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jeudi, 25 août 2022

La Malaisie en guerre contre le cinéma occidental: les films à contenu Lgbt sont bloqués

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La Malaisie en guerre contre le cinéma occidental : les films à contenu Lgbt sont bloqués

Par Cristina Gauri

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/esteri/malesia-cinema-occidentale-film-contenuti-lgbt-241641/

Rome, 15 août - Encore des problèmes pour le film Thor : Amour et Tonnerre, produit par Marvel : après avoir encaissé les interdictions de la Chine, qui a bloqué sa projection en salle pour un contenu jugé trop Lgbt-friendly, c'est maintenant le tour de la Malaisie, qui a interdit sa distribution car il "alimente la culture gay". Thor est en bonne compagnie : Buzz Lightyear et son baiser saphique entre les deux femmes principales - qui n'avait déjà pas réussi à passer les contrôles stricts des Émirats arabes - n'a pas non plus réussi à franchir les frontières malaisiennes. Les deux films avaient été soumis après que les sociétés de production aient refusé de faire les coupes exigées par le gouvernement de Kuala Lumpur.

La Malaisie rejette Thor et Buzz l'Éclair : "contenu Lgbt"

Le refus de distribuer les deux films s'inscrit dans le cadre d'une campagne de répression annoncée par le vice-ministre malaisien des communications, Zahidi Zainul Abidin, qui a confirmé l'engagement du gouvernement à censurer autant de contenus LGBT que possible : "Actuellement, nous nous rendons compte que de nombreux films comportant des éléments homosexuels parviennent à passer la censure", a-t-il déclaré, faisant notamment référence aux séries et aux films diffusés sur les plates-formes de diffusion vidéo. "Nous avons toujours été stricts et engagés", a-t-il déclaré. Et ce, malgré le fait que la Malaisie dispose de lois qui promeuvent et défendent la tolérance raciale et religieuse : la majorité de la population malaisienne est en effet musulmane et donc peu tolérante vis-à-vis de l'homosexualité et de la propagande LGBT dont regorgent les productions occidentales actuelles.

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Mais les plateformes de streaming échappent à l'examen

Outre les deux films susmentionnés, le gouvernement malaisien a récemment empêché la projection d'autres films, dont Rocketman, sur la vie d'Elton John, et un livre intitulé Gay Is OK ! Une perspective chrétienne. Il est plus difficile d'intervenir dans le cas des plateformes de streaming, telles que Netflix, Disney+ et Amazon Prime Video, qui ne sont pas des diffusions publiques. C'est pourquoi le ministère des Communications a lancé une campagne de sensibilisation pour que les familles exercent un contrôle plus strict sur les contenus visionnés par leurs enfants, grâce à l'utilisation du contrôle parental.

Cristina Gauri

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lundi, 18 juillet 2022

Contre la glace, le courage, la découverte et beaucoup de froid

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Contre la glace, le courage, la découverte et beaucoup de froid

Fabio S. P. Iacono

SOURCE : https://www.destra.it/home/against-the-ice-coraggio-scoperte-e-tanto-freddo/

Against the Ice est un film inspiré d'une histoire vraie. Au début des années 1900, les Danois Ejnar Mikkelsen et Ivar Iversen se sont isolés pendant plus de huit cents jours dans la glace du Groenland pour prouver, non seulement sur le papier mais dans les faits, que cette énorme surface de glace appartenait au Danemark et que les revendications des Américains étaient fictives et de mauvaise foi.

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Ejnar Mikkelsen (joué par Nicolaj Coster-Waldau, également connu sous le nom de Jaime Lannister et scénariste et producteur du film), est un vétéran de l'exploration polaire. Aux commandes du navire Alabama, bloqué par la glace, il décide de ne laisser son équipage prendre aucun risque et de partir avec Ivar Iversen (Joe Cole), le motorman, pour une reconnaissance dangereuse. Sur le chemin du retour, il se passe tout et n'importe quoi : les preuves sont stockées sous des rochers, mais le navire est parti et il ne reste qu'une cabane. Ils y restent et décident ensuite de récupérer les preuves, mais lorsqu'ils retournent à la base, ils découvrent que quelqu'un était venu les secourir. Un canular.  Mikkelsen et Iversen doivent donc se résigner à de nouvelles attentes et survivre jusqu'aux limites extrêmes de l'endurance physique et psychologique. Enfin, le salut. Inattendu et surprenant.

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Le réalisateur Peter Flinth reproduit efficacement l'ensemble de l'histoire avec une précision presque artisanale, et Against the Ice est un film habilement produit et emballé. Le film a été présenté hors compétition au Festival du film de Berlin 2022. En Italie, il est sur Netflix depuis quelques jours.

Fabio S. P. Iacono

 

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mardi, 24 mai 2022

Idiocratie et cinéma

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Idiocratie et cinéma

Nicolas Bonnal

Le cinéma a peut-être décliné depuis John Ford ou Fritz Lang, mais il reste toujours ce qui dit la vérité vingt-quatre fois par seconde, surtout quand il est d’essence commerciale. Certainement plus que la réalité organisée des news et des docus. C’est que la fiction, comme disait Mark Twain rend certainement plus compte de la réalité que le journalisme, qui n’a jamais été aussi totalitaire et diffus qu’aujourd’hui.

Que nous apprend cette crise du virus, cette montée du totalitarisme technologique et du camp de concentration planétaire ? Que nous sommes des idiots et des lâches (regardez le pauvre Philippot qui se débat avec quelques centaines de manifestants chaque fois) dirigés par des tyrans débiles, dont les solutions sont criminelles, suicidaires, inefficaces. Le dénominateur commun de tout cela c’est l’idiotie. La foule mondialiste veut du reset et du vaccin, de la prison et de la mort – ce que son élite appelle par exemple la transition énergétique. Elle veut aussi de l’esclavage volontaire, et cette soumission, on le sait depuis La Boétie et depuis l’Antiquité, accompagne l’idiotie. Au sens strict de mon dictionnaire de grec ancien, l’idiot est celui qui n’a pas de vie sociale, celui qui s’est marginalisé, confiné dans la cité – du fait de sa stupidité, mais pas seulement. Aujourd’hui nous sommes tous confinés, mais devant la télé – ou les écrans. Nous sommes réunis dans le séparé, disait Guy Debord. Cette idiotie sociale s’accompagne surtout chez nos élites aussi d’un délabrement intellectuel. Tout devenant théorie de complot, on ne saurait s’intéresser à rien, sous peine… L’imbécillité des Schwab, Gates, Macron, ne saurait nous étonner. Le maître Cipolla professeur à Oxford a brillamment défini le stupide : c’est l’homme de décision qui nuit à tous ses prochains sans forcément en tirer parti. Certes certains peuvent être achetés par Soros (les parlements, les juges) ou Bill Gates (les médecins, les journalistes), mais cela ferait trop de gens ; et ce qui caractérise le gouvernement Macron c’est le pullulement des imbéciles. Il est évident en France, ce pullulement, je dirais depuis l’ère Sarkozy et peut-être même depuis l’époque de Chirac, qui mit ce même Sarkozy et notre sorcière Lagarde aux affaires (le gouvernement Juppé de 1995 était aussi un désastre obscur). Depuis cette époque (comme je regrette mon « grand initié » Mitterrand qui m’avait même répondu !) la France n’a fait que se déliter sur le plan intellectuel, moral, matériel, économique, libéral, bref sur tous les plans. Et à part une poignée de grincheux dont je ne fais plus partie, tout le monde de nos sous-doués s’en tape.

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J’en viens au cinéma : le cinéma a reflété cette montée de l’imbécillité et des idiots. Avant les idiots étaient des idiots (Laurel et Hardy) ; aujourd’hui les héros sont idiots. En Espagne on a eu Torrente, en France Dujardin avec Brice ou OSS 117. En Amérique on a eu les excellents Dumb et Dumber (jouer à l’handicapé physique ou mental pour ne pas travailler devient une industrie occidentale) et puis le mouvement s’est accéléré : on a eu les débiles bourrés de Las Vegas et Hong-Kong (la trilogie de « Hangover » de l’excellent et très lucide Todd Phillips), on a eu les wedding crashers, et toutes ces comédies grand public ont accompagné le cinéma d’auteur américain.

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Cela fait quarante ans en effet que Jim Jarmusch décrit l’imbécillité américaine, cela a commencé avec « Stranger than paradise », puis cela s’est prolongé avec le grand acteur de cette prostration intellectuelle et morale, j’ai nommé Bill Murray, qui chassait jadis les démons à New York (« Ghostbusters »). Exaspéré par Trump et cette montée irrésistible, Jarmusch a filmé aussi les zombies dans un film éponyme qui montre nos zombies le pif toujours dans leur smartphone ! Jarmusch a aussi été le cinéaste du délitement industriel américain (qui commence à Cleveland, comme « Voyage au bout de l’enfer ») et il semble que deux décisions aient contribué à cette montée de l’imbécillité de masse : la fin de l’étalon-or qui fit enfler les programmes sociaux et la désindustrialisation (les délocalisations).

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Je vais vous dire une chose : je ne parle qu’aux gens qui exercent un travail manuel utile, car les autres sont devenus cons comme la lune, fonctionnaires, bureaucrates, profs, etc. Le travailleur manuel est l’avenir de l’humanité, et il en reste fort peu. Vive le marteau et la faucille, comme dirait Georges Marchais.

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À côté de Jarmusch on a les frères Coen, qui ont très bien filmé l’imbécillité des riches dans « Intolerable cruelty » par exemple. Mais leur record de la stupidité cruelle à tous les niveaux reste « Fargo » ; ici on est dans la vingt-cinquième heure de Gheorghiu, dont j’ai déjà parlé. Désolé pour tout le monde, il est trop tard pour le messie et ceux qui s’aspergent d’apocalypse feraient mieux d’étudier la notion de nécro-politique ou hystérésie. Quelque chose (un pays, la démocratie, les hommes), peut être mort et vivre encore. On verra ce que le futur nous réserve quand plus de 99% des imbéciles seront vaccinés et persécuteront cruellement ceux qui ne le sont pas ; tout ça pour une pandémie qui tue une personne sur trois mille…

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Je vais citer d’autres noms ; la fille Coppola, qui ne cesse de surprendre et qui est un génie incompris alors qu’elle a magnifiquement montré le devenir idiot de la mondialisation. « Lost in translation » montre l’abrutissement du japonais (référence d’Harari comme de Kojève), avec ce bombardement médiatique qui déclenche dans chaque pays un Hiroshima intellectuel. C’est la pluie noire dont a parlé Ridley Scott dans un film incompris. Coppola aussi a montré l’abrutissement des jeunes par les réseaux sociaux dans « Bling Ring ». On cambriole des stars vues dans Facebook ou Instagram puis on se fait prendre en photo avec le butin avant d’être fait prisonniers par la police…

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Le film « Somewhere » montre la nullité de la vie d’un people à Los Angeles qui couche avec toutes les filles qui l’assaillent (et ne lui ont pas fait le coup de Me Too). Même « Marie-Antoinette » montrait la crétinisation de la Cour versaillaise que Taine avait magnifiquement dénoncée dans le premier tome de ses « Origines de la France contemporaine » (voyez mon texte). Taine aussi a vu l’inquiétante montée (y compris chez Molière) du fonctionnaire et bourgeois qui depuis la république tyrannisent la France. Ils avancent avec un pouvoir fort et centralisé, explique-t-il, oubliant qu’ils fabriquent leurs idiots à la chaîne ensuite, via les médias, la médecine, les études (oh, ces femmes savantes contre qui se bat la grand-mère de Ricardo Boutry…).

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On terminera avec Alexander Payne cinéaste américain de culture orthodoxe dont les comédies décalées (« Sideways », « les Descendants », « Nebraska ») filment sans concession mais aussi sans lourdeur et sans méchanceté, ce dumbing down, cet effritement intellectuel des Américains et de notre humanité. Et on ajoutera ceci : ces films ne sont pas des produits critiques d’avant-garde façon « Weekend » de Godard. Ce sont des films grand public qui reflètent un affaissement ontologique intégral, et dans lesquels le grand public s’est joyeusement reconnu.

La crétinisation a été mal évaluée : on a vu Céline (voyez mes textes), Cipolla (voyez mes textes encore) on rappellera Debord : « L’ineptie qui se fait respecter partout, il n’est plus permis d’en rire ; en tout cas il est devenu impossible de faire savoir qu’on en rit ». Debord ajoutait toujours dans ses Commentaires si extraordinaires : « Et plus assurément il a été presque partout estimé que les recherches géologiques d’un gisement pétrolier dans le sous-sol de la ville de Paris, qui ont été bruyamment menées à l’automne de 1986, n’avaient pas d’autre intention sérieuse que celle de mesurer le point qu’avait pu atteindre la capacité d’hébétude et de soumission des habitants ; en leur montrant une prétendue recherche si parfaitement démentielle sur le plan économique ».

Le grand reset et la lutte contre le virus relèvent de la même démence et de la même hébétude : rien de nouveau au royaume du sommeil.

Terminons par une brève allusion à « Idiocracy ». Les frères Coen ont déclaré qu’ils ne pensaient pas arriver en 15 ans à une situation qu’ils pensaient voir arriver dans 500 ans. Certes, certains se défoulent avec Trump mais à voir ce que Biden accomplit en ce moment avec ses woke, ses BLM, son pentagone et ses errances russopobes-sinophobes on ne peut qu’admirer l’accélération de cette Fin de l’Histoire décidément pas comme les autres. Il est clair, me confirmait Lucien Cerise, que l’on va vers un effondrement plus que vers une dictature terrifiante. « Le destin du spectacle n’est pas de finir en despotisme éclairé ». Le spectacle, c’est la démocratie libérale avancée de Giscard qui vire au fascisme gâteux et inopérant. Ce cadre déprimant peut toutefois fournir à une poignée de jeunes bien organisés et de militants survivalistes une extraordinaire fenêtre d’action. Il faudra en reparler.

 

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vendredi, 06 mai 2022

Exemples de bellicisme hollywoodien

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Exemples de bellicisme hollywoodien

par Georges FELTIN-TRACOL

En 2003, les éditions Autrement publient un essai magistral de Jean-Michel Valantin, Hollywood, le Pentagone et Washington. Les trois acteurs d’une stratégie globale. Ce livre dévoile de profondes, solides et vieilles complicités entre le milieu cinématographique et le puissant complexe militaro-industriel présents aux États-Unis d’Amérique. L’auteur se focalise sur l’imbrication totale entre différents plans (personnalités, récits, financements) au point qu’il qualifie l’ensemble ainsi étudié de « complexe militaro-cinématographique » et de « cinéma de sécurité nationale ».

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Depuis la parution de ce maître-ouvrage, ce complexe discret a encore entendu son influence. Sous le premier mandat (2009 – 2013) de Barack Obama, Jonathan « Jon » Favreau animait l’équipe des « plumes » du 44e président avant de se lancer dans une carrière de scénariste à Hollywood. Ainsi a-t-il écrit le scénario de la série 1600 Penn. Attention toutefois au risque de confusion avec un homonyme, Jon Favreau, lui aussi scénariste des plusieurs films et séries (la franchise Marvel, Le Loup de Wall Street ou The Mandalorian). Sous Donald Trump (2017 - 2021), un ancien cadre de Goldman Sachs, Steven Mnuchin, occupe le poste de secrétaire au Trésor. Avant cette incursion politique, il avait produit des films comme Edge of Tomorrow (2014), Mad Max. Fury Road (2015) ou Batman vs Superman. L’aube de la justice (2016).

Ennemis désignés

Les liens structurels entre le cinéma de sécurité nationale et l’identité stratégique étatsunienne sont si prégnants qu’il faut de temps en temps les contester sur le grand écran. En 2013, Roland Emmerich réalise White House Down. Candidat recalé du Secret Service, John Cale (Channing Tatum) et sa fille Emily se retrouvent en pleine prise d’otage à la Maison Blanche. Ancien Marine, Cage sauve le président – noir – des États-Unis, James Sawyer (Jamie Foxx). Financés par les industries militaires qui ne désirent aucun règlement de paix durable au Moyen-Orient, les terroristes proviennent des mouvances d’« extrême droite ». Or, l’un des assaillants, Carl Killick (Kevin Rankin), au comportement de parfait psychopathe, qui doit surveiller une trentaine d’otages, porte en tatouage le A cerclé des anarchistes. L’anarchisme serait-il selon les critères hollywoodiens une variante du fascisme ou du nationalisme blanc ?

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L’assaut de la résidence officielle du chef de l’État yankee fait aussi l’objet d’un autre film, le premier d’une trilogie, intitulé La chute de la Maison Blanche (2013) d’Antoine Fuqua. Ce ne sont plus de très vilains fascistes qui s’emparent du célèbre bâtiment et de la personne du président Benjamin Asher (Aaron Eckhart), mais un commando nord-coréen très efficace. Et pourquoi pas des Suédois ? Ce parti-pris ne surprend pas. Ce film contribue à travers la distraction et le divertissement à la manipulation des masses qui ne peuvent envisager la République populaire démocratique de Corée qu’en tant que menace existentielle pour la paix mondiale… La Corée du Nord est aussi dénoncée dans le film de Lee Tamahori, Mourir un autre jour (2002). L’intrigue commence sur une plage coréenne du Nord où débarque en toute discrétion l’agent britannique 007 James Bond. Il est vrai qu’il peut ensuite passer inaperçu dans les campagnes de ce pays…

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Autre cible cinématographique du complexe militaro-cinématographique : le Bélarus. Réalisé en 2017 par Patrick Hughes, Hitman and Bodyguard raconte l’alliance de circonstance entre deux ennemis intimes. Le garde du corps Michael Bryce (Ryan Reynolds) doit protéger le redoutable tueur à gage Darius Kincaid (Samuel L. Jackson) afin qu’il puisse témoigner devant la Cour pénale internationale de La Haye des crimes contre l’humanité commis par le dirigeant bélarussien Vladislav Dukhovich. Pourquoi le Bélarus et non pas l’Arabie Saoudite qui, c’est bien connu, apporte un bonheur certain au Yémen depuis plusieurs années ?

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Gary Oldman joue le président Dukhovich. En 1997, cet acteur interprète Korchunov, le chef des « méchants » dans le film germano-étatsunien de Wolfgang Petersen Air Force One. C’est le premier film qui met en scène le président des États-Unis. La source ne tarira plus avec White House Down où James Sawyer manipule un lance-roquette pendant une poursuite automobile dans le parc de la Maison Blanche ou dans des séries télévisées telles que The West Wing (À la Maison-Blanche), Commander in Chief (Commandant en chef) ou Designated Survivor (Survivant désigné).

Un modèle du genre

Air Force One s’ouvre sur une opération des forces spéciales yankees qui s’emparent au Kazakhstan du général Ivan Radek joué par Jürgen Prochnow, le commandant de sous-marin allemand dans Le Bâteau de Wolfgang Petersen, et le duc Leto Atreides dans Dune de David Lynch. En visite d’État en Russie quelques semaines plus tard, le président James Marshall (Harrison Ford) prononce un discours musclé devant des hôtes ravis. Dorénavant, les États-Unis ne discuteront plus avec les « États voyous »; ils les combattront jusqu’au dernier. Le dirigeant occidental doit retourner à Washington à bord de l’avion présidentiel qui donne son titre au film. Son épouse Grace et leur fille Alice l’accompagnent. Bénéficiant de l’aide du responsable de l’équipe de protection présidentielle du Secret Service, Gibbs, six faux journalistes montent à bord et s’emparent de l’avion. Ils exigent la libération immédiate du général Radek jugé ultra-nationaliste, mais qui sort de la prison au son de L’Internationale chantée par les détenus avant d’être abattu au dernier moment. Ivan Radek incarne aux yeux du scénariste Andrew W. Marlowe la quintessence du militarisme rouge – brun national-soviétique…

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Ancien vétéran du Vietnam où il pilotait des hélicoptères, James Marshall ne se laisse pas faire. Il combat les preneurs d’otages. Pendant ce temps à la Maison Blanche, des divergences apparaissent vite entre la vice-présidente Kathryn Bennett (Glenn Close) – une première à l’écran de féminiser ce poste ! - et le secrétaire à la Défense Walter Dean. Qui prend les décisions urgentes en cas d’empêchement du président ? Bennett intervient en présidente par intérim alors que Dean veut invoquer le XXVe amendement qui permet la déposition du président en exercice par la majorité des membres du gouvernement. Le film pose donc une vraie question d’ordre constitutionnel nullement résolue.

Par ailleurs, par les bons soins du scénariste, lors d’une courte conversation avec Alice Marshall, Korchunov lui dit qu’il tue des innocents à l’instar de son président de père qui ordonne des frappes dévastatrices et des bombardements aveugles qui font de nombreuses victimes… Finalement, incurable optimisme oblige, James Marshall rétablit la situation et sauve sa famille. En 2016, un sondage du Wall Street Journal distinguait James Marshall comme le plus grand président fictif des États-Unis ! C’est sûr que ce ne serait pas le valétudinaire Joe Biden qui cognerait l’un des assaillants dans la soute de l’appareil !

Air Force One annonce les thrillers qui propageront la vue du monde néo-conservatrice, cette propension inacceptable à vouloir imposer un bonheur matériel consumériste et hédoniste à tous les peuples de la Terre enfin soumis au mantra des « droits de l’homme ». Depuis la sortie de ce film aux scènes haletantes, le complexe militaro-cinématographique continue à répandre une propagande incessante qui ne fait qu’alimenter l’hubris belliciste de l’Occident globalitaire américanomorphe.

Georges Feltin-Tracol.

dimanche, 01 mai 2022

The Network et la vision du monde du capitalisme mondial

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The Network et la vision du monde du capitalisme mondial

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/04/30/the-network-ja-globaalikapitalismin-maailmankuva/

Le film The Network (1976) traite d'une chaîne de télévision fictive appelée UBS, qui diffuse n'importe quel programme sensationnaliste dans l'espoir d'attirer de larges audiences.

La meilleure partie de The Network est que le protagoniste capitaliste du film exprime l'extrémisme du pouvoir de l'argent, qui est habituellement adouci par l'utilisation d'un langage pseudo-humaniste.

Cette œuvre satirique est d'autant plus opportune que dans le monde en décomposition d'aujourd'hui, la place du cabinet et du capital est toujours dominée par la corporatocratie, le pouvoir corporatif des cosmopolites sans racines de Londres et de Washington dont le libéralisme économique toxique a pourri les sociétés ordonnées et ce, depuis les premières années de l'après-guerre.

Selon l'économiste Jeffrey Sachs, ce "pouvoir des entreprises" aux États-Unis peut être résumé en quatre groupes puissants: le "complexe militaro-industriel, le complexe Wall Street-Washington, le complexe pétrole-transport-militaire et le complexe des soins de santé".

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The Network est écrit par Paddy Chayefsky (photo) et réalisé par Sidney Lumet. Avec Faye Dunaway, William Holden, Peter Finch et Robert Duvall. Ned Beatty joue le rôle d'Arthur Jensen, qui est présenté dans cet article. Le film a remporté quatre Oscars, celui du meilleur acteur, de la meilleure actrice, du meilleur second rôle et du meilleur scénario original.

De manière significative, en 2000, la bibliothèque du Congrès américain a sélectionné le film pour le conserver dans le National Film Registry, une collection de films américains "culturellement, historiquement ou esthétiquement significatifs".

En 2005, deux Writers Guilds of America ont sélectionné le scénario de Chayefsky comme "l'un des dix meilleurs scénarios de l'histoire du cinéma". En 2007, le film a été classé 64ème parmi les 100 meilleurs films américains sélectionnés par l'American Film Institute.

Voici quelques-unes de mes citations préférées, librement traduites du film. Elles appartiennent à une scène dans laquelle le chef du réseau de télévision USB, le capitaliste et archi-mondialiste Arthur Jensen (Ned Beatty) explique au protagoniste, le présentateur de nouvelles congédié Howard Beale (Peter Finch), à quoi il pense que le monde ressemble. Même Beale, épuisé, a l'occasion de s'exprimer à la fin.

Présentant une vision du monde du capitalisme mondial, le discours brûlant de Jensen sonne de façon réaliste. Cet état de fait va-t-il changer ? Ces dernières années, l'élite financière a cherché non seulement à montrer sa force dans des circonstances exceptionnelles, mais aussi à ralentir le ralentissement économique que les milieux capitalistes ont eux-mêmes provoqué du fait de leur avidité.

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Lorsque l'argent et le pouvoir sont en jeu, le sort des États et des peuples n'a que peu d'importance. Voici un aperçu de l'esprit d'Arthur Jensen dans la fiction, mais aussi des capitalistes exploiteurs dans la vie réelle. Cette attitude technocratique de l'hégémon du dollar vous semble-t-elle familière ?

"Vous êtes un vieil homme qui pense encore en termes de nations et de peuples. Il n'y a pas de nations. Il n'y a pas de peuples. Il n'y a pas de Russes. Il n'y a pas d'Arabes. Il n'y a pas de tiers monde. Il n'y a pas d'Occident".

"Il n'y a qu'un seul système total de systèmes, un royaume vaste et entrelacé, interactif, multidimensionnel et multinational de dollars... Le système monétaire international détermine la totalité de la vie sur cette planète. C'est l'ordre naturel des choses aujourd'hui. C'est la structure atomique, subatomique et galactique des choses d'aujourd'hui !".

"Vous êtes assis devant votre petit écran de 21 pouces et vous hurlez sur l'Amérique et la démocratie. Il n'y a pas d'Amérique. Il n'y a pas de démocratie. Il n'y a que IBM, ITT, AT&T et DuPont, Dow, Union Carbide et Exxon. Ce sont les nations du monde d'aujourd'hui".

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"A votre avis, de quoi parlent les Russes dans leurs conseils d'Etat? De Karl Marx ? Ils sortent leurs tableaux de programmation linéaire, leurs théories de décision statistique, leurs solutions minimax et calculent les probabilités de prix et les coûts de leurs transactions et investissements tout comme nous le faisons".

"Nous ne vivons plus dans un monde de nations et d'idéologies. Le monde est un collège de sociétés inexorablement régi par les règles immuables du commerce. Le monde est une entreprise. C'est le cas depuis que l'homme a rampé hors du monde primitif."

"Et nos enfants vivent pour le voir... un monde parfait... où il n'y a pas de guerres ou de famines, pas d'oppression ou de brutalité. Il n'y a qu'une seule grande société de gestion œcuménique, pour le profit commun de laquelle tous les hommes travaillent, et dans laquelle tous les hommes ont une part. Tous les besoins sont satisfaits, toutes les angoisses apaisées, tout l'ennui amusé."

Le propre discours d'Howard Beale à la télévision, prononcé par un présentateur de journal télévisé indigné, n'a pas suscité la sympathie des téléspectateurs. C'était trop sérieux, trop pessimiste, trop vrai. Suite à son discours, les notes ont chuté et il doit être remplacé par un nouvel employé. Mais ce que dit Beale reflète le présent et l'avenir.

"Je n'ai pas besoin de vous dire que les choses vont mal. Tout le monde sait que les choses vont mal. C'est la récession. Tout le monde est au chômage ou a peur de perdre son emploi. Le dollar a perdu un cinquième de sa valeur, les banques font faillite, les commerçants gardent une arme sous le comptoir. Les hooligans se déchaînent dans les rues, et personne ne semble savoir quoi faire, et il n'y a pas de fin en vue."

"Nous savons que l'air n'est pas bon à respirer et que la nourriture n'est pas bonne à manger. Nous sommes assis, le regard fixé sur la télévision, où un présentateur nous dit qu'il y a eu quinze homicides et soixante-trois crimes violents aujourd'hui, comme si c'était normal. Nous savons que les choses vont mal - pire que mal."

"Au plus profond de nos âmes terrifiées, nous savons que la démocratie est un géant mourant, un concept politique malade en phase terminale, en décomposition, se tordant dans ses derniers soupirs".

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"Je ne dis pas que les États-Unis sont finis en tant que puissance mondiale. Les États-Unis sont le pays le plus riche, le plus puissant et le plus développé du monde, à des années-lumière de tout autre pays. Et je ne veux pas dire que les communistes prendront le contrôle du monde, car ils sont plus morts que nous".

"Ce qui a pris fin, c'est l'idée que ce grand pays est dédié à la liberté et à la prospérité de chaque individu. L'individu est parti. L'individu, l'homme solitaire a disparu. Chacun d'entre vous est parti parce que ce n'est plus une nation d'individus indépendants".

"Le moment est venu de se demander si la 'déshumanisation' est un si mauvais mot. Que ce soit bon ou mauvais, c'est comme ça. Nous sommes tous en train de devenir des humanoïdes, des androïdes qui ont l'air d'humains mais ne le sont pas. Des gens du monde entier, pas seulement nous [les Américains]. Nous sommes simplement le pays le plus avancé, donc nous sommes les premiers. Dans le monde entier, les gens deviennent des créatures produites en série, programmées, numérotées et insensibles".

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samedi, 06 novembre 2021

No time to die: la faiblesse de Bond à l'heure de la cancel culture

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No time to die: la faiblesse de Bond à l'heure de la cancel culture

La dernière version cinématographique de l'agent créé par l'écrivain anglais Fleming n'est pas convaincante

par Giuseppe Del Ninno

Ex: https://www.barbadillo.it/101464-no-time-to-die-la-debolezza-di-bond-al-tempo-della-cancel-culture/

No time to die, le dernier film de James Bond

Dans ses meilleures années, l'industrie cinématographique a également connu des sagas, des films qui ont obtenu un succès international grâce à un personnage, un interprète, une saga littéraire et qui ont ensuite, précisément en raison de ce succès, donné lieu à une ou plusieurs "suites". James Bond est un cas presque unique où le protagoniste d'une saga est joué par plusieurs acteurs, dont le dernier, Daniel Craig, fait ses adieux au personnage de 007, né de la plume de Ian Fleming, dans ce No time to die (qui renoue avec la récente habitude des distributeurs de ne pas traduire les titres originaux).

Le titre même - No time to die - semble contredire la fin, largement anticipée par les médias, qui voit succomber le héros de tant de films inspirés par le prince des agents secrets. Des pelotons entiers de sémiologues, à commencer par Umberto Eco, ont écrit des pages et des pages sur la signification profonde du succès de cette figure, populaire surtout auprès du public masculin: invincibilité, capacité de séduire les plus belles femmes, ironie (qui, par exemple dans les interprétations de Roger Moore, est devenue auto-ironie), liberté d'action totale avec l'intolérance conséquente des règles "professionnelles" (par rapport aux patrons qui se consacrent surtout à limiter son initiative) et sociales (lire : bref, tout ce complexe de connotations identitaires faisait que le spectateur moyen avait tendance à s'identifier au Héros, échappant, pendant deux heures, à la médiocrité de son quotidien.

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Et, coucou, voilà le politiquement correct

Eh bien, un tel bagage est complètement déballé et laissé sur le plateau, abandonné par Daniel Craig dans son dernier effort d'incarner sur l'écran l'agent 007 (qui, remarquez, menace de continuer sa carrière en devenant cet agent mythique sous les traits d'une jeune fille à la peau sombre, agréable, ambitieuse et efficace, afin de s'adapter au politiquement correct du moment, mais nous ne savons pas si cela revient aussi à s'adapter aux règles du marché. C'est du moins ce que nous dit l'intrigue de No time to die, qui nous offre un avant-goût de cet héritage).

Le film, cependant, est à mon avis décevant: un scénario brouillon et interminable, avec des rôles ambigus (à un certain moment, on ne sait plus qui sont les "bons" et qui sont les "méchants"), des sauts de "lieu" trop brusques, des poursuites et des fusillades tonitruantes (avec un seul exploit de la fameuse Aston Martin équipée d'options mortelles); même la bande sonore, qui a contribué au succès mondial de la série, semble faible et anonyme. Dans ce contexte, il est difficile de comprendre le "caméo" non pas d'un acteur charismatique, mais d'une ville: la splendide Matera, dont le délicat enchevêtrement de montées et de descentes et de vieilles maisons a été mis en danger par le vrombissement des voitures et des motos, qui ont fait irruption dans un moment d'intimité fugace et tendre de notre héros avec sa compagne, dans un hôtel luxueux. Complètement superflu dans l'histoire, nous voudrions y voir un hommage à la "Venise des Sassi", capitale de la culture pour 2019.

Twilight Bond

Mais venons-en au Bond de sa dernière performance. Un personnage crépusculaire aurait pu être l'occasion d'un film qui ne soit pas seulement un blockbuster, mais un film de qualité ; au lieu de cela, le réalisateur californien Cary Fukunaga a échoué dans son objectif. Et en parlant de sagas et de crépuscules, il suffit de penser au western de Don Siegel et à The Gunslinger de John Wayne pour voir une comparaison impitoyable. Craig apparaît peu crédible dans son nouveau rôle de père et de compagnon fidèle, et de plus nous le percevons comme vulnérable aux embuscades et aux coups que lui infligent ses ennemis de toujours - et pas seulement le mythique "Spectre" - jusqu'à l'issue fatale.

L'attitude de coureur de jupons impénitent du Bond vintage, qui ne laissait jamais échapper aucune de celles que l'on appelait de façon cohérente les "Bond girls", appartient également au passé : Ici, face à une compagne séduisante et farouche, il se contente de faire un compliment et de s'éloigner... À cela s'ajoute l'hommage à l'actuelle "pensée unique dominante" qui, outre l'héritage précité de 007 passé entre les mains de l'interprète noir, colore également la peau de la secrétaire de "M", Miss Moneypenny, la faisant paraître plus jeune (autre trahison perpétrée à l'encontre de Fleming).

Nous savons tous que dans les films de 007, il manque l'"ennemi politique", celui, pour être clair, représenté dans de nombreux films d'espionnage par l'"Empire du Mal" soviétique: Fleming, qui avait également une expérience de l'espionnage au service de la Royal Navy contre l'Empire du Mal de l'époque (celui du soi-disant nazi-fascisme...), dès ses premiers romans s'est extrait de cette dialectique glissante, et a pointé ses flèches (ou plutôt celles de son Héros) contre les Grands Délinquants et les Organisations Criminelles qui se limitent à la recherche du profit et du pouvoir.

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Qu'il s'agisse de menacer le monde avec des engins nucléaires ou - comme dans ce cas - avec des résultats de recherches sophistiquées dans le domaine de la génétique, Bond était toujours en première ligne, peut-être avec les armes mortelles conçues par le Dr Q, un brillant scientifique des services secrets britanniques, qui dans ce film - mainstream oblige... - fait une sortie discrète, faisant à peine allusion à son homosexualité (inouïe). C'est peut-être une coïncidence, mais cette fois, ses tours diaboliques ne parviendront pas à sauver notre héros...

Les bons et les méchants existent-ils encore ?

À ce stade, quelques brèves réflexions sur la dérive de l'imaginaire collectif s'imposent : le déclin d'un genre comme le western, qui avait marqué pendant des décennies les fantasmes des enfants et des adultes, est, entre autres, la conséquence de complexes de culpabilité et d'un universalisme insidieux de l'"Ouest"; même d'un point de vue sémantique, on ne pouvait plus parler de "peaux rouges" et, encore moins, de "visages rouges": la seule définition admise était celle des "Amérindiens". Et pourtant, il n'y avait aucune malice dans cette "acclamation" pour la 7e Cavalerie de John Fors et de nombreux autres réalisateurs, qui, surtout dans notre pays, l'Italie, ne prédisposait à aucune forme de racisme.

Mais plus généralement, la montée du relativisme éthique et culturel a également transformé les figures du "bon" et du "mauvais", notamment sur le grand écran. Le gentil avait des moments et des traits du méchant, qui à son tour apparaissait, dans certains passages, moins "méchant" que ce à quoi nous nous attendions. Par conséquent, le héros-protagoniste devait se montrer dans toute son ambiguïté, plus semblable à l'homme moyen qu'au modèle inatteignable du Héros, courageux mais avec des moments de peur, généreux mais aussi impitoyable, chanceux mais aussi sujet, ici et là, à la malchance, et ainsi de suite, sur la route de la médiocrité qui ne fait pas rêver.

Ainsi, avec ce Bond au crépuscule, ils nous ont fait faire un pas de plus dans la direction du désenchantement : c'est peut-être aussi de cette manière que s'affirme la déplorable "cancel culture".

@barbadilloit

12:20 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james bond, cancel culture, cinéma, film, 007, politiquement correct | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Eastwood et Schwarzenegger: exemples de faux «conservateurs»

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Eastwood et Schwarzenegger: exemples de faux «conservateurs»

par Georges FELTIN-TRACOL

La présente chronique n’entend pas empiéter sur les sujets de prédilection des excellentes « Chroniques de La Rive ». Elle cherche plutôt à appliquer dans le domaine cinématographique la notion pertinente de « faux héros contre-révolutionnaire, conservateur ou réactionnaire ».

Cette expression originale revient au philosophe étatsunien d’origine hongroise Thomas Molnar (1921 – 2010). Fuyant le communisme dès la fin des années 1940, ce catholique de tradition, bientôt figure de proue de la droite paléo-conservatrice outre-Atlantique, capable de s’exprimer aussi bien en anglais qu’en français et en allemand, grand lecteur d’Aristote, de saint Thomas d’Aquin et de Charles Maurras, lance en 1991 une nouvelle science humaine, l’américanologie, c’est-à-dire l’étude intégrale de la société et des centres de production intellectuelle aux États-Unis d’Amérique.

C’est dans son essai de 1968 sur la Contre-Révolution que Thomas Molnar emploie les termes de « faux héros » de droite. Il désigne alors le pape Paul VI, Charles De Gaulle et Richard Nixon. Bien plus tard, il y intégrera le Premier ministre hongrois József Antall (1932 – 1993) qui géra la transition du communisme vers l’occidentalisme.

On peut parfaitement coller cette locution à deux vedettes étatsuniennes célébrissimes. La première est devenue une légende vivante en tant qu’acteur - réalisateur : Clint Eastwood. Ces films les plus récents répètent souvent la même trame narrative : un individu affronte seul des voyous, des fauteurs de troubles, des réseaux criminels. Sa filmographie reflète ses convictions politiques. S’il a voté Donald Trump en 2016, il se déclarait prêt à choisir en 2020 l’ancien maire indépendant milliardaire de New York, Michael Bloomberg… Clint Eastwood, élevé dans une famille de mormons, est fondamentalement un libertarien. Il soutient un ordre social individualiste concurrentiel dans lequel il importe de se débrouiller tout seul hors du moindre cadre communautaire organique enraciné.

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La presse gauchiste a longtemps qualifié Clint Eastwood de « fasciste », en particulier pour les cinq aventures de l’inspecteur Harry Callahan. Il est exact que dans les années 1970, « Dirty Harry » flingue bien des criminels. Toutefois, cet adepte de la méthode forte agit en libéral-conservateur respectueux borné des lois. Dans L’inspecteur ne renonce jamais réalisé en 1976 par James Fargo avec un arrière-plan assez féministe, l’inspecteur Harry affronte un groupe paramilitaire, « Force de grève révolutionnaire du peuple », dirigé par un vétéran du Vietnam schizophrène, Bobby Maxwell. Ce film accuse les anciens combattants vaincus d’apporter chez eux leur violence refoulée. Auparavant, Callahan rencontrait bien pire que lui.

Dans Magnum Force (1973) de Ted Post, il s’oppose à de jeunes flics, exaspérés par le laxisme des tribunaux, qui pratiquent des exécutions extra-judiciaires contre des criminels et d’autres délinquants un peu trop vite libérés. Harry refuse de les suivre et les élimine. On voit par ailleurs deux scènes révélatrices qui se répètent, sauf à la fin. L’inspecteur Harry tient en joue avec son Magnum 44 un voyou. Dans la première scène, il vise dans une rue de San Francisco un Noir à terre qui tente de reprendre son arme. Harry lui demande s’il a encore une balle ou pas. Le Noir se rend et découvre avoir été floué. Dans la seconde scène qui se passe à la campagne au bord d’une rivière, Harry tient en joue un jeune Blanc. Il lui pose la même question. Le jeune veut répliquer. Il est immédiatement abattu. Le contraire aurait été bien sûr impossible et ce, bien avant les délires de Black Lives Matter !

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Clint Eastwood ne partage toutefois pas la vision des libertariens en politique étrangère. Réalisé sous la présidence de Ronald Reagan en 1986, Le maître de guerre déplaît à l’US Army. Eastwood y interprète le sergent-artilleur Thomas Highway, ancien de Corée et du Vietnam. Il instruit les jeunes recrues du corps des marines. Avec les gars de sa section de reconnaissance, il participe à l’invasion de l’île antillaise de la Grenade à l’automne 1983. Quelques années plus tard, les Étatsuniens penseront que la Somalie, l’Irak et l’Afghanistan ne seraient que de plus vastes répétitions...

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L’un de ses films a scandalisé en 2004 les milieux chrétiens. Million Dollar Baby raconte le parcours de la boxeuse Maggie Fitzgerald (Hilary Swank). Clint Eastwood joue un vieil entraîneur bougon, Frankie Dunn. Au cours d’un combat, Maggie tombe dans un coma irréversible. Dunn décide de l’euthanasier. Un an plus tôt, en 2003, dans Mystic River, Clint Eastwood s’interroge d’une manière insidieuse sur la portée réelle de la peine capitale. Considérer le réalisateur d’Invictus (2009) à la gloire d’une Afrique du Sud arc-en-ciel imaginaire comme un conservateur au sens européen et traditionnel du terme relève d’un grave contresens. Brièvement maire de Carmel en Californie de 1986 à 1988, Clint Eastwood préfère travailler l’émotion des spectateurs.

La seconde vedette qu’on croirait conservatrice mais qui ne l’est pas est Arnold Schwarzenegger. Marié à Maria Schriver liée au clan Kennedy avant de divorcer en 2011, le célèbre acteur de Terminator (1984) ou du soldat d’élite qui survit au Prédator (1987) a été le dernier gouverneur républicain de la Californie de 2003 à 2011. Pendant ce septennat, outre une insistance écologiste tenace, « Governator » a mené une stricte politique libérale. Dès les primaires républicaines de 2016, il annonce son refus de voter Donald Trump. Le 10 août dernier, interrogé en visioconférence sur CNN par la journaliste Bianna Golodryga et le consultant militaire lié à l’« État profond » Alexander Vindman, Arnold Schwarzenegger a dénoncé les anti-vax et autres covidosceptiques par un vibrant « Allez vous faire foutre avec votre liberté ! »

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On ne doit pas être surpris par ce progressisme sociétal assumé. Cet Autrichien d’origine a adhéré au parti républicain par anti-fiscalisme viscéral. Il a en outre toujours critiqué au nom du politiquement correct le FPÖ de Jörg Haider et de Heinz-Christian Strache. Les films dans lesquels il a tournés contredisent régulièrement son supposé conservatisme. Le plus emblématique, voire le plus visionnaire, concerne Junior. Réalisé en 1994 par Ivan Reitman, cette comédie est une parfaite prémonition sociétale. Un gynécologue, le Dr. Larry Arbogast joué par Danny DeVito, fait des recherches extraordinaires. Il persuade son associé, Alex Hess, soit Arnold Schwarzenegger, de porter un bébé et de devenir ainsi le premier homme enceint de l’histoire ! Un quart de siècle avant la GPA, les scénaristes Kevin Wade et Chris Conrad développaient un point-limite du gendérisme, à savoir que porter un fœtus humain ne serait pas propre aux seules femmes.

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Hormis le remarquable Terminator (1984) de James Cameron qui consacre à la notoriété internationale le méchant androïde « Schwarzy », bien d’autres films éclairent paradoxalement quelques pans de l’« État profond », du très nietzschéen Commando (1985) de Mark Lester où il interprète le colonel en retraite des forces spéciales John Matrix capable à lui tout seul de battre une armée, à True Lies (1994) de James Cameron où Schwarzenegger joue Harry Tasker, l’agent spécial d’une officine gouvernementale ultra-secrète nommée « Secteur Oméga - Le Dernier Rempart ».

Clint Eastwood et Arnold Schwarzenegger sont par conséquent deux « conservacteurs » au fond particulièrement modernistes. Par leur incontestable talent, ces produits de l’américanisme contribuent à l’« hollywoodisation » des esprits européens depuis soixante-sept ans. Il serait temps de s’en rendre compte !

GF-T.

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 8, mise en ligne le 2 novembre 2021 sur Radio Méridien Zéro.

mercredi, 07 juillet 2021

Anatomie du Japon moderne

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Anatomie du Japon moderne

Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolitica.ru/it/article/anatomia-del-giappone-moderno

Les métamorphoses trompeuses de la Grande Mère : l'archétype de Mishima

L'archétype de Mishima dans la culture japonaise d'après-guerre est le plus haut exemple de dialectique subtile, dans laquelle la combinaison particulière du libéralisme moderniste incorporé à un certain nombre d'aspects matriarcaux du shintoïsme est devenue clairement évidente. Ainsi, une nouvelle culture japonaise a été construite, dans laquelle tout ce qui était proprement japonais, lié à l'identité japonaise authentique, était interdit, perverti ou remplacé. Cette culture, qui a donné des noms brillants dans la littérature, le cinéma, la musique, etc., était fondée sur la dégradation rapide de l'esprit traditionnel japonais, sur la désintégration profonde des symboles célestes, dissipant tout de manière entropique en particules infiniment petites. C'était une culture en déclin qui fascinait l'Occident en grande partie pour son exotisme, sa rapidité et son originalité. Les intellectuels japonais de l'après-guerre qui ont décidé d'"attendre un peu plus longtemps..." ont rendu cette situation d'autant plus douloureuse et perverse.

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En ce sens, le célèbre réalisateur japonais Takashi Miike peut être considéré comme un exemple vivant de la culture japonaise moderne, reflétant la structure de son état actuel, quelqu'un qui a réalisé de nombreux films de genres différents, mais qui, dans beaucoup d'entre eux, a réussi à refléter les principales lignes de force qui traversent le Japon moderne. Un européanisme méfiant à l'égard de l'ethnologie et de l'écologie d'Akira Kurasawa, et même le paradoxe tragique de Takeshi Kitano chez Miike est dépassé par les formes les plus extrêmes d'expression de l'absurdité, de la cruauté et de la dégénérescence. La société japonaise de Miike n'est pas seulement une société extrêmement dégénérée, c'est une société qui n'existe pratiquement pas, qui est devenue son propre simulacre, une illustration du postmodernisme japonais. L'Occident a pénétré au cœur de la culture japonaise, a détruit tous ses liens organiques, a coupé toutes ses chaînes sémantiques, et les "déchets de Nipponcity" sont apparus au grand jour sous forme de sadisme, de cruauté, d'effondrement de la famille, de dégénérescence, de mafia, de perversion, de corruption, de pathologie et, en même temps, d'ethnocentrisme, dont tous les films de Miike sont empreints.

Le méchant yakuza

Chacun des films de Miike reflète les deux faces de la morbidité de la société japonaise. Toute la série de films Yakuza est une représentation grotesque de groupes pseudo-samouraïs, militants, extrêmement masculins, qui se distinguent par une cruauté excessive, une indifférence morale absolue et, en même temps, sont profondément engagés dans la décomposition du système social japonais, où la corruption, l'immoralité et la folie sont devenues une norme universellement reconnue.

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Miike dépeint ses héros la plupart du temps dans un contexte surréaliste, où l'absurde atteint son paroxysme, où les yakuzas, la police, les gens ordinaires et les héros aléatoires se confondent dans une continuité de démembrements sanglants, de perversions de toutes sortes, de cruauté injustifiée, complètement dépourvue de motivation, dans le contexte de laquelle la voie du samouraï et l'éthique militaire deviennent une parodie totalement dénuée de sens.

Un exemple impressionnant de la façon dont le genre populaire du film japonais Yakuza de Miike (dans une version beaucoup plus sobre, représentée par une série d'œuvres d'un autre célèbre réalisateur japonais Takashi Kitano) se transforme en une illusion surréaliste peut être le film Yakuza Horror Theatre : Gozu (2003) et le feuilleton Multiple Personality Detective Psycho (2000), où les thèmes classiques de Miike deviennent un mélange de pathologie délirante et de découvertes postmodernes absurdes.

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La cruauté très douloureuse et sanglante, ainsi que l'intrigue intelligible qui peut en rationaliser au moins une partie, deviennent des contenus indépendants dans des films comme Ichi the Murderer (2001) ou Izo (2004). Dans le film Ichi l'assassin, Ichi, un jeune homme souffrant d'un retard mental et dépourvu d'émotions, tue inutilement, par ordre ou par accident, tous ceux qui l'approchent à l'aide de lames tranchantes ; le film Izo offre une version surréaliste d'un personnage historique réel, le samouraï Izo Okada (1832-1865), qui devient un esprit immortel de destruction selon Miike, et qui renaît périodiquement avec un seul objectif : l'extermination totale de tous ceux qui se trouvent sur son chemin. En même temps, la position de Miike dans l'interprétation des personnages dépeints et de ses actions reste strictement neutre : il décrit tout ce qui se passe avec précision et exactitude documentaire, sans se soucier le moins du monde de la façon dont le public l'évaluera. En règle générale, les spectateurs le considèrent comme tout à fait approprié : dans la postmodernité, le sens a été aboli, et la seule forme d'interprétation reste le fait même de la contemplation et du suivi assidu de chaque rebondissement, sans signification, pour tout rejeter de la tête au moment de quitter la salle de cinéma ou du déroulement du générique de fin du spectacle.

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Zebraman : un vol vers nulle part

Avec la même neutralité et la même ponctualité soulignées, Miike interprète d'autres thèmes : en particulier, la désintégration complète de la famille japonaise et la disparition des saisons et des relations sociales classiques, avec le film Visitor Q (2001) ou Le bonheur des Katakuris (2001) ; la criminalisation radicale des écoles japonaises et l'autonomisation de l'archétype de l'adolescent, privé des procédures pour grandir dans les conditions de l'individualisme libéral, avec Crows Zero (2007) et Crows Zero 2 (2009) ; la transformation du Japon en décharge industrielle et des Japonais en ses habitants dans Shangrila (2002), etc.

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Il est particulièrement nécessaire de souligner l'attrait de Miike pour les intrigues mythologiques et archétypales, parfois présentées de manière délibérément enfantine à l'aide d'une stratégie postmoderne réflexive.  Dans la série de films Dead or Alive, il s'agit donc de la réincarnation de deux anges punisseurs qui détruisent le capitalisme corrompu.

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Les films Zebraman (2004) et Zebraman 2 (2010) dépeignent le mythe de Kirin, la version japonaise de Qilin, la licorne jaune, symbole des logos chinois, qui incarne la figure grotesque d'un enseignant pathétique qui croit aux bandes dessinées et tente de voler dans le ciel comme des surhommes et des héros qui sauvent l'humanité.

La Grande Mère

Le très subtil film Audition (1999), qui est devenu l'un des films les plus célèbres de Miike, est consacré à l'horreur primitive associée à l'élément sombre du féminin, où sous le masque d'une jeune fille fragile se cache une essence sadique au sang profond qui recherche la tromperie, le meurtre, la torture, le démembrement et la mort de tout ce qui croise son chemin.

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Ces métamorphoses trompeuses de la Grande Mère, présentées de manière saisissante dans Audition, reflètent le diagnostic le plus précis de l'état moderne de la civilisation japonaise : sous l'innocence et la précision technologique présentées par le type d'adolescent japonais, se cache un abîme de décadence, de vice, de dégénérescence et de destruction, à la contemplation duquel la conscience collective de la société japonaise tente d'échapper par tous les moyens possibles, mais qui la dépasse dans l'art et les instincts psychologiques, les recouvrant également d'une vague d'horreur totale. Dans Audition, vous pouvez lire la version contemporaine postmoderne de l'histoire de la visite d'Izanagi dans le pays de Yomi et de sa rencontre fatale avec Izanami en enfer.

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Les Chinois volants

L'attitude de Takashi Miike à l'égard du monde qu'il représente est assez difficile à comprendre, car il a réalisé de nombreux films, parfois très différents et avec des attitudes idéologiques différentes, unis uniquement par l'indéniable postmodernisme stylistique du réalisateur ; mais la clé de sa position se trouve dans le film Le peuple oiseau en Chine (1998) (Tugoku no tojin - 中人 のコ), dans lequel, plus franchement que dans d'autres films, il révèle une idéologie personnelle soigneusement cachée. Dans ce film, deux mondes, le Japon et la Chine, s'opposent de manière très transparente, mais pas en tant que phénomènes sociaux, mais en tant que deux espaces symboliques. Le Japon est représenté par le fonctionnaire naïf et impuissant Wada et un Yakuza d'âge mûr envoyé à la recherche d'un trésor dans les montagnes abandonnées de Chine. Tous deux sont présentés comme les représentants d'une civilisation complètement décadente, sans valeurs morales ou religieuses, sans vision du monde, sans identité personnelle positive, agissant en vertu de l'individualisme et de l'inertie dictés par l'influence des circonstances matérielles. C'est le Japon typique de Miike, une sorte d'anti-Japon, son double-noir moderne d'après-guerre.

Une fois en Chine, les héros n'arrivent pas dans une société socialiste, mais se retrouvent dans un environnement naturel habité par un groupe ethnique totalement épargné par la modernité et vivant dans des conditions de valeurs simples, claires et transparentes, de mythes, de tradition céleste et de sincérité. Le noyau principal des mythes de ces habitants d'un petit village perdu, où les Japonais arrivent avec beaucoup de difficultés sur les tortues d'eau, se trouve dans la légende du "peuple volant".

Miike donne une explication rationnelle dans l'esprit du matérialisme sceptique : il s'agit des souvenirs des événements de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'un pilote américain s'est écrasé près du village ; les villageois, après avoir vu l'avion pour la première fois, ont décidé qu'il s'agissait d'un homme volant, d'autant plus que le pilote tombé a survécu et a laissé des descendants parmi les habitants, une fille d'apparence européenne qui est considérée, néanmoins, comme une parfaite femme chinoise. Peu à peu, les Japonais tombent sous le charme direct des habitants, oublient les objectifs pragmatiques pour lesquels ils ont été envoyés et commencent à croire aux "Chinois volants". Les habitants eux-mêmes n'abandonnent pas leurs tentatives de décoller du sol, portant toujours des ailes artificielles et sautant depuis les pentes des montagnes. À un moment donné, les Japonais se joignent à eux : d'abord le directeur Wada, puis les yakuzas, plus sceptiques, mais naïfs et animés. Le film culmine dans des scènes de sauts désespérés par les Japonais eux-mêmes, et dans les dernières scènes, nous voyons une figure humaine volant haut dans le ciel avec des ailes artificielles.

L'ontologie chinoise est un être flottant fondé sur la "magie du souffle" (M. Granet).  Le film de Miike représente cela littéralement et visuellement. Dans le contexte de l'après-guerre, le Japon est perçu comme un royaume de la mort et de la terre, de la gravité et de la décadence. Une telle topologie comparative s'inscrit parfaitement dans notre cadre noologique : le logos chinois, avec le Tao et le bouddhisme Mahayana, surtout dans la tradition Ch'an, est devenu la composante la plus importante de la culture japonaise à travers la " fascination pour la Chine ", qui est le début le plus important de toute l'histoire du Japon (selon L. Frobenius, la culture/pideuma commence par " l'obsession ", la " fascination ", l'Ergriffenheit).

L'émergence de la synthèse nippo-chinoise, correspondant au dialogue actif et significatif du bouddhisme et du confucianisme avec le shintoïsme, les traditions locales et la dynastie impériale japonaise qui a conduit à l'incarnation finale du logos japonais, où dans la structure de l'ellipse japonaise l'attention zen a activement soutenu et renforcé l'approche shintoïste, tandis que tout ce qui est chinois a fondé et éclairé tout ce qui est japonais. C'est la deuxième phase du paideuma japonais, toujours selon L. Frobenius, la phase d'"expression" (Ausdruck). La troisième phase a été la division des Japonais et des Chinois pendant l'ère Meiji, et après la dernière tentative de renaissance et la révolution conservatrice pendant le "zen impérial" (l'école de Kyoto, certaines formes de nationalisme japonais dans la première moitié du 20e siècle), la défaite dans la Seconde Guerre mondiale, l'effondrement du Logos, dont seuls les moments techniques appliqués et restés (Anwendung).

Par conséquent, le voyage des Japonais en Chine chez Miike devient un moyen de retourner à leur patrie spirituelle, aux origines de la fascination. Le Chinois volant pour le Japon est une indication clé de l'époque où existait le Japonais volant, dont l'écho tragiquement douloureux et ironique, son double/simulacre, est le héros zebraman ; mais cette idéologie, qui est le code principal de Miike, contraste trop avec la réalité - métaphysique, sociale, politique, culturelle et stylistique, c'est pourquoi, apparemment, le réalisateur n'a pas osé développer ce thème tragique et dangereux, qui a le potentiel de répéter le chemin de Yukio Mishima - avec la même fin, prévisiblement triste et, pire, simulée. L'ombre de Mishima plane sur tous les vrais artistes japonais, et même les meilleurs ne peuvent pas dépasser les limites de cet archétype, et les libéraux conformistes ne veulent même pas essayer.

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Cela prédétermine le postmodernisme amer et ironique de Miike et d'autres réalisateurs proches de lui, comme Shinya Tsukamoto, auteur de films extrêmement absurdes sur la fusion d'un homme avec une machine (développement postmoderne du thème de Mishima - "le corps et l'acier") Tetsuo - L'homme de fer (1989) et même Les aventures de Electric Rod Boy (1987), Tokyo Fist (1995) ou Takashi Shimitsu, qui a réalisé Marebito (2004) et Ju-On (2002) avec plusieurs suites. Le Japon se déplace progressivement dans l'espace d'un autre monde, où la frontière entre le mécanisme et l'homme, entre les vivants et les fantômes, entre la raison et la chute en cascade dans l'irrationnel, s'éloigne.

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Le port du shintoïsme

Toutes ces peintures dépeignent les plans inférieurs du cosmos shinto, où la saturation du sacré est encore clairement ressentie (et c'est là la différence fondamentale avec le postmodernisme américain ou européen, dont le sacré a été expulsé au début de l'euro-modernisme), mais toute cohérence, aisance, ordre, contrainte et spiritualité sont irrémédiablement perdus. C'est la double ombre du Japon, de son peuple et de sa civilisation, immergés dans le pays des racines, Yomi, jusqu'au fond de l'univers shintoïste au stade de son dernier refroidissement. Le surréalisme postmoderne japonais n'est donc rien d'autre qu'un réalisme "photographique" fiable, une réplique exacte de l'état du logos japonais, qui se trouve au stade final de sa décomposition et de son naufrage.

lundi, 17 mai 2021

Sur la série « The Americans »

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Sur la série « The Americans »

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Avec un total de 75 épisodes répartis sur six saisons entre 2013 et 2018, la série télévisée The Americans (ou en bon français « Les Américains ») plonge le téléspectateur dans les dernières années de la Guerre froide au moment de la reprise des tensions entre les États-Unis et l’Union Soviétique, la « Guerre fraîche », consécutive à l’arrivée à la Maison Blanche de Ronald Reagan en 1981.

Elizabeth et Philip Jennings vivent avec leurs deux adolescents, Paige, la fille aînée, et Henry, le cadet, dans la banlieue cossue de Washington. Ils gèrent une agence de tourisme. Mais leurs journées sont très chargées, car en dehors de la routine professionnelle et familiale, ils réalisent à l’insu de leurs proches diverses missions pour le KGB dont ils sont de brillants officiers. Dans le cadre d’une longue et minutieuse opération d’infiltration de la société étatsunienne, à l’exemple d’autres couples qui les aident parfois si les circonstances l’exigent, le couple Jennings mène ainsi une double vie.

MV5BMjIzNTEzMDY3OF5BMl5BanBnXkFtZTcwMzI5NDI5OA@@._V1_UY1200_CR85,0,630,1200_AL_.jpgLa série joue avec habilité sur les codes de la paranoïa et de la schizophrénie que l’auteur de la présente chronique ne peut qu’apprécier, lui qui travaille pour les services spéciaux du royaume septentrional de Patagonie (mais il n’a rien dit !). Obéissant aux ordres du Centre, Nadejna alias Elizabeth (Keri Russell) et Mikhaïl alias Philip (Matthew Rhys) éliminent les réseaux afghans, récupèrent la peinture de camouflage des futurs avions furtifs, piratent les plans d’une nouvelle génération de sous-marins, découvrent l’existence d’Arpanet, l’ancêtre d’Internet, enlèvent des scientifiques dissidents, recrutent de nouveaux agents ou soutirent le maximum d’informations par le chantage, la contrainte ou le charme… Le couple manie avec brio l’art du déguisement. Ainsi Philip se fait-il passer pour Clark, appartenant à une unité de surveillance ultra-secrète, auprès de Martha Hanson, la secrétaire personnelle du responsable du contre-espionnage du FBI. Il la séduit et l’épouse. Pour corser une vie déjà bien pimentée, les Jennings apprennent que leur nouveau voisin, Stan Beeman (Noah Emmerich), travaille lui-même au département du contre-espionnage du FBI. Pendant trois années, il a vécu infiltré auprès des suprématistes blancs. Son instinct le pousse d’abord à se méfier de cette famille banale, mais les évidences jouent contre lui. Les Jennings et les Beeman deviennent amis.

Les agents illégaux de la Direction S du KGB sont tiraillés en leur for intérieur entre leurs convictions et l’attrait indéniable de l’American way of life. Si Elizabeth exprime tout au long des épisodes une farouche détermination à ne jamais oublier la finalité de la mission, Philip se montre plus enclin à accepter les bons côtés de leur vie outre-Atlantique. Il s’achète une belle voiture. Il aime danser sur de la musique country. Il apprécie les parcs à thèmes. Quand commence la Perestroïka, Philip soutient la volonté réformatrice de Gorbatchev alors qu’Elizabeth se montre guère enthousiaste.

De plus en plus soupçonneuse à propos de la double vie de ses parents, Paige apprend bientôt de leur propre bouche la vérité. Après le choc, elle commence néanmoins sa formation d’agent, car le Centre a prévu une seconde vague d’illégaux, à la couverture irréprochable, capables de postuler à la NASA, à la CIA ou au FBI.

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L’intrigue générale de la série revient à Joe Weisberg, un ancien de la CIA, proche du Complexe militaro-médiatique selon l’expression judicieuse de Jean-Michel Valantin. Il s’inspire des espions soviétiques, grands séducteurs en Europe occidentale de secrétaires administratives et de ministres (l’affaire Profumo en Grande-Bretagne en 1963) ainsi que de l’« Affaire des dix ». En 2010, le FBI arrête des agents russes du SVR infiltrés aux États-Unis parmi lesquels Anna Chapman. Si les activités clandestines du couple Jennings sont nombreuses pour les contraintes de la fiction au mépris de la réalité (les journées n’ont que vingt-quatre heures), le scénario de chaque épisode a été lu et approuvé par la CIA. On y décèle la sourde et vive rivalité entre l’agence de Langley et le FBI. Le personnel du Bureau fédéral d’enquêtes y est implicitement raillé.

La série The Americans repose enfin sur le concept d’« ennemi intérieur (ou domestique) » très en vogue aujourd’hui dans l’Establishment médiatique et chez les démocrates. Or, ni l’Allemagne pendant les deux dernières guerres mondiales, ni l’URSS ne sont parvenus à implanter durablement des « taupes » aux États-Unis. Il faut peut-être comprendre cette série comme une métaphore sur l’infiltration du renseignement israélien aux États-Unis. Joe Weisberg avait-il en tête l’affaire Jonathan Pollard du nom de cet agent double qui a fourni à Tel-Aviv de nombreux secrets industriels et technologiques made in USA ? Condamné en 1987 à la perpétuité pour espionnage en faveur de l’État hébreu, Jonathan Pollard est libéré en 2015 et rentre en Israël en décembre 2020.

La série The Americans modifie la perception habituelle de l’espionnage propagée au cinéma et à la télévision. Au revoir les aventures bien trop clinquantes de l’agent double zéro sept de Sa Gracieuse Majesté ! Bonjour aux plans insidieux à quatre, six ou huit bandes… Cette série n’est en fait que le pâle et lointain reflet d’une terrible vérité : l’impitoyable guerre secrète est permanente entre les puissances de la planète.

Georges Feltin-Tracol.

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 214, mise en ligne sur TVLibertés, le 12 mai 2021.

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samedi, 15 mai 2021

"Les Mitchell contre les machines" : l'holocauste technologique expliqué au cinéma

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"Les Mitchell contre les machines" : l'holocauste technologique expliqué au cinéma

par Alexandre Karadimas

Il existe une catégorie de films d'animation dits familiaux qui sont d'emblée conçus comme un commentaire social et politique très précis et très assumé de notre époque. Par exemple « La Grande Aventure LEGO » (2014) parle de Big Tech monopolisant les contenus culturels, établissant une surveillance vidéo généralisée et contrôlant les machines à voter. C'est très « in your face » comme disent les Américains.

Il y a de nombreux exemples, certains plus subtils que d'autres. Le commentaire politique et social qui est fait appartient toujours au monde de l'antagoniste ou du « méchant », même quand le message est relativement neutre. Ainsi dans « Les Indestructibles 2 », l'antagoniste déclame un long monologue à propos de la société du spectacle qui est du Guy Debord à l'état pur.

Le tout récent « Les Mitchell contre les machines » (2021) n'offre presque aucune subtilité, si ce n'est d'utiliser la techno-magie pour ne pas avoir à parler du coronavirus. (Précaution d'usage : la suite de cette analyse va divulgacher l'essentiel du film)

Pour résumer l'intrigue du film : une Intelligence Artificielle (un smartphone féminin jaloux) prend le contrôle de la seule entreprise type Big Tech mondiale et déploie une quantité immense de robots pour capturer les humains et les placer dans des cellules individuelles en forme de prisme hexagonal, d'où ils peuvent continuer à aller sur Internet.

Ces prismes sont emboîtés à plusieurs endroits du globe sur des supports qui les enverront dans l'espace pour y mourir. Au bout de plusieurs péripéties, une famille présentée comme dysfonctionnelle arrive à désactiver le smartphone, mettant ainsi fin à son projet maléfique.

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Partie 1 : la coïncidence troublante avec le Great Reset

Pour un film développé à partir de 2018, il est troublant d'y voir une parabole absolument parfaite du confinement. Les gens sont enfermés dans des cellules individuelles et n'ont rien d'autres à faire que d'aller sur Internet, ce que certains semblent apprécier.

Le plan des robots est exposé à la manière d'un briefing d'hôtesse de l'air avant le décollage, sauf que là il est très clairement dit que les humains , qualifiés de « fleshlings » (sorte de « sac de viande » équivalent des « bouches inutiles »/ »Useless eaters » de Kissinger), vont être tués afin de réaliser l'utopie d'un monde meilleur sans humains.

Mais il est également annoncé que le WiFi est gratuit, et les prisonniers de s'en réjouir. C'est un gag qui remonte au moins à 2013 et à la vidéo « Help Obama kickstart World War III » ( https://www.youtube.com/watch?v=z-sdO6pwVHQ ), une vidéo redevenue en quelques mois à nouveau d'actualité, soit dit en passant.

« Les Mitchell contre les machines » est donc un film sur le Great Reset, et comment l'humanité s'est fait capturer en un temps record sans opposer de véritable résistance. La séquence d'actions qui mènent à la défaite de ce projet dans le film est une fantaisie de super-héros telle que les opprimés et les désespérés en attente de miracle peuvent l'imaginer.

En dehors de l'acte III complètement fantasmé, le film est terriblement précis et lugubre. En particulier le ciel est traversé durant tout l'acte II par un convoi continu de cellules individuelles flottantes, une sorte de train pour Auschwitz permanent.

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Partie 2 : le cadavre du Rêve Américain et de la société post-industrielle

Généralement on parle au cinéma de « la fin du rêve Américain » lorsque cette fin est pressentie ou en cours. Là, ce rêve est bien mort, on nous montre son cadavre de plusieurs manières différentes.

La scène la plus parlante à ce sujet est celle qui se déroule dans un centre commercial désert. Un personnage fait référence au film de George Romero « Dawn of the Dead » de 1978 mais l'endroit n'est pas du tout assiégé par des zombies, il est désert et des oiseaux sauvages s'y installent déjà.

Le film qui décrirait mieux cette atmosphère est « AI » de Steven Spielberg d'après Kubrick, et une phrase prononcée quelques minutes plus tard y fait référence lorsqu'un robot dit à un autre : « ce sont les derniers humains ».

C'est une scène des plus réussies pour décrire le monde du confinement, mais elle nous dit aussi : « voici où tout cela nous a mené ». Au début de l'âge informatique, au début des années 80, le centre commercial était présenté comme l'apogée de la société de consommation. Le voici vide, devenu sans objet.

Ce moment précis, le début des années 80, est d'ailleurs référencé à d'autres moments, par l'esthétique du film Tron de 1981 mais aussi les albums du groupe « Journey », devenu populaire en 1981. La vieille voiture familiale a également une allure et des détails résolument pré-Reaganomics.

Une scène fugace mais bien plus profonde est une sorte de flash-back relatant l'histoire personnelle du jeune couple avant que les enfants n'arrivent. Le père, fuyant la technologie, s'était construit par lui-même un chalet au milieu de la nature, dans un endroit reculé, mais « cela n'avait pas marché » et la jeune famille a dû quitter le paradis pour aller vivre en Suburbia. Il ne reste de cela qu'une petite sculpture d'un élan, que le père essaie de transmettre à sa fille, dernière trace d'un lien à la terre et à la nature.

Le personnage du père de l'héroïne incarne ceux qui ont encore connu la nature, un peu comme le personnage de Sol dans « Soleil Vert » (1973), il essaie de faire comprendre certaines choses à sa fille avant qu'elle ne se perde comme les autres dans l'illusion du cybermonde, mais ne parvient déjà plus à communiquer avec elle.

La représentation de cette coupure générationnelle a été très bien travaillée dans ce film, de manière à ce que les enfants puissent comprendre le point de vue de leurs parents. Pour la génération des parents et grands-parents, le film est terrible. Il montre que nous allons vers un holocauste technologique et que les survivants ne comprendront même plus le monde qui avait pu exister avant eux.

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Partie 3 : un film qui n'échappe pas au clivage Rouge/Bleu

Puisque les Etats-Unis sont en train de se séparer en entités Rouges et Bleues, cet aspect se retrouve aussi dans le film, seulement parce qu'il est un produit de son époque. Le propos du film n'est vraiment pas partisan au sens politique, mais il ne parvient pas à y échapper.

A la fin du film, il est révélé que l'adolescente / jeune femme qui est le protagoniste central a une relation amoureuse avec une étudiante noire de la faculté de cinéma en Californie. L'information vient comme un cheveu dans la soupe et sous la forme de deux courtes phrases, ce qui veut dire qu'on a ainsi payé un péage politique à Hollywood pour pouvoir diffuser le film.

Dans le film le monde « Bleu » est celui qui est irréel : d'un côté la Californie ensoleillée et ses facs branchées, de l'autre côté Big Tech comme cauchemar totalitaire couleur néon.

Le monde réel, de l'autre côté, est celui de la crise économique : la bagnole est un taudis roulant, les vêtements sont relativement usés et moches, l'intérieur de la maison est usé, pas rangé, avec beaucoup d'objets en bois, assez vieillot mais vivant, avec du mouvement, des animaux pas toujours maîtrisés, des jouets et des décorations personnelles.

C'est un monde qui est en train de mourir, notamment par la lumière froide des smartphones qui hypnotisent tout le monde sauf le dernier homme sur terre, le père, qui se rend impopulaire en essayant d'enrayer le désastre et de maintenir la vie.

Ce père n'est pas du côté « Rouge » au sens où il n'est pas un fanatique religieux ou vrai-faux traditionnaliste. C'est un homme qui essaie de faire ce qui est juste, et qui ne cesse de perdre. Par la force des choses, il doit rejeter le monde « Bleu » et ses fausses promesses, dont il veut protéger sa fille sur le point de quitter la maison.

Puisqu'il s'agit d'un film de notre époque, le combat est lui aussi évoqué. Les Voisins Idéaux, sortes de Cybergédéons et Turbobécassines (Gilles Chatelet)  avec leurs milliers de followers, semblent très compétents en matière militaire ou au moins d'autodéfense mais ils se retrouvent emprisonnés comme les autres.

La famille des protagonistes s'organise des armes de fortune mais elles ne servent à rien. Seuls les tournevis ont une importance déterminante car ils permettent d'agir sur le monde technologique, et chaque membre de la famille en a reçu en cadeau de la part du père.

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Cette idée que la maîtrise technique est libératrice se retrouve notamment dans le film « Brazil » (1984) de Terry Gilliam : le véritable danger pour la société totalitaire est Harry Tuttle, technicien chauffagiste indépendant, prêt à aider son prochain.

Conclusion : un véritable film familial

Le film finit sur l'idée d'une technologie à nouveau maîtrisée, puisque la famille dispose de deux esclaves robotiques qu'elle a collectée en route et qui sont pleinement intégrés dans le fonctionnement de la maisonnée, d'une sorte de « monde d'après » radieux.

Mais le film étant profondément lugubre, il s'agit ouvertement d'une convention narrative. Ce qu'un enfant va retenir du film ce n'est pas le retour à la normale avec une technologie qui va forcément rester suspecte, vu les événements du début. L'image qu'il lui restera ce seront les convois interminables de cellules individuelles voguant dans le ciel nuit et jour vers la mort.

C'est pourquoi « Les Mitchell contre les machines » est un excellent film familial.

Alexandre Karadimas.

 

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lundi, 08 mars 2021

Tribes of Europe : Netflix prophétise un avenir européen

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Tribes of Europe : Netflix prophétise un avenir européen

https://www.azionetradizionale.com/

Notre première ligne reste fidèle à elle-même : "Le monde moderne nous entoure d'images, de symboles et de messages qui sont tout sauf positifs, à travers toutes sortes de véhicules : nouvelles, musique, livres et films. Et même les séries télévisées, la nouvelle "drogue" pour beaucoup, n'en sont pas moins négatives. En rentrant du travail, détruit, on se met sous la dent la première chose qu'on trouve dans le frigo, on éteint le cerveau et on allume Netflix. Épisode après épisode, se prélasser sur le canapé, ruminer ses déboires - cette routine est la réalité pour beaucoup d'entre nous".

Cette fois-ci, la série (par coïncidence Netflix) que nous allons passer en revue est Tribes of Europe, une grande fresque dystopique, avec de moins en moins de science-fiction car de plus en plus proche et ancrée dans notre monde contemporain. Cela nous inquiète, même de façon convaincante, dirions-nous, car l'accoutumance des masses au type de stimulus cognitif transmis par ces scénarios de films désormais hyperréalistes est presque totale et sans aucune barrière critique. En fait, la dystopie fictionnalisée et bien narrée a aussi, comme dans le passé, un excellent potentiel d'alerte pour un type humain capable d'élaborer un contrepoison de manière critique et avec discernement, tout en se déplaçant entre les catégories dichotomiques du bien et du mal. Mais aujourd'hui, avec l'homme réduit à ne plus être qu’une créature totalement passive, effrayée, et se disant que "tout ira bien", toujours et pour toujours, cela s'avère au mieux un simple divertissement.

Nous disons dans le meilleur des cas parce que malheureusement il est maintenant bien établi que regarder un film ou une série télévisée n'est jamais simplement une action en soi. Bien sûr, nous pouvons le dire car, en effet, beaucoup de nos contemporains ne voient même pas le problème. Notre cerveau capte et avale tout, plus que ce que nous pensons avoir vu. Sa partie consciente nous dira "tout est faux" mais, en gros, notre cerveau se mettra au contraire au niveau actuel des progrès graphiques et cinématographiques où "tout est vrai" ; notre cerveau dira alors : "j'ai vu ça". Et qu'implique ce résultat ? Il est certain que l'acquisition d'une réponse et d'un modèle comportemental, acquisition glanée malgré nous, a induit subrepticement une possible expérience réelle, similaire à celle que nous avons vue dans le film de fiction; sans oublier une acceptation anticipée qui nous rend prêts à toute occurrence éventuelle d'événements similaires.

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En bref, si un jour quelque chose de catastrophique, semblable à ce que vous avez vu, se produit, soyez assuré qu'avant d'élaborer une réponse entièrement personnelle basée sur votre propre raisonnement, instinct ou discernement, votre première impulsion sera quelque chose de très similaire à ce que vous avez déjà vu au cinéma. Elle ne s'appliquera pas à tout le monde, mais elle le s’applique déjà chez beaucoup d’entre nous.

Le discours prononcé jusqu'à présent est long et complexe, et mériterait des pages et des pages juste pour en effleurer sérieusement la surface, alors concluons cette parenthèse générale mais nécessaire avec le lancer d’un dernier caillou dans l'étang (et peut-être le mettrons-nous dans votre chaussure, juste pour vous ennuyer). Les séries télévisées pourraient-elles également véhiculer des anticipations sur l'avenir qu'une certaine élite mondiale espère atteindre dans un avenir proche ? Pourrait-il y avoir dans ces scénarios une sorte de "script" à atteindre pour les responsables qui le cachent dans un produit destiné aux masses ? Espérons que non, mais si c'était le cas, ce dernier en serait déjà partiellement dépendant.

Maintenant que nous vous avons donné matière à réflexion, passons aux détails troublants de cette série d'une grande beauté scénographique (oui, elle est malheureusement très bien faite). La conception des costumes et des décors est très élaborée. L'ensemble est extrêmement réaliste et est conçu pour faire apparaître la façon dont chaque "tribu" réagirait au black-out mondial. Oui, car les points sur lesquels réfléchir à cette série sont, à notre avis, au nombre de trois : le black-out technologique, énergétique et informatique, la dégénérescence des populations en une sorte de société tribale (mais seulement de nom) et le maintien apparent et le développement continu de la technologie par une enclave humaine semi-inconnue.

Un peu de fantasy-story: la série nous catapulte en 2074, dans une Europe dont nous savons qu'elle n'existe plus, qui s’est effondrée en raison d'un mystérieux black-out survenu en décembre 2029 (appelé depuis Black December), lorsque l'ensemble du monde technologique s'est embrouillé et que l'obscurité a enveloppé le continent, détruisant les nations, effaçant le système social et entraînant la décomposition de la population en différentes tribus, qui se battent maintenant les unes contre les autres pour la suprématie territoriale. Pour la vulgate, c'est évidemment une Europe qui a régressé vers un nouveau Moyen-Âge (l'idée de l'âge des ténèbres ne peut être écartée). Dans ce qui était autrefois l'Allemagne (où la toponymie a également été complètement modifiée), les deux principales factions sont à couteaux tirés : l'État militaire de la République pourpre, née des restes de l'Armée commune européenne, et la nation techno-féodale des Crows, rigidement divisée en castes. Dans ce contexte, un vaisseau "atlante" (la population possédant apparemment encore un niveau technologique très avancé comme dans les œuvres de science-fiction) s'écrase. Tout le monde veut mettre la main sur la technologie atlante, et surtout tous agissent pour rechercher un mystérieux "cube", qui était en possession du pilote atlante, porteur d'un message inquiétant : une menace venue de l'Est est sur le point d'investir le continent européen.

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C'est l'intrigue principale. Il faut d'abord souligner une chose, non, ces pseudo nations ou pseudo groupes humains unis ne sont pas des tribus, et ici le message véhiculé est vraiment sournois en fait: ce sont des sous-cultures. Oui, dès que nous avons vu ce qui est proposé et comment par le réalisateur, nous avons tout de suite pensé que le terme le plus approprié était celui de sous-culture, quelque chose qui existe déjà dans notre monde, dans lequel les spectateurs peuvent se retrouver, mais des sous-cultures portées à leurs extrêmes conséquences. Et c'est ce que nous avons fait:

Les Origines. En gros, une sorte de commune hippie qui a rejeté la technologie mais qui a adopté la chasse et la vie de pionnier, des survivants très arc-en-ciel et verts qui se retirent du monde convaincus de pouvoir survivre en se cachant dans la forêt. [Spoiler, ce ne sera pas le cas].

 "Les Corbeaux". Pseudo-vikings modernes, bien coiffés et soignés, martiaux et sculpturaux, tout cela dans l'honneur et la gloire, mais ils ne perdent pas un instant pour se consacrer au culte de la force ainsi qu'au déferlement constant de musique techno et de drogues (qu'ils produisent et exportent).

"The Crimson". Fondamentalement, l'OTAN sans les Américains, l'idée serait celle de la République romaine, mais en faisant un clin d'œil à l'Empire britannique. Ils promettent la paix et la protection en échange du service militaire, ils accueillent toutes les tribus tant qu'elles portent leur uniforme... mais l'appartenance à une tribu ne semble rien signifier d'autre que beaucoup de bavardages superficiels. Le brandy et les fêtes semblent être la seule activité pratiquée alors qu'il n'y a pas d'actions militaires. Trahison, intrigues politiques et tactiques peu honorables sont à l'ordre du jour. Ils s'appellent eux-mêmes les "gentils" dans l'émission.

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"Les Atlantes". Une population mystérieuse ; contrairement à leur nom, ils semblent être les seuls à ne pas être technologiquement décomposés... ou peut-être ceux qui ont fait tomber tous les autres

"Les Femen’’. Oui, une tribu de nouvelles amazones, un peu féministes révolutionnaires, un peu culte de la Déesse Mère, qui se nomment comme un mouvement qui existe encore aujourd'hui. Coup de génie pour continuer à véhiculer des idées et des messages stéréotypés comme le veut le Système. Bien sûr, ils semblent absolument être une faction positive, même s'ils sont encore peu présents sur les scènes.

Ce sont là les principaux groupes, mais d'après ce que l'on peut entendre dans la série, ils sont innombrables, et qui ne vit pas dans une tribu semble vivre comme dans le Far West de la mémoire hollywoodienne, des saloons, des bordels et des écuyers locaux entourés de voyous. Manifestement, ne pas dire que les "tribus" sont toutes multiethniques et raciales, libres de tout préjugé sexiste et que chacun ne s'aligne que superficiellement sur l'idéal dominant et peut ensuite faire et être ce qu'il veut de bien ?

Nous nous posons donc une question : les tribus d'Europe s'affrontent entre deux idées de l'Europe ?

Nous lisons ce commentaire sur le web que nous citons :

"Les Crimsons et les Crows (Corbeaux) sont tous deux des sociétés militarisées, mais cette apparence superficielle cache de profondes différences. Les Crimsons représentent les idéaux du projet européen original: le respect des différentes identités culturelles, l'aspiration à la paix et à la liberté individuelle, l'idée de la guerre comme une nécessité pour se défendre des ennemis, la recherche du compromis et de la négociation. Les Corbeaux sont leur antithèse : voués à la violence, au pillage et à l’exaltation du droit du plus fort à piétiner le plus faible, ils prospèrent grâce à l'exploitation féroce d'une masse d'esclaves, obtenue par le pillage des territoires voisins. Cependant, ils ont deux caractéristiques que les Crimsons eux-mêmes envient : un sens de l'honneur élevé et l'incapacité de mentir. En d'autres termes, les deux tribus représentent d'une certaine manière les idéaux - et les faiblesses - des démocraties occidentales et des États autoritaires respectivement, bien qu'elles soient poussées à l'excès. Nous ne savons pas lequel des deux l'emportera, mais lorsqu'il s'agit d'en venir aux mains, l'approche des Corbeaux est certainement la plus efficace. En tout cas, les deux factions rêvent de réunifier le continent une fois de plus, en diffusant leur vision du monde au reste des tribus. En bref, c'est l'éternel retour du mythe de l'Empire romain, qui s'est conjugué de mille façons dans la fiction".

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Nous ne sommes pas du tout d'accord. Les deux visions expliquées ici n'appartiennent pas à la véritable idée et à l’identité européennes. Tous deux sont le fruit d'une dégénérescence moderne. Celui qui l'emportera, que ce soit dans la fiction ou dans une éventuelle réalité, représentera toujours une victoire de la subversion. Et cessez à tout prix de salir ne serait-ce que le nom et l'idée de Rome.

Cette série véhicule l'hypothèse d'un avenir où régneront en Europe la hiérarchie, l'impérialisme, l'individualisme de groupe (poussé à l'extrême dans le concept subculturel erronément appelé tribu), l'anarchie et le libertinage des coutumes, l'exploitation des plus faibles et la peur. Une Europe fracturée et divisée, où chacun ne poursuit que des objectifs économiques de survie et de perte de bien-être matériel. Un État bourgeois sauvage.

Nous n'irons pas plus loin, nous avons déjà trop écrit, si vous voulez regarder cette série avec un regard très attentif et critique, vous pourriez trouver intéressant de réfléchir à notre futur proche. Dernière note qui nous a vraiment fait "tristement" rire ? Dans l'"Europe des tribus" montrée en 50 ans dans cette série, où chaque aspect socioculturel de notre société terminale semble avoir survécu, extrême et totalement dégénéré, il y a une grande, grande absence : la religion. Elle n'est jamais mentionnée, il n'y a jamais de référence explicite à une pensée religieuse, même les tribus ne semblent pas avoir de rituels particuliers, sinon quelque chose de simple et d'extrêmement séculier. Faites donc attention à la sonnette d'alarme.

samedi, 19 décembre 2020

Jean-Pierre Melville dans le Cercle Rouge

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Jean-Pierre Melville dans le Cercle Rouge

Un témoignage de Jean Parvulesco sur Jean-Pierre Melville

Alors que pour n’importe quel avortement mondain la grande presse prend feu et flambe comme de la paille sèche, les meneurs cachés de la désinformation générale ont décidé que la mort de Jean-Pierre Melville devait être passée sous un éclairage ultra-diminué : à quelques rares, trop rares exceptions près, cette consigne, il faut le reconnaître a été plutôt bien suivie. La tristesse glaciale et ambiguë, par ailleurs si parfaitement urbaine, prévue, ainsi, pour signaler la disparition de Jean-Pierre Melville n’a donc pas manqué de sombrer, sur commande, dans une rhétorique de circonstance, factice, conventionnelle et vide, dont l’inauthenticité patente frisait l’obscénité  peut-être plus encore que la provocation. Tout cela s’est vu, épargnons-nous, par décence envers nous-mêmes, les citations appropriées.

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L’homme seul, et si serein dans son désespoir absolu, qui, en moins de cinq ans, a su donner au cinéma français, Le Samouraï, L’Armée des Ombres, Le Cercle Rouge, c’est-à-dire ses seules armes actuelles de violence et d’action totale, l’homme qui avait su comprendre, et avec quelle discrétion hautaine, que la dernière chance d’un cinéma allant contre la mise en abjection générale était la tragédie et que la tragédie, aujourd’hui, au-delà de la politique, ne saurait plus être que morale, l’homme du dernier et suprême combat de la fatalité héroïque, qui est combat contre soi-même, ne méritait-il pas qu’on lui laissât l’honneur de s’en aller sans que l’on fasse donner, pour lui, la faquinade parisienne et ses minables chacaleries du prêt à porter sentimental, lui infligeant ainsi, sournoisement, et comme pour une dernière fois, ce qu’il avait le plus exécré, le plus haï dans sa vie ?

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Jean-Pierre Melville n’était pas, Jean-Pierre Melville n’a jamais été des leurs. Ces jeunes larves fatiguées de ne pas être qui dictent, aujourd’hui, dans le cinéma français, leur loi de subversion et de déchéance avantageuse, Jean-Pierre Melville les vomissait de tout son être, et jusqu’au vomito nero, spécialité comme on le sait, des Papes qui s’en vont en état de désespoir, et marquent leur agonie d’un signe d’épouvante et de malédiction. Il faut dire, aussi, que les autres le lui rendaient bien. Ce n’est peut-être pas qu’ils avaient déjà tellement envie qu’il s’en aille tout de suite, mais ils n’avaient pas non plus tellement l’envie qu’il s’attardât encore. Depuis quelque temps Jean-Pierre Melville commençait vraiment à être de trop.

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Mais d’où leur vint-elle donc cette haine inavouable autant qu’inextinguible, la méfiance active qu’ils n’ont pas fini d’entretenir à l’égard de l’auteur de L’Armée des Ombres, cette ségrégation à plaie ouverte qui lui a été si efficacement prodiguée le long de ces dernières années ? C’est que Jean-Pierre Melville était lucidement, et comme fatalement, un homme de droite, ainsi que le soulignait Jean Curtelin, - et si tant est que cette séparation douteuse entre la gauche et la droite puisse encore avoir, aujourd’hui, un sens autre que celui que s’acharnent à lui imposer le fanatisme halluciné, l’obscurantisme retardataire de ceux pour qui la gauche reste l’alibi d’une irrémédiable impuissance d’être en termes de destin.

D’autre part, plus qu’un homme seul, Jean-Pierre Melville était un homme séparé, un activiste forcené du vide qui sépare du monde et des autres, un fanatique glacé et serein du vide qui traduit tout en terme d’infranchissable. Le secret de sa vie tenait, tout entier, dans ce que Nietzsche appelait le pathos de la distance.

La séparation, pourtant, ni l’éloignement du monde, n’étaient, chez Jean-Pierre Melville, une forme de désertion, bien au contraire. Le monde, pour lui, il ne s’agissait pas de le fuir, mais de le changer. Car tel est l’enseignement intérieur de l’engagement pris par Jean-Pierre Melville envers sa propre vie, sa relation souterraine avec ce que Rimbaud avait appelé « la vraie vie » : ne pas changer soi-même devant le monde, mais changer le monde afin qu’il se rende conforme et s’identifie au rêve occulte, à l’image lumineuse et héroïque que l’on porte au fond de soi. Comment transfigurer, comment changer le monde si, comme le dit, toujours, Rimbaud «  le vrai monde es ailleurs ». Aux voies dites traditionnelles, Jean-Pierre Melville avait su préférer l’action directe, la vie de l’action directe, l’action occulte d’un petit nombre de prédestinés à l’accomplissement des grandes entreprises subversives du siècle, et qui, piégés à l’intérieur du Cercle Rouge, changent, pour s’en sortir, les états du monde, le cours de l’histoire et de la vie. Et c’est ainsi que Jean-Pierre Melville avait trouvé dans l’action politique, dans ses options subversives d’extrême-droite : une confrérie, une caste de combattants de l’ombre qui s’imposent à eux-mêmes une rigueur, un dépouillement terrible, indifférents aux résultats immédiatement visibles de leur action, attentifs seulement aux exigences de leur sacrifice et à la gloire cachée de leur longue rêverie activiste sur le mystère du pouvoir absolu.

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En ce qui me concerne, c’est en termes de caste spirituelle, ainsi que l’eussent fait, à coup sûr, les Treize de Balzac constitués en société secrète de puissance, que je me risque à parler de Jean-Pierre Melville comme d’autres n’ont pas su, n’ont pas voulu ou, tout simplement, n’ont pas eu le courage de le faire, la terreur conjuguée du gauchisme qui se montre trop et du grand argent qui ne se cache plus assez les tenant tous à la gorge impitoyablement. Mais moi je n’ai plus rien à perdre. Alors, pourquoi ne parlerais-je.

Un cinéma chiffré en profondeur

Ce même combat de l’ombre, Jean-Pierre Melville le retrouve, avec son cinéma le plus grand, dans l’exploration des réprouvés suicidaires de la société et de leur milieu secret, exploration qu’il poursuit, lui-même à la fois lucide et fasciné, jusque dans les derniers retranchements, de leur décision de rupture, de leur séparation originaire.

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Seulement il se fait que du Deuxième Souffle jusqu’au Cercle Rouge, ces réprouvés de la société ne sont qu’autant de projections chiffrées de ses propres phantasmes intérieurs, phantasmes qui n’ont rien à voir, en réalité, avec le monde irrespirable, intenablement atroce et vide, où évoluent les vrais truands. Bien mieux sans doute que certains autres, réputés, pourtant, et cultivés avec soin pour leurs relations supposées dans le grand mitan, le mitan dans le vent, Jean-Pierre Melville savait parfaitement à quoi il lui fallait d’en tenir quant à la soi-disant morale du milieu, qui n’en a rigoureusement aucune, et dont les seules vertus actives sont celles d’une immonde inclination aux boucheries inutiles et lâches, marque d’infamie des tarés qui en veulent congénitalement à l’ordre établi et qui se défoncent, chaque fois qu’ils peuvent se le permettre sans trop de risques, par l’étalage d’une violence que d’aucuns s’obstinent à vouloir à la noirceur exaltante, héroïque, alors qu’en réalité celle-ci n’a aucune signification autre que celle de sa bestialité intime, aucun souffle de désespoir profond ni de grandeur, fût-elle négative. Au bout du compte, et au-delà de tout romantisme imbécile, de toute fascination équivoque envers les bas-fonds, la seule attitude majeure envers le milieu reste celle d’une Roger Degueldre, qui, sous prétexte de je ne sais plus quelle « conférence au sommet » entre le grand milieu d’Afrique du Nord et l’OAS, avait réussi à rassembler les caïds de la pègre dans une ferme isolée des environs d’Alger pour un nettoyage par le vide dont on ressent encore les conséquences : trois générations de malfrats passés au fusil-mitrailleur, cela laisse quand même un trou.

Quelle est alors l’impulsion occulte, quelle est la déchirure fondamentale du cinéma de Jean-Pierre Melville, si admirablement cachés, au demeurant, l’une et l’autre, derrière les mythologies de dissimulation qui lui auront permis de dresser dialectiquement face au monde transparent et creux de la réalité extérieure, la réalité à la fois fulgurante et interdite de son propre monde intérieur ?

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Comme Joseph Buchan, comme Fritz Lang, Jean-Pierre Melville appartient à la grande race des obsédés du pouvoir absolu. Le secret de sa vie, qui est aussi le secret de son cinéma, concerne une longue et déchirante rêverie sur le mystère en soi et sur l’appropriation subversive du pouvoir total, pouvoir  total conçu à la fois comme un vertige, comme une super-centrale activiste et comme un concept absolu. Appropriation subversive d’un pouvoir politique total dont les chemins passent par l’expérience ultime de l’empire de soi-même, auquel, pour y parvenir, il faut franchir, comme dans Le Samouraï, les épreuves terribles d’une action de plus en plus voisine de l’impossible, de plus en plus ouverte sur le vide de soi-même et, finalement, sur la mort.

Mais le pouvoir total ne saurait être qu’un pouvoir caché, et, de par cela même, un pouvoir essentiellement symbolique : le cinéma de Jean-Pierre Melville est un cinéma chiffré en profondeur, tout comme l’aura été sa propre vie. Car chose certaine et claire, l’expérience des confrontations permanentes, de la permanente remise en question, - remise en question des pouvoirs de la liberté cachée et de la liberté ultime de tout pouvoir secret, expérience dans laquelle on reconnaît le problème des rapports de force auxquels se résument tous les films noirs de Jean-Pierre Melville, est aussi, de l’expérience intérieure de tout pouvoir politique en prise directe sur la marche de l’histoire. Derrière le cinéma exaltant le mystère de solitude et de vide ardent du crime, Jean-Pierre Melville s’est employé à cacher en semi-transparence le véritable discours, l’unique tourment profond de sa vie. Discours et tourment qui n’ont jamais été que d’ordre politique : dans cette perspective de clair-obscur et de vertige au ralenti, le Samouraï devient soudain autre chose, Le Cercle Rouge aussi. Tout change, tout se laisse et se donne à comprendre autrement. Mais surtout, pas par n’importe qui. Il faut y avoir accès, il faut en être, il faut en avoir été. Ce qu’il n’avait pas pu mener à bien ouvertement jusqu’au bout, Jean-Pierre Melville l’a fait, occultement, dans son cinéma. Il en va, ainsi, de toute poursuite de la grandeur tragique en France, où le terrain est depuis longtemps pourri. Si quelque chose doit se faire jusqu’au bout, il faut d’avance se résigner à passer toujours par l’épreuve de l’acceptation des ténèbres et de la dissimulation.

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Quoi de plus français, en ce sens, qu’une figure apparemment logique et très claire, où le soleil limpide de la raison luit en liberté et s’exalte de tous ses feux, mais dont l’éblouissement même en double la clarté par une nuit impitoyable et profonde comme la mort ? Dans l’œuvre de Jean-Pierre Melville, la raison apparaît et semble s’imposer avec les mécanismes intérieurs du pouvoir de la pègre, où tout est logé dans les rapports objectifs des forces en présence, alors que la nuit et ses abîmes agissent, par en-dessous, à travers la confrontation nocturne des organisations secrètes de puissance et du pouvoir absolu qui se les approprie et les détruit, l’une après l’autre, en les assumant.

Ce que des témoins non prévenus se trouveront forcés de prendre pour des règlements de compte entre truands de haut vol, représenteraient ainsi, dans le cinéma de Jean-Pierre Melville, la tragédie intérieure du pouvoir politique total, le tourbillon qui porte, toujours plus avant vers son propre centre, vers le lieu de résolution finale de leurs destinées communes, les divers secrets d’action révolutionnaire que l’on sait et que l’on ne sait pas.

Dans cette perspective, et en forçant quelque peu la note, disons que le cinéma d’action de Jean-Pierre Melville pourrait fort bien n’être, après tout, et comme au bout du compte, qu’une longue réflexion sur le CSAR, sur le « Comité Secret d’Action Révolutionnaire » d’Eugène Deloncle, ou sur toute entreprise de grande subversion du même genre. Et cette supposition, on l’aura déjà compris, n’est pas tellement gratuite. Au contraire même, peut-être.

Enfin, toutes ces choses dites, il ne reste plus que le problème de la solitude irrémédiable du héros tragique, ce que Jean-Pierre Melville appelait « la solitude du tigre ».

La solitude du Tigre

Plus que jamais, devant le monde des autres, reconnu intolérable, l’unique recours est celui de faire face, de se refuser violemment à toute forme de démission, à tout compromis et à tout oubli. La morale intime de Jean-Pierre Melville est la morale secrète du samouraï, du guerrier mystique pour qui, indifférent quant à l’issue finale de son épreuve, seul compte le combat de la  lumière invisible de ses armes. Cette morale ne s’enseigne pas, son secret ni son souffle de vie ne sont transmissibles : on n’y accède que par la prédestination, ou par l’œuvre intime, en soi, du « seigneur inconnu du sceptre et de l’épée ».

Cette morale c’est déjà le Bushîdo  de la grande solitude occidentale de la fin, la solitude du tigre lâché dans la jungle de béton, dans le monde trois fois maudit du renversement final de toutes les valeurs.

Que l’on aille donc revoir les films de Jean-Pierre Melville, et l’on comprendra peut-être quelle espérance il nous reste de retrouver, en nous, un jour.

Jean Parvulesco.                        

Ce texte a été publié précédemment dans le  Cahier Jean Parvulesco  publié aux Nouvelles Littératures Européennes, sous la direction d’André Murcie et Luc-Olivier d’Algange.

dimanche, 06 décembre 2020

Jean Parvulesco: La lumière blanche de la lune, la folie et la mort - Der Tag der Idioten, Un film de Werner Schroeter

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Un texte de Jean Parvulesco :

La lumière blanche de la lune, la folie et la mort

Der Tag der Idioten, Un film de Werner Schroeter

Mettons que, tous comptes faits, ils sont déjà et qu’ils seront de plus en plus nombreux les heureux privilégiés qui, à la faveur de divers essayages techniques, projections privées et autres occasions par la bande pourront voir, avant sa future représentation à Cannes, le dernier film de Werner Schroeter, Der Tag der Idioten, Jamais la vie en français (que moi je traduirais, en l’occurrence, par Une Saison en Enfer). 

thumb_56919_film_poster_976x535.jpegŒuvre opaque et sur-compactée, ramassée sur elle-même comme le coquillage d’une bête apocalyptique, cachant, au fond des gouffres océaniques, le secret de ses entrailles à la fois éblouissantes et obscènes, infiniment, intolérablement obscènes, mais qui attend aussi l’heure prévue de la future remontée au jour de l’affliction la plus grande de la terre, le film de Werner Schroeter traite clairement de la folie. De la folie ordinaire, comme le dit le cher Charles Bukowski, mais aussi de la folie extraordinaire, la très-grande ; entre autre, de la folie allemande, ainsi que de la folie érotique, doucereuse et mystique de ceux qu’un Antonin Artaud appelait les suicidés de la société.  En effet, dans un monde éperdument en proie aux puissances de ténèbres qu’il s’invente et s’impose à lui-même, victime hébétée de la honte sans nom et du crime qu’il secrète sournoisement au jour le jour, et celles-ci, les puissances de ténèbres, déjà assez sûres d’elles-mêmes et de leur invincibilité séculière pour qu’elles finissent par se présenter le visage découvert et parées de toutes les insignes de leur gloire, dans ce monde dis-je, ou d’évidence nous avons depuis si longtemps déjà perdu la partie, le folie acharnée, responsable d’elle-même ou qui se figure encore pouvoir l’être, la folie réfugiée ou reléguée au centre le plus obscur de ses propres déploiements, - la contre-folie peut-être - ne représente-t-elle pas le dernier abri, le bunker fantasmagorique, pitoyable mais, en même temps, irréductible pour le petit nombre de ceux qui se souviennent encore des temps d’avant ou pour ceux qui s’imaginent qu’ils puissent encore s’en souvenir impunément ?

Le refus de l’anti-folie

L’aliénation définitive et tragique de soi-même il ne s’agit plus aujourd’hui de la combattre, parce qu’elle est tout ce qui, en nous-mêmes, de nous-même, se veut encore vivant : l’aliénation de nous-mêmes reste notre dernier nous-mêmes, le dernier souffle de vie en nous. Toutes les folles du film de Werner Schroeter ne se survivent que par les noces furieuses, mais en même temps sereines plus qu’on ne saurait le supporter, qu’elles sont amenées à célébrer sans cesse avec leur propre aliénation agissante, avec le pauvre cadavre enterré en elles-mêmes de leur identité d’avant, du néant pétrifié de leur être d’avant le premier cri du dehors. Ce qu’il faut donc, désormais, c’est ramer insidieusement, s’insinuer, se battre, l’écume aux lèvres, cogner aveuglément, bestialement pour arriver au dernier degré de la folie dans son ultime noyau de tranquillité certaine : la folie se doit d’être feinte jusqu’à ce qu’elle devienne vraie folie, folie ardente, folie essoufflée, folie, et ensuite rien ; folie sans désir de folie, folie tout court, folie tout à fait ordinaire. Car, à partir de la ligne rouge du renversement général de la folie, le Paradis se cache liturgiquement au cœur ultime des Enfers de même que, sous l’influence de l’étrange diacre Pâris, certaines religieuses de belle foi en étaient venues à s’intimer des stages de contrition dans les maisons de tolérance du putanat le plus sombre et le plus bas qu’eût entretenu Paris sous le règne déjà pas mal en flamme de Louis XV. Il y a là de fort rudes batailles qui se donnent. Qu’on le sache ou pas, des batailles aux réverbérations si ce n’est aux retentissements cosmiques. Mais il y a des choses dont on ne doit guère causer.

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Aussi la folie vraie est elle-même une voie, un sentier dérobé vers ce qui, au-delà de sa propre expérience directement vécue, accomplie jusqu’à la fin et comme bue à la lie, la dépasse et l’annule : l’anti-folie, disions-nous, faute de mieux.

Telle sera donc la carrière suprêmement spirituelle, eucharistique dirais-je même – il y a un sens original du terme, bien plus terrible que celui de son acception catholique actuelle - que poursuit Carole Bouquet dans ce film-piège, film visant à se vouloir, très sournoisement, une espèce de Vierge de Nuremberg morale et y parvenant assez parfaitement, car elle, Carole Bouquet, n’hésitera pas, de son côté, à utiliser ce film, - et, pour l’utiliser, elle s’y précipitera comme dans le puits noir d’un suicide rituel – à la manière d’une machination suractive, comme une conspiration au second degré lui permettant (lui ayant permis) à elle, Carole Bouquet, de parvenir jusqu’au cœur immobile, jusqu’au cœur en fer noirci de sang où apparaît l’anti-folie, c’est-à-dire la mort. Je veux dire la mort en tant que telle, chose qui ne me paraît nullement impossible à affirmer dans ce contexte.

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De toute façons, quelle plus irrévocable humiliation pour la folie que son assujettissement à la mort, que la désertion de la mort ? Faire semblant de s’approcher de la folie comme d’un but en soi et, la trahison dans l’âme n’y voir qu’un mince sentier de prostitution, mobilisé pour qu’il fasse rejoindre subversivement les parages immédiats de la mort alors même que l’on fait si bien semblant de céder aux vertiges les plus réputés de la démence et de ses abattements, de ses mélancolies qui donnent le change.

Le pari halluciné de Carole Bouquet

Ce fut donc là le pari halluciné de Carole Bouquet (et je ne suis pas même certain que Werner Schroeter, lui, aura tout eu à comprendre de ces manigances de bonnes femmes dans le pressoir ou qu’il se résignât vraiment à prendre les choses ainsi). Car jamais, dans l’histoire actuelle du cinéma, l’être propre d’une comédienne n’a eu à s’offrir et de s’est vu offert avec plus d’élégance étudiée, insouciante aussi, et jeune, adolescente même et comme musicale à la fin, avec plus d’acharnement, de rage et de honte exaltée et exaltante aux jeux dramatiquement coupables et troublés en profondeur, aux jeux morbides et, finalement, tout à fait mortels du franchissement clandestin des chemins de sa propre mise à l’épreuve face à la folie, et ensuite dans la folie elle-même et au-delà de la folie, soudain, face à la mort et à la fin de tout comme poussée, elle-même, par derrière, brutalement, dans la mort. Il faut avouer, reconnaître que tout cela n’est quand même pas rien, loin de là. Se jouer ainsi de la folie, jouer de la  folie jusque dans le cœur même de la folie de la folie, jusque dans le cœur le plus inviolable, le plus sombre et le plus émietté, le plus cendreux de la folie et en sortir quand même par les portes hypnagogiques de la mort, et de la mort la plus ordinairement qualifiée, telle est l’aventure essentiellement infernale – et exemplaire s’il en fût, cette aventure , pour nous autres, chercheurs paranoïaques de toutes les passes interdites – dont Carole Bouquet s’est chargée de faire sien le mystère vivant dans ce film, ou plutôt à travers le film où elle a plus ou moins persuadé Werner Schroeter à l’y engager sans aucune espèce de retenue.

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Et pourtant, il ne serait pas très intelligent de se laisser prendre à la doctrine affirmative, extérieure, de ce film, à ses écailles en surface, écailles mouvantes, et qui coupent mortellement, pas très intelligent de se laisser capturer de part en part en lui de son seul dit, qui fascine et qui sait convaincre : la part du non-dit y est immensément plus armée de mystère, plus significativement engagée dans le sens d’un avenir encore lointain, bien lointain peut-être, mais qui, lentement, je le sais, reviendra compréhensible, puissant et clair. C’est le sacrifice acharné, somme toute relativement démentiel et comment dire, trans-sanctifiant même de Carole Bouquet qui s’y auto-immole et bien plus encore, qui s’y auto-mutile à la folie la plus noire, à la folie grassouillette et grisâtre qui véhicule la mort imbécile et si peu sanglante des autres, des sous-être mis à sa disposition, de ses compagnes d’hospice, de masturbation et de crétinisme sans remède, ses pauvres sœurs captives des bourbiers capricieux d’une Apocalypse sans cesse interrompue dans ses élans comme par une espèce de coïtus interruptus justicier et valétudinaire, toujours menteur, trouve sa contrepartie occulte dans les gesticulations infâmes, dans l’écoeurante dérision des bas-restes, des haillons immondes qui signalent, ici et là, au cours du film, pareils à du vomi anonyme le long du couloir étincelant de l’hospice où tout se fait et se défait, trouve sa contrepartie occulte, dis-je, dans je ne sais quels antécédents, catholiques, du discours général, rémanent et parasitaire, dans un certain bégaiement christologique des sous-êtres-là et des choses informes qui les gardiennent. Carole Bouquet, en effet, va prendre sur elle toutes les ténèbres et toutes les nuits, la souillure abyssale, la mort et l’angoisse hallucinée de ce monde en les faisant clandestinement et comme très amoureusement siennes : ainsi Carole Bouquet les arrache-t-elle à elles -mêmes, ces épouvantables misères de la chair, de l’âme et de la conscience en putréfaction avancée dont elle s’est imposée le spectacle de cauchemar éveillé, et, en les arrachant à elles-mêmes, se les approprie eucharistiquement et les annule, parce que c’est en les faisant siennes, en les mangeant mystiquement et en les faisant brûler dans ses divines entrailles qu’elle en désarme la mainmise et la honte sur elles, la mainmise paroxystique du néant à l’œuvre dans sa propre Maison d’œuvres. Et c’est alors que le non-dit du film, le non-dit de la prestation secrète, illégale, de Carole Bouquet flambe, soudain, dans le creux, dans le mince sillon ardent et profondément caché où s’éclatent les termes d’une dialectique malgré tout christologique, porteuse non d’un voile de lin blanc ni même d’une nappe de sang, mais de la suie abjecte et apparemment non-significative que l’on recueille sur le visage estropié de ces crétines, de ces folles expulsées de l’être et du néant, somptueux gibier de latrines pour ceux qui savent et plus encore pour ceux qui osent.

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Nue, à jamais nue

Or la marque angéliquement limpide de ceux qui en sont, de ceux qui ont osé, va apparaître là avec la nudité impitoyable et sauvage, avec la déchirante nudité de Carole Bouquet à l’œuvre : exhibitionnisme transcendantal de son  sexe dans un des premiers plans du film, de sa belle chair magnétique, cuite et recuite et comme noircie, voilée par les feux invisibles des regards de ses saldingues d’apparat, qui dévorent et qui calcinent, nudité extatique de ses longs cheveux noirs qui, minces serpentes de mercure, véhiculent les rayons de la Lune Noire, nudité même de l’intérieur de sa bouche, flamboyant de pourpres et d’écarlate comme une nova qui viendrait à peine d’exploser quelque part dans l’Alpha du Centaure, nudité toute puissante jusque dans la couleur même de ses yeux, ce vertigineux bleu profond, nocturne et sélénaire, glacial, appel désespéré à quelle aurore boréale à venir, bleu sidéral et océanique, interdit d’azur et qui proclame subversivement le règne de la nouvelle Glazialkosmogonie hörbigerienne, notre patrie perdue et l’éternité même d’un souvenir intact.

Mais que dit Régis Debray ? Il dit que d’où l’on se suppose parti, là il faut aller se reposer. Aussi doit-on, à la toute dernière limite de cette approche, se dire qu’il faut voir et comprendre Der Tag der Idioten de Werner Schroeter comme une sorte d’inversion ordurière des grands Jeux Olympiques filmés à Berlin, en 1936, par Leni Riefenstahl, un songe mort-né que l’on s’évertue de contempler dans un miroir infernalissime, dans un miroir plus noir que noir – nigra nigrum nigrius disent les textes alchimiques traditionnels – alors que, à l’intérieur d’un songe profond et comme éveillé, Carole Bouquet elle-même s’y laisserait surprendre comme une autre Leni Riefenstahl, mais les yeux arraché, mutilée, anéantie à Treblinka ou d’ailleurs (qu’importe, en fait, puisque Treblinka, aujourd’hui, est partout, en nous-mêmes, et hors de nous, sournoisement, bestialement), vidée de ses propres entrailles, qui furent d’un rose si céleste et soyeux, piétinée et déchiquetée dans sa propre pourriture d’être à la fois vivante et non-vivante, à peine gigotante encore, la bouche remplie de son propre sang comme on la surprend dans le dernier plan du film, son humble et tragique couronnement et la mise à jour de sa signification la plus occulte.

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La bouche remplie encore de son propre sang, mais qui parvient encore, du plus profond de sa déréliction, à tout faire sauter, à tout faire s’écrouler à la fin. Car, à la fin, l’hospice spécialisé en saldingues irrécupérables et suicidaires saute, s’écroule dans non-être et tout s’auto-anéantit avec lui. Ainsi le mot ultime, le mot d’au-delà de tout mot, ainsi le dernier secret sont dits, et bien plus encore, sont clairement prédits : tout, à la fin sautera, tout s’écroulera. Car la semblance extraordinairement parfaite et si belle de ce film prétend que c’est Carole Bouquet elle-même qui doit se trouver, et qui finira par se trouver clandestinement à l’origine de ce geste apocalyptique final, à l’origine, je veux dire, de cette Apocalypse indéfiniment rêvée, indéfiniment reportée.

Régis Debray encore : Parce qu’elle abîme, l’incomplétude oblige à réparer. Mais c’est irréparable. Irréparable quant à la totalité, quant à la mémoire interdite et déchue de l’ensemble antérieur.

Cependant Hölderlin, lui, ayant payé de prix que l’on sait, le prix même du salut et de la délivrance par la folie pénétrant au cœur même, au cœur ultime de la folie extatiquement immobile en elle-même, le prix royal et sous-abyssal de l’anti-folie, ne se demandait-il pas, précisément, au-delà de toute sémiologie vivante et agissante : j’aurai vécu un jour comme vivent les dieux, et que faut-il de plus ?

Mais les dieux, comment vivent-ils ? Dans l’oubli, héroïque et limpide, des gouffres qui les portaient, sur les cimes nues de l’anti-folie.

Ainsi ce que Werner Schroeter voulait faire, ce qu’il est parvenu à réaliser à travers ce plus que fascinant Der Tag des Idioten, il n’aurait pourtant pas pu le faire sans Carole Bouquet, je veux dire sans Carole Bouquet elle-même. Car la prédestination sera toujours infiniment plus forte que toute volonté de destin, et la terrible faiblesse lunaire du don total, de la soumission avide de soumission jusqu’à la mort ne manquera jamais de l’emporter sur la volonté des ténèbres extérieures puisqu’elle est encore elle-même, intérieurement, ténèbres et, dans ces ténèbres, impuissance et oubli de tout. Encore que, de toute façon, l’abîme appelle l’abîme.

La mort seule m’a appris la vie, me disait un jour Carole Bouquet. Nue, à jamais nue, elle sera donc, désormais, sans fin des nôtres.

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Hécate, elle-même Hécate

Je crois que l’on ne le sait que trop : les très grands films exigent impérativement qu’une relation médiumnique profonde et, surtout occulte depuis le début jusqu’à la fin, s’établisse plus ou moins honteusement entre le metteur en scène et le comédien à partir duquel il compte déployer l’espace intime de son dit (mais sait-il toujours, quel est, quel sera son véritable dit, le dit qu’il lui sera donné de dire ? ). Le centre de gravité ultime du film qui se veut appartenir au sommet de l’expression cinématographique se situe donc non dans la réalisation du film au niveau de l’image, au niveau de la matérialité immédiatement saisissable et montrable, mais dans les profondeurs existentielles ou quelqu’un parvient à faire accepter à quelqu’un d’autre de prendre aventureusement, héroïquement le parti sacrificiel de mourir à lui-même, de mourir à son être extérieur et avouable, pour céder la place, en lui-même, à ce qui, mystérieusement, en lui-même, appartient au non-monde du non-dit, à la tragédie permanente d’un monde dont les archetypes ardents se perpétuent mythologiquement – je veux dire à l’intérieur toujours, de la même mythologie – sans tenir compte de la marche de l’histoire des êtres visibles à la seule lumière du jour.

Aussi, qu’il s’agisse de la lumière de la nuit ou de la claire journée d’hiver en Allemagne, à la limite des neiges, dans Der Tag der Idioten ,la lumière intérieure du film n’est jamais que la lumière hypnagogique de la lune, maîtresse des songes secrets et de la mort.

C’est que Werner Schroeter a su arracher, aux plus interdites profondeurs vitales et magiques de Carole Bouquet, une autre Carole Bouquet, qui s’identifie secrètement, qui est devenue elle-même, en elle-même, Hécate, la déesse sanglante et toute puissante de l’autre lumière, la lumière de la lune.

Hymne et action de grâce inavouable à la Lune Noire, Der Tag der Idioten rend à Carole Bouquet sa véritable identité, son identité nocturne et lunaire, nous en dévoile la gloire sombre et les adorations dévastatrices d’Hécate, qui vit médiumniquement en elle et qui demeure en elle, comme depuis toujours.

Jean Parvulesco

Ce texte a été publié précédemment dans le « Cahier Jean Parvulesco » publié en 1989, aux éditions Nouvelles Littératures Européennes, sous la direction d’André Murcie et Luc-Olivier d’Algange.

mardi, 01 décembre 2020

La Saison secrète d’Éric Rohmer

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La Saison secrète d’Éric Rohmer

par Luc-Olivier d'Algange

L'œuvre d’Éric Rohmer est sans outrances; elle va, de nuance en nuance, vers une résolution où frémit, dans un feuillage de mots français, la nostalgie du Paradis.

Le cinéma, et parfois même dans ses chefs d'œuvres, est un art de l'outrance et de la fascination accordé aux temps qui le firent naître. Son modèle est le guignol; il faut outrer le trait, les situations, le drame, la violence afin que les cervelles les plus engourdies par le vacarme physique et moral du monde industriel en perçoivent quelque chose. Cette surenchère parfois touche au génie, puis s'éteint. Rohmer d'emblée se situe hors de ce processus grandiloquent; il choisit de laisser advenir. L'image en mouvement recueille les phrases que les personnages échangent et qui se laissent lire, en ce qu’elles ne disent pas, sur leurs visages dans leurs gestes. 

A considérer que le sujet de la plupart des films de Rohmer n'est autre que la conversation, on pourrait croire qu'il est bien peu cinématographique: ce serait une erreur; une conversation ne vaut pas seulement par les propos qui s'entrecroisent mais par les voix et les corps qui les tiennent et les délivrent, par les paysages alentours, les saisons, sans lesquels ils eussent été différents, et, plus vaste et moins directement discernable, la civilisation même qui les rend possibles. 

erac.jpgLe sujet des films de Rohmer est la conversation, et le propos de la conversation est l'amour ; et nous apprenons doucement, c'est dire exactement, sans morale moralisatrice, de film en film, de saison en saison, d'allusion en allusion, qu'il est mille façons de s'aimer, en toutes sortes de gradations, à la fine pointe d'un désir héraclitéen « qui montre et ne montre pas, mais fait signe ».

Entre l'Eros, l'Agapé et la Philia, l'air circule, car ils ne sont point donnés pour former un tout compact et despotique, mais pour, libérés les uns des autres, délivrer leurs essences et leurs puissances, et faire miroiter, sur l'orée, leurs affabulations légères, leurs tendres approches, leurs incertitudes enchantées.

Dans l'œuvre de Rohmer, toutes les saisons sont arcadiennes; elles sont, selon la formule de Stefan George, « saisons de l'âme » ; et toutes semblent cependant en attente d'une cinquième saison, mystérieuse, qui vit dans l'air secret de chacune d'elles, comme les mots demeurent dans l'air autant que dans la mémoire de ceux qui les entendent.

Cette saison d'un temps hors du temps vient de loin, d'une France à la fois historique et légendaire. Une grande liberté la surplombe comme un soleil, - qui nous est donnée si nous voulons bien la recevoir. Un paysage s'en éclaire, avec une rivière scintillante, issue de la Séquence de Sainte Eulalie, et venue jusqu'à nous qui veillons sur ses rives.

L'art du cinéma, me disait un soir Raul Ruiz, après un colloque de cinéphiles un peu vain où il fut question de servir l’actualité par le cinéma, n'est autre que l'exercice du double regard platonicien. L'œuvre, comme toute vie digne d'être vécue, toute vie odysséenne, va vers son origine, que nous ne connaissons pas. Ainsi, toute l'œuvre de Rohmer semble orientée vers ce temps du conte, vers cette Astrée qui, mieux que l'histoire profane, nous parle de ce qui nous regarde.

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La langue d'Honoré d'Urfé est celle qu’Éric Rohmer écrivait pour ses films depuis toujours, et les amours, au bord du Lignon, où nous veillons, sont celles de toutes les autres saisons. Le pays de L'Astrée, cette Gaule mythologique, se déploie sous la cinquième saison, celle du Songe où toute réalité ingénue se précipite, comme en Alchimie, pour la faire resplendir.

La langue dite « baroque », qui est celle d'Honoré d'Urfé, n'est pas grandiloquente, mais sinueuse, comme un cours d'eau, complexe et harmonieuse comme un feuillage, arborescente et variable comme l'attente amoureuse, et de cet immense récit de plusieurs milliers de pages, Rohmer saisit l'essentiel ingénument, en suivant le cours de son art, sans s'embarrasser ni nous ennuyer.

Il faut d'infinis détours, d'exigeantes nuances, il faut être fleuve soi-même pour dire ce qui est au plus simple et au plus proche: le pays réel antérieur, les amours humaines, la terre, le ciel et les dieux. Il n'y a là rien de « précieux », au sens péjoratif du terme, mais une politesse à l'égard des êtres et des choses, qu'il convient de ne pas nommer trop brutalement, - car alors on nomme à côté, - et qu'il faut honorer d'attentions nombreuses, prismatiques, chantantes et dansantes, pour n'être pas, tristement, en deçà de leur simple réalité.

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Or cette simplicité sur  laquelle repose le cours de la rhétorique profonde d'Honoré d'Urfé, seul Éric Rohmer, sans toute, pouvait nous la montrer telle qu'elle est, en achevant son œuvre par ce salut à ce dont elle vient : ce moment ondoyant de la littérature française, qui garde une vigueur et une innocence médiévale tout en annonçant toutes les audaces modernes, - être « résolument moderne » en littérature et en art demeurant la meilleure façon d'être véritablement antimoderne.

La singularité extrême de l'œuvre d’Éric Rohmer vaut toutes les insolences. Etre de son temps à l'extrême sans y être du tout, dire à son temps précisément ce qu'il ne veut entendre; au « double regard » s'ajoute ainsi le double entendement. Si les personnages d’Éric Rohmer ne parlent pas comme dans un film, et surtout comme dans un de ces films français récents à vocation réaliste ou sociale, ils parlent comme nous parlons dans la réalité, lorsque nous avons quelque chose à dire à quelqu'un, - et nous parlons ainsi depuis Honoré d'Urfé et bien avant.  Dans le Grand Légendaire de L'Astrée nous retrouverons ce qui nous lit, ce qui nous déchiffre, ce qui nous regarde, comme d'impondérables signes amoureux ambigus et chatoyants, ce qui nous permet soudain de nous reconnaître nous-même, avant qu'il ne soit trop tard.

Vaines, et peu honorables, sont la plupart des craintes humaines. La seul qui vaille, car elle n'accroit pas le danger mais le déjoue, est la crainte de faillir au Paradis donné.

Luc-Olivier d’Algange

00:09 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, éric rohmer, luc-olivier d'algange | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 04 novembre 2020

Jared Taylor on Japanese Cinema

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Counter-Currents Radio Podcast No. 297
Jared Taylor on Japanese Cinema

188 words / 1:33:48

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On this episode of Counter-Currents Radio, Greg Johnson is joined by Jared Taylor of American Renaissance for a discussion of Japanese culture and cinema, including Isao Takahata’s Grave of the Fireflies. Other topics include anime, current events, and your questions.

  • 00:00:00 Intro
  • 00:03:00 Why are Westerners interested in Japanese cinema?
  • 00:07:15 Jared’s favorite directors and films; Jared’s discussion of Harakiri
  • 00:25:30 Jared’s favorite anime
  • 00:33:30 Grave of the Fireflies
  • 00:42:30 Jared’s Schengen ban
  • 00:47:00 Sony endorsing BLM
  • 00:49:15 How to deal with “anti-racism training” at work
  • 00:52:00 Mixed Japanese-white couples
  • 00:57:00 Japanese rules against vulgarity in films
  • 01:00:30 Yukio Mishima
  • 01:08:30 The upcoming election
  • 01:29:00 Incentives for increasing birthrates

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lundi, 02 novembre 2020

Les leçons de « Baron noir »

Ancien de la Gauche socialiste, l’aile gauchiste du PS alors animée par Jean-Luc Mélenchon et Julien Dray, l’inspirateur putatif de la série, Éric Benzekri a travaillé entre 2000 et 2002 au cabinet du ministre délégué à l’Enseignement professionnelle Mélenchon. L’intrigue n’est pas neutre; elle est même lourdement connoté d’autant que les épisodes charrient tous les poncifs, clichés et obsessions politiques de la gauche sociétaliste.

Une histoire réaliste

Chaque saison de Baron noir compte huit épisodes d’une durée de cinquante-cinq minutes. La première saison sort en février 2016. Tournée en 2015, elle chronique de façon métaphorique la calamiteuse présidence de François « Flamby » Hollande et colle à l’actualité politicienne. La vedette éponyme de la série, Philippe Rickwaert (interprété par Kad Merad bien connu pour son rôle dans Bienvenue chez les Cht’is en 2008), est le député – maire PS de Dunkerque. il conseille le candidat socialiste à la présidentielle, Francis Laugier (Niels Arestrup), contre le président de droite sortant, Jean-Marc Auzanet (Michel Voïta). Rickwaert espère recevoir en guise de récompense le poste de Premier secrétaire du PS. Or, pour financer la campagne de Laugier aux primaires, il a dû puiser dans les caisses de l’office municipal des HLM de sa commune. La police judiciaire va perquisitionner les bureaux de cet office et interroger les responsables dont le trésorier, le jeune syndicaliste Joël Donfront (Oscar Copp) qui se suicide. Le téléspectateur apprend bientôt que l’argent détourné a en fait servi au dédommagement de l’ancienne épouse de Laugier dans le cadre d’une procédure de divorce houleuse.

Voulant donner un cadre réaliste à la série, les auteurs de la série ont invité divers journalistes politiques et présentateurs de journaux télévisés (Edwy Plenel, Laurent Delahousse, Léa Salamé, Anne-Sophie Lapix, Ruth Elkrief, etc.) à jouer leur propre rôle. Scénaristes et producteurs ont aussi choisi de nommer l’ensemble des partis politiques français. La série évoque le PS, Les Républicains (LR), le FN – RN, les Verts, le PCF. En revanche, pas de MoDem, seulement des « centristes ». Cependant, outre l’oubli (volontaire ?) de la formation de François Bayrou et d’autres groupuscules centristes (UDI, Agir, Mouvement radical libéral), les créateurs ont pris soin de remplacer La France insoumise par un Debout le peuple beaucoup plus emblématique. Faut-il y voir la crainte d’un éventuel procès ou bien de montrer en creux le caractère hétéroclite, hyper-politisé et chaotique des Insoumis ?

Élu président de la République, Francis Laugier dont la posture rappelle celle de François Mitterrand, refuse finalement de céder Solférino à Rickwaert qu’il estime incontrôlable. Il lui préfère sa conseillère spéciale Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis). Jamais élue, énarque brillante et issue de la haute-bourgeoisie, Dorendeu a travaillé à la Commission dite européenne à Bruxelles. Laugier entend même éliminer Rickwaert dans sa circonscription dunkerquoise en lui opposant une candidature Verte appuyée par les communistes locaux. Comprenant la manœuvre, Rickwaert met alors toute son énergie à garder son siège à partir duquel il agit en « frondeur principal ». Il organise des tractages massifs et demande à ses militants dévoués de retirer des boîtes aux lettres les tracts du candidat officiel de la nouvelle majorité présidentielle. Craignant même la défaite, le « Baron noir » envisage de monter un raid contre un bureau de vote afin d’invalider une éventuelle défaite qu’il imputera à des nervis d’« extrême droite ».

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Sur la pression de son assistant parlementaire, un proto-Manuel Valls, Cyril Belsan (Hugo Becker), Rickwaert renonce à ce projet. Il se tourne néanmoins vers un malfrat de troisième zone, Gérard Balleroy (Michel Muller), avec lequel il commet quelques combines afin que ce dernier et ses hommes de main perturbent le vote. Baron noir confirme ainsi d’une manière implicite la diabolisation de l’Opposition nationale, populaire, sociale, identitaire et européenne. Certes, la série n’évoque pas les milices socialistes voulues par François Mitterrand et Gaston Defferre au lendemain du 10 mai 1981. Mais…

Dans les bas-fonds de Solférino

Souhaitant disposer de l’équivalent socialiste des barbouzes gaullistes du SAC gaulliste, François Mitterrand encourage le contact en 1981 avec certains cadres d’Action directe. Aurélien Dubuisson interroge entre février 2014 et octobre 2016 des proches du groupe terroriste sous couvert d’anonymat. Une militante rapporte que « Mitterrand nous envoie un mec pour nous proposer de tuer des nazis (1) ». Un autre explique que des conseillers ministériels les rencontrent. Ils leur « proposaient presque l’impunité, ils auraient aimé qu’on leur serve de porte-flingue pour certains trucs, pour certains sales boulots. Sur l’extrême droite, voire d’autres choses. […] Je sais qu’après d’autres groupes ont été contactés. Ça grenouillait pas mal chez les socialos ! (2) » Il résultera de ces approches la constitution de groupes violents qui se manifesteront plus tard contre Jacques Chirac, Édouard Balladur, Nicolas Sarközy et « La Manif pour Tous ». Pensons à la surveillance étroite des locaux de Valeurs actuelles et de son directeur d’alors, Yves de Kerdrel. Baron noir mentionne aussi les connivences entre le pouvoir socialiste et l’extrême gauche, en particulier les disciples de Léon Bronstein. Ayant besoin du vote des trotskystes dans une assemblée générale étudiante, le secrétaire général de l’Élysée de Francis Laugier, Martin Borde (Scali Delpeyrat), téléphone au responsable trotskyste et lui propose de régler les dettes liées à la location du siège national en échange d’une consigne de vote satisfaisante.

La série s’attarde sur la nocivité du cumul des mandats. Faisant souvent la navette en voiture entre Paris et sa circonscription nordiste, Philippe Rickwaert se concentre sur les affaires internes du PS et son action de député. Il délègue la gestion quotidienne de la commune à sa première adjointe, la fidèle Véronique Bosso (Astrid Whettnall) qui préside presque toutes les séances du conseil municipal.

La première saison montre enfin le déclassement politique de Philippe Rickwaert, incarnation du militant de terrain, face à Amélie Dorendeu, la « techno » progressiste éco-féministe sociale-libérale. Commence alors un subtil jeu du chat et de la souris entre eux. D’abord prêt à l’écraser, Rickwaert obtempère aux injonctions présidentielles, se ravise et ordonne à ses partisans de chauffer la salle en faveur de son ancienne concurrente. Il commence à conseiller la novice et devient son amant !

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Réélu député, Rickwaert s’oppose au Premier ministre issu de l’aile droite du PS, Laurent Mirmont (Éric Caruso). L’ancien métallurgiste du Nord arrive au Palais-Bourbon en bleu de travail. Fine allusion à 1997 où le député communiste et ancien ouvrier Patrice Carvalho était arrivé dans cette tenue dans l’hémicycle le premier jour de la nouvelle législature de cohabitation. Il profite de l’effervescence autour des lycées professionnels dans les banlieues de l’immigration pour susciter la démission du gouvernement et la nomination à Matignon de Daniel Kahlenberg (Philippe Résimont), l’éternel adversaire de Laugier. En remerciement, Kahlenberg l’impose au ministère du Travail. Contraint de quitter son poste de maire, il empêche toutefois sa première adjointe, Véronique Bosso, de lui succéder. Elle a en effet l’intention de se porter partie civile au nom de la municipalité dans le scandale de l’office HLM. Philippe Rickwaert incite un tiers du conseil municipal à démissionner, ce qui provoque une élection municipale partielle. Il demande dans la foulée à son propre frère, Bruno, de constituer une liste dissidente très populaire. Résultat : la droite ravit Dunkerque.

Habile maître en manipulations et exceptionnel menteur de profession, Philippe Rickwaert lance à sa fille adolescente, Salomé (Lubna Gourion), qui a fait avec ses cousins et des copines une grosse bêtise, qu’il ne supporte pas le mensonge ! Un bien bel exemple de mise à distance entre la personnalité privée et sa personnalité publique…

Scènes et illustrations de l’Hexagone macronien

Francis Laugier désire relancer le projet européen. Mais rattrapé par le scandale des HLM de Dunkerque, il n’y arrive pas. Menacé de destitution, il abandonne l’Élysée. Philippe Rickwaert invite Amélie Dorendeu à se présenter à l’élection présidentielle anticipée. Il s’engage en contrepartie à tout révéler au juge d’instruction. Placé en détention provisoire, le « Baron noir » conseille depuis sa cellule la nouvelle candidate socialiste. Il faut ici saluer le flair des scénaristes. Certes, Hollande n’a pas démissionné, mais il ne s’est pas représenté en 2017. Quant à Amélie Dorendeu, gagnant de justesse la présidence de la République au début de la saison 2, face à Lionel Chalon (Patrick Mille) du FN, elle anticipe l’arrivée au pouvoir d’un certain Emmanuel Macron, jamais élu, seulement ministre de l’Économie et ancien secrétaire général-adjoint de l’Élysée.

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Sortie en février 2018, la deuxième saison de Baron noir montre le quotidien d’une présidente, qui a fondé un nouveau parti, La France unie (clin d’œil à la campagne mitterrandienne de 1988 ?), et les affres, personnelles et politiques, de Philippe Rickwaert. Condamné à six mois de prison avec sursis et à dix-huit mois d’inéligibilité, lui qui a renoncé par avance à tout appel, il monte une société de conseil politique, se retrouve sur-endetté, ferraille dur avec son banquier et doit vendre sa maison. Il continue cependant à conseiller en secret son ancienne maîtresse tout en parasitant le PS. Dorendeu et Rickwaert se séparent pour des raisons politiques. Sur ses conseils, elle n’utilise plus le 49 – 3 et place à Matignon Alain Chistera (Patrick Rocca) un ancien cacique de Solférino. Le « Baron noir » cherche à rassembler la gauche. Or le non-usage du 49 – 3, amoindri sous la présidence nulle de Sarközy, pulvérise la majorité parlementaire. Fatiguée de ces divisions futiles et stériles, la présidente désigne un nouveau Premier ministre en la personne du centriste Stéphane Thorigny (Pascal Elbé). Celui-ci théorise une France divisée en trois blocs de force à peu près équivalente : deux flancs extrémistes à droite et à gauche et un bloc gouvernemental au centre.

Lasse des avis tordus de son ancien amant, Amélie Dorendeu dissout ensuite l’Assemblée nationale et obtient une majorité absolue grâce à la coalition des sociaux-démocrates, des sociaux-libéraux, des libéraux-sociaux et des libéraux – conservateurs. Elle s’accorde par ailleurs en secret avec le chancelier allemand sur un projet de fusion franco-allemande nommé la « Françallemagne ». Si Berlin cède son mark, Paris consent à partager avec l’Allemagne son siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Un vrai jeu de dupe quand on sait que la nomenklatura outre-Rhin reste aux ordres de Washington, de New-York et de Londres.

À la fin de cette deuxième saison, plus classique et moins « disruptive » que la première, Philippe Rickwaert reste politiquement fragilisé. Certes, il a renoué avec sa fille qui a pourtant renoncé au patronyme paternel. Au terme du dernier épisode, elle retrouve son père qui ne parvient pas à rédiger un livre de mémoire sur une plage de la mer du Nord. Elle lui dit que le chapitre le plus important de sa vie reste à écrire et lui montre un dessin représentant le visage de son père avec en dessous le slogan « Rickwaert président ». L’œil du « Baron noir » pétille de nouveau…

Entre populisme et gauche protestataire…

Diffusée en février 2020, la troisième et dernière saison de Baron noir verse dans la politique-fiction à moins que les scénaristes n’y voient l’avenir politique immédiat de l’Hexagone. Philippe Rickwaert ne cache plus à son entourage son intention de se présenter à la prochaine présidentielle. Son arrogance et sa suffisance agacent Daniel Kahlenberg, toujours patron du PS. Par ailleurs, les enquêtes qualitatives d’opinion lui indiquent une notoriété négative. Il se rend chez Naïma Meziani (Rachida Brakni), ancienne consultante politique brillante désormais reconvertie dans le conseil aux people. Ses conclusions le bouleversent. Contrairement à ce qu’imaginent Kahlenberg et les autres pontes du PS, ce n’est pas Philippe Rickwaert qui va détruire la « Vieille Maison », mais le PS qui risque de le tuer. L’ancien député de Dunkerque assiste par ailleurs à la montée en puissance du mouvement de Michel Vidal (la posture fictive de Jean-Luc Mélenchon jouée par un grandiose François Morel), Debout le peuple.

Ancien du PS, Michel Vidal a déjà accueilli Aurore Dupraz (Constance Dollé), député de Seine – Saint-Denis et meneuse de la gauche du PS. Refusant de travailler avec le centre, Véronique Bosso quitte son poste de conseillère à l’Élysée et rejoint elle aussi Debout le peuple. Tête de liste du mouvement aux régionales dans les Hauts-de-France, elle facilite une discussion entre Philippe Rickwaert qui cherche encore à s’emparer du PS, et Michel Vidal. Le « Baron noir » décide de rejoindre la gauche radicale malgré de notables désaccords avec son principal responsable qui ne croit plus à l’union de la gauche.

Fatiguée par la susceptibilité épidermique de son Premier ministre centriste, Amélie Dorendeu le remplace par son très fidèle secrétaire général à l’Élysée, Martin Borde. La situation politique se tend. Hostile à une loi qui légalise l’euthanasie, le député LR des Yvelines, Corinne Alba (Gaëlle Lebert), accepte la chouquette offerte par Lionel Chalon. Ce dernier, bien qu’en large avance au soir du premier tour des régionales, renonce à la tête de liste en PACA au profit du candidat LR à la condition expresse que fusionnent les deux listes.

118919088.jpgSoucieuse de redynamiser son quinquennat, le présidente, de plus en plus décriée et impopulaire, choisit de réviser la constitution en proposant par référendum la suppression de l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Une bévue gigantesque du nouveau Premier ministre entraîne Les Républicains à prôner le non à l’instar du RN. Les scénaristes n’apprécient pas le caractère présidentiel de la Ve République. À côté de cette réforme incroyable, ils proposent la suppression du 49–3 et de l’article 16, soit revenir aux délices mortifères des IIIe et IVe Républiques alors qu’il faudrait plutôt se diriger vers un État consulaire français.

L’initiative présidentielle fracture nettement Debout le peuple. Si Michel Vidal défend un non vibrant, Philippe Rickwaert et Aurore Dupraz se prononcent pour un oui « de gauche ». Une partie des camarades vidalistes accuse le « Baron noir » d’agir en accord avec la présidente. Le scénario lui donne bien sûr le beau rôle. Lors d’un débat public avec Michel Vidal arbitré par Véronique Bosso sur le référendum, l’ancien élu dunkerquois retourne un public à l’origine largement hostile.

Le non l’emporte de peu. Les études indiquent que le oui est majoritaire à gauche, ce qui rend Philippe Rickwaert incontournable. Sur le conseil de Naïma Meziani avec qui il se marie, il invite à leurs noces tous les responsables de la gauche et des Verts. On est surpris que toutes ces personnalités de gauche vivent dans de spacieux appartements ou dans de coquettes maisons pavillonnaires en banlieue résidentielle. Le plus rigolo reste la scène où, le jour de son mariage, Philippe Rickwaert présente à Michel Vidal son père, ancien syndicaliste révolutionnaire. Tous trois entonnent, le poing gauche levé, L’appel du Komintern, un vieux chant bolchevik (3), vite repris par une assistance endimanchée dans le jardin d’un luxueux manoir… La gauche semble ne pas connaître l’esprit de sacrifice matériel. Pour preuve tangible, le chef de Podemos, Pablo Iglesias, deuxième vice-président du gouvernement espagnol du très détestable Pedro Sanchez, et sa compagne, Irene Montero, actuel ministre espagnol de l’Égalité dans le même gouvernement (népotisme ?), n’ont-ils pas acquis une villa cossue dans une banlieue aisée de Madrid à Galapagar ? Même supposée révolutionnaire, la gauche raffole toujours du caviar et du champagne. Le réveil végan et prohibitionniste sera rude pour elle et sa délicate « Conscience »…

Une figure anti-Système

La victoire étriquée du non au référendum a pour cause l’émergence inattendue d’un troisième larron porté par les réseaux sociaux et Internet : Christophe Mercier. Via des interventions filmées et diffusées en ligne, ce professeur de SVT appelle les électeurs à refuser le choix binaire et à mettre au contraire un bulletin nul favorable au tirage au sort. Ce sont d’ailleurs les partisans du non qui se montrent les plus sensibles à ce discours dissident. Christophe Mercier dénonce tout le système politicien, critique les « irresponsables politiques », souhaite la disparition des partis et, en corollaire, la fin des élections remplacées par le tirage au sort. Joué par Frédéric Saurel, le tribun anti-Système présente un faux air de Beppe Grillo jeune, le fondateur du Mouvement Cinq Étoiles en Italie.

Critiquant des jugements iniques qui condamnent à de la prison ferme des citoyens au casier judiciaire vierge qui ont perturbé le dépouillement du référendum, Christophe Mercier annonce sa candidature à la présidence de la République. Assisté de Léandra Tellier (Sarah Stern) qui abandonne un RN maintenant opposé au « Frexit », il démarche les maires pour le parrainer à la présidentielle. Or ceux-ci refusent, car ils craignent des représailles financières de la part de l’intercommunalité, du département, de la région, voire de la préfecture. Christophe Mercier n’hésite pas à filmer à l’insu de son interlocuteur un échange, puis à le publier sur Internet. Amélie Dorendeu ordonne à son Premier ministre de faciliter les parrainages en faveur de ce candidat-surprise.

imagesbaronn.jpgLes scénaristes de Baron noir ont beau jeu de faire de Christophe Mercier un monomaniaque du tirage au sort. Or introduire cette méthode de sélection politique renouvellerait une vie politique exsangue. Roger de Sizif (4), François Amanrich (5) et Yves Sintomer (6) l’envisagent en complément d’une démocratie plus participative. Le politologue belge flamand David Van Reybrouck soutient pour sa part un renouveau de la démocratie avec des assemblées tirées au sort. Il plaide pour un système bi-représentatif, mélange de démocratie et de clérocratie (7). Le régime macronien a bien imaginé une « Convention citoyenne sur le climat » dont les cent cinquante membres avaient été tirés au sort selon des quotas précis de sexe, de région, d’âge et de profession. Pour sa part, le président du jeune Mouvement national-démocrate, Vincent Vauclin, suggère que le Sénat soit entièrement composé de maires volontaires tirés au sort (8).

Au soir du premier tour, bien qu’arrivée en tête, Amélie Dorendeu pâtit d’un contre-« 21 avril 2002 ». Christophe Mercier écarte un Lionel Chalon dépité, malgré ses 18 %. Le chantre du tirage au sort reçoit dans la foulée le désistement officiel de Chalon tandis que les jeunes de Debout le peuple s’apprêtent à rallier le nouveau trublion de la République. La révélation par des fuites surgies de la CDU de l’accord secret sur la Françallemagne plombe encore plus la campagne de la présidente sortante. Le « Baron noir » comprend que Christophe Mercier, qui bénéficie de l’aide intéressée d’Aurore Dupraz, risque de l’emporter. Or, il rêvait qu’Amélie Dorendeu réélue le choisisse pour Matignon afin d’y mener une politique sociale-écologique progressiste.

Coup d’État légal

Philippe Rickwaert invite son ancienne maîtresse à se retirer et à faire annuler toute l’élection présidentielle en faisant jouer la clause de l’empêchement d’un candidat. Afin d’inciter le Conseil constitutionnel à constater son empêchement, la présidente Dorendeu fait révéler par son secrétaire général et ancien coordonnateur des services de renseignement, Jacques Lambray (Frédéric Kneip), l’exécution au cours de la saison 2 de trois individus suspectés de terrorisme islamiste par le service Action de la DGSE dans les environs de Courcouronnes sur le sol français. À son corps défendant, Lambray doit décrire au journal de 20 heures une femme fragile, anxieuse, voire un instant légèrement troublée, quand elle donna cet ordre illégal. Après bien des heures de discussion et de tergiversations, les « Sages » prononcent l’empêchement, annule l’élection présidentielle et organisent une nouvelle élection présidentielle. Amélie Dorendeu met un terme immédiat à ses fonctions. Les auteurs de la série condamnent au nom du falot « État de droit » cette triple exécution sommaire décidée au nom de la raison d’État. Les Bisounours sont partout.

Pendant que le président du Sénat devient chef de l’État par intérim, Michel Vidal téléphone à Philippe Rickwaert qui prend ici des airs d’Arnaud Montebourg. Il l’invite à se présenter à la présidence de la République. Candidat unique de toute la gauche et des Verts, le « Baron noir » atteint le second tour avec environ 23 % des suffrages, loin derrière un Christophe Mercier à plus de 40 %… Le débat de l’entre-deux-tours met bien évidemment en valeur Philippe Rickwaert aux dépens d’un Christophe Mercier terne et incapable de répliquer aux réparties cinglantes de son contradicteur. Rickwaert remporte l’élection présidentielle. Il apprend dans la soirée le suicide d’Amélie Dorendeu. Dans la réalité, l’ancienne présidente serait partie à l’étranger.

Il faut ici s’intéresser à la manœuvre légale contre Mercier, soit l’invalidation de l’élection présidentielle pour des raisons soi-disant psychiatriques constatées chez la présidente sortante. Cette hypothèse s’envisage pour 2022 si Marine Le Pen l’emporte sur un Emmanuel Macron haï et démonétisé. Le Conseil constitutionnel pourrait prendre le premier prétexte venu afin de s’éviter cette déplaisante perspective. L’institution sait se montrer conciliante avec les puissants. En 1995, elle ignore les dépassements financiers de Jacques Chirac et d’Édouard Balladur. Elle se montre en revanche intraitable envers Jacques Cheminade qui n’est pas remboursé de ses frais de campagne. Bis repetita en 2002 en sanctionnant Bruno Mégret. Il est plus raisonnable toutefois de penser que le Système (ou l’« État profond » hexagonal) ne sape pas dès le départ l’élan populiste. Il privilégiera une résolution à l’égyptienne. Issu des Frères musulmans, le président égyptien Mohamed Morsi n’a tenu qu’une courte année (2012 – 2013) avant d’être chassé du pouvoir par l’armée, vrai État profond au bord du Nil. Déjà en 2017, Bernard Cazeneuve avait prévu de rester en fonction jusqu’aux élections législatives de juin 2017 en cas d’élection de Marine Le Pen et de faire de son gouvernement la principale force d’opposition à la nouvelle présidente.

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En 2022, tous les réseaux occultes administratifs, financiers, économiques, bancaires, médiatiques, culturels, diplomatiques, policiers et militaires de l’État profond se mobiliseront pour mieux nuire à la nouvelle présidente. Prévue par la révision constitutionnelle du 23 février 2007, la destitution du président de la République peut être votée par le Parlement si est constaté un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat, soit le comportement politique et/ou privé du chef de l’État à condition que ses actes portent atteinte à la dignité de sa fonction. L’imprécision de la formulation constitue une véritable épée de Damoclès. Il est surtout patent que l’échec préparé de Marine Le Pen au gouvernement ruinerait pour de nombreuses décennies tout renouveau national, populaire, social, identitaire et européen sérieux.

L’espérance de renverser la table

Baron noir met en garde contre l’apparition soudaine d’une figure anti-Système qui perturbe la routine politicienne, accélère la décomposition des appareils politiques et amplifie la vague dégagiste. Outre Beppe Grillo, l’histoire récente a montré l’élection à la tête de l’Ukraine et du Guatemala de deux acteurs Volodymyr Zelenski et Jimmy Morales (2016 – 2020). L’humoriste Jean-Marie Bigard a renoncé, le 29 septembre dernier, à briguer l’Élysée en 2022. Les milieux politico-médiatiques bruissent toujours de rumeurs contradictoires autour d’une candidature hors-Système incarnée par Michel Onfray, Didier Raoult bientôt retraité (9), de l’homme d’affaires libéral-chrétien Charles Gave ou d’un Éric Zemmour. Verrons-nous finalement le retour en politique de Marion Maréchal ? Fort de sa bonne gestion municipale à Béziers, Robert Ménard s’y présentera-t-il en porte-parole auto-proclamé d’une « droite hors les murs » ? Le général de salon et très atlantiste Pierre de Villiers, prototype du soldat impolitique, espère-t-il être cette éventuelle surprise ?

Une véritable attente existe au sein des citoyens désabusés de voir un candidat (improbable ?) tout bazardé. L’« indicateur de la protestation électorale » établi par la Fondation pour l’innovation politique et réalisé par l’institut OpinionWay montre qu’en 2022, 79 % des électeurs envisagent de choisir l’abstention, le vote blanc ou un bulletin « anti-Système » (Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan ou un candidat d’extrême gauche). La même étude précise que 49 % de ces électeurs en colère seraient tentés par le vote blanc et 45 % par l’abstention. 25 % se montrent favorables à la démocratie directe et 12 % (dont de nombreux macroniens !) privilégieraient un régime autoritaire (10). L’étude ne précise pas que plutôt se tourner vers un régime autoritaire, bien des électeurs approuveraient une politique sécuritaire dans le domaine régalien, progressiste en matière sociétale et libéral sur le plan économique.

La présence à cette échéance politique majeure de Vincent Vauclin serait un beau signal adressé aux « gens ordinaires » de la « France périphérique » en colère. Malgré les confinements printanier et automnal, en attendant ceux de l’hiver et de l’été, la persistance d’un mécontentement de moins en moins diffus au sein de la société française inquiète les politicards et leurs larbins journalistiques. Si cela arrivait, la série Baron noir entrerait dans l’histoire immédiate pour sa clairvoyance.

Georges Feltin-Traco.

Notes

1 : Aurélien Dubuisson, Action directe. Les premières années. Genèse d’un groupe armé 1977 – 1982, Libertalia, coll. « Édition poche », 2018, p. 149.

2 : Idem, p. 232.

3 : Écrit par Franz Jahnke et composé par Hanns Eisler, L’appel du Komintern date de 1926. Ses paroles viriles devraient de nos jours scandaliser les bien-pensants épris de paix, de tolérance et de « vivre ensemble ».

4 : Roger de Sizif, La stochocratie. Modeste proposition pour que le peuple de France soit heureusement gouverné grâce à l’instauration d’une sélection politique aléatoire, Les Belles Lettres, coll. « Iconoclastes » n° 28, 1998.

5 : François Amanrich, La démocratie est morte, vive la clérocratie ou La clérocratie comme alternative à la démocratie, Barre & Dayez, 1999; idem, Pour en finir avec la démocratie, Papyrus, 2006. Dirigeant fondateur du Mouvement clérocratique, François Amanrich chercha sans succès à se présenter à l’élection présidentielle en 2012.

6 : cf. par exemple Yves Sintomer, Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative, La Découverte, coll. « Sur le vif », 2007.

7 : cf. David Van Reybrouck, Contre les élections, Actes Sud, coll. « Babel – Essai », 2014.

8 : cf. le programme du MND intitulé « Renaissance » consultable sur le site éponyme, www.natdem.fr

9 : cf. le portrait de Didier Raoult en trois parties dans les n° 482, 483 et 484 de Faits & Documents, septembre 2020.

10 : dans Le Figaro du 26 octobre 2020.

lundi, 19 octobre 2020

Le film kazakh Tomyris: Yellowwashing made in Kazakhstan ?

Le film kazakh Tomyris: Yellowwashing made in Kazakhstan ?
 
J’ai visionné hier un film kazakh, «Tomyris » ( de Akan Satayev, initialement sorti en 2019.
 
Ce film qui avait tout pour m’intéresser, évoque la vie d’un personnage semi -légendaire, qui a inspiré de nombreux artistes européens, Tomyris, reine des Massagètes, tribus de cavaliers nomades iranophones rattachée à l’ensemble « scythique » d’Asie.
 
C’est un bon film, épique, avec des scènes d’action et une reconstitution dans l’ensemble convaincantes, bien que les costumes des protagonistes soient traités inégalement (traitement décevant pour les Sarmates ou les Perses).
 

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Là où la bât pourrait blesser, c’est que le réalisateur a présenté les Massagètes, mais aussi d’autres peuples indo-européens comme les Dahais ou les Sarmates , comme des populations turciques tant au niveau des langues parlées que de l’interprétation assurée par des acteurs kazakhs.
 
Or, un grand spécialiste des peuples des steppes ou du Caucase comme Iaroslav Lebedynsky, que j’ai maintes fois reçu sur Radio Courtoisie, précise dans plusieurs ouvrages que ces peuples iranophones nomades ( Scythes, Saces, Sarmates et Alains) étaient europoïdes , souvent de complexion claire.
 

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La critique iranienne n’a évidemment pas apprécié ce qu’il est convenu de qualifier « d’appropriation culturelle », d’autant plus que le « roi des rois » Cyrus le Grand est incarné dans le film par un acteur syrien, celui qui jouait le rôle de Saladin dans le film de Ridley Scott, «Kingdom of Heaven ».
 
Cette démarche des autorités kazakhes, impliquées dans la production du film, rappelle dans une certaine mesure, ce qu’avait pu faire Mustapha Kemal Atatürk, lorsqu’il avait revendiqué l’héritage des Hittites indo-Européens, dans la généalogie historique et identitaire de la Nouvelle Turquie.
 
De nombreux critiques soulignent que cette évocation d’une souveraine forte et guerrière, intégrée dans le roman national kazakh, aurait pour objectif de rendre plus acceptable dans la population, une prochaine accession au pouvoir de Dariga Narzabayeva, fille du père de la nation Noursultan Nazarbayev.
 

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Malgré toutes ces réserves, le film vaut largement le coup d’œil et renvoie aux récits contestés d’Hérodote selon lesquels cette reine Tomyris aurait vaincu et tué le Perse Cyrus le Grand.

dimanche, 27 septembre 2020

Bienvenue au Wakanda

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Bienvenue au Wakanda

par Georges FELTIN-TRACOL

En 2018 est sorti au cinéma le film de Ryan Coogler, Black Panther, produit par les studios Disney et tiré de l’univers des comics étatsuniens de la compagnie Marvel. Ce film a connu un réel succès avec une recette estimée à plus d’un milliard trois cents millions de dollars. Il a même obtenu trois Oscars techniques (meilleur décor, meilleure musique et meilleure création de costumes).

Black Panther (ou la Panthère noire en français) désigne le premier super-héros noir d’origine africaine inventé par Stan Lee et Jack Kirby en juillet 1967 au moment des revendications en faveur des droits civiques outre-Atlantique. Trois mois plus tard, des militants afro-américains fondaient le Black Panther Party. La coïncidence n’est pas du tout anodine. Dans un ouvrage préfacé par Pierre Hillard, Le monde occulte des comics books. De DC Comics à Marvel (Omnia Veritas Ltd, 2019), Jérémy Lehut insiste sur la nocivité de ces bandes dessinées destinées aux adolescents qui détournent, pervertissent et dévoient l’imaginaire mythologique européen. Souvent en filigrane jusqu’aux années 1990, les idéologies dyssexuelles, féministes, cosmopolites et leucophobes (ou racisme anti-Blanc) se manifestent de plus en plus ouvertement tant dans les albums que dans les films : le dieu Thor devient ainsi une déesse, Heimdal, le gardien d’Asgard, est incarné dans plusieurs films de la franchise Marvel par un Noir; le capitaine Marvel se trouve être une femme…

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Un modèle d’État « afrofuturiste »

La Panthère noire du film éponyme concerne le personnage principal, le prince T’Challa qui, suite à l’assassinant de son père T’Chaka, devient le nouveau roi du Wakanda. Il affronte dans ce film un adversaire mineur, le trafiquant européen Ulysses Klaue, et un ennemi majeur, Erik « Killmonger » (« Celui qui propage la mort ») Stevens, soit son propre cousin, de son vrai nom N’Jadaka, fils de N’Jobu tué pour haute trahison par son propre frère, le roi T’Chaka. Le conflit oppose donc un Africain à un Afro-Américain passé dans les forces spéciales et formé par la CIA pour fomenter des révolutions et déstabiliser les États. Peut-on y voir un rappel de l’antagonisme entre les anciens esclaves libérés d’Amérique revenus en Afrique occidentale et les autochtones. Killmonger entend régner. Il veut soutenir en l’armant les luttes des Afro-descendants sur tous les continents et préparer l’avènement d’un « empire quasi-universel du Wakanda ».

Le Wakanda est un État fictif d’Afrique centrale, orientale ou australe réputé pour son extrême pauvreté et son économie pastorale rétrograde. En fait, un immense champ de projection holographique couvre tout le territoire et cache au monde entier une autre réalité. Le Wakanda est une nation hautement technicisée disposant d’engins volants capables de se rendre invisibles, de trains à suspension électro-magnétique, d’appareils de contrôle d’avions ou de voiture qui permettent de conduire à distance…

La puissance incroyable du Wakanda repose sur l’existence dans son sous-sol d’un métal rare venu de l’espace, le vibranium, d’une dureté extrême, qui émet une énergie interne ainsi que d’incontestables effets mutagènes. Le vibranium a provoqué l’apparition de l’herbe-cœur, une plante qui, préparée en décoction, accroît les capacités physiques humaines. En tant que Black Panther, le roi de Wakanda appartient aux humains augmentés. Il bénéficie en outre du savoir-faire technologique représenté dans le film par la princesse royale Shuri, sa sœur cadette, experte en sciences appliquées et en techniques d’infiltration. Avant de partir en mission en Corée du Sud, T’Challa et Shuri répètent une scène habituelle des James Bond quand Q donne dans son laboratoire à l’agent 007 de nouveaux gadgets de combat.

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Protégé par d’excellentes forces armées et par un réseau international de renseignement extérieur clandestin et omniscient, le Wakanda concilie avec un rare bonheur les avancées techniques et la tradition. Ainsi pour son intronisation, le nouveau roi doit-il relever tout défi lancé contre lui par un duel avec tout autre prétendant au trône. Le combat cesse soit par la mort d’un des protagonistes, soit par un abandon. Victorieux, le roi boit ensuite une potion et se retrouve recouvert de sable rouge. La potion le met en contact avec l’esprit de son prédécesseur. Dès que les effets s’estompent, le roi s’extrait du sable (fœtus symbolique), ce qui témoigne d’une seconde naissance, celle d’un homme de puissance.

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Aussi étonnant que cela puisse paraître, la démocratie semble ne pas y exister. Le monarque wakandais prend l’avis du conseil des sages composé du général en chef des Dora Milaje (la garde royale féminine personnelle), de la reine-mère et des représentants religieux et des tribus. Le film et les comics qui l’évoquent écartent du Wakanda toute influence monothéiste. Les Wakandais des animistes convaincus. Leurs cultes (de la Panthère, du Lion et du Crocodile) s’inspirent, influence notable de l’afrocentrisme, de la mythologie égyptienne (les divinités Bast/Bastet, Sekmet, Sobek). Voilà donc un État au prestigieux développement technique demeuré pour le moins polythéiste… Faudrait-il comprendre que les monothéismes nuisent aux découvertes techno-scientifiques ? Les vives polémiques autour du génome humain confortent cette hypothèse.

Vertu de l’autarcie

Le Wakanda se compose à l’origine de cinq tribus rivales. Quatre acceptent finalement de se soumettre à l’autorité de la première Panthère noire. Elles exercent par ailleurs une mission fonctionnelle dans la société wakandaise. Si la tribu des Frontières se fait passer pour de simples éleveurs, elle monte la garde aux marches du royaume. Les responsables de la tribu de la Rivière portent des vêtements verts en peau de crocodile et, pour les plus respectés d’entre eux, un plateau à lèvres. La tribu des Marchands regroupe les artistes, les commerçants, les tisserands et les artisans. Quant à la tribu des Mines, sa tâche est vitale puisqu’elle extrait le vibranium du sol ou de la montagne. Cette organisation tribale ressemble à s’y méprendre à une stratification sociale par caste. Cela signifie-t-il qu’une société communautaire formée d’ordres sociaux favorise le succès économique et technique ? Il faut le croire…

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Dès le règne de la première Panthère noire, la cinquième tribu, celle des Jabari, adorateurs du Gorille blanc, fait sécession, ne reconnaît pas l’autorité royale et se réfugie dans les sommets montagneux les plus hauts et les plus enneigés du Wakanda. La tribu des Montagnes constitue un royaume caché au sein d’un État quasi invisible. Ne serait-ce pas d’une métaphore de l’« État profond » ?

La pauvreté supposée du Wakanda n’attire guère les étrangers d’autant qu’il ne s’ouvre pas au monde extérieur. Cet exemple parfait (idéal ?) de société fermée doit sa réussite, d’une part, à un développement économique autarcique et auto-centré et, d’autre part, à une homogénéité ethnique complète. La « diversité » multiculturelle n’y a pas sa place. Le roi T’Challa déambule dans les rues animées de sa capitale en compagnie de son (ancienne ?) petite amie en toute quiétude. Il est aussi étonnant que les milieux d’Hollywood, si suspicieux en matière raciale, proposent un modèle monoculturel, ethnocentré et traditionnel qui ne peut que rappeler « les-heures-les-plus-sombres-de-leur-histoire ». Relevons le silence des organisations LGBTQXYZ malgré l’absence dans le film de tout personnage gay, lesbien, trans, bi ou autre… Mentionnons en outre l’absence de toute scène de métissage. La princesse Shuri n’embrasse même pas l’agent – caucasien – de la CIA ou, après le générique de fin, le Soldat de l’Hiver convalescent ! Ce manque de réaction, voire cette indulgence peu courante, surprend. Black Panther de Ryan Coogler recevra-t-il bientôt le label fort prisé de « film néo-patriarcal hétéronormé cisgenré » de la décennie ?

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Souverainisme noir ou panafricanisme 2.0 ?

Le roi T’Challa fait face à un dilemme diplomatique considérable. Doit-il révéler au monde la véritable nature du Wakanda et prendre sa part dans la gestion des affaires du monde ? Ou bien doit-il maintenir sa position isolationniste habituelle ? Le monarque décide de miser sur le soft power en valorisant à travers une fondation officielle des initiatives humanitaires. Il souhaite néanmoins conserver l’entière souveraineté de son royaume. Le Wakanda ne serait-il pas en fait un transfert africanisé des États-Unis d’Amérique rêvés, soit un pays altruiste et magnanime en politique étrangère, conservateur sur les plans intérieur et moral ? Par bien des aspects, le Wakanda rappelle aussi la Fédération eurosibérienne envisagée par Guillaume Faye puisque cet État africain exprime clairement une nature hautement archéofuturiste.

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Black Panther de Ryan Coogler a réjoui les populations noires de l’Occident mondialisé, car elle se reconnaissent dans le Wakanda. Le film met en effet le paquet pour séduire ce public, y compris les suprémacistes noirs. Fervent monogéniste, l’un des personnages du film assène une inexactitude anthropologique, à savoir que l’Afrique serait le berceau de l’humanité. Les scénaristes ignorent les thèses paléontologiques les plus récentes qui valident maintenant un foisonnement polygénique d’espèces humaines. Hollywood n’a pas compris en revanche que le Wakanda peut devenir le modèle symbolique du nouveau panafricanisme. Faire de l’Afrique un continent libre qui, pour avancer, renoue avec ses traditions interrompues (ou défigurées) par les colonisateurs européens et la Décolonisation, devrait être la motivation fondamentale de ses enfants, les héritiers du Gondwana. Quant aux descendants des Boréens, ils attendront encore très longtemps la moindre aventure, dessinée, écrite ou filmée, d’un hypothétique White Bear.

Georges Feltin-Tracol

18:23 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : wakanda, black panther, cinéma, film | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 25 septembre 2020

Claude Autant-Lara

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Claude Autant-Lara

«Il y a une force dans l’image, plus percutante que la littérature…» Le cinéma d’Autant-Lara a toujours refusé d’être intellectuel. Pourtant, peu d’oeuvres contiennent autant d’adaptations littéraires que la sienne : Stendhal, Colette, Radiguet, Aymé, Simenon.. Le choix de ses sujets, à caractère presque systématiquement sulfureux ou polémiques, l’exposa continuellement aux ligues catholiques, à la censure et aux remous sociétaux. Chaque film entendait ainsi porter le fer de la subversion dans une société française qui continuait de vivre sur un mode soft l’antienne du maréchal Travail-Famille-Patrie. C’est qu’il possédait un tour d’esprit qui n’est pas tant de la méchanceté qu’une certaine cruauté lucide. Si la fonction du cinéma est d’arrondir les angles, Autant-Lara chercha au contraire à élégamment fracasser toute idée rassurante.

« Je dirai que je suis un petit-bourgeois anarchiste. »…  Claude Autant-Lara aimait également se définir comme « le poivre sur la plaie, l’huile sur le feu, le feu aux poudres ». Il aimait à expliquer que le patriotisme ne peut être que culturel.  Longtemps Président du Syndicat des techniciens, il s’est battu  sa vie durant avec fougue, la rage au cœur, selon son expression, pour défendre l’identité du cinéma français qu’il voulait le meilleur du monde. « Avant tout je suis français, et je n’ai pas de vertus que dans la mesure où j’appartiens à une ethnie dont je suis fait. »

Certains tristes errements de fin de parcours entachent encore de nos jours l’image de l’artiste et masquent la force d’une œuvre qui a réjoui tant de joyeux esprits. Dommage que cet anar authentique soit devenu sur le tard un vieillard cacochyme éructant quelques frustrations mal recuites. L’anathème jeté à la fin des années 1950 par la nouvelle vague sur Claude Autant-Lara, comme ses dérapages crépusculaires ne sauraient éclipser le rôle majeur, bien que souvent ingrat, que le réalisateur de La Traversée de Paris joua dans le cinéma français.

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Claude Autant-Lara est né le 5 août 1901 à Luzarches. Elève médiocre au Lycée Jeanson de Sailly, notre héros est très souvent collé, parfois même des dimanches entiers. Un de ces dimanches de retenue, il se retrouve seul dans une salle de classe avec un jeune pion qui le surveille et qui s’ennuie aussi ferme que lui. Encouragé par la mine insolente du jeune Claude, le pion lui lance : « On ne va pas rester là toute la journée comme deux couillons, hein ? ». Surprise de l’élève collé qui ne pipe mot. Le pion s’enhardit : « Allez, je prends sur moi de vous emmener mais surtout ne le dîtes pas, ni chez vous, ni ici. » Claude acquiesce, un peu inquiet. Ils quittent l’école, prennent le métro Place Dauphine, et descendent à Anvers, sans échanger un mot. Le surveillant entraîne l’enfant vers le Cinéma Dufayel, achète deux places et les fugitifs s’engouffrent dans la salle. C’est la première fois que le petit garçon va au cinéma, qu’il voit des images projetées sur un écran. Et c’est le choc, le choc absolu du genre Claudel derrière le pilier de Notre-Dame. Le théâtre interprété par sa « petite mère », comme il l’appelait, l’avait convaincu, mais le cinéma l’envoûte. C’est donc par le truchement d’un pion cinéphile, complice d’un jour d’un cancre militant, qu’un des grands cinéastes du siècle dernier va rencontrer une vocation qu’il mettra un certain temps à s’avouer.

 

Claude Autant-Lara en pleine crise d’adolescence est devenu indésirable à Jeanson de Sailly. Ses parents décident alors d’exporter en Angleterre, leur fiston, possiblement mobilisable s’il ne poursuit pas des études et si la guerre s’éternise. Ils l’inscrivent à Hendon, près de Londres, à Mill Hill School. La discipline anglaise, les châtiments corporels, en particulier, les fessées à coups de sticks de hockey lui sont insupportables. Un jour, il explose et frappe son head master avec le stick qu’il lui arrache des mains. Claude Autant-Lara n’aura pas souffert pour rien en Angleterre. Sa connaissance de l’anglais lui sera très utile plus tard, dans les années 30, lorsque, sans travail en France, il s’expatriera à Hollywood.

Il débute en étudiant aux Beaux-Arts, puis aux Arts déco. C’est par le biais de cette dernière filière qu’il entre dans le monde du cinéma. En 1919, Marcel L’Herbier lui confie le soin de la confection des décors du Carnaval des vérités. À vingt ans, il est encore du côté de la novation, de l’avant-garde. Fait divers, son premier court métrage, en 1921, a pour interprète le poète Antonin Artaud. Deux ans plus tard, il innove d’un point de vue technique en utilisant pour son second court métrage, Construire un feu, un objectif anamorphique. La Century Fox s’en inspirera pour créer le procédé du Cinémascope.

À trente ans, on le voit partir pour l’Amérique. On le charge de réaliser les versions françaises de films de Buster Keaton et de Douglas Fairbanks Junior. Il se heurte au système de Studios qui se méfient d’un réalisateur qui entend avoir la maîtrise de ce qu’il tourne.  Révolté par les mœurs hollywoodiennes, le réalisateur dénoncera toute sa vie, la tyrannie des tycoons de la Côte Ouest qui, selon sa formule « avaient ratatiné, châtié, émasculé le plus grand créateur de tout le cinéma, le Shakespeare de la pellicule, Erich Von Stroheim ». Autant-Lara restera 2 ans à Hollywood où il dirigera trois versions françaises, deux courtes bandes de Buster Keaton, Buster se marie et Le plombier amoureux et un film avec Douglas Fairbanks Junior.

34139.jpgSon retour en France, deux ans plus tard, marque le début de sa seconde carrière, qui avec des hauts, quelques-uns, et des bas, beaucoup plus, celle d’un artisan du cinéma français plus que d’un auteur, mais ceci est une histoire qui n’éclatera que vingt ans plus tard. Ciboulette est l’adaptation d’une opérette dont le cinéaste garde un souvenir des plus éprouvants de la  » giclée acidulée  » de la voix de la chanteuse Simone Berriau. C’est en 1932, il fait travailler son ami Prévert. Le film provoque un scandale chez l’auteur du livret et la carrière d’Autant-Lara connaît là sa première éclipse.

 

En 39, il réunit Michel Simon, Fernandel et Arletty. L’ensemble est détonnant.  Alors disons-le tout de go les situations ne sont pas du tout crédibles, la description du monde de la pègre devait déjà faire sourire à l’époque et la naïveté du héros est digne d’un album de Martine. Mais c’est justement ce ton gentillet qui fait le charme du film. Un délicat mélange d’humour et de tendresse avec des dialogues savoureux servis par un trio de monstres sacrés.

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Il faut attendre 1943 et Douce pour qu’il reparte. Il signe là un des films qui portent la patte d’un cinéaste capable de  » lancer  » une vedette. Ici, il s’agit d’Odette Joyeux. L’après-guerre, en 1946, le voit sélectionné à Cannes. Il porte à l’écran le roman de Radiguet, le Diable au corps, ajoutant à l’adaptation ses propres vues antimilitaristes. Qu’importe le scandale déclenché lors de la sortie du film. Le jeune Gérard Philipe accède au statut de star. Marthe (Micheline Presle), cette épouse d’un soldat parti aux tranchées dont tombe amoureux le collégien François, restera pour le réalisateur le symbole de ses films  » tous  » réalisés pour  » les femmes  » et le Diable au corps, son  » film préféré « . Jugé indécent et antimilitariste, le film provoque en 1946 la colère des représentants de l’État et des ligues catholiques.

Les années cinquante le voient parvenir au faîte de sa gloire, avec des oeuvres mitigées, telle l’Auberge rouge, en 1951 – dont il imputera les défauts au cabotinage de la star Fernandel -, ou une version un peu aplatie du roman de Stendhal le Rouge et le noir en 1954 et d’autres qui deviendront des classiques de cet âge d’or du cinéma frappé du label « Qualité France » .

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À ceux qui auront voulu poursuivre le cinéma comme si de rien n’était, la génération de l’après-guerre vient achever un système de représentation autant que de production, de réalisation, qui s’est épuisé. La révolte initiée par les jeunes critiques, puis réalisateurs de la nouvelle vague n’est pas tant celle, toute sociologique de prétendants à l’entrée dans le système, qu’esthétique d’une tout autre conception du cinématographe. Ils préfèrent, le disent et l’écrivent, Renoir, Bresson, Hitchcock, Welles, Visconti, Rossellini à Autant-Lara, Delannoy ou René Clément. C’est d’ailleurs moins ces derniers que Truffaut attaque nommément, dans le texte fameux des Cahiers du cinéma de janvier 1954  » Une certaine tendance du cinéma français « , que précisément une conception du cinéma fondée sur le rôle des scénaristes de l’époque. Occupant la place au fond confortable de l’anticonformiste de service, Autant-Lara accuse le coup, rétorque avec sa verve propre, mais le rapport de force s’inversera inexorablement

 

Puis le mythique La Traversée de Paris inspiré d’une nouvelle de Marcel Aymé, à qui l’on doit l’immortelle réplique balancée par Gabin, « Salauds de pauvres »…Dans cette chronique cruelle du Paris de l’Occupation, d’une tonique agressivité, la verve anarchiste d’Autant-Lara atteint des sommets. Son cynisme démystificateur s’en donne à cœur joie. Tout le monde en prend pour son grade, la France d’en bas et la France d’en haut, unies dans la même bassesse. Gabin, grandiose en dandy provocateur, accepte le temps d’une nuit, d’accompagner Bourvil, chauffeur de taxi au chômage, dans un minable petit trafic de marché noir « pour voir (dit-il) jusqu’où, on peut aller loin avec tous ces lâches….Ce qu’on peut se permettre avec ces foireux…Les riches qui se déculottent pour qu’on ne les dénonce pas… Et les pauvres qui se déculottent aussi, on se demande pourquoi… ». Une verve célinienne, une férocité grinçante dominent l’ensemble, sauvé de la mesquinerie par quelques notations bouleversantes..

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Deux ans plus tard, Autant-Lara retrouve Gabin, maître du barreau parisien, saisi par le démon de midi pour En cas de Malheur, d’après Simenon. Dans la dénonciation des conventions bourgeoises, l’écrivain et le cinéaste sont sur la même longueur d’ondes. Face à Gabin, Brigitte Bardot est parfaite dans un rôle, écrit sur mesure, de femme enfant sensuelle, innocente et perverse. non seulement le scénario signé par Aurenche et Bost regorge de situations « scabreuses », mais son actrice principale est elle-même l’incarnation de la débauche. En 1958, le tollé provoqué par la nudité de Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme n’est pas encore calmé, et voilà qu’En cas de malheur vient remettre le feu aux poudres avec une (brève) apparition de l’actrice dans le plus simple appareil. Comme on s’en doute, les différents appels au boycott constitueront une publicité rêvée pour le film, et aboutiront à l’effet inverse, au grand dam des puritains.A la fois appât et proie.

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A partir de 1958, Claude Autant-Lara tournera encore 13 films, de qualité inégale, mais empreints d’une salutaire pensée libertaire. A partir des années soixante, il semble qu’Autant-Lara ait épuisé lui aussi son crédit – ou son désir – de provocation, de subversion, de scandale, de rage. Les Godard, les Truffaut, les Rivette, les Chabrol, les Rozier ont trouvé l’écriture de leur temps qui convienne à ces sentiments-là. Sa production des années 60, très inégale, contient cependant des réussites qui passèrent inaperçues car elles étaient déjà démodées au moment de leur sortie. Paradoxalement, des jeunes critiques des « Cahiers du cinéma », aimeront ces films.

51n8xoHCBuL.jpgL’homme ne tourne plus, ne trouve plus les moyens financiers de tourner, mais il écrit.  À quatre-vingt-six ans, il signe un recueil de souvenirs. Sa défense du  » cinéma français  » l’amène à écrire dans les Fourgons du malheur des choses telles celles-ci :  » Celui qui mange un camembert en l’arrosant de Coca-Cola est encore plus irrécupérable qu’un Éthiopien débarquant gare Saint-Lazare. Cet Éthiopien, il n’est pas exclu qu’on arrive à le convertir à Voltaire ou à Montaigne. Dans dix générations. Pas avant. Mais le buveur de Coca-Cola ? Lui ? Impossible. »

Faut-il trop s’étonner qu’il revendique, en cet été 1989, le fait de voter  » depuis longtemps » pour Le Pen, avant de faire campagne commune avec ce dernier et d’être élu député. En tant que doyen du parlement européen, il présida la séance inaugurale en juillet 1989 et prononça le discours d’ouverture, comme le voulait le règlement intérieur. Les députés socialistes et écolos, boycottèrent le discours d’Autan-Lara, en quittant l’hémicycle avant même le début du discours. Claude Autan-Lara osa parler de « l‘américanisation de la culture européenne ». Phénomène largement admis aujourd’hui par de nombreux observateurs, en particulier à gauche (mais avec quelques décennies de retard), mais qui à l’époque provoqua quelques effrois. Puis il devra laisser son siège après le scandale déclenché par ses propos de l’automne, qui prenaient pour cible sans la moindre élégance, entre autres, Simone Veil. Ces jérémiades agressives sont indignes de lui, mais le scandale est tel qu’Autant-Lara est bientôt contraint de démissionner de la députation. Ses pairs de l’Académie des beaux-arts, dont il est vice-président, lui interdisent de siéger. Dans ses volumes d’autobiographie, singeant Céline à Meudon, Autant-Lara se vit en figure maudite,seul contre tous.

Quand est-donc mort Claude Autant-Lara ? À quatre-vingt-dix-huit ans dans une clinique d’Antibes,  » des suites d’une longue maladie « , comme l’indiquent les dépêches d’agence de presse ? Le 8 mai 1989 quand il déjeune avec Jean-Marie Le Pen et décide de se présenter sous les couleurs de l’extrême droite aux élections européennes ? Au mois de septembre 1989 quand le magazine Globe révèle ses penchants antisémites ? Ou bien déjà en octobre 1987 quand il publie ses mémoires, les Fourgons du malheur, débordant de bile, entre autres, contre ce Cocteau  » qui avait mis la pédérastie à la mode  » ? Le coup de grâce était-il porté en 1983 quand TF1 refuse de produire son dernier film ? En tout cas, dans ces dernières volontés, le cinéaste, fâché avec les autorités françaises, avait fait don à la Cinémathèque suisse de ses trésors cinématographiques.

 

https://www.rts.ch/archives/tv/information/carrefour/3466...

2353741657.jpgCitations extraites du saisissant discours inaugural de Claude Autant-Lara devant le Parlement européen du 15 juillet 1989 :
« (…) Mais – et c’est là où j’entends en venir – ce n’est pas, que je sache, l’Union soviétique qui menace notre culture. NOS cultures, mes très chers frères Européens.Cette menace ne nous vient QUE des Etats-Unis d’Amérique. Et elle est terrifiante. Car, si un peuple se remet d’une défaite MILITAIRE – et même s’il s’en remet très bien, voyez le Japon – ou d’une défaite économique, comme l’Allemagne de 1930 – il ne se remet jamais – JAMAIS – d’une défaite culturelle. »
« Ce n’est pas tout. Je continue à explorer la perplexité des électeurs. L’exemple que je choisis me vient d’un mai très cher – homme de foi chrétienne – pourtant, là aussi, je ne suis pas féru de cléricalisme…
– L’Europe, me dit-il. Avez-vous réfléchi à son drapeau… ? Et il continuait : – Regardez-le bien… ce drapeau… comment – avec lui – elle se présente… l’Europe ? QUE DE MARCHANDS ! Ca ne vous rappelle rien … ? AUCUNE préoccupation spirituelle… ou CULTURELLE….
Bien obligé, n’est-ce pas – avec « l’esprit marchand »… Je suis athée – dégagée de toutes préoccupations métaphysiques – mais le langage de cet ami chrétien m’a touché – beaucoup. Emu. Alarmé même.»
« Car avant, ce démon étendait sa peste. Mais il avait un peu honte de sa propre haleine. C’était un démon qui faisait ses coups dans le noir, jusque-là, en rasant les murs…
Ses victimes le méprisaient…Or, aujourd’hui, même ses victimes sont CONVERTIES à sa loi ! Il s’agit du démon « PROFIT ». Je précise bien, ici, que j’emploie le mot « profit » dans le sens de LUCRE. »
« Il se trouve donc que, par malheur, j’ai été l’un des principaux artisans – bien involontaire – du départ de l’effroyable INVASION qui s’en est suivie… Invasion sans colon. Invasion sans armée.Sans le moindre gendarme.Beaucoup plus fort que tout cela.
Car cela se révéla le plus FORMIDABLE de tous les gaz – ce nuage euphorisant – imaginé en guise de préparation d’artillerie. Par écrans interposés.

LES ORGUES DE L’ONCLE SAM. »

« Désormais, mes chers Collègues du Parlement, en tout cas, vous ne pourrez pas dire que vous ne saurez pas TOUT. Je vous aurai averti.
A l’avance. Et je voudrais ajouter, chaleureusement, ce dernier avertissement. Le jour où l’Europe aura rendu son dernier mot, le monde ne sera plus loin de rendre son dernier soupir.
Mes chers collègues, je suis un « patriote spirituel ». Pour se moquer, certains disent un « Déroulède culturel ». Mais je tiens à vous dire, moi, affectueusement, culturellement – européennement – que je n’ai pas d’autres ennemis, en Europe, que les mous, les résignés. Les SOUMIS. Les acquis. Les vaincus volontaires. Ou les stipendiés… Les indifférents à leur propre disparition.
Je ne perdrai pas mon temps, ni le vôtre, à murmurer de sempiternelles « lamentations ». Ni en gémissements pour de prétendus « crimes contre les HUMANITES ». On en a tant vus – en toc… Je dirai que tout homme, en Europe, quelle que soit sa couleur politique, qui s’élèvera CONTRE la menace, ou la fatalité, de sa propre disparition, est mon frère – celui-là seul. »
« Oui, je m’adresse ici à l’instinct de conservation de TOUTES les jeunesses.
S’il leur en reste. Aucun discours. Aucun sermon. Aucune philosophie.
Seulement… seulement, un simple VŒU. Un vœu qui, peut-être, vous semblera dérisoire – mais combien il est symbolique.
Je demande – solennellement – à TOUS les jeunes de mon pays, à tous les jeunes de TOUS les pays, d’accepter une dérogation à ce qui est devenu pour eux – hélas – un réflexe.
Je leur demande, à l’heure des libations……une fois…… une seule fois – au moins..… de renoncer au COCA-COLA. Et de commander à la place, de commander……tenez… un petit ballon de vin blanc, de chez nous……d’Alsace bien sûr……Traminer… Riquewir…… de bien le brandir……de bien lever le verre…… de bien le regarder, doré, transparent… de bien le HUMER, avant de le boire. C’est tout. Si, par malheur, après cette expérience, le Coca-Cola reprenait le dessus……rien – RIEN…… rien ni personne ne pourrait plus rien pour eux. Ce verre serait, alors, celui du condamné. »

 

-FILMOGRAPHIE (sélective)-

1923 Fait-divers

1937 L’affaire du courrier de Lyon

1939 Fric-frac

1943 Douce

1946 Sylvie et le fantôme

1946 Le diable au corps

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1949 Occupe-toi d’Amélie

1951 L’auberge rouge

1954 Le blé en herbe

1954 Le rouge et le noir

1956 La traversée de Paris

1958 En cas de malheur

1959 La jument verte

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1961 Tu ne tueras point

1961 Le Comte de Monte-Cristo

1965 Le journal d’une femme en blanc

1967 Le plus vieux métier du monde

1969 Les patates

1973 Lucien Leuwen (TV)

1977 Gloria

-BIBLIOGRAPHIE-

Les Fourgons du malheur: Un livre explosif où le grand cinéaste dévoilait les dessous du cinéma français, son exploitation éhontée par une mafia cosmopolite et sans scrupule. Quelques semaines après sa mise en vente, les associations dites anti-racistes menaçaient le premier éditeur d’un procès. Les Fourgons du malheur fut alors retiré de la vente et pilonné.

Le Coq et le rat : En 1956, La Traversée de Paris, le plus connu des films d’Autant-Lara, subit les foudres des organes du terrorisme intellectuel, notamment du cahier du cinéma qui voyait en Autant-Lara le représentant d’une esthétique cinématographique qui leur rappelait les heures les plus sombre de leur histoire. Ses livres de souvenirs sont des pamphlets politiques et des livres de combats…

 

005693755.jpgTélémafia : Voici le premier livre de Claude Autant-Lara. Dérangeant, lui aussi. Comme ses films qui appartiennent à l’histoire du cinéma français. C’est après la parution de ce livre qu’il eut l’idée de rédiger sa « chronique cinématographique du XXème siècle » encore inachevée à ce jour et dont Télémafia est, en fait, le dernier tome.

Europaramount : 1945 ! Claude Autant-Lara prend conscience du danger de la sous-culture américaine à travers la production cinématographique mondiale qui envahit le marché français grâce aux accords Blum-Byrnes. Élu Président du Syndicat des Techniciens du Cinéma Français, le futur Académicien des Beaux-Arts va batailler becs et ongles contre ces accords. Europaramount rassemble plusieurs textes ou discours pamphlétaires violents et passionnés, devenus introuvables. Avec une plume trempée dans un concentré vitriolique, l’auteur de La traversée de Paris défend la culture française contre les tentacules du mondialisme cosmopolite ; lisez et relisez ces textes, faites-les circuler, ils constituent le meilleur rempart contre la subversion culturelle qui déferle sur l’Europe. Dans ce livre, vous trouverez la version intégrale non expurgée de son fameux discours de Strasbourg.

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mercredi, 29 juillet 2020

La Ferme des Animaux (1954): Pouvoir, Révolution et Cochons - PVR

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La Ferme des Animaux (1954): Pouvoir, Révolution et Cochons - PVR

 
 
Oyez à tous ! et bienvenue dans cette nouvelle présentation, aujourd'hui je vous ai choisi un bon film (oui c'est enfin arrivé) 'La Ferme des Animaux' ou 'Animal Farm' de son titre original, un dessin animé de 1954 qui a la particularité d'être à la fois le premier grand film d'animation réservé aux adultes et d'être une puissante critique envers les pouvoirs centralisés pour ne pas dire un mot que l'algorithme de youtube adore et de la révolution Russe ! Bon alors comme vous allez vite le constater le film en lui-même n'est pas des plus joyeux ça sera donc un peu moins rigolo que d'habitude mais je l'ai quand même trouvé intéressant et j'avais envie de vous le partager, donc voilà ça sera une présentation plus 'basique' qui résumera entièrement le film en un peu moins de 15 minutes suivi de quelques explications sur celui-ci, en tout cas j'espère que ça vous plaira et je vous souhaite un bon visionnage !
 

lundi, 27 avril 2020

Une métaphore filmée sur la surveillance bancaire

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Une métaphore filmée sur la surveillance bancaire

par Georges FELTIN-TRACOL

AUTRE_VALAN_2010_01_L204.jpgIl ne faut pas ne pas prendre au sérieux les grosses productions cinématographiques venues d’outre-Atlantique. En 2003, Jean-Michel Valentin publia chez Autrement Hollywood, le Pentagone et Washington. Les trois acteurs d’une stratégie globale, une excellente enquête sur les liens anciens et profonds qui unissent la finance, l’industrie du spectacle et du divertissement et le complexe militaro-industriel, soit le « cinéma de sécurité nationale ». Avant de devenir le secrétaire du Trésor de Donald Trump, Steven Mnuchin fut producteur de films. Jonathan « Jon » Favreau fut la principale plume de Barack Obama entre 2008 et 2013, année où il se mit à écrire des scénari pour le cinéma. Le président et fondateur d’une des plus grosses sociétés de production, Regency Entreprise, Arnon Milchan, révéla en 2013 avoir été un espion israélien qui, fort de ses réseaux en Afrique du Sud au temps de l’apartheid, se procura de l’uranium pour Tel Aviv.

En 2011 sort en salle le film Time out écrit et réalisé par Andrew Niccol (réalisateur des excellents Bienvenue à Gattaca et Lord of War) avec pour interprètes principaux le chanteur Justin Timberlake, l’actrice Amanda Seyfried et l’Irlandais Cilian Murphy, bien connu sous les traits de Thomas Shelby de la série télévisée Peaky Blinders. Time out (In Time pour titre original) s’intéresse indirectement à l’un des problèmes cruciaux qui ronge la société étatsunienne.

Le déroulement de l’intrigue

Dans un avenir plus ou moins proche, les êtres humains portent sur leur avant-bras gauche un chronomètre de couleur verte qui égrène les jours, les heures, les minutes et les secondes. S’il arrive à zéro, c’est la mort assurée. Incrusté dans la peau, ce compteur horaire entre en fonction à partir de 25 ans avec une année offerte.

Le compteur temporel arrête le vieillissement de l’individu qui garde pour toujours ses traits de jeune adulte s’il parvient à gagner du temps supplémentaire. Sinon il décède un an plus tard ou à tout moment s’il n’a plus rien. La mère du personnage principal, Will Salas (Justin Timberlake), ressemble ainsi à une bimbo aussi jeune que son fils. Le spectateur inattentif pourrait croire qu’il s’agit de sa copine…

Dans ce monde, le temps est vraiment devenu une marchandise. Pièces de monnaie et billets n’existent plus. Le chronomètre (ou compteur temporel) sert à acheter, à vendre, à donner, à recevoir ou à voler un temps précieux. Par exemple, le téléphone portatif étant lui aussi absent (sauf au cours d’une scène avec Cilian Murphy), appeler quelqu’un depuis une cabine publique vaut une minute de la vie de l’appelant. Un trajet en transport en commun coûte jusqu’à deux heures de son existence. Will Salas travaille dans une usine payé au rendement. Il reçoit moins que prévu à la fin de son service journalier parce que les critères de productivité ont changé au cours de la journée.

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Il vit dans le ghetto de Dayton (Ohio) où le compteur de la population misérable n’affiche que des heures, des minutes et des secondes. Y détenir plusieurs jours est perçu comme un luxe appréciable. Y survivre est difficile d’autant que la hausse continuelle des prix, plus ou moins rapide, affecte la vie de tous. Celle-ci demeure néanmoins une proie tentante pour des bandes de malfrats, surnommés « Minutemen », qui dérobent à leurs victimes malchanceuses des unités de temps disponibles. Cette canaille interlope travaille avec l’accord tacite des « gardiens du temps », des policiers qui vérifient si le temps octroyé aux masses laborieuses les maintient dans un état de servage avancé. Ils s’assurent de cette façon de la cohésion de tout l’édifice social.

En effet, non loin de Dayton, mais séparée par plusieurs péages dont la somme totale prélevée équivaut à une année de vie, se trouve la ville de New Greenwich où résident des nantis crédités de plusieurs centaines d’années : ils sont immortels. Mais, comme le disait le philosophe pataphysicien post-inversé Woody Allen, « l’éternité dure longtemps, surtout vers la fin ». Will Salas sauve un soir dans un bar mal famé du ghetto Henry Hamilton, un fringuant gars de 105 ans. Blasé, Hamilton se laisse mourir. Il offre auparavant en guise de remerciement à Salas endormi toutes ses années restantes.

Devenu riche en temps, Will Salas ne parvient pourtant pas à sauver sa mère. Il se rend à New Greenwich, descend dans un hôtel de luxe, choisit une suite somptueuse, s’achète une voiture de collection et va au casino. Joueur de poker audacieux, il y rencontre le milliardaire Philippe Weis, un darwinien social convaincu, et sa fille Sylvia (Amanda Seyfried) pas insensible à son charme. Elle l’invite à une réception dès le lendemain soir. Will Salas la séduit quand arrive le gardien du temps en chef, l’intraitable et incorruptible Raymond Leon (Cilian Murphy), qui l’accuse du meurtre de Henry Hamilton.

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Will Salas prend alors en otage Sylvia, s’enfuit, échappe aux hommes de Leon dans une course-poursuite automobile et regagne Dayton. Sylvia Weis y découvre un autre univers. Scandalisée par ce qu’elle voit, elle succombe au « syndrome de Stockholm », tombe amoureuse de Salas et devient sa complice. Ensemble, ils jouent aux « Robin des bois ». Ils attaquent les succursales de la banque Weis qui abritent les capsules qui gardent du temps et les redistribuent aux plus pauvres. Ce sont les nouveaux Bonnie et Clyde. Après bien des péripéties mouvementées, le film se termine sur leur envie de braquer le plus grand établissement bancaire du pays.

L’approche conformiste

Ce scénario dystopique avertit le public du risque des manipulations génétiques, des recherches sur l’arrêt de la vieillesse et du désir de rester éternellement jeune. L’humanité de cette époque futuriste a trouvé un bonheur matériel complet, réservé seulement à une minorité. La majorité subit, elle, les conséquences funestes de cette réussite et vit au jour le jour en quête d’un gain de temps plus ou moins grand. Henry Hamilton a révélé à Salas la vérité avant de mourir. L’immortalité accessible à quelques-uns implique la mort pour la majorité. L’éternité pour tous engendrerait des passions bien trop violentes.

Will Salas et Sylvia Weis s’affranchissent des règles sociales et peu leur importe que les autorités mettent leur tête à prix d’abord par une récompense de dix ans, puis de cent ans. Leur popularité, le clientélisme et une corruption massive les rendent invulnérables. Si Salas apprend à Sylvia à tirer au pistolet et à survivre en milieu hostile, elle l’informe des défauts de son monde et les faiblesses des établissements bancaires de son père.

Ils évoluent cependant dans les mêmes normes sociales que leurs adversaires. Ils volent du temps et l’offrent aux plus démunis, mais ils ne changent pas la société. À l’instar des altermondialistes qui œuvrent pour une autre mondialisation, le couple n’a aucune velléité révolutionnaire. La fin du film confirme la sentence de l’ignominieuse Margaret Thatcher pour qui « il n’y a pas d’alternative ». Marginalisés et excités par une vie dorénavant périlleuse, Will Salas et Sylvia Weis qui forment un duo absolu (leurs initiales s’inversent : WS – SW), ne souhaitent pas renverser l’ordre établi. L’industrie du divertissement cinématographique peut fort bien célébrer un certain individualisme, celui des francs-tireurs au grand cœur, sans toutefois scier la branche sur laquelle elle prospère…

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Analogie avec le crédit yankee

Time out présente néanmoins une autre lecture moins conventionnelle. La pandémie du coronavirus n’arrêtera pas l’endettement massif des ménages étatsuniens. Les étudiants qui poursuivent leurs études universitaires souscrivent des emprunts qui les engagent pour les quatre à cinq décennies à venir. Dans une société où il est rare (et mal vu) d’épargner, bénéficier d’un crédit exige des garanties sur la solvabilité et la réputation du demandeur. Celles-ci se rapportent à une notation sociale bancaire, le credit score. Il s’agit d’une note à trois chiffres attribuée à chaque résidant aux États-Unis qui détient un numéro de sécurité sociale (le SSN ou Social Security Number). Cette notation qui évalue automatiquement la gestion budgétaire quotidienne du demandeur, reflète en théorie sa capacité à rembourser les dettes contractées. Plus sa note sera élevée, plus il obtiendra des avantages bancaires. Un credit score bien noté améliore par conséquent toutes les transactions du quotidien (l’obtention d’un taux d’intérêt sur un emprunt très intéressant, une réduction non négligeable sur la prime d’assurance maison ou l’ouverture d’un compte chez un fournisseur d’électricité ou d’une ligne téléphonique mobile sans verser une caution). Son calcul inclut :

– 35 % sur la constance des paiements effectués,

– 30 % à partir du pourcentage de la capacité de crédit utilisé du demandeur (il est mieux noté s’il n’utilise qu’une faible partie des lignes de crédits au lieu de profiter du maximum autorisé par les cartes Gap, Target et Macy’s),

– 15 % qui se déterminent en fonction de l’ancienneté de l’historique de crédit,

– 10 % qui se basent sur le type de crédit obtenu (consommation ou immobilier, voiture, prêt étudiant, prêt hypothécaire revolving, cartes de crédits ou lignes de crédits, etc.),

– 10 % qui reposent sur les recherches faites pour obtenir un crédit en sachant qu’à chaque fois que le demandeur reçoit un crédit, son credit score en est affecté de manière négative.

Trois agences privées, Equifax, Transunion et Experian, s’occupent de sa gestion. Un équivalent existe aussi au Canada sous le nom de « cote de crédit », elle aussi administrée par deux filiales des compagnies étatsuniennes, Equifax Canada et Transunion – Canada. En Amérique du Nord, il est important de s’endetter afin de prouver son existence sociale. Plus une société est endettée, moins sa population sera réactive à l’injustice socio-économique et aux manipulations politiques.

6003067_Ezra_Pound_2-_watercolours_60x40_cm.jpgLe génial Ezra Pound le dénonçait déjà à son époque : l’usure bancaire (ou crédit) y occupe une place beaucoup trop prépondérante. Contrairement à ce que pensent les libertariens ou les miliciens anti-gouvernement fédéral, la vie de centaines de millions d’Étatsuniens ne dépend pas in fine de Washington, mais plutôt de Wall Street. Pensons aux fonds de pension rapaces qui versent par leur prédation (ou pillage légale) internationale la pension mensuelle ou hebdomadaire des retraités étatsuniens.

Changer la monnaie en temps appartient certes au domaine de la science-fiction. On n’aura pas de compteur de temps vert intégré à l’avant-bras demain matin. En revanche, il est remplacé dans la vie réelle par la carte bancaire, l’argent électronique et la puce RFID plus aisément traçables. Les autorités soucieuses d’une transparence totale de leurs citoyens profitent de la moindre crise (terroriste, climatique, sanitaire, économique) pour réduire la circulation des espèces. Recoupé à la géolocalisation du téléphone ainsi qu’à la puce – moucharde, le paiement numérique généralisé élimine toute anonymat possible. Outre la surveillance de masse par algorithmes, diverses institutions collectent de nombreuses données personnelles qu’elles revendront sous peu aux transnationales les plus offrantes.

Au service de la censure

Dans un monde sans argent liquide, la mort subite n’est plus physique comme dans Time out, elle est immédiatement sociale. Comment survivre si la banque clôt votre compte et désactive la carte non seulement pour des dépassements fréquents non autorisés du plafond de dépenses, mais aussi comme cela vient d’arriver à Björn Höcke, député régional de Thuringe, et à son épouse parce que leur engagement à l’AfD déplaît aux banksters d’ING ? La même mésaventure est d’ailleurs arrivée à Marine Le Pen et au futur Rassemblement national quand HSBC (fondée par les Britanniques pour fructifier l’argent provenant du trafic de l’opium au XIXe siècle en Chine) et la Société générale ont fermé son compte personnel et celui de son parti politique. Ces vexations discriminatoires ne sont jamais dénoncées.

La prudence et le pessimisme s’imposent au moment où se développe une censure odieuse, rapide et sauvage sur les réseaux sociaux de la part de Twitter, de YouTube, de Google et de Facebook. Ces monstruosités bâtardes déréférencent des sites dissidents, suppriment des comptes et bannissent les utilisateurs qui osent émettre un avis favorable sur Alain Soral, Renaud Camus, Boris Le Lay ou Génération Identitaire. Ce que les réseaux sociaux pratiquent déjà sans vergogne, banques et assurances l’appliqueront prochainement.

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Loin de renverser les assises du monde moderne occidental, le covid-19 accélère au contraire l’emprise de l’hyper-classe cosmopolite plus que jamais décidée à mâter définitivement les peuples. L’universalisation du paiement par carte ou sans contact améliore le contrôle invisible des populations. Gare alors aux plus récalcitrants ! Ils perdront hors de toute décision judiciaire leur emploi, leur domicile, leur famille, leur réputation s’ils persistent à vouloir défendre les spécificités bio-culturelles de leur communauté.

Film étonnant qui mérite d’être vu et revu, Time out prévient les esprits les plus lucides de l’avertissement suivant. « Prenez le temps de retirer des espèces au mur d’argent et utiliser au quotidien billets et pièces de monnaie pour mieux faire la nique au Système globalitaire. »

Georges Feltin-Tracol

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vendredi, 21 février 2020

Richard Jewell : un nouveau chef-d’œuvre signé Clint Eastwood

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Richard Jewell : un nouveau chef-d’œuvre signé Clint Eastwood

Par Aurélien Chartier

Ex: https://lesobservateurs.ch

Nous vivons une époque étrange. Dans un passé très proche, un film défendant la présomption d’innocence contre les pratiques douteuses du FBI et des médias ne ferait guère polémique. Éventuellement, certains cercles conservateurs pourraient critiquer l’image négative du FBI dans le film bien que le scénario ne fasse que très peu d’écarts avec la réalité.

Mais nous sommes en 2020 et les institutions en question devenues les hérauts de la lutte contre Donald Trump, elles se retrouvent de facto intouchables pour la gauche américaine. Une situation pour le moins improbable dans le cas du FBI qui cherchait à déstabiliser les mouvements progressistes des années 1960 et 1970.

Vous pensez que j’exagère ? Alors que je m’apprêtais à entrer dans la salle, un employé du cinéma, hippie aux cheveux longs ayant l’âge d’être mon grand-père, a tenu à me prévenir que Clint Eastwood était poursuivi en justice pour ce film.

Lorsque j’ai demandé plus d’information, il m’a répondu avec une fierté peu dissimulée qu’il prévenait tous les spectateurs du film. Renseignement pris après le film, il n’existe que la menace d’une action en justice, concernant un aspect mineur du film et n’impactant aucunement son message (spoilers dans le lien). Nous voici donc prévenus que les films se permettent quelques libertés artistiques, un fait apparemment surprenant pour le camp progressiste.

Pour en revenir au film, on suit la vie de Richard Jewell, agent de sécurité devenant héros d’un jour pour avoir lancé l’alerte au colis suspect lors de l’attentat du parc du Centenaire.

Nullement enjolivé, le personnage est décrit avec tous ses défauts : obèse, vivant avec sa mère, renvoyé d’un poste de vigile sur campus pour abus d’autorité et désirant maladivement rejoindre la police, alors même que les policiers se moquent plus ou moins ouvertement de lui.

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Le thème du héros poursuivi par un système déterminé à sa perte et sauvé par un avocat courageux est récurrent dans le cinéma hollywoodien. La vraie force du film est de prendre un personnage aux antipodes de la victime classique et davantage à l’image de ceux qui le persécutent.

Ainsi, Richard Jewell est montré pendant la majeure partie du film comme cherchant à aider autant que possible le FBI, alors que ces agents tentent de le piéger via des procédés souvent abjects. Si cela donne quelques passages tragi-comiques, cela renforce également l’absence complète de morale du FBI qui profite de la crédulité de sa victime pour l’amener à sa perte.

À l’opposé, l’avocat est un personnage plus conventionnel pour son côté cynique vis-à-vis de la police, mais qui devient plus humain au contact des épreuves que subit son client. Sa présence seule suffit d’ailleurs à montrer en quoi la qualification du film comme « conservateur » est un non-sens qui ne convaincra personne ayant un semblant d’esprit critique. Le film le présente sous un angle permettant de lire sur une affiche dans son bureau « J’ai plus peur de l’État que du terrorisme ». Un message que ne renierait probablement pas la majorité des libertariens américains.

La direction du film se veut viscérale et réaliste, suivant les personnages dans leur quotidien devenu un enfer, une fois la chasse médiatique enclenchée. Le sentiment d’étouffement ressenti par Richard et sa mère est parfaitement retranscrit via la réalisation les montrant retranchés dans un appartement minuscule avec une horde de journalistes à la porte. L’ajout d’extraits télévisés réels sur la télévision de l’appartement ne fait qu’accentuer cet aspect réaliste.

La réalisation est soutenue par un excellent jeu d’acteurs. Peu connu du grand public, la prestation de Paul Walter Hauser dans le rôle-titre est digne d’un Oscar. Sam Rockwell et Kathy Bates ont également des performances mémorables dans les rôles respectifs de l’avocat et de la mère. Olivia Wilde joue à la perfection une journaliste peu scrupuleuse se rendant progressivement compte des conséquences de ses actions. Un arc narratif qui n’est malheureusement pas complètement approfondi par le scénario. Dans une situation équivalente, Jon Hamm est très bon dans son rôle d’agent du FBI mais ne bénéficie que d’un développement limité.

Malgré ces défauts mineurs, Richard Jewell est une excellente histoire qui méritait d’être retranscrite par Clint Eastwood, dont le talent de réalisateur n’est plus à prouver depuis longtemps.

Offrant une critique juste et incisive des excès de pouvoir du FBI et des médias qui sont prêts à sacrifier un innocent pour des gains à court terme, le film sonne comme une alarme face à un système qui ne s’est pas amélioré depuis 1996. Reste à savoir s’il trouvera son public ou finira plombé par les polémiques de comptoir initiées précisément par les médias visés.

  • Le cas Richard Jewel, drame américain de Clint Eastwood, avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates et Olivia Wilde ; durée 2h09, sortie nationale le 19 février 2020.

À lire aussi : Clint Eastwood reste une tête de mule.

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dimanche, 02 février 2020

Leni Riefenstahl: Filmdom’s Wrongly Scorned Creative Genius

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Leni Riefenstahl: Filmdom’s Wrongly Scorned Creative Genius

 
Ex: https://www.inconvenienthistory.com

Leni Riefenstahl was an extraordinary woman of extraordinary accomplishment in many creative fields. Angelika Taschen writes of Riefenstahl:

She began as a celebrated dancer in Berlin during the early twenties, became an actress, then finally directed and produced her own films, several of which are among the most influential and most controversial in the history of film. Since the fifties she has traveled frequently to Africa and has lived for extended periods in the Sudan with the primitive Nuba tribes. Though long since a legend, she again attracted worldwide attention with her photographs of the Nuba. Then, at 71, she learned to dive and yet again turned her experiences into art with photographs of the undersea world.[1]

This article focuses on Riefenstahl’s remarkable career and the impact her association with Adolf Hitler had on her career, reputation, and life.

Early Career

Leni Riefenstahl showed talent in the arts, gymnastics and physical accomplishment early. Her first career choice of dance allowed her to merge her athletic abilities with her artistic powers and desire to express herself. Riefenstahl began dance training at Age 17, and by Age 21 she was making highly successful public appearances as a dancer. She traveled throughout Germany and many neighboring countries, scheduling dance performances almost every third day. In June 1924, she injured a knee during one of her leaps, forcing a cancellation of her tour. The resulting torn ligament in her knee ended her dancing career barely eight months after it had begun.[2]

Riefenstahl next pursued a career as an actress in “mountain films,” a genre specific to Germany which began its heyday in the first half of the 1920s. The self-confident Riefenstahl was given the lead in the movie The Holy Mountain even though she had never appeared in a major role. The film opened in December 1926 and enjoyed great success with both critics and the public. Riefenstahl was celebrated in the press as a new type of film actress, and the term “sports actress” was coined for her.[3]

After acting in some more mountain movies, Riefenstahl starred in the movie S.O.S. Iceberg set in Greenland. This film premiered on August 31, 1933 and was a big success. Everyone wanted to see the first movie ever filmed in the fascinating setting of Greenland; theaters were sold out days in advance. Few would have guessed this would be the last film Riefenstahl would act in for many years to come.[4]

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Riefenstahl also set out to secure her place in film history by acting as producer, director, screenwriter, editor and star of the movie The Blue Light. This movie used many real-life farmers as actors, and included many authentic images of farmhouses, alpine huts and village churches. The film opened on March 24, 1932 to mixed reviews. However, Adolf Hitler was highly impressed by the realistic scenes of the farmers in the movie. Hitler later said, “Riefenstahl does it the right way, she goes to the villages and picks out her actors herself.”[5]

 Hitler’s Filmmaker

Riefenstahl was invited to meet with Hitler on May 22, 1932 at the North Sea Village of Horumersiel. Strolling on the beach, Hitler and Riefenstahl talked about her films, all of which Hitler had seen. Hitler said during the conversation, “Once we come to power, you must make my films.”[6]

Riefenstahl had read Mein Kampf and she agreed to make films for Hitler. Riefenstahl’s first movie for Hitler was Victory of Faith, which premiered on December 1, 1933. Since this movie showed repeated scenes of Ernst Röhm laughing or marching at Hitler’s side, it was withdrawn shortly after Röhm’s murder on July 1, 1934.[7] The film was also not Riefenstahl’s best work. The photography is mediocre in substantial sections of the film, and it lacked the overall unity of her later films.[8]

Riefenstahl’s next film for Hitler, Triumph of the Will, was a huge artistic and financial success. Steven Bach writes:

Ordinary Germans’ response to Triumph of the Will was the measure of homeland success. The picture played in major theaters and minor, in school auditoriums and assembly halls, in churches and barracks. Its final revenues are not known, but Ufa reported that the film had earned back its advance and gone into profit just two months after its release…Agreement was all but universal that, at only 32, she had created a new kind of heroic cinema. With art and craft, she had wed power and poetry so compellingly as to challenge the artistry of anything remotely similar that had gone before. Her manipulation of formal elements was virtuosic, her innovations in shooting and editing set new standards and remain exemplary for filmmakers seven decades later, when the controversy the film continues to generate is, in itself, testimony to its effectiveness.[9]

After the opening of Triumph of the Will in March 1935, Riefenstahl made the 28-minute film Day of Freedom in tribute to the German military. This movie served as a technical rehearsal for cameramen she had assembled for her next big assignment—the 1936 Berlin Olympics.[10] 

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Riefenstahl covered all 136 Olympic events because her contract required her to prepare a sports film archive from which short films could be made for educational use. She therefore told her extensive team of cameramen and assistants that “everything would have to be shot and from every conceivable angle.” Her film Olympia premiered on April 20, 1938, which was Hitler’s 49th birthday. Olympia was universally acclaimed, and Riefenstahl became the most-celebrated woman in all of Germany.[11]

During World War II, Riefenstahl saved many of her colleagues from conscription by forming a combat-photographic unit. A “Special Riefenstahl Film Unit” composed of her handpicked film personnel departed Berlin for the front on September 10, 1939.

When gunfire shredded the canvas of her tent on September 12, Riefenstahl remarked, “I hadn’t imagined it would be this dangerous.” Riefenstahl resigned her commission after a German anti-partisan action in Konskie, Poland resulted in the deaths of approximately 30 Polish civilians.[12]     

Riefenstahl spent much of the rest of the war working on the film Tiefland. This movie became one of the most-expensive motion pictures in German film history. War conditions and Riefenstahl’s erratic health and personal life were major factors in the record-breaking five years it took to produce the movie. Riefenstahl was taken at the end of the war to an American detention camp where G.I.s too young to remember her face on the covers of Time and Newsweek examined her identity papers.[13]

Postwar Injustices

Leni Riefenstahl reunited with her husband, Peter Jacob, shortly after the war. Since neither Riefenstahl nor her husband nor her mother nor any of her three assistants had ever joined the Nazi Party, nor had any of them been politically active, she did not expect any problems from her captors. Unfortunately, she was wrong.[14]

Riefenstahl wrote:

[We] were wakened by the sound of tires screeching, engines stopping abruptly, orders yelled, general din, and a hammering on the window shutters. Then the intruders broke through the door, and we saw Americans with rifles who stood in front of our bed and shone lights at us. None of them spoke German, but their gestures said: ‘Get dressed, come with us immediately.’

This was my fourth arrest, but now my husband was with me, and we got to know the victors from a very different aspect. They were no longer the casual gangling GIs; these were soldiers who treated us roughly.[15]

Riefenstahl described her fifth arrest:

The jeep raced along the autobahns until…I was brought to the Salzburg Prison; there an elderly prison matron rudely pushed me into the cell, kicking me so hard that I fell to the ground; then the door was locked. There were two other women in the dark, barren room, and one of them, on her knees, slid about the floor, jabbering confusedly; then she began to scream, her limbs writhing hysterically. She seemed to have lost her mind. The other woman crouched on her bunk, weeping to herself.

I found myself in a prison cell for the first time, and it is an unbearable feeling. I pounded on the door, becoming so desperate that I eventually smashed my body against it with all my strength, until I collapsed in exhaustion. I felt that incarceration was worse than capital punishment, and I did not think I could survive a long term of imprisonment.[16]

LR_01.jpgRiefenstahl was eventually released from American custody only to be imprisoned by the French shortly thereafter. The weeks she spent in Innsbruck Women’s Prison caused her to want to commit suicide. Riefenstahl was arrested at least four times in the French Zone, and was eventually transferred to the ruins of Breisach, where she suffered from hunger. She was later transferred to Königsfeld, where the poverty and hunger was as great as it was in Breisach.[17]

Two years had passed since the end of the war, and no court trial of any kind had been slated for Riefenstahl. The French military government next transferred Riefenstahl to Freiburg, where she was locked up in a mental institution. After this three-month incarceration, she was transferred to Königsfeld, where she was required to report weekly to the French military authorities in Villingen.[18]

Riefenstahl was eventually forced to attend denazification hearings. Her first hearing was held in Villingen at the end of 1948. She won her case primarily because she had not been a party member. The French military government appealed her favorable ruling, and a second hearing was conducted in Freiburg in July 1949. Riefenstahl was again judged innocent, and the Baden State Commission on Political Purgation appealed this ruling. In her third trial, the Baden commission concluded that Riefenstahl, though innocent of specific crimes, had consciously and willingly served the Reich. She was classified as a “fellow traveler,” the next-to-lowest of the five degrees of complicity.[19]

Riefenstahl initiated a final hearing in Berlin in spring 1952 to recover her villa in Dahlem, which had been held by the Allies since the end of the war. The vital matter of Riefenstahl’s postwar classification as a “fellow traveler” was settled at this hearing. Since this classification carried no prohibitions or penalties, Riefenstahl was free to work again, although her film projects were repeatedly thwarted after the war.[20]

Postwar Fortunes

Leni Riefenstahl was widely pilloried for the positive statements she had made about Hitler before the war. For example, in February 1937 she told a reporter from the Detroit News: “To me, Hitler is the greatest man who ever lived. He truly is without fault, so simple and at the same time possessed of masculine strength. He asks nothing, nothing for himself. He’s really wonderful, he’s smart. He just radiates. All the great men of Germany—Frederick the Great, Nietzsche, Bismarck—had faults. Nor are those who stand with Hitler without fault. Only he is pure.”[21]

Despite such glowing statements, Riefenstahl’s association with Hitler was motivated primarily to advance her artistic career. Jürgen Trimborn writes:

Leni Riefenstahl began making films for the Führer in 1933, a career she could not have imagined one year before. Her cooperation with Hitler and the National Socialists was, in the end, based less on her fascination with their political program than on the opportunities that suddenly opened up to her in terms of artistic development. Of much greater importance to her than the “historical mission” of the Führer [were] her own career possibilities. The “new Germany” promulgated by the National Socialists would also make room for her, the insufficiently recognized artist.[22]

Riefenstahl when incarcerated by the Allies was frequently forced to inspect pictures from the German camps, and told that she must have known about these death camps. Steven Bach writes:

She was forced to look at photographs, images of Dachau. “I hid my face in my hands,” she recalled, as if the ordeal of viewing them equaled the horrors they depicted. She was not permitted to look away from the “gigantic eyes peering helplessly into the camera” from the hells of Dachau, Auschwitz, Buchenwald, Bergen-Belsen, and other death camps of which, she told the Americans, she had known nothing.[23]

Riefenstahl was telling the truth when she said she knew nothing about conditions in these German camps. In fact, the Allies were deceiving Riefenstahl by not telling her that most of the deaths in these camps occurred from natural causes. The Allies used these gruesome pictures from the German camps to induce guilt in Riefenstahl and the rest of the German people.

ce8ab2eb-fedc-4728-bc36-5d146c0b68b0.jpgRiefenstahl was also criticized for still supporting Hitler after witnessing the massacre of approximately 30 Jewish civilians in Konskie, Poland. This incident occurred after Polish partisans in Konskie had killed and mutilated a German officer and four soldiers. While such anti-partisan incidents were common during the war, they did not indicate a German plan of genocide against the Poles or the Jews. Riefenstahl was not complicit in this anti-partisan action, and she promptly terminated her film reporting of the war after this incident.[24]

Riefenstahl was smeared as a “Nazi monster” by many newspapers and magazines long after the war was over. Riefenstahl wrote:

They forged anything and everything. French newspapers ran love letters supposedly written by [Julius] Streicher. L’Humanite and East German magazines put me on the same level as criminal perverts. There was nothing I wasn’t accused of. Other papers claimed that I had become a “cultural slave of the Soviets”, and had sold my films to Mos Film in Moscow for piles of rubles.[25]

Conclusion

Film scholar Dr. Rainer Rother writes: “There is no other famous artist from the period of the Nazi regime who has exhibited the kind of lasting influence as has Leni Riefenstahl.”[26]

Riefenstahl’s films will survive. Susan Sontag falsely wrote in regard to Riefenstahl’s films, “Nobody making films today alludes to Riefenstahl.” Steven Bach writes in response to Sontag’s statement:

That was true, of course, if you discounted everything from George Lucas’s Star Wars to the Disney Company’s The Lion King to every sports photographer alive to the ubiquitous, erotically charged billboards and slick magazine layouts to media politics that, everywhere in the world, remain both inspired and corrupted by work Leni perfected in Nuremberg and Berlin with a viewfinder that a film historian once warned suggested “the disembodied, ubiquitous eye of God.”[27]

Unfortunately, Riefenstahl’s genius is slighted because she made films for Hitler. Her stature will be fully restored once it is understood that Hitler had never wanted war and did not commit genocide against European Jewry.[28] Riefenstahl may then unreservedly be recognized as one of the greatest film artists of the 20th Century.

Endnotes


[1] Taschen, Angelika, Leni Riefenstahl: Five Lives, New York: Taschen, 2001, p. 16.

[2] Trimborn, Jürgen, Leni Riefenstahl: A Life, New York: Faber and Faber, Inc., 2002, pp. 13, 20-23.

[3] Ibid., pp. 26, 29-31.

[4] Ibid., pp. 31-34.

[5] Ibid., pp. 38, 43, 48.

[6] Bach, Steven, Leni: The Life and Work of Leni Riefenstahl, New York: Alfred A. Knopf, 2007, pp. 90-91.

[7] Ibid., pp. 86, 121, 131.

[8] Rather, Ranier, Leni Riefenstahl: The Seduction of Genius, New York: Continuum, 2002, p. 57.

[9] Bach, Steven, Leni: The Life and Work of Leni Riefenstahl, New York: Alfred A. Knopf, 2007, pp. 139-140.

[10] Ibid., pp. 142-143.

[11] Ibid., pp. 151, 164, 166.

[12] Ibid., pp. 186-191.

[13] Ibid., pp. 208, 223.

[14] Riefenstahl, Leni, Leni Riefenstahl: A Memoir, New York: Picador USA, 1995, pp. 308, 327.

[15] Ibid., pp. 308-309.

[16] Ibid., pp. 309-310.

[17] Ibid., pp. 325-326, 329-332.

[18] Ibid., pp. 333-335.

[19] Bach, Steven, Leni: The Life and Work of Leni Riefenstahl, New York: Alfred A. Knopf, 2007, pp. 232-235.

[20] Ibid., pp. 235-237; Riefenstahl, Leni, Leni Riefenstahl: A Memoir, New York: Picador USA, 1995, p. 454.

[21] Trimborn, Jürgen, Leni Riefenstahl: A Life, New York: Faber and Faber, Inc., 2002, p. 212.

[22] Ibid., p. 80.

[23] Bach, Steven, Leni: The Life and Work of Leni Riefenstahl, New York: Alfred A. Knopf, 2007, p. 224.

[24] Ibid., pp. 188-192.

[25] Riefenstahl, Leni, Leni Riefenstahl: A Memoir, New York: Picador USA, 1995, p. 455.

[26] Trimborn, Jürgen, Leni Riefenstahl: A Life, New York: Faber and Faber, Inc., 2002, p. 274.

[27] Bach, Steven, Leni: The Life and Work of Leni Riefenstahl, New York: Alfred A. Knopf, 2007, p. 298.

[28] Wear, John, Germany’s War: The Origins, Aftermath and Atrocities of World War II, Upper Marlboro, Md., American Free Press, 2014, pp. 15-197, 340-389.

Author(s): John Wear
Title: Leni Riefenstahl: Filmdom’s Wrongly Scorned Creative Genius
Sources:  
Dates: published: 2020-01-19, first posted: 2020-01-19 23:35:34

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jeudi, 09 janvier 2020

Orwell on Screen

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Orwell on Screen

David Ryan
George Orwell on Screen
Jefferson, N.C.: McFarland & Company, 2018

This book took me down a rabbit hole when I discovered it last June. For several days I didn’t want to do anything but watch old television dramatizations and documentaries about George Orwell’s works and life. There have been a surprising number of them, and most of the key ones can be found online or in other digital media. A few, alas, have vanished into the ether, and we have to make do with David Ryan’s script synopses.

OOS-1.jpgTo his credit, Ryan does not spend much ink on critical analyses of the various presentations. That would make for a very fat and dreary book. In nearly every instance he’d have to tell us that the production was uneven and woefully miscast. I wondered if he was going to carp about the misconceived film adaptation of Keep the Aspidistra Flying (1997; American title: A Merry War). Not a bit of it; he leaves it to us to do the carping and ridicule. What he does provide is a rich concordance of Orwell presentations over the years, with often amazing production notes, technical details, and contemporary press notices. And if you don’t care to get that far into weeds, George Orwell on Screen is still an indispensable guidebook, pointing you to all sorts of bio-documentaries and dramatizations you might never discover on your own. This is particularly true of the many (mostly) BBC docos produced forty or fifty years ago, where you find such delights as Malcolm Muggeridge and Cyril Connolly lying down in tall grass and trading tales about their late, great friend.

TV and film versions of Orwell’s last novel (published as Nineteen Eighty-Four in England, 1984 in America) weigh very heavily in the text, and also take up a lot of viewing time when you try to sit through them all. Among the first entries were live teleplays, one broadcast by NBC in 1953 (for the Studio One series), the other staged and broadcast twice by the BBC the following year.  There was no videotape in those days, but we do have adequate if fuzzy kinescopes, recorded with a 16mm film camera aimed at a studio monitor. There were also radio adaptations in that era, including two riotous parodies by Spike Milligan and his Goon Show gang. And then, in 1956, came a big-budget feature film that was made in England but distributed under the American title 1984.

It raises some questions, this obsession with Orwell’s novel in the first half-decade or so after his death in January 1950. Was there a political motive at work, early in the Cold War? Was the book so rich in drama and human interest that everyone wanted to do it, the way all actors want to be Hamlet? I think the answer is much simpler. Live TV drama was a gaping maw that needed to be fed, and the hunger for scripts was intense, because radio drama was still very much a thing, too. (The first radio version was an American one soon after the book’s publication in 1949. It stars, incredibly enough, David Niven as a very suave-sounding Winston Smith.) Another reason for the abundance of 1984 productions might be that Orwell’s novel was that rare thing, a work of fiction that almost immediately entered common parlance, even among the many millions who never read the book. You’d have to go back to early Dickens or maybe Uncle Tom’s Cabin to find a novel with that kind of widespread impact. By 1950 anybody literate enough to read a newspaper knew who or what Big Brother was, and maybe could even appreciate jokes about “thoughtcrime” and “Room 101.”

Those two early teleplays, from NBC and the BBC, were melded together in a 1956 feature film, with Edmond O’Brien, Jan Sterling, Michael Redgrave, and Donald Pleasance (partly reprising his role from the BBC version). This version surpasses other screen adaptations in one respect: its exterior shots. It was made on location in London, and made use of recognizable landmarks and wartime bomb damage, giving us the dismal look and feel of the city in the novel. When there’s a celebration in Victory Square we don’t need to have it explained to us that this is really Trafalgar Square.

Balanced against this virtue are the movie’s oddities, and they are legion. Edmond O’Brien as Winston looks wasted and beaten-down, as Winston should, but here’s it’s as a paunchy and cirrhotic figure, rather than the gaunt and pallid nicotine addict in the book. Michael Redgrave wears a spaceship-commander uniform as the Inner Party bigwig O’Brien. Only in this movie they change his character’s name to O’Connor, because two O’Briens in the same film was thought to be too confusing for the audience.

And then there’s the problem of the finale. The novel’s finish was thought too downbeat, with Winston a broken man, drunk on clove-scented gin and separated from Julia, waiting for a bullet in the back of the head. So the director shot two different endings, one in which Julia and Winston get back together again, briefly, after which Winston finds redemption by cheering for Big Brother; and a second one in which Julia and Winston shout “Down with Big Brother” and start ripping down Big Brother posters. This “Down with Big Brother” ending is said to have been distributed in the British (and presumably European) market. I saw it on television someplace a long time ago and it was a real surprise: had I completely misremembered the ending?

*   *   *

Viewing the two teleplays and their mashup in the 1956 movie, one notices that, production values aside, the American “take” on the Orwell story was very different from the British one. American tastemakers conceived of 1984 as futuristic science-fiction. You see this in the lurid cover of the original Signet paperback, and in the posters for the 1956 film. The stark sets and random costumes in the 1953 Studio One production will put one in mind of something by Edward D. Wood, Jr. The designers were aiming for something like German Expressionism, but the effect is more like a cardboard dollhouse. While Big Brother posters are everywhere, “BB” is nothing like the mustachioed Stalin avatar that Orwell had in mind. Instead, “Big Brother Is Watching You” appears over a “hairless, freakishly distorted cartoon face [that] looks like something Mad magazine has commissioned from Picasso” (as author David Ryan puts it).

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Speaking of Ed Wood: Lorne Greene plays a very fey O’Brien, rather like Bunny Breckinridge’s “Ruler” character in Plan Nine from Outer Space. He wears an ornate suitcoat, sort of early-Roxy-usher, to indicate his high status in the Inner Party. When he slips Winston Smith (Eddie Albert) his address and suggests they get together that evening, it looks to all the world like a homosexual assignation. And some of the costume choices suggest that the crew didn’t understand the book at all. Orwell put most of his Party members in “overalls”: meaning, the kind of onesie garment that flight mechanics would wear; like Winston Churchill’s “siren suit.” But the costume people at Studio One saw “overalls” and thought of farmers’ bib overalls. So Eddie Albert as Winston was going to go around attired in necktie and farmer overalls, foreshadowing his 1960s sitcom role in Green Acres. But it appears somebody caught the mistake at the last minute, and came up with a few grease-monkey outfits, so at least Winston and the male ensemble don’t look entirely foolish.

What I found most baffling and annoying about this 1953 NBC production is that it entirely ignores the significance of Emmanuel Goldstein in the Two Minutes’ Hate. There is no Goldstein; instead the giant telescreen shows us a beefy talking-head known as Cassandra. Perhaps the Studio One producers were chary of Goldstein’s Jewishness. Or perhaps they didn’t want to complicate things by alluding to the whole Trotsky-vs.-Stalin saga, or suggest that Orwell’s novel (author’s disclaimers notwithstanding) really truly was about Soviet Communism.

This coyness carried over into the 1956 feature film, scripted by the same scenarist, William Templeton. Once again, no Emmanuel Goldstein, no explicit suggestion of Communism per se. But this time they couldn’t call the telescreen traitor Cassandra, because in mid-1950s England “Cassandra” had a very special meaning: not the doomsayer of Ilium, but a popular, snarky columnist in the Daily Mirror. It would be like calling the Goldstein figure “Liberace.” So when the morning scrum at the Ministry of Truth gathers for their Two Minutes’ Hate, their wrath focuses upon a talking head called “the archenemy Kalador.” Kalador? Just a sci-fi-sounding name the writer or someone pulled out of the air. Inexcusable.

No such issues in the 1954 BBC teleplay. The costumers knew what “overalls” were, and the producers weren’t touchy about using the name Emmanuel Goldstein or alluding to Leon Trotsky. Here the Goldstein on the telescreen is even made up to look like Trotsky. This production is twice as long as the American one, and has sufficient time to develop minor characters and subplots. Winston Smith is played by Peter Cushing, which gives the drama something of a Hammer Horror aspect (after all, Nineteen Eighty-Four is indeed a horror tale). The real diamond in the cast, though, is young Donald Pleasance as Syme, the nerdy lexicographer who can’t stop talking about the wonders of Newspeak. In fact, I’m pretty sure he has more lines in this teleplay than he does in the book.

The BBC dramatization is also much more inventive when it comes to Room 101. NBC’s Studio One version briefly locks Eddie Albert in a cubicle with (unseen) rats. Eddie screams. Blackout. So much for the horrors of Room 101. But the BBC crew really went to town. They built a whole kludgy apparatus for the rats, involving a cage, a face mask, and a kind of plastic ventilation coil running between them (something like a supersized version of the Habitrail ducts that hamsters scamper around in). Unfortunately the rats weren’t at all fearsome or hungry when they shot this scene, so we end up with insert shots of peaceful lab rats sniffing around their cage. But you have to give the set techs an E for Effort.

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The crucial difference between the 1953 American teleplay and the 1954 British one is how they approach the material. Once again, the American team thought they were doing science fiction. The British team dealt with it all as naturalistic kitchen-sink drama. This seems to me to be the only correct way to deal with Orwell. Those bedraggled Party members, sullenly putting in time at the Ministry of Truth; downing their disgusting grey stew at the canteen; maintaining themselves in a mild stupor with regular shots of cheap gin—this is pretty much wartime London as Orwell knew it and as the BBC crew remembered it. There’s very little here that’s futuristic.

Tellingly, when The Goon Show did their parody, “Nineteen Eighty-Five,” it was mainly a series of jokes about the food at Big Brother Corporation’s office canteen.

ANNOUNCER:
(over public address system) BBC workers. The canteen is now open. Lunch is ready. Doctors are standing by.

FX:
SOUND OF CANTEEN HUBBUB, CUPS & SAUCERS CLINKING

WINSTON:
As I sat at my table eating my boiled water I began to hate Big Brother Corporation.

The “naturalistic” BBC television script had a long afterlife. After being presented twice in 1954 and parodied by the Goons in 1955, it was re-produced in 1965, for a series called The World of George Orwell. And when Michael Radford made his visually stunning feature with John Hurt and Richard Burton (filmed and released in A.D. 1984), the film’s mise-en-scène recalled the fetid atmosphere of the BBC teleplays rather than the confused, big-budget 1956 movie. What’s missing in the Radford version is a clear backstory, as reflected in the novel’s atmosphere of wartime privation and squalor. This was something easy to get across in the 1954 BBC teleplay, but it doesn’t really register in the Radford version, which seems to take place in an alternative reality that exists somewhere outside our own chronological scheme.

*   *   *

Finding the right tone for dramatizing Orwell seems to be more of an obstacle for scriptwriters than it ought to be. Nearly everything he wrote was a depresso-gram, highly resistant to playful optimism. Earlier I mentioned Keep the Aspidistra Flying, a woeful black comedy that is set in the 1930s but follows a similar plot arc to Nineteen Eighty-Four. Somebody made a BBC teleplay of Aspidistra in the 1960s, and that seems to have been pretty faithful to the book. I.e., it was a downer. It didn’t get revived or rebroadcast, and eventually the BBC lost or erased the tapes. When the property came up again thirty years later as a feature production, the decision was made to turn it into a frothy period piece about a carefree young couple (Richard E. Grant and Helena Bonham-Carter), and that’s pretty much what we got. The idea seemed to be that the only acceptable treatment of the 1930s was something out of Masterpiece Theatre.

Two of Orwell’s best and most adaptable novels, Burmese Days and Coming Up for Air, have never gotten anywhere near feature production. The first seems to be permanently trapped in development hell, while the second was made into a BBC teleplay way back in 1965 and hasn’t been heard from since.

And then there’s Animal Farm, filmed twice but very unsatisfactorily, once in cel animation (1954) and once in live-action-plus-CGI (1999). In both instances the directors/animators missed the essential point: that this is a talking-animal tale (“A Fairy Story,” Orwell subtitled it), and the talking animals need to have distinct, developed personalities. Those personalities get lost in these films. Because in the first production the animals don’t really get to talk, the whole drama being explained in voice-over narration. The 1999 production went to the other extreme, giving us an Uncanny Valley of “real” talking barnyard animals. Instead of Orwell’s fairy-tale anthropomorphized critters, we get grotesque close-ups of drooling dogs and snot-nosed hogs. The effect is horrifying. Any sympathy we might bring to Orwell’s delightful creations doesn’t stand a chance.

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

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mercredi, 18 décembre 2019

Clint Eastwood's Richard Jewell is a masterpiece

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Clint Eastwood's Richard Jewell is a masterpiece

Ex: https://www.americanthinker.com
 

Richard Jewell, the film, is a perfect analogy for what the FBI and DOJ have done to President Trump, Michael Flynn, Carter Page, George Papadopoulos, and the American people.

Clint Eastwood's new film is the true story of how the FBI destroyed the lives of Richard Jewell and his mother after the 1996 bombing at Centennial Park in Atlanta during the summer Olympics.  Jewell was a security guard at the park who noticed an unattended backpack under a bench.  He alerted other police on the scene, who determined that it was indeed a bomb.  Jewell and the other police immediately began moving people away from the scene.  The bomb did explode; two people were killed and many were injured, but Jewell's actions saved many lives.

For a few days, he was a hero, but then the FBI began to focus on Jewell as the perpetrator because he "fit the profile."  He lived with his mother, wanted to be a policeman, and had lost several security jobs for various reasons, including once for impersonating a police officer.  That is all they had, all they needed — not a shred of real evidence beyond their conviction that he must be guilty because he fit the profile.

And based on the FBI's certainty that he was guilty and an inelegant leak to an Atlanta Journal-Constitution reporter, the media mob ran with the story in the cruelest of ways.  There is a scene in the film in which a room full of reporters at the AJC are laughing and applauding three days after the bombing because they were the paper to first print the news that the FBI was focusing on Jewell.  If this scene is an accurate representation, then journalists are even more cold-blooded than previously known.  It appears they can easily revel in a tragedy if they are first to report it.

It is a heart-wrenching film on every level.  It is also a perfect analogy for what our current federal law enforcement agencies have done to President Trump, Michael Flynn, Carter Page, George Papadopoulos, and numerous others if they were in any way useful for their desired ends.  The FBI agents in the film skirt the law over and over again in their zeal to indict Jewell.  They lie, trick, bug his home without a warrant, invade his apartment and nearly strip it bare.  They attempt to entrap him over and over again.

Watching the film, it is impossible not to think that this is exactly what the FBI under Obama did to Flynn, Page, et al.  The only difference is that the agents in the film torture Jewell because they mistakenly concluded that he must be guilty even though they had no evidence, no trace evidence; nothing connected Jewell to the crime.  The FBI agents who persecuted Flynn, Page, and Papadopoulos knew up front that none of them was guilty of anything.  They were just pawns in the plot to frame candidate Trump in order to ensure that Hillary won.  What they did was not only despicable, but blatantly unconstitutional.

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Once Robert Mueller was appointed special counsel, they doubled down on their evil plan.  The I.G. report has confirmed what millions of us have known for at least two years: that the Steele dossier was a ridiculous hoax from the outset, a collection of nonsense paid for by Hillary Clinton.

All those craven television journalists who swore that it had been confirmed and corroborated owe their viewers a thousand apologies.  It is quite likely that none of them asserting its truthfulness had bothered to read it.  If any of them had, one would assume that even they would have realized that it was just "bar talk," as the I.G. report relates what the sub-source called it.  Our media have learned nothing since the Olympic bombing fiasco — not one thing. 

The villains in the film, aside from the actual bomber, who was caught six years later, are the FBI and the media.  The parallels to what we have seen over the last three years from the senior leadership of the FBI under Comey, McCabe, and their willing flunkies and the Obama DOJ's Holder, Lynch, and Rosenstein have certainly not been lost on Clint Eastwood.  They are obvious and undeniable.  Our premier law enforcement and intelligence agencies, including Brennan's CIA, ceased to be about our First and Fourth Amendment rights long ago, let alone national security.  They became, at the top, imperious; they came to see themselves as above the law. 

Lately, all these not-witnesses the Democrats have paraded in front of their silly impeachment committees are feigning allegiance to the Constitution when we all know they hate the limitations it places on them.  If what the FBI did to Richard Jewell as depicted in the film is true, it would seem that the FBI gave up abiding by the constraints of the Constitution long ago.

As we now know from the Horowitz report, those involved in the Russia and Ukraine hoaxes were completely untethered to any legal constraints at all. They knew from the outset that the Steele dossier was phonied-up nonsense but they ran with it. That is how stupid they all assume we deplorables are. We are so dumb, in their minds, that there is no need to obey the law, to be honest or fair. They have long been confident that they will never be caught or punished for their lies and crimes. We know that many of the perpetrators of the Russia hoax still have their jobs. If they have not aged out, the agents that framed Richard Jewell are probably still on the job or getting their pensions.

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If there is a sentient person on the planet that does not know the mainstream media is not only corrupt but that it has nothing whatever to do with news reporting, he or she must live in a cave. The only real journalists are not on CNN, MSNBC, ABC, CBS (except for Catherine Herridge) or NBC. If there is even one at the NYT or WaPo, it would be good to know. The real journalists are well outside of the mainstream: John Solomon, Andrew McCarthy (no relation), Sara Carter, Eric Felten, Lee Smith, Gregg Jarrett, Dan Bongino, Jeff Carlson, and everyone at the Federalist. There are many more, all available online. These are the people who have done the heavy lifting and informed the public. What is astonishing is the fact that the mainstream network and print people ignore what all these actual journalists report. They assume that because they are not a member of their elite club, they are illegitimate. Chuck Todd, for example, is oblivious to the fact that Ukraine meddled in the 2016 election for Hillary!

These folks don't know half of what those of us who pay attention to all those people who are real investigative reporters know. Our oh-so-self-important media elites are willfully ignorant. Just like the FBI agents that railroaded Richard Jewell, the mainstream media has developed a narrative and they are sticking to it, no matter how seriously the actual facts undermine and discredit it.

Eastwood's film is a masterpiece. He has exposed the perfidy of the FBI and the media in 1996 and at the same time shown us that the culture of the higher-ups at the FBI had not changed one bit when they decided to stage a coup against a presidential candidate they did not like. Once Trump won, they doubled-down on their betrayal of the American people and the Constitution. Do not for one minute take seriously their sudden respect for our founding document. A truth Dennis Prager often proclaims, "The left is the enemy of America." The FBI under Comey, the DOJ under Obama and the mainstream print and digital media are the public face of that enemy. Do not miss this film. Paul Walter Hauser as Jewell deserves an Oscar for his very fine performance. 

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