prospéré dans la région. Ce qui n’exclut ni les conduites communautaristes exacerbées comme celles des Chamulas traditionalistes au Chiapas, ni l’engouement des Indiens pour des intégrismes religieux, pentecôtistes ou autres (il existe même, au Mexique, des groupes indiens islamistes !) (5) ». Mieux, on a l’impression à la lecture de l’essai que les mouvements indiens semblent s’être parfaitement adaptés à l’hypermodernité, à la liquidité et aux fluctuations de notre ère. Ils « s’inscrivent effectivement dans la globalisation, mais à partir des conflits et des orientations culturelles qu’ils construisent ». Il s’en suit une perception d’« identités locales, régionales, nationales et transnationales [qui] s’empilent, s’emboîtent sur le modèle des poupées russes ou forment des cercles concentriques et mouvants », d’où des contentieux en gestation. Le journaliste Paulo A. Paranagua rapporte les dissensions actuelles entre les Indiens de Tinguipaya (département de Potosi) et le gouvernement bolivien. « Nous voulons conserver nos us et coutumes, mettre en valeur notre tradition indigène et notre territoire, déclare le chef traditionnel Pedro Tabonda, tandis que le gouvernement prône la syndicalisation des paysans et méconnaît nos autorités » (6).

Maintien de l’État ou renaissance des communautés ?

Avec la victoire d’Evo Morales en décembre 2005, pour la première fois, un mouvement indien prenait la direction d’un État. Certes, d’autres avaient déjà participé à des coalitions gouvernementales comme le Mouvement Pachakutik en Équateur ou contribué à la lutte armée (l’Armée zapatiste de libération nationale au Mexique ou le Quintin Lame colombien) (7), mais aucun n’avait eu jusque-là la charge écrasante de diriger une entité étatique, la Bolivie en l’occurrence, comme il revient au Mouvement vers le socialisme (M.A.S.).

Outre une histoire politique et géographique mouvementé (8), l’originalité de l’exemple bolivien vient aussi que l’actuel parti au pouvoir, le M.A.S., est « plus qu’un parti, […] un conglomérat ou au mieux une fédération d’organisations sociales. […] Plus qu’un parti, [il] se veut l’instrument politique de rassemblement des mouvements sociaux ». C’est en cela que Hervé Do Alto estime que Morales est l’héritier du M.N.R. et de la révolution de 1952. Le M.A.S. est d’ailleurs « plus populiste que socialiste, insiste Yvon Le Bot. Il combine thèmes populistes et thèmes identitaires. Il mobilise de larges couches de la population, indiennes ou métisses, imprégnées de culture et de valeurs andines ».

Par La grande révolte indienne, tout en examinant un sujet spécifique, Yvon Le Bot aborde des questions qui nous concernent tout autant dans une perspective postmoderne et non relativiste. « Comment concilier l’égalité et la différence, l’universel et le particulier ? Comment s’articulent les mouvements sociaux et les mouvements culturels ? Les affirmations identitaires sont-elles nécessairement porteuses de violence ? Quelles relations s’établissent entre communauté et modernité ? Que deviennent les identités et l’action collective à l’ère de la globalisation et des migrations transnationales massives ? » Intéressantes problématiques pour la réflexion des prochaines années…

Des Européens persistent encore à voir dans l’Amérique du Sud un « Extrême-Occident ». L’ouvrage d’Yvon le Bot démontre avec brio qu’il serait temps d’abandonner cette vision convenue et de découvrir que « mouvements identitaires et politiques multiculturelles ont fait que l’Amérique latine n’apparaît plus comme simplement “ latine ”, mais aussi indienne, noire… » Assisterions-nous donc aux prémices d’une nouvelle civilisation ?

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Rappelons que Simon Bolivar (1783 – 1830) était un enfant des Lumières triomphantes et que son dessein de maintenir les anciennes colonies espagnoles d’Amérique en une très Grande Colombie s’apparentait au projet continental de son modèle : Napoléon Ier.

2 : À part les cas brésilien et argentin avec Vargas et Peron, l’Amérique du Sud connut trois autres expériences originales. Créé en 1943 par des vétérans boliviens de la Guerre du Chaco (1932 – 1935), le Mouvement nationaliste révolutionnaire (M.N.R.) fomente en avril 1952 une révolution nationale soutenue par les mineurs, les paysans et les classes moyennes contre l’oligarchie en place. Le gouvernement national-révolutionnaire de Victor Paz Estensoro accorde le suffrage universel, fait une réforme agraire, autorise les communautés indiennes à reprendre les terres usurpées, légalise les syndicats et nationalise les trois grandes compagnies minières. Entre 1968 et 1975, le régime nationaliste, corporatiste et progressiste du général Juan Velasco Alvarado dirige le Pérou. De 1972 à 1976, l’Équateur vit avec une junte de militaires nassériens présidée par le général Guillermo Rodriguez Lara. Promoteurs d’un programme « nationaliste, militaire et révolutionnaire », ces officiers, aussi influencés par le phalangisme, s’opposent aux compagnies pétrolières. Juan Velasco Alvarado et son expérience nationaliste sont des références revendiquées et assumées par Hugo Chavez.

3 : On ignore trop souvent en Europe que les jeunes républiques sud-américaines menèrent des politiques d’indifférenciation ethno-culturelle bien souvent reprises par l’ensemble des partis, y compris les plus radicaux. Ainsi, l’intégralisme brésilien – qu’on assimile un peu trop vite à une forme locale de fascisme – célébrait le passé indien du Brésil et encourageait la naissance d’une race brésilienne issue du métissage des différents groupes ethniques présents dans le pays. Pour plus de détails, voir Hélgio Trindade, La tentation fasciste au Brésil dans les années trente, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1988.

4 : in Libération, 5 et 6 décembre 2009.

5 : Yvon Le Bot semble surpris par l’existence d’un islam amérindien. On pourrait y voir une influence de Frithjof Schuon et de sa confrérie soufie hétérodoxe installée aux États-Unis. En fait, même si les conversions restent très minoritaires, de nombreux Mexicains, Indiens, Latinos ou Chicanos, rejoignent l’islam après avoir découvert que l’Ibérie fut l’Al-Andalus pendant au moins sept siècles. Sur ce phénomène, cf. Frédéric Faux, « Les Indiens Chamulas déracinés séduits par l’islam », Le Figaro, 2 janvier 2006.

Ajoutons par ailleurs que l’Amérique du Sud accueille depuis la fin du XIXe siècle des communautés venues du Proche-Orient qui sont appelées « Turcos ». Certains de leurs descendants sont parvenus à la présidence de l’Argentine (Carlos Menem) et de l’Équateur (Abdala Bucaram et Jamil Mahuad Witt). L’un de ces enfants de « Turcos » était le colonel patriote argentin Mohamed Ali Seineldin (1933 – 2009) dont on lira le bel hommage nécrologique de Christian Bouchet, « Seineldin, ce catholique qui se prénommait Mohamed Ali », 23 octobre 2009, sur le site Vox N.R. (http://www.voxnr.com/cc/etranger/EkVyFEpFFukjYmGlgM.shtml).

6 : in Le Monde, 6 et 7 décembre 2009.

7 : Dans le cadre d’un État colombien déliquescent et en prise avec diverses guérillas telles que les marxistes des F.A.R.C. (Forces armées révolutionnaires de Colombie), les guévaristes de l’E.L.N. (Armée de libération nationale), les maoïstes de l’E.P.L. (Armée populaire de libération), les narcotrafiquants et les paramilitaires, une association indienne, le Conseil régional indigène de Cauca, fondée dans les années 1960, crée et organise sa propre force d’autodéfense, le Quintin Lame (Q.L.) ainsi baptisé en mémoire de Manuel Quintin Lame qui œuvra en faveur de la cause autochtone au début du XXe siècle. Bien que suscité et encadré par des Indiens, le Q.L. avait un Noir pour principal chef militaire. Allié aux guérilleros du M.19, un mouvement de gauche nationaliste, il participe en 1986 à une ébauche de guérilla continentale d’inspiration bolivarienne, Batallon America. Le Q.L. qui ne pratiqua jamais le terrorisme se dissout en 1991.

8 : Il faut garder à l’esprit que le Bolivie est le pays qui a connu depuis son indépendance en 1825, le plus grand nombre de coups d’État et de révolutions au monde. Par ailleurs, entre 1825 et 1940, le territoire bolivien s’est rétréci de 2 340 000 km2 à 1 090 000 km2 au profit du Brésil, du Paraguay et du Chili. L’annexion de la province océanique d’Antofagasta par le Chili demeure encore un traumatisme vivace si bien que La Paz persiste à maintenir une marine pour un pays sans littoraux !

• Yvon Le Bot, La grande révolte indienne, Robert Laffont, coll. « Le monde comme il va », 2009, 364 p., 21 €.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=929

mardi, 19 janvier 2010

Le site des Archives "Guillaume Faye"

cropped-cropped-cimg01990.jpg

Le site des Archives

"Guillaume Faye"

En dépit des trahisons successives que Guillaume Faye a subies de la part de son milieu néo-droitiste originel, bon nombre de ses amis ne l'abandonnent pas. Pour aider le monde entier à connaître une pensée forte, dérangeante, parfois abrupte, ils ont monté, depuis Lisbonne, un site en huit langues (français, allemand, anglais, néerlandais, suédois, portugais, italien et espagnol)

http://guillaumefayearchive.wordpress.com/

Au sommaire de ce blog déjà solidement étoffé:

El vacio intelectual (esp.)

Contro il tradizionalismo (it.)

La leçon de Carl Schmitt (avec Robert Steuckers)

Le socle des civilisations est d'abord anthropo-biologique

Le vol de la chouette de Minerve

Que e Coruja de Minerval evante voo! (port.)

Euro-Russie: bases concrètes d'une future confédération impériale!

Fran skymning till gryning (sv.)

Folkens rätt? (sv.)

Le traditionalisme, voilà l'ennemi!

Elf clichés omtrent immigratie (nl.)

lundi, 18 janvier 2010

Vision d'Europe

Europa.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

Vision d'Europe

 

par Robert Steuckers

 

En vrac et dans le désordre, quelques réflexions parmi les milliers de réflexions que l'on pourrait poser sur le devenir de notre continent, à la veille de l'échéance 2000. Que le lecteur, surtout le lecteur-étudiant, puisse trouver dans ces lignes des pistes fécondes pour ses recherches à venir. ce texte n'a pas d'autre ambition.

 

Nous n'avons jamais fait mystère de notre vision de l'Europe: à l'époque du combat pacifiste, qui mobilisa des foules considérables en Allemagne et en Belgique (beaucoup moins en France), nous op­posions une vision de l'«Europe Totale», héritée des propositions formulées par Pierre Harmel et Jan Adriaenssens dans les années 60 et 70 (1), à celle, hémiplégique et mutilée, de l'Europe occidentale, limitée au territoire des pays inféodés à l'OTAN ou adhérant à la CEE. L'Europe n'est pas l'Occident et ne saurait être réduite à sa seule portion occidentale. En publiant ce dossier, nous continuons donc à réclamer l'avènement d'une “Europe Totale”, parce que l'affaire des missiles, les discussions stratégiques des années 1980-85, nous ont démontré que l'Europe ne faisait plus qu'un seul espace stratégique, qu'une conflagration universelle sur son territoire signifierait sa mort définitive, la transformation en son et lumière de tous ses habitants. A terme, ce constat devra conduire à un consensus général, grand-continental, sur la sanctuarisation de l'Europe, soit de tous les Etats européens jadis engagés dans un camp ou un autre de la guerre froide. Gorbatchev, en dépit de ce que les Russes peuvent lui reprocher aujourd'hui, notamment l'effondrement de l'Etat, l'intrusion de la mafia dans la vie sociale moscovite et pétersbourgeoise et l'inflation provoquée par le libéralisme échevelé de Gaidar, conservera le mérite d'avoir suggéré l'idée d'une «maison commune européenne», regroupant tous les Etats européens et (ex)-soviétiques d'Europe et d'Asie. Cette idée de «maison commune» est issue directement du pacifisme/neutralisme du début des années 80, quand les observateurs raisonnables de la scène internationale ont dû constater que la logique binaire et conflictuelle de la guerre froide ne pouvait déboucher que sur l'annihilation totale de la civilisation dans l'hémisphère nord. Si nous n'acceptons pas le libéralisme de Gorbatchev, si nous jugeons qu'il a trop précipité les choses en politique intérieure et provoqué ainsi involontairement une misère sociale qui ne peut conduire à rien de bon, nous retenons sa vision d'une «maison commune» et nous lui demeurons reconnaissant d'avoir permis la réunification allemande et européenne.

 

Notre héritage “pacifiste”

 

Sur le plan culturel, l'Europe ne peut pas s'épanouir si elle n'est qu'un rimland  industrieux, réduit aux dimensions d'un comptoir littoral quelque peu élargi, ou si elle est un camp retranché, une frange territoriale transformée en bastion assiégé recevant ses ordres d'un poste de comman­dement étranger, extra-continental et transocéanique de surcroît. Dès les premiers numéros de Vouloir,  nous avons résolument com­battu cette vision occidentaliste de l'Europe, en essuyant régulière­ment le reproche d'être des «crypto-communistes», parce que nous refusions de considérer les Slaves occidentaux, les Prussiens et les Saxons, les Hongrois, les Roumains, les Baltes et les Russes comme des barbares absolus dont il fallait viser l'anéantissement. Aujourd'hui, parce que nous efforçons de comprendre les aspira­tions à l'identité de ces peuples;

parce que nous refusons de condamner avec hauteur et arrogance les effervescences à l'œuvre dans ces pays, même si nous déplorons bavures, excès et victimes innocentes;

parce que nous comprenons qu'ils ne souhaitent pas se noyer définitivement dans le modèle libéral et panmixiste, dans la bouillabaise sordide que nous mitonne une mi­norité de financiers et d'animateurs médiatiques stipendiés, nous serions des «fascistes» ou des «néo-nazis». Pour d'anciens «crypto-communistes», “pacifistes” (nous étions plutôt neutralistes à la mode helvétique) et “écoloïdes”, ce serait là une bien étonnante mutation, mais pourquoi, au fond, devrions-nous nous étonner d'entendre d'aussi tristes discours chez des individus qui font abstrac­tion des grandes lignes de faîte de la philosophie post-médiévale, surtout quand elle donne la priorité à la vie et au vécu,

qui refusent de prendre en compte la multiplicité culturelle de la planète parce que leur infériorité existentielle, leur ressentiment de mandarins reclus, leur fait préférer les schémas simplistes ou monolithiques,

qui se proclament universalistes mais sont incapables de saisir l'universalité automatique de toutes ces formes particulières qui générent de la culture.

Ces personnages lassants réduisent toute position, toute réflexion, toute création culturelle, tous les legs de l'histoire et de la pensée, à des slogans manichéens, des étiquettes binaires, du prêt-à-penser répétitif et monotone; ils se livrent à l'envi à des bricolages et des peinturlurages insipides et abracadabrants. Une activité qui tourne à la marotte. On demande un psychiatre dans la salle. La nouvelle ergothérapie des para­noïaques, serait-elle la confection d'étiquettes?

 

Ces quelques remarques faites, nous nous inscrivons dans une tradition européenne, pré­sente à «gauche» comme à «droite» qui refuse la Westbindung, l'ancrage à l'Ouest, qui n'accepte pas que le continent européen soit lié définitivement à l'Amérique. De 1945 à la réorientation du gaul­lisme dans les années 60, cette option se situait résolument à gauche: chez les adversaires d'Adenauer en Allemagne, chez les sociaux-démocrates de Schumacher, chez certains communistes, existentia­listes et personnalistes français, chez les neutralistes, chez Jakob Kaiser, Gustav Heinemann, Thomas Dehler, Paul Sethe, etc. (2). Après la rupture entre De Gaulle et l'OTAN, quand la France s'est opposée aux «empires» (3), cette option s'est déplacée graduellement vers le centre-droit. En Belgique, outre les suggestions officielles de Harmel et Adriaenssens, elle s'est manifestée dans une petite phalange ultra-activiste, «Jeune Europe» dirigée par Jean Thiriart, classée à l'«extrême-droite» parce qu'elle n'a pas pu se distancier à temps de son aile anti-communiste, donc occidentaliste (4). Puis, avec la «Nouvelle Droite», elle a glissé vers une droite non politique, fortement dépolitisée à la suite d'échecs successifs, une droite à la fois plus intellectuelle et plus radicale (“radicale” au sens d'“aller aux racines des choses”) (5).

 

C'est là qu'il faut trouver l'origine de notre intérêt pour ce mouve­ment: mais, avec le départ de l'un de ses plus brillants animateurs, Guillaume Faye (qui malheureusement tournera mal à son tour et embrassera une carrière de clown où domine surtout le mauvais goût), ce groupe d'études ne s'est plus intéressé aux mécanismes du poli­tique, ni aux fluctuations de la politique internationale, pour som­brer, notamment avec Alain de Benoist et les défenseurs juvéniles de son ultime redoute parisienne, dans la glu d'un esthétisme bouffon où surnagent un sexualisme idiot voire ordurier, propre aux adolescents inquiets ou aux vieillards libidineux (Matzneff, etc.), un sectarisme cultuel néo-païen qui provoque le rire ou la commisération chez toute personne sérieuse et une spéculation éthique totalement stérile, où l'on va jusqu'à énoncer 25 principes de morale (pourquoi 25?) (6), alors que, par ailleurs, on s'oppose, comme Nietzsche, à toutes les formes de la morale, qui, quand elles se figent, deviennent nécessairement pathologiques...

 

Cet enlisement est la cause de notre rupture avec ce milieu qui ne peut plus rien apporter de constructif à notre combat continenta­liste, à notre volonté de nous arracher aux séductions de l'«hémisphère occidental», toute simplement parce qu'un tel combat est “planétaire”, purement politique, essentiellement politique, vise un nomos de la Terre auréolé de sacré et ne peut en aucun cas dé­choir en s'apesantissant inlassablement sur des trivialités aussi vul­gaires, aussi basses, que les minables problèmes de zizi d'un vieil écri­vain russo-parisien, ou sur les ébats de prolos bedonnants et tatoués, filmés par “Laetitia” (7), ou sur les âneries du festival de Cannes. En juxtaposant ces débilités  —qui nous “soulèvent le cœur”, pour re­prendre une des expressions favorites du «Gourou» de la secte néo-droitiste—   à d'autres affirmations, plus concrètes, plus politiques ou plus philosophiques, plus proches de l'essentiel, on discrédite auto­matiquement ces dernières. Nous n'avons plus aucun rôle à jouer dans ce cirque. Non possumus...

 

Chercher des alliés

 

Dans l'espace linguistique francophone, nous cherchons donc des al­liés sérieux et non plus d'agaçants lycéens attardés, aujourd'hui quinquagénaires et flanqués de vélites d'une niaiserie époustou­flante, pour épauler un combat qui continue à grande échelle en Allemagne, en Autriche, dans tous les pays d'Europe centrale et en Russie. De la gauche à la droite, des ex-commu­nistes aux nationalistes, des conserva­teurs aux personnalités reli­gieuses, les adversaires de la Westbindung  poursuivent avec un acharne­ment opiniâtre leur combat contre l'importation des modes et des méthodes transatlantiques. Parce que les restes de la ND, après le départ de Faye vers l'impasse où il se trouve et ne ressortira jamais, ne va­lent plus le détour, nous, adversaires de la Westbindung  au-delà des frontières septentrionales et orien­tales de la France, cherchons des alliés dans toutes les régions françaises, pour accrocher leur combat au nôtre, qui est continental et non plus provincial, et les appuyer par notre presse et nos réseaux édito­riaux, des plus modestes aux plus puissants. Je ne suis pas le seul à lancer cet appel: un grand spécia­liste des échanges franco-allemands, Ingo Kolboom, a formulé un désir comparable dans les colonnes de la très officielle revue Europa Archiv. Zeitschrift für internationale Politik  (8), éditée par la société alle­mande de politique étrangère. Kolboom constate, dans cet article destiné aux diplomates et aux hauts fonctionnaires, que la France s'américanise intérieurement tout en demandant officiellement l'“exception culturelle”, sans être suivie avec enthousiasme par ses partenaires européens. Et, paradoxalement, ceux qui, en Allemagne, seraient prêts à soutenir la France dans sa volonté d'imposer l'“exception cultu­relle” sont ceux qui envisagent une orientation vers l'Est du dynamisme allemand, qui partagent une «vision continentale/eurocentrique» et non atlantique de l'Europe. Or ces cercles et ces penseurs sont décriés à Paris comme les représentants d'une “dérive allemande” qualifiée de “néo-nationaliste”. L'idéal pour nous: coupler la défense de l'“exception culturelle” à l'eurocentrage et à l'approfondissement des liens entre Européens de l'Ouest et Européens de l'Est, même si l'Allemagne doit jouer un rôle prépondé­rant dans cette synergie. Kolboom déplore ensuite que les grandes forces politiques, essentiellement les démocrates-chrétiens et les socialistes, ne parviennent pas à créer une véritablement osmose intellec­tuelle entre leurs représentants français et leurs représentants allemands. Cette lacune risque de con­duire, tôt ou tard, à un repli sur soi petit-nationaliste, au moment même où l'Etat national s'efface devant les instances européennes. Kolboom réclame des “démultiplicateurs”, des intellectuels capables de sus­citer des synergies fécondes, de faire école, de former une élite et de lui transmettre le flambeau: projet séduisant, projet nécessaire, mais qui ne pourra jamais être réalisé par le personnel socialiste ou démo­crate-chrétien. Cette tâche, d'autres devront la parfaire, sur d'autres bases. Nous sommes volontaires...

 

Enfin, notre option anti-occidentale est aussi une option anti-libé­rale, soit une option qui rejette la logique purement marchande, laquelle conduit à négliger totalement les secteurs de la culture (patrimoine, or­chestres nationaux, théâtres, opéras classiques,...), de l'enseignement (effondrement de l'école), de la recherche de pointe. Nous ne sommes pas opposés au libéralisme pour des motivations idéologiques, comme la volonté de promouvoir une société rigoureusement égalitarisée, mais essentiellement pour des motivations pratiques, comme l'épanouissement sans discrimination de tous les talents, car un tel épa­nouissement, soutenu sans discontinuité par une attention et un souci culturel constants, conduit à la puissance poli­tique.

 

Le défaut de la ND, qui a parfois déteint sur nous quand nous sommes restés trop près d'elle après le départ de Faye, ç'a été de vouloir “faire rien que du culturel”, toujours au nom d'un “gramscisme de droite”, sans autre fin que de gloser dans le vide, de plon­ger dans le solipsisme ou de vanter les mérites de la «littérature dégagée» par rapport à la littérature engagée (en rangeant Jean Cau parmi les “dégagés”, ce qui est un comble!). Cela ne peut plus être considéré comme du gramscisme, car l'action culturelle dans le cadre marxiste du gramscisme vise à affaiblir le discours d'un adversaire au pou­voir pour que l'on puisse faire passer dans les faits un projet pratique dès que cet adversaire (en l'occurrence l'ennemi de classe) baissera la garde sur le terrain électo­ral ou parle­mentaire, ou si, par faiblesse intrinsèque, il cède devant une avant-garde révolutionnaire ou quiritaire qui prend le pou­voir par violence. Tout combat culturel ou métapolitique gramsciste vise la puissance, le pouvoir, non pas une puissance ou un pouvoir dominateur et/ou coercitif, mais une puissance généreuse, donatrice, une puissance féconde que les philosophes d'entre nous pourront comparer à l'Un des néo-platoniciens.

 

Pour la fraternité

 

Nous sommes anti-libéraux parce que nous sommes pour la fraternité et la solidarité, vertus républicaines que la République n'a jamais su incarner dans les faits. La fraternité nationale, que Slaves et Germains ressentent mieux que les peuples romans, per­met  ou permettrait à terme un organicisme spontané, où les individus abandonn(erai)ent volon­tiers leurs intérêts pour le bénéfice d'un projet collectif, pour doter leur peuple et leurs enfants d'un appareil scolaire et universitaire, pour protéger le patrimoine menacé. Une forte charpente éducative et un patrimoine intact sont les garants d'une cohésion et d'une stabilité fortifiantes, sont source de puissance et de durée. Mais cette charpente doit être adaptable à la multipli­cité des contextes en Grande Europe, être à géométrie variable et non pas monolithique.

 

Dans notre vision anti-libérale de l'Europe, la fraternité sera donc la vertu cardinale, qui impliquera un projet social visant une redistri­bution non démagogique; celle-ci s'orientera en priorité vers la culture, l'enseignement et la recherche, trois secteurs qui, à moyen terme, permettront, parce qu'ils sont féconds et portés par l'enthousiasme, la fantaisie, l'imagination, la vis sciendi, de dégager suffisamment de ri­chesses pour consolider le volet social de notre projet de société européen qui doit accompagner notre projet de remaniement géopolitique du continent.

 

Comprendre l'orthodoxie

 

Mais l'Europe n'est pas que la CEE + la Scandinavie + les trois Etats du «Groupe de Visegrad» + l'Autriche + les autres Etats à majorité catholique. L'Europe, dans son histoire, a certes été très marquée par la cassure entre Rome et Byzance, entre la catholicité et l'orthodoxie mais nous ne saurions construire une nouvelle Europe sans tenir compte des réflexes orthodoxes (9), c'est-à-dire de ré­flexes non affectés par les multiples linéaments d'individualisme qui se sont abattus sur l'Europe occidentale au fil des siècles, qui ont trouvé leur paroxysme aux Etats-Unis. Aucune des idéologies en place actuellement en Occident n'est capable de comprendre les ré­flexes orthodoxes, parce que toutes sont prisonnières des supersti­tions modernes. Le dialogue entre les peuples de l'Ouest de l'Europe et ceux de la culture orthodoxe ne passera que par des forces poli­tiques animées par des idées qui transcenderont ces superstitions mo­dernes, qui les refouleront hors du débat politique, qui éradi­queront définitivement les scories et les allu­vions qu'elles ont lais­sés dans nos cerveaux comme autant de bavures et de souillures. Ce dépassement est une nécessité géopolitique. Il ne s'agit pas pour nous de faire du zèle de converti. De s'engouer pour l'orthodoxie, telle qu'elle est, telle qu'elle s'est peut-être figée dans ses rites, telle qu'elle s'est sans doute bigotisée. Il s'agit d'aller au-delà de ses formes figées, au-delà même du contenu proprement cultuel ou théologique, pour trouver les forces nues, numineuses, qui se profilent derrière ce monde orthodoxe, même laïcisé, et qui, en revanche, ne peuvent plus se profiler derrière les forces politiques occidentales, expressions d'une sclérose culturelle dénoncée par Tioutchev, Danilevski, Leontiev et Dostoïevski dès le XIXième siècle. Je veux parler du réflexe solidaire, du réflexe national (au sens charnel et organique du terme), de l'idée communautaire. De rien d'autre. Car je ne suis ni prêtre ni prophète et je n'ai pas la fibre religieuse. Je viens de dire que ce dépassement est une nécessité géopolitique: car la ligne qui sépare l'Europe catholique et protes­tante, d'une part, et l'Europe orthodoxe, d'autre part, est une ligne de fracture instable, sans obstacle naturel (10); une telle frontière peut générer la guerre mais sans jamais rien résoudre. Or les deux parts du continent sont complémentaires et les peuples qui y vivent sont menacés de perdre leur culture et de décliner démographiquement. Qui pis est, tout conflit actuel peut conduire très facilement à l'utilisation du nucléaire, qui, même à dose homéopathique, entraînerait des catastrophes sans précédent. La simple logique de la survie veut que ces peuples s'entendent, au-delà de leurs différences religieuses, de leurs façons d'appréhender le numineux. Enfin, derrière la spiritualité orthodoxe, se cache, comme Mircea Eliade l'a remar­qué, l'idée d'un homme cosmique (dont l'avatar chrétien est le Christos Pantocrator), pilier d'une reli­giosité populaire et paysanne, partagée par tous nos ancêtres. Nous avons là affaire à une religiosité im­mé­moriale qui pourrait réconcilier tout le continent. Sa revigorisation, dans ce sens, deviendra à court ou moyen terme peut-être très nécessaire.

 

Projections des géographes et “hémisphères”

 

Au niveau institutionnel, nous devons voir dans la CSCE l'amorce d'une Europe complète, nous devons voir en elle le concert de toutes les nations du continent, indépendamment des clivages, reli­gieux, idéo­logiques ou économiques. La CSCE, quoi qu'on pense de son état présent, quelles que soient les idéolo­gies qu'on essaie d'y distiller, s'étend géographiquement à tout l'hémisphère nord.

 

Comme nous sommes habitués à la perspective des atlas classiques, issue des travaux de Mercator au XVIième siècle, nous avons l'habitude de distinguer un hémisphère occidental américain (le “Nouveau Monde”) et un hémisphère “eurafrasien”. Mais une perspective plus moderne recentre, comme dans les atlas et la cartographie de Chaliand et de Rageau (11), le monde autour de l'Arctique. Dans ce cas, l'œkumène développé du nord de la planète est circum-arctique et la Russie, le Canada et les Etats-Unis (à hauteur de l'Alaska) ont une longue frontière commune. Aujourd'hui, l'on tente de discréditer, avec de bonsarguments, reconnaissons-le, la pers­pective de Mercator parce qu'elle néglige cette “circum-arcticité” ou parce qu'elle ignore les dimensions réelles des pays de l'hémisphère méridional (reconduites à leur ampleur réelle dans la perspective de Peters). Les stratèges préfèrent la perspective de Chaliand et Rageau parce qu'elle tient compte d'un fac­teur technologique nouveau: la capacité des sous-marins nucléaires à franchir la barrière de la calotte glacière. Les tiers-mondistes, en adoptant la perspective de Peters, tiennent à souligner l'importance ter­ritoriale des pays du tiers-monde et de leurs réserves de matières premières et à montrer l'exigüité spatiale des puissances de l'hémisphère septentrional, en dépit de leur forte densité démographique. Ces exercices de cartographie et cette pluralité de perspec­tives sont nécessaires, recèlent une indéniable pertinence didactique: ils enseignent la relativité des conceptions de la géographie humaine, relativité qui ne peut pas être immédiatement perçue si l'on n'utilise qu'un et un seul type de projection.

 

Les projections de Mercator et de Peters impliquent donc cette division du monde en deux hémisphères séparés à l'Ouest et l'Est par l'Atlantique et le Pacifique. La projection géostratégique de Chaliand et Rageau implique, elle, une “circum-arcticité” qui a désormais une pertinence stratégique, avec l'apparition de sous-marins capables de franchir cette barrière jadis insurmontable qu'est la calotte glacière. Mais l'Arctique ne pourra jamais être à l'origine d'un œkumène aussi dense que la Méditerranée, l'Atlantique, le Pacifique ou la Baltique. Les rigueurs climatiques de cette région de notre planète rendent impossible toute implantation humaine de forte densité. En conclusion: stratégiquement, les cartes de Chaliand et Rageau sont importantes; sur le plan de l'œkumène, celles de Mercator et de Peters gardent toute leur validité. Ce qui nous amène à constater que les futurologues/géopolitologues doivent tenir compte de deux possibles: c'est-à-dire celle d'un double recentrement continental (Amériques et Eurafrasie) ou celle d'un cen­trage circum-arctique pacifiant, conduisant à l'unification stratégique de l'hémisphère nord, qui s'oppo­se­ra, dans une perspective de “reconquista” à l'hémisphère sud, nouvel espace de chaos. La jux­taposition des deux hémisphères occidental (américain) et oriental (eurafrasien) correspond aux vœux du géopolitologue allemand Karl Ernst Haushofer (12) et se focalise en dernière instance sur l'œkumène ha­bitable, tandis que l'opposition Nord-Sud, que l'on peut assez aisément déduire de la cartographie de Chaliand et Rageau, a son centre dans une région “an-œkuménique”, “polaire”, impliquant une extension par cercles concentriques vers les terres australes (Océanie, cône austral de l'Amérique du Sud, Afrique du Sud). Cette projection fait abstraction des solidarités possibles entre peuples de l'hémisphère septen­trional et de l'hémisphère austral, entre peuples de la périphérie nord et peuples du centre tropico-équato­rien. De même, elle ne perçoit pas la radicale altérité entre les cultures de vieille souche, de longue mé­moire, qui pourraient se solidariser entre elles, indépendamment des facteurs raciaux, contre la civilisa­tion homogénéisée du Nord du «Nouveau Monde», qui élimine le facteur “racines”.

 

La Déclaration de Stainz

 

En Europe, pour réaliser un projet commun, quelle qu'en soit la forme, il est nécessaire, constatent bon nombre d'observateurs, de penser une «nouvelle architecture européenne» (13). En Autriche notamment, une nouvelle idéologie européenne point à l'horizon, avançant des arguments très originaux et pertinents, renouant avec deux grandes traditions germaniques: la tradition impériale, décentralisée dans l'administration et l'économie, centrée au niveau spirituel, et la tradition “folco-centrée” (volksgezind, fol­kelig)  (14), où les facteurs ethno-linguistiques sont considérées comme des sources non interchan­geables de valeurs culturelles qui policent les âmes et ancrent les populations dans des appareils institu­tionnels équilibrants, qui indiquent ce qu'il convient de faire et lèguent ce réflexe coutumier aux généra­tions futures (cf. l'anthropologie philosophique d'Arnold Gehlen). Le 15 septembre 1990, un vaste groupe d'intellectuels, de juristes et d'historiens allemands, autrichiens, croates, slovènes, serbes, albanais (Albanie et Kossovo), polonais, tchèques, slovaques, nord-italiens, hongrois, etc., signent une déclara­tion, la Déclaration de Stainz, où il est dit: «L'Europe entre dans une phase historique d'auto-détermina­tion. Le communisme dans les pays de la partie orientale de l'Europe centrale a échoué. Il a fait des dé­gâts immenses, à cause de son irresponsabilité, dans les structures économiques et sociales de ces pays et a détruit l'équilibre écologique jusqu'à la limite extrême du réparable [...]. Une des conséquences positives des bouleversements centre-européens est la redécouverte des espaces et des cultures lé­gués par l'histoire, à l'intérieur même d'Etats nationaux beaucoup plus récents. Avec la fin des blocs, une nouvelle pluralité a vu le jour, qui offre aux sentiments patriotiques des populations une nouvelle niche et de nouvelles assises. Les hommes politiques et les experts réunis à Stainz sont convaincus que cette pluralité doit être inscrite dans une Europe de la subsidiarité et des régions. Ces principes doivent s'inscrire et s'ancrer dans les Traités de Rome, et cela dans le sens des résolutions de l'assemblée et de la Conférence des régions: de tels principes permettront la participation des peuples au développement de l'Europe. Ce n'est précisément qu'une Europe des régions et de la diversité culturelle qui pourrait enri­chir et renforcer le processus dynamique de l'unification économique, sociale et politique (selon le prin­cipe de l'unité dans la diversité)».

 

La problématique des droits de l'Homme

 

Ce projet comprend un volet sur les droits de l'homme, prévoyant aussi la dimension “collective” de cer­tains de ces droits, ce qui appelle une déconstruction graduelle mais systématique des interprétations trop individualistes de la philosophie des droits de l'homme, interprétations qui exercent leurs ravages sur la place de Paris et servent à alimenter la “nouvelle inquisition” qui est en train de stériliser toute l'intelligentsia française. Paradoxalement, au nom de l'universalisme, la France est en train de se doter d'un particularisme schématique, vulgaire, équarisseur, sourd à tous les appels et les pulsions orga­ni­ques, qui la placera à très court terme en marge voire en face de tous ses voisins européens pour le plus grand bénéfice des Etats-Unis, trop heureux d'installer pour longtemps un clivage difficilement sur­mon­ta­ble en Europe. Il nous paraît possible, à l'analyse, d'interpréter dans ce sens cer­taines manœuvres de droite (l'anti-européisme forcené mais bien étayé de Philippe de Villiers, les velléités annexionnistes et les tentatives de déstabilisation de la Belgique par “Philippe de Saint-Robert”, les gesticulations inquisito­riales de Pasqua et de quelques-uns de ses bruyants adjoints) ou de gauche (la nouvelle inquisition or­chestrée par une brochette de journalistes du Monde).  Nous entendons apporter une réponse à toutes ses entorses aux principes de la libre circulation des idées et à la liberté de la presse (15); nous souhai­tons une mobilisation des intellectuels dans l'objectif de faire condamner à Strasbourg ou ailleurs ce non-respect des principes d'Helsinki, d'organiser une traque systématique des contre-vérités énoncées par des journalistes policiers (dont les liens avec le Ministère de l'Intérieur sont notoires), de bloquer leur im­mixtion dans les débats et la liberté de la presse en dehors des frontières de l'Hexagone et de nous poser en libérateurs du peuple français et des autres peuples de l'Hexagone (dont le nôtre dans le Westhoek) que nous entendons délivrer de la tyrannie jacobine et républicaine, au nom des principes démocratiques qui ont soulevé nos ancêtres contre les hordes et les “colonnes volantes” que la République avait en­voyées chez nous de 1792 à 1815, pour massacrer, lors de notre Guerre des Paysans (Boerenkrijg),  la population civile selon les règles de la “dépopulation”, mises en pratique en Vendée quelques années plus tôt. En clair, la vision autrichienne de l'Europe, que partagent tous les partis et toutes les idéologies dans ce pays situé au cœur de notre continent, s'exprime dans la Déclaration de Stainz et réclame une application juste et élargie des droits de l'homme  —qui refuse d'exclure ou de limiter les droits des communautés ethniques ou religieuses qui permettent à l'homme individuel, à la personne, de déployer ses possibles dans le monde, pour le bien des siens, de sa culture, de son peuple et de l'humanité entière. Il n'y a pas de droits de l'homme possibles, si ces droits ne s'appliquent pas sur mesure aux hommes tels qu'ils sont, c'est-à-dire imbriqués dans des communautés charnelles et/ou spirituelles, en adaptant la doctrine aux espaces et aux temps historiques, en modulant à l'infini les principes pour tout conserver, pour ne rien araser, pour n'éradiquer aucun possible, aussi modeste fût-il. Le coordinateur des travaux de Stainz, le Dr. Wolfgang Mantl, constate, entre bien d'autres choses:

- une nostalgie de l'«espace civil» grand-européen (gemeineuropäische Zivilität)  et une volonté de le res­taurer, en dépit des résultats de Yalta;

- la faillite des «grands récits» explicatifs de l'histoire et l'avènement d'une «post-modernité» (au sens où l'entendait Jean-François Lyotard):

- la nécessité de nouveaux modes de coopération internationale (Pentagonale, Visegrad, etc.) et de ré­gionalisme transnational (ARGE Alp, ARGE Alpes-Adriatique), de façon à ce que deux objectifs soient at­teints: développer une centralité attirante et revitaliser les périphéries;

- que les idéologies, les systèmes rigides, ne rencontrent plus l'approbation des Européens, au risque de rui­ner toutes les formes de «culture participative» au profit d'un “privatisme” cynique et ultra-indivi­dua­liste.

 

En tenant compte de ces facteurs, omniprésents mais aux contours encore fort vagues, l'un des partici­pants au Congrès de Stainz, le juriste social-démocrate autrichien, le Prof. Ernst Trost (16), évoque la néces­sité de proclamer un «Saint-Empire romain de la Nation européenne», où l'Empire n'est plus la mo­narchie danubienne avec ses faiblesses, ses anachronismes et ses conflits inter-ethniques, ni le Reich hitlérien centralisateur et néo-jacobin, mais un “toit”, un “baldaquin” qui surplombe et protège des entités partielle­ment souveraines, dotée en fait d'une souveraineté qui ne s'oppose pas au tout mais poursuit une tradition his­torique, en gère les acquis pour ne pas bouleverser des continuités stabilisantes, demeure à l'écoute d'un passé précis et “contextualisé”, pour conserver équilibre et assises stables, afin d'éloigner toute coercition et tout arbitraire (17).

 

Excellentes propositions de militaires français

 

Contrairement aux pratiques d'un genre très douteux que l'on observe chez les autorités civiles en Fran­ce, l'armée sauve l'honneur de la nation française en formulant des propositions européennes plus co­hé­rentes et séduisantes. En abordant les questions cruciales de la géopolitique européennes et des al­lian­ces militaires, dans un langage clair, sans passions inutiles, en ne s'en tenant qu'aux faits historiques, sans sombrer dans d'oiseuses spéculations idéologiques. Ainsi, le Lieutenant-Colonel Allain Bernède, en traitant la problématique, ô combien cruciale, des détroits et plus particulièrement des Dardanelles, écrit cette phrase qui résume parfaitement le nœud gordien, inextricablement noué depuis les Traités de Versailles et de la banlieue parisienne, nœud gordien qu'il faudra trancher rapidement, maintenant que le “Mur” est tombé: «Pour le flanc sud de l'Europe et son prolongement proche-oriental les résultats des traités de 1919-1920 peuvent se réduire à une mauvaise équation du type: quatre traités, Saint-Germain, Neuilly, Trianon, Sèvres, pour une erreur, la destruction de deux empires, l'austro-hongrois et l'ottoman» (18). En reconnaissant ces traités comme des erreurs, le Lieutenant-Colonel Bernède, et l'armée qui a approuvé ses propos et les a publiés, reconnaissent automatiquement le droit des peuples de la Mitteleuropa a bénéficier d'une façade adriatique, aux peuples danubiens de tirer profit du fleuve qui baigne leur plaine et relie quasiment l'Atlantique à la Mer Noire, aux Bulgares d'avoir toute leur place dans les Balkans aux côtés des autres puissances orthodoxes, Serbie comprise, aux Turcs d'avoir un destin en Mésopotamie et à tous les Européens d'avoir, via cette Mésopotamie aujourd'hui “neutralisée” par la Guerre du Golfe, une fenêtre sur l'Océan Indien. Bernède et les autorités militaires françaises renient a posteriori leurs figures politiques de jadis qui voulaient détruire à tout prix l'Empire austro-hongrois, démanteler la Bulgarie et la Turquie, réduire la Hongrie à néant. Et renient le praticien de la géopolitique qui avait dicté les règles de cette déconstruction calamiteuse: André Chéradame (19).

 

Enfin, dans un article remarquable (20), l'Amiral Alain Coatanéa, Chef d'état-major de la marine, appelle à une coopération de toutes les marines européennes et à la formation d'officiers français en Allemagne et d'officiers allemands en France: «Une coopération véritable se fonde d'abord sur l'amitié, et donc sur la connaissance mutuelle. La multiplication des rencontres et des échanges est peut-être le meilleur acquis de ces actions communes (...) tous ceux-là [qui ont participé à des manœuvres et des exercices communs, ndlr] ont éprouvé ce qu'étaient à la fois la marine et l'Europe, et plus encore la force que pouvait receler la conjonction de l'une et de l'autre. Les écoles aussi constituent un creuset où se développe la connaissance réciproque entre marins». L'Amiral Coatanéa affirme que l'Europe se fera par l'union de ses marines, sur les immensités océaniques (surtout atlantiques), où la coopération est possible, sans querelles territoriales. Il plaide également pour la «préférence européenne» en matières militaro-industrielles, car, de cette façon: «L'Europe aura cette liberté d'action qui lui permettra de faire valoir son “exception politique” comme elle a défendu son “exception culturelle”, fidèle en cela à son histoire et à son génie».  Excellent élève de Ratzel, l'Amiral Coatanéa a retenu que le destin des peuples se jouait sur la mer.

 

La culture et la fonction militaire

 

Parallèlement aux initiatives militaires, Eurocorps et fusion des marines, aux efforts de la CSCE d'inscrire dans les faits la protection des minorités pour prévenir et empêcher les conflits intra-européens, par la promotion d'un système constitutionnel basé sur la loi fondamental allemande ou le modèle d'«Etat assymétrique de communautés autonomes» que représente l'Espagne actuelle, signalons les grandes initiatives culturelles, interuniversitaires et éducatives, qui doivent recevoir notre aval, notre soutien inconditionnel, et mobiliser nos énergies militantes: les programmes Yes, Comett, Lingua, Erasmus, Neptune, Petra, Cedefrop, Eurydice, Arion, Tempus (21).

 

L'Europe se construira sur la culture et le savoir, ensuite sur l'armée. L'intendance suivra. Le reproche, désormais classique, adressé à la CEE, a été d'être une Europe trop focalisée sur l'économie. Or l'économie, de par sa diversité, de par sa trop forte dépendance à l'endroit des variations climatiques et géologiques, est la fonction la moins susceptible d'être unifiée, les échecs successifs de la PAC le prouvent amplement. La mobilité des étudiants ouvre des perspesctives fantastiques de coopération, de polyglottisme pratique, d'ouverture-au-monde, dont les générations précédentes n'avaient pas pu bénéficier. Epauler cette richesse culturelle par une “épée de Brennus” (Amiral Coatanéa), d'abord océanique, ensuite continentale, voilà un projet cohérent, voilà une vision d'Europe à diffuser à la veille du XXIième siècle, pour pulvériser tous les archaïsmes, tous les réflexes frileux.

 

Robert STEUCKERS.

lundi, 11 janvier 2010

Les dieux vivent dans la forêt

 

perche_11_ETE_CHENES_15X15.jpgLES ARBRES DE LA VIE

LES DIEUX VIVENT DANS LES FORETS

par Pierre VIAL

Le Choc du Mois - N° 53 - juin 1992

"Détruire des forêts ne signifie pas seulement réduire en cendres des siècles de croissance naturelle. C'est aussi un fonds de mémoire culturelle qui s'en va".

Robert Harrison résume bien, ainsi, l'enjeu plurimillénaire, le choix de civilisation que représente la forêt, avec ses mythes et ses réalités (1). Une forêt omniprésente dans l'imaginaire européen.

L'inconscient collectif est aujourd'hui frappé par la destruction des forêts, due à l'incendie, aux pluies acides, à une exploitation excessive. Un être normal- c'est-à-dire quelqu'un qui n'est pas encore totalement conditionné par la société marchande ressent quelque part au fond de lui-même, quelle vitale vérité exprime Jean Giono lorsqu'il écrit de l'un de ses personnages: "Il pense: il tue quand il coupe un arbre!"

Le rapport de l'homme à la forêt est primordial. Il traduit une vision du monde, le choix d'un système de valeurs. Car la forêt, symbole fort, porte en elle des références fondamentales. "Une époque historique, écrit Harrison, livre des révélations essentielles sur son idéologie, ses institutions et ses lois, ou son tempérament culturel, à travers les différentes manières dont elle traite ou considère ses forêts." Dans la longue mémoire culturelle des peuples, la place donnée - ou non - aux forêts est un repère qui ne trompe pas.

Pour étudier la place des forêts dans les cultures et les civilisations, depuis qu'il existe à la surface de la terre des sociétés humaines, Harrison prend pour guide une grille d'analyse forgée par un Napolitain du XVIIIe siècle, Giambattisto Vico, qui résume ainsi l'évolution de l'humanité: "Les choses se sont succédé dans l'ordre suivant : d'abord les forêts, puis les cabanes, les villages, les cités et enfin les académies savantes" (La Science nouvelle, 1744).

Ainsi, les forêts seraient à l'origine la matrice naturelle d'où seraient sortis les premiers hommes. Lesquels, en s'affranchissant du milieu forestier pour ouvrir des clairières, en se regroupant pour construire des cabanes, auraient planté les premiers jalons de la civilisation, c'est-à-dire de la conquête de l'homme sur la nature. Puis, d'étape en étape, de la ruralité au phénomène urbain, de la rusticité à la culture savante, de la glèbe aux salons intellectuels, l'humanité aurait réalisé son ascension. On voit bien, ici, s'exprimer crûment cette conception tout à la fois linéaire et progressiste de l'histoire, qui triomphe au XV111e siècle avec la philosophie libérale des Lumières pour nourrir, successivement, l'idéologie libérale et l'idéologie marxiste. Mais cette vision de l'histoire plonge ses racines très loin, dans cette région du monde qui, entre Méditerranée et Mésopotamie, a donné successivement naissance au judaïsme, au christianisme et à l'islam, ces trois monothéismes qui sont définis, à juste titre, comme les religions du Livre.

TU NE PLANTERAS PAS...

Religions du Livre, de la Loi, du désert. C'est-à-dire religions ennemies de la forêt, car celle-ci constitue un univers à tous égards incompatible avec le message des fils d' Abraham. La Bible, est, à ce sujet, sans ambiguïté. Dans le Deutéronome, Morse ordonne à ses errants dont il veut faire le Peuple élu de brûler, sur leur passage, les bois sacrés que vénèrent les païens, de détruire ces piliers de bois qui se veulent image de l'arbre de vie: "Mais voici comment vous devez agir à leur égard: vous démolirez leurs autels, briserez leurs stèles, vous couperez leurs pieux sacrés, et vous brûlerez leurs idoles." L'affirmation du Dieu unique implique l'anéantissement des symboles qui lui sont étrangers : "Tu ne planteras pas de pieu sacré, de quelque bois que ce soit, à côté de l'autel de Yahvé ton Dieu que tu auras bâti."

Cet impératif sera perpétué par le christianisme, du moins en ses débuts lorsqu'il rencontre sur son chemin, comme principal obstacle, la forêt et ses mythes. Très vite, l'Eglise pose en principe un face à face entre les notions de paganisme, sauvagerie et forêt (sauvage vient de sylva), d'un côté, et christianisme, civilisation et ville, de l'autre. Quand Charlemagne entreprend. pour se faire bien voir d'une Eglise dont il attend la couronne impériale, une guerre sainte en Saxe, bastion du paganisme, il donne pour première consigne à ses armées de détruire l'lrminsul, ce monument qui représente l'arbre de vie et qui est le point de ralliement des Saxons. Le message est clair: pour détruire la capacité de résistance militaire des païens, il faut d'abord éliminer ce qui donne sens à leur combat. Calcul erroné, puisqu'il faudra, après la destruction de l'lrminsul, encore trente ans de massacres et de déportations systématiques pour imposer la croix. Les clercs entourant Charlemagne n'avaient pas compris que pour les Saxons comme pour tout païen, les dieux vivent au coeur des forêts, comme le constatait déjà Tacite chez les Germains de son temps. Autrement dit, tant qu'il reste un arbre debout, le divin est présent.

LA FORÊT-CATHÉDRALE

La soumission forcée des Saxons n'aura pas fait disparaître pour autant la spiritualité liée aux forêts. Car le christianisme a dû, contraint et forcé, s'adapter à la mentalité européenne, récupérer et intégrer les vieux mythes qui parlaient encore si fort, au coeur des hommes. Cette récupération s'exprime à travers l'architecture religieuse: "La cathédrale gothique, note Harrison, reproduit visiblement les anciens lieux de culte dans son intérieur majestueux qui s'élève verticalement vers le ciel et s'arrondit de tous côtés en une voûte semblable à celle des arbres rejoignant leurs cimes. Comme des ouvertures dans le feuillage, les fenêtres laissent pénétrer la lumière de l'extérieur. En d'autres termes, l'expression forêt-cathédrale recouvre davantage qu'une simple analogie, car cette analogie repose sur la correspondance ancienne entre les forêts et la résidence d'un dieu" (2).

L'Eglise s'est trouvée, au Moyen Age, confrontée à un dilemme: contre le panthéisme inhérent au paganisme, et qui voit le divin partout immergé dans la nature, il fallait décider d'une stratégie de lutte. Réprimer, pour extirper, éradiquer ? C'est la solution que préconisent de pieuses âmes, comme le moine bourguignon Raoul Glaber : "Qu'on prenne garde aux formes si variées des supercheries diaboliques et humaines qui abondent de par le monde et qui ont notamment une prédilection pour ces sources et ces arbres que les malades vénèrent sans discernement." En favorisant les grands défrichements des Xlle et XIlle siècles, les moines ont un objectif qui dépasse de beaucoup le simple intérêt économique, le gain de nouvelles surfaces cultivables: il s'agit avant tout, de faire reculer ce monde dangereux, car magique, qui abrite fées et nymphes, sylves et sorcières, enchanteurs et ermites (dont beaucoup trop ont des allures rappelant fâcheusement les hommes des chênes, les anciens druides). Brocéliande est, comme Merlin, "00 rêve pour certains, un cauchemar pour d'autres".

Faut-il, donc, détruire les forêts ? Les plus intelligents des hommes d'Eglise cornprennent, au Moyen Age, qu'il y a mieux à faire. Le culte de saint Hubert est chargé de faire accepter la croix par les chasseurs. Les "chênes de saint Jean" doivent, sous leur nouveau vocable, fixer une étiquette chrétienne sur les vieux cultes du solstice qui se pratiquent à leur pied. On creuse une niche dans l' arbre sacré pour y loger une statuette de la Vierge (nouvelle image de l'éternelle Terre Mère). Devant "l'arbre aux fées" où se retrouvent à Domrémy Jeanne d'Arc et les enfants de son âge, on célèbre des messes. La plantation du Mai, conservée, sera compensée par la fête des Rameaux ( qui vient remplacer la Fête de l' arbre que célébraient, dans le monde romain, les compagnons charpentiers pour marquer le cyclique et éternel retour du printemps).

Saint Bernard, qui a su si bien, comme le rappelle Henri Vincenot (3), perpétuer les traditions celtiques, assure tranquillement devant un auditoire d'étudiants: "Tu trouveras plus dans les forêts que dans les livres. Les arbres et les rochers t'enseigneront les choses qu'aucun maître ne te dira." Cet accueil et cette intégration, par le syncrétisme, d'une nature longtemps perçue, par la tendance dualiste présente dans le christianisme, comme le monde du mal, du péché, est poursuivi par un saint François d'Assise. "C'était en accueillant la nature, constate Georges Duby, les bêtes sauvages, la fraîcheur de l'aube et les vignes mûrissantes que l'Eglise des cathédrales pouvait espérer attirer les chevaliers chasseurs, les troubadours, les vieilles croyances païennes dans la puissance des forces agrestes" (4).

La perpétuation du symbole de l'arbre et de la forêt se fera, à l'époque moderne, par la plantation d'arbres de la Liberté (5), les sapins de NoëI, la branche verte placée par les compagnons charpentiers sur le faîtage terminé de la maison. . .

L'ARBRE COMME SOURCE DE VIE

Mais, référence culturelle par excellence, la forêt reste, jusqu'à nos jours, un enjeu idéologique et l'illustration d'un choix de valeurs. Quand Descartes, dans son Discours de la méthode, compare l'autorité de la tradition à une forêt d'erreurs, il prend la forêt comme symbole d'un réel, foisonnant et touffu, dont il faut s'abstraire, en lui opposant la froide mécanique Raison. "Si Descartes se perd dans la forêt - le monde historique, matériel - , ne nous étonnons pas qu'il se sente chez lui dans le désert ( . . . ) C ' est l' esprit désincarné qui se retire de l'histoire, qui s'abstrait de sa matière et de sa culture" (6). Ajoutons: de son peuple.

Inversement, en publiant leurs célèbres Contes et légendes du foyer, les frères Grimm, au XIXe siècle, entendent redonner, par le biais de la langue, un terreau culturel, un enracinement à la communauté nationale et populaire allemande. Or, significativement, la forêt est omniprésente dans leurs contes, en tant que lieu par excellence de ressourcement.

L'arbre comme source de vie. Présent encore parmi nous grâce à une reuvre qui a, par bien des aspects, valeur initiatique, Henri Vincenot me confiait un jour : "II y a dans la nature des courants de forces. Pour reprendre des forces, c'est vrai que mon grandpère s'adossait à un arbre, de préférence un chêne, et se pressait contre lui. En plaquant son dos, ses talons, ses mains contre un tronc d'arbre, il ne faisait rien d'autre que de capter les forces qui vivent et montent en l'arbre. Il ne faisait qu'invoquer, pour y puiser une nouvelle énergie les puissances de la terre, du ciel, de l'eau, des rochers, de la mer..." (7).

 

(1) Robert Harrison, Forêts. Essai sur l'imaginaire occidental, Flammarion, 398 p., 145 F.
(2) Voir Roland Bechmann. Les Racines des cathédrales. Payot-1981
(3) Les Etoiles de Compostelle, Denoel, 1984
(4) Le temps des cathédrales, NRF, 1976
(5) Jérémie Benoit, L'Arbre de la Liberté: résurgence d'une mentalité indo-européenne, in Etudes indo-européennes, 1991.
Robert Harrison, op. cit.
(7) Eléments, n° 53.

00:15 Publié dans Terroirs et racines | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arbres, forêts, enracinement, identité, paganisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 16 décembre 2009

Terre & Peuple Magazine n°40

Brigit_Gaelic_goddess_of_Poetry.jpgTerre & Peuple / Wallonie - Communiqué

TERRE & PEUPLE Magazine n°40

 

Le thème du numéro 40 du T&P Mag est ‘Notre Europe’, l’Europe des peuples. Sous le titre ‘L’orage monte’, Pierre Vial avertit contre la guerre que les services américains présentent comme inévitable avec un Iran où ils aimeraient refaire leur coup des révolutions ‘oranges’. Dans le même temps, ils programment la colonisation pacifique de l’Europe par l’islam. En attendant la phase militaire.

 

M. Alain épingle la découverte par deux chercheurs canadiens d’une corrélation entre l’environnement favorable à l’épanouissement d’un enfant et la taille de son cerveau, déterminante pour le développement de son intelligence.

 

Pierre Vial, à propos de l’importance du facteur ethnique, souligne les ennuis que la Chine rencontre avec les Ouïgours musulmans et turcophones dans l’ancien Turkestan oriental où sont importées des masses de Chinois Han. Pékin impute les émeutes à la diaspora ouïgour américaine.

 

Emmanuel Ratier relève que Jovia Stanisic, chef de la sûreté serbe, a été ‘blanchi’ devant le Tribunal de La Haye des préventions de crime contre l’Humanité, la CIA ayant révélé que le ‘vrai cerveau du régime Milosevic’ était un homme à elle !

 

Jean Haudry présente son dernier ouvrage ‘La triade pensée-parole-action dans la tradition indo-européenne’. Dans une variante, le corps (ou une de ses composantes) tient lieu d’action et, dans une autre, la vue tient la place de la pensée, chacun de ces cinq termes étant ensuite étroitement lié au feu. A partir du feu de la parole, le feu est à l’origine du théâtre, avec Agni (en Inde) et avec Dionysos (en Grèce).

 

Pour ouvrir le dossier ‘Notre Europe’, Pierre Vial remarque que nombre d’Européens, rebutés par l’Europe de Bruxelles sont tentés de rejeter jusqu’à l’idée d’Europe. D’où l’importance de claires définition et délimitation du concept.

 

Il interroge d’abord l’ami Robert Spieler, délégué général de la NDP, qui prône une Europe de la puissance. Pour celui-ci, si Rome a bien été assassinée par le christianisme, ce dernier s’est ensuite laissé européaniser et Celse n’aurait pas condamné celui des croisades et de la Reconquista. La révolution française, facteur décisif de la décadence européenne, a remplacé la nation incarnée dans le Roi par l’Etat-nation désincarné, par le chauvinisme de qui vont être allumées les guerres civiles européennes. L’Europe de la puissance ne peut se concevoir que comme partenaire de la Russie, car le protectionnisme n’est efficient qu’à l’échelle d’un continent.

 

Pour définir ‘l’Europe et ses frontières’, Alain Cagnat s’étend, dans une contribution magistrale, sur rien moins qu’un quart de la revue. Il rappelle la vision des ‘pères fondateurs’ Schumann-Monet, réductrice de l’Europe à la minuscule extrémité du continent eurasiatique et à deux branches de l’activité économique dans un marché libéral et pacifique. Les critères de Copenhague la confirment comme une communauté de valeurs universelles, plutôt que comme communauté de destins. D’autant plus sûrement que, s’élargissant, elle souffre déjà d’indigestion, alors que les plus illuminés la voient s’étendre à la planète entière, conformément à la vision stratégique des administrations américaines successives. Mais cette Union n’est qu’un nain sur le plan de sa défense, car elle y affecte (en % du PIB) loin de la moitié de ce qu’y consacrent les Etats-Unis et la Turquie et à peine moins que les épouvantails russes et chinois. Contre lesquels on prétend la protéger, quand ce n’est pas l’entraîner dans des guerres hasardeuses.

 

L’Union européenne a usurpé l’idée européenne pour devenir une machine à broyer les peuples européens pour le compte de leur prédateur américain, lequel se dissimule derrière l’imposture de l’Occident. Historiquement, l’occident est né de la scission de l’Empire romain en un Empire d’orient et un Empire d’occident. Ce dernier va digérer difficilement les grandes invasions germaniques durant la lente gestation du moyen âge, durant lequel l’Empire d’orient connaît un essor resplendissant, jusqu’au séisme du schisme des églises romaine et orthodoxe, en 1054, et surtout jusqu’au sac de Constantinople, en 1204, commandité par les marchands vénitiens. Ce ne sera qu’après la chute de Byzance en 1453 que, l’Europe orientale tombant sous la botte ottomane, la civilisation européenne s’identifie à l’occident.

 

Le basculement vers le monde anglo-saxon a lieu en 1945, lorsque le ‘monde libre’ oppose au ‘monde communiste’ un système de valeurs universelles qu’il prétend ‘indépassable’et qui va exercer une véritable dictature de l’esprit. Celle-ci va de pair avec l’hypocrisie (un fossé sépare les principes proclamés et les actes) et le double langage, dérives que dénonce même Samuel Huntington, dans son fameux ‘Choc des civilisations’. Dans le même temps, la Russie est rejetée dans l’arriération et la barbarie et, quand le monde orthodoxe se défend contre le terrorisme islamiste, on l’accuse même de provoquer un occident réservé aux protestants et aux catholiques. Réserve qui y inclut les Croates et les Polonais, mais qui en exclut Grecs, Serbes et Bulgares et coupe l’Ukraine en deux ! Alors qu’il saute aux yeux que les catholiques sont plus proches des orthodoxes que des protestants, lesquels comme les musulmans s’interdisent toute représentation du divin. En réalité, la distinction est un artifice géopolitique des thalassocraties anglo-saxonnes, pour contenir la menace que représente pour elles le vieux continent, en particulier la Russie qu’on empêche de s’allier à l’Europe, en la rejetant dans une prétendue barbarie.

 

Au sud de l’Europe, la Mer méditerranée est tout sauf une frontière. Elle est bien plutôt une porte par où s’engouffrent la multitude afro-maghrébine, avec l’islam qui en est le glaive. L’UPM (Union pour la Méditerranée) de Sarkhozy, prix de consolation à la Turquie, regrouperait cinquante-sept pays, mais pas la Russie ! Et elle servirait de nouvel accélérateur à la sacro-sainte immigration. La simple constatation de l’ampleur de celle-ci suffit à rendre infréquentable aux yeux des nouveaux prophètes mondialistes, qui veulent faire de l’Europe « un ensemble affranchi de toute identité ». L’ONU prévoit pour sa part d’en faire « la principale zone d’immigration du monde », avec 1,3 milliards d’habitants d’ici à 2050 !

 

Le péril de l’immigration est décuplé par l’islam, à l’égard de qui les responsables européens sont d’une lâcheté ignoble, feignant d’ignorer sa maxime usuelle ‘Baise la main que tu ne peux couper’. Alors que nos prisons sont des pépinières d’islamistes haineux, les traîtres sont déjà empressés de leur remettre les clés de leurs citadelles et proclament : « Les racines de l’Europe sont autant musulmanes que chrétiennes » (Chirac) et « Les musulmans sont une chance que les Européens doivent saisir » (Semprun). Pour leur part, les musulmans sont tranquillement certains qu’ils feront régner sous peu la charia sur les vieilles terres européennes.

 

A en croire Huntington, l’Europe orientale, et la Russie sur qui Byzance a rayonné durant onze siècles et qui est appelée à lui succéder (Moscou est la Troisième Rome, depuis que la fille du dernier Empereur Constantin XI Paléologue a épousé le Grand Duc de Kiev), n’aurait rien en commun avec l’Europe occidentale, à la seule exception de l’héritage gréco-romain, vu sous le prisme byzantin. C’est s’obnubiler sur l’importance du protestantisme et gommer sans plus Pierre le Grand, Catherine II et les philosophes, l’art et la littérature russes, et le bouclier qu’ont constitué durant des siècles pour les autres Européens les Russes et les Polonais contre les poussées asiatiques.

Pour ce qui est de l’intrusion de la Turquie dans l’Europe, le loup américain est sorti du bois, avec les injonctions à l’Union européenne de George Bush Jr (« La Turquie appartient à l’Europe ») et d’Obama. Alors que, au fil des siècles, elle s’est toujours manifestée comme un prédateur féroce et qu’elle a sans timidité poursuivi dans cette ligne avec Chypre, avec les Arméniens et avec les Kurdes.

 

A la différence de l’Oural, le Caucase est une véritable frontière européenne, avec l’embarras que les peuples caucasiens sont mélangés, Indo-européens chrétiens ou musulmans (Russes, Ossètes, Arméniens) et Caucasiens chrétiens (Géorgiens) et ne se trouvent pas toujours du bon côté de la chaîne. Pour la Russie, le poids historique de la Transcaucasie est trop important pour que Moscou puisse se retenir d’être ferme.

 

Il faut se souvenir que le peuplement de l’Europe s’est fait en trois phases : les peuples des mégalithes (dont ils ont couvert le continent de l’Irlande à Malte et du Portugal à la Scandinavie) ; ensuite les Caucasiens ou proto-basques, Alpins, Dinariques et Méditerranéens ; et enfin les Indo-européens, avec une vague italique suivie d’une vague barbare, celto-germanique et slave. L’identité de ces derniers, tangible dans leur culture, leurs arts plastiques, leur littérature et leur musique, les a toujours placés à l’égard des arabo-musulmans et des ottomans dans des rapports de force. Que leur paganisme ait cédé devant une religion orientale monothéiste est un fait mystérieux, bien que le christianisme s’y soit souplement superposé, reprenant ses fêtes et transformant ses héros en saints. A côté de racines gréco-romaines et bibliques, l’Europe a de puissantes racines barbares. Elle se confond jusqu’au XVIe siècle avec la chrétienté. Mais, avec la colonisation, l’Eglise catholique a retrouvé sa vocation mondialiste, à la différence de l’Eglise orthodoxe, russe, serbe, grecque, bulgare, qui est restée identitaire. Les racines chrétiennes de l’Europe ne sont donc que des racines parmi d’autres, mais il est significatif de constater que ce sont ceux-là mêmes qui lui refusent des racines chrétiennes qui lui en attribuent des musulmanes !

 

Conclusion : l’utopie de l’Eurosibérie est le seul espoir de survie des Européens.

 

Jean-Gilles Malliarakis promet que la pression turque va se renforcer sur le Parlement européen, où la gauche menée par Cohn-Bendit trouve face à elle diverses droites en principe hostiles à l’adhésion, malgré ses réseaux unanimement pro-turcs, malgé un Sarkhozy qui s’est dit défavorable, avec une perfide Albion, qui désire l’adhésion, et une présidence suédoise favorable, coachées par Obama et Mme Clinton. L’ami Mallia, Européen plus grec que nature, est contre bien sûr !

 

Sous le titre ‘L’Europe blanche’, Pierre Vial souligne que la mort voulue de l’Europe consiste bien à l’amener à trahir à son sang, en persuadant l’homme européen qu’il est ‘coupable de ce qu’il est’ (Guillaume Faye), qu’il a une dette à payer et qu’il s’en acquittera d’abord en se métissant. A ceux qui propagent ce sida mental, l’auteur dédie ce passage d’un chant de Lansquenets : « Un jour viendra où les traîtres paieront. » Il rappelle que la race européenne est très précisément définie dans de nombreux traités d’anthropologie. Seule la conscience de cette identité peut constituer le front commun contre l’invasion. Mais la simple évocation de cette réalité est une entreprise à haut risque. Pour la première fois depuis des millénaires, les peuples européens ne règnent plus sur leur propre espace. (Dominique Venner). Dénoncer la trahison que Platon qualifie de crime est devenu suspect, comme est suspect de citer Aristote qui avertit que l’absence de communauté ethnique est facteur de sédition politique. La fin de Rome est venue avec l’oubli de la loi du sang, quand saint Paul, qui se flatte d’être né dans un famille juive au sang pur, peut se réclamer de la citoyenneté romaine. Ce que l’Edit de Caracalla accorde en 212 à tous les habitants de l’Empire. Il faudra la menace d’Attila (451) pour réveiller la communauté de sang des Gallo-Romains et des Germains face aux Asiatiques, synthèse heureuse qui fait naître l’Europe du moyen âge. Et la menace du djihad pour fédérer, en 732, les Europenses de sang sous un chef franc Charles Martel. Et de citer Disraëli, premier ministre juif de la Reine Victoria : « La race est tout ; il n’existe pas d’autre vérité et toute race doit périr qui abandonne son sang à des mélanges. » Ce qui est le principe même du racialisme qui, au contraire d’être raciste, vise le respect mutuel de chaque race sur sa terre propre. Alors que la société multiraciale est inévitablement une société multiraciste.

 

C’est sur deux expériences de la pédagogie de Rudolf Steiner que se clôture ce numéro. Une pédagogie qui prône une approche différenciée selon le tempérament de l’enfant. Une pédagogie qui attend du maître qu’il trouve son ‘mode artiste’, en sachant se faire aux circonstances et à ses élèves. Le classement des steinériens au nombre des sectes est le fait de l’ignorance, sinon de la malveillance et du sectarisme. Si l’école Steiner est réservée à l’égard du consumérisme (usage immodéré de la télé par les enfants), elle est attentive à ne pas retrancher ceux-ci du corps social.

 

On notera encore la recension du dernier livre de Dominique Venner : ‘Ernst Jünger, un autre destin européen’, paru aux éditions du Rocher Le thème du numéro 40 du T&P Mag est ‘Notre Europe’, l’Europe des peuples. ²

vendredi, 13 novembre 2009

Immigration et identité

immigration_clandestine-cb663.jpgImmigration et identité

par Dominique Venner

Lancé à quelques mois des élections régionales, le débat sur l’identité nationale n’est sans doute pas innocent. La thématique avait déjà pesé lors de l’élection présidentielle .Bien entendu cette question toujours biaisée ne se pose qu’en raison des inquiétudes créées par l’immigration. Les Français n’ont jamais été consultés sur celle-ci, alors qu’elle plombe le présent et engage l’avenir de leur descendance à qui seront léguées des catastrophes certaines. Sujet tabou.

Pour mesurer les interdits verrouillant cette question, les historiens de l’avenir auront l’embarras du choix. Ils pourront par exemple associer deux curieux incidents, survenus récemment à un mois de distance. Commençons par le second, chronologiquement parlant. La scène se passe le 5 septembre à Seignosse, lors du campus d’été du parti majoritaire. Dans une ambiance détendue, le ministre de l’Intérieur, à qui l’on présente un militant en précisant « c’est notre petit Arabe », laisse filer ce commentaire: « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes… » Rapportés par les médias, ces propos seront jugés “racistes” et provoqueront les réactions que l’on imagine. Le ministre tentera d’esquiver : il pensait aux Auvergnats, ce qui serait moins pendable. Depuis, quand des policiers appréhendent un Maghrébin, ils disent: “On a pincé un Auvergnat.”

Passons à l’autre incident, qui remonte au matin du 31 juillet, à l’aéroport d’Orly.U n préfet de la République en civil se présente au contrôle. Légère bousculade. Plusieurs agents de sécurité d’origine antillaise accuseront le préfet d’avoir lancé: « On se croirait en Afrique… Il n’y a que des Noirs ici… » Les contractuels porteront plainte pour “injures racistes”. Le ministre de l’Intérieur décidera illico de suspendre le préfet sans l’avoir entendu. Ainsi donc, un ministre sanctionne durement un haut fonctionnaire pour un motif qui s’apparente à ce qui pourra bientôt lui être reproché… Qu’ont-ils donc commis tous deux de si répréhensible? Ils ont dit tout haut ce que beaucoup de Français pensent tout bas sans oser parler, faute de parole libre.

Cela prouve que la question de l’immigration est un tabou, autant que l’identité. Il est assez éloquent que le gouvernement se soit doté d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Deux termes par définition antinomiques. Pourquoi les avoir accolés ? Pour tromper son monde, diront les mauvaises langues. Par confusion mentale, diront les plus charitables.

Cette confusion n’aide pas à répondre aux questions fondamentales de l’immigration et de l’identité. J’éprouve pour ma part une vraie compassion pour les immigrés d’Afrique noire ou du Maghreb que l’on a fait venir dans une intention économique sordide, et que l’on transforme en déracinés acculturés. Dans leur détresse, pourtant, ils bénéficient d’aides publiques considérables et du soutien de solidarités communautaires. Le sort des Français des banlieues, les “Gaulois”, est autrement pathétique et désespéré tant ils sont abandonnés.

Les mobiles économiques ne sont pas seuls en cause. Les calculs pervers ont leur poids, associés à la nouvelle religion de la repentance. Dès maintenant,l ’immigration afro-maghrébine et musulmane a transformé la composition de la population française, lui faisant perdre son homogénéité ethnique et culturelle, imposant aussi des dérogations aux principes de l’unité et de la laïcité républicaine en matière d’éducation, de moeurs et de nationalité. Dans son essai, l’Islam, le Sexe et Nous (Buchet-Chastel, 2009), Denis Bachelot a braqué le projecteur sur une réalité autrement parlante que le concept flou de la citoyenneté. Au centre de sa réflexion, l’omniprésence sociale du corps de la femme dans notre culture et nos habitudes. Le refus horrifié de cette présence du corps féminin chez les musulmans (le voile) heurte de plein fouet la tradition ancestrale européenne qui, depuis le haut Moyen Âge, a fait toute sa place à la visibilité du corps féminin.

Ces réactions définissent l’identité : désir d’être soi-même, être conscient de ce que l’on est dans toute l’épaisseur de son existence, parmi ceux qui vous ressemblent et partagent la même mémoire. Si l’on n’est pas complètement aveugle, on se demande pourquoi le désir d’identité serait légitime chez les Noirs américains, les Chinois, les Arabes, les Israéliens, les Ouïgours, les Turcs ou les Maliens, mais condamnable chez les Français et les Européens? Répondre à cette question permettrait de progresser dans la compréhension de notre époque.

Dernier ouvrage paru : Ernst Jünger. Un autre destin européen, Le Rocher, 2009.
Dominique Venner, écrivain, historien, directeur de “la Nouvelle Revue d’histoire”

Source : Valeurs Actuelles [2]


Article printed from :: Novopress.info Flandre: http://flandre.novopress.info

URL to article: http://flandre.novopress.info/5710/immigration-et-identite-par-dominique-venner/

URLs in this post:

[1] Image: http://flandre.novopress.info/wp-content/uploads/2009/11/29.png

[2] Valeurs Actuelles: http://www.valeursactuelles.com/parlons-vrai/parlons-vrai/immigration-et-identit%C3%A9.html

samedi, 31 octobre 2009

Utlagi n°29

Utlagi

couv29 [1]

Numéro 29

  • Apprenons le norrois !
  • Botanicum : l’ortie
  • Ecrivain Breton : Fanch Elies
  • Hastings 14 Octobre 1066
  • HOMMAGE – BARBEY D’AUREVILLY
  • La chasse au léviathan par Jean Mabire
  • Michael Collins

Utlagi, c’est 116 articles présentés sur Internet, et beaucoup plus dans les revues.

Depuis 1999, cette revue s’adresse à tous ceux qui souhaitent découvrir l’histoire, la culture et les traditions de Normandie et de Bretagne.

Entièrement réalisée par des bénévoles amoureux de leurs Pays, elle est indépendante et ouverte à tous. Si vous souhaitez nous rejoindre, ou avoir des informations sur les anciens numéros de la revue, n’hésitez pas, contactez nous :

utlagi@orange.fr [2]


Article printed from :: Novopress Québec: http://qc.novopress.info

URL to article: http://qc.novopress.info/6798/utlagi-2/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.utlagi.org/site/index.php?nomPage=utlagi&PHPSESSID=9fb103047278266a24feaed09431ab38

[2] utlagi@orange.fr: mailto:utlagi@orange.fr

lundi, 26 octobre 2009

Terre & Peuple Magazine n°41

terreetpeuplen41

Editorial de Pierre Vial : Ils ont peur de la vérité

En Bref

- Chroniques de la décadence
- Nouvelles d’ici et d’ailleurs

Courrier des lecteurs
- Nationalisme et guerre

Guerre idéologique
- Eloge de la discrimination

Nos traditions
- Les fourneaux d’Epona

Culture

- Notes de lectures

DOSSIER – Notre écologie

Etat des lieux

- Georgie 2009

Source : Terre et peuple Provence

00:15 Publié dans Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle droite, revue, identité, mouvement identitaire, france | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 23 septembre 2009

Terre & Peuple Magazine n°40

BanniereTerreEtPeuple.jpg

 

 

Terre & Peuple Wallonie - Communiqué

TERRE &PEUPLE Magazine n°40

 

Le thème du numéro 40 du T&P Mag est ‘Notre Europe’, l’Europe des peuples. Sous le titre ‘L’orage monte’, Pierre Vial avertit contre la guerre que les services américains présentent comme inévitable avec un Iran où ils aimeraient refaire leur coup des révolutions ‘oranges’. Dans le même temps, ils programment la colonisation pacifique de l’Europe par l’islam. En attendant la phase militaire.

M. Alain épingle la découverte par deux chercheurs canadiens d’une corrélation entre l’environnement favorable à l’épanouissement d’un enfant et la taille de son cerveau, déterminante pour le développement de son intelligence.

Pierre Vial, à propos de l’importance du facteur ethnique, souligne les ennuis que la Chine rencontre avec les Ouïgours musulmans et turcophones dans l’ancien Turkestan oriental où sont importées des masses de Chinois Han. Pékin impute les émeutes à la diaspora ouïgour américaine.

Emmanuel Ratier relève que Jovia Stanisic, chef de la sûreté serbe, a été ‘blanchi’ devant le Tribunal de La Haye des préventions de crime contre l’Humanité, la CIA ayant révélé que le ‘vrai cerveau du régime Milosevic’ était un homme à elle !

Jean Haudry présente son dernier ouvrage ‘La triade pensée-parole-action dans la tradition indo-européenne’. Dans une variante, le corps (ou une de ses composantes) tient lieu d’action et, dans une autre, la vue tient la place de la pensée, chacun de ces cinq termes étant ensuite étroitement lié au feu. A partir du feu de la parole, le feu est à l’origine du théâtre, avec Agni (en Inde) et avec Dionysos (en Grèce).

Pour ouvrir le dossier ‘Notre Europe’, Pierre Vial remarque que nombre d’Européens, rebutés par l’Europe de Bruxelles sont tentés de rejeter jusqu’à l’idée d’Europe. D’où l’importance de claires définition et délimitation du concept.

Il interroge d’abord l’ami Robert Spieler, délégué général de la NDP, qui prône une Europe de la puissance. Pour celui-ci, si Rome a bien été assassinée par le christianisme, ce dernier s’est ensuite laissé européaniser et Celse n’aurait pas condamné celui des croisades et de la Reconquista. La révolution française, facteur décisif de la décadence européenne, a remplacé la nation incarnée dans le Roi par l’Etat-nation désincarné, par le chauvinisme de qui vont être allumées les guerres civiles européennes. L’Europe de la puissance ne peut se concevoir que comme partenaire de la Russie, car le protectionnisme n’est efficient qu’à l’échelle d’un continent.

Pour définir ‘l’Europe et ses frontières’, Alain Cagnat s’étend, dans une contribution magistrale, sur rien moins qu’un quart de la revue. Il rappelle la vision des ‘pères fondateurs’ Schumann-Monet, réductrice de l’Europe à la minuscule extrémité du continent eurasiatique et à deux branches de l’activité économique dans un marché libéral et pacifique. Les critères de Copenhague la confirment comme une communauté de valeurs universelles, plutôt que comme communauté de destins. D’autant plus sûrement que, s’élargissant, elle souffre déjà d’indigestion, alors que les plus illuminés la voient s’étendre à la planète entière, conformément à la vision stratégique des administrations américaines successives. Mais cette Union n’est qu’un nain sur le plan de sa défense, car elle y affecte (en % du PIB) loin de la moitié de ce qu’y consacrent les Etats-Unis et la Turquie et à peine moins que les épouvantails russes et chinois. Contre lesquels on prétend la protéger, quand ce n’est pas l’entraîner dans des guerres hasardeuses.

L’Union européenne a usurpé l’idée européenne pour devenir une machine à broyer les peuples européens pour le compte de leur prédateur américain, lequel se dissimule derrière l’imposture de l’Occident. Historiquement, l’occident est né de la scission de l’Empire romain en un Empire d’orient et un Empire d’occident. Ce dernier va digérer difficilement les grandes invasions germaniques durant la lente gestation du moyen âge, durant lequel l’Empire d’orient connaît un essor resplendissant, jusqu’au séisme du schisme des églises romaine et orthodoxe, en 1054, et surtout jusqu’au sac de Constantinople, en 1204, commandité par les marchands vénitiens. Ce ne sera qu’après la chute de Byzance en 1453 que, l’Europe orientale tombant sous la botte ottomane, la civilisation européenne s’identifie à l’occident.

Le basculement vers le monde anglo-saxon a lieu en 1945, lorsque le ‘monde libre’ oppose au ‘monde communiste’ un système de valeurs universelles qu’il prétend ‘indépassable’et qui va exercer une véritable dictature de l’esprit. Celle-ci va de pair avec l’hypocrisie (un fossé sépare les principes proclamés et les actes) et le double langage, dérives que dénonce même Samuel Huntington, dans son fameux ‘Choc des civilisations’. Dans le même temps, la Russie est rejetée dans l’arriération et la barbarie et, quand le monde orthodoxe se défend contre le terrorisme islamiste, on l’accuse même de provoquer un occident réservé aux protestants et aux catholiques. Réserve qui y inclut les Croates et les Polonais, mais qui en exclut Grecs, Serbes et Bulgares et coupe l’Ukraine en deux ! Alors qu’il saute aux yeux que les catholiques sont plus proches des orthodoxes que des protestants, lesquels comme les musulmans s’interdisent toute représentation du divin. En réalité, la distinction est un artifice géopolitique des thalassocraties anglo-saxonnes, pour contenir la menace que représente pour elles le vieux continent, en particulier la Russie qu’on empêche de s’allier à l’Europe, en la rejetant dans une prétendue barbarie.

Au sud de l’Europe, la Mer méditerranée est tout sauf une frontière. Elle est bien plutôt une porte par où s’engouffrent la multitude afro-maghrébine, avec l’islam qui en est le glaive. L’UPM (Union pour la Méditerranée) de Sarkhozy, prix de consolation à la Turquie, regrouperait cinquante-sept pays, mais pas la Russie ! Et elle servirait de nouvel accélérateur à la sacro-sainte immigration. La simple constatation de l’ampleur de celle-ci suffit à rendre infréquentable aux yeux des nouveaux prophètes mondialistes, qui veulent faire de l’Europe « un ensemble affranchi de toute identité ». L’ONU prévoit pour sa part d’en faire « la principale zone d’immigration du monde », avec 1,3 milliards d’habitants d’ici à 2050 !

Le péril de l’immigration est décuplé par l’islam, à l’égard de qui les responsables européens sont d’une lâcheté ignoble, feignant d’ignorer sa maxime usuelle ‘Baise la main que tu ne peux couper’. Alors que nos prisons sont des pépinières d’islamistes haineux, les traîtres sont déjà empressés de leur remettre les clés de leurs citadelles et proclament : « Les racines de l’Europe sont autant musulmanes que chrétiennes » (Chirac) et « Les musulmans sont une chance que les Européens doivent saisir » (Semprun). Pour leur part, les musulmans sont tranquillement certains qu’ils feront régner sous peu la charia sur les vieilles terres européennes.

A en croire Huntington, l’Europe orientale, et la Russie sur qui Byzance a rayonné durant onze siècles et qui est appelée à lui succéder (Moscou est la Troisième Rome, depuis que la fille du dernier Empereur Constantin XI Paléologue a épousé le Grand Duc de Kiev), n’aurait rien en commun avec l’Europe occidentale, à la seule exception de l’héritage gréco-romain, vu sous le prisme byzantin. C’est s’obnubiler sur l’importance du protestantisme et gommer sans plus Pierre le Grand, Catherine II et les philosophes, l’art et la littérature russes, et le bouclier qu’ont constitué durant des siècles pour les autres Européens les Russes et les Polonais contre les poussées asiatiques.

Pour ce qui est de l’intrusion de la Turquie dans l’Europe, le loup américain est sorti du bois, avec les injonctions à l’Union européenne de George Bush Jr (« La Turquie appartient à l’Europe ») et d’Obama. Alors que, au fil des siècles, elle s’est toujours manifestée comme un prédateur féroce et qu’elle a sans timidité poursuivi dans cette ligne avec Chypre, avec les Arméniens et avec les Kurdes.

A la différence de l’Oural, le Caucase est une véritable frontière européenne, avec l’embarras que les peuples caucasiens sont mélangés, Indo-européens chrétiens ou musulmans (Russes, Ossètes, Arméniens) et Caucasiens chrétiens (Géorgiens) et ne se trouvent pas toujours du bon côté de la chaîne. Pour la Russie, le poids historique de la Transcaucasie est trop important pour que Moscou puisse se retenir d’être ferme.

Il faut se souvenir que le peuplement de l’Europe s’est fait en trois phases : les peuples des mégalithes (dont ils ont couvert le continent de l’Irlande à Malte et du Portugal à la Scandinavie) ; ensuite les Caucasiens ou proto-basques, Alpins, Dinariques et Méditerranéens ; et enfin les Indo-européens, avec une vague italique suivie d’une vague barbare, celto-germanique et slave. L’identité de ces derniers, tangible dans leur culture, leurs arts plastiques, leur littérature et leur musique, les a toujours placés à l’égard des arabo-musulmans et des ottomans dans des rapports de force. Que leur paganisme ait cédé devant une religion orientale monothéiste est un fait mystérieux, bien que le christianisme s’y soit souplement superposé, reprenant ses fêtes et transformant ses héros en saints. A côté de racines gréco-romaines et bibliques, l’Europe a de puissantes racines barbares. Elle se confond jusqu’au XVIe siècle avec la chrétienté. Mais, avec la colonisation, l’Eglise catholique a retrouvé sa vocation mondialiste, à la différence de l’Eglise orthodoxe, russe, serbe, grecque, bulgare, qui est restée identitaire. Les racines chrétiennes de l’Europe ne sont donc que des racines parmi d’autres, mais il est significatif de constater que ce sont ceux-là mêmes qui lui refusent des racines chrétiennes qui lui en attribuent des musulmanes !

Conclusion : l’utopie de l’Eurosibérie est le seul espoir de survie des Européens.

Jean-Gilles Malliarakis promet que la pression turque va se renforcer sur le Parlement européen, où la gauche menée par Cohn-Bendit trouve face à elle diverses droites en principe hostiles à l’adhésion, malgré ses réseaux unanimement pro-turcs, malgé un Sarkhozy qui s’est dit défavorable, avec une perfide Albion, qui désire l’adhésion, et une présidence suédoise favorable, coachées par Obama et Mme Clinton. L’ami Mallia, Européen plus grec que nature, est contre bien sûr !

Sous le titre ‘L’Europe blanche’, Pierre Vial souligne que la mort voulue de l’Europe consiste bien à l’amener à trahir à son sang, en persuadant l’homme européen qu’il est ‘coupable de ce qu’il est’ (Guillaume Faye), qu’il a une dette à payer et qu’il s’en acquittera d’abord en se métissant. A ceux qui propagent ce sida mental, l’auteur dédie ce passage d’un chant de Lansquenets : « Un jour viendra où les traîtres paieront. » Il rappelle que la race européenne est très précisément définie dans de nombreux traités d’anthropologie. Seule la conscience de cette identité peut constituer le front commun contre l’invasion. Mais la simple évocation de cette réalité est une entreprise à haut risque. Pour la première fois depuis des millénaires, les peuples européens ne règnent plus sur leur propre espace. (Dominique Venner). Dénoncer la trahison que Platon qualifie de crime est devenu suspect, comme est suspect de citer Aristote qui avertit que l’absence de communauté ethnique est facteur de sédition politique. La fin de Rome est venue avec l’oubli de la loi du sang, quand saint Paul, qui se flatte d’être né dans un famille juive au sang pur, peut se réclamer de la citoyenneté romaine. Ce que l’Edit de Caracalla accorde en 212 à tous les habitants de l’Empire. Il faudra la menace d’Attila (451) pour réveiller la communauté de sang des Gallo-Romains et des Germains face aux Asiatiques, synthèse heureuse qui fait naître l’Europe du moyen âge. Et la menace du djihad pour fédérer, en 732, les Europenses de sang sous un chef franc Charles Martel. Et de citer Disraëli, premier ministre juif de la Reine Victoria : « La race est tout ; il n’existe pas d’autre vérité et toute race doit périr qui abandonne son sang à des mélanges. » Ce qui est le principe même du racialisme qui, au contraire d’être raciste, vise le respect mutuel de chaque race sur sa terre propre. Alors que la société multiraciale est inévitablement une société multiraciste.

C’est sur deux expériences de la pédagogie de Rudolf Steiner que se clôture ce numéro. Une pédagogie qui prône une approche différenciée selon le tempérament de l’enfant. Une pédagogie qui attend du maître qu’il trouve son ‘mode artiste’, en sachant se faire aux circonstances et à ses élèves. Le classement des steinériens au nombre des sectes est le fait de l’ignorance, sinon de la malveillance et du sectarisme. Si l’école Steiner est réservée à l’égard du consumérisme (usage immodéré de la télé par les enfants), elle est attentive à ne pas retrancher ceux-ci du corps social.

On notera encore la recension du dernier livre de Dominique Venner : ‘Ernst Jünger, un autre destin européen’, paru aux éditions du Rocher.

dimanche, 20 septembre 2009

D. Venner: Vous avez dit autochtone?

Dominique VENNER:

Vous avez dit autochtone ?

1804437055_f67b01778d_o

Il n’y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Je songeais à cet adage en lisant récemment la longue diatribe publique d’un helléniste à la retraite (1). Jouissant d’un statut privilégié en France même et aux Etats-Unis où il enseigna dans une université réputée, l’excellent professeur se moquait en terme choisis de ses compatriotes qui se veulent « autochtones », c’est-à-dire, comme le dévoile l’étymologie grecque, nés d’eux-mêmes, d’un même sang et d’une même terre.

« Au milieu du Ve siècle avant notre ère, écrit-il, une petite cité-village de l’Hellade a été frappée par le virus de l’ “hypertrophie du moi”, une épidémie redoutable », ajoute l’émérite professeur. Jugez-en : cette épidémie « a conduit là-bas à instituer une cérémonie annuelle où un orateur, expert en oraisons funèbres, célébrait devant les cercueils des morts à la guerre la gloire immémoriale des Athéniens. » Quelle idée saugrenue, en effet, que de célébrer les morts à la guerre et la gloire de la cité ! Cette inquiétante « hypertrophie du moi » a même conduit les Athéniens à édifier quelques négligeables monuments de marbre, tel le Parthénon, qui ont résisté aux millénaires et aux invasions, faisant toujours l’admiration des sots que nous sommes. Elle les a conduit aussi à édifier d’autres monuments tout aussi négligeables, ceux de l’esprit (transmission des poèmes homériques, invention de la philosophie, du théâtre tragique et de l’enquête historique), dont nous vivons encore, ce dont s’étonne le curieux helléniste que nous citons. Tout cet héritage est en effet désolant.

Et quel exemple déplorable ! « Les historiens (français), dès les années 1880, se mettent à écrire une Histoire de la France, née d’elle-même. » Un scandale, vraiment ! Et ce n’est pas tout. « Quant aux religieux qui avaient inventé au XIIe siècle le “cimetière chrétien”, excluant les juifs, les infidèles, les étrangers et autres mécréants, ils continuent à entretenir, d’une République à la suivante, la croyance que nous sommes les héritiers des morts, de nos morts précisément, et depuis la préhistoire. De “grands historiens” (on appréciera les guillemets) s’en portent garants. » Quelle tristesse ! A en croire notre universitaire retraité, en France, l’idée de l’identité nationale – qui nous vient donc d’Athènes et de la Grèce antique – serait dans l’air du temps. Cette révélation le plonge dans l’affliction. Quelle ineptie en effet, alors que le flux mondial ascendant des échanges financiers, dont on connaît les bienfaits, incite au contraire à se sentir, comme il le dit lui-même, « nomade ». Naturellement il est facile d’être « nomade » quand on est assuré de ne voyager que par les beaux quartiers du monde entier, tous frais remboursés, entouré de l’attention prévenante de nombreux préposés à votre confort et à votre sécurité. Sans doute les derniers Français « autochtones » qui n’ont pu, faute de moyens ou de chance, s’échapper par exemple de Villiers-le-Bel depuis les émeutes de novembre 2007 aimeraient-ils aussi être des « nomades » de ce type. Mais leur condition de pauvres, de vieillards ou d’ « autochtones » abandonnés, le leur interdit. Et pourtant, quel joli nom, si l’on y songe que Villiers-le-Bel. Un nom «autochtone», dont l’épithète résonne désormais avec une ironie cruelle. Pourquoi, direz-vous, un tel discours ? Réponse : parce que l’historien doit aussi prendre date et ne pas être aveugle à ce qui se fait sous ses yeux. C’est ce que nous a enseigné Marc Bloch, contemporain et victime du désastre de 1940. Il a reconnu que ses travaux l’avaient conduit à ignorer l’importance des événements de son temps. « C’était mal interpréter l’histoire… Nous avons préféré nous confiner dans la craintive quiétude de nos ateliers… Avons-nous toujours été de bons citoyens ? (2) » Je ne peux cacher qu’un tel précédent ne me laisse pas indifférent. Et si l’on n’est pas complètement idiot, une question surgit : pourquoi le désir d’identité (être conscient de ce que l’on est dans toute l’épaisseur de son existence, parmi ceux qui vous ressemblent), oui, pourquoi ce désir serait-il louable chez les Noirs américains, les Chinois, les Arabes, les Israéliens, les Ouïgours, les Turcs ou les Gabonais, mais condamnable chez les Européens et les Français ? Voilà bien une question qu’il faudrait un jour élucider.

Dominique Venner

1.Marcel Detienne, dans Le Monde des 12-13 juillet 2009, sous le titre : La France sans terre ni mort.
2. Marc Bloch, L’Etrange défaite, Editions Francs Tireurs, 1946, p. 188. On sait que, s’étant repenti de son abstention précédente, le grand historien s’est engagé dans la Résistance. Capturé, il a été fusillé en juin 1944.

Source : Dominique Venner [1]


Article printed from :: Novopress Québec: http://qc.novopress.info

URL to article: http://qc.novopress.info/6179/vous-avez-dit-autochtone/

URLs in this post:

[1] Dominique Venner: http://www.dominiquevenner.fr/#/editonrh44autochtone/3272196

dimanche, 13 septembre 2009

Garder les traditions ou vivre selon la Tradition?

Masques_de_tradition_populaire.jpg

Garder les traditions ou vivre selon la Tradition ?

Ex: http://fr.novopress.info/

L’un des premiers motifs de l’engagement militant aux Identitaires, c’est le refus volontariste de rester les bras croisés devant la « perte » de nos traditions, échos d’une identité lointaine que l’on souhaite défendre à travers l’entretien de ces rites ancestraux. Mais dans une société comme la nôtre, où les mœurs ont plus évolué en 50 ans qu’en 1 000 ans, « garder les traditions » s’apparente plus à un slogan révélateur du dépit des militants devant les grands bouleversements sociaux et culturels engendrés par le Progrès, qu’à une revendication politique sérieuse. En effet, rien de plus négatif qu’un tel slogan, rien de plus rasoir et de plus démotivant qu’une telle revendication. Le verbe « garder » a un sens précis : il est synonyme de conserver. Tel un pêcheur qui tenterait vainement de garder au bout de sa ligne l’énorme poisson emporté par l’irrésistible courant de la rivière. Je m’explique : on ne s’engage pas en politique, d’autant plus dans la mouvance identitaire, pour « sauver les meubles ». « Garder », « conserver », voire même « défendre » dans une certaine mesure, s’apparente à une posture rétrograde et aigrie, c’est un repli en défense plein d’amertume, un retour en arrière. Or, pour nous autres Identitaires, la politique est une aventure, une quête enthousiaste et une entreprise pleine de joie. Nous partons à l’assaut du pouvoir : nous ne nous agenouillons pas devant lui, implorant par nostalgie un sursis supplémentaire pour une fête ou une célébration laissée à l’abandon. Nous ne voulons pas réinstaurer un passé fantasmé (ce qui est de toute manière impossible) mais plutôt puiser dans le passé les éléments positifs utiles à une renaissance sociale, civilisationnelle et politique.

Nous ne nous engageons pas en politique comme le chauffeur de taxi, selon la caricature populaire, se lance dans une diatribe enflammée contre le fait que « tout fout le camp ». Soyons honnêtes : nous ne pouvons ressusciter ce qui est déjà mort. J’entends par là : nous ne pouvons pas vivre comme nos aïeux vivaient il y a deux siècles. Telles ces reproductions médiévales dans lesquelles de nombreux Français trouvent un certain exutoire, loin de leur malaise existentiel, blasés du métro-boulot-dodo. Cela, c’est le « folklore », c’est-à-dire l’exact contraire de l’identité, de la Tradition. Alors que le folklore consiste à danser la gigue autour du feu, habillés comme nos ancêtres et au son d’instruments disparus, vivre selon son identité, c’est tout simplement maintenir vivace, mais sous d’autres formes que celles aujourd’hui disparues, l’esprit qui animait nos ancêtres du temps où l’on dansait encore la gigue.

La Tradition ne se « garde » pas : elle s’entretient. Car la Tradition est avant tout un état d’esprit célébré sous des formes qui peuvent évoluer : la forme est importante mais le sens de la Tradition, c’est-à-dire sa raison d’être, l’est plus encore.

Or aujourd’hui, la plupart des associations s’étant donné pour objectif de « faire vivre » les traditions se limitent à faire du « folklore ». En effet, celles-ci se contentent d’être un musée itinérant d’une identité morte et enterrée. Car quiconque affirme défendre le « folklore » et le « patrimoine » formule en réalité un cruel aveu d’échec. A l’image de ces villages de Provence, vidés de leurs habitants par l’exode rural, colonisés par le tourisme de masse, résidence secondaire pour Parisiens, Britanniques et Hollandais aisés, où l’expression « enfants du pays » ne recouvre plus aucune réalité. Ces villages sont des territoires mis sous cloche (ou emballés sous vide, au choix), destinés à justifier notre statut de « première destination touristique mondiale ». Il y a des commerçants et des pseudo-artisans qui sont là pour faire rêver les touristes sur de « l’authentique » made in China, mais pas d’habitants, et donc pas de vie de village. Cela, c’est le folklore. Un mur de fumée « à l’ancienne » pour berner les touristes. C’est « sympa », « touchant », « naïf », « pittoresque », mais mort.

Ouvrons une parenthèse. La différence entre le folklore et la Tradition a des conséquences pratiques en termes de positionnement sur l’échiquier politique. Alors que l’homme « de droite » standard va draguer les électeurs à grands renforts d’images d’Epinal sur la « France des terroirs » (en tapotant le cul d’une vache devant les caméras par exemple), le militant identitaire va, lui, identifier les causes de la désertification rurale (la ruralité est le dernier refuge des traditions populaires, d’où l’intérêt de la préserver) et tenter d’y remédier via des mesures sérieuses : relocalisation de l’économie, lutte contre l’urbanisation et la spéculation immobilière, subventionnement de l’agriculture biologique, enseignement de la culture et de la langue régionale dès l’école primaire, etc.

Ainsi, une politique identitaire ne vise pas à manger du saucisson au Salon annuel de l’Agriculture, bref à être le « type sympa », mais à lutter en profondeur contre ce qui tue nos traditions depuis la racine. Refermons la parenthèse.

Les Identitaires ne s’accrochent pas désespérément à ce qui a disparu. Respectueux des rites ancestraux qui régissent une tradition millénaire, nous tenons plus encore à en respecter leur sens profond. Nous n’oublions pas qu’une tradition est la fille de circonstances sociales et culturelles, ou politiques, d’une époque donnée dans un lieu donné.

Par exemple, la bénédiction des calissons à Aix-en-Provence : chaque année, autour du 6 et 7 septembre, une messe est donnée, suivie d’une procession d’associations « folkloriques », en costume d’époque, avant de participer à la distribution populaire de calissons. Cette fête, appelée aussi « renouvellement du vœu Martelly », trouve son origine dans l’épidémie de peste qui toucha la capitale des comtes de Provence au début du 18ème siècle. L’élite politico-administrative et économique de la cité fuya, laissant derrière elle une population affamée. Seuls demeuraient l’évêque et l’assesseur (gouverneur de la ville pour le compte du roi) qui avaient organisé la bénédiction d’un grand nombre de calissons destinés à nourrir partiellement les Aixois. Martelly fait alors le vœu, en mémoire de ce drame, de faire bénir chaque année des calissons pour les distribuer aux Aixois. A l’origine, la « bénédiction des calissons » n’a donc rien de festif : elle répondait à une véritable catastrophe sanitaire et alimentaire, probablement la plus grave qu’ait connue Aix depuis sa fondation par les Romains. Aujourd’hui, combien d’Aixois connaissent le sens social et religieux de cette tradition ? De la même manière, combien d’Aixois savent que la plupart des saintes vierges qui ornent l’angle des immeubles de leur cité ont été installées à la même époque pour permettre à leurs ancêtres de prier pour la fin de l’épidémie et la guérison des blessés, depuis chez eux, afin d’éviter la contamination ? Pour un identitaire, ce qui importe par-dessus tout, ce n’est pas de défiler dans des costumes colorés pour provoquer les crépitements de flash des appareils photos tenus par les hordes de touristes japonais, mais plutôt de continuer à célébrer les valeurs humaines qui inspirent toute tradition.

Quand chaque année, des militants identitaires se retrouvent autour d’un « Noël provençal » (repas traditionnel), peu importe qu’il manque une nappe sur la table (trois selon le rite), que l’omelette aux truffes soit en réalité composée d’une autre spécificité de champignons ou que la traditionnelle morue ait cédé sa place à un poisson meilleur marché : une célébration ancestrale ne doit pas être une lubie de bourgeois aisés mais un moment de convivialité populaire. Si, pour faire perdurer un certain esprit, il est nécessaire (pour des raisons financières souvent), de déroger à quelques points précis de la règle, alors soit, il en sera ainsi, l’essentiel est de respecter l’âme d’une fête : pas de reproduire bêtement les gestes de nos aïeux par obsession mimétique. Pour nous, l’identité, ce « n’est pas ce qui ne change jamais, mais ce qui nous permet de rester nous-mêmes en changeant tout le temps » (Alain de Benoist).

Nous ne « gardons » pas les traditions, nous vivons selon la Tradition, tous les jours et en tout lieu : c’est-à-dire selon notre identité trente fois millénaire, malgré les évolutions et les révolutions. Fidèles au sens initial des traditions et à l’état d’esprit qui a présidé à leur naissance, soucieux de l’intégrité des rites qui servent de médium entre l’esprit d’antan et le peuple d’aujourd’hui, nous veillons toutefois à ne pas laisser la lettre primer sur l’esprit (selon la leçon des évangiles à propos des Pharisiens). La Tradition, c’est l’identité : passée, présente et future.
Julien LANGELLA


Article printed from :: Novopress.info France: http://fr.novopress.info

URL to article: http://fr.novopress.info/30642/garder-les-traditions-ou-vivre-selon-la-tradition/

mercredi, 09 septembre 2009

Terre et Peuple: TABLE RONDE 2009


Terre et Peuple

Résistance Identitaire Européenne

TABLE RONDE 2009

www.terreetpeuple.com

Dimanche 4 octobre 2009 :

 

XIVe Table Ronde de TERRE ET PEUPLE :

"Pour la Reconquête, reviens Charles Martel !"


à Villepreux (région Parisienne)

 

contact@terreetpeuple.com

 

  

XIV_Table_ronde_2009

mercredi, 12 août 2009

Escudé y la identitad iberoamericana

 

amerique.jpg

                       

 

 

  

Escudé y la identitad iberoamericana

Alberto Buela

La pregunta por la identidad es una de las más reiteradas en la ecúmene iberoamericana. Las razones de tamaña reiteración son muchas y variadas, como lo son las respuestas y los autores.

En Argentina han descollado sobre el tema autores conocidos como Borges y desconocidos como Murena, ingeniosos como Castellani y torpes como Martínez Estrada, nacionalistas como Gálvez y liberales como Massuh, religiosos como Marechal y antirreligiosos como Raurich pero lo que no había ocurrido hasta ahora era que hombres con carencia de enjundia intelectual se ocuparan del tema, como es el caso del artículo de Carlos Escudé (*) La identidad hispanoamericana aparecido en La Nación diario el 5/8/09.

 

La tesis del autor es en Nuestra América se habla castellano porque Gutemberg en 1455

inventó la imprenta.

Y además agrega la siguiente genialidad: “Que Argentina y Chile jamás han liberado una guerra (por hablar en castellano). En cambio desde que nosotros somos independientes Francia y Alemania han protagonizado tres…El origen de la diferencia fue la presencia o ausencia de la imprenta al momento de producirse los colapsos imperiales que hicieron posible el nacimiento de estos Estados”.

 

En nuestros largos años de lecturas pocas veces pudimos encontrar en un breve párrafo tanta cantidad de sandeces y errores. Y sobre todo proviniendo de un politólogo renombrado y publicitado por uno de los diarios más reconocidos de lengua castellana como La Nación.

 

En primer lugar Chile y Argentina no liberaron nunca una guerra porque la diferencia exponencial entre uno y otro es inconmesurable. Y los chilenos lo saben y los argentinos también. Chile no va a iniciar una aventura bélica que en principio puede serle favorable (en  24 hs. podría instalarse en San Rosa) pero sabe que finalmente fracasa, y Argentina no tuvo ni tiene ninguna necesidad geopolítica de invadir Chile.

 

En segundo lugar es falso que desde 1810 hasta el presente no hayamos tenido guerras los Estados de lengua castellana en América. Para limitarnos a América del Sur, nosotros tuvimos la guerra del Pacífico entre Chile(1879-1884) por un lado y Bolivia y Perú por el otro; la guerra de la Triple Alianza(1864-1870) que enfrentó al Paraguay contra Argentina y Brasil y la guerra del Chaco(1932-1935) donde lucharon Bolivia contra Paraguay. Peor aún, la guerra de la Triple Alianza es considerada como la primera guerra vae victis  de la modernidad.

 

En tercer lugar, en el siglo XV, momento de aparición de la imprenta, España está por entrar en su plenitud imperial y no en su colapso.

 

Vaya un pequeño comentario, para no gastar pólvora en chimangos, como comúnmente se dice cuando el tema no da para más.

España descubre América 37 años después del nacimiento de la imprenta y ya en 1472 comienza con la edición de sus primeros libros. En América la primera imprenta se establece en 1536 en México y al poco tiempo se funda la primera universidad en 1538 en Santo Domingo. Y el mayor trabajo de las imprentas americanas fue la publicación de catecismos y textos religiosos en las lenguas indígenas. Al respecto en un brillante artículo de Vittorio Messori América: ¿lenguas cortadas?  Afirma: “ En el virreinato más importante, el de Perú, en 1596 en la Universidad de Lima se creó una cátedra de quechua, la «lengua franca» de los Andes, hablada por los incas. Más o menos a partir de esta época, nadie podía ser ordenado sacerdote católico en el virreinato si no demostraba que conocía bien el quechua, al que los religiosos habían dado forma escrita. Y lo mismo pasó con otras lenguas: el náhuatl, el guaraní, el tarasco...”

Hay que saber que en el momento de nuestra independencia, alrededor de 1810, solo cinco millones de americanos hablaban castellano.

En realidad la imposición del castellano como lengua obligatoria nace a partir de esta fecha por parte de las oligarquías criollas ilustradas y afrancesadas. Hay que decirlo con todas las letras,  la monarquía católica española tomó muy en serio la evangelización de América y por eso obligó al esfuerzo de predicar el evangelio en las lenguas de los aborígenes, mientras que  por el contrario son los filósofos de la ilustración y la masonería inglesa y francesa que ejercen influencia total sobre las oligarquías locales para dejar de lado la inculturación del evangelio y con ello mismo, abandonar el uso de las lenguas telúricas.

 

Como vemos estas tesis de Escudé no solo son erróneas sino totalmente infundadas. Es una pena que el empobrecido Estado argentino gaste dinero a través del Conicet en semejante papanatas. Es de desear, ahora que se convirtió,  sea el Estado de Israel, que tiene más dinero que el nuestro, quien lo beque o le pague el sueldo.

 

 

(*) Politólogo, cuyo rasgo distintivo no es su producción en ciencias políticas sino el haberse convertido al judaísmo. ¿Cómo deben de sentirse “los paisanos serios” con semejante conversión?

jeudi, 30 juillet 2009

Terre & Peuple n°39: l'arme géopolitique

arton108-a3f7b.jpg

Terre & Peuple - Wallonie - Communiqué

 

 

TERRE & PEUPLE Magazine n°39

 

"L'arme géopolitique"

 

Dans son éditorial au numéro 39 du T&P Mag, qui évoque la dimension raciale du conflit antillais, né par hasard avec l’ère Obama, Pierre Vial relève que les mêmes qui qualifient ces violences de ‘culturelles et identitaires’ jugent ignoble le souhait de ‘préserver sa race’. Parce que contraire à une idéologie officielle largement admise par une population pressée de trahir dans l’espoir d’éviter le fameux choc. Il est temps dès lors de mettre en place la fraternité blanche.

 

Autour des nouveaux musées (Guggenheim, à Bilbao, Coop Himmelb(l)au à Lyon), FAV s’applique à une analyse de la ‘médiasphère’ qui vise à transformer le musée-conservatoire en un lieu d’actualités, présentant le musée lui-même comme l’événement sensationnel, pour assurer sa survie financière. Afin que l’individu, détribalisé, ingurgite sa ration d’images pieuses.

 

Emmanuel Ratier, documenté et vigilant, épingle une nouvelle monnaie norvégienne à l’effigie de Knut Hamsun, Prix Nobel enfermé à 85 ans dans un asile, après son éloge funèbre à Hitler. Bernard Kouchner, dénoncé par Pierre Péan, pour ses magouilles sous paravent humanitaire, et pour ses faux ‘camps d’extermination serbes’, s’en tient à accuser Péan d’antisémitisme, ce que Maurice Szafran et Joseph Cohen jugent être la mort du débat public.

 

Le gros dossier ‘L’arme géopolitique’ est assumé pour moitié par Alain Cagnat. Pour lui, trois affaires marquent le sort de la planète : l’oléoduc BTC/l’Irak/l’Afghanistan. Dès 1994, Halliburton (Dick Cheney) et Chevron (Condolezza Rice), pour affranchir les pétroles du Kazakstan du contrôle russe, projettent l’oléoduc BTC (de Bakou en Azerbaidjan, par Tbilissi en Georgie à Ceyhan en Turquie). En 2000, le PNAC (Project for a New American Century, de Cheney/Rumsfeld/Wolfowitz/Perle) programme la seconde guerre contre l’Irak, obstacle à l’hégémonie (énergétique) des States.

 

La ‘vieille Europe’ tente alors de dialoguer avec la Russie. La ‘jeune Europe’ orientale, revancharde, mise sur l’Amérique, seule à avoir résisté à l’URSS. Pour affaiblir l’Europe, les Etats-Unis accélèrent la dislocation de la poudrière multiculturelle des Balkans, y favorisant la pression islamiste (Albanie, Kosovo). Ils incitent l’Europe centrale à adhérer à l’UE et à l’OTAN, ce qui leur ouvre un double accès à la Mer Noire et présentent l’Iran (mais en fait la Russie) comme une menace (bouclier anti-missiles). Les Pays baltes (Lithanie/Lettonie) ayant pris le contrôle du grand oléoduc nord-ouest, la Russie entame la construction du BPS (Baltic Pipeline System) et Gazprom s’entend avec BASF et Ruhr Gaz pour mettre en place Northstream, que les Polonais s’ingénient à retarder. En Europe orientale et en Europe caucasienne : les Américains n’ont pas réussi, en Biélorussie, à déstabiliser le fidèle Loukachenko, ami des Russes.

 

Le GUAM (Organisation pour la démocratie et le Développement) s’affaire à détacher de l’influence russe l’Ukraine, la Georgie, l’Azerbaïdjan et la Moldavie. Il projette un oléoduc OBP entre la Mer Noire et la Pologne. Mais parallèlement, l’UE avec l’Allemagne et la Tchéquie fonde le Partenariat oriental, avec l’Europe orientale et caucasienne, y compris l’Azerbaïdjan. La Moldavie dépend fort de la Russie. L’Ukraine, d’abord emportée par la ‘révolution orange’ de Iouchtchenko, voit à présent sa ‘tsarine’ Ioulia Timochenko signer un accord avec Poutine dans la ligne d’un partenariat Europe-Russie indispensable à l’équilibre du continent. Reste en question la Crimée, rattachée à l’Ukraine par Khrouchtchev et qui compte 60% de Russes (75% à Sébastopol, base concédée à la flotte russe jusqu’en 2017 !). L’Arménie, fidèle à la Russie qui l’a sauvée des Ottomans, sous blocus de l’Azerbaïdjan et ravitaillée par l’Iran, compte sur sa puissante diaspora américaine.

 

L’Azerbaïdjan s’est épuré de ses Arméniens (pogroms en 1990) à l’exception du Nagorny-Karabakh (rattaché au pays par Staline), où ils sont encore 80%. Le pays détient d’énormes réserves de pétrole et de gaz. Puissamment soutenu par la Fondation Soros (dont il a néanmoins fait échouer la ‘révolution orange’), le président Aliyev joue l’équilibre. Les Azéris, chiites, sont travaillés par les islamistes iraniens. Dès son indépendance, la Géorgie, à qui Staline (géorgien lui-même) avait greffé trois territoires autonomes (Ossétie du Sud, Abkhazie et Adjarie), est entrée en guerre sanglante contre eux. Avec la ‘révolution des roses’, l’avocat newyorkais Michaïl Saakachvili a pris le pouvoir. Fort du soutien des Etats-Unis et d’Israël, il a lancé contre l’Ossétie du Sud une désastreuse opération, qui a révélé l’impuissance américaine et déterminé l’UE à dialoguer avec la Russie. Le Nord Caucase, qui groupe des républiques de la Fédération de Russie, musulmanes (Tcherkessie, Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan) ou orthodoxe (Ossétie du Nord) est un patchwork multiculturel composé par Staline dans le but d’affaiblir chacune.

 

Ce sont des islamistes coriaces, que Poutine traite fermement (« jusque dans les chiottes »). Au Proche-Orient, Israël étant partie prenante des oléoduc BTC et gazoduc BTE vers la Turquie, il fallait que les Serbes soient virés du Kosovo. Toutefois, depuis la gaffe géorgienne, les Russes menacent les deux tracés. Dans les espérances occidentales, la Turquie devait hériter du ‘pouvoir de nuisance’ de la Russie. Bien que d’une stabilité douteuse, les Turcs peuvent affaiblir Russes comme Européens, chez qui, heureusement, les anti-turcs tiennent bon. C’est la Bible et leur propre histoire de Terre promise qui rapprocheraient les Américains d’Israël, leur treizième porte-avions. Toutefois, depuis le fiasco du Liban (2006) et l’échec de Tsahal à Gaza (2008), et avec sa nouvelle majorité explosive, la stabilité d’Israël ne tient plus qu’à l’instabilité de ses voisins. L’Egypte est gangrenée par les Frères musulmans, proches des Iraniens et du Hamas et qui contrôlent le Sinaï et la zone frontalière de Gaza. L’Arabie saoudite, ‘amie des Américains, achète sa tranquillité, en finançant les fondamentalistes ! Les Monarchies du Golfe ne sont que des lunaparks méprisés par tous les bons musulmans.

 

La Jordanie deviendra peut-être la Grande Palestine (si les Israéliens achèvent le ménage). La Syrie, hostile à Israël, est un des voyous de l’Axe du Mal, mais un interlocuteur incontournable. Le Liban n’existe que par le Hezbollah, qui en contrôle la moitié. L’Irak, après ses guerres Bush I et Bush II, a été officiellement pacifié par le général Petraeus (et l’accord avec le Mahdi chiite Moqtadar-al-Sadr). Sunites, chiites et Kurdes attendent pour reprendre leur guerre civile le départ des Américains. Lesquels ne resteraient que pour protéger les Kurdes (et leur pétrole). A défaut, ils auraient perdu pour rien quatre mille hommes, des centaines de milliards et gagné la haine de la planète. La concurrence entre les projets de gazoducs Nabucco c/Southstream (qui confronte l’UE à Gazprom russe et à ENI italienne) donne plusieurs longueurs d’avance aux seconds : les Russes ont déjà des accords avec la Hongrie, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et l’Autriche, de même qu’avec le Turkménistan, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, alors que l’avenir de Nabucco est encore incertain. Si les potentats de cinq républiques ex-soviétiques d’Asie centrale ont d’abord été aisément subjugués par quelques dizaines de millions de dollars, le mouvement s’est renversé.

 

Le président Karimov d’Ouzbékistan a sévèrement réprimé une manifestation encouragée par les Américains, qui n’ont eu que le temps de lui rappeler les droits de l’Homme que déjà ils étaient expulsés. Cible des islamistes, il préfère se rapprocher des Russes. De même, le Turkménistan, qui ne tolère aucun soldat étranger, a préféré les Russes aux Américains. Le président Nazarbaiev du Kazakhstan, pris entre ses Kazakhs au sud et ses Russes (30%) au nord, maintient difficilement l’unité. Son pétrole voyage par l’oléoduc CPC et, pour son gaz, il est partie prenante avec le Turkménistan d’un accord avec la Russie. Le bail de la base spatiale russe de Baïkonour court jusqu’en 2014 et celle de Sary Chagoun jusqu’en 2050. Le Kirghizistan (peuplé d’Indoeuropéens) a fait l’objet d’une ‘révolution des tulipes’. Il s’est retourné depuis contre les Américain, qui doivent évacuer la base militaire qu’ils louaient fort cher, alors que les Russes en reçoivent gratuitement ! Le Tadjikistan, pays persanophone pauvre, voisin de l’Afghanistan, est en guerre civile larvée et est occupé à la fois par les Russes et par les Américains.

 

Pour la Mer Caspienne, les Américains nourrissent le projet d’une ‘Caspian Guard’ aéronavale, officiellement pour empêcher les trafics de drogue et d’armes, mais il leur manque d’avoir un pied dans un pays riverain. Puissance stable du Moyen-Orient, l’Iran, peuplé d’Indoeuropéens chiites, regorge de pétrole. Il a le soutien de tous les damnés de la terre (sunites comme chiites irakiens, Hezbollah, Hamas, Frères musulmans, Afghans et Kurdes). Il est partie dans un axe Moscou-Téhéran-Pékin. Il a même passé un accord gazier avec la Turquie. Il ne renoncera pas à sa bombe atomique. A défaut de pouvoir le vaincre, les Américains doivent le convaincre.

 

L’Afghanistan est une aberration britannique, une mosaïque de peuples en guerre par tradition, où les Américains ont joué les islamistes contre les soviétiques. Le gouvernement Karzaï ne contrôle qu’un cinquième du pays. Il est impossible à l’OTAN de gagner, ni d’empêcher les Afghan d’être les premiers producteurs mondiaux d’héroïne. Au Pakistan voisin, la CIA a arrosé les fous d’Allah avec des torrents de dollars. La contagion s’est étendue et les talibans en sont à menacer les voies de ravitaillement américaines. Les bombardements de représailles touchent essentiellement des civils et font de nouvelles recrues antiaméricaines. La guerre au Cachemire achève d’affaiblir le front ‘occidental’. OTSC et OCS sont deux alliances antiaméricaines : l’Organisation du traité de sécurité collective est une réplique de l’OTAN, qui a permis à l’Ouzbékistan et au Kirghizistan de se débarrasser de leurs troupes américaines ; l’Organisation de coopération de Shanghaï, rassemble, avec la Russie et la Chine, le Kazakhstan, le Khirgizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan et elle a accepté l’Inde, le Pakistan, la Mongolie et l’Iran comme observateurs. L’Inde, le Japon et la Chine sont de faux colosses, peu impliqués encore dans le jeu géopolitique.

 

L’Inde, qui essaie une troisième voie occidentale, n’est en rien une nation. Elle est pratiquement en guerre avec le Pakistan (l’une comme l’autre ont la bombe atomique !). Le Japon est un satellite désarmé des Etats-Unis, dont la renaissance ne passera que par sa redécouverte des samouraïs. La Chine est une menace pour après-demain. Elle multiplie les relations avec la Russie et l’Iran et avec les républiques d’Asie centrale. Plus encore qu’avec les Tibétains, les Chinois ont des problèmes avec les Ouïghours, turcomongols musulmans sécessionnistes. Avec tout cela, les Américains ont perdu une partie de leurs pions et vont devoir abandonner un costume trop grand pour eux, les Russes ont regagné une grande partie de leurs positions et les Européens (UE) ont fait le mauvais choix.

 

Alain Cagnat, encore lui, pose le choix ‘Occident ou Eurosibérie ?’. L’Occident, protecteur de l’univers contre le Mal absolu du terrorisme, ce leurre destiné aux foules rendues stupides, se fissure. Obama promet un changement, dans la continuité car tout son entourage appartient au White Power. A l’inverse, dans la Russie (qu’on nous présentait comme définitivement humiliée), Poutine s’est attaqué aux oligarques (qu’on nous présentait comme des dissidents). Elle n’est plus une menace pour l’Europe et a intérêt à se rapprocher d’elle, ce que redoutent les Américains. Lesquels n’ont plus les moyens de leurs prétentions hégémoniques, avec une économie en faillite et une armée qui ne tolère pas les pertes ! Notre chance est l’Eurosibérie. Nos enfants ne nous pardonneront pas de la laisser passer, pas plus que nous ne devons pardonner à nos ancêtres d’avoir déclenché la première guerre mondiale.

 

Pour Pierre Vial, le gouvernement de la France, vendu à Washington, ne pouvait que déboulonner Aymeric Chauprade, esprit libre, de sa chaire de géopolitique au Collège Interarmées de Défense. Il y démontrait la nécessité pour la France et l’Europe de faire échec au mondialisme américain, produit de la finance newyorkaise. Chauprade avertit contre le potentiel révolutionnaire islamiste et conteste que les Etats-Unis aient les moyens de leur ‘destination divine manifeste’. Il mise au contraire sur la Russie, à qui ses richesses naturelles donnent les moyens de sa politique d’indépendance et de puissance.

Jean-Patrick Arteault annonce la guerre coloniale, dans la ligne de la géopolitique anglo-saxonne. Puissance maritime insulaire destinée à dominer le commerce, elle doit ‘contenir’ le continent, c’est-à-dire empêcher que la puissance réelle de celui-ci s’exprime.

 

Le messianisme judéo-yankee a nourri deux écoles de politique étrangère américaine. La première, Hard Power, divise le monde en vassaux ou en ennemis à abattre, au besoin par la force (R. Reagan, G. W. Bush). La seconde, Soft Power, préfère amener l’interlocuteur aux concessions, dans la voie d’un mondialisme cornaqué par l’oligarchie capitaliste et ses think tanks. La formule a l’avantage de sauver la face aux collaborateurs, à qui le berger fait oublier qu’ils ne sont que des moutons. Ils vendent à leur opinion publique l’image d’une Amérique bonne fille, qui nous a secourus et protégés contre l’indicible et qui mérite dès lors qu’on l’aide contre les méchants Afghans. Dans le genre Kollabo, le trio infernal de l’atlantisme français (Sarközy-Kouchner-Levitte) rêve de souffler aux Britanniques le rôle de premier caniche de Washington, apprenant à se plier sans donner le sentiment de se coucher. L’armée de terre américaine, qui veut guerroyer avec zéro mort, a un besoin urgent de supplétifs et, le dollar vacillant, de faire casquer les vassaux. Alors que le bourbier afghan est une nouvelle guerre coloniale qui ne pourra pas être gagnée, car son objectif géopolitique (entre autres, barrer à la Russie l’accès aux mers chaudes) ne satisfait pas les opinions publiques ni les combattants. Ceux-ci devraient se contenter d’apporter la démocratie et les droit de la femme à des moujahidins qui sont incomparablement mieux motivés à se défendre contre les mercenaires des oligarchies financières.

 

Pierre Vial clôture ce numéro en beauté. Et en chantant la profusion des beautés que vient de dévoiler l’archéologie dans les vestiges que ‘Nos ancêtres les gaulois et nos ancêtres les Germains’ nous ont laissés dans le Puy-de-Dôme, dans la Somme, en Corrèze, dans le coeur historique de Reims, à Saint Dizier en Haute-Marne. Le cliché des ‘barbares hirsutes’ a enfin rendu son âme dévote. Notamment entre les mains de Bossuet, pour qui la Providence avait choisi la voie lumineuse de la civilisation gréco-romaine pour apporter la vérité unique aux brutes sauvages de nos sombres forêts.

 

vendredi, 26 juin 2009

Pour une typologie opératoire des nationalismes

drapeaux-europe.jpg

 

 

Archives de Synergies Européennes - 1990

 

Pour une typologie opératoire des nationalismes

 

par Robert STEUCKERS

 

Le mot «nationalisme» recouvre plu­sieurs acceptions. Dans ce vocable, les langages politique et politologique ont fourré une pluralité de contenus. Par ailleurs, le nationalisme, quand il agit dans l'arène politique, peut promouvoir des valeurs très différentes selon les cir­constances. Par exemple, le nationa­lis­me peut être un programme de libéra­tion nationale et sociale. Il se situe alors à «gauche» de l'échiquier poli­tique, si toutefois on accepte cette dicho­tomie con­ventionnelle, et désormais dé­passée, qui, dans le langage politique, distingue fort abruptement entre une «droite» et une «gauche». Les gauches convention­nelles, en général, avaient accepté com­me «progressistes», il y a une ou deux dé­cennies, les nationa­lismes de libéra­tion vietnamien, algé­rien ou nicara­guéen car ils se dres­saient contre une forme d'oppression à la fois colonialiste et capitaliste. Mais le nationalisme n'est pas toujours de libé­ration: il peut éga­lement servir à asseoir un programme de soumission, d'impérialisme. Un cer­tain nationa­lisme français, dans les an­nées 50 et 60, voulait ainsi oblitérer les nationalismes vietnamien et algérien de valeurs jaco­bines, décrétées quintessen­ce du «nationalisme français» même dans les rangs des droites, pourtant tra­ditionnel­lement hostiles à la veine idéo­logique ja­cobine. Nous constatons donc, au regard de ces exemples historiques récents, que nous nageons en pleine con­fusion, à moins que nous ayons af­faire à une coïncidentia oppositorum...

 

Pour clarifier le débat, il importe de se poser une première question: depuis quand peut-on parler de «nationa­lis­me»? Les historiens ne sont pas d'accord entre eux pour dire à quelle époque, les hommes se sont vraiment mis à parler de nationalisme et à rai­sonner en ter­mes de nationalisme. Avant le XVIIIiè­me siècle, on peut re­pérer le messia­nisme national des Juifs, la notion d'ap­partenance culturelle commune chez les Grecs de l'Antiquité, la notion d'im­pe­rium chez les Romains. Au Moyen Age, les nations connaissent leurs différences mais les assument dans l'œkumène chrétien, qui reste, en ultime instance, le seul véritable réfé­rent. A la Renais­san­ce, en Italie, en France et en Alle­magne, la notion de «nation», comme ré­férent politique im­portant, est réservée à quelques huma­nistes comme Ma­chia­vel ou Ulrich von Hutten. En Bohème, la tragique aven­ture hussite du XVième siè­cle a marqué la mémoire tchèque, con­tribuant forte­ment à l'éclosion d'un par­ticularisme très typé. Au XVIIième siècle, l'Angleterre connaît une forme de na­tionalisme en instaurant son Egli­se na­tionale, indépendante de Rome, mais celle-ci est défiée par les non-con­for­mistes religieux qui se réclament de la lettre de la Bible.

 

Avec la Révolution Française, le senti­ment national s'émancipe de toutes les formes religieuses traditionnelles. Il se laïcise, se mue en un nationalisme pu­rement séculier, en un instrument pour la mobilisation des masses, appelées pour la première fois aux armées dans l'histoire européenne. Le nationalisme moderne survient donc quand s'effondre l'universalisme chrétien. Il est donc un ersatz de religion, basé sur des éléments épars de l'idéologie des Lumières. Il naît en tant qu'idéologie du tiers-état, aupa­ravant exclus du pouvoir. Celui-ci, à cause précisément de cette exclusion, en vient à s'identifier à LA Nation, l'aristo­cratie et le clergé étant jugés comme des corps étrangers de souche franque-ger­manique et non gallo-ro­mane (cf. Sié­yès). Ce tiers-état bourgeois accède seul aux affaires, barrant en même temps la route du pouvoir au qua­trième état qu'est de fait la paysan­nerie, et au quint-état que sont les ou­vriers des manu­factures, encore très minoritaires à l'é­poque (1). Le nationa­lisme moderne, il­lu­ministe, de facture jacobine, est donc l'idéologie d'une par­tie du peuple seu­lement, en l'occurrence la bourgeoisie qui s'est émancipée en instrumen­ta­li­sant, en France, l'appareil critique que sont les Lumières ou les modes angli­cisantes du XVIIIième siècle. Après la parenthèse révolutionnaire effervescen­te, cette bourgeoisie se militarise sous Bo­naparte et impose à une bonne partie de l'Europe son code juridique. La Res­tau­ration d'après Waterloo conserve cet appareil juridique et n'ouvre pas le che­min du pouvoir, ne fût-ce qu'à l'échelon com­munal/municipal, aux éléments a­van­­cés des quart-état et quint-état (celui en croissance rapide), créant ainsi les con­ditions de la guerre sociale. En Al­le­magne, les observateurs, d'abord en­thou­siastes, de la Révolution, ont bien vi­te vu que les acteurs français, surtout parisiens à la suite de l'élimination de toutes les factions fédéralistes (Lyon, Mar­seille), ne cherchaient qu'à hisser au pouvoir une petite «élite» clubiste, cou­pée du gros de la population. Ces ob­servateurs développeront, à la suite de cette observation, un «nationalisme» au-delà de la bourgeoisie, capable d'orga­ni­ser les éléments du tiers-état non encore politisés, c'est-à-dire les pay­sans et les ou­vriers (que l'on pourrait appeler quart-état ou quint-état). Ernst-Moritz Arndt prend pour modèles les consti­tutions suédoises des XVIIième et XVIIIiè­me siècles, où le paysannat, fait unique en Europe, était représenté au Parlement en tant que «quart-état», aux côtés de la noblesse, du clergé et de la bourgeoisie marchande et industrielle (2). Le Baron von Stein, juriste inspiré par la praxis prussienne de l'époque fré­­déricienne, par les théories de Herder et de Justus Möser, par les leçons de l'è­re révolutionnaire et bonapartiste, éla­bo­re une nouvelle politique agraire, pré­voyant l'émancipation paysanne en Prus­se, projette de réorganiser la bu­reaucratie d'Etat et d'instaurer l'auto­no­mie administrative à tous les niveaux, depuis la commune jusqu'aux instances suprêmes du Reich. Les desiderata d'Arndt et du Baron von Stein ne seront pas traduits dans la réalité, à cause de la «trahison des princes allemands», de l'«obstination têtue des principules et du­caillons», préférant l'expédiant d'une restauration absolutiste pure et simple.

 

Comment le nationalisme va-t-il évo­luer, à la suite de cette naissance tu­mul­­tueuse dans les soubresauts de la Révolution ou du soulèvement allemand de 1813? Il évoluera dans le plus parfait désordre: la bourgeoisie invoquera le na­­tionalisme dans l'esprit de 1789 ou de la Convention, les socialistes dans la perspective fédéraliste ou dans l'espoir de voir la communauté populaire politi­sée s'étendre à tous les états de la so­ciété, les Burschenschaften  allemandes contre les Princes et l'ordre imposé par Metternich à Vienne en 1815, les narod­niki  russes dans la perspective d'une émancipation paysanne généralisée, etc. Le mot «nationalisme» en vient à dési­gner des contenus très divers, à recou­vrir des acceptions très hétérogènes. En Hongrie, avec Petöfi, le nationalisme est un nationalisme ethnique de libération comme chez Arndt et Jahn. En Pologne, l'ethnisme slavisant se mêle, chez Mi­ckiewicz, d'un messianisme catholique anti-russe et anti-prussien, donc anti-or­­thodoxe et anti-protestant. En Italie, avec Mazzini, il est libéral et illuministe. En Allemagne avec Jahn et au Dane­mark, avec Grundtvig, il est nationa­lis­me de libération, ethniste, ruraliste, ra­cia­lisant et s'oppose au droit romain (non celui de la vieille Rome républi­cai­ne mais celui de la Rome décadente et orientalisée, réinjecté en Europe cen­tra­le entre le XIIIième et le XVIième siè­cles), c'est-à-dire à la généralisation d'un droit où l'individu reçoit préséance, au détriment des communautés ou de la nation.

 

Dans l'Allemagne nationale-libérale de Bismarck, le tiers-état allemand accède au pouvoir tout en concédant une bonne législation sociale au quint-état ouvrier. La France de la IIIième République con­solide le pouvoir bourgeois mis en selle lors de la Convention. Entre 1914 et 1918, le monde assiste à la conflagration généralisée des nationalismes tiers-éta­tistes. En 1919, à Versailles, l'Ouest im­pose le principe de l'auto-détermina­tion dans la Zwischeneuropa, l'Europe sise en­tre l'Allemagne et la Russie. La Fran­­­­ce va ainsi accorder aux Polonais et aux Tchèques ce qu'elle refusera tou­jours aux Bretons, aux Alsaciens, aux Corses et aux Flamands. Mais cette au­to-détermination n'est pas accordée di­rec­tement aux peuples pris dans leur globalité, mais aux militaires polonais ou roumains, aux clubs tchèques (Ma­sa­ryk), etc. Ces strates dirigeantes, ex­ploitant à fond les idéologèmes nationa­listes, ont affaibli leurs peuples en im­po­sant des budgets militaires colossaux, notamment en Pologne et en Roumanie. Dans ce dernier pays, ce n'est pas un ha­­sard non plus si la contestation néo-na­tionaliste, hostile au nationalisme de la monarchie et des militaires, se soit basée sur les idéologies agrariennes (po­po­ranisme) ou les ait faits dévier dans une sorte de millénarisme paysan, com­parable, écrit Nolte (3), aux milléna­ris­mes de la fin du Moyen Age ouest-euro­péen (Légion de l'Archange Michel, Gar­­de de Fer).

 

Devant ce désordre événémentiel, la pen­­sée européenne n'a pas été capable d'énoncer tout de suite une théorie scien­tifique, assortie d'une classification claire des différentes manifestations de l'idéologie nationaliste. Avec un tel dé­sor­dre de faits, une typologie est néces­saire, vu qu'il y a pluralité d'acceptions. Les linéaments de nationalisme se sont de surcroît mêlés à divers résidus, plus ou moins fortement ancrés, d'idéologies non nationales, non limitées à un espace ou à un temps précis. La première clas­sification opératoire n'a finalement été sug­gérée qu'en 1931 par l'Américain Carl­ton J.H. Hayes (4). Celui-ci distin­guait:

1) Un nationalisme humanitaire, fai­sant appel à des valeurs intériorisées et critique vis-à-vis du système en place. L'idéologie humanitaire pouvant repo­ser tantôt sur la morale tantôt sur la cul­­ture;

2) Un nationalisme jacobin, réclamant une adhésion formelle, donc extérieure, et s'instaurant comme système de gou­vernement;

3) Un nationalisme traditionaliste, auto­ritaire et contre-révolutionnaire, explo­rant peu les ressorts de l'intériorité hu­maine, et s'opposant au système en pla­ce au nom d'une tradition, posée comme pure, comme réceptacle exclu­sif de la vérité;

4) Un nationalisme libéral, se réclamant du droit ou des droits, généralement hos­tile au système en place, car celui-ci n'accorde aucun droit à certaines caté­gories de la population ou n'en accorde pas assez au gré des protagonistes du nationalisme;

5) Un nationalisme intégral, opérant une synthèse de différents éléments idéo­logiques pour les fusionner en un na­tionalisme opératoire. Maurras est le théoricien par excellence de ce type de nationalisme de synthèse, hostile, lui aussi, au régime en place.

Le découpage que nous suggère Carlton J.H. Hayes est intéressant mais l'ex­périence historique nous prouve que les nationalismes qui ont fait irruption sur la scène politique européenne ont sou­vent été des mixtes plus complexes, vu les affinités qui pouvait exister entre ces différents nationalismes, comme par exemple entre le nationalisme humani­taire et le nationalisme libéral, entre le libéralisme et le jacobinisme, entre les traditionalistes et les natio­na­listes in­té­graux, etc.

 

Hans Kohn (5), disciple de Meinecke, ré­duira conceptuellement la pluralité des nationalismes à deux types de base: 1) les nationalismes émanant de la Nation-Etat, d'essence subjective et politique, où l'on adhère à une nation comme à un parti. C'est une conception occidentale, d'après Kohn;

2) les nationalismes émanant de la Na­tion-Culture, d'essence objective et cul­turelle, déterminée par une apparte­nan­ce ethnique dont on ne peut se dé­barrasser aisément. C'est une concep­tion orientale, slave et germanique, d'a­près Kohn.

L'Occident, selon sa classification, déve­lopperait donc une idée de la nation comme communauté volontaire, comme un «plébiscite de tous les jours» (Re­nan). Jordis von Lohausen, géopoliti­cien autrichien contemporain, disait dans ce sens que l'on pouvait de­venir français ou américain comme l'on devient musul­man: par simple décision personnelle et par acceptation de valeurs universelles non liées à du réel concret, à un lieu précis et objectif.

L'Est européen développe une approche contraire des faits nationaux. Cette ap­proche, dit Kohn, est déterministe: on ap­partient à une nation comme on ap­partient à une famille, pour le meilleur et pour le pire.

Kohn en déduit que les approches occi­dentales sont libérales, démocratiques, rationnelles et progressistes. Les ap­proches orientales, quant à elles, sont irrationnelles, anti-individualistes, pas­séistes, voire «fascistes» et «racistes».

Cette dichotomie, un peu simple, mérite une critique; en effet, les nationalismes jacobins, occidentaux, de facture libérale et démocratique, se sont montrés agres­sifs dans l'histoire, bellogènes, inca­pables de créer des consensus réels et d'organiser les peuples (de faire des peuples des organismes harmonisés). Quant aux nationalismes dits orientaux, ils reposent sur un humanisme cultu­rel, dérivé de Herder, qu'il serait difficile de qualifier de «fasciste», à moins de condamner comme telle toute investiga­tion d'ordre culturel ou littéraire dans un humus précis. Par ailleurs, l'Irlan­de qui est située à l'Ouest du continent européen, n'est ni slave ni germanique mais celtique, déploye un nationalisme objectif, ethnique, culturel, littéraire qui n'a jamais basculé dans le fascisme. De même pour l'Ecosse, le Pays de Galles, la Flandre, la Catalogne, le Pays Bas­que. La Pologne, située à l'Est, assimile de force les Ruthènes, les Kachoubes, les Lithuaniens, les Ukrai­niens, les Alle­mands et les Tchèques qui tombent sous sa juridiction non pas au nom d'un nationalisme ethnique polo­nais mais au nom d'une idéologie uni­versaliste mes­sia­nisée, le catholicisme. Si bien que tous les Slaves catholiques sont considé­rés comme Po­lo­nais, en dépit de leur na­­tionalité pro­pre. Dans la Russie du XIXième siècle, le natio­na­lisme est un mixte qui n'a rien de la netteté dichoto­mique de Kohn: l'étatisme anti-volonta­riste, mi-occidental mi-orien­tal, se con­jugue au panslavisme culturel, «orien­tal» et non humaniste, et au narodni­kis­me, «oriental» et humaniste.

 

Theodor Schieder (6) critique les classi­fi­­cations de Hayes et de Kohn, parce qu'il les juge trop figées et parce qu'elles ne tiennent pas compte du facteur temps. La formation des nationalismes européens s'est déroulée en plusieurs étapes, dans trois zones différentes. La première étape s'est déroulée en Europe occidentale; la seconde étape, en Europe centrale; la troisième étape, en Europe orientale. En Europe occidentale, c'est-à-dire en France et en Angleterre, le cadre territorial national était déjà là; il n'y a donc pas eu besoin de l'affirmer. Le tiers-état s'émancipe dans ce cadre et conserve les éléments d'universalisme propre au Lumières parce que le ro­man­tisme attentif aux spécificités ethno-culturelles ne s'est pas encore dé­velop­pé. La culture est toujours au stade du subjectif-universaliste et non encore au stade de l'objectif-particulariste. Ce qui explique qu'en Angleterre, le terme «na­tionalisme» sert à désigner des mou­­vements de mécontents sociaux en Irlande, en Ecosse, au Pays de Galles. Cette acception, à l'origine typiquement britannique, du terme nationalisme est passée aux Etats-Unis: on y parle du «nationalisme noir» pour désigner le mé­contentement des descendants des es­claves africains importés en Amé­ri­que, jadis, dans les conditions que l'on sait. Aux Etats-Unis comme en France, le nationalisme ne peut être ni objectif ni linguistique ni ethnique mais doit être subjectif et politique parce ces pays sont pluri-ethniques et, au départ, peu peu­plés, donc contraints de faire appel à l'im­migration. Tout recours à l'objecti­vité ethno-linguistique y briserait la co­hésion artificielle, obtenue à coup de pro­pagande idéologique.

 

En Europe centrale, il a fallu d'abord que les nationalismes créent le cadre territorial sur le modèle des cadres oc­cidentaux. C'est ainsi que l'on a pu ob­server, dans la première moitié du XIXième siècle, les lents processus des unifications allemande et italienne. Il a fallu aussi chasser les puissances tu­tri­ces (la France en Allemagne; l'Autriche en Italie). L'obsession de se débarrasser des armées napoléoniennes et de l'ad­mi­nistration française ainsi que de ses re­liquats juridiques est bien présente dans les écrits des ténors du natio­na­lis­me allemand du début du XIXième: chez Arndt, chez Jahn et chez Kleist. Dans cette première phase, le nationa­lis­me émergeant révèle une xénophobie, qui unit le peuple en vue d'un objectif précis, la libération du territoire natio­nal, et qui, sur le plan théorique, cher­che à démontrer une homogénéité so­ma­tique de tout le corps social et popu­laire. Ensuite, la démarche unificatrice passe par l'élaboration d'un droit al­ternatif, devant nécessairement accor­der un plus en matière de représen­ta­tion que le droit ancien, imposé par une puissance extérieure. D'où, en Alle­ma­gne, la recherche constante d'une al­ter­native au droit romain et la volonté d'un retour au droit coutumier germanique, laissant plus de place aux dimensions communautaires, territoriales ou pro­fes­­sion­nelles (cf. Otto von Gierke), ce qui permet de répondre aux aspirations con­­crètes d'autonomie communale et aux volontés d'organisation syndicale, ex­primées dans la population.

 

En Europe orientale, les processus na­tio­­nalitaires se heurtent à une difficulté de taille: créer un cadre est excessi­ve­ment compliqué, vu la mosaïque ethni­que, à enclaves innombrables, qu'est la partie d'Europe sise entre l'Allemagne et la Russie. Cette difficulté explique la neutralisation de cette zone bigarrée au sein d'empires pluri-nationaux. La rai­son d'être de la monarchie austro-hon­groise était précisément due à l'impos­si­bilité d'un découpage territorial co­hé­rent sur base nationale dans cette ré­gion, ce qui l'aurait affaiblie face à la menace otto­mane. Pendant la guerre 14-18, Alle­mands et Autrichiens renon­cent, sur le plan théorique, à l'idéologie na­tionale, tandis que l'Entente et les Etats-Unis, malgré leurs idéologies do­minantes cos­mopolites, instrumentali­sent, contre la lo­gique fédérative autri­chienne, le fa­meux principe wilsonien de l'«auto-dé­ter­mination nationale» (7). Quand, à Versailles, sous l'impulsion de Wilson et de Clémenceau, on accorde à l'Europe orientale l'auto-détermi­na­tion, on le fait par placage irréfléchi du modèle jacobin, subjectivo-politique, sur la mosaïque ethnique, objectivo-cultu­rel­­le. Le mélange du nationalisme sub­jectif et des faits objectifs d'ordre ethni­que et culturel a provoqué l'explosion d'ir­rédentismes délétères.                     

 

Le nationalisme des «petits peuples» dans les travaux de Miroslav Hroch

 

Miroslav Hroch (8), de nationalité tchè­que, analyse le nationalisme des «petits peu­ples», soit les nationalismes norvé­gien, fin­landais, flamand, baltes et tchè­que. Ces nationalismes, tous culturels à la base, ont également évolué en trois étapes. La pre­mière de ces étapes est la phase intellec­tuelle, «philologique», où des érudits redé­couvrent le Kalevala en Finlande ou ex­hument de vieilles poésies ou épopées ou, encore, créent des romans historiques com­me Conscience en Flan­dre. L'archéologie, la littérature et la lin­guis­tique sont mo­bilisées pour une «pri­se de conscience». Vient ensuite la seconde phase, celle du réveil, où cette nou­velle culture encore marginale passe des érudits aux intellec­tuels et aux étu­diants. Le Tchèque Pa­lac­ky (9) a été, par exemple, l'initiateur d'un tel passage dans la société tchèque du dé­but du XIXième. La troisième phase est celle où le nationalisme, au préalable en­goue­ment d'érudits et d'intellectuels, de­vient «mouvement populaire», atteint les mas­­ses qui passent, ainsi, à une «cons­cience historique». C'est la litté­rature, dans tous ces cas, qui est le moteur d'un mouvement social. Au XIXième, dans le sillage du romantisme, c'est le roman qui a joué le rôle de diffuseur. Aujour­d'hui, ce pourrait être le cinéma ou la ban­de des­sinée.

 

Qui porte cette évolution? Ce n'est pas, comme dans les cas des nationalismes tiers-étatistes, la bourgeoisie industrielle ou marchande. Celle-ci ne montre aucun intérêt pour la philologie, la poésie ou le roman historique. Sur le plan culturel, elle est strictement analphabète (Kultur­anal­­­pha­bet, dirait-on en allemand). Le na­­tio­na­lisme des «petits peuples» émane au con­traire de personnalités cultivées, issues de classes diverses, mais toutes hos­tiles à la caste marchande inculte (les «Philistins», disait l'humaniste anglais Matthew Ar­nold). Schumpeter, en éco­no­­mie, Veblen, en sociologie, ont montré combien puis­san­te était cette hostilité du peuple, des cler­gés et des aristocrates  à l'encontre des ri­ches sans passé, por­teurs de la civilisation capitaliste. Cons­ta­tant que cette haine al­lait croissante, Schumpeter prévoyait la fin du capita­lis­me. Cette haine est donc partagée entre d'une part, les nationa­lis­mes culturels et, d'autres part, les gau­chismes de tou­tes moutures, qui, quand ils conjuguent leurs efforts et abandonnent le faux clivage gauche/droite en induisant un nouveau clivage, cette fois entre cultivés et non-cultivés, font sauter la domination des castes marchandes, spéculatrices et incultes («middelmatiques» disait le so­cia­liste belge Edmond Picard).

 

Des intellectuels

issus des milieux paysans

 

Les intellectuels qui initient ces natio­na­lismes de culture sont souvent issus de mi­lieux populaires paysans, ruraux, ou sont de petits hobereaux cultivés, déposi­taires d'une «longue mémoire». Miros­lav Hroch pose, après ce constat sur l'o­rigine sociale de ce type d'intellectuels, une question cruciale: sont-ils des «mo­der­­nisa­teurs» (progressistes) ou des «tra­­ditiona­listes» (réactionnaires et pas­sa­tistes)? Dans sa réponse, Hroch recon­naît que ces intellectuels sont plutôt des «moderni­sa­teurs», vu qu'ils cherchent à redonner un bel éclat à leur patrie et à souder leur peuple, de façon à ce qu'il échappe au dé­racinement de la révolu­tion industrielle. Les nationalismes de cul­ture sont tous nés dans des régions d'Europe développées, au passé riche. La Flandre a été une zone ur­banisée depuis le Moyen Age. Le Pays Basque est la zone la plus évoluée d'Es­pagne, qui, après une brève éclipse au XIXième siècle sur fond de pronuncia­men­tos castillans, a connu un nouvel essor au XXième. Même chose pour la Catalogne. La Finlande dispose d'une bonne industrie et présente un bon alliage politique fait de ruralité et de mo­dernité. La Norvège a toujours eu d'ex­cel­lents chantiers navals et dispose, au­jour­d'hui, d'une industrie élec­tronique de premier plan, capable de fa­briquer des missiles modernes. La Bo­hè­me-Moravie a été, après l'Allemagne, la principale zo­ne industrielle d'Europe cen­trale et Pra­gue a une université pluri-sé­culaire. Au vu de ces faits, le reproche de pas­séis­me qu'adressait Kohn aux nationa­lismes de culture ne tient pas. Notre con­clusion: le nationalisme est difficile­ment acceptable quand il émane du tiers-état, parce qu'il véhicule alors l'égoïsme de classe et l'impolitisme délétère à long terme du libéralisme; il est acceptable quand il émane d'une sorte de «première fonction» reconstituée dans le fond-de-peuple enraciné et encore doté de sa «longue mémoire». 

 

E.H. Carr et le reflet des périodes de l'histoire européenne dans la définition des nationa­lismes

 

Pour l'historien britannique E.H. Carr, les nationalismes, aux divers moments de leur évolution, sont des reflets de l'i­déo­logie politique et économique domi­nan­te de leur époque. Ainsi, avant 1789, le na­tionalisme  —ou ce qui en tenait lieu avant que le vocable ne se soit imposé dans le vocabulaire politique—  dans les Etats au cadre ter­ritorial formé, comme la France ou l'An­gleterre, est régalien; il est le coro­llaire du pouvoir royal et inclut dans ses corpus doctrinaux l'idéal mé­ca­niciste et abso­lu­tiste en vigueur chez les théoriciens du politique au XVIIIiè­me siècle. De 1789 à 1870, le nationalisme est démocratique; la révolution de 1789 est démocratique et li­bé­rale, bourgeoise et tiers-étatiste. En 1813, en Allemagne, avec Arndt et Jahn, elle s'adresse à l'en­semble du peuple, pay­sannerie compri­se. En 1848, elle est démo­cratique au sens le plus utopique du ter­me, tant à Paris qu'à Francfort. De 1870 à 1939, quand on abandonne petit à petit les principes libé­raux et l'économie du «lais­ser-faire», le nationalisme devient socia­liste car il faut impérativement organiser  l'industrie et les masses ou­vrières, ce que l'utopisme libéral n'avait pas prévu, aveu­glé qu'il était par le mythe de la «main invisible» que Hayek nommera, quelques décennies plus tard, la «catallaxie». Bis­marck ac­cor­de aux ouvriers une protection so­cia­le. Les idéologies planistes (De Man, Fre­yer), le stalinisme, le fascisme (sur-tout dans sa dimension futuriste et in-dustria­liste), le New Deal de Roosevelt et le natio­nal-socialisme hitlérien (avec ses construc­tions d'autoroutes et son Front du Travail) visent à faire accèder leur na­tion à la puis­sance et y parviennent en appliquant de nouvelles méthodes, cha­que fois différen­tes mais radicalement autres que celles appliquées aux époques antérieures. La France et l'Angleterre, vé­hiculant des na­tionalismes anciens, de type régalien, et appliquant en économie les théorèmes du libéralisme, intègrent mal leurs classes ouvrières et ne par­viennent pas à asseoir en elles une lo-yauté optimale.

 

L'Allemagne bismarckienne, en effet, a été un modèle d'intégration social à son époque. Appliquant les théories de l'éco­nomiste List sur les tarifs douaniers pro­tecteurs de toute industrie naissante, le gouvernement impérial impose les Schutz­zölle  en 1879 qui protègent non seu­lement le capital national mais aussi le travail national, ce qui lui vaut la re­con­naissance de la social-démocratie di­rigée à l'époque par Ferdinand Lassalle. Dès que le capital et le travail sont proté­gés, il faut les organiser, c'est-à-dire les rendre ou les re-rendre «organiques». Pour ce faire, il a fallu injecter de la pro­tection sociale et légiférer dans le sens d'une sé­curité sociale. La nation, dans cette opti­que, était le système qui «or­ga­nisait» et oc­troyait de la protection. Na­tion et sys­tème social se voyaient dé­sor­mais con­fondus dans la classe ouvrière: le pa­trio­tisme du «prolétariat» allemand en 1870 et en 1914 venait du simple fait que ces masses ne souhaitaient ni le knout russe archaïsant ni l'arbitraire libéral français ou anglais. En août 1914, les travailleurs al­lemands couraient aux armes pour que Russes et Français ne viennent pas ré­duire à néant la sécurité sociale cons­trui­te depuis Bismarck et non pas pour la gloire du Kaiser ou de la Sainte-Alle­magne des réactionnaires et des roman­ti­ques médiévisants.

 

Pour E.H. Carr, la phase 1 du natio­na­lis­me est régalienne et portée par les cours et l'aristocratie; la phase 2 est poli­ti­que et démocratique; sa classe por­teuse est la bourgeoisie; la phase 3 est éco­no­mique et portée par les masses. Les na­tions à nationalisme de phases 1 et 2 ont opté pour un colonialisme, où les terri­toi­res d'outre-mer devaient servir de dé­bou­chés à l'industrie métropolitaine que, du coup, on ne modernisait plus. Les na­tionalismes de phase 3 préfèrent la «co­lo­nisation intérieure», c'est-à-dire la ren­tabilisation maximale des terres en friches de la métropole, des énergies na­tionales, des ressources du territoire. Cette «colonisation intérieure» a pour corollaire un système d'éducation très so­lide et très complexe. En bout de cour­se, ce sont les nations qui ont renoncé au libéralisme stricto sensu et au colonia­lisme qui sortent victorieuses de la cour­se économique: le Japon et l'Allemagne.

 

Le nationalisme contre les établissements?

 

Donc tout nationalisme efficace doit être une idéologie contestatrice; il doit tou­jours vouloir miner les établissements qui s'endorment sur leurs lauriers ou veulent bétonner des injustices. Il doit vou­­loir l'émancipation des masses et des catégories sociales dont l'établis­se­ment re­fuse l'envol et vouloir aussi leur inté­gration optimale dans un cadre soli­de, épuré de toutes formes de dys­fonc­tion­ne­ments. Il n'y a aucun vrai na­tio-nalisme possible dans une société qui dys­fonc­tion­­ne à cause de sa maladie li­bé­rale. Les discours nationalistes dans les so­ciétés libérales sont des hochets, des jou­joux, de la propagande, de la pou­dre aux yeux. Dans les sociétés pro­té­gées, appli­quant intelligemment et sou­plement les principes du protection­nis­me, qui per­met l'éclosion d'un capi­ta­lis­me national, d'un socialisme natio­nal, d'une péda­go­gie nationale, le nationa­lis­me devient au­to­matiquement l'idéologie de ceux que favorise le protectionnisme, contre le cos­mopolitisme libéral et l'in­ter­­na­­tiona­lisme prolétarien qui sont des fois sans ancrage social réel et con­dui­sent les so­ciétés à la ruine ou à la déli­ques­cence. Au­jourd'hui, comme il n'y a plus de vo­lon­té protectionniste, ni à l'é­chelon étati­que ni à l'échelon continen­tal, il n'y a plus de nationalisme, si ce n'est des con­tre-façons grotesques, à ver­bo­sité mili­ta­riste, qui servent de véhicule à d'autres utopies internationalistes, com­­­me, par exemple, les intégrismes re­­­ligieux ou les stratégies néo-spiri­tua­listes qui nous vien­nent des Etats-Unis ou de Corée.

 

Les nouveaux fronts

 

Chaque étape du développement de la pensée nationale crée de nouveaux fronts politiques, que le manichéisme de la pen­­sée d'aujourd'hui refuse de perce­voir. Avant 1789, le morcellement terri­to­rial des Etats et les douanes intérieures constituaient des freins à l'expansion du libéralisme et de l'industrie. La nécessité de les éliminer a généré une idéologie à la fois nationale (parce que la nation était le cadre élargi nécessaire à la promotion des industries et manufactures) et libé­ra­le (l'accession du tiers-état marchand à la gestion des affaires). Cette idéologie mettait un terme aux dimensions ri­gi­difiantes et fossilisantes de l'Ancien Ré­gime. Mais quand le libé­ra­lisme a atteint ses limites et montré qu'il pouvait dis­soudre mais non orga­ni­ser, l'idéo­logie idéale à appliquer dans le cadre concret de la nation est devenue le pro­tection­nis­me. Par la création de zones au­­tarciques à dimensions territoriales pré­cises  —la nation, l'Etat—  le pouvoir met­tait un frein aux velléités cosmo­po­li­tes donc dis­solutives du libéralisme. L'An­gleterre, ayant une longueur d'a­van­­ce dans la cour­se à l'industria­lisa­tion, exploitait à fond la pratique du libre-échange pour inonder de ses produits les pays d'Europe non encore industrialisés ou moins in­dustrialisés, empêchant du même coup le développement d'un tissu industriel au­tochtone et privant la popu­la­tion d'op­por­tunités multiples. Le cos­mo­politisme est précisément l'idéo­lo­gie qui, sous pré­texte d'élargir les horizons à l'in­fi­ni, re­fuse de tourner son regard vers la con­crétude ambiante et con­dam­ne du même coup la population fixée dans et sur la concrétude ambiante à de­meurer dans ses chaînes. L'idéologie cos­mopolite des Lumières servait l'An­gle­terre au XIXiè­me siècle comme elle sert les Etats-Unis aujourd'hui.

 

De cet état de choses découlent préci­sé­ment les nouveaux fronts. Le regalien, qui est politique pur, et le pro­­tec­tion­nis­me, qui veut intégrer les masses ouvriè­res et fortifier l'économie, s'opposent avec une égale vigueur au libéralisme cos­mo­polite. Le monarchisme, le socia­lis­me et le syndicalisme (ersatz à l'ère in­dustirelle des associations pro­fes­sion­nel­les d'ancien régime) s'oppose tantôt dans le désordre tantôt dans l'ordre au libéralisme. Les idéologues libéraux com­me Hayek et von Mises ou, dans une moindre mesure, Myrdal, décrivent le socialisme et le syndicalisme comme «ré­actionnaires» parce qu'ils s'opposent à l'expansion illimitée du capitalisme. Cette attitude procède d'un refus des lé­viathans équilibrants, d'un refus de met­tre un frein aux désirs utopiques et sub­jectifs, irréalisables parce que trop pré­tentieux. Le politique étant pré­cisé­ment la création de tels «léviathans é­qui­librants», on peut déduire que le li­bé­ralisme, fruit de l'idéologie des Lumiè­res, est anti-politique, cherche à briser le travail éminemment humain —l'hom­me étant zoon politikon—  du politi­que. Le retour de Hayek et de von Mises dans un certain discours conservateur, aux Etats-Unis, en Angleterre et en France et d'une vulgate idéologique insipide ayant pour thème les «droits de l'homme», de même que la destruction de l'Irak baa­siste et de l'institutionalisation, amorcée par Kouchner, du droit d'ingérence dans les affaires intérieures de pays tiers, avec la triste affaire des Kurdes, participe d'u­ne totalitarisation du libéralisme qui, par la force militaire les trois puissances où le conser­vatisme se réclame de Hayek et les gauches du discours «droits-de-l'hommard», cher­che à homogénéiser la planète en brisant par déchaînement de violence outran­ciè­re (la destruction des colonnes irakien­nes en retraite par bom­bes à neutrons et à effet de souffle) les pe­tits léviathans locaux, ancrés régiona­lement. Comme par hasard, les trois puis­sances qui a­mor­cent cette apoca­lyp­se sont celles dites de l'«Ouest» dans le discours anti-im­pé­ria­liste de l'école na­tio­nale-bolchévique (Niekisch, Pae­tel)...

 

Le commun dénominateur politisant du con­servatisme monarchiste, créateur de lé­viathans non socialisés, et du syn­di­ca­lisme, organisateur du tissu social, ex­pli­que le rapprochement entre l'AF et les syndicalistes soréliens au sein du Cercle Proudhon en 1911-12, le rappro­che­ment en­tre De Man et Léopold III en Belgique, le rapprochement  —hélas mar­gina­li­sé—  entre le CERES de Che­vénement et la NAR monarchiste...

 

L'exemple latino-américain

 

En 1945, le monde assiste à l'achèvement de la dynamique enclenchée par les na­tionalismes européens. Ce ne sont plus désormais des nations qui s'af­fron­tent mais des blocs idéologiques trans­na­tio­naux à vocation globale. Une sorte de nouvelle guerre de religion commence, ré­cla­mant, sur­tout chez les commu­nis­tes, une forte do­se de foi, qu'un Sartre con­tribuera no­tamment à injecter. Le na­tionalisme glisse alors vers le tiers-monde, comme l'avait prévu le géopoliti­cien allemand Karl Haushofer. En effet, en 1949, la Chine de Mao pro­cla­me son au­tarcie par rapport aux grands flux fi­nanciers in­ternationaux, vecteurs du pro­cessus de dénationa­li­sa­tion. Malgré le discours communiste-in­ter­nationa­lis­te, la Chine se replie sur el­le-même, re­devient natio­nale-chinoise, re­­pli qui sera encore ac­centué par la «ré­volution cul­tu­relle» des années 60. En 1954, l'Egypte de Nasser, à son tour, ten­te de se décon­nec­ter des grands circuits occidentaux. Les natio­nalismes du tiers-monde visent donc l'indépendance, es­sa­yent la non-intégra­tion dans la sphère américaine, que Roosevelt et Truman vou­laient éten­dre au monde entier (d'où l'expression «mondialisme»). Le modèle dans le tiers-monde est, tacitement, celui de l'Al­lemagne nationale-socialiste, et, plus officiellement, celui de la Russie de Sta­line. Mais le tiers-monde n'est pas ho­mo­gène: l'Amérique latine, par ex­em­ple, était déjà, par l'action des bour­geoi­sies «monroeïstes», dans l'orbite amé­­­ri­caine avant-guerre comme nous le som­mes aujourd'hui. C'est pourquoi, les La­tino-Américains ont pensé un natio­na­­­lisme de libération continental qui peut nous servir d'exemple, à condition que nous ne le concevions plus sur le mo­de trop roman­tique du guévarisme d'ex­por­tation qui avait, jadis, séduit la géné­ra­tion de ceux qui ont aujourd'hui entre 40 et 50 ans. Mis à part ce natio­na­lisme de libération, l'Amérique latine pré­sente:

 

1) Un nationalisme d'intégration pour po­­pulations hétérogènes (Mexique-Bré­sil).

2) Un nationalisme hostile aux investis­seurs étrangers à l'espace latino-amé­ri­cain. Ce nationalisme continentaliste avait été surtout développé au Chili (a­vant Pinochet) et en Bolivie.

3) Un nationalisme qui est recours au pas­sé pré-colonial. Ce nationalisme a sur­­tout été théorisé par le Péruvien Ma­riategui. Il s'apparente du point de vue des principes aux nationalismes de cul­tu­re européens, comme le nationalisme finlandais qui exhume le Kalevala ou le nationalisme irlandais qui exhume ba­la­des celtiques et épopée de Cuchulain, etc. Ou qui recourt au passé pré-chrétien de l'Europe.

4) Un nationalisme dérivé du populisme urbain, dont l'expression archétypique de­­meure le péronisme argentin.

 

Ces quatre piliers théoriques du natio­na­­­lisme continentaliste latino-américain ré­duisent à néant les clivages gau­che/ droi­­te conventionnels; en effet, on a vu al­ter­nati­ve­ment groupes de «gauche» et groupes de «droite» se revendiquer tour à tour de l'un ou l'autre de ces pi­liers théoriques.

 

En quoi ces piliers théoriques peuvent-ils servir de modèles pour l'Europe?

A. Quand le nationalisme de la gauche chilienne exprime son agressivité tran­chée à l'égard des exploiteurs étrangers, il a le mérite de la clarté dans la défi­ni­tion et la désignation de l'ennemi, acte po­­litique par excellence, comme nous l'ont enseigné Carl Schmitt et Julien Freund.   

 

Quant au nationalisme péruvien, théo­ri­sé par Mariategui, il constitue un mixte de dialectique indigéniste et de dia­lecti­que économiste. La lutte contre l'exploi­ta­tion économique passe par une prise de conscience indigéniste, dans le sens où le retour aux racines indigènes implique automatiquement une négation du sys­tè­me économique colonial. L'anti-impé­ria­lisme, dans la perspective péru­vien­ne-in­digéniste, consiste à recourir aux ra­cines naturelles, non aliénées, du peu­ple. Cet indigénisme est hostile aux na­tionalismes des «bourgeoisies mon­roe­istes», d'origine coloniale et alignées généralement sur les Etats-Unis avec, comme seul supplément d'âme, un es­thé­tisme européisant, tantôt hispano­phi­­le, tantôt francophile ou anglophile.

 

Les mythes castriste, guévariste, sandi­niste, chilien ont eu du succès en Europe parce qu'inconsciemment, ils corres­pon­daient à des désirs que les Européens n'exprimaient plus en leur langage pro­pre, qu'ils avaient refoulés. Lorsque l'on analyse des textes cubains officiels, pa­rus dans la célèbre revue Politica In­ter­nacional  (La Havane) (10), on dé­couvre une analyse pertinente de l'offensive cul­turelle américaine en Amérique lati­ne. Par l'action dissolvante de l'améri­ca­nisme, la culture cesse d'être cons­cien­ce historique et politique et se mue en instrument de dépolitisa­tion, d'alié­na­tion, par surenchère de fic­tion, de psy­chologisme, etc. Nous pour­rions com­parer cette analyse, très cou­rante et gé­néralisée dans le continent la­tino-a­mé­ricain, à celle qu'un Steding (11) avait fait du neutralisme culturel dépoli­tisé en Hollande, en Suisse et en Scandi­navie ou à celle que Gobard avait fait de l'alié­na­tion culturelle et linguistique en France (12).

 

Indigénisme, populisme ou nationa­lisme?

 

En conclusion, toute idéologie et toute pra­tique politique qui veulent prendre en compte les racines du peuple, ses pro­duc­tions culturelles doivent: 1) tenir comp­te des lieux et du destin qu'ils im­po­sent, ce qui implique une politique ré­gionaliste fédérante à tous les échelons; c'est là une logique fédérante 2) opérer un retour aux racines, par un travail ar­­chéologique et généalogique constant, de façon à pouvoir repérer les moments où ont été imposées des structures alié­nantes, à comprendre les circonstances de cette anomalie et à en combattre les ré­sidus; c'est là une logique indigéniste; 3) déconstruire les mécanismes alié­nants introduits dans nos tissus sociaux au moment de la révolution industrielle (une relecture de Carlyle s'impose à ce niveau) et organiser les nouvelles jun­gles urbaines, ce qui signifie ré-enra­ci­ner les populations agglutinées dans les grandes métropoles; c'est là une logique justicialiste et populiste; 4) ras­sembler les peuples et les entités poli­tiques de di­mensions réduites au sein de grands es­paces économiques semi-au­tarciques, dé­passant l'étroitesse de l'Etat-Nation; c'est une logique continen­taliste ou «re­g­nique» (reichisch);  5) rompre avec les nationa­lismes séculiers et laïques clas­siques, nés à l'époque des Lumières et véhicu­lant sa logique d'homo­généisa­tion, éli­minatrice de nombreux possibles (l'omologazzione  de Pier Paolo Pasolini); rompre également avec les nationa­lis­mes qui se sont rebiffés contre les Lu­miè­res pour retomber dans le fantasme de la conversion forcée, dans un cultu­ra­­lisme passéiste conservateur et dé­réa­lisé.

 

Une idéologie politique est acceptable  —qu'elle se donne ou non l'étiquette de «na­tionaliste»—  si et seulement si 1) elle se fonde sur une «culture» enraci­née, impliquant une conscience histo­ri­que et portée par une sorte de nouvelle «pre­mière fonction» (au sens dumézilien du terme); 2) si cette nouvelle «première fonction» est issue du fond-du-peuple (prin­cipe d'indigénat); 3) si elle donne ac­cès à une représentation juste et com­plè­te à toutes les strates sociales; 4) si el­le organise une sécurité sociale et pré­voit une allocation fixe garantie à chaque ci­toyen, ce qui n'est possible que si l'on li­mi­te sévèrement l'accès à la citoyen­neté, laquelle doit désormais com­prendre le droit à un pécule mensuel ga­ranti, per­mettant une relative indépen­dance de tous (diminution de la dépen­dance du sa­lariat, égalité des chances, accès pos­si­ble au recylage professionnel ou à de nou­velles études, garantie de survie et d'indépendance de la mère au foyer, meil­leures chances pour les en­fants des familles nombreuses); comme la riches­se nationale ou régionale n'est pas ex­ten­sible à l'infini, les droits inhé­rents à la citoyenneté doivent rester limi­tés à l'«indigénat» (selon certains principes institués en Suisse); 5) si elle organise l'affectation des richesses fi­nancières nées des prestations de l'indigénat dans le cadre de son «espace vital», de façon à renoncer à toutes formes de colonialisme ou de néo-colonialisme financier alié­nant et à n'accepter, en matières de co­lo­nisa­tion, que les «colonisations inté­rieu­res» (ère agronomique en France au XIXième, assèchement des Polders aux Pays-Bas ou des marais pontins en Ita­lie, colonisation des terres en friche du Brandebourg ou de Transylvanie par des communautés paysannes autonomes, mobilisation de toutes les énergies de la population sans recours à l'immigration comme au Japon); 6) si elle traque toutes les traces d'universalisme militant et ho­mogénéisant, toujours susceptible de faire basculer les communautés hu­mai­nes concrètes dans l'aliénation par ir­réa­lisme têtu: cette traque, objet d'une vi­gilance constante, permet l'envol d'une appréhension du monde réellement uni­verselle, qui accepte le monde tel qu'il est: soit bigarré et kaléidoscopique.

 

Enfin, toute idéologie acceptable doit af­fronter et résoudre les grands problèmes de l'heure; ce serait notamment aujour­d'hui l'écologie. Le nationalisme classi­que, ou celui qui resurgit aujourd'hui, n'in­siste pas assez sur les dimensions in­digénistes, populistes-justicialistes et con­tinentalistes. Il est dans ce sens ana­chronique et incapacitant.  Il reste tiers-éta­tiste dans le sens où il n'est plus uni­versel comme l'était la pensée de la caste souveraine des sociétés traditionnelles, ce qui explique qu'il est incapable de pen­ser la dimension continentale ou l'i­dée de Regnum (Reich)  et qu'il refuse de prendre en compte le fait du fond-du-peu­­ple, propre des quart-état et quint-état. Le nationalisme risque d'occulter deux dimensions: l'ouverture au monde et le charnel populaire. Il reste à mi-che­­min entre les deux sans pouvoir les englober dans une pensée qui va au-delà du simple positivisme.

 

Robert STEUCKERS.   

 

1) Olof Petersson, Die politischen Systeme Nordeuropas. Eine Einführung, Nomos, Baden-Baden, 1989.

(2) Olof Petersson, op. cit.

(3) Ernst Nolte, Die faschistischen Bewegungen, dtv 4004, München, 1966-71, pp. 212-226.

(4) C.J.H. Hayes, Essays on Nationalism, New York, 1966; The Historical Evolution of Modern Nationalism, New York, 1968 (3ième éd.); Nationalism: A Religion, New York, 1960.

(5) H. Kohn, The Age of Nationalism. The First Era of Global History, New York, 1962; The Idea of Nationa­lism. A Study in its Origin and Background, New York, 1948 (4ième éd.); Prophets and Peoples: Studies in 19th Century Nationalism, New York, 1952.

(6) Th. Schieder, «Typologie und Erscheinungsformen des Nationalstaats in Europa», in Historische Zeitschrift, 202, 1966, pp. 58-81 (repris in: Heinrich August Winkler, Na­tionalismus, Athenäum/Hain, Königstein/Ts, 1978, pp. 119-137); Der Nationalstaat in Europa als historisches Phä­nomen,  Köln, 1964.

(7) Rudolf Kjellen, Die politischen Probleme des Welt­krieges,  1916.

(8) Miroslav Hroch, Die Vorkämpfer der nationalen Be­wegung bei den kleinen Völkern Europas, Prag, 1968; «Das Erwachen kleiner Nationen als Problem der kompa­rativen Forschung», in H.A. Winkler, Nationalismus, op. cit., pp. 155-172.

(9) Joseph F. Zacek, Palacky. The Historian as Scholar and Nationalist,  Mouton, Den Haag/Paris, 1970.

(10) Pedro Simón Martínez, «Penetración y explotación del imperialismo en la Cultura Latinoamericana», in Poli­tica Internacional, Instituto de politica internacional, La Ha­bana/Cuba, 19, 1967, pp. 252-255.

(11) Christoph Steding, Das Reich und die Krankheit der europäischen Kultur, 1942 (3ième éd.).

(12) Henri Gobard, L'aliénation linguistique. Analyse té­traglossique, Flammarion, Paris, 1976; La guerre cultu­rel­le. Logique du désastre, Copernic, Paris, 1979.  

 

vendredi, 19 juin 2009

Des langues fortes pour un monde de diversité

Sprachen_der_Welt.png

 

Des langues fortes pour un monde de diversité

Ex: http://unitepopulaire.org/

« Rien dans le chapitre XI de la Genèse ne dit explicitement que la babélisation soit un châtiment. Les Juifs bâtissent une tour extrêmement élevée et l’Eternel dit : "dispersons-les et confondons leur langue, ils pourraient s’élever encore plus haut". Mais nulle part Il ne dit quelque chose comme : "je vais les disperser pour les punir". Je me suis servi de cette absence pour dire que la babélisation est un bien. Et je m’inscris aussi – puisqu’une partie de ma culture est juive et une autre partie est chrétienne – dans une tradition rabbinique ancienne. Certains rabbins – pas tous – ont considéré que Babel était un accomplissement de la véritable destinée des hommes. Dans cette tradition rabbinique, la dispersion est plutôt une bénédiction, dans le sens où aller aux antipodes, essaimer est la vocation humaine même.

 

L’homogénéisation linguistique probable, mais finalement pas certaine du tout, et même, peut-être, assez improbable pour d’autres aspects, l’américanisation par l’anglo-américain non seulement sont insupportables à mes yeux, mais en plus elles ne correspondent pas à la vocation humaine. La vocation humaine n’est pas dans l’uniformisation linguistique, pas plus que dans celle de l’identité. La vocation humaine, comme celle des végétaux et des animaux – finalement nous sommes une espèce vivante parmi d’autre! – est celle d’êtres vivants qui, comme les autres êtres vivants, par nature se dispersent et deviennent de plus en plus différents les uns des autres. L’idée d’une unité de langue est totalement à l’opposé de mes convictions et de mes passions. […]

 

Mon idée, c’est que les langues comme espèces vivantes naissent, vivent et meurent. Mais elles sont aussi capables d’être ressuscitées. L’hébreu est le seul exemple que l’on connaisse, exemple unique extraordinaire, fascinant. Mais même s’il est unique, il est imitable potentiellement. Les langues, contrairement à toutes les espèces vivantes, sont susceptibles de ressusciter. »

 

Claude Hagège, linguiste, auteur du Dictionnaire Amoureux des Langues, Le Temps, 16 mai 2009

dimanche, 07 juin 2009

L'homme enraciné

L’homme enraciné

Image Hosted by ImageShack.usL’homme enraciné est par définition celui qui tire son identité du milieu dans lequel il vit. Ce milieu peut s’entendre largement :
- Il est géographique (ville ou village, région, pays ou nation).
- Il est familial (sa famille et les familles « alliés »).
- Il est social puisque l’homme se trouve associé dans des groupes plus ou moins vastes dans le cadre de sa profession, de sa pratique religieuse, de ses options politiques ou même de ses loisirs. Les entreprises, les églises, les partis politiques et les associations (quels que soient leurs objets) constituent un milieu où l’homme s’enracine.

Un homme est donc riche de son enracinement car celui-ci va offrir de nombreux avantages. Il permet entre autres :
- De subsister (famille ; entreprise).
- D’acquérir des savoirs (famille ; école ; culture locale, régionale ou nationale ; entreprise)
- D’acquérir des valeurs (famille ; école ; églises ; partis et associations politiques ; culture locale, régionale ou nationale).

Tout homme peut donc revendiquer un certain degré d’enracinement et doit en être fier car, par cette affirmation, il assume et revendique sa volonté de puiser sa réflexion et son inspiration auprès de sources nombreuses, présentes ou anciennes. L’homme enraciné est donc « instruit » par son milieu. Il a un « bagage » intellectuel.

A contrario, il faut déplorer chez ceux qui nient la notion d’enracinement (ou les notions associées [1]) le refus de reconnaître la richesse qu’ils peuvent tirer de leur milieu. Ils se définissent alors comme universels, citoyens du monde, apatrides ou encore internationalistes.

Ils s’imaginent, par aveuglement idéologique, avoir été créé ex nihilo par la philosophie des lumières, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (qu’ils n’ont de toute évidence pas lu), le tout relayé ensuite par l’idéologie républicaine et socialiste.

Pour cet homme universel, aucune racine ne doit être tolérée :
- Les cultures locales, régionales et nationales doivent être détruites afin de laisser place à une culture internationale, universelle, unique. Architecture internationale, musique internationale, langue internationale (anglais pour la plupart mais souvenons-nous de cette expérience grotesque que fut l’esperanto), littérature internationale, etc.
- Les croyances religieuses doivent suivre le même sort afin de supprimer toute différence entre les peuples mais aussi parce que les religions, en particulier les religions universalistes comme le Christianisme et l’Islam, rentrent directement en concurrence avec l’idéologie universaliste, par définition athée.
- La famille est également vue comme une dangereuse cellule de socialisation à qui l’on reproche d’être le principal vecteur de transmission de la culture. L’homme universel n’aura donc de cesse de détruire la cellule familiale. Un homme privé d’une famille structurée et forte sera plus fragile et donc plus facilement asservie.
- Idem pour l’école qui ne devra enseigner qu’une culture universelle. Une telle culture n’existant pas, le choix sera délibérément fait de réduire le savoir transmis par l’école à sa plus simple expression. Seuls en réchapperont les enfants des classes aisées qui sont – paradoxalement ? – celles qui militent le plus pour l’universalité.
- Enfin l’entreprise, en particulier l’entreprise locale, à échelle humaine, la plus respectueuse des salariés et de l’environnement, devra également disparaître. Pour l’homme universel, il faut une entreprise universelle. C’est la multinationale des uns ; l’Etat communiste des autres. Bien entendu, cette entreprise universelle annihilera tout son environnement, ce qui n’empêchera pas les universalistes de se proclamer écologistes. Ils proclameront alors qu’une « régulation » à l’échelle mondiale permettra de contrôler les entreprises mondiales. On attend déjà depuis longtemps les résultats de cette régulation.

L’homme universel se définit donc comme totalitaire, liberticide et ignorant. Sa haine pour toutes les racines est pathologique en plus d’être idéologique. L’universalisme est le vandalisme de l’esprit.

Toutefois, il faut également pointer du doigt les risques propres à l’homme enraciné, ne serait-ce que parce qu’ils sont faciles à éviter. Ces risquent consistent à croire aveuglément en la supériorité de sa culture, de sa civilisation, de ses racines sur toutes les autres. Cet aveuglement doit être combattu pour deux raisons :
- D’une part, il est impossible d’établir objectivement une hiérarchie entre les cultures puisque des systèmes de valeurs différents ne peuvent se comparer. Les uns privilégieront la technique ; les autres préféreront la spiritualité ou l’harmonie entre l’homme et la nature. Les uns accorderont beaucoup d’importance à la liberté de l’individu ; d’autres souhaiteront que l’individu s’efface presque totalement face aux objectifs de la communauté. Nier ces différences ou les hiérarchiser est le symptôme d’une pensée atrophiée par l’idéologie universaliste.
- D’autre part, cette volonté d’affirmer la « supériorité » de sa propre culture est habilement utilisée par les universalistes afin de réaliser leurs projets d’unification et de nivellement du monde. Que l’on songe par exemple à la manière dont la République Française, parangon de l’homme universel, a déclenché guerre sur guerre depuis sa création : ce fut d’abord les guerre révolutionnaires et napoléoniennes pour « universaliser » de force le reste de l’Europe ; ce fut ensuite l’édification d’un empire colonial, cette fois-ci pour apporter les principes universels au reste du monde ; de nos jours, ce sont les guerres humanitaires ou contre le terrorisme, dans le même but. Malheureusement la République française a été suivie sur cette voie par la plupart des nations occidentales, en particulier par la plus puissante d’entre elles : les Etats-Unis.

L’universalisme est d’ailleurs une maladie endémique de l’Occident. Cette maladie asservit et détruit principalement les occidentaux eux-mêmes. Mais les universalistes sont convaincus de pouvoir imposer leurs principes au reste du monde, si besoin est par la guerre, d’où une myriade de conflits dans le passé (colonisation et décolonisation) qui se prolongent dans le présent et le futur avec les guerres humanitaires. Evidemment, seul un homme enraciné peut prendre conscience que la raison principale de ces conflits réside dans la volonté d’imposer une culture universelle. Les tenants de l’universalisme, quant à eux, ne se sentent pas le moins du monde responsables de ces actions : ils ont agi pour le « bien » ; la création d’un monde meilleur et plus juste nécessite des « sacrifices » ; la préservation de la paix nécessite de faire la guerre, etc.

Notons enfin qu’il existe un autre ensemble géopolitique qui défend une vision universaliste du monde : l’Islam. Pris entre les divers universalismes occidentaux qui se succèdent [2] et l’universalisme musulman, le monde ne connaîtra jamais la paix.

A moins de rejeter l’homme universel, dans un cimetière militaire car c’est là qu’est sa place, et de redécouvrir l’enracinement.

Jan Van Hemart pour Novopress Flandre

[1] Nation, identité, région, pays, civilisation, spiritualité, etc.
[2] Chrétien puis républicain ; libéral ou communiste et enfin « droits de l’hommistes ».


 

Article printed from :: Novopress.info Flandre: http://flandre.novopress.info

URL to article: http://flandre.novopress.info/?p=4180

mercredi, 13 mai 2009

Terre & Peuple n°39 / Analyse

BanniereTerreEtPeuple.jpg

 

 

 

TERRE & PEUPLE Magazine n°39

 

Analyse par les équipes de "Terre & Peuple - Wallonie"

 

Dans son éditorial au numéro 39 du T&P Mag, qui évoque la dimension raciale du conflit antillais, né par hasard avec l’ère Obama, Pierre Vial relève que les mêmes qui qualifient ces violences de ‘culturelles et identitaires’ jugent ignoble le souhait de ‘préserver sa race’. Parce que contraire à une idéologie officielle largement admise par une population pressée de trahir dans l’espoir d’éviter le fameux choc. Il est temps dès lors de mettre en place la fraternité blanche.

Autour des nouveaux musées (Guggenheim, à Bilbao, Coop Himmelb(l)au à Lyon), FAV s’applique à une analyse de la ‘médiasphère’ qui vise à transformer le musée-conservatoire en un lieu d’actualités, présentant le musée lui-même comme l’événement sensationnel, pour assurer sa survie financière. Afin que l’individu, détribalisé, ingurgite sa ration d’images pieuses.

Emmanuel Ratier, documenté et vigilant, épingle une nouvelle monnaie norvégienne à l’effigie de Knut Hamsun, Prix Nobel enfermé à 85 ans dans un asile, après son éloge funèbre à Hitler. Bernard Kouchner, dénoncé par Pierre Péan, pour ses magouilles sous paravent humanitaire, et pour ses faux ‘camps d’extermination serbes’, s’en tient à accuser Péan d’antisémitisme, ce que Maurice Szafran et Joseph Cohen jugent être la mort du débat public.

Le gros dossier ‘L’arme géopolitique’ est assumé pour moitié par Alain Cagnat. Pour lui, trois affaires marquent le sort de la planète : l’oléoduc BTC/l’Irak/l’Afghanistan. Dès 1994, Halliburton (Dick Cheney) et Chevron (Condolezza Rice), pour affranchir les pétroles du Kazakstan du contrôle russe, projettent l’oléoduc BTC (de Bakou en Azerbaidjan, par Tbilissi en Georgie à Ceyhan en Turquie). En 2000, le PNAC (Project for a New American Century, de Cheney/Rumsfeld/Wolfowitz/Perle) programme la seconde guerre contre l’Irak, obstacle à l’hégémonie (énergétique) des States. La ‘vieille Europe’ tente alors de dialoguer avec la Russie. La ‘jeune Europe’ orientale, revancharde, mise sur l’Amérique, seule à avoir résisté à l’URSS. Pour affaiblir l’Europe, les Etats-Unis accélèrent la dislocation de la poudrière multiculturelle des Balkans, y favorisant la pression islamiste (Albanie, Kosovo). Ils incitent l’Europe centrale à adhérer à l’UE et à l’OTAN, ce qui leur ouvre un double accès à la Mer Noire et présentent l’Iran (mais en fait la Russie) comme une menace (bouclier anti-missiles). Les Pays baltes (Lithanie/Lettonie) ayant pris le contrôle du grand oléoduc nord-ouest, la Russie entame la construction du BPS (Baltic Pipeline System) et Gazprom s’entend avec BASF et Ruhr Gaz pour mettre en place Northstream, que les Polonais s’ingénient à retarder. En Europe orientale et en Europe caucasienne : les Américains n’ont pas réussi, en Biélorussie, à déstabiliser le fidèle Loukachenko, ami des Russes. Le GUAM (Organisation pour la démocratie et le Développement) s’affaire à détacher de l’influence russe l’Ukraine, la Georgie, l’Azerbaïdjan et la Moldavie. Il projette un oléoduc OBP entre la Mer Noire et la Pologne. Mais parallèlement, l’UE avec l’Allemagne et la Tchéquie fonde le Partenariat oriental, avec l’Europe orientale et caucasienne, y compris l’Azerbaïdjan. La Moldavie dépend fort de la Russie. L’Ukraine, d’abord emportée par la ‘révolution orange’ de Iouchtchenko, voit à présent sa ‘tsarine’ Ioulia Timochenko signer un accord avec Poutine dans la ligne d’un partenariat Europe-Russie indispensable à l’équilibre du continent.

Reste en question la Crimée, rattachée à l’Ukraine par Khrouchtchev et qui compte 60% de Russes (75% à Sébastopol, base concédée à la flotte russe jusqu’en 2017 !). L’Arménie, fidèle à la Russie qui l’a sauvée des Ottomans, sous blocus de l’Azerbaïdjan et ravitaillée par l’Iran, compte sur sa puissante diaspora américaine. L’Azerbaïdjan s’est épuré de ses Arméniens (pogroms en 1990) à l’exception du Nagorny-Karabakh (rattaché au pays par Staline), où ils sont encore 80%. Le pays détient d’énormes réserves de pétrole et de gaz. Puissamment soutenu par la Fondation Soros (dont il a néanmoins fait échouer la ‘révolution orange’), le président Aliyev joue l’équilibre. Les Azéris, chiites, sont travaillés par les islamistes iraniens. Dès son indépendance, la Géorgie, à qui Staline (géorgien lui-même) avait greffé trois territoires autonomes (Ossétie du Sud, Abkhazie et Adjarie), est entrée en guerre sanglante contre eux. Avec la ‘révolution des roses’, l’avocat newyorkais Michaïl Saakachvili a pris le pouvoir. Fort du soutien des Etats-Unis et d’Israël, il a lancé contre l’Ossétie du Sud une désastreuse opération, qui a révélé l’impuissance américaine et déterminé l’UE à dialoguer avec la Russie. Le Nord Caucase, qui groupe des républiques de la Fédération de Russie, musulmanes (Tcherkessie, Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan) ou orthodoxe (Ossétie du Nord) est un patchwork multiculturel composé par Staline dans le but d’affaiblir chacune. Ce sont des islamistes coriaces, que Poutine traite fermement (« jusque dans les chiottes »).

Au Proche-Orient, Israël étant partie prenante des oléoduc BTC et gazoduc BTE vers la Turquie, il fallait que les Serbes soient virés du Kosovo. Toutefois, depuis la gaffe géorgienne, les Russes menacent les deux tracés. Dans les espérances occidentales, la Turquie devait hériter du ‘pouvoir de nuisance’ de la Russie. Bien que d’une stabilité douteuse, les Turcs peuvent affaiblir Russes comme Européens, chez qui, heureusement, les anti-turcs tiennent bon. C’est la Bible et leur propre histoire de Terre promise qui rapprocheraient les Américains d’Israël, leur treizième porte-avions. Toutefois, depuis le fiasco du Liban (2006) et l’échec de Tsahal à Gaza (2008), et avec sa nouvelle majorité explosive, la stabilité d’Israël ne tient plus qu’à l’instabilité de ses voisins. L’Egypte est gangrenée par les Frères musulmans, proches des Iraniens et du Hamas et qui contrôlent le Sinaï et la zone frontalière de Gaza. L’Arabie saoudite, ‘amie des Américains, achète sa tranquillité, en finançant les fondamentalistes ! Les Monarchies du Golfe ne sont que des lunaparks méprisés par tous les bons musulmans. La Jordanie deviendra peut-être la Grande Palestine (si les Israéliens achèvent le ménage). La Syrie, hostile à Israël, est un des voyous de l’Axe du Mal, mais un interlocuteur incontournable.

Le Liban n’existe que par le Hezbollah, qui en contrôle la moitié. L’Irak, après ses guerres Bush I et Bush II, a été officiellement pacifié par le général Petraeus (et l’accord avec le Mahdi chiite Moqtadar-al-Sadr). Sunites, chiites et Kurdes attendent pour reprendre leur guerre civile le départ des Américains. Lesquels ne resteraient que pour protéger les Kurdes (et leur pétrole). A défaut, ils auraient perdu pour rien quatre mille hommes, des centaines de milliards et gagné la haine de la planète. La concurrence entre les projets de gazoducs Nabucco c/Southstream (qui confronte l’UE à Gazprom russe et à ENI italienne) donne plusieurs longueurs d’avance aux seconds : les Russes ont déjà des accords avec la Hongrie, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et l’Autriche, de même qu’avec le Turkménistan, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, alors que l’avenir de Nabucco est encore incertain. Si les potentats de cinq républiques ex-soviétiques d’Asie centrale ont d’abord été aisément subjugués par quelques dizaines de millions de dollars, le mouvement s’est renversé. Le président Karimov d’Ouzbékistan a sévèrement réprimé une manifestation encouragée par les Américains, qui n’ont eu que le temps de lui rappeler les droits de l’Homme que déjà ils étaient expulsés. Cible des islamistes, il préfère se rapprocher des Russes. De même, le Turkménistan, qui ne tolère aucun soldat étranger, a préféré les Russes aux Américains. Le président Nazarbaiev du Kazakhstan, pris entre ses Kazakhs au sud et ses Russes (30%) au nord, maintient difficilement l’unité. Son pétrole voyage par l’oléoduc CPC et, pour son gaz, il est partie prenante avec le Turkménistan d’un accord avec la Russie. Le bail de la base spatiale russe de Baïkonour court jusqu’en 2014 et celle de Sary Chagoun jusqu’en 2050. Le Kirghizistan (peuplé d’Indoeuropéens) a fait l’objet d’une ‘révolution des tulipes’. Il s’est retourné depuis contre les Américains, qui doivent évacuer la base militaire qu’ils louaient fort cher, alors que les Russes en reçoivent gratuitement ! Le Tadjikistan, pays persanophone pauvre, voisin de l’Afghanistan, est en guerre civile larvée et est occupé à la fois par les Russes et par les Américains. Pour la Mer Caspienne, les Américains nourrissent le projet d’une ‘Caspian Guard’ aéronavale, officiellement pour empêcher les trafics de drogue et d’armes, mais il leur manque d’avoir un pied dans un pays riverain.

Puissance stable du Moyen-Orient, l’Iran, peuplé d’Indoeuropéens chiites, regorge de pétrole. Il a le soutien de tous les damnés de la terre (sunites comme chiites irakiens, Hezbollah, Hamas, Frères musulmans, Afghans et Kurdes). Il est partie dans un axe Moscou-Téhéran-Pékin. Il a même passé un accord gazier avec la Turquie. Il ne renoncera pas à sa bombe atomique. A défaut de pouvoir le vaincre, les Américains doivent le convaincre. L’Afghanistan est une aberration britannique, une mosaïque de peuples en guerre par tradition, où les Américains ont joué les islamistes contre les soviétiques. Le gouvernement Karzaï ne contrôle qu’un cinquième du pays. Il est impossible à l’OTAN de gagner, ni d’empêcher les Afghan d’être les premiers producteurs mondiaux d’héroïne. Au Pakistan voisin, la CIA a arrosé les fous d’Allah avec des torrents de dollars. La contagion s’est étendue et les talibans en sont à menacer les voies de ravitaillement américaines. Les bombardements de représailles touchent essentiellement des civils et font de nouvelles recrues antiaméricaines. La guerre au Cachemire achève d’affaiblir le front ‘occidental’. OTSC et OCS sont deux alliances antiaméricaines : l’Organisation du traité de sécurité collective est une réplique de l’OTAN, qui a permis à l’Ouzbékistan et au Kirghizistan de se débarrasser de leurs troupes américaines ; l’Organisation de coopération de Shanghaï, rassemble, avec la Russie et la Chine, le Kazakhstan, le Khirgizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan et elle a accepté l’Inde, le Pakistan, la Mongolie et l’Iran comme observateurs. L’Inde, le Japon et la Chine sont de faux colosses, peu impliqués encore dans le jeu géopolitique. L’Inde, qui essaie une troisième voie occidentale, n’est en rien une nation. Elle est pratiquement en guerre avec le Pakistan (l’une comme l’autre ont la bombe atomique !). Le Japon est un satellite désarmé des Etats-Unis, dont la renaissance ne passera que par sa redécouverte des samouraïs. La Chine est une menace pour après-demain. Elle multiplie les relations avec la Russie et l’Iran et avec les républiques d’Asie centrale. Plus encore qu’avec les Tibétains, les Chinois ont des problèmes avec les Ouïghours, turcomongols musulmans sécessionnistes. Avec tout cela, les Américains ont perdu une partie de leurs pions et vont devoir abandonner un costume trop grand pour eux, les Russes ont regagné une grande partie de leurs positions et les Européens (UE) ont fait le mauvais choix.

Alain Cagnat, encore lui, pose le choix ‘Occident ou Eurosibérie ?’. L’Occident, protecteur de l’univers contre le Mal absolu du terrorisme, ce leurre destiné aux foules rendues stupides, se fissure. Obama promet un changement, dans la continuité car tout son entourage appartient au White Power. A l’inverse, dans la Russie (qu’on nous présentait comme définitivement humiliée), Poutine s’est attaqué aux oligarques (qu’on nous présentait comme des dissidents). Elle n’est plus une menace pour l’Europe et a intérêt à se rapprocher d’elle, ce que redoutent les Américains. Lesquels n’ont plus les moyens de leurs prétentions hégémoniques, avec une économie en faillite et une armée qui ne tolère pas les pertes ! Notre chance est l’Eurosibérie. Nos enfants ne nous pardonneront pas de la laisser passer, pas plus que nous ne devons pardonner à nos ancêtres d’avoir déclenché la première guerre mondiale.

Pour Pierre Vial, le gouvernement de la France, vendu à Washington, ne pouvait que déboulonner Aymeric Chauprade, esprit libre, de sa chaire de géopolitique au Collège Interarmées de Défense. Il y démontrait la nécessité pour la France et l’Europe de faire échec au mondialisme américain, produit de la finance newyorkaise. Chauprade avertit contre le potentiel révolutionnaire islamiste et conteste que les Etats-Unis aient les moyens de leur ‘destination divine manifeste’. Il mise au contraire sur la Russie, à qui ses richesses naturelles donnent les moyens de sa politique d’indépendance et de puissance.

Jean-Patrick Arteault annonce la guerre coloniale, dans la ligne de la géopolitique anglo-saxonne. Puissance maritime insulaire destinée à dominer le commerce, elle doit ‘contenir’ le continent, c’est-à-dire empêcher que la puissance réelle de celui-ci s’exprime. Le messianisme judéo-yankee a nourri deux écoles de politique étrangère américaine. La première, Hard Power, divise le monde en vassaux ou en ennemis à abattre, au besoin par la force (R. Reagan, G. W. Bush). La seconde, Soft Power, préfère amener l’interlocuteur aux concessions, dans la voie d’un mondialisme cornaqué par l’oligarchie capitaliste et ses think tanks. La formule a l’avantage de sauver la face aux collaborateurs, à qui le berger fait oublier qu’ils ne sont que des moutons. Ils vendent à leur opinion publique l’image d’une Amérique bonne fille, qui nous a secourus et protégés contre l’indicible et qui mérite dès lors qu’on l’aide contre les méchants Afghans. Dans le genre Kollabo, le trio infernal de l’atlantisme français (Sarközy-Kouchner-Levitte) rêve de souffler aux Britanniques le rôle de premier caniche de Washington, apprenant à se plier sans donner le sentiment de se coucher. L’armée de terre américaine, qui veut guerroyer avec zéro mort, a un besoin urgent de supplétifs et, le dollar vacillant, de faire casquer les vassaux. Alors que le bourbier afghan est une nouvelle guerre coloniale qui ne pourra pas être gagnée, car son objectif géopolitique (entre autres, barrer à la Russie l’accès aux mers chaudes) ne satisfait pas les opinions publiques ni les combattants. Ceux-ci devraient se contenter d’apporter la démocratie et les droit de la femme à des moujahidins qui sont incomparablement mieux motivés à se défendre contre les mercenaires des oligarchies financières.

Pierre Vial clôture ce numéro en beauté. Et en chantant la profusion des beautés que vient de dévoiler l’archéologie dans les vestiges que ‘Nos ancêtres les gaulois et nos ancêtres les Germains’ nous ont laissés dans le Puy-de-Dôme, dans la Somme, en Corrèze, dans le coeur historique de Reims, à Saint Dizier en Haute-Marne. Le cliché des ‘barbares hirsutes’ a enfin rendu son âme dévote. Notamment entre les mains de Bossuet, pour qui la Providence avait choisi la voie lumineuse de la civilisation gréco-romaine pour apporter la vérité unique aux brutes sauvages de nos sombres forêts.

mardi, 28 avril 2009

Terre & Peuple Magazine n°39

Terre et Peuple Magazine n°39 - Printemps 2009

 

Sommaire - TP Mag n°39

TERRE ET PEUPLE MAGAZINE - Terre et Peuple Magazine n°39 - Printemps 2009

Éditorial de Pierre Vial :

L'arme Géopolitique

Culture

- Les nouveaux musées

En Bref

- Chroniques de la décadence
- Nouvelles d'ici et d'ailleurs

Origines
- Nos racines généalogiques

Nos traditions
- Les fourneaux d'Epona

Droit de Réponse
- Courrier des lecteurs

Rencontre
- Entretien avec Gabriele Adinolfi

Darwinisme
Culture
- Scène de librairie ordinaire
- Notes de lectures

- La Science ou la Bible

DOSSIER - L'arme Géopolitique

 

00:30 Publié dans Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revue, nouvelle droite, géopolitique, identité, droite, france | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 17 février 2009

Leibnis, Herder, la tradition romantique

Leibniz.jpg

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1985 

Notions philosophiques de base.


La leçon de Leibniz; les monades:


Prédécesseur de Leibniz, Christian Thomasius (1655-1728), fondateur de l'Université de Halle, développe un sys­tème éthique/philosophique, selon lequel nos croyances doivent être sanctionnées à partir de notre seule intério­rité et non à partir d'une autorité extérieure. L'individu, dans ce système fondé par Thomasius, doit être capable (et donc s'efforcer) de suivre sa propre lumière, sa propre "raison". De cette vision de la nature et de l'agir humains, dé­coule automatiquement un relativisme, donc une acception des différences qui constituent la trame du monde, une acception inconditionnelle du pluriel, de la diversité. Pour Thomasius, son système et ses retombées, comme tout autre espèce de savoir, doit déboucher sur des applications pratiques in vita civilis . Cette figure de l'histoire des idées philosophiques, dont la personne constitue le lien entre la Renaissance et les Lumières, nous lègue ici des principes clairs, une éthique de l'action: la diversité est telle et l'on ne saurait la contourner. De ce fait, nos juge­ments doivent se laisser diriger par une approche relativiste, non mutilante et non réductionniste du monde et des hommes. Ce relativisme doit déboucher ensuite sur un agir respectueux de ces différences qui font le monde. Indubitablement, notre volonté de donner un autre visage à l'Europe, s'inspire de cette démarche vieille de presque trois siècles. Dans notre optique, les Lumières ne constituent nullement un programme rigide, un catéchisme stéré­lisateur, une religion sèche de la Raison (comme avaient voulu l'instaurer les Jacobins français) mais bien plutôt l'attention au monde, le respect des créations spontanées de l'esprit et de l'histoire, la sagesse du jardinier qui har­monise, dans ses parterres, les fleurs les plus diverses... Mais cette attention doit être couplée à une vigilance, une milice spirituelle qui veille à ce que les mutilateurs de toutes obédiences, les réductionnistes de tous acabits ne viennent troubler cette splendide harmonie du monde.


Avec Leibniz, les intuitions de Thomasius, les prolégomènes que ce fondateur de l'Université de Halle a posés, s'affineront. L'orientation rationaliste de sa pensée ne l'a nullement empêché de jeter les bases de la grande syn­thèse organiciste que furent le Sturm und Drang et le Romantisme. Le rationalsime cartésien et spinozien descen­dent, chez Leibniz, au niveau des monades. Celles-ci sont chacune différente: il n'y en a pas deux d'identiques. Et chacune de ces monades acquiert continuellement un "état" nouveau. Leibniz découvre ainsi un devenir constant, un développement incessant de forces et d'énergies intérieures, une continuité ininterrompue. L'état présent d'une monade est le résultat d'un état antérieur et, par suite, tout état présent est gros de son avenir. L'univers de Leibniz, contrairement à celui de Descartes, n'est plus une somme de parties, mais un tout qui déploie ses divers aspects . Le concert international, pour nous, est également une globalité politique qui déploie, sous l'impulsion d'agirs hu­mains, des perspectives, des possibles divers. Cette variété infinie constitue une richesse et notre humanisme veillera à ce que cette richesse ne s'épuise pas. C'est là que s'inscrit la liberté: dans la capacité de déployer collecti­vement un possible original, d'inscrire dans l'histoire une geste unique à côté d'autres gestes uniques. In vita civi­lis , pour reprendre l'expression latine de Thomasius, cette vision implique l'organisation fédéraliste des grands ensembles civilisationnels (chaque monade peut ainsi assumer son devenir sans contraintes extérieures) et le dia­logue fraternel entre les diverses civilisations du globe. Dialogue d'attention et non de prosélytisme mutilant...


Herder: des monades aux peuples


Herder va dépasser Leibniz. De l'œuvre de ce dernier, Herder avait retenu l'énergie interne des monades, génératrice de devenirs spécifiques. Mais, pour Leibniz, chaque monade, activée de l'intérieur, n'avait aucune "fenêtre" exté­rieure, aucune ouverture sur le monde. Leibniz dépassait certes l'atomisme qui voyait des particules sans énergie in­térieure, mais ne concevait pas encore des monades en interaction les unes avec les autres. Cet isolement des mo­nades disparaît chez Herder. Dans sa vision philosophique, chaque unité (un individu ou un peuple) entre en interac­tion avec d'autres unités. Toute individualité singulière ou collective, loin d'être renfermée sur elle-même, dérive la conscience intérieure qu'elle possède d'elle-même de l'extérieur, c'est-à-dire du contact d'avec le monde qui l'entoure. Si ce monde était absent, cette conscience ne pourrait jamais s'éveiller. Herder nous propose ainsi une image du monde où les diverses parties constituantes sont toutes activement liées les unes aux autres au sein d'un réseau dynamique de réciprocité. Cela signifie qu'aucune individualité ne peut, dans l'univers, ni exister indépen­demment du contexte de ses inter-relations ni être comprise comme en dehors de celles-ci. En restant au niveau de développement conceptuel de Leibniz, on risquait de concevoir le concert international comme un ensemble de na­tions repliées sur elles-mêmes et jalouses de leurs petites particularités. On risquait l'albanisation ou, pire, l'incompréhension réciproque. On risquait d'asseoir une image du monde justifiant les nationalismes ou les particu­larismes d'exclusion, les réflexes identitaires de rejet. Et, donc, les bellicismes stériles... Avec Herder, ce risque s'évanouit, dans le sens où la diversité est production hétérogène et incessante d'un fond de monde, rationnelle­ment indéfinissable. Les éléments divers ont pour tâche de mettre en exergue le maximum de possibles, de "colorier" sans relâche le monde, d'échapper sans cesse à la grisaille de l'uniformité. Le respect des identités pos­tule la solidarité et la réciprocité. En termes politiques actualisés, nous dirions que la défense des identités régio­nales, nationales, culturelles, civilisationnelles, etc. exige comme indispensable corollaire la solidarité inter-ré­gionale, internationale, inter-culturelle, inter-civilisationnelle, etc.

L'objectif d'une Europe alternative serait donc de valoriser les peuples avec les productions littéraires, culturelles et politiques qu'ils forgent et de lutter contre l'arasement des spécificités qu'entament automatiquement les sys­tèmes niveleurs, en tout temps et en tout lieu, quelle que soient d'ailleurs leurs orgines et leurs référentiels philo­sophiques ou idéologiques.

La tradition romantique


Le système philosophique de Herder constitue indubitablement une réaction à l'encontre d'un certain despotisme éclairé, qui ne se donnait plus pour objet, comme dans le chef d'un Frédéric II, de défendre un pays en tant que havre de liberté religieuse par tous les moyens militaires modernes, mais un despotisme éclairé, transformé par l'érosion du temps en fonctionnarisme uniformisant, en praxis de mise au pas des libertés locales. Ce despotisme, perçu sous l'angle d'une praxis générale et définitive et non plus comme praxis postulée par l'Ernstfall permanent que vit une société contestataire (la Prusse de Frédéric était le havre des Huguenots et des Protestants de Salzbourg, de bon nombre de "non conformists" britanniques et d'Israëlites, de piétistes) menacée par ses voisines conservatrices, renforce l'autocratie au lieu de l'assouplir et la justifie, en dernière instance, au nom du progrès ou de la raison, se donnant, dans la foulée, l'aura d'un "humanisme". La vision organique de Herder génère, elle, un humanisme radica­lement autre. Le peuple, la population, le paysannat, chez Herder, n'est pas le "cheptel" taillable et corvéable à merci d'une machine étatique, d'un appareil de pouvoir, qui justifie son fonctionnement par référence à la raison mécaniste. L'humanisme herdérien ne nie pas la vie intérieure, le devenir créatif, de cette population, de ce peuple. La substance populaire n'est pas déterminée, dans cette optique, par des ukases venus d'en-haut, promulgués par le pouvoir de l'autocrate ou d'une oligarchie détachée du gros de la population, mais se justifie d'en-bas, c'est-à-dire au départ des phénomènes de créativité littéraire ou scientifique, économique ou religieux que suscite la collectivité, le peuple. En un mot: c'est le Travail global du peuple qui justifie, doit ou devrait justifier, son existence politique ainsi que le mode de fonctionnement qui régirait cette même existence politique.


La tradition romantique procède donc d'un recentrement ontologique, écrit le grand spécialiste français du roman­tisme allemand, Georges Gusdorf. Ce recentrement, Thomasius l'avait déjà tenté, en réfutant toute détermination venue de l'extérieur. Le message démocratique et identitaire du romantisme postule ipso facto un système de repré­sentation impliquant, comme en Suisse, le référendum, la participation directe des citoyens à la défense de la Cité, l'autonomie locale (cantonale, en l'occurrence) et la neutralité armée. Ces pratiques politiques et administratives éliminent les despotismes autocratiques, oligarchiques et partitocratiques, tout en tarissant à la source les vélléités impérialistes, les visées hégémoniques et les chimères conquérantes. En outre, le recentrement ontologique ro­mantique, in vita civilis et à l'âge de l'économisme, signifie une protection du travail local, national (au sens de confédéral) contre les manipulations et les fluctuations des marchés extérieurs. La tradition romantique nous lègue un réflexe d'auto-défense serein et harmonieux qu'oublient, nient et boycottent les idéologies missionnaires et prosélytes qui régentent le monde d'aujourd'hui et colonisent les médias, dans l'espoir d'uniformiser le monde sous prétexte de l'humaniser selon les critères de l'humanisme mécanique. La soif d'alternative passe inmanquablement par un nouveau choix d'humanisme qui, à l'absence de sens observable à notre époque de désenchantement post-moderne (c'est-à-dire postérieur aux séductions actives de l'humanisme mécaniste), reconférera au monde une sura­bondance de sens. Au niveau des individus comme au niveau des individualités collectives que sont les peuples, l'existence n'a de sens que si elle permet le déploiement d'une spécificité ou, mieux, une participation active, con­crète et tangible à la geste humaine totale.

Robert Steuckers.



 

samedi, 14 février 2009

D. Venner : L'Europe et l'européanité

L'Europe et l'Européanité par Dominique Venner

Qu'est-ce que l'Europe ? Qu'est-ce qu'un Européen ?
D'un point de vue géopolitique et historique, l'Europe se définit d'abord par ses limites. Au centre, l'Europe noyau, formée par les nations qui ont vécu depuis le Haut Moyen Age une histoire solidaire bien que souvent conflictuelle. Pour l'essentiel, il s'agit des nations issues de l'Empire carolingien et de ses marges, celles qui constituèrent au traité de Rome (1957) l'Europe dite des Six. Au-delà, on voit se dessiner un deuxième cercle incluant les nations atlantiques et septentrionales, ainsi que celles de l'Europe orientale et balkanique. Enfin, un troisième cercle d'alliances privilégiées s'élargit jusqu'à la Russie. On ne plaide ici nullement pour un projet politique. C'est seulement l'historien qui parle et rappelle une série de réalités. On pourrait en invoquer d'autres. L'empire danubien des Habsbourg fut une réalité. L'Europe de la Baltique en fut une également, ce qui n'est plus vrai de la Méditerranée qui a cessé d'être un facteur d'unité à partir de la conquête arabo-musulmane du vue siècle. Mais l'Europe est bien autre chose que le cadre géographique de son existence.

La conscience d'une appartenance européenne, donc d'une européanité, est très antérieure au concept moderne d'Europe. Elle s'est manifestée sous les noms successifs de l'hellénisme, de la celtitude, de la romanité, de l'empire franc ou de la chrétienté. Conçue comme une tradition immémoriale, l'Europe est issue d'une communauté de culture multimillénaire tirant sa spécificité et son unicité de ses peuples constitutifs, d'un héritage spirituel qui trouve son expression primordiale dans les poèmes homériques.

Comme les autres grandes civilisations, Chine, Japon, Inde ou Orient sémitique, la nôtre plongeait loin dans la Préhistoire. Elle reposait sur une tradition spécifique qui traverse le temps sous des apparences changeantes. Elle était faite de valeurs spirituelles qui structurent nos comportements et nourrissent nos représentations même quand nous les avons oubliées. Si, par exemple, la simple sexualité est universelle au même titre que l'action de se nourrir, l'amour, lui, est différent dans chaque civilisation, comme est différente la représentation de la féminité, l'art pictural, la gastronomie ou la musique. Ce sont les reflets d'une certaine morphologie spirituelle, mystérieusement transmise par atavisme, structure du langage et mémoire diffuse de la communauté. Ces spécificités nous font ce que nous sommes, à nul autre pareils, même quand la conscience en a été perdue. Comprise dans ce sens, la tradition est ce qui façonne et prolonge l'individualité, fondant l'identité, donnant sa signification à la vie. Ce n'est pas une transcendance extérieure à soi. La tradition est un « moi » qui traverse le temps, une expression vivante du particulier au sein de l'universel.

Le nom d'Europe apparut voici 2 500 ans chez Hérodote et dans la Description de la terre d'Hécatée de Milet. Et ce n'est pas un hasard si ce géographe grec classait les Celtes et les Scythes parmi les peuples de l'Europe et non parmi les Barbares. Cette époque était celle d'une première conscience de soi, surgie de la menace des guerres médiques. C'est une constante historique : l'identité naît des menaces de l'altérité.

Une vingtaine de siècles après Salamine, la chute de Constantinople, le 29 mai 1453, fut ressentie comme un séisme pire encore. Tout le front oriental de l'Europe se trouvait offert à la conquête ottomane. L'Autriche des Habsbourg devenait l'ultime rempart. Cet instant critique favorisa l'éclosion d'une conscience européenne, au sens moderne du mot. En 1452, le philosophe Georges de Trébizonde avait déjà publié Pro defenda Europa, manifeste où le nom d'Europe remplaçait celui de Chrétienté. Après la chute de la capitale byzantine, la cardinal Piccolomini, futur pape Pie II, écrivit : "On arrache à l'Europe sa part orientale." Et pour faire sentir toute la portée de l'événement, il invoquait, non les pères de l'Église, mais, plus haut dans la mémoire européenne, les poètes et les tragiques de la Grèce antique. Cette catastrophe, disait-il, signifie « la seconde mort d'Homère, de Sophocle et d'Euripide ». Ce pape lucide mourut en 1464 dans le désespoir de n'avoir pu réunir une armée et une flotte pour délivrer Constantinople.

Que l'Europe fût une très ancienne communauté de civilisation, toute l'histoire en témoigne. Sans remonter aux peintures rupestres et à la culture mégalithique, il n'y a pas un seul grand phénomène historique vécu par l'un des pays de l'espace franc qui n'ait été commun à tous les autres. La chevalerie médiévale, la poésie épique, l'amour courtois, le monachisme, les libertés féodales, les croisades, l'émergence des villes, la révolution du gothique, la Renaissance, la Réforme et son contraire, l'expansion au-delà des mers, la naissance des Etats-nations, le baroque profane et religieux, la polyphonie musicale, les Lumières, le romantisme, l'univers prométhéen de la technique ou l'éveil des nationalités... Oui, tout cela est commun à l'Europe et à elle seule. Au cours de l'histoire, tout grand mouvement lié dans un pays d'Europe a trouvé immédiatement son équivalent chez les peuples frères et nulle part ailleurs. Quant à nos conflits qui ont longtemps contribué à notre dynamisme, ils furent dictés par la compétition des princes ou des États, nullement par des oppositions de culture et de civilisation.

Contrairement à d'autres peuples moins favorisés, les Européens avaient rarement eu à se poser la question de leur identité. Il leur suffisait d'exister, nombreux, forts et souvent conquérants. Voilà qui est fini. Le terrible « siècle de 1914 » a mis fin au règne des Européens que taraudent désormais tous les démons des interrogations sur eux-mêmes et de la culpabilité, tempérés il est vrai par une abondance matérielle provisoire. Les artisans de l'unification évacuent même avec effroi la question de l'identité. Celle-ci commande pourtant la nécessaire perception d'une communauté autant que la question vitale des frontières ethniques et territoriales.

Dominique Venner, Le Siècle de 1914, 2006.

A lire:
>>> Dominique Venner,
Histoire et Tradition des Européens : 30000 ans d'identité, Ed. du Rocher, 2004.

vendredi, 06 février 2009

Les mots sont des armes

guerredes mots.jpg

 

 

LES MOTS SONT DES ARMES

 

L’étymologie grecque de « barbare », c’est celui qui bafouille car il ne sait pas parler correctement le grec. Notre langue, nos langues – car le problème touche toute l’Europe de l’Ouest -, semblent en train de se barbariser.

 

Le vocabulaire usuel, déjà réduit dans ses nuances et sa « biodiversité » par des modes irritantes, semble en même temps se complexifier. L’invasion des jargons techniques à propos de rien, l’usage de longues expressions prétentieuses pour rallonger inutilement des phrases qui seraient claires si elles restaient concises, les contresens qui en découlent forcément, toute cette prétention grotesque qui caractérise politiciens, gens de medias, mais aussi par contagion le bipède très moyen, ont déjà été analysés, dénoncés, stigmatisés, par des tas de braves gens désolés de voir une langue qu’ils aimaient devenir un sabir incompréhensible. Et la tentation existe alors de se dire qu’il en a peut-être été toujours ainsi, même si l’arrogance des incultes et l’agressivité des sectaires nous paraissent se renforcer.

 

Ce qu’apporte de nouveau le livre d’Ivan Karpeltzeff, c’est l’idée, avec quelques démonstrations à la clé et beaucoup d’humour en prime, que ces modes ne sont pas neutres et qu’elles traduisent parfois également une certaine volonté idéologique de nous décerveler. Bien sur, cela ne marche pas toujours. Le champ sémantique des expressions à la mode existe bien et, avec un peu d’habitude, on sait ce que signifient en clair des expressions comme « incivilités » ou « dommages collatéraux ». Mais la pédagogie est d’abord répétition et le bourrage de crâne est bien relayé.

 

Il y a peut-être plus grave. La baisse qualitative du vocabulaire induit une baisse de la pensée utilisable, et la baisse quantitative qui l’accompagne en parallèle, a des conséquences sociologiques désastreuses : Celui qui ne sait pas s’exprimer suffisamment bien ne pourra pas communiquer efficacement, il ne pourra même pas faire face aux situations de la vie courante. Bien plus qu’une soi-disant exclusion, le développement de la violence dans la macédoine de nos sociétés « pluriculturelles » est sans doute une conséquence directe de ce déficit de capacité de communiquer dans une langue en pleine déstructuration. Les rapports entre immigration, difficultés de langue, échecs de socialisation, et la généralisation de la violence qui en découle dans les rapports sociaux, tout ceci avait déjà été longuement analysé dans les années 1960 par Geoffrey Gorer à propos des Etats-Unis (« The American people »). Encore s’agissait-il d’un pays avec des restes de normes et des modèles, encore ne parlait-il que d’un melting pot brassant des peuples de même origine et non d’une agglomérat de cultures trop souvent irréductibles voire antinomiques Aujourd’hui, un égalitarisme imbécile exige de placer barbares et Grecs au même niveau de « total respect » ! Or si tout se vaut, c’est que rien ne vaut quoi que ce soit.

 

Cette régression du vocabulaire s’accompagne d’une régression de la grammaire. Disparition de l’article, disparition du vouvoiement (et d’une subtilité des rapports qui fait place à une brutalité que ne tempèrera jamais la fausse fraternité des chefs), disparition de la mesure du temps par un système élaboré de conjugaisons qui codifiait aussi la causalité et la probabilité. Qui comprend encore l’usage du futur antérieur ?

Ivan Karpeltzeff décrit aussi la disparition correspondante de la pensée, de ce silence – pourtant nécessaire à la réflexion – qui semble affoler nos contemporains. Tous les jours la radio nous fait entendre le saboteur d’interview qui empêche son interlocuteur de répondre à la question qu’il lui a posée en le coupant par une nouvelle question creuse (cela s’appelle « rebondir ») puis encore une, et encore une. L’auteur explique que cela fait partie de la formation de nos journalistes : interdire à celui qu’on interroge de réfléchir, de répondre en nuançant, de réagir autrement qu’au quart de tour. La consigne est « Si le silence atteint 3 secondes, il faut intervenir ! » Seuls les « penseurs » étiquetés comme tels (donc de gauche, bien sur, mais aussi et surtout copains de la production) auront peut-être un régime de faveur. Inutile alors de s’étonner que d’une télé à l’autre, d’une radio à l’autre, les chiffres souvent trafiqués des informations saucissonnées sont incohérents. Qui aura le temps de le noter ?

 

A qui le crime profite-t il ? A ceux pour qui la régression du langage est un avantage certain, puisqu’elle abaisse les défenses intellectuelles de ceux qu’on voudra soumettre à tous les messages de conditionnement, messages qu’on masquera éventuellement par une pseudo complexification de ce même langage appauvri pour mieux en masquer la teneur et leur donner une allure de sérieux. En clair, à la caste médiatique qui baise la main qui la nourrit, celle des marchands et des politiciens. Notons au passage l’homogénéité des soi-disant nouvelles que quelques agences autoproclamées nous assènent avec les mêmes titres et les mêmes commentaires dans une presse largement subventionnée par l’argent du contribuable. Cela fait maintenant une cinquantaine d’années qu’aux trois pouvoirs classiques de Montesquieu (exécutif, législatif et judiciaire), la société occidentale a prétendu ajouter un quatrième pouvoir : celui d’informer. Mais si la tripartition de Montesquieu concerne des institutions, ce quatrième pouvoir, note l’auteur, n’est qu’un pouvoir tout court, un pouvoir de nuisance qui exige sa place, pour mieux nous décerveler et nous soumettre.

 

Or, prétend Ivan Karpeltzeff, c’est dans les journaux presque exclusivement que les enseignants puisent aujourd’hui leur matière, crédibilisant ainsi un média et un usage de la langue qui contribuent puissamment à nous crétiniser. Et c’est vrai que lorsqu’un enseignant cherche à développer le sens critique de ses élèves face à la presse, il jouera infiniment plus, voire exclusivement, sur les différences superficielles (les opinions politiques affichées) que en osant s’attaquer au fond, c'est-à-dire à la sélection de ce que le journal dit considérer comme de son devoir (sic) de rapporter.

 

On se rappelle qu’un célèbre journaliste antique, Jules César, le chroniqueur de la Guerre des Gaules, après avoir soigneusement préparé sa campagne, prit soin de se faire appeler au secours par une tribu gauloise préalablement subvertie. Ou que CNN, célèbre chaîne de télévision américaine partie prenante de la première guerre d’Irak, avait monté une magnifique opération d’intox (celle qui a fait croire au monde entier que les méchants soldats irakiens avaient tué les pauvres bébés des couveuses de l’hôpital de Koweit) pour se vanter peu de temps après de l’efficacité de son mensonge. Bref, l’interventionnisme cher à nos grandes âmes désintéressées, est une vieille technique. La guerre des mots est flexible, elle sait créer de nouveaux bon droits (le droit d’ingérence de Bernard Kouchner) pour mieux fouler aux pieds les anciens (le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans ce cas précis). Il en est de même de l’utilisation de l’argent (« la cavalerie de Saint Georges » disait on des écus d’or que les Anglais répandaient partout pour faire faire leurs guerres par les autres) mais aussi du langage pour aider à la victoire. Cela marche puisque, en dépit de tout, notre caste médiatique a repris durant cinquante ans les termes de « république démocratique et populaire » pour désigner les pires totalitaires de l’histoire de l’Europe, ceux qui étaient obligés d’enfermer leur population pour l’empêcher de fuir. Ivan Karpeltzeff appelle cela la guerre indirecte.

 

La guerre indirecte, ce sont toutes les méthodes qui permettent d’éviter la guerre militaire et ses pertes. Ce sont la propagande, la corruption, la subversion, tout ce qui détruit l’ennemi même en temps de paix apparente. Mais à notre époque, depuis l’arrivée du léninisme, la notion de paix n’existe plus guère. L’ennemi a pris une dimension quasi religieuse pour les guérillas avides de conquête et la guerre des mots n’est pas la moindre. La comparaison de la subversion et du jeu de go est connue. Chaque pion installé doit menacer les lignes adverses et aider à fixer les lignes ennemies. Chaque « petit pas » contribue à la victoire finale mais nécessite également une analyse complète des structures et des ressorts du corps social qui est sa proie désignée (entreprise, association, état). Les faux nez existent aussi. L’auteur note que la création du mot « altermondialisme » qui signifie mondialisme autre, différent (mais mondialisme quand même !) est une arme magnifique à l’usage de tous les braves gens qui eux vont comprendre « antimondialisme » et tomber dans le piège.

 

Malgré tous les exemples qu’il cite et qui devraient le corseter, Ivan Karpeltzeff, mu par sa volonté d’analyse du «grand complot » (le terme est de nous), amalgame parfois un peu et anathémise parfois à tort. Ce n’est pas par volonté d’être un « cultureux branché » que le bipède moyen prononce Beijing à la française au lieu de Pékin. C’est tout simplement que personne chez nous ne maîtrise vraiment les règles de prononciation du pinyin (la graphie officielle chinoise de translittération du chinois en caractères romains depuis les années 70) et que tout un chacun ignore qu’il vaudrait mieux prononcer quelque chose comme Peking ! (la distinction française p/b n’a aucune pertinence en pinyin, et la lettre j se prononce entre le dz et le tj palatal). Même chose pour Ci Xi qui est la graphie pinyin de Tseu Hi, comme Lao Zi est celle de Lao Tseu, ou Qin celle de Ts’in, ou Mao Zedong celle de Mao Tse Toung (ou Tsö Tong ou Tse Tûng etc. ad infinitum, selon la nationalité du transcripteur ancien – Nous continuons cette même diversité dans notre transcription des noms russes dans les différentes langues européennes). Bref Ivan Karpeltzeff semble faire la même faute que ceux qu’il fustige… En revanche, s’il est vrai que le jargon politiquement correct utilise le dérivé lourdingue de subsidiarisation pour parler de délégation de pouvoirs, c’est alors un vrai contre sens à la notion de subsidiarité telle que l’a conçue la doctrine de l’Eglise. Le terme et la notion de subsidiarité sortent de l’encyclique Quadragesimo anno de 1931 sur la restauration de l’ordre social. Pie XI écrivait : "De même qu'on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s'acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d'une manière très dommageable l'ordre social, que de retirer aux groupements d'ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de remplir eux-mêmes."

Un dernier petit point de discorde avec Ivan Karpeltzeff. Selon nous, ce n’est pas une opinion publique traumatisée qui donne ces générations de moutons, c’est seulement une vieille manie qui nous fait admirer les assassins fanatiques mais beaux parleurs, ceux qui rempliront nos fosses communes comme le firent jadis un Robespierre ou un Clémenceau.

 

En revanche, on se ralliera totalement à l’auteur quand il explique combien la contre offensive est nécessaire face à ce qui n’est ni un jeu intellectuel, ni une compétition aux règles claires. Nous devons apprendre à analyser, contester et réviser tout ce qu’on nous martèle comme issu d’un consensus vague, d’une opinion publique non définie, d’une communauté internationale beaucoup plus floue que ces communautés modernes qui se dotent d’institutions dites représentatives pour mieux verrouiller leurs membres obligés. Il faut sans cesse dénoncer la cuistrerie, tout comme les idéologues qui se présentent comme des savants qu’ils ne sont pas. Il faut faire lire et relire, pour mieux les mettre en application, les nombreux ouvrages que cite Ivan Karpeltzeff, de Jules Monnerot à Alain de Benoist, de Pierre Debray-Ritzen à Bernard Fay. Rappeler à tous ceux qui utilisent un jargon mensonger qu’une famille monoparentale n’est pas vraiment une famille, qu’un plan social n’est pas vraiment social, que la laïcité française est (hélas) autre chose que la simple tolérance ou la vraie neutralité. Bref retrouver une attitude de réarmement moral individuel, « même et surtout si le terme peut prêter à sourire » face au sous clergé des idéocrates déguisés.

 

Dominique DELORME.

 

Ivan Karpelltzeff,  La Guerre des mots -  Préface de Jean Haudry , 190 pages et une bibliographie- décembre 2005 - Les Editions de la forêt. F-69380 Saint-Jean-des-Vignes. ISBN 2-9516812-5-9.

Cet article est paru dans la revue "Renaissance Européenne", organe de l'association "Terre & Peuple - Wallonie".