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mercredi, 01 novembre 2023

Fêtes romaines en novembre

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Fêtes romaines en novembre

Source: https://www.romanoimpero.com/2016/11/novembre.html

Pour les Romains de la République, les jours réservés aux ludi étaient au nombre de 77; à l'époque impériale, ils étaient au nombre de 177: 101 jours comprenaient les ludi scéniques, 66 les ludi circenses et 10 les munera.

Sous l'empire, les Romains disposaient alors de 45 jours de feriae publicae et de 22 jours de fêtes uniques obligatoires. Ils avaient également 12 jours de ludi uniques et 103 de ludi regroupés sur plusieurs jours. En bref, près de la moitié de l'année était chômée.

Les fêtes romaines appelées "Feriae" étaient des jours de fête célébrés solennellement, car elles étaient normalement célébrées en l'honneur d'une divinité ou pour la dédicace d'un temple. Ces fêtes ont ensuite été abolies par l'édit de Thessalonique du 27 février 380, promulgué par l'empereur Théodose Ier, lorsque le christianisme est devenu la religion officielle de l'État et que tous les autres types de religion ont été abolis sous peine de mort et de confiscation des biens familiaux.

Novembre tire son nom du fait qu'il était le neuvième (novem) mois du calendrier de Romulus, et bien qu'il soit devenu le onzième mois, il a conservé son nom, qui est november en latin.

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1er novembre - EPOLUM IOVIS 

(Kalendis Novembribus), banquet sacré en l'honneur de Jupiter. Un banquet sacré pour une divinité, et pour cette raison le simulacre de celle-ci est placé près de la table dressée. La coutume du repas sacré remonte à la plus haute antiquité. À l'origine, il s'agissait de simples offrandes à la divinité, mais le roi Numa aurait ensuite dicté des dispositions précises, comme le rapporte Pline (N.H. 32, 10).

Selon Festus (Pollucere), on pouvait offrir à ces occasions: épeautre, polenta, vin, pain, figues sèches, viande de porc et de bœuf, d'agneau et de mouton, fromage, farine d'épeautre, sésame et huile, poisson à écailles, à l'exception du scaro.

Gellius se souvient d'un célèbre Epulum Iovis, au cours duquel Publius Cornelius Africanus et Tiberius Gracchus, assis l'un à côté de l'autre et divinement inspirés, devinrent amis alors qu'ils étaient auparavant des ennemis acharnés.

1er novembre - LUDI VICTORIAE SULLANAE

Fête instituée en mémoire de la victoire de Sulla à la Porta Collina (I novembre 82). Elles s'étendent du 27 octobre au 1er novembre. On y fait référence par l'épigraphe du préteur Sextus Nonius Sufenates qui, le premier, a fourni l'argent pour les Ludi susmentionnées : l(udos) V(ictoriae) p(rimus) f(ecit).

1er novembre - ISIA

Les festivités en l'honneur d'Isis se poursuivent. L'Inventio Osiridis commence, un spectacle sacré commémorant le meurtre du dieu par Seth, qui l'a enfermé dans un cercueil et l'a jeté dans la rivière. Commencent alors les lamentations d'Isis, que l'on appelle "la pleureuse".

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DEA EPONAE

2 novembre - EPONAE

Fête (ante diem quartum Nonas Novembres) en l'honneur d'Epona, la première déesse celte et plus tard romaine des chevaux et des mules.

Elle avait pour symbole la corne d'abondance, dispensatrice de cadeaux et de fertilité.

Elle était souvent représentée assise sur un trône avec des corbeilles de fruits sur les genoux. Les equites romains lui vouaient une grande dévotion.

3 novembre - HILARIA

(ante diem tertium Nonas Novembres) Ce culte très ancien avait lieu au cours du neuvième mois de l'année, car à l'époque, l'année ne comptait que 10 mois et commençait en mars. À l'époque républicaine, Valerius Maximus mentionne des jeux en l'honneur de la Mère des Dieux.

À l'époque impériale, Hérodien nous apprend qu'une longue et solennelle procession était organisée, au cours de laquelle une grande statue de la déesse était portée, devant laquelle étaient exposés des objets précieux et des œuvres d'art appartenant aux plus riches de la ville et à l'empereur lui-même. Des plaisanteries et des jeux étaient organisés lors de cette fête, avec une préférence pour la mascarade.

Chacun était autorisé à prendre l'identité et l'apparence de n'importe qui, même des membres de hautes fonctions publiques comme les magistrats. Les célébrations de l'Hilaria représentaient le dernier jour des festivités dédiées à Cybèle, la Sanguem.

Son culte a été introduit à Rome en 204 avant J.-C., lorsque la pierre noire symbolisant la déesse a été transférée de Pessinonte pour écarter le danger d'Hannibal, selon les conseils des Livres sibyllins. Elle fut placée sur l'autel de la Curie du Forum, puis dans un temple du Palatin construit en 191 avant J.-C. près de la maison de Romulus. La pierre noire était l'une des sept pignora imperii, c'est-à-dire l'un des objets qui garantissaient le pouvoir perpétuel de l'empire.

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4 novembre - LUDI PLEBEI

(pridie Nonas Novembres) Cette fête fut peut-être instituée pour célébrer la fin de la lutte entre patriciens et plébéiens ainsi que le retour de ces derniers dans la cité. Elle fut reconnue à partir de 216 av. J.C.

5 novembre - LUDI PLEBEI

(Nonis Novembribus) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens.

6 novembre - LUDI PLEBEI

(ante diem octavum Idus Novembres) Elles étaient organisées par les aediles plébéiens.

7 novembre - LUDI PLEBEI (suite)

7 novembre - MUNDUS PATET

(ante diem septimum Idus Novembres) Cette fête était également appelée Mondo Vasto. Un des trois jours où le mundus Cereris, la troisième fête des dieux du monde souterrain, était ouvert. Dans le Comitium, il y avait une ouverture qui communiquait avec le monde souterrain. L'ouverture était fermée par le lapis manalis.

Trois fois par an, le lapis était levé : le 24 août, le 5 octobre et le 8 novembre. Il s'agissait d'une fosse située dans le sanctuaire de Cérès et consacrée aux dieux Mani (mânes), de forme circulaire, creusée au centre de la ville à la jonction des axes du decumanus et du cardus.

La fosse restait fermée toute l'année, à l'exception des trois jours où le mundus patet, le mundus était ouvert. L'ouverture du mundus mettait en communication le monde des vivants et le monde des morts ; le rite d'ouverture du mundus avait un caractère chtonien avec aussi des valeurs agricoles, puisque Cérès non seulement faisait pousser les récoltes mais était aussi la gardienne des phénomènes telluriques et du monde souterrain des morts.

8 novembre - MUNDUS PATET - (ante diem sextum)

(ante diem sextum Idus Novembres) Le mundus relie l'extérieur de la Terre au monde souterrain et aux dieux du monde souterrain qui l'habitent. Dans le mundus patet, les âmes des morts pouvaient revenir dans le monde des vivants et se promener dans la ville. C'est le jour où les sorcières pratiquaient leurs rites.

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8 novembre - LUDI PLEBEI

Les Ludi Plebei se déroulaient au Cirque Flaminius, avec des représentations théâtrales (ludi scaenici) et des compétitions athlétiques. Elles étaient également présentées par des édiles plébéiens.

Le cirque Flaminius a été construit par le censeur plébéien Gaius Flaminius Nepos en 220 av. J.-C., et les premiers jeux ont peut-être été institués à partir de cette même année et pour toutes les années à venir, mais ils pourraient être encore plus anciens, Cicéron estimant qu'il s'agissait des plus anciens ludi de Rome.

Selon T. P. Wiseman, ils ont été créés par la plèbe dès les 5ème et 4ème siècles avant Jésus-Christ. Ils pouvaient être célébrés sans date sur le calendrier, puis ils ont été institutionnalisés. La fête de Jupiter (Epulum Iovis) est également célébrée à l'occasion de cet événement,

9 novembre - LUDI PLEBEI

(ante diem quintum Idus Novembres) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens. Tite-Live note que les ludi ont été répétés trois fois en 216 av. J.-C., en raison d'une erreur rituelle (vitium) qui a interrompu le bon déroulement.

10 novembre - LUDI PLEBEI 

(ante diem quartum Idus Novembres) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens. Une procession semblable aux Ludi romaines faisait également partie de cette fête.

51lgg54OuNL._SX195_.jpg11 novembre - LUDI PLEBEI

(ante diem tertium Idus Novembres) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens. Plaute a présenté pour la première fois sa comédie Stichus aux jeux plébéiens en 200 av. J.-C.

12 novembre - INVENTIO OSIRIDIS - (pridie Idus Novembres)

(pridie Idus Novembres) Jeu dans lequel Isis recherche les parties de son corps.

12 novembre - LUDI PLEBEI

Ces jeux étaient organisés par les édiles plébéiens.

13 novembre - INVENTIO OSIRIDIS

Isis trouve les morceaux (de corps) et enterre le corps de son mari.

13 novembre - LUDI PLEBEI

(Idibus Novembribus) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens. Un défilé de cavalerie avait lieu en même temps que les ludi.

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13 novembre - TEMPLUM FORTUNAE PRIMIGENIAE IN COLLE

Fête en l'honneur de la déesse Fortuna Primigenia in Colle, c'est-à-dire sur le Quirinalis.

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13 novembre - EPULUM IOVIS

Banquet sacré en l'honneur de Jupiter. On commémore la fondation du Templum Iovis au Capitole. Les triumvirs épulones organisent l'epulum, c'est-à-dire le banquet sacré célébré lors de la Ludi romaine et de la Ludi plébéienne.

Le collège des épulones a été créé en 196 av. Les dieux étaient invités officiellement, portant des statues dans de riches lits, garnis de coussins moelleux, appelés pulvinaria.

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13 novembre - TEMPLUM PIETATIS

Fête célébrée en l'honneur de la déesse Pietas, personnification du sentiment du devoir, de la religiosité et de l'amour. On commémore la dédicace du temple. Il y avait deux temples de Pietas, l'un dans la 9ème et l'autre dans la 11ème région de Rome.

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FERONIA

13 novembre - FERONIAE

Fête en l'honneur de la déesse Feronia, la Dame des Bêtes, protectrice des sources et des bois. Le sanctuaire le plus important, le Lucus Capenatis ou Feroniae, se trouvait dans la vallée du Tibre, près de Capena.

14 novembre - LUDI PLEBEI

(ante diem duodevicesimum Kalendas Decembres) Ils étaient organisés par les édiles plébéiens. Ils étaient contemporains des jeux du cirque (ludi circenses, principalement des courses de chars). Cependant, le Circus Flaminius n'avait pas de piste de course de chars, de sorte que, selon certains, ils devaient avoir lieu au Circus Maximus, mais cela est discuté.

14 novembre - INVENTIO OSIRIDIS - Résurrection d'Osiris et de son fils

Résurrection d'Osiris et son entrée solennelle dans le temple.

15 novembre - FERONIAE

(ante diem septimum decimum Kalendas Decembres) Fête en l'honneur de Feronia. Feronia, déesse de la fertilité, protectrice des bois et des récoltes, fêtée par les malades et les esclaves qui ont réussi à se libérer, honorée par les Romains et les Sabins, sur le territoire desquels se trouvait le Lucus Feroniae.

Parmi les lieux sacrés qui lui sont dédiés, on peut citer Scorano (hameau de Capena), où se trouve le Lucus Feroniae, Trebula Mutuesca (Monteleone Sabino), Terracina, Preneste (Palestrina), Etruria et la zone sacrée du Largo di Torre Argentina (Temple C) à Rome.

On dit qu'elle est la mère d'Erilus, un monstre à trois vies et trois corps, conçu avec le roi de Preneste, à qui sa mère avait donné trois corps et trois âmes.

Evandre, allié d'Enée, fils de Mercure et de la nymphe Carmenta, chef des Arcadiens d'Argos, arrivé sur la côte du Latium, est le deuxième peuple venu de Grèce après les Pélasgiens.

Évandre, fondateur de la ville de Pallas, sur le Palatin, tua trois fois Hérilus et lui dédia un autel, sous l'Aventin, près de la Porta Trigemina, également connue sous le nom de Porta Minucia.

15 novembre - LUDI PLEBEI

Elles étaient organisées par les édiles plébéiens.

16 novembre - LUDI PLEBEI

(ante diem sextum decimum Kalendas Decembres) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens.

17 novembre - LUDI PLEBEI

(ante diem quintum decimum Kalendas Decembres) Cette fête a peut-être été institutée pour célébrer la fin de la lutte entre patriciens et plébéiens ainsi que le retour de ces derniers dans la cité. Plus que tout, il s'agissait de célébrer la plèbe pour ses droits acquis.

18 novembre - MERCATUS

(ante diem quartum decimum Kalendas Decembres) Fête célébrée à la fin des Ludi Plebei. Des marchés et des foires s'y tenaient certainement pour acheter ou vendre des marchandises.

19 novembre - MERCATUS - (ante diem tertium decimum Kalendas Decembres)

(ante diem tertium decimum Kalendas Decembres) Fête célébrée à la fin des Ludi Plebeii.

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19 novembre - LECTISTERNIA CIBELE - (en l'honneur du troisième décimale de Kalendas Decembres)

Banquet sacré en l'honneur de Cybèle.

20 novembre - MERCATUS - (ante diem duodeca)

(ante diem duodecimum Kalendas Decembres) Fête célébrée à la fin des Ludi Plebeii.

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22 novembre - PLUTONIS ET PROSERPINAE - (ante diem decimum Kalendas Decembres)

Fête célébrée à la fin des Ludi Plebeii (ante diem decimum Kalendas Decembres) en l'honneur des dieux de l'Hadès. Le culte de Proserpina à Rome a été introduit en même temps que celui de Dis Pater (Hadès) en 249 avant Jésus-Christ. D'abord considéré comme le dieu des richesses du monde souterrain, Dis Pater est devenu le dieu du monde souterrain et a été identifié à Pluton, l'équivalent d'Hadès.

Dis, ditis est un adjectif latin contracté de dives, divitis signifiant riche. Son nom signifie "le père des richesses". Pluton signifiait également riche en grec.

Les Ludi Tarentini étaient célébrées en leur honneur, du nom d'un lieu du champ de Mars, Tarentum, devenu par la suite Ludi séculaire, avec des sacrifices et des représentations théâtrales, pendant trois jours et trois nuits pour marquer la fin d'un saeculum (siècle) et le début du suivant (entre 100 et 110 ans).

Elles semblent remonter à 509 av. J.-C., mais les seules attestées dans la République romaine ont eu lieu vers 249 et 140 av. J.-C., sous Auguste, puis sous Claude en 47 pour célébrer le 800ème anniversaire de la fondation de Rome, ce qui donna lieu à une deuxième série de Jeux en 148 et 248, qui furent finalement abolis par les empereurs chrétiens.

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24 novembre - BRUMALIA

(ante diem octavum Kalendas Decembres) Fête en l'honneur de Saturne, Cérès et Bacchus, célébrée au solstice d'hiver (bruma) Brumalia était célébrée comme une période de repos pour les armées, les agriculteurs et les chasseurs, mais avait aussi un caractère chthonique associé aux récoltes, dont les graines étaient enterrées avant de germer.

Les agriculteurs sacrifiaient des porcs à Saturne et Cérès, tandis que les vignerons sacrifiaient des chèvres en l'honneur de Bacchus (les chèvres étant un danger pour les vignes), qui étaient ensuite dépecées pour en faire des sacoches, sur lesquelles ils sautaient. Les magistrats apportaient aux prêtres de Cérès les premiers fruits de la vigne, des oliviers, du blé et du miel. Il était d'usage d'échanger le vœu "Vives annos !", "Vivez de nombreuses années".

25 novembre - LUDI SARMATICI - (ante diem septimum)

(ante diem septimum Kalendas Decembres) Fête en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, duraient six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre. Elles ont été instituées par Constantin Ier. Elles étaient encore célébrées en 354 ( Chronographe de 354).

26 novembre - LES DAMES SARMATIQUES

(ante diem sestum Kalendas Decembres) Fête en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, duraient six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.

27 novembre - LUDI SARMATICI - (ante diem quintum)

(ante diem quintum Kalendas Decembres) en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, a duré six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.

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28 novembre - LUDI SARMATICI

(ante diem quartum Kalendas Decembres) en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, a duré six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.

29 novembre - LUDI SARMATICI

(ante diem tertium Kalendas Decembres) en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, a duré six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.

30 novembre - LUDI SARMATICI

Fête en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, dure six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.

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30 novembre - DIANAE

(pridie Kalendas Decembres) Fête en l'honneur de Diane, déesse de la chasse, de la lune et du monde souterrain. Elle était appelée Diana Aricina près du lac Nemi, dans le maquis d'Aricia, où il y avait un célèbre temple en son honneur. Servius Tullius en érigea une en son honneur sur l'Aventin, protectrice des serviteurs et des esclaves.

Identifiée à l'Artémis grecque, elle était surnommée "Trivia", en référence à ses trois aspects de terre, de ciel et de monde souterrain.

Halloween - Mundus patet

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Halloween - Mundus patet

Source: https://www.romanoimpero.com/2012/10/halloween-mundus-patet.html

C'est une fête spécialement dédiée aux enfants, célébrée principalement aux États-Unis dans la nuit du 31 octobre, héritage de la religion celtique. Très répandue dans d'autres pays, elle est célébrée par des défilés costumés et par des enfants, souvent masqués de façon quelque peu effrayante, qui vont de maison en maison pour demander des friandises.

L'élément directeur de la fête est le symbolisme lié à l'occulte, au macabre et aux sorcières, avec leurs citrouilles sculptées et illuminées de manière si caractéristique. On dit qu'elle dérive d'anciens cultes celtiques, et il est vrai que ceux-ci ont existé, mais il y avait aussi des cultes indigènes originaux à Rome.

Les lois des divinités des morts sont saintes", ou "Deorum Manium iura sancta sunt", était l'une des lois romaines des XII Tables, qui sanctionnait le caractère sacré et l'importance des dieux de la mort : les Mani.

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Ovide décrit dans pas moins de six livres les fêtes du calendrier romain et le mois de février était pour les anciens Romains le mois consacré au souvenir des morts. Neuf jours étaient réservés à ce culte : ils s'étendaient du 13 au 21 février et consistaient en un cycle qui commençait par les Parentalia le 13 et se terminait par les Feralia le 21.

Les Feralia étaient appelées ainsi, comme l'atteste Ovide, parce que durant ces journées les vivants apportaient (en latin fero fers) des offrandes aux morts, d'où l'adjectif italien ferale, lié à la mort.

Les rites servaient à apaiser les esprits des morts envers les vivants, avec l'aide des dieux Mani. En effet, selon Varron, dans l'Antiquité, l'adjectif manus signifiait "bon" : les dieux Mani étaient donc bons et aidaient les vivants.

Pour Ovide, "ils se contentent de peu, les Mani, ils apprécient la dévotion plus que les riches cadeaux ; il n'y a pas de cupidité parmi les dieux qui se pressent sur les rives des fleuves infernaux. Il suffit d'une tuile de la maison, couverte d'une guirlande, de quelques grains de blé, d'une poignée de sel, d'un pain trempé dans le vin, de quelques violettes".

L'offrande votive peut également être déposée dans un bol, au milieu de la rue, mais avec des prières et des paroles appropriées. Les jours consacrés aux morts, il est interdit de contracter des mariages et les temples doivent être fermés, les autels dépourvus d'encens et les braseros éteints.

LE RITE ROMAIN

Festus, en accord avec Caton, explique que : "Mundo nomen impositum est ab eo mundo qui supra nos est", c'est-à-dire "le nom Mundus vient du monde qui est au-dessus de nous", niant ainsi le caractère profond et terrestre de mundus, parce qu'il faisait peur. Au contraire, le côté chtonien du monde invisible était beaucoup plus familier aux femmes, mais dans des temps plus reculés.

Le rite de commémoration des morts est en fait très ancien et préromain, et a survécu aux époques ultérieures, en particulier dans la Rome antique.

La période consacrée au souvenir et à la commémoration des morts n'était pas, comme aujourd'hui, le premier jour de novembre, mais durait une semaine entière en février, dernier mois du calendrier romain et mois de la purification.

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On croyait que les haricots noirs contenaient les larmes des morts ; selon Pythagore, ils cachaient même les âmes des morts en eux. Pour implorer la paix des morts, on les éparpillait sur les tombes et on les jetait derrière elles en disant: "avec ces fèves, je me rachète et je rachète mes proches".

À Rome, la tradition voulait que, le jour des morts, on prenne un repas près de la tombe d'un parent pour lui tenir compagnie. Une autre tradition romaine consistait en une évocatrice cérémonie de suffrage pour les âmes qui avaient trouvé la mort dans le Tibre. À la tombée de la nuit, les gens se rendaient sur les rives du fleuve à la lueur des torches et célébraient le rite.

LES MAINS ET LE MUNDUS

Le mundus Cereris (le monde de Cérès) appartient à la religion romaine archaïque d'origine étrusque.

 "Aucune ville étrusque ne s'est jamais développée au hasard, comme un enchevêtrement de plus en plus grand d'habitations humaines... la ville fondée selon des lois sacrées constituait... une minuscule cellule du Tout, harmonieusement insérée dans un ordre gouverné et déterminé par les dieux".

(W. Keller, La civiltà etrusca, Garzanti, Milan, 1981, p. 85).

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DÉTAIL DE L'ENTRÉE DU MUNDUS

Après avoir délimité un espace sacré au moyen de deux axes orthogonaux (donc disposés en forme de croix) que les Romains appelleront plus tard Cardus (axe Nord-Sud) et Decumanus (axe Est-Ouest), on creusait au point central une fosse qui servait de lien entre le monde des vivants et celui des morts ; celle-ci était ensuite recouverte de grandes dalles de pierre et, avec la "voûte céleste dont elle semblait être la contrepartie, on l'appelait mundus".

(W. Keller, Op. Cit., p. 85).

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Tout autour, des limites étaient ensuite tracées selon des rituels prescrits. Il s'agissait d'une fosse circulaire placée à la jonction des axes decumanus et cardus, dans le sanctuaire de Cérès et consacrée aux dieux Mani, la fosse était fermée toute l'année sauf trois jours où "mundus patet", c'est-à-dire le mundus est ouvert.

En effet, les 24 août, 5 octobre et 8 novembre, le mundus était ouvert, reliant le monde des vivants à celui des morts et aux dieux du monde souterrain qui l'habitent. Pendant ces trois jours, les âmes des morts pouvaient revenir dans le monde des vivants et parcourir la ville, à l'instar des fantômes, des squelettes et des citrouilles ricanantes qui apparaissent lors d'Halloween.

Selon un magistrat du 1er siècle après J.-C., Gaius Ateus Capiton, le Mundus était situé sur le Palatin, où les festivités du Mundus étaient célébrées, mais il n'existe aucune trace du rituel. Selon certains, un enfant y était descendu pour observer à quel niveau les rayons du soleil croisaient l'axe central spécialement placé, afin de pouvoir calculer les positions du soleil, mais cela est peu crédible, chercher les rayons du soleil dans une tranchée est improbable, d'autant que les Romains connaissaient le cadran solaire depuis l'Antiquité.

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Or, Plutarque utilise pour ce rite le terme Telete, terme grec réservé aux mystères sacrés, et en fait Déméter, qui à Rome s'appelait Cérès, et sa fille Proserpine (Perséphone) avaient à voir avec le monde des morts, où régnaient Hadès et Proserpine, c'est-à-dire Pluton et Perséphone. L'ouverture du mundus était un moment important mais dangereux, car, selon Macrobius, le mundus attirait les vivants dans le monde des morts, surtout pendant les combats et les batailles.

Donc, soit il y avait deux mundus, l'un sur le Comitium et l'autre sur le Palatin, soit Plutarque se trompait.

À l'époque, il était interdit de;

1) de livrer bataille (ou de commencer une guerre) ; en fait, Varron rapporte que les Romains "considéraient qu'il valait mieux aller se battre quand la bouche de Pluton était fermée".

2) de procéder à la conscription ;

3) de prendre femme

4) et les portes des temples restaient fermées.

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PORTE DU MUNDUS (sarcophage romain)

LES ORIGINES DU MUNDUS

Plutarque

Racontant la fondation de Rome, Plutarque rapporte que Romulus convoqua quelques Étrusques à Rome pour apprendre la procédure sacrée de fondation de la ville.

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Il creusa ensuite une fosse circulaire "à l'endroit qu'on appelle aujourd'hui le Comitium", comme le rapporte encore Plutarque, et y jeta les prémices de tout ce qui existait. Les partisans de Romulus, à leur tour, y jetèrent une poignée de terre de leur patrie. Cette fosse était appelée "mundus" par les Romains, le même terme que pour l'Olympe.

Plutarque affirme que le mundus était le centre du sillon circulaire tracé autour de la fosse avec une charrue, tirée par un bœuf attelé et une vache ; ce sillon représentait le périmètre des murs de la ville.

Au fur et à mesure que la charrue avançait, les compagnons de Romulus la suivaient, ramassant les mottes de terre qui se détachaient et les jetant à l'intérieur du chemin. Lorsqu'ils arrivaient à l'endroit où aurait dû se trouver la porte, ils soulevaient la charrue et laissaient un espace non marqué par le sillon : c'est la raison pour laquelle les murs sont sacrés, mais pas les portes.

Encore une fois, pour Plutarque, le cornouiller sacré poussait à côté du mundus, né après que Romulus eut jeté un poteau de l'Aventin si profond que personne ne put l'en retirer.  (Ne ressemble-t-il pas effrontément à l'épée dans la pierre que seul Arthur, le vrai roi, peut dégainer ? Qui a copié qui ? Certainement pas le premier. Seulement ici, personne ne dégaine la hampe, aussi parce qu'elle n'a pas de fourreau, et que c'est le vrai roi qui l'enfonce dans le sol).

Le sol était si fertile à l'endroit où il s'était planté que le cornouiller produisit des pousses, puis une grande plante. Cet arbre devint sacré pour les Romains et fut gardé par leurs successeurs comme l'une des reliques les plus sacrées, qu'ils protégèrent par un mur.

Plutarque semble croire que le mundus situé dans le Forum dans la zone du Comitium était la fosse de fondation de Rome, bien que de nombreuses sources indiquent le Palatin, dans la zone devant le temple d'Apollon, comme l'endroit où Romulus a fondé la Rome carrée des origines.

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CANAL INTERNE DANS LE MUNDUS

Ovide

Pour Plutarque, le site de fondation est donc le Comitium dans le Forum, mais pour Ovide, et pour de nombreuses autres sources, c'est le Palatin.

Ovide confirme qu'après la prise des auspices sur le Palatin, une fosse a été creusée pour la fondation, dans laquelle ont été jetés non pas des prémices de quelque nature que ce soit, mais des fruges (récoltes, cultures). La fosse était si profonde qu'elle atteignait le rocher en contrebas, puis elle était comblée par un autel qui représentait le "novus focus".

Les céréales, les fruits qui, selon Ovide, sont déposés dans la fosse, se rapportent sans aucun doute à Cérès. Il existait un lien entre Cérès et le monde des morts, soit en tant que déesse de la croissance, soit en tant que Déméter. Dans le premier cas, le lien avec les morts proviendrait de sa nature chthonique, dans le second, il y a l'enlèvement de Perséphone qui disparaît dans le monde souterrain et sa recherche par Déméter jusqu'au monde souterrain.

Autres auteurs

Ainsi, selon Ovide, le mundus n'est pas un espace vide comme le raconte Plutarque, et d'autres auteurs comme Varron, Festus et Macrobe ne mentionnent pas le mundus comme le puits de fondation de Rome, pour eux il s'agit du mundus Cereris, la frontière entre le monde des vivants et le monde des morts, d'où les âmes des Mani sortiraient parfois pour entrer chez les vivants et qui parfois, à des dates précises, s'ouvrirait, facilitant la descente des vivants parmi les morts.

Festus écrit : mundus appellatur coelum, terra, mare et aer.

Mais le mot mundus désigne aussi un lieu souterrain, au plafond voûté ressemblant à la voûte céleste, dédié aux dieux Mani et donc normalement fermé, ouvert seulement trois fois par an à des dates précises.

Selon Gaius Atheus Capito, dans le 7ème livre pontifical, elle est ouverte trois fois par an: après la fête de Volcanalia (24 août), trois jours avant les Neuf jours d'octobre (5 octobre) et six jours avant les Ides de novembre (8 novembre).

Caton, dans ses commentaires sur le droit civil, explique :

"On l'a appelé un monde semblable à celui qui est au-dessus de nos têtes: j'ai appris de ceux qui y sont entrés que sa forme lui ressemble. Nos anciens pensaient que le mundus qui se trouve sous la terre devait être consacré aux dieux Mani et devait toujours rester fermé, sauf les jours indiqués ci-dessus. Notre peuple considérait également ces jours comme des jours "religieux", et il a donc décidé que les jours où, pour ainsi dire, les profonds secrets de la religion des Dieux Mani étaient mis en lumière et rendus manifestes, aucune activité publique ne devait avoir lieu. Par conséquent, ces jours-là, on n'amorçait pas la bataille contre l'ennemi, on ne recrutait pas de soldats, on n'organisait pas de rassemblements, on ne faisait rien d'autre que ce qui était strictement nécessaire".

Il est interdit de commencer une bataille pendant la fête de Jupiter latin, c'est-à-dire pendant les fêtes latines solennelles, les jours des Saturnales et lorsque le Mundus patet (le mundus s'ouvre): les jours des fêtes latines parce qu'une trêve a été signée entre les peuples romain et latin ces jours-là, les jours des Saturnales, parce que l'on sait que Saturne a régné en paix, lorsque le Mundus patet, parce que cette fête est consacrée à Dieu le Père et à Proserpine.

On considérait qu'il valait mieux partir au combat lorsque la porte de Pluton était fermée. C'est pourquoi Varron écrit : lorsque le mundus patet, la porte des tristes dieux du monde souterrain s'ouvre pour ainsi dire, c'est une impiété non seulement de commencer la bataille, mais aussi de procéder à la conscription militaire, de faire partir les soldats ou naviguer les navires, de s'unir aux femmes pour avoir des enfants.

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Carandini pense que sur Cermalus, dans la zone située devant le futur temple de la Victoire, on peut identifier, sinon la fosse de fondation de la ville, le lieu qui, aux yeux des Romains, la représentait: il s'agissait d'une tombe, réutilisée plus tard à d'autres fins, sur laquelle un autel avait été construit.

Cet autel jouissait d'un tel respect et d'une telle considération qu'il n'a jamais été touché par les changements urbains au cours des siècles et qu'il est toujours considéré comme le fameux Mundus.

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ENTRÉE DU MUNDUS SUR LE FORUM ROMAIN

LAPIS MANALIS

Festus rapporte que les Romains croyaient que le lapis manalis était la porte de l'Orcus, par laquelle les divinités du monde souterrain, appelées Mani, pénétraient dans le monde des vivants. L'Orque est ensuite devenu le monstre maléfique qui mange les enfants s'ils font des crises de colère, et avec lequel les adultes trop sévères les effraient.

Une pierre placée à l'extérieur de la porte de Capena, près du temple de Mars, était également appelée lapis manalis.

En cas de sécheresse, la pierre était apportée dans la ville et faisait immédiatement pleuvoir.

Sur la base de la définition de Festus, nous comprenons que le lapis manalis qui provoquait la pluie n'avait rien à voir avec le lapis manalis qui fermait l'accès au mundus, et nous pouvons en outre supposer que l'ouverture du mundus ne devait pas être plus grande que la bouche d'un puits, s'il pouvait être fermé par un couvercle de pierre facilement amovible.

Selon Servius (Aen. 3, 134): certains pensent que les dieux supérieurs sont propriétaires des foyers, les dieux intermédiaires et marins des foyers, et le mundus des dieux du monde souterrain, et c'est peut-être vrai.

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LA LEMURIA

Le jour culminant de la Lémurie, le 13 mai 609 ou 610, le pape Boniface IV consacra le Panthéon de Rome à la Sainte Vierge et à tous les martyrs, et la fête de cette dedicatio Sanctae Mariae ad Martyres a été célébrée à Rome depuis lors. Selon les historiens, cette coutume a été christianisée dans la fête de la Toussaint, auparavant fixée au 13 mai, afin d'oublier la Lémurie romaine.

Au 8ème siècle, la fête de la Toussaint a été déplacée au 1er novembre, pour coïncider avec la fête celtique des esprits de Samhain, afin qu'elle soit également oubliée.

Le pape Grégoire III (731-741) consacra une chapelle de la basilique Saint-Pierre à tous les saints et en fixa l'anniversaire. En 998, Odilo, abbé de Cluny, ajouta le 2 novembre au calendrier chrétien comme date de commémoration des défunts. Les fêtes païennes sont donc mortes et enterrées.

Mais qu'est-ce que les Lemuria, ou Lemuralia ?

Dans la Rome antique, les Cerealia étaient célébrées le 4 mai en l'honneur de Cérès, puis les 9, 11 et 13 mai, les fêtes des esprits, les Lemuria, étaient célébrées en silence et la nuit.

On y offrait des haricots aux morts et les Vestales préparaient une salsa de mola avec les premières céréales de la saison. Selon Ovide, cette fête est dérivée d'une Remuria Lemuria instituée par Romulus pour apaiser l'esprit de Remus, donc d'une personne décédée.

Ovide note qu'il y avait une coutume à cette fête qui consistait à éloigner les mauvais esprits en marchant pieds nus et en jetant des haricots noirs par-dessus son épaule pendant la nuit. C'est le chef de famille qui se levait à minuit et marchait pieds nus dans la maison en lançant des haricots noirs et en répétant neuf fois : "Envoyez ces haricots, avec ces haricots, rachetez-moi et ce qui m'appartient". La famille battait ensuite des pots de bronze en répétant neuf fois : "Fantômes de mes pères et de mes ancêtres, ils sont partis !".

Question : Mais qu'est-ce qui avait été envoyé, c'est-à-dire qui était parti, ce qui équivaut en latin à "Itum est" ?

Réponse : La même chose que le prêtre envoie à la fin de la Messe, et que l'on dit aussi : "Ita est", c'est-à-dire a été envoyé.

Q : Et qu'est-ce qui a été envoyé ?

R : Une entité invisible, nous sommes dans le domaine de la magie.

Q : Mais si le Mundus était si dangereux, pourquoi a-t-il été ouvert ces trois jours ?

R : Pour le savoir, il faut remonter encore plus loin dans le temps, lorsque Cérès était une Grande Mère, pas encore identifiée à la Déméter grecque.

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MUNDUS PATET

CERES LA GRANDE MERE

Comme toutes les grandes déesses, elle avait un aspect terrestre lié à la naissance et à la croissance des plantes, en l'occurrence des cultures (mais aussi des animaux et des humains), et un aspect chtonique, en tant que déesse de la mort et du monde souterrain. Ainsi, les fèves, comme les haricots, étaient des gousses qui cachaient une graine plus importante que sa coquille. L'homme était donc la gousse de l'âme, dont la graine peut être replantée pour une nouvelle vie.

Q : Une réincarnation ?

R : Quelque chose de très similaire.

Le monde visible avait donc besoin de puiser de l'énergie dans le monde invisible, le mundus, dont le contact était vivifiant pour certains et terrifiant pour d'autres. A une époque, ce sont les prêtresses de Cérès qui entraient en contact avec le mundus, puis ce sont les prêtres romains qui le faisaient, mais comme la magie était désormais redoutée, l'effet était plutôt atténué.

Ainsi, durant ces trois jours, les prêtresses puis les sorcières, c'est-à-dire les prêtresses d'un culte privé non reconnu par l'Etat, les sorcières attiraient donc les esprits des morts, appelés Lémures, en leur offrant des cadeaux, notamment des friandises, afin qu'ils ne leur jouent pas de mauvais tours, en d'autres termes, trick or treat.

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Le terme cerritus signifie en fait "envahi par l'esprit de Cérès", car ses prêtresses étaient "possédées" (comme le terme analogue larvatus), de la déesse en tant que mater larvarum ("mère des spectres"). La déesse Laverna était également appelée mater larvarum, d'où son nom.

À Rome, près de la zone du Comitium, à proximité de l'extrémité nord-est de la Rostra, se trouve l'Umbiliculus Urbis Romae, l'Ombelic de la ville de Rome, le lieu où, par définition, le ciel a été réuni à la terre et Rome à l'univers.

C'est ici que les Romains célébraient le 24 août l'ouverture du Mundus (Mundus patet) à l'époque archaïque, immédiatement après la fête des Volcanalia (23 août) et avant celle de l'Opiconsivia (25 août).

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Le Mundus était un édifice souterrain au sol semi-circulaire, une fosse archaïque creusée dans le sol, d'abord à nu puis pavée, qui permettait d'entrer en contact avec les divinités du monde souterrain auxquelles on offrait des sacrifices et des cadeaux : fruits de la terre, restes de sacrifices, formules tracées sur des tablettes d'argile. La fosse était ensuite recouverte du lapis manalis, la pierre sacrée des dieux Mani ou Lari, divinités qui représentaient également les esprits des ancêtres et protégeaient la ville et ses habitants.

Il semble que la fosse ait été remplacée par la suite par un autel que l'on enterrait et que l'on découvrait à nouveau en enlevant la terre à chaque cérémonie. Il est clair que le rituel le plus ancien était lié à la consultation des esprits ou de la déesse du monde souterrain.

Le Mundus a été creusé par Romulus en même temps que la fondation de l'Urbs : "Dans la fosse, les gens rassemblés par Romulus pour former le peuple romain jetèrent chacun une poignée de leur terre natale et les prémices de tout ce que, chacun selon sa propre culture, il considérait comme bon ou nécessaire".

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Plutarque désigne le rite lié au Mundus comme Telete, un mot grec faisant référence aux mystères initiatiques, liés à Déméter, ou Cérès romaine, et à Perséphone, ou Proserpine romaine. La déesse de la mort vole la vie, d'où son nom de déesse voleuse, et récolte la vie, d'où son nom de déesse de la moisson.

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LES DIEUX LARES

Chez les Romains, les Larves ou Maniae étaient les esprits des morts qui étaient mauvais de leur vivant. Même dans la mort, ils tourmentaient les vivants et les morts en s'opposant aux Lares (Larves), qui étaient au contraire des esprits bienveillants.

Leur apparence était terrifiante, ressemblant à des squelettes (nudis ossibus) et à des démons écorchés ; ils avaient l'habitude de déclencher la folie chez les vivants, qui ne pouvaient les chasser que par des expiations et des lustrations.

Ce n'est pas un hasard si les embryons de certaines espèces qui deviendront adultes à la suite d'une ou plusieurs métamorphoses sont appelés larves (qui signifie masques en latin), en référence à la transformation entre la vie et la mort.

Et ce n'est pas un hasard si le mot manie est utilisé pour désigner un état psychique altéré impliquant à la fois des obsessions et une alternance d'exaltation et de dépression.

On croyait que les larves et la manie pouvaient nuire aux vivants, les premières aspirant l'énergie et la seconde provoquant des déséquilibres mentaux.

Dans certains souvenirs anciens de certaines croyances religieuses, les "maniaques morts" ou larves étaient mentionnés dans le sol italique, surtout en Campanie mais aussi ailleurs, correspondant aux sensations, surtout au moment du réveil le matin, d'avoir été touché ou au moins approché par une présence humaine invisible. On croyait qu'il s'agissait d'âmes de défunts errants qui pouvaient transmettre quelque chose, que ce soit une nouvelle importante ou un mal, d'où leur aspect inquiétant.

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MUNDUS PATET

DIANA

Lorsque le christianisme a éclipsé les cultes païens, le culte de Diane, celle qui enseignait les herbes curatives, qui protégeait les forêts et surtout qui enseignait la magie, est resté secret sur le sol italique, surtout dans les campagnes. Elle a toujours été une Grande Mère, qui protégeait et enseignait aux femmes. C'est pour cela que l'Église a amené les sorcières au bûcher, parce qu'il y avait un noyau dur qui résistait au christianisme, parce que les chrétiens croyaient, mais que les sorcières savaient, et que savoir est beaucoup plus puissant que croire.

Le culte du monde souterrain est ensuite passé dans l'obscurité de la nuit et de l'hiver, de mai à fin octobre début novembre. Les sorcières plaçaient des friandises et des boissons pour les esprits dans le trivium, afin de communiquer avec eux et de leur soutirer non seulement de l'énergie, mais surtout des prophéties.

Diane était Trina, comme toutes les Grandes Mères, la plus ancienne statuette d'argile cuite représentant la déesse tricéphale sur un seul corps date d'au moins 30.000 ans, et était triviale pour ses trois facultés de donner la vie, de l'augmenter et d'apporter la mort.

Bref, comme la nature, seuls les anciens pensaient que derrière la nature visible se cachait une nature invisible, appelée en latin Natura Naturata et Natura Naturans, dont les images devinrent plus tard Mater Matuta et Mamma Mammosa.

Le terme Trina a donné naissance à la Sainte Trinité de l'Église catholique, adoptée pour un Père, un Fils et un Saint-Esprit, qui, n'ayant pas de sens, a été déclarée Mystère et donc inexplicable pour l'homme. La Sainte Trinité de la Grande Mère, en revanche, était explicable et sans mystère.

Or Diana, en tant que Trina, avait le pouvoir sur les quadrivii, où précisément les prêtresses, ou sorcières, plaçaient des friandises pour attirer les morts, un peu comme le fit Ulysse, puis Énée, mais pour l'Église, cela devenait un péché et de la sorcellerie.

Le Mundus Patet passait donc à la fin du mois d'octobre, lorsque les travaux des champs étaient terminés et que l'arrosage des potagers cessait, bref, lorsque la campagne devenait déserte. Le jour, ou plutôt la nuit, choisi étant la veille du 1er novembre, l'Église proclama la fête de tous les saints le 1er novembre, mais comme on continuait à chercher les morts dans le quadrivium et les cimetières, elle proclama la fête des morts le lendemain, c'est-à-dire le 2 novembre, afin que le culte passe du quadrivium et des cimetières à l'église.

C'est ainsi que disparut la dernière possibilité de prophétie, remplacée au 19ème siècle par un spiritisme sordide, dépourvu de la conscience profonde et du cheminement spirituel des prêtresses, de sorte que les souhaits inconscients du médium remplaçaient presque toujours la voix des morts.

Aujourd'hui, l'Eglise catholique est très agacée par la résurgence de la fête païenne d'Halloween, déplorant l'adoption de fêtes démoniaques, et américaines d'ailleurs, aussi païennes. Mais le Mundus Patet était chez lui à Rome et les lois romaines autorisaient la magie dans les cimetières ou ailleurs, à condition qu'elle ne se fasse pas au détriment d'autrui.

Le Mundus Patet ferait encore peur aujourd'hui, car nous avons perdu ce caractère païen et sobre des anciens Romains qui faisait de Rome un Caput Mundi et un phare absolu de la civilisation.

BIBLIOGRAPHIE:

- Renato Del Ponte - Dei e miti italici. Archétypes et formes de la sacralité italo-romaine - ECIG - Gênes - 1985.

- Ferdinando Castagnoli - Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome - Rome - École Française de Rome - 1989 -

- John Scheid - La religion à Rome - Roma-Bari - 1983 -

- W. Keller - La civilisation étrusque - Garzanti - Milan - 1981 -

- Lucius Caecilius Firmianus Lactantius - De mortibus persecutorum - XXVI -

- Renato Del Ponte - Les Lari dans le système spatio-temporel romain - in Arthos - vol. 6 - n° 10 - 2002 -

- J. Eckhel - Doctrina numorum veterum - IV - Vienne - 1794 –

mardi, 31 octobre 2023

Toussaint, Samhain, Halloween

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Toussaint, Samhain, Halloween

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/ognissanti-samahin-halloween/

C'est toujours la même vieille querelle... que célébrons-nous, si l'on peut vraiment parler de fête, dans la nuit du 31 octobre ?

La Toussaint, une fête catholique, autrefois importante. Fondamentale même, puisque, entre autres, Manzoni lui-même lui a consacré l'un de ses Hymnes sacrés. Ce qui aurait dû en faire douze, bien qu'il n'ait jamais achevé l'œuvre.

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Douze. Les douze fêtes qui, dans le calendrier romain, représentent les axes de communication entre le temps de l'homme et le temps de Dieu. Les moments de l'année où le temps ordinaire est suspendu et où le temps cosmique est vécu. Conceptualisation propre à la philosophie grecque : Kronos armé d'une faux. Qui tout consomme, érode, tue. Kronos dont l'étymon rappelle le Corbeau. Qui se nourrit de cadavres.

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Et Aiòn. Le plan de la durée. En fait de la perpétuité. Où il n'y a ni passé ni futur. Seulement un présent perpétuel. L'être. Qui ne devient pas parce qu'il est.

Parménide, pour simplifier.

C'est à cela que servait et devrait servir la liturgie, le temps liturgique. Faire entrer le temps cosmique dans le temps ordinaire. Le purifier. Comme les rivières qu'Héraclès détourne pour nettoyer les écuries d'Augias.

Samhain est une fête encore plus ancienne. D'origine celtique, certes. Mais elle trouve des correspondances dans la tradition romaine et dans celles d'autres peuples et cultures.

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Elle était célébrée quarante jours après l'équinoxe. À ce moment-là, le déclin du soleil vers les royaumes souterrains est évident et clair. Les ombres s'allongent sur la terre.

Les portes entre les royaumes des vivants et des morts sont grandes ouvertes. Et les défunts venaient rendre visite à leurs descendants.

Un lien profond, signifiant la tradition d'une famille. D'un clan. D'un peuple entier.

Les rites évoqués et détournés. Car les esprits bienveillants étaient invités à la table. Et éviter les esprits hostiles. Les citrouilles d'Halloween - elles aussi issues d'une tradition vénitienne - conservent un élément de cette fonction. Apotropaïque.

Et nous en arrivons à Halloween. Elle n'est rien d'autre que la synthèse de deux fêtes. Celle, païenne, de Samhain, et celle, chrétienne, de la Toussaint.

Mais c'est une synthèse corrompue. Inévitablement, puisque le sens du Sacré, autrefois très vivant chez les uns et les autres, a été totalement perdu. Et consciemment.

Et il est vrai que Halloween n'est plus aujourd'hui qu'une sorte de carnaval macabre. Une mascarade américaine, disent beaucoup, et non sans raison. Où, au mieux, l'on peut faire plaisir aux enfants. Certainement pas la gaieté forcée des adultes, qui poursuivent des fantasmes transgressifs de bas étage.

Et il s'agit avant tout d'un festival commercial. Exploité pour des raisons économiques. Au fond, c'est assez triste.

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Mais la faute, excusez-moi, n'est pas à Halloween, ni aux fêtards qui imitent leurs homologues américains.

La faute en revient à ceux qui auraient dû préserver le sens sacré de cette fête.

Et qui n'ont pas su le faire. Parce qu'ils n'étaient même plus capables de concevoir le sacré.

C'est ainsi que la fête a été affaiblie par des intérêts économiques, par des pulsions érotiques plus ou moins prudes et déformées. Par des ambitions et des fantasmes morbides.

Lorsque l'on touche (ne serait-ce que) à la sphère du Sacré, il faut garder à l'esprit une réalité précise. Et une règle.

Il n'y a pas de récipients vides que l'on peut abandonner dans le dépotoir des vieilles croyances et de la foi.

Si vous oubliez le sens de quelque chose, d'une fête, d'un rituel, il ne disparaît pas, car il ne vous appartient pas. Il existe en lui-même et continue d'exister. Seulement, il y a immédiatement quelque chose qui vient combler le vide que vous avez laissé.

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Et ce quelque chose est, au mieux, de l'eau sale.

Pas d'anathème donc contre les célébrations d'Halloween. Parce que, même si c'est de manière puérile, voire sordide, elles servent à nous rappeler une chose.

Ce que nous avons perdu. Ou plutôt ce que nous avons, avec culpabilité, abdiqué.

Et maintenant, excusez-moi... je dois préparer le panier de bonbons pour les petits fantômes, sorcières, petits diables qui viendront frapper à ma porte.

Des bonbons ou l'on me jettera un sort...

18:05 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : toussaint, samhain, halloween, traditions, paganisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 21 octobre 2023

Sur les cycles cosmiques et les rythmes du temps en Inde: un nouvel essai de Nuccio D'Anna

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Sur les cycles cosmiques et les rythmes du temps en Inde: un nouvel essai de Nuccio D'Anna

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/sui-cicli-cosmici-e-ritmi-del-tempo-in-india-un-nuovo-saggio-di-nuccio-danna-giovanni-sessa/

Nuccio D'Anna a récemment ajouté un ouvrage important à sa production de livres. Il sera particulièrement utile aux lecteurs intéressés par les études historico-religieuses et traditionnelles. Il s'agit du volume I cicli cosmici. Le dottrine indiane sui ritmi del tempo (= Les doctrines indiennes sur les rythmes du temps), que l'on trouve désormais dans les librairies grâce aux éditions Arỹa (pour commander : arya.victoriasrl@mail.com, pp. 240, euro 26.00). Dans ces pages, l'auteur fait preuve d'une maîtrise peu commune de la vaste littérature critique, il accompagne aussi avec sagacité le lecteur dans l'exégèse des textes sacrés complexes centrés sur la temporalité cyclique. Cette tâche est accomplie en se référant à la méthode comparative, qui permet de déduire la valeur universelle des mythes et des symboles. Les contenus abordés sont si vastes qu'il est difficile de les résumer dans l'espace d'une revue. Nous ne nous attarderons donc que sur quelques plexus théoriques.

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Nuccio D'Anna commence par présenter le sens et la signification du "Centre" dans le monde traditionnel. Pour ce faire, il s'attarde sur la valeur du mont Meru: "considéré comme le reflet du pôle céleste qui tient, gouverne et oriente tout le mouvement du quadrant cosmique" (p. 3). La structure axiale de la montagne incite à la considérer comme: "le véhicule des bénédictions divines dispensées sans cesse [...] le Meru apparaît comme l'"arbre du cosmos"" (p. 4). Selon la tradition védique, de ses branches sont descendus les rayons de Sūrya qui ont transmis à l'humanité la "loi de Varuṇa, le Ṛta, l'Ordre qui est la Vérité". Le Ṛta : "a une relation directe avec la stabilité de la constellation des sept étoiles de l'Ourse" (p. 5). La montagne sacrée est étroitement liée, d'une part, à Agni, le dieu du feu prototypique qui brûle avec éclat au centre du monde, et, d'autre part, à Brahma, la divinité formatrice qui peut être comparée au "rocher indestructible", d'où rayonnent les "qualités" divines. Le Meru se dresse au centre d'une île circulaire subdivisée en sept "régions", autour desquelles se trouvent sept océans en correspondance "avec l'ordre planétaire habituellement structuré sur sept niveaux" (p. 10). La dernière étendue de mer est appelée "Océan de lait".

   L'auteur précise : "Au cours du déroulement cyclique dans chacune de ces "îles", la Tradition [...] devra nécessairement trouver son propre développement intégral, ce qui aboutira inévitablement à l'épuisement de toutes les possibilités spirituelles véhiculées dans le monde" (p. 13). C'est ainsi que se révèle le lien d'un tel symbolisme avec le développement cyclique. Dans une telle cosmosophie, chaque point de pivot est gardé par une divinité : le cosmos lui-même prend des traits maṇḍaliques. L'éon actuel, dans la liste des 30 kalpas, occupe la 26ème place (Varaha-Kalpa) et est précédé par le Padama-kalpa. Selon l'enseignement traditionnel, la manifestation a régressé à cause du "poids des hommes", qui ont manipulé le Dharma. Durant le kalpa précédant le nôtre, Viṣṇu "l'Endormi" a effectué "sa propre intervention cosmogonique sous la forme d'une fleur de lotus qui émergea de son propre nombril" (p. 20), ce qui a permis une parfaite continuité doctrinale et rituelle entre les sixième et septième manvantaras de notre kalpa.

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Brahma a donné naissance à la "terre primordiale" : "l'archétype ou le modèle préformel d'une réalité encore immaculée" (p. 21). Chaque fois que le Principe descend dans le devenir, selon la perspective traditionnelle indienne, il donne lieu à un véritable "sacrifice universel". C'est un acte capable d'agir contre les "puissances des ténèbres". Un rôle essentiel, en ce sens, est attribué par D'Anna à Prajapati, qui a rejoint la Terre immaculée qui a émergé des Eaux. Il "symbolise l'Unité ineffable dont tous les autres dieux sont issus et à laquelle ils retourneront" (p. 28). Cette potestas s'étend dans toutes les directions de l'espace. Les eaux primordiales ne sont rien d'autre que la transcription symbolique du "murmure" du temps qui passe, puisque le Principe, à la lumière des études de Marius Schneider, citées à plusieurs reprises par l'auteur, n'est que son-lumière. Les chanteurs sacrés : "Ils haïssent l'essence sonore et présensible [...] qui se déverse "naturellement" dans la vie cosmique" (p. 31). Le chant solaire des sept Ṛṣi formait la tête de Prajapati qui, en harmonisant le son et le rythme, "rendait possible la formulation des phonèmes et des syllabes" (p. 33).

   L'auteur rappelle que le septième Manvatara a commencé après le Déluge. L'époque actuelle est divisée en quatre yugas, dont le développement est ordonné autour du symbole de la décennie, qui marque l'appauvrissement spirituel progressif, induit par les pouvoirs catagogiques de Koka et Vikoka (Gog et Magog). Le premier âge est l'"âge de la vérité" et de la plénitude spirituelle. La couleur qui le connote est le blanc, révélant son essence sapientielle et celle de la caste des Haṃsa : "Dans le jeu de dés indien [...] ce premier âge [...] correspond au "jet" réussi" (p. 112). Dans le deuxième âge, la "dynastie solaire" agit, visant à préserver la tradition "non-humaine", en accomplissant une action conservatrice, similaire à celle attribuée en Occident à Saturne. La valeur rituelle du jeu de dés, bien connue à Rome (il pouvait être pratiqué pendant les Saturnales, à l'occasion du solstice d'hiver), était liée à des conjonctures astronomiques particulières. Les "points" gravés sur les faces des dés étaient appelés "yeux", car ils renvoyaient aux "luminaires" qui brillaient "dans le ciel du primordial védique" (p. 115).

    Lorsque le lancer de dés était désordonné, on l'attribuait à la lourdeur spirituelle du cycle, correspondant au tourbillon frénétique du monde. Le lancer de dés, où le trois apparaissait, indiquait le deuxième âge, dans lequel le monde reposait sur les "trois quarts" du dharma. Sa couleur était le rouge. Le deux du jeu de dés faisait référence au troisième âge, dans lequel le monde se développe sur la relation lumière/obscurité, qui tend de plus en plus à cristalliser ces deux puissances dans un sens oppositionnel. Dans cet âge, sattva se retire, rajas et tamas prédominent. Sa couleur est le vert.

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Enfin, le kali-yuga, dont le début : "a été fixé pour coïncider avec la conjoncture aurorale qui a commencé à 6 heures du matin le 18 février 3102 avant J.-C.". (p. 118). Ce yuga est également divisé en quatre sous-âges : c'est l'âge de la résurgence des forces magmatiques et chaotiques qui submergent la perfection de l'Origine. Śiva se retire également des apparences phénoménales. Pour comprendre le déroulement cyclique, il faut se référer à la précession des équinoxes, dans laquelle l'obliquité de l'écliptique et de l'équateur dessine une " toupie " cosmique. Cette précession : "continue à se déployer autour d'un véritable "chef" qui en dirige le cours : c'est Dhruva" (p. 131), le pôle fixe, garant du retour à l'ordre à la fin du kali-yuga. D'Anna enrichit la présentation des cycles indiens par de nombreuses références érudites aux traditions grecques, mésopotamiennes et taoïstes, dont il trouve des échos jusque dans l'astronomie de Kepler. Il aborde également le symbolisme complexe qui sous-tend la vision cyclique et clarifie, entre autres, la faiblesse de l'exégèse "naturaliste" du temps cyclique, même celle formulée par Eliade, basée sur la référence aux cycles lunaires : "Seule cette (la) dimension cosmique-triomphale peut faire contempler la profondeur, la hauteur et l'ampleur du substrat spirituel qui nourrit la relation intime existant entre les phonèmes, les sons, les couleurs, les langages animaux [...] les scansions célestes [...] les moments saisonniers" (p. 209), la relation entre le macrocosme et le microcosme. L'essai de D'Anna est véritablement exhaustif.

Giovanni Sessa

vendredi, 06 octobre 2023

Un siècle de confucianisme: rétrospective et perspectives d'avenir

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Un siècle de confucianisme: rétrospective et perspectives d'avenir

Chen Lai

Source: https://www.geopolitika.ru/pt-br/article/um-seculo-de-confucionismo-olhando-para-tras-e-para-frente

Il est de notoriété publique que le confucianisme est la tradition la plus importante de l'histoire chinoise et qu'il reste vivant et influent jusqu'à aujourd'hui. Il est donc intéressant de se pencher un peu plus sur l'histoire et les courants du confucianisme au cours du 20ème siècle et jusqu'à aujourd'hui.

Dans cet essai, j'examinerai l'évolution du confucianisme au 20ème siècle. Le terme "développement" peut donner l'impression que le confucianisme a progressé sans effort tout au long de cette période, mais cet examen du siècle dernier révèle un parcours tortueux à travers diverses crises et défis.

Défis et réponses à l'ère moderne

Le confucianisme chinois a été confronté à quatre périodes de défis au cours du 20ème siècle. La première a été la réforme politique et éducative à la fin de l'ère Qing et au début de l'ère républicaine. Le gouvernement Qing a annoncé l'"Édit sur la création d'écoles" (兴学诏书) en 1901 pour lancer la création de nouvelles institutions dans tout le pays. Il s'agit d'une initiative extrêmement importante, qui a conduit au déclin progressif de l'ancienne forme de confucianisme, dominée par un type spécifique d'école qui formait des érudits pour entrer dans le système d'examen de la fonction publique impériale.

Les autorités ont ouvert ces nouvelles écoles en grand nombre dans toute la Chine. Cette mesure représentait un défi clair au système d'examen de la fonction publique avant que le gouvernement Qing ne décide de mettre fin aux examens en 1905. Le système d'examen était extrêmement important pour la pérennité de l'érudit confucéen. Au total, l'existence de la pensée et de la culture des érudits confucéens dans la société chinoise pré-moderne reposait sur trois bases importantes. La première était l'État, la cour impériale ayant déclaré que le confucianisme était l'idéologie officielle et que les classiques confucéens étaient les classiques de l'État. Le confucianisme a donc été promu par le gouvernement impérial. La deuxième base était le système éducatif, en particulier le système d'examen de la fonction publique, qui stipulait que les classiques confucéens étaient le sujet principal des examens. Enfin, la troisième base du confucianisme était constituée par les fondements sociaux de la famille et les systèmes de gouvernance rurale qui existaient en Chine depuis plusieurs milliers d'années.

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Les réformes stratégiques de la fin de la période Qing ont joué un rôle important dans la détermination des moyens par lesquels le confucianisme continuerait d'exister. Malgré l'abolition des examens en 1905, l'une des premières réformes les plus radicales, le gouvernement Qing était toujours déterminé à préserver l'étude et le programme des classiques dans toutes les écoles, et exigeait également que les écoles continuent d'offrir des sacrifices à Confucius le jour de son anniversaire. Cette situation a toutefois changé avec l'avènement de la révolution de 1911. Lorsque le ministère de l'éducation est passé sous le contrôle de Cai Yuanpei 蔡元培 (photo) en 1912, l'État a décidé de mettre fin aux sacrifices à Confucius et d'abandonner l'étude des classiques. Par conséquent, dans les années qui ont suivi la révolution, le système consistant à "honorer Confucius et à lire les classiques" a subi un revers fondamental. Au cours de ce processus, les érudits confucéens ont connu leur première période significative de "défi et réponse", en d'autres termes, leur première difficulté fondamentale.

De la fin de la dynastie Qing au début de la République, bien que l'érudit confucéen ait déjà été retiré du centre de la politique et de l'éducation, le rôle de la pensée et de la culture confucéennes s'est maintenu dans le domaine de l'éthique [4] Peu de temps après, de 1915 à 1919, le mouvement de la nouvelle culture est apparu et le confucianisme a été confronté à son deuxième défi. Le mouvement de la nouvelle culture a brandi les bannières de la critique, de la réflexion et de la lumière. Il s'agissait d'un éclaircissement culturel, basé sur la culture occidentale moderne, présentant la culture chinoise traditionnelle comme son opposé binaire et, en particulier, présentant les rites et la culture confucéens comme son adversaire principal et critique. Cela semblait raisonnable pour beaucoup à l'époque, et ils ont brandi le slogan "A bas Confucius et ses enfants !". De la fin de la dynastie Qing jusqu'à la révolution de 1911, le confucianisme a maintenu son influence éthique même lorsqu'il quittait la scène politique, mais dans les années qui ont immédiatement suivi, il a subi son deuxième revers crucial. La révolution de 1911 a contraint le confucianisme à une forme d'exil qui s'est étendue au mouvement de la nouvelle culture. Le Mouvement de la nouvelle culture a alors hérité du mouvement d'exil du confucianisme de la fin de la période Qing et du début de la période républicaine et a élargi sa mission en bannissant le confucianisme du domaine de l'éthique. Le mouvement de la nouvelle culture a laissé le confucianisme fragmenté et à la dérive.

Le troisième grand dilemme s'est produit entre la révolution de 1949 et la "révolution culturelle". Je considère cette période comme un tout parce que le mouvement de collectivisation, l'organisation des communes populaires et la "Grande révolution culturelle prolétarienne" ont changé le système de gouvernance rurale et fait de la collectivité la base de la société. Le système des communes populaires, fondé sur la brigade et les trois niveaux de propriété [5], a complètement transformé l'ancien ordre villageois basé sur le lignage.

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Les spécialistes de l'ère moderne ont affirmé qu'une fois le système social confucéen séparé de sa base, le confucianisme est devenu une "âme perdue 游魂" [6] Cette image d'une âme perdue suggère que les changements de la culture moderne ont séparé la pensée confucéenne de ses racines anciennes. La révolution elle-même avait une signification politique et, en outre, les transformations qu'elle a entraînées dans les campagnes étaient extrêmement importantes. En outre, un autre facteur important a été la révolution culturelle, en particulier le mouvement de critique de Lin Biao (photo) et de Confucius. Les campagnes successives de critiques politiques absurdes du confucianisme et de Confucius ont fait des ravages dans la pensée des gens. Il s'agissait d'une attaque encore plus importante contre la culture confucéenne.

La quatrième période de défi pour le confucianisme au 20ème siècle a été les vingt premières années de réforme et d'ouverture à partir de la fin des années 1970. La mobilisation de la période de réforme dans les années 1980 a apporté une forme de pensée éclairée qui a fait écho au mouvement de la nouvelle culture de la période du 4 mai, adoptant un thème majeur du 20e siècle dans sa critique de la tradition. Le confucianisme est donc apparu comme l'antithèse de la modernisation. Le développement vigoureux de l'économie de marché, qui a donné une place prépondérante à la pensée utilitaire dans les années 1990, a également constitué un défi de taille pour les traditions du confucianisme et la culture chinoise.

Si l'on divise les attaques contre la pensée et la culture confucéennes au XXe siècle en quatre grandes périodes, on constate que chacune d'entre elles a eu une influence profonde sur le destin de la culture confucéenne. Cependant, il serait faux de prétendre que le confucianisme n'a subi que des attaques et n'a jamais connu de progrès au 20ème siècle. Parfois, les défis peuvent offrir des opportunités de progrès. Dans ce contexte historique, il n'y a eu qu'une seule période significative de développement pour le confucianisme : la période allant de l'incident de Mukden en 1931 à la fin de la guerre de résistance contre le Japon (1937-1945), en particulier la période de guerre. Le peuple chinois dans son ensemble s'est uni pendant cette période, et la défense et la renaissance nationales sont devenues des questions d'une importance cruciale. Ce fut le thème central de la période et une occasion historique rare pour le confucianisme de progresser.

Réponses et développements philosophiques

J'ai divisé environ cent ans d'histoire confucéenne en quatre périodes de défis et une période d'opportunités, soit cinq périodes au total. Nous pouvons considérer l'histoire du confucianisme au 20ème siècle comme une réponse à ces défis, qui se déroule en cinq étapes.

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La première étape, ou plutôt la première personne dont il est question, est Kang Youwei 康有为 (1858-1927). Bien que Kang ait réfléchi à la religion confucéenne bien avant la révolution de 1911, il l'a encore plus mise en avant par la suite. À plusieurs reprises, Kang lui-même ou ses élèves ont proposé que la religion confucéenne devienne la religion d'État. Ces propositions étaient positives. Les réformes politiques et éducatives - de l'"Édit sur la création d'écoles" en 1901 à l'abolition des examens de la fonction publique en 1905 et au début de la direction du ministère de l'Éducation par Cai Yuanpei en 1912 - avaient déjà privé le confucianisme des fondements institutionnels sur lesquels il reposait. Pour préserver et développer la pensée confucéenne, Kang Youwei s'est tourné vers la religion. Il s'est rendu compte que le christianisme avait sa place dans le tissu de la culture occidentale moderne. Il existe des exemples de son établissement en tant que religion d'État dans les pays occidentaux. Il a donc estimé qu'une nouvelle Chine avait besoin de nouvelles institutions et que le confucianisme pouvait jouer un rôle important. L'argument de Kang en faveur de l'établissement du confucianisme comme religion d'État représente la première réponse [7], une réponse religieuse aux difficultés rencontrées par le confucianisme et, bien sûr, elle a échoué. Tous les projets et propositions de Kang ont échoué, et l'histoire a clairement montré que ce n'était pas la voie à suivre. Malgré cet échec, nous pouvons considérer cet épisode comme la première réponse active du confucianisme à un siècle de défis.

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La deuxième étape couvre le mouvement de la nouvelle culture. À la fin du mouvement pour la nouvelle culture, de nouveaux développements ont eu lieu. Ils résultent des réflexions culturelles des intellectuels occidentaux sur la Première Guerre mondiale et la montée du socialisme en Union soviétique. Ces événements ont conduit certains intellectuels éminents à reconsidérer la question de la culture chinoise. La figure représentative de cette période est Liang Shuming 梁漱溟 (1893-1988) (photo). Au début des années 1920, Liang a écrit 東西文化及其哲學 (Cultures orientale et occidentale et leurs philosophies). Ce livre est représentatif de la deuxième réponse à la situation difficile à laquelle le confucianisme a été confronté au 20ème siècle. Il s'agit d'une réponse non pas religieuse, mais culturelle. Liang pensait que même si la société chinoise devait subir une occidentalisation complète, la culture confucéenne et ses valeurs étaient toujours nécessaires : "Dans le futur très proche de notre monde, après la période culturelle occidentale au cours de laquelle les Européens et les Américains ont conquis et exploité la nature, il sera temps pour la renaissance de la culture chinoise" [8] Ce "futur très proche" se référait à la culture d'un socialisme confucéen car, selon Liang, le confucianisme incorporait déjà les valeurs du socialisme. Il pensait que la caractéristique de la culture occidentale était qu'elle résolvait la relation entre l'humanité et le monde naturel, la relation entre l'humanité et le domaine matériel. La culture confucéenne, quant à elle, résolvait la relation entre les êtres humains, la relation entre l'individu et la société, de la même manière que le socialisme pouvait résoudre les questions entre le travail et le capital. À l'époque moderne, les défis rencontrés par le confucianisme ont tous été présentés par la culture occidentale moderne à la société et à la culture chinoises. La réponse confucéenne ne pouvait être dirigée que vers ce défi culturel au niveau macro.

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La réponse philosophique au cours de la troisième phase, de l'incident de Mukden en 1931 à la fin de la guerre de résistance en 1945, n'était pas seulement le produit du nationalisme croissant de l'époque, mais aussi une réponse à l'assaut de la culture occidentale moderne. Parmi les intellectuels impliqués, citons Xiong Shili 熊十力 (1885-1968) (photo), Ma Yifu 马一浮 (1883-1967),Feng Youlan 冯友兰 (1895-1990) et He Lin 贺麟 (1902-1992). Le système de confucianisme philosophique de Xiong Shili, 归本大易 ("Retour au Yijing"), peut être considéré comme une forme de "nouvelles études sur le livre du Yijing"[9] Ma Yifu s'est concentré sur les Six Classiques et les Six Arts. Son système de confucianisme peut être appelé "Nouvel apprentissage classique" 新经学. Feng Youlan a appelé son propre système philosophique la "nouvelle philosophie des principes" 新理学. Celui de He Lin était la "Nouvelle philosophie de l'esprit"[10].

Xiong Shili défend le concept philosophique de " l'esprit originel " établi par Mencius[11] En se basant sur les principes du Yijing, il établit l'esprit originel comme une entité absolue et établit une cosmologie relative au Xipi chengbian 翕辟成变. [Il a ensuite appelé sa cosmologie "l'inséparabilité de la substance et de la fonction" 体用不二. 13] Sa pensée philosophique était un système confucéen qui mettait l'accent sur les constructions cosmologiques.

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Ma Yifu (photo) était un érudit qui défendait avec ténacité la totalité de la culture traditionnelle. Il a synthétisé ou unifié l'étude traditionnelle des classiques 经学 et le néo-confucianisme 理学. Selon lui, "toutes les techniques du dao sont régies par les six arts, et les six arts sont en fait régis par l'esprit unique 一心" [14] "Toutes les techniques du dao" renvoient aux différents domaines d'étude ou "disciplines", comme nous les appelons aujourd'hui. Quant aux "six arts", Ma Yifu fait en réalité référence aux six classiques. C'est la terminologie utilisée par un confucéen classique. Cette approche met l'accent sur les classiques pour la reconstruction du nouveau confucianisme.

La philosophie de Feng Youlan était ce qu'il appelait lui-même la "Nouvelle philosophie du principe" [15] Il espérait poursuivre le travail des néo-confucéens de Cheng-Zhu, en mettant l'accent sur le monde de li (principe) 理 [16] En assimilant le nouveau réalisme de l'Occident, il a établi un monde de principe au sein de la philosophie, établissant ainsi un segment important de la métaphysique de la philosophie confucéenne. La philosophie de Feng Youlan est une philosophie confucéenne moderne qui se concentre sur les constructions métaphysiques.

Lin s'est ouvertement déclaré adepte de l'école Lu-Wang [17] et a soutenu que "xin (心 cœur/esprit) est la substance 体 de la matière 物, tandis que la matière est la fonction 用 de xin". La plupart de ses écrits placent cette école de l'esprit à la base de la philosophie confucéenne. Mais surtout, nous découvrons que He Lin a joué un rôle important en élaborant un projet de renouveau confucéen. Son slogan était : "La pensée confucéenne comme substance ; la culture occidentale comme fonction", ce qui pourrait également être lu comme : "L'esprit national (民族精神) comme substance ; la culture occidentale comme fonction" [18] Il a élaboré un plan détaillé pour le renouveau confucéen.

Outre ses premières contributions aux idées d'identité culturelle, Liang Shuming a passé une grande partie des années 1940 à 1970 à rédiger son livre Psychologie et vie 人心与人生. Ce livre montre que le système philosophique de Liang Shuming mettait l'accent sur une construction de la philosophie confucéenne moderne basée sur la psychologie.

Les travaux de ces philosophes illustrent comment une forme nouvelle et constructive de confucianisme a émergé durant cette période. Leur réponse est avant tout philosophique. C'est l'époque que j'ai identifiée comme la seule période d'opportunité historique dans ce siècle de confucianisme, et elle est liée à l'émergence de l'identité culturelle nationale qui a accompagné la guerre contre le Japon. L'accent mis sur la culture nationale a permis de réaliser d'importants progrès.

La quatrième étape s'étend de 1949 à la fin de la révolution culturelle. On ne peut pas dire qu'il n'y ait pas eu de pensée confucéenne en Chine pendant cette période. Si nous examinons les changements présentés par Xiong Shili et d'autres intellectuels des années 1950, 1960 et 1970, nous verrons qu'il s'agit d'une période d'adaptation du confucianisme moderne, ainsi que d'intégration et d'absorption du socialisme. Dans On Confucianism 原儒, publié au début des années 1950, Xiong appelle à l'abolition de la propriété privée et à l'aplanissement des différences entre les classes, une approche empruntée au socialisme. Liang Shuming a écrit vers la fin de sa carrière un livre intitulé China : A Rational Country 中国:理性之国, dans lequel il se concentre sur la question du passage d'une société de classes à une société sans classes et du socialisme au communisme. Tous ces exemples montrent que ces philosophes ne se conformaient pas passivement à l'époque, mais qu'ils essayaient au contraire d'intégrer leur propre pensée dans les questions de l'époque. Ils n'ont jamais faibli dans leur foi en la pensée et la culture confucéennes.

Les nouveaux confucéens de Taïwan et de Hong Kong étaient sans racines et à la dérive, mais ils perpétuaient l'héritage de la troisième étape de la pensée confucéenne. En d'autres termes, face aux changements, aux ajustements et aux défis de la société du 20ème siècle, et confrontés à une anomie spirituelle générale, ils ont développé une nouvelle voie dans la pensée confucéenne qui correspondait aux conditions de l'époque, une nouvelle philosophie confucéenne qui absorbait la culture occidentale et développait l'esprit national, ainsi qu'une philosophie orientée vers les questions universelles auxquelles le monde et la condition humaine sont confrontés d'un point de vue confucéen. Tout cela a contribué à la revitalisation de la culture du continent à partir de la fin des années 1980.

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Formes latentes et manifestes du confucianisme

L'existence du confucianisme ne peut être considérée comme simplement proportionnelle à l'existence du philosophe, pas plus qu'on ne peut dire que le confucianisme existe parce qu'il y a un philosophe confucéen. Ce serait un point de vue superficiel. Des années 1950 à nos jours, l'existence du confucianisme, comme l'explique Li Zehou 李泽厚 (1930-2021) (photo), ne s'est pas seulement limitée à un ensemble de commentaires sur les classiques confucéens, mais s'est également manifestée dans la construction psychoculturelle du peuple chinois [19]. Par conséquent, après que tout contact avec l'ancien système de confucianisme a été coupé, celui-ci est devenu une tradition qui vivait intrinsèquement dans la population. Les valeurs confucéennes continuent d'exister, surtout parmi les gens ordinaires, où elles sont peut-être même plus profondément enracinées que dans les couches intellectuelles, qui ont été davantage contaminées par la culture occidentale.

La tradition confucéenne chez les gens ordinaires existe sous une "forme subconsciente dans la vie de tous les jours". Même dans la République populaire de Chine, les concepts chinois de moralité ont été continuellement et inébranlablement influencés par la moralité confucéenne traditionnelle. Cependant, comme cette fonction réside dans le subconscient, elle est constamment influencée par l'environnement de différentes époques. Par conséquent, l'existence du confucianisme ne peut être élucidée avec certitude, pas plus que nous ne pouvons dire grand-chose sur son état actuel. Il est parfois très déformé.

Je dois ici souligner le fait qu'au cours de cette cinquième période - la période de réforme et d'ouverture - ou même depuis la quatrième période, le concept de confucianisme a certainement subi une transformation. Nous ne pouvons pas dire que le confucianisme n'existe qu'avec l'existence du philosophe confucéen.

J'aimerais maintenant aborder les formes existentielles du confucianisme qui ont perduré depuis les réformes entamées en 1978. Au cours des trente dernières années en Chine continentale, nous n'avons pas vu de philosophes confucéens comme ceux des années 1930 et 1940. Cependant, plusieurs aspects de cette période méritent d'être observés.

Le premier est le confucianisme académique. Les trente dernières années de recherche sur le confucianisme ont créé une culture du confucianisme académique. Cette culture trouve son origine dans les recherches approfondies menées sur le confucianisme traditionnel et comprend les contextes de son évolution historique, examine sa doctrine, explique les différentes écoles de pensée et inclut des recherches approfondies sur la pensée du nouveau confucianisme contemporain. Cet ensemble d'études est ce que j'appelle le confucianisme académique. Il a connu plus de trente ans de développement, offrant de nombreux nouveaux horizons. Dans le monde universitaire de la Chine contemporaine, il occupe une position importante et a exercé une influence considérable.

La deuxième forme de confucianisme à l'ère de la réforme est le confucianisme culturel. Au cours des trente dernières années, un grand nombre de tendances et de discussions culturelles ont eu un rapport direct avec le confucianisme, comme les discussions sur la relation entre le confucianisme et la démocratie, les droits de l'homme, la mondialisation, la modernisation, le choc des civilisations et, bien sûr, la pertinence du confucianisme pour la construction d'une société harmonieuse, dont nous discutons aujourd'hui. De nombreux chercheurs louent l'importance positive des valeurs confucéennes du point de vue du confucianisme culturel. Ils discutent de la manière dont le confucianisme peut avoir un effet sur la société contemporaine, en exposant des concepts et des idées culturels précieux et en interagissant avec les tendances contemporaines de diverses manières. Cela a eu un effet remarquable sur les strates socioculturelles de la Chine contemporaine. Je pense que ces discussions et activités ont également créé une forme existentielle distincte pour le confucianisme, que j'ai appelée le confucianisme culturel.

On ne peut donc pas dire qu'au cours de ces trente années, il n'y a pas eu de philosophes confucéens importants, ni que le confucianisme a disparu. Outre les formes latentes d'existence, nous devons reconnaître qu'il existe de nombreuses autres formes manifestes de la culture confucéenne. Nous devons définir ces formes manifestes de la culture confucéenne qui se sont adaptées pour survivre au cours des trente dernières années. C'est pourquoi j'utilise les expressions "confucianisme académique" et "confucianisme culturel" pour résumer les manifestations du confucianisme de cette période. En fait, bien que le philosophe soit toujours important, comparé aux systèmes de métaphysique abstraite qui ont émergé, c'est vraiment le confucianisme académique et culturel qui s'est avéré avoir une influence encore plus envahissante et étendue sur la société, la culture et la pensée. Ces formes ont jeté les bases des nouveaux développements de la pensée confucéenne.

La troisième forme de confucianisme qui existe aujourd'hui est le confucianisme populaire 民间. Il comprend des aspects latents, dans l'existence quotidienne et subconsciente des gens ordinaires - un confucianisme dans la psyché des masses - ainsi que des aspects manifestes dans des activités ouvertes, comme le confucianisme académique et culturel. Le nouveau siècle a vu un développement incessant du confucianisme populaire et du confucianisme vulgarisé. Cette forme culturelle est apparue vers la fin du siècle dernier et continue à se développer aujourd'hui, notamment à travers toutes sortes de cours sur les études nationales 国学, dans les écoles, les académies et les salles de classe ; divers magazines numériques, des lecteurs pour les gens ordinaires, des cours pour enfants sur les classiques et ainsi de suite. La plupart des événements au niveau du confucianisme académique et culturel sont des activités destinées à l'intelligentsia, mais ceux au niveau du confucianisme populaire reçoivent une participation beaucoup plus large et plus active de la part des Chinois à tous les niveaux de la société d'aujourd'hui. Il s'agit d'une manifestation culturelle au niveau de la pratique populaire, c'est pourquoi je l'appelle "confucianisme populaire". Au cours des dix dernières années, les études nationales ont été fortement encouragées par le confucianisme populaire.

Conclusion : opportunités de renaissance et visions d'avenir

Je pense que la deuxième période d'opportunité pour un renouveau du confucianisme moderne est arrivée avec l'avènement du 21ème siècle. La première période d'opportunité s'est déroulée pendant la guerre de résistance, une période marquée par une augmentation de la conscience nationale et une prise de conscience d'un renouveau national. À partir de la fin des années 1990, accompagnant la montée en puissance de la Chine et l'approfondissement et le développement de la modernisation du pays, la Chine est entrée dans une première phase de modernisation. C'est dans ce contexte, dans les conditions d'une énorme reprise de confiance du peuple dans sa culture nationale, avec l'avènement de la grande renaissance de la nation chinoise et de la culture chinoise, que s'est présentée la deuxième période d'opportunité pour la renaissance moderne du confucianisme. Comment le confucianisme peut-il tirer parti de cette opportunité ? Comment les érudits confucéens peuvent-ils participer à cette renaissance du confucianisme ? En plus des efforts continus du confucianisme académique et culturel, il y a au moins quelques choses à faire, comme reconstruire l'esprit national 民族精神, établir des valeurs morales, organiser un ordre éthique, former des principes éducatifs, former un système de valeurs communes, un État-nation cohésif et promouvoir davantage nos progrès culturels et éthiques [20]. Si seul le confucianisme participe consciemment à la grande renaissance de la nation chinoise, en s'intégrant à la mission de notre époque et à nos besoins sociaux et culturels, ses perspectives de développement seront largement ouvertes.

En outre, il existe une tâche centrale qui requiert notre attention : la reconstruction et le développement du système philosophique. Une nouvelle philosophie confucéenne doit émerger et émergera sans aucun doute avec le développement de la modernisation de la Chine, et cette philosophie doit être une corne d'abondance. Sur la base du confucianisme traditionnel et du nouveau confucianisme contemporain, ainsi que de la renaissance de la culture chinoise, cette philosophie marchera à travers le monde, proliférera et se manifestera. À l'instar des controverses culturelles à l'époque du mouvement du 4 mai, du travail de résolution des questions relatives à notre patrimoine national dans les années 1920 et du développement de la philosophie nationale dans les années 1930, la Chine continentale a connu une tendance à la fièvre culturelle dans les années 1980 et une tendance à la fièvre des études nationales qui a fait boule de neige depuis la fin des années 1990 jusqu'à aujourd'hui. Nous pouvons nous attendre à ce que les nouvelles théories de la pensée confucéenne et la nouvelle philosophie confucéenne soient prêtes à faire irruption sur la scène en même temps que la renaissance du peuple chinois et de la culture chinoise.

Notes

[1] 陈来, " 百年来儒学发展的回顾与前瞻 ", 深圳大学学报(人文社会科学版)[Journal de l'Université de Shenzhen (édition des sciences humaines et sociales)], Vol. 31 : 3 (mai 2014), pp. 42-46.

[2] Toutes les notes sont celles des traducteurs, sauf mention contraire. Il existe un grand nombre de termes chinois qui sont traduits par "confucianisme" en anglais. Ruxue 儒学 fait généralement référence au système d'apprentissage et d'étude des textes classiques. Rujia 儒家 désigne les érudits ou philosophes qui ont étudié le confucianisme en tant que système de pensée. Et Rujiao 儒教 fait référence au confucianisme en tant que religion, comprenant des rites, des cérémonies et des sacrifices à Confucius, un système promu par Kang Youwei à l'époque moderne. À quelques exceptions près, notamment lorsqu'il se réfère à la pensée académique ou aux idées de Kang Youwei, Chen Lai utilise le terme ruxue dans cet article.

[Le langage utilisé par Chen Lai est lié à la compréhension de l'histoire chinoise en tant que "réponses" aux "défis" de l'Occident. Ce mode de compréhension est associé aux travaux du sinologue John K. Fairbank et de ses étudiants au milieu du XXe siècle[4].

[Ici et ci-dessous, Chen Lai utilise le terme lunlide jingshen 伦理的精神 ou lunli jingshen 伦理精神, qui fait référence aux domaines éthiques et spirituels dans une compréhension intellectuelle et non religieuse du terme "spirituel". Voir son utilisation par les spécialistes du confucianisme et du nouveau confucianisme, comme Tu Wei-ming, "Hsiung Shih-li's Quest for Authentic Existence", in Charlotte Furth, (ed.) The Limits of Change (Cambridge, Mass. and London : Harvard University Press), 1976.

[5] Chen fait ici référence à ce que l'on appelle en chinois les "trois niveaux de propriété". Ces trois niveaux sont la commune, la brigade de production et l'équipe de production.

[6] John Makeham traduit youhun par "âme perdue" et analyse ce récit dans Lost Soul : "Confucianism" in Contemporary Chinese Academic Discourse (Cambridge : Harvard University Asia Center, 2008).

[7] [Chen Lai] : Mentionné dans les articles suivants : Kang Youwei, "请尊孔圣为国教立教部教会以孔子纪年而废淫祀折" [Un mémorial] pour faire du respect du sage Confucius la religion d'État, établir des églises qui commémorent Confucius et écartent les religions non orthodoxes], "中华救国论" [Sur le salut de la Chine], "孔教会序-一" [Une préface à l'église confucéenne : 1], "孔教会序-二" [Préface de l'Église confucéenne : 2], "以孔教为国教配天议" [L'église confucéenne en tant que religion d'État est conforme à la volonté du ciel], "陕西孔教会讲演" [Un discours à l'église de Shanxi de la congrégation de Confucius], in 康有为政论集 [Les écrits politiques de Kang Youwei]。北京;中华书局,1998.

[8] [Chen Lai] : 梁漱溟,东西文化及其哲学。 北京:商务印书馆,1999, p. 244.

[9] Voir la traduction et l'explication par Tu Wei-ming des méditations de Xiong sur le Livre des changements dans Tu 1976, op. cit.

[10] Chen Lai évoque ces quatre penseurs à la page 44 du texte chinois, dans un langage extrêmement technique qui n'a pas été traduit ici.

[11] Pour Xiong, l'esprit originel détermine la compréhension de la réalité et se trouve dans le flux constant de la grande transformation. C'est l'humanité ren 仁 commune à l'humanité et à toutes choses[12].

[Le Xipi chengbian 翕闢成變 est utilisé pour expliquer comment, par la contraction (xi) et l'expansion (pi), une entité peut se transformer en différents phénomènes au sein de l'esprit. La "contraction" est le processus de focalisation, tandis que l'"expansion" élargit le phénomène pour créer une apparence d'ordre pour l'esprit. Wing-Tsit Chan, cependant, explique la thèse de Xiong comme suit : "La réalité est une transformation perpétuelle, consistant en une 'fermeture' et une 'ouverture', qui sont un processus de production et de reproduction incessant. La "substance originelle" est en perpétuelle transition à chaque instant, émergeant encore et encore, donnant lieu à de nombreuses manifestations. Mais la réalité et la manifestation, ou la substance et la fonction, ne font qu'un. Dans son aspect "fermeture", c'est la tendance à s'intégrer - dont le résultat peut être "temporairement" appelé matière - tandis que dans son aspect "ouverture", c'est la tendance à maintenir sa propre nature et à être son propre maître - dont le résultat peut être "temporairement" appelé esprit. Cet esprit est lui-même une partie de l'"esprit originel" qui, sous ses différents aspects, est esprit, volonté et conscience. Wing-Tsit Chan, A Source Book in Chinese Philosophy (Princeton : Princeton University Press, 1969), p. 763 ; voir sa traduction de Xiong, 765-767.

[13] Voir Jésus Solé-Farràs, New Confucianism in Twentieth-Century China : The Construction of a Discourse, (New York : Routledge 2014), 112. Traduit par Chan 1969, 769-772.

[14] 马一浮, 马一浮集(第一册) 杭州:浙江古籍出版社, 1996, p. 20. [Trans] : Un seul esprit (一心, sanskrit : ekacitta) fait référence à un esprit métaphysique unifié, un concept propre au bouddhisme mahayan.

[15] Wing-Tsit Chan traduit cela par "La nouvelle philosophie rationnelle" dans Chan 1969, 751.

16] L'école Cheng-Zhu ou Cheng-Zhu lixue 程朱理学 désigne la branche centrale du néoconfucianisme incarnée par Zhu Xi, Cheng Yi et Cheng Hao sous la dynastie Song, qui a été adoptée pour les examens d'État impériaux[17].

[L'école Lu-Wang ou Lu-Wang xuepai 陆王学派 désigne l'école de l'esprit Xinxue 心学, représentée par Lu Jiuyuan 陆九渊 et Wang Yangming 王阳明. L'école de l'esprit est devenue populaire sous la dynastie Ming et les universitaires et intellectuels chinois l'ont opposée à l'école du principe lixue 理学.

[18] He Lin 賀麟, 贺麟全集.文化与人生 [The Complete Works of He Lin : Culture and Life], 上海:上海人民出版社, 2011, p. 13.

[19] [Chen Lai] : 李泽厚. 李泽厚学术文化随笔 [Notes de Li Zehou sur l'érudition et la culture] 北京:中国青年出版社, 1998.

[20] Bien que le terme signifie également "civilisation spirituelle", le gouvernement chinois traduit officiellement 精神文明 par "progrès culturel et éthique", comme la Commission centrale pour l'orientation du progrès culturel et éthique l'appelait officiellement 中央精神文明建设指导委员会. Voir Delia Lin, Civilising Citizens in Post-Mao China : Understanding the Rhetoric of Suzhi (New York : Routledge, 2017), p. 132, n. 30.

Source : https://www.readingthechinadream.com/chen-lai-a-century-of-confucianism.html

Traduction : https://novaresistencia.org

mercredi, 23 août 2023

La voie de la main droite et la voie de la main gauche

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La voie de la main droite et la voie de la main gauche

Frank Tudisco

Source: https://www.paginefilosofali.it/via-della-mano-destra-e-via-della-mano-sinistra-frank-tudisco/

Il existe deux voies différentes, deux chemins qui trouvent leur origine dans cette définition en Orient au sein des traditions tantriques : le chemin de la main gauche, le "Vama Marga" et le chemin de la main droite, le "Dakṣiṇa Marga". Les appellations de Vama et Dakṣiṇa, en Inde, indiquent l'origine géographique des sampradāya, c'est-à-dire les systèmes doctrinaux, les lignées spirituelles, les académies ou écoles initiatiques d'origine, ainsi que les circuits de connaissance fondés sur l'ensemble des textes canoniques révélés d'inspiration divine. Il s'agit donc de deux voies fondées sur des perspectives et des techniques différentes de compréhension du chemin spirituel, de l'éveil de la conscience, de l'évolution de l'être humain dans son rapport à la vie et à l'Esprit, deux approches différentes, deux manières distinctes d'interpréter les Tantras (1), mais qui, dans leur essence, ont la même finalité. Pour atteindre Kaivalya (2) - un état de "détachement" ou d'"isolement" de la matière qui consiste en l'abandon définitif des limitations de la pensée - et ensuite Mokṣa - c'est-à-dire la libération du cycle des renaissances et la sortie définitive de la roue du saṃsāra - différentes orientations doctrinales peuvent être combinées, ce qui n'implique nullement que l'une soit meilleure que l'autre. Le pratiquant est censé emprunter une voie spécifique en fonction de son propre état d'avancement spirituel, indépendamment ou à la discrétion d'un guide, d'un maître, d'un Guru.

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Les Tantras sont un ensemble d'enseignements qui, dans les mythes, sont attribués à Śiva. Cette divinité transmet ces enseignements à sa śakti, son épouse mystique, la déesse Pārvatī. Ces enseignements sont destinés à conduire chaque être humain à une pleine réalisation de soi, de sa créativité, de son évolution, tant matérielle que spirituelle. Pour ce faire, l'être humain doit réveiller en lui cette étincelle divine, ces facultés perdues et profondes qui le rapprochent de sa vraie nature, sa nature divine. En Inde, on a toujours imaginé que l'homme était tourné vers l'Est - le lieu du lever du soleil. C'est pourquoi, conformément à cette hypothèse, la main gauche pointe vers le nord et la main droite vers le sud.

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Dans les traditions de la main gauche, c'est-à-dire celles de l'Inde du Nord, du Pakistan, du Tibet et surtout du Cachemire, les Tantras sont compris au sens littéral. Les traditions de la main droite, qui proviennent plutôt du Bengale et de l'Inde du Sud, visent plutôt une interprétation allégorique. Étant donné que ces enseignements contiennent des éléments qui concernent également la sexualité, que l'utilisation du symbolisme sexuel est récurrente et que l'union des couples divins illustre le principe de la conjonction universelle des opposés, les voies de la Main Gauche, qui interrogent ces enseignements dans un sens plus orthodoxe, pratiquent l'érotisme sacré, la sexualité sacrée, entendue précisément comme un rapport sexuel. Le Kamasutra étudie le corps comme un temple extraordinaire, un laboratoire alchimique dans lequel, à travers la sexualité vécue, a lieu la redécouverte de la kundalini, l'énergie vitale primordiale qui est de nature divine.

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Les voies de la Main Droite, en revanche, qui donnent au mythe une lecture de nature symbolique, n'envisagent pas et condamnent même les pratiques sexuelles. Lorsque ces concepts venus d'Orient ont atteint l'Occident, ils ont inévitablement subi une réinterprétation qui les a souvent déformés jusqu'à la dégénérescence. Surtout si l'on pense aux principes inextricablement liés à la sexualité, qui sont passés de l'Orient à l'Occident par le biais de la colonisation britannique en Inde, filtrés par une Angleterre victorienne bigote et fortement moralisatrice.

Le sexe est, aujourd'hui encore, en Occident, le domaine le plus marqué par les dysfonctionnements, l'insatisfaction et l'excès. Plus de trois millénaires de dénomination chrétienne, de judaïsme, de paulinisme et de gnosticisme ont fini par instiller dans l'inconscient collectif et même de l'individu qui s'estime libéré des schémas religieux, l'idée de culpabilité dès lors que l'on tire du plaisir par le sexe. Toute pratique sexuelle, autoérotique ou partagée, devient un tabou, un sentiment interdit dont il n'est même pas permis de parler. Un sentiment qui, aux yeux de la foi, est considéré comme un péché, un mal, un sentiment sale et mauvais, qui doit être maintenu sans cesse en dessous du seuil de tolérance physiologique et, en fin de compte, considéré comme quelque chose à corriger, sous peine d'aller en enfer ou d'être puni par l'autorité divine. C'est Madame Helena Blavatsky (3) qui, la première, a attribué cette déclinaison à la sphère ésotérique, en assimilant les concepts de "bien" aux Tantras de la Main Droite et de "mal" aux Tantras de la Main Gauche. Cette assimilation du concept de la Main Gauche lié au mal n'a évidemment aucune connotation légitime sur le plan moral.

En réalité, la combinaison main gauche-mal et main droite-bien a des origines archétypales. Le soleil, par exemple, se lève à l'est, passe au sud et se couche à l'ouest. Ainsi, le seul et unique point cardinal restant dans l'obscurité perpétuelle est le nord qui, selon le principe que l'homme regarde toujours vers l'est, coïncide avec la main gauche. Il est également bien connu que dans les temps anciens, lorsqu'une infection banale pouvait tuer, il était très important de distinguer que la main droite et la main gauche remplissaient des fonctions distinctes. Or, comme la majorité des êtres humains sont droitiers, ils ont fini par sanctifier la main droite et par diaboliser par réflexe la main gauche. Cet héritage s'est répercuté sur le langage qui, à son tour, a fini par fixer des charnières dans l'inconscient collectif. Dans la langue italienne, "droite" est synonyme de dextérité, d'agilité, d'habileté, tandis que "gauche" est synonyme d'inquiétude, d'angoisse, de menace ou de mauvais présage. C'est également le cas dans d'autres langues. En anglais, "right", par exemple, signifie également droit, correct, rectiligne, tandis que "left", qui signifie aussi quelque chose de "laissé derrière soi" et, dans sa forme archaïque, "lyft", signifie également maladroit, gauche, stupide et insensé.

C'est un peu la description anthropologique des deux voies. En Occident, ces deux visions déboucheront plus tard sur une approche philosophique très différente. Celle de la Main Droite, dont on peut dire qu'elle a été réinterprétée dans une clé plus orthodoxe, se concentre sur une approche typiquement dévotionnelle, qui tend cependant à représenter l'homme comme une créature divine envers laquelle on peut exprimer son adoration, voire sa soumission, qui s'étendra également aux églises, aux institutions sacerdotales et à la culture brahmanique, jusqu'à concevoir un anéantissement complet du pratiquant envers une religion révélée ou une connaissance de l'Absolu - comme on l'entend souvent dans le bouddhisme lu vulgairement en Occident.

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Avec la voie de la Main Gauche, qui a plutôt été interprétée dans une clé plus gnostique, il faut comprendre toutes les voies dans lesquelles le pratiquant tend à être plus indépendant d'une structure et donc à une connaissance directe de l'Absolu, en restant identifié à lui-même, à l'être humain et non pas à une créature divine, mais à son tour comme une divinité qui, en ce moment, n'est pas consciente d'elle-même, mais qui peut, à travers un chemin précis, redécouvrir sa propre étincelle divine, sa propre divinité intérieure, sans pour autant se soumettre, par une attitude fidéiste, à une divinité transcendantale extérieure.

Si l'on considère la théosophie comme un élément actif de la dégénérescence, l'interprétation erronée des préceptes thélémites, y compris la devise d'Aleister Crowley "Fais ce que tu veux, c'est toute la loi" (4), a également joué un rôle important ; des préceptes qui sont devenus l'épine dorsale de nombreux mouvements et courants New-Age d'aujourd'hui. Ainsi, la voie de la Main Gauche s'est transformée en "Faites ce que vous voulez, il n'y a pas de règles", ce qui est par principe amoral et ne nécessite pas de discipline. Manifeste de cette déviation, la sainte trinité de l'hédonisme, "Sexe, drogue et rock'nroll" ; tandis que la voie de la main droite est devenue la voie du bacchettoni.

En fait, le concept tend à être l'inverse, la voie de la main gauche soumet le pratiquant à une plus grande discipline. L'un des rituels les plus importants du culte de la śakti est, par exemple, le soi-disant Vira-Marga (5) ou "Chemin des Héros", où l'utilisation de l'énergie sexuelle ou de la kundalini et du souffle, l'équivalent alchimique de l'utilisation de ce que l'on appelle les Eaux Corrosives (6), peut sérieusement risquer de compromettre ou de ruiner l'Œuvre. Pour que cela se fasse sans danger, il faut que le praticien ait les conditions de centrage, d'équilibre et d'enracinement pour affronter l'expérience cathartique sans subir de dommages psychiques et physiques déstabilisants. En revanche, la voie de la Main Droite est beaucoup plus progressive, l'adepte étant progressivement guidé par la main d'un Satguru.

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Par la suite, il faut noter une influence kabbalistique importante, par la littérature post-talmudique et plus particulièrement par la Kabbale lurianique (7), évoquée dans le texte de Gershom Scholem (8). Un cadre philosophique qui sous-tend l'origine du Mal selon de nombreux kabbalistes, qui a lieu en fait dans la Geburah, une sephirah particulière qui se trouve dans le pilier gauche de l'arbre séfirotique. L'essence de la lumière divine - Ein Soph (9)- est, par sa nature même, incompatible avec ce qui est limité, ce qui provoque, lors d'une première tentative de création, ce que l'on appelle la "rupture des vases" (10). Cette rupture a eu des implications profondes et a conditionné l'essence même de la création et de l'homme qui a été placé en son centre. Les kelippot, la contrepartie sombre des sephiroth et le résultat de cette rupture des vases, représentent dans le lurianisme les scories, les forces maléfiques présentes dans le monde et l'archétype de toutes les ruptures et déchirures ultérieures. Il en résulte un concept de Mal qui ne peut être déraciné du concept de Dieu lui-même, puisque dans le monothéisme il ne peut logiquement y avoir de dualisme.

Il n'est pas difficile de comprendre comment certaines ramifications déviantes de ces écoles deviennent ainsi l'occasion d'une instrumentalisation politique, d'autre part le délire de certains satanismes. Dans son "Magick" (11), par exemple, Crowley recommande au magicien de recourir à l'infanticide afin d'obtenir de la graisse humaine avec laquelle produire des bougies ou des lampes à utiliser dans le tracé du cercle rituel. Sauf que dans les notes, il précise qu'il ne s'agit pas d'enfants en chair et en os, mais de tuer ou d'étrangler les pensées dans l'œuf, c'est-à-dire de les annihiler avant qu'elles ne puissent s'élever au niveau de la conscience.

Toute personne s'engageant dans une voie initiatique devrait d'abord disposer d'un cadre rationnel solide ainsi que d'une dose adéquate de bon sens - telle qu'elle puisse au moins discerner un précepte symbolique d'un acte criminel. La voie de la main gauche et la voie de la main droite sont aujourd'hui deux locutions qui ont fini par perdre leur sens originel. Il est toujours appréciable, cependant, de distinguer la façon dont elles étaient comprises dans leur sens originel, tantrique, de la façon dont elles sont interprétées aujourd'hui.

NOTES :

(1) De la racine étymologique indo-européenne TAN, "tendre", plus le suffixe "-tra", utilisé pour instrumental. Il peut être traduit littéralement par "instrument d'étirement", c'est-à-dire le cadre ;

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(2) La plus haute réalisation dans la pratique yogique - également connue sous le nom de Mahasamādhi ou Dharmamegha Samadhi, selon la façon dont elle est appelée par les traditions respectives - selon Sri Maharishi Patañjali (1er - 5ème siècle e.v.), philosophe indien, fondateur du Rāja Yoga, à qui l'on attribue la paternité des Yoga Sutras - essai mystique fondamental divisé en quatre sections décrivant les huit étapes du Yoga ;

(3) Eléna Petróvna Blaváckij (1831 - 1891) médium russe naturalisée américaine, fondatrice de la Société théosophique ;

(4) Edward Alexander Crowley (1875 - 1947), ésotériste britannique et père présumé de l'occultisme moderne ;

(5) L'un des rituels d'adoration de la śakti dans les traditions ascétiques śivaïstes des Kapalika et, plus tard, des Aghora ;

(6) La "Via Umida", le pendant de la "Via Secca", un terme couramment utilisé en alchimie pour indiquer une sorte de thérapie de choc, c'est-à-dire ce complexe de techniques et de méthodes extrêmes et extrêmement rapides - y compris la prise de substances psychotropes et tous les comportements conçus pour favoriser les altérations de la conscience rationnelle - afin d'atteindre, par le biais d'un "bain" de solvant transformateur, l'individuation du moi ;

(7) Isaac ben Solomon Luria (1534 - 1572), rabbin ottoman et mystique révolutionnaire, est l'un des penseurs les plus importants de l'histoire de la mystique juive ;

(8) Gershom Scholem, "La Kabbale", Edizioni Mediterranee, 1983 (p. 140). Gerhard "Gershom" Scholem (1897 - 1982) était un théologien, mathématicien et sémitiste israélien ;

(9) L'"illimité" ou le "non-limite", l'infini ;

(10) Shevirat ha-Kelim ;

(11) Aleister Crowley, "Magick : Liber ABA. Livre quatre. Parts I-III", Astrolabio Ubaldini, 2021, p. 120.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE :

Abhinavagupta, "La lumière des Tantras : Tantrāloka", Adelphi, 2017 ;

Alberto Brandi, "The Dark Way : Introduction to the Left Hand Path", Atanòr, 2008 ;

Joseph Campbell, "Mythologie orientale : les masques de Dieu", Mondadori 2002 ;

Gavin Flood, "Hinduism : Themes, Traditions, Perspectives", Einaudi 2006 ;

Groupe Ur, "Introduction à la magie, vol. II", Rome, Edizioni Mediterranee, 1971 ;

Stephen Flowers, "Les seigneurs de la main gauche", Venexia, 2013 ;

René Guénon, "Études sur l'hindouisme", Éditions Fratelli Melita, 1989 ;

Thomas Karlsson, "The Kabbala and Goetic Magic", Atanòr, 2005 ;

Claudio Marucchi, "Le Tantra du ŚrīYantra : le corps humain rendu divin", Psyche 2, 2009 ;

Patañjali, "Yoga Sutra : Aphorismes sur le yoga", Demetra Srl, 1996 ;

Swami Satyananda Saraswati, "Kundalini Tantra", éd. SatyanandaAshram, 1984 ;

Gershom Scholem, "Les grands courants de la mystique juive".

 

mardi, 15 août 2023

Les origines romaines de la fête de l'Assomption

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Les origines romaines de la fête de l'Assomption

Source: https://www.romanoimpero.com/2012/08/feriae-augusti-ferragosto.html

FERIAE AUGUSTI - ORIGINES DE FERRAGOSTO (ITALIE)

FERRAGUE AUGUSTE

Cette fête tombe le 15 août et est aujourd'hui dédiée à l'Assomption de la Vierge Marie, mais peu de gens savent que cette fête est païenne. En 18 avant J.-C., Octave fut en effet proclamé Auguste, donc vénérable et sacré, par le Sénat. À cette occasion, l'empereur déclara tout le mois d'août Feriae Augusti, les fêtes augustéennes, car ce mois comprenait de nombreuses fêtes religieuses, dont la plus importante était la fête de Diane, qui tombait le 13.

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Le terme Auguste provient à l'origine du nom de la grande mère syrienne Atargatis, appelée "l'Augusta", c'est-à-dire la plus grande, la plus sacrée, la déesse à la couronne en forme de tourelle qui se dresse fièrement sur deux lions.

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Il semble qu'en 21 avant J.-C., les Feriae Augusti aient changé de nom pour devenir les FERIAE AUGUSTALES, réunissant ainsi toutes les fêtes du mois en une seule célébration. Désormais, les récoltes seront dédiées à l'empereur en tant que garant du ravitaillement, non seulement des Romains en général, mais aussi des pauvres qui recevaient gratuitement du grain et de l'huile.

FERIAE AUGUSTI (Ferragosto) Du 1er au 31 août.

Les Consualia

AOÛT
Les fêtes du 15 au 21 août étaient célébrées à Rome en l'honneur du dieu archaïque Consus, dieu des moissons, protecteur des récoltes et donc des greniers et des approvisionnements. En tant que divinité de la terre, un temple souterrain du VIIIe siècle avant J.-C. lui était consacré, dans lequel la lumière ne pouvait pénétrer qu'à cette période et pendant les Consualia de décembre, où l'on célébrait à nouveau sa fête.

C'est à cette occasion qu'eut lieu le viol des Sabines et, depuis l'époque de Romulus, cet événement était également célébré, car Rome avait engagé des vierges, mais cela est moins crédible, car les Sabines avaient des coutumes beaucoup plus libres que celles des Romains, à tel point que, pour accepter la paix, elles rédigèrent des lois auxquelles les Romains devaient se soumettre s'ils voulaient qu'elles restent sur le territoire romain.

Cela impliquait un comportement respectueux et obséquieux à l'égard des Sabines : ne pas leur faire porter de fardeaux, leur céder la place, ne pas les insulter, etc.

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La déesse Consiva

Mais la déesse Ops, également connue sous le nom d'Ops ou Openconsiva, était en fait l'ancienne déesse mère Consiva, déesse primitive et sabine, introduite à Rome par Titus Tatius. La déesse était liée à la nature et portait un fils sans avoir d'époux et restait vierge (comme toutes les déesses mères, d'où la virginité de la Madone), puis elle épousait le fils et régnait avec lui, et cette pratique se poursuivait avec la mort et la renaissance annuelles du fils (d'où le mythe de la figure du Christ) sous la forme d'une végétation qui descendait de la mère et lui revenait.

Plus tard, de divinité italique, elle devint romaine, bien qu'associée dans son culte à Saturne et à Consus, dont elle était l'épouse, mais le dieu usurpa sa place, devenant la principale divinité de la nature et des récoltes.

Néanmoins, le culte de la déesse s'est maintenu et c'est à sa protection que l'on confiait les grains récoltés et stockés dans les greniers. Deux sanctuaires lui étaient dédiés, l'un au Capitole et l'autre au Forum, et en son honneur étaient célébrées les traditionnelles fêtes d'Opiconsivia, le 25 août.

À Rome, Ops avait également un sanctuaire dans la Regia, près de la maison des Vestales et de la domus publica du Forum romain; seuls le pontifex maximus et les Vestales y avaient accès. Selon une tradition rapportée par Macrobe dans Ops Consiva, mais la question était controversée, il pouvait être reconnu comme la divinité tutélaire secrète de Rome. Elle devait rester secrète pour éviter que des ennemis ne l'invoquent et lui fassent quitter la ville qu'elle protégeait.

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DIANA

Au mois d'août, il y avait à Rome de nombreuses fêtes et célébrations associées, dont la plus importante était celle de Diane sur l'Aventin. Diane était une déesse très importante et très suivie, mais pas tant dans l'Urbs que dans les campagnes de toute l'Italie.

Dans les campagnes, Diane régnait en tant que déesse des champs cultivés et des bois, ainsi que des herbes sauvages qui étaient non seulement comestibles mais aussi saines, de sorte qu'elle était également vénérée en tant que déesse de la santé, des herbes et des sources, y compris des eaux curatives, mais surtout en tant que déesse Maga. L'Église en savait quelque chose et a vu son culte perdurer pendant plus de 1000 ans après l'interdiction des cultes païens, raison pour laquelle elle a condamné les sorcières au bûcher, car les secrets de la guérison par les plantes et de la magie étaient dus à Diane et se transmettaient dans la lignée féminine, de mère en fille.

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La preuve en est que Paracelse (portrait, ci-dessus), lorsqu'au 16ème siècle il voulut redécouvrir la médecine, désormais détruite par la religion chrétienne qui avait aboli les écoles et le savoir, alla dans les campagnes interroger les femmes, qui lui révélèrent, au moins en partie, les herbes et la magie. Paracelse reconnaît la sagesse de certaines figures féminines qui sont fondamentales pour son savoir médical et au-delà. Pour lui, la femme est la matrice (matrix), dans le monde visible et invisible, qui cache en elle le secret de la nature. Alors que selon la tradition, à commencer par Hippocrate, et aussi pour les Grecs, la femme n'est que le vase qui recueille la semence, pour Paracelse le sentiment de la femme enceinte est déterminant pour l'aspect de l'âme de l'enfant.

Lors de la fête de Diane Aventine, le monde était guéri de la malice et de l'injustice, de sorte que les serviteurs et les maîtres se rendaient ensemble au temple sur l'Aventin, puis dans les bois, pour un pique-nique sain ante litteram. C'était donc la divinité la plus redoutée par les chrétiens, car elle était la déesse du pagus, c'est-à-dire des villages, et le paganisme était beaucoup plus difficile à éradiquer que la religion romaine officielle des villes.

LES FÊTES D'AOÛT

1er août - TEMPLUM MARTIS ULTORIS in Foro Augusti. Dedicatio du temple de Mars Ultor dans le Forum Augusti, construit par Auguste après la bataille de Philippes. 
1er août - TEMPLUM SPEI, en l'honneur de la déesse Spes, l'Espérance. Anniversaire de la dédicace du temple.

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5 août - TEMPLUM SALUTIS, en l'honneur de Salus (statue, ci-dessus), déesse de la santé et de la prospérité privée et publique. En 311 av. C. Iunius Bubulcus avait promis à la déesse un temple sur la colline de Quirinalis.
9 août - TEMPLUM SOLIS INDIGETIS, première fête en l'honneur du dieu Sol Indiges. Dedicatio du temple du Soleil Indige.
12 août - LYCHNAPSIA, en l'honneur de la déesse égyptienne Isis.

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12 août - TEMPLUM VENERIS VICTRICIS, en l'honneur de Vénus Victrix. La dédicace du temple a été commémorée.
12 août - TEMPLUM HERCULIS INVICTI en l'honneur d'Hercule Invictus. La dedicatio a été commémorée.
12 août - TEMPLUM HERMETIS INVICTI en l'honneur d'Hermès Invictus, Hermès le Victorieux. La dedicatio a été commémorée.
12 août - TEMPLUM HONORIS, VIRTUTIS, FELICITATI en l'honneur des Dieux Honor, Virtus et Felicitas, (Honneur, Vertu et Bonheur). La dédicace du temple est commémorée.
13 août - Fête de DIANA AVENTINA. Les prérogatives de Diane sont ensuite transmises à la Vierge Marie, vierge comme Diane, mais alors que la déesse porte la corne de lune dans ses cheveux, la Vierge Marie la piétine ainsi que l'ancien serpent, symbole de la Grande Mère, qui est également diabolisé.

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13 août - VERTUMNALIA, dédiée au dieu Vortumnus (Vertumnus ou Vortumnus), l'ancien dieu étrusque des saisons, celui qui faisait mûrir les fruits.
13 août - HERCULES VICTOR, pour l'anniversaire du temple dédié au dieu Hercule Victor.
13 août - FLORALIA, pour l'anniversaire du temple dédié à la déesse Flora. 
13 août - CASTOR ET POLLUX, pour l'anniversaire du temple dédié à Castor et Pollux. Les "Dioscures" qui décidèrent du sort de la bataille du lac Regillus (496 av. J.-C.) en annonçant leur victoire sur les Latins dans le Forum.

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17 août - les PORTUNALIA, célébrant Portunus (Portunus ou Portumnus), le dieu des ports, en même temps que Janus (Ianus), le dieu qui regarde vers le passé et l'avenir (photo: temple de Portunus).
19 et 20 août - VINALIA RUSTICA, fête du vin en l'honneur de Jupiter (Iuppiter), où l'on demandait la protection des raisins en cours de maturation.
19 août - VENUS, pour l'anniversaire du temple dédié à la déesse Vénus.
21 août - CONSUALIA, dédiée à Conso (Consus), dieu des récoltes. 
23 août - VOLCANALIA, dédiée à Vulcain (Vulcanus), dieu du feu, fabricant d'armes et de foudre.
24 août - MUNDUS PATENS, première fête des dieux du monde souterrain. Dans le comitium, il y avait une ouverture qui communiquait avec le monde souterrain. L'ouverture était fermée par le "lapis manalis". Trois fois par an, le lapis était levé.
25 août - OPICONSIVIA, pour célébrer Opis Consiva, une ancienne déesse romaine protectrice de l'abondance et de l'agriculture, qui a reçu l'attribut Consiva signifiant "qui sème, qui plante", à sa protection était confié le grain récolté et stocké dans les greniers. 

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27 août - VOLTURNALIA, en l'honneur du dieu Volturnus (en latin Vulturnus), père de la nymphe Giuturna (Iuturna), patronne de la source qui alimentait le "lacus Iuturnae", dans le Forum. 
28 août - TEMPLUM SOLIS ET LUNAE IN CIRCUS MAXIMO, pour la dedicatio du Temple du Soleil et de la Lune. 
28 août - VICTORIAE, fête de la déesse Victoria, la Nike grecque. 
30 août - MUNDUS PATENS, en l'honneur des morts.

En plus de ces temples ouverts pour les Feriae Auguste, le prêtre du dieu Quirinus offrait un sacrifice sur un autel dans le temple souterrain situé sous le Circus Maximus. Bien entendu, pendant tout le mois, on ne travaillait pas et on festoyait souvent devant les temples aux frais de l'État.

César Auguste accorda donc un mois de vacances au peuple romain, notamment parce qu'en août, les travaux des champs étaient terminés et que les paysans se sentaient bien. De plus, à Rome, il y avait presque toujours des jours de fête, 25 jours de fête, ce qui, avec le couronnement d'Octave, en faisait 26, alors autant déclarer une fête pour tout le mois, ce qu'Octave fit, sous les acclamations du peuple.

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COSMOS
bulletin d'information n° 165

"Ferragosto et l'Assomption
Comment en est-on arrivé à célébrer l'Assomption le 15 août?
Marie, mère de Dieu, n'était pas très présente dans les Évangiles: elle disparaît avec la descente de l'Esprit Saint, mais dans les Évangiles apocryphes, elle est mentionnée avec le Transit de la Vierge Marie attribué à Joseph d'Arimathie et, au 6ème siècle, avec la Dormition de la Vierge Marie de saint Jean le Théologien.

Le culte de l'Assomption n'a commencé à se répandre qu'entre le 4ème et le 5ème siècle. À Jérusalem, il a commencé à être célébré au début du 6ème siècle dans l'église construite sur le site de Gethsémani, où Marie aurait été enterrée. L'empereur Maurice ordonna d'étendre la célébration à tout l'empire et, vers l'an 1000, elle devint un anniversaire où l'on se reposait. Appelé "Dormition", ce repos n'était pas clairement défini : tantôt il s'agissait d'un corps non corrompu, tantôt d'un corps enveloppé de lumière et porté au ciel par les anges.

Mort ou endormi ? Le débat s'est poursuivi pendant des siècles, jusqu'à ce que, en 1950, Pie XII confirme que l'Assomption est un fait divinement révélé, l'œuvre de l'Esprit Saint.

Mais Ferragosto, en Italie, est une fête très ancienne qui, comme beaucoup d'autres fêtes devenues chrétiennes, a des origines païennes.

OPS

En 18 avant J.-C., l'empereur romain Octave, proclamé Auguste (c'est-à-dire vénérable et sacré) par le sénat romain, déclara que tout le mois d'août serait férié et consacré aux Feriae Augusti, une série de célébrations solennelles, dont la plus importante tombait le 13 et était dédiée à Diane, la patronne du bois, des phases de la lune et de la maternité. 

La fête était célébrée dans le temple dédié à la déesse et constituait l'une des rares occasions où les Romains, maîtres et esclaves, se mêlaient librement.

Diane était célébrée à Rome, en Grèce sous le nom d'Athéna, et au Proche-Orient, à la même époque, on fêtait une autre Grande Mère, la déesse syrienne Atargatis, connue sous le nom de déesse Syrie, qui était considérée comme la protectrice de la fertilité et des travaux des champs.

Outre Diane, les Feriae étaient une fête dédiée à Vertumnus, dieu des saisons et de la maturation des récoltes, à Consus, dieu des champs et à Ops, déesse de la fertilité. En bref, les Feriae étaient une célébration de la fertilité et de la maternité et, comme beaucoup d'autres fêtes, elles étaient d'origine orientale.

Avec le christianisme, ces mêmes prérogatives ont été attribuées à la Vierge Marie, dont la solennité a commencé à être célébrée à la place de celle de Diane. Quoi qu'il en soit, la tradition du mois d'août comme mois des Feriae s'est maintenue, ce qui explique que les usines et les magasins restent encore "fermés pour cause de vacances" jusqu'à la fin du mois d'août, même si personne ne se souvient de l'empereur qui les a instituées comme une autocélébration.

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Les premières traces d'occupation humaine dans la vallée du lac Nemi remontent à l'âge du bronze. La forêt, lieu sacré dans toutes les civilisations indo-européennes, était le siège de cultes liés à la grande et toute-puissante déesse-mère - déesse de la vie sous toutes ses formes, humaine, animale et végétale - identifiée plus tard à Diane et assimilée à Artémis, dont le symbole était la lune : le lac Nemi, dans lequel se reflète la lune, était appelé "le miroir de Diane". Dans son temple, un rendez-vous fixe était fixé chaque année le 13 août, l'"Idus nemorenses", d'où les "feriae augustae".

Le terme Ferragosto désigne donc une fête populaire qui, à la mi-août, célébrait la fin des travaux agricoles. Cette fête, typiquement romaine, a été rendue obligatoire à la Renaissance par décret papal".

LA FÊTE DE L'ASSOMPTION

La Dormitio

Avec le christianisme, toutes les fêtes païennes ont été abolies, au grand dam du peuple, en particulier la fête du temple de Diane Aventine. Pour apaiser le mécontentement, mais aussi pour empêcher les gens de se rendre sur l'Aventin, le temple ayant été détruit, l'Église décréta au 6ème siècle la fête de la Dormition de la Vierge Marie, avec son Assomption au ciel, le 15 août. Cependant, ce n'était pas encore l'Assomption de Marie.

Depuis la Renaissance, les fêtes ont été rendues obligatoires par des décrets papaux. La Dormitio, ou sommeil de Marie, devait être comprise comme le passage à la vie éternelle par son assomption au ciel avec son corps. Ce n'est pas nouveau, c'est aussi arrivé à Sémélé, dans le mythe grec, déesse de la lune rétrogradée en femme, amante de Jupiter et mère de Dionysos, qui a été élevée au ciel avec son corps et son âme au moment de sa mort, c'est-à-dire un instant avant. 

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LE DOGME

Cette croyance en la Vierge Marie a été transformée en dogme par le pape Pacelli Pie XII en 1950 (alors que l'immaculée conception avait déjà été déclarée dogme par Pie IX en 1854).

Le 15 août est donc la plus haute fête mariale.

Voici les précédents du dogme :

Le Transitus de la Vierge Marie, attribué à Joseph d'Arimathie.

L'ASSOMPTION DE LA VIERGE
- La Vierge avait donc demandé à son Fils de l'avertir de la mort trois jours auparavant. La promesse se réalisa : la deuxième année après l'Ascension, Marie était en train de prier lorsque l'ange du Seigneur lui apparut avec une branche de palmier et lui dit : "Dans trois jours aura lieu ton Assomption".

- La Vierge a convoqué Joseph d'Arimathie et d'autres disciples du Seigneur à son chevet et leur a annoncé sa mort.

- Le dimanche, à la troisième heure, comme l'Esprit Saint descendait sur les apôtres dans une nuée, le Christ descendit lui aussi avec une multitude d'anges et reçut l'âme de sa mère bien-aimée. 

- La splendeur de la lumière et le doux parfum qui se dégageait lorsque les anges chantaient le Cantique des Cantiques au moment où le Seigneur dit : "Comme un lis parmi les épines, tel est mon bien-aimé parmi les jeunes filles" étaient si grands que tous ceux qui étaient là tombèrent sur leur visage, comme les apôtres lorsque le Christ s'était transfiguré en leur présence sur le mont Thabor, et pendant une heure et demie, personne ne put se relever. 

- Puis la lumière s'est éteinte et, avec elle, l'âme de la Vierge Marie a été emportée au ciel dans un chœur de psaumes, d'hymnes et de cantiques. Et lorsque le nuage s'éleva, la terre entière trembla et, en un seul instant, tous les habitants de Jérusalem virent clairement la mort de la sainte Marie. "

- A ce moment-là, Satan incita les habitants de Jérusalem à prendre les armes et à s'en prendre aux apôtres pour les tuer et s'emparer du corps de la Vierge, qu'ils voulaient brûler. Mais un aveuglement soudain les empêcha d'exécuter leur plan et ils finirent par s'écraser contre les murs. Les apôtres s'enfuirent avec le corps de la Vierge, le portant jusqu'à la vallée de Josaphat où ils le déposèrent dans un tombeau : à cet instant, une lumière venue du ciel les enveloppa et, alors qu'ils tombaient à terre, le saint corps fut enlevé au ciel par des anges.

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Voilà le dogme de la Vierge :

Le dogme catholique a été proclamé par le pape Pie XII le 1er novembre 1950, l'année sainte, par la "Constitution apostolique-Munificententissimus-Deus" (Dieu très généreux). Il s'agit du dernier dogme, après les deux proclamés par Pie IX au 19ème siècle.

"C'est pourquoi, après avoir de nouveau adressé à Dieu des supplications et invoqué la lumière de l'Esprit de Vérité, à la gloire du Dieu tout-puissant, qui a répandu sur la Vierge Marie sa bienveillance particulière pour l'honneur de son Fils, le Roi immortel des siècles et vainqueur du péché et de la mort pour la plus grande gloire de son auguste Mère et pour la joie et l'exultation de toute l'Église, par l'autorité de notre Seigneur Jésus-Christ, des saints apôtres Pierre et Paul, et la nôtre, nous prononçons, déclarons et définissons comme dogme révélé par Dieu que l'immaculée Mère de Dieu, toujours vierge Marie, ayant achevé le cours de sa vie terrestre, a été revêtue de la gloire céleste en corps et en âme.

Par conséquent, si quelqu'un, à Dieu ne plaise, osait nier ou mettre volontairement en doute ce qui a été défini par Nous, qu'il sache qu'il a manqué à sa foi divine et catholique. "

ANATHEME SIT !

Le dogme de l'infaillibilité papale ex cathedra, par lequel le pape:
"jouit de l'infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que son Église soit pourvue pour définir la doctrine concernant la foi et les mœurs : c'est pourquoi ces définitions du Pontife romain sont immuables par elles-mêmes, et non par le consentement de l'Église. Si donc quelqu'un a la prétention de s'opposer à cette Notre définition, à Dieu ne plaise : qu'il soit anathème. " 
(Pastor Aeternus, 18 juillet 1870)

L'Église reconnaît donc qu'en cette occasion précise, le pape a proclamé un dogme en exerçant la fonction de Pasteur et de Docteur de tous les chrétiens, et donc avec le charisme de l'infaillibilité.

En 1854, Pie IX a proclamé ex cathedra (c'est-à-dire sans l'approbation du Conseil des évêques) le dogme de l'Immaculée Conception de Marie. Ce dogme établit que, dès sa conception, elle n'a pas été souillée par le "péché originel". 

Qui avait établi l'existence du péché originel ? Le pape avec le Concile, bref Jésus n'y est pour rien.

Cette proclamation n'a pas du tout plu aux évêques, car dans l'Église primitive, la question de la foi était définie par les conciles et non par le pape. Comme au concile de Nicée, où la divinité du Christ a été définie en l'absence du pape et avec une faible participation de l'Occident. La controverse portait principalement sur la possibilité pour le pape de proclamer des dogmes de foi sans le conseil des évêques.

Les protestations sont nombreuses, notamment de la part de l'évêque de Pittsburgh, trois mois après le début du concile : "Un coup mortel. Nous allons devoir avaler ce que nous avons vomi" ; l'accusation, souvent portée contre les catholiques, de considérer le pape comme une divinité, le préoccupe. Dans le passé, ces accusations ont toujours été rejetées, mais une fois l'infaillibilité déclarée, comment pourrons-nous nous défendre ?

Le non-respect du dogme entraîne l'anathème, qui, dans l'Ancien Testament, est la destruction totale :

"Ce qui est entré en contact avec la divinité païenne est désormais maudit, ne peut être touché, doit être voué à une destruction complète ; c'est l'anathème. Comme les choses, un peuple peut être anathème. Dans le Deutéronome, on peut lire: "Lorsque le Seigneur ton Dieu t'aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, et qu'il aura chassé devant toi plusieurs nations : les Héthiens, les Jergésiens, les Amorites, les Phéréziens, les Égyptiens, les Cananéens et les Jébusiens, sept nations plus grandes et plus puissantes que toi, lorsque le Seigneur ton Dieu les aura mises en ton pouvoir et que tu les auras vaincues, tu les voueras à l'extermination ; tu ne feras pas d'alliance avec elles et tu ne leur accorderas pas de faveur" (Deutéronome 7,1-2).

Dans l'Église catholique et orthodoxe, l'anathème est devenu une malédiction qui condamne au diable les hérétiques et les sorcières, ainsi que les dissidents, par exemple ceux qui ne croient pas au dogme.

Le résumé sur le dogme :

1) Qui a établi que le Pape est infaillible lorsqu'il parle du dogme ?
- Le Pape.
2) Qui a établi que le Pape, lorsqu'il parle en dogme, est inspiré par Dieu ?
- Le Pape.
3) Qui détermine si, à un moment donné, le Pape parle par le dogme ou sans le dogme ?
- Le Pape.
4) En bref, qui a inventé le dogme du Pape ?
- Toujours le Pape. Même les empereurs romains, pourtant pontefici maximi, n'avaient jamais été aussi loin.

La synthèse du dogme :

1) L'Assomption de Marie est une anticipation de la résurrection de la chair, qui pour tous les autres hommes n'aura lieu qu'à la fin des temps, lors du Jugement dernier.
- Une simple anticipation ? Tant de bruit pour si peu ?
2) L'Eglise anglicane a déclaré en 2005 par un document de la Commission Internationale Catholique Anglicane qu'elle acceptait l'Assomption de Marie, mais pas en tant que dogme.
- Ce qui signifie qu'il n'est pas obligatoire de l'accepter, d'accord, mais l'ont-ils acceptée ou non ?
3) Les chrétiens orthodoxes et arméniens célèbrent la Dormition de Marie : Marie serait assumée au ciel après sa mort.
- C'est-à-dire que son cadavre aurait été transporté dans le monde immatériel du Paradis ?
4) Ni la Dormition ni l'Assomption ne sont un dogme chez les orthodoxes ou les Arméniens. La principale différence entre la Dormition et l'Assomption est que cette dernière n'implique pas nécessairement la mort, mais ne l'exclut pas non plus.
- Encore une fois, que voulez-vous dire par "elle ne l'exclut pas", vous déclarez que c'est un dogme mais vous ne savez pas comment cela s'est produit ? Dieu le lui a-t-il à moitié expliqué ?
5) Les Eglises protestantes, par contre, ne croient pas à l'Assomption de Marie, car elle n'est pas racontée dans l'Evangile.
- S'ils ne reconnaissent pas le Pape, ils n'acceptent certainement pas ce qu'il dit comme dogme.

LA MORALE DE LA FABLE

Il n'était pas bon de célébrer une fête qui concernait les Romains anciens et païens, il fallait inclure une fête catholique importante, et voici l'Assomption, mais pas question, les Romains continuent à célébrer les Feriae Augusti, ou, en langue vernaculaire, la fête de l'Assomption.

BIBLIOGRAPHIE

- Giovanni Pugliese Carratelli - Imperator Caesar Augustus - Index rerum a se gestarum - avec introduction et notes - Naples - 1947 -
- Luciano Canfora - Auguste fils de Dieu - Bari - Laterza - 2015 -
- Arnaldo Marcone - Auguste - Salerne - 2015 -
- John F. Donahue - 'Towards a Typology of Roman Public Feasting' in Roman Dining - A Special Issue of American Journal of Philology - University Press - 2005 -
- Georges Dumézil - Fêtes romaines - Gênes - Il Melangolo - 1989 -

samedi, 12 août 2023

Franz Cumont, un pionnier de l'esprit des cultes du Bas-Empire

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Franz Cumont, un pionnier de l'esprit des cultes du Bas-Empire

par Giovanni Balducci

Source: https://www.centrostudilaruna.it/franz-cumont-un-pioniere-dello-spirito-fra-i-culti-del-tardo-impero.html

Né en 1868 à Alost, en Flandre orientale, Franz Cumont fut l'un des plus éminents archéologues et philologues de son temps, capable d'exercer une influence décisive sur l'école moderne de l'histoire des religions à travers des études fondamentales, en particulier celles consacrées à la diffusion des cultes orientaux dans l'Empire romain. Son travail consacré aux Mystères de Mithra, qui a également attiré l'attention de Julius Evola, a été fondamental.

De formation internationale, il a été fortement influencé par la "civilisation de la conversation", qui a connu son apogée dans la culture française, et par la grande tradition philologique allemande. Fervent et passionné par la Rome antique, Cumont a également entretenu des liens étroits avec notre pays, l'Italie: ami de Maria-José de Belgique, future reine d'Italie, il faisait avec elle de longues promenades dans les ruines de l'Urbs et fréquentait le salon culturel d'Ersilia Caetani Lovatelli, première femme à entrer à l'Accademia dei Lincei et amie de Gabriele d'Annunzio et de Theodor Mommsen.

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Il a contribué à la rédaction de nombreuses études encyclopédiques et s'est livré à de nombreuses "recherches sur le terrain": ses voyages en Turquie, en Arménie, au Pont Euxin et celui qu'il a effectué pendant le difficile entre-deux-guerres politique et culturel sur les rives de l'Euphrate, à Doura-Europos, un site que son ami et collègue Rostovtzeff n'hésitera pas à qualifier de "Pompéi du désert" en raison de son excellent état de conservation, ont été importants.

Sa conception laïque de l'existence ne l'empêche pas de s'intéresser scientifiquement à l'astrologie, que la culture positiviste dominante de l'époque ne considère que comme une aberration puérile ne méritant pas d'être analysée.

Parmi les pratiques cultuelles auxquelles le philologue belge a été confronté, l'une des plus intéressantes est certainement celle du taurobolium, dont la première traduction italienne de l'étude qui lui est consacrée a été récemment publiée par les éditions Aragno. Originaire d'Asie Mineure, le rite du taurobolium s'est répandu à Rome à partir du 2ème siècle après J.-C., consistant en un rite sacrificiel sanglant impliquant la mise à mort d'un taureau, auquel on attribuait des vertus rédemptrices par le sang versé. Le chrétien Prudence rapporte que ceux qui le subissaient étaient salués par la foule des croyants comme "renaissant à l'éternité".

Le taurobolium était lié à Rome au culte de la déesse Bellone, divinité qui, dans la mythologie romaine, incarnait la guerre dans sa réalité la plus élémentaire et la plus fondamentale, et dont l'iconographie était assimilée, par le génie des poètes antiques, à celle des Furies.

Le mot grec composé de ταῦρος "taureau" et de βάλλω "frapper", d'où le mot latin tardif taurobolium, désignait dans le monde gréco-romain un culte dans lequel le fidèle était introduit dans une sorte de cellule souterraine (une fosse), recouverte d'un plancher en treillis de bois, tandis qu'un prêtre sacrifiait un taureau juste au-dessus du treillis, de telle sorte que le sang de la victime animale s'écoulait sur le fidèle, qui attendait en contrebas d'être aspergé par la pluie de sang à laquelle on attribuait des vertus purificatrices, rédemptrices et revitalisantes.

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La découverte d'un certain nombre d'images sur des autels liés au taurobolium (rappelons celles trouvées sur des autels lyonnais ou les vestiges de la Frigiane vaticane qui se trouvait à l'emplacement de l'actuelle basilique Saint-Pierre), sans nous donner une représentation claire de l'acte de sacrifice et de "baptême", nous fournit quelques informations sur l'appareil cérémoniel utilisé. Nous apprenons, par exemple, que l'arme utilisée pour immoler la victime était une épée courte, pointue, à double tranchant et à la pointe torsadée en forme de crochet. Cette conformation particulière permettait qu'une fois l'épée enfoncée dans la poitrine de la victime, la manœuvre que le victimaire devait effectuer pour l'extraire, élargisse la plaie, provoquant ainsi un écoulement de sang plus rapide et plus violent.

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Mais la cérémonie du taurobolium, qui connut un succès surprenant lors du déclin du paganisme, n'est pas seulement remarquable par la similitude des espoirs qu'elle a suscités avec certaines croyances chrétiennes. Elle est un produit très caractéristique de ces religions orientales où des traditions grossières, survivances d'un passé barbare, ont été mises au service d'une théologie très avancée: en l'occurrence celle des mages perses. Le rituel lui-même est un bain de sang qui rappelle une orgie cannibale ; sa prétendue efficacité répond aux plus hautes aspirations de l'homme à la purification spirituelle et à l'immortalité.

Franz Cumont, Il taurobolio e il culto di Bellona, édité par Giovanni Balducci, Aragno, Turin 2023, pp. 93, 13 euro.

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dimanche, 18 juin 2023

Le moine britannique Pélage et le druidisme

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Le moine britannique Pélage et le druidisme

Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2023/06/la-doctrina-del-monje-y-teologo.html

Au début du 5ème siècle, le moine et théologien britannique Pélage a remis en question la doctrine promulguée par saint Augustin d'Hippone, selon laquelle les êtres humains étaient si incorrigiblement enlisés dans l'iniquité qu'ils étaient incapables de se racheter, sauf par la grâce divine.

Pélage soutenait qu'une telle dépendance ne faisait qu'exonérer les êtres humains de toute responsabilité pour leurs actions, puisque le fait d'être bon ou mauvais dépendait entièrement de l'octroi ou du refus d'une grâce sur laquelle ils n'avaient aucun contrôle.

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Dans ces conditions, la conduite n'a aucune importance, et c'est pourquoi, selon lui, une morale relâchée s'est imposée même au sein de l'Église.

Si Pélage n'aurait guère admis une ligne de pensée proche de celle des druides, il se rapproche de leurs enseignements en ce qui concerne l'idée que l'être humain est responsable de ses actes. Cela nous rappelle la réponse de Cailte à saint Patrick lorsque celui-ci lui demande ce qui le fait vivre : "La vérité qui était dans nos cœurs, la force de nos bras et le contentement de nos langues".

La critique de la doctrine orthodoxe par Pélage témoigne qu'une certaine agitation intellectuelle secouait à l'époque la chrétienté britannique et qu'un désir l'animait pour faire en sorte que ses enseignements reflètent davantage le tempérament national.

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Un commentateur français et catholique du 20ème siècle, Dom Louis Gougaud, a même qualifié le pélagianisme d'"hérésie nationale des Britanniques". C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles Pélage a trouvé tant de partisans dans son pays d'origine.

Son point de vue représentait un compromis acceptable entre l'ancien et le nouveau credo, et une leçon peut être tirée du succès de Pélage : les enseignements de l'Église ne seront pas acceptés tant qu'ils continueront à s'identifier à certains aspects de la domination romaine. C'est en Écosse et en Irlande que Pélage a connu ses plus grands succès. Dès la seconde moitié du 2ème siècle, Tertullien de Carthage écrivait que "des parties de la Grande-Bretagne inaccessibles aux Romains ont été conquises pour le Christ".

Les missionnaires sont arrivés dans une société où les druides pratiquaient encore. Bien que nous ne sachions pas exactement quels changements avaient eu lieu dans le druidisme à cette époque ni quels pouvoirs avaient été conservés par les responsables de cette caste sacerdotale celtique, il semble que les missionnaires aient fait preuve d'un grand respect à leur égard. Certains missionnaires, même si leur travail était de nature christianisante, ont adopté certaines pratiques druidiques.

Ils les ont probablement imitées en matière vestimentaire. Peut-être aussi dans leur façon de prier, car alors que les orthodoxes priaient à genoux, les mains croisées, les membres de l'Église gallicane ou celto-franque priaient debout, les mains levées, un geste dont Tacite nous dit qu'il était caractéristique des druides de Môn.

Peut-être les missionnaires ont-ils même imité la tonsure druidique. Au 6ème siècle, ce fut une pomme de discorde entre l'Église romaine et l'Église gallicane en Gaule devenue "France". Les moines de la première avaient adopté la tonsure dite "de Saint-Pierre", qui reproduisait la couronne chauve du saint. Les Gallicans, quant à eux, rasaient une bande de cheveux d'une oreille à l'autre, en commençant par le sommet de la tête et en laissant pousser les cheveux à partir de là.

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Selon un ancien manuscrit irlandais, les druides se coiffaient de la même manière, en laissant une seule mèche de cheveux sur leur front. Il est intéressant de noter que l'Église catholique a condamné ce type de tonsure, l'appelant la "tonsure de Simon Magus (ou de Simon le Magicien)".

Simon le Magicien a été dénoncé dans les Actes des Apôtres pour avoir tenté de soudoyer Pierre et Jean afin qu'ils révèlent le secret de la transmission du Saint-Esprit par l'imposition des mains. Presque toutes les pratiques présentant des signes de magie ou de chamanisme - pratiques qui pourraient à juste titre être attribuées au druidisme - ont été reliées par l'Église à Simon le Magicien.

Il n'est pas rare que les missionnaires imitent les coutumes des peuples qu'ils souhaitent convertir à leur foi.

Ward Rutherford : LE MYSTÈRE DES DRUIDES

mercredi, 05 avril 2023

Entretien avec Thorvald Ross, auteur d'un remarquable roman initiatique

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Entretien avec Thorvald Ross, auteur d'un remarquable roman initiatique

A propos d'une quête religieuse et philosophique de plus de quarante ans

Propos recueillis par Robert Steuckers

1.

Je vous connaissais déjà lorsque vous publiez la revue Mjöllnir. Vous vouliez découvrir les racines nordiques (scandinaves) présentes de manière diffuse dans la culture néerlandaise (Nord et Sud confondus). Votre livre De laatsten heiden (= Les derniers païens) est-il le témoignage de cette quête ? Et qu'en est-il de cet héritage nordique aujourd'hui ?

Mon expérience "païenne" ne s'est pas faite du jour au lendemain. Il s'agit d'une quête sans fin qui a mis du temps à arriver à maturité. Avant la publication de Mjöllnir, j'avais pris contact avec des organisations "païennes" à l'étranger et j'avais lu avec avidité leurs revues, principalement des publications allemandes, anglaises, irlandaises, françaises et scandinaves. Ces publications étaient fortement teintées de romantisme, d'occultisme et de libre-pensée, mais elles cherchaient aussi parfois à revendiquer politiquement l'héritage "païen". On pourrait donc dire qu'il ne s'agissait pas vraiment d'études scientifiques, mais plutôt de visions nostalgiques qui cherchaient une certaine légitimité dans ce "paganisme". Néanmoins, cela m'a donné envie de creuser davantage. La revue Mjöllnir a suivi à la fin des années 1980. Il s'agissait d'un mélange d'occultisme, d'une certaine forme d'ésotérisme, des premiers balbutiements de la recherche de sources et d'une étude plus large de la symbolologie.

Cela correspondait parfaitement à la phase suivante de mon itinéraire, à savoir la fondation de la Société Herman Wirth. Le travail de pionnier effectué par cette société était basé sur les écrits de Herman Wirth Roeper Bosch (1885-1985): j'en possédais déjà un grand nombre à l'époque. Der Aufgang der Menschheit et Die Heilige Urschrift der Menschheit ont été pour moi des ouvrages révolutionnaires. Ils m'ont encouragé à partir à la recherche des vestiges de notre héritage préchrétien dans les Pays-Bas, c'est-à-dire à travailler sur le terrain. Muni de mon appareil photo, je suis parti de village en village, dans les cimetières, sur les maisons, dans l'art populaire, les coutumes, les chansons, etc. pour redécouvrir le symbolisme ancien, l'enregistrer pour la postérité et l'interpréter de manière adéquate.

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Le résultat: la publication de mon premier livre: Tussen Hamer en Staf - Voorchristelijke symboliek in de Nederlanden en elders in Europa (= Entre le Marteau et la Crosse - Symbolisme pré-chrétiendans les Bas Pays et ailleurs en Europe). Entre-temps, j'étais entré en contact avec des personnes en Flandre qui cherchaient une interprétation spirituelle et une véritable expérience de nos propres traditions.

C'est ainsi qu'est né, dans les années 1990, le Werkgroep Traditie, toujours actif aujourd'hui. La différence avec toutes les initiatives "païennes" précédentes était que la nouvelle organisation ne se basait pas sur l'interprétation völkisch du mot tradition, mais sur le concept établi par Julius Evola dans Les Hommes au milieu des Ruines, à savoir :  "Dans sa véritable essence, la Tradition ne représente pas un conformisme passif à l'égard de ce qui a existé, ni la continuation inerte du passé dans le présent. La Tradition est, par essence, une réalité à la fois métahistorique et dynamique : elle est une force générale d'ordonnancement, obéissant à des principes qui visent une légitimité supérieure. On pourrait également dire qu'elle s'aligne sur les principes d'en haut. C'est une force qui est une dans l'esprit et dans l'inspiration - une force qui exerce son influence à travers les générations en servant les institutions, les lois et les organisations dans la plus grande variété. Cependant, ce serait un malentendu d'identifier certaines de ces formes, appartenant à un passé plus ou moins lointain, avec la Tradition en tant que telle".

Mon souci était de commencer à voir notre Tradition non plus comme une simple transmission horizontale (dans le temps), mais de la voir, en plus, comme une force verticale (transcendante) ordonnatrice, métaphysique. Cela était nécessaire pour se libérer de l'amateurisme et s'élever à un niveau véritablement spirituel. Ce n'est qu'alors que notre tradition (avec un petit t) deviendrait viable et ferait véritablement partie de la Tradition (avec un grand T). Sinon, elle ne serait qu'un saupoudrage incohérent de vestiges d'un passé plus ou moins lointain, tout au plus bon à exposer dans un musée.

Cette vision traditionaliste était également notre approche en tant que cofondateurs du Congrès mondial des religions ethniques (fondé par Jonas Trinkunas, avec des réunions à Vilnius, Athènes, Delhi, Anvers et Rome). Nous avons ainsi pu établir des liens avec des formes encore vivantes de "paganisme" indo-européen.

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J'ai quitté ce groupe de travail sur la tradition au début des années 2000, en partie parce que certains membres trouvaient difficile de s'engager dans cette vision métaphysique fondamentale. À cette époque, j'avais déjà publié un certain nombre d'ouvrages, dont De Graal - tussen heidense en christelijke erfenis (= Le Graal - Entre héritage païen et chrétien) sera probablement considéré comme l'un des plus importants. Des articles pour les revues Vers la Tradition, Ars Macionica, Tradition,... indiquent clairement où battait mon cœur. Je me suis plongé de plus en plus profondément dans les auteurs traditionalistes tels que René Guénon, Julius Evola, Ananda K. Coomaraswamy, Frithjof Shuon, Titus Burkhardt, Christophe Levalois, j'ai parcouru des ouvrages savants de Dumézil, De Vries, Guyonvarc'h, Widengren, Gimbutas... et je suis retourné aux sources pour vérifier les choses.

En outre, j'étais particulièrement actif dans la franc-maçonnerie traditionnelle depuis le début des années 1990. Par conséquent, ma connaissance des mystères n'était pas purement académique, mais reposait sur une expérience concrète. Dans l'Ordre, je m'étais consacré à l'enseignement des Frères : exposés sur les principes métaphysiques, recherche de symboles, techniques pratiques, instructions, aphorismes, poèmes et, enfin, pièces littéraires. J'ai pris conscience que la manière dont les choses sont mises en place contribue à déterminer l'impact du contenu. C'est pourquoi, des années plus tard, je me suis aventuré dans la littérature, d'abord la poésie, puis le roman. Le roman est un excellent outil pour faire connaître la pensée traditionnelle au grand public. C'est ainsi qu'est né De laatste heiden (= Les derniers païens). Bien que cette histoire soit basée sur la mythologie nordique, le drame a été complètement transposé à notre époque. Il a constitué la base de mon réalisme magique.

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Certains se demandent si, avec De Zwerver, j'ai dit adieu à la pensée nordique. À cela, je réponds résolument : non ! Je place maintenant mon expérience dans un contexte indo-européen plus large, car je pense que les points de vue nordique et indien sont très similaires. Ce n'est que dans la forme qu'elles sont relativement différentes. En fait, l'imagerie nordique reste bien présente dans De Zwerver : par exemple, le pont à la fin du livre (cf. Bifröst), l'entrelacement des mondes (cf. Nevelland), les trois classes (cf. Scuola Sapientia),... Ces thèmes ne sont pas typiquement nordiques, ils sont indo-européens. Ce sont ces grandes lignes indo-européennes que je veux mettre en évidence dans le patrimoine matériel et immatériel de nos Pays-Bas. Soyez assurés que sous la surface, beaucoup de choses sont encore présentes dans nos régions: dans l'étymologie, dans diverses expressions, dans des chansons, dans les coutumes populaires, dans les symboles, dans les structures, dans la législation.

2.

On a dit que votre nouvelle œuvre était d'inspiration néoplatonicienne. Après la mort tragique de Darja Douguina qui, après des études en Russie et en France, défendait une vision traditionaliste marquée par le néo-platonisme, vous semblez vous aussi emprunter la voie du néo-platonisme dans un contexte plus apaisé ? Quel est donc le néo-platonisme de votre héros et comment le néo-platonisme s'inscrit-il dans le paysage intellectuel néerlandais d'hier et d'aujourd'hui ?

C'est effectivement ce que l'ondit. Il existe en effet d'autres systèmes qui présentent une certaine parenté avec le platonisme: l'hermétisme, la kabbale, le gnosticisme, l'advaitisme,... Cependant, cette perception n'est que partiellement vraie. Certes, j'accorde une grande importance à Platon, mais ma vision du monde n'est pas statique. Elle est dynamique, presque taoïste ou héraclitéenne. Tout s'enchaîne dans une sorte de dynamisme tourbillonnant. Cela n'est possible que s'il existe un pivot qui maintient cette confluence. C'est là que réside la tension entre Vishnu et Maya (Mahadêvi/Shakti), qui permet à la manifestation dynamique de prendre forme.

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Il est clair que la contemplation est primordiale pour moi, mais cela n'exclut pas l'action (tragique). Je préconise une manière d'être quasi stoïcienne, en gardant toujours à l'esprit les principes métaphysiques et en essayant d'agir en accord avec l'être humain authentique. Concrètement, il s'agit d'abandonner toute forme de morale et de culpabilité. Il s'agit d'une attitude "Jenseits von Gute und Böse". Tout est ce qu'il est. Pour beaucoup, cela semble être une voie sans cœur (on m'en fait parfois le reproche). De l'extérieur, c'est le cas. Mais pour l'essentiel, cette voie est beaucoup plus humaine et élevée. C'est une vision sobre qui perçoit le monde avec détachement. C'est précisément par ce biais que se réalise l'être humain le plus proche (homogène), physiquement, psychiquement et métaphysiquement. Donc pas de rejet de la matière, pas de mépris du corps, pas de mépris du terrestre, mais une acceptation totale de celui-ci, quelles qu'en soient les conséquences. En ce sens, je ne suis guère platonicien - ou du moins pas de la manière dont certains modernistes pensent qu'il faut expliquer Platon. Ma vision est l'extension radicale de ce que Ruusbroec appelle la "sur-image". Il désigne par là une attitude de base qui se situe au-delà des images, mais qui est néanmoins ancrée dans l'ici et le maintenant. Une attitude qui ne se laisse pas emporter par le tourbillon du monde, mais qui s'enracine dans l'origine de toute chose.

La voie active de Daria Douguina et de son père Alexander Douguine, je peux la suivre et la défendre dans une certaine mesure. L'objectif ultime est d'élever le niveau local en un royaume global, c'est-à-dire non seulement dans le cadre d'un ordre administratif, mais aussi dans une structure dotée d'une cohérence spirituelle. Au sein du royaume spirituel, tout groupe organique - de toute culture, religion, ethnie - est assuré d'être lui-même et d'être inclus dans un récit supérieur. Ainsi, la composante populaire est transcendée et liée à un niveau d'être au niveau de l'État - un niveau greffé sur des valeurs spirituelles. Il me semble que c'est là la véritable signification de l'idée d'État, telle que nous l'avons vue s'établir autour de la chrétienté au Moyen-Âge, entre autres.

Là où je m'écarte de l'idée russe, c'est dans la méthode. L'empire n'est pas contraignant. Il doit agir comme un aimant organisationnel qui attire les peuples à lui en faisant rayonner l'autorité. L'autorité (auctoritas) n'est pas la même chose que la force. Cette dernière est l'exercice forcé du pouvoir par la force. Une telle chose ne peut jamais conduire à la stabilité. L'auctoritas représente la dignité, le prestige, l'influence, l'élévation. C'est ce qu'une personne "regarde vers le haut".

Le paysage intellectuel néerlandais actuel est celui du nihilisme, du relativisme, du je m'en foutisme. Peut-être un peu court sur le plan de la substance, il est vrai. Mais c'est bien de cela qu'il s'agit. Tout est remis en question, il ne nous reste que la trivialité, la banalité de notre existence. Pourtant, il existe des écrivains qui parviennent à transcender cette situation et qui jouissent d'une certaine notoriété dans le paysage culturel néerlandais: il suffit de penser à Albert Verwey, Martinus Nijhoff, Pieter Cornelis Boutens, Hubert Lampo, Harry Mulish, Pol le Roy. Il convient toutefois de faire preuve de prudence dans ce domaine également. Dès qu'une interprétation spirituelle est repérée, les gens pensent qu'ils doivent immédiatement invoquer Platon.

Quoi qu'il en soit, j'ai l'intention d'initier une nouvelle profondeur et un nouveau dynamisme dans cette vie, en partant des valeurs traditionnelles qui forment la communauté (horizontalement), mais qui construisent également le pont vers une ouverture transcendante. Dans cette optique, le séculier est intégré dans une histoire plus vaste, une histoire de pouvoirs et de forces cosmiques à l'œuvre ici et maintenant.

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3.

Le Zwerver est un personnage "qui part en quête". La quête n'est-elle pas l'essence même de l'homme ? Et en quoi la quête de l'Errant est-elle caractérisée par la Tradition au sens le plus élevé du terme ?

Il est logique que la queste, la quête, le pèlerinage, l'imramma,... soit le fondement de l'existence. C'est aussi vieux que le monde. Nous sommes ici en transit à la recherche de quelque chose que nous avons perdu: notre origine, notre être, notre essence, notre patrie, une petite perle, un mot, une félicité... La quête renvoie à l'aliénation, à un état dégénéré. Mais ne vous y trompez pas: la plupart des gens - malgré le parcours de leur vie - ne s'y attardent pas. Ils se contentent de flotter sur les eaux et, parfois, ils sont engloutis par les eaux, engloutis tout entiers. Ils sont habités par la dynamique de l'agitation. Ils ne contrôlent pas la vie, ou plutôt: ils ne la vivent pas ! C'est là que réside le problème. Mon personnage principal, en revanche, fait tout ce qu'il peut pour échapper à ce qui conditionne les humains. Il va même jusqu'à se sacrifier - encore et encore - pour échapper à la mort par la mort. Cela lui permet d'atteindre les limites du concevable. Même si tout s'y effondre, tout y repart à zéro. Finalement, le chemin devient le but.

4.

Le Zwerver se retrouve dans une ville idéale. N'est-ce pas une utopie ? Quelle est la différence entre cette petite ville idéale italienne et l'Utopie de Thomas More ou entre cette ville et les utopies modernes qui veulent effacer le passé ?

Sans aucun doute, Civitas Ludum est une utopie au sens propre du terme: un non-lieu (ou-topos). Elle constitue une sorte de société juste dans laquelle le jeu joue un rôle crucial. Le maire, et ce n'est pas une coïncidence, est Prospero, le magicien philosophe de La Tempête de Shakespeare. Et oui, il existe des similitudes (involontaires) entre l'Utopie de Thomas More et la Civitas Ludum dans mon roman De Zwerver. Les deux représentent une société inspirée par la philosophie. Pourtant, dans Civitas Ludum, aucun jugement n'est porté sur la propriété, ni sur l'esclavage, aucun État-providence n'est mis en place, aucune nouvelle forme de socialisme n'est introduite, aucune idée sur la fonction de la religion n'est proposée.

Civitas Ludum fait référence au stade de l'enfance dans la vie humaine. Elle est utilisée pour réfléchir à l'importance du jeu, à l'enthousiasme avec lequel on s'absorbe dans le jeu, en se perdant dans le rôle que l'on joue. En ce sens, le jeu est une métaphore de la vie elle-même : "All the world's a stage, And all the men and women merely players" (As You Like It, Shakespeare, II, scène 7). Mais il y a plus: dans Civitas Ludum, chacun a des cartes à jouer différentes, et ces cartes déterminent le caractère, les forces et les faiblesses, les sensibilités... C'est avec cela que l'on joue la vie. Non pas une perfection idéale, mais une perfection dans les limites imparties. De plus, dans cette vision, l'individualité n'est pas détruite, mais embrassée. Il ne s'agit pas d'un effacement de ce que l'on a été, ni d'une incompréhension de toute la culture, mais d'une acceptation totale de ce qui est imparfait et de ce qui est prometteur. En jouant, l'homme authentique prend vie, sans affectation, sans mentalité factice, mais tel qu'il est vraiment. Et par le jeu, l'homme s'élève dans cette authenticité. Il apprend à découvrir les qualités qui lui permettent de se réaliser. Le jeu est donc à la base de la civilisation, du rituel, de la danse, du développement. Sa discussion critique ébranle la vision moderne du travail. Si le travail était vécu comme un enthousiasme intact, comme l'est le jeu, alors la vie, le jeu et le travail coïncideraient et engendreraient une expérience totalement différente : une expérience de bonheur.

5.

Existe-t-il une analogie entre cette petite ville magnifique et le labyrinthe du monde de Jan Amos Comenius ? Pouvez-vous l'expliquer ?

Bien sûr, on ne peut pas l'éviter. Chez Comenius, il s'agit d'un lieu en forme de labyrinthe où le personnage - le pèlerin - part à la recherche de la profession qui lui convient le mieux. Chez moi, il s'agit d'une ville à triple enceinte où, dans chacun des quatre quartiers (qui relèvent d'une sorte de jeu de cartes), tel ou tel personnage coïncide avec un état spécifique. Le bord extérieur est dominé par la danse itinérante. La foule y est presque magiquement forcée de danser la roue de Fortuna. Elle subit simplement la vie. Entre les deux se trouve le champ de travail, le lieu où l'homme lutte avec lui-même pour s'affiner et coïncider avec l'homme authentique. L'homme authentique devient rempli d'un Amour supérieur. Tout ce qu'il fait sert un but plus élevé. Tout ce que l'homme fait sien remonte à la surface dans la ville. Ainsi, mon personnage principal est particulièrement enclin à la vanité, qui est induite par l'ego et renforcée par l'orgueil.

6.

Le Zwerver, dans les faubourgs de cette ville où se trouve une école de pensée, avoue ses erreurs. S'agit-il de vos propres erreurs de jeunesse que vous confessez là, à l'âge où vous entrez dans le "troisième âge" ?

Oh, vous savez, un roman est toujours en partie autobiographique. J'ai certainement commis des erreurs dans ma vie. Il est important de le reconnaître. Mais - et les gens l'oublient trop souvent - ce n'est pas une raison pour commencer à se plaindre et à s'en vouloir. Ce genre de culpabilité et de moralisation du comportement m'est étranger. J'accepte tout, mais vraiment tout, ce que j'ai fait ou n'ai pas fait dans le passé. C'est précisément ce qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Je n'ai plus 20 ans. Chaque âge a ses charmes et ses défis. Mais l'enthousiasme de la jeunesse m'a conféré une maturité somptueuse que je chéris aujourd'hui. La folie téméraire (et je le dis expressément ici en faisant référence à der reine Tor de Parzifal) avec laquelle j'ai longtemps lutté s'est finalement avérée être l'atout qui m'a permis de gagner la bataille. Sans cette folie, sans ce coin perdu, sans cette naïveté, le processus d'apprentissage aurait été complètement différent. Peut-être n'aurais-je pas écrit de livres, peut-être serais-je devenu un grand industriel ne pensant qu'au profit. Mais je me suis engagé dans cette voie sans plan sophistiqué. J'ai suivi cette voie avec honnêteté et constance, et voilà que des miracles apparaissent parfois sur votre chemin.

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7.

La promotion de votre livre parle d'une influence secrète d'Apulée et de Dante. Que devrait retenir le traditionaliste anticonformiste contemporain de ces auteurs anciens et médiévaux ?

Ceux qui me connaissent savent à quel point l'Antiquité et le Moyen Âge sont importants pour moi. Dans mon œuvre, Pythagore, Platon, Origène, Apulée, Dante, Shakespeare, Rabelais, ... sont imbriqués dans des noms, des formes de pensée, des symboles, .... En ce sens, mon livre peut également être lu comme un voyage à travers les penseurs qui ont contribué à façonner mes pensées et que j'ai englobés dans la toile du roman. Apulée fait partie de ces grands qui ont su faire passer le message des mystères de manière magistrale - avec l'humour nécessaire - sans en trahir aucun aspect. Logique que j'exploite son âne. Il y a tant à dire sur Dante qu'il est presque impossible d'exposer son influence en toute finesse. En tant que Gibelin, il a conservé la finesse du discours spirituel en s'engageant avec les Fidele d'Amore. La façon dont il joue si subtilement des aspects de l'imagerie secrète entourant la Dame dans La Vita Nuova est tout simplement grandiose. En outre, il est l'un des écrivains médiévaux qui ont joué un rôle politique important en transmettant l'héritage spirituel des chevaliers du Temple. Mais ce que j'admire par-dessus tout, c'est l'image globale qu'il donne des affaires du monde en relation avec le plus haut niveau. C'est tout simplement grandiose. Je suis envieux quand je vois à quels géants nous avions affaire. Ce que nous, écrivains contemporains, pouvons encore faire, c'est bricoler dans les marges. Nous ne pouvons plus créer une image globale, une image plus grande, une vision cosmique. C'est donc là que commence le travail du traditionaliste, c'est là qu'il doit restaurer, c'est là qu'est sa tâche.

samedi, 18 février 2023

Le carnaval, une fête ancienne et en même temps futuriste

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Le carnaval, une fête ancienne et en même temps futuriste

Le sens de cette tradition peut encore nous aider, à plusieurs niveaux, à reconsidérer les "raisons" profondes du temps de la fête, de la valeur du Sacré, de son caractère extraordinaire, de la "recomposition" d'une vision organique de la Vie.

par Mario Bozzi Sentieri

Source: https://www.barbadillo.it/108084-il-carnevale-come-festa-antica-e-insieme-futurista/?utm_campaign=shareaholic&utm_medium=twitter&utm_source=socialnetwork

Un manifeste futuriste

Le Carnaval de Viareggio a cent cinquante ans. Une occasion de se souvenir de l'un des événements les plus spectaculaires et grandioses de l'imaginaire italien, mais pas seulement de cela.

L'histoire plus que centenaire de ce carnaval a commencé le mardi gras de 1873. Selon la tradition, autour des tables du café du Casino, l'idée d'un défilé de carrosses pour célébrer le Carnaval, en plein air, parmi les gens, un peu comme on le faisait dans les villes italiennes et en Toscane en particulier, a germé parmi les jeunes gens aisés qui se réunissaient alors dans ce lieu de rencontre à Viareggio.

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Le succès et la participation à ce premier défilé le long de la rue principale de Viareggio (la "Via Regia") ont été remarquables. Vers la fin du siècle, des chars triomphaux apparaissent, en bois, en scagliola et en jute, modelés par des sculpteurs et assemblés par des charpentiers et des forgerons qui savaient créer des bateaux extraordinaires dans la Darsena, sur les quais des chantiers navals. Même la Première Guerre mondiale n'a pas réussi à le détruire, tout comme le déclin de la belle époque européenne, car il revient à une nouvelle vie en 1921.

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Jusqu'à la "réinvention" de 1930, lorsque Uberto Bonetti, un peintre futuriste de Viareggio, conçoit Burlamacco : le masqué symbolique de Viareggio qui, sur l'affiche de 1931, apparaît en compagnie d'Ondina, la baigneuse symbole de la saison estivale, un masque "tout nouveau" qui dérive néanmoins de l'identité littéraire toscane (le Buffalmacco de Boccace) et du nom du canal de Viareggio, la Burlamacca

Celui de Viareggio n'est pas un exemple isolé. Le carnaval nous a toujours donné valeur à notre histoire qui, en Italie, est ponctuée par les masques de la tradition: de Gianduia (Piémont) à Arlequin (Bergame), de Pantalone et Colombina (Venise) à Meneghino (Milan), de Stenterello (Toscane) à Sor Tartaglia (Rome) et à Pulcinella (Naples). Et en même temps le sens d'une culture populaire répandue qui, aujourd'hui plus que jamais, en ces temps d'homologation facile, doit être remise au centre de l'imaginaire collectif, grâce à la valeur redécouverte de la "fête" et du "sacré".

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Le carnaval représente en effet - s'il est interprété correctement - un moment essentiel de ce "voyage", certes pas le seul, mais l'un des plus significatifs, traditionnellement destiné à renouveler le cycle de la vie, le sens de la "transgression" et de la "renaissance", avec des racines solidement ancrées dans la patrie des religions : en Chaldée, dans l'ancienne théocratie mésopotamienne, vers trois mille avant J.-C., on trouve les traces d'une fête au cours de laquelle les rôles sociaux étaient inversés, la servante prenait la place de la dame et l'esclave celle du puissant ; et de là le diffusion générales et symptomatique dans tout le monde antique, en Grèce, avec une longue période de "liberté de l'esprit" ; à Rome, avec les "Saturnales", décrites par Macrobe, et, avec la fête de la religion des étoiles, le carnaval devient la "fête du nouvel an", l'interrègne entre une abdication et une montée sur le trône. Le cortège triomphal du drame de l'extraordinaire fait irruption dans l'histoire, par le "trou du désordre calendaire". La subjectivité explose, dans l'ivresse de la passion. Et c'est le pathos, la passion dionysiaque, qui submerge et enivre. C'est le temps de la Wille zum Raush, de la volonté d'ivresse, dont le sens - aujourd'hui - nous échappe, "envahis" que nous sommes par une "ivresse" permanente, par une ivresse de masse, où le Sacré a peu de place et où le rire a pris les traits de la banalité.

Conscient de cela, le sens du Carnaval peut encore nous aider, à plusieurs niveaux, à reconsidérer les "raisons" profondes du temps de la fête, de la valeur du Sacré, de son extraordinaire, de la "recomposition" d'une vision organique de la Vie. De Viareggio à toute l'Italie. Pour nous redécouvrir nous-mêmes, le sens de nos communautés, la fierté de l'appartenance.

Mario Bozzi Sentieri sur Barbadillo.it

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dimanche, 05 février 2023

De Zalmoxis à Gengis Khan: religions et folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est selon Eliade

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De Zalmoxis à Gengis Khan: religions et folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est selon Eliade

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/da-zalmoxis-a-gengis-khan...

Mircea Eliade, l'éminent historien roumain des religions, bien qu'ayant vécu la majeure partie de sa vie en exil à l'étranger, a conservé un lien étroit avec la culture de son propre peuple et, surtout, un intérêt jamais dissimulé pour la spiritualité de l'ancienne Dacie. En témoigne, de manière très détaillée, son ouvrage intitulé Da Zalmoxis a Genghis Khan. Le religioni e il folklore dell'Europa orientale (= "De Zalmoxis à Gengis Khan. Les religions et le folklore de l'Europe orientale"), que l'on peut trouver en librairie grâce aux Edizioni Mediterranee, édité par Horia Corneliu Cicortaş et avec une traduction d'Alberto Sobrero (pour les commandes : 06/3235433, ordinipv@edizionimediterranee.net, pp. 275, euro 27,00). Ce volume a été publié pour la première fois en France en 1970. Il est sorti en Italie en 1972 et, vu son discret succès critique et commercial, a été traduit dans de nombreuses langues en peu de temps. Le texte se compose de huit chapitres: six d'entre eux sont des reprises d'essais précédents publiés dans des magazines et des périodiques. Deux chapitres sont spécialement conçus pour ce livre.

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Le premier d'entre eux fait référence à Zalmoxis et traite de l'histoire religieuse des Gétes & Daces. Un autre essai est consacré à la relation entre cette ancienne population et les loups, tandis qu'un article sur la "Ballade du mouton devin" est destiné, selon les intentions d'Eliade, à compléter les cinq autres essais sur les traditions populaires roumaines. Ils traitent respectivement des mythes cosmogoniques dualistes, de la chasse rituelle, de la légende de Maître Manole, des pratiques chamaniques et du culte de la mandragore. La référence du titre à Gengis Khan, nous rappelle Cicortaş, est purement symbolique: "puisque les invasions mongoles ne sont pas mentionnées dans le livre" (p. 8), alors qu'elles ont joué un rôle fondamental dans la formation de l'imaginaire des Daco-Romains, notamment par rapport à l'ancêtre totémique identifié dans le Loup gris. Il ne faut pas oublier que, pour Eliade, "le culte de Zalmoxis et tous les mythes, symboles et rituels qui informent le folklore religieux des Roumains ont leurs racines dans un univers de valeurs spirituelles antérieur à l'apparition des grandes civilisations du Proche-Orient ancien et de la Méditerranée" (p. 17).

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Cela explique l'intérêt pour ce patrimoine spirituel, qui n'a jamais failli chez l'érudit. Elle s'est d'abord manifestée à la fin des années 1920, après le séjour du savant en Inde, mais est revenue se manifester dans les années 1940, avant et après la fin de la Seconde Guerre mondiale. De plus, Eliade avait fondé, en 1938, la première revue internationale roumaine d'études historico-religieuses, intitulée, non par hasard, Zalmoxis. Sur le texte que nous présentons, l'intellectuel a travaillé entre 1968 et 1969, à une époque où il était occupé à peaufiner certaines de ses œuvres les plus érudites. Sans cette concomitance d'engagements, De Zalmoxis à Genghis Khan "aurait probablement été beaucoup plus vaste" (p. 11). En effet, l'auteur avait prévu d'ajouter à la première édition des chapitres consacrés à d'autres aspects de la ritualité et du folklore de la Roumanie et de l'Europe de l'Est. Le lecteur de la nouvelle édition italienne trouvera en annexe l'essai que l'historien des religions a consacré à l'exégèse des căluşari, fêtes masquées saisonnières.

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Cet essai confirme également l'importance méthodologique attribuée par Eliade, dans le comparatisme historico-religieux, à la dimension ethnologique. Il recourt continuellement, pour aller au fond des choses, au sens caché des mythes et des rituels: "à l'héritage culturel du folklore [...] Une source précieuse surtout dans le cas des peuples dits "non scripturaires"" (p. 11). Le chercheur est fermement convaincu que l'humus spirituel des Daces ne pouvait être appréhendé que "dans l'univers des valeurs spécifiques des chasseurs et des guerriers, ou plus précisément à la lumière des rites initiatiques de nature militaire" (p. 18). Plus précisément, la duplicité ambiguë, chthonique et tellurique, de Zalmoxis "devient compréhensible lorsque le sens initiatique de l'occultation et de l'épiphanie du dieu est révélé" (p. 18). Le mythe cosmogonique roumain, à la lumière de cette intuition, ne peut être réduit, sic et simpliciter, aux dualismes des Balkans et de l'Asie centrale, mais doit être lu, note Eliade, à travers le thème de la "lassitude de dieu": "une expression surprenante de ce deus otiosus réinventé plus tard par le christianisme populaire, dans la tentative désespérée de rendre dieu étranger aux imperfections du monde et à l'apparition du mal" (p. 18).

La même "chasse rituelle", pratiquée aux premiers temps de la Dacie, pour l'intellectuel roumain doit être placée à l'origine de la principauté de Moldavie. Le monastère d'Argeş parvient également à rendre son symbolisme explicite, non pas simplement par rapport aux mythes de construction, mais par rapport aux autres: "le sens originel d'un sacrifice humain primitif" (p. 18). L'une des ballades populaires les plus connues de Roumanie, la Mioriţa présente la fonction oraculaire des animaux dans la Dacie antique.

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Le culte de la mandragore, s'il est interprété correctement, met en évidence le lien étroit entre la Vie et la Mort. Lire ce livre, c'est être projeté dans un univers archaïque d'une grande profondeur symbolique. Eliade, dans ces pages, a transmis à l'époque contemporaine l'héritage immémorial sur lequel s'est construite la civilisation européenne. Une occasion à ne pas manquer, à ne pas gaspiller, à l'heure où la culture de l'annulation entend faire une tabula rasa de notre mémoire historique.

Giovanni Sessa

mardi, 11 octobre 2022

Les Culdee, Lug et Merlin. Naissance et splendeur des phratries médiévales de bâtisseurs

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Les Culdee, Lug et Merlin. Naissance et splendeur des phratries médiévales de bâtisseurs

Le 5ème siècle en Grande-Bretagne constitue un jalon dans notre recherche. En 43 après J.-C., des artisans employés par les légions romaines étaient à l'œuvre dans ces contrées lointaines, construisant des tours et des murs pour protéger les citoyens romains des attaques écossaises.

Ce travail militaire s'est poursuivi jusqu'au début du 3ème siècle. Certains artisans sont retournés sur le continent, d'autres se sont installés en Britannia et sont restés. Ils ont transmis leur savoir aux Bretons, ce qui explique la naissance au 5ème siècle de la confrérie des CULDEE, qui a remplacé les collèges de bâtisseurs romains.

D'obédience chrétienne, les Culdee ont gardé secret leurs techniques et leurs réunions. Ils ont rapidement rejeté la civilisation romaine et ses formes artistiques au profit du symbolisme celtique.

Après la chute de l'Empire romain d'Occident au 5ème siècle, les grandes commandes architecturales ont disparu. De nombreux artisans se sont retrouvés sans travail et un bon nombre d'entre eux sont partis à Byzance.

Malgré l'insécurité, il y a eu de nombreux voyages et contacts entre les bâtisseurs occidentaux et orientaux. C'est pourquoi, au cours des 5ème et 6ème siècles, un grand nombre de bâtiments séculiers et religieux ont été érigés en France, montrant une nette influence orientale.

Avec la chute de Rome, beaucoup de ceux qui, en Occident, croyaient encore que la vie avait un sens transcendant se sont tournés vers l'Irlande, le fief du celtisme. La verte Eirinn, cependant, n'était pas fermée au christianisme apporté par les moines.

Leur rencontre avec les maçons de Culdee a été positive. Ces derniers deviennent désormais des moines bâtisseurs organisés en collèges. Ils acceptaient le mariage et ne reconnaissaient pas l'autorité suprême du pape romain, qui était considéré comme un simple évêque.

Parmi les Culdee, on trouve les descendants des druides et des bardes celtiques, dont la vocation chrétienne était surtout un moyen de garder un profil bas.

Les moines du continent et les bâtisseurs locaux ont travaillé ensemble pour créer des cités entièrement monastiques. Certains quartiers sont attribués aux maîtres maçons et aux maîtres charpentiers qui jouissent d'une certaine autonomie.

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Ils ont besoin des moines et les moines ont besoin d'eux. Il s'agissait de bâtir une nouvelle civilisation avec la foi chrétienne et de construire des bâtiments sacrés et profanes pour atteindre l'harmonie sociale.

L'héritage celtique est présent dans l'âme de ces bâtisseurs. Ils rappellent la robe rituelle blanche des druides, leurs maîtres spirituels, les rites d'initiation où les profanes entrent dans une peau d'animal, mourant au "vieil homme" et renaissant au "nouvel homme" (métanoïa ou transformation spirituelle radicale).

Dans les assemblées de constructeurs, on porte un tablier. Le membre est expulsé de la communauté.

Le celtisme, c'est aussi LUG, le dieu de la lumière et le seigneur de tous les arts. On retrouve son nom dans plusieurs villes européennes (Lugo, Lyon et Londres, par exemple). Il se manifeste en la personne du chef de clan, détenteur de la massue.

L'initiation se traduit, tout d'abord, par la pratique d'un métier, et nul n'est admis à TARA, la ville sainte de l'Irlande, s'il ne connaît pas un métier.

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À Tara, la salle des banquets rituels est appelée la "demeure de la chambre du milieu". Rappelons que le conseil des maîtres francs-maçons est appelé la "chambre du milieu".

Par l'intermédiaire des moines culdee, le grand souffle de l'initiation celtique revigore le christianisme occidental, trouvant son symbole le plus parfait dans la figure de MERLIN LE SAGE, dont on oublie souvent qu'il était un maître-bâtisseur. Il a fait appel à des guerriers et des artisans pour transporter des pierres d'Écosse et d'Irlande afin de construire un gigantesque tombeau en l'honneur du roi Uter Pendragon.

Merlin a enseigné aux bâtisseurs que l'esprit doit prévaloir sur la matière et que seul le Maître Bâtisseur, le magicien de la pierre, est capable de réaliser l'Œuvre totale.

samedi, 27 août 2022

L'impact des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS sur l'image de l'islam traditionnel dans le paysage médiatique russe

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L'impact des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS sur l'image de l'islam traditionnel dans le paysage médiatique russe

Rustam Nugumanov

Source: https://www.geopolitika.ru/article/vliyanie-geopoliticheskih-posledstviy-raspada-sssr-na-obraz-tradicionnogo-islama-v

Le développement des technologies de l'information et des communications a créé des conditions particulières pour l'impact de l'information sur la conscience de masse, ce qui a sans aucun doute influencé la formation de la conscience religieuse des musulmans russes. L'espace médiatique, avec ses attributs d'accès universel à l'information de n'importe où dans le monde et la possibilité d'exprimer librement son opinion sur n'importe quelle question, y compris religieuse, a imposé ses propres exigences spécifiques aux clercs musulmans et aux spécialistes de l'Islam en termes d'argumentation adéquate de sujets donnés et de promotion des idées et valeurs islamiques traditionnelles. Malgré les efforts continus pour faire revivre la bonne tradition, l'image de l'islam traditionnel a été influencée par des cadres contenant des représentations biaisées de l'islam, avec une tendance caractéristique à la destruction. Pour continuer à œuvrer de manière productive à la préservation de la véritable pureté des valeurs traditionnelles de l'Islam dans la nouvelle réalité, il faut tenir compte des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS.

Depuis le jour de la propagation de l'islam, les musulmans ont mené leurs activités éducatives en se basant strictement sur des principes qui garantissent que les concepts intégrés dans les sermons reflètent exactement les significations transmises aux associés par le Messager de Dieu Mohammed (que la paix soit avec lui) lui-même. Conscients de la grande responsabilité qui leur incombe à l'égard des générations futures, les musulmans ont veillé méticuleusement et soigneusement à la pureté des significations transmises, ce qui les a sans doute encouragés à déployer des efforts titanesques pour relever les défis de chaque époque successive. Grâce à ce travail minutieux, les savants musulmans ont développé toute une série de sciences, qui comprenaient, entre autres, non seulement les questions de croyance (aqeedah) et de jurisprudence (fiqh), mais aussi une méthodologie spéciale pour déterminer la fiabilité des jugements transmis remontant au Prophète Muhammad (la paix soit avec lui), qui a pris forme plus tard dans la science de l'hadithologie. C'est par cette transmission rigoureuse et cette assimilation sérieuse des valeurs sociales et culturelles de génération en génération que les significations de l'orthodoxie qui caractérisent l'Islam traditionnel ont survécu jusqu'à ce jour dans leur essence inchangée.

Dans tout le monde islamique, la plupart des spécialistes de l'islam sont unanimes pour dire que l'islam traditionnel (Ahlu Sunna wal Jama'a) (1) reconnaît un islam dans laquelle le fondement de la croyance (usul ad-din) remonte aux penseurs théologiens musulmans al-Ashari (2) et al-Matrudī (3), et la pratique religieuse et juridique repose sur les quatre madhhabs (4) (Hanafi'i (5), Shafi'i (6), Maliki (7) et Hanbali (8)).

Les Fondements de l'orthodoxie sont les résultats compilés des disputes polémiques des adeptes du Dieu unique avec les adeptes de différentes religions, mouvements hérétiques, écoles de philosophie, etc., qui ont eu lieu pendant la vie du Prophète (PBUH) et sont devenues par la suite une partie intégrante de la vie culturelle des centres scientifiques de la civilisation musulmane. Ces compilations, qui exposent et étayent les principales idées dogmatiques, les normes et règles juridiques, rituelles et éthiques de la conception traditionaliste de la foi, deviennent un élément obligatoire du système éducatif de pratiquement toutes les institutions éducatives musulmanes (madrasahs).

Malgré l'énorme quantité de littérature dans le domaine des croyances religieuses, la présentation la plus populaire et la plus répandue de la doctrine de la foi islamique parmi les musulmans est la dénommée Akida al-Tahawiyya, œuvre d'un contemporain des imams al-Ashari et al-Matroudi, un juriste et érudit égyptien, l'imam Abu Jaafar Ahmad ibn Muhammad al-Azdi (9), connu sous le nom d'imam al-Tahawi. Étant un résumé concis de la doctrine islamique et composé de 105 dictons, l'Akida at-Tahawiyya a incité de nombreux érudits islamiques à écrire des commentaires détaillés sur ce credo universellement accepté par les musulmans.

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En Russie, notamment dans la région de Volga-Ourals, malgré la présence du credo Tahawi, la version Nasafi était la plus connue et la plus populaire. "Akida an-Nasafi", écrit par l'Imam Abu-Hafs an-Nasafi (10), est un résumé de la doctrine de l'Imam al-Matrudi et de ses disciples, et a atteint la célébrité, selon les chercheurs turcs, grâce à l'interprétation de l'Imam at-Taftazani (11) dans son livre "Sharh al-aka'id". La popularité du commentaire d'at-Taftazani montre qu'il a été publié une quinzaine de fois à Kazan, et le théologien tatar Shihab-ad-din al-Marjani y a écrit son commentaire détaillé sous le titre "al-Hikma al-baliga al-janiyya fi sharkh al-akaid al-khanafiyya" (12), qui a été publié à Kazan en 1888.

Pendant la période soviétique, malgré la domination de l'idéologie athée, la transmission de l'héritage musulman s'est poursuivie, mais dans un cadre très étroit et sous le strict contrôle de l'État, au sein de la madrasa "Mir-Arab" de Boukhara et de l'Institut islamique de Tachkent. La qualité de l'enseignement dans ces institutions spirituelles soviétiques est démontrée par les nombreux diplômés de ces institutions, qui occupent aujourd'hui des postes à responsabilité dans de nombreuses structures religieuses de l'ancienne Union soviétique.

Après l'effondrement du système soviétique, les enseignements traditionnels de l'Islam ont pu regagner leurs positions perdues et être ravivés sous une forme fraîche et moderne, enrichie par les réalisations des sciences séculaires. Cependant, la pénétration incontrôlée de diverses organisations et mouvements islamiques étrangers et internationaux sur le territoire de l'ex-Union soviétique, dont la controverse idéologique et politique interne n'est pas la moindre, a non seulement créé des obstacles au retour de la bonne tradition, mais a également révélé les graves défis auxquels est confronté l'Islam traditionnel. Les musulmans de l'ex-URSS ont été confrontés à une nouvelle réalité dans laquelle le travail de retour aux valeurs traditionnelles exigeait de prendre en compte les conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS.

Les conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS ont été caractérisées par le démantèlement du système communiste et la proclamation du modèle de société occidental-libéral comme universel pour tous les peuples du monde, suivis par l'intégration et l'unification de tous les aspects de la société sous la domination directe des États-Unis et de leurs alliés.

Les États-Unis ont profité de l'absence d'obstacles juridico-internationaux pour arranger le monde selon leurs propres normes. Ils se sont empressés de reconstruire les frontières de l'Europe de l'Est, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, en créant de nouveaux États indépendants, des autonomies non reconnues, dont la direction est sous le contrôle total de Washington. La guerre en Yougoslavie, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye, au Yémen ne sont qu'une liste mondialement connue de points chauds qui ont pris des centaines de milliers de vies innocentes et laissé des millions de réfugiés. En outre, poursuivant une politique d'endiguement contre la Russie, l'Occident collectif, dirigé par les États-Unis, met en scène une série de révolutions de couleur dans les pays post-soviétiques. Le Kirghizistan, la Géorgie, l'Arménie, l'Ukraine et la Moldavie deviennent les principaux théâtres de la confrontation géopolitique entre l'Occident et la Russie.

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En raison de la politique irresponsable et criminelle des États-Unis, de nombreux peuples musulmans sont devenus les otages des intrigues politiques des élites pro-occidentales, qui ont divisé l'Oumma musulmane, commune dans sa foi, en plusieurs camps politiquement hostiles. En outre, divers acteurs non étatiques extrémistes et terroristes sont devenus plus actifs en raison des tensions croissantes au Moyen-Orient. Les activités criminelles de divers mouvements djihadistes, dont Al-Qaïda (13) et ISIS (14), ont créé de nouveaux obstacles à la perception adéquate du bon héritage de l'islam traditionnel, accompagnés d'une haine pure et simple des autres musulmans et d'une islamophobie rampante.

Dans le contexte du facteur géopolitique, la renaissance des valeurs de l'Islam traditionnel est confrontée à plusieurs défis sérieux. D'une part, la proclamation de l'universalité du modèle de société occidental-libéral et les processus de mondialisation qui y sont liés ont posé des exigences intransigeantes quant à l'adaptation des valeurs islamiques séculaires aux modèles de la culture occidentale, ce qui se manifeste davantage dans les activités dites réformistes des activistes orientés vers l'Occident. D'autre part, il existe un soutien constant et tout à fait délibéré à tous les mouvements et organisations pseudo-islamiques radicaux, extrémistes et terroristes possibles pour discréditer les adeptes de l'Islam traditionnel et diaboliser l'Islam dans son ensemble, accompagné d'une promotion constante de l'islamophobie.

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Une sorte de dichotomie est en train de se créer, où l'effet destructeur de deux directions apparemment sans rapport vise à freiner les aspirations positives des représentants de l'islam traditionnel. La popularisation par les "réformateurs" d'idées telles que la "libéralisation de l'Islam", la "suprématie de l'individualisme sur la famille élargie", l'"égalité des sexes", le "rejet des traditions des écoles religieuses et juridiques", la "pertinence de la vie présente par rapport à la vie future" se fait sur fond de slogans radicaux et extrémistes des mouvements pseudo-islamiques sur le renforcement des normes religieuses, le rejet de toutes les formes de vie séculière et de traditions populaires, ainsi que le maintien d'un état de guerre constant (jihad) contre les "infidèles".

Tout cela crée une instabilité socio-économique et politique persistante, désorganisant la société et rendant impossible la planification de toute tâche positive et constructive pour l'avenir.

Pour contrer les menaces et les défis posés par le facteur géopolitique, il est nécessaire d'établir les fondements théoriques et méthodologiques de l'Islam traditionnel comme base scientifique pour la formation de contenu dans l'espace médiatique. En conséquence, toutes les images médiatiques tendancieuses existantes de l'Islam seront confrontées et ajustées selon la méthodologie scientifique de l'Islam traditionnel. Dans ce cas, l'image de l'Islam traditionnel sera adéquate et non déformée dans l'espace médiatique, ce qui assurera la souveraineté spirituelle et des bases saines pour le développement ultérieur de l'Islam dans l'intérêt non seulement des citoyens russes mais aussi de l'humanité entière.

Notes:

1. traduit de la langue arabe, il signifie "les gens de la Sunnah et de l'harmonie communautaire".

2. Le plus éminent penseur musulman, théologien, et fondateur de l'une des écoles kalama, qui porte son nom, les Asharites.

3. Abu Mansur Muhammad ibn Muhammad ibn Mahmud al-Maturidi as-Samarqandi (870, Maturid, près de Samarqand - 944, Samarqand), penseur islamique, fondateur et éponyme d'une école de kalam, le maturid.

4. "École théologique et juridique".

5. Les enseignements de l'école religieuse sunnite de l'islam sont liés à la doctrine de la charia.

6. Le madhhab Shafi'i est l'une des écoles de droit de l'islam sunnite, fondée par Muhammad ibn Idrees ash-Shafi'i. Ce mazhab a été formé sous la forte influence des mazhabs Hanafi et Maliki et a adopté leurs caractéristiques.

7. Le madhab Maliki est un madhab sunnite dont le fondateur est considéré comme étant Malik ibn Anas.

8. Le madhab hanbali (les adeptes du madhab sont appelés Hanbali) est l'une des quatre écoles de droit canoniques (madhabs) de l'islam orthodoxe sunnite ; son fondateur et éponyme est Ahmad ibn Hanbal, l'un des plus célèbres experts en hadiths.

9. Abu Ja'far Ahmad ibn Muhammad al-Tahawi (843/853, Taha-935, Égypte) est un célèbre érudit musulman sunnite, l'une des autorités du madhab Hanafi.

10. Najmuddin Abu Hafs 'Umar ibn Muhammad al-Nasafi (1067, Nasaf-1142, Samarqand) - Théologien islamique, juriste du mazkhab Hanafi, spécialiste du hadith, interprète du Coran.

11. Sadd al-Din Masud ibn Umar at-Taftazani (1322, Taftazan, Khorasan, - 1390, Samarqand) - le philosophe arabo-musulman, le représentant exceptionnel du Kalam tardif. Ses ouvrages sur la logique, la jurisprudence, la poétique, la grammaire, les mathématiques, la rhétorique et l'exégèse coranique étaient populaires comme guides d'étude.

12. "La sagesse mature dans l'explication des dogmes d'al-Nasafi".

13. Interdit sur le territoire de la Fédération de Russie.

14. Interdit sur le territoire de la Fédération de Russie.

 

jeudi, 25 août 2022

De la Mensur, ou du duel académique

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De la Mensur, ou du duel académique

Alessandro Staderini Busà

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/approfondimenti/della-mensura-ovvero-del-duello-accademico-240927/

Rome, 6 août - Pour les anciens Germains, la justice était une affaire privée et était exercée par l'individu. C'était un devoir aussi bien qu'un droit. Dans les litiges, la partie lésée servait ainsi un processus judiciaire qui consistait en l'usage de la force, et ce n'est que s'il ne voulait ou ne pouvait se prévaloir de cette option que le coupable était amené à rendre des comptes devant les autorités. Une sorte de vengeance réglementée, c'était la Fehde (fehida, en vieil allemand). Le droit romain, qui était beaucoup plus sophistiqué, ne pouvait pas la concevoir, et ce qui s'en rapproche le plus aujourd'hui peut être considéré comme de la légitime défense. Une différence substantielle réside toutefois dans le fait que si, pour ce droit romain, l'usage de la force s'exprime dans la prévention des dommages aux personnes ou aux biens, dans la Fehde, la force s'exerce après que l'action a déjà eu lieu. Froidement, pour ainsi dire. L'effusion de sang pour expier une violation de la loi était courante et, comme cette institution juridique n'avait aucune limite entre l'individu et la communauté, elle pouvait avoir lieu non seulement d'individu à individu, mais aussi de famille à famille, dégénérant en conflits qui voyaient des villes entières s'affronter en armes.

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Mensur, le duel académique

Au fur et à mesure que le monde continental-germanique s'intégrait au monde méditerranéen-romain, sa version pacifique devenait de plus en plus populaire. Il s'agissait de ce qu'on appelle le guidrigildo, qui, comme le certifie l'édit de Rotari (643) pour le royaume lombard en Italie, consistait en une somme d'argent équivalente à la réparation de l'offense subie. La centralité germanique, qui s'est uniformément réalisée avec le Saint Empire romain germanique, a permis à la Fehde de traverser l'âge médiéval, bien qu'avec une série de limitations que l'Église a imposées comme nécessaire. Elle devait être introduite par une "lettre de Fehde", elle ne pouvait pas être exercée sur un terrain consacré, certains jours de la semaine et à certaines périodes de l'année, et ne pouvait pas non plus toucher les clercs, les mères, les personnes gravement malades, les pèlerins, les marchands ambulants et les paysans dans les champs. Devenant, par exclusion, l'héritage d'une catégorie sociale précise - celle des chevaliers - la Fehde change de visage pour devenir un duellum. C'était jusqu'en 1495, lorsque Maximilien Ier a fini par l'interdire dans tous les territoires impériaux, par décret à la Diète de Worms. Cette pratique est toutefois restée dans l'ADN culturel des peuples germaniques, tant et si bien qu'elle s'est poursuivie dans le monde contemporain. Il s'agit du "duel académique", encore pratiqué dans certaines universités en Autriche, en Allemagne, en Pologne, en Flandre et en Suisse, et appelé proprement Mensur (die Mensur). Ce terme dérive du latin du même nom et se traduit par "mesure", c'est-à-dire la distance fixe à respecter entre les duellistes.

Les premières traces de combats à l'épée au sein des universités allemandes remontent au 17ème siècle et sont le plus souvent sous forme indirecte, c'est-à-dire en tant que sanctions imposées par les autorités de l'ordre des étudiants. Une des premières interdictions est celle de 1570 à Wittemberg, sous la forme d'une requête que l'université a adressée au prince électeur Auguste de Saxe, souhaitant souligner que les universités "ne sont pas des cours d'appel, ni des terrains de jeu, ni des abattoirs", mais doivent induire "la crainte de Dieu, la discipline, l'honneur". Avec l'essor des ordres étudiants au siècle suivant, chaque université s'est donnée ses propres règles d'escrime ainsi qu'à un type d'arme spécifique. À une époque où porter une épée à son côté était la coutume pour tout gentilhomme, un moyen de régler les diatribes à la manière du Caravage, la Mensur est devenue une forme de confrontation réglementée. Les raisons de demander un duel pouvaient être de natures diverses et banales, allant du droit de passer en premier sur un trottoir, à celui de s'asseoir au premier rang d'une conférence ou d'un cours, en passant par la défense de l'honneur d'une femme dont on était amoureux.

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Mais l'occasion la plus courante, qui réclamait satisfaction au sein de l'environnement universitaire, était une insulte spécifique. Traiter quelqu'un de dummer Junge (de garçon stupide) n'avait qu'une seule issue: le duel. Comme l'indique la définition de l'époque, strictement en latin pour sanctionner la rigueur académique : est maxima et atrocissima iniuria, quia agitur de sana mente et sapientia studiosi. C'est-à-dire qu'elle représente l'offense la plus profonde et la plus grave, car elle met en cause la lucidité mentale et la sagesse d'un érudit. On pouvait aussi remédier sur place à l'emmerdeur du dummer Junge en lui infligeant une simple gifle. Et cela, inévitablement, conduisait à une escalade que seules les armes pouvaient dompter. Après avoir répondu à la note que le défié a envoyée au prétendant, ils se rencontraient sur la place publique - la présence de témoins étant nécessaire. Là où les lois l'interdisaient, la confrontation devait avoir lieu en toute confidentialité, peut-être dans l'arrière-boutique d'une brasserie. Ensuite, les seconds (die Sekundanten), assistants des duellistes, s'avançaient les uns vers les autres, épées tendues, jusqu'à ce que la pointe de l'une touche la tête de l'autre. On prenait le point où reposait le pied gauche de chacun et à partir de là, on traçait un cercle. Ici était prise la mesure du champ de bataille, la Mensura.

Souvent, il s'agit de duels, même entre amis, déclenchés par la testostérone des jeunes dans la vingtaine qui veulent défoncer le monde et qui, peut-être, avaient bu un peu trop de schnaps. Le but n'était pas de blesser à mort celui qui vous faisait face, mais d'obtenir une satisfaction, ce qui, la plupart du temps, impliquait simplement de se mettre à l'épreuve. Sortir marqué d'un Schmiss (cicatrice) sur le visage, devenait ainsi la marque d'appartenance au rang des intellectuels. A une époque où l'épopée des paladins n'était plus d'actualité, où l'éthique chevaleresque avait été remplacée par le pragmatisme machiavélique et l'utilitarisme mercantiliste, il s'agissait pour ces hommes en âge d'étude de se targuer d'une noblesse de cœur finement rétro. Des décès pouvaient se produire mais, au sein des universités, ils se comptaient sur les doigts d'une main sur une période de plusieurs années ; et, de toute façon, une réglementation progressivement plus codifiée en limitait encore le nombre. En tant qu'héritage viril, archaïque et médiéval, le siècle des Lumières, dans sa mégalomanie à tout vouloir rationaliser, moderniser, féminiser, ne pouvait pas bien accepter cette tradition. Au milieu des protestations des citoyens bien intentionnés et des collectes de signatures par les précurseurs intellectuels du politiquement correct, en 1785, un appel alarmé est lancé depuis le Journal von und für Deutschland : "Quels sont les moyens les plus efficaces pour empêcher la pratique du duel universitaire et pour rendre la morale des étudiants appropriée à leur rôle ?" Aucun, en fait.

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La Mensur se poursuit parmi les cercles d'étudiants et les ligues telles que la Burschenschaft, les Turnerschaften, les Landsmannschaften et les Corps. La question revient sur le devant de la scène en 1850, par le biais d'une question parlementaire censée mettre fin à sa pratique au sein de la Confédération germanique, mais qui est un échec, révélant que ce type de confrontation armée, est considéré comme un sport par les Allemands, comme le tennis l'est pour les Britanniques. La nature de la Mensur était alors, et à toutes fins utiles, délimitée dans ce que l'anthropologie appelle l'Übergangsritus (rite de passage). Aucune motivation formelle n'était nécessaire pour prendre l'épée, l'ambition de rejoindre une association d'étudiants dans un centre d'études suffisait. Le recours à cette pratique s'est ralenti suite à l'action de la Freie Studentenschaft, un mouvement anti-étudiant qui, au début des années 1900, a réussi à rassembler quelques milliers de membres et jusqu'à 20 communautés locales dans les villes universitaires.

Elle est ensuite tombée complètement en désuétude pendant le Troisième Reich, qui a interdit toutes les associations de jeunesse autres que celles du parti, malgré le fait que de nombreux visages du régime aient été marqués par l'entaille d'une lame lors d'une Mensur : une célébrité parmi ceux-ci: Otto Skorzeny. Aujourd'hui encore, elle est pratiquée, et chaque club ou ligue qui perpétue sa tradition affiche sans vergogne ses couleurs, ses bannières, ses casquettes et les portraits de ses membres historiques. Maschisme, élitisme, nationalisme, les valeurs communes. L'arme de tous est le sabre, convenablement aiguisé, bien qu'émoussé. La protection consiste en un collier de cuir pour réparer la jugulaire, des lunettes de protection pour éviter les coupures du nez ou l'aveuglement, une cotte de mailles sur le torse et un rembourrage sur le bras. Après tout, l'objectif est d'obtenir ce beau Schmiss à exhiber pour la vie, et non d'en sortir kaputt ou irrémédiablement mutilé. Le Fechtcomment (arbitre), généralement l'un des étudiants les plus âgés, ouvre les danses. Puis, immobile sur place, l'épée brandie au-dessus de sa tête, le duelliste fait pleuvoir les coups. Ceux-ci peuvent être reçus et renvoyés, jamais parés. Même le plus petit mouvement instinctif de la tête pour en esquiver un entraîne le cri de "Halte !" du Fechtcomment et une réprimande qui, si elle était répétée, mettrait fin au duel pour lâcheté (Abfuhr auf Moral). Deux médecins sont présents, prêts à évaluer l'évolution des plaies, les suturant sur place. En suivant le déroulement, on ne peut s'empêcher de considérer qu'il s'agit d'un exercice sans précédent de mépris de la sécurité, quelque chose de gratuit, de primordial, d'impensable. Si peu spectaculaire, d'ailleurs, en termes d'impact visuel, aussi fugace et névrotique soit-il. Et on a l'impression de voir chacun des deux sabreurs devant un miroir, car les soubresauts et les mouvements de l'un sont reproduits exactement par ceux de l'autre.

Aucun gagnant

C'est l'essence même de la Mensur. Il ne s'agit pas de vaincre un adversaire autre que soi, en établissant une primauté sur son voisin, comme l'exigerait une vision vulgaire, anglo-américaine et bourgeoise. C'est, en effet, prendre les armes contre soi-même, et contrer les traits de sa limite naturelle, physique et mentale. Et compte tenu de cet objectif, il n'y a pas de gagnant. Car la satisfaction ne viendra pas de celui qui aura marqué le plus de coups, mais de celui qui, le visage couvert de sang, ne pourra plus dégainer son arme. La douleur, la discipline, les blessures, le sacrifice de soi : combien ils détonnent avec une contemporanéité qui aime anesthésier même les maux de gorge, épiler les pubis et les sourcils, lisser au laser les marques d'acné, psychanalyser les peurs. Comme il doit être étrange de lire tout cela à ceux qui, par hasard, tombent sur l'histoire de la Mensur. Mais pas pour nous. Nous qui l'aimons.

Alessandro Staderini Busà

 

lundi, 04 juillet 2022

Evola et les Etrusques

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Evola et les Etrusques

par Joakim Andersen

Source: https://motpol.nu/oskorei/2022/06/20/evola-och-etruskerna/

Un thème intéressant chez Julius Evola est l'analogie historique, où des complexes similaires de caractéristiques internes et externes pourraient se reproduire, même séparés par de longs laps de temps. L'analogie historique est proéminente dans son introduction à Bachofen, Do We Live in a Gynaecocratic Society? (Vivons-nousdans une société gynécocratique?), où il utilise sa description de la gynécocratie antique pour analyser les tendances de l'Occident moderne. Evola a écrit explicitement que les œuvres de Bachofen "offrent souvent des points de référence importants pour comprendre le sens le plus profond de certains aspects de notre propre civilisation moderne, à travers des relations d'analogie souvent étonnantes". En général, son approche était à la fois analytique, critique et constructive, l'ambition étant à la fois de comprendre et de critiquer des tendances fondamentalement intemporelles mais inhabituellement fortes dans la société moderne et de décrire les alternatives plus saines pour la personne et la civilisation. Un exemple de ceci est Rome contre l'Étrurie de 1938.

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Evola y entreprend une étude de l'histoire, en se concentrant sur des aspects plus profonds et intérieurs. Il a trouvé des différences cruciales entre le Romain et l'Étrusque, des différences qui ont conduit à un conflit historique prolongé tant sur le plan de la realpolitik que sur le plan spirituel. Evola a caractérisé l'esprit étrusque comme fataliste, à comparer avec l'esprit héroïque romain. La vision de l'au-delà différait également, pour les Étrusques elle était démoniaque mais pour les Romains héroïque. La spiritualité et la relation à l'humain-trop-humain, ce qu'Evola appelait la race de l'esprit, étaient fondamentalement différentes. Evola a également noté des tendances matriarcales, ainsi que des éléments "lunaires-mathématiques" dans les rites étrusques. Il a lié ces différences à des civilisations différentes et à des éléments raciaux différents. Pour lui, les Étrusques font partie de "tout un cycle de civilisations méditerranéennes et méridionales, s'étendant des anciennes colonnes d'Hercule à la Syrie, reprenant les anciennes civilisations ibériques, une partie des civilisations italiques, les civilisations préhelléniques et pélasgiennes, et ainsi de suite", les Romains étant plutôt "porteurs de l'esprit spécifiquement indo-européen".

Le conflit entre ces deux manières fondamentalement différentes d'appréhender le monde et la vie s'est joué sur le plan séculier, avec la lutte politique pour l'indépendance romaine. Mais elle était également menée dans l'intériorité même des hommes, et là, l'esprit étrusque a eu plus de succès. Evola écrit ici que "l'histoire de la période monarchique est celle d'une lutte en dents de scie entre l'aristocratie romaine guerrière et les tentatives hégémoniques d'éléments étrusques et sacerdotaux ou de forces similaires. Détruit à l'extérieur, l'élément étrusque s'est toutefois insinué dans la vie intérieure de Rome". Si l'on compare la description de Wittfogel de l'"orientalisation" ultérieure de Rome, Evola offre ici un complément important en se concentrant sur les aspects internes du processus. Il a également fait valoir qu'une lutte similaire s'est répétée au début du 20ème siècle ("celle entre les forces de la romanité et les forces de l'anti-romanité : Rome et l'Étrurie"). Déjà, le symbolisme était nettement différent, avec l'aigle et le loup de Rome et les mères de l'Étrurie.

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Il y a plusieurs thèmes précieux dans le court texte d'Evola. Qu'il ait ou non rendu justice aux Étrusques est relativement peu pertinent dans ce contexte ; nous savons que D.H. Lawrence avait une vision beaucoup plus positive de l'esprit étrusque. L'accent mis par Evola sur les dimensions internes de l'histoire est précieux, tant pour décrire les différentes civilisations que pour les comparer. Une telle analyse est aujourd'hui taboue, à moins que le résultat soit une fatalité et dépeigne l'Europe comme inférieure ou déficiente. Mais comme l'ont montré Ekelund, Spengler, Evola, Simmel et d'autres, c'est une approche fructueuse et son absence suggère une psychopathologie répressive. Evola, dans ce court texte, a donné une introduction claire à son approche, au lieu de se concentrer sur des détails superficiels ("ce sont comme les lettres de l'alphabet: les mêmes se retrouvent dans des phrases qui, pourtant, ont des significations différentes") le but était "de saisir l'âme d'une civilisation et d'une race afin d'interpréter en conséquence chacun de ses aspects".

Il est intéressant de noter que la conclusion de cette approche est qu'Evola pensait que l'influence des éléments étrusques sur l'esprit romain "affaiblissait la véritable civilisation romaine plus qu'elle ne la renforçait". Nous nous rapprochons ici du concept de pseudo-morphose de Spengler, "ces cas où une culture étrangère plus ancienne s'étend si massivement sur le territoire qu'une jeune culture, née sur ce territoire, ne peut pas respirer et échoue non seulement à atteindre des formes d'expression pures et spécifiques, mais même à développer pleinement sa propre conscience de soi" et le terme de distorsion de culture de Yockey, étroitement lié mais non identique. Les conséquences pour le projet multiculturel sont évidentes. Nous pouvons également identifier une tendance vaguement primitiviste chez Evola ici, évidente ailleurs également. Il soutenait qu'un peuple pouvait être porteur "d'un style de vie clair, solide et viril et d'une conscience directe des forces spirituelles", même sans formes extérieures de "raffinement, d'érudition et de culture". Cette dernière est souvent un prélude à la décadence.

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Par curiosité, le contemporain d'Evola, Werner Sombart, voyait dans les aventures et les pratiques commerciales de Florence une continuation de l'héritage étrusque. Dans The Quintessence of Capitalism, il écrit que "du sang étrusque coulait certainement dans les veines de très nombreux Florentins. Or les Étrusques, peut-être même plus que les Phéniciens et les Carthaginois, étaient le peuple commerçant de l'Antiquité, et leur politique commerciale, pour autant qu'on puisse en juger, ressemblait beaucoup à celle des Florentins à une époque ultérieure." À titre de curiosité supplémentaire, nous notons que Carleton Coon, dans son ouvrage Races of Europe, soupçonnait que la beauté des Bolognaises était un héritage des Étrusques. Nous pourrions involontairement nouer le nœud et revenir à Lawrence ici, nous contentant plutôt de noter que l'historiographie d'Evola a une valeur durable, que la thèse de l'Étrurie anti-romaine soit entièrement correcte ou non.

mardi, 07 juin 2022

Cosaques: dans les deux camps de la guerre d'Ukraine

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Cosaques: dans les deux camps de la guerre d'Ukraine

Dans l'histoire des cosaques, une relation ambivalente avec le pouvoir central russe était déjà une tradition avant Vladimir Poutine

Bodo Bost

Source: https://paz.de/artikel/in-beiden-lagern-des-ukrainekrieges-a6767.html

Dans les régions steppiques situées le long des fleuves frontaliers Volga, Don, Dniepr et Oural, les Cosaques ont constitué une force d'intervention rapide pour le tsar à partir du XVe siècle, mais ils n'ont jamais renoncé à leur liberté et à leur autonomie. Les Cosaques ont été la force motrice de la Russie dans la lutte contre son ennemi juré, les Tatars. Les Cosaques les ont vaincus parce qu'ils avaient eux-mêmes adopté leur mode de vie et s'étaient mélangés avec eux, tout en restant chrétiens.

Les Cosaques étaient à la fois des mercenaires et des "guerriers libres", ils combinaient un patriotisme fidèle à l'État et un fort amour de la liberté. C'est pourquoi ils sont restés suspects aux yeux des tsars. Les Cosaques aidaient les paysans qui voulaient se soustraire au servage des tsars et les vieux croyants qui ne voulaient pas suivre les réformes de l'Eglise orthodoxe d'Etat. Alors que certaines parties des Cosaques sont devenues des avant-postes coloniaux de la Russie, d'autres sont devenues des éléments porteurs des révoltes populaires régionales contre le tsar. Sous le régime soviétique, les Cosaques, qui avaient pour la plupart combattu aux côtés des ennemis des bolcheviks, sont devenus les ennemis publics numéro un.

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Le Kremlin encourage le néo-cosaquisme

Seul Vladimir Poutine a redécouvert leur utilité guerrière et leur nationalisme. Même la fonction d'ataman, nom traditionnel du chef cosaque, a été réintroduite sous Poutine. L'ataman Nikolai Doluda (photo) a été nommé par Poutine à la tête de la Société cosaque de toute la Russie. Sous Poutine, les Cosaques sont mis à contribution pour l'éducation patriotique des jeunes et pour la fonction publique. L'offre va du jardin d'enfants à l'école en passant par les universités cosaques. Les associations de Cosaques sont même autorisées depuis quelques années à défiler lors de la grande parade militaire sur la place Rouge le jour de la victoire, bien que la majorité des Cosaques aient alors combattu dans la Wehrmacht contre l'Union soviétique.

Poutine avait remarqué qu'avec l'effondrement de l'Union soviétique, il manquait un élément fédérateur dans la société russe. Pour combler ce vide, il a encouragé l'Église orthodoxe et le cosaquisme.

Aujourd'hui, il existe plus de 2600 sociétés cosaques avec 170.000 membres en Russie, environ sept millions de Russes et plus d'un million d'Ukrainiens se sentent descendants des Cosaques. Le Kremlin encourage et utilise le néo-cosaquisme post-soviétique à ses propres fins.

Des unités cosaques ont été engagées dans toutes les guerres menées par la Russie depuis celle de 1992 en Transnistrie et autour de celle-ci. Elles n'ont échoué que lors des deux guerres de Tchétchénie de 1994 à 1996 et de 1999 à 2009. Le Caucase était pourtant l'une de leurs zones de combat traditionnelles.

L'histoire officielle de l'Ukraine, indépendante depuis 1991, se fonde également sur l'hetmanat des Cosaques zaporogues, fondé en 1648, bien que sous Catherine la Grande, l'hetmanat zaporogue, le cœur de l'Ukraine actuelle, soit devenu une province russe en 1765. Un retour aux traditions cosaques s'est exprimé lors des manifestations du Maïdan de Kiev fin 2013 sous la forme de tendances démocratiques de base et pro-occidentales. Une cinquantaine d'organisations cosaques ont soutenu et soutiennent encore l'intégrité territoriale de l'Ukraine pendant la guerre du Donbass et aujourd'hui contre la Russie.

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Les Cosaques d'Ukraine défendent le pays

Sur le plan militaire, les associations cosaques sont toutefois plus actives du côté russe dans le conflit ukrainien qui a éclaté en 2014. 5000 citoyens ukrainiens ont combattu pour la cause russe en tant que membres d'associations cosaques dans les régions de Lougansk et de Donetsk. Cependant, lorsque les unités de volontaires ukrainiens ont progressé en 2015, certaines unités cosaques ont abandonné leurs positions dès les premiers tirs.

Surtout depuis la proclamation de la République populaire de Lougansk en 2014, l'Ataman Kositsyn espère, avec l'aide de sa Garde nationale cosaque, créer un hetmanat ukraino-russe dans le cœur du territoire des Cosaques du Don, soit la région de Rostov, dans la tradition de la République du Don qui existait à l'époque de la guerre civile russe de 1918 à 1920.

Cependant, pour de nombreux Russes, le défilé de cosaques n'est rien de plus qu'une mascarade historique, au mieux du folklore, même s'il est soutenu par le Kremlin. Même dans une région comme Krasnodar, autrefois un centre cosaque dans le sud de la Russie, où le soutien de l'État est particulièrement fort, les cosaques ne définissent plus aujourd'hui l'identité régionale, tout au plus le folklore. Le recours par l'État au symbole historique du cosaque n'est qu'une pièce de la mosaïque d'une évolution nationaliste et nostalgique par laquelle Poutine pousse la Russie encore plus loin dans l'isolement et la complaisance de soi.

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dimanche, 01 mai 2022

Origines de la Fête du jour de Mai

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Origines de la Fête du jour de Mai

Source: https://www.romanoimpero.com/2017/05/i-maggio-le-maiae.html

LA DÉESSE MAIA

Mai était le mois dédié à Maia et sa fête, qui tombait le 1er mai, était appelée - MAIAE -.
La racine Ma lui est attribuée en tant que Mère, mais aussi en tant que Maius, c'est-à-dire plus grande et abondante, et l'abondance signifiait des récoltes abondantes et des animaux bien nourris qui assuraient la survie.

Chaque 1er mai, le dieu Vulcain, c'est-à-dire ses prêtres, lui offrait une truie enceinte en sacrifice, afin que la terre soit également enceinte de bons fruits. Cela suggère une Déesse Mère qui gouverne les volcans, donc une Déesse du feu.

En fait, le nom du porc vient d'elle aussi, soit du latin "sus maialis". Ses origines sont grecques, de la déesse Maia, qui signifie "nourricière". En fait, la Terre nourrit toutes ses créatures.

À Rome, cette nymphe était identifiée à une déesse italique préexistante, Maiesta (d'où le mot majesté) ou Maia. C'est pourquoi elle était invoquée, surtout au cours du mois qui lui est consacré, et surtout au début du mois, c'est-à-dire le 1er mai, également en tant que garante des contrats agricoles ou d'élevage.

Si un mois, celui de mai, lui était dédié, on peut comprendre l'importance de cette divinité dans les temps archaïques.

Octave, pour ne pas être en reste, a eu un mois qui lui était dédié, le mois d'août, et à son père adoptif il a dédié le mois de juillet, Iulius.

Mais il n'a pas osé retirer la dédicace du mois de mai à la déesse vierge Maia, par ailleurs mère d'un tel Dieu, à savoir l'infatigable travailleur Mercure, qui faisait office de messager entre les dieux et les hommes, était le patron des commerçants, des voyageurs et des voleurs, et accompagnait enfin les âmes des morts aux enfers.

La déesse Maia était si importante que l'Église a dû s'efforcer d'effacer son souvenir, qui était très vivant et suivi par la population, en le dédiant à une autre Vierge, à Marie, d'ailleurs le mois de mai lui est désormais consacré.

En fait, Maia aussi était vierge, mais comme toutes les Grandes Mères, elle a eu des rapports sexuels et même des enfants, en fait Mercure est né d'elle. Dans les temps anciens, la virginité n'indiquait pas un état physique mais un état d'esprit. La Vierge était celle qui n'avait pas de mari et était donc libre d'aller avec qui elle voulait, à tel point que la vierge au sens physique était appelée la "Virgo intacta".

Comme attributs, la déesse avait le laburnum, la torche enflammée, la corne d'abondance, les volcans.

NOMS DE MAIA

    Mara
    Maiesta
    Mammon (est devenu un diable dans le catholicisme).
    Mama Mammon - la nature visible
    Mamma Mammon - la nature invisible, ou l'énergie divine qui la gouverne.

À Florence, dans la Via Strozzi, on a retrouvé un fragment d'épigraphe dédié au dieu Mercure et à sa mère Maia ; il y avait probablement un temple qui leur était consacré.

Ce n'est pas un hasard si Mercure est également un psychopompe, c'est-à-dire un passeur d'âmes vers l'au-delà. Le fils a rempli une tâche qui appartenait à la mère. En tant que déesse mère, Maia était en fait une triple déesse, régnant dans le ciel (comme la lune), sur la terre (par la production de plantes et de champs cultivés) et dans le monde souterrain (comme déesse des morts).

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DE MAIA À LA MADONNA 

Le "Mai des roses et de la Vierge" trouve son origine au Moyen Âge, lorsque, dans une tentative de christianisation des fêtes païennes en l'honneur de la nature et de la déesse Maia, on a pensé que les thèmes de la nature et de la Sainte Vierge pouvaient être combinés avec la Madone, la plus haute créature. Selon l'historien médiéviste Cardini, la pratique des premières dévotions remonte "au XVIe siècle, lorsque les gens ont commencé à réagir à l'esprit de la Renaissance, jugé trop païen: le mois de mai a donc également revêtu un caractère réparateur".

Cela confirme que dans les campagnes jusqu'au 16e siècle, les anciens dieux étaient encore vénérés selon les anciens rituels. Ce n'est pas pour rien que l'Église a brûlé un nombre disproportionné de sorcières, car le paganisme était considéré comme de la sorcellerie ou de la diablerie. À Rome, le mois de mai était dédié à la déesse Maia, et les roses lui étaient également dédiées. Mai vient donc de Maia, une ancienne déesse italique de l'époque préromaine et plus tard romaine.

MAIELLA

La montagne Maiella, dans les Abruzzes, tire son nom de la déesse et la légende des gigantesques "maiellane" y a fleuri, ces femmes guerrières mythiques parées de grandes boucles d'oreilles à cerceaux et de colliers voyants, qui, en des temps très reculés, se battaient, indomptées, pour défendre leur indépendance.

La légende remonte aux temps anciens où les femmes se battaient et luttaient, si nécessaire, comme les hommes. Il suffit de se souvenir des Amazones qui dominaient l'Europe de l'Est et une partie de l'Asie.

Ce n'est pas un hasard si l'abbaye de Santa Maria dell'Avella, construite avant le 10e siècle, a été bâtie sur une crête de la montagne Maiella, où la déesse a certainement été vénérée autrefois.

En outre, le 1er mai, la "Madonna della Mazza" est célébrée dans les Abruzzes, et les habitants de Pretoro font un pèlerinage sur la Maiella, pour prendre la statue du temple et la transférer à la paroisse de Pretoro, où elle reste pour des honneurs solennels jusqu'à la fin juin.

Cela suggère une ancienne fête de Maia, dont le sanctuaire devait se trouver sur la montagne, où se déroulaient des processions et des rituels, notamment pendant la Maiaie.

Dans les Abruzzes, il y a aussi la légende de la nymphe Maia, fille d'Atlas, qui se réfugia dans la montagne pour sauver son fils blessé, qui mourut et fut enterré là, à la douleur infinie de sa mère. Il s'agit clairement d'une reconstitution du mythe de l'enfant-nymphe qui meurt chaque année pour être ressuscité l'année suivante. Un mythe repris plus tard par l'Église catholique avec le Christ mort et ressuscité.

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BONA DEA

LA FÊTE DE MAIA - LES MAIAE

"Kalendae Maiae sunt antiquae hemisphaerii septentrionalis feriae vernae die 1 Maii habitae, usitate feriae publicae, et in multis culturis translaticiae veris feriae. Cum Internationali Operariorum Die congruit. In multis linguis tantum Dies Maii appellari potest ; Anglice (langue anglicane) autem in Havaiis (langue hawaïenne)".

C'était avant tout une fête des champs, célébrant les bourgeons de la récolte à venir et le vin de l'année écoulée. Dans les temps anciens, les premiers fruits étaient scarifiés à la déesse, plus tard le rite est devenu sanglant et une truie enceinte était sacrifiée, un symbole du printemps et de tout ce qui fleurit et produit, pour les femmes c'est devenu un souhait de fertilité.

Le sacrifice de la truie était une particularité des sacrifices dédiés à la Mère Terre, donc forcément la Déesse Maia était une Mère Terre et une Grande Mère, très puissante et très suivie dans les temps archaïques. Après avoir été sacrifié, l'animal était cuit et mangé, un rite très important dans les campagnes, où le cochon salé et aromatisé pouvait être un aliment prêt à l'emploi pour toute l'année.

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À cette occasion, des parties des porcs sacrifiés étaient données à ceux qui avaient eu divers malheurs ou une récolte plus malheureuse, ce qui renforçait les liens entre les villages de la campagne.

Bien sûr, le rite était beaucoup plus populaire à la campagne que dans les villes, mais il était également de coutume que les nobles romains qui possédaient des villas rustiques en dehors de la ville se rendent dans ces villas pour vérifier que les esclaves y travaillaient et pour célébrer dignement les Maiae.

Comme il s'agit d'un rite ancien, il durait jusqu'à tard dans la nuit, favorisant les accouplements amoureux et non amoureux. Les femmes, comme les tables dressées, étaient ornées des pousses du laburnum. Le fait que la déesse ait une torche comme attribut signifiait que le rituel durait jusque tard dans la nuit, grâce aux feux qui étaient allumés pour l'occasion dans la campagne.

Ici, les femmes mariées qui souhaitaient avoir des enfants préparaient une sorte de lit fait de branches d'aulne et, enguirlandées de cytise, faisaient l'amour avec leur mari après avoir récité les prières appropriées. Cependant, la fête avait un caractère très licencieux et même les personnes mariées aimaient changer de partenaire et s'adonner à quelques escapades avec la bénédiction de la déesse.

La fête était préparée de nombreux jours avant, avec des chants, des danses, des banquets et de la musique, où les esclaves mais aussi les poètes locaux étaient invités à s'exprimer afin d'honorer la déesse qui assistait aux fêtes sous la forme d'une statue, parfois en bois, car il s'agissait d'une divinité très ancienne.

LE MAIAE AUJOURD'HUI

Plusieurs coutumes festives issues de cette tradition ont survécu jusqu'à aujourd'hui. En Italie, en fait, on l'appelle souvent Calendimaggio (calendes de mai qui tombaient ou étaient faites pour tomber le premier mai) ou Cantar Maggio, une fête saisonnière célébrant l'arrivée du printemps.

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La fonction magico-propitiatoire de ce rite est souvent réalisée au cours d'une questua pendant laquelle, en échange de cadeaux (traditionnellement des œufs, du vin, de la nourriture ou des sucreries), les maggianti (ou maggerini) chantent des versets de bon augure aux habitants des maisons qu'ils visitent.

Il s'agit manifestement d'un vestige des cadeaux offerts aux plus pauvres, mais aussi aux esclaves, qui, en échange des cadeaux, offraient diverses petites représentations de chant, de danse et de musique, participant également à la fête d'une manière ou d'une autre.

La partie centrale des rituels est aujourd'hui l'exécution de chants de questua, et l'on trouve souvent des chants de Pâques/Calendimaggio dans le nord de l'Italie, comme dans les collines du Piémont, dont le motif "questua delle uova" correspond exactement à ce que l'on appelle dans l'Oltrepò pavese "la galina grisa".

ANCIENNE DÉESSE ITALIQUE

Il y a ensuite le chant du Carlin di maggio (mauvaise prononciation des calendes), de la veine de la "lyrique magique profane" qui, à partir des lacs Cusio, Verbano et Ceresio, s'étend dans tout l'Apennin septentrional jusqu'à ce qu'il rencontre les autres types de maggi (lyrique dramatique, sacré) des montagnes toscanes-émiliennes, puis reprend sa présence dans l'Apennin central.

Souvent, une très grande branche de l'aulne est portée par les "Maggerini" (les chanteurs de mai) et on y accroche les cadeaux offerts dans les maisons, créant ainsi l'arbre de cocagne (Cuccagna).

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Cet arbre folklorique a des racines très anciennes, car il était le réveil de l'arbre de vie, l'arbre dit cosmique qui s'est réveillé après les ténèbres de l'hiver et a donné ses fruits aux hommes et aux animaux, permettant ainsi la perpétuation de la vie.

Les symboles de la renaissance printanière sont les aulnes et les cytises, qui accompagnent les asticots et les fleurs (violettes et roses) mentionnés dans les couplets des chansons, et dont les participants se parent. L'aulne en particulier, qui pousse le long des cours d'eau, est considéré comme le symbole de la vie et est donc souvent présent dans le rituel.

C'est une célébration qui remonte aux peuples anciens qui étaient très intégrés aux rythmes de la nature, comme on le trouvait chez les Celtes, les Étrusques, les Bruziens, les Samnites et les Ligures. Mais il a certainement affecté l'ensemble du monde italique, romain et préromain.

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JOURNÉE DES TRAVAILLEURS

Aujourd'hui, le 1er mai rappelle les émeutes américaines visant à réduire le temps de travail des ouvriers, qui ont été noyées dans le sang. Pendant les vingt années de fascisme, à partir de 1924, la célébration a été avancée au 21 avril, coïncidant avec le Noël de Rome, devenant pour la première fois un jour férié avec le nom de "Noël de Rome - Fête du travail". Il a ensuite été ramené au 1er mai après la fin de la guerre mondiale en 1945, mais a conservé son caractère de jour férié. Cependant, elle est restée une fête romaine d'abord, puis une fête fasciste, transformée en fête communiste.

Le 1er mai 1955, le pape Pie XII a institué la fête de la Saint Joseph Travailleur, afin qu'elle devienne une fête catholique au lieu de la fête laïque qu'elle était à l'origine. La fête de Maia a été oubliée pour ce jour de fête, remplacée par celle de Marie, qui a également été oubliée.

Depuis 1990, les syndicats confédéraux CGIL, CISL et UIL, en collaboration avec la municipalité de Rome, ont organisé un grand concert pour célébrer le 1er mai sur la Piazza San Giovanni, de l'après-midi à la nuit, avec la participation de nombreux groupes musicaux et chanteurs, retransmis en direct à la télévision par la RAI.

BIBLIOGRAPHIE

- Hésiode - Théogonie -
- Walter Burkert - La religion grecque - 1985 - section III -
- Michael Ventris et John Chadwick - Documents en grec mycénien - Cambridge UP - 1956 -.
- Caius Plinius Secundus - Historia naturalis -
- John A. - La religion romaine - Oxford - Oxford University Press pour la Classical Association - 2000 -.
- AA.VV, - Le Premier Mai dans l'histoire de la classe ouvrière - Milan - Lotta Comunista - 2005 -

dimanche, 17 avril 2022

Le symbolisme de Pâques... et les meilleurs vœux de la rédaction !

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Le symbolisme de Pâques... et les meilleurs vœux de la rédaction !

Source: https://www.azionetradizionale.com/2022/04/17/il-simbolismo-della-pasqua-e-gli-auguri-della-redazione-2/

Si dans les Eglises orientales on se salue en disant "Christ est ressuscité", alors qu'en Occident notre voeu "Joyeuses Pâques" n'est souvent qu'une référence au déjeuner pascal et à la énième beuverie, il est donc utile, comme toujours, de retrouver la signification ancienne des symboles et des mots liés à Pâques.

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Ainsi, nous retraçons ici - en mémoire d'Alfredo Cattabiani - le sens de Pâques et de ses protagonistes, du Christ ressuscité à l'œuf et au printemps.

Et nous vous adressons nos vœux les plus sincères pour la Résurrection de Pâques, afin que renaissent en chacun de nous la Lumière et la Vraie Vie, qui, en un éclair, tueront les ténèbres et la mort qui trompent.

De la rédaction d'AzioneTradizionale.com

Le dimanche de la résurrection était autrefois appelé "Pâques aux œufs" : dans de nombreuses cathédrales, le jeudi saint, un œuf d'autruche était placé dans le tombeau rituel avec l'Eucharistie et récupéré le jour de Pâques en chantant : "Surrexit Dominus vere : alleluia !".

L'œuf est donc le symbole du Christ ressuscité et de l'espérance en la résurrection future des fidèles en lui. De plus, dans toutes les traditions, l'œuf est un symbole de naissance et de renaissance. "Omne vivum ex ovo", dit un proverbe.

Mais l'œuf, qui naît d'une vie et donne naissance à une nouvelle vie, est aussi le symbole universel du renouvellement périodique de la nature ; il convient donc pour symboliser le renouvellement de l'année astrologique à l'équinoxe de printemps. 

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Manger des œufs signifiait donc se souhaiter une bonne année.

Tous ces symbolismes ont été christianisés à la lumière du Prologue de l'Évangile de Jean qui dit : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu".

Il était donc facile d'imaginer l'œuf cosmique comme un symbole du Christ. Mais le Christ est aussi celui qui meurt et ressuscite ; aussi l'œuf, en tant que tombeau dans lequel se prépare une nouvelle vie destinée à venir à la lumière, ne pouvait manquer d'inspirer aux premiers chrétiens le symbole de la résurrection.

C'est pour cette raison que des œufs en marbre ont été retrouvés dans les tombes des martyrs de Rome, comme dans les tombes de Sainte Balbine et de Sainte Théodora.

Tout cela a donné naissance à la coutume de l'œuf de Pâques comme symbole de la résurrection du Christ, à tel point que dans le passé, le samedi saint, les curés bénissaient des œufs bouillis et colorés à manger le dimanche.

Dès le XIIe siècle, des œufs bénis étaient déjà offerts dans de nombreux pays européens, tandis que la noblesse échangeait des œufs en argent ou en or ornés de pierres précieuses, de perles et d'émaux. Plus tard, est venue la coutume de cacher une surprise dans l'œuf de Pâques.

Au XVIe siècle, François Ier, roi de France, se voit offrir une coquille d'œuf contenant une gravure sur bois de la Passion. La coutume se répandit rapidement dans la France du Roi Soleil, à qui les courtisans offraient des œufs raffinés le dimanche de Pâques : les plus grands peintres de l'époque les peignaient avec amour.

Au XVIIIe siècle, Louis XV offre à Madame du Barry un grand œuf décoré contenant une statuette de Cupidon créée par l'orfèvre de la cour.

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Aujourd'hui, la tradition de colorier et de donner des œufs bénis, vivante dans toute la chrétienté, a survécu sécularisée dans les gâteaux de Pâques avec des œufs durs, dans les œufs en chocolat industriels et dans des communautés limitées comme celle de Piana di Albanesi, dans la province de Palerme, où les œufs peints en jaune ou en rouge qui ont été bénis à l'église sont distribués dans tous les foyers.

Mais dans le christianisme orthodoxe, contrairement à l'Occident, la signification sacrée attachée au don d'un œuf n'a jamais faibli.

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En Russie, on l'appelle pysanky, du verbe pysaty, "écrire", car les symboles sont dessinés sur la coquille authentique ou en bois le samedi soir : la décoration se déroule en silence, parfois interrompue par des prières et des chants anciens. La décoration se fait en silence, interrompue parfois par des prières et des chants anciens. Il s'agit probablement d'un rite très ancien lié au réveil du printemps, puis christianisé. 

Le matin de Pâques, chaque famille apporte son panier d'œufs peints, recouverts d'une lingette rituelle, à l'église pour la bénédiction.

Selon une légende ukrainienne, le diable est lié par une chaîne composée d'autant de maillons que d'œufs décorés au cours de douze mois.

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dimanche, 03 avril 2022

La Tradition juridico-religieuse romaine: la pensée de Julius Evola et l'idéologie du droit naturel

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La Tradition juridico-religieuse romaine: la pensée de Julius Evola et l'idéologie du droit naturel

Giandomenico Casalino

* Essai publié dans la revue Vie della Tradizione n. 178/179 (janvier-décembre 2020)

Source: https://www.paginefilosofali.it/la-tradizione-giuridica-religiosa-romana-il-pensiero-di-julius-evola-e-lideologia-del-diritto-naturale-giandomenico-casalino/

Dans ses écrits, Julius Evola a explicité en termes morphologiquement universels et donc exhaustifs ce qu'il faut entendre par Loi et Droit dans le monde de la Tradition universelle ; et par conséquent, il a également traité de la signification du Droit dans la sphère de la culture traditionnelle de l'Occident helléno-romano-germanique, en le considérant comme un aspect essentiel de la nature même des lignées indo-européennes, dans la valorisation de leurs événements plus mythiques-symboliques [1] qu'historiques. Ici, ne voulant pas nous étendre sur ce sujet, nous allons le considérer comme un "donné" acquis et, l'assumant, nous nous intéresserons à un aspect de la vision du Droit chez Evola qui, loin d'être secondaire ou marginal, est au contraire préparatoire à la compréhension de la polarité [2] (typique alors de la Denkform indo-européenne...) intrinsèque à sa propre vision de la réalité.

La polarité dont nous parlons se manifeste de manière évidente dans la façon dont Evola affronte le "quaestio" de la soi-disant Loi naturelle, dans un chapitre dense et articulé de L'arc et la massue [3], intitulé : "Idée olympique et Loi naturelle". Notre intention est de prouver, de manière documentée et donc incontestable, que la position d'Evola, son opinion très critique du "mythe" de l'ancien Droit Naturel et "a fortiori" du droit naturel, est non seulement cohérente avec la vision traditionnelle et organique du monde et de la vie, mais est substantiellement la même que celle qui, pour un œil attentif, semble émerger de la culture juridico-religieuse romaine, comme une "forma mentis" contenue dans les sources mêmes du Droit romain.

Il est cependant bon, de manière préliminaire, d'essayer de mettre de l'ordre autour des valeurs sémantiques des mots que nous utiliserons dans cet article, à la lumière de leur étymologie. Il n'est pas possible, en effet, d'entrer dans la "valeur" de ce que la doctrine traditionnelle, et donc Evola lui-même, entendent lorsqu'ils utilisent le terme nature, sans effectuer un authentique "opus remotionis" des incrustations de significations chrétiennes et/ou modernes qui dissimulent et mystifient le discours original. L'"incipit" de Révolte contre le monde moderne [4] est d'une clarté solaire à cet égard : il y a un infernal (c'est-à-dire inferior.... Il y a une nature obscure infernale (c'est-à-dire inférieure...) et il y a une nature lumineuse supérieure ; il y a une nature chthonique, terrestre et il y a une nature céleste ; mais, en termes splendidement platoniciens, pour Evola aussi, le Tout est Phylysis, c'est-à-dire les Dieux, les démons, les hommes, les plantes et les animaux, les forces "subtiles", les Réalités Divines psychiques et objectives en tant qu'états supérieurs de l'Être, les Idées au sens platonicien ; et Hegel, également à la manière platonicienne, conclut en affirmant que "le Tout est le Vrai ! ".

Ici, il n'y a pas de dualismes entre le ciel et la terre, ni de "spiritualisme" ou de "matérialisme", ni de "sujet" et d'"objet", pour le monde traditionnel gréco-romain et sa sagesse, de telles absurdités n'existent pas, elles n'auraient eu aucun sens: voici les premières fictions modernes dont il faut se débarrasser lorsqu'on aborde cette question. La Physique d'Aristote, B, 1, et le commentaire de Heidegger [5] sur le même passage, sont, propédeutiquement et pédagogiquement, clarifiants afin aussi et surtout au fait que, étant à la fois le Timée platonicien et la Physique aristotélicienne, les livres fondamentaux de l'Occident, ils incluent aussi la soi-disant (par nous) "métaphysique" où, Il est bien connu qu'en ce qui concerne l'ensemble des écrits aristotéliciens qu'Andronicus a mis en ordre et placés après la Physique, ce ne sont que des notes de cours scolaires portant non plus sur la Phyosophie en général (c'est-à-dire la Physique) mais sur "l'être en tant qu'être" qui en émerge toujours et qui est toujours là, résidant en elle. Dans la Grèce archaïque et classique (certainement pas dans l'illumination maçonnique de l'intellectualité sophistique...) Physis [6] n'est donc absolument pas la nature physique au sens moderne et donc mécaniste et grossièrement matérielle [7], mais c'est l'Ordre divin du monde, Themis, donné "ab aeterno", où le nòmos de la Cité s'identifie avec lui. Un trait distinctif de la spiritualité grecque traditionnelle est le fait que pour l'Hellène, Physis en tant qu'Ordre cosmique, étant le donné, est comme voulu [8], dans le sens où l'ordre humain est l'imitation, nécessaire et implicite de la Loi, de celle-ci, l'adaptation à celle-ci dans une tension essentiellement héroïque et dans la conviction que le nòmos est dikàios = juste, seulement si et dans la mesure où il est "mimesis" de la Physis : "La souveraineté de la loi est semblable à la souveraineté divine, tandis que la souveraineté de l'homme accorde beaucoup à sa nature animale... la loi est une intelligence sans passions..." (Aristote, Politique, III, 16, 1278a). Puisque nous savons que la Divinité pour les Grecs, et pour Platon et Aristote en particulier, est dans le Cosmos [9] il est évident que si la Loi est semblable à la souveraineté Divine, la même Loi est celle visuelle des Dieux de la Lumière et du Ciel lumineux. La Cité est ordonnée selon le nòmos qu'est dìke, la fille divine de Zeus et Thémis, c'est-à-dire la justice universelle des Dieux olympiques dans sa mise en œuvre humaine [10] et non selon le nòmos des Dieux chtonei et maternels, ce dernier ordre qui a précédé celui des Hellènes et qui lui est hiérarchiquement soumis. En effet, selon les mots d'Aristote, il y a l'essence de la grécité : le monde est une manifestation à la Lumière des Formes de l'Être et de la Vie (comme le dit W. F. Otto), distincte, définie, et de l'essence du monde grec. Otto), distinct, défini, dépourvu de passions et si tel est, en termes mythiques, l'Ordre que la royauté cosmique de Zeus impose aux Puissances primordiales de l'Être qu'il vainc par son avènement [11], en termes platoniciens, c'est la fonction archétypale de Dieu en tant que "mesure de toutes choses" [12] qui est le Bien-Un en tant que Mèghiston Màthema = Connaissance suprême qui est Apollon;  tandis que chez le Stagirite, c'est la Divinité en tant qu'Harmonie invisible du monde, Pensée de la Pensée.

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Ce qui oppose radicalement la culture juridico-religieuse romaine à la spiritualité hellénique est l'attitude différente, en termes anthropologiques, que le Romain a envers le monde, envers le "donné". Pour le Romain, en effet, le monde n'existe pas "a priori" et de toute éternité ; c'est plutôt le principe inverse qui s'applique : le voulu est comme le donné [13] (alors que nous avons expliqué précédemment que dans le monde grec, le donné est comme le voulu).

Le Romain, donc, avec l'action rituelle, fait, crée le cosmos qui est la Res Publica, l'ordre des Dieux, en particulier Jupiter, Dieu de la Fides, de la Loi et des accords, la divinité suprême de la fonction primaire qui est magico-légale.

Il est l'État romain [14], qui est la conquête et l'ordonnancement culturels d'un "datum" antérieur biologique et chaotique, en un mot naturel, c'est-à-dire le ius gentium. En observant la Romanité d'un point de vue encore plus universel, ainsi que du point de vue de sa métaphysique, nous croyons avoir démontré ailleurs [15] et en développant toujours, par la méthode traditionnelle de l'analogie et de l'anagogie [16], certains aspects de la connaissance évolienne de la symbologie hermétique et de la Tradition, que l'essence la plus intime, et donc ésotériquement "cachée" pour la plupart, de la Romanité réside dans la présence de deux Réalités Divines : Vénus (Énée) et Mars (Romulus). Le sens ultime du cycle romain, ainsi que de l'apparition de la Cité elle-même, comme sa sortie de l'Immanifesté vers le manifesté, du Prémonadique vers le monadique (l'Ergriffenheit, selon Kerenyi), Tout cela consiste dans le Mystère du Rite comme Ascèse de l'Action qui, se projetant sur Vénus, la transforme en Mars (et c'est l'apparition de Rome-Romulus) et avec cette puissance agite et fixe Mercure (la Force vitale qui se déchaîne) pour obtenir Jupiter (et c'est la Voie Héroïque vers le Sacré et vers la Somme de la Romanité au moyen de la Guerre Sacrée) réalisant finalement Saturne comme Roi Primordial de l'Age d'Or (la Pax Romana, symbolisée par Auguste, Imperator et Pontifex Maximus). De cette vision, nous dirions bachofénienne, de l'ensemble de la romanité, émerge ce qu'Evola lui-même indique à propos de la morphologie générale du Rite qui : "[...] met en œuvre le Dieu à partir de la substance des influences convenues [...] nous avons ici quelque chose comme une dissolution et un resucrage. C'est-à-dire que le contact avec les forces infernales qui sont le substrat d'une divinisation primordiale est renouvelé de manière évocatrice, mais aussi la violence qui les a arrachées à elles-mêmes et les a libérées sous une forme supérieure [...]" [17]. Ce passage, déjà cité par nous à une autre occasion, malgré son énorme importance, n'a pas été suffisamment mis en évidence par les spécialistes de l'œuvre d'Evola. En elle s'exprime la loi universelle du processus et la finalité même de l'action rituelle qui, renouvelant l'Ordre, fait les Dieux et, donc, par analogie, du Rite juridico-religieux romain [18]. Il découle de ce qui a été dit que, loin d'accepter une "nature" préconstituée (même si elle est toujours comprise en termes non matériellement modernes) et loin d'agir après avoir accepté le datum comme dans la grécité, le Romain commence son entrée dans l'histoire en la sacralisant avec le Rite et avec lui, ou plutôt, en vertu de ses effets dans l'Invisible qui se répercutent dans le visible, il transforme le chaos en cosmos et, par cette métaphysique pratique, il réalise le Fas du Ius, c'est-à-dire le Dharman du rtà, comme il est dit dans le RgVeda [19]. Le Romain a un concept "pauvre" de la nature, puisque l'Ordre complexe des formes qui émerge des profondeurs de la nature, qui est la Phylysis des Grecs, n'existe pas pour son esprit et devant ses yeux ; il ne pense à la nature que lorsqu'elle est ordonnée par le Ius civil [20], avec une action culturelle précipitée qui est, par essence, cultuelle, c'est-à-dire rituelle. De telle sorte que la nature et la loi s'avèrent être la même chose, mais pas "a priori" comme pour le grec, mais "a posteriori", c'est-à-dire après que la forme, le sceau, le sens, l'Ordre (la Loi) soit imprimé sur la nature (qui n'existe pas... et est de la cire informe). C'est donc le Droit qui crée littéralement la nature à son image, puisqu'il n'y a pas "deux" réalités mais une seule réalité : la nature qui est pensée juridiquement, c'est-à-dire selon l'ordre du Ius civil, qui est le Ius romanorum. Le Romain écoute, voit et sait et, par conséquent, agit dans les termes dans lesquels la Loi est la nature ordonnée dans le cosmos !

Evola a intuitionné et exprimé tout cela dans toute son œuvre et le discours que nous menons n'est rien d'autre que le développement logique (évidemment pas en termes de logique abstraite, c'est-à-dire moderne...) ainsi que comparatif avec d'autres études (Kerenyi, Eliade, Dumézil, Sabbatucci, Bachofen et Altheim) de ses arguments, également apparemment sans rapport avec la question que nous traitons. Cela dit, l'idée même d'un "droit naturel", même dans les termes stoïciens que nous mentionnerons, est totalement étrangère à la mentalité juridico-religieuse romaine, et ce depuis l'âge archaïque jusqu'à l'Antiquité tardive pré-chrétienne. Il est en effet impossible pour le Romain, qu'il soit magistrat, prêtre ou juriste, de penser à une "nature" a priori, de quelque manière que ce soit, qui dicte et indique déontologiquement les normes fondamentales de la Res Publica auxquelles le Ius civil doit se conformer. C'est impossible, car, étant donné les prémisses mentionnées ci-dessus, une telle logique aurait été la dénaturation de l'âme même de la romanité ; en effet, nous pourrions dire que, si par l'absurde, elle l'avait fait sienne, elle aurait causé sa mort (ce qui s'est en fait produit ponctuellement avec l'avènement de l'Empire désormais christianisé et la lente infiltration dans le corps du droit romain post-classique de l'idéologie chrétienne dualiste).

La preuve supplémentaire du caractère étranger à la mentalité romaine traditionnelle de la culture et de la pensée même d'un Droit conforme à une prétendue nature, considérée comme une réalité physique ou "morale" donnée "ab aeterno", réside dans un célèbre passage d'Ulpianus/Ulpien, qu'il est nécessaire de citer intégralement : "[...] ius naturale est, quod natura omnia animalia docuit : nam ius istud non umani generis proprium, sed omnium animalium, quae in terra quae in mari nascuntur, avium quoque commune est, hinc descendit maris et feminae coniunctio, quam nos matrimonium appellamus, hinc liberorum procreatio, hinc educatio : videmus etenim cetera quoque animalia, feras, istius iuris peritia censeri" [21] (Digest 1. 1.1.3 e 4).

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Il y apparaît de manière solaire que le "chaos" dont nous avons parlé, c'est-à-dire la nature comme néant acosmique que le Romain avec le rite juridico-religieux change en Cosmos selon le Fas du Ius, n'est rien d'autre que la Loi naturelle identifiée à la coutume des animaux = more ferarum. Ulpien dit, et en lettres claires, que le Ius naturale est ce que la nature biologique-physique indique, impose à tous les animaux et certainement pas à l'homme, sinon dans sa dimension strictement et proprement naturaliste au sens biologique, comme des rythmes de vie qui, toutefois, sont régis et ordonnés de manière subordonnée et hiérarchisée par une sphère culturelle précise qui ramène toujours et uniquement au monde de l'Esprit qui est celui du Ius civile et qui est essentiellement de nature religieuse. Cet exposé d'Ulpien, qui est, ne l'oublions pas, un juriste du IIIe siècle de notre ère (et qui, on le suppose, a pu assimiler toute la littérature, tant strictement philosophique sur le sujet que la pensée même des juristes qui l'ont précédé), est si éclairant qu'il n'a pas été apprécié par un juriste-philosophe comme Guido Fassò, de formation culturelle catholique, qui reproche même [22] à Ulpianus une conception excessivement "naturaliste" (sic !) du Droit Naturel qui, de toute évidence, n'est pas conforme aux principes du droit naturel, ce qui ne convient évidemment pas à l'idée que Fassò lui-même veut transmettre, conformément à son inspiration chrétienne.

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Nous croyons, par contre, pouvoir utiliser "au contraire" les mêmes censures faites par Fassò à l'encontre d'Ulpien et dire que, loin de se limiter ou de s'écarter de la pensée du juriste romain et loin de monter sur les miroirs d'une vaine bataille herméneutique, d'ailleurs clairement intolérante parce que non respectueuse de la source elle-même et de ses significations, précisément du passage cité ci-dessus il ressort combien est historiquement véridique, parce qu'idéologiquement cohérent, ce que nous avons essayé d'expliquer ici. La conception de la "loi naturelle" comme ordre moral auquel le droit positif des hommes doit se conformer, non seulement n'a jamais existé dans la culture juridico-religieuse romaine (Cicéron, en fait, lorsqu'il semble parler de cette manière, dans "De Republica" 3,22,33 et "De Legibus" 2,4,8, même si c'est d'une manière stylistiquement valable, ne fait rien de plus que présenter au public romain érudit, des théories stoïciennes qu'il a reconsidérées. Ce n'est donc pas le juriste qui parle mais le juriste amoureux de la philosophie grecque...) ; mais ce qui est parfois cité dans les textes des juristes, toujours juristes à travers le recueil de Justinien, comme "Ius naturale", est confondu dans la tradition juridique romaine avec Ius gentium qui est, comme nous le savons, le Droit non romain que la puissance de l'Action spirituelle de la romanité elle-même reçoit dans l'orbis romanus en le changeant en Ius civile, c'est-à-dire un événement culturel romain. La Constitutio Antoniniana de 212 AD.... est emblématique de cette attitude. Le Ius gentium est donc l'ensemble des coutumes, des habitudes et des usages juridiques et religieux des gentes, aussi bien celles qui ont précédé la naissance de Rome que les populations entières au sens de nationes que Rome elle-même allait rencontrer ; tout cela, le Romain le juge comme quelque chose d'étranger à la civitas, de naturaliste au sens de primitif et que la Res Publica en termes culturels romanise tout en conservant leurs principales caractéristiques et éléments distinctifs, réalisant ce que nous appelons le miracle de la tolérance de la cité qui devient le monde : le seul exemple de mondialisation équitable dans l'histoire de l'humanité !

D'autre part, il faut le dire une fois pour toutes, la doctrine du soi-disant droit naturel, dans sa caractéristique intrinsèque : toujours comme une pulsion individualiste, d'abord dans une clé psychiquement fidéiste, c'est-à-dire chrétienne, et ensuite, sécularisée, dans le droit naturel moderne, ne vient même pas de la philosophie grecque. Les stoïciens, en effet, entendaient par "nature" la "naturalis ratio", la nature rationnelle de l'homme - rectius du sage - et non la nature animale, car ils ne s'intéressaient absolument pas à la multitude des hommes en général, n'étant pas et ne pouvant pas être les mêmes que les sages. En cela, ils ont obéi au critère de jugement caractéristique de toute culture classique, c'est-à-dire purement élitiste et aristocratique. L'origine de la mystification de la doctrine stoïcienne, de sa démocratisation vient donc de l'individualisme inhérent au christianisme jusqu'à la Révolution française, y compris les Lumières elles-mêmes ; puis de Thomas d'Aquin, à travers le courant franciscain, la seconde scolastique, jusqu'à Grotius et Domat [23]. D'autre part, la conception de l'État chez Augustin est péremptoirement individualiste-contractualiste et donc délibérément anti-traditionnelle. Pour le natif d'Hippone, en effet, l'État naît de la violence et du sang [24] et dans son "De Civitate Dèi", citant le fratricide de Romulus, il déclare que l'État est toujours fondé sur l'injustice ; il ne peut donc être l'État tel qu'il le conçoit tant qu'il ne s'identifie pas à ce qu'Augustin lui-même appelle la "Cité de Dieu" fondée et régie par les lois du Christ ; concluant que, pour l'effet, l'État romain n'est jamais parvenu à être tel ! Je ne sais pas à quel point cela est obstinément subversif, inouï et étranger à la culture gréco-romaine classique. C'est la parabole descendante de ce que les stoïciens ont théorisé comme étant la "loi naturelle". Cela manifeste la transposition en termes anthropologiques du discours stoïcien dans la psychologie de l'âme-démocratique de l'individu chrétien et dans sa praxis politique et culturelle. La pensée équilibrée d'un Romain tel que l'Auguste Marc Aurèle, la sagesse d'un Épictète ou les convictions philosophiques de nature platonicienne d'un Cicéron se transforment, dans la mentalité judéo-chrétienne, en une haine tenace du monde, de la Politique et de l'Empire, en une "vision" utopique, subversive et hallucinée de ce qu'Augustin lui-même définit comme la "Jérusalem céleste". Et tout cela, même atténué par l'acceptation de la rationalité aristotélicienne, restera jusque dans la scolastique médiévale comme un doigt accusateur pointé par l'Église sur l'Empire, s'arrogeant le droit de remettre en cause la légitimité même de l'autorité impériale, selon le dictat que Thomas fait référence à la fois à la "Lex divina" et à la "Lex naturalis", confirmant ainsi l'exorbitante prétention chrétienne de la subordination de l'Empire à l'Église, comme on dit le Soleil à la Lune ! (Summa Theologiae, Ia 2ae, q. 93, art. 2 ; q.91, art. 2 et 4 ; q. 91, art. 3 ; q. 95, art. 2).

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Non sans raison, en traitant de la Romanité, nous avons toujours utilisé [25] un néologisme de notre cru, qui est le mot composé : juridico-religieux, parce que nous sommes convaincus que pour le Romain, puisque c'est le Rite qui fonde et crée la Civitas et qu'il est intrinsèquement ressenti par le Peuple des Quirites comme une action juridico-religieuse, alors, par conséquent, dans son essence, cette Civilisation, en tant que fait historique, ne peut qu'être de nature juridico-religieuse [26]. On peut dire que ce type d'approche a fait son chemin au cours des dernières décennies, tant dans le domaine des études de la Religion romaine que parmi celles de la Jurisprudence, cessant ainsi de considérer, en termes stupidement modernes et donc toujours comme un effet de la culture chrétienne, les deux sphères, Droit et Religion dans la Romanité, comme séparées de telle sorte que les études qui s'y rapportent, bien qu'excellentes dans leur domaine, ont toujours été presque comme deux lignes parallèles destinées à ne jamais se rencontrer. Disons que les noms d'Axel Hägerström [27], Pietro de Francisci, en ce qui concerne les précurseurs, et Pierangelo Catalano [28], John Scheid [29], Giuseppe Zecchini [30] et surtout Dario Sabbatucci [31] pour les temps plus récents, peuvent donner une idée de ce que peut signifier aborder la romanité, penser et étudier son histoire de manière unitaire à la fois comme juristes et comme historiens de la religion ancienne, entrant ainsi dans l'idée de sa mentalité, dans un effort d'humilité herméneutique, essayant de regarder le monde à travers les yeux des Romains afin de comprendre les présupposés idéaux, les valeurs vécues par la même Communauté dans sa continuité historique et les catégories de pensée, en tant que forma mentis, sur lesquelles elles se fondent. Qui, pourtant, presque dans la solitude, dans un monde et à une époque enchantés par l'exotisme et l'asiatisme, où prévalait encore la conviction, aussi populaire que catholique, partagée d'ailleurs par les mêmes milieux traditionnels (voir la pensée de Guénon sur la civilisation gréco-romaine) que la romanité n'avait finalement été qu'une civilisation juridico-politique mais que le fait religieux en soi avait toujours existé, au début, une idée entièrement primitive et animiste, qu'elle a ensuite enrichie, au fil du temps, au contact de la culture grecque, en acquérant les données mythologiques de cette dernière et que, surtout, tout cela n'avait rien ou presque rien à voir avec le Droit ; eh bien, comme nous le disions, la personne qui, à une telle époque, a toujours osé affronter le monde spirituel de Rome d'une manière unitaire juridico-religieuse, ce fut Evola ! En fait, il pressentait, et cela est présent depuis les écrits des années vingt jusqu'à Impérialisme païen, qu'il est impossible d'approcher l'essence de la romanité si l'on ne s'efforce pas de combiner ces deux éléments (Loi et Religion) qui pour l'homme moderne paraissent incongrus et peut-être incongrus mais qui pour le Romain sont naturaliter, sont sa façon d'être au monde et la raison de son action rituelle dans le même monde. Nous croyons qu'Evola est parvenu à la connaissance de cette vérité en vertu de son affinité démoniaque avec l'âme de cette Civilisation, nous révélant ainsi que le lien, la liaison entre les "deux" sphères (qui ne sont pas telles mais substantiellement une) est le Rite et que, par conséquent, pour tenter de donner une valeur explicative aux attitudes, aux faits, aux événements et aux actions de toute l'histoire de Rome, comprise avant tout comme l'histoire du Droit public romain dans sa dimension symbolique et sacrée, en vertu de l'identification prééminemment romaine du Public avec le Sacré [32]; c'est de là qu'il faut partir, de la romanité comme ascèse de l'action, c'est-à-dire de ce sens magique de créateur et ordonnateur du monde que le Rite [33] a à Rome, en l'abordant donc de manière traditionnelle, c'est-à-dire organique. En termes d'interdisciplinarité, elle est la seule, en effet, à nous permettre d'acquérir la grille d'interprétation dans une clé profondément et essentiellement spirituelle de l'ensemble du cycle romain.

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Par conséquent, la conception qu'Evola exprime par rapport au droit dans le contexte du discours ci-dessus, il est légitime de dire qu'elle coïncide de manière surprenante, seulement pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas voir, en raison d'une ignorance radicale de la nature la plus intime du droit romain et de la pensée unitaire d'Evola lui-même, avec la même idée et la même pratique politique que les Romains avaient et qui ressort des textes qui nous ont été transmis, à condition de les lire sans lentilles idéologiquement modernes et donc déformantes. Ce qu'Ulpien veut exprimer, en fait, dans le passage cité, montre qu'un juriste romain jusqu'à l'ensemble de la période classique et postclassique, non seulement ne pouvait avoir que peu ou pas d'intérêt pour ce que Cicéron, en tant que philosophe, avait dit sur les thèmes stoïciens, mais qu'en lui est présente dans la ronde précisément cette polarité, que nous avons mentionnée au début de cet essai, entre les forces biologiques et les réalités spirituelles (entre le "Ius naturale" qui enseigne et indique à tous les animaux et seulement à eux et le "Ius civile" qui est propre au monde civil et donc à la Romanité) qui est la même que celle présente chez Evola dans toute son exégèse traditionnelle et en particulier dans son jugement sur le soi-disant Droit naturel. Dans le chapitre cité "Idée olympique et Droit naturel", Evola, en effet, développant les intuitions et les arguments de Bachofen [34], donne déjà dans le titre même le cadre de cette polarité, quand il oppose, même dans le langage, l'Idée, en termes platoniciens, qui est par nature olympique, et donc liée au monde supérieur de l'Être, au Droit naturel qui, de façon très "ulpienne", (même si Evola interprète le passage différemment...) définit non pas le droit par excellence et donc le droit de l'être humain, mais le droit du monde civil. ) définit non pas le droit par excellence et dans l'absolu mais un droit, c'est-à-dire une manière, propre à une certaine "race de l'esprit", de concevoir l'ordre politique dans une praxis ... anti-politique, c'est-à-dire anti-virile et donc complètement naturaliste-biologique, égalitaire et féminine, référable à la sphère de l'"éthique" de l'utile typique des producteurs dans la tripartition platonicienne de l'État et à la domination de l'âme concupiscente dans le "petit" État. Cette idéologie précède, selon Evola, même l'avènement du christianisme et, comme un courant souterrain à l'itinéraire spirituel de la même civilisation indo-européenne, est présente dans toutes les formes d'absolutisme asiatique-maternel assumant alors les mêmes caractéristiques de marque tyrannique ou plébéienne, contre laquelle Rome s'est toujours dressée dans sa guerre sacrée contre Dionysos et la Femme qui est histoire historique et symbolique ensemble.

Se référant aux études du brillant Vittorio Macchioro [35] qui fut le premier à identifier le fil rouge reliant les courants orphiques-dionysiaques au paulinisme chrétien et à sa conception désespérée d'une âme déchirée, Evola expose, anticipant de plusieurs décennies les récentes acquisitions de la science politique de l'antiquité [36], la nature et les véritables causes, c'est-à-dire juridico-religieuses, du conflit entre le patriciat romain - d'origine indo-européenne et de culture pastorale, dont les dieux sont masculins et célestes - et la plèbe - avec ses cultes, ses rites et sa loi, avec l'Aventin comme colline en opposition au Capitole, avec sa Triade (Ceres, Libero et Libera, divinités agricoles et féminines, où Libero est Dionysos) qui contraste avec la Triade archaïque des patriciens (Jupiter, Mars, Quirinus), dieux magiques-légaux et guerriers.

Evola ne pouvait pas ne pas avoir ce jugement sur l'idéologie et l'ancien "mythe" du Droit Naturel, précisément parce qu'en lui, et "a fortiori" dans sa christianisation, il identifiait, habilités par le nouveau type humain dominant et donc avec des capacités de déclenchement, tous ces éléments d'individualisme volontariste d'abord (Augustin) et ensuite rationaliste (Thomas) en conjonction avec l'âme féminine conséquente du christianisme, qui avaient provoqué un changement radical des bases idéales de la vie, brisant la vision unitaire de la civilisation classique : l'"ordo ordinatus" à la fois comme "donné = voulu" selon la mentalité grecque et comme "voulu = donné" selon la mentalité romaine. Evola souligne, même dans cette pensée très proche d'un ancien juriste romain, que tout cela ne pouvait qu'anéantir la vision sereine et objective de la tradition classique, en raison de la présence du moment créatif et subjectif introduit par l'individualisme chrétien en liaison avec son concept inédit de "volonté" (complètement absent dans la vision gréco-romaine qui ne connaissait que la "nécessité"...) du Dieu créateur et de sa "volonté") du Dieu créateur et de sa loi, qui, avec l'avènement du monde moderne et sa sécularisation, produisant l'annulation de la foi chrétienne, est devenue la subjectivité publique abstraite de la rationalité bourgeoise et mercantile, en un mot, le droit naturel moderne, le père lointain du fantasme juridique de Kelsen connu sous le nom de rule of law. À l'animalité et à la sphère purement biologique (Paul, aux Athéniens scandalisés qui ne connaissaient que la résurrection de l'âme du corps, parle de quelque chose de vulgaire comme la résurrection du corps et en fait à sa conception du mariage il superpose pìstis = la foi comme "bénédiction" d'une relation qui pour lui reste toujours animaliste) qui est, précisément en termes vétérotestamentaires, définis, avec un autre terme inouï et inconnu de la culture gréco-romaine, comme "chair", le chrétien ne peut rien opposer d'organique et de viril sinon sa phychè purement lunaire et certainement pas l'État comme esprit = Nòus comme Idée qui donne Forme à la "chóra" platonicienne, dans toutes ses acceptions. À tel point que, dans toute la culture catholique, même la plus conservatrice, on ne parle jamais d'"État" organique, qui qualifie la vision traditionnelle hellénistique-romaine et en est précipitée, mais de "société" organique, privilégiant presque par instinct la sphère chthonique et féminine correspondante, ne pouvant voir et donc ignorant la sphère céleste, virile et/ou supérieure. C'est pourquoi Evola affirme, en lettres claires, que l'origine, la nature et les objectifs de l'idéologie du soi-disant Droit naturel sont, en tant que catégories au niveau morphologique, éminemment modernes en ce qu'ils sont biologiquement égalitaires sinon plébéiens et donc anti-traditionnels et tendent à subvertir l'Ordre juridico-religieux de la Théologie de l'Empire, une réalité métapolitique et spirituelle, le principe ordonnateur de la "nature" ; subversif, donc, d'un monde de certitudes métaphysiques objectives, c'est-à-dire essentiellement spirituelles et certainement pas d'une nature psychiquement fidéiste et, donc, humaine..... trop humaine ! De là à la sécularisation de l'idéologie chrétienne du droit naturel, qui est à son tour une démocratisation psychique de l'ancienne doctrine stoïcienne, dans le droit naturel moderne, il n'y a qu'un pas vers le coucher de soleil de l'écoumène médiéval et l'avènement du rationalisme athée et utilitaire de la bourgeoisie, non pas tant et pas seulement en tant que classe dominante mais en tant que culture et vision du monde.

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Ici, la "nature" n'est plus ce dont parlait le christianisme, à savoir l'ordre "moral" selon la loi du Dieu chrétien auquel le droit positif doit se conformer. Ayant expulsé la "foi" comme un élément artificiel superposé à une nature déjà conçue par le christianisme lui-même en termes mécanistes et matérialistes, anticipant presque Hobbes, Descartes et Newton (ayant annulé à la fois la sacralité de l'État, c'est-à-dire de l'Empire, et toute la conception apportée par la culture grecque des grands mythes naturels et de la nature vue comme "pleine de Dieux..."[37] et qui, au contraire, pour le chrétien sera : "massa diaboli ac perditionis [...]") ; il ne reste que la nature beaucoup plus prosaïquement rationaliste de l'individu (Grotius et Domat) et du monde vu par Descartes comme "res extensa", des corps matériels se déplaçant mécaniquement par eux-mêmes dans un espace désolément vide.

Cet individu, "libéré" de cette "foi", ne verra que ses droits "naturels" (et voici le droit naturel moderne) de propriété, de liberté, d'association, de profit, tous vécus uti singulus et contra omnes ; en vertu desquels et en les brandissant comme une arme de chantage, il imposera son "contrat social" (comme Augustin pensait que la société politique était née...) et ne tolérera que l'État qui ne lui permettra pas d'en faire partie. ) et ne tolérera que l'Etat qui lui permettra de les exercer à son profit, jugeant alors de ce point de vue la légalité et la légitimité de cette même larve d'Etat et de son droit positif. Et, à la réflexion, cette même dernière idéologie du genre, qui est la négation du concept naturel du genre, n'est rien d'autre que la conséquence terminale de toute la "religion" moderne entêtée des droits de l'individu, qui, à ce stade, ne sont plus "naturels" mais, dans un renversement satanique de la doctrine traditionnelle, et c'est la contre-transformation, doivent être reconnus et protégés comme "culturels" qui sont le résultat de choix opérationnels de l'individu qui, ainsi, rejette et ne reconnaît pas sa propre nature ! C'est le résultat final, d'un âge sombre avancé, du droit naturel, et cela démontre, au contraire, combien la doctrine traditionnelle est vraie, quand elle identifie l'essentialité de la polarité entre l'élément culturel-spirituel céleste qui est formateur et ordonnateur et l'élément inférieur qui est la donnée naturelle et biologique ordonnée ; Il est, en effet, tellement vrai cette doctrine que, après les intoxications naturalistes de la modernité, les derniers temps reviennent au même d'une manière, toutefois, comme mentionné ci-dessus, sataniquement parodique, juste dans la même idéologie du genre qui est, donc, la dénaturalisation de l'être humain, certes orientée vers l'Esprit mais des Ténèbres et non plus et plus jamais de la Lumière !

Tout ceci étant acquis, la vieille polémique entretenue par certains cercles idéologico-culturels de l'aire présumée catholique, selon laquelle Julius Evola, précisément en vertu de son traditionalisme, aurait dû non seulement consentir au courant de pensée que, par commodité, nous définissons comme le "Droit naturel", mais aurait plutôt dû en faire un usage paradigmatique et référentiel par rapport à la conception moderne du Droit (qui est contractualiste-individualiste, dépourvue de toute légitimation d'en haut et donc éthiquement indéterminée ainsi que finalement neutre) apparaît non seulement et non pas tant fausse, c'est-à-dire non vraie dans la mesure où elle manque de fondements historico-culturels, que subrepticement contradictoire. En effet, une telle "thèse" prétendrait combiner la culture traditionnelle au sens large, sinon la Tradition juridico-religieuse occidentale qu'est la tradition romaine, avec la théorie et l'idéologie du droit naturel dont nous pensons avoir montré qu'elle lui est totalement et radicalement opposée, lui étant aussi étrangère que les quiddités de la même conception bourgeoise et libérale-démocratique de l'État et du droit, c'est-à-dire de l'idéologie de Kelsen du soi-disant État de droit. Tout cela, Evola l'a explicité dans ses œuvres, dans toutes ses œuvres, et il ne reste plus qu'à ceux qui savent et sont capables de tirer des réflexions organiques dans leur propre champ d'investigation, selon l'esprit de la vision traditionnelle du monde, qui est synthétique et symbolique et non analytique et diabolique, de le faire, selon les diverses équations personnelles.

Notes :

[1] J. EVOLA, Rivolta contro il mondo moderno, Rome, 1998, pp. 30 et suivantes ; IDEM, La tradizione ermetica, Rome 1971, p. 31 ; GRUPPO DI UR (édité par J. EVOLA), Introduzione alla magia, Rome 1971, vol. III, p. 66 ; K. HÜBNER, La verità del mito, Milan 1990 ; M. ELIADE, Mito e realtà, Milan 1974.

[2] G. E. R. LLOYD, Polarité et Analogie. Due modi di argomentazione del pensiero greco classico, Napoli 1992 ; C. DIANO, Forma ed evento, Venezia 1993.

[3] J. EVOLA, L'arco e la clava, Milan 1971, pp. 66 et suivantes.

[4] J. EVOLA, Rivolta contro il mondo moderno, Rome, 1969, pp. 19 et suivantes.

[5] M. HEIDEGGER, Segnavia, Milan 1987, pp. 193 et suivantes.

[6] Sur la convergence entre la vision de la nature de toute la sagesse grecque et la doctrine traditionnelle elle-même (voir à ce sujet J. EVOLA, La Tradizione Ermetica, Roma 1971, p. 37), cf. G. REALE, Storia della Filosofia Antica, Milano 1980, vol. I, p. 115, 145, 169 et vol. V, p. 209 et suivantes ; G. R. LLOYD, Magia, ragione, esperienza. Nascita e forme della scienza greca, Turin 1982, pp. 28 et suivantes et p. 187 notes n. 53 et 54 ; L. GERNET, Antropologia della Grecia antica, Mondadori, Milan 1983, pp. 339 et suivantes ; F CAPRA, Il Tao della fisica, Milan 1982, pp. 20 et suivantes ; O. BRUNNER, Vita nobiliare e cultura europea, Bologne 1972, pp. 91 et suivantes ; K. KERENYI, La religione antica nelle sue linee fondamentali, Rome 1951, pp. 95 et suivantes ; A. SOMIGLIANA, Il Tao della fisica, Milan 1982, pp. 20 et suivantes. SOMIGLIANA, Monismo indiano e monismo greco nei frammenti di Eraclito, Padoue 1961, p. 19, note n. 48.

[7) Le mot "matière" doit également être clarifié : les Grecs (PLOTIN, Sur la matière, IV, 9,45 ; PLATON, Timée, 52b2) ne connaissaient pas ce terme moderne et/ou chrétien et le concept relatif, pour eux seul ce qui existe est connaissable et seule la forme, l'être, existe ; la "matière" sans forme n'est pas connaissable et donc n'existe pas ; c'est le sens du fragment de Parménide dans lequel il est dit que "l'être et la pensée sont identiques". En fait, hýle est quelque chose d'autre, dans Aristote, c'est un terme technique qui signifie "un ensemble de bois empilé sans ordre" prêt à être utilisé. Par conséquent, ils ne connaissaient pas le terme sòma = corps en référence à l'être vivant mais seulement en référence au cadavre ou à ceux qui se préparent... à mourir : et l'usage initiatique qu'en fait Platon dans le Phédon est évident..., cf. sur cette question R. DI GIUSEPPE, La teoria della morte nel Fedone platonico, Bologna 1993 ; H. FRANKEL, Poesia e filosofia della Grecia arcaica, Bologna 1997, pp. 33ff ; R. B. ONIANS, Le origini del pensiero europeo, Milano 1998, pp. 119ff ; G. CASALINO, L'origine. Contributi per la filosofia della spiritualità indoeuropea, Genova 2009, pp. 28ff.

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[8] G. CASALINO, Il sacro e il diritto, Lecce, 2000, pp. 45 et suivantes.

[9] R. GASPAROTTI, Movimento e sostanza. Saggio sulla teologia platonico-aristotelica, Milano 1995 ; C. NATALI, Cosmo e divinità. La struttura logica della teologia aristotelica, L'Aquila 1974 ; W. JÄGER, La teologia dei primi pensatori greci, Firenze 1961.

[10] E. CANTARELLA - A. BISCARDI, Profilo del diritto greco antico, Milano 1974.

[11] Sur le caractère cosmique de la royauté de Jupiter, voir P. PHILIPPSON, Origini e forme del Mito greco, Torino, 1983, pp. 45 et suivantes : où, cependant, à la définition de précosmique, en relation avec ce qui "précède" Jupiter, nous préférons le terme hypercosmique, c'est-à-dire Primordial, c'est-à-dire le royaume de Saturne, l'Âge d'or et/ou de l'Être.

[12] PLATON, Des Lois, X, 889 et suivants ; M. GIGANTE, Nòmos basileus, Naples, 1993 ; A. LO SCHIAVO, Themis e la sapienza dell'ordine cosmico, Naples 1997, pp. 270 et suivantes ; G. ZANETTI, La nozione di giustizia in Aristotele, Bologne 1993, pp. 45 et suivantes.

[13] G. CASALINO, Il sacro e il diritto, cit. pp. 45 et suivantes.

[14] K. KOCK, Giove romano, Roma 1986.

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[15] G. CASALINO, Aeternitas Romae. La via eroica al sacro dell'Occidente, Genova 1982; IDEM., Il nome segreto di Roma. Metafisica della romanità, Rome 2013 ; cf. également C. G. JUNG-K. KERENYI, Prolegomeni allo studio scientifico della mitologia, Turin 1972, p. 40 et suivantes.

[16) Le processus commence par une analogie horizontale, puis s'élève par une anagogie verticale : "[...] On voit donc que toute herméneutique implique l'interprétation de "niveaux" distincts des Textes sacrés, qui s'élèvent les uns par rapport aux autres dans ce mouvement ascendant d'"anaphore", proprement symbolique, sur lequel j'ai insisté précédemment. En d'autres termes, le processus métaphysique dans son ensemble pourrait être représenté par une expansion "horizontale" de l'analogie, et le processus anaphorique par une orientation "verticale" vers le Signifiant lui-même. Issue du Verbe, la parole retourne à Lui, et ce retour du fleuve à sa source correspond à une "ascension" qui découvre de nouveaux horizons, toujours plus larges et plus profonds, pour l'Esprit qui les contemple, se reconnaissant en eux comme il dévoile chacun de ses miroirs [...], R. ALLEAU, La Scienza dei Simboli, Florence 1983, p. 113.

[17] J. EVOLA, Révolte contre le monde moderne, cité, p. 53-54.

[18] G. CASALINO, Riflessioni sulla dottrina esoterica del diritto arcaico romano, in "Arthos" n. 19, Genova 1982, pp. 255 et suivantes.

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[19] A. BERGAIGNE, La religion vedique, Paris 1883, vol. III, p. 220 et 239. La racine "weid" contient la notion indo-européenne de "voir-savoir" : cf. P. SCARDIGLI, Filologia germanica, Firenze 1977, pp. 96 et suivantes ; Id est l'une des racines (les autres sont : maintenant "op") du verbe grec "orào" qui signifie voir ; en latin, il s'agit de vidéo, tandis que le sens ésotérique des livres sacrés tels que l'Edda ou le Veda est clair : les Livres de la Vision ou, plus simplement, la Vision ...

[20] Y. THOMAS, J CHIFFOLEAU, L'istituzione della natura, Macerata 2020, pp. 16 et suivantes.

[21] "[...] La loi naturelle est celle que la nature a enseignée à tous les êtres animés (animalia) ; et en effet, cette loi n'est pas propre à l'espèce humaine, mais elle est commune à tous les êtres animés nés sur terre et sur mer, et même aux oiseaux. D'ici descend l'union du mâle et de la femelle, que nous appelons mariage, d'ici la procréation et l'éducation des enfants ; et en fait, nous voyons que les autres animaux, même les sauvages, se voient attribuer la pratique de ce droit...".

[22] G. FASSÒ, Storia della filosofia del diritto, Bologna 1970, vol. I, pp. 151 et suivantes.

[23] M. VILLEY, Leçon d'histoire de la philosophie du droit, Paris 1962, p. 221 et suivantes; A. TOURAIN, Critique du modernisme, Bologne 1970, vol. TOURAIN, Critique de la modernité, Milan 1997, p. 49 et suivantes.

[24] AGOSTINO, De Civitate Dei, XV, 5 ; II, 21 ; CELSO, Il discorso vero, Milano 1987 ; L. ROUGIER, La sovversione cristiana e la reazione pagana sotto l'impero romano, Roma s. i. d. ; W... NESTLE, Storia della religiosità greca, Firenze 1973 ; en particulier pp. 464ss. ; W. F..OTTO, Spirito classico e mondo cristiano, Firenze 1973 ; SALUSTIO, Sugli Dei e il Mondo, Milano 2000.

[25] G. CASALINO, Il nome segreto di Roma. Metafisica della romanità, cit. ; IDEM, Il sacro e il diritto, cit. ; IDEM, Res publica res populi, Forlì 2004 ; IDEM, Tradizione classica ed era economistica, Lecce 2006 ; IDEM, Le radici spirituali dell'Europa. Romanità ed ellenicità, Lecce 2007 ; IDEM, L'origine... cit. ; IDEM, L'essenza della romanità, Genova 2014 ; IDEM, La spiritualità indoeuropea di Roma e il Mediterraneo, Roma 2016 ; IDEM, Sigillum scientiae, Taranto 2017.

[26] Sur la nature magico-religieuse du droit romain, cf. en outre nos Riflessioni sulla dottrina..., cit. ; H. WAGENVOORT, Roman Dynamism, Oxford 1947 ; W. CESARINI SFORZA, Diritto, Religione e magia, in "Idee e problemi di filosofia giuridica", Milan 1956, p. 313ss ; R. SANTORO, Potere ed azione nell'antico diritto romano, in "Annali del Seminario Giuridico dell'Università di Palermo", vol. XXX, Palerme 1967 : dans lequel le point de vue de WAGENVOORT est développé et confirmé avec autorité à partir de la legis actio... ; P. HUVELIN, Magie et droit individuel, dans "Annèe Sociologique", 10, 1907 et Les tablettes magiques et le droit romain, dans "Etudes d'Historie du droit romain", 1900, pp. 229 ss ; A. HAGERSTRÒM, Das Kommunikation et le droit romain, 1900, pp. 229 ss ; A. HAGERSTRÒM, Das Kommunikation et le droit individuel, dans "Annèe Sociologique", 10, 1907. HAGERSTRÒM, Das magistratische Ius in seinem Zusammenbange mit d. rom. Sakralrechte, Upsala 1929 (où il est explicitement indiqué que la forma mentis juridique romaine est essentiellement magique, comme nous l'avons nous-mêmes soutenu ailleurs sur la base des hypothèses traditionnelles). Et enfin, voir ce monument de connaissance et d'intuition qu'est Primordia Civitatis de P. DE FRANCISCI, Rome 1959, en particulier les pp. 199-406. L'ouvrage de l'éminent romaniste se laisse toutefois aller à des confusions "animistes" concernant la définition du Numen. Pour une distinction avec les interprétations animistes, voir J. BAYET, La religione romana storia politica e psicologica, Turin 1959, p. 45 et suivantes et 119 et suivantes. Toutefois, sur Numen à Rome, voir J. EVOLA, Diorama filosofico, Rome 1974, p. 67 et suivantes, et P. PFISTER, voce : Numen, dans PAULY et WISSOWA, Real Encycl., vol. XVII, 2 coli. 1273 ff., Stuttgart 1893 ff. Voir aussi F. DE COULANGES, La città antica, Florence 1972 : où l'on considère que tout le droit public et privé est fondé sur la religion; P. VOCI, Diritto sacro romano in età arcaica, in "Studia et Documenta Historiae et Iuris", vol. XIX, 1953, p. 39 et suivantes, en particulier la note n° 22 à la p. 43. Enfin, sur la source "charismatique" = de l'autorité supérieure, voir P. DE FRANCISCI, Arcana Imperii, Rome 1970, vol. III (en deux tomes).

[27] H. HÄGERSTRÖM, Das magistratische Ius in seinem Zusammenhange mit d. rom. Sacralrechte, cit.

[28] P. CATALANO, Contributi allo studio del diritto augurale, vol. I, Turin 1960.

[29] J. SCHEID, La religione a Roma, Bari 1983.

[30] ZECCHINI, Il pensiero politico romano, Roma 1996.

[31] D. SABBATUCCI, Lo Stato come conquista culturale, Rome 1975.

[32] G. CASALINO, Il sacro e il diritto, cit. pp. 75 et suivantes.

[33] J. SCHEID, Quando fare è credere, Bari 2011.

[34] J. J. BACHOFEN, Diritto e storia, scritti sul matriarcato, l'antichità e l'Ottocento, Venise 1990, pp. 44 et suivantes ; IDEM, Le madri e la virilità olimpica. Studi sulla storia segreta dell'antico mondo mediterraneo, Roma s. d.

[35] V. MACCHIORO, Orphisme et Paulinisme, Foggia 1982.

[36] G. ZECCHINI, op. cit. p. 14.

[37] G. SERMONTI, L'anima scientifica, Rome 1982, pp. 42-43 ; R. FONDI, Organicismo ed evoluzionismo, Rome 1984.

Giandomenico Casalino

Asturies, mythologie et identité

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Un pays ignoré, un livre inconnu

Asturies, mythologie et identité

Compte rendu du livre de Cristobo de Milio Carrín: La Creación del mundo y otros mitos asturianos.

La création du monde et autres mythes asturiens

par Carlos X. Blanco, Professeur de philosophie (Ciudad Real)

Source: https://decadenciadeeuropa.blogspot.com/2022/04/un-pays-ignore-un-livre-inconnu.html

cristobo.jpgRésumé :

Nous proposons une critique de ce livre sur la mythologie asturienne, La Creación del Mundo, y otros Mitos Asturianos, où sont exposés les mythes du folklore asturien recueillis à la lumière de comparaisons avec la mythologie celtique et d'autres domaines. Carrin expose les survivances d'une ancienne religion européenne, répandue dans la zone atlantique, mais occultée par l'obsession espagnole pour tout ce qui tourne autour du latin et de la Méditerranée. Ils fournissent également des indices sur les raisons pour lesquelles les asturiens ignorent largement ces questions cruciales.

We offer a review of this book on Asturian mythology, La Creación del Mundo, y otros Mitos Asturianos where myths are exposed in Asturian folklore collected in the light of comparisons with Celtic mythology and other fields. Carrin exposes the survivals of an ancient European religion, widespread in the Atlantic area, but obscured by the Spanish obsession for all things around Latin and Mediterranean. Also provide clues about why asturianists largely ignore these critical issues

Un excellent livre

Le manque de temps, une substance fugitive, nous impose la restriction de n'écrire des critiques que sur des livres excellents. Si, en plus de l'excellence, nous ajoutons la condition d'être inconnu, inaccessible, peu fréquenté, nous nous trouvons devant ce que l'on peut sans doute qualifier de "trésor" (ayalga est le mot asturien qui vient à l'esprit). La création du monde et autres mythes asturiens, de Cristobo de Milio Carrín, est, sans aucun doute, l'un de ces trésors cachés, peu connus, qui méritent une plus large audience (Carrín, 2008). Un trésor, une ayalga.

Cristobo de Milio a travaillé pendant de longues années de silence et sans aucun soutien officiel ou académique (pour autant que je sache), à la rédaction d'un volume épais mais lisible consacré à la mythologie asturienne. L'édition, réalisée par l'auteur lui-même, est soignée et comporte quelques photographies dans ses pages centrales. La structure du livre en différentes parties, avec un résumé à la fin de chacune d'elles, ainsi que des conclusions et une bibliographie étendue, font de ce travail un objet précieux pour l'étudiant érudit de la mythologie, non seulement asturienne et péninsulaire, mais européenne en général.

Centré sur la mythologie asturienne, le livre de Cristobo est l'une des rares tentatives, je ne sais pas si c'est la première, visant à son interprétation au-delà de la vulgarisation. La mythologie asturienne est une grande inconnue, et ce sont les folkloristes des XIXe et XXe siècles qui ont tenté d'extraire un catalogue d'êtres féeriques des légendes populaires, de la tradition orale du peuple paysan.

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Dès l'époque du romantisme du XIXe siècle, le courant de la culture celtique a commencé à se répandre parmi les chercheurs les plus périphériques d'une Espagne qui se reconnaissait officiellement plus latine et méditerranéenne qu'atlantique. Comme on le sait, c'est en Galice que la culture celtique a attiré le plus grand nombre d'adeptes et que la production littéraire et savante celtique est encore assez abondante (Beramendi, 2007).

Celtisme et Covadonguismo.

Nous pouvons maintenant comparer la Galice à une Asturie qui est aveugle à elle-même, à ses propres sources ethnologiques et historiques, une Asturie victime du "Covadonguismo", c'est-à-dire victime d'une idéologie que ses propres élites propagent depuis de nombreuses années : que "les Asturies sont l'Espagne et le reste est une terre conquise", que les Asturies n'ont d'entité et d'importance historique et ethnologique que dans la mesure où elles ont dû être le "berceau" d'une nation espagnole pratiquement éternelle, préexistante dès la préhistoire et, bien sûr, en gestation dans cet étrange acte de Covadonga, au début du VIIIe siècle.

Parmi certains rochers féroces, on prétend que des Asturcantabriens non moins féroces, dirigés par un Goth et avec l'objectif de restaurer une monarchie gothique perdue au profit des Maures - une monarchie plutôt inamicale et éloignée des intérêts et des motivations des farouches montagnards asturiens - ont vaincu la plus grande puissance de l'époque, l'Islam. Ce n'est pas le moment de revenir sur la bataille de Covadonga, elle-même un mythe fondateur, bien que basé sur des événements réels. Mais il est important dans cette revue d'expliquer la raison du blocage du celtisme dans les Asturies et, par la suite, la raison de la méconnaissance du livre de Cristobo Carrín.

Covadonga, le Gesta ou mythe fondateur, est un mythe classique "des débuts", mais des débuts de quoi ? De la nation espagnole uniquement? Ce préjugé, cette idée non critique et neutralisante, l'idée d'une Espagne déjà préexistante au VIIIe siècle, et même renaissante à partir des précédents goths et romains, est ce qui a bloqué l'idée de Covadonga comme acte fondateur, comme "Mythe des commencements" d'une autre peuple, le peuple asturien sensu stricto. Le fait que les Asturiens aient en partie absorbé l'idée qu'"ils sont les Espagnols purs", a bloqué la recherche objective des racines celtiques des Asturiens qui, comme les Cantabres, les Galiciens et d'autres peuples du nord-ouest de la péninsule ibérique, sont partagés dans un continuum difficile à remettre en question du point de vue archéologique, ethnique, folklorique, etc.

Bien sûr, le celtisme du XXIe siècle est très différent de celui qui était défendu dans le passé. Aujourd'hui, il s'agit du sauvetage d'une civilisation, la civilisation celtique, qui était globale et large, et qui existait bien au-delà de la diversité des races et des ethnies que ce monde mental rassemblait. L'élément religieux et culturel est le plus remarquable de tous ceux qui l'ont caractérisé, bien que l'art, les armes, les sépultures et autres témoignages matériels ne fournissent guère de preuves complètes de l'univers mental des Celtes. Dans la péninsule ibérique, et plus encore dans le Nord-Ouest de celle-ci à l'époque préromaine et romaine (étant donné la latinisation superficielle de ces régions, même après l'arrivée des musulmans), nombreux sont ceux qui préfèrent parler de culture "atlantique", comme si le choix d'un terme géographique réduisait les connotations raciales indésirables - pour certains - qui sont généralement attachées au terme celte. Mais peu importe: plus personne n'accepte l'homogénéité raciale des peuples celtiques, et il n'existe pas de critère trop objectif pour indiquer le plus haut degré de "celtisme" d'un peuple.

Au siècle dernier, on a utilisé le critère de la survie linguistique: il n'y a pas de survie des langues celtiques dans la péninsule ibérique, a-t-on dit, comme dans les îles britanniques et en Bretagne, et par conséquent, l'astur, le cantabrique et le galicien seraient en dehors de cet univers mental. Il est aujourd'hui reconnu, au contraire, que le Nord-Ouest de la péninsule - dans son ensemble - était une région importante de la civilisation celtique. Les témoignages linguistiques, archéologiques, ethnologiques, etc. s'accumulent pour former une masse énorme que la romanité académique s'acharne inutilement à ignorer.

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Romanomanie

Nous appelons romanomanie (Carrín et Álvarez Peña, 2011) toutes les tentatives académiques, surtout archéologiques, visant à minimiser l'importance des cultures "indigènes" ou "préromaines" du Nord-Ouest de la Péninsule, et surtout des Asturies, mettant plutôt en évidence la mission civilisatrice de l'Empire romain dans une zone dont l'influence - incontestable, par ailleurs - était plutôt pauvre ou discrète par rapport aux autres régions de l'ancienne Hispanie (le Nord-Ouest était une véritable limite de la barbarie, c'est-à-dire de la non-romanité, par rapport aux régions levantines et méridionales de l'Espagne, par exemple). L'agrandissement d'un Gijón/Xixón romain, d'une supposée "Ruta de la Plata", la dissimulation et l'abandon délibéré des importantes fortifications défensives de La Carisa, et un long etc, ont dessiné le paysage d'une Archéologie d'un Gijón/Xixón romain et ont dessiné le paysage d'une archéologie asturienne fortement infiltrée par les débats idéologiques, dans laquelle Rome apparaît - curieusement et pittoresquement - pour certains politiciens et gestionnaires régionaux et municipaux - comme une transcription de l'"Espagne", tandis que les Asturiens, n'étant pas reconnus comme un peuple homogène et suffisamment fort pour constituer un contre-pouvoir résistant à l'Empire, contre toute évidence scientifique, apparaissent désormais comme les fantômes nationalistes ou séparatistes qui menacent le rêve centraliste jacobin d'une Espagne unitaire.

Il est pour le moins curieux que des événements qui se sont déroulés il y a deux mille ans suscitent autant de boursouflures parmi les forces centralistes représentées dans les Asturies (PSOE, PP, VOX, Podemos), et que les Asturiens, bien que par des moyens inconscients et à travers des complexes psychologiques difficiles à expliquer, continuent d'être un peuple inconfortable. Ces Asturiens qui ont résisté à Rome (et plus tard à l'Islam) semblent être l'archétype de ce que les Asturiens continuent d'être au fond d'eux-mêmes : un groupe ethnique qui ne semble colonisé et oublieux de lui-même qu'en apparence. Ceux qui souffrent de cette romanophilie ont tendance à se placer idéologiquement dans la sphère du nationalisme espagnol, un type de nationalisme qui exclut normalement les périphéries et qui s'identifie, de manière raisonnée ou non, à l'idée de l'Empire. L'Empire hispanique (aujourd'hui, simplement, le Royaume d'Espagne) serait le prolongement de cet Empire de Rome.

L'université tourne le dos

Dans les Asturies, l'introduction tendancieuse, voire le veto à l'introduction elle-même, de certaines sciences humaines et sociales (comme l'anthropologie culturelle ou l'ethnologie) à l'Université a dépendu de diverses circonstances curieuses, circonstances qui remontent à la fin de l'ère franquiste. Le rôle joué par des egos trop influents et très valorisés, comme celui de Gustavo Bueno, a empêché jusqu'à présent la création d'études académiques en Anthropologie (ou Ethnologie), qui pourraient mettre en valeur l'énorme patrimoine que le peuple asturien nous a laissé dans son histoire. La culture asturienne a été négligée par l'Université d'Oviedo, une institution absente de tant de réalités fondamentales de la Principauté, et surtout inattentive aux choses du pays où se trouve l'Université. Dernièrement, des manuels ou des ouvrages généraux consacrés à l'étude de la culture ou de l'anthropologie des Asturies sont apparus (par exemple, Adolfo García, 2008), mais dans ce domaine, il me semble que la fertilisation et la culture continuent de dépendre des efforts individuels plutôt que du soutien institutionnel.

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Le travail des individus

Si l'on laisse de côté l'inaction des universitaires et des institutions en matière d'ethnologie, il convient de souligner le travail méritoire de certaines personnes qui mettent au jour l'immense patrimoine oral du peuple asturien, sans le moindre préjugé romanomaniaque ou espagnoliste. Je fais référence au collectif Belenos qui, depuis de nombreuses années, publie une excellente revue (Asturies, Memoria Encesa d'un País) et organise des rencontres scientifiques au cours desquelles, malgré le climat hostile qui règne dans les Asturies à l'égard de la culture celtique, il transmet à la société l'image correcte de ce pays : un vieux pays atlantique, fortement lié aux autres peuples du nord-ouest de la péninsule ibérique (Galice, Lleón, Cantabrie), mais avec des liens très anciens et plus étroits qu'on ne le pense avec les autres pays atlantiques.

En face de la Mare Nostrum, la Méditerranée, il y avait jusqu'à l'époque moderne une autre mer, plus au nord, qui devait aussi être un vecteur de communication et de jumelage des peuples. En fait, comme on le disait dans l'Antiquité, les Asturies étaient bordées au nord, avec la mer entre les deux, par les îles britanniques et les côtes d'Aquitaine et de Bretagne. Avant l'obsession de l'asphalte des autoroutes et la manie de l'AVE [train à grande vitesse], qui afflige tant d'Asturiens aujourd'hui, la mer était un moyen de communication culturelle plus rapide et plus efficace, bien plus que ces chemins de chèvres qui, presque jusqu'à aujourd'hui, faisaient communiquer la Principauté avec le plateau, c'est-à-dire avec l'Espagne. Ces routes, d'ailleurs, étaient fermées aux calèches pendant les chutes de neige de l'hiver. Les Asturies ont été liées pendant des milliers d'années à ces autres régions et pays d'Europe.

Alberto Álvarez Peña est membre de Belenos et auteur prolifique de livres sur la mythologie asturienne (Álvarez Peña, 2001). Nombre de ses textes peuvent être lus dans la maison d'édition Picu Urriellu, des livres dans lesquels apparaissent de magnifiques dessins du chercheur et diffuseur du folklore asturien lui-même. Contrairement à ses prédécesseurs, comme Aureliano del Llano ou Constantino Cabal, l'œuvre d'Alberto A. Peña n'est pas contaminée par des préjugés espagnolistes, castillanisants.

Il est bien connu que les précédents chercheurs en folklore asturien avaient tendance à considérer la culture asturienne comme un sous-système de la supposée culture espagnole, parallèlement à leur conception de la langue: ils avaient tendance à considérer l'asturien (dont les informateurs s'exprimaient toujours dans certaines de ses variantes) comme un sous-système de l'espagnol ou du castillan. Le celtisme plus ou moins diffus, mais jamais aussi explicite que celui de la Galice, me semble avoir été subordonné à la théorie de l'"héritage commun" des Hispaniques, sans parler des liens atlantistes avec la Bretagne, l'Irlande, l'Écosse, le Pays de Galles... Alberto Peña rompt avec cette tendance, il fait aussi du travail de terrain, c'est-à-dire qu'il profite des derniers informateurs qui restent dans le pays, un pays tellement détruit par un industrialisme que les Asturiens n'ont ni recherché ni désiré, mais qui leur a été imposé de l'extérieur, transformant les Asturies en une colonie minière et sidérurgique. Cette colonie industrielle - et en cours de concentration urbaine - a tué la campagne asturienne et avec elle le véritable être du pays, c'est-à-dire ses traditions, son droit, sa langue, sa musique. Avant que ne survienne la catastrophe où 90% des Asturiens (encore des Asturiens ?) vivent dans le triangle Xixón-Uviéu-Avilés, il existe encore des dépositaires vivants de la tradition. Mais pour cela, il faut chausser ses bottes, marcher le long des sentiers (caleyes), explorer les villages et les vallées, parler aux habitants. Parler et écouter les habitants d'un pays beaucoup plus grand qu'il n'y paraît sur les cartes, cartes sur lesquelles les Asturies sont généralement dessinées comme une petite province coupée au nord-ouest de l'Espagne, dans une Espagne qui semble grande en comparaison. Si par Asturies anthropologiques et linguistiques nous entendons un Pays Asturien (selon la proposition de l'universitaire X.Ll. García Arias) qui déborde les limites administratives de l'actuelle Principauté et inclut León, entre autres, le pays asturien prend d'autres dimensions. De manière plus générale, si nous plaçons le point central dans le golfe de Gascogne et non dans le golfe de León : alors les Asturies peuvent être comparées à la Bretagne, au Pays de Galles, à l'Irlande et à d'autres nations, pour la plupart sans État, mais sans aucun doute des nations culturelles.

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La méthodologie

Le livre que nous analysons ici se situe dans un univers mental très proche de celui du groupe Belenos et de l'ethnographe Alberto A. Peña. Il n'y a pas beaucoup de matériel direct collecté de première main, "travail de terrain", bien qu'il ne manque pas de notes recueillies personnellement par l'auteur ou par d'autres informateurs directs. Non, en effet, il ne s'agit pas d'un ouvrage empirique, mais plutôt d'un livre de mythologie comparée au sens le plus classique du terme. Comme Cristobo Carrín le dit lui-même dès le début, le guide pour établir les comparaisons se veut être le plus simple "bon sens". Il semble que ce soit la volonté de l'auteur de ne pas s'égarer dans d'autres voies épistémologiques ou métathéoriques. Il y a le matériel recueilli par les ethnologues du monde entier, y compris ici une mention spéciale du matériel écrit déjà classique de la mythologie mondiale (du Mabinogion à l'Iliade). Avec ce matériel en main, Cristobo procède à de nombreuses triangulations : par exemple, les légendes irlandaises, grecques et asturiennes. La liste des éléments communs montre déjà la grande similitude des personnages et des récits asturiens avec ceux de la mythologie occidentale, notamment atlantique. Et de cette liste de similitudes, de clichés presque identiques, émergent aussi les différences notables développées sur la même structure commune: plus ou moins grande christianisation de la légende, plus ou moins grande évergétisation des personnages divins, plus ou moins grande dégradation sociale des personnages, etc.

Cette simplicité méthodologique peut agacer le corps académique, très enclin à suivre les modes étrangères et les disquisitions épistémologiques de plus en plus éloignées d'un matériel empirique souvent éloquent. Cela explique en partie pourquoi ce livre est tombé dans l'oubli. Pour moi, en particulier, cela semble être l'une de ses grandes vertus. On a l'impression que l'auteur a assemblé son hypothèse comme s'il rassemblait les pièces les plus diverses d'un puzzle, des pièces qui, au cours de l'histoire, étaient devenues des unités sans lien entre elles, des monades dépourvues de sens en elles-mêmes, des fossiles d'époques absurdes qui n'avaient rien à voir avec autre chose que la répétition même de phrases, d'histoires et de rites. Une répétition qui se justifierait d'elle-même. Mais en assemblant le puzzle, la situation change.

Par exemple, si dans un village asturien on répète sans cesse "cuando llueve y fai sol, anden les vieyes alredor" [quand il pleut et qu'il fait soleil, les vieilles femmes se promènent], il faut se demander qui sont ces "vieyes" -vieilles, en asturien ? Ce ne sont pas simplement les vieilles femmes de l'endroit, et d'ailleurs, quelle relation les grands-mères ont-elles avec les phénomènes atmosphériques ? De plus, dans les Asturies, l'arc-en-ciel (qui a tendance à apparaître précisément les jours où il pleut et où le soleil brille) s'appelle "Arcu la Vieya". Qui ou quoi est ce "vieya" ?

La simplicité de la méthode de comparaison permet de découvrir des indices et encore des indices. Comme dans d'autres pays européens et atlantiques, la Vieya est une manière anthropomorphique de désigner une divinité féminine qui contrôle les phénomènes atmosphériques, une femme d'un âge avancé peut-être pour mettre en valeur son caractère immortel, vénérable, "plus vieille que le monde", une Terre-Mère dont tout et tous, au fond, proviennent. Cette Vieya apparaît souvent en triade, accompagnée de deux autres divinités plus jeunes et plus belles. L'apparition de la Vieya ou de la Triade brandissant un fuseau, thème récurrent dans la mythologie et le folklore européens et asturiens, nous rappelle l'iconographie des Parques de la mythologie classique, ces terribles fileuses entre les mains desquelles repose le destin qui, littéralement, "ne tient qu'à un fil".

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Fuyant le diffusionnisme romanophile

En revanche, le Cristobo de Milio Carrín est très austère en matière de spéculation sur l'origine et le sens profond de tous ces mythes. Les thèses générales du livre sont également très proches du bon sens, et devraient être plus largement diffusées auprès du public. Dans les Asturies, toute allusion à la celtisation des Asturiens et des Cantabres est déjà l'objet de la colère irrationnelle des "romanomanes". Tout comme il serait absurde de nier notre héritage latin (dans la langue asturienne, dans la religion chrétienne, dans les vestiges archéologiques, etc.), bien que beaucoup moins important que celui d'autres territoires de la Péninsule, notre héritage celtique ou atlantique est tout aussi indéniable. À partir du moment où le panthéon celtique est clairement et purement dérivé du panthéon indo-européen commun, de nombreuses similitudes entre la religion de l'Europe ancienne (et donc asturienne) et la religion grecque et romaine sont évidentes, et grâce à cet argument, l'argument (très souvent utilisé par G. Bueno et son école) a été avancé dans les Asturies, ad nauseam, comme un moyen de diffusionnisme diffusionniste. Bueno et son école) selon laquelle tout, absolument tout élément culturel ancien des Asturies, notamment préchrétien ou asturien, est d'origine gréco-romaine et méditerranéenne. Les résidus atlantiques ou celtes ne seraient que pure et simple sauvagerie. On a même dit que les castros étaient romains, que les cornemuses avaient été apportées par les légions, que le diañu ou busgosu [gobelins et lutins spécifiques au peuple asturien] moqueur était le satyre des classiques latins, etc. Les obsédés de la Méditerranée refusent toute civilité à l'Atlantique (ou au Cantabrique dans notre cas) et, maniant les homologies culturelles qui sont dues à un passé indo-européen commun issu de la lointaine préhistoire, ils penchent - au contraire - vers un diffusionnisme irrationnel. Ces jours lointains où l'on défendait la maxime ex oriente lux sont encore valables aux Asturies en raison de l'influence excessive que subit le pays de la part d'une petite clique d'universitaires et de journalistes plongés dans une sorte de complexe provincialiste. Les Asturies sont pro-vincia ("vaincus", au sens étymologique) de l'Espagne, dans leurs schémas idéologiques, de la même manière que le territoire des Asturiens (qui ne coïncide pas avec l'actuelle Principauté, comme on le sait) l'était aussi après la conquête romaine. Curieusement, à Gijón/Xixón, il y a un monument masochiste au Conquérant Auguste, la cause de tant de morts et d'esclavages, comme il sied à tout impérialiste.

Le fameux "syndrome de Stockholm", en vertu duquel les kidnappés, les victimes, en viennent à s'identifier moralement et affectivement à leurs ravisseurs ou bourreaux, est bien connu. Des processus similaires se produisent dans l'histoire des peuples. La "nomenclature" d'Oviedo, bien installée dans la bourgeoisie et la bureaucratie, fait la sourde oreille à toute histoire ou recherche qui défend le caractère national, ou même la spécificité régionale de sa "province", bien qu'elle soit devenue un Royaume médiéval, une Principauté quasi-indépendante à l'époque moderne, bien qu'elle ait sa propre langue et des caractéristiques claires. Cette nomenclature - largement représentée dans une université comme celle d'Oviedo, qui a toujours tourné le dos au pays - est sourde à toutes les preuves qui restent inexploitées intellectuellement.

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Asturianisme, en Babia [en Espagne, "estar en Babia" signifie ne pas avoir conscience d'un problème urgent.]

Il est évident que la nomenclature romanomaniaque pro-méditerranéenne est devenue très forte dans la presse et dans l'enseignement depuis l'époque du franquisme, époque longue et centraliste, époque du nationalisme espagnol intransigeant qui a coupé les discrètes avancées régionalistes de l'époque précédente, initiées par l'indispensable Jovellanos. Mais, dialectiquement, il faut aussi tenir compte de l'absence d'une classe intellectuelle asturianiste solidement établie, aimée et reconnue par la société à laquelle elle appartient. Il y a, en effet, quelques personnes qui, à part Cristobo Carrín, comprennent les Asturies en termes de nationalité. Il convient de répéter la mention, dans le même domaine, d'Alberto A. Peña, et dans le domaine des essais, plus en termes de philoso-identité que d'ethnologie, de Xuan Xosé Sánchez-Vicente, Xaviel Vilareyo et, dans sa brève période d'asturianisme, José Carlos Loredo Narciandi.

L'intérêt de ces quelques auteurs pour les Asturies en tant que "fait national" réside également dans le fait qu'ils ont utilisé la langue asturienne comme vecteur de réflexion sur ce qu'est l'Asturie, sur la place qu'elle doit occuper en Espagne, en Europe et dans le monde et, bien sûr, sur les caractéristiques ethnologiques qui différencient la culture asturienne des autres cultures environnantes. Les essais de ces écrivains, généralement isolés et incompris dans leur propre environnement provincialiste et "acculturé", sont comme des oasis dans un désert. Ils sont comme des oasis dans un désert, un désert où prédomine l'ignorance par la population de sa propre langue, de sa culture, de ses traditions et de son histoire. Il est évident que la liste des écrivains en langue asturienne dans des genres tels que la poésie, les romans, les nouvelles, etc. est beaucoup plus longue, mais je n'ai pu voir l'analyse profonde et calme de la nationalité asturienne que chez ces trois personnes mentionnées, qui ont également écrit en langue asturienne.

Le plus grand problème du nationalisme et du régionalisme asturien ne réside peut-être pas, curieusement, dans cette "nomenclature" qui refuse de reconnaître la nationalité des Asturies, son caractère, sa langue, sa tradition, sa propre histoire politique... Le plus grand problème du nationalisme ou du régionalisme asturien réside dans les asturianistes et les nationalistes eux-mêmes, et nous allons voir brièvement pourquoi.

La "nomenklatura" nationaliste espagnole est en effet forte à gauche et à droite du spectre idéologique, et bénéficie de tribunes importantes telles que le professorat et la presse. Elle a également réussi pendant des décennies (et même des siècles) à instiller une sorte de "haine de soi" (selon les termes de Sánchez-Vicente) dans la masse du peuple qui, conscient de sa spécificité, a néanmoins été mentalement associé à une condition d'infériorité ou de subalternité vis-à-vis d'une culture officielle et unitaire, la culture espagnole. Mais le plus grand obstacle à cette situation, qui a été renversée (au moins en politique et en éducation, ce qui revient au même) en Euskadi, en Catalogne et, plus près de nous, en Galice, réside dans la myopie et l'aveuglement des quelques personnes qui se prétendent asturianistes (qu'elles soient nationalistes ou régionalistes, une distinction politique qui n'est pas pertinente ici). Parce que, pour en revenir au livre de Cristobo Carrín, ce même texte peut servir de symptôme: quelle a été la réaction de l'asturianisme face à un effort personnel de recherche et d'autoédition, consacré à retracer les racines religieuses de nos aînés ? J'ose dire aucun. Les écrivains en asturien, en général, ou les dirigeants (un mot trop grand pour eux) de minuscules partis qui revendiquent pompeusement la réalité nationale du pays des Asturies, sont peut-être des gens très méritants dans d'autres domaines, mais ils ne savent presque rien des Asturiens, de leurs mythes, de la survivance des rites et des mythes ancestraux encore vivants dans le folklore, et très peu de l'histoire du pays avant la Révolution de 1934. J'ai vu des livres et des articles en langue asturienne sur l'Afrique du Sud, Gaza, l'"Euskalherria", par exemple. Mais peu sur l'asturien. Les préoccupations "internationalistes" remplissent les pages web de ces petits médias qui tentent de sortir de la sphère unitariste de l'espagnolisme. Mais La Creación del Mundo y Otros Mitos Asturianos est écrit en espagnol et ce simple fait aliène déjà les lecteurs potentiels intéressés par les Asturies en tant que peuple ancestral. Des lecteurs qui, s'ils croient vraiment en une nationalité asturienne, devraient accorder l'importance qu'elle mérite à la mythologie et aux traditions du peuple pour lequel ils revendiquent des droits collectifs.

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La bataille culturelle, qui est celle qui nous intéresse le plus ici, est perdue d'avance de la part de la minorité asturianiste, si ce secteur n'est pas en mesure d'étudier les racines d'une culture européenne comme l'Astur en elle-même, sans imposer les conditions de subalternité que les folkloristes précédents (le groupe "La Quintana", A. del Llano, C. Cabal) ont établies pour cette étude. Le nationalisme culturel est la seule condition de possibilité qui permette un nouvel épanouissement du nationalisme politique. L'accent excessif mis sur les revendications linguistiques a conduit de nombreux intellectuels et écrivains qui veulent ou ont voulu échapper à l'uniformisme espagnol dans les Asturies à tomber dans des attitudes réductionnistes, bien connues dans la Principauté sous le nom de "talibanismo" [fanatisme, comme le fanatisme religieux des musulmans d'Afghanistan]. Un phénomène caractérisé par l'intransigeance à l'égard des positions non-conformistes, l'obsession du langage et l'oubli de l'histoire, le jargon pseudo-révolutionnaire, etc.

Une œuvre comme celle-ci, qui fournit des indices - le temps nous dira s'ils sont erronés - sur le passé celtique ou, en général, indo-européen des Asturiens, est largement ignorée par le simple fait que le véhicule linguistique dans lequel elle a été écrite, le castillan. Une langue que, inutile de le dire, cent pour cent des Asturiens maîtrisent et comprennent mieux ou moins bien. Dans son important article sur le nationalisme et l'identité dans les Asturies, José Carlos Loredo (Loredo, 2009) met en évidence de nombreuses pathologies du soi-disant asturianisme, pathologies qui, si elles ne sont pas corrigées, conduiront à l'échec encore et encore. Car je crois, comme lui, qu'aussi justes que soient les revendications linguistiques et nationales, les méthodes et formes sectaires dans lesquelles elles sont parfois véhiculées parviennent à dénaturer complètement le problème. Si les Asturies sont une entité culturelle sur un pied d'égalité avec d'autres entités culturelles nationales : bretonne, galloise, basque ou galicienne, par exemple.

Dans son prologue, l'auteur de La Creación del Mundo fournit lui-même une série de clés qui permettent de répondre à cette énorme contradiction dans laquelle se trouvent les chercheurs et les défenseurs d'une culture nationale asturienne. D'une part, la grande masse de la société asturienne considère avec danger et suspicion toute recherche qui parle, non pas de nationalité, mais de la spécificité de l'asturianité. Comme le dit Cristobo, on reçoit même des épithètes peu amènes comme "plouc" ou "séparatiste" pour avoir agi ainsi. Nous avons déjà mentionné que la "nomenclature" au service d'un nationalisme espagnol intransigeant est très bien représentée à l'université, dans l'enseignement secondaire, dans le journalisme, dans l'élite politico-syndicale, etc. Et c'est le cas, plus ou moins, depuis des siècles. Mais la marginalisation de la langue asturienne, dénoncée devant les tribunaux d'État et les instances européennes compétentes, n'a pas suscité une réaction populaire suffisamment forte depuis les années 70 du siècle dernier, date de la fondation de Conceyu Bable. Il se passe quelque chose. Le fait suivant fait peut-être partie du problème: la revendication linguistique de l'asturien ne s'est pas accompagnée d'une réinterprétation profonde des traditions ancestrales, du système de mythes, de l'organisation paysanne naturelle, du droit traditionnel, etc. Tout cela est inconnu d'une minorité de "talibans" qui prennent des modèles étrangers (et malheureux) tels que basque, irlandais ou cubain pour leurs revendications au lieu de trouver un miroir dans lequel ils peuvent simplement se voir comme asturiens.

Des miroirs pour voir et déformer

Tout cet écheveau linguistique est analogue à l'écheveau ethnologique que l'auteur démêle pour nous. Il faut savoir qu'il existe des miroirs déformants qu'il est préférable de ne pas posséder. J'ai déjà mentionné le miroir déformant du "basquisme", et ses concomitants (minoritaires, heureusement) en termes de radicalisme verbal, de mauvaises manières, de séparatisme ridicule et déconnecté de la masse sociale qui, à la lumière de toutes les enquêtes sérieuses, s'identifie plus à l'asturien qu'à l'espagnol, mais sans établir une disjonction exclusive avec l'espagnol... Un autre miroir déformant serait aussi le celtisme s'il était lié (comme il l'a été en Galice dans le passé) à des attitudes racistes ou, au moins, racisantes. Mais il n'y a rien de tel dans des ouvrages tels que celui qui fait l'objet de la présente analyse, ou dans le groupe de recherche de Belenos. Au contraire, M. Carrín insiste sur le caractère universel de nombreux mythes bien attestés dans les Asturies, ainsi que sur l'indéniable continuum avec León et d'autres régions du nord et du plateau qui, ne l'oublions pas, étaient également des territoires asturiens, un territoire qui, à mon avis, était tout à fait celtique (la grande civilisation celtique était plurielle et consistait en une succession de couches ou de degrés de celtisation) et, en revanche, peu romanisé. Le miroir déformant du celtisme, contrairement au prisme grossier du basque, peut remplir d'importantes fonctions correctives. Je m'explique : dans la mesure où la vie de cette culture, qui était bien sûr la perdante de Rome, ne nous est pas directement accessible, il ne nous reste plus qu'à corriger tous les filtres longs, puissants et terriblement efficaces qui ont été accumulés sur un matériau primordial. La méthode qui nous reste pourrait être comparée à celles-ci : une "purification" d'une substance au sens chimique, un examen archéologique des couches les plus profondes, sans se laisser tromper par les plus superficielles ou les plus récentes, une suppression des ajouts modernes pour redonner à un bâtiment ancien sa splendeur d'antan, etc. Toutes ces analogies nous aident à comprendre l'engagement de Carrín.

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Il convient donc de se poser la question : des miroirs déformants ? Oui, certains nous conduisent à la perdition et à l'erreur. D'autres, en revanche, contrebalancent la distorsion de leurs rivaux plus forts et plus efficaces. Il ne fait aucun doute que l'action du miroir "castillan-centrique" a presque succombé aux traits culturels de la nationalité asturienne, mais, d'autre part, le miroir celtique - étant nécessairement une déformation, puisque la civilisation des perdants de Rome est largement inconnue - sert à contrecarrer les tendances centralisatrices, obsédées par la Méditerranée et l'empreinte latine de toute histoire possible.

Il existe un autre miroir et filtre de la déformation (et l'histoire, dans une large mesure, n'est que cela, la déformation) que nous devons commenter. Je fais référence au christianisme. Il est fascinant de lire dans le livre de Cristobo de Milio Carrín comment la vie des saints (hagiographie) aux racines populaires, et l'emplacement des sanctuaires (marial, surtout, notamment celui de Covadonga) peuvent être compris à la lumière de l'ancienne religion celtique et, plus généralement, indo-européenne. Le revêtement chrétien n'était pas toujours un placage léger, mais il s'agissait en tout cas d'un renouvellement de l'ancien rituel et de l'ancienne mythologie. La dévotion populaire des Asturiens trouve ses racines dans des dates bien antérieures à la naissance du Christ et à l'expansion de son Église. C'est une chose que comprend tout Asturien qui n'est pas déconnecté de son pays et de son essence rurale, et qui est également perçue par tout visiteur étranger mais observateur.

Mon compte-rendu se conclut simplement en recommandant la lecture du livre. Si elle doit être critiquée depuis les domaines spécialisés de l'ethnologie, de la mythologie comparée, du folklore, etc. Mais elle ne mérite en aucun cas d'être ignorée.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

(Álvarez Peña, 2001) : Mitología Asturiana. Picu Urriellu, Xixón.

(Beramendi, 2007) : De Provincia a Nación. Xerais, Santiago.

(Carrín, 2008) : La Creación del Mundo y otros Mitos Asturianos, édition d'auteur, Uviéu.

(Carrín et Álvarez Peña, 2011) : "Romanómanos : delirios imperiales en el Xixón de hoy". Atlántica XXII, pps. 21-22.

(García, 2008) : Antropología de Asturias. I : La cultura tradicional, patrimonio de futuro. KRK, Uviéu.

(Loredo, 2009) : "Apuntes sobre nacionalismo, identidad y Asturias", Nómadas, nº 24, 149-157 : http://www.ucm.es/info/nomadas/24/jcloredo.pdf.

mardi, 01 février 2022

Imbolc, la triple déesse Brigit et l'incubation du printemps

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Imbolc, la triple déesse Brigit et l'incubation du printemps

Marco Maculotti

Ex: https://axismundi.blog/2018/02/01/imbolc-la-triplice-dea-brigit-e-lincubazione-della-primavera/

Derrière le masque chrétien de la Chandeleur et de Sainte Brigitte, le début du mois de février nous ramène à d'anciennes festivités préchrétiennes concernant la triple déesse et l'anticipation de la renaissance imminente de la nature.

Illustration : Laura Ramie, "Brigit".

La fête d'Imbolc qui, dans le calendrier celtique était équidistante de Samhain et de Beltane, marquait le début du printemps et présentait, comme nous le verrons plus loin dans cet article, des correspondances remarquables avec la fête romaine des Lupercales, également célébrée en février [1].

Imbolc est généralement dérivé du mot irlandais signifiant "dans le giron", en référence à la gestation des moutons, ce qui indique qu'il s'agissait à l'origine d'une fête pour la traite des moutons, puisque c'est à cette époque que les agneaux naissent et que les moutons produisent du lait. De plus, la fête du mouton est une "épiphanie" traditionnellement printanière, puisque la saison estivale naît sous le signe du bélier, un animal fertile et viril dont les caractéristiques évoquent le réveil énergique de la nature endormie en hiver. Christophe Levalois écrit à ce propos [2] :

cfebd901e99b81ec017d8db53beff033.jpg"Le signe du Bélier commence le 21 mars, c'est-à-dire à l'équinoxe. Le loup, animal typique de l'hiver, le précède. Cette période voit la transformation du loup en Bélier. La nature devient prolifique, de stérile et froide. Elle est toujours stimulée par la même force, mais sous un aspect différent".

Si nous reviendrons sur le loup plus loin dans cette étude, il faut noter que, selon Jean Markale [3], le terme bolc signifie également "sac", en référence à un récipient mythique servant à contenir symboliquement les vivres de l'année. Il peut aussi évoquer l'idée d'une "bosse" et du "souffle" qui la provoque. Selon cette dernière interprétation, Imbolc serait alors la fête du "souffle de vie", et le gonflement des pis de la brebis serait la manifestation visible de l'action rénovatrice de ce souffle.

La fête d'Imbolc était marquée par des banquets et des rites de purification. Nous avons déjà mentionné la correspondance fonctionnelle avec les Lupercales romaines, célébrées le 15 février, qui étaient également des rites de purification en vue de l'arrivée du printemps. D'autre part, tout le mois de février du calendrier celtique était consacré aux purifications et aux exorcismes, une coutume à considérer en relation avec le complexe mythique de la "crise hivernale": en attendant le printemps, la frontière qui sépare le monde des vivants de celui des morts est encore instable, pas encore "bien définie". D'où la nécessité de prendre les mesures rituelles nécessaires pour s'assurer que les esprits des ancêtres ne nuisent pas à la récolte de l'année suivante [4].

Selon l'avis autorisé de l'historien français des religions Georges Dumézil, en cette période clé du calendrier agricole [5] :

" Un lien nécessaire et troublant s'est également établi entre deux autres mondes, celui des vivants et celui des morts [...] ces journées remettaient rituellement en cause les schémas mêmes de l'organisation sociale et cosmique".

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John Waterhouse, "A Song of Springtime", 1913.

La triple déesse Brigit

Néanmoins, le complexe rituel-calendrier d'Imbolc ne se limitait pas au 2 février, mais s'étendait aux jours qui le précédaient et le suivaient immédiatement. C'est en effet le 1er février que l'on célébrait la fête de Brigit (ou Brigid), la déesse au triple visage qui fut plus tard "christianisée" en sainte Bridget (qui est toujours fêtée à cette date). L'abbaye de Kildare, où la sainte, deuxième patronne de l'Irlande, aurait exercé ses fonctions spirituelles à vie, a été construite sur un ancien sanctuaire celte consacré à la déesse Brigit, où était pratiqué un culte féminin du feu, qui n'est pas sans rappeler celui des Vestales romaines [6].

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Brigit combinait les fonctions culturelles [7] et guerrières d'Athéna/Minerve avec celles de garante de la fertilité et de l'abondance : ainsi, en tant que triple déesse, elle couvrait les trois fonctions présentes dans toutes les cultures traditionnelles indo-européennes depuis Dumézil. Brigit était considérée comme faustique à la fois en tant que donneuse d'inspiration poétique et de pouvoir de guérison (première fonction), et en tant qu'aide sur le champ de bataille, similaire aux Valkyries germano-nordiques (deuxième fonction), et enfin en tant que garante de la prospérité des champs et du bien-être économique de la communauté (troisième fonction).

Nous pouvons en déduire l'existence d'un culte archaïque, probablement lié à ce que Mircea Eliade a appelé le "fond néolithique", caractérisé par un système religieux et social orienté différemment de celui des Celtes historiques, à partir de Jules César ; un système cultuel dans lequel une Grande Mère était responsable de toutes les fonctions religieuses et sociales.

Brigit avait les épithètes Belisama ("celle qui brille") [8], Sulis (la déesse des sources), Brigantia ("la plus haute, la plus haute") et Bricta ("brillante"). Les Romains la vénéraient non seulement comme épigone de Minerve, mais aussi en relation avec la déesse Victoria et - fait unique - elle fut la seule déesse celte à être absorbée dans le panthéon romain avec l'épithète Epona, protectrice des chevaux. En raison de sa polyvalence et de sa particularité de brillance et de proéminence, Brigit/Belisama peut être considérée à juste titre comme l'équivalent féminin de Lugh/Belenos, qui l'a peut-être remplacée avec l'avènement de l'âge des métaux, selon le schéma interprétatif de Bachofen, Gimbutas et autres [9].

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La version "christianisée" de la fête, la Chandeleur, était également maintenue comme la fête de la lumière et de la purification. Le pape Innocent a attesté que les femmes romaines célébraient ce jour-là la fête des lumières, "dont l'origine est tirée des contes des poètes", et qu'elles veillaient et chantaient des louanges toute la nuit en tenant des bougies allumées.

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Bien sûr, avec la diffusion du christianisme, les fonctions de Brigit ont été absorbées par la Vierge Marie (elle aussi étant vierge et mère), et la correspondance est parfois claire - comme dans la poésie irlandaise médiévale, où la déesse est appelée "la Marie des Gaels" [10]. Pourtant, Robert Graves poursuit dans son énorme étude intitulée La Déesse blanche :

    " [...] dans certaines régions de Grande-Bretagne, St Bridget a conservé sa caractérisation de muse jusqu'à la révolution puritaine, exerçant ses pouvoirs thérapeutiques en grande partie par des incantations poétiques près des puits sacrés. " [11]

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John Waterhouse, "Lamia", 1909.

Il convient également de noter ce que la Legenda Aurea de Jacopo da Varagine [12] dit de la Chandeleur, à savoir que l'Église voulait sanctifier l'ancienne fête païenne de Perséphone, au cours de laquelle "les Romains offraient des sacrifices à Februus, ou Pluton et aux autres dieux infernaux". On notera donc que dans le calendrier romain, février était considéré à la fois comme la période dédiée à la Purification et - pour ainsi dire - comme le "mois des morts", puisque son étymologie dérive de februus, "celui qui purifie", qui est, comme nous l'avons vu, une épithète d'Hadès/Pluton, seigneur des morts et des enfers [13] et de Februa, déesse de la purification d'origine sabine assimilée à Junon.

Il est superflu de rappeler ici le mythe de l'enlèvement de Perséphone/Proserpine par le dieu des enfers : nous nous contenterons de souligner l'inévitable correspondance fonctionnelle entre cette jeune déesse méditerranéenne qui, destinée à rester quatre mois (la saison hivernale) dans l'Hadès avec son mari, revient dans le monde des vivants avec l'arrivée du printemps, et la Brigit celte célébrée à Imbolc, fête qui, comme nous l'avons dit, marquait le début de la saison des fruits et des fleurs dans la "roue de l'année" celtique. Lorsque Brigit retourne dans son village, l'herbe reverdit, les fleurs s'épanouissent et les pis des vaches se remplissent de lait. Une autre divinité féminine très proche de Brigit, peut-être même une hypostase de celle-ci, canonisée en Sainte Agathe, est la patronne des nourrices et protège les jeunes mères en couches : sa fête est le 5 février, donc également dans le " temps mythique " consacré à la purification et lié au retour de la Lumière dans le monde [14].

Comme pour la fête nordique dédiée à Lussi (plus tard Sainte Lucie [15]), lors de la fête de Brigit, on allume des bougies et on fait cuire des friandises spéciales, des crêpes rondes liées à la symbolique de l'abondance, mais aussi à celle du "gonflement" évoqué plus haut, dû au processus de levage.

Cela nous ramène à l'idée de "souffle", et nous ne pouvons pas être surpris de constater que le 3 février, juste après la fête de la déesse Brigit et Imbolc, on célébrait une fête qui fut ensuite canonisée en la fête de Saint Blaise, dont le nom dérive selon toute probabilité du germanique blasen, "vent", et donc en référence à la fois au (dernier) vent froid de l'hiver, et au "souffle de l'esprit", lié à "l'inspiration divine" [16]. Et si nous avons déjà souligné que Brigit était considérée comme la déesse de l'inspiration poétique, nous pourrions peut-être aller plus loin en mettant Blaise en relation avec une ancienne divinité germano-norroise dont le nom présente des ressemblances suspectes avec celui de Brigit. Nous parlons de Bragi, le dieu de l'esprit, dont le nom indiquait qu'il était la dieu de la poésie.

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Idun et Gragi par le peintre Nils Blommer

Nous parlons de Bragi, la divinité de la poésie, considérée par certains comme une hypostase d'Odin/Wotan en sa qualité de possesseur de l'inspiration poétique. D'autre part, Wotan est également considéré, depuis l'étymologie, comme le dieu du "vent impétueux" (d'où son rôle de chef de "l'armée sauvage" ou "chasse sauvage" [17]), et évidemment de l'inspiration divine (proto-germanique *wōđaz, identique au latin vātēs, "voyant"). L'idée de splendeur est également implicite dans le nom de Bragi - braga est utilisé pour faire référence à l'éclat des aurores boréales [18] - et cela en fait également une sorte de pendant masculin de la déesse Brigit. 

Ajoutons que, si l'on ne voulait pas se référer à une étymologie germanique, on pourrait considérer que la fête de Saint-Blaise dérive de la transcription française du breton bleiz (gallois bleidd), signifiant "loup". Dans toutes les versions de la légende de Merlin (qui, comme Odin/Wotan, est une "épiphanie" de l'hiver saturnien), le loup est son fidèle compagnon; ce n'est que dans les contes plus "christianisés" que l'animal disparaît, pour être remplacé par un ermite nommé Blaise [19].

Le loup se retrouve également, comme nous l'avons vu, dans les Lupercales romaines, une fête au cours de laquelle les membres d'une confrérie spécifique, les Luperci, se vêtaient de peaux de loup et effectuaient une course purificatrice autour du Palatin, pour éloigner les mauvais esprits de l'hiver et favoriser ainsi l'abondance des troupeaux et des champs pour l'année à venir. L'expulsion (également en février) de Mamurius Veturius, le "dieu cornu de l'année", double de Mars et démon de la végétation, dont l'immolation symbolique devait assurer le retour du printemps, était également liée à ce rituel calendaire complexe [20].

Le loup n'est pas étranger à ce rituel complexe composé de rites de purification, d'attente du printemps et d'"expulsion" des esprits des morts et des dieux infernaux/hivernaux. Selon une croyance qui a émergé de temps à autre dans les procès de sorcellerie au cours des siècles, la figure mythique du loup-garou, présente dans presque toutes les traditions folkloriques européennes, est en fait à mettre en relation avec les soi-disant "combats rituels" menés en esprit par ceux-ci contre les démons et les sorciers. Selon le célèbre "Lycanthrope de Livonie", dont Ginzburg rapporte le témoignage au procès, les loups-garous se considéraient comme des instruments et des aides de Dieu ("les chiens de Dieu") et l'enjeu des combats extatiques menés contre les démons et les sorciers, à l'instar de la tradition frioulane des benandanti, était la fertilité des champs [21] :

    "Les sorciers volent les pousses de céréales, et si vous ne parvenez pas à les arracher, la famine arrive. "

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Dans ces croyances folkloriques, qui remontent aux XVIIe-XVIIIe siècles, nous pouvons identifier les vestiges d'une très ancienne tradition chamanique, qui avait probablement déjà été dissimulée sous sa forme ésotérique à un stade intermédiaire, afin de développer un ésotérisme (farces de fraternité masculine sur le modèle des Lupercales, mascarades de Krampus et autres).

Outre le loup, un autre animal avait une certaine importance à cette époque dans le calendrier agraire-rituel de l'Europe antique: l'ours, qui se réveillait de son hibernation et sortait de sa tanière, marquant officiellement le début du printemps... ou le retardant de 40 jours. Dans son étude Le Carneval, Claude Gaignebet rappelle un célèbre dicton populaire qui était répandu dans toute la zone d'influence celtique [22] :

    gaignebet_01.png"Quand la Chandeleur arrive, nous sortons de l'hiver ; mais s'il pleut ou si le vent d'hiver souffle, nous y entrons. "

Ce proverbe est lié à une croyance, répandue dans toute l'Europe, selon laquelle le 2 février, l'ours (ou, selon les versions, tout autre animal hibernant, ainsi que l'Homme sauvage [23]) sort de sa tanière pour vérifier les conditions météorologiques. Si le ciel est clair, l'ours retourne dans sa tanière d'hiver: c'est le signe que l'hiver durera encore 40 jours [24]. S'il est superflu de souligner la valeur ésotérique et symbolique du nombre 40 dans toutes les traditions sacrées (pensez aux 40 jours que Jésus a passés dans le désert, ou aux 40 jours et 40 nuits du déluge universel), nous voudrions insister sur le fait qu'aujourd'hui encore, avec la coutume de la quarantaine, la valeur de cette période bien déterminée comme période d'incubation s'est en quelque sorte maintenue, ce qui est parfaitement logique si l'on considère que le conte de l'ours tombe précisément à Imbolc.

En d'autres termes, le 2 février, l'hiver se termine et le printemps commence virtuellement : et pourtant, les fruits de la nouvelle saison, bien que déjà virtuellement formés, restent encore sous terre, sous les neiges hivernales/fernales, couvant comme l'ours et les autres animaux hibernants en attendant l'explosion finale du printemps. Comme le souligne Markale [25], "les quarante jours de l'ours signifient tout simplement que si le ciel est encore clair, c'est-à-dire l'hiver, dénudé de tout, la purification effectuée par l'hiver n'est pas terminée: d'où la nécessité d'une nouvelle quarantaine". D'où la nécessité d'une nouvelle quarantaine", d'où, ajoutons-nous, la nécessité d'une purification rituelle des membres de la communauté, qui se trouve avoir lieu à Imbolc.

Dans le calendrier chrétien, cette période calendaire-rituelle a été avancée d'un mois avec l'institution du Carême (du latin quadragesima dies, " quarantième jour "), période de purification qui anticipe une autre renaissance, celle du Christ mort sur la croix [26]. Pourtant, même au Moyen Âge, alors que le christianisme ne s'était pas répandu jusqu'aux zones rurales, le pivot du système calendaire populaire, puisqu'il sanctionnait le passage de la saison froide à la saison tempérée, était [27] :

    " [...] le 2 février, date la plus précoce possible du carnaval, jour où l'ours ou l'Homme sauvage est sorti de sa grotte pour vérifier le début du printemps. "

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Il faut noter que l'interchangeabilité entre l'Homme sauvage et l'ours dénote le caractère "médian" et "hybride" que cet animal a toujours eu dans les cultures chamaniques; il s'agit d'une tradition partagée par les Esquimaux, les Amérindiens, les souches ethniques celtes-norvégiennes-germaniques, les Lapons et les peuples d'Asie du Nord, corroborée, entre autres, par la posture érigée de l'ours et l'utilisation quasi humaine de ses appendices [28].

indartioex.jpgEn conclusion, un lien entre l'ours et un système de culte matriarcal peut également être identifié dans la figure de la déesse celte Artio, dispensatrice d'abondance, qui est étymologiquement apparentée à Artémis dans sa fonction de "Dame des animaux" (potnia theron). Artémis était également appelée Trivia (Séléné dans le ciel, Artémis sur terre et Hécate dans le monde souterrain), et il existait un sanctuaire d'Artémis à Brauron où les jeunes filles athéniennes âgées de cinq à dix ans étaient envoyées pour servir la déesse pendant un an, période pendant laquelle elles étaient appelées arktoi ("petits ours").

"Sous la forme d'ours, Artio et Artémis apparaissaient [...] à la frontière entre la culture et la nature, entre l'espace discipliné et la forêt, entre l'homme et la bête, entre la vie et la mort, et pour cette raison ils protégeaient aussi les femmes en couches " [29] - une autre caractéristique qui les rapproche de la Brigit/S. Agatha célébrée les jours de la naissance de la déesse. Agatha a célébré pendant les jours d'Imbolc. En effet, Diane/Artémis, vierge et mère comme Brigit, était également considérée comme une déesse de l'accouchement: pour preuve, le nom Artemidorus, "don d'Artémis", était courant en Grèce.

Notes :

[1] Voir Modena Altieri, Lupercalia : les célébrations cathartiques de la Februa et Maculotti, Métamorphoses et batailles rituelles dans le mythe et le folklore des populations eurasiennes.

[2] Christophe Levalois, Il simbolismo del lupo. Arktos, Turin, 1989, p. 36.

[3] Jean Markale, Le christianisme celtique et ses survivances populaires. Arkeios, Rome, 2014, p. 179.

[4] Sur la " crise solsticiale ", cf. Maculotti, Cycles cosmiques et régénération du temps : les rites d'immolation du " roi de l'année ancienne ", Le substrat archaïque des fêtes de fin d'année : la valeur traditionnelle des 12 jours entre Noël et l'Épiphanie, Cernunno, Odin, Dionysos et autres divinités du " soleil d'hiver ", De Pan au diable : la " diabolisation " et la suppression des anciens cultes européens.

[5] Georges Dumézil, La religione romana antica. Rizzoli, Milan, 1977, p. 306.

[6] Jean Markale, Prodiges et secrets du Moyen Âge. Arkeios, Rome, 2013, p. 140.

[7] Le glossaire de Cormac dit : " Brigit, fille du Dagda, la poétesse, c'est-à-dire la déesse vénérée par les poètes en raison de la grande et illustre protection qu'elle leur accorde " (Robert Graves, The White Goddess, Adelphi, Milan, 2011).

[8) C'est ainsi qu'on l'appelait dans la région de l'Italie du Nord, et surtout à Mediolanum. L'actuel Duomo de Milan a été construit sur l'ancien temple de Belisama ; d'où la caractéristique de la cathédrale, toujours en vigueur aujourd'hui, d'arborer à son point culminant une statue de la Madone au lieu de celle du Christ, un cas unique dans toute l'Europe. Robert Graves la rattache à Belili ""Déesse blanche des Sumériens", plus ancienne qu'Ištar et déesse non seulement lunaire mais aussi arboricole, ainsi que déesse de l'amour et du monde souterrain [...] Mais surtout Belili était une déesse du saule et une déesse des puits et des sources" (Graves, op. cit., p. 67). Cela la relie effectivement à une autre épithète de Brigit, Sulis.

[9] Sur Lugh, cf. Maculotti, La festività di Lughnasadh/Lammas e il dio Celico Lugh. Pour la théorie de Bachofen, cf. J.J. Bachofen, The Mothers and Olympic Manhood. Histoire secrète du monde méditerranéen antique. Publié sous la direction de J. Evola. Mediterranee, Rome, 2010.

[10] Graves, op. cit. p. 452.

[11] Cité dans Wikipédia, entrée "Brigid of Ireland" : "Analysant le culte lié au puits de Sainte Brigitte à Liscannor (Lios Ceannúir) dans le comté de Clare, Sharkey écrit dans son livre The Celtic mysteries, the ancient religion : "De nombreuses fontaines et sources ont été sacrées depuis des temps immémoriaux. Malgré l'évolution des objets de dévotion et des rituels, l'acte d'invoquer la source de vie n'a jamais été oublié. Cette fontaine était autrefois sacrée pour la déesse mère Bridget qui guérissait grâce au pouvoir du feu et de l'eau. Dans le christianisme, la déesse a été transformée en sainte Brigitte, patronne du foyer, de la maison et des fontaines sacrées". Cette fontaine, qui est un exemple typique des puits sacrés irlandais dont la tradition remonte aux cultes celtiques, est la destination d'un pèlerinage le dernier dimanche de juillet [c'est-à-dire - ajouterions-nous - juste avant Lughnasadh, la fête de Lugh, dieu de la Lumière et, donc, l'égal de Brigid/Belisama]. "A l'appui de sa réinterprétation anthropologique de la figure de la sainte, Sharkey rappelle quelques épisodes des légendes populaires irlandaises, selon lesquelles elle aurait été brûlée à l'aube du 1er février lors de la fête d'Imbolc, épisode qui rappelle un ancien rituel celtique. C'est ainsi que la nouvelle Brigit devint la patronne du foyer, de la maison, des fontaines et des guérisons". Dans cette optique, Brigit semble peut-être fonctionnellement liée à la Giöbia ou Giubiana qui, dans le nord de l'Italie, est encore brûlée dans un feu de joie au cours de la dernière semaine de janvier ; à cet égard, voir Maculotti, Il substrato arcaico delle feste di fine anno : la valenza tradizionale dei 12 giorni fra Natale e l'Epifania.

[12] Markale, op. cit. Christianisme, p. 180.

[13] Sur la valeur " positive " des dieux des morts et du monde souterrain, cf. Maculotti, Divinités du monde souterrain, de l'au-delà et des mystères.

[14] Ajoutons que le 15 février, dans le calendrier romain, on célébrait également Junon, déesse de l'accouchement, et donc en ce sens homologue de Brigit/S. Agatha.

[15] Cf. Maculotti, Lussi, la "Luminosa" : il doppio pagano e "oscuro" di Santa Lucia.

[16] Markale, op. cit. Christianisme, p. 181.

[17] Nous avons déjà parlé ailleurs de Wotan comme chef de l'"Armée sauvage" et d'autres variantes de la mythologie ; cf. Maculotti, I benandanti friuliani e gli antichi culti europei della fertilità et Mollar, I "Ghost Riders", la "Chasse-Galerie" e il mito della Caccia Selvaggia.

[18] Mario Polia, "Furor". Poésie de guerre et prophétie. Il Cerchio - Il Corallo, Padoue, 1983, p. 38.

[19] Markale, op. cit. Prodigi, p. 83.

[20] Dumézil, op. cit. p. 196.

[21] Carlo Ginzburg, Storia notturna. Una decifrazione del sabba. Einaudi, Turin, 1989, p. 130. Sur ce sujet, cf. Maculotti, Metamorphosis and ritual battles in the myth and folklore of Eurasian populations.

[22] Claude Gaignebet, Le Carnaval. Payot, Paris, 1974, p. 17.

[23] Massimo Centini, L'uomo selvatico. Oscar Mondadori, 1992, p. 93.

[24) Cette croyance populaire est encore vivante aujourd'hui, bien qu'à la manière particulière de notre époque. Dans le célèbre film "Groundhog Day" (1993) de Harold Ramis, Phil Connors (joué par Bill Murray) joue le rôle d'un présentateur météo de la télévision qui doit se rendre dans la petite ville de Punxsutawney, en Pennsylvanie, pour faire un reportage sur le traditionnel "Groundhog Day", un jour férié célébré aux États-Unis et au Canada le 2 février, en même temps qu'Imbolc/Candelora. Là encore, la sortie de la marmotte (Marmota monax) de son terrier serait liée à l'arrivée du printemps (ou à son retard de 40 jours) : la tradition veut que si la marmotte sort et ne voit pas son ombre parce que le temps est nuageux, l'hiver sera bientôt terminé ; si, au contraire, elle voit son ombre parce qu'il fait beau, elle sera effrayée et retournera dans son terrier, et l'hiver se poursuivra pendant encore six semaines. Cette tradition est dérivée d'une rime écossaise : "Si le jour de la Chandeleur est clair et lumineux, il y aura deux hivers dans l'année".

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[25] Markale, op.cit. Christianisme, p. 178.

[26] Sur le Carême, cf. Le Carnaval et le Carême : significations et héritages traditionnels.

[27] Jean-Claude Schmitt, Religion, folklore et société dans l'Occident médiéval. Laterza, Bari, 1988, p. 35.

[28) L'idée de frontières perméables entre le corps humain et l'ursidé est sans doute très archaïque, certainement paléolithique, en effet "on n'expliquerait pas autrement sa diffusion dans tout l'hémisphère nord, de l'Europe à l'Amérique du Nord" comme un personnage privilégié de la tradition mythique, sous les traits de l'initiateur de l'humanité aux mystères chamaniques [Paolo Galloni, Cacciare l'orso nelle foreste medievali (ovvero, degli incerti confini tra umano e non umano) in Atti e Memorie della Società Pistoiese di Storia Patria]. 

[29] Germana Gandino, L'orso nelle tradizioni celtiche e germaniche. In Rivista Storica Italiana, année CXXVI - fascicolo 111, Edizioni Scientifiche Italiane, décembre 2014, p. 726.

Bibliografia:

  • J.J. Bachofen, Le madri e la virilità olimpica. Storia segreta dell’antico mondo mediterraneo. A cura di J. Evola. Mediterranee, Roma, 2010.
  • Alfredo Cattabiani, Lunario. Dodici mesi di miti, feste, leggende e tradizioni popolari d’Italia. Mondadori, Milano, 2002.
  • Massimo Centini, L’uomo selvatico. Mondadori, Milano, 1992.
  • Georges Dumézil, La religione romana antica. Rizzoli, Milano, 1977.
  • Claude Gaignebet, Le Carneval. Payot, Paris, 1974.
  • Paolo Galloni, Cacciare l’orso nelle foreste medievali (ovvero, degli incerti confini tra umano e non umano) in Atti e Memorie della Società Pistoiese di Storia Patria. 
  • Germana Gandino, L’orso nelle tradizioni celtiche e germaniche. In Rivista Storica Italiana, anno CXXVI – fascicolo 111. Edizioni Scientifiche Italiane, dicembre 2014.
  • Carlo Ginzburg, Storia notturna. Una decifrazione del sabba. Einaudi, Torino, 1989.
  • Robert Graves, La Dea Bianca. Adelphi, Milano, 2011.
  • Christophe Levalois, Il simbolismo del lupo. Arktos, Torino, 1989.
  • Jean Markale, Il cristianesimo celtico e le sue sopravvivenze popolari. Arkeios, Roma, 2014.
  • Jean Markale, Prodigi e segreti del Medioevo. Arkeios, Roma, 2013
  • Mario Polia, «Furor». Guerra poesia e profezia. Il Cerchio – Il Corallo, Padova, 1983.
  • Alwyn e Brinley Rees, L’eredità celtica. Antiche tradizioni d’Irlanda e del Galles. Mediterranee, Roma, 2000.
  • Pierre Saintyves, I santi successori degli dei. L’origine pagana del culto dei santi. Arkeios, Roma, 2016.
  • Jean-Claude Schmitt, Religione, folklore e società nell’Occidente medievale. Laterza, Bari, 1988.

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La Chandeleur ou la journée des crêpes

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La Chandeleur ou la journée des crêpes

Dirk Dox

Source: Nieuwsbrief nr 1 - Louwmaand 2022 - Traditie - nieuwsbrief@traditie.be

 
"Il n'y a pas de bonne petite femme si pauvre qu'elle ne réchauffe point sa poêle le jour de la Chandeleur".

Il existe de nombreuses hypothèses sur l'origine de la Chandeleur et la tradition de la cuisson des crêpes. Dans nos régions, le 2 février était autrefois l'un des deux jours où la population rurale pouvait changer d'emploi ou de ferme. On le célébrait le soir avec une sorte de gâteau de foyer, qui s'est ensuite transformé en crêpes. 

On dit aussi que les crêpes, de par leur forme ronde et leur couleur dorée, rappellent le disque du soleil, évoquant ainsi le retour du printemps, ce qui expliquerait pourquoi on fait des crêpes à la Chandeleur, période de l'année où les jours ne cessent de rallonger. C'est également à cette époque que les semailles d'hiver ont commencé. Les restes de farine de la récolte précédente étaient donc utilisés pour fabriquer ces crêpes, symbole de prospérité pour l'année à venir. Selon la tradition, quiconque mange des crêpes à la Chandeleur aura une année prospère. Il est certain que cette coutume trouve ses racines dans des traditions connues dans toute l'Europe. 

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L'Empire romain célébrait la fête des Lupercales, une fête de purification qui se tenait dans la Rome antique du 13 au 15 février, c'est-à-dire à la fin de l'année romaine, qui commençait le 1er mars. En 494, les "bougies" ont été associées à la Chandeleur par le pape Gélase Ier, qui a été le premier à organiser des processions aux flambeaux le 2 février. Dans les églises, les torches ont ensuite été remplacées par des bougies bénites dont la lueur devait éloigner le mal et rappeler que le Christ est "la lumière du monde". D'où le nom de "Messe de lumière", Lichtmis. La "Fête de la Chandeleur" française et le "Candlemas Day" anglais font référence aux bougies.

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Les Celtes célébraient Imbolc le 1er février. Ce rite en l'honneur de la déesse Brigit (dans l'église, Sainte Brigitta !) célébrait la purification et la fertilité de l'hiver à venir. Les agriculteurs portaient des torches et marchaient en procession dans les champs, suppliant la déesse de purifier la terre avant de semer. 

Dans de nombreux pays, la tradition veut que l'on conduise une charrue attelée dans les champs au printemps pour demander une bonne année ou une bonne récolte. Autrefois, il s'agissait d'une procession aux flambeaux, mais au Luxembourg, la tradition actuelle du Liichtmëssdag est une fête à laquelle les enfants peuvent participer. Par petits groupes, ils parcourent les rues l'après-midi ou le soir du 2 février, avec un bâton enflammé ou une lanterne artisanale à la main, pour chanter une chanson traditionnelle (de préférence "Léiwer Härgottsblieschen") dans chaque maison ou magasin. ... Ils espèrent recevoir en retour une récompense sous forme de bonbons ou de monnaie (auparavant bacon, petits pois, biscuits).

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La fête de la Lichtmis annonce également le printemps. La lumière du jour est déjà plus longue d'une heure et un dicton dit : "Le soleil à Lichtmis nous apporte le printemps plein de fleurs et de joie". Ce jour est également important pour les apiculteurs car, selon le calendrier populaire, un ciel clair à la Chandeleur prédit une année favorable pour les abeilles.

Célébrez-vous également cette fête de la lumière ? N'hésitez pas à partager vos expériences avec nous sur Facebook ou sur info@traditie.be, ou à nous tenter avec des photos de vos gâteaux au tournesol !


 
La fête de Lichtmis (= la Chandeleur)
 
Benny Vangelder

Le 2 février, les chrétiens célèbrent la Chandeleur. Cette fête tombe quarante jours après Noël et, selon la tradition juive, une femme devait se purifier et purifier son enfant dans le temple quarante jours après avoir accouché. Mais la fête des lumières a aussi des racines païennes. Après tout, la fête païenne des lumières était la célébration du retour de la lumière après la période hivernale, l'introduction du printemps, mais aussi la purification par le feu. Je me souviens qu'enfant, j'allais cueillir des brindilles de saule au printemps. Introduire les brindilles, c'est introduire la nature renaissante. Et, bien sûr, la crêpe...

La fête lupercalienne à Rome : Cupidon et les personnifications de la fertilité rencontrent les Luperci déguisés en chiens et en chèvres -(Christie's, LotFinder : entrée 5582111 (vente 5688, lot 47, Londres, 3 juillet 2012). Dans les textes latins, la Chandeleur est appelée Festa cereorum, c'est-à-dire "fête des chandelles". c'est-à-dire "fête des chandelles" (cereus est "bougie de cire" - notez la ressemblance avec cer, ker, c'est-à-dire "créer", mot racine que l'on retrouve dans le nom de la déesse Cérès), cf. l'anglais Candlemas.

La fête de la lumière était à l'origine célébrée au début du mois de février, mais comme d'autres fêtes païennes, il s'agit d'une période plutôt que d'un moment. Elle s'inspire très probablement des Lupercales, une fête romaine au cours de laquelle les gens marchaient dans les rues avec des torches et chantaient à tue-tête. De cette façon, les dernières forces obscures ont été chassées et la lumière a été ramenée. Il s'agissait d'une fête en l'honneur de Lupercus, un dieu loup vieux romain - égal à Faunus - qui était le dieu des troupeaux et de la fertilité.

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Lors de leur festin, les Luperci, jeunes hommes déguisés en loups (c'est-à-dire en loups-garous), accomplissaient un rituel de purification - selon d'autres, un rituel de mort et de renaissance - symbolisant le retour de la Lumière. Ils ont également frappé les passants avec des fouets, avec lesquels ils voulaient provoquer la fécondité. Ces fouets étaient faits de bandes de peau d'une chèvre abattue, que l'on appelait Februi, d'où le nom Februarius pour le mois au cours duquel la fête avait lieu. Une autre explication est que les chiens étaient poursuivis dans la ville avec des torches enflammées attachées à leur queue. Dans le nom Lupercalia, nous trouvons le mot lupus ("loup") - notez la ressemblance avec lux ("lumière"), qui est encore mieux perceptible en grec : lykos ("loup") et lykè ("lumière").

Dans la Rome antique, Februarius était, selon la plupart des sources, le mois de purification par excellence (februa signifie "purification" ou "expiation") et la période pendant laquelle les gens se purifiaient de leur culpabilité envers les dieux par des sacrifices lors de processions aux flambeaux (sacrifices expiatoires). Il s'agissait des "Ambularia", des processions solennelles auxquelles participaient des milliers de personnes. L'événement principal des festivités faisait référence au vol de Proserpina par Pluton, après quoi Cérès est partie à la recherche de sa fille kidnappée à la lueur des torches.

Plus tard, selon un décret du pape Gelagius/Gélase (492), cette fête païenne est devenue une fête chrétienne en l'honneur de la purification de Marie. Ainsi, la transition s'est faite de la déesse romaine Cérès à la mère chrétienne Marie. Les torches ont été remplacées par des bougies qui ont été brûlées en l'honneur de la Vierge Marie. Dans un sermon de Grégoire le Grand, nous lisons : "Depuis plusieurs années, nous avons adopté cette cérémonie des anciens, le 2 février, en l'honneur de la Bienheureuse Marie".

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Beda Venerabilis/Bède le Vénérable (725) se félicite alors du succès de cette transition: "Le jour de février consacré à Marie, tout le peuple se rend en procession aux églises en chantant des hymnes. Tous ont des bougies allumées à la main. Le cardinal Baronius (1538-1607) a écrit ce qui suit à ce sujet: "Comme nos saints ancêtres n'ont pas pu éradiquer complètement cette coutume, ils ont décrété qu'en l'honneur de la Vierge Marie on devait porter des bougies allumées. C'est ainsi que l'on fait maintenant en l'honneur de la Sainte Vierge ce qui se faisait autrefois en l'honneur de Cérès. Et ce qui a été fait avant pour Proserpina, est fait maintenant pour la louange de Marie".

Les Ambularia susmentionnés étaient des processions de feu typiques que l'on retrouve dans toute la zone indo-européenne, soit avec des torches, soit avec des récoltes illuminées, soit avec des rouets en feu. Sachant que les processions étaient populaires parmi les peuples romanisés et le chant parmi les peuples germaniques, la combinaison des deux était un mouvement tactique pour christianiser les coutumes païennes en les transformant en processions de louange.

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La recherche de Proserpine par Cérès est probablement plus connue dans sa version grecque, dans laquelle Hadès, le dieu des enfers, enlève Perséphone. Elle est recherchée par sa mère Déméter, la déesse de l'agriculture et des récoltes. Au cours de ses recherches, Déméter arrive à Éleusis, où elle se morfond pendant un an. Pendant ce temps, les cultures se fanent et les gens meurent. Zeus intervient et ordonne à Hadès de libérer Perséphone. De cette façon, Déméter peut être à nouveau réunie avec sa fille. Mais Perséphone a mangé une grenade sacrée dans le monde souterrain et est donc obligée de passer une partie de l'année avec Hadès. À Éleusis, un temple a été érigé en l'honneur de Déméter et le culte des mystères éleusiniens est né.

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L'anthropologue écossais J. G. Frazer (1854-1941) donne l'explication suivante: "Déméter est la récolte mûre de cette année, et Perséphone le grain qui en est extrait et semé en automne pour apparaître au printemps. La descente de Perséphone aux enfers serait donc une représentation mythique des semailles, sa réapparition au printemps représenterait la germination du jeune grain. Ainsi la Perséphone d'une année devient la Déméter de l'année suivante". On retrouve ici la même représentation cyclique de la Vierge et de la Mère que j'ai déjà explicitée dans un article précédent sur "Le Père, le Fils et la Vierge". Bien sûr, il ne faut pas faire des mythes une simple explication naturaliste des phénomènes. Le fluide divin qui émane et est présent de manière plus immanente lorsque la nature revit, et se retire, pour ainsi dire, lorsque la nature meurt, en est aussi une représentation et une métaphore. Cette interaction entre Dieu(x) et la nature, dans laquelle les deux se distinguent et coïncident également, peut servir de représentation concrète en ce qui concerne la renaissance et la mort, la création et la destruction, l'ordre et le chaos, comme la plupart des tournants rituels de l'année.

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Voilà pour le contexte chrétien et classique de la fête des lumières. Chez les Celtes irlandais, en l'honneur de la déesse Bridget, début février, avait lieu Imbolc, la fête de la purification par le feu. Le nom Imbolc apparaît pour la première fois dans le récit irlandais médiéval Tochmarc Emire, dans lequel le personnage principal Emer l'utilise pour indiquer le début du printemps. C'est l'époque où les premières brebis étaient traites et, dans un dictionnaire du Xe siècle, Imbolc est donc traduit par "lait de brebis". Un autre nom pour la fête est donc Oimelc. Imbolc s'étendait du coucher du soleil du 31 janvier au coucher du soleil du 2 février. Le feu sacré qui y était allumé n'était pas accessible aux hommes et à Killdare, même les prêtresses s'y consacraient. Cela rappelle beaucoup la déesse romaine Vesta et ses vierges vestales, qui gardaient également le feu sacré. Ces prêtresses celtiques étaient appelées Korrigan. Le sanctuaire païen de Killdare est ensuite devenu un couvent et les prêtresses païennes sont devenues des religieuses. 

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Les gens dansaient autour des feux de printemps d'Imbolc et les cendres de ces feux étaient dispersées dans les champs et les vergers d'arbres fruitiers. Ils fabriquaient également un lit à partir d'une gerbe de céréales en l'honneur de Bridget. Imbolc était également lié à la fête des semailles (voir ci-dessous), au cours de laquelle les derniers grains de la récolte précédente étaient transformés en une croix de Brigid. Cette croix pré-chrétienne contenait la force vitale du grain et symbolisait le champ de blé. De nos jours, Imbolc est principalement célébré par les sorcières Wicca ou modernes, qui allument leurs bougies artisanales en l'honneur de Bridget et tressent une croix de Brigid. Mais dans les îles britanniques, c'est encore aujourd'hui un véritable festival folklorique. Bridget était si importante qu'elle est devenue Sainte Brigitta, dont la fête tombe le 1er février et est célébrée en Irlande, au Pays de Galles et en Australie. 

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Dans la tradition germanique, nous trouvons un contraste frappant entre le loup (Fenrir) et la lumière (Sun, Sunna). Le loup avale le soleil pendant le Ragnarök. La fête des lumières a été instituée pour chasser le loup et libérer le soleil. Pensez au Petit Chaperon rouge (le soleil), qui, dans la version de Grimm, est libéré du ventre du loup par le chasseur (Odin, dans sa manifestation plus jeune sous le nom de Widar). Le soleil qui est avalé par Fenrir pendant le Ragnarök sera remplacé après le Ragnarök par sa fille, le nouveau soleil (le cycle éternel de régénération). 
 
Vafthrudnismal (47) :
Une fille portera Alfrodul,
avant qu'elle ne tue Fenrir ;
C'est alors qu'on chevauchera, quand les devins mourront,
Cette jeune fille aura les manières de la mère.

imaidunges.jpgOn trouve également dans les mythes nordiques une variante de l'enlèvement de Perséphone dans les mythes grecs. C'est l'enlèvement de la déesse Idun par le géant Thjazi, déguisé en aigle. Comme les pommes d'or d'Idun ont également été volées par ce dernier, les dieux vieillissent rapidement et la nature commence à dépérir. Le libérateur de la déesse du printemps n'est pas ici un chasseur ou Odin mais Loki. Il emprunte la toile de faucon de Freyja et se transforme en faucon. Il s'envole ensuite vers le monde des géants, où il trouve Idun seule dans la maison de Thjazi. Loki la transforme en noix et s'envole vers Asgard avec la noix dans ses griffes. Thjazi, cependant, voit cela et se transforme en aigle, après quoi il se lance à sa poursuite. Les Ases voient les deux oiseaux s'approcher et allument un grand feu derrière les murs d'Asgard. Loki et Idun parviennent à atteindre Asgard à temps, mais Thjazi ne peut pas ralentir assez vite à cause de son énorme vitesse et fonce par-dessus le mur directement dans le feu. Il est ensuite tué par les Ases et ses yeux sont placés comme des étoiles dans le ciel par Odin.

Cependant, je voudrais faire un commentaire sur ce parallèle. Les deux mythes (le grec et le scandinave) traitent de l'enlèvement de la déesse qui sera ensuite sauvée. Mais là où le grec fait une connotation claire avec la création des saisons et où Perséphone reste avec sa mère pendant une demi-année, et avec Hadès pendant une demi-année, ce n'est pas le cas avec Idun. Après le sauvetage d'Idun, le géant Thjazi est tué et il n'y a pas de retour cyclique d'Idun dans le monde des Dieux et le monde des géants respectivement. Le mythe souvent cité pour expliquer les saisons est celui de Freya à la recherche de son mari Odr. Les raisons du départ d'Odr dépassent le cadre de cet article. Son départ la rendit si triste qu'elle partit à sa recherche. Quand Freya a quitté Asgard, l'automne et l'hiver ont rapidement commencé. Elle finit par retrouver Odr sous un laurier. Pendant leur voyage de retour à Asgard, le printemps est venu, puis l'été.

Retour à la fête des lumières. L'expulsion de l'hiver est symbolisée par la combustion d'un mannequin (cf. Thjazi), une coutume qui a encore lieu aujourd'hui lors du carnaval. En Frise, l'incendie d'une poupée en l'honneur de Wodan était connu à la date du 21 février. C'est ce qu'on appelle les Biikenbrennen.

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La fête des lumières coïncide avec le carnaval, la fête populaire au cours de laquelle le chariot en forme de bateau est tiré dans les rues. Grâce aux températures plus douces du printemps, les rivières sont à nouveau navigables. L'historien romain Tacite décrit deux fêtes sacrificielles, dans Germania à propos de la déesse Nerthus, et dans ses Annales à propos du général romain Germanicus, qui mentionne la fête de Tamfana. Les dates, cependant, ne sont pas mentionnées. Jan de Vries affirme que la fête sacrificielle de Nerthus tombait au printemps, et celle de Tamfana en automne. 

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En ce qui concerne Nerthus, le raisonnement est que, selon la description de Tacite, le prêtre remarque quand la déesse est sur son île. La présence de Nerthus dans la forêt sacrée peut peut-être indiquer le bourgeonnement des feuilles au début du printemps. Et parce que de telles fêtes sacrificielles en l'honneur d'une déesse se retrouvent également chez d'autres peuples indo-européens au printemps. La fête de la déesse mère Nerthus, qui a voyagé de son île sainte vers le monde profane et a été transportée à travers les champs sur un chariot représentant un bateau, a très probablement eu lieu au printemps. Les Romains avaient une fête similaire où Cérès était tirée à travers les champs, et après la christianisation, la même chose est arrivée à la statue de la Mère Marie. Lors de la fête germanique du sacrifice en l'honneur de Nerthus, il y avait également des processions aux flambeaux et des sacrifices sous forme de nourriture et de boisson et parfois d'animaux. 

Concernant Tamfana (ou Tanfana), Tacite décrit que le général Germanicus a perturbé la fête du sacrifice de Tamfana. En outre, Tacite donne deux indications quant aux moments, à savoir la mort de l'empereur Auguste (qui a eu lieu le 19 août 14 après J.-C.) et la pleine lune la nuit de l'attaque de la tribu des Marches. Les nuits avec une pleine lune qui conviennent le mieux à l'année 14 AD, après le 19 août, sont le 28 septembre, ou le 27 octobre si nécessaire. Donc autour de l'équinoxe d'automne et/ou de la fin de la récolte. Ces deux fêtes sacrificielles de printemps et d'automne rappellent le Disablot scandinave, librement traduit par "Sacrifice aux déesses". Ces fêtes sacrificielles avaient lieu à la fois en automne, lorsque l'automne devenait hiver, c'est-à-dire à la fin de la période des récoltes, et au printemps. A Uppsala en Suède, il y a toujours le Disting. Il s'agissait à l'origine d'un "événement" de trois jours composé d'une foire annuelle, d'une Assemblée (Thing) pour tous les Suédois en combinaison avec le Disablot et qui se tenait quelque part vers la fin du mois de février/début du mois de mars. Après la christianisation de la Suède, cette foire annuelle a été déplacée à la Chandeleur. 

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Petit hôtel au foyer pour la fête de Disablot en Scandinavie.

Les peuples baltes connaissaient la déesse du feu Gabija ou aussi Panike. Ce dernier était appelé Ponyke par les Prussiens et Uguns Mate par les Lettons. Notez la relation étymologique entre les ouguns et le dieu du feu indien Agni. Gabija était la déesse du foyer et est similaire à la Vesta romaine ou à la Bridget anglo-irlandaise. Gabija était aussi la déesse du blé, comme Déméter ou Cérès. Pendant la christianisation, elle a fusionné avec Sainte Agathe. Agatha de Sicile aurait empêché une éruption de l'Etna alors qu'elle priait. Elle est invoquée pour la guérison des brûlures. La fête de son nom tombe le 5 février, trois jours seulement après la Chandeleur. Les Romuva contemporains (c'est-à-dire les païens lituaniens) célèbrent toutefois une fête dédiée au dieu du tonnerre Perkunas au début du mois de février. Pour eux, la fête des lumières est dédiée au feu sacré qui est apporté par la foudre céleste.

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Le char de Sainte-Agathe de Catane (Sicile).

Le retour du soleil était et est célébré par la cuisson de crêpes, ces délices ronds et jaunes qui représentent le soleil. La Chandeleur est également connue sous le nom de "crêpes de la Vierge", une fête célébrée dans  toutes les couches de la population et pour laquelle on dit : "Aussi pauvre que soit la femme, à la Chandeleur elle réchauffera sa poêle". Dans certaines régions, la cuisson des crêpes a été remplacée par la cuisson de boules d'huile ou de beignets aux pommes. 

La fête des lumières est également appelée la fête des semailles ou des labours. Pendant cette période, il fait déjà assez chaud pour semer à nouveau. La terre vierge du printemps, qui n'a pas encore été ensemencée, est déchirée à l'aide d'une charrue sacrée. Dans le sillon était ensuite saupoudré un peu de grain de la récolte précédente pour s'assurer que la prochaine récolte serait aussi bonne. Remarquez que la fête des semailles de février, dans la roue de l'année, est directement opposée à la fête de la moisson d'août. Ces deux fêtes sont très étroitement liées : semer et récolter, ou créer et tuer, sont les deux faces d'une même pièce. La fête des semailles précède donc la fête du printemps, la renaissance de la nature. La fête de la moisson, qui était aussi une fête d'automne (cf. l'anglais harvest), la mort de la nature, précède la fête de la mort. La mort est également représentée par une faux de fauchage.

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Si nous gardons tous ces faits à l'esprit, et que nous les regardons à partir de la tradition germanique/nordique, alors la Marie de la fête des lumières chrétienne dans notre fête des lumières païenne n'est autre que la déesse à laquelle on sacrifiait à l'époque ; les Disen en Scandinavie comme Idun et Freya. La poupée que nous brûlons est le géant Thjazi. Le fait que Marie soit portée dans les champs est une continuation du culte des champs de la Déesse Mère comme Nerthus ou Ceres. (Notez que lors des fêtes de la moisson, c'est alors la vieille femme qui est la mère du blé comme Holle, Perchta, et, qui sait, probablement Tamfana aussi...). En février, la nature commence à renaître et c'est pourquoi on apporte de jeunes brindilles dans la maison, on en frappe les arbres pour réveiller la nature, ou sur les fesses des femmes pour réveiller leur fertilité. L'hiver a été chassé, le printemps arrive, les jours s'allongent, la lumière revient et le nouveau soleil, la fille d'Alfrodul, gagne en force. 

Sources :

- De Vries, J. (1994). Edda. (goden- en heldenliederen uit de Germaanse oudheid)/ingeleid, vertaald en geannoteerd door Jan de Vries. Ankh-Hermes – Deventer.
- Barnet, M. (1998). Goden en mythen van de Romeinen. ADC - Nazareth
- Trouillez, P. (2019). De Germanen en het Christendom. (een bewogen ontmoeting in de 5de – 7de eeuw). Omniboek – Utrecht.
- Van Gilst, A. (2012). Van Sint Margriet tot Sint Katrien. (oogst en herfst in ons volksleven). Aspekt – Soesterberg.
- Vermeyden, P. & Quak, A. (2000). Van Aegir tot Ymir.(personages en thema’s uit de Germaansen en Noordse mythologie). Sun – Nijmegen.
 

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mardi, 11 janvier 2022

Les religions des Celtes et des peuples balto-slaves: une étude classique de Vittore Pisani

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Les religions des Celtes et des peuples balto-slaves: une étude classique de Vittore Pisani 

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/le-religioni-dei-celti-e-dei-popoli-balto-slavi-uno-studio-classico-di-vittore-pisani-giovanni-sessa/


Vittore Pisani, éminent chercheur décédé en 1990, a apporté du prestige à la tradition des études philologiques et historico-religieuses. Il enseignait aux universités de Florence et de Cagliari et, plus tard, à l'université de Milan, qui avait déjà intégré l'Académie royale scientifique et littéraire, où Graziadio Isaia Ascoli de Gorizia avait auparavant enseigné. L'illustre savant de la région d'Isonzo a eu le mérite de libérer la glottologie des contraintes méthodologiques qui la rattachaient jusqu'alors à l'histoire comparée des langues. Pisani a travaillé sur la base de l'intuition d'Ascoli. C'est ce que rappelle Maurizio Pasquero dans l'introduction d'un important ouvrage du philologue, Le religioni dei Celti e dei Balto-Slavi nell'Europa preeristiana. Le volume vient d'être publié par Iduna editrice (pour les commandes : associazione.iduna@gmail.com, pp. 101, euro 12.00).

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La première édition du livre était sortie en 1950. Il s'agissait d'une réélaboration d'une série d'écrits que l'auteur avait publiés dans la prestigieuse Storia delle religioni, éditée par UTET et dirigée par Pietro Tacchi Venturi, connu comme le "jésuite de Mussolini". Le texte a la rigueur d'une étude académique mais est en même temps capable d'impliquer le lecteur non-spécialiste.

Le trait qui se dégage immédiatement des œuvres de Pisani est la dimension fabulatrice et impliquante de la prose. Le volume en question s'ouvre sur une discussion de la religion des Celtes. L'auteur part de la présentation de l'état "fluide" dans lequel se trouvait l'Europe primitive, suspendue entre les cultes chthoniques-féminins des religions indo-méditerranéennes et la nouvelle vision dont les envahisseurs eurasiens étaient porteurs. Ces derniers avaient une vision patrilinéaire et, par conséquent, leur monde était "socialement stratifié, élevant [...] des figures majoritairement masculines dans leur panthéon céleste" (p. IV). Dans l'exégèse des cultes des peuples étudiés, un mélange des deux cultures émerge. Du point de vue de la méthode, il faut tenir compte du fait que les informations dont nous disposons sur la période la plus archaïque des religions des Celtes et des Balto-Slaves sont limitées et, dans les périodes ultérieures, viciées par les interprétations romaines et chrétiennes.

Au centre de la religion celte se trouvait la caste sacerdotale des druides, qui transmettait oralement le savoir sacré. Le Keltiké des origines avait l'apparence d'"une religion homogène, polythéiste, fortement liée aux manifestations de la nature" (p. V) mais, au fil du temps, elle a subi une transformation. Les druides exerçaient à la fois des fonctions sacerdotales, thaumaturgiques et magiques et, selon la leçon de Lucian : " ils transmettaient la doctrine de la transmigration des âmes. Mais cela [...] n'excluait pas la croyance en un "autre monde"" (pp. V-VI). Les druides officiaient lors du rituel, car ils étaient les intermédiaires de la divinité suprême, que César identifiait au Dis pater. Parfois, ils présidaient à des sacrifices humains. Ces pratiques sont stigmatisées négativement par les commentateurs gréco-latins. En réalité, la pratique de "la décapitation des ennemis n'était pas un acte de cruauté gratuite, les Celtes honoraient un vaillant adversaire et, pour célébrer sa mémoire, conservaient et exposaient sa tête" (p. VI). La triade divine suprême était représentée par Taranis, " la foudre ", Teutates, le " dieu des armées ", Esus, le dieu " sanglier ", suivis de divinités mineures comme Ogma, le dieu " éloquence ", et Cernunnus, le dieu " cerf ", en référence au Paśupati védique, Seigneur des animaux. Il y avait aussi des dieux féminins et une foule de nymphes, qui étaient honorés dans des sanctuaires naturels en plein air.

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La religion des Slaves, selon Pisani, était un système hénothéiste caractérisé par un arrangement dans lequel excellait Perun, le dieu suprême, auquel le chêne était consacré. Il était souvent représenté sous la forme du feu, prenant également le nom de "dieu de la chaleur de l'été". Il y avait aussi des dieux anthropomorphes et d'autres avec plus d'un buste ou plusieurs bras, des caractéristiques qui indiquent de possibles influences orientales. Chez les Slaves, la déification des phénomènes naturels était très répandue : le feu, les sources, les forêts, les arbres, où l'on vénérait un nombre considérable d'elfes ruraux, souvent de nature maléfique.

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Dans le culte domestique, les divinités tutélaires, semblables aux Penates romains, étaient importantes. Les rites funéraires comprenaient l'incinération et l'inhumation. En général, la crémation consistait à placer le cadavre dans une barque et à y mettre le feu. Les femmes pouvaient devenir prêtresses : la pratique de la mantique leur était attribuée. Les lieux de culte étaient des constructions en bois, sur le modèle nordique, mais "les forêts étaient le lieu de culte privilégié, tout comme les arbres étaient la résidence des dieux" (p. X).

La religion des Baltes révèle, dès le début, une harmonie évidente avec la religion indo-européenne primitive. Le père suprême était Perkúnas, une divinité ouranienne dont l'attribut était la foudre et qui est souvent identifiée au feu perpétuel, le Soleil. C'est ce que raconte le mythe de Teljavel, le forgeron qui aurait forgé le disque solaire et l'aurait placé dans le ciel. La mère du dieu suprême, Perkunatete, lavait chaque nuit le Soleil dans l'Océan pour que, le lendemain, régénéré, il brille à nouveau sur le monde.

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Parmi les divinités telluriques, un rôle important était joué par Kurkas, dieu de la fertilité. En son honneur, dans la Pologne du milieu du siècle dernier, la dernière gerbe de la récolte était encore érigée en forme de phallus. La déesse Pergrubias occupe une place centrale, faisant référence au printemps, à l'éternelle renaissance de la vie. Son culte était accompagné de celui de Pūšátis, seigneur des bois, qui vivait parmi les racines d'un sureau et était suivi par de nombreux elfes. La triade suprême du Panthéon prussien était représentée par Patelus, Perkúnas et Patrimpas. Patelus était vénéré comme un aîné, tandis que Patrimpas avait les traits d'un jeune homme. Leur pouvoir était contré par le malveillant dieu chthonien, Vēlionis, gardien des âmes et praticien de la magie noire. Les landes, les eaux et les forêts étaient considérées comme sacrées: "Les cultes religieux se déroulaient principalement en plein air et consistaient en des sacrifices qui [...] comprenaient des offrandes végétales et animales" (p. XIII). Le temple le plus important se trouvait à Romowe et le culte était présidé par un pontifex maximus.

 Il s'agit d'un livre important, car il met en lumière les aspects essentiels des religions archaïques, encore peu connues aujourd'hui, mais pertinentes pour la définition de l'ubi consistam de la Tradition européenne.

 Giovanni Sessa

vendredi, 24 décembre 2021

Honneur à Terminus, le dieu des frontières

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Honneur à Terminus, le dieu des frontières

Diego Fusaro

Ex: https://www.geopolitica.ru/es/article/honor-terminus-el-dios-de-las-fronteras

Terminus : c'était le nom de la divinité limite adorée par les Romains dans un temple spécial sur la colline du Capitole. En son honneur, des pierres ont été plantées pour marquer les limites des fermes. Ovide le célèbre en vers dans les Fastos (II, vv. 640-650) : " Que le dieu dont la présence marque les limites des champs soit dûment célébré. O Terme, qu'il s'agisse d'une pierre ou d'un poteau planté dans le champ, tu as un pouvoir divin (numen) depuis l'antiquité". Hegel n'a pas tort lorsque, dans ses Leçons sur la philosophie de la religion, il affirme que la religion des Romains, à la différence de la religion grecque, fondée sur la beauté, est la " religion de la finalité extérieure ", dans le panthéon de laquelle les dieux sont compris comme des moyens pour la réalisation de fins entièrement humaines : le Terminus n'échappe pas non plus à cette logique, car il incarne la nécessité très matérielle et même banale de subdiviser la terre.

Les Terminalia étaient aussi les fêtes dédiées au dieu, introduites par Numa Pompilius pour le 23 février : à l'occasion de la fête, les deux propriétaires des frontières adjacentes couronnaient de guirlandes la "statue" du dieu, une simple pierre fichée dans le sol, et érigeaient un autel grossier. La fête publique s'est déroulée à la borne du kilomètre VI de la voie Laurentienne, identifiée à la limite originelle du territoire de l'Urbs.

On peut raisonnablement affirmer que l'essence de la frontière, outre la figure de Terminus, peut également être déchiffrée à travers un autre dieu romain, Janus, la divinité dont les deux visages font allusion au passage. Du dieu Janus dériverait la même devise ianua, qui renvoie à la "porte" comme figure par excellence d'un passage réglementé et qui remplit donc de manière paradigmatique la fonction de frontière entre l'intérieur de la domus et son extérieur. La ville de Gênes elle-même devrait, selon certains, devoir son nom à sa position particulière d'ianua régulatrice du transit biunivoque entre les puissances thalassiques et telluriques.

De ce point de vue, le "con-fino" indique une vérité aussi simple que profonde : à savoir que séparer et relier sont deux faces différentes d'un même acte, représenté par ce seuil par excellence qu'est la porte, dont l'ontologie fondamentale (par rapport à celle du pont) fait d'ailleurs l'objet d'une importante étude de Simmel. Une maison sans portes et sans accès n'est plus une maison, mais une forteresse, un espace clos inaccessible et, pour ceux qui y sont enfermés, une prison oppressante. Contrairement au mur, qui est hermétiquement fermé, la frontière sépare en unissant et unit en séparant : son essence est relationnelle, car elle favorise la relation dans l'acte même de veiller à ce que les personnes liées restent distinctes.

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Le mur, par son essence même, est un finis matérialisé, sans le "avec" du cum-finis : l'autre est exclu et caché, refusé au toucher et à la vue, expulsé dans sa forme la plus radicale. L'autre est exclu et caché, privé du toucher et de la vue, expulsé dans sa forme la plus radicale. Le mur érigé par Israël en Cisjordanie, avec sa volonté explicite de se désengager, même visuellement, des Palestiniens, en est un sinistre exemple, parmi tant d'autres. En tant que seuil et limite osmotique, la con-fine est au contraire un seuil relationnel : elle reconnaît l'altérité de l'autre et le rend égal à nous en tant que sujet, acceptant et confirmant ainsi cette variété irréductible de l'être et du monde que le mur et la traversée voudraient nier.

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Dans sa logique sous-jacente, la frontière est donc le non-reniement de l'autre et, en outre, le fondement de toute relation possible avec l'autre, puisqu'elle présuppose toujours - cela va de soi - que l'autre est. On dit souvent, sur un ton désormais proverbial, que nous avons besoin de ponts et non de murs. C'est vrai, à condition d'apporter une double précision, qui n'est pas oiseuse : a) tout pont n'est pas relationnel, puisque nous savons, depuis Les Perses d'Eschyle, que le pont a aussi une possible fonction martiale et agressive ; b) le pont existe tant qu'il y a deux rives différentes qui se relient, ce qui nous permet de comprendre le pont lui-même comme un cas spécifique de frontière et, donc, de relation entre des identités différentes.

Il ne faut pas oublier que la génération elle-même a lieu sous la forme d'une relation à double sens, et aussi sous la forme d'un choix d'ouverture à l'autre et de relation avec lui sans perdre sa propre différence : la frontière qui marque la différence de genre entre le masculin et le féminin et la différence ontologique entre le Je et le Tu ne nie pas la relation, mais la garantit. En garantissant la différence, elle rend possible la relation et la reconnaissance de manière fructueuse.

Source première: https://avig.mantepsei.it/single/onore-a-terminus-il-dio-del-confine