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samedi, 16 mai 2020

Quel dessous des cartes dans la proposition du rachat du Groenland par les Etats-Unis ?

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Quel dessous des cartes dans la proposition du rachat du Groenland par les Etats-Unis ?

par Laurence Perrault

Ex: https://infoguerre.fr

Le vendredi 16 août dernier, les danois, stupéfaits, découvraient dans un article du quotidien américain The Wall Street Journal que le président américain aurait demandé à plusieurs occasions à ses conseillers s’il serait possible d’acheter le Groenland, territoire danois. Quatre jours plus tard, Donald Trump publiait un post humoristique sur son compte Twitter officialisant ses intentions. Vite raillé et moqué notamment par la presse européenne, il se trouve qu’en lançant cette idée, le président américain a envoyé un message fort, usant ainsi d’une stratégie offensive médiatique et ce même si, la Première ministre danoise Mette Frederiksen, s’était indignée en rappelant que « Le Groenland n’est pas à vendre !».

Pour autant, le statut juridique de ce territoire, qui depuis 2009 a acquis une autonomie renforcée au sein du Royaume de Danemark, permet de rendre plausible l’intention. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis cherchent à racheter le Groenland au Danemark. Ils ont déjà tenté à deux reprises en 1867 puis en 1946, lorsque le président Harry Truman avait proposé 100 millions de dollars pour en faire le 51e Etat américain. Il faut dire que les Etats-Unis ont de bonnes raisons de convoiter le Groenland. Cet immense territoire glacé offre à première vue peu d’attrait mais ses ressources naturelles et sa situation géographique en font un enjeu d’avenir face aux appétits de la Chine et de la Russie dans l’Arctique.

La déclaration offensive et fortement médiatisée de rachat du Groenland du Président américain, s’inscrit ainsi dans une manœuvre coordonnée et beaucoup plus globale engagée par les Etats-Unis depuis deux ans, pour contrer les ambitions russes et chinoises et ainsi réaffirmer leur leadership dans cette zone du monde.

Trois clés de compréhension rationnelles de la stratégie américaine

Une logique d’expansion par l’achat de territoires :

Les Etats-Unis sont actuellement le troisième pays le plus vaste du monde, derrière la Russie et le Canada, mais devant la Chine, avec une superficie terrestre de 9,63 millions de km2. Un territoire bâti à coups d’achats au cours de son Histoire. Ainsi, les américains ont acheté la Louisiane en 1804 à la France. Ils ont acheté 15 ans plus tard la Floride à l’Espagne, puis contraint le Mexique à céder d’immenses territoires (dont la Californie) moyennant une compensation. Autre acquisition notable, celle de l’Alaska, rachetée à la Russie en 1867. La dernière acquisition remonte à 1917, quand les Etats-Unis se sont offert les Îles Vierges pour 25 millions de dollars, territoire qui appartenait alors au Danemark ! Le Groenland, fort de ses 2,2 millions de km2 (auxquels il convient d’ajouter presque 2,5 millions de km2 de zone économique exclusive), porterait le territoire des Etats-Unis à 11,8 millions de km2, ce qui en ferait le deuxième plus grand pays du monde. D’ailleurs, géologiquement parlant, la grande île fait partie du continent américain.

L’évolution du statut juridique du Groenland, vers une réelle autonomie politique en 2021 ?

Le Groenland a été colonisé par le Danemark en 1721 mais il peut juridiquement proclamer son indépendance sans opposition des Danois, d’où la stratégie offensive de la Maison Blanche. En effet, depuis 1979, le territoire jouit d’une « autonomie interne » qui a abouti à la création d’un Parlement et d’un gouvernement souverains sur les questions intérieures (pêche, chasse, éducation, culture). Les questions régaliennes (diplomatie, armée, justice) relèvent encore des prérogatives du royaume danois. Mais depuis l’accord du SELVSTYRE en 2009, le Groenland dispose d’un statut « d’autonomie renforcée », obtenu suite à un référendum, qui lui permet de déclarer son indépendance à tout moment. Localement, la population est largement en faveur de l’indépendance (75,5% ont approuvé le referendum), mais à court terme, personne n’y songe compte tenu du manque de ressources propres. Pour autant, les élections législatives de 2018 ont porté au pouvoir un nouveau gouvernement qui rassemble les formations politiques indépendantistes les plus radicales. Les élus du Parti NALERACQ (2ème force du gouvernement) appellent d’ailleurs à une déclaration d’indépendance le 21 Juin 2021, date d’anniversaire de la colonisation danoise ! Ainsi, si la marche vers l’indépendance politique semble bel et bien enclenchée, l’autonomie économique reste un défi important à relever pour le Groenland.

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Un territoire sous perfusion financière danoise :

L’article 6 de l’accord du SELVSTYRE stipule qu’il reviendra au gouvernement autonome de financer les dépenses liées à la prise en charge de toute nouvelle responsabilité, ce qui pose les enjeux économiques qu’impliquerait l’indépendance de l’île au vu de sa dépendance financière. Une rente annuelle de 540 millions d’euros est versée par le Danemark, soit 9700 euros par habitant (le territoire compte 56 000 habitants).

Depuis 2009, le Danemark a accordé à sa province autonome le droit d’exploiter son sous-sol, mais le Groenland peine à concrétiser ses projets du fait des températures extrêmes, du manque de personnel qualifié ou de l’absence de routes. Le gouvernement pro-indépendantiste a ainsi par exemple tenté de doper l’attractivité financière du territoire avec une loi en 2012, permettant aux entreprises minières étrangères d’employer une main d’œuvre étrangère à des conditions moins couteuses. C’est pourquoi localement la proposition de Donald Trump a séduit : « Il est prêt à nous verser des milliards de dollars pour nous protéger et nous aider à nous développer, pourquoi ne pas envisager avec lui un traité de libre association ?» interroge Pele Broberg, député du parti indépendantiste Naleraq.

En effet, la capacité productive du pays reste très faible et repose sur la pêche qui représente 90% des exportations. Après une décennie d’explorations, seules deux mines fonctionnent pleinement : l’une de rubis, l’autre d’anorthosite (un minerai destiné à la fabrication du ciment et des enduits de peinture). Néanmoins trois projets se finalisent : d’abord, celui d’une mine de zinc convoitée par une compagnie australienne et classée dans les cinq premiers gisements au monde. Ensuite, une mine de titane dont la licence est en cours d’examen. Enfin, un site d’exploitation de terres rares, également piloté par un investisseur australien dans le sud du pays. Un potentiel en ressources économiques que les Etats-Unis ont bien identifié.

Les enjeux stratégiques justifiants la manœuvre offensive des Etats-Unis

Des matières premières stratégiques dans les sous-sols du Groenland :

Avec le réchauffement climatique le Groenland se transforme. La calotte glacière qui couvre 80 % du territoire fond désormais quatre fois plus vite qu’il y a dix ans. A ce rythme, à l’horizon 2040, les navires franchiront librement le pôle durant l’été. « On découvre de nouveaux fjords, les rennes paissent davantage et grossissent, des montagnes émergent avec des minerais à exploiter, c’est une opportunité énorme » comme l’explique l’ancienne Première ministre du Groenland.

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« Grand comme 4 fois la France, le Groenland a de quoi attirer l’attention au travers de ses ressources naturelles et de l’impact sur le monde de la fonte de sa calotte glacière », indique Damien Degeorges, analyste en géopolitique. Il faut dire qu’entre le fer, le zinc, l’or, les rubis, les diamants, l’uranium et le pétrole, les ressources naturelles de l’île sont considérables. Sans parler de ses réserves d’eau douce, qui représenteraient 10% du total mondial. Or, toutes ces ressources naturelles devraient être de plus en plus faciles à extraire, au vu de la fonte de la calotte glaciaire. Dernier avantage, et pas des moindres, le Groenland est riche en terres rares (il recèlerait la deuxième réserve mondiale), ces fameux métaux stratégiques pour l’industrie (utilisés dans les smartphones, les éoliennes, l’automobile, les écrans plasma, les équipements de Défense…) produits actuellement à plus de 90% par la Chine, le principal challenger des Etats-Unis. Les terres rares qui s’étaient retrouvées au coeur du conflit sino-américain en mai 2019 dans la guerre commerciale initiée par Washington avec une hausse des droits de douane sur les produits chinois.

Ainsi, malgré les difficultés d’extraction des sols, une discrète course internationale aux ressources se joue déjà au Groenland. La compagnie australienne Greenland Minerals and Energy (détenue à 74% par la China Minmetals Nonferrous Metals Co.) a découvert en 2007 ce qui pourrait être le plus grand gisement mondial de métaux rares, au sud de l’île. Le groupe américain Alcoa envisage l’implantation d’une grande usine d’aluminium sur la côte ouest. La société London Mining, appuyée par des investisseurs chinois développe un projet de plus de deux milliards de dollars d’investissement pour l’exploitation d’une mine de fer. Les sociétés telles que Exxon Mobil, Cairn Energy, Dong Energy ou encore EnCana prospectent également pour l’obtention de licences d’exploration et d’extraction. Si une seule mine d’or est actuellement exploitée, cinq autres sont sur le point d’être ouvertes, et 120 sites sont en cours d’exploration. La Chine, qui veut assurer la permanence de son monopole dans la production de terres rares, continue ses prospections en Arctique. La China-Nordic Mining Company explore ainsi des gisements d’or et de cuivre dans le Sud-est groenlandais.

Une future route commerciale maritime :

Le réchauffement climatique laisse apparaître des routes maritimes stratégiques aux abords du Groenland, notamment le passage du Nord-Est. Cette voie permettrait de réduire d’environ 5.000 kilomètres, et donc de 10 à 14 jours le trajet entre Busan (Corée du Sud) et Rotterdam (Pays-Bas).

Le Conseil de l’Arctique qui a procédé en 2005 à une « Évaluation de la navigation maritime dans l’Arctique » d’ici à 2050, envisage le rallongement de la saison moyenne de navigation de 20 à 30 jours en 2004, à 170 jours aux environs de 2050. Pour rappel, le Conseil de l’Arctique, fondé en 1996, compte 7 Etats membres permanents dont le Danemark, les Etats-Unis et la Russie, des organisations représentant les peuples autochtones et 12 Etats dits observateurs, dont la Chine depuis 2013. L’Union européenne demeure à ce jour le seul candidat dont l’admission a été refusée, car ses ambitions auraient pu mettre à mal le leadership des membres permanents sur la zone…

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De fait, pour tirer parti des nouvelles voies commerciales, des investisseurs privés construisent des navires-citernes spéciaux, capables d’atteindre les futurs champs pétroliers et gaziers de l’Arctique sans avoir recours aux brise-glaces, principalement détenus par la Russie, qui doit se doter, d’ici à 2022, de 3 nouveaux brise-glaces à propulsion nucléaire.

De nouvelles manœuvres militaires et diplomatiques pour renforcer la position américaine :

Selon la doctrine américaine Monroe (1823), le Groenland appartient à la sphère sécuritaire des Etats-Unis. Cette vision, un temps délaissée à la fin de la guerre froide, revient d’actualité du fait du réchauffement climatique et des changements qu’il engendre sur le Groenland, mais surtout en réaction aux manœuvres militaires et économiques déployées par la Russie et la Chine autour de ce territoire. « Les Etats-Unis se réveillent, dit Rasmus Leander Nielsen, professeur d’économie à l’université de Nuuk, capitale du Groenland, ils regardent autour et découvrent les ambitions arctiques de la Russie et de la Chine ! ». Car, à Washington, une peur s’installe : celle d’un déploiement militaire ennemi dans le Grand Nord.

  • Face à la Russie :

Depuis 2007 et le discours de Vladimir Poutine devant la Wehrkunde de Munich, le regain d’intérêt russe pour le Grand Nord Arctique est clairement exprimé. Le président russe a ainsi annoncé sa volonté de réinvestir militairement la façade arctique de Mourmansk au détroit de Béring, le long des quelques 4000 kilomètres du passage du Nord. Or, pour Washington, le Groenland est d’abord un enjeu militaire, car sur une carte la Russie et l’Amérique se font face dans cette zone du Pôle Nord. Si en 1946, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le président américain Truman avait cherché à racheter le Groenland, c’était pour faire de l’île un poste militaire stratégique. A défaut d’un rachat, les États-Unis ont néanmoins construit une base militaire sur ce territoire danois, véritable pièce maîtresse du bouclier anti-missile américain, poste avancé d’observation du complexe militaro-industriel russe de Mourmansk et un « hub » pour les bombardiers stratégiques susceptibles d’être projetés, non seulement vers la Russie, mais aussi vers la Chine, la Corée du Nord, voire l’Iran.

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Depuis 2 ans, les États-Unis ont multiplié les exercices militaires, que ce soit dans un cadre national, bilatéral ou encore dans le cadre de l’OTAN. On peut citer en exemple l’exercice Trident Juncture 2018 réalisé à l’automne dernier à la frontière de l’Arctique entre l’Islande et la Norvège. Ce fut la plus grande manœuvre militaire réalisée par l’OTAN depuis la Guerre froide. Les États-Unis ont, à cette occasion, fait naviguer un porte-avions au nord du Cercle polaire arctique pour la première fois depuis 1991. Cette stratégie rénovée et offensive s’est aussi traduite par la publication de stratégies arctiques renouvelées en juin 2019 par le Département de la Défense. Pour Washington, l’Arctique est tout simplement une frontière nationale, sa frontière septentrionale. L’Alaska, qui est américain depuis 1867 constitue le premier pilier stratégique du pays en contrôlant le détroit de Béring, mais pour garantir leur sécurité, les États-Unis doivent également assurer un contrôle de l’autre accès à l’Arctique : les bras de mer situés entre le Groenland, l’Islande et la Norvège, précisément la zone où s’est déroulé l’exercice Trident Juncture.

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Les Etats-Unis pourraient donc être fortement intéressés par l’ancienne base navale Danoise de Grønnedal, située au sud-ouest du Groenland et utilisée pendant la guerre froide. Cette base, désaffectée par le Danemark en 2016, face à l’intérêt exprimé par des acteurs chinois de l’acquérir à grands frais, pourrait être très utile à la 2ème Flotte américaine (United States Second Flee), composée de 126 bâtiments, 4 500 avions et 90 000 personnels. Cette flotte, désactivée en 2011 et dont la zone de responsabilité couvre l’Océan Atlantique et l’Arctique, a été réactivée en 2018 et déclarée opérationnelle le 31 décembre 2019.

  • Pour contrer les ambitions chinoises :

L’intérêt chinois pour le Groenland depuis ces dernières années a changé la donne pour les Etats-Unis, mais aussi pour le Danemark, soucieux de ses relations avec l’allié américain OTAN. En effet, si Pékin ne possède pas de frontières communes au monde arctique, il entend bien jouer un rôle de premier plan dans la zone. La Chine a ainsi initié 5 expéditions en Arctique entre 1999 et 2012 et fondé sa première station, « Fleuve Jaune », sur l’île de Spitzberg en Norvège en 2004. Pékin y implante des entreprises avant d’y envoyer à terme des sous-marins nucléaires.

Pour parfaire leur nouvelle stratégie, les Etats-Unis devraient ouvrir fin 2020 une ambassade au Groenland avec 7 diplomates, appelés à remplacer un représentant employé jusqu’ici à mi-temps. Cette antenne diplomatique permettra notamment d’assurer un rôle de veille important. En effet, à titre d’exemple, en 2018, lorsque le Pentagone avait appris la participation d’une entreprise de BTP chinoise au projet de construction de trois aéroports dans le pays, le ministre danois de la Défense avait été convoqué à Washington. À la suite de cet entretien qui avait mis en avant le risque pour la sécurité militaire américaine, Copenhague avait débloqué 215 millions d’euros destinés au financement des infrastructures aéroportuaires, annihilant la prise de position chinoise. Pour autant, « L’Empire du milieu » a déjà investi près de 100 milliards de dollars en 5 ans, ce qui est très peu pour la Chine mais beaucoup pour le Groenland.

Au bilan, Donald Trump par ses déclarations tonitruantes en août dernier a imposé dans l’actualité mondiale le sujet du futur de l’Arctique, réaffirmé l’intérêt de son pays pour cet espace face à la Russie, posé une barrière claire à la Chine quant à sa pénétration au Groenland et mis sur la table une question jusque-là taboue, la possibilité pour les États-Unis de renforcer leur présence au Groenland par la voie de simples transactions. Ainsi, cet incident n’est pas aussi fantasque et risible qu’il en a l’air à première vue et force est de constater que les Etats-Unis ont, par cette manœuvre, réellement renforcés leur position.

 

Laurence Perrault

jeudi, 14 mai 2020

Pourquoi Xi ne répétera pas les erreurs de la Dynastie Ming

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Pourquoi Xi ne répétera pas les erreurs de la Dynastie Ming

par Pepe Escobar

Ex: https://reseauinternational.net

La Chine a tiré les leçons de sa riche histoire et les applique pour redevenir une grande puissance du 21ème siècle.

Alors que la guerre hybride 2.0 contre la Chine atteint des sommets, les Nouvelles Routes de la Soie, ou Initiative Ceinture et Route, continueront à être diabolisées 24/7, comme le légendaire complot communiste maléfique pour la domination économique et géopolitique du monde « libre », boostée par une sinistre campagne de désinformation.

Il est vain de discuter avec des simplets. Dans l’intérêt d’un débat éclairé, ce qui compte, c’est de trouver les racines profondes de la stratégie de Pékin – ce que les Chinois ont appris de leur propre histoire riche et comment ils appliquent ces leçons en tant que grande puissance réémergente au jeune 21ème siècle.

Commençons par la façon dont l’Orient et l’Occident s’étaient positionnés au centre du monde.

La première encyclopédie historico-géographique chinoise, le Classique des Montagnes et des Mers du IIe siècle avant J.-C., nous dit que le monde était ce qui était sous le soleil (tienhia). Composé de « montagnes et de mers » (shanhai), le monde était disposé entre « quatre mers » (shihai). Une seule chose ne change pas : le centre. Et son nom est « l’Empire du Milieu » (Zhongguo), c’est-à-dire la Chine.

Bien sûr, les Européens, au XVIe siècle, découvrant que la terre était ronde, ont mis la centralité chinoise sens dessus dessous. Mais en réalité, pas tant que ça (voir, par exemple, cette carte sinocentrique du 21ème siècle publiée en 2013).

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Le principe d’un immense continent entouré de mers, « l’océan extérieur », semble avoir été dérivé de la cosmologie bouddhiste, dans laquelle le monde est décrit comme un « lotus à quatre pétales ». Mais l’esprit sinocentrique était assez puissant pour écarter et prévaloir sur toute cosmogonie qui aurait pu le contredire, comme la bouddhiste, qui plaçait l’Inde au centre.

Comparons maintenant la Grèce antique. Son centre, basé sur les cartes reconstituées d’Hippocrate et d’Hérodote, est un composite de la Mer Égée, avec la triade Delphes-Delos-Ionie. La division majeure entre l’Est et l’Ouest remonte à l’Empire Romain au 3ème siècle. Et cela commence avec Dioclétien, qui a fait de la géopolitique son cheval de bataille.

Voici la séquence : En 293, il installe une tétrarchie, avec deux Augustes et deux Césars, et quatre préfectures. Maximien Auguste est chargé de défendre l’Occident (Occidens), la « préfecture d’Italie » ayant pour capitale Milan. Dioclétien est chargé de défendre l’Orient (Oriens), la « préfecture d’Orient » ayant pour capitale Nicomédie.

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La religion politique s’ajoute à ce nouveau complexe politico-militaire. Dioclétien crée les diocèses chrétiens (dioikesis, en grec, d’après son nom), douze au total. Il existe déjà un diocèse d’Orient – essentiellement le Levant et le nord de l’Égypte.

Il n’y a pas de diocèse d’Occident. Mais il y a un diocèse d’Asie : essentiellement la partie occidentale de la Turquie méditerranéenne actuelle, héritière des anciennes provinces romaines d’Asie. C’est assez intéressant : l’Orient est placé à l’est de l’Asie.

Le centre historique, Rome, n’est qu’un symbole. Il n’y a plus de centre ; en fait, le centre s’incline vers l’Orient. Nicomedia, la capitale de Dioclétien, est rapidement remplacée par sa voisine Byzance sous Constantin et rebaptisée Constantinople : il veut en faire « la nouvelle Rome ».

Lorsque l’Empire Romain d’Occident tombe en 476, l’Empire d’Orient demeure.

Officiellement, il ne deviendra l’Empire Byzantin qu’en 732, alors que le Saint Empire Romain – qui, comme on le sait, n’était ni saint, ni romain, ni un empire – renaîtra avec Charlemagne en 800. À partir de Charlemagne, l’Occident se considère comme « l’Europe », et vice-versa : le centre historique et le moteur de ce vaste espace géographique, qui finira par atteindre et intégrer les Amériques.

Amiral superstar

Nous sommes toujours plongés dans un débat – littéralement – océanique entre historiens sur la myriade de raisons et le contexte qui a conduit chacun et son voisin à prendre frénétiquement la mer à partir de la fin du 15ème siècle – de Colomb et Vasco de Gama à Magellan.

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Mais l’Occident oublie généralement le véritable pionnier : l’emblématique amiral Zheng He, nom d’origine Ma He, un eunuque et musulman Hui de la province du Yunnan.

Son père et son grand-père avaient fait leur pèlerinage à la Mecque. Zheng He a grandi en parlant le mandarin et l’arabe et en apprenant beaucoup sur la géographie. À 13 ans, il est placé dans la maison d’un prince Ming, Zhu Di, membre de la nouvelle dynastie qui arrive au pouvoir en 1387.

Éduqué en tant que diplomate et guerrier, Zheng He se convertit au Bouddhisme sous son nouveau nom, bien qu’il soit toujours resté fidèle à l’Islam. Après tout, comme je l’ai constaté moi-même lorsque j’ai visité des communautés Hui en 1997, en quittant la Route de la Soie pour me rendre au monastère de Labrang à Xiahe, l’Islam Hui est un syncrétisme fascinant qui intègre le Bouddhisme, le Tao et le Confucianisme.

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Zhu Di a fait tomber l’empereur en 1402 et a pris le nom de Yong Le. Un an plus tard, il avait déjà commissionné Zheng He comme Amiral, et lui avait ordonné de superviser la construction d’une grande flotte pour explorer les mers autour de la Chine. Ou, pour être plus précis, « l’océan Occidental » (Xiyang) : c’est-à-dire l’océan Indien.

Ainsi, de 1405 à 1433, soit environ trois décennies, Zheng He a mené sept expéditions à travers les mers jusqu’en Arabie et en Afrique de l’Est, partant de Nanjing dans le Yangtsé et bénéficiant des vents de mousson. Elles ont atteint le Champa, Bornéo, Java, Malacca, Sumatra, Ceylan, Calicut, Ormuz, Aden, Djeddah/La Mecque, Mogadiscio et la côte d’Afrique de l’Est au sud de l’équateur.

Il s’agissait de véritables armadas, comptant parfois plus de 200 navires, dont les 72 plus importants, transportant jusqu’à 30 000 hommes et de vastes quantités de marchandises précieuses pour le commerce : soie, porcelaine, argent, coton, produits en cuir, ustensiles en fer. Le navire de tête de la première expédition, avec Zheng He comme capitaine, mesurait 140 mètres de long, 50 mètres de large et transportait plus de 500 hommes.

C’était la première Route Maritime de la Soie, aujourd’hui ressuscitée au 21ème siècle. Et elle a été couplée à une autre extension de la Route de la Soie terrestre : après que les redoutables Mongols se soient retirés et qu’il y ait eu de nouveaux alliés jusqu’en Transoxiane, les Chinois ont réussi à conclure un accord de paix avec le successeur de Tamerlane. Les Routes de la Soie étaient donc à nouveau en plein essor. La cour Ming envoya des diplomates dans toute l’Asie – au Tibet, au Népal, au Bengale et même au Japon.

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L’objectif principal des pionniers de la marine chinoise a toujours intrigué les historiens occidentaux. Il s’agissait essentiellement d’un mélange diplomatique, commercial et militaire. Il était important de faire reconnaître la suzeraineté chinoise – et de la matérialiser par le paiement d’un tribut. Mais il s’agissait surtout de commerce ; pas étonnant que les navires avaient des cabines spéciales pour les marchands.

L’armada était désignée sous le nom de Flotte du Trésor – mais dénotant plus une opération de prestige qu’un véhicule de capture de richesses. Yong Le était un adepte de la puissance douce et de l’économie – il a pris le contrôle du commerce extérieur en imposant un monopole impérial sur toutes les transactions. Il s’agissait donc, en fin de compte, d’une application intelligente et complète du système d’affluence chinois – dans les domaines commercial, diplomatique et culturel.

Yong Le suivait en fait les instructions de son prédécesseur Hongwu, le fondateur de la Dynastie Ming (« Lumières »). La légende veut que Hongwu ait ordonné qu’un milliard d’arbres soient plantés dans la région de Nanjing pour alimenter la construction d’une marine.

Puis il y a eu le transfert de la capitale de Nanjing à Pékin en 1421, et la construction de la Cité Interdite. Cela a coûté beaucoup d’argent. Même si les expéditions navales étaient coûteuses, leurs profits étaient bien sûr utiles.

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Yong Le

Yong Le voulait établir la stabilité chinoise – et panasiatique – par le biais d’une véritable Pax Sinica. Cela n’a pas été imposé par la force mais plutôt par la diplomatie, couplée à une subtile démonstration de puissance. L’Armada était le porte-avions de l’époque, avec des canons à vue – mais rarement utilisés – et pratiquant la « liberté de navigation ».

Ce que l’empereur voulait, c’était des dirigeants locaux alliés, et pour cela il utilisait l’intrigue et le commerce plutôt que le choc et l’effroi par le biais de batailles et de massacres. Par exemple, Zheng He a proclamé la suzeraineté chinoise sur Sumatra, la Cochinchine et Ceylan. Il a privilégié le commerce équitable. Cela n’a donc jamais été un processus de colonisation.

Au contraire : avant chaque expédition, au fur et à mesure de sa planification, les émissaires des pays à visiter étaient invités à la cour des Ming et traités, bien, royalement.

Européens pilleurs

Comparons cela à la colonisation européenne menée une décennie plus tard par les Portugais sur ces mêmes terres et ces mêmes mers. Entre (un peu) de carotte et (beaucoup) de bâton, les Européens ont fait du commerce principalement par le biais de massacres et de conversions forcées. Les comptoirs commerciaux ont rapidement été transformés en forts et en installations militaires, ce que les expéditions de Zheng He n’ont jamais entrepris.

En fait, Zheng He a laissé tellement de bons souvenirs qu’il a été divinisé sous son nom chinois, San Bao, qui signifie « Trois Trésors », dans des endroits d’Asie du Sud-Est tels que Malacca et Ayutthaya au Siam.

Ce qui ne peut être décrit que comme un sadomasochisme judéo-chrétien s’est concentré sur l’imposition de la souffrance comme vertu, seule voie pour atteindre le Paradis. Zheng He n’aurait jamais considéré que ses marins – et les populations avec lesquelles il a pris contact – devaient payer ce prix.

Alors pourquoi tout cela a-t-il pris fin, et si soudainement ? Essentiellement parce que Yong Le n’avait plus d’argent à cause de ses grandioses aventures impériales. Le Grand Canal – qui relie le fleuve Jaune et les bassins du Yangzi – a coûté une fortune. Même chose pour la construction de la Cité Interdite. Les revenus des expéditions n’ont pas suffi.

Et juste au moment où la Cité Interdite fut inaugurée, elle prit feu en mai 1421. Mauvais présage. Selon la tradition, cela signifie une dysharmonie entre le Ciel et le souverain, un développement en dehors de la norme astrale. Les Confucianistes l’utilisaient pour blâmer les conseillers eunuques, très proches des marchands et des élites cosmopolites autour de l’empereur. De plus, les frontières méridionales étaient agitées et la menace mongole n’a jamais vraiment disparu.

Le nouvel empereur Ming, Zhu Gaozhi, a fait la loi : « Le territoire de la Chine produit toutes les marchandises en abondance ; alors pourquoi devrions-nous acheter des bibelots à l’étranger sans aucun intérêt ? »

Son successeur, Zhu Zanji, était encore plus radical. Jusqu’en 1452, une série d’édits impériaux ont interdit le commerce extérieur et les voyages à l’étranger. Chaque infraction était considérée comme de la piraterie punie de mort. Pire encore, l’étude des langues étrangères était bannie, tout comme l’enseignement du chinois aux étrangers.

Zheng He est mort (au début de 1433 ? 1435 ?) en vrai personnage, au milieu de la mer, au nord de Java, alors qu’il revenait de la septième et dernière expédition. Les documents et les cartes utilisés pour les expéditions ont été détruits, ainsi que les navires.

Les Ming ont donc abandonné la puissance navale et sont revenus à l’ancien Confucianisme agraire, qui privilégie l’agriculture sur le commerce, la terre sur les mers, et le centre sur les terres étrangères.

Plus de retraite navale

Il faut dire que le formidable système d’affluence navale mis en place par Yong Le et Zheng He a été victime d’excès – trop de dépenses de l’État, turbulences paysannes – ainsi que de son propre succès.

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En moins d’un siècle, des expéditions de Zheng He à la retraite des Ming, cela s’est avéré être un changement de paradigme majeur dans l’histoire et la géopolitique, préfigurant ce qui allait se passer immédiatement après au cours du long 16ème siècle : l’ère où l’Europe a commencé et a finalement réussi à dominer le monde.

Une image est frappante. Alors que les lieutenants de Zheng He naviguaient sur la côte orientale de l’Afrique jusqu’au sud, en 1433, les expéditions portugaises commençaient tout juste leurs aventures dans l’Atlantique, naviguant également vers le sud, peu à peu, le long de la côte occidentale de l’Afrique. Le mythique Cap Bojador a été conquis en 1434.

Après que les sept expéditions Ming eurent sillonné l’Asie du Sud-Est et l’Océan Indien à partir de 1403 pendant près de trois décennies, ce n’est qu’un demi-siècle plus tard que Bartolomeu Dias allait conquérir le cap de Bonne-Espérance, en 1488, et que Vasco de Gama arriverait à Goa en 1498.

Imaginez un « et si » historique : les Chinois et les Portugais s’étaient croisés en terre swahilie. Après tout, en 1417, c’était le commandement de Hong Bao, l’eunuque musulman, un lieutenant de Zheng He ; et en 1498, c’était au tour de Vasco de Gama, guidé par le « Lion de la mer » Ibn Majid, son légendaire maître navigateur arabe.

Les Ming n’étaient pas obsédés par l’or et les épices. Pour eux, le commerce devait être basé sur un échange équitable, dans le cadre du tribut. Comme Joseph Needham l’a prouvé de façon concluante dans des ouvrages tels que « Science et Civilisation en Chine », les Européens voulaient des produits asiatiques bien plus que les Orientaux ne voulaient des produits européens, « et la seule façon de les payer était l’or ».

5cbec224a3104842e4aa1131.jpegPour les Portugais, les terres « découvertes » étaient toutes des territoires de colonisation potentiels. Et pour cela, les quelques colonisateurs avaient besoin d’esclaves. Pour les Chinois, l’esclavage équivalait au mieux à des tâches domestiques. Pour les Européens, il s’agissait de l’exploitation massive d’une main-d’œuvre dans les champs et dans les mines, notamment en ce qui concerne les populations noires d’Afrique.

En Asie, contrairement à la diplomatie chinoise, les Européens ont opté pour le massacre. Par la torture et les mutilations, Vasco de Gama et d’autres colonisateurs portugais ont déployé une véritable guerre de terreur contre les populations civiles.

Cette différence structurelle absolument majeure est à l’origine du système mondial et de l’organisation géo-historique de notre monde, comme l’ont analysé des géographes de premier plan tels que Christian Grataloup et Paul Pelletier. Les nations asiatiques n’ont pas eu à gérer – ou à subir – les douloureuses répercussions de l’esclavage.

Ainsi, en l’espace de quelques décennies seulement, les Chinois ont renoncé à des relations plus étroites avec l’Asie du Sud-Est, l’Inde et l’Afrique de l’Est. La flotte des Ming a été détruite. La Chine a abandonné le commerce extérieur et s’est repliée sur elle-même pour se concentrer sur l’agriculture.

Une fois de plus : le lien direct entre la retraite navale chinoise et l’expansion coloniale européenne est capable d’expliquer le processus de développement des deux « mondes » – l’Occident et le centre chinois – depuis le 15e siècle.

À la fin du XVe siècle, il ne restait plus d’architectes chinois capables de construire de grands navires. Le développement de l’armement avait également été abandonné. En quelques décennies seulement, le monde sinifié a perdu sa grande avance technologique sur l’Occident. Il s’est affaibli. Et plus tard, il allait payer un prix énorme, symbolisé dans l’inconscient des Chinois par le « siècle de l’humiliation ».

Tout ce qui précède explique pas mal de choses. Comment Xi Jinping et les dirigeants actuels ont fait leurs devoirs. Pourquoi la Chine ne veut pas faire un remix des Ming et battre en retraite à nouveau. Pourquoi et comment la Route de la Soie terrestre et la Route de la Soie Maritime sont rétablies. Comment il n’y aura plus d’humiliations. Et surtout, pourquoi l’Occident – en particulier l’empire américain – refuse absolument d’admettre le nouveau cours de l’histoire.

Pepe Escobar

source : https://asiatimes.com

traduit par Réseau International

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mardi, 12 mai 2020

LETTRE A MES AMIS(IES) PRO-CHINOIS…

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LETTRE A MES AMIS(IES) PRO-CHINOIS…

par Richard Labévière

Ex: http://prochetmoyen-orient.ch

Le terme de « pro-chinois » n’est pas forcément très adapté aux discussions récurrentes que nous avons depuis plusieurs mois – bien avant le déclenchement de la pandémie du Covid-19 – avec plusieurs de nos plus proches amis(ies), lecteurs et lectrices réguliers(ières) de votre hebdomadaire prochetmoyen-orient.ch.

Grosso modo, la moindre critique à l’encontre du modèle de développement économique de la Chine, de son système politique et de ses prétentions hégémoniques sur les plans militaire et culturel, serait infondée ou plutôt malvenue parce qu’elle pourrait être aussitôt interprétée comme un satisfecit au profit de l’hégémonie américaine. Et nos amicaux contradicteurs enfoncent le clou, invoquant un principe de nécessité absolue selon lequel, « il faut bien une alternative aux folies américaines », la Chine incarnant aujourd’hui, justement la seule alternative qui vaille…

Cette dualité a une couleur de déjà vu, nous ramenant aux plus beaux jours de la Guerre froide où il fallait absolument choisir son camp : celui du monde dit « libre » – le camp de l’Ouest tutellisé par les Etats-Unis d’Amérique ou celui du Bloc communiste sous la domination de l’URSS. De la fin de la Seconde guerre mondiale à la Chute du mur de Berlin, cette alternative a fait sens – légitimement sens – mais à d’importantes nuances près, notamment dans le contexte de la décolonisation et des soutiens nécessaires à apporter aux mouvements de libération en Asie, en Afrique, ainsi qu’aux Proche et Moyen-Orient.

Cela dit, et les compagnons de route des partis communistes s’en souviennent, la question, elle-aussi récurrente, se posait ainsi : jusqu’où pouvait-on aller trop loin « afin de ne pas désespérer Billancourt »… Prêtée à Jean-Paul Sartre, la formule sans doute apocryphe, traduit un certain état d’esprit. Tirée de Nekrassov – créée au Théâtre Antoine en 1955 -, la pièce provoque un réel malentendu : pièce à message, elle est jugée « communiste » par les anti-Communistes et « anti-communiste » par les Communistes… En fait, Jean-Paul Sartre a écrit deux répliques : « il ne faut pas désespérer les pauvres » et « désespérons Billancourt ». La contraction des deux donnera la fameuse formule qu’il n’aurait jamais dite, si elle ne lui avait pas été prêtée en mai 1968.

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Le 4 novembre 1956, 2 500 chars soviétiques interviennent en Hongrie. Le 9 novembre, dans un entretien à L’Express, Sartre dénonce « la faillite complète du socialisme en tant que marchandise importée d’URSS » et se tourne vers d’autres communismes, voulant préserver l’élan révolutionnaire de la classe ouvrière en France. Autrement dit : « Il ne faut pas désespérer Billancourt ». Il y aurait beaucoup à dire sur l’amateurisme révolutionnaire de Jean-Paul Sartre, mais ce n’est pas la question du jour. Toujours est-il qu’on connaît, au moins depuis René Descartes, les ravages des pensées dualistes qui dissocient strictement l’erreur de la vérité et inversement.

PILLAGES EN TOUS GENRES

Si, comme Spinoza, l’on cherche à remonter aux causes, il faut aller y voir… sur le terrain, ce que l’auteur de ces lignes a fait, dans la mesure de ses voyages. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan pour la Chine est plutôt effarant : coupe de la plupart des forêts du Mozambique ; destruction des fonds marins du sud de Madagascar ; trafic du bois de rose et monopole sur les réserves de crevettes. Mêmes types de prédations en Ethiopie ainsi qu’ à Djibouti où une stratégie d’endettement systémique a permis de mettre sous tutelle la souveraineté du petit Etat-portuaire.

Question : pourquoi la Chine emploie-t-elle, à l’échelle planétaire, les mêmes techniques de pillage des ressources naturelles que celles pratiquées par les Etats-Unis, le Japon, les pays européens … ? Pourquoi la Chine d’aujourd’hui reste-t-elle incapable de nous proposer un système de développement économique alternatif plus respectueux de l’environnement et d’avancées sociales qu’on serait en droit d’attendre d’un régime qui se prétend « communiste » ?

Ne parlons pas du « Crédit social », ce permis civique à points qui permet de surveiller vos moindres faits et gestes, de la traçabilité téléphonique et de l’impossibilité d’effectuer le moindre paiement en liquide… tout ça pour « surveiller et punir », pour instaurer un « panopticon » généralisé1. Bentham, Aldous Huxley et Georges Orwell sont pulvérisés par cette obsession d’un transparence sociale totale, sinon totalitaire !

Quant à la philosophie politique générale que l’empire du milieu prétend nous vendre, c’est encore plus catastrophique. On peut en goûter un échantillon avec le best-seller d’un prétendu philosophe « non-officiel » – Zhao Tingyang2 qui nous sert une soupe néo-confucéenne du genre « travail, famille, patrie ». On connaît un peu la suite… Xi Jinping nous voilà ! Du reste, le président chinois ne cesse de le répéter : son pays sera l’hyper-puissance mondiale à l’horizon 2049, date du centième anniversaire de la création de la République populaire. Nous voilà prévenus. Faut-il pour autant s’en réjouir ? C’est une autre paire de manches…

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Le 13 avril 2018, le président Xi Jinping passe en revue la marine de l’APL (Armée populaire de libération) à Sanya, dans le sud de la province insulaire de Hainan, où est notamment hébergée une base « secrète » de sous-marins nucléaires. A cette occasion, il affirme que « la nécessité pour la Chine de construire une marine forte n’a jamais été aussi urgente qu’aujourd’hui ». Des dizaines de frégates progressent en formation autour du Liaoning, le premier porte-avions chinois remodelé à partir d’un bâtiment soviétique acheté à l’Ukraine. La parade navale géante est diffusée en direct sur la télévision nationale avec les commentaires du commandant en chef des forces chinoises qui affirme « qu’aujourd’hui, la marine chinoise s’est levée à l’Est avec une toute nouvelle image ».

LE NOUVEL EMPIRE NAVAL DU MILIEU

La moitié des 48 bâtiments qui défilent a été mis en service à partir de 2012, l’année où Xi Jinping a accédé au poste de chef suprême du Parti communiste chinois et de l’APL. Une dizaine de jours après cette démonstration de force navale, le 23 avril 2018, un deuxième porte-avions, entièrement fabriqué en Chine – mais toujours selon la conception soviétique avec une piste de décollage en forme de tremplin, effectue sa première sortie d’essai au large de Dalian, dans l’Est du pays avant d’engager une mission d’endurance de plusieurs mois. Le nombre de bâtiments de guerre est estimé à plus de trois cents, les chantiers navals chinois ayant produit en quatre ans l’équivalent du tonnage de la Marine nationale française.

En comparaison avec les Américains qui entretiennent des bases militaires sans cacher leur volonté hégémonique, les Chinois le font, disent-ils, pour sauvegarder leurs intérêts et leurs approvisionnements en matières premières mais en affirmant vouloir garantir la paix dans le monde. Si Pékin ne prétend pas remplacer Washington dans son rôle de gendarme du monde, il assume néanmoins désormais ouvertement sa quête d’une puissance globale. Et dans cette volonté proclamée, la Marine chinoise s’impose comme le fer de lance d’une stratégie de long terme.

Critiques (souvent à juste raison) envers le modèle de gouvernance occidentale, la démocratie et les droits de l’homme, les Chinois veulent promouvoir un système de développement économique et de gouvernance différent de celui promu jusqu’ici par les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon voisin. A terme, l’Empire du milieu espère piloter la gestion mondiale des flux de marchandises, de personnes et d’informations à travers les infrastructures nécessaires : ports, aéroports, lignes de chemin de fer, gazoducs, câbles sous-marins, tribunaux d’arbitrage, etc. Si elle évite de théoriser son « modèle », la Chine propose des « solutions » adaptées aux problèmes des pays en recherche de développement. Même si elle dispose désormais de porte-paroles officiels de sa philosophie néo-confucéenne, la Chine évite de trop communiquer sur une prétendue supériorité idéologique, préférant jouer la carte d’un pragmatisme partagé en cherchant à monnayer ses solutions.

C’est dans cette perspective que Pékin essaie de jouer une carte Sud-Sud, même si les BRICS3 ne constituent pas à ce jour une organisation susceptible de peser efficacement sur les relations internationales. Pékin préfère multiplier des relations bilatérales suivies et des formats régionaux ad hoc comme par exemple les sommets Chine-Afrique ou les « Rencontres 16 plus un » avec les pays d’Europe centrale et orientale. Cet activisme a contribué au doublement du budget du ministère chinois des Affaires étrangères : il est passé de 30 milliards de yuan pour 2011 à plus de 60 milliards de yuan (environ 7, 5 milliards d’euros, soit à peu près le double du budget du Quai d’Orsay) en moins de cinq ans.

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Dans ce contexte, Moscou reste un partenaire très courtisé. Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, les convergences sino-russes se sont consolidées dans le cadre du Groupe de Shanghai4 et sur des dossiers cogérés comme par exemple l’avenir économique et militaire du Grand Nord arctique. Sur la plupart des grands dossiers internationaux, Pékin et Moscou, fervents défenseurs de l’égalité souveraine des Etats, partagent les mêmes positions et font preuve de compréhension réciproque. Ainsi Pékin s’est-il abstenu de tout commentaire sur les dossiers de la Crimée et de l’Ukraine, tandis que Moscou n’a jamais condamné les violations chinoises du droit maritime international en mer de Chine méridionale, tout particulièrement dans les zones contestées des îles Spratley et Paracels.

La Chine a progressivement fait de la Russie son premier partenaire sécuritaire devant le Pakistan. « De 1992 à 2016, pas moins de 3 200 officiers chinois ont été formés à Moscou. Le régime communiste coopère depuis 2005 avec son voisin dans le cadre de l’organisation de Shanghai. Cette plateforme est particulièrement utile en Asie centrale, une région sous la menace islamiste. Des exercices maritimes conjoints sont également conduits chaque année depuis 2012, alternativement sur les côtes russes et chinoises »4.

Visiblement, Pékin cherche à restructurer la gouvernance mondiale dans une direction clairement anti-occidentale, en souhaitant associer Moscou pour y parvenir. De son point de vue, la Chine estime que la période lui est favorable et que le temps travaille pour sa prétention à devenir la première puissance mondiale à l’horizon 2049. Mais ce présage n’est pas aussi doux que les petits matins légers… Au contraire, elle génère des coûts politiques, sociaux et environnementaux très élevés, quand bien même cet envers du miracle chinois est rarement médiatisé – pour ne pas dire sévèrement censuré.

LA GUERRE HORS LIMITES

Le 8 mai 1999, l’ambassade de Chine à Belgrade est atteinte par plusieurs missiles américains. Qualifié « d’erreur » par Washington, l’événement est aussitôt ressenti comme une agression délibérée… à juste titre. Trois mois plus tôt paraissait à Pékin La Guerre hors limites5, rédigé par Qio Liang, colonel de l’Armée de l’air, directeur adjoint du Bureau de la création au Département politique de l’armée de l’Air et membre de l’Union des écrivains de Chine, et Wang Xiangsui, colonel de l’Armée de l’air et commissaire politique adjoint de division.

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La rédaction de cet ouvrage est à replacer dans le contexte national et international des années 1990, marquées par trois événements traumatiques : la répression des manifestations de la place Tian’anmen en juin 1989 ; la chute du Mur de Berlin et l’effondrement du bloc communiste quelques mois plus tard ; et enfin la deuxième guerre du Golfe menée l’année suivante en Irak pour « libérer » le Koweït. Les Etats-Unis s’imposaient alors comme la seule superpuissance, notamment dans le domaine militaire. Tirant les leçons des opérations de la coalition occidentale dirigée par les Etats-Unis en Irak, les analystes de l’armée chinoise, dont nos deux auteurs, considéraient alors la puissance américaine écrasante comme une menace. Ainsi, il devenait urgent de réduire d’une manière ou d’une autre le retard chinois afin de combler l’écart stratégique, non seulement avec les Etats-Unis, mais plus globalement avec l’Occident.

Entre fascination et rejet, la culture stratégique américaine constitue le repoussoir, sinon l’anti-modèle de nos deux auteurs. Celle-ci est comprise comme le cœur de la politique étrangère de Washington, qui s’appuie d’abord sur la supériorité technologique militaire. Ainsi les guerres américaines successives cherchent-elles l’anéantissement de l’adversaire pour atteindre une victoire politique sans partage : la supériorité matérielle est perçue comme la clef du succès, restant toutefois tributaire des contraintes budgétaires.

Aux antipodes de cette approche « mécaniste », la culture stratégique chinoise privilégie les chemins de la ‘guerre indirecte’ inspirée de Sun Tzu6, théoricien de la victoire sans combat. Traditionnellement, les stratèges chinois lient la suprématie à la pensée humaine, à la pratique de la dissimulation et de la ruse au point de mépriser la force et les machines. La puissance du raisonnement doit l’emporter sur toute autre considération et le concept basique des Routes de la soie et du Collier de perles – le civil d’abord, le militaire après – s’inscrit dans cette même filiation.

Nos auteurs théorisent et modernisent cet héritage qui en dernière instance, ne diffère pas fondamentalement de la doctrine des néo-conservateurs américains et des nouveaux principes issus de la Révolution dans les affaires militaires7, optimisant eux-aussi la ruse, la dissimulation et la sous-traitance à des opérateurs privés. Michel Jan8, qui a préfacé l’édition française de La Guerre hors limites, souligne que les auteurs « englobent aussi dans leur analyse, parfois prémonitoire, les actes hostiles menés depuis la fin de la Guerre froide sous toutes les formes, dans tous les domaines, économiques, financiers, religieux, écologiques, etc. Une telle combinaison de plus en plus complexe d’actes de guerre dépasse les limites habituelles des conflits menés jusqu’à une période récente uniquement par les militaires ».

En conclusion de leur manuel, les colonels Qio Liang et Wang Xiangsui ont l’avantage d’annoncer la couleur : « Pour la guerre hors limites, la distinction entre champ de bataille et non-champ de bataille n’existe pas. Les espaces naturels que sont la terre, la mer, l’air et l’espace sont des champs de bataille ; les espaces sociaux que sont les domaines militaire, politique, économique, culturel et psychologique sont des champs de bataille ; et l’espace technique qui relie ces deux grands espaces est plus encore le champ de bataille, où l’affrontement entre les forces antagoniques est le plus acharné. La guerre peut être militaire, paramilitaire ou non militaire ; elle peut recourir à la violence et peut être aussi non-violente ; elle peut être un affrontement entre militaires professionnels ainsi qu’un affrontement entre les forces émergentes principalement constituées de civils ou de spécialistes. Ces caractéristiques marquent la ligne de partage entre la guerre hors limites et la guerre traditionnelle, et elles tracent la ligne de départ des nouvelles formes de guerre ».

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Ils ajoutent : « En outre, il est urgent que nous élargissions notre champ de vision concernant les forces mobilisables, en particulier les forces non militaires. A part diriger l’attention comme par le passé sur les forces conventionnelles, nous devrions porter une attention spéciale à l’emploi des ‘ressources stratégiques’ intangibles comme les facteurs géographiques, le rôle historique, les traditions culturelles, le sentiment d’identité ethnique ainsi que le contrôle et l’utilisation de l’influence des organisations internationales ».

Aujourd’hui, Qiao Liang est un général de l’armée de l’air à la retraite. Professeur dans différentes universités, il est directeur du Conseil pour les Recherches sur la Sécurité Nationale et membre de l’Association des Écrivains Chinois. Sa dernière interview est parue dans une revue de Hong Kong9. Il nous livre son analyse sur le monde d’après, d’après l’actuelle pandémie :

« Je pense que l’Occident passera au moins une douzaine de mois à deux ans après l’épidémie pour réparer sa propre économie et réparer son propre traumatisme. Dans ce processus, les soi-disant responsabilités et revendications envers la Chine sont toutes fantaisistes, et finiront par disparaître face à une situation post-épidémique plus grave. La Chine devrait avoir suffisamment confiance en elle pour savoir que tant qu’elle pourra rester suffisamment forte et maintenir avec ténacité ses capacités de production, personne ne pourra lui porter atteinte.

Quand les États-Unis sont forts, qui peut les accuser de la propagation du sida ? Les gens n’ont pas accusé les États-Unis parce que les forces expéditionnaires américaines ont apporté en Europe la grippe qui a éclaté aux États-Unis à la fin de la Première Guerre mondiale et qui a finalement été appelée grippe espagnole. Pourquoi personne n’a mis en cause les États-Unis ? C’était à cause de la force des États-Unis à cette époque. Tant que la Chine restera forte et se renforcera, personne ne pourra la faire tomber avec des prétendues revendications de responsabilité. La Chine devrait avoir confiance en elle ». Sans commentaire…

LE DROIT A LA DIALECTIQUE

Si les pays de l’Union européenne (UE) – dont la France – n’étaient pas toujours aussi à plat ventre devant les Etats-Unis, s’ils étaient un tant soit peu capables d’œuvrer à l’émergence d’une Europe indépendante, sinon souveraine, ils feraient affaire avec la Russie – géographiquement et culturellement européenne. Héritage d’une quarantaine d’années de Guerre froide, Washington continue à pousser Moscou dans les bras de la Chine… Quelle erreur ! Le plus navrant, c’est que nos dirigeants actuels en rajoutent, sans parler de la patronne de l’UE – la pétulante Ursula von der Leyen – qui vient, en pleine crise du Covid-19, de signer un accord du monde d’avant, un accord de « libre-échange » avec le Mexique qui inquiète diablement nos agriculteurs ! Encore bravo ! Décidément, ces gens n’ont rien compris, ne comprennent rien et continuent à nous imposer leurs obsessions de course au pognon…

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Un dernier mot à propos du Covid-19 : prochetmoyen-orient.ch respecte trop ses lecteurs pour parler comme Donald Trump d’un « virus chinois »10. Cela dit, ce « truc » ne tombe pas du ciel par une corde à foin et il faudra bien reconstituer son histoire et sa filiation pour comprendre ce qui s’est passé, pour éviter de répéter les mêmes erreurs et pour mettre en place quelques outils multilatéraux susceptibles d’endiguer d’autres pandémies de ce genre, qui peuvent revenir…

Alors les amis, détendez-vous ! Ce n’est pas parce qu’on adresse questions et critiques à l’encontre de la Chine actuelle qu’on accepte fatalement de revenir se jeter dans les bras de l’impérialisme yankee. En tout cas, ce n’est certainement pas à nous qu’il faut adresser ce genre de reproche !

Dernièrement un ahuri nous a envoyé un message furax, annonçant son « désabonnement » de prochetmoyen-orient.ch, nous mettant en demeure de répondre à cette question (nous citons) : « pour qui roulez-vous, pour Mélenchon ou pour Marine Le Pen ? ». Nous avons répondu poliment que nous ne « roulions » pour personne (si, pour la France) et que prochetmoyen.orient.ch tenait, par-dessus tout, à sa ligne éditoriale « pluraliste », pour essayer – modestement – de comprendre certains problèmes de notre monde, de celui d’avant et de celui d’aujourd’hui, en ouvrant quelques perspectives pour la suite.

Evidemment, avant que ce genre d’ignorants comprennent que notre volonté de compréhension, forcément dialectique, ne peut se contenter d’un dogmatisme « dualiste », les poules auront des dents…

Malgré tout, bonne lecture et à la semaine prochaine. Continuez d’observer la devise de Spinoza – Caute -, prudence !

Richard Labévière
11 mai 2020

Notes:

1 Inventée à la fin du XVIIIe siècle par le philosophe anglais Jeremy Bentham (1748-1832), le « Panopticon », cette « maison d’inspection » – où l’on peut tout voir sans être vu – n’est pas exclusivement réservée aux détenus. Dans Panopticon, son livre paru en 1791, le penseur britannique estime que ce système peut également s’appliquer à d’autres lieux de « surveillance ». 
2 Zhao Tingyang : Tianxia, tout sous un même ciel. Editions du Cerf, mars 2018.
3 BRICS est un acronyme anglais pour désigner un groupe de cinq pays qui se réunissent depuis 2011 en sommets annuels : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

4 L’Organisation de coopération de Shanghai est une structure intergouvernementale régionale asiatique qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Elle a été créée à Shanghai les 14 et 15 juin 2001 par les présidents de ces six pays.
4
5 Qio Liang et Wang Xiangsu : La Guerre hors limites. Editions Payot&Rivages, 2003.
6 Sun Tzu est un général chinois du VIᵉ siècle av. J.-C. Il est surtout célèbre en tant qu’auteur de l’ouvrage de stratégie militaire le plus ancien : L’Art de la guerre.
7 Le concept de Révolution dans les affaires militaires ( RAM ) est une doctrine sur l’avenir de la guerre qui privilégie les progrès technologiques et organisationnels. La RAM affirme que de nouvelles doctrines, stratégies, tactiques et technologies militaires ont conduit à un changement irrévocable dans la conduite de la guerre. Spécialement liée aux technologies modernes de l’ information, des télécommunications et de l’ espace, la RAM a guidé une profonde transformation et une intégration totale des systèmes opérationnels de l’armée américaine.
8 Michel Jan est un écrivain français, né le 30 juin 1938 à Brest. Militaire de carrière (Armée de l’Air) et sinisant, il s’est spécialisé dans les relations internationales et l’Extrême-Orient, avec un intérêt particulier pour les régions des marches de l’empire chinois.
9 Le Général Qiao Liang est interviewé par les reporters Wei Dongsheng et Zhuang Lei dans le numéro de mai 2020 du magazine Bauhinia (Zijing), revue chinoise (pro-gouvernementale) publiée à Hong Kong.
10 Voir l’article de Guillaume Berlat : « P4 » DE WUHAN : UN SCANDALE D’ÉTAT ? prochetmoyen-orient.ch du 4 mai 2020.

lundi, 11 mai 2020

Le Groenland : territoire à vendre ?

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Le Groenland : territoire à vendre ?

En août 2019, le président américain Donald Trump affirme vouloir acheter le Groenland au Danemark. Derrière l’attitude cavalière et le ton proche de la plaisanterie, la proposition, plus sérieuse qu’il n’y paraît, révèle de nombreux enjeux économiques et géopolitiques, indices de l’intérêt croissant que suscite l’Arctique.

La proposition n’est pas si saugrenue de la part des États-Unis, dont l’expansion doit historiquement beaucoup à l’acquisition de territoires (la Louisiane à la France en 1803, la Floride à l’Espagne en 1819, l’Alaska à la Russie en 1867). Mais pourquoi Donald Trump s’intéresse-t-il à cet immense territoire peu peuplé (2,16 millions de kilomètres carrés pour 55 992 habitants au 1er janvier 2019) ? Une partie de la réponse réside dans les énormes richesses dont regorge le Groenland, qu’il s’agisse des minerais (cuivre, zinc, fer, diamant, or, titane, uranium) ou des hydrocarbures offshore, lesquels ne sont toutefois pas assez concentrés pour en permettre une exploitation rentable vu le coût élevé de l’extraction dans les conditions extrêmes du milieu arctique. D’autres acteurs les convoitent, à l’instar de la Chine, qui a des visées sur les terres rares, une matière première dont elle est la première importatrice mondiale, et dont le Groenland abrite 12 à 25 % des réserves mondiales. Ces ressources sont encore peu exploitées puisque 85 % des recettes d’exportations de ce territoire autonome dépendant du Danemark sont issues des produits de la pêche.

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Pourtant, l’intérêt des États-Unis est plus stratégique qu’économique. Entre Europe et océans Arctique et Atlantique, le Groenland a une situation aussi importante que l’Alaska, autre porte de l’Arctique, et qui a justifié par le passé deux tentatives d’achat, en 1867 et en 1946. Les États-Unis disposent d’ailleurs d’installations militaires de premier plan sur ce territoire, avec la base de Thulé, dans le nord-ouest, et des équipements de surveillance spatiale. Cette proposition de Donald Trump s’inscrit donc dans les nouvelles orientations de la stratégie américaine, révélant le regain d’intérêt de l’Arctique pour la première puissance mondiale.

Les États-Unis cherchent à réinvestir la région face à la réémergence russe et aux appétits chinois, comme en témoigne en septembre 2019 la visite du vice-président américain, Mike Pence, en Islande. Déjà, en mai 2019, le secrétaire d’État, Mike Pompeo, avait tenu un discours agressif contre la volonté supposée de la Russie et de la Chine de s’approprier la région, un ton surprenant pour une réunion du Conseil de l’Arctique, le forum intergouvernemental regroupant les États riverains de l’Arctique, plutôt caractérisé par la coopération que par le conflit.

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Cette proposition a pourtant peu de chances d’aboutir, un achat nécessitant l’accord du Parlement groenlandais (l’Inatsirartut, Chambre monocamérale de 31 membres), certes autonome du Danemark auquel il est rattaché, mais qui lui assure une grande partie du financement de son fonctionnement, à hauteur de 500 millions d’euros annuels. Le poids des partis indépendantistes rend improbable le choix d’une nouvelle tutelle pour un territoire qui recherche plutôt les moyens de son indépendance, aussi bien politique qu’économique. 

samedi, 09 mai 2020

Quand le Covid-19 contamine le "Pacte du Quincy"...

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Quand le Covid-19 contamine le "Pacte du Quincy"...

par Richard Labévière

Ex: http://prochetmoyen-orient.ch

Le président des Etats-Unis ne conseille pas seulement aux victimes du Covid-19 de se désinfecter les poumons à l’eau de javel, il menace aussi ses grands amis saoudiens de retirer toutes ses troupes de la péninsule arabique, si Riyad ne cesse pas sa guerre des prix du pétrole, de connivence avec la Russie. Dans un appel téléphonique au prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (MBS) – début avril -, Donald Trump a expliqué, en substance, que les pays producteurs devaient réduire l’offre mondiale de pétrole en raison de l’effondrement de la demande consécutive à la pandémie du Covid-19.

Au cours de la conversation téléphonique, Donald Trump aurait à peu près tenu ce langage à MBS : à moins que les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole ne réduisent leurs productions, je ne pourrai empêcher la Chambre des Représentants et le Sénat d’adopter une loi décidant le retrait des soldats américains qui assurent la protection de la monarchie wahhabite.

Apparemment, le prince héritier n’en a pas cru ses oreilles, à tel point – selon Reuters – qu’il aurait demandé à ses collaborateurs de quitter la salle afin de poursuivre la conversion en privé… Le téléphone raccroché, le locataire de la Maison blanche a aussitôt « tweeté » qu’il espérait que le « chef de facto » du royaume réduise la production saoudienne de plusieurs millions de barils !

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Verbatim : « je viens de parler à mon ami MBS d’Arabie saoudite, qui a parlé avec le président Poutine et je m’attends à ce qu’il réduise d’environ 10 millions de barils/jour la production saoudienne et peut-être beaucoup plus. Si cela arrive, cela sera bénéfique pour l’industrie du pétrole et du gaz… ». Dans un « tweet » suivant, il a ajouté : « Si l’Arabie saoudite pouvait diminuer sa production de 15 millions de barils/jour, ce serait une grande et bonne nouvelle pour tout le monde ».

Après avoir déchiré l’accord de la COP-21 de Paris sur le réchauffement climatique, l’accord sur le nucléaire iranien ( signé en format 5 plus un :les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne) du 15 juillet 2015 à Vienne obtenu après quinze ans d’âpres négociations, celui sur les missiles de portée intermédiaire, suspendu le financement de plusieurs agences de l’ONU dont l’OMS tout récemment, fragilisant ainsi toutes espèces d’approches et de négociations multilatérales, Donald Trump donne un sérieux coup de canif à l’un des principaux piliers de la diplomatie américaine en vigueur depuis la fin de la Seconde guerre mondiale : le Pacte du Quincy.

UN PACTE HISTORIQUE DE 75 ANS

Au retour de la conférence de Yalta (14 février 1945), le président des Etats-Unis Franklin Roosevelt convoque le roi Ibn Séoud – le fondateur du royaume d’Arabie saoudite – à bord du croiseur lourd USS-Quincy (CA-71) qui mouille dans le lac Amer, au beau milieu du canal de Suez.

Débattant d’abord de la colonisation juive en Palestine, Roosevelt cherche à obtenir l’appui du roi saoudien en faveur de l’établissement du « foyer national juif en Palestine » que le Royaume-Uni a promis au baron Rothschild par la Déclaration Balfour (2 novembre 1917). Face à un refus catégorique du monarque wahhabite, la discussion glisse ensuite sur la Syrie et le Liban afin d’écarter définitivement la France de ces deux pays.

Enfin, les deux chefs d’Etat abordent la question de l’avenir de la dynastie saoudienne et du pétrole arabe. Traumatisée par le blocus japonais de la Seconde guerre mondiale qui a coupé les Etats-Unis d’un accès aux matières premières – gaz, pétrole et caoutchouc -, la Maison blanche considère désormais que ce type d’approvisionnement relève de la sécurité nationale. Profitant des incertitudes qui pèsent sur l’avenir de la famille Saoud – qui n’a aucune légitimité à gérer les lieux saints de l’Islam (La Mecque et Médine) face à la dynastie historique des Hachémites – Roosevelt propose un premier marchandage « pétrole contre sécurité ». Autrement dit, laissez les compagnies pétrolières américaines exploiter les plus grandes réserves d’hydrocarbures du monde. En contrepartie, les Etats-Unis d’Amérique protégeront le maintien en place et la reproduction de votre dynastie ploutocrate…

ibn-seoud-635677-264-432.jpgL’historien français Jacques Benoist-Méchin (1901 – 1983) relate avec une grande précision comment les deux chefs d’Etat ont noué ce marchandage du siècle. Le résultat de cette discussion s’articule en quatre points : 1) la stabilité de l’Arabie saoudite fait partie des « intérêts vitaux » des États-Unis qui assurent, en contrepartie, la protection inconditionnelle de la famille Saoud et accessoirement celle du Royaume contre toute menace extérieure éventuelle ; 2) par extension, la stabilité de la péninsule arabique et le leadership régional de l’Arabie saoudite font aussi partie des « intérêts vitaux » des États-Unis ; 3) en contrepartie, le Royaume garantit l’essentiel de l’approvisionnement énergétique américain, la dynastie saoudienne n’aliénant aucune parcelle de son territoire. 

Aramco, à l’époque américaine, bénéficie d’un monopole d’exploitation de tous les gisements pétroliers du royaume pour une durée d’au moins soixante ans ; 4) les autres points portent sur le partenariat économique, commercial et financier saoudo-américain ainsi que sur la non-ingérence américaine dans les questions de politique intérieure saoudienne. La durée de cet accord est prévue pour une durée de 60 ans. Ce pacte a été renouvelé pour une nouvelle période de 60 ans, le 25 avril 2005 lors de la rencontre entre le président George W. Bush et le prince héritier Abdallah à Crawford (Texas).

Auparavant dès 1933, le roi wahhabite avait déjà concédé à la Standard Oil of California (SOCAL) une concession de 60 ans concernant l’est de l’Arabie saoudite, concession partagée avec la Texas Oil Company (Texaco) à partir de 1936. Le même accord est étendu en superficie en 1938, intégrant en 1948 la Standard Oil of New Jersey (Esso) et la Standard Oil of New York (Socony) au sein de l’Aramco. Les promesses verbales de Roosevelt concernant le « foyer national juif » – renouvelées par écrit dans une lettre datée du 5 avril 1945 – seront actées par le président Truman, qui va favoriser la fondation d’Israël en 1948.

Depuis la signature de ce pacte, le Pentagone dispose d’unités de ses services spéciaux déployées dans l’ensemble de la péninsule arabique, assurant aussi le fonctionnement d’un véritable « pipeline » pour transférer à prix d’or noir des cargaisons d’armements parmi les plus sophistiqués dont les Saoudiens ne savent pourtant pas se servir, nombre de cargaisons sous emballages plastiques restant dans des entrepôts sous haute surveillance…

Mais cet accord permet surtout aux troupes américaines d’occuper et de « protéger » la reproduction de la ploutocratie wahhabite, favorisant ses initiatives diplomatiques, religieuses et militaires visant l’Iran chi’ite et la prétention géopolitique d’une domination sans partage de l’ensemble des mondes musulmans. Comme l’ont souligné de nombreux chercheurs comme Faouzi Skali et Alain Chouet1, cette politique américaine a favorisé une « wahhabisation » des islams d’Asie et d’Afrique, favorisant aussi l’expansion de l’Islam radical et du terrorisme, également en Europe et en France.

LA FIN DU PETROLE DE SCHISTE AMERICAIN

Selon une note blanche d’un service européen de renseignement : « plusieurs entreprises avaient pris l’engagement d’acheter une grande quantité de pétrole brut West Texas Intermediate à un certain prix. Le prix proposé par les vendeurs semblait bon marché au moment de la signature des contrats. La date de règlement des contrats était le 21 avril 2020. Mais cette fois, les vendeurs ont insisté pour livrer physiquement le pétrole aux acheteurs avant le paiement. Cela a posé un problème. Les acheteurs n’avaient pas la capacité de stockage nécessaire pour accepter le pétrole qu’ils avaient acheté il y a plusieurs mois. Ils ne pouvaient le stocker nulle part. La seule solution était de vendre immédiatement à quelqu’un d’autre. Mais personne n’était intéressé. Tous avaient déjà rempli leurs capacités de stockage. Les sociétés qui avaient l’obligation d’accepter le pétrole des producteurs ont alors proposé de payer d’autres personnes pour prendre leur pétrole. Lorsque le prix a commencé à être négatif, la décision a été prise de proposer un stockage supplémentaire à moins 50 dollars. Finalement, le contrat d’option de Mai du West Texas Intermediate a été clôturé à moins 37 dollars ».

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Pour la première fois de leur histoire, les contrats à terme sur le pétrole West Texas Intermediate (WTI) se sont négociés en valeur négative sur le New York Mercantile Exchange (Nymex) et le brut américain prévu à la livraison en Mai a perdu 55,90 dollars en une journée pour clôturer à moins 37,63 dollars le baril ! Cette chute vertigineuse est en partie le résultat de la liquidation forcée sur le marché à terme « à tout prix ». En fait, l’effondrement des prix s’explique par l’accroissement des cargaisons bloquées par les raffineries qui réduisent leur production, puisqu’elles ne peuvent vendre leurs produits sur un marché où la demande s’est asséchée à cause de la propagation de la pandémie du Covid-19. Le prix négatif élevé « signifie que le stockage est au maximum de ses capacités », a déclaré Albert Helmig, PDG de la société de conseil Grey House et ancien vice-président du Nymex.

La plupart des grands pays consommateurs sont encore en situation de confinement. Le trafic aérien mondial a diminué de plus de 80 % et la demande d’essence et d’autres produits pétroliers raffinés est faible. Conséquence structurelle majeure pour l’économie américaine : les producteurs de pétrole de schiste ont déjà réduit une partie de leur production, mais ils devront la réduire encore beaucoup plus. Le nombre de plates-formes pétrolières et gazières américaines en activité est passé de plus de 1 000 l’année dernière à 529, la semaine dernière. Elle pourrait tomber en dessous d’une centaine durant les prochaines semaines.

La production de pétrole de schiste nécessite un prix du baril à environ 45 dollars. Actuellement, aucun producteur américain de pétrole de schiste ne peut atteindre ce prix plancher. Tous sont déjà très endettés et envisagent de fermer leurs puits. Une fois fermés, les puits ont tendance à se boucher et nécessiteront d’importants travaux coûteux pour être réouverts. Dans ces conditions, il est peu probable qu’ils soient de nouveau rentables au cours des deux à cinq prochaines années, voire jamais, puisqu’il n’y a aucune raison de s’attendre à ce que le pétrole brut atteigne à nouveau son précédent pic aux environs de 100 dollars le baril.

Aujourd’hui, la dette totale des producteurs américains de pétrole de schiste est estimée à plus de 200 milliards de dollars. Selon certains experts, cette situation pourrait même engendrer un effondrement du système bancaire américain et la situation de l’Arabie saoudite aggrave ces perspectives !

LA DICTATURE WAHHABITE FRAGILISEE

En effet avec le Covid-19, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour la dictature wahhabite : exacerbation des tensions régionales, enlisement saoudien dans le conflit yéménite (depuis 2015) et guerre des prix du pétrole liée à la récession amorcée par la pandémie.

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Avec un prix du baril qui plafonne aux alentours de 20 dollars depuis Mars, Riyad devrait connaître un accroissement de son déficit budgétaire, déjà estimé à hauteur de 6,6 % de son PIB pour 2020. Début avril, la monarchie a demandé aux agences d’État d’amputer leur budget en cours d’au moins 20 % pour faire face à la baisse du prix du baril. Le budget 2020 avait déjà été revu à la baisse avec une réduction de 8 % des dépenses. En fait, l’Arabie saoudite a besoin d’un prix du pétrole d’au moins 85 dollars le baril pour équilibrer le déficit budgétaire de son gouvernement et d’au moins 50 dollars le baril pour équilibrer les comptes courants. Selon plusieurs prévisionnistes, ces deux déficits vont s’aggraver par rapport au prix actuel du pétrole et le déficit budgétaire notamment sera beaucoup plus important, au moins à hauteur de 15 % du PIB.

L’impact économique du Covid-19 remet en question certaines perspectives du plan « Vision-2030 », en particulier les plans pour NEOM – mégalopole du futur qui devait s’installer dans le Nord-Est saoudien. Les nouvelles politiques du « divertissement » et du « tourisme », pierres angulaires initiales du plan, seront fortement impactées, sinon abrogées.

La dictature wahhabite se trouve ainsi dans une situation très délicate qui n’est pas sans conséquences politiques et géopolitiques. Riyad se retrouve de plus en plus isolé, du moins avec des alliés sur lesquels elle ne peut plus systématiquement compter, dans un environnement toujours plus hostile. Cette évolution explique partiellement pourquoi depuis quelques mois la dictature wahhabite essaie de jouer l’apaisement avec Téhéran et cherche une porte de sortie à la guerre au Yémen.

MBS lui-même a dû revoir à la baisse ses ambitions de transformer la monarchie et de devenir le leader incontesté du monde sunnite. Dans cette conjoncture, il durcit le régime et réprime toute personne ou organisation susceptible de contester son pouvoir personnel. Accusés de trahison, quatre membres de la famille royale ont été arrêtés le mois dernier, dont le dernier frère vivant du roi Salmane – Ahmad ben Abdelaziz – et l’ancien prince héritier Mohammad ben Nayef.

Toujours à cause du Covid-19, la suspension « temporaire » de la omra (le petit pèlerinage) et la possible annulation du hajj (le grand pèlerinage annuel à La Mecque), sont d’autres défis. La défection des quelque deux millions de pèlerins qui étaient attendus en Juillet prochain risque d’affecter la légitimité des Saoud, censés être gardiens des lieux saints. On peut en tout cas s’attendre à une recrudescence d’attaques politiques ciblant personnellement MBS.

MBS avait aussi beaucoup misé sur le prochain G-20 qui devrait se dérouler à Riyad en Novembre prochain. Celui-ci risque d’être annulé ou de se tenir par visioconférence. Mais la dictature wahhabite devra affronter une échéance encore plus décisive avec l’élection présidentielle américaine. Alors que la monarchie pâtit d’une image de plus en plus négative aux Etats-Unis, particulièrement dans le camp démocrate, le prince-héritier devrait beaucoup prier pour une nouvelle victoire de Donald Trump. Dans le cas contraire, le cauchemar pourrait s’avérer de plus grande ampleur pour la dynastie des Saoud.

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LE RETOUR DE L’IRAN ?

La Maison Blanche a déchiré l’accord sur le nucléaire iranien le 8 mai 2018. La semaine dernière, Le New York Times indiquait que les États-Unis veulent maintenant y revenir : « Le secrétaire d’État Mike Pompeo prépare une singulière volte-face affirmant que les États-Unis sont toujours partie prenante à l’Accord nucléaire iranien auquel le président Trump a pourtant renoncé, dans le cadre d’une stratégie complexe visant à faire pression sur le Conseil de sécurité des Nations unies pour qu’il prolonge un embargo sur les armes à destination de Téhéran ou qu’il impose de nouvelles sanctions beaucoup plus sévères contre ce pays… ».

Dans cette perspective, Mike Pompeo est en train de bricoler un plan qui ne peut qu’inquiéter les pays européens : les États-Unis prétendent, en substance, qu’ils restent légalement « partie-prenante » de l’accord nucléaire – mais seulement pour invoquer un « retour à la case départ » qui permettrait de rétablir les sanctions de l’ONU contre l’Iran, les mêmes qui étaient en vigueur avant l’accord. Si l’embargo sur les armes n’est pas renouvelé, les États-Unis feraient valoir leur « droit » de pays membre originel de l’accord. Cette mesure obligerait à rétablir le large éventail de sanctions qui interdisaient les ventes de pétrole et les arrangements bancaires avant l’adoption de l’accord en 2015. L’application de ces anciennes sanctions serait, en théorie, contraignante pour tous les membres des Nations unies.

Désormais pris à son propre piège, l’administration américaine cherche non seulement à imposer de nouvelles sanctions à l’Iran, mais veut forcer Téhéran à renoncer à toute prétention de préserver l’accord de l’ère Obama. Ce n’est qu’en le brisant « de l’intérieur », disent plusieurs hauts fonctionnaires américains, que l’ayatollah Ali Khamenei et le président Hassan Rouhani seraient contraints de négocier un tout nouvel accord conforme aux intérêts de Donald Trump qui a fait de ce dossier l’un de ses principaux arguments électoraux pour l’élection présidentielle de novembre prochain.

Le plan Pompeo ne peut fonctionner. Il n’y aura pas de « retour à la case départ » pour les sanctions et l’Iran s’en tiendra à l’accord. L’option de retour à la case départ fait partie du mécanisme de règlement des différends prévu aux articles 36 et 37 de l’accord. Le site UN Dispatch en donne une brève description : « L’accord … crée un panel de huit membres, appelé « Commission conjointe », qui servira de mécanisme de résolution des litiges. Les membres de ce panel sont les cinq membres du Conseil de sécurité ayant le droit de veto, plus l’Allemagne, l’Iran et l’Union européenne. Il y a huit membres au total. Si une majorité estime que l’Iran a triché, la question est renvoyée au Conseil de sécurité. Aucun pays ne dispose d’un droit de veto ».

Selon l’accord nucléaire le Conseil de sécurité ne peut imposer de nouvelles sanctions. En fait, le Conseil de sécurité doit décider s’il continue ou non à lever les sanctions en vigueur. S’il ne le fait pas, les anciennes sanctions restent en vigueur. Ce cadre évite la perspective d’un veto russe et garantit que si les pays occidentaux pensent que l’Iran triche, les sanctions seront automatiquement réimposées.

Les États-Unis ne participent plus à la « commission conjointe » et ne peuvent donc pas déclencher le processus. Il n’y aura pas non plus de majorité pour soumettre le désaccord au Conseil de sécurité des Nations unies. Dans sa résolution 2231, le Conseil de sécurité des Nations unies a également établi que seuls les participants à l’accord peuvent déclencher un processus de retour en arrière. Le fait que les États-Unis déclarent aujourd’hui être toujours un « État participant » à l’accord sera considéré comme une véritable farce par tous ceux qui se souviennent des remarques de l’administration Trump concernant la décision d’en sortir ! Un diplomate européen de haut rang a déjà rejeté « le plan Pompeo », estimant que celui-ci « était parfaitement farfelu, irréaliste et indécent. On ne peut pas piétiner à longueur de journée le multilatéralisme et, en même temps, lui imposer des virages à 360 degrés ! ».

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L’article du New York Times conclut : « la stratégie de l’administration pourrait bien fonctionner, même si d’autres membres des Nations unies ignoraient cette initiative. A ce moment-là, sur le papier du moins, les Nations Unies retourneraient à toutes les sanctions contre l’Iran qui existaient avant que M. Obama ne signe l’accord avec Téhéran… Pourtant, seuls les participants à l’accord peuvent déclencher un tel processus de retour à la case départ. Or, les États-Unis ne sont plus reconnus en tant que participant effectif ».

Il est peu probable que les pays européens acceptent la dernière initiative de Washington. En janvier dernier, ils ont fait savoir qu’ils déclencheraient le mécanisme de règlement des différends qui prévoit une relance des sanctions, parce que l’Iran a dépassé certaines limites de l’enrichissement d’uranium. L’Iran a répliqué en faisant valoir qu’il était toujours dans les limites de l’accord et a ensuite menacé de quitter le traité de prolifération nucléaire si les Européens continuaient dans cette voie. Depuis, on observe le plus grand silence des Européens, dont plusieurs chancelleries admettent que le bras de fer déclenché par les Américains est en train de tourner à l’avantage de l’Iran.

En effet, à force de vouloir absolument faire rendre gorge à l’Iran – et ce par les moyens les plus tordus -, Washington pousse non seulement Pékin, Moscou et Ankara à soutenir davantage Téhéran, mais aussi les pays européens à se dissocier de cet objectif qui tourne à l’obsession. Plusieurs pays arabes – sunnites -, pas seulement le Qatar, et non des moindres, comme l’Egypte sont aussi en train de ce dissocier de cet « iran-bashing » en train de tourner à l’hystérie.

Un haut-diplomate européen qui a longtemps été en poste a Téhéran conclut : « Comment les Européens pourraient-ils accepter les dernières manipulations de Mike Pompeo alors que Washington leur crache dessus depuis plusieurs mois ! En définitive et malgré les difficultés économiques et politiques qui frappent l’Iran, il se pourrait bien que la pandémie du Covid-19 favorise, à terme, un singulier retour politique et géopolitique de Téhéran… ».

En attendant, bonne lecture. A la semaine et continuez à bien prendre soin de vous.

Richard Labévière
4 mai 2020

1 Alain Chouet : Au cœur des services spéciaux – La menace islamiste : fausses pistes et vrais dangers. Editions La Découverte, Paris, 2011.

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mercredi, 06 mai 2020

Les anglo-sionistes lancent une PSYOP stratégique contre la Chine

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Les anglo-sionistes

lancent une PSYOP stratégique

contre la Chine

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

 
Peut-être que la rengaine «C’est la faute des Russes» est devenue obsolète. Ou peut-être que les dirigeants de l’Empire ont finalement compris que la Chine était encore plus dangereuse que la Russie. Mais mon intuition personnelle est simplement que les anglo-sionistes paniquent d’avoir perdu la face « tous azimuts » avec leur gestion catastrophique – médicalement et, plus encore, politiquement – de cette crise socio-économique provoquée par la pandémie, et qu’ils pointent maintenant le doigt vers à peu près tout le monde – et même entre eux.

La Russie a joué un rôle crucial ici, car c’est dans leur guerre de communication contre elle que les dirigeants de l’Empire ont inventé ce que j’appelle maintenant les «normes de preuve Skripal», signifiant «très probable». Ce dernier principe étant subrepticement accepté par tous les Européens au nom de la «solidarité» – avec qui exactement est rarement spécifié, parfois « atlantique » – il était, dirons-nous, «naïvement raisonnable» de penser qu’il fonctionnerait à nouveau cette fois-ci. Encore une fois, personnellement, je n’en suis pas du tout sûr. Beaucoup de choses ont changé au cours des deux dernières années : non seulement les Européens ont finalement découvert à quel point le conte de fées de Skripal était complètement stupide et incroyable, mais le niveau de dégoût, et même de haine envers Trump et les États-Unis a fortement augmenté.

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De plus, la Chine a beaucoup plus à offrir à l’Europe que les États-désUnis en désintégration – alors pourquoi se ranger du côté des perdants ? Dernier point, mais certainement pas le moindre, les Européens découvriront – et certains l’ont déjà fait, que les États-Unis se soucient comme d’une guigne, non seulement des Européens ordinaires, mais même de leurs classes dirigeantes [cf le brigandage des masques contre le virus, NdT]. Aparté Une étude rapide de l'histoire montre que lorsque les élites exploiteuses se portent bien, elles se soutiennent toutes loyalement, mais lorsque les choses commencent à partir en vrille, elles se retournent immédiatement les unes contre les autres. Le meilleur exemple récent de ce phénomène est le schisme des élites dirigeantes américanistes qui, depuis l'élection de Trump, se sont immédiatement retournées les unes contre les autres et se battent désormais violemment comme des "araignées dans une boîte" (pour utiliser une expression russe).

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En fait, cette constatation est si vraie qu'elle peut même être utilisé comme outil de diagnostic très fiable : lorsque vos ennemis sont tous unis, c'est qu'ils sont probablement confiants dans leur victoire, mais dès qu'ils se retournent les uns contre les autres, vous comprenez que les choses sont très mauvaises pour eux [Théorie de la "Discorde chez l'ennemie", chère à De Gaulle, NdT]. De même, nous voyons maintenant comment les Européens du Sud se mettent vraiment en colère contre leurs «alliés de l'UE» au Nord - Macron semble s'aligner derrière Trump même s'il utilise un langage diplomatique plus prudent. Enfin, la façon dont la CIA a sa politique étrangère, le Pentagone une autre et Foggy Bottom [Affaires étrangères] la sienne - même si elle se limite aux sanctions et à la stigmatisation - vous dit à peu près tout ce que vous devez savoir pour voir à quel point en est arrivée la crise systémique de l'Empire.

Bien qu’il ne reste que très peu de gens vraiment intelligents au sein du gouvernement américain, il y en a encore beaucoup «dans les strates élevées» et il ne leur a pas fallu longtemps pour découvrir que cette pandémie était une occasion en or pour coller tous leurs propres échecs et erreurs sur le dos de la Chine. Les arguments ? Vraiment facile :
 

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LA TERREUR JAUNE DANS TOUTE SA GLOIRE

1 – La propagande anti-chinoise a une longue histoire aux États-Unis et il était vraiment facile de la rallumer.

2 – La plupart des Américains ont une réaction complètement irrationnelle au mot «communiste», il est donc très facile, pour tout organe de propagande américain de mentionner le PCC, de «mentir» dans la même phrase, et de paraître crédible, indépendamment de ce que dit la phrase – comme, par exemple, une preuve factuelle.

3 – La ploutocratie américaine est terrifiée par la puissance économique et industrielle chinoise, d’où la diffamation d’entreprises comme Huawei ou DJI qui sont déclarées menaçantes pour la sécurité nationale des États-Unis. Blâmez tout sur les Chinois et les oligarques américains vont adorer !

4 – La Chine et la Russie sont dans une relation plus profonde qu’une alliance. J’appelle cela une «symbiose» tandis que les Chinois parlent d’un «Partenariat stratégique global de coordination pour la nouvelle ère» et les Russes d’une «alliance cruciale». Les termes n’ont pas vraiment d’importance ici, ce qui compte, c’est que la Russie et la Chine sont au coude à coude contre l’Empire, c’est ce qu’ils veulent dire par «coordination», et que les tentatives américaines – certes peu nombreuses et maladroites – pour briser cette alliance ont totalement échoué.

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5 – Comme pour toute nouvelle pandémie, il a fallu du temps à la Chine pour comprendre la nature de ce qui se passait et il était extrêmement facile d’accuser celle-ci d’obscurcissement délibéré – tout en gardant à l’esprit le fait que la Chine a informé le monde dès le 31 décembre, ce qui est évidemment omis, tout comme la présence d’une délégation multinationale de l’OMS pour enquêter sur cette question. En réalité, on pourrait aussi bien accuser la Chine d’être trop ouverte en permettant à diverses estimations et hypothèses de circuler avant même que le gouvernement chinois n’ait établi tous les faits. C’est un cas parfaitement insoluble de double contrainte : condamné si vous le faites et condamné si vous ne le faites pas.

6 – La culture politique américaine est telle que 99,99% des Américains américains croiront littéralement tout mensonge, aussi stupide soit-il, concernant le reste du monde [comme ils disent si joliment !, NdT], que d’accepter toute vérité désagréable sur leur pays. Faire d’un autre pouvoir un bouc émissaire, en particulier un pouvoir communiste, provoque une réaction instinctive d’approbation de la part d’une grande majorité des Américains.

7 – Lorsque l’OMS n’a clairement pas marché dans la propagande américaine [contre la Chine], ce fut une bonne occasion pour Trump de supprimer son financement. Non seulement les États-Unis devaient déjà des millions de dollars à l’OMS, de $50 à $200 millions, selon la personne à qui vous le demandez, mais le prétexte facile pour ne pas payer était de l’accuser d’être pro-chinois. Il est évident que Trump ne voit aucune utilité à l’ONU, à part en tant que punching ball, et c’était une occasion parfaite pour s’entraîner une fois de plus.

8 – Comme pour tout événement effrayant, un véritable tsunami de rumeurs complètement non fondées, et carrément stupides, a commencé à se déverser dès qu’il a été clair qu’il s’agissait d’un événement majeur. Tout ce que la machine de propagande américaine avait à faire était de parler sérieusement de certaines de ces rumeurs, en faisant croire que les médias ne faisaient que «rapporter» plutôt qu’inventer des histoires.

9 – La Chine est également une menace majeure pour les intérêts américains en Asie, et cette pandémie a fourni à ces derniers une occasion parfaite pour présenter des rapports venant de Taïwan comme des rapports venant de Chine – c’est une vieille astuce. Quant au gouvernement taïwanais, il était plus qu’heureux de l’aubaine d’avoir un autre prétexte pour haïr la Chine, rien de nouveau ici non plus.

10 – Enfin, les économistes américains n’ont pas mis longtemps à comprendre que cette pandémie aurait un effet dévastateur sur la «meilleure économie de l’histoire de la galaxie», si bien que le fait de rejeter la faute sur la Chine est le moyen idéal pour Trump et ses maîtres néocons de dévier toute accusation lancée contre eux.

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Les récits qui ont ensuite été inventés sont vraiment magnifiques. Voici quelques-uns de mes favoris :
Le FBI dit que des États étrangers ont piraté des centres de recherche américains à la recherche de percées dans l’étude de la COVID-19. Bien que cet article pointe du doigt l’Iran, pas la Russie ou la Chine, il donne très bien le ton de «on nous attaque». Remarquez le pluriel dans «États étrangers».
Les États-Unis lancent une «enquête à grande échelle» sur le laboratoire de Wuhan.
Une étude a-t-elle prouvé que le coronavirus était une création humaine, comme le prétend un lauréat français du prix Nobel de médecine ? Excellent coup joué, il donne du pouvoir à l’argument en citant une célébrité, peu importe qu’il y ait beaucoup plus de voix crédibles disant que cette théorie est une baliverne. [Cf l’interview du Pr Montagnier sur Cnews encadré par la fine-fleur des « journalistes » atlantistes, NdSF]


Il y en a beaucoup plus, je suis sûr que vous les avez vus aussi.

Finalement, et inévitablement, cette PSYOP stratégique a fait monter les enchères et FOXnews – évidemment – a diffusé ce véritable chef-d’œuvre : «Sen. Hawley : Que les victimes du coronavirus poursuivent le Parti communiste chinois ». Vraiment, c’est génial. «J’ai perdu mon emploi, que les camarades chinois diaboliques me remboursent» est une mélodie agréable pour les oreilles de la majorité des Américains.

À l’heure actuelle, la plupart des déclarations américaines ne sont que de simples mensonges, mais comme la Chine, avec le temps, publiera finalement des données corrigées plus précises, ces statistiques mises à jour seront immédiatement interprétées comme la preuve qu’initialement les Chinois mentaient délibérément, et non pas comme le résultat des Chinois eux-mêmes obtenant progressivement une meilleure image de ce qui s’est réellement passé. Encore une fois, c’est le cas typique de double contrainte où vous êtes toujours coupable.

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Je dois mentionner qu’il y a une autre raison qui pourrait contribuer à la décision des États-Unis de rejeter la faute sur la Chine : on ne sait toujours pas d’où vient ce virus, mais une possibilité est qu’il soit originaire des États-Unis et a été amené en Chine par les Américains – que ce soit délibérément ou non n’est pas la question ici. Quant aux rapports qui prétendent que les États-Unis dissimulent délibérément l’ampleur réelle de la catastrophe aux États-Unis, ils sont ignorés.

En outre, il est maintenant douloureusement évident que les politiciens américains ont très mal apprécié la situation en commençant à dire que c’était un problème chinois ou que ce n’était « pas pire que la grippe saisonnière », ou les deux. Ce n’est que le dernier exemple de ce que j’appelle le «messianisme narcissique américain», conduisant les dirigeants à croire en leur propre propagande, pour finir par découvrir que la réalité existe toujours, et qu’elle est radicalement différente des illusions de la plupart des Américains.

Maintenant, tous ces politiciens américains – les Republicrates autant que les Démoblicains – doivent courir dans tous les sens en cherchant à planquer collectivement leurs culs. Quelle meilleure façon d’y parvenir que de rejeter la faute sur la Chine ?

Comme je l’ai dit plus haut, c’est intelligent, mais absolument pas très intelligent.


Les États-Unis sont déjà coincés dans une guerre impossible à gagner contre la Russie – comme je le rappelle toujours à tout le monde, cette guerre est à 80% communication, 15% économique et seulement 5% militaire. Ouvrir un «deuxième front» à grande échelle est logique en termes d’opportunité politique à court terme, en particulier pendant une année électorale, mais à long terme, il est voué à un désastreux échec. En fait, s’il y a quelque chose que l’histoire nous enseigne, c’est que l’ouverture d’un second front lorsque vous ne pouvez même pas gérer le premier est suicidaire. Mais qui se soucie de l’histoire, en particulier aux «États-Unis d’Amnésiques» ? Et puis, quand vous êtes en même temps exceptionnel et totalement supérieur, pourquoi voudriez-vous vous soucier de l’histoire des peuples et des nations «déplorables» ici où là ? Appelez-les simplement «fosses à purin» et agitez votre drapeau – de fabrication chinoise. C’est ce qui suffit pour «paraître présidentiel» de nos jours …

Indépendamment de tout ce qui a été dit ci-dessus, l’élan de cette campagne sinophobe est trop important pour être inversé ou arrêté. Et puisque la plupart de la classe politique américaine la soutient, cela continuera probablement même après l’élection présidentielle américaine, en supposant qu’elle ait lieu.

Pourtant, tout cela pose une question : que s’est-il vraiment passé ? Quelle est la vérité ?

La vérité est que personne ne sait vraiment. Il faudra probablement des années pour obtenir l’image complète et, plus encore, les bons chiffres. Quels chiffres corrects ? Eh bien, tous : porteurs, résistants, groupes d’âge, comorbidité, caractéristiques exactes du virus et de ses diverses mutations, efficacité des différents tests, quel médicament antiviral pourrait aider, ses effets secondaires, rôle du vaccin BCG pour aider le corps à combattre le virus, etc.

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Pour l’instant, je ne pense pas que quiconque le sache vraiment, même le pourcentage de porteurs asymptomatiques change d’ordre de grandeur en fonction de l’informateur. Bien sûr, certaines suppositions sont plus proches de la vérité que d’autres, par définition, mais il est encore très difficile de déterminer lesquelles.

Il est important de garder à l’esprit maintenant que la plupart de ce que nous voyons a très peu de rapports avec une enquête scientifique. Ce que nous voyons, c’est une tentative d’utiliser cette pandémie à des fins politiques, financières et géostratégiques.

Et s’il vous plaît, ne pensez pas que ce n’est que Trump ! N’oubliez pas ce que Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants US, disait en février !

C’était près de deux mois après que la Chine avait averti l’OMS qu’une crise majeure se préparait !

Mais Pelosi, tout comme Trump, ne pense qu’au pouvoir, à l’argent et à l’influence, pas à la sécurité des «déplorables» que les Démocrates détestent tant, comme les Républicains aussi bien sûr, mais ils ne le disent tout simplement pas aussi ouvertement que Hillary.

Quant à mesurer le respect de Trump pour ses semblables, surtout les femmes, souvenez-vous simplement de son conseil : il suffit de «les attraper par la chatte».

Ensuite, il y a un autre risque très réel : alors que la situation empire de plus en plus aux États-Unis et, en particulier, pour la réélection de Trump, il pourrait bien décider de faire ce que beaucoup de politiciens font dans une telle situation : déclencher une grande guerre. Avant la pandémie, les États-Unis n’avaient clairement pas les cojones pour déclencher une guerre contre l’Iran, mais maintenant que la pandémie paralyse l’économie mondiale et que tous les côtés abjects du système capitaliste transnational deviennent évidents, je ne mettrais pas Trump à l’abri de l’idée de commencer une guerre contre l’Iran juste pour dévier les nombreuses accusations portées contre lui. L‘Idiot en chef a maintenant ordonné aux forces de l’US Navy, au large des côtes de l’Iran, de – sans blaguer – « abattre et détruire » toute vedette iranienne armée qui « harcèlerait » l’US Navy.

Apparemment, il ne comprend toujours pas que si un navire de l’US Navy exécutait un tel ordre, il se retrouverait immédiatement face à un essaim de missiles anti-navires iraniens. De toute évidence, son narcissisme messianique et sa mégalomanie enragée ne permettent tout simplement pas à Trump de comprendre que les Iraniens existent pour de vrai, qu’ils sont sérieux, et que, contrairement aux États-Unis, ils ont soigneusement étudié les conséquences de toute guerre contre les États-Unis et bien qu’ils ne provoqueront jamais délibérément une telle guerre, ils la combattront si nécessaire, avec une énergie infiniment plus forte que les États-Unis. Aparté Comme un politicien américain typique agitant le drapeau, Trump pense probablement que si tout va mal pour eux, les États-Unis pourront atomiser l'Iran et l'emporter. Il a raison sur le premier point, mais complètement tort sur le second. Si des armes nucléaires sont utilisées contre l'Iran, alors il y aura une guerre totale et longue pour expulser les États-Unis et l'entité sioniste du Moyen-Orient. Mais c'est un sujet pour un autre jour.

Les politiciens américains me rappellent une personne vivant dans une cabane dans l’Arctique qui décide de la brûler pour se chauffer : bien sûr, cette stratégie fonctionnera pendant un petit moment, mais seulement au prix d’une catastrophe beaucoup plus importante. C’est ce que presque tous les politiciens américains ont fait avec cette pandémie, et c’est pourquoi ils n’accepteront jamais aucune responsabilité pour quoi que ce soit.

Covered_ass.jpgDécouvrez ce petit âne mignon sur la droite.

Ne ferait-il pas une mascotte et un symbole parfait pour les deux partis politiques américains et pour les nombreux politiciens américains qui ne pensent qu’à se couvrir ?

Il y a encore une chose que je voudrais mentionner ici : il y a beaucoup de gens qui aiment bien noter toutes les fois où quelqu’un a prédit que cette pandémie se produirait. Ils prennent ces avertissements comme preuve d’un complot. La vérité est que la communauté scientifique et même le grand public, du moins ceux qui lisent encore des livres, savaient parfaitement que ce n’était qu’une question de temps avant qu’une telle pandémie ne se produise, car notre société rendait un tel événement inéluctable. Un seul exemple :
 
La prochaine épidémie : nouvelles maladies émergentes dans un monde déséquilibré

51W2kHMNNUL._SX331_BO1,204,203,200_.jpgEn 1995, la journaliste américaine Laurie Garrett a publié un excellent livre intitulé «The Coming Plague: Newly Emerging Diseases in a World Out of Balance» dans lequel elle a expliqué pourquoi et même comment une pandémie mondiale émergerait naturellement en raison de la nature même de notre société moderne. Je recommande fortement ce livre en dépit du fait qu’il a maintenant un quart de siècle : il est très bien écrit, facile à lire et il est très convaincant en disant que de telles pandémies étaient inévitables, et sans besoin de faire appel aux théories non confirmées de la guerre biologique.

L’histoire montrera que nous tous, notre planète entière, n’avons pas pris cela, et bien d’autres avertissements, au sérieux.

Demandez-vous ce qui est plus facile pour un politicien : accepter que tout notre ordre socio-politique est insoutenable et carrément dangereux – ou «déséquilibré» pour utiliser l’expression de Garrett, ou rejeter la faute sur les cocos chinois et leur programme «secret» de guerre biologique » ?

Je pense que la réponse va de soi.

The Saker

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

dimanche, 26 avril 2020

Les nouvelles routes de la soie: démonstration de soft power sur l’axe o

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Les nouvelles routes de la soie: démonstration de soft power sur l’axe o

 
Ex: https://www.katehon.com

Le programme des nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative, BRI) dévoilé par la Chine en septembre 2013 vise à faciliter, sécuriser dans plusieurs sens du terme et harmoniser les échanges commerciaux internationaux depuis et vers la Chine, ceux-ci s’intensifiant depuis le début des années 2000. Ce vaste projet qui porte principalement sur les transports terrestres et maritimes entraîne également des investissements dans d’autres infrastructures (énergie et télécommunication notamment). Initialement prévue pour les échanges eurasiens, la carte des nouvelles routes de la soie (65 pays en 2015) n’a cessé depuis d’évoluer au fur et à mesure de l’adhésion de nouveaux pays ou organisations (139 pays en janvier 2020). En effet, ce projet que la Chine évaluait au départ à 1 000 Milliards d’USD et cofinancé par la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII) est perçu comme une opportunité, surtout par les pays isolés et les pays en développement dont les crédits consentis par les institutions historiques ne sont pas à la hauteur des investissements nécessaires pour accompagner leur croissance parfois proche des deux chiffres.

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Soucieuse du risque de surendettement que pourrait entraîner le financement de chantiers de grande ampleur, la Banque Mondiale reconnaît néanmoins que la BRI contribuera à améliorer l’économie des pays participants et donc les conditions de vie de leurs citoyens sous réserve cependant que ces pays appliquent une politique de transparence et qu’ils prennent en considération les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.

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L’île de la Réunion comme hub maritime en océan Indien

Dans l’océan Indien, La Réunion (département et région française) dont le PIB est de moitié inférieur à celui de la métropole, affiche une croissance mitigée et une chute des exportations de 12,5 % en 2018. Pourtant, lorsque la Chine adhère à l’OMC en 2001, l’île de La Réunion entrevoit très tôt l’opportunité de développer son économie. Devenue région ultrapériphérique en 2003, La Réunion officialise ses relations l’année même en signant un accord cadre avec la république populaire de Chine et une convention de coopération avec la ville portuaire de Tianjin, quatrième ville la plus importante de Chine en nombre d’habitants. Les retombées sont timides, mais l’île persévère. C’est à partir de 2009, avec l’ouverture d’un consulat à Saint-Denis, que les relations sino-réunionnaises prennent un nouvel élan. Un institut Confucius siégeant au sein de l’université de La Réunion est inauguré en 2010. L’année qui suit, la Chine accorde à La Réunion le statut de destination touristique autorisée, un graal pour l’île qui ne comptabilise quasiment pas de touriste chinois contrairement à ses voisines, Maurice et Seychelles.

Mais l’absence de ligne aérienne directe entre la Chine et La Réunion (jusqu’en 2017) n’améliore pas la situation. Avec l’annonce du projet des nouvelles routes de la soie en 2013, l’île pense trouver une nouvelle voie.En effet, devant l’hésitation de Maurice à signer un accord sur la BRI alors qu’elle est la mieux placée sur la route maritime qui relie l’Asie à l’Afrique du sud, La Réunion ne cache pas son ambition de devenir le hub maritime des nouvelles routes de la soie pour le triangle Asie-Afrique-Australie. Le premier forum économique Chine-Réunion se tient en 2017 et La Réunion ouvre une antenne de Région à Tianjin en 2018.

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La Polynésie française comme un hub numérique dans le Pacifique sud

Dans le Pacifique sud, en Polynésie française (collectivité française d’outre-mer), le tourisme contribuerait pour 13% à son PIB marchand, ce qui est peu compte tenu du potentiel de ses îles. Une raison estque ces perles du Pacifique situées à plus de 5 000 km de tout continent sont perçues comme des destinations inaccessibles, tant par l’éloignement que par le coût du voyage. A l’instar de La Réunion, la Polynésie française a vu dans l’ouverture et la croissance en devenir de la Chine une opportunité de développer son tourisme. Le Consulat général de Chine en Polynésie française ouvre ses portes en 2007. En mars de l’année suivante, la Chine accorde à la Polynésie française le statut de « destination touristique agréée » puis l’université de Polynésie française accueille un Institut Confucius à partir de 2013. En 2015, le président de la Polynésie française signe un accord avec Hainan Airlines (HNA) pour le développement du tourisme chinois dans les îles. Cependant, suite aux difficultés financières de HNA en 2017, la fréquentation touristique chinoise ne progresse pas (environ 5 000 chinois pour 216 000 touristes en 2018).

Face à ces déboires, la Polynésie française étudie également d’autres leviers de croissance. Située à la croisée de 4 continents, la Polynésie française pourrait devenir un hub dans le Pacifique. Non pas un hub de transbordement, car elle est totalement excentrée des couloirs maritimes, mais un hub numérique. La Polynésie a accès au haut débit depuis 2010 par un câble sous-marin reliant Tahiti à Hawaï. Par sécurité, unsecond câble a été posé en 2020, reliant la Polynésie française à la Nouvelle-Zélande. La collectivité étant peu peuplée et se situant en fin de parcours de ces câbles, ceux-ci sont très largement sous-utilisés. Devenir le point de jonction entre les continents lui permettrait de tirer profit de ses surcapacités. Dans le cadre des nouvelles routes de soie le Chili envisage de construire un câble sous-marin qui le relierait à la Chine. Il s’agira du premier câble reliant l’Amérique du sud à l’Asie et la Polynésie française se situe sur le parcours. Le président de la Polynésie française a rencontré le président du Chili afin de confirmer l’intérêt du Pays pour le projet.

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La transparence comme moyen de légitimation de l’influence

La récente politique d’ouverture de la Chine a entraîné l’ouverture de nombreuses résidences ou de services diplomatiques à travers le monde en un temps court. Il s’agit d’une procédure habituelle de chaque pays entretenant des relations avec la localité hôte ou ayant des ressortissants résidant dans cette localité d’avoir une représentation ou un service diplomatique sur place. Le fait que la présence diplomatique chinoise s’accompagne de l’ouverture d’instituts Confucius (541 instituts à ce jour) s’inspire des démarches d’autres puissances pour promouvoir leur culture à travers le monde, notamment de la France (800 implantations Alliance française), du Royaume-Uni (le British Council dans plus de 100 pays), de l’Allemagne (157 instituts Goethe) et de l’Espagne (86 instituts Cervantes). Les investissements et aides aux investissements à l’étranger font également partie des opérations courantes réalisées par toutes les puissances.

La démarche inédite de la Chine est ailleurs. Elle est dans l’annonce au monde entier de son projet d’envergure internationale, à partir de septembre 2013, avant même d’avoir échangé avec les pays concernés, d’afficher clairement ses motivations et de publier les évolutions du projet et l’état d’avancement. En agissant ainsi, là où habituellement des échanges à huis clos précèdent les annonces publiques, là où il est difficile de connaître à l’avance et plus tard les plans stratégiques ou les véritables plans stratégiques des parties (cette situation d’ailleurs fait partie des plans), en dévoilant ses plans ouvertement, la Chine a pris de court toutes les autres nations, coupé l’herbe sous le pied de quiconque avait d’autres plans non dévoilés et a mis sous pression ceux qui ont trop tardé à mettre en place leur propre stratégie.

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Cette transparence affichée tout en insistant sur les rapports gagnant-gagnant qui rend difficilement contestable le bien-fondé du projet, a conféré à la Chine un pouvoir d’attraction, ayant pour conséquence une avalanche de manifestations d’intérêt. Alors que certains projets n’entraient pas dans le cadre des nouvelles routes de la soie ce sont les pays candidats eux-mêmes qui justifiaient auprès de la Chine l’intérêt de les intégrer aux nouvelles routes de la soie, sans nécessairement solliciter une participation de la Chine dans les investissements par ailleurs.

Sans pour autant adhérer officiellement au projet (en Europe de l’ouest par exemple, seuls l’Italie, le Portugal, la Suisse et le Luxembourg ont signé un protocole d’accord sur la BRI), toutes les grandes puissances sont membres de la BAII créée en 2014 spécialement pour le projet, excepté les Etats-Unis, dont il aura fallu attendre quelques années les premières réactions, des réactions d’inquiétude et de colère de n’avoir réagi plus tôt, sans nommément citer le projet des nouvelles routes de la soie.

Source : Info Guerre

mercredi, 22 avril 2020

Économie : En territoire inconnu

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Économie : En territoire inconnu
par Hervé Juvin
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

Économie : En territoire inconnu

Wall Street a connu début avril sa meilleure semaine depuis… 1938 ! Au moment même où les États-Unis annonçaient un nombre record d’inscriptions au chômage : 16 millions ! Malgré l’extension mondiale de la pandémie de Covid19, la paralysie d’un nombre croissant d’économies et la réduction du commerce international, de l’ordre de 30 %, ni les produits de taux, ni les actions n’ont subi les conséquences de la crise en proportion des effets attendus sur les résultats des entreprises, à l’exception des valeurs directement impactées ; tourisme, aéronautique, etc.

Les marchés lead l’économie

Que se passe-t-il ? Aucun hasard dans cet apparent paradoxe, aucune raison non plus d’en appeler à la ritournelle de ceux qui veulent que tout ça n’ait aucun sens, que les marchés aient perdu toute utilité, et qu’il suffise de fermer les Bourses, d’interdire le versement des dividendes, et accessoirement de nationaliser les entreprises. Les Cassandre finissent toujours par avoir raison, elles ne savent ni quand ni pourquoi, ce qui les rend dérisoires.

Mieux vaut regarder en face les trois faits révolutionnaires qui changent tout ce que nous croyions savoir sur les marchés.

D’abord, ce ne sont plus les chiffres d’affaires et les résultats qui font les mouvements des valeurs d’actifs, c’est l’action des Banques centrales. Business ne fait plus-value. Ceux qui croient encore que les sociétés privées dirigent le monde doivent y réfléchir. Depuis un mois, les États décident du versement des dividendes et des rachats d’action, les États décident de l’implantation des usines et des autorisations de vente à l’étranger ou d’importation de produits industriels, et les États décident de la vente ou non d’entreprises privées à d’autres entreprises privées, le blocage de la vente de Photonis à Télédyne en France en donnant un bon exemple !

Nous sommes loin de l’abandon d’Alcatel, d’Alstom, de Morpho-Safran, de Technip, des Chantiers de l’Atlantique, etc. Et ceux qui croient encore que les marchés s’autorégulent doivent abandonner leurs illusions ; les banques centrales ont tiré la leçon de 2008, elles savent que les marchés s’autorégulent encore moins qu’ils ne sont transparents et équitables, et elles en tirent la conséquence ; à elles de faire les prix de marché — pour le meilleur ou pour le pire, c’est une autre histoire !

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L’endettement

Ensuite, la Nouvelle Politique Monétaire (NPM) et son application signifient que l’émission de monnaie est devenue le vrai moteur des économies, et que tout peut être fait, rien ne doit être exclu, qui assure le maintien des valorisations boursières. Les banques centrales sont le premier acteur de l’économie nouvelle. Les marchés ont été nationalisés ; ou, plutôt, les marchés financiers sont devenus trop importants pour les laisser à la confrontation des acheteurs et des vendeurs. Le citoyen avait disparu, effacé par le consommateur, le consommateur disparaît, effacé par l’investisseur, devenu l’acteur central de la société globale, ou par son symétrique, le consommateur endetté, État ou particulier, qui doit avoir la certitude, non de rembourser ses dettes, ne rêvons pas, mais de pouvoir s’endetter davantage !

Nous sommes passés d’un univers dans lequel le crédit bancaire et les aides d’État déterminaient l’activité, au monde dans lequel la valorisation boursière commande la propriété et in fine décide de l’activité du crédit. Quelle Nation pourrait accepter que les plus belles entreprises nationales soient rachetées à vil prix parce que les cours de leurs actions ont baissé ? Trois solutions : la nationalisation, à la fois suspecte et coûteuse ; l’interdiction par la loi, qui trouve vite ses limites géopolitiques ; le soutien des cours. D’où cette conviction appliquée, il faut faire tout ce qu’il faut pour que les valorisations demeurent élevées, et progressent, c’est la condition de la stabilité économique ! La surabondance monétaire booste les cours des actions. Est-ce la nouvelle règle du jeu ?

Enfin, c’en est fini de la diversité des anticipations, cette fiction convenable des marchés où les prix étaient le résultat de l’appréciation du risque, et des anticipations d’acteur divers par leurs horizons de gestion, leurs objectifs de rendement, leur appétence pour le risque, etc. Jamais la détention d’actions n’a été aussi massivement concentrée entre les mains des 1 % de « superriches » — aux États-Unis, de toute leur histoire ! Et jamais la concentration des pouvoirs (ou la confiscation de la démocratie) n’a joué aussi manifestement pour protéger les super-riches contre tout événement fâcheux, et leur garantir la poursuite accélérée de leur enrichissement !

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Les banques centrales sont prêtes à tout

Les données publiées par le site « Zerohedge » indiquent plus de 16 000 milliards de dollars ont été engagées par la FED pour sauver les banques américaines, leurs actionnaires et leurs dirigeants, de la faillite et de ses conséquences judiciaires pour les uns, financières pour les autres ! Ce qu’elles n’indiquent pas, c’est ce phénomène bien connu et si bien exploité ; la surrèglementation nourrit l’hyperconcentration. Seuls, les très gros, très riches et très forts bénéficient des seuils réglementaires et normatifs qui excluent les plus petits, plus faibles, moins riches.

Le temps est venu de ranger au bazar des accessoires défraîchis les enseignements de l’économie classique sur la fabrication des prix et les racontars sur « la concurrence libre et non faussée » que nul n’a jamais rencontrée nulle part ailleurs que dans les manuels d’économie et les discours de la Commission européenne à la Concurrence ! Les marchés actions doivent progresser, les Banques centrales en sont garantes, et on ne gagne jamais contre les banques centrales, c’est bien connu ! Voilà qui met à bas tout ce que nous croyions savoir sur les politiques de gestion d’actifs. Les politiques de gestion raisonnables, différenciées, basées sur les fondamentaux des entreprises ou des États n’ont plus de sens quand ce sont les injections de liquidités et les politiques de rachat de tout et n’importe quoi par les banques centrales qui font les cours. S’il est une conclusion à tirer de l’énormité des engagements des banques centrales, Fed comme BCE, c’est bien qu’elles sont prêtes à acheter n’importe quoi pour que la musique continue !

Dans ces conditions, le couple risque-rentabilité qui dirigeait les allocations d’actifs raisonnées n’est plus de saison. La sélection des titres est un exercice vain. Tout simplement parce que la partie « risque » s’est évanouie, ou que l’action des banques centrales fait qu’il est impossible de l’évaluer. Il n’y a plus de prix pour le risque, ce qui interroge au passage sur le nouveau tour du capitalisme et le sens du mot « entrepreneur ». La logique est : qui va bénéficier des actions de la FED et du Congrès, de la BCE et des décisions du Conseil et de l’Eurogroupe ?

La richesse ne vient plus du travail

Au moment d’entrer en territoire inconnu, que conclure ? D’abord, essayer de comprendre les règles du « new normal ». Les règles ne sont pas les mêmes, ce qui ne signifie qu’il n’y a pas de règles ; elles sont nouvelles, c’est tout. Ensuite, s’efforcer de prévoir l’évolution dans le temps de ces règles et de leurs impacts, leur nouveauté même pouvant réserver toutes les surprises. Enfin, reconnaître l’intérêt de la France, et faire en sorte que la France sorte gagnante d’un jeu qui fera des gagnants et des perdants.

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Sauver l’effet richesse, c’est la nouvelle règle du chef d’orchestre. La richesse dans les pays riches ne vient plus du travail, mais de la détention ou de l’attraction du capital (cas exemplaire des start-up qui ne sont riches ni de produits, ni de clients, ni de chiffre d’affaires, mais du capital qu’elles lèvent sans limites, et qu’elles consomment également sans limites ; voir Uber, Tesla, etc. !) Et voilà comment des compagnies aériennes américaines qui ont racheté pour 45 milliards de leurs propres actions (soit 96 % de leur cash flow disponible) pour enrichir leurs actionnaires demandent… 54 milliards d’aides au gouvernement pour ne pas faire faillite (Boeing a suivi la même politique, consacrant la totalité de son cash flow disponible en dix ans au rachat de ses propres actions et demande également le sauvetage par l’argent public) !

Le compromis entre le capital et le travail a été rompu dans les années 1990 pour être remplacé par un compromis entre les détenteurs du capital et les banques centrales ; il ne s’agit plus de partager des gains de productivité, il s’agit de s’enrichir sans fin ! Il ne s’agit plus de redouter une « stagnation séculaire » de la croissance dans les pays riches, il s’agit d’assurer l’enrichissement des plus riches par la création monétaire déversée sur les marchés d’actifs ! Ce ne sont plus les plus vulnérables qui sont protégés, ce sont les plus riches qui peuvent se servir. Il est permis d’espérer, mais ce n’est pas demain que le monde du travail retrouvera les leviers qui lui avaient permis de négocier le partage des gains de productivité qu’assurait l’industrie — d’ailleurs, il n’y a plus chez nous ni industrie ni gains de productivité ! Pour s’en convaincre, et contrairement à tout ce que suggèrent la situation actuelle et la célébration méritée du courage des soignants, des gendarmes et des policiers, des caissières et des livreurs, il suffit de regarder où va l’argent émis par les banques centrales ; les marchés ont l’argent, les soignants ont l’ovation de 20 heures aux fenêtres chaque soir ! Paradoxalement, la pandémie marque un nouveau bond en avant du capitalisme libéral. Certains peuvent rêver que ce soit le dernier.

L’Europe laissée de côté pour le véritable affrontement

Éviter la confrontation au réel et ruiner l’adversaire, c’est le jeu du moment. Un jeu impitoyable dans la confrontation des faibles aux forts. La Chine est annoncée grande gagnante de l’épreuve actuelle. Attendons. Il serait paradoxal que le pays d’où est parti la pandémie, qui l’a probablement aggravé par sa politique de censure des informations critiques, ou simplement des mauvaises nouvelles, et par le retard mis à en reconnaître le caractère expansif et non maîtrisé, en tire un bénéfice géopolitique et financier, mais nous sommes installés en plein paradoxe (le fait qu’une chose et son contraire puissent être affirmés en même temps est caractéristique de la situation présente, c’est-à-dire du chaos cognitif et de la confusion mentale) ! Attendons pour en juger de voir quels engagements en faveur de la relocalisation massive de nos productions stratégiques seront effectivement tenus.

Tout indique que les États-Unis se détournent de l’Europe pour engager la confrontation avec le pays qu’ils jugent leur premier adversaire du XXIè siècle, une confrontation dont tout indique qu’elle mobilisera la gamme entière des stratégies non conventionnelles et des armes non militaires, les moyens de paiement, les systèmes d’information et les attaques biologiques constituant quelques-uns des moyens d’un arsenal varié. Bitcoin, 5G, biotech — nous n’avons encore rien vu des ressources que la monnaie et la finance de marché peuvent mobiliser pour appauvrir l’ennemi, pour diviser l’ennemi, pour obliger l’ennemi à composer.

Plus besoin des canonnières du commodore Perry pour obliger un pays à s’ouvrir et à se plier ! Au choix, on considérera les milliers de milliards de dollars mis sur la table par la FED depuis ces dernières années comme une arme de destruction massive pour les détenteurs de papier libellé en dollar, ou pour le système financier occidental lui-même… les paris sont ouverts ! Et on sera attentif au projet attribué au macronisme de confier la gestion des réserves d’or de la France à une banque américaine ; après le pillage d’Alstom, le pillage de la Banque de France ? Pendant la pandémie, le hold-up continue !

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Protéger le patrimoine national et l’activité nationale devient une priorité pour chaque État. C’est la priorité de la France. La sécurité monétaire, la sécurité économique et patrimoniale, s’imposent au premier rang des enjeux de sécurité globale. Derrière les soubresauts boursiers, les risques de prise de contrôle de tel ou tel fleuron technologique ou industriel sont multipliés. Derrière la suppression de la monnaie papier, les enjeux de contrôle, de détournement, et de vol, sont gigantesques. Derrière la naïveté avec laquelle les administrations européennes prétendent se moderniser en substituant au papier et au guichet l’Internet obligé se cache mal l’exploitant américain ou chinois et un retour au temps des colonies, quand quelques compagnies privées, aventureuses et pirates, se partageaient des continents.

Et qu’en sera-t-il si le traçage individuel grâce aux données collectées à partir des téléphones portables se justifie par des motifs sanitaires pour devenir la règle imposée à toute la population, au bénéfice des prestataires qui s’en félicitent déjà ? La pandémie n’arrête pas les (bonnes) affaires d’Atos et de ses concurrents (écouter à ce sujet sur RTL l’étonnant discours du commissaire européen Thierry Breton, ex-PDG d’Atos, ouvrant sereinement la voie au contrôle numérique de la population européenne !) Derrière l’échappée belle de toutes les règles budgétaires de rigueur imposées par l’Union, s’annonce une course qui fera des gagnants et des perdants.

La France doit saisir dans la pandémie une bonne occasion de rompre avec les contraintes que l’Union européenne impose aux choix nationaux, à la protection du marché national, à la préférence pour les entreprises nationales. La France doit utiliser au maximum les facilités qui sont offertes par la BCE, par un mécanisme européen de solidarité (MES) débarrassé de toute conditionnalité, par le fonds européen de relance annoncé.

Elle doit le faire au profit des entreprises françaises, des projets français, de l’indépendance de la France – et sauver les entreprises familiales du commerce et de la restauration, contre les ambitions prédatrices des chaînes mondiales de « malbouffe ». Elle doit mobiliser toutes les capacités que l’Union européenne peut offrir dans son propre intérêt, comme l’Allemagne, comme les Pays-Bas, comme les autres Nations le font. Et elle doit plus encore considérer les marchés financiers pour ce qu’ils sont, un outil à la disposition de qui choisit de s’en servir. Voilà qui n’invalide pas le rôle des marchés, mais qui le transforme.

Tout simplement parce que nous sortons du monde du bon père de famille qui savait que rembourser des dettes enrichies. Dans le nouveau monde, non seulement les dettes ne seront jamais remboursées, mais celui qui s’enrichit est celui qui peut émettre le plus de dettes. Dans le nouveau monde, ce ne sont plus des créanciers exigeants et sourcilleux qui achètent la dette, ce sont des banques centrales d’autant plus accommodantes qu’elles jouent elles-mêmes leur survie — au cours des dernières semaines, la nouvelle Présidente de la BCE, Christine Lagarde, l’a bien compris !

Et l’impensable arrive. La France de 2020 doit savoir s’enrichir de sa dette et mobiliser sans freins la dépense publique, si elle sait l’employer à relocaliser son industrie, à relancer une politique territoriale qui commence par le soutien au secteur de l’hôtellerie, de la restauration familiale et du petit commerce, à relancer de grands projets (le second porte-avion, le cloud français ?) et à réduire le coût du financement de son économie, l’exemple allemand étant sur ce sujet à méditer.

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Mieux vaut danser en cadence quand s’arrêter donne le vertige. Les colonnes du temple européen s’effondrent les unes après les autres, de Maastricht à Schengen, ce n’était que des colonnes en papier. Mais que l’entreprise privée, libre de sa stratégie, que les marchés concurrentiels où se forment les prix, que l’allocation des capitaux selon le rapport rendement-risque disparaissent par la magie complaisante des banques centrales, voilà qui mérite attention ; ce sont cette fois les bases du libéralisme qui sont mises à mal. Certains diront ; changeons de partition ! D’autres diront plus simplement ; tant que la musique joue, il faut continuer à danser, seuls ont tort ceux qui pensent d’en tirer en s’isolant dans leur coin. Mais la seule question qui compte est tout autre ; vaut-il mieux être celui qui joue dans l’orchestre, celui qui danse sur la piste, ou celui qui agite son mouchoir sur le quai en regardant partir le Titanic, tous pavillons flottant au vent ?

Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 13 avril 2020)

lundi, 20 avril 2020

«Une annulation des dettes ne changera rien aux difficultés de l’Afrique» Entretien avec Caroline Galactéros

Entretien avec Caroline Galactéros*

paru dans le FigaroVox le 17/04/2020

Ex: http://www.geopragma.fr

FIGAROVOX.- Le chef de l’État s’est engagé à «effacer» une partie de la dette des pays africains, était-ce la meilleure manière d’aider ces pays face à la crise économique sans précédent qui guette le monde entier?

Caroline GALACTÉROS.- La France a décidé de réorienter une partie de son aide au développement à hauteur d’1,2 milliard d’euros pour alléger les dettes bilatérales de certains pays africains envers nous et renforcer les systèmes de soins, de recherche et de détection, notamment via les instituts Pasteur. Paris a par ailleurs poussé le Club de Paris, qui réunit les créanciers de l’Afrique, à déclarer un moratoire sur 20 des 32 milliards de dollars dus cette seule année, par 76 pays pauvres dont 40 africains. Il s’agit donc à ce stade d’un moratoire, non d’une annulation ni même d’un allègement ou d’un rééchelonnement. Par ailleurs, le FMI et la Banque mondiale ont eux aussi activé certains de leurs mécanismes pour pouvoir prendre en charge le service de la dette durant quelques mois ou prêter (comme d’ailleurs l’UE à hauteur de 20 milliards d’euros) aux pays africains dont le budget est très lourdement au service de la dette et qui risquent une trop grande fragilisation si la crise du coronavirus venait à les toucher massivement submergeant leurs structures sanitaires notoirement insuffisantes et souvent dépendantes de l’intervention humanitaire.

“Au regard du sous-équipement de notre système de soins, on peut imaginer l’incidence d’une propagation soudaine du Covid-19 en Afrique.”

Quand on voit le sous-dimensionnement et le sous-équipement de notre propre système de soins, alors que nous pérorions sur sa supériorité mondiale il y a encore quelques mois, on peut imaginer l’incidence d’une propagation soudaine du Covid-19 sur certains grands ou petits États africains. Pour l’heure, le continent est toutefois peu touché à l’exception de l’Algérie, de l’Égypte et de l’Afrique du Sud. Les pays les plus à risque sont paradoxalement les plus développés et ceux qui dépendent fortement du tourisme et du pétrole, deux ressources en chute libre. La crise économique liée à la pandémie menace au bas mot 20 millions d’emplois, pourrait priver les États africains d’un tiers de leurs recettes fiscales et faire chuter leur croissance d’au moins 1%, sans parler du fait que les économies africaines demeurent majoritairement informelles, ce qui rend le concept du confinement tout simplement impraticable.

De ce point de vue, Paris est donc une fois encore dans l’incantation généreuse, sans grands risques, mais aussi un peu décalée par rapport à la réalité des nouveaux équilibres de puissance et d’influence. L’initiative française masque mal la préoccupation grandissante qui est la nôtre. En appelant à l’annulation de la dette, Emmanuel Macron a aussi saisi l’opportunité, après son offensive européenne manquée sur la mutualisation des dettes européennes, de mettre une nouvelle fois LE sujet brûlant sur la table. Celui de notre propre dette que les vannes désormais grandes ouvertes de la création monétaire pour parer l’effondrement de l’économie nationale (et européenne) va rendre elle aussi ubuesque et de fait bientôt irremboursable! Un peu comme lorsqu’on veut poser une question personnelle à un psychologue et qu’on lui «demande conseil pour un ami».

Toutefois, cette salve de générosité envers l’Afrique correspond sans doute aussi à un élan plus large et partiellement sincère, que le tragique de la situation mondiale actuelle permet d’invoquer…sans trop y croire. En effet, la France est aussi en train de «tester» auprès des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, un texte appelant à une trêve mondiale des conflits en cours, tandis que la Russie a, de son côté, proposé son aide à l’Amérique. Donald Trump avait semblé prêter l’oreille. Crise du Pétrole oblige probablement. La Chine enfin a, à plusieurs reprises, appelé à l’unité du monde et au renforcement du multilatéralisme face à une menace qui vise la communauté humaine dans son ensemble.

“Les attaques sur la propagande des démocratures respirent la frustration et l’impuissance.”

Évidemment, comme pour les cargaisons de matériel sanitaire et médical livrées par la Russie à l’Italie ou par Pékin à l’Europe, on crie à la propagande et à l’instrumentalisation de la solidarité. Comment imaginer qu’il puisse exister, à côté d’un évident opportunisme et de la gestion bien comprise des intérêts nationaux, une once d’empathie ou de générosité gratuite dans l’action de ces démocratures? À mon sens, ces attaques sont à la fois puériles et contre-productives. Elles respirent la frustration et l’impuissance. Nous aimerions bien, nous aussi, être sortis de la tempête, avoir protégé nos populations, limité les pertes et remis notre appareil productif en branle, nous offrant le luxe de nous porter au secours des autres et de leur faire sentir combien ils dépendent de nous pour avoir abandonné leur souveraineté industrielle ou sanitaire…! Nous en sommes très loin. La crise du Coronavirus est une crise d’humanité. Elle révèle l’indifférence, la rapacité, l’absence d’appréhension globale de notre sort au-delà des envolées abstraites sur le multiculturalisme. C’est déjà le multilatéralisme qui est en morceaux et qu’il faudrait savoir ranimer.

N’est-ce pas la Chine qui est le plus gros créancier de l’Afrique?

En effet, la Chine détient environ 40% de la dette africaine: 145 milliards de dollars sur 365. Il faut savoir que cette dette n’est pas que publique, mais détenue partiellement par des fonds d’investissement, des banques, des entreprises privées. La Chinafrique n’est pas un mythe. La Chine achète l’Afrique depuis déjà près de 20 ans, sur les décombres de notre influence viciée par la repentance. L’absence de conditionnalité politique mise à son appui financier (il suffit de reconnaître l’existence d’une seule Chine pour être dans les clous) lui a assuré un immense succès qui lui fait posséder des pans entiers de l’économie de certains États ou parfois leur dette entière.

“La Chinafrique n’est pas un mythe.”

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Pékin n’a donc pas d’intérêt à annuler quoi que ce soit, mais à creuser plus encore son emprise économique et monétaire, comme d’ailleurs en Amérique latine. Le projet des Nouvelles Routes de la Soie y pourvoie notablement et vise à installer des têtes de pont notamment portuaires pour les produits chinois à destination des marchés locaux mais aussi européens. Il est d’ailleurs évident qu’au moment où se conclut ce «généreux» moratoire, de multiples contreparties en concessions minières, pétrolières agricoles doivent être négociées sans doute à des conditions léonines, contre le secours chinois (comme probablement contre celui des autres créanciers occidentaux du continent). La pandémie a juste accéléré la bascule en cours depuis plus d’une décennie du leadership global du monde vers l’Asie et chacun cherche à en tirer parti, ou du moins, à n’en point trop faire les frais.

Cette aide sera-t-elle suffisante?

Évidemment non. Ce n’est pas à la mesure des problèmes de l’Afrique qui sont endémiques. Rien ne garantit d’ailleurs qu’elle sera véritablement «fléchée» vers les bons usages et qu’elle ne disparaîtra pas au moins partiellement dans les poches de ses récipiendaires africains officiels. C’est un geste qui ne coûte pas grand-chose au Club de Paris au G20 et mais ne rapportera pas non plus beaucoup aux populations africaines.

“C’est un geste qui ne rapportera pas non plus beaucoup aux populations africaines.”

C’est à mon sens surtout un moyen d’espérer retarder les effets déstabilisateurs de la pandémie sur un continent surpeuplé dont nous voudrions en Europe qu’il fixe ses populations afin d’enrayer la perspective de flux migratoires à sens unique incontrôlables, et ce plus encore maintenant que nos propres populations vont par millions se retrouver hors de l’emploi et que les coûts économiques et sociaux de l’épidémie en Europe vont exploser.

La fermeture des frontières européennes a ralenti pour un temps la pression migratoire. Faut-il s’attendre à ce qu’elle s’intensifie dans les années qui viennent à cause de la crise?

Oui. D’abord car il faudrait une prise de conscience durable pour que l’espace Schengen demeure véritablement fermé, ce qui est impératif. Je rappelle que la France, tandis que la pandémie fait toujours rage, n’a toujours pas jugé bon de fermer ses frontières nationales avec ses voisins immédiats tandis que l’Allemagne ou l’Italie sont infiniment plus pragmatiques…Nos tabous européistes et idéologiques nous affaiblissent dans la réponse à la crise.

“Le pire en matière de pression migratoire est à venir.”

S’agissant de l’Afrique, le pire en matière de pression migratoire est donc à venir. À cause de la crise, à cause des guerres de déstabilisation suicidaires que nous soutenons toujours au Moyen-Orient sans voir qu’elles creusent au loin le lit de la déstructuration nationale. À cause aussi des questions environnementales qui affectent une Afrique déjà si structurellement frappée par les éléments. Plus encore que cette pandémie sans doute, le défi migratoire est et sera pour l’Europe le test de sa survie. Si elle ne sait pas comprendre que la souveraineté de ses membres et le rétablissement d’États lucides et solides au socle régalien assumé sont, non des handicaps, mais les conditions de sa renaissance comme ensemble qui compte, alors l’UE mourra progressivement de son européisme hors sol, de son allégeance mentale et stratégique naïve à une Amérique plus patriote et unilatéraliste que jamais, dont elle ne constitue en fait docilement que la profondeur stratégique continentale face à la Russie et face à la Chine. Pour survivre, et d’autant plus après ce coup d’arrêt économique, l’Europe va devoir réserver ses forces et ses moyens pour ses propres populations et valoriser la préférence communautaire dans tous les domaines. Pour reconstituer ses forces et ses équilibres, sans indifférence au reste du monde, mais sans vivre dans un permanent renoncement à elle-même. Ce sursaut ne sera possible qu’avec des gouvernants dotés de vision, de cohérence et de courage politique.

*Caroline Galactéros, Présidente de Geopragma

vendredi, 10 avril 2020

La crise du Covid-19, victoire des “démocratures”?

Article de Caroline Galactéros* paru dans Marianne le 06/04/2020

Nous devons profiter de la crise pour tirer des enseignements et cesser de nous tromper de priorité. L’important en effet, n’était pas de laisser se tenir le premier tour des municipales ou des matchs de foot avant de commencer à restreindre les activités de nos concitoyens, ni de laisser fonctionner les aéroports sans contrôle systématique des entrants et isolement, ni surtout de garder ouvertes nos frontières pour faire croire au bon peuple que tout était sous contrôle. L’important, le premier devoir de l’Etat, c’est la protection et la défense de sa population. Il faut sauver la vie des Français et leur donner des consignes claires et simples pour évincer en eux, dans l’urgence, cet ultra-individualisme qui n’a pas seulement fait le lit du communautarisme mais aussi celui d’une vulnérabilité collective ancrée dans le fait de se croire autorisé à tout et sans devoir de rien.

LES ETATS GAGNANTS DE LA CRISE

Quoi qu’il en soit, pour le regard à la fois global et scrutateur du géopolitologue, ce drame est, il faut bien l’avouer, l’occasion d’une observation sans pareille. Car le Coronavirus va rebattre les cartes de la puissance en Europe et dans le reste du monde. Le premier réflexe, celui du bien-pensant occidental qui bat sa coulpe, est de rattacher cette pandémie à un “signe du Ciel” devant opportunément enclencher un gigantesque processus d’autorégulation, de remise à plat d’une planète partie en vrille et en train de s’étouffer de sa propre démence productiviste. Un processus vertueux donc, qui irait vers une réforme de l’économie et de la finance mondiales et vers un assagissement salutaire d’une globalisation en surchauffe. Après ce drame, les dirigeants du monde vont enfin réfléchir et réformer la gouvernance mondiale vers plus de sens et de solidarité. C’est beau mais très improbable.

Les grands gagnants seront donc les régimes qui auront osé guider, sans simagrées guerrières, leurs peuples et les associer à une prise de conscience de leur devoir individuel pour un salut collectif.

En revanche, la pandémie signe le grand retour d’un malthusianisme de la puissance et de l’influence. Seuls les plus résistants et adaptables des Etats s’en sortiront. Et le jackpot ira à ceux qui oseront non pas juste revenir au statu quo ante, et repartir dans leur roue comme des hamsters bourrés d’amphétamines, mais prendre l’initiative d’une réforme globale de l’entropie mondiale dans le sens d’une meilleure coopération internationale et d’une pratique du dialogue respectueux entre adversaires (et déjà entre partenaires…). Les autres, ceux qui vont “jouer perso’ en croyant jouer gagnant, seront discrédités moralement et politiquement. Mais jouer collectif signifie voir clair et décider vite pour sauver sa propre peau avant de secourir les autres. Comme dans un avion en dépressurisation : avant d’aider votre voisin, vous devez mettre votre propre masque ! …L’ironie est donc que ce sont les Etats qui ont réagi le plus vite et fermement, par des mesures coercitives de surveillance, pour protéger leurs propres concitoyens, qui ont pu le plus rapidement exercer leur solidarité envers les autres et donc remporter la mise en matière d’influence et de magistère politique comme de reprise de l’économie : Taiwan, Hong Kong, Singapour, le Japon, la Corée du Sud, la Chine, la Russie etc…. Les grands gagnants seront donc les régimes qui auront osé guider, sans simagrées guerrières, leurs peuples et les associer à une prise de conscience de leur devoir individuel pour un salut collectif, les contraindre pour les protéger.

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On a vertement critiqué la Chine pour ses méthodes drastiques et autoritaires mais, comme pour la Russie, force est de constater que c’est la fermeture quasi-immédiate des frontières, le confinement total de régions entières, la pratique massive du test, le triage et le traitement différencié et sans états d’âme de catégories de populations à risques, le traçage de leurs déplacements pendant et après la réouverture qui a permis à un pays d’un milliard et demi d’habitants d’avoir…quelques milliers de morts seulement, moins déjà que l’Espagne ou l’Italie et sans doute bien moins que les Etats-Unis dans quelques semaines. Quant à la Russie, elle a été prompte à fermer sa très longue frontière chinoise, à mettre les voyageurs en observation longue et elle prend désormais des mesures strictes mais très différenciées selon les catégories de population pour limiter l’épidémie. Elle ne parle pas de “guerre” mais fait comprendre que l’heure et grave et que du comportement de chacun dépend la survie de tous. Elle annonce aussi des sanctions lourdes aux contrevenants. Fake news ! Ces dictateurs antédiluviens nous mentent me rétorquera-t-on ! Leurs chiffres sont faux ! Peut-être un peu. L’OMS pense le contraire. Et l’on ne peut, à l’heure des réseaux sociaux, cacher impunément des tombereaux de morts. Ce qui est certain, c’est que les citoyens chinois et russes obéissent à leurs autorités, de gré et au besoin de force. On ne leur demande pas leur avis, on ne les ménage pas, on leur explique simplement les enjeux pour eux-mêmes et pour la survie collective de leur nation. On leur donne des consignes cohérentes. La France est le pays des droits de l’homme, la Chine celui des devoirs de l’homme. Et la Russie en a vu d’autres…

LA BASCULE DU LEADERSHIP

L’ironie du sort pour des élites européennes qui ont passé leur temps depuis 3 ans à critiquer Donald Trump, vient du fait que c’est de ce président américain honni et méprisé que l’Europe entière attend aujourd’hui son salut économique et financier. Pour l’instant l’Amérique souffre, mais elle met le prix pour s’en sortir au plus tôt. Et elle s’en sortira. Toutefois, c’est géopolitiquement que le pire est à venir pour Washington. C’est la bascule globale du leadership mondial vers l’Asie au profit du “contre monde” chinois qui se trouve accélérée par la pandémie. Car l’attitude de Pékin comme de Moscou a su démontrer un réflexe de solidarité envers le reste du monde et notamment envers les pays européens dont eux-mêmes comme l’Amérique ont été parfaitement incapables. Surtout, au-delà d’une capacité de rebond économique et industriel remarquable, Russie et Chine démontrent une absence totale d’approche idéologique de la crise et se paient le luxe d’exprimer, par leur soutien concret à ceux qui ont compris et agi avec retard, une empathie multilatérale ignorante des avanies subies et aux antipodes de notre comportement infantile. Tandis que nous faisons la preuve de notre incapacité mentale à prendre la mesure des enjeux (à l’instar des migrations ou du terrorisme) et de notre absence de solidarité intra-européenne, les “démocratures” que nous diabolisons à l’envi s’en sortent mieux que nous car elles osent contrôler les foules. Puis elles se paient le luxe de venir à notre secours. Elles envoient, comme Cuba ou le Venezuela, des médecins et des respirateurs en Italie, et Pékin va pour nous fabriquer un milliard de masques.

C’est aussi une triste heure de vérité pour l’Europe.

Bref, humiliation suprême, après le Moyen-Orient, après l’Afrique, sous les yeux du monde entier, Pékin et Moscou nous font de nouveau la leçon. Une leçon d’humanité qui démonétise complètement nos postures ridicules sur les dictateurs et les démocrates, les grands méchants et les bienveillants. Ils font ce qu’on n’a pas su faire : se concentrer sur la menace existentielle elle-même, la traiter sans égard pour les droits individuels de leurs citoyens mais assurer grâce à ces mesures “liberticides” leur salut collectif et leur remise au travail, donnant magistralement raison à la pensée chinoise qui voit dans toute situation le potentiel d’une inversion des équilibres. Nous y sommes. C’est la rançon de notre naïveté, de notre cupidité, de notre égoïsme et de notre oubli des devoirs premiers de l’Etat envers la nation. A force de nous soucier de notre souveraineté comme d’une guigne, elle se venge.

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C’est aussi une triste heure de vérité pour l’Europe. Même une tragédie humaine concrète, vécue par ses membres fondateurs principaux, n’aura déclenché aucun geste, aucune générosité. Le récent sommet européen vient de démontrer l’inanité de la solidarité européenne en cas de péril commun. Les plus forts, donc les plus riches, n’ont pas la hauteur de vue pour valoriser leur position de force en donnant aux plus faibles. Un peu comme chez les individus en somme. On écrase l’autre affaibli au lieu de lui sortir la tête hors de l’eau. On lui fait la leçon au lieu de lui tendre la main. On déboule en réunion sur le budget européen avec une pomme et un livre, comme le Premier ministre néerlandais, pour montrer qu’on a tout son temps et qu’on ne négociera rien. Au-delà de l’inélégance, quelle indignité ! Il y a un très fort paradoxe : les Etats européens qui refusent aujourd’hui, au nom de l’orthodoxie budgétaire, d’aider leurs partenaires, font un mauvais calcul stratégique et géopolitique. S’ils montraient leur humanité, ils gagneraient plus encore que ceux auxquels ils porteraient secours. On me dira que je prêche pour la paroisse des cigales et que je ne comprends pas la juste austérité des fourmis laborieuses. Non, je cherche à raisonner stratégiquement, du point de vue de l’intérêt européen. Or, en diplomatie comme en amour, le premier pas n’est possible qu’au plus fort, et c’est un pas forcément gagnant pour lui car “stratégique” en termes d’influence et de crédit moral et politique. Ce sont ces pas là qui font avancer l’ensemble. Encore faut-il en être humainement capable. Le Général de Gaulle sut tendre la main à l’Allemagne anéantie, puis à la Chine, à l’Espagne et à d’autres. Cette grandeur d’âme qui est la marque d’un esprit visionnaire n’est plus. Il faut d’urgence réinventer le gaullisme en Europe. Invoquer les mânes du Général ou celles du Tigre ne suffira pas.

L’Europe peut exploser.

L’Europe est donc en train de “tomber en miettes” comme l’annonce tristement le président italien. Elle peut exploser. Elle n’est même pas “en voie de déclassement stratégique” car finalement elle n’a jamais été véritablement “classée” puisqu’elle a toujours été sous la coupe américaine via l’OTAN et que, mis à part Paris durant quelques décennies, tout le monde a trouvé ce marché de dupes formidable. Peut-être finalement ne méritons-nous pas mieux que la servitude puisqu’au-delà des mots creux, nous sommes incapables entre nous d’exprimer une compassion concrète, une charité envers nos propres Etats membres. Nous faisons la morale au monde entier, mais nous sommes une aporie éthique, rien d’autre qu’une machinerie commerciale et monétaire qui ne sait que parler budget et dette et réduit ses 700 millions de citoyens à des unités de coûts et de recettes. Une Europe de comptables, où les fourmis l’ont clairement emporté sur les cigales. Notre président peut bien chanter. Berlin va le faire danser. Bientôt, l’Allemagne déçue depuis trois ans au moins par notre incapacité à tenir il est vrai nos promesses, prendra uniquement de la machine européenne ce que celle-ci peut encore lui donner tout en poursuivant une politique de puissance et d’influence personnelle en agrégeant autour d’elle son satellite batave et ceux du nord et de l’est.

LES ETATS-UNIS ET L’EUROPE DOIVENT FAIRE PREUVE D’HUMANITÉ

Petitesse d’esprit, indigence éthique : ces défauts de structure de l’édifice communautaire font rêver d’un Occident enfin décillé, remettant les compteurs de la solidarité internationale à zéro, décidant de lever enfin les arsenaux iniques de sanctions contre la Russie ou l’Iran. Ce serait le moment ou jamais. Pour satisfaire notre instinct de vengeance, notre vision punitive du monde, notre volonté d’écrasement des autres ou notre simple grégarisme, nous laissons en effet, dans un contexte sanitaire dramatique, un peuple déjà très affaibli et cette situation va entrainer probablement des milliers de morts. Pourquoi ? Juste pour le punir de ne pas déposer ses dirigeants qui résistent au plan américain de dépeçage de la Perse. C’est d’un cynisme parfaitement insupportable. Où est la conscience de la globalité des menaces pesant sur l’humanité ? L’indifférence totale des politiciens occidentaux pour les parties du monde qui ne les concernent pas et ne serviront pas leur réélection parait à l’heure de la pandémie plus abjecte encore que d’ordinaire. Souhaitons que la récente annonce d’une aide européenne à l’Iran via le mécanisme Instex jusque-là mort-né de contournement des sanctions extraterritoriales américaines auxquelles nous nous soumettons servilement depuis bientôt 2 ans contre toute raison, soit le premier pas d’une rupture nette d’attitude et d’état d’esprit de notre part. Notre cynisme et notre indifférence sinon nous perdront. Le coronavirus est un révélateur d’humanité et d’inhumanité. Il faut retrouver le sens de la Vie dans nos existences, cette Vie commune en humanité que masquent nos prédations et nos luttes incessantes pour la primauté. Les USA comme les puissances européennes ont une occasion inespérée de faire vraiment preuve d’humanité et de préoccupation pour l’homme. La bascule du monde sinon va s’accélérer à notre détriment

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Ce virus a eu le mérite de révéler des réflexes de survie collectives des peuples et des nations que l’on jugera égoïstes mais qui traduisent la verdeur d’une vertu cardinale : l’esprit de souveraineté. Certains ont enfin réalisé que le fait de se prendre en mains, de revenir aux fondamentaux politiques et sécuritaires c’est à dire à la protection de nos populations, cet égoïsme sacré et salutaire était la seule approche qui permette d’abord de survivre avant d’espérer éventuellement construire un chemin collectif avec d’autres survivants. On ne battit pas sur un champ de ruines ou de morts. Il n’y aura jamais pour l’Europe, en aucun domaine, de salut à attendre du suivisme, du grégarisme ou des déclarations hors sol d’un Commission de Bruxelles qui préfère que l’on meure par millions pour rester fidèles à des principes abscons d’ouverture de l’espace européen plutôt de survivre en reprenant le contrôle de ce qui se passe sur nos territoires nationaux.

C’est la vassalisation mentale et l’esprit de renoncement qui sont si enkystés dans nos rouages institutionnels collectifs.

Le problème en somme, qui vient de se manifester magistralement, est toujours le même : c’est la vassalisation mentale et l’esprit de renoncement qui sont si enkystés dans nos rouages institutionnels collectifs et parfois même nationaux que nous sommes les ventriloques d’un discours qui nous condamne à l’impuissance. Exactement comme en matière de défense, quand nous persistons à faire semblant de croire en la garantie atomique ou même conventionnelle américaine alors que l’on sait tous depuis plus d’un demi-siècle, qu’elle est théorique (l’Europe servant essentiellement de profondeur stratégique aux Etats-Unis). Cette “Foi du charbonnier” des Européens en des utopies-pièges (pacifisme, fatalité heureuse de la fin des Etats et des frontières, universalisme béat, refus des traditions, culte du présent, progrès conçu comme l’arasement du passé, dogmatisme moralisateur, etc… …) que l’on nous survend depuis 70 ans pour tuer la puissance européenne en prétendant la construire, a une fois encore joué contre nous.

Or, nul n’a jamais construit sur le renoncement à ce que l’on est profondément. On construit sur des partages équitables, sur des compromis respectueux, sur la lucidité qui refuse l’égalitarisme fumeux et n’aboutit, comme le communautarisme chez nous, qu’à la dictature des “petits” sur les “grands” au prétexte qu’ils doivent par principe être traités à l’identique. Mais il n’y a pas d’identique en Europe ! Les Etats-membres ne sont pas des clones ! il y a en revanche des racines historiques et religieuses communes et comme par hasard celles-là, on les nie on les oublie ! Pour le reste, il n’y a qu’une diversité culturelle économique, sociale gigantesque et d’ailleurs fertile. Mais il y a aussi une histoire commune des membres fondateurs, des membres qui ont joué franc jeu et d’autres qui poussaient d’autres agendas…

Les Américains sont pragmatiques mais pas stratèges.

Cette crise doit enfin nous conduire à redéployer massivement des moyens vers la préparation collective des situations d’urgence. Il faut reprendre en main notre souveraineté notamment sanitaire et industrielle. L’état de sidération économique du monde développé observé à cette occasion ouvre des boulevards aux hackers de tous poils et à la guerre dans le cyberspace. Il y aura d’autres corona et un jour l’un d’entre eux tout spécialement destiné à notre déstabilisation mettre à l’épreuve nos politiciens du temps court et de l’expédient conjoncturel. L’épidémie peut rebondir, en Chine comme ailleurs, et nul ne devrait se risquer à fanfaronner. Pékin semble en train de battre de vitesse l’Amérique (et plus encore l’Europe qui est le terrain de jeu sacrificiel de leur duel), qui entre tout juste dans la pandémie et va comme l’Europe, subir une contrecoup économique lourd, en faisant repartir sur les chapeaux de roues son économie pour voler au secours du monde et le soigner… Mais une autre “guerre fait rage”, là aussi pleine d’ironie qu’il faut suivre avec grande attention : celle des grands producteurs de pétrole (dont la Chine est la cible commerciale ultime).

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Donald Trump est désormais contraint d’aller à Canossa et d’implorer Moscou et Ryad de réduire leur production pour enrayer la chute vertigineuse du prix du baril et ne pas noyer définitivement son industrie du schiste dans une marée noire saoudo-russe. L’OPEP l’emporte. Russes et Saoudiens sont d’accord pour lui faire rabattre sa superbe et l’aider un peu, en échange d’un allègement des sanctions contre Moscou et d’un arrêt du soutien au cousin rival de MBS à Ryad que certains à Washington verraient bien lui succéder depuis le dépeçage de Kashoggi qui a fait désordre. Vladimir Poutine doit savourer sa vengeance mais réfléchira sans doute avant de tendre la main à Washington. L’Amérique lui en saura-t-elle gré durablement ? Rien n’est moins sûr. La nouvelle guerre froide et l’anti-russisme pavlovien reprendront de plus belle dès que Washington se relèvera. Les Américains sont pragmatiques mais pas stratèges. Ils ne sont malheureusement pas près de comprendre qu’ils auraient tout à gagner à faire basculer Moscou dans le camp occidental. Cette erreur stratégique dure depuis 30 ans et il est bien tard maintenant. Les Russes n’en veulent plus et les Européens sont incapables de comprendre qu’ils en font les frais.

*Caroline Galactéros, Présidente de Geopragma

jeudi, 09 avril 2020

Les leçons de la crise : la mise sous respiration artificielle de l’Europe...

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Les leçons de la crise : la mise sous respiration artificielle de l’Europe...

par Caroline Galactéros
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur le site de Geopragma et consacré aux conséquences de la crise du Coronavirus en Europe. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

Les leçons de la crise : la mise sous respiration artificielle de l’Europe

Il ne s’agit pas, comme pour l’OTAN, d’une prétendue “mort cérébrale” mais d’une très concrète mise sous respiration artificielle de l’Europe. Sans garantie de survie. Le Covid-19 agit comme un triste révélateur de la vérité de ce qu’est l’UE : une vieille dame qui a “de beaux restes” mais ne sait plus ce que veut dire “se tenir”, être digne de soi ou de ce que l’on prétend être. Telle une ancienne gloire de la scène mondiale, elle vit tellement dans ses souvenirs et ses illusions qu’elle ne s’est pas rendu compte que le monde avait complètement changé et qu’on ne l’écoutait plus.

Les masques tombent

Cette pandémie révèle les meilleurs et les pires des comportements humains : les trafics, les pillages dans nos hypermarchés dégoulinants de nourriture, le mépris des consignes de confinement d’une partie de notre jeunesse en sécession, l’abandon de notre partenaire italien en pleine tragédie, comme d’ailleurs celui de la Grèce plus seule que jamais face aux migrants à l’assaut de ses frontières, les coups de poignard dans le dos entre Européens (comme ces douaniers Tchèques qui récupèrent l’aide chinoise d’urgence destinée à l’Italie et la distribuent dans leurs hôpitaux). Il y a aussi le meilleur : la solidarité active de tant de nos concitoyens et de nos entreprises qui fourmillent d’initiatives et d’empathie, les policiers qui travaillent nuit et jour pour sauver de leurs bourreaux domestiques femmes et enfants plus en danger encore que d’ordinaire, les pompiers, les personnels dévoués de nos maisons de retraite et même simplement les “mercis” chantés chaque soir pour les “soignants” qui ne démissionnent pas alors même que l’impéritie gouvernementale les fait depuis des semaines monter au front presque sans masques ni gants… Ne nous trompons pas toutefois. Le dévoiement de la sémantique guerrière est à mon sens ridicule et même contreproductif. Cette rhétorique martiale dessert l’image de nos “chefs de guerre” manifestement mal armés et peu décisifs aux premiers temps de l’épidémie. Les “soignants” ne font que leur devoir. Ils vivent leur vocation, celle qui a inspiré leur choix professionnel. Ce ne sont pas des “héros”, ni des victimes. Même s’il est vrai que, comme nos gendarmes, nos policiers, nos croquemorts et tant d’autres, ils montent au front de la pandémie depuis des semaines souvent sans armes et prennent des risques personnels insensés dans un pays qui se targuait hier encore d’avoir le meilleur système de soins au monde…

“Il est donc grand temps de redéfinir avec lucidité et ambition le périmètre du régalien”

Les masques sont donc tombés de ce nouveau village Potemkine français, la politique préventive de santé publique. Dieu merci, Hippocrate est encore vivant. Il faudra néanmoins sérieusement s’occuper de lui dès la crise passée et le soigner à son tour sans mégoter. Cette incurie sanitaire aux conséquences désastreuses rappelle celle du budget de la défense, allègrement raboté durant des décennies au nom des “dividendes de la paix” sans réfléchir même à préserver les capacités essentielles indépendantes pour faire face à de collectives calamités. Nous sommes là au cœur de la résilience d’une nation et même de sa survie. Quand la tempête sera passée, ces domaines, comme ceux de la sécurité ou de la justice, devront une fois pour toutes échapper à nos petits hauts fonctionnaires comptables ratiocineurs, qui trouvent toujours de l’argent pour remplir les tonneaux des Danaïdes de l’assistanat à visée électoraliste, mais laissent nos soldats et nos médecins en haillons au nom de la rationalité budgétaire en misant sur leur sens du devoir pour faire le job malgré tout si besoin était. Besoin est.

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Le besoin d'état

Il est donc grand temps de redéfinir avec lucidité et ambition le périmètre du régalien, qui dessine celui de notre souveraineté comme socle vital de la persistance dans l’être de la Nation. Temps aussi d’admettre que nous faisons face au grand retour des Etats dont il faut se réjouir au lieu de célébrer stupidement leur déliquescence comme un progrès.

Car nos peuples, tous les peuples ont besoin d’un Etat, et d’un Etat fort qui sache les protéger et décider dans l’incertitude au mieux de leurs intérêts physiques, matériels, et même immatériels. Les utopies fluides de la globalisation, de la délocalisation vertueuse des productions indispensables (des masques et respirateurs aux catapultes de nos avions de chasse, aux turbines de nos sous-marins en passant par notre alimentation, nos médicaments, etc…), celles de la virtualisation accélérée du monde viennent de se fracasser lamentablement devant un petit virus mutant, né de nos propres expérimentations, qui décime cet humain prétendument si proche de la vie éternelle et de l’humanité “augmentée”. Le COVID 19 vous terrasse comme la peste noire ou la grippe espagnole emportèrent en leur temps des centaines de milliers de malheureux. Nous ne sommes donc rien ou plutôt pas grand-chose ! Vanitas vanitatis, omnia est vanitas ! Il était temps de s’en souvenir. Pas de masque, pas de gants, une accolade de trop et hop ! Au trou ! Cette crise est une crise de l’Ubris occidental, gavé d’utopie technicienne au point de se croire invulnérable. On n’y croyait pas. Un peu comme les Américains avant le 11 septembre 2001, qui ne pouvaient seulement imaginer, en dépit de bien des signaux d’alarme, que leur territoire allait être magistralement désanctuarisé en son cœur même. Notre civilisation “post-moderne”, pétrie d’économisme triomphant, saisie du vertige transhumaniste et nos sociétés si sophistiquées qui pratiquent le trading haute fréquence et installent des millions de Kilomètres de câbles sous-marins pour gagner plus encore, en quasi totale décorrélation d’avec l’économie réelle comme du sort des populations ordinaires, avaient juste oublié qu’elles étaient mortelles. Paul Valery n’aurait sans doute pas imaginé pareille postérité à son prophétique propos.

“L’Etat tient” nous dit-on ! Encore heureux ! Mais pour combien de temps et surtout, saura-ton tirer profit de ce drame mondial pour prendre de la hauteur, revoir de fond en comble nos plans d’urgence, nos priorités, notre planification de crise, notre gouvernance et enfin définir ce que nous attendons de nous-mêmes en tant qu’Etat-nation digne de ce nom dans le monde tel qu’il est ? Cela nous permettrait de décider au passage ce que nous attendons de l’Europe et ce ne serait pas du luxe ! Quand on réalise le temps perdu à Bruxelles par nos eurocrates hors sol et pleins de certitudes à nous convaincre qu’il était urgent d’attendre, qu’il ne fallait surtout pas fermer les frontières nationales ni même celles de Schengen, encore moins contrôler systématiquement les entrants nationaux ou étrangers, car c’était là manquer à “l’esprit européen” de liberté et au sacro-saint dogme libre échangiste, on mesure la totale irresponsabilité de ceux qui prétendent savoir ce qu’il faut aux Européens pour vivre en paix et prospères. Il faut vivre tout court déjà !

Saura-t-on faire que cette crise soit le catalyseur d’une prise de conscience urgentissime de ce que la souveraineté nationale n’est pas une option mais une nécessité vitale pour chaque peuple sur cette planète ? Va-t-on en finir avec le conformisme intellectuel qui nous affaiblit collectivement en nous faisant faire l’autruche et tout comprendre en permanence de travers ? Saura-t-on voir que le sujet n’est pas le populisme ou je ne sais quelle lubie rétrograde, mais bien l’urgence de protéger concrètement nos peuples et notre civilisation contre divers périls, lutte à laquelle il faut affecter les moyens suffisants au lieu de fuir dans le ronron du productivisme en roue libre et de la morale en toc qui fait au loin des tombereaux de morts ?

Les conseilleurs n’étant pas les payeurs (quoiqu’en l’espèce un peu quand même), il serait évidemment malvenu de critiquer ceux qui dans la tempête, après l’avoir gravement sous-estimée, cherchent rames et écopes. Si cette pandémie rappelle le monde entier à son humaine condition et fait sonner à ses oreilles sidérées le même glas, on voit immédiatement que les pays sont tout sauf égaux devant elle, selon les « choix » de leurs gouvernants en matière de contrôle des frontières mais aussi de dépistage et de traitement. Le” pouvoir égalisateur ” du virus lui-même s’arrête à la décapitation de nos petites vanités dérisoires. Plus que jamais, les destinées collectives des peuples dépendent des forces morales, mentales comme de l’autorité de leurs dirigeants.

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L’état n'est plus stratège

En France, la stratégie adoptée de limiter les tests au maximum et de confiner l’ensemble de la population en mettant à l’arrêt la vie économique du pays au lieu de dépister massivement puis d’isoler les contaminés pour les traiter, n’a d’ailleurs pas été un arbitrage scientifique. Nous n’avions juste pas (plus) les moyens de faire autrement. Ce choix nous a été imposé par notre système sous-dimensionné de prise en charge de l’urgence sanitaire. Pourtant, le risque pandémique est un risque sanitaire majeur bien connu. Et depuis 15 ans, nous avons déjà connu les tragédies de la grippe aviaire et du virus H1N1…Mais nous n’en avons pas tiré les enseignements. Nous sommes passés à autre chose. Nous délocalisons toujours les productions pharmaceutiques et médicales et nos arbitrages sont idéologiques et d’opportunisme politique, nourris d’une confiance ingénue dans la supériorité de la liberté de circulation des individus sur la contagiosité extrême d’un virus. Dont acte.

Alors, on a différé, séquencé, délayé, et perdu un temps précieux au risque de bien des morts, et de devoir in fine, une fois le système saturé et les soignants éreintés, choisir ceux que l’on sauve et ceux que l’on sacrifie, écrémage pourtant politiquement suicidaire. Le gouvernement après quelques semaines d’atermoiements, parait désormais avoir pris la mesure du danger et de bonnes décisions. On peut tout de même remarquer que notre vaisseau prend l’eau de toutes parts, et qu’il faudrait voir à racheter une grand-voile au lieu de rapiécer sans cesse notre Tourmentin. Tout cette improvisation révèle une folle vanité et une désorientation plus vaste encore, qui font craindre pour la sécurité au sens le plus large que méritent nos compatriotes. Car, à moins que l’on ne cède au complotisme, ce virus n’a pas été intentionnellement lâché dans la nature. Le prochain le sera peut-être. La “guerre” bactériologique et chimique est aussi vieille que l’homme. Chinois comme Américains et Russes sont les meilleurs au monde en cette matière. Nous ne sommes pas mauvais non plus. C’est la massification de l’empoisonnement à l’ancienne, la strychnine à l’échelle industrielle. Alors l’économie mondiale s’enraye bien plus surement qu’avec un blackout venu du cyber-warfare ! Alors le pétrole plonge, les convoitises et les embuscades préparées de longue date contre des entreprises fragiles peuvent s’accélérer. Pékin est déjà en train de fondre sur des proies australiennes, et bien des entreprises européennes sont sur sa wish list… Cette crise est donc une répétition générale opportune pour une autre attaque probable lancée à des fins de déstabilisation offensive.

Face à ce type d’occurrence, il faut à nos démocraties molles des “chefs” politiques ayant des vertus particulières. Des hommes ayant le sens de l’Etat et de l’intérêt général, dotés une grande humanité mais insensibles et même réfractaires à l’air du temps, sachant définir un cap et s’y tenir, donner des ordres et se faire obéir. Des hommes surtout, qui arrêtent de bêler avec les autres européistes qui ont tué l’Europe des Nations à force de l’émasculer. Or, on a cassé le moule. Les gouvernants européens sont presque tous d’une autre eau. Pour eux, la guerre est un objet historique. Ils ne savent plus ce qu’elle exige d’anticipation austère et de sacrifices impopulaires. Ils sont sans boussole intérieure, historique et morale. Ils ne savent que “gérer” l’urgence dans l’urgence, sans jamais prendre le temps de s’y préparer sérieusement, à l’instar d’ailleurs de leur pratique politique générale, qui consiste à vouloir plaire à tout le monde, donc à personne. Pourquoi cette systématique indifférence à l’anticipation ? Sans doute parce qu’elle ne rapporte rien politiquement… sauf en cas de “surprise stratégique”. C’est un pari. Qu’ils ne font pas. Celui du service de l’intérêt national dont on ne vous saura peut-être jamais gré. Un pari à rebours de l’air du temps, qui requiert des mesures de protectionnisme économique, des nationalisations, la constitution de stocks et de champions nationaux, le maintien de capacités de production indépendantes multiples. Bref, cela coûte cher et ne rapporte rien, sauf si… Cela demande de croire à la souveraineté nationale, à l’intérêt et à la raison d’Etat et d’accepter leur coût politique et financier toujours exorbitant. Or, nous parlons d’Etat stratège sans jamais en accepter l’austérité et les exigences. Gouverner n’est pas glamour.

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Dieu merci, le cadavre européen bouge encore. Ou plutôt, sous l’effet de la gravité de la crise sanitaire qui cible les populations – première richesse d’une nation-, certains de ses “organes” (les Etats-membres) sortent de leur torpeur et reprennent leur vie propre. La Hongrie, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce, la Pologne. On appelle cela avec dégoût le populisme, le souverainisme, et même “l’i-libéralisme”, alors que ce sont les systèmes immunitaires des peuples et nations qui se réveillent, non pas contre l’Europe mais pour elle, pour la faire sortir enfin de son enveloppe abstraite mortifère !

Caroline Galactéros (Geopragma, 4 avril 2020)

mardi, 07 avril 2020

Les États-Unis et la Chine sont-ils piégés dans une guerre hybride ?

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Les États-Unis et la Chine sont-ils piégés dans une guerre hybride ?

par Pepe Escobar

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Les retombées de la pandémie du Covid-19 mettent les États-Unis et la Chine sur des trajectoires de collision

Parmi les innombrables effets géopolitiques bouleversants du coronavirus, l’un d’eux est déjà évident. La Chine s’est repositionnée. Pour la première fois depuis le début des réformes de Deng Xiaoping en 1978, Pékin considère ouvertement les États-Unis comme une menace, comme l’a déclaré il y a un mois le ministre des Affaires étrangères Wang Yi lors de la Conférence de Munich sur la sécurité pendant le pic de la lutte contre le coronavirus.

Pékin façonne avec soin, et progressivement, le récit selon lequel, dès le début de l’attaque du coronavirus, les dirigeants savaient que c’était une attaque de guerre hybride. La terminologie de Xi est un indice majeur. Il a dit, pour le compte rendu, que c’était la guerre. Et, en contre-attaque, une «guerre populaire» devait être lancée.

De plus, il a décrit le virus comme un démon ou un diable. Xi est confucianiste. Contrairement à certains autres penseurs chinois anciens, Confucius répugnait à discuter des forces surnaturelles et du jugement dans l’au-delà. Cependant, dans un contexte culturel chinois, diable signifie «diables blancs» ou «diables étrangers» : guailo en mandarin, gweilo en cantonais. C’était Xi délivrant une puissante déclaration codée. 
 
Note d'un lecteur du Saker Francophone : Pepe Escobar commet ici une erreur sémantique majeure lorsqu'il extrapole l'utilisation faite par Xi Jinping du mot "devil" pour définir le coronavirus, et nommer, à couvert, d'hypothétiques responsables américains (hypothèse par ailleurs tout à fait plausible). Le terme péjoratif pour nommer un "étranger" en cantonais est effectivement "gweilo" ("diable d'étranger"), mais en aucun cas "guailo" (qui devrait en plus s'écrire "lao"), terme qui n'existe pas en mandarin. Le terme employé dans toute la Chine hors de la province du Guangdong, où se trouvent Canton et Hong kong, est "laowai", mot au contraire respectueux qui veut dire "l'étranger" (venu de l'extérieur). Xi Jinping ne parle pas le cantonais, la langue officielle de la Chine est le mandarin, et aucun président de la république de Chine, fut-il cantonais, ne se hasarderait à prononcer un discours officiel dans un dialecte régional. Laurent Schiaparelli

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La délégation américaine aux Jeux militaires de Wuhan, 2019

Lorsque Zhao Lijian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a exprimé dans un tweet incandescent la possibilité que «ce pourrait être l’armée américaine qui a apporté l’épidémie à Wuhan» – la première diatribe à ce sujet provenant d’un haut fonctionnaire -, Pékin envoyait ainsi un ballon d’essai signalant que les gants étaient enfin retirés. Zhao Lijian a établi un lien direct avec les Jeux militaires de Wuhan en octobre 2019, qui comprenaient une délégation de 300 athlètes militaires américains.

Il a directement cité le directeur américain des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies – Centers for Disease Control and Prevention ou CDC –, Robert Redfield, qui, interrogé la semaine dernière sur la découverte à titre posthume de décès par coronavirus aux États-Unis, a répondu que «certains cas ont été diagnostiqués de cette manière aux États-Unis aujourd’hui».

La conclusion explosive de Zhao est que le Covid-19 était déjà actif aux États-Unis avant d’être identifié à Wuhan – en raison de l’incapacité désormais pleinement documentée des États-Unis de tester et de vérifier les différences par rapport à la grippe.

Ajoutant tout cela au fait que les variantes du génome des coronavirus en Iran et en Italie ont été séquencées et qu’il a été révélé qu’elles n’appartiennent pas à la variété qui a infecté Wuhan, les médias chinois posent maintenant ouvertement des questions en établissant un lien entre la fermeture en août de l’année dernière du laboratoire d’armes biologiques «dangereux» à Fort Detrick, les Jeux militaires, et l’épidémie de Wuhan. Certaines de ces questions ont été posées – sans réponse – aux États-Unis eux-mêmes.

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Des questions supplémentaires persistent sur l’opacité de Event 201 à New York le 18 octobre 2019 : une simulation de pandémie mondiale causée par un virus mortel – qui se trouvait être un coronavirus. Cette merveilleuse coïncidence s’est produite un mois avant le déclenchement de l’épidémie à Wuhan.

Event 201 a été parrainé par la Fondation Bill & Melinda Gates, le Forum économique mondial (WEF), la CIA, Bloomberg, la Fondation John Hopkins et l’ONU. Les Jeux militaires mondiaux se sont ouverts à Wuhan exactement le même jour.

Quelle que soit son origine, qui n’est pas encore établie de manière concluante, alors que Trump tweete sur le «virus chinois», Covid-19 pose déjà des questions extrêmement sérieuses sur la biopolitique – où est Michel Foucault quand on a besoin de lui ? Et la bio-terreur.

L’hypothèse de travail du coronavirus en tant que bio-arme très puissante, mais ne provoquant pas l’Armageddon, le désigne comme le véhicule parfait pour un contrôle social généralisé – à l’échelle mondiale.

Cuba devient une puissance biotechnologique

Tout comme un Xi, entièrement masqué, visitant la ligne de front de Wuhan la semaine dernière a été une démonstration médiatique à toute la planète que la Chine, avec d’immenses sacrifices, gagne la «guerre du peuple» contre le Covid-19, la Russie, dans un mouvement vis-à-vis de Riyad qui serait certainement apprécié par Sun Tzu, a provoqué une chute radicale du prix du baril de pétrole, aidant, à toutes fins utiles, à relancer l’inévitable reprise de l’économie chinoise. Voilà comment fonctionne un partenariat stratégique.

La disposition de l’échiquier change à une vitesse vertigineuse. Une fois que Pékin a identifié le coronavirus comme une attaque par arme biologique, la «guerre du peuple» a été lancée avec toute la puissance de l’État. Méthodiquement. Sur la base de «quoi qu’il en coûte». Nous entrons maintenant dans une nouvelle étape, qui sera utilisée par Pékin pour réviser considérablement son interaction avec l’Occident, et dans des cadres très différents en ce qui concerne les États-Unis et l’UE.

La puissance douce est primordiale. Pékin a envoyé un vol d’Air China en Italie, transportant 2 300 grands cartons remplis de masques portant l’inscription «Nous sommes des vagues de la même mer, des feuilles du même arbre, des fleurs du même jardin». La Chine a également envoyé un lourd colis humanitaire à l’Iran, à bord de huit vols assurés par Mahan Air – une compagnie aérienne soumise à des sanctions illégales et unilatérales de l’administration Trump.

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Le président serbe Aleksandar Vucic n’aurait pas pu être plus explicite : «Le seul pays qui peut nous aider est la Chine. À ce jour, vous avez tous compris que la solidarité européenne n’existe pas. C’était un conte de fées sur le papier. »

Soumis à des sanctions sévères et diabolisé depuis toujours, Cuba est encore en mesure de réaliser des percées – même en biotechnologie. L’anti-viral Heberon – ou Interféron Alpha 2b – un thérapeutique, pas un vaccin, a été utilisé avec grand succès dans le traitement du coronavirus. Une coentreprise en Chine produit une version à inhaler, et au moins 15 pays sont déjà intéressés à importer le produit thérapeutique.

Comparez maintenant tout cela avec l’administration Trump offrant 1 milliard de dollars pour braconner des scientifiques allemands travaillant dans la société de biotechnologie Curevac, basée en Thuringe, sur un vaccin expérimental contre le Covid-19, pour l’utiliser comme vaccin « uniquement pour les États-Unis ».

Psy-op d’ingénierie sociale ?

Sandro Mezzadra, co-auteur avec Brett Neilson du livre fondateur The Politics of Operations : Excavating Contemporary Capitalism, essaie déjà de conceptualiser notre attitude actuelle en termes de lutte contre Covid-19.

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Nous sommes confrontés à un choix entre un volet malthusien – inspiré du darwinisme social – «dirigé par l’axe Johnson-Trump-Bolsonaro» [et Macron ? oublié ? NdT] d’une part, et de l’autre, un volet proposant la «requalification de la santé publique en tant qu’outil fondamental» incarné par la Chine, la Corée du Sud et l’Italie. Il y a des leçons majeures à tirer de la Corée du Sud, de Taïwan et de Singapour.

L’alternative forte, note Mezzadra, se situe entre une «sélection naturelle de la population», avec des milliers de morts, et «la défense de la société» en employant «des degrés variables d’autoritarisme et de contrôle social». Il est facile d’imaginer qui bénéficiera de cette reconstruction sociale, un remix, au XXIe siècle, du Masque de la Mort Rouge de Poe.

Au milieu de tant de pessimisme, comptez sur l’Italie pour nous offrir des nuances de lumière de style Tiepolo. L’Italie a choisi l’option Wuhan, avec des conséquences extrêmement graves pour son économie déjà fragile. Les Italiens en quarantaine ont remarquablement réagi en chantant sur leurs balcons : un véritable acte de révolte métaphysique.

Même les milliers de milliards de dollars, tombant du ciel par un acte de miséricorde divine de la Fed, n’ont pu guérir du Covid-19. Les «dirigeants» du G-7 ont dû recourir à une vidéoconférence pour réaliser à quel point ils étaient ignorants – alors même que la lutte de la Chine contre le coronavirus donnait à l’Occident une longueur d’avance de plusieurs semaines [pour se préparer].

Le Dr Zhang Wenhong, basé à Shanghai, l’un des meilleurs experts chinois en matière de maladies infectieuses, dont les analyses ont été pertinentes jusqu’à présent, affirme maintenant que la Chine est sortie des jours les plus sombres de la «guerre populaire» contre le Covid-19. Mais il ne pense pas que ce sera fini d’ici l’été. Maintenant extrapolez au monde occidental ce qu’il dit pour la Chine.

Ce n’est même pas encore le printemps, et nous savons déjà qu’il faut un virus pour briser sans pitié la Déesse du Marché. Vendredi dernier, Goldman Sachs a déclaré à pas moins de 1.500 sociétés qu’il n’y avait pas de risque systémique. C’était faux.

Des sources bancaires new-yorkaises m’ont dit la vérité : le risque systémique est devenu beaucoup plus grave en 2020 qu’en 1979, 1987 ou 2008 en raison du danger extrêmement accru de l’effondrement du marché des dérivés de 1,5 quadrillion de dollars (1,5×10^24).

Comme le disent les sources, l’histoire n’avait jamais rien vu de tel que l’intervention de la Fed via son élimination, peu comprise, des réserves obligatoires des banques commerciales, déclenchant une expansion potentiellement illimitée du crédit pour éviter une implosion du marché des produits financiers dérivés résultant d’un effondrement total des matières premières et des marchés boursiers à travers le monde.

Ces banquiers pensaient que cela fonctionnerait, mais comme nous le savons maintenant, tout ce bruit et cette fureur ne signifiaient rien. Le fantôme d’une implosion des produits dérivés – en l’occurrence non causée par la possibilité précédente de la fermeture du détroit d’Ormuz – demeure.

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Nous commençons à peine à comprendre les conséquences du Covid-19 pour l’avenir du turbo-capitalisme néolibéral. Ce qui est certain, c’est que toute l’économie mondiale a été arrêtée par un disjoncteur insidieux, littéralement invisible. Ce n’est peut-être qu’une «coïncidence». Ou cela peut faire partie, comme certains le soutiennent hardiment, d’une possible psy-op massive créant l’environnement géopolitique et l’ingénierie sociale parfaite pour une domination tous azimuts.

De plus, avec un travail harassant le long du chemin, et d’immenses sacrifices humains et économiques, avec ou sans redémarrage du système mondial, une question plus urgente demeure : les élites impériales globalisées choisiront-elles toujours de continuer leur guerre hybride totale contre la Chine pour la domination tous azimuts ?

Pepe Escobar

Traduit par jj, relu par Marcel pour le Saker Francophone

samedi, 04 avril 2020

Géopolitique du coronavirus II - Entretien avec Jean-François Susbielle

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Géopolitique du coronavirus II

Entretien avec Jean-François Susbielle

Ex: https://stategika.fr

Au cœur d’une crise mondiale inédite par son ampleur, Strategika vous propose l’éclairage d’analystes et de penseurs reconnus dans leur domaine d’expertise. Nous avons posé à chacun une série de questions qui portent sur les différents aspects de cette véritable crise de civilisation ainsi que sur ses répercussions politiques, géopolitiques et sociales.

Nous poursuivons cette série d’entretiens avec Jean-François Susbielle.

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Jean-François Susbielle est Ingénieur Civil des Mines et diplômé de Sciences Po en relations internationales. Spécialiste de l’Internet, il a écrit plusieurs ouvrages techniques aux éditions Eyrolles. Depuis plus de 10 ans, il enseigne la géopolitique à Sciences Po Paris puis à Grenoble Ecole de Management. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages centrés sur les relations Chine-USA dont un thriller, “la morsure du dragon” (First Editions)

morsure.jpgStrategika – On lit beaucoup d’éléments contradictoires selon les différentes sources d’information disponibles ou selon les avis des professionnels de la santé. Quelle est la réalité effective de cette pandémie selon vous ?

La pandémie est bien réelle puisque le COVID-19 affecte aujourd’hui la quasi totalité de la planète. Par contre, l’OMS en a certainement surestimé le taux de létalité en avançant le chiffre de 3,5%. Sans doute supérieure à la grippe saisonnière, la létalité reste en deçà de 1% des personnes infectées (et non pas des seuls cas déclarés.)

D’après l’université de Stanford, la létalité du COVID-19 se situerait autour de 0,4%, d’autres l’estiment entre 0,1% et 0,3%.

Par contre, le COVID-19 est selon les spécialistes, de 2 à 3 fois plus contagieux que la grippe et lorsqu’elles surviennent, les complications pulmonaires peuvent être beaucoup plus sérieuses et nécessiter une hospitalisation en soins intensifs.

Strategika – Cette pandémie précède-t-elle un effondrement économique et systémique selon vous ?

Ce n’est pas tant le volet sanitaire de la pandémie que le confinement adopté pour la combattre, qui aura les conséquences les plus désastreuses. La mise au ralenti – sinon à l’arrêt – de l’activité économique pendant plusieurs mois (au moins 6 mois dit-on au Royaume Unis), la fermeture des frontières au tourisme, auront des conséquences cataclysmiques, en particuliers pour les pays les plus faibles. Ce sera darwinien, les plus vulnérables ne sortiront pas indemnes. L’Allemagne l’a bien compris qui tente de mitiger ces conséquences dévastatrices en évitant un confinement intégral.

9782754003346.jpgEn Asie, le Japon, Taiwan, Singapour ou la Corée ont montré qu’il était possible de gérer la pandémie de manière différente et moins destructrice en évitant d’éteindre le moteur de l’activité comme on le fait en France. L’Allemagne tente de suivre ce modèle. 

Mais chacun pressent que l’après COVID-19, s’il y a un après, sera très différent du monde que nous quittons.

Strategika – Plus de 3 milliards de personnes sont appelées à se confiner dans le monde. Pour la première fois de son histoire, l’Humanité semble réussir à se coordonner de manière unitaire face à un ennemi global commun. Que vous inspire cette situation ? Cette pandémie va-t-elle forcer l’humanité à se doter d’un gouvernement mondial comme le préconisait Jacques Attali lors de la pandémie de grippe A en 2009 ? 

Nous n’en prenons pas le chemin. Bien au contraire, la pandémie accélère la dé-mondialisation initiée par D. Trump, réintroduit les frontières entre les États et consacre plus que jamais le chacun pour soi.

Le 12 mars, les USA claquaient la porte au nez des européens sans la moindre concertation, alors que le 15 mars, l’Allemagne fermait de manière unilatérale sa frontière avec la France ! 

Pour le moment, le volet sanitaire de la pandémie montre que chaque pays joue pour son propre compte et on ne distingue pas l’amorce du début du commencement d’une coordination, prélude à ce fameux “gouvernement mondial”.

Certes nous n’en sommes qu’au début et il faut attendre le volet économique de la séquence en cours, la dépression avec son cortège de faillites, de chômage de masse et de destruction du tissu industriel et social. Chacun voudra sortir de cette pandémie dans un état de délabrement moindre que ses rivaux.

41ww3hMYBQL._SX319_BO1,204,203,200_.jpgMais ce n’est pas tout ! Un cataclysme de cette ampleur représente une opportunité unique pour les nouveaux venus (je pense à la Chine) de rebattre les cartes au niveaux mondial et d’acquérir de la puissance au dépend des autres.   

Et puis, s’il y a dans les sphères mondialistes américaines un projet de gouvernement mondial, Donald Trump en est aujourd’hui le rempart.

Strategika – En 2009 toujours, Jacques Attali expliquait que « l’Histoire nous apprend que l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur ». Que vous inspire cette idée ?    

Je vois mal à quoi Monsieur Attali fait allusion. Pour moi, l’humanité évolue grâce au progrès technique et aux révolutions industrielles.

Pense-t-il aux institutions internationales nées dans l’immédiate après-guerre, ONU, FMI, Banque Mondiale ? Ce n’est pas tant la peur d’une nouvelle guerre qui a présidé à leur création que la volonté de domination du vainqueur américain.

Aujourd’hui, après 40 ans de mondialisation débridée, plus de la moitié de la richesse mondiale se concentre entre les mains des 0,1% les plus riches, ceux que M. Attali appelle “l’hyper classe”.  C’est peut-être de leur côté qu’il faut chercher les projets d’avenir pour notre pauvre humanité, entre transhumanisme et esclavage. La période de confinement et de peur que nous connaissons offre une fenêtre de moindre résistance dans la population, propice à toute sorte d’évolutions.

Strategika – Comment voyez-vous l’évolution de la pandémie et ses conséquences politiques et sociales dans les semaines à venir ? Existe-t-il une issue politique à la situation que vous venez de décrire et quelle forme pourrait-elle prendre selon vous ?

On espère ardemment que notre pays puisse panser ses plaies et trouve suffisamment de forces pour remonter la pente. Mais chacun pressent que cette crise ne permettra pas un retour à l’état précédent comme ce fut le cas avec les crises des cinquante dernières années, qu’elles soient pétrolières ou monétaires, ou qu’elles résultent de l’éclatement des bulles de l’Internet ou des subprimes.

Il est bien trop tôt pour envisager le monde de l’après COVID-19. La dépression risque d’être si profonde que tous les scénarios sont possibles. Pour en avoir un avant-goût, il suffit de se rendre dans une librairie (en ligne) au rayon science-fiction, catégorie dystopie…

vendredi, 03 avril 2020

Manoeuvres stratégiques derrière la crise du Coronavirus

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Manoeuvres stratégiques derrière la crise du Coronavirus

 
 
Auteur : Manlio Dinucci 
Ex: http://www.zejournal.mobi

Tandis que la crise du Coronavirus paralyse des sociétés entières, de puissantes forces sont à l’oeuvre pour tirer l’avantage maximal de la situation. Le 27 mars l’OTAN sous commandement USA s’est élargie de 29 à 30 membres, en englobant la Macédoine du Nord. Le jour suivant -alors que se poursuivait l’exercice USA “Défenseur de l’Europe 2020”, avec moins de soldats mais plus de bombardiers nucléaires- a commencé en Écosse l’exercice aéronaval OTAN Joint Warrior avec des forces US, britanniques, allemandes et autres, qui durera jusqu’au 10 avril y compris avec des opérations terrestres. 

En attendant, les pays européens de l’OTAN sont avertis par Washington que, malgré les pertes économiques provoquées par le Coronavirus, ils doivent continuer à augmenter leurs budgets militaires pour “conserver la capacité de se défendre”, évidemment de l’”agression russe”.

À la Conférence de Munich, le 15 février, le secrétaire d’état Mike Pompeo a annoncé que les États-Unis ont sollicité les alliés à débourser 400 milliards de dollars de plus pour augmenter la dépense militaire de l’OTAN, qui dépasse déjà amplement les 1.000 milliards annuels. L’Italie doit ainsi augmenter sa propre défense militaire, qui se monte déjà à plus de 26 milliards d’euros annuels, c’est-à-dire plus que le Parlement n’a autorisé à débourser ponctuellement pour l’urgence Coronavirus (25 milliards).  

L’OTAN gagne ainsi du terrain dans une Europe largement paralysée par le virus, où les USA, aujourd’hui plus que jamais, peuvent faire ce qu’ils veulent. À la Conférence de Munich Mike Pompeo a violemment attaqué non seulement la Russie mais aussi la Chine, en l’accusant d’utiliser Huawei et d’autres compagnies comme “cheval de Troie de l’intelligence”, c’est-à-dire comme outils d’espionnage. Ce faisant les États-Unis accroissent leur pression sur les pays européens pour qu’ils rompent aussi les accords économiques avec Russie et Chine et renforcent les sanctions contre la Russie.

Que devrait faire l’Italie, si elle avait un gouvernement qui veuille défendre nos réels intérêts nationaux ? 

Elle devrait avant tout refuser d’augmenter notre dépense militaire, artificiellement gonflée avec la fake news de l’”agression russe”, et la soumettre à une révision radicale pour réduire le gaspillage d’argent public dans des systèmes d’arme comme le chasseur USA F-35. Elle devrait immédiatement supprimer les sanctions contre la Russie, en développant au maximum l’échange avec elle. Elle devrait adhérer à la requête -présentée le 26 mars à l’ONU par la Chine, la Russie, l’Iran, la Syrie, le Venezuela, le Nicaragua, Cuba et la Corée du Nord- que les Nations Unies fassent pression sur Washington pour abolir toutes les sanctions, particulièrement nocives au moment où les pays qui les subissent sont touchés par le Coronavirus. De l’abolition des sanctions contre l’Iran dériveraient aussi des avantages économiques pour l’Italie, dont les échanges avec ce pays ont été pratiquement bloqués par les sanctions USA. Ces mesures et d’autres donneraient de l’oxygène surtout aux petites et moyennes entreprises étouffées par la fermeture forcée, rendraient disponibles des fonds à destiner pour l’urgence, en faveur surtout des couches les moins défavorisées, sans pour cela s’endetter.

Le plus grand risque est celui de sortir de la crise en ayant au cou le noeud coulant d’une dette extérieure qui pourrait réduire l’Italie aux conditions de la Grèce. Plus puissantes que les forces militaires, et qui ont aussi en main les leviers décisionnels du complexe militaro-industriel, sont les forces de la grande finance internationale, qui sont en train d’utiliser le Coronavirus pour une offensive à l’échelle mondiale avec les armes les plus sophistiquées de la spéculation. Ce sont elles qui peuvent porter à la ruine des millions de petits épargnants, et qui peuvent utiliser la dette pour s’approprier des secteurs économiques entiers. 

Dans cette situation décisif est l’exercice de la souveraineté nationale, pas celle de la réthorique politique mais celle, réelle, qui, garantit notre Constitution, appartient au peuple.

Traduction par Marie-Ange Patrizio

jeudi, 02 avril 2020

Géopolitique du coronavirus - Entretien avec Valérie Bugault

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Géopolitique du coronavirus

Entretien avec Valérie Bugault

Au cœur d’une crise mondiale inédite par son ampleur, Strategika vous propose l’éclairage d’analystes et de penseurs reconnus dans leur domaine d’expertise. Nous avons posé à chacun une série de questions qui portent sur différents aspects de cette véritable crise de civilisation et sur ses répercussions politiques, géopolitiques et sociales.

La première à nous répondre est Valérie Bugault.

Valérie Bugault est docteur en droit privé de l’université Panthéon-Sorbonne et avocate. Depuis 2009, elle a cessé ses activités d’avocate pour se consacrer à la diffusion auprès du public du résultat de ses nombreux travaux de recherches. Elle est aujourd’hui analyste de géopolitique (économique, juridique et monétaire) et conférencière. Ses sujets de recherche sont les institutions – nationales et internationales – la monnaie, l’entreprise, le droit et le fonctionnement de l’économie globale.
Elle est auteur de quatre livres, récemment publiés aux éditions Sigest :
« Du nouvel esprit des lois et de la monnaie », co-écrit avec feu Jean Rémy, publié en juin 2017
« La nouvelle entreprise », publié en juillet 2018
– « Les raisons cachées du désordre mondial », recueil d’articles, publié le 30 mars 2019
« Demain dès l’aube… le renouveau », publié en septembre 2019

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1°) Strategika – On lit beaucoup d’éléments contradictoires selon les différentes sources d’information disponibles ou selon les avis des professionnels de la santé. Quelle est la réalité effective de cette pandémie selon vous ?

VB : Comme le dit très bien notre ami Lucien Cerise, il faut distinguer entre la réalité sensible dans le monde réel et la narration des faits qui est diffusée.

Voici, textuellement, ce qu’il dit :

« En France, et plus largement en Occident, la crise sanitaire du coronavirus présente un cas pratique d’ingénierie sociale et de gouvernance par le chaos. Nous retrouvons la même structure qu’avec la « menace terroriste » : un mélange de réel et de fiction, combiné à deux stratagèmes bien connus qui sont 1) le pompier pyromane et 2) le triangle de Karpman. Sur le mélange réel/fiction, souligné dans son dernier livre par le professeur Raoult – qui se fait le disciple occasionnel de Jean Baudrillard : les partisans du « tout réel » ont tort, les partisans du « tout fiction » ont tort. Exemple : ce n’est pas parce que la « version officielle » de la crise coronavirus est fausse qu’il n’y a pas d’épidémie ; de même, ce n’est pas parce que la « version officielle » des attentats terroristes est fausse que les attentats n’ont pas lieu. Des événements ont lieu, et c’est la narration explicative qui est fausse, pas les événements en eux-mêmes. L’analyse de la crise actuelle révèle aussi l’application des techniques du pompier pyromane et du triangle de Karpman, c’est-à-dire le jeu de rôles bourreau/victime/sauveur. Le pouvoir laisse la situation de crise s’installer, voire l’aide à s’installer, volontairement ou involontairement. Dans le réel, le pouvoir occupe donc la place du pyromane, donc du bourreau. Puis, une fois que la crise est installée et en cours, le pouvoir se présente comme le sauveur, qui va donc nous sauver de la crise qu’il a lui-même installé furtivement, tel un pompier qui éteindrait l’incendie après l’avoir lui-même allumé discrètement. »

Nous sommes face à une sorte de dissonance cognitive globale parce que les phénomènes auxquels nous sommes confrontés reçoivent une ou plusieurs explications officielles partielles (dans le meilleur des cas), contradictoires et/ou erronées qui ne permettent pas un accès intellectuel à l’ensemble du phénomène. En réalité, la méthodologie suivie dans la couverture de cette crise du coronavirus est similaire à celle qui nous est imposée d’une façon générale pour orienter les processus intellectuels : un séquençage (puisque le mot est désormais à la mode) ou un émiettement des connaissances, une sorte de fordisme appliqué à toutes l’échelle des connaissances. A cela s’ajoute un autre phénomène d’émiettement et d’isolement des populations : les milieux médicaux fréquentent peu ou pas d’autres milieux, chacun restant dans son pré carré par l’organisation même de la société. Ainsi, les constats et la vie que mène les uns sont quasi hermétiques aux constats et à la vie que mènent les autres, leurs seuls points de contacts étant leur façon (directe ou indirecte) de consommer.

Ainsi, nous recevons des retours en provenance du corps médical, d’autres en provenance d’organisations internationales, d’autres en provenance des différents pays du monde. D’autres sources d’informations sont inhérentes à la structuration de notre propre gouvernement (décret, lois…), d’autres sources d’informations encore proviennent de médias dits indépendants qui contredisent partiellement ou totalement les sources précédentes…

Finalement, pour y voir clair, il faut et il suffit de remettre de l’ordre, c’est-à-dire qu’il faut hiérarchiser et contextualiser les phénomènes ; encore faut-il que cette hiérarchisation soit pertinente.

Dans l’ordre nous avons : l’apparition peu préparée d’un virus en Chine, pays qui connait historiquement cette typologie de virus. Ensuite, une série de nouvelles alarmistes en forme d’hécatombe. Ensuite, bien sûr, le virus se répand sur la surface du globe pendant que l’on apprend que la Banque mondiale (que je ne présente plus) avait prévu, dès 2017, des « bonds spécifiques aux pandémies ». Ensuite une litanie de pays touchés et d’innombrables populations confinées pour, prétendument, lutter contre la propagation dudit virus. Pendant que les « morts » se multiplient et que les services hospitaliers étouffent littéralement sous cette affluence de gens à détecter ou à traiter.

Le tout se produisant dans un contexte géopolitique très particulier où la puissance économique chinoise, aujourd’hui arrivée à maturité, s’est alliée à la puissance militaire russe pour contrer l’hégémonie américaine et Cie.

Ce qui n’est pas dit dans ce tableau est pourtant l’essentiel : les USA et ses alliés ne sont plus depuis le début du XXème siècle (au bas mot) gouvernés par ce que j’appelle un phénomène politique, qui représente l’intérêt commun, mais par un cartel d’entreprises dirigé par les principales banques globales d’investissement qui ont leur quartier général, depuis Oliver Cromwell, à la City of London. En réalité, les Etats occidentaux n’existent plus car ils ont été privatisés lorsque le contrôle de leurs monnaies est tombé dans les mains des banquiers privés, ce qui explique, en Europe, l’apparition des institutions européennes, qui ne sont que la formalisation politique de cette capture des règles d’organisation des peuples par des intérêts privés.

Si l’on veut bien prendre en compte l’ensemble de ces éléments, un tableau assez clair se dessine.

Dans ce tableau, d’un côté apparaît un virus très contagieux et qui devient dangereux lorsqu’il se fixe dans les poumons et les voies respiratoires. Les patients, à ce stade, n’ont quasi plus de virus dans le corps et il devient inutile de leur appliquer le traitement préconisé par le Professeur Didier Raoult, comme ce dernier l’indique très clairement lui-même. Hormis ces cas de complications qui, apparemment ne sont pas si rares que ça, ledit virus est relativement anodin, il procure des symptômes plus ou moins gênants mais ne met pas en jeu de prognostique vital des patients infectés. Didier Raoult, professeur français spécialiste mondialement réputé en virologie et infectiologie, a émis des hypothèses de travail qui ont été confirmées par des spécialistes chinois ayant eu à traiter le virus et par un professeur Sénégalais (Pr. Seydi) qui a eu à affronter le virus Ebola et qui est, à ce titre, reconnu comme une sommité dans son domaine. Le traitement préconisé ne coûte pas cher (car les brevets très anciens sont tombés dans le domaine public) ; il n’est pas efficace à 100 % en fonction, notamment, du moment tardif ou non où il a été administré. Voilà, pour l’essentiel, ce qu’il importe de retenir.

De l’autre côté du tableau, on a des médecins stipendiés (la plus en vogue actuellement est la sulfureuse Karine Lacombe qui sévit sur les grandes ondes et est multi stipendiée des lobbies pharmaceutiques) ainsi que tout l’appareil d’Etat et les corps constitués (Inserm…), tous reliés, de près ou de loin, aux lobbies pharmaceutiques qui sont montés aux créneaux pour disqualifier les travaux des éminents spécialistes décrits ci-dessus. Sans oublier le fait que la campagne présidentielle de Macron a été partiellement financée par Big Pharma.

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En outre, je ne fais qu’effleurer rapidement, car l’énumération en serait vraiment trop longue, toutes les décisions politiques actuelles prises en opposition ouverte à l’objectif officiel d’enrayement de l’épidémie, qui passent par la classification début 2020 d’un médicament en vente libre depuis des décennies en substance vénéneuse, par le refus d’octroyer des autorisations administratives à des chercheurs proposant des tests pour détecter l’infection au coronavirus, par le refus de l’aide proposée par des industriels pour la fabrication de respirateurs… Ajoutons à cela, pour compléter le tableau, la déconstruction méthodique du service de santé publique, allant de la liquidation des stocks de matériels aux restrictions de lits et de personnels hospitaliers, aggravée depuis la présidence Sarkozy.

Cette crise sanitaire laisse ainsi apparaître les véritables acteurs politiques cachés derrière les oripeaux étatiques ! On perçoit, aujourd’hui mieux qu’hier, que l’Etat est tenu par des intérêts privés qui préconisent des remèdes très coûteux, voire peu efficient, en attendant le futur vaccin obligatoire. Sur la ligne d’arrivée pour gagner le cocotier des contrats publics et privés de commandes massives de vaccins : Johnson & Johnson qui annonce ce 31 mars qu’il sera prêt à tester son premier vaccin dès septembre 2020 ! D’autres laboratoires restent bien évidemment en lice pour la cagnotte du futur vaccin…

Il faut toutefois savoir deux choses. Premièrement, tous les vaccins rapidement fabriqués se sont historiquement révélés peu efficaces et même dangereux pour la santé humaine. Deuxièmement, un vaccin contre un virus par hypothèse mutant, comme l’est le coronavirus, a très peu de chance d’être efficace. Ce problème est aggravé par le fait que la maladie Covid-19 met en cause plusieurs souches différentes, dont l’une d’elle se subdivise encore en plusieurs variantes.

En conclusion, si les pouvoirs publics voulaient effectivement enrayer l’épidémie, ils décideraient de traiter, à moindre coût qui plus est, un maximum de gens en amont, comme le préconise le Dr. Raoult et d’autres grands spécialistes du monde entier. Cette aune du traitement médical préventif massif est la mesure exacte de l’honnêteté du gouvernement français.

En d’autres termes, si le gouvernement était honnête, il ne prendrait pas l’option dilatoire actuelle consistant à mettre tous les obstacles en place pour que les gens ne soient pas massivement traités selon les préconisations du Pr. Raoult ; pendant que les mesures de confinement ciblées sur les populations locales les plus normées deviennent de plus en plus rigoureuses alors même que ces mesures excluent les populations rebelles situées dans les zones de non droit, et les camps de migrants.

Par ailleurs, notons que le gouvernement français, qui a également récemment sur préconisation de l’ONU, vidé massivement et prématurément les prisons de prisonniers de droit commun (ce qui a fait l’objet d’un communiqué officiel de professionnels de la magistrature), punira d’emprisonnement les contrevenants multirécidivistes qui auront dépassé leur heure de promenade quotidienne autorisée, qui auront dépassé leur périmètre de promenade autorisée, ou qui auront oublié leur laisser-circuler…

On se rend bien compte ici de deux choses :

  • Que la volonté affichée de protéger les populations cache une volonté sournoise de les mettre en état de choc et de les surveiller massivement ;
  • Que l’anarchie sociale en cours de développement, est consciencieusement organisée par les pouvoirs publics eux-mêmes, sous le faux prétexte d’enrayer une épidémie.

2°) Strategika – Cette pandémie précède-t-elle un effondrement économique et systémique?

Plus de 3 milliards de personnes sont appelées à se confiner dans le monde. Pour la première fois de son histoire, l’humanité semble réussir à se coordonner de manière unitaire face à un ennemi global commun. Que vous inspire cette situation ?

Cette pandémie va-t-elle forcer l’humanité à se doter d’un gouvernement mondial comme le préconisait Jacques Attali lors de la pandémie de grippe A en 2009 ?  En 2009 toujours, Jacques Attali expliquait que « l’Histoire nous apprend que l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur ». Que vous inspire cette idée ?     

VB : Effectivement, de multiples informations montrent que l’existence d’une pandémie était prévue, pour ne pas dire attendue, par un certain nombre d’institutions et de personnages, au premier rang desquels on peut citer, pèle mêle, la fondation Bill et Melinda Gates, le centre John Hopkins pour la sécurité sanitaire, le Forum économique mondial, l’OMS, la Banque mondiale, Jacques Attali, le magazine « The Economist » (année 2019 et 2020) … Avec le britannique Gordon Brown qui appelle ouvertement à la constitution d’un gouvernement mondial pour faire face à cette pandémie de coronavirus.

Nous faisons donc globalement, ou mondialement, si vous préférez, face à une situation inédite dans l’histoire, dans laquelle un petit groupe de gens, cachés derrière l’anonymat des capitaux et des institutions internationales et menés par quelques banquiers privés, organisent des chocs ou tirent parti de chocs afin de faire avancer leur agenda global de prise de contrôle politique du monde en instituant un « gouvernement mondiale ».

Pour réaliser ce gouvernement mondial, il faut avoir préalablement développé, chez les individus en général et chez les dirigeants politiques en particulier, le sentiment de la nécessité d’une régulation des évènements à l’échelle globale. Une pandémie est en effet le phénomène qui répond le mieux à ce type de besoin. Dès le départ, on peut et on doit suspecter une manipulation.

Par ailleurs, il devient en effet de plus en plus évident que ce coronavirus résulte de la combinaison, aidée, de deux virus naturels, combinaison qui aurait malencontreusement fuité d’un ou de plusieurs laboratoires. Nous ne saurons probablement jamais le véritable déroulement des évènements ayant abouti à la dissémination de ce type de virus.

Ensuite, et en raison de l’homogénéisation de la réponse politique apportée à cette crise sanitaire par différents pays, il est tout à fait nécessaire que les citoyens victimes aiguisent leur vigilance et se tiennent sur leur garde car la manipulation devient évidente dans le contexte de privatisation généralisée des Etats.

Toutefois, on ne saurait trop insister sur l’impérieuse nécessité de discriminer les informations reçues. Ainsi, à titre personnel, je ne pense pas qu’il faille mettre sur un même plan la réponse politique chinoise et la réponse politique des pays européens.

D’une part, il ne faut pas oublier que la Chine, actuel opposant victorieux à l’hégémonie économique du bloc de l’ouest sous l’égide de l’OTAN, a été le premier pays attaqué par ce virus.

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D’autre part, les dirigeants chinois ont publiquement incriminés les GI’s américains dans la propagation du virus sur leur territoire.

Enfin, il faut se souvenir qu’aux USA, se sont produits, courant 2019, deux évènements extrêmement importants qui peuvent aisément être corrélés :

  • Une sorte d’épidémie pulmonaire grave avait été mise sur le dos des fabriquants de cigarettes électroniques et
  • Un laboratoire (Fort Detrick) a dû être fermé (Trump vient d’ailleurs récemment d’ordonner sa réouverture pour lutter contre le coronavirus !), durant l’été 2019, pour cause de fuites.

Il devient assez loisible d’imaginer que les conséquences de cette fuite de matériel bactériologique, volontaire ou non (nous ne le saurons jamais), a été artificiellement endossée par le puissant lobby du tabac – ce qui lui a permis d’éliminer un concurrent inoffensif naissant mais menaçant (l’industrie de la cigarette électronique) – avec la bénédiction des instances gouvernementales qui ont ainsi évité d’avoir à rendre des comptes publics.

Par ailleurs, il faut absolument toujours conserver à l’esprit que les gouvernements officiels sont privatisés mais que même dans ce cas de figure, il y a quantité de gens qui œuvrent quotidiennement dans ces structures et qui ne sont pas eux-mêmes corrompus. Ainsi, même en cas de fuite bactériologique issue d’un laboratoire secret on ne peut pas être sûr que cette fuite soit volontaire ; des individus infiltrés et aux ordres directs des puissances financières peuvent très bien avoir organisés ces fuites à l’insu de leurs collègues.

Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’existence des laboratoires secrets de recherche bactériologiques. Il faut comprendre que le problème se pose dans les mêmes termes qu’il s’est déjà posé en matière d’armes nucléaires : beaucoup de pays disposent légitimement de ce type de laboratoires sans qu’il soit question de les utiliser à des fins offensives. De la même façon, beaucoup de pays disposaient et disposent de l’arme nucléaire, tandis que très peu les ont utilisées à des fins offensives. Nous connaissons par ailleurs depuis longtemps la propension des puissances anglo-saxonnes et de leurs affiliés à cibler les populations civiles, qui n’ont, à vrai dire, à leurs yeux, aucune espèce d’importance et seraient plutôt considérées comme étant surnuméraires (voir les Georgia Guidestones, les travaux du « Club de Rome », et ceux de tous leurs descendants).

A ma connaissance, la puissance chinoise n’a jamais utilisé de façon offensive ni la bombe nucléaire, ni toute autre arme de destruction massive. En revanche, les USA, et leurs affiliés, n’ont plus de preuves à apporter quant à leur capacité à utiliser ce type d’armes pour viser, en particulier (c’est devenu une sorte de spécialité) les populations civiles.

Une fois ces préalables explicités et le contexte rétabli, il devient possible de répondre à votre première question.

En effet, la mise en confinement des gens bien-portants porte un coup d’arrêt brutal à l’économie des pays. En fonction de la durée du confinement, ces pays, surtout lorsqu’ils sont endettés, ne pourront que très difficilement s’en remettre. Cette remise sur pied devra, à l’évidence, s’accompagner d’une remise en cause de leur fonctionnement interne. Par ailleurs, les bienfaits abondamment claironnés de la globalisation économique, qui a rendu chaque pays dépendant des autres, reçoivent, eux aussi, un énorme démenti par cette crise sanitaire qui rend visible l’extrême dénuement industriel des pays dits développés, lesquels ne sont plus autosuffisants en quoique ce soit. On peut en effet en déduire, sans risque d’erreur, qu’il y aura un « avant la crise du coronavirus » et un « après la crise du coronavirus ».

Nous sommes collectivement sur une ligne de crête et les choses peuvent basculer, en fonction de la capacité de réaction des citoyens, soit dans le sens du globalisme intégral avec gouvernement mondial, soit dans celui d’une reprise en main politique des pays par leurs ressortissants.

Strategika – Comment voyez-vous l’évolution de la pandémie et ses conséquences politiques et sociales dans les semaines et les mois à venir ?

VB : Soit les citoyens cèderont à la peur, soit ils réfléchiront et comprendront que la peur est elle-même entretenue de façon contrôlée par leurs dirigeants qui prennent toutes les décisions permettant au coronavirus de se propager en toute tranquillité, ou plutôt, en toute facilité. C’est ainsi, qu’ils refusent à leurs population l’accès aux soins et médicaments utiles à l’endiguement du processus de contamination pendant qu’ils mettent les gens en confinement suffisamment longtemps pour pouvoir leur imposer – il s’agit ici de la mise en œuvre de la « servitude volontaire » – un futur vaccin miracle. Ce vaccin, outre son prix financier, sera sans doute agrémenté de sels d’aluminium (qui est devenu l’adjuvent obligatoire), d’arn messagers (qui permettront de faire, in vivo et à grande échelle, des expériences génétiques sur le génome humain), et surtout de puce RFID, qui permettront à tout un et chacun de recevoir ses rémunérations et d’avoir accès à son compte en banque.

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Cette étape de la vaccination obligatoire sera tout à fait décisive pour assurer aux globalistes (banquiers, big pharma et consorts) le contrôle direct sur les populations. Chaque personne devra ainsi obéir sous peine de se voir retirer l’accès à tous ses moyens de subsistances. Etant ici précisé qu’en raison de l’effondrement économique, il est fortement à craindre que les moyens de subsistances ne soient in fine aucunement reliés à un travail individuel productif mais plutôt à un subside universel reçu de l’Etat fantoche entièrement aux ordres des puissances financières.

Strategika – Existe-t-il une issue politique à la situation que vous venez de décrire et quelle forme pourrait-elle prendre selon vous ?

VB : Il faut partir du principe naturel que chaque problème a une solution à la condition exclusive d’être bien posé. Dans le cas présent, bien sûr qu’il existe des issues politiques à ce problème, je dirai même que les seules issues favorables sont de nature politique au sens propre du terme. Autrement dit, seule une reprise en main politique de l’organisation des Etats par leurs ressortissants pourra aboutir à une issue favorable aux populations. Sinon, nous assisterons au basculement général souhaité par l’oligarchie supranationale vers un gouvernement mondial aux mains des puissances financières, les populations étant vouées à être fortement réduites puis mises en esclavage, pour la partie qui aura survécu.

J’ai, dans mes travaux, expliqué comment la Société pourrait être réorganisée pour devenir réellement politique, c’est-à-dire pour que les ressortissants des Etats puissent devenir acteurs à part entière des choix politiques de leur pays. Il suffit de consulter la partie « Le renouveau institutionnel » situé page 278 et suivantes de mon ouvrage « Les raisons cachées du désordre mondial », publié en mars 2019 aux éditions Sigest. Je ne reviendrai pas ici sur ce sujet qui requiert des développements trop long. Ces développements seront peut-être l’occasion d’un nouvel entretien pour Strategika ?

Strategika – Comment liez-vous la crise actuelle à votre domaine d’expertise et à votre champ de recherche ?

VB : En vérité, cette crise est liée à mes travaux à plusieurs égards. J’ai mentionné, ci-dessus, la question institutionnelle d’organisation des Etats. Mais ce n’est en effet pas le seul lien. L’autre lien très important est relatif aux évolutions en cours de la monnaie mondiale.

J’ai déjà expliqué à maintes et maintes reprises que le Brexit, dont on peut se féliciter en apparence, avait été initié par les banquiers de la City afin d’avoir toute liberté d’action, en étant libérés les lourdeurs institutionnelles de l’UE, pour piloter le changement de monnaie mondiale.

Comme prévu par Keynes au siècle dernier, le dollar, sous la double casquette de monnaie nationale et de monnaie mondiale, n’était, dès le départ, économiquement pas viable. Ainsi, sa fin prévisible pouvait être programmée. Elle a eu pour première étape sa décorrélation du standard or tandis que la seconde étape, à laquelle nous assistons en direct, est sa décorrélation du standard pétrole qui avait succédé au standard or.

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Actuellement, la plupart des pays du monde sont convaincu de l’inanité de conserver le dollar comme monnaie de réserve internationale. Trump lui-même passe à l’action puisqu’il vient de prendre des mesures pour fusionner la Fed et le département du Trésor dans l’objectif de créer, sur le modèle du Yuan et du Renmibi, deux types de dollar : un dollar interne et un dollar devise qui circulera sur les marchés internationaux. Le reset monétaire approche donc à grands pas. Ainsi, une monnaie mondiale viable, contrôlée par les banquiers il va sans dire, pourra bientôt voir le jour, sous forme de panier de devises, qui circulera de façon entièrement dématérialisée.

Je ne détaillerai pas ici – car les développements y seraient trop longs – l’escroquerie bancaire originelle ayant consisté à identifier la monnaie avec un bien matériel (au départ un métal précieux) dans le commerce. Toute une histoire, que je raconte dans mon livre, co-écrit avec le banquier Jean Rémy, intitulé « Du nouvel esprit des lois et de la monnaie », publié en juin 2017 aux éditions Sigest.

J’ajoute que la fin du dollar en tant que monnaie internationale est la condition sine qua non pour qu’advienne une monnaie mondiale viable, du moins selon les critères de fonctionnement économiques et monétaires imposés par les banquiers internationaux. Or, la fin du dollar monnaie mondiale suppose la fin de l’hégémonie de l’empire américain. Dès lors, il devient facile de comprendre que certains membres décisionnaires de cet empire se sont violemment opposés, et s’opposent encore violemment, à ce projet qui aboutira à une disparition de leurs situation dominante. Cette partie des dirigeants américains qui se rebellent peut être qualifiée de patriote, il s’agit des gens qui étaient ouvertement impliqués dans la domination du monde par les américains eux-mêmes. A l’opposé, ces derniers ont pour pires ennemis internes les globalistes apatrides, dont la tête se situe à la City of London, et qui œuvrent en sous-mains pour l’avènement d’un gouvernement mondial, lequel suppose la disparition de l’empire US.

Cette distinction, essentielle à la bonne compréhension des choses, entre dirigeants patriotes et dirigeants apatrides existe également en Chine et en Russie où, par exemple, le gouvernement civil semble dirigé par les partisans des globalistes apatrides tandis que l’armée semble aux mains des dirigeants patriotes, Putin faisant la jonction entre les deux factions opposées. Concernant la Chine, il faut garder à l’esprit le considérable nettoyage ayant eu lieu depuis des années, y compris dans les plus hautes instances dirigeantes, pour purger l’appareil d’Etat des élites compradores, lesquelles peuvent être reliés aux dirigeants apatrides siégeant à la City of London. Cette opposition entre dirigeants patriotes et dirigeants compradores existe également dans des pays comme l’Iran.

Ainsi, dans cette lutte de nature géopolitique, structurée autour des questions juridiques d’organisation du circuit de commandement, rien ne me semble encore acquis ni pour un camp, ni pour l’autre. Il est néanmoins possible de faire la prévision selon laquelle la victoire serait écrasante pour les patriotes, à la condition que ces derniers s’allient avec leur population et ne cherchent pas à la dominer, comme cela leur a été inculqué par leurs anciens alliés compradores.

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Rien ne résisterait à l’alliance entre dirigeants patriotes et populations locales. C’est précisément cette alliance que redoutent les puissances globalistes. Notons à cet égard que les mesures restrictives de liberté ordonnées par les différents gouvernements pour lutter contre la propagation du coronavirus vont à l’encontre de cette alliance naturelle qui permettrait le succès des patriotes sur les globalistes. Vous voyez que les choses ne sont pas simples… et que, décidemment, cette « pandémie de coronavirus » arrive à point nommé pour soutenir la stratégie des globalistes alors que ces derniers étaient en situation de faiblesse…

D’un autre côté, cette pandémie permet des ouvertures inespérées dans la remise en cause générale de la stratégie globaliste. Encore faut-il avoir le courage de saisir cette occasion. Je terminerai mon exposé en disant que les cartes sont actuellement dans les mains des populations civiles : ces dernières ont enfin, phénomène unique dans l’histoire, la possibilité de reprendre leur destin en main ; ce qui signifie, très précisément, qu’elles ont la possibilité de réinstaurer des gouvernements politiques au lieu et place des ersatz actuels entièrement aux mains des puissances financières. Les peuples auront ce qu’ils méritent : ils recevront, s’ils acceptent de se prendre en charge – en contrepartie d’un peu de courage – des fruits extrêmement bénéfiques… mais l’accepteront-ils ? Là est la question… Je profite de ce texte pour rendre hommage au travail de structuration politique fait, en France, par les Gilets Jaunes constituants, qui ont pleinement compris et anticipé cette problématique de fond.

Finalement, les lois naturelles, tellement honnies des globalistes, reprennent le dessus et les choses vont entrer dans l’ordre : soit on lutte collectivement pour survivre collectivement, soit on ne lutte pas collectivement et ce sera la fin de la civilisation et de la liberté, y compris celle de vivre et de mourir.

dimanche, 29 mars 2020

Allemagne 2020 Crise de la démocratie parlementaire ou dissolution de l'ordre européen ?

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Allemagne 2020. Crise de la démocratie parlementaire ou dissolution de l'ordre européen ?
 
Les leçons de Weimar et l'après Merkel, face à une renaissance de la "Question allemande"
 
IERI - Institut Européen des Relations Internationales <info@ieri.be>
 
par Irnerio Seminatore
 
ABSTRACT
 
Allemagne 2020. A la veille de la Présidence allemande de l'UE, la "Question allemande" figure à nouveau sur l'Agenda politique européen, comme foyer historique de tensions et de conflits (blocus de Berlin des 1948-49, crise du Mur de 1961, Ostpolitik de 1970), aux enjeux élargis et aux répercussions systémiques.
 
Les leçons de Weimar et l'après Merkel, voilent derrière une stabilité apparente, une identité en crise, des populations et des opinions.
 
Le rôle européen de l'Allemagne et ses blocages, dus à une hégémonie incomplète et à un leadership improbable, ne suffisent plus à garantir le "statu quo" de l'Union européenne, ni celui du "Mittellage".
 
La crise actuelle du modèle allemand, économique, politique et identitaire, sa culture du compromis et son recours répété à des coalitions, ont usé le modèle démocratique (némésis historique) et  interdit un renouvellement de la classe politique. Ils ont contribué à l'ouverture d'un fossé trans-atlantique (OTAN, Trump) et au recours purement réthorique au partenariat franco-allemand. Ils traduisent par ailleurs un attentisme généralisé des pays européens et un refus systématique d'adopter les changements du monde, à des fins d'adaptation.
 
Le réveil des problèmes identitaires, suscités par une immigration de masse sans contrôle et par une prise de conscience nationale, venant d' Alternative Für Deutschland et de Pegida, symptômes d'un traumatisme culturel évident, atteste à la fois, d'un malaise réel et d'un bilan négatif de l'ère Merkel.
 
L'avenir de l'Europe et l'impossible retour de l'Allemagne à la "Sonderweg" (la voie solitaire des années 30-40), imposent au "Mitte Lage" un autre rapport au monde, à l'Europe, à la Russie, aux Etats Unis et à l'Eurasie
 
Bruxelles 24 mars 2020
 
Les leçons de Weimar et l'après Merkel, face à une renaissance de la "Question allemande"
 
Table des matières
 
Fin de la stabilité politique et du "patriotisme constitutionnel"
 
La montée électorale  de l'Alternative für Deutschland (AfD)
 
L'histoire peut -elle se répéter?
 
Merkel et l'asservissement des citoyens. Le totalitarisme "soft" contre la tentation souverainiste au coeur de l'Europe
 
La renouveau de l'approche politique  en Allemagne.
 
De la pensée partitocratique à la pensée géo-politique et néo-nationale
 
Nouvelles élites et énergies rétroactives
 
Perspective et conscience historique
 
Triomphe  du néo-nationalisme en Europe et impact géopolitique du Bréxit
 
Rupture du processus d'intégration et crise identitaire élargie
 
L'Allemagne et le néo-nationalisme de gauche 
 
Rôle de l'Allemagne après le Brexit et rôle de l'UE dans la géopolitique mondiale
 
Positions et options ouvertes
 
La chute du mur, la réorganisation des équilibres de pouvoir en Europe et les axes de la politique étrangère allemande
 
L'Allemagne et les trois dynamiques de l'UE
 
Les crises en chaîne, les limites de l'Union et la fin d'un cycle historique

Un bilan rétrospectif 1990-2020

Le poids de l'Histoire

L'idée allemande de nation et d’État

Crise de la démocratie parlementaire ou dissolution de l'ordre européen ?

* * *

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Fin de la stabilité politique et du "Patriotisme constitutionnel"

220px-Habermas10_(14298469242).jpgL'Allemagne vit la fin d'une longue période de stabilité politique, qui a eu pour piliers la Constitution et la démocratie et pour garants  le consensus
des opinions ,exprimé par les deux grands partis populaires, la C.D.U et le S.PD. C'est grace à ces deux partis que l'Allemagne a pu assurer le respect de la politique européenne et celle de sa politique étrangère La rupture de ces équilibres internes  remettent en cause sa politique européenne et les relations trans-atlantiques, autrement dit, l'hégémonie du modèle allemand au sein de l'UE et la confiance dans la protection des Etats-Unis, via l'Otan. Et ce, dans un pays central (Mittellage), historiquement dominant et dépourvu aujourd'hui de puissance militaire. Or, si l'avenir des partis politiques n'est plus assuré en Allemagne, par le "patriotisme constitutionnel" (Habermas) de la Loi fondamentale et par le régime démocratique, caractérisé par la séparation des pouvoirs et un système bicaméral (Bundesrat et Bundestag ), tout le système de gouvernance est ébranlé.


C'est ce qui s'annonce, suite à la percée aux élections régionales de Thuringe de  l'Alternative für Deutschland, qui a obtenu en septembre 2019 le 22,9%des suffrages  et a fait sauter la digue du "cordon sanitaire" dressé autour d'elle , lors de l'élection du Président du Land, obtenue grace à un accord entre la CSU et AfD, remis en cause plus tard. Puisque ni la gauche (SPD ou Die Linke), ni la droite( CDU ou CSU), ne parviennent plus à atteindre  ou à dépasser les 50%, toute "grande coalition" devient impraticable et les solutions de remplacement rendent nécessaires des gouvernements minoritaires et donc aléatoires,  d'au moins trois partis, tant au niveau fédéral, qu'au niveau  des Länder. Dans ce contexte la poussée électorale des forces populistes et souverainistes  compromet le jeu des coalitions classiques, paralysie le fonctionnement des parlements régionaux et nationaux  et aggrave la crise du Leadership politique de Merkel, en Allemagne et en Europe. Celle-ci démeure la principale responsable de la montée des droites, de l'absence d'une politique européenne d'immigration et de l'invasion de l'Europe, menacée par Erdogan. Son attentisme généralisé et son déni des trasformations mondiales, aggravés par son manque de vision, font de M.me Merkel le problème et non la solution de l'Allemagne et de l'Europe.

La montée électorale  de l'Alternative für Deutschland (AfD)

La montée électorale  de l'AfD,  née en avril 2013, fait elle vaciller le système politique allemand? Représente-t-elle une bombe sociale ou annonce-t-elle un chaos à venir? Une des clés du succès de l'AfD a été de présenter l'union constitutionnelle de la RFA et de la RDA, comme un échec sur toute la ligne et comme une humiliation des allemands de l'Est, les Ossis, tenus au rang de  citoyens colonisés ou de deuxième classe et, suite à l'amplification de la criminalité, à la non intégration des immigrés et à l'islamisation croissante de la socièté, comme une manipulation et une désaffection des classes dirigentes de la CDU-CSU , ainsi que du SPD, de Die Linke et de la gauche en général, vis à vis du menu peuple. Or, cette désaffection vis à vis du peuple n'est rien d'autres qu'une usure et un affaiblissement de la démocratie.En réalité les  analogies apparentes de situation entre le cadre politique actuel  et celui de la république de Weimar de 1930 à 1932, ont fait publier, en 1965,  un livre à un chercheur américain, William Allen , concernant l'accession au pouvoir du nazisme par la voie électorale , en utilisant le fonctionnement des institutions démocratiques et surtout les administrations régionales et locales.En effet -argumente-t-il, entre 1930 et 1932, ont adhéré au parti nazi, non pas les chomeurs, partisants du socialisme et du marxisme qui inspiraient la socialdémocratie allemandes, mais la classe moyenne et la bourgeoisie. de telle sorte que la nature ouverte de la démocratie permit de subvertir les institutions existentes et d' instaurer légalement la dictature. De fait, depuis 1933, la république de Weimar fut anéantie et toute opposition éliminée.

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L'histoire peut -elle se répéter?

Ainsi cette démonstration autorise une  question troublante:" L'histoire peut elle se répéter?" William Allen a adopté comme fil conducteur de son livre l'interrogation  sur les origines du nazisme: "Comment cela a pu arriver?". Or, la question d'aujourd'hui peut être ainsi formulée:"La situation est-elle vraiment la même? Ou encore, l'ennemi est il là oû on l'attend? D'oû viennent-ils le danger principal et l'esprit de révolte?"

En revenant aux réalités de l'Allemagne de 2020,une série de données incontestables apparaissent alarmantes:

-le ralentissement économique fin 2019, qui pourrait remettre en cause le taux de chomage le plus bas du continent de 3,5%
-le vieillissement de la population
-la politique d'immigration illégale massive
-l'ignorance des bouleversements stratégiques, intervenus dans la reconfiguration du système multipolaire
-la démondialisation en cours et ses repercussions en Europe
-la fin du "statu-quo"et le déclin de puissance de l'Union Européenne
-la désoccidentalisation du monde, surtout en Asie et l'affaiblissement du leadership de l'Amérique
-le retour à la souveraineté de la Grande -Bretagne ( Brexit) et à son pouvoir de reglémenter le mouvement historique de manière indépendante et autonome, manifeste dans la conception même du Deal de la négociation en cours.
Pour toutes ces raisons, imputables à la Chancellière,l'ère de l'après Merkel se configure comme une étape d'incertitudes et de surprises stratégique

Merkel et l'asservissement des citoyens.

Le totalitarisme "soft" contre la tentation souverainiste au coeur de l'Europe

En ce sens comprendre un monde qui se fissure et se disloque,  derrière l'apparente stabilité des coalitions, comporte le constat que le peuple des autocthones est devenu indifférent à la politique  et celui des allogènes est en déhors et contre la loi . Ceci prouve l'impossibilité , dans une société multiculturelle, de gouverner et de vivre, autrement que par la violence ou par la force.

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Dans une situation où les chefs politiques perdent leurs légitimité, les meneurs et intrigants étrangers, et,  parmi les Chefs d'Etats,  le plus outrancier( Erdogan), profitent des conflits internes, en exerçant des chantages par l'envoi massif de migrants, prêts à invahir le continent, sans que l'UE réagisse.


L'Union Européenne a toujours vu les nations et les frontières comme un rétage du passé et des contraintes à surmonter, au nom d'un progressisme planétaire et d'une idéologie diversitaire, qui aveugle ses dirigents contre l'offensive démographique et islamiste du monde musulman. Grace à M.me Merkel  l'Allemagne en est la première victime en Europe, à côté de la France de Macron, empreigné d'idéologie post- coloniale. L'asservissement aux tyranies globalistes  et la corruption des régimes démocratiques viennent de l'homme démocratique lui même, si l'on interprète correctement Platon, lorsque, embu de sa propre réthorique , il ne connaît que les passions de son groupe(CDU,CSU,SPD/ LAREM...). Ce dévoiement entraîne l'asservissement des citoyens à des maîtres aveugles et  à des minorités despotiques.L'intrusion progressive de la démagogie et de la tyranie dans la démocratie, interdisent ainsi toute révolte intellectuelle et morale.

Les meilleurs analystes de l'Allemagne et de la France s'emploient à étudier aujourd'hui, la corrupton de l'esprit public, la fin des démocraties et l'émergence possibles des régimes tyranniques.La France et L'Allemagne sont éprises, à des degrés divers,par le même paradoxe,celui d'être serrées par l'étreinte implacable  des Etats souverainistes et des Etats globalistes, et en termes de gouvernance ,entre un populisme césariste( France) et un totalitarisme soft (Allemagne)

Le renouveau de l'approche politique  en Allemagne.
De la pensée partitocratique à la pensée géo-politique et néo-nationale

La faible croyance dans la démocratie est due en effet à l'égarement des cultures nationales dans le globalisme planétaire et l'Allemagne vit ainsi à l'heure
d'un totalitarisme sans violence et d'une tyranie sans machiavélisme. Autrement dit dans une forme d"exercice du pouvoir sans adoption "de la force et de la ruse" comme contraintes consubstantielles à l'action du Prince. Ainsi, dans le cadre d'une Europe qui se disloque, la notion  qui est associée à l'idée de "nation", comme retour à une personnalité égarée et aux passions  populaires de l'âme collective, est la notion de "révolution géo-politique", héritière reviviscente d'une histoire ancienne.


Or, en Allemagne,la rénovation de la pensée partitocratique est une rénovation culturelle des classes moyennes, qui veulent un pays éthniquement pur et homogène, confiant en lui même et en son avenir. Dans ce modèle idéal, les petits aspirent de nouveau à être tenus pour grands, au sein d'une Allemagne plus "libre" et finalement  souveraine.
La satisfaction morale de cette nouvelle liberté ne repose pas sur  l'Europe, mais sur  l'idée de Mitte Lage ou d'épicentre continental.


Concrètement, la rénovation  allemande a besoin d'une vision et une ambition, mais elle nécessite  surtout d'une culture, qui représente la présence d'un espace existentiel comme idée et sous la forme de ses anciennes racines et provinces historiques.( Heinz Brill, Alfred Zänker, Jordis von Lohausen).

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Depuis 1945 l'optimisme philosophique est mort partout en Europe et il n'est pas rené avec le Traité de Rome en 1957, ni avec le Traité de Maastricht en 1992, comme dernière et illusoire tentative de corseter l'Allemagne.

Nouvelles élites et énergies rétroactives

En opposition à cette tentative, l'émergence de nouvelles élites dirigeantes est en cours en Allemagne, en France et en Italie, signalée par le refus de l'égalitarisme, la subordination de l'économie à la politique intérieure et de celle-ci à la politique étrangère; et, au niveau planétaire, du Heartland à la "Grande Ile" et de l'Europe au Rimland atlantique.


Dans ce cadre renové, s'affirme la conscience que les conflits diplomatiques ne naissent plus de l'idéologie, comme écran de fumée de la "Raison d'Etat", mais  de la politique d'affirmation nationale. A l'intérieur du pays,  les régimes démocratiques laïcisés et ouverts,  deviennent dépolitisés  et obsolètes , tandis que les régimes totalitaires se commuent en perturbateurs ou en révolutionnaires.


Plus profondément et au delà de la tentation populiste au coeur de l'Europe, l'Allemagne semble remettre en cause, au sein de ses élites, les contraintes géopolitiques qui lui ont été imposées par les puissances occidentales, visant à contrôler et à juguler, dans les siècles , le centre germanique du continent, par la neutralisation, l'intégration, l'encerclement, la surveillance ou la logique des alliances. Un courant de pensée néo- nationaliste et néo-conservateur, défendant, au nom de l'Allemagne unifiée,  sa position de "puissance du milieu", adopte une double perpective, d'autonomie continentale ou d'option  eurasienne. La premère appuyée sur un jeu d'équilibre entre Washington et Moscou, la deuxième sur la troïka Berlin-Moscou-Tokyo.

Perspective et conscience historique
 
En repensant la politique en termes de siècles et l'espace en termes de continents, la conscience historique de l'Allemagne d'aujourd'hui ne peut occulter une même identité de civilisation  avec la France et, de ce fait, les origines franques de la nation française, la germanité commune du passé carolingien, ainsi que la Chrétienneté latine de l'Europe occidentale et byzantine, des Balkans, de l'aire slavo-ortodoxe et de l'espace russo-sybérien. Ces rappels éthno-linguistiques et réligieux opposent l'aire européenne à l'aire anglo-saxone. Cette dernière, orientée par la stratégie globale d'Hégémon, éxercée en termes de Soft Power, comme modèle culturel fondé sur l'échange ,contribue au déracinement de nos sociétés,  fondées sur des traditions anciennes. L'issue  de cette opposition entre modèles culturels contrastants, conduit tout droit à l'annihilation de notre histoire et de notre  vocation à la puissance. Or, le rôle fondamental de la mémoire et des données historiques représente une tâche politique primordiale, que les droites conduisent en Europe,  pour mobiliser les "énergies rétroactives", menacées par le modele  anglo-saxon d'empreinte américaine et par une immigration musulmane massive. Le temps présent est donc aux résurgences et aux affirmations identitaires. 

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Triomphe  du néo-nationalisme en Europe et impact géopolitique du Bréxit

Du point de vue géo-politique, l'Allemagne, serait, selon von Lohausen, la paume d'une main, dont les doigts sont la Scandinavie, l'Angleterre, l'Espagne,l'Italie et  les Balkans. Bref l'épicentre du continent! Et , au même temps ,l'Europe deviendrait le Rimland de l'Amérique, promue à  pivot du système monde.


Même la perte d'une phalange, la Grande Bretagne,  ne peut changer la position de l'Allemagne, qui, après le Brexit, devient  le centre de gravité géopolitique de l'ensemble européen et le pays de facto hégémonique à l'ouest du continent. La France, affaiblie, ne peut plus jouer à la triangulation stratégique avec la Grande- Bretagne face au Mitte-Lage et ne peut prétendre au leadership de l'Union Européenne , même en arguant d'une distinction entre hégémonie et direction politique. En effet le départ du Royaume- Uni vers le "Grand large" interdit à la France de rééquilibrer la dissymétrie de forces et de pouvoir avec l'Allemagne et aggrave l'isolement et le rejet de Paris, en Europe centrale et orientale, dans les pays baltes et scandinaves, ainsi que  vers le sud, dans les pays méditerranéens, au Proche et  Moyen Orient,au Golfe et plus en général en Afrique

Rupture du processus d'intégration et crise identitaire élargie

Si,  par rapport à l'Europe , la désencrage  de la Grande Bretagne du continent peut apparaître une crise morale et politique, sa signification historique est celle d'une rupture, qui conduit à une restauration de la souveraineté et de l'Etat-Nation et apparaît un frein des  tentatives d'intégration, entamées dans la perspective de création d'un  bloc régional autonome ( UE et autres)


Celui-ci, contraire à la logique de la mondialisation et du libre ếchange intégral, a pu faire penser à une partie de l'establishement américain que la sortie de la Grande Bretagne de l'Union Européenne représentait la fin de l'intrusion des Etats-Unis dans la politique européenne et de l'entrisme anglo-saxon dans le sustème décisionnel de la Communauté Ainsi à la question de savoir si cette rupture a comporté pour le Royaume-Uni une victoire de Pyrrhus , Ernst Lohof, membre du groupe Krisis , a répondu résolumment non.


Cette rupture ( D.Moïsi-les Echos du 2/12/2013)  se concluera par une victoire des anglais sur les français et les allemands, comme à Azincourt (1415), et à Waterloo(1815) pour les premiers,  ou dans la bataille d'Angleterre(1940/41), pour les deuxièmes. Et donc, dans le cas  des français,  par une délice du coeur et dans celui des allemands, par la libération d'un cauchemar.


L'impact mondial  du Brexit reconfigurera en effet la structure  du système international dans ses principes et dans ses alliances, car il n'arrivera pas à reconcilier la famille européenne de son quadruple divorce, celui de la société contre les élites, du Nord contre le Sud, de l'Allemagne contre la France et de la Grande Bretagne contre tous les autres. Il s'agit d'un divorce  intercontinental étendu, car l'Amérique s'éloigne, la Russie se rapproche et le Moyen Orient se fragmente. Il n'apportera pas de réponses aux  grands questionnements qui sécouent la conjoncture internationale. En effet de Tokyo à Pékin, en passant par Séoul, les élites asiatiques se demandent si nous ne sommes pas à la veille de grandes turbulences , comme celles qui ont précédé les deux grandes guerres du XXème siècle. Par ailleurs, le cumul des crises actuelles, politiques , économiques, financières et sanitaires, ne fait qu'approfondir le fossé entre le projet européen et une masse de citoyens, de plus en plus désabusés de la politique et de leurs classes dirigentes.

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Dans ce contexte,où les Etats-Unis ont intimidé l'Allemagne au sujet de l'achat de gaz à la Russie, conduisant à un marché coercitif, l'érosion des classes moyennes se manifeste par une perte de confiance évidente  et par la fragmentation des partis politiques traditionnels. On ajoutera que le rejet des élites encourage les mouvements souverainistes et populistes et que l'insécurité grandissante aggrave la crainte d'une perte d'identité, due à une invasion migratoire massive.


Le triomphe du néo-nationalisme semble ainsi assuré de succès et d'une montée en puissance, reconfortante pour ses ambitions.

serveImage.jpgL'Allemagne et le néo-nationalisme de gauche 

Ernst Lohoff, analyse clairement, dans une perspective critique, le ressentiment des citoyens contre l'UE et les gouvernements des pays -membres qui la soutiennent, et qualifie ce ressentiment de force historique. En attirant l'attention sur l'optimisme de circonstance de M.me Merkel, il ne se prive pas de souligner la contradiction entre le globalisme des marchés et de l'économie,  portée d'une part ,par la financiarisation et la création de capital fictif, come nouveau moteur de croissance et, d'autre part, par  l'UE, comme bouc émissaire de l'échec du modèle libéral. Ernst Lohoff rappelle que la gauche allemande surfe contre l'Ue, à l'image de Podemos en Espagne et que l'égérie de Die Linke, Sahra Wagenknecht, avant garde du néo-nationalisme de gauche, identifie l'espace démocratique à l'Etat Nation et prone un globalisme décentralisé, comme base d'une utopie , qui demeure au fond réactionnare

Rôle de l'Allemagne après le Brexit et rôle de l'UE dans la géopolitique mondiale
Positions et options ouvertes

La distinction sur le rôle de l'Allemagne, au sein de l'UE et dans le monde, est largement justifiée par les séquelles de l'histoire européenne.


La réunification allemande assigne au "mitte lage" le rôle ,presque naturel, de facteur d'équilibre, ce qui implique une prudence et une pondération attentives de ses initiatives. Celles -ci, avec M.me Merkel, accutumée à temporiser, définissent une position ambivalente, qui  peut se résumer, à l'intérieur de l'UE, par une indécision de fond entre l'option du "noyau dur" et celle  d'Europe à intégration différenciée. Par ailleurs quant au slogan fédéraliste sur "plus d'Europe intégrée,(le Royaume Uni parle  de"better regulation" ),M.me Merkel réclame " plus d'Europe en matière de sécurité". En ce qui concerne l'avenir de la monnaie unique, la réforme de la zone euro, l'Union bancaire et la restructuration de la dette, la reponse de l'Allemagne est sans équivoque et se focalise sur le principe d'irrecevabilité. La réduction des risques et le rejet d'une Union des transferts seraient  susceptibles, pense-t- elle,  de remettre en cause la cohésion de l'Union et de destabiliser les pays qui sont des contributeurs nettes.


En matière de crise migratoire , l'Allemagne, qui n'était pas une terre  d'accueuil avant 2015, adopte un tournant radical et un virage dérogatoire par rapport aux règles communautaires, passant du principe de défense des frontières nationales à celui des frontières européennes .Sous la pression du Groupe de Visegrad ( Hongrie, Pologne, Republique Tchèque et  Slovaquie-) est abandonné le critère  d'une répartition obligatoire des migrants et adopté celui d'une adoption volontaire".


Or, si la politique migratoire s'est révélée volatile, le thème de la sécurité, interne et extérieure, est apparu, au Sommet de Bratislava ( sept.2016),comme fondé sur une politique inter-étatique et non communautaire. Le paradigme revendicatif "d'indépendance politique et d'autonomie stratégique" de l'UE,par rapport aux Etats-Unis et à l'Otan, comportant une"coopération structurée permanente", a montré qu'il ne faut pas porter des attentes démésurées sur l'Allemagne puisque  celle-ci, ne sera jamais en concurrence avec l'Alliance Atlantique et, in fine, Berlin ne remplacera pas Londres, ni en matière d'alliances, ni dans d'autres domaines dans lesquelles la Grande Btretane a joue le rôle de défenseur des positions américaines en Europe . Il faut en déduire une grande caducité du tandem franco -allemand, vu l'affaiblissement de la France et le manque de vision stratégique du "Mitte Lage".


L'Allemagne s'étant toujours appuyée sur la Grande -Bretagne pour faire avancer ses propres objectifs, elle s'est contentée de limiter les dégats du Brexit et a laissée la France seule, à résoudre à la fois les problèmes du Leadership de l'Union, les divisions cachées des 27,les problèmes des flux migratoires et de gestion des chantages d'Erdogan. Ainsi la "menace" bien réelle d'une floraison montante des souverainismes et des populismes guette de plus en plus les pouvoirs en place  sur le continent. Le fragile consensus a minima, obtenu sur tous ces noeuds cruciaux  à Bratislava, n'a pu résoudre la perte de confiance des opinions envers l'Europe. Par ailleurs la défense  du principe des quatre libertés ( libre circulation des hommes, biens, services et capitaux) , dans les négociations pour un Deal (très incertain ) avec le Royaume-Uni, risque de  sacrifier la première liberté, celle de la libre circulation des hommes.


Ainsi, avant la présidence allemande du Conseil de l'Union Eurpéenne (1er juillet 2020), toutes les options d'avenir restent ouvertes et toutes  sont susceptibles de réserver des surprises.

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La chute du mur, la réorganisation des équilibres de pouvoir en Europe et les axes de la politique étrangère allemande

La chute du mur de Berlin a eu des conséquences bouleversantes pour la réorganisation des équilibres de pouvoir en Europe et dans le monde. Depuis la fondation de la RFA en 1949, l'axe de la politique étrangère de l'Allemagne a été le maintien de la paix et de la sécurité entre l'Est et l'Ouest, par un activisme particulièrement marqué dans le désarmement et le contrôle des armements et l'ancrage du pays dans la communauté des démocraties occidentales , ainsi que dans les relations euro-atlantiques (OTAN).

Le multilatéralisme et la politique d'intégration européenne ont été les vecteurs principaux de la légitimation de la nouvelle diplomatie allemande, pratiquant une « hégémonie soft » et une politique mondiale intravertie. La chute du rideau de fer et l'effondrement de l'Union soviétique restituent l'Allemagne à son rôle central en Europe et replacent le « Land Der Mitte » face aux deux options classiques du pays, celles de la priorité à accorder à l'Est ou à l'Ouest.

Face à ce dilemme qui s'est révélé dramatique dans l'histoire allemande en raison de l'antinomie des deux dynamiques « géopolitiques » qui en résultaient, le recouvrement de la souveraineté, consécutif à la réunification, a eu comme référent immédiat une réflexion de fond sur le rôle de l'Allemagne en Europe.

L'Allemagne et les trois dynamiques de l'UE

Le rôle de la République Fédérale a influencé en Europe la dynamique de trois politiques :

- la politique institutionnelle, par la mise en œuvre rigoureuse et conforme des Traités de l'Union, exigeant un contrôle de constitutionnalité interne sur toute dévolution de compétences à l'Union

- le soutien à une politique étrangère commune, marquée par la diversification des intérêts plutôt que par l'affirmation des identités

- Une politique extérieure caractérisée par une « politique de responsabilité», un mélange de puissance civile et de politique introvertie, privilégiant l'approche multilatérale et le contexte institutionnel de l'Uni

- Ceci a comporté une stabilisation de l'Europe centrale et orientale, rendue possible, dès le 14 novembre 1990, par la reconnaissance de la frontière Oder-Neisse avec la Pologne, réconciliation forcée ,qui a ouvert la porte à l'adhésion de ce pays à l'UE et à la poursuite de la Ostpolitik vers la Fédération russe, la confédération des Etats indépendants (CEI), l'Asie centrale et le Caucase.

Les crises en chaîne, les limites de l'Union et la fin d'un cycle historique

Une limite importante semble apparaître aujourd'hui, celle de la fin d'un cycle historique, pour l'Allemagne et pour l'Union européenne, marquée par trois décennies de dynamiques politiques et économiques.

A un examen retrospectif, cette limite est caractérisée par le refus de la part de la France et de l'Union Européenne de continuer à jouer les mêmes règles, dans le cas du partenariat transatlantique et dans les relations avec la Russie et la Chine . Par ailleurs elle s'est  manifesté  à l'intérieur,par un essouflement du consensus et par effrittement des partis politiques traditionnels ( le SPD et la CDU).

En termes d'Ostpolitik, à la période de stabilisation qui avait permis de régler à Moscou en 1990, les réliquats de la deuxième guerre mondiale ( minorités et frontières) , l'émergence de la politique migratoire, a transformé le Groupe de Visegrad, très sensible aux questions d'identité et de minorité , en bloc hostile et presque antagoniste. Après la crise ukrainienne, comme dernier  épilogue de la politique d'élargissement, le retour de la Crimée à la Russie a crée les conditions d'un renforcement des liens entre la Chine et la Russie, au détriment de l'Europe.

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Un bilan rétrospectif 1990-2020

La conclusion de ce bilan retrospectif est sévère:

- le tandem franco- allemand , hier "noyau dur", est dégradé en relation asymétrique. En effet« le noyau dur » Paris-Bonn de la guerre froide correspondait à une phase euro-centrée du leadership européen et la troïka Paris-Berlin-Moscou de 2010 a été une hypothèse de gouvernabilité de la sécurité multipolaire à caractère eurasiatique.

- "l'arc de feu " à l'Est (Ukraïne), a été  perçu  par la Russie comme ingérence et ce feu n'est pas encore éteint

- l'éloignement de la Turquie  de l'Otan, maifestant virulence et hostilité à l'Europe et haussant le prix du chantage migratoire, par  l'humiliante "diplomatie du chèque", est une preuve d'impuissance européenne et un raté de la diplomatie unilatéraliste et dérogatoire de M.me Merkel

- l'effritement de l'unité de l'Union , après le Brexit, qui ouvre une crise de consensus et  de "sens" politique, apparait comme le  prélude d'une phase d'effondrement possible du projet européen

Ce bilan pourrait se conclure par un dernier constat: il y a eu avancement de la constuction européenne, lorsque étaient réunies les conditions d'une  concertation  franco-allemandes et isolement politique de l'Allemagne, en cas contraire. Plus grave, l'absence d'un débat stratégique  a infuencé le pacifisme et rendu  difficile le remplacement intellectuel de Habermas par Carl Schmitt et de Schröder/Maas/Merkel par un Bismark hypothétique du XXIème siècle. De façon générale, le règne du mercantilisme politique et du provincialisme globaliste, a été en phase avec le multilatéralisme officiel, mais se hurte aujourd'hui à la généralisation des règles unilatéralistes  de conduite, en matière de politique internationale et dans un contexte systémique, à forte connotation multipolaire.

Le poids de l'Histoire

Nous prenons conscience historiquement que la poitique étrangère allemande a joué un rôle prépondérant dans la formation de l'Europe contemporaine.Elle a conditionné au XIXème les relations austro-prussiennes pour le primat sur le monde germanique, le "Deutschtum", puis sur les relations franco-allemandes de 1870 à 1945, et, après l'intermède  de la période de souveraineté limitée de 1945 à 1990, sur l'Union Européenne .

Quel rôle pourra -t- elle jouer à l'extrémité du Rimland eurasien,  dans un système multipolaire fragmenté et dans un affrontement tripolaire possible entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine? S'opposant à une renaissance néo nationale allemande et indirectement européenne,  quel  sera l'enjeu du Konzept de sécurité allemand et d'où viendra-t-elle l'étincelle du feu universel et des grans temps?

Pour l'heure, nous remarquons l'effacement des cadres de régulations multilatéraux qui ont affaibli l'Allemagne et l'Europe, en l'absence d'une culture de la coërcition et du hard power et dans la préeminence accordée à la vision légaliste ,à la priorité du droit et aux mandats onusiens.

Dans une conjoncture,caractérisée par la crise de confiance et par le désengagement des Etas-Unis de l'Europe,qui fait suite au pivot Asie- Pacifique d'Obama, les raccomandations du Président de la République Steinmaier à la Conférence sur la sécurité de Munich, quant à la nécessité d'un rôle plus actif de l'Allemagne , en matière de défense, sont très loin de la crainte de la renaissance des idéologies nationalistes en Europe.

Ces craintes ne peuvent venir d'un Etat qui a renoncé au concept " d'Etat qui gouverne et qui décide"(Schmitt), ni d'un peuple qui n'est plus déterminé,en ses avancées, par la force culturelle et la totalité du passé du Mitte Lage

L'idée allemande de nation et d’État

L'idée de Reich represente, dans l'histoire allemande, depuis l'an 962 (naissance du Sacré Romain Empire Germanique,  premier Reich ),le principe de commandement (impérium), qui s'exerce sur un territoire, soumis au pouvoir suprême d'un roi, d'un empereur et plus tard d'un Etat.

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Ainsi, l'idée allemande de peuple fait de celui-ci  le garant d'un ordre, qui s'enracine dans le concept organique d'Etat ,comme totalité vivante, opposé aux philosophies du contrat (Rousseau, Kant, Fichte), qui font de l'Etat un artifice destiné à garantir des intérêts individuels (conception liberale). Le passage de l'organicisme à l'individualisme est marqué par la transition de la morale collective ( Sittlichkeit ou éthicité), au pluralisme des convictions personnelles Dans ce cas il ne peut y avoir une différenciation éthique au sein du peuple,que par la subordination des moralités individuelles au lien politique, conçu comme un lien éthique, de telle sorte que l'éthos est identifié à l'ethnos et comporte une opposition claire à l'existence d' une pluralité d'éthicités (société multiculturelle), liées à autant de conceptions politiques . Si l'impératif politique est un impératif moral, de nature quasi réligieuse, la conception de la révolution fraçaise de 1789, fondée sur un légalisme abstrait, érige le droit en une souveraineté morte, en un dieu inautentique et figé .Or  l'essentiel de l'idéologie nationale et des doctrines des droites en Europe et en Allemane, est fondées sur l'opposition entre  l'élément national et populaire (discipline, fidélité et ordre) et l'Etat  rationnel  et abstrait, dépourvu d'un substrat éthnique, historique et linguistique, ainsi que d'un principe supérieur et hiérarchique  d'ordre.(ex. l'Etat républicain en France). Les révolutionnaires de 89 ont éliminé les articulations vivantes et intermédiaires de la société civile pour leur substituer, par l'abstraction contractualiste, le pouvoir mort de la loi. L'autonomie de l'Etat de la société civile, considérée comme nation historique, a engendré une sorte d'anti-étatisme révolutionnaire, solidaire du nationalisme romantique et le souffrage, comme expression atomisée des individus singuliers a favorisé l'extrémisme légaliste et la "liberté rationnelle", au détriment de l'identité nationale. Or, en Allemagne la concepton de l'Etat organique et de la "Gemeinschaft" (communauté de sang, de  langue et de terre) résulte d'un principe de développement,  fondé sur la"force vitale" ( F.Nietzsche).Ainsi  lorsque l'Etat organique se commue en Etat total, ce dernier introduit en toutes ses dimensions l'essence du politique, la distinction de l'ami et de l'ennemi et l'état de guerre (C.Schmitt), aussi bien dans ses relations extérieures que dans les relations internes, avec la société civile et les partis.Le critère de cette évolutiontion constante est l'ordre (die Ordnung), expression constitunnalisée de la vie d'un peuple.L'idée allemande de nation a-t elle été reprise par la constitution démocratique de1949, et  le débat actuel sur le destin démocratique du pays est il approprié pour appréhender l'état de crise de la sociéte et du système politique allemand (2020), si différent du celui de la République de Weimar et de la naissance de la RDA dans l'immédiat après guerre?

Crise de la démocratie parlementaire allemande ou dissolution de l'ordre européen ?

La vieille maxime "Ab integro nascitur ordo!" était l'appel radical au réveil, en condition d'abîme politique et d'espoir de survie . Or, sommes nous en Europe et en Allemagne dans une telle situation? S'agit -il de la dissolution de l'ordre européen ou d'une particularité spécifiquement allemande?. il est certain que la lutte anti-globaliste a commencé depuis au moins 2008, sous forme financière étendue et, en 2015, sous la poussée migratoire et la politique de la" porte ouverte"de M.me Merkel. Cependant l'élément déclancheur, au sein de l'usure  du système politique bipolaire, a été la montée en puissance des droites en Thuringe en septembre 2019. Ca a été un alarme révélateur de la crise de légitimité du système des partis et, au même temps une crise de la légalité démocratique, traduisant une crise d'autorité sur fond de crise d'identité de la nation. Or, la crise de légitimité, intervient toujours avant les collaps de la légalité institutionnelle et , dans ce cas, constitutionnelle, car elle dévoile  la fin d'un cycle de pouvoir et de la structure des forces qui l'ont soutenu; dans ce cas, le régime politique et la forme constitutionnelle de l'Etat, autrement dit la forme démocratique et parlementaire de 1949. L'indicateur principal de l'ensemble de ces phénomènes a été la violence implosive d'Hanau (02/2020), la réactivité des opinions et des médias et l'analyse des causes, de leurs répercussions et des aspects politiques similaires en Europe, désignant la remise en cause du "sens" des institutions européennes "protectrices". Une faille dans l'édifice, puis krak, le sentimennt d'un collaps. Une pandémie a débutée depuis, celle des esprits, la plus mortelle!

Géopolitique d'après... par Richard Labévière

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Géopolitique d'après...

par Richard Labévière

Ex: https://prochetmoyenorient.ch

L'envers des cartes

Inédite, cette pandémie n’est vraisemblablement pas la fin du monde, mais signe assurément la fin d’« un » monde : celui de la mondialisation libérale, néo-libérale et ultra-libérale ; en dernière instance, celui du village planétaire de Marshall McLuhan. En 1967, dans son ouvrage Le Médium est le message1, le sociologue canadien (1911 – 1980) affirmait que les médias de masse fonderaient l’ensemble des micro-sociétés en une seule et même « famille humaine », un « seul village » où « l’on vivrait dans un même temps, au même rythme et donc dans un même espace ».

On sait – au moins depuis le sommet de la terre de Rio de 1992 – qu’on va droit dans le mur si l’on continue à détruire la planète (exploitation exponentielle des ressources naturelles, rejets massifs des gaz à effet de serre et autres vecteurs de réchauffement climatique, extinction de la biodiversité), et on y va sûrement… mais à un rythme lent, étalé dans le temps. De la même inexorable manière, l’actuelle pandémie nous fait basculer dans l’inconnu, mais c’est tout de suite, brusquement, globalement – ici et maintenant -, sans que l’on sache très bien comment tout cela va se terminer et si cela va se terminer vraiment… dans la mesure où plus rien ne pourra être comme avant !

DARWINISME SOCIAL « COMPRESSE »

A Beyrouth, Walid Charara écrit dans le quotidien Al-Akhbar qu’on savait depuis longtemps que « les mécanismes du capitalisme libéral induisent un darwinisme social généralisé rendant les plus pauvres toujours plus pauvres, les plus faibles toujours plus faibles allant jusqu’à disparaître pour laisser place aux plus riches et aux plus forts. Cette implacable logique suivait le rythme lent des cycles économiques, alors qu’aujourd’hui la pandémie provoque un darwinisme social ‘compressé’, brutal et d’une violence décuplée ».

Le cas du prince Albert de Monaco ne doit pas cacher la forêt et il restera à dresser une sociologie précise des contaminés pour constater que le virus aura contribué à aggraver les inégalités sociales – les confinés sont tous égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres -, les confrontations et les crises internationales.

Derrière le réflexe immédiat de fermer les frontières, moult questions se posent et continueront à se poser à l’encontre de dirigeants redécouvrant subitement les bienfaits régaliens de l’Etat-nation, aux accents mélancoliques d’un Conseil national de la Résistance (CNR) dont il était de bon ton de proclamer – il n’y a pas si longtemps encore – que son programme n’était qu’une collection de vœux pieux à remiser au cabinet des curiosités historiques. On entendit même tout récemment Angela Merkel recommander la « nationalisation » – oui, la nationalisation ! – de plusieurs « secteurs sensibles » de l’économie allemande. Il se passe vraiment quelque chose d’inédit !

D’une soudaine grande sagesse, le président de notre République a remisé à plus tard sa grande réforme des retraites. Bravo ! Et l’on peut d’ores et déjà imaginer que son hypothétique remise en route ne pourra s’effectuer à l’identique de son dernier lancement… Transposée sur le plan international, cette soudaine clairvoyance devrait remettre aussi à plus tard toutes les expéditions militaires, les guerres asymétriques et toutes les sanctions économiques, quels que soient leurs fondements ! En effet, une trêve des confiseurs généralisée devrait être la règle sur l’ensemble de la planète.

Au lieu de cela, on assiste impuissant et dans l’incompréhension la plus totale à un durcissement, sinon à une accélération d’un darwinisme géopolitique aggravé.

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DES CRISES INTERNATIONALES AGGRAVEES

Dans son « Bulletin quotidien Covid-19 », l’excellent général Dominique Delawarde – dont la veille est l’une des meilleures qui soient – nous indique que s’agissant de l’Iran, « il faut rappeler que ce pays est sous sanctions des gouvernances occidentales qui se soumettent aux pressions des lobbies pro-israéliens (Etats-Unis, Union européenne, OTAN). Ces sanctions affectent l’approvisionnement en médicaments et matériel médical et contraint le pays à se tourner toujours plus vers la Chine et la Russie. Cette prise en otage de la population iranienne pour des raisons politiques ne peut être que contre-productive pour le quatuor « Etats-Unis/Israël, UE, OTAN» pour deux raisons principales : 1) elle ne grandit pas l’image de cette « coalition occidentale » dont les gouvernances se targuent en permanence d’humanité, de « droits de l’homme », de devoir « d’ingérence humanitaire » et qui, au nom de ces principes à géométrie variable, sèment le chaos sur la planète depuis un quart de siècle. Le cynisme des gouvernances EU-UE dans cette affaire d’épidémie (embargo sur les médicaments) restera dans la mémoire des peuples. 2) favoriser consciemment, pour des raisons de basse politique, le maintien d’un foyer épidémique dans le monde, n’est bon pour personne. D’ailleurs, par une triste ironie du sort, ce sont, entre autres, des soldats américains déployés sur l’ensemble de la planète pour y assurer l’hégémonie américaine, qui ont été y contracter ce virus pour le ramener chez eux. Au rythme où vont les choses, les Etats-Unis pourraient bien être classés, in fine, devant l’Iran et, peut-être même devant la Chine et l’Italie au palmarès du nombre des victimes ».

Ce même constat affligeant peut être dressé pour la bande de Gaza, confinée puis des décennies par la soldatesque israélienne qui renforce actuellement l’isolement de ce territoire palestinien en y aggravant sciemment les conditions d’approvisionnement et d’assistance sanitaire. Les partisans et soutiens de la prétendue unique « démocratie » du Proche-Orient devraient s’interroger aussi sur les conséquences de l’instauration de « l’Etat juif » de Benjamin Netanyahou, imposition d’un véritable apartheid qui n’a fait que s’accentuer depuis la généralisation de la pandémie. Là, plus qu’ailleurs, les confinés sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres…

Quant au Yémen, plusieurs sources militaires et diplomatiques de prochetmoyen-orient.ch confirment – qu’avec le développement de la pandémie – les autorités saoudiennes ont intensifié les bombardements des infrastructures civiles et sanitaires du sud de cette péninsule arabique, abritant les populations les plus pauvres de la planète. Hallucinant !

Plutôt que de réorienter ses capacités militaires contre l’extension du virus (comme cela se fait dans la plupart des pays), la dictature wahhabite – avec la bénédiction d’Allah et de la Maison Blanche – renforce, au contraire, ses offensives meurtrières à l’encontre des populations civiles du Yémen. Pionniers en la matière, les mêmes responsables s’étaient réjouis d’une pandémie de choléra qui ravage ce même pays depuis un an et demi, s’efforçant de « canaliser » le mal vers les « régions ennemies ».

On pourrait tout aussi bien insister sur les effets contaminants du maintien des sanctions et de l’embargo à destination de Cuba (qui ne menace plus personne depuis longtemps) et d’un Venezuela exsangue qu’il faudrait aider aussi, plutôt que punir pour faire main basse sur son pétrole!

GOUVERNANCE MONDIALE

OU COOPERATION INTERNATIONALE ?

Face à ces effets aggravants de la pandémie sur les crises internationales en cours, que faire ou plutôt comment imaginer l’après ? Vaste point d’interrogation… Une fois de plus l’Union européenne aura démontré son incapacité à peser sur le réel et ses défis les plus urgents. D’autres organisations régionales comme l’Union africaine ou la Ligue arabe n’ont guère été plus brillantes, restant aux abonnés absents.

Reste l’Organisation des nations unies, cette bonne vieille ONU et ses agences spécialisées (OMS, HCR, PNUD, etc.) sans lesquelles le monde actuel serait encore plus mal en point qu’il n’est aujourd’hui.

Sachant d’ores et déjà que plus rien ne sera comme avant, c’est-à-dire qu’une fois sorti de cette pandémie du Covid-19, pourraient survenir d’autres menaces de Covid-20, 21, 22, 23 jusqu’à l’infini – les spécialistes estimant qu’on doit s’attendre à une pandémie de type viral tous les cinq ans -comment envisager la défense, sinon la riposte, en tout cas l’organisation, voire la régulation du nouveau monde ?

Aujourd’hui on le sait, le multilatéralisme – ce luxe de temps de paix, pour reprendre les mots de Guillaume Berlat – est en crise profonde. Et il faut rappeler ici que cette crise ne tombe pas du ciel, mais qu’elle a, belle et bien, été consciemment provoquée et fabriquée par l’invasion anglo-américaine de l’Irak au printemps 2003, totalement illégale et illégitime, contournant sciemment l’avis du conseil de sécurité. Rappelons aussi qu’à l’époque, dans leur entreprise de démolition de l’ONU, Londres et Washington ont enchaîné les mensonges d’Etat grâce à la grande presse affirmant que les armes de destruction massive de Saddam Hussein pouvaient menacer la planète entière en moins de 45 minutes et que le dictateur de Bagdad était le meilleur copain d’Oussama Ben Laden… Quelle foutaise !

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Toujours est-il qu’aujourd’hui l’ONU est par terre… Par extension, après avoir déchiré l’accord sur le nucléaire iranien, le traité des missiles de portée intermédiaire et les avancées de la COP-21 sur le réchauffement climatique entre autres, Donald Trump et son clan ont fragilisé, sinon anéanti les acquis des multilatéralismes politique, économique et judiciaire patiemment tricottés depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Dans ces conditions, refonder l’ONU ou une nouvelle ONU ne va pas être simple.

Dimanche dernier (15 mars) sur France-Culture, une brève passe d’armes entre Bertrand Badie (éminent professeur de relations internationales) et l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, résume bien le dilemme : le premier estime que l’actuelle pandémie va fatalement amener les dirigeants de la planète à partager les grandes lignes directrices d’une « gouvernance mondiale » afin de faire face aux menaces globales : pandémies, réchauffement climatique, terrorisme, etc. Hubert Védrine réplique en soulignant que le premier réflexe des dirigeants des grandes puissances a été de fermer leurs frontières, et appelant chaque gouvernement à s’efforcer d’exercer ses responsabilités afin d’être à même de développer efficacement une « coopération internationale », visant à fixer des « normes communes » sur les grands dossiers d’intérêts globaux. Comme la communauté internationale qui n’existe pas , pour Védrine , la gouvernance mondiale est un mythe.

REFONDER L’ONU ?

L’évolution des différents traitements nationaux de la pandémie font plutôt pencher la balance en direction du réalisme d’Hubert Védrine. En l’occurrence, ce ne sont pas les G-7 ou G-20 successifs, qui servent surtout de « photo-opportunities », plutôt que d’expression d’une gouvernance mondiale en acte, qui vont régler nos problèmes… Et la nécessité de nouvelles formes de coopération internationale nous renvoie inévitablement à l’ONU, créée aux lendemains de la Seconde guerre mondiale pour remplacer la SDN (Société des Nations) qui n’avait pu empêcher le déclenchement d’un nouvel embrasement mondial.

De fait et même si elle fixe l’égalité des Etats souverains, la Charte de l’ONU n’a jamais pu être pleinement respectée et elle n’a pu empêcher la multiplication d’une multitude de guerres régionales – le plus souvent asymétriques – organiquement liées à la Guerre froide et encadrées par l’affirmation de la dissuasion nucléaire. Mais toujours est-il – pour reprendre les propres termes du regretté Stéphane Hessel -, que « le monde sans ONU serait bien pire »…

Nous vivons en fait une nouvelle rupture historique majeure comparable à celles de la fin de la Seconde guerre mondiale, de la fin de la Guerre froide et d’un terrorisme global. Cela dit, les conditions et les contraintes dans lesquelles a été adoptée la Charte de San Francisco2 furent très différentes de celles qui président maintenant aux jours d’aujourd’hui. L’interdépendance entre Etats membres est plus grande – infiniment plus grande – qu’en 1945 : réchauffement climatique, terrorisme, malnutrition, accès à l’eau, pauvreté, analphabétisme, pandémies, hyper-communication, réseaux a-sociaux, etc. Ajoutons à ces évolutions proprement rhizomatiques, une multiplication incontrôlable des acteurs, de leurs financements et de leurs agendas.

Gouvernance mondiale ou coopération internationale, les deux discours de la méthode ramènent l’un et l’autre à l’existant, ou plutôt à ce qui subsiste de l’Organisation des Nations unies et c’est sans doute, à partir de ses fondamentaux qu’il faudra remettre l’ouvrage sur le métier et inversement. Parce qu’il est parfaitement évident qu’une fois le Covid-19 jugulé, le monde ne pourra pas repartir comme s’il ne s’était rien passé. Gouvernance ou coopération, un minimum de nouvelles règles sanitaires, sécuritaires, politiques et économiques devront être adoptées. Comment celles-ci pourront-elles être appliquées et respectées avec un minimum d’efficience ? Quelles nouvelles instances pourront veiller au grain et ramener les moutons noirs dans les troupeaux de Camargue et d’ailleurs ? Quelles forces et quelles puissances pourront ramener les « salopards » à une raison minimale, garantie de sécurité collective ? C’est toute la question…

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UN SALOPARD !

Justement, à la rubrique des faits divers les plus aberrants, on apprend que Donald Trump a cherché à acquérir auprès d’un laboratoire allemand l’exclusivité d’un probable vaccin contre le coronavirus. Sursaut de dignité nationale, le laboratoire d’outre-Rhin l’a – heureusement – proprement éconduit. Et l’empressement du président américain ne s’explique pas, semble-t-il, par souci de venir au secours de la planète, mais bien pour que les Etats-Unis soient les premiers et les seuls à ainsi bénéficier d’une solution viable et immédiate de survie et à faire avec cela un maximum d’argent…

En dépit de ses foucades d’agent immobilier et au-delà de toutes considérations politiques, philosophiques ou autres, on sait désormais avec certitude que Donald Trump est un authentique salopard, qu’il peut exprimer et mettre en œuvre le pire dont est capable le genre humain… oui, un vrai salopard !

Au sortir de la crise, le confinement durable d’un tel individu et de son clan s’avèrera plus que nécessaire et salutaire. En effet, l’une des tâches prioritaires des systèmes multilatéraux de demain sera bien de se prémunir contre les malveillances des Etats-Unis et de leurs dirigeants, de trouver les mécanismes pour isoler ce pays dangereux du reste de l’humanité et surtout de traîner ses dirigeants devant une cour de justice internationale.

En attendant, la rédaction de prochetmoyen-orient.ch – elle-aussi confinée -n’en poursuivra pas moins ses livraisons hebdomadaires. Restant loin de Facebook et des autres réseaux numériques a-sociaux, elle ne s’abonnera pas non plus à Netflix pour attendre des jours meilleurs, préférant chaque semaine vous proposer une lecture ou relecture de choix.

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Cette semaine, nous avons opté pour Le Temps des cathédrales de Georges Duby3. Extrait : « Dans la pensée sauvage qui dominait toutes les consciences et celles des plus savants (au XIème siècle), l’univers se montre comme une sorte de forêt mystérieuse dont nul ne peut faire le tour. Pour le pénétrer, pour se défendre des dangers qu’il renferme, il convient de se comporter comme le font les chasseurs, de suivre des pistes sinueuses, de se fier à des traces et de se laisser guider par un jeu de coïncidences illogiques. L’ordre du monde repose sur un tissu de liens ténus, pénétré d’influx magiques. Tout ce que les sens perçoivent est signe : le mot, le bruit, le geste, l’éclair. Et c’est en débrouillant patiemment l’écheveau complexe de ces symboles que l’homme parvient à progresser peu à peu, à se mouvoir dans le taillis touffu où la nature l’emprisonne ».

On pourrait se croire revenu au XIème siècle, au temps des cathédrales. Bonne lecture et à la semaine prochaine. Prenez soin de vous et des autres.

Richard Labévière
23 mars 2020

1 Marshall McLuhan : The Medium is the Massage : An Inventory of Effects, Bantam Books, New York, 1967.
2 La Charte de San Francisco est le traité qui définit les buts et les principes de l’Organisation des Nations unies ainsi que la composition, la mission et les pouvoirs de ses organes exécutifs (le Conseil de sécurité), délibératifs (l’Assemblée générale), judiciaires (la Cour internationale de justice) et administratifs (le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle et le Secrétariat général). Elle a été adoptée à la fin de la conférence de San Francisco, le 26 juin 1945.
3 Georges Duby : Le Temps des cathédrales – L’art et la société 980-1420. Editions Gallimard – Bibliothèque des histoire, mai 1980.

samedi, 28 mars 2020

La division de l’Occident une chance pour l’Europe puissance

Article de Caroline Galactéros* publié dans Courrier de Russie le 25/03/2020

Avec le Coronavirus, le monde traverse une crise inédite dont les conséquences politiques, économiques et sociales sont encore imprévisibles, tant sur le plan intérieur, pour chaque État, que dans les relations internationales. Nul doute que cette épidémie historique redessine la carte politique de la planète, les zones d’influence pouvant, par exemple, esquisser, demain, une géographie macabre où les gagnants seront ceux qui, démontrant leur cohésion et leur efficacité, auront su le mieux résister à la maladie. 

Le Courrier de Russie a donc décidé de lancer un débat vif, sans détours, en ouvrant ses pages à des personnalités de tous bords – russes et françaises notamment ‒ connues pour la qualité de leurs analyses géopolitiques et la force de leur engagement.  


L’Europe existe-elle en dehors de sa fonction économique ? Mérite-t-elle d’être défendue comme un ensemble cohérent ? Peut-elle, doit-elle produire de la puissance et de l’influence, devenir un acteur stratégique à part entière sur la scène du monde, faisant jeu égal avec les autres puissances majeures qui, aujourd’hui, la tiennent ouvertement pour quantité stratégique négligeable ? Ou bien la diversité des perceptions, des ambitions et des calculs des États membres et son pacifisme hors sol, plombé d’idéalisme moralisateur, rendent-ils à jamais cette ambition utopique ? Peut-elle seulement avoir une évaluation propre de ses risques sécuritaires et de défense, ou ne sera-t-elle toujours qu’un appendice de l’OTAN que, pour ne pas trop humilier, on nomme pompeusement « le pilier européen de l’Alliance » ?

Toutes ces questions vitales restent sans réponse à ce jour. Nous sommes toujours des enfants gâtés qui ne veulent pas grandir, des « Tanguy » indécrottables refusant de quitter le nid d’une vassalité qui pourtant nous met en danger. Si nous continuons à nier l’évidence ‒ le découplage grandissant entre nos intérêts économiques, sécuritaires et stratégiques, et ceux de Washington, la claire nécessité de comprendre notre avenir comme eurasien, ce qui suppose de nous rapprocher de Moscou, donc de régler la question ukrainienne ‒, nous sommes promis à l’engloutissement stratégique définitif et nos succès économiques ne nous protégeront pas longtemps d’un dépècement sino-américain qui a déjà commencé… Nous adorons manifestement être humiliés, chaque gifle nous fait du bien. Notre pleutrerie est telle qu’elle donne raison à ceux qui en profitent. Ils ont tout à gagner à nous faire rendre gorge au nom de nos grands principes, qui nous tuent, et de notre renoncement stupide au seul promoteur possible de survie : la souveraineté.

La crise du Coronavirus en donne une fois encore une belle illustration. Pour ne pas paraître discriminants et manquer de solidarité, ou renoncer à l’ouverture généreuse du bel espace européen, nous avons perdu de précieuses semaines à hésiter sur les mesures de confinement territorial. Finalement, chaque pays agit pour lui-même dans une éloquente cacophonie. Donald Trump a beau jeu de nous le reprocher désormais. Bref, nous mélangeons tout et avons complètement perdu la mesure de la gravité des questions sécuritaires européennes au sens le plus large.

Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site “Courrier de Russie” en cliquant sur le lien ci-dessous.

https://www.lecourrierderussie.com/opinions/2020/03/coronavirus-et-geopolitique-la-division-de-loccident-une-chance-pour-leurope-puissance/

*Caroline Galactéros, Présidente de Geopragma

samedi, 21 mars 2020

Un conflit sur les hydrocarbures se prépare en Méditerranée entre Israël et la Turquie

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Un conflit sur les hydrocarbures se prépare en Méditerranée entre Israël et la Turquie

Par Ramzy Baroud

Ex: http://www.france-irak-actualite.com

(revue de presse : Chronique de Palestine – 11/3/20)*

Les découvertes massives de gaz naturel au large de la côte d’Israël et de la Palestine devraient faire de Tel-Aviv un centre énergétique régional. Il reste à voir si Israël sera en mesure de transformer ce potentiel gazier largement inexploité en une véritable richesse économique et stratégique.

Une chose est certaine, c’est que le Moyen-Orient est déjà en proie à une guerre géostratégique majeure, qui pourrait dégénérer en une véritable confrontation militaire.

Sans surprise, Israël est au cœur de ce conflit grandissant.

« La semaine dernière, nous avons commencé à acheminer du gaz vers l’Égypte. Nous avons fait d’Israël une superpuissance énergétique », s’est vanté le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, lors d’une réunion du cabinet le 19 janvier.

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Cette auto-congratulation de Netanyahu faisait suite à des informations excellentes pour le Premier ministre en difficulté, à savoir que la Jordanie et l’Égypte sont maintenant toutes deux des clientes de Tel-Aviv, et lui achètent des milliards de mètres cubes de gaz israélien.

Pour Netanyahu, vendre du gaz israélien à deux pays arabes voisins n’est pas seulement un progrès économique et politique, c’est un formidable coup de pouce personnel. Le leader israélien tente, en effet, de convaincre la population de voter pour lui aux élections de mars et l’élite politique israélienne de lui accorder l’immunité contre diverses accusations de corruption qui pourraient l’envoyer en prison.

Depuis des années, Israël exploite la découverte d’énormes gisements de gaz naturel provenant des champs Leviathan et Tamar – situés respectivement à 125 km et 80 km de Haïfa – pour reconstruire des alliances régionales et redéfinir sa centralité géopolitique vis-à-vis de l’Europe.

Cependant, la stratégie israélienne risque de provoquer des conflits dans une région déjà instable, du fait que cela fait entrer dans le jeu Chypre, la Grèce, la France, l’Italie et la Libye, ainsi que l’Égypte, la Turquie, le Liban et la Russie.

Le 2 janvier, Netanyahu était à Athènes pour signer un accord sur un gazoduc, aux côtés du Premier ministre grec, Kyriako Mitotakis, et du président chypriote, Nicos Anastasiades.

Le gazoduc EastMed devrait relier Israël à Chypre, à la Grèce et, à terme, à l’Italie, et transporter ainsi le gaz de la Méditerranée orientale directement vers le cœur de l’Europe.

Il y a quelques années, ce scénario paraissait impossible, car Israël achetait encore une grande partie de son gaz naturel à l’Égypte voisine.

Le gisement de Tamar a en partie corrigé la dépendance d’Israël au gaz importé lorsqu’il a commencé à produire en 2003. Peu de temps après, Israël a de nouveau trouvé du gaz, cette fois-ci avec des réserves bien plus importantes, dans l’énorme champ Leviathan. Le 31 décembre 2019, Leviathan a commencé à produire du gaz pour la première fois.

Leviathan est situé dans le bassin levantin de la mer Méditerranée, une région riche en hydrocarbures.

« On estime que Leviathan contient plus de 21 000 milliards de pieds cubes de gaz naturel, ce qui est suffisant pour répondre aux besoins de production d’énergie d’Israël pour les 40 prochaines années, tout en laissant une réserve suffisante pour l’exportation », selon Frank Musmar du Centre d’études stratégiques de la BESA.

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La part de l’Égypte dans le gaz israélien – 85 milliards de mètres cubes (bcm), pour un coût estimé à 19,5 milliards de dollars – est réglée par l’intermédiaire de l’entité privée égyptienne Dolphinus Holdings. L’accord jordanien a été signé entre la compagnie nationale d’électricité du pays, NEPCO, et la société américaine Noble Energy, qui détient 45 % des parts du projet israélien.

Les Jordaniens ont protesté en masse contre l’accord gazier israélien, car ils considèrent la coopération économique entre leur pays et Israël comme un acte de normalisation, alors que Tel-Aviv continue d’occuper et d’opprimer les Palestiniens.

Les échos de ces protestations populaires sont parvenus au Parlement jordanien qui, le 19 janvier, a voté à l’unanimité une loi visant à interdire les importations de gaz en provenance d’Israël.

Au-delà de sa domination économique régionale, Israël se diversifie et devient un acteur important sur la scène géopolitique internationale. Le projet de gazoduc EastMed, estimé à 6 milliards d’euros, devrait couvrir 10 % des besoins globaux de l’Europe en gaz naturel. C’est là que les choses deviennent encore plus intéressantes.

La Turquie estime que l’accord, qui implique ses propres rivaux régionaux, Chypre et la Grèce, est conçu spécifiquement pour la marginaliser économiquement en l’excluant du boom des hydrocarbures en Méditerranée.

Ankara est déjà un centre énergétique massif, puisqu’elle accueille le TurkStream qui alimente l’Europe qui recourt à la Russie pour couvrir environ 40 % de ses besoins en gaz naturel. Cela a fourni à Moscou et à Ankara non seulement des avantages économiques, mais aussi un levier géostratégique. Si le gazoduc EastMed devient une réalité, la Turquie et la Russie seront les grands perdants.

La Turquie a riposté par une série de mesures successives et surprenantes, dont la signature d’un accord de frontière maritime avec le gouvernement d’accord national (GNA) de Libye, reconnu au niveau international, et la promesse d’envoyer un soutien militaire à Tripoli dans sa lutte contre les forces loyales au général Khalifa Haftar.

« La Turquie ne permettra aucune activité qui soit contraire à ses propres intérêts dans la région », a déclaré Fuat Oktay, vice-président de la Turquie, à l’agence de presse Anadolu, ajoutant que « tout plan qui ne tient pas compte de la Turquie n’a absolument aucune chance de réussir ».

Bien que les pays européens aient rapidement condamné Ankara, cette dernière a réussi à changer les règles du jeu en revendiquant de vastes zones qui sont également revendiquées par la Grèce et Chypre dans le cadre de leurs zones économiques exclusives (ZEE).

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La Turquie va non seulement forer dans les eaux territoriales de la Libye pour trouver du gaz naturel, mais aussi dans les eaux contestées autour de Chypre. Ankara accuse Chypre de violer « l’égalité des droits sur les découvertes », un arrangement qui a suivi le conflit militaire entre les deux pays en 1974.

Si la question n’est pas résolue, le projet de gazoduc EastMed pourrait se transformer en chimère. Ce qui semblait être un accord lucratif, d’une immense importance géopolitique du point de vue israélien, apparaît maintenant comme une nouvelle extension du conflit au Moyen-Orient.

L’UE voudrait échapper au contrôle stratégique de la Russie sur le marché du gaz naturel, mais le gazoduc EastMed semble de plus en plus irréalisable, quelque soit l’angle par lequel on le prenne.

Quoiqu’il en soit, compte tenu des énormes gisements de gaz naturel en capacité d’alimenter les marchés européens, il est presque certain que le gaz naturel méditerranéen finira par devenir une source majeure de dissensions politiques, si ce n’est même de véritable guerre.

ob_34282c_baroud.jpgRamzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son dernier livre est «These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons”» (Clarity Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.

30 janvier 2020 – RamzyBaroud.net – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

Confusion and Vacillation in the West

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Confusion and Vacillation in the West

Ex: https://journal-neo.org

The coronavirus epidemic and plummeting oil prices have yet again highlighted the fact that the West is in the midst of a systemic crisis, the effects of which can be seen in many different areas.

A great deal of political analysists in the West are raising the alarm to warn people about the chaos that is unfolding in Western governing institutions. The United States and Great Britain are often cited as examples of this deteriorating situation, where “the slavish loyalty of nonentities is valued over competency, experience and decency.” In an article on this topic published in the Arabnews, British journalist Baria Alamuddin writes that “[…] the world’s oldest democratic systems appear to have entered an age of senility, where established practices and safeguards are ignored or maliciously sabotaged at the behest of political and personal agendas.”

This is also being facilitated by the spread of lawlessness around the world, compounded by “[…] the neutering of international law and conflict resolution institutions.”

In the media, different forms of analysis are leading to the same conclusion, which is that Europe is losing its “international weight.” Yet, the EU is having to respond to an increasing number of challenges and faces a growing number of problems. Neither Germany nor France received an invitation to the summit Russia and Turkey held on Idlib. The Europeans are not able to cope with the threat of jihadists moving into Libya, the Sahel, the Sahara and West Africa, and there are new hotbeds of tension springing up in the Eastern Mediterranean.

At the same time, it is also worth noting what Al Jazeera’s senior political analyst Marwan Bishara had to say, who stressed that the outcome of the upcoming US presidential election will be determined by three factors: racism, religious fanaticism and inequality (“Trump is leading a coalition of angry right-wing, white Protestants which caters to corporate America”).

Former German Foreign Minister Joschka Fischer recently noted that Trump winning a second term would “pose an existential threat to the very idea of ‘the West’.” Fischer sharply criticizes the new EU leaders for essentially ignoring the fundamental changes that are taking place in the world, who he says are “spending their time squabbling over agriculture subsidies.” Yet, the key question is: “whether NATO could survive a second Trump term.”

It is worth noting a recent outlook report published by the Egyptian Center for Strategic Studies on how the world situation could develop, which highlighted that the actions being taken by the Turkish President and Ankara’s relations with Moscow “raise the question of whether this country will remain in the NATO military command.”

These conclusions echo the predictions of Cairo’s political analysts. For instance, Director of the Al-Ahram Center for Political and Strategic Studies Dr. Abdel Monem Said Aly stressed that “in many ways, the West is falling apart due to political and ethnic differences”: The EU is a prime example.

In 1970, Asia (including Japan) generated 19% of the world’s GDP, while the West had a 56% share. Now Asia’s share of global GDP is 43%, and the West contributes 37%.

The prevailing confusion and vacillation among American international scholars is symptomatic of this shift. The latest State Department report (March-April 2020) contains varying assessments of the current state of global affairs and of the role the United States should play. Thus, Stephen Wertheim argues that US should abandon its quest for world dominance. In an article titled “The Price of Primacy: Why America Shouldn’t Dominate the World”, Wertheim writes that Washington’s global ambitions are threatening American values. Thomas Wright’s article expresses a completely opposing view: “The Folly of Retrenchment: Why America Can’t Withdraw From the World.”

Graham Allison’s article “The New Spheres of Influence: Sharing the Globe With Other Great Powers” argues that the spheres of global influence need to be redefined.

The world is facing new threats and challenges, and it is clear that the American and European political analysts have yet to discover the formula for dealing with these problems. Moreover, the actions that many Western countries are taking only serve to exacerbate what is already an alarming situation.

In these circumstances, the whole world is looking to Russia and its stable foreign policy, which aims to strengthen adherence to the rules of international law, and it is gaining great respect and growing in popularity, especially given the importance President Vladimir Putin has placed on close international cooperation in order to seriously tackle the increasing number of global challenges.

Vladimir Mashin, Ph.D. in History and a political commentator, exclusively for the online magazine “New Eastern Outlook”.

mardi, 17 mars 2020

Geopolitics of South Asia and Interests of Russia

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Geopolitics of South Asia and Interests of Russia

Ex: https://www.geopolitica.ru

If we are talking about geopolitics, we must apply an integrated an complex approach that combines power (primarily hard power - military strength and economic) and a certain view on the territory issues. The key concepts in geopolitics are Land Power, Sea Power and Manpower. The first two categories relate to geographical determinism and people are more likely to adjust and adapt to environmental conditions, trying to extract from this rational use - mountains, deserts, rivers and seas can serve both as natural boundaries and as a source of well-being. Man Power refers to the field of pure politics - the human will can determine how to develop the territory, whether to use military force, what to do for development and strengthening the national economy, as well as what ideological factors can serve - religions and other forms collective identity, such as nationalism.

In this article, we will look at geopolitical factors, including those numerous drivers that push the centripetal and centrifugal forces of the region. Also we will analyze the perception of South Asia from three positions. To do this, it will be necessary to understand the interests of not only the countries of the region, but also others global players. And Russia's interests cannot be understood without Western opposition, especially in the context of current international relations.

At the same time, we must take into account global geopolitical turbulence and the tectonic shift from a unipolar to a multipolar world order.

Global positioning of the region

There are different definitions of South Asia. Some refer to this region as the territories that were previously controlled British empire.1 According to the most common version, South Asia includes eight States: Afghanistan, Bangladesh, Bhutan, India, Maldives, Nepal, Pakistan and Sri Lanka.

If we consider the region from a global position, South Asia is the Rimland zone - the coastal zone of Eurasia, characterized by active dynamics, which is confirmed by the historical facts of the presence of the centers of ancient civilizations, trade and migration routes, as well as the banality that more than 70% of the World's population lives off the banks of rivers, seas and oceans.

The history of the last two centuries shows that this Rimland has become a place of intense pressure from Sea Powers -early Britain, then the United States. The logic of Land Power forced the Russian Empire, and then the Soviet Union to respond in a manner based on instruments of deterrence and then ideology.

asiageopol.jpgIf the US had once followed the doctrine of Henry Kissinger's rollback and used the myth of the Communist threat, now Washington has a more difficult time justifying its presence in the region. In addition, Russia is separated from these countries by a buffer of the independent states of Central Asia. Although the political reality has changed, the geopolitical logic remains the same.

Russia-Heartland is interested in integration processes, while Sea Power, represented by the United States, is interested in controlling the coastal zone.

This is evident from a number of strategic documents. If you have previously under the administration of Barack Obama, the focus was in the South-East Asia and the creation of the Pacific pivot was announced, a new model of the Indo-Pacific region was emerged just now.2

Geopolitics of the region

It is obvious that according to its geopolitical characteristics and significance, there are three most important States, which are in the Heartland of South Asia. These are Afghanistan, Pakistan and India. The rest of the countries serve as a kind of buffer and objective reasons can not have a fundamental impact on the geopolitical processes in the region. The role and status of the other five States are limited, they fall into the sphere of influence of other actors, although they can act as significant subjects. So, for example, Sri Lanka has become an important element in China's "Strings of Pearl" strategy.

If we use the terminology of Zbigniew Brzezinski, proposed in his work "The Great Chessboard", on the regional scale Afghanistan, Pakistan and India are active geopolitical actors, while Bangladesh, Nepal, Bhutan, Maldives and Sri Lanka as geopolitical centers with varying degrees of importance. Afghanistan we attributed to the actors because of the strategic instability of this state and the influence it has had on the policy of Eurasia for the last 35 years. In some sense, it is negative geo-political actor.

In South Asia context itself, regionalism may be analyzed from different contexts i.e. positive and negative.3

It should also be borne in mind that with the exception of Sri Lanka and the Maldives, whose borders are natural due to their island situation, the remaining six states' borders are the result of the intervention of the British Empire and the consequences of the colonial policy of London, which is still felt to varying degrees throughout South Asia.

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This has created the effect of grey zones and hybrid borders, which are characterized by a high degree of political tension. A number of states have certain vulnerabilities in the form of hotbeds of instability, which can be classified as gray zones.

The disputed territory is Kashmir. In addition, India has a disputed territory with the People's Republic of China. Killings of Bangladeshi citizens by Indian border guards on the Bangladesh-India border are facts not often reported in the international press, but are indicative of the characteristics of Indo-Bangladeshi relations. In India itself there is a threat from the Maoist Naxalites in the North-Eastern States. The Western States of India may be subject to manipulation from radical Islamists. However, the growth of Indian hindutva nationalism also provokes instability.

In general, most countries in South Asia are characterized by domestic political problems associated with threats of terrorism and separatism.

There is regional entity presented by interstate organization - The South Asian Association for Regional Cooperation or SAARC that was established on December 8, 1985.4 However, we see that many initiatives within this organization are still at the stage of organizational decisions. It is also important, that this platform can serve as a venue for a regional polylogue, including a discussion of various critical issues.

The theory of the three worlds

For an adequate understanding of the processes taking place in South Asia, it is necessary to take into account not only the political contradictions and tensions between the countries of the region, but also the view from the outside. Therefore, we will inevitably come to the need to consider South Asia from three positions. There is a well-known concept of the three worlds. The first world is represented by industrialized countries.

The second world are countries in the process of technological development. The third world is represented by countries that have yet to go the way of development. This theory represents the Western point of view and has a certain element of racism to it.

In our case the three worlds are three perceptions of South Asia - from South Asia itself, from Russia (as we consider Russia's interests in region) and the United States, as this state still claims to be a global hegemon and openly declares persecution its objectives in Asia, some of which are clearly contrary to the development strategies of a number of States in the region.

Conflict of interest is clear in the frame of US strategy and interests, but it is covered by specific bilateral policies and the general diplomacy of the State Dept. The United States has traditionally been interested in maintaining the conflict potential between countries in order to face different sides and depending on the situation to take one side or another. Ex Secretary of Defence Ash Carter in the context of American strategy for Asia noted that "The heart of that policy is a mesh of political, diplomatic, economic, and military relationships with many nations that has sustained security and underwritten an extraordinary leap in economic development."5

His idea is to establish kind of network for Asia. "Important to see these relationships as an informal network — not an alliance, not a treaty, not a bloc" -  wrote Carter in his “Reflections on American Grand Strategy in Asia.” In his opinion "The network structure suits Asia."6

It is significant that in this speculative network structure, he deliberately introduces an enemy element. At least China is represented as a kind of power that not only opposes American interests in the whole region, but also conducts activities, undermining the sovereignty of other States.

“Maritime and cyber activities are two forms of Chinese aggression that cause concern in the states of the Pacific network, which deepens China’s self-isolation. China’s actions in the South China Sea are a direct challenge to peace and stability in the Pacific”.7

It is important to note that Carter mentions China not only as a military-political actor, but also as an economic power.

The China-proposed network would include such initiatives as the Asian Infrastructure Investment Bank (IAAB) and One Belt, One Road (OBOR)—both of which would be detrimental to U.S. interests. The IAAB,a potential rival to the World Bank and International Monetary Fund, would not match the high standards of the WB and IMF in relation to governance, environmental, and other safeguards—and OBOR is likely to extend China’s political influence more than it extends actual property”.8

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India, on the contrary, is described as a potential ally of the United States, and therefore as a kind of proxy power, able to be a conductor for Washington's interests in the region.

India is another example of how the strategic benefits of the principled, inclusive network can overcome hesitation. Once deeply skeptical of U.S. influence in South Asia, India became a more active participant in regional security during my two years as Secretary of Defense than at any time in its history”.9

It is possible that Carter's position reflects the political instability throughout Asia, described by Robert Kaplan more than 20 years ago?

"The future map - in a sense, the 'last map' - will be a constantly changing representation of the cartographic chaos, in some areas favorable or even productive, and in some violent... This card will be all less and less applied by the rules that diplomats and other political elites have been ordering for centuries. Decisions will mainly come from within the cultures themselves, exposed to those decisions."10

But this instability is a special feature - it is neither anarchic chaos, or geopolitical tabula rasa. Rather, these are new opportunities that are associated with global changes, but have their own characteristics of a deep nature. Russia's view of South Asia will be discussed in the relevant section on strategies. Now we have to ask - does Asia look at itself with Asian eyes?

It is obvious that in South Asia to a greater or lesser extent in different countries there is a problem of colonization of consciousness, although all States are formally sovereign. These questions often become the subject of Subaltern Studies in European and American Universities.

And "the formation of different disciplines, including production of Western Orientalist scholarship on Asia was directly or indirectly related to the patterns of domination of Asia. The disciplinarisation and systematisation of human knowledge was a part of the project of modernity."11 The attempt of South Asian States to build themselves under the model of Western institutions - hence, for example, the well-known aphorism that India is the largest democracy in the world, although it is not because of the actual caste system - and statements by the officials of Asian countries regarding common interests and values thus look pretty paradoxical.

Interests and values

Now we need to decide on a taxonomy related to interests. The point is that the concept of interests in politics can differ depending on which school of international relations is taken as a pattern. In realism, the state it is perceived as a rational subject that acts like a human being and is guided by common sense. However, since Thucydides, we know that human behavior itself is irrational, especially when decisions are made under the influence of anger, greed and ambition. Machiavelli, who is considered one of the harbingers of realism introduced a division of ethics and politics, justifying any kind of action if it leads to the desired goal.

At the liberal school of international relations “achieving peace” is spoken of as a kind of imperative. In practice, as we know, it turns into wars and interventions.

A kind of marker is the Democratic and Republican parties in the United States. The Democratic party tends to gravitate toward the liberal school, while the Republicans adhere more to realism. At the same time, both theories are Western in origin and they are considered to be standards for international relations at the global level.

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In addition, the structures of States differ in substance. In the US, there is a model of iron triangles when lobby groups can actively influence international processes. An example is the decision to invade Iraq in 2003, when neoconservatives controlled the military-political apparatus of the presidential administration. Lobby groups of influence may include both ideological structures and commercial ones, for example, transnational corporations. And in Pakistan and Russia are other socio-political models, which are rooted in centuries-old traditions. So even if we try to withdraw some of the formula of net interests (for example, quotas for the supply of some goods or services, the size of duties, admission to the market a certain number of companies) - it will be almost impossible to do.

Another reason is the different sizes of state economies and the availability of priority sectors in the industry. Russia is among the leaders of the countries exporting gas and oil. Pakistan has its own economic priorities, India has its own as well.

However, in addition to interests, there are always values. Interests can be negotiated, values represent a static phenomenon that are not negotiable. Of course, values can be eroded or deeply influenced by exogenous impact. And with modern technologies of social engineering in certain conditions, the change of value orientations can happen very quickly, especially if charismatic public opinion leaders from the local environment are involved. On the example of Ukraine we can see how with the help of external influence values were restructured by socially-political processes and changed the identity of the Ukrainian people.

Values also include the phenomenon of nationalism, which differs from country to country and from region to region. South Asian nationalism, as Sayantan Dasgupta aptly puts it, is ‘monstrous,’ with much of the discourse surrounding it tending to further stoke the conflict between the notion of nationalism as empowerment and as an exercise of homogenization. Languages of power and struggle for belonging through language are most acute in South Asia.12 When fragmentation is possible to detect such details as, for example, the description of the Taliban as a "nationalist Islamist insurgency, who, for his own purposes, feeds and manipulates tribal imbalances and rivalries."13

However, on the scale of the value system it is possible to consider whether the interests of one country can be interfaced with the interests of another country. It seems to me that representatives of the two States will be able to reach an agreement with each other faster if their countries have traditional family values. But if one country has a patriarchal system and another country has legalized same-sex marriage and political feminism is a fashion trend, it will be harder to do so.

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Strategies of Russia in general and in relation to Asia in particular

It is important to understand that there is no clear definition of Russia's actions in the international arena. On the one hand, there are a number of documents, related to national security and foreign policy. But they are more likely to wear desirable and recommendatory character. A number of provisions that are spelled out in these strategies, despite their important nature, have never been realised. For example, in the national security doctrine of 2008, it was said that Russia has the right to apply its armed forces abroad to protect its citizens. But the case of Ukraine has shown that this item has not found its applications, although there were numerous facts indicating the possibility of its implementation.

A number of existing strategies also have some aspects that are difficult to put into practice. In other words: the desire and reality are different. However, a number of excerpts from these documents are needed to show the general trends and some limitations in the strategic thinking of the persons who made up these doctrines.

We will cover only those items that relate to the region under consideration or reflect the attitude towards the international community.

In The Foreign Policy Concept of the Russian Federation (approved by President of the Russian Federation Vladimir Putin on November 30, 2016)14we see several points connecting with Asian issues.

79. Russia attaches importance to further strengthening the SCO’s role in regional and global affairs and expanding its membership, and stands for increasing the SCO’s political and economic potential, and implementing practical measures within its framework to consolidate mutual trust and partnership in Central Asia, as well as promoting cooperation with the SCO member States, observes and dialogue partners.

80. Russia seeks to reinforce a comprehensive long-term dialogue partnership with the Association of Southeast Asian Nations (ASEAN) and achieve a strategic partnership. Efforts in this area will be supported by expanded cooperation within such frameworks as the East Asia Summit, which provides a platform for strategic dialogue between country leaders on conceptual issues related to the development of the Asia-Pacific Region, the ASEAN Regional Forum and ASEAN Defence Ministers’ meeting with the dialogue partners.

81. Russia promotes broad mutually beneficial economic cooperation in the Asia-Pacific Region, which includes the opportunities offered by the Asia-Pacific Economic Cooperation forum.

82. Russia is committed to establishing a common, open and non-discriminatory economic partnership and joint development space for ASEAN, SCO and EAEU members with a view to ensuring that integration processes in Asia-Pacific and Eurasia are complementary.

83. Russia views the Asia-Europe Meeting and Conference on Interaction and Confidence-Building Measures in Asia as relevant mechanisms for developing multi-faceted practical cooperation with the Asia-Pacific States and intends to take an active part in these frameworks. But Afghanistan and Pakistan are mentioned rather in negative context.

97. The persisting instability in the Islamic Republic of Afghanistan after the withdrawal of all but a few international contingents poses a major security threat to Russia and other members of the CIS. The Russian Federation, together with the Islamic Republic of Afghanistan, other interested states relying on the possibilities offered by the UN, CIS, CSTO, SCO and other international organizations will be consistent in its efforts to resolve as soon as possible the problems this country is facing, while respecting the rights and legitimate interests of all ethnic groups living in its territory so that it can enter post-conflict recovery as a sovereign, peaceful, neutral state with a sustainable economy and political system. Implementing comprehensive measures to mitigate the terrorist threat emanating from Afghanistan against other states, including neighbouring countries, as well as eliminate or substantially reduce the illicit production and trafficking of narcotic drugs is an integral part of these efforts. Russia is committed to further intensifying UN-led international efforts aimed at helping the Islamic Republic of Afghanistan and its neighbouring states counter these challenges.

And point 15 is about global security and threats: The global terrorist threat has reached a new high with the emergence of the Islamic State international terrorist organization and similar groups that have descended to an unprecedented level of cruelty in their violence. They aspire to create their own state and seek to consolidate their influence on a territory stretching from the shores of the Atlantic Ocean to Pakistan. The main effort in combating terrorism should be aimed at creating a broad international counter-terrorist coalition with a solid legal foundation, one that is based on effective and consistent inter-state cooperation without any political considerations or double standards, above all to prevent terrorism and extremism and counter the spread of radical ideas.

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Next, consider the presidential Decree of 31.12.2015 N 683 "On the national security Strategy of the Russian Federation."  First of all, it should be pointed out that "as a Central element of the system of international relations, Russia sees the United Nations and its Security Council".

It has a number of items on the South Asian region.

88. Russian Federation increases cooperation with BRICS partners (Brazil, Russia, India, China, South Africa), RIC (Russia, India, China), Shanghai cooperation organization, Asia-Pacific economic cooperation forum, the G20 and other international institutions.

92. The Russian Federation attaches great importance to building the political and economic potential of the Shanghai organization of cooperation, stimulation within its framework of practical measures, contributing to the strengthening of mutual trust and partnerships in Central Asia, as well as the development of cooperation with member States, observers and partners.

Organizations, including in the form of dialogue and cooperation on a bilateral basis. Special attention is paid to the work with countries wishing to join the Organization as full members.

93. The Russian Federation is developing comprehensive partnership and strategic cooperation with The People's Republic of China, considering them as a key factor in maintaining global and regional stability.

94. The Russian Federation attaches great importance to the privileged strategic partnership with the Republic of India.

95. The Russian Federation supports the establishment of reliable mechanisms in the Asia-Pacific region to ensure regional stability and security on a non-bloc basis, improving the effectiveness of political and economic cooperation with the countries of the region, expansion of cooperation in the field of science, education and culture, including in the framework of regional integration structures. Next is economic security Strategy of the Russian Federation for the period up to 2030 (Decree of the President of the Russian Federation of 13.05.2017. № 208).

- building an international legal system that meets the national interests of the Russian Federation economic relations, prevention of its fragmentation, weakening or selective application;

- expansion of partnership and integration relations within the framework of the Commonwealth of Independent States,  

The Eurasian economic Union, BRICS (Brazil, Russia, India, China, South Africa), Shanghai cooperation organization and  other intergovernmental organizations; creation of regional and TRANS-regional integration associations in compliance with national interests of Russian Federation;

Next is the foreign economic strategy of the Russian Federation till 2020, prepared by the Ministry of Economic Development of the Russian Federation, issued in December 2008.

In the block devoted to Asia from South Asia only India is specified.

It is noted that Russian non-primary goods and services, including high-tech products, are traditionally in demand on the Indian market.

This creates opportunities for increasing supplies of the existing range of exports, as well as for diversification of the structure of trade. The main objectives are to expand Russia's access to Indian markets and joint technology development in selected areas.

It is worth mentioning Doctrine of Information Security of the Russian Federation (Approved by Decree of the President of the Russian Federation No. 646 of December 5, 2016).15

28.  A strategic objective of information security in the field of strategic stability and equal strategic partnership is to create a sustainable system of conflict-free inter-State relations in the information space.

29.  The main thrusts of ensuring information security in the field of strategic stability and equal strategic partnership are the following:

- protecting the sovereignty of the Russian Federation in information space through nationally-owned and independent policy to pursue its national interests in the information sphere;

- taking part in establishing an international information security system capable of effectively countering the use of information technologies for military and political purposes that are contrary to international law, or for terrorist, extremist, criminal or other illegal purposes;

- creating international legal mechanisms taking into account the specific nature of information technologies and intended to prevent and settle conflicts between States in information space; promoting in international organizations the position of the Russian Federation advocating equitable and mutually beneficial cooperation of all interested parties in information sphere.

The fog and friction of diplomacy

At the same time, the actions and even intentions of Russia are often misunderstood and used by other parties to promote their own interest. For example, Hillary Clinton while working as Secretary of state after Vladimir Putin announced the creation of the Eurasian Economic Union in 2011 (it would be more correct to say the reform of the Customs Union), she said that Moscow will create the Soviet Union-2.

mearshemier_collage.jpgThus, the situation with regard to Ukraine and Russia's actions on the one hand, and the West on the other, describes well John J. Mearsheimer opinion, who pointed to the guilt of the West in the Ukrainian crisis.

The United States and its European allies share most of the responsibility for the crisis. The taproot of the trouble is the enlargement of NATO, the central element of a larger strategy to move Ukraine out of Russia’s orbit and integrate it into the West. At the same time, the EU’s expansion eastward and the West’s backing of the pro-democracy movement in Ukraine -- beginning with the Orange Revolution in 2004 - were critical elements, too.

The West’s triple package of policies - NATO enlargement, EU expansion, and democracy promotion -- added fuel to a fire waiting to ignite.

This is Geopolitics 101: great powers are always sensitive to potential threats near their home territory. After all, the United States does not tolerate distant great powers deploying military forces anywhere in the Western Hemisphere, much less on its borders”.16

Emma Ashford also on the same side with John J. Mearsheimer, and noted that “today’s confrontational rhetoric and policies toward Russia often ignore reality and highlight the need for an alternative approach”.17

And Stephen Kotkin argues that “Russia today is not a revolutionary power threatening to overthrow the international order. Moscow operates within a familiar great-power school of international relations, one that prioritizes room for maneuver over morality and assumes the inevitability of conflict, the supremacy of hard power, and the cynicism of others’ motives. In certain places and on certain issues, Russia has the ability to thwart U.S. interests, but it does not even remotely approach the scale of the threat posed by the Soviet Union, so there is no need to respond to it with a new Cold War”.18

Realpolitik and Russia's actions

As we can see from the official documents, India is given priority among the countries of the region. In practice, we also see close cooperation between Russia and India, especially in the sphere of arms supplies (70% of the arms in India are Soviet and Russian origin). Because of the traditional Indian-Pakistani confrontation and by virtue of the fact that during the cold war Pakistan belonged to the number of geopolitical opponents of the USSR, the Russian Federation's relations with this country have not received the same scale of development and do not have the same traditions of relations like Russia has with India. Despite this, the basis for mutually beneficial relations in trade is stable - there are economic, energy and investment spheres between Russia and Pakistan.

From the geopolitical point of view, the North-Western regional segment, including Pakistan, is the most significant for Russia. Afghanistan and leading to Central Asia is a region that is particularly important for Russia, bordering Siberia and the Ural-Volga region.

Basic Russian prospects are seen in strategic cooperation with India, trade and economic cooperation with others states in the region. Potential risks are due to the likely destabilization of the situation in the North-West of South Asia, capable of "spread" to the Central Asian republics.

There is also a kind of risk associated with the aggravation of relations between India and Pakistan, in the extreme case, a military confrontation including the use of nuclear weapons.

Another threatening area for the region from the Russian point of view is humanitarian and environmental. For the moment refugees from Afghanistan, Pakistan or India have had no impact on Russian domestic policy, but on the international scale Russia always pays attention to this problem. In addition to natural disasters and cataclysms, including here the problem of piracy in the Northern Indian ocean.

Earlier it was predicted that in order to reduce regional tensions and balance its policies in South Asia, Russia, obviously, will strengthen economic cooperation with Pakistan, and will help it, in particular, in the construction of the gas pipeline from Iran and Turkmenistan, as well as providing assistance in organizing electricity supplies from Tajikistan and Kyrgyzstan to Afghanistan and Pakistan.

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After the launch of the Rogun hydroelectric power plant in Tajikistan in November 2018, this interaction is now close to practical embodiment. It has not excluded the implementation of other cooperation projects, in particular, through industry, as well as cooperation in security sphere with the growing use of the potential of SCO (Shanghai cooperation organization) and the "Dushanbe four" (Russia, Tajikistan, Afghanistan, Pakistan).

Russian experience as mediator for water sharing between Central Asian countries may be utilized in South Asia too because of violating the Indus Water Treaty by India as well as problem with water flows after heavy rains from India into Bangladesh.

As for Pakistan, according to Russian experts, despite certain developments in the country such as higher education, including technical education, Pakistan, unlike India, has not found a high-tech niche in the world division of labour. Demand for the services of scientists, engineers and technicians comes mainly from the military-industrial, and especially the nuclear missile complex.19

This gap may be filled with Russian assistance too. The sale of weapons systems by Russia to South Asian States illustrates well the level of interaction between the countries.20 The Rosoboronexport company cooperates with four States, i.e. half of the countries of South Asia. India since 1947, Pakistan since 1948, Sri Lanka since 1957 and Bangladesh since 1972. It is significant that Rosoboronexport makes no sales to the States, which pursues a hostile policy towards Russia.

Russia is interested in enhancing the strategic capacity of such organizations as SCO and The Conference on Interaction and Confidence-Building Measures in Asia to form a new security architecture for Greater Eurasia. This approach is directly linked to the realization of the Russian initiative of “integrating integrations”, which takes into account all actors and all possible changes in the balance of powers in the region, including natural leadership changes.21

Transport and energy routes (built and projected too) may be implemented and synchronized in the context of Eurasian Economic Union led by Russia and New Silk Road led by China.

As a rule, considering the interests of Russia in the region, analysts mention only material factors. Actually there is a great interest on the part of Moscow in intellectual cooperation. Denoting the course to create a multipolar world order Russia needs semantic filling of this concept that is not possible without the active participation of the outside scientific and expert community of South Asian countries.

Although multipolarity can be interpreted in different ways, the main criterion is the attitude toward the United States and the willingness to challenge Washington. For example, Indian Prime Minister Narendra Modi has repeatedly stated that India is committed to multipolarity and he expressed flattering compliments to Russia as a country that is one of the main poles of influence in the world. But in fact India follows the doctrine of multilateralism, actually fulfilling the imperatives of the Obama administration. Although India did not support sanctions against Russia and was not afraid of sanctions by the United States for the contract of the purchase of the S-400 systems, cooperation that is more intensively developing between the US and Israel than with its neighbors in Eurasia.

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Pakistan, on the contrary, took the position of sovereignty and denied its critics in Washington, so it aroused considerable interest from Russia as an emergent power. This window of opportunity can be favorably used by two parties.

In the current geopolitical situation and in light of the irresponsible behavior of the United States (and their satellites) on the world stage, the implementation of joint Russian-Pakistani projects, including military cooperation, will help strengthen security in Eurasia in the interests of all participants.22

Non-Western theories of international relations as sovereign intellectual developments supporting the discourse on multipolarity also will be in great demand in the academic circles of Russia.

In addition, discussions on non-Western approaches to international relations and alternative political theories can not only be a bond for a dialogue of a new quality between Russia and the countries of South Asia, but also lay additional foundations for rethinking regionalism.

Still, South Asia is part of Eurasia, and Russia is interested in strengthening its stability and the predictability of the actions of all its actors.

___

1 Michael Mann. 2014. South Asia's Modern History: Thematic Perspectives. Taylor & Francis. pp. 13–15.

2 Prashanth Parameswaran. Trump’s Indo-Pacific Strategy Challenge in the Spotlight at 2018 Shangri-La Dialogue. The Diplomat. June 05, 2018. Available at: https://thediplomat.com/2018/06/trumps-indo-pacific-strat... [Accessed 23 October 2018].

3 Tariq Mehmood. Regionalization of Peacekeeping Operations in South Asia // Margalla Papers Vol. XX, 2016. National Defence University Islamabad. P. 205.

5 Ash Carter. Reflections on American Grand Strategy in Asia. Belfer Center for Science and International Affairs, Special Report. October 2018. P. 4. Available at: https://www.belfercenter.org/sites/default/files/files/pu... [Accessed 3 November 2018].

6 Ibidem. P. 5.

7 Ibidem. P. 14.

8 Ibidem. P. 32.

9 Ibidem. P. 29.

10 Kaplan Robert D. 1996. The Ends of the Earth: A Journey at the Dawn of the Twenty- first Century. Random House, Inc. P. 337.

11 Georgekutty M. V. Problematising South Asian Area Studies // SAJD, 2013. P. 40.

12 Rohit K Dasgupta, Remembering Benedict Anderson and his Influence on South Asian Studies // Theory, Culture & Society 0(0), 2016. P. 3.

13 Gopal Anand. The Battle for Afghanistan: Militancy and Conflict in Kandaghar. Counterterrorism Strategy Initiative Policy Paper. Washington, DC: New America Foundation, November 2010. P. 14.

14 The Foreign Policy Concept of the Russian Federation (approved by President of the Russian Federation Vladimir Putin on November 30, 2016). Available at: http://www.mid.ru/en/foreign_policy/official_documents/-/... [Accessed 23 November 2018].

15 Doctrine of Information Security of the Russian Federation (Approved by Decree of the President of the Russian Federation No. 646 of December 5, 2016) 5 December 2016. Available at: http://www.mid.ru/en/foreign_policy/official_documents/-/... [Accessed 6 October 2018].

16 John J. Mearsheimer. Why the Ukraine Crisis Is the West’s Fault. Foreign Affairs. September/October 2014 Issue. Available at: https://www.foreignaffairs.com/articles/russia-fsu/2014-0... [Accessed 6 October 2018].

17 Emma Ashford. How Reflexive Hostility to Russia Harms U.S. Interests. Foreign Affairs. April 20, 2018. Available at: https://www.foreignaffairs.com/articles/russian-federatio... [Accessed 6 October 2018].

18 Stephen Kotkin. Russia's Perpetual Geopolitics. Putin Returns to the Historical Pattern. Foreign Affairs. May/June 2016 Issue. Available at: https://www.foreignaffairs.com/articles/ukraine/2016-04-1... [Accessed 6 October 2018].

19 Вячеслав Белокреницкий. Южная Азия 2013–2020: возможности и риски для России. 7 июля 2013 г. Available at:

http://russiancouncil.ru/analytics-and-comments/analytics... [Accessed 23 November 2018].

21 Savin, Leonid. Russian security frame for Black sea region. Geopolitica.ru. 06.12.2017 Available at: https://www.geopolitica.ru/en/article/russian-security-fr... [Accessed 6 October 2018].

22 Savin, Leonid. Pakistan-Russian friendship. The Nation. November 05, 2018. Available at: https://nation.com.pk/05-Nov-2018/pakistan-russian-friend... [Accessed 23 November 2018].

Publishsed in "Conflict and Cooperation in South Asia. Role of Major Powers. Islamabad: IPRI, 2019. P. 153 - 180.

La grande guerre du pétrole de 2020 a commencé. La Russie peut-elle la gagner ?

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La grande guerre du pétrole de 2020 a commencé. La Russie peut-elle la gagner ?

par Nikolas K. Gvosdev
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Après la signature de la dernière série de sanctions américaines contre la Russie l’année dernière, le président russe Vladimir Poutine a averti que la Russie exercerait des représailles au moment et à l’endroit de son choix. Le démantèlement de l’accord OPEP-Plus et le déclenchement d’une guerre des prix avec l’Arabie saoudite peuvent sembler être une façon étrange et déroutante de réagir, mais il y a peut-être une méthode dans cette folie. Je crois que le Kremlin fait le pari que, d’ici la fin de l’année, il sera capable non seulement de repousser les États-Unis mais aussi de reconstruire son partenariat avec l’Arabie saoudite.

L’un des principaux défauts des politiciens américains est leur mauvaise habitude de proclamer haut et fort leurs stratégies des mois, voire des années à l’avance, donnant ainsi à leurs adversaires tout le temps de se préparer. Au cours des deux dernières années, les membres du Congrès ont fait savoir très clairement que les projets de pipeline de contournement de l’Ukraine par la Russie – avec le Turkish Stream et le Nordstream-2 – étaient dans leur ligne de mire. Moscou a tenté d’accélérer l’achèvement de ces projets avant que le lent processus législatif américain ne permette de finaliser une autre série de sanctions punitives. Le projet Turkish Stream a été achevé juste à temps et envoie déjà de l’énergie russe en Turquie et en Europe du Sud. Pendant ce temps, Nordstream-2 aurait pu être achevé sans ces satanés Danois et leurs processus de protection de l’environnement, qui ont retardé les travaux du Nordstream juste assez longtemps pour permettre une volée de sanctions américaines de dernière minute. Même avec ce délai – et grâce à une prise de bec avec le Danemark à propos d’une éventuelle vente du Groenland – Moscou a été tellement avertie à l’avance qu’elle a demandé à ses entrepreneurs européens de se concentrer avant tout sur les parties du gazoduc les plus difficiles techniquement. Gazprom possède la capacité technique de terminer le projet – avec un certain retard, c’est vrai – mais Nordstream devrait être achevé d’ici la fin de l’année 2020. Oui, le retard a été suffisant pour obliger la Russie à continuer à utiliser l’Ukraine comme voie de transit, mais la position de Moscou sur les marchés européens de l’énergie reste largement intacte.

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Le plan de secours américain a consisté à pousser les Européens, puisque que le projet Nordstream était encore inachevé, à acheter plus d’énergie provenant de sources nord-américaines. En effet, un élément important de la stratégie américaine dans cette nouvelle ère de concurrence entre grandes puissances est de concurrencer la Russie sur les marchés de l’énergie afin de diminuer les ressources que Moscou peut accumuler en tant qu’exportateur.

Au départ, la stratégie des États-Unis durant le second mandat de l’administration Obama était d’encourager l’Arabie saoudite à répéter ses performances des années 1980 en utilisant sa capacité à ouvrir les robinets et à faire baisser les prix de manière à paralyser les producteurs russes et à forcer Moscou à reculer en Ukraine et en Syrie. Malgré la tentative de l’Arabie saoudite de baisser ses coûts de production, Riyad n’a pas pu soutenir une guerre des prix à long terme en raison des besoins massifs du budget saoudien. L’Arabie saoudite a radicalement abandonné sa politique de concurrence avec la Russie pour se tourner vers une nouvelle stratégie de coordination avec elle. Riyad et Moscou sont finalement devenus les co-axes de l’accord OPEP-Plus, qui a été conçu pour stabiliser les marchés énergétiques mondiaux et fixer un « plancher » définitif pour les prix de l’énergie. En échange de sa coopération, Moscou attendait de l’Arabie saoudite et d’autres États du Golfe qu’ils dirigent vers l’économie russe les flux financiers bloqués par les sanctions américaines et européennes. L’achat par le Qatar d’une participation minoritaire dans la société d’État russe Rosneft fut un exemple de ce renvoi d’ascenseur.

Mais la faiblesse de cette tactique tient au caractère sauvage du secteur énergétique américain. Les producteurs américains ont bénéficié de prix plus élevés et étaient prêts à alimenter le marché lorsque la Russie et l’Arabie saoudite ont réduit leur production. Lorsque les États-Unis ont refusé de prendre part à l’accord OPEP-Plus, la poursuite de la participation de la Russie a dépendu largement de la volonté de l’Arabie saoudite de continuer à inciter Moscou à se conformer à l’accord.

Ces derniers mois, nous avons assisté à un nouveau durcissement de la politique du Kremlin – où la Russie est prête à risquer une escalade afin de prendre l’avantage ou de discréditer les États-Unis. Le monde a vu ce schéma commencer à se dérouler en Syrie, par rapport à la Turquie, au cours des dernières semaines. Les Russes ont franchi certaines des lignes rouges d’Ankara et ont ensuite laissé la Turquie voir dans quelle mesure elle pouvait ou non compter sur les États-Unis et ses alliés européens – puis le président Recep Erdogan s’est rendu à Moscou pour rouvrir les négociations avec Vladimir Poutine.

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Les producteurs d’énergie russes ont eu le sentiment d’être du côté des perdants de l’accord Moscou/Riyad. Depuis un an, ils réclamaient avec véhémence que la Russie se retire de l’accord. La panique du coronavirus leur a donné l’occasion de faire valoir que de nouvelles réductions OPEP-Plus ne feraient rien pour empêcher un effondrement des prix de l’énergie et que la Russie continuerait à perdre des parts de marché. La réaction des Saoudiens a été de faire jeu égal avec la Russie et de la mettre au pied du mur en la menaçant de produire davantage pour provoquer des prix encore plus bas. Mais les Russes ont encore plusieurs avantages : le budget russe peut atteindre ses objectifs avec des prix bien plus bas que ce que permet le budget de l’Arabie saoudite ; la Russie peut augmenter rapidement ses exportations par pipeline alors qu’une augmentation de l’Arabie saoudite prendrait plus de temps pour arriver sur les marchés par voie maritime ; et, plus important encore, les endroits où les Saoudiens veulent concurrencer la Russie pour des parts de marché – le marché européen – évinceraient les exportations américaines produites à plus haut prix.

La Russie semble prête à s’engager dans un test de résistance majeur de la tactique américaine en matière d’exportation d’énergie en s’engageant dans une guerre des prix prolongée. Étant donné qu’il est peu probable que l’administration Trump achète de grandes quantités de production américaine à un prix élevé pour garantir ses réserves stratégiques, les producteurs américains seront confrontés à la perspective de revenus beaucoup plus faibles et atteindront un point où il n’est plus logique, d’un point de vue commercial, de rester en activité. Si certains activités sont susceptibles d’être absorbées par les grandes sociétés énergétiques, dont les économies d’échelle peuvent assumer certains projets non rentables, la production américaine globale pourrait diminuer. Et si Joe Biden s’installe au 1600 Pennsylvania Avenue en janvier 2021, les Américains peuvent s’attendre à ce que bon nombre des réglementations environnementales et d’aménagement du territoire de l’époque d’Obama soient à nouveau pleinement en vigueur, ce qui aura des répercussions tant sur la production que sur la construction de nouvelles infrastructures d’exportation.

Les Saoudiens seraient-ils alors plus enclins à reprendre les négociations avec Moscou ? C’est possible. Tout dépend de l’état des relations américano-saoudiennes après une longue guerre des prix. Le prince Mohammad bin Salman, qui a déjà ses détracteurs des deux côtés de l’allée politique à Washington, pourrait avoir plus de mal à faire face aux achats importants de biens et de services américains par les Saoudiens dans le contexte de la concurrence des prix. De plus, il pourrait constater que les États-Unis sont devenus beaucoup moins disposés à fournir aveuglément une sécurité aux Saoudiens. En outre, si la Russie perd son intérêt à agir comme force de retenue au sujet de l’Iran, les États-Unis ont montré leurs limites quant au projet de s’attaquer à Téhéran au profit de Riyad. Une nouvelle crise dans le Golfe persique ne ferait pas qu’augmenter les prix de l’énergie, mais renforcerait l’argument de la Russie selon lequel sa route du Nord est un pari bien plus sûr pour l’exportation d’énergie.

La Russie entre donc dans cette guerre des prix avec deux objectifs principaux : chasser les producteurs américains du marché et exposer Riyad aux limites du soutien américain. Grâce à l’équipe talentueuse du ministère des finances du pays, ils disposent des fonds nécessaires pour atteindre cet objectif. Poutine a repris un argument de Trump sur les guerres commerciales : soyez prêt à subir des dommages à court terme si vous pensez que vos adversaires seront contraints de céder sur le moyen terme. Ces hypothèses devraient se confirmer dans les semaines et les mois à venir.

Nikolas K. Gvosdev

Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone

lundi, 16 mars 2020

Erdogan-Merkel: la parallèle du simulacre

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Erdogan-Merkel: la parallèle du simulacre

Ex: http://www.dedefensa.org

Dans le texte ci-dessous, mis en ligne sur Strategic-Culture.org le  25 février 2020, Tom Luongo fait un parallèle intéressant, qui se révèle évident une fois qu’il est identifié comme tel : les destins de Merkel et d’Erdogan. Finalement, il s’agit de deux dirigeants suprêmes qu’on a jugés depuis longtemps dans une position inébranlable, à la tête de deux pays qui n’ont pas caché une ambition assez similaire de domination de deux zones régionales d’une grande importance stratégique... Par ailleurs et d’une manière originale, deux pays tenus par des liens correspondant bien à notre époque crisique avec la forte immigration turque en Allemagne, les démêlés de la Turquie avec l’UE sous domination allemande, le rôle de la Turquie dans la vague migratoire de 2015 qui a constitué un tournant crisique dans la position de force de Merkel.

De plus, on notera une correspondance de date à cet égard : c’est donc en 2015 que Merkel ouvrit les frontières allemandes aux réfugiés et c’est aussi en 2015 qu’Erdogan se trouva engagé dans un jeu de rapports directs, plutôt en montagnes justement “russes”, avec la Russie à propos de la Syrie. C’est en septembre 2015 que les Russes intervinrent en Syrie, c’est en novembre que la Turquie  abattit un Su-24 russe et ainsi de suite, avec des bas et des hauts jusqu’à aujourd’hui. Merkel et Erdogan, chacun avec des problèmes différents, se trouvent donc dans une position incertaine et instable depuis la même année qui est par ailleurs un tournant capital avec l’entrée en campagne de Trump aux USA.

Luongo trouve avec justesse une autre proximité, sans aucun doute fondamentale, entre l’Allemagne de Merkel et la Turquie d’Erdogan : leur jeu de bascule entre les USA et la Russie, évident justement depuis 2015-2016, surtout depuis l’élection de Trump qui introduit un élément majeur d’incertitude pour tout le monde et marque une évolution capitale de la situation de la globalisation.

Les USA-Trump ont alterné le chaud et le froid dans leurs relations avec la Turquie, essentiellement à cause du comportement d’Erdogan, sa proximité épisodique avec les Russes, l’achat desS-400 russes et l’oléoduc construit également avec la Russie. Du côté allemand, Merkel est, si l’on peut dire mais assez justement, la “tête de Turc” favorite de Trump lorsqu’il tourne les yeux vers l’Europe, et cela ne va pas s’arranger avec la nomination de l’ambassadeur US en Allemagne Grenell comme patron-“superviseur” des agences de renseignement US (DCI, ou Director Central Intelligence), où il soignera particulièrement les Allemands : Grenell a été odieux avec l’Allemagne pendant son ambassade, selon les instructions de Trump. Le président US supporte de moins en moins Merkel, qui a choisi Huawei pour la génération 5G, et aussi les prétentions économiques de l’Allemagne et sa puissance exportatrice.

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Quant aux Russes, ils durcissent partout leur attitude vis-à-vis des deux pays observés ici l’Allemagne. Poutine est exaspéré par le comportement turc en Syrie et la façon dont Erdogan n’applique pas les accords d’Astana ; il a montré déjà, par plusieurs interventions surtout aériennes mais également terrestres autour d’Idlib, qu’il ne reculera pas cette fois devant un affrontement militaire en soutien des Syriens, où Erdogan pourrait se trouver en très mauvaise posture. Quant à l’Europe et à l’Allemagne, la déclaration de Lavrov selon laquelle la France est  le seul pays sérieux avec lequel la Russie puisse discuter de la question de la sécurité européenne n’a pas du enchanter Merkel, de plus en plus paralysée par la pression US-Trump pour toute initiative de sécurité et  d’amélioration des relations avec la Russie.

Bien entendu, tout cela s’accompagne, – les deux évolutions étant complémentaires sinon à la fois devenant à tour de rôle cause et conséquences l’une de l’autre, – d’un affaiblissement accéléré des positions intérieures des deux dirigeants. Ce parallèle général des deux pays ne tient pas seulement aux divers incidents et circonstances décrites ci-dessus et développés dans le texte de Luongo. A cet égard, il est significatif que ces deux évolutions aient commencé en 2015, avec les mêmes relations chaotiques des deux, à la fois avec la Russie et avec les USA.

En 2015-2016, notamment avec l’élection de Trump, mais aussi avec la montée des populismes et d’autres circonstances, la situation de la globalisation est entrée dans une crise profonde. (L’aventure du coronavirus n’arrangera pas les choses.) De ce fait, les intérêts nationaux reprennent le dessus, les tensions déjà perceptibles entre nations importantes et blocs (y compris à l’intérieur du bloc-BAO, ô combien) sont devenues beaucoup plus vives.

La conséquence de cette évolution d’une importance extrême est que les plus grandes puissances, – notamment les USA et la Russie pour notre cas, –  admettent de moins en moins des relations incertaines avec des puissances moyennes sans capacités décisives (comme l’arme nucléaire) qui jouent d’une façon ou l’autre, volontairement ou contrainte, des double jeux du type-“du faible au fort” avec elles (USA et Russie). L’Allemagne et la Turquie sont dans cette situation, chacune avec leurs conditions spécifiques ; de même le déclin accéléré de leurs équilibres intérieurs et des régimes qui y sont associés est également dû à la décadence, sinon l’effondrement de la globalisation depuis 2015, avec les circonstances qu’on a détaillées.

Décidément, la Turquie et l’Allemagne se révèlent comme des fausses “puissances moyennes” alors qu’elles prétendaient être parmi les leaders des “puissances moyennes”. Les circonstances de radicalisation de la vie internationale, avec l’effondrement du cadre artificiel de la globalisation, renvoie à la fable du “Roi est nu” ; alors qu’elles jugeaient être indispensables aux USA et à la Russie et en jouaient en conséquence, la Turquie et l’Allemagne se retrouvent prisonnières de leurs liens avec ces deux grandes puissances, cela entraînant une chute accélérée de leur propre puissance et de leur influence.

Leurs capacités de manœuvre sont désormais extrêmement limitées, avec leurs ambitions centrales, – domination de l’Europe pour l’Allemagne, expansion en Syrie et affirmation de la puissance musulmane centrale au Moyen-Orient pour la Turquie, – gravement contrecarrées sinon réduites à néant ; leurs perspectives politiques sont quasiment réduites à néant, avec à un moment ou l’autre la nécessité d’un choix (USA ou Russie) alors que le fondement de leurs politiques reste justement de n’en pas faire pour “jouer” (?) sur les deux tableaux.

dedefensa.org

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Has Erdogan Finally Lost His Center?

Turkish President Recep Tayyip Erdogan should call German Chancellor Angela Merkel some point soon to compare notes on how it feels to be trapped between the U.S. and Russia.

Germany’s political center is collapsing under the weight of Merkel’s desperate attempts to hold onto power as her ruling coalition falls in the polls and her regional party leaders betray her. The shenanigans in Thuringia have set in motion a widening gyre within the Christian Democratic Union (CDU) which will likely end in tears at the next German general election in 2021, if the current coalition with the Social Democrats lasts that long.

Merkel’s CDU has suffered electoral rebuke one after the other in state elections around Germany much of which stems from her inability to stand up to President Trump which forces her to continue betraying the trust of Russian President Vladimir Putin.

Germany’s near-term economic and political future are now bleak as the European Union is pushing for fiscal integration that Germans do not want. At the same time, Merkel keeps poking Trump on economic issues by allowing German companies to find workarounds to the EU sanctions on Russia as well as defy Trump on the Nordstream 2 pipeline.

German exports to Russia keep expanding after being gutted when Merkel acceded to Obama’s pressure in 2014 to cut off trade in the wake of the reunification with Crimea. But, things are reaching a boiling point for Merkel in Germany and it doesn’t appear at this point she has any solutions to a falling euro, deteriorating banks, populist challenges to EU diktats, and increasingly uppity behavior from the Visegrad countries like Hungary who courts Putin and Poland who courts Trump on energy and security issues.

Erdogan, interestingly enough, is in a similar position. He’s placed himself in the middle of a war in Syria in which he was tasked with controlling Idlib, Aleppo and Homs to split the western part of the country. This would ensure that all strategic roads and resupply routes would remain under NATO country control. It was Russia’s entrance that destroyed that plan.

Erdogan was fine with cutting deals with Putin in the early stages of this war as long as Russia and Syria didn’t touch Idlib. Retaking Palmyra and points west out to the Euphrates River was fine with him because it allowed him the opportunity to get what he really wanted, the northern 30 kilometers or so of the country to expand Turkey and disrupt the Syrian Kurds.

He played the U.S. and Russia off each other to get what he originally asked for as part of his spoils for destroying Assad. And in recent weeks thought he could continue his neo-Ottoman dreams by making a deal with the government in Libya, chasing European energy companies off the coast of Cyprus and laying claims to the Eastern Mediterranean that made China’s claims in the South China Sea look restrained.

Erdogan believes he can leverage access to the Black Sea as part of the Montreaux Convention of 1936 which gives Turkey territorial control over the Bosporus to get concessions from both NATO and Russia.

The problem for him is that he’s tested the patience of both Trump and Putin. And when you are blackmailing someone it’s important to remember there are limits to how far that leverage goes. Erdogan’s dreams of expanding into the vacuum being created by a weakening U.S. presence in the Middle East will run aground against Russia’s unwillingness to tolerate terrorists holed up north of Damascus to sow discord around the region.

He didn’t sign major energy deals with Turkey only to have Erdogan stab him in the back over Idlib. This is why Turkey’s reinforcing Hayat-Tahrir al-Sham (HTS) in Idlib will only result in further Turkish military casualties.

And the U.S. will be happy to watch the mercurial Erdogan fail here, as all that does is weaken him at home, where his political position is fading, just like Angela Merkel’s thanks to Turkey’s abysmal exposure to a rising U.S. dollar. The only reason he survived the 2018 Lira crisis was because of interventions from Russia, China and Qatar to stabilize the situation and help Turkish companies get some of that corporate debt exposure reduced, restructured and redenominated.

This was a point I made back then and it seems that Erdogan’s good will from that lasted about eighteen months.

The problem for him now is that the U.S. dollar is rising quickly as a global fear trade unfolds thanks to a combination of German political instability, Trump beating the impeachment rap, Brexit and China’s economy being put on hold thanks to this coronavirus outbreak.

This is putting pressure on the Lira again as it approaches the 2018 spike high, keeping inflation high. Remember his AKP party lost the Istanbul elections last year. Erdogan needs political wins he can sell back home.

Avenging the Turkish troops killed by Syria during a recent advance seems to fit the kind of PR stunt that plays well at home while really just providing cover for HTS to abandon Idlib and be re-deployed to Libya.

The recent escalations, however, may have been provoked by Syria reaffirming diplomatic relations with Armenia and openly rebuking Erdogan by  recognizing the Armenian genocide. This may have provoked him into this extreme reaction publicly.

It puts him, however, in a very bad position. The U.S. has not backed his play in Syria. Article 5 of NATO doesn’t cover a member getting attacked while it’s invading another country. It’s a defensive treaty. So, while Secretary of State Mike Pompeo is happy to watch Erdogan mung up the works in Idlib, there’s no way the U.S. will back him against the Russian Air Force.

At the end of the day, neither Russia nor the U.S. would be sad to see him leave the political stage. And Erdogan’s latest forays have him critically over-extended after years of craftily manipulating events to his advantage.

Like Angela Merkel’s outburst after the vote for Prime Minister in Thuringia, Erdogan’s outburst here may be the sign to everyone that his days are numbered.

Tom Luongo

The Balkans - the Most Important Part of the European Chessboard?

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The Balkans - the Most Important Part of the European Chessboard?

Ex: https://www.geopolitica.ru

The World only remembers the Balkans when they are used to ignite/sustain international conflagration. Unfortunately, however, for the inhabitants of this region of Europe - the main global forces never actually lose sight of it, rightly considering Balkans as a key node for controlling not only the entire South of our Continent, one of the optimal East-West transit areas, but also as the direct power base over the Middle East.

The competition for full control over these areas is not yet fully resolved, despite three decades of successes, first German and Brussels and then primarily American ones. And although the advantage of Washington still seems to be dominant - the gradual decline of the monopolar World and geopolitical independence of such significant macro-regional players as Turkey, for example, makes the whole match still undecided, and in any case allows for extra time.

In short, the current Balkan node looks like this:

Turkish Stream - the Main Cause of American Anger

In January, Russia and Turkey inaugurated activity, and at the same time finalized negotiations on further development of the second branch of TurkStream, a gas pipeline system supplying Russian gas to Southern Europe: Greece, Bulgaria, Macedonia, Serbia, and potentially also Hungary and Italy.

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930 km of the new gas pipeline bypasses Ukraine (and thus fulfils a similar role as NordStream in the North), and because the US-European occupation authorities forbade Bulgaria to create a gas terminal on its territory - thanks to the agreement of Presidents Vladimir Putinand Recep Erdoğan, it finally found itself 20 km from the Turkish-Bulgarian border, in Kiyikoy. We note that the implementation of these plans, as well as their further development, was in no way hindered by the differences of view dividing Moscow and Ankara regarding the organization of the North-West part of Syria.

TurkStream, with a capacity of not less than 3 billion cubic meters of gas, and with a target transmission capacity exceeding 31.5 billion cubic meters. - will reach Serbia in May this year, and by the end of 2020 is to connect to the gas system of Hungary.

The Russian side sees further potential recipients, among others in Austria and Italy, and thus the inept attempt to block Russian gas exports - was broken in the Southern direction, in addition, with the general and decisive participation of Turkey, which only a few years ago was considered as an obvious intermediary in the transit of Near-Eastern and Central Asian deposits exploited by Western entities. This is a very serious beating on the World chessboard, made jointly by W. Putin and R. Erdogan - although of course not yet checkmate, since the Americans will not give up their efforts to strengthen their influence in the Balkans. Particularly important for the success of their intentions is full control (or complete disintegration) of one of the transit countries - Macedonia. Although it receives only 0.5 million cubic meters of gas, it is of crucial importance for Washington's operation due to its location.

Hasty Anschluß of Macedonia

As we remember - last year Macedonia was subjected to a humiliating procedure of changing the name and further limiting the use of national symbols, everything on the line of "European and Atlantic aspirations" imprinted to Macedonians. Since, even in defiance of NATO's own foundations, Montenegro was incorporated into it in the summer of 2017 - the Pact with an open text has already begun to absorb Skopje by extinguishing the artificially Greek-Macedonian dispute over "rights to the ancient Macedonian heritage". Decisions in this matter, therefore, accelerated the "integration" procedures, but at the same time were sabotaged in the EU part by France expressing scepticism to the fast enlargement path.

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In October 2019, President Emmanuel Macron expressed opposition to direct accession talks with Macedonia as the reason, giving ... "the observed increased infiltration of Russia and China in the Balkans." Well, of course, about the much more dangerous (also for the rest of Europe) American infiltration Frenchman could not mention - but in fact Skopje was directed to Washington's probably preferred currently side-track: "NATO - now, EU - maybe, some day….".

Contrary to appearances, this does not seem to meet the hidden expectations of American strategists perfectly understanding that for exhausted by intentionally stimulated economic crises last inhabitants as far as free Balkan states - the lure is first and foremost the European lifestyle and income, wrongly associated with the Brussels order (i.e. the same manoeuvre as applied to Poles, Hungarians, Romanians and others in the 1990s and to Ukrainians five years ago and still). The North Atlantic Pact is just a cost, payment for admission to the European table.

As a result, on February 16, at the last parliamentary session before the elections on April 12, the pro-Western, social-democratic-Albanian government of Macedonia pushed through an act accelerating negotiations with the European Union, and also in the coming weeks the last (Spanish) consent is expected for Macedonia's accession to NATO, which was also formally approved in advance by the Macedonian (formally only technical) Oliver Spasovski’s Government.

Formally, the future of the Republic is to be decided "in a democratic way", which does not bode well. Oppositional ВМРО - ДПМНЕ cannot recover after a trial and escape from the country of its long-time leader, Nikola Gruevski, , who in addition himself as prime minister in 2006-16 had his issues, just like Social Democrats today dealing with Albanian terrorists, flirting with voters with "Europeanness", and stimulating Macedonian nationalism, but only against the canonical in this area Serbian Orthodox Church and supporting the dissenting, self-proclaimed (created by Yugoslav communists) Macedonian Church.

On the other hand, dispersed and grassroots patriotic forces do not have the time and the opportunity to build a national option other than VMRO. Especially since without even waiting for formal Anschluß - Americans are already creating their military installations in Macedonia, securing and strengthening the centres of global terrorism already existing under American control in Albania. Which there, in turn – is seen worse and worse by the local people who rightly believe that they know both robbery and smuggling well enough, so do not need supervision from the groups of the People's Mujahedin and similar bandits, not to mention the need to finance them together with the mass of American staff. So if the Albanians liked to disturb the lives of the American occupiers - they would already have a Macedonian alternative prepared.

Montenegrin Church Plunder

Of course, not the only one – because earlier the only piece of the Balkans never touched by a Turkish foot was absorbed and has capitulated after one of the most absurd examples of artificial ethnogenesis (even within Central European standards). Montenegro after several years long campaign became the last blow inflicted on Serbia, after which the even Voivodship's secession was abandoned, choosing the gradual Polonization of Serbian policy, i.e. saturating it with patriotic elements in form and treacherous in content. So, Podgorica eventually found itself in NATO, but in relations with the EU it remains on the same side-track as Skopje, hence, at all costs, they must divert the attention of society asking where this promised Western like prosperity is.

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Demonstrations of many thousands go through the Montenegrin capital and other cities of the country (and everyone who has been to Podgorica knows that 100,000 on the streets of this city with only 190,000 inhabitants - is impressive) in defence of the rights of the Serbian Orthodox Church, which once created this country, , and today it is robbed of all the property by the Pro-Western leadership of President Milo Đukanović. Adopted on December 27, the Act, under the very nice Western name of "religious freedom", imposed on religious denominations and organizations to verify their property (preferably legalized by the Montenegrin authorities), what for the Serbian Orthodox Church that has been in this area since "always" and which invented historical Montenegro as a political being (e.g. always only Serbian, but not necessarily Belgrade one...) - is more than a problem. That is an open attempt on the state of possession of churches and an effort to political and economic preference for the artificially invented Montenegrin Church, who (unlike his Macedonian counterpart) - so far has not been able to find the recognition of even potential believers, neither support from the canonical Churches.

Even soldiers and policemen join the anti-government marches, and the atmosphere is beginning to approach the climate of civil war, in which the Government does not even think about giving way, seeming determined to break the last elements of traditional society in Montenegro.

Following Mladići and Karadžić?

Therefore, Montenegro and perhaps Macedonia have been brought one step away from destruction, meanwhile the return of a new (?) state is possible nearby - Republika Srpska, which is preparing to finally say goodbye to the extremely unsuccessful experiment entitled Bosnia and Herzegovina. "Goodbye Bosnia and Herzegovina - welcome RSexit!"– that is how the leader of Bosnian Serbs, Milorad Dodik inaugurated another political crisis in B&H, from which this artificial creation of Dayton may no longer emerge. The attempt to artificially restore the system of the Croatian-Muslim-Serbian triad governing the country - ended in defeat. Republika Srpska is preparing for a referendum about leaving the Federation.

The reason (because it is not an excuse) for such a radical but expected decision of the authorities in Banja Luka - was the persistence of Sarajevo, seeking to take over for the benefit of the national Government the rights to manage public land located on the territory of the constituent Republics. Attack on prerogatives belonging to Bosnian Serbs so far, in addition clearly in intentions of colonization for the customary sponsors – B&H "partners" - Germans (behind the Croats) and Americans (traditionally cherishing Muslims) are the last straw that breaks the camel's back.

In addition, the federal structures of Bosnia and Herzegovina has not functioned in practice until last year - with a clear benefit to the citizens. Therefore, the American forced attempt to restore unity (by finally delegating a representative of the Republic of Serbia to the joint authorities of B&H) - showed only the superfluousness of the superior cap, needed only by the bureaucrats, and of course the Americans.

Interestingly, Dodik - himself a typical Balkan politician what means a dodger, knows perfectly well when to hit the drums of Serbian nationalism, not only announced secession, but also made contacts with representatives of upset Montenegrin Serbs, suggesting the coordination of activities of all compatriots separated by artificial post-Yugoslavian borders.

Polonization of Serbia and the Bankruptcy of Kosovo

And this may also be important for the extremely stagnant and depressing policy of Serbia itself, which is quietly but clearly drifting towards the West, bogged down in the absence of ideas on how to be governed, although while maintaining the form of an independent state, defended against Western aggression and solidarized with Slavic unity, in the Eastern geopolitical option.

Unfortunately, but President Aleksander Vučić knows perfectly well that in order to stay in power, all he needs is a lack of any competition, and secondly, the quiet confidence of the inhabitants of the country, from time to time watching the Serbian leader hug with Vladimir Putin. He invariably remains the most popular politician in Serbia, however, despite Moscow's notable propaganda and cultural influences in this country - economic cooperation is proceeding too slowly to offset the fully primitive consumer propaganda from the West.

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Of course, Serbs want to remain Russia's best friends in Europe - but they go to Austria to work and such are the sad realities of life in a republic subjected to many decades of brutal trade war with the US and its allies. Therefore, for Progressive rulers of Serbia, this is a clear guideline - you can get along with the EU (only towards NATO the memory of the crimes of the Pact is still too strong among Serbs), you can make a lesbian Prime Minister of an orthodox, conservative country - just to bribe all alternative national politicians in time, and give several cheeky speeches during subsequent election campaigns preferably towards Kosovo (of course without any consequences) and take a picture with Putin.As a result, although in principle they are extremely unpopular issues in Serbian nation - under American pressure, Kosovo and Serbia have recently signed an agreement on the (re)construction of road and rail connections between Belgrade and Pristina.

However, what is worth noting - not everything in this region is going according to Washington's thoughts, and the new Kosovo Albin Kurti’s Government faces the actual bankruptcy of this pseudo-state created 12 years ago. Among others therefore, he had to start his office by declaring the lifting of prohibitive duties on Serbian goods, which decision (despite widespread smuggling) not only caused another crisis in Pristina-Belgrade relations, but also the dissatisfaction of Kosovars themselves.

In addition, the truth is thatif Kosovo were not in fact a criminal organization, mainly drugs smuggling, it would never have an economic raison d'être. 40% residents officially live below the European poverty line, 17% below the subsistence minimum, unemployment is equal to 50% and it is not very pacifying that probably all statistics of this self-proclaimed Republic are fiction and in reality no one knows how much they earn and what their inhabitants actually live from. Well,  a lot is known - however, this is certainly not knowledge that the authorities in Pristina would like to brag about abroad ...

Even Americans also probably already know that the Kosovo problem simply cannot be solved without Serbia, although of course they understand it their own way, intensifying their efforts to take control of Belgrade - but this time without the use of rockets and air forces ...

"Democracy" - the Least Needed Complication in the Balkans?

What is particularly interesting in all of this - in 2020, among those briefly mentioned here, Serbia, Macedonia, and Bosnia and Herzegovina (as well as Croatia) are going to have parliamentary elections this year, which (especially in Skopje) can at least theoretically lead to changes in the balance of power and total reversal of alliances, making the whole Balkan chessboard even more complicated, in a match of all with all and all possible colours of pawns used.

Because if it can start somewhere in Europe again - it's traditionally in the Balkans.

dimanche, 15 mars 2020

Routes de la soie : à qui va le profit, la Chine ou les pays au bord de la route ?

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Routes de la soie: à qui va le profit, la Chine ou les pays au bord de la route?

par Michel Carmona & Minh Pham

Ex: http://www.geopolintel.fr

Nombreux sont déjà les pays débiteurs piégés par les « Nouvelles routes de la soie ». Le projet pharaonique de la Chine profite à ses intérêts et à ses entreprises. En face, l’Occident n’a rien à proposer d’autre que l’austérité et la rigueur budgétaire. C’est ce que déplorent dans cette tribune Yves Carmona, ancien ambassadeur de France au Laos et au Népal, et Minh Pham, ancien représentant du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) au Laos et aux Maldives.

Dans moins d’une génération, l’ordre économique mondial sera manifestement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. La Chine, après avoir doublé le Japon en 2011, sera passée en tête d’ici 2050, suivie par l’Inde. A contrario, les États-Unis seront distancés à la troisième place avec une taille économique d’à peine plus de la moitié du pays de Xi Jinping. De fait, l’entrée de la Chine dans le club des poids lourds économiques ponctue son itinéraire contrasté depuis la Révolution maoïste et la création de la République populaire en 1949, effaçant un siècle d’humiliations aux mains des puissances occidentales.

Conséquence de cette marche vers le développement, beaucoup a été dit ces dernières années sur la possibilité d’un « piège de Thucydide » qui dresse une puissance montante, en l’occurrence la Chine, contre une puissance établie, actuellement les États-Unis, ce qui conduirait inévitablement à la guerre comme dans l’Antiquité entre Athènes et Sparte. Et de fait, la réalité est que la Chine comme les États-Unis effacent de plus en plus la ligne de démarcation entre économie et sécurité nationale, si bien qu’une déclaration formelle de guerre n’est plus nécessaire. Cela fait déjà des décennies que les deux puissances s’opposent sur trois fronts.


Le premier front est bien visible, en termes de vitesse, d’échelle et d’intensité, en Mer de Chine du Sud, lieu de passage d’un tiers du trafic maritime mondial. Pékin y appuie ses prétentions maritimes et souveraines sur une stratégie d’exclusion de zone qui réduit les marges de manœuvre pour les États-Unis et leurs alliés. Cette stratégie inclut des travaux massifs de remblai qui ont commencé en 2014, conduisant à la création d’une série d’îlots à la place de hauts-fonds submersibles et leur équipement en pistes d’atterrissage, facilités portuaires et capacités militaires défensives et offensives. Le différend au sujet des « formations maritimes » des îles Spratleys qui oppose de longue date la Chine, la Malaisie, Taïwan, l’Indonésie et le Vietnam, constitue un exemple sans équivoque de démonstration de force et d’affirmation de sa souveraineté.

Le second front, bien que moins visible, concerne le cyberespace, les cyberarmes et la maîtrise des hautes technologies, des semi-conducteurs et de l’informatique quantique à l’intelligence artificielle. Tandis que cette bataille se déroule sans éclats, la Chine, de même que la Russie, a montré sa volonté d’investir massivement dans ce secteur à travers sa politique industrielle du « made in China 2025 » ou d’acquérir les nouvelles technologies par des investissements en capital-risque dans la Silicon Valley.

Mais c’est le troisième front que nous allons analyser ici plus en détail, car il est en passe de devenir aussi visible que le premier. Il porte même un nom officiel : les « Nouvelles routes de la soie » (en anglais BRI ou Belt and Road Initiative). Qu’est ce que la BRI ? Fondamentalement, c’est un programme de prêts dépassant 1 000 milliards de dollars pour l’infrastructure, financés par la Chine et mis en œuvre principalement par des constructeurs chinois. Il permet à des pays pauvres ou manquant de capitaux de puiser dans un fonds pour construire et agrandir autoroutes, chemins de fer, ponts, ports, oléoducs et centrales électriques. Le réseau d’infrastructures relie ces pays à la Chine et entre eux dans un vaste réseau de marchés, le tout censé bénéficier aux acheteurs aussi bien qu’aux vendeurs.

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La BRI consiste en deux routes internationales : l’une retrace la route historique de la soie accédant à la Chine à travers l’Asie centrale et l’autre conduit les routes maritimes de la Chine à l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Sud, l’Afrique et l’Europe. En Asie, le portefeuille de la BRI est soutenu par un organisme de prêt dédié, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB) fondée en 2012 et dont le siège est à Pékin. L’AIIB se joint à une foule d’entreprises d’Etat qui investissent, prêtent et construisent en-dehors des frontières chinoises comme la China Development Bank, l’EXIM Bank et la New Development Bank.


Six ans après son lancement, la BRI a amassé un portefeuille impressionnant. Cependant, cet édifice va-t-il apporter un progrès global aux pays signataires ? C’est, bien sûr, ainsi que le président Xi Jinping en fait la promotion, mais cela soulève des interrogations sur ses motivations.

Est-ce une grande démonstration d’amour fraternel ?

Rien qu’en Asie en développement, où la demande en infrastructures jusqu’à 2030 est estimée à 1700 milliards de dollars par an, la BRI et les prêteurs qui la soutiennent comblent une grande partie du besoin financier. Au Laos, le chemin de fer Laos-Chine, conclu en 2016, a été cette année-là le plus gros investissement étranger, équivalant à 35% du PIB. Au Cambodge, l’investissement chinois a déclenché un boom de la construction à hauteur de 18 milliards de dollars dans un pays dont le PIB dépasse à peine 22 milliards de dollars. En Birmanie, le gouvernement vient de signer un contrat d’1,3 milliards de dollars pour la construction d’un port en eau profonde dans l’État de Rakhine qui la reliera à la Chine et au couloir économique Est-Ouest de l’ASEAN. Au Pakistan, la Chine a finalisé un prêt de 2 milliards de dollars quelques jours après la victoire électorale du Premier ministre Imram Khan en août 2018. Et la liste des pays bénéficiaires, tous partenaires minoritaires de ces accords, ne cesse de s’allonger. Elle comprend aussi un grand nombre de pays d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Europe centrale et orientale, particulièrement dans les Balkans. L’argumentaire à l’appui de ces emprunts reste simple : pour beaucoup de ces pays, l’accès aux marchés de capitaux internationaux est difficile et la Chine constitue une source « fraternelle » de capitaux – omniprésente et gardant le contrôle.

NINJA ou cheval de Troie ?

L’Union européenne, les États-Unis et l’Inde, ainsi que le FMI et la BAD, ont émis de sérieuses mises en garde contre les prêts à la BRI. Semblables aux financements NINJAs* qu’obtenaient les ménages américains au plus fort de la crise des « subprimes »**, la vision sans complaisance qu’en ont les Occidentaux est que ces prêts conduisent les pays vulnérables mal gouvernés dans le piège d’un endettement non maîtrisé dont ils ne pourraient sortir qu’en remboursant en nature. De fait, nombreux sont déjà les exemples de pays débiteurs pris au piège.

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Le Sri Lanka est la tête d’affiche de la route qui a mal tourné. De 2010 à 2015, le président en exercice Mahinda Rajapaksa a penché de manière décisive en faveur de la Chine en échange de grands projets d’infrastructure, dont beaucoup portent son nom. Faute d’avoir pu faire face à ses obligations, le gouvernement suivant a dû fournir à Pékin le port en eau profonde de Hambantota ainsi que 6000 hectares de terrain adjacent, loués pour 99 ans en échange d’un effacement de dette de 1,1 milliards de dollars. Cela a permis au Chinois de prendre pied dans l’océan Indien, à quelques centaines de milles de l’Inde, son adversaire historique. De même, dans les Maldives, le gouvernement récemment élu est en train d’évaluer la dette envers la Chine héritée de l’administration précédente. Enfin, et ce n’est pas le moindre, la Malaisie, endettée de 250 milliards de dollars, a renoncé fin 2018 à 20 milliards de dollars de projets soutenus par Pékin, un chemin de fer et deux oléoducs.

En Europe, pendant ce temps, l’investissement chinois dans la BRI met les bouchées doubles. Depuis la crise de la dette de 2008 dans la zone euro, la Chine a conclu en 2016 un accord avec la Grèce lui confiant la gestion de 2 des 3 terminaux du Pirée, le port historique et le plus grand du pays, pour 1,7 milliards de dollars. Depuis cet accord, les Chinois ont visé des installations similaires en Italie, en Espagne, au Portugal, à Malte et à Chypre, créant ainsi une chaîne de valeur maritime qui lui ouvre une position de force en Méditerranée.

Si cette connectivité nautique sert ses intérêts, elle creuse une faille au sein de l’UE. Elle dresse les États-membres de l’Ouest et du Nord, qui voient dans la BRI un cheval de Troie – dangereux sous ses dehors inoffensifs – contre ceux du Sud, du Centre et de l’Est qui accueillent favorablement l’initiative. Ainsi, en 2017, cette fracture a conduit la Grèce à bloquer une déclaration de l’UE aux Nations Unies critiquant la politique chinoise en matière de droits humains.

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Une évolution similaire se manifeste au sein de l’ASEAN. Le gouvernement philippin, deux ans après une victoire historique à la Cour internationale de la Haye face aux prétentions territoriales de la Chine en Mer de Chine du Sud, a récemment choisi de reculer, à rebours de son opinion publique. Au contraire, il a pris fait et cause pour la Chine, en échange d’accords économiques substantiels. De manière critique, son recul porte un coup fatal à la plainte introduite par un grand nombre d’autres membres de l’ASEAN, en particulier l’Indonésie, Singapour, la Thaïlande, la Malaisie et le Vietnam. Toujours au sein de l’ASEAN, le Cambodge a édulcoré le communiqué de l’organisation en 2016 et évité toute référence au jugement rendu plus tôt cette année-là par la cour de La Haye.

Pour la Chine, tout cela pourrait devenir une arme de choix pour infléchir l’ordre monétaire actuel, accéder à de nouveaux marchés et obtenir l’influence qu’elle a vainement convoitée sur l’architecture multilatérale d’après-guerre. A cet effet, un « club de Pékin » appuyé sur sa clientèle croissante pourrait venir faire l’écart. Il pourrait profondément changer la donne dans la restructuration de la dette, non seulement au détriment de la suprématie du Club de Paris, mais aussi en forçant le FMI – habituellement prêteur en dernier ressort – à se montrer plus accommodant envers la puissance financière chinoise. Pour être plus précis, les pays débiteurs pourraient accorder à la Chine des garanties financières prioritaires par rapport aux créditeurs du club de Paris en matière de remboursement de la dette.


S’agissant du commerce international, bien que la productivité des entreprises chinoises ait connu récemment une amélioration, elles continuent de s’appuyer dans une large mesure sur le soutien gouvernemental, en particulier en matière de recherche, et bénéficient d’un vaste marché intérieur protégé. De ce fait, la BRI risque de favoriser les entreprises chinoises par rapport aux autres. Le commerce est déjà fortement déséquilibré, ce qui a suscité l’application par le président Trump de sanctions unilatérales contre les produits chinois. Sur un mode moins brutal, Emmanuel Macron, à l’occasion de sa rencontre au sommet avec Xi Jinping en janvier 2018, a déclaré que les Nouvelles routes de la soie « ne peuvent être les routes d’une nouvelle hégémonie qui viendrait mettre en état de vassalité les pays qu’elles traversent. »

En fait, la question centrale pour l’Occident est maintenant de savoir comment arrêter les « victimes consentantes » tout en évitant les réactions impulsives qui pourraient se retourner contre lui à long terme. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a exprimé en 2018 cette frustration collective en déclarant qu’il n’y avait pas de raison pour le FMI, en utilisant les dollars des contribuables américains, de renflouer le Pakistan ou d’autres pays qui ont obtenu des prêts de la Chine, mais sont dans l’incapacité de les rembourser. Cependant, M. Pompeo n’a proposé aucune alternative crédible.

Somme toute, la réalité est que l’Occident dans son entier est incapable de trouver une stratégie efficace, à la mesure du défi global que lance la Chine. A part dénoncer l’initiative BRI comme un piège de l’endettement en vantant les vertus de l’austérité et de la rigueur budgétaire, la réponse des États-Unis, de l’UE et des autres a simplement été trop peu, trop tard et trop inefficace. Dans cette guerre non déclarée, ils doivent faire face à la Chine en l’absence de lignes de front marquées, de politique ou budget d’agression clairement définis, et de cible visible sur laquelle tirer. Pour le moment, l’Occident est plongé dans l’embarras.

Par Yves Carmona et Minh Pham