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vendredi, 06 décembre 2019

Faut-il quitter l'Otan ?

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Faut-il quitter l'Otan ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

On retrouve dans la déclaration des dirigeants de l'Otan publiée à la suite de leur réunion de Londres des 3 et 4 décembre 2019 le langage convenu qui est traditionnel dans les comptes-rendu des réunions de l'Otan.

On pourra l'examiner en détail pour voir en quoi elle diffère des dernières réunions plénières précédentes. Mais il ne faudrait pas oublier que l'Otan a été et reste mise en place par les Etats-Unis pour enrégimenter les pays européens dans la perspective d'un conflit militaire, avec l'URSS initialement, par la suite avec la Russie. 

Les Etats-Unis voulaient initialement empêcher que l'URSS, devenue aujourd'hui la Fédération de Russie ( Российская Федерация, Rossiïskaïa Federatsiïa) n'envahisse ce qu'ils considèrent encore comme leur arrière-cour, sinon leur colonie, l'Europe de l'Ouest d'abord, le continent européen tout entier aujourd'hui. Très vite, cependant, au fur et à mesure que l'Union européenne s'affirmait, ils ont voulu en faire une base avancée, diplomatique mais aussi militaire, leur permettant de provoquer sinon d'attaquer la Russie sur ses frontières occidentales.

Celle-ci s'était donné progressivement la maîtrise de l'arme nucléaire, initialement conçue par le Pentagone comme devant rester son monopole. Même si aujourd'hui d'autres Etats disposent d'armements atomiques dits à courte et moyenne portée, la Russie possède des ICBM ou missiles intercontinentaux dotés d'une tête nucléaire susceptibles de détruire les centres vitaux américains. Elle ne cesse de les perfectionner tout en se dotant de nouvelles armes aujourd'hui imparables telles que les missiles hypersoniques. 

Contre ce danger, d'ailleurs en grande partie exagéré par la propagande américaine, les Etats-Unis ont plus que jamais  besoin de l'Europe. Ils y ont établi des dizaines de bases militaires où ils abritent des contingents importants de l'US Army. Leurs navires de guerre circulent librement dans les eaux territoriales européennes. Ils comptent aussi sur l'appui que leurs donneraient contre la Russie des forces européennes aujourd'hui renforcées. 

Au delà de cet intérêt, ils ont besoin des importantes importations de matériels militaires américains auxquelles procèdent les Européens, même la France qui s'est pourtant dotée depuis les origines d'une force nucléaire indépendante. Ils tentent aujourd'hui d'utiliser l'Otan pour faciliter leurs efforts de pénétration au Sahel et plus généralement en Afrique francophone. Plus significativement et plus dangereusement pour la paix mondiale, ils s'efforcent d'obtenir de l'Otan un appui dans la crise ukrainienne, terrain où ils se trouvent loin de leurs bases.

Le vrai risque qui menace aujourd'hui les Etats Européens est la volonté de l'internationale islamique (Daesh) de mettre progressivement la main sur l'Europe. Mais les Européens ne peuvent pas compter à cet égard sur l'Otan américanisé. Ils ne devraient pas oublier que Daesh a été dès son origine financée et aidée militairement par la CIA américaine en vue d'empêcher la Russie d'augmenter son influence au Moyen Orient. Aujourd'hui encore, il est possible que les services secrets américains continuent à aider le terrorisme islamique.

La Russie aujourd'hui ne menace pas la sécurité et l'indépendance des Etats européens membres de l'Otan. Celle-ci à d'autres priorités que d' « envahir l'Europe ». Il est de plus en plus visible par contre, pour ceux qui veulent bien voir, que ce danger provient de la maîtrise quasi absolue que se sont données les entreprises numériques américaines, notamment les GAFAS, sur l'Internet occidental. Cette maîtrise se traduit par le poids écrasant pris en Europe non seulement par la  culture américaine de loisir, mais sur les réseaux numériques à haut débit et les services associés qui, dans une large mesure, tiennent les Européens en servitude.

Ceux-ci ont été empêchés par Washington de se doter de variantes de l'Internet, technologiques et culturelles, véritablement européennes de souche, si l'on peut dire. Elles leur auraient permis de figurer dans le monde numérique de demain autrement que comme des relais passifs des Etats-Unis face aux internet chinois et russes qui se mettent actuellement en place.

Si les Européens voulaient vraiment se protéger, ils conviendraient que c'est tout autant à l'égard des Etats-Unis que de la Russie qu'ils devraient le faire. Autrement dit, ils devraient se retirer de l'Otan et construire entre eux des alliances non seulement économiques mais militaires capables d'assurer leur défense contre les dangers extérieurs actuels et futurs. L'Europe, 2e puissance économique du monde, aurait largement les moyens de se doter en propre des effectifs et des matériels nécessaires. Mais les gouvernements européens, dans leur écrasante  majorité des "puppets" de Washington, ne le feront jamais.  

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Annexe

 

Déclaration de Londres publiée par les dirigeants des pays de l'OTAN à leur réunion tenue à Londres les 3 et 4 décembre 2019

  1. Aujourd'hui, nous sommes réunis à Londres, là où l'OTAN a établi son premier siège, pour célébrer le 70e anniversaire de l'alliance la plus solide et la plus réussie de l'histoire, ainsi que pour commémorer le 30e anniversaire de la chute du rideau de fer. L'OTAN garantit la sécurité du territoire de nos pays et celle de leurs citoyens, au nombre d'un milliard, ainsi que notre liberté et les valeurs que nous partageons, parmi lesquelles la démocratie, la liberté individuelle, les droits de la personne et l'état de droit. La solidarité, l'unité et la cohésion sont des principes fondamentaux de notre Alliance. Alors que nous œuvrons ensemble à prévenir les conflits et à préserver la paix, l'OTAN reste le fondement de notre défense collective et le forum essentiel pour les consultations et la prise de décision en matière de sécurité entre Alliés. Nous réaffirmons le lien transatlantique qui unit durablement l'Europe et l'Amérique du Nord, notre adhésion aux buts et principes de la Charte des Nations Unies, ainsi que notre engagement solennel, inscrit dans l'article 5 du traité de Washington, selon lequel une attaque contre un Allié est considérée comme une attaque contre nous tous.
     
  2. Nous sommes résolus à partager le coût et les responsabilités qu'implique notre sécurité, qui est indivisible. Grâce à notre engagement en matière d'investissements de défense, nous augmentons ces investissements pour nous conformer aux seuils de 2 % et de 20 % qui y sont définis, nous investissons dans de nouvelles capacités et nous fournissons plus de forces pour les missions et opérations. Les dépenses de défense hors États-Unis ont augmenté pendant cinq années consécutives ; un montant supplémentaire supérieur à 130 milliards de dollars des États-Unis est investi dans la défense. Conformément à notre engagement inscrit dans l'article 3 du traité de Washington, nous continuons de renforcer notre capacité individuelle et collective de résistance à toute forme d'attaque. Nous accomplissons des progrès appréciables. Nous devons et nous allons faire davantage.
     
  3. Nous sommes confrontés, en tant qu'Alliance, à des menaces et défis distincts, qui émanent de toutes les directions stratégiques. Les actions agressives de la Russie constituent une menace pour la sécurité euro-atlantique ; le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations demeure une menace persistante pour nous tous. Des acteurs étatiques et non étatiques mettent à mal l'ordre international fondé sur des règles. L'instabilité observée au-delà de nos frontières favorise aussi la migration irrégulière. Nous sommes confrontés à des menaces cyber et hybrides.
     
  4. L'OTAN est une alliance défensive et ne représente une menace pour aucun pays. Nous adaptons nos capacités, notre stratégie et nos plans militaires dans l'ensemble de l'Alliance conformément à notre approche à 360 degrés en matière de sécurité. Nous avons pris des décisions afin d'améliorer la disponibilité opérationnelle de nos forces pour qu'elles puissent répondre à tout moment à n'importe quelle menace, d'où qu'elle vienne. Nous restons déterminés dans notre engagement à lutter contre le terrorisme et nous agissons ensemble avec une plus grande fermeté pour en venir à bout. Nous agissons et continuerons d'agir d'une manière mesurée et responsable face au déploiement par la Russie de nouveaux missiles de portée intermédiaire, qui sont à l'origine de l'extinction du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) et qui font peser des risques importants sur la sécurité euro-atlantique. Nous intensifions notre action pour protéger nos libertés, en mer et dans les airs. Nous renforçons encore notre aptitude à assurer la dissuasion et la défense par une combinaison appropriée de capacités nucléaires, conventionnelles et de défense antimissile, que nous continuons d'adapter. Aussi longtemps qu'il y aura des armes nucléaires, l'OTAN restera une alliance nucléaire. Nous sommes pleinement attachés à la préservation et au renforcement d'un système efficace de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération, compte tenu de l'environnement de sécurité du moment. Les Alliés sont fermement attachés à la pleine mise en application du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) dans tous ses aspects, à savoir le désarmement nucléaire, la non-prolifération et les utilisations de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Nous restons ouverts au dialogue, et à la perspective d'établir une relation constructive avec la Russie lorsque les actions de cette dernière le permettront.
     
  5. Nous nous employons à accroître la sécurité pour tous. Nous avons renforcé les partenariats dans notre voisinage et au-delà, approfondissant le dialogue politique, le soutien et la collaboration qui s'exercent avec les pays partenaires et les organisations internationales. Nous réaffirmons notre engagement en faveur de la sécurité et de la stabilité à long terme en Afghanistan. Nous accroissons notre coopération avec l'Organisation des Nations Unies ; des progrès sans précédent sont enregistrés dans la coopération OTAN­UE. Nous sommes attachés à la politique de la porte ouverte de l'OTAN, qui renforce l'Alliance et a apporté la sécurité à des millions d'Européens. La Macédoine du Nord, présente à nos côtés en ce jour, deviendra bientôt le tout nouveau membre de notre Alliance. Nous sommes déterminés à assurer la réussite de toutes nos opérations et missions. Nous rendons hommage à tous les hommes et à toutes les femmes qui ont servi au nom de l'OTAN, et nous honorons la mémoire de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour préserver notre sécurité.
     
  6. Pour maintenir notre sécurité, nous devons regarder ensemble vers l'avenir. Nous prenons en compte l'éventail et l'étendue des nouvelles technologies pour conserver notre avance technologique, tout en préservant nos valeurs et nos normes. Nous continuerons d'accroître la résilience de nos sociétés, ainsi que de nos infrastructures critiques et de notre sécurité énergétique. L'OTAN et les Alliés, dans les limites de leurs compétences respectives, sont déterminés à garantir la sécurité de leurs communications, y compris la 5G, conscients de la nécessité de recourir à des systèmes sécurisés et résilients. Nous avons déclaré l'espace en tant que milieu d'opérations de l'OTAN, reconnaissant ainsi son importance s'agissant de préserver notre sécurité et de relever les défis en la matière, dans le respect du droit international. Nous étoffons nos moyens d'action face aux cyberattaques, et nous renforçons notre aptitude à assurer la préparation, la dissuasion et la défense face aux tactiques hybrides visant à porter atteinte à notre sécurité et à nos sociétés. Nous développons le rôle de l'OTAN en matière de sécurité humaine. Nous sommes conscients que l'influence croissante et les politiques internationales de la Chine présentent à la fois des opportunités et des défis, auxquels nous devons répondre ensemble, en tant qu'Alliance.
     
  7. Compte tenu de l'évolution de l'environnement stratégique, nous invitons le secrétaire général à présenter aux ministres des Affaires étrangères une proposition approuvée par le Conseil pour que soit mené, sous les auspices du secrétaire général, avec le recours à l'expertise pertinente, un processus de réflexion prospective visant à renforcer encore la dimension politique de l'OTAN, y compris la consultation.
     
  8. Nous exprimons notre gratitude au Royaume-Uni pour l'accueil généreux qui nous a été réservé. Nous nous réunirons de nouveau en 2021.
     
  9. En des temps difficiles, nous sommes plus forts de par notre Alliance, et nos populations plus en sécurité. Le lien qui nous unit et notre engagement mutuel garantissent nos libertés, nos valeurs et notre sécurité depuis 70 ans. Nous agissons aujourd'hui afin de faire en sorte que l'OTAN soit la garante de ces libertés, de ces valeurs et de cette sécurité pour les générations à venir.
 

 

 

mercredi, 27 novembre 2019

Aggravation de la situation militaire en Europe de l’Est

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Aggravation de la situation militaire en Europe de l’Est

Une politique de détente est de plus en plus urgente

Ex: https://www.zeit-fragen.ch

rt. Sans prêter attention à la rhétorique des médias, il est à l’heure actuelle avéré que depuis l’entrée en fonction de Donald Trump, les Etats-Unis n’ont déclenché aucune nouvelle guerre – contrairement à ses prédécesseurs (Barak Obama: Syrie, Libye, continuation en Irak et Afghanistan; Bush jr.: Irak, Afghanistan). Au contraire, les troupes américaines se retirent de la Syrie, en Afghanistan on tente de trouver une solution pour le retrait, et il semble qu’on assiste à un retour au calme dans la zone de conflit en Ukraine orientale (suite aux bonnes relations entre Trump et le nouveau président ukrainien Zelensky).

Déploiement progressif à l’Est

Ce qui inquiète cependant de plus en plus les citoyens de nombreux Etats européens est le réarmement et le déploiement systématique de forces militaires aux frontières de la Fédération de Russie depuis 2014. Ce sont notamment:

  • le réarmement de plusieurs Etats d’Europe orientale par les Etats-Unis (pays Baltes, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Moldavie, Bulgarie);
  • l’extension de bases militaires américaines pour l’armée, la marine et les forces aériennes;
  • le réarmement des Etats membres de l’OTAN (2% du Produit intérieur brut1 pour l’armement);
  • la réinstallation tacite de formations de chars allemands (certes pas pour des promenades dans la lande de Lunebourg);
  • les manœuvres de l’OTAN et les exercices de déploiements alliés de plus en plus importants à la frontière de la Russie (Defender 2020 avec 34 000 soldats)
  • la diabolisation systématique de la «Russie» depuis 2014;
  • la rhétorique offensive dans le domaine politique, comme les discours de la ministre allemande de la Défense Kramp-Karrenbauer ou de la nouvelle présidente de la Commission européenne von der Leyen;
  • le manque de volonté pour pacifier la situation de la part des Etats membres de l’UE et de l’OTAN;
  • la suspension d’accords de désarmement existants avec la Russie;
  • la poursuite de sérieuses sanctions contre la Russie, etc.

Champ de bataille en Europe

Le fait que l’armée russe ait entre-temps modernisé ses armes et soit en mesure, en cas de conflit, de déplacer la zone de conflit militaire à 1500 kilomètres vers l’Ouest, c’est-à-dire au cœur de l’Europe occidentale, est devenu évident après son engagement en Syrie.
Alors qu’on peut s’attendre à ce que l’industrie américaine de l’armement et ses lobbys influents aient un certain intérêt à l’escalade militaire pour accroître la production et l’exportation de ses produits, et que la politique américaine ait un intérêt à maintenir les emplois existants à l’intérieur du pays, il est beaucoup plus difficile de comprendre pourquoi la résistance des gouvernements des Etats européens à une telle escalade est si limitée.

Tirer les leçons du passé

Après les nombreuses guerres dévastatrices qu’ont vécues les Etats européens au cours du dernier siècle, il est bien connu et scientifiquement prouvé que les guerres sont systématiquement préparées à long terme et qu’elles sont «voulues» ou planifiées par certains groupes de personnes. Un tel processus peut également s’étendre à plusieurs Etats, par exemple dans le cadre d’une alliance:

  • par l’implication de certaines forces sociales et politiques dans un pays espérant tirer avantage d’une guerre ou pouvant être mis sous pression pour de tels objectifs;
  • en utilisant les médias pour établir et développer au sein de la population une image hostile de l’«ennemi», avec des moyens de la psychologie de masse (PR), pouvant être mobilisé à tout moment.
  • en modifiant successivement les lois ou les articles constitutionnels «dérangeants» et restreignant pour une politique belliciste agressive (p.ex. les réserves parlementaires ou le principe de neutralité);
  • par un réarmement militaire planifié et systématique;
  • par des mesures asymétriques et à bas seuil contre une puissance «hostile» (boycott, sanctions, guerre économique ou persécution «juridique» de personnalités politiques individuels);
  • en faisant de la surenchère médiatique de certains «événements / incidents»;
  • en développant une rhétorique belliciste et menaçante dans les médias et en politique;
  • par la rupture des relations diplomatiques;
  • par des actes de guerre.

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Lors d’un conflit militaire entre les Etats-Unis et la Russie, il semble aujourd’hui évident que l’Europe sera le champ de bataille, car ni les Etats-Unis ni la Russie voudront que les combats militaires aient lieu sur leurs propres territoires.

Tout engagement en faveur de la com­préhension entre les peuples est bénéfique

C’est pourquoi chaque pas contribuant à une désescalade est actuellement de grande importance. Tout effort visant à promouvoir la compréhension et la paix entre les peuples est un pas dans la bonne direction. Tout effort politique en faveur de la compréhension et du respect mutuels est important. Le respect du droit international et des objectifs liés à la création de l’ONU doit être placé de toute urgence au centre de l’engagement politique de tous les Etats.
Compte tenu de l’écart social s’élargissant constamment et de la menace d’une crise économique et financière, les Etats européens profiteraient énormément d’une «dividende de la paix». Celle-ci résulterait d’une politique étrangère et économique pacifique avec tous les Etats – notamment en éliminant toutes les dépenses improductives pour les armements militaires.    •

1 Il ne faut pas se laisser tromper par le chiffre de 2% du PIB. Le produit intérieur brut (PIB) mesure la production de tous les biens et services d’un pays après déduction de toutes les prestations déjà effectuées. En 2018, on a calculé pour l’Allemagne un PIB de 3,344 billions d’euros. Cela signifie que 2% correspondent à environ 66,88 milliards d’euros pour les dépenses militaires (le chiffre actuel est de 38,9 milliards d’euros en 2018). Il s’agit donc d’une énorme augmentation du budget militaire.

«L’OTAN aurait dû disparaître avec le bloc soviétique»

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«L’OTAN aurait dû disparaître avec le bloc soviétique»

Interview de Gabriel Galice,* économiste et politologue, Berne

Ex: https://www.zeit-fragen.ch

Créée pour combattre le communisme, l’OTAN aurait dû disparaître en même temps que l’URSS, estime Gabriel Galice, président de l’«Institut international de recherches pour la paix» (GIPRI) à Genève. Au lieu de cela, déplore-t-il, l’organisation militaire est devenue le bras armé des Etats-Unis.

Echo Magazine: Selon vous, l’«Organisation du traité de l’Atlantique nord» (OTAN) aurait dû être dissoute il y a longtemps. Pourquoi?

Gabriel Galice: Parce que l’ennemi qu’elle était censée combattre n’existe plus.

Comment cela?

Le traité de l’Atlantique nord a été signé en 1949. Son organisation politico-militaire, nommée OTAN, a été constituée l’année suivante par une douzaine d’Etats dont les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Italie et la France, pour parer à une attaque de l’Union soviétique. Or, cette menace a disparu avec l’effondrement de l’Empire soviétique en 1991.

Concrètement, qui était l’ennemi de l’OTAN?

Le pacte de Varsovie. Cette alliance militaire fut créée en 1955 en réaction à l’agrandissement de l’OTAN qui avait incorporé la Turquie, la Grèce et l’Allemagne de l’Ouest. Fondée sous la houlette de Nikita Khrouchtchev, alors premier secrétaire du Parti communiste de l’Union soviétique, elle réunissait l’URSS, les républiques populaires d’Europe de l’Est et la RDA (cf. encadré). Elle a été dissoute six mois avant l’effondrement effectif de l’URSS, le 1er juillet 1991.

Pourquoi, alors, l’OTAN n’a-t-elle pas été dissoute?

Il y a eu un moment de flottement résumé par cette déclaration d’un ancien amiral de l’OTAN en poste à l’époque: «On a essayé de remplacer l’OTAN par quelque chose, mais on n’a rien trouvé». La Russie avait tenté de se rapprocher de ses voisins en proposant, entre autre, avant la chute du mur en 1988, la «Maison commune européenne». Certains ont songé à refondre l’alliance en incluant l’ancienne puissance soviétique. Un comité Russie-OTAN a même vu le jour. Bref, on a bricolé. Jusqu’à ce que les tendances lourdes reprennent le dessus.

C’est-à-dire?

Les pressions des lobbys du pétrole et de l’industrie de la guerre, la lutte pour le contrôle des ressources naturelles, etc. A la fin des années 1990, les dirigeants de l’alliance militaire, poussés par le gouvernement des Etats-Unis, ont décidé de s’étendre vers l’Europe orientale, rapprochant ainsi dangereusement les troupes atlantistes de la frontière russe. L’ancien président de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, décrit cette décision dans un livre paru il y a quelques jours, comme «la plus grande erreur stratégique de l’Occident».

Qu’y a-t-il de si dérangeant à voir l’OTAN s’agrandir si son but est de garantir la paix et la stabilité mondiales?

On confie la paix aux diplomates, pas aux soldats! Je doute que les populations afghane, irakienne et serbe considèrent l’OTAN comme un facteur de stabilité. Dans toutes les régions où ses troupes sont intervenues, les morts se comptent par milliers.
Et pourtant, l’organisation militaire ne cesse de grandir. Elle s’étend aux pays baltes et de l’Est et compte désormais 29 membres…
Si l’on voit l’OTAN, qui vient de fêter ses 70 ans, comme un bouclier contre le communisme, son extension constante à partir de la chute de l’Empire soviétique est incompréhensible. En revanche, si l’on considère cette superpuissance militaire pour ce qu’elle est devenue, un instrument de l’hégémonie américaine, tout devient clair.

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Un instrument de l’hégémonie américaine?

Le siège de l’OTAN est à Bruxelles, d’accord. Mais les Américains financent 70% du budget de cette armée de 3 millions d’hommes en service actif. Viennent ensuite l’Angleterre (6,2%), la France (5%), l’Italie (2,5%), le Canada (2,1%)… Ce n’est un secret pour personne: les Etats-Unis contrôlent cette armée, qui est la plus puissante du monde.
Or que disent les têtes pensantes de la première puissance mondiale, tel l’influent analyste américain Thomas Friedman, chantre de la mondialisation? «La main invisible du marché ne fonctionne pas sans un poing caché qui s’appelle l’armée, la force aérienne, la force navale et les Marines des Etats-Unis.» C’est limpide: la mondialisation va de pair avec un mouvement militaire de conquête des populations et des territoires.

Trente ans après la chute du mur, ce poing caché se tourne à nouveau vers la Russie…

Oui. L’OTAN assiège désormais la Russie. Ce n’est pas bon pour la paix – on l’a vu en Géorgie, en Ukraine, en Crimée, mais également en Syrie. La défense commune et solidaire (du monde libre, des démocraties) a été remplacée par le concept de sécurité. Beaucoup plus flou, celui-ci autorise les troupes américaines à intervenir partout et en tout temps, bien au-delà de l’Atlantique nord. Le seul fait de menacer une source d’approvisionnement d’un membre de l’alliance peut justifier une attaque. Si la Chine convoite du pétrole au Nigeria, cela peut être un motif d’intervention. Cette alliance non plus défensive, mais offensive, est une menace pour la paix.

L’OTAN a-t-elle un contrepoids aujourd’hui?

Oui. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), créée en réaction à son extension. Signée en 2001 entre Vladimir Poutine et l’ancien président chinois Jiang Zemin, cette alliance militaire et économique comprend également quatre pays d’Asie centrale (cf. encadré). Elle est passée à dix membres en 2016 avec l’arrivée du géant indien et de son voisin pakistanais. Deux puissances nucléaires de plus, auxquelles il faut ajouter une dizaine d’Etats partenaires et observateurs dont la Turquie (également membre de l’OTAN!) et l’Iran. A travers l’OCS, la Chine et la Russie font front commun contre les Etats-Unis et l’OTAN.

Entre l’OCS et l’OTAN, quelle marge de manœuvre pour l’Europe?

Nous devons tout faire pour échapper à cette double emprise – pour garder notre indépendance, mais aussi parce que les Chinois et les Américains pourraient s’entendre à nos dépens. Il faut se rapprocher des Russes qui ne cessent de nous tendre la main et qui, même s’ils sont alliés aux Chinois, se sentent européens. Alors soyons raisonnables, profitons-en pour nous rapprocher de Moscou. Ce serait préférable pour l’Europe et l’équilibre mondial.    •

(Propos recueillis par Cédric Reichenbach)

Source: Echo Magazine no 45 du 7/11/19. www.echomagazine.ch

Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN):
Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Italie, France, Belgique, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Luxembourg, Islande (1949). Grèce et Turquie (1952). Allemagne (1955), Espagne (1982), République tchèque, Hongrie et Pologne (1999), Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie (2004), Albanie et Croatie (2009), Monténégro (2017).
Organisation de coopération de Shanghai (OCS):
Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan (2001), Inde et Pakistan (2016) et une dizaine d’Etats partenaires et observateurs dont la Turquie et l’Iran.

 

mardi, 26 novembre 2019

Is Macron Right? Is NATO, 70, Brain Dead?

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Is Macron Right? Is NATO, 70, Brain Dead?
 

A week from now, the 29 member states of “the most successful alliance in history” will meet to celebrate its 70th anniversary. Yet all is not well within NATO.

Instead of a “summit,” the gathering, on the outskirts of London, has been cut to two days. Why the shortened agenda?

Among the reasons, apprehension that President Donald Trump might use the occasion to disrupt alliance comity by again berating the Europeans for freeloading on the U.S. defense budget.

French President Emanuel Macron, on the 100th anniversary of the World War I Armistice, described NATO as having suffered “brain death.” Macron now openly questions the U.S. commitment to fight for Europe and is talking about a “true European Army” with France’s nuclear deterrent able to “defend Europe alone.”

German Chancellor Angela Merkel, whose nation spends 1.4% of GDP on defense and has relied on the U.S. and NATO to keep Russia at bay since the Cold War began, is said to be enraged at the “disruptive politics” of the French president.
Also, early in December, Britain holds national elections. While the Labour Party remains committed to NATO, its leader, Jeremy Corbyn, is no Clement Attlee, who took Britain into NATO at its birth in 1949.

Corbyn has questioned NATO’s continued relevance in the post-Cold War era. A potential backer of a new Labour government, Nicola Sturgeon of the Scottish National Party, is demanding the closing of Britain’s Trident submarine base in Scotland as a precondition of her party’s support for Labour in Parliament.

Also present in London will be NATO ally Turkey’s President Recep Erdogan.

Following the 2016 coup attempt, Erdogan has purged scores of thousands from his army and regime, jailed more journalists than any other authoritarian, purchased Vladimir Putin’s S-400 missile system as Turkey’s air defense, and ordered the U.S. forces out of his way as he invaded northern Syria, killing Kurdish fighters who did the bleeding and dying in the U.S.-led campaign to crush the ISIS caliphate.

During the Cold War, NATO enjoyed the widespread support of Americans and Europeans, and understandably so. The USSR had 20 divisions in Germany, surrounded West Berlin, and occupied the east bank of the Elbe, within striking distance of the Rhine.

But that Cold War is long over. Berlin is the united free capital of Germany. The Warsaw Pact has been dissolved. Its member states have all joined NATO. The Soviet Union split apart into 15 nations. Communist Yugoslavia splintered into seven nations.

As a fighting faith, communism is dead in Europe. Why then are we Americans still over there?

Since the Cold War, we have doubled the size of NATO. We have brought in the Baltic republics of Estonia, Latvia and Lithuania but not Finland or Sweden. We have committed ourselves to fight for Slovenia, Croatia, Albania and Montenegro but not Serbia, Bosnia or North Macedonia.

Romania and Bulgaria are NATO allies but not Moldova or Belarus.

George W. Bush kept us out of the 2008 Russia-Georgia clash over South Ossetia and Abkhazia. And Barack Obama refused to send lethal aid to help Ukraine retrieve Crimea, Luhansk or Donetsk, though Sen. John McCain wanted the United States to jump into both fights.

In the House Intel Committee’s impeachment hearings, foreign service officers spoke of “Russian aggression” against our Ukrainian “ally” and our “national security” being in peril in this fight.

But when did Ukraine become an ally of the United States whose territorial wars we must sustain with military aid if not military intervention?

When did Kyiv’s control of Crimea and the Donbass become critical to the national security of the United States, when Russia has controlled Ukraine almost without interruption from Catherine the Great in the 18th century to Mikhail Gorbachev in the late 20th century?

Among the reasons Trump is president is that he raised provocative questions about NATO and Russia left unaddressed for three decades, as U.S. policy has been on cruise control since the Cold War.

And these unanswered questions are deadly serious ones.

Do we truly believe that if Russia marched into Estonia, the U.S. would start attacking the ships, planes and troops of a nation armed with thousands of tactical and strategic nuclear weapons?

Would NATO allies Spain, Portugal and Italy declare war on Russia?

In 1914 and 1939, in solidarity with the mother country, Britain, Canada declared war on Germany. Would Justin Trudeau’s Canada invoke NATO and declare war on Putin’s Russia — for Estonia or Latvia?

Under NATO, we are now committed to go to war for 28 nations. And the interventionists who took us into Iraq, Syria, Libya and Yemen want U.S. war guarantees extended to other nations even closer to Russia.

One day, one of these war guarantees is going to be called upon, and we may find that the American people were unaware of that commitment, and are unwilling to honor it, especially if the consequence is a major war with a nuclear power.

Patrick J. Buchanan is the author of “Nixon’s White House Wars: The Battles That Made and Broke a President and Divided America Forever.”

Copyright 2019 Creators.com.

A propos de la mort cérébrale de l'Otan

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A propos de la mort cérébrale de l'Otan

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

On sait que le président français Emmanuel Macron avait accordé un entretien à The Economist au début du mois. Il y avait déclaré que l'Otan était en état de “mort cérébrale”.

Il a également appelé à des relations européennes plus étroites avec la Russie et à une politique militaire plus indépendante de l'Amérique. Il a critiqué la politique américaine à l'égard de la Russie comme une “hystérie gouvernementale, politique et historique”.

Voir à ce sujet The Economist ainsi que les commentaires de BBC.News

On notera qu'Angela Merkel s'était immédiatement insurgée contre cette déclaration, qui fut au contraire comme on le devine approuvée par  Maria Zakharova , porte-parole du ministre russe des affaires étrangères. Il en est résulté une aggravation des désormais mauvaises relations entre la France et l'Allemagne. Mais que veut exactement Emmanuel Macron ?

La question sera nécessairement posée lors du sommet des chefs d'État de l'Otan des 3 et 4 décembre à Londres et les grandes manœuvres de l'opération «Defender 2020» prévue l'année prochaine. Outre les manœuvres navales en mer de Chine méridionale, cette opération représentera les plus grands exercices terrestres de l'Otan en Europe depuis 25 ans. 37.000 hommes sont prévus, dont 20.000 soldats américains transportés jusqu'en Europe.

Les responsables de l'Otan, hormis la France, ont souligné à maintes reprises leur accord pour une politique agressive qui viserait la Russie et ce nouveau danger que représente selon eux la Chine. Ils demandent aux Etats-Unis d'y conserver son rôle directeur et veulent que les gouvernements européens augmentent leurs contributions à l'Otan, notamment en termes budgétaires. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a indiqué que le sujet fera l'objet d'une importante réunion des pays membres avant le sommet de décembre.

Mais que souhaitait indiquer Emmanuel Macron au delà des termes explicites de cette déclaration à The Economist. En vue de conserver un domaine de négociation avec l'Allemagne, il ne l'a pas encore clairement expliqué. L'hypothèse la plus répandue à ce jour est qu'il voudrait que la France, si possible avec l'Allemagne mais au besoin sans elle, remplace les Etats-Unis à la tête de l'Otan. Ainsi la France, qui n'est pas exactement encore une grande puissance mondiale, pourrait le devenir.

Elle pourrait ainsi devenir un partenaire incontournable de la Russie, voire de la Chine, dans la définition de ce l'on nomme un nouvel ordre mondial. Il pourrait en résulter des perspectives de croissance économique considérables, ainsi évidemment qu'un recours plus grand aux solutions offertes par l'industrie militaire française, qui se bat actuellement contre la concurrence de l'industrie américaine, stimulée par un budget de 800 milliards de dollars annuels.

Rappelons que par ailleurs en France les responsables de la politique spatiale s'inquiètent de voir les Etats-Unis décidés à militariser l'espace par la création d'un Space Command aux compétences élargies. Celui-ci, à terme, pourrait dominer non seulement l'espace proche mais l'espace lointain, notamment bientôt la Lune. Il ne devrait pas y avoir ce risque avec la Russie qui a toujours montré sa volonté de négocier avec la France des politiques spatiales communes.

Il y a tout lieu de penser que les autres Etats européens, membres de l'Otan, à commencer par l'Allemagne, montreront très vite leur servilité à l'égard du Pentagone, et refuseront que la France y prenne un rôle directeur. Il ne restera plus à celle-ci qu'a quitter l'Otan, après avoir fait l'erreur, trahissant la politique gaullienne, de demander à y être admise. Mais Emmanuel Macron aura-t-il jusqu'au bout la carrure d'un Charles de Gaulle? 


 

mercredi, 13 novembre 2019

L'Otan en état de mort cérébrale. Faudrait-il le regretter?

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L'Otan en état de mort cérébrale. Faudrait-il le regretter?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

On parle beaucoup depuis quelques jours de l'entretien du 7 novembre d'Emmanuel Macron avec The Economist, où le Président français indique indiquant que l'Otan est devenue Brain Dead, autrement dit a perdu toute raison d'être.

Selon lui, l'Europe se trouve au bord du précipice. Elle a besoin de se considérer stratégiquement comme un pouvoir géopolitique, sinon elle perdra tout contrôle de son destin. Mais pour lui cela tient désormais à la volonté de l'Amérique, et de Donald Trump en particulier, de cesser de s'impliquer dans le financement de l'Otan.

Or Emmanuel Macron ne veut pas reconnaître pas que l'Otan, sous la direction américaine, vise à préparer une guerre avec la Russie puis désormais, comme nous l'avons précédemment montré, avec la Chine. Il ne veut pas voir que Donald Trump ne remet pas cet objectif mortifère en cause, même si de telles guerres, devenant vite nucléaires, signifierait la fin non seulement des Européens, mais des Américains eux-mêmes. Il refuse d'admettre que Donald Trump veut seulement que les Européens consacrent des sommes plus importantes au financement de l'Otan, prenant ainsi le relais du Pentagone.

Tout laisse penser qu'Emmanuel Macron voudrait que la France, avec l'aide financière de l'encore riche Allemagne, incite l'Europe à se doter d'une force de défense proprement européenne. Celle-ci prendrait le relais de l'Otan pour défendre l'Europe d'une agression militaire russo-chinoise. Or rien ne permet de croire que Moscou ou Pékin puisse raisonnablement envisager une telle agression où ils auraient beaucoup de choses à perdre sans aucun résultat.

Si Emmanuel Macron voulait que la France, conjointement avec l'Allemagne, se donne des objectifs à la hauteur des enjeux du monde de demain, elle devrait affecter plus de moyens financiers, non à se défendre contre la Russie ou la Chine, mais à prendre des positions substantielles dans le domaine des politiques spatiales, y compris en vue de la mise en place d'une station permanente sur la Lune. L'Europe est en train, malgré les efforts du CNES français (Centre national d'études spatiales), d'y prendre des retards qui risquent de n'être jamais récupérables.

Voir The Economist https://www.economist.com/europe/2019/11/07/emmanuel-macr...

lundi, 14 octobre 2019

OTAN versus OCS : un bras de fer feutré mais réel

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OTAN versus OCS : un bras de fer feutré mais réel

Auteur : Général Dominique Delawarde 

Ex: http://www.zejournal.mobi

C’est bien en réaction à la malheureuse campagne de l’OTAN dans l’ex-Yougoslavie que la Russie et la Chine, humiliées et impuissantes à l’époque, ont résolu de s’organiser pour tenter de s’opposer plus efficacement aux ingérences unilatérales de l’Alliance Atlantique qui pointaient leur nez. Leurs efforts conjoints ont abouti à la création, en 2001, de l’Organisation de Coopération de Shangaï (OCS). Au départ peu puissante, cette organisation a pris, petit à petit, du poids avec son élargissement et le développement économique très rapide de certains de ses membres, la Chine et l’Inde notamment. Cette montée en puissance de leur économie a permis à ces pays d’augmenter considérablement leurs budgets de défense et d’inscrire ces hausses dans la durée.

Au fil du temps, et bien qu’elle s’en défende, cette organisation est devenue clairement rivale et concurrente de celle de l’Atlantique Nord pour ce qui est de sa vision du monde. Cette opposition à « la coalition occidentale » s’est exprimée, dès 2005, par le rejet unanime de la candidature des USA qui ne demandaient, pourtant, qu’un strapontin d’observateur. Elle se manifeste aussi à l’ONU où l’Inde et la Chine se montrent solidaires de la Russie sur les crises syrienne et ukrainienne. Elle se mesure enfin dans la teneur des 18 déclarations communes cosignées par les chefs d’état de l’OCS. Ces documents viennent chaque année clôturer leur Congrès depuis 2001.

Aujourd’hui, l’OCS compte huit États membres à part entière, dont quatre puissances nucléaires, Russie, Chine, Inde, Pakistan, alors que l’OTAN n’en compte que trois. Elle compte aussi quatre pays observateurs dont l’Iran, depuis 14 ans, et six partenaires de discussion, dont la Turquie depuis 7 ans. Les huit membres à part entière regroupent, à eux seuls 43 % de la population de l’humanité, à comparer aux 11 % qui constituent la population des 28 pays membres de l’OTAN. En terme de population, le centre de gravité de la « communauté internationale » n’appartient donc pas à l’OTAN.

L’Alliance cherche à se rassurer en affichant le cumul des budgets de défense de ses 28 États membres en le comparant aux budgets des États membres de l’OCS, pris individuellement. Elle met aussi en avant les réelles divisions au sein de l’organisation concurrente pour ne pas avoir à évoquer les siennes. Elle souligne enfin le facteur d’efficacité présumé que constitue son organisation militaire intégrée en occultant le fait que les forces militaires des pays de l’OCS effectuent une douzaine de grandes manœuvres militaires bi ou multilatérales chaque année.

De lourdes erreurs d’appréciation sont manifestement commises, volontairement ou non, par ceux qui veulent à tout prix promouvoir la fiction d’une supériorité écrasante de l’OTAN, qui resterait, aujourd’hui et demain, la seule « super alliance » apte à régenter le monde.

La première de ces erreurs consiste à présenter des comparaisons de budgets de défense qui ne sont pas pertinentes puisqu’elles prennent comme unité de mesure le dollar nominal au lieu d’utiliser la parité de pouvoir d’achat (PPA). En effet, les membres de l’OCS payent bien leurs personnels militaires dans leur propre monnaie et n’achètent quasiment pas d’équipements à l’Ouest. Leurs budgets de défense ne peuvent donc être correctement évalués qu’en parité de pouvoir d’achat.

Sans entrer dans les détails, les budgets de défense cumulés des États membres de l’OTAN se montent, à environ, 1000 milliards de dollars en nominal et quasiment le même montant en parité de pouvoir d’achat (PPA), compte tenu du poids des USA et des trois poids lourds européens de l’Alliance, dont le niveau de vie est proche.

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Le tableau, ci-dessus, présente les budgets de défense des pays membres de l’OCS en $ nominal et en PPA.

Ce tableau fait apparaître une quasi-parité PPA entre l’OCS et l’OTAN (à 1000 milliards de $ PPA environ). Les leaders politiques et militaires occidentaux ne devraient pas négliger ce type de comparaison et, peut-être, devraient-ils commencer à s’inquiéter du rythme toujours très élevé de progression des budgets de défense dans le camp de l’OCS, notamment pour la Chine et pour l’Inde.

Notons que le budget de défense PPA de l’Iran, adversaire des USA, donc potentiellement de l’OTAN, est tout à fait « respectable ». Ceci pourrait expliquer d’ailleurs certaines percées technologiques qui ont surpris les observateurs et qui pourraient encore surprendre.

La deuxième erreur d’appréciation consiste à ne considérer que les budgets en oubliant de comparer la manière de les utiliser. Sur ce point, la comparaison OTAN-OCS est en défaveur des pays membres de l’OTAN. L’entretien des très nombreuses bases US établies sur l’ensemble de la planète et la politique d’ingérence des trois pays : États-Unis, Royaume-Uni, France, coûte très cher. Ces derniers, surtout les USA, y consomment une part considérable de leur budget de défense. Cela réduit d’autant la part consacrée au renouvellement des équipements et à leur maintenance. Ajoutons que la politique de dispersion, voire l’engagement de forces et de moyens sur l’ensemble de la planète n’est pas toujours un gage d’efficacité en termes militaires, lorsque vient le moment de s’engager rapidement sur un seul théâtre, bien localisé, et d’y concentrer son effort…

Pour les pays de l’OCS, ce type de « gaspillages » liés aux interventions et aux stationnements de forces hors de leurs frontières est minimal et la part consacrée à la mise en place de nouveaux équipements est maximale. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que l’ingérence et la course à l’hégémonie nécessitent la possession, la maintenance et l’emploi quasi-permanent de matériels « offensifs » très coûteux : porte-avions, aéronefs, missiles de croisière ultrasophistiqués qui ne sont, par ailleurs, plus invulnérables. A l’inverse, la posture plus « défensive » de l’OCS peut être très efficace à bien moindre coût : dispositifs anti-aériens, missiles antinavires, drones.

La troisième erreur des Occidentaux consiste à sous-estimer la rapidité de l’évolution de divers facteurs de puissance. La croissance économique (PIB) des pays membres de l’OCS, tirée par l’Inde et la Chine est, encore aujourd’hui, trois à quatre fois supérieure à celle des pays membres de l’OTAN, ce qui se traduit par de très fortes hausses annuelles des budgets de défense au sein de l’OCS depuis sa création, de 6% à 12% par an pour la Chine et pour l’Inde. Ces hausses se poursuivent aujourd’hui au sein de l’OCS, alors que presque tous les Etats membres de l’OTAN ont connu des budgets en forte régression, puis en stagnation, depuis la fin de la guerre froide.

La quatrième erreur d’appréciation de l’Alliance Atlantique est de sous-estimer les réactions de rejet et le niveau des inimitiés, voire de haine, que leurs interventions suscitent. Ces réactions de rejet concernent les pays victimes des ingérences US/OTAN, les alliés et amis de ces pays victimes, et une part croissante des opinions publiques occidentales. Elles constituent des facteurs d’affaiblissement de l’OTAN et de renforcement de la détermination et de l’unité du camp qui s’y oppose.

La cinquième erreur d’appréciation des stratèges occidentaux est de considérer que les pays dans le camp de l’OCS sont trop profondément divisés et manquent de cohésion pour constituer une réelle opposition (Chine-Inde, Inde-Pakistan). C’est oublier que ces Etats ont, jusqu’à présent, fait primer leurs objectifs communs sur leurs disputes bilatérales, si aiguës soient ces dernières.

En effet, dans le cadre des congrès annuels, des réunions préparatoires à ces congrès et des autres grands rendez-vous : sommet des BRICS, G20, commémorations de fêtes nationales, rencontres bilatérales, les chefs d’Etats et leurs ministres rencontrent plusieurs fois par an leurs homologues des autres Etats membres de l’OCS, et ils se parlent. Compte tenu de leur longévité au pouvoir, ces leaders politiques se connaissent parfaitement. Ils cosignent de nombreuses déclarations communes et votent souvent ensemble, contre les projets de résolutions présentés par les Occidentaux à l’ONU. Ils multiplient les manœuvres militaires bi ou multilatérales et achètent leurs armements à l’Est plutôt qu’à l’Ouest.

Enfin, dès qu’elle le souhaitera, l’OCS n’aura aucun mal à s’élargir. Les candidats potentiels ne manquent pas. L’Iran et la Turquie, pour ne citer que ces deux Etats, pourraient d’ailleurs y être admis à court ou moyen terme. Si l’OCS ralentit volontairement son élargissement, c’est probablement pour ne pas alarmer inutilement l’Occident et gagner les quelques années nécessaires pour assurer, puis consolider sa suprématie sur les deux volets économique et militaire.

Lorsqu’on veut comparer l’OTAN à l’OCS, il y a, bien sûr, d’autres erreurs d’appréciation à éviter, concernant notamment les aspects quantitatifs et qualitatifs des effectifs militaires, de l’entraînement, des matériels majeurs, des réserves, de la disponibilité opérationnelle des unités et des équipements, des forces morales, et des systèmes de gouvernance des Etats membres. Ces comparaisons surestiment trop souvent nos capacités et sous-estiment celle d’une organisation qui pourrait bien être, en tout ou partie, notre adversaire de demain. L’étude du très sérieux institut Thomas More du 30 mai 2017, montre à quel point la composante UE de l’OTAN est devenue, au fil du temps, une addition de faiblesses (1). Sans doute l’UE a-t-elle trop engrangé les dividendes de la paix depuis 1991 pour en arriver là.

Dans un tel contexte, chacun sent, chacun sait que le centre de gravité de la puissance économique et militaire bascule assez rapidement des pays membres de l’OTAN, vers ceux de l’OCS. Ne serait-il pas prudent et clairvoyant pour la France d’adopter une politique étrangère au moins plus équilibrée entre l’Est et l’Ouest (politique gaullienne) ? Une politique plus ouverte à l’Est afin de ne pas s’enfermer dans une liaison transatlantique exclusive, c’est à dire dans le camp des perdants probables de demain. Le travail des politiques consiste à comprendre le monde et à anticiper et non pas à réagir avec retard aux événements et à faire subir à leur pays les préjudices découlant de leur imprévoyance ou de leurs erreurs d’analyse.

Il est néanmoins vrai que, jusqu’à présent, l’OTAN a toujours pris la précaution de ne s’engager militairement que du « fort au faible » (Serbie, Libye). Mais hélas, les élites néoconservatrices US et européennes tiennent, aujourd’hui, le haut du pavé tant à Washington que dans les plus hautes instances de l’OTAN. Ces élites ne manquent jamais de projets bellicistes pour tenter d’assurer l’hégémonie US sur le « reste du monde ». A ce titre, les propos du général US Westley Clark, ancien commandant en chef de l’OTAN sont édififiants (2).

Espérons que ces élites ne commettront pas, demain, l’erreur de surestimer la force de leur camp et de sous-estimer celle de leur adversaire potentiel. Pour preuve, la détermination des Houthis qui tiennent en échec depuis cinq ans les corps expéditionnaires à hauts budgets de la coalition saoudienne pourtant assistés par le trio Etats-Unis, Royaume-Uni, France. Il y a peut-être des leçons à tirer. ….

Espérons enfin que ces mêmes élites ne lanceront pas l’Alliance atlantique, et la France avec elle, dans des aventures qui pourraient bien s’avérer au-dessus de leurs forces et avoir des conséquences apocalyptiques pour elles comme pour le monde.

Notes:

(1) https://www.iveris.eu/list/notes_danalyse/264-europe_de_la_defense_et_capacites_militaires

(2) https://www.youtube.com/watch?v=vE4DgsCqP8U


- Source : Iveris

mercredi, 29 mai 2019

L'Otan est une menace pour l'Europe

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L'Otan est une menace pour l'Europe

Ex: http://www.europesolidaire.eu 

Ces propos sont du général (2s) Vincent Desportes, très apprécié sur ce site. Ils ont été recueillis par Isabelle Lassere, du Figaro. Disons seulement que le général s'illusionne un peu sur la capacité des Européens d'échapper à l'influence américaine.
 

desportes_122.jpgLE FIGARO. - On a peu parlé de défense pendant la campagne des européennes. C'est pourtant un enjeu crucial pour l'avenir du continent. Est-ce grave ?

Général Vincent DESPORTES. - Oui, parce que ­l'Europe ne peut pas se construire seulement sur ses dimensions économique et sociale. Si elle n'est pas capable de défendre ses citoyens, elle ne sera pas crédible. Or, désormais, pour des raisons financières en particulier, les systèmes de défense des nations moyennes ne peuvent construire leur cohérence qu'au niveau supranational.

Cette atonie européenne est-elle similaire à celle qui existe avec l'écologie ?

Les Européens commencent à être sensibles au problème écologique, mais ils ne s'en saisissent pas. En matière de défense, ils n'ont pas encore pris conscience de l'importance du problème. Pourquoi ? Parce qu'ils pensent toujours vivre dans le monde d'hier, celui des bons sentiments. Ils ne voient pas venir ce monde de violences qui montent et qui sera dominé par les rapports de force. Les Européens se croient toujours protégés par le parapluie américain. À tort : il a longtemps été fiable mais il ne l'est plus.

Les attentats terroristes n'ont-ils pas réveillé la sensibilité européenne à la dangerosité du monde ?

En partie, si. Mais les principaux enjeux vont bien au-delà. Je pense notamment au grand affrontement déjà en cours entre les États-Unis et la Chine, qui s'affirme comme la nouvelle puissance impériale. Dans les années qui viennent, les relations internationales seront basées sur la puissance ; l'Europe doit se doter de ses attributs pour faire rempart à la Chine et faire part égale avec son ancien allié. Elle doit absolument reconstruire sa puissance, condition de son autonomie.

Que faut-il faire concrètement ?

L'Europe doit être capable de jouer son rôle dans le monde et de participer au maintien des grands équilibres. Elle ne pourra le faire que si elle détient la puissance militaire. Car la voix des nations ne porte qu'en fonction du calibre de leurs canons ! Si la ­France compte davantage que les autres pays, c'est justement parce qu'elle a une armée digne de ce nom. Si l'Europe est aphone, c'est parce qu'elle ne s'est pas dotée des moyens de la puissance.

Vous évoquez la possibilité d'un conflit sino-américain. Mais une confrontation entre les États-Unis et l'Iran ne pourrait-elle pas intervenir avant ?

À court terme, si l'on exclut le terrorisme, il existe d'autres zones de tension, notamment la région du Golfe et la péninsule nord-coréenne. Mais ce sont des conflits de petite ampleur par rapport aux grands enjeux qui s'annoncent. Personne n'a intérêt à ce que l'opposition entre l'Iran et les États-Unis se transforme en une guerre ouverte. Il semble en revanche écrit que le conflit de puissance entre la Chine et les États-Unis sera la grande histoire de demain...

À quoi sert encore l'Otan ?

L'alliance avec les États-Unis ressemble à celle qui unissait Athènes aux cités helléniques. L'Otan est une alliance sur laquelle règnent de manière hégémonique les Américains, qui offrent leur protectorat en échange de la vassalisation de leurs alliés. Le problème, c'est que ce protectorat n'est pas fiable. De Gaulle le disait déjà quand il affirmait qu'il fallait une armée française car le parapluie américain n'était pas suffisamment fiable. Il l'est encore moins aujourd'hui. L'Alliance est un leurre. Elle affaiblit les Français, car elle ne leur permet pas de parler au monde et de défendre leurs valeurs. Il faut sortir de l'illusion que les outils d'hier sont toujours pertinents pour le monde de demain.

L'Alliance atlantique peut-elle mourir ?

L'Otan est devenue une menace pour les pays ­européens. D'abord parce qu'elle est un outil de déresponsabilisation des États qui ne se croient plus capables d'assumer leur défense. Ensuite parce que son existence même est un outil de maintien et de renaissance des tensions en Europe. Il est temps que l'Otan soit remplacée par la défense européenne. La meilleure chose qui pourrait arriver à l'Alliance, c'est que les États-Unis s'en retirent. Ils placeraient ainsi l'Europe devant la nécessité d'avancer. Tant que l'Europe stratégique ne sera pas construite, le continent restera un protectorat à qui les États-Unis dictent leurs règles, comme le principe d'extrater­ritorialité dans l'affaire des sanctions contre l'Iran.

desportesstratagié.jpgPourtant, les pays de l'Est, notamment la Pologne, ne jurent toujours que par elle...

On peut comprendre que les Polonais croient être défendus par les États-Unis. Mais ils ont commis la même erreur en 1939, quand ils ont cru que la France viendrait les défendre s'ils étaient attaqués par les Allemands... Pourquoi les États-Unis sacrifieraient-ils Washington pour Varsovie si la Pologne était attaquée par la Russie ?

Parce qu'ils ont déjà traversé deux fois l'Atlantique pour sauver l'Europe...

Oui, mais ce n'était pas la même époque. Le ­nucléaire a complètement changé la donne. C'est la raison pour laquelle de Gaulle a voulu doter la France de la bombe atomique. La seule Europe qui vaille pour les États-Unis, c'est une Europe en perpétuel devenir. Ils ont toujours poussé pour les élargissements, y compris vis-à-vis de la Turquie. Mais la culture européenne est trop riche pour se limiter à ce qui en a été fait aux États-Unis. Le continent européen est celui de la philosophie et des Lumières, il a aussi été meurtri par la guerre. Il faut qu'à la puis­sance prédatrice américaine on puisse opposer une ­Europe capable de raisonner un monde qui ne l'est plus par les institutions internationales, qui ont été créées en 1945 ! S'appuyer sur les solutions d'hier pour construire le monde qui vient est dangereux et mortifère.

Vous semblez davantage craindre les États-Unis, qui malgré Trump restent notre partenaire et une démocratie, que la Russie qui cherche à diviser l'Europe.

L'Amérique n'est pas maligne comme un cancer. Mais quand elle n'est pas régulée, elle a tendance à imposer ses intérêts avant tout. Elle se détache par ailleurs de sa grand-mère patrie l'Europe pour se tourner vers le Pacifique. Quand ce processus sera achevé, l'Europe se trouvera bien démunie. Je pense que la Russie doit être intégrée à l'espace européen et que nous devons faire en sorte qu'elle ne soit plus une menace. L'avenir de l'Europe est eurasiatique, pas euro-atlantique. Nous avons, nous Occidentaux, contribué à faire ressurgir la menace russe. Nous avons raté l'après-guerre froide car nous n'avons pas réussi à réintégrer la Russie dans le jeu des ­démocraties.

L'armée européenne dont parle Emmanuel Macron, qui a provoqué des grincements de dents à l'Est et à l'Ouest, est-elle un gros mot ? Ou peut-elle être un objectif pour le futur ?

Elle ne peut pas exister aujourd'hui. Mais il faut assurer le plus vite possible la défense de l'Europe par l'Europe et pour l'Europe. Il faut créer un noyau dur capable de doter le continent d'une autonomie stratégique et capacitaire. Nous ne pouvons pas attendre la fin des divisions, notamment entre l'Est et l'Ouest, pour agir.

 

dimanche, 19 mai 2019

Début de conflit entre le Pentagone et l'Europe sur les questions de défense

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Début de conflit entre le Pentagone et l'Europe sur les questions de défense

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Washington tente de convaincre l'Union européenne de le soutenir dans ses projets de guerre contre l'Iran. Les Européens sont plus que réticents.

Mais cette question pose à nouveau la question de savoir si l'Union européenne, ou si certains Etats de celle-ci, en premier lieu la France, pourront sans conflits graves avec Washington, se doter d'une armée européenne indépendante de l'Otan et s'équipant en priorité de matériels militaires conçus et fabriqués en Europe.

Le 1er mai, le département de la Défense des États-Unis a envoyé une lettre à l'Union européenne l'avertissant que la création par les Européens d'une armée indépendante des Américains pourrait entraîner l'effondrement de l'alliance de l'OTAN entre les États-Unis et les Etats européens. La lettre, envoyée par les sous-secrétaires américains à la Défense, Ellen Lord et Andrea Thompson, à la responsable de la politique étrangère de l'Union, Federica Mogherini, a été évoquée é par le quotidien espagnol El Pais le 13 mai. On notera que ce même jour, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, s'était invité sans y avoir été convié à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union à Bruxelles pour exiger leur soutien aux projets américains de guerre contre l'Iran.

La lettre du Département de la Défense indiquait que « Les États-Unis sont profondément préoccupés par l'approbation des règles relatives au Fonds européen de défense et des conditions générales de la Coopération structurée permanente (CSP) ». La lettre a précisé qu'une armée européenne entraînera «un recul spectaculaire de trois décennies d'intégration croissante du secteur de la défense transatlantique». Elle a mis en garde contre le danger d'une «concurrence inutile entre l'OTAN et l'UE».

Cette lettre comportait la menace plus ou moins voilée visant de possibles représailles politiques ou commerciales si Bruxelles maintenait son intention de développer « des projets d'armement européens sans consulter des pays extérieurs, comme les États-Unis». On rappellera à ce sujet que le Fonds européen de la défense stipule que les entreprises européennes doivent contrôler la technologie utilisée dans les systèmes d'armement européens, sans dépendre nécessairement de technologies étrangères, notamment américaine.

Faisant référence aux conflits qui avaient éclaté lorsque Berlin et Paris s'étaient opposées à l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003, la lettre indique que les projets européens actuels «pourraient non seulement nuire aux relations constructives entre l'OTAN et l'Union Européenne, mais également relancer potentiellement les échanges tendus qui ont dominé nos relations il y a 15 ans sur les initiatives de défense de l'Europe».

Le sérieux avec lequel des menaces de rupture de l'alliance américano-européenne sont prises en Europe a trouvé un écho dans la publication cette semaine d'une étude réalisée par le groupe de réflexion IISS (International Institute of Strategic Studies) à Londres. Cette étude, intitulée «Défendre l'Europe: les scénarios de capacités nécessaires pour les membres européens de l'OTAN», évalue les coûts supportés par l'Europe pour reconstruire la capacité militaire de l'OTAN si les États-Unis abandonnaient l'alliance. Mais l'IISS n'envisage apparemment que la question de la défense de l'Europe en cas d'une invasion russe. Il évalue en ce cas le renforcement de capacité navale pour un coût de 110 milliards de dollars et des dépenses de 357 milliards de dollars ;

Ceci en soi ne devrait pas inquiéter Washington. Une éventuelle armée européenne n'est en rien présenté par l'Union comme devant mener une guerre contre les Etats-Unis. Mais ce qui inquiète ceux-ci est la perspective de voir les industries de défense européenne faire appel à leurs ressources propres plutôt que dépendre massivement, comme c'est le cas actuellement, à l'exception de la France, de l'industrie militaire américaine. Celle-ci fait la loi au Pentagone.

Aujourd'hui, l'Espagne donne l'exemple en matière de désolidarisation d'avec la politique américaine dans le domaine d'une possible guerre américaine contre l'Iran. Elle retiré sa frégate Méndez Núñez du groupe aéronaval dirigé par les États-Unis et mené par le porte-avions Abraham Lincoln, qui se rend dans le golfe Persique pour menacer l'Iran. La ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, a déclaré «Si le gouvernement nord-américain a l'intention de faire en sorte que le porte-avions Abraham Lincoln se rende dans une zone donnée pour une mission dont il n'a jamais convenu avec l'Espagne, nous quittons provisoirement le groupement tactique.» Elle a cependant assuré que Washington ne devait pas considérer cela comme une rupture définitive. On pourra lire à ce sujet Challenges

Rappelons que des tensions s'accentuent également au sujet des relations entre l'Europe et la Chine, après que l'Italie eut officiellement signé en mars un mémorandum d'accord approuvant l'Initiative d chinoise de la BRI ou la nouvelle route de la soie), un vaste plan d'infrastructure eurasien pouvant inclure certains Etats européens, ceci malgré les objections des États-Unis. Par ailleurs, Washington a menacé l'Allemagne et la Grande-Bretagne de suspendre la coopération en matière de renseignement pour avoir autorisé la société chinoise Huawei à participer à la construction de leur réseau de télécommunications.

Ceci dit, il est évident que si certains européens voulaient prendre leur indépendance à l'égard des industries militaires américaines, comme De Gaulle en son temps, ils devraient clairement sortir de l'Otan.

lundi, 29 avril 2019

Fin des Unions d’États (UE, OTAN) et triomphe des acteurs non-étatiques

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Fin des Unions d’États (UE, OTAN) et triomphe des acteurs non-étatiques

par Bernard WICHT

Bernard Wicht est privatdocent auprès de la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université́ de Lausanne où il enseigne la stratégie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment Citoyen-soldat 2.0 (2017); Europe Mad Max demain ? Retour à la défense citoyenne (2013); Une nouvelle Guerre de Trente Ans: réflexion et hypothèse sur la crise actuelle (2012); L’OTAN attaque. La nouvelle donne stratégique (1999); L’idée de milice dans la pensée de Machiavel (1995). Ses réflexions sur la milice et le citoyen-soldat l’ont amené à des conclusions alarmantes au sujet de l’évolution policière des États couplée au désarmement progressif des citoyens.

Pourquoi le récit des années 1990 n’est plus adéquat

Il est frappant de constater combien la classe politique suisse dans sa grande majorité est encore prisonnière du discours des années 1990. Élaboré avec honnêteté et conviction dans le cadre des négociations sur l’Espace économique européen (EEE), ce discours insistait sur la nécessité économique pour la Suisse de ne pas s’isoler, de garder ouvert l’accès au Grand Marché européen et voyait dans la construction d’une Union européenne renforcée un facteur de stabilité en Europe suite à l’effondrement du bloc soviétique. En 1992 (date du vote suisse sur l’EEE), un tel récit avait toute sa pertinence. Aujourd’hui en 2019, c’est-à-dire plus d’un quart de siècle plus tard, il est totalement dépassé. Pourtant, une grande partie de la classe politique suisse continue de le servir à chaque occasion aux citoyennes et citoyens du pays. C’est notamment le cas en ce moment dans le cadre du référendum contre la directive européenne sur les armes et sa mise en œuvre en droit suisse.

Or, comme on va essayer de le comprendre ci-après, de nos jours l’enjeu stratégique a complètement changé : il ne s’agit plus de ne pas s’isoler, mais bel et bien de se protéger. Essayons de comprendre comment et pourquoi un tel renversement est intervenu.

Les événements ne sont que poussière et ils ne prennent sens que lorsqu’on les replace dans les cycles et les rythmes de la longue durée (Braudel, Wallerstein). En conséquence, il faut se demander si l’on peut expliquer les pannes de l’UE — Brexit, démarche en solitaire de l’Allemagne et de la France avec le traité d’Aix-la-Chapelle, résistances italiennes, défiance de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque — et celles de l’OTAN — dont l’un des membres, la Turquie, combat les alliés kurdes des États-Unis en Syrie tout en se rapprochant la Russie alors que, dans le même temps, l’Alliance organise des manœuvres militaires en vue de contrer une éventuelle invasion russe en direction de la Pologne et des Pays Baltes —, par un changement de cycle macro-historique qui verrait la remise en cause fondamentale de la pertinence du mode d’organisation stato-national.

Hypothèse iconoclaste sans aucun doute, mais qu’il importe d’examiner dans le contexte actuel si on veut tenter d’appréhender les enjeux stratégiques majeurs plutôt que de céder à la facilité consistant à répéter un discours « clef en main » datant de la fin du siècle passé.

En effet, dans son histoire du temps long, Fernand Braudel souligne que les institutions sont comme les êtres humains : elles naissent, vivent et meurent. Mais ajoute-t-il, leur cycle de vie est beaucoup plus long que les biographies humaines – le temps des institutions est beaucoup plus lent que celui des hommes. C’est pourquoi ce temps échappe généralement à l’observation et, compte tenu de sa « lenteur », nous avons tendance à penser que les institutions avec lesquelles nous vivons (État, Églises, armée) sont éternelles.

Aujourd’hui pourtant, ne sommes-nous pas confrontés à la mort progressive d’un système étatique qui a vu le jour grosso modo à la fin de la Guerre de Trente Ans (1648) et qui, avec certaines modifications, s’est maintenu bon an mal an jusqu’au début du XXIe siècle? L’ordre westphalien (du nom de la Paix de Westphalie qui a mis fin à la guerre précitée) était composé d’États souverains en compétition et en lutte les uns contre les autres, ceci conduisant Clausewitz à énoncer que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. À partir de 1945, cet ordre inter-national devient peu à peu supra-national avec la création des grandes organisations onusiennes et, en Europe, avec la construction communautaire (CECA, puis CEE, puis CE et enfin UE). L’objectif explicite de la mise en place de cet étage au-dessus des États, est le « plus jamais ça » en référence au drame en trois actes de la première moitié du XXe siècle – Verdun, Auschwitz, Hiroshima. La cohésion de cet ensemble est garantie par le leadership politique, militaire et monétaire (accords de Bretton Woods) des États-Unis.

Toutefois, à partir des années 1990, la globalisation du capitalisme fragilise gravement cette ambitieuse construction. Avec la libéralisation des flux financiers, elle dépouille progressivement les États de leurs compétences économiques. Au nom des dividendes des actionnaires, elle désindustrialise l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord (thatchérisme, reaganisme, néolibéralisme). Combinée à la révolution de l’information, elle annule la souveraineté des États permettant à des organisations non-étatiques, transnationales, beaucoup plus fluides de se développer.

Là aussi, l’explication braudélienne continue d’être éclairante en distinguant, voire en opposant capitalisme et économie de marché : le capitalisme n’est pas l’économie de marché. S’il se construit à partir de celle-ci, sa logique s’en détache complètement parce qu’il n’est ni basé sur les échanges, ni ouvert à tous. Le capitalisme est opaque, limité à un petit cercle d’initiés, il vise l’accumulation et la spéculation financières. Aujourd’hui, cette dynamique capitaliste a atteint sa masse critique. Elle a pris une telle envergure qu’elle assèche l’économie formelle et provoque, en contrepoint, l’explosion de l’économie grise et informelle. La situation est devenue complètement incontrôlable par les institutions en place (États, organisations internationales).

Le paradigme guerre

Dans ce contexte, c’est sans doute le paradigme guerre qui est l’élément le plus significatif pour saisir les évolutions en cours. C’est celui qui s’est transformé de la manière la plus radicale… et la plus visible. Groupes armés, narco-guérillas, narco-terroristes, islamistes-djihadistes, gangs militarisés ont su profiter de cette « dérégulation » avec le succès que l’on sait. Et face aux formes de guerres qu’ils pratiquent, tant l’ONU, l’UE que l’OTAN sont devenus largement inefficaces.

Or, Charles Tilly enseigne que la guerre fait l’État. Il faut déduire de cette formule que, si la guerre se transforme, l’État en subit alors automatiquement le contrecoup en vertu du principe la fonction crée l’organe : lorsque la première disparaît ou change profondément de nature, le second s’atrophie ou mute de manière fondamentale.

Ouvrons une parenthèse pour dire que la prise de conscience d’une telle réalité n’a pas encore eu lieu. Certes, le « tremblement de terre » est bien perçu, il fait peur, mais il n’est ni compris, ni expliqué. Face à leur sentiment d’impuissance, les États et les organisations susmentionnées sont entrés dans l’ère de l’incantation droit-de-l’hommiste et, pire encore, de la désignation de coupables «immédiats»: les terroristes et, surtout, les populistes. Ces derniers – de Trump aux gilets jaunes – pointent du doigt (parfois maladroitement) la profonde inadéquation du système actuel avec les besoins des citoyennes et citoyens. Ils sont alors irrémédiablement qualifiés d’extrémistes faisant le lit d’un fascisme-nazisme qui serait en plein retour. C’est la reductio ad hitlerum dont les médias mainstream se font volontiers l’écho et qui a pour effet d’évacuer tout effort d’analyse au profit d’une commode extrapolation du passé récent de l’entre-deux-guerres. Peu ou pas de volonté de comprendre ce qui se passe – la reductio ad hitlerum est intellectuellement confortable !

Revenons à la transformation de la guerre et à ses effets. Que peut-on en dire du point de vue du temps long historique ?

1) Si l’État et ses avatars que sont les Unions d’États (UE, OTAN) ne sont plus les formes d’organisation les mieux adaptés pour faire la guerre, alors on peut supposer que nous sommes à la fin d’un cycle historique de près de 400 ans (de 1648 à nos jours). La guerre étant, avec l’économie, le principal moteur des transformations historiques, les formes des communautés politiques découlent de ces deux paramètres et de leur aptitude à combiner efficacement les moyens de faire la guerre et les ressources pour entretenir ces moyens. C’est le couple contrainte (moyens)/capital (ressources) mis en œuvre par Tilly pour expliquer le processus de formation et de dé-formation des unités politiques. D’où sa fameuse phrase :

« Les empires, les royaumes, les cités-États, les fédérations de cités, les réseaux de seigneurs terriens, les Églises, les ordres religieux, les ligues de pirates, les bandes de guerriers et bien d’autres formes d’organisation de pouvoir prévalurent en Europe à différentes époques durant le dernier millénaire. La plupart de ces organisations méritent le titre d’État d’une manière ou d’une autre, parce qu’elles contrôlèrent les principaux moyens concentrés de contrainte dans le cadre de territoires délimités et exercèrent leur droit de priorité sur toutes les autres organisations qui agissaient sur leur territoire. »

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2) Entre 1648 et 1945, l’État-nation a représenté cette meilleure synthèse pour faire la guerre: ceci explique la diffusion quasi universelle de ce modèle d’organisation étatique jusqu’à le considérer, à partir de la Révolution française, comme l’aboutissement ultime et le plus accompli de toutes les constructions politiques (Hegel et l’Esprit du monde). Or, avec la transformation de la guerre et la globalisation financière, le paradigme étatique moderne est remis en cause dans ses fondements parce qu’il n’est plus la synthèse la mieux adaptée pour faire la guerre et que, du point de vue économique, il est « prisonnier des recettes qui ont fait son succès » (G. Arrighi), c’est-à-dire l’État-providence. La fin du cycle hégémonique américain vient encore faciliter la transition vers d’autres formes d’organisation militaro-politique. Car, le déclin rapide de la superpuissance états-unienne et l’absence de challenger apte à reprendre le leadership mondial (ni la Chine, ni la Russie n’en ont actuellement les qualités), créent une situation de « Grand Interrègne » et de désordre international: une sorte de chaos systémique profitant aux acteurs non-étatiques en guerre un peu partout dans le monde.

3) On l’a dit, la guerre s’est transformée radicalement. De nos jours, elle n’est plus inter-étatique, mais infra-étatique et conduite par des acteurs plus proches des gangs que des armées régulières. Les grandes guerres systémiques (Guerre de Trente Ans, Guerres napoléoniennes, Guerres mondiales) qui ont accouché des différents ordres hégémoniques mondiaux cèdent désormais la place à de longues séries de conflits de basse intensité démembrant les États et donnant l’avantage aux acteurs précités dont la structure non-bureaucratique, non-territoriale et transnationale permet toutes les flexibilités nécessaires. Cette structure est basée sur 1° des fidélités personnelles, 2° le contrôle de certaines franges de population à la fois par la contrainte et la prise en charge de leurs besoins de base (soins, alimentation, parfois scolarisation idéologiquement orientée), 3° le financement via l’économie grise et informelle.

Ce phénomène a débuté (Acte I) avec la Guerre civile libanaise (1975 – 1990) qui a servi de laboratoire, a pu ensuite se diffuser en raison de l’effondrement du bloc soviétique (1989 – 1991), puis a atteint sa vitesse de croisière (Acte II) avec le lancement de la War on Terror par Washington, à partir des attentats du 11 septembre 2001 (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie). Depuis, le phénomène ne cesse de s’étendre, notamment à l’Afrique subsaharienne et jusqu’au Nigéria avec Boko Haram, sans oublier la Corne de l’Afrique (Acte III). Aujourd’hui, si les actes I à III ont pratiquement abouti au démembrement des États de toute cette région, l’Acte IV a démarré en Europe occidentale, au plus tard avec les attentats terroristes de 2015. Cette nouvelle phase d’expansion ne peut que s’amplifier compte tenu de l’inadaptation de plus en plus manifeste des États à ce type de menace et de guerres. Comme dans tout conflit de longue durée, c’est la découverte de l’antidote militaro-économico-institutionnel qui permettra d’y mettre fin.

Ce dernier élément, en lien avec l’approche de Tilly, est un des principaux enseignements à retenir de l’histoire de la longue durée : il en ressort que la résilience des formes d’organisation politique ne dépend ni des décisions de la classe politique au pouvoir, ni de la signature de traités internationaux, ni de la mobilisation (des jeunes et des moins jeunes) en faveur de certains sujets de société « dans l’air du temps » (par exemple, en ce moment, le réchauffement climatique). Non ! Le processus n’est ni éthique, ni moral, encore moins « tendance »; il est d’essence darwinienne – adaptation et survie. Dans le contexte actuel marqué par l’état d’esprit « Chacun d’entre nous est un petit flocon unique et merveilleux », il est évident que de telles considérations, pourtant tirées de l’outillage de la longue durée, risquent fort d’être qualifiées de cryptofascistes… et pourtant… (eppur…, comme disait Galilée devant le tribunal de la Sainte Inquisition).

Un désarmement opportun

Dès lors, et pour continuer avec Galilée sur la piste de l’hérésie, à l’heure actuelle les communautés politiques susceptibles de survivre au chaos mondial, susceptibles de se protéger elles et leurs enfants, ne sont pas celles correspondant au modèle dominant calé sur « plus d’Europe et moins de nations », sur « plus de sécurité et moins de liberté ». Au contraire, ce sont celles que la grande presse tend généralement à diaboliser, celles qui se rebellent, celles qui ont encore une identité (aujourd’hui qualifiées de populistes), celles qui souhaitent maintenir leurs frontières (aujourd’hui qualifiées de nationalistes) et celles qui ont encore envie de se battre (aujourd’hui qualifiées de dangereuses). En d’autres termes, toutes celles qui n’ont pas envie de se dissoudre dans le politiquement correct au nom du libre-échange… et de cet autre argument plus récent sur la protection des espèces menacées par l’Homme, c’est-à-dire au nom de slogans curieusement apparus avec la globalisation financière, les macrospéculations boursières et les subprimes… Il est vrai que le capitalisme goûte peu la contestation populaire, surtout lorsque le peuple est armé.

Vivant à l’ère du premier capitalisme, Machiavel l’avait bien compris lorsqu’il écrivait à ce propos : « Le riche désarmé est la récompense du soldat pauvre (L’art de la guerre).»

Tiens, l’UE veut désarmer les citoyens européens… Étrange coïncidence !

Bernard Wicht

• D’abord mis en ligne sur Antipresse, le 21 avril 2019.

vendredi, 26 avril 2019

Un objectif vital pour notre avenir construire un réseau pour le « NATO EXIT »

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Un objectif vital pour notre avenir construire un réseau pour le « NATO EXIT »

Auteurs : Prof Michel Chossudovsky et Manlio Dinucci 
Ex: http://www.zejournal.mobi 

Quel a été le résultat du Colloque international “Les 70 ans de l’OTAN : quel bilan historique ? Sortir du système de guerre, maintenant”, qui s’est tenu à Florence le 7 avril 2019. Manlio Dinucci en parle avec Michel Chossudovsky.

Note : au cours de cette année, l’OTAN effectue 310 exercices militaires, quasiment tous contre la Russie.

Avec l’OTAN du welfare au “warfare”

70 ans de l’OTAN. Interview de Michel Chossudovsky sur les 70 ans de l’OTAN : “ce n’est pas une Alliance, ce sont les USA qui commandent, ils veulent plus de dépense militaire dans toute l’Europe, ils sont prêts à de nouveaux conflits armés, y compris nucléaires”

Au colloque international “Les 70 ans de l’OTAN : quel bilan historique ? Sortir du système de guerre, maintenant”, qui s’est tenu à Florence le 7 avril 2019 -avec plus de 600 participants d’Italie et d’Europe-, a participé comme principal intervenant Michel Chossudovsky, directeur de Global Research, le centre de recherche sur la globalisation (Canada), organisateur du Colloque avec le Colitato No Guera No Nato et d’autres associations italiennes. Nous avons posé quelques questions à Michel Chossudovsky -un des plus grands experts internationaux d’économie et géopolitique-, collaborateur de l’Encyclopedia Britannica, auteur de 11 livres publiés en plus de 20 langues.

***

Quel a été le résultat du Colloque de Florence ?

L’événement a eu un très grand succès, avec la participation d’intervenants provenant des États-Unis, d’Europe et de Russie. L’histoire de l’OTAN y a été présentée. Y ont été identifiés et attentivement documentés les crimes contre l’humanité. À la fin du Colloque a été présentée la “Déclaration de Florence” pour sortir du système de la guerre.

Dans votre intervention introductive vous avez affirmé que l’Alliance atlantique n’est pas une alliance…

Sous l’apparence d’une alliance militaire multinationale c’est au contraire le Pentagone qui domine le mécanisme décisionnel de l’OTAN. Les USA contrôlent les structures de commandement de l’OTAN, qui sont incorporées à celles des États-Unis. le Commandant Suprême Allié en Europe (Saceur) est toujours un général étasunien nommé par Washington. Le Secrétaire général, actuellement Jens Stoltenberg, est essentiellement un bureaucrate qui s’occupe de relations publiques. Il n’a aucun rôle décisionnel.

Un autre thème que vous avez soulevé est celui des bases militaires USA en Italie et dans d’autres pays européens, y compris à l’Est, bien que le Pacte de Varsovie n’existe plus depuis 1991 et malgré la promesse faite à Gorbachev qu’aucun élargissement à l’Est n’aurait lieu. À quoi servent-elles ?

L’objectif tacite de l’OTAN -thème important de notre débat à Florence- a été d’opérer, sous une autre dénomination, “l’occupation militaire” de facto de l’Europe occidentale. Les États-Unis non seulement continuent à “occuper” les ex “pays de l’Axe” de la Seconde guerre mondiale (Italie, Allemagne), mais ont utilisé l’emblème de l’OTAN pour installer des bases militaires USA dans toute l’Europe occidentale, et, par la suite, en Europe Orientale dans le sillon de la guerre froide et dans les Balkans dans le sillon de la guerre OTAN contre la Yougoslavie (Serbie-Monténégro).

Qu’y a-t-il de changé par rapport à un possible usage d’armes nucléaires ?

Immédiatement après la guerre froide a été formulée une nouvelle doctrine nucléaire, focalisée sur l’usage préventif d’armes nucléaires, c’est-à-dire sur le first strike nucléaire comme moyen d’autodéfense. Dans le cadre des interventions USA-OTAN, présentées comme actions de maintien de la paix, a été créée une nouvelle génération d’armes nucléaires de “basse puissance” et “plus utilisables”, décrites comme “inoffensives pour les civils”. Les responsables politiques étasuniens les considèrent comme des “bombes pour la pacification”. Les accords de la guerre froide, qui établissaient certaines sauvegardes, ont été effacés. Le concept de “Destruction Mutuelle Assurée”, relatif à l’usage des armes nucléaires, a été remplacé par la doctrine de la guerre nucléaire préventive.

L’OTAN était “obsolète” au début de la présidence Trump mais maintenant elle est relancée par la Maison Blanche. Quelle relation y a-t-il entre course aux armements et crise économique ?

Guerre et globalisation vont de pair. La militarisation soutient l’imposition de la restructuration macro-économique dans les pays-cibles. Elle impose la dépense militaire pour soutenir l’économie de guerre au détriment de l’économie civile. Elle conduit à la déstabilisation économique et à la perte de pouvoir des institutions nationales. Un exemple : dernièrement le président Trump a proposé de grosses coupes budgétaires dans la santé, l’instruction et les infrastructures sociales, alors qu’il demande une grosse augmentation pour le budget du Pentagone. Au début de son administration, le président Trump a confirmé l’augmentation de la dépense pour le programme nucléaire militaire, lancé par Obama, de 1.000 à 1.200 milliards de dollars, en soutenant que cela sert à garder un monde plus sûr. Dans toute l’Union européenne l’augmentation de la dépense militaire, jumelée à des mesures d’austérité, est en train de conduire à la fin de ce qui était appelé “l’État-Providence” (welfare state). Maintenant l’OTAN est engagée sous la pression étasunienne à augmenter la dépense militaire et le secrétaire général Jens Stoltenberg déclare qu’il s’agit là de la chose juste à faire pour “garder la sécurité de notre population”. Les interventions militaires sont jumelées à des actes concomitants de sabotage économique et de manipulation financière. L’objectif final est la conquête des ressources autant humaines que matérielles et des institutions politiques. Les actes de guerre soutiennent un processus de conquête économique totale. Le projet hégémonique des États-Unis est de transformer les pays et les institutions internationales souveraines en territoires ouverts à leur pénétration. Un des instruments est l’imposition de lourdes contraintes aux pays endettés. L’imposition de réformes macro-économiques létales concourt à appauvrir de vastes secteurs de la population mondiale.

Quel est et quel devrait être le rôle des médias ?

Sans la désinformation opérée, en général, par presque tous les médias, le programme militaire USA-OTAN s’écroulerait comme un château de cartes. Les dangers imminents d’une nouvelle guerre avec les armements les plus modernes et du péril atomique, ne sont pas des informations qui font la Une. La guerre est représentée come une action de pacification. Les criminels de guerre sont dépeints comme des pacificateurs. La guerre devient paix. La réalité est renversée. Quand le mensonge devient vérité, on ne peut pas revenir en arrière.

Traduit de l’italien par M-A P

jeudi, 25 avril 2019

Le GRISCY ou l'amorce d'un OTAN méditerranéen

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Le GRISCY ou l'amorce d'un OTAN méditerranéen

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il était illusoire de penser que les Etats-Unis ne chercheraient pas à étendre l'actuel OTAN. On avait envisagé qu'ils s'orienteraient vers l'Afrique. Mais c'est dans l'Est-Méditerranée qu'ils viennent de décider de le faire.

Aussi Washington n'a pas perdu de temps pour mettre en place un « axe stratégique » dorénavant dit GRISCY pour Grèce, Israël et Chypre. Le fait qu'Israël est le point fort de cet axe montre que l'initiative n'est pas seulement américaine mais israélienne. Tel Aviv veut ainsi renforcer son influence dans cette partie de la Méditerranée, très importante pour sa sécurité.

Le projet vient d'être validé par le Sénat américain qui a proposé le terme de « Eastern Mediterranean Security and Energy Partnership Act” . La traduction ne s'impose pas. L'Act ou Bill prend les décisions suivantes :

  • lever l'interdiction de ventes d'armes américaines à la République de Chypre.

  • autoriser la création d'un United States-Eastern Mediterranean Energy Center afin de faciliter la coopération en matière énergétique entre les Etats-Unis, Israël, la Grèce et Chypre.

  • autoriser le financement par l'Amérique de 3 millions de dollars d'aide militaire à la Grèce, complété de 2 millions d'aide à la Grèce et à Chypre en matière de formation et d'entraînement militaire.

  • refuser de vendre à la Turquie comme initialement prévu des avions de combat F-35 du fait que la Turquie continue à envisager l'acquisition de missiles anti-missiles russes S-400. Sur ce point, remarquons-le, Ankara qui s'y attendait ne s'en inquiétera pas.

  • demander à la Maison Blanche de soumettre au Congrès un projet de coopération renforcé entre les Etats-Unis, Israël, la Grèce et Chypre en matière de sécurité et de coopération énergétique, ainsi que pour le renseignement militaire.

Le GRISCY réunit sous la direction américaine trois Etats hostiles à la Turquie aux frontières occidentales de celle-ci. L'objectif immédiat est de réaliser un projet de gazoduc dit Est-Med sous la mer les reliant au gaz de l'Amou Daria au Turkménistan leur permettant de ne pas dépendre du futur gazoduc dit TANAP ou Gazoduc Transanatolien passant par la Turquie.

Parallèlement, la fourniture d'armements américains à la moitié de Chypre en conflit pour l'autre moitié occupée par la Turquie depuis la fin de la 2e guerre mondiale sera ressentie par cette dernière comme une intervention directe américaine dans le conflit, au profit de Chypre.

Il va de soi que l'intervention américaine est aussi dirigée en arrière plan contre la Russie et son accord avec Israël afin de la couper de la route commerciale dite route du Levant entre la Crimée, la Syrie, le Sinaï et l'Érythrée.

Référence

http://www.ekathimerini.com/239415/article/ekathimerini/n...
Ekathimerini est un organe grec d'information très populaire. Il publie en grec et en anglais


 

lundi, 01 avril 2019

La Géorgie deviendra-t-elle une base militaire américaine permanente?

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La Géorgie deviendra-t-elle une base militaire américaine permanente? 

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Chaque semaine ou presque, les Etats-Unis, qui dominent l'Otan depuis sa création, montrent qu'ils persistent à faire de cette organisation un outil destiné à porter la guerre sur le territoire russe. Certains membres de l'Otan voudraient calmer le jeu, mais d'autres, tels que la Pologne, soutiennent en permanence les visées du Pentagone à cet égard.

C'est totalement irresponsable de leur part car en cas de guerre, fut-elle seulement conventionnelle, avec la Russie, ils seraient détruits les premiers. Les Américains, à l'abri de l'autre côté de l'Atlantique, ne risquent évidemment rien.

L'attention se porte aujourd'hui sur la Géorgie ancienne république socialiste soviétique et devenue un adversaire résolu de Moscou, bien que celui-ci ait depuis longtemps renoncé à y exercer une influence autre que marginale, linguistique et culturelle. C'est ainsi que le 25 mars 2019, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, norvégien tout dévoué aux américains qui l'ont fait nommer à ce poste, a réaffirmé la volonté de l'Otan de donner satisfaction aux demandes de la Géorgie visant à devenir un membre permanent de l'Organisation.

Il se trouvait dans la capitale géorgienne Tbilisi, en compagnie du premier ministre Mamuka Bakhtadze. pour assister à des manœuvre militaires conjointes de 12 jours Otan-Géorgie. Inutile de dire que celles-ci représentent déjà une provocation pour la Russie. Il y a déclaré que l'Otan n'accepte pas que la Russie, ou tout autre Etat extérieur, puisse décider qui doit être ou non membre. Les manouvres se tenaient à la base militaire conjointe Otan-Géorgie de Krtsanisi. Elles impliquaient un contingent de 350 hommes fournis par les membres de l'Otan, avec une participation de l'Azerbaidjan, de la Finlande et de la Suède.

Il faut rappeler que les tensions entre la Russie et une Géorgie décidée à rejoindre le bloc occidental avait abouti à une guerre courte mais sanglante entre les deux pays. Moscou avait appuyé la volonté séparatiste des deux provinces de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhasie. En 15 jours les militaires russes avait mis en déroute l'armée de la Géorgie, puis reconnu l'indépendance de ces deux provinces.

En 2018, le premier ministre russe Dmitri Medvedev avait prévenu que l'entrée éventuelle de la Géorgie dans l'Otan « pourrait provoquer un terrible conflit ». Est-ce que cherche Washington aujourd'hui ?

jeudi, 10 janvier 2019

L’Union européenne vote pour les missiles USA en Europe

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L’Union européenne vote pour les missiles USA en Europe

par Manlio Dinucci 

Ex: http://www.zejournal.mobi 

Auprès du Palais de Verre des Nations Unies, à New York, se trouve une sculpture métallique intitulée “Le Mal terrassé par le Bien”, représentant Saint Georges qui transperce un dragon avec sa lance. Elle fut donnée par l’URSS en 1990 pour célébrer le Traité FNI (INF) stipulé avec les USA en 1987, qui éliminait les missiles nucléaires à courte et moyenne portée (entre 500 et 5000 km) avec base à terre. Le corps du dragon est en effet réalisé, symboliquement, avec des morceaux de missiles balistiques étasuniens Pershing-2 (auparavant basés en Allemagne de l’Ouest) et de SS-20 soviétiques (auparavant basés en URSS). 

Mais maintenant le dragon nucléaire, qui dans la sculpture est représenté à l’agonie, revient à la vie. Grâce aussi à l’Italie et aux autres pays de l’Union européenne qui, à l’Assemblée Générale des Nations Unies, ont voté contre la résolution présentée par la Russie sur la “Préservation et la mise en oeuvre du Traité FNI”, rejetée avec 46 votes contre 43 et 78 abstentions.

L’Union européenne -dont 21 des 27 membres font partie de l’Otan (comme en fait partie la Grande-Bretagne sortant de l’Ue)- s’est ainsi uniformisée à la position de l’Otan, qui à son tour s’est totalement uniformisée à celle des États-Unis. L’administration Obama d’abord, puis l’administration Trump ont accusé la Russie, sans aucune preuve, d’avoir expérimenté un missile de la catégorie interdite et ont annoncé leur intention de se retirer du Traité FNI. Ils ont en même temps lancé un programme visant l’installation à nouveau en Europe contre la Russie de missiles nucléaires, qui seraient basés aussi dans la région Asie-Pacifique contre la Chine.

Le représentant russe à l’ONU a prévenu que “cela constitue le début d’une course aux armements à part entière”. En d’autres termes il a prévenu que, si les États-Unis installaient à nouveau en Europe des missiles nucléaires pointés sur la Russie (comme l’étaient aussi les Cruise basés à Comiso dans les années 80), la Russie installerait à nouveau sur son propre territoire des missiles analogues pointés sur des objectifs en Europe (mais ne pouvant pas atteindre les États-Unis).

Faisant fi de tout cela, le représentant Ue à l’ONU a accusé la Russie de miner le Traité FNI et a annoncé le vote contraire de tous les pays de l’Union parce que “la résolution présentée par la Russie dévie de la question qui est en discussion”. En substance, donc, l’Union européenne a donné son feu vert à l’installation possible de nouveaux missiles nucléaires USA en Europe, Italie Comprise. 

Sur une question de cette importance, le gouvernement Conte, renonçant comme ses prédécesseurs à exercer la souveraineté nationale, s’est aligné sur l’Ue qui à son tour s’est alignée sur l’Otan sous commandement USA. Et de tout l’arc politique aucune voix ne s’est élevée pour demander que ce soit le Parlement qui décide comment voter à l’ONU. Et aucune voix non plus ne s’est élevée au Parlement pour demander que l’Italie observe le Traité de non-prolifération, imposant aux USA de retirer de notre territoire national les bombes nucléaires B61 et de ne pas y installer, à partir de la première moitié de 2020, les nouvelles et encore plus dangereuses B61-12.

Ainsi est à nouveau violé le principe constitutionnel fondamental que “la souveraineté appartient au peuple”. Et comme l’appareil politico-médiatique maintient les Italiens dans l’ignorance de ces questions d’importance vitale, est violé le droit à l’information, dans le sens non seulement de la liberté d’informer mais du droit d’être informés.

Ou bien on le fait maintenant ou demain il n’y aura pas de temps pour décider : un missile balistique à portée intermédiaire, pour atteindre et détruire son objectif avec sa tête nucléaire, met 6-11 minutes.

mercredi, 17 octobre 2018

Macédoine: l’élite dirigeante euro-atlantique tente d’ignorer l’échec du référendum

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Macédoine: l’élite dirigeante euro-atlantique tente d’ignorer l’échec du référendum

Par la rédaction du mensuel «Ruptures», progressiste et radicalement eurocritique, Paris

Ex: https://www.zeit-fragen.ch/fr

Angela Merkel, son ministre des Affaires étrangères, ainsi que plusieurs autres membres du gouvernement allemand; Sebastian Kurz, le chancelier autrichien; James Mattis, le Secrétaire américain à la Défense; Jens Stoltenberg, le Secrétaire général de l’OTAN; plus une brochette de personnalités bruxelloises de premier plan, dont Federica Mogherini, la chef des Affaires extérieures de l’UE et Johannes Hahn, le Commissaire chargé du «voisinage»: tous ceux-là ont fait le déplacement de Skopje ces dernières semaines. D’autres ont lancé des appels à distance, comme le président français. Avec un unique objectif: exhorter les citoyens macédoniens à se rendre aux urnes le 30 septembre.
Skopje, qui n’avait jamais vu défiler autant de dirigeants de ce monde, est la capitale de la Macédoine, plus précisément de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), nom officiel de ce petit Etat des Balkans (2 millions d’habitants) issu de l’éclatement de la Yougoslavie. Une appellation restée provisoire depuis 27 ans. La Grèce, par fierté nationale et crainte de l’irrédentisme, s’est en effet toujours opposée à ce que son voisin du nord porte le même nom que sa province septentrionale.

Mais, à l’issue des élections macédoniennes de décembre 2016, un gouvernement social-démocrate est arrivé au pouvoir, conduit par Zoran Zaev. Ce dernier, très proche des milieux atlantistes, s’est fixé pour mission de résoudre le conflit de nom avec Athènes avec pour objectif l’entrée de son pays d’abord dans l’OTAN, puis dans l’Union européenne – une double adhésion à laquelle Athènes oppose un veto tant que dure le différend. Le 17 juin dernier, M. Zaev et son homologue grec, Alexis Tispras, trouvaient un compromis: le pays pourrait s’appeler Macédoine du Nord et voir ainsi s’ouvrir la porte du paradis euro-atlantique.

Bouder le scrutin

Encore faut-il pour cela que les deux parties ratifient cet accord. C’était l’objet du référendum organisé le 30 septembre. Les amis de M. Zaev appelaient bien sûr à voter Oui, soutenus en cela par le parti se réclamant de la minorité albanaise. Pour sa part, le parti de droite nationaliste VRMO-DPMNE, d’avis opposé, n’appelait pas à voter Non, du fait des pressions occidentales. Mais ses dirigeants ont invité les citoyens à bouder le scrutin. Ce fut également la position du président de la République, Gjorje Ivanov, lui-même issu de la mouvance nationaliste.
Or la règle macédonienne impose que, pour être valable, un référendum mobilise au moins la moitié des électeurs inscrits. D’où l’appel au boycott des adversaires de l’accord. D’où également la fébrilité et le forcing des dirigeants américains et européens. Selon eux, si la Macédoine n’est pas intégrée à l’orbite de l’UE et de l’OTAN, d’autres auront vite fait de reprendre ce pays dans leur zone d’influence. Et d’accuser les Russes (la majorité de la population est d’ascendance slave), mais aussi les Chinois (qui investissent beaucoup dans les Balkans) de guetter, voire de créer l’occasion.
La question posée aux électeurs était du reste sans ambiguïté: «Etes vous favorable à l’adhésion à l’UE et à l’OTAN en acceptant l’accord entre les deux pays?». La promesse implicite de fonds européens allant se déverser sur un Etat particulièrement pauvre était censée séduire les électeurs. Un diplomate de l’UE a même osé: «Le choix est entre la Macédoine du Nord et la Corée du Nord», stigmatisant cette dernière comme le symbole de l’isolement international …

Douche froide

Le résultat du vote a fait l’effet d’une douche froide pour les promoteurs du processus: certes, 91% des votants ont répondu Oui, un résultat attendu puisqu’aucune force politique n’appelait à voter Non. En revanche, l’indicateur scruté par les partisans comme les adversaires de l’accord était bien entendu la participation. Or, avec à peine plus de 36% de votants, celle-ci s’est établie à un niveau encore bien plus faible que ne le craignaient les dirigeants européens.
Alors que moins d’un tiers des Macédoniens ont glissé un bulletin Oui, ces dirigeants ont réagi en usant de la méthode Coué – ou de la «vérité alternative» qu’on reproche souvent aux propos de Donald Trump. Zoran Zaev s’est ainsi réjoui que la «vaste majorité des citoyens aient choisi une Macédoine européenne». Le Commissaire européen chargé du voisinage, Johannes Hahn, a pour sa part salué le «large soutien» apporté à l’accord. Et jusqu’au Secrétaire général de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres, qui n’a pas hésité à affirmer: «Le fait qu’une majorité écrasante des votants ait soutenu l’accord est important».
Quant au Secrétaire général de l’OTAN, il a signé un communiqué commun avec sa consœur de l’UE pour exhorter les responsables politiques de Skopje à «prendre des décisions qui détermineront le sort de leur pays et de leur peuple pour de nombreuses générations à venir». Difficile d’imaginer une pression plus explicite.
Seul le président du Monténégro voisin a nuancé quelque peu la langue de bois officielle: «J’ai l’impression que l’enthousiasme pro-européen qui avait suivi la chute du mur de Berlin est en train de piétiner un peu». S’il y avait un concours d’euphémismes, Milo Djukanovic remporterait à coup sûr la coupe du monde.
Du coup, Zoran Zaev s’est empressé d’affirmer que la règle du quorum de 50% de participation ne s’appliquait pas dans ce cas, puisque le référendum n’était que consultatif. «Du reste, a-t-il martelé dans un style bruxello-thatchérien, «il n’y pas d’alternative».
Institutionnellement, la décision finale appartient désormais aux députés: ceux-ci doivent ratifier l’accord à la majorité des deux tiers – et cette fois, le vote n’est pas «consultatif». Or il manque dix sièges aux sociaux-démocrates et à leurs alliés pour franchir cette barre. Et leurs adversaires du VRMO-DPMNE vont évidemment se sentir encouragés par le résultat populaire à refuser leurs voix.
M. Zaev a menacé, en cas d’échec, au demeurant probable, de déclencher des élections anticipées d’ici la fin de l’année.

Conditionné par l’approbation du Parlement grec

En outre, l’entrée en vigueur de l’accord est aussi conditionnée par l’approbation du parlement grec. Or, dans ce pays, les forces jugeant que l’accord négocié par M. Tsipras constitue une trahison des intérêts hellènes sont nombreuses, à droite, mais aussi chez beaucoup de citoyens de gauche. Et le partenaire gouvernemental de Syriza, le Parti des Grecs indépendants, est également opposé au compromis. Tous ces opposants se sentent confortés par le vote macédonien.
Dès l’annonce des résultats, le chef du gouvernement grec a téléphoné à son homologue et voisin pour lui signifier qu’il «devrait poursuivre la mise en place de l’accord».
En juillet 2015, Alexis Tsipras avait lui-même appelé à un référendum anti-austérité qu’il avait largement emporté. Avant d’opérer une reddition mémorable en acceptant toutes les conditions austéritaires imposées par l’UE, à peine quelques semaines plus tard.    •

Source: https://ruptures-presse.fr/actu/macedoine-referendum-zaev... du 3/10/18

mardi, 09 octobre 2018

Kampf um die Arktis

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Kampf um die Arktis

Großbritannien schickt 800 Soldaten in die Arktis, welche zusammen mit Norwegern, Niederländern und Amerikanern russische Ansprüche kontern sollen.

Von Marco Maier

Ex: https://www.contra-magazin.com

Wie der britische Verteidigungsminister ankündigte, wird das Vereinigte Königreich 800 Soldaten der britischen Special Forces in den hohen Norden Norwegens entsenden, um dort die norwegischen, niederländischen und US-amerikanischen Arktis-Truppen zu unterstützen. Jedes Jahr sollen sie demnach zur Winterzeit für mindestens zehn Jahre lang dort stationiert werden, um die russischen Aktivitäten zu beobachten.

Bevor der britische Verteidigungsminister, William Williamson, nach Birmingham reiste, um eine Rede zu halten, sagte er: „Wir sehen russische U-Boot-Aktivitäten sehr nahe am Niveau des Kalten Krieges, und es ist richtig, dass wir darauf reagieren.“ Und weiter: „Wenn wir die Uhr zehn Jahre zurückdrehen könnten, dachten viele, dass die Ära der U-Boot-Aktivitäten im hohen Norden und im Nordatlantik und die damit verbundene Bedrohung mit dem Fall der Berliner Mauer verschwinden würden. Diese Bedrohung ist wirklich wieder in den Vordergrund getreten.“

Angesichts der im arktischen Gebiet vorhandenen und vermuteten Ressourcen ist im Zuge des Klimawandels und der zunehmenden Eisfreiheit in der Arktis der Kampf der Mächte um diese entbrannt. Im Westen befürchtet man, Moskau könnte diesen Umstand dazu nutzen, die wirtschaftlichen Aktivitäten in der Region massiv auszubauen und die natürlichen Ressourcen dort für sich zu vereinnahmen. Doch genau das wollen die anderen Anrainerstaaten – darunter die USA, Kanada, Dänemark und Norwegen – auch.

Wenn man bedenkt, dass die Truppenansammlungen der NATO an der Grenze zu Russland nun schon seit einigen Jahren immer größer werden, ist es schon eine Tatsachenverdrehung, wenn man hier von einer „russischen Aggression“ spricht. Vielmehr handelt es sich hierbei um eine NATO-Provokation gegen Russland.

samedi, 06 octobre 2018

AMERICA WANTS TO DEPRIVE MACEDONIA OF HONOR AND IDENTITY

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AMERICA WANTS TO DEPRIVE MACEDONIA OF HONOR AND IDENTITY

 
Ex: http://www.katehon.com 

There are perhaps few precedents in the world when outside countries insist on changing the name of a whole independent country. In the case of Macedonia, which, at the request of Greece, held a referendum on the topic “should we not change Macedonia to Northern Macedonia”, - the situation is glaring.

Pro-American Prime Minister Zoran Zaev, supported by a pro-American liberal lobby and still a national minority - Albanians, leads the country to a political, religious, national, and culturological impasse. The state of Macedonia for free that the actual neoplasm. Being such, without understanding their national identity and trying to overcome a lot of problems in the interethnic area, the Macedonian state is somewhat reminiscent of Ukraine or the Baltic border countries. In an effort to get into the European Union and NATO, the Macedonian officials, this must be particularly emphasized - not the people, but the pro-Western liberals - are ready to go for anything, just to touch the sweet European pie with their teeth. Moreover, they were taught nothing by the experience of Bulgaria, a country related to the ethnic composition of the Macedonian-Slavs, who received from the EU and NATO only status and a salary of 250 euros in Sofia, which is considered to be good.

However, as a result, a referendum in Macedonia was declared invalid. A little more than 30 percent of the population came to vote, and according to the laws of the state, referendum decisions with a turnout below 50 percent are considered invalid. But for those who are trying to drag Macedonia into NATO, the figure of 90 percent of those who came to vote for changing the name of the country to Northern Macedonia is important. And not a turnout figure.

Pro-American media and politicians of a small Balkan country, be sure, obtypyapayut event in such a way that the main thing will be the number of voters. Contrary to the will of the indigenous majority of the state - the Macedonian-Slavs. And the English, German, American and Albanian press already unequivocally speaks about this.

In Macedonia, which is not a secret to anyone, the main driving force aimed at renaming this country is the ethnic minority - the Albanians. But this is still the Albanians - an ethnic minority. However, taking into account the birth rate in Albanian families, as well as migration to Macedonia from neighboring Kosovo and Albania itself, in a dozen years, and maybe earlier, Albanians will become the majority. This has already happened in the unfortunate Kosovo, where the indigenous inhabitants of the region - the Serbs - were first overtaken in the demographic bend, and then driven out of the heart of Serbia.

Currently, in Kosovo, only in the north, in Kosovo Mitrovica, and in one tiny enclave in the south of the region, Serbs still live, being in constant fear for their lives. Without work, but with faith in their strength.

In Macedonia, the situation is developing at the same threatening pace. North of Macedonia, the Macedonians themselves are considered lost to the Slavs. In the ancient city of Tetovo, founded by the Serbs in the XIII century, out of 50 thousand inhabitants about 30 thousand are Albanians and only 18 thousand are Macedonians. In the old Gostivar, out of 35 thousand inhabitants, 16 thousand are Albanians and only 11 thousand are Macedonians. In Kichevo, Albanians are slowly catching up on the demographics of the Slavs.

In the third largest number of Kumanovo. Here live 40 thousand Macedonians and 20 thousand Albanians, between whom fights and shooting regularly take place, and in 2015 there was a massacre in Kumanovo between the Macedonian army and special forces, on the one hand, and Albanian militants, who arrived from Kosovo, on the other.

The capital of the Republic of Skopje is divided by the Vardar River into two parts. In one live mainly - but not only - the Macedonians and Serbs. In the other, on the side of the ancient fortress of Skopje - Kale, where in 1346 the Serbian king Stephen Dusan was crowned king of the Serbs and Greeks, live exclusively Albanians. And Orthodox Slavs, without extreme need, do not go to the other side of Vardar.

In Skopje, the national composition is on the side of the Macedonians. Of the half a million inhabitants, 60 percent, and Albanian Muslims, 30 percent. Conflicts and skirmishes regularly occur between Slavs and Albanians. Over the past 10-15 years, an ever-increasing Albanian population has been knocking out big rights. Albanians already have one third in the Macedonian parliament, they have several influential parties - the DUI, Besa and Alliance for Albanians, as well as the ADP. They are increasingly demanding that the Albanian language be recognized as the second state language. And they are the main beneficiaries of renaming the country. Because Albanians demand a revision of the history of Macedonia as a whole, pointing to the fact that its present territory has been part of the Ottoman Empire for centuries. And because the Albanians, through a split in the Balkan lands, continue to cherish the idea of ​​Great Albania.

“Great Albania will begin with the death of little Macedonia,” say the ideologists of this formation. It is the Albanian parties and movements that insist on the federalization of the state. If it ever happens, the whole north of the country will become mono-ethnic, and that will prevent this part, already densely populated by Albanians, from separating from Macedonia or becoming part of Kosovo, which, in turn, along with the southern parts of Serbia wants to be part of Albania?

As practice shows, there is nothing impracticable in this - with the help of the Albanian factor, Yugoslavia, Serbia has already been dismembered, an “independent Kosovo” has been formed, which was recognized by most of the EU and Washington. Tensely in the Albanian suburbs of Greece, Bulgaria, Montenegro - this is so that the crucian remembers the pike. In the XX and XXI centuries, the Albanians became a real Trojan horse for the Balkans, pursuing a policy of disengagement and supported by the US in almost everything.

Actually, the number of voters in the referendum is exactly the percentage of Albanians, plus political suicides from among Slavic liberals, grant-eaters and simply unwise people who support the policy of Zoran Zayev who joined them.

Macedonians against national shame

Orthodox Macedonians, right-wing politicians and football fans of Macedonia, as they can, oppose the insane policy of pro-Westerners. But they do not have so many influential lobbyists. Their activities are not supported by Western grants aimed at “democratization of society”.

If Macedonia is renamed, a revision of the country's history will begin.

Macedonia As mentioned earlier, the country has invented a story for itself and even a language that makes it related to Ukraine. For centuries, the current territory of the country owned by the Greeks, Serbs, Bulgarian kings, Ottomans. At the end of the 19th century, almost at the same time as in Ukraine, ideologists of political Macedonian appeared on these lands. Although it would be more correct to designate a large part of the Slavic population of these regions as Bulgarians. The current famous Macedonian surnames - Peev, Zayev, Popov, Starchev, Panchev - very much resemble Bulgarian surnames. In the 20th century, surnames appeared with the end of “ski” or “wski”: Stavrevski, Shumulikoski and others, who had already adopted the Macedonian flavor. But the basis of the Macedonian language is still Bulgarian.

Creating a new national identity, the Macedonians write a new story. If Ukrainian ideologues abandoned everything Russian in their history, or Ukrainians attributed famous poets, writers, architects, and leaders of the Russian Empire and USSR, then the ideologues of Macedonia "took" the heroes of the ancient world - Philip and Alexander the Great. And along with them, the whole history of ancient Macedonia with all the conquests of Tsar Alexander the Great, as far as India. This was a stumbling block in relations with Greece, which reasonably believes that ancient Macedonia, Greek, was located on the territory of the three present Greek provinces with the names Macedonia!

While the political leaders of the countries argued and fought in the press and in the political fields, the capital of Macedonia, Skopje, was literally filled with statues of Philip, Alexander and many other heroes of antiquity. These monuments are very beautiful, monumental, which have become the hallmark of Skopje and the whole country. They are located a few hundred meters from the very bridge across Vardar, connecting the Albanian and Slavic quarters. And the Albanians have repeatedly desecrated monuments and historical memory. Once again, because in their vision in Macedonia there is another story connected with the empire of the Ottomans and the ancient Illyrians, which is disputed by many historians.

The worst thing that awaits the Macedonians, if NATO lobbyists push the idea of ​​renaming the country, is a revision of national identity. Greece requires that the monuments in Skopje and throughout the country have a postscript that these are heroes of ancient Greece. The state mythology will also crack - it turns out that both Philip and his son, the conqueror of the Universe, are not Macedonians, but “Northern Macedonians,” if they want to continue to uphold the myth that these historical figures were born and lived here.

In general, the situation for the indigenous people of the country is not seen as the most optimistic. By making concessions to other countries, the official Skopje can push the country into NATO for the sake of absolutely mythical preferences. Macedonia is one of the poorest countries in Europe, and the example of Bulgaria, but what to say - Bulgaria, Romania, Croatia, Bosnia - shows that sensual touches to the foot of Brussels did not make these countries prosperous and well fed. And Macedonia can lose both honor, and history, and national identity.

jeudi, 04 octobre 2018

After Embarrassing Defeat, NATO, EU and the West Try to Alter Reality in Macedonia

After Embarrassing Defeat, NATO, EU and the West Try to Alter Reality in Macedonia

Ex: http://www.strategic-culture.org

Although the September 30, 2018 name-change referendum in Macedonia, which was supposed to set that ex-Yugoslav federal republic on a path to (certain) NATO and (blithely promised but much less certain) EU membership, failed miserably, with only 36.91% of the voters turning out, well short of the 50% + 1 necessary for it to be valid – one would never know it from the reactions of its Western proponents and impatient beneficiaries. Indeed, a new term may be needed to adequately describe the reactions of the key pillars representing the reliquiae reliquiarum of the Western-led post-Cold War unipolar moment. Fake news simply doesn’t do them justice. Fake reality anyone?

The US State Department was firmly in denial, releasing the following statement“The United States welcomes the results of the Republic of Macedonia’s September 30 referendum, in which citizens expressed their support for NATO and European Union (EU) membership by accepting the Prespa Agreement between Macedonia and Greece. The United States strongly supports the Agreement’s full implementation, which will allow Macedonia to take its rightful place in NATO and the EU, contributing to regional stability, security, and prosperity. As Macedonia’s parliament now begins deliberation on constitutional changes, we urge leaders to rise above partisan politics and seize this historic opportunity to secure a brighter future for the country as a full participant in Western institutions.”

EU Commissioner for European Neighborhood and Enlargement Negotiations Johannes Hahn wasn’t to be outdone in his contempt for the 63% of the Macedonian “deplorables” who stayed home in order to voice their disagreement with renouncing their perceived national identity and country name (it was to become “Northern Macedonia”) in exchange for the double joy of a) becoming NATO’s cannon-fodder in its increasingly hazardous game of chicken with Russia and b) the EU’s newest debt-serfs: “Referendum in Macedonia: I congratulate those citizens who voted in today's consultative referendum and made use of their democratic freedoms. With the very significant "yes" vote, there is broad support to the #Prespa Agreement + to the country's #Euroatlantic path. I now expect all political leaders to respect this decision and take it forward with utmost responsibility and unity across party lines, in the interest of the country.” He was seconded the following day, in a joint statement, by Federica Mogherini, High Representative of the EU for Foreign Affairs and Security Policy and Vice President of the EU Commission.

Understandably, as the most direct public stakeholder, NATO Secretary General Jens Stoltenberg was particularly (hyper)active. As the disappointing results began to roll in, Stoltenberg went into immediate damage control, tweeting“I welcome the yes vote in Macedonia referendum. I urge all political leaders & parties to engage constructively & responsibly to seize this historic opportunity. #NATO’s door is open, but all national procedures have to be completed.” He reinforced his delusional missive the next day, releasing a similar statement co-signed by EU President Donald Tusk. And the day after, during a news conference, Stoltenberg even offered lightning-quick NATO accession to the unwilling Macedonians – January 2019, to be exact – if they would just be so kind as to urgently implement the very agreement that they had just so emphatically rejected. When NATO says it promotes democratic values – it means it!

But that wasn’t the end of the “democracy mongering” surrounding what may well prove to be NATO’s, the EU’s and the rest of the end-of-history West’s Balkan Waterloo. For example, the EU Parliament’s Group of the Progressive Alliance of Socialists and Democrats, although “regretting that the turnout was less than 50%,” nevertheless hailed the referendum’s results and “call(ed) on the opposition to respect the expressed will of the majority [sic] of voters.” The Group’s leader, Udo Bullmann, while also maintaining that, somehow, a voter turnout of under 37% still represented a “majority,” additionally used the occasion to chastise Macedonia’s President for having the nerve to call for a boycott of the referendum (he committed the crimethink of referring to it as “historical suicide” during his UN General Assembly address), as well as to decry – what else? – “reports about Russian interference in the electoral process.” It goes without saying that Bullmann offered absolutely zero proof for his assertion. On the other hand, according to numerous media reports, as September 30 approached, while no high Russian official was to be seen anywhere in the vicinity, a veritable procession of Western political bigwigs made the pilgrimage to Skopje in order to reveal to the natives their “true” best interests: Sebastian Kurz“Mad Dog” Mattis, the indefatigable StoltenbergFederica MogheriniJohannes HahnAngela Merkel. No meddling there, obviously…

Speaking of Angela Merkel, she also joined her fellow Western democrats’ show of unanimous disdain for the Macedonian voters’ majority opinion, urging the country to “push ahead” with the implementation of the majority-rejected accord, citing voters’ “overwhelming support” [sic], and arguing through the mouth of her spokesman that the required 50% + 1 turnout was actually “very high,” as voter registers purportedly included many people who had long since left the country.

Coincidentally (?), the same argument was used by Greek Foreign Minister Nikos Kotzias, who opined that the “yes” votes cast in the referendum do, in fact, “represent the majority despite the low turnout because Macedonia does not have the 1.8 million voters entered into its electoral rolls but just 1.2 million since 300,000 people have left the country since the voter lists were last updated 20 years ago.” The fallacy of his reality-challenged claim is easily exposed if we just take a glance at the results of Macedonia’s last parliamentary elections (December 2016), in which voter turnout was just under 1.2 million (1,191,832 to be exact) or, officially, 66.79%. If we were to believe Kotzias and Merkel (who lodged no objections at the time), that would have meant that the turnout for the 2016 elections had been 99% – a figure that would make any totalitarian dictator blush with envy. On the other hand, since those elections did produce the “desired result,” enabling the current heavily pro-NATO/EU government led by Zoran Zaev to be formed, that automatically made them “valid” in the eyes of the high priests of democracy in Brussels, Berlin, London and Washington.

Needless to say, Zaev joined his Western patrons’ charade, hailing the referendum as a “democratic success,” and announcing that he would seek the Macedonian Parliament's support to amend the constitution and get the agreement with Greece ratified (according to the so-called Prespa Agreement, the Macedonian Parliament must adopt the necessary constitutional amendments by the end of 2018) so that the Greek Parliament can do the same, which would seal the deal. However, Zaev and his Albanian political partners are currently well short of the necessary two-thirds majority (reportedly, they can count on 71 deputies, or 9 short of the needed 80), and will have to call early elections if they don’t soon succeed in securing it.

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Yet, let it not go unsaid that Zaev was singing a rather different tune prior to the referendum, assuring that “citizens will make the decision,” and that Parliament would vote on the necessary constitutional changes only if the referendum is successful. But that was then, when confidence was still high that the usual combination of Western pressure, money and overwhelming domination of the media spectrum would get the job done. And then reality struck on September 30...

Still, amidst all the faux cheer and public displays of confidence of the pro-NATO/EU crowd, a palpable sense of unease hangs in the air. As a Deutsche Welle opinion piece put it, the “low voter turnout for Macedonia's referendum is a bad starting point for the country's future development.” And, according to DW in Serbian, a Frankfurter Allgemeine Zeitung commentary warned that “politicians who otherwise ceaselessly talk of democracy as a ‘special value’ should not call on the parliament in Skopje to accept the voting results.” In other words, Macedonia’s people (read – a large majority of the majority Slavic population) have “voted with their feet” and rejected the agreement, and no new parliamentary election, no matter the results, can change that unpleasant-but-immutable fact. That alone will delegitimize any Western-led effort to “manufacture consent” by ramming the agreement through the present or future Parliament – although, as we know, NATO doesn’t put too much stock in referenda anyway, while the EU is not averse to making citizens vote as many times as needed to obtain the “right” result.

But the West has lost more than just legitimacy in Macedonia – it has damaged its reputation, perhaps irretrievably. In the words of former presidential advisor Cvetin Chilimanov, “The West has humiliated us… Macedonians have rejected this media, psychological, political and propaganda aggression against the people, and that’s the tragedy of these days, that a large percentage of a people that had been genuinely oriented towards the West has changed its mind and stopped looking at the West as something democratic, something progressive and successful… That is the reason for the boycott. Pressure was applied against Macedonia, a country that had always been open to ties with the West, but which did not want to make this disgusting compromise and humiliate itself before the neighboring countries, before Western countries. We did not understand why that humiliation was needed so that we might become a member of Europe. What’s worst, perhaps that is now the thinking of a silent majority of the people, that they won’t forget this insult and this attack on Macedonia.” 

Photo: Twitter

jeudi, 12 juillet 2018

Sommet de l’OTAN et sommet Trump/Poutine : que faut-il en penser ?

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Sommet de l’OTAN et sommet Trump/Poutine : que faut-il en penser ?

Par Robert Steuckers

Script de l'entretien d'aujourd'hui, 11 juillet 2018, accordé à Channel 5 (Moscou), sous la houlette d'Alexandra Lusnikova

Le sommet de l’OTAN qui se tient aujourd’hui, 11 juillet 2018, et se poursuivra demain à Bruxelles, aura pour point principal à son ordre du jour la volonté affichée par Donald Trump d’obtenir de ses partenaires, plutôt de ses vassaux, européens ce qu’il appelle un « Fair Share », c’est-à-dire une participation financière accrue des petites puissances européennes dans le budget de l’OTAN. Pour Trump, les pays européens consacrent trop d’argent au « welfare » et pas assez à leurs armées. C’est une antienne que l’on entend depuis belle lurette de la part de tous les ténors américains de l’atlantisme. Ceux-ci veulent que tous les pays européens consacrent au moins 2% de leur PNB à la chose militaire. Les Etats-Unis, engagés sur de multiples fronts de belligérance, consacrent 3,58% de leur PIB à leurs dépenses militaires. En Europe, la Grèce (qui craint surtout son voisin turc et doit sécuriser les îles de l’archipel égéen), le Royaume-Uni, la Pologne, l’Estonie et la Roumanie dépassent ces 2% exigés par Trump. La France consacre 1,79% à ses forces armées ; l’Allemagne 1,22%. Evidemment, ces 1,22% du PIB allemand sont largement supérieurs aux 2% consacrés par des pays moins riches. Malgré les 3,58% dépensés par les Etats-Unis,  précisons toutefois que ce budget, certes énorme, est en constante diminution depuis quelques années.

L’exigence américaine se heurte à plusieurs réalités : d’abord, les Etats-Unis ont sans cesse, depuis la création de l’OTAN, empêché les pays européens de développer leurs aviations militaires, en mettant des bâtons dans les roues de Dassault, de Saab, de Fiat, etc. et en interdisant la renaissance des usines aéronautiques allemandes. Si l’Europe avait reçu de son « suzerain » le droit de développer ses propres usines aéronautiques, ses budgets militaires, même réduits en apparence, auraient permis de consolider sérieusement ses armées, tout en créant des emplois de qualité sur le marché du travail ; ensuite, certains chiffres parlent pour eux-mêmes : si l’on additionne les budgets militaires des principales puissances européennes de l’OTAN (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne), ceux-ci dépassent de loin le budget de la Russie, posée comme « ennemi majeur ». Le bugdet de l’OTAN, Etats-Unis compris, est donc pharamineux.

Bon nombre de voix estiment que cette problématique de « Fair Share » est le rideau de fumée qui masque le problème réel: celui de la guerre commerciale larvée entre l’Europe et les Etats-Unis. Le but réel de Trump et du « Deep State » américain est de réduire les importations européennes (et chinoises) vers les Etats-Unis. Le but de Trump, louable pour un Président des Etats-Unis, est de remettre l’industrie américaine sur pied, de manière à débarrasser la société américaine des affres qu’a laissées la désindustrialisation du pays. Pour Trump, mais aussi pour ses prédécesseurs, l’UE imposerait des barrières, en dépit de ses crédos néolibéraux, qui empêcheraient les Etats-Unis d’exporter sans freins leurs produits finis en Europe, comme ils le faisaient dans les deux décennies qui ont immédiatement suivi la seconde guerre mondiale. L’UE est un problème pour l’élite financière américaine, tout simplement parce qu’elle est largement (bien qu’incomplètement) autarcique. Trump estime que, dans les relations commerciales bilatérales, les pertes américaines, par manque à gagner, s'élèveraient à 151 milliards de dollars. Le déficit commercial entre l’UE et les Etats-Unis serait actuellement de 91 milliards de dollars, au détriment de Washington.

Autre point à l’agenda : les efforts qui vont devoir, selon l’OTAN, être déployés pour que la Géorgie puisse adhérer le plus rapidement possible à l’Alliance Atlantique. Dans l’ordre du jour du sommet d’aujourd’hui et de demain, ici à Bruxelles, la question géorgienne est évidemment le thème le plus intéressant à analyser. La stratégie habituelle des puissances maritimes, l’Angleterre au 19ième siècle et puis les Etats-Unis qui prennent son relais, est de contrôler les bras de mer ou les mers intérieures qui s’enfoncent le plus profondément à l’intérieur de la masse continentale eurasienne et africaine. L’historien des stratégies navales anglaises depuis le 17ième siècle, l’Amiral américain Mahan, s’intéressait déjà à la maîtrise de la Méditerranée où l’US Navy avait commis sa première intervention contre les pirates de Tripolitaine à la fin du 18ième siècle. Halford John Mackinder retrace aussi, dans ses principaux traités de géopolitique, l’histoire de la maîtrise anglaise de la Méditerranée. Dans le cadre des accords Sykes-Picot et de la Déclaration Balfour, les Anglais protestants, en imaginant être un « peuple biblique », accordent, contre l’avis de leurs compatriotes et contemporains conservateurs, un foyer en Palestine pour les émigrants de confession mosaïque. Le but, que reconnaissait pleinement le penseur sioniste Max Nordau, était de faire de cette entité juive la gardienne surarmée du Canal de Suez au bénéfice de l’Empire britannique et de créer un Etat-tampon entre l’Egypte et l’actuelle Turquie afin que l’Empire ottoman ne se ressoude jamais. Les guerres récentes dans le Golfe Persique participent d’une même stratégie de contrôle des mers intérieures. Aujourd’hui, les événements d’Ukraine et la volonté d’inclure la Géorgie dans le dispositif de l’OTAN, visent à parachever l’œuvre de Sykes et de Balfour en installant, cette fois au fond de la Mer Noire, un Etat, militairement consolidé, à la disposition des thalassocraties. Le fond du Golfe Persique, le fond de la Méditerranée et le fond de la Mer Noire seraient ainsi tous contrôlés au bénéfice de la politique globale atlantiste, contrôle qui serait encore renforcé par quelques nouvelles bases dans la Caspienne. Je pense vraiment que ce point à l’ordre du jour est bien plus important que les débats autour du « Fair Share » et de la balance commerciale déficitaire des Etats-Unis.

Le sommet Trump-Poutine

D’après maints observateurs, le sommet prochain entre Trump et Poutine à Helsinki en Finlande aurait pour objet principal de laisser la Syrie à la Russie, après les succès de l’armée régulière syrienne sur le terrain. Reste à savoir si la Syrie, laissée à Assad, sera une Syrie tronquée ou une Syrie entière, dans ses frontières d’avant l’horrible guerre civile qu’elle a subi depuis 2011. L’objectif des Etats-Unis et d’Israël semble être de vouloir tenir l’Iran, et son satellite le Hizbollah, hors de Syrie. Poutine, apparemment, y consentirai et offre d’ores et déjà une alternative à l’Iran qui, depuis les premiers empires perses de l’antiquité, souhaite obtenir une façade sur la Méditerranée, directement ou indirectement par tribus ou mouvements religieux interposés. Poutine offre à l’Iran la possibilité d’emprunter une voie par la Caspienne (d’où l’intérêt récent des Américains à avoir des bases dans cette mer intérieure et fermée), la Volga, le Canal Volga/Don, le Don (par Rostov), la Mer d’Azov, l’isthme de Crimée et la Mer Noire. L’Iran préfère évidemment la voie directe vers la Méditerranée, celle qui passe par la Syrie et la partie chiite de l’Irak. Mais si l’Iran doit renoncer à son fer de lance qu’est le Hizbollah, les Etats-Unis devraient renoncer, en toute réciprocité, à soutenir des mouvements protestataires, souvent farfelus, en Iran.

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Deuxième condition, pour que l’éviction hors de Syrie de l’Iran soit crédible, il faudrait aussi expurger définitivement la Syrie de toutes les séquelles du djihadisme salafiste ou wahhabite. Or, on observe, ces derniers mois, que ces forces djihadistes sont alimentés voire instruites au départ de la base américaine d’al-Tanf sur la frontière syro-irakienne. Question à l’ordre du jour : les Etats-Unis vont-ils quitter cette base terrestre entre la Méditerranée et le Golfe Persique ou y rester, en tolérant des poches de résistance djihadiste qu’ils alimenteront au gré de leurs intérêts ?

L’objectif des Russes, dans le cadre syrien, est de sauver la viabilité économique du pays, de rouvrir les grands axes de communication et de soustraire définitivement ceux-ci à toute forme de guerre de basse intensité (low intensity warfare), à toute stratégie lawrencienne modernisée. Pour y parvenir, Poutine et Lavrov suggèreront sans nul doute le rétablissement d’une Syrie souveraine dans ses frontières de 2011, ce qui implique de purger le pays de toutes les formes de djihadisme, portées par les « Frères Musulmans » ou par Daesh et de prier la Turquie d’évacuer les zones qu’elle occupe au Nord du pays, le long de sa frontière. Le Hizbollah, lui, a toujours promis d’évacuer les territoires syriens où il est présent, dès que les forces djihadistes sunnito-wahhabites en auront été éliminées.

Force est de constater que le projet russe correspond certes aux intérêts traditionnels de la Russie, tsariste, soviétique ou poutinienne, mais aussi aux intérêts des puissances ouest-européennes comme la France et l’Italie et même à une puissance germano-centrée ou austro-centrée qui aurait retrouvé sa pleine souveraineté dans le centre de la presqu’île européenne.

Le volet géorgien du sommet de l’OTAN et les futurs échanges sur la Syrie et la présence iranienne en Syrie, entre Trump et Poutine, me paraissent les enjeux les plus intéressants de l’actualité qui se fait et se fera, aujourd’hui et demain, ici à Bruxelles.

Robert Steuckers, Bruxelles, 11 juillet 2018.

mardi, 03 juillet 2018

Lavrov : les activités de l’OTAN en Libye sont responsables de la crise des migrants

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Lavrov : les activités de l’OTAN en Libye sont responsables de la crise des migrants

Moscou: On pourrait dire que c’est de l’humour noir emballé en une langage diplomatique: le ministre russe des affaires étrangères Lavrov a commenté les résultats du dernier sommet européen sur les migrations. Il en a profité pour souligner la responsabilité de l’OTAN pour l’interminable crise des migrants. L’Union Européenne doit désormais subir les conséquences des anciennes activités de l’OTAN en Libye car telle est bien l’origine de la crise des migrants. L’Alliance atlantique est responsable du désastre car la Libye est devenue « en pratique, le principal pays de transit des immigrants illégaux ».

Voici, littéralement, ce que Lavrov a dit lors d’un entretien accordé à la chaîne britannique Channel 4 : « Ce que j’ai constaté en analysant les dernières délibérations de l’UE sur les migrations m’a amené à réfléchir sur le rôle de l’UE et de l’OTAN. L’OTAN a bombardé la Libye et a transformé ce pays en un trou noir par lequel des flots d’immigrants illégaux pénètrent en Europe. L’UE essaie maintenant de limiter les dégâts que l’Alliance atlantique a commis ».

Les forces de sécurité russes, elles, agissent en Syrie à l’invitation du gouvernement légitime, reconnu par la communauté internationale, a rappelé Lavrov.

Ex : http://www.zuerst.de

vendredi, 23 mars 2018

L'Allemagne retrouve la voie de l'atlantisme

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L'Allemagne retrouve la voie de l'atlantisme

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le nouveau ministre des Affaires Etrangères allemand, Heiko Mass (SPD) a revendiqué dans son allocution d'ouverture le 14 mars une continuité avec ses prédécesseurs Frank-Walter Steinmeier et Sigmar Gabriel, ceci dans la volonté de doter l'Allemagne d'une politique étrangère indépendante et forte, en participation avec celle des autres pays européens.

Il s'agira en particulier, selon lui, de contribuer à la construction dans l'Union européenne d'une politique étrangère et d'une politique de défense et de sécurité (sous entendu, qui lui manquent encore). L'Allemagne demandera un siège non permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU. Elle devra se préparer à des décisions énergiques.

Sans le dire ouvertement, il veillera à construire une force militaire allemande plus efficace que celle dont l'Allemagne dispose actuellement, ce que la Chancelière s'était jusqu'ici pratiquement refusée à faire.

Ceci est bel et bon. Mais contrairement à son prédécesseur Sigmar Gabriel, il a multiplié les accusations à l'égard de la Russie, accusée d'avoir « annexé » la Crimée et de mener une politique hostile à l'Ukraine. Sigmar Gabriel avait plaidé pour une levée des « sanctions » américaines contre la Russie. Dans la crise ukrainienne, au contraire, Heiko Maas a réaffirme la nécessité pour l'Allemagne d'agir en accord, non seulement avec ses alliés européens, mais avec les Etats-Unis.

Dans l'affaire Skripal, il a manifesté la volonté de collaborer avec le gouvernement britannique pour demander à Moscou d'apporter la preuve de sa non-responsabilité. A défaut, son refus ne « sera pas sans conséquences ».

Il faut retenir de ces déclarations d'intentions que Berlin ré-endossera la politique qui était la sienne depuis 4 ans, consistant à prendre ses instructions, via l'Otan ou directement, auprès de l' « allié américain ». Contrairement à ce que souhaite semble-t-il une partie du patronat allemand soucieux d'avoir avec la Russie des relations normales, non pénalisées par les « sanctions », Heiko Mass retrouve tous les accents de la guerre froide. Ce sera aussi sans doute la position du nouveau gouvernement de coalition.

L'Allemagne ce faisant, comme la France son principal allié, renoncera à se déterminer en grande puissance indépendante entre les Etats-Unis et la Russie. Elle retombera sous le contrôle d'une Amérique voulant garder son monopole de décision dans un monde dont Washington refusera longtemps encore de reconnaître la multipolarité.

Heiko Mass https://fr.wikipedia.org/wiki/Heiko_Maas

 

 

vendredi, 16 mars 2018

Russie-OTAN: la fin du temps de latence

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Russie-OTAN: la fin du temps de latence

Fernand Le Pic

Ex: https://metamag.fr

La Russie a annoncé au monde qu’elle disposait d’armes qu’aucune armée du monde ne pouvait contrer. Face à cette information qui signifie un tournant géostratégique considérable, nos responsables politiques et médiatiques se taisent ou se gaussent. Est-ce bien raisonnable?

Lors de son allocution annuelle devant le parlement fédéral russe du 1er mars dernier, le Président Vladimir Poutine a donc présenté de nouveaux types d’armements stratégiques, produits par les ingénieurs de son pays. Qu’ils soient destinés à se mouvoir dans l’atmosphère, à travers l’espace ou sous les mers, leurs performances sont hors normes: vitesse hypersonique, allant pour certaines jusqu’à 20 fois la vitesse du son, portée illimitée grâce à des propulseurs nucléaires miniaturisés, hypermaniabilité, furtivité, etc.

De quoi rendre inopérants tous les systèmes de défense antimissiles en fonction à ce jour, en particulier américains. Le message est très clair: non seulement les Russes ont pris une longueur d’avance technologique sur les États-Unis, mais leurs armes ont des capacités offensives qui ne permettront pas à Washington de les parer en cas de guerre. Et pour bien marquer les esprits, Vladimir Poutine a fait projeter une animation dans laquelle une volée de ses missiles s’abat sur la Floride, et pas n’importe où. La cible qu’on y distingue très clairement se situe dans la région de Tampa, où sont installés plusieurs centres névralgiques vitaux du complexe militaire américain, tous regroupés sur la base aérienne de MacDill. Il s’agit en particulier du quartier général du CENTCOM (Commandement de la «région Centre»), c’est-à-dire l’état-major interarmes conduisant à distance les opérations militaires du grand Moyen-Orient. La zone en question s’étend, au sud, de l’Égypte au Kenya, et remonte en diagonale vers le nord jusqu’au Kazakhstan, c’est-à-dire aux frontières de la Russie. Elle inclut les théâtres des guerres ouvertes du moment au Yémen, en Syrie, en Irak et en Afghanistan, outre l’Iran et le Pakistan. Plus de 510 millions de personnes y vivent, réparties dans 20 pays, à la merci d’un ordre létal donné, demain, par le général quatre étoiles Joseph Votel, grand chef de ce CENTCOM. Celui-là même que le président turc Erdoğan avait accusé d’avoir soutenu le putsch avorté contre lui en 2016.

MacDill abrite aussi le quartier général du Commandement des opérations spéciales des États-Unis (SOCOM) ainsi que le commandement central du Corps des Marines (COMUSMARCENT), outre une vingtaine d’autres unités allant de la cyberguerre aux prestations médicales, en passant par le génie civil et la gestion mondiale des carburants de l’US Air Force.

Un chakra militaire anéanti

Si ce véritable chakra militaire est présenté aussi ouvertement comme une cible acquise, il y a fort à parier que ce n’est pas du bluff. D’autant que Vladimir Poutine l’a dit mot pour mot, s’adressant directement aux États-Unis et à tous ses affidés: «Ce que je dis n’est pas du bluff, croyez-le, réfléchissez bien maintenant, cessez de perdre votre temps». Lui qui est si peu disert, surtout en matière militaire, ne mériterait-il pas d’être pris au mot? En ce 1er mars 2018, non seulement il expose mais il tance: «Personne ne voulait nous parler sur le fond, personne ne voulait nous écouter. Maintenant, vous allez nous écouter!»

S’il dit vrai, si véritablement son armement de nouvelle génération est «unique au monde et n’est égalé par nul autre», son discours ne marquerait-il pas un tournant historique dans les rapports de forces géostratégiques? N’est-ce pas l’annonce officielle de la fin du temps de latence post soviétique?

Si tel est le cas, comment peut-on s’expliquer le silence assourdissant des chefs d’État occidentaux ? Angela Merkel est la seule à s’être fendue d’un communiqué laconique, relatant sa brève conversation téléphonique (sur écoute de la NSA) avec Donald Trump, au cours de laquelle ils se seraient simplement dits «inquiets».

Inquiets de quoi ? D’une attaque des Russes? Poutine a répété des centaines de fois et encore dans ce discours, qu’il ne prendrait aucune initiative offensive. Inquiets d’une contre-attaque des Russes alors ? Mais dans ce cas, qui les aurait attaqués en premier ? Les Américains seuls ou accompagnés d’une nouvelle grande armada de la « Communauté internationale » ? Mais quel résidu d’information tronquée le peuple aurait-il encore le droit de glaner à partir de cette énigmatique «inquiétude»?  N’est-ce pas le rôle de la presse d’aider le bon peuple à en demander des comptes précis à ses princes?

Quant à Emmanuel Macron, on aura beau chercher dans les communiqués officiels de l’Élysée: nada, rien, walou! Pas une ligne sur le discours de Moscou. Certes, Macron a bien eu, lui aussi, sa conversation téléphonique sur écoute avec Trump, mais pour évoquer la Syrie et le sort des Casques blancs, pas officiellement pour parler du discours de Poutine. Évoquer une telle «inquiétude» de la bouche de son président, serait-il déjà trop risqué pour la France? Serait-elle en passe de glisser en chambre de réveil, cette France depuis trop longtemps comateuse? Quant aux autres chefs d’État européens, idem: silence radio absolu. Pourtant, ils ne se privent pas d’entraîner leurs pilotes d’élite à des attaques nucléaires aériennes tactiques contre la Russie. Nom de code de ces exercices de fin du monde: «Steadfast Noon». Le dernier a eu lieu en octobre 2017. Y batifolèrent les forces aériennes stratégiques belges (depuis la base de Kleine Brogel), allemandes (depuis la base de Büchel, où sont justement stockées les bombes nucléaires tactiques américaines B61), italiennes, hollandaises et bien sûr américaines. On y a même aperçu des Gripen tchèques et des F-16 polonais.

L’indice d’une guerre nucléaire de basse intensité

Et si c’était justement cela, l’immonde cachotterie: une attaque nucléaire tactique de faible puissance, histoire de contaminer un no-man’s land, de débiter de fines cicatrices radioactives et bien infranchissables pour quelques siècles, dans le Donbass ou mieux, en Syrie ? Tiens donc ! C’est justement contre cela que Poutine a le plus sérieusement mis en garde l’Occident: si une attaque nucléaire, même de très faible intensité, devait se produire contre un allié de la Russie, cela équivaudrait à une attaque nucléaire de pleine capacité contre la Russie elle-même et se traduirait par une riposte nucléaire immédiate. Voilà qui n’est pas rien, au moment même où le président de la Russie affirme que ses armes atteindront leur cible, ce qu’en fait on savait déjà.

Eh oui, la Russie dispose de missiles hypersoniques opérationnels depuis 1997, les Topol-M. Leur dernière version trace déjà à 26 400 km/h ! Les États-Unis ont bien tenté de développer des systèmes d’interception, comme le Ground-Based Midcourse Defense (GMD), censé intercepter ces missiles à mi-parcours depuis l’Alaska et la Californie. Mais ce joujou à plus de 40 milliards de dollars est loin d’être efficace. Il n’est équipé à ce jour que d’une quarantaine d’intercepteurs et leur taux de réussite est de 25 %. Autrement dit, il faut quatre intercepteurs pour un missile balistique russe (ou chinois). Par conséquent, la capacité réelle d’interception du GMD se limite à 11 missiles balistiques tirés sur les États-Unis. Or la Russie en possède plus de mille. Les États-Unis ne résisteraient donc pas à un tir de barrage. Et voici à présent que Poutine leur assène qu’avec un seul de ses nouveaux engins, par exemple le RS-28 Sarmat, il peut atteindre le même résultat: passer et toucher.

De tout cela n’a émergé aucun débat public, aucune interpellation parlementaire, aucune demande de reddition de comptes sur les projets morbides des généraux américains et otaniens, tous plus étoilés les uns que les autres. Quant à accepter l’invitation de Poutine à négocier d’une nouvelle configuration sécuritaire, économique et culturelle pour l’humanité: vous n’y pensez pas, ma bonne dame!

On se contente de persifler, de réduire cette allocution d’une importance capitale à de la propagande électorale en vue du scrutin présidentiel russe du 18 mars prochain, pourtant joué d’avance. On badine avec des analyses sémantiques d’entomologistes pour y trouver le sédiment d’un fond nostalgique soviétisant. Et si nécessaire, on organisera des effets de contre-annonce du type longueur de jupe de Madame Macron®, héritage de Johnny ou promenade à dos d’éléphant au pays des Maharajas. Au pire, une catastrophe naturelle, un attentat ou une chute boursière feront l’affaire.

Source : Antipresse

dimanche, 11 mars 2018

Ukraine : l’OTAN joue avec le feu en proposant un statut d’adhésion

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Ukraine : l’OTAN joue avec le feu en proposant un statut d’adhésion

Bruxelles/Kiev. L’OTAN joue manifestement avec le feu et ignore ainsi les positions officielles des Européens. Désormais, l’Ukraine a reçu officiellement le statut d’un candidat à l’adhésion à l’OTAN, comme vient de le déclarer la représentante de la présidence du Parlement ukrainien, Irina Gerajtchenko samedi dernier par Twitter.

Ses mots étaient les suivants : « C’est très important. L’OTAN reconnait le statut de l’Ukraine en tant qu’aspirante à l’adhésion ! Pas à pas, nous nous rapprochons d’une adhésion pleine et entière à l’Alliance ».

Le service de presse de l’OTAN, toutefois, ne confirme qu’une chose : actuellement, quatre pays partenaires ont déclaré vouloir adhérer à l’alliance militaire occidentale : la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Macédoine et l’Ukraine.

Finalement, la vice-présidente du Parlement ukrainien, Irina Gerajtchenko, n’a pu dire qu’une chose, quand on lui a demandé de préciser sa pensée : la vice-premier ministre ukrainienne Iwanna Klimpusch-Zinzadse a rencontré la représentante du secrétaire général de l’OTAN, Rose Gottemoeller pour discuter du statut d’adhésion de l’Ukraine.

Cette démarche, s’il elle s’avère vraie, est une surprise. Car, encore à la fin du mois de septembre 2017, l’envoyé spécial américain pour l’Ukraine, Kurt Volker, avait déclaré que Kiev n’était pas encore prête à adhérer à l’OTAN. Le chef de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait, lui aussi, déclaré le 29 août, que l’Ukraine n’avait rien à voir avec l’Union Européenne ni avec l’OTAN. En dépit de ces paroles de Volker et de Juncker, la nouvelle doctrine militaire de l’Ukraine prévoit que les équipements des forces armées ukrainiennes devront être entièrement compatibles avec ceux de l’OTAN d’ici à l’année 2020. En décembre 2015, le Président ukrainien Porochenko avait signé à Bruxelles une « feuille de route » pour une coopération technique et militaire entre l’Ukraine et l’OTAN. Tout cela n’impliquait pas encore une adhésion pleine et entière à l’OTAN.

(article traduit de http://www.zuerst.de )

vendredi, 09 mars 2018

Osteuropa: Wiederbelebung antirussischer Allianz

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Osteuropa: Wiederbelebung antirussischer Allianz
 
Die Ukraine, Moldau und Georgien beleben mit US-Unterstützung die "GUAM"-Allianz neu. Hauptfeind: Russland.

Von Marco Maier

Ex: https://www.contra-magazin.com

Ursprünglich umfasste der sogenannte "GUAM"-Block (GUAM Organization for Democracy and Economic Development) die Länder Georgien, Ukraine, Aserbaidschan und Moldau. Doch nach der Wiederbelebung durch die anderen Mitglieder (infolge der Unterstützung durch die USA) teilte Aserbaidschan mit, man wolle an der Konferenz "Georgien, Moldau und Ukraine: Östliche Partnerschaft und aktuelle Sicherheitsherausfoderungen" in der moldauischen Hauptstadt Chisinau (die am 2. März abgehalten wurde) nicht teilnehmen, da man sich an der klar antirussischen Agenda nicht beteiligen werde.

Das störte die Oligarchen-Regierungen der anderen Länder jedoch herzlich wenig. Da unter den 150 Teilnehmern der Konferenz auch US-Kongressabgeordnete und Vertreter der neokonservativen Denkfabrik "Atlantic Council" waren, die keine Gelegenheit auslassen antirussische Ressentiments zu schüren, verkauften diese eben gerne ihre Seele. Wenn man sich nur laut und energisch genug gegen Russland stellt, sind Gelder und sonstige Hilfen aus dem Westen sicher. Nicht umsonst ging man im Jahr 2014 dazu über, nicht mehr Russisch als offizielle Arbeitssprache zu verwenden, sondern Englisch.

Für Washington ist das "GUAM-Revival" eine perfekte Möglichkeit, eine militärische Parallelstruktur zur NATO in der Region zu etablieren. Da die Statuten des westlichen Kriegsbündnisses es verbieten, Länder mit laufenden militärischen Konflikten aufzunehmen, können die Ukraine, Moldau und Georgien nicht der NATO beitreten. Aber sie können eben ein eigenes von der NATO unterstütztes Bündnis schließen, welches ebenfalls gegen Russland gerichtet ist.

Eric Zuesse fasste das Ganze perfekt zusammen: "Was bringt sie zusammen? Alle drei Staaten werden von Oligarchen regiert die Reformen blockieren. Mit ihren Volkswirtschaften in großen Schwierigkeiten, versprechen die regierenden Eliten ihren Völkern das Paradies, wenn sie der EU und der NATO beitreten und gute Freunde der Vereinigten Staaten werden. Die Übernahme einer Anti-Russland-Politik ist ihre Bezahlung für westliche Hilfe und Unterstützung. Ihre eigenen nationalen Interessen und ihre Souveränität werden gegen Krümel ausgetauscht, die vom Tisch des Herren herunterfallen."

mardi, 06 mars 2018

Vente de Rafale bloquée: la France subit (encore une fois) la loi américaine

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Vente de Rafale bloquée: la France subit (encore une fois) la loi américaine

Ex: http://www.katehon.com/fr

LE CERCLE/POINT DE VUE - Washington s'appuie sur une réglementation locale sur la vente d'armes pour freiner la vente de Rafale supplémentaires à l'Egypte.

Le succès commercial du Rafale en Egypte, en 2015, présageait un avenir (enfin) souriant pour l’avion de combat français de Dassault. C’était sans compter sur la réaction américaine. Les négociations pour la vente de Rafale supplémentaires entre la France et l'Egypte sont freinées par Washington, indiquait «La Tribune», la semaine dernière. Les Etats-Unis refusent en effet l'exportation d'un composant américain.

La pièce en question ? Une petite puce électronique «made in USA» présentes dans les missiles de croisière Scalp, eux-mêmes fabriqués par l'entreprise européenne MBDA, filiale commune d'Aribus, de BAE Systems et de Leonardo. Washington, s'appuie sur une réglementation américaine - la norme Itar (International traffic in arms regulations) sur les ventes d'armes - pour bloquer l'exportation et, in fine, la vente des Rafale. 

Guerre économique

Cette affaire est une nouvelle illustration de l’extraterritorialité des lois américaines qui ont déjà fait ployer quelques-uns des plus grands groupes européens. Souci, le nouveau locataire de la Maison-Blanche semble plus difficile encore à amadouer que son prédécesseur Barack Obama.

La politique juridique extérieure américaine se fait plus menaçante. Certains observateurs y voient l’incarnation d’un des piliers de la guerre économique dont Donald Trump ne fait aucun mystère. La norme Itar n’est en rien utilisée ici pour prévenir ou sanctionner une quelconque fraude, mais pour protéger un intérêt américain. Le caractère légal de l’opération est parfaitement respecté.

Pour en sortir, soit MBDA change les composants incriminés au profit de produits 100 % européens, soit un accord est trouvé entre autorités françaises et américaines comme ce fut le cas pour la vente de deux satellites aux Émirats Arabes Unis en 2014. François Hollande, l'ancien président français, avait dû aller rencontrer son homologue pour débloquer la crise. La prochaine visite d’Emmanuel Macron aux États-Unis, en avril prochain, pourrait voir ce dossier ajouté à l’ordre du jour.

Une extraterritorialité des lois redoutable

La question de l’extraterritorialité des lois américaines reste entière puisqu’à chaque manifestation, elle oblige le président français à devoir entamer des discussions qui confinent plus ou moins à devoir courber l’échine. Il faut reconnaître à cette mécanique une efficacité absolue puisqu’elle revient, sous le prétexte d’une régulation économique visant à prévenir les fraudes, à arbitrer le droit du commerce international avec comme seul prisme l’intérêt américain.

Car le juge ne sera jamais saisi, aucune incrimination pénale ne sera jamais utilisée ! En l’occurrence, il n’y a pas le plus petit tracas juridique, mais seulement la présence d’un composant américain qui justifie qu’ils donnent leur avis.

L’efficience est telle qu’elle ne repose sur aucun principe, sur aucune règle juridique. Les États-Unis se reconnaissent simplement le droit de contrôle de toutes les opérations dans lesquelles un élément de rattachement à leur droit aussi infime – pour ne pas dire discutable – que l’utilisation de leur monnaie ou d’un trombone.

Le terrain judiciaire n’a jamais été exploré par crainte pour les groupes visés de se voir boycotter en plus d’être déjà sanctionnés financièrement. Leur pusillanimité se comprend quand on examine les maigres chances de succès d’une action devant la Cour suprême des États-Unis.

Nécessaire réaction européenne

Reste à l’Europe à se doter des mêmes armes. Une réforme de la loi de blocage, sur le modèle de la Fema canadienne qui interdit aux entreprises de répondre aux injonctions de quelque nature qu’elles puissent, être pourrait étoffer intelligemment notre droit et donner aux entreprises françaises une protection utile en sus de constituer un signal politique fort. La Commission européenne pourrait également poursuivre ses enquêtes dirigées vers les grands groupes américains, à commencer par Google.

Au-delà, l’Europe pourrait, elle aussi, se doter d’une politique juridique extérieure en exerçant un droit de régulation sur toutes les opérations utilisant l’euro ou un quelconque autre critère de rattachement. Rien n’est plus simple puisque les scrupules juridiques sont remisés au profit d’une vision «normalisée» du commerce, chacun créant ses normes au gré de ses besoins.

Source : Les Echos.fr