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dimanche, 15 septembre 2024

Céline et la grosse dépression américaine

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Céline et la grosse dépression américaine

Nicolas Bonnal

« Toujours j’avais redouté d’être à peu près vide, de n’avoir en somme aucune sérieuse raison pour exister. À présent j’étais devant les faits bien assuré de mon néant individuel. Dans ce milieu trop différent de celui où j’avais de mesquines habitudes, je m’étais à l’instant comme dissous. »

Tous les ploucs rêvent d’aller à New York, et tous les crève-misère rêvent de se rendre en Amérique. Et voici comment le génie du siècle passé décrit son expérience new-yorkaise.

La peur de la ville debout (vision d’horreur en fait que celle de ce New York imposé depuis au monde entier avec ses tours de force) :

« Figurez-vous qu’elle était debout leur ville, absolument droite. New York c’est une ville debout. On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux même. Mais chez nous, n’est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s’allongent sur le paysage, elles attendent le Voyageur, tandis que celle-là l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur. »

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Le froid qui va avec, et qui frappait Tocqueville :

« Ça fait drôle forcément, une ville bâtie en raideur. Mais on n’en pouvait rigoler nous, du spectacle qu’à partir du cou, à cause du froid qui venait du large pendant ce temps-là à travers une grosse brume grise et rose, et rapide et piquante à l’assaut de nos pantalons et des crevasses de cette muraille, les rues de la ville, où les nuages s’engouffraient aussi à la charge du vent. Notre galère tenait son mince sillon juste au ras des jetées, là où venait finir une eau caca, toute barbotante d’une kyrielle de petits bachots et remorqueurs avides et cornards. »

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La trouille à l’immigration surtout pour un fauché (il sera aussi mis en quarantaine) :

« Pour un miteux, il n’est jamais bien commode de débarquer nulle part mais pour un galérien c’est encore bien pire, surtout que les gens d’Amérique n’aiment pas du tout les galériens qui viennent d’Europe. « C’est tous des anarchistes » qu’ils disent. Ils ne veulent recevoir chez eux en somme que les curieux qui leur apportent du pognon, parce que tous les argents d’Europe, c’est des fils à Dollar.

J’aurais peut-être pu essayer comme d’autres l’avaient déjà réussi, de traverser le port à la nage et puis une fois au quai de me mettre à crier : « Vive Dollar ! Vive Dollar !

C’est un truc. »

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Broadway :

« Nous on avançait dans la lueur d’en bas, malade comme celle de la forêt et si grise que la rue en était pleine comme un gros mélange de coton sale.

C’était comme une plaie triste la rue qui n’en finissait plus, avec nous au fond, nous autres, d’un bord à l’autre, d’une peine à l’autre, vers le bout qu’on ne voit jamais, le bout de toutes les rues du monde.

Les voitures ne passaient pas, rien que des gens et des gens encore. »

Manhattan et Mammon, le manque de pognon, la cité tentaculaire qui nous réduit à l’état de toutes petites fourmis :

« C’était le quartier précieux, qu’on m’a expliqué plus tard, le quartier pour l’or : Manhattan. On n’y entre qu’à pied, comme à l’église. C’est le beau coeur en Banque du monde d’aujourd’hui. Il y en a pourtant qui crachent par terre en passant. Faut être osé. »

« C’est un quartier qu’en est rempli d’or, un vrai miracle, et même qu’on peut l’entendre le miracle à travers les portes avec son bruit de dollars qu’on froisse, lui toujours trop léger le Dollar, un vrai Saint-Esprit, plus précieux que du sang.

Quand les fidèles entrent dans leur Banque, faut pas croire qu’ils peuvent se servir comme ça selon leur caprice.

Pas du tout. Ils parlent à Dollar en lui murmurant des choses à travers un petit grillage, ils se confessent quoi. »

Et ils n’ont pas fini de lui parler à D-Dollar avec la parité et les indices à 20000 !

La fameuse saleté, la piscine à caca puritaine :

« À droite de mon banc s’ouvrait précisément un trou, large, à même le trottoir dans le genre du métro de chez nous. Ce trou me parut propice, vaste qu’il était, avec un escalier dedans tout en marbre rose. J’avais déjà vu bien des gens de la rue y disparaître et puis en ressortir. C’était dans ce souterrain qu’ils allaient faire leurs besoins. Je fus immédiatement fixé. En marbre aussi la salle où se passait la chose. Une espèce de piscine, mais alors vidée de toute son eau, une piscine infecte, remplie seulement d’un jour filtré, mourant, qui venait finir là sur les hommes déboutonnés au milieu de leurs odeurs et bien cramoisis à pousser leurs sales affaires devant tout le monde, avec des bruits barbares ».

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La pauvreté dans la métropole babélienne :

« Contre l’abomination d’être pauvre, il faut, avouons-le, c’est un devoir, tout essayer, se soûler avec n’importe quoi, du vin, du pas cher, de la masturbation, du cinéma. »

La cinéphilie comme culture de mort on connaît ça nous aussi. C’est la petite mort dit le maître.

Premier gros accès de déprime :

« Ce qui est pire c’est qu’on se demande comment le lendemain on trouvera assez de force pour continuer à faire ce qu’on a fait la veille et depuis déjà tellement trop longtemps, où on trouvera la force pour ces démarches imbéciles, ces mille projets qui n’aboutissent à rien, ces tentatives pour sortir de l’accablante nécessité, tentatives qui toujours avortent, et toutes pour aller se convaincre une fois de plus que le destin est insurmontable, qu’il faut retomber au bas de la muraille, chaque soir, sous l’angoisse de ce lendemain, toujours plus précaire, plus sordide ».

Après ces lignes sublimes sur l’âge qui vient :

« C’est l’âge aussi qui vient peut-être, le traître, et nous menace du pire. On n’a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité. Et où aller dehors, je vous le demande, dès qu’on a plus en soi la somme suffisante de délire ? La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai jamais pu me tuer moi. »

Après la résignation du peuple bien bestial et soumis :

« Au lit ils enlevaient leurs lunettes d’abord et leurs râteliers ensuite dans un verre et plaçaient le tout en évidence. Ils n’avaient pas l’air de se parler entre eux, entre sexes, tout à fait comme dans la rue. On aurait dit des grosses bêtes bien dociles, bien habituées à s’ennuyer. »

Après la petite mort du cinéphile (on connaît comme on disait) :

« Il faisait dans ce cinéma, bon, doux et chaud. De volumineuses orgues tout à fait tendres comme dans une basilique, mais alors qui serait chauffée, des orgues comme des cuisses. Pas un moment de perdu. On plonge en plein dans le pardon tiède. On aurait eu qu’à se laisser aller pour penser que le monde peut-être, venait enfin de se convertir à indulgence. On y était soi presque déjà.

Alors les rêves montent dans la nuit pour aller s’embraser au mirage de la lumière qui bouge. Ce n’est pas tout à fait vivant ce qui se passe sur les écrans, il reste dedans une grande place trouble, pour les pauvres, pour les rêves et pour les morts. »

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Deuxième attaque de spleen américain :

« En Afrique, j’avais certes connu un genre de solitude assez brutale, mais l’isolement dans cette fourmilière américaine prenait une tournure plus accablante encore.

Toujours j’avais redouté d’être à peu près vide, de n’avoir en somme aucune sérieuse raison pour exister. À présent j’étais devant les faits bien assuré de mon néant individuel. Dans ce milieu trop différent de celui où j’avais de mesquines habitudes, je m’étais à l’instant comme dissous. Je me sentais bien près de ne plus exister, tout simplement. Ainsi, je le découvrais, dès qu’on avait cessé de me parler des choses familières, plus rien ne m’empêchait de sombrer dans une sorte d’irrésistible ennui, dans une manière de doucereuse, d’effroyable catastrophe d’âme. Une dégoûtation.

Ce commerce qui fatigue et qui vous prend la tête car il est non-stop. Il aurait pu être scénariste de Koyaanisqatsi Céline ! D’ailleurs Debord et Ellul sont cités au générique de cette oeuvre fabuleuse.

« En sortant des ténèbres délirantes de mon hôtel je tentais encore quelques excursions parmi les hautes rues d’alentour, carnaval insipide de maisons en vertige. Ma lassitude s’aggravait devant ces étendues de façades, cette monotonie gonflée de pavés, de briques et de travées à l’infini et de commerce et de commerce encore, ce chancre du monde, éclatant en réclames prometteuses et pustulentes. Cent mille mensonges radoteux. »

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Et les rites du transport déjà compliqués en Amérique :

« Un tramway longeait le bord de l’Hudson allant vers le centre de la ville, un vieux véhicule qui tremblait de toutes ses roues et de sa carcasse craintive. Il mettait une bonne heure pour accomplir son trajet. Ses Voyageurs se soumettaient sans impatience à un rite compliqué de paiement par une sorte de moulin à café à monnaie placé tout à l’entrée du wagon. Le contrôleur les regardait s’exécuter, vêtu comme l’un des nôtres, en uniforme de milicien balkanique prisonnier. »

Troisième crise de déprime liée au manque de pognon :

« Alors tout devient simple à l’instant, divinement, sans doute, tout ce qui était si compliqué un moment auparavant... Tout se transforme et le monde formidablement hostile s’en vient à l’instant rouler à vos pieds en boule sournoise, docile et veloutée. On la perd alors peut-être du même coup, l’habitude épuisante de rêvasser aux êtres réussis, aux fortunes heureuses puisqu’on peut toucher avec ses doigts à tout cela. La vie des gens sans moyens n’est qu’un long refus dans un long délire et on ne connaît vraiment bien, on ne se délivre aussi que de ce qu’on possède. J’en avais pour mon compte, à force d’en prendre et d’en laisser des rêves, la conscience en courants d’air, toute fissurée de mille lézardes et détraquée de façon répugnante. »

Tout cela repose sur une culture de la frustration qui s’apprend après l’enfance abrutie de cinéma.

Lola ne rassure pas, mais ses copines non plus :

« Je n’arrivais pas démêler tout à fait le vraisemblable, dans cette trame compliquée de dollars, de fiançailles, de divorces, d’achats de robes et de bijoux dont son existence me paraissait comblée. »

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Comment s’en sortir ? Par la menace du revolver (on est en Amérique !) :

« Elle a sorti alors un revolver d’un tiroir et pas pour rire. L’escalier m’a suffi, j’ai même pas appelé l’ascenseur.

Ça m’a redonné quand même le goût du travail et plein de courage cette solide engueulade. Dès le lendemain j’ai pris le train pour Detroit où m’assurait-on l’embauche était facile dans maints petits boulots pas trop prenants et bien payés. »

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Heureusement il y a les beautés helléniques (Stoddard, idole de Fitzgerald, parle de ce caractère hellénique de la race première américaine) :

« Quelles gracieuses souplesses cependant ! Quelles délicatesses incroyables ! Quelles trouvailles d’harmonie !

Périlleuses nuances ! Réussites de tous les dangers ! De toutes les promesses possibles de la figure et du corps parmi tant de blondes ! Ces brunes ! Et ces Titiennes ! Et qu’il y en avait plus qu’il en venait encore ! C’est peut-être, pensais-je, la Grèce qui recommence ? J’arrive au bon moment ! »

On en reparle tantôt. Car ce sera la fête des fesses à Détroit, ville du Roy.

Plus tard il oublie les bonnes sensations. Et il écrit dans sa correspondance ces lignes qui reflètent son basculement politique. La révolution bolchévique américaine à la Roosevelt ne lui plaît pas, pas plus qu’aux écrivains de droite américaine (Stoddard, Grant, Fitzgerald, Yockey bien sûr, etc.) :

« Ceci est je le sais tout à fait américain qui est aussi le pays non seulement des parfaits peppys mais aussi des tout à fait crétins et ivrognes 100 pr 100. Vous parlez de gaîté, je ne connais rien de plus déchirant de plus sinistre que l'Amérique ce pays absolument dépourvu de vie profonde dès qu'on cesse de s'y exciter et qu'on commence à y réfléchir. (Lettre à Darling Karen, p. 218).

Il sombre dans l’antiaméricanisme primaire comme on dit, mais il s’exprime comme un René Guénon ou presque :

« Une impuissance spirituelle inouïe. Un lyrisme de Galeries Lafayette – des enthousiasmes d'ascenseur. L'âme pour eux c'est un trombone à coulisse et qui brille. Plus on a de projecteurs dessus et plus on est amoureux – une totale inversion, perversion, dépravation de toutes les mystiques. Une nation de garagistes ivres, hurleurs et bientôt complètement Juifs. »

Heureusement il leur reste encore le corps aux américains, aujourd’hui frappés de surpoids ou bien d’obésité.

« La nature qui veut sans doute qu'il reste des compensations divines en tout leur a donné ce corps admirable, ce miracle de grâce et de forme, une certaine ivresse musicale aussi, une poésie qui trompe, pénètre, comme celle de l'eau, souple, infiniment souple, tout à fait étouffante et meurtrière en très peu de temps. »

jeudi, 08 août 2024

Georges Duhamel et le triomphe de la matrice US

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Georges Duhamel et le triomphe de la matrice US

Nicolas Bonnal

CVT_Scenes-de-la-vie-future_6606.jpgLivre légendaire, que je n’avais jamais lu. Mon lecteur Paul qui est ukrainien, admirateur de Parvulesco, ingénieur qui vit en Amérique, spécialiste de la recherche des livres sur le web, n’a rien trouvé. Je l’ai acheté car un éditeur a cru bon de le publier, avec d’ailleurs une très bonne préface de Catherine Cusset. On cite cette plume courageuse (qui vit aussi en Amérique, car qui n’y vit pas ?) :

« La première fois que je suis entrée dans un magasin Gap et que j'ai vu les rangées de tee-shirts sans forme aux couleurs criardes, je n'aurais pu imaginer que trente ans plus tard Gap débarquerait en France. Ni Starbucks, ni les fast-foods, ni les chocolate cookies et les cupcakes. Nous avions l'élégance française, les cafés français, la pâtisserie française, quel besoin y avait-il de ces gâteaux insipides et de ces chaînes où le café n'avait d'autre goût que celui du sucre? Nous qui avions les plus jolis vêtements d'enfants, pourquoi suivons-nous maintenant la mode américaine ? Le confort américain s'est imposé. Comme se sont imposés les rituels de Halloween et de la Saint-Valentin qui ont pris la place de nos propres carnavals. Et le club de gym au coin de la rue, remplaçant la promenade matinale ou dominicale… »

a9ee9663a610c05fb1204b6f591e31a0900b3039e8b3cd0689e36fcf1eed6117.jpgC’est cela qu’il faut comprendre. Le livre de Duhamel (auteur cent fois inférieur à Céline, Evola ou  Bernanos, mais qu’importe ?) n’est pas un opus sur l’antiaméricanisme (voyez Philippe Roger pour ça), c’est le livre sur le monde futur déjà en place depuis un siècle alors (voyez mes textes sur Poe et surtout Baudelaire), monde futur américain qui va bouffer l’humanité et contre lequel personne ne pourra rien, ni Dieu ni saint ni héros. L’Amérique est une malédiction cosmique. C’est le pays de la vingt-cinquième heure. Trop tard pour Dieu, les machins sont là.

On commence par le cinéma, car ce sont les pages les plus célèbres de ce livre qui fut un succès extraordinaire de librairie (150 éditions) avant d’être maudit par Satan.

« Et, déjà, les images. Elles passent, c'est le mot. Alors que toute œuvre digne de ce nom cherche à demeurer, elles passent, ces images qui ne représentent pas la vie, mais un monde à part, le monde-cinéma, où tout est faux, arbitraire, absurde. Les images dont une quelconque, isolée, immobile, apparaît, par son échelle, ses dimensions, sa mise en page, ses trucs, ses conventions, ses poncifs, ses accessoires, ses costumes, sa gesticulation, apparaît, dis-je, comme prodigieusement étrangère à ce que nous savons de la vie véritable et vivante. »

Lui-même prend peur alors :

« Cette fois, parfaitement ressaisi, maître de moi comme de ce misérable univers, sûr de mon jugement, je ferme les yeux et, dans mon esprit bien étanche, impénétrable, incorruptible, j'instruis paisiblement le procès. »

Les insultes célèbres :

« C'est un divertissement d'ilotes, un passe-temps d'illettrés, de créatures misérables, ahuries par leur besogne et leurs soucis. C'est, savamment empoisonnée, la nourriture d'une multitude que les puissances de Moloch ont jugée, condamnée et qu'elles achèvent d'avilir. »

Et dire que je revois mille films par an et que j’ai publié douze livres de cinéma…

Mais continuons :

« Un spectacle qui ne demande aucun effort, qui ne suppose aucune suite dans les idées, ne soulève aucune question, n'aborde sérieusement aucun problème, n’allume aucune passion, n'éveille au fond des cœurs aucune lumière, n'excite aucune espérance, sinon celle, ridicule, d'être un jour « star » à Los Angeles. »

1dc028728f63e2b5f652ebbdacde392731282b1370221b3dc5dd6ec3e89bb59b.jpgNous devenons des machines (Bernanos) et nous succombons à la vitesse (Virilio) :

« Le dynamisme même du cinéma nous arrache les images sur lesquelles notre songerie aimerait de s'arrêter. Comme les pires caresses mercenaires, les plaisirs sont offerts au public sans qu’il ait besoin d'y participer autrement que par une molle et vague adhésion. Ces plaisirs se succèdent avec une rapidité fébrile, si fébrile même que le public n'a presque jamais le temps de comprendre ce qu'on lui glisse sous le nez. Tout est disposé pour que l'homme n'ait pas lieu de s'ennuyer, surtout! Pas lieu de faire acte d'intelligence, pas lieu de discuter, de réagir, de participer d'une manière quelconque. Et cette machine terrible, compliquée d'éblouissements, de luxe, de musique, de voix humaines, cette machine d'abêtissement et de dissolution compte aujourd'hui parmi les plus étonnantes forces du monde. »

Dissolution est un terme éminemment guénonien. Duhamel souvent très inspiré use du terme « simulacre » trente ans avant Baudrillard aussi :

«Si je quitte les images une seconde, si je lève les yeux au plafond, j'aperçois un ciel où clignotent des étoiles et que parcourent des nuées légères. Bien entendu, c'est un faux ciel, avec des fausses étoiles, de faux nuages. Il nous verse une fausse impression de fraîcheur. Car, ici, tout est faux. Fausse, la vie des ombres sur l'écran, fausse, I’espèce de musique répandue sur nous par je ne sais quels appareils torrentueux et mécaniques. Et qui sait? fausse, aussi, cette multitude humaine qui semble rêver ce qu'elle voit et s'agite parfois, sourdement, avec des gestes de dormeur. Tout est faux. Le monde est faux. Je ne suis peut-être plus, moi-même, qu'un simulacre d'homme, une imitation de Duhamel... »

Et il annonce la Société du Spectacle et il constate déjà le grand abrutissement général. Que n’aurait-il dit devant une télé ou un smartphone ou un ordinateur ? Mais il a tout compris quand même, à l’heure de Trump, Macron, Kamala et Ursula :

41123yllLKL.jpg« J'affirme qu'un peuple soumis pendant un demi-siècle au régime actuel des cinémas américains s'achemine vers la pire décadence. J'affirme qu'un peuple hébété par des plaisirs fugitifs, épidermiques, obtenus sans le moindre effort intellectuel, j'affirme qu'un tel peuple se trouvera, quelque jour, incapable de mener à bien une œuvre de longue haleine et de s'élever, si peu que ce soit, par l'énergie de la pensée. J'entends bien que l'on m'objectera les grandes entreprises de l'Amérique,  les gros bateaux, les grands buildings. Non! Un building s'élève de deux ou trois étages par semaine. II a fallu vingt ans à Wagner pour construire la Tétralogie une vie à Littré pour édifier son dictionnaire… »

C’est la fin du Temps décrite par Guénon. Mais il y aura aussi la Fin de l’espace que Guénon refuse de voir (Règne de la Quantité toujours)  - et cette fin, elle est liée à la bagnole :

« Qu'est la difficulté de l'automobile, aujourd'hui, au prix de celle que l'on trouve à jouer, même modestement, de la flûte ou du violon ?

L'auto n'a pas conquis l'espace. Elle l’a perdu, gâté. Il n'y a plus de solitude, plus de silence, plus de refuges. Qui fuit la ville en auto retrouve tout de suite la ville. »

RO40023817.jpgSur le cheval soudain libéré mais aussi inutile Duhamel écrit ces lignes flippantes (sic) et prodigieuses :

« Mais heureux, heureux le cheval ! II ne souffrira plus. C'est lui le héros de la fête. Il ne tombera plus entre les brancards brisés. II ne tremblera plus sur ses pattes roidies. Il ne sera plus relevé à coups de pied et à coups de fouet. L'auto va le dispenser de souffrir et surtout de vivre. Le meilleur service que l'on puisse rendre à cette bonne bête, c'est de le soulager de l'existence. Le non-être n'est pas terrible. C'est le ne-plus être qui nous fait horreur. »

Dispenser de souffrir et de vivre : c’est du Tocqueville cette fois (« le trouble de penser et la peine de vivre »). Ce qui arrive au troupeau arrivera au troupeau humain du spectaculaire, à coups de Reset et de vaccins ou autres. Il est déjà anesthésié le troupeau (Drumont), et déjà prêt à ne plus être.

les_espions.jpgComme Fritz Lang (revoir Metropolis et surtout les Espions, cent fois supérieurs), Duhamel prend peur en Allemagne :

« Les plus étranges américaneries, je les ai vues en Allemagne, dans ce pays dont les jeunes hommes, au retour de leur premier voyage transatlantique, trouvent que New York n'est pas mal, mais plus assez américain. Derrière ses architectes, j'ai visité la nouvelle ville de Francfort, la cité des blocks pareils, en leur monotonie, à des falaises de craie blanches habitées par des bestioles disciplinées.

Il y a, sur notre continent, en France comme partout, de larges places que l'esprit de la vieille Europe a dès maintenant désertées. Le génie américain colonise, petit à petit, telle province, telle cité, telle maison, telle âme. »

On rejoint Catherine Cusset citée plus haut : ils reviennent toujours et ils bouffent tout, nos ricains. Chaque moment et chaque mètre carré seront bouffés. Car on n’est jamais assez américanisés et eux n’ont jamais fini d’inventer ou de réinventer une salauderie-friandise.

Il n’y aura aucune résistance politique ou autre (si, contre Trump !):

« La civilisation des fourmis s'étend sur la face des continents émergés, depuis le froid du Nord jusqu'au froid du Sud. Peut-être y a-t-il, çà et là, quelque révolte de palais. Mais la civilisation des fourmis dure depuis des siècles de siècles. Pas de révolution chez les insectes. Pas de révolution imaginable dans la fourmilière américaine. »

a21c7b862a2b1f02824a354d60e161c905ac41b4575c33fe0d5087eb533a5452.jpgVoyez mon texte sur Davos, Sunak et les termites inspiré par le livre de Maeterlinck sur ces êtes étranges et si américains.

Et comme on est en plein jeux olympiques :

« Le sport, entre les mains de traitants ingénieux, est devenu la plus avantageuse des entreprises de spectacles. Il est - corollaire obligé - devenu la plus étonnante école de vanité. L'habitude, allègrement acquise, d'accomplir les moindres actes du jeu devant une nombreuse assistance a développé, dans une jeunesse mal défendue contre les chimères, tous les défauts que l'on reprochait naguère encore, aux plus arrogants des cabotins. Il s'est fait un bien étrange déplacement de la curiosité populaire. Quel ténor d'opérette, quel romancier pour gens du monde et du demi-monde, quel virtuose de l'éloquence politique peut se vanter, aujourd'hui, d'être aussi copieusement adulé, célébré, caricaturé que les chevaliers du «ring», du stade ou de la piste? Et je ne parle pas des pinces, des spécialistes exceptionnels, des inventeurs, de ceux qui ont des traits d'inspiration, créent un genre, une tradition, se montrent, en quelque mesure, grands par la patience, le courage, la grâce ou la fantaisie… »

On répète car le modèle a triomphé partout y compris chez ceux qui font mine de s’opposer aux ricains (Baudrillard parle bien de ce simulacre) :

« Pas de révolution chez les insectes. Pas de révolution imaginable dans la fourmilière américaine. »

4 Juillet 1776, date du début de la Fin (pardon, de la « Grande Transformation ») de l’Humanité.

Sources:

https://lesakerfrancophone.fr/de-notre-devenir-termite-vi...

https://www.amazon.fr/puissance-apocalyptique-Essais-foli...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2023/09/20/j...

https://www.amazon.fr/Sc%C3%A8nes-vie-future-Georges-Duha...

https://www.dedefensa.org/article/poe-et-baudelaire-face-...

https://www.dedefensa.org/article/lamericanisation-et-not...

https://lesakerfrancophone.fr/de-notre-devenir-termite-vi...

mardi, 26 décembre 2023

Watzlawick et le rejet du père dans le monde américain-occidental

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Watzlawick et le rejet du père dans le monde américain-occidental

Nicolas Bonnal

guide_non_conformiste_pour_lusage_de_lamerique-258929-264-432.jpgDans son Guide non conformiste pour l’usage de l’Amérique, Watzlawick règle ses comptes avec la matrice de Palo Alto qui fit sa fortune et sa célébrité. Le bouquin est un règlement de comptes digne de figurer dans le répugnant brulot de Philippe Roger sur les anti-américains de tout poil, qui comme on sait ont perdu la partie en France et en Europe – car plus l’Amérique sombre et devient folle (militairement, démographiquement, politiquement, culturellement et économiquement), plus elle fascine et domine les esprits européens réduits à l’état de zombis et de miséreux bellicistes. Il reste aux politiciens européens à liquider la population locale sur ordre des labos, des GAFAM et des fonds de pension US (merci aux dibbouks de Kunstler et à cette volonté du Tikkoun olam qui devait réparer le monde – sont-ils stupides ou si mal intentionnés ?). Le problème est qu’en réduisant la population de leurs ouailles ici comme au Japon (-800.000/an depuis le vaccin) les « élites » américaines détruisent aussi leur capacité de nuire à l’échelle planétaire. Mais quand on dispose d’indices boursiers éternellement stratosphériques (quarante fois la valeur de 1980 quand l’or entre-temps n’a que triplé, et cinq fois celle de 2009), on peut tout se permettre, pas vrai ?

On sait que fille de l’Europe, l’Amérique, l’a toujours voulu détruire, ce qui est devenu possible à partir de la Première Guerre Mondiale. Ruinée et dépeuplée par cette guerre, l’Europe devient une colonie US, achève de se ruiner avec la Deuxième Guerre Mondiale qui se fait sur ordre américain (voir Frédéric Sanford, Barnes, Preparata, etc.) et ensuite peu à peu dépose les âmes et les armes. Elle n’est qu’un ombre et la construction européenne apparaît pour ce qu’elle est : une déconstruction sur ordre « anglo-saxon », qui aujourd’hui revêt un caractère haineux et carrément exterminateur.

Je reviendrai sur la lucidité des grands écrivains américains quant à la faculté de nuisance US qui est apparue dès la première moitié du dix-neuvième siècle : de Poe à Lovecraft en passant par Twain ou Hawthorne, il n’est pas un grand esprit US qui n’ait vu la catastrophe matérialiste et illuministe arriver : même Walt Whitman (voyez mon texte) en avait très bien parlé, une fois raccroché ses crampons de moderniste. Après la guerre de quatorze poursuivie pour les banquiers et la possession de la terre feinte, écrivains et dernières élites de souche anglo-saxonne culturelles décampent et vont sur l’Italie ou Paris ; et pendant que Stefan Zweig dénonce l’américanisation-uniformisation du monde (il dit bien que c’est la même chose), uniformisation qui repose sur le matérialisme, l’abrutissement et l’industrie culturelle (quelle alliance de mots tout de même), le banquier américain commence sa conquête de l’Europe, celle qui ravit nos leaders.

Donc dans son livre sur l’Amérique Watzlawick insiste sur la haine du père. Pays de grand remplacement et d’immigration, l’Amérique désavantage le père à partir des années 1870-1880.

51QAwJJ17XL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpg« Les relations avec le père géniteur sont toutes différentes. Au début de son traité The American People, devenu un classique, l'anthropologue britannique Geoffrey Gorer analyse le phénomène typiquement amérjcain du rejet du père, et l'attribue à la nécessité, qui s'imposait pratiquement à chacun des trente millions d'Européens qui émigrèrent aux Etats-Unis entre 1860 et 1930, de s'adapter aussi vite que possible à la situation économique américaine. Mais, en s'efforçant de faire de ses enfants (généralement nés aux États-Unis) de « vrais » Américains, il devint, pour ces derniers, un objet de rejet et de dérision. Ses traditions, ses connaissances insuffisantes de la langue et surtout ses valeurs constituaient une source de gêne sociale pour la jeune génération qui fut, à son tour, victime de la réprobation de ses enfants. »

Oui l’homme immigré est toujours désavantagé et ne peut plus éduquer ses enfants, car il ne maîtrise pas assez la nouvelle langue et sa nouvelle sous-culture de sport, de consommation ou de télévision. Lipovetsky en avait bien parlé pour les maghrébins en France. Dans la démocratie cool et nihiliste qu’il décrit, les parents n’ont plus droit de cité (sic). Comme dit ailleurs Guy Debord, on ressemble à son temps plus qu’à son père. Le grand livre de Booth Tarkington, la Splendeur des Amberson, mal adapté sur ce point essentiel par l’agent communiste et New Deal Orson Welles (et pour cause !), en parle très bien de ce grand remplacement.

1003857_TarkingtonB_Magnificent.jpgMais le maître enfonce encore le cou :

« Ce rejet du père comme symbole du passé va de pair avec la surestimation des valeurs nouvelles et donc de la jeunesse. Le trentième anniversaire est cette date fatidique qui vous met au rebut du jour au lendemain, et mieux vaut ne pas parler du quarantième. Il en va de même avec l'engouement pour tout ce qui est nouveau, et tire sa qualité de cette nouveauté, même s'il s'agit d'une vieillerie sortie tout droit du magasin de friperie. »

La société de consommation s’impose et impose la rapide consommation sexuelle ou autre des femmes (Ô James Bond et le Tavistock Institute !) et des hommes (aujourd’hui confondus dans le sac unisexe) :

« Les slogans proclament imprimés sur les emballages des produits du supermarché même si l'on peut supposer, à juste titre, que farine ou aspirine, il s'agit toujours du même produit. Et le modèle de l'année d'un type d'automobile doit se distinguer du précédent, au moins par une enjolivure, même si ce qui importe, la technique de construction, n'a pas changé depuis des années. »

L’idéal totalitaire va s’imposer : on oublie la famille et on impose un groupe manipulé par un conditionnement ou un danger extérieur (pensez à ces films des années 70 qui bâtis sur l’implosion terminale de la famille imposent la naissance d’un groupe tenu par la peur et l’obéissance à un prêcheur ou un chef-clone issu du Deep State) ; Watzlawick encore :

« A cette foi utopique en l'avenir et au rejet du passé s'ajoute un autre élément, déjà évoqué: l'égalité et la stéréotypie, une éducation fondée sur l'intégration à la communauté. Cette félicité à venir devra être partagée à parts égales, il ne saurait être question de privilèges individuels. Depuis le jardin d'enfants, on inculque aux Américains qu'ils font partie d'un groupe, et que les valeurs, le comportement et le bien-être de ce groupe sont prépondérants. Toute pensée individuelle est répréhensible, sans parler d'une attitude non conforme. Les enseignants s'adressent à leurs élèves comme à un collectif, en se servant du mot class: Class, you will now write a composition about..., et cette entité amorphe qu'est la classe commence sa rédaction. Alors qu'un Européen ne supporte pas d'être pris pour Monsieur Tout-le-monde, le souci majeur d'un Américain est de ne pas dévier des normes du groupe. »

Ce groupe totalitaire et festif, abruti et bien soumis a donné en Europe les fous de Bruxelles et cette communauté européenne qui nous promet guerre, misère, Reset et totalitarisme informatique.

lundi, 27 novembre 2023

Stefan Zweig et l’autodissolution du monde dans l’américanisation

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Stefan Zweig et l’autodissolution du monde dans l’américanisation

Nicolas Bonnal

On dit Hollywood en liquidation à cause du LGBTQ, on dit l’Empire US en voie de disparition, on dit Trump en voie de réélection, on dit le dollar en voie de disparition, on dit tant de choses…

La réalité c’est que le triomphe US sur les esprits (la démocratie s’attaque aux esprits, pas aux corps, combien de fois me faudra-t-il te répéter, Tocqueville ?) est total et universel. 1.5 milliard de dollars pour le lamentable navet LGBTQ Barbie, un milliard ou plus pour le triquard Top Gun. La surpuissance de la machine américaine sur le monde est totale – et immatérielle. Oublions les productions Marvel – qui sont d’ailleurs israéliennes.

La marche à l’homogénéisation est devenue un galop ?

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Relisons alors Stefan Zweig qui finit au Brésil avant de se suicider aux barbituriques à Petrópolis (très bel et noble endroit hors du temps et des tropiques). Il écrit vingt ans auparavant dans son opuscule sur l’uniformisation du monde (traduit aux éditions Allia).

Il note cette surpuissance US dont tout le monde antisystème se targue d’assister à la fin aujourd’hui (rappelez-vous de Mao et de son tigre de papier qui est toujours là) :

« D’où provient cette terrible vague qui menace d'emporter tout ce qui est particulier dans nos vies? Quiconque y est allé le sait: d'Amérique. Sur la page qui suit la Grande Guerre, les historiens du futur inscriront notre époque, qui marque le début de la conquête de l’Europe par l'Amérique. Ou pis encore, cette conquête bat déjà son plein, et on ne le remarque même pas. Chaque pays, avec tous ses journaux et ses hommes d'Etat, jubile lorsqu'il obtient un prêt en dollars américains. Nous nous berçons encore d'illusions quant aux objectifs philanthropiques et économiques de l'Amérique: en réalité, nous devenons les colonies de sa vie, de son mode de vie, les esclaves d'une idée qui nous est, à nous Européens, profondément étrangère: la mécanisation de l'existence. Mais cet asservissement économique me semble encore peu de chose en comparaison du danger qu'encourt l'esprit. »

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Voici comment commence le texte, comme un diagnostic triste : on est dans les années vingt et triomphe déjà la culture mondiale qui désole Duhamel et Hermann Hesse (le Loup des steppes est un pamphlet antiaméricain) :

41icPEOy6xL._SX210_.jpg« Malgré tout le bonheur que m’a procuré, titre personnel, chaque voyage entre pris ces dernières années, une impression tenace s'est une imprimée dans mon esprit: horreur silencieuse devant la monotonie du monde. Les modes de vie finissent par se ressembler, à tous se conformer à un schéma culturel homogène. Les coutumes propres à chaque peuple les disparaissent, costumes s'uniformisent, les mœurs  prennent un caractère de plus en plus international. Les pays semblent, pour ainsi dire, ne plus se distinguer les uns des autres, les hommes s'activent et vivent selon un modèle unique, tandis que les villes paraissent toutes identiques. Paris est aux trois quarts américanisée, Vienne est budapestisée : l'arôme délicat de ce que les cultures ont de singulier se volatilise de plus en plus, les couleurs s'estompent avec une rapidité sans précédent et, sous la couche de vernis craquelé, affleure le piston couleur acier de l'activité mécanique, la machine du monde moderne. »

Mais Zweig ajoute comme s’il avait lu Théophile Gautier qui en parle déjà très bien de cette unification mondiale dans son Journal de voyage en Espagne :

« Ce processus est en marche depuis fort longtemps déjà: avant la guerre, Rathenau avait annoncé de manière prophétique cette mécanisation de l'existence, la prépondérance de la technique, comme étant le phénomène le plus important de notre époque. Or, jamais cette déchéance dans l’uniformité des modes de vie n'a été aussi précipitée, aussi versatile, que ces dernières années. »

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C’est comme une religion ce monde moderne (cf. le Covid) avec les mêmes rituels imposés partout en même temps :

« Ils commencent à la même heure: tels les muezzins dans les pays orientaux, appelant chaque jour, au coucher du soleil, des dizaines de milliers de fidèles à la prière, toujours identique, comme s'il n'existait là-bas que vingt mots, vingt mesures invitent désormais quotidiennement, à cinq heures de l'après-midi, tous les Occidentaux à poursuivre le même rituel. Jamais, sauf dans certaines formules et formes musicales pratiquées au sein de l'Eglise, deux cents millions de personnes n'ont connu une telle simultanéité et une telle uniformité d'expression comme la race blanche d'Amérique, d'Europe et de toutes les colonies dans la danse moderne. Un deuxième exemple: la mode. Il n'y a jamais eu dans tous les pays une similitude aussi flagrante qu'à notre époque. Jadis, on comptait en années le temps nécessaire pour qu'une mode parisienne gagne les autres grandes villes, et plusieurs années encore pour qu'elle se propage dans les campagnes. Mais les peuples respectaient certaines limites et leurs coutumes, Ce qui leur permettait de résister aux exigences tyranniques de la mode. »

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Les caprices de la mode ? Zweig, qui malgré son érudition a oublié Montesquieu, écrit :

 « Aujourd'hui, sa dictature devient universelle le temps d'un battement de cil. New York dicte les cheveux courts aux femmes: en un mois, 50 ou 100 millions de crinières féminines tombent, comme fauchées par une seule faux. Aucun empereur, aucun khan dans l'histoire du monde n'avait connu une telle puissance, aucune doctrine morale ne s'était répandue à une telle vitesse. »

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Dans mon livre sur la comédie musicale j’ai noté l’importance de Potter la grande farandole (1941). Dans ce film Ginger Rogers impose sa coupe de cheveux  à des millions de femmes en un claquement de doigts (Story of Vernon and Irène Castel en anglais).

Mgr Gaume redoutait l’ubiquité et la simultanéité, marque de la Bête selon lui. Zweig écrit :

« II a fallu des siècles et des décennies au christianisme et au socialisme pour convertir des adeptes et rendre leurs commandements efficaces sur autant de personnes qu'un tailleur parisien ne les soumet à son influence en huit jours aujourd'hui. Le troisième exemple est le cinéma, où là encore sévit cette simultanéité sans commune mesure, dans tous les pays et toutes les langues, à travers lequel les mêmes représentations façonnent des centaines de millions de personnes et où les mêmes goûts (ou mauvais goûts) se forment. On célèbre l'abolition complète de toute touche personnelle, même si les producteurs vantent triomphalement leurs films comme étant nationaux: l’Italie acclame les Nibelungen tandis que les districts les plus allemands et populaires ovationnent Max Linder de Paris. »

Zweig voit cette culture de la masse qui va triompher avec le nazisme, le fascisme ou le communisme (mais pas seulement bien sûr, le libéralisme américain ayant balayé tout cela sans forcer) :

« Ici aussi, l'instinct de masse est plus fort et plus souverain que la libre pensée. La venue triomphale de Jackie Coogan a été une expérience plus forte pour notre époque que la mort de Tolstoï il y a vingt ans. Un quatrième exemple: la radio. Toutes ces inventions n'ont qu'un seul but: la simultanéité. Le Londonien, le Parisien et le Viennois entendent la même chose dans la même seconde, et cette simultanéité, cette uniformité enivre par son gigantisme. C'est une ivresse, un stimulant mais toutes ces merveilles techniques nouvelles entretiennent en même temps une énorme désillusion pour l'âme et flattent dangereusement la passivité de l'individu. Ici aussi, comme dans la danse, la mode et le cinéma, l'individu se soumet aux mêmes goûts moutonniers; il ne choisit plus à partir de son être intérieur, mais en se rangeant à l'opinion de tous. »

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Tout cela est lié à la jouissance et à l’illusion individualiste (il est dommage que Zweig n’ait pas débattu avec Bernays – pour tout un tas de raisons du reste) qui liquide les individus par cela même qu’elle les invite à être « nature » ou « eux-mêmes » ; c’est l’époque du Flapper, de la Jeune Fille:

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« On pourrait énumérer ces symptômes à l'infini, tant ils prolifèrent de jour en jour. Le sentiment de liberté individuelle dans la jouissance submerge l'époque. Citer les particularités des nations et des cultures est désormais plus difficile qu'égrener leurs similitudes. Conséquences: la disparition de toute individualité, jusque dans l'apparence extérieure. Le fait que les gens portent tous les mêmes vêtements, que les femmes revêtent toutes la même robe et le même maquillage n'est pas sans danger : la monotonie doit nécessairement pénétrer à l'intérieur. Les visages finissent par tous se ressembler, parce que soumis aux mêmes désirs, de même que les corps, qui s'exercent aux mêmes pratiques sportives, et les esprits, qui partagent les mêmes centres d'intérêt. »

On crée l’homme-masse dont a parlé Bernanos mais aussi un autre grand esprit juif (toujours cette Autriche-Hongrie dont le dépeçage fut la vraie fin de la civilisation européenne) de l’époque, Elias Canetti (voyez Masse et puissance) :

« Inconsciemment, une âme unique se crée, une âme de masse, mue par le désir accru d'uniformité, qui célèbre la dégénérescence des nerfs en faveur des muscles et la mort de l'individu en faveur d'un type générique. La conversation, cet art de la parole, s'use dans la danse et s'y disperse, le théâtre se galvaude au profit du cinéma, les usages de la mode, marquée par la rapidité, le "succès saisonnier", imprègnent la littérature. Déjà, comme en Angleterre, la littérature populaire disparait devant le phénomène qui va s'amplifiant du "livre de la saison", de même que la forme éclair du succès se propage à la radio, diffusée simultanément sur toutes les stations européennes avant de s'évaporer dans la seconde qui suit. Et comme tout est orienté vers le court terme, la consommation augmente: ainsi, l’éducation, qui se pour suivait de manière patiente et rationnelle, et prédominait tout au long d'une vie, devient un phénomène très rare à notre époque, comme tout ce qui s'acquiert grâce à un effort personnel. »

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Lettres-d-Amerique.jpgMais Zweig, qui aurait pu faire fortune à Hollywood comme l’élite culturelle juive autrichienne, préfère accuser ou plutôt désigner l’Amérique.

La colonisation de l’esprit arrive – on pense à ces personnages friqués et ennuyés d’Agatha Christie, qui entre deux croisières, deux bridges ou deux saouleries, écoutent le Poirot :

« Mais cet asservissement économique me semble encore peu de chose en comparaison du danger qu'encourt l'esprit. Une colonisation de l'Europe ne serait pas le plus à craindre sur le plan politique; pour les âmes serviles, tout asservissement paraît doux, et l’homme libre sait préserver sa liberté en tous lieux. Le vrai danger pour l'Europe me semble résider dans le spirituel, dans la pénétration de l’ennui américain, cet ennui horrible, très spécifique, qui se dégage là-bas de chaque pierre et de chaque maison des rues numérotées, cet ennui qui n'est pas, comme jadis l'ennui européen, celui du repos, celui qui consiste à s'asseoir sur un banc de taverne, à jouer aux dominos et à fumer la pipe, soit une perte de temps paresseuse mais inoffensive: l'ennui américain, lui, est instable, nerveux et agressif, on s'y surmène dans une excitation fiévreuse et on cherche à s'étourdir dans le sport et les sensations. »

Ennui et fuite (on croirait lire la France contre les robots ou bien Terre des hommes) :

9782070453726_1_75.jpg« L'ennui n'a plus rien de ludique, mais court avec une obsession enragée, dans une fuite perpétuelle du temps: il invente des médiums artistiques toujours nouveaux, comme le cinéma et la radio, nourriture de masse dont il appâte les sens affamés et transforme ce faisant la communauté des amateurs de plaisirs en corporations gigantesques, à l'image de ses banques et de ses trusts. De l'Amérique vient cette terrible vague d'uniformité qui donne à tous les hommes la même chose, qui leur met le même costume sur le dos, le même livre entre les mains, le même stylo plume entre les doigts, la même conversation sur les lèvres et la même automobile en place des pieds. Fatalement, de l'autre côté de notre monde, en Russie, sévit la même volonté de monotonie, mais sous une forme différente: la volonté de morceler l'homme et d'uniformiser la vision du monde, elle-même terrible volonté de monotonie. »

L’Europe resterait un rempart mais elle est condamnée :

« L'Europe est encore le dernier rempart de l’individualisme, et peut-être que les soubresauts survoltés des peuples, ce nationalisme exacerbé, malgré toute sa violence, est une sorte de rébellion inconsciente et fiévreuse, une dernière tentative désespérée de résister à l'égalitarisme. Mais c'est de précisément cette forme défense convulsive qui trahit notre faiblesse. Déjà le génie de la sobriété est à l’œuvre pour effacer l’Europe des livres d'histoire, la dernière Grèce de l'histoire. Résistance: que faire désormais? Prenant d'assaut le Capitole, le peuple s'écrie: en haut des redoutes, les barbares sont là, ils détruisent notre monde". Il profère encore une fois les paroles de César mais, dorénavant, dans un sens plus sérieux: Peuples d'Europe, préservez vos biens les plus sacrés !". Non, nous ne sommes plus aussi crédules et aveugles au point de croire qu'on puisse encore inventer des associations, des livres et des proclamations contre ce monstrueux mouvement mondial et mettre fin à cet appétit pour la monotonie. Tout ce que l'on écrivait restait un bout de papier, lancé contre un ouragan. »

Vers la fin du texte Zweig pousse à la résistance individuelle contre ce «monstrueux mouvement mondial». J’y reviendrai. Echapper à la technologie, à la radio, au cinéma (Albert Speer en a parlé à Nuremberg puis dans ses Mémoires), au web et aux réseaux aujourd’hui, est chose bien compliquée. C’est Daniel Estulin qui évoquait dans son livre sur la culture (Tavistock Institute) ces chansons de Gaga, Beyonce, Rihanna qui rassemblent et envoûtent des milliards de fans…

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https://www.youtube.com/watch?v=zuh2dIaLAYo

https://www.youtube.com/watch?v=Lm4wdmeRhzQ&t=1182s

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lundi, 16 octobre 2023

Le siècle américain

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Le siècle américain

Carlos X. Blanco

Le 20ème siècle a été le siècle américain

Revenons en arrière. Le XIXe siècle est anglais ; le XVIIIe siècle est français. Le XVIe et la moitié du XVIIe siècle sont les siècles de l'Espagne, et l'interrègne du baroque fut couvert par la Hollande. La modernité, c'est (presque) un siècle pour chaque puissance. La puissance dominante ou hégémonique donne le ton à toute une époque: elle écrit l'histoire, les autres puissances résistent, les périphéries sont pillées et les vaincus sont poussés par les desseins de l'hégémon ou, le cas échéant, de la puissance régionale et résistante sous la domination de laquelle ils tombent. Les puissances dominantes utilisent les autres à leur profit exclusif. Il est rare qu'un ordre soit conçu pour le bien commun. Celui-ci n'est possible que dans les situations où s'érige une vision du monde rationnelle et hautement éthique, bien au-dessus des intérêts chrématistiques.

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L'Empire hispanique, malgré tant d'indigénistes, possédait une telle vision du monde, et subordonnait les intérêts chrématistiques à un Ordre universel, à un Bien commun. Le Portugal, la Hollande, l'Angleterre, la France n'ont jamais possédé cette conception d'un Ordre Universel. Ce n'étaient que de purs empires coloniaux, des entreprises basées sur le pillage, l'esclavage et la piraterie. Cependant, nous ne sommes pas naïfs: l'Empire hispanique n'a pas toujours été à la hauteur de sa conception, et il n'a pas non plus été le paradis sur terre. De plus, il faut garder à l'esprit que la construction d'un Ordre universel réveille des forces opposées: la lumière existe, l'obscurité aussi. Le jour ne se comprendrait pas sans la nuit. La nuit correspondant au Midi d'une Humanité catholique (universelle) s'appelait l'Angleterre : véritable héritière des pirateries portugaise, hollandaise et gauloise, enfer pour les autres peuples.

On ne le souligne pas toujours, mais le grand projet des Habsbourg d'Espagne, en particulier celui de Philippe II, était de consommer non seulement l'union avec le Portugal (un royaume hispanique ou ibérique, après tout), mais aussi la récupération des Provinces rebelles (la chimère d'une Flandre pacifiée gouvernée avec la même autonomie que les territoires ibériques et italiens), ainsi que l'annexion - par mariage ou par invasion - de la Perfide Albion. J'aborde certains de ces aspects dans mon récent ouvrage sur le Padre Suárez. Le grand projet de Philippe, plus hispanique dans sa matrice que celui de son père, l'empereur Charles, s'il avait été mené à bien, aurait bouleversé l'histoire de l'Europe et, avec elle, l'histoire du monde. Il s'agissait essentiellement d'une question de "loi et d'ordre", mais à l'échelle du continent.

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Le siècle américain, le 20ème siècle, touche à sa fin. Au pays de l'oncle Sam, il n'y a pas de Philippe II, il n'y a même pas de véritable projet d'ordre public universel. Après la chute de l'URSS et, avec elle, l'effondrement du camp socialiste, la "fin de l'histoire" semblait arrivée, c'est-à-dire l'aboutissement du siècle américain: un seul pôle ou hégémon, sans le contrepoids de l'idéologie communiste et sans menaces sérieuses de la part d'autres petites puissances non alignées. Mais la fin de l'histoire de Francis Fukuyama s'est avérée n'être que la fin d'un chapitre et le début d'un nouveau: le chapitre du "choc des civilisations" (Samuel Huntington). Les Américains ne voient plus de rivaux de l'autre côté d'un rideau de fer, des communistes avec des missiles pointés sur l'Occident, mais des menaces globales provenant d'un islamisme fanatique, dont le terrorisme s'infiltrerait partout de manière invisible et silencieuse. L'islamisme criminel remplaçait le communisme comme le "Mal" absolu et l'objet vers lequel diriger la haine et l'angoisse.

Mais les événements, pour cet hégémon impérial américain, révèlent le cours même de l'histoire, un cours qui n'est pas toujours clair pour les acteurs et les témoins au moment où les événements réels sont enregistrés, mais qui devient plus clair au fil des années et admet la révision, l'explication rétrospective qui intéresse tant le scientifique géopolitique.

Et le recul nous apprend que le siècle américain, qui a commencé avec sa guerre frauduleuse contre l'Espagne en 1898, et le début de son expansionnisme par le vol des territoires espagnols en Amérique et en Asie, a été, à proprement parler, le siècle du capitalisme impérialiste en transition vers une économie financiarisée. C'est précisément cette transition qui se situe entre le siècle anglais et le siècle américain. Il serait facile de voir dans l'ère yankee (1898-2023) un "long siècle" qui s'inscrirait dans la continuité du siècle britannique. Il est vrai qu'à ce jour, les Britanniques et les Américains partagent de nombreux intérêts stratégiques (mais pas tous) et que, face à une Europe faible et désunie, le Royaume-Uni n'a jamais agi comme un partenaire véritablement loyal, constructif et "européen", mais en partenariat avec les États-Unis. Les îles étaient, et sont toujours, une tête de pont pour les Américains en Europe, leur avant-poste pour débarquer rapidement sur les côtes normandes et flamandes.

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Mais le modèle colonial-commercial britannique n'est pas le modèle du siècle qui, aujourd'hui, dans l'Ukraine du pathétique Zelensky, s'éteint lentement. Il s'agit d'un colonialisme très différent. Alors que les Britanniques n'imposaient leur langue qu'aux élites indigènes des colonies, qui s'empressaient d'imiter la culture et les manières de leurs maîtres, les Yankees imposent un mode de vie américain par des moyens informels et consuméristes. Alors que les rois zoulous ou les rajahs indiens pouvaient revêtir des costumes traditionnels et exotiques pour recevoir Sa Gracieuse Majesté, les Indiens cooptés par l'empire yankee (y compris les Allemands, les Français ou les Espagnols) s'habillent rapidement avec les vêtements de sport amples du Bronx et mettent leur casquette de base-ball avec la visière à l'envers. Dans les villes espagnoles, personne ne sait jouer au base-ball, mais il y a des centaines de milliers d'imbéciles qui portent leur casquette à l'envers et apprennent avec plaisir la langue espagnole, indiscernable de celle de leurs frères, les émigrants des Caraïbes. C'est un exemple de la façon dont l'impérialisme colonise toujours l'impérialisme.

En Ukraine, la fin de ce siècle devient évidente. Ce n'est pas la fin d'une puissance agressive, car elle le restera en tant que puissance ultra-militarisée. Mais les États-Unis d'Amérique ne pourront plus être les maîtres de la planète ni les maîtres du 21ème siècle. Leur propre économie financiarisée sape leurs fondements. L'armement sophistiqué et coûteux qui, avec la ferraille et les pièces de musée, est envoyé à Zelensky, témoigne de ce que nous avons appelé "l'absence de design".

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Les Américains ne peuvent plus se vanter de changer le cours des choses partout et à tout moment. Ils ont été inefficaces dans toutes les guerres. Même dans leur première grande aventure à l'étranger, contre l'Espagne, ils se sont appuyés sur la puissance du dollar et en achetant la volonté des séparatistes, ainsi que de la cour corrompue de Madrid, pleine de traîtres à l'époque comme elle l'est aujourd'hui. Leur guerre hybride a toujours été efficace pour eux, mais dans une confrontation militaire directe, ils connaissent l'échec. Leurs soldats font dans leur froc et tremblent de peur lorsqu'ils ne bénéficient pas d'un soutien matériel et technologique important, et ils ne savent pas quoi faire face à de vrais combattants. Ils choisissent donc les guerres par procuration, les révolutions de couleur, la corruption, la propagande. Mais ils perdent de gigantesques zones d'influence, ils s'acculent au pied du mur. L'arène se situera dans la région Asie-Pacifique, quelle que soit l'ampleur des tueries en Europe de l'Est ou au Moyen-Orient. C'est là, en Asie, que se concentre le potentiel nucléaire et d'autres armes de haute technologie. La transition d'un hégémon à plusieurs (jusqu'à sept, estime Alexandre Douguine dans ses récentes publications) ne sera pas pacifique, bien au contraire. Elle sera sanglante et très risquée. Les armes nucléaires tactiques ne sont pas détenues par les seules armées nationales comme s'il s'agissait d'autocollants intimidants, à l'instar de ceux qui sont apposés dans les magasins et qui indiquent "zone surveillée par vidéo", ce qui est en fait un mensonge destiné à effrayer les voleurs les plus maladroits. Il n'en est rien. Toutes les armes, le moment venu, finissent par être utilisées.

L'humanité s'engage sur une pente très dangereuse. Rares sont les empires qui meurent sans combattre, par simple décomposition interne. Et même lorsque cela se produit, les guerres intestines, ainsi que la convoitise prédatrice des anciens rivaux, des puissances montantes et des voisins revanchards, sont immédiatement attisées. Dans leur propre intérêt, les Américains feraient mieux de préserver l'Union et de se débarrasser des tendances séparatistes latentes, car l'ombre des Balkans (qu'ils ont eux-mêmes criminellement jetés au cœur de l'Europe) couvre déjà tout pays de taille moyenne ou grande, englué dans l'échec extérieur et l'absence de projet. C'est la crainte qui devrait affecter cette "construction" qu'ils ont appelée l'Occident : après l'échec vient la désunion. Et l'Espagne?

En Espagne, à notre échelle, nous savons bien ce que cela signifie. Peu nous importerait, à nous les enfants de l'Hispanité qui vivons des deux côtés de la "mare" atlantique, qu'une Catalogne indépendante devienne un nouveau Kosovo, c'est-à-dire une toilette de l'OTAN et un nouveau paradis fiscal pour l'Anglosphère, pour les Arabes et tous ces gens-là. La peur est pour ceux qui restent à l'intérieur, comme les Palestiniens dans le régime d'apartheid, comme les habitants des ghettos. Et nous avons peur des luttes balkaniques qui pourraient se produire dans tout séparatisme qui n'est ni convenu ni légal. Le proverbe espagnol dit : "a perro flaco, todo son pulgas". Et c'est bien le cas.

La chute de l'Occident est, en réalité, la fin du siècle yankee. Nous, Européens, avons le choix: soit nous nous laissons tomber avec le colosse, soit nous saisissons le Kairos, l'occasion propice. Il est peut-être temps de créer une nouvelle union des peuples, une union en dehors de l'OTAN et du racket de Bruxelles, sans l'euro et sans la bureaucratie des sepoys qui suivent les signaux venant de Washington.

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mardi, 18 avril 2023

Monseigneur Delassus et la conjuration antichrétienne des USA

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Monseigneur Delassus et la conjuration antichrétienne des USA

Nicolas Bonnal

Tout le monde commence à comprendre que la menace mondiale numéro un est la menace américaine.

On dit que lorsque les USA conclurent leur plus ancien traité de paix avec le… Maroc, ils lui assurèrent qu’ils n’étaient pas chrétiens. Le Grand Architecte était passé par là. Une cinquantaine d’années plus tard, Baudelaire dénonce dans ses Propos sur Edgar Poe la menace américaine (voyez mes textes). Pour le plus grand poète du monde, elle est omniprésente cette menace américaine: avortement, lynchage, immoralité, violence (tueries de masse dans les théâtres !), rapacité (Greed…), optimisme dément, tout montre qu’on est déjà face à une puissance pathologique que l’exorbitante immigration européenne va rendre surpuissante dès le dernier tiers du dix-neuvième siècle: la population triple entre la Guerre de Sécession et 1914 - et même le progressiste Walt Whitman reconnaît vers 1870 (mon texte toujours) que ce pays n’est plus son Amérique. C’est déjà la ploutocratie impérialiste et raciste que dénoncera un siècle plus tard Etiemble, ce pays doté de la rage (Sartre lui-même) qui aujourd’hui, affaibli par la Chine et la Russie, est plus fou et boutefeu que jamais. Tous les grands esprits américains l’ont reconnu, Poe, Lovecraft, Twain, Fitzgerald et on sait qu’à la grande époque intellectuelle des USA l’élite littéraire (Henry James) ou spirituelle (T. S. Eliot) fuyait son pays comme le diable. Rappelons que le rejet des USA a toujours transcendé les différences politiques. Actuellement en France le débat est entre les pro-américains encore au pouvoir qui ruinent et fascisent le pays et les anti-américains. Il n’est pas ailleurs. Macron est juste un agent simple !

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Je voulais juste ici rappeler Monseigneur Delassus, que Wikipédia insulte bien (quelle officine tout de même !), mais qui a publié un très bon livre sur l’américanisme à la fin du dix-neuvième siècle. Un peu comme Nietzsche ou Renan vers la même époque – voyez aussi mon Dostoïevski et la modernité occidentale, traduit désormais en roumain -, Delassus dénonce, en des termes virulents et chrétiens l’œuvre méphitique de ce pays-matrice destiné à tout envelopper et tout gober dans le monde. Aujourd’hui il semble qu’il se heurte enfin à une résistance culturelle, celles des anciens pays communistes et tiers-mondistes, seul l’Occident pur et dur européen acceptant de se laisser bouffer au sens littéral du terme par les sanctions ou le wokisme, le féminisme (qui effrayait Chesterton) ou le marxisme culturel (qui tétanisait Allan Bloom dans son extraordinaire Ame désarmée, que j’ai aussi recensée).  

L’Amérique c’est le communisme foldingue avec les milliardaires aux manettes. Il me semble que le livre et le film (voyez mon livre sur la comédie musicale) les plus importants sont le Magicien d’Oz, opus qui évoque le totalitarisme qui émane de l’hypnose industrielle US (Baum était disciple de Blavatsky et théosophiste). Le Grand Reset c’est le moment ultime du totalitarisme américain reposant sur une faculté hypnotique sans égale (relire Duhamel). Il est à 100% américain. Qu’il s’agisse de Gates, de Fink ou de Morgan Stanley, nous sommes tous victimes de cette conspiration de milliardaires qui inspira Gustave Le Rouge et dont Jack London a très bien parlé.

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Quelques extraits donc :

« Parmi tous les sujets d'inquiétude qu'offre à l'observateur l'état actuel du monde, le moindre n'est pas celui que nous présente l’Amérique du Nord. Elle venait à peine de naître, que déjà elle inspirait des défiances à J. de Maistre, le Voyant de ce siècle. Elle les justifie. »

Puis Delassus parle d’audace – certains diraient de chutzpah:

« Ce qui la caractérise, c'est l'audace. Elle a manifesté d'abord cette audace dans les entreprises industrielles et commerciales qui, dans leurs excès, détournent le regard de l'homme de ses fins dernières, et lui font envisager la jouissance et la richesse, qui en est le moyen, comme l'objet suprême de ses désirs et de son activité. Elle vient de la montrer dans les rapports internationaux, foulant aux pieds toutes les lois de la civilisation chrétienne pour s'emparer des possessions qu'elle convoitait. »

Puis on évoque ce messianisme américain (il y en eut un de français mais il n’était pas de taille) :

« On parle d'un catholicisme américain, et il fait son chemin.

Lisez : L'Américanisme a reçu de Dieu  la mission de donner au monde entier cette leçon : Les temps sont venus de faire fi de l'héritage des aïeux : abolissez les frontières, jetez tous les peuples dans le creuset des droits de l'homme pour les fondre dans l’unité  humanitaire, comme nous nous sommes fondus, nous, émigrés de tous les pays, dans l'unité américaine. Et la paix régnera dans le monde. Oui, la paix de l’esclavage sous la tyrannie d'un homme ou d'une race. »

Mais Delassus est isolé et le sait – et il note que les catholiques sont déjà d’accord (Baudelaire l’avait remarqué aussi !) :

« Comme toutes les autres idées des Américanistes, celle de l'abolition des frontières semble sourire à nos démocrates chrétiens. »

Le projet américain –mondialiste est unitaire et totalitaire ; il s’agit de tout contrôler avec la technologie (déjà…) ; Chesterton en parle dans Un nommé Jeudi (voyez mon livre sur les grands écrivains et la conspiration). Dans son admirable Conjuration antichrétienne Delassus ajoute :

« A la fin du XVIIIe siècle, ce projet de gouverner le genre humain tout entier, par une Convention unique, placée au centre du monde et composée des députés des Conventions établies dans les anciens royaumes réduits à l'état de départements, pouvait paraître fou. Mais aujourd'hui, à l'entrée du XXe siècle, où nous voyons le globe entier sillonné par les fils télégraphiques, les chemins de fer, et les steamers, le messie attendu par les Juifs pourrait facilement tenir le monde entier dans sa main, et le gouverner par une Convention centrale en rapport 'avec des Conventions locales. »

Il est difficile de nier un messianisme juif : voyez Isaïe, 60, et voyez ce qui arriva à de Gaulle. On n’est pas pour polémiquer.

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Un des instruments du messianisme mondialiste fut Napoléon :

« On peut voir dans Deschamps, t. II, p. 150 et suiv., l'aide que la Convention, puis Napoléon, reçurent de la franc-maçonnerie en Allemagne, en Belgique, en Suisse et en Italie, pour essayer de former les Etats-Unis d'Europe, acheminement vers l'Etat-Humanité… »

Joseph de Maistre décrit comme Chateaubriand (voyez mon texte, qui est très lu depuis des années) un processus d’unification dans la deuxième soirée de Saint-Pétersbourg (ce n’est pas un hasard si elles sont de Saint-Pétersbourg ces soirées); et Delassus écrit à ce propos (l’unification du monde dans les années 1880 donc) :

« L'unification de l'Italie, l'unification de l'Allemagne, les ambitions des Etats-Unis, appelés peut-être à recueillir de l'Angleterre l'empire des mers, le mouvement qui agite l'Extrême-Orient font progresser de jour en jour, sur tous les points du globe, la marche vers l'unité politique. Avant cent ans, cinquante peut-être, deux ou trois empires, grossis par la « consumation  » des nationalités de second ordre, pourront se heurter dans un conflit suprême pour laisser le vainqueur libre et maître de disposer à son gré des destinées du monde. »

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Je rappellerai mon texte sur l’appel mondialiste du président Grant en 1877. Grant attend même une fin des langues dans le monde: un sabir techno-English pour tout le monde. Il a une vision universaliste et messianique du futur de son pays, qui est aux antipodes de celle mettons de Poe ou de Jefferson – pour ne pas parler de Fenimore Cooper, farouche opposant au progrès.

La liquidation des patries est le but des Américains : il faut anéantir le monde, puisqu’il faut l’américaniser. Delassus :

« Renverser toutes les frontières, dit M. Claudia Janet dans la continuation de l'ouvrage du P. Deschamps, abolir toutes les nationalités, en commençant par les petites, pour ne faire qu'un seul Etat : effacer toute idée de patrie; rendre commune à toute la terre entière, qui appartient à tous; briser, par la ruse, par la force, tous les traités; tout préparer pour une vaste démocratie dont les races divers»1*, abruties par tous les genres d'immoralités, ne seront que des départements administrés par les hauts gradés et par l'Antéchrist, suprême dictateur devenu le seul dieu tel est le but des sociétés secrètes. »

L’idée que les races sont abruties par l’immoralité est très juste ; regardez ce qui nous arrive en ce moment. Sur ce thème lisez mon étude sur Mgr Gaume, autre prélat exceptionnel de ce siècle extralucide.

Le péril messianique et totalitaire est américain. Ce péril est cent fois plus dangereux que le communisme: l’Etat de Washington vient d’autoriser la fugue des enfants désirant devenirs transgenre. Les parents ne sont plus les parents.

Comme disait l’autre, la seule révolution qui ait réussi est l’américaine. Et les ploutocrates qui en sont sortis sont là pour nous le faire sentir. La bourse n’arrêtant pas de monter et le dollar se maintenant…

Sources :

https://kreuzgang.org/pdf/henri-delassus.l-americanisme-e...

https://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Delassus/Conjur...

https://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Delassus/Conjur...

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Delassus

https://www.dedefensa.org/article/baudelaire-et-la-sauvag...

https://www.dedefensa.org/article/poe-et-baudelaire-face-...

https://strategika.fr/2023/01/28/walt-whitman-et-la-desti...

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/11/29/le-president...

https://www.dedefensa.org/article/trump-et-le-refus-migra...

https://www.amazon.fr/Dosto%C3%AFevski-modernit%C3%A9-occ...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/10/08/j...

https://www.dedefensa.org/article/chateaubriand-et-la-con...

https://www.dedefensa.org/article/le-president-grant-et-l...

samedi, 26 novembre 2022

Les Franco-ricains

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Les Franco-ricains

par Georges FELTIN-TRACOL

Il y a trente ans, au printemps 1992, s’ouvrait le parc d’attraction parrainé par la souris Mickey et l’avare Picsou: Euro Disney Resort. Pour la circonstance fut dévastée la plaine fertile de la Brie dans l’Est francilien avec un incroyable étalement urbain. La dénomination du complexe industriel de divertissement a varié au gré des années en fonction des stratégies publicitaires. Il s’appelle depuis 2009 Disneyland – Paris. Chaque année, des millions de touristes venus d’Europe, d’autres continents et, hélas !, de France le visitent.

Décidé par le socialiste atlantiste François Mitterrand et accepté par le très falot Jacques Chirac, ce projet fut porté par Charles de Chambrun. Proche des milieux étatsuniens, cet ancien secrétaire d’État du gouvernement de Georges Pompidou sous Charles De Gaulle militait au Front national qui, au moment de la signature de l’accord en 1985, s’affichait en nouvelle force reaganienne française. Le tournant anti-américain du FN ne viendra qu’avec la crise du Golfe à l’été 1990. Charles de Chambrun (photo) fut par ailleurs l’éphémère maire FN de Saint-Gilles-du-Gard entre 1989 et 1992. Une partie de sa propre majorité contesta sa gestion, ce qui entraîna sa chute.

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L’inauguration de cette défiguration paysagère, mémorielle et économique se fait l’année du référendum perdu sur le traité de Maastricht, matrice du cosmopolitisme euratlantique. Contre cette verrue effroyable, seuls protestèrent une minorité de l’extrême gauche, le mouvement tiercériste de Jean-Gilles Malliarakis, Troisième Voie, et le GRECE. Disneyland – Paris détourne les mythes européens, pervertit nos légendes et viole l’imaginaire des générations. L’enlèvement culturel s’aggrave aujourd’hui avec la forte fréquentation autour des thématiques de la Guerre des Étoiles de George Lucas et de l’univers cinématographique Marvel. Quand on parle à un adolescent albo-européen du dieu Thor, il le présente sous les traits de l’acteur australien Chris Hemsworth et le voit aux côtés des Avengers…

Disneyland – Paris parachève le processus d’américanisation de la société française. Le Français moyen rêve d’Amérique. Son désir ne tend pas vers le Mexique, le Pérou, la Bolivie, l’Argentine ou le Costa Rica; il se focalise sur les États-Unis à travers le prisme new-yorkais, californien, texan et floridien sans oublier Memphis, Nashville (photo) et Las Vegas. En revanche, il ne se projette jamais dans les Appalaches ou dans les « Grandes Plaines ». Cette affliction civilisationnelle frappe tous les milieux et toutes les classes d’âge.

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Le système médiatique d’occupation mentale imite tant par la forme que sur le fond ses collègues d’outre-Atlantique. La politique hexagonale reprend à son compte un vocabulaire directement venu de là-bas : les élections primaires, l’aspiration au bipartisme institutionnel, la tentation d’un régime présidentiel loufoque sous nos latitudes. En 2015, de retour à la tête de son parti, Nicolas Sarközy changea le nom de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) qui devient Les Républicains. À la fin du mandat de François « Flamby » Hollande, Manuel Valls envisageait de modifier l’appellation du Parti socialiste en parti démocrate. Par son coup d’éclat électoral, Emmanuel Macron a balayé en 2017 ces tactiques politiciennes en attirant vers lui le centre-gauche et le centre-droit.

Le chanteur Johnny Hallyday a joué un immense rôle dans l’américanisation de la France. Vivant la moitié de l’année à Los Angeles, il a transmis à son public une perception fallacieuse de la réalité étatsunienne. Le cas de Jean-Philippe Smet est édifiant d’autant que ses admirateurs appartiennent à la « France périphérique ». Combien parmi ceux qui pleurèrent l’idole de leur jeunesse en 2017 participèrent-ils ensuite à l’occupation des ronds-points dans le cadre de la révolte tranquille des « Gilets jaunes » ? Ne furent-ils pas des « Gilets Johnny » ?

Enfants et adolescents portent des vêtements ou des cartables aux couleurs des États-Unis d’Amérique ou du Royaume Uni de Grande-Bretagne. Leurs parents décorent leurs habitations et leurs véhicules selon les clichés propagés par les séries télé anglo-saxonnes. Il ne viendrait à aucun Français d’arborer sur lui et chez lui les couleurs de l’Inde, de l’Iran, de la Russie, de la Chine ou de la Hongrie !

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La « France périphérique » connaît enfin un puissant engouement pour la musique country. Malgré des origines européennes principalement celtiques, ce style musical s’est épanoui en Amérique du Nord. On recensait néanmoins en 2019 plus d’une cinquantaine de festivals dans l’Hexagone dont à Sainte-Agrève en Ardèche et à Craponne-sur-Arzon en Haute-Loire ! La fermeture des bistrots en zone rurale a déporté le lieu de sociabilité vers le club local de musique made in USA. Il existe ainsi une réelle symétrie comportementale entre la mode country en vogue chez les « petits Blancs » et le rap (ou, plus généralement, l’« inculture » hip hop) qui est apparu dans les banlieues de l’immigration et qui infuse maintenant dans les centres métropolitains où prolifèrent les « Bo-bo ».

L’acculturation américaine intergénérationnelle favorise des mutations socio-politiques inouïes. Les déracinés des banlieues mondialisées se lancent dans un « islamisme de synthèse » fort loin des principes traditionnels. Les gauchistes adoptent les canons du wokisme. Le centrisme se soumet au politiquement correct, cette réminiscence du puritanisme digne de Salem. Quant au courant identitaire, non exempt d’américanotropisme, il peut parfois se complaire dans le suprémacisme blanc qui se montre sur le terrain en auxiliaire zélé d’un contre-mondialisme fomenté par l’État profond yankee.  

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En huit décennies, le « cancer américain », pour reprendre le titre du célèbre essai d’Arnaud Dandieu et de Robert Aron en 1931, a métastasé la France et l’Europe. L’Hexagone tricolore a viré en territoire franco-ricain. Marianne se grime en pin up décatie et peu attrayante. Presque tout un chacun veut contribuer à l’American Way of Life, cette pathétique illusion sociétale cauchemardesque qui rend l’américanologie, cette science lancée en 1991 par le philosophe conservateur traditionaliste étatsunien d’origine hongroise Thomas Molnar, plus que jamais nécessaire. Nos compatriotes ont l’esprit tourné vers l’Ouest. Pas étonnant dès lors que notre société ressemble de plus en plus à un asile d’aliénés...

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 52, mise en ligne le 22 novembre 2022 sur Radio Méridien Zéro.

lundi, 19 septembre 2022

Fascination américaine et suicide européen

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Fascination américaine et suicide européen

par Nicolas Bonnal

L’Amérique nous hypnotise à volonté, elle nous pousse au suicide et sans forcer son talent : la dette et les usuriers des fonds de pension comme Fink, c’est elle ; le transhumain et le Reset c’est elle et ses milliardaires ; le virus et les vaccins c’est elle (Bourla veut dire « plaisanterie », burla, en espagnol) ; la russophobie et l’extermination nucléaire en Europe, ce sera aussi elle (elle est sûre que jamais la Russie complexée ne s’en prendra à elle directement) ; les nouvelles chasses aux sorcières et le nouveau puritanisme moral, c’est elle ; les privatisations et la déglingue à la Dick, c’est toujours elle. Elle va nous exterminer et nous l’en remercions, et nous la divinisons. Elle fait penser au serpent biblique : elle amène la connaissance, une connaissance vide et creuse, et nous perdons tout au passage. Mais nous sommes contents. Comme le serpent du Livre de la Jungle, elle nous hypnotise avant de nous bouffer l’Amérique.

Je me souviens des années 90 ; il y avait encore des petites résistances en France ; et puis tout a fondu comme neige au sommeil sans qu’on y prenne garde (Chirac a adoubé Lagarde et Sarkozy). Et nous sommes devenus le pays le plus vil, le plus collabo et le plus déglingué avec fin des communistes et 1% maximum de gaullistes (le texte de Milgram est balayé). Nous n’avons pas été punis comme le voulait Condoleeza, nous avons été séduits, conquis, pressés et stressés. Pays d’abrutis prêts à crever pour Leur Maître. Le Parrain a triomphé comme partout en Europe ; mais comme c’est ici qu’on survit…

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Mais d’où vient cette fascination ? Pour le comprendre relisons Jean Baudrillard, pas le Baudrillard antiaméricain de la Fin, mais le Baudrillard tonitruant et talentueux qui dans un beau et long poème, intitulé Amérique, explique pourquoi ce serpent est décidément fascinant.

Quelques rappels ; l’Amérique c’est d’abord le pays conatif, le pays qui donne des ordres et doit être obéi (sinon on est anéanti, Allemagne, Japon, Irak, Lybie, bientôt Chine et Russie, car il ne faut douter de rien, on est avec le pays qui ose toujours tout, comme Keyser Sose) :

« Tout protéger, tout détecter, tout circonscrire – société obsessionnelle. Save time. Save energy. Save money. Save our souls – société phobique. Low tar. Low energy. Low calories. Low sex. Low speed – société anorexique.

Curieusement, dans cet univers où tout est à profusion, il faut tout sauver, tout épargner. »

Cela c’est le programme gastronomique et économique, avec l’obsession médicale (Rockefeller et les vaccins) et écologique qui était là bien avant Biden (Vance Packard en parle déjà). Ce puritanisme économique est aussi mémoriel :

« Tout recenser, tout stocker, tout mémoriser. »

Tout cela c’est l’obsession de la statistique, des maths, de l’informatique, du reste. L’Amérique nous contrôle. Amazon.fr va nous imposer l’euro numérique avec l’UE sous contrôle, et Gates nous a imposé vaccin, confinement et reset, le tout comme à la parade. Voyez notre texte sur Jack London et les milliardaires humanitaires et bienveillants qui ont progressivement détruit la planète et surtout l’humanité (ce qu’ils appellent le tikkun).

amerique-332185-264-432.jpgBaudrillard constate que l’Amérique contrôle tout avec ses images (l’alunissage), son cinéma, ses musiques. Elle domine notre cerveau et notre imaginaire. Aujourd’hui c’est Netflix et le format CNN qui a dévasté et reprogrammé le peu de cerveaux qui restaient (en termes de Milgram je maintiens que nous sommes 1%, pas plus). Nous sommes ses choses et ses prisonniers, comme dans la caverne de Platon (y compris ceux qui comme nous font mine de s’imposer à elle en utilisant ses concepts et même ses outils) ou comme dans l’Invasion des profanateurs de sépulture, tous remplacés psychiquement et tous reprogrammés pour devenir ces légumes dont parla notre génial Siegel à Benayoun un jour.

Ce qu’il faut comprendre c’est que le simulacre c’est la force et la réalité, le simulacre ce n’est pas ce dont il faut se moquer comme font certains vieux distraits. Le simulacre c’est la réalité et nous sommes devenus d’illusoires ombres. Baudrillard cite Baudelaire et son culte moderne des artifices et il ajoute :

« Inutile de chercher à décinématographier le désert pour lui garder une qualité originelle, la surimpression est totale, et elle continue. Le Indiens, les mesas, les canyons, les ciels : le cinéma a tout absorbé. Et pourtant, c’est le spectacle le plus saisissant du monde. Faut-il préférer les déserts « authentiques » et les oasis profondes (p. 69) ? »

Le simulacre américain : voyez ces queues d’affamés à Moscou au début des années 90 pour entrer dans le premier McDonald’s ouvert. La malbouffe c’est l’unique vraie bouffe, pauvre José Bové.

Baudrillard ajoute : « Les États Unis, c’est l’utopie réalisée. »

Et il va même plus loin. Pourquoi elle triomphe dans les âmes l’Amérique (Renan l’avait bien dit dans ses Souvenirs) :

« La conviction idyllique des Américains d’être le centre du monde, la puissance suprême et le modèle absolu n’est pas fausse. »

Elle conquiert même ses ennemis l’Amérique. Le Vietnam bosse pour les actionnaires américains (Gap et les textiles) et il s’arme avec son ancien bourreau (quatre millions de morts ?) pour résister contre la Chine. Peut-on résister à cette pieuvre ? Baudrillard le nie :

« Quoi qu’il arrive, et quoi qu’on pense de l’arrogance du dollar ou des multinationales, c’est cette culture qui fascine mondialement ceux mêmes qui ont à en souffrir, et ce de par cette conviction intime et délirante d’avoir matérialisé tous leurs rêves. »

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L’Amérique matérialise les rêves, c’est la magie hollywoodienne. On voit d’ailleurs que le wokisme s’impose sans coup férir en Europe et surtout en France.

Baudrillard n’oppose pas le capital à la révolution : le capital c’est la révolution, il emporte et ravage tout. En ceci Baudrillard est marxiste : le capital, dit Marx dans le Manifeste, c’est celui qui fait tomber la Grande Muraille. On verra pour la Chine et on se rappellera que pour McCarthy comme pour d’autres conservateurs façon Mullins, Céline, Belloc ou Chesterton, les USA ont créé à la fois l’URSS et la Chine communiste. Ce pays est si puissant qu’il peut créer à volonté ses (faux) opposants. Là il a deux gros morceaux, mais faites-lui confiance.

Donc le capital est plus rapide que nos rebelles (voyez Klein et No Logo) :

« Non seulement l’histoire ne se rattrape pas, mais il semble que l’actualité même du capital, dans cette société « capitaliste », ne se rattrape jamais. Ce n’est pourtant pas faute, chez nous critiques marxistes, de courir après le capital, mais il a toujours une longueur d’avance (p. 79). »

Baudrillard ajoute un élément essentiel : l’Amérique est ontologiquement supérieure. Elle complexe l’Europe et l’Europe bafouée et humiliée s’en veut et veut s’exterminer. Pourquoi est-elle supérieure ? Lisons le Maître :

« L’Amérique, elle, s’est trouvée en position de rupture et de modernité radicale : c’est donc là que la modernité est originale, et nulle part ailleurs. Nous ne pouvons faire que l’imiter, sans pouvoir la défier sur son propre terrain (p. 80)… »

Et d’enfoncer le clou avec l’inévitable (que dis-je, fatidique) Hannah Arendt :

« Cette auto-indulgence non dénuée d’humour témoigne d’une société sûre de sa richesse et de sa puissance, et qui aurait en quelque sorte intériorisé la formule de Hannah Arendt selon laquelle la révolution américaine, au contraire de toutes celles d’Europe, c’est une révolution réussie (p. 86). »

9782859840693-us.jpgCitant un texte anti-américain de Guillaume Faye, Baudrillard établit que tout ce qu’on reproche à l’Amérique se retourne en sa faveur. On dit qu’elle est violente, criminelle, surendettée, obèse, crétine, bolchevique, féministe, raciste, antiraciste, libérale, clochardisée, fasciste, elle s’en fout : elle se nourrit de nos insultes. Ce qui l’insulte la rend plus forte. On dit depuis cinquante ans qu’elle est moribonde, déclinante, décadente, cool, dégénérée, elle s’en fout encore et nous mène à la chambre à gaz. L’Amérique n’est pas décadente, au contraire donc :

« Bien sûr tout cela est une parodie !  Si toutes ces valeurs ne supportent pas d’être parodiées, c’est qu’elles n’ont plus d’importance. Oui, la Californie (et l’Amérique avec elle) est le miroir de notre décadence, mais elle n’est pas décadente du tout, elle est d’une vitalité hyperréelle, elle a tout l’énergie du simulacre. C’est le lieu mondial de l’inauthentique » – bien sûr : c’est ça qui fait son originalité et sa puissance. Cette montée en puissance du simulacre, vous l’éprouvez ici sans effort (p. 101). »

L’Amérique a même gagné la guerre du Vietnam en faisant pleurnicher le public pour ses bidasses : qui a jamais vu un film vietnamien sur cette guerre ? Elle a même imposé son apocalypse à l’Asie, qui s’est ensuite couverte de gratte-ciels, de fastfoods, d’autoroutes, d’aéroports, de centres de recherches, d’ateliers et de camps de vacances – puis de centres de vaccination anti-covid. Elle a même pu se barrer en se marrant de l’Afghanistan (voyez Mozinor).

Croyez-moi, cessons de la sous-estimer.

Nicolas Bonnal

mercredi, 22 juin 2022

L'Américanisme des gauches

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L'Américanisme des gauches

Claudio Mutti

Source: https://www.eurasia-rivista.com/lamericanismo-di-sinistra/

Considérant le fait que le jeune Marx définissait les États-Unis comme le "pays de l'émancipation politique accomplie", c'est-à-dire comme "l'exemple le plus parfait d'un État moderne", capable d'assurer la domination de la bourgeoisie sans exclure les autres classes de la jouissance des droits politiques, un spécialiste du marxisme a observé qu'"aux États-Unis, la discrimination par la censure prend une forme "raciale"" [1], de sorte que, selon lui, on ne peut manquer de remarquer "une certaine indulgence" [2] de Marx à l'égard du système américain, tandis que "l'attitude d'Engels est encore plus déséquilibrée dans un sens pro-américain" [3].

Pour Engels, en effet, le Far West nord-américain "semble être synonyme d'expansion de la sphère de liberté: il n'est pas fait mention du sort réservé aux Amérindiens, de même que l'on passe sous silence l'asservissement des Noirs" [4]. Non seulement cela, mais parfois Engels devient un apologiste explicite de l'impérialisme américain, comme lorsqu'il célèbre la "vaillance des volontaires américains" dans la guerre contre le Mexique: "la splendide Californie a été enlevée aux indolents Mexicains, qui ne savaient qu'en faire"; ou comme lorsqu'il exalte "les énergiques Yankees" qui donnent une impulsion à la production de richesses, au "commerce mondial" et donc à la propagation de la "civilisation" [5].

L'affirmation selon laquelle la gauche "ne pouvait qu'être américaniste et fordiste, puisqu'elle avait été industrialiste dès le début semble fondée car, en fait, depuis l'Idéologie allemande, Marx et Engels avaient exalté le développement de l'industrie" [6].

Lénine, "le marxiste qui voulait réaliser le socialisme avant le développement généralisé du capitalisme, était d'autant plus américaniste et fordiste" [7], de sorte qu'en 1923, Nikolaï Boukharine pouvait exhorter les communistes à "ajouter l'américanisme au marxisme" [8].

Se faisant l'interprète de la haine bourgeoise contre la persistance d'éléments "médiévaux" dans certaines parties de l'Europe à cette époque, Lénine opposait la "campagne" prussienne, où même l'industrie avait des caractéristiques semi-féodales, à la "ville" américaine, où même l'agriculture n'avait pas échappé à l'organisation capitaliste. En Amérique, écrit-il, "la base de l'agriculture capitaliste n'était pas l'ancienne agriculture fondée sur l'esclavage, la guerre de Sécession ayant détruit l'économie esclavagiste, mais l'agriculture libre, du fermier libre, sur des terres libres ; libres de toutes les charges médiévales, du servage et du féodalisme d'une part, et d'autre part, libres de la contrainte de la propriété foncière privée" [9].

Sur le terrain idéologique cultivé par Marx, Engels et Lénine est née l'admiration de Gramsci pour la "civilisation" américaine et la condamnation de Gramsci de l'anti-américanisme. Comme alternative au type du petit bourgeois européen, le "philistin des pays conservateurs", Gramsci a proposé la figure "énergique et progressiste" que Sinclair Lewis avait dépeinte dans le personnage de Babbitt, le petit bourgeois américain qui voit l'industriel moderne comme "le modèle à atteindre, le type social auquel il faut se conformer".

51sdKr6AY1L.jpgAntonio Gramsci revendique pour le groupe communiste de l'"Ordine Nuovo" (qu'il a fondé en 1919 avec Palmiro Togliatti et d'autres) le mérite d'avoir prôné une "forme d'"américanisme" acceptable pour les masses ouvrières". Pour Gramsci, il existe en fait un "ennemi principal" qui est la "tradition", "la civilisation européenne (...), la vieille et anachronique structure sociale démographique européenne" [10]. Nous devons donc remercier, dit-il, la "vieille classe ploutocratique", parce qu'elle a essayé d'introduire "une forme très moderne de production et de travail telle qu'offerte par le type américain le plus perfectionné, l'industrie d'Henry Ford" [11].

Et la vieille classe ploutocratique a rapidement identifié ses compagnons de voyage. En fait, un commentateur faisant autorité sur les classiques du marxisme, Felice Plato, rappelle les "avances" du sénateur Agnelli envers Gramsci et le groupe de Togliatti, faites au nom d'une supposée "concordance d'intérêts entre les travailleurs de la grande industrie et les capitalistes de l'industrie elle-même". C'est d'ailleurs Gramsci lui-même qui a parlé succinctement du "financement d'Agnelli" et des "tentatives d'Agnelli d'absorber le groupe 'Ordine Nuovo'" [12].

Gramsci n'était cependant ni le premier ni le seul, parmi les marxistes, à voir dans l'Amérique le paysage idéal pour la construction d'une société alternative à la société européenne, malheureusement "alourdie par cette chape de plomb" de "traditions historiques et culturelles" [13]. C'est Gramsci lui-même, en fait, qui mentionne explicitement l'intérêt de "Leone Davidovic" (c'est-à-dire Lev Davidovitch Braunstejn/Bronstein, alias Trotsky) pour l'américanisme [14], ainsi que ses enquêtes sur le mode de vie américain et la littérature nord-américaine.

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Cet intérêt de la pensée marxiste pour l'américanisme est dû, explique Gramsci, à l'importance et à la signification du phénomène américain, qui est, entre autres, "le plus grand effort collectif jusqu'à présent pour créer, avec une rapidité sans précédent et avec une conscience de but jamais vue dans l'histoire, un nouveau type de travailleur et d'homme" [15]. Les réalisations de l'américanisme ont donné naissance à une sorte de complexe d'infériorité chez les marxistes, qui proclament selon les mots de Gramsci que "l'anti-américanisme est comique, avant d'être stupide" [16].

51nhN+o3ahS._SX326_BO1,204,203,200_.jpgNous avons parlé plus tôt de la littérature américaine.  Eh bien, l'une des manifestations les plus significatives de la culture antifasciste qui a eu lieu pendant le Ventennio de Mussolini a été la publication de l'anthologie Americana éditée par Elio Vittorini pour l'éditeur Bompiani en 1942 (et toujours réédité depuis). On a dit à juste titre que pour Vittorini et les camarades qui l'ont rejoint dans l'initiative en tant que traducteurs (tous gravitant plus ou moins dans l'orbite du Parti communiste clandestin), "la littérature américaine contemporaine (...) est devenue une sorte de drapeau ; et c'est aussi, ou peut-être surtout, comme un manifeste implicite de foi antifasciste que Vittorini a conçu et réalisé son anthologie. L'Amérique devait être pour les lecteurs, comme elle l'était pour lui, une grande métaphore de la liberté et de l'avenir" [17].

Dans ces mêmes années, alors que les antifascistes, parmi lesquels les futurs dirigeants du PCI, trinquaient à la fortune de Sa Majesté britannique [18], dans les discours de Palmiro Togliatti diffusés par Radio Mosca, il y avait une exaltation fréquente des États-Unis qui prenait parfois des accents de mysticisme inspiré. Voici un florilège bref mais significatif des laudes chantées par Migliore.

8 août 1941. "Et en réalité, nous devons être reconnaissants à l'Amérique non seulement pour avoir donné du travail pendant tant de décennies à tant de nos frères, mais aussi pour le fait qu'à ces hommes, qui sortaient de l'obscurité de relations sociales presque médiévales, elle a fait voir et comprendre ce qu'est un régime démocratique moderne, ce qu'est la liberté. (...) Mussolini et le fascisme (...) voudraient faire croire au peuple italien qu'il a un ennemi dans le peuple américain (...). Les Italiens qui connaissent l'Amérique devraient dire la vérité à leurs concitoyens. Qu'ils leur disent que le peuple des États-Unis est ami de l'Italie, mais qu'il est l'ennemi acharné de toute tyrannie (...) Et les Italiens qui aiment leur pays, qui ne sont et ne veulent être les serviteurs d'aucun despotisme, ont une nouvelle raison d'être reconnaissants au peuple des États-Unis, de qui vient aujourd'hui au peuple italien non seulement une nouvelle incitation à briser ses chaînes, mais une aide concrète aussi puissante" [19].

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2 janvier 1942. "Mais une autre voix nous parvient sur les ondes. C'est la voix du grand peuple américain. Dans son accent masculin, il nous semble entendre le rugissement de mille usines travaillant jour et nuit, sans relâche, pour forger des canons, des chars, des avions, des munitions. Il y a un mois, l'Amérique fabriquait autant d'avions en un mois que l'Allemagne et ses vassaux réunis. Bientôt, elle en fabriquera deux fois plus. Trente millions de travailleurs américains ont juré de ne pas relâcher leurs efforts de production tant que les régimes fascistes de terreur, de violence et de guerre ne seront pas écrasés. De bonnes perspectives, donc, pour la nouvelle année" [20].

Nous pouvons citer ici un extrait d'une lettre que Migliore, après la défaite des troupes alpines italiennes à Nikolaevska, a écrite de Moscou le 3 mars 1943 à Vincenzo Bianco : "La position des Italiens d'Amérique, et la nôtre, doit cependant être bien argumentée. Il faut expliquer qu'il ne s'agit pas du tout d'une invasion, mais d'une aide apportée au peuple italien pour retrouver sa liberté, pour chasser ses vrais ennemis, qui sont les fascistes et les Allemands. Expliquez que la véritable invasion de l'Italie est celle des Allemands, organisée par Mussolini. Mussolini est responsable de l'arrivée de la guerre en Italie. Etc. etc. Bien sûr, combinez cela avec la démonstration que les Italiens peuvent empêcher que la guerre soit portée sur leur territoire national en se débarrassant immédiatement du gouvernement de Mussolini, en évinçant ce gouvernement, en brisant la vassalité allemande, etc. D'où l'appel à la lutte, la polémique contre ceux qui disent attendre l'atterrissage pour faire quelque chose, etc. etc.  En cas de débarquement, notre position doit être: une invitation aux populations à accueillir les troupes anglo-saxonnes comme des troupes libératrices ; une invitation aux soldats à déposer les armes, etc." [21].

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Les camarades de Togliatti, en revanche, n'ont pas été privés du titre de chevalier par les impérialistes. Pour citer un cas illustre, Arrigo Boldrini dit "Bulow", qui après avoir commandé la 28e brigade "Garibaldi" a été longtemps député du PCI puis président de l'ANPI, a été décoré d'une médaille d'or par le général McCreery, commandant de la 8e armée, en février 1945 (ci-dessus).

Le fait que la "Résistance" antifasciste était un mouvement collaborationniste au service de l'envahisseur anglo-américain est un fait reconnu aujourd'hui même par l'historiographie communiste "hérétique", c'est-à-dire non alignée sur la mythologie de la Résistance. "L'accusation portée contre le mouvement partisan d'être pleinement inclus dans le front de guerre militaire allié a eu un support historique évident" [22], écrit par exemple un historien qui a compilé plusieurs entrées pour l'Encyclopédie de l'antifascisme et de la résistance. Par ailleurs, en 1944 déjà, l'organe d'un groupe communiste écrivait : "Nées de l'effondrement de l'armée, les bandes armées sont, objectivement et dans les intentions de leurs animateurs, des instruments du mécanisme de guerre britannique" [23].

Par la suite, les antifascistes, les catholiques, les libéraux et les sociaux-démocrates ralliés à Badoglio n'ont pas eu trop de mal à admettre le caractère collaborationniste de la "Résistance", notamment parce que, dans les années d'après-guerre, leurs partis ont continué à être subordonnés à la politique américaine et britannique et que de nombreux anciens partisans "blancs" ont poursuivi leurs activités pro-occidentales dans les "partis démocratiques", dans le journalisme ou peut-être dans les rangs du contre-espionnage ou du "Gladio" ; les communistes et les socialistes, qui dans la situation créée par la "guerre froide" se sont retrouvés du côté de l'URSS, ont essayé de créer une image "patriotique" de la "Résistance" et d'attribuer le mérite exclusif de la défaite nazie-fasciste à l'action des partisans, comme si les Anglo-Américains n'avaient jamais existé et comme si l'action des partisans n'avait pas été soutenue et financée par les impérialistes occidentaux (ainsi que par les capitalistes du Nord hostiles à la socialisation des entreprises décrétée par la CSR).

Dans le sud occupé, certaines formations de l'extrême gauche s'étaient immédiatement mises à la disposition des envahisseurs anglo-américains.  En Campanie, par exemple, le Parti socialiste révolutionnaire italien était né, dont l'un des objectifs immédiats était d'"aider les Anglo-Américains à libérer le territoire restant de la péninsule" [24]. "Après avoir accueilli les Alliés comme des libérateurs, les socialistes révolutionnaires avaient rencontré à Salerne le général Clark pour lui demander d'aider les troupes dans leur entrée à Naples et avaient également participé aux négociations pour la création du Gruppi Combattenti Italia" [25].

260px-Adriano_Olivetti_fotoritratto.jpgDans le Nord, depuis février 1943, le Parti communiste, le Parti d'action, le Parti prolétarien pour une République socialiste et le Parti socialiste chrétien étaient en contact avec l'OSS, les services secrets américains, par l'intermédiaire d'un agent de liaison de premier ordre: l'ingénieur Adriano Olivetti (photo), un ami de Carlo Rosselli [26].

La dépendance, y compris économique, des partis antifascistes du CLNAI vis-à-vis des hauts commandements anglo-américains est formalisée par un document de cinq pages rédigé en anglais : les "Protocoles de Rome", qui sont signés le 7 décembre 1944 par le général britannique Henry Maitland Wilson, commandant des forces alliées en Méditerranée, et les dirigeants antifascistes: Alfredo Pizzoni ("Pietro Longhi"), Ferruccio Parri ("Maurizio"), Giancarlo Pajetta ("Mare"), Edgardo Sogno ("Mauri").

Les partisans s'engagent à exécuter tous les ordres des Alliés pendant le conflit; ils s'engagent à nommer un officier acceptable pour les Anglo-Américains comme chef militaire du corps des volontaires de la liberté ; ils s'engagent à exécuter tout ordre après la "libération" du territoire italien. Et le CLNAI, pour sa part, était reconnu par les Anglo-Américains comme le seul gouvernement, de facto et de jure, de l'Italie du Nord.

Le point 5 du document établit les fonds à allouer aux activités antifascistes, en ces termes : "Pendant la période d'occupation ennemie en Italie du Nord, la plus grande assistance sera accordée au CLNAI, comme à toutes les autres organisations antifascistes, pour répondre aux besoins de leurs membres engagés dans l'opposition à l'ennemi en territoire occupé : une contribution mensuelle ne dépassant pas 160 millions de lires sera versée sous l'autorité du commandant suprême des forces alliées pour couvrir les dépenses du CLNAI et de toutes les autres organisations antifascistes".

Traduit en italien: les impérialistes alliés allouent une contribution mensuelle de 160 millions de lires (valeur de l'époque) aux collaborationnistes antifascistes, à répartir dans cinq régions italiennes dans les proportions suivantes : Ligurie 20, Piémont 60, Lombardie 25, Émilie 20, Vénétie 35.

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En stipulant les Protocoles de Rome, le Comité de libération nationale de la Haute-Italie a donc aussi formellement subordonné le mouvement partisan à la stratégie militaire anglo-américaine et l'a placé, comme l'a écrit un auteur communiste, "directement sous les ordres des alliés" [27], tandis que le Comando Volontari della Libertà était reconnu comme l'exécuteur des ordres du commandant en chef allié.

Avant même la signature des protocoles, les "patriotes" s'étaient déjà mis au service des "libérateurs", à tel point que le général Alexander leur avait donné l'ordre suivant: "Tuez les Allemands, mais de telle sorte que vous puissiez rapidement vous échapper et recommencer à tuer. (...) Les groupes de patriotes du nord de l'Italie détruisent les lignes de chemin de fer et si possible les téléphones, font dérailler les trains. Détruire les installations télégraphiques et téléphoniques" [28].

Mais laissons la parole à Renzo De Felice. "Les accords de Rome ont apporté 160 millions à la Résistance. C'était le salut. Et Harold MacMillan, responsable sur place de la politique britannique en Méditerranée, pouvait écrire dans ses mémoires le commentaire féroce et satisfait : 'Celui qui paie le joueur décide de la musique'" [29].

"Rompre avec les Alliés, pour la Résistance, était impossible: cela aurait été une catastrophe économique (Parri lui-même, dans son Mémoire sur l'unité de la Résistance, écrit en 1972, rappelle que la perspective était celle de 'fermer boutique')" [30].

"Les Alliés savaient qu'ils avaient les meilleures cartes en main: la force militaire et l'aide économique. Si pour entretenir un partisan, à la fin de 1943, il fallait mille lires, au début de 1945 il en coûtait 3 mille et même 8 mille, dans les zones les plus chères. En bref, la question économique était devenue politique. Une armée aussi nombreuse ne pouvait s'autofinancer: réquisitions, taxations forcées, grèves de ravitaillement, c'est-à-dire vols, brigandages compromettaient, en ce long hiver 44, l'image même du mouvement sur le territoire. Les résultats auraient été catastrophiques. Il est nécessaire de rationaliser le système de financement au-delà des subventions des industriels, qui ont cependant de plus en plus peur des Allemands au fil du temps, et de l'aide des services secrets britanniques et américains. C'était le chef-d'œuvre de Pizzoni. L'argent des alliés arrivait à Milan du sud via la Suisse" [31].

88f1db96781d25612fbe375f5bed38f7.jpgEn 1944, devant le spectacle d'une extrême gauche à la solde des Anglo-Américains, le fasciste républicain Stanis Ruinas (photo) s'adresse à l'un de ses vieux amis, passé du fascisme anti-bourgeois au communisme, en ces termes : "Au risque de passer pour un naïf, j'avoue ne pas comprendre comment des hommes qui se proclament révolutionnaires - socialistes communistes anarchistes - et qui, pour leurs idéaux, ont subi la prison et l'exil, peuvent applaudir l'Angleterre ploutocratique et l'Amérique trustiste qui, au nom de la démocratie et de la liberté démocratique, dévastent l'Europe. J'anticipe votre réponse. En tant que révolutionnaire, vous n'aimez pas Hitler et vous ne faites pas confiance à Mussolini. Et c'est très bien. Mais comment pouvez-vous faire confiance à l'Angleterre impérialiste qui a trahi la Perse, écrasé les républiques boers, opprimé l'Inde et l'Égypte pendant si longtemps, et qui s'arroge le droit de protéger et de diriger tant de peuples dignes de liberté ? (...) Comment pouvez-vous concilier vos idéaux révolutionnaires avec ceux de Churchill et de Roosevelt ?" [32].

Notes:

[1] Domenico Losurdo, Elogio dell'antiamericanismo, "Voce operaia punto it. L'organe télématique hebdomadaire de Direzione 17", 41, 17 octobre 2003.

[2] Ibidem.

[3] Ibid.

[4] Ibid. L'auteur se réfère à : K. Marx - F. Engels, Opere complete, Editori Riuniti, Rome 1955, VII, p. 288.

[5] K. Marx - F. Engels, Opere complete, Editori Riuniti, Roma 1955, VI, pp. 273-275.

[6] Romolo Gobbi, L'Amérique contre l'Europe. L'anti-Europeismo degli americani dalle origini ai giorni nostri, Editions MB, Milan 2002, p. 10.

[7] Ibidem.

[8] Cité dans D. Losurdo, ibidem.

[9] Cité dans : Emmanuel Malynski, Il proletarismo, Edizioni di Ar, Padoue 1979, p. 7.

[10] Antonio Gramsci, Americanisme et fordisme, Universale Economica, Milan 1950, pp. 20-21 ; édition ultérieure : Einaudi, Turin 1978. Les pages de Gramsci rassemblées dans cette édition correspondent au cahier 22 (V) 1934 des Cahiers de prison.

[11] Op. cit., p. 20.

[12] Op. cit., p. 18. La note de l'éditeur, Felice Platone, se trouve au bas de la page.

[13] Op. cit., p. 25.

[14] Op. cit., p. 42. Sur les relations de Trotsky avec l'usurocratie américaine, voir Pierre Saint-Charles, Banquiers et bolcheviks, in : Henri Coston (ed.), L'alta finanza e le rivoluzioni, Edizioni di Ar, Padoue 1971, pp. 41-50.

[15] Op. cit., ibid.

[16] Op. cit., p. 62.

[17] Giovanni Raboni, E un giorno la sinistra si risvegliò americana. Sessant'anni fa la miticaantologia di Vittorini smontò l'idea fascista sugli USA "Impero del Male", "Corriere della Sera", 24 septembre 2002, p. 35.

[18] "Il y avait, entre autres, Carlo Muscetta, Mario Alicata, Mario Socrate, Antonello Trombadori, Guglielmo Petroni, Gabriele Pepe, Marco Cesarini ; (...) Gabriele Pepe a proposé un toast à l'Angleterre, puis à Churchill, puis à la Royal Air Force. Nous avons trinqué avec joie et exultation" (Manlio Cancogni, Gli scervellati. La seconda guerra mondiale nei ricordi di uno di loro, Diabasis, Reggio Emilia 2003, p. 57). L'auteur rappelle que lui-même, en tant que représentant des socialistes, a apporté à l'imprimeur, le 9 septembre 1943, une affiche du CLN de Pietrasanta, rédigée en anglais, qui donnait le "salut aux Alliés" (op. cit., p. 192).

[19] Mario Correnti (Palmiro Togliatti), Discorsi agli italiani, Società Editrice L'Unità, Rome 1943, pp. 40-42.

[20] Op. cit., p. 93.

[21] members.xoom.virgilio.it/larchivio/togliatti-letteraalpini.htm

[22] Arturo Peregalli, L'altra Resistenza. Il PCI e les oppositions de sinistra. 1943-1945, Graphos, Gênes 1991, p. 356.

[23] Sulla via giusta, "Prometeo", 4, 1er février 1944.

[24] Arturo Peregalli, op. cit. p. 130.

[25] Ibidem.

[26] "Il ressemble aussi physiquement à Rosselli, peut-être parce qu'il est à moitié juif, du côté de son père" - écrit dans son rapport l'informateur de l'OSS qui a rencontré Olivetti près de Berne. Voir Ennio Caretto et Bruno Marolo, Made in USA. Le origini americane della RepubblicaItaliana, Rizzoli, Milan 1996, p. 58 et suivantes.

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[27] Renzo Del Carria, Proletari senza rivoluzione, vol. IV, Savelli, Rome 1976, p. 166.

[28] Instructions du général Alexander aux patriotes, "Corriere di Roma", 8 juin 1944 ; cit. in: Erich Priebke, Autobiographie, Associazione Uomo e Libertà, Rome 2003, p. 758.

[29] Renzo De Felice, Rosso e Nero, Baldini & Castoldi, Milan 1995, p. 88.

[30] Renzo De Felice, op. cit. p. 84-85.

[31] Renzo De Felice, op. cit. p. 95-96.

[32] Stanis Ruinas, Lettres à un révolutionnaire, cit. in : Paolo Buchignani, Fascisti rossi. Da Salò al PCI, la storia sconosciuta di una migrazione politica 1943-1953, Mondadori, Milan 1998, pp. 21-22.

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jeudi, 31 mars 2022

De la "Doctrine" de Monroe aux "Quatorze points" de Wilson 

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De la "Doctrine" de Monroe aux "Quatorze points" de Wilson 

par Michele Rallo

Les origines de l'interventionnisme américain dans les affaires européennes

Source : https://www.ereticamente.net/2022/03/dalla-dottrina-di-monroe-ai-quattordici-punti-di-wilson-michele-rallo.html

C'est en 1823 que James Monroe, le 5e président des États-Unis d'Amérique, a énoncé la "doctrine" qui allait prendre son nom (en réalité dû à son ministre des affaires étrangères John Adams). Selon cette doctrine, les États-Unis revendiquent une suprématie totale sur les Amériques du Nord et du Sud, ordonnant aux puissances européennes de ne pas intervenir dans cet "hémisphère", à l'exception des territoires coloniaux qui leur appartiennent encore. En réalité, seule la présence des cousins britanniques serait tolérée (du Canada aux Malouines), tandis que les autres puissances coloniales (France, Espagne, Portugal) seraient directement ou indirectement évincées de leurs possessions.

The-1912-cartoon-of-the-Monroe-Doctrine.ppm.pngQuoi qu'il en soit, tout le monde s'accordait à l'époque à dire que la doctrine de Monroe était essentiellement une proposition de partage du monde : l'Amérique aux Américains et - corollaire logique - l'Europe aux Européens. Liberté d'action dans le reste du monde, avec toutefois quelques voies préférentielles : l'Asie orientale et le Pacifique pour les États-Unis, l'Asie occidentale et l'Afrique pour les puissances européennes.

Cela a duré quelques décennies : le temps nécessaire aux Américains pour se débarrasser de certaines présences gênantes, notamment aux frontières. Le dernier épisode fut la guerre hispano-américaine de 1898, à l'issue de laquelle les États-Unis ont acquis Cuba (officiellement "indépendante"), Porto Rico et - en Asie - les Philippines et l'île de Guam.

L'Espagne étant ainsi expulsée du continent américain, on a eu l'impression pendant un moment que les États-Unis et les puissances européennes étaient retranchés dans leurs sphères d'influence respectives. Mais ce n'était qu'une impression - justement - parce que depuis quelques années (après l'assassinat de Lincoln en 1865), les cercles de la City de Londres avaient déjà commencé à tisser la toile d'une entente transocéanique qui unirait les États-Unis et le Royaume-Uni avec ses dominions : cimentant ainsi, derrière le paravent d'une alliance ethnique, les intérêts financiers et mercantiles du bloc anglo-saxon. Quelques années plus tard, le Sud-Africain (blanc) Jan Smuts qualifiera ce bloc de "fédération britannique des nations" et vantera sa fonction anti-européenne : "N'oubliez pas qu'après tout, l'Europe n'est pas si grande et ne continuera pas à le paraître à l'avenir. (...) Ce n'est pas seulement l'Europe que nous devons considérer, mais aussi l'avenir de cette grande confédération d'États à laquelle nous appartenons tous" [1].

Le projet de bloc anglo-saxon a franchi une étape décisive lors de l'élection présidentielle de novembre 1912, lorsque le parti républicain - dominant depuis l'époque de Lincoln - s'est divisé et a présenté deux candidats opposés de taille (le président sortant William Taft et l'ancien président Theodore Roosevelt), permettant à l'outsider démocrate Thomas Woodrow Wilson d'être élu.

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Wilson prend ses fonctions en mars 1913 et se lance immédiatement dans un vaste programme de "réformes" apparemment positives. En réalité, l'objectif de toute son activité frénétique de réforme était de privatiser le système bancaire, alignant ainsi les États-Unis sur le modèle financier qui dominait la politique britannique. En décembre 1913, la Réserve fédérale a été créée, une banque "centrale" qui était aux États-Unis d'Amérique ce que la Banque d'Angleterre des Rothschild était à la Grande-Bretagne depuis 1694 : toutes deux étaient privées et avaient le droit exclusif de frapper la monnaie nationale et de la prêter à leurs gouvernements respectifs.

Avec l'élection de Wilson, le monde des affaires et de la finance quittait donc le parti républicain pour se lier - étroitement - au parti démocrate. Et ce monde trépignait, il avait envie de franchir les frontières, de se lier à d'autres hommes d'affaires et à d'autres financiers, de s'étendre bien au-delà des frontières tracées par la Doctrine Monroe. Il s'agissait d'une nouvelle forme de colonialisme, un colonialisme économique ; qui, toutefois, ne rivalisait pas avec les partenaires britanniques pour les domaines traditionnels afro-asiatiques, mais visait plutôt le "marché" le plus riche, celui de l'Europe. Avec une connotation particulière : alors que le colonialisme européen visait des pays arriérés, presque toujours dépourvus d'une structure étatique complète, le néocolonialisme américain prétendait s'imposer à des pays hautement civilisés et développés, ceux dont étaient issus les colons qui ont construit les États-Unis d'Amérique. Ce sont les fils enrichis qui se sont retournés contre leurs pères.

Naturellement, les nations européennes n'étant pas prêtes à se laisser coloniser le sourire aux lèvres, les Américains ont dû attendre la bonne occasion pour intervenir sur le Vieux Continent, pour faire peser le poids de la puissance américaine sur la balance : puissance industrielle et militaire, mais surtout puissance économique. Et l'occasion ne tarde pas à se présenter : le 28 juin 1914, l'attentat de Sarajevo a lieu, et un mois plus tard, le premier coup de canon est tiré dans ce qui deviendra la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale.

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Bien que la majorité de la population américaine (anglo-saxonne) ait naturellement sympathisé avec leurs cousins britanniques, ils n'ont pas dévié de leur attitude traditionnelle à l'égard des affaires européennes : un isolationnisme "historique" profondément ancré, qui, en temps de guerre, se traduisait par une neutralité absolue, à la limite de l'indifférence.

Au contraire, les milieux financiers, industriels et mercantiles sont pieds et poings liés à leurs correspondants britanniques, qu'ils approvisionnent par des envois massifs et continus par voie maritime. Leur intérêt spécifique était non seulement la victoire à Londres, mais aussi - en perspective - la pénétration des marchés européens, que seule cette victoire pouvait favoriser.

Le président Wilson, officiellement du moins, semblait fermement ancré dans des positions non-interventionnistes. En fait, il était plus que favorable à l'intervention américaine dans la guerre en Europe. Cependant, il avait les mains liées par les nouvelles élections présidentielles, qui approchaient à grands pas. Étant donné la neutralité viscérale de l'électorat américain, il ne pouvait être réélu que s'il donnait l'impression, ou plutôt la certitude, qu'il maintiendrait les États-Unis en dehors de la guerre en Europe.

Même après sa réélection (novembre 1916), Wilson ne pouvait pas changer sa ligne diplomatique d'un iota : les Américains étaient toujours très opposés à la possibilité même la plus lointaine d'une intervention, et le président ne pouvait certainement pas aller dans la direction opposée.

Ce sont toutefois les Allemands qui ont offert sur un plateau d'argent l'excuse qui permettrait à Woodrow Wilson de décider d'intervenir. Au fur et à mesure que les approvisionnements de l'industrie américaine vers l'Angleterre augmentaient, le nombre de torpillages de navires marchands américains augmentait, avec les pertes humaines que cela impliquait. Les Allemands auraient pu obtenir le même résultat en arrêtant les navires américains et, peut-être, en les saisissant. Au lieu de cela, ils ont préféré torpiller et couler les navires. Ils ne se rendaient pas compte (et ne se rendraient pas compte non plus pendant la Seconde Guerre mondiale) qu'un comportement brutal provoque la désapprobation et l'hostilité générales, même si ce comportement est le résultat d'une "provocation" de l'ennemi.

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Le casus belli s'est produit le 19 mars 1917, avec le naufrage du cargo "Vigilantia" avec tout son équipage. L'indignation de l'opinion publique américaine est telle que Woodrow Wilson peut demander au Congrès de voter l'entrée en guerre des États-Unis. Cela s'est produit le 6 avril.

La voie du "libre-échange" était enfin ouverte. Il fallait cependant rassurer les Européens (amis, ennemis et neutres), les convaincre que l'envoi des armées américaines sur le Vieux Continent ne cachait aucune intention colonialiste, mais n'était que le fruit de la générosité, d'une propension à la charité à l'échelle planétaire. Voici donc le recours à un alibi idéologique : ce n'est pas par soif de pouvoir que les États-Unis ont envoyé leurs soldats outre-Atlantique, mais pour défendre la démocratie ; non pas pour en retirer des avantages économiques, mais pour libérer le peuple. [Un refrain répété de manière obsessionnelle dans toutes les guerres américaines, de la Seconde Guerre mondiale à la destruction de la Libye].

Wilson s'est dessiné le profil moraliste d'un grand leader qui a conduit sa nation à la guerre non pas pour des raisons futiles, mais pour défendre les idéaux les plus élevés de liberté, de démocratie, de justice, de progrès, de prospérité, de paix entre les nations et d'autodétermination des peuples. D'où la nécessité d'idéologiser le choix de la guerre, en la présentant comme une intervention visant à réparer les torts imposés aux nations par les "méchants" du moment, presque comme la transposition d'un film "occidental" sur la scène mondiale tout entière.

Le président a très bien su camoufler un choix clairement utilitaire sous de nobles idéaux. Il a inventé un certain nombre de slogans frappants - "la guerre pour mettre fin aux guerres" ou "rendre le monde sûr pour la démocratie" - et est allé jusqu'à esquisser un scénario d'après-guerre idyllique : "pas d'annexions, pas de contributions, pas d'indemnités de guerre" [2]. Rien de tout cela ne se produira. Au contraire, les annexions, contributions et indemnités de guerre - appliquées de manière disproportionnée au profit de Londres, de Paris et de leurs clients - contribueraient de manière décisive à rendre le monde peu sûr pour la démocratie et à préparer le terrain pour de nouvelles guerres. Et ce, avec la circonstance aggravante d'une attitude qui variera fortement d'un sujet à l'autre : forcer - par exemple - l'Italie à renoncer à Fiume/Rijeka, et en même temps permettre à la France de mutiler impitoyablement l'Allemagne, ou à l'Angleterre de tenter de rayer la Turquie de la carte. Tout cela a été couronné par un fort coup de pinceau de la fierté et de l'arrogance du nouveau riche, du nouveau maître du monde qui dicte benoîtement à ses sujets les règles de la coexistence civilisée.

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Tout cela a été inclus et condensé dans un véritable manifeste idéologique de l'interventionnisme américain, qui est entré dans l'histoire sous le nom des "Quatorze points de Wilson". Il s'agissait d'un "message au Congrès" par lequel le président tentait d'adoucir la pilule de l'intervention ; une intervention qui - malgré le comportement imbécile des Allemands qui avait indigné les Américains - continuait à susciter des doutes et de la perplexité, tant dans l'opinion publique nationale que dans de nombreux secteurs du Congrès. Mais les Quatorze Points - en même temps - étaient aussi une sorte de message aux chancelleries du monde entier, énonçant dès le départ les diktats de la pax americana, auxquels tous - vainqueurs et vaincus - devraient se conformer.

Le bavardage initial était un exercice de justification inventive de l'intervention, entièrement basé sur les déclarations de principe (mensongères) déjà mentionnées : "Nous sommes entrés dans cette guerre parce qu'il y avait eu des violations du droit qui nous touchaient au plus profond de nous-mêmes et qui rendaient la vie de notre peuple impossible à moins qu'il n'y soit remédié et que le monde soit une fois pour toutes protégé du danger de leur retour. Ce que nous exigeons de cette guerre n'a donc rien de particulier pour nous. Ce que nous voulons, c'est que le monde devienne un lieu sûr où chacun puisse vivre, un lieu possible pour toutes les nations qui veulent la paix, pour toutes les nations qui veulent vivre leur vie librement, décider de leurs propres institutions, être sûres d'être traitées équitablement et justement par les autres nations, au lieu d'être exposées à la violence et à l'agression. Tous les peuples du monde sont en effet unis dans cet intérêt suprême ; et en ce qui nous concerne, nous voyons très clairement que si la justice n'est pas rendue aux autres, elle ne peut l'être à nous-mêmes. Notre programme est donc le programme de la paix mondiale."

Mais lorsqu'il s'agit de détailler "le programme de paix mondiale", les vagues déclarations se transforment en diktats concrets et arrogants qui préfigurent l'avenir établi à Washington (et à Londres) pour les différentes nations d'Europe. Avec la réserve que ce programme était "le seul programme possible".

Le point 9 était consacré à l'Italie : "Une révision des frontières de l'Italie doit être effectuée sur la base de la frontière ethnographique facilement reconnaissable." Nous verrons plus tard comment "la frontière ethnographique facilement reconnaissable" était, en réalité, le mécanisme qui devait empêcher la réalisation de nos objectifs, laissant des milliers et des milliers de nos compatriotes sous la souveraineté yougoslave.

Mais, au-delà de l'arrogance avec laquelle le sort de chaque pays européen était fixé, ce qui était particulièrement significatif, c'était un point général, le numéro 3 : "L'abolition, jusqu'à l'extrême limite du possible, de toutes les barrières économiques, et la création de conditions égales en matière de commerce entre tous les pays qui adhéreront à la paix et s'uniront pour la maintenir" [3].

Le seul programme possible pour la paix mondiale était donc l'abolition des barrières économiques, des "murs" du Vieux Continent, dans le seul but de favoriser la diffusion de la production et des capitaux américains en Europe. C'était l'anticipation de ce qui, un siècle plus tard, serait appelé "mondialisation".

NOTES:

[1] Jan Christian SMUTS : La Federazione Britannica delle Nazioni. Discorso del generale Smuts tenuto a Londra il 15 maggio 1917. 

[2] Thomas Woodrow WILSON : Le Président Wilson, la guerre, la paix. Recueil des déclarations du Président des Etats-Unis d'Amérique sur la guerre et la paix. 20 décembre 1916 - 6 avril 1918.  Librairie Berger-Levrault, Paris, 1918.

[3] WILSON : Le Président Wilson, la guerre, la paix.  Cit.

 

Librement tiré de la rubrique " Rievocazioni " du mensuel de Trapani " La Risacca " publié en décembre 2017.

 

dimanche, 10 janvier 2021

Les Européens veulent ignorer le visage profond de l'Amérique

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Les Européens veulent ignorer le visage profond de l'Amérique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il s'agit d'une Amérique boueuse, pour reprendre une expression qui n'a rien d'excessif. Donald Trump a incarné parfaitement ce phénomène. Joe Biden n'en changera probablement rien.

Cette Amérique ne croit qu'en Dieu, aux armes à feu et au dollar. Elle ignore tout des rapports entre Etats qui déterminent l'actualité internationale. Elle voit partout des complots visant à déstabiliser les Etats-Unis. Elle ne croit qu'à la force des armements américains pour s'imposer dans le monde. Plus grave, il s'agit d'une Amérique profondément raciste et d'une xénophobie revendiquée. Les manifestations violentes des « suprémacistes blancs » autour du Capitale en ont donné au monde une image qui a surpris les naïfs.

L'Europe et le monde ne regardent les États-Unis qu'à travers ses élites sophistiquées. Ils ne connaissent l'Amérique qu'en lisant les grands médias des côtes est et ouest, New York TimesWashington PostLos Angeles Times, ainsi que ses revues de prestige, New YorkerAtlantic monthlyForeign Policy.

Ils finissent par se persuader de l'« exceptionnalisme » américain et de sa mission universelle. Ils sont pour beaucoup convaincus que l'Amérique, unique superpuissance de la planète, a le devoir de façonner le monde en lui imposant ce qu'elle nomme le Bien et la Norme.

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En septembre 2003, George W. Bush déclarait sur Fox News, alors qu'il s'apprêtait à recevoir Jacques Chirac : « Je lui rappellerai – et il m'entendra – que l'Amérique est une nation bonne, authentiquement bonne. »  Il s'agit de ce que notait déjà le spécialiste Pierre Hassner quand il parlait de « cette conviction puritaine de la coïncidence entre l'intérêt propre des États-Unis et celui du Bien ».

Le tout récent éditorial du New York Times, appelant solennellement à voter Joe Biden le 3 novembre, reprend ce type d'argument : « M. Biden s'est engagé à “restaurer l'âme de l'Amérique”. Il est bien placé pour relever ce défi. » La veille, le candidat démocrate aux prochaines élections présidentielles, après avoir bruyamment fait savoir qu'il « priait » pour le rétablissement de Trump, s'était solennellement engagé à « restaurer le leadership moral de l'Amérique » sur le monde.

Cette Amérique là tient déjà la rue. Les évangélistes et les  « Christians born again »  voient Dieu partout. Les milices armées préparent la guerre civile. Les habitants des suburbs blancs sont noyés dans un racisme paranoïaque. Les suprémacistes blancs rêvent du Ku Klux Klan. Les classes moyennes se voient assiégées par un monde hostile qui veut détruire leur Amérique. Derrière eux, des centaines de sites internet ultras, des dizaines de radios et de télévisions, relayées par des milliers de pages Facebook achèvent de construire un monde parallèle.

Ceci se traduit par le fait qu'au plan international, depuis 2001, les États-Unis n'ont cessé d'être en guerre et engagés simultanément dans de multiples conflits : Afghanistan, Pakistan, Irak, Yémen, Syrie, Libye, Sahel. Ils n'entendent toujours pas négocier avec les autres grandes puissances, Russie et Chine notamment, sans mentionner les Européens.

Les optimistes disent que cette Amérique boueuse est construite par le Complexe militaro-industriel américain voulant à travers elle s'imposer au reste du monde. Mais il semble bien que la situation soit plus grave. C'est la très grande majorité de l'opinion publique américaine « blanche » qui se rallie derrière cette boue et qui semble prête à soutenir un projet de guerre mondiale nucléaire, espérant contre toute logique que leur Amérique pourrait en sortir, non seulement indemne mais renforcée.

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jeudi, 26 novembre 2020

La lutte de l’Amérique pour un nouveau paradigme de civilisation

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La lutte de l’Amérique pour un nouveau paradigme de civilisation

Par Alastair Crooke

Source Strategic Culture

Le corps politique américain est pris de frissons au lendemain de cette élection. Le mécontentement face à notre modernité hyper-monétarisée et totalement inéquitable explose. Les gens se sentent écrasés, leur humanité amputée :

Je suis né à la fin de la Génération X ... et j'ai grandi dans une ville de 
classe moyenne. La vie était belle ... Notre maison était modeste, mais nous
allions en vacances, nous avions 2 voitures ... J'ai grandi en pensant qu'être
Américain était le plus beau cadeau ... En tant qu'adulte, je suis témoin de
la ruine du monde dans lequel j'ai grandi. J'ai vu notre monnaie et notre
économie se corrompre de façon éhontée, au-delà de toute rédemption. J'ai vu mon col bleu de mari se lever à une heure impossible chaque jour
et rentrer à la maison avec le dos si douloureux que nous priions qu’il
puisse tenir assez longtemps pour pouvoir vieillir en un seul morceau.
En dehors des chaussures, des chaussettes et des sous-vêtements, presque
tout ce que ma famille porte a été acheté d'occasion. Nous n'avons pas de
téléphone portable ... Nous ne mangeons presque jamais au restaurant. Ce
que je viens de décrire, c'est une vie avec 60 000 $ par an sans s'endetter.
Nous, les travailleurs, nous ne pouvons compter sur personne.

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Nous travaillerons jusqu'à notre mort, parce que la sécurité sociale à laquelle 
nous avons été obligés de cotiser nous a également été volée. J'ai vu l'assurance maladie de ma famille être vidée de sa substance et
détruite. J'ai vu l'éducation, qui était déjà sommaire quand j'étais enfant,
devenir une plaisanterie à base de mathématiques totalement non mathématiques,
de bons points pour tous et d'anti-américanisme dégoûtant. Ma famille supporte
un énorme poids financier car je reste à la maison pour scolariser notre enfant. Je suis resté assis et j'ai tenu ma langue pendant que l’on me traitait de
déplorable et de raciste, de xénophobe, d'idiote et même de "sale personne".
On m'a dit que j'avais des privilèges, que j'avais des préjugés inhérents à
la couleur de ma peau, et que mon mari et mon père bien-aimé faisaient partie
d'un patriarcat horrible. Rien de tout cela n'est vrai, mais si j'ose en parler,
cela sera utilisé comme preuve de mon racisme et de ma fragilité blanche. Et
maintenant, j'ai vu des gens qui me haïssent et qui haïssent les miens - et qui
appellent à notre destruction de manière flagrante et ouverte - voler l'élection
et ensuite nous allumer en nous disant qu'elle était honnête et juste. Je suis à bout. Ne me demandez pas de saluer le drapeau, ou de saluer les troupes,
ou de tirer des feux d'artifice le 4 juillet. C'est une mauvaise blague, tordue
et déchirante, ce cadavre gonflé et méconnaissable d'une république qui fut autrefois
la nôtre. Je ne suis pas la seule. Je ne sais pas comment les choses continuent de fonctionner
lorsque des millions de citoyens ne ressentent plus aucune loyauté envers ou de la
part de la société dans laquelle ils vivent. J'ai été élevée pour être une dame,
et les dames ne jurent pas, mais j’en*ule ces bran*eurs, pour ce qu'ils ont fait,
à moi et à mon pays. Tout ce que nous, les Américains moyens, avons toujours voulu,
c'est un petit lopin de terre pour élever une famille, un travail pour payer les
factures, et au moins une illusion de liberté, et même ça, c'était trop pour ces
parasites humains. Ils veulent tout, l'esprit, le corps et l'âme. Qu'ils soient
maudits. Qu'ils soient tous maudits.

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L’Amérique est prise de frissons. Ce n’est pas seulement de la « politique habituelle ». Il ne s’agit même pas du président Trump (même si la plupart des supporters des Bleus le pensent). Il ne s’agit même pas seulement de l’Amérique. Il y a des moments où – collectivement et individuellement – les civilisations arrivent à une bifurcation. La civilisation américaine et ouest-européenne se trouve à un tel point. Deux pôles, les élites côtières et le centre du pays, entrent en collision et les étincelles et le métal tordu résultant de ce choc frontal seront la chaleur qui forcera le pôle rouge américain à changer de cap (quoi que cela puisse entraîner). Les conséquences de cette collision formeront la future Amérique, et la future Europe aussi, où les euro-élites ne sont souvent que des simulacres des « élites côtières » américaines.

Quel que soit l’individu qui se retrouve à la Maison Blanche, l’Amérique est désormais irrémédiablement divisée. Comme l’écrit l’historien américain Mike Vlahos : « Les progressistes consacrent leur vie à cette mission, tandis que les électeurs rouges jurent tout aussi passionnément de l’arrêter. Ce mot marque le titre, la bannière et le proscenium encadrant une lutte existentielle. La transformation est le mot d’ordre de notre champ de bataille national ».

Les Américains des États rouges – comme l’illustre l’extrait ci-dessus – considèrent que l’élection est un « coup monté » contre eux. Ils estiment que les Américains blancs ont été diabolisés en raison de leur racisme naturel et (tout naturellement) se sentent vulnérables. Il leur a fallu beaucoup de temps pour comprendre, mais maintenant ils « comprennent » : la blancheur est considérée par une grande partie de l’Amérique bleue comme une suprématie « pathologique », et le « racisme pathologique » doit être exorcisé, insistent ces derniers.

Le problème auquel l’Amérique est confrontée est que les initiés de l’alliance Silicon Valley/Bleus seront conscients qu’il y a eu des irrégularités électorales. (Les manigances électorales ne sont pas nouvelles aux États-Unis, et l’ampleur de cet épisode reste à prouver). Pourtant, l’Amérique rouge parle de fraudes. Une narrative est en cours d’élaboration. Biden aura un problème de légitimité – quelle que soit la façon dont vous expliquerez le résultat.

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Les membres de l’Axe détestent totalement Trump et, en tout cas, considéreraient probablement tout « vol » putatif comme légitime – afin de se débarrasser pour toujours de Trump. Peut-être que l’ampleur du soutien apporté à Trump dans ces États clés les a pris au dépourvu. Après l’échec du Russiagate, et après l’échec de la mise en accusation, l’abandon d’un soutien de pure forme à la démocratie américaine – en acte, si ce n’est en paroles – peut leur sembler être un prix raisonnable à payer. Tout pour virer Trump…

« Trump est un raciste et un misogyne. Cela devrait être suffisant ? Pointer du doigt des faits, ce n’est pas diaboliser », rétorquent les partisans des Bleus. En d’autres termes, « comment les électeurs ont-ils pu être assez bêtes pour voter deux fois de suite pour Trump ». « Toute personne « rationnelle » comprendrait que les quatre dernières années ont été une catastrophe permanente », se plaignent ces partisans, en toute perplexité.

Un professeur d’histoire dans une prestigieuse école américaine suggère :

J'ai une réponse simple à cette [mentalité] qui vient de l'observation rationnelle 
d'étudiants adolescents, pour la plupart issus de milieux aisés : Les élites
cosmopolites des médias et du monde universitaire, comme l'adolescent
qui est supposé aller à l'université, qui a de l'ancienneté et qui a "tout bien
compris"
le monde, ne saisissent pas le coté aveuglé de leur propre vision
du monde ; du coup, ils ne comprennent pas toute la complexité de la réalité
elle-même". La vision du monde à laquelle je fais référence porte plusieurs noms :
le rationalisme, la laïcité, l'humanisme, etc. C'est une vision qui émane
de ce que j'appelle le mythe des Lumières : l'idée que nous sommes
arrivés au monde moderne en abandonnant complètement la religion,
la tradition et la coutume. C'est l'idée que la modernité a été construite
à partir de la base, par la raison sécularisée. Comme l'expose sans
critique le concept d'histoire européenne dans mon manuel : "Ils [les
penseurs du Siècle des Lumières] ont cherché à faire en sorte que la
lumière de la raison puisse s'opposer à l'obscurité des préjugés, des
traditions dépassées et de l'ignorance - en remettant en question les
valeurs traditionnelles"
. Ce qui est remarquable, ce n'est pas la déclaration elle-même, mais le fait
que ses auteurs, comme mes étudiants et les sondeurs qui ont prédit un
carnage électoral pour Trump, prennent [l'inévitable défaite de Trump]
comme un fait avéré - par opposition à une historiographie idéologique,
ouverte au débat. C'est-à-dire qu'ils [les adhérents bleus], ont cherché à
apporter la lumière de la raison sur l'obscurité des préjugés, des traditions
dépassées et de l'ignorance - en remettant en question les valeurs
traditionnelles des électeurs de Trump vivant à l’intérieur du pays.

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Cela nous dit pourquoi la collision est inévitable en fin de compte. Le Zeitgeist bleu voit des faits qui ne sont pas sujets à discussion. Il n’y aura « pas de prisonniers » dans leur quête pour débarrasser l’Amérique du racisme systémique – ce sont leurs « faits ». Comme le met en garde le professeur Vlahos : « A la fin de ce long jeu, le résultat souhaité pour notre avenir est une civilisation différente ».

Voici donc les principaux éléments du naufrage à venir. Tout d’abord – contrairement à son orgueil – l’élection n’a pas que tourné autour de Trump en tant qu’individu : Le vitriol bleu a touché bien au-delà de Trump, il a touché quelque 70 millions d’Américains qui ont été traités de vilains, de bigots, de racistes, etc. Dire « nous devons nous écouter les uns les autres » ne suffira pas pour revenir en arrière. Le bromure ne suffit pas. Cette circonscription rouge est maintenant « verrouillée et chargée ».

Deuxièmement, les résultats contestés des élections ont ouvert la voie à la Maison Blanche, non seulement pour contester certains résultats électoraux pour cause d’irrégularités, mais aussi, dans le cas de la Pennsylvanie, pour saisir la Cour suprême pour des motifs (distincts) de violation de la constitution par les États, qui ont fixé des règles électorales non autorisées par leur législature, ce qui pourrait avoir des répercussions beaucoup plus larges sur toute la question des bulletins de vote par correspondance.

Et – même – cela ouvre la possibilité de persuader les législateurs des États républicains de choisir les délégués du Collège électoral en toute conscience (s’ils en viennent à croire que le scrutin dans leur État a été entaché d’irrégularités. C’est légal pour la plupart des États). Tout cela peut aboutir à ce que le Congrès soit l’arbitre (s’il le peut) le 20 janvier, ou conduire à ce que la base Démocrate proteste, si Biden n’est pas inauguré ce jour-là.

Bien sûr, comme nous le savons tous, la perspective du « droit » n’est jamais certaine, mais même dans ce cas, ce que fait l’équipe de Giuliani – à part le contentieux – c’est d’organiser une « divulgation » publique d’irrégularités, d’improbabilités statistiques et de désordre postal. Il semble que Trump et Giuliani vont écrire leur propre « histoire révisionniste » de l’élection (indépendamment de l’issue des litiges). C’est sans doute la raison pour laquelle la Silicon Valley tente d’écarter l’argument de la fraude généralisée et parle de fraude spécifique. Cette publicisation de la fraude lors de rassemblements publics va presque certainement élargir encore le fossé existant entre une moitié de l’Amérique et l’autre.

Troisièmement, la Silicon Valley, avec les médias grand public à la suite, ont pris des mesures de répression ou ont fermé les sites alléguant de fraudes, les qualifiant de non fondées. Mais le hic, c’est que si les Bleus se qualifient de progressistes malgré tout cela, la Silicon Valley peut peut-être parler d’identité et de genre, mais elle n’est pas « progressiste ».

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Cela nous mène à « Davos » : Biden, s’il devient président, aura besoin de Républicains modérés pour faire passer les projets de loi sur le budget, bien plus qu’il n’aura besoin du caucus d’extrême gauche de son propre parti. Qu’en est-il alors, de AOC et du Squad ? Son administration sera donc ancrée dans le soutien à Big Tech et au « Re-set », ce qui n’est rien d’autre qu’un réaménagement du vieil Universalisme Millénaire.

L’essentiel est que les Américains vivent, en plus d’être enterrés dans leurs mécontentements, un moment important : L’Amérique rouge s’est réveillée face au vitriol qui lui était destiné. Et la Silicon Valley et l’assaut médiatique auront servi à souligner leur isolement. En temps de crise, les hommes et les femmes cherchent des explications, et des solutions.

Ils ne sont pas pour eux les collectivistes de « Davos », qui n’est qu’un nouveau projet de plus dans ces trois longs siècles de projets millénaristes et mondialistes, qui semblaient tous promettre, au début, un « nouveau monde », mais qui ont tous finalement mal fini. Non, il est plus probable que ce que nous verrons sera le « libertarianisme » rouge contre le « collectivisme » bleu. Les confinements dus à la Covid-19 ont accentué ce fossé au point qu’il est devenu l’icône de ce qui sépare l’Amérique aujourd’hui.

Aujourd’hui, les élites côtières américaines et européennes tentent d’empêcher ces « désordres » de glisser vers la violence. Ces tensions, craignent-elles, menacent la durabilité de la notion d’une humanité mondiale fondée sur des « valeurs » communes, poursuivant un itinéraire vers un ordre et une gouvernance mondiale.

L’Amérique rouge – pour survivre – va revenir aux anciennes valeurs (comme le fait toute société en crise), et essayer de tirer, du récit de leur érosion et de leur négligence, une explication – une histoire – de leur détresse actuelle. Ils peuvent déjà observer que les « autres » valeurs, opposées au collectivisme, ont toujours surgi des couches profondes de l’expérience et de l’histoire humaines.

Beaucoup de mécontents d’aujourd’hui n’ont jamais réfléchi aux valeurs civilisationnelles qu’ils vont maintenant chercher à adopter et à renouveler. Peu importe, ce n’est pas la question ; les graines d’une nouvelle étape civilisationnelle sont placées dans leur psyché collective. Nous verrons où cela mène.

Alastair Crooke

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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samedi, 13 juin 2020

Michel Vial : "La chute de l'empire occidental"

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Sortie cette semaine du livre de Michel Vial : "La chute de l'empire occidental"

Rencontre avec l'auteur...

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

Michel Vial, avant toutes choses, pouvez-vous vous présenter...

Je suis un jeune retraité de 64 ans. Certains, parmi les amis de Synthèse nationale doivent me connaître, car ils se souviennent peut-être de mon parcours de militant depuis la fin d’Ordre Nouveau jusqu’aux premières années du Parti des forces nouvelles.

Très jeune, en 1972, j’ai rejoint les rangs de ceux qui refusaient l’embrigadement de la jeunesse que pratiquaient les mouvements d’extrême-gauche, maos et trotskystes, alors très influents dans les lycées et les facultés. Je me sentais plus proche de ceux qui défendaient la nation et l’identité françaises et qui se battaient à un contre cent. L’ambiance de camaraderie que j’ai connue dans ces différents mouvements, ON, Front de la Jeunesse, GUD, Faire Front, PFN, m’a marqué durablement, j’en ai gardé des amitiés solides et fidèles. J’ai cessé toute activité politique assez tôt, mais n’ai jamais renié mon engagement de jeunesse.

Pourquoi ce livre ?

Ayant plutôt l’habitude d’écrire sur l’histoire militaire moderne, je me suis lancé cette fois dans un ouvrage « militant ». C’est venu un peu par hasard. A l’origine, j’avais écrit un article traitant du langage que le politiquement correct tente de nous imposer et que j’ai proposé à Présent, mais qui n’a pas été publié, car trop long pour le gabarit du journal et trop déconnecté de l’actualité immédiate. J’ai décidé alors unilatéralement de poursuivre sur ma lancée et de coucher sur le papier mes sentiments sur notre époque et ses dérives, sur la profonde crise morale qui frappe notre civilisation et qu’il paraît très difficile de surmonter. J’ai voulu alerter mes compatriotes, surtout les plus jeunes, du grave danger qui les menace et les pousser à réagir.

Pouvez-vous résumer le contenu de celui-ci ?

J’ai choisi une dizaine de thèmes (le langage, l’immigration, le terrorisme, l’écologie, l’Europe…) qui me paraissaient révélateurs de notre glissement dans une société décadente, que j’ai décortiqués, m’appuyant sur une bibliographie, sans aucun doute en partie orientée, mais dont les auteurs sont reconnus pour le sérieux de leurs travaux. Naturellement, ces thèmes se recoupent, ainsi immigration, islam, terrorisme, vivre-ensemble sont traités séparément, mais il ne surprendra personne qu’ils ont un lien plus qu’évident. Plus que nos ennemis clairement déclarés, j’ai voulu dénoncer les traîtres à notre nation et à notre civilisation, ceux qui nous livrent à l’ennemi et musèlent notre parole. Mon propos peut sembler pessimiste, j’en conviens, mais je crois quand même qu’un sursaut, une saine réaction se fera jour. En tout cas, je l’appelle de mes vœux.

Pourquoi avoir choisi ce titre ?

Évoquer la chute d’un empire, c’est faire référence à la fin d’un monde et à l’entrée dans une période de chaos dont nul ne sait ce qu’il va en sortir. « L’empire occidental » n’est pas l’empire romain, ni l’empire des Tsars, il n’a pas d’unité politique, son emprise est essentiellement culturelle, scientifique, technique et financière. Il s’est imposé au monde il y a environ cinq siècles et s’est considérablement affaibli depuis un demi-siècle, un affaiblissement moral qui m’a fait penser à la lente agonie de Rome, d’où ce titre.  

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Quel est votre avis sur la crise actuelle ?

Si on évoque la crise sanitaire qui a mis le pays en panne et provoqué une panique aussi généralisée qu’irrationnelle, je crois qu’elle a révélé beaucoup de choses inquiétantes. Non que le danger vienne d’un quelconque virus, créé artificiellement ou non, chinois ou non. La maladie, les épidémies et la mort sont le lot de l’humanité et il faut nous y résigner. Le plus inquiétant, c’est la facilité avec laquelle les lobbies mondialistes qui nous dirigent ont pu exercer leur mainmise sur l’opinion. Ce test grandeur nature démontre comment on peut imposer une dictature parfaite, rapidement et sans avoir recours à la violence. L’appui des médias et un semblant de caution scientifique suffisent à neutraliser toute opposition, la peur suffit à faire taire les plus récalcitrants. Nul doute que cette expérience réussie d’asservissement va servir à des fins inavouables. Nous devons nous y préparer

La chute de l'empire occidental, Michel Vial, Les Bouquins de Synthèse nationale, collection "Idées", 130 pages, 18 euros (+ 5 euros de port).

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Bulletin de commande 

lundi, 17 février 2020

André Siegfried et le collectivisme américain

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André Siegfried et le collectivisme américain

Par Nicolas Bonnal

 

Ex: https://leblogalupus.com

Une culture organisée autour de la consommation de masse encourage le narcissisme — qui désigne la tendance à voir le monde comme un miroir, et plus précisément comme une projection des peurs et des désirs intimes d’une personne — non pas parce qu’elle rend possessif et capricieux, mais parce qu’elle rend faible et dépendant. Elle mine la confiance que les individus ont en leur capacité à comprendre et modeler le monde, et à pourvoir à leurs propres besoins. Le consommateur a le sentiment qu’il vit dans un monde qui défie la compréhension et le contrôle pratiques, un monde de bureaucratie géante, «saturé d’informations» et constitué de systèmes technologiques complexes et réticulaires susceptibles de s’effondrer subitement, comme lors de la coupure d’électricité géante qui a plongé le Nord-Est des États-Unis dans l’obscurité en 1965 ou lors de la fuite de radiations de Three Mile Island en 1979.

— Christopher Lasch, The Minimal Self (trad. SD).

Rien ne ressemble plus un américain qu’un autre américain, rien ne ressemble plus à un homme moderne qu’un autre homme moderne. On supprime sexes, nations et cultures pour bien le démontrer ; pas besoin d’être un esprit traditionnel pour s’en rendre compte.

Journaliste, essayiste et connaisseur des sociétés anglo-saxonnes, André Siegfried, qui fut repris par Julius Evola, avait la dent dure. Il y a déjà un siècle il écrivait sur ce conformisme des modernes :

« De là une tendance grandissante à réduire toutes les vertus à celle, primordiale, de la conformité. »

Important, l’américain n’est pas une victime (c’est ce que ne comprennent pas les antisystèmes, en France comme ailleurs) : il est un volontaire, un enthousiaste, comme dit Céline. Siegfried :

« Ce ne sont pas les dirigeants qui imposent cette manière de voir, ni même le gouvernement, c’est le grand public lui-même. Dans les universités, la majorité des étudiants sollicitent l’enseignement d’une vérité toute faite, ils demandent aux maîtres moins une culture qu’un instrument de succès. »

AS-ame.jpgPhilippe Grasset a comparé l’américanisme au germanisme. Siegfried rappelait :

« La même crainte instinctive que ressentait la France devant le système germanique, à la veille de la guerre, elle l’éprouve maintenant à l’égard de certaines méthodes américaines, symbolisées dans l’usine Ford. Elle sait bien que, si ce système triomphe, la productivité du monde subira un accroissement formidable, que tout ce qui demeure entre nos mains, latent, noué et matériellement stérile, s’épanouira en réalisations de richesse, mais elle hésite à payer le prix. »

A cette époque (années vingt donc), Duhamel publie ses justes Regards sur le monde moderne ; Céline décrit la rue newyorkaise ou les usines Ford dans les inoubliables pages du Voyage, Hermann Hesse narre sa révolte intérieure dans le Loup des steppes. Siegfried ajoute sur cette massification, ce fordisme des esprits :

« Une transformation sociale d’immense portée résulte en effet de cette structure, qui incline toutes les énergies vers un même but. L’être humain, devenu moyen plus que but, accepte ce rôle de rouage dans l’immense machine, sans penser un instant qu’il puisse en être diminué. La religion, enrôlée dans l’entreprise, exalte à ses yeux le rendement comme une mystique de la vie et du progrès. »

Tocqueville nous disait qu’il ne nous resterait que la famille dans sa Démocratie. Pas même, selon notre essayiste :

« Mais, prise entre l’individu atrophié et la société trop puissamment organisée, la famille se trouve diminuée : aux yeux des chercheurs de rendement social, elle apparaît presque comme un barrage qui arrête le courant. Si l’Église catholique la défend à ce titre, comme une forteresse de résistance et de sécession, la société dans son ensemble ne compte plus sur elle pour l’éducation de la nation : c’est à l’école publique, aux Églises, aux dix mille associations de morale, d’éducation, de réforme, c’est à la presse et presque à la publicité qu’elle demande plutôt d’éduquer les masses. »

Le monde est un drive-in où l’on subit la même programmation, cinématographique, radiophonique ou télévisuelle. Tex Avery s’en rendit très bien compte, lui le dernier esprit libre américain avec Henry Miller.  

Siegfried conclut donc sur cette abdication et ce collectivisme :

« Par-là, en l’absence de ces institutions intermédiaires, dont la collaboration sociale se tempère d’autonomie, le milieu américain tend à prendre l’aspect d’un collectivisme de fait, voulu des élites et allègrement accepté de la masse, qui subrepticement mine la liberté de l’homme et canalise si étroitement son action que, sans en souffrir et sans même le savoir, il confirme lui-même son abdication. »

Le pire est la jeunesse moderne qui est d’autant plus massifiée qu’elle se croit (ou est décrétée) rebelle :

« De cette discipline sociale c’est surtout l’élite étrangère, mal assimilée, qui paraît souffrir. Il se trouve aussi des Américains d’âge mûr pour protester contre elle. Mais la jeunesse, elle, ne laisse apparaître aucune protestation, aucune réaction contre la tyrannie collective : elle l’accepte manifestement comme allant de soi, elle n’a pas la mentalité individualiste ; bref, le régime lui convient. »

Il y a même un vertige à abandonner son individualité :

« Du reste, le profit qu’elle en retire est si grand, la sécurité qu’elle y trouve si parfaite, le vertige de la collaboration qu’elle apporte à quelque chose de plus grand qu’elle-même est si enivrant que, dans cet abandon où il entre du mysticisme, le reste échappe à sa pensée ou à son regret. Nous continuerons cependant de nous demander si, dans cette atmosphère, l’individu peut survivre. »

9782070259120.jpgEt comme Ortega Y Gasset à cette même et lucide époque, Siegfried dénonce le péril collectiviste américain et il pressent ce que l’européen va perdre :

« Dans son enthousiasme à parfaire une incomparable réussite matérielle, l’Amérique ne risque-t-elle pas d’éteindre cette flamme de liberté individuelle que l’Europe, enfantine peut-être dans son rendement économique, avait cru être un des trésors essentiels de l’humanité civilisée ? »

Il en fait même le procès de cette civilisation :

« Ainsi, au moment où les États-Unis connaissent un état de prospérité tel que jamais le monde n’en avait vu de semblable, l’observateur impartial éprouve un doute : cette maîtrise inouïe des biens de la terre conduit-elle en fin de compte à une civilisation plus haute ? Initiatrice des formes modernes de la grande production industrielle, l’Europe s’arrête, effrayée, en percevant les conséquences extrêmes que, logiquement, sa pratique entraîne. »

Il faut rappeler que l’Europe d’alors n’avait pas tout perdu :

« Si certains Européens, qui veulent rajeunir industriellement leur vieux continent, ont pris les États-Unis pour modèle, il en est d’autres qui hésitent et regrettent leur passé, comme plus raffiné et meilleur. Vue du nouveau monde, quand ils y vont, l’Europe, sous une perspective nouvelle, leur apparaît autre qu’ils ne pensaient, autre aussi que les reproches des penseurs orientaux ne la leur avaient dépeinte. À la lumière du contraste américain ils s’aperçoivent que, dans sa hiérarchie des valeurs, la poursuite matérielle n’avait pas tout absorbé, qu’elle réservait encore une grande place, dans ses vénérations, à la pensée libre et sans profit, à la recherche des joies de l’esprit, payée souvent du renoncement à la fortune ou au confort. »

Depuis l’Europe a craqué, et le reste du monde…

NICOLAS BONNAL

Sources :

  • André Siegfried – Les Etats-Unis d’aujourd’hui, dernières pages (classiques.uqac.ca)

mardi, 18 juin 2019

Note sur une grande influence en France

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Note sur une grande influence en France

par Georges FELTIN-TRACOL

Le témoignage de Frédéric Pierucci (avec l’aide de Matthieu Aron) paru chez Jean-Claude Lattès sous un titre explicite, Le piège américain. L’otage de la plus grande entreprise de déstabilisation économique témoigne (postface d’Alain Juillet, JC Lattès, 2019), comporte deux niveaux de lecture :

– un récit glaçant sur les conditions de détention ainsi que sur l’aveuglement systématique de la supposée « justice » aux États-Unis (cf. « À l’intérieur du système carcéral étatsunien » et « Otage des États-Unis »),

– un rappel bienvenu sur la vente forcée d’Alstom à General Electric (GE) qui éclaire et confirme l’excellent documentaire plusieurs fois diffusé sur LCP, Guerre fantôme de David Gendreau et d’Alexandre Leraître.

Bien que condamné aux États-Unis à trente mois de prison, Frédéric Pierucci reste un innocent, d’abord victime de la rapacité d’affairistes outre-Atlantique de mèche avec le Department of Justice (DOJ) qui joue au Zorro planétaire pas très Robin des Bois.

Cet ouvrage passionnant signale en outre l’immense influence qu’exerce Washington auprès des cliques médiatique, politique et économique de l’Hexagone. L’auteur se montre très surpris de l’attentisme et du manque d’attention des médiats au moment du bradage d’Alstom. Son arrestation et son incarcération aux États-Unis dans une prison de haute sécurité ne soulevèrent pas la curiosité immédiate des journalistes, ni même des autorités françaises. Le contraste est saisissant par rapport au tintamarre orchestré autour des islamistes dits « français » condamnés à mort en Irak et de leurs gamins qui devraient rentrer en France…

Certes, Frédéric Pierucci et ses proches n’ont pas cherché à médiatiser cette prise d’otage terroriste économique, car ils ont craint d’éventuelles représailles du DOJ qui agit en digne imitation de la mafia. Ainsi reconnaît-il que son épouse ne donna aucune suite aux demandes de Fabrice Arfi de Médiapart. Le 27 mai 2014, Martine Orange et lui sortaient une enquête décapante sur la « Vente d’Alstom : l’enjeu caché de la corruption ». Ils notaient que l’arrestation d’un nouveau cadre d’Alstom aux îles Vierges étatsuniennes « a pu être utilisée comme un ultime moyen de pression sur l’état-major d’Alstom, juste avant qu’il ne signe avec GE (p. 232) ». Lors de leur première rencontre, Frédéric Pierucci se montra presque paranoïaque envers Matthieu Aron, alors journaliste à France Inter avant de rejoindre la rédaction de L’Obs.

À l’époque, il s’étonne que l’avenir d’Alstom ne suscite aucun débat public. Il apprendra plus tard que la direction d’Alstom débloquera 262 millions d’euros « en communication, en montage financier, et en assistance juridique. Alstom, pour mener à bien la vente, a eu recours à dix cabinets d’avocats, deux banques conseils (Rothschild & Co, Bank of America Merrill Lynch) et deux agences de communication (DGM et Publicis). Côté General Electric, on dénombre trois banques conseils (Lazard, Crédit Suisse, et Bank of America), l’agence de communication Havas et de nombreux cabinets d’avocats (pp. 357 – 358) ». Afin de remporter la bataille décisive de l’opinion publique française, le patron de GE Jeff Immett « a porté son choix sur Havas, dont le vice-président, Stéphane Fouks, est un ami intime du Premier ministre Manuel Valls (p. 234) ». Le sinistre locataire de Matignon ne voulait pas offrir un boulevard à son principal opposant interne au sein du Parti socialiste, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg qui refusât avec raison et au nom de l’intérêt national la cession d’Alstom. Cet ardent défenseur fut écrasé par la foudroyante contre-offensive du PD-G d’Alstom, Patrick Kron qui « s’est entouré de deux experts trois étoiles : Franck Louvrier, l’ancien gourou de la communication de Nicolas Sarkozy, et Maurice Lévy de Publicis (très proche de Clara Gaymard, la présidente de GE France (p. 235) ». Point culminant d’une moralité très made in USA, « dans ses tractations avec GE, Alstom est conseillé par un cabinet d’avocats dirigé par Steve Immett… le propre frère de Jeff Immett, le patron de General Electric ! On n’est jamais aussi bien servi que par son propre clan… (p. 232) ». Le conflit d’intérêts n’est-il pas ici flagrant ? Aveuglés par leur suffisance, les si sourcilleux limiers du DOJ n’ont bien sûr rien vu… Seraient-ils en réalité des handicapés profonds ?

Si la vente bradée d’Alstom confirme l’atlantisme intrinsèque du PS en général, courant de Montebourg mis à part, et de François Hollande en particulier, Le Piège américain mentionne le jeu trouble d’Emmanuel Macron comme secrétaire général-adjoint de l’Élysée, puis en tant que ministre de l’Économie. Il révèle en outre l’apport déterminant de la Sarkozie dans cette félonie économique. L’ancien président de la République de 2007 à 2012 garda un silence assourdissant, lui qui avait sauvé Alstom quelques années auparavant. Patrick Kron est d’ailleurs l’un de ses très grands amis qui assista au Fouquet’s le soir de l’élection élyséenne de l’ancien maire de Neuilly. Les réseaux sarkozystes résistèrent à Montebourg. Celui-ci sollicita la DGSE qui lui opposa une fin de non-recevoir, car elle « ne met pas les pieds sur les plates-bandes d’un allié aussi puissant que les États-Unis (p. 211) ».

D’autres proches du sarkozysme, cette calamité hexagonale, ont participé à cette duperie industrielle nationale. Frédéric Pierucci évoque la succulente « Valérie Pécresse dont le mari a été parachuté en 2010 chez Alstom à la tête du business des énergies renouvelables et qui sera bientôt nommé en charge de l’intégration des équipes GE/Alstom, puis de l’ensemble des activités Power Renewable de GE, dépendant directement de Jeff Immelt (p. 231) ». Il s’attarde sur le cas de Clara Gaymard. Présidente du Women’s forum et considérée par le magazine Forbes en 2011 comme la trentième femme la plus influente au monde, la fille du professeur Jérôme Lejeune dirige à l’époque GE France. Malgré un attachement public au catholicisme, ce membre de la Commission Trilatérale ne cache pas un tropisme libéral, progressiste et LGBTiste. Au civil, elle est l’épouse de Hervé Gaymard, président Les Républicains du Conseil départemental de la Savoie et éphémère ministre de l’Économie en 2005 contraint de démissionner suite à des travaux d’aménagement coûteux de son logement de fonction.

Il ne fait guère de doute qu’Emmanuel Ratier aurait apprécié toutes ces connivences. Les numéros d’alors de son excellente lettre confidentielle d’informations Faits & Documents insistaient déjà sur la mainmise des États-Unis dans l’Hexagone. L’influence russe existe bien en France, mais, n’en déplaise aux complotistes officiels, elle demeure négligeable. Elle est sans commune mesure avec l’influence des États-Unis. Toutes les élites de l’Hexagone se pressent pour jouer aux larbins satisfaits de Washington.

Georges Feltin-Tracol

dimanche, 03 mars 2019

Yockey et la machine américaine à uniformiser

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Yockey et la machine américaine à uniformiser

Les Carnets de Nicolas Bonnal

FPY-imp.jpgRené Girard a parlé de l’Amérique comme puissance mimétique. Sur cette planète de crétins en effet tout le monde veut devenir américain, y compris quand il s’agit de payer des études à quarante mille euros/an, des opérations à 200 000 euros, de devenir obèse et même abruti par la consommation de médias et d’opiacés...

L’affaire est déjà ancienne et René Guénon a bien évoqué après Tocqueville ou Beaumont la médiocrité industrielle de la vie ordinaire/américanisée qu’on nous impose depuis les bourgeoises révolutions...

Un des américains à avoir le mieux parlé de cette uniformisation, après Poe ou Hawthorne, fut Francis Parker Yockey. Je laisse de côté ses vues politiques totalement aberrantes et je prends en compte ses observations sociologiques qui, comme celles de Louis-Ferdinand Céline, sont souvent justes ou/et intéressantes. Voici ce qu’il observe à l’époque de Bogart, quand tout le monde là-bas mène une vie gris Hopper, clope sans arrêt, boit son whisky au petit-déjeuner, imite les criminels en se couvrant d’un chapeau et d’une ridicule gabardine :

« La technique pour éliminer la résistance américaine à la distorsion de la culture a été l'uniformité. Chaque Américain a été fait pour s'habiller de la même manière, vivant et discutant de la même façon, se comportant de la même manière et pensant aussi identiquement. Le principe de l'uniformité considère la personnalité comme un danger et aussi comme un fardeau. Ce grand principe a été appliqué à tous les domaines de la vie. La publicité d'un genre et à une échelle inconnue de l'Europe fait partie de cette méthode d'éradication de l’individualisme. On voit partout le même visage vide, souriant. »

La femme américaine fut plus facilement mécanisée que l’homme :

«  Ce principe a avant tout été appliqué à la femme américaine dans les vêtements, les cosmétiques et le comportement, elle a été privée de toute individualité. Une littérature, vaste et inclusive, s'est développée pour mécaniser et uniformiser tous les problèmes et toutes les situations de la vie. Des millions de livres sont vendus pour dire à l’Américain «Comment se faire des amis». D’autres livres lui expliquent comment écrire des lettres, se comporter en public, faire l’amour, jouer à des jeux, uniformiser sa vie intérieure, comment beaucoup d'enfants à avoir, comment s'habiller, même comment penser. »

FPY-lost.jpgLe cinéaste Tim Burton a bien moqué ce comportement homogénéisé/industriel dans plusieurs de ses films, par exemple Edouard aux mains d’argent. Kazan avait fait de même dans l’Arrangement. Aujourd’hui ce comportement monolithique/industriel s’applique à l’humanitaire, à la déviance, à la marginalité, au transsexualisme, au tatouage, au piercing, etc. 

Toujours dans Empire, Francis Parker Yockey ajoute :

« Un concours a récemment eu lieu en Amérique pour trouver «Mr. L'homme moyen». Des statistiques générales ont été utilisées pour trouver le centre/moyen de la population, les relations matrimoniales, la répartition de la population, le nombre de familles, la répartition rurale et urbaine, et ainsi de suite. Enfin, un homme et sa femme avec deux enfants dans une maison de taille moyenne en ville ont été choisis comme «famille moyenne». Ils ont ensuite fait un voyage à New York, ont été interviewés par la presse, fêtés, sollicités pour approuver les produits commerciaux... »

On pense aux films de Capra qui déclinaient jusqu’à l’écœurement ce modèle de l’homme moyen dont se moquent les Coen dans leur œuvre (revoyez Barton Fink ou l’Homme qui n’était pas là sous cet angle) :

Yockey : « Leurs habitudes à la maison, leurs ajustements de vie ont généralement fait l’objet d’une enquête, et puis de généraliser. Ayant trouvé l'homme moyen du haut vers le bas, les idées et les sentiments ont ensuite été généralisés sous la forme de pensées moyennes impératives et des sentiments. Dans les «universités» américaines, les maris et les femmes assistent à une conférence sur l'adaptation au mariage. L’individualisme ne doit même pas être accepté dans quelque chose d'aussi personnel que le mariage. L’uniforme civil est aussi rigoureux – pour chaque type d’occasion – en tant que vêtement militaire ou liturgique le plus strict. »

Notre rebelle dénonce la liquidation des arts : 

« Les arts ont été coordonnés dans le schéma directeur. Il n’y a en Amérique, avec ses 140 000 000 d’habitants, pas une seule compagnie d'opéra continue, ni un seul théâtre continu ; le théâtre n’y produit que des «revues» et des pièces de propagande journalistique. »

Comme Céline ou Duhamel, Yockey souligne le rôle du cinéma :

« Pour le reste, il n’y a que le cinéma et c’est, après tout, le moyen le plus puissant de l’uniformisation de l’Américain. »

La peinture et la musique sont remplacées :

« Dans un pays qui a produit West, Stuart et Copley, il n'y a pas un seul peintre de notoriété publique qui continue dans la tradition occidentale. Les «abstractions», la folie picturale et le souci de la laideur monopolisent l'art pictural.

FPY-flames.jpgLa musique est rarement entendue en Amérique, ayant été remplacée par le battement de tambour sans culture du noir. Comme le dit un musicologue américain: «Le rythme du jazz, tiré de tribus sauvages, est à la fois raffiné et élémentaire et correspond aux dispositions de notre âme moderne. Cela nous excite sans répit, comme le battement de tambour primitif du danseur de la prière. Mais il ne s'arrête pas là. Il doit en même temps tenir compte de l'excitabilité de la psyché moderne. Nous avons soif de stimuli rapides, excitants et en constante évolution. La musique est un excellent moyen d’excitation, syncopé, qui a fait ses preuves. »

Et la littérature aussi :

« La littérature américaine, qui a produit Irving, Emerson, Hawthorne, Melville, Thoreau et Poe, est aujourd'hui entièrement représentée par des distorteurs de la culture qui transforment les motifs freudiens et marxistes en pièces de théâtre et en romans. »

Famille et religion n’existent déjà plus (années de la révolution sociétale Roosevelt) :

« La vie de famille américaine a été complètement désintégrée par le régime qui déforme la culture. Dans le foyer américain habituel, les parents ont en réalité moins d'autorité que les enfants. Les écoles n'appliquent aucune discipline, pas plus que les églises. La fonction de formation des esprits des jeunes a été abdiquée par tous en faveur du cinéma. Le mariage en Amérique a été remplacé par le divorce. Ceci est dit sans intention paradoxale. Les statistiques montrent que dans les grandes villes, un mariage sur deux se termine par un divorce. Le pays dans son ensemble, le chiffre est un sur trois. »

La presse sert à manipuler, à préparer la guerre (pensons à l’Iran, au Venezuela, à la Russie, à la Chine, gros morceaux pourtant, mais rien n’arrêtera nos couillons) :

« L'uniformité est la technique de l'excitation. La presse présente chaque jour de nouvelles sensations. Que ce soit un meurtre, un enlèvement, un scandale gouvernemental ou une alerte à la guerre, peu importe la raison. Mais, à des fins politiques particulières, ces dernières sensations sont les plus efficaces. Pour nous préparer à la Seconde Guerre mondiale, le facteur de distorsion a administré tous les jours une nouvelle "crise". Le processus a augmenté jusqu'à ce que la population soit prête à se féliciter du déclenchement de la guerre comme un soulagement de la constante tension nerveuse. Lorsque la guerre est apparue, le distorteur a immédiatement appelé une "guerre mondiale" malgré le fait que seulement trois puissances politiques étaient engagées, et les plus forts pouvoirs n'étaient pas impliqués. »

On tape souvent sur les Américains ou les Anglo-Saxons en oubliant, comme me disait Jean Parvulesco peu avant sa mort, qu’ils avaient d’abord perdu le combat chez eux…

 

Source

Yockey, Imperium, world-outlook, pp. 502-506

samedi, 21 avril 2018

Martin Lichtmesz: Die US-amerikanische Rechte unter Trump: Eine Bestandsaufnahme

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Martin Lichtmesz:

Die US-amerikanische Rechte unter Trump: Eine Bestandsaufnahme

 
Martin Lichtmesz gibt eine kundige Einführung in den »Amerikanismus«.
 
sezession.de
antaios.de
staatspolitik.de
 

vendredi, 15 décembre 2017

Allan Bloom et la déconstruction de la civilisation occidentale

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Allan Bloom et la déconstruction de la civilisation occidentale

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

En 1986 Allan Bloom publiait un livre retentissant, The closing of american mind dont le titre fut absurdement traduit en français. Cet auguste platonicien plagié peu après par Alain Finkielkraut dressait l’état des lieux de la barbarie universitaire américaine qui depuis lors a gagné la France et l’Europe, et ne s’arrêtera que lorsqu’elle aura tout dévoré. Minorités sexuelles et raciales en bisbille, relativisme moral, délire de société ouverte, interdiction d’interdire, chasse aux préjugés, abrutissement sonore et consumériste, règlementation orwellienne du droit et du langage, tout était fin prêt. Le professeur Bloom écrivait pour une minorité éclairée, reliquat de temps plus cultivés, chassée depuis par le business et les archontes du politiquement correct.

ame_desarmee_1.jpegL’ouvrage est essentiel car depuis le délire a débordé des campus et gagné la société occidentale toute entière. En même temps qu’elle déboulonne les statues, remet en cause le sexe de Dieu et diabolise notre héritage littéraire et culturel, cette société intégriste-sociétale donc menace le monde libre russe, chinois ou musulman (je ne pense pas à Riyad…) qui contrevient à son alacrité intellectuelle. Produit d’un nihilisme néo-nietzschéen, de l’égalitarisme démocratique et aussi de l’ennui des routines intellos (Bloom explique qu’on voulait « débloquer des préjugés, « trouver du nouveau »), la pensée politiquement correcte va tout dévaster comme un feu de forêt de Stockholm à Barcelone et de Londres à Berlin. On va dissoudre les nations et la famille (ou ce qu’il en reste), réduire le monde en cendres au nom du politiquement correct avant d’accueillir dans les larmes un bon milliard de réfugiés. Bloom pointe notre lâcheté dans tout ce processus, celle des responsables et l’indifférence de la masse comme toujours.

Je ne peux que renvoyer mes lecteurs à ce maître-ouvrage qui satisfera autant les antisystèmes de droite que de gauche. J’en délivre juste quelques extraits que je reprends de l’anglais :

• Sur l’éducation civique et les pères fondateurs, dont on déboulonne depuis les statues :

« L'éducation civique s'est détournée de la fondation du pays pour se concentrer sur une ouverture fondée sur l'histoire et les sciences sociales. Il y avait même une tendance générale à démystifier la Fondation, à prouver que les débuts étaient défectueux afin de permettre une plus grande ouverture à la nouveauté. »

Les pères fondateurs ? Racistes, fascistes, machistes, esclavagistes ! Lisez mon texte sur Butler Shaffer à ce sujet : Hitler est plus populaire que Jefferson.

• Sur la chasse à la discrimination et la tabula rasa intellectuelle qui en découle :

« L'indiscriminabilité est donc un impératif moral parce que son contraire est la discrimination. Cette folie signifie que les hommes ne sont pas autorisés à rechercher le bien humain naturel et à l'admirer lorsqu'ils l’ont trouvé, car une telle découverte est contemporaine de la découverte du mal et du mépris à son égard. L'instinct et l'intellect doivent être supprimés par l'éducation. L'âme naturelle doit être remplacée par une âme artificielle. »

• Sur l’ouverture, l’openness, la société ouverte façon Soros,  Allan Bloom écrit :

« L'ouverture visait à offrir une place respectable à ces «groupes» ou «minorités» - pour arracher le respect à ceux qui n'étaient pas disposés à le faire - et à affaiblir le sentiment de supériorité de la majorité dominante (plus récemment appelée WASP, un nom dont le succès montre quelque chose du succès de la sociologie dans la réinterprétation de la conscience nationale). Cette majorité dominante a donné au pays une culture dominante avec ses traditions, sa littérature, ses goûts, sa prétention particulière de connaître et de superviser la langue, et ses religions protestantes. Une grande partie de la machinerie intellectuelle de la pensée politique et des sciences sociales américaines du vingtième siècle a été construite dans le but d'attaquer cette majorité. »

De tout cela il ne reste plus rien maintenant. La société ouverte rejoint la société du vide de Lipovetsky, elle est plus exactement du néant où l’on a tout interdit puisqu’il sera interdit… d’interdire.

Sur le nouveau complexe d’infériorité occidental et l’obsession tiers-mondiste :

« Les aventuriers sexuels comme Margaret Mead et d'autres qui ont trouvé l'Amérique trop étroite nous ont dit que non seulement nous devons connaître d'autres cultures et apprendre à les respecter, mais nous pourrions aussi en tirer profit. Nous pourrions suivre leur exemple et nous détendre, nous libérer de l'idée que nos tabous ne sont rien d'autre que des contraintes sociales. »

En tant que Français je reconnais d’ailleurs qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Relisez Diderot et son voyage de Bougainville… La France dite révolutionnaire n’avait pas attendu les nietzschéens et les pions postmodernes pour ravager son héritage de tyrans, prêtres et autres félons…

Le tout ne débouche pas forcément sur une destruction physique du monde (encore que…), mais sur une nullité généralisée (voyez l’art, nos prix littéraires ou notre cinéma). Allan Bloom souligne la fin de l’humanisme estudiantin et l’avènement de l’abrutissement estudiantin. Sur le premier :

« Tout au contraire. Il y a une indifférence à ces choses, car le relativisme a éteint le véritable motif de l'éducation, la recherche d'une vie bonne. Les jeunes Américains ont de moins en moins de connaissance et d'intérêt pour les lieux étrangers. Dans le passé, il y avait beaucoup d'étudiants qui connaissaient et aimaient l'Angleterre, la France, l'Allemagne ou l'Italie, car ils rêvaient d'y vivre ou pensaient que leur vie serait rendue plus intéressante en assimilant leurs langues et leurs littératures. »

bloomplato.jpgTout cela évoque Henry James mais aussi Hemingway, Gertrude Stein, Scott Fitzgerald, à qui Woody Allen rendait un rare hommage dans son film Minuit à Paris – qui plut à tout le monde, car on remontait à une époque culturelle brillante, non fliquée, censurée. Cette soi-disant « génération perdue » des couillons de la presse n’avait rien à voir avec la nôtre – avec la mienne.

Sur l’étudiant postmoderne, avec son truisme tiers-mondiste/migrant façon Bergoglio :

« Ces étudiants ont presque disparu, remplacés tout au plus par des étudiants intéressés par les problèmes politiques des pays du tiers monde et en les aidant à se moderniser, dans le respect de leurs anciennes cultures, bien sûr. Ce n'est pas apprendre des autres mais la condescendance et une forme déguisée d'un nouvel impérialisme. C'est la mentalité du Peace Corps, qui n'est pas un stimulant à l'apprentissage mais une version sécularisée de faire de bonnes œuvres. »

On sait que c’est cette mentalité de Peace corps qui a ensanglanté la Libye, la Syrie ou le Yémen, en attendant l’Europe.

Ce qui en résulte ? Moralité, relativisme culturel et je-m’en-foutisme intégral (« foutage de gueule, dirait notre rare idole incorrecte OSS 117) :

« Pratiquement tout ce que les jeunes Américains ont aujourd'hui est une conscience inconsistante qu'il y a beaucoup de cultures, accompagnées d'une morale saccharine tirée de cette conscience : nous devrions tous nous entendre. Pourquoi se battre? »

Le bilan pour les étudiants conscients est désastreux, et qu’il est dur de se sentir étrangers en ce monde. Je rappelle que Tolkien écrira dans une lettre en 1972 :

 “I feel like a lost survivor into a new alien world after the real world has passed away.”

Allan Bloom  ajoute sur cette montée du cynisme et de l’indifférence que j’ai bien connue dans les années 80 :

« Les étudiants arrivent maintenant à l'université ignorants, cyniques au sujet de notre héritage politique, manquant des moyens d'être soit inspiré par lui ou sérieusement critique de lui. »

La chasse aux préjugés horripile Allan Bloom :

« Quand j'étais jeune professeur à Cornell, j'ai eu un débat sur l'éducation avec un professeur de psychologie. Il a dit que c'était sa fonction de se débarrasser des préjugés chez ses étudiants. Il les a abattus. J'ai commencé à me demander par quoi il remplaçait ces préjugés. »

Allan Bloom fait même l’éloge des préjugés au nez et à la barbe des présidents banquiers, des ministresses branchées, des députés européens, des lobbyistes sociétaux, des prélats décoincés :

« Les préjugés, les préjugés forts, sont des visions sur la façon dont les choses sont. Ce sont des divinations de l'ordre de l'ensemble des choses, et par conséquent le chemin de la connaissance se produit à travers des opinions erronées. L'erreur est en effet notre ennemi, mais elle seule indique la vérité et mérite donc notre traitement respectueux. L'esprit qui n'a pas de préjugés au départ est vide. »

On en reste au vide…

Bilan des libérations de tout genre :

« Les diverses libérations gaspillaient cette énergie et cette tension merveilleuses, laissant les âmes des étudiants épuisées et flasques, capables de calculer, mais pas de perspicacité passionnée. »

Car le bonhomme de neige, comme on disait quand je passais mon bac, croit être revenu de tout, qui n’est allé nulle part. Cela ne l’empêchera pas de demander sa guerre contre la Russie orthodoxe, la Chine nationaliste, ou l’Iran intégriste. Car sa régression stratégique et intellectuelle aura accompagné sa cruauté humanitaire et son involution moraliste.

Bloom enfin a compris l’usage ad nauseam qu’on fera de la référence hitlérienne : tout est décrété raciste, fasciste, nazi, sexiste dans les campus US dès 1960, secrétaires du rectorat y compris ! Mais lui reprenant Marx ajoute que ce qui passe en 1960 n’est ni plus ni moins une répétition comique du modèle tragique de 1933. Les juristes nazis comme Carl Schmitt décrétaient juive la science qui ne leur convenait pas comme aujourd’hui on la décrète blanche ou sexiste.

Citons Marx d’ailleurs car Bloom dit qu’on l’a bien oublié à notre époque de juges postmodernes :

« Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. »

On verra si on garde le ton de la farce. Moi je doute : on est trop cons.

Sources

Allan Bloom – The closing of American mind

Nicolas Bonnal – La culture moderne comme arme de destruction massive ; Comment les Français sont morts (Amazon.fr)

Alain Finkielkraut – La défaite de la pensée

Gilles Lipovetsky – L’ère du vide

Marx – Le dix-huit Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte

Nietzsche – Deuxième considération inactuelle, de  l’inconvénient des études historiques…

Platon – Livre VIII de la république (561 d-e)

Tocqueville – De la démocratie en Amérique, II, deuxième et quatrième partie

mardi, 31 octobre 2017

Nein zur amerikanischen Kommerzkultur !

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mercredi, 18 octobre 2017

Kunstler et le désastre de la civilisation américaine

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Kunstler et le désastre de la civilisation américaine

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

On a parlé ici de la crise du tourisme en Amérique. Parlons de la crise de la civilisation en Amérique, cette nation indispensable qui crée un monde zombi à son image.

Il reste un cinéaste américain, Alexander Payne, qui nous conte à travers des films comme les Descendants, Schmidt ou Nebraska le désastre de la civilisation américaine. La matrice américaine entre les mains des oligarques a tué la civilisation américaine et l’a dévitalisée. Michael Snyder sur son blog ne cesse de nous donner semaine après semaine des nouvelles de cet effondrement physique de l’Amérique, cette Amérique représentée par les jeunes filles odieuses et monstrueuses comme la grosse Kardashian ou l’Ivanka Trump-Kushner.

Le néant US accompagne bien sûr une extension du domaine de la lutte, pour reprendre l’expression de Houellebecq. Car la matrice fait vivre de plus en plus mal les gens à l’intérieur, et elle fait souffrir ou extermine de plus en plus de peuples à l’extérieur, du monde musulman aux banlieues industrielles chinoises et bengalis (cinq euros par mois pour fabriquer des chemises vendues soixante chez Gap) en passant par la banlieue française. Comme dans un livre de Jack London que j’ai analysé récemment,l’oligarchie devient de plus en plus fasciste et dangereuse, car elle carbure moins à l’impérial qu’au prétexte humanitaire : réparation du monde (tikkun), lutte contre le nationalisme, le sous-développement, le terrorisme (sauf Daesh), l’islamisme, etc.

iron-heel-by-jack-london-198x300.jpgJack London écrit dans le talon de fer : « La force motrice des oligarques est leur conviction de bien faire. » Les milliardaires éduquent ensuite leurs enfants et les rendent tout prêts à amender l’humanité, et à l’exterminer comme populiste quand elle ne veut pas être amendée !

Et s’il y a un cinéaste, il y a aussi un grand analyste du désastre US (qui est devenu le nôtre lors de notre passage à la globalisation), et qui se nomme Howard Kunstler. Je donne ici deux extraits de son dernier texte, qui résume son œuvre maîtresse, The Long Emergency (merci à Hervé pour la traduction).

Froidement Kunstler présente ainsi son pays :

« Je vis dans un coin de cette Amérique périphérique, où vous pouvez facilement lire les conditions de vie sur les murs : les rues principales vides, surtout quand la nuit tombe, les maisons sans soins et se dégradant d’année en année, les fermes abandonnées avec des granges qui tombent en ruine, les outils agricoles rouillant sous la pluie et les pâturages couverts de sumacs, ces chaînes nationales de magasins parasites, poussant comme des tumeurs aux abords de chaque ville. »

Ce pourrissement culturel créé par l’oligarchie avide et folle, les Wal-Mart, la multiplication des « détritus urbains » (Lewis Mumford) et la crétinisation médiatique crée une humanité à la hauteur :

« Vous pouvez le lire dans le corps des gens dans ces nouveaux centre-ville, c’est-à-dire le supermarché : des personnes prématurément vieilles, engraissées et rendues malades par la consommation de mauvaises nourritures, faites pour avoir l’air et avoir un goût irrésistible, aux pauvres qui s’enfoncent dans le désespoir, une consolation mortelle pour des vies remplies par des heures vides, occupées à regarder la trash-télé, des jeux informatiques addictifs et leurs propres mélodrames familiers conçus pour donner un sens narratif à des vies qui, autrement, ne comportent aucun événement ou effort. »

Tout programme télé me semble à moi aujourd’hui totalement insupportable. Il ne faut plus être tour à fait humain pour se gaver de télé. Evidemment cela rend ensuite la démarche plus dure à l’antisystème : comment peut-il expliquer le monde à un zombi nourri de l’arme de destruction massive qu’est la télévision ? Et l’on rencontre ce problème tous les jours. On est dans le classique de Don Siegel.

Une illustration donnée par Snyder a magnifiquement illustré l’involution américaine des années Eisenhower aux années Obama. On peut en dire autant du cinéma. Godard disait qu’il ne critiquait pas le cinéma américain contemporain parce qu’il était anti-américain, mais parce que ce cinéma est devenu mauvais. Où sont passés les Walsh, Ford et Minnelli d’antan ?

terrptoc.gifIl y a dix-sept ans j’avais publié un roman d’anticipation sur ce thème, les territoires protocolaires. C’est que la construction européenne avait facilité l’émergence d’une Europe déracinée et défigurée, présente déjà en France à l’époque de Pompidou : les grandes surfaces, les autoroutes, les zones de luxe, le pourrissement culturel par la télévision. Cet anéantissement de toute civilisation présent aussi au Maroc (agglomérations interminables autour de Tanger, aéroports, centres commerciaux, villas et immigration de luxe – gourbis et HLM pour les autochtones) se répand dans le monde comme un cancer. L’insensibilité des populations toujours plus hébétées (Baudrillard) par les médias accompagne ce phénomène. On cherche à en savoir plus sur le simulacre Kardashian (soixante millions de tweeter ; et je rappelle : un million de commentaires par chanson Gaga) que sur la prochaine guerre ou l’état de son âme.

Lorsque j’avais découvert et commenté – en 2012 – Howard Kunstler pour la presse russe, il était encore à la mode en Amérique, et prévoyait comme toujours une catastrophe énergétique (prévoir une catastrophe financière ou autre est devenu une usine à gaz), mais surtout il décrivait cette apocalyptique réalité – celle que Kunstler appelle le sprawling, la prolifération de cette géographie du nulle part qui s’étend partout et pourrit tout l’espace mondial (repensons à Guénon).

L’impérialisme américain devenu risible et hors de contrôle, mais impuissant aussi, ne doit pas nous faire oublier la vraie menace, celle du modèle économique et urbain. C’est par là que l’on devrait commencer les prochains combats qui nous guettent. Au lieu de prévoir des catastrophes imprévisibles, voir enfin ce désastre américain qui nous entoure et nous consume.

Sources

Le blues national – Le Saker Francophone

Nicolas Bonnal – les territoires protocolaires ; les grands auteurs et la théorie… (Kindle)

Kunstler, James Howard, The Geography of Nowhere (Simon and Schuster, 1994). Kunstler, James Howard, The Long Emergency (Atlantic Monthly Press, 2005).

Jack London – le talon de fer (ebooksgratuits.com)

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mardi, 16 mai 2017

Howard Kunstler et le désastre de la civilisation américaine

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Howard Kunstler et le désastre de la civilisation américaine

Par Nicolas Bonnal 

Ex: http://lesakerfrancophone.fr

On a parlé ici de la crise du tourisme en Amérique. Parlons de la crise de la civilisation en Amérique, cette nation indispensable qui crée un monde zombi à son image.
 
Il reste un cinéaste américain, Alexander Payne, qui nous conte, à travers des films comme Les Descendants, Monsieur Schmidt ou Nebraska, le désastre de la civilisation américaine. La matrice américaine entre les mains des oligarques a tué la civilisation américaine et l’a dévitalisée. Michael Snyder, sur son blog, ne cesse de nous donner, semaine après semaine, des nouvelles de cet effondrement physique de l’Amérique, cette Amérique représentée par les jeunes filles odieuses et monstrueuses comme la grosse Kardashian ou l’Ivanka Trump-Kushner.

Le néant US accompagne bien sûr une extension du domaine de la lutte, pour reprendre l’expression de Houellebecq. Car la matrice fait vivre de plus en plus mal les gens à l’intérieur, et elle fait souffrir ou extermine de plus en plus de peuples à l’extérieur, du monde musulman aux banlieues industrielles chinoises et bengalis (cinq euros par mois pour fabriquer des chemises vendues soixante chez Gap) en passant par la banlieue française. Comme dans un livre de Jack London que j’ai analysé récemment, l’oligarchie devient de plus en plus fasciste et dangereuse, car elle carbure moins à l’impérial qu’au prétexte humanitaire : réparation du monde (tikkun), lutte contre le nationalisme, le sous-développement, le terrorisme (sauf Daesh), l’islamisme, etc.

Jack London écrit dans le Talon de fer : « La force motrice des oligarques est leur conviction de bien faire. » Les milliardaires éduquent ensuite leurs enfants et les rendent tout prêts à amender l’humanité, et à l’exterminer comme populiste quand elle ne veut pas être amendée !

Et s’il y a un cinéaste, il y a aussi un grand analyste du désastre US (qui est devenu le nôtre lors de notre passage à la globalisation), et qui se nomme Howard Kunstler. Je donne ici deux extraits de son dernier texte, qui résume son œuvre maîtresse, The Long Emergency.

Froidement, Kunstler présente ainsi son pays :

Je vis dans un coin de cette Amérique périphérique, où vous pouvez facilement lire les conditions de vie sur les murs : les rues principales vides, surtout quand la nuit tombe, les maisons sans soins et se dégradant d’année en année, les fermes abandonnées avec des granges qui tombent en ruine, les outils agricoles rouillant sous la pluie et les pâturages couverts de sumacs, ces chaînes nationales de magasins parasites, poussant comme des tumeurs aux abords de chaque ville.

Ce pourrissement culturel créé par l’oligarchie avide et folle, les Wal-Mart, la multiplication des « détritus urbains » (Lewis Mumford) et la crétinisation médiatique créent une humanité à la hauteur :

Vous pouvez le lire dans le corps des gens dans ces nouveaux centre-ville, c’est-à-dire le supermarché : des personnes prématurément vieilles, engraissées et rendues malades par la consommation de mauvaises nourritures, faites pour avoir l’air et avoir un goût irrésistible pour les pauvres qui s’enfoncent dans le désespoir, une consolation mortelle pour des vies remplies par des heures vides, occupées à regarder la trash-télé, des jeux informatiques addictifs et leurs propres mélodrames familiers conçus pour donner un sens narratif à des vies qui, autrement, ne comportent aucun événement ou effort.

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Tout programme télé me semble à moi aujourd’hui totalement insupportable. Il ne faut plus être tout à fait humain pour se gaver de télé. Évidemment, cela rend ensuite la démarche plus dure à l’antisystème : comment peut-il expliquer le monde à un zombi nourri de l’arme de destruction massive qu’est la télévision ? Et l’on rencontre ce problème tous les jours. On est dans le classique de Don Siegel.

Une illustration donnée par Snyder a magnifiquement illustré l’involution américaine des années Eisenhower aux années Obama. On peut en dire autant du cinéma. Godard disait qu’il ne critiquait pas le cinéma américain contemporain parce qu’il était anti-américain, mais parce que ce cinéma est devenu mauvais. Où sont passés les Walsh, Ford et Minnelli d’antan ?

Il y a dix-sept ans, j’avais publié un roman d’anticipation sur ce thème, les territoires protocolaires. C’est que la construction européenne avait facilité l’émergence d’une Europe déracinée et défigurée, présente déjà en France à l’époque de Pompidou : les grandes surfaces, les autoroutes, les zones de luxe, le pourrissement culturel par la télévision. Cet anéantissement de toute civilisation présent aussi au Maroc (agglomérations interminables autour de Tanger, aéroports, centres commerciaux, villas et immigration de luxe – gourbis et HLM pour les autochtones) se répand dans le monde comme un cancer. L’insensibilité des populations toujours plus hébétées (Baudrillard) par les médias accompagne ce phénomène. On cherche à en savoir plus sur le simulacre Kardashian (soixante millions de tweeter ; et je rappelle : un million de commentaires par chanson Gaga) que sur la prochaine guerre ou l’état de son âme.

Lorsque j’avais découvert et commenté – en 2012 – Howard Kunstler pour la presse russe, il était encore à la mode en Amérique, et prévoyait comme toujours une catastrophe énergétique (prévoir une catastrophe financière ou autre est devenu une usine à gaz), mais surtout il décrivait cette apocalyptique réalité – celle que Kunstler appelle le sprawling, la prolifération de cette géographie du nulle part, qui s’étend partout et pourrit tout l’espace mondial (repensons à Guénon).

L’impérialisme américain devenu risible et hors de contrôle, mais impuissant aussi, ne doit pas nous faire oublier la vraie menace, celle du modèle économique et urbain. C’est par là que l’on devrait commencer les prochains combats qui nous guettent. Au lieu de prévoir des catastrophes imprévisibles, voir enfin ce désastre américain qui nous entoure et nous consume.

Nicolas Bonnal

Ses dernières publications sur Amazon

Sources

  • Le blues national – Le Saker Francophone
  • Nicolas Bonnal – les territoires protocolaires ; les grands auteurs et la théorie… (Kindle)
  • Kunstler, James Howard, The Geography of Nowhere (Simon and Schuster, 1994). Kunstler, James Howard, The Long Emergency (Atlantic Monthly Press, 2005).
  • Jack London – Le talon de fer (ebooksgratuits.com)
  • Lewis Mumford – La cité dans l’histoire

 

jeudi, 29 septembre 2016

Poe et Baudelaire face à «l'erreur américaine»

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Poe et Baudelaire face à «l'erreur américaine»

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Les deux fondateurs de l'anti-américanisme philosophique sont Edgar Poe et Charles Baudelaire ; le premier dans ses contes, le deuxième dans ses préfaces. La France et sa petite sœur Amérique sont les deux pays à avoir fourni les plus belles cohortes d'antimodernes depuis les révolutions. Souvent du reste on retrouve le thème commun de la nostalgie dans les grands films américains (voyez Naissance d'une nation, la Splendeur des Amberson, l'Impasse de De Palma). Et la rage de Baudelaire contre « la barbarie éclairée au gaz » vaut celle d'Henry Miller avec son « cauchemar climatisé ».

On laisse parler Baudelaire, traducteur et préfacier de Poe. Dans un élan rebelle et réactionnaire, il écrit :

« De tous les documents que j’ai lus en est résultée pour moi la conviction que les États-Unis ne furent pour Poe qu’une vaste prison qu’il parcourait avec l’agitation fiévreuse d’un être fait pour respirer dans un monde plus aromal, – qu’une grande barbarie éclairée au gaz, – et que sa vie intérieure, spirituelle, de poète ou même d’ivrogne, n’était qu’un effort perpétuel pour échapper à l’influence de cette atmosphère antipathique. »

D'ou ces myriades de littérateurs qui de Cooper à James en passant par la génération perdue ou Diane Johnson (romancière et scénariste de Shining, une amie) trouvent refuge en France - avant que celle-ci ne fût crucifiée par Hollande et Sarkozy.

Puis Baudelaire ajoute sur la tyrannie de la majorité :

« Impitoyable dictature que celle de l’opinion dans les sociétés démocratiques ; n’implorez d’elle ni charité, ni indulgence, ni élasticité quelconque dans l’application de ses lois aux cas multiples et complexes de la vie morale. On dirait que de l’amour impie de la liberté est née une tyrannie nouvelle, la tyrannie des bêtes, ou zoocratie... »

Baudelaire s'irrite dans une autre préface : racisme, brutalité, sexualité, avortement, tout y passe, avec au passage le nécessaire clin d’œil de sympathie pour les noirs et les indiens :

« Brûler des nègres enchaînés, coupables d’avoir senti leur joue noire fourmiller du rouge de l’honneur, jouer du revolver dans un parterre de théâtre, établir la polygamie dans les paradis de l’Ouest, que les Sauvages (ce terme a l’air d’une injustice) n’avaient pas encore souillés de ces honteuses utopies, afficher sur les murs, sans doute pour consacrer le principe de la liberté illimitée, la guérison des maladies de neuf mois, tels sont quelques-uns des traits saillants, quelques-unes des illustrations morales du noble pays de Franklin, l’inventeur de la morale de comptoir, le héros d’un siècle voué à la matière. »

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Et notre grand génie de la « modernité » poétique de rajouter que l'américanomanie gagne du terrain, et ce grâce au clergé catholique (toujours lui...) :

« Il est bon d’appeler sans cesse le regard sur ces merveilles de brutalité, en un temps où l’américanomanie est devenue presque une passion de bon ton, à ce point qu’un archevêque a pu nous promettre sans rire que la Providence nous appellerait bientôt à jouir de cet idéal transatlantique! »

Venons-en à Edgar Poe. C'est dans son Colloque entre Monos et Una que notre aristocrate virginien élevé en Angleterre se déchaîne :

« Hélas ! nous étions descendus dans les pires jours de tous nos mauvais jours. Le grand mouvement, – tel était l’argot du temps, – marchait ; perturbation morbide, morale et physique. »

Il relie très justement et scientifiquement le déclin du monde à la science:

« Prématurément amenée par des orgies de science, la décrépitude du monde approchait. C’est ce que ne voyait pas la masse de l’humanité, ou ce que, vivant goulûment, quoique sans bonheur, elle affectait de ne pas voir.

Mais, pour moi, les annales de la Terre m’avaient appris à attendre la ruine la plus complète comme prix de la plus haute civilisation. »

Poe voit l'horreur monter sur la terre (Lovecraft reprendra cette vision). L'industrie rime avec maladie physique :

« Cependant d’innombrables cités s’élevèrent, énormes et fumeuses. Les vertes feuilles se recroquevillèrent devant la chaude haleine des fourneaux. Le beau visage de la Nature fut déformé comme par les ravages de quelque dégoûtante maladie. »

On peut rappeler qu'un grand peintre de l'école de Hudson nommé Thomas Cole a réalisé une suite admirable de tabeaux symboliques nommé the Course of Empire. Intéressez-vous à cette passionnante école de peinture, et à l'artiste allemand Bierstadt qui réalisa les plus géniales toiles de paysages américains. Après la dégoûtante maladie recouvrit tout (Parcs nationaux ! Parcs nationaux !).

Dans Petite conversation avec une momie, Poe règle d'autres comptes. Il relativise nos progrès médicaux (simple allongement de la durée de vieillesse) et mécaniques :

« Je lui parlai de nos gigantesques forces mécaniques. Il convint que nous savions faire quelque chose dans ce genre, mais il me demanda comment nous nous y serions pris pour dresser les impostes sur les linteaux du plus petit palais de Carnac. »

poevoegel.jpgLe comte nommé Allamistakéo, la momie donc, donne sa vision du progrès :

« Le comte dit simplement que, de son temps, les grands mouvements étaient choses terriblement communes, et que, quant au progrès, il fut à une certaine époque une vraie calamité, mais ne progressa jamais. »

L'idée que le progrès ne progressera plus, entre embouteillages et obésité, entre baisse du QI et effondrement de la culture, me paraît très bonne. On ne fait pas mieux qu'au temps de Jules Verne (la lune...), et on ne rêve même plus.

Sur la démocratie US, on se doute que Poe nous réserverait une « cerise » :

« Nous parlâmes alors de la grande beauté et de l’importance de la Démocratie, et nous eûmes beaucoup de peine à bien faire comprendre au comte la nature positive des avantages dont nous jouissions en vivant dans un pays où le suffrage était ad libitum, et où il n’y avait pas de roi. »

Il évoque en riant les treize colonies qui vont se libérer du joug de l'Angleterre.

« La chose néanmoins finit ainsi : les treize États, avec quelque chose comme quinze ou vingt autres, se consolidèrent dans le plus odieux et le plus insupportable despotisme dont on ait jamais ouï parler sur la face du globe.

Je demandai quel était le nom du tyran usurpateur. Autant que le comte pouvait se le rappeler, ce tyran se nommait : La Canaille. »

Cela nous rappelle la juste phrase de Mel Gibson dans le Patriote, qui préférait avoir un tyran (le roi d'Angleterre, le brave George en plus à demi-fou) de l'autre côté de l'Atlantique que 400 (sénat, congrès, bureaucratie, en attendant FBI, NSA, CIA et tout ça) ici tout près. On se doute que la critique de la démocratie ici a quelque chose de tocquevillien. Et à une époque où on vous interdit tel maillot de bain et où on vous met en prison (comme récemment en Espagne) pour une simple gifle (la mère emprisonnée, la gamine se retrouva à la rue !), on ne peut que s'émerveiller des performances du pouvoir de la canaille.

Citons cette phrase méconnue de Tocqueville :

« Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n’est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier. Un despotisme de cette espèce, bien qu’il ne foule point aux pieds l’humanité, est directement opposé au génie du commerce et aux instincts de l’industrie. »

Et en effet il devenu impossible de créer des emplois en Europe comme en Amérique. On peut juste rayer bureaucratiquement les chômeurs pour plastronner devant la presse...

La peur de l'américanisme est donc aussi partagée en France qu'en Amérique au siècle de Comte. On citera aussi Renan qui parle quelques décennies plus tard:

« Le monde marche vers une sorte d'américanisme, qui blesse nos idées raffinées…

Une société où la distinction personnelle a peu de prix, où le talent et l'esprit n'ont aucune valeur officielle, où la haute fonction n'ennoblit pas, où la politique devient l'emploi des déclassés et des gens de troisième ordre, où les récompenses de la vie vont de préférence à l'intrigue, à la vulgarité, au charlatanisme qui cultive l'art de la réclame, à la rouerie qui serre habilement les contours du Code pénal, une telle société, dis-je, ne saurait nous plaire. »

Et on conclura avec Baudelaire qui voit en poète, en visionnaire, le risque que fera peser l'américanisme sur le monde et l'Europe :

« Les États-Unis sont un pays gigantesque et enfant, naturellement jaloux du vieux continent. Fier de son développement matériel, anormal et presque monstrueux, ce nouveau venu dans l’histoire a une foi naïve dans la toute-puissance de l’industrie ; il est convaincu, comme quelques malheureux parmi nous, qu’elle finira par manger le Diable. »

Nicolas Bonnal

Bibliographie

• Edgar Poe – Histoires extraordinaires.

• Edgar Poe- Nouvelles histoires extraordinaires.

• Baudelaire – Préface de ces deux recueils (ebooksgratuits.com).

• Ernest Renan- Souvenirs.

• Tocqueville – De la Démocratie, II, Deuxième partie, chapitre XIV.

• Nicolas Bonnal – Lettre ouverte à la vieille race blanche, ch.IV.

dimanche, 07 février 2016

Calvinism: The Spiritual Foundation of America

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Calvinism: The Spiritual Foundation of America

Ex: http://www.geopolitica.ru

Calvinism caught on like wild fire in North America (even among the White masses), where an austere spiritual-cultural-political-economic worldview was needed in order to: (1) inspire endless thrift and hard work among the masses, (2) tame the vast American wilderness (considered by settlers to be the biblical “Promised Land” or “Canaan”), and (3) subjugate the “heathen” Indians (also considered by settlers to be immoral “Canaanites”).

To comprehensively understand any of the world’s nations it is imperative to first understand a nation’s spiritual foundation or “Soul.” Without this basic understanding it is impossible to even begin to seriously form opinions about a nation and the broader civilization to which it is bound by culture and history – it would also be impossible to accurately compare and contrast the development of a particular nation with other countries and civilizations.What differentiates the United States culturally and historically from all other nations (even its closest European allies) is its unequivocal Calvinist spiritual foundation, which at some point – while North America was still only a series of colonies of the British Crown – organically morphed into the well-known “Protestant” or “Puritan” Ethic.This ideological transmutation signaled the arrival of Calvinist extremism in the New World – a development championed by the Anglo-Saxon elites of New England.

This religious-based ideology was originally developed in Europe by the Frenchman John Calvin (born Jehan Cauvin) during the Protestant Reformation. Eventually Calvinism made its way to the New World with the Puritans, and would greatly influence the development of the Enlightenment and the Industrial Revolution in both Western Europe and North America. To this day, Calvinism remains a “founding” ideological influence in the religious and secular worldviews of America’s political, economic, and cultural elites. Before we continue, however, it is important to understand a little bit about John Calvin and the historical context of his time.

calvinRJ97200_2769.jpgJohn Calvin (1509-1564) appeared as a player on the historical stage during an intense developmental period for Western civilization. The Roman Catholic Church had wielded power in the West for over a millennium, and during that time it had become increasingly corrupt as an institution – so much so that by the 16th century the Church hierarchy was funded (to a large degree) by a direct marketing scheme known as “indulgences.” How the indulgences worked were as follows: No matter how grievously someone might have “sinned,” one could buy a piece of paper signed by either a Bishop or a Cardinal, which guaranteed a place in heaven for that particular person or a loved one of the person’s own choosing. These “get-out-of-hell-free” cards were sold by members of the clergy through franchises granted by the Church hierarchy. The typical indulgence erased one’s previous sins, but for a larger fee there was a twisted kind of“super”indulgence which erased any future sins one might commit as well, no matter how great or blasphemous.

Much of the proceeds from this religiously based corporate swindle went straight to Rome and financed the wars waged by Papal armies, the sexual orgies of the clergy, the sadism of Grand Inquisitors, the genocide of non-Europeans, and other earthly “indulgences.” Theselling of indulgences is precisely what the most famous of all 16th century “whistle blowers,” Martin Luther, railed against and exposed in his 95 Theses – one of the first works published (alongside the Bible) using Guttenberg’s new movable type printing press technology.

As one of the 16th century’s most important Protestant reformers (second only to Luther), Calvin established himself as a minister in Basel and then later in Geneva. It was in these Swiss cities that he preached his distinctive brand of “reformed” Christianity, which advanced the premise that all human beings were innately depraved and totally undeserving of God’s salvation. Such total pessimism was tempered by Calvin’s belief that the Deity did happen to nevertheless hand-pick a minority of people, by means of his loving grace, to be the beneficiaries of eternal salvation. Calvin’s unique spin on all this was that none of the lucky beneficiaries (or the “elect”) deserved to go to heaven, no matter how profound their piety or copious their good works. In other words, no amount of good faith or good deeds could compensate for mankind’s utterly irredeemable nature. If one was “chosen” by God it was not due to that person’s own individual merits, it was merely an act of divine grace.

This dismal view of both God and humanity not only caught on in Europe and North America, but it became one of the key ideological underpinnings of post-feudal Europe, influencing every facet of revolutionary change, from the Enlightenment and the Industrial Revolution to the development of Capitalism and the exploitation of the entire planet by European imperialists. In time, it was essentially the countries of the Anglosphere – specifically Britain and its bastard offspring the United States – which embraced and promoted the Calvinist attitude most passionately.

It was precisely Calvinism that was needed in order to further advance the geopolitical and cultural interests of the Anglosphere. In order to employ large sums of money for the construction and staffing of industrial factories in Europe and in order to explore and commercially exploit the rest of the non-European world, a very specific ideology was needed; one which could re-legitimize the institution of usury (which the prior Medieval order adamantly opposed), and one which could legitimize unbridled avarice and exploitation – i.e. the accumulation of great wealth amidst even greater misery – and all within a preordained religious context. Calvinism, or a somewhat modified secular form of Calvinism, was a perfect fit.

For if it is true that the innate depravity of man is universal and no one deserves salvation, then it necessarily follows that the genocide of non-Europeans, the oppression of marginalized groups, the impoverishment of the working class and the annihilation of human life in ever bloodier conflicts are all nothing more than “natural” off shoots of man’s incorrigible depravity. It does not matter, then, how many “Red savages” one kills in extending God’s plan of Manifest Destiny for his cherished elect, nor does it matter how many paupers, workers, “infidels” or even common people are sacrificed in carrying out the absolute INSANITY of the Calvinist God’s decrees.

In this context it is easy to see how the new Calvinist mercantile class in Europe and North America utilized their beliefs to justify their growing brutality against all classes, races and religious denominations which represented the “Other.” Indeed, this new class of religiously motivated entrepreneurs totally believed that they were God’s chosen people and the fortunate (though undeserving) recipients of His limited atonement. The pessimistic attitude the Calvinists held about their own good fortune – i.e. that they did not deserve it – helped keep them somewhat humble (at least outwardly) and fixated on their business matters. Thus, “Calvinist pessimism” was a useful ideological tool for those who would become known as the “Pilgrims” and “Puritans” in North America (those comprising the White Anglo-Saxon Protestant elite) to exploit, enslave and annihilate ever greater numbers of people, to accrue even more undeserved wealth for the “glory of God,” so long as they did not (paradoxically) squander their holdings on “sinful” endeavors.  And if they did succumb to any amount of sinful degradation (as they most certainly did) – oh well! That was merely the natural result of mankind’s innate depravity. One could simply confess one’s sins and commit oneself to doing better, since God’s grace isinevitable in the end.

Needless to say, Calvinism caught on like wild fire in North America (even among the White masses), where an austere spiritual-cultural-political-economic worldview was needed in order to: (1) inspire endless thrift and hard work among the masses, (2) tame the vast American wilderness (considered by settlers to be the biblical “Promised Land” or “Canaan”), and (3) subjugate the “heathen” Indians (also considered by settlers to be immoral “Canaanites”).

With the exception of a handful of Catholics in Maryland, the vast majority of European-American colonists subscribed to an ever increasing variety of Protestant sects which had their fundamental ideological roots in the reformist ideas of John Calvin and Martin Luther. Both commoners and elites thus embraced the intertwined religious and secular manifestations of the Calvinist ethos – a philosophy defined by the idea that, instead of merely working for one’s living (in order to survive), one must “live to work.”

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By the time of the American War of Independence, the Calvinist ethos had been firmly planted in the minds of the majority of colonists for a period of no less than a century and a half. In order to galvanize support for a successful war of secession against England – and, more to the point, against England’s perceived anti-American mercantile policies – the American elites manipulated popular Puritan religious zeal for their own political and economic objectives.

Specifically, the landowning White American upper classes wanted to replace the British nobility as the sole rulers and exploiters of the North American continent. And so, a large-scale anti-British propaganda campaign was initiated.

Thomas Paine and other pro-American agitators of the time portrayed America as nothing other than “God’s kingdom” and (long before Reagan) as a “shining city upon a hill” – in other words, as a place that was worth fighting for in the name of God. At the same time, Paine and his cohorts painted King George III in the most negative of lights – as a “Papist” and a bloodthirsty tyrant (patently false accusations).

And although the colonial smear campaign was obviously initiated in order to provide the majority Protestant colonists (the “useful idiots” as it were) with a common villain whom they could all rally against, the small farming class (which comprised the majority of all colonists) did not support the so-called “Revolution” (i.e. elite bourgeois uprising).The majority waseither disinterested in political decisions that did not directly affect themselves and their families, or they were (as many modern historians believe) “under the radar” loyalists who still considered themselves proud “Britons,” regardless of religious affiliation. Nevertheless, the pro-independence faction won the day, and this was due, in no small way, to successful Calvinist propaganda among the town and city based American bourgeoisie – a demographic which was also very tied to the growing Freemasonic movement.

The defeat of the British in North America was a profound moment in American and indeed world history. More than a mere military/political victory for the colonists, the defeat of the British symbolized the defeat of the traditionalism of the Old World and the cultural and political ascendancy of liberalism in the New World – an outcome which owed a great deal to the powerful underlying influence of Calvinism, with its ideological conception of innate depravity and “chosenness,” its self-righteous exploitation of man and nature, and its “live to work” ethos. In time, these concepts would be coopted by the 19th century’s triumphant liberal bourgeois capitalist spirit, which replaced religion (as the dominant force in people’s lives) with secular humanism – an ideology which is no less draconian in its “all or nothing” quest to control the planet.

A secular “civil religion” evolve dafter the separation from Britain, which promoted the United States as God’s chosen nation – one which is historically unique, preeminent in world affairs and deserving of a special (almost “divine”) status; hence, the corresponding offshoot beliefs of Manifest Destiny and American exceptionalism. The view that it is somehow virtuous to spend long, grueling hours at work beyond the need of economic survival – as opposed to leading a more balanced, healthier lifestyle – is yet another facet of Calvinism which was coopted by secular liberalism.

To conclude, it is accurate to say that extreme religious Calvinism constitutes the spiritual foundation of the United States. Certainly, Freemasonry is another part of the ideological substructure on which the U.S. was founded, and indeed much has been written on this topic and the injurious influence Freemasonry has had on traditional society, particularly with its rabid promotion of liberalism in all faces of human life. However, when one considers the role of Calvinism as it is – as being the spiritual catalyst of liberal American and/or “Freemasonic” values – one is forced to conclude that Calvinism (this great bastardization of genuine Christianity) is chiefly responsible for the creation and widespread acceptanceamong U.S. citizens of the dogma of American exceptionalism. And this latter represents, by far, the greatest ideological threat to the future welfare of all mankind.

mardi, 10 novembre 2015

Evola e la critica dell’americanismo

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Evola e la critica dell’americanismo

Ex: http://www.centrostudilaruna.it

  evola-oltre-il-muro-del-tempo   Dalla casa editrice romana Pagine sono stati pubblicati recentemente (giugno 2015) gli atti di un convegno tenutosi nel 2014 nella capitale e dedicato al tema “Julius Evola oltre il muro del tempo. Ciò che è vivo a quarant’anni dalla morte”. Il volume, dal medesimo titolo, comprende tutte le relazioni presentate all’epoca, cioè quelle di de Turris, Veneziani, Malgieri, Fusaro e Scarabelli. Qui mi occuperò soltanto del testo di Fusaro, avente come oggetto “Evola e Heidegger critici dell’americanismo”, ed esclusivamente della parte riguardante Evola.

     L’impostazione metodologica di Fusaro è indubbiamente condivisibile: “in filosofia il solo modo di rendere onore a un autore consiste nel discuterne criticamente le tesi, a distanza di sicurezza dai due atteggiamenti – apparentemente opposti e, in verità, segretamente complementari – dell’elogio agiografico e della demonizzazione preventiva” (p. 27). Altrettanto condivisibile, anche se per nulla originale, è l’approccio di Fusaro all’esame evoliano dell’americanismo, in quanto prende giustamente le mosse dal celebre scritto del 1929, Americanismo e bolscevismo, uscito sulla rivista “Nuova Antologia”. Ulteriore aspetto da sottolineare è l’insistenza, corretta, sul ‘maggior pericolo’ rappresentato, agli occhi di Evola, dall’America rispetto all’Unione Sovietica. Ma con ciò si esauriscono, a parere di chi scrive, gli spunti positivi presenti nel testo di Fusaro.

     Questo perché, innanzitutto, va criticata l’impostazione generale dello scritto, dato che Fusaro, insistendo sempre e solo sul parallelismo americanismo/bolscevismo, finisce col perdere completamente di vista le analisi ben più ricche e articolate riservate da Evola alla ‘civiltà americana’. Detto altrimenti, dallo scritto di Fusaro vien fuori un Evola che praticamente dagli anni Venti sino alla sua morte avrebbe letto l’americanismo servendosi di un’unica chiave interpretativa, quella appunto della sua equipollenza con il bolscevismo, con l’ovvia conseguenza di dar vita a una lettura in fondo astorica e iperschematica, del tutto avulsa dai cambiamenti economici, politici, sociali, culturali, nel frattempo intervenuti. Fusaro infatti passa sistematicamente sotto silenzio, non si comprende se per scarsa conoscenza delle fonti o per superficialità analitica, tutti gli scritti in cui Evola non solo rivede, seppur parzialmente, il suo giudizio negativo sull’America, ma dimostra anche di seguire con attenzione i nuovi fenomeni che nello scorrere del tempo prendevano piede oltreoceano, dalla Beat Generation alle tesi di Burnham, dalle posizioni politiche di Barry Goldwater e George Wallace ai testi di Kuehnelt-Leddhin, e così via.

     Non solo, perché anche le critiche rivolte a Evola da Fusaro si rivelano, a mio parere, inconsistenti. Nel dettaglio: Fusaro accusa Evola di incoerenza per aver giustificato la scelta del MSI di votare a favore del Patto Atlantico, pur sottolineando, a ragione, che l’accettazione evoliana del Patto non dipendeva da “un mal celato filoatlantismo” (p. 45) ma si spiegava “unicamente in ragione antisovietica” (p. 45). L’incoerenza consisterebbe nel fatto che essendo, per esplicita ammissione dello stesso Evola, più pericoloso e insidioso l’americanismo, sarebbe in ogni caso contraddittorio schierarsi con quest’ultimo contro il bolscevismo. Qui a me pare che Fusaro non tenga minimamente conto del contesto ‘geopolitico’, pur accusando, al contempo, Evola di essere caduto in contraddizione proprio per aver trascurato il medesimo fattore. La posizione evoliana, infatti, se pure criticabile in astratto, assume forza e coerenza una volta inserita nel concreto contesto di quegli anni, quando la minaccia comunista era avvertita non solo come imminente ma soprattutto capace di condurre all’annientamento persino fisico dello schieramento ‘nazionale’. Basti il rimando ad un importante scritto evoliano apparso nel luglio del 1960 su “L’Italiano”, intitolato C’è un “democratico” con una spina dorsale?, in cui si chiedeva la messa al bando del partito comunista e si auspicava un diretto intervento delle “forze sane” del paese in difesa dello Stato minacciato dal comunismo.

     La seconda obiezione mi sembra ancora più infondata. Fusaro (p. 46) cita estesamente un passo evoliano tratto da un articolo del ’57, Difendersi dall’America, apparso su “Il Popolo italiano”[1], dove viene lucidamente adombrata la progressiva americanizzazione cui stava soggiacendo l’intero continente europeo, aggiungendo subito dopo che, alla luce di questa consapevolezza, suonerebbe decisamente contraddittorio l’appellarsi, da parte di Evola, a una possibile reazione ‘antiamericana’ avente l’Italia come centro propulsivo. A sostegno della sua tesi, Fusaro (p. 47) cita due passi evoliani, uno in cui viene detto che la nazione italiana “più di ogni altra è l’anti-Russia e l’anti-America”, l’altro in cui tale ruolo dell’Italia si spiegherebbe grazie alla sua eroica “tradizione mediterranea, ed in ispecie classica e romana”. Per la fonte di entrambe le citazioni, Fusaro rimanda alla pagina 30 della silloge Civiltà americana, ma il punto è che sarebbe fatica sprecata cercarvi tali citazioni e per la semplice ragione che non ci sono. Lo scritto da cui infatti sono tratte le due frasi di Evola è il già ricordato Americanismo e bolscevismo del 1929[2]. Mi sembra pertanto evidente che pensare nel 1929 ad una realistica contrapposizione nei confronti dell’America non avrebbe nulla di contraddittorio rispetto a quanto sostenuto nel 1957, e questo già solo per l’abissale differenza di contesto storico. Non concordo con Fusaro neanche quando afferma che Evola a tale necessaria reazione in senso antiamericano “rimarrà sempre legato” (p. 47), visto che l’idea di tradizione mediterranea verrà abbandonata dallo stesso Evola già nei primissimi anni Trenta, ragion per cui non si comprende davvero come potesse essere ancora considerata, a distanza di decenni, un credibile argine all’americanismo.

     Per chiudere: Fusaro afferma che l’antiamericanismo di Evola andrebbe epurato “dalle inaccettabili sfumature razziste” (p. 48). Però Fusaro dovrebbe sapere che l’indignazione morale avrà pure molti pregi ma di sicuro non quello di accrescere la comprensione di ciò che è oggetto di riprovazione. Pertanto, piuttosto che usare la solita ‘clava morale’ antirazzista, sarebbe stato molto più proficuo, a mio modo di vedere, chiedersi se l’avvento anche in Europa della società multirazziale di stampo statunitense abbia contribuito o meno, e in che eventuale misura, alla sempre più pervasiva americanizzazione del nostro continente.

* * *

ottobre 2015

[1] Fusaro cita dalla silloge evoliana, Civiltà americana. Scritti sugli Stati Uniti 1930-1968, pubblicata, a cura di Alberto Lombardo per i tipi di Controcorrente nel 2010. Lo stesso articolo si può leggere nella raccolta completa dei contributi evoliani usciti su Il Popolo italiano, curata da Giovanni Sessa per la Pagine Editrice nel 2014.

[2] Saggio volutamente non inserito nella silloge Civiltà americana. Per la corretta individuazione delle due citazioni si veda J. Evola, “Americanismo e bolscevismo”, in Id., I saggi della Nuova Antologia, Edizioni di Ar, Padova 1982, p. 53, ora anche in Id., Il ciclo si chiude. Americanismo e bolscevismo 1929-1969, a cura di G. de Turris, Fondazione Evola, Roma 1991.

mardi, 22 septembre 2015

Cartographie de l'anti-américanisme

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Cartographie de l'anti-américanisme

par Georges FELTIN-TRACOL

L’édition française sort à rythme régulier des ouvrages sur l’anti-américanisme tels L’Ennemi américain. Généalogie de l’anti-américanisme français (Le Seuil, 2002) de Philippe Roger ou L’Anti-américanisme. Critique d’un prêt-à-penser (Robert Laffont, 2004) du libéral et atlantiste Pierre Rigoulot. Si ces titres étaient réédités, ils évoqueraient probablement le nouvel essai du journaliste Martin Peltier qui donne 20 bonnes raisons d’être anti-américain.

 

La curiosité pour la grande puissance d’outre-Atlantique n’est pas neuve puisque dès 1991, le philosophe catholique de tradition d’origine hongroise et exilé aux États-Unis, Thomas Molnar, rédigea L’Américanologie. Triomphe d’un modèle planétaire ? (L’Âge d’Homme). Avec Martin Peltier, cette nouvelle discipline – l’américanologie – trouve enfin son vulgarisateur. En effet, à un moment où le virus de l’américanisme contamine tous les continents et colonise les esprits, en particulier l’imaginaire européen, Martin Peltier recense avec brio tous les méfaits de la Barbarie yankee. À la fois très informé et parfois polémique, l’essai explique que les États-Unis – qu’il ne faut surtout pas confondre avec les peuples du continent américain (Boliviens, Costaricains, Argentins, etc.) -, nuisent à l’avenir de l’Europe.

 

Le péril yankee se décline en menaces multiformes. L’une des plus redoutables concerne l’enjeu linguistique. « En tendant à détruire le français ou à le corrompre, elle amène un affaiblissement de la culture et de la pensée (p. 80). » Certes, des peuples francophones résistent à ce flot dévastateur. Si les Québécois se montrent sourcilleux sur la préservation de leur patrimoine linguistique, cela ne les empêche pas de se soumettre au Diktat du politiquement correct et de l’extrême féminisme en violant leur langue par de grotesques féminisations telles « sapeuses pompières »…

 

bonnesraisons.jpgDéfendre sa langue n’est pas un acte anodin; c’est le combat essentiel. Primordial même parce qu’« avec la langue anglaise, les États-Unis répandent leur manière de penser, ce qui leur donne un avantage en tout, dans le commerce comme dans les sciences, et ils accompagnent ce mouvement par le “ social learning ”, c’est-à-dire l’imposition de leurs normes éducatives, sociales, morales, politiques – en quelque sorte le progrès comme ils le voient, leur Weltanschauung (p. 83) ». Les sots anglicismes qui prolifèrent dans nos phrases témoignent d’une invasion mille fois plus préoccupante qu’une occupation militaire classique. La présente invasion migratoire de notre sol ancestral n’impacte pas notre civilisation, elle l’affecte prodigieusement. Il est d’ailleurs caractéristique que les groupuscules antifa et les mouvements socio-politiques issus d’une immigration extra-européenne adoptent la langue de l’envahisseur atlantiste anglo-saxon.

 

Didactique, 20 bonnes raisons d’être anti-américain expose des faits indéniables. L’auteur n’évoque pas les ignominies prévues par le détestable Traité transatlantique. Il préfère ausculter les fondements théologiques des USA et en dresse leur généalogie intellectuelle. Comme le relevait déjà notre ami Tomislav Sunic dans son excellent Homo americanus. Rejeton de l’ère postmoderne (Éditions Akribeia, 2010), les États-Unis possèdent un puissant arrière-plan religieux. Construits par les descendants de protestants dissidents qui ont fui un Vieux Monde qu’ils exècrent et maudissent, les États-Unis bénéficièrent de la bénédiction du puritanisme réformé, de la franc-maçonnerie et, un peu plus tard, du judaïsme politique. Le « messianisme était commun aux sectes protestantes, au judaïsme et à la maçonnerie (p. 145) ». Cette vocation délirante continue à imprégner tout le spectre politico-intellectuel, y compris chez les adversaires conservateurs des tarés néo-conservateurs. Outre les Noirs et les juifs, sait-on que le Ku Klux Klan vomit les catholiques ? Ainsi, le catholique J.F. Kennedy fut-il mal perçu par maints de ses compatriotes. Dans la même veine existaient les Know Nothing, une société secrète nativiste anglo-saxonne au milieu du XIXe siècle, hostiles aux arrivants irlandais de confession romaine. Ce nativisme WASP demeure toutefois paradoxal de la part d’une population d’origine européenne qui a volé les terres de peuples indigènes génocidés.

 

Il est très dommage que Martin Peltier n’évoque point le sort horrible des autochtones américains exterminés, chassés de chez eux et trahis par des traités jamais appliqués par la Maison Blanche (sinistres précédents pour les pseudo-traités euro-ricains à venir…). Il aurait pu signaler que les États-Unis détiennent aujourd’hui le plus vieux prisonnier politique du monde, l’activiste amérindien âgé de 70 ans, Leonard Peltier (sans rapport de parenté avec l’auteur !) condamné à la perpétuité en 1976, suite à une machination orchestrée par le FBI, cette véritable police politique secrète d’État.

 

Le destin tragique des vrais Américains préfigure celui des Européens et du monde. Les Étatsuniens sont imbus de la « destinée manifeste » (décennie 1840) qui leur assurerait le devoir moral d’imposer partout leur funeste mode de vie et de penser. Tous les moyens sont dès lors mobilisés pour réussir cette injonction quasi-mystique. Co-responsable du tribunal de Nuremberg vilipendé en son temps par le courageux Maurice Bardèche, Washington devient le berceau « de la religion de la Shoah (p. 133) » et en fait « la mère et la garantie ultime du politiquement correct occidental à vocation mondiale (p. 138) ».

 

L’auteur dénonce bien sûr ce pitoyable moralisme en des termes forts et incisifs : « La religion de la Shoah ne fonde pas seulement la solidarité de l’empire du bien, elle vise plus gravement encore à habituer tous les esprits du monde à la bêtise. Elle tue l’esprit critique, l’histoire, la vraie mémoire, elle déshabitue de la réflexion, elle détache de l’identité. La religion de la Shoah est la pire vérole et le meilleur instrument de la mondialisation, elle fait du cerveau qu’elle a lavé un numéro prêt à tout gober, et c’est une raison de plus de combattre, sans relâche, les États-Unis (p. 140). » Ce lavage de cerveau collectif made in USA arase l’ethno-diversité propre aux races humaines.

 

Déplorons que le malheureux roi Louis XVI ait commis la mortelle erreur de soutenir la racaille américaine en sédition contre son souverain George III de Hanovre, par ailleurs usurpateur du trône légitime des Stuarts. Loin des sempiternelles odes à la soi-disant amitié franco-américaine, Martin Peltier cite un conflit naval guère connu dans l’Hexagone : la Quasi-Guerre (1798 – 1800) qui vit l’affrontement des marines française et US. Il insiste aussi sur les milliers de Français qui périrent en 1944 – 45 sous les bombes yankees (bombes qu’on découvre encore en masse non explosées sept décennies plus tard) censées les libérer… Quant au crétin de Roosevelt, il « voulait placer la France après la guerre sous mandat de l’AMGOT, c’est-à-dire un gouvernorat direct de l’occupant américain (p. 29) ». En 1870, un autre président, Ulysse Grant, poivrot étoilé et expert notoire dans le pot-de-vin, télégraphia ses plus vives félicitations à Bismarck pour sa victoire sur le Second Empire français.

 

Ces exemples historiques avérés sont occultés par le déversement dans le monde d’images produites par Hollywood qui promeut des États-Unis oniriques et virtuels… La réalité est plus cauchemardesque avec les horreurs quotidiennes d’une société multiraciale, pluri-ethnique et multiconflictuelle en cours de fragmentation. « On se représente souvent le choc des civilisations comme un conflit international, avec une ligne de front, mais dans cet État-monde que sont les États-Unis, le choc des civilisations a lieu tous les jours au bout de la rue et à la télé, dans les concours de beauté et les réclames pour pop corn, c’est un choc de civilisation intérieure, domestique, comme on dit là-bas (p. 77). » Le Système étatsunien – ou plus exactement son puissant et redoutable « État profond » – tend à y palier en célébrant sur tous les médiats massificateurs un mirifique « vivre ensemble » alors que, libéralisme aidant, on constate l’impitoyable guerre de tous contre tous… Connaît-on en Europe l’incroyable sujétion des classes moyennes au crédit bancaire qui les enchaîne durablement ? L’endettement élevé des ménages et son corollaire – le manque d’épargne – empêche toute éventuelle rébellion préjudiciable à la bonne marche des affaires. L’auteur prévient cependant que « le marché n’est pas le maître, mais juste un contremaître, pas un dieu, juste une marionnette dans la main des prêtres mondialistes (p. 70) ».

 

Martin Peltier dénonce enfin le gouvernement des juges propre au misérable régime présidentiel adopté en 1787, le rôle dévastateur des multinationales et l’action subversive des « ONG, mains sales du mondialisme US (p. 113) ». Stipendiées par des fondations yankees, les ONG constituent une véritable cinquième colonne prête à fomenter la moindre « révolution colorée ». Certaines d’entre elles traquent la corruption dans les États tout en négligeant les États-Unis qui demeurent l’État au monde le plus corrompu avec une classe politicienne totalement achetée. Sur la colline du Capitole de Washington, les mœurs y sont bananiers… L’appui résolu des ONG à l’actuel déferlement migratoire sur notre continent apporte la preuve supplémentaire patente d’une volonté de déstabiliser nos vieilles nations blanches.

 

Martin Peltier rapporte, démonte, examine dans cet ouvrage remarquable toutes les manœuvres sordides du « Moloch à la bannière étoilée ». Il aurait peut-être pu conclure son réquisitoire par le vif intérêt qu’éprouvent maintenant quelques cénacles US pour le transhumanisme et l’idéologie du genre. De salubrité intellectuelle publique, cet ouvrage décrit un abcès de dimension mondiale. Qui aura le courage de le crever : l’État islamique, Al-Qaïda, la Chine, la Russie, l’insurrection des peuples albo-européens ? En tout cas, plus que jamais, America delenda est !

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Martin Peltier, 20 bonnes raisons d’être anti-américain, Éditions D.I.E., 2015, 210 p., 26 € (« La Sarrazine », La Fosse Marceline, F – 10 140 Jessains, France)

 

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