« Il y a plusieurs sortes d’intelligences dont la bêtise n’est pas la moindre».
Thomas Mann.
Le président Emmanuel Macron a inauguré le 27 Août à Paris la XXVIe conférence des Ambassadeurs de France, deuxième exercice du genre depuis son élection à la magistrature suprême, en 2017. Retour sur le fiasco diplomatique français à l’arrière plan des objectifs inavoués de la diplomatie française sous la mandature Macron.
Sauvé par le gong
Sauvé par le gong. Pour paradoxal que cela puisse paraître, Emmanuel Macron est redevable de sa nouvelle visibilité internationale à Vladimir Poutine, si pourtant vilipendé par la presse française, en ce que la lune de miel entre Jupiter de France et le gougnafier de l’immobilier américain a tourné en lune de fiel.
Diner privé à la résidence de George Washington, le père de la nation américaine, discours devant le Congrès, pichenette pelliculaire sur l’épaule du président français, accolades, embrassades, poilade et fortes empoignades… Tout un tralala et patati et patata. Et puis patatras.
Certes, Vladimir Poutine, ainsi que se gaussaient les éditocrates français, éprouvait un besoin pressant de sortir de son isolement et d’alléger la Russie des sanctions économiques qui la frappaient du fait de son annexion de la Crimée et de son soutien victorieux à la Syrie. En un parfait synchronisme, la caste intellectuelle française, symptomatiquement, donnait d’ailleurs de la voix pour freiner une orientation dictée impérativement par le principe de réalité et le désastre français en Syrie, en mettant en garde contre une « alliance qui serait contraire aux intérêts de la France».
Cf à ce propos la tribune co-signée par les pontifiants Nicolas Tenzer, Olivier Schmitt et Nicolas Hénin.
C’était sans compter sur le rebond du prix du pétrole (80 dollars le baril) qui a donné une bouffée d’oxygène au trésor russe. C’était sans compter aussi sur l’unilatéralisme forcené du plus xénophobe président de l’histoire américaine qui a eu raison de la belle complicité entre deux présidents si antinomiques.
La pêche aux voix, à six mois des élections américaines du mid term (mi mandat), cruciales pour le locataire de la Maison Blanche, a terrassé la belle amitié entre la grande démocratie américaine et la « Patrie de Lafayette». En état de lévitation, Emmanuel Macron s’est retrouvé subitement en suspension devant un vide abyssal avec pour unique perspective la risée universelle.
Tuile supplémentaire, l’euphorie du Mundial 2018 dont il espérait un rebond de popularité a tourné court, phagocytée par la ténébreuse « affaire Alexandre Benhalla », dont les basses oeuvres élyséennes ont révélé la face hideuse du macronisme.
Dans l’allégresse de son élection, le président français fraichement élu avait pourtant brocardé son hôte russe, en juin 2017, dans le majestueux site du Château de Versailles, ironisant sur le travail de propagande des médias russes. Le lancement de la version française de Russia Today avait d’ailleurs donné lieu à un concert d’indignation invraisemblable de la part d’une caste journalistique qui émarge peu ou prou sur des budgets du grand capital ou des budgets publics de l’audiovisuel français, dont la quasi totalité des grands vecteurs relève d’ailleurs du service public, comme en témoigne cette liste non exhaustive (France télévision, Radio France, France 24, RFI, RFO, TV5 CFI), alors que la presse écrite est sous contrôle des conglomérats du grand capital adossés aux marchés publics de l’état (le Monde du trio BNP (Berger, Niel Pigasse), le Figaro (Dassault, aviation), Libération-l’Express (Patrick Drahi, téléphonie mobile), le Point (François Pinault), Les Echos (Bernard Arnault), le Groupe Canal + (Vincent Bolloré, le prospecteur d’une Afrique qui n’est « pas encore entrée dans l’histoire », selon l’expression de l’hôte de son yacht, Nicolas Sarkozy).
Ci joint un échantillon de la prose développée lors du lancement de RT
Sauf que la diplomatie russe s’inscrit dans la durée et le long terme et que Vladimir Poutine a survécu à quatre présidents français (Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron). De surcroît, le pardon des offenses est la marque des grands hommes.
Un an plus tard, dans un retournement de situation rare dans l’histoire, l’hôte russe brocardé a entrepris de renflouer le novice, dans un geste d’une élégance qui constitue la marque de l’assurance.
La scène, raffinement suprême, s’est déroulée devant le plan d’eau du non moins majestueux site du palais des Tsars à Saint Petersbourg, l’équivalent russe de Versailles.
Un repêchage juste au dessus de la ligne de flottaison. Car entre la Russie et la France, il existe une différence d’échelle. Celle qui distingue une puissance planétaire souveraine, d‘un sous traitant des États-Unis dans ses anciennes zones d’influence en Afrique et au Moyen Orient quand bien même il se situe au 2e rang mondial de par son domaine maritime de l’ordre de 10 millions de Km2. Suprême humiliation, le plus ancien allié des États-Unis se retrouve à la merci de ses sanctions économiques.
Dans l‘ordre symbolique, la différence d’échelle trouve d’ailleurs son illustration la plus concrète dans celle qui distingue un des grands diplomates de l’époque contemporaine, d’un bureaucrate poussif et sans relief… Entre l’impassible et inamovible russe Serguei Lavrov, en poste depuis 2004, et son homologue français Jean Yves Le Drian, y’a pas en effet photo. Deux des prédécesseurs du français, Alain Juppé et Laurent Fabius, projetés sur le tatami par le russe, peuvent en témoigner.
Sur ce lien, le traitement énergisant réservé par Sergeuï Lavrov à Alain Juppé et Laurent Fabius :
L’erreur d’Emmanuel Macron, voire son malheur, aura été son absence d’empathie cognitive pour la quasi totalité des protagonistes des conflits du Moyen orient et son étonnant alignement sur un atlantisme exacerbé, alors que ce pur produit de l’intelligentzia française aurait dû pourtant se livrer à cet exercice qui consiste à se mettre intellectuellement à la place de l’autre pour comprendre les enjeux. Cela lui aurait épargné les avanies, alors qu’il se savait héritier d’une décennie diplomatique calamiteuse, du fait d’une double mandature présidentielle chaotique du post gaulliste Nicolas Sarkozy et du socialo motoriste François Hollande.
Un Moyen Orient sous la coupe atomique d’Israël
Dans son discours prononcé mercredi 24 avril 2018 devant le Congrès américain, M. Emmanuel Macron se proposait d’aménager un Moyen orient placé sous la coupe atomique d’Israël. « L’Iran n’aura jamais d’arme nucléaire. Ni maintenant, ni dans cinq ans, ni dans dix ans », a déclaré le président français, s’engageant en outre à réduire la capacité balistique de la République islamique iranienne de même que son influence régionale au Yémen, en Irak et au Liban, sans accompagner cet engagement d’une mesure de réciprocité concernant le désarmement nucléaire d’Israël.
Dindon de la farce, Emmanuel Macron a dû donner un violent coup de barre à sa politique moins d’un mois après sa profession de foi pour éviter le ridicule, en ce que l’idylle Macron-Trump tant célébrée par la presse française a finalement débouché sur une fracture transatlantique sur fond d’une guerre commerciale potentielle des États-Unis contre l’Union Européenne du fait du retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien.
Pis, le sommet du G7, le 10 juin 2018, a viré lui aussi au fiasco avec un tweet rageur de Donald Trump qui a complètement torpillé l’accord final. Avec dédain, la Russie a d’ailleurs refusé de réintégrer le barnum occidental préférant se tenir à distance du capharnaüm, qui s’est déroulé en toile de fond du sommet tripartite de Shanghai (Chine, Russie, Iran). Anormalement négligé par la presse occidentale, ce sommet, tenu le même jour que le G7, a mis au point la stratégie de riposte de l’axe de la contestation à l’hégémonie atlantiste, par un soutien multiforme à l’Iran.
Au delà du psychodrame occidental, la posture diplomatique de Jupiter de France a ainsi révélé les objectifs inavoués de la diplomatie française sous sa mandature: Un Moyen orient dénucléarisé, à faible capacité balistique iranienne, placé sous la coupe atomique d’Israël. Un pays qui dispose pourtant d’un arsenal de près de deux cents ogives à charge nucléaire, soustrait à tout contrôle international. Mais ce fait là, le petit génie de la vie politique française feint de l’ignorer.
Le strabisme divergent d’Emmanuel Macron
La sécurisation d’Israël ne saurait se traduire par une soumission permanente à la terreur atomique israélienne de l‘Asie occidentale, zone intermédiaire entre l’OTAN (Atlantique Nord) et l’OTASE (Asie du Sud Est), deux pactes militaires de l’Occident qui enserrent la Zone. Ni sa sanctuarisation par une dépossession de la Palestine.
Atteint de strabisme divergent, ce président d’un pays qui a coprésidé au découpage du Moyen orient en application des accords Sykes Picot, a invité l’Iran à ne pas déployer une position hégémonique au Moyen Orient, sans mentionner là aussi, ni le rôle de l’Otan, ni celui des États-Unis, pas plus celui d’Israël, voire même de la France et du Royaume Uni, encore moins le terrorisme islamique d’inspiration wahhabite. Un rare cas de stratégie surréaliste.
La posture macronienne relève de l’outrecuidance d’un pays, pourtant un des grands pollueurs atomiques de la planète, équipementier du centre atomique de Dimona (Israël), de l’Afrique du sud du temps de l’Apartheid et de l’Iran impériale via le consortium Eurodif, par ailleurs co-belligérant d’Israël contre l’Egypte (Suez 1956), de l’Irak contre l’Iran (1979-1989) et des Etats Unis et du Royaume Uni contre la Syrie (2018).
Pour aller plus loin sur la coopération nucléaire franco israélienne, ce lien :
Sur le potentiel nucléaire israélien :
Et sur la politique arabe de la France, ce lien :
L’outrecuidance macronienne s’était déjà illustrée dans ses fausses prévisions présidentielles sur l’annonce de la fin de la guerre anti Daech en Syrie, prévue, selon lui, pour fin février 2018, et la reprise de contact avec le pouvoir syrien. Contredite dans les faits, cette prédiction surprenante a révélé rétrospectivement l’amateurisme de ce président inexpérimenté dans les affaires internationales.
Il en a été de même sur le plan européen où la formation en Italie d’un gouvernement populiste, comportant plusieurs ministres ouvertement eurosceptiques, est venu porter un coup d’arrêt aux ambitions européennes du lauréat du Prix Charlemagne 2018.
L’exigence française de désarmer les formations para militaires chiites, -le Hezbollah libanais et le Hached Al Chaabi irakien (la Mobilisation Populaire)-, mais non les Peshmergas kurdes d’Irak, de même que les manigances françaises visant à démembrer la Syrie via la création d’une entité autonome kurde dans le nord du pays, relèvent de ce même dessein.
Toutefois, la décision de 70 tribus arabes de la riche plaine centrale de la Syrie de déclarer une guerre de guérilla contre la présence des « envahisseurs américains, français et turcs », le 1er juin 2018, pourrait refroidir quelque peu les ardeurs belliqueuses d’Emmanuel Macron, faisant resurgir le cauchemar de Beyrouth, avec l’assassinat de l’ambassadeur de France Louis Delamare, et le double attentat contre l’ambassade de France dans la capitale libanaise et le PC du contingent français de la force multinationale occidentale, en 1983 et 1984.
Un Maître espion « représentant personnel du président Macron pour la Syrie »
Luxe de sophistication qui masque mal un rétropédalage discret, Emmanuel Macron a nommé le 27 juin François Sénémaud, ancien directeur du renseignement à la DGSE, « représentant personnel du président de la République pour la Syrie». Cette astuce diplomatique devrait permettre au président français de contourner l’épineux problème de l’ambassade française à Damas, fermée sur ordre d’Alain Juppé, en mars 2012 et de lui éviter de désavouer ainsi publiquement ses deux prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande
L’absence d’affectation territoriale du représentant français en Syrie pourrait constituer l’indice d’un timide dégagement de la France de l’opposition of shore syrienne pétromonarchique, en pleine débandade, en ce que « le représentant personnel du Président de la République pour la Syrie » pourrait l’habiliter à des contacts avec le pouvoir syrien en raison de son affectation fonctionnelle de sa mission « pour la Syrie».
Autrement dit, permettre au grand espion français de grappiller à Genève ou à Astana quelques miettes d’informations et oeuvrer ainsi en coulisses pour tenter une reprise progressive des relations diplomatiques entre les deux pays. Un exercice hautement aléatoire, tant la méfiance est grande du pouvoir syrien à l’égard de Paris.
Dans le même ordre d’idées, le double triomphe électoral des formations chiites, tant au Liban qu’en Irak, au printemps 2018, et le revers corrélatif de son protégé libanais Saad Hariri, ont retenti comme des camouflets majeurs de ce novice français et vraisemblablement douché ses ardeurs.
L’exigence du désarmement du Hezbollah libanais a coïncidé avec la décision du trésor américain de placer sur la « liste noire du terrorisme » Hassan Nasrallah et le conseil de gouvernance de sa formation en vue d’entraver la formation du nouveau gouvernement libanais post élections, à tout le moins de dissuader le rescapé Saad Hariri de toute coopération future avec la formation chiite, dont les états de service en Syrie ont largement contribué à renverser le cours de la guerre.
La liste a été établie le 16 mai 2018 au lendemain du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem et du carnage israélien impuni de Gaza, en concertation avec les pétromonarchies suivantes : l’Arabie Saoudite, Bahreïn, Les Emirats Arabes Unis, Qatar et le Sultanat d’Oman. Des états satellites de l’Amérique, réputés pour leur grande probité politique et leur pacifisme déclaré.
Au delà des apparences, le ciblage de l’Iran et du Hezbollah libanais figuraient en filigrane dans le projet diplomatique d’Emmanuel Macron comme en témoigne la structure diplomatique mise en place à son accession au pouvoir.
Cf sur ce lien le dispositif diplomatique présidentiel
L’instrumentalisation de l’histoire de France au prétexte des turpitudes de la collaboration vichyste
Que de surcroît le terme « Palestine » ait été complètement gommé de son discours américain, alors qu’Israël se refuse à la constitution d’une commission d’enquête internationale sur le carnage qu’il a commis à Gaza depuis le 30 Mars 2018, soit au total 97 tués et près de quatre mille blessés, confirme son extrême mansuétude à l’égard de l’état hébreu, de même que pour le Royaume saoudien, ordonnateur d’un massacre à huis clos du peuple yéménite.
La France macronienne mettra toutefois un bémol à son tropisme israélien lors du nouveau carnage israélien, le 14 Mai 2018, reconnaissant le droit à la liberté d’expression des Palestiniens et à leurs manifestations pacifiques. Elle annulera dans la foulée le déplacement du premier ministre Edouard Phillipe en Israël pour le lancement des festivités France Israël organisées pour la célébration du 70me anniversaire de la création de l’Etat hébreu. Un bémol, un laps de temps, avant de recevoir à Paris le 5 juin le premier ministre israélien, moins d’un mois après le 2e carnage israélien contre Gaza.
En juin 2018, un an après son entrée en fonction, Emmanuel Macron a dû se résoudre à l’évidence et acter un double constat d’une grande amertume. Le jeune premier de la politique internationale ne disposait pas du moindre levier d’influence sur les fauves du calibre de Donald Trump (États-Unis) et Benyamin Netanyahu (Israël). Le retrait de Total et de Peugeot du grand marché iranien en a apporté une preuve éclatante, révélant au grand jour l’absence de moyens de riposte aux décisions des dirigeants de ces deux grands alliés de la France.
Pis, en recevant à trois reprises le premier ministre israélien en moins d’un an, notamment à l’occasion de la commémoration de la « Rafle du Vel d’Hiv », la déportation par la police française des juifs français sous le régime de Vichy (1940-1944), Emmanuel Macron « contribue à instrumentaliser l’Histoire de France », selon l’expression de l’historienne Suzanne Citron.
Sur ce lien, la tribune de Suzanne Citron
Manoeuvres conjointes navales franco israéliennes pour la première fois depuis 1963
En dépit des protestations de façade, la France, sous le mandat d’Emmanuel Macron, a repris ses manoeuvres conjointes avec la marine israélienne interrompue depuis 55 ans. Pour la première fois depuis 1963, deux bâtiments de la marine israélienne ont participé à des exercices communs au large de Toulon en compagnie de la marine française, en juin 2018. La corvette INS Eilat et le navire lance-missile INS Kidon ont participé avec la frégate La Fayette à un large éventail de scénarios. Des chasseurs volant à basse altitude ont simulé le lancement de missiles anti-navires. Les exercices comprenaient aussi des entraînements au tir d’artillerie. Selon le Colonel Ronen Hajaj, commandant le département de l’entraînement et de la doctrine, « La France voit en Israël un partenaire maritime fort dans la région». En 2016 et 2017, le nombre de navires de guerre français ayant fait escale à Haifa et le nombre d’escales de bâtiments américains.
Le déploiement stratégique occidental face à l’Iran
Doux rêveur ou redoutable ignorant ? Quoiqu’il en soit, Emmanuel Macron à Washington a dilapidé son capital de crédit, signant l’arrêt de mort d’un ré-équilibrage de la diplomatie française par son alignement aux thèses les plus extrêmes du néo conservatisme israélo-américain.
Sa profession de foi tranche en effet avec les capacités stratégiques d’un pays généralement considéré à capacité limitée, malgré ses claironnades périodiques. Elle témoigne de surcroît d’une tragique méconnaissance des réalités stratégiques régionales, alors que face à l’Iran, le Golfe apparaît comme une gigantesque base flottante américaine.
La zone est, en effet, couverte d’un réseau de bases aéronavales anglo-saxonnes et françaises, le plus dense du monde, dont le déploiement pourrait à lui seul dissuader tout éventuel assaillant. Elle abrite à Doha (Qatar), le poste de commandement opérationnel du Cent Com (le commandement central américain) dont la compétence s’étend sur l’axe de crise de l’Islam qui va de l’Afghanistan au Maroc ; À Manama (Bahreïn), le quartier général d’ancrage de la Ve flotte américaine dont la zone opérationnelle couvre le Golfe arabo-persique et l’Océan indien.
S’y ajoutent, Djibouti, plateforme opérationnelle conjointe franco américaine dans la Corne de l’Afrique, la base relais de Diego Garcia (Océan indien), la base aérienne britannique de Massirah (Sultanat d’Oman) ainsi que depuis janvier 2008 la plate forme navale française à Abou Dhabi ; sans compter une vingtaine de bases américaines déployées dans le nord de la Syrie et de l’Irak, pour le faux prétexte de combattre les alliés objectifs des pays occidentaux, les groupements islamistes Daech et Al Qaida.
Enfin, dernier et non le moindre des éléments du dispositif, Israël, le partenaire stratégique des États-Unis dans la zone. En superposition à ce dispositif, des barrages électroniques ont été édifiés aux frontières de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis pour décourager toute invasion ou infiltration.
L’Iran, en contrepoint, est soumise à embargo depuis 38 ans, entourée par quatre puissances nucléaires (Russie, Inde, Pakistan, Israël) et a dû riposter à une guerre d’agression menée par l’irakien Saddam Hussein pour le compte des pétromonarchies pendant dix ans (1979-1989).
La préconisation d’un accord de substitution à un précédent accord international, négocié pendant douze ans par sept parties dont l’Iran, la Russie et la Chine et entériné par l’ONU ; que, de surcroît cette proposition ait été lancée en partenariat avec un président américain totalement affranchi du Droit international par sa reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël, relève de la désinvolture à tout le moins d’un amateurisme.
Ce faisant, Emmanuel Macron s’est hissé au rang de l’adversaire le plus farouche des aspirations du Monde arabe et musulman à la sécurisation de son espace national, à égalité avec Nicolas Sarkozy, Laurent Fabius et Manuel Valls, les petits télégraphistes des Israéliens dans les négociations sur le nucléaire iranien et sur la question palestinienne.
À égalité aussi avec son repoussoir, François Hollande, le ROMEO de la « chanson d’amour » en faveur d’Israël dans la cuisine de Benyamin Netanyahu, le premier ministre du gouvernement le plus xénophobe d’Israël.
La France au Yémen, un chacal
Le dos au mur, après la débandade de l’opposition off shore pétromonarchique syrienne et les avatars de Saad Hariri, son cheval de Troie libanais dans les projets de reconstruction de Syrie, la France a engagé ses forces spéciales auprès de ses alliés déconfis, –tant au nord de la Syrie auprès des Kurdes séparatistes, qu’au Nord du Yémen en soutien à Abou Dhabi pour la prise du port de Hodeida–, dans une tentative désespérée de demeurer dans le jeu de crainte d’une évacuation définitive de la scène régionale.
Au Yémen, la France a mis à la disposition de la coalition pétromonarchique une escadrille de 6 AirBus pour le ravitaillement en vol des chasseurs bombardiers de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis, ainsi que 4 « Rafale » opérant depuis la base de Djibouti pour des vols de reconnaissance du théâtre des opérations et de repérage satellite.
Trois mois après le début du conflit, en mars 2015, un avion ravitailleur Airbus 330-200 MRTT a été livré à l’Arabie Saoudite, le dernier d’une flotte de six. En avril 2017, deux de ces avions étaient déployés au Yémen. Indispensables à la guerre en cours, ils ravitaillent en vol les F-15 saoudiens.
Des canons Caesar 155 mm de l’entreprise française Nexter, des hélicoptères de transport Cougar du groupe EADS et des drones de renseignement militaire SDTI de l’entreprise française SAGEM sont livrés à la coalition saoudienne; En 2016, la France a livré 276 blindés légers. Ce lot est composé de blindés légers Renault Sherpa light et Vab Mark 3 du groupe Renault Trucks Defense, originellement destinés au Liban.
Au delà de la fourniture du matériel militaire, la vocation naturelle de ce pays grand marchand d’armes, la France a assuré le blocus maritime du Yémen, prenant la relève des Saoudiens lors de la phase de révision des vedettes saoudiennes, en sus de la mise à disposition de la coalition d’un détachement des forces spéciales en vue d’épauler les envahisseurs du Golfe.
La chaine TV libanaise Al Mayadeen, constituée par des dissidents d’Al Jazeera, a comparé le comportement de la France à un « chacal se repaissant des miettes » du vautour américain. « Emmanuel Macron s’imagine être plus futé que les dirigeants britanniques en enrobant son intervention militaire au Yémen par des considérations humanitaires, justifiant la présence des militaires français aux côtés des assaillants des Emirats Arabes Unis par la nécessité de déminer le port de Hodeida », a ajouté le commentateur de la chaîne.
Le zèle de la France au Yémen vise à compenser sa défaite militaire en Syrie dans l’espoir de pouvoir conserver un strapontin diplomatique dans la renconfiguration géo stratégique qui s’opère au Proche orient
Le syndrome de Suez
Près de dix ans d’interventionnisme débridé tous azimuth au Moyen orient, le syndrome de Suez hante à nouveau la France. L’agression tripartite menée par les deux puissances coloniales de l’époque, le Royaume Uni et la France, et leur créature Israël, en 1956, contre l’Egypte nassérienne avait entrainé une rupture de dix ans entre la France et le Monde arabe et un reflux considérable de l’influence française dans la zone, dont elle ne s’est jamais complétement remise.
Le nombre des locuteurs francophones au Liban, de l’ordre de 77 % dans la décennie 1950-1960, a ainsi chuté drastiquement au profit des locuteurs anglophones, s’inversant au profit de l’anglais (60 % pour l’anglais, 40 % pour le français).
Ce fiasco diplomatique tranche avec la prospérité boursière du grand patronat sur fond de fronde sociale avec son cortège de grèves de cheminots et du personnel d’Air France, des protestations des agriculteurs et des étudiants.
La France, en 2018, est devenue la championne du monde en matière de distribution de dividendes aux actionnaires, alors qu’elle était reléguée à la 7e position parmi les puissances économiques mondiales, supplantée désormais par l’Inde.
Le produit intérieur brut (PIB) de l’Inde a dépassé, pour la première fois, celui de l’Hexagone, en 2017, reléguant la France au septième rang des économies mondiales, selon le site de la Banque mondiale. Le PIB de l’Inde en 2017, première année de la mandature Macron, a ainsi atteint 2 597 milliards de dollars contre 2 582 milliards pour la France. En contrechamps, selon un rapport de l’ONG Oxfam publié lundi 14 mai 2018 et intitulé « CAC 40 : des profits sans partage », les groupes du CAC 40 ont ainsi redistribué à leurs actionnaires les deux tiers de leurs bénéfices entre 2009 – année de la crise financière mondiale – et 2016, soit deux fois plus que dans les années 2000. Cela a conduit ces entreprises à ne laisser « que 27,3 % au réinvestissement et 5,3 % aux salariés », ajoute OXFAM qui dénonce des choix économiques qui nourrissent une « véritable spirale des inégalités».
Pour aller plus loin sur ce sujet :
Plus policé que le gaullo-atlantiste Nicolas Sarkozy, plus suave que le socialo atlantiste François Hollande, Emmanuel Macron n’en a pas moins conduit une diplomatie aussi désastreuse pour la France que ses prédécesseurs.
Que le disciple du philosophe Paul Ricoeur procède à un tel artifice aussi grossier tranche avec les qualités abusivement attribuées au plus jeune Président de la République française.
L’Occident ne dicte plus son agenda au Monde
L’ours russe est mal léché. Ce fait est connu et reconnu. Mais face au brachycéphale d’outre atlantique, il va falloir, Manu, réviser ses classiques car nul n’ignore depuis Jean de La Fontaine, même les cancres, que « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute » (le Corbeau et le Renard).
Autre classique à réviser : L’Europe ce n’est pas l’OTAN. Pas que l’OTAN. « L’Europe, c’est de l’Atlantique à l’Oural, car c’est l’Europe, toute l’Europe qui décidera du destin du Monde».
Tel est le mot d’ordre légué par le Grand Charles, « Libérateur de la France » au micron de France, dans un discours prémonitoire prononcé à Strasbourg en novembre 1959, dix huit ans avant la naissance de son lointain successeur.
L’horloge du monde n’est plus plantée, -du moins plus exclusivement plantée- à Washington, d’autres capitales du Monde disposent désormais de leur propre fuseau horaire. « L’Occident ne dicte plus son agenda au Monde », constatera, amer, dans un rare éclair de lucidité, François Hollande, avant de jeter l’éponge, vaincu par ses déboires de Syrie. Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères, plus laconique, édictera que le Monde est passé à « la phase post occidentale».
Pour un pays qui traîne un lourd passif militaire: Quatre capitulations militaires en deux siècles (Waterloo 1915, Sedan 1880, Montoire 1940, Dien Bien Phu 1954), soit le double de l’Allemagne (pour les deux Guerres Mondiales du XX me siècle 1918, 1945), et zéro capitulation au Royaume Uni, -record absolu parmi les pays occidentaux-, il est à craindre, à n’y prendre garde, que ne surgisse une nouvelle « déposition d’un vaincu » d’« une étrange défaite». (Marc Bloch).
Pour aller plus loin sur le thème de la diplomatie française sous Emmanuel Macron
In seinem neuesten Buch sieht Michael Lüders den Orient am Abgrund. Und spiegelt dabei deutsche Dämonen.
„Armageddon im Orient – wie die Saudi-Connection den Iran ins Visier nimmt“, so der programmatische Titel. Der Autor der beiden Bestseller „Wer den Wind sät“ und „Die den Sturm ernten“ legt damit nach.
Mutig für Moslems
Lüders, so viel zur Person, ist studierter Politologe und Islamwissenschaftler, betreibt eine auf den Mittleren Osten spezialisierte Beraterfirma, ist Autor zahlreicher Sachbücher zu dieser Region, sowie einer Handvoll Romane. Er ist außerdem der Nachfolger Peter Scholl-Latours als Präsident der Deutsch-Arabischen Gesellschaft.
Die emotionale Bindung an die islamische Welt mag erklären, warum sich Lüders mit seinem neuen Buch so weit aus dem Fenster lehnt und gleichzeitig im Rahmen bleibt. „Armageddon im Orient“ ist ein sehr mutiges Buch, allerdings nur im Einsatz für Orient und Islam.
Lüders stellt darin nicht nur die im Untertitel so bezeichnete „Saudi-Connection“ an den Pranger, sondern ebenso in einer für westliche Länder und insbesondere Deutschland ganz außergewöhnlichen Schärfe und Deutlichkeit den jüdischen Einfluß auf die amerikanische Politik.
Von dieser amerikanischen Politik zeichnet er allerdings ein Zerrbild, daß primitiver in keinem Pamphlet gegen die „alten weißen Männer“ zu finden ist. Präsident Trump sei „die Verkörperung eines karikaturhaften Simpels“, dessen Politik der Gipfel der Plutokratie sei, in der reiche Großspender für die entsprechende Summe alles haben könnten. Seine Präsidentschaft sei die unverhüllte Fortsetzung der Privatgeschäfte mit anderen Mitteln.
Beweise?
Aus diesem Grund folgt Lüders Entstehungsgeschichte der Trumpschen Nahostpolitik auch großteils den Spuren von Jared Kushner. Die Geschäfte des jüdischen Schwiegersohns von Trump mögen noch so zwielichtig und seine Parteinahme für Israel noch so offensichtlich sein, Lüders Behauptung, der saudische Boykott Katars sei von Kushner eingefädelt worden, um Katar dafür zu bestrafen, daß sein Staatsfonds eine Verhandlung über die Refinanzierung einer Immobilie der Kushner Company platzen ließ, bedürfte starker Indizien und nicht nur der Spekulation.
Mit zweierlei Maß
Während Lüders seinen Lesern kompetent die politischen Verstrickungen des Orients entwirrt, bleibt die westliche Politik holzschnittartig primitiv: Trump habe sich von Saudis und jüdischen Zionisten kaufen lassen. Eine Betrachtung über die Verbindung von Innen- und Außenpolitik, wie er sie den Ländern des Orients angedeihen läßt, findet nicht statt.
Während er richtigerweise vor den Falschbehauptungen und der Gräuelpropaganda in der westlichen Presse warnt und seinen Lesern den machtpolitischen Hintergrund dieser Berichterstattung vor Augen führt, belegt er Behauptungen über den amerikanischen Präsidenten unreflektiert mit Zitaten aus amerikanischen Zeitungen, die Trump aus hauptsächlich innenpolitischen Gründen seit drei Jahren bis aufs Messer bekämpfen.
Selbst bei Zitaten aus „Fire and Fury“ läßt Lüders jegliche Quellenkritik vermissen. Obwohl es sich beim Autor dieses Buches um den Skandaljournalisten Michael Wolff handelt, gegen dessen Arbeitsweise auch bei früheren Veröffentlichungen erhebliche Vorwürfe erhoben wurden.
Während er immer wieder vor den moralischen Simplifizierungen warnt, mit denen die Propagandapresse die Weltpolitik in Gut und Böse einteilt, hat er am Ende seines Buches einfach die Rollen vertauscht. Nun steht das „anti-schiitische Dreieck“ aus Washington, Tel Aviv und Riad als großer Bösewicht da, während man für die Interessen Assads, Rußlands und des Irans Verständnis aufzubringen habe.
Dieses Messen mit zweierlei Maß hat System. Lüders füllt eine bestimmte Nische aus. Er bietet seinen Lesern scharfe Kritik an dem Narrativ, das uns tagtäglich aus der Mainstreampresse entgegenschallt. Diese Kritik untermauert er mit einer einseitig vereinfachten, aber umso eindringlicheren Beschreibung der Machtfaktoren, die den Mittleren Osten prägen.
Das ist erst einmal nicht schlecht. Aus meiner eigenen Jugenderfahrung kann ich bestätigen, daß dergleichen Literatur gerade bei jungen Menschen geeignet ist, überhaupt erst einmal die Ausbildung eines Bewußtseins zu fördern, das in politischen Tatsachen denkt, anstatt der planmäßigen Verblödung durch unsere politische Bildung zu folgen.
Trotzdem gegen das Eigene
Lüders liefert seinen Lesern aber gleichzeitig etwas, wovon ein Großteil des kritischen politischen Publikums doch nicht lassen will: Jenem schäbigen Überlegenheitsgefühl, daß dadurch entsteht, die eigenen Leute herunterzumachen. Das Selbstbild eines aufgeklärten Kämpfers für die von der eigenen Gemeinschaft Unterdrückten. Es ist die stärkste Triebkraft des etwas unglücklich als „Ethnomasochismus“ bezeichneten Phänomens.
Der Leser bekommt von Lüders ein Gefühl vermittelt, ähnlich demjenigen, daß ein grüner Student hat, nachdem ihm sein Postkolonialismusprofessorx erklärt hat, wie der strukturelle Rassismus Braune und Schwarze überproportional arbeitslos macht.
Am Ende seines Buches fordert Lüders die europäischen Staaten auf, Washington gegenüber entschlossen und einig ihre Interessen zu wahren. Doch diese Interessen bestehen für Lüders nur darin, keine armen Moslems zu bombardieren und keine Flüchtlingsströme abzubekommen, welche den Populismus förderten und der liberalen Demokratie schadeten. Eine sichere Grenze scheint ihm hierfür allerdings keine Lösung zu sein.
Keine eigenen Interessen
Hier liegt der Hund begraben. Lüders kennt keine eigenen Interessen Deutschlands, jedenfalls nicht des deutschen Volkes, allenfalls der Bundesrepublik. Für seine Liebe zur islamischen Welt riskiert er das Todesurteil der westlichen Nachkriegsöffentlichkeit: Antisemit zu sein. Doch bricht er nicht aus dem Opferspiel aus, er nimmt nur die Underdogs unter den Opfern, die Muslime, gegen die jüdischen Edelopfer in Schutz.
Seinem eigenen Nicht-Opfer-Volk fehlt in diesem Schema die Rechtssubjektivität. Ebenso allen anderen westlichen Ländern. Deshalb kann er nicht verstehen, daß der Orient nicht gerade Trumps oberste Priorität ist, er es sich aber nicht leisten kann, jene Republikaner im Kongreß zu verlieren, die bei AIPAC auf der Soldliste stehen. Lüders kommt gar nicht auf den Gedanken, daß ein Amerikaner die geplante Umsiedelung der Palästinenser auf die Sinaihalbinsel bedauern mag, die geplante Umsiedelung von Guatemalteken nach Iowa und Wisconsin hingegen als direkte Bedrohung auffaßt.
Kein Horrorszenario im Orient, sondern nur die Wiedergewinnung unseres Status als eines eigenständigen Rechtssubjekts kann uns die Handlungsfähigkeit zurückgeben, eigene Interessen zu vertreten und unabhängig von dem heuchlerischen Geschrei fremder Interessengruppen zu wahren.
Michael Lüders: Armageddon im Orient, Wie die Saudi-Connection den Iran ins Visier nimmt, München 2018, 272 S., 14,95 €. ISBN 978-3-406-72791-7