Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 16 novembre 2010

La ballade de Marc Hanrez

La ballade de Marc Hanrez

9782888920588.jpgLes lecteurs de ce blog (*) n'ignorent pas que Marc Hanrez fut l’un des pionniers de la recherche célinienne. Auteur en 1961 d’une des premières monographies sur Céline (1), il a publié, il y a quatre ans, une somme réunissant ses principaux articles sur l’écrivain (2). Il fut aussi le maître d’œuvre d’un important cahier de L’Herne sur Drieu La Rochelle (3). Et l’auteur d’innombrables études sur ses écrivains de prédilection, d’Abellio à Nimier en passant par Proust ou Genet. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il est aussi, et depuis longtemps, poète. Poète discret puisque son premier recueil, La Grande chose américaine, a paru en 1992 (4), le suivant, Colomb, Cortex & Cie, datant de 2004 (5). Jamais deux sans trois. Voici que paraît Chemin faisant, ballades (en vers libres) remontant le temps.
Marc Hanrez avait dix ans en 1944. Dans la première partie de ce recueil, « Grandir en guerre », il fait revivre son enfance bruxelloise sous l’occupation, puis à la Libération. Prodigieuse puissance de la mémoire ! Mille et une images gravées et autant d’émotions. L’humour aussi qui affleure parfois :
« dans notre tram ce jour-là monte
en culotte de cheval
un officier allemand
quelle mouche alors me pique
avant-bras levé de faire un salut
que l’autre par réflexe rend au polisson »

La partie intitulée « L’Europe se lève à l’est » évoque trois villes, Vienne, Budapest et Prague, bousculées par l’histoire au siècle précédent :

« Vienne en première vision
l’année du Troisième Homme
ce film-culte avant la lettre
aussitôt vénéré pour son
thème à la cithare et son tournage
en clairs-obscurs
la ville entière me servant de cadre
au visage idole d’Alida Valli
et voir sourire Orson Welles causant
guerre et paix version suisse
au pied de la Grande Roue »

La force du texte, c’est, en quelques mots sobres, de ressusciter toute une époque enfouie mais à jamais vivante sous la plume imagée du poète. La troisième partie, « À verbe d’oiseau », nous le montre en observateur attentif de la nature. Le meilleur Jules Renard, celui du Journal, trouve ici un épigone inattendu. Et de conclure par un hommage à Hergé, immortel créateur de Tintin, tous deux « Bruxellois de souche » — comme l’est aussi Marc Hanrez.

Marc LAUDELOUT

• Marc Hanrez, Chemin faisant (Ballades), Xénia Éditions, 2010.
Note:
(*) http://lepetitcelinien.blogspot.com/

1. Céline, Éd. Gallimard, coll. « La Bibliothèque idéale », 1951 (éd. révisée en collection de poche, 1969). Robert Poulet le considérait comme « un ouvrage consciencieux, intelligent, d’un jugement qui semble parfaitement libre » (Pan, 20 décembre 1961 ; compte rendu repris dans Le Bulletin célinien, n° 254, juin 2004). Voir aussi Le Bulletin célinien, n° 279, octobre 2006 qui comprend un dossier consacré à Marc Hanrez.
2. Le Siècle de Céline, Dualpha, coll. « Patrimoine des lettres », 2006.
3. Drieu La Rochelle, Les Cahiers de l’Herne, n° 42, 1982.
4. La Grande chose américaine (illustrations de Paul Hanrez), Cadex Éditions, 1992.
5. Colomb, Cortez & Cie, Cadex Éditions, 2004.

jeudi, 28 octobre 2010

"Porte Louise", par Christopher Gérard

« Porte Louise » par Christopher Gérard

 

portelouise.pngEx: http://www.polemia.com/

L’auteur a publié deux romans, Le songe d’Empédocle (2003) et Maugis (2005), dont Pol Vandromme a dit qu’ils étaient écrits « à contre-mode de la platitude littéraire d’aujourd’hui », un essai, La source pérenne (2007), « défense et illustration du polythéisme » (Marcel Conche), et un récit, Aux armes de Bruxelles (2009), « délicieuse flânerie dans un haut lieu de la civilisation du Saint-Empire » (Bruno de Cessole).

C’est encore dans la capitale belge, où il existe bien une avenue et une Porte Louise, que se situe le nouveau roman de Christopher Gérard. Son personnage principal est une femme de 51 ans, professeur, justement prénommée Louise, qui, après trente-huit ans passés à Dublin, revient à Bruxelles, sa ville natale, pour essayer de comprendre pourquoi son père y a été assassiné de trois coups de feu dans la nuit du 1er novembre 1972. Irlandais installé à Bruxelles, celui-ci, selon la police, frayait avec le grand banditisme et aurait été victime d’un règlement de compte. Mais pour sa fille qui demeure inconsolable, ce meurtre reste mystérieux et c’est pour essayer de découvrir la vérité et de « voir clair dans son passé » qu’elle revient sur les lieux du crime.

Au fil des pages de ce récit joliment et subtilement mené, nous découvrons Charlie, le père de Louise, qui, pendant la Deuxième Guerre mondiale, a vécu à Berlin où il enseignait l’anglais à l’université et animait des émissions de radio en gaélique. Dans la capitale du IIIe Reich, il a fréquenté l’entourage de Von Ribbentrop et rencontré Céline qui lui a offert un exemplaire du Voyage au bout de la nuit avec cette dédicace : « A mon frère Celte, l’énigmatique Charles ». De fait, les énigmes sur sa vie au cours de cette période sont nombreuses : que faisait-il vraiment à Berlin ? Fut-il, de 1942 à 1944, le chef de la section irlandaise de l’Abwehr ? Comment a-t-il pu quitter l’Allemagne après la chute de la capitale du IIIe Reich ? S’est-il plus tard rendu en RDA et a-t-il travaillé pour la Stasi ? Autant d’interrogations qui rendent Louise encore plus perplexe lorsqu’un Français membre de la Commission européenne lui apprend que son père a organisé un trafic d’armes pour l’IRA, via la Tchécoslovaquie. L’hypothèse de son assassinat par le KGB l’effleure un moment, mais son interlocuteur penche plutôt pour les services secrets anglais, ce que dément formellement un ancien responsable de l’Intelligence Service, Lord Pakenham. Celui-ci révèle en revanche à Louise que lui et son père ont envisagé de faire signer un traité de paix entre Allemands et Alliés après la disparition du Führer. Le distingué « Lord of the Spies » lui avoue toutefois que Charlie a été un agent des services secrets de la République d’Irlande chargé de surveiller l’IRA, ses trafics d’armes et ses contacts avec le régime nazi…

Après l’effondrement du régime hitlérien, Charlie réussit à passer en Suisse, puis regagna l’Irlande, avant de se lancer dans les affaires et de s’installer à Bruxelles. Cela ne l’empêcha pas de reprendre ses activités d’agent double au service du gouvernement de Dublin et de l’IRA. Envoyé par cette dernière à Berlin pour obtenir des armes il eut pour « honorable correspondant » un ancien collaborateur de Von Ribbentrop, devenu colonel dans la Stasi et spécialiste des affaires irlandaises…

Outre les deux principaux protagonistes du livre, Charlie et Louise, un troisième personnage occupe une place importante dans le roman. C’est le mari de Louise, l’écrivain Liam O’Reilly, celui qu’elle appelle le « cher vieux druide », fidèle aux « anciens Dieux » et à « l’Ancienne Religion des feux et des purifications, des festins et des poèmes, de l’hydromel ambré dans les coupes, du saumon sacré… » Elle lui adresse régulièrement de longues missives qui sont comme le journal de bord de son enquête.

Si, grâce à ses multiples interlocuteurs, Louise a pu retracer le parcours « ondoyant et divers » de Charlie, elle n’a pas réussi à savoir par qui et pourquoi son père a été assassiné. Une dernière tentative lui permettra-t-elle de lever le mystère ? On laissera au lecteur le soin de découvrir le dénouement de cette « ténébreuse affaire ».

En toile de fond de l’enquête de Louise et de l’existence de Charlie, Bruxelles, cette « ville improbable et attachante », apparaît comme le cœur et l’âme du roman. Tout au long des cinq chapitres qui portent chacun le nom d’une rue ou d’une place bruxelloise, on passe de l’avenue de la Toison d’or à la chaussée de Charleroi, de la porte de Namur au passage du Nord, de la rue de l’Arbre-bénit à la place de Brouckère… La quête du père et de l’identité que poursuit Louise est en effet inséparable de ses déambulations dans la capitale belge. Celle-ci a beaucoup changé, certains de ses quartiers ont disparu, d’autres se sont complètement transformés, ressemblent désormais au Bronx ou sont en voie de « créolisation accélérée » ; la population de souche est parfois minoritaire et, dans le centre-ville, on croise désormais des « mahométanes en foulard ».

Porte Louise est un roman d’espionnage plus proche de ceux de John Le Carré ou de Vladimir Volkoff que de ceux de Gérard de Villiers ou de Ian Fleming. Mais en le lisant c’est surtout au film d’Éric Rohmer, Triple Agent, que nous avons songé, éprouvant le même plaisir à la lecture de l’un qu’au visionnage de l’autre. Comme l’écriture cinématographique de Rohmer, la langue de Christopher Gérard est élégante, concise et précise. Mais il écrit aussi avec gourmandise lorsqu’il évoque une dégustation de charcuterie du Sud-Ouest arrosée de « deux fillettes de Chinon frais, légèrement fumé […] doux comme du lait » ou, dans un restaurant libanais, un plateau de mezzés avec son « hachis vinaigré de persil, d’oignons et de tomates, [son] onctueuse purée de pois chiches et [son] caviar d’aubergine au goût fumé ». Ce fin gourmet lettré n’est pas non plus dénué d’humour : tel Alfred Hitchock dans ses films, l’auteur apparaît au détour d’une page de son livre et n’hésite pas à appeler Parvulesco le commissaire européen qui officie à Bruxelles… Ici encore, jeu de miroir littérature-cinéma et clin d’œil aux happy few puisque ceux-ci n’ignorent pas que le romancier et essayiste Jean Parvulesco apparaît notamment dans le film de Jean-Luc Godard A bout de souffle sous les traits de Jean- Pierre Melville, et en personne dans L'Arbre, le maire et la médiathèque d’Éric Rohmer.

Ce roman à la fois nostalgique et allègre, où des personnages captivants traversent le labyrinthe d’une ville et de l’Histoire, est un régal pour les amoureux de vraie littérature. A la manière du « Bien joué, Callaghan », expression utilisée à plusieurs reprises dans le livre et probablement empruntée à Peter Cheney, disons pour conclure « Bien joué, Gérard » !

Didier Marc
13/10/2010

Correspondance Polémia – 21/10/2010

dimanche, 24 octobre 2010

Hergé (1907-1983) et la tradition utopique européenne

Hergé (1907-1983) et la tradition utopique européenne

 
Par Daniel Cologne  
 
 

HergéGeorges Remi (devenu Hergé par inversion des initiales) est né à Etterbeek (Bruxelles) le 22 mai 1907 à 7h30. Il aimait à rappeler cette naissance sous le signe des Gémeaux (1). Peut-être explique-t-elle la récurrence du thème de la gémellité dans ses albums (les DupontDupond, les frères Halambique, etc.).

 

Il est également vrai que son père avait un frère jumeau. L’horoscope serait-il sans importance ? Rien n’est moins sûr. Remarquons-y la culmination exacte de Saturne (conjoint au Milieu du Ciel à 25°38’ des Poissons), statistiquement en relation avec un grand intérêt pour les savants et la science lato sensu (2).

Hergé grandit et évolue dans un milieu catholique, belgicain, fascisant et colonialiste. Tintin au Congo exalte la politique paternaliste de la Belgique en Afrique centrale. Les albums situés « au pays des soviets » et en Amérique renvoient dos à dos le communisme totalitaire et la frénésie capitaliste de l’exploitation industrielle.

Mais dès 1934, Hergé élargit sa perspective tandis que Tintin fait route vers l’Orient.

Dans Les Cigares du Pharaon, le professeur Philémon Siclone inaugure la galerie des portraits d’hommes de connaissance. Ceux-ci sont égyptologue, sigillographe (Halambique dans Le Sceptre d’Ottokar), ethnologue (Ridgewell dans L’Oreille cassée), psychiatre (Fan Se Yeng dans Le Lotus bleu), physicien (Topolino dans L’Affaire Tournesol). Quant à Tournesol lui-même, qui devient un personnage récurrent à partir du Trésor de Rackham le Rouge, il s’intéresse autant à la culture des roses (Les Bijoux de la Castafiore) qu’aux techniques de falsification de l’essence (Tintin au pays de l’or noir).

L’Île Noire envoie Tintin au large des côtes écossaises. Dans un château en ruines sévit une bande de faux-monnayeurs. La succession de symboles est évidente. Cet album de 1937 offre la contrefaçon de l’utopie insulaire, vieux thème de la littérature européenne de l’Atlantide platonicienne à sa version modernisée de Francis Bacon (1561-1626), de « l’île blanche » des Hyperboréens à la Cité du Soleil de Tommaso Campanella (1568-1639).

Au Moyen Âge, dans les récits du cycle du Graal, le château se substitue à l’île comme lieu utopique et objet de la quête.

Les premiers dessins d’Hergé paraissent dans le quotidien bruxellois Vingtième Siècle dirigé par l’abbé Wallez. Mais en 1936, l’hebdomadaire parisien Cœurs Vaillants sollicite Hergé pour la création de nouveaux personnages : Jo, Zette et leur petit singe Jocko.

Dans ces nouvelles aventures se confirment à la fois les influences de la tradition utopique européenne, les préfigurations thématiques des chefs d’œuvre futurs et la volonté d’Hergé d’en finir au préalable avec les contrefaçons.

Jo et Zette sont confrontés à des pirates qui annoncent les flibustiers du Secret de la Licorne et dont le repaire sous-marin renvoie aux motifs de l’utopie et de la contre-utopie souterraines. Le chef des pirates est un savant fou, reflet inversé du scientifique inspirant au saturnien Hergé un indéfectible respect. Les deux enfants et leur singe sont finalement recueillis sur une île par de « bons sauvages », réminiscences de Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814). Le jeune Hergé n’est-il pas aussi l’auteur d’un Popol et Virginie chez les Lapinos, bande dessinée animalière dont le titre rappelle l’œuvre maîtresse du célèbre écrivain préromantique ?

La question des sources littéraires d’Hergé demeure controversée. Benoît Peeters estime par exemple excessifs les rapprochements qui ont été faits entre Jules Verne et Hergé.

Il n’en reste pas moins que le savant fou de la contre-utopie du fond des mers mène ses expériences dans sa cité-laboratoire à la manière de Mathias Sandorf dans son île utopique.

Dès 1942, au cœur du « combat de la couleur » (3), Hergé reçoit l’assistance d’Edgar-Pierre Jacobs pour le coloriage de ses albums antérieurs conçus en noir et blanc.

Lorsque Tintin devient un hebdomadaire en 1946, la collaboration de Jacobs s’avère précieuse. Les aventures de Blake et Mortimer reprennent le thème du savant fou (Septimus dans La Marque jaune), parfois récurrent (Miloch dans S.O.S. Météores et Le Piège Diabolique), le tandem Septimus-Miloch s’opposant par ailleurs au savant idéal que constitue le professeur Mortimer.

Parmi les autres collaborateurs du journal Tintin d’après-guerre, Raymond Macherot combine la bande dessinée animalière et l’utopie. Dans Les Croquillards, Chlorophylle et son ami Minimum parviennent à dos de cigogne dans l’île australe de Coquefredouille, où les animaux parlent comme les humains, circulent dans des voitures qui fonctionnent à l’alcool de menthe et sont organisés en une société idéale jusqu’à l’arrivée d’Anthracite, le rat noir perturbateur.

Chlorophylle et Minimum forment un couple inséparable, comme Tintin et le capitaine Haddock à partir du Crabe aux pinces d’or (1941). Chlorophylle rétablit le roi Mitron sur son trône de Coquefredouille de la même façon que Tintin restaure la monarchie syldave dans Le Sceptre d’Ottokar (1938).

La Syldavie est la principale utopie d’Hergé. Avant la guerre, elle n’est encore qu’un petit royaume d’Europe centrale reposant sur des traditions agricoles et menacée par des conspirateurs au service de la Bordurie voisine. L’Allemagne hitlérienne vient d’annexer l’Autriche. Comme pour la guerre entre le Paraguay et la Bolivie (devenus San Theodoros et Nuevo Rico dans L’Oreille cassée), Hergé s’inspire de l’actualité.

Trop perméable à « l’air du temps », Hergé se rend coupable de quelques dérapages dans L’Étoile mystérieuse (1942). Cet album nous interpelle surtout parce qu’il narre une sorte de navigation initiatique (4), à la manière du mythe grec de Jason et des Argonautes, vers une forme d’« île au trésor » (5). L’aérolithe qui s’abîme dans les flots arctiques recèle un métal inconnu sur Terre. Ce métal est la « Toison d’Or » découverte par Tintin, Haddock et leurs amis savants européens au terme d’une course qui les oppose à des Américains sans scrupules.

Onzième album dans une série de vingt-deux, en position centrale dans le corpus hergéen des aventures de Tintin, Le Trésor de Rackham le Rouge synthétise les thèmes utopiques de l’île, du château et du souterrain. Conçu en 1944, cet album met en scène une navigation infructueuse vers une île lointaine et la découverte finale du trésor dans la crypte du château de Moulinsart, et très précisément dans une mappemonde surmontée d’une statue de l’apôtre Jean. L’Apocalypse de Jean comporte vingt-deux chapitres. Cette apparente influence ésotérique sur Hergé est-elle due à la fréquentation de Jacques Van Melkebeke, initié à la Franc-Maçonnerie en 1937 ? Benoît Peeters en paraît convaincu (6).

Une chose est certaine : l’incontestable érudition littéraire de Van Melkebeke autorise à reposer le problème des sources d’Hergé, sur lesquelles le créateur de Tintin a peut-être été trop modeste (7).

Si l’île et le château sont deux thèmes majeurs de la tradition utopique européenne, l’un apparaît en filigrane de l’autre dans Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier (1886-1914), dont aucun biographe d’Hergé ne signale l’influence. Le château des Galais est l’objet de la quête de Meaulnes. Le récit est criblé d’images marines. Alain-Fournier rêvait de devenir navigateur et a raté le concours d’admission à l’École Navale de Brest. La casquette à ancre de Frantz de Galais fait penser à celle du capitaine Haddock.

C’est avec des métaphores marines que Charles Péguy (1873-1914) présente sa région de la Beauce à Notre-Dame de Chartres, illustre vaisseau de l’architecture gothique. Péguy est un ami d’Alain-Fournier, originaire de Sologne, de l’autre côté de la Loire. Péguy est le chantre de la « cité harmonieuse » dont « personne ne doit être exclu ». Péguy est l’écrivain de référence des milieux catholiques des années vingt. L’ambiance intellectuelle où baigne le jeune Georges Remi et certains leitmotive de l’œuvre d’Hergé invitent à l’hypothèse d’une influence de Péguy et d’Alain-Fournier (8) sur le créateur de Tintin.

L’utopie souterraine apparaît dans la littérature européenne au XVIIe siècle avec l’Anglaise Margaret Cavendish (9) et dans l’œuvre d’Hergé dans l’immédiat après-guerre avec Le Temple du Soleil.

C’est en réalité la seconde partie d’un diptyque commencé avec Les Sept Boules de cristal, où l’on retrouve, comme dans L’Étoile mystérieuse, une expédition de sept savants, dont l’américaniste Bergamotte, spécialiste ès sciences occultes de l’ancien Pérou.

Cachée dans les contreforts des montagnes andines, la cité des Incas est atteinte après la périlleuse traversée d’une forêt. Le thème de l’épreuve forestière fait écho aux romans du Graal et à certains contes de Perrault (1628-1703), comme La Belle au bois dormant, dont une version est également fournie par Grimm (1786-1859).

Certes, les Incas punissent le sacrilège de mort et leur science n’est pas, sous le crayon d’Hergé, assez évoluée pour prévoir une éclipse solaire. Néanmoins, leur cité souterraine, qui abrite un trésor dérobé aux regards rapaces des conquistadores, est une sorte d’utopie dans la mesure où l’on y cultive les valeurs chevaleresques, le respect de la parole donnée, la réconciliation et la fraternisation avec l’adversaire. Au début de l’aventure, Tintin défend un petit Indien persécuté par d’odieux colons espagnols. Le grand prêtre inca observe en cachette la scène. Il comprend que Tintin n’est pas un ennemi de sa race. Bien qu’il soit chargé de barrer à Tintin la route du repaire montagnard, il lui offre un talisman protecteur.

Selon Raymond Trousson, l’étymologie du mot « utopie » est incertaine. Le terme vient du grec. Mais la racine est-elle ou-topos (le pays de nulle part) ou bien eu-topos (l’endroit où on est bien) ? L’œuvre d’Hergé est utopique dans les deux acceptions du vocable. Le château de Moulinsart est une « eutopie ». L’île au trésor inaccessible est une « outopie », cette terra australis dont ont rêvé de nombreux écrivains d’Europe, de Thomas More (1478-1535) à Nicolas Restif de la Bretonne (1734-1806).

L’utopie souterraine est conçue par Hergé comme une cité de la science (10), cachée dans les montagnes de Syldavie. De là part l’expédition vers le satellite de la Terre dans le célèbre diptyque du début des années cinquante : Objectif Lune et On a marché sur la Lune. Ainsi modernisée, la Syldavie refait irruption dans l’univers hergéen. Un savant-traître ne peut pas être totalement mauvais. Pour permettre aux autres occupants de la fusée d’économiser l’oxygène et de revenir sur Terre vivants, Wolff se sacrifie en se jetant dans le vide. Le suicide de Wolff est une autre forme de l’hommage d’Hergé à la science et aux savants.

La Syldavie apparaît une dernière fois dans L’Affaire Tournesol (1956). Pour Hergé commence l’époque du désenchantement, du brouillage des repères, de la progressive indistinction des valeurs. Les services secrets syldaves et bordures sont renvoyés dos à dos, comme le sont, dans Tintin et les Picaros (1974), les deux généraux de San Theodoros, le vieil ami Alcazar et son rival Tapioca.

Certes, entre-temps, il y a encore Tintin au Tibet (1960), Vol 714 pour Sydney (1968), où Hergé fait une concession à la mode « ufologique » (hypothèse des visiteurs extra-terrestres) et Les Bijoux de la Castafiore (1963), où Tintin se laisse enchanter par des airs de musique tzigane et où le château utopique de Moulinsart offre une étonnante unité de lieu. Les Tziganes sont accueillis dans le domaine, car ils ne sont pas « tous des voleurs », comme l’affirment stupidement les Dupont-Dupond.

L’esprit européen d’Hergé réside dans le mélange de fascination du savoir et de culte des vertus chevaleresques. Il faut y ajouter l’ouverture à l’Autre, malgré les bavures de la période d’occupation nazie. Car une question mérite d’être posée : le malencontreux financier juif de L’Étoile mystérieuse pèse-t-il si lourd au point de contrebalancer à lui seul la défense des Peaux-Rouges chassés de leur territoire pétrolifère, le secours porté au tireur de pousse-pousse chinois, au petit Zorrino et aux Noirs esclaves de Coke en Stock, la nuance admirative qui accompagne le commentaire de Tintin devant le seppuku du « rude coquin » Mitsuhirato, le plaidoyer pour les « gens du voyage » et leurs violons nostalgiques ?

Si nous sommes avec Benoît Peeters d’« éternels fils de Tintin », c’est parce que nous sommes des Européens capables de nous laisser bercer par des chants tziganes montant des clairières proches de Moulinsart et de toutes les forêts abritant nos châteaux de rêve.

Notes

1 : Benoît Peeters, Hergé. fils de Tintin, Paris, Flammarion, collection « Grandes Biographies », 2002, p. 26.

2 : Michel Gauquelin (1920-1991), Le Dossier des influences cosmiques, Éditions J’ai lu, 1973, et Les Personnalités planétaires, Guy Trédaniel Éditeur, 1975.

3 : Benoît Peeters, op. cit., p. 199.

4 : Jacques Fontaine, Hergé chez les initiés, Dervy-Livres, 2001.

5 : Le parallélisme entre Hergé et l’Écossais Robert Louis Stevenson (1850-1894) est remarquablement étudié par Pierre-Louis Augereau dans son Tintin au pays des tarots, Le Coudray-Maconard, Éditions Cheminements, 1999.

6 : Benoît Peeters, op. cit. Van Melkebeke est cité une quarantaine de fois, du début (p. 36) à la fin (p. 439) de l’ouvrage.

7 : Pudeur et modestie sont aussi des traits « saturniens » selon les statistiques astrologiques de Gauquelin.

8 : Sur la spiritualité d’Alain-Fournier, cf. Lettre inédite d’Isabelle Rivière (sœur du romancier) à Mademoiselle Renée Bauwin (étudiante à l’Institut des Sœurs de Notre-Dame de Namur), 22 janvier 1962.

9 : Raymond Trousson, Voyages aux pays de nulle part. Histoire littéraire de la pensée utopique, Éditions de l’Université Libre de Bruxelles, 1999.

10 : On peut la rapprocher de la « Maison de Salomon » de Francis Bacon (Nova Atlantis), qui inspira la Royal Society anglaise.

Texte paru précédemment dans Europe-Maxima

Le 3 mars 2003 correspondait au vingtième anniversaire de la mort d’Hergé. 2007 verra le centenaire de sa naissance. Opportun est le moment de retracer l’itinéraire du créateur de Tintin.

samedi, 23 octobre 2010

Edgar-P. Jacobs (1904-1987): un maître de la "littérature dessinée"

EDGAR–P.JACOBS (1904-1987) : UN MAÎTRE DE LA « LITTERATURE DESSINEE »

A Clément Degeneffe (1939-1959)

Peu de temps avant sa tragique disparition dans un accident de voiture, ce cousin germain (du côté de ma maman) m’offrit l’album La Marque Jaune d’Edgar-P.Jacobs.

Dans l’Angleterre automnale des années 1950, le récit commence en des termes qui auraient pu me faire pressentir qu’un jour on parlerait, non plus de « bande dessinée », mais de « littérature dessinée ».

« Big Ben vient de sonner une heure du matin. Londres, la gigantesque capitale de l’Empire britannique, s’étend, vaste comme une province, sous la pluie qui tombe obstinément depuis la veille. Sur le fond du ciel sombre, la tour de Londres, cœur de la « City », découpe sa dure silhouette médiévale ».

J’avais 12 ans, j’étais familier d’Hergé et des scénaristes et dessinateurs du journal Tintin, mais je ne me rappelais aucune pareille élégance stylistique, sauf peut-être chez Cuvelier et ses aventures de Corentin, dont un autre cousin (du côté paternel cette fois) m’avait fait aussi cadeau d’un album.

Jacobs-photoEdgar-P.Jacobs naît le 30 mars 1904. Ses parents habitent alors dans le quartier du Sablon, non loin du Conservatoire de Bruxelles, dont il deviendra un brillant élève. Il exercera notamment ses talents de chanteur lyrique à Lille. Son expérience scénique et musicale lui servira dans sa technique ultérieure du dessin. Qu’on se rappelle par exemple l’épisode de La Marque Jaune où le malfaiteur marche sur un câble et apparaît dans la clarté du projecteur que les policiers braquent sur lui. Un biographe de Jacobs résume son œuvre dessinée en un « opéra de papier ».

Tout au long de son parcours dans les écoles laïques (primaires et secondaires) et dans l’enseignement supérieur artistique, Jacobs noue des relations très étroites avec Van Melkebeke et Laudy. Les trois jeunes gens deviennent d’inséparables amis pour la vie. Jacques Van Melkebeke est un touche-à-tout très doué qui tombe en disgrâce après 1945 pour avoir collaboré à un journal contrôlé par l’occupant. Jacques Laudy, fils du portraitiste de la famille royale, également auteur de bande dessinée (Les Aventures d’Hassan et Kaddour), est surtout connu pour son attachement au style de vie d’autrefois et son opposition à la modernité assimilée à une décadence.

En 1942, Jacobs s’associe avec Hergé, dont il colorie les albums narrant les exploits de Tintin. Les deux hommes se brouillent rapidement et Jacobs vole de ses propres ailes à partir de 1946. Dans le Triptyque Le Secret de l’Espadon, il met pour la première fois en scène les personnages du capitaine Blake (qui ressemble physiquement à Laudy) et du professeur Mortimer (qui revêt les traits de Van Melkebeke), tandis que lui-même s’incarne dans le visage d’Olrik, le malfaiteur récurrent.

La collaboration de Jacobs et d’Hergé incite certains historiens de la B.D. à classer Jacobs dans l’école de la « ligne claire ». C’est inexact. La prédominance du noir est particulièrement visible dans La Marque Jaune et ses nombreuses péripéties automnales et nocturnes, tandis qu’Hergé produit avec Tintin au Tibet un album envahi par la couleur blanche comme les neiges de l’Himalaya, c’est-à-dire de tendance esthétique tout à fait à l’opposé de celle de Jacobs.

L’immédiat après-guerre et les années de « guerre froide » constituent l’arrière-plan historique de l’œuvre de Jacobs et expliquent pourquoi ses deux héros sont britanniques et l’antagonisme Orient-Occident est présenté à l’avantage du second. Dans Le Secret de l’Espadon, l’Ouest est menacé par un empire oriental centré sur Lhassa. Dans S.O.S. Météores, des espions au service de l’Est préparent une conquête de l’Europe à la faveur d’une apocalypse climatique.

Dans La Marque Jaune, dont je propose à présent une lecture approfondie, Blake et Mortimer forment plus que jamais un couple complémentaire. L’un illustre l’action, l’autre le savoir. Mais il ne s’agit pas d’une vision dualiste, car Philip Mortimer n’hésite pas à prendre des risques physiques et il arrive à Francis Blake de prendre de la hauteur par rapport aux événements et de les synthétiser en une théorie.

Jacobs-grande pyramideComme chez Hergé et la plupart des premiers collaborateurs du journal Tintin (fondé en 1946), la femme tient peu de place dans le petit monde de Blake et Mortimer. Ce dernier utilise la concierge Miss Benson pour éloigner les importuns. Notons néanmoins la douceur de Madame Calvin, l’épouse du juge, qui tente de persuader son mari de se laisser protéger par la police.

Miss Benson joue aussi le rôle de gouvernante pour les deux héros qui partagent le même appartement. Le procédé est utilisé par d’autres grands auteurs de polars : Conan Doyle et Agatha Christie. Le couple Blake-Mortimer est analogue aux tandems Holmes-Watson et Poirot-Hastings, avec cette importante différence : l’un des deux éléments de la paire ne sert pas de faire-valoir à l’autre. Blake et Mortimer fonctionnent sur un strict pied d’égalité, alors que Sherlock Holmes ironise au détriment du docteur Watson et qu’Hastings est le souffre-douleur d’Hercule Poirot.

Au niveau du suspense, et pour comparer avec des séries télévisées bien connues, La Marque Jaune est plus proche des enquêtes de Columbo (où le coupable est connu dès le début) que des Cinq dernières minutes et leur coup de théâtre final.

Le lecteur est tenu en haleine par l’investigation de Mortimer tout comme l’intérêt de la célèbre série californienne dépend de l’intelligence du lieutenant à la voiture branlante et à l’imperméable fripé.

Mortimer commence à entrevoir la solution de l’énigme dès la page 18 d’un album qui en compte 70.

Certains propos tenus par Septimus dès la page 10 peuvent le désigner comme le suspect principal. Le suspense est alors lié aux astuces technologiques qu’il déploie pour faire d’Olrik le robot parfait, dont il contrôle le cerveau et qui signe ses crimes à la craie jaune avec la lettre mu entourée d’un cercle.

Le dénouement réside dans l’exposé scientifique de Septimus qui rappelle la conférence finale d’Hercule Poirot dans les romans d’Agatha Christie.

 

La Marque Jaune est un polar à l’anglaise auquel Jacobs ajoute une touche d’épopée de la vengeance (comme dans le roman français d’Alexandre Dumas à Boris Vian) et, surtout, l’ingrédient qui l’apparente à Georges Simenon et Stanislas-André Steeman : l’énigme policière combinée au récit d’atmosphère.

Jacobs dépeint une capitale britannique noyée de pluie et de brouillard. Le Soleil est couché à 16 heures en cette fin d’automne où la neige apparaît à l’approche de Noël. L’heureuse fin de l’aventure coïncide avec la soirée de réveillon.

Le récit de science-fiction est évidemment un autre genre dans lequel se situent les albums de Jacobs, avec en filigrane une interrogation sur les rapports de la science et de l’homme. Celui-ci est au-dessus de celle-là : telle est la conclusion de La Marque Jaune. Compréhensible dans le contexte historique de la victoire des Alliés anglo-saxons, cet humanisme tolère toutefois quelques nuances, si on lit le récit entre les lignes et si on le narre du point de vue du « méchant », c’est-à-dire le docteur Jonathan Septimus.

Septimus ne symbolise pas le Mal absolu. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il se révèle un irréprochable patriote. Il confesse vers la fin du récit : « Ayant été requis par les services sanitaires de l’armée, j’obtins facilement de faire construire sous ma demeure, ce vaste abri avec sortie de secours sur les égouts, afin d’y installer une ambulance destinée à dégorger les hôpitaux débordés » (p.55).

Ce sont l’orgueil intellectuel et la soif de revanche qui entraînent à sa perte le médecin spécialisé en psychiatrie et en neurologie du cerveau. Le déclic fatal est la rencontre de Septimus et d’Olrik, ce dernier errant dans le désert du Soudan et dans un état proche de la folie après l’épilogue des albums précédents (les 2 tomes du Mystère de la Grande Pyramide). A ce moment-là, Septimus avoue : « J’avais presque oublié les avanies passées » (p.54), ce qui dénote un fond pas totalement mauvais.

L’intrigue de La Marque Jaune, album de la fin des années 1950, nous fait revenir plus de 30 ans en arrière.

En 1922 paraît chez l’éditeur Thornley un ouvrage intitulé The Mega Wave (L’Onde Mega) et signé par un certain Docteur Wade. Derrière Wade se cache en réalité Septimus, jeune chercheur en neurologie publiant le résultat de ses travaux sur le contrôle extérieur du cerveau humain.

Le journaliste Macomber et le professeur Vernay couvrent le livre de ridicule. S’estimant diffamé, Thornley intente un procès aux rédacteurs du Daily Mail et du Lancet. Le juge Calvin dirige les débats. Thornley est débouté. A l’écoute du jugement, il meurt d’une crise cardiaque. Protégé par son pseudonyme, Septimus part au Soudan où un poste de médecin est vacant.

Via des coupures de presse de l’époque, Jacobs fait revivre le drame avec objectivité (p.24). Certes, le livre de Wade est « indéfendable », car « plein de théories fumeuses », mais les plaisanteries de Macomber et Vernay sont qualifiées de « féroces ». Une « réputation d’originalité » est attribuée à Thornley, « l’honorable éditeur ». Ce drame est une « curieuse et pénible histoire » qui plonge « les éditeurs, auteurs et journalistes dans la consternation la plus profonde ».

Revenu d’Afrique avec un Olrik domestiqué, Septimus le manipule d’abord en lui faisant réaliser quelques exploits romanesques (par exemple le vol des joyaux de la Couronne britannique). Une fois son robot ainsi rôdé, Septimus peut s’attaquer à son véritable objectif : les enlèvements de Vernay, Macomber et Calvin. Il simule aussi son propre kidnapping.

Au début du récit (p.10), les quatre hommes rencontrent Blake et Mortimer dans un club typiquement british. Vernay déclare : « Ne prenez pas trop au sérieux nos petites algarades professionnelles, car en dépit de théories avancées, Septimus est un savant de valeur et par surcroît un excellent ami ». (C’est moi qui souligne).

Jacobs sous-entend que le progrès de la recherche ne souffre aucune limite et que ses résultats méritent d’être publiés sans que l’honorabilité éditoriale soit mise en cause et parce que des travaux non conformistes ont le mérite de l’originalité. Jacobs ne condamne que l’orgueil et le désir de vengeance. Son humanisme se combine donc à une apologie de l’audace techno-scientifique. Ce message nuancé est servi par un chef d’œuvre de « littérature dessinée » mêlant le polar classique au récit de science-fiction et au roman d’atmosphère. La Marque Jaune d’Edgar-P.Jacobs illustre parfaitement ce que Jean-Baptiste Baronian a nommé « l’école belge de l’étrange »

00:08 Publié dans art, Bandes dessinées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bandes dessinées, belgique, belgicana, 9ème art | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 13 octobre 2010

Francis Bergeron: une conférence sur Tintin et Hergé...

Francis Bergeron sera jeudi soir au Local pour donner une conférence sur Tintin et Hergé...

image-copie-2.jpg

dimanche, 10 octobre 2010

La critica alla democrazia in Henri de Man

La critica alla democrazia in Henri de Man

Ex: http://fralerovine.blogspot.com/ 

La democrazia come forma di dominio borghese

Il giovane De Man è ancora fedele al marxismo ortodosso, in linea con la Seconda Internazionale, ma già si delineano alcuni temi che saranno centrali nel suo pensiero. In particolare, in “L’era della democrazia” (1907) emergono tre punti fondamentali. In primo luogo, il suo socialismo ha una base volontaristica, secondo cui lotta di classe e istinto di sopravvivenza – “volontà di potenza” per usare un termine nietzscheano” – coincidono. In secondo luogo – e qui viene ribadita la sua linea radicale e non riformista –, il proletariato dovrà essere attento a non cedere agli inganni della borghesia, bensì mantenersi puro e intransigente per conquistare il potere. Egli, infatti, riconosce il carattere precedentemente rivoluzionario della borghesia, ma ammonisce a non confondere la rivoluzione borghese con quella proletaria.

 

1. La crescita parallela dei movimenti socialisti dei lavoratori e del movimento democratico di parte della borghesia, come abbiamo visto negli ultimi anni, in particolare da noi in Francia, Inghilterra, Olanda e Belgio, ha portato molti membri del nostro partito alla conclusione che, siccome entrambi i fenomeni sono portati avanti dalla medesima causa e per lo stesso scopo (la “democrazia” che infine diverrà “socialista”), così il progresso della democrazia e quello del movimento dei lavoratori sarà simile, combinato, inseparabile. Bene, questa conclusione è erronea, questa conclusione è falsa, questa conclusione è pericolosa.

 

In terzo luogo, però, il proletariato, man mano che acquisterà coscienza di classe, sarà in grado di vincere la borghesia con le proprie forze, sfruttando le stesse condizioni della democrazia borghese.

 

2. Sarebbe il peggior tipo di pessimismo concludere che non dobbiamo aspettarci immediati miglioramenti politici, che dobbiamo fermarci e riporre tutta la nostra speranza nel sovvertimento rivoluzionario della società capitalista. No; la democrazia politica – cioè, un minimo di diritti politici e legalità – è la condizione assolutamente indispensabile per il successo della rivoluzione sociale […]. Ma il proletariato sarà sempre più l’unica forza a sostenere tutte le battaglie per la democrazia e dovrà dipendere sulle sue risorse per la realizzazione della democrazia. Man mano che la democrazia diventa più indispensabile per il proletariato, diviene più pericolosa per la borghesia, e man mano che la lotta per ogni frammento di libertà e legalità diventa più difficile, sempre più s’avvicina a quella lotta finale in cui non ci sarà quartiere, dove la posta sarà il controllo del potere politico, la stessa esistenza dello sfruttamento capitalistico e della democrazia a uno e a un medesimo tempo.

 

Fin dall’inizio, quindi, il rapporto con la democrazia borghese, in quanto sistema politico reale e quotidiano in cui ci si trova ad operare e che occorre affrontare, risulta fondamentale nell’opera di De Man, il quale però ammonisce che la democrazia può spianare la strada al proletariato ma non è in sé una condizione sufficiente, tale da condurre automaticamente al socialismo.

 

3. Dunque, nella nostra lotta, non lasciamo che illusioni sulla misericordia della borghesia, né fiducia nella sincerità delle loro convinzioni democratiche, confondano la consapevolezza di classe del proletariato. La posta della battaglia è ben maggiore che un po’ di legalità o solo una riforma, ben più grande di quanto una rivoluzione borghese abbia mai tentato. E il proletariato ha un’arma molto più forte e formidabile di quanto la borghesia ne abbia mai usate. Non l’ha forgiata a partire dall’idea democratica – e dal fraseggio di un impotente classe in declino. Come il giovane eroe nel Sigfrido di Wagner, vede ciò con distacco […]. E forgerà la sua spada per salvare il mondo a partire dalla forte organizzazione di classe e con eroica coscienza di classe.

 

Infatti, approfondendo la sua preparazione teoretica e la sua conoscenza della democrazia liberale, De Man sarà sempre più cauto e guardingo relativamente all’attrazione del liberalismo e del riformismo sul proletariato. Particolarmente interessanti sono le sue lettere da London, pubblicate nel 1910 sul “Leipziger Vokszeitung” come “Lettere di viaggio socialiste”, laddove egli descrive come il partito laburista sia del tutto integrato in quello liberale e, perciò, funzionale agli stessi interessi borghesi, mentre invece quelli dei proletari sono ignorati o calpestati.

 

4. È del tutto ovvio che la natura della competizione elettorale tra i due grandi partiti borghesi, che almeno a Londra monopolizza quasi il campo di battaglia, è una competizione per catturare i voti del lavoratore attraverso trucchi pubblicitari da poco, così che il partito che ha meno scrupoli e più denaro vincerà. Perché alla fine, l’essenza del senso politico nel sistema elettorale inglese è questo: trasformare il potere finanziario delle classi proprietarie in potere politico in modo che il diritto di voto dei lavoratori sia reso un modo di preservare la loro dipendenza intellettuale e politica dai partiti borghesi.

 

L’analisi e la critica del sistema democratico inglese prosegue toccando altri punti fondamentali, quali la legge elettorale in sé, la quale esclude il voto femminile, riduce l’elettorato ai soli possidenti o affittuari benestanti, garantisce il voto plurale a laureati e proprietari terrieri, ed è basata su un sistema maggioritario, per cui in ogni collegio è eletto solo il singolo candidato che ottiene la maggioranza relativa. Inoltre, egli descrive la conduzione della campagna elettorale presso i lavoratori con distribuzione gratuita di alcoolici, propaganda di massa e addirittura l’organizzazione delle masse stesse al voto. Il termine che meglio descrive l’atteggiamento delle classi dominanti verso la classe operaia è “condiscendenza”.

 

5. Il movimento socialista operaio è trattato dalla classe dominante in Inghilterra in completo contrasto con il socialismo e con il movimento operaio. Mi esprimerò più chiaramente: il socialismo come teoria sociale e filosofica non appare come minaccioso per il corpo della borghesia, finché esso non trova sostenitori nei circoli intellettuali borghesi […]. In breve, il socialismo qui è ancora socialmente accettabile, come non lo è stato per lungo tempo in Germania. La borghesia inglese molto tempo fa ha fatto pace con il movimento dei lavoratori a patto che non fosse socialista, cioè, con il movimento sindacale di vecchio stampo.

 

Tuttavia, come fa notare De Man, alla “carota” viene affiancato il “bastone”: i metodi repressivi non sono meno assenti nella democrazia liberale, semplicemente essi sono usati con maggiore parsimonia e oculatezza. Questo è particolarmente evidente nel modus operandi della polizia inglese, in realtà non molto dissimile da quella prussiana, nonostante la differenza di regime, in linea teorica.

 

6. Alla fine il parallelo tra i “bobbies” e i “Bleus” riflette fondamentalmente quello tra le due forme di governo, il borghese liberale e lo Junker reazionario, in generale. Queste sono le due forme democratiche di oppressione politica del proletariato nell’era capitalista; la prima è la più ragionevole, la seconda la più brutale. Questo non significa che la polizia di Londra non possa e non si sia comportata in modo brutale. Ma questo ha luogo non regolarmente ma solo in circostanze straordinarie, cioè, quando è considerato davvero indispensabile.

 

In sintesi, il giovane De Man prende una posizione molto dura verso la democrazia borghese, liberale o autoritaria che sia. Se da una parte, infatti, riconosce che all’interno di essa è possibile trovare gli strumenti per portare avanti la lotta di classe, pure è consapevole che a un certo punto sarebbe risultata inevitabile la rivoluzione.

La democrazia come tappa intermedia

Nel 1914, con l’invasione del Belgio da parte tedesca, questa visione secondo cui non c’era differenza tra i vari regimi borghesi e imperialisti doveva cambiare radicalmente. Le democrazie occidentali parevano, infatti, garantire maggiori possibilità ai movimenti operai rispetto agli imperi centrali. Altrettanto importanti furono le sue esperienze di viaggio in Unione Sovietica e negli Stati Uniti, che lo convinsero della necessità di un ordinamento democratico come tappa intermedia tra il capitalismo e il socialismo. In quest’ottica egli arrivò a contrapporre all’URSS, che egli accusava di eccessiva furia nel tentare d’imporre le conquiste del socialismo a un proletariato ancora impreparato, gli Stati Uniti, dove invece vedeva quasi compiute le basi democratiche del socialismo.

Henri De Man, ne traccia una sintesi nell’articolo “La lezione della guerra”, comparso su “Le Peuple” nel 1919. Egli è però attento a sottolineare come la sua posizione non fosse stata immediatamente interventista come molti altri socialdemocratici e socialisti europei, bensì meditata alla luce degli eventi da lui vissuti tra il 1915 e il 1918, e frutto di una coscienza tormentata dalla consapevolezza delle contraddizioni.

 

7. Al fine di evitare ogni incomprensione, devo dichiarare che, anche se io ero un ufficiale associato all’azione del governo durante la guerra con due missioni ufficiali all’estero – in Russia nel 1917 e negli Stati Uniti nel 1918 – non sono mai stato tra quelli che hanno perso la loro autonomia morale per l’intossicazione del patriottismo ufficiale e dello sciovinismo militarista. Io ero un socialista antimilitarista e internazionalista prima della guerra. Credo di esserlo ancora di più ora. Forse lo sono in modo differente, ma certamente non in misura meno profonda o meno sentita. È precisamente perché io considero il socialismo una realtà urgente e ancora più ineluttabile che mai che esso mi appare da una prospettiva differente dalle mie opinioni del 1914. La revisione delle mie idee è dovuta soprattutto al fatto che per tre anni sono state letteralmente sottoposte alla prova del fuoco.

 

De Man propone in queste pagine però una svolta di entità non indifferente, anzi una vera e propria revisione del marxismo, dovuta ad esperienze che traspaiono come traumatiche. Egli trasvaluta tutti i valori, alla ricerca di una dottrina politica che gli consenta di comprendere davvero gli eventi.

 

8. Non penso più che possiamo capire i nuovi fatti della vita sociale con l’aiuto di una dottrina stabilita sulla base di fatti precedenti e differenti. Non penso più che la toeria che vede le guerre contemporanee unicamente come il risultato di conflitti economici tra governi imperialisti sia giusta. Non penso più che i soli fenomeni economici possano fornirci la trama di tutta l’evoluzione storica. Non penso più che il socialismo possa essere realizzato indipendentemente dallo sviluppo della democrazia politica. Non penso più che al socialismo basti fare appello agli interessi di classe del proletariato industriale, disdegnando il supporto che certi interessi e ideali comuni all’intera nazione o a tutta l’umanità possono darci. Non penso più che la lotta di classe proletaria, che rimane il mezzo principale per la realizzazione del socialismo, possa condurre ad esso senza ammettere certe forme di collaborazione di classe e di partito. Non credo più che il socialismo possa consistere semplicemente nell’esproprio dei mezzi di produzione di base da parte dello Stato, senza una profonda trasformazione dei processi amministrativi per portare allo sviluppo illimitato della produttività sociale. Non penso più che una società socialista possa essere sostenuta domani se rinuncia allo stimolante che oggi è fornito dalla competizione d’imprese private e di un ineguale frutto del lavoro, proporzionato alla sua produttività sociale. Credo in un socialismo più a portata di mano, più pragmatico, più organico – in una parola, più umano.

 

Egli spiega poi le sue motivazioni di contro al marxismo internazionalista, adducendo come tappa necessaria sul cammino verso il socialismo l’autonomia nazionale e la democrazia politica, entrambe ancora da raggiungere nelle due grandi nazioni europee dove era stata tentata la rivoluzione bolscevica, ovvero Russia e Germania, in quanto nazioni ancora rette da una monarchia di diritto divino. In quest’ottica, la guerra delle potenze dell’Intesa era giustificata anche da un punto di vista socialista proprio perché portava a termine quella rivoluzione borghese di cui parlava Marx. De Man continua a fare riferimento al filosofo di Treviri, anche se ne critica l’economicismo.

 

9. Il metodo del materialismo storico fondato da Marx ci ha abituati troppo a vedere solo il lato economico dei fatti della vita sociale. D’altra parte, il marxismo è stato represso troppo fortemente dal socialismo di Germania e Russia, due Paesi dove la mancanza d’istituzioni democratiche e, quel che è peggio, di tradizioni democratiche ha necessariamente avuto ripercussioni sul punto di vista dei lavoratori.

 

Egli ha ben presente che non è stata una guerra rivoluzionaria socialista, ma nondimeno è stata una guerra rivoluzionaria democratica. Passando poi a confrontare Stati Uniti e Russia, sottolinea le migliori condizioni del primo Paese, in confronto al secondo dove il proletariato, mancando di un’educazione democratica, non è stato in grado di gestire il potere conquistato.

 

10. In Russia, ho visto socialismo senza democrazia. In America, ho visto democrazia senza socialismo. La mia conclusione è che, per parte mia, preferirei, se dovessi scegliere, vivere in una democrazia senza socialismo che in un regime socialista senza democrazia. Questo non significa che io sia più democratico che socialista. Molto semplicemente significa che la democrazia senza socialismo è pur sempre democrazia, mentre il socialismo senza democrazia non è nemmeno socialismo. La democrazia, essendo il governo della maggioranza, può condurre al socialismo, se la maggioranza è a favore di esso; il socialismo, se non è basato sul governo della maggioranza, è un regime dispotico, il che significa o guerra civile o stagnazione.

 

Per risolvere questo problema, il proletariato dovrebbe includere non solamente gli operai, ma anche i tecnici e gli intellettuali, i quali vendono anch’essi la loro forza lavoro, sia pure più specializzata, il che fa di loro dei proletari.

 

11. Non sarei un socialista se non credessi che questa capacità si può trovare in nuce nel proletariato – a condizione che l’espressione includa oltre ai lavoratori manuali coloro, come i tecnici, i colletti bianchi, gli ingegneri, gli studiosi e gli artisti, che oggi vendono la loro forza lavoro intellettuale sul mercato del mondo capitalista. Ma poiché questo nucleo possa svilupparsi e rendere più che non solo vantaggi temporanei, un lungo periodo di adattamento della classe lavoratrice ai nuovi compiti di gestione sociale deve aver luogo.

 

Questa collaborazione tra le classi inferiori, sostiene De Man, ha già in realtà visto in parte la luce nelle trincee, laddove la maggioranza dei combattenti erano appunto proletari (in questo senso allargato). Qui sono state poste le basi sociali per un socialismo democratico, del tutto differente dal socialismo dittatoriale del bolscevismo sovietico.

Riguardo agli Stati Uniti, troviamo interesse nella “Lettera d’America” comparsa, sempre su “Le Peuple”, l’anno successivo. Ciò che l’autore sottolinea, sono le ottime condizioni materiali dei lavoratori americani, in particolare i contadini, rispetto a quelli europei. E a queste si accompagna una superiore istruzione e dunque una vera e propria coscienza di classe, che porrebbe le basi per un movimento socialista di successo.

 

12. Questo è un Paese che dimostra che non è la povertà che crea la più vigorosa coscienza di classe, e che un regime di sfruttamento capitalistico è più minacciato dove la gente comune ha acquisito il più alto grado di benessere materiale ed istruzione, come nel Far West americano. Tutto questo Paese è proprio ora lo sfondo di una grande rinascita della coscienza di classe, sia tra la popolazione rurale, sia tra i lavoratori urbani. È un fenomeno sorprendente, specialmente per un periodo immediatamente successivo a una guerra. La sua espressione più caratteristica è l’alleanza dei sindacati e delle organizzazioni agrarie per sostenere un programma esplicitamente collettivista.

 

La democrazia nel planismo

Il successivo percorso di studio di De Man lo portò a toccare e ad approfondire ben altri argomenti, in particolare relativamente alla critica e al superamento del marxismo da un punto di vista psicologico, come espresso in “Psicologia del socialismo” (1926). La sua critica del marxismo è funzionale però a una radicalizzazione del movimento socialista. Secondo l’autore, infatti, è nella dottrina di Marx che devono essere rintracciati quei tratti filosofici positivisti come il meccanicismo, il razionalismo, l’edonismo materialista, che favoriscono l’imborghesimento dei movimenti marxisti. Un altro problema è la tendenza alla divisione, specie nei partiti di stampo bolscevico, tra dirigenti attivi e masse passive (“Masse e capi”, 1932). Il lato più propriamente psicologico è poi approfondito in “La lotta per la gioia del lavoro” (1927), laddove esamina i moventi psicologici che influenzano positivamente il lavoratore, ovvero principalmente l’utilità sociale, l’interesse personale, e il senso dell’obbligazione sociale; e quelli che lo influenzano negativamente, come l’insicurezza e la precarietà delle condizioni di vita e di lavoro o l’impossibilità di promozione sociale.

Con “L’idea socialistica” (1933) viene finalmente approfondito un altro tema cruciale, quello dell’imborghesimento del proletario. De Man ricostruisce prima storicamente il passaggio da una borghesia lavoratrice a una borghesia proprietaria e sfruttatrice e poi osserva il processo analogo nel proletariato contemporaneo. Secondo lui, indubbiamente, ha un forte peso il miglioramento delle condizioni di vita, ma il fattore cruciale, che mina a suo parere il marxismo alla base, è il materialismo: la classe operaia lotta non per il bene dell’umanità, ma egoisticamente per il proprio benessere, mirando essenzialmente a rovesciare il dominio borghese e sostituirvisi. In questo senso, riprendendo il pensiero di Spengler e Sombart, il marxismo non è tanto un movimento opposto al capitalismo, quanto interno ad esso. Il socialismo invece doveva prescindere dagli interessi specifici della classe operaia, che a suo parere avrebbero potuto anche essere soddisfatti dal capitalismo, come negli Stati Uniti.

È proprio su queste premesse, che De Man scriverà il “Piano del lavoro” nel 1933, come programma pragmatico di riforma dello Stato dal punto di vista tanto sociale quanto economico.

 

13. L’obiettivo di questo piano è una trasformazione economica e politica del Paese, consistente in: 1) L’istituzione di un sistema economico misto che includa, oltre a un settore privato, un settore nazionalizzato che comprenda il controllo del credito e delle principali industrie che sono già monopolizzate di fatto; 2) La sottomissione dell’economia nazionale così riorganizzata a lle direttive del benessere comune mirante all’allargamento del mercato interno così da ridurre la disoccupazione e da creare condizioni che portino a un’accresciuta prosperità economica; 3) La realizzazione all’interno della sfera politica di una riforma dello Stato e del sistema parlamentare tale da creare le basi per una vera democrazia sociale ed economica.

 

Scendendo in maggiori dettagli riguardanti quest’ultimo punto, che delineino come sia mutata la concezione della democrazia propugnata da De Man, occorre consultare la settima e ultima parte del piano.

 

14. Per rinforzare le basi della democrazia e per preparare istituzioni parlamentari per la realizzazione delle trasformazioni economiche che sono delineate, la riforma dello Stato e del sistema parlamentare deve soddisfare le seguenti condizioni: 1) Tutti i poteri derivano dal suffragio universale non adulterato; 2) L’esercizio delle libertà costituzionali è pienamente garantito a tutti i cittadini; 3) Il sistema politico ed economico assicurerà l’indipendenza e l’autorità dello Stato e del potere pubblico rispetto al potere finanziario; 4) il potere legislativo sarà esercitato da una singola camera, di cui tutti i membri siano eletti con suffragio universale; 5) questa camera, i cui metodi di lavoro saranno semplificati e adattati alle necessità della moderna organizzazione sociale, saranno assistiti nell’elaborare leggi da consigli consultativi, i cui membri saranno scelti in parte fuori dal Parlamento, sulla base della loro riconosciuta competenza; 6) per evitare i pericoli dello statalismo, il Parlamento darà alle agenzie responsabili per legge della gestione dell’economia quei poteri d’implementazione indispensabili alla rapidità d’azione e alla focalizzazione delle responsabilità.

 

Nelle successive tesi di Pontigny del 1934, stabilirà il ruolo del partito all’interno della pianificazione qui delineata, ovvero la piena partecipazione, all’interno del sistema legale e politico democratico alla riforma dello Stato. Questo interventismo, unito alla delusione per l’inerzia del regime borghese e democratico sarà alla base della sua scelta, nel 1940, di appoggiare il fascismo, sperando che potesse compiere quella riorganizzazione dello Stato che né il socialismo né la democrazia erano stati in grado di intraprendere.

lundi, 12 juillet 2010

Wallonie: le retour des régionalistes

Philippe_Destatte_2009_750p.jpg« Picard » / «  ‘t Pallieterke » :

Wallonie : le retour des régionalistes

 

« La Communauté Française a dégénéré en une machine de guerre antiflamande ». Non, cette forte parole n’a pas été prononcée par Bart De Wever, chef de file de la NVA et grand vainqueur des élections législatives belges du 13 juin 2010, ou de Bruno Valkeniers, le président du Vlaams Belang, ou encore du Bourgmestre de Lennik Willy de Waele ou par un membre du CD&V démocrate chrétien flamand en phase de délire et qui aurait acquis, pour un bref laps de temps, des réflexes flamingants. Cette forte parole est celle d’un Wallon pur et dur : elle est extraite d’un entretien accordé par Philippe Destatte (photo) à l’hebdomadaire « Le Vif ».

 

Destatte n’est pas le premier venu. Il dirige l’Institut Jules Destrée. Cette institution porte le nom d’un socialiste wallingant qui avait constaté, voici près d’un siècle, « qu’il n’y avait pas de Belges ». Elle a pour objectif de promouvoir l’identité wallonne. Dans les faits, cet institut est la « boîte à penser » des régionalistes wallons. Au cours de ces dix ou quinze dernières années, l’Institut Jules Destrée n’avait plus été sous les feux de la rampe. La publication de l’Encyclopédie du Mouvement Wallon, au début de cette décennie, avait rappelé au public l’existence de l’Institut.

 

En Wallonie, Destatte et ses collaborateurs agaçaient quelque peu le petit monde de la politique. Les termes « régionalisme » et « wallingantisme » étaient devenus des gros mots. Le belgicisme (avec, à la clef, le maintien de la sécurité sociale comme compétence fédérale) avait pris le pas sur le régionalisme. Y compris dans les rangs du plus régionaliste des partis francophones du Royaume de Belgique, le PS. On avait partout mis les wallingants sur une voie de garage.

 

Depuis peu, le vent a tourné. Maintenant que la NVA vient d’obtenir une victoire électorale retentissante et que le PS est redevenu tout-puissant en Wallonie, les régionalistes wallons retrouvent une bonne occasion de revenir à l’avant-plan. Après avoir été traités en parias pendant de si longues années, ils reprennent l’offensive.

 

Ils savent ce qu’ils veulent. A leurs yeux, la Wallonie aura dans les années à venir une chance unique d’obtenir de nouvelles compétences et de mener sa propre politique, en se détachant de Bruxelles.

 

Chez les régionalistes wallons, on a toujours repéré une sorte de rejet de Bruxelles. Ou bien les Bruxellois étaient campés comme les héritiers de ces bourgeois du 19ème siècle qui avaient pompé toutes les énergies de la Wallonie et puis avaient laissé tombé cette région. Ou bien les Bruxellois sont perçus comme une bande de mendigots qui viennent quémander des sous à la Wallonie, contrecarrant de la sorte le développement économique de la région. Les régionalistes wallons actuels veulent rompre le lien entre Bruxelles et la Wallonie. Ce qui signifie la fin de la « Communauté française » (*). Les compétences dévolues à ce niveau administratif-là doivent être reprises et par la région de Bruxelles-Capitale et par la Région wallonne.

 

Destatte est un fervent partisan du démantèlement progressif de la « Communauté française ». Wallingant convaincu, il estime que ce niveau de compétences dans l’architecture institutionnelle belge est une aberration. De surcroît, ajoute Destatte, la « Communauté française » ne respecte pas la frontière linguistique. Elle a donc déchu en un instrument de combat contre les Flamands. Le directeur de l’Institut Jules Destrée, wallon de cœur, est un fervent partisan du maintien de la frontière lingustique telle qu’elle existe aujourd’hui. En défendant ce point de vue politique, il se réfère à la vieille exigence wallonne d’avoir un territoire unilingue francophone. On sait que, dans l’histoire, la demande wallonne de respecter le principe de territorialité a conduit aussi à faire de la Flandre une région unilingue. Destatte estime totalement incongru que certains Francophones veulent modifier la frontière linguistique. Le fait que la « Communauté française » est instrumentalisée pour modifier cette frontière, le fâche encore davantage. Pour Destatte, le croquemitaine n’est pas Bart De Wever mais bien Joëlle Milquet ou Olivier Maingain.

 

On pourrait penser que Destatte est un intellectuel déconnecté des réalités de ce bas monde : rien n’est plus faux. Il est un partisan acharné du transfert d’un maximum de compétences vers les régions, ce qui lui garanti l’oreille de certains milieux syndicalistes wallons.  Le chef des métallos wallons a déjà plaidé pour « une scission d’à peu près tout, sauf la sécurité sociale ». D’autres syndicalistes wallons souscrivent à ce plaidoyer.

 

Il y a aussi des politiciens wallons qui abondent dans ce sens. D’anciens chefs de file viennent de rompre le silence qu’ils s’étaient imposé pendant des années. Nous songeons surtout à Robert Collignon, ancien ministre-président wallon. Dans la plus pure tradition wallingante de respect pour le principe de territorialité, Collignon ne veut rien entendre d’un arrondissement électoral fédéral. Et il va plus loin : il vaudrait mieux, dit-il, régionaliser la fiscalité et même la justice. Refédéraliser certaines compétences relève selon lui de l’enfantillage. A ses yeux, il n’y a plus de politiciens belges, il n’y a plus que des politiciens flamands ou wallons. Lorsque des hommes politiques wallons en arrivent à de telles conclusions, nous ferions bien, nous les Flamands, d’y accorder une oreille attentive.

 

« Picard » / «  ‘t Pallieterke ».

(article paru dans « ‘t Pallieterke », Anvers, 7 juillet 2010).  

 

Note :

(*) Dans le jargon institutionnel belge, la « Communauté française » regroupe un ensemble de compétences régionales, dont l’enseignement, propres à Bruxelles et à la Wallonie. L’architecture institutionnelle belge, connue pour sa complexité, se présente comme suit : il existe un niveau fédéral, trois niveaux régionaux  et trois niveaux communautaires. Le niveau fédéral belge recouvre toutes les compétences qui ne sont pas régionalisées ou communautarisées. Les régions sont la Région flamande, la Région wallonne et la région de Bruxelles-Capitale. Elles ont des limites territoriales bien définies. Les communautés regroupent les citoyens par affinités linguistiques ; elles sont au nombre de trois : la communauté flamande, qui coïncide avec la région flamande et a fusionné avec elle ; la communauté française regroupe les Wallons francophones (à l’exclusion des germanophones vivant dans les cantons de l’Est de la Région wallonne, soit les cantons d’Eupen et de Saint-Vith) ; la communauté germanophone qui exerce ses compétences sur les cantons d’Eupen et de Saint-Vith. La Communauté française exerce des compétences sur les régions de Bruxelles-Capitale  (dix-neuf communes) et sur la Région wallonne, à l’exclusion des cantons germanophones d’Eupen et de Saint-Vith. Les régionalistes wallons estiment que le niveau de pouvoir que constitue la « Communauté française » est inutile et veulent une situation à la flamande où niveaux communautaire et régional ont fusionné. Une telle fusion en Wallonie se ferait à l’exclusion des dix-neuf communes de Bruxelles où, faut-il l’ajouter avec une certaine malice, 35% de la population est d’origine turque ou maghrébine, sans attache aucune avec la Wallonie industrielle ou rurale. In petto, ces régionalistes se demandent sans doute pourquoi les Wallons devraient cofinancer l’enseignement prodigué à ces communautés-là ou toutes les autres initiatives communautaires voire « communautaristes » qui ne sont ni flamandes ni wallonnes ni allemandes.   

mardi, 15 juin 2010

Les législatives belges du 13 juin 2010

Communiqué du “Mouvement Identitaire Démocratique” (MID)

 

Les législatives belges du 13 juin 2010

 

be-bart-de-wever-8804_1217964616.jpgLe lendemain des législatives belges du 13 juin 2010, les manchettes des journaux étrangers, en vente à Bruxelles, comme “El Pais” (Espagne) et le “Corriere della sera” (Italie), annonçaient la victoire de la NVA de Bart de Wever et pronostiquaient la séparation entre Flamands et Wallons et la fin de la Belgique, chanson  que l’on entend au moins depuis trois décennies. Et comme d’habitude, pleins feux sur la Flandre et ses velléités autonomistes, confédéralistes ou indépendantistes. Mais pas un mot sur la consolidation du vote socialiste en Wallonie, qui ouvre, dans les circonstances actuelles marquées par une avancée sans précédent du nationalisme flamand, des perspectives de coalition totalement inhabituelles.

 

Pour expliquer clairement les enjeux de la campagne électorale qui vient de s’achever, il faut revenir aux résultats du scrutin de 2007, où l’on trouvera tous les prémisses de la crise d’aujourd’hui. Il y a trois ans, la victoire avait été emportée haut la main par le cartel formé par les démocrates-chrétiens flamands (Cd&V) et les nationalistes modérés de la NVA (que l’on distinguait alors des “maximalistes” du Vlaams Belang). Ce cartel voulait un élargissement du fédéralisme belge, c’est-à-dire des dévolutions supplémentaires, notamment en matières fiscales, avec, pour la Wallonie, un sérieux risque à la clé: celui de réduire la manne des fameux “transferts” de solidarité fédérale, où, la Flandre, devenue plus riche depuis l’effondrement des vieilles structures industrielles de la Wallonie, verse une partie de ses impôts pour soutenir un tissu économique défaillant dans le sud du pays et plus particulièrement dans l’ancien sillon Sambre-et-Meuse, hyperindustrialisé à ses époques de gloire et de prospérité.

 

Contre Leterme: front du refus et lynchage médiatique

 

En 2007, l’établissement francophone avait opposé un non catégorique à cette volonté flamande de dévolution, largement exprimée par les urnes. Le porte-voix de ce refus tranché avait été la présidente des démocrates chrétiens francophones, Joëlle Milquet, qui a rapidement glané le sobriquet de “Madame Non” dans toute la presse flamande. La victoire du cartel et le non de Milquet avaient provoqué une crise de longue durée dans le royaume, empêchant Yves Leterme, président du Cd&V, de former un gouvernement. Il avait été obligé de lâcher Bart De Wever et donc de dissoudre ce fameux cartel qui lui avait donné la victoire et lui avait permis de reconquérir les très nombreux sièges perdus par les démocrates chrétiens depuis la crise de la dioxine en 1999, face aux libéraux de Verhofstadt. Seule l’alliance avec les nationalistes de la NVA avait permis aux démocrates chrétiens de revenir aux affaires. Ensuite, toutes les tentatives de Leterme de trouver un modus vivendi avec l’établissement s’étaient soldées par un échec, tandis que la presse francophone se livrait contre lui à un véritable lynchage médiatique, où sa personne était posée comme l’idiot parfait, le chévrier d’arrière-province (Leterme possède une chèvre comme Mitterrand possédait une ânesse), l’abruti total qui ne connaissait pas l’hymne national belge, l’accro du portable qui pianotait sur son mini-clavier pendant le Te Deum de la fête nationale, etc. Tous les coups avaient été permis et tous les coups avaient été portés. L’établissement francophone et les démocrates-chrétiens de Wallonie et de Bruxelles, habituels interlocuteurs privilégiés de leurs homologues de Flandre, avaient clairement signifié à Leterme qu’ils ne voulaient pas de son “confédéralisme”, de son alliance avec la NVA et qu’ils n’étaient pas “demandeurs en matière de réformes institutionnelles” (c’est-à-dire qu’ils ne voulaient aucune démarche en direction d’un confédéralisme ou de dévolutions supplémentaires).

 

En Flandre, cette manière de procéder, cet acharnement féroce, ont laissé des traces profondes dans les sentiments populaires qui se traduisent avant tout par un ressentiment sourd à l’égard de l’établissement. Celui-ci s’est développé en silence dans les masses, dans les chaumières, sans que cela ne transparaisse dans la presse ou dans les débats publics: le peuple ruminait, ressassait et préparait sa vengeance. Nous avions dit un jour, en commentant cette crise: “Leterme et De Wever seront un jour plébiscités”, tant les campagnes de dénigrement et de calomnies à leur encontre étaient perçues dans le bon peuple comme profondément injustes. Ce plébiscite vient d’avoir lieu mais ce n’est pas Leterme qui en a été le bénéficiaire mais son partenaire mineur de 2007, Bart De Wever, chef de file de la NVA. Même si Leterme conserve des scores très honorables dans les bastions ouest-flamands dont il est issu (Ypres, Courtrai). Un journal flamand avait reproduit les paroles d’un badaud auquel Leterme avait serré la pince lors d’une tournée électorale sur un marché dominical en Flandre occidentale: “Gij had nondedju harder op tafel moeten kloppen in Brussel” (T’aurais dû, non de D., taper plus fort sur la table à Bruxelles). Leterme avait été jugé par “la langue du peuple sur la place du marché”, comme dit Mikhail Bakhtine, l’exégète russe de Rabelais: un brave garçon mais pas assez énergique. De Wever, après une campagne très bien ficelée, a été perçu par l’électorat flamand comme celui qui allait vraiment taper du poing sur les tables à Bruxelles et faire passer les réformes institutionnelles et le confédéralisme auquel il aspirait. Du coup, son parti, aux scores modestes et partenaire mineur du défunt cartel, est devenu, et de loin, le premier parti de Flandre. Judoka professionnel et député d’Ostende, Jean-Marie de Decker, leader de la LDD  —un parti populiste sans connotations nationalistes, qui avait, lors des élections précédentes, coulé tous les propos de café de commerce en un programme politicien (à défaut d’être politique)—  a remarqué avec pertinence qu’un tel glissement de terrain n’avait jamais été vu en Belgique depuis 1830, année de la naissance du royaume. Les trois partis traditionnels (démocrates-chrétiens, libéraux et socialistes) ont tous perdu des plumes devant un challengeur nationaliste flamand.

 

L’imbroglio de BHV

 

La chute du gouvernement Leterme est due à la question dite de “BHV”, incompréhensible pour les observateurs internationaux, qui évitent de l’évoquer de peur de s’emmêler les pinceaux mais au risque de ne pas faire comprendre le problème à leurs lecteurs ou auditeurs. Les lettres B, H et V, désignent les noms de trois communes ou villes voisines dans l’ancienne province du Brabant, Bruxelles, Hal(le) et Vilvo(o)rde, constituant un seul arrondissement judiciaire dans le royaume et une unique circonscription électorale. L’objectif des partis flamands avait été de scinder cet arrondissement en séparant les 19 communes qui forment la Région bruxelloise, des cantons de Hal(le) et Vilvo(o)rde, inclus dans la province du Brabant flamand, donc dans la Région flamande. La Région bruxelloise aurait formé un arrondissement judiciaire limité aux dix-neuf communes qui la constituent, de même qu’une circonscription électorale détachée de Hal(le) et Vilvo(o)rde, sans qu’il n’y ait plus chevauchement d’une circonscription et d’un arrondissement judiciaire sur deux régions différentes.

BHV.gif

Sur la carte: en vert, les 19 communes de la Région bruxelloise -

En beige, les communes des cantons de Halle et de Vilvoorde (Brabant flamand, Région Flandre)

 

Pour comprendre cet imbroglio, une brève leçon d’histoire s’impose: en 1963, les représentants des deux communautés linguistiques majeures composant le royaume de Belgique décident de tracer une frontière linguistique entre les régions néerlandophone et francophone (et aussi entre les cantons germanophones et la Wallonie francophone), impliquant l’unilinguisme administratif dans chacune des régions, comme l’a toujours demandé le mouvement wallon dans ses revendications (la Flandre était moins demanderesse, à l’époque, que la Wallonie, qui venait d’être secouée en décembre 1960 et janvier 1961 par une vague d’émeutes sociales, menées par l’aile ultra et régionaliste du syndicalisme socialiste, dont le chef de file avait été André Renard; celui-ci prétendait que la Wallonie devait bénéficier d’une autonomie par rapport à la Flandre, afin de pouvoir parfaire son socialisme particulier sans devoir demander des comptes à une majorité parlementaire flamande aux Chambres siégeant à Bruxelles). Le long de cette frontière, voulue tout à la fois par les nationalistes flamands et par les renardistes wallons, et autour des 19 communes de l’agglomération bruxelloise, les minorités (flamandes ici, francophones là, germanophones ailleurs) reçoivent des “facilités administratives”, consistant, pour l’essentiel, à obtenir de l’administration tous documents dans leur langue maternelle. Les “facilités” constituent donc un expédiant pragmatique. Six communes autour de l’agglomération bruxelloise bénéficient de ces “facilités” (Wemmel, Wezembeek-Oppem, Kraainem, Rhode-Saint-Genèse/Sint-Genesius-Rode, Drogenbos et Linkebeek), tout en faisant partie de l’entité de Halle-Vilvoorde, incluse plus tard dans la province du Brabant flamand.

 

La Périphérie bruxelloise: une situation née de l’exode urbain

 

A la suite de l’institutionalisation de cette frontière linguistique en 1963, la Belgique entame un long processus de fédéralisation qui durera près de trente ans, impliquant notamment la séparation de la province de Brabant, auparavant bilingue et incluant l’agglomération bruxelloise, en deux nouvelles entités provinciales: le Brabant wallon et le Brabant flamand. Le Brabant wallon fait partie de la Région wallonne. La Brabant flamand de la région flamande. Les cantons de Halle et de Vilvoorde appartiennent au Brabant flamand, tout en étant rattachés à l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, devenue région à part entière. Ce rattachement constitue bien entendu une anomalie dans la logique communautaire du fédéralisme belge. Bon nombre de natifs des dix-neuf communes bruxelloises ont aimé, au cours de l’exode urbain vers les zones semi-rurales de la “périphérie”, se fixer dans ces cantons limitrophes de l’agglomération bruxelloise. On travaillait en ville et on épargnait pour se construire une maison dans la “ceinture verte” et flamande autour de la grande ville encombrée. L’idéal du Belge moyen est celui de Ruskin, le concepteur anglais des cités-jardins. C’est dans un tel cadre qu’il veut vivre avec sa famille et couler des jours heureux. Vivre dans un appartement sans jardin où dans un clapier typique des années 60 est jugé dégradant, ne symbolise aucunement le bonheur et l’art de vivre. Au cours de son histoire, Bruxelles a imposé le français à tous les ressortissants des provinces belges venus s’installer dans la capitale, les flamandes comme les wallonnes, si bien que ce sont de nouveaux habitants francophones ou francophonisés qui arrivent par vagues successives dans la “ceinture verte”. Les habitants autochtones et néerlandaophones de ces communes du Brabant flamand parlent d’ “olievlek”, de “tache d’huile” qui se répand au départ de Bruxelles, urbanise d’anciens villages ruraux pittoresques. Depuis une dizaine d’années, ils sont, de surcroît, animés par la crainte panique de voir arriver des ressortissants issus des diverses vagues migratoires non européennes, installées dans les anciens quartiers populaires de la capitale belge, quartiers qui deviennent, pour eux aussi, exigus.

 

Néerlandophones et Francophones vont donc se heurter de front dans les six communes dites “à facilités” et partout dans les cantons de Halle et de Vilvoorde, où l’exode urbain tente de créer des niches ou des cités dortoirs, sans prise réelle sur la vie quotidienne des habitants autochtones des communes périphériques et surtout sans intérêt pour elle; absence d’intérêt prise pour de l’arrogance et de la grossièreté par les Flamands de cette “ceinture verte”, vexés d’être considérés comme des “natives” résiduaires, des aborigènes en voie de disparition, auxquels on n’adresse pas la parole. L’objectivité nous oblige tout de même à signaler que des ressentiments similaires ont animé ou animent encore les autochtones du Brabant wallon, subissant aussi les  effets de  la “tache d’huile”: seulement leurs sentiments ne sont pas instrumentalisables politiquement comme le sont tous les clivages d’ordre linguistique en Belgique. “BHV” devient ainsi un enjeu politique majeur. Et le cheval de bataille des militants de la francophonie, dont l’inénarrable Olivier Maingain, animé par une francolâtrie pathologique qui va jusqu’à étonner les citoyens français eux-mêmes qui restent pantois devant sa virulence et se montrent généralement plus prompts à reconnaître les ressorts de l’identité flamande. Maingain et ses compagnons de combat vont agiter le spectre de la “minorisation des francophones” dans les six communes et dans tout le reste de la “périphérie” et accuser le monde politique flamand d’empêcher la fusion de ces six communes et d’autres zones des cantons de Halle et de Vilvoorde au sein de la Région de Bruxelles-Capitale.

 

Scinder BHV pour désengorger les tribunaux de Bruxelles

 

Le ton va monter, s’envenimer, tant et si bien que le sycophante Maingain n’hésitera pas à se poser, selon les clichés habituels et éculés, comme un résistant face au “nazisme” intrinsèque d’une méchante Flandre posée comme le fer de lance d’un nouveau pangermanisme (mais sans avoir derrière elle ni un Bismarck ni les uhlans de Guillaume II ni les Panzerdivisionen de Guderian). Angela Merkel est pacifique et timorée: elle ignore tout des arcanes de la politique belge ou des ressorts du pangermanisme, dont tous les adeptes sont morts et enterrés depuis longtemps sauf dans les délires de Papy Maingaingain (qui fait de la résistance). Le maximaliste Bart Laeremans, juriste et député du Vlaams Belang, dans une lettre ouverte aux Francophones de Bruxelles et de sa périphérie, a rappelé fort oppotunément que le problème de BHV n’en était pas un, sauf pour le FDF de Maingaingain: les partis flamands veulent tout simplement scinder l’arrondissement judiciaire de BHV parce que les tribunaux bruxellois sont engorgés et ne peuvent plus maîtriser l’arriéré judiciaire. Cette scission, d’ordre purement pragmatique, va donc dans l’intérêt des Bruxellois et des habitants de la périphérie (H & V). Il ne s’agit nullement, précise le maximaliste flamingant Laeremans, de supprimer les “facilités” ni d’empêcher les Francophones de constituer des listes électorales particulières et de se faire élire au Parlement flamand ou dans toute autre instance représentative. Les craintes de Maingain et de ses acolytes ne portent pas en réalité sur les dangers qui guetteraient la démocratie dans les communes de l’entité BHV. Si l’arrondissement de BHV est scindé, Maingain et ses amis ne pourraient plus récolter de voix dans les communes de la périphérie bruxelloise; celles-ci iraient à d’autres francophones, sur des listes parallèles se présentant en Région flamande et, du coup, le poids politique de Papy Maingaingain en Région bruxelloise se réduirait comme une peau de chagrin. C’est donc pour des raisons personnelles et purement électoralistes, pour une cuisine politicienne produisant un très mauvais graillon, que lutte Maingain et non pas pour défendre la démocratie ou la francophonie. Les édiles bruxelloises, se targuant de francophonisme, veulent aussi faire main basse sur les recettes fiscales des communes mieux nanties de la périphérie pour les précipiter dans le tonneau des Danaïdes qu’est le budget de la Région de Bruxelles-Capitale.

 

Le problème réel, à nos yeux, n’est donc pas linguistique mais fiscal. Et on s’étonne que ni la NVA ni le Vlaams Belang ni les autres partis flamands ne l’ont évoqué dans les polémiques et débats politiques. Les taxes sont plus lourdes en Régions bruxelloise et wallonne qu’en Région flamande, notamment l’impôt sur les successions. Dans la périphérie et dans l’arrondissement de Halle-Vilvoorde tout entier, les générations précédentes, autochtones ou émanations de la  “tache d’huile”, ont fait bâtir une quantité impressionnante d’immeubles, constituant leur patrimoine familial, fruit de leurs économies et surtout de leur labeur. Ces francophones, venus dans la périphérie suite au phénomène sociologique de l’exode urbain, courent un risque énorme, si leurs communes sont rattachées à la Région bruxelloise, comme le veulent Maigain et ses séides: celui de voir s’éroder considérablement la valeur de leur patrimoine immobilier, qui, en cas de “bruxellisation”, serait ponctionnée par une “rage taxatoire”destinée à renflouer une Région artificielle, sans poumon extérieur et largement déficitaire, vu le chômage de masse qui y sévit, frappant en premier lieu une jeunesse issue des deuxième, troisième voire quatrième générations d’immigrés non européens, majoritairement musulmans, pour laquelle on avait prévu de généreuses mesures d’intégration qui ont, hélas, toutes fait faillite. Le mal de vivre, la drogue, l’oisivité, l’intégrisme islamiste, le refus de s’adapter aux moeurs d’une civilisation industrielle, le débranchange social par la cyberdépendance, le désorientement, le tiraillement de ces adolescents et adolescentes entre les “paradis artificiels” de la société de consommation et les injonctions sévères de la famille maghrébine ou turque traditionnelle, etc. rendent une jeunesse majoritairement issue de l’immigration (mais pas uniquement) totalement inadaptée au marché du travail à Bruxelles. Les ponctions fiscales sur le patrimoine meuble et immeuble des ex-Bruxellois partis vers la périphérie serviraient à financer les mesures sociales palliatives, destinées à maintenir ces masses juvéniles en un état d’assistanat permanent: on sait qu’il faut construire des logements sociaux, des prisons (eh, oui), l’engagement de policiers supplémentaires, de matériels pour l’appareil répressif, etc., toutes dépenses non prévues et non destinées aux zones périphériques, toutes dépenses qui seront engagées au détriment de projets plus séduisants, plus humanitaires, dans les secteurs de la culture, de l’éducation ou de la médecine. Les discours sur la francophonie masquent un projet de racket inouï et inédit: on oublie de le dire, y compris et surtout dans les cénacles nationalistes flamands, où sévit aussi l’irréalisme politicien. D’où l’absence de toute séduction à l’endroit des Francophones de la périphérie dont la plupart n’ont rien à faire du francophonisme politicien.

 

Le sort de Neder-Over-Heembeek

 

L’exemple le plus patent de ce qui attend la périphérie, en cas d’annexion à la Capitale sous la houlette de Maigain, a été observé dans une zone moins dense de la Commune de Bruxelles-Ville, dans le quartier, encore fort vert, de Neder-Over-Heembeek, ancienne commune rurale et excentrée, annexée au coeur historique de Bruxelles, il y a plusieurs décennies. Sur le territoire de Neder-Over-Heembeek, le pouvoir socialiste de Bruxelles-Ville a fait édifier d’affreux HLM en bordure des maisonnettes coquettes de “souchiens” débonnaires, heureux de vivre de manière idyllique dans ce quartier aux aspects encore semi-ruraux. Ces HLM étaient destinés à désengorger les vieux quartiers du centre historique de Bruxelles, qui, lui, est en voie de “gentrification”, où fonctionnaires européens, eurocrates, lobbyistes, branchés, faux ou vrais artistes ou pontes du secteur tertiaire se paient de vieux appartements luxueux et cherchent à houspiller les familles allochtones, peu séduites par le spectacle, finalement assez  décadent, de cette nouvelle faune de modernistes, de célibataires et de festivistes, qui a les  faveurs de la presse, au contraire des familles normales, des centaines de milliers de gens qui ont un boulot utile. Inutile de préciser que ce désengorgement du centre de la Ville concerne des populations non “souchiennes”. Si demain les six “communes à facilités” sont annexées à la Région bruxelloise, elles subiront inmanquablement le sort de Neder-Over-Heembeek, qui avait suscité un tollé chez les autochtones locaux, un tollé que la presse aux ordres s’était bien abstenue de répercuter... Ces braves autochtones n’ont plus qu’à vendre au rabais leurs maisonnettes et à se replier dans des appartements plus exigus ou à émigrer vers des communes plus lointaines du Brabant wallon, sans liaisons faciles avec la capitale. Voilà à quoi menerait la politique du sycophante Maingain...

 

Une bonne partie des citoyens des six communes à facilité, aveuglée par les discours toniturants sur la défense de la “démocratie” (celle des prébendes et des entourloupettes politciennes) et de la “francophonie”, a encore voté pour le MR libéral (“Mouvement Réformateur”), qui constitue un cartel avec le FDF (“Front des Francophones”), le parti de Maingain. La majeure partie des habitants de Halle et de Vilvoorde a toutefois voté pour la NVA de Bart De Wever, la peur aux tripes de voir arriver une nouvelle “tache d’huile”, une nouvelle vague de Bruxellois, allochtones cette fois, ou de devoir payer des taxes pharamineuses pour financer leur insertion ou leur non insertion. L’affaire de BHV n’est pas une affaire de constructivisme institutionnel, de bricolage juridique, de complots  pangermanistes ou de cogitations politiciennes oiseuses mais touche directement le citoyen dans les problèmes de sa vie quotidienne, dans les problèmes de la gestion de son patrimoine. Problèmes que les discours politiciens n’ont pas pris en compte ou ont escamotés...

 

Ouvrir un chantier pour un socialisme nouveau en Wallonie?

 

La Flandre, c’est désormais évident, souhaite mettre un terme aux transferts vers la Wallonie, ou les réduire au minimum requis par la solidarité fédérale ou contraindre les décideurs wallons à des investissements productifs pour une Wallonie qui n’est quand même pas sans atouts, malgré son plus grand éloignement de la mer et des ports. La Wallonie est proche de la Rhénanie et de l’espace mosellan, que ce soit celui du Palatinat allemand ou du Duché de Lorraine, annexé à la France et laissé pour compte par l’Hexagone. La Flandre de Bart de Wever met peut-être la Wallonie au pied du mur: ou elle se maintient vaille que vaille dans son socialisme d’assistanat, en quémandant l’argent des transferts ou des subsides européens, ou elle annonce qu’elle va créer un socialisme réellement travailliste, solidaire et local, correspondant à l’idéal humain que représente l’oeuvre sculpturale de Constantin Meunier ou qu’envisageait peut-être André Renard, figure emblématique de la Wallonie du début des années 60. Un tel chantier, fort intéressant, pourrait s’ouvrir. La Flandre est animée par un souci pragmatique et non par un nationalisme caricatural comme l’établissement essaie de le faire croire à la presse étrangère.

 

Quid de l’avenir de la Belgique après le raz-de-marée de la NVA, dimanche 13 juin 2010? Il y a deux risques: 1) la récupération de Bart De Wever qui, de croquemitaine de l’établissement, deviendrait en un tourne-main, par un formidable et incroyable tour de passe-passe politicien, son faire-valoir en Flandre; 2) le blocage et une crise plus longue encore que celle de 2007-2008.

 

Dans le premier cas, l’établissement “chevaucherait le Tigre” du nationalisme flamand et parierait pour le tandem De Wever/Di Rupo (le chef de file des socialistes wallons), autant dire alors qu’il parierait pour le mariage de l’eau et du feu. Mais les avances faites par Caroline Gennez (présidente des socialistes flamands) et par Di Rupo himself à De Wever ont été entendus, et bien entendus urbi et orbi, pour que l’on puisse confirmer cette hypothèse, impensable même quelques jours avant le scrutin. De Wever représente le refus populaire flamand des transferts vers la Wallonie. Di Rupo représente l’établissement dans sa faction socialiste, pilier du monarchisme belge en dépit des anciennes velléités républicaines des gauches, qui est contraint d’accepter les transferts pour que survive le pouvoir socialiste en Wallonie, ainsi que l’assistanat qu’il implique dans certaines sous-régions. Pour parfaire cette alliance de l’eau et du feu, on formerait un bloc comprenant la NVA, le PS wallon, le SP.a (socialistes flamands), le CdH (démocrates chrétiens francophones de Joëlle Milquet) et peut-être les partis écologistes des deux communautés linguistiques, vu qu’ils n’ont pas perdu de plumes lors du scrutin de dimanche dernier. La présence du Cd&N n’est pas nécessaire dans ce bloc, sauf peut-être sa composante syndicaliste démocrate chrétienne (l’ACV), mécontente toutefois de voir la NVA emporter le morceau. D’un côté, nous aurions un “pôle wallon de l’Olivier” (comme en Italie), avec les gauches (CdH, PS et Ecolos) dans toutes leurs variantes, et de l’autre, un bloc flamand plus composite comprenant les mêmes ingrédiens idéologico-politiques que l’Olivier wallon, plus la NVA, désormais incontournable mais au risque de devenir pure décoration au sein même du système belge que rejette la plupart de ses militants.

 

Dans le second cas, celui d’un blocage définitif, De Wever percevrait, avant de forger une alliance avec les socialistes de Flandre et de Wallonie, le risque de voir partir sa base nationaliste. Celle-là même qui vient d’abandonner Leterme et les maximalistes du Vlaams Belang, dégoûté qu’elle était du “cordon sanitaire” imposé à ce parti et ne permettant pas à ses élus de participer à des majorités, à quelqu’échelon que ce soit du pouvoir politique. En cas de réticence de De Wever, annonce le journal satiririque bruxellois, “Père Ubu/Pan”, “la lune de miel se muera bien vite en lune de fiel”. Pour éviter de voir son électorat déserter la NVA, comme il a déserté Leterme ou le Vlaams Belang, De Wever pourra tenter de mettre la barre très haut, provoquant à nouveau le refus des autres: les Wallons et les Bruxellois pourront toujours se replier sur l’Olivier à leurs niveaux régionaux respectifs, tandis qu’en Flandre ni la NVA seule ni l’Olivier ne peuvent gouverner sans l’apport de partenaires au sein d’une coalition: aucun panachage politique n’atteint les 50%. De Wever risque alors de subir un “cordon sanitaire” comme ses adversaires du Vlaams Belang dans le camp nationaliste flamand.

 

Vers une déception de l’électorat?

 

Si un tel “cordon sanitaire” s’installe autour de la NVA, la déception de l’électorat composite de ce parti nationaliste modéré sera immense et on risque alors de voir, lors du prochain scrutin, ces masses de voix revenir au Vlaams Belang, qui prétendra incarner une radicalité nationaliste pure, vierge de toute compromission avec l’établissement. Or ce sont en fait les compromis à la belge, où personne ne trouve jamais pleine satisfaction, que l’électeur flamand a rejeté pour plus de 40% (voix de la NVA et du Vlaams Belang confondues). Dans les compromis et les bricolages politiciens, aucun électorat, de quelque parti que ce soit, ne trouve satisfaction: en Wallonie, on a dit hier, et on dira demain, que la Flandre, avec son vote nationaliste, conservateur, clérical ou confédéraliste, empêche l’éclosion d’un “projet socialiste original” dans le sud francophone du pays. En Flandre, on rétorquera que les problèmes structurels du pays flamand, dont le chômage en forte croissance depuis la crise, ne pourront jamais être résolus par l’apport fiscal flamand si les transferts se perpétuent. Les transfers empêchent de fait de récolter les fonds nécessaires à créer de nouveaux emplois en Flandre, suite aux vagues de licenciements qui ont accompagné la crise depuis qu’elle a éclaté à l’automne 2008.

 

L’absence de gouvernement n’est pas un problème pour tout le monde...

 

Le royaume d’Albert II risque donc de se retrouver sans gouvernement pendant longtemps. Le Belge, écrivait avant guerre l’essayiste et journaliste nationaliste et monarchiste Fernand Neuray, est un anarchiste né qui ne hisse jamais l’intérêt général au-dessus de ses intérêts sectoriels. Et de fait, l’absence d’un gouvernement, destiné à assurer l’intérêt général, du moins en théorie, obligera les uns et les autres à gouverner le pays par l’expédiant des “affaires courantes”, ce qui aura pour effet de mettre au frigo d’importantes questions politiques, institutionnelles, sociales, judicaires et internationales. Les véritables maîtres du pays s’en frotteront les mains: les secteurs bancaires et énergétiques, inféodés à la France, auront les coudées franches pour commettre tous les abus imaginables car le politique sera mis hors jeu et ne pourra imposer ni limites ni balises. D’où aucune régulation dans le sens d’une justice sociale et d’une adaptation des tarifs d’assurance, des frais bancaires et des factures énergétiques aux salaires réels des citoyens ne sera possible, a fortiori si ces salaires devront être réajustés, crise grecque oblige.

 

L’avenir n’est donc pas rose parce que la crise européenne et la crise subséquente de l’euro, fragilisé par les événements de Grèce et par les risques similaires que courent le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Irlande et la Belgique, nous rappellent que tous devraient tourner leurs regards vers leur environnement européen, afin de créer des ponts transrégionaux, de dépasser les nationalismes conflictuels et de faire face aux manoeuvres des ennemis de l’Europe, prêts à profiter de toutes ses faiblesses.

 

 

vendredi, 11 juin 2010

Het Walenland en de Nederlanden

wallonie_liens.gif

Het Walenland en de Nederlanden

“Indien het nog nodig was hebben de bij momenten surrealistische politieke perikelen van het voorbije jaar ten overvloede aangetoond dat België niet alleen een land van interim-regeringen, maar ook louter een interim land met een hoge verdampingsfactor geworden is.Ondanks de tricolore achterhoedegevechten wint de confederalistische visie die een zo groot mogelijke autonomie voor de deelstaten nastreeft, steeds meer veld. In deze optiek is het daarbij levensnoodzakelijk dat de interne confederatie binnen het België van weleer, een opstap moet betekenen naar een bredere confederatie van de hele Lage Landen.”

Probleemstelling

Met de hierboven geciteerde woorden opent het ‘Manifest voor de Lage Landen’, dat in het najaar van 2008 gelanceerd werd en ondertussen reeds door enkele honderden mensen ondertekend werd.

Het ‘Manifest’ vertolkt de bezorgdheid rondom de nefaste aspecten van de teloorgang van het algemeen Nederlands bewustzijn binnen de brede Vlaamse Beweging, maar evenzeer ook de zorg om het wegdeemsteren van het bredere Benelux-perspectief dat bepalend is voor onze geopolitieke positie binnen Europa en de wereld.

In wat volgt willen we aandacht besteden aan een drietal aspecten die binnen de Zuidelijke Nederlanden – in het Latijn Belgium geheten – al te vaak uit het oog verloren worden niettegenstaande ze onmiskenbaar medebepalend geweest zijn bij onze wording tot natie.

In een eerste verkenning gaan we op zoek naar de oorzaken die ertoe hebben geleid dat we met zijn allen intrinsiek “Belgisch” zijn gaan denken, terwijl velen onder ons de mening toegedaan zijn met dit gedachtegoed veeleer “anti-Belgische” stellingen te verwoorden. We pogen daarbij aan te tonen dat het unitaire denken op lager – “Vlaams” of “Waals” – vlak onvermijdelijk behept blijft met de misvattingen die het voormalige unitaire België kenmerkten.

In een tweede luik wordt uitgebreid herinnerd aan de omvang en het belang van de massale emigratie – die langer dan een eeuw aanhield -vanuit het Nederlandstalige landsgedeelte naar de Romaanssprekende provincies. Die “grote trek” heeft met zich meegebracht dat slechts weinigen van ons geen familieverwanten hebben aan de andere kant van de taalgrens; een gegeven dat niet zonder politieke consequenties blijft.

Met het afsluitend luik van ons betoog willen we de herinnering aan een veel ouder gemeenschappelijk verleden evoceren. Een verleden van bondgenootschappen over het taalgegeven heen, dat het geheel van onze Nederlanden vormde tot een “eenheid in verscheidenheid” die Keizer Karel ertoe bracht ze een aparte status te geven binnen zijn wereldomspannend rijk van die dagen.

Om die verscheidenheid te handhaven zonder afbreuk te doen aan de diepere eenheid gegrondvest op historische verbondenheid, is voornamelijk beter inzicht en een zindelijk taalgebruik nodig – en dit zowel op het vlak van de zo diverse verscheidenheid als op dit van onze lotsverbonden eenheid.

I. Een eerste verkenning

Wie op zoek is naar informatie over het Europa der Volkeren, is bij wie zich Vlaams-nationalist heet aan het goede adres. Men kent hun belangstelling voor verdrukte minderheden. Over Bretoenen, Basken, Katalanen, Zuid-Tirolers en wat dies meer zij, hoeft niemand hen de les te lezen. Zij kennen hun geschiedenis en de omstandigheden die ertoe geleid hebben, dat ze tot nationale minderheden werden binnen de respectievelijke zogenaamde “nationale” staten. Hun ontvoogdingsstrijd kan op hun actieve belangstelling rekenen en ze onderhouden drukke wederzijdse kontakten.

Zover, zo goed. Doch wat te denken van de mening van de buitenstaander, die voorhoudt: “Jullie doen, op jullie manier dan zo’n beetje als de ‘progressieven’ en beoefenen ook liever de “versten”-liefde dan de naastenliefde. Toegegeven jullie belangstellingsgebieden liggen niet over de hele aardkloot verspreid en blijven binnen het oude continent gesitueerd. Doch het blijven naasten ver weg, waarheen je op bezoek kunt of waarvoor je als gastheer optreedt. Buren zijn het niet.”

De naaste buren van de Nederlandstaligen binnen de Belgische staat zijn – en dit niet eerst sedert 1830 – “de” Walen. Die verzamelnaam is weliswaar amper zo oud als de Belgische staat, doch wij weten wat wij ermee bedoelen; namelijk alle lui die zich “Belgen” mogen heten en aan de andere kant van de taalgrens wonen. De norm is wel niet zo heel verfijnd, doch verkrijgt precies daardoor de primitieve eigenschappen die voor een “Feindbild” onontbeerlijk zijn om tot zondebok te maken. De Walen – en opgepast: vice versa geldt het verhaal al evenzeer (cf. de “Heksen van Komen”) – zijn zowat onze Joden: zij zijn ons ongeluk. (Ik hoop dat de vigerende antiracismewet niet verbiedt te refereren naar historische verbanden). In het Derde Rijk waren “de” Joden bron en oorzaak van alle ellende, doch terzelfder tijd kende iedere Duitser wel zijn “goede” Jood, die vrijuit ging. Zo ook vergaat het ons een beetje met “de” Walen en onze goede vriend die in Wallonië woont. Wat meteen zeggen wil, dat men de meningen slechts hoeft te nuanceren naar de persoonlijke ervaring toe, om de zondebok van zijn ergerniswekkend karakter te ontdoen.

Het ras van de “terrible simplificateurs” is overigens van alle tijden en vindt zijn beoefenaars op alle vlakken. Zij leveren de gemakkelijkheidoplossingen die zelden de juiste zijn, omdat de wet van de grootste gemene deler slechts in de wiskunde zijn geldigheid bezit. De lui die in 1789 te Parijs de Bastille bestormden hadden het in deze erg te pakken. “Vrijheid, Gelijkheid, Broederlijkheid” waren leuzen waarmee men vele kanten op kon, doch die uitermate geschikt bleken om de historische verscheidenheid op etnisch en cultureel vlak de das om te doen. “L’Hexagon” werd “une et indivisible” – en Frans. Dat het ruim twee eeuwen later toch niet helemaal naar plan verlopen blijkt te zijn is te danken aan enkele aspecten waarmee de “simplificateurs” geen rekening meenden te moeten houden. Het bloed kruipt waar het niet gaan kan en de volkeren leggen de staten het vuur aan de schenen: in Baskenland, in Bretanje en overal waar een centralistische staat doof blijft voor het galmend geluid dat het uur der volkeren aankondigt.

Wij zijn er graag bij om het vuur te hoeden, bij onze vrienden waar ook in Europa. En bij onze buren? Met betrekking tot onze buren wordt merkwaardig genoeg het stramien aangehouden van de “terrible simplificateurs” en is er eensklaps geen ruimte meer voor nuances die de werkelijkheid bloot leggen. Het zijn immers “de” Walen, met wie wij reeds overhoop liggen, zolang de centralistische Belgische staat – ondertussen op pseudofederalistische basis hertekend – bestaat. Omdat zolang reeds “de” Walen er de toon aangeven en het hoge woord voeren.

Belgische begripsverwarring

Meer dan anderhalve eeuw Belgische staat blijkt voldoende om ons blind en doof te maken voor de verdrongen realiteiten van verleden en heden. Voor het verleden geldt dat de geschiedenis van de Nederlanden niet kan geschreven worden zonder de inbreng uit de Romaanse gebieden te honoreren en dat – vice versa – het Walenland geen ànder verleden heeft dan dit van doorheen de voorbije eeuwen, deel van de Nederlanden te zijn geweest (en van het Heilige Roomse Rijk voor wat voormalige prinsbisdom Luik betreft).

Met betrekking tot het heden dient opgeruimd te worden met de, door de Waalse franskiljons handig gecreëerde en onderhouden, fictie van Wallonië als deel van de francofonie. De Walen zijn, evenmin als de verfranste Frans-Vlamingen, Fransen. Dit wist reeds Peter Benoit in dé 19e eeuw, toen hij vaststelde: “Het Frans is, noch zal ooit hun eigen taal zijn. Zou men willen geloven dat juist datgene wat in de ogen van de Vlamingen een oneindige weldaad voor onze Waalse broeders schijnt, namelijk de overheersing van het Frans in België, integendeel wel het grootste ongeluk is dat hen treffen kan? Zo zij geen Fransen zijn, dan kan de Franse taal hun niet eigen wezen en wordt zij de meest tirannieke hinderpaal voor hun geestesontvoogding, hun echte beschaving en de volledige ontwikkeling van hun scheppend vernuft.”

De bevindingen van P. Benoit werden onderschraagd door de vaststellingen van J. M. Gantois: “Fransen zijn de Walen in geen geval en het is van Vlaams-nationale zijde een noodlottig gezichtsbedrog (het) Walenland te beschouwen als een wezenlijk deel van de Franse natie. Het heeft integendeel niets met de grote buur gemeen dan een cultuurtaal. het Frans. dat het land uit de vreemde werd opgedrongen ter vervanging van zijn natuurlijke en geliefde eigen volkstaal, het Waals.”

Gemeenschappelijk verleden

Wie menen zou dat dit historisch achterhaalde vaststellingen zijn, die geen waarde meer hebben voor het heden, dient slechts op een willekeurig Waals dorpsterrasje neer te strijken en zwijgend te luisteren naar de taal van de mensen die daar thuis zijn. Een eerste vereiste daartoe is natuurlijk te weten waar de begrenzingen van het Waals gebied liggen, zodat men zich te Aarlen niet nog in Wallonië waant. Ook daarover wist J. M. Gantois bescheid; wij komen er verder op terug.

Pieter Geyl, auteur van de Geschiedenis van de Nederlandse Stam, ziet reeds met de Unie van Atrecht een taalgrensbreuklijn ontstaan binnen de Bourgondische Kreits van de XVII Provincies, doch moet bekennen: “… hoe naar alle schijn een sterke Nederlandse staat in wording was, met een individueel nationaal bewustzijn en dat er in de revolutionaire beweging (tegen Spanje) niets was dat op zichzelf de ontwikkeling van de Nederlandse nationale eigenheid bedreigde. De oppositie was algemeen en geheel ontbloot van separatistische onderstromen. Het godsdienstvraagstuk deed de nationale politiek (van Oranje) stranden. Voor het politieke doel (het behoud van de XVII Provincies) zou het mogelijk geweest zijn de hele natie te winnen.”

Overigens waren bij de Unie van Atrecht voornamelijk de grote centra van de Franse Nederlanden betrokken – naast Atrecht ook Dowaai en Rijsel – waarvan wij de uiteindelijke verovering door Frankrijk betreuren en die wij verder als behorend tot ons geestelijk en historisch erfgoed beschouwen. Waarom wordt deze vanzelfsprekende kijk op de dingen op slag minder vanzelfsprekend als het over Doornik, Bergen en Namen gaat? Heeft een Belgische grens, die Henegouwen middendoor snijdt, enige historische waarde? Is ons geschiedenisbeeld zodanig door de Belgische grenslijnen beïnvloed, dat wij geen oog meer hebben voor de eeuwenlange gemeenschappelijke Nederlandse geschiedenis? Weten wij niet meer dat ook na de scheiding van de 16e eeuw, de generaliteitsgedachte – het bewustzijn deel uit te maken van de Nederlanden – levendig bleef aan weerszijden van de taalgrens? Dat dit bewustzijn eerst ten onder ging met de opkomst van de centralistische Belgische staat? En dat wij, puntje bij paaltje, opgezadeld zitten met typische Belgische begripsbepalingen, wanneer wij de Zuid-Nederlandse verscheidenheid herleiden tot het Vlaams-Waals dualisme?

Rijkdom der verscheidenheid

Wie goed toegerust meent te zijn wanneer hij met enkele kleurige toeristische folders en een goede wegenkaart naar een minder bekend gebied trekt, heeft slechts ten dele gelijk. Hij vindt zijn weg wel heen en terug. Doch wie méér wil van zo’n tocht dient zich beter voor te bereiden en op de hoogte te zijn van de historische lotgevallen die de mensen en hun streek mede geboetseerd hebben tot wat ze zijn. De hierboven gememoreerde geschiedkundige achtergrond heeft geen ander doel, dan ons voor te bereiden op een – noodzakelijk te vluchtig – bezoek aan de Romaanse Nederlanden. Het moet bondig, doch hoeft daarom niet oppervlakkig te zijn.

Doornik, eertijds met Aken een centrum van het Frankenrijk, biedt een goed uitgangspunt om de Frans-Belgische grens neerwaarts te volgen. De volkstaal blijkt daar een variante van het Picardisch te zijn en dit is vanzelfsprekend in dit deel Henegouwen, dat niet het Walenland is en zich aan weerszijden van de Frans-Belgische grens uitstrekt. Eerst ter hoogte van Givet steekt het Waalse taalgebied heel even de grens over om bezit te nemen van enkele Franse dorpen. Hierboven werd reeds gewezen op het feit dat de Waalse taal, buiten de verstedelijkte agglomeraties, een levende volkstaal gebleven is. Zij komt evenwel in het onderwijs niet aan bod, zodat ze als geschreven taal slechts door een minderheid beoefend wordt. De Waalse taalbeweging poogt aan dit probleem te verhelpen door middel van taalcursussen, opstel- en poëziewedstrijden en dergelijke meer. Het vrij recent verschijnsel van de lokale vrije radiozenders – waarvan sommige regelmatig in het Waals uitzenden – levert bewijzen te over voor het springlevend zijn van de Waalse taal en identiteit. Dat doet overigens ook het bloeiende Waalse volkstoneel. En ook in het straatbeeld is het Waals in opmars. Zo staan sinds geruime tijd aan alle invalswegen naar Charleroi borden met het opschrift “Charlewé”; en in het Luikse luidt de stadsnaam “Lîtge”.

“De francofonie heeft met haar taal het Walenland gekoloniseerd, daar veel geld aan verdiend, en nadien haar bedrijven gedelocaliseerd. Voor het herstel van de Waalse economie is zij – de francofonie – van geen enkel nut.” Of hoe economisch puin ruimte creëert voor culturele heropleving. Vergeleken met amper een paar generaties terug – toen het signum nog (langer dan in Vlaanderen dus!) tot de gewoonste zaken behoorde in de Waalse scholen – is de status van het Waals er dus onmiskenbaar op vooruitgegaan. In deze opgang is, zo blijkt, ook ruim plaats voor een heropleving van het Waalse chanson, waarbij Charleroi andermaal het voortouw nam. Op 23 september 2000 werd daar voor de eerste maal een soort retrospectieve gehouden onder de titel In sieke di Tchansons d’ayer èt d’aujoûrdu (“op zoek naar liedjes van gisteren en vandaag”), en de daaropvolgende dag liep de enorme feestzaal andermaal vol voor een derde festival van de Waalse samenzang.

Zover is men – bij ons weten – nog niet in het Land van de Gaume dat Lotharings van karakter is, en evenmin in de streek van Aarlen. waar verenigingen als ‘Arelerland a Sprooch’ actief zijn. Ook deze taalbeweging wil komaf maken met het vermeend Franstalig karakter van de streek waar het Letzeburgisch (of Moezelfrankisch) de grensoverschrijdende volkstaal is, waarvan het territorium zich uitstrekt van Bitburg in Duitsland tot Diedenhofen (Thionville) in Frankrijk. Het Letzeburgisch veroverde – tegen de boutade in dat een dialect om een taal te worden moet kunnen beschikken over een leger en een vloot – overigens een officiële status binnen het groothertogdom Luxemburg. In België, Duitsland en Frankrijk blijft het vooralsnog beperkt tot de status van een streektaal. Binnen België is het de volkstaal in het arrondissement Aarlen, waar volgens een recente streekproef ongeveer 34.500 Belgische Luxemburgers de taal kennen of er elementaire noties van hebben. Een al even recente peiling van de werkgroep ‘Langue du Voisin’ toonde aan dat 63% van de ondervraagden de wens uitdrukten dat hun kinderen Letzeburgisch zouden kennen. En dit ondanks het verbod van de Franse Gemeenschap om het Luxemburgs in het kleuter- en lager onderwijs te gebruiken, zelfs niet voor en na de schooluren. “We zitten hier zeer dicht bij het signum linguae”, noteerde G. Fonteyn terecht.

De drang tot behoud van de eigen identiteit zette zich aldaar recent ook politiek af tegen de rattaschistische bestrevingen van het ‘Rassemblement Wallonie-France’, waardoor het ‘Rassemblement Luxembourgeois’ ontstond. “Als België uiteenvalt wil Gendebien – de oprichter van ‘Wallonie-France’ – Wallonië overhevelen naar Frankrijk, maar daar willen wij niet bijhoren. Wij willen dan naar Luxemburg”, betoogt initiatiefnemer Victor Hesse, wiens kersverse partij toen 5% haalde bij de gemeenteraadsverkiezingen van 2000 in Aarlen.

“Er is in België maar één minderheid: de Luxemburgse. Alle andere minderheden, zoals de Franstalige langs de taalgrens in Vlaanderen, beschikken over faciliteiten, dus over een beschermend systeem” (dat nota bene door de Franstaligen in de Brusselse rand onbeschaamd misbruikt wordt, nota MC). “Hetzelfde geldt voor de Vlamingen in Waalse taalgrensgemeenten. Ook de Duitstalige Belgen hebben hun statuut. Maar wij hebben niets. In dit land beschermen de Walen hun minderheid niet” – aldus V. Hesse.

Over de taalverhoudingen aan de Belgische-Duitse grens (Duits taalgebied, Land van Overmaas, Platdietse streek) hoeven wij hier niet verder uit te wijden. Toch even dit ter herinnering: bij het vastleggen van de taalgrens (1962-1963) werd België opgesplitst in vier taalgebieden: Wallonië (dat geacht werd Franstalig te zijn), Vlaanderen, het tweetalige Brussel en het Duitstalig gebied. Malmédy werd bij het Walenland ondergebracht, terwijl Eupen en Sankt-Vith het vierde – Duitstalig – gebied werden. Dit Duitstalig gebied wordt (inclusief Malmédy) doorgaans de Oostkantons genoemd. Het zijn gebieden die België als oorlogsbuit binnenrijfde na de Duitse nederlaag in de Eerste Wereldoorlog. Sinds het Congres van Wenen (1815) waren ze onder Pruisisch bestuur gekomen. Voorheen hadden ze – met onder meer Bitburg en omgeving – deel uitgemaakt van de Oostenrijkse Nederlanden. Malmédy vormde in die oorlogsbuit een buitenbeentje: het was altijd al Waalstalig geweest en ontsnapte ook onder Pruisisch bestuur – als La Wallonie Prussienne – aan een grondige verduitsing.

Anders dan voor de overige taalgebieden vormen de Oostkantons geen eigen “gewest” binnen de bizarre pseudofederalistische Belgische staatsconstructie. Op gewestniveau maken ze deel uit van het Waalse gewest. De Duitstalige Belgen maken dan ook van elke gelegenheid gebruik “om aan te duiden dat ze geen Walen of Franstalige Belgen zijn. Ze kijken bij voorkeur naar wat Vlaanderen doet. En al werden ze op geografische gronden ondergebracht in het gewest Wallonië, dit harnas zit hen te nauw. Ze willen een ‘Gemeinschafts Region’ worden.”

De Voerstreek, die tot dan toe onder de provincie Luik geressorteerd had, werd naar aanleiding van de vastlegging van de taalgrens (1962) naar de provincie Limburg overgeheveld. Dit was niet het geval met de zogenaamde Platdietse streek. Jean-Marie Xhonneux, de historische leider van de ‘Action Fouronaise’, raakt de kern van het probleem wanneer hij zegt dat zijn moedertaal het Platdiets – hij noemt het Platduits! – is en dat dit ook “de gebruikelijke taal is in de aangrenzende gemeenten Plombières en Welkenraedt. Voor hem – Xhoneux – is het Frans evenwel in sociale en officiële contacten de gebruikelijke taal. Guido Fonteyn stelde bij dit soort logica terecht dat dit onderscheid tussen volkstaal en cultuur- of bestuurstaal niet democratisch kan genoemd worden.

Er dient aan dit alles wel even aan herinnerd te worden, om de taaldiversiteit over de taalgrens in haar ware gedaante te zien. En om het definitieve besluit te kunnen trekken dat de zogenaamde Franstaligheid van Wallonië meer fictie dan werkelijkheid is. De spontane vraag die bij deze vaststellingen opwelt, ligt voor de hand. Brengen wij genoeg interesse op en zoeken wij bewust naar kontakten met de mensen van de Waalse en Letzeburgische taalbewegingen? Of kiezen wij de zijde van het franskiljonse Waalse establishment en houden wij ons verder aan het Belgisch taalgebruik? Dit laatst is natuurlijk makkelijker en minder compromitterend dan het beoefenen van de “versten-liefde” – maar vereist de nodige inconsequenties.

Ons verhaal is hiermee niet af. Bedoeling ervan was tot een eerste bezinning aan te zetten. omtrent de plaats van het zogenaamd Franstalige gedeelte van België in het geheel van de Nederlanden en in een Europa der volkeren. Geheel onvermeld bleef daarbij de voorwaar niet geringe Vlaamse aanwezigheid ingevolge emigratie.

II. Een lang verhaal: de emigratie

Een nuttige definitie vooraf

Dr, J. Derney heeft in zijn De historische twee-eenheid der Nederlanden een heldere begripsomschrijving vastgelegd voor de termen Groot-Nederlands en Heel-Nederlands. Het verschil dekt precies de beide concepten van de Nederlanden. Het Groot-Nederlands streven zoekt zijn begrenzing aan de taalgrens, terwijl het Heel-Nederlands streven voortbouwt op de prefiguratie van de historische XVII Provinciën. Tot beter begrip en met het oog op een zindelijk taalgebruik, leek het ons noodzakelijk in deze te preciseren.

De emigratie in cijfers

In wat vooraf ging hebben wij ons zoeklicht gericht op de autochtone bevolking van het Walenland en de onvermoede diversiteit blootgelegd die achter die verzamelnaam schuilgaat. In dit tweede luik willen wij aandacht besteden aan de reeds decennia durende emigratie vanuit Vlaanderen en Limburg naar het Walenland toe, waaraan slechts omstreeks 1969 een einde kwam.

Statistische gegevens met betrekking tot deze “grote trek” van Noord naar Zuid (in België) ontbreken vrijwel geheel. Voor de periode tot 1938 zijn wij daarom vrijwel uitsluitend aangewezen op een studie uit 1943, uitgevoerd door A. de Bontridder (leider voor Wallonië en Zuid-Vlaanderen van het Vlaams Nationaal Verbond). Gezien de tijdsomstandigheden valt de auteur, bij het interpreteren van zijn gegevens, niet vrij te pleiten van propagandistische bedoelingen. Doch voor wie daar tussendoor weet te laveren blijven de naakte cijfers hun zin behouden.

De emigratie naar het Walenland heeft verschillende oorzaken, die elk op hun beurt verantwoordelijk zijn voor een deelaspect ervan. Een eerste emigratiegolf was het rechtstreeks gevolg van de Revolutie van 1830, waardoor de Vlaamse textielindustrie dodelijk getroffen werd. Haar afzetgebieden in Nederlands-Indië gingen volledig teloor. Duizenden Vlaamse arbeiders weken noodgedwongen uit naar het Walenland en naar Noord-Frankrijk. De door koning Willem I groots opgezette industrialisatie van het Walenland (thans op sterven na nood) was in volle expansie en bood arbeid en brood aan wie werken wilde. De uitwijkelingen naar Frans-Vlaanderen zouden de Franse textielindustrie (Rijsel. Toerkonje. Robeke) groot maken.

De hongerjaren (mislukte oogsten) 1840-1846 zouden nieuwe emigratiegolven teweeg brengen. waarbij opnieuw duizenden naar het zuiden van België – en naar Amerika – trokken. Ook de demografische ontwikkeling verwekte emigratiegolven, voornamelijk in de landbouw. De als gevolg van verdeling door onleefbaarheid bedreigde landbouwbedrijven boden geen bestaansmogelijkheden meer voor de kinderen, Tot diep in Frankrijk, maar eerst in het Walenland, zouden zij op zoek gaan naar de bodem die hen voeden kon.

De emigratie vanuit Vlaanderen heeft geduurd van omstreeks 1830 tot en met de jaren zestig van de 20e eeuw. Reeds in 1839 ontstond te Hocquet nabij La Louvière een Vlaamse wijk – waar tot op de dag van vandaag Nederlandssprekenden aanwezig zijn. Vanaf 1905 waren er te Charleroi, La Louvière en Doornik afdelingen van het ‘Algemeen Nederlands Verbond’ actief. Uit diezelfde bron weten we dat er in 1912 te Luik een ‘Vlaams Huis’ opgericht werd en er een ‘Groeningewacht’ bestond, waar onder andere August Borms zou gepleit hebben voor de invoering van tweetaligheid in het Luikse gemeentebestuur. Luik was lang geen alleenstaand geval. Ook in Seraing was er een ‘Vlaams Huis’. In 1912 sprak daar de Vlaamse minister Helleputte, die er de Vlaamse emigranten toe aanzette Vlaams en katholiek te blijven. In een later stadium werden er zogenaamde ‘Broederbonden’ en actief en werden er ‘Algemene congressen van Vlamingen in Wallonië’ gehouden.

De Nederlandstalige gemeenschap als zodanig heeft zich om haar uitwijkelingen om den brode nooit veel bekommerd in die jaren. Van kerkelijke zijde werden er wel initiatieven ontplooid die bovendien over een reëel draagvlak konden beschikken. In 1920 lanceerde de Dominicanenorde het weekblad De Vlaamsche Volksstem als orgaan van de ‘Broederbonden der Vlamingen in het Walenland’. Dit blad zou tot 1964 verschijnen en berichtte in zijn wekelijkse Kronijk over de activiteiten van de talrijke Vlaamse verenigingen in het Walenland. Guido Fonteyn – aan wie we ook deze en volgende gegevens danken – nam het nummer 27 van de 10e jaargang (6 juli 1930) door en noteerde onder meer de uitnodiging tot het bijwonen van het Guldensporenfeest en de Gezelleviering, ingericht door het Davidsfonds te Luik-Hesbaye. Te Herstal vormden de leden van de ‘Vlaamse Broederbond’ aparte groepen in de processie. Te Charleroi werd een ‘Grootsche Optocht’ gehouden en te Montignies-Neuville ging het Guldensporenfeest in de ‘Vlaamschen Kring’ gepaard met een optreden door het ‘Vrouwenchoraal’. Te Bergen (Mons) organiseerde het Davidsfonds een Guldensporenviering, met aansluitend prijsuitreiking voor de kinderen die de Vlaamse leergangen hadden gevolgd. Ook te Montignies-sur-Sambre, Roux, Mont-sur-Marchienne, Gilly en Damprémy gingen soortgelijke prijsuitreikingen door.

Het in vorige alinea genoemde Davidsfonds had trouwens reeds vanaf zijn stichtingsjaar 1875 afdelingen in het Walenland, onder meer te Luik en te Saint-Roch. Vóór de Eerste Wereldoorlog werden afdelingen opgericht te Wezet/Visé (1910), te Aubel (1911), te Verviers (1912). Ook te Aat/Ath, Doornik en Edingen bestonden reeds voor 1911 Davindsfonds-afdelingen. Na Wereldoorlog I werden nog afdelingen gesticht te Eupen, Malmédy, Montzen, Hoei en Herstal. Het zou duren tot aanvang de jaren 1950 vooraleer al deze afdelingen wegdeemsterden uit het brede Davidsfonds-landschap.

‘Band – Organisatie van de Vlamingen in Wallonië’, is een initiatief dat eerst einde der vijftiger jaren van de 20e eeuw schuchter van wal stak, maar dat aldus over voorlopers beschikte waaruit blijkt dat de emigranten zich in het Walenland niet zomaar geruisloos lieten assimileren. ‘Band’ zou echter nog vóór het einde van de vorige eeuw een stille dood te sterven. Er was overigens niet de minste ruggensteun meer vanuit het Nederlandstalige landsgedeelte. De “federalisering” van België resulteerde op dit vlak eerder in een zich volledig afkeren van wat er zich aan de overzijde van de taalgrens afspeelde. Het enige aandachtspunt werden de “transfers”, en initiatieven die de van huize uit Nederlandstaligen ertoe aanspoorden zichzelf te blijven en de aanpassing zonder zelfverloochening uit te testen werden als uit den boze beschouwd.

Hoeveel Vlamingen vestigden zich in het Walenland? Wij laten A. de Bontridder aan het woord: “Niemand kan het juist zeggen. Er bestaat geen telling, geen statistiek. Toen wij in mei 1941 met de ‘Organisatie der Vlamingen in Wallonië’ van wal staken, kon er ten hoogste gerekend worden op een tiental adressen. Maar het was geweten, dat onze volksgenoten, geheel aan hun lot overgelaten, met honderdduizenden verspreid leefden over gans het Walenland. Met de geringe middelen die ter beschikking stonden, konden wij (…) ook een waardevol documentatiemateriaal verzamelen. Onze jonge organisatie is er reeds in geslaagd 20.000 Vlaamse huisgezinnen te identificeren verdeeld over de volgende gemeenten:

La Louvière, 967 – Gilly, 1.303 – Houdeng-Goegnies, 222 – Bergen, 841 – Tubeke, 409 – Doornik, 726 – Montignies s. Sambre, 1.241 – Ransart, 310 – Damprémy, 530 – Marchienne au Pont, 751 – Courcelles, 720 – Gosselies, 932 – Bressoux, 845 – Montegnée, 672, enz.

Dat geeft 20.000 Vlaamse huisgezinnen, dit is minstens 100.000 personen. Wanneer het ons zal mogelijk zijn deze telling te doen voor gans het Walenland, dan zal blijken, dat dit cijfer nog niet het twintigste deel is der Vlaamse huisgezinnen die in het Walenland verblijven.

Want men moet rekening houden met het feit, dat in hoger genoemde getallen niet alle Vlaamse gezinnen begrepen zijn, maar slechts deze waarvan de afstamming betrekkelijk gemakkelijk te maken is, omdat zij in Vlaanderen zelf geboren zijn. Al deze Vlamingen spreken nog onze moedertaal. Als wij daarbij dan de personen voegen, die in het Walenland uit Vlaamse ouders geboren werden. dan dienen deze cijfers minstens verdubbeld te worden.

Gans het gebied van Teuven aan de Duits-Nederlandse grens. over Wezet (Visé), Borgworm, Landen, Geldenaken, Waver, Kasteel-Brakel, Tubeke, Edingen, Aat, Lessen, Leuze en Doornik bevat (toen, nota MC) ongeveer 150 gemeenten met sterke en zelfs overwegend Vlaamse bevolking. In de streek van Landen zijn een 20-tal gemeenten geheel Vlaams. Hetzelfde geldt voor de streek van Edingen tot Vloesberg in Henegouwen.

De Wallingant, ir. P. de Charnay, erkende in 1935 openlijk, dat het Walenland letterlijk door Vlamingen werd bezet. Hij haalde onder andere het voorbeeld aan van het kanton Beaumont (provincie Henegouwen, arrondissement Thuin), waar toen reeds meer dan 450 Vlaamse boerenfamilies bodemvast ingeburgerd waren. Gelijkaardige toestanden zijn zowat overal te ontdekken.

Deze cijfers mogen ons niet verwonderen als we weten, dat ganse Vlaamse huisgezinnen hun Vlaamse woonplaats verlieten om naar het Walenland te trekken. Want ook in die richting hebben we een onderzoek ingesteld.

Sinds 1900 weken uit volgende gemeenten het daarachter bepaalde aantal personen uit naar het Walenland. Indien de uitwijking vanaf een ander jaar gekend is werd dit aangeduid tussen haakjes:

Aalst: 4594 (sinds 1891) – Anzegem: 491 – Assebroek: 802 (sinds 1870) – Belfegem: 619 (sinds 1830) – Bilsen: 923 (sinds 1847) -Beverlo: 242 – Eeklo: 806 (sinds 1894) – Eisden: 520 (sinds 1922) – Geeraardsbergen: 6428 (sinds 1872) – Grembergen: 314 – Halle: 849 (sinds 1901) – Heppen: 308 – Izegem:271 (sinds 1923) – Kermt: 479 – Kessel-Lo: 3634 (sinds 1870) – Kwaremont: 317 – Lanaken: 782 – Ledeberg: 1600 (sinds 1870) – Leisele: 263 – Leuven: 551 – Liedekerke: 271 – Lommel: 908 – Lovendegem : 325 – Lummen : 589 -Membruggen 1915 tsece~t ‘901 – Nazaret: 346 – Neerlinter: 272 (sinds 1915) – St.-Agatha Rode: 399 – St.Genesius Rode: 2000 (sinds 1830 – Steendorp 238 – Terhagen : 321 – Veurne: 611 – Wezemaal: 319 – Willebroek: 1390 – Zele: 1065 – Zolder: 357 – Zottegem: 409 (sinds 1901) – Zwijndrecht: 348.

Dat geeft voor 38 gemeenten 35.179 uitwijkelingen. Als men weet, dat er in Vlaanderen (voor de fusies uiteraard, nota MC.) 1170 gemeenten zijn, en zo men voor deze 1170 gemeenten kon teruggaan tot 1830, dan zou blijken dat een miljoen Vlamingen zich in het Walenland gevestigd hebben sedert 1830.

Maar er is meer! Deze Vlaamse mannen en vrouwen huwden en werden uitgehuwd en door de natuurlijke vruchtbaarheid van ons volk kwam er daar in het Walenland een volk tot stand, dat men zeer ten onrechte als Waals volk is gaan aanzien, maar dat voor een zeer groot gedeelte behoort tot ons Zuid-Nederlandse volk. Dat dit volk reeds in zijn brede lagen zijn taal verloren heeft, verandert niets aan zijn afstamming.” Einde citaat.

Dertig jaar later zou de eerder vermelde vereniging ‘Band’, met al even beperkte middelen van onderzoek, tot een meer schuchter, doch nog steeds indrukwekkend besluit komen. Band telde in 1971 nog 55.000 tot 60.000 gezinnen, hetzij ruim 300.000 Vlamingen, die nog in aanmerking konden komen voor een Vlaams verenigingsleven in het Walenland.

Uit het “groene boekje” van ‘Band’ putten wij nog volgende interessante gegevens, ter aanvulling van het destijdse onderzoek van A. de Bontridder:

“In 1970 verklaarde de Eerste Schepen van La Louvière dat 71% van de inwoners van zijn stad van Vlaamse afkomst was. In Luik-stad schommelde dat cijfer tussen 30 en 35%.”

En verder: “Omwille van de verbeterde economische toestand in het Noorden, verloren de Waalse mijnen geleidelijk hun aantrekkingskracht voor de Vlamingen. Voor de landbouwsector echter bleef de interesse wel bestaan: in sommige dorpen zijn 15 tot 20% van de inwoners afkomstig uit Oost- en West-Vlaanderen; uit de provincies Antwerpen en Limburg kwamen de landbouwersgezinnen in mindere mate over naar het Waalse landsgedeelte. In 1968 zochten veel onteigende landbouwers uit het polderland van de Antwerpse rechteroever hun redding in een hoeve in het Walenland.” Einde citaat.

Het gebied van Zuid-West-Vlaanderen, dat tot lang na de Tweede Wereldoorlog verstoken bleef van enige noemenswaardige industrialisatie, kende nog in de zestiger jaren een enorm aantal pendelarbeiders naar het Noord-Franse industriegebied (dat geologisch een voortzetting vormt van de Waalse bekkens) en naar het Walenland.

De eigen ervaring leert dat uit de jaargangen geboren tussen 1940 en 1950 nog in haast alle families emigranten kwamen die uitweken naar het Walenland. Hun kinderen kregen uiteraard slechts Franstalig onderwijs. De schrijnende realiteit dat Vlaamse grootouders niet eens meer met hun in het Walenland geboren kleinkinderen kunnen converseren, is een ervaring die ontzettend veel West-Vlaamse families aan den lijve ondergaan.

Volgens officiële statistieken weken, tussen de volkstelling van 1949 en 1963. nog 130.765 Vlamingen uit naar het Walenland. Anderzijds groeide de bevolking van het Walenland tussen 1939 en 1973 van 2.968.756 tot 3.192.000. hetzij een aanwinst van 223.244 zielen (met inbegrip van de vreemdelingen, die thans 12,2% van de Waalse bevolking uitmaken).

De uitwijkelingen naar het Walenland kwamen in de periode 1946-1957 voor 42% uit West-Vlaanderen, 23% uit Oost-Vlaanderen, 13% uit Limburg, 11% uit Antwerpen, 5% uit Vlaams-Brabant en 6% uit Nederland. 62% van hen kwam terecht in Henegouwen, 14% in Namen, 13% in Zuid- (of Waals) Brabant, 7% in Luik en 4% in Luxemburg.

In juli 1950 balanceerde België op de rand van een regelrechte burgeroorlog naar aanleiding van de Koningskwestie. Te Graçe-Berleur vielen drie doden onder de kogels van de Rijkswacht. Hun namen zijn bekend: Albert Houbrechts, Pierre Cerepana en Henri Vervaeren. Afgaande op hun namen dus twee Vlamingen en een Italiaan.

Het verhaal van de Nederlandstalige emigratie naar het Walenland situeert zich aldus over meer dan een eeuw – 1830-1960 – en aan het verhaal kwam slechts, wat de Waalse mijnstreek betreft, een einde door de invoering van het abonnementensysteem van de spoorwegen. Daardoor ontstond voor velen een alternatief voor de definitieve migratie en spoorden de Vlaamse kompels voortaan – en zolang de Waalse mijnen nog actief waren – wekelijks of zelfs dagelijks naar huis. Te Bois-le-Duc staat thans op de voormalige mijnsite een zwartgeschilderde treinlocomotief. Het is een restant van de ‘Train des Flamands’ die destijds de mijnwerkers uit de streek van Geeraardsbergen naar de mijnen bracht. En van de woonblokken heet tot op vandaag de ‘carré des Flamands’.

De slotsom

Wanneer wij onze cijfers (inclusief Waals-Brabant) afgerond samenvatten, dan ontstaat volgend beeld:

1. Minder dan 1.500.000 niet-ingeweken, zogenaamde oorspronkelijke Walen (waarin evenwel begrepen het Moezelfrankisch taalgebied rond Aarlen, het Picardisch taalgebied in Henegouwen en het Duits taalgebied (Oostkantons)).

2. Ongeveer 400.000 niet-assimileerbare “verse” vreemdelingen.

3. Ongeveer 50.000 Vlamingen 1e en 2e generatie, die nog niet volledig verfranst zijn.

4. Ongeveer 1.500.000 afstammelingen van verfranste Vlamingen, ingeweken sinds het ontstaan van België.

Wij moeten de moed hebben om de dingen te zien zoals zijn en dit houdt bijvoorbeeld in dat de Vlaamse miljardenstroom naar het Walenland, voor niet veel minder dan de helft te goede komt aan uitgeweken Vlamingen en hun nakomelingen. Vanzelfsprekend is deze vaststelling niet van aard om de nood aan dringende sanering van verlieslatende industrietakken tegen te spreken – of inzake het handhaven van objectieve normen inzake steunverlening en medische zorg voor het ganse land. Zij wil slechts de demagogie relativeren over “de” Walen die leven van Vlaams geld.

Facit: verworvenheden van taal en cultuur – hic et nunc de verfransing – zijn, in tegenstelling met het bloed, niet erfelijk. Zij tasten derhalve het wezen van de mens en het volk niet aan. Indien deze hedendaagse verworvenheden van de antropologie enige waarheid bezitten, dan betekent dit meteen dat ook de Waalse provincies evengoed bewoond worden door Nederlanders, als Brabant, Limburg en Vlaanderen.

Voldoende stof tot overweging alvast. Rest nog af te ronden ~net enkele beschouwingen over een derde aspect van “Het Walenland in de Nederlanden” namelijk de historische lotsverbondenheid.

III. Lotsverbondenheid

Hierboven hebben wij respectievelijk aandacht besteed aan de etnische en taalkundige verscheidenheid binnen het Walenland zelf en aan de enorme emigratie vanuit het Nederlandstalig gebied naar het Walenland toe. Wij zetten daarmee als het ware een stap van het heden naar het gisteren. In dit derde luik willen wij nog verder doordringen in het verleden en aandacht besteden aan de historische lotsverbondenheid van alle gewesten van de Zuidelijke Nederlanden.

Aan een eerste aspect van dit onderwerp werd ook reeds door A. de Bontridder aandacht besteed, waar hij (in de hierboven aangehaalde studie) schreef: “Gans de geschiedenis door is er een min of meer stevige lotsverbondenheid geweest tussen de gouwen die de huidige Belgische ruimte uitmaken. Die lotsverbondenheid bestond vóór, tijdens en na het Lotharingse Rijk, tijdens het bestaan van de XVII Provinciën der Nederlanden, onder de Spaanse, Oostenrijkse en Franse overheersing, en bestaat nog in de Belgische staat sinds 1930.” De auteur stelt verder ook – wij citeren:

“Brains”

“Gedurende deze lange tijdsspanne, die ongeveer 1500 jaar geschiedenis omvat, zijn het steeds de Vlamingen geweest die in deze gebieden de grootste rol hebben gespeeld. In de staatskunde, in de kunst, op het gebied van handel en nijverheid, stonden zij steeds vooraan om niet te zeggen op het voorplan. Maar zelfs gedurende het tijdstip van het zogenaamde Waalse overwicht in de Belgische staat zijn het niet altijd zuiver “Waalse” krachten geweest, die de staat beheersten. De leidende kringen stonden onder sterke invloed van verfranste Vlamingen. Onder de zogenaamde Waalse schrijvers en kunstenaars en vooraanstaande persoonlijkheden vinden wij immers de volgende namen: Caesar Franck, Godefroid Kurth, Pietkin, J. Feller, Van Walleghem, Van Belle, Jenissen, Vaniesbecq, Duesberg, Schoonbroodt, Paul van der Borght, Van der Maesen, Frans Dewandelaer, Van Cutsem, Vrindts, Verhaeren, Charles de Coster, Georges Rodenbach, Van Lerberghe en ontelbare anderen, waarvan de naam mij niet onmiddellijk te binnen schiet. In de politiek, in de handel, in de nijverheid en in de financies vinden we een geweldig aantal vooraanstaande persoonlijkheden, die hoewel zij een belangrijke rol speelden en nog spelen in de Belgische ruimte, zonder zich als Vlamingen te gedragen, toch tot ons volk behoren naar hun afstamming.

Met deze gegevens willen wij erop wijzen. dat de ‘echte’ Walen feitelijk veel minder talrijk zijn dan velen van ons denken, en dat het voor een groot deel, tegen alle schijn in, ook Vlamingen zijn, die niettegenstaande alles het meest actieve en werkzame deel zijn geweest der bevolking in de Belgische ruimte.” Einde citaat.

Historische terugblik

Vanzelfsprekend gebruikt de auteur het begrip “Vlamingen” in zijn betoog als verzamelnaam voor de (van oorsprong) Nederlandstaligen binnen de Belgische begrenzing. Het zogenaamde “sociologisch” gegeven – beter zou zijn Belgisch gegeven – waardoor Limburgers en Brabanders zich, sedert 1830, ook als Vlamingen zijn gaan beschouwen, heeft zijn equivalent van even recente datum aan de andere zijde van de taalgrens. “Het duurde tot 1913 eer de Waalse Haan en de geelrode vlag geboren werd, ter vervanging van de eeuwenoude leeuwenschilden van de Waalse graafschappen. Het woord “Wallonië” werd voor het eerst gebruikt in 1857 in de titel van het tijdschrift van de ‘Société Liégoise de Littérature Wallonne’. Van enige politieke bedoeling was er bij deze letterkundigen geen sprake; zij leefden overigens in de beste verstandhouding met hun Vlaamse collega’s o.a. Jan Frans Willems.

In 1895 omschreef prof. M. Wilmotte het Luikse volkskarakter als volgt: “II semble avoir pris quelque chose de la familiarité et de la rudesse teutonnes. Mais si cette familiarité lui reste intégralement (…) la rudesse fut, du moins tempérée par cet apport à la fois méridional et Chrétien … C’aura été l’honneur et la faiblesse de notre race, que d’avoir associé à un indomptable instinct d’individualisme germanique, l’allure plus vive, la sensualité plus prompte et l’humeur plus mobile et plus sarcastique du Gallo-Romain.”

In datzelfde werk citeerde de auteur onder andere uit de Monumenta Germaniae Historica, waaruit blijkt dat men het in Luik, anno 1149. had over “nos Germani sumus, non Galli comati”, en verder, “quia non essent Alemani, sicut dicebat bulla ipsius, sed Galli sive Germani”. Germani betekende toen vanzelfsprekend thiois of Diets.

Men kan dus rustig stellen dat zowel historici als taalkundigen zich, op het einde van de 19e eeuw, nog ten volle bewust waren van hun niet-Franse verleden. De historische breuk met dat verleden kwam eerst tot uitdrukking, toen de politieke Waalse beweging zich als symbool de zogeheten “Waalse” (in feite Gallische) Haan koos en zich als verfransingmachine ging ontpoppen. Doch toen was België reeds geboren.

De Belgische revolutie: 1830

Misschien is het hier de beste plaats om eens te meer het ballonnetje door te prikken van “de Walen als gangmakers van de Belgische revolutie van 1830”. Wij gaan daarvoor te rade bij de wel onverdachte Gerard Knuvelder en diens Rampjaar 1830 , waar hij vaststelt en noteert – wij citeren dwars lezend:

“Huidig nationaal inzicht zou er misschien (inderdaad misschien!) over gedacht hebben de Waalse gewesten niet bij Nederland te voegen, maar men zou daardoor Frankrijk een uitbreiding van gebied gegeven hebben die een onmiddellijke bedreiging van Nederland werd”, aldus de inleiding tot deze studie. De onrust tussen 1815 en 1830 was geen typisch Zuid-Nederlands, laat staan een Waals verschijnsel. In 1819 vroeg de burgemeester van Maastricht ontslag als lid van de Staten-Generaal op grond van zijn onbekendheid met het Nederlands. De grote petitiebeweging met betrekking tot vrijheid van drukpers en onderwijs kende, naast Luik, Verviers en Brussel, ook Maastricht als gangmakers; de beweging deinde al over Noord-Brabant uit naar Den Haag, Gelderland en Friesland. Uit de krant Courrier de la Meuse bleek duidelijk dat het Zuiden zich niet als “Belgen” achteruitgesteld voelde, doch wel zich in zijn katholiciteit bedreigd meende. De eis tot vrijheid van gebruik van de Franse taal werd al evenzeer door de katholieken in het Noorden gesteund (cf. de Rotterdamse, Nijmeegse en Utrechtse petities). Toen 1830 aanbrak was het derhalve politiek woelig in de ganse Nederlanden, doch niets kon een revolutie laten vermoeden. De liberale oppositiekrant BeIge schreef op 6 augustus dat: “… ook diegenen die zich het meest tegen de gang der regering gekant tonen, de noodzakelijkheid aanvoelen van het bewaren van de goede orde en de eenheid.” Op 16 augustus besluit Le Courrier des Pays Bas – “nomen” was toen nog “omen”! – na de grieventrommel geroerd te hebben, dat: “… de Zuiderlingen gesteld zijn op het vaderland dat men hen kortgeleden gegeven heeft; een vaderland dat de voormalige Franse regering ons nooit zo ruim heeft toebedeeld als onze tegenwoordige.” De katholieke Luikse Courrier de la Meuse stelde voorop: “dat slechts wettige middelen mogen gebruikt worden om de grieven weggenomen te zien.” Noch de liberalen, noch de katholieken, noch de adel, noch de geestelijkheid en evenmin koophandel en industrie wensten een revolutie. Het Brussels oproer had met Nederlandse politieke kwesties niets te maken. Als de geïmporteerde revolutionairen op 26 augustus de Franse vlag hijsen op het Brussels stadhuis wekt dit niet in het minst enig enthousiasme bij de bevolking. Staatkundige en taalpolitieke aspecten hebben in 1830 hoegenaamd geen belangrijke rol gespeeld. De rasechte Nederlander Sasse van IJsselt hield ook nog in 1830 zijn redevoering in Den Haag in het Frans.

Facit: de scheidingslijnen van het verzet tegen en de aanhankelijkheid aan de regering van Willem 1, liepen allesbehalve parallel aan de toenmalige Rijksgrens en/of de taalgrens van heden. Tot zover de vaststellingen van Gerard Knuvelder.

En vroeger?

Gezien de geschiedenis van de voorafgaande eeuwen kon dit moeilijk anders. Om dit aan te tonen verlaten we even de terugblikgeschiedschrijving – van het heden steeds verder het verleden in – en hernemen wij de traditionele chronologische methode. Geen enkel Waals gebied had immers hetzelfde lot ondergaan van Vlaanderen, dat door het verdrag van Verdun in 812, gedurende zeven eeuwen politiek verbonden werd met het latere Frankrijk. Dat thans 210 van de 340 oorspronkelijke gemeenten van het oude graafschap Henegouwen binnen de Franse staatsgrenzen dienen gesitueerd te worden, is een ander verhaal dat “De Franse Nederlanden” tot titel heeft.

Des te intenser waren de bondgenootschappen – over de taalgrens heen – tussen de andere gouwen van de Nederlanden. Wij citeren opnieuw dr. J. Rutten: “Randgebied van het Duitse Rijk, werd er tot aan de 15e eeuw weinig of niet aan grote politiek gedaan. Men leefde in goede verstandhouding met de naburige heerlijkheden: in 1283 sloten Brabant en Luik een pakt van bijstand. In 1328 tekenden Brabant, Henegouwen en Holland een arbitrageverdrag voor onderlinge geschillen. In 1339 besloten Brabant, Vlaanderen en Henegouwen – in 1347 ook Luik – eenzelfde munt in te voeren. Het Prinsbisdom Luik handhaafde op bewonderenswaardige wijze zijn onafhankelijkheid, zowel tegenover de Bourgondiërs als tegenover Karel V; in de Tachtigjarige Oorlog bleef het zelfs neutraal. Met Frankrijk was er nooit enige – ook geen feodale – band; een tijdelijke aansluiting werd ieder maal met de wapens afgedwongen. Te Groeninge vochten mannen van Namen naast die van Gulik en Kleef. Tot aan de Franse revolutie stonden de Waalse provincies los van elkaar en zorgde ieder op eigen houtje voor zijn belangen. Vanaf dan echter werden de nu Belgische provincies als een geheel beschouwd en gemanipuleerd. Eigen zeggenschap hadden ze weinig en onderling was er ook geen ruimte voor na-ijver of tegenstellingen. Tijdens 1815-1830 lopen de meningen over en weer van de taalgrens, die overigens zelf niet beweegt.”

De taalgrens – die trouwens geen Belgisch fenomeen is en dwars door West-Europa loopt – bleef tot aan de opkomst van de natiestaten gedurende eeuwen vrijwel stabiel. Zijn oorsprong gaat terug tot in het verre verleden. Volgens Franz Petri aan wie wij deze gegevens ontlenen, is die grens een soort ‘Ausgleichlinie’, tot stand gekomen lang na het einde van de volksverhuizingen. Wetenschappelijke disciplines als archeologie, naam-, taal- en volkenkunde zijn het erover eens dat het Walenland minstens evenzeer als het Noorden van België, tot invasiegebied geworden is. Wij citeren: “Van de ongeveer 500 Merovinger-begraafpiaatsen op Belgische bodem liggen er slechts ongeveer 50 – dat is 10% – in de Nederlandstalige provincies, terwijl voor de Waalse provincies de volgende cijfers onbetwistbaar vaststaan: Luxemburg 47, Luik 70, Henegouwen 90 en Namen 165. Men mag gerust van een gemeenschappelijke ontwikkeling van de Germaanse beschaving tussen de benedenloop van Seine en Elbe spreken – en dit vanaf het midden van de 4e eeuw (p.16). In het geheel blijft de Waals-Noordfranse (merovingische) rijgravencultuur een niet te weerleggen getuigenis van de Germaanse volksnederzetting. Wallonië heeft met ongeveer 450 grafvelden op zowat 16.000 km2 bodem, ongeveer dezelfde vinddichtheid als het Rijnland. Derhalve blijven Wallonië en Noord-Frankrijk kerngebieden van de in belangrijke mate Germaans bepaalde cultuur van de vroege Middeleeuwen. (p. 31). Het blijft een feit dat in de oudst bewoonde gebieden van Wallonië van een werkelijke en substantiële laag Germaanse namen gesproken mag worden (p.34). In de taalwetenschap is het een feit dat de Germaans-Romaanse taalgrens in haar totaalverloop geen rechtstreeks gevolg is van de nederzettingsgrens; doch wel een meerdere eeuwen jongere taalkundig-culturele ‘Ausgleichrije’. Er was aan beide zijden van de latere taalgrens een brede zone van tweetaligheid, waarin de Germaanse bevolking zich later, ingevolge assimilatie, liet romaniseren (p. 168, 171).” Einde citaat.

Tijd voor conclusies

En daarmee zijn we aan het einde van ons verhaal gekomen. Slechts de staatkundige éénwording van de Bourgondische Nederlanden en het uiteenvallen ervan naar aanleiding van de opstand tegen Spanje, werden buiten beschouwing gelaten, omdat verondersteld mag worden dat deze genoegzaam bekend zijn. Terecht herinnerde Prof. Hugo de Schepper er in dit verband aan hoezeer ook vandaag nog de geschiedschrijving van de Lage Landen ten onrechte in Noord- en Zuid-mootjes uiteenvalt: “Uit onderzoek van archivalia en literaire bronnen blijkt er in de Bourgondisch-Habsburgse tijd wel degelijk een economisch, politiekgerechtelijk en cultureel-intellectueel integratieproces aan de gang te zijn. Het integratieproces steunde voornamelijk op de kernprovincies, waar tweederden van de Nederlandse bevolking woonde: Brabant met Mechelen, Holland, Vlaanderen en Zeeland. Ook de Leidse hoogleraar en kenner van de 16e eeuw, Juliaan Woltjer, stelt dat we de verstedelijkte Vlaams-Brabants-Hollandse economie en cultuur in de hele 16e eeuw als een eenheid moeten zien. Als er dan toch een grens zou moeten worden getrokken, dan lag zij tussen het verstedelijkte noordwesten enerzijds en de agrarische en woeste gebieden in het oosten en in de Waalse provincies anderzijds. Terwijl in de kernprovincies de vorming van de Nederlandse staat vóór 1531 in de bestuurskundige praktijk het federale stadium bereikte, bleven de provincies in de periferie tijdens de 16e eeuw nog goeddeels in de fase van een confederale unie van ‘landen’ steken. In de Romaanse periferie en in de noordoostelijke periferie – Friesland, Groningen en de Ommelanden, Overijssel-Drenthe, Utrecht, Gelre-Zutphen, Limburg met Overmaas en Luxemburg – verliep het Nederlandse integratieproces nog langzaam of het ging er grotendeels aan voorbij. De niet-patrimoniale gewesten hadden trouwens door hun laatkomende incorporatie in de Nederlanden een achterstand in te halen.” Einde citaat.

Wij hebben vastgesteld dat geen enkel gebied van het Walenland ooit (langer dan om het even welk ander Nederlands gewest, Vlaanderen uitgezonderd) aanhangsel van Frankrijk geweest is. Dat de geschiedenis van geen enkel Waals gewest kan gesitueerd worden buiten de ruimere context van de Nederlanden. Wij moeten, menen we, de moed hebben om daaruit de voor de hand liggende conclusies te trekken, namelijk dat de vijandschap over de Belgische taalgrens heen niet ouder is dan anderhalve eeuw en derhalve een Belgisch — en géén Nederlands — gegeven is. Deze vijandschap is het rechtstreeks gevolg van het Belgisch unitair regime, dat op zijn beurt twee nieuwe unitaire bestrevingen in het leven riep op basis van de taal. De aldus geschapen dualiteit draagt daarmee alle nefaste kenmerken van het unitaire denken. Dit typisch “Belgisch” denken bedreigt – voor het eerst in 16 eeuwen gemeenschappelijke geschiedenis – de eenheid van de Zuidelijke Nederlanden.

Aan ieder van ons erover te beslissen of hij dit “Belgisch” denken tot het zijne wil maken, dan wel terug wil grijpen naar het oorspronkelijk Nederlands staatkundig denken, dat in wezen federalistisch was en op meerledige basis bundelde wat samen hoort.

Omdat Pieter Geyls Groot-Nederlandse stamvisie alleen op taalverwantschap betrekking heeft “creëerde hij met zijn werken een nieuwe mythe”, stelt H. de Schepper terecht. Daarom verkiest hij – en wij met hem – “Van Schelvens term ‘Heel-Nederlands’, die zowel geografisch als inhoudelijk ruimer is en meer in overeenstemming met de Nederlandse ruimte van toen. Wat Huizinga schreef: ‘Wie de geschiedenis van het Nederlands bewustzijn wil verstaan, moet beginnen zich los te maken van de gedachte, die ons het begrip Nederlands, als ‘zuiver Germaans in tegenstelling doet zien tot al wat Romaans is’, geldt eveneens voor andere aspecten van de geschiedenis der Lage Landen.”

Gerard Knuvelder besloot zijn hoger geciteerd werk met de woorden: “het wordt tijd na de eindeloze overwintering op het Hollands schiereiland terug te keren naar Groot-Nederland – we weten nu wel dat hij daarmee Heel-Nederland bedoelde – waar de stralen van de Bourgondische zon eens verwarmend het land in lichtgloed zetten.” En wij?

Stevenen wij op het “schiereiland” van de Vlaamse staat aan, of scheppen wij de voorwaarden tot de herwording van alle Nederlanden?

Actueel toemaatje rond het Walenland

Wie geboeid is in wetenswaardigheden en weetjes rondom het reilen en zeilen op allerlei gebied in het Walenland kan zich abonneren op het gratis elektronische Waals weekblad via aanmelding op het e-postadres

redactie@waalsweekblad.be

Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Uit het nummer van 16 januari 2009 citeren we volgend nieuwsbericht:

Nederwalen = Wallandais. Het Vlaamse nieuwsmagazine Knack schrijft deze week [nr. 3/2009, 14 januari 2009, pp. 30-33] over het toenemende gebruik van het Nederlands in Wallonië en de inspanningen die gemeenten, het Waals Gewest en bedrijven daarvoor doen. Ook de Nederwalen komen aan bod. Het Franstalige zusterblad Le Vif nam het artikel in verkorte vorm over. Het woord Nederwalen krijgt daar een Franstalig equivalent: Wallandais.

“L’Hexagon”, de vijfhoek, naam gegeven aan Frankrijk. vanwege de vijfhoekige vorm.

Paul-Henri Gendebien en zijn ‘Rassemblement Wallonie-France’ streven onverkort de “wederaanhechting” of rattachement van het Walenland bij Frankrijk na – alsof dit gebied ooit anders dan als bezet gebied onder Frans staatsgezag geressorteerd heeft. Historisch zou het dus meer correct zijn te spreken van “attachement” of aanhechting/annexatie bij Frankrijk. Een inciviek politiek doeleinde waarvoor de geschiedenis geen precedenten biedt.


Maurtis Cailliau



Bibliografie

P. Benoit, Over de nationale toonkunst, 1874, p. 87-88, Uitgave Klassieke Galerij, 1942.

J. M. Gantois (onder het pseudoniem H. van Bijleveld), Nederland in Frankrijk – de zuidergrens der Nederlanden, 1941, p. 78.

P. Geyl, De Groot Nederlandse Gedachte, 1925, p. 77-79, in uitgave Verzamelde Opstellen, band 1, 1978.

Het is in de Nederlandstalige Belgische pers erg gesteld voor wat de objectieve berichtgeving over het Walenland in het algemeen betreft en nog erger waar het er op aankomt oog te hebben voor de wezenlijke verscheidenheid binnen wat gemeenzaam Wallonië genoemd wordt. Loffelijke uitzonderingen waren – maar dat ligt al bijna een decennium achter ons – Guido Fonteyn met zijn rubriek Zuiderterras in De Standaard en destijds ‘Wauthier’ (thans ‘Picard’) met de wekelijkse rubriek Li bia bouquet in ‘t Pallieterke.

Guido Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een brief uit Li Banwès’, in De Standaard, 11 september 2001.

R. Viroux, ‘Wallonië door een Waal beschreven’, in De Nederlanden – perspectieven voor morgen, Turnhout, 2001, pp. 66-69.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. In sieke di Tschansons’, in De Standaard, 12 september 2000. Over dit soort activiteiten rond de Waalse taal bericht ook regelmatig het tweetalige – Waals-Franse – kwartaalblad Coco Rico. Magazine du bilinguisme wallon, dat in Luik zijn redactieadres heeft.

V. Eggermont, ‘Het Letzeburgs in Belgisch Luxemburg’, in Zannekin-Nieuwsbrief, 3/2001, p. 15. De Letzeburgse taalproblematiek haalde de jongste tijd wel meer de media-aandacht, zie o.m. Katrijn Serneels, ‘Letz but not least. Letzeburgers uit grote teen van België willen erkend worden als nationale minderheid’, in De Morgen, 23 januari 2002; Filip Michiels, ‘Een Luxemburgse luis in de Waalse pels’, in Punt, 12 februari 2002; ‘Kulturverain Arelerland a Sprooch, in Walo + Gazette, nr. 12, lente 2002, waarbij meteen de webpagina van de vereniging meegedeeld wordt, n.l. alas.be

V. Eggermont, ‘Luxemburg – een eigen identiteit’, in Zannekin Nieuwsbrief, 1/2001, pp. 13-14.

Zie hiervoor Erik Martens, ‘Taalstrijd in het Arelerland’, in De Nederlanden ‘extra muros’ – Zannekin Jaarboek 25, pp. 151-180.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. De heldendaden van Heracles’, in De Standaard, 25 oktober 2000. De auteur presteert het overigens om in die bijdrage een historische flater van formaat neer te zetten, waar hij schrijft dat Eupen en Sankt-Vith “nooit een gemeenschappelijke geschiedenis deelden” met de Zuid-Nederlandse gewesten. Voor een meer uitgebreid overzicht van de geschiedenis van het Duitstalige deel van België, zie o.m. M. Cailliau ‘Irredentisme of revanchisme. België’s hunker naar een 10e provincie’, in Zannekin Jaarboek 11, 1989, pp. 111-126.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. ‘Waals harnas zit Eupen niet lekker’, in De Standaard, 10 juli 2001.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een moeilijk moment’, in De Standaard, 1 augustus 2000.

J. Demey, De historische twee-eenheid der Nederlanden, Orions historische bibliotheek. Brugge 1978.

A. de Bontridder, Het vraagstuk onzer volkse Levensruimte – Vlaanderen moet Leven, VNV.-Wallonië, Brussel, z.j.

In zijn vergelijking Vlaanderen-Walenland rekent de auteur b.v. alle inwoners van het arrondissement Brussel (1.281.293 In 1938) tot Vlaanderen, om te besluiten dat Vlaanderen toen ongeveer 2.500.000 meer inwoners telde dan het Walenland. De Brusselse taalverhoudingen werden m.a.w. totaal genegeerd.

Voor wat de emigratie naar Frankrijk betreft, zie Y. van Acker, En wij, Vlaamsche boeren in Frankrijk?, Uitg. Steelandt, Brussel, 1941, 56. pp.; Ward Corsmit, Vlamingen in Frankrijk, Uitg. Sansen, Poperinge, 1957, 36 pp.

Yves Quairiaux, in de Encyclopédie du Mouvement Wallon, (als aangehaald door G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een Waalse Groeningewacht’, in De Standaard, 16 januari 2001.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een meisje van Mexcicaanse oorsprong’, in De Standaard, 22 maart 2000.

Het KADOC te Leuven bezit de jaargangen 1921-1931 van De Vlaamsche Volksstem. Na 1964 werden sommige aspecten er van opgenomen in Kerkelijk Leven noteert Fonteyn.

E. de Maesschalck & L. Vints, Davidsfonds 1875-2000, Leuven, p. 55.

Brochure Wat, Waarom Band, Annevoie, 1972.

In dezelfde periode emigreerden 104.045 mensen vanuit het Walenland naar Vlaanderen (Bron: Fr. van Mechelen, Bevolkingsproblemen, Hasselt 1966).

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een nauw verband’, in De Standaard,

J. Rutten, ‘Het Walenland in de Nederlanden’, in. Zannekin Jaarboek 1 Zannekin, 1977, p. 8.

M. Wilmotte, Le Wallon, Brussel 1895, p. 114-116.

G. Knuvelder, Het Rampjaar 1830, Hilversum 1930.

J. Rutten, a.a., p. 7.

F. Petri, Die frankische Landname und die Entstehung der germanisch-romanischen Sprachgrenze, Darmstadt, 1977. De cijfers tussen haakjes verwijzen naar de pagina’ s waaruit geciteerd werd.

Voor de meest recente literatuur hieromtrent, François Herry, ‘Origine germanique et latine de la langue wallonne’, in La Flandre au Lion – Vlaanderen den Leeuw, tijdschrift Michiel de Swaenkring, nr. 50, herfst 2002, pp. 10-14.

Friesland, Groningen en de Ommelanden, Overijssel-Drenthe, Utrecht en Gelre-Zutphen behoorden niet tot het vaderlijk erfgoed, toen Karel van Habsburg in 1506 zijn vader Filips de Schone als landsheer opvolgde. Ze werden eerst tussen 1515 en 1543 bij de Nederlanden ingelijfd.

Hugo de Schepper, ‘Vervalsingen in onze geschiedenis’, in Vivat Academia, nr. 115, 2002, pp. 47-55.

Hugo de Schepper, a.a., pp. 54-55.

dimanche, 23 mai 2010

Brabant Eén!

Brabant Één!

In reactie op de in de val der regering geculmineerde communautaire twisten wijst KASPER de – énkel en alleen op partijpolitiek vlak! – steeds verder om zich heen grijpende en eindeloze reeks staatshervormingen van de hand. In plaats van zich nu al 3 jaar met het non-item BHV onledig te houden, zouden onze politici zich beter met de economische crisis en de snel toenemende armoede in ons land bezig houden. En dat ook de bevolking – zowel in Vlaanderen als Wallonië! – dit zeer sterk zou appreciëren, kan eenvoudig opgemerkt worden door eens het oor te luisteren te leggen bij de gewone burger, die aan BHV hoegenaamd géén boodschap heeft.

 

KASPER keurt dan ook de voor nog meer politiek opbod zorgende betoging van 22 april voor de splitsing van BHV ten stelligste af, want hoewel sommige flaminganten beweren dat dit geen betoging tegen de Franstaligen zou zijn, is het dit de facto hoe dan ook. Immers, iedere Waal en Franstalige voelt zich door en door Belg, zoals jaarlijks kan opgemerkt worden in de week van 21 juli (als in héél Wallonië tot in de kleinste dorpjes de tricolore uithangt). Wie dus morgen mee betoogt voor de splitsing van BHV betoogt tevens én tegen België én tegen onze Waalse landgenoten.


In plaats van België aan te vallen dient men zich te realiseren dat de communautaire problemen níet veroorzaakt worden door culturele of etnische verschillen, maar wél door de ondertussen ontelbare staatshervormingen (die ons land institutioneel verminkten en compleet onbestuurbaar maakten) en door de partijpolitiek (die er belang bij heeft om steeds meer politieke structuren te creëren om er via politieke benoemingen zijn politiek personeel in onder te brengen en zo een steeds grotere greep op de maatschappij te krijgen).


We zwijgen dan nog over het feit dat er geen énkel historisch precedent bestaat voor een onafhankelijk Vlaanderen, dat slechts een samenraapsel van (delen van) wat oude Nederlandse gewesten zou zijn. Hertog Filips de Goede verenigde in de eerste helft der 15de eeuw de Belgische (en een deel der Nederlandse) vorstendommen en sindsdien hebben deze gewesten – zónder staatshervormingen en zónder partijpolitieke machtsspelletjes – eeuwenlang probleemloos samengeleefd. De problemen ontstonden toen de Franse revolutionairen hier vanaf 1795 hun Verlichtingsideologie kwamen inplanten en zo de basis legden voor het huidige communautair opbod.


Wie dus in België iets constructiefs wil bewerkstelligen, dient zich te keren tegen het partijpolitieke systéém en niet tegen een andere etnie. Concreet dient een alternatieve staatsstructuur uitgedacht te worden. De – utopische – Vlaamse onafhankelijkheid en verdere institutionele verminking van ons land draagt daar niet in het minst toe bij, nog los van de beschouwing dat zo’n onafhankelijk Vlaanderen niet meer zou zijn dan de zoveelste Amerikaanse satellietstaat en speelbal van transnationale ondernemingen en internationale bankiers. Want immers, waar het kapitalisme tot ca. 1970 actief de vorming van natiestaten stimuleerde omdat het daar het meest baat bij had, legt het nu internationaal de nadruk op de creatie en uitbouw van stadsgewesten en regio’s. Dat is onder meer zichtbaar in Brazilië, Marokko en vele andere landen. En ook het Amerikaanse Rijk kan Europa makkelijker onderdrukken naarmate er meer en meer kleine – en machteloze – staatjes in Europa ontstaan. Een onafhankelijk Vlaanderen zou dus perfect in het plaatje der kapitalisten en Amerika passen. In dat licht wordt het erg duidelijk waarom de meeste flamingantische partijen en organisaties volledig ingebed zitten in het vaarwater van de VS en van het internationale kapitalisme. Onder meer Vlaams Belang gaat al jaren plat op de buik voor de Amerikanen.


De Vlaamse publieke opinie is NIET separatistisch!

Een ruime meerderheid van de Vlaamse bevolking heeft géén (!) boodschap aan het separatistische scenario dat partijpolitiek en media ons willens nillens door de strot duwen. Er zijn voorbeelden genoeg van politieke organisaties die met succes deze problematiek overstegen, zoals het Verdinaso, de Jonge Belgen/Jeunes Belges, het Nationaal Legioen/Légion Nationale, Rex, …


Separatisme biedt immers geen oplossing, maar vergroot juist nog de geopolitieke problemen in de Lage Landen. Daarom hebben we nood aan meer samenwerking binnen een Benelux-kader. Vlamingen en Walen willen niets liever dan als goede vrienden kunnen samenleven. Het zijn slechts de partijpolitici die constant twisten om hun electorale baronieën overeind te houden en indien mogelijk te versterken, terwijl er tussen Vlamingen en Walen geen enkel probleem is.


Géén splitsing van BHV, wél hereniging van de provincie Brabant!

Wie dus écht het systeem wil breken, doekt de partijpolitiek op én draait alle staatshervormingen terug. Bijgevolg moet er in plaats van een splitsing van BHV juist het tégenovergestelde geëist worden, namelijk een hereniging van de oude (maar nu institutioneel gruwelijk verminkte) provincie Brabant! Alléén dat kan een einde stellen aan het nu al decennia aanslepende en verwerpelijke communautaristische proces, dat Nederlands- en Franstalige Belgen tegen mekaar probeert op te zetten.


Op politiek vlak moeten in héél België de communautaire denkpatronen omgebogen worden naar sociaal-economische beleidslijnen. Met deze oproep wil KASPER een andere stem laten horen, de stem van de meerderheid in dit land die niet gediend is met verder opbod en er eerder van wakker ligt of er morgen nog brood op de plank zal zijn. Herinneren wij er bij deze aan dat 21% der mensen in dit land in armoede leeft: de Vierde Wereld is dus wel degelijk een realiteit, meer zelfs, deze groeit gestaag door de neoliberale globalisering!

 

Dit artikel verscheen in Confiteor!, jg.1, nr.2, Lente 2009-2010

00:15 Publié dans Belgicana | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : belgique, belgicana, brabant | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 03 mai 2010

Moslims boos over Belgisch boerkabesluit

burqa_afghanistan_01.jpg
Ex: http://www.telegraaf.nl/buitenland/6637920/__Moslims_boos_over_boerkabesluit__.html

Moslims boos over Belgisch boerkabesluit
BRUSSEL -  Moslims in België hekelen het aankomende boerkaverbod in het land. Ze geloven niet in het argument dat het verbod nodig is om veiligheidsredenen. Ze stellen dat het bedoeld is om moslims aan te pakken.

„Ik denk dat ze ons gewoon willen uitschakelen”, zei Souad Barlabi, een jonge vrouw met een gewone hoofddoek, toen ze vrijdag de grote moskee van Brussel binnenging voor gebed. „We voelen ons aangevallen.”
Het Belgische parlement had donderdag gestemd voor een nationaal verbod om op straat kleding te dragen die het gezicht verhult, zoals de boerka. Geen enkel parlementslid stemde tegen: een uitzonderlijk teken van eenheid in het doorgaans zo verdeelde België.
Wie het verbod negeert kan een boete krijgen van 15 tot 25 euro of een celstraf tot zeven dagen. De wet moet nog goedkeuring krijgen van de Senaat. Het is dan het eerste nationale boerkaverbod in de wereld, waarbij vooral de veiligheid als reden wordt genoemd.

„Het is gewoon een smoesje”, zegt Samuel Bulte, een bekeerling tot de islam die folders uitdeelt voor de moskee. „Hoeveel overvallen zijn er gepleegd door mensen die een boerka droegen?“
„Ik ben bang dat ze binnenkort het teken van de halve maan gaan verplichten op de rug van moslims”, zei hij, doelend op de gele sterren die Joden moesten dragen tijdens de bezetting door de nazi's.
Bruno Tuybens, een Vlaamse socialist, was een van de twee parlementsleden die zich donderdag van stemming onthielden. „Deze wet ergert me. Ik geloof in vrije meningsuiting en ik denk niet dat het beperkt moet worden, behalve voor erg uitzonderlijke omstandigheden. Er is geen verband tussen criminaliteit en het dragen van een boerka.”

Voor de moskee van Brussel riep een oude bebaarde man: „De maagd Maria droeg ook een hoofddoek. Niemand die daar iets van zegt.”
Even verderop zegt de 25-jarige Said dat hij verbaasd is „hoe een seculier land zo verward kan raken over religie”.
Mensenrechtenorganisatie Amnesty International riep de Belgische Senaat op het wetsvoorstel te herzien. De organisatie meent dat de wet strijdig is met mensenrechtenverdragen. „Een compleet verbod op het verbergen van een gezicht schendt de vrijheid van meningsuiting en de geloofsvrijheid van de vrouwen die de boerka of nikab dragen”, zei John Dalhuisen, Amnesty's expert voor discriminatie in Europa. „Het Belgische besluit om de gezichtsbedekking te verbieden, als eerste in Europa, is een gevaarlijk precedent.”

13:17 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, immigration, burqa, belgique, belgicana, politique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 29 avril 2010

The Trouble With Belgium

belgique.gif

 

 

The Trouble With Belgium
The surrealism of its linguistic, economic and social problems will soon become very real.
By MARC DE VOS
Brussels
The country that gave surrealism to the art world is now turning political surrealism into an art form. Last week, Belgium's Prime Minister Yves Leterme tendered his resignation for the fifth time since his Flemish Christian-Democratic party romped to victory in the federal elections of June 2007. At the behest of a weary King, the leader of the francophone conservatives, Didier Reynders, engaged in a last-ditch mediation effort. It proved as utterly pointless as the previous three years of constant internal crisis. The government has fallen and early elections loom.

Belgium's problems have deep and intricate roots. Situated on the murky borderline between the Latin and German cultures in Europe, Belgium was formed almost by accident in the 19th century as a then-strategic buffer state between France and Great Britain. Artificial in its origin, Belgium's profound cultural differences—symbolized by different languages and an international capital whose identity is to have no identity—have been compounded by its own history. The newly born Kingdom of Belgium committed the original sin of imposing French as the official language on its Flemish majority. This historic discrimination constitutes the bedrock of the Flemish autonomy movement that first fought for equal rights and since 1970 has fueled the gradual evolution from a unitary kingdom to a federal country, with ever more regional autonomy.
Along its decades-long tortuous but peaceful path of devolution, Belgium has acquired a linguistic border, formally separating the Dutch-speaking north (Flanders) from the French-speaking south (Wallonia). Brussels is an officially bilingual enclave in Flanders, surrounded by a string of Flemish communities with special rights for French-speaking inhabitants. In reality, however, Brussels is cosmopolitan, with French as the dominant language and Dutch marginalized, while its surrounding Flemish communities have become increasingly francophone through internal Belgian migration. The reverse never happens. In an apparent testament of cultural inferiority, Flemings who move south learn or speak French, to become francophone after a couple of generations.

The problem that has gridlocked the Belgian political scene for the last three years is part of this unholy quagmire. Known in Belgium as "BHV," the acronym for Brussels and the two Flemish cities Halle and Vilvoorde, it represents the only election constituency that ignores Belgium's linguistic border. French-speaking inhabitants of both Flemish cities can vote for Walloon political parties that can normally only present themselves in Wallonia or in Brussels.
The Flemish want to split up "BHV," period. In their eyes, it is a constitutional absurdity and a tool for francophone expansionism into Flanders. For the Walloons, it is the guarantor of the civil rights of a linguistic minority in Flanders. The issue is therefore as fundamental as it is personal. It is not just about two different cultural communities having difficulties living together; it is about a profound difference in understanding of what it means to respect the other culture. For the Flemish, people living in Flanders should respect the fact that Dutch is their official language. For the Walloons, the language choices of individuals are sacrosanct, irrespective of their place of residence.
What makes this cultural divide a political chasm is the fact that Belgium has no federal political parties: All political parties are exclusively regional, as are all the media. All the Flemish and Walloon parties can freely grandstand on language issues before their own regional constituencies. But since they are condemned to governing together at the federal level, such grandstanding comes back to haunt them in any federal majority.
The recent tendency of traditional parties to form alliances with more radical linguistic parties has aggravated this situation. Mr. Leterme's Flemish Christian-Democrats achieved electoral victory in 2007 through cooperation with Flemish nationalists. This particular marriage of convenience did not survive the ongoing institutional crisis. Mr. Reynders' conservatives are bedfellows with a militant francophone party. It was hoped that their alliance could be the weakest link that may yet give way and finally offer the possibility of a compromise among just the mainstream parties.
Hope springs eternal, but failed to break this particular deadlock. Belgium's federal government is now a caretaker government. With yet another coalition effort seemingly out of the question, the country is en route for early elections in June. BHV, in the meantime, is not going anywhere. A 2003 ruling by Belgium's constitutional court forces the country to reconsider this atypical constituency. Flemish political parties may now try to force a vote in parliament, only for Walloon parties to resort to delaying tactics. The end result could well be an election radicalized by the language issue and open to constitutional challenge.
Even solving delicate "BHV" would only be a temporary reprieve. Belgium's internal divisions are not only cultural and historical, institutional and political; they are also economic and financial. Flanders is more a mixture of social conservatism and free-market thinking, while Wallonia is rather a mixture of social liberalism and old-school socialism. The economic development of both regions is dramatically different. Thriving Flanders complains that it is subsidizing bankrupt policies in Wallonia. Wallonia complains that greedy Flanders is abandoning solidarity in her hour of need.
More than anything, the problem with Belgium is one of incredible internal complexity that stifles democratic decision-making. Brussels stands out as a basket case: A medium-size city of little over a million souls is "governed" by 19 different smaller cities, one regional government, two regional communities, and one shared community—don't even try to understand all the distinctions. What makes political leadership in this country is not the energy to govern with conviction but the ability to reach compromises for the sake of compromise, essentially maintaining the status quo and serving various interest groups in an ever more complex web of checks and balances.
As a result, Belgium consistently lags behind its European peers in crucial areas of policy reform. The combined weight of the economic crisis and demographic aging will therefore pose a much bigger challenge to the Belgian compromise than the essentially symbolic case of "BHV" suggests. A ballooning deficit, unfunded social security entitlements, and generous funding for the regions, have left the Belgian federal level virtually cash-stripped. Complexity is the price for diversity, but the time when that price becomes simply too high is approaching fast.
Belgium's internal divisions are bound to resurface after the next federal elections. Increasingly, they will deal with the substance of key economic, social, and fiscal policies, not with the symbolism of language and culture. Not only "BHV," but the future of the labor market, of pensions, health care or taxation, will be the bone of north-south contention. The surrealism of Belgium's predicament will become very real.
Mr. De Vos is professor at Ghent University and the general director of the Itinera Institute. He is the author, most recently, of "After the Meltdown: The Future of Capitalism and Globalization in the Age of the Twin Crises," (ShoehornBooks.com, 2010).

samedi, 24 avril 2010

Belgian stalemate

Belgian Stalemate: King Prohibits Parliament from Convening, Prevents BHV Vote and Burka Ban

belgiancrisis.jpgBelgium, the state of origin of EU president Herman Van Rompuy, is proving its status of non-country once again. For the fifth time since he was elected in 2007 the prime minister Yves Leterme, a Christian Democrat of Van Rompuy’s party, has either failed to put or keep a government together. Yesterday, he submitted his resignation to the King after one of his Flemish coalition parties, the Liberal VLD, withdrew from the government.

Leterme resigned after the umpteenth deadline had expired within which he had promised to settle the issue of the unconstitional electoral district of Brussels-Halle-Vilvoorde (generally referred to as BHV). All that is needed to settle this issue is a vote in parliament. At the committee level this vote has already been passed, with a majority voting to separate the Flemish (linguistically and territorially) towns of Halle and Vilvoorde from the electoral district of the bilingual capital of Brussels. To prevent the vote from being passed in the general assembly, the francophone parties of Wallonia and Brussels employed a number of procedures, buying time for the government to negotiate a “solution” where the Flemish would be put under pressure to make political, financial or territorial concessions to the francophones in exchange for a redrawing of BHV.

Leterme’s latest attempt failed, again because the francophone parties have no intention of settling the issue at all and are making demands that would undo five decades of careful constitutional reform and upset the precarious political balance. However, the monarchy has come to the rescue. After receiving Leterme, he refused to accept the resignation and immediately summoned the Speaker of the Belgian parliamant, Patrick Dewael, a member of the VLD, and put him under pressure not to convene parliament, and so to prevent any initiative that might lead to the BHV issue being tabled and voted in the general assembly.

By preventing Parliament from convening the King also thwarted the final vote on the burka ban, which was scheduled for yesterday.

vendredi, 23 avril 2010

Belgium Is Thrown Into Political Chaos

http://online.wsj.com/article/SB10001424052748704830404575199860893300400.html

Belgium Is Thrown Into Political Chaos
Premier tenders resignation, but king says no; burqa-ban vote on hold

By JOHN W. MILLER


BRUSSELS—Belgian Prime Minister Yves Leterme tendered his resignation but was rebuffed by King Albert II, throwing this fractious nation into another round of political chaos and delaying a historic vote to ban the full-face veils worn by some conservative Muslim women. 
 
v-7-1002138-1216199791.jpgBelgium's Prime Minister Yves Leterme leaves the Royal Palace after a meeting with King Albert II.
Belgium was set to become the first European country to forbid the practice of wearing the burqa in public. The proposed law, which has been approved in committee, has broad support in Parliament and is expected to pass when the dust settles from the current crisis.
Mr. Leterme's hand was forced Thursday morning when the Dutch-language Conservatives withdrew from his five-party coalition, leaving it without a workable majority. "We've lost confidence in the government," said Alexander De Croo, president of the Conservatives.
The crisis comes at a poor time for Belgium, just 10 weeks before the country is scheduled to take over the European Union's rotating presidency. The Belgian presidency is also a chance to showcase Herman Van Rompuy, a former Belgian prime minister and now the EU's first-ever president. Mr. Leterme, 49 years old, had been busy organizing a promotional tennis match between national stars Justine Henin and Kim Clijsters.
Belgium is also grappling with managing its economic recovery, cutting its budget deficit and dealing with the flight ban following the volcanic eruption in Iceland.
Mr. De Croo and other members of Belgium's Dutch-speaking majority charge that Mr. Leterme has offered too many concessions to Belgium's French-language minority in a technical dispute over administration of the suburbs of Brussels.

The crisis left the prime minister no choice but to submit his resignation to King Albert II. But after a Thursday afternoon meeting, the king refused. "A political crisis would be inopportune and would do serious damage to the economic and social well-being of the citizenry and to Belgium's role at the European level," Mr. Leterme and the 75-year-old monarch said in a joint statement.
The parties will hold meetings on Monday to try to find a way out of the impasse. Possibilities include Mr. Leterme finding a compromise to rebuild his coalition, the emergence of a new prime minister, or national elections. Parliament will also reconvene on Monday, but a vote on the burqa ban isn't likely until the political dust has settled.

At the heart of the dispute that forced Mr. Leterme to offer his resignation is a fight over the suburbs surrounding Brussels. A gaggle of small towns and villages numbering several hundred thousand people, these multilingual neighborhoods are in Flanders but are still tied to francophone-controlled Brussels via a common court and electoral system, thanks to a 1960s-era treaty.
Belgium's Dutch-language majority is seeking to split this area from the core of Brussels. In practice, that would force the residents of those suburbs to use Dutch-language courts, and they could vote only for politicians running for office in Flanders. Most importantly, it would be a major symbolic victory for Flemish politicians who advocate ever more autonomy for Flanders. The two language groups also fight regularly over everything from taxes and school districts to football and what to write in history books.

It is an issue that has haunted Mr. Leterme ever since his party won power in elections in 2007. It took nine months for him to forge a coalition. He has now offered his resignation five times, although he has exited power only once, over his role in a state bailout of Fortis Bank.
Mr. De Croo had been threatening for weeks to quit the government unless French-language parties gave up the Brussels suburbs. "The Flemish parties are playing Russian roulette," said Olivier Maingain, a member of the Francophone Democratic Front.

Despite the divisions, no major Belgian political party is advocating a breakup. The French-language group can't afford to lose the financial support of Flanders, one of the wealthiest regions in the world. Flemish politicians oppose a divorce because they would lose political control of Brussels, because it would cost them geopolitical capital and because it would simply be too expensive. Belgium's 97% ratio of debt to gross domestic product is the third-highest in the euro zone, behind Italy and Greece.
"Belgium is not dead, but there are increasing problems of understanding between the two sides," said Pascal Delwit, a political scientist at the Free University of Brussels.

dimanche, 11 avril 2010

La Légion Nationale / Het Nationaal Legioen

La Légion Nationale / Het Nationaal Legioen

De eerste Derde Weg-beweging in België was het zeer radicale Nationaal Legioen of Légion Nationale, dat in mei 1922 ontstond uit de Fraternelles (oudstrijdersbonden) en vanaf midden 1924 opbloeide onder impuls van de Luikse ex-christen-democraat, advocaat, oorlogsvrijwilliger en voormalig officier Paul Hoornaert (1888-1944). Vanaf 1927 werd het Legioen geleid door hem en zijn compagnon Breughelmans.

Voornoemde Fraternelles verenigden voormalige soldaten van het IJzerfront en zagen de opgang van socialisme, algemeen stemrecht en flamingantisme met lede ogen aan. In de jaren 1920 evolueerden de Belgisch-nationalistische kringen in de richting van Derde Weg-ideologieën. Zo ontstonden naast het Nationaal Legioen/Légion Nationale ook de Action Nationale van de katholieke senator Pierre Nothomb, het Légion Patriotique en de Faiseau Belge. Allen werden daarbij aanvankelijk sterk geïnspireerd door de Franse Action Française van Charles Maurras en later door de machtsovername van Derde Weg-bewegingen in Italië en Portugal. De meeste leden van Nothombs Action Nationale liepen over naar het Legioen.

 

Het Nationaal Legioen/Légion Nationale was met 5.000 leden en afdelingen in heel België een sterke organisatie. Aanvankelijk was het ideologisch en organisatorisch sterk beïnvloed door het Italiaanse fascisme. Het Legioen wou een nationale revolutie om in België een Nieuwe Orde te installeren, waarbij de politieke partijen en het parlement zouden vervangen worden door een krachtdadige regering onder leiding van de koning. Verder was het Legioen antimarxistisch, antiparlementair, antisemitisch, Belgisch-nationalistisch, royalistisch en wees iedere deelname aan verkiezingen af. Echte toenadering tot Degrelles Vlaams-Waalse partij Rex was dan ook onmogelijk.

 

Hoornaert richtte de gedisciplineerde en op Italiaanse leest geschoeide militie Services de Protection op, met helmen, knuppels en donkerblauwe uniformen en geleid door ‘commandanten’. Dit was de éérste militie in België en ze schuwde gewelddadige confrontaties met flaminganten, socialisten en communisten niet. De militie veranderde later haar naam in Groupes Mobiles en vanaf 1934 in Nationalistische Jonge Wacht/Jeunes Gardes Nationalistes.

 

Het Nationaal Legioen/Légion Nationale was onderverdeeld in centuriën en gebruikte de Romeinse groet en de fasces. Naast een eigen militie had het ook ‘sportafdelingen’ (die de facto voor paramilitaire training zorgden). Dit laatste werd door de Wet op de Privé-milities van 1934 aan banden gelegd, hoewel dit geenszins de verdere groei van het Legioen hinderde. De leden legden de eed van trouw af aan Vorst, Volk en Vaderland en droegen ook een ring van het Nationaal Legioen.

 

Verder had het Nationaal Legioen/Légion Nationale veel invloed in het Belgische leger, waarin het opereerde onder de naam MDS (Le Mot du Soldat). Tijdens de Tweede Wereldoorlog vormde MDS zich om tot een geheime postdienst voor het verzet (cfr. infra). De beweging was ook betrokken bij de mislukte staatsgreep van Rex-leider Léon Degrelle op 25 oktober 1936 en onderhield nauwe banden met vermoedelijk zowel de Belgische als Franse inlichtingendiensten.

 

Hoewel het Legioen vooral sterk stond in Franstalig België, had het toch ook in Vlaanderen enige aanhang. Zo had het Nationaal Legioen in Gent een secretariaat aan de Nederkouter 32 en werd reeds in 1924 een afdeling in Antwerpen opgericht, die vanaf 1929 opbloeide toen het Nederlandstalige ledenblad Het Belgisch Nationaal Legioen verscheen. Deze periodiek kende een aantal naamsveranderingen: Het Nationaal Legioen (1934), Het Legioen (1935) en Storm (1939). De verantwoordelijke voor dit blad was de Deurnse uitgever-publicist Raymond Gilbert. Onder de leiders van de Antwerpse Legioen-afdeling vinden we Melchior Peeters en H.C. Frederiks als propagandaleiders en de ex-flamingant Arthur Rotsaert, die overgestapt was van de Action Nationale. Ook sommige andere Antwerpse Legioen-leiders, zoals de advocaten René Lambrichts, Edouard Van Lil en Ferdinand Van de Vorst, waren afkomstig uit de kringen rond Pierre Nothomb. Bij de gewone leden van het Antwerpse Legioen was er een sterke katholieke inslag.

De Antwerpse afdeling was gevestigd in het Nationaal Huis in de Lange Gasthuisstraat 42, waarin ook een andere Antwerpse Belgisch-nationalistische organisatie, de Jonge Belgen/Jeunes Belges, gevestigd was. De Jonge Belgen gingen in de eerste helft van de jaren 1930 grotendeels op in het Legioen. Zo was Antwerps Legioen-gouwleider André Van Meel afkomstig uit de Jonge Belgen, evenals de Franstalige edelman Charles Decallone en de Belgisch-nationalistische militante Yvonne Mabesoone.

 

Na de Duitse bezetting van België in 1940 weigerde het virulent anti-Duitse Nationaal Legioen/Légion Nationale te collaboreren, maar ging daarentegen in het verzet. De Duitsers lieten het Legioen aanvankelijk met rust. Vergaderingen en oefenkampen, zelfs in uniform, bleven mogelijk. Toen de bezetters merkten dat ze het Legioen niet in een knechtenrol zoals de Eenheidsbeweging-VNV of Rex konden duwen, werd in augustus 1941 een compleet activiteitsverbod opgelegd. Vanaf dat ogenblik zat het Legioen in de clandestiniteit. In september 1941 ondernamen de Duitsers een enorme razzia in heel het land, waarbij ruim 200 Legioen-leiders werden gearresteerd. Velen daarvan belandden definitief in concentratiekampen. Leider Paul Hoornaert werd in 1941 door de Gestapo opgepakt en stierf in 1944 in het Duitse concentratiekamp Sonnenburg. Het volledige Legioen werd in juni 1941 onder de naam Groep Hoornaert-Dirix in het vanuit Londen gedirigeerde Geheim Leger opgenomen en verspreidde onder andere illegale pamfletten, pleegde sabotage en bespioneerde Duitse troepenbewegingen.

 

Het getuigt dan ook zonder meer van een gebrek aan historische kennis dat toenmalig Minister van Defensie André Flahaut tijdens een plechtigheid van de Koninklijke Verbroederingen van het Geheim Leger op 28 april 2002 de voormalige verzetstrijders loofde om hun “toewijding aan de democratische zaak” en hen tevens waarschuwde voor de volgens hem opkomende antidemocratische tendenzen. En wel om de simpele reden dat de kern van het Belgische verzet zo zwart als de nacht was, iets wat na de oorlog ‘vergeten’ werd omdat dit soort clichés politiek bruikbaar was. Het Belgische verzet ontstond immers vooral uit Belgisch-nationalistische motieven en was antidemocratisch …

mardi, 23 mars 2010

Seconde moitié du 17ème: les Pays-Bas royaux entre Cromwell et Mazarin

Low_Countries.pngXVII° siècle: les Pays-Bas Royaux entre Cromwell et Mazarin

23 mars 1657: Mazarin s’allie à Cromwell contre les Pays-Bas Royaux ou Pays-Bas espagnols. L’état de guerre entre Londres et Bruxelles date de septembre 1655, quand les relations diplomatiques ont été rompues entre les deux capitales. Le motif de cette rupture est le fameux “Acte de Navigation”, énoncé par Cromwell le 9 octobre 1651: cet “Acte” réservait l’exclusivité du commerce avec les îles britanniques aux seuls navires anglais, à l’exclusion de tous les autres. Cette décision entraîne une guerre entre les deux puissances protestantes que sont les Provinces-Unies et l’Angleterre. Ipso facto, la lutte entre les Provinces-Unies et l’Angleterre va rapprocher les Pays-Bas Royaux, demeurés catholiques, de leurs frères séparés du Nord, sans que ce rapprochement n’ait été exploité politiquement, métapolitiquement et culturellement par les avocats contemporains de l’idée de Benelux ou de la fusion Flandre/Pays-Bas. La lutte connaîtra son maximum d’intensité en 1652, année où l’espace mosan des Pays-Bas Royaux est ravagé par les combats entre Condé, passé au service de la Couronne d’Espagne, et le Duc de Lorraine, d’une part, contre le Prince-Evêque de Liège, allié à Mazarin.

 

Il faudra attendre la « Paix de Tirlemont » (17 mars 1654) pour sanctionner la fin des hostilités contre la Principauté ecclésiastique de Liège, dirigée par un évêque bavarois, Maximilien-Henri de Bavière, accusé d’avoir voulu ouvrir la vallée mosane aux armées françaises. Par la « Paix de Tirlemont », la Principauté de Liège acquiert un statut de neutralité, accepté par l’Espagne. Le gouverneur espagnol de Bruxelles, Léopold-Guillaume, fils de l’Empereur germanique Ferdinand II, peut tourner ses forces contre Cromwell. L’état de guerre est proclamé en septembre 1655. Le futur Charles II, prétendant au trône d’Angleterre, forcé à l’exil par les puritains de Cromwell, est contraint de quitter la France, où il s’était réfugié, pour les Pays-Bas Royaux. Ce deuxième exil du roi déchu se précipite à l’instigation de Mazarin qui, en dépit de sa pourpre cardinalice, va s’allier aux pires ennemis des catholiques. Au même moment, Pieter Stockmans, docteur en droit de l’Université de Louvain, rédige un traité contestant aux légats pontificaux le droit d’intervenir dans les affaires politiques des Pays-Bas Royaux ! Au 17ème siècle, la césure catholiques/protestants n’est plus aussi nette qu’au siècle précédent.

 

Les Pays-Bas Royaux sont dès lors coincés entre la puissance maritime anglaise et la puissance continentale française, sans qu’interviennent les Provinces-Unies, ennemies de l’Angleterre cromwellienne. Henri de Turenne, en 1655, harcèle les Pays-Bas Royaux sur leur frontière méridionale et pénètre en force dans la « trouée de l’Oise », où il se heurte, victorieusement, aux commandants espagnols, Condé et Fuensaldana, assistés de troupes lorraines. Turenne grignote les franges méridionales du Hainaut mais ne parvient pas à atteindre Bruxelles. Entretemps, Charles II s’installe à Bruges, où il tient sa cour, directement face aux côtes anglaises. En 1656, la guerre se porte également sur mer : les bâtiments flamands d’Ostende et de Dunkerque, au service de l’Espagne, se heurtent aux Anglais en Mer du Nord, à proximité des côtes anglaises (Goodwind Sands). Le Capitaine ostendais Erasme de Brauwer couvre la retraite des bâtiments flamands dunkerquois et ostendais et soutient, avec 27 canons contre 36 canons anglais, le feu ennemi pendant treize heures, avant de couler. Don Juan, fils naturel de Philippe IV d’Espagne, devient gouverneur des Pays-Bas Royaux et réorganise l’armée, dont les effectifs, surtout la cavalerie, sont sérieusement étoffés. Cela n’empêchera pas les Français de prendre, le 5 août 1657, la forteresse de Montmédy, qui faisait alors partie du Duché du Luxembourg. Le commandant de la place, Jean de Malandry, refusera de se rendre et tiendra tête, avec 800 hommes, aux 20.000 soldats du Maréchal de la Ferté. Il faudra attendre la mort au combat de ce courageux capitaine, après six semaines de siège, pour que tombe la forteresse (qu’on peut visiter aujourd’hui).

 

Turenne qui assiège Dunkerque depuis 1656, prend la ville en 1658, après avoir battu aux Dunes l’armée de secours, commandée par Don Juan et Condé. Les Anglais entrent dans le port flamand et les Français prennent successivement Bergues, Furnes, Dixmude, Gravelines, Audenarde et Ypres. Don Juan est rappelé à Madrid. Son successeur est Don Luis de Benavides, Marquis de Caracena, général de cavalerie à la brillante carrière militaire. La mort de Cromwell, le 3 septembre 1658 met un terme aux hostilités. Sous l’impulsion de Jan De Witt, les Provinces-Unies suggèrent une Union entre elles et les Pays-Bas Royaux sur le modèle cantonal suisse. La guerre franco-espagnole s’achève par le Traité de Pyrénées, le 7 novembre 1659. En 1660, Charles II récupère la Couronne d’Angleterre. Le Prince de Ligne tentera bientôt de rappeler au nouveau monarque anglais l’hospitalité que lui avaient octroyée les Pays-Bas Royaux, dans l’espoir de lui faire renoncer à toute alliance qui leur serait hostile et écornerait leur intégrité territoriale. Les résultats de ses démarches diplomatiques ont été assez mitigés.   

 

 

00:10 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pays-bas, belgique, histoire, belgicana, 17ème siècle | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 13 mars 2010

Marc. Eemans ou l'autre versant du surréalisme

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1989

Marc. Eemans ou l'autre versant du surréalisme

 

La conversion de Marc. Eemans au Surréalisme est contemporaine de celle de René Magritte et de ses amis. Elle s'est faite entre 1925 et 1926. A cette époque Marc. Eemans avait à peine dix-huit ans, alors que Magritte était son aîné de quelque neuf à dix ans.

 

eemanspipe.jpgC'est grâce à la rencontre de Geert Van Bruaene, alors directeur du Cabinet Maldoror en l'Hôtel Ravenstein, que le jeune Marc Eemans a été intié à la poésie présurréaliste des «Chants de Maldoror» et c'est également alors qu'il entra en contact avec Camille Goemans et E.L.T. Mesens qui allaient bientôt devenir ses compagnons de  route avec Paul Nougé, René Magritte, André Souris, paul Hooremans et Marcel Lecomte, dans l'aventure du premier groupe surréaliste belge, groupe où ils furent bientôt rejoints par Louis Scutenaire qui, à l'époque, se prénommait encore Jean.

 

Certains historiens du Surréalisme en Belgique ont estimé qu'à ses débuts, Marc Eemans, en tant que peintre, n'était qu'un épigone, un imitateur de René Magritte, mais, qu'il n'y a pas eu imitation, tout au plus chemin parallèle, ce qui s'explique aisément, car il fut une époque où le Surréalisme vivait dans l'osmose de l'air du temps».

 

Pour s'en convaicnre, il suffit d'ailleurs de consulter la petite revue «Distances», éditée à Paris par Camille Goemans en 1928, à laquelle collabora Marc. Eemans (x). Ajoutons-y au même titre ses dessins à la plume dans le mensuel «Variétés», paraissant à la même époque à Bruxelles.

 

D'ailleurs, Marc. Eemans alla bien vite prendre définitivement un chemin tout autre que celui de René Magritte et de ses compagnons de route, à l'exception de Camille Goemans et de Marcel Lecomte. Nous en trouvons un témoignage irréfutable dans un album paru en 1930 aux Editions Hermès, fondées par Goemans et lui-même et au titre bien significatif! Eemans s'y révèle comme un adepte moderne de ce que Paul Hadermann, professeur à l'Université Libre de Bruxelles, a appelé le »trobar clus de Marc. Eemans» d'après le terme provençal propre aux troubadours et minnesänger qui pratiquaient jadis une poésie hermétique «close», accessibles aux seuls initiés. Cet album intitulé «Vergeten te worden» (Oublié de devenir) compte «dix formes linéaires influencées par dix formes verbales». Il est paru initialement en langue néerlandaise, mais une réédition, avec traduction française et une introduction du prof. Hadermann, à laquelle nous venons de faire allusion, en est parue en 1983.

 

La coloration du Surréalisme propre à Marc. Eemans est dès lors nettement affirmée. Ce Surréalisme s'est fortement éloigné de celui de René magritte que Salvador Dali a qualifié un jour d'«A.B.C. du Surréalisme».

 

Tandis que les options des membres de ce que Patrick Waldberg a appelé plus tard la «Société du Mystère» se sont trop souvent orientées vers les facilités d'un certain «néo-dadaïsme» au dogmatisme sectaire à la fois «cartésien» et «gauchisant» en lequel la contrepèterie se le dispute à l'humour noir et rose, voire au «prosaïsme» petit-bourgeois (le chapeau melon et la pipe, de Magritte!), Marc. Eemans, lui, accompagné en cela par Camille Goemans et Marcel Lecomte, s'est orienté derechef vers un autre versant du Surréalisme fort proche de l'Idéalisme magique d'un Novalis et du Symbolisme de la fin du siècle dernier.

 

Ce Surréalisme, que les historiens du Surréalisme en Belgique semblent ignorer ou plutôt passer sous silence, répond en quelque sorte à l'appel à l'«occultation» lancé par André Breton dans son «Second manifeste du Surréalisme». Rappelons d'ailleurs à ce propos à quel point Breton a été profondément touché par le Symbolisme, au point que Paul Valéry a été son témoin lors de son premier mariage et qu'en 1925, voire plus tard encore, lui-même ainsi qu'Eluard et Antonin Artaud se sont révélés comme des admirateurs inconditionnels du poète symboliste Saint-Pol-Roux.

 

La filiation du Romantisme au Surréalisme via le Symbolisme est d'ailleurs évidente, aussi Alain Viray a-t-il pu écrire qu'«il y a des liens entre Maeterlinck et Breton», à quoi nous pourrions ajouter qu'il y en a également entre Max Elskamp et Paul Eluard, tandis que l'ex néo-symboliste Jean De Bosschère a viré étrangement, vers la fin de sa vie, vers le Surréalisme, un certain Surréalisme il est vrai.

 

Quoi qu'il en soit, l'art que Marc. Eemans a pratiqué, dès sa vingtième année, est ce que l'on pourrait appeler un «Surréalisme ouvert», détaché de tout sectarisme et de cet esprit de chapelle cher aux surréalistes qui se considèrent  de «stricte obédience». Dès lors la question se pose: Marc. Eemans est-il encore surréaliste? Mais en fait qu'est-ce qu'une étiquette? What is a name? En tout cas, Eemans a déclaré un jour, lors d'une enquête de la revue «Temps Mêlés» qu'il ne serait pas ce qu'il est sans le Surréalisme…

 

Parlons plutôt de la revue «Hermès» que Marc. Eemans fonda en 1933 avec ses amis René Baert et Camille Goemans (c'est ce dernier qui en rédigea toutes les «Notes des éditeurs»). C'était une revue d'études comparées en laquelle poésie, philosophie et mystique furent à l'honneur. Y collaborèrent activement e.a. Roland de Reneville (un transfuge du «Grand jeu» et auteur d'un «Rimbaud le Voyant»), le philosophe Bernard Groethuysen, l'arabisant Henri Corbin ainsi que le poète Henri Michaux qui en devint le secrétaire de rédaction. Revue surréaliste? Oui ou non, et nous croyons même que le mot «surréalisme» n'y a jamais figuré… Par contre y furent publiées les premières traductions en langue française de textes des philosophes Martin Heidegger et Karl Jaspers. Y collabora également le philosophe franças Jean Wahl tandis qu'y figurèrent des traductions de textes poétiques ou mystiques flamnds, allemands, anglais, tibétains, arabes et chinois, sans oublier l'intérêt porté à des poètes symbolistes, pré-symbolistes ou post-symbolistes.

 

En somme «Hermès» pratiqua un «Surréalisme occulté» qui a retenu l'attention d'André Breton, mais aussi l'indifférence, si pas l'hostilité de certains membres de la «Société du Mystère». Notons à ce propos que Breton a toujours préféré le «merveilleux» au «mystère», en prônant surtout le recours à la magie, sans toutefois pouvoir se soustraire à la tentation d'une magie de pacotille, celles des voyantes et des médiums. Du côté d'«Hermès», au contraire, il y eut toujours le souci d'un hermétisme davantage tourné vers l'austère éthique propre à tout ce qui relève de la «Tradition primordiale». Mais ne l'oublions pas:: le Surréalisme d'André Breton et de ses amis n'a jamais pu se défaire d'un certain «avant-gardisme» très parisien en lequel le goût de l'étrange, du bizarre à tout prix, de burlesque provocateur et de l'exotimse forment un amalgame des plus pittoresques fort éloigné des préoccupations profondes de Marc. Eemans et de ses amis de la revue «Hermès». Chez lui surtout prévaut avant tout la soumission à des mythes intérieurs nés de ses fantasmes. Il y a chez lui une gravité qui l'a conduit à une incessante quête de l'Absolu. En témoignent aussi bien ses peintures que ses écrits poétiques. Comme l'a écrit Paul Caso («Le Soir, 26-28.XII.1980): «On doit reconnaître l'existence de Marc. Eemans et la singularité d'un métier qui a choisi de n'être ni claironnant, ni racoleur. Il y a là un poids d'angoisse et de sensibilité».

 

Jean d'Urcq

00:05 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, avant-gardes, surréalisme, belgique, belgicana, flandre, peinture | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 06 mars 2010

Réflexions sur les Accords Rex-VNV

DOCUMENT pour servir à une meilleure compréhension de notre histoire

Réflexions sur les Accords Rex-VNV

par José Streel (1941)

Il n'est pas trop tard pour parler encore de l'accord conclu la semaine dernière entre les organisations de Rex, du VNV et du Verdinaso et portant création du parti unique en Flandre et en Wallonie. Il en va de cet accord comme de tous les contrats: sa valeur réelle dépendra plus de l'application qui en sera faite que de ses clauses. C'est pourquoi plutôt qu'à un texte court et assez banal, il faut s'attacher à l'esprit dans lequel il a été négocié et signé. Dans la mesure où il est possible de définir des probabilités pour l'avenir, c'est dans l'atmosphère de l'accord et dans ses principes de base qu'on peut essayer de deviner les fruits qu'il portera.

 

Le patriotisme s'attache au peuple et non à l'Etat

 

Ce qui a triomphé et ne pourra être remis en question, c'est le principe de la primauté du peuple par rapport à l'Etat.Une des plus grave parmi les erreurs de l'ancien régime a consisté à considérer la formule étatique existante comme immuable et à identifier le patriotisme avec l'attachement à cette formule. En général, cette assimilation de l'Etat au peuple est utile à la paix publique et au développement de la communauté nationale. Seulement lorsque les fondements de la nationalité ne s'imposent pas avec la rigueur inéluctable d'une évidence, il est fatal que les périodes révolutionnaires remettent en question la forme et les limites de l'Etat. S'il en sort un Etat plus étroitement adapté à la réalité populaire, on regagnera dans l'avenir en stabilité et en harmonie les perturbations inséparables d'un aménagement.

 

Gesch9.jpgL'histoire récente de notre pays montrait que telle était notre situation. Le jour où sous la pression d'événements intérieurs ou extérieurs l'Etat libéral unitaire créé en 1830 par la bourgeoisie d'expression française s'écroulerait, l'organisation étatique appelée à lui succéder devrait non seulement posséder une nouvelle structure institutionnelle, mais intégrer le courant qui au cours d'un siècle a créé une conscience flamande nationale. Considérer la question flamande comme une simple "question linguistique" était l'expédient dont la démocratie pouvait se contenter, mais qui était depuis longtemps dépassé. Le phénomène flamand avait atteint un degré de complexité tel qu'il ne pouvait trouver sa place dans les cadres de l'Etat unitaire; s'il n'avait été qu'une simple querelle linguistique, il aurait été résorbé assez rapidement par la voie d'une législation assez satisfaisante sur l'emploi des langues. La surenchère électorale ne l'aurait pas empêché d'aller tout doucement en s'atténuant; il aurait perdu sinon en ampleur, au moins en virulence. Or, il n'en était rien. Chaque "concession" de l'Etat unitaire au mouvement flamand ne faisait que renforcer celui-ci au lieu de l'apaiser. Manifestement, on se trouvait en face d'un phénomène d'un dynamisme historique incoercible qui ne pouvait prendre place dans les limites d'une formule étatique conçue en d'autres temps et pour d'autres temps; fatalement, il devait faire craquer ces limites et créer une nouvelle forme d'Etat, conforme à son contenu populaire. Ceux qui, dès 1936, ou même avant, avaient reconnu la nature réelle de ce phénomène voyaient combien il était dangereux de solidariser le patriotisme ou le fait politique belge avec des formes étatiques désuètes et condamnées par l'évolution. De cette solidarité, il ne pouvait naître que des équivoques effroyables et lourdes de périls, que les efforts de quelques esprits lucides et authentiquement patriotes ne pouvaient réussir à conjurer.

 

Le patriotisme ne consiste pas dans la fidélité à une formule politique qui a fait son temps, mais dans l'amour concret et vivant du peuple au milieu duquel on est né et auquel on est lié par la communauté de destin; la patrie, ce n'est pas une création juridique plus ou moins arbitraire, c'est un ensemble d'hommes dont on partage le sort dans les bons comme dans les mauvais jours, et dont on défend le patrimoine spirituel, moral et matériel. La bourgeoisie dénationalisée de Flandre a cherché, comme il était naturel, à confondre la construction politique de 1830 avec la patrie; dans la partie romane du pays et à Bruxelles, l'électoralisme a joué dans le même sens. On n'a manqué aucune occasion d'exploiter les sentiments de la population ni de mettre en ligne les anciens combattants de 1914-1918, comme si la formule étatique ancienne était sacrée et comme si c'était pour elle que des hommes avaient affronté la mort pendant cinquante-deux mois. Ces manœuvres n'ont que trop bien réussi   -d'autant plus facilement qu'elles étaient liées à l'action pour maintenir notre politique extérieure dans une ligne favorable non pas aux Belges, mais à nos anciens alliés. Un régime perméable comme la démocratie aux influences étrangères ne pouvait manquer de commettre cette monstrueuse confusion.

 

Il est caractéristique que lors de la proclamation de la politique d'indépendance en octobre 1936, puis après la capitulation du 28 mai 1940, la presse française, dont l'ignorance des réalités belges est proverbiale, n'ait rien trouvé de plus fort ni, à son sens, de plus décisif que de parler du Roi "flamingant" ou de "l'entourage flamingant" de notre Souverain. Après cela, tout paraissait dit.

 

En Wallonie, nombreux étaient ceux qui, avec une candide bonne foi, ne discernaient dans le mouvement flamand, même dans sa forme la plus minimaliste, que de sombres machinations plus ou moins inspirées par une volonté de "trahison". Trahison envers qui et envers quoi? Envers le peuple? Non. Mais envers une forme de l'Etat dont les services rendus sont contestables et qui, de toute façon, se trouvait depuis longtemps dépassée par l'évolution de la réalité populaire. On ne trahit aucune valeur essentielle quand on se propose d'aménager autrement, fût-ce au détriment de quelques minorités fort peu soucieuses de leur propre peuple, les rapports entre les communautés culturelles dans un pays ayant une situation aussi complexe que le nôtre. L'Etat unitaire n'a rien de sacré, sauf pour ceux à qui son existence profitait.

 

Sacrifier l'unitarisme pour sauver l'unité

 

Il y a quelque chose qui, à notre sentiment, est sinon sacré  -ce mot n'ayant aucune signification politique-  au moins politiquement utile, nécessaire et donc désirable: c'est l'unité. Mais cette unité ne se confond nullement avec l'unitarisme: depuis longtemps déjà, il était évident pour les bons esprits, que le second devait être sacrifié à la première. Même ceux qui sont le moins suspects de sympathie personnelle envers M. Degrelle et qui naguère considéraient comme intangible l'édifice unitaire de 1830, ont reconnu la haute pertinence du passage de la communication du Chef de Rex exposant qu'il ne peut plus être question d'imposer une forme quelconque d'unité au peuple flamand, mais qu'il faut le laisser venir spontanément à cette unité que recommandent à la fois l'histoire, la géographie et l'économie. Ou bien on estime que cette unité, ayant subi les aménagements indispensables, répond vraiment aux exigences profondes de la vie politique de nos populations et dans ce cas, il faut faire confiance aux évidences: elles ne manqueront pas d'imposer cette unité. Les réalités sont toujours plus puissantes que la volonté bonne ou mauvaise des hommes. Ou bien  -ce que nous ne croyons pas-  cette unité n'a aucun fondement dans le réel et son désir ne procède que d'une sentimentalité assez vaine: dans cette hypothèse, il ne faudrait pas pleurer sa disparition, celle-ci apparaissant alors comme un bienfait libérant les forces populaires et orientant vers des voies nouvelles et plus sûres leur épanouissement.

 

Nous ne recommandons pas un fatalisme apathique: il faut aider la vérité politique à se manifester de la meilleure façon et avec le plus grand profit pour le peuple. Mais on se prépare de cruels déboires quand on prétend la violenter, soit dans un sens soit dans l'autre. Il faut maintenir le maximum de conditions favorables à une unité belge revue, corrigée et exprimée politiquement par un Etat de structure nouvelle. Cela non par fétichisme de l'unité ou de "l'idée belge" ni pour toute autre sentimentalité plus ou moins respectable, mais parce qu'on estime que nos provinces, celles du nord comme celles du sud, seraient condamnées à de pénibles vicissitudes historiques si l'on commettait l'erreur  -l'erreur politique insistons-y-  de les séparer.

 

Seulement, la meilleur façon de sauver cette unité, qui venant d'une libre adhésion, sera durable, c'est de la désolidariser très nettement d'avec l'ancien unitarisme.

 

L'accord et la stratégie révolutionnaire

 

C'est d'ailleurs là un des aspects inéluctables de la révolution du XXème siècle dans le coin d'Europe que nous habitons. Il était absurde d'imaginer que le régime ancien pourrait s'écrouler comme démocratie parlementaire, comme système ploutocratique, comme économie libérale, comme domination de l'argent sur le travail et que miraculeusement il resterait debout comme Etat unitaire. Dans ce domaine, comme dans les autres, la révolution ne pouvait être que totale. Il existait des forces jeunes, vigoureuses, populaires, dégagées par le seul développement historique des forces qui menaçaient la structure du vieil Etat. Elles étaient même beaucoup plus clairement manifestées et moins latentes que celles dont l'effort principal se portait contre la forme d'organisation politique ou contre la structure sociale de la société bourgeoise. Il fallait de toute manière leur faire une place dans la révolution. Tout est dans tout.

 

Le fameux accord Rex-VNV de 1936, tant critiqué, cible de tant de sottises et de tant de vilenies, répondait à une conception totalitaire et remarquablement réaliste de la stratégie révolutionnaire. Les rexistes savaient ou devinaient d'instinct que, pour écraser le système des partis et la puissance ploutocratique, dont ce système était le support, il fallait tout remettre en question, y compris la forme unitaire de l'Etat; les nationalistes flamands se rendaient compte, d'autre part, que l'Etat unitaire résisterait à leurs assauts aussi longtemps qu'il aurait son armature démocratique, économique et sociale.

 

Nous plaignons ceux qui n'ont vu dans cette opération qu'une banale coalition des oppositions; quant à ceux qui y voyaient nous ne savons quelle machination ténébreuse ou quelle "trahison" plus ou moins inspirée par l'Allemagne, leur cas relève soit de la vénalité, soit de l'ignorance la plus invincible des réalités populaires et politiques. En portant leur effort principal contre l'accord Rex-VNV, la bourgeoisie libérale, la caste politicienne et la maffia ploutocratique, galvanisées par le sourire doucereux de M. Van Zeeland, savaient ce qu'elles faisaient: elles sabotaient la conjonction des forces révolutionnaires dont la communauté d'action mettait en péril leur domination.

 

Par la fusion des diverses organisations politiques en Flandre, par la reconnaissance du nouveau parti comme parti unique flamand et de Rex  -d'un Rex ouvert à tous et extensible en tous sens-  comme parti unique dans le sud du pays, la nouvelle convention réédite ce regroupement des forces révolutionnaires organisées, à défaut duquel on voyait depuis un an les forces d'ancien régime consolider leurs positions, reconquérir celles qu'elles avaient perdues et renforcer une domination ploutocratique qui devenait plus lourde et plus menaçante que jamais.

 

L'ancien accord et le nouveau

 

Le nouvel accord se distingue cependant assez nettement de l'ancien par son contenu. En 1936, les parties contractantes énonçaient un programme commun d'aménagement de l'Etat; c'était le temps où l'on faisait encore des programmes et où chaque candidat disposait, au gré des préférences de ses électeurs, de l'avenir du pays.

 

Aujourd'hui, il s'agit de tout autre chose. Le nouveau pacte va plus loin, en ce sens par exemple que Rex renonce à toute action directe en Flandre, ce que M. Degrelle avait refusé de consentir il y a cinq ans, malgré le désir de ses alliés; c'est qu'aujourd'hui l'unification organique des forces politiques prime tout. La vieille anarchie libérale est éliminée, aussi bien en politique que dans l'économie.

 

Il était donc indispensable non pas de sacrifier les organisations flamandes de Rex, mais de les intégrer avec honneur et surtout avec efficacité dans le nouveau parti unique flamand.

 

En ce sens, l'accord de 1936 est dépassé. Par contre, le nouveau pacte ne dispose pas  -et n'a pas à disposer-  de l'avenir. Il ne trace pas de programme pour les constructions futures. Le moment n'est plus aux alignements de paragraphes et d'aliénas, puisque la guerre n'est pas terminée sur le plan juridique et que le Chef naturel du pays est réduit au silence. Ce qui est possible et ce qui a été fait, c'est une délimitation des sphères d'influence de chaque groupement. Faut-il dire que cette délimitation laisse prévoir l'avenir et que son principal intérêt à nos yeux est de sauvegarder "in spe" les intérêts des Wallons, menacés par l'impérialisme flamand et d'assurer l'intégrité romane de leurs provinces?

 

Mais ces aménagements sont l'œuvre de l'avenir. Pour l'instant, les organisations politiques n'ont qu'à renforcer leurs cadres, préparer les esprits et procéder au lent investissement de l'appareil étatique.

 

L'accord concerne donc principalement la stratégie révolutionnaire et non ses objectifs. Son seul contenu politique est le principe, que nous avons tenté de dégager plus haut, de la primauté du peuple sur l'Etat.

 

José STREEL.

in: Le Soir, jeudi 15 mai 1941.

 

jeudi, 11 février 2010

Réflexions sur la vie et l'oeuvre politique de José Streel

rex_2.jpg

 

Réflexions sur la vie et l'oeuvre politique de José Streel

 

 

par Charles DREISER

 

José Streel, dans le premier de ses écrits, nous a laissé de lui-même ce portrait rapide:

"J'aime par-dessus tout la fantaisie dans l'action, et le vrai bon sens dans la spéculation.

"Je déteste les bourgeois. (L'épaisse bêtise bourgeoise).

"Mon aversion pour la vie de l'esprit n'est pas excessive; je suis fort capable de m'emballer pour une page de métaphysique, deux yeux ardents d'une jeune fille chaste et qui m'aimerait, ou le doux soleil du Bon Dieu sur un champ de blé.

"Enfin, je risque de ruiner mon crédit auprès de beaucoup, j'avoue préférer la poésie au football. Et à la boxe parle-mentaire."

 

On songe à Robert Francis, à Robert Brasillach, à cette capacité d'émerveillement et à cette tendresse du coeur qui sont, selon Madame de Beauvoir, des prédispositions au fascisme. Car ces doux rêveurs sont aussi des âmes brûlantes, et l'amour qu'ils portent à leur patrie, aux hommes de leur patrie, à la terre et aux paysages qui les entourent, se traduit aussi par l'horreur qu'ils éprouvent lorsque ce qu'ils aiment se trouve bafoué. "Mon pays me fait mal", avouait Robert Brasillach: ces simples mots discrets et douloureux l'ont conduit au poteau d'exécution. José Streel a suivi le même chemin. José Streel était, dit J.C. Etienne, "l'idéologue" du mouvement rexiste: "Cela lui vaudra d'être fusillé à la Libération" (1).

 

"Non possumus..." ou un disciple de Léon Bloy devant les cochons...

 

A la différence de ces mouvements pseudo-fascistes qu'on a vu naître un peu partout en Europe après 1923, le Rexisme ne s'est pas créé de toutes pièces, comme une copie hâtive, théorique et caricaturale des Faisceaux Italiens. C'est dire qu'il ne s'est pas d'emblée défini comme fasciste, que même s'il n'a guère cherché à y puiser son inspiration, ses origines, ses objectifs successifs, son évolution s'expliquent par des facteurs nationaux propres. Et si le Rexisme aboutit au Fascisme, c'est que ces facteurs l'ont conduit à dégager et à renforcer progressivement les traits qui l'apparentaient aux Révolutions italienne et allemande, et que, en Belgique comme dans les autres pays d'Europe, le Fascisme était la réponse adéquate aux problèmes politiques et sociaux que la démocratie ne parvenait pas à résoudre.

 

Cette évolution du Rexisme est celle aussi de José Streel, qui le conduit d'un catholicisme intransigeant et exclusif à l'apologie de la Révolution du XXe siècle.

 

En 1932, José Streel publie une petite brochure: "Les jeunes gens et la politique". C'est le non possumus... qu'oppose la jeunesse intellectuelle chrétienne aux reproches que lui adressent les notables du Parti Catholique: formée par l'Action Catholique de Mgr Picard, tournée vers une activité plus spirituelle que politique, cette génération qui fournira les bases et les premiers cadres du mouvement rexiste refuse de se mettre au service des politiciens cléricaux, de les rejoindre et de leur prêter assistance dans le jeu mesquin de leurs combines électorales et parlementaires.

 

Cette politique dégoûte la jeunesse chrétienne, déclare José Streel: si les plus âgés, disciples de Maurras, obéissant aux décisions pontificales, se sont détournés des leçons du maître à penser de l'Action française, ce n'est certes pas pour prendre au sérieux les palabres des Assemblées et autres activités politiciennes qui continuent à leur paraître d'une exemplaire bouffonerie. Et leurs cadets, trop jeunes pour avoir subi l'emprise intellectuelle de Charles Maurras, se trouvent plus éloignés encore de cette politique étroite et misérable.

 

Ceux-là sont imprégnés du renouveau catholique, de Bloy, de Péguy et de Claudel aussi, dont certes l'oeuvre littéraire est très belle. Leur conception du monde et des hommes est sans commune mesure avec celle des notables et des parlementaires catholiques. Pour ceux-ci, la religion est une activité humaine parmi les autres et distincte des autres: ils défendent les droits de l'Eglise, mais leur programme politique, économique et social est identique à celui des libéraux, et ne se trouve nullement dicté par la foi chrétienne. Pour Streel, pour ceux de son âge, cette foi doit intervenir dans toute l'existence de l'homme et de la communauté.

 

"Nous voulons que la religion soit au centre de tout, qu'elle inspire tout, qu'elle commande tout". Et Streel s'explique: "Un premier coup fut porté vers 1890 au libéralisme latent qui imprégnait toute la vie catholique lorsque les "Catholiques Sociaux" révoquèrent la doctrine du Laissez faire au nom de la dignité humaine et des exigence de l'Ordre et de la Justice. Mais il n'osèrent pas aller jusqu'au bout; ils limitèrent leurs revendications à une solution équitable du problème ouvrier alors que c'était tout qu'il fallait remettre en question et que la tâche s'imposait de rebâtir le monde sur des fondements nouveaux. Aujourd'hui nous sommes mûrs pour cette tâche (...) La seule politique aujourd'hui possible pour nous consisterait à incarner la théologie dans la réalité sociale. Parce que le catholicisme est une doctrine d'incarnation: de Dieu dans un homme, du Christ dans le pain, de la Vérité et de l'Amour dans la vie. Si l'on veut, nous sommes des clercs qui ne consentiront à trahir le pur service de l'esprit qu'au profit de la réalisation du Royaume de Dieu parmi les hommes. Nous ne travaillerons pas pour un moindre salaire".

 

Entre les cadres du Parti Catholique, empêtrés dans leurs petites intrigues, plus cléricaux que chrétiens et qui demeurent "fidèles au vieux concubinage idéologique du catholicisme libéral", et cette génération nouvelle qui veut un redressement spirituel, une réforme sociale, une pratique réelle et quotidienne des vertus chrétiennes, il n'y a pas d'entente possible.

 

D'où José Streel concluait: "Un savoureux proverbe Wallon, que je n'ose citer textuellement par crainte d'offusquer les âmes délicates, dit en substance qu'à manier les ordures, on risque fort de se salir les doigts.

 

"Et de ne se faire aucune illusion sur le sort de pareille mise en demeure".

 

Streel rejetait la politique bourgeoise, et pensait ainsi rejeter toute politique. Léon Degrelle va montrer une autre voie: à ces jeunes catholiques en révolte qui se regroupent autour de lui, il va distribuer quelques solides balais.

 

"Nous ne sommes pas avec  le peuple, nous ne venons pas au  peuple: nous sommes le peuple..."

 

Dans un premier moment, les Rexistes ont songé à s'emparer de la direction du Parti Catholique: d'abord pour lui rendre sa vigueur et sa raison d'être, et pour en faire l'instrument politique, non de la bureaucratie cléricale, mais de la foi chrétienne; ensuite, conscients de ce que leur volonté de purifier la vie politique rencontrait l'adhésion ou l'approbation de nombreux incroyants, pour en faire la base d'un mouvement plus large, porteur d'une révolution spirituelle et sociale non pas religieuse mais inspirée par les valeurs chrétiennes, qui constituent encore, malgré les atteintes et les influences dégradantes du libéralisme, le fonds moral des hommes d'Europe.

 

Parmi les adversaires les plus acharnés du Rexisme, il faudra compter la gauche catholique. Non point que le Rexisme ait pris le contre-pied de son programme social: au contraire, le Front Populaire de Rex l'adopte et le radicalise, et montre sa ferme volonté de le réaliser. Et justement, ce que craignent les dirigeants démocrates-chrétiens, c'est de voir les adhérents de leur "Ligue des Travailleurs Chrétiens" (LTC) se détourner d'eux pour rejoindre les rangs du mouvement rexiste (2).

 

En novembre 1935, la LTC publie dans son "Bulletin des Dirigeants" une "étude" intitulée: "Ce que nous pensons de Rex". José Streel se charge de la riposte: "Ce qu'il faut penser de Rex"  paraît dans les premiers mois de 1936. La première partie de ce petit livre de 150 pages est une réplique minutieuse et ironique aux malveillances et aux sophismes des dirigeants de la LTC. A l'un d'entre eux qui s'ingéniait à découper les textes et s'amusait des contradictions qu'il "découvrait" entre quelques lignes piquées dans un article de circonstance publié en 1933 et d'autres écrits plus récents, Streel répond que Rex n'est pas un objet mort, mais une volonté qui cherche sa voie, après avoir rompu avec l'ordre établi: "Rex n'est pas quelque chose de figé mais un mouvement  en pleine croissance, un être vivant qui fait effort vers sa perfection, change, se développe, s'insère à sa juste place dans le vaste monde, se définit peu à peu. C'est ce qu'il y a de plus émouvant dans l'histoire courte mais déjà mouvementée de Rex. Rex, c'est le drame d'une génération formée dans certains cadres spirituels et même matériels créés spécialement pour elle et qui, arrivée à âge de l'homme, ne réussit pas à prendre place dans une Société construite sur un autre type. Cette génération doit tout créer. Elle se lance dans toutes sortes de directions; de divers côtés, elle va à l'échec. Mais toujours, au cours de ses vicissitudes, elle est animée d'un intense vouloir-vivre qui fait le fond même de son âme et qui subsiste à travers tout. Peu à peu cette génération s'organise autour de Rex et lui remet ses espérances: c'est à Rex alors d'assumer les heurts et les contradictions de toute une jeunesse qui sait très bien ce qu'elle veut mais qui n'a pas encore réussi à trouver la formule exacte selon laquelle sa volonté se réalisera dans les faits".

 

Au moment où José Streel écrit ces lignes, Rex n'a pas encore abandonné l'idée d'investir le Parti catholique. Mais lorsque, quelques mois plus tard, la seconde partie de cette brochure -Positions rexistes-  est rééditée, on la trouve éloignée de tout ce qui exprimait encore l'indécision du jeune mouvement devant le Parti Catholique. Entretemps, Rex a dû choisir, se rendre à l'évidence que le Parti catholique ne peut que demeurer crispé sur ses bénéfices et s'est lancé dans le combat électoral, contre tous  les partis "traditionnels", qui bientôt feront front contre lui.

 

"Nous sommes le peuple", a écrit José Streel. "Nous ne sommes pas avec le peuple, nous ne venons pas au peuple: nous sommes le peuple lui-même qui se réveille et qui regarde avec audace et confiance l'avenir, parce qu'il veut vivre".

 

Et encore: "Que le travail soit sans joie, que la pratique des vertus familiales élémentaires exige de l'héroïsme, que des milliers d'hommes soient réduits à l'inaction et à la misère, que des milliers d'autres travaillent pour des salaires ridicules, que l'unique puissance soit l'argent, que la dictature de l'argent puisse émasculer tout un peuple et toutes les vertus qui font sa grandeur, voilà ce qui doit absolument cesser. Libérer l'homme de cette dictature de l'argent et permettre à ses vertus de s'épanouir dans une organisation sociale qui lui soit favorable, telle est notre volonté primordiale et pour la réaliser nous sommes prêts aux bouleversements nécessaires".

 

 

José Streel et la révolution du XXème siècle

 

En 1936, le Rexisme donne un fameux coup de boutoir dans les échafaudages démocratiques, ses militants font irruption dans l'enceinte parlementaire, le pays réel s'introduit au coeur du pays légal. Mais le Rexisme ne s'arrête pas en 1936, il ne s'installe pas dans son succès. L'ardeur avec laquelle il conteste la décrépitude et la vénalité de l'ordre bourgeois ne fléchit en rien. Jusqu'à la guerre, le rexisme se radicalise, il découvre toute la portée de son action.

 

Certes, on pourrait dire que les transformations qu'il connaît lui sont imposées de l'extérieur, par le barrage que dressent devant lui et autour de lui les institutions du régime. Mais ces obstacles, c'est le Rexisme lui-même qui les suscite, en ne démordant pas de sa volonté initiale et de son intransigeance absolue. Il n'est pas possible de le diluer, de l'enliser dans le sable des intrigues parlementaires. Car sa force réside au-dehors de la vieille bâtisse où des messieurs bavards règlent encore le sort du pays. Ce ne sont pas ces politiciens-rentiers, libéraux, sociaux-démocrates ou cléricaux, qui conduisent le Front populaire de Rex à marquer davantage les traits qui le désignent de plus en plus clairement comme un mouvement fasciste: le fascisme est la réponse nécessaire, authentique, à la stagnation démocratique. Et tout mouvement de révolution populaire qui s'appliquera jusqu'au bout à ne pas dévoyer son action, se découvrira tôt ou tard comme fasciste.

 

En 1941, José Streel reconnaît que, sans l'avoir voulu, le rexisme fut bien le visage qu'a pris dans son pays, la Révolution du XXème siècle.

 

Dans un style tout à la fois vif et carré, en guère plus de 200 pages, José Streel nous donne une synthèse qu'il juge lui-même provisoire, de cette Révolution du XXème siècle qu'il appelle aussi, indifféremment, le Fascisme, le national-socialisme, ou l'Ordre Nouveau. Je connais peu d'ouvrages de même sorte qui soient aussi clairs, aussi précis et aussi complets en même temps. On ne peut guère le comparer qu'à l'essai de Maurice Bardèche, Qu'est-ce que le fascisme?. C'est dire le prix de ce testament que notre camarade rexiste nous a laissé.

 

Je signalerai, cependant que, pour ma part, je n'adhère pas sans réserves aux positions que José Streel adopte sur certains points. Ainsi, José Streel me semble faire encore la part trop belle à cette notion fort vague de "propriété privée" qui, dès qu'elle se trouve posée comme principe, se gonfle à l'excès. Il me paraît attacher trop d'importance et attribuer trop de mérites à l'initiative capitaliste. Et croire avec une candeur excusable à la possibilité d'établir une distinction bien nette entre les capitalismes "industriel" et "financier".

 

A plus d'un titre, la Révolution du XXème siècle mériterait un examen approfondi, une analyse minutieuse: par ses richesses surtout, par les idées qui s'y trouvent esquissées, ces chapitres  appellent de plus longs développements et aussi parce que, comme José Streel le disait du Rexisme, le Fascisme est mouvement, et qu'il a à s'épurer le plus totalement des parcelles de pensée bourgeoise qui pourraient encore subsister en lui.

 

Les désaccords, j'aurais pu les passer sous silence. Mais le respect que j'éprouve pour chacun de nos morts est trop grand pour que je maquille de quelque sens que ce soit la pensée de l'un d'entre eux. De plus, rendre hommage à un militant fasciste ne consiste pas à poser des pots avec des fleurs aux environs de sa dépouille; ce qui importe, c'est que ce qui demeure de lui soit toujours prononcé.

 

Et je crois qu'il convient de ne pas se méprendre: en soulignant brièvement ces désaccords, je crains fort d'avoir induit le lecteur en erreur. J'ajouterai donc que, pour celui qui a tenu son ouvrage entre les mains, il est parfaitement impossible de confondre José Streel avec le plus hardi des adhérents d'un quelconque Front national, ou le plus échauffé des ligueurs de l'une ou l'autre Force Nouvelle. Ce n'est certes pas José Streel qui aurait pris Giscard d'Estaing ou Paul Vanden Boeynants pour le sauveur de la Patrie.

 

Les extraits ci-dessous permettront d'ailleurs mieux que tout autre commentaire, de prendre connaissance de la pensée de notre camarade.

 

 

 

"Des demi-révolutions ou des révolutions à froid comme tentèrent d'en faire von Schleicher en Allemagne, Gil Roblès en Espagne, Van Zeeland en Belgique, Carol en Roumanie manquent de la puissance créatrice d'une authentique explosion révolutionnaire: elles tournent vite à la consolidation du passé, dont elles doivent appeler les forces à leur rescousse, et n'apparaissent plus que comme une suprême tentative de ce passé pour survivre à lui-même. En dépit de l'imitation de certains rites et de certaines formules, ces parodies ne sortent pas de la poussée de l'histoire mais d'un artifice politique. Elles n'appartiennent pas à l'histoire de la révolution du vingtième siècle mais à l'agonie tourmentée d'un monde condamné par ses propres fautes et qu'aucun repentir tardif ne peut sauver".

 

"Il revient au peuple Italien d'avoir frayé la voie au régime de l'avenir. Ce sera la gloire impérissable de Benito Mussolini d'avoir, le premier, interprété correctement les exigences que la vie pose aux nations modernes et de leur avoir opposé des institutions et un style rigoureusement adaptés. Au milieu de difficultés inouïes, sollicité de toutes parts par des problèmes immédiats, intérieurs et extérieurs, il a gardé le sens de la ligne générale de l'histoire qu'il façonnait de ses rudes mains. En même temps qu'il sauvait son peuple de l'anarchie, son intuition de prodigieux constructeur l'orientait vers un type inédit de régime à la fois autoritaire et populaire, unissant l'ordre le plus hiérarchisé à la justice sociale et à la primauté du travail, fondé sur l'abnégation de chacun au profit de la communauté et sur la joie de faire une patrie plus grande, plus heureuse et plus forte. Au lieu d'être prisonnier de son succès politique, il l'a dépassé pour ne faire de la prise du pouvoir qu'un épisode préliminaire à une œuvre de pure création politique et sociale".

 

"Prisonnier de son système, le marxisme ne peut ainsi des artifices aux artifices et s'éloigne de plus en plus d'une observation directe de la réalité. Tout ce qui n'entre pas spontanément dans le schéma de la lutte des classes, il l'y insère bon gré mal gré, non sans défigurer notablement la nature des choses. (...) Il n'a vu l'éclosion des mouvements autoritaires dans toute l'Europe qu'à travers son optique particulière et s'est préoccupé de lui assigner une place dans la mécanique dialectique de la lutte des classes. De cette énorme explosion historique, il n'a retenu qu'un petit fait secondaire: dans certains pays, des magnats de l'industrrie lourde, animés exclusivement par une crainte panique du communisme, ont subventionné les mouvements fascistes à leurs débuts. Sur ce détail d'une valeur anecdotique, la pensée marxiste a échafaudé sa conception du phénomène le plus caractéristique de notre époque.

 

"Que ces mouvements se développent en général d'abord dans le milieu des classes moyennes, qu'après leur arrivée au pouvoir, ils s'appuient principalement sur la paysannerie et le monde ouvrier, que leurs mobiles fassent apparaître un anticapitalisme beaucoup plus virulent que celui du socialisme réformiste, que leurs réalisations concrètes soient empreintes d'un caractère nettement révolutionnaire et imposent les premiers et les plus lourds sacrifices aux féodalités financières, que rien, enfin, ni dans ce qu'ils sont ni dans ce qu'ils font, n'évoque une entreprise de réaction sociale, il ne semble pas que les penseurs marxistes s'en soient beaucoup préoccupés. Dès l'instant qu'ils avaient ramené dans le cadre de la doctrine un fait indiscipliné qui, après tant d'autres, en venait troubler la belle ordonnance première, il n'y avait plus à s'inquiéter. Reconnu, catalogué, étiqueté, le phénomène nouveau pouvait désormais être envisagé sereinement".

 

"De ce que l'ordre qui s'élabore est organique, naturel, en accord étroit avec l'évolution contemporaine, on ne devrait pas conclure qu'il était absolument nécessaire et que rien d'autre ne pouvait naître de la décomposition des formes de vie antérieures. Au lendemain de la guerre de 1914-1918 qui vit le suprême effort des valeurs libérales, démocratique et capitalistes, commença un processus d'élimination de ces valeurs ouvrant des possibilités à toute force nouvelle qui apporterait d'autres valeurs et réussirait à les imposer. Le fascisme n'était à l'origine qu'une de ces forces, celle qui, dans la situation de ce moment, paraissait avoir le moins de chances de s'imposer. Mais il avait pour lui de n'être en aucune façon engagé dans la matière de ce qui devait disparaître et d'être ouvert, prêt à tout intégrer. Il n'avait, dans une révolution, rien à perdre et tout à gagner. S'il a fini par emplir le champ de l'histoire de l'entre-deux-guerres au détriment des autres possibles, cela ne signifie pas que d'autres forces n'auraient pas pu le supplanter ni qu'il ne reste aucune trace de leur action. Rien n'était nécessaire sinon la décomposition du régime: mais cette décomposition dégageait de multiples hypothèses réalisables, dont la moins inquiétante n'était pas celle d'une décadence irrémédiable de l'Europe. L'historien qui voudrait faire revivre l'époque au cours de laquelle le fascisme est apparu et s'est affirmé comme phénomène caractéristique de notre siècle ne devrait pas négliger  plusieurs autres phénomènes qui constituaient autant de tentatives intéressantes et qui, malgré leur échec final, ont laissé des traces profondes. Du pacifisme, il subsiste un sens de la solidarité des peuples qui trouvera à s'employer lorsqu'au terme de la présente guerre, la révolution s'attaquera à la création d'une Europe organique. Du socialisme marxiste, il reste une armature syndicale éprouvée, une conscience collective, des habitudes de discipline corporative dans le monde ouvrier, un sentiment anticapitaliste et un besoin de justice sociale. Même dans les entreprises comme le Front populaire en France et en Espagne il  y avait, à côté d'une part d'astuce politicienne et de machinations soviétiques, une ardente espérance et un sentiment populaire puissant. Beaucoup de choses ne seraient pas possibles s'il n'y avait eu ces tentatives et tant d'autres vouées comme elles à un échec. Les fruits de ces tentatives ont dû être mis dans une bonne terre avant de renaître. Le courant de type fasciste ou national-socialiste a repris ce qu'il y avait de sain et de viable dans ces efforts et ces espérances. En lui se sont finalement intégrées la plupart des poussées de vie qui ont agité l'Europe depuis un quart de siècle".

 

"Trop souvent les forces religieuses, après avoir longtemps tardé à s'adapter à la situation créée par la révolution libérale du siècle dernier, s'y étaient installées ensuite si confortablement, bien que non sans grands inconvénients pour elles, qu'elles ont été surprises par les courants nouveaux que dégageait l'évolution historique. Les instruments qu'elle s'était forgés pour agir au sein de la société libérale et qui n'étaient que des moyens, voire des expédients, ont été revêtus d'un caractère sacré étranger à leur nature. De la sorte, il est apparu ci et là que les confessions religieuses, à qui cependant l'Europe était redevable des plus précieuses richesses de sa civilisation, empêchaient la cohésion populaire de se réaliser. D'où une lutte contre "le catholicisme politique" qui, justifiée en son fond, a quelquefois dépassé les limites que lui fixaient ses objectifs réels. Cependant, si on va au-delà de ces épisodes regrettables, rien n'existe qui justifie un conflit entre la révolution du vingtième siècle, sursaut de santé morale et spirituelle des peuples que contaminait un libéralisme destructeur, et la foi ou la discipline religieuse qui se trouvent, historiquement et actuellement à l'origine de cette santé. Il y a seulement d'une part paresse d'esprit et lenteur à s'adapter aux inéluctables transformations, d'autre part irritation devant une résistance injustifiée et une solidarité contre nature entre la religion et le libéralisme".

 

"Reprenant l'instrument politique de la société capitaliste, le socialisme crut l'adapter à ses fins par la simple extension du suffrage. Or ce fut l'Etat libéral qui peu à peu vida le mouvement socialiste de sa substance, le transforma à son image et l'utilisa à ses propres fins. Certains syndicalistes avaient vu le péril dès le début; mais en dirigeant contre le socialisme parlementaire une critique pertinente, ils ne lui opposèrent aucune formule d'action pleinement satisfaisante. En général d'ailleurs la pensée socialiste s'est révélée indigente dans tout ce qui concerne la technique politique. Cela vient sans doute de ce que, dans la plupart des pays, elle fut l'œuvre de libéraux "avancés" qui voyaient dans le socialisme l'achèvement, sur le plan des rapports sociaux, de l'œuvre d'émancipation amorcée au point de vue politique par la Révolution Française; il ne s'agissait pas, dans leur esprit, de réviser la révolution politique, considérée comme parfaite après la conquête du suffrage universel, mais de la prolonger".

 

"En quelques années, le socialisme prit en Europe la place que lui promettait le développement industriel des divers pays, comme un liquide emplit un récipient où on le laisse s'écouler. Mais le moment arriva vite où le progrès s'arrêta de la même manière que le liquide est retenu par les parois du récipient. (...) Sur le plan politique, le socialisme s'affirmait comme un parti entièrement acquis aux exigences de conformisme démocratique et soumis aux impératifs de l'électoralisme. Le "socialisme parlementaire" contre lequel s'étaient insurgés tant de socialistes clairvoyants de l'époque héroïque avait confirmé les prédictions pessimistes de ses adversaires. De moyen au service de la révolution prolétarienne, il était devenu une fin en soi dont les aspirations ouvrières n'étaient qu'une condition de succès. Il avait tout envahi. A ses yeux, les syndicats n'étaient que des machines à recruter des électeurs, les œuvres économiques, des instruments pour garder leur bienveillance, la justice sociale la matière d'un beau programme électoral. Si on excepte une certaine logomachie, les partis socialistes ne se distinguaient pas des autres formations politiques. Les idées, les sentiments, les désirs qui avaient motivé le socialisme étaient subordonnés à des considérations de tactique électorale. (...) Dans les dernières années, la solidarité était si complète entre le socialisme et la démocratie que la réalisation des objectifs socialistes était subordonnée à la défense de la démocratie. La bourgeoisie libérale avait trouvé le meilleur auxiliaire pour le maintien de ses privilèges dans la force qui naguère s'était dressée contre elle. Elle n'avait d'ailleurs aucun mérite dans ce qui aurait pu passer pour un chef d'œuvre d'astuce. Si le socialisme se mettait ainsi au service de la forme d'Etat qui était la doublure du capitalisme, c'est à cause de la carence de la pensée socialiste dans ce domaine. Le libéralisme avait annexé son adversaire sans l'avoir cherché, par le seul jeu terriblement corrupteur et désagrégeant de la mécanique parlementaire; le socialisme s'était laissé assimiler sans résistance et tandis qu'il se grisait de décevants triomphes électoraux, le courant de vie se détournait de lui, le laissant achever une existence de plus en plus parasitaire sur le corps du capitalisme libéral et le vouant à la même élimination inéluctable du champ de l'histoire.

 

 

 

Ces quelques paragraphes que je détache, presque au hasard du livre de José Streel, permettent-ils de se rendre compte de la valeur des leçons qu'il nous a léguées? Je l'ignore. Ils laissent du moins entrevoir quelques-unes des lignes principales de la synthèse qu'il a tenté d'établir: que le Fascisme est ouverture aux forces populaires, qu'il ne peut être une révolution venue d'en haut, faite par les détenteurs actuels du pouvoir; que l'adversaire principal reste le libéralisme. Et que le libéralisme a épuisé toutes ses rares vertus, qu'il est dépérissement et que le peuple qui ne parvient pas à s'en débarasser, dépérit avec lui.

 

Il y a trente ans, et pour avoir écrit ces choses, José Streel est mort. Mais la vérité qu'il a dite demeure, elle est entre nos mains. les trente années qui nous séparent du jour où José Streel a été fusillé sont des années de honte pour l'Europe, et celles qui viendront ne le seront pas moins. Elles le seront jusqu'à l'aube où cette vérité qu'il a dite s'échappera de nos mains, qui sera l'aube de la seconde Révolution fasciste.

 

Charles DREISER.

 

 

Bibliographie des ouvrages de José Streel

 

1) Les jeunes gens et la politique, Louvain, s.d. (1932), 2ème éd., Rex, Bruxelles, 37 pages.

2) Ce qu'il faut penser de Rex, Bruxelles, s.d. (1936), Rex, 149 pages.

3) Positions rexistes, Bruxelles, s.d. (1936), Rex, 32 pages.

4) La Révolution du XXème siècle, Bruxelles, 1942, Nouvelle Société d'Editions, coll. "Documents", 214 pages.

 

De larges extraits de Positions rexistes  sont repris dans l'ouvrage de Pierre Daye, Léon Degrelle et le rexisme (Paris, Fayard, 1937), cf. chapitre 4.

 

Notes

 

(1) Le mouvement rexiste jusqu'en 1940, p.72 (Paris, A. Colin, Cahiers de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, n°165).

(2) Cf. J.M. Etienne, op. cit., p.37: "Le rexisme a une position beaucoup plus ouverte aux problèmes sociaux que le Parti Catholique dont il est issu. Il reprend à son compte le programme de la frange démo-chrétienne du Parti Catholique". Etienne insiste plus loin sur le fait que de nombreux militants rexistes proviennent de la démocratie chrétienne, ce qui explique, dit-il, la virulence de l'hostilité que les dirigeants démocrates-chrétiens éprouvent envers le Rexisme, par lequel ils se sentent menacés. Dès la fin de 1935, les sympathisants rexistes seront exclus de la LTC. N'oublions pas que, comme le rappelle Moulin dans la préface à l'ouvrage d'Etienne, le Rexisme dut se défendre contre l'accusation de "bolchévisme".

 

jeudi, 07 janvier 2010

Entretien avec Marc. Eemans, le dernier des surréalistes de l'école d'André Breton

EEMANSTABLEAU.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

Entretien avec Marc. Eemans, le dernier des surréalistes de l’école d’André Breton

 

propos recueillis par Koenraad Logghe

et Robert Steuckers

 

Aujourd'hui âgé de 83 ans, Marc. Eemans affirme être le dernier des surréalistes. Après lui, la page sera tournée. Le surréalisme sera définitivement entré dans l'histoire. Qui est-il, ce dernier des surréalistes, ce peintre de la génération des Magritte, Delvaux et Dali, aujourd'hui ostracisé? Quel a été son impact littéraire? Quelle influence Julius Evola a-t-il exercé sur lui? Ce «vilain petit canard» du mouvement surréaliste jette un regard très critique sur ses compères morts. Ceux-ci lui avaient cherché misère pour son passé «collaborationniste». Récemment, Ivan Heylen, du journal Panorama (22/28.8.1989), l'a interviewé longuement, agrémentant son article d'un superbe cliché tout en mettant l'accent sur l'hétérosexualité tumultueuse de Marc. Eemans et de ses émules surréalistes. Nous prenons le relais mais sans oublier de l'interroger sur les artistes qu'il a connus, sur les grands courants artistiques qu'il a côtoyés, sur les dessous de sa «collaboration»...

 

Q.: La période qui s'étend du jour de votre naissance à l'émergence de votre première toile a été très importante. Comment la décririez-vous?

 

ME: Je suis né en 1907 à Termonde (Dendermonde). Mon père aimait les arts et plu­sieurs de ses amis étaient peintres. A l'âge de huit ans, j'ai appris à connaître un parent éloigné, sculpteur et activiste (1): Emiel De Bisschop. Cet homme n'a jamais rien réussi dans la vie mais il n'en a pas moins revêtu une grande signification pour moi. C'est grâce à Emiel De Bisschop que j'entrai pour la première fois en contact avec des écrivains et des artistes.

 

Q.: D'où vous est venue l'envie de dessiner et de peindre?

 

ME: J'ai toujours suivi de très près l'activité des artistes. Immédiatement après la première guerre mondiale, j'ai connu le peintre et baron Frans Courtens. Puis je rendai un jour visite au peintre Eugène Laermans. Ensuite encore une quantité d'autres, dont un véritable ami de mon père, un illustre inconnu, Eugène van Mierloo. A sa mort, j'ai appris qu'il avait pris part à la première ex­pédition au Pôle Sud comme reporter-dessina­teur. Pendant la première guerre mondiale, j'ai visité une exposition de peintres qui jouissent aujourd'hui d'une notoriété certaine: Felix Deboeck, Victor Servranckx, Jozef Peeters. Aucun d'entre eux n'était alors abstrait. Ce ne fut que quelques années plus tard que nous con­nûmes le grand boom de la peinture abstraite dans l'art moderne. Lorsque Servranckx organisa une exposition personnelle, j'entrai en contact avec lui et, depuis lors, il m'a considéré comme son premier disciple. J'avais environ quinze ans lorsque je me mis à peindre des toiles abstraites. A seize ans, je collaborais à une feuille d'avant-garde intitulée Sept Arts. Parmi les autres colla­borateurs, il y avait le poète Pierre Bourgeois, le poète, peintre et dessinateur Pierre-Louis Flouquet, l'architecte Victor Bourgeois et mon futur beau-frère Paul Werrie (2). Mais l'abstrait ne m'attira pas longtemps. Pour moi, c'était trop facile. Comme je l'ai dit un jour, c'est une aber­ration matérialiste d'un monde en pleine déca­dence... C'est alors qu'un ancien acteur entra dans ma vie: Geert van Bruaene.

 

Je l'avais déjà rencontré auparavant et il avait laissé des traces profondes dans mon imagina­tion: il y tenait le rôle du zwansbaron,  du «Baron-Vadrouille». Mais quand je le revis à l'âge de quinze ans, il était devenu le directeur d'une petite galerie d'art, le «Cabinet Maldoror», où tous les avant-gardistes se réunissaient et où furent exposés les premiers expressionnistes al­lemands. C'est par l'intermédiaire de van Bruaene que je connus Paul van Ostaijen (3). Geert van Bruaene méditait Les Chants de Maldoror  du soi-disant Comte de Lautréamont, l'un des principaux précurseurs du surréalisme. C'est ainsi que je devins surréaliste sans le sa­voir. Grâce, en fait, à van Bruaene. Je suis passé de l'art abstrait au Surréalisme lorsque mes images abstraites finirent par s'amalgamer à des objets figuratifs. A cette époque, j'étais encore communiste...

 

Q.: A l'époque, effectivement, il semble que l'intelligentsia et les artistes appartenaient à la gauche? Vous avez d'ailleurs peint une toile superbe représentant Lénine et vous l'avez intitulée «Hommage au Père de la Révolution»...

 

ME: Voyez-vous, c'est un phénomène qui s'était déjà produit à l'époque de la Révolution Française. Les jeunes intellectuels, tant en France qu'en Allemagne, étaient tous partisans de la Révolution Française. Mais au fur et à mesure que celle-ci évolua ou involua, que la terreur prit le dessus, etc., ils ont retiré leurs épingles du jeu. Et puis Napoléon est arrivé. Alors tout l'enthousiasme s'est évanoui. Ce fut le cas de Goethe, Schelling, Hegel, Hölderlin... Et n'oublions également pas le Beethoven de la Sinfonia Eroica, inspirée par la Révolution fran­çaise et primitivement dédiée à Napoléon, avant que celui-ci ne devient empereur. Le même phé­nomène a pu s'observer avec la révolution russe. On croyait que des miracles allaient se produire. Mais il n'y en eut point. Par la suite, il y eut l'opposition de Trotski qui croyait que la révolu­tion ne faisait que commencer. Pour lui, il fallait donc aller plus loin!

 

Q.: N'est-ce pas là la nature révolutionnaire ou non-conformiste qui gît au tréfonds de tout artiste?

 

ME: J'ai toujours été un non-conformiste. Même sous le nazisme. Bien avant la dernière guerre, j'ai admiré le «Front Noir» d'Otto Strasser. Ce dernier était anti-hitlérien parce qu'il pensait que Hitler avait trahi la révolution. J'ai toujours été dans l'opposition. Je suis sûr que si les Allemands avaient emporté la partie, que, moi aussi, je m'en serais aller moisir dans un camp de concentration. Au fond, comme disait mon ami Mesens, nous, surréalistes, ne sommes que des anarchistes sentimentaux.

 

Q.: Outre votre peinture, vous êtes aussi un homme remarquable quant à la grande diversité de ses lectures. Il suffit d'énumérer les auteurs qui ont exercé leur influence sur votre œuvre...

 

ME: Je me suis toujours intéressé à la littérature. A l'athenée (4) à Bruxelles, j'avais un curieux professeur, un certain Maurits Brants (5), auteur, notamment, d'une anthologie pour les écoles, intitulée Dicht en Proza.  Dans sa classe, il avait accroché au mur des illustrations représentant les héros de la Chanson des Nibelungen. De plus, mon frère aîné était wagnérien. C'est sous cette double influence que je découvris les mythes germaniques. Ces images de la vieille Germanie sont restées gravées dans ma mémoire et ce sont elles qui m'ont distingué plus tard des autres sur­réalistes. Ils ne connaissaient rien de tout cela. André Breton était surréaliste depuis dix ans quand il entendit parler pour la première fois des romantiques allemands, grâce à une jeune amie alsacienne. Celle-ci prétendait qu'il y avait déjà eu des «surréalistes» au début du XIXième siècle. Novalis, notamment. Moi, j'avais découvert Novalis par une traduction de Maeterlinck que m'avait refilée un ami quand j'avais dix-sept ans. Cet ami était le cher René Baert, un poète admi­rable qui fut assassiné par la «Résistance» en Allemagne, peu avant la capitulation de celle-ci, en 1945. Je fis sa connaissance dans un petit ca­baret artistique bruxellois appelé Le Diable au corps. Depuis nous sommes devenus insépa­rables aussi bien en poésie qu'en politique, di­sons plutôt en «métapolitique» car la Realpolitik n'a jamais été notre fait. Notre évolution du communisme au national-socialisme relève en ef­fet d'un certain romantisme en lequel l'exaltation des mythes éternels et de la tradition primordiale, celle de René Guénon et de Julius Evola, a joué un rôle primordial. Disons que cela va du Georges Sorel du Mythe de la Révolution et des Réflexions sur la violence à l'Alfred Rosenberg du Mythe du XXième siècle, en passant par La Révolte contre le monde moderne de Julius Evola. Le seul livre que je pourrais appeler méta­politique de René Baert s'intitule L'épreuve du feu  (Ed. de la Roue Solaire, Bruxelles, 1944) (6). Pour le reste, il est l'auteur de recueils de poèmes et d'essais sur la poésie et la peinture. Un penseur et un poète à redécouvrir. Et puis, pour revenir à mes lectures initiales, celles de ma jeu­nesse, je ne peux oublier le grand Louis Couperus (7), le symboliste à qui nous devons les merveilleux Psyche, Fidessa et Extase.

 

Q.: Couperus a-t-il exercé une forte influence sur vous?

 

tetes_nus.jpgME: Surtout pour ce qui concerne la langue. Ma langue est d'ailleurs toujours marquée par Couperus. En tant que Bruxellois, le néerlandais officiel m'a toujours semblé quelque peu artifi­ciel. Mais cette langue est celle à laquelle je voue tout mon amour... Un autre auteur dont je devins l'ami fut le poète expressionniste flamand Paul van Ostaijen. Je fis sa connaissance par l'entremise de Geert van Bruaene. Je devais alors avoir dix-huit ans. Lors d'une conférence que van Ostaijen fit en français à Bruxelles, l'orateur, mon nouvel ami qui devait mourir quelques an­nées plus tard à peine âgé de trente-deux ans, fixa définitivement mon attention sur le rapport qu'il pouvait y avoir entre la poésie et la mystique, tout comme il me parla également d'un mysticisme sans Dieu, thèse ou plutôt thème en lequel il re­joignait et Nietzsche et André Breton, le «pape du Surréalisme» qui venait alors de publier son Manifeste du Surréalisme.

 

Q.: Dans votre œuvre, mystique, mythes et surréalisme ne peuvent être séparés?

 

ME: Non, je suis en quelque sorte un surréaliste mythique et, en cela, je suis peut-être le surréa­liste le plus proche d'André Breton. J'ai toujours été opposé au surréalisme petit-bourgeois d'un Magritte, ce monsieur tranquille qui promenait son petit chien, coiffé de son chapeau melon...

 

Q.: Pourtant, au début, vous étiez amis. Comment la rupture est-elle survenue?

 

ME: En 1930. Un de nos amis surréalistes, Camille Goemans, fils du Secrétaire perpétuel de la Koninklijke Vlaamse Academie voor Taal en Letterkunde  ( = Académie Royale Flamande de Langue et de Littérature), possédait une galerie d'art à Paris. Il fit faillite. Mais à ce moment, il avait un contrat avec Magritte, Dali et moi. Après cet échec, Dali a trouvé sa voie grâce à Gala, qui, entre nous soit dit, devait être une vraie mégère. Magritte, lui, revint à Bruxelles et devint un misé­reux. Tout le monde disait: «Ce salaud de Goemans! C'est à cause de lui que Magritte est dans la misère». C'est un jugement que je n'admis pas. C'est le côté «sordide» du Surréalisme belge. Goemans, devenu pauvre comme Job par sa faillite, fut rejeté par ses amis surréalistes, mais il rentra en grâce auprès d'eux lorsqu'il fut redevenu riche quelque dix ans plus tard grâce à sa femme, une Juive de Russie, qui fit du «marché noir» avec l'occupant durant les années 1940-44. Après la faillite parisienne, Goemans et moi avons fait équipe. C'est alors que parut le deuxième manifeste surréaliste, où Breton écrivit, entre autres choses, que le Surréalisme doit être occulté, c'est-à-dire s'abstenir de tous compromis et de tout particula­risme intellectuel. Nous avons pris cette injonc­tion à la lettre. Nous avions déjà tous deux reçu l'influence des mythes et de la mystique germa­niques. Nous avons fondé, avec l'ami Baert, une revue, Hermès, consacrée à l'étude comparative du mysticisme, de la poésie et de la philosophie. Ce fut surtout un grand succès moral. A un mo­ment, nous avions, au sein de notre rédaction, l'auteur du livre Rimbaud le voyant,  André Rolland de Renéville. Il y avait aussi un philo­sophe allemand anti-nazi, qui avait émigré à Paris et était devenu lecteur de littérature allemande chez Gallimard: Bernard Groethuysen. Par son intermédiaire, nous nous sommes assurés la col­laboration d'autres auteurs. Il nous envoyait même des textes de grands philosophes encore peu connus à l'époque: Heidegger, Jaspers et quelques autres. Nous avons donc été parmi les premiers à publier en langue française des textes de Heidegger, y compris des fragments de Sein und Zeit.

 

Parmi nos collaborateurs, nous avions l'un des premiers traducteurs de Heidegger: Henry Corbin (1903-1978) qui devint par la suite l'un des plus brillants iranologues d'Europe. Quant à notre se­crétaire de rédaction, c'était le futur célèbre poète et peintre Henri Michaux. Sa présence parmi nous était due au hasard. Goemans était l'un de ses vieux amis: il avait été son condisciple au Collège St. Jan Berchmans. Il était dans le be­soin. La protectrice de Groethuysen, veuve d'un des grands patrons de l'Arbed, le consortium de l'acier, nous fit une proposition: si nous enga­gions Michaux comme secrétaire de rédaction, elle paierait son salaire mensuel, plus les factures de la revue. C'était une solution idéale. C'est ainsi que je peux dire aujourd'hui que le célé­brissime Henri Michaux a été mon employé...

 

Q.: Donc, grâce à Groethuysen, vous avez pris connaissance de l'œuvre de Heidegger...

 

ME: Eh oui. A cette époque, il commençait à de­venir célèbre. En français, c'est Gallimard qui publia d'abord quelques fragments de Sein und Zeit. Personnellement, je n'ai jamais eu de con­tacts avec lui. Après la guerre, je lui ai écrit pour demander quelques petites choses. J'avais lu un interview de lui où il disait que Sartre n'était pas un philosophe mais que Georges Bataille, lui, en était un. Je lui demandai quelques explications à ce sujet et lui rappelai que j'avais été l'un des premiers éditeurs en langue française de ses œuvres. Pour toute réponse, il m'envoya une petite carte avec son portrait et ces deux mots: «Herzlichen Dank!» (Cordial merci!). Ce fut la seule réponse de Heidegger...

 

Q.: Vous auriez travaillé pour l'Ahnenerbe. Comment en êtes-vous arrivé là?

 

ME: Avant la guerre, je m'étais lié d'amitié avec Juliaan Bernaerts, mieux connu dans le monde littéraire sous le nom de Henri Fagne. Il avait épousé une Allemande et possédait une librairie internationale dans la Rue Royale à Bruxelles. Je suppose que cette affaire était une librairie de propagande camouflée pour les services de Goebbels ou de Rosenberg. Un jour, Bernaerts me proposa de collaborer à une nouvelle maison d'édition. Comme j'étais sans travail, j'ai ac­cepté. C'était les éditions flamandes de l'Ahnenerbe. Nous avons ainsi édité une ving­taine de livres et nous avions des plans gran­dioses. Nous sortions également un mensuel, Hamer,  lequel concevait les Pays-Bas et la Flandre comme une unité.

 

Q.: Et vous avez écrit dans cette publication?

 

ME: Oui. J'ai toujours été amoureux de la Hollande et, à cette époque-là, il y avait comme un mur de la honte entre la Flandre et la Hollande. Pour un Thiois comme moi, il existe d'ailleurs toujours deux murs séculaires de la honte: au Nord avec les Pays-Bas; au Sud avec la France, car la frontière naturelle des XVII Provinces historiques s'étendait au XVIième siècle jusqu'à la Somme. La première capitale de la Flandre a été la ville d'Arras (Atrecht). Grâce à Hamer,  j'ai pu franchir ce mur. Je devins l'émissaire qui se rendait régulièrement à Amsterdam avec les articles qui devaient paraître dans Hamer. Le rédacteur-en-chef de Hamer-Pays-Bas cultivait lui aussi des idées grand-néer­landaises. Celles-ci transparaissaient clairement dans une autre revue Groot-Nederland, dont il était également le directeur. Comme elle a conti­nué à paraître pendant la guerre, j'y ai écrit des articles. C'est ainsi qu'Urbain van de Voorde (8) a participé également à la construction de la Grande-Néerlande. Il est d'ailleurs l'auteur d'un essai d'histoire de l'art néerlandais, considérant l'art flamand et néerlandais comme un grand tout. Je possède toujours en manuscrit une traduction de ce livre, paru en langue néerlandaise en 1944.

 

Mais, en fin de compte, j'étais un dissident au sein du national-socialisme! Vous connaissez la thèse qui voulait que se constitue un Grand Reich allemand dans lequel la Flandre ne serait qu'un Gau parmi d'autres. Moi, je me suis dit: «Je veux bien, mais il faut travailler selon des principes or­ganiques. D'abord il faut que la Flandre et les Pays-Bas fusionnent et, de cette façon seulement, nous pourrions participer au Reich, en tant qu'entité grande-néerlandaise indivisible». Et pour nous, la Grande-Néerlande s'étendait jusqu'à la Somme! Il me faut rappeler ici l'existence pendant l'Occupation, d'une «résistance thioise» non reconnue comme telle à la «Libération». J'en fis partie avec nombre d'amis flamands et hollandais, dont le poète fla­mand Wies Moens pouvait être considéré comme le chef de file. Tous devinrent finalement victimes de la «Répression».

 

Q.: Est-ce là l'influence de

Joris van Severen?

 

ME: Non, Van Severen était en fait un fransquil­lon, un esprit totalement marqué par les modes de Paris. Il avait reçu une éducation en français et, au front, pendant la première guerre mondiale, il était devenu «frontiste» (9). Lorsqu'il créa le Verdinaso, il jetta un oeil au-delà des frontières de la petite Belgique, en direction de la France. Il revendiqua l'annexion de la Flandre française. Mais à un moment ou à un autre, une loi devait être votée qui aurait pu lui valoir des poursuites. C'est alors qu'il a propagé l'idée d'une nouvelle direction de son mouvement (la fameuse «nieuwe marsrichting»). Il est redevenu «petit-belge». Et il a perdu le soutien du poète Wies Moens (10), qui créa alors un mouvement dissident qui se cristal­lisa autour de sa revue Dietbrand  dont je devins un fidèle collaborateur.

 

Q.: Vous avez collaboré à une quantité de publications, y compris pendant la seconde guerre mondiale. Vous n'avez pas récolté que des félicitations. Dans quelle mesure la répression vous a-t-elle marqué?

 

ME: En ce qui me concerne, la répression n'est pas encore finie! J'ai «collaboré» pour gagner ma croûte. Il fallait bien que je vive de ma plume. Je ne me suis jamais occupé de politique. Seule la culture m'intéressait, une culture assise sur les traditions indo-européennes. De plus, en tant qu'idéaliste grand-néerlandais, je demeurai en marge des idéaux grand-allemands du national-socialisme. En tant qu'artiste surréaliste, mon art était considéré comme «dégénéré» par les ins­tances officielles du IIIième Reich. Grâce à quelques critiques d'art, nous avons toutefois pu faire croire aux Allemands qu'il n'y avait pas d'«art dégénéré» en Belgique. Notre art devait être analysé comme un prolongement du roman­tisme allemand (Hölderlin, Novalis,...), du mou­vement symboliste (Böcklin, Moreau, Khnopff,...) et des Pré-Raphaëlites anglais. Pour les instances allemandes, les expressionnistes flamands étaient des Heimatkünstler  (des peintres du terroir). Tous, y compris James Ensor, mais excepté Fritz Van der Berghe, consi­déré comme trop «surréaliste» en sa dernière pé­riode, ont d'ailleurs participé à des expositions en Allemagne nationale-socialiste.

 

Mais après la guerre, j'ai tout de même purgé près de quatre ans de prison. En octobre 1944, je fus arrêté et, au bout de six ou sept mois, remis en liberté provisoire, avec la promesse que tout cela resterait «sans suite». Entretemps, un audi­teur militaire (11) cherchait comme un vautour à avoir son procès-spectacle. Les grands procès de journalistes avaient déjà eu lieu: ceux du Soir, du Nouveau Journal, de Het Laatste Nieuws,... Coûte que coûte, notre auditeur voulait son pro­cès. Et il découvrit qu'il n'y avait pas encore eu de procès du Pays réel  (le journal de Degrelle). Les grands patrons du Pays réel avaient déjà été condamnés voire fusillés (comme Victor Matthijs, le chef de Rex par interim et rédacteur-en-chef du journal). L'auditeur eut donc son procès, mais avec, dans le box des accusés, des seconds cou­teaux, des lampistes. Moi, j'étais le premier des troisièmes couteaux, des super-lampistes. Je fus arrêté une seconde fois, puis condamné. Je restai encore plus ou moins trois ans en prison. Plus moyen d'en sortir! Malgré l'intervention en ma faveur de personnages de grand format, dont mon ami français Jean Paulhan, ancien résistant et futur membre de l'Académie Française, et le Prix Nobel anglais T.S. Eliot, qui écrivit noir sur blanc, en 1948, que mon cas n'aurait dû exiger aucune poursuite. Tout cela ne servit à rien. La lettre d'Eliot, qui doit se trouver dans les archives de l'Auditorat militaire, mériterait d'être publiée, car elle condamne en bloc la répression sauvage des intellectuels qui n'avaient pas «brisé leur plume», cela pour autant qu'ils n'aient pas com­mis des «crimes de haute trahison». Eliot fut d'ailleurs un des grands défenseurs de son ami le poète Ezra Pound, victime de la justice répressive américaine.

 

1_w200.jpgQuand j'expose, parfois, on m'attaque encore de façon tout à fait injuste. Ainsi, récemment, j'ai participé à une exposition à Lausanne sur la femme dans le Surréalisme. Le jour de l'ouverture, des surréalistes de gauche distribuè­rent des tracts qui expliquaient au bon peuple que j'étais un sinistre copain d'Eichmann et de Barbie! Jamais vu une abjection pareille...

 

Q.: Après la guerre, vous avez participé aux travaux d'un groupe portant le nom étrange de «Fantasmagie»? On y rencontrait des figures comme Aubin Pasque, Pol Le Roy et Serge Hutin...

 

ME: Oui. Le Roy et Van Wassenhove avaient été tous deux condamnés à mort (12). Après la guerre, en dehors de l'abstrait, il n'y avait pas de salut. A Anvers règnait la Hessenhuis:  dans les années 50, c'était le lieu le plus avant-gardiste d'Europe. Pasque et moi avions donc décidé de nous associer et de recréer quelque chose d'«anti». Nous avons lancé «Fantasmagie». A l'origine, nous n'avions pas appelé notre groupe ainsi. C'était le centre pour je ne sais plus quoi. Mais c'était l'époque où Paul de Vree possédait une revue, Tafelronde.  Il n'était pas encore ultra-moderniste et n'apprit que plus tard l'existence de feu Paul van Ostaijen. Jusqu'à ce moment-là, il était resté un brave petit poète. Bien sûr, il avait un peu collaboré... Je crois qu'il avait travaillé pour De Vlag (13). Pour promouvoir notre groupe, il promit de nous consacrer un numéro spécial de Tafelronde.  Un jour, il m'écrivit une lettre où se trouvait cette question: «Qu'en est-il de votre "Fantasmagie"?». Il venait de trouver le mot. Nous l'avons gardé.

 

Q.: Quel était l'objectif de «Fantasmagie»?

 

ME: Nous voulions instituer un art pictural fan­tastique et magique. Plus tard, nous avons attiré des écrivains et des poètes, dont Michel de Ghelderode, Jean Ray, Thomas Owen, etc. Mais chose plus importante pour moi est la création en 1982, à l'occasion de mes soixante-quinze ans, par un petit groupe d'amis, d'une Fondation Marc. Eemans  dont l'objet est l'étude de l'art et de la littérature idéalistes et symbolistes. D'une activité plus discrète, mais infiniment plus sé­rieuse et scientifique, que la «Fantasmagie», cette Fondation a créé des archives concernant l'art et la littérature (accessoirement également la mu­sique) de tout ce qui touche au symbole et au mythe, non seulement en Belgique mais en Europe voire ailleurs dans le monde, le tout dans le sens de la Tradition primordiale.

 

Q.: Vous avez aussi fondé le Centrum Studi Evoliani, dont vous êtes toujours le Président...

 

ME: Oui. Pour ce qui concerne la philosophie, j'ai surtout été influencé par Nietzsche, Heidegger et Julius Evola. Surtout les deux der­niers. Un Gantois, Jef Vercauteren, était entré en contact avec Renato Del Ponte, un ami de Julius Evola. Vercauteren cherchait des gens qui s'intéressaient aux idées de Julius Evola et étaient disposés à former un cercle. Il s'adressa au Professeur Piet Tommissen, qui lui communiqua mon adresse. J'ai lu tous les ouvrages d'Evola. Je voulais tout savoir à son sujet. Quand je me suis rendu à Rome, j'ai visité son appartement. J'ai discuté avec ses disciples. Ils s'étaient dispu­tés avec les gens du groupe de Del Ponte. Celui-ci prétendait qu'ils avaient été veules et mesquins lors du décès d'Evola. Lui, Del Ponte, avait eu le courage de transporter l'urne contenant les cendres funéraires d'Evola au sommet du Mont Rose à 4000 m et de l'enfouir dans les neiges éternelles. Mon cercle, hélas, n'a plus d'activités pour l'instant et cela faute de personnes réelle­ment intéressées.

 

En effet, il faut avouer que la pensée et les théo­ries de Julius Evola ne sont pas à la portée du premier militant de droite, disons d'extrême-droite, venu. Pour y accéder, il faut avoir une base philosophique sérieuse. Certes, il y a eu des farfelus férus d'occultisme qui ont cru qu'Evola parlait de sciences occultes, parce qu'il est consi­déré comme un philosophe traditionaliste de droite. Il suffit de lire son livre Masques et vi­sages du spiritualisme contemporain pour se rendre compte à quel point Evola est hostile, tout comme son maître René Guénon, à tout ce qui peut être considéré comme théosophie, anthropo­sophie, spiritisme et que sais-je encore.

 

L'ouvrage de base est son livre intitulé Révolte contre le monde moderne  qui dénonce toutes les tares de la société matérialiste qui est la nôtre et dont le culte de la démocratie (de gauche bien en­tendu) est l'expression la plus caractérisée. Je ne vous résumerai pas la matière de ce livre dense de quelque 500 pages dans sa traduction française. C'est une véritable philosophie de l'histoire, vue du point de vue de la Tradition, c'est-à-dire selon la doctrine des quatre âges et sous l'angle des théories indo-européennes. En tant que «Gibe­lin», Evola prônait le retour au mythe de l'Em­pire, dont le IIIième Reich de Hitler n'était en somme qu'une caricature plébéienne, aussi fut-il particulièrement sévère dans son jugement tant sur le fascisme italien que sur le national-so­cialisme allemand, car ils étaient, pour lui, des émanations typiques du «quatrième âge» ou Kali-Youga, l'âge obscur, l'âge du Loup, au même titre que le christianisme ou le communisme. Evola rêvait de la restauration d'un monde «héroïco-ouranien occidental», d'un monde éli­taire anti-démocratique dont le «règne de la masse», de la «société de consommation» aurait été éliminé. Bref, toute une grandiose histoire philosophique du monde dont le grand héros était l'Empereur Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250), un véritable héros mythique...

 

Q.: Vous avez commencé votre carrière en même temps que Magritte. Au début, vos œuvres étaient même mieux cotées que les siennes...

 

ME: Oui et pourtant j'étais encore un jeune galo­pin. Magritte s'est converti au Surréalisme après avoir peint quelque temps en styles futuriste, puis cubiste, etc. A cette époque, il avait vingt-sept ans. Je n'en avais que dix-huit. Cela fait neuf ans de différence. J'avais plus de patte. C'était la rai­son qui le poussait à me houspiller hors du groupe. Parfois, lorsque nous étions encore amis, il me demandait: «Dis-moi, comment pour­rais-je faire ceci...?». Et je répondais: «Eh bien Magritte, mon vieux, fais comme cela ou comme cela...». Ultérieurement, j'ai pu dire avec humour que j'avais été le maître de Magritte! Pendant l'Occupation, j'ai pu le faire dispenser du Service Obligatoire, mais il ne m'en a pas su gré. Bien au contraire!

 

Q.: Comment se fait-il qu'actuellement vous ne bénéficiez pas de la même réputation internationale que Magritte?

 

ME: Voyez-vous, lui et moi sommes devenus surréalistes en même temps. J'ai été célèbre lorsque j'avais vingt ans. Vous constaterez la vé­racité des mes affirmations en consultant la revue Variétés,  revue para-surréaliste des années 1927-28, où vous trouverez des publicités pour la ga­lerie d'art L'Epoque, dont Mesens était le direc­teur. Vous pouviez y lire: nous avons toujours en réserve des œuvres de... Suivait une liste de tous les grands noms de l'époque, dont le mien. Et puis il y a eu le formidable krach de Wall Street en 1929: l'art moderne ne valait plus rien du jour au lendemain. Je suis tombé dans l'oubli. Aujourd'hui, mon art est apprécié par les uns, boudé par d'autres. C'est une question de goût personnel. N'oubliez pas non plus que je suis un «épuré», un «incivique», un «mauvais Belge», même si j'ai été «réhabilité» depuis... J'ai même été décoré, il y a quelques années, de l'«Ordre de la Couronne»... et de la Svastika, ajoutent mes ennemis! Bref, pas de place pour un «surréaliste pas comme les autres». Certaines gens prétendent qu'«on me craint», alors que je crois plutôt que j'ai tout à craindre de ceux qui veulent me réduire au rôle peu enviable d'«artiste maudit». Mais comme on ne peut m'ignorer, certains spéculent déjà sur ma mort!

 

Propos recueillis en partie par Koenraad Logghe, en partie par Robert Steuckers. Une version néerlandaise de l'entrevue avec Logghe est parue dans la revue De Vrijbuiter, 5/1989. Adresse: De Vrijbuiter, c/o Jan Creve, Oud Arenberg 110, B-2790 Kieldrecht.   

 

(1) L'activisme est le mouvement collaborateur en Flandre pen­dant la première guerre mondiale. A ce propos, lire Maurits Van Haegendoren, Het aktivisme op de kentering der tijden, Uitgeve­rij De Nederlanden, Antwerpen, 1984.

(2) Paul Werrie était collaborateur du Nouveau Journal,  fondé par le critique d'art Paul Colin avant la guerre. Paul Werrie y te­nait la rubrique «théâtre». A la radio, il ani­mait quelques émis­sions sportives. Ces activités non po­li­tiques lui valurent toute­fois une condamnation à mort par contumace, tant la justice mi­litaire était sereine... Il vé­cut dix-huit ans d'exil en Espagne. Il se fixa ensuite à Marly-le-Roi, près de Paris, où résidait son compagnon d'infortume et vieil ami, Robert Poulet. Tous deux participèrent activement à la rédaction de Rivarol  et des Ecrits de Paris.

(3) Paul André van Ostaijen (1896-1928), jeune poète et es­sayiste flamand, né à Anvers, lié à l'aventure activiste, émigré politique à Berlin entre 1918-1920. Fonde la revue Avontuur, ouvre une galerie à Bruxelles mais miné par la tuberculose, abandonne et se consacre à l'écriture dans un sanatorium. Inspiré par Hugo von Hoffmannsthal et par les débuts de l'expres­sionnisme allemand, il développe un nationalisme fla­mand à dimensions universelles, tablant sur les grandes idées d'humanité et de fraternité. Se tourne ensuite vers le dadaïsme et le lyrisme exprérimental, la poésie pure. Exerce une grande in­fluence sur sa génération.

(4) L'Athenée est l'équivalent belge du lycée en France ou du Gymnasium en Allemagne.

(5) Maurits Brants a notamment rédigé un ouvrage sur les héros de la littérature germanique des origines: Germaansche Helden­leer,  A. Siffer, Gent, 1902.

(6) Dans son ouvrage L'épreuve du feu. A la recherche d'une éthique,  René Baert évoque notamment les œuvres de Keyser­ling, Abel Bonnard, Drieu la Rochelle, Montherlant, Nietzsche, Ernst Jünger, etc.

(7) Louis Marie Anne Couperus (1863-1923), écrivain symbo­liste néerlandais, grand voyageur, conteur naturaliste et psycho­logisant qui met en scène des personnages décadents, sans vo­lonté et sans force, dans des contextes contemporains ou an­tiques. Prose maniérée. Couperus a écrit quatre types de romans: 1) Des romans familiaux contemporains dans la société de La Haye; 2) des romans fantastiques et symboliques puisés dans les mythes et légendes d'Orient; 3) des romans mettant en scène des tyrans antiques; 4) des nouvelles, des esquisses et des récits de voyage.

(8) Pendant la guerre, Urbain van de Voorde participe à la rédac­tion de la revue hollando-flamande Groot-Nederland.  A l'épu­ration, il échappe aux tribunaux mais, comme Michel de Ghel­de­rode, est révoqué en tant que fonctionnaire. Après ces tra­cas, il participe dès le début à la rédaction du Nieuwe Standaard  qui reprend rapidement son titre De Standaard,  et devient princi­pal quo­tidien flamand.

(9) Dans les années 20, le frontisme est le mouvement politique des soldats revenus du front et rassemblés dans le Frontpartij.  Ce mouvement s'oppose aux politiques militaires de la Belgique, notamment à son alliance tacite avec la France, jugée ennemie héréditaire du peuple flamand, lequel n'a pas à verser une seule goutte de son sang pour elle. Il s'engage pour une neutralité ab­solue, pour la flamandisation de l'Université de Gand, etc.

(10) Le poète Wies Moens (1898-1982), activiste pendant la première guerre mondiale et étudiant à l'Université flamandisée de Gand entre 1916 et 1918, purgera quatre années de prison entre 1918 et 1922 dans les geôles de l'Etat belge. Fonde les re­vues Pogen  (1923-25) et Dietbrand  (1933-40). En 1945, un tribunal militaire le condamne à mort mais il parvient à se réfu­gier aux Pays-Bas pour échapper à ses bourreaux. Il fut l'un des principaux représentants de l'expressionnisme flamand. Il sera lié, à l'époque du Frontpartij,  à Joris van Severen, mais rompra avec lui pour les raisons que nous explique Marc. Eemans.

Cfr.: Erik Verstraete, Wies Moens,  Orion, Brugge, 1973.

(11) Les tribunaux militaires belges était présidés par des «au­diteurs» lors de l'épuration. On parlait également de l'«Audi­torat militaire». Pour comprendre l'abomination de ces tribunaux, le mécanisme de nomination au poste de juge de jeunes juristes inexpérimentés, de sous-officiers et d'officiers sans connaissances juridiques et revenus des camps de prison­niers, lire l'ouvrage du Prof. Raymond Derine, Repressie zonder maat of einde? Terug­blik op de collaboratie, repressie en amnes­tiestrijd,  Davidsfonds, Leuven, 1978. Le Professeur Derine si­gnale le mot du Ministre de la Justice Pholien, dépassé par les événements: «Une justice de rois nègres».

(12) Pol Le Roy, poète, ami de Joris Van Severen, chef de pro­pagande du Verdinaso, passera à la SS flamande et au gouverne­ment en exil en Allemagne de septembre 44 à mai 45. Van Was­senhove, chef de district du Verdinaso, puis de De Vlag (Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft),  à Ypres, a été con­dam­né à mort en 1945. Sa femme verse plusieurs millions à l'Au­ditorat militaire et à quelques «magistrats», sauvant ainsi la vie de son époux. En prison, Van Wassenhove apprend l'es­pagnol et traduit plusieurs poésies. Il deviendra l'archiviste de «Fantasmagie».

(13) De Vlag (= Le Drapeau) était l'organe culturel de la Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft. Il traitait essentielle­ment de questions littéraires, artistiques et philosophiques.

 

samedi, 05 septembre 2009

Joris van Severen en Charles Baudelaire

severen.jpg

Joris van Severen en Charles Baudelaire


Ex: http://www.jorisvanseveren.org/

Joris de Deurwaerder (Brugge), vestigde terecht onze aandacht op de studie ‘Baudelaire, het Baudelairisme – hun nawerking in de Nederlandse Letterkunde’ door dr. Paul de Smaele (1906-1965) (Koninklijke Vlaamse Academie voor Taal- en Letterkunde, reeks VI, nr. 54, XII-199 p., Brussel, 1934). De auteur zou vanaf 1937 docent neerlandistiek worden aan de Université Libre de Bruxelles. In zijn Gentse dissertatie uit 1930 (promotor prof. Frank Bauer (1887-1969) wordt (pp. 151-153) aandacht besteedt aan de wijze waarop Joris van Severen de Franse schrijver benaderde in zijn tijdschrift ‘Ter Waarheid’.

Charles Baudelaire (1821-1867) was het Dandyisme toegedaan en huldigde “de godsdienst van de heldhaftige elegantie” en het beginsel van “l’art pour l’art” (Lectuurrepertorium).

Merkwaardig is de lijn die De Smaele trekt van Joris van Severen naar Gerard Bruning (1898-1926), de jong gestorven oudere broer van Henri Bruning (1900-1983), die later één van de intellectuele krachten van het Verdinaso in Nederland zou worden.

Reden waarom we in onderstaand excerpt (vertaald in de hedendaagse spelling) ook de alinea’s overnemen over de Brunnings. Ter oriëntatie in de tijd, hebben we er de levensdata van de vernoemde auteurs tussen [-] aan toegevoegd. In de zinsneden tussen aanhalingstekens is Joris van Severen aan het woord.

Maurits Cailliau

In 1921 werd door bewuste jonge katholieke Vlamingen een eerste poging gedaan om Baudelaire voor zich op te eisen.1 Deze gebeurtenis is op zich zelf merkwaardig genoeg om er een ogenblik bij stil te staan. Bedoelde sympathieën voor de figuur Baudelaire kwamen het klaarst tot uiting in een programmatisch artikel Charles Baudelaire door Georges van Severen, verschenen in het tijdschrift Ter Waarheid. 2 Daaruit neem ik een paar van de meest typische zinsneden over. (Het schijnt me toe dat we hier voor een sprekend voorbeeld staan van hetgeen Gossaert [1884-1958] bezielde retoriek noemt.)

baudelaire500.jpg

“Voor zeer velen, voor de meesten helaas, die ‘t geluk hebben deze naam te kennen, roept hij geen andere gedachten op dan van ziekelijke zedeloosheid, perversiteit, cynisme, duivelachtigheid, enz. Voor ons een der allergrootste, allerechtste, allerdiepste, allermenselijkste dichters van alle tijden. Een katho1iek dichter, essentieel. Inderdaad. In deze ziel klaagt en vloekt het ‘Irrequietum’ met een zo wrange hevige smart, dat het leven van deze rampzalige mens er door gebroken werd en vernield.”

Wat volgens Van Severen Baudelaire tot een specifiek katholiek dichter stempelt, is de heftigheid en de bestendigheid, met dewelke in hem de strijd tussen Goed en Kwaad gewoed heeft.

“Zo geweldig, zo machtig, met de macht van zo’n triomfantelijke christene menselijkheid, roept en hunkert deze ziel naar almachtige schoonheid, dat dit hunkeren haar potentieel bevrijdt van al het demonische van het lichaam en haar zuiver weet te behouden midden de meest schrijnende geestelijke nederlagen, in den strijd tegen de subtiele magie van het vlees. Baudelaire, een der smartelijkste bewusten van het aardse ballingschap, een der hartstochtlelijkste, diepgefolterde zoekers naar het verloren Paradijs, een waarlijk Koninklijke ziel. Geen macht, maar hoogste adel...”

Men ziet het, uit deze bladzijde klinkt hartstocht genoeg; deze jonge 20e-eeuwer voelt zich met Baudelaire geestelijk verwant, en hij is de woordvoerder van een goed deel der katholieke “avant-garde” in Vlaanderen. Zoals in soortgelijke gevallen meer gebeurt, wil Van Severen zijn bewondering ook op theoretische basis grondvesten En de waarde van Baudelaire’s verzen aan de esthetische beschouwingen van zijn geloofsgenoot de thomist Jacques Maritain [1882-1973]. En triomfantelijk wordt medegedeeld dat, krachtens de bepaling, gegeven door de schrijver van Art et Scolastique de gedichten van Baudelaire echte, hoge kunst mogen heten. Des te beter. Het artikel wil bovendien zijn een “inleiding tot Baudelaire”, een aansporing tot kennismaking voor die lezers, welke met Baudelaire niet of onvoldoende zouden vertrouwd zijn.

Immers, men vindt er achtereenvolgens:

1. brokstukken uit Gautier over Baudelaire;

2. een korte levenskarakteristiek van Baudelaire;

3. marginalia uit zijn werk;

4. L’Esthetique de Baudelaire, een onvertaald stuk van G. de Reynold [1880-1970] - (deze keuze spreekt boekdelen) - overgenomen uit l’Esprit Nouveau (1920; nr. 15).

Dat Baudelaire - en als lyrisch dichter en als estheticus - een rol speelt in het geestelijk leven van de jongeren van Ter Waarheid, het kan, na dit stuk, niet meer betwijfeld worden. Deze overtuiging wordt versterkt door de herhaalde aanhalingen uit zijn werk, welke in de twee jaargangen van het tijdschrift te vinden zijn.3

Een zelfde belangstelling voor Baudelaire kan men tijdens de jongste jaren waarnemen in vooruitstrevende middens van jonge Hollandse katholieken. Hun organen waren - en zijn nog steeds - de tijdschriften Roeping (1922; dee Nijmegse groep) en De Gemeenschap (1925).

En hier beschikken we over een merkwaardig document. Het is een onvoltooid gebleven studie over Baudelaire, van de hand van de jonggestorven essayist (er bestaat van hem ook scheppend proza) Gerard Bruning.4

Dat in zijn kritisch werk niet de minste aanspraak gemaakt wordt op objectiviteit, Bruning heeft het zelf getuigd (zijn strijdleuze luidde “catholique avant tout”, ook in de kunst), en dit is niet de enige reden waarom men hem het best met Karel van den Oever [1879-1926] (in zijn tweede stadium) vergelijken kan; hij rekent zich zijn fanatiek subjectivisme tot deugd en tot plicht. Ziehier trouwens hoe zijn vriend Marsman [1899-1940] de inleiding tot het Nagelaten Werk besluit: “Gij kunt dit werk, deze beginselen en deze mens natuurlijk verwerpen, of aannemen, gij kunt hem zelfs, als gij hem eren wilt, alleen maar óf verwerpen óf aanvaarden…” - Wanneer nu een jong criticus als deze, fanatiek als E. Hello [1828-1885], star dogmatisch als H. Massis [1886-1970], heftig pamflettisch als L. Bloy [1846-1917] (van deze is hij, in Holland. de volgeling), woorden van bewondering voor de kunstenaar, maar vooral woorden van devotie en medelijden voor de mens Baudelaire spreekt – bij wie hem, aan de oppervlakte verwijlend, zoveel moest afstoten – dan moet men aannemen dat deze bewondering en deze devotie zeer oprecht en diep zijn.

Ik aarzel bovendien niet te zeggen dat G. Bruning in de jongste Nederlandse letterkunde een bij uitstek Baudelairiaanse verschijning geweest is, De antinomie tussen Goed en Kwaad is hem tot een geestesfolterende dwangvoorstelling geworden.

Men doorbladere zijn werk: aanhoudend wordt. in de meeste opstellen, Baudelaire aangehaald of komt hij althans ter sprake, bijna uitsluitend in hetzelfde verband.

Noten

1 In die richting was Frankrijk Vlaanderen reeds voorgegaan. Daarvan biedt een typisch voorbeeld de uitvoerige en ernstige studie van G. de Reynold, Parijs, Crès, 1920). De schrijver heeft al zijn eruditie en niet minder zijn spitsvondigheid in het werk gesteld om van Les F1eurs du Mal een zuiver katholieke interpretatie te geven. Zeer belangwekkend, oorspronkelijk vooral is dit werk, - ofschoon naar mijn bescheiden mening, niet vrij - welke Baudelaire-kenner zal er zich over verbazen? - van een aantal gevallen van “Hineininterpretierung”. Op hetzelfde gebied is me nog bekend het boek van St. Fumet (1896-1983) -  met de welsprekende titel. Notre Baudelaire (Parijs, Le Roseau d’Or, 1926). Op talrijke plaatsen kan ik zijn betoog niet anders dan zeer “spécieux” [= schijnbaar correct] noemen.

2 Ter Waarheid, jg. II, p. 53 vlg.

3 Men zie vooral Ter Waarheid, 1921, p. 487,

4 De Prijs der Schoonheid, fragment uit de inleiding op een studie over Baudelaire - in Nagelaten Werk van G. Bruning; samengesteld en ingeleid door H. Bruning en H. Marsman, Nijmegen, 1927, Men kan de studie insgelijks vinden in de letterkundige almanak Erts voor het jaar 1927, p. 4 vlg.

mardi, 11 août 2009

Les communistes belges dans la collaboration jusqu'au 22 juin 1941

fot_modotti_jpg.jpg

 

Les communistes belges dans la collaboration jusqu'au 22 juin 1941

 

Beaucoup plus important avant la guerre et dans l'immédiat après- guerre que dans les années 50, 60 et 70, le PCB, aujourd'hui disparu, qui n'a plus ni journaux ni parlementaires, était, comme son «grand frère» français, totalement inféodé à la politique de Moscou. C'était Bereï, délégué à Bruxelles de l'URSS, qui commandait, qui décidait, qui dictait les lignes de conduite. Dès la signature du pacte Ribbentrop-Molotov d'août 1939, l'anti-nazisme est mis au placard. De l'Allemagne, les militants journalistes ne disent plus ni du bien ni du mal. Le Professeur Jacques Willequet a repéré, dans son livre (1), toutes les tirades en faveur du bloc germano-russe qu'ont publiées les organes communistes La Voix du Peuple, Uilenspiegel, Clarté, Espoir, Temps Nouveaux, Jeunesse Nouvelle, Drapeau Rouge, Liberté, De Strijd, Het Vlaamsche Volk. «Commencer la guerre pour anéantir l'hitlérisme, c'est accepter une politique de sottise criminelle» (Het Vlaamsche Volk, 14 oct. 39). Les alertes de novembre 39 et de janvier 40, où les Allemands testent les capacités de l'armée belge et de sa DCA, sont qualifiées «d'invention des services secrets britanniques». La Finlande, qui résiste héroïquement aux armées de Staline pendant l'hiver 39-40, est la «patrie des gardes blancs» et sa défaite, une victoire du prolétariat. Les journaux communistes accueillent la victoire allemande de mai-juin 1940 comme une délivrance. Le député communiste liégeois Julien Lahaut circule dans le sud de la France, dans une grosse voiture prêtée par les services allemands, pour récupérer les Belges dispersés par l'exode ou internés dans les camps français, après avoir été arrêtés par la Sûreté du Royaume (parmi eux: anarchistes, communistes, rexistes et nationalistes flamands, ces derniers étant largement majoritaires). A ceux qui l'écoutent, Julien Lahaut déclare, d'après Léon Degrelle, lui-même détenu, et selon l'historien officiel de l'Ecole Royale Militaire, Henri Bernard: «Le national-socialisme réalise toutes nos aspirations démocratiques» (dans un discours prononcé à Villeneuve-sur-Lot, fin juin 40). Le journal La Voix du Peuple, organe des communistes bruxellois, ressuscite dès le lendemain de la prise de Bruxelles, mais est interdit le 23 juin; à Anvers, Uilenspiegel paraît dès le 2 juin 1940 et ne disparaît que le 1er mars 1941. La spécialité des jounraux communistes, fidèles aux clauses du pacte germano-soviétique, sera de fulminer contre les Anglais. Le gouvernement exilé en Angleterre est un ramassis de «laquais de la Cité de Londres et des 200 familles», qui, de srucroît, «ont souillé le blason du Roi» (ce qui, sous la plume d'un militant communiste, est assez étonnant, puisque les communistes s'opposeront avec la dernière énergie au retour du monarque après 1945 et que Julien Lahaut criera «Vive la République!», au moment de la prestation de serment de Baudouin 1er; Lahaut sera mystérieusement assassiné par des inconnus, sur le pas de sa porte, quelques semaines plus tard...). Le 16 juin 1940, Uilenspiegel se félicite de l'entrée des troupes de Mussolini dans les Alpes françaises: «cela hâtera la débâcle des impérialistes». Le même journal, le 21 juillet 40, applaudit aux propositions de paix de Hitler, en concluant: «Plus vite les boutefeux occidentaux seront battus, mieux cela vaudra». En septembre 1940, La Vérité se félicite du fait que l'URSS ait supprimé «ce foyer de guerre né de Versailles qu'était la Pologne des seigneurs»; et il ajoute: «Les fauteurs de guerre anglo-français et leurs valets, les chefs de la social-démocratie, rejetèrent dédaigneusement les propositions allemandes appuyées à l'époque par l'URSS». Le 15 janvier 1941, Clarté insulte les troupes belges recrutées à Londres: c'est une «Légion Etrangère» destinée à servir «les magnats britanniques auxquels [le gouvernement Spaak-Pierlot de Londres] a déjà livré le Congo» (et voilà les communistes défendant le colonialisme belge, pourtant ultra-capitaliste dans ses pratiques!). Liberté et Drapeau Rouge se félicitent de la révolte anti-britannique de Rachid Ali en Irak, des mouvements indépendantistes indiens qui sabotent le recrutement de troupes aux Indes, de la disparition de la Yougoslavie, et de l'occupation de la Grèce (qui avait eu le tort d'abriter des troupes britanniques «menaçant l'URSS»!) (éditions de mai 1941).

 

Mais ces vigoureuses tirades pro-allemandes et anti-britanniques se feront moins enthousiastes pour plusieurs motifs: 1) les autorités d'occupation sont conservatrices et refusent toutes concessions d'ordre social; 2) les Allemands se servent des stocks belges de vivres et de matières premières, accentuant la précarité dans les couches les plus pauvres de la population; 3) les divergences entre Allemands et Soviétiques se font sentir; ce qui conduit certains chefs communistes à suivre les mots d'ordre consignés dans un article prémonitoire, paru avant mai 40, de Temps Nouveaux (n°2, 1940), où on lit: «Ce qu'il faut souhaiter, c'est une paix juste et durable, par un accord entre les deux plus fortes puissances du globe: les Etats-Unis et l'URSS». Finalement, la presse communiste affirmera que «l'avenir n'appartient ni à Hitler ni à Churchill». Ou, comme l'exprime un titre sans ambigüité de Liberté (14 avril 41): «Churchill ou Hitler? Les travailleurs ne choisissent pas entre la peste et le choléra»; 4) Les communistes, tout comme les socialistes de l'UTMI, sont furieux de voir que les Allemands donnent les postes-clef aux militants des partis autoritaires de droite, Nationalistes flamands du VNV et Rexistes de Degrelle. Les Rouges se sentent floués.

 

Le 22 juin 1941, le pacte germano-soviétique a vécu. Les communistes poursuivront dès lors les mots d'ordre parus dans Temps Nouveaux: alliance avec Roosevelt et Staline, contre les vieilles puissances européennes.

 

Raoul FOLCREY.

   

 

lundi, 10 août 2009

La gauche et la collaboration en Belgique: De Man, les syndicats et le Front du Travail

sk014.jpg

 

De Man (debout) avec Emile Vandervelde avant la guerre

La gauche et la collaboration en Belgique

De Man, les syndicats et le Front du Travail

 

par Raoul FOLCREY

 

 

La collaboration de gauche en Belgique? Elle prend son envol avec le manifeste que Henri De Man, chef de file du Parti Ouvrier Belge (POB), publie et diffuse dès le 28 juin 1940. De Man (1885-1953) a été agitateur socialiste dès l'âge de 17 ans, polyglotte, correspondant en Belgique de la social-démocratie allemande et des travaillistes britanniques avant 1914, volontaire de guerre, diplomate au service du Roi Albert 1er, professeur à Francfort avant le nazisme, initiateur du mouvement planiste en Europe dans les années 30, ministre, président du POB; avec une telle biographie, il a été sans conteste l'une des figures les plus marquantes du socialisme marxiste européen. Hérétique du marxisme, sa vision du socialisme n'est pas matérialiste, elle repose sur les mobiles psychologiques des masses frustrées, aspirant à la dignité. Le socialisme, dans ce sens, est une formidable revendication d'ordre éthique. Ascète, sportif, De Man, issu de la bonne bourgeoisie anversoise, n'a jamais aimé le luxe. Le socialisme, déduit-il de cette option personnelle, ne doit pas embourgeoiser les masses mais leur apporter le nécessaire et les rendre spartiates.

 

Avec son fameux Plan du Travail de Noël 1933, De Man donne au socialisme une impulsion volontariste et morale qui séduira les masses, les détournera du communisme et du fascisme. Les intellectuels contestataires français, ceux que Loubet del Bayle a nommé les «non-conformistes des années 30», s'enthousiasmeront pour le Plan et pour ses implications éthiques. Pour l'équipe d'Esprit (regroupée autour d'Emmanuel Mounier), d'Ordre Nouveau (Robert Aron et A. Dandieu), de Lutte des Jeunes (Bertrand de Jouvenel), de l'Homme Nouveau (Roditi), De Man devient une sorte de prophète. Côté socialiste, en France, ce sera surtout le groupe «Révolution Constructive» (avec Georges Lefranc, Robert Marjolin, etc.) qui se fera la caisse de résonnance des idées de Henri De Man. Pierre Ganivet, alias Achille Dauphin-Meunier, adopte également le planisme demanien dans sa revue syndicaliste révolutionnaire L'Homme réel. Au sein du parti, Léon Blum craint le Plan du Travail:

- parce qu'il risque de diviser le parti;

- parce qu'il implique une économie mixte et tend à préserver voire à consolider le secteur libre de l'économie;

- parce qu'il crée une sorte de «régime intermédiaire» entre le capitalisme et le socialisme;

- parce que la critique du parlementarisme, implicite chez De Man, rapproche son socialisme du fascisme.

 

Pour Déat, les idées planistes, exposées notamment par De Man à l'Abbaye de Pontigny (septembre 1934), reflètent un pragmatisme de la liberté, une approche de l'économie et de la société proche du New Deal de Roosevelt, et ne relèvent nullement du vieux réformise social-démocrate. Le planisme, avait affirmé Déat dans l'Homme Nouveau (n°6, juin 1934), n'impliquait aucune politique de compromis ou de compromissions car il était essentiellement révolutionnaire: il voulait agir sur les structures et les institutions et les modifier de fond en comble. Presqu'au même moment, se tenait un Congrès socialiste à Toulouse: la plupart des mandats de «Révolution Constructive» s'alignent sur les propositions de Blum, sauf deux délégués, parmi lesquels Georges Soulès, alias Raymond Abellio, représentant le département de la Drôme. Georges Valois, proudhonien un moment proche de l'AF, est hostile à De Man, sans doute pour des motifs personnels, mais accentue, par ses publications, l'impact du courant para-planiste ou dirigiste en France.

 

Or, à cette époque, pour bouleverser les institutions, pour jouer sur les «structures», pour parfaire un plan, de quelque nature qu'il soit, il faut un pouvoir autoritaire. Il faut inaugurer l'«ère des directeurs». Pratique «directoriale», planification, etc. ne sont guère possible dans un régime parlementaire où tout est soumis à discussion. Les socialistes éthiques, ascètes et spartiates, anti-bourgeois et combatifs, méprisaient souverainement les parlottes parlementaires qui ne résolvaient rien, n'arrachaient pas à la misère les familles ouvrières frappées par le chômage et la récession. Dans son terrible livre, La Cohue de 40, Léon Degrelle croque avec la férocité qu'on lui connaît, un portrait du socialisme belge en déliquescence et de De Man, surplombant cet aréopage de «vieux lendores adipeux, aux visages brouillés, pareils à des tartes aux abricots qui ont trop coulé dans la vitrine» (p. 175). De Man, et les plus jeunes militants et intellectuels du parti, avaient pedu la foi dans la religion démocratique.

 

Dès le déclenchement des hostilités, en septembre 1939, De Man opte personnellement contre la guerre, pour la neutralité absolue de la Belgique, proclamée par le Roi dès octobre 1936. Fin 1939, avec l'appui de quelques jeunes militants flamands, dont Edgard Delvo, il fonde une revue, Leiding (Direction), ouvertement orientée vers les conceptions totalitaires de l'époque, dit Degrelle. Il serait peut-être plus juste de dire que le socialisme planiste y devenait plus intransigeant et voulait unir, sans plus perdre de temps, les citoyens lassés du parlementarisme en un front uni, rassemblé derrière la personne du Roi Léopold III.

 

Après l'effondrement de mai-juin 1940, De Man publie un «manifeste aux membres du POB», où figurent deux phrases qui lui ont été reprochées: «Pour les classes laborieuses et pour le socialisme, cet effondrement d'un monde décrépit, loin d'être un désastre, est une délivrance»; «[le verdict de la guerre] est clair. Il condamne les régimes où les discours remplacent les actes, où les responsabilités s'éparpillent dans le bavardage des assemblées, où le slogan de la liberté individuelle sert d'oreiller à l'égoïsme conservateur. Il appelle une époque où une élite, préférant la vie dangereuse et rapide à la vie facile et lente, et cherchant la responsabilité au lieu de la fuir, bâtira un monde nouveau».

 

Ces phrases tonifiantes, aux mâles accents, étaient suivies d'un appel à construire le socialisme dans un cadre nouveau. Cet appel a été entendu. De toutes pièces, De Man commence par créer un syndicat unique, l'UTMI (Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels), officiellement constitué le 22 novembre 1940, après d'âpres discussions avec le représentant du Front du Travail allemand, le Dr. Voss. De Man, ami du Roi, voulait sauvegarder l'unité belge: son syndicat serait dès lors unitaire, ne serait pas scindé en une aile flamande et une aile wallonne. Le Dr. Voss, visant l'éclatement du cadre belge en deux entités plus facilement absorbables par le Reich, impose la présence des nationalistes flamands du VNV dans le comité central composé de socialistes, de démocrates-chrétiens, de syndicalistes libéraux. Edgard Delvo, ancien socialiste, auteur d'un ouvrage préfacé par De Man et paru à Anvers en 1939, collaborateur de Leiding, la revue neutraliste hostile à toute participation belge aux côtés des Anglais et des Français, théoricien d'un «socialisme démocratique» ou plutôt d'un populisme socialiste, est l'homme du VNV au sein de ce comité. En 1942, poussé par les services du Front du Travail allemand, Delvo deviendra le maître absolu de l'UTMI. Ce coup de force des nationalistes provoque la rupture entre De Man et son syndicat: l'ancien chef du POB quitte Bruxelles et se réfugie en Haute-Savoie, grâce à l'aide d'Otto Abetz. Il sera désormais un «cavalier seul». Les socialistes, les libéraux et les jocistes quittent l'UTMI en 1942, laissant à Delvo les effectifs nationalistes flamands et wallons, peu nombreux mais très résolus.

 

En Wallonie, dès la parution du Manifeste du 28 juin 1940, plusieurs journalistes socialistes deviennent du jour au lendemain des zélotes enragés de la collaboration. Ainsi, le Journal de Charleroi, organe socialiste bon teint depuis des décennies, était édité par une société dont l'aristocratique famille Bufquin des Essarts étaient largement propriétaire. Dès les premiers jours de juin 40, un rédacteur du journal, J. Spilette s'empare du journal et le fait paraître dès le 6, avant même d'avoir créé une nouvelle société, ce qu'il fera le 8. En novembre 1940, Spilette, avançant ses pions sans sourciller, s'était emparé de toute la petite presse de la province du Hainaut et augmentait les ventes. Els De Bens, une germaniste spécialisée dans l'histoire de la presse belge sous l'occupation, écrit que l'influence de De Man était prépondérante dans le journal. Spilette défendait, envers et contre les injonctions des autorités allemandes, les positions de De Man: syndicat unique, augmentation des salaires, etc. Spilette baptisait «national-socialisme» la forme néo-demaniste de socialisme qu'il affichait dans son quotidien. Ensuite, rompant avec De Man, Spilette et ses collaborateurs passent, non pas à la collaboration modérée ou à la collaboration rexiste/degrellienne, mais à la collaboration maximaliste, regroupée dans une association au nom évocateur: l'AGRA, soit «Amis du Grand Reich Allemand». L'AGRA, dont le recrutement était essentiellement composé de gens de gauche, s'opposait au rexisme de Degrelle, marqué par un héritage catholique. Les deux formations finiront par s'entendre en coordonnant leurs efforts pour recruter des hommes pour le NSKK. Le 18 octobre 1941, le Journal de Charleroi fait de la surenchère: il publie un manifeste corsé, celui du Mouvement National-Socialiste wallon, où il est question de créer un «Etat raciste» wallon. Spilette appelle ses concitoyens à rejoindre cette formation «authentiquement socialiste». 

 

A Liège, le quotidien La Légia, après avoir été dirigé par des citoyens allemands, tombe entre les mains de Pierre Hubermont, écrivain, lauréat d'un prix de «littérature prolétarienne» à Paris en 1931, pour son roman Treize hommes dans la mine. Les Allemands ou Belges de langue ou de souche allemandes, actionnaires de la société ou rédacteurs du journal, entendaient germaniser totalement le quotidien. Pierre Hubermont entend, lui, défendre un enracinement wallon, socialiste et modérément germanophile. Cette option, il la défendra dans une série de journaux culturels à plus petit tirage, édités par la «Communauté Culturelle Wallonne» (CCW). Parmi ces journaux, La Wallonie, revue culturelle de bon niveau. Dans ses éditoriaux, Hubermont jette les bases idéologiques d'une collaboration germano-wallonne: défense de l'originalité wallonne, rappel du passé millénaire commun entre Wallons et Allemands, critique de la politique française visant, depuis Richelieu, à annexer la rive gauche du Rhin, défense de l'UTMI et de ses spécificités syndicales.

 

Fin 1943, les services de la SS envoient un certain Dr. Sommer en Wallonie pour mettre sur pied des structures censées dépasser le maximalisme de l'AGRA. Parmi elles: la Deutsch-Wallonische Arbeitsgemeinschaft, en abrégé DEWAG, dirigée par un certain Ernest Ernaelsteen. Ce sera un échec. Malgré l'appui financier de la SS. DEWAG tentera de se donner une base en noyautant les «cercles wallons» de R. De Moor (AGRA), foyers de détente des ouvriers wallons en Allemagne, et les «maisons wallonnes», dirigée par Paul Garain, président de l'UTMI wallonne, qui pactisera avec Rex.

 

Quelles conclusion tirer de ce bref sommaire de la «collaboration de gauche»? Quelles ont pu être les motivations de ces hommes, et plus particulièrement de De Man, de Delvo et d'Hubermont (de son vrai nom Joseph Jumeau)?

 

La réponse se trouve dans un mémoire rédigé par la soeur d'Hubermont, A. Jumeau, pour demander sa libération. Mlle Jumeau analyse les motivations de son frère, demeuré toujours socialiste dans l'âme. «Une cause pour laquelle mon frère restait fanatiquement attaché, en dehors des questions d'humanisme, était celle de l'Europe. Il était d'ailleurs Européen dans la mesure où il était humaniste, considérant l'Europe comme la Patrie de l'humanisme (...) Cette cause européenne avait été celle du socialisme depuis ses débuts. L'internationalisme du 19° siècle n'était-il pas surtout européen et pro-germanique? L'expérience de 1914-1918 n'avait pas guéri les partis socialistes de leur germanophilie (...). ... la direction du parti socialiste était pro-allemande. Et, au moment de l'occupation de la Ruhr, ..., [mon frère] a dû aligner son opinion sur celle de Vandervelde (ndlr: chef du parti socialiste belge) et de De Brouckère (ndlr: autre leader socialiste), qui étaient opposés aux mesures de sanctions contre l'Allemagne. Le peuple (ndlr: journal officiel du POB), jusqu'en 1933, c'est-à-dire jusqu'à la prise du pouvoir par Hitler, a pris délibérément et systématiquement fait et cause pour l'Allemagne, dans toutes les controverses internationales. Il a systématiquement préconisé le désarmement de la France et de la Belgique, alors que tout démontrait la volonté de l'Allemagne de prendre sa revanche. Mon frère (...) n'avait pu du jour au lendemain opérer le retournement qui fut celui des politiciens socialistes. Pour lui, si l'Allemagne avait été une victime du traité de Versailles avant 1933, elle l'était aussi après 1933 (...). Et si la cause de l'unité européenne était bonne avant 1933, lorsque Briand s'en faisait le champion, elle l'était toujours après 1933, même lorsque les Allemands la reprenaient à leur compte (...). [Mon frère] partait de l'idée que la Belgique avait toujours été le champ de bataille des puissances européennes rivales et que la fin des guerres européennes, que l'unification de l'Europe, ferait ipso facto la prospérité de la Belgique».

 

Tels étaient bien les ingrédients humanistes et internationalistes des réflexes partagés par De Man, Delvo et Hubermont. Même s'ils n'ont pas pris les mêmes options sur le plan pratique: De Man et Hubermont sont partisans de l'unité belge, le premier, ami du Roi, étant centraliste, le second, conscient des différences fondamentales entre Flamands et Wallons, étant fédéraliste; Delvo sacrifie l'unité belge et rêve, avec ses camarades nationalistes flamands, à une grande confédération des nations germaniques et scandinaves, regroupées autour de l'Allemagne (ce point de vue était partagé par Quisling en Norvège et Rost van Tonningen aux Pays-Bas). Mais dans les trois cas, nous percevons 1) une hostilité aux guerres inter-européennes, comme chez Briand, Stresemann et De Brinon; 2) une volonté de créer une force politique internationale, capable d'intégrer les nationalismes sans en gommer les spécificités; une inter-nationale comportant forcément plusieurs nations solidaires; Delvo croira trouver cet internationalisme dans le Front du Travail allemand du Dr. Ley; 3) une aspiration à bâtir un socialisme en prise directe avec le peuple et ses sentiments.

 

De Man connaîtra l'exil en Suisse, sans que Bruxelles n'ose réclamer son extradition, car son procès découvrirait la couronne. Delvo sera condamné à mort par contumace, vivra en exil en Allemagne pendant vingt-cinq ans, reviendra à Bruxelles et rédigera trois livres pour expliquer son action. Hubermont, lourdement condamné, sortira de prison et vivra presque centenaire, oublié de tous.

 

Raoul FOLCREY.   

 

 

lundi, 03 août 2009

Albrecht Rodenbach

dyn010_original_580_866_pjpeg_2595275_1b999b20d8923aaf6dd7b57da9d6dd9b.jpg

Albrecht Rodenbach

 

Ex: http://www.nationalisme.info/

Leven

Albrecht Rodenbach, geboren te Roeselare in het jaar 1856, was de oudste van tien kinderen. Hij stamde uit een burgerfamilie. Na de lagere school volgt hij les aan het Klein Seminarie, waar zijn Vlaamsgezindheid groeide. Hugo Verriest had hierbij een grote invloed op hem. Deze had een grote invloed op zijn leerlingen, en dus ook op Rodenbach. Verriest zelf had les gehad van Guido Gezelle, die voor hem een groot voorbeeld was geweest. Hij wou zijn eigen leerlingen in de geest van Gezelle opleiden. Vrijheid, verantwoordelijkheid en christendom waren daarbij zeer belangrijk. Hij vulde dit aan met zijn eigen grootmenselijkheid, zijn breeddenkendheid en zijn politiek engagement. Hij was een flamingant en streefde voor het lesgeven in het Nederlands in het onderwijs in Vlaanderen.

Tijdens het schooljaar 1874-75 kwam het tot een conflict tussen leerlingen van Verriests Poësisklas en de Fransgezinde directeur. Deze leerlingen weigerden Franse liederen te zingen op het schoolfeest en zongen in de plaats daarvan een lied dat Rodenbach had geschreven: ‘Nu het lied der Vlaamse zonen’. Hierbij hoorde de strijdkreet "Vliegt de blauwvoet, storm op zee". Deze actie kreeg de naam "De grote stooringe" en was de start van de zogenaamde "Blauwvoeterie”. De tekst van dit lied had Rodenbach gebaseerd op een roman van Hendrik Conscience: de Kerels van Vlaanderen. Hierin is ook de reeds bovenvernoemde strijdkreet letterlijk te vinden. De Kerels van Vlaanderen gaat over de strijd tussen de zeelui (het woord ‘de kerels’ in de titel van het boek refereert naar deze zeelui) die zichzelf ook wel Blauwvoeten noemden, en de Isengrims. Hendrik Conscience, , had zich ook op een tekst gebaseerd, namelijk op de Histoire de Flandre van Joseph Kervyn de Lettenhove. Deze Histoire vertelt het waargebeurde verhaal van de strijd tussen de Veurnse families Blauvoet en Ingrekin tijdens de 12de eeuw.

In 1876 ging hij naar de Katholieke Universiteit in Leuven om rechten te studeren (in het Frans), hij ontmoette hier een andere dichter (Pol de Mont) en begon de onder de andere studenten vernieuwd Vlaams bewustzijn te vertegenwoordigen. Zo verzette hij zich tegen het gebruik van de Franse taal in het onderwijs, en beklaagde zelfs zichzelf omdat hij vond dat hij zich beter kon uiten in het Frans dan in het Vlaams. Voor hem gold "In Vlaanderen Vlaams" aangezien Vlaams de taal van de burgerbevolking was. Van het Hollands was hij ook geen voorstander, want dit was ondermeer de taal van de protestanten uit het noorden. Hij was streng katholiek opgevoed en kon deze taal dus niet aanvaarden. Volgens hem waren de Vlaamse dialecten een spiegel van het pure en edele karakter van de Vlamingen. Rodenbach en de Mont stichtten samen het Pennoen, wat letterlijk ‘vaandel’ betekent. Het literair tijdschrift werd in 1877 opgericht. In 1880 verbraken de Rodenbach en de Mont de samenwerking waarna Rodenbach eenmalig het literair tijdschrift Nieuwe Pennoen uitgaf. Ook in 1877 werd De Algemene Studentenbond opgericht. De belangrijkste figuren hiervan waren Albrecht Rodenbach, Pol De Mont en Amaat Joos. Algemeen voorzitter van deze vereniging was Rodenbach. Hij zette de grote lijnen uit die de katholieke studentenbeweging nog lang na hem zou blijven volgen. Hij propageerde een romantisch getint Vlaams bewustzijn. De boodschap van Gezelle en Verriest leefde hierin verder: “Wees Vlaming dien God Vlaming schiep”. De studenten werden dan ook tot authentieke en katholieke Vlamingen gevormd die in de Vlaamse strijd hun verantwoordelijkheid zouden opnemen.

Op vierentwintigjarige leeftijd sterft Rodenbach, in Roeselaere (waar hij ook geboren was) op 23 juni 1880. Na zijn overlijden wordt hij het symbool van de Vlaamse studentenbeweging. In 1888 wordt zijn praalgraf ingehuldigd en vanaf 1900 wordt de Rodenbachviering een feest van de hele Vlaamse studentenbeweging. Rodenbach’s ideeën blijven dus ook na zijn dood nog doorgegeven. Zijn liederen, gedichten en toneelwerken bijvoorbeeld bleven nog lang symbolen van de Vlaamse Beweging gebleven.

Familie

Zijn vader (Julius Rodenbach) en oom (Alexander Rodenbach) kwamen uit een Duitse adellijke familie. Zijn oom (Pierre Rodenbach) had eerst samen met Napoleon in de veldtocht tegen de Russen gevochten, vervolgens tegen Napoleon samen met de troepen van Willem van Oranje en tenslotte in de opstand tegen de Hollandse bezetters. Zijn ooms (Constantijn en Alexander Rodenbach) waren in 1830 bij de eerste die verkozen werden voor het Nationaal Congres. Het Nationaal Congres was de eerste grondwetgevende vergadering van het onafhankelijke België sinds omwenteling van 1830.

Bekende gedichten

De Blauwvoet, ook wel Nu het lied der Vlaamse zonen genoemd. Dit heb ik bovenstaand al vermeld.

Klokke Roeland
, het lied over een klok die te vinden is in Gent (sinds 1314), die de stad in het verleden voor brand heeft gewaarschuwd. Deze klok wordt ook De Grote Triomfante genoemd. In de tekst bevind zich een verwijzing naar Jan Hyoens en Jacob van Artevelde, twee Gentse volkshelden. Hyoens was een Vlaams volksleider en aanvoerder van de Witte Kaproenen. De Witte Kaproenen waren een soort agenten, met een wit hoofddeksel. Jacob van Artevelde was eveneens Vlaams volksleider, was ook staatsman, lakenkoopman, makelaar en bezat uitgestrekte eigendommen. Op 3 januari 1338 werd een bewind van vijf 'hoofdmannen' aangesteld (met Willem van Vaernewijk, Gelnoot van Lens, Willem van Huse en Pieter van den Hoeven), waarvan Jacob als 'opperhoofdman' werd aangesteld en de leiding in handen had. Op binnenlands vlak streefde Jacob van Artevelde een beleid van politieke en sociale verzoening na. Ook deed hij inspanningen om het Vlaams op te waarderen: hij liet de Vlaamse ambtenaren kiezen of ze Vlaams of Frans wilden gebruiken, terwijl daarvoor enkel het Latijn en het Frans waren toegelaten, en eiste hij van de graaf dat diens raadgevers uitsluitend Vlamingen zouden zijn.


Karlijn R.
Commilito NSV!-Westland
[Ontgroeningswerk]

samedi, 11 avril 2009

Céline - Hergé, le théorème du perroquet

v_book_370.jpg

 

 

Céline – Hergé, le théorème du perroquet

 

 

Dans son dernier ouvrage  intitulé Céline, Hergé et l’affaire Haddock ¹, notre brillantissime ami Émile Brami, nous expose sa théorie sur les origines céliniennes des célèbres jurons du non moins célèbre capitaine. Même s’il ne dispose pas de «  preuves » en tant que telles, l’on ne peut être que troublé par ces faisceaux qui lorgnent tous dans la même direction. En attendant l’hypothétique découverte d’une lettre entre les deux susnommés ou d’un exemplaire de  Bagatelles pour un massacre  dans la bibliothèque Hergé, nous en sommes malheureusement réduits aux conjectures. Pendant la rédaction de son livre, j’indiquais à Émile Brami quelques hypothèses susceptibles de conforter sa thèse. Par exemple, est-ce que le professeur Tournesol et Courtial de Pereires partagent le même géniteur ? etc. C’est un heureux hasard qui me  fit découvrir un autre point commun entre le dessinateur de  Bruxelles et l’ermite de Meudon. Hasard d’autant plus intéressant, qu’à l’instar de Bagatelles pour un massacre, les dates concordent.  Si  les premières  recherches  furent encourageantes, l’on en est également réduit aux hypothèses, faute de preuve matérielle.

    Grâce aux nombreuses publications dont Hergé est l’objet, l’on en sait beaucoup plus sur la genèse de son œuvre. Grâce aux travaux de Benoît Mouchard ², on connaît maintenant le rôle primordial qu’a joué Jacques Van Melkebeke dans les apports « littéraires » de Tintin. Mais surtout les travaux d’Émile Brami ont permis, pour la première fois, de faire un lien entre les deux, et de replacer la naissance du capitaine Haddock et la publication de Bagatelles pour un massacre dans une perspective chronologique et culturelle cohérente. Néanmoins, il n’est pas impossible que d’autres liens entre Céline et Hergé figurent dans certains albums postérieurs du Crabe aux Pinces d’or.

    Le lien le plus « parlant », si l’on ose dire, entre le dessinateur belge et l’imprécateur antisémite est un perroquet, héros bien involontaire des Bijoux de la Castafiore.

 

    Lorsque Hergé entame la rédaction de cet album au début des années 1960, il choisit pour la première (et seule fois) un album intimiste. Coincé entre Tintin au Tibet et Vol 714 pour Sydney, Les Bijoux de la Castafiore a pour cadre exclusif le château de Moulinsart. Tintin, Milou, Tournesol et le capitaine Haddock ne partent pas à l’aventure dans une contrée lointaine, c’est l’aventure qui débarque (en masse) chez eux. Et visiblement, l’arrivée de la Castafiore perturbe le train-train habituel de nos héros. Les Bijoux de la Castafiore offre également l’intérêt d’être un album très « lourd » du point de vue autobiographique, avec des rapports ambigus entre la Castafiore et Haddock (projets de mariage), des dialogues emplis de sous-entendus (« Ciel mes bijoux ») et, au final, bien peu de rebondissements et d’action. Néanmoins, au milieu de ce joyeux bazar, émerge un élément comique qui va mener la vie dure au vieux capitaine. C’est Coco le « perroquet des îles », qui partage de nombreux points communs avec Toto, le non moins célèbre perroquet de Meudon.

 

    Tout d’abord, il y a l’amour que Hergé et Céline portent aux animaux. L’œuvre d’Hergé est truffée de références au monde animal ; quant à Céline, il transformera son pavillon de Meudon en quasi arche de Noé… Mais revenons aux deux psittacidés. Dans les deux cas, les perroquets sont offerts par des femmes. Lucette achète le sien sur les quais de la Mégisserie. La Castafiore destine « cette petite chose pour le capitaine Koddack ». Dans les deux cas, Céline et Haddock ne sont pas particulièrement ravis de voir arriver l’animal dans leur demeure. Mais au final, ils finissent par s’y faire, voire s’en réjouissent. Céline fait de son perroquet un compagnon d’écriture, le capitaine Haddock s’en sert pour jouer un mauvais tour à la Castafiore. Autre élément commun, les deux perroquets portent presque le même nom ; « Toto » pour celui de Céline, et « Coco » (avec un C comme Céline ?) pour celui de Haddock. Certes, ce n’est pas d’une folle originalité, mais bon… Détail intéressant, les deux espèces sont différentes. Lucette rapporte à Meudon un perroquet gris du Gabon (Psittacus erithacus, communément appelé « Jaco » ³). La Castafiore offre un perroquet tropical (Ara ararauna 4). Autre détail intéressant, dans les deux cas, les perroquets parlent. Céline apprend au sien quelques mots, et même un couplet de chanson. Celui de Haddock se contente de répéter des phrases. Or de ces deux perroquets, le seul qui a la capacité de retenir quelques mots, et de parler, est bel est bien le perroquet gris du Gabon. Le perroquet tropical peut reproduire des sons (téléphone, moteur de voiture, etc.) mais il ne possède pas les capacités vocales que lui prête Hergé. Est-ce une erreur délibérée ? Est-ce que la documentation d’Hergé était défaillante ? Est-ce dû à l’ajout précipité du perroquet dans Les Bijoux de la Castafiore ? Cette dernière hypothèse a notre préférence.

 

    L’autre élément qui accrédite l’hypothèse du perroquet est chronologique. La conception des Bijoux de la Castafiore et la mort de Céline sont concomitantes. Alors qu’Hergé est en train de construire l’album, Céline décède, en juillet 1961. Si peu de journaux ont fait grand cas de cette nouvelle, Paris-Match évoquera, dans un numéro en juillet et un autre, en septembre 1961, la disparition de Céline (et d’Hemingway, mort le même jour). Largement illustrés de photographies, deux thèmes récurrents se retrouvent d’un numéro l’autre : Céline et son perroquet Toto. Dans son numéro de juin, Paris Match s’extasie devant la table de travail de Céline sur laquelle veille le perroquet, dernier témoin (presque muet) de la rédaction de Rigodon... Dans le numéro de septembre, l’on peut voir la photographie de Céline dans son canapé, avec Toto, ultime compagnon de solitude.

    Grâce aux biographes d’Hergé, on sait que ce dernier ne lisait pour ainsi dire jamais de livres. Quand il s’agissait de ses albums, il demandait à ses collaborateurs de préparer une documentation importante afin qu’il n’ait plus qu’à se concentrer sur le scénario et le dessin. Éventuellement, il lui arrivait de rencontrer des personnes idoines qu’il interrogeait sur un sujet qui toucherait de près ou de loin un aspect de ses futurs albums (Bernard Heuvelmans, pour le Yéti, par exemple…). Si Hergé lisait peu de livres, on sait, par contre, qu’il était friand de magazines 5 et qu’il puisait une partie de son inspiration dans l’actualité du moment. La grande question est : a-t-il eu dans les mains les numéros de Paris-Match relatant la mort de Céline ? C’est hautement probable car l’on sait qu’il lisait très régulièrement ce magazine. S’en est-il servi pour Les Bijoux de la Castafiore ? Pour cela, il suffit de comparer la photographie de Céline dans son canapé à Meudon, à celle de Haddock dans son fauteuil, à Moulinsart. La comparaison est probante.

 

    En voyant ainsi Céline et son perroquet dans Paris-Match, Hergé s’est-il souvenu des conversations qu’il avait eu autrefois à ce sujet avec Melkebeke ou Robert Poulet ? A-t-il admiré autrefois Céline, non pas forcément comme écrivain, mais comme « idéologue » antisémite ? A-t-il décidé de faire un petit clin d’œil discret au disparu en reprenant son fidèle perroquet ? Malheureusement, il est encore impossible de répondre. Lentement, les éditions Moulinsart ouvrent les « archives Hergé » en publiant chaque année un important  volume  chronologique sur la genèse des différentes œuvres du dessinateur. À ce jour, ces publications courent jusqu’aux années 1943, et il faudra attendre un petit peu pour en savoir plus sur la genèse des Bijoux de la Castafiore et de son célèbre perroquet.

   Reste néanmoins un élément troublant. Dans son livre, Le Monde d’Hergé 6, Benoît Peeters publie la planche qui annonce la publication des Bijoux de la Castafiore dans les prochaines livraisons du Journal de Tintin. Sur cette planche apparaissent tous les protagonistes du futur album, Tintin, Haddock , les Dupond(t)s, Tournesol, Nestor, la Castafiore, Irma, Milou, le chat, l’alouette, les romanichels, etc. Mais point de perroquet, qui pourtant a une place beaucoup plus importante que certains protagonistes précédemment cités. Hergé a-t-il rajouté Coco en catastrophe ? Coco était-il prévu dans le scénario d’origine ? Pourquoi Hergé fait-il parler un perroquet qui ne le pouvait pas ? Erreur due à la précipitation ? Ou à une mauvaise documentation ? Est-ce la vision de Céline et de son compagnon à plumes qui ont influencé in extremis cette décision en cours de création ? Détail intéressant, dans ses derniers entretiens avec Benoît Peeters, Hergé avoue qu’il aime se laisser surprendre : « J’ai besoin d’être surpris par mes propres inventions. D’ailleurs, mes histoires se font toujours de cette manière. Je sais toujours d’où je pars, je sais à peu près où je veux arriver, mais le chemin que je vais prendre dépend de ma fantaisie du moment » 7. Coco est-il le fruit de cette « surprise » ? À ce jour, le mystère reste entier, mais peut-être que les publications futures nous éclaireront sur ce point… Il serait temps ! Mille sabords !

 

David ALLIOT

 

1. Éditions Écriture. Les travaux d’Émile Brami sur Hergé et Céline ont été présentés au colloque de la Société d’Études céliniennes de juin 2004 à Budapest, et  partiellement publiés par le magazine Lire de septembre 2004.

2. Benoît Mouchart, À l’ombre de la ligne claire, Jacques Van Melkebeke le clandestin de la B. D., Vertige Graphic, Paris, 2002.

3. Il est amusant de noter que ce perroquet est relativement courant dans les forêts du golfe de Guinée, et que sa répartition s’étend de l’Angola jusqu’à en Sierra Leone. Peut-être que le jeune Louis-Ferdinand Destouches en vit-il quelques-uns lors de son séjour au Cameroun…

4. Originaire d’Amérique du Sud, ce perroquet ne vient nullement « des îles », comme l’indique la Castafiore.

5. Hasard ? Les Bijoux de la Castafiore évoque justement le poids grandissant des médias dans la société.

6. Benoît Peeters, Le Monde d’Hergé, Casterman, 1983.

7. In Le Monde d’Hergé, entretien du 15 décembre 1982. Cité également par Émile Brami, p. 73.