mercredi, 24 novembre 2021
Un nouveau projet impérial pour la Russie
Un nouveau projet impérial pour la Russie
Valery Korovin
Source: https://www.geopolitica.ru/article/novyy-imperskiy-proekt-dlya-rossii
En réfléchissant au nouvel ordre social russe, il est impossible de ne pas se référer, d'une manière ou d'une autre, à son essence impériale. La Russie était un empire et, à bien des égards, elle l'est toujours, même si c'est de manière inerte, fragmentaire, en déclin, mais ce qui est vraiment difficile à imaginer, c'est comment la Russie peut ne pas être un empire. Et alors, y aurait-il une Russie sans empire ? Et si elle est un empire - quel genre d'empire est-elle ? Quelle serait son Idée motrice, ses contours idéologiques fondamentaux, ses paramètres politiques, économiques et culturels ? Comment l'Empire s'inscrit-il dans les défis du monde moderne, par exemple celui de l'intelligence artificielle, de l'imprimante 3D, du revenu universel ou des "camps de concentration numériques" en constante augmentation ? Conscients de la distance qui nous sépare d'une transformation radicale de l'État actuel, essayons de penser l'Empire tel qu'il devrait être, en comparant cette idée impériale à l'image idéale de la Russie.
Explications nécessaires
Dès le début de cette tentative créative de concevoir un empire, il est nécessaire d'émettre quelques réserves pour répondre aux objections les plus courantes à ce sujet ainsi que pour exposer les paramètres techniques de ce texte.
L'auteur de ces lignes a consacré à l'Empire de nombreux articles, des dizaines de discours, d'essais, de textes journalistiques et même plusieurs livres, mais la somme de ceux-ci n'est qu'une petite tache sur la grande fresque des recherches et des textes sur l'impérialité. Il convient donc de noter que le texte proposé, étant donné l'espace limité, ne prétend pas être scientifiquement fondé et complet, mais n'est qu'une généralisation de niveau journalistique proposée par l'auteur. D'où l'absence de références et de notes de bas de page, lesquelles auraient été nécessaires à un essai de nature scientifique. Telles sont donc nos premières remarques.
Deuxièmes batteries de remarques: le sujet est si vaste et si englobant que seuls ses principaux contours peuvent être présentés dans l'espace réduit qui nous est offert, et le texte peut donc être considéré comme une table des matières détaillée ou comme un bref synopsis d'une étude plus vaste, conçue pour s'étoffer ultérieurement.
Troisième série de remarques: le terme "empire" lui-même est tellement chargé de contexte historique que toute mention de celui-ci évoque immédiatement une masse d'associations, de références, d'analogies historiques, dans lequel s'engouffre toute déclaration constructive. C'est pourquoi, dès le départ, nous devons préciser que, conformément aux préceptes de Carl Schmitt, nous utiliserons le concept d'"empire" comme un terme technique, c'est-à-dire complètement débarrassé du contexte historique et de toutes les associations qui se sont développées au cours de l'histoire de l'humanité.
Partant de tout cela, en parlant de l'empire, nous n'aurons à l'esprit ni le retour au passé, ni la reconstruction des empires historiques, ni la restauration des dynasties monarchiques et des maisons impériales, dont les partisans des empires du passé aiment tant parler. Il s'agit ici de créer une nouvelle image de l'empire en Russie, tournée vers l'avenir, créative et non encombrée d'images historiques d'époques révolues.
Revenir en arrière
Lorsque nous commençons à parler d'empire, nous comprenons inévitablement que nous parlons d'une certaine forme d'État. Mais la conscience de l'homme moderne est tellement dominée par le type d'État dominant - l'État-nation, avec une forme républicaine de gouvernement, que souvent - comme nous le rencontrons régulièrement - l'empire n'est perçu que comme un État-nation, mais sur une plus grande échelle. Qui plus est, une telle perception de l'empire est une caractéristique du discours non seulement des profanes, mais aussi de politologues et même d'hommes politiques, en particulier les dirigeants de certains États, tant à l'Ouest qu'à l'Est.
Les États-Unis d'Amérique se considèrent comme un empire (bien qu'en réseau, extraterritorial, postmoderne) et étendent leur influence sur le reste du monde. Un nouvel empire ottoman est le rêve du dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan, qui pense pouvoir le construire en absorbant certains fragments territoriaux - qu'il s'agisse de fragments de la Syrie au sud ou de l'ensemble de l'État d'Azerbaïdjan au nord - dans un plus vaste État-nation turc (ndt, doté enfin de ressources énergétiques suffisantes). Tout cela ne fait que révéler l'incompréhension de l'essence même de l'empire qui s'est emparée de l'humanité moderne.
En réalité, un empire n'est pas un État-nation ou une Nation qui s'est donné un Etat, mais son antipode complet. Pour la définition de l'empire, l'auteur de ces lignes (sans toutefois s'en réclamer) propose la notion d'État-empire afin de souligner la différence qui existe avec l'État-nation. En fait, sur la négation des principaux paramètres de l'État-nation, il n'est pas difficile de décrire les paramètres de l'État-empire, en trouvant simplement pour chacun d'eux son antipode (bien que, bien sûr, il serait plus exact de dire le contraire - l'État-nation est l'antipode de l'État-empire, et non vice-versa).
Abandonner l'État-nation
Si nous prenons au hasard les principaux paramètres d'un État-nation, nous recevons déjà, en y opposant des paramètres correspondants relevant de l'empire, les principaux contours d'un État-empire.
Tout d'abord, les frontières administratives strictes sont une caractéristique de tout État-nation. Cela commence par les frontières. Les frontières des États-nations sont les contours immuables de la souveraineté nationale. Tout déplacement de la frontière est une cause de guerre, de conflit, ou d'affront national, de ressentiment, qui peut durer des années, des décennies, des siècles, alimentant la soif de vengeance nationale.
Pour un empire-état, les frontières administratives n'ont pas tellement d'importance. La frontière d'un empire n'est pas une ligne mais une bande, dont l'espace peut comprendre de vastes territoires et peut inclure des États entiers. Si les peuples ou les États vivant aux frontières de l'empire sont amis, quelle importance a le tracé de la ligne de démarcation ? S'ils se trouvent dans la sphère d'influence culturelle de l'empire, alors les frontières de son influence s'étendent jusqu'à l'endroit où cette influence culturelle s'arrête, passant à des relations simplement amicales, de partenariat ou d'alliance, et ainsi de suite. Où se situent les limites des relations alliées ou amicales - est-ce vraiment important ?
C'est une autre affaire que d'avoir des nations ou des États hostiles à proximité. Ce n'est pas agréable, mais l'endroit où est tracée la frontière importe-t-il tant si l'empire est soumis à l'influence culturelle d'États hostiles, si des réseaux ennemis s'y déploient, diffusant les valeurs idéologiques, philosophiques et culturelles propres à ces États hostiles, à d'autres peuples ou civilisations ? Qu'en est-il du fait que la frontière occidentale de la Russie d'aujourd'hui est scellée, si nous sommes dans une situation d'occupation culturelle par l'Occident ? Dans ces conditions, il y aura toujours quelqu'un qui ouvrira les portes de l'intérieur, quelle que soit la puissance de nos armes contre un ennemi occidental potentiel, et que vaudra la forteresse de nos frontières ?
Ainsi, les frontières administratives, immuables pour un État-nation, pour un État-empire réalisant son expansion par l'avancement de ses codes culturels et civilisationnels, ne sont pas si importantes. Ils peuvent l'être, mais leur glissement d'un côté à l'autre, leur flou ou leur conventionnalité ne sont pas une raison d'offense nationale, et encore moins une raison de guerre, compte tenu du fait que l'empire vit et s'étend. Ou, au moins, palpite.
Le second critère est l'individu (citoyen) en tant que catégorie sociale de base niant toute subjectivité collective - ethnos, peuple. Ainsi, les étapes de la construction d'une nation comprennent l'atomisation, l'individualisation et l'absolutisation de l'individu en tant qu'entité indépendante, séparée de toute communauté collective, puis la généralisation politique mécanique de cet éparpillement de citoyens atomisés en une nouvelle communauté artificielle. Pour mettre cela en contexte, on pourrait comparer la nation à un construction en Lego: il y a beaucoup de petites pièces qui peuvent être utilisées pour construire quelque chose d'entier, voire de monumental. Mais combien il est difficile d'intégrer à cette construction un élément solide, encore plus grand...
La négation de ce second critère révèle le sujet principal de l'empire - la communauté collective (non atomisée) organique (non artificielle) - ethnos, nation, autonomie ou communauté. Si le citoyen est déjà une unité politique, la communauté organique de l'empire n'est pas politique mais, par exemple, culturelle ou religieuse. L'empire n'est donc pas constitué de citoyens atomisés, créés artificiellement (sur la base de quoi ? Nous y reviendrons plus loin), mais de grandes entités - groupes ethniques, peuples, autonomies et communautés, dans toute leur diversité, constituant leur unité stratégique.
Le troisième critère de l'État-nation (parmi les principaux, et il y en a aussi beaucoup de mineurs) est le contrat social. C'est sur sa base que l'unité de la multitude des citoyens atomisés devrait se produire (cependant, comme l'histoire le montre, elle peut ne pas se produire, et même le plus souvent elle ne se produit pas). Le contrat politique, généralement une constitution, est en fait le document de base qui établit politiquement l'État-nation, définissant les paramètres fondamentaux de son aspiration générale vers un objectif politique unique, élaboré sur la base d'un accord civil et de valeurs conventionnelles. C'est ainsi qu'il est conçu.
Mais dans l'histoire réelle, les choses ont tendance à ne pas aller aussi facilement, et plus l'individu gagne et expérimente les libertés, moins l'aspiration commune, la concorde civile et les valeurs conventionnelles seront importantes. De même, l'unité de l'objectif politique est fortement remise en question. D'où le rugissement du Léviathan de l'État-nation : les dissidents - "jusqu'au clou", sous le rouleau de la machine répressive étatique, et ensuite - jusqu'à la consommation. Peu de choses ont changé depuis la révolution française, le triomphe de l'établissement de l'état-nation sur les ruines de la monarchie et de l'empire.
L'établissement de l'État par l'intervention du bas est l'image même de la création d'un État-nation, car cet établissement repose sur la négation de la monarchie, telle que bouleversée par la révolution française. Mais si nous remettons tout sur pied, nous aurons le principe impérial de formation d'un État-empire - de haut en bas, établi par les élites, les états (Stände) ou les castes supérieures. À la tête d'un tel État, dans des circonstances différentes, il peut y avoir un clergé ou des philosophes - et nous obtenons alors les rudiments de l'État idéal de Platon, mais il est établi (ce qui est aussi plus souvent le cas dans l'histoire) par le second état - les kshatriyas, la noblesse militaire, qui personnifie l'action. C'est la meilleure, l'aristocratie qui définit les principaux paramètres de l'État impérial sans exiger un accord absolu avec eux de la part des sujets de l'empire - peuples, ethnies, autonomies, communautés, parce qu'ils sont, comme on l'a vu plus haut, des sujets non pas politiques, mais sacrés, religieux ou culturels. Cependant, le rôle des personnes dans l'empire doit être abordé séparément.
Toutefois, ce qui précède peut plutôt être considéré comme des paramètres techniques. La principale différence entre l'État-empire et l'État-nation est définie par la formule de "l'unité stratégique de la diversité" qui remplace l'unification de l'État-nation.
Unité stratégique de la diversité
Les paramètres susmentionnés de la formation de l'État différencient de manière cardinale les approches de la formation de l'État-nation, l'État de l'ère moderne, l'époque du matérialisme, du progressisme et du positivisme, et son antipode, l'État-empire, un État traditionnel fondé sur les catégories de l'Éternité et non du temps, de l'Esprit et non de la matière, du traditionnel et non du profane, de l'organique et non de l'artificiel, du communautaire et non du privé.
Il semblerait que le choix soit évident. Et pourtant, une question hante même ceux qui acceptent déjà, ou sont prêts à accepter, le principe impérial de l'État - la question de la garantie de l'unité. Après tout, l'approche de l'unification semble si tentante - disperser, fragmenter, mélanger et recompresser tout en un seul monolithe. Mais ce n'est pas si simple.
Les partisans de l'unification nationale, en règle générale, citent l'argument suivant comme principal : la diversité est un conflit, tandis que l'unification élimine ce conflit. À première vue, cela semble logique, mais seulement à première vue. Cette logique mécanique ne fonctionne que pour les mécanismes. Lorsqu'il s'agit d'un être humain, sa principale caractéristique, l'identité, entre en jeu, ce qui remet en question tous les modèles d'unification.
Il est bon, bien sûr, de proposer à tous de devenir les mêmes, d'accepter une identité commune, unifiée, universelle, jusqu'à ce qu'une question se pose : quelle identité ? Et elle ne se présente pas devant vous, mais devant tout le monde. Et c'est là que commence la résistance, car à côté de l'identité collective - Id (racine latine signifiant "le même que ça") - il y a aussi une identité individuelle développée à l'époque de la Modernité et de l'absolutisation de l'individu.
Et si l'individu atomisé peut encore être entraîné dans la matrice socio-politique générale, mécanique, universelle, par la machine nationale-étatique, ce Léviathan de Hobbes, alors, avec les peuples et les ethnies (sans parler des civilisations) - porteurs d'une identité collective représentant des communautés organiques - tout est beaucoup plus compliqué. Et à proprement parler, ce n'est pas le cas. Les identités collectives ne sont pas enfermées dans les étals des États-nations, quoi qu'il arrive. D'où les nombreux conflits locaux, les dissensions, les guerres régionales, la résistance insurrectionnelle, le séparatisme ou l'autodétermination - quel que soit le nom qu'on lui donne.
La modernité s'est bloquée au niveau de l'identité collective et s'est arrêtée. Les États-nations de la Modernité sont embourbés dans des conflits internes fondés sur l'idée de défendre, maintenir et développer leur identité par tous les nombreux rebelles et séparatistes. Même dans les conditions de laboratoire idéales des États-Unis, la nation politique, dans ses paramètres de référence, n'est même pas près de se former - enclaves, ghettos, quartiers chinois, réserves, un tiers de la population hispanique, stratification sociale, culturelle, raciale, menaçant à tout moment de se transformer en une guerre civile à grande échelle. Il n'y a pas de véritable "melting pot" dans lequel une nation politique américaine unifiée, homogène et cohésive devait être élaborée. L'expérience, qui a duré deux siècles et demi, a échoué. Et c'est là que toutes les conditions de sa mise en œuvre réussie ont été créées dès le début - aux États-Unis. Que dire de l'Europe, avec ses peuples distinctifs. Qu'en est-il du reste du monde, dont la plupart n'ont que des noms, des drapeaux, des hymnes et des armoiries comme attributs d'un État-nation, au mieux des formes nominales d'imitation de gouvernement républicain et rien d'autre.
L'expérience de création d'un État-nation à l'échelle de l'humanité a complètement échoué, bien qu'extérieurement elle soit triomphante - le monde entier est divisé en États-nations, découpés en tranches irrégulières et tordues, et il n'existe aucune autre forme d'État. Légalement, il n'y en a pas. Mais en fait, il n'y a qu'eux. Ce sont les États-nations dans leur format de référence qui n'existent pas. Qui ? La France, avec ses quartiers arabes où aucun policier ne met les pieds ? L'Allemagne, mentalement divisée entre l'Est et l'Ouest, avec des Arabes et des Turcs qui violent des Allemandes tolérantes sans l'intervention des autorités ? Il n'y a aucune mention des États-Unis. Mais les conflits intra-nationaux, en fait des guerres d'identité, abondent. Ne vaut-il pas mieux cesser d'avancer dans la mauvaise direction, désespérément coincé au début de la route depuis près de trois siècles ?
L'Empire a sa propre réponse à ce défi - l'unité stratégique de la diversité. Cela implique deux niveaux de gouvernance - stratégique et culturel. Au niveau stratégique, les élites impériales établissent une structure verticale rigide qui assure la centralisation, l'intégrité et la sécurité de l'empire, y compris les espaces qui font partie de la zone d'influence culturelle et civilisationnelle de l'empire. Mais les élites impériales ne sont responsables que des domaines traitant de la capacité de défense, de la sécurité, de l'intégrité territoriale, des questions macroéconomiques, des infrastructures et de la politique d'information impériale - en d'autres termes, des domaines stratégiques.
Tout le reste est relégué au niveau culturel et quotidien, où les peuples, les groupes ethniques, les autonomies culturelles et les communautés déterminent eux-mêmes les paramètres de leur existence, en mettant en œuvre les formes quotidiennes, économiques et même juridiques de leur existence, de manière pluraliste, dans toute leur diversité. Il est important de souligner ici que, sans même une allusion aux attributs politiques et à l'autodétermination politique, la politique, la question du pouvoir et l'organisation politique sont entièrement du ressort des élites impériales. Qui, à leur tour, n'interfèrent pas dans la vie quotidienne, le mode de vie, la réglementation des caractéristiques culturelles et religieuses de toute la diversité des groupes ethniques, des peuples, des autonomies et des communautés de l'empire. L'ingérence n'est autorisée que lorsqu'il y a des menaces pour la sécurité, l'intégrité, l'infrastructure impériale ou des conflits majeurs entre les sujets de l'empire - ethnies, peuples ou communautés - pour les diviser.
Ainsi, la diversité culturelle, ethnique, religieuse, linguistique et même juridique des formes au sein de l'empire est normative. Contrairement à l'État-nation, qui s'immisce dans tout, jusque dans les moindres détails, qui réglemente et régit toutes les questions, jusqu'à l'intérieur, où tout est basé sur l'unification et les approches universelles et identiques pour tous, ce qui provoque un nombre infini de conflits.
L'empire est une unité stratégique de la diversité, et c'est la clé de son intégrité, de sa stabilité et de sa durabilité.
Au niveau géopolitique, l'Empire est soit une partie d'un bloc civilisationnel, soit le centre, comme, par exemple, l'Empire eurasien russe, la Russie-Eurasie, qui est le centre du pôle civilisationnel eurasien du monde multipolaire à venir.
Les bâtisseurs d'empire
Et pourtant, la principale catégorie, le principal sujet de l'empire est le peuple. Mais pas dans son acception vulgaire de tous les jours - comme l'ensemble des citoyens d'un État, ou comme un groupe de personnes rassemblées sous un seul critère - traduction inexacte de la notion de "peuple", de "gens" - une simple masse quantitative hétérogène - mais dans un sens strictement scientifique, ethnosociologique. Une nation, du point de vue de l'ethnosociologie, n'est ni un ethnos, ni une nation, comme des "spécialistes" pas trop éduqués le disent parfois négligemment. Une nation est une communauté organique, qualitative, identique à la notion grecque de laos - c'est-à-dire un groupe social supra-ethnique, comprenant plus d'un, plusieurs groupes ethniques, mais conservant un ethos organique commun.
La principale caractéristique qui distingue un peuple d'une ethnie est le fait qu'un peuple acquiert un but historique, qui unit les ethnies déconnectées, qui s'éloignent ainsi déjà de leur monotonie domestique et de leur cyclicité inhérente, créant une sorte de modèle universel plus complexe d'auto-organisation, avec une hiérarchie, une stratification, une division en élites et en masses. En s'unissant en un peuple, les groupes ethniques entrent ainsi dans l'histoire, se fondant dans la structure organique générale du peuple.
C'est la nation qui crée l'État, et l'État est un empire. Non pas l'État-nation, car sa population est une masse atomisée, fragmentée et artificiellement réassemblée, politiquement politisée, de citadins, de bourgeois et de bourgeoises, mais l'État-empire. Un grand peuple crée un grand empire, qui peut unir d'autres peuples, plus petits, qui le cofondent et le construisent avec le grand peuple. C'est une grande nation qui forme cet empire, prenant sur elle toute la charge de la responsabilité de tous ses membres.
Une nation naît de la diversité ethnique, elle prend un nom commun. Une nation est un stade de développement de la société qui est plus compliqué dans sa structure sociale et qui suit l'ethnos. Il ne s'agit pas ici d'une origine commune, puisque plusieurs groupes ethniques ou même l'ensemble des groupes ethniques sont réunis dans une nation.
Les langues des groupes ethniques qui fusionnent en une nation fusionnent en une langue commune construite sur la base d'une seule langue dominante. La sacralité transmise par un prêtre ou un chaman est remplacée par une religion, le plus souvent monothéiste, qui se substitue à toutes les croyances et à tous les cultes qui existaient dans les ethnies d'origine, mais permet de les préserver ; la culture devient alors la matrice commune de l'assemblée du peuple.
Pour l'empire russe - passé ou futur, une nation aussi importante et formatrice d'empire est le peuple russe - en tant que communauté collective organique supra-ethnique - un rassemblement des groupes ethniques majoritairement slaves orientaux, finno-ougriens et turcs en une seule entité sociale, supra-ethnique, qui a pris un nom commun, et avec lui est entrée dans l'histoire, a créé une langue commune basée sur un certain nombre de dialectes et d'accents, et a formé un État-empire continental avec un environnement culturel commun.
Après avoir exposé les principaux paramètres de l'État Empire, et la manière dont il se distingue de l'État-nation, abordons maintenant les questions privées et techniques de l'ordre impérial à venir, à savoir les questions de sécurité, l'économie et la technologie.
Une économie multi-économique + une modernisation sans occidentalisation. Une image de l'avenir
Suivant le principe impérial de l'unité stratégique de la diversité, et le pluralisme normatif qui en découle, le système économique de l'empire-état à venir, qui est généralement décrit en termes d'"économie multiforme", doit également être conçu.
En termes de base, une économie multi-structurelle est comprise comme une combinaison de tous les types possibles de propriété des moyens de production. Il s'agit tout d'abord de la propriété publique de grandes installations de production et de matières premières. Les paramètres macroéconomiques, le niveau du PIB en général et la sécurité stratégique de l'économie en dépendent.
Le niveau suivant est la propriété collective des entreprises de taille moyenne, des petites usines et des fabriques, dont la production ne dépend pas de manière critique de l'économie de l'État dans son ensemble. Elles peuvent être détenues soit par la main-d'œuvre, soit par des investisseurs privés individuels, soit par d'anciens employés, soit en copropriété avec l'État. Il peut également s'agir d'installations de services, de cafés, de restaurants, d'ateliers, d'artisans, de coopératives, d'ateliers et d'autres moyens de production non essentiels à l'économie.
La propriété privée des moyens de production n'est pas non plus exclue - petits ateliers, cafés, salons de coiffure, production locale, presque tout le secteur des services, tout ce qui est attrayant par sa diversité, sa créativité, sa richesse, inhérente à l'initiative privée.
Il en va de même pour l'agriculture - la production stratégique de denrées alimentaires de base - céréales, viande, lait, légumes - dans la propriété obligatoire de l'État, dans la mesure où elle ferme la sphère de la sécurité alimentaire. Tout le reste - en propriété collective et privée, avec la volonté de l'État d'acheter les produits agricoles des fermes collectives et privées, ce qui devrait en même temps encourager la relocalisation dans l'environnement agraire, car c'est seulement dans l'environnement agraire qu'il y a une croissance de la population ; dans l'environnement urbain - seulement un déclin.
Dans le domaine de la haute technologie, l'approche impériale s'exprime par la formule "modernisation sans occidentalisation", qui inclut un développement presque illimité de la haute technologie, mais uniquement dans son aspect utilitaire, appliqué, sans absolutisation ni "déification" exaltée.
Le développement, dans ce sens, doit être limité strictement à la sphère matérielle et technique, et ne doit pas être accompagné du soi-disant "développement social", qui est un processus inévitable et inhérent accompagnant le PNT en Occident. De plus, l'Occident place le transfert des hautes technologies en dépendance directe du degré de "développement" social, c'est-à-dire de la dégradation de la société. La technologie est étroitement liée à des manifestations sociales telles que les gay-parades, le soutien aux LGBT, le légalisme, le féminisme et d'autres formes hideuses, généralement définies comme "occidentalisation".
En d'autres termes, une imprimante 3D, un smartphone et une intelligence artificielle sont des choses acceptables pour un État-imperium s'ils ont une valeur utilitaire, appliquée, notamment à la défense, ce qui signifie leur production interne, de tout ce qui est "logiciel" à "dur", et rien à voir avec l'adoption des valeurs occidentales. Le smartphone - de préférence produit dans le pays, comme toute autre haute technologie - est, dans l'empire, inséparable des catégories de l'Éternité, de la Tradition, de la religion, de Dieu, du salut, du sacré et de la métaphysique, au lieu de les exclure, comme l'exige l'occidentalisation.
***
Tous les autres paramètres sont dérivés de ces principes de base, et peuvent être facilement reconstruits si on le souhaite et avec un développement intellectuel, une créativité et une érudition suffisants. Il reste à imposer de manière créative cette matrice sémantique de l'État Empire à venir sur l'État russe actuel afin de comprendre ce qui doit être complètement aboli, ce qui doit être radicalement transformé, ce qui doit être reconstruit et ce qui doit rester inchangé.
Cette création du nouvel Empire russe du futur est en soi un processus très intéressant, créatif, intellectuel, dont les conséquences, et plus encore l'incarnation, la mise en œuvre, la construction sont tout à fait vertigineuses et fascinantes. Tout l'univers de l'Empire russe s'ouvre devant nous, et pas une seule personne intelligente, créative et attentionnée ne peut résister à sa brillante manifestation.
Source première: https://zavtra.ru/blogs/novij_imperskij_proekt_dlya_rossii
15:58 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, empire, notion d'empire, russie | |
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mardi, 23 novembre 2021
Alexandre Douguine: L'ingénierie politique va ruiner la Russie
L'ingénierie politique va ruiner la Russie
Alexandre Douguine
Source: https://www.geopolitica.ru/article/polittehnologii-pogubyat-rossiyu
L'approche technique de la politique, soit la pensée technologique en politique, a atteint un point critique dans notre politique quotidienne en Russie. Cela a commencé dans les années 90, mais, fait intéressant, parallèlement aux changements fondamentaux qui se sont produits en Russie depuis l'ère Poutine, lorsque pratiquement tout a changé et que le cours libéral-occidental a été remplacé par un cours souverain-patriotique, la politique russe est restée purement technique (ndt: "technomorphe" aurait dit le sociologie allemand Ernst Topitsch). En outre, du chef du département politique de l'AP à la tête, elle est devenue non moins, mais de plus en plus technique/technomorphe.
Je vais essayer d'expliquer ce que je veux dire, car nous sommes tellement habitués à la technologie politique que nous avons oublié comment il peut en être autrement, ou nous ne l'avons tout simplement jamais connu et considérons par défaut que c'est quelque chose d'impossible. En fait, le domaine de la politique est le domaine des idées et celui de la lutte pour le pouvoir. Mais le pouvoir n'est pas individuel, mais politique, qui est à nouveau associé à une idée. En politique, il ne s'agit pas de décider qui, individuellement, occupera les postes supérieurs et qui occupera les postes inférieurs, mais quel bloc d'idées, de perceptions, de valeurs et de stratégies sera reconnu comme prioritaire et dominant, et lequel sera subordonné et marginal, voire interdit. En d'autres termes, la politique est d'abord une philosophie politique, une idéologie, et ensuite seulement viennent ses éléments porteurs sous forme de partis, de mouvements, d'organisations, de réseaux, de cercles et de cellules.
La vie politique est un processus social purement collectif, dans lequel sont impliqués différents groupes de la population. Certains proposent et formulent des idées et des principes, d'autres les soutiennent ou s'y opposent. La société écoute le rythme et la sémantique de cette vie, accepte certaines choses, en rejette d'autres, reconnaît la corrélation directe avec les programmes et les projets et la vie quotidienne de chaque citoyen, alors que quelque part, elle considère qu'il s'agit d'abstractions de peu d'importance pour l'individu.
Et ce n'est que dans le processus de cette vie politique, précisément la vie dans toute sa diversité, avec ses dialectiques et ses contradictions, que les institutions politiques se forment et que la question du pouvoir se décide. Elle est entre les mains de ceux qui, dans la vie politique, atteignent le sommet, battent leurs adversaires, dépassent leurs rivaux et atteignent enfin la ligne décisive où les idées, les projets et les visions peuvent se transformer en réalité.
En politique, l'individu est en contact permanent avec la société de toutes parts. Et ce contact passe toujours par les idées. En politique, les pensées et les plans sont formulés dans des discours, des mots, des textes, des déclarations, et ensuite seulement dans des actions. Cela s'appelle le discours politique. Et quiconque prononce tel ou tel discours, ou partage son contenu, assume une grave responsabilité. Si ces idées gagnent, leurs partisans gagnent avec elles. S'ils perdent, ils perdent avec eux. En politique, tant l'orateur que l'auditeur (qu'ils approuvent ou désapprouvent ce qu'ils entendent) entrent déjà dans un système d'obligations, d'actions responsables et de dépendance directe de leur position, de leur condition ou même de leur bien-être par rapport au résultat. Si les idées qui nous sont chères et que nous défendons perdent, nous sommes contrariés et tristes. S'ils gagnent, nous exultons et nous nous réjouissons. Et c'est entièrement naturel et biologique. La politique, c'est la vie, pleine et épanouissante. Ça devrait être comme ça.
Mais dans notre société, à un moment donné, quelque chose a manifestement mal tourné. Le ton en politique a commencé à être donné par des technologues, des spécialistes du marketing, de la publicité ou même de la tromperie systématique des clients - ainsi, un certain nombre de politiciens de haut rang des années 90 ne venaient même pas du monde des affaires, mais de la publicité, des relations publiques, des pyramides financières ou de l'escroquerie pure et simple. Ce sont des professionnels de la tromperie à grande échelle, prêts à promouvoir n'importe quel candidat, n'importe quel projet ou n'importe quel parti contre rémunération. Ainsi, la politique a cessé d'être le domaine de la vie, de la lutte des idées et de la compétition pour le pouvoir nécessaire à la mise en œuvre de ces idées. Et cela, c'est surtout ce qui est arrivé. Au lieu de cette mise en oeuvre d'idées, le problème du pouvoir a été résolu dans l'entourage de la première personne de l'État et parmi un cercle très étroit d'oligarques, et la société a tout simplement été coupée des processus politiques. Dans les années 90, les élections ont été transformées en spectacles bruyants et criards, qui n'ont eu aucun impact sur la vie du pays. Les communistes et leurs alliés, qui ont remporté ensemble la majorité à la Douma en 1996, étaient considérés comme "marginaux" et ne contrôlaient rien, et, surtout, étaient à l'aise avec cette situation. Eltsine n'avait aucun autre soutien qu'un cercle d'oligarques proches, et il a continué à gouverner presque tout seul. Et sur la toile de fond de cette dépolitisation de la vie publique, la technologie politique et une race vorace et cynique de spin doctors se sont épanouies. C'est ainsi qu'est né un simulacre de politique. Le simulacre de la politique est apparu et, apparemment, pour une raison quelconque, s'est enraciné dans notre société.
Le plus étrange est que la situation n'a pas changé, même après l'arrivée au pouvoir de Poutine. Tout a changé sauf ça. Il est plus probable que Poutine ait profité de cet état d'aliénation des processus politiques dans la société pour prendre pied dans le monde du pouvoir. Tout le monde autour de lui continuait à jouer à des jeux sans intérêt, à échafauder des scénarios nauséabonds, tandis que Poutine, qui savait ce qu'il voulait et où il allait, faisait silencieusement son travail à la manière des tchékistes. C'était probablement parfaitement rationnel de sa part et il faut reconnaître que cela a fonctionné. Oui, il n'y avait pas et il n'y a pas de vie politique en Russie. Oui, la technologie politique supplante toujours tout processus politique. Oui, les idées politiques dans la société ont pratiquement disparu, sauf celles qui sont obstinément alimentées par l'Occident russophobe, mais l'espionnage (ainsi que le libéralisme) ne sont pas pris en compte. Et là, Poutine a tout à fait raison de ne pas en tenir compte et d'agir de manière ferme et décisive contre la cinquième colonne.
Mais peu à peu, cette stratégie, sans doute fructueuse pour Poutine lui-même et pour son plan interne de réforme en Russie, est devenue, pour le peuple, une source d'aggravation de sa situation. Le président a les mains libres et la pleine légitimité pour faire presque tout. Mais le fait est que, dans une telle situation, une société totalement dépourvue de vie politique réelle ne peut que dégénérer. Les technologues politiques paralysent effectivement la volonté en créant des simulacres et en laissant, une fois de plus, les passionnés de politique faire fausse route - dans l'esprit des courses de cafards. Mais ils sapent également les fondements de la vie publique. Et lorsque, à un moment donné, la mobilisation de la société sera nécessaire, il n'y aura tout simplement pas de force, pas de confiance et pas de volonté pour le faire. À un moment donné, cela pourrait être fatal, comme ce fut le cas à la fin de la période soviétique. Le parti communiste a ensuite perdu le pouvoir non pas parce que des alternatives sont apparues, mais parce que toute la vie politique du pays a été figée, comme gravée dans le marbre. La galvanisation artificielle, à laquelle se sont attelés les architectes de la perestroïka, était en fait déjà une technologie politique - encore naïve et non parfaite, mais juste cela. A aucun moment, pendant la perestroïka, une question sérieuse n'a été véritablement posée et formulée:
Capitalisme ou non-capitalisme (socialisme) ?
Conservatisme ou progressisme ?
Réalisme ou libéralisme au Moyen-Orient ?
Atlantisme ou Eurasianisme ?
Patriotisme ou cosmopolitisme ?
Empire ou société ouverte ?
Adam Smith ou Keynes ?
Libéralisme en matière de commerce extérieur ou mercantilisme ?
Monnaie nationale souveraine ou caisse d'émission ?
Valeurs traditionnelles ou copie du postmodernisme occidental ?
Marchés complets ou protectionnisme ?
A gauche ou à droite ?
Identité russe ou idéologie abstraite des droits de l'homme ?
Tout a été décidé par défaut - dans les années 90 par les libéraux qui ont pris le pouvoir avec Eltsine. Depuis 2000, elle appartient exclusivement à Poutine. Les préférences de Poutine étaient beaucoup plus acceptables pour la société, mais elles ont été mises en œuvre dans les faits. Et encore une fois avec l'aide de la technologie politique. Sans discours politique, sans explication complète, sans la complicité du peuple dans son propre destin.
À mon avis, cette domination de la technologie politique est historiquement épuisée. Il est nécessaire d'avancer de manière cohérente et progressive vers un renouveau de la vie politique en Russie - ce qui signifie des idées politiques, des philosophies, des stratégies, des valeurs, des lignes directrices, des conversations, des débats, des réflexions, des programmes, des projets et des propositions. Il n'est guère judicieux de traduire immédiatement cela en politique de parti : le format de parti est devenu depuis longtemps quelque chose de profondément apolitique dans notre pays. A mon avis, il n'est pas possible d'éveiller la pensée dans ce domaine. La technologie a mis fin au système des partis russes. Mais il existe d'autres formes et d'autres voies, des itinéraires et des pratiques.
Il est temps de déclarer la guerre à la technologie politique (et aux technologues politiques). Ce n'est pas seulement une tromperie cynique, c'est un obstacle au développement historique d'un grand pays. Dans une telle situation, la technologie politique est criminelle.
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lundi, 22 novembre 2021
Giorgio Agamben et le virus du capitalisme
Giorgio Agamben et le virus du capitalisme
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2021/11/16/giorgio-agamben-ja-kapitalismin-virus/
Le philosophe italien Giorgio Agamben est l'un des rares universitaires à avoir critiqué l'exceptionnalisme, les masques de croissance et les restrictions excessives de l'ère Corona. Ces écrits et entretiens ont été rassemblés dans un livre, également traduit en anglais sous le titre Where Are We Now ? The Epidemic as Politics (Rowman & Littlefield, 2021).
Agamben a écrit la majorité de ses textes publiés dans ce livre pendant les premières phases de la crise du coronavirus, il se concentre donc sur les différentes contraintes imposées. Il s'est également exprimé ailleurs sur les vaccins, demandant "comment l'État peut blâmer ceux qui choisissent de ne pas se faire vacciner alors qu'il ne veut pas lui-même être responsable des effets secondaires des vaccins".
Agamben part du principe que ceux qui sont au pouvoir ne laissent pas une bonne crise se perdre, mais profitent de l'occasion pour faire avancer les pratiques et les politiques qui conviennent à leur programme, qui est "le capitalisme avec une touche communiste".
Cependant, il fait également référence aux scénarios de menace de l'Organisation mondiale de la santé d'il y a quelques années, à Bill Gates et à la simulation de pandémie Event 201, suggérant que cette "pandémie" ne s'est pas déclarée de manière inattendue. Le philosophe suggère-t-il que les courtiers du pouvoir suprême - les banquiers centraux, les grands investisseurs et leurs partenaires - ont également déclenché cette "crise" artificielle ?
Quoi qu'il en soit, dans "l'espace exceptionnel" des blocages sociaux, un "nouveau paradigme de gouvernance" a émergé, qui vise à "abandonner le paradigme de la démocratie bourgeoise - avec ses droits, ses parlements et ses constitutions - et à le remplacer par de nouveaux instruments, dont nous pouvons à peine commencer à cerner les contours".
Qu'est-ce qui a créé le contexte dans lequel tant de gens étaient prêts à accepter tout cela, demande le philosophe de manière rhétorique, et il répond. La première vague de panique en Italie a montré que la société moderne ne croit qu'en la "vie nue", ce qui s'est traduit par le fait que les Italiens étaient prêts à presque tout sacrifier - leurs moyens de subsistance, leurs relations sociales, leurs emplois, leurs convictions religieuses et politiques - face au risque de maladie."
La vie a été réduite au minimum, à la simple existence, dont tout le reste a été dépouillé. Dans la peur du virus, seule la "survie" semblait compter. En fait, pour vivre dans le nouveau système biopolitique, il fallait sacrifier les libertés à la "sécurité" et, paradoxalement, il fallait vivre dans un "état constant de peur et d'insécurité".
Il a également été suggéré dès le départ que l'interaction humaine devait se faire autant que possible sans présence physique, en faisant appel à la numérisation et à la technologie. Le télétravail a été proposé comme alternative à la prise de risque d'être physiquement présent auprès de collègues ou de clients.
Comment cela affectera-t-il l'espace public et le débat public à long terme ? Si nous ne pouvions plus nous rencontrer en personne ou en groupe et avoir des discussions ouvertes, il serait beaucoup plus facile pour des forces extérieures de contrôler et de manipuler des individus solitaires et isolés.
Les textes d'Agamben rappellent ce qu'était la vie au plus fort de la "panique pandémique", en particulier pendant les semaines du déclenchement de la dite pandémie qui a débuté en mars de l'année dernière. Avec l'avènement des vaccins anti-corona, beaucoup croient encore qu'avec le temps - peut-être après une couverture vaccinale de près de 100 % et plusieurs épisodes d'inefficacité ? - les choses reviendront à la normale. Agamben ne croit pas que cela se produira.
Dans l'Europe d'aujourd'hui, l'Autriche, berceau d'Adolf Hitler, a déjà enfermé les non-vaccinés dans un isolement temporaire et une assignation à résidence. Le fait de savoir que tout cela peut arriver si facilement et si rapidement est en soi déconcertant et inquiétant. Agamben va jusqu'à affirmer que le "seuil entre humanité et barbarie" a été franchi à l'époque du coronavirus.
Tout voisin est à craindre et à éviter, car il peut être malade et menacer la santé et le bien-être d'une personne. La Finlande a également introduit le terme "pervers", que certains restrictionnistes et vaccinateurs ont tenu à utiliser sur les médias sociaux et dans les fils de commentaires des journaux à propos de ceux qui n'étaient pas d'accord.
Et qu'en est-il des questions philosophiques sur la vérité ? Qu'en est-il de la fiabilité de la médecine ? Comment le profane doit-il comprendre et interpréter les statistiques qui nous sont présentées chaque jour ? Remettre en question les statistiques et s'opposer à l'autorité des experts est désormais considéré comme une désobéissance civile irresponsable.
D'autres maladies ont été éclipsées par la maladie du coronavirus, de sorte que les services de santé sont noyés dans une accumulation d'interventions qui entraînent elles-mêmes de nouveaux décès. La crise devient permanente, même si elle prend des formes différentes, alors quelles restrictions supplémentaires sont nécessaires pour lutter contre ces menaces pour la santé ? Dans le cas du coronavirus, le récit officiel est que nous luttons actuellement contre de nouvelles mutations et épidémies malgré la vaccination.
Des circonstances exceptionnelles assorties de restrictions ont été vendues au public avec la promesse d'un "retour à la normale" (alors que dans le même temps, des déclarations contradictoires ont été faites selon lesquelles il n'y a plus de retour à la normale). L'illusion de la normalité a été maintenue, en particulier pendant l'été, mais dans le même temps, les restrictions étaient toujours présentes en arrière-plan.
En Finlande, nous nous en sommes peut-être tirés plus facilement que beaucoup d'autres pays dans le passé, mais aujourd'hui, nous avons aussi resserré notre étau, et même le passeport corona a été introduit comme une absurde "mesure de sécurité sanitaire". Dans le même temps, les médias grand public et les experts de la santé mentent en affirmant que "la maladie est endémique, en particulier chez les personnes non vaccinées". Les citoyens sont divisés en camps opposés selon le principe politique "diviser pour régner".
Agamben affirme que tout le concept de citoyenneté est subtilement redéfini en nous réduisant à notre simple existence biologique - ou peut-être à de simples sources de revenus et à des animaux de laboratoire pour les grandes organisations ? Après tout, ce sont les grandes entreprises technologiques qui semblent avoir le plus profité de la numérisation de la vie quotidienne et des services de santé. Les citoyens sont contraints de se conformer aux nouvelles règles au motif qu'"il n'y a pas d'autre solution".
Le dernier argument qu'Agamben présente comme une " menace pour l'action politique " est l'utilisation de masques. Sans l'ouverture à l'autre que l'on ne peut obtenir qu'en étant capable de voir et de lire les expressions du visage, l'ensemble de la vie publique se détériorera.
"Un pays qui décide d'abandonner son visage et de couvrir les visages de ses citoyens avec des masques est un pays qui a supprimé la dimension politique de lui-même", affirme le penseur italien, qui estime que le visage humain est un élément fondamental de la politique et de la vie sociale qui devrait pouvoir être affiché.
La "lutte contre le virus" en Occident a clairement tiré des leçons de la Chine, mais elle a également suivi le modèle américain de la "guerre contre le terrorisme", et les conséquences de la perte des libertés civiles ont été comparées aux conséquences du 11 septembre 2001.
Le réseau massif de structures - des agences gouvernementales aux institutions universitaires, en passant par des industries entières et des entreprises de technologie de la communication - est simplement passé de la guerre contre le terrorisme à la guerre contre le virus pandémique, tout comme les usines de la Seconde Guerre mondiale sont passées de l'industrie du temps de paix à l'armement du temps de paix.
Les enjeux politiques et humains sont importants, car l'état d'urgence de la période Corona est "le mécanisme par lequel les démocraties peuvent se transformer en États totalitaires". Comparer les actions des gouvernements actuels au totalitarisme nazi peut sembler exagéré, mais Agamben est convaincu que le "totalitarisme du XXe siècle" nous hante encore.
"Les restrictions imposées à la vie humaine par l'"État sécuritaire biomédical" ont en fait été plus extrêmes que les interdictions imposées à la population civile pendant la guerre, au nom de la protection contre les raids aériens et autres menaces.
Les espoirs d'Agamben pour l'avenir restent flous. Il parle d'une future "configuration politique alternative" et d'une "nouvelle politique future", mais d'un autre côté, il semble ne souhaiter qu'un retour aux conditions normales de la vie humaine, débarrassées des anomalies de la période Corona.
Cependant, la restauration de la société nécessite une action politique. Comme le craint Pavlos Papadopoulos, qui a analysé les écrits d'Agamben, "le grand danger est que nous permettions au nouveau normal de devenir le normal". Ainsi, toute une génération s'habituerait aux "diktats d'un système de santé publique devenu fou", les États et les entreprises technologiques adoptant des systèmes de notation du crédit social "à l'Ouest comme à l'Est".
Selon Agamben, nous assistons à un conflit entre le "capitalisme occidental" et le "nouveau capitalisme communiste", dans lequel "ce dernier semble sortir vainqueur". Selon le philosophe, la nouvelle gouvernance mondiale "combinera l'aspect le plus inhumain du capitalisme avec l'aspect le plus terrible du communisme d'État", où l'"aliénation extrême" entre les personnes est combinée à un "contrôle social sans précédent".
On ne peut qu'espérer que les politiciens y réfléchiront aussi, mais les vieux partis se sont montrés complètement à la merci de l'élite transnationale. Aujourd'hui, les dissidents de l'ère Corona constituent la plus grande population sous-représentée dans les démocraties occidentales, qui se transforment rapidement pour s'adapter à l'ordre mondial changeant du capital global.
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dimanche, 21 novembre 2021
Entretien avec Pierre Le Vigan : « Le drame est que si nous n’avions pas déjà été atteints dans notre humanité, nous n’aurions jamais pu accepter cet enfermement »
Entretien avec Pierre Le Vigan: «Le drame est que si nous n’avions pas déjà été atteints dans notre humanité, nous n’aurions jamais pu accepter cet enfermement»
En observateur de la post-modernité, Pierre Le Vigan revient pour nous sur la grande transformation que nous vivons.
Deux après l’apparition du covid 19, pensez-vous qu’un retour au monde d’avant soit encore possible ?
Je dis comme vous « le » covid car c’est « le virus du covid » qui est sous-entendu et non pas « la » covid pour « la maladie du covid ». Un virus n’est pas forcément une maladie, il faut le souligner. Il y a 800 millions de virus par m2 sur la terre, chaque seconde, nous en respirons 200.000. Beaucoup de virus sont dans l’eau. Nous avalons plus d’un milliard de virus quand nous nous baignons dans de l’eau de mer. Qui dit mieux? Il n’empêche que se baigner est bon pour la santé. En deuxième lieu, je note que le « monde d’avant » n’était pas idyllique, mais le monde de l’hygiénisme, des distances sociales, du contrôle des « cas contacts » est assurément monstrueux. Il est posthumain. Voulons-nous du monde post-humain de la perpétuelle vigilance covidiste (ou d’un autre virus), des pass vaccinaux, des vaccins obligatoires tous les trois mois ? C’est une question de civilisation, comme le dit justement Florian Philippot. Le drame est que si nous n’avions pas déjà été atteints dans notre humanité, nous n’aurions jamais pu accepter cet enfermement, l’interdiction de se promener plus d’une heure, et à plus d’un km de chez soi. Si nous avons accepté cela, c’est que nous étions dejà très diminués collectivement et anthropologiquement. Le covid est donc un révélateur. Pour répondre à votre question, il y a deux options, soit nous nous enfoncerons dans une société de contrôle par l’Etat et les GAFAM qui est dans la logique du libéralisme (puisqu’il n’y a pas d’auto-contrôle du collectif par des communautés), soit un mouvement de libération nationale nous en délivrera car il nous délivrera de la domination de l’oligarchie. Dans les deux cas, il n’y aura pas de retour au « monde d’avant ».
La dépression profonde de notre société est–elle uniquement le fait de la crise du covid ou de raisons plus profondes ?
Notre société souffre de la perte du sens. Le travail, le métier ont été remplacés par l’emploi, le « job ». La patrie est remplacée par les identités de genre, les projets sont remplacés par des engouements éphémères, etc. Il faut retrouver le sens du long terme. Pour cela, il faut sortir du libéralisme, aller vers une économie dirigée et encadrée par un Plan, et remettre de la démocratie réelle, directe notamment, dans ce pays. Il faut libérer la démocratie des grands médias oligarchiques et mondialistes.
Les mesures sanitaires renforcent la société libérale de la surveillance et de la méfiance généralisée. Comment résister mentalement à ce contrôle social par la peur ?
Dans La tyrannie de la transparence, livre publié il y a une dizaine d’années, j’avais déjà expliqué ce que sont les dégâts de la transparence et sa logique de justification perpétuelle de soi et de tous ses actes et même de ses pensées. C’est la société du soupçon. L’obsession de la transparence veut dire à terme la généralisation de la paranoia. Cela va avec des procès de plus en plus fréquents, et des condamnations, pour des propos dont le supposé caractère allusif ferait offense à telle ou telle communauté, ou à la mémoire de tel ou tel drame historique. Comment résister à ce contrôle social ? En désactivant certains applications numériques, mais surtout en lisant, en publiant, en combattant par les idées les manœuvres de terrorisme intellectuel des enfermistes, des vaccinolatres (mais ce ne sont pas des vaccins et ils n’empêchent ni d’être contaminés, ni de transmettre le virus ! Quand ils ne rendent pas malades des bien portants !). Face aux tenants de la dictature sanitaire, il faut aussi réagir en maintenant et en créant du lien social, humain, sans distanciation outrancière.
Vous évoquez la notion de « fatum » dans le dernier Rébellion. Cette conception de la vie est-elle pour vous une voie héroïque de libération ?
J’ai beaucoup d’admiration pour les conceptions héroïques de la vie (Evola, Venner, etc). Je crois toutefois qu’on ne peut vivre tout le temps en haut des montagnes, sur les sommets. Montherlant le remarquait lui-même. A côté de cette conception héroïque, souvent inspirée de Nietzsche, il y a des leçons à prendre du côté des stoïciens, mais plus encore du côté des épicuriens – ceux-ci n’étant pas les éternels jouisseurs que l’on imagine. Je renvoie sur ce trop vaste sujet pour notre entretien à mes livres « Avez-vous compris les philosophes ? « (La barque d’or) et à « Comprendre les philosophes », qui vient de paraitre chez Dualpha.
Pour lire le dernier article de Pierre Le Vigan : https://rebellion-sre.fr/boutique/
11:30 Publié dans Actualité, Entretiens, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre le vigan, entretien, actualité, pandémie, confinement, philosophie | |
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La revue de presse de CD - 21 novembre 2021
La revue de presse de CD
21 novembre 2021
ÉTATS-UNIS
Quand l’ingérence humanitaire mène à des crimes contre l’humanité
Un nouveau rapport révèle que les atrocités sont monnaie courante en Libye en raison de la guerre civile qui a éclaté à la suite du changement de régime mené par les États-Unis.
Les-crises.fr
https://www.les-crises.fr/quand-l-ingerence-humanitaire-m...
Daniel Ellsberg, le lanceur d’alerte des « Pentagon Papers » témoigne : combattre un État criminel
Daniel Ellsberg est le tout premier lanceur d’alerte, l’homme à qui l’on doit en 1971 la publication des fameux « Pentagon papers »: 7000 pages secret-défense émanant du département de la Défense à propos de l’implication politique et militaire des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam. Ellsberg a payé très cher cette décision consistant à révéler la vérité sur les exactions de son gouvernement, afin de faire cesser les atrocités en cours. Sa vie toute entière en a été affectée. Vidéo.
Elucid
https://elucid.media/democratie/le-lanceur-d-alerte-des-p...
EUROPE
Populisme italo-ibérique : Lisbonne, Madrid et Rome
En octobre dernier, le parti national populiste Vox anima un événement pour contrer l’agenda onusien. Selon le parti espagnol, celui-ci se focalise sur un remplacement migratoire des autochtones européens en faveur des nouveaux arrivants extra-européens. Un choix inacceptable pour le parti de Santiago Abascal. Madrid a reçu également l’appui de l’italienne Giorgia Meloni et du portugais André Ventura. Faut-il y voir la création d’un axe politique entre ces trois partis ?
Conflits
https://www.revueconflits.com/populisme-italo-iberique-li...
FRANCE
Marie-France Garaud : « La République est tombée dans les mains des partis » 2e partie
Dans un contexte de crise économique, financière, politique et géopolitique, Marie-France Garaud nous offre son analyse du paysage politique français dans un entretien inédit réalisé par Olivier Berruyer. Revenant sur l’histoire de notre Ve République, l’ancienne avocate met en lumière les insuffisances d’un système qui vit, selon elle, une crise de confiance. Un remarquable cours de droit constitutionnel !
Elucid
https://elucid.media/politique/marie-france-garaud-republ...
Bernard Squarcini: Insurrections, Espions, COVID-19, Crise mondiales… et massacres islamiques à Paris en 2015
Thinkerview
https://www.thinkerview.com/bernard-squarcini-insurrectio...
Désindustrialisation de la France : juger la trahison
Comment se pose effectivement le problème et qui est responsable de cette destruction de notre potentiel industriel de la France dont l’opinion publique fait aujourd’hui le constat effaré ? Et que sont contraints de reconnaître aujourd’hui, ceux-là même qui en sont à l’origine, et en ont grassement profité. Il faut en plus supporter de les entendre asséner, toute honte bue, qu’il faut « réindustrialiser la France ». Parce que c’est une vieille histoire, que cette trahison, où par idéologie néolibérale obtuse, soumission à l’Allemagne, cupidité obscène, certaines élites ont simplement vendu à l’encan un potentiel économique construit grâce aux efforts des travailleurs de notre pays.
Vu du Droit
https://www.vududroit.com/2021/11/desindustrialisation-de...
Sciences Po : une nomination de directeur révélatrice du mal français
La nomination d’un énarque n’ayant pas d’expérience de recherche académique à la tête de Sciences po Paris est révélatrice du mal français.
Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/11/18/414206-sciences-p...
GAFAM
Souveraineté et numérique : maîtriser notre destin
Facebook se dote d’un conseil de surveillance, sorte de « cour suprême » statuant sur les litiges relatifs à la modération des contenus. Des géants du numérique comme Google investissent le marché des câbles sous-marins de télécommunications. La France a dû faire machine arrière après avoir confié à Microsoft l’hébergement du Health Data Hub.
socialnetlink
https://www.socialnetlink.org/2021/11/11/souverainete-et-...
GÉOPOLITIQUE
Note sur les opérations navales en cours en mer Noire
Les opérations actuelles des États-Unis et de l’OTAN dans la région de la mer Noire font l’objet de nombreuses spéculations. Si nous additionnons toutes les forces des États-Unis et de l’OTAN impliquées dans cette opération, elles sont loin de correspondre à ce qui serait nécessaire pour une attaque contre la Russie. Ainsi, en termes purement militaires, il ne s’agit que d’un théâtre de Kabuki, et non d’une menace réelle pour la Russie. Le public visé est la population ukrainienne à qui est envoyé le « message » suivant : « Nous sommes là, nous sommes invincibles, nous assurons vos arrières, et si vous vous retrouvez dans un conflit/guerre ouvert avec la Russie, nous vous protégerons ». Bien entendu, un tel engagement n’est pas formellement pris, mais seulement implicite. C’est l’exacte répétition de ce qui s’est passé le 08.08.08.
Le Saker francophone
https://lesakerfrancophone.fr/note-sur-les-operations-nav...
LECTURE
« Au-delà de l’affaire de la chloroquine ». Sous-titre : « Comment l’industrie pharmaceutique pervertit nos systèmes de santé et met la nôtre en péril », du professeur Didier Raoult. Michel Lafon, octobre 2021
Présentation :
Une analyse très complète, avec comme point de départ l’interdiction du gouvernement français d’un médicament qui avait été alors pris par plus d’un milliard de personnes. De la corruption par le Big pharma au Lancetgate, des conflits d’intérêts au principe de précaution inversé, de la désinformation médiatique à l’excommunication de scientifiques, de la politique vaccinale à la politique sanitaire, le professeur Raoult dresse un constat effrayant et effarant de nos sociétés occidentales malades, et pas seulement du COVID… Aucune critique dans les médias mainstream et pourtant en 5e position des meilleures ventes non-fiction selon Livres hebdo du 28 octobre.
Auteur :
Microbiologiste mondialement reconnu, né en 1952 à Dakar, ce chercheur et scientifique a également travaillé avec Xavier Bertrand quand ce dernier a été ministre de la Santé. Il a créé l’IHU Méditerranée.
Extraits :
« La crise de l’hydroxychloroquine est extraordinairement importante. Non pas parce qu’elle reflète un combat spécifique de l’année 2020 mais parce que, si nous acceptons de perdre dans une affaire comme celle-là, alors plus rien ne pourra résister contre la pression de la désinformation, de l’agression, du harcèlement de ceux qui ne croient pas dans une vérité quotidiennement exprimée par les tenants de l’information, incluant l’industrie pharmaceutique, les médias et une part du gouvernement. »
« Concernant le virus SARS-CoV-1, l’agent de l’épidémie de 2003, il avait été rapporté qu’il était sensible à l’hydroxychloroquine et à la chloroquine in vitro, et Fauci, le directeur du National Institute of Health (NIH) aux États-Unis (équivalent de l’INSERM), qui deviendra un des grands adversaires de la chloroquine dans le COVID-19, avait proclamé à l’époque que c’était probablement le meilleur traitement contre le SARS-CoV-1. »
« Il est étonnant de voir la lutte de l’Europe, et de la France en particulier, contre les médicaments parmi les plus sûrs du monde, et son appétence pour des produits extrêmement chers, dangereux et inefficaces. Là aussi, avec le temps, ces prises de position devront peser dans la réflexion sur l’état d’évolution de nos structures. »
« Dans l’expérience que nous avions en juin 2021 à l’IHU de Marseillle, documentée par PCR, qui portait sur près de 600 patients vaccinés et néanmoins infectés par le COVID, nous n’avons pas noté que le vaccin diminuait la gravité de la maladie, la mort étant aussi fréquente chez les gens vaccinés que chez les gens non vaccinés, de même que l’hospitalisation. »
« Une partie de la terreur liée à cette épidémie a été associé, dès le départ, à la réalisation de modèles dramatisant, qui ont été brandis d’abord par le Conseil scientifique, puis sur tous les plateaux de télévision, sans que personne n’ait jamais rien pu prédire de réaliste. »
« Les États-Unis sont arrivés à un niveau d’espérance de vie inférieur à celui de Cuba, ce qui veut tout dite ! L’espérance de vie des États-Unis, fin 2020, est du niveau de celle des pays du Maghreb, la Chine n’en est plus très loin, ni le Vietnam, ce qui traduits un retournement de l’Histoire qui laisse rêveur. »
« La tyrannie s’exerce par le biais d’une fausse science imputée à la médecine. Des groupes de pression, plus au moins efficaces, comme les collectifs NoFakeMed ou Citizen4Science, et même, dans une certaine mesure, le conseil de l’ordre des médecins, expliquent ce qui est exact et ce qui ne l’est pas à l’aide de sentences péremptoires et de certitudes dérisoires. »
« Les discussions du Conseil scientifique étaient, de mon point de vue, inintéressantes. Deux des membres étaient des modélisateurs qui prédisaient l’avenir, et je ne crois pas que l’on puisse prédire l’avenir. D’ailleurs, tous leurs modèles se sont révélés hasardeuses, et il était surtout question d’approuver les décisions de contraintes et de confinement qui seraient proposées par Jean-François Delfraissy. C’est d’ailleurs la dernière fois que j’ai parlé à celui-ci, lorsqu’il a commencé à me rebattre les oreilles avec ses stratégies de confinement, pour lesquelles il n’y avait aucune base scientifique, et il n’y en a toujours aucune. »
« Le vaccin contre la COVID-19 est devenu un enjeu financier et stratégique mondial, qui a amené à transgresser toutes les règles que nous nous étions fixées depuis de très nombreuses années. En effet, les principaux fabricants de vaccins ont été dispensés de faire des études de phase 3, c’est-à-dire qu’au lieu de tester les vaccins sur des populations suffisamment importantes pendant deux à trois ans, pour avoir le recul sur des effets secondaires ou toxiques, la procédure a été terriblement allégée, et les États ont garanti l’assurance des fabricants de vaccins. Cela signifie, en pratique, que les industriels ne courent aucun risque en manufacturant des vaccins dont les effets secondaires tardifs n’ont pas été évalués. »
« Concernant l’efficacité de la vaccination, nous n’avons plus d’éléments. Ici à Marseille, fin juillet 2021, nous avons eu près de 600 cas diagnostiqués de gens infectés malgré une vaccination (complète ou incomplète). Les gens infectés ont fait des formes aussi graves ‘en termes d’hospitalisation, de réanimation ou de mort) que les gens qui n’avaient pas reçu de vaccin. Très fréquemment, pour des raisons que je ne m’explique pas, ces personnes ont fait des infections dans les quinze jours qui ont suivi la vaccination. Cette réaction n’avait d’ailleurs pas du tout été évaluée dans les essais cliniques. »
RÉFLEXION
L'idéologie du politiquement correct et la civilisation occidentale
Lorsque, au début des années 1930, le politologue et théoricien du droit allemand Carl Schmitt a tenté de prouver la présence cachée mais néanmoins évidente de tendances totalitaires dans l'État libéral-démocratique moderne, il a semblé à nombre de ses contemporains conservateurs qu'il s'agissait d'une exagération. Les années suivantes ont apparemment confirmé à leurs yeux l'absurdité de l'affirmation de Schmitt. Au contraire, le véritable totalitarisme était palpable dans les régimes qui positionnaient la démocratie libérale comme leur ennemi juré.
Euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/11/09/l...
L’électromobilité ne sera pas le seul levier de croissance de l’industrie future
Croire qu’il suffit de remplacer un moteur thermique par un moteur électrique sans réfléchir à tout l’écosystème relève soit de l’incompétence soit du sabotage. Avec une interview intéressante de Carlos Tavarès, PDG de PSA (vidéo)
Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/11/14/413085-lelectromo...
Contextualisation et enjeux réels de la guerre du Droit
Cette guerre du droit est menée, tambour battant, par l’empire commercialo-maritime anglo-saxon mais elle n’est toujours pas considérée comme devant être relevée par la France et les pays européens de tradition continentale. Or, vous savez que seules les batailles non menées sont définitivement perdues.
Le Saker francophone
https://lesakerfrancophone.fr/contextualisation-et-enjeux...
Le règne de l’homme-masse, une fatalité ? (Jose Ortega y Gasset)
Dans cette vidéo, nous aborderons un penseur encore trop méconnu dans le public francophone, à savoir Jose Ortega y Gasset, auteur d’un chef d’œuvre de la pensée politique du XXe siècle : « La révolte des masses ». Philosophe de haute stature, Ortega se livre à une critique d’une grande profondeur de l’homme-masse moderne et du règne de la médiocrité. Néanmoins, pour lucide qu’il soit de la situation politique et intellectuelle de l’Europe, il ne pense pas que cette dernière connaisse un déclin inéluctable. Refusant tout fatalisme historique, Ortega y Gasset estime que c’est seulement lorsque les Européens se saisiront à nouveau d’un projet à la hauteur de leur temps qu’ils vaincront la médiocrité et l’apathie qui consiste à se laisser vivre.
Euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/11/19/l...
SANTÉ/LIBERTÉ
Confinement, pass sanitaire : surprise, le gouvernement a encore menti
Aujourd’hui, ça sera donc fromage et dessert : non seulement la ségrégation sanitaire généralisée s’est mise en place sans trop de heurts, mais les mesures de privation de liberté plus classiques risquent de revenir.
Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/11/15/413719-confinemen...
Covid et hospitalisation : quelques chiffres
Comme le martèle le gouvernement, “on peut discuter de tout sauf des chiffres”, et comme on vient d’avoir les chiffres officiels de l’hospitalisation en 2020, cela tombe bien, on va pouvoir en discuter. Qu’en est-il ? En page 2, on apprend que 218 000 patients ont été hospitalisés en 2020 pour prise en charge de covid, dont 185 863 en hospitalisation « classique » MCO. Cela semble peu pour 140 000 lits disponibles. Le rapport confirme : 2% des hospitalisations de l’année 2020 étaient des patients covid.
Covid-factuel
https://www.covid-factuel.fr/2021/11/14/covid-et-hospital...
Covid : pays plus vaccinés versus pays moins vaccinés
TrialSiteNews vient de sortir un article, intitulé « Enquête sur les tendances Covid-19 dans les 10 pays les plus vaccinés et les 10 pays les moins vaccinés ». Deux tableaux résument bien la situation, et se passent de commentaires, sinon celui-là : « On peut discuter de tout sauf des chiffres ». Certains chipoteront sur les pays sélectionnés, il y a peut-être des erreurs, un oublié ou un en trop. C’est ce que j’ai pensé en me disant qu’ils avaient omis l’Islande. Eh bien non, sur Our World in Data, l’Islande est « fully vaccinated” à 75%, donc inférieur au Cambodge, dernier de la liste. Le Portugal m’étonnait, je le croyais au niveau de la France, non, la liste semble donc juste (et vérifiable toujours sur OWD).
Covid-factuel
https://www.covid-factuel.fr/2021/11/17/covid-pays-plus-v...
UNION EUROPÉENNE
Aux États-Unis, Ursula von der Leyen remet le prix de l’Atlantic Council au PDG de Pfizer : en route pour un monde meilleur !
L’ancien ministre d’Angela Merkel Ursula von der Leyen et actuelle présidente de la Commission européenne a remis le prix du « Leader of Business » au PDG de Pfizer Albert Bourla ainsi qu’à Özlem Türeci et Uğur Şahin de BioNTech, pour « célébrer les personnes exceptionnelles qui relèvent les défis extraordinaires d’aujourd’hui ». Dans une vidéo qui a beaucoup circulé, on la voit montrer toute sa familiarité avec ces dirigeants des géants pharmaceutiques.
Boulevard Voltaire
https://www.bvoltaire.fr/aux-etats-unis-ursula-von-der-le...
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vendredi, 19 novembre 2021
La communauté du renseignement américain définit ses priorités
La communauté du renseignement américain définit ses priorités
Leonid Savin
Ex: https://www.geopolitica.ru/en/article/us-intelligence-community-sets-out-its-priorities
Le jeudi 30 septembre 2021, la commission du renseignement de la Chambre des représentants des États-Unis a approuvé le budget de l'exercice 2022 pour le renseignement et les activités liées au renseignement. Ces activités couvrent le travail du ministère de la Défense, de la CIA, du bureau du directeur du renseignement national, de la Defense Intelligence Agency, de la National Security Agency, des départements de l'armée, de la marine et de l'armée de l'air, des garde-côtes, du département d'État, du département du Trésor, du département de l'énergie, du département de la justice, du FBI, de la Drug Enforcement Administration, de la National Geospatial-Intelligence Agency, du National Reconnaissance Office et du département de la sécurité intérieure. Comme on peut le constater, on s'attend à une étroite coopération et coordination inter-agences. Avec une compréhension générale des priorités américaines en matière de renseignement, il est possible de dresser un tableau plus précis de ce que les États-Unis feront l'année prochaine: dans quelles régions ils augmenteront leur activité et sur quels domaines ils se concentreront le plus.
Le texte complet de la loi sur l'autorisation du renseignement pour l'année fiscale 2022 compte 155 pages et est disponible sur le site Web de la commission du renseignement.
Les plans de la communauté du renseignement américaine comprennent 12 grands domaines d'intervention pour lesquels des fonds seront alloués.
1. "Prise en charge des victimes d'incidents sanitaires anormaux". Le projet de loi comprend des dispositions découlant de la surveillance approfondie par le HPSCI [House Permanent Select Committee on Intelligence] de la réponse de la communauté du renseignement aux incidents de santé anormaux, qui ont touché de nombreux officiers de la CI et employés du gouvernement, leurs conjoints et leurs enfants."
Il s'agit du "syndrome de La Havane". Des responsables américains ont récemment déclaré que des employés américains avaient également eu des problèmes de santé dans d'autres pays. Officiellement, la décision a été prise afin d'améliorer et de standardiser la fourniture de soins médicaux de qualité aux fonctionnaires du gouvernement qui ont connu un incident de santé anormal. Pour la CIA en particulier, cela devrait permettre de garantir le plus haut niveau de service aux employés dans toutes les activités.
2. "Se préparer à la prochaine pandémie". Le projet de loi prend plusieurs mesures pour mettre la CI dans une position plus forte pour faire face à la prochaine pandémie. Le projet de loi renforce considérablement les pouvoirs du Centre national de lutte contre la prolifération pour qu'il puisse faire face à l'ensemble des menaces biologiques étrangères et fournir des indications et des avertissements sur les menaces biologiques émergentes. Le projet de loi comprend également un rapport évaluant la valeur de l'ajout du Bureau de la sécurité nationale du Département de la santé et des services sociaux à la Communauté du renseignement, ainsi que l'obligation de produire des rapports supplémentaires sur la position de la CI contre les menaces biologiques étrangères de toutes sortes. L'annexe classifiée comprend plusieurs dispositions sur la préparation à la pandémie et la sécurité sanitaire mondiale."
La communauté américaine du renseignement
Le président américain Joe Biden s'est adressé au personnel de la communauté du renseignement lors d'une visite au bureau du directeur du renseignement national, en Virginie, en juillet 2021.
Cela soulève un dilemme : la communauté du renseignement américaine sait-elle déjà qu'il va y avoir une nouvelle pandémie ou prend-elle simplement des mesures de précaution? À en juger par l'activité accrue des laboratoires biologiques du Pentagone dans le monde et les nouvelles données sur le coronavirus, les États-Unis pourraient bien être en train de préparer une nouvelle épidémie, d'où les nouveaux pouvoirs des autorités officielles du pays.
3. "Afghanistan - Perspectives d'avenir". Le projet de loi exige un National Intelligence Estimate ... sur les menaces et les opportunités découlant de l'Afghanistan au cours des deux prochaines années, y compris les relations entre les talibans et la Chine, l'Iran, le Pakistan et la Russie, l'approche des talibans en matière de droits de l'homme, ainsi que la sécurité et la capacité de sécuriser le transit des alliés afghans des États-Unis. Le projet de loi exige également un rapport détaillé sur notre capacité actuelle à collecter des renseignements concernant l'Afghanistan, y compris la détection et la prévention de toute menace accrue pour la patrie, et une évaluation de la façon d'améliorer nos capacités après le retrait des États-Unis."
Ce point montre que les États-Unis continueront à surveiller de près la région. Bien que les Talibans aient détruit une partie de l'infrastructure déployée par les services de renseignement américains, Washington a l'intention de rétablir une présence clandestine en Afghanistan (il existe encore quelques cellules dormantes et des agents infiltrés). Il est également intéressant de noter qu'il est question de contrôler les liens des talibans avec d'autres pays et que l'accent est mis sur certains alliés afghans, c'est-à-dire ceux qui défendent les intérêts américains dans la région.
4. "La Chine et le contre-espionnage". Le projet de loi exige que la division du contre-espionnage du FBI effectue une évaluation de la sécurité de tout produit ou service d'origine chinoise avant que le FBI ne se procure ce produit ou service. Une autre disposition prévoit un rapport sur la coopération entre la Chine et les EAU en matière de défense, de sécurité, de technologie et d'autres questions."
Il s'agit d'un problème technologique, puisque diverses entreprises chinoises soupçonnées d'espionnage se sont implantées aux États-Unis.
5. "Comprendre la suprématie blanche transnationale". Le projet de loi comprend une disposition détaillée qui comble les lacunes en matière de renseignement et permet à l'Amérique de mieux se concentrer sur les menaces extrémistes suprématistes blanches transnationales. Plus précisément, ce projet de loi améliorera la capacité des agences fédérales de renseignement à hiérarchiser les menaces extrémistes suprématistes blanches, y compris les liens avec des groupes internationaux et leurs finances. Il impose au National Counterterrorism Center - aux côtés du Federal Bureau of Investigation et du Department of Homeland Security - d'explorer et d'analyser de manière plus approfondie l'idéologie et les objectifs qui animent les groupes suprématistes blancs ayant des liens transnationaux, y compris leur direction et leur structure opérationnelle."
Cette section a clairement été influencée par le parti démocrate et les mondialistes, qui ont décidé de déplacer l'attention sur la question des soi-disant "extrémistes blancs". Il est assez étrange qu'il ne soit pas fait mention du fondamentalisme islamique ou des cartels de la drogue, comme si les activités des extrémistes mentionnés représentaient une réelle menace pour la sécurité nationale des États-Unis. L'horreur causée par la prise d'assaut du Capitole américain en janvier 2021 est probablement encore bien ancrée dans l'esprit des fonctionnaires du parti démocrate. Il est plus que probable que les activités des extrémistes blancs fassent référence aux partisans de Donald Trump et du mouvement QAnon. Les théories du complot s'emparent des esprits de la communauté du renseignement américain, bien que, depuis des années, c'est exactement ce que les politiciens américains appellent des enquêtes sur l'ingérence des services de renseignement américains dans les affaires d'autres pays.
6. "Empêcher les anciens agents de renseignement de faire un mauvais usage de leurs compétences". Le projet de loi impose à certains anciens agents de renseignement, qui occupaient des postes particulièrement sensibles, de signaler tout emploi auprès d'un gouvernement étranger lié à la sécurité nationale, au renseignement ou à la sécurité intérieure. Il interdit également ce type d'emploi pendant 30 mois après avoir travaillé au sein de la CI. La disposition prévoit des sanctions pénales pour ceux qui ne la respectent pas, notamment en cas de violation du délai de réflexion, de non-déclaration d'un emploi auprès d'un gouvernement étranger ou de falsification des rapports. L'intention de la disposition est de décourager les anciens employés de la CI de fournir des services de renseignement à des adversaires ou à des pays ayant un mauvais bilan en matière de droits de l'homme."
Ce point caractérise un problème au sein de la communauté du renseignement américain, notamment les menaces d'initiés comme Edward Snowden. Le resserrement des vis au sein des agences et les nouvelles mesures restrictives feront clairement de la communauté du renseignement un lieu de travail moins attrayant pour les citoyens américains.
7. "Promouvoir les droits de l'homme". Plusieurs dispositions font progresser l'intérêt de longue date de la commission pour la protection et la promotion des droits de l'homme. Une disposition aidera le comité à comprendre comment la CI donne la priorité à l'application des sanctions relatives aux droits de l'homme prévues par la loi actuelle, telles que les sanctions globales Magnitsky et l'interdiction Khashoggi. Une autre disposition exige des rapports sur les cyber-vulnérabilités acquises par la CI et sur certains fournisseurs commerciaux étrangers de cyber-vulnérabilités dont les services peuvent être utilisés pour violer les droits de l'homme."
Il s'agit là d'un autre axe des démocrates qui se déploie à l'échelle mondiale. Auparavant, le département d'État mettait l'accent sur le thème de l'application des sanctions et de l'imposition de nouvelles sanctions. Il est clair que la question LGBT sera politisée, et que les services de renseignement américains surveilleront de plus près les représailles contre les homosexuels dans les États qui adhèrent et soutiennent les valeurs traditionnelles.
8. "Détection et surveillance des feux de forêt aux États-Unis". Le projet de loi exige que la National Geospatial Intelligence Agency dirige un examen coordonné et interagences avec le ministère de la Défense et les organisations du National Interagency Fire Center, afin d'évaluer les capacités techniques existantes et les possibilités futures de détection et de surveillance des feux de forêt. Cette mesure permet de s'assurer que le gouvernement exploite toutes les ressources possibles, dans le cadre des autorités existantes, pour fournir des informations précises et opportunes aux pompiers qui luttent contre les incendies de forêt, y compris dans l'ouest des États-Unis.
C'est probablement le seul point visant à protéger réellement les intérêts nationaux américains.
9. "La compétition entre grandes puissances dans la 'zone grise". Les États-Unis sont confrontés à de nouvelles formes de concurrence et de menaces de la part d'adversaires utilisant des tactiques qui se situent sur un spectre entre la politique ordinaire et la guerre ouverte. Le projet de loi contient une disposition rendant obligatoire un National Intelligence Estimate qui utilise les rapports classifiés de l'IC pour décrire comment les adversaires étrangers utilisent les activités de la zone grise pour faire avancer leurs intérêts et évaluer quelles réponses américaines amèneraient nos adversaires à intensifier - ou désescalader - cette activité".
Nous constatons ici que l'accent est mis sur les activités des États et des acteurs non étatiques que les États-Unis jugent incompréhensibles ou inacceptables. Il s'agit notamment de la revendication par la Chine d'une partie de la mer de Chine méridionale, de la situation dans le sud-est de l'Ukraine, de la présence de la Russie en Syrie, etc. Les États-Unis entendent généralement par "zone grise" toute activité qui menace les intérêts américains de quelque manière que ce soit.
10. "Protection des employés de la CI". Une disposition vise à obtenir des informations sur les cas dans lesquels l'inspecteur général de la DIA [Defense Intelligence Agency] a étayé des allégations de représailles ou d'abus de pouvoir contre des responsables de la DIA, et sur la manière dont les décisions disciplinaires qui en ont résulté ont été prises. Cela renforce également le besoin critique d'indépendance de l'IG [inspecteur général] par rapport à la direction de l'agence. Cela a pour effet de garantir que les employés de cette agence voient leurs allégations faire l'objet d'une enquête complète et approfondie et que les hauts dirigeants et les gestionnaires à tous les niveaux soient tenus responsables de leurs actions."
Un autre problème interne à la communauté du renseignement américain qu'ils vont tenter de résoudre.
11. "Faire la lumière sur l'extrémisme saoudien". Le projet de loi exige que le directeur du renseignement national prépare un rapport détaillé sur la menace des idéologies extrémistes propagées depuis l'Arabie saoudite et sur l'échec du gouvernement saoudien à empêcher la propagation de ces idéologies.
Ce point va clairement détériorer les relations entre les États-Unis et l'Arabie saoudite. Si Riyad s'est peut-être senti à l'aise sous l'administration de Donald Trump, il est possible que les démocrates exercent une pression politique accrue, voire imposent des sanctions intelligentes à l'Arabie saoudite en réponse à certains problèmes. Cela obligera le royaume à ajuster sa politique étrangère.OVNI
12. "Poursuite persistante des phénomènes aériens inexpliqués". Suite à une audition bipartisane sur les phénomènes aériens inexpliqués (UAP), le projet de loi comporte une disposition bicamérale rendant obligatoire le partage des renseignements avec le groupe de travail UAP du ministère de la Défense. Cette disposition garantira que le groupe de travail sera en mesure de tirer pleinement parti de tous les rapports classifiés sur les UAP, alors qu'il continue à enquêter sur cette mystérieuse menace pour l'espace aérien américain et nos forces militaires".
Bien que le terme OVNI ne soit pas utilisé, c'est exactement ce dont il s'agit. Les États-Unis ont commencé à parler plus ouvertement de ces phénomènes étranges issus du domaine de la science-fiction. On ne sait pas dans quelle mesure cette approche est justifiée, mais, combinée au point sur les extrémistes blancs, cette fascination pour les phénomènes aériens inexpliqués pue le complot.
17:30 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, services spéciaux américaines, services secrets américains, politique internationale, leonid savin | |
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jeudi, 18 novembre 2021
Un ordre mondial multipolaire, contre-projet au "one world"
Un ordre mondial multipolaire, contre-projet au "one world"
par Andreas Mölzer
Ex: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2021/11/11/eine-multipolare-weltordnung/
Que le monde était simple, que la politique mondiale était claire, lorsqu'il y avait encore les deux grands blocs de puissance, l'OTAN dominée par les Etats-Unis et le Pacte de Varsovie dominé par les Soviétiques. Lorsque l'Ouest libre et le bloc communiste de l'Est s'affrontaient. Rien d'autre n'avait d'importance, le reste était le tiers monde et la Chine communiste, etce reste somnolait dans un strict isolement. Avec l'effondrement du socialisme réellement existant, donc celui du bloc soviétique, certains observateurs politiques pensaient que la victoire de la démocratie occidentale à l'échelle mondiale était désormais imminente, qu'il n'y aurait donc qu'une seule superpuissance, à savoir les États-Unis et leurs alliés en Europe, et donc la domination de la démocratie occidentale. On pensait que cette démocratie occidentale devait s'imposer dans le monde entier et que la religion civile des droits de l'homme devait planer au-dessus d'elle, en quelque sorte comme une maxime morale et éthique ultime à vocation humaine globale. L'ensemble de la communauté internationale, des anciennes républiques communistes soviétiques aux pays en développement, des pays émergents aux États islamiques, tous, absolument tous devraient se plier à ce modèle occidental de société et d'État, le néolibéralisme en tant que modèle d'ordre, le libre-échange, l'économie de marché libre en tant que système économique l'emportant sur tous autres régimes et toutes autres considérations. "One world", un monde uniformisé au sens du politiquement correct, deviendrait ainsi en quelque sorte le telos final de l'histoire de l'humanité.
Cette conception d'un nouvel ordre mondial, entièrement développée dans l'esprit du néolibéralisme et du capitalisme tardif, n'était curieusement pas très éloignée des concepts culturels communistes 1) de l'homme nouveau dans une société sans classes et 2) du dépassement des différences ethniques et culturelles. Les deux conceptions, tant la conception néolibérale de l'uniformisation globale des nations que la conception communiste culturelle du nivellement de l'individu en soi, ignoraient la différence et la diversité des êtres humains, de leur évolution sociale et de leurs spécificités culturelles. Et c'est pour cette raison que ces deux concepts ont échoué.
Au cours des deux premières décennies du nouveau siècle, un monde multipolaire s'est en effet développé, caractérisé par plusieurs centres de pouvoir politique, par une multitude d'"acteurs" mondiaux et par des valeurs étatiques totalement différentes. Dernièrement, l'échec des conceptions néolibérales du "monde unique" a été mis en évidence par le fiasco désastreux de la politique américaine en Afghanistan. C'est ainsi qu'à côté des pays industrialisés occidentaux, de la superpuissance traditionnelle et mondiale que sont les Etats-Unis, de l'Etat nord-américain qu'est le Canada et de l'Europe en voie d'intégration, nous trouvons toute une série d'autres centres de politique de puissance sur cette planète. La Russie de Vladimir Poutine, qui a pu se consolider après la chute et l'éclatement de l'Etat multiethnique soviétique, joue ici un rôle politique mondial, tout comme la Chine, en plein essor économique. Le monde islamique joue également un rôle, tout comme les pays émergents d'Amérique du Sud autour du Brésil, mais aussi l'Inde et le continent australien.
Certains modèles d'organisation, traditionnels et dépassés, tels que le Commonwealth britannique, seraient ici réduits à une simple enveloppe historique et la domination existante, telle que celle que les Etats-Unis ont réussi à exercer avec l'OTAN, serait relativisée. Bien sûr, les Américains restent la plus grande puissance militaire de la planète, mais les déchirements internes, le déclin structurel et économique relativisent considérablement cette puissance militaire. Quant aux Européens, qui pourraient encore être le centre économique de la planète, ils deviennent, en raison d'une décadence sociale croissante et d'un manque de courage politique, un "acteur" de second plan dans la politique mondiale.
Restent la Russie de Vladimir Poutine et la Chine communiste avec son système économique capitaliste d'État. Après l'intermède de Boris Eltsine, la Russie est revenue depuis longtemps sur la scène politique mondiale et y joue un rôle important et tout à fait mesuré. Comparé aux aventures militaires des Etats-Unis, qui se soldent généralement par des fiascos, l'engagement militaire de Poutine en Syrie, par exemple, est limité mais efficace. Le dirigeant syrien Assad n'a pu s'imposer qu'avec l'aide de la Russie. Quant à la Chine, le régime du PC a réussi à garantir une certaine prospérité à ses citoyens tout en devenant le rival économique des puissances occidentales dans le monde. Depuis longtemps, la puissance économique chinoise a un statut d'égal à égal avec les États-Unis et l'Union européenne.
Cette multipolarité de l'ordre mondial actuel est également liée à une pluralité des systèmes sociaux et économiques, des valeurs qui sous-tendent les différentes puissances. Il s'agit d'une part des démocraties de type occidental, où l'on observe déjà, aux États-Unis, des signes de dissolution démocratique ou des divisions entre deux camps antagonistes, qui ne peuvent plus être surmontés par la voie du consensus démocratique.
Les démocraties dirigées, telles qu'elles existent par exemple dans la Russie de Poutine, n'en sont pas si éloignées du point de vue qualitatif. Et les systèmes autoritaires, comme la dictature du PC en Chine ou l'État islamique et théocratique en Iran, ou encore diverses oligarchies dans les pays émergents, montrent qu'il existe ici une diversité de systèmes d'ordre politique qui ne peuvent pas être mesurés à l'aune des critères occidentaux ou européens. C'est probablement une conséquence de l'ancienne vision euro-centrique du monde que les Européens, et à leur suite les Américains, ont cru que les valeurs et les conceptions de l'État européennes ou occidentales devaient s'imposer dans le monde entier. Dans un monde multipolaire, il faut renoncer à cette idée. Et même les droits de l'homme prétendument universels ne sont que partiellement valables et applicables dans ce contexte. Dans la société des castes en Inde, dans les États d'Afrique noire avec des structures tribales traditionnelles, mais aussi dans des pays comme le Cuba communiste, d'autres critères sont appliqués. La question de savoir qui s'imposera dans cet ordre mondial multipolaire et qui occupera la position de leader reste ouverte. L'hégémonie mondiale des Etats-Unis appartient en tout cas à l'histoire, la Pax Americana est du passé. Cela ne signifie pas pour autant qu'un ordre mondial chinois doive s'imposer, mais plutôt qu'un concert de puissances mondiales pourrait voir le jour. Et de nouvelles puissances mondiales pourraient également émerger. Les puissances régionales actuelles comme l'Inde, l'Iran, le Brésil et la Turquie affichent clairement leurs ambitions de dépasser leurs sphères d'influence régionales actuelles.
Pour nous, Européens, la question se pose de savoir si nous avons encore un rôle à jouer dans ce concert de puissances mondiales, tel qu'il semble caractériser le 21ème siècle. Les grandes puissances traditionnelles comme la France et le Royaume-Uni sont livrées à elles-mêmes face aux nouvelles échelles, trop faibles aussi pour cela. L'Allemagne, première puissance économique de l'Union européenne, évite jusqu'à présent de mener une politique de puissance, quelle qu'elle soit. L'Union dans son ensemble va de crise en crise et ne parvient pas vraiment à s'imposer comme un "acteur" de la politique mondiale et de la politique de puissance. Et jusqu'à présent, il n'y a guère de tendances contraires. Les forces centrifuges entre les puissances européennes deviennent plutôt plus efficaces, et le Brexit n'a peut-être été qu'une première étape. Et pourtant, il faut le constater : la seule chance des nations européennes de s'affirmer à l'avenir sur la scène politique mondiale réside dans l'union.
16:03 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : multipolarité, actualité, monde multipolaire, politique internationale, andreas mölzer | |
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Le nouveau capitalisme absolu-totalitaire, enfant de 68
Le nouveau capitalisme absolu-totalitaire, enfant de 68
Diego Fusaro
Ex: https://www.geopolitica.ru/es/article/el-nuevo-capitalismo-absoluto-totalitario-hijo-del-68
Le nouvel esprit du capitalisme est a) totalitaire, car il occupe la réalité matérielle et immatérielle de manière totale et absolue, devenant comme l'air que nous respirons, saturant l'espace du monde (globalisation) et celui de la conscience, avec une colonisation de l'imaginaire, où tout est pensé sous forme de marchandise (dettes et crédits scolaires, location d'utérus, investissements affectifs, etc.). Il est également b) absolu, puisqu'il est désormais parfaitement "complet" (absolutus), c'est-à-dire réalisé dans son propre concept (tout, sans résidu, est devenu une marchandise): et il est parfaitement complet précisément parce qu'il est "libéré" (solutus ab) de toute limitation qui pourrait encore entraver, empêcher ou même ralentir son développement.
Malencontreusement salué comme un processus révolutionnaire d'opposition à l'ordre capitaliste, 1968 - comme le montre L'avenir nous appartient - doit être interprété, de manière diamétralement opposée, comme le mythe de la fondation du turbo-capitalisme: et, plus précisément, comme le point de passage décisif de la phase dialectique à la phase spéculative, et donc comme un moment entièrement inscrit dans la logique dialectique du capitalisme lui-même. En une formule, 1968 marque l'émancipation non pas du capitalisme [dal capitalismo, dans l'original italien], mais du capitalisme lui-même [del capitalismo, dans l'original ; Fusaro joue avec les mots dal et del en italien] : le capitalisme se débarrasse, uno motu, de la conscience bourgeoise malheureuse (remplacée par l'inconscience heureuse du consommateur plus-satisfait) et des luttes pour la reconnaissance du travail servile.
Ces dernières sont remplacées par les nouvelles luttes pour la libéralisation individualiste de la consommation et des mœurs (qui renforcent l'ordre de production au lieu de l'affaiblir) et pour l'économisation des conflits, c'est-à-dire par des luttes qui ne contestent pas le capitalisme, mais qui, en réclamant simplement de meilleures conditions salariales en son sein, l'assument comme un horizon indéfendable. Compris de cette façon, 1968 est le moment génétique du nouveau et terrifiant capitalisme absolu-totalitaire, qui dissout toutes les identités - y compris celle de classe - et produit une masse amorphe de consommateurs qui se rapportent à l'essentiel dans sa totalité sous forme de consommation : c'est le tournant vers l'individualisation post-bourgeoise, post-prolétarienne, ultra-capitaliste d'aujourd'hui.
Les soixante-huitards, en luttant contre la bourgeoisie, sa conscience malheureuse et ses héritages éthiques, ne luttaient pas, du même coup, contre le capitalisme, mais pour lui, si l'on considère qu'il était conforme à la logique même du développement dialectique du capitalisme de détruire à la fois la bourgeoisie et le prolétariat en tant qu'obstacles à l'extension illimitée de la forme marchandise et de ses pathologies. Plus précisément, le mouvement de 1968, en promouvant un ordre politique de type anarchique et libertaire, opposé aux grandes organisations comme intrinsèquement oppressives, a favorisé plutôt que contrarié la genèse de la dérégulation libérale et la nouvelle figure dialectique du capitalisme absolu-totalitaire, par laquelle il a été rapidement réabsorbé. C'était d'ailleurs l'une des nombreuses preuves du fait que, comme Marx le savait déjà, le capital est protéiforme et adaptable, tant que les formes d'extorsion de la plus-value sont garanties.
Le capitalisme surmonte dialectiquement les exigences antagonistes du prolétariat (lutte des classes, esprit de scission, organisations de partis, passion révolutionnaire) et, en même temps, la conscience bourgeoise malheureuse. Cette dernière représente également une contradiction au sein du capitalisme, non moins que les revendications antagonistes et potentiellement révolutionnaires du prolétariat, si l'on considère que la bourgeoisie a) a sa propre vocation universaliste qui peut la conduire - comme dans le cas de Marx - à remettre en cause le monde capitaliste historique dans lequel elle est la classe dominante, et b) dispose d'une sphère de valeurs et d'éthique qui ne peut être marchandisée et qui est donc en définitive incompatible avec les processus d'omni-mercantilisation propres au capitalisme absolu.
La bourgeoisie et le prolétariat, dans leur conflit dialectique, s'étaient développés dans le cadre de l'éthicité (Sittlichkeit) au sens hégélien, c'est-à-dire dans l'espace réel et symbolique des "racines" solides et solidaires de la vie communautaire, liées à la famille et à l'école, au syndicat et à l'État national souverain. Le capitalisme absolu-totalitaire dés-éthicise le monde de la vie, annihilant toute communauté résiduelle autre que celle, intrinsèquement communautaire, de l'éphémère contrepartie marchande : il déconstruit la famille et les syndicats, l'école et l'État national souverain, produisant l'espace ouvert du monde réduit au marché et habité seulement par des consommateurs déracinés et homologués, sans conscience antagoniste prolétarienne et sans conscience malheureuse postmoderne.
Dés-éthicisée, la société devient une simple société de consommation, un marché cosmopolite peuplé non pas de citoyens d'États-nations, de pères et de mères, mais uniquement de concurrents ; des concurrents qui, en l'absence de tout esprit communautaire, n'ont de rapports que sur la base des principes théorisés par la Richesse des nations d'Adam Smith - la dépendance omnilatérale de la nécessité et l'égoïsme acquisitif - par rapport au brasseur, au boucher et au boulanger.
Plus fort maintenant parce qu'il a traversé "l'immense puissance du négatif" de la scission et du conflit révolutionnaire entre la bourgeoisie et le prolétariat, le capitalisme devient un capitalisme absolu-totalitaire: absolu, parce que - comme on l'a dit - il correspond pleinement à son Begriff [concept] ; totalitaire, parce qu'il a subsumé sous lui toutes les sphères de la production, de l'existence et de l'imagination, du réel et du symbolique.
De même, du côté de la production intellectuelle, la "conscience malheureuse" s'est dissoute et, à la place de la classe dialectique de la bourgeoisie, a pris place une classe globale, qui n'est plus bourgeoise mais ultra-capitaliste, encline à accepter avec désinvolture le "polythéisme des valeurs" et les styles de vie à l'intérieur de la "cage d'acier" du monothéisme idolâtre du marché.
Source première: https://avig.mantepsei.it/single/il-nuovo-capitalismo-assoluto-totalitario-figlio-del-68
11:23 Publié dans Actualité, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : capitalisme, globalisme, actualité, philosophie, philosophie politique, théorie politique, mai 68, politologie, diego fusaro, sciences politiques | |
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Le désir de sécession grandit aux USA
Le désir de sécession grandit aux USA
Stefano Magni
Ex: https://it.insideover.com/politica/negli-usa-cresce-la-voglia-di-secessione.html
Après la victoire de Joe Biden, les États-Unis semblent plus divisés que jamais. Et le désir de sécession, qui n'a jamais complètement disparu, continue de croître. De nombreuses menaces, avant ou après les élections, restent sans suite. L'acteur Robert De Niro, par exemple, menace de déménager à Molise chaque fois que les Républicains gagnent ou pourraient gagner. Mais il ne le fait jamais. Les citoyens (et les compatriotes) de Ferrazzano l'attendent toujours. Après la reconduction de George W. Bush en 2004, les États du nord-est des États-Unis demandaient à être annexés par le Canada, revenant ainsi à la couronne britannique après presque trois siècles. Mais ils sont toujours là. La polarisation politique aux États-Unis a cependant beaucoup augmenté au cours des cinq dernières administrations et a explosé avec la victoire de Biden à l'élection de 2020 avec le plus grand nombre d'électeurs depuis des décennies. Un autre signe de sérieux malaise, d'ailleurs, car les États-Unis sont un pays où l'abstention prévaut traditionnellement par confiance passive.
Les chiffres de la "sécession"
Divers sondages révèlent un grand sentiment de division dans la société américaine. L'une des plus inquiétantes, publiée par Bright Line Watch et réalisée l'été dernier en collaboration avec le célèbre institut YouGov, identifie plusieurs symptômes de polarisation. Il y a une perception croissante du danger que représente le parti adverse, et donc une crainte croissante chez les républicains que les démocrates, une fois au pouvoir, ne changent les règles du jeu pour rester au pouvoir. Et parmi les électeurs plus conservateurs, la conviction que l'élection de 2020 a été truquée est plus répandue qu'on ne le pensait auparavant. Parmi les points les plus controversés figure le désir de sécession. Les sondeurs préviennent: il s'agit d'un scénario tellement extrême et improbable qu'il ne faut pas s'attendre à une réponse "sérieuse", motivée par une réflexion profonde et rationnelle, de la part des personnes interrogées. Ces données sont donc à prendre avec des pincettes. Mais dans certains cas, les résultats sont si frappants qu'ils doivent être pris au sérieux. Par exemple, dans la zone "Sud", qui regroupe les États de l'ancienne Confédération (Texas, Oklahoma, Arkansas, Louisiane, Mississippi, Alabama, Géorgie, Floride, Caroline du Sud, Caroline du Nord, Virginie, Kentucky et Tennessee), le désir de sécession atteint 44%. Et parmi les électeurs républicains, il atteint le chiffre impressionnant de 66% (mais aussi 50% parmi les "indépendants" qui ne s'identifient à aucun des deux grands partis).
Même en 2012, lorsque Barack Obama a été réélu président, de simples citoyens des États du Sud ont promu des pétitions en ligne appelant à la sécession. Même à ce moment-là, les signatures recueillies ont dépassé toutes les attentes. En Louisiane, en Alabama, en Floride, au Tennessee, en Géorgie et au Texas, les 25.000 signatures nécessaires pour soumettre une pétition à la Maison Blanche et obtenir une réponse du président ont été recueillies. Au Texas, 126.000 signatures ont été recueillies en quelques semaines seulement, immédiatement après le résultat du vote. L'administration Obama ne s'est pas emportée: elle a simplement répondu qu'une demande de sécession était incompatible avec la Constitution américaine.
Si les exemples les plus récents concernent principalement des États républicains qui n'acceptent pas la légitimité d'un président démocrate, la question de la sécession est bipartisane. Même dans les États de la côte Pacifique (Alaska, Californie, Oregon, Washington), en fait, les démocrates sont plus favorables au divorce: 47% des sympathisants du parti de l'âne s'y déclarent favorables, pas une majorité, mais une minorité suffisamment importante pour faire les gros titres.
La confiance dans la démocratie
Ces chiffres sont encore plus significatifs si on les compare à un autre sondage, également réalisé par Bright Line Watch, qui mesure la confiance dans la démocratie des partisans des deux partis. Les républicains ont fait davantage confiance au système démocratique de 2017 à 2020, bien plus que le public moyen dans son ensemble et certainement bien plus que les démocrates. Mais tout d'un coup: les élections de novembre 2020 ont renversé les rôles, avec des démocrates confiants dans le système et des républicains sceptiques. Évidemment, si l'on ne croit plus à la résilience du système démocratique national, on se tourne, en réaction, vers sa propre démocratie territoriale: avec une demande croissante de sécession.
Contrairement aux médias grand public et aux groupes de réflexion, l'institut libertaire Mises prend l'hypothèse de la sécession au sérieux. Elle n'y voit pas non plus d'inconvénient. Les libertaires, en revanche, sont fidèles à l'esprit originel de la Révolution américaine, à savoir la sécession des colonies américaines de la couronne britannique. Après les élections de 2020, l'Institut Mises a réitéré son point de vue : "Loin d'être un facteur d'unification, l'État centraliste ne sert qu'à créer des blocs armés d'électeurs les uns contre les autres. Les divisions s'accroissent à mesure que le pouvoir fédéral augmente inexorablement, et l'élection présidentielle de 2020 n'est qu'un symptôme de l'approfondissement de cette division. Comment cela pourrait-il être pire ? Cela reste à voir. Après la victoire contestée de Joe Biden, le pays pourrait devoir se scinder en plusieurs unités politiques indépendantes s'il veut éviter une nouvelle désintégration sociale. Les libertaires de Mises proposent donc la sécession comme un moyen de calmer les esprits et de rétablir l'ordre, et non comme une forme de désordre social.
Cette perspective aura toutefois du mal à s'imposer, car la guerre de Sécession (1861-65), avec ses 600.000 morts, a jeté un sort durable à toute idée de séparation. Une sécession pacifique ne pourrait être que "de facto", avec des lois distinctes d'un territoire à l'autre, bien plus que le pluralisme que le système fédéral américain permet déjà. Et il y a toujours plus d'arguments politiques qui peuvent déclencher la violence: sur l'avortement, le mariage gay, le droit de porter des armes, bientôt aussi sur les énergies renouvelables (et la dé-carbonisation conséquente) et, en ces vingt mois de pandémie, même sur les mesures sanitaires contre le Covid, les deux Amériques sont de plus en plus éloignées. Une séparation territoriale, même si elle n'est que de facto et non de jure, pourrait devenir une alternative plus attrayante qu'une guerre entre voisins et voisins de la rue.
09:59 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, états-unis, texas, californie, sécession | |
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mercredi, 17 novembre 2021
De nouveaux retards pour North Stream 2 et le prix du gaz s'envole
De nouveaux retards pour North Stream 2 et le prix du gaz s'envole
Marco Valle
Ex: https://it.insideover.com/energia/altri-ritardi-per-il-north-stream-2-e-il-prezzo-del-gas-schizza-alle-stelle.html?fbclid=IwAR0cWUXKR0DoC2NxALhfx2v2fGJ0BIfUUY-eLhvFZ7gcYakIKvRMnjNDrk4
Un jeu subtil mais mortel se joue entre Moscou, Berlin et Washington (avec Bruxelles dans l'embrasure de la porte). Le nœud du litige est le super gazoduc North Stream 2, un serpent de 1290 kilomètres de long qui s'étend sous la Baltique et relie la Russie (Ust-Luga) à l'Allemagne (Greifswald). Une méga-usine a été construite, qui est capable d'acheminer chaque année vers l'Europe 55 milliards de mètres cubes du précieux gaz sibérien. Achevé, après d'innombrables vicissitudes, le 10 septembre dernier, il est partiellement opérationnel depuis le 18 octobre. Gazprom a annoncé que la première ligne a été remplie de 177 millions de mètres cubes de gaz, et que d'ici le 1er novembre, les installations de stockage russes seront remplies. Tout est bien qui finit bien? Pas tout à fait.
Le bras de fer avec les États-Unis
Allons-y dans l'ordre. Pour Washington, d'abord avec Trump et maintenant avec Biden, l'objectif a été de contenir la " mainmise " énergétique de Poutine sur l'Europe, comme l'a confirmé cet hiver le porte-parole du département d'État américain Ned Price: "Nord Stream 2 et la deuxième ligne de TurkStream (le gazoduc russo-turc) sont conçus pour accroître l'influence de la Russie sur nos alliés et partenaires et miner la sécurité transatlantique". D'où, au fil des ans, les lourdes sanctions contre les entreprises occidentales impliquées dans la construction de la centrale géante, la pression continue sur le Parlement européen et le soutien total à l'allié ukrainien, pays de transit traditionnel du gaz russe. En effet, Kiev craint non seulement d'être contourné par la nouvelle ligne balte, perdant ainsi un revenu annuel de 7 milliards d'euros en taxes de transit, mais risque surtout de se retrouver dangereusement exposé à une augmentation des interruptions énergétiques par Moscou.
Menaces et intrigues n'ont cependant pas effrayé Frau Merkel, qui a su rassurer les investisseurs sur ce projet extrêmement coûteux (environ neuf milliards d'euros) et jongler avec habileté entre la Maison Blanche et le Kremlin. Un exercice de grande politique. Pour l'ancienne chancelière (comme pour ses alliés sociaux-démocrates), le NS2 était et reste la pierre angulaire du très ambitieux plan énergétique allemand visant à surmonter la dépendance au charbon et à l'énergie nucléaire. Un plan qui prévoit (autre déception pour Washington) une étroite collaboration russo-allemande, grâce au Nord Stream 2, dans le domaine de l'énergie hydrogène.
D'où les efforts diplomatiques persistants et obstinés de la dame, qui se sont soldés par une victoire partielle mais significative. De manière surprenante, le 16 juin, Biden a dû annoncer qu'il voulait dégeler les sanctions trumpiennes contre le pipeline. "Je m'y suis opposé dès le début", a fait valoir le locataire de la Maison Blanche, "mais quand j'ai pris mes fonctions, c'était presque terminé". Aller de l'avant serait contre-productif pour notre relation avec les Européens. J'espère pouvoir travailler avec eux sur la manière de gérer la situation à partir de maintenant". En contrepartie, les États-Unis ont exigé que Berlin investisse en Ukraine et se sont réservé le droit de sanctionner les Russes et les Allemands si Moscou utilise le doublement du pipeline comme levier contre le continent européen.
L'obstacle bureaucratique
C'est maintenant au tour de l'Allemagne, toujours sans gouvernement, et les choses se compliquent à nouveau: l'agence fédérale des réseaux, la Bundesnetzagentur, a détecté un problème de forme juridique. Les directives européennes exigeant la séparation de la gestion du réseau et de la distribution du gaz, l'affaire restera au point mort jusqu'à ce que la filiale créée pour gérer le segment allemand du gazoduc achève le transfert des principaux actifs et des ressources humaines de la société propriétaire du projet, Nord Stream 2 AG (filiale de la société russe Gazprom). Mais ce n'est pas fini. Une fois terminée, la procédure sera transmise à la Commission européenne pour la dernière étape juridique. Cela prendra quatre mois (sauf surprise). Après cela, tout retournera à la Bundesnetzagentur, qui s'est donné deux mois supplémentaires pour la certification finale (?).
Le résultat? Cet énième retard a fortement agité les marchés: le prix de référence pour l'Europe, fixé par le contrat du hub néerlandais TTF, a bondi de 11 % et se dirige vers 90 euros/MWh, le plus haut des trois dernières semaines. Le feuilleton du gaz continue, et à Washington (et à Kiev), certains se frottent les mains.
12:47 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, russie, allemagne, gaz naturel, gazprom, hydrocarbures, nord stream 2, mer baltique, espace baltique | |
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mardi, 16 novembre 2021
Sans alternatives, les peuples finissent mal
Sans alternatives, les peuples finissent mal
par Marcello Veneziani
Source : Marcello Veneziani & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/senza-alternative-i-popoli-finiscono-male
Quel est le mot de passe du pouvoir en vigueur dans notre société italienne, européenne et mondiale ? Il porte le nom familier d'une jeune femme, Tina, mais il s'agit en réalité d'un acronyme lancé par les dirigeants libéraux des années 1980, puis repris par les sociaux-démocrates, par l'ensemble de l'establishment et par tous ceux qui n'admettent aucune autre possibilité : Tina, ou plutôt T.I.N.A. est l'acronyme de There Is No Alternative. Nous avons pris une rue à sens unique, la direction à prendre est obligatoire et il n'y a aucun moyen de faire autrement.
Je vais vous donner trois exemples différents de son application. Au niveau européen, si vous n'acceptez pas les dogmes de l'Europe, si vous faites appel à la civilisation, à la tradition et au droit national et ne vous pliez pas aux édits impératifs, vous êtes considéré comme hors-jeu: c'est le cas de la Pologne qui, pour avoir défendu la souveraineté nationale et la tradition juridique de l'État libre et démocratique avec des arguments juridiques de bon sens, est exclue du forum européen et si elle ne revient pas sur ses décisions, elle sera sanctionnée par la suspension de tous les fonds auxquels elle a droit. Ce n'est pas un cas unique, comme certains se font des illusions, il y a déjà eu un précédent avec la Hongrie, avec un gouvernement légitime, réélu avec plus de voix qu'avant, libre et démocratique, dirigé par un monsieur qui était au Parti populaire, d'inspiration démocrate-chrétienne. Et il y a le cas des douze pays européens qui veulent fortifier leurs frontières mais l'UE ne le permet pas. Mais c'est surtout une menace, une épée de Damoclès et un avertissement à tous les peuples européens et à toutes les forces politiques: si vous tentez d'emprunter une autre voie, de voter dans une direction non conforme, sachez que nous vous couperons les vivres et l'oxygène. C'est un message direct à l'Italie, à la France et à tous ceux qui cultivent des intentions "souverainistes" pour échapper au canal autorisé, aux ciseaux technocratiques et progressistes de gauche.
Deuxième exemple, mondial celui-là. L'ancien président des États-Unis, Donald Trump, pour communiquer avec son peuple et faire connaître son action politique, a été obligé de créer son propre réseau alternatif, qu'il a appelé Truth (Trump est passé de Bannon à notre Belpietro); parce que Facebook et Twitter l'ont occulté, "banni", bref censuré. Mais il peut se permettre d'investir 875 millions de dollars.
Troisième exemple, local. Ceux qui critiquent le passeport vert ne peuvent manifester sans, d'une part, être assimilés à des franges extrémistes de droite, de gauche ou anarchistes et, d'autre part, être fustigés et frappés, parfois même physiquement. Parce que la politique est maintenant la continuation des soins de santé par d'autres moyens : et si vous vous y opposez, vous devez faire face aux protocoles de soins de santé et aux obligations prévues pour prolonger l'état d'urgence même en temps ordinaire et dans des domaines qui ont peu ou pas de rapport avec la prévention et la santé. Je pourrais continuer à parler des droits civils, du dogme mondial de l'avortement et de l'impossibilité d'échapper aux nouvelles obligations et censures.
En toute honnêteté, je considère que la rébellion dans les rues est stérile et puérile et que l'opposition politique à cette tendance est inadéquate et inefficace ; je ne suis pas un adepte de Trump et je pense qu'il y a d'autres priorités sociales, économiques, vitales, spirituelles et idéales que les cols ou les murs. Mais le problème de fond demeure: nous sommes entrés, sans nous en rendre compte, de manière aseptique et neutre, dans une sphère totalitaire. Car c'est ainsi que se traduit TINA: rien n'est autorisé qui ne soit pas dans cette sphère. Il n'y a pas d'alternative, on ne peut même pas y penser, si l'on considère que la censure s'étend également aux opinions.
Bien sûr, le populisme déglingué qui a gouverné notre pays a offert un formidable alibi pour invoquer la rigueur et passer le relais à une "gouvernance" plus crédible et plus fiable. Mais le problème demeure, et il s'agit d'un problème structurel dont les perspectives d'avenir sont inquiétantes. Après avoir vécu la phase expansive de la mondialisation en termes de marché, d'économie, de technologie et d'assimilation des modes de vie et de consommation, nous sommes maintenant dans la phase répressive de la mondialisation, comprise comme un horizon totalitaire auquel on ne peut échapper. Global se traduit par Total. Pourtant, la vie, l'intelligence et la liberté ont besoin d'alternatives, sinon elles étouffent.
Que pouvons-nous faire, à part dénoncer ? Ce serait bien de sonner la charge, d'invoquer le réveil des peuples et de la politique, mais ce serait hypocrite: en politique on ne peut pas faire grand-chose, dans la rue on peut faire encore moins, l'extrémisme est le meilleur allié du pouvoir car il légitime les restrictions ; les révolutions et les guerres ne sont plus utilisées, personne n'est prêt à risquer quoi que ce soit et même s'ils le pouvaient, ils ne seraient destinés qu'à succomber, à prendre des coups. Certains essaient au moins de tirer parti de la dissidence, pour en tirer des profits personnels ou politiques, mais ils colportent des illusions. Et alors ? Oui, dénoncer, penser différemment, critiquer, éluder, proposer des alternatives, semer des contradictions dans le camp adverse, s'insérer dans les interstices non gardés, bref, jouer pleinement son rôle, mais sans attitude puérile ou rancunière et sans attente de salut car le contrecoup de l'échec est alors la désertion, la désaffection, la fuite dans la vie privée ou le radicalisme irréaliste.
C'est très difficile, mais il faut essayer, laisser des traces de sa propre dissidence et de sa vision alternative ; peut-être que les temps changent, que les équilibres se déplacent, que de nouveaux facteurs modifieront la direction de l'histoire au fil du temps, que tôt ou tard la réalité surgira... Honnêtement, il n'est pas possible de faire ou d'espérer plus que cela.
16:24 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, problèmes contemporains | |
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lundi, 15 novembre 2021
L'idéologie du politiquement correct et la civilisation occidentale
L'idéologie du politiquement correct et la civilisation occidentale
Vojtěch Belling
Ex: https://deliandiver.org/2007/11/ideologie-politicke-korektnosti-a-zapadni-civilizace.html
Lorsque, au début des années 1930, le politologue et théoricien du droit allemand Carl Schmitt a tenté de prouver la présence cachée mais néanmoins évidente de tendances totalitaires dans l'État libéral-démocratique moderne, il a semblé à nombre de ses contemporains conservateurs qu'il s'agissait d'une exagération. Les années suivantes ont apparemment confirmé à leurs yeux l'absurdité de l'affirmation de Schmitt. Au contraire, le véritable totalitarisme était palpable dans les régimes qui positionnaient la démocratie libérale comme leur ennemi juré.
Les théories classiques du totalitarisme associées aux noms de Carl Joachim Friedrich, Zbigniew Brzezinski et Hannah Arendt, fondées sur les caractéristiques externes des régimes totalitaires (idéologie, parti, police secrète terroriste, monopole du renseignement, monopole des armes, économie planifiée), ont soutenu cette mise en opposition absolue du totalitarisme avec la démocratie libérale. Ni la conception de Voegelin et de Meier sur l'émergence des religions politiques en tant que substitut de la foi, ni la conception de Schelsky sur le totalitarisme pluraliste, n'ont changé quoi que ce soit à l'acception générale et exclusive du totalitarisme en tant que phénomène anti-libéral et anti-démocratique en contradiction avec les démocraties ordinaires de style occidental.
Pourtant, depuis que le monde a célébré le triomphe de l'establishment libéral-démocratique et que Francis Fukuyama a commencé à parler de la fin de l'histoire, certaines tendances totalitaires ont commencé à émerger très clairement au sein des États libéraux-démocratiques, ce qui peut nous amener à repenser les propositions de Schmitt et à les comprendre sous un jour nouveau. Je pense en particulier au phénomène multicouche du soi-disant politiquement correct qui imprègne toutes les réalités du discours politique, social et scientifique dans la civilisation occidentale actuelle. Dans l'article suivant, j'essaierai de démontrer comment ce politiquement correct, issu du régime libéral-démocratique développé, tend à détruire progressivement son essence (ndt: du moins l'essence qu'on lui attribue et/ou qu'il s'est auto-attribuée). En décrivant la nature de ce phénomène et ses formes dans les environnements nord-américain, européen et tchèque, j'essaierai de le placer dans le contexte du développement de la société moderne et de documenter la dérivation naturelle de son essence.
L'essence du politiquement correct
Le politiquement correct, dans le sens courant du terme, désigne un ensemble d'éléments nécessaires pour qu'une certaine action ou expression d'opinion soit considérée comme pertinente ou ne soit pas sanctionnée socialement. En d'autres termes, le politiquement correct est une sorte de cadre externe de communication que l'auteur et le lecteur ou l'auditeur doivent accepter s'ils veulent se comprendre. À cet égard, elle joue donc un rôle similaire à celui de la langue elle-même. Toutefois, contrairement à cette dernière, le politiquement correct n'est pas exigé par les caractéristiques biologiques de l'homme, mais par certaines normes sociales imposées aux deux sujets - l'auteur et le lecteur - par la société extérieure.
En un sens, le politiquement correct peut donc être assimilé à la politesse, qui est également une forme externe universelle de communication entre des personnes d'horizons différents. Contrairement à la politesse, cependant, le politiquement correct a un impact beaucoup plus important sur le contenu du discours lui-même, et pas seulement sur sa forme. En outre, les sanctions pour violation du politiquement correct sont beaucoup plus sévères et durables que celles pour violation de la politesse. Car, comme le note Gerard Radnitzky, ne pas suivre le politiquement correct revient à briser un tabou. Le politiquement correct, comme nous le verrons, tend en fait à étendre la gamme des tabous éthiques de l'ordre libéral classique, tels que le meurtre, le vol, etc. D'autre part, elle supprime de force certains des tabous traditionnels existants (meurtre de l'enfant à naître, fornication, etc.). Cela change fondamentalement le système de valeurs éthiques de la civilisation occidentale.
Le politiquement correct repose sur la conviction que les idées d'un courant de valeurs politiques particulier, essentiellement et exclusivement de gauche, peuvent prétendre à une validité universelle. Les défenseurs de ces idées, par une manipulation habile, en utilisant au maximum les possibilités de l'État et de ses instruments dans la sphère culturelle (les médias publics), parviennent à subordonner à ces idées les normes du langage humain, du comportement humain, de l'action politique et, en définitive, de la pensée humaine. Les unités idéologiques que le politiquement correct universalise de cette manière concernent le plus souvent les questions des minorités nationales, ethniques, sexuelles ou religieuses et de l'égalité des sexes. En même temps, le politiquement correct est une arme efficace qui aide les minorités défavorisées pour diverses raisons (parfois, étonnamment, elles sont justifiées) à atteindre facilement leurs objectifs. Cependant, le but ultime et l'élément omniprésent du politiquement correct est l'élimination d'une identité culturelle ou civilisationnelle qui joue encore un rôle de premier plan dans un domaine particulier. Le politiquement correct étant un phénomène spécifiquement occidental, la réalisation de son objectif constitue une élimination concomitante de l'identité occidentale.
Réglementer le langage : le premier domaine du politiquement correct
La modification des règles d'utilisation de la langue est l'un des symptômes les plus évidents du politiquement correct, partout dans le monde. Au lieu des termes traditionnels utilisés, le politiquement correct crée de nouvelles tournures de phrases ou des termes de substitution qui changent le sens de la chose nommée. Le terme existant est immédiatement tabou dès qu'il est remplacé. Un exemple classique est le développement des termes servant à désigner un membre du groupe ethnique noir aux États-Unis. Au lieu du terme "nègre", le politiquement correct a inventé dans le passé le terme "de couleur". Dès que la signification de ce terme est redevenue problématique, le politiquement correct l'a remplacé par "noir". Il n'a pas fallu longtemps pour que le terme soit à nouveau remplacé par "afro-américain". Un processus similaire peut être observé pour certains mots de la langue tchèque. Par exemple, le terme original "Gypsy" a été remplacé par "Roma", en dépit du fait que le terme "Roma" était auparavant utilisé pour se référer uniquement à un groupe spécifique de Gitans. C'est pourquoi les Allemands ont utilisé le double terme "Roma und Sinti" pour désigner un groupe plus important des tribus gitanes d'origine, mais pas toutes.
Lorsqu'il existe un risque de jugement négatif à l'égard des membres d'un groupe ethnique particulier, le politiquement correct refuse toute discussion sur l'ethnicité. Un exemple en est la couverture des crimes dans les programmes d'investigation de la télévision publique, dans lesquels le téléspectateur doit souvent déchiffrer littéralement l'origine ethnique de l'auteur sur la base de quelques références accessoires (peau brune, cheveux noirs, "mauvais Tchèque", etc.). Et ce, malgré le fait qu'une information directe sur cette affiliation faciliterait grandement la recherche. En bref, les règles du politiquement correct l'emportent sur l'objectif du message lui-même.
Les exigences linguistiques du politiquement correct visant à donner du pouvoir aux minorités discriminées sont souvent très absurdes. Aujourd'hui, par exemple, il est très dangereux de commander un café blanc à une serveuse noire aux États-Unis en utilisant le terme traditionnel "café blanc". Le terme a déjà été coulé et tabouisé en termes de politiquement correct. Il faut soit réfréner son envie de la boisson en question, soit faire preuve de beaucoup d'imagination pour trouver des formes descriptives.
Une raison très courante des transformations politiquement correctes du langage est le discours de l'égalité des sexes, qui cherche délibérément à s'emparer du langage comme de l'arme la plus puissante de l'homme postmoderne. Peut-être que toutes les langues subissent aujourd'hui des changements qui correspondent au désir des femmes d'avoir une part de pouvoir. Il n'y aurait rien d'étrange à cela si ces changements n'étaient pas effectués sans tenir compte de la logique interne de ces langues et de leurs règles. En français, ce problème a été soulevé dans le débat sur les équivalents féminins d'expressions traditionnellement masculinisées : monsieur le ministre - madame la/le ministre.
En allemand, en revanche, la question du pluriel commun des noms existant à la fois sous forme masculine et féminine a été abordée. Par exemple, le terme "étudiants" (Studenten) était traditionnellement utilisé au pluriel pour les étudiants et les étudiantes. Plus tard, les idéologues du politiquement correct ont jugé que cela était discriminatoire à l'égard des femmes, et ce sens a été redéfini en tant qu'étudiants (Studenten) et étudiantes (Studentinnen). Ici, cependant, le problème est que les femmes ne sont pas prises en compte. Enfin, une toute nouvelle forme de pluriel "unisexe" a été créée pour la plupart des noms en ajoutant la terminaison féminine "Innen" avec une lettre initiale majuscule pour prouver son égalité avec les pluriels masculins. Ainsi, "Studenten" est devenu le mot absurde "StudentInnen", qui viole toutes les règles de la logique grammaticale allemande en incluant une majuscule au milieu du mot. Pour l'instant, la langue tchèque du politiquement correct en matière de genre se contente de l'usage courant des pluriels féminins et masculins, les femmes venant généralement en premier (étudiantes et étudiants, citoyennes et citoyens, etc.).
Cependant, le règlement linguistique s'étend également à des domaines où l'on ne s'y attend pas. L'exemple le plus évident de la prétention du politiquement correct à une validité universelle est son empiètement sur le domaine de la religion dans le domaine du langage. L'apparition d'éditions politiquement correctes de la Bible ou de livres de prière en est la preuve. Ainsi, en plus de Dieu le Père, "Dieu la Mère" apparaît également dans ces versions, et des changements similaires se produisent dans d'autres concepts fondamentaux du langage religieux. Même dans la sphère sacrée, le politiquement correct est l'arbitre suprême de la qualité du contenu et de la forme du message.
Régulation du comportement
Au stade suivant, le politiquement correct passe de la régulation du langage à la régulation du comportement des individus, mais aussi de groupes entiers, de la société et de l'État dans son ensemble. Comme nous l'avons déjà mentionné, le but du politiquement correct est la destruction de l'identité. L'une des façons d'atteindre cet objectif est de souligner la position non seulement égale mais souvent privilégiée de toute minorité dans un environnement culturel donné. Cette promotion prend de nombreuses formes, parmi lesquelles le principe de la discrimination positive, l'affirmative action, mérite une mention spéciale. Son essence repose sur le principe d'égaliser, mais aussi de favoriser et de privilégier tout ce qui est considéré comme étant en dehors de la norme ou de la normalité dans la tradition occidentale. La discrimination positive vise les minorités ethniques, les groupes religieux et les personnes non hétérosexuelles (n'oublions pas que, selon le langage du politiquement correct, il n'y a pas deux, mais cinq genres).
Aux extrêmes, la discrimination positive peut prendre des formes très curieuses : par exemple, certaines universités américaines favorisent les membres de minorités ethniques (mais seulement certaines, comme les Afro-Américains ou les Amérindiens), mais avec la preuve d'une ascendance biologique-raciale jusqu'au quatrième degré. En d'autres termes, un demandeur d'aide sociale ou de traitement spécial doit documenter l'ascendance biologique de ses grands-parents et autres ancêtres, y compris le pourcentage de "sang minoritaire". La méthodologie de l'affirmative action est donc très proche des pratiques raciales du régime nazi, dont les fameux "Ahnenpässe" - mais à la différence que l'objectif est de favoriser les minorités ethniques.
Dans tous ces cas, il s'agit d'une démarche rationnelle de la part des minorités. Dans son livre The Holocaust Industry, l'auteur juif américain Norman Finkelstein utilise l'exemple de l'utilisation de l'Holocauste à des fins qui n'ont rien à voir avec la commémoration et l'héritage de cette horrible tragédie du 20ème siècle pour critiquer l'approche utilitaire de nombre de ses collègues qui ont fait de l'Holocauste un concept industrialisé. Ce qui mérite d'être analysé, c'est donc plutôt le comportement de la majorité, qui est non seulement capable de s'accommoder des efforts rationnels des minorités, mais qui anticipe elle-même ces efforts. Après tout, la simple mention de l'existence d'une culture majoritaire est politiquement incorrecte, comme l'a montré, par exemple, la discussion sur le terme "Leitkultur" qui a eu lieu en Allemagne il y a quelques années à propos de l'intégration des étrangers dans l'environnement allemand. En réponse aux tentatives des politiciens conservateurs de créer une législation qui rendrait obligatoire l'initiation des immigrants aux principes culturels de l'espace d'Europe centrale, la gauche a répondu par le jugement surprenant qu'il n'y a aucune culture qui a une position privilégiée dans l'environnement allemand, et qu'il ne peut y en avoir.
Cela nous amène à la deuxième dimension de la réglementation politiquement correcte des comportements, qui ne vise pas à privilégier les minorités et les cultures minoritaires, mais à détruire la culture majoritaire. Bien sûr, toujours avec la conscience de la liquidation de l'identité comme ultima ratio. Cette lutte contre l'identité occidentale prend plusieurs formes. L'une d'entre elles est la tentative de supprimer ou de remettre en question les éléments distinctifs de la culture occidentale. Comme l'a écrit le théologien Henry van Til, "la culture est la religion incarnée". L'assaut du politiquement correct se concentre donc en premier lieu contre le christianisme. On peut trouver des exemples partout dans le monde de la civilisation occidentale. La première association qui vient à l'esprit est la destruction des symboles religieux : le retrait des croix dans les écoles bavaroises sur l'insistance des parents d'un seul élève d'une autre religion qui se sentait offensé par la présence de la croix dans les salles de classe, le retrait de la crèche dans les écoles du nord de l'Italie, ou encore le retrait des croix et des tablettes des dix commandements des palais de justice américains et d'autres espaces publics.
Cependant, si les efforts de neutralité religieuse dans la sphère publique sont plus anciens (en France, la laïcité est l'un des principes constitutionnels fondamentaux depuis le début du 20ème siècle), dans la sphère privée, cette ingérence a déjà lieu exclusivement sous la bannière du politiquement correct. Les Boy Scouts of America, par exemple, ont échappé de justesse à une modification de leur constitution, ordonnée par un tribunal, interdisant le recrutement d'homosexuels actifs comme chefs scouts. Ils ont payé leur victoire à la Cour suprême par le mépris d'un certain nombre d'organisations et d'institutions publiques activées par l'American Civil Liberties Union (ACLU) - la structure personnifiée du politiquement correct aux États-Unis. Par ailleurs, même les scouts n'ont pas résisté à la pression du politiquement correct, qui les a contraints à modifier la formulation du serment des nouveaux membres et à autoriser une version athée du serment scout.
Toutefois, l'influence du christianisme est également limitée par des moyens beaucoup plus radicaux : par exemple, la possibilité de désacraliser librement les symboles chrétiens dans l'art ou la littérature, ou l'attitude a priori négative de la plupart des médias, en particulier les médias publics, à l'égard des dénominations chrétiennes. Cependant, quiconque voudrait désacraliser de la même manière toute religion autre que celle qui constitue l'identité occidentale se heurterait au mal. Nous trouvons donc un paradoxe intéressant : le politiquement correct, qui lui-même nie officiellement l'existence de sources spécifiques de l'identité occidentale (par exemple, ses racines chrétiennes), dans ses activités visant à éliminer ces sources, confirme effectivement ce rôle, tout en prouvant qu'il en est en fait très conscient.
Outre la religion, le politiquement correct s'attaque également à d'autres symboles de la culture occidentale. Cela est évident, par exemple, dans les efforts acharnés pour remettre en question puis démanteler la famille en tant que principale forme de vie légitimée dans la société occidentale. La promotion de formes de vie alternatives (favorisant les minorités) et, à l'inverse, la discrimination de la famille traditionnelle et du mariage en tant qu'élément institutionnel central (désavantageant la majorité) dans les actions de nombreux États en sont la preuve.
Régulation de la pensée
Si la régulation du langage et la régulation des comportements sont des symptômes très évidents, et faciles à décrire, de la présence du discours du politiquement correct, son caractère totalitaire ne devient apparent que dans la troisième étape de sa progression : la régulation de la pensée. Pourtant, c'est précisément l'atteinte d'un état d'autorégulation totale de la pensée, la définition de nouveaux critères moraux et la prise de conscience de ce qui est ou n'est pas acceptable et approprié qui constituent le but ultime du politiquement correct. À cet égard, le politiquement correct a eu plus de succès que les régimes totalitaires classiques, qui se concentraient le plus souvent uniquement sur la réglementation du langage et du comportement.
Le stade de l'autorégulation ne nécessite plus d'intervention extérieure et le politiquement correct n'a plus besoin de soutien institutionnel extérieur (par exemple dans les médias publics, les partis politiques et les ONG). L'étendue du niveau d'autorégulation atteint est révélée par des enquêtes d'opinion publique comportant des questions choisies de manière appropriée. Lorsque l'opinion publique a été sondée en Allemagne après la récente affaire dite Hohmann (1), la majorité des personnes interrogées (80 %) ont exprimé leur profond désaccord avec les opinions de cet homme politique conservateur. Peu après, l'opinion publique a été sondée sur les opinions de Hohmann sans le nommer explicitement, et un groupe tout aussi important (80 %) les a approuvées. Cette enquête a donc démontré que la population avait déjà accepté les attitudes politiquement correctes médiatisées envers le porteur spécifique du message (Hohmann), mais pas envers le message lui-même, qui n'était pas encore dans la sphère du tabou autorégulateur.
Dans la régulation de la pensée, les médias jouent un rôle central, et presque entièrement les médias publics, qui sont coordonnés par la sphère politique et en même temps ne sont pas liés par la loi de l'offre et de la demande. Au lieu de fournir un divertissement, leur objectif est d'éduquer et de former le public, bien sûr dans l'esprit des élites intellectuelles qui les influencent. Les médias de service public sont également les propagateurs de mythes et de stéréotypes modernes qui, contrairement aux stéréotypes culturels classiques, revendiquent une vérité universelle et incontestable.
Un exemple de ce "stéréotype à l'envers" est la thèse de la discrimination salariale présumée à l'encontre des femmes, qui atteint en République tchèque le niveau d'un écart salarial de vingt-cinq pour cent. En réalité, cette différence au sein d'une même profession (et c'est seulement là qu'elle peut être constatée) ne dépasse pas 4 %, selon les statistiques officielles du ministère du travail et des affaires sociales. La différence d'un quart de point souvent citée n'est due qu'à la répartition différente de la main-d'œuvre féminine et masculine dans les différentes professions (féminisation de certains secteurs, comme l'éducation, et masculinisation d'autres, comme la métallurgie et l'extraction de minéraux et de charbon). Néanmoins, l'allégation susmentionnée de discrimination salariale monstrueuse à l'encontre des femmes se retrouve dans les documents officiels et les présentations médiatiques et fonctionne selon les principes d'un stéréotype bien ancré. Cependant, il n'est pas permis de le nier - c'est politiquement incorrect, avec tout ce que cela comporte comme classification.
Un exemple similaire est celui des stéréotypes de la soi-disant correction historique - un symptôme classique de la correction politique en Allemagne. Ses règles rendent impossible la recherche historique sur certaines questions du passé. Certaines vérités sont considérées comme immuables et les recherches à leur sujet ne sont pas autorisées (par exemple, le sujet de certains crimes commis par l'Armée rouge sur le front de l'Est pendant la conquête de l'Allemagne nazie a longtemps été tabou et sa recherche même était "historiquement incorrecte").
Lorsqu'une exposition sur les crimes de la Wehrmacht a été organisée en Allemagne il y a quelques années, son intention et le matériel présenté étaient incontestables en Allemagne, même si de nombreux experts étaient conscients des difficultés fondamentales du concept. En raison de l'objectif de l'exposition - montrer la criminalité de l'armée allemande (encore considérée dans les années 1950 et 1960 comme une organisation non criminelle à la suite des conclusions du tribunal de Nuremberg) -, rien ne pouvait être contesté qui puisse nuire à sa réalisation. Seul l'historien polonais Bogdan Musial a perturbé le concept de l'exposition en soulignant le fait (connu de nombreux experts, mais pas officiellement déclaré) que, dans de nombreux cas, les images représentant des crimes brutaux ne mettaient pas en scène des soldats allemands, mais des membres de l'Armée rouge et du NKVD. Il est intéressant de noter qu'aucun des centaines de milliers de visiteurs allemands, souvent d'anciens soldats, n'a fait remarquer la différence évidente entre les uniformes sur les photos (ces uniformes n'étaient clairement pas allemands). L'institutionnalisation de la prétention à la vérité dans le régime du politiquement correct rend impossible la négation d'un mensonge flagrant si une telle négation compromet les objectifs du politiquement correct.
Conclusion : Le politiquement correct comme élément du totalitarisme pluraliste
À ce stade, nous pouvons revenir à la question initiale : est-il possible de voir dans le politiquement correct un élément de tendances totalitaires au sein de l'État démocratique libéral moderne ?
Comme je l'ai dit dans l'introduction, pour les théoriciens classiques du totalitarisme, Arendt, Friedrich et Brzezinski, l'ordre démocratique est absolument opposé au totalitarisme. Bien entendu, la définition structurelle-fonctionnelle du totalitarisme ne nous permet pas de considérer le régime du politiquement correct comme totalitaire, puisqu'il ne remplit que deux des six éléments nécessaires au totalitarisme : l'élément idéologique et le monopole de l'information.
Une perspective quelque peu différente est toutefois fournie par la conception du totalitarisme telle qu'elle a été exposée par les représentants de l'école de sociologie de Leipzig, qui voyaient dans le totalitarisme un produit logique de la société industrielle moderne. Selon Arnold Gehlen et Hans Freyer, l'ordre social industriel contient des éléments totalitaires immanents. Hans Freyer parle dans ce contexte de systèmes dits "secondaires". Alors que l'ordre social traditionnel des temps pré-modernes est construit "auf gewachsenem Grunde" (métaphore de la continuité avec la nature : "sur une base de développement organique"), la société moderne est basée sur des "systèmes secondaires". Freyer les considère comme des "types idéaux" qui permettent d'isoler et d'analyser certains des éléments individuels de l'ordre social moderne : avant tout, les systèmes de production, de consommation et d'administration.
La production est fondée sur la tentative d'organiser et de distribuer le travail, de rationaliser tous les facteurs de production et de transformer le travailleur en une machine à travailler. La consommation est basée sur le principe de tout offrir à tout le monde, selon le slogan: "le niveau de vie est le dieu de l'époque et la production est son prophète". Enfin, le système d'administration apporte un nouveau type d'autorité - l'administration bureaucratique remplaçant les autorités naturelles de l'ère pré-moderne. Les systèmes secondaires créent un nouveau type d'homme, sans valeurs traditionnelles et sans base naturelle. Le totalitarisme trouve un terrain fertile à ce stade, selon Freyer, car il fournit des réponses faciles aux complexités de l'ordre social actuel et trouve un coupable spécifique pour les maux de notre temps : le juif, le capitaliste, le koulak. Le système administratif moderne accroît la menace du totalitarisme et facilite l'application de mécanismes totalitaires dans toutes les sphères de la vie humaine.
Freyer voit deux formes résultantes de l'État moderne : l'État totalitaire classique à l'Est, l'État providence à l'Ouest. Mais si Freyer considère que l'État-providence occidental est bénéfique dans le cadre des possibilités offertes par la modernité, Gehlen et Schelsky s'appuient sur ce concept en considérant que l'État-providence est également secrètement totalitaire. En effet, à la différence de l'État antérieur, l'État providence a pour objectif de fournir à l'homme la couverture de tous ses besoins sociaux et culturels, mais en même temps de contrôler ces besoins et les domaines correspondants. Cette idée est notamment développée par Roland Huntford, qui, sur la base d'une analyse du modèle suédois, conclut que le système de protection sociale constitue la base d'un nouveau totalitarisme conduisant à la croissance de la planification, de la bureaucratie et du conformisme des médias de masse.
Si le politiquement correct est analysé dans le contexte de cette théorie sociologique du totalitarisme de Leipzig, son essence apparaît sous un jour nouveau. Le politiquement correct est ici un produit spécifiquement occidental, issu des valeurs libérales classiques, mais qui les détruit en même temps. Le libéralisme classique, appliqué à la sphère des valeurs, a conduit à la relativisation de valeurs jusqu'alors considérées comme indiscutables et universelles. Le politiquement correct consiste dans le fait que cette relativisation revendique un caractère universel et s'absolutise (selon les termes du pape Benoît XVI, quand il été encore appelé cardinal Ratzinger).
C'est, après tout, le paradoxe bien connu de la philosophie post-structuraliste, qui élève sa thèse de la non-existence de la vérité au rang de révélation incontestable. Ce faisant, il se détourne du libéralisme classique et détruit même les libertés traditionnelles dont il dépend (liberté d'expression, liberté de pensée, liberté de religion). Dans le même temps, cependant, nous observons une ligne de développement cohérente depuis les Lumières et le libéralisme classique jusqu'au totalitarisme relativiste. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui se souviennent du célèbre dilemme de Böckenförde, selon lequel l'État laïque moderne est construit sur des principes qu'il ne peut garantir lui-même. En effet, ce dilemme peut être appliqué sans faille à la société moderne post-Lumières elle-même.
L'hypothèse selon laquelle le totalitarisme relativiste est peut-être plus modéré que le totalitarisme classique du passé est, bien sûr, erronée. Les principes des deux systèmes sont identiques. Le politiquement correct remet en question toutes les vérités, sauf celle qui prétend qu'il n'y a pas de vérité. Cette vérité, cependant, est universellement valable et sa négation est inacceptable. C'est également la base de l'application concrète des règles du politiquement correct à la vie de l'individu et de la société. Toutes les sources traditionnelles de la vérité et ses supports institutionnels doivent être détruits.
C'est la justification du fait que j'ai affirmé au début de cette étude sur la base d'une analyse empirique : le principal ennemi du politiquement correct est l'identité, en tant qu'élément institutionnalisant de la vérité. Sans identité, il n'y a pas de vérité. Et comme le politiquement correct est un phénomène occidental, l'ennemi est avant tout l'identité de l'Occident, c'est-à-dire la culture occidentale elle-même. Cet ennemi est certes désincarné, mais dans sa fonction de coupable systémique et d'ennemi universel, il remplit pour le politiquement correct la même fonction que le juif pour le nazisme ou le capitaliste pour le communisme. Par conséquent, il remplit pleinement les conditions de la conception du totalitarisme de Freyer.
La seule différence réside dans le fait que le politiquement correct est un élément qui découle de la tradition du système libéral-démocratique post-Lumières. Devenu la seule forme de gouvernement universellement légitime dans le monde après la fin de la guerre froide, et ayant ainsi perdu la raison de définir ses origines civilisationnelles contre un Orient dominé par le totalitarisme, ce système s'est en même temps livré au règne du politiquement correct, qui détruit les fondements sur lesquels repose le système libéral-démocratique, bien plus efficacement que n'importe quelle force armée extérieure.
Notes :
(1) L'acteur de cette affaire, un membre du Bundestag pour la région de Fulda, en Allemagne, a contesté il y a plusieurs années la thèse selon laquelle le peuple allemand est collectivement responsable de l'Holocauste et que cette culpabilité fait partie de l'identité allemande. Hohmann a étayé son affirmation en disant que défendre un tel point de vue revient à essayer de rendre les Juifs responsables de la révolution russe simplement parce que la plupart de ses dirigeants étaient juifs. Selon Hohmann, les deux approches sont tout aussi absurdes l'une que l'autre. Sur la base de ces déclarations, Hohmann a été exclu de la CDU et du Bundestag.
Conférence de Vojtěch Belling, PhD, au séminaire de l'Institut civique "Le monde 4 ans après le 11 septembre", 14 octobre 2005. Adapté du magazine Distance n° 3/2005.
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dimanche, 14 novembre 2021
Le privilège blanc – entretien avec Georges Guiscard
19:52 Publié dans Actualité, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georges guiscard, actualité, privilège blanc, problèmes contemporains | |
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Tatarstan : la dernière démarche séparatiste
Tatarstan : la dernière démarche séparatiste
Alexandre Douguine
Ex: https://www.geopolitica.ru/article/tatarstan-posledniy-demarsh-separatizma
Six députés de la Douma du Tatarstan représentant le parti Russie Unie ont voté contre la loi sur le système unifié de l'autorité publique. L'élément principal de cette loi est qu'elle interdit aux chefs des entités régionales d'être appelés "présidents" et accorde au président russe le droit de les démettre de leurs fonctions. Le Tatarstan est actuellement la seule entité constitutive de la Fédération de Russie où le chef de l'État est encore appelé "le président".
Les députés nationalistes ont été soutenus par un certain nombre de médias du Tatarstan, menaçant de ne pas utiliser le nom officiel du chef de la République et de continuer à l'appeler "Président du Tatarstan".
Je suppose que c'est le dernier vestige de séparatisme dans l'histoire récente de la Russie. C'était une toute autre affaire, beaucoup plus alarmante et risquée pour le destin de la Russie.
Permettez-moi de vous rappeler qu'après l'effondrement de l'Union soviétique, le processus de désintégration de la Fédération de Russie a été lancé. Presque avec le consentement du centre fédéral, certains sujets ont commencé à réfléchir à leur souveraineté complète. Cela a d'abord touché la Tchétchénie, où une véritable guerre a éclaté, mais en même temps, la Yakoutie, le Tatarstan et la Bachkirie étaient sur la même voie. Il s'agissait de sujets qui revendiquaient non seulement le statut de républiques nationales mais aussi, en fait, d'États nationaux indépendants. D'où l'attention portée aux langues nationales, au statut du président et aux autres attributs de la souveraineté. La Yakoutie a même annoncé la création de sa propre armée et la délivrance de visas aux autres citoyens russes pour qu'ils puissent visiter la République.
En fait, le processus n'a été ralenti que par la guerre en Tchétchénie, lorsque Moscou, malgré les sympathies précoces du président Boris Eltsine pour le séparatisme au sein de la Fédération de Russie (la célèbre phrase d'agitation adressée aux sujets de la Fédération - "prenez autant de souveraineté que vous voulez"), s'est encore prononcé assez durement (bien que de manière incohérente) contre la tentative de sécession de la République tchétchène. Le Tatarstan, la Bachkirie et, dans une certaine mesure, la Yakoutie ont observé de près la manière dont l'intégrité territoriale de la Russie était préservée afin de choisir le moment et d'annoncer leur sécession de la Fédération de Russie. Mais voyant l'attitude dure de Moscou, ils ont préféré attendre et ne pas aggraver la situation.
Telle était la situation dans les années 1990.
Poutine, lorsqu'il est arrivé au pouvoir, était vraiment occupé à démanteler ces sentiments séparatistes dans les régions. La deuxième campagne tchétchène s'est soldée par une victoire, qui a mis fin au problème du séparatisme en Tchétchénie et a fait des citoyens de la République tchétchène les patriotes les plus fidèles à Moscou. Elle a conduit à une modification de la loi concernant les républiques nationales, conformément à la reconnaissance de l'indivisibilité et de l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie. En fait, les districts fédéraux ont été introduits à cette fin, le Conseil de la Fédération a été affaibli et le Conseil d'État a été créé. Poutine a constamment - étape par étape - éradiqué tout soupçon de souveraineté des entités constitutives de la Fédération.
Dans les années 2000, Poutine a poursuivi ces réformes et a proposé de supprimer toute allusion à la souveraineté afin d'éradiquer tout séparatisme résiduel, qui avait survécu au moins nominalement dans l'esprit de l'intelligentsia et des élites de certaines régions nationales, dont le Tatarstan. Dans le même ordre d'idées, l'idée de changer le statut du "président" d'une république ou d'une entité constitutive de la Fédération de Russie en celui de "leader". De cette manière, un autre nom symbolique a été aboli, qui aurait permis aux républiques nationales d'être considérées comme des États indépendants, ne serait-ce que dans un avenir lointain.
Mais au Tatarstan, il y avait un front nationaliste très fort et même un sentiment islamique extrémiste. Sous le premier président de la république, Mintimer Shaimiev, il y avait le théoricien Rafael Khakimov (photo), que j'ai rencontré dans les années 1990 et au début des années 2000. Lui et beaucoup d'autres comme lui au Tatarstan étaient de fervents partisans de l'indépendance des Tatars. À l'époque, dans les années 90, le nationalisme tatar - ou plutôt tatarstanais - était en plein essor.
Et au cours de ces 30 années, des élites politiques et économiques se sont formées dans la république. Aujourd'hui, tout le monde comprend à quel point Moscou, Poutine et les sentiments centripètes sont forts, mais les Tatars ne sont toujours pas prêts moralement à l'abolition du statut présidentiel.
C'est pathologique, à mon avis, parce que :
1) la moitié de la population du Tatarstan est russe,
2) plus de la moitié des Tatars vivent parfaitement bien dans d'autres régions de la Fédération de Russie et se sentent comme des citoyens à part entière.
Il n'y a aucune pression sur l'identité tatare nulle part, pas la moindre. Les Russes les considèrent comme des frères dans la création d'un État eurasien commun. Il existe peut-être un dialogue assez tendu entre les Tatars et les Bachkirs en Bachkirie, mais il s'agit d'une polémique interne entre les ressortissants de ces ethnies turques.
Les Tatars en général sont définitivement loyaux envers la Russie et les Russes, et vice versa.
Je crois que cette ligne d'abolition des oripeaux de la souveraineté doit certainement être poursuivie jusqu'au bout. Autrement dit, les députés et les journalistes tatars doivent être convaincus qu'ils sont guidés par une douleur fantôme et que l'ère de Shaimiev, de Khakimov et du nationalisme tatar est révolue et ne reviendra jamais. Et que s'ils veulent respecter les règles et être tournés vers le futur, ils doivent abandonner complètement leur entêtement pour toujours - même dans leurs rêves. La presse, qui continuera à désigner le chef du Tatarstan par le terme "président", devrait être reconnue comme un agent étranger.
Maintenant, il me semble que c'est la bonne situation pour que Moscou agisse un peu plus durement. Cela ne veut pas dire plus de manière plus grossière ou plus agressive. Nous devons tenir votre position calmement, avec dignité. Les Tatars russes (y compris les natifs du Tatarstan), quelle que soit la région où ils vivent, sont de bons citoyens, loyaux et patriotes. On ne cherche jamais le bon côté des choses et, dans un sens, je prendrais probablement des mesures disciplinaires contre certains des membres les plus agressifs du Parlement. Bien sûr, ils n'ont aucune chance d'arriver à leurs fins, mais tout de même, la démarche ressemble à de l'atavisme et à un front complètement inutile et superflu.
L'époque où il y avait de forts sentiments nationalistes, russophobes et séparatistes au Tatarstan (avec des éléments de l'islam extrémiste salafiste) est révolue depuis longtemps. Complètement, irrévocablement. Tout débordement de tels sentiments me semble inapproprié. Moscou devrait agir de manière très cohérente ici.
Le Tatarstan est une partie fière et merveilleuse de la Russie. Même s'il existe des vestiges de cercles nationalistes parmi les députés et les journalistes, cela ne signifie pas qu'il s'agit de toute la république. Nous parlons d'un segment très étroit qu'il est temps, à mon avis, d'encadrer.
12:14 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, actualité, tatarstan, russie, politique internationale | |
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Vaste mouchardage d’Est en Ouest
Vaste mouchardage d’Est en Ouest
par Georges FELTIN-TRACOL
Les journaux radio-télévisés ont confirmé l’information : le coupon papier de la RATP nécessaire pour prendre le bus, le métro ou le tram ne se vend déjà plus à l’unité dans de nombreuses stations. À terme, il doit disparaître définitivement et se faire remplacer par des équivalents dématérialisés. Le plus courant consiste dès à présent à régler depuis un téléphone portatif intelligent à l’instar du QR-code de l’Ausweis sanitaire.
Sous prétexte de combattre à la fois la fraude, le réchauffement climatique, les coûts d’impression et peut-être la nuit, cette mesure restreint encore plus la liberté de circulation déjà bien malmenée par le covidisme politique. Autorité de tutelle sur la RATP et les Transiliens de la SNCF, Île-de-France Mobilités qui dépend du conseil régional présidé par Valérie Pécresse alias Madame « deux tiers Merkel un tiers Thatcher », soit la quintessence de la droite libérale autoritaire atlantiste & globalitaire, ignore volontiers les usagers âgés qui ne disposent pas de smartphone ou qui ne sont que des voyageurs occasionnels.
La numérisation des titres de transport à l’heure de la hausse des prix du carburant automobile contribue au flicage généralisé de la population. Associé à la télé-surveillance qui scrute la voie publique, aux signaux émis au passage de chaque antenne-relais de la téléphonie mobile et aux billets de train sur longue distance nominatifs, le ticket virtuel va faciliter la reconstitution des déplacements de Monsieur Bidule, leurs durées, leurs fréquences, leurs arrêts, voire d’éventuelles rencontres.
Cette tendance inquiétante n’appartient pas au seul Hexagone. Londres infesté de milliers de caméras transforme le quotidien de ses habitants en une indécente émission de télé-réalité permanente. Quitte à indisposer les poutinolâtres les plus obtus, Moscou rivalise dans ce domaine avec la capitale britannique. Pire, depuis quelques semaines, le métro moscovite accepte une nouvelle manière d’emprunter ce moyen de transport. Finis le ticket-papier, la carte magnétique et le téléphone ! Bonjour la reconnaissance faciale ! L’utilisateur russe télécharge l’application, se prend en photographie et l’envoie à l’unité centrale. Quelques minutes plus tard, il se présente devant un portique spécial qui filme son visage, lui ouvre ensuite la porte et débite à l’instant sur son compte bancaire le montant prévu. Le suivi en direct de millions de personnes tous les jours alimente des bases de données gigantesques et aide les algorithmes de l’intelligence artificielle à cribler statistiquement les cas problématiques.
Le groupe Auchan vient de commencer en banlieue parisienne une expérience inouïe au sein d’une école d’ingénieurs. Il a en effet inauguré un magasin d’alimentation ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept en libre-service sans aucune caisse enregistreuse. On entre dans le magasin. La reconnaissance faciale enregistre et comptabilise tout ce qu’on prend. On sort sans payer. Le total des achats est débité automatiquement du compte. Vantées comme des gages de rapidité, ces initiatives participent à la raréfaction volontaire des espèces monétaires. Pièces de monnaie et billets de banque circulent moins. La pandémie a favorisé le paiement sans contact et les achats en ligne. Les établissements bancaires ferment de nombreux distributeurs, officiellement pour des motifs de rentabilité, surtout dans les zones rurales et péri-urbaines. Jacques Attali préconise, pour sa part, la fin de l’argent liquide dans les cinq prochaines années. Pourquoi cet empressement suspect ? Ne faudrait-il pas que les candidats à l’élection présidentielle proposent d’inscrire dans la Constitution le droit inaliénable de payer en espèces ? Sinon il faut s’attendre à voir bientôt le banquier exiger qu’on lui justifie ses dons militants avec la menace réelle de fermer le compte bancaire sans donner la moindre justification…
Cependant, la fin des espèces ne sera pas complète en raison du trafic de drogue. Les toxicomanes préféreront toujours acheter leur dose en cash. Maints réseaux criminels financent sections locales de certains partis politiques, édiles et fonctionnaires municipaux. Il serait difficile aux clients d’utiliser des cryptomonnaies, fort volatiles du point de vue de la valeur, dont la conversion en monnaie légale nécessiterait d’expliquer la provenance des sommes. Le Système ne veut surtout pas scier la branche sur laquelle il est assis...
Oui, le constat avancé n’est guère optimiste. Le summum du contrôle cybernétique concerne la Chine. L’usage privilégié du code social permet l’impensable : domestiquer un milliard et demi d’habitants. Autrefois, on fuyait la campagne et son village pour trouver un doux et plaisant anonymat en ville. Aujourd’hui, c’est dans les métropoles que le Système surveille nos moindres faits et gestes en attendant d’écouter nos conversations. Des municipalités françaises ont tenté l’installation de « capteurs sonores » dans des quartiers dits « sensibles ». Il s’agit d’enregistrer tous les bruits jugés « anormaux » (carambolages automobiles, cris pendant une agression, klaxons lors d’un embouteillage). Ces capteurs peuvent aussi analyser les slogans qui fusent au cours d’une manifestation ainsi que des discussions tenues sur le trottoir entre particuliers. La justice administrative a néanmoins considéré ce procédé trop intrusif par rapport à la vie privée. Remarquons que les enceintes connectées à son domicile effectuent le même travail de compilation des données.
En Corée du Sud, dans les villes nouvelles à haute technicité, on entre dans son appartement, on conduit sa voiture, on paie ses commissions avec une seule et même carte qui transmet en permanence à l’ordinateur central des centaines d’actions amassées et répertoriées. L’ordinateur sait par exemple que le résident de l’appartement MZ du 10e étage est rentré à 20 h 15, qu’il a pris une douche de sept minutes trente-sept secondes, qu’il a regardé un épisode sur Netflix, qu’il a utilisé son micro-onde pour chauffer un produit surgelé acheté la vieille et qu’il s’est couché à 23 h 04.
À l’ère de l’hyper-(inter)connexion globale, la vidéo, le numérique et l’intelligence artificielle deviennent des mouchards zélés. En 1951, Ernst Jünger publiait son traité du rebelle intitulé Le recours aux forêts. Un tel recours intérieur est-il encore possible ?
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 9, mise en ligne sur Radio Méridien Zéro, le 9 novembre 2021.
11:44 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, surveillance, problèmes contemporains | |
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La revue de presse de CD 14 novembre 2021
La revue de presse de CD
14 novembre 2021
CHINE
La Chine continue de bénéficier de l'aide française au développement : un député LR proteste
Un bel exemple d’absurdité technocratique qui fait rire jaune ! Le député Les Républicains Marc Le Fur a exprimé son étonnement devant le fait que la Chine bénéficie encore de l’aide française au développement, alors qu'elle est en passe de devenir la première puissance économique mondiale.
rt.com
https://francais.rt.com/international/92552-chine-continu...
ÉTATS-UNIS
Julian Assange : Portrait d’un combattant de la liberté d’information
Avant Edward Snowden, avant Bradley Manning, il y avait Julian Assange. Ancien informaticien et hacker, fondateur de la plateforme WikiLeaks, Julian Assange s’est attiré les foudres du gouvernement américain lorsqu’il a mis en lumière les dessous de la guerre d’Irak. En 2010, il fait fuiter près de 400 000 documents classifiés de l’armée américaine, portant sur le conflit qui a débuté en mars 2003. Tortures, crimes de guerre, massacres sont révélés au grand public. Ces documents permettent aussi de chiffrer à 109 032 le nombre de morts irakiens causés par le conflit de 2004 à 2009, dont 60 % de civils, alors même que les États-Unis vendaient aux médias « les frappes chirurgicales » et affirmaient ne pas disposer d’un tel bilan chiffré. L’épée de Damoclès de la demande d’extradition américaine pèse sur l’activiste, à la santé désormais précaire, alors qu’il est incarcéré dans une prison de haute sécurité britannique depuis 2019, au grand dam de ses nombreux soutiens à travers le monde.
OJIM
https://www.ojim.fr/portraits/julian-assange-master-hacke...
GAFAM
Quand une lanceuse d’alerte se transforme en censeur, le cas Frances Haugen
Frances Haugen ? Une ancienne employée de Facebook – devenu “Meta” – qui se retourne contre son employeur ; non pas parce que celui-ci détricote savamment la liberté d’expression, mais parce qu’il ne censure pas assez bien.
OJIM
https://www.ojim.fr/lanceuse-dalerte-frances-haugen-faceb...
GÉOPOLITIQUE
L’empire de la haute finance avale les institutions supranationales et s’installe. Au nom du climat
Quand les PDG de BlackRock, de la Citi, de la Bank of America, de Banco Santander, de HSBC, du London Stock Exchange Group, Singapore Exchange, et du Fonds David Rockefeller se réunissent en 2021, ils s’entendent sur la nouvelle structure de Planète Finance post-Covid. Et idéalement, ils fusionnent avec les institutions supra gouvernementales qu’ils ont manipulées à l’envi depuis les Accords de Bretton Woods.
Le blog de Liliane Held Khawam
https://lilianeheldkhawam.com/2021/11/06/lempire-de-la-ha...
Grande-Bretagne
Liberté d’expression sur internet : le Royaume-Uni veut y mettre fin
Un projet de loi au Royaume-Uni prévoit de la prison pour certains propos. Une menace sérieuse pour la liberté d’expression sur internet.
Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/11/08/411036-liberte-de...
RÉFLEXION
Comment les cercles économiques et financiers se laissent convaincre avec complaisance
Il est de plus en plus généralement allégué que notre civilisation court à sa perte après avoir molesté la Nature par négligence de l’environnement, du climat, des espèces animales et végétales, de la santé publique, et de la justice envers tous les opprimés. Que ce diagnostic soit majestueusement faux, donc mensonger, n’y change rien. La nouvelle doxa politique décrète l’urgence et, quoi qu’il en coûte, s’achemine vers un état d’exception permanent sans que, bien sûr, aucune volonté démocratique ne soit consultée puisque c’est prétendu « scientifique ».
Le blog de Michel de Rougemont
https://blog.mr-int.ch/?page_id=8023
Nous nous dirigeons vers la tyrannie mais ce n'est pas le fascisme, c'est l'hyperdémocratie
Et ainsi de suite. Des années de rhétorique démocratique ont déshabitué les esprits, surtout les plus jeunes et les plus influents, à l'esprit critique, au raisonnement dans son ensemble, à la lecture de la profondeur historique des faits, à toute conjecture qui ne soit pas purement subjective. Cela a créé une tache informe qui engloutit la démocratie elle-même. Mais ce qui nous sera recraché ne sera pas du tout le fascisme, qui n'a rien à voir avec lui et reste le "tout autre" par rapport à ce monde. Au contraire, nous aboutirons à une forme d'hyperdémocratie féroce, technocratique, policière, mais toujours considérée comme bonne, très, très bonne.
Euro-synergies
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/11/05/n...
Complots, Fake news : défendre la pensée critique face au conformisme
La pensée critique est plus importante que jamais à une époque où le pouvoir établi accuse de théorie du complot les voix qui sont contraires à leurs intérêts.
Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/11/10/411057-complots-f...
SANTÉ
OMS, ONU : la peur, fondement de l’intervention publique
Qu’il s’agisse des restrictions des libertés ou de l’accroissement de dépenses publiques à l’intérêt rarement prouvé, du niveau local, national ou mondial, la peur constitue toujours un moteur puissant d’accroissement de la sphère publique au détriment du bon sens et de nos libertés. L’ONU et l’OMS l’ont une nouvelle fois démontré. Explications.
Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/11/09/411172-oms-onu-la...
Theresa Long, médecin de l’armée américaine, alerte sur la vaccination contre le Covid-19
"Je pense que le vaccin contre le COVID est une plus grande menace pour la santé des soldats que le virus lui-même", déclare le lieutenant-colonel Theresa Long, médecin de l'armée américaine.
francesoir.fr
https://www.francesoir.fr/politique-monde/lt-colonel-ther...
Fausse pandémie ! L’arnaque Covid est pire que ce que l’on a pu imaginer !
Covid = 2 % des hospitalisations en 2020. Étonnant, non ? Nous avons aujourd’hui, grâce à un rapport de la AITH, la preuve écrite de tous les mensonges que nos autorités, et leurs collaborateurs des médias de masse ainsi que les scientifiques financiarisés, nous ont servis depuis plus de 18 mois.
Le blog de Liliane Held Khawan
https://lilianeheldkhawam.com/2021/11/11/fausse-pandemie-...
TERRORISME
Attentats du 13 novembre : Bachar al-Assad dénonce le soutien de la France au terrorisme
Deux interviews - très révélatrices du climat de l’époque - de Bachar al-Assad et quelques vidéos pour mémoire juste après les massacres islamistes dans Paris…
Le Cri du Peuple
https://lecridespeuples.fr/2021/11/13/attentats-du-13-nov...
UNION EUROPÉENNE
L’e-Euro : outil de souveraineté européenne
Faut-il le rappeler, la monnaie est un instrument souverain émis par une autorité monétaire disposant, dans le meilleur des cas, d’une indépendance lui permettant de gérer la valeur de cette monnaie loin des contingences du politique. Cette souveraineté monétaire ne se limite pas au seul droit d’émettre, mais s’étend au droit de réglementer c’est-à-dire, entre autres, d’en contrôler la masse en circulation, sa valeur et d’avoir un droit de regard sur certains champs de son utilisation s’agissant notamment des flux externes pour lesquels des contreparties étrangères se voient dès lors opposer des lois monétaires nationales.
Geopragma
https://geopragma.fr/le-euro-outil-de-souverainete-europe...
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mercredi, 10 novembre 2021
Les appareils Atlantic français à Chypre : Paris renforce sa position en Méditerranée orientale
Les appareils Atlantic français à Chypre : Paris renforce sa position en Méditerranée orientale
par Paolo Mauri
Ex: https://it.insideover.com/difesa/atlantic-francesi-a-cipro-parigi-si-rafforza-nel-mediterraneo-orientale.html
Le ministère français de la défense a annoncé que deux avions de patrouille maritime Bréguet Atlantic 2 seront déployés à Chypre pour des opérations en Méditerranée orientale. Le Bréguet Br 1150 Atlantic est un avion de patrouille maritime à long rayon d'action conçu et fabriqué par Bréguet Aviation, qui est utilisé pour contrer les navires de surface et les sous-marins. Une version améliorée, l'Atlantic 2 ou Atl2, a été produite par Dassault Aviation pour la marine française dans les années 1980 et a également été proposée à l'Allemagne comme solution provisoire en attendant que le Maws, le nouvel avion de patrouille maritime construit conjointement avec Berlin, soit prêt, ce qui a ensuite été définitivement enterré par la décision allemande de s'appuyer sur le P-8 Poseidon de fabrication américaine. L'Atlantic est un monoplan bimoteur à aile moyenne doté d'un fuselage à " double bulle " : le lobe supérieur pressurisé abrite le compartiment de l'équipage tandis que le lobe inférieur abrite un compartiment d'armement de 9 mètres de long, avec des tubes de lancement pour des bouées acoustiques à l'arrière.
Les pièges de la Méditerranée orientale
Ce n'est pas la première fois que l'Elysée envoie ses moyens dans ce secteur de la Méditerranée : le Rafale avait déjà été vu à Chypre et en Crète, mais dans le cadre de l'opération Irini (la mission de l'UE pour le contrôle de la partie centrale de la Mare Nostrum pour assurer, entre autres, l'embargo sur les armes à destination de la Libye), un Atlantic 2 a atterri sur la base aérienne de Suda en novembre dernier. À cette occasion, la présence des avions de patrouille maritime sur l'île grecque a également permis de recueillir des informations sur la Méditerranée orientale, où la Turquie est très active, voire agressive.
Nous pensons que la tâche principale de ces deux avions est précisément de surveiller les mouvements navals turcs, ainsi que l'activité des unités russes qui sont de plus en plus fréquentes et nombreuses dans cette partie de la mer. La Russie a en effet renforcé sa présence dans le port de Tartus, qui est devenu de plus en plus "russe" après les accords de prolongation de son bail avec le gouvernement de Damas, et l'on voit de plus en plus de sous-marins battant pavillon moscovite, tels que la classe Kilo améliorée (ou projet 06363), traverser Mare Nostrum.
Les objectifs de la France
Mais l'Elysée a un autre objectif, purement diplomatique : resserrer encore les liens avec la Grèce et se poser en rempart à sa défense contre d'éventuelles intempérances turques. L'année dernière, en septembre, nous avions souligné que Paris avait débloqué la situation en se rangeant ouvertement du côté d'Athènes lorsqu'elle a décidé de fournir un lot de chasseurs Rafale à l'armée de l'air grecque. Après tout, Paris a ses propres petites "sphères d'influence" : le dossier libyen a pratiquement été généré par l'Élysée, qui a décidé presque unilatéralement d'écarter Kadhafi du pouvoir. Aujourd'hui encore, Paris est particulièrement attentif à ce qui se passe en Libye et les premiers désaccords ouverts avec la Turquie sont apparus précisément en mer lors de l'opération Irini. La France accorde également une attention particulière à ses anciennes colonies du Moyen-Orient : la Syrie et le Liban, qui ont été - et sont encore - ces dernières années le théâtre de l'expansionnisme turc.
Les liens entre Paris et Athènes se sont encore renforcés en septembre de cette année, lorsque le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et le Président français Emmanuel Macron ont signé un accord qui a été défini comme le "Aukus de la Méditerranée". La France, en effet, livrera trois frégates de classe FTI à la Grèce, avec une option pour une quatrième. Ces unités pourront opérer conjointement avec le Rafale susmentionné. Le pacte, en plus de mettre fin aux possibilités italiennes d'entrer sur le marché grec, a également une valeur diplomatique très forte : en effet, une clause est prévue qui garantit une intervention armée en cas d'attaques de pays tiers, même s'ils font partie d'alliances dans lesquelles Athènes et Paris sont impliqués. Il s'agit d'un message peu subtil adressé à Ankara, réitéré par la présence des deux patrouilleurs Atlantic 2 qui partiront de Chypre pour contrôler cette partie de la Méditerranée.
Le rôle de l'Italie
Nous ne pouvons que tourner nos pensées, sur la base de ce qui s'est passé, vers notre pays. L'Italie, bien qu'elle ait récemment signé l'accord sur la ZEE (zone d'exclusivité économique) avec la Grèce, a manqué l'occasion d'ouvrir un nouveau et important front méditerranéen qui nous aurait projetés, après la cession de l'Égypte et de Fremm au Caire, dans un rôle plus actif dans la surveillance et la stabilisation de ce secteur en exploitant la carte grecque, étant donné également nos intérêts énergétiques qui se situent précisément entre l'offshore chypriote et égyptien.
On ne peut pas non plus oublier le type de moyens que la France a déployé à Chypre : les Atlantic 2 sont des patrouilleurs maritimes armés, capables d'être des plates-formes efficaces dans la lutte anti-sous-marine et de surface, alors que notre pays, de ce point de vue, n'est plus en mesure de disposer de cette capacité puisque les P-72 en service dans l'armée de l'air sont d'excellentes plates-formes Istar (intelligence, surveillance, target acquisition, and reconnaissance), mais ne sont pas armés.
Il s'agit d'une lacune intolérable compte tenu du nouvel équilibre en Méditerranée et au-delà. Une déficience qui doit être surmontée malgré le retard coupable. Il semble que les états-majors nationaux aient travaillé pour trouver une solution à ce problème : on parle de C-27J Asw armés de missiles Mars ER et de torpilles MU90, ou encore, mais cela semble n'être qu'un souhait, du P-8 Poseidon (qui allongerait considérablement notre armement anti-som/Asuw) et du P-1 japonais, qui d'ailleurs représenterait la meilleure solution également pour les questions de partenariat stratégique au niveau industriel, mais tout est encore en discussion, et il n'y a aucune trace dans les documents officiels de la Défense.
Nous sommes convaincus que le ministère italien de la défense (SMD) agira rapidement pour proposer une solution aussi locale que possible, mais de haut niveau, afin de disposer d'un avion pour les tâches Asw/Asuw qui puisse également faire face aux menaces navales "hors zone" et pas seulement dans notre "arrière-cour".
18:55 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, affaires européennes, france, italie, méditerranée, méditerranée orientale, grèce | |
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mardi, 09 novembre 2021
L'utilisation politique de l'immigration illégale
L'utilisation politique de l'immigration illégale
Sergio Fernández Riquelme
Ex: https://lanuevarazon.com/el-uso-politico-de-la-inmigracion-ilegal/
Sans migrations légales, stables et assimilées, il n'y a pas d'avenir, en général, ni pour les personnes qui se déplacent vers un plus grand bien-être ni pour les sociétés qui doivent les accueillir.
Les migrations peuvent être naturelles ou artificielles, spontanées ou dirigées, par la grâce d'événements imprévus ou comme conséquence de stratégies étudiées par des puissances de signatures différentes. Lorsque la nécessité se fait sentir, il est difficile de mettre des barrières sur le terrain; nous bougeons et bougerons toujours, pour apprendre ou pour survivre. Mais lorsque le besoin se fait sentir, les mouvements naturels de population peuvent devenir les mécanismes habituels de pression interne et externe dont personne ne veut parler. C'est pourquoi la presse et le monde universitaire post-moderne justifient presque toujours le caractère inévitable et désinvolte des flux illégaux, en ignorant la réalité fonctionnelle qu'ils semblent présenter, pour la plupart, dans leur genèse et leur développement. Parce que cette fonctionnalité stratégique est démontrée aujourd'hui et toujours, malgré le silence politique ou social sur les causes réelles des drames et des rêves de millions de personnes qui veulent quitter leurs sociétés d'origine, et les conséquences de l'utilisation intéressée et intentionnelle de ces flux qui atteignent les sociétés d'accueil.
Nous parlons donc d'un outil démontré dans l'étude documentaire du passé et vérifié dans l'analyse empirique du présent (comme l'a analysé Giovanni Sartori) : déplacer des populations pour homogénéiser ethniquement un territoire ou pour envahir progressivement son voisin, pour avoir moins de bouches à nourrir ou pour faire taire celles des dissidents, pour obtenir des électeurs ou pour les enlever à l'adversaire, pour obtenir des intérêts économiques juteux face à la menace ou à l'exploitation.
À l'heure de la mondialisation, une grande partie de cette réalité répond à des plans parfaitement conçus dans la création ou la gestion des flux migratoires illégaux. Alors que le bon sens impose des mécanismes réglementés et légaux de contrôle migratoire, en fonction de la demande de main-d'œuvre et des possibilités d'intégration des sociétés d'accueil, certains pouvoirs et institutions promeuvent ce que Kelly M. Greenhill a défini comme "l'armement de la migration" (ou "arme de la migration de masse") : c'est-à-dire l'utilisation stratégique et intentionnelle dans la naissance et le fonctionnement des flux migratoires illégaux avec des objectifs de profit économique, d'intérêt politique ou de déstabilisation sociale. Mais à la lumière d'événements plus récents ou proches, nous pouvons aller plus loin, en la considérant comme un possible outil de coercition de bien plus grande importance: à l'extérieur, pour imposer des changements politiques à l'adversaire, en obtenant de lui des concessions politiques ou économiques, en influençant ses décisions ou en altérant l'intégrité territoriale elle-même; et à l'intérieur, en ouvrant les frontières ou en cessant de les contrôler pour faire baisser les salaires et augmenter la concurrence, étendre la précarité au profit du système, modifier les identités traditionnelles ou créer des convulsions sociales dont on pourra extraire des ressources ou de la légitimité.
Dans les nations africaines ou asiatiques, encore définies par le carré et le carré ethnique, nous pourrions trouver une sorte de paradigme classique : le déplacement massif et brutal, entre les guerres et les famines, de milliers et de milliers de personnes loin de chez elles, même à l'intérieur de leur propre pays dans ce qu'on appelle les "réfugiés internes" (et que nous, en Europe, avons connu dans toute sa dureté au 20ème siècle). Nous pourrions également envisager cette singularité dans les pays soumis à la néo-colonisation mondialiste, qui semblent être témoins de pressions frontalières, de changements identitaires et de quotas migratoires permettant d'influencer de manière décisive leur parcours politique souverain (de l'Est du vieux continent aux steppes eurasiennes).
Mais dans nos limes, celles de l'Occident, nous pourrions aussi analyser cette utilisation, bien qu'avec des formes différentes ou des temps changés, à notre avantage ou à notre détriment (au-delà de la thèse polémique du "Grand Remplacement" ou de la "Grande Substitution"). Six grandes affaires récentes permettent d'éclairer cette interprétation.
La Turquie a profité, en tant qu'"État tampon", de la crise migratoire qui a débordé des frontières européennes au plus fort de la guerre syrienne. Après que des centaines de milliers de personnes ont traversé l'Europe en quête d'un avenir meilleur, l'UE a conclu un accord avec le gouvernement de Recep Erdogan. Le 18 mars 2016, la déclaration UE-Turquie (ou "accord UE-Turquie") a été signée, un pacte selon lequel toutes les arrivées irrégulières sur les îles de la mer Égée, y compris les demandeurs d'asile, seraient renvoyées en Turquie en échange de plusieurs milliards d'euros de contreparties (pour atteindre à terme un maximum de quatre millions de réfugiés dans les camps ou villes ottomanes).
Face à la crise susmentionnée, l'"Eurocratie" dénoncée à Bruxelles a imposé à ses différents États membres une série de quotas d'accueil d'immigrants, acceptés par les pays occidentaux qui ont besoin d'une main-d'œuvre bon marché (et qui, comme l'Allemagne d'Angela Merkel, l'ont encouragée dès le début du phénomène), et rejetés par les nations de l'Est parce qu'elles ont des frontières directes, présentent des données macroéconomiques moins bonnes ou défendent une vision plus nationaliste ou souveraine de leur propre réalité (comme la Pologne ou la Hongrie).
Le Mexique a également utilisé, comme avant Barack Obama et Donald Trump, cette utilisation par l'action (mais aussi par sa propre omission), en évitant de devoir accueillir des migrants de pays voisins plus pauvres ou en fournissant du travail à ses propres habitants, en recherchant de meilleurs accords bilatéraux sur les questions économico-industrielles (comme dans l'accord de libre-échange), ou des améliorations dans les processus de migration légale des travailleurs mexicains sur le territoire nord-américain. En conséquence, pendant des années, les "caravanes" de migrants en provenance d'Amérique centrale (Guatemala, Honduras, Salvador, Nicaragua) ont été à peine contrôlées, ou l'exode des travailleurs mexicains vers le nord face à la crise ou aux inégalités (comme le montre l'emblématique train "La Bestia") n'a pas été arrêté, qui ont traversé le pays depuis la frontière sud bourrée d'immigrants clandestins), jusqu'à la signature des protocoles de protection des migrants (PPM, ou "Stay in Mexico") de 2019 entre les deux nations, face à la menace de Trump d'imposer des tarifs punitifs sur tous les produits mexicains importés.
Le Maroc exerce périodiquement des pressions sur l'Espagne en tant que "frontière méridionale" de l'UE, en agressant continuellement les migrants (aussi bien les Centrafricains adultes "de passage" que les mineurs patriotes "asociaux") et en les poussant vers les villes autonomes de Ceuta et Melilla, ou en fermant les yeux sur les pateras pleines de jeunes Maghrébins qui arrivent sur les côtes méditerranéennes, surtout en période de beau temps maritime. Malgré le traité d'amitié, de bonne volonté et de coopération entre les deux pays (Rabat, 1991) et divers accords, le Maroc autocratique a su jouer ses cartes, obtenant par ces pressions une augmentation des exportations vers l'Europe, plus d'investissements dans le pays, une carte blanche au Sahara occidental, ou une meilleure formation de la police, en contrôlant les flux migratoires africains (et en collaborant également à la lutte contre le terrorisme djihadiste international).
Aux États-Unis, on a dénoncé la façon dont les politiciens et les dirigeants démocrates se sont fait les champions de la défense de l'immigration illégale dans le pays, par exemple avec la déclaration des "villes sanctuaires", et pas seulement comme une aspiration éthique ou humanitaire : la population latino croissante, supposée sensible à ce problème, serait un corps électoral plus compact et mobilisé pour leurs intérêts, comme par exemple dans la campagne électorale et médiatique déclenchée à l'époque contre le président Trump.
Et même la Biélorussie, sous Alexandre Loukachenko, a répondu aux sanctions occidentales contre son pays (après les soubresauts des élections présidentielles de 2020) en permettant aux migrants asiatiques de transiter par le pays vers l'Europe, évitant ainsi d'être une zone de contrôle et un point de passage frontalier vers " le rêve européen ", et provoquant une grave crise diplomatique et politique à la frontière avec la Pologne et la Lituanie.
Sans une migration légale, stable et assimilée, il n'y a pas d'avenir, en général, ni pour les personnes qui se déplacent vers un plus grand bien-être ni pour les sociétés qui doivent les accueillir. C'est dans l'histoire, nous le voyons dans nos rues, et nous le savons dans les drames de ceux qui perdent parce qu'ils veulent ou peuvent se déplacer dans le monde. Et sans cette légalité, seuls les politiciens corrompus et inutiles qui exploitent leurs citoyens ici et là et les expulsent de presque toutes les manières, et toutes ces mafias économiques et sociales qui profitent des besoins des autres pour leurs affaires ou leurs projets, continueront à gagner.
Personne ne veut de morts sur les côtes, personne ne veut de ghettos dans ses villes, personne ne veut la misère des autres, personne ne veut l'exploitation du travail. Mais sans des politiques claires et légales de gestion des flux migratoires, consubstantiellement liées à la dénonciation de la violation des libertés fondamentales dans les centres de départ ou des atteintes aux identités nationales dans les centres d'arrivée, aucun slogan ou drapeau, aussi louables soient-ils, ne mettront fin aux drames subis par les uns ou les autres (en termes d'insécurité personnelle ou collective) causés par ce qui apparaît comme cet usage politique normalisé. Il n'y a pas de solutions faciles à des problèmes difficiles, comme le savent bien les sciences sociales, même s'il existe des politiques de contrôle public qui garantissent la légalité, des valeurs traditionnelles claires qui améliorent l'intégration, et des mesures d'assimilation éprouvées qui favorisent la coexistence. Et qui empêchent, ou délégitiment, l'utilisation politique et partisane habituelle de l'immigration illégale par des pouvoirs qui l'utilisent pour des objectifs très spécifiques sans vraiment se soucier des raisons pour lesquelles les migrants fuient et avec qui ils doivent partager.
Sergio Fernández Riquelme
Sergio Fernández Riquelme est historien, docteur en politique sociale et professeur d'université. Auteur de nombreux ouvrages et articles de recherche et de diffusion dans le domaine de l'histoire des idées et de la politique sociale, il est un spécialiste des phénomènes communautaires et identitaires passés et présents. Il est actuellement directeur de La Razón Histórica, une revue hispano-américaine sur l'histoire des idées.
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lundi, 08 novembre 2021
Un monde tripolaire : nouveaux horizons et Logos intemporels
Un monde tripolaire : nouveaux horizons et Logos intemporels
Alexandre Douguine
Ex: https://www.geopolitica.ru/article/trehpolyarnyy-mir-novye-gorizonty-i-vechnye-logosy
Un monde tripolaire s'est en fait construit sous nos yeux. Il n'importe plus de savoir quelle force politique prévaut en Amérique, les mondialistes (comme Biden aujourd'hui) ou les nationalistes (comme Trump hier). L'échec du maintien de l'hégémonie mondiale américaine ne dépend plus de l'orientation de l'élite dirigeante américaine. Les néocons et les ultra-libéraux de Biden vudraient revenir au modèle unipolaire qui prévalait dans les années 1990 après l'effondrement de l'URSS, mais ils ne le peuvent tout simplement plus. La Chine et la Russie, à partir d'un certain moment, sont devenues des entités géopolitiques et civilisationnelles si manifestement souveraines qu'il n'est plus possible de le nier.
Bien sûr, les libéraux en lutte contre Trump ont essayé de l'accuser d'être celui qui a contribué (et même tout à fait délibérément) à l'indépendance de la Russie de Poutine. C'était l'une des principales thématiques de l'élection américaine. Mais il est désormais clair qu'il s'agissait d'un pur coup politicien: il n'était pas question des sympathies de Trump pour Poutine ou de l'ingérence de la Russie dans les élections américaines. Le fait est que les États-Unis ne peuvent plus diriger le monde seuls. Et Biden est exactement dans la même position que Trump : la limite stratégique de l'unipolarité a été atteinte et il n'y a plus de ressources pour la maintenir et la renforcer. En dépit de Biden ou de Trump, nous sommes effectivement passés à un monde tripolaire.
Il existe trois centres de décision pleinement souverains dans ce monde.
- Les Etats-Unis, qui ne représentent plus l'Occident tout entier, mais l'axe anglo-saxon (d'où le lancement des alliances AUKUS et QUAD) + ses satellites régionaux ;
- La Russie, qui, malgré tout, ne fait que renforcer sa position sur la scène internationale, en essayant de trouver de nouveaux points d'application tant dans l'espace post-soviétique que dans d'autres régions ;
- La Chine qui supporte avec succès le poids de la confrontation économique et militaro-stratégique croissante avec les Anglo-Saxons, qui se sont sérieusement engagés dans un endiguement régional de la Chine en Asie du Sud-Est.
Entre ces centres complets de pouvoir oscillent
- L'Union européenne, désemparée, a été amenée au bord d'un désastre énergétique par les politiques ratées de Washington et s'est retrouvée pratiquement exclue du bloc anglo-saxon ;
- La Turquie, l'Iran et le Pakistan, qui renforcent systématiquement leurs capacités régionales ;
- Le Japon et l'Inde, qui cherchent à renforcer leur position en utilisant de manière pragmatique l'impasse entre les États-Unis et la Chine (tandis que l'Inde, de manière tout à fait rationnelle, continue de maintenir un partenariat stratégique avec la Russie) ;
- Les pays islamiques du Moyen-Orient et du Maghreb, qui se sont détachés des États-Unis et tentent désormais de résoudre les conflits locaux sans se tourner vers Washington ;
- Les régimes africains qui rejettent de plus en plus le néocolonialisme européen et, plus largement, occidental (incarné de manière très vivante par la nouvelle vague de panafricanisme anti-européen - comme les Urgences panafricanistes de Kemi Seba)
- Les pays d'Amérique latine, effectivement abandonnés par les États-Unis et cherchant une nouvelle place dans le système mondial sur le modèle du Sud global ;
- Les acteurs émergents d'Asie du Sud - Indonésie, Malaisie, Corée du Sud, etc.
Ainsi, entre les trois piliers de la tripolarité, qui ont désormais une supériorité incontestable, bien qu'asymétrique, commence un mouvement de pôles secondaires, un peu moins établis et encore incomplets. Néanmoins, certains d'entre eux - notamment l'Inde et certains pays d'Amérique latine - ont un potentiel très élevé et ne tarderont pas à atteindre la cour des grands.
Et c'est là que la partie amusante entre en jeu. Ce monde tripolaire, et demain un monde multipolaire au sens plein, a deux aspects.
D'une part, certains aspects technologiques de la civilisation - dans le système de communication, dans la sphère énergétique, dans les modèles de réseaux numériques et de développement de l'économie virtuelle - seront communs à tous les pôles, grands et petits, même si ce n'est que pour un court moment. Cela permettra de parvenir à une standardisation, même minime, des relations entre les pôles, et de justifier des algorithmes communs. Cela permettra d'établir un modèle spécifique sur le plan pratique, accepté par tous (ou presque), constitué de protocoles et de règles reflétant les nouvelles conditions. Oui, personne n'aura le monopole de la résolution des situations problématiques à lui seul. Toute solution peut être contestée par l'autre pôle ou par une alliance situationnelle de pôles. Dans une telle situation, personne n'aura le droit exclusif d'insister sur quoi que ce soit. Le pouvoir de l'un ne sera limité que par le pouvoir de l'autre. Le reste est une question de négociation.
Cela signifie, en fait, le début de la démocratie multipolaire ou "démocratie des normes". Une situation similaire existe d'ailleurs aux États-Unis, où chaque État a ses propres lois, qui se contredisent parfois directement. Dans un modèle international, la "démocratie des normes" peut être encore plus souple : certains pays proposent et acceptent leurs normes, d'autres acceptent les leurs, et ainsi de suite.
Bien sûr, il est dans l'intérêt de tous qu'il existe des algorithmes stables d'interaction internationale, mais les règles changeront constamment, chaque pôle cherchant à modifier la situation en sa faveur. Toutefois, un certain "universalisme" (de nature purement technique), bien que limité, sera manifestement exigé par tous.
Mais d'un autre côté, chaque pôle aura intérêt à renforcer son identité civilisationnelle. Et là, la situation sera encore plus intéressante.
Les trois pôles principaux déjà entièrement formés sont donc:
- Les Anglo-Saxons,
- La Russie et
- La Chine
On insistera clairement sur l'identité historique de chacun. Sur leur propre Logos. Et c'est là que les surprises nous attendent.
Il n'est pas du tout évident que les États-Unis, par exemple, bien que fortement liés à la Grande-Bretagne et à l'Australie, continueront sur la voie de l'ultra-libéralisme, du post-humanisme, de la dégénérescence LGBT+, etc. Ce modèle mondialiste est un échec total. Elle est de plus en plus rejetée, tant aux États-Unis qu'en Europe. Il ne faut donc pas écarter la possibilité d'un retour de Trump et du trumpisme (plus largement du populisme) aux États-Unis. Il est très révélateur que le symbole de la réussite mondiale, Elon Musk, se soit mis à lire Ernst Jünger. Le vent a tourné. L'élite des milliardaires prend un détour intellectuel intéressant - et résolument conservateur. Un autre milliardaire, Peter Thiel, lit depuis longtemps mes textes géopolitiques et les écrits de Carl Schmitt. Oui, il y a toujours Soros, Gates, méta-Zuckerberg, Bernard-Henri Lévy et Jeff Bezos avec les fous furieux de Google et Twitter, mais ils seront bientôt dans une impasse irrémédiable pour avoir tenté d'établir leurs monopoles. Et eux aussi chercheront à s'attaquer à la lecture de Jünger.
En Europe, la tendance montante du nouveau conservatisme est représentée par une figure comme Eric Zemmour, la star des prochaines élections présidentielles françaises. Zemmour rejette radicalement les LGBT+ et le libéralisme, appelle à l'arrêt complet des migrations, au retour à l'identité française, au gaullisme et à une alliance eurasienne avec la Russie.
La Hongrie et la Pologne, en Europe de l'Est, démontrent que le libéralisme commence à s'enliser aussi dans cette région.
Il n'est donc pas du tout certain que dans un monde tripolaire, les posthumanistes, les postmodernes, les maniaques de la technocratie et les pervers libéraux conserveront le monopole du Logos occidental. Un virage conservateur est également très probable. Et maintenant, ça pourrait devenir intéressant. Mais il n'en reste pas moins qu'un tel virage conservateur sera fondé sur les valeurs occidentales. Oui, ils ne seront pas aussi agressifs et intrusifs que la ligne totalitaire et déjà folle des mondialistes libéraux. Mais ce sera toujours une nouvelle affirmation de l'Occident - avec tout ce que cela implique.
La Chine, avec ses milliers d'années de civilisation et son système socio-politique tout à fait original, dispose là encore d'un énorme avantage. Ce n'est pas seulement l'économie et le contrôle politique étroit du PCC qui sont la clé du succès du Logos chinois. La société chinoise - tant l'État que le peuple lui-même - est un système de valeurs cohérent, avec une dimension impériale, une éthique et une sorte de métaphysique chinoise. Ce n'est pas seulement une question de pouvoir ; le fait est qu'entre le pouvoir du PCC et la société chinoise proprement dite se trouve un continent entier de culture traditionnelle chinoise - anthropologique, éthique, spirituelle. Et la Chine ne fera que se renforcer et étendre son influence dans les régions voisines.
Il est grand temps pour la Russie de réfléchir au Logos russe. Sur l'identité russe, sur la conscience de soi historique, sur notre système de valeurs, qui n'est pas moins original et distinctif que celui de l'Occident ou de la Chine. Hélas, nous y prêtons encore très peu d'attention. Mais il vaut la peine de se tourner vers l'histoire russe, vers les trésors inestimables de l'orthodoxie et de la tradition, vers notre littérature et notre art, vers notre philosophie religieuse, vers l'éthique russe de la justice et de la solidarité - et les grandes lignes de la civilisation russe s'ouvriront devant nous. Et là, il faut être décisif : même si ce n'est pas une vérité universelle, elle n'est pas universelle, mais c'est la nôtre, la russe. Qui est prêt à l'accepter, qu'il soit le bienvene. Pour ceux qui n'y sont pas prêts, eh bien, que le monde soit plus riche et plus complet grâce à la diversité et à l'identité.
Et encore les trois Logos...
...l'Occidental..,
... le chinois et...
le russe -
sont comme trois civilisations - et ils ne seront bientôt que les principaux pôles de la multipolarité. Les civilisations islamique ou indienne, africaine ou latino-américaine, avec toutes leurs particularités locales, auront l'occasion de multiplier leur Logos, de défendre et de développer leur identité, de construire leurs Etats, leurs cultures, leurs systèmes.
Bien sûr, il y aura des difficultés en cours de route. Mais il est parfois important de prêter d'abord attention aux nouveaux horizons, sans tout réduire à la concurrence, aux conflits, aux affrontements et au scepticisme geignard : "rien ne marchera pour l'humanité, comme rien n'a jamais marché". C'est un mensonge - cela a parfois fonctionné, et l'humanité a connu les plus grands succès, les plus grandes réalisations, les plus grands exploits et les plus hauts sommets, bien qu'il y ait eu aussi des chutes sévères et des catastrophes.
Il vaut la peine de se pencher sur un monde multipolaire - aujourd'hui tripolaire - avec responsabilité et animé de solides bonnes intentions. Après tout, c'est le monde dans lequel nous vivons que nous créons nous-mêmes. Concentrons-nous donc, nous les Russes, sur la recherche du Logos russe.
tg-Nezigar (@russica2)
18:37 Publié dans Actualité, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, tripolarité, politique internationale, chine, russie, occident, alexandre douguine, nouvelle droite, nouvelle droite russe | |
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Droite et gauche, depuis 1989, les deux bras du rouleau compresseur néo-libéral
Droite et gauche, depuis 1989, les deux bras du rouleau compresseur néo-libéral
Les nouvelles gauches fuchsia et post-marxistes finiront par devenir l'emblème même, culturellement et politiquement, du turbo-capitalisme gagnant!
Par Diego Fusaro
Ex: https://www.tradicionviva.es/2021/11/07/derecha-e-izquierda-desde-1989-los-dos-brazos-del-monstruo-neoliberal/
Tant à droite qu'à gauche, les gens ont été incapables, par myopie ou par mauvaise foi, de saisir la véritable signification historique de 1989 comme le triomphe du capitalisme américain contre toutes les formes de résistance culturelle, politique et économique. Dans la seconde moitié du 20ème siècle, le soi-disant "néo-fascisme" a largement pris la forme d'une ressource de normalisation atlantiste et anti-soviétique servile, fonctionnelle parce qu'il abandonnait toute résistance anti-impérialiste et participait au reflux complet de la droite vers le capitalisme gagnant. Une dynamique convergente de domestication des intelligences critiques avait eu lieu à gauche ; une dynamique destinée à culminer dans l'actuelle reconfiguration globale de la gauche comme front avancé de la post-modernisation capitaliste, avec la centralité incontestable de la privatisation et de la libéralisation individualiste des coutumes et de la consommation.
Grâce à une métamorphose kafkaïenne, les nouvelles gauches fuchsia et post-marxistes finiront par devenir l'emblème même, sur le plan culturel et politique, du turbo-capitalisme gagnant. Preuve en est que la Nouvelle Gauche post-marxiste, qui - comme toute force libérale - est également anticommuniste et antifasciste, aurait repris toutes les batailles du cosmo-mercantilisme après 1989, adhérant pleinement au projet de libéralisation privée dans la sphère économique, d'impérialisme éthique made in USA en politique étrangère, de dé-souverainisation au profit de la Banque centrale européenne dans la sphère politique.
Les mots de Tacite s'inscrivent dans cette course générale vers la servitude: at Romae ruere in servitium consules, patres, eques... En ce sens, il est toujours bon de rappeler comment, aujourd'hui encore, le secteur de la gauche constitue le front le plus avancé pour la dé-souverainisation et la sanctification du projet de l'Union européenne. Sur ce plan incliné, qui les amènerait à se redéfinir comme ce que Gramsci a combattu tout au long de son existence, les gauches fuchsia et arc-en-ciel, traîtresses à Marx et au projet anticapitaliste, sont en fait devenues de manière cohérente des formes articulées pour se maintenir à bonne distance du peuple et antithétiques aux intérêts matériels des travailleurs.
De la lutte contre le capital, la gauche est passée à la lutte pour le capital, se redéfinissant comme un parti glamour et individualiste, culturellement libertaire, politiquement anti-étatiste et privatiste, économiquement libéral et compétitif, géopolitiquement atlantiste : "Je me sens plus en sécurité en restant de ce côté, sous le parapluie de l'OTAN", avait déjà improvisé Enrico Berlinguer en 1976, révélant l'adhésion déjà presque totale de la gauche démo-phobe - comme de la droite - à l'ordre de la mondialisation américano-centrique et, dans ce contexte, anti-soviétique. Cette déclaration, qui condense l'embryon de la reddition de la gauche à l'atlantisme, gauche qui était en train de se redéfinir comme post-marxiste, peut pratiquement être considérée comme un achèvement de la déclaration du secrétaire du parti Refondation communiste, Paolo Ferrero, dans le journal "Liberazione" du 9 novembre 2009 : la chute du mur de Berlin "était un fait positif et nécessaire, à célébrer" (sic !). Les paroles de Ferrero, dans ce contexte, auraient pu être les mêmes que celles de n'importe quel politicien de foi libérale ferme. Non seulement cela, mais, comme cela a souvent été souligné, le secteur de la gauche s'est révélé incapable d'offrir une réponse forte et plausible à la crise du paradigme keynésien, sans parler d'une véritable alternative à celui-ci. Qui plus est, il s'est retrouvé directement à "gérer la crise du capital pour le compte du capital" : et ce sur le plan incliné qui le conduira, après 1989, à se hisser au rôle insoupçonné d'espace politique privilégié pour la représentation des intérêts des classes dominantes.
La figure de Berlinguer constitue en effet un carrefour décisif dans le processus de métamorphose de la gauche marxiste et de sa normalisation libérale et atlantiste, tel qu'il finira par se réaliser après 1989 dans la nouvelle gauche malheureuse et sans conscience, celle des porte-drapeaux de l'Union européenne. Togliatti avait fait une revendication gramscienne de la souveraineté nationale comme base de l'internationalisme et de la "voie nationale vers le communisme" (s'opposant avec la même force à l'OTAN et aux projets d'intégration européenne). Il était aussi clairement conscient du conflit structurel entre le capital et le travail.
Pour sa part, Berlinguer abandonne la référence à la souveraineté nationale des communistes, optant pour la voie de l'eurocommunisme et de l'ouverture cosmopolite (plutôt qu'internationaliste), mais aussi pour la subordination de la nation italienne à la monarchie du dollar ("le parapluie de l'OTAN"). Berlinguer a ainsi posé les bases de la redéfinition ultérieure de la gauche comme force de soutien à l'Union européenne et à cette ouverture cosmopolite qui était, de facto, l'ordre symbolique de la classe dominante et qui, dans l'imaginaire de la nouvelle gauche, réoccuperait pleinement l'espace précédemment occupé par la lutte des classes et la question du travail.
De plus, Berlinguer a remplacé de manière perverse la question sociale du conflit entre le capital et le travail par la "question morale", qui non seulement n'a rien de marxiste (puisque le marxisme considère la société du capital comme intrinsèquement corrompue, quelle que soit la conduite morale des agents individuels). De plus, elle a fini par ouvrir la voie, à son grand regret, à la fois à l'anti-keynésianisme qui marquera plus tard le quadrant de gauche comme la nouvelle force privilégiée du libéralisme après 1989, et à la perte, de la part de la gauche, de toute référence à la question socio-économique et au conflit de classe associé.
Article publié en italien sur https://avig.mantepsei.it/single/destra-e-sinistra-dal-1989-sono-le-due-braccia-del-mostro-neoliberale
12:50 Publié dans Actualité, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : diego fusaro, droite, gauche, gauche fuschsia, italie, communistes italiens, actualité | |
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Le chercheur russe Artyom Lukin : trois options idéologiques à l'oeuvre dans le monde
Le chercheur russe Artyom Lukin : trois options idéologiques à l'oeuvre dans le monde
Markku Siira
Ex: https://markkusiira.com/2021/11/06/venalaistutkija-kolme-ideologista-vaihtoehtoa/
Le chercheur russe Artyom Lukin conteste l'argument selon lequel la compétition géopolitique actuelle ne peut être comparée à la guerre froide, car il ne s'agit plus d'un "choc des idéologies". Selon M. Lukin, les trois superpuissances actuelles - les États-Unis, la Chine et la Russie - représentent des "choix idéologiques différents".
Les États-Unis défendent "une idéologie libérale-progressiste, connue dans sa forme extrême [de pureté idéologique] sous le nom de wokeness". La Chine et la Russie remettent en question cette vision libérale américaine - et, par ailleurs, néo-gauchiste.
La Chine et la Russie sont souvent mises dans le même sac en tant qu'"amis autocratiques", note M. Lukin. Toutefois, le spécialiste de la Russie estime que Pékin et Moscou représentent "des modèles idéologiques très différents". Le modèle chinois est "une synthèse du socialisme marxiste-léniniste-maoïste et de la culture traditionnelle chinoise coutumière, renforcée par une technologie numérique avancée".
M. Lukin estime également que c'est une erreur de penser que M. Poutine veut faire revivre l'Union soviétique communiste. En fait, le président russe de longue date est très ambivalent à l'égard de l'ancien modèle soviétique. "Poutine n'est pas un communiste, mais plutôt un suzerain néo-féodal", dit Lukin.
La préférence de Poutine semble être pour la "vieille Russie tsariste": pour lui, la Russie ne doit pas être un empire idéologique universel, mais une "large autocratie continentale" qui s'appuie sur "les armes nucléaires, un conservatisme sain et des traditions éprouvées".
L'idéal russe de Poutine vient donc du passé ; en tant que telle, l'idéologie russe plaît à "certains conservateurs de droite en Europe et en Amérique du Nord". C'est pourquoi l'élite libérale occidentale considère Poutine comme son "adversaire idéologique".
Pourtant, le défi idéologique de la Russie à l'égard de l'Occident n'est rien comparé au défi posé par la Chine. "L'Occident a de plus en plus peur de la Chine, non seulement en raison de la puissance économique et militaire croissante de la Chine, mais aussi parce que le développement moderne et très réussi de la Chine renforce l'idéologie du parti communiste chinois", explique M. Lukin.
Il estime que "la pandémie du coronavirus a été un moment décisif qui a montré la supériorité du système chinois". "Alors que la plupart des pays occidentaux, ainsi que la Russie et l'Inde, ont échoué de manière désastreuse à protéger leurs populations, la Chine a gagné la bataille contre le virus", estime l'universitaire russe. Les lecteurs critiques peuvent, s'ils le souhaitent, débattre de la validité de ce point de vue dans le fil de discussion du compte Twitter de Lukin.
M. Lukin admet que le système chinois présente des "caractéristiques dystopiques", mais qu'il est actuellement "le système le plus efficace lorsqu'il s'agit de générer des richesses matérielles pour les masses et de protéger la vie humaine biologique". Au lieu d'arguments plus spécifiques, il invite les lecteurs à explorer le personnage du "grand inquisiteur" créé par l'écrivain Fyodor Dostoïevski.
Lukin n'oublie pas de mentionner qu'il existait également une quatrième idéologie concurrente, l'"islamisme radical", mais que l'"État islamique" qui la représentait a été détruit par l'action collective des grandes puissances. Il s'agit de la plus extraordinaire des affirmations de Lukin, car il existe des exemples plus réussis de groupes terroristes fondés sur le modèle de la civilisation islamique en Iran, en Arabie saoudite et, par exemple, en Turquie.
En résumé, Lukin conclut que "l'humanité a désormais le choix entre le wokéisme occidental, le néoféodalisme russe et le socialisme numérique quelque peu dystopique de la Chine". Y a-t-il vraiment un choix entre ces modèles, ou est-ce l'histoire, la géographie et les liens avec la politique étrangère et de sécurité qui déterminent à quelle superpuissance appartient chaque pays ? La deuxième question est la suivante : comment la crise mondiale actuelle affectera-t-elle les aspirations des grandes puissances ?
10:49 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, russie, chine, états-unis, politique internationale, idéologie | |
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dimanche, 07 novembre 2021
Diego Fusaro : "Plus que Gramsci, nous vivons aujourd'hui dans une hégémonie subculturelle"
Diego Fusaro : "Plus que Gramsci, nous vivons aujourd'hui dans une hégémonie subculturelle"
Propos recueillis par Francesco Subiaco
Ex: https://culturaidentita.it/diego-fusaro-altro-che-gramsci-oggi-viviamo-unegemonia-subculturale/
Révolutionnaire, humaniste, national-populaire. Il s'agit d'Antonio Gramsci, l'un des plus grands penseurs du vingtième siècle qui, dans ses Cahiers de prison, a réalisé une réforme humaniste du marxisme, rompant avec tout déterminisme et tout mécanisme. Il a affirmé que l'histoire sans les hommes ne progresse pas. Retour à la culture humaniste, à la vision révolutionnaire de la culture et de l'école dans la formation d'un nouveau Léonard de Vinci, capable de dépasser l'atomisme et la spécialisation entomologique de l'homme contemporain. Une philosophie de la praxis qui poursuit le projet d'une hégémonie fondée sur le lien sentimental entre le peuple et l'élite, le national et le populaire, qui est bien représenté dans le nouveau livre de Diego Fusaro (Bentornato Gramsci, La nave di Teseo, pp. 362, 18 euros). Une grande exégèse du penseur sarde qui devient la clé de voûte pour interpréter notre société et décoder les relations de pouvoir inhérentes aux fictions de la société de consommation.
Qu'est-ce qui rend la pensée de Gramsci si actuelle à notre époque ?
À mon avis, il est particulièrement actuel pour diverses raisons, mais surtout sur le plan ontologique, car il déconstruit la mystique néolibérale de la nécessité, cette vision selon laquelle le monde est dépourvu d'alternatives, mais d'une positivité morte, qu'il faut accepter comme un rapport de force donné et indiscutable. Alors que pour Gramsci, toute vision est le produit d'un processus, d'une praxis, d'une histoire en cours. Défataliser l'existant et lui redonner la dimension du possible et de la volonté transformatrice.
Quelle est la principale différence entre la vision du monde libérale-progressiste, qui se développe à travers le politiquement correct, et la vision gramscienne ?
Gramsci a théorisé le concept d'hégémonie parmi de nombreux autres concepts fondamentaux dans les Cahiers de prison. L'hégémonie est la domination plus le consentement. C'est-à-dire une domination qui s'exerce par le biais du consentement et de la culture. Aujourd'hui, cependant, nous vivons dans une hégémonie subculturelle, qui n'utilise pas l'hégémonie culturelle comme celle de l'idéologie bourgeoise et libérale du début du vingtième siècle, mais une subculture faite de spectacle médiatique et d'annulation de la culture. Qui s'exerce en niant l'idée même de culture par le politiquement correct, ce qui se traduit par une culture éthiquement corrompue et annulée.
Le politiquement correct est-il la superstructure du monde néo-capitaliste global ?
Il se présente certainement comme la superstructure du monde global. Il procède à la sanctification idéologique des relations installées par le capitalisme financier. Il doit lutter contre toute souveraineté nationale, en la dénigrant jusqu'à la définir comme fascisme et ce, à ses propres fins, il doit ensuite détruire la famille en brisant tout lien social pour ne créer que des consommateurs, en délégitimisant la famille comme étant d'emblée homophobe, paternaliste et sexiste, tout cela se fait par le biais du politiquement correct. Qui devient ainsi le sanctificateur de l'immigration massive, ou de la déportation massive, qui par humanitarisme légitime le trafic de nouveaux esclaves qui deviennent des travailleurs très bon marché exploités par le capital.
Quelle est la relation entre Gramsci et Marx et quelle partie du marxisme le philosophe des Cahiers de prison examine-t-il ?
La grandeur de Gramsci dans sa lecture de Marx est de le libérer des scories du naturalisme, du fatalisme. Le montrant comme une ligne de faille sismique entre l'idéalisme allemand et le positivisme anglo-saxon. Gramsci développe chez Marx la composante de la praxis, celle des thèses de Feuerbach, de l'idéalisme. Qui abandonne le déterminisme au nom d'une vision de l'histoire faite par les hommes. Montrer la Révolution d'Octobre comme une révolution contre le capital, à la fois dans le sens d'une révolution anticapitaliste, et comme une révolution volontariste contre la vision capitaliste de Marx dans Das Kapital.
Gramsci a réformé Hegel, s'éloignant de l'actualisme pour se rapprocher d'une philosophie de la praxis. Qu'est-ce que Gramsci entend par une philosophie de la praxis et dans quelle mesure est-elle éloignée de la vision de Gentile ?
La thèse que j'ai développée dans mon livre est que le marxisme de Gramsci est un marxisme d'actualité. L'idée de l'essentiel comme praxis a un lien profond avec la philosophie de Gentile, car l'acte de penser est proprement réel. Il met en avant une philosophie de l'acte impur, par opposition à l'acte pur de la pensée du Gentile. Une vision qui ramène la philosophie dans le concret et le réel. Car, comme je le dis dans le livre, Gramsci est à Gentile ce que Marx est à Hegel.
14:22 Publié dans Entretiens, Livre, Livre, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, antonio gramsci, diego fusaro, italie, livre, marxisme, gramscisme, philosophie, philosophie politique, théorie politique, politologie, sciences politiques | |
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Erdogan continue de jeter de l'huile sur le feu du conflit libyen
Erdogan continue de jeter de l'huile sur le feu du conflit libyen
par Alessandro Sansoni
Ex: https://www.lavocedelpatriota.it/erdogan-continua-a-gettare-benzina-sul-fuoco-del-conflitto-libico/?fbclid=IwAR1eql9a2imoe7z0Pg2UZdKtsmv0T4YC7N6wHrH2SHZB18VPSJavJUz4JSc
Les reportages triomphalistes des médias nous ont empêchés d'y prêter toute l'attention nécessaire, mais un développement dangereux a émergé du G20 à Rome. Au cours du sommet, en effet, le président turc Recep Erdogan a déclaré officiellement, et en termes non équivoques, qu'Ankara refuse de retirer ses troupes de Libye. Cette déclaration intervient alors que l'ONU s'est engagée à organiser et à mener à bien le retrait de toutes les troupes étrangères présentes dans le pays, condition préalable indispensable à la célébration des élections censées ramener la paix dans le pays.
Par sa position, la Turquie jette de l'huile sur le feu et menace de porter à un niveau très élevé le conflit entre les factions qui se disputent le pouvoir en Libye, mettant ainsi en péril le processus électoral. Une situation qui aurait des répercussions graves et dangereuses pour l'Italie et l'ensemble de l'Union européenne.
Premier problème : le retrait des mercenaires
La Libye devrait organiser ses élections présidentielles tant attendues le 24 décembre, tandis que les élections législatives sont prévues pour le début de 2022.
L'espoir est de mettre ainsi fin à la longue période d'anarchie et de guerre civile dans laquelle le pays a plongé depuis la fin du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, en sauvegardant éventuellement l'unité du territoire libyen, aujourd'hui effectivement divisé en une partie occidentale sous le contrôle du gouvernement de Tripoli et une partie orientale aux mains du général Khalifa Haftar et de son Armée nationale libyenne (ANL), engagés depuis des années dans un dur conflit non seulement avec les milices tripolitaines, mais aussi avec des groupes islamistes, alliés des Turcs. La situation est encore compliquée par le nombre élevé de mercenaires et de forces étrangères présents sur le terrain pour soutenir les deux prétendants.
C'est précisément pour cette raison que la feuille de route élaborée par les Nations unies prévoit, avant tout, l'élimination des groupes armés étrangers, qui doit être définie dans le cadre d'un format de négociation "5+5", dans lequel toutes les factions belligérantes sont présentes à la table des négociations, sous les auspices des Nations unies. Le 8 octobre, le Comité militaire conjoint "5+5" s'est réuni pendant trois jours au Palais des Nations à Genève et s'est conclu par la signature d'un plan d'action prévoyant un retrait progressif, équitable et coordonné de tous les mercenaires et forces étrangères de Libye.
La réunion de Genève s'est tenue conformément aux pistes définies dans l'accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020 et aux résolutions connexes émises par le Conseil de sécurité des Nations unies. La réunion faisait partie intégrante des diverses négociations intra-libyennes promues par l'ONU, ainsi que des efforts déployés par la communauté internationale à travers la conférence de Berlin.
Début novembre, le Comité 5+5 a tenu une autre réunion, cette fois au Caire, toujours organisée par l'ONU, à laquelle ont également participé des représentants du Soudan, du Tchad et du Niger. À cette occasion, tous les pays voisins de la Libye ont exprimé leur volonté de coopérer au processus d'expulsion des combattants étrangers et des mercenaires, tandis que les délégués du Soudan, du Tchad et du Niger se sont engagés à coopérer pour assurer le retrait des hommes armés de leurs pays, en coordonnant leurs actions pour éviter qu'ils ne reviennent en Libye et ne déstabilisent les États voisins.
Cependant, le refus de la Turquie de s'aligner sur les accords généraux ouvre un problème gigantesque. En fait, près de la moitié des forces étrangères présentes en Libye sont liées à Ankara : selon le SOHR (Observatoire syrien des droits de l'homme), le nombre total de mercenaires syriens soutenus par la Turquie dans le pays d'Afrique du Nord est d'environ 7000, tandis que les Nations unies ont estimé la présence de 20.000 combattants étrangers sur le territoire libyen. Les sources de SOHR ont également confirmé qu'en dépit des tentatives de négociation de leur retrait début octobre, des miliciens islamistes vétérans du conflit syrien continuent d'être stationnés dans des bases turques en Libye, tandis qu'un nouveau contingent de 90 personnes en provenance de Syrie est arrivé en Libye transporté par des avions turcs.
G20 : la diplomatie à la turque
Lors du G20, Erdogan a non seulement confirmé son intention de ne pas démobiliser ses troupes en Libye, mais a également réaffirmé au président français Emmanuel Macron que la présence turque est légitimée par un accord de coopération militaire signé avec le gouvernement libyen.
"Nos soldats sont là en tant qu'instructeurs", a-t-il réitéré, niant que leurs activités puissent être assimilées à celles de mercenaires illégaux.
Or, ce n'est pas exactement le cas. Tout d'abord, ses propos peuvent s'appliquer au contingent militaire officiellement envoyé par l'armée turque début janvier 2020, et certainement pas aux mercenaires syriens qui continuent à être stationnés dans les bases militaires d'Ankara.
Par ailleurs, les accords conclus lors du sommet du 8 octobre à Genève font explicitement référence au retrait des "mercenaires, combattants étrangers et forces étrangères", les "forces étrangères" étant comprises comme incluant les troupes régulières et les instructeurs.
Enfin, les "instructeurs" turcs ont débarqué en Libye dans le cadre d'un accord signé par Ankara en novembre 2019 avec le gouvernement d'entente nationale (GNA) dirigé par Fayez al-Sarraj, un gouvernement intérimaire auquel a succédé en mars dernier le nouveau gouvernement d'union nationale dirigé par Abdul Hamid Dbeibah. Le point crucial, cependant, est qu'au moment où le traité a été signé, le mandat du GNA avait déjà expiré et donc, en tant que gouvernement intérimaire, il n'avait pas le droit de signer un tel traité de coopération militaire. C'est pour la même raison que tous les voisins de la Libye et de la Turquie ont désavoué le traité sur les frontières maritimes (et les zones économiques exclusives correspondantes) signé par Tripoli et Ankara au même moment. Ce dernier accord a considérablement étendu les revendications turques sur la Méditerranée et ses riches gisements de pétrole et de gaz.
C'est pour ces raisons que la présence militaire turque en Libye doit être considérée comme illégale au regard du droit international, car elle constitue un avant-poste des ambitions néo-impérialistes d'Erdogan. Ce n'est pas une coïncidence si Erdogan, pendant le G20, a annoncé son refus de participer au sommet sur la Libye à Paris (ce qui l'a fait couler), confirmant ainsi qu'il n'a aucune intention de soutenir les efforts internationaux visant à stabiliser le pays.
Nous avons notifié au président Macron, a déclaré Erdogan, notre refus de participer à une conférence à Paris à laquelle participent la Grèce, Israël et l'administration chypriote grecque. Pour nous, il s'agit d'une condition absolue. Si ces pays sont présents, cela n'a aucun sens pour nous d'envoyer des délégués".
À Rome, Erdogan a également eu une réunion séparée avec le Premier ministre Mario Draghi, mais celle-ci n'a donné aucun résultat concret. Aucun progrès n'a été enregistré dans les relations italo-turques, y compris en ce qui concerne le système de défense antimissile italo-français SAMP-T, pour lequel la Turquie avait précédemment manifesté son intérêt. Malgré l'annonce générale de développements futurs à cet égard, il est peu probable que la Turquie reprenne ce projet, à moins que ses relations avec Paris ne s'améliorent. Et Erdogan ne semble avoir aucune envie de poursuivre dans cette direction.
Tensions en Libye
Entre-temps, la situation politique en Libye devient de plus en plus précaire, surtout depuis que la Chambre des représentants (le parlement de Tobrouk) a remis en cause en septembre dernier, à l'instigation de Haftar, le gouvernement d'unité nationale.
D'un point de vue militaire, les tensions augmentent également, à tel point que ces derniers jours, les chefs de deux milices tripolines - Muammar Davi, chef de la Brigade 55, et Ahmad Sahab - ont été victimes d'attaques visant à les tuer.
À ce stade, il est difficile d'être sûr que les élections présidentielles auront lieu en décembre, tandis que les élections parlementaires ont déjà été reportées à 2022.
Le chantage d'Erdogan : géopolitique, énergie, flux migratoires
Si la Turquie a pu renforcer considérablement son influence en Libye, une part considérable de la responsabilité doit être attribuée aux gouvernements dirigés par Giuseppe Conte (surtout le second), caractérisés par un manque d'incisivité sur la question libyenne. Bénéficiant de facto d'une carte blanche, Ankara a pu, en quelques années seulement, débarquer des centaines de "conseillers militaires" dans le pays d'Afrique du Nord.
Avec le traité sur les frontières maritimes et la délimitation des zones économiques exclusives respectives, la Turquie a pris le contrôle du littoral de la Tripolitaine ainsi qu'une sorte de patronage sur les gisements de gaz et de pétrole de la Méditerranée centrale. Son influence politique sur le gouvernement d'accord national, puis sur le gouvernement d'unité nationale, est énorme.
La guerre civile entre Tripoli et Benghazi a permis à Ankara de fournir des troupes et des armes au camp ouest-libyen, de redéployer ses milices mercenaires précédemment actives en Syrie et d'obtenir la gestion du port et de l'aéroport de Misurata pour les 99 prochaines années.
Aujourd'hui, Erdogan, grâce à la forte influence qu'il est en mesure d'exercer sur l'un des plus grands producteurs de pétrole au monde, dispose d'une arme supplémentaire pour faire pression sur l'Europe, celle de l'approvisionnement énergétique, en plus de l'arme déjà largement utilisée du contrôle des flux migratoires, qu'il est désormais en mesure de réguler non seulement sur la route des Balkans, mais aussi sur celle de la Méditerranée centrale. La route la plus empruntée par les trafiquants d'êtres humains, selon les chiffres officiels, selon lesquels, au 22 octobre, 51.568 migrants sont déjà arrivés en Italie cette année, contre 26.683 en 2020.
Les demandes de Draghi à l'Union européenne d'allouer des fonds pour protéger "toutes les routes" sont du miel aux oreilles turques. Ils font en effet référence aux 6 milliards que Bruxelles a déjà versés à la Turquie pour gérer la route des Balkans et à ceux qu'elle versera encore. Il y a actuellement 3,7 millions de Syriens vivant sur le sol turc, auxquels il faut ajouter 300.000 Afghans. Une bombe à retardement qu'Ankara menace de faire exploser à tout moment si ses exigences ne sont pas satisfaites.
En bref, les crises humanitaires - de l'Afghanistan à la Syrie, auxquelles s'ajoute désormais la crise libyenne - sont devenues une occasion extraordinaire pour la Turquie d'obtenir des ressources de l'Europe et de la maintenir sous pression. C'est pourquoi le maintien d'un gouvernement pro-turc à Tripoli est si important pour Erdogan : il lui permet de jouer un jeu géopolitique complexe contre l'UE qui combine énergie et flux migratoires.
Reconstruire un équilibre en Méditerranée et redimensionner les ambitions turques en adoptant une attitude plus ferme à l'égard du nouveau sultan est le véritable défi que l'Italie doit relever, plutôt que de s'aventurer dans des aspirations improbables et irréalistes à diriger l'UE ou à renforcer les relations transatlantiques.
Alessandro Sansoni
Directeur du magazine mensuel CulturaIdentità
11:26 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, méditerranée, libye, turquie, erdogan, afrique du nord, afrique, affaires africaines, géopolitique, politique internationale | |
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samedi, 06 novembre 2021
"Grands Réveils" et "Enfants de Lumière"
"Grands Réveils" et "Enfants de Lumière"
Par Daniele Perra
Ex: https://www.eurasia-rivista.com/grandi-risvegli-e-figli-della-luce/
Dans un article publié dans le numéro 4/2021 d'Eurasia, l'universitaire Maria G. Buscema affirme que les historiens et les théologiens utilisent les termes de Grand Réveil ou Revivals pour désigner expressément les mouvements de renouveau spirituel caractéristiques du protestantisme. L'expression "Grand Réveil" a récemment été remise au goût du jour comme indicateur d'une révolte "spontanée" non spécifiée des masses (des peuples) contre la Grande Remise à zéro "mondialiste" imposée (aussi) par les mesures visant à contenir la crise pandémique, par la pandémie elle-même ou par le récit qui en est fait (ou préparé) en "Occident".
Ces aspects nécessitent naturellement une étude plus approfondie, que nous tenterons de fournir au cours de ce travail. Cependant, il semble presque un devoir de rappeler que l'"Occident" reste l'espace géographique-idéologique soumis à l'hégémonie culturelle et militaire des États-Unis d'Amérique. Par conséquent, il est assez rare qu'une expression idéologico-religieuse émanant du "centre impérial" vise de quelque manière que ce soit à sa destruction.
L'histoire nous enseigne que toute tentative de renouveau spirituel (qu'elle ait échoué ou non) conçue et guidée par les échelons supérieurs du pouvoir impérial a toujours eu pour objectif le renforcement de l'empire lui-même et non sa dissolution. Prenons l'exemple de la tentative de l'"impératrice philosophe" Julia Domna, tout en distinguant les aspects purement traditionnels de la modernité. Celle-ci, épouse de Septime Sévère et fille d'un prêtre du dieu syriaque El-Gabal, pensait à une uniformisation spirituelle renouvelée de l'Empire romain par l'imposition d'une sorte d'énothéisme solaire capable de surmonter les divisions entre les différentes croyances religieuses en son sein. Et son objectif était de donner vie à un modèle théologique qui légitimerait et sacraliserait à nouveau l'espace impérial après que la coïncidence originelle du droit, de la politique et de la religion se soit lentement estompée [1]. Son objectif, comme celui de Julien après elle, était donc de renforcer et non de détruire.
Pour en revenir à l'actualité, les pages d'Eurasia ont souvent traité de l'incohérence quasi absolue de la dichotomie mondialisme/souverainisme (deux faces d'une même pièce qui évoluent dans le paradigme géopolitique de l'atlantisme). Le discours est différent en ce qui concerne le Grand Réveil susmentionné.
L'observateur non averti de la réalité serait enclin à considérer et à accepter (pour le meilleur et pour le pire) ce "phénomène" comme quelque chose d'absolument original: comme une opposition naturelle au dessein de la "grande restauration" (théorisée au forum de Davos en 2020) selon ses plus ardents adeptes ; comme le résultat de fantasmes conspirationnistes selon ses détracteurs. Ces deux positions sont erronées.
Au tournant des XVIIIe et XXe siècles, comme le rapporte l'étude de Maria G. Buscema, il y a eu au moins trois ou quatre (selon l'interprétation) grands réveils différents (il y en aurait même cinq avec le réveil actuel). Toutes, bien qu'inspirées par des pratiques religieuses nées en Europe, sont originaires des États-Unis. Et toutes ont eu des répercussions dans les sphères religieuses et politiques. Ceux-ci, affirme la chercheuse de Syracuse, "ont en commun le fait de centrer leur enseignement sur la doctrine du péché et de la grâce que l'on trouve dans la Bible, mais lue à la lumière de la Réforme, c'est-à-dire en mettant le Christ au centre de la prédication, en éloignant les fidèles des rituels et des cérémonies et en rendant la religion intensément personnelle pour les fidèles ordinaires" [2].
De là, nous pouvons voir une première différence substantielle non seulement entre la doctrine catholique et protestante, mais aussi entre différents courants au sein même du protestantisme: c'est-à-dire entre les protestants traditionalistes, d'une part, centrés sur l'importance du rituel et, d'autre part, les nouvelles expressions religieuses visant à encourager une plus grande implication émotionnelle et un engagement personnel au nom de la spiritualité.
À cet égard, il convient de rappeler que le prosélytisme religieux, comme la propagande politique, recherche toujours l'implication émotionnelle directe de la personne. Par conséquent, le prosélytisme et la propagande doivent être réglementés en fonction du public auquel ils s'adressent.
Comme l'écrivait Lord Northbourne à l'époque: "De nos jours, les représentants de la religion n'osent rien faire d'autre que de paraître à la page. C'est pourquoi ils s'efforcent toujours de rendre les écritures et les doctrines de la religion intelligibles pour le commun des mortels en essayant de les définir en termes adaptés à ses capacités d'analyse mentale et de déduction [...] rien ne restreint mieux que la manie de la définition, qu'elle soit philosophique ou populaire. Une divinité définie n'est pas divine, mais humaine ; elle n'est pas Dieu, mais une idole" [3]. En fait, en paraphrasant René Guénon, en essayant d'amener Dieu dans les états inférieurs de l'être (une pratique répandue dans le protestantisme anglo-américain) on ne fait que développer un "satanisme inconscient" beaucoup plus pernicieux que le satanisme réel et conscient (un phénomène à peine répandu et plutôt grotesque).
Pour en revenir aux différents "grands réveils", il est utile de rappeler que les racines de ce phénomène peuvent être facilement identifiées dans le piétisme: courant protestant développé en Europe centrale aux 17ème et 18ème siècles en réaction au dogmatisme luthérien classique. Le piétisme s'opposait au rationalisme de la théologie luthérienne en mettant l'accent sur la dévotion intérieure, grâce à laquelle les adeptes étaient élevés au niveau des "éveillés" ou des "régénérés". Sur la base de cette idée de "réveil" ou de "renaissance" en Christ, les grands réveils nord-américains se sont développés à partir du 18ème siècle. Le premier de ceux-ci, dit Maria G. Buscema, remonte au méthodisme, qui a offert une substance et une force nouvelles à l'action des prédicateurs évangéliques, généralement d'origine calviniste et marqués par une forte rigueur morale.
Jonathan Edwards.
Aux États-Unis, nous avons le prédicateur écossais Thomas Chalmers (1780-1847) [...] ou la prédication charismatique des pasteurs George Whitefield (1714-1770) et Jonathan Edwards (1703-1758) [...] La prédication de ce dernier s'accompagne d'une vague de fanatisme millénariste qui se répand du Connecticut à la Nouvelle-Angleterre. Ses prédications, appelant au "Nouvel Israël" américain et à l'alliance conclue avec Yahvé, suscitaient des foules extatiques à l'écoute des sermons des pasteurs itinérants [...] Il fut suivi du Second Grand Réveil (1800-1858), particulièrement fort dans le Nord-Est et le Midwest, qui impliqua les classes inférieures et moyennes et eut pour centre de prédication revivaliste le district dit "Burned over" dans l'ouest de l'État de New York, appelé ainsi en raison du thème constant des sermons: "la damnation éternelle dans les flammes de l'enfer" [5]. Le troisième Grand Réveil (1859-1900) est généralement associé à l'impulsion donnée à l'action missionnaire et à la naissance des Témoins de Jéhovah. Alors qu'avec le quatrième Grand Réveil (qui a commencé au tournant des années 60 du siècle dernier) on entre dans une dimension plus proprement politique et géopolitique. Elle se distingue par le succès de certains des acronymes les plus conservateurs du panorama religieux nord-américain qui se sont engagés, par exemple, dans des batailles "éthiques", dictées par une lecture littérale du texte biblique, contre l'évolutionnisme et en faveur du "créationnisme".
Il est ici nécessaire d'ouvrir une brève parenthèse, étant donné que les théories évolutionnistes et créationnistes ont toutes deux des origines modernes. "L'un et l'autre, dit Lord Northbourne déjà cité, cherchent à tout expliquer en termes d'avantages et d'inconvénients immédiats et tangibles" [6]. Ainsi, les deux courants, tout en étant en antithèse l'un avec l'autre (puisque le "créationnisme" part d'un présupposé religieux), sont régis par une tendance intrinsèquement matérialiste.
Le célèbre pasteur évangélique Bill Graham (1918-2018) est lié au quatrième Grand Réveil. Il a exercé son influence sur de nombreux locataires de la Maison Blanche, et plus généralement sur les dirigeants politiques américains, tout au long du milieu du 20e siècle et du début du 21e siècle, d'Eisenhower à Jimmy Carter et de Bill Clinton au vice-président de Donald J. Trump, Mike Pence.
Avec ce que nous pourrions appeler le cinquième grand réveil (dont la date de début pourrait coïncider avec l'élection de Donald J. Trump en 2016), la dimension géopolitique prend encore plus de valeur. Cependant, la traditionnelle "destinée manifeste" (la mission des États-Unis de construire un ordre mondial à leur image) est masquée par une lutte idéologique-eschatologique entre le bien (l'humanité en général) et le mal (les soi-disant élites libérales transnationales, présentées comme les "alliés" de la menace numéro un pour l'hégémonie mondiale des États-Unis: la Chine).
Cette nouvelle "théologie politico-apocalyptique" a pu surmonter le trumpisme lui-même (la défaite électorale de "l'homme que Dieu a envoyé pour débarrasser le monde du mal" selon les adeptes de QAnon) et les frontières du centre "impérial" pour s'étendre à la périphérie européenne (également grâce à des agitateurs politiques zélés, dont le penseur russe Alexandre Douguine, auteur d'un manifeste du Grand Réveil contre la Grande Restauration dans lequel sont chantées les louanges du trumpisme et de l'Amérique comme lieu du "crépuscule du libéralisme") [7]. Ce court pamphlet mérite qu'on s'y attarde, car il marque le passage définitif d'une perspective géopolitique quasi déterministe (les États-Unis sont poussés à la conquête du monde par leur nature thalassocratique intrinsèque) à une perspective purement politique, dans laquelle un "philosophe" (prétendument "évolien") fait ouvertement un clin d'œil à des éléments anti-traditionnels tels que le messianisme numérisé de la pseudo-religion QAnon susmentionnée [8]. Il importe peu que le trumpisme, en termes géopolitiques, ait évolué dans une continuité absolue avec les administrations précédentes, en appliquant la stratégie américaine habituelle: exacerber les tensions pour assurer des revenus au complexe industriel de guerre nord-américain et construire des blocs d'opposition entre l'Europe et le reste de l'Eurasie.
Or, la "théologie apocalyptique-politique" susmentionnée, profondément inspirée par les thèmes classiques de l'évangélisme et du sionisme chrétien, trouve sa référence théorique dans un tout aussi court pamphlet de 1944 écrit par le théologien réformé Reinhold Niebuhr et intitulé Les enfants de la lumière et les enfants des ténèbres. Le "travail" mérite une nouvelle parenthèse, car il exprime l'idée d'un véritable choc existentiel entre les États-Unis et l'Europe. À vrai dire, l'idée n'est pas particulièrement originale non plus. Déjà au cours du 19ème siècle, des thèses de conspiration ont été propagées aux États-Unis, selon lesquelles les empires européens, de concert avec le pape et les jésuites, tentaient de détruire le gouvernement démocratique de Washington.
En fait, le pamphlet de Niebuhr se concentre sur la "civilisation démocratique moderne". Celle-ci, appuyée sur le "credo libéral", est l'expression des "enfants de la lumière", dont le seul péché est une approche sentimentale naïve des relations internationales. La "civilisation démocratique" est opposée à celle des "enfants des ténèbres", qui sont voués au cynisme moral (une caractéristique qui, selon Niebuhr, distingue aussi bien Mussolini, lié à Mazzini par une ligne directe, qu'Hitler); leur antidémocratisme serait influencé politiquement par Hobbes et religieusement par Luther. Ils sont mauvais mais très intelligents et ne connaissent aucune loi ni aucun droit autre que la simple force. L'ennemi des "enfants de la lumière" ne peut donc être que la "fureur démoniaque" du nazisme et du fascisme, qui ont mis les outils de la technologie moderne au service d'une idéologie antimoderne qui place la communauté avant l'individu [10].
Or, les affirmations de Niebuhr peuvent facilement être réfutées à plusieurs niveaux. Le théologien réformé, en premier lieu, semble être un piètre connaisseur de Hobbes, dont le "seul défaut", au mieux, serait de ne jamais dissimuler le pouvoir, son poids et sa position centrale dans tous les comportements humains, et de ne jamais l'exalter. Deuxièmement, il semble ignorer les multiples crimes du colonialisme libéral et le fait même que la soi-disant "Doctrine Monroe", loin d'être le produit d'une géopolitique isolationniste, était simplement la première expression de l'impérialisme nord-américain.
En outre, il semble ignorer le fait que l'absence de "droit", pour paraphraser Carl Schmitt, a principalement caractérisé les actions nord-américaines sur le continent européen. En diabolisant l'ennemi (qui mérite d'être anéanti), les États-Unis ont ramené la "loi de la jungle" en Europe. Surmontant le traditionnel ius publicum europaeum qui était à la base des relations entre les monarchies chrétiennes du continent, les États-Unis ont imposé une domination sur le continent qui aujourd'hui, à la seule exception de la Russie, est devenue totale.
Il n'est pas surprenant que l'agitateur et théoricien trumpiste Steve Bannon ait souvent fait référence à un "capitalisme éclairé" non spécifié, imprégné de "valeurs judéo-chrétiennes", qui a aidé à vaincre le nazisme et à renvoyer un "empire barbare" (la référence est à l'Union soviétique) à l'Est (11). Et il n'est pas surprenant que les partisans actuels du Grand Réveil aient alternativement recours à des comparaisons avec le communisme et le nazisme pour décrire les conditions restrictives actuelles.
Bannon lui-même a repris le thème (non sans références bibliques) des "enfants de la lumière contre les enfants des ténèbres" dans une interview désormais célèbre de l'ancien nonce apostolique aux États-Unis, Carlo Maria Viganò, connu pour ses positions pro-Trump et anti-Biggerhead [12]. Dans cette interview, il est fait explicitement référence à l'alliance impie entre "l'État profond mondialiste" et le "régime communiste brutal" (la référence est la Chine). Une théorie qui semble plutôt bizarre si l'on considère que l'homme de référence du mondialisme, George Soros, est considéré comme un terroriste en République populaire de Chine, et que l'actuelle administration Biden n'a fait qu'exagérer davantage les positions géopolitiques anti-chinoises de la précédente (on pense à la signature du pacte AUKUS et au renforcement militaire du gouvernement séparatiste de Taïwan, cheval de bataille de Steve Bannon).
À vrai dire, le prétendu État profond s'est désintéressé de la Chine au moment même où Bannon a compris que le grand pays asiatique représentait une menace réelle pour l'hégémonie mondiale nord-américaine. C'était déjà le cas lors du premier mandat présidentiel de Barack Obama. En ce qui concerne les soi-disant élites mondialistes, leur intérêt pour le marché chinois est inextricablement lié au renversement du gouvernement du PCC. Ce n'est pas un hasard si le spéculateur George Soros, déjà cité, a décrit à plusieurs reprises le président chinois Xi Jinping comme le plus grand ennemi de la société ouverte.
La crise pandémique n'a fait qu'exagérer davantage des positions qui restent toujours parfaitement dans le schéma géopolitique atlantiste (qu'elles soient progressistes ou réactionnaires). Il ne s'agit pas ici d'établir l'origine du virus, sujet sur lequel il n'y aura jamais de parole définitive (bien que l'auteur se soit fait sa propre idée sur la base de l'observation empirique que la recherche constante d'un ennemi est un présupposé fondamental pour la réaffirmation continuelle du schéma hégémonique nord-américain). Ce qui compte, ce sont ses effets.
Le premier effet, et le plus évident, de la crise pandémique a été l'accélération de certaines tendances et dynamiques qui se manifestaient en "Occident" depuis plusieurs décennies. L'évolution de la société occidentale vers une forme de "capitalisme de surveillance" ou de "totalitarisme libéral" a été "mal comprise" par les théoriciens du "grand réveil" comme une forme de "chinoisisation de la société". Pour être juste, son antécédent historique le plus immédiat peut facilement être trouvé dans le Patriot Act de l'administration Bush Jr, qui a donné à la NSA le champ libre pour espionner les citoyens américains eux-mêmes. En outre, des systèmes de contrôle et de suivi de la population étaient en place bien avant la crise pandémique grâce aux plateformes sociales et de recherche du réseau.
Les mêmes mesures pour contenir l'épidémie entre la Chine et l'"Occident" étaient complètement différentes. Dans le cas de la Chine, on a opté pour des fermetures localisées, une traçabilité rapide et le renforcement des soins de santé en tant qu'outil de sécurité nationale. Dans le cas de l'Occident (sauf dans de rares cas), en raison également des immenses dégâts générés par des décennies de néolibéralisme exaspéré, l'accent a été mis sur les confinements généralisés et prolongés, la lenteur ou l'absence de suivi, la mise en cause de la population et le cyberterrorisme. En outre, les vaccins (bien sûr, uniquement ceux produits par les multinationales pharmaceutiques occidentales) ont été considérés comme l'unique moyen de surmonter la crise, jusqu'au cas extrême de l'Italie (véritable laboratoire d'expériences politiques, du gouvernement jaune-vert au gouvernement hyper-atlantique du "bankster" [13] Mario Draghi), où une sorte d'obligation vaccinale fictive a été imposée par le biais du "certificat vert" : un outil qui discrimine ouvertement non seulement ceux qui ont choisi de ne pas se faire vacciner, mais aussi ceux qui l'ont fait avec des vaccins non occidentaux. Cette mesure, il faut le souligner, n'existe pas en Chine, où un état semi-normal a déjà été rétabli à l'été 2020 sans aucune obligation de vaccination, fictive ou non. On peut donc parler à juste titre d'une nouvelle "israélisation de la société".
Il n'en va pas différemment si la "chinoisisation de la société" signifie la réduction progressive des droits du travail, puisque nous avons affaire à deux formes de société complètement différentes. Concrètement, il est impossible d'établir des comparaisons entre une forme de socialisme national capable de sortir plus de 700 millions de personnes de la pauvreté et centré sur l'idée de "prospérité commune" et un modèle néolibéral, dont la seule aspiration est d'expérimenter de nouvelles techniques d'oppression (sans rien donner en retour à la population) afin de maintenir intact son système d'exploitation face aux crises structurelles cycliques de l'hypercapitalisme.
Une véritable opposition à l'évolution actuelle du système ne peut se limiter à un simple "non" au vaccin ou au "certificat vert". En laissant de côté le fait que se définir comme "éveillé" pour le simple fait d'avoir refusé une injection ferait rire même un débutant dans le domaine des études traditionnelles, penser que l'on peut créer une opposition au système uniquement et exclusivement sur ces bases, ou aspirer à un retour au passé qui a ouvert la voie à la situation actuelle, sans même gratter un pouce des dogmes atlantistes, c'est être absolument consubstantiel au système lui-même.
NOTES:
[1] Cf. C. Mutti, Introduzione alle Epistole di Apollonio di Tiana, Edizioni di Ar, Padova 2021, pp. 9-41.
[2] M. G. Buscema, Il “Grande Risveglio”. Una teologia politico-apocalittica?, “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 4/2021, P. 122.
[3] Lord Northbourne, Quale progresso?, Cinabro Edizioni, Roma 2021, p. 104.
[4] R. Guénon, Errore dello spiritismo, Luni Editrice, Milano 2014, p. 198.
[5] Il “Grande Risveglio”. Una teologia politico-apocalittica?, ivi cit., p. 124.
[6] Quale progresso?, ivi cit., p. 64.
[7] A. Dugin, Contre le great reset, le manifest du grand réveil, Ars Magna (2021), p. 47. Recension de Claudio Mutti in “Eurasia” 4/2021, pp. 221-222.
[8] Ibidem, p. 38.
[9] Cf. R. Hofstadter, The paranoid style in American politics, www.harpers.org.
[10] Cf. R. Niebuhr, The children of light and the children of darkness, Charles Scribners’s Son (1944).
[11] Cf. A. Braccio, Gli USA contro l’Eurasia: il caso Bannon, www.eurasia-rivista.com.
[12] La citation précédente de Lord Northbourne concernant la tentative de rendre Dieu définissable par tous, même par les esprits les moins préparés, s'applique parfaitement à la condition actuelle de l'Église catholique. Les deux positions, la "moderniste" de Bergoglio et la "conservatrice" de Viganò, sont profondément influencées par l'esprit protestant. Le premier s'est plié au style de propagande évangélique pour rendre l'image de Dieu accessible à tous. Le second a opté pour l'approche apocalyptique typique de l'évangélisme nord-américain. Il faut ajouter à cela que de nombreuses positions de Bergoglio sont souvent et volontairement déformées.
[13) Le terme a été utilisé par Léon Degrelle dans les années 1930 pour désigner les pratiques de gangsters employées par les grandes institutions de la finance pour maintenir leur contrôle sur les peuples.
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Nous nous dirigeons vers la tyrannie mais ce n'est pas le fascisme, c'est l'hyperdémocratie
Nous nous dirigeons vers la tyrannie mais ce n'est pas le fascisme, c'est l'hyperdémocratie
Adriano Scianca
SOURCE : https://www.ilprimatonazionale.it/cultura/ci-avviamo-verso-tirannide-ma-non-fascismo-iperdemocrazia-213303/
Finalement, la gauche avait raison : les masses déculturées, abruties par des années de lavage de cerveau, nous mènent vers la tyrannie. Ils se sont seulement trompés dans l'identification du facteur de déculturation : ce n'est pas la chaîne de télévision Rete 4, les showgirls, les ballets, la télévision de l'après-midi qui ont fait de nous une masse prête à subir n'importe quelle brimade, et même à la revendiquer avec joie. C'était eux. C'était la gauche. Pas tant, et pas seulement, le PD socialiste italien, qui est maintenant une agence oligarchique froide, souvent un collecteur maladroit d'intérêts et de demandes supranationales, mais la gauche médiatique, la gauche sociale, celle qui fait une masse critique dans la communication et a la puissance de feu suffisante pour façonner une partie du discours dominant. Mais attention : l'autoritarisme auquel nous sommes confrontés n'est pas une trahison de la démocratie et de la Constitution, et encore moins un "retour du fascisme", mais plutôt une hyperdémocratie, une démocratie impatiente, qui, à la poursuite de ses propres fétiches, a commencé à considérer avec suspicion chaque obstacle procédural, chaque finesse formelle, même chaque subtilité de contenu. Examinons quelques-uns de ces fétiches.
L'hyperdémocratie et ses fétiches : la compétence
Fétichisme de la compétence : en partie pour plaire aux travailleurs précaires semi-culturés qui exorcisent leurs frustrations existentielles en corrigeant les subjonctifs sur les réseaux sociaux, et en partie pour répondre aux exigences du libéralisme technocratique, la compétence (compétence sur la base de quels paramètres ? sur la base de quelle grille de valeurs ?) est devenue ces dernières années l'alpha et l'oméga de la politique. Il se trouve que, face au super-compétent Draghi, tout droit réel piétiné est euphémisé sur un ton lyrique, et toute hypothèse qui évoque un coup d'État devient, dans la narration officielle, un ingénieux coup de théâtre à saveur institutionnelle.
Giancarlo Giorgetti peut donc spéculer sans risque et nous dire que "Draghi pourrait diriger le convoi de l'extérieur", c'est-à-dire depuis le palais du Quirinal, "il s'agirait d'un semi-présidentialisme de fait, dans lequel le président de la République élargit ses fonctions en profitant d'une politique faible". Et ainsi le dépassement du parlementarisme, de cauchemar nostalgique, devient un rêve de stabilité qui ne soulève plus aucune objection. Au contraire : sur Twitter, c'est l'ancien directeur de Repubblica Carlo Verdelli, qui, il y a quelques mois, a paralysé l'Italie parce qu'un fou l'a insulté sur les réseaux sociaux, qui a tweeté: "Tant de huées mais Giorgetti dit la vérité : il dirige Draghi partout où on le met, y compris au Quirinal". La Constitution dit-elle autre chose? Amen, au moins jusqu'à ce que l'Europe finance le redémarrage et que les partis sortent du coma. Nous avons le premier "premier ministre multilatéral". Et voici un cas typique dans lequel l'évolution autoritaire de la démocratie est justifiée par les arguments de la démocratie elle-même.
Le fétichisme des droits
Fétichisme des droits : tout le débat sur le projet de loi Zan a tourné autour de la pensée magique. À partir d'un certain moment, la réalité n'a plus d'importance, le contenu même du projet de loi devient un détail par rapport à la puissance évocatrice du simple mot "droits". Il y a effectivement eu un débat sur le fond du projet de loi, et les critiques du texte sont venues non seulement de toute la droite, y compris des franges libérales, mais aussi du Vatican et, surtout, d'une grande partie du monde féministe et LGBT. Mais ces critiques ont été noyées dans le bruit de fond des différents Fedez, dans le bavardage des commentateurs les plus exaltés, qui ont à leur tour soulevé des foules d'adolescents et de post-adolescents sans la moindre grammaire fondamentale de la politique, qui ont grandi sous la bannière d'un fondamentalisme dont le seul commandement est "tu n'auras pas de Dieu mais tes droits".
Face à cette masse à la puissance de feu impressionnante, toute discussion sur le fond a été anéantie et l'ensemble du débat est devenu une sorte de rituel bacchique centré sur l'évocation de mots magiques et d'actes de désespoir théâtralisés. Des hordes de jeunes militants étaient sincèrement convaincus qu'en rejetant le projet de loi, quelqu'un leur avait "retiré leurs droits", une phrase qui semble incompréhensible même si l'on apprécie le texte de Zan (rejeter un décret qui renforce les peines pour les "homophobes", en quoi cela retire-t-il les droits des homosexuels ?). Beaucoup se sont même indignés du simple fait qu'il y ait eu un débat, un vote sur le projet de loi, que cela n'aille pas de soi. À ceux qui craignaient des risques pour la liberté d'opinion, ils ont répondu que "la haine n'est pas une opinion", une phrase qui n'a évidemment aucun sens.
Le fétichisme de la sécurité
Fétichisme sécuritaire : l'interdiction de parole et d'action infligée à Stefano Puzzer, leader des dockers rebelles de Trieste, a été accueillie avec satisfaction et ironie par le même monde qui a pleuré les droits violés par le rejet du projet de loi Zan. Puisque Puzzer n'est pas aimé et qu'il dit des choses qui ne sont pas aimées, si l'État le punit de manière anormale et injustifiée, l'Etat a raison quoi qu'il en soit (personnellement, je suis loin de voir Puzzer comme une référence humaine ou politique, mais ce n'est pas le cœur du problème).
D'ailleurs, la pratique du daspo a déjà été expérimentée avec succès dans les stades, contre ces ultras qui tapent un peu sur les nerfs de tout le monde et pour lesquels, par conséquent, il n'était pas bien élevé de se battre. Que tous ces faits marquent des précédents inquiétants n'intéresse personne : ceux qui ont scandé à tout bout de champ "D'abord ils sont venus prendre...", nous font comprendre qu'avec cette rime ils n'affirmaient pas un principe général (défendre aussi les libertés de ceux que l'on n'aime pas, car de cette façon on se défend aussi soi-même), mais s'inquiétaient littéralement des catégories spécifiques mentionnées : s'ils viennent prendre les communistes, les tziganes etc. il y a de quoi s'inquiéter, tous les autres peuvent être expulsés aussi.
Le fétiche de l'antifascisme
Le fétiche de l'antifascisme : le premier et le plus important des fétiches est évidemment celui-ci, celui qui soutient tout l'échafaudage institutionnel et moral de l'esprit du temps. Oubliez le "nazipass", oubliez "Draghi comme Mussolini". En fait, à y regarder de plus près, le premier véritable précédent du laissez-passer vert - une certification qui concède certains droits réels à des personnes qui n'ont enfreint aucune loi - se trouve dans les diverses "déclarations d'antifascisme" exigées dans les municipalités dirigées par le parti démocrate. Comme si la pleine citoyenneté ne découlait pas de la loi, mais d'une superposition idéologique. Mais cela, bien que contraire à tout principe de droit, et aussi aux lois en vigueur, n'a pas suscité de critique, car le fond (la lutte contre le fascisme) rend inutile toute question de forme. Et, de la même manière, une forme abstraite, presque métaphysique, de protection de la santé de la part de Covid rend tout abus plausible. Et lorsque Facebook censure CPI ou, sur un autre plan, Trump, la plupart des commentateurs - ou du moins ceux qui font la masse critique, celle mentionnée plus haut - ne s'interrogent pas le moins du monde sur ce que cela signifie en termes structurels, juridiques, éthiques, politiques. Tout est ramené à d'autres mots fétiches, comme "haine". Et comment ne pas être contre la haine ?
Une tache informe
Et ainsi de suite. Des années de rhétorique démocratique ont déshabitué les esprits, surtout les plus jeunes et les plus influents, à l'esprit critique, au raisonnement dans son ensemble, à la lecture de la profondeur historique des faits, à toute conjecture qui ne soit pas purement subjective. Cela a créé une tache informe qui engloutit la démocratie elle-même. Mais ce qui nous sera recraché ne sera pas du tout le fascisme, qui n'a rien à voir avec lui et reste le "tout autre" par rapport à ce monde. Au contraire, nous aboutirons à une forme d'hyperdémocratie féroce, technocratique, policière, mais toujours considérée comme bonne, très, très bonne.
Adriano Scianca
10:52 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, haine, hyperdémocratie, tyrannie, politiquement correct | |
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