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samedi, 11 mai 2019

Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !

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Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !

Par Guillaume Berlat

Ex: https://www.les-crises.fr

« Les temps changent. On ne sait pas quand, mais c’est toujours avant qu’on s’en aperçoive » (Catherine Breillat, cinéaste, romancière). Les temps changent, le ton change. Hier bénie, aujourd’hui (presque) honnie. Tel est le traitement que subit désormais la Chine. Au moment où le président chinois, Xi Jinping effectue une brève visite en Europe (Italie, Monaco1, France) en cette dernière décennie du mois de mars 2019, les critiques pleuvent comme à Gravelotte sur l’Empire Céleste2. Violations répétées des droits de l’Homme (Cf. contre les Ouigours ou contre l’ex-président d’Interpol, Meng Hongwei …), visées hégémoniques en Asie, en Afrique, voire en Europe à travers l’initiative des « Nouvelles routes de la soie »; violations graves des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC basée à Genève) en pratiquant une concurrence déloyale, espionnage à grande échelle (Cf. critiques portées contre le géant des télécommunications Huaweï au moment où il concourt au marché de la 5G)…

Telles sont les philippiques qui reviennent le plus souvent, de manière inattendue, dans la bouche des dirigeants occidentaux, européens avec une certaine insistance depuis quelques dernières semaines. Les mêmes qui ne tarissaient pas d’éloge sur l’Empire Céleste, il y a peu encore. Comme si la guerre commerciale contre la Chine dans laquelle s’est lancée Donald Trump avait enfin décillé les yeux de la Belle au Bois Dormant qui a pour nom Europe sur les visées de Pékin. Le temps n’est plus au libéralisme échevelé, à la candeur rafraichissante. Le temps serait plutôt au patriotisme économique, à la Realpolitik, à la défense des intérêts bien compris. Mais, l’Europe (l’Union européenne) divisée et sans cap est-elle bien armée pour mener à bien ce combat contre la puissance montante du XXIe siècle ?3 Puissance normative incontestée, l’Europe est et restera encore longtemps une impuissance stratégique.

***

L’EUROPE : UNE PUISSANCE NORMATIVE

Pour tenter de comprendre l’impasse structurelle dans laquelle se trouve l’Union européenne, il est indispensable de se pencher sur la philosophie générale qui a présidé à sa création (la paix par le droit) pour être en mesure d’apprécier la conséquence de cette démarche (la construction par le vide).

La paix par le droit : une nouvelle utopie.

normeforcelaidi.jpgFaut-il le rappeler, comme le Conseil de l’Europe en 1949, l’Union européenne s’est construite sur le mantra de la paix par le droit (celui qui avait si bien fonctionné à l’époque de la SDN…) ! Par sa force intrinsèque et quasi-divine, la norme est censée résoudre tous les problèmes de l’Europe de l’après Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide, de l’après-Guerre froide et de la nouvelle Guerre froide. Ni plus, ni moins La construction européenne – du traité de Rome au traité de Lisbonne – s’est reposée sur d’énormes conventions internationales que seuls quelques initiés – dont ni vous, ni moi ne sommes – parviennent à comprendre et à interpréter. À Bruxelles, les hommes forts (les fortes femmes) de la Commission et du Conseil sont les juristes. Ils pondent en permanence de nouvelles normes et traquent l’État délinquant soit celui qui ne respecte pas les valeurs du machin (Hongrie, Pologne, Roumanie), soit celui qui viole les sacro-saintes règles budgétaires (Grèce, Italie, voire France)4. L’Europe à 28/27 n’a toujours ni cap, ni affectio societatis alors même qu’elle est secouée par des vents mauvais tant à l’intérieur (feuilleton sans fin du « Brexit », montée du sentiment national, croissance atone, phénomènes migratoires non contrôlés, terrorisme…) qu’à l’extérieur (Diktats américains, arrogance chinoise, cavalier seul russe, déclin de l’Occident…). « Cette non-personne pèse de l’extérieur, sans habiter notre intérieur »5.

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La construction par le vide : une puissance Potemkine

Nous avons aujourd’hui un exemple particulièrement éclairant de la vacuité européenne sur la scène internationale en analysant la relation de Pékin avec la France mais aussi avec l’Union européenne. Mais, un léger retour en arrière s’impose. Au cours des dernières années, sous l’influence de la pensée libérale à l’anglo-saxonne (le tout dérégulation), la Commission européenne (agissant dans l’un de ses domaines de compétence exclusif qu’est le commerce) s’est targuée de négocier et de conclure des dizaines de traités de commerce, de libre-échange avec la planète entière. Nos petits marquis drogués aux lobbies, particulièrement actifs à Bruxelles (« un aéropage technocratique, apatride et irresponsable »), nous expliquent fort doctement que tous ces torchons de papier constituent le nec plus ultra de la mondialisation heureuse6, la meilleure garantie pour les citoyens européens en termes de prospérité et de bonheur (« L’Europe des réponses » chère à Nathalie Loiseau), le signe de L’Europe indispensable7. Or, la réalité est tout autre comme ces mêmes citoyens peuvent s’en rendre compte concrètement.

L’Union n’est qu’un tigre de papier ouvert aux quatre vents. Elle ignore un principe cardinal de la diplomatie classique qui a pour nom réciprocité. Elle ouvre grandes ses portes aux entreprises chinoises alors que leurs homologues européennes sont soumises à des règles drastiques et des pratiques déloyales8. Souvenons-nous que Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), porteur de la diplomatie économique, ne jurait que par la Chine. Sans la Chine, point de salut. Or, aujourd’hui, les langues commencent à se délier sur les étranges pratiques commerciales chinoises. Du côté de la Commission européenne, c’était le silence radio. Du côté de nos partenaires, européens, c’était le chacun pour soit et les vaches seront bien gardées. Comme cela est tout à fait normal de la part d’une authentique grande puissance comme l’est la Chine9, Pékin pratique un vieux classique qui a fait ses preuves depuis la nuit des temps, le diviser pour mieux régner, la diplomatie des gros contrats pour mieux faire taire les rabat-joie10. Nous en avons un exemple frappant avec l’Italie qui est le premier pays du G7 à emprunter les « nouvelles routes de la soie »11. Une sorte d’embarquement pour Cythère du XXIe siècle.

L’angélisme est une plaie en ces temps conflictuels. Les États membres de l’union européenne ne comprendront jamais que « les puissants n’accordent leur amitié protectrice qu’en échange de la servitude »12. Ils commencent à peine à percevoir que la Chine entend transformer sa puissance économique en puissance diplomatique et stratégique aux quatre coins de la planète.

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L’EUROPE : UNE IMPUISSANCE STRATÉGIQUE

Il est important d’en revenir aux fondamentaux des relations internationales. Dans un monde frappé au coin de la prégnance du rapport de forces, la désunion structurelle de l’Europe fait sa faiblesse sur la scène internationale. Par ailleurs, au moment où l’on nous annonce que l’Union se réveille face à la Chine, le moins que l’on puisse dire est que cette nouvelle posture relève encore de la cacophonie.

La désunion fait la faiblesse : l’Europe s’agite

L’opération de charme du nouvel empereur. C’est que le président Xi Jinping n’est pas né de la dernière pluie. Il sait parfaitement caresser ses hôtes français dans le sens du poil. Il le fait avec un sens aigu de l’emphase diplomatique. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à se reporter à la tribune qu’il publie dans un grand quotidien français à la veille de sa visite en France. Il la conclut ainsi :

« La responsabilité. Ensemble, la Chine et la France pourront apporter de grandes transformations. L’histoire n’a cessé de le prouver au cours des 55 ans écoulés. À l’heure actuelle où l’humanité se trouve à la croisée des chemins, les grands pays du monde ont à assumer les responsabilités qui leur incombent. Membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la France sont invitées à renforcer leur concertation pour défendre le multilatéralisme, préserver les normes fondamentales régissant les relations internationales basées sur les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies, relever conjointement les défis, contribuer à la prospérité et à la stabilité dans le monde et promouvoir la construction d’une communauté de destin pour l’humanité.

Comme dit un proverbe chinois : « Un voyage de mille lieues commence toujours par le premier pas ». L’illustre écrivain français Victor Hugo disait : « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » Aujourd’hui sur un nouveau point de départ historique, la Chine souhaite aller de l’avant avec la France, concrètement et solidement, pour réaliser des accomplissements encore plus éclatants »13.

Et ses officines de propagande (« Échos de Chine ») d’inonder d’encarts publicitaires à l’eau de rose les principaux médias français à la veille de la visite en France du grand timonier sur les thèmes du développement d’un « partenariat stratégique global plus étroit et durable », de « Paris et Wuhan : le Conte de deux cités », de « Beijing et Paris : partenaires majeurs dans la lutte contre le changement climatique » (on en tombe à la renverse en se reportant aux facéties environnementales chinoises), de « Faire progresser plus avant les relations franco-chinoises », des « Perspectives de la coopération pragmatique entre la France et la Chine »… En prime, nous avons même droit aux dernières raffarinades : « Cette année sera une année fertile pour les relations franco-chinoises » (on se croirait revenu au temps d’Alice au pays des merveilles). Dans le rôle de l’idiot utile, Quasimodo n’a pas son pareil. Il est tout simplement parfait et impayable. Une fonction étrange pour un ancien Premier ministre de Jacques Chirac, mais qui ne gêne pas du tout l’intéressé. Ce dernier n’aime d’ailleurs pas qu’on vienne le chercher sur ces ambiguïtés : à l’en croire, il ne joue qu’un seul rôle, celui de poisson-pilote en Chine pour les entreprises françaises. Fermez le ban !

Jupiter tombe sous le charme du carnet de chèques chinois. Comment ne pas succomber aux charmes d’une telle sirène qui arrive avec de nombreuses promesses de contrats pour des entreprises françaises (on met à l’eau bouche avec des quantités extravagantes d’achats d’avions [commande de 300 Airbus pour 30 milliards d’euros par la compagnie d’État CASC]14, de navires et d’autres gadgets dont les Gaulois sont particulièrement friands) ? En bon français, cela s’appelle acheter son ou ses interlocuteurs. Comment évoquer le concept grossier de « violations des droits de l’Homme » dans cette ambiance du genre Embrassons-nous Folleville ?15 Fidèle à son habitude, Emmanuel Macron explique lors de sa conférence de presse commune à l’Élysée que la discussion sur la question des droits de l’Homme avec son homologue a été « franche » mais nous n’en saurons pas plus. Diplomatie de la discrétion oblige !

Oubliées les promesses européennes visant à faire front commun contre le tigre chinois (qui n’est pas de papier, les investissements chinois en Europe sont passés de 1,4 milliard de dollars en 2006 à 42,1 en 2018 après avoir connu un pic de 96,8 milliards en 2017) et vive le cavalier seul, le chacun pour soi dont sont coutumiers les 27/28 ! Il y a fort à parier que les moulinets de Jean-Yves Le Drian (qui accueille le président chinois sur l’aéroport de Nice) sur le thème du double sens des nouvelles routes de la soie feront rapidement pschitt. Il y a fort à parier que les déclarations viriles d’Emmanuel Macron avant la visite officielle chinoise aient autant d’effets positifs sur Xi Jinping que sur Donald Trump en son temps (il devait revenir sur son refus de l’accord sur le climat et sur celui sur le nucléaire iranien, Jupiter nous avait promis). À l’Élysée, Pinocchio (Bijou dans une robe longue rouge immaculée) fait assaut d’amabilités à l’égard de son hôte de marque. Pour nous rassurer sur les bonnes et pures intentions chinoises, quelques experts viennent nous faire la leçon : « La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète »16, « La position de Xi Jinping n’est pas si confortable qu’elle en a l’air »17 au regard de la crise commerciale américano-chinoise18. Il est vrai que quelques nuages assombrissent le ciel bleu chinois après une longue période faste. Est-ce une tendance conjoncturelle ou structurelle ? Il est encore trop tôt pour le dire avec certitude. Mais, heureusement, l’Europe a décidé de sortir de sa torpeur pour prendre la mesure du problème. Faut-il avoir peur de la Chine ?19 Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle qui a noué des relations diplomatiques avec la Chine communiste au nez et à la barbe des Américains.

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La cacophonie fait la foire : l’Europe se réveille20

Un réveil tardif et mou. Lors de ses entretiens à la villa Kérylos (Beaulieu), Emmanuel Macron prône « un partenariat équilibré » avec Pékin (déficit commercial de la France de 30 milliards d’euros)21. [Il enfonce le clou lors des entretiens à l’Élysée au cours desquels il déroule le tapis rouge et tous les leviers de la diplomatie gastronomique]. Des limites, du piège de la démagogie surtout lorsque nous apprenons qu’Emmanuel Macron, trop faible pour faire le poids, appelle de ses vœux la constitution d’un front européen (uni, nous imaginons !) destiné à déjouer la stratégie et les ambitions planétaires de Pékin. Trop peu, trop tard, pourrait-on dire. Des mots, toujours des mots… Où est la stratégie suivie d’actes forts d’une Europe unie ? On peine toujours à la découvrir. Ce qui fait le plus défaut à l’Union européenne est sa capacité d’anticipation sans parler de son absence de volonté de prendre à bras le corps les grands problèmes stratégiques du monde. Elle préfère se quereller sur des taux de TVA, de pourcentages de croissance et autres vétilles qui ne contribuent pas à faire d’elle un acteur du monde. En réalité, elle est de plus en plus spectatrice d’un spectacle dans lequel elle joue les seconds rôles. Comme le souligne si justement, Thierry de Montbrial : « Quand on reprend les conversations entre chefs d’État au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit qu’ils ne parlaient pas de tactique, quand ils se rencontraient mais de visions »22. C’est là toute la différence entre celui qui fait l’avenir et celui qui le subit. « La construction européenne vise à surmonter les conflits et les guerres du passé. Elle a pour but la paix, la prospérité, la stabilité, la sécurité. Elle a construit un édifice institutionnel qui est bien huilé et tourne remarquablement bien. Pour renverser la formule d’Emile de Girardin, elle donne l’impression de tourner le dos à l’imprévu pour mieux diriger le cours des choses » comme le souligne un diplomate brillant, Maxime Lefebvre.

Une grande interrogation pour l’avenir.

Que peut-on mettre concrètement à l’actif de l’Union européenne au cours des dernières semaines ?

Une réponse visible, qui n’est pas pour autant efficace, est donnée au bon peuple. Xi Jinping est convié, le 26 mars 2019, à rencontrer à l’Élysée, outre le président Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel et le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker23. Drôle de Sainte-Trinité (le terme de Pieds Nickelés serait plus approprié) pour sermonner le Grand Timonier et répondre d’une seule voix aux ambitieuses « routes de la soie » ! Mais, ce trio parle-t-il et a-t-il reçu mandat expresse des autres partenaires pour parler et s’engager en leur nom ? Emmanuel Macron a fait chou blanc avec son sermon aux citoyens européens. Angela Merkel est sur le départ et voit ses prérogatives rogner par son successeur, AKK24. Jean-Claude Juncker, qui ne sera pas reconduit dans ses fonctions après les élections européennes du 26 mai 2019, peine à marcher à trop lever le coude. Mais, Emmanuel Macron nous indique avoir plaidé pour un « multilatéralisme rénové » (que signifie ce nouveau concept ?) et « plus équilibré » auprès de Xi Jinping tout en confessant l’ampleur des désaccords entre la Chine et le trio choc25. Comme le démontre amplement la guerre commerciale américano-chinoise26, Pékin ne comprend que la force dans son état brut. Un grand classique des relations internationales ! Mais, nous sommes pleinement rassurés en apprenant l’existence de « convergences » euro-chinoises à l’Élysée27. Sur quels sujets, c’est un autre problème ! Nous les sommes encore plus en prenant connaissance des déclarations de de Bruno Le Maire selon lesquelles : « Face à la Chine et aux États-Unis, l’Europe doit s’affirmer comme une puissance souveraine ». Un superbe exemple de diplomatie déclaratoire.

Une réponse moins visible mais plus concrète. Le Parlement européen vient d’adopter (février 2019) et demande la mise en œuvre rapide de « l’instrument de filtrage des investissements directs étrangers pour des motifs de sécurité » 28. Il s’agit à l’évidence d’une initiative heureuse qu’il faut saluer. Encore, faut-il qu’elle trouve sa concrétisation dans les meilleurs délais et qu’elle soit ensuite appliquée avec la plus grande rigueur en cas de violation avérée de ses dispositions. L’Union européenne serait bien inspirée de voir ce qui se passe Outre-Atlantique en la matière29. En dernière analyse, il ne faut pas avoir la main qui tremble.

Une réponse encore hypothétique. Manifestement, du côté de la Commission européenne et sous l’amicale pression des États, on commence à mettre au point une sorte de feuille de route dans les relations UE/Chine30. Voici la relation qui nous en est faite par l’hebdomadaire Le Point.

« Nous avons avec la Chine des relations – comment dire ? – bonnes, mais qui ne sont pas excellentes. La Chine aujourd’hui pour nous est un concurrent, un partenaire, un rival. » C’est ainsi que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, concluait le Conseil européen le 22 mars, en amont de la visite de Xi Jinping en Europe, qui sera suivi, le 9 avril, d’un sommet UE-Chine. Emmanuel Macron a invité le président de la Commission et la chancelière Merkel à se joindre à la visite du leader chinois à Paris, en guise de hors-d’œuvre au futur sommet.

La semaine dernière, les chefs d’État et de gouvernement ont débattu des dix mesures que la Commission a mises sur la table vis-à-vis de l’empire du Milieu, qualifié de « rival systémique ». Un changement de ton qui traduit l’impatience des Européens à voir la Chine s’ouvrir à leurs entreprises – notamment les marchés publics –, cesser le dumping déloyal par ses prix, mettre fin au transfert de technologies forcé. En somme, rejoindre le concert des nations dans le cadre de l’OMC et accepter les règles du marché. Or, ce n’est pas le chemin emprunté par Pékin après son adhésion à l’OMC en 2001. Les Occidentaux ont eu la naïveté de croire que la Chine deviendrait une économie sociale de marché. Elle est demeurée étroitement entre les mains du Parti communiste chinois et a inventé une forme de « capitalisme d’État » qui l’a rendue quatre fois plus riche qu’en 2001…

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Zhang Ming, l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union européenne, a prévenu les Européens que les avancées en termes d’ouverture économique s’effectueront à un « rythme raisonnable » et que « les demandes européennes seront « progressivement prises en compte ». Donc, il n’y a pas de « grand soir » à attendre ni de la visite de Xi Jinping à Paris ni du prochain sommet UE-Chine.

Parmi les dix mesures préconisées par la Commission, appuyée par Federica Mogherini, la haute représentante pour les relations extérieures, certaines relèvent encore, disons, des bons sentiments. Quand on pense pouvoir coopérer avec Pékin sur l’ensemble des trois piliers des Nations unies, à savoir les droits de l’homme, la paix et la sécurité et le développement, l’Union européenne demeure dans le formalisme diplomatique. Mais il est peu probable que la situation s’améliore, à court terme, au Tibet ou pour la minorité musulmane ouïghour. En revanche, l’Union européenne et la Chine sont davantage en phase sur le climat. Jean-Claude Juncker appellera Pékin à plafonner ses émissions de CO2 avant 2030, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. Il existe également une bonne coopération sino-européenne sur le dossier iranien.

La mesure 5 est un peu plus « punchie » puisque l’UE « invite » la Chine à tenir ses engagements, dont la réforme de l’OMC, « en particulier pour ce qui est des subventions et des transferts de technologies forcés », de même que la protection des indications géographiques. Dans la mesure 6, la Commission appelle le Parlement européen et le Conseil européen à adopter l’instrument international de réciprocité sur les marchés publics avant la fin 2019. Cet appel a été entendu par le Conseil européen qui, dans ses conclusions du 22 mars, appelle à son tour « à la reprise des discussions sur l’instrument international de passation des marchés de l’UE ». On n’en est donc pas à décider. On discute… depuis 2012. L’Allemagne bloquait la discussion. Elle vient de changer d’avis à la faveur de la fusion avortée entre Alstom et Siemens. Ce travail sera donc parachevé lors de la prochaine législature, après les élections européennes. La mesure 7 est également musclée, puisque la Commission se propose de publier des « orientations » afin que les prix proposés dans les marchés publics de l’UE prennent en compte réellement les normes en matière de travail et d’environnement. C’est par ce biais que les concurrents chinois ne pourraient soutenir la concurrence avec les entreprises européennes. Emmanuel Macron, lui, voulait aller plus loin et établir une préférence communautaire dans les marchés publics. Il n’a pas été suivi par une majorité d’États membres. La Commission proposera également de compléter la législation européenne pour contrecarrer les distorsions de concurrence des pays tiers sur les biens et les services échangés dans le marché intérieur. S’agissant de la 5G, la Commission a pris en compte les problèmes de sécurité posés par le leader mondial Huawei et fera des propositions très prochainement, a annoncé Juncker31. On ne peut que se féliciter que Bruxelles ait décidé de ne pas exclure l’équipementier chinois du marché de la 5G32.

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Enfin, la Commission invite les États membres à mettre en œuvre le plus rapidement possible, de manière « complète et effective », la récente législation sur le filtrage des investissements étrangers dans les domaines sensibles. Cette législation n’est pas contraignante pour les États, qui sont seulement tenus de s’informer les uns les autres. Cela n’empêcherait nullement, par exemple, l’Italie de poursuivre le partenariat qu’elle vient de signer avec Xi Jinping qui prévoit, dans le cadre du projet pharaonique des « nouvelles routes de la soie », des investissements chinois dans les ports stratégiques de Gênes et de Trieste. Un protocole d’accord « non contraignant », s’est empressé de dire Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, devant les froncements de sourcils suscités par cet accord à Washington, Bruxelles et Paris. « La partie chinoise souhaite des échanges commerciaux dans les deux sens et un flux d’investissements dans les deux sens », a assuré, de son côté, Xi Jinping. « La relation entre l’Union européenne et la Chine ne doit pas être avant tout une relation commerciale, elle doit être une relation politique et géostratégique », a souligné Emmanuel Macron, au sortir du Conseil européen. Le commerce est un des aspects, mais si nous construisons de proche en proche une dépendance géopolitique ou stratégique, nous comprendrons rapidement les conséquences que cela peut avoir. Et nous serons perdants sur les deux points. »33

On l’aura compris, nous ne sommes qu’au début d’un très long processus diplomatique avant que toutes ces mesures deviennent contraignantes34. L’unanimité n’est pas garantie tant la Chine dispose de sérieux leviers d’influence sur les États les plus faibles de l’Union (Grèce, Italie…) et que les 27/28 pratiquent la défense de leurs intérêts nationaux avec celle de l’intérêt européen.

***

« L’Europe n’aura pas eu la politique de sa pensée ». Ce jugement porté par Paul Valéry avant la Seconde Guerre mondiale n’a pas pris la moindre ride en cette fin de deuxième décennie du XXIe siècle. Comme le rappelle fort justement Jean-Pierre Chevènement : « Les Européens se sont accommodés de la vassalisation ». Vassalisation surtout vis-à-vis du grand frère américain depuis la fin de la Première Guerre mondial et soumission vis-à-vis de l’Empire Céleste depuis la fin de la Guerre froide. Comme l’écrit avec le sens aigu de la formule qui est le sien, Régis Debray : « L’Européen a des velléités mais, à la fin, il fait où Washington lui dit de faire, et s’interdit là ou et quand il n’a pas la permission »35. Que veut-il faire avec et/ou contre la Chine qui tisse lentement mais sûrement sa toile des « nouvelles routes de la soie » (« Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie »36), y compris jusqu’au cœur de l’Union (Grèce et maintenant Italie avec l’accord signé par Xi Jinping avec les nouveaux dirigeants37). La réponse est aussi peu claire qu’évidente à ce stade de la réflexion des 27/28. Nous sommes au cœur de la problématique institutionnelle et fonctionnelle de la construction européenne38.

Pourquoi l’Union européenne a-t-elle tant de mal à être unie face à la Chine (« Unité de façade Merkel, Macron-Juncker. Face à l’impérialisme économique de Xi Jinping, l’Europe chinoise ! »39) ? Même si les défis ne manquent pas pour Xi Jinping40, il faudra apprendre à compter avec la Chine et à anticiper des réponses réalistes pour faire jeu égal avec elle41. Aujourd’hui, force est de constater que l’expansionnisme chinois bouscule et divise sérieusement l’Europe qui est restée longtemps inerte42. Longtemps, trop longtemps, le mot « réciprocité » a été considéré comme un mot tabou, grossier du côté européen. Il semble qu’aujourd’hui il soit devenu cardinal dans la langue de certains de nos dirigeants toujours en retard d’une guerre43. Révolution copernicienne pour certains, tournant pour d’autres44. Le temps est venu de trancher le nœud gordien. D’ici là, quand l’Europe s’éveillera vraiment (nous ne savons toujours pas quand compte tenu de son inertie habituelle), le risque est grand qu’elle soit depuis longtemps empêtrée dans la nasse pékinoise et que la Chine s’esclaffera.

Guillaume Berlat
1 avril 2019

1 Alice George, Albert et Charlène de Monaco reçoivent le président chinois et son épouse. Dans les coulisses d’une visite d’État, Point de vue, 27 mars-2 avril 2019, pp. 34 à 37.
2 Gabriel Grésillon/Frédéric Schaeffer, Le président chinois Xi Jinping amorce une tournée Pékin dans une Europe vigilante mais divisée face à Pékin, Les Échos, 21 mars 2019, pp. 6-7.
3 François d’Orcival, Les routes de la puissance et de l’intimidation, Valeurs actuelles, 28 mars 2019, p. 4.
4 Guillaume Berlat, De l’Europe de la sanction à la sanction de l’Europe, www.prochetmoyen-orient.ch , 24 décembre 2018.
5 Régis Debray, L’Europe fantôme, collection « Tracts », Gallimard, 2019, p. 34.
6 Guillaume Berlat, Mondialisation heureuse, balkanisation furieuse, www.prochetmoyen-orient.ch , 11 mars 2019.
7 Nicole Gnesotto, L’Europe indispensable, CNRS éditions, mars 2019.
8 Pierre Tiessen/Régis Soubrouillard, La France made in China, Michel Lafon, 2019.
9 Guillaume Berlat, Quand la Chine s’éveillera vraiment…, www.prochetmoyen-orient.ch , 14 janvier 2019.
10 Jean-Michel Bezat, Pékin emploie la diplomatie des gros contrats avec les Occidentaux, Le Monde, 27 mars 2019, p. 2.
11 Jérôme Gautheret, L’Italie, premier pays du G7 à prendre les « nouvelles routes de la soie », Le Monde, 26 mars 2019, p. 5.
12 Bernard Simiot, Moi Zénobie reine de Palmyre, Albin Michel, 1978, p. 208.
13 Xi Jinping, « La Chine et la France, ensemble vers un développement commun », Le Figaro, 23-24 mars 2019, p. 16.
14 Il convient de rappeler que cette commande avait déjà annoncée, il y a un an déjà, lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron en Chine. Tous ces Airbus seront assemblés en Chine par des ouvriers chinois. Pour remporter ce contrat géant, Airbus aura dû consentir à d’importants transferts de technologies. Pékin n’aura pas dû se livrer à quelques activités d’espionnage pour obtenir des secrets de fabrication. Les clés de la Maison lui auront été confiées. Et, tout cela intervient en toute légalité…
15 François Bougon, La Chine cherche à imposer un nouvel ordre mondial de l’information, s’inquiète RSF, Le Monde, 26 mars 2019, p. 17.
16 Frédéric Lemaître/Marie de Vergès, La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète, Le Monde, Économie & Entreprise, 22 mars 2019, p. 14.
17 Jean-Philippe Béja, La position de Xi Jinping n’est pas si i confortable qu’elle en a l’air, Le Monde, 26 mars 2019, p. 29.
18 Cyrille Pluyette, L’autorité de Xi Jinping écornée, Le Figaro, 6 mars 2019, p. 7.
19 Renaud Girard, Faut-il avoir peur de la Chine ?, www.lefigaro.fr , 25 mars 2019.
20 Isabelle Lasserre, Le réveil des Européens face à la Chine, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6.
21 Cyrille Pluyette, Macron prône un partenariat équilibré avec Pékin, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6.
22 Thierry de Montbrial (propos recueillis par Isabelle Lasserre), « La principale rupture du système international remonte fut 1989 et non 2001 », Le Figaro, 18 mars 2019, p. 20.
23 Brice Pedroletti/Marc Semo, L’Europe affiche son unité face à Pékin. Front européen face à la Chine de Xi Jinping, Le Monde, 27 mars 2019, pp. 1-2.
24 Thomas Wieder, « AKK », la dauphine de Merkel marque sa différence, Le Monde, 27 mars 2019, p. 4.
25 Michel de Grandi, Les Européens invitent la Chine à respecter « l’unité de l’Union », Les Échos, 27 mars 2019, p. 6.
26 Sylvie Kauffmann, L’Europe, champ de bataille sino-américain, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32.
27 Alain Barluet, « Convergences » euro-chinoises à l’Élysée, Le Figaro, 27 mars 2019, p. 8.
28 Éric Martin, L’Union européenne va-t-elle se laisser acheter ? Le filtrage des investissements étrangers en Europe, https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/lunion-europeenne-va-t-se-laisser-acheter-filtrage-investissements , mars 2019.
29 Marie de Vergès, Trump : un an d’escalade protectionniste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 17.
30 Frédéric Lemaître/Jean-Pierre Stroobants/Brice Pedroletti, L’UE durcit le ton face à la Chine, Le Monde, 21 mars 2019, p. 2.
31 Sebastien Dumoulin, L’Union européenne se coordonne face à Huawei, Les Échos, 27 mars 2019, p. 6.
32 Jean-Pierre Stroobants, Huawei : face aux pressions américaines, l’Europe résiste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 18.
33 Emmanuel Berretta, Les 10 préconisations de Bruxelles face à la Chine, www.lepoint.fr , 26 mars 2019.
34 Éditorial, UE-Chine : le bon virage de Paris, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32.
35 Régis Debray, précité, p. 24.
36 Frédéric Pagès (propos presque recueillis par), Les interviews (presque) imaginaires du « Canard ». Xi Jinping : « Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie », Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1.
37 Olivier Tosseri, L’Italie sera bientôt la porte d’entrée des nouvelles routes de la soie en Europe, Les Échos, 21 mars 2019, p. 6.
38 Louis Vogel, Les 7 péchés capitaux de l’Europe, Ramsay, 2019.
39 Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1.
40 Éric de la Maisonneuve, Les défis chinois : la révolution Xi Jinping, éditions du Rocher, mars 2019.
41 Hervé Martin, Les Chinois attrapent les États par la dette, Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 3.
42 Fabrice Nodé-Langlois/Valérie Segond, Les ambitions de Xi Jinping prospèrent dans une Europe divisée, Le Figaro économie, 20 mars 2019, pp. 19-20-21.
43 Anne Rovan, Face à la Chine, Bruxelles tente de trouver la parade, Le Figaro économie, 20 mars 2019, p. 21.
44 Sylvie Kauffmann, Chine-Europe : le tournant, Le Monde, 21 mars 2019, p. 31.

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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 01-04-2019

mercredi, 08 mai 2019

Un futur Iran bonapartiste ?

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Un futur Iran bonapartiste ?

La question de l’avenir immédiat de l’Iran a probablement des implications plus profondes que toute autre crise contemporaine pour la survie à long terme de l’héritage aryen.

Par Jason Reza Jorjani

Ex: https://altright.com

Le 19 avril 2017, le Secrétaire d’Etat des USA Rex Tillerson a tenu une conférence de presse dans laquelle il a annoncé que l’Administration Trump allait entreprendre un « examen complet » de sa politique iranienne. Certains d’entre nous savent, même avant l’investiture [de Trump], qu’un changement de régime était envisagé pour l’Iran – la seule question étant : quelle sorte de changement de régime ? La fausse nouvelle de l’attaque au gaz d’Assad et les frappes de représailles en Syrie ne furent pas du tout rassurantes. Un mois plus tard, le 19 mai, la République Islamique a tenu sa douzième élection présidentielle. Une chose est claire : celui qui est élu pourrait être le dernier président de la théocratie chiite.

Il y a un plan pour détruire l’Iran, un plan élaboré avec l’Arabie Saoudite par ceux dans le complexe militaro-industriel américain qui considèrent les Saoudites comme un allié des Etats-Unis. Hillary Clinton, qui a des liens étroits avec les financiers saoudites, voulait certainement mettre en œuvre ce plan. A en juger par les références répétées à l’Arabie Saoudite dans les déclarations sur l’Iran faites par le Secrétaire à la Défense, le général « chien fou » Mattis, et le Secrétaire d’Etat Tillerson, il semble que ce plan pourrait commencer à être appliqué, même s’il semble qu’il y avait des plans substantiellement différents pour l’Iran à l’époque où le général Flynn et Steve Bannon étaient les principaux membres de l’équipe Trump. La réussite ou l’échec de ce plan saoudite aura un profond impact sur l’avenir des Occidentaux et d’autres dans le plus large monde indo-européen. La question de l’avenir immédiat de l’Iran a probablement des implications plus profondes que toute autre crise contemporaine pour la survie à long terme de l’héritage aryen.

Entouré par une douzaine d’Etats artificiels qui n’existaient pas avant les machinations coloniales européennes des XVIIIe et XIXe siècles, l’Iran est la seule vraie nation entre la Chine et l’Inde en Orient et la sphère de la civilisation européenne déclinante à l’Ouest et au Nord.  Abréviation d’Irânshahr ou « Imperium aryen », l’Iran ne fut jamais désigné par la majorité à 55% perse du pays comme l’« Empire perse ». Les Grecs antiques forgèrent ce terme et il s’implanta en Occident. Il est dangereusement trompeur parce que si les Perses ont été le groupe ethno-linguistique le plus dominant culturellement à l’intérieur de la Civilisation Iranienne (jouant un rôle comparable aux Hans dans la Civilisation Chinoise), les Kurdes, les Ossètes, les Baloutches et d’autres sont ethniquement et linguistiquement iraniens même s’ils ne parlent pas la langue perse (appelée pârsi ou, erronément, fârsi en Iran de l’Ouest et dari ou tâjiki en Asie Centrale iranienne).

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La combinaison d’« Iran » et de « Perse » a, depuis un bon nombre d’années, été utilisée comme partie d’un complot pour éroder encore plus l’intégrité territoriale de l’Iran en le réduisant à un Etat-croupion perse. Si les conspirateurs globalistes sans racines essayant de présenter l’« Iran » comme une construction conceptuelle de l’impérialisme perse sont certainement motivés par des considérations économiques et stratégiques, leur but ultime est l’effacement de l’idée même d’Iran ou d’Irânshahr. Ils voient le renouveau de cette idée comme peut-être la plus grande menace singulière pour leur agenda global, et depuis l’échec total du Mouvement de Réforme Islamique de 1997-2009 c’est justement ce renouveau qui est au cœur d’une révolution culturelle ultranationaliste connue sous le nom de Renaissance Iranienne.

Ce mouvement s’efforce de parvenir à une renaissance de la vision-du-monde préislamique de la Civilisation Iranienne, voyant le dénommé « âge d’or » de l’islam comme une dernière lueur ou un avortement de ce qui aurait pu être si l’Iran avait continué sa trajectoire de développement en tant que nation aryenne. Après tout, l’immense majorité des scientifiques et des ingénieurs qui furent forcés à écrire en arabe sous le Califat étaient des Iraniens ethniques dont la langue maternelle était le perse. A tous les égards, de la science à la technologie, à la littérature, à la musique, à l’art et à l’architecture, la soi-disant « Civilisation Islamique » agit comme un parasite s’appropriant une Civilisation Iranienne vraiment glorieuse qui était déjà âgée de 2000 ans avant que l’invasion arabo-musulmane impose l’islam et que les Mongols génocidaires la cimentent (en écrasant les insurrections perses en Azerbaïdjan, sur la côte caspienne, et au Khorasan).

La Renaissance Iranienne est basée sur le renouveau de principes et d’idéaux anciens, dont beaucoup sont partagés par l’Iran avec l’Europe à travers leur ascendance caucasienne commune et par des échanges interculturels intensifs. Cela inclut la pénétration profonde des Alains, des Scythes et des Sarmates iraniens dans le continent européen, et leur intégration finale avec les Goths dans la « Goth-Alanie » (Catalogne) et les Celtes dans « Erin » (un mot apparenté à « Iran »). Leur introduction de la culture de la Chevalerie (Javanmardi) et du mysticisme du Graal en Europe laissa sur l’ethos « faustien » de l’Occident un impact aussi profond que les idéaux « prométhéens » (en réalité, zoroastriens) du culte de la Sagesse et de l’industriosité innovante, qui furent introduits en Grèce par des siècles de colonisation perse.

La barrière civilisationnelle entre l’Iran et l’Europe a été très poreuse – des deux cotés. Après l’hellénisation de l’Iran durant la période d’Alexandre, l’Europe fut presque persisée par l’adoption du mithraïsme comme religion d’Etat à Rome. En partie comme une conséquence des machinations de la dynastie parthe et des opérations secrètes de sa flotte en Méditerranée, c’était imminent à l’époque où Constantin institutionnalisa le christianisme – probablement comme un rempart contre l’Iran.

Il ne faut donc pas être surpris si beaucoup des éléments essentiels de l’ethos de la Renaissance Iranienne semblent étonnamment européens : le respect pour la Sagesse et la recherche de la connaissance avant tout ; et donc aussi l’accent mis sur l’innovation industrieuse conduisant à un embellissement et une perfection utopiques de ce monde ; la culture de la liberté d’esprit chevaleresque, de l’humanitarisme charitable, et de la tolérance et de la largeur d’esprit ; un ordre politique qui est basé sur le droit naturel, où l’esclavage est considéré comme injuste et où les femmes fortes sont grandement respectées.

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Mais il faut se souvenir que dans la mesure où l’Irânshahr s’étendait loin vers l’Est en Asie, ces valeurs étaient jadis aussi caractéristiques de la culture aryenne orientale – en particulier du bouddhisme du Mahayana, qui fut créé par les Kouchites iraniens. L’Iran colonisa l’Inde du Nord cinq fois et toute la Route de la Soie jusqu’à ce qui est maintenant la Chine du nord-ouest était peuplée par des Iraniens à l’apparence caucasienne, jusqu’aux conquêtes turques et mongoles aux XIe et XIIe siècles.

Alors que la Renaissance Iranienne veut « rendre l’Iran à nouveau grand » en faisant revivre cet héritage indo-européen, et même en reconstituant territorialement ce que les gens de notre mouvement appellent le « Grand Iran » (Irâné Bozorg), les globalistes sans racines, les sheikhs arabes du pétrole, et leurs collaborateurs islamistes en Turquie et au Pakistan veulent complètement effacer l’Iran de la carte. Evidemment ce n’est pas du goût des centaines de milliers de nationalistes iraniens qui se sont rassemblés devant le tombeau de Cyrus le Grand le 29 octobre 2016 pour chanter le slogan : « Nous sommes des Aryens, nous n’adorons pas les Arabes ! ». Le slogan est aussi clairement anti-islamique que possible dans les limites de la loi de la République Islamique. Le prophète Mahomet et l’Imam Ali étaient bien sûr des Arabes, donc le sens est très clair. On voit aussi clairement qui est celui que ces jeunes gens considèrent comme leur vrai messager, puisque l’autre slogan le plus chanté était : « Notre Cyrus aryen, tu es notre honneur ! ».

Depuis le soulèvement brutalement écrasé de 2009, presque tous les Iraniens ont rejeté la République Islamique. Beaucoup d’entre eux, spécialement les jeunes, sont convaincus que l’islam lui-même est le problème. Ils se sont clandestinement convertis au néo-zoroastrisme qui est indistinguable de l’ultranationalisme iranien. L’image de Zarathoustra dans un disque ailé, symbolisant la perfection évolutionnaire de l’âme, connue sous le nom de « Farvahar », est partout : sur les pendentifs, les bagues, et même les tatouages (en dépit du fait que les tatouages, qui étaient omniprésents parmi les Scythes, étaient bannis par le zoroastrisme orthodoxe). Maintenant même des éléments-clés dans le régime, spécialement les Gardiens de la Révolution, lisent des traités sur « la pensée politique de l’Imperium Aryen » qui sont extrêmement critiques vis-à-vis de l’islam tout en glorifiant l’ancien Iran.

Pendant ce temps, la soi-disant « opposition » en exil a été presque entièrement corrompue et cooptée par ceux qui souhaitent morceler le peu qui reste de l’Iran. D’un coté vous avez les gauchistes radicaux qui livrèrent en fait l’Iran aux Ayatollahs en 1979 avant que Khomeiny ne se retourne contre eux, forçant ceux qui échappèrent à l’exécution à partir en exil. D’un autre coté vous avez les partisans aveuglément loyaux du Prince héritier Reza Pahlavi, dont la vision – ou le manque de vision – s’aligne largement sur celle des gauchistes, du moins dans la mesure où elle cadre avec  les buts des globalistes et des islamistes.

Les gens de l’opposition marxiste et maoïste à la République Islamique promeuvent le séparatisme ethnique, transplantant un discours anticolonialiste des « luttes de libération des peuples » dans un contexte iranien où il n’a rien à faire. Les Perses n’ont jamais méprisé personne. Nous fûmes des libérateurs humanitaires. Nous fûmes plutôt trop humanitaires et trop libéraux.

Les gauchistes des « peuples de l’Iran », comme si les Kurdes et les Baloutches n’étaient pas ethniquement iraniens et comme si un dialecte turcique n’avait pas été imposé à la province d’Azerbaïdjan, la source caucasienne de l’Iran, par les méthodes génocidaires de conquérants asiatiques à demi-sauvages. Tout en prétendant être féministes et partisans de la révolution prolétarienne, ces gauchistes acceptent d’être financés par l’Arabie Saoudite, qui veut les aider à séparer la région riche en pétrole et partiellement arabisée du Khuzistan de l’Iran et à la transformer en nation d’Al-Ahwaz, avec une façade côtière considérable sur ce qu’ils appellent déjà le « Golfe Arabe ». Le Kurdistan, l’Azerbaïdjan, Al-Ahwaz, le Baloutchistan : ces micro-Etats, ostensiblement nés des « mouvements de libération » gauchistes, seraient faciles à contrôler pour les capitalistes globaux sans racines. Dans au moins deux cas, Al-Ahwaz et le « Baloutchistan Libre », ils seraient aussi un terrain de développement pour une plus grande diffusion du terrorisme islamiste. Finalement, ils laisseraient les Perses dépourvus de presque toutes les ressources en pétrole et en gaz naturel de l’Iran, et contiendraient la marée montante de l’Identitarisme Aryen dans un Etat-croupion de « Perse ».

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Le mieux armé et le mieux organisé de ces groupes gauchistes est celui des Mojaheddin-e-Khalq (MEK), qui est aussi connu sous les noms de Moudjahidines du Peuple de l’Iran (PMOI) et de Conseil National de la Résistance Iranienne (NCRI). Leurs guérillas armées mirent en fait Khomeiny et le pouvoir religieux au pouvoir avant d’être eux-mêmes dénoncés comme hérétiques. Leur réponse fut de prêter allégeance à Saddam Hussein et de mettre à sa disposition quelques unités militaires qui firent défection pendant la guerre Iran-Irak. Cela signifie qu’ils avaient de facto accepté l’occupation du Khuzistan par l’Irak. Plus tard, lorsqu’ils furent obligés de se repositionner dans le Kurdistan irakien, ils promirent aux Kurdes de soutenir la sécession kurde de l’Iran. Toute une foule de politiciens importants des Etats-Unis et de l’Union Européenne fut soudoyée pour apporter leur appui au leader du groupe, Maryam Radjavi, incluant John McCain, Newt Gingrich, Rudy Giuliani, John Bolton, et les NeoCons.

La majorité des Iraniens voit le MEK comme des traîtres, et le fait qu’ils sont essentiellement une secte dont les membres – ou les captifs – sont aussi coupés du monde extérieur que les Nord-Coréens n’arrange rien. Si cela signifie qu’ils ne seraient jamais capables de gouverner l’Iran efficacement, le MEK pourrait être utilisé comme un agent catalytique de déstabilisation durant une guerre contre la République Islamique.

C’est ici qu’intervient le Prince héritier Reza Pahlavi, avec son groupe de l’« opposition » iranienne en exil. La cabale globaliste et ses alliés arabes dans le Golfe Persique (Arabie Saoudite, Qatar, Emirats Arabes Unis) veulent créer un problème pour lequel il serait la solution. Il est dans leur poche.

Lors d’une réunion du CFR à Dallas au début de 2016, que j’ai révélée dans une interview bien connue avec le journaliste indépendant résidant en Suède, Omid Dana de Roodast (« le  Alex Jones perse »), Reza Pahlavi ironisa sur la soi-disant « rhétorique nationaliste exagérée » concernant la conquête arabo-musulmane génocidaire de l’Iran. Il parla de cette tragédie historique incomparable comme d’une chose qui, si elle a vraiment existé, est sans importance parce qu’elle a eu lieu il y a longtemps. En fait, il la voit comme un obstacle pour de bonnes relations de voisinage avec les Etats arabes du « Golfe ». Oh oui, dans des interviews avec des médias arabes il a parlé du Golfe éternellement Persique comme du « Golfe » tout court pour ne pas contrarier ses riches bienfaiteurs arabes. Reza Pahlavi a aussi permis à des représentants de ses organes de presse officiels de faire la même chose à plusieurs reprises. Il a même utilisé le terme dans un contexte qui implique que l’Iran pourrait abandonner plusieurs îles dans « le Golfe » avec l’idée d’améliorer les relations de voisinage (comme si le renoncement de son père à Bahreïn n’était pas suffisant !).

En fait, il a suggéré que l’Arabie Saoudite et d’autres gouvernements arabes inhumains devraient investir dans l’économie de l’Iran dans une mesure telle que l’Iran serait si dépendant d’eux que faire la guerre à ces nations deviendrait impossible. De plus, et de manière très embarrassante, le Prince héritier affirma que son futur Iran ne devrait pas avoir d’armes nucléaires parce qu’il aurait peur de passer une nuit dans son palais, puisque si l’Iran devait acquérir des armes atomiques alors d’autres nations rivales de la région auraient le droit de faire la même chose et pointeraient leurs missiles sur l’Iran.

Le pire de tout dans cette rhétorique est le plan très concret du Prince de soumettre la question d’une fédéralisation de l’Iran à un vote populaire ou à un référendum à l’échelle nationale. Ce n’est pas simplement une proposition. Il rencontre des individus et des groupes qui promeuvent le séparatisme et la désintégration territoriale de l’Iran, la première étape étant « l’éducation dans la langue maternelle » (autre que le perse) et l’autonomie régionale dans le contexte d’un système fédéral. En même temps, il a dénoncé comme « fascistes » les patriotes iraniens qui, au risque d’être emprisonnés ou tués, se sont rassemblés devant le tombeau de Cyrus le Grand le 29 octobre de l’année dernière et qui ont chanté le slogan « Nous sommes des Aryens, nous n’adorons pas les Arabes ! ». En dépit du fait que certains des mêmes protestataires chantèrent aussi des slogans félicitant le Prince héritier pour son anniversaire, c’est une erreur qu’ils ne referont jamais plus. Il fit même des remarques qui ridiculisaient de manière suggestive les partisans de la Tradition impériale perse.

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Reza Pahlavi saisit toutes les occasions pour faire savoir que ses vrais idéaux sont la « démocratie libérale » et les « droits humains universels », des concepts occidentaux qu’il adopte imprudemment sans la moindre compréhension des problèmes fondamentaux qu’ils posent lorsqu’on les compare à notre philosophie politique iranienne aristocratique – qui influença des théories politiques occidentales essentielles comme celles de Platon, d’Aristote et de Nietzsche, et qui est beaucoup plus en accord avec celles-ci.

Si son acceptation de la démocratie et des droits de l’homme va jusqu’à un vote populaire sur une fédéralisation qui conduit à l’autonomie régionale et finalement à la sécession de nombreuses provinces, elle ne protège apparemment pas le criticisme envers l’islam. Et sous l’influence de ses manipulateurs occidentaux néolibéraux et de la police PC gauchiste de l’Occident, et totalement en désaccord avec le sentiment populaire parmi la jeunesse iranienne, il a affirmé que si l’islam devait être insulté ou que s’il devait y avoir de l’« islamophobie » dans le futur Iran, alors il vaudrait mieux que la République Islamique reste au pouvoir. Il a le toupet de dire cela tout en dénonçant ses critiques comme des agents de la République Islamique. Quand des dizaines d’éminents monarchistes patriotes signèrent un « Dernier Avertissement » (Akharin Hoshdâr) adressé à lui en juillet 2016, certains d’entre eux étant d’anciens proches conseillers de son père, il les accusa tous d’être des agents de la République Islamique qui falsifiaient ses déclarations et qui fabriquaient des preuves (ce qui était justement une affirmation clairement fausse et calomnieuse).

Nous n’étions pas des agents de la République Islamique, et nous ne serons jamais les complices d’une théocratie chiite sous sa présente forme. Mais étant donné la crise à laquelle nous faisons face aujourd’hui, nous devons envisager une alternative radicale pour les traîtres sécessionnistes de l’opposition gauchiste basée à Paris et les Shahs du Coucher de Soleil de Los Angeles qui seront tous trop heureux de faire régner leur Prince de Perse sur l’Etat-croupion qui restera de l’Iran après le « changement de régime ». Je propose un grand plan, une anticipation bonapartiste du règne de la terreur qui approche.

Ceux qui ont suivi mes écrits et mes interviews savent qu’il n’y a pas de plus sévère critique de l’islam, sous toutes ses formes, que votre serviteur. Je n’ai pas encore publié mes critiques vraiment sérieuses et rigoureuses de l’islam, incluant en particulier ma déconstruction de la doctrine chiite. Rien de ce que je vais proposer ne change le fait que j’ai la ferme intention de le faire dans les toutes prochaines années.

Cependant, nous entrons dans ce que Carl Schmitt appelait un « état d’urgence ». Dans cette situation exceptionnelle, où nous nous trouvons face à une menace existentielle pour l’Iran, il est important de faire la différence entre questions ontologiques ou épistémologiques et le genre de distinction ami/ennemi qui est définitive pour la pensée politique au sens approprié et fondamental. Les nationalistes iraniens ont des amis dans le système de la République Islamique, et le Seigneur sait que nous avons une quantité d’ennemis en-dehors de celui-ci.

Le jeune Gardien de la Révolution (Pasdaran) de Meshed qui récite Hafez en patrouillant le long de la frontière irakienne et attendant d’être tué par des séparatistes kurdes, mais dont la mère est kurde, et qui accompagne son père perse pour aller prier devant l’autel de l’Imam Reza en portant un Farvahar autour du cou n’est pas seulement un ami, il est le frère de tout vrai patriote iranien. Ce ne sont pas les Pasdarans qui ont tué et massacré de jeunes Iraniens pour mater la révolte de 2009, c’étaient des voyous paramilitaires dévoués au Guide Suprême Ali Khamenei – qui est maintenant sur son lit de mort.

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Nous devons penser à l’avenir. Le cœur et l’âme de l’enseignement de Zarathoustra était son futurisme, son insistance sur l’innovation évolutionnaire. S’il était vivant aujourd’hui, il ne serait certainement pas zoroastrien. Franchement, même s’il avait été vivant durant l’Empire sassanide, il n’aurait pas été un zoroastrien au sens orthodoxe.

La Renaissance Iranienne considère la période sassanide comme le zénith de l’histoire de l’Iran, « l’apogée avant le déclin spectaculaire ». Mais les deux plus grands hérétiques, du point de vue de l’orthodoxie zoroastrienne, avaient le soutien de l’Etat sassanide. Chapour 1er était le patron de Mani, qui créa une religion mondiale syncrétique dans laquelle Gautama Bouddha et le Christ gnostique étaient vus comme des Shaoshyants (des Sauveurs zoroastriens) et des successeurs légitimes de Zarathoustra. Le manichéisme se répandit jusque dans le sud de la France en Occident, où il suscita la Sainte Inquisition en réaction contre lui, et jusqu’en Chine en Orient, où Mani était appelé « le Bouddha de Lumière » et où son enseignement influença le développement du bouddhisme mahayana. L’ésotériste libertin Mazdak, dont la révolution socialiste était d’après moi plus nationale-bolchevique que communiste, reçut le plein appui de l’empereur perse sassanide Kavad 1er. Même Khosrô Anushiravan, qui écrasa le mouvement mazdakien, n’était pas du tout un zoroastrien orthodoxe. C’était un néo-platonicien, qui invita les survivants de l’Académie à trouver refuge dans les bibliothèques et les laboratoires iraniens comme Gondechapour après la fermeture des dernières universités de l’Europe sur l’ordre de Justinien.

De plus, l’évolution de la tradition spirituelle iranienne fondée par Zarathoustra ne prit pas fin avec la Conquête islamique. La Renaissance Iranienne condamne Mazdak sans équivoque, et pourtant Babak Khorrdamdin est considéré comme un héros de la résistance nationaliste contre le Califat arabe. Mais les partisans de Khorrdamdin en Azerbaïdjan étaient des mazdakiens ! Une claire ligne peut être tracée depuis le mouvement mazdakien, à travers les Khorrdamdin, jusqu’aux groupes chiites ésotériques tels que les Ismaéliens nizarites ou Ordre des « Assassins » comme ils sont généralement connus en Occident. Combattant contre le Califat et les Croisés simultanément, il n’y eut jamais de plus grand champion de la liberté et de l’indépendance iraniennes que Hassan Sabbah. Et sa variété d’ésotérisme chiite ne déclina pas non plus avec la secte ismaélienne.

sohrawardi.jpgIl y a encore en Iran aujourd’hui des religieux supposément chiites qui doivent plus à Sohrawardi, à travers Mullah Sadra, qu’à l’enseignement réel de l’Imam Ali. A l’époque du Sixième Imam, Jaafar al-Sadiq, la foi chiite fut cooptée par les partisans iraniens luttant contre me Califat sunnite. Le genre de doctrine chiite que certains des collègues de l’Ayatollah Khomeiny tentèrent d’imposer à l’Iran en 1979 représenta une reconstruction radicale du premier chiisme arabe, pas le genre d’ésotérisme chiite qui donna naissance à la dynastie safavide. Cette dernière permit à l’Iran de resurgir en tant qu’Etat politique distinct séparé et opposé au Califat Ottoman sunnite et à un Empire Moghol qui était aussi tombé dans le fondamentalisme islamique après que la littérature et la philosophie persisées d’Akbar se soient révélées être un rempart insuffisant contre celui-ci. Certains de ces chiites persisés sont présents aux plus hauts niveaux dans la structure de pouvoir de la République Islamique. Ils doivent être accueillis dans la communauté du nationalisme iranien, et même dans la communauté de la Renaissance Iranienne.

La Renaissance italienne eut recours à la Rome païenne pour accomplir une revitalisation civilisationnelle, mais elle n’abolit pas le christianisme. Benito Mussolini non plus, lorsqu’il adopta comme but explicite une seconde Renaissance italienne et un renouveau de l’Empire romain. Au contraire, le Duce recruta le catholicisme romain comme allié de confiance dans son vaillant combat contre le capitalisme sans racines, parce qu’il savait que les catholiques romains étaient « romains », même en Argentine.

De même, aujourd’hui, les chiites sont d’une manière ou d’une autre culturellement iraniens, même dans l’Azerbaïdjan du nord turcique, dans l’Irak arabophone et à Bahreïn, sans parler de l’Afghanistan du nord-ouest où le perse demeure la lingua franca. Si les néo-zoroastriens, en Iran ainsi que dans les parties du Kurdistan actuellement en-dehors des frontières de l’Iran, devaient s’allier avec les chiites persisés, cela ferait plus que consolider l’intégrité territoriale de l’Iran. Cela établirait un nouvel Empire perse, fournissant à l’Iran central de nombreuses zones-tampons et positions avancées chiites tout en réincorporant aussi, sur la base du nationalisme iranien, des régions qui sont ethno-linguistiquement iraniennes mais pas chiites – comme le grand Kurdistan et le Tadjikistan (incluant Samarkand et Boukhara).

Ce que je propose est plus qu’un coup d’Etat militaire à l’intérieur de la République Islamique. Le qualificatif de « bonapartiste » est seulement en partie exact. Nous avons besoin d’un groupe d’officiers dans les Pasdarans qui reconnaissent que la Timocratie, comme Platon la nommait, est seulement la seconde meilleure forme de gouvernement et que leur pouvoir aura besoin d’être légitimé par un roi philosophe et un conseil des Mages avec l’intelligence et la profondeur d’âme requises pour utiliser le pouvoir étatique afin de promouvoir la Renaissance Iranienne qui est déjà en cours. Ironiquement, si nous séparons la forme politique de la République Islamique de son contenu – comme le ferait un bon platonicien –, les structures centrales antidémocratiques et intolérantes du régime sont remarquablement iraniennes. Le Conseil Gardien (Shorâye Negahbân) est l’Assemblée des Mages et le Gouvernement du Docte (Velâyaté Faqih) est le Shâhanshâhé Dâdgar qui possède le farr – celui qui est justement guidé par la divine gloire de la Sagesse. Cela ne devrait pas être surprenant puisque, après tout, l’Ayatollah Khomeiny emprunta ces concepts à Al Fârâbî qui, au fond de lui, était tout de même un Aryen.

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Le Parti Pan-Iranien, qui est issu du Parti des Travailleurs National Socialiste (SUMKA) de l’Iran du début des années 1940, est un élément-clé dans ce stratagème. Célèbre pour son opposition parlementaire très bruyante à l’abandon de Bahreïn par Mohammad Reza Shah Pahlavi en 1971, l’opposition loyale ultranationaliste (c’est-à-dire à la droite du Shah) du régime Pahlavi pourrait devenir l’opposition loyale de la République Islamique si elle était légalisée après un coup d’Etat par ceux parmi les Gardiens de la Révolution qui comprennent la valeur du nationalisme iranien pour affronter la menace existentielle imminente pour l’Iran.

A la différence de tous les autres partis d’opposition, l’existence clandestine du Parti Pan-Iranien a été seulement à peine tolérée par la République Islamique. Bien qu’il soit techniquement illégal et qu’il ne puisse pas présenter de candidats aux élections, il n’a pas été écrasé par le régime – parce la loyauté du parti envers l’Iran ne fait pas de question. Le parti a des liens étroits avec les principaux intellectuels de la Renaissance Iranienne et avec les membres les plus patriotes du clergé chiite. S’il était le seul parti d’opposition légal, tous les nationalistes iraniens voteraient pour lui et en une seule élection, ou deux tout au plus, les Pan-Iraniens obtiendraient une majorité au Parlement. Leur premier acte de législation devrait être quelque chose avec un grand pouvoir symbolique et peu de chances de réaction hostile de la part du complexe militaro-industriel de la République Islamique : le retour du Lion et du Soleil comme drapeau national légitime de l’Iran (l’un des buts déclarés du Parti).

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Le Lion et le Soleil incarne parfaitement l’ambiguïté de l’identité iranienne. Les chiites affirment que c’est une représentation zoomorphique de l’Imam Ali, « le Lion de Dieu » (Assadollâh) et que l’épée brandie par le lion est le Zulfaqâr. La République Islamique  remplaça ce symbole parce que ses fondateurs fondamentalistes savaient que c’était faux. Le Lion et le Soleil est un drapeau aryen extrêmement ancien, qui représente probablement Mithra c’est-à-dire le Soleil entrant dans la maison zodiacale du Lion.

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De plus, les néo-zoroastriens ont tort de croire que l’épée recourbée est un ajout islamique (et qu’elle doit donc être remplacée par une épée droite). Au contraire, l’épée du lion est la serpe,  qui était le symbole du cinquième degré de l’initiation dans le mithraïsme, connu sous le nom de Perses. Perses était le fils de Perseus, le progéniteur des Aryens perses. Il tranche la tête de la Gorgone avec une épée-serpe. Les Gorgones étaient sacrées pour les Scythes, les tribus rivales des Perses à l’intérieur du monde iranien. Perseus brandissant la tête tranchée de la Méduse symbolise le fait qu’il a saisi sa puissance (sa Shakti) tout en restant humain (sans se transformer en pierre). Mais oui, bien sûr, c’est l’Imam Ali.

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Dans le nouvel Iran, les néo-zoroastriens devront tolérer les rituels de deuil de masse de Moharrem et de l’Achoura, car après tout leurs vraies origines sont dans les anciennes processions de deuil iraniennes pour le martyre de Siyâvosh. En échange, les chiites devront tolérer les tatouages de Farvahar chez les femmes néo-zoroastriennes qui ont été tellement ciblées par la République Islamique qu’elles sont prêtes à sauter nues par-dessus des feux de joie Châhâr-Shanbeh Suri allumés en brûlant des Corans.

A la différence de ce qui se passait à l’époque de Reza Shah Pahlavi II, et de la République Arabe d’Al-Ahwaz proposée, il n’y aura pas de criminalisation de l’islamophobie dans l’Iran nationaliste. En fait, la composante chiite du nouveau régime servira à légitimer l’alliance de l’Iran avec les nationalistes européens combattant la cinquième colonne de nouveau Califat sunnite à Paris, Londres, Munich et Dearborn. Les têtes de l’hydre sont en Arabie Saoudite, en Turquie, et au Pakistan. Le Lion de Mithra tranchera ces têtes avec son épée. Pour la première fois depuis la dynastie fatimide des Assassins, La Mecque et Médine seront gouvernées par des mystiques chiites. Les Perses fêteront cela à Persépolis.

Il n’y a pas de doute là-dessus. Le temps est venu pour l’Iran bonapartiste – la forteresse islamique-aryenne et nationaliste-religieuse de la résistance contre les globalistes sans racines, pour qui « Rien n’est vrai, et tout est permis ». Il ne nous reste qu’une question : « Qui est le Napoléon perse ? ».

 

 

mardi, 07 mai 2019

Europe-États-Unis : l’urgence !...

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Europe-États-Unis : l’urgence !...
 
par Hervé Juvin
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un la deuxième partie d'un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la position que l'Europe doit tenir face aux États-Unis.

Économiste de formation, vice-président de Géopragma, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

Europe-États-Unis : l’urgence

Combien de Français, combien d’Allemands ou d’Italiens en sont conscients ? La littérature diplomatique et militaire américaine, aussi bien que ce qui transparait des discours et documents officiels de Washington, témoigne de la rapide transformation d’une vision du monde qui aura des conséquences majeures sur la doctrine et sur l’action américaine. Il suffit de lire « Foreign Affairs », et ses livraisons successives consacrées à l’alliance entre nationalisme et libéralisme économique, ou bien aux ruptures irréversibles créées par Donald Trump à Washington (présentées par Williams Burns, par exemple, comme la perte de l’art diplomatique), pour le comprendre. Il y a urgence pour les Européens à se réveiller du sommeil profond dans lequel le parapluie militaire américain et l’engagement des États-Unis à assurer la sécurité de l’Europe les ont plongés.

Il y a plus urgent encore ; interroger, challenger, repenser la relation transatlantique pour nouer avec les États-Unis un dialogue préalable au réajustement vital de la politique extérieure et de Défense des Nations européennes sur la base de cette réalité ; rarement l’écart entre ce qui est dit, publié, débattu, et la réalité n’a été aussi grand ; rarement les risques de collision entre les raisons d’agir et les conséquences de l’action n’ont été aussi grands.

États-Unis : le changement Trump

Révolution dans les affaires diplomatiques ? Sans doute, et tout aussi bien dans la relation transatlantique. Traumatisé par la suppression du tiers de son budget — le tiers ! — le Département d’État a perdu en moins de trois ans la majorité de ses professionnels de haut niveau, notamment parce qu’ils ont été accusés d’avoir souscrit à l’accord nucléaire avec l’Iran, d’être restés impavides face à la montée de la Chine, et plus simplement d’avoir servi pendant deux mandats la politique du Président Obama et de Mme Clinton.

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Suspects d’avoir participé aux machinations diverses organisées par l’administration démocrate pour soutenir Mme Clinton, nombre de services de sécurité américains se voient tenus à l’écart de la Maison Blanche, supplantés par des militaires, et nombreux sont les canaux d’échanges avec leurs homologues européens qui sont coupés, devenus aléatoires ou inopérants. Il est plus grave que les professionnels du renseignement expérimentés et capables de dialoguer avec leurs homologues russes, iraniens ou chinois fassent massivement défaut.

Et combien de diplomates américains apprennent sur Twitter les décisions de leur Président, y compris quand elles concernent le pays ou la zone dont ils sont en charge ? D’où la confusion. D’où les excès. D’où une démesure qui frise l’inconscience. D’où une réalité dérangeante ; ils sont bien peu désormais à comprendre la France, l’Italie, ou les autres Nations européennes, ils sont aussi peu nombreux à prêter attention à une Union européenne qui appartient pour eux déjà au passé, encore moins à attendre quelque chose de l’Europe — le vide stratégique dans lequel l’Union a enfermé les Nations n’aide pas.

America First

La plus grande erreur serait d’en conclure à l’inconsistance de la politique extérieure américaine. Comme toujours, elle est dominée par la politique intérieure. Comme toujours, elle vit dans l’hystérie de la menace extérieure, même si aucune puissance ne menace directement la sécurité ou les intérêts vitaux américains [1]. Comme toujours, elle sert de variable d’ajustement à un Président qui prépare sa réélection. Mais les directions invoquées sont claires.

Les États-Unis ne sont plus les gendarmes du monde

La première est l’abandon du rôle de gendarme du monde. Les États-Unis interviennent, avec quelle brutalité, quand leurs intérêts sont en jeu. 800 bases militaires leur permettent d’agir à tout moment, sans délai, partout dans le monde — sauf dans les quelques zones où les systèmes d’interception et de brouillage russes ou chinois le leur interdisent. Qui considère le Kosovo autrement que comme la base militaire et politique qui couvre l’action américaine en Europe ?

Mais ils n’éprouvent plus le besoin de justifier leurs interventions par le maintien de la paix, la défense de la démocratie, etc. Ils tournent le dos à l’idée que la prospérité et le progrès partout dans le monde sont des conditions de leur propre sécurité et de leur propre croissance — une idée qui explique la bienveillance qui a entouré l’essor du Japon, de la Corée du Sud, de l’Allemagne, la contribution décisive des États-Unis aux institutions multilatérales, comme elle explique une part de l’ascension chinoise et du luxe social européen. Chacun peut y voir l’expression de cette conviction, énoncée par Donald Trump ; nous vivons un monde hobbesien, où la violence et la guerre sont partout. D’autres préféreront y voir un égoïsme à courte vue ; à refuser l’interdépendance, les États-Unis pourraient bientôt découvrir leur propre dépendance.

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L’état profond est prêt à tout

La seconde est plus claire encore ; contre le réalisme affiché par Donald Trump, l’État profond américain intègre la guerre, la famine et la misère, dans sa stratégie d’affaires. Les Iraniens, les Russes, comme les Irakiens ou les Soudanais hier, sont les cibles désignées d’un système qui « n’admet plus aucune résistance ; le dollar, ou la mort ! Au mépris de toutes les lois internationales, le blocage du détroit d’Ormuz au brut iranien est au programme, comme l’est le blocus de Cuba (trois pétroliers transportant du brut vénézuélien ont été arraisonnés en mars dernier par l’US Navy, dans un acte de piraterie au regard du droit international).

Le projet de loi surréaliste (mais bipartisan, signé à la fois par des sénateurs républicains et des démocrates, Gardner et Menendez, introduit au Sénat le 11 avril 2019 !) qui déclare la Russie complice du terrorisme et les forces armées russes, organisation terroriste, est sans ambigüité ; qui sont ces Russes qui ne se plient pas à l’ordre américain ? Et qui sont ces Équatoriens qui prétendent limiter l’exploitation de leur sol par des majors américains du pétrole pour sauver leur forêt ?

Plus besoin de s’abriter derrière la lutte contre le terrorisme ou les régimes autoritaires ; la militarisation du dollar, qui permet de racketter à volonté les entreprises et les banques étrangères, le piratage des transactions bancaires et des données privées que permet notamment le contrôle de SWIFT, des sociétés de transferts de fonds et des cartes de crédit, sans parler de la loi « FATCA » qui fait de toute banque l’auxiliaire forcé de l’administration américaine, changent la diplomatie mondiale en concours de soumission à l’intérêt national américain – ou à ce qui passe pour tel.

Les débats sur le retrait américain occupent la scène et suscitent ici ou là de complaisantes inquiétudes. La réalité est que l’usurier remplace le gendarme. La tentation américaine demeure bien celle d’un « global reach » monétaire, juridique et numérique, qui garantisse l’enrichissement permanent de l’oligarchie au pouvoir, une emprise universelle qui ne s’embarrasse plus de prétextes, obtenue par le contrôle mondial des données, de l’énergie et de l’alimentation, ou par la terreur — le bombardier américain est derrière le dollar, comme il est derrière toute proposition commerciale américaine.

Donald Trump a été clair dans son allocution inaugurale ; les États-Unis ne vont pas convertir le monde à leurs valeurs et à leur mode de vie, personne ne leur imposera des règles et des lois dont ils ne veulent pas. C’est bien à tort que certains en ont conclu à un retrait des États-Unis ! Ils ne se retirent pas, ils se contentent de poursuivre des intérêts que la globalisation a effectivement rendus mondiaux — ce qui signifie que tous les Etats de la planète qui utilisent le dollar sont en dette à l’égard des États-Unis. Ceux-ci affichent leur indifférence à l’égard des effets de leurs exigences. Et ils se contentent de défendre le mode de vie des Américains qui, faut-il le rappeler, n’est pas négociable – le seul problème est que la poursuite de ce mode de vie et d’enrichissement suppose qu’une part dans cesse croissante des ressources de la planète lui soit consacrée alors même que son coût écologique et financier le rend de plus en plus insupportable au reste du monde.

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Money First

La troisième direction est la plus problématique pour les Nations européennes ; quand il n’y a rien à gagner pour les États-Unis, les Américains rentrent chez eux ! Tous les choix de Donald Trump sont ceux d’une liberté stratégique revendiquée contre lois, accords, pratiques, conventions et institutions. Les États-Unis marchent dans le monde les mains déliées. Gulliver est libre des liens qui l’avaient enchaîné ! Ni traité, ni lois internationales, ni liens historiques ne sauraient prévaloir sur le sentiment qu’ont les États-Unis de leur intérêt. Leur désengagement des institutions internationales et leur mépris des accords multilatéraux sont à la hauteur de la crédibilité qu’ils leur accordent — à peu près nulle. C’en est bien fini du « Nation’s building », du « State’s building », du « devoir de protéger », et autres fantasmes politiques qui ont abouti aux désastres que l’on sait. Les États-Unis viennent encore de le dire haut et clair en refusant de signer le pacte de Marrakech comme le traité sur le contrôle du commerce des armes, tous deux proposés par l’ONU. Les croisés de la démocratie planétaire et du libéralisme universel peuvent rentrer au vestiaire!

La décision de retirer toutes les forces américaines de Syrie, même corrigée par la suite, est significative ; quand les buts de guerre affichés sont remplis (éliminer l’État islamique), ou en l’absence d’objectifs politiques clairs et réalisables (chasser les forces iraniennes de Syrie, par un accord avec les Russes en façade et Bachar el Assad en coulisses), l’armée américaine s’en va. Aurait-elle tiré les leçons des désastreuses affaires irakiennes, afghanes et libyennes ?

Et elle s’en ira aussi quand elle n’est pas payée pour les services qu’elle rend. Donald Trump effectue moins une rupture qu’une explication ; il n’y a pas de repas gratuit. Toute intervention américaine a son prix, et ce prix sera payé par ses bénéficiaires — il existe mille et une façons de le payer. Les Nations européennes devraient le comprendre – et se préparer à consacrer 4 % à 5 % de leur PIB à leur Défense, ou à se soumettre.

En quelques mots ; Jackson est de retour, là où les Européens attendent toujours Hamilton, Madison ou Jefferson ! Pour le supporter de Trump, le monde est loin, il est compliqué, cher et dangereux, on est mieux à la maison ! Si les États-Unis ont besoin de quoi que ce soit, il suffit d’envoyer les GI’s le chercher ! Rien ne sert de s’occuper des affaires des autres, il suffit d’être sûr que son propre intérêt va toujours et partout prévaloir, qu’importe le reste ?

L’UE et le vide stratégique

La leçon à tirer est claire ; seul l’intérêt justifiera le maintien d’une défense américaine de l’Europe. L’Europe devra payer pour elle, et le prix qu’elle ne consacre pas à sa défense, elle le paiera pour la défense américaine.

l-union-européenne-douze-tiennent-le-premier-r-le-le-drapeau-déchiré-et-avec-des-noeuds-dans-le-vent-sur-le-ciel-bleu-75163975.jpgRien ne saurait être plus éloigné des palinodies auxquelles l’Union européenne, enlisée dans le juridisme des Droits de l’Homme et dans la prédication morale condamne les Nations européennes. Mais rien non plus n’est aussi nécessaire que le questionnement de la relation transatlantique, sujet tabou et vide abyssal de la diplomatie de l’Union. Quelle occasion perdue quand Donal Trump a mis en question la validité de l’OTAN et exigé des pays de l’Union un effort de Défense significatif ! Qui a compris, qui a répondu, qui a saisi la chance de penser une politique européenne de Défense, c’est-à-dire une Europe politique ?

La question n’est pas et ne peut plus être ; « qu’attendre d’eux ? » La question est et ne peut être que ; comment les Nations européennes s’organisent-elles pour assurer leur propre sécurité ? Comment peuvent-elles contribuer à la sécurité des États-Unis, et au sentiment de sécurité des Américains (le sentiment d’être menacé par un monde extérieur hostile est à la hauteur de la méconnaissance croissante par la population américaine du reste du monde), condition de la paix dans le monde, dans un rapport de réciprocité, de franchise et de reconnaissance mutuelle de souveraineté des États ? Partagent-elles des intérêts communs avec les États-Unis, lesquels, jusqu’où et comment peuvent-elles les servir ? Que peuvent-elles partager comme buts, offrir comme moyens, déployer comme capacités ?

Aucune question n’est de trop dans ce domaine — voici si longtemps que l’Union européenne interdit à l’Europe toute question, y compris sur son existence même ! Voilà si longtemps que l’Union est tellement pleine de ses bonnes intentions qu’elle refuse tout bilan de son action [2] ! Mettre à plat la relation transatlantique est un préalable à toute évolution de l’OTAN, soit pour refonder l’Alliance sur de nouvelles missions, comme la lutte antiterroriste — dans ce cas, pourquoi pas avec la Russie ? – soit pour la dissoudre — l’OTAN ne pouvant demeurer le courtier des armements américains en Europe et le chiffon rouge agité devant l’ours russe. Comme elle est un préalable à tout effort coopératif entre Nations européennes pour assurer leur capacité autonome de faire face à n’importe quelle menace sécuritaire à leurs frontières ou à l’intérieur d’un quelconque pays membre. Comme elle est aussi un préalable à des actions diplomatiques plus fortes et plus marquantes, notamment vis-à-vis des pays avec lesquels telle ou telle Nation européenne entretient des relations historiques particulières, par exemple dans le Maghreb, en Afrique ou en Asie ; demain, les États-Unis auront bien besoin de la France, de l’Italie, de l’Espagne, pour sortir d’un isolement qui produit l’ignorance d’abord, la méprise ensuite, et les accidents stratégiques enfin !

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Au lieu de condamner les pays, tels l’Italie, la Suisse, la Grèce et le Portugal, qui s’engagent dans le projet chinois des Routes de la Soie, comme l’a fait bien maladroitement le Président Emmanuel Macron, mieux vaudrait considérer l’intérêt stratégique d’un renforcement géré des liens avec le continent eurasiatique, et l’opportunité qu’il donne à l’Europe de se positionner en troisième pôle mondial d’activité et de puissance. L’intelligence du monde n’a-t-elle pas été la première arme diplomatique de la France, avant même l’arme nucléaire, et quand quelque chose comme une diplomatie française existait encore ?

Encore faudrait-il pouvoir parler, nommer et dire. Encore faudrait-il vouloir, décider, et oser. Sans doute, le temps n’est plus où un proconsul américain dictait les résolutions des premiers pays membres de la Communauté européenne, au mieux des intérêts américains et des instructions de Washington, relayés si besoin était par ces deux collaborateurs diligents qu’étaient Robert Schumann et Jean Monnet [3]. Il n’est même plus besoin de procéder ainsi, tant les Européens ont appris à obéir, à se conformer et à se soumettre avant même d’y avoir pensé !

Le dialogue transatlantique appelle tout autre chose que le catalogue de bonnes intentions et de pieuses résolutions qui tient lieu à l’Union européenne de politique extérieure. Il a besoin que l’Europe décide de ses frontières extérieures, et les tienne. C’est vrai face à la Turquie, c’est vrai davantage face à de faux États comme le Kosovo, base arrière avérée de futurs djihadistes européens rescapés de Syrie, ou d’autres anciens États des Balkans, bastions de la pénétration islamique de l’Europe. Il a besoin que les Nations européennes sachent ce qu’elles sont et ce qu’elles se doivent, à elles, à leur histoire et à leurs peuples, en revoyant l’Union à ses bavardages sur les Droits de l’homme. Et il a besoin que les Nations européennes sachent de nouveau prononcer les mots de puissance, d’armée, de guerre, qu’elles désignent leurs ennemis et qu’elles se préparent à les affronter et à les détruire. S’il est un mensonge qui nous coûtera cher, c’est bien l’idée que l’Union européenne a apporté la paix. La paix était assurée par la guerre froide, puis par la protection militaire et nucléaire américaine. L’Union européenne n’y a eu rien à voir.

La véritable refondation du dialogue transatlantique, en même temps que le progrès des relations avec les États-Unis passe d’abord par une prise d’indépendance. L’Europe doit mériter le respect que l’Union n’a rien fait pour mériter [4]. La dimension de son marché intérieur, de son épargne, les expertises sur les marchés des capitaux, des matières premières et des changes, ses liens avec d’autres puissances qui partagent la quête de souveraineté qui unit leurs peuples, permettent aux Nations européennes de construire des systèmes de paiement, de commerce de matières premières et d’or, des outils de crédit, de change et d’engagements à terme, hors du dollar et des systèmes américains, comme la Chine les construit patiemment de son côté [5].

Ils permettent tout aussi bien aux Nations européennes d’imposer des normes, des bonnes pratiques et des règles dans les domaines écologiques, sanitaires, sociaux, aussi bien que bancaires et financiers, qui rallieront l’adhésion tant elles remplissent un vide béant dans le modèle américain, ou ce qu’il en reste. Il manque à l’Europe la conscience plus que les moyens, et la volonté plus que la force ! Que l’Europe ne reste pas ce continent où, pour paraphraser le commentaire par Charles Péguy du Polyeucte de Corneille, « ils veulent être de la grâce parce qu’ils n’ont pas la force d’être de la nature » [6]. C’est tout le danger que l’Union européenne comporte pour l’Europe ; à force de nier son identité, ses frontières et ses limites, elle se condamne à n’être qu’une bulle de bonnes intentions que l’impitoyable réalité du monde dispersera d’un souffle. 

Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 30 avril 2019)

Notes : 

[1] A ce sujet, lire Philip Giraldi, « Rumors of War » (Foundation for strategic studies).

[2] L’Union européenne illustre la petite histoire favorite de Richard Holbrooke ; l’équipe de baseball de Charlie Brown (Peanuts) a été écrasée, et il s’étonne ; « comment pouvons-nous perdre quand nous sommes tellement sincères ? » (cité dans Foreign Affairs, may-june 2019).

[3] La lecture du livre de Philippe de Villiers, « J’ai tiré sur le fil du mensonge… » (Flammarion, 2018) interroge ; comment peut-il encore y avoir en France des rues, des lycées et des places qui portent le nom de ces deux collaborateurs au service de puissances étrangères, dont l’un a servi sous l’uniforme allemand, et qui tous les deux rendaient compte à Washington des débats stratégiques de leur Nation ?

[4] Quand Robert Kagan s’interroge sur le possible retour de la question allemande en Europe, il témoigne de l’inquiétude américaine devant l’inconscience géopolitique de l’Union.

[5] Voir la remarquable analyse de Charles et Louis-Vincent Gave, « Clash of Empires », Gavekal Books, January 2018.

[6] Cité dans « Pierre Manent, le regard politique », Flammarion, 2010.

lundi, 06 mai 2019

La Russie reprend la main en Ukraine

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La Russie reprend la main en Ukraine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Vladimir Poutine paraît avoir compris qu'il ne fallait pas attendre du nouveau président ukrainien Volodymir Zelinsky, dit jeune et inexpérimenté . qu'il fasse le moindre effort pour redonner à l'Ukraine des relations normales avec la Russie.

Par ce terme de relations normales, nous entendons celles que par exemple les Etats de l'Union européenne, à qui l'on ne peut reprocher un excès de poutinophilie, entretiennent avec Moscou. Pour rétablir des relations normales avec l'Ukraine, la Russie doit persuader tous ceux qui dans ce pays rêvent encore d'y multiplier des provocations anti-russes, éventuellement militaires, qu'elle ne les laissera plus désormais faire.

Sans menacer Kiev de réactions de l'armée russe dont les conséquences pourraient être nuisibles aux stratégies géopolitiques internationales de la Russie, elle vient d'annoncer une mesure qui rendra pratiquement impossibles les interventions ukrainiennes hostiles dans les républiques auto-proclamées peuplées de russophones de Donetsk et de Lugansk.

Etant donné que l'Ukraine a bloqué ces régions, qu'elle n'a pas fourni de services administratifs à leurs populations, qu'elle n'a pas payé les pensions ou les allocations qui leur sont dues et qu'elle n'a pas permis à ses citoyens qui y vivent de voter aux élections ukrainiennes, la Russie a maintenant autorisé les résidents de ces régions à demander la citoyenneté russe, ouvrant des bureaux régionaux pour étudier et satisfaire le cas échéant celles-ci.

Jusqu'à présent l'armée ukrainienne avait pu bombarder en toute impunité, en y faisant de milliers de victimes, les districts de Donetsk et de Lugansk en prétendant qu'elle y réprimait les rébellions sécessionniste de citoyens ukrainiens. Désormais, elle ne pourra plus le faire car ce seront des citoyens russes qu'elle bombardera. Dans ce cas, Vladimir Poutine serait légitime, conformément au droit international, s'il intervenait militairement.

Alors l'Ukraine, malgré sa relative puissance militaire, subira le même sort que la Géorgie lorsque en 2008 ses militaires ont bombardé l'Ossétie du Sud, un territoire empli de détenteurs de passeports russes. Au cours de cette courte guerre la capacité militaire de la Géorgie a été neutralisée en moins d'une semaine, et le reste du monde en a pris acte.

Moscou pourra prendre bien d'autres mesures pour réduire les capacités économiques et diplomatiques de l'Ukraine, si celle-ci sous la présidence de Volodymir Zelinsky ne revient pas à la raison. Nous en ferons une listé éventuellement. Tout laisse croire que Zelinsky en tiendra compte pour établir les relations normales avec la Russie auxquelles nous faisions allusion. Washington devra s'y résigner.

Lire une excellente analyse de la française Christelle Néant, excellent connaisseuse de la région

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/politologue-toute-la-puissance-de-214739
 

dimanche, 05 mai 2019

DOUGUINE : Israël nous rapproche de l’Armageddon – la Déclaration de Trump sur les Hauteurs du Golan est de mauvais augure

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DOUGUINE : Israël nous rapproche de l’Armageddon – la Déclaration de Trump sur les Hauteurs du Golan est de mauvais augure

Par Natalia Makeeva

La reconnaissance par le président américain Donald Trump de la souveraineté israélienne sur les Hauteurs du Golan continue à être discutée par des politiciens et des figures publiques autour du monde. Le décret correspondant a été signé par le dirigeant américain le jour d’avant, le 25 mars 2019. La Syrie a déjà déclaré que par cette mesure Trump a piétiné la loi internationale.

L’Agence d’Information Fédérale (FAN) rappelle que depuis de nombreux siècles, tout ce qui arrive en Israël, en Syrie et dans cette région est souvent interprété par une partie de la tradition intellectuelle à travers des interprétations chrétiennes, juives et islamiques comme associé à la Fin du Monde. FAN a discuté de cela avec le leader du « Mouvement Eurasien » international, le philosophe et politologue Alexandre Douguine.

Au début de la conversation, le philosophe a expliqué l’essence de l’Etat d’Israël du point de vue de la tradition religieuse juive.

« L’actuel Etat d’Israël est un simulacre. C’est une proclamation antisémite et antijuive dans tous les sens de ces concepts », assure Douguine. « Si vous le regardez depuis le judaïsme, c’est une parodie. En tant que partie du modèle eschatologique juif [décrivant la fin du monde], sa mission est une pure imposture. Le fait est que dans le judaïsme, dans l’histoire juive, le retour des Juifs dans la Terre Promise doit survenir au moment de l’arrivée du Moshiach [= le Messie]. Tant que le Messie ne vient pas, ils n’ont pas le droit religieux de revenir ici. L’Etat d’Israël est un obstacle pour le Messie. [Il faut choisir :] Le Moshiach ou Israël. »

Par conséquent, d’après Douguine, pour que le Moshiach puisse venir, Israël doit cesser d’exister, parce que c’est un simulacre, une tentative de remplacer le divin, du point de vue du judaïsme, par la volonté humaine.

Douguine  explique que la reconnaissance des Hauteurs du Golan par Trump amène la Fin du Monde.

Quant à Trump, d’après l’interlocuteur de FAN, il est loin des sujets religieux.

« Trump, bien sûr, est un réaliste et un politicien complètement séculier. Il cherche des alliés parmi les mouvements conservateurs de droite, sans prêter attention à la religion à laquelle ils appartiennent », explique Douguine. « Il a misé sur quelques politiciens, en particulier sur Netanyahu. En même temps, Trump est absolument indifférent aux questions eschatologiques et elles n’ont pas de sens pour lui. Il soutient des politiciens simplement en raison des nécessités politiques ».

Quant au Golan, l’idée de reconnaître les droits d’Israël sur les Hauteurs du Golan de la Syrie, qui sont occupées par cet Etat [Israël], est une mesure purement politique.

« De mon point de vue, cela rend finalement plus proche l’effondrement de l’Etat d’Israël », dit Alexandre Douguine. « L’Amérique, représentée par Trump, peut temporairement soutenir Netanyahu, mais plus Israël agit agressivement et audacieusement, plus l’hostilité envers lui grandit, non seulement de la part de la population arabe mais aussi de la part d’autres pays ».

Par conséquent, conclut l’interlocuteur de FAN, le seul résultat de cette reconnaissance sera l’approche de la fin de l’Etat d’Israël.

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« Et c’est la signification eschatologique », Douguine en est convaincu. « Lorsqu’il s’effondrera, les Juifs se retrouveront face à une nouvelle expulsion, recherchant un nouveau foyer, et alors, du point de vue des Juifs traditionnels, l’obstacle à la réalisation de leur scénario eschatologique sera éliminé. C’est dans ce sens et seulement dans ce sens que j’interprète la décision de Trump, qui est simplement un instrument du destin. Plus tôt l’Etat d’Israël s’effondrera et disparaîtra de la face de la terre, plus tôt dans la perspective juive – c’est-à-dire de leur point de vue, le Moshiach viendra et plus tôt le [véritable] Etat apparaîtra, de leur point de vue. »

« D’un point de vue chrétien, tout sera différent », remarque-t-il.

En même temps, d’après Douguine, les cercles fondamentalistes protestants n’ont pas beaucoup d’influence sur Trump, il est bien plus probablement un homme séculier – un playboy, un réaliste politique.

« D’une manière générale il est de droite, conservateur, et il traite bien les religions. Mais il ne comprend pas la théologie protestante – il a un profil complètement différent, un style différent. Il ne s’y intéresse pas, cela ne compte pas. Et il voit tout à travers des catégories politiques réelles. Et les lignes plus profondes du destin et de l’humanité motivent les actions des pays ou de leurs dirigeants contre leur volonté, sans qu’ils s’en rendent compte, qu’ils comprennent ce qu’ils font ou qu’ils ne le comprennent pas », conclut le philosophe.

Rappelons que les Hauteurs du Golan sont un territoire disputé entre Israël et la Syrie, dont ils firent partie entre 1944 et 1967. En résultat de la dénommée Guerre des Six Jours en juin 1967, le territoire fut envahi par Israël. En 1981, la Knesset israélienne proclama sa souveraineté sur le Golan, mais cette décision ne fut pas reconnue par le Conseil de Sécurité de l’ONU. En 2018, les hauteurs furent complètement capturées par des militants islamistes. Durant l’été 2018, l’Armée Arabe Syrienne parvint à les chasser de la région.

Les Hauteurs du Golan sont un territoire important pour au moins deux raisons : l’accès aux réserves d’eau dépend du contrôle de ces hauteurs, et elles sont aussi d’une importance stratégique d’un point de vue militaire.

Source

[Dans un article il y a quelques années, le philosophe russe disait déjà : « Le problème d’Israël n’est pas géopolitique ou économique. Il est théologique. Leur Messie ne vient pas. Les calculs juifs disent unanimement : il est grand temps, il devrait sûrement se hâter. Si les USA tombent, il y aura presque immédiatement un pays de moins au Moyen-Orient. Devinez lequel ? Donc il doit vraiment venir, parce que toutes les actions politiques et militaires des Juifs dans la seconde moitié du XXe siècle furent orientées vers sa venue. S’il attend encore, ils sont perdus. Il ne viendra pas, ni maintenant, ni plus tard. C’est vraiment une mauvaise nouvelle. Une mauvaise nouvelle pour les bon Juifs. Ils pourraient promouvoir un simulacre du genre Sabbataï Zeevi. Un Messie virtuel. Ils le peuvent peut-être. Et ils le feront peut-être. Ce sera encore pire pour eux. Internet ne peut pas les sauver. Ni le veau d’or, ni un gros mensonge. » (Alexandre Douguine, « The end of Present World. Post-American future », conférence de Londres, octobre 2013). – NDT.]

 

 

 

samedi, 04 mai 2019

Un autre regard sur la Syrie

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Un autre regard sur la Syrie

par Yannick Sauveur

Ex: http://leblancetlenoir.com

RETOUR DE SYRIE

Cela n’étonnera que ceux qui s’ « informent » via les media du Système mais on peut aller en Syrie. Non, ce pays n’est pas fermé, rien n’empêche d’y aller même si le tourisme a très fortement diminué depuis le début de la guerre (2011), nous y avons rencontré des Français, une Suissesse, des Norvégiens. La chute du tourisme a pour conséquences une baisse des rentrées de devises, une répercussion économique sur le niveau de vie des commerçants, des artisans, des hôteliers, des voyagistes,... Certains se reconvertissent.

Aller en Syrie n’est certes pas anodin. Il faut naturellement un visa qu’on peut obtenir soit au consulat en France, soit directement sur place à la frontière, solution que nous préconisons et il vous en coûtera 60 euros. Si le voyage par ses propres moyens est possible, il nous paraît préférable de recourir à un voyagiste. Nous avons utilisé les services de la Communauté Syrienne de France (CSF)[1] qui organise l’accueil de groupes de Français  deux fois par an. La responsable de CSF, une Syrienne, parfaitement bilingue français / arabe, est bien introduite au sein des milieux officiels syriens, ce qui est indispensable pour la réussite d’un tel voyage.

Pour avoir connu la Syrie avant la guerre (2008), il n’étonnera personne que bien des choses ont changé, ainsi des contrôles, nombreux. La population s’y est parfaitement adaptée, ce qui est bien compréhensible dans un pays qui a vécu au rythme des attentats et qui est loin d’être sécurisé en totalité.      

À Damas, la vie est toujours aussi intense avec un trafic automobile encore plus important que par le passé. L’afflux de population réfugiée est une explication à ce surcroît de trafic. La vie est normale, les gens travaillent, consomment, rient, fréquentent les cafés. Partout, nous retrouverons cette hospitalité caractéristique du peuple syrien.

C’est avec bonheur que nous avons retrouvé les merveilles architecturales damascènes : la mosquée des Omeyyades, le palais Azem, mais également le tombeau de Saladin, le souk, le Musée National[2], lequel est à nouveau ouvert depuis l’automne 2018. Sa fermeture et la protection des trésors du Musée a permis leur sauvegarde à l’inverse des pillages qui se sont produits en Irak. Là aussi, preuve est faite que l’État est debout et bien présent, ce qui est à mettre au crédit du gouvernement syrien et de son président. Est-il besoin de préciser qu’avant la guerre, la situation économique de la Syrie était saine, le pays était autosuffisant, n’ayant pas de dette extérieure. Le taux d’analphabétisme était de 1 % et la Syrie était le troisième pays le plus visité des pays arabes. Pendant la guerre, les fonctionnaires ont toujours été payés y compris ceux qui se trouvaient dans des zones contrôlées par les terroristes. Tel est ce pays que la Coalition internationale, les USA et ses larbins ont attaqué via leurs supplétifs et terroristes de tous poils formés, financés, armés par l’Occident, le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Les media occidentaux se plaisent à présenter la Syrie de façon schématique : la minorité alaouite, celle à laquelle appartient le président Al-Assad, dirige le pays et occupe tous les leviers. En réalité cette présentation est inexacte et partiale. La Syrie est d’abord et avant tout un État et non une addition d’ethnies et/ou de religions. On est citoyen syrien avant d’être de telle ethnie ou de telle religion. La Syrie est un pays laïc, authentiquement laïc, respectueux des religions et des minorités. On peut se balader partout en Syrie, à Damas ou dans toute autre grande ville, dans les coins les plus reculés, il y règne la même harmonie, la même tolérance, peu importe qu’on soit alaouite, sunnite, chrétien,… aucune tension n’est perceptible, ce que nous a confirmé le Père Elias Zahlaoui[3], de l’Église ND de Damas, que nous avons rencontré et qui, anecdotes à l’appui, nous a fait part de la qualité des relations entre musulmans et chrétiens.

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En quittant Damas, nous avons laissé les embouteillages pour rejoindre l’autoroute Damas-Alep. Peu après Damas, nous avons pu voir ce qu’il reste de Duma (à l’Est de l’autoroute). L’ampleur des destructions (il ne reste que des ruines) donne un aperçu de la violence des combats dans cette zone où cette partie d’autoroute était coupée. Nous poursuivons sur l’autoroute en direction de Homs puis bifurquons vers Tartous et ensuite vers Safita, charmante petite ville à majorité chrétienne. Nous n’y avons pas vu une femme voilée ! Nous sommes accueillis par des officiels à la Maison de la Culture à l’occasion d’un festival de traditions populaires : chants, musique traditionnelle, expo peinture, photos, tout en goûtant aux spécialités confectionnées par nos hôtes. Impossible de quitter Safita sans visiter le joyau historique, le donjon du Chastel-Blanc des Templiers. Au rez-de-chaussée de l’édifice la chapelle Saint-Michel est dédiée au culte grec orthodoxe. À l’étage la salle de garde et au niveau supérieur la terrasse de laquelle il était possible de communiquer avec le Krak des Chevaliers.

À proximité de Safita, nos hôtes nous font découvrir Hosn Souleiman, temple d’époque romaine (IIè siècle). Après cette longue visite commentée et la photo de groupe, nous quittons ce lieu chargé d’histoire pour rejoindre Masyaf. La traversée des villages est l’occasion de constater à quel point cette région a participé à la cause syrienne : la plupart des maisons affichent la photo d’un martyr. À Masyaf, à proximité d’Hama, dans une région qui n’est pas encore tout à fait sécurisée, nous visitons le château-forteresse appartenant à la secte des Assassins[4].

Après cette visite, nous reprenons la route pour Tartus où nous allons passer la soirée et la nuit. Là, le changement de décor est total. Tartus, ville industrielle et port, est typiquement une ville méditerranéenne : joyeuse, animée. Les bars et restaurants qui se succèdent face à la mer sont pleins.

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Nous quittons le lendemain Tartus pour de longues heures de route qui vont nous mener à Alep tout en ne manquant pas de nous arrêter au Krak des chevaliers qui est resté en l’état à l’inverse du village voisin détruit en grande partie. À l’intérieur du Krak, nous rencontrons deux jeunes bénévoles de l’association Chrétiens d’Orient, une ONG très active sur le terrain en Syrie. L’autoroute entre Homs et Alep étant  fermée, en raison des combats affectant la région d’Idlib, le trajet est allongé avec des routes parfois en très mauvais état. Arrivés à la nuit tombée à Alep, nous prenons possession de nos chambres dans un très bel hôtel qui a été fermé plusieurs années jusqu’à ce qu’Alep soit libérée. Nous nous faisons recommander un restaurant typique et celui qui nous y conduit a été volontaire dans la bataille d’Alep. Il s’en est sorti par miracle, la bouche défigurée une balle ayant traversé son visage de part en part. L’opération a duré neuf heures. Les volontaires ont été nombreux dans cette guerre contre le terrorisme. Nous avons rencontré un groupe d’hommes jeunes, environ 30 ans, qui étaient partis combattre sur le front alors qu’étant diplômés de l’enseignement supérieur, ils avaient tous de bonnes situations. Cela va à l’encontre de l’image complaisamment véhiculée en Occident du « dictateur » (sic) alors que la défense de l’État est une préoccupation essentielle de la population. L’attaque de l’extérieur a renforcé le patriotisme syrien.

Même si nous étions largement informés des destructions à Alep, la confrontation avec la réalité du terrain fit l’effet d’une douche froide. La visite, à pied, d’Alep, nous fit traverser des quartiers dévastés, des immeubles éventrés, inoccupés, des rues défoncées. Et cependant, au dire de notre accompagnatrice, les travaux vont bon train et les progrès en six mois sont patents : des voies ont été rendues à la circulation. Le pire fut sans doute de constater l’inexistence du souk, ce joyau inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco et détruit par la folie meurtrière des djihadistes et vrais larbins de l’impérialisme américano-sioniste. En revanche, nous avons retrouvé la citadelle, intacte. La foule abondante, tant à l’extérieur, qu’à l’intérieur respirait la joie de vivre. Étonnant cette dictature où les gens sont heureux ! Il nous faut rendre hommage à ces valeureux combattants retranchés trois ans dans la citadelle et qui ont tenu deux mois en totale autonomie jusqu’à ce que les troupes gouvernementales réussissent à les approvisionner par un souterrain dont ils avaient connaissance. En trois ans de siège les terroristes n’ont jamais pu pénétrer dans la citadelle occupée par seulement 40 militaires (les djihadistes les pensaient beaucoup plus nombreux). Une seule fois ils ont réussi à arriver par une ouverture dans le sol et le militaire de faction n’a rien pu faire d’autre que de tirer pour donner l’alerte. Le soldat a été attrapé par les pieds et égorgé. Les terroristes, imprudents et un peu trop sûrs d’eux, ont fait leur réapparition, mais cette fois, grâce au soldat martyr, le comité d’accueil était là et s’est chargé de tous les liquider.

Nous ne pouvions pas quitter Alep sans rendre visite à l’hôtel Baron[5], cet hôtel où ont séjourné Agatha Christie, le roi Fayçal, Charles de Gaulle, Thomas Edward Lawrence[6]. La veuve du propriétaire nous fait visiter l’hôtel (ou ce qu’il en reste) : les salons et les chambres des illustres personnalités ayant fréquenté les lieux. Avis aux amateurs : l’hôtel est à vendre !

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La vie reprend tout doucement à Alep mais quel contraste avec la vie trépidante et grouillante que nous avions connue dix ans plus tôt. La circulation est fluide. Il est vrai qu’Alep a perdu une grande partie de sa population même si on assiste au retour de certaines familles. La reconstruction sera longue d’autant plus que si Alep ville est libérée, ce n’est pas le cas de certains quartiers extérieurs où les combats continuent.

Le retour vers Damas se fait avec un car des lignes régulières, très confortable. Il doit partir à 9 heures, il partira une heure plus tard mais on apprend vite qu’en Orient, le temps n’a pas la même signification qu’en Occident ! Les pièces d’identité (de l’ensemble des voyageurs) sont contrôlées avant le départ, elles le seront à nouveau à deux reprises au cours du voyage. Le voyage Alep-Damas, d’une durée de près de sept heures, est ponctué d’arrêts à des « check-points » (une cinquantaine). À l’arrivée à proximité de Damas, le car, réquisitionné pour une autre mission, nous laisse dans une banlieue qui a subi les outrages de la guerre : bâtiments détruits partiellement ou totalement. Le chauffeur de taxi qui nous emmène insiste auprès de notre accompagnatrice : « Tu leur as dit que c’était Israël et l’Amérique… », nous lui faisons répondre que nous le savons et que nous sommes solidaires du peuple syrien dans sa lutte contre l’impérialisme américano-sioniste.  

La vie est difficile dans le pays en raison des sanctions économiques qui frappent la Syrie. Les coupures d’électricité sont nombreuses. Le rationnement du carburant concerne l’ensemble du pays. À Alep, nous avons vu des files de voitures de plusieurs centaines de mètres en attente aux stations essence. Pour les professionnels, c’est un drame car c’est l’outil de travail qui est touché. Damas subit également avec un décalage la pénurie de carburant et il est à craindre que des denrées de première nécessité soient, elles aussi, concernées par des ruptures d’approvisionnement dans un proche avenir. Cependant, nos interlocuteurs restent confiants : le peuple syrien est fier, courageux et résistant. Il a connu d’autres épreuves. Il est apte à surmonter celles-ci.

Tentons maintenant de dresser un parallèle entre les situations de nos deux pays : France et Syrie. On peut dire que, nous plaçant du point de vue des peuples, nous subissons un même ENNEMI. Certes, il est plus visible en Syrie parce que c’est toute une coalition qui s’acharne contre un pays, mais en réalité, à bien y regarder, notre Ennemi en France, et plus généralement en Europe, est le même, c’est l’oligarchie mondialiste qui, depuis Washington, Tel Aviv, Bruxelles détruit les États-nations pour organiser un marché mondial sans frontières dirigé par la finance internationale. La classe dirigeante a disparu au profit de marionnettes aux ordres d’une caste ploutocratique. Les insipides Macron-Merkel-Juncker et consorts sont programmés pour appliquer la politique voulue et dictée par leurs sponsors. On assiste en conséquence depuis des décennies à la même dégradation à tous les niveaux : politique, économique, social, sociétal, environnemental. Parallèlement, au nom de la Démocratie, de la Liberté et des Droits de l’Homme, la liberté d’expression, de plus en plus menacée, se réduit comme peau de chagrin. Dans cette société post orwellienne, le totalitarisme n’est plus une fiction, il est présent et bien présent. Les gens se croient LIBRES. La propagande (pardon l’information) leur fait avaler que Bashar al-Assad est un « boucher sanguinaire », il « doit partir, c’est un assassin », voire « il ne mériterait pas d’être sur la Terre » (dixit Laurent Fabius !). D’une certaine manière, la guerre a au moins le mérite d’ouvrir les yeux aux Syriens qui ne peuvent pas ne pas voir quel est leur Ennemi là où la Propagande[7], les media, la consommation de masse, la paresse intellectuelle ont anesthésié les peuples européens.

Plus que jamais la solidarité s’impose entre nos deux pays.

Yannick Sauveur

Notes:

[1] rcsfrance@gmail.com

[2] Je ne détaille pas nos visites de musées, monuments, citadelles. Tout cela se retrouve abondamment décrit dans les guides dont celui dans la collection Guides Bleus consacré à la Syrie.

[3] Né à Damas en 1932, ordonné prêtre en 1959, le Père Elias Zahlaoui a été remercié et honoré par la Première Dame de Syrie, Asma Al-Assad, au nom de tous les Syriens. Il a écrit plusieurs lettres ouvertes à François Hollande et Laurent Fabius. On écoutera cet entretien (2014) qui reste très actuel,  https://www.egaliteetreconciliation.fr/Entretien-exclusif...

[4] Ainsi appelés car accusés d’agir sous l’effet du haschisch, d’où le nom de hashishin qui, par déformation, a donné en français le mot « assassin ».

[5] https://www.nouvelobs.com/topnews/20190405.AFP4171/a-alep...

[6] Cf. Jacques Benoist-Méchin, Lawrence d’Arabie, Paris, 1961.

[7] http://www.france-irak-actualite.com/2019/04/a-quoi-joue-...

 

mardi, 30 avril 2019

Colloque de « Synthèse Nationale » - Intervention de Robert Steuckers

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Nieppe, 28 avril 2019 – Colloque de « Synthèse Nationale »

Intervention de Robert Steuckers

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,

Aujourd’hui, nous avons les élections législatives espagnoles ; dans moins d’un mois, les élections européennes. Très récemment, nous avons eu les législatives finlandaises qui ont fait du parti des Finlandais la deuxième formation du pays, qui talonne les sociaux-démocrates, généralement vainqueurs dans le grand Nord et cette fois avec un écart de seulement 0,2% des voix (17,5% contre 17,7%). En septembre, les sondages donnent l’AfD victorieuse en Saxe où s’effondrent le parti de Merkel et les sociaux-démocrates. Le vent semble tourner en Europe et les chances de Vox en Espagne sont réelles aujourd’hui, où l’on vote pour des législatives anticipées. Nous verrons ce soir ce que ce scrutin donnera et s’il y aura, ou non, dans les prochaines semaines, un gouvernement PP/Vox/Ciudadanos. Mais ces diverses élections, à quoi pourraient-elles bien servir ? Quels projets nouveaux et nécessaires devraient-elles promouvoir pour autant que les élections apportent réellement du nouveau ? La nécessité, urgente aujourd’hui, est l’émancipation de l’Europe qui doit échapper, coûte que coûte si elle veut simplement survivre, à l’étau qui l’enserre, à l’étau qui est formé par la politique du Deep State américain et par les initiatives, en théorie privée, des multiples associations et ONG patronnées par George Soros. Les élections italiennes, qui ont porté au pouvoir et le populisme de droite de la Lega de Salvini et le populisme de gauche du « Mouvement Cinq Etoiles » de diMaio, semble être de bon augure et les meilleures nouvelles, en ces temps moroses où les gilets jaunes peinent à obtenir gain de cause, viennent assurément d’Italie.

Dans quel contexte, plus précisément, ces espoirs de changement rapide se déploient-ils ? Le principal de ces contextes a été, sans aucun doute, la 63ème Conférence sur la Sécurité de Munich, tenue en février dernier dans la capitale bavaroise.  Lors de cette conférence, où, généralement, les participants ânonnent benoîtement les mots d’ordre de l’OTAN, les dissonances entre les deux rives de l’Atlantique se sont fait bruyamment entendre sur des points essentiels comme le gazoduc Nord Stream 2 et les relations euro-iraniennes. Auparavant, l’alignement inconditionnel des instances européennes sur les positions de l’OTAN (donc des Etats-Unis) faisait dire au ministre russe Sergueï Lavrov que l’UE ne détenait pas le monopole de la décision dans le modelage de ses propres affaires régionales et avait raté toutes les occasions de construire réellement la « maison commune européenne ». Pour le journaliste italien Lorenzo Lamperti, qui écrit pour Affari italiani (www.affaritaliani.it ), l’Europe semble avoir pris la voie de l’émancipation en n’acceptant pas la politique violemment anti-iranienne de Washington et en créant, pour la contourner et la vider de tout contenu articulable, l’instance baptisée « Instex », véhicule financier destiné à commercer avec Téhéran selon les bonnes vieilles règles du troc, sans passer par une monnaie d’échange donc sans passer par le dollar. La volonté américaine de faire jouer le « droit » et la « justice » pour punir tous ceux qui contourneraient les embargos qu’ils imposent, surtout dans la question iranienne, a attiré les critiques de Lavrov, véritable vedette à Munich, contrairement aux émissaires de Trump (Pompeo, Pence et Bolton, trois « faucons », nouvelles moutures du néo-conservatisme belliciste). Federica Mogherini a clairement affirmé que l’Europe n’entendait pas se faire dicter une conduite dans l’affaire iranienne ni s’aligner, ipso facto, sur les politiques bellicistes, dictées par les Etats-Unis, d’Israël et surtout de l’Arabie Saoudite, à laquelle les Américains s’apprêteraient à vendre des technologies nucléaires pour que l’épicentre du wahhabisme se dote de l’arme atomique pour affronter l’Iran (à la place d’Israël, qui conserverait son arsenal intact et échapperait à d’éventuelles représailles perses ?). C’est, on le voit, dans le cadre de l’UE, le retour, encore bien timide, de la géographie, donc de la géopolitique et de la géo-économie. A Munich, l’Administration Trump avait exigé que les Européens reprennent les quelque 800 prisonniers de l’Etat islamique faits en Syrie par l’US Army et qu’en cas de refus, ceux-ci seraient libérés : les Allemands ont sèchement répondu que c’était impossible.

RS-Nieppe.jpgDans le dossier très complexe et très épineux de la 5G développée par la firme chinoise Huawei, les Européens, surtout les Allemands, se montrent très réticents à annuler les projets qui sont déjà en phase de réalisation. Pour les Etats-Unis, ne pas se laisser distancer par les Chinois dans la technologie de la 5G est un impératif de sécurité nationale, d’où les multiples interdits qui frappent la firme Huawei et la mesure qui a permis l’arrestation d’une des cadres de la firme au Canada récemment. La raison majeure de cette panique à Washington vient du fait que la 5G chinoise ne possède pas la « porte d’entrée » (le « backdoor ») permettant à la NSA de s’y introduire, comme dans les appareils Samsung. Les appareils chinois et même certains modèles d’Apple permettent en revanche aux services chinois d’y accéder : l’Europe, qui n’a jamais misé sur ces technologies, se trouve dès lors coincée entre les Etats-Unis et la Chine et soumise à leurs réseaux d’espionnage, sans possibilité de répondre à ce défi et d’en contrer les inconvénients.

Les menaces de Trump, d’imposer des droits de douane aux automobiles européennes, ne sont pas passées à Munich en février et l’UE s’apprête à prendre des contre-mesures. Trump, en adoptant une intransigeance qu’il n’avait pas promis, bien au contraire, pour se faire élire, a sabordé l’unanimité qui faisait la force, jusqu’ici, de l’alliance transatlantique, contraire aux intérêts européens. L’Allemagne lorgne désormais vers la Chine et vers le Japon : les ministres des affaires étrangères allemand et chinois insistent sur le droit national des Etats européens et asiatiques à pratiquer le multilatéralisme en commerce international. Quant à l’Italie, elle s’est branchée sur les « routes de la Soie » et a accepté que le port adriatique de Trieste, aujourd’hui encore souvenir des splendeurs de la monarchie austro-hongroises, redevienne un port de la plus haute importance en Méditerranée certes mais branché aussi et surtout sur l’Europe centrale bavaroise, autrichienne et hongroise comme avant son annexion à l’Italie. Trieste est relié à Stettin sur la Baltique par un chemin de fer rapide, lien indispensable dans l’isthme du centre de l’Europe, ce qui apportera encore davantage de cohérence géopolitique à l’ensemble européen. A terme, Gènes s’y branchera aussi, entraînant la Suisse qui est son hinterland naturel ainsi que la Provence, le Languedoc et la Catalogne. La société danoise Maersk, spécialisée dans le transport par conteneurs vers la Chine est d’ores et déjà présente sur la côte ligure, prête à lancer une synergie balto-méditerranéenne, avec les ports d’Anvers, Rotterdam et Hambourg, le trio portuaire nord-européen au passé hanséatique.

Pour l’observateur irlandais Finian Cunningham, les tentatives de Macron, absent à Munich, de bidouiller un montage institutionnel au sein de l’UE, pour freiner l’utilisation du gazoduc Nord Stream 2, constitue un piètre expédient atlantiste que l’Allemagne, les pays du Benelux, la Grèce et Chypre n’ont pas accepté, faute de devoir payer l’énergie trop chère, tant pour les industries que pour les ménages. Cette tentative maladroite et déraisonnable de torpiller l’approvisionnement énergétique de l’Europe du Nord comme du Sud met en exergue les contradictions de la politique européenne de Macron : d’une part, il se veut le champion du « couple franco-allemand » mais, d’autre part, empêche son partenaire soi-disant privilégié de s’approvisionner en énergie comme il l’entend, rendant automatiquement caduques toutes les belles déclamations du nouveau traité d’Aix-la-Chapelle qu’il a signé naguère avec Merkel sous les huées de gilets jaunes allemands, français et wallons. Ensuite, Macron a promis d’être le champion des « causes vertes » et de pratiquer des politiques écologiques, où le gaz, moins polluant, devrait toujours être préféré au nucléaire, au pétrole et au charbon. Une contradiction de plus et non des moindres. Enfin, alors qu’il devrait se montrer soucieux de tarir le mécontentement des gilets jaunes qui déstabilisent la France, il agit pour que l’énergie soit plus chère, car éventuellement dérivée du gaz de schiste américain, quand le peuple français se rebelle justement contre la hausse du prix de l’essence. Plus sévère encore à l’endroit de la politique anti-gazière de Macron est la géopolitologue française Caroline Galacteros : « Nous agissons comme si (…) nous n’avions nul besoin de nous mettre en ordre de bataille (entre Européens) pour projeter notre puissance de frappe commerciale collective vers le reste de la planète, afin de ne pas nous faire dévorer tout crus par Pékin et Washington. Bref on a tout faux… mais on fonce dans le mur avec l’assurance d’un taureau au front court se précipitant sur une muleta rouge pour finir lardé de banderilles meurtrières ». Fin de citation. L’UE, ajoute-t-elle, « paralysée par ses propres réglementations anachroniques, …, consent à son effacement de la carte des grands ensembles ». Pour Caroline Galacteros, Macron a agi par peur des pressions américaines, pour saisir une chance de plaire au « maître ».

Cette attitude ouvre bien entendu le dossier, crucial et inquiétant, du « parti américain » au sein des institutions eurocratiques qui, le 12 mars dernier, a encore voté une résolution antirusse présentée par une parlementaire lettone, Sandra Kalniete, dénonçant les présidentielles russes comme « non-démocratiques » : elle a obtenu 402 voix pour, 163 voix contre et 89 abstentions. Dans la plupart des cas, le parlement européen répète, à la lettre près, les accusations formulées par des ONG américaines. De même, quand l’Italie a formulé, pour la première fois, le désir de participer aux synergies de la « route de la soie », la Commission de Juncker lui a fait savoir que la Chine « est un rival qui promeut des modèles alternatifs de gouvernance » ( !), alors que, justement, tous ont besoin de gouvernance nouvelle ou rénovée, tant le « malgoverno » s’est généralisé en Europe depuis près d’un demi-siècle ! Manlio Dinucci, observateur des fluctuations géopolitiques dans le monde, dénonce dès lors « l’influence qu’exerce le ‘parti américain’, puissant camp transversal qui oriente les politiques de l’UE le long des lignes stratégiques USA/OTAN », avec le risque, s’empresse-t-il d’ajouter, « d’accepter très bientôt les missiles balistiques avec base à terre, soit de nouveaux euromissiles qui feront, une fois encore, de l’Europe la base et, en même temps, la cible d’une guerre nucléaire ». Nous revoilà revenu à l’année 1982 quand les Etats-Unis, en pleine guerre froide, voulaient déployer leurs missiles Pershing en Allemagne pour préparer l’Armageddon annoncé par Reagan, premier président américain à avoir réintroduit le discours biblique et apocalyptique dans l’exposition des buts de la politique internationale de Washington et à avoir abandonné le « réalisme » cher à Kissinger.

C’est ce « parti américain » que les formations politiques nouvelles, populistes de droite ou de gauche, devront empêcher de nuire dans l’avenir pour que les générations qui nous suivront puissent simplement survivre dans un monde de plus en plus multipolaire et de moins en moins européen. On parle d’une internationale des populistes en gestation, sans nécessairement s’entendre sur une définition précise de ce qui est populiste et ne l’est pas. On sait depuis le début du 20ème siècle que les partis se sclérosent, « s’oligarchisent », « se bonzifient », pour reprendre la terminologie polémique d’un observateur que l’on n’a cessé de citer depuis : Roberto Michels. La sclérose a indubitablement frappé les trois principales formations qui structurent le fonctionnement du parlement européen : les chrétiens-démocrates du PPE, les sociaux-démocrates et les libéraux. Ces trois ensembles ont répété à satiété la politique voulue et imposée par Washington, conduisant l’Europe dans l’impasse où elle se trouve aujourd’hui. Toute formation réellement politique se doit de dégager notre continent de cette cangue et de permettre son désenclavement géopolitique. C’est donc en politique étrangère, comme on l’a vu à Munich en février dernier, que ce dégagement et ce désenclavement devront s’opérer en premier lieu.

Les chrétiens-démocrates de Merkel, et leurs partenaires socialistes et libéraux, ont toujours joué la carte atlantiste or cette option est désormais grosse de dangers réels pour notre avenir, ceux qui nous précipiteront à coup sûr, s’ils ne sont pas conjurés dans les plus brefs délais, dans une irrémédiable récession. L’idéologie que véhiculent ces forces politiques du passé est une idéologie du sur place, de la répétition ad nauseam du même et encore du même dans un monde qui change à une vitesse désormais vertigineuse (celle de la 5G !). Cette idéologie de l’indécision et du débat stérile, théorisée par Jürgen Habermas, pratiquée par Verhofstadt et vulgarisée par Cohn-Bendit doit être balayée de nos horizons. Mais tous les populistes qui ont émergé dans les contextes nationaux des pays d’Europe, d’Ibérie aux rives de la Baltique, ont-ils conscience de ce double enjeu ? Ont-ils tous la volonté de sortir de la cangue de l’atlantisme ? Ont-ils tous viré leur cuti néolibérale ? Car, ne l’oublions pas, la science politique qualifie de « populiste » tout mouvement qui n’est pas strictement chrétien-démocrate, socialiste ou libéral, à la rigueur écologiste, et qui sera, dès lors, disqualifié par les médias dominants qui lui colleront l’étiquette de « populiste ». Or Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce voire Mélanchon en France sont aussi étiquetés « populistes », tout en bénéficiant d’une certaine mansuétude de la part des médiacrates et des intellocrates parce qu’ils sont des « populistes de gauche », non hostiles à la vague migratoire donc peu susceptibles de gagner des voix en suffisance et de défier effectivement  les trois pôles politiques majeurs en place dans les institutions eurocratiques.  Seule Sarah Wagenknecht avait des chances dans une fraction des gauches allemandes de parfaire une politique populiste de gauche efficace mais elle a démissionné et a quitté la scène politique. Macron, en se dégageant du parti socialiste de Hollande et en n’empruntant pas la voie du sarkozisme, est considéré, lui aussi, comme un « populiste », un « populiste néolibéral », un peu comme Bolsanaro au Brésil mais en moins vigoureux, en moins machiste.

L’Internationale populiste, crainte par les Merkel et les Macron de tous poils et acabits, verra le jour, c’est certain, car il est très probable que onze ou douze nationalités participeront à un groupe politique unique au parlement européen à la fin du mois de mai 2019. Mais cette nouvelle Internationale des nationaux sera-t-elle homogène sur le plan de la politique internationale et sur le plan d’une géopolitique européenne enfin ressuscitée ? Là est la question, l’épineuse, la lancinante question qu’il faut se poser aujourd’hui, à la vieille du grand scrutin. Agira-t-elle dans le sens des paroles fermes de Federica Mogherini à Munich en février, lors de la 63ème Conférence sur la Sécurité en Europe ? L’Internationale populiste, si elle est appelée à s’ancrer, à partir de mai 2019, dans le quotidien du parlement européen et à constituer un bloc antisystème au sein du système, doit être intransigeante sur la politique énergétique européenne, qui doit demeurer totalement indépendante de toute ingérence extra-européenne, doit être inflexible sur la politique iranienne de l’UE, sur la politique russe de l’UE, sur les relations que l’Europe souhaitera entretenir avec la Chine.

Tel est le programme, la ligne directrice incontournable qu’il s’agira de suivre. C’est ce désenclavement politique, géopolitique et idéologique auquel il faudra œuvrer sinon ce qui nous attend au tournant, et très vite, c’est la mort, lente ou rapide, dans la récession économique, dans l’implosion sociale et la submersion démographique.

Je vous remercie.

Bibliographie :

Articles anonymes :

vendredi, 26 avril 2019

Un objectif vital pour notre avenir construire un réseau pour le « NATO EXIT »

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Un objectif vital pour notre avenir construire un réseau pour le « NATO EXIT »

Auteurs : Prof Michel Chossudovsky et Manlio Dinucci 
Ex: http://www.zejournal.mobi 

Quel a été le résultat du Colloque international “Les 70 ans de l’OTAN : quel bilan historique ? Sortir du système de guerre, maintenant”, qui s’est tenu à Florence le 7 avril 2019. Manlio Dinucci en parle avec Michel Chossudovsky.

Note : au cours de cette année, l’OTAN effectue 310 exercices militaires, quasiment tous contre la Russie.

Avec l’OTAN du welfare au “warfare”

70 ans de l’OTAN. Interview de Michel Chossudovsky sur les 70 ans de l’OTAN : “ce n’est pas une Alliance, ce sont les USA qui commandent, ils veulent plus de dépense militaire dans toute l’Europe, ils sont prêts à de nouveaux conflits armés, y compris nucléaires”

Au colloque international “Les 70 ans de l’OTAN : quel bilan historique ? Sortir du système de guerre, maintenant”, qui s’est tenu à Florence le 7 avril 2019 -avec plus de 600 participants d’Italie et d’Europe-, a participé comme principal intervenant Michel Chossudovsky, directeur de Global Research, le centre de recherche sur la globalisation (Canada), organisateur du Colloque avec le Colitato No Guera No Nato et d’autres associations italiennes. Nous avons posé quelques questions à Michel Chossudovsky -un des plus grands experts internationaux d’économie et géopolitique-, collaborateur de l’Encyclopedia Britannica, auteur de 11 livres publiés en plus de 20 langues.

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Quel a été le résultat du Colloque de Florence ?

L’événement a eu un très grand succès, avec la participation d’intervenants provenant des États-Unis, d’Europe et de Russie. L’histoire de l’OTAN y a été présentée. Y ont été identifiés et attentivement documentés les crimes contre l’humanité. À la fin du Colloque a été présentée la “Déclaration de Florence” pour sortir du système de la guerre.

Dans votre intervention introductive vous avez affirmé que l’Alliance atlantique n’est pas une alliance…

Sous l’apparence d’une alliance militaire multinationale c’est au contraire le Pentagone qui domine le mécanisme décisionnel de l’OTAN. Les USA contrôlent les structures de commandement de l’OTAN, qui sont incorporées à celles des États-Unis. le Commandant Suprême Allié en Europe (Saceur) est toujours un général étasunien nommé par Washington. Le Secrétaire général, actuellement Jens Stoltenberg, est essentiellement un bureaucrate qui s’occupe de relations publiques. Il n’a aucun rôle décisionnel.

Un autre thème que vous avez soulevé est celui des bases militaires USA en Italie et dans d’autres pays européens, y compris à l’Est, bien que le Pacte de Varsovie n’existe plus depuis 1991 et malgré la promesse faite à Gorbachev qu’aucun élargissement à l’Est n’aurait lieu. À quoi servent-elles ?

L’objectif tacite de l’OTAN -thème important de notre débat à Florence- a été d’opérer, sous une autre dénomination, “l’occupation militaire” de facto de l’Europe occidentale. Les États-Unis non seulement continuent à “occuper” les ex “pays de l’Axe” de la Seconde guerre mondiale (Italie, Allemagne), mais ont utilisé l’emblème de l’OTAN pour installer des bases militaires USA dans toute l’Europe occidentale, et, par la suite, en Europe Orientale dans le sillon de la guerre froide et dans les Balkans dans le sillon de la guerre OTAN contre la Yougoslavie (Serbie-Monténégro).

Qu’y a-t-il de changé par rapport à un possible usage d’armes nucléaires ?

Immédiatement après la guerre froide a été formulée une nouvelle doctrine nucléaire, focalisée sur l’usage préventif d’armes nucléaires, c’est-à-dire sur le first strike nucléaire comme moyen d’autodéfense. Dans le cadre des interventions USA-OTAN, présentées comme actions de maintien de la paix, a été créée une nouvelle génération d’armes nucléaires de “basse puissance” et “plus utilisables”, décrites comme “inoffensives pour les civils”. Les responsables politiques étasuniens les considèrent comme des “bombes pour la pacification”. Les accords de la guerre froide, qui établissaient certaines sauvegardes, ont été effacés. Le concept de “Destruction Mutuelle Assurée”, relatif à l’usage des armes nucléaires, a été remplacé par la doctrine de la guerre nucléaire préventive.

L’OTAN était “obsolète” au début de la présidence Trump mais maintenant elle est relancée par la Maison Blanche. Quelle relation y a-t-il entre course aux armements et crise économique ?

Guerre et globalisation vont de pair. La militarisation soutient l’imposition de la restructuration macro-économique dans les pays-cibles. Elle impose la dépense militaire pour soutenir l’économie de guerre au détriment de l’économie civile. Elle conduit à la déstabilisation économique et à la perte de pouvoir des institutions nationales. Un exemple : dernièrement le président Trump a proposé de grosses coupes budgétaires dans la santé, l’instruction et les infrastructures sociales, alors qu’il demande une grosse augmentation pour le budget du Pentagone. Au début de son administration, le président Trump a confirmé l’augmentation de la dépense pour le programme nucléaire militaire, lancé par Obama, de 1.000 à 1.200 milliards de dollars, en soutenant que cela sert à garder un monde plus sûr. Dans toute l’Union européenne l’augmentation de la dépense militaire, jumelée à des mesures d’austérité, est en train de conduire à la fin de ce qui était appelé “l’État-Providence” (welfare state). Maintenant l’OTAN est engagée sous la pression étasunienne à augmenter la dépense militaire et le secrétaire général Jens Stoltenberg déclare qu’il s’agit là de la chose juste à faire pour “garder la sécurité de notre population”. Les interventions militaires sont jumelées à des actes concomitants de sabotage économique et de manipulation financière. L’objectif final est la conquête des ressources autant humaines que matérielles et des institutions politiques. Les actes de guerre soutiennent un processus de conquête économique totale. Le projet hégémonique des États-Unis est de transformer les pays et les institutions internationales souveraines en territoires ouverts à leur pénétration. Un des instruments est l’imposition de lourdes contraintes aux pays endettés. L’imposition de réformes macro-économiques létales concourt à appauvrir de vastes secteurs de la population mondiale.

Quel est et quel devrait être le rôle des médias ?

Sans la désinformation opérée, en général, par presque tous les médias, le programme militaire USA-OTAN s’écroulerait comme un château de cartes. Les dangers imminents d’une nouvelle guerre avec les armements les plus modernes et du péril atomique, ne sont pas des informations qui font la Une. La guerre est représentée come une action de pacification. Les criminels de guerre sont dépeints comme des pacificateurs. La guerre devient paix. La réalité est renversée. Quand le mensonge devient vérité, on ne peut pas revenir en arrière.

Traduit de l’italien par M-A P

Intuiciones geopolíticas de Ganivet: el "espíritu del territorio"

Carlos Javier Blanco Martín

Ex: http://www.elespiadigital.com 

Sé que hay españoles de bien, movidos por una honesta preocupación ante los desafíos centrífugos y la pérdida de su identidad nacional, que hacen remontar la cuna y la prosapia de España hasta unas fechas remotas, anteriores a 722 y muy anteriores a la Gesta de Covadonga. Las fechas remotas les llevan hasta el período de los godos y, con ello, reducen el ser nacional de los españoles al componente específico de barbarie que a una provincia romana muy concreta, la Hispania, habría de corresponderle. Es así que nuestro Ortega culpa a este pueblo godo, en origen extraño, de todas las específicas dosis mórbidas que a los romanos peninsulares -abuelos nuestros- les tocaron en suerte. Por aquello de ser más flojos, más decadentes, más "civilizados", dicho esto en el sentido spengleriano, los españoles habríamos de transportar, dentro del ancho mundo de la romanidad, las gotas perversas de decaimiento gótico que, por lo visto, los francos, sajones o lombardos no llevaron. Tosca me parece esta idea orteguiana. Vicios y errores cometieron los godos, a qué dudarlo, y prueba de ello es el modo en que cayeron en Guadalete a manos de los moros (711), en una fecha en que caídos se mostraban ya ante el mundo, divididos en facciones, podridos por los vicios y locos de sangre y ambición. En descargo de aquellos godos que ya iniciaban su proceso de mixtura con los romanos de Hispania, hay que decir que sólo los imperiales, esto es, bizantinos, les superaban en esplendor y cultura. De justicia es advertir que ya eran nuestros godos casi civilizados mucho antes de invadir tierras de Roma, pues de Roma era soldados y aduaneros, vasallos y aprendices. De genio jurídico como pocos pueblos de la edad bárbara, su matrimonio con la Iglesia, no menos reguladora y ordenancista, hubiera dado ricos frutos. De ese matrimonio hablaba Ángel Ganivet en Idearium Español:

ganivet.jpg"La exaltación de la Iglesia española durante la dominación visigótica es obra de los bárbaros; pero no es obra de su voluntad, sino de su impotencia, incapaces para gobernar a un pueblo más culto, se resignaron a conservar la apariencia del poder, dejando el poder efectivo en manos más hábiles. De suerte, que el principal papel que en este punto desempeñaron los visigodos fue no desempeñar ninguno y dar, con ello, involuntariamente, ocasión para que la Iglesia se apoderara de los principales resortes de la política y fundase de hecho el estado religioso, que aún subsiste en nuestra patria, de donde se originó la metamorfosis social del cristianismo en catolicismo; esto es, en religión universal, imperante, dominadora, con posesión real de los atributos temporales de la soberanía." (Idearium Español, Agilar, Madrid, 1964; p. 11).

El ilustre ensayista cifra aquí, en la monarquía goda, las raíces de una teocracia hispana. Reyes y nobles abandonaron tan importante aspecto del "cratos" (del poder o fuerza efectiva) en un clero, en la línea de los "reyes holgazanes" y de una suerte de simulacro de poder: ellos hacían como que lo tenían, pero la Iglesia mandaba bajo cuerda. Bien es verdad que las tornas se cambian en el periodo de la Monarquía Asturiana. Los godos de Oviedo, o más bien dicho, los monarcas astures, salvaron y relanzaron la Iglesia, como aparato que les era esencial para el ejercicio y detentación del poder. El propio autor, al invertir el esquema, reconoce la especificidad del catolicismo hispano. La imagen que mejor representa la idiosincrasia imperial española, y ya la prefigura en el Medievo, no es la de una teocracia coronada sino la de una corona teocrática. Son los reyes asturianos, y después los leoneses, castellanos, etc. los que realzan el carácter sacro de su regio poder no como sucursal o vasallo de una Iglesia universal sino como la espada imperantede esa misma Iglesia universal. Esta es la razón por la que me parece que Ángel Ganivet ve en el catolicismo hispánico una mayor densidad o esencia, como si fuera la cumbre y la pureza misma dentro del catolicismo genérico. No pudo ser la torpeza política de los godos, ni su holgazanería a la hora de dejarse gobernar por una casta clerical, la causa que nos deparó ese espíritu imperial-teocrático que condicionaría nuestra historia hasta los días del fin del Imperio de los Austrias. Bien al contrario, fue la propia idea de que la Iglesia no fuera subalterna y pingajo de la Corona, sino colaboradora, aliada y, a ser posible, socia agradecida para con ella, la que se inició en la Monarquía Asturiana y se expandió en tiempos de los Habsburgo ya en un contexto mundial.

Tengo para mí que la idea imperial de los godos reinantes en Toledo había de verse bloqueada por su misma condición de pueblo en "interinidad" usufructuaria de una provincia romana, en coexistencia con Bizancio, único legítimo detentador de toda idea imperial-cristiana una vez caído el Imperio de occidente. Antes de Carlomagno, y antes de los grandes reyes astures (Alfonso II, Ramiro I, Alfonso III), esta idea imperial-católica sólo podría mostrarse en modo difuso y embrionario. Los godos de Hispania habían venido de otras tierras, dando tumbos, buscando una patria. Y la hallaron, pero la hallaron como ocupantes. En cambio, los godos-astures de la Reconquista hallaron la patria desocupando a los invasores. La teoría ganivetiana de la "independencia" como motor del alma nacional española toma toda su fuerza, sin que su creador quiera o pueda hacerla explícita, precisamente en el momento inicial de la Reconquista. Las gestas de los españoles en materia bélica lo son en procura de su independencia.

ganivet2.jpgLa lucha por la independencia, ya fuera ante Roma, ante los moros o ante Napoleón vendría dada por un supuesto "espíritu del territorio", que Ganivet maneja al modo de una especie de constante histórica. En realidad, tal constante difusamente descrita por el ensayista, es el factor geopolítico. España, junto con Portugal, está en una península. Las dos puertas que debe guardar son los Pirineos, al norte, y el Estrecho, al sur. En las penínsulas, los pueblos invasores entran fácilmente pero a menudo salen escaldados en una lucha contra los nativos agresivamente amantes de su independencia. Sólo Roma venció verdaderamente en ésta península ibérica (así llamada, aunque en dos tercios era península celta más bien). Cuando Ganivet habla de la insularidad agresiva (hacia el exterior) de los ingleses, más bien habla de modo difuso de una talasocracia (el poder de los barcos y sobre los mares, con una escasa y torpe milicia en la propia patria). De igual manera, cuando habla de la resistencia de los continentales (franceses, alemanes), alude al factor geopolítico de la escasa entidad física de las fronteras en las potencias "telúricas". Así pues, da igual que hablemos de los hunos o de los soviéticos: las cabalgadas de aquellos, o los tanques blindados de éstos, podían allegarse al corazón de Europa, y aun hasta Lisboa, en cuestión de días. Las potencias telúricas pueden llegar muy lejos por vía terrestre de acuerdo con los medios de su época, aunque a su paso hallan bolsas de saboteadores y resistentes que siempre pueden cortar la cadena de dominación, romper eslabones de control.

La España imperial teocrática fue el más grande experimento de gobierno universal después de Roma. Combinó, ciertamente, los elementos talasocráticos con los telúricos. España, o lo que debería haber sido su unidad más perfecta, una Iberia que uniera las coronas de España y la de Portugal, es casi una isla adecuadamente orientada hacia las Américas. La Castilla más atlántica hubiera crecido en unión estrecha con Portugal, y en armonía con el inicial ímpetu de la Reconquista, que hallaba su núcleo germinal en el Noroeste (Las Asturias, las de Oviedo y las de Santillana, Galicia, Norte de Portugal, León). También en esto, el autor granadino alcanzó intuiciones de gran valor. Acaso la política mediterránea habría debido ceñirse a una férrea contención del poder berberisco y otomano, y a una prosecución de la reconquista en el Magreb, y aun más allá, hacia Túnez. La potencia colonizadora de los españoles, muy superior a la de Francia u otras potencias europeas, habría convertido el norte de África, por medio de cristianos de origen ibérico junto con nativos conversos, en una enorme y hermosa nueva Andalucía.

La España atlántica fue el puente, por medio del dominio y roturación de mares, para la civilización del Nuevo Mundo, para la aplicación de fuerzas administrativas y espirituales formidables. Gobierno de territorios inmensos, estructuración racional de pueblos, países, razas así como evangelización de todo ello. No se entiende muy bien el desprecio con que Ganivet, y otros miembros de su generación (Maeztu, Ortega) hablan de la Escolástica, haciéndolo en unos términos que, o bien evidencian a las claras que tal materia ignoran, o bien revelan que andaban hartos de ella por causa de su tardía y acartonada implantación escolar en España a las puertas mismas del siglo XX. Pero tal Escolástica (en su versión fresca y original del siglo de Oro), junto con el "espíritu del territorio" hispano y sus tácticas guerrilleras, hicieron de esta nación, no sólo la primera en la Europa occidental moderna, sino la más perfecta reencarnación de un ideal imperial-católico, siendo éste universal por espíritu pero centralizador sólo en la medida en que ello resulte de utilidad práctica, pues Imperio, en el genuino sentido cristiano-europeo, no es despotismo oriental divisible todo lo más en satrapías, sino verdadera federación de comunidades orgánicas regidas bajo los principios de subsidiariedad y solidaridad, así como matriz y nido de naciones futuras, hijas y protegidas de una Madre Patria cuando las tales hijas aún se hayan en un cierto grado de inmadurez.

El Idearium Español es, en suma, un hontanar lleno de intuiciones sobre el pasado, el presente y el futuro de España que puede ser leído en clave geopolítica, si bien han de corregirse excesos, errores y anacronismos, justo como en toda lectura crítica ello es menester.

L’initiative chinoise « Belt and Road » bat son plein en Europe

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L’initiative chinoise « Belt and Road » bat son plein en Europe

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com 

La transformation multipolaire en cours sur le continent eurasien confirme la coopération industrielle et diplomatique entre la Chine et le continent européen en dépit de la forte opposition des États-Unis. 

La visite de Xi Jinping en Europe confirme ce que beaucoup d’entre nous ont écrit au cours des derniers mois et des dernières années, à savoir la réalité de la transformation mondiale en cours, d’un monde dominé par les États-Unis, vers un monde pluraliste composé de puissances différentes travaillant ensemble à l’avenir d’un monde multipolaire. 

L’Europe se trouve donc dans une position imprévue, à l’équilibre entre l’ancien monde avec ses liens avec les États-Unis d’une part et le nouveau monde de l’Eurasie naissante portée sur les fonds baptismaux par la Russie et la Chine d’autre part. 

Des pays comme l’Allemagne et la France, et même le Royaume-Uni, ont depuis longtemps mis en place des politiques commerciales favorisant l’intégration avec les pays du supercontinent eurasien. En 2015, le Royaume-Uni a été l’un des premiers pays occidentaux à rejoindre la Banque d’investissement pour l’infrastructure (AIIB), dirigée par la Chine, qui finance des projets de l’Initiative Belt and Road (BRI). 

Le méga projet chinois BRI [les nouvelles routes de la soie] a débuté en 2014 avec l’objectif ambitieux de favoriser le commerce entre la Chine et l’Europe par mer et par terre, avec la participation de tous les pays intermédiaires. L’idée, en tant que consolidation naturelle du commerce, est de réduire les délais de livraison des marchandises par chemin de fer et d’intégrer les routes maritimes. Le projet couvre non seulement les ports et les lignes ferroviaires, mais également la construction d’infrastructures technologiques permettant une inter-connectivité mondiale en utilisant la technologie 5G développée par le géant chinois de la technologie Huawei. 

L’Allemagne et la France ont, au fil des années, renforcé leurs partenariats avec Beijing. Paris, en particulier, a des liens historiques avec la Chine découlant de la coopération nucléaire entre le groupe chinois General Power Group (CGNPC) et Électricité de France (EDF), qui remonte à 1978, ainsi que de la coopération aérospatiale entre Airbus et les compagnies aéronautiques chinoises, en cours depuis 1985. 

L’Italie a récemment approché la BRI, suite à une initiative du nouveau gouvernement constitué du mouvement Lega Nord et du Mouvement des cinq étoiles (M5S). La décision de signer un mémorandum d’accord entre Beijing et Rome souligne la volonté du nouveau gouvernement de maintenir une position équilibrée entre Washington et Beijing dans certains secteurs. C’est exactement la démarche de l’Allemagne, qui a choisi de continuer à approfondir ses liens avec Moscou vis-à-vis des hydrocarbures et de Nord Stream 2, face aux énormes pressions de Washington. En outre, l’Allemagne et l’Italie ont toutes deux confirmé leur volonté de faire confiance à Huawei pour la mise en œuvre et la gestion du trafic 5G, élément fondamental d’un monde dominé par l’internet des objets. 

Les décisions de l’Allemagne, de la France et de l’Italie de poursuivre leur coopération avec Moscou et Beijing dans divers domaines vont à l’encontre du discours avancé par les médias aux ordres, contrôlés par les États-Unis, qui tentent de décourager les hommes politiques européens d’agir dans l’intérêt de leurs pays et de s’engager avec la Russie et la Chine. 

Washington ne comprend toujours pas pourquoi certains pays européens sont si déterminés à saisir les opportunités offertes par l’Est. L’exemple récent de l’Italie est assez facile à comprendre. Les Italiens espèrent que la BRI donnera une impulsion indispensable à leur industrie manufacturière, qui est en berne ces dernières années. La volonté de capitaux chinois de stimuler les exportations de produits italiens est le moteur du projet d’accord entre Beijing et Rome. 

Outre le besoin évident et naturel de capital financier, il y a aussi l’idée d’assurer l’approvisionnement en énergie, comme le fait l’Allemagne avec la construction du Nord Stream 2 avec la Russie. Malgré la forte opposition américaine, Berlin a défendu ses intérêts nationaux en matière de diversification énergétique, en évitant de céder aux pressions de Washington, qui souhaitait que l’Allemagne s’appuie sur le GNL [gaz naturel liquéfié] fourni par les États-Unis à un prix exorbitant par rapport au gaz fourni par la Russie. 

Les divergences entre les hommes politiques européens sont frappantes, surtout si l’on examine les relations entre Macron et Salvini en Italie ou entre May et ses collègues européennes. Même entre Merkel et Macron, il semble y avoir des frictions notables autour de l’indépendance énergétique. Cependant, malgré ces divergences apparentes, le thème dominant en dernière analyse est celui de vouloir échapper à la domination étouffante de Washington au profit d’une plus grande participation au concept d’un monde multipolaire. 

Aucune capitale européenne – que ce soit Paris, Rome, Berlin ou Londres – n’a l’intention de rompre le pacte atlantique avec Washington. Ceci est confirmé à chaque occasion officielle possible. Cependant, alors que Pékin se trouve de plus en plus au centre des questions de technologie, de fourniture de capital pour des investissements ou d’expansion commerciale, les modifications apportées à l’ordre global semblent imparables. 

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Le dernier obstacle reste les pays toujours étroitement liés aux politiques pro-atlantiques, ceux qui trouvent en Beijing, et surtout en Moscou, une excellente excuse pour inviter Washington à s’immiscer davantage dans les affaires souveraines de l’Europe. Les pays baltes et la Pologne semblent offrir aux décideurs américains le meilleur atout pour tenter d’influencer le débat sur le vieux continent concernant les liens avec l’Est. Les crises artificielles créées en Ukraine, en Syrie et au Venezuela servent également à diviser les dirigeants européens en camps opposés, créant ainsi les conditions nécessaires pour saboter la coopération européenne avec l’Est. 

Ce n’est pas un hasard si pour les stratèges américains les deux plus grands dangers résident dans la possibilité que Moscou et Beijing, ou Moscou et Berlin, coopèrent et coordonnent leurs efforts. Le triangle Berlin-Moscou-Beijing, avec l’ajout de Rome et de Paris, représente un scénario sans précédent pour Washington en ce qui concerne son défi à l’hégémonie américaine en Europe. 

Wang Yiwei, chercheur principal au Center for China and Globalization, lors de la visite historique de Xi Jinping à Rome, a exprimé de manière concrète l’évolution de l’ordre mondial : « Avec le plan de coopération 16 + 1 des pays d'Europe centrale et orientale avec la Chine, plusieurs pays ont signé un mémorandum d'accord avec celle-ci afin de construire conjointement la BRI. Actuellement, 171 accords de coopération ont été conclus avec 123 pays et 29 organisations internationales dans le cadre de la BRI ».

Federico
 

jeudi, 25 avril 2019

Le GRISCY ou l'amorce d'un OTAN méditerranéen

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Le GRISCY ou l'amorce d'un OTAN méditerranéen

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il était illusoire de penser que les Etats-Unis ne chercheraient pas à étendre l'actuel OTAN. On avait envisagé qu'ils s'orienteraient vers l'Afrique. Mais c'est dans l'Est-Méditerranée qu'ils viennent de décider de le faire.

Aussi Washington n'a pas perdu de temps pour mettre en place un « axe stratégique » dorénavant dit GRISCY pour Grèce, Israël et Chypre. Le fait qu'Israël est le point fort de cet axe montre que l'initiative n'est pas seulement américaine mais israélienne. Tel Aviv veut ainsi renforcer son influence dans cette partie de la Méditerranée, très importante pour sa sécurité.

Le projet vient d'être validé par le Sénat américain qui a proposé le terme de « Eastern Mediterranean Security and Energy Partnership Act” . La traduction ne s'impose pas. L'Act ou Bill prend les décisions suivantes :

  • lever l'interdiction de ventes d'armes américaines à la République de Chypre.

  • autoriser la création d'un United States-Eastern Mediterranean Energy Center afin de faciliter la coopération en matière énergétique entre les Etats-Unis, Israël, la Grèce et Chypre.

  • autoriser le financement par l'Amérique de 3 millions de dollars d'aide militaire à la Grèce, complété de 2 millions d'aide à la Grèce et à Chypre en matière de formation et d'entraînement militaire.

  • refuser de vendre à la Turquie comme initialement prévu des avions de combat F-35 du fait que la Turquie continue à envisager l'acquisition de missiles anti-missiles russes S-400. Sur ce point, remarquons-le, Ankara qui s'y attendait ne s'en inquiétera pas.

  • demander à la Maison Blanche de soumettre au Congrès un projet de coopération renforcé entre les Etats-Unis, Israël, la Grèce et Chypre en matière de sécurité et de coopération énergétique, ainsi que pour le renseignement militaire.

Le GRISCY réunit sous la direction américaine trois Etats hostiles à la Turquie aux frontières occidentales de celle-ci. L'objectif immédiat est de réaliser un projet de gazoduc dit Est-Med sous la mer les reliant au gaz de l'Amou Daria au Turkménistan leur permettant de ne pas dépendre du futur gazoduc dit TANAP ou Gazoduc Transanatolien passant par la Turquie.

Parallèlement, la fourniture d'armements américains à la moitié de Chypre en conflit pour l'autre moitié occupée par la Turquie depuis la fin de la 2e guerre mondiale sera ressentie par cette dernière comme une intervention directe américaine dans le conflit, au profit de Chypre.

Il va de soi que l'intervention américaine est aussi dirigée en arrière plan contre la Russie et son accord avec Israël afin de la couper de la route commerciale dite route du Levant entre la Crimée, la Syrie, le Sinaï et l'Érythrée.

Référence

http://www.ekathimerini.com/239415/article/ekathimerini/n...
Ekathimerini est un organe grec d'information très populaire. Il publie en grec et en anglais


 

mercredi, 24 avril 2019

Modi-Poutine: alliance stratégique ?

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Modi-Poutine: alliance stratégique ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

L'on avait déjà noté que l'Inde et la Russie s'étaient mises d'accord sur une certaine convergence stratégique, associant d'ailleurs la Chine, au sein du BRICS. Il en résulte que l'Inde ne partage pas vraiment les objectifs américains au Moyen-Orient.
Ceci n'a d'ailleurs pas empêché l'Inde, sous la présidence de Narendra Modi, d'accepter les pressions américaines au plan international et dans le même temps de faire un large appel aux importations d'armes venant du complexe militaro-industriel des Etats-Unis.

Il reste que l'on a été surpris de voir l'Inde accepter un décret de Vladimir Poutine conférant à Modi la plus haute distinction honorifique russe. Il s'agit de la promotion dans l'Ordre de St André l'Apôtre dit en anglais Order of St Andrew the Apostle the First-Called. Cette distinction avait été abolie sous le régime soviétique et rétablie en 1998. Modi est le premier chef d'Etat occidental à recevoir cette distinction. Les observateurs considèrent que cette distinction, loin d'affaiblir l'audience politique de Modi en Inde, contribuera grandement à augmenter ses chances dans les futures « élections présidentielles.

Le décret russe indique que Modi a été décoré pour les services exceptionnels qu'il a apporté au partenariat stratégique entre l'Inde et la Russie, ainsi que pour le développement des relations amicales entre les deux peuples. Modi en retour a remercié Poutine avec une effusion remarquée. « Je suis très honoré de recevoir cette distinction prestigieuse. « J'en remercie le président Poutine et le peuple russe. Les racines de l'amitié entre la Russie et l'Inde sont anciennes et profondes. L'avenir de notre partenariat est brillant. Celui-ci avait déjà apporté à nos citoyens respectifs de nombreuses retombées positives.

Les observateurs extérieurs, notamment à Washington, ont été surpris de voir les témoignages de reconnaissance de Narendra Modià l'égard du président russe. Ils ont été plus encore surpris de voir Vladimir Poutine interférer, certes indirectement, mais d'une façon pouvant être lourde de conséquences, dans le processus électoral intéressant un chef d'Etat extérieur. Il avait toujours tenu a éviter de telles interventions officielles.

Rappelons cependant que Modi avait pris certains risques en acceptant l'acquisition de missiles russes de défense S-400 pour un montant de 6 milliards de dollars. Il négocie actuellement par ailleurs la mise en place d'une devise autre que le dollar pour les transactions avec la Russie.

Image Narendra Modi et Vladimir Poutine en 2018
 

jeudi, 11 avril 2019

Friedrich Ratzel: The State as a Physical Organism

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Friedrich Ratzel: The State as a Physical Organism

Ex: http://www.geopolitica.ru

Foundations of geopolitics

1.1 Background: The German “Organic School”

Friedrich Ratzel (1844-1904) can be considered “the father” of geopolitics, 

although he did not use this term in his own writings. He wrote on “political geography.” His principal work, published in 1897, was titled “Politische Geographie.” 

Ratzel graduated from Karlsruhe Polytechnic University where he attended courses in geology, paleontology, and zoology. He completed his education at Heidelberg, where he became an acolyte of Professor Ernest Haeckel (who was the first to use the term “ecology’). Ratzel’s ideology was grounded in evolution and Darwinism and colored by his pronounced interest in Biology. 

Ratzel participated in the Franco-Prussian War, where he served as a volunteer and received the Iron Cross for bravery. In politics, he gradually became a committed nationalist and in 1890 he joined the “Pan-German League” of Karl Peters. His lengthy travels in America and Europe added to his own scientific interest in Ethnological research. He became a lecture of geography at the Munich Technical Institute and in 1886 he moved to a similar position in Leipzig. 

In 1876 Ratzel defended his dissertation “The Chinese Immigration,” and in Stuttgart, he came out with his fundamental work in 1882, “Anthro-Geography” (“Anthropogeographie”) in which he formulates his basic idea: That there is a connection between the evolution of peoples and demographics with physical geographic data; the influence that physical terrain has on a people’s culture, political development, and so on. 

But his most fundamental book was “Political Geography.”

1.2 The State as a Living Organism 

Ratzel showed in his work that land is a fundamental, fixed constant around which the interests of a people rotate. The movement of history is predetermined by earth and territories. Further followed by an evolutionary inference that the “state constitutes a living organism,” but one that is “rooted in the ground.” The state develops based on its territorial topography, size and its comprehension by the people. Thus, the state reflects the objective geographic principle and subjective national comprehension of this principle, and this is expressed politically. Ratzel considered a “normal” state, one which most organically combined geography, demographics, and ethnological national parameters.
He writes: 

The state in all stages in its development as an organism contends with the necessity of preserving its connection with the terrain and therefore they should be studied from a geographical point of view. As shown in ethnology and history, a state develops on a spatial basis--conjugating and merging more and more--and extracting from it more and more energy. Thus, a state turns out to consist spatially, maintained and animated by this space, and should be managed, described, and measured through geography. A state is described in a series of phenomena, with the expansionary principle being the most prominent. (Political Geography 1) 

ratzelmeer.jpgIt is clearly visible that from such an organic approach, Ratzel understood territorial expansion to be a natural, living process, similar to the growth of living organisms. 

Ratzel’s “organic” approach is in relation to its space (Raum). This “space” brings over a cardinal material category in a new quality, becoming the “Living Sphere,” “Living Space” (Lebensraum), in a “Geobioylogical Environment.” From this concept arises two different, important terms of Ratzel’s: “Sense of Space” (Raumsinn) and “Living Energy (Lebensenergie). These terms are closely related to each other and denote some special quality, inherent in geographical systems and predetermining political figuration in the history of the people and state. 

All these theses comprise the fundamental principles of geopolitics, in that form, which would be developed somewhat later by followers of Ratzel. Furthermore, the relationship to the state is similar to a “living, physical organism, rooted in the soil;” this is the chief principle and axis of geopolitical methodologies. That approach is oriented in synthetic analysis of the entire complex of phenomena, regardless of whether they belong to the human sphere or non-human sphere. The land is a concrete expression of nature, the surrounding environment, and is not regarded as a continuous living body of the ethnos--it is the land being inhabited. The material structure itself dictates the proportions of the final cultural products. In this idea Ratzel is the founder of the entire German School of “organic” sociology, of which Ferdinand Tönnies is the most notable representative.

1.3 Raum - Political Organization of the Land 

Ratzel’s observation was that there is a correlation between ethnos and space--as seen in the following excerpt from “Political Geography:” 

The state develops like an organism, tethered to certain parts of the earth’s surface, and its characteristics developing from the characteristics of the people and land. The most important characteristics are its size, location, and borders. Followed by types of soil, along with vegetation levels, irrigation, and finally, correlates in relation to the rest of the conglomerations of the earth’s surface, and in the first place, with neighboring seas and uninhabited lands, which, at first glance, does not represent especial political interest. The aggregate of these characteristics constitutes the Land (das Land). But adding to this, when speaking about ‘our country,’ is that created by man--memories connected to the earth. So, an initially pure understanding of geography transformed into the spiritual and emotional bonds of the inhabitants of a land and their history. 

A nation is an organism not only because it articulates the lives of the people in fixed soil, but due to its intertwining bond, becoming something unified--unthinkable without one of two components. Desolate land, incapable of nurturing government, are barren fields in history. On the contrary, habitable land promotes state development--particularly if the state is surrounded by natural boundaries. People may feel themselves to be natural in their territory, but they are actually constantly mimicking one and the same characteristics, which proceeding forth from the terrain, will be inscribed in it. (2) 

1.4 The Law of Expansion


The relationship of the state to a living organism implies the refusal of the concept of “borderlessness.” The state is born, grows, and dies like a living being. Consequently, a state’s spatial expansion and contraction are natural processes connected to an intrinsic life cycle. Ratzel, in his book “On the Law of Spatial 

Growth of the State” (1901), laid out the seven laws of expansion: 139 

1.     The state expands in relation to the development of its culture 

2.    The physical growth of the state is accompanied by other manifestations of its 

development: in the spheres of ideology, production, commercial activities, and 

a mighty, attractive proselytizing power. 

3.    The state expands by consuming and absorbing units of lesser political 

significance.

4.    The border is an organ located on the state’s periphery (understood as in an 

organism). 

5.    Carrying out its territorial expansion, the state strives to cover important 

regions for its development: coastlines, river basins, valleys, and in general, the 

richest territories. 

6.    The initial impulse for expansions comes from outside—that is in its expansion 

the state provokes states (or territories) with clearly inferior civilizations. 

7.    The general tendencies of assimilation or absorption the weakest nations are 

reinforced by an even greater increase in self-perpetuating momentum. 

Unsurprisingly, many critics have rebuked Ratzel for his writings because they have been a “catechism for imperialists.” While he himself by no means pressed for the favorite methods for justifying German imperialism, still he did not disguise that he had nationalist convictions. For him, it was important to establish a conceptual instrument for advocating awareness of the history of the state and nation and their relationship to the land. In practice, he sought the awakening of 

“Raumsinn” (“the spirit of the land), among the leaders of Germany, whom regarded geopolitics as a dry academic discipline merely representing abstraction. 1.5 Weltmacht and the Sea 

Ratzel was greatly influenced by his experiences in North America, which he studied thoroughly and published two books on: “Maps of the Cities and Civilizations of the American South” (1874), and “the Southern United States of America,” (1878 1880). He noted, having his considerable experience of political geography in European history, the far greater degree that the “spirit of the land” had in American expansion because Americans first had the task of mastering the “empty” expanses. Accordingly, the American people sensibly put into practice what the Old World had come to intuitively and gradually. So, in Ratzel’s work we come across the first formulation of another important geopolitical concept— “world power” (weltmacht). Ratzel observed that large countries have a tendency in their development to maximize geographical expansion, gradually moving to the global level. 

Therefore, some time or another, geographical growth should arrive at its continental phase. 

Applying this principle—inferred and deduced from the American political experiment and strategical unification of the continent’s space—to Germany, Ratzel predicted its destiny to be a continental power. 

He also anticipated another important geopolitical topic—the importance of the seas for civilizational development. In his book “The Seas: The Source of 141 

Nations’ Power” (1900) (4), he pointed out the particular necessity of each mighty power to develop its naval forces, especially because full-fledged global expansion requires it. That some nations and states brought this about spontaneously (England, Spain, Holland, etc.), land powers (Ratzel, naturally, had Germany in mind) should do this sensibly: develop a fleet that is necessary under the conditions for approximating the status of a “world power.” 

The sea and “world power” were already connected for Ratzel, although only later geopoliticians (Mahan, Mackinder, Haushofer, and especially Schmitt) gave this topic completeness and centrality. The works of Ratzel are the essential for all geopolitical research. In a compressed form, his works contain practically every basic thesis, which would form the basis of this science. Kjellen, a Swede, and Haushofer, a German, based their concepts on Ratzel’s works. His ideas were also taken into account by Frenchman Vidal de la Blache, the Englishman Mackinder, Mahan, an American, and the Russian Eurasianists (P. Savitsky, L. Gumilev, etc.).

It should be noted that Ratzel’s political sympathies were not accidental. Practically all geopolitics has been brightly marked by nationalist sentiment, regardless of whether it wears the cloak of “democratic” geopolitics (Anglo-Saxon geopolitics of Mackinder and Mahan) or “ideological” forms (Haushofer, Schmitt, and the Eurasianists). 

mardi, 09 avril 2019

Rudolf Kjellen and Friedrich Naumann “Middle Europe”

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Rudolf Kjellen and Friedrich Naumann “Middle Europe”

Ex: http://www.geopolitica.ru
 
Foundations of geopolitics

2.1 Defining a New Science

A Swede, Rudolf Kjellen, was the first to use the term “Geopolitics.”

Kjellen was a professor of history and political science at the University of Uppsalla and Goteborg University. However, he was an active participant in politics, he held a seat in parliament, and his politics were distinguished by an underlying Germanophilic orientation. Kjellen was not a professional geographer, but he developed the basics of geopolitics as part of political science. His work originated from Ratzel’s (he considered him to be his mentor).

Kjellen’s geopolitics can be identified in the following passage: “This—the science of governments (states) as geographical organisms—is incarnate in the land.”

Apart from “Geopolitics,” Kjellen proposed four more neologisms, which in his view should be the basis for the partition of political science into separate sections.

  1. Ecopolitics: “The study of dynamics impulses, transferred from the people to the state.”

  2. Demopolitics: “The study of dynamic impulses transferred from the people to the state,” an analogue is Ratzel’s “Anthrogeography.”

  3. Sociopolitical: “The study of the social aspect of the state.”

  4. Kratospolitics: “The study of the forms of governments and powers in relation to the problems of rights and socioeconomic factors.”

Rudolf-Kjellén+Die-Großmächte-der-Gegenwart-Übers-8-Aufl-Leipzig-usw-1915.jpgBut all of these disciplines, which Kjellen cultivated in parallel with geopolitics, did not receive more widespread recognition aside from the term “Geopolitics,” which steadily became established in quite varied circles.


2.2 The State as a Life Form and Interests in Germany

In his foundational work “The State as a Life Form” (1916), Kjellen developed postulations that had been hypothesized by Ratzel in his works. Kjellen, similar to Ratzel, considered himself a believer in German “Organicism,” rejecting the mechanistic state and society approach. The rejection of the strict bleaching of study in terms of “inanimate objects” (background), and “human subjects” (personalities), is a distinctive feature of geopolitics. In this sense, the very meaning of geopolitics is displayed in Kjellen’s work.

Kjellen developed Ratzel’s geopolitical principles and applied them to specific historical situations in his contemporary Europe.

He followed Ratzel’s idea of “a continental state” to its logical conclusion and applied it to Germany. He showed that in the European context Germany constitutes that space, which possesses the pivotal dynamism and is intended to structure itself to become encircled by the remaining European powers. Kjellen interpreted World War I to be a natural conflict arising between a dynamic, expanding Germany (Axis nations) opposed by the peripheral European (and non-European) states (the Entente). Differences in the dynamics of geopolitical growth—downwards for England and France and upwards for Germany— predetermined the basic alignment of forces. Wherein, from his point of view, this is the natural and inevitable geopolitical position for Germany, despite the temporary defeat in World War I.

Kjellen consolidated Ratzel’s geopolitical maxims that were in the interests of Germany (= the interests of Europe), in opposition to the interests of the Western European powers (especially England and France). But Germany, a “young” state, and the Germans, a “young people” (this idea—of “young peoples,” which is what Russians and Germans were considered to be—dates back to Fyodor Dostoevsky, who was quoted more than once by Kjellen).

The “young” Germans, motivated by the “Central European Space,” should move to the level of a continental state on the global scale at the territorial expense of the “older peoples”—the French and English. Yet, the ideological aspect of geopolitical confrontations was considered by Kjellen to be secondary to the spatial aspect.

2.3 Towards the Concept of Middle Europe

Although Swedish himself, Kjellen pressed for political rapprochement between Germany and Sweden. His own geopolitical representation on the importance of the unification of German space matches exactly the theory of “Middle Europe” (Mitteleuropa), developed by Friedrich Naumann.

fnaumann.jpgIn his book “Mitteleuropa” (1915), Naumann gave a geopolitical diagnosis that matches exactly with the concepts of Rudolf Kjellen. From Naumann’s point of view, to withstand competition from such organized geopolitical formations like England (and its colonies), the USA, and Russia, the peoples inhabiting Central Europe should unify and organize in new integrative, political-economic ways in this space. The axis of this space, would of course, naturally, be Germany.

Mitteleuropa differed from pure “Pan-Germanic” projects, since it was not based on nationalism, but strict geopolitical understanding, which the basic meaning was not given to ethnic unity, but commonalities in geographical fates. Naumann’s project involved the integration of Germany, Austria, the Lower Danube states, and in the wider view—France.

The geopolitical project was also supported by cultural parallels. Germany itself was the organic formation identified with spiritual notion of “mitellage,” the middle position. This was more deeply formulated in 1818 by Ernst Arndt: “God has situated us in the center of Europe: We (the Germans) are the heart of our part of the world.”

Ratzel’s ideas gradually acquired tangible traits through Kjellen and Naumann’s “Continental” theory.

vendredi, 05 avril 2019

Jean-Philippe Duranthon : « Le contre monde est en marche » : faudra-t-il une nouvelle Longue Marche en Chine… ou en Europe ?

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Jean-Philippe Duranthon : « Le contre monde est en marche » : faudra-t-il une nouvelle Longue Marche en Chine… ou en Europe ?

Billet d’Humeur du 28 mars 2019, par Jean-Philippe Duranthon*

Ex: https://geopragma.fr

Caroline Galactéros a publié le 25 mars un « billet du lundi » consacré, dans la perspective de la visite en France du président de la République populaire de Chine, aux relations entre la France et ce pays. J’adhère pour ma part totalement aux analyses contenues dans ce billet mais aimerais prolonger certaines d’entre elles avec un prisme économico-financier.

1/ Sur le plan international, la Chine joue un triple rôle :

– c’est une puissance politique, qui s’affirme sans cesse davantage à l’échelle régionale mais aussi mondiale au point que certains voient aujourd’hui l’émergence d’un nouveau duopole, cette fois sino-américain ;

– c’est une puissance économique, un acteur fondamental de la répartition internationale de l’activité économique : en faisant appel à elle les entreprises peuvent, d’un côté abaisser leurs coûts de production, de l’autre vendre leurs produits sur un marché énorme et dont le potentiel de croissance doit être mesuré à l’aune des perspectives de développement du pays ;

– c’est une puissance financière car, en achetant leurs emprunts d’Etat, en particulier les bons du Trésor américain, elle permet aux pays occidentaux de financer leurs déficits des paiements mais aussi acquiert de ce fait une capacité d’investissement considérable.

Dans une sorte de cercle vertueux ces trois puissances se renforcent mutuellement. À titre d’exemple, l’énorme capacité financière de la Chine lui permet à la fois – de développer ses propres entreprises à vocation mondiale, ce qui complète son modèle économique tout en lui donnant des atouts supplémentaires dans le dialogue planétaire, – d’aider à financer les projets des « pays émergents », ce qui facilite sa prise de contrôle des matières premières nécessaires à sa propre croissance, – d’investir dans les entreprises occidentales, ce qui lui permet d’acquérir plus rapidement les technologies de pointe, et – de formaliser son emprise régionale en créant une « Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures » (AIIB) dont la vocation est clairement d’offrir une alternative à la Banque Mondiale.

peyrefitte.jpg2/ Faut-il, dès lors que la Chine s’est ainsi clairement « réveillée », « trembler », ainsi que Napoléon, s’il faut en croire Alain Peyrefitte, nous l’a conseillé ?

Comme le dit Caroline Galactéros, la France a, sur le plan géostratégique, beaucoup à gagner de l’émergence politique d’un grand acteur à vocation mondiale, capable de contrebalancer l’influence des Etats-Unis dont la personnalité de l’actuel président révèle à ceux qui en doutaient le poids et les objectifs.

Il n’en serait autrement que si l’on pouvait craindre une tentation hégémonique à dimension planétaire.

Peut-on la craindre d’un pays dont la langue principale est d’une complexité telle qu’elle exige de nombreuses années d’études, ne pourra donc jamais être parlée par les populations étrangères et n’a en conséquence aucune chance de s’imposer face au globish ? Faut-il la craindre d’un pays dont la culture est marquée par le confucianisme et le bouddhisme, c’est-à-dire par des philosophies dans lesquelles, contrairement à bien d’autres en Europe et au Moyen-Orient, le salut est une question personnelle et doit être recherché quel que soit l’environnement social, indépendamment de toute évolution de la société qu’il ne s’agit pas de transformer avant de la répandre sur la terre entière ? Faut-il la craindre d’un pays où l’on joue au go, c’est-à-dire à un jeu où, contrairement aux échecs dont l’objectif est de détruire l’ennemi en s’emparant de son chef, le but est « seulement » d’être plus fort que l’adversaire, sans pour autant l’anéantir ?

N’oublions pas, en outre, que le modèle économique chinois commence à montrer ses faiblesses : la croissance ralentit et le développement économique du pays fait que, désormais, la différence des coûts de production n’est plus aussi importante que dans le passé et est parfois moindre que dans d’autres pays (voir l’Ethiopie par exemple). C’est pourquoi la Chine cherche à se « banaliser » en développant des entreprises capables d’être des acteurs de poids sur le marché mondial et à maîtriser les technologies d’avenir (énergies propres, numérique…). Reste à savoir si cette nouvelle orientation, qui favorise les technologies les plus sophistiquées, permettra, comme la précédente, plus basique, de diffuser les bienfaits de la croissance économique à la majeure partie de la population.

Pensons aussi au fait que, plus qu’un pays, l’« empire du Milieu » est un empire et que peu d’empires ont été durables. Pékin parviendra-t-il à maintenir l’hégémonie des Han dans tous les territoires où ils sont implantés, mieux que, du temps de l’URSS, Moscou a voulu le faire avec les Slaves ? L’Occident ne s’intéresse qu’au Tibet (pour lequel on voit les défenseurs de la laïcité et de la démocratie réclamer avec insistance l’instauration d’une théocratie), mais c’est dans les territoires occidentaux de la Chine que se dérouleront certainement, et que se déroulent d’ores et déjà, des évènements porteurs de difficultés ultérieures.

Constatons enfin que l’histoire de la Chine est celle d’une recherche constante et d’une concentration des pouvoirs. Cette concentration des pouvoirs est absolue dans le domaine politique (pas de « balance des pouvoirs » à la mode de l’Anglais Fortescue, pas d’ « équilibre des pouvoirs » à la mode du Français Montesquieu), ce qui explique l’autoritarisme dont ont fait ou font preuve en interne les fils du Ciel successifs (quels que soient les avatars de ce Ciel) ; mais son extension spatiale n’a jamais été au centre des ambitions, dès lors que l’étranger (le barbare, auraient dit les Grecs) ne menace pas le détenteur du pouvoir.

3/ Restent les questions économiques.

Parce que le niveau de vie de sa population était faible, que son potentiel industriel était alors très limité et que tout était à faire, la Chine a obtenu de la part des pays développés de pouvoir commercer avec eux avec des dérogations considérables, de droit ou de fait, aux règles de l’OMC ou des conventions bilatérales régissant le commerce international : une forme de contrepartie aux nombreux accords imposés à la Chine, au XIXème, par les pays occidentaux et que Sun Yat Sen a, au début du XXème, qualifiés de « traités inégaux ». Bien sûr cette nouvelle inégalité de sens opposé n’était pas, pour les pays développés, inspirée uniquement par des considérations humanitaires, elle avait aussi et peut-être surtout pour but de favoriser l’émergence d’un nouveau marché, de taille considérable, dont leurs entreprises pourraient profiter.

Vingt ans après, puisque la Chine a réussi, et au-delà, son décollage économique, le même monde occidental lui demande de respecter désormais les règles qui régissent les relations économiques mondiales entre pays de niveau de développement comparable, jugées indispensables pour que les échanges favorisent le bien-être de tous. Il souhaite en particulier que les entreprises occidentales puissent investir et agir en Chine dans les mêmes conditions que les entreprises chinoises peuvent aujourd’hui investir et agir chez eux. Est-ce déraisonnable ?

Or la Chine refuse et veut continuer à profiter des exceptions qu’on lui a consenties dans un autre contexte. Elle veut continuer à pouvoir prendre le contrôle d’entreprises occidentales, ou en devenir l’actionnaire de référence, et désormais intervenir en partenariat avec les fonds d’investissements occidentaux, sans permettre aux entreprises occidentales d’en faire de même chez elle, où l’ampleur des participations étrangères est limitée et où les règles de gouvernance des entreprises sont différentes. Est-ce raisonnable ? Doit-on et peut-on l’accepter ?

Certes, la Chine a élaboré de manière accélérée une nouvelle loi sur les investissements étrangers. Mais celle-ci, dont certaines dispositions sont très vagues, donc sujettes à interprétations incertaines, ne répond pas à l’ensemble des demandes présentées pour rétablir l’équilibre des relations. Son but est plutôt de permettre au président des Etats-Unis, en mal d’accord international après les rebuffades du leader de la Corée du Nord, d’avoir un argument pour signer un accord commercial avec la Chine. Et, dans le même temps, celle-ci continue de bloquer la convention qu’elle négocie avec l’Union européenne en refusant de bouger sur des sujets aussi fondamentaux que la réciprocité d’accès aux marchés, les secteurs stratégiques, les marchés publics, les subventions ou la propriété intellectuelle.

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Comme l’écrit Caroline Galactéros, il faut donc travailler avec la Chine, il faut dialoguer avec elle, il faut chercher une solution qui satisfasse l’équilibre et l’équité. Le problème est que ce dialogue doit se faire dans un contexte que les Chinois veulent maintenir déséquilibré sur le plan économique, ce qui n’est pas acceptable.

4/ Comment faire ?

La première condition est de ne pas mélanger ce qui relève des rapports entre Etats et ce qui concerne les choix nationaux : les premiers sujets font naturellement l’objet du dialogue international, pour lequel notre pays doit être aussi rigoureux et volontaire que la Chine l’est elle-même, les seconds relèvent du droit de chaque pays à s’organiser comme il le souhaite et aucun pays n’est légitime pour chercher à imposer à des tiers ses propres choix et donner des leçons aux autres.

La deuxième condition est que notre pays, dans un cadre européen mais aussi seul (le siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU est un atout et confère des responsabilités que d’autres n’ont pas), s’insère dans le dialogue existant entre la Chine et les Etats-Unis. Et, dans ce contexte, la Russie pourrait être un allié de poids car elle a tout à craindre d’une Chine beaucoup plus peuplée que la partie asiatique de son propre territoire, quasiment vide et donc potentiellement attractive.

Mais, à l’échelle planétaire, l’Europe devrait avoir davantage de poids qu’un seul pays. C’est pourquoi l’initiative prise par le président de la République de recevoir le président de la République populaire de Chine avec la chancelière d’Allemagne et le président de la Commission européenne est éminemment logique. Mais, vu de Chine, quel poids ont aujourd’hui une chancelière sur le départ, dont le successeur se démarque chaque jour et exprime publiquement des revendications à l’égard de la France, et le président d’une Commission dont l’autorité sera amoindrie dans quelques mois lorsque le nouveau parlement aura été élu et disposera d’une légitimité plus grande que la sienne ? En outre, pourquoi ne pas avoir convié également le Royaume Uni qui, s’il préfère aujourd’hui se délecter dans ses jeux d’alcôves politiciens, sera toujours un acteur européen d’importance, et l’Italie, dont le PIB est le troisième de l’Union européenne à 27 ? Il est vrai que celle-ci avait choisi de faire cavalier seul en signant avec la Chine un accord-cadre relatif aux routes de la soie, sans grand contenu concret toutefois, semble-t-il, mais ne s’agissait-il pas avant tout pour elle de manifester aux Européens sa lassitude d’être toujours traitée en paria ? L’Europe ne doit-elle pas accepter que ses membres ne soient pas toujours d’accord et ne serait-elle pas plus forte si elle dialoguait avec ses membres critiques au lieu de les ostraciser ?

L’Europe doit aussi prendre conscience que les modes de régulation économique qu’elle a choisis ne sont plus nécessairement adaptés à une époque où les marchés ont acquis une dimension mondiale, ainsi que l’affaire Alstom/Siemens l’a clairement illustré.

Ainsi, les relations avec la Chine montrent les limites actuelles de la construction européenne et l’incapacité de son organisation à gérer avec efficacité les enjeux du moment.

5/ Comment apprécier, dans ce contexte, les « routes de la soie » (« Belt and Road Initiative » ou BRI) ?

S’agit-il de contribuer à la croissance mondiale en utilisant pour le bien-être de tous les énormes moyens financiers accumulés par la Chine ? D’œuvrer au bénéfice de l’entente entre les pays et entre les peuples ? De mettre en place des instruments de domination permettant au pouvoir chinois d’acquérir un droit de regard, en fait de codécision, dans toutes les zones concernées ? De promouvoir les entreprises chinoises en leur ouvrant des marchés ?… Sans doute de tout cela à la fois. Mais quelle est la véritable hiérarchie des priorités ?

Les Chinois n’aident guère leurs interlocuteurs à se positionner car, depuis l’annonce du projet par le président XI Jinping en septembre 2013 à l’université Nazarbayev du Kazakhstan, les objectifs et les modalités demeurent assez flous. Les montants concernés varient mais les ordres de grandeur sont tels (on parle de 1700 Md$ par an pour la seule Asie) qu’ils en deviennent déconnectés de toute perception concrète. Les modes de financement demeurent incertains. Certaines études montrent que 95 % des projets déjà réalisés ont été confiés à des entreprises chinoises, ce qui fait craindre une mainmise du processus par les seuls intérêts chinois ; mais ces projets ont, pour l’essentiel, été réalisés dans des zones dans lesquelles le potentiel local, c’est-à-dire la concurrence, était faible. Sans doute les possibilités sont-elles diverses et les modes de définition, de financement et de pilotage des projets peuvent varier d’un cas à l’autre : l’imagination doit avoir une place dans le processus, mais il ne faut pas oublier que la Chine dispose de moyens financiers que la France n’a pas, ce qui place inévitablement cette dernière en position de faiblesse.

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La prudence est donc de mise. Il serait autant absurde de refuser de participer au processus que d’accepter d’y jouer un rôle sans savoir à quoi l’on s’engage. C’est, semble-t-il, la ligne que les Européens ont exprimée au président chinois, et l’on ne peut que s’en réjouir.

6/ Le développement des relations entre la France et la Chine est éminemment souhaitable.

Mais son succès suppose, d’une part qu’au nom du réalisme la Chine accepte de perdre ses privilèges économiques qui ne se justifient plus, d’autre part que la France œuvre à ce qu’au nom du même réalisme l’Europe fonctionne de manière plus efficace. Il n’est pas certain que le challenge le plus difficile soit en Asie.

*Jean-Philippe Duranthon, membre fondateur de Geopragma 

jeudi, 04 avril 2019

How Brzezinski's Chessboard Degenerated Into Brennan's Russophobia

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How Brzezinski's Chessboard Degenerated Into Brennan's Russophobia
 
 

“Russia is an inalienable and organic part of Greater Europe and European civilization. Our citizens think of themselves as European. That’s why Russia proposes moving towards the creation of a common economic space from the Atlantic to the Pacific Ocean, a community referred to by Russian experts as ‘the Union of Europe’ which will strengthen Russia’s potential in its economic pivot toward the ‘New Asia.’” Vladimir Putin, President of the Russian Federation, February 2012

The allegations of ‘Russian meddling’ only make sense if they’re put into a broader geopolitical context. Once we realize that Washington is implementing an aggressive “containment” strategy to militarily encircle Russia and China in order to spread its tentacles across Central Asian, then we begin to understand that Russia is not the perpetrator of the hostilities and propaganda, but the victim. The Russia hacking allegations are part of a larger asymmetrical-information war that has been joined by the entire Washington political establishment. The objective is to methodically weaken an emerging rival while reinforcing US global hegemony.

Try to imagine for a minute, that the hacking claims were not part of a sinister plan by Vladimir Putin “to sow discord and division” in the United States, but were conjured up to create an external threat that would justify an aggressive response from Washington. That’s what Russiagate is really all about.

US policymakers and their allies in the military and Intelligence agencies, know that relations with Russia are bound to get increasingly confrontational, mainly because Washington is determined to pursue its ambitious “pivot” to Asia plan. This new regional strategy focuses on “strengthening bilateral security alliances, expanding trade and investment, and forging a broad-based military presence.” In short, the US is determined to maintain its global supremacy by establishing military outposts across Eurasia, continuing to tighten the noose around Russia and China, and reinforcing its position as the dominant player in the most populous and prosperous region in the world. The plan was first presented in its skeletal form by the architect of Washington’s plan to rule the world, Zbigniew Brzezinski. Here’s how Jimmy Carter’s former national security advisor summed it up in his 1997 magnum opus, The Grand Chessboard: American Primacy And Its Geostrategic Imperatives:

“For America, the chief geopolitical prize is Eurasia… (p.30)….. Eurasia is the globe’s largest continent and is geopolitically axial. A power that dominates Eurasia would control two of the world’s three most advanced and economically productive regions. …. About 75 per cent of the world’s people live in Eurasia, and most of the world’s physical wealth is there as well, both in its enterprises and underneath its soil. Eurasia accounts for 60 per cent of the world’s GNP and about three-fourths of the world’s known energy resources.” (“The Grand Chessboard:American Primacy And Its Geostrategic Imperatives”, Zbigniew Brzezinski, Basic Books, page 31, 1997)

14 years after those words were written, former Secretary of State Hillary Clinton took up the banner of imperial expansion and demanded a dramatic shift in US foreign policy that would focus primarily on increasing America’s military footprint in Asia. It was Clinton who first coined the term “pivot” in a speech she delivered in 2010 titled “America’s Pacific Century”. Here’s an excerpt from the speech:

“As the war in Iraq winds down and America begins to withdraw its forces from Afghanistan, the United States stands at a pivot point. Over the last 10 years, we have allocated immense resources to those two theaters. In the next 10 years, we need to be smart and systematic about where we invest time and energy, so that we put ourselves in the best position to sustain our leadership, secure our interests, and advance our values. One of the most important tasks of American statecraft over the next decade will therefore be to lock in a substantially increased investment — diplomatic, economic, strategic, and otherwise — in the Asia-Pacific region…

Open markets in Asia provide the United States with unprecedented opportunities for investment, trade, and access to cutting-edge technology…..American firms (need) to tap into the vast and growing consumer base of Asia…The region already generates more than half of global output and nearly half of global trade. As we strive to meet President Obama’s goal of doubling exports by 2015, we are looking for opportunities to do even more business in Asia…and our investment opportunities in Asia’s dynamic markets.”

(“America’s Pacific Century”, Secretary of State Hillary Clinton”, Foreign Policy Magazine, 2011)

The pivot strategy is not some trifling rehash of the 19th century “Great Game” promoted by think-tank fantasists and conspiracy theorists. It is Washington’s premier foreign policy doctrine, a ‘rebalancing’ theory that focuses on increasing US military and diplomatic presence across the Asian landmass. Naturally, NATO’s ominous troop movements on Russia’s western flank and Washington’s provocative naval operations in the South China Sea have sent up red flags in Moscow and Beijing. Former Chinese President Hu Jintao summed it up like this:

“The United States has strengthened its military deployments in the Asia-Pacific region, strengthened the US-Japan military alliance, strengthened strategic cooperation with India, improved relations with Vietnam, inveigled Pakistan, established a pro-American government in Afghanistan, increased arms sales to Taiwan, and so on. They have extended outposts and placed pressure points on us from the east, south, and west.”

Russian President Vladimir Putin has been equally critical of Washington’s erratic behavior. NATO’s eastward expansion has convinced Putin that the US will continue to be a disruptive force on the continent for the foreseeable future. Both leaders worry that Washington’s relentless provocations will lead to an unexpected clash that will end in war.

Even so, the political class has fully embraced the pivot strategy as a last-gasp attempt to roll back the clock to the post war era when the world’s industrial centers were in ruins and America was the only game in town. Now the center of gravity has shifted from west to east, leaving Washington with just two options: Allow the emerging giants in Asia to connect their high-speed rail and gas pipelines to Europe creating the world’s biggest free trade zone, or try to overturn the applecart by bullying allies and threatening rivals, by implementing sanctions that slow growth and send currencies plunging, and by arming jihadist proxies to fuel ethnic hatred and foment political unrest. Clearly, the choice has already been made. Uncle Sam has decided to fight til the bitter end.

Washington has many ways of dealing with its enemies, but none of these strategies have dampened the growth of its competitors in the east. China is poised to overtake the US as the world’s biggest economy sometime in the next 2 decades while Russia’s intervention in Syria has rolled back Washington’s plan to topple Bashar al Assad and consolidate its grip on the resource-rich Middle East. That plan has now collapsed forcing US policymakers to scrap the War on Terror altogether and switch to a “great power competition” which acknowledges that the US can no longer unilaterally impose its will wherever it goes. Challenges to America’s dominance are emerging everywhere particularly in the region where the US hopes to reign supreme, Asia.

This is why the entire national security state now stands foursquare behind the improbable pivot plan. It’s a desperate “Hail Mary” attempt to preserve the decaying unipolar world order.

What does that mean in practical terms?

It means that the White House (the National Security Strategy) the Pentagon (National Defense Strategy) and the Intelligence Community (The Worldwide Threat Assessment) have all drawn up their own respective analyses of the biggest threats the US currently faces. Naturally, Russia is at the very top of those lists. Russia has derailed Washington’s proxy war in Syria, frustrated US attempts to establish itself across Central Asia, and strengthened ties with the EU hoping to “create a harmonious community of economies from Lisbon to Vladivostok.” (Putin)

Keep in mind, the US does not feel threatened by the possibility of a Russian attack, but by Russia’s ability to thwart Washington’s grandiose imperial ambitions in Asia.

As we noted, the National Security Strategy (NSS) is a statutorily mandated document produced by the White House that explains how the President intends to implement his national security vision. Not surprisingly, the document’s main focus is Russia and China. Here’s an excerpt:

“China and Russia challenge American power, influence, and interests, attempting to erode American security and prosperity. They are determined to make economies less free and less fair, to grow their militaries, and to control information and data to repress their societies and expand their influence.” (Neither Russia nor China are attempting to erode American security and prosperity.” They are merely growing their economies and expanding their markets. If US corporations reinvested their capital into factories, employee training and R and D instead of stock buybacks and executive compensation, then they would be better able to complete globally.)

Here’s more: “Through modernized forms of subversive tactics, Russia interferes in the domestic political affairs of countries around the world.” (This is a case of the ‘pot calling the kettle black.’)

“Today, actors such as Russia are using information tools in an attempt to undermine the legitimacy of democracies. Adversaries target media, political processes, financial networks, and personal data.” (The western media behemoth is the biggest disinformation bullhorn the world has ever seen. RT and Sputnik don’t hold a candle to the ginormous MSM ‘Wurlitzer’ that controls the cable news stations, the newspapers and most of the print media. The Mueller Report proves beyond a doubt that the politically-motivated nonsense one reads in the media is neither reliably sourced nor trustworthy.)

The Worldwide Threat Assessment of the US Intelligence Community is even more explicit in its attacks on Russia. Check it out:

“Threats to US national security will expand and diversify in the coming year, driven in part by China and Russia as they respectively compete more intensely with the United States and its traditional allies and partners…. We assess that Moscow will continue pursuing a range of objectives to expand its reach, including undermining the US-led liberal international order, dividing Western political and security institutions, demonstrating Russia’s ability to shape global issues, and bolstering Putin’s domestic legitimacy.

We assess that Moscow has heightened confidence, based on its success in helping restore the Asad regime’s territorial control in Syria,… Russia seeks to boost its military presence and political influence in the Mediterranean and Red Seas… mediate conflicts, including engaging in the Middle East Peace Process and Afghanistan reconciliation….

Russia will continue pressing Central Asia’s leaders to support Russian-led economic and security initiatives and reduce engagement with Washington. …Russia and China are likely to intensify efforts to build influence in Europe at the expense of US interests…” (“The Worldwide Threat Assessment of the US Intelligence Community”, USG)

Notice how the Intelligence Community summary does not suggest that Russia poses an imminent military threat to the US, only that Russia has restored order in Syria, strengthened ties with China, emerged as an “honest broker” among countries in the Middle East, and used the free market system to improve relations with its trading partners and grow its economy. The IC appears to find fault with Russia because it is using the system the US created to better advantage than the US. This is entirely understandable given Putin’s determination to draw Europe and Asia closer together through a region-wide economic integration plan. Here’s Putin:

“We must consider more extensive cooperation in the energy sphere, up to and including the formation of a common European energy complex. The Nord Stream gas pipeline under the Baltic Sea and the South Stream pipeline under the Black Sea are important steps in that direction. These projects have the support of many governments and involve major European energy companies. Once the pipelines start operating at full capacity, Europe will have a reliable and flexible gas-supply system that does not depend on the political whims of any nation. This will strengthen the continent’s energy security not only in form but in substance. This is particularly relevant in the light of the decision of some European states to reduce or renounce nuclear energy.”

The gas pipelines and high-speed rail are the arteries that will bind the continents together and strengthen the new EU-Asia superstate. This is Washington’s greatest nightmare, a massive, thriving free trade zone beyond its reach and not subject to its rules. In 2012, Hillary Clinton acknowledged this new threat and promised to do everything in her power to destroy it. Check out this excerpt:

“U.S. Secretary of State Hillary Clinton described efforts to promote greater economic integration in Eurasia as “a move to re-Sovietize the region.”…. “We know what the goal is and we are trying to figure out effective ways to slow down or prevent it,” she said at an international conference in Dublin on December 6, 2012, Radio Free Europe.”

“Slow down or prevent it”?

Why? Because EU-Asia growth and prosperity will put pressure on US debt markets, US corporate interests, US (ballooning) national debt, and the US Dollar? Is that why Hillary is so committed to sabotaging Putin’s economic integration plan?

Indeed, it is. Washington wants to block progress and prosperity in the east in order to extend the lifespan of a doddering and thoroughly-bankrupt state that is presently $22 trillion in the red but continues to write checks on an overdrawn account.

But Russia shouldn’t be blamed for Washington’s profligate behavior, that’s not Putin’s fault. Moscow is merely using the free market system more effectively that the US.

Now consider the Pentagon’s 2018 National Defense Strategy (NDS) which reiterates many of the same themes as the other two documents.

“Today, we are emerging from a period of strategic atrophy, aware that our competitive military advantage has been eroding. We are facing increased global disorder, characterized by decline in the long-standing rules-based international order—creating a security environment more complex and volatile than any we have experienced in recent memory. Inter-state strategic competition, not terrorism, is now the primary concern in U.S. national security.”

(Naturally, the “security environment” is going to be more challenging when ‘regime change’ is the cornerstone of one’s foreign policy. Of course, the NDS glosses over that sad fact. Here’s more:)

“Russia has violated the borders of nearby nations and pursues veto power over the economic, diplomatic, and security decisions of its neighbors…..(Baloney. Russia has been a force for stability in Syria and Ukraine. If Obama had his way, Syria would have wound up like Iraq, a hellish wastelands occupied by foreign mercenaries. Is that how the Pentagon measures success?) Here’s more:

“China and Russia want to shape a world consistent with their authoritarian model…

“China and Russia are now undermining the international order from within the system…….

“China and Russia are the principal priorities for the Department… because of the magnitude of the threats they pose to U.S. security.” (National Defense Strategy of the United States of America)

Get the picture? China and Russia, China and Russia, China and Russia. Bad, bad, bad.

Why? Because they are successfully implementing their own development model which is NOT programed to favor US financial institutions and corporations. That’s the whole thing in a nutshell. The only reason Russia and China are a threat to the “rules-based system”, is because Washington insists on being the only one who makes the rules. That’s why foreign leaders are no longer falling in line, because it’s not a fair system.

These assessments represent the prevailing opinion of senior-level policymakers across the spectrum. (The White House, the Pentagon and the Intelligence Community) The USG is unanimous in its judgement that a harsher more combative approach is needed to deal with Russia and China. Foreign policy elites want to put the nation on the path to more confrontation, more conflict and more war. At the same time, none of these three documents suggest that Russia has any intention of launching an attack on the United States. The greatest concern is the effect that emerging competitors will have on Washington’s provocative plan for military and economic expansion, the threat that Russia and China pose to America’s tenuous grip on global power. It is that fear that drives US foreign policy.

And this is broader context into which we must fit the Russia investigation. The reason the Russia hacking furor has been allowed to flourish and spread despite the obvious lack of any supporting evidence, is because the vilifying of Russia segues perfectly with the geopolitical interests of elites in the government. The USG now works collaboratively with the media to influence public attitudes on issues that are important to the powerful foreign policy establishment. The ostensible goal of these psychological operations (PSYOP) is to selectively use information on “audiences to influence their emotions, motives, objective reasoning, and ultimately the behavior of… organizations, groups, and individuals.”

The USG now sees the minds of ordinary Americans as a legitimate target for their influence campaigns. They regard attitudes and perceptions as “the cognitive domain of the battlespace” which they must exploit in order to build public support for their vastly unpopular wars and interventions. The relentless Russiagate narrative (which was first referred to the FBI by the chief architect of the Syrian War, former-CIA Director John Brennan) represents the disinformation component of the broader campaign against Russia. Foreign policy elites are determined to persuade the American people that Russia constitutes a material threat to their security that must be countered by tighter sanctions, more sabre-rattling, and eventually war.

mercredi, 03 avril 2019

De la guerre des devises à la guerre militaire

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De la guerre des devises à la guerre militaire

par Eberhard Hamer, professeur ès sciences économiques

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr

Le système financier mondial est dominé par un syndicat: le Conseil de stabilité financière (CSF) réunit, sous la supervision de la Banque fédérale de réserve (FED), les grandes banques atlantiques,1 elles-mêmes contrôlées par sept familles.2 «Les géants pétroliers Exxon Mobil, Royal Dutch Shell, BP et Chevron y sont également étroitement liés. Les sept familles disposent des majorités actionnaires dans pratiquement la totalité des 500 premières entreprises.»3


«La méthodologie de la domination financière mondiale est en fait assez simple: l’Amérique importe beaucoup plus de biens qu’elle n’exporte, de sorte que les dollars (fraîchement imprimés) sortent des Etats-Unis pour atterrir dans les banques centrales des autres pays. Les Etats-Unis refusant de payer leurs dettes en or, les banques centrales sont obligées d’investir des dollars en obligations et autres instruments financiers. Il en résulte un système d’endettement mondial, dominé par les Etats-Unis, qui fait prospérer l’économie américaine au détriment des autres».4


Suite à la prolifération effrénée du dollar et à la bulle d’endettement grandissante qui en résulte (32 billions de dollars), le dollar représente un risque financier toujours plus accentué. La bulle éclaterait si le monde refusait d’accepter le dollar. C’est en effet la régence du dollar qui permet au syndicat financier mondial de dépenser de l’argent à mauvais escient. Cette hégémonie du dollar est maintenue par la présence mondiale des armées américaines. Ainsi, la quasi-totalité des pays du monde se retrouvent assujettis par endettement envers le Syndicat financier américain, la plupart d’eux sont contraints à tolérer sur leur territoire, des troupes d’occupation ou des bases américaines qui assurent leur servitude pour dettes (Ramstein en Allemagne, Camp Bondsteel au Kosovo et autres).
Cependant, à maintes reprises, des pays individuels ont tenté de sortir de l’assujettissement par endettement imposé par l’empire du dollar afin d’engager leurs ressources en faveur du bien-être national plutôt que pour le syndicat financier mondial. Pour contrecarrer de tels efforts, l’empire mène en permanence des guerres économiques et financières sous diverses formes:

  • Les agences de notation du syndicat financier monopolisent l’évaluation de la solvabilité des Etats. Un pays mal noté doit payer des taux d’intérêt plus élevés sur les prêts.
  • Les blocus financiers, par exemple contre le Venezuela ou l’Iran, empêchent toute transaction financière avec les pays concernés, les excluant ainsi pratiquement du système monétaire mondial afin de le rendre insolvable.
  • Les sanctions économiques bloquent les importations ou exportations du pays visé.
  • Les accords sur les prix (dépression artificielle des prix à l’importation) réduisent la solvabilité des Etats rétifs jusqu’à ce qu’ils abandonnent.
  • Les actions judiciaires contre les concurrents des banques ou entreprises anglo-saxonnes visent à réduire leur compétitivité (actions américaines en justice contre VW (23 milliards de dollars) ou la Deutsche Bank (12 milliards de dollars).
  • En même temps, un système d’espionnage américain opérant à l’échelle mondiale garantit que tous les systèmes numériques dans le monde soient contrôlés, évalués, écrémés au profit des Etats-Unis et soumis au régiment numérique américain.
  • Une idéologie de la globalisation lutte pour les «quatre libertés» (libre circulation du capital, des produits, des services et des travailleurs) afin de briser les structures nationales, les systèmes sociaux et les démocraties, tout cela en faveur de l’empire du dollar.

La domination mondiale du dollar est assurée militairement. «Le cartel bancaire envoie l’armée américaine, qui dévore plus de la moitié de l’ensemble des budgets militaires du monde entier, partout où elle voit ses intérêts menacés.»5 Partout où l’hégémonie du dollar américain est remise en cause, les moyens de guerre financière ou économique mentionnés ci-dessus s’emploient dans le but de rétablir la soumission. Mais si les pays ou les gouvernements se montrent têtus, s’ils ne veulent plus vendre leurs matières premières pour des dollars ou même ne plus accepter le dollar lui-même, le syndicat financier exige l’intervention de l’armée américaine:

  • En novembre 2000, Saddam Hussein refusa d’accepter le dollar en échange du pétrole irakien; il accepta néanmoins l’euro, ce qui fit dévaluer le dollar.
  • En 2003, l’Irak fut attaqué parce qu’il rejetait la dictature du dollar. Ainsi la menace pour le dollar fut éliminée.
  • De même, le dirigeant libyen Kadhafi tenta de ne plus utiliser le dollar dans son commerce pétrolier. Aussitôt son régime fut exposé à des soulèvements et à une intervention militaire contre lui. Après l’assassinat de Kadhafi et la destruction de son système, la Libye fut réintégrée dans l’empire du dollar.
  • La Russie, elle non plus, n’était plus dispose à accepter l’avantage du dollar américain par rapport aux autres devises. Elle a mis en place son propre système de paiement (PRO100) qui se trouvait en dehors de la portée du cartel bancaire international. Poutine a, en outre, privé le cartel pétrolier de se servir des réserves russes de pétrole et de gaz. Depuis lors, Poutine et la Russie se trouvent être les principaux ennemis de l’empire du dollar. Ils se font donc encercler militairement et sont combattus par tous les moyens dans une guerre financière et commerciale.
  • Depuis plus de cinq ans, l’Iran est la cible des attaques monétaires, commerciales et juridiques du syndicat américain, car le pays se montrait décidé à vendre son pétrole non seulement en échange de dollars, mais également de toutes les autres devises. Des sanctions brutales à l’encontre de tous les potentiels acheteurs et partenaires commerciaux ont abouti à son exclusion totale du système financier mondial ainsi que de l’économie mondiale. Comme cet Etat ne fléchit toujours pas, la menace d’une action militaire est de plus en plus imminente.
  • La Chine se démarque aussi du dollar en se dotant d’un système monétaire concurrent (Banque asiatique de développement) qui ne tolère plus la domination du dollar et évolue donc, de plus en plus, en Etat ennemi du Syndicat financier atlantique.

Lors de la campagne électorale, Hillary Clinton avait promis «de commencer la guerre contre la Russie en Ukraine et en Syrie d’ici le mois de mars», mais elle s’est ensuite corrigée, en disant qu’on n’y parviendrait pas avant mai 2018. Par bonheur, elle n’a pas été élue.

Le dos contre le mur, l’Amérique est pourtant toujours sous double pression:

  • L’effet de la pression effrénée sur le dollar a conduit à une quantité de dettes uniques dans l’histoire des Etats-Unis (32 billions de dollars) qui peuvent s’effondrer à tout moment si d’autres pays importants n’acceptent plus le dollar, si les banques du système financier tombent en faillites ou si les pays surendettés deviennent insolvables. L’empire du dollar a jusqu’à présent tenté de corriger ces dangers avec des prêts à intérêt zéro, ce qui devient de plus en plus difficile à maintenir. La dévaluation d’une monnaie de référence (dollar) en hausse incontrôlée est finalement certaine. La confiance diminue. Le syndicat financier prépare donc déjà l’interdiction des espèces et le remplacement de l’argent-monnaie par de l’argent numérique.
  • L’empire du dollar ne peut être soutenu qu’avec un boom constant. Cela présuppose une exploitation élevée de la capacité de l’économie. Cependant, l’économie américaine produit pour 70% des armes, de sorte que l’économie américaine n’est florissante que lorsque l’industrie de l’armement est en plein essor. Celle-ci ne peut se développer que si elle peut vendre ses produits, c’est-à-dire s’il y a suffisamment de guerres dans le monde. La production américaine d’équipements militaires dépasse les 600 milliards d’euros, soit dix fois plus que celle de la Russie et plus de la moitié de la production mondiale d’équipements militaires. Le président américain exige des pays satellites d’acheter davantage d’armement (en provenance des USA), et il vend sans vergogne des armements à des dictatures (Arabie saoudite).
  • Après le réarmement de l’OTAN et de l’Ukraine et après la fin de la guerre en Syrie, l’industrie américaine de la défense a besoin d’un nouveau coup de pouce pour relancer l’économie aux Etats-Unis au moyen d’une nouvelle guerre.

La politique américaine prétend toujours que la Russie, la Chine, l’Iran ou d’autres pays sont belliqueux et dangereux. Comme le montrent les dépenses militaires et les actes d’agression (sanctions, châtiments, etc.) des Etats-Unis dans le monde entier, ce sont avant tout les USA qui sont belliqueux et prêts à la guerre. A plusieurs reprises, ils ont mis en avant le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, et des hommes politiques des pays satellites (Heiko Maas, Ursula von der Leyen) pour diaboliser la Russie et exprimer des menaces de guerre.
Comme avant la Première Guerre mondiale, nous sommes donc dans une situation, où un petit événement pourrait déclencher un nouvel incendie mondial. Les dictatures et les empires ont toujours utilisé la guerre comme dernier recours quand ils ne savaient plus que faire. Si l’économie américaine s’effondre en raison d’un manque de demande d’armes ou de l’éclatement de la bulle d’endettement de l’empire du dollar, l’hégémonie du syndicat financier mondial et de la puissance mondiale des Etats-Unis devraient disparaître. Ainsi on arriverait à un point, où les politiciens ne savent plus quoi faire et ils pourraient éventuellement avoir recours au dernier ressort.
Aux Etats-Unis, des voix s’élèvent déjà pour dire que la guerre contre l’Iran doit commencer cet été. Les préparatifs sont terminés.
Il n’est donc guère compréhensible que le monde ne prenne pas conscience du danger de guerre, que les marches pour la paix n’exigent pas la paix dans tous les pays comme par le passé et que les médias dirigés par le syndicat financier (par exemple la presse Springer) puissent s’attaquer à la Russie et à l’Iran, sans aucune opposition, au lieu d’exiger la paix. Nous avons besoin d’une «révolte de tous les amoureux de la paix» pour faire prendre conscience du danger de la guerre et de l’exigence de paix pour tous les peuples. Si nous restons inactifs et que nous ne la dénonçons pas à temps, la politique irresponsable des Etats-Unis et de l’OTAN pourrait nous replonger dans l’impasse de la guerre contre notre volonté.
Non seulement il est grand temps de mettre en garde contre cela, mais nous devons le faire à voix haute.    •

(Traduction Horizons et débats)

1     JP Morgen Chase, City Group, Wells Fargo, Deutsche Bank, BNP, Barclays
2     Goldman Sachs, Rockefeller, Lehmann, Rothschild, Warburg, Lazard et Seifs
3     Orzechowski, Peter. Durch globales Chaos in die Neue Weltordnung, Rottenburg 2016
4     ibid, p. 61
5     ibid, p. 62

mardi, 02 avril 2019

Washington cherche l’escalade : y aura-t-il de nouvelles sanctions contre la Russie à cause du soutien de Moscou à Maduro ?

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Washington cherche l’escalade : y aura-t-il de nouvelles sanctions contre la Russie à cause du soutien de Moscou à Maduro ?

Washington / Caracas : Le gouvernement américain entend infliger de nouvelles sanctions à la Russie, cette fois à cause du soutien que celle-ci apporte au régime de Maduro au Vénézuela. John Bolton, conseiller ès-sécurité du Président Trump, a condamné ce soutien et a averti d’autres Etats de n’envoyer ni forces militaires ni équipements. « Nous considérerons de tels actes provocateurs comme une menace directe contre la paix internationale et contre la sécurité dans la région » a lancé Bolton.

Elliott Abrams, plénipotentiaire américain pour le Venezuela, a déclaré que les Etats-Unis disposaient de toute une série d’options pour s’opposer à l’engagement russe au pays de Maduro. Quand on lui a posé la question de savoir ce que le gouvernement américain entendait faire pour barrer la route aux projets russes en Amérique latine, Abrams a répondu : « Nous avons une liste d’options ». Il y aurait ainsi des possibilités au niveau diplomatique mais aussi au niveau économique, c’est-à-dire des sanctions. Il n’a pas été plus explicite. Mais il a toutefois souligné : « Ce serait une erreur, pour les Russes, de croire qu’ils ont les mains libres en cette région. Ils ne les ont pas ! ». Et il a ajouté que le nombre de soldats russes au Venezuela n’est pas très grand mais leur influence potentielle est néanmoins considérable. Leur présence ne va pas dans l’intérêt de la population du pays.

Les Russes ont toutefois contesté les accusations des Américains, ces derniers jours, et leur ont reproché d’organiser un coup d’Etat pour favoriser un changement de régime au Venezuela, ce qui revient à s’immiscer de manière inacceptable dans les affaires intérieures de l’Etat sud-américain. Moscou se réfère à un accord existant de coopération militaire et technique avec le Venezuela. Vendredi dernier, la Russie a demandé une nouvelle fois que les Etats-Unis ne se mêlent pas des affaires intérieures du Venezuela. Washington n’a pas le droit, ajoutent-ils, de dicter à d’autres Etats avec quels pays ils peuvent collaborer, pensent les principaux acteurs de la politique étrangères à Moscou.

(article paru sur http://www.zuerst.de – 01 avril 2019).

Nouvelle alliance stratégique Turquie-Iran-Etats arabes

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Nouvelle alliance stratégique Turquie-Iran-Etats arabes

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Au Moyen-Orient, l'alliance stratégique qui a fait la loi depuis des années est celle de l'Arabie saoudite, de divers Etats sunnites et des Etats-Unis. Aujourd'hui, du fait des catastrophiques erreurs stratégiques américaines dans la région, une nouvelle alliance ou Entente est en train de se former.

Celle-ci unira la Turquie, l'Iran, le Qatar, avec le soutien de l'Iran, de la Syrie, du Liban et de la Jordanie, Inutile de préciser que Moscou s'intéresse à ce projet et l'appuiera de différentes façons.

C'est en été 2017 et à Doha au Qatar que les bases de cette alliance ont été jetées. On se souvient que Riyad avait décrété une offensive militaire puis un siège du Qatar, présenté à l'époque et à la grande surprise de beaucoup comme un ennemi de l'Arabie saoudite. Ceci visait à éliminer le Qatar en tant que rival de celle-ci. Malheureusement pour les Saoudiens, l'offensive qui devait aboutir en quelques jours s'est enlisée face à la résistance des Qataris. Ceci avait laissé le temps à Doha, Téhéran et Ankara d s'entendre pour la mise en place de ce qui avait été nommé un bloc stratégique cohérent. Il s'agissait de contrer le poids de l'Arabie saoudite et des Américains, ses alliés.

Initialement le bloc avait pour but de mettre en place des accords économiques, concernant non seulement le pétrole mais d'autres domaine importants, comme les transports.

Très vite cependant le bloc a compris que pour survivre face à une Arabie surarmée et bénéficiant en permanence du soutien américain, il devait se transformer en alliance militaire, Il s'est alors progressivement tourné vers la Russie, disposant déjà de deux petites bases militaires en Syrie. Vladimir Poutine a initialement manifesté une prudente réserve face à un appui militaire russe éventuel. Néanmoins, face aux offensives arabo-américaines contre son allié Bashar al Assad, il a laissé entendre qu'en tant que de besoin il appuierait l'alliance. Les combats victorieux récents, appuyés par la Russie, contre l'Etat Islamique au nord de la Syrie ont considérablement favorisé le rapprochement militaire de la Turquie avec la nouvelle alliance stratégique.

Dans le même temps, l'Irak, le Liban et la Jordanie, bien qu'encore très soumises politiquement aux Etats-Unis, ont vite compris que leur intérêt était de rejoindre la nouvelle alliance stratégique. Le 18 mars 2019, les commandants militaires de l'Iran, de la Syrie et de l'Iraq ont posé les bases d'une coopération de long terme, non seulement contre le terrorisme, mais pour mener des projets économiques communs. Le gouvernement turc n'a pas hésité depuis le début à s'associer à ces projets. Une des raisons qu'il y voient est de contrer l'influence des séparatistes kurdes qui jusqu'à présent bénéficiaient d'un appui important des Américains. Au plan économique, l'alliance devrait permettre à ses membres de coopérer à la reconstruction des villes syriennes détruite par la guerre. Un autre objectif sera évidemment de remettre en état l'exploitation des gisement pétroliers et gaziers de Deir Ezzor, dans l'est de la Syrie.

Mais comme les Américains ont depuis longtemps visé à prendre le contrôle de ces derniers, aujourd'hui notamment par l'intermédiaire de leurs alliés kurdes, il est prévisible qu'ils ne se laisseront pas sans combattre empêchés de le faire par la nouvelle alliance stratégique Turquie, Iran, Qatar.

Référence

Voir entre autres https://oilprice.com/Geopolitics/Middle-East/New-Middle-E...

Note

Il faut rappeler qu'Erdogan continuera à encourager le transit  de caravanes de migrants vers l'Europe, si l'on en croit l'article ci-dessous
https://ripostelaique.com/erdogan-va-lacher-des-dizaines-...

lundi, 01 avril 2019

La Géorgie deviendra-t-elle une base militaire américaine permanente?

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La Géorgie deviendra-t-elle une base militaire américaine permanente? 

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Chaque semaine ou presque, les Etats-Unis, qui dominent l'Otan depuis sa création, montrent qu'ils persistent à faire de cette organisation un outil destiné à porter la guerre sur le territoire russe. Certains membres de l'Otan voudraient calmer le jeu, mais d'autres, tels que la Pologne, soutiennent en permanence les visées du Pentagone à cet égard.

C'est totalement irresponsable de leur part car en cas de guerre, fut-elle seulement conventionnelle, avec la Russie, ils seraient détruits les premiers. Les Américains, à l'abri de l'autre côté de l'Atlantique, ne risquent évidemment rien.

L'attention se porte aujourd'hui sur la Géorgie ancienne république socialiste soviétique et devenue un adversaire résolu de Moscou, bien que celui-ci ait depuis longtemps renoncé à y exercer une influence autre que marginale, linguistique et culturelle. C'est ainsi que le 25 mars 2019, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, norvégien tout dévoué aux américains qui l'ont fait nommer à ce poste, a réaffirmé la volonté de l'Otan de donner satisfaction aux demandes de la Géorgie visant à devenir un membre permanent de l'Organisation.

Il se trouvait dans la capitale géorgienne Tbilisi, en compagnie du premier ministre Mamuka Bakhtadze. pour assister à des manœuvre militaires conjointes de 12 jours Otan-Géorgie. Inutile de dire que celles-ci représentent déjà une provocation pour la Russie. Il y a déclaré que l'Otan n'accepte pas que la Russie, ou tout autre Etat extérieur, puisse décider qui doit être ou non membre. Les manouvres se tenaient à la base militaire conjointe Otan-Géorgie de Krtsanisi. Elles impliquaient un contingent de 350 hommes fournis par les membres de l'Otan, avec une participation de l'Azerbaidjan, de la Finlande et de la Suède.

Il faut rappeler que les tensions entre la Russie et une Géorgie décidée à rejoindre le bloc occidental avait abouti à une guerre courte mais sanglante entre les deux pays. Moscou avait appuyé la volonté séparatiste des deux provinces de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhasie. En 15 jours les militaires russes avait mis en déroute l'armée de la Géorgie, puis reconnu l'indépendance de ces deux provinces.

En 2018, le premier ministre russe Dmitri Medvedev avait prévenu que l'entrée éventuelle de la Géorgie dans l'Otan « pourrait provoquer un terrible conflit ». Est-ce que cherche Washington aujourd'hui ?

vendredi, 29 mars 2019

Europe: la Chine attaque l'Amérique!

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Europe: la Chine attaque l'Amérique!

 
 

Parallèlement à la Russie qui accueille en ce moment même le président libanais, quitte à inquiéter très sérieusement Américains et Israéliens qui ont peur de voir de riches réserves gazières quitter la côte israélienne de la Méditerranée pour se diriger vers la côte libanaise, la Chine a lancé cette semaine une terrifiante offensive contre les États-Unis en plein cœur de l’Europe « américanisée ».

Cette Europe qui s’accroche toujours au modèle américain, à l’OTAN ne voyant plus que le géant aux pieds d’argile qu’est l’Amérique, s’effondre comme un château de cartes.

En Italie, le président Xi Jinping a réussi un coup de maître. Faisant miroiter d’énormes intérêts que l’Italie, parent pauvre de l’Europe de l’Ouest a à gagner, il a mis la main sur les ports et les aéroports italiens et a fini par convaincre les Italiens d’adhérer à la route de la soie. Ce concept qui terrorise les Américains, ne devait pas trop plaire à Emmanuel Macron, représentant pur et dur de l’atlantisme moribond. Et pourtant, arrivé à Nice, en fin stratège militaire qu’il est, Jinping a su trouver les mots et les « sommes » pour séduire Jupiter qu’accompagnait l’Allemande Merkel et l’européiste, Junker.

Bien que la Macronie ait apposé une fin de non-recevoir catégorique au méga-projet « l’Initiative route et ceinture (BRI) », son président avait convié à Paris la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, rien que pour avoir un sommet tripartite avec Xi. Cette rencontre a réuni les trois plus puissants personnages de l’Union Européenne face au numéro un chinois.

Des sources proches des pourparlers, citées par Sputnik, affirment que la partie chinoise a tenté de dissuader l’Europe de recourir à des sanctions et que la dynamique sanctionnelle déclenchée par Washington vise avant tout les intérêts européens. Le président chinois a aussi encouragé la France à emboîter le pas à l’Italie dans le cadre de la BRI. Et cet encouragement est passé par d’alléchants contrats auxquels même la Macronie n’a pas pu dire non.

«La Chine et la France ont signé un contrat de 30 milliards d’euros pour la livraison à Pékin de 300 avions Airbus. C’est sans doute le résultat le plus tangible de la visite de Xi Jinping à Paris. Il témoigne de la confiance de la Chine envers Airbus, ce qui est particulièrement important sur fond de problèmes avec les appareils de Boeing et alors que les États-Unis multiplient leurs offensives contre l’industrie aéronautique française en imposant aux pays européens leurs F-14, leurs F-16 ou encore leurs F-35 …

 » Qu’a-t-elle la France à s’obstiner à refuser la perspective particulièrement prometteuse que lui offre la BRI ? La semaine dernière, le président US a porté un nouveau coup dur à l’OTAN en ouvrant grand ses portes au Brésil, un pays qui ne fait pas partie de l’axe transatlantique. La décision a été prise sans consultation avec les membres de l’Alliance dont la France qui s’est toutefois soumise aux exigences militaires des États-Unis. Dans presque tous les dossiers militairo-sécuritaires, de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak voire l’Iran, la France de Macron s’est totalement alignée sur Washington pour n’avoir in fine que le mépris et l’irrespect de l’administration US, se demande Hanif Ghafari, interrogé par Press TV.

« Une chose est néanmoins sûre : le départ du Brésil de BRICS se fera rudement ressentir par les puissances qui en font partie. La Chine prépare sa revanche : elle vise le cœur même de l’alliance atlantiste et anticipe la perspective d’un BRICS sans le Brésil. Pékin travaille à remplacer l’Union Européenne par une Union eurasiatique et la France finira, elle aussi par comprendre que ses intérêts résident en Asie et non pas à l’autre côté de l’Atlantique ».


- Source : Pars Today (Iran)

jeudi, 28 mars 2019

Die Notwendigkeit der Geopolitik

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Die Notwendigkeit der Geopolitik

Politik ist ein Spiel von Macht und Herrschaft. Sie dreht sich in ihrem Kern um Interessen – um Interessen und ihre Durchsetzung. Die Frage, die sich hier unweigerlich stellt, ist die danach, welche Interessen Deutschland hat und was es zu unternehmen bereit ist, diese Interessen durchzusetzen.

GB-geo.jpgDabei richtet sich die Frage nicht danach, was die Bundesregierung oder präziser die Administration des Auswärtigen Amtes oder des Verteidigungsministeriums für deutsche Interessen hält, sondern welche Interessen sich mit Blick auf die Zukunft Deutschlands ergeben.

Die wichtigsten Interessen sind dabei diejenigen, die in direktem Zusammenhang mit der Selbsterhaltung Deutschlands stehen. Deutschland ist zwar Exportweltmeister, aber damit überhaupt irgendein Endprodukt oder ein Zwischenprodukt Deutschland verläßt, sind Rohstoffe ein entscheidendes Importprodukt. Neben Rohöl und Erdgas als Primärenergieträger, sind das vor allem Metalle und seltene Erden. Sie sind für die deutsche Wirtschaft überlebenswichtig.

Die Gewährleistung der Versorgung mit diesen Rohstoffen wird als Versorgungssicherheit bezeichnet. Sie ist das erste und wahrscheinlich bedeutendste Interesse, wenn es um die Selbsterhaltung Deutschlands geht.

Das zweite Interesse in diesem Zusammenhang ist die Sicherheit. Sie hat zwei Dimensionen: die innere und die äußere Sicherheit. Beide überschneiden sich gelegentlich. Zur inneren Sicherheit gehören Dinge wie die Vermeidung von Kriminalität, der Schutz des Eigentums oder der körperlichen Unversehrtheit. In den Bereich der äußeren Sicherheit fallen Dinge wie die Abwehr von direkten Angriffen, der Schutz vor den Gefahren der Migration oder die Bekämpfung des Terrorismus.

Erst als drittes Interesse im Hinblick auf die Selbsterhaltung Deutschlands ist die Versorgung mit Nahrungsmitteln zu nennen. Deutschland ist nur im Hinblick auf solche Nahrungsmittel auf den Import angewiesen, die hier nicht produziert werden können. Nahrungsmittel der Grundversorgung gehören hier nicht dazu. Das bedeutet, daß die Versorgung mit Nahrungsmitteln primär gegen Bedrohungen von innen geschützt werden müssen.

Ein mögliches Krisenszenario wäre etwa die Verseuchung des Trinkwassers einer Millionenstadt wie Köln oder München mit Chemikalien durch Terroristen. Versorgungssicherheit, die Abwehr krimineller, terroristischer und kriegerischer Aktivitäten sowie die Versorgung mit Nahrungsmitteln – diese drei wesentlichen Interessen der deutschen Selbsterhaltung müssen mit allen Mitteln geschützt werden. Dazu gehört letztlich auch der Einsatz der Bundeswehr, im Inneren genauso wie gegen eine äußere Bedrohung.

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mercredi, 27 mars 2019

La défaite américaine et le le retour de l’empire des steppes

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La défaite américaine et le le retour de l’empire des steppes

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

Ecrabouillement américain face aux soviets et aux chinois : le poing par Philippe Grasset (dans une mer de sarcasmes et par la Rand Corporation en personne). Problème : ils n’ont pas de solutions…A compléter avec les propos de Bayan-Orson Welles (la rose noire, 1950) ; les flèches (les missiles) valent mieux que les armures (les porte-avions). Pour comprendre l’empire des steppes, lire Grousset sur classiques.uqac.ca.

L’USS Pentagone et sa Mer des Sargasses

12 mars 2019 – La communauté des experts, aussi bien férue de l’objet de leur expertise que des relations publiques, commence à  s’alarmer des progrès russes et chinois en matière d’armement ; mais  piano pianissimo, cette alarme, au rythme postmoderne, bien que les termes et les trouvailles qui la justifient effraient les experts eux-mêmes.

Il s’agit essentiellement, pour notre propos de ce jour, d’un rapport suivant une simulation particulièrement sophistiquée de la  RAND Corporation. C’est un événement important, qui devrait faire autorité à Washington : la RAND est le  think tanks  US le plus prestigieux et le plus influent pour les questions techniques de la communauté de sécurité nationale ; basée en Californie et dominant le domaine de l’expertise technique depuis 1948 (date de sa création), directement connectée à l’USAF et à l’industrie d’armement (officiellement, c’est la firme Douglas, agissant comme faux-masque de l’USAF, qui créa la RAND). Ses analyses reflètent et inspirent à la fois les conceptions des milieux experts des forces armées : une étude de la RAND ainsi présentée publiquement fait autorité et indique selon les normes de la communication ce que le Pentagone et la communauté de sécurité nationale pensent et doivent penser à la fois.

En effet, RAND est venue à Washington présenter un rapport très technique sur des simulations d’une Troisième Guerre mondiale au CNAS (Center for a New American Security), autre  think tank  mais plus doué en relations publiques et établi en 2007 pour présenter une vision “bipartisane” de la  politiqueSystème suivie par les USA ; c’est-à-dire, un institut recyclant la politique-neocon  habillé d’une parure de consensus washingtonien dans le sens évidemment belliqueux qu’on imagine. La séance d’information a été rapportée par divers médias, et nous citons aussi bien ZeroHedge.com que SouthFront.org.

Le rapport, présenté  le 7 mars, envisage divers scénarios des engagements au plus haut niveau des USA contre la Russie ou contre la Chine. Le verdict est peu encourageant : “Nous nous ferons péter le cul !” : « “Dans nos simulations, lorsque nous affrontons la Russie et la Chine, les Bleus  [les USA]  se font péter le cul”, a déclaré jeudi l’analyste de RAND David Ochmanek. “Nous perdons beaucoup de gens, nous perdons beaucoup d’équipements. Nous n’atteignons généralement pas notre objectif d’empêcher l’agression de la part de l’adversaire”, a-t-il averti. »

Et pour suivre, sur l’état général des conclusions du rapport : « Alors que la Russie et la Chine développent des chasseurs de cinquième génération et des missiles hypersoniques, “nos éléments reposant sur des infrastructures de base sophistiquées, telles que des pistes et des réservoirs de carburant, vont connaître de graves difficultés”, a déclaré Ochmanek. “Les unités navales de surface vont également connaître de graves difficultés”

» “C’est pourquoi le budget 2020 présenté la semaine prochaine prévoit notamment de retirer du service actif le porte-avions USS Truman plusieurs décennies à l’avance, et d’annuler une commande de deux navires amphibies de débarquement, comme nous l’avons signalé. C’est aussi pourquoi le Corps des Marines achète la version à décollage vertical du F-35, qui peut décoller et atterrir sur des pistes aménagées très petites et très rustiques, mais la question de savoir comment entretenir en état de fonctionnement un avion de très haute technologie dans un environnement de très basse technologie reste une question sans réponse”, selon le site Breaking Defence… »

Certains points spécifiques des équipements par rapport aux simulations de la RAND font l’objet de précisions et d’observations, – en général très critiques, parce que personne ne semble satisfait de l’état des forces et de leurs capacités en cas de conflit. On en signale ici l’une et l’autre, par ailleurs sur des sujets déjà connus, et avec des conclusions qui n’étonneront personne, dans tous les cas parmi les lecteurs de dedefensa.org.

  • Le F-35, l’inépuisable JSF. On a lu plus haut cette remarque selon laquelle le F-35B des Marines à décollage vertical (ADAC/ADAV) trouvait sa justification dans les conditions dévastées pour les USA d’un conflit à venir, mais qu’on doutait grandement qu’il puisse jouer un grand rôle opérationnel à cause de l’extrême complexité de l’entretien opérationnel de l’avion dans un tel environnement. Un autre intervenant ajoute cette remarque, où l’on pourrait voir une ironie désabusée :

« “Dans tous les scénarios auxquels j’ai eu accès”, a déclaré Robert Work, ancien secrétaire adjoint à la Défense ayant une grande expérience des exercices opérationnels, “le F-35 est le maître du ciel quand il parvient à s’y trouver mais il est détruit au sol en grand nombre”. » Cette remarque, d’ailleurs bien trop follement optimiste sinon utopiste (ou ironique ?) pour les capacités du F-35 lorsqu’il parvient à se mettre en position de combat aérien, marque surtout la prise en compte de la fin de l’ Air Dominance pour l’USAF et les forces aériennes US en général, du fait de la puissance nouvelle acquise notamment par les Russes, suivis par les Chinois en pleine expansion militaire.

  • La décision de retrait et de mise en réserve (“mise en cocon”) du porte-avions USS Truman, annoncée au début du mois, a  d’abord été présentéecomme une manœuvre de l’US Navy pour obtenir un budget supplémentaire pour garder cette unité en service actif et poursuivre en même temps la construction des deux premiers classes USS  Gerald R. Ford, toujours  aussi catastrophiques et empilant délais sur augmentation de coût. (On cite le précédent d’une manœuvre similaire lorsque la Navy avait prévu de faire subir le même sort au USS  George-Washington  en 2012, la Maison-Blanche allouant avec le soutien du Congrès les fonds nécessaires pour éviter cette réduction de la flotte des onze porte-avions de la Navy.) La Navy économiserait jusqu’à $30 milliards en écartant le  Truman  qui va bientôt entrer en refonte de mi-vie s’il reste en service (un travail très complexe, coûteux et long : 2024-2028).

Mais on voit que la RAND suscite une explication qu’elle renforce d’autres constats, qui impliquerait que la Navy estime le danger des nouvelles armes hypersoniques trop grand pour continuer à mettre toute sa puissance stratégique sur les porte-avions. Venant de la RAND, avec tout son crédit, la chose doit être considérée sérieusement, pour marquer combien les USA commenceraient à prendre conscience de la puissance de leurs adversaires stratégiques du fait de la percée majeure constituée par les missiles hypersoniques.

  • Un autre exemple des insuffisances considérables débusquées par la RAND concerne la couverture anti-aérienne des forces terrestres. Les experts du think tank ont fait leur compte, ce qui est illustré par cette remarque :

« … Si l’on se base sur une situation purement hypothétique [selon les moyens actuels], “si nous partions en guerre en Europe, il y aurait une unité de [missiles sol-air de défense aérienne] Patriot qui serait disponible pour y être envoyée, pour être déployée à la base de Ramstein. Et c’est tout”, dit Work avec amertume. L’US Army compte 58 brigades de combat mais ne dispose d’aucune capacité de défense anti-aérienne et antimissile pour les protéger contre des attaques de missiles venues de la Russie. »

Cette situation US est en complet contraste avec celle des Russes, qui intègrent dans leurs forces terrestres des unités de défense anti-aérienne chargées de la protection des forces en campagne. C’est d’ailleurs autant une question de moyens qu’une question structurelle et même psychologique. Les forces armées US ont toujours fonctionné depuis 1945 selon le principe qu’elles disposaient d’une totale domination aérienne qui jouaient un rôle d’interdiction quasi-impénétrable. Cette situation est très largement mise en cause aujourd’hui, notamment avec les progrès russes en matière d’A2/AD («  [Z]ones dite A2/AD, ou Anti-Access/Area-Denial ; c’est-à-dire des sortes de No-Fly-Zone pour l’aviation ennemie, du fait des moyens russes parfaitement intégrés de détection, de brouillage et de contrôle électroniques, et de destruction, qui transforment toute incursion aérienne ennemie dans ces zones en un risque inacceptable »).

Non seulement les forces US sont affaiblies, non seulement l’apparition des missiles hypersoniques donne aux Russes une puissance de feu d’une catégorie nouvelle et révolutionnaire, mais en plus la structure des forces US est fondée sur le postulat psychologique quasi-inconscient (“inculpabilité-indéfectibilité”) de la supériorité US (notamment aérienne) qui dispense ces forces d’avoir une défense organique puissante.

mardi, 26 mars 2019

The Great Delusion: Liberal Dreams and International Realities

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The Great Delusion: Liberal Dreams and International Realities

An excerpt from John Mearsheimer's latest book.
by John J. Mearsheimer

Ex: https://nationalinterest.org

Editor’s Note: This is an excerpt from the new book The Great Delusion : Liberal Dreams and International Realities by John Mearsheimer.

Liberal hegemony is an ambitious strategy in which a state aims to turn as many countries as possible into liberal democracies like itself while also promoting an open international economy and building international institutions. In essence, the liberal state seeks to spread its own values far and wide. My goal in this book is to describe what happens when a power­ful state pursues this strategy at the expense of balance­-of­-power politics.

Many in the West, especially among foreign policy elites, consider liberal hegemony a wise policy that states should axiomatically adopt. Spreading liberal democracy around the world is said to make eminently good sense from both a moral and a strategic perspective. For starters, it is thought to be an excellent way to protect human rights, which are sometimes seri­ously violated by authoritarian states. And because the policy holds that liberal democracies do not want to go to war with each other, it ultimately provides a formula for transcending realism and fostering international peace. Finally, proponents claim it helps protect liberalism at home by eliminating authoritarian states that otherwise might aid the illiberal forces that are constantly present inside the liberal state.

This conventional wisdom is wrong. Great powers are rarely in a position to pursue a full­-scale liberal foreign policy. As long as two or more of them exist on the planet, they have little choice but to pay close attention to their position in the global balance of power and act according to the dictates of realism. Great powers of all persuasions care deeply about their survival, and there is always the danger in a bipolar or multipolar system that they will be attacked by another great power. In these circumstances, liberal great powers regularly dress up their hard­-nosed behavior with liberal rhe­toric. They talk like liberals and act like realists. Should they adopt liberal policies that are at odds with realist logic, they invariably come to regret it. But occasionally a liberal democracy encounters such a favorable balance of power that it is able to embrace liberal hegemony. That situation is most likely to arise in a unipolar world, where the single great power does not have to worry about being attacked by another great power since there is none. Then the liberal sole pole will almost always abandon realism and adopt a liberal foreign policy. Liberal states have a crusader mentality hard­-wired into them that is hard to restrain.

Because liberalism prizes the concept of inalienable or natural rights, committed liberals are deeply concerned about the rights of virtually every individual on the planet. This universalist logic creates a powerful incen­tive for liberal states to get involved in the affairs of countries that seriously violate their citizens’ rights. To take this a step further, the best way to ensure that the rights of foreigners are not trampled is for them to live in a liberal democracy. This logic leads straight to an active policy of regime change, where the goal is to topple autocrats and put liberal democracies in their place. Liberals do not shy from this task, mainly because they often have great faith in their state’s ability to do social engineering both at home and abroad. Creating a world populated by liberal democracies is also thought to be a formula for international peace, which would not just eliminate war but greatly reduce, if not eliminate, the twin scourges of nuclear prolifera­tion and terrorism. And lastly, it is an ideal way of protecting liberalism at home.

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This enthusiasm notwithstanding, liberal hegemony will not achieve its goals, and its failure will inevitably come with huge costs. The liberal state is likely to end up fi endless wars, which will increase rather than reduce the level of conflict in international politics and thus aggravate the problems of proliferation and terrorism. Moreover, the state’s militaristic behavior is almost certain to end up threatening its own liberal values. Liber­alism abroad leads to illiberalism at home. Finally, even if the liberal state were to achieve its aims—spreading democracy near and far, fostering eco­nomic intercourse, and creating international institutions—they would not produce peace.

The key to understanding liberalism’s limits is to recognize its relation­ship with nationalism and realism. This book is ultimately all about these three isms and how they interact to affect international politics.

Nationalism is an enormously powerful political ideology. It revolves around the division of the world into a wide variety of nations, which are formidable social units, each with a distinct culture. Virtually every nation would prefer to have its own state, although not all can. Still, we live in a world populated almost exclusively by nation­-states, which means that liberalism must coexist with nationalism. Liberal states are also nation­states. There is no question that liberalism and nationalism can coexist, but when they clash, nationalism almost always wins.

The influence of nationalism often undercuts a liberal foreign policy. For example, nationalism places great emphasis on self­-determination, which means that most countries will resist a liberal great power’s efforts to inter­fere in their domestic politics—which, of course, is what liberal hegemony is all about. These two isms also clash over individual rights. Liberals be­lieve everyone has the same rights, regardless of which country they call home. Nationalism is a particularist ideology from top to bottom, which means it does not treat rights as inalienable. In practice, the vast majority of people around the globe do not care greatly about the rights of individu­als in other countries. They are much more concerned about their fellow citizens’ rights, and even that commitment has limits. Liberalism oversells the importance of individual rights.

mears-tragedy.jpgLiberalism is also no match for realism. At its core, liberalism assumes that the individuals who make up any society sometimes have profound differences about what constitutes the good life, and these differences might lead them to try to kill each other. Thus a state is needed to keep the peace. But there is no world state to keep countries at bay when they have profound disagreements. The structure of the international system is anar­chic, not hierarchic, which means that liberalism applied to international politics cannot work. Countries thus have little choice but to act according to balance-­of-­power logic if they hope to survive. There are special cases, however, where a country is so secure that it can take a break from realpolitik and pursue truly liberal policies. The results are almost always bad, largely because nationalism thwarts the liberal crusader.

My argument, stated briefly, is that nationalism and realism almost always trump liberalism. Our world has been shaped in good part by those two powerful isms, not by liberalism. Consider that five hundred years ago the political universe was remarkably heterogeneous; it included city­-states, duchies, empires, principalities, and assorted other political forms. That world has given way to a globe populated almost exclusively by nation­ states. Although many factors caused this great transformation, two of the main driving forces behind the modern state system were nationalism and balance-­of-­power politics.

The American Embrace of Liberal Hegemony

This book is also motivated by a desire to understand recent American foreign policy. The United States is a deeply liberal country that emerged from the Cold War as by far the most powerful state in the international system. 1 The collapse of the Soviet Union in 1991 left it in an ideal position to pursue liberal hegemony. 2 The American foreign policy establishment em­ braced that ambitious policy with little hesitation, and with abundant opti­mism about the future of the United States and the world. At least at first, the broader public shared this enthusiasm.

The zeitgeist was captured in Francis Fukuyama’s famous article, “The End of History?,” published just as the Cold War was coming to a close. 3 Liberalism, he argued, defeated fascism in the first half of the twentieth century and communism in the second half, and now there was no viable alternative left standing. The world would eventually be entirely populated by liberal democracies. According to Fukuyama, these nations would have virtually no meaningful disputes, and wars between great powers would cease. The biggest problem confronting people in this new world, he suggested, might be boredom.

It was also widely believed at the time that the spread of liberalism would ultimately bring an end to balance-­of-­power politics. The harsh security competition that has long characterized great-­power relations would dis­appear, and realism, long the dominant intellectual paradigm in inter­national relations, would land on the scrap heap of history. “In a world where freedom, not tyranny, is on the march,” Bill Clinton proclaimed while campaigning for the White House in 1992, “the cynical calculus of pure power politics simply does not compute. It is ill­-suited to a new era in which ideas and information are broadcast around the globe before ambas­sadors can read their cables.”

Probably no recent president embraced the mission of spreading liberal­ism more enthusiastically than George W. Bush, who said in a speech in March 2003, two weeks before the invasion of Iraq: “The current Iraqi re­gime has shown the power of tyranny to spread discord and violence in the Middle East. A liberated Iraq can show the power of freedom to transform that vital region, by bringing hope and progress into the lives of millions. America’s interests in security, and America’s belief in liberty, both lead in the same direction: to a free and peaceful Iraq.” Later that year, on September 6, he proclaimed: “The advance of freedom is the calling of our time; it is the calling of our country. From the Fourteen Points to the Four Freedoms, to the Speech at Westminster, America has put our power at the service of principle. We believe that liberty is the design of nature; we be­lieve that liberty is the direction of history. We believe that human fulfill­ment and excellence come in the responsible exercise of liberty. And we believe that freedom—the freedom we prize—is not for us alone, it is the right and the capacity of all mankind.”

Something went badly wrong. Most people’s view of U.S. foreign policy today, in 2018, is starkly different from what it was in 2003, much less the early 1990s. Pessimism, not optimism, dominates most assessments of America’s accomplishments during its holiday from realism. Under Presi­dents Bush and Barack Obama, Washington has played a key role in sow­ing death and destruction across the greater Middle East, and there is little evidence the mayhem will end anytime soon. American policy toward Ukraine, motivated by liberal logic, is principally responsible for the ongo­ing crisis between Russia and the West. The United States has been at war for two out of every three years since 1989, fighting seven different wars. We should not be surprised by this. Contrary to the prevailing wisdom in the West, a liberal foreign policy is not a formula for cooperation and peace but for instability and conflict.

In this book I focus on the period between 1993 and 2017, when the Clinton, Bush, and Obama administrations, each in control of American foreign policy for eight years, were fully committed to pursuing liberal hegemony. Although President Obama had some reservations about that policy, they mattered little for how his administration actually acted abroad. I do not consider the Trump administration for two reasons. First, as I was finishing this book it was difficult to determine what President Trump’s foreign policy would look like, although it is clear from his rhetoric during the 2016 campaign that he recognizes that liberal hegemony has been an abject failure and would like to abandon key elements of that strategy. Second, there is good reason to think that with the rise of China and the res­urrection of Russian power having put great power politics back on the table, Trump eventually will have no choice but to move toward a grand strategy based on realism, even if doing so meets with considerable resistance at home.

John J. Mearsheimer is the R. Wendell Harrison Distinguished Service Professor of Political Science at the University of Chicago. His many books include The Tragedy of Great Power Politics and Conventional Deterrence .

dimanche, 24 mars 2019

Conflit métallurgique mondial

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Conflit métallurgique mondial

par Georges FELTIN-TRACOL

Cérium, lanthane, europium, néodyme, terbium, yittrium, ruthénium, rhodium, vanadium, gallium, hafnium, non, il ne s’agit pas du nom de quelques maladies honteuses, ni des boîtes de nuit à la mode, mais la dénomination courante de métaux qui sont en train de bouleverser les rapports de forces géopolitiques, économiques et énergétiques planétaires selon Guillaume Pitron, auteur d’un très bon ouvrage qui ne sera pas le livre de chevet de Nicolas Hulot, du ministre fictif François de Rugy ou d’Emmanuel Macron, tous tenants d’un « développement durable » qui n’est concrètement que de la poudre de perlimpinpin médiatique et politicienne.

Avec La guerre des métaux rares, Guillaume Pitron, journaliste au Monde Diplomatique, au magazine Géo et à la revue National Geographic, jette un énorme pavé dans la mare en racontant « la face cachée de la transition énergétique et numérique ». Il estime en effet que « la prétendue marche heureuse vers l’âge de la dématérialisation n’est […] qu’une vaste tromperie, puisqu’elle génère, en réalité, un impact physique toujours plus considérable (p. 68) ». Il adresse un sévère réquisitoire contre l’hypocrisie bien occidentale d’un monde censément devenir plus « vert ».

La quête des métaux rares

Au terme d’une longue enquête sur tous les continents, Guillaume Pitron explique que les lampes LED à basse consommation d’énergie, les panneaux solaires, les pots catalytiques des véhicules, les voitures et batteries électriques, les éoliennes, les centrales nucléaires et les centrales thermiques au gaz ont besoin de métaux rares. Pourquoi ? « Une infime dose de ces métaux, une fois industrialisée, émet un champ magnétique qui permettra de produire davantage d’énergie que la même quantité de charbon ou de pétrole (p. 17). » Il précise que ces « métaux rares sont des concentrés parés de fantastiques propriétés (p. 16) ». De là un incroyable paradoxe. « Certaines technologies vertes lesquelles se fonde notre idéal de sobriété énergétique nécessitent en réalité, pour leur fabrication, davantage de matières premières que des technologies plus anciennes (p. 83) ». Ainsi souligne-t-il que « “ la seule fabrication d’une puce de deux grammes implique le rejet de deux kilogrammes de matériaux environ ”, soit un ratio de 1 à 1 000 entre la matière produite et les rejets générés (p. 66) ».

metauxrares.pngSon constat est édifiant : « L’extraction et le raffinage des terres rares sont très polluants (p. 94). » Pis, « la production de métaux indispensables à un monde plus propre est un processus polluant (p. 43) ». Cela n’empêche pas les États et les grandes entreprises multinationales de prospecter partout, y compris dans l’espace avec l’exploitation future des astéroïdes. Les États-Unis de Barack Obama ont déjà légiféré sur ce sujet particulier. Et ce n’est pas tout ! « La bataille des terres rares (et de la transition énergétique et numérique) est bel et bien en train de gagner le fond des mers (p. 242). » Deuxième domaine maritime mondial, la France détient des atouts stratégiques et économiques non négligeables avec son outre-mer océanien, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie (avec Clipperton) et Wallis-et-Futuna riches en terres rares sous-marines. L’auteur découvre la spécificité de cet archipel méconnu où règnent trois rois et où s’applique comme en Nouvelle-Calédonie « voisine » le droit coutumier dérogatoire des codes hexagonaux. Il garde sur ce point un regrad parisien et centralisateur obsolète.

La guerre des métaux rares montre la logique insidieuse des incantations officielles vertes en Occident autour des « deux domaines qui sont des piliers essentiels de la transition énergétique : les technologies que nous avons baptisées “ vertes ” et le numérique (p. 17) ». Or, les énergies dites « propres » ou « renouvelables » « se fondent sur l’exploitation de matières premières qui, elles, ne sont pas renouvelables (p. 81) ». Il est patent qu’« au XXIe siècle, nous ne savons même pas qu’un monde plus durable dépend en très grande partie de substances rocheuses nommées métaux rares (p. 15) ». « Pour dissocier les terres rares des autres métaux, les industriels doivent recourir à des techniques longues et coûteuses, employant force produits chimiques et énergie (p. 76). » Guillaume Pitron soulève un second paradoxe. « Les technologies dont de nombreux milieux écologistes vantent la capacité à nous sortir du nucléaire reposent sur des matériaux (les terres rares et le tantale) dont l’exploitation génère de la radioactivité (pp. 81 – 82). » Par conséquent, « notre quête d’un modèle de croissance plus écologique a plutôt conduit à l’exploitation intensifiée de l’écorce terrestre pour en extraire le principe actif, à savoir les métaux rares, avec des impacts environnementaux encore plus importants que ceux générés par l’extraction pétrolière (pp. 24 – 25) ».

L’impasse numérique

Cet ouvrage ébranle profondément bien des convictions écologistes, surtout quand on sait dorénavant que « si les technologies que nous utilisons au quotidien peuvent bien évoluer, le besoin primaire de ressources énergétiques, lui, demeure (p. 15) ». On veut « décarboner » au maximum l’économie et les transports, favoriser l’électrification de tous les vecteurs de mobilité, mais il leur faut une source d’énergie : l’électricité n’existe pas à l’état naturel. Quelle(s) source(s) alors ? Les hydrocarbures : ils polluent par le dioxyde de carbone ! Le nucléaire : il fabrique des déchets difficilement dégradables à l’échelle d’une vie humaine et dépend d’un minerai rare, l’uranium. Le Soleil et le vent ? La composition des appareils photovoltaïques et des éoliennes repose sur de nombreux métaux rares. « Le numérique est supposé atténuer l’impact carbone des activités humaines (p. 63). » Est-ce vraiment le cas ? La dématérialisation généralisée – la pièce jointe remplaçant la feuille de papier – ne serait-elle pas un facteur de « réchauffement climatique » ? Guillaume Pitron n’avance pas cette hypothèse osée. Et pourtant ! L’augmentation incessante des ondes dues à l’essor du numérique pourrait agir sur l’atmosphère comme un four à micro-ondes, ce qui expliquerait la fonte des glaciers et de la calotte glaciaire. Si cette hypothèse se vérifie dans les prochaines années, c’est-à-dire trop tard, la survie de l’écosphère passera sûrement par une décroissance radicale et draconienne et par l’abandon résolu des téléphones intelligents, des tablettes informatiques et autres réseaux sociaux virtuels. L’auteur profite aussi pour polémiquer avec l’économiste étatsunien Jeremy Rifkin lui aussi édité par Les Liens qui libèrent. Ambiance…

Entre aussi en jeu l’avenir des déchets. « Les autorités européennes estiment que jusqu’à 1,3 million de tonnes de déchets électroniques seraient exportées chaque année de notre continent vers l’Afrique et l’Asie (pp. 79 – 80). » « La mondialisation […] a rendu les pays occidentaux tellement prospères que nous sommes même devenus riches de nos déchets, qu’ils soient alimentaires, de maison, industriels, nucléaires ou électroniques (p. 71). » Faute d’investissements matériels, financiers et humains massifs, le recyclage n’arrivera jamais à suivre la croissance élevée de l’ensemble de ces déchets.

Guillaume Pitron entrevoit un monde nouveau. « Dans ce monde d’après, les grandes puissances minières ne seront pas les États qui concentreront les plus fabuleux gisements de minerais, mais ceux qui disposeront des poubelles les plus prestigieuses (p. 74). » Il se contredit toutefois puisqu’il pense ailleurs que « la géopolitique des métaux rares pourrait faire émerger de nouveaux acteurs prépondérants, souvent issus du monde de développement : le Chili, le Pérou et la Bolivie, grâce à leurs fabuleuses réserves de lithium et de cuivre; l’Inde, riche de son titane, de son acier et de son fer; la Guinée et l’Afrique australe, dont les sous-sols regorgent de bauxite, de chrome, de manganèse et de platine; le Brésil, où le bauxite et le fer abondent; la Nouvelle-Calédonie, grâce à ses prodigieux gisements de nickel (pp. 226 – 227) ». Ces données ne sont que de simples aperçus : la République démocratique du Congo produit 64 % du cobalt, l’Afrique du Sud contrôle 83 % du platine, de l’indinium et du ruthénium, le Brésil monopolise presque 90 % du niobium, les États-Unis 90 % du béryllium, la Russie dispose de 46 % des approvisionnements en palladium, la Turquie fournit 38 % du borate.

Ces métaux rares ne sont guère abordés, hormis en 2017 sous une forme romanesque avec le « successeur » de Gérard de Villiers, Alex de Brienne, auteur de la série publiée par Le Livre de Poche KO, initiales des prénoms respectifs des enfants Grant, Kali la baroudeuse et son frère jumeau, Odys, l’informaticien génial. En arrière-plan de l’intrigue du troisième tome de la série, Griffe du diable à Etosha, qui se déroule en Namibie, se profilent les Chinois… « La Chine […] s’arroge jusqu’à 99 % de la production mondiale de terres rares, le plus convoité des métaux rares ! (p. 122). » Guillaume Pitron s’en inquiète parce qu’il sait que « celui qui contrôle les minerais contrôle dorénavant l’industrie (p. 158) ». Circonstance aggravante pour les puissances occidentales, « nous avons confié à de potentiels rivaux un précieux monopole (p. 116) ».

L’essor chinois

À la fin de la Guerre froide au début des années 1990, pendant que l’Occident bradait ses stocks stratégiques de terres rares aux plus offrants, « Pékin poursuivait alors une stratégie inverse de constitution de réserves, et racheta une bonne partie de ces achalandages… (p. 107) » Il devient évident qu’« un État est en train d’asseoir sa domination sur l’exportation et la consommation des métaux rares. Cet État, c’est la Chine (p. 24) ». Anecdotique ? Non quand on découvre que « l’Empire du Milieu est aujourd’hui le premier producteur de 28 ressources minérales indispensables à nos économies avec souvent une part supérieure à 50 % de la production mondiale (p. 50) ».

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La Chine n’a pas adopté « la chimère selon laquelle les industries s’effaceraient derrière une économie largement dominée par les services (p. 149) ». Détenant un monopole de fait, Pékin décréta en septembre 2010 le premier embargo de terres rares en pleine transition énergétique et numérique à l’encontre du Japon à propos de l’archipel revendiqué à la fois par Tokyo et la Chine des Senkaku – Diaoyu en mer de Chine orientale. Parce que « technologies du numérique, économie de la connaissance, filière des énergies vertes, secteur de l’acheminement et du stockage de l’électricité, et dorénavant industries spatiales et de défense : nos besoins en métaux rares se diversifient et s’accroissent de façon exponentielle (p. 211) », « la Chine […] a compris : sa stratégie industrielle de métaux rares lui permet de miser fortement sur l’essor scientifique, d’encourager l’esprit créatif de son peuple – et de stimuler une offre civilisationnelle alternative aux références dictées par l’Occident (p. 167) ».

Non seulement « en 2015, la Chine est le pays qui a déposé le plus de brevets au monde, avec plus de 1,1 million de dépôts (pp. 174 – 175) », mais aussi elle « met sur pied une filière entièrement souveraine et intégrée, qui englobe aussi bien les mines nauséabondes arpentées par les gueules noires que les usines ultra-modernes peuplées d’ingénieurs surdiplômés (p. 155) ». Outre le recours à l’« “ innovation indigène ”, c’est-à-dire l’absorption, l’intériorisation des technologies étrangères (p. 169) », Pékin s’inspire ouvertement de la politique industrielle d’indépendance nationale de la France gaullienne. Résultat : la République populaire est première dans la production d’énergies vertes, éolienne et hydro-électrique, dans la fabrication d’équipements photovoltaïques ainsi que dans la réalisation de véhicules à énergie nouvelle. Le gouvernement a enfin favorisé l’émergence d’une centaine d’« écocités ». Dans le même temps, il dispose d’un avion de combat furtif plus perfectionné que son équivalent nippon, a mis sur orbite un satellite de communication quantique inviolable, souhaite que des « Fils du Ciel » foulent le sol lunaire, voire martien, et a conçu un super-ordinateur capable de résoudre en une seconde 93 millions de milliards d’opérations ! Dans ce nouveau contexte international, « un ordre industriel […] s’est naturellement imposé entre, pour simplifier, la Chine et l’Occident (p. 100) ». D’où de vives tensions commerciales entre Pékin et Washington. Bénéficiant du soutien des milieux d’affaires de la vieille industrie, Donald Trump a compris le jeu chinois et « préfère perpétuer un modèle énergétique pétrolier qui a consacré la toute-puissance des États-Unis au cours du XXe siècle plutôt que de s’engager dans la voie du tout-électrique dont il sait qu’elle pourrait être très douloureuse pour l’industrie américaine (pp. 181 – 182) » en termes d’emplois et de niveau de vie.

À l’heure du « Russiagate » et des accusations complotistes d’une ingérence russe fantasmée dans les élections présidentielles de 2016, Guillaume Pitron revient sur le « Chinagate » qui entacha, telle une quelconque robe de stagiaire, la réélection en 1996 de Bill Clinton. Frappés d’amnésie, les démocrates ne s’indignèrent pas des interférences chinoises dans le processus électoral en leur faveur. Sans développer, l’auteur offre en outre une brève explication au soudain rapprochement – réchauffement entre Washington et Pyongyang. « La Corée du Nord posséderait même certaines des plus grandes réserves de terres rares du monde (pp. 224 – 225). » Le président du Comité des affaires de l’État nord-coréen, Kim Jong Un, le sait et mise probablement sur cet avantage géologique pour briser le régime absurde les stupides sanctions internationales. L’entretien relève qu’avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, « les mesures protectionnistes se veulent donc une affirmation de puissance dans un monde qui se “ désoccidentalise ” (p. 136) ». Le temps est maintenant au nationalisme minier. Et la France ?

« Un géant minier en sommeil » ?

L’auteur semble s’inscrire dans une ligne politique plutôt productiviste, industrialiste et montebourgienne, en référence à Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique (2012 – 2014), qui tenta sans grand succès du fait de l’atlantisme européiste dominant à l’Élysée et à Matignon de maintenir (et de relancer ?) un solide appareil industriel à haute portée stratégique. Pourtant, pour Guillaume Pitron, la France du fait de sa richesse géologique tant en métropole qu’en outre-mer, est « un géant minier en sommeil (p. 232) ». Ne faudrait-il pas relancer un plan général de prospection minière et préparer l’opinion à ouvrir (ou rouvrir) des mines ? Les associations de défense de l’environnement s’y opposeraient immédiatement. Or « les ONG écologistes font la preuve d’une certaine incohérence, puisqu’elles dénoncent les effets du nouveau monde plus durable qu’elles ont elles-mêmes appelé de leurs vœux (pp. 234 – 235) ». « N’y a-t-il pas une ironie tragique, dénonce Guillaume Pitron, à ce que la pollution qui n’est plus émise dans les agglomérations grâce aux voitures électriques soit simplement déplacée dans les zones minières où l’on extrait les ressources indispensables à la fabrication de ces dernières ? En ce sens, la transition énergétique et numérique est une transition pour les classes les plus aisées : elle dépollue les centres-villes, plus huppés, pour mieux lester de ses impacts réels les zones plus miséreuses et éloignés des regards (p. 81). » Vraie à l’échelle du monde, l’analyse se vérifie aussi dans l’espace français d’autant qu’elle recoupe les observations du géographe Christophe Guilluy.

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Les aires métropolitaines, niches à bobo et d’autres hipsters métrosexuels entrent en collision frontale avec la « France périphérique » péri-urbaine et rurale incapable de s’acheter de nouveaux produits aux normes écologiques sans s’endetter pour des dizaines d’années. Susciter l’endettement des populations fragiles (ou déclassées) constitue en terme d’élaboration sociale une mesure efficace de contrôle collectif. Guillaume Pitron ne pouvait pas imaginer le mouvement profond des « Gilets jaunes » quand il se montre très (trop ?) optimiste sur l’abnégation écologique des ménages français. « Peut-être abandonnerions-nous […] le sacro-saint dogme du pouvoir d’achat et accepterions-nous de dépenser quelques dizaines d’euros supplémentaires pour des téléphones un peu plus propres… (p. 237) » Cette intention louable ne peut ne pas être comprise par une population « périphérique » en souffrance, victime des politiques d’austérité financière mondialiste. Bien sûr, en relocalisant en France les systèmes industriels de recyclage et en renouant avec l’activité minière, les habitants prendraient « immédiatement conscience, effarés, de ce qu’il en coûte réellement de nous proclamer modernes, connectés et écolos (p. 236) ». Le redynamisme de certains territoires et la diminution réelle du chômage seraient indéniables au prix, il est vrai, d’un désastre paysager et écosystémique élevé.

En attendant des méthodes d’extraction et d’exploitation de minerais plus propres qui n’existent pas actuellement, force est de remarquer qu’aucune des solutions proposées n’est satisfaisante : toutes ont un coût écologique, économique, stratégique et sanitaire non négligeable. Quant à changer de modèle productif en promouvant la décroissance et la fin du développement chère à l’économiste hétérodoxe François Partant, cela reviendrait à renoncer à toute politique de puissance pour la France et l’Europe et à sortir de l’histoire. Sauf si le paradigme décroissant intègre finalement une dimension communautaire, autochtone et identitaire comme l’assure depuis bien des années le prophète finlandais de l’« écologie armée » Pentti Linkola.

Georges Feltin-Tracol

• Guillaume Pitron, La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, préface d’Hubert Védrine, Éditions Les liens qui libèrent, 2018, 295 p., 20 €.

18:43 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, terres rares, géopolitique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook