Parution du n°432 du "Bulletin célinien"
Sommaire :
Clément Camus et Albert Paraz
Le cuirassier à Rambouillet
Céline dans Excelsior
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Le dernier numéro de Livr’arbitres est un bel hommage à la littérature russe et à Edouard Limonov, c’est aussi une superbe occasion de découvrir cette publication dont la lecture est toujours passionnante.
R/ Pouvez-vous nous présenter L’A ?
La revue littéraire non-conforme Livr’Arbitres est le fruit d’une lente maturation. Elle a connu plusieurs noms avant celui-ci (peut-être vos lecteurs les plus anciens auront-ils vu passer un exemplaire du Baucent ?). Bref, nous avons mis plusieurs décennies à nous construire, à trouver notre rythme, notre équipe. Ce qui me fait le plus plaisir, c’est que du noyau de départ, peu nous aient quitté depuis ! Cela prouve que nous n’avons que peu changé sur le fond et tant mieux. La revue est née à Metz, sur le campus, dans le cadre du syndicat Renouveau étudiant. C’est donc avant tout un objet « militant ». Nous étions en fac de Lettres, en Histoire, nous voulions partager nos lectures, nos convictions mais sans jamais nous enfermer dans une chapelle, d’où le titre qui s’imposera plus tard de « livr’arbitre ». Notre objectif est double. D’un côté remettre à l’honneur des auteurs disparus, laissés sur le bas-côté, abandonné sur de vieux rayonnages. De l’autre, proposer de nouvelles plumes, découvrir de nouveaux talents. Le cadavre de la littérature est encore fécond, il produit encore quelques belles et jeunes figures (de Bruno Lafourcade à Thomas Clavel en passant par le mirifique Olivier Maulin)
R/ Votre dernier numéro place la littérature russe à l’honneur. Quelle est pour vous la spécificité des écrivains de la patrie de Léon Tolstoï et Fiodor Dostoïevski ?
Une place à part, forcément ! C’est une terre plus radicale que nos paisibles terres de plaine et de bocage, un territoire immense qui aura connu de formidables soubresauts. On peine à imaginer aujourd’hui les cataclysmes du XXème siècle sur une société marquée jusqu’alors par l’immobilisme (il faut lire à ce sujet Oblomov de Gontcharov mais également Sanine d’Artsybachev), figée dans une tradition qu’elle pensait immuable ! Une aristocratie à bout de souffle face à une bourgeoisie « éclairée », moderne et progressiste. Le même mécanisme qui emporta la monarchie française…
Mais la Russie c’est aussi et surtout une nature grandiose, de la steppe à la Taïga en passant par des fleuves majestueux, une terre d’extrême qui aura marqué sa population et qui continue de les habiter. Les poètes, les écrivains ont là un formidable outil de travail ! Enfin, la religion, l’orthodoxie si exotique à nos yeux, qui, malgré tout surnage dans le marigot actuel : pouvoir confisqué et corruption acceptée ; libéralisme des mœurs et cadre traditionnel promu. En évoquant ou survolant ces sujets, et pour revenir à votre question, je ne crois pas que la littérature russe soit plus ou moins spécifique que celle du Portugal ou de l’Irlande. Une terre, un peuple, une littérature ! Craindre l’arbitraire, la déportation, forcément ça marque un écrivain, un intellectuel ; mais au pays de la dictature médiatique, du politiquement correct, il n’est pas plus aisé de s’exprimer non plus, ouvertement, de sujets « fâcheux » de nos jours, même sous forme de fiction !
R/ Récemment décédé, Edouard Limonov est au centre du dossier. Que vous inspire la figure et l’œuvre de cet écrivain à la fois aventurier et soldat politique ?
Limonov fut pour moi une « révélation ». J’ai toujours eu un tropisme pour l’Est. Ma découverte de la Mitteleuropa dans un premier temps, puis un passage par la Sibérie dans un second temps, sur les pas de Michel Strogoff, de Corto Maltèse et de Sylvain Tesson ne feront que le confirmer !
Limonov, plus sérieusement, je l’ai découvert avec Mes Prisons. Il y a plus de vingt ans, on me conseilla ses livres. Du temps où il écrivait à l’Idiot International. J’ai commencé à en acheter au compte-goutte, puis je les ai oubliés sur une étagère de ma bibliothèque. Enfin, dernièrement, en rencontrant son éditeur du moment, Charles Ficat, je suis revenu à lui au fil des parutions de cette courageuse maison [Bartillat]…. Pris par d’autres sujets, l’idée d’un entretien avec Limonov fut repoussée plusieurs fois, à plus tard. Enfin, je vis Limonov à son dernier passage à Paris. Ce fut un deuxième choc ! L’homme attirait autant que l’écrivain ! Davantage même !! On peut comprendre son succès politique, quand bien même il ne déboucha sur aucune victoire véritable. En écho, le mouvement culturel italien proposé par la Casapound semble ressembler le plus, à sa vision politique et à ses initiatives … mais ceci est une autre histoire !
R/ D’Alexandre Douguine à Thierry Marignac, comment avez-vous rassemblé les contributeurs et les témoignages sur lui ?
Livr’Arbitres au fil du temps est devenu une véritable machine de guerre ! Enfin, disons que parti d’un petit noyau étudiant il y a vingt ans, elle se retrouve entourée désormais d’une cinquantaine de contributeurs « potentiels ». En fonction du sujet, je peux solliciter tel ou tel. Par internet, par le biais d’éditeurs, je peux également rentrer en contact avec des gens qui me sont totalement inconnus. Par le fruit du hasard, de rencontre également (Pour Douguine, je suis passé par sa fille). Marignac me fut présenté voilà plusieurs années. C’est un homme entier qu’il faut apprendre à apprivoiser, mais avec le temps nous sommes devenus amis ! C’est aussi ça une revue littéraire, des rencontres en chair et en os ! Et quel plaisir de les partager avec nos lecteurs ! Marignac fut un proche de Limonov, une amitié de quarante ans datant de son séjour parisien, de ses années à l’Idiot International… Marignac est également traducteur, c’est-à-dire un passeur, ainsi entre-autre, il a traduit Guerre de Vladimir Kozlov, que l’on peut retrouver dans la collection Zapoï de la Manufacture de livres, mais également traduit des poètes russes, Des chansons pour les sirènes (Essenine, Tchoudakov, Medvedeva). Son dernier roman, L’icône, est également une porte d’entrée dans l’univers mental russe.
R/ Edouard Limonov est une référence pour toute l’avant-garde russe contemporaine. Quels sont les auteurs contemporains qui attirent votre attention ?
J’ai peu lu jusqu’à présent Zakhar Prilépine. Pour d’aucuns, c’est un peu le Brutus de Limonov, celui qui aura trahi, pour d’autres, il aura désiré voler de ses propres ailes et dépasser le maître. Il faudra lui poser la question ! Dans un prochain entretien peut-être ?! Assurément, nous y reviendrons à l’occasion… Je pense, malgré ou à cause de ses engagements, qu’il a quelque chose à nous dire. Je ne sais si les écrivains se doivent d’être engagés, mais je sais que je préfère un homme debout, les armes à la main pour défendre son idéal qu’un « planqué »… Prilépine relève quelque peu de cette image consacrée d’un type d’homme remarquable définit par sa qualité de soldat, de poète ou de moine, mais je peux me tromper !
Sergueï Chargounov.
Parmi les auteurs russes contemporains, on peut également citer, Sergueï Chargounov (proche de la ligne de Limonov et de Prilépine) ou, dans un autre domaine, moins politique, Mikhaïl Tarkovski. Il faut lire Le temps gelé, c’est vraiment l’image que je me fais de ce pays, immense et inconsolé ! C’est un écrivain enthousiasmant, à l’image d’un Sylvain Tesson, mais, lui, contrairement à Tesson, a choisi de vivre dans une cabane et pas simplement de s’en servir de décor temporaire ! Tesson est un citadin, épris de grands espaces. Il n’est pas de la « terre », sans doute le regrette-t-il, mais cela lui laisse une grande liberté en contrepartie ! Sur la Russie, un auteur que je pourrai aussi conseiller, ce serait Cédric Gras, son récit de voyage Le Nord, c’est l’Est : aux confins de la Fédération de Russie (Phébus, 2013) une formidable entrée en matière.
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Parution du n°432 du "Bulletin célinien"
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Clément Camus et Albert Paraz
Le cuirassier à Rambouillet
Céline dans Excelsior
« Il était très cultivé. Il avait énormément lu, avait beaucoup retenu et savait beaucoup de choses, presque sur tout », disait l’un de ses proches. Publiquement Céline s’est peu confié sur ses lectures. Lui rendant visite à Montmartre, un confrère évoquait « les bouquins dissimulés comme chez de vieux paysans qui lisent, mais croiraient se révéler dangereusement en laissant connaître leurs lectures. » Durant sa vie professionnelle ainsi que les dernières années, il dira n’avoir pas le temps de lire. Ce qui était alors vrai ne le fut pas à d’autres périodes : Londres (où il lit Hegel, Fichte, Nietzsche et Schopenhauer !), l’Afrique et naturellement le Danemark, en particulier les dix-huit mois de réclusion. Si à la fin de sa vie, il cite invariablement Barbusse, Morand et Ramuz pour la raison que l’on sait, il a bien d’autres admirations : Vallès (« l’homme de tous les écrivains que j’admire le plus ») et, pour les anciens, Villon, La Fontaine ou Chateaubriand. Parfois son jugement évolue avec le temps. Le cas le plus notable est évidemment Proust tant daubé dans les années trente et suivantes. Et qualifié de « dernier grand écrivain de notre génération » à la fin. Ces évolutions sont prises en compte dans ce dictionnaire dont la lecture constitue un régal tant les commentaires donnent à réfléchir sur la complexité d’un homme que certains ont trop vite qualifié de fruste. Se dessine, au contraire, le portrait de quelqu’un de cultivé et – lorsqu’il n’est pas aveuglé par ses phobies – de perspicace. Ce dictionnaire, merveille de précision et de rigueur, constitue une contribution capitale à la connaissance d’un écrivain qui a beaucoup lu et beaucoup retenu. Ouvrage de référence sur les sources et lectures de l’écrivain, il est appelé à figurer dans la bibliothèque de tout célinien digne de ce nom.
• Laurent SIMON & Jean-Paul LOUIS, La Bibliothèque de Louis-Ferdinand Céline (Dictionnaire des écrivains et des œuvres cités par Céline dans ses écrits et ses entretiens), Du Lérot, 2020, 2 volumes de 376 et 384 p., ill.
► Deux précisions : a) il est erroné d’écrire qu’André Thérive « ne fit que quelques allusions à Céline » dans l’hebdomadaire Paroles françaises puisqu’il fut, en 1950, l’un des très rares critiques à consacrer un grand article à Casse-pipe (repris dans le BC de juillet-août 2015) ; b) Il existe une photographie (fonds Sygma) de l’écrivain debout devant sa bibliothèque à Meudon (reproduite en 1979 dans le supplément iconographique de feu La Revue célinienne). Sur l’original de ce cliché (que nous n’avons malheureusement plus), on distingue nettement plusieurs titres. Il s’y trouve notamment plusieurs ouvrages médicaux et un livre de… Roger Vailland (!).
13:29 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, littérature, lettres, lettres françaises, littérature française, revue | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Huxley’s Brave New World (1932) has Alphas, Betas, and Epsilon Semi-Morons – genetically engineered classes with uniform clothing and uniform opinions. Orwell’s Nineteen Eighty-Four (1948) has the Thought Police and Newspeak. While Zamyatin’s We (1921) has numbers instead of people – D-503, I-330, O-90: vowels for females, consonants for males.
If there is a single defining characteristic of dystopian literature, it is the eradication of all individuality. “Self-consciousness”, Zamyatin writes, “is just a disease”. For this reason, dystopias are invariably told by tormented outsiders: those who are well aware of the commodity-like standardisation of their fellow humans, yet either fear the consequences of speaking out or resent their own sense of self. After all, “no offence is so heinous as unorthodoxy of behaviour”, as Huxley writes.
Given their tyrannical preoccupation with uniformity, it is little wonder that, as a literary form, dystopias emerged at the beginning of the twentieth century. The totalitarian regimes of Russia and Germany as well as their technocratic Western counterparts, inspired by the likes of F. W. Taylor and Henry Ford, were central sources of inspiration. For all their apparent differences, these competing ideologies are united by the utopian attempt to redraw not just society, but the human being himself. The increasing power of science and technology gave rise to the idea that nature itself, in all its messy complexity, could be finally put straight.
Besides these three canonical authors, however, this generation produced another equally impressive, if much less well known, dystopian writer: the enigmatic German, Ernst Jünger. Known primarily for his First World War diaries and steadfast opposition to Weimar liberalism, Jünger went on to live until the age of 103, writing on topics from entomology and psychedelics to nihilism and photography. In the second half of his career he produced three principal works of dystopian fiction: Heliopolis (1949), Eumeswil (1977), and, perhaps his finest, The Glass Bees (1957).
Arguably his most chilling vision, however, is offered in an extended essay published on the eve of the Nazi ascension to power in 1932. The Worker, as Jünger calls it, aims to sketch what he regards as the coming new world order – an order defined by a fundamentally new type of human. Having dispensed with the liberal values of the past and embraced his fate in the factories and on the battlefields of the early twentieth century, the hallmark of the new man is an uncanny resemblance – both in body and soul – to the machine. Born to human parents, Jünger’s “worker” is nevertheless a child of the industrial age.
Following the dystopias of his contemporaries, the prime casualty of this new age is also the individual. For the logic of the machine permits no difference. Whether the natural world or the human mind, Jünger argues that everything is increasingly defined by “a certain emptiness and uniformity”. The result, to use Orwell’s words, is “a nation of warriors and fanatics, marching forward in perfect unity, all thinking the same thoughts and shouting the same slogans” – millions of people, he adds, “all with the same face”.
Our readiness to hide our face reflects the dehumanising tendencies that underlie the modern period
It is in this last respect that The Worker takes on a disturbing relevance for our own times. For the uniformity of the new age is symbolised, Jünger suggests, by the sudden proliferation of the mask in contemporary society. “It is no coincidence”, he writes, “that the mask is again beginning to play a decisive role in public life. It is appearing in many different ways … be it as a gas mask, with which they are trying to equip entire populations; be it as a face mask for sport and high speeds, seen on every racing driver; be it as a safety mask for workplaces exposed to radiation, explosions, or narcotic substances. We can assume”, he continues, with an eerie prescience, “that the mask will come to take on functions that we can today hardly imagine”.
Given the sudden ubiquity of the face mask in 2020, across the entire globe and in an increasing number of social contexts, it is impossible to avoid the conclusion that this is precisely the sort of development Jünger had in mind. Our readiness to obscure the face reflects the dehumanising tendencies that, for Jünger, underlie the modern period. It represents another stage in the degradation of the individual that became explicit in the First World War. Whether as a scrap of material on the battlefield or a cog in the machine of the wartime economy, the modern age has a habit of reducing the human being to a functional object. Everything “non-essential” – everything, that is, that makes us human – is blithely discarded.
The question for us is what it means to resemble such a dystopian vision. Are we happy to rationalise the transformations of our everyday lives, or are we concerned by the proximity of today’s world with some of the most basic dystopian tropes? Whether the call for social isolation, perpetual “vigilance”, or mandatory face masks, the measures of the last six months represent more than an assault on liberty. They implicitly enjoin us to sacrifice our humanity in order to save our lives. Even if this Rubicon has not yet been crossed, it is worth thinking about the point at which it is. For perhaps there is more to life than its mere continuation. Perhaps “the object”, as Winston Smith well knew, “is not to stay alive but to stay human”.
15:14 Publié dans Actualité, Littérature, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ernst jünger, révolution conservatrice, littérature, littérature allemande, lettres, lettres allemandes, masques, dystopie, allemagne | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Pour imposer leur vision du monde au reste de l’univers, les Américains bénéficient de la rutilante machine d’Hollywood. Cet organe de propagande bien huilé leur permet, sous le couvert des films les plus divers, d’imposer leur narratif tant idéologique que géopolitique à l’ensemble du globe.
Face à ce mastodonte incomparable, nulle production nationale, nul producteur indépendant ne peut faire le poids. Mais la force de ce géant aux pieds d’argile est l’argent qui permet des productions coûteuses à grand déploiement. Et si l’argent est essentiel au cinéma, il ne l’est heureusement pas à d’autres formes d’art, comme la littérature, ce qui permet à des auteurs présentant des points de vue différents de réaliser des ouvrages de grande qualité tout aussi percutants que ceux qu’on produit chez l’Oncle Sam.
Dans le registre des livres d’action et des thrillers, les librairies regorgent évidemment de noms américains qui vendent des pages gonflées à bloc d’action, imposant un rythme haletant au lecteur qui ne pense qu’à tourner la page pour savoir ce qu’il adviendra de son héros. Si les Michael Connelly et Harlan Coben dominent les présentoirs, il n’en demeure pas moins que certains noms moins connus parviennent à percer en utilisant les codes et les recettes des best-sellers américains pour présenter une alternative, un antidote à la pensée dominante. Le nom de Laurent Obertone a été popularisé dans les dernières années, mais il n’est pas le seul à s’être lancé dans cette aventure. Denis Vignot, quoique moins connu, est lui aussi un pionnier dans ce genre et son récent Varka nous prouve qu’il maîtrise ce style à la perfection.
Vignot sent la vieille France. On l’imagine, dressé devant son bureau, probablement de chêne massif, un peu à la façon d’un Jean Raspail ou d’un Michel Déon, le dos droit, le regard parcourant une bibliothèque composée d’œuvres belles et immortelles à la recherche de cette formule qui réconciliera la littérature élitiste et celle plus « populiste ». Il n’est en rien pédant, c’est un aristocrate du cœur : il chante les louanges de la chevalerie, mais avec un style qui rappelle davantage James Bond que la Chanson de Roland ou les œuvres de Chrétien de Troyes, sans toutefois tomber dans la facilité et la littérature de gare. Malgré son ton très grand public, les références littéraires foisonnent, assez pour en appeler au lecteur féru de Nabokov et de Pouchkine, sans toutefois faire en sorte que celui qui ne les connaît pas se sente niais face à cet étalage.
Dans Varka, qui se trouve à être la suite du roman Le choix, publié en 2016, Vignot nous replonge dans les Balkans du tournant du millénaire. En fait, ce contexte serbe, le martyr du Kosovo plus spécifiquement, n’est pas qu’un simple arrière-plan, c’est le cœur même de son œuvre, son âme et sa raison d’être.
Denis Vignot.
Cette parcelle de terre, revendiquée tant par les Albanais musulmans, au nom d’une ascendance hypothétique avec les tribus illyriennes qui y étaient installées avant l’arrivée des Slaves, que par les Serbes, qui y plantèrent leurs racines il y a de cela des siècles, fut au cœur d’un bras de fer planétaire. D’un côté, les puissances européennes y jouèrent un rôle parfois trouble, justifiant par des mensonges leur intervention, alors que pour la Russie post-soviétique, il s’agissait d’un retour sur la scène internationale avec une nouvelle vision géopolitique. Quant aux Américains, « sous couvert d’intervention humanitaire, (ils y menèrent) une double campagne : économique et politico-militaire. Économique en mettant la main sur le Combinat Minier, Métallurgique et Chimique de Plomb et Zinc de Trepca, tout en affaiblissant l’Europe avec cet abcès contre nature sur son flanc sud et politico-militaire, en empêchant l’Europe de nouer des liens étroits avec les Russes, donc d’isoler un peu plus la Russie, » suivant ainsi la doctrine énoncée par Zbigniew Brzezinski.
En 2019, ces considérations peuvent sembler être une chose du passé tant l’actualité périme rapidement, mais pour les Serbes du Kosovo qui ont survécu au règne mafieux des milices kosovares d’Hashim Thaçi, au nettoyage ethnique, au trafic d’organes, aux viols et aux exactions, à la haine christianophobe, le tout souvent couvert par les puissances de l’Ouest pour qui les Serbes ne représentaient qu’un simple grain de sable dans leur jeu géopolitique, c’est un drame toujours d’actualité. Nikola Mirkovic auteur de l’incontournable bande dessinée Bienvenue au Kosovo peut en témoigner.
Celui que Vignot lance dans cette marmite au bord de l’implosion, c’est le lieutenant-colonel Philippe Daversin, un paladin moderne, peut-être trop bon pour être vrai, un redresseur de torts, motivé par la défense de la veuve et de l’orphelin, ce qui n’est pas ici une métaphore.
Mais cela nous amène à la question de la finalité de l’art. Selon moi, la littérature doit chercher à nous élever, à nous pousser à devenir meilleur et ce chevalier, guidé par « le sens du devoir, certes, mais également une attitude aussi esthétique que morale, définie par des critères hors du temps qui plongeaient profondément leurs racines dans le code des premiers temps de la chevalerie chrétienne, » incarne celui que nous aimerions avoir la force d’être, celui que nous aimerions proposer comme héros à notre progéniture.
Parti au Kosovo, cette terre aux 1300 églises, pour aller chercher un ami disparu, il y rencontrera la mort, la désolation et l’horreur et devra faire face aux milices albanaises et à certains agents de l’ouest hostiles. Mais jamais, il ne cédera et, comme le prince Lazar vaincu à la bataille de Kosovo Polje en 1389 par le sultan Mourad 1er, il refusera toute compromission. Mieux vaut recevoir des coups que d’accepter de se renier et de trahir son âme.
Ses épreuves au Kosovo ne le laisseront pas indemnes. Même les plus forts et les plus braves, ne peuvent se targuer d’être inébranlables. Même le roc le plus dur finit par s’éroder face aux assauts constants de la mer. De retour sur cette terre de France, de moins en moins française, il fera face à ses démons, à ses cicatrices, mais aussi à une menace beaucoup plus tangible, car les Albanais, quand on parle de sang et de vengeance, ont la mémoire longue.
Le rythme est haletant, jusqu’à la toute dernière page. Vignot a réussi le pari de traiter son sujet en profondeur, sans sacrifier la forme comme dans ces romans à thèse, qui sont souvent des essais mal déguisés. On retiendra aussi une différence de taille entre son œuvre et celles Made in the USA : jamais il ne déshumanise son adversaire et loin du manichéisme auquel nous sommes habitués, il parvient à trouver du bon chez ceux du camp adverse, refusant donc d’adopter une vision bicolore, réductrice et faussée. Par son œuvre, il participe à l’éclosion d’un 5e art multipolaire. Voilà une brèche dans laquelle il faut se précipiter.
Denis Vignot, Varka, Éditions Sydney Laurent, 2019, 612 p.
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The white man stood tall and proud. He was handsome and confident, and was well-dressed in his white summer-weight frock coat. Regal, although not quite the Tsar. As Prime Minister, he was the next best thing. Despite this, Pyotr Stolypin had remarkable little security around him when he attended a play at the Kyiv Opera House on September 14th, 1911. His relationship with the Tsar had soured a bit recently due to his insistence that the local governments of the western provinces (called zemstvos) be dominated by the Russian people and not the influential Polish landowners. He had also alienated the Empress over his disapproval of her great friend Rasputin.
Still, he was secure in his wildly successful record as prime minister. In the Russia he loved, the economy was strong, people were working, and the threat of revolution which had haunted the Romanovs for decades had finally subsided. War was also no longer on the horizon. Recently, he had convinced the Tsar not to mobilize against Austria-Hungary over a pesky affair in the Balkans. Foreign policy was so easy for Stolypin; he never understood why people struggled with it. As Aleksandr Solzhenitsyn tells us in the expanded version of August 1914:
He was in his prime and at the height of his powers and he infused the whole administration with his own youthful vigor. He hid nothing, stood where all Russia could see him, and left no dark patches where slander might flourish. He lived up to his name, the pillar (stolp) of the Russian state. He became the hub of Russian life as no Tsar had ever been.
Throughout his and the Tsar’s stay in Kyiv in mid-September, there had been whispered rumors of conspirators and assassination. But Stolypin had paid it little mind. Leftists and anarchists had tried to murder him several times before, and he had survived. And what good would a bulletproof vest be against a bomb, anyway?
The Jew Bogrov, on the other hand, had had his eye on Stolypin for a long time. He was well-dressed and pretentious in his pince-nez. He came from a well-off family, but had been steeped in revolution from an early age. He had a powerful, disciplined, and calculating mind, yet he was “weak and sickly in appearance,” Solzhenitsyn tells us. He had “puny arms, and a stoop, as though his growth had been stunted.” He knew the Tsar was inconsequential. He knew Stolypin was “the kingpin of the regime.” If anyone in the Russian government should be targeted for assassination in the name of all the non-Russian people in the Empire — especially the Jews! — it would be him.
Despite having done nothing directly against the Jews, Stolypin was the enemy of the Jews because he
. . .boosted Russian national interests too blatantly and too insistently — the Russianness of the Duma as a representative body, the Russianness of the state. He was trying to build, not a country in which all were free, but a nationalist monarchy. So that the future of the Jews in Russia was not effected by his goodwill toward them. The development of the country along Stolypin’s lines promised no golden age for the Jews.
Bogrov remarked to himself how easy it had all been. Several years as a double agent working for the blockheads at the Okhrana, feeding them lies, feeding them hopes, feeding them some of the more surly and self-destructive elements of the Revolution from time to time. They trusted him, the idiots. And so, when he invented rumors regarding Stolypin’s assassination during the Tsar’s upcoming visit to Kyiv in September, these complacent Okhrana fools had asked Bogrov to be in Kyiv as well — in case he can help locate the conspirators. Help locate the conspirators! He was the conspirator. They even gave him a ticket to the play that Stolypin was going to attend! It was almost as if they wanted to give their empire away.
Dmitri Bogrov
And when that fateful moment arrived, Bogrov did not hesitate. It was the decisive historical moment for which he was born. He pumped two bullets in Stolypin with his Browning revolver — one in the hand, and one in the chest. The great man watched his assassin’s black back “wriggling away up the aisle” like a speedy insect. He died three days later. For Solzhenitsyn, this was nothing less than catastrophe, effectively the first eddies in a swirl of nihilism, war, and death that soon would consume Europe. With the death of Stolypin came the death of Russian nationalism, and the resulting rejuvenation of dangerous and destructive ideologies such as imperialism, globalism, and pan-Slavism, all of which could be said to have contributed to the disaster that was the First World War.
A fatal pistol shot was no new event in Russian history.
But there was never one so fraught with consequences — for the whole of the twentieth century.
Neither at that moment nor later did the Tsar go down to the wounded man.
Didn’t come to him. Didn’t come near him.
But what those bullets had slain was the dynasty.
They were the opening shots of the fusillade at Yekaterinburg.
* * *
Themes of nationalism appear often in the works of Aleksandr Solzhenitsyn, especially in his essays, speeches, and histories. It’s a subject the man clearly thought deeply about. But in his fiction, nationalist themes become a bit more obscure — as they should. Themes in fiction (especially political themes) should never be as explicit than the more immediate fictive elements such as character, plot, and conflict. These are what readers crave when they are being told a story. August 1914, the first work in Solzhenitsyn’s Red Wheel epic, however, makes themes of nationalism more explicit. . . more so than any other of his novels. Then again, August 1914 isn’t really a novel. It’s a novelization of history, the admixture of pure fiction and hard documentary. It almost requires that one have an advanced knowledge of the subject matter before embarking upon its story — and to have a concern about nationalism.
In chapter one, young Isaaki Lazhenitsyn, a farm boy from Sablinskaya, boards a train. He had lied to his family about having to return to university a few weeks early when in reality he was preparing to enlist. The war was hardly three weeks old, and already there were reports of Russian and Serbian victories. At the train station, Isaaki by chance meets Varya, an old high school friend who once harbored a crush on him. Thrilled to see him, Varya proposes they spend some time together and then asks where he’s headed. A little embarrassed, he admits that he’s on his way to Moscow to volunteer.
Varya is horrified. This is not the progressive, pacifistic, idealistic youth she knew. They had studied all the literature and ideas of the intelligentsia together. “A fine thing!” she thinks, “Surrendering to vulgar patriotic feeling, betraying all his principles.” She hurls argument and argument at him against going to war, and Isaaki’s only response is, “I feel sorry for Russia.”
In chapter four, young Ksenia Tomchak can barely contain her embarrassment of Russia. Despite being raised on a prosperous Ukrainian farm, she pines for the stylish life in Petersburg. She longs to dance like Isadora Duncan, and one August morning tries scheming with her brother Roman to abandon her university classes for the dancing life. The very idea of staying home and being a farmer like her father and ultimately marrying a Ukrainian peasant simply appalls her.
Later that morning, she’s receives a gentle scolding from her stepmother Alina. “Russia’s roots are here,” the older woman says.
It saddens me, Ksenia my dear, that everything here inspires either shame or ridicule in you. There is, of course, a lot that is shameful and ridiculous, but still this is where you see how real Russian people live, where you can feel the bedrock under the soil. The grain for our daily bread is grown here, not in Petersburg. You even find the church fast days superfluous. But fasting helps people to grow spiritually.
In chapter twenty-one, two officers meet during a lull in battle. General Nechvolodov, a traditionalist and monarchist in his fifties, remarks to himself how he had taken command of the very regiment that had put down the 1905 uprising in Moscow. This regiment had been the “sole prop of the throne,” according to Solzhenitsyn, and here he was discussing the throne with the younger and quite thoughtful Colonel Smyslovsky. Where Smyslovsky questions the war in the vast cosmological scheme of things, Nechvolodov tells him that he “can’t look beyond Russia.”
“You know, a lot of us don’t understand even Russia,” Smyslovsky argues. “Nineteen out of twenty don’t understand what ‘fatherland’ means. Our soldiers fight only for their religion and for their Tsar — that’s what holds the army together.”
“It’s all the more important that the idea of the fatherland should be cherished in every heart,” the older man responds.
Smyslovsky is aware that Nechvolodov had written a book entitled Tales of the Russian, a popular work of middling quality meant to inspire patriotism in the Russian public. He was afraid that the general would start boring him by quoting from his own work. Despite this, and his sense of greater sophistication, Smyslovsky appreciated the old man. “Alexei Smyslovsky himself had outgrown both the Tsar and religion, but the fatherland was something he understood very well.”
Later, in chapter fifty-four, Solzhenitsyn reveals what a lonely figure Nechvolodov really is:
He did not feel that Russian history was something separate from his army service, but rather was a shared tradition outside of which his own present service as an officer would be meaningless. . . . If Nechvolodov’s devotion to the monarchy had seemed extravagant to the generals and alarmed them, it now incurred the ridicule of the educated, who held that Russian history could only arouse derision and disgust — if, of course, it could be said ever to have existed.
In a century, things have not changed for nationalists of all stripes, except that perhaps the globalist pressure for them to completely disavow their own history, inheritance, and identity has only gotten worse. Solzhenitsyn perceived this trend clearly and presented it in its own historical context within the pages of August 1914.
* * *
When Solzhenitsyn first published August 1914 in 1971, he hadn’t included the Stolypin and Bogrov chapters. When he did, slightly more than a decade later — after having gained access to Western libraries during his exile from the Soviet Union — he added ten chapters and nearly 200 pages, much of which was in small type and dealt with the minutiae of Stolypin’s interactions with the Duma. If Solzhenitsyn’s nationalism and his Judeo-skepticism had been in any doubt before he published the expanded version of August 1914, this was the work that began to remove it.
He had dared to use anti-Semitic stereotypes to depict Bogrov. Solzhenitsyn’s Bogrov was a scheming, two-faced, lying manipulator. He constantly thought one thing and said another. Bogrov was highly intelligent but soulless, egomaniacal, and neurotic. “He was racked by a feeling of spiritual unfulfillment, an indefinable anxiety,” Solzhenitsyn tells us. “He loved himself. And he despised himself.” He was physically weak and averse to all forms of labor. He was crooked and raspy, and slack and sickly. He was rootless and consumed by his own hatred of the Other — in his case, the Russians. There was nothing the Russians could do besides cede power to the Jews that would satisfy him. He lusted after revenge as if it were a whore. He was a Jew who wasn’t religiously Jewish but whose throbbing racial identity achieved primacy in his fevered mind. He could not bear the Russians being in control of Russia and in control of his people — and it did not matter how benign that control actually was. All slights in the past against Jews were remembered, and kept close, and sharpened like weapons. All slights by Jews against Russians never even entered his mind.
When the expanded August 1914 was published in 1983, many Jews took exception to Solzhenitsyn’s depiction of Bogrov, claiming it was highly stereotypical. (And to be fair, there were some Jews who defended Solzhenitsyn to varying lengths.) Lost in this, however, was that Mordecai Bogrov was a Jew, he did assassinate Pyotr Stolypin, and he did act as a double agent with the Okhrana. Solzhenitsyn used whatever documentary evidence he could find to build a believable psychological composite of the assassin. As he describes in Book 1 of Between Two Millstones, shortly after arriving in America:
That summer I had brought with me the first stack of personal accounts that elderly Russians had sent me by way of the San Francisco newspaper Russkaya Zhien (Russian Life). An even larger stack had come to me from New York’s Novoye Russkoye Slovo (New Russian Word), and more personal accounts were arriving — all I had to do now was read them! Not to mention that more packages were coming over the ocean from Paris’s Russkaya Mysl (Russian Thought).
It was as if all these elderly people, contemporaries of the Revolution, were handing Alya and me the baton of their struggle; and the personal account of every person impressed me as if I had met that person in those years.
Any less of the psychological intensity and fragility of Bogrov and we wouldn’t have a believable assassin. Solzhenitsyn puts us in the mind of an unstable yet competent killer. How else should he have portrayed him? Sane, law-abiding, and self-composed people do not assassinate world leaders. If Solzhenitsyn portrayed Bogrov as a villain, it’s because he was a villain, both in August 1914 and in history. Furthermore, Jews were highly overrepresented among Left-wing and anarchist radicals back then (as they continue to be). Here’s Solzhenitsyn describing Bogrov’s university milieu:
Choosing his party was the most important decision of a man’s life. Bogrov wobbled between the uncompromising Maximalists and the anarchists. Among the anarchists, some of them in their twenties, some not yet that old — Naum Tysh, the Grodetsky brothers, Saul Ashkenazy, Yankel Shteiner, Rosa No. 1 (Mikhelson), and Rosa No. 2. . .
Solzhenitsyn also drops names of other Jewish radicals Bogrov knew such as Yuda Grossman, Hanna Budyanskaya, and Ksenia Ternovets. So why is it outlandish for Solzhenitsyn to imply that it was no coincidence that a self-identifying Jewish radical murdered Stolypin when so many of the radicals of the time were self-identifying ethnic Jews? Should he have done something as dishonest as tacking negative Russian traits onto his “Bogrov” character in order to in order to ward off the philo-Semitic vengeance mob ahead of time?
Solzhenitsyn’s critics also overlooked how Solzhenitsyn took a similar approach with his depiction of his near-psychotic Lenin in Lenin in Zurich [2]. Was that anti-Semitism as well? Yes, Lenin was a quarter Jewish, but Jewish complaints converged not around Solzhenitsyn’s positively revolting Lenin but around his treatment of the Jew Parvus (born Izrail Lazarevich Gelfand) as embodying every negative stereotype one can think of in a fat, sleazy, unscrupulous, Jewish financier. But with such a large proportion of radicals being Jewish, and with most racial and ethnic stereotypes being born from truth, one can respond to such complaints by quipping that if the shoe fits, then wear it.
Furthermore, did any Jewish critic of Solzhenitsyn complain when he penned the following paragraph about Kulyabko, the Russian Okhrana official whom Bogrov duped so easily?
Sleepy Kulyabko’s mind, however, was less active. The stupidity in Kulyabko’s face was not just an individual trait, it was characteristic of his type, perhaps of his race. He scratched and pulled his dressing gown around him. He had noticed nothing.
Bogrov refers to Kulyabko as a blockhead because he was a blockhead. Where Bogrov wriggles like an insect, Solzhenitsyn sees Kulyabko “waddling like a drake.” Does this make Solzhenitsyn anti-Russian? If anything, most of the Russian authority figures from the Tsar on down (excluding Stolypin) are either stupid, self-serving, weak, vain, or just plain lazy. Notably, the police chief Kurlov — the man in charge of security in Kyiv who once promoted Kulyabko well beyond his ability in the Okhrana — is portrayed as a detestably self-serving careerist. Solzhenitsyn spares nothing in exposing many of his fellow Russians for allowing the twin disasters of the First World War and the October Revolution to happen.
Did Solzhenitsyn’s Jewish critics even care? Perhaps they didn’t realize that in writing August 1914, Aleksandr Solzhenitsyn was holding up a mirror to his own people, just as he was doing to them.
* * *
In an ironic twist, Solzhenitsyn pursues themes of nationalism and ethnonationalism through his treatment of Jews and the Jewish Question in August 1914. Of course, Bogrov identifies as an ethnic Jew and believes that he is striking a righteous blow for his people in murdering Stolypin.
“Precisely because I am a Jew I can’t bear the knowledge that we are still living — if I may remind you — under the heavy hand of the Black Hundred leaders,” he tells a conspirator. He also knows that targeting Stolypin will not incite pogroms the way targeting the Tsar would — and ultimately he was right. Bogrov always acts as a member of a nation within a nation, who above all, wants no harm to befall Jews.
The Jews of Kyiv seemed to have shared this attitude:
Next day, Sunday, a rabbi was allowed in to see the condemned man. “Tell the Jews,” Bogrov said, “that I didn’t want to harm them. On the contrary, I was fighting for the benefit of the Jewish people.”
That was the one and only part of his testimony to remain unchanged.
The rabbi said reproachfully that Bogrov might have caused a pogrom. Bogrov replied, “A great people must not bow down to its oppressors!”
This statement also was widely reported in the press.
The obvious ethnocentrism of these Jews should not escape attention. After Stolypin was murdered, they did not mourn for Russia. They fretted only for themselves. Shortly after the assassination, the Kyiv rabbis appealed to the Russian authorities to protect them from impending pogroms. And this is exactly what the authorities did, posting thousands of soldiers in the Jewish quarter to make sure law and order was maintained. And it was. Meanwhile, “[m]any Jewish students in Kyiv went into mourning for Bogrov.”
August 1914 also contains one of the few wholly positive Jews in Solzhenitsyn’s fiction: Ilya Isakovich Arkhangorodsky. Based on a real-life benefactor of Solzhenitsyn’s mother, this character is a wealthy and well-respected engineer who embodies the conundrum of nationalism among racial minorities. To whom should the minority pledge its allegiance? To its nation or to its nation within a nation? The middle-aged Ilya Isakovich belongs in the former category. Late in the book, during the early days of the war, he entertains an engineer friend over lunch with his family. Included are his radical daughter Sonya and her friend Naum — both fervent believers in revolution.
The young people are ashamed of Ilya for having recently taken part in a demonstration of Jewish patriotism in the city of Rostov. The young Jews can barely contain their contempt for the old man. Here are the nauseating details:
The synagogue, which had a choir, was decorated with tricolors and a portrait of the Tsar; there were soldiers present and the service began with prayers for the victory of Russian arms. The rabbi’s speech was followed by one from the chief of police, “God Save the Tsar” was sung, then some twenty thousand Jews paraded through the streets with flags and placards bearing the words “Long live great Russia, one and undivided,” accompanied by a body of newly enlisted volunteers. They held a mass meeting by the statue of Alexander II, they sent greetings to the city police chief and a loyal telegram to the Tsar. . .
When asked to explain his obsequiousness towards the Russians, Arkhangorodsky explains that his interest is to build, not to tear down. He sees revolution as a “prolonged process of insane destruction” and wonders if the mills he has built will continue to grind under communist rule. He also sees the revolutionaries as privileged children who don’t know how to build anything and predicts that they will replace the Monarchy with something worse. But his reasons aren’t entirely practical.
The paths of history are more complicated than you would like them to be. The country you live in has fallen on evil times. So what is the right thing to do? Let it perish, and to hell with it? Or say: “I too want to help you. I belong to you?” Living in this country as you do, you must make up your mind and stick to your decision: do you, heart and soul, belong to it, or do you not?
Clearly, Arkhangorodsky is contemplating the issue of identity. He chooses a Russian identity because he allows his Jewish identity (which he never denies in August 1914) to carry little political weight. Beyond his family, his political loyalty is to the Tsar and the nation and people he represents. When Sonya takes him to task for the historic and ongoing oppression of Jews in the Russian Empire, he insists that Jews must “rise above it.” When Sonya accuses him of paying homage to the anti-Semitic Black Hundreds, he responds by referring to similar dangers presented by the Red Hundreds. In this sense, Arkhangorodsky is speaking not just like a true reactionary but also like a Russian patriot. He’s concerned for Russia and fears how both radical groups may one day tear it apart.
Neither Arkhangorodsky nor Solzhenitsyn offers any solution to the question of nationalism among minority peoples. But the implication is clear: nationalism is real, and ethnonationalism becomes extremely complicated when multiple ethnic or racial groups occupy the same country. A gentile nation with Jews such as Ilya Isakovich Arkhangorodsky can prosper greatly. Sadly, however, his daughter Sonya and her friend Naum — and perhaps even Bogrov himself — were closer to the norm among Russian Jewry at that time. In only three years, this imbalance would play a major part in causing the great cataclysm which Arkhangorodsky had feared all along.
* * *
Of course, the central historical figure of the expanded August 1914, more than General Samsonov, more than Lenin, even more than Tsar Nicholas II, is Pyotr Stolypin. Students of the Right should read these Stolypin chapters carefully because Solzhenitsyn illustrates what is, in effect, not merely a splendid statesman but the ideal ethnonationalist.
It was not a question of knowledge, or conscious thought, or intent; it was just a persistent and poignant feeling that the Russian land and the Russian peasant were inseparable, that both were inseparable from Russia, and that away from the land there was no Russia. He had a constant anxious awareness of all Russia as though it were there in his breast. Unsleeping compassion, a love that nothing could alter.
As such, Stolypin believed that the monarchy’s prime goal was to “raise the prosperity of the peasantry.” This alone made him remarkable among the chattering fortune and power-seekers within the Russian government. This also won him many enemies on the Left and the occasional opponents on the Right. So hated was he that he survived multiple assassination attempts — one of which, a bomb attack, crippled his daughter for life. But in the Duma, he could think quickly on his feet and often skewered and embarrassed his Left-wing adversaries. He was always prepared and he savored debates. Once, after an egregious insult from a Leftist member of the Duma, Stolypin challenged him to duel. Being cowardly in nature, the Leftist was forced back to the rostrum to publicly apologize to Stolypin.
Stolypin’s reforms centered mostly around neutralizing the socialist communes which were impeding the productivity and welfare of the peasant. Prior to his becoming prime minister, Progressives had persuaded the Tsar to enact various socialist reforms dealing with peasant use of farmland. While not standing in direct opposition to his autocrat, Stolypin understood that “egalitarian land use lowers agricultural standards and the general cultural level of the country at large.” He worked to revive the zemstvos, he removed all restrictions on peasant rights, he encouraged democratic reform on the district level, and he increased the autonomy of local governments — all of which undermined the control the communes had over the peasantry. Stolypin also toured the provinces and met with the people. He’d often dive into hostile crowds unarmed and win them over with reason and charisma. The result was a staggering increase in economic prosperity.
Stolypin also knew not to give into to the radical Left. Its representatives in the Duma, he knew, could not call for an end to terror because that would be an end to their careers. He would deal with them when he could, but when it came to law and order, he was unbending:
Stolypin told himself that the tougher he was to begin with, the fewer lives would be lost in the end. Excessive leniency at the beginning could only increase the number of victims later. He would use conciliatory methods where persuasion was possible. But the mad dogs would not be converted by persuasion — swift and relentless punishment was the only thing for them. What sort of government would it be (and where in the world would you find another?) that refused to defend the state order and forgave murderers and bomb-throwers?
Stolypin saw Christianity as being historically bound with Russia, and saw that adhering to Russia’s historical principles would be the antidote to rootless socialism. He saw patriotism as a necessary virtue. He was also a great defender of the Autocracy and its divine mandate. Most of all, he was a Russian who believed that ethnic Russians should control Russia — just as many white nationalists in the West today believe that whites should remain in control of their ancient homelands.
The State Duma must be Russian in spirit. The other nationalities which form part of Our Domain must have deputies in the Duma to represent their needs but they must not, and shall not, appear in numbers which give them the possibility of determining matters of purely Russian concern.
When the newspapers reported on Stolypin’s assassination, few defended him. The Left-wing media did everything it could not to celebrate his passing, and his deteriorated relationship with the Emperor and Empress made defending him difficult for Right-wing outlets as well. But one paper, New Times, saw Stolypin’s assassination most clearly according to Solzhenitsyn: it was nothing less than an assault on Russia, and it made Pyotr Stolypin a martyr for Russian nationalism.
Given that the waves of Leftist tyranny that followed Stolypin’s death still crash menacingly against the shores of traditional white homelands today, Pyotr Stolypin can now be seen today as a martyr for white nationalism as well.
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17:35 Publié dans Histoire, Littérature, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre soljénitsyne, livre, août 1914, première guerre mondiale, russie, littérature, littérature russe, lettres, lettres russes, histoire | | del.icio.us | | Digg | Facebook
par Pierre Robin (via Facebook)
Il y a 20 ans ces jours-ci je me rendais sur les lieux mêmes de la catastrophe automobile qui brisa la vie et la carrière - mais lança la légende - de Roger Nimier (1925-1962), ce pont de pierre ou de béton de style années 30 sur l'autoroute de l'Ouest, à la limite de La Celle-Saint-Cloud et du Chesnay.
LE SYNDROME JAMES DEAN
En trouvant, à 36 ans, le 28 septembre 1962, la fin d'un James Dean français et littéraire, au volant de la voiture de James Bond - Aston Martin DB4 - et en compagnie d'une assez jolie blonde à faux nom exotique et aristocratique - Sunsiaré de Larcône - Roger Nimier avait vraiment réussi sa sortie, si involontaire qu'elle ait été.
Son oeuvre, c'est moins évident, à mon dérisoire avis : j'ai lu, par devoir culturel droitiste, Le Hussard Bleu et Les Épées - à moins que ce ne soit Les Enfants tristes - et j'ai trouvé ça fade et chiant (j'ai plus récemment, par acquis de conscience, relu Le Hussard bleu, et j'ai trouvé ça correct sans plus, avec un humour daté et pénible à la longue). Je me suis également tapé le bottin de 1 000 pages que Marc Dambre a consacré à la vie du grand homme, et c'était plus romanesque que ses romans. Bon, c'est vrai que la littérature pure, en tant que garçon moderne, ça ne m'a jamais passionné.
DÉLIT DE FUITE
Nimier est devenu, en partie à cause de cette fin tragique et quasi-hollywoodienne, une icône "de droite". Ce culte presque obligatoire de Nimier et des hussards m'a toujours agacé : après tout, tout ce beau monde, qui fuyait les réalités politiques du temps dans l'amour, l'alcool ou le VIIème arrondissement, n'a jamais empêché Sartre et ses séides de régner en maîtres. Bon Nimier s'est mouillé pour le retour de Céline, la mémoire de Brasillach. Et pour l'Algérie française, mais c'était une cause vite perdue, donc toujours un peu romantique mais le romantisme de l'échec, c'est fatigant à force...
Il y a aussi qu'il me parait beaucoup plus difficile, inconfortable ou dangereux d'être un Nabe, un Millet, un Soral ou n'importe quel intervenant de "droite", d'extrême-droite ou "dissident" en 2020 que hussard en 1950 ou 1960. Sous la IVème république et au début de la Vème, le PCF faisait peut-être un quart des voix, mais il y avait encore un establishment culturel et littéraire " à droite" - dont notamment l'Académie française -, une presse de droite assez lue de Carrefour à La Nation française en passant par Rivarol ou La Parisienne. Et pratiquement pas de lois liberticides ni de communautarismes agressifs.
Mais revenons à l'essentiel : la mort tragique du colonel des hussards. J'ai acquis le numéro de Paris-Match où l'on voit cette étonnante photo de Nimier et de sa passagère, devenus à l'hôpital deux gisants modernes, beaux et apaisés.
On n'est donc pas obligé de lire ses livres pour se souvenir de lui. C'est un peu comme pour Marilyn Monroe, Brigitte Bardot et donc James Dean, dont bien peu de gens, aujourd'hui, connaissent et voient les films - et en parlant de ça Nimier a quand même contribué à la magie d'Ascenseur pour l'échafaud et du Feu follet de Louis Malle. Évidemment, lui n'a pas droit à des posters et des t-shirts à son effigie : c'était juste un héros mineur français d'un ancien temps, après tout.
Sinon je me souviens avoir interrogé, cet été d'il y a 20 ans, ce petit pont autoroutier de style néo-classique, à la frontière de deux communes bourgeoises paisibles. Mais il n'a rien su me dire...
02:11 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roger nimier, littérature, littérature française, lettres, lettres françaises, hussards, années 50 | | del.icio.us | | Digg | Facebook
00:42 Publié dans Langues/Linguistique, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langues, langues mortes, linguistique, marcel pagnol, latin, langue latine, littérature, lettres, lettres françaises, littérature française | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Historiquement, l’Occident est issu du rationalisme grec, du droit romain et de la tradition chrétienne. J’appelle « naturelles » les valeurs morales qui en découlent. En rejetant son héritage chrétien, l’Occident tourne le dos à ces valeurs. Le libéralisme, tel qu’on le connaît justifie toute action individuelle qui ne dérange pas d’autres individus. Poussé à l’excès et sans encadrement, comme c’est le cas aujourd’hui, il donne lieu à une société où le matérialisme triomphe. L’Occident a perdu la notion d’éternité au profit de l’hédonisme et de la vision à court terme.
Le rejet de la religion est-il vraiment la source de tous les maux de l’Occident ?
« Si Dieu n’existe pas, tout est permis », écrivait Dostoïevski (c’est en fait la synthèse d’un passage des Frères Karamazov, N.D.L.R.). Quand il n’y a plus de points de repère, ou plutôt quand l’Homme fixe ses propres règles, il finit par les changer. Et sans toujours en imaginer les conséquences.
Si l’Occident va mal, que dire de la Russie où, pour ne prendre que l’exemple le plus récent, l’opposition est malmenée par le pouvoir en place ?
Y a-t-il vraiment plus de violences du pouvoir en Russie que contre les manifestants en France ? Plus sérieusement, je sais très bien que tout n’est pas parfait là-bas. La Russie, même si elle va mieux qu’il y a quelques années, est un pays qui est encore très mal organisé en comparaison de la France. Il y a encore des choses aberrantes, trop de corruption, trop de pauvreté, notamment dans les campagnes…
Malgré cela, vous estimez qu’elle a beaucoup à offrir à l’Europe…
Oui car, en dépit de tous ses défauts, elle ne tourne pas le dos à sa tradition et sa religion (majoritairement orthodoxe, N.D.L.R.). Malgré son histoire tourmentée, le pays revient toujours à ses fondamentaux. Il vit avec la conscience de son histoire et la volonté de la porter et de la transmettre. L’idée que la Russie est un « pays-messie » est partagée par de nombreux penseurs et écrivains russes.
Qu’est-ce que le « mystère russe » qui donne une partie de son titre à votre ouvrage ?
C’est cette façon de toujours se relever de ses malheurs et d’aller de l’avant sans jamais se couper de son passé ni s’enfermer dans un progressisme vide de sens. Le philosophe russe Nicolas Berdiaev (qui a d’ailleurs passé une partie de sa vie en France, N.D.L.R.) avait trouvé une formule pour expliquer cela : « La beauté des ruines appartient au présent ». Et puis il y a la littérature…
La littérature russe pour « sauver » l’Occident ?
Dans mon livre, je parle de « sainte littérature russe ». Le XIXe siècle est considéré à juste titre comme l’âge d’or avec Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï. C’est à la fois un manuel de morale et un remède au vide spirituel européen. Elle enseigne la pitié, la compassion et la charité.
L’Europe face au mystère russe : transcendance, nation, littérature (Anna Gichkina, éd. Nouvelle Marge, 91 p., 14 €).
10:10 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens, Littérature, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anna gichkina, entretien, littérature, lettres, littérature russe, livre, lettres russes, russie, occident | | del.icio.us | | Digg | Facebook
13:58 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : albert caraco, littérature, littérature française, lettres, lettres françaises | | del.icio.us | | Digg | Facebook
par Juan Asensio
Ex: http://www.juanasensio.com
09:02 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre drieu la rochelle, littérature, lettres, littérature française, lettres françaises | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Zinoviev et le grand avènement de la démocratie totalitaire
par Nicolas Bonnal
Alexandre Zinoviev devint un dissident de la société mondiale après avoir été un dissident soviétique. A l’époque il y avait des dissidents, maintenant, comme dit Paul Virilio, il n’y a plus que des dissuadés.
En 1998 le maître répond à une interview et explique que tout allait bien à l’ouest quand nous étions sous la menace soviétique (le capital avait peur) :
« Pendant la guerre froide, la démocratie était une arme dirigée contre le communisme, mais elle avait l’avantage d’exister. On voit d’ailleurs aujourd’hui que l’époque de la guerre froide a été un point culminant de l’histoire de l’Occident. Un bien être sans pareil, un extraordinaire progrès social, d’énormes découverts scientifiques et techniques, tout y était!»
La fin du communisme fut le crépuscule de nos droits sociaux et politiques (fin de l’Histoire !) :
« Mais la fin du communisme a aussi marqué la fin de la démocratie, notre époque aujourd’hui n’est pas que post communiste, elle est aussi post démocratique. Nous assistons aujourd’hui à l’instauration du totalitarisme démocratique, ou si vous préférez à l’instauration de la démocratie totalitaire. »
Zinoviev décrit très bien le redoutable mondialisme qui naît du défunt et redouté communisme :
« Aujourd’hui nous vivons dans un monde dominé par une idéologie unique, un fait unique, par un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a commencé à l’époque de la guerre froide, quand des structures transnationales se sont mises en œuvre sous les formes les plus diverses : médias, sociétés bancaires, sociétés commerciales…Malgré leurs différents secteurs d’activités, ces forces étaient unies par leur nature supranationale. Avec la chute du communisme, elles se sont retrouvées aux commandes du monde. »
Cette démarche est suicidaire, qui va à terme, avec la crise du Covid, nous priver de nos libertés, de nos économies et aussi (pourquoi pas ?) de nos vies :
« Les pays occidentaux sont donc dominateurs, mais aussi dominés car perdent progressivement leur souveraineté au profit de ce que j’appelle la «supra société». Elle est constituée d’entreprises commerciales et non commerciales dont la zone d’influence dépasse les nations. Les pays occidentaux sont soumis comme les autres au contrôle de ces structures non nationales… Or la souveraineté des nations est elle aussi une part considérable et constituante du pluralisme, donc de la démocratie, à l’échelle de la planète. »
Zinoviev comprend l’horreur européenne :
« L’intégration Européenne qui se déroule sous nos yeux, provoque elle la disparition du pluralisme au sein de ce conglomérat, au profit d’un pouvoir supranational. »
Il comprend que nous ne connaîtrons plus de démocratie politique ou économique comme à l’époque de la guerre froide :
« Les pays occidentaux ont connu une vraie démocratie à l’époque de la guerre froide. Les partis politiques avaient de vraies divergences idéologiques et des programmes politiques différents. Les organes de presse avaient des différences marquées, eux aussi. Tout cela influençait la vie des gens, contribuait à leur bien-être. C’est bien fini.
Parce le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d’emploi devait beaucoup à l’épouvantail communiste. L’attaque massive contre les droits sociaux à l’ouest a commencé avec la chute du communisme à l’ouest. »
A la fin des années 90 les socialistes sont de pures canailles (voyez aussi les excellents pamphlets de Guy Hocquenghem et de mon éditeur Thierry Pfister qui datent des années 80) :
« Aujourd’hui les socialistes au pouvoir dans la plupart des pays d’Europe mènent une politique de démantèlement social qui détruit tout ce qu’il y avait de plus socialiste justement dans les pays capitalistes. Il n’existe plus en occident de force politique capable de défendre les humbles. L’existence des partis politiques est purement formelle. Leurs différences s’estompent chaque jour d’avantage. »
C’est le totalitarisme financier jadis expliqué par Paddy Chayefsky dans Network (1976) :
« La démocratie tend aussi à disparaître de l’organisation sociale occidentale.
Cette super structure non démocratique donne des ordres, sanctionne, bombarde, affame. Même Clinton s’y conforme. Le totalitarisme financier a soumis les pouvoirs politiques. Le totalitarisme financier est froid. Il ne connaît ni la pitié, ni les sentiments. Les dictatures politiques sont pitoyables en comparaison de ce totalitarisme-là. Une certaine résistance était possible au sein des dictatures les plus dures, aucune révolte n’est possible contre une banque. »
L’andouille qui interroge Zinoviev l’accuse déjà de Théo rire du complot quand Zinoviev ne pratique que la théorie de la constatation. Zinoviev rappelle que nous sommes très abrutis :
« Nous sommes dans une époque post idéologique mais en réalité la supra idéologie du monde occidental diffusée au cours des 20 dernières années est bien plus forte que l’idéologie communiste ou nationale-socialiste. Le citoyen occidental est bien plus abruti que ne l’était le soviétique moyen par la propagande communiste. Dans le domaine idéologique, l’idée importe moins que les mécanismes de sa diffusion. Or la puissance de diffusion des médias occidentaux est énorme. (…) Il suffit que la décision soit prise de stigmatiser un Karadzic ou un Milosevic et ça y est, une machine de propagande planétaire se met en branle. Et alors qu’il faudrait juger les dirigeants occidentaux pour viol de toutes les règles de droit existants… La majorité des citoyens occidentaux sont persuadés que la guerre contre la Serbie était juste. »
Puis Zinoviev fait une remarque intéressante sur un sujet que j’avais évoqué dans la presse russe (pravda.ru) :
« L’Occident se méfiait moins de la puissance militaire soviétique que de son potentiel intellectuel, artistique, sportif. Parce qu’il dénotait une extraordinaire vitalité. Or c’est la première chose à détruire chez son ennemi. Et c’est ce qui a été fait. La science Russe dépend aujourd’hui des financements Américains. Et est dans un état pitoyable, car ses derniers n’ont aucun intérêt à faire travailler leurs concurrents. Ils préfèrent faire travailler les avants Russes aux Etats-Unis. Le cinéma soviétique a lui aussi été détruit et remplacé par le cinéma Américain. »
Le destin de l’Amérique est d’abrutir et de « fabriquer de la merde » comme me disait un jour le grand et courageux cinéaste Richard Brooks :
« En littérature, c’est la même chose. La domination mondiale s’exprime, avant tout, par le diktat intellectuel ou culturel si vous préférez. Voilà pourquoi les Américains s’acharnent depuis des décennies à faire baisser le niveau culturel et intellectuel du monde : ils veulent baisser au leur pour pouvoir exercer ce diktat. »
J’ai évoqué ces réalités dans mes textes sur la culture comme arme de destruction massive. Regardez ce qu’ils ont fait de l’Inde ou de l’Asie… Tous abonnés à Marvel comics ! Même Scorsese ou Ridley Scott s’en sont plaint…
Tout cela est irrésistible car c’est malheureusement un vieux processus. C’est l’uniformisation entamée depuis la Renaissance. Ici Zinoviev rejoint Spengler et René Guénon :
« Le processus d’uniformisation du monde ne peut être arrêté dans l’avenir prévisible. Car le totalitarisme démocratique est la dernière phase de l’évolution de la société occidentale. Evolution commencée à la Renaissance. »
Sources :
Extrait du livre d’Alexandre Zinoviev: «La grande rupture» Disponible à l’age d’homme. L’entretien à été réalisé par Victor Loupan à Munich en juin 1999 quelques jours avant le retour définitif de Zinoviev en Russie.
https://alexandrelatsa.ru/2008/01/la-grande-rupture-analy...
https://www.pravdareport.com/opinion/122042-western_cultu...
https://strategika.fr/2020/08/07/la-culture-moderne-comme...
https://www.amazon.fr/CULTURE-COMME-ARME-DESTRUCTION-MASS...
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The sinner is at the very heart of Christianity. Nobody is so competent as the sinner in matters of Christianity. Nobody, except the saint. ~ Charles Péguy
Love, Work, and Suffer ~ Motto of the Kerouac family (Rivista Araldica)
Am actually not “beat” but strange solitary crazy Catholic mystic ~ Jack Kerouak, Lonesome Traveler
Since I was under the impression that Jack Kerouac was lost in the memory hole, I was recently surprised by the publication of Jack Kerouac and the Decline of the West, an essay by Semmelweis, published by Rhodes Scholar Press.
Since “Semmelweis” claims to be a GenX latchkey kid, the lifestyle described by Kerouac is hardly a living option for him. For my generation (I have GenX sons), Kerouac, when was even acknowledged, was either a passing “stage” one passed through, a proto-hippy, or lumped in, rather inaccurately, with the “beats”. Semmelweis, unburdened by such preconceptions, is able to separate the “real” Kerouac from the stereotypes of the beatnik … not that that task is so easy to do, since Kerouac was rather complex and his behavior did not always match his innermost thoughts. What Semmelweis is able to see is much deeper than what those of Kerouac’s generation were able to see.
Favorite complaint about contemporary world: the facetiousness of “respectable” people ~ Lonesome Traveler
Semmelweis comments on Kerouac’s appearance on Firing Line in 1968, which is worth watching.
Of the four men on stage, Kerouac was the only one who was able to connect with the audience. Allegedly intoxicated, he brought the audience to laughter several times, while the three “respectable men” droned on. They are what the French call a “type”; that is, they are devoid of individual personality. These are the other three on the show:
A generation ahead of me, Kerouac grew up in Lowell, Massachusetts, not very far from my home town. As a rather bookish youth, I tended to act out roles from the books I read. Not quite willing and able to takes things as far as Kerouac did, I did find opportunities. So in some ways, I understand his mindset from the inside, not just descriptively. Fortunately for me, I don’t have an addictive type personality and was left unscarred. Unfortunately, that encounter has left me with an attraction to troubled women, like the sad but beautiful Tristessa.
My boomer friends, feeling the cold breath of impending death on their necks, have grown nostalgic, as though memories of old times will be as restorative as blood plasma transfusions from youths. So they send me links to albums by an 80 year old Dion, or old tracks from the wrinkled Rolling Stones. I’d be much more impressed if Dion became an anchorite or Jagger went full sannyasi.
Few of them have had a new idea since they were 19, despite professional successes. In their best moments, they sound like a second rate Ed Sanders. They can’t figure me out, but I have just followed the logic.
There is a story, perhaps apocryphal, that some hippies tracked him down in St. Petersburg and went to visit to pay homage. He threw them out while claiming to be Catholic and conservative. The hippies didn’t get the point, although some of us did.
Kerouac never lost his longing for a loving family, for a wife and children, and for the simpler, wholesome life of small town America. But he was always thwarted by his longing for adventure, passion, excitement, and lust. ~ Semmelweis
If you watch some youtube videos today, you may come to the conclusion that to be religious, it is only necessary to wear a scapula, pray so many rosaries, etc. This is not a criticism of those men or their practices, especially since in this day and age those are acts of defiance. Yet through Christian history, there has always been the desire for more. There have been explorers, knights, traders, warriors, pilgrims, missionaries, all with the urge for travel and adventure. They kept the faith, no matter how imperfectly.
Most of those options are not available today, so Kerouac made America his exploration (and more followed later). A GenXer cannot imagine what the USA was like in 1956, either physically or psychologically. That description will have to wait for my autobiography.
It seems that converts and reverts have been dominating the public discussion of religion. They are sincere and enthusiastic, and know their dogmas, canon law, and rituals perfectly. However, they often lack a certain “feel”, a Catholic mind that has embraced centuries, the globe, and been encultured with tales of saints, sinners, mystics, philosophers, and so on. There are classical pianists who are technically proficient and know how to play each note at the right time. Nevertheless, they lack an aesthetic “feel” that gives life to the music, so they never make it to the top ranks.
Kerouac, on the other hand, has that “feel”, even if he is not a good role model for your children. For example, while getting high with William Burroughs in Morocco, he could be inspired by a Muslim poem, or image some old man on beach as the coming Bodhisattva. Yet in his best moments, he could have a genuine spiritual experience.
And on Good Friday afternoon a heavenly performance of the St Matthew’s Passion … I cried most of the time and had a vision of an angel in my mother’s kitchen … and I realized it didn’t matter that we sin, that all my own petty gripes didn’t matter either. ~ Lonesome Traveler
Hermitage in the woods, quiet writing of old age, mellow hopes of Paradise ~ Lonesome Traveler
Kerouac never got to be old, since alcohol killed him. That should be the goal of every old man, and Kerouac knew it. When Siddhartha tired of the pursuit of money, women, family, he, too, isolated himself. But he could think, fast, and wait. Jack was addicted and impatient, so his road of excess cannot be recommended, even if it leads to the palace of wisdom. Did he attain Paradise? Perhaps, since Paradise is for saints and sinners, not the lukewarm.
Semmelweis picks out an interesting theme in Kerouac that I never would have noticed. He references the Fellaheen or “peasant farmer”: those who persist after a civilization has collapsed. Oswald Spengler defines them this way.
only the primitive blood remains, alive, but robbed of its strongest and most promising elements. This residue is the Fellah type … Life as experienced by primitive and by fellaheen peoples is just the zoological up and down, a planless happening without goal or cadenced march in time, wherein occurrences are many, but, in the last analysis, devoid of significance.” ~ Oswald Spengler, The Decline of the West
Valentin Tomberg attributes them to the forgetting of the past. In our time, we can see that the forgetting is deliberate.
the “primitive” tribes and nomadic peoples, disinherited from their past and obliged to begin everything again, began to live in caves or camp under trees. There were once powerful kingdoms and magnificent towns but their descendants had lost all memory of them and gave themselves up entirely to the daily life of “primitive” tribes —the life of hunting, fishing, agriculture and war. ~ Valentin Tomberg, Meditations on the Tarot
Semmelweis points out that Kerouac identified with the Fellaheen of his time: hustlers, drug addicts, winos, even though they could not sustain even a primitive civilization. Nevertheless, Semmelweis points out the logic: Beat = beatific, therefore the Fellaheen, the lumpen, the outcasts, are holy. Perhaps this might also be due to the way the respectable men of the publishing industry marginalized him, so he was never able to penetrate into the respectable literary circles.
Besides the Fellaheen, Semmelweis pulls out another point from Spengler. Kerouac was prophetic about the 21st century. Semmelweis explains:
He saw the distinction in Spenglerian terms, which classifies Western European civilization as “Faustian,” and Near-Eastern civilization as “Magian.”
It’s remarkable that he saw that 21st century culture and spirituality would not be “American,”
which in this context means Western European and Faustian, but would be “Magian,” of the East, and of a type which rather than promoting the heroism and individualism of Faustian man, promotes the dissolution of the individual ego into the greater collective Spirit.
That is why the spirituality of the East involves the dissolution of the Person in the unconditioned state, while Western spirituality, like in Catholicism, there is always the two in one. That so many Westerners are preferring Eastern spirituality is just a regrettable sign of the times.
I believe in order, tenderness, and piety.
Kerouac confessed this to Buckley:
[the counterculture is] apparently some kind of Dionysian movement in late civilization, and which I did not intend, any more than I suppose Dionysus did … although I’m not Dionysius the Areopagite. I should have been.
Semmelweis expands on that distinction:
The point [is] that Kerouac’s sensibilities and values are religious like Dionysius the Areopagite, not chaotic and destructive like the god Dionysus.
Since the two names differ by only one iota, it shows how close the two temptations are. At birth, we are assigned a good angel and a bad angel. Hence, life is a perpetual spiritual warfare; that is not an option and you cannot be a draft dodger.
The beatnik on the TV Show, The Many Loves of Dobie Gillis, was named Maynard G. Krebs.
15:15 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jack kerouac, beat generation, états-unis, amérique, lettres, lettres américaines, littérature, littérature américaine | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Ernst Jünger imagine dans son roman dystopique Héliopolis paru en 1949, un dispositif mobile. Le phonophore est bien un concept de smartphone avec toutes les possibilités et les usages contemporains : « Transmet les programmes de tous les émetteurs et des agences d’informations, académies, universités, ainsi que les émissions permanentes de l’Office du Point et des Archives centrales. Permet de consulter tous les livres et tous les manuscrits, si du moins les archives centrales en ont pris en enregistrement sonore et que l’Office du Point les a mis dans son catalogue; peut se brancher sur les théâtres, concerts, bourses, tirages de loterie, assemblées, bureaux de vote et conférences, et peut faire l’office du journal, d’agence de renseignement idéale, de bibliothèque et d’encyclopédie. Met en communication avec tout autre phonophore au monde.»
14:42 Publié dans Littérature, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ernst jünger, révolution conservatrice, allemagne, littérature, littérature allemande, lettres, lettres allemandes, phonophore | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Ex: http://www.counter-currents.com
Known mostly as a novelist, memoirist, and historian, Aleksandr Solzhenitsyn had actually completed four plays before his first novel, One Day in the Life of Ivan Denisovich, was published in 1962. He composed his first two, Victory Celebrations and Prisoners, while a zek in the Soviet Gulag system in 1952. These Solzhenitsyn composed in verse and memorized before burning since prisoners were forbidden to own even scraps of paper. His third play, the title of which is most commonly translated into English as The Love-Girl and the Innocent, he composed outside of the gulag in 1954 while recovering from cancer. In writing Love-Girl, he rejoiced in his ability to actually type and hide his manuscript, rather than keep it all bottled up in his head. [1] [1] Solzhenitsyn composed his final play, Candle in the Wind, in 1960 in an earnest attempt to become a Soviet playwright. Where his earlier plays exposed the evil and corruption of the gulag system — and beyond that, impugned the Soviet Union for its unworkable Marxist-Leninist ideology, disastrous collectivization policies, totalitarian government, and ubiquitous cult of personality in Stalinism — Candle in the Wind avoided politics altogether. It takes place in an unspecified international setting and focuses on the dangerous effects of untrammeled technological progress on the human soul. Of all his plays, Candle in the Wind has the least relevance to the political Right. It also cannot be classified as a prison play, despite how its main character had recently been released from prison.
It would be fair to describe Solzhenitsyn’s first two prison plays as “apprentice works,” in the words of his biographer Michael Scammell. [2] [2] And this is not just in comparison to Solzhenitsyn’s most famous and successful volumes such as One Day and the sprawling Gulag Archipelago. Victory Celebrations and Prisoners do come across as uneven and amateurish. Excessive dialogue makes the reading tedious at times. Solzhenitsyn always had the historian’s impulse to explain and the prophet’s impulse to warn, and seemed to doggedly follow both impulses while writing these plays. As a result, purely narrative elements such as plot and character tend to suffer. Further, many of the themes appearing in his prison plays resurface in more complete form in both One Day and Gulag as well as in his other early novels Cancer Ward and In the First Circle.
Regardless, it is in his three prison plays where Solzhenitsyn’s conservative, Christian, ethnonationalist, and anti-Leftist outlook appears as firm as it does in his later works. It’s as if the man never changed, other than spending the last forty-eight years of his life not writing plays. Even if he had stopped writing altogether by 1960, his prison plays still would have had value to the Right for their keen perception of human nature under the most trying circumstances as well as for their conveyance of the cruelties and absurdities brought about by an oppressive communist ideology that is wholly at odds with human nature. That Solzhenitsyn had produced works that were much greater than these three plays later in his career is no reason for any student of the Right to exclude them from study.
Victory Celebrations
Burdened with a loose plot, excessive dialogue, and an awkwardly large cast of characters, Victory Celebrations (also called Feast of the Conquerors) takes place during the last days of World War II in which a Soviet artillery battalion prepares a lavish victory banquet in the Prussian mansion they had just captured. The play switches back and forth from the minor characters opining their various frustrations with the Soviet regime to what could be a political — potentially deadly — love triangle. This relationship is the heart of the play and produces its only real suspense, brief and poignant as it is.
Galina, a Russian girl living in Vienna, had traveled to Prussia to be with her fiancé who is fighting with the doomed Russian Liberation Army (a force of disgruntled Red Army POWs and anti-Soviet, pro-White Russian émigrés whom had been conscripted by the Germans). Before the story begins, however, she is captured by the battalion and convinces them that she had been a prisoner of the Germans working as a slave girl. Believing her, they invite her to take part in the upcoming celebration.
Counter-intelligence officer Gridnev, however, sees through her and suspects that she is a spy. Any Russian person who has had exposure to the enemy must be held suspect, and Gridnev quickly threatens her with imprisonment if she does not confess all. But Galina is also beautiful, and Gridnev soon finds himself falling in love (or lust) with her. This causes him to append a promise to his threats — if she sleeps with him, he’ll protect her.
While agonizing over this dilemma, Galina meets Captain Nerzhin, a childhood friend of hers. To him, she tells the truth. Nerzhin, being an honest and honorable soldier, empathizes and sees the justice in her position. How could not when Galina delivers a speech such as this?
The U.S.S.R.! It’s impenetrable forest! A forest. It has no laws. All it has is power — power to arrest and torture, with or without laws. Denunciations, spies, filling in of forms, banquets and prizewinners, Magnitogorsk and birch-bark shoes. A land of miracles! A land of worn-out, frightened, bedraggled people, while all those leaders on their rostrums. . . each one’s a hog. The foreign tourists who see nothing but well organized collective farms, Potyemkin style. The school-children who denounce their parents, like that boy Morozov. Behind black leather doors there are traps rather than rooms. Along the rivers Vychegda and Kama there are camps five times the size of France. Wherever you look you see epaulettes with that poisonous blue strip; you see widows, whose husbands are still alive. . .
Now Nerzhin faces a dilemma of his own: shepherding this woman to her fiancé just as Soviet forces are about to crush the Russian Liberation Army will not only be physically dangerous but will make himself vulnerable to a charge of treason. Can he trust anyone in his battalion? Yes, his fellows may see through the corruption and hypocrisy of the Soviet authorities or find fault with Marxism. For example, one tells the harrowing story of how a series of unjust NKVD arrests nearly wiped out an entire town. Another relays the humorous story of how, as an art student, his instructors imagined they saw a swastika in his painting. Despite this, these men wish to survive in the current system, as absurd as it is. They just don’t want to think about it, and thus choose to bow to evil.
Major Vanin says it best:
Thinking is the last thing you want to do. There is authority. There are orders. No one grows fat from thinking. You’ll get your fingers burnt from thinking. The less you know, the better you sleep. When ordered to turn that steering wheel, you turn it.
But with Galina, there is clearly so much more. During her dialogue with Nerzhin, she keeps distinguishing “us” from “them,” and soon a leitmotiv evolves involving loyalty. Galina expresses loyalty to the Russian people and never doubts herself. Nerzhin professes loyalty to the Russian nation — or, at the very least, its military. Meanwhile, Gridnev expresses loyalty to the current Russian government and its inhuman machinations as laid down by the genocidal Stalin. Of course, Gridnev never strays far from his own selfish designs.
Contemporary Soviet audiences, likely still bruising from the Second World War, would most likely have reacted negatively to the Galina character simply for her traitorous support of the RLA. Nevertheless, later audiences, even Russian ones, carry less baggage and will likely see her as the most sympathetic character in the play. At one point, she rejects the terms “Comrade” and “Citizen” and avers that the more traditional courtesy titles of “Sir” and “Madam” are more civilized. She had studied music in Vienna and remains in thrall of great Germanic classical composers such as Mozart and Haydn despite her love of Russia. Clearly, she represents the world that preceded the Soviets. She is the only tragic character in the story, since she symbolizes Solzhenitsyn’s own ethnonationalism, but only under a cloud of death or unspeakable oppression. She’s also the only character moved enough by romantic love to put herself at great risk — even if all it will amount to is her dying by her lover’s side in a hail of artillery fire.
Solzhenitsyn could express his sympathy for this heartbreaking character (and presage the stirring ending of his story Matryona’s House) no better than in the admiring words of Nerzhin:
“I’ve no fears for the fate of Russia while there are women like you.”
Prisoners
Originally titled Decembrists Without December, Prisoners suffers to a greater extent than Victory Celebrations from a thin, meandering plot, a bloated dramatis personae, and excessive dialogue. It lacks even the scraps of narrative formalism found in the earlier play, and instead resembles the dialogues of Plato for of its reliance upon dialectic. The events take place in a gulag wherein the mostly-male cast discuss the absurdities of Soviet oppression, argue the merits and demerits of communism, and endure ludicrous interrogations from counter-intelligence officers. Most of the characters were based on people Solzhenitsyn himself knew. Further, several of the characters appear in later, more famous works, such as Vorotyntsev (The Red Wheel), Rubin (In the First Circle), and Pavel Gai (The Love-Girl and the Innocent).
While much weaker than Victory Celebrations in terms of plot, character, and resolution, Prisoners far surpasses it in astute political commentary as well as in philosophical and historical discourse. In its many debates, Solzhenitsyn does not always demonize the representatives of the Soviet system and sometimes puts wise, thoughtful, or otherwise honest words in their mouths. This leads to some fascinating reading (as opposed to what would seem like tedious chatting onstage). On the whole, however, Prisoners devastates the Soviet Union in a way that would have invited much more than mere censure in that repressive regime. Solzhenitsyn had to keep the play close to his chest for many years, and revealed its existence only after his exile in the West during the 1970s. Had the KGB ever acquired the play, it is likely there would not have been an exile for Solzhenitsyn at all.
Due to the narrative’s unmoored rambling, examples of Solzhenitsyn’s incisive observations can appear with little context and in list form. The relevance to the broader struggle of the Right in all cases should become clear.
We clutch at life with convulsive intensity — that’s how we get caught. We want to go on living at any, any price. We accept all the degrading conditions, and this way we save — not ourselves — we save the persecutor. But he who doesn’t value his life is unconquerable, untouchable. There are such people! And if you become one of them, then it’s not you but your persecutor who’ll tremble!
Far too many on the Right today meekly accept the degrading, second-class citizenship imposed upon us by the racial egalitarian Left. If more of us could value our lives a little less and the Truth a little more, perhaps this unnatural state of affairs could be overturned.
Here, now, we’re all traitors to our country. Cut down the raspberries — mow down the blackcurrants. But that’s not what I got arrested for. I got arrested for infringing on the regulations. I issued extra bread to the collective farm women. Without it, they would have died before the spring. I wasn’t doing it for my own good — I had enough food at home.
Aside from revealing the murderous lack of concern that the Soviet authorities had for their own people, this passage reveals how the Left does not merely value some lives over others but becomes by policy quite hostile to those lives it values least. In today’s struggles, whites in the West who act in their racial interests are meeting with increasing hostility from our Leftist elites, while these same elites actively encourage non-whites to act in their racial interests.
Of course, Solzhenitsyn’s proud ethnonationalism (as expressed by his angst-filled love for Russia) shines through the text as well.
They are ringing the bell. They are ringing for Vespers. . . O Russia, can this ever come back again? Will you ever be yourself? I have lived on your soil for twenty-six years, I spoke Russian, listened to Russian, but never knew what you were, my country! . . .
In some cases, the dialogue becomes downright witty. Take, for example, the absurd interrogation scene between intelligence officer Mymra and Sergeant Klimov, who had been captured in battle by the Germans:
Mymra: Prisoner Klimov. You are here to answer questions, not to ask them. You could be locked up in a cell for refusing to answer questions. Personally, we are ready to die for our leader. Question three: what was your aim when you gave yourself up? Why didn’t you shoot yourself?
Klimov: I was waiting to see if the Divisional Commander would shoot himself first. However, he managed to escape to Moscow by ‘plane out of the encirclement and then got promoted.
Mymra (writing down): Answer. I gave myself up, my aim being to betray my socialist country. . .
Klimov: We-ell, well. You can put it like that…
The Rubin character in Prisoners is no different than his namesake in In the First Circle — a friendly, erudite apologist for communism, and clearly Jewish. Just as in the novel, Prisoner’s Rubin insists that he’d been incarcerated by mistake and that, regardless of his personal circumstances, he remains a true believer in the Soviet system. At one point, in the middle of the play, he is beset upon by his angry co-inmates who challenge him to defend Soviet atrocities such as blockading Ukraine and starving millions into submission. Rubin explains that the great socialist revolutions and slave rebellions of the past had failed because they showed too much leniency towards their former oppressors. They doubted the justice of their cause. He then praises the Soviet Revolution as the product of “unconquerable” science and laments that it has had only twenty-five years to produce results.
. . . you unhappy, miserable little people, whose petty lives have been squeezed by the Revolution, all you can do is distort its very essence, you slander its grand, bright march forward, you pour slops over the purple vestments of humanity’s highest dreams!
Rubin fixates upon the same wide, historical vista that all Leftists do when they wish to explain away failure or atrocity. Conservative debunking of this arrogant folly is as old as Edmund Burke. In Solzhenitsyn’s case, however, he depicts it with almost cringe-worthy realism when he humanizes Rubin as a reasonable and enthusiastic, if misguided, adherent of the Left. We actually grow to like Rubin, especially at the end of the play when he leads a choir of zeks in song as Vorotyntsev contemplates his fate with the others.
The most memorable scene in Prisoners occurs towards the end when Vorotyntsev debates a dying counter-intelligence officer named Rublyov. In this debate we have perhaps Solzhenitsyn’s most eloquent affirmation of the Right as a way of life, and not just as a reaction to the totalitarian Left. Vorotyntsev claims to have fought in five wars on the side of Monarchy or Reaction — all of which were ultimately lost: the Russian-Japanese War, World War I, the Russian Civil War, the Spanish Civil War, World War II (on the side of the Russian Liberation Army). When Rublyov taunts him for this colossal losing streak, Vorotyntsev speaks of “some divine and limitless plan for Russia which unfolds itself slowly while our lives are so brief” and then responds that he never wavered in his fight against the Left because he felt the truth was always on his side. All that Rublyov ever had on his side was ideology. He explains:
You persecuted our monarchy, and look at the filth you established instead. You promised paradise on earth, and gave us Counter-Intelligence. What is especially cheering is that the more your ideas degenerate, the more obviously all your ideology collapses, the more hysterically you cling to it.
When Rublyov accuses the Right of having its own executioners, Vorotyntsev responds, “not the same quantity. Not the same quality,” and proceeds to compare the twenty thousand political prisoners of the Tsar to the twenty million political prisoners of the Soviets.
The horror is that you grieve over the fate of a few hundred Party dogmatists, but you care nothing about twelve million hapless peasants, ruined and exiled in the Tundra. The flower, the spirit of an annihilated nation do not exude curses on your conscience.
In this, Vorotyntsev makes the crucial point of the Right’s moral superiority to the Left. Note his similarity to Rubin in positing a plan as broad as history. For Rubin, however, it is Man’s plan, an atheist’s plan. It is hubris in action, a contrivance of pride. For Vorotyntsev, on the other hand, it is God’s plan — not something he can begin to understand. All he can do is to live according to Truth as he sees it and according to his nature as a human being.
It’s hard to find a more stark distinction between Left and Right than this.
The Love-Girl and the Innocent
Of Solzhenitsyn’s prison plays, The Love-Girl and the Innocent works best. This perhaps explains why it has been staged most often and continues to be put on today. Notably, the BBC produced a television adaptation of Love-Girl in 1973. Love-Girl resembles most closely what most people expect when they read or see a play: Four acts; a beginning, middle, and end; three-dimensional, evolving characters; and a plot filled with conflict, action, and suspense. We could quibble with some of Solzhenitsyn’s authorial choices, such as making the lead character Nerzhin too passive towards the end, employing too many characters (again), or his general lack of focus regarding some of the plot. Nevertheless, that Solzhenitsyn manages to pursue many of the profound themes from Victory Celebrations and Prisoners to their poignant conclusions in Love-Girl as well as explore new ones that would reach their apotheosis in later works such as Gulag Archipelago makes Love-Girl and the Innocent, in this reviewer’s opinion, the first of Solzhenitsyn’s great narrative works.
As in Victory Celebrations, we have a potentially deadly love triangle — but one that achieves greater meaning since the audience can now experience the love and all its wide-ranging consequences. In Victory Celebrations, the story takes place during a lull in the action, with all the real action having already happened or will happen in the near future. The battalion had just captured a mansion and plans to advance on the RLA’s position the next day. By the play’s end, Galina’s fate swings between Gridnev’s protection and Nerzhin’s. Will she become Gridnev’s mistress? Will she be shot or be incarcerated in a gulag? Will Nerzhin take her to her fiancé before the Soviet forces attack? Will she even survive? Note also how this love triangle is not entirely real since Nerzhin, despite his demonstrable affection for Galina, can only serve as a stand-in for her fiancé.
In Love-Girl, all the appropriate action happens on stage and in the here and now. There are no stand-ins. It takes place in a gulag in 1945 where the love is real, agonizing, and immediate. It is also multifaceted, since there are technically two love triangles occurring simultaneously. The “love-girl” of the title is a beautiful and compassionate female inmate named Lyuba, while the “innocent” is Rodion Nemov, an officer recently taken in from the front who is committed to behaving as honorably as possible while in the gulag. The third point in the triangle is Timofey Mereshchun, the prison’s fat, repulsive doctor who promises Lyuba privileges and protection in return for sex. He also has the power to send her off to camps in much harsher climates where her chances of survival would become drastically reduced.
The other love triangle involves another beautiful female inmate named Granya. She is a former Red Army sniper incarcerated not for political reasons, like many of the others, but because she murdered her husband while on furlough after finding him in flagrante delicto with another woman. It’s as if Solzhenitsyn could not decide which woman he was in love with more while writing the play. The men vying for Granya’s affections are an honest and feisty bricklaying foreman named Pavel Gai (first seen in Prisoners) and the corrupt and cruel camp commandant Boris Khomich.
Aside from Solzhenitsyn’s now-familiar themes of ethnonationalism, ethno-loyalty, exposing Soviet atrocities, and impugning communist ideology, Love-Girl also introduces the theme of honor vs. corruption. When the play begins, Nemov is responsible for increasing efficiency in prison work. And he does a fine job, noting how the camp authorities could increase productivity by easing up on the harsh exploitation of the prisoners and cutting much of the self-serving and politically-appointed administrative personnel. He quickly runs afoul of the shady and perfidious ruling class of the camp, however, when he demands that the bookkeeper Solomon turn over a recent shipment of boots to the workers rather than divvy them up among his cronies.
Solomon, along with Mereshchun and Khomich, take their revenge soon after when they manipulate the drunken and irresponsible camp commandant Ovchukhov into transferring Nemov to general work duties while replacing him with the depraved Khomich. In the battle between honor and corruption, honor never has a chance. And, as if to infuriate the audience even further, Solzhenitsyn reveals how Khomich has a few ideas for the commandant, all of which involve increasing the corruption in the camp and turning the screws harder on the prisoners. These ideas include:
Khomich puts it succinctly and smugly: “They’ll realize: either work like an ox or drop dead.”
The Love-Girl and the Innocent is also notable because of how Solzhenitsyn employs its Jewish characters. Prisoners’ Rubin certainly defends the Soviet orthodoxy and the atrocities it entailed. But at least he’s honest, thoughtful, and friendly about it — which certainly counterbalances some of the audience’s negative feelings for him. Love-Girl’s Jews, however, are not only ugly, corrupt, and cruel, they’re stereotypical as well.
Scammell, in summarizing Jewish-Soviet émigré Mark Perakh’s analysis [3] [5] of Solzhenitsyn’s supposed anti-Semitism, writes:
It was in certain of Solzhenitsyn’s other works, however, the Perhakh found the most to criticize, notably in Solzhenitsyn’s early play The Tenderfoot and the Tart. [4] [6] Again, the three Jews in the play — Arnold Gurvich, Boris Khomich, and the bookkeeper named Solomon — were all representatives of evil, but this time grossly and disgustingly so, and Solomon was the very incarnation of the greedy, crafty, influential “court Jew,” manipulating the “simple” Russian camp commandant and oozing guile and corruption. As it happened, Solomon was modeled on the real-life prototype of Isaak Bershader, [5] [7] whom Solzhenitsyn had met at Kaluga Gate and later described at length in volume 3 of The Gulag Archipelago. . . [6] [8]
Solzhenitsyn’s habit during his early period was to include characters based on people he personally knew. In this reviewer’s opinion, he often did so to the detriment of the work itself. Why include such a bewildering array of characters in his already wordy volumes when he could have condensed them into fewer characters for more pithy and forceful results? In some cases, Solzhenitsyn didn’t even bother to change his characters’ names: for example, the fervent Christian Evgeny Divnich (Prisoners) and the Belgian theater director Camille Gontoir (Love-Girl).
Thus, when Solzhenitsyn portrays gulag Jews doing evil things in recognizably Jewish ways, it’s probably because he was being true to what he witnessed in the gulag. It was not Solzhenitsyn’s style to invent a Shylock or Fagin out of thin air just to annoy Jewish people, just as he did not employ anti-Russian stereotypes for the sake of stereotyping. He portrays the Russian thieves in Love-Girl as particularly vile. And the simple-minded, corrupt, and drunken commandant Ovchukhov is no better. There should be no doubt that prisoner Solzhenitsyn had known and dealt with the flesh-and-blood prototypes of many of the characters appearing in his plays.
Regardless, that Solzhenitsyn refused to self-censor his negative Jewish characters while also refusing to include positive ones for the sake of political correctness should tell us something about the ethnocentric line he drew between Russians and Jews. He did not consider Jews as Russians, and he did not care if certain Jews got upset over this. If being labeled an anti-Semite by some is the price to pay for his honesty, his rejection of civic nationalism, and his profound love for his nation and his people, then so be it. [7] [9]
There is quite a bit in The Love-Girl and the Innocent that will resonate with the Right. It was probably unintended by Solzhenitsyn that such a meta-analysis of the Jewish Question would do so as well.
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Notes
[1] [12] Aleksandr Solzhenitsyn, The Oak and the Calf. New York: Harper & Row, 1975, p. 4.
[2] [13] Michael Scammell, Solzhenitsyn: A Biography. New York: W. W. Norton and Company, 1984, p. 330.
[3] [14] Scammell writes of Perakh’s analysis (page 960):
Perakh’s article, a kind of summa of those that had gone before, had appeared in Russian in the émigré magazine Vrennia i My (Time and We) in February 1976 before being published in English in Midstream.
[4] [15] The Love-Girl and the Innocent appears under several titles in English. These include The Tenderfoot and the Tart (as preferred by Scammell), The Greenhorn and the Camp-Whore, and The Paragon and the Paramour. Scammell (on page 217) has this to say about it:
The question of what to call this play in English is problematical. Solzhenitsyn’s Russian title Olen’ I shalashovka is based on camp slang. Olen’ (literally “deer”) means a camp novice, and shalashovka (derived from shalash, meaning a rough hunter’s cabin or bivouac) means a woman prisoner who agrees to sleep with a trusty or with trusties in exchange for food and privileges—not quite a whore, more a tart or tramp. The published English title The Love-Girl and the Innocent seems to me to catch none of this raciness.
[5] [16] I believe that both Scammell and Solzhenitsyn biographer D.M. Thomas overlooked something regarding Solzhenitsyn’s basing of Solomon on Bershader in Love-Girl. It seems to me that Solzhenitsyn based both the bookkeeper Solomon and the doctor Mereshchun on Bershader. The connection with Solomon is based on their shared profession (bookkeeping) and the fact that they were both corrupt, cunning, manipulative trusties in the gulag. But Solomon only appears in two scenes in Love-Girl and has nothing to do with any of the female inmates (Thomas falsely claims that Solomon was “adept at corrupting women prisoners”). The episode with Bershader in The Gulag Archipelago depicts him laying siege to and ultimately corrupting a beautiful and virtuous Russian woman prisoner, which Solomon does not do. Bershader is also described by Solzhenitsyn as “a fat, dirty old stock clerk” who is “nauseating in appearance.” Solzhenitsyn first describes Solomon, on the other hand, as carrying himself “with great dignity” and looking “sharp by camp standards.” Later, he describes Solomon as “very neatly dressed.”
On the other hand, Mereshchun is described as a “fat, thick-set fellow,” which is more in keeping with Bershader’s appearance. Further, Mereshchun enthusiastically corrupts the female inmates. In fact, in his first line of dialogue, he announces: “I cannot sleep without a woman.” After being reminded that he had kicked his last woman out of bed, he responds, “I’d had enough of her, the shit bag.” Clearly, Mereshchun is as revolting as Bershader. He also engages in the same exploitive behavior with women. Could Mereshchun also have been based on Bershader?
In a curious moment in Love-Girl, Solzhenitsyn describes how Mereshchun immediately strikes up a friendship with Khomich the moment he meets him. It was as if they recognized and understood each other without the need of a formal introduction. Could it be that in Solzhenitsyn’s mind they were both Jewish? It’s hard to say. Mereshchun is an odd name, but it could be a Russianized Jewish one, and in the Soviet Union during that time, doctors were disproportionately Jewish. On the other hand, few Russian Jews would be named Timofey. Perhaps Solzhenitsyn meant for this character to have enigmatic origins.
M. Thomas, Alexander Solzhenitsyn: A Century in his Life. New York: St. Martin’s Press, 1998, p. 492.
[6] [17] Scammell, pp. 960-961.
[7] [18] Thomas (page 490) conveys an astonishingly hysterical example of gentile-bashing from Jewish writer Lev Navrozov who really did not like Solzhenitsyn:
An émigré from 1972, Navrozov denounced Solzhenitsyn’s “xenophobic trash.” He is “a Soviet small-town provincial who doesn’t know any language except his semiliterate Russian and fantasizes in his xenophobic insulation”; August 1914 was as intellectually shabby as The Protocols of the Elders of Zion — but that turn-of-the-century forgery, purporting to show that the Jews were plotting world domination, was actually “superior” in its language to the Solzhenitsyn. . . . His style shows a “comical ineptness”; Navrozov writes that when Ivan Denisovich appeared, he thought its author might develop into a minor novelist, but Khrushchev’s use of him to strike the Stalinists, and his subsequent persecution, made him strut like a bearded Tolstoy, so “this semiliterate provincial, who has finally found his vocation — anti-Semitic hackwork — has been sensationalized into an intellectual colossus. . .
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Vladimir Vladimirovich Nabokov (1899-1987), the best English speaking Russian writer of the 20th century, a brilliant novelist, poet and translator, stands fully apart from the national literary school. His modern language went so far from the traditional Slavic mentality that some critics even don’t want to consider him a great Russian thinker. Nabokov’s biography gives certain reasons for it.
He was born into a noble family with aristocratic European roots. His grandfather was Minister of Justice under Alexander II who married a young baroness Marie von Korff. His father, Vladimir Dmitrievich Nabokov, was a well-known liberal statesman, a member of the first Russian Parliament and one of the leaders of anti-Bolshevik opposition. Being an undisguised “westerner” and Anglofile (his favourite author was Alexander Herzen) Vladimir Dmitrievich invited an English nurse for his son.
Thus Vladimir Nabokov became a bilingual from the baby age. At the age of five he began learning French. And when the family moved from St. Petersburgh to Berlin, in 1919, because of the Red Terror and the Civil War. Vladimir applied for Trinity college at Cambridge University and chose foreign languages as his specialty. The two foreign languages were French (medieval and modern) and Russian.
Another passion of his life from the very childhood was Lepidopterology. Nabokov collected, hunted and described butterflies. His first serious study on the Crimean butterflies, written in English, was published in “The Etimologist” magazine on 1920.
Later on Nabokov liked to give himself out for lepidopterologist whose hobby was literature, but it was just one of his typical tricks and mystifications. He spent most of his enthusiasm on fiction.
His first Russian literary publications, signed with pseudonym Syrin (the name of the mythological paradise bird), were printed by emigrant press (“Mashenka”, “The Defence”). Some short stories and lyrical poems where he depicted the drama and tragedy of the Russian refugees, the downfall of their first hopes and their despair (an emigrant chess-player Luzhin in “The Defence” committed a suicide by jumping out of the window) were accepted with understanding by readers. One of them was Ivan Bunin, the Noble Prize winner for literature and one of Nabokov’s authorities of that time.
However, the young writer was far from following standards of the old realistic school. He was too complicated and ambitious for such a primitive task. Being a contemporary of the proletariat revolution and the bloody communist dictatorship, he hated any kind of primitivism and philistinism.
The next novels – “The Despair”, “The Lantern in the Dark” and “The Invitation to Beheading”, written in an anti-realistic, hard-modernist language, sometimes close to Kafkian absurdity, expressed not only his own existential cry but also a programmatic challenge to the cruelty of the communist dictatorship.
Dostoevsky noticed once that all Russian Literature went out of Gogol’s “Overcoat”. I should say that Nabokov came out of Gogol’s “Nose”. And when he stood up, everybody could see “The Diaries of a Madman” in his hands, opened on the last page.
During that time the best of Nabokov’s novels was born. It was “The Gift”. It is very specific. There is no ordinary plot in the book. Formally, it is a life and carrier story of a Russian writer Godunov-Cherdyntsev and his love Zina Mortz. But the real heroine of the novel is not Zina. It is the Russian Literature. Modernist Language and the structure of “The Gift” which let Nabokov show the lustre and the darkness of our cultural heritage: from Pushkin to “the five poets” with names, beginning with “B”: Balmont, Bunin, Beliy, Blok and Bulgakov – the five senses of the new Russian poetry.
“The Gift” ’s author doesn’t say many words about his favorite writers in a direct way. You just see their reflections or allusions to their aesthetics, feel their invisible breathing. At the same time he dedicates the whole chapter 4 to the biography of Nikolai Chernyshevskiy, a famous revolutionary-populist (narodnik) and a spiritual father in the person of Lenin that becomes the negative center of the novel. Nabokov follows the example of Dostoevskiy’s “Demons” and gives a caricature portrait of the revolutionary, but he makes it in a different manner. Not to be boring, Nabokov retells the Cherdyntsev’s utilitarian and socially limited ideas in the black ironic verse.
“…No great intelligence is needed to distinguish a connection between the teaching materialism, regarding inborn tendency to good; equality of man’s capacities – capacities that generally are termed mental; the great influence exterior circumstances have on a man; omnipotent of experience; sway of habit and upbringing; the extreme importance of industry; the moral right to pleasure and communism”.
In opposition to this blind social reductionism, Nabokov puts a pure aesthetic contemplation of the life mystery which we find in Godunov-Cherdyntsev’s poems:
One night between sunset and river
On the old bridge we stood, you and I,
“Will you ever forget it”, I queried,
“That particular swift that went by?”
And you answered so earnestly: “Never!”
And what sobs made us suddenly shiver
What story life emitted in flight
Till we die, till tomorrow, for ever,
You and I on the old bridge one night.
To any kind of negativism and foolish optimism, especially political demagogy with its promising “social progress”, “happy future”, he sets off his clear anti-equalizing pessimistic credo: “An oak is a tree, a rose is a flower, a deer is an animal, a sparrow is a bird. Russia is our Fatherland, death is inevitable”.
“The Gift” was received with cold indifference by the immigrant community. The Orthodox people couldn’t accept Nabokov’s antichristian philosophy, the left wing – his anti-socialist and anti-populist views, the bourgeois (in the Flaubertian sense) couldn’t accept his unusual Avant-Guard language. And, of course, it was impossible even to dream about some Russian readers in his Fatherland. All Nabokov’s works were absolutely banned by the Soviet regime.
This kind of reaction was not unexpected by the author. He was proud of his forced solitude:
Thank you, my land for your remotest,
Most cruel mist my thanks are due.
By you possessed, by you unnoticed
Unto myself I speak of you.
“The Gift” was the best Vladimir Nabokov’s novel, written by him in the native language. It was the top of the whole Russian period of his creative work. When the conclusive chapter of the book was completed in 1937 in France, he and his family – his wife Vera and his son Dmitry – moved from Europe to USA. There Nabokov had to find a job to earn his living. In Germany he taught many language classes. He taught Russian literature at Weleshy College and then from 1948 till 1959 he lectured on Russian and European Literature at Cornell University. And all that time he never stopped writing fiction.
He finished the book of memories – its first title “Conclusive Evidence” (1951) – later changed into “Speak, Memory” by the author -, where he described in a pure classic manner his happy childhood in a family village Rozhdestveno near St. Petersburgh, portrayed with infinite tender his parents and represented the general life atmosphere of a good old pre-revolutionary Russia.
Very few people in America could appreciate that elegant nostalgic book. The next novels “The Real Life of Sebastian Knight» and «Bend Sinister” were easier and more understandable for a western reader but they were not noticed either. And Nabokov decided to create something totally different.
“Lolita, light of my life, fin of my loins. My sin, my soul, Lo-lee-ta: the tip of the tongue, taking a trip of three steps down the palate to tap, at thee, on the teeth. Lo-lee-ta!
She was Lo, plain Lo in the morning, standing from feet ten in one sock. She was Lola in slacks. She was Dolly at school. She was Dollores on the dotted line. But in my arms she was always Lolita”.
About 1955 he was writing the world famous, magic and sensational Lolita. It was a thrilling, intensely lyrical, sentimental story about the aging Humbert, Humbert’s doomed passion for a twelve-year-old nymphet, a sexually attractive young girl Dolores Haze.
“Wanted, wanted: Dolores Haze.
Hair: brown. Lips: scarlet.
Age: five thousand three hundred days.
Profession: None, or starlet”.
(…)
My car is limping, Dolores Haze,
And the last long lap is the hardest.
And I shall be dumped where the weed decays
And the rest of rust and stardust.
From the very beginning the book brought surprises to its author. Firstly, Nabokov could not find an editor in USA. When the novel was published by the “Olympic Press” in Paris, American critics fired a common volley at “Lolita”. One of them said that the author of the novel was “hypercivilized European debanching young American”, another classified the story as “pornographical”, the third called the book “anti-American” and the forth called it “anti-semitic”.
Humbert was at least three times mistaken for a Jew, and the pistol of his rival Guilty was a German one.
Nabokov tried to defend himself. He said that “Lolita” couldn’t be considered as anti-American. While composing the story, he tried to be an American writer. What one should bear in mind he was not a realistic author, he wrote fiction. It had taken Nabokov some forty years to invent Russia and Western Europe. And at that moment he faced the task of inventing America. He didn’t like Humbert Humbert. Indeed that character was not an American citizen, he was a foreigner and an anarchist. Nabokov disagreed with him in many ways, besides, nymphets like his, disagreed, for example, with Freid or Marx.
He was not understood and pled guilty. After an enormous scandal round “Lolita” Nabokov lost his job at Cornell University. After that final knock-out which in fact became the beginning of Nabokov’s world glory, the writer could devote all his time to the literary work. He published a poem “Pale Fire” of nine hundred ninety-nine lines, divided into four cantos with a long fantastic commentary, a novel “Pnin” about an emigrant university lecturer like him. Among other fiction, there was a novel “Ada or Azdor: a Family Chronicle”, some books and short stories, plays and a screen-play for his “Lolita”, ordered by Stanly Kubrik.
And let’s remember that Vladimir Nabokov was a brilliant translator and an expert in the world literature. The most important creation in this field was Pushkin’s “Eugen Onegyn”, published by Bollinger Foundation in four volumes with huge commentary in every one. He also made the English translation of “The Song of Igor’s Campaign”, a famous Medieval tale, Lermontov’s “Hero of our time” and some poems of the Russian classics. From English into Russian he retold “Alice’s Adventures in the Wonderland” by Luis Carrol (“Alisa v strane chudes”) and his memories (“Drugie Berega”).
Nabokov’s critical biography by Nikolai Gogol (a non-Christian interpretation of a Christian author were the first books, published in the Soviet Union. But his “Lectures on Russian Literature”, “Lecture on Literature” (on Western Europe), “Strong Opinions” where he collected some interviews, letters and articles were unknown until post-soviet times.
“Why?” – you can ask. May be, because of his not very Russian American novels? I don’t think so. Many American writers have been translated and published in the USSR. By the way, Nabokov himself was quite clear about his country orientations, especially after he came back to Europe (Swirzerland) in 1961. Many time Nabokov said that he loved many things in America, where he had found good friends and readers, but he was not going to become a citizen of USA. He and his wife Vera were travelling from motel to motel, hunting butterflies. He had never had a house of his own. In one of his interviews, he said that he felt Russian and thought that his Russian works were a kind of a tribute to his Fatherland, as well as the English books on the Russian Literature.
Of course he realized that after living for so many years abroad he couldn’t remain unchangeable. He had to change. And it was a difficult kind of switch. Sometimes he said that his private tragedy should not be anybody’s concern, and he had to abandon his national idiom, his untrammeled rich and infinitely docile Russian tongue for a second-rate brand of English.
Nabokov was banned in the Soviet Union exactly for this nostalgia, because it was an invincible, indocile, unconquered love for the old, noble White Russia. He hated Lenin’s terrorist regime and any kind of communism. He despised the clumsy, trivial and melodramatic Soviet literature. And the Soviet writers couldn’t forgive it to him. Those literary bureaucrats couldn’t excuse neither his genius, nor his devine language which was dangerous like sunshine for the night shadows.
Vladimir Nabokov is coming back home. His dreams became true. Hundreds of underground copies of his best Russian novels. Nabokov’s books are on sale in St. Petersburgh and Moscow. Luzhin, Godunov-Cherdyntsev, Pnin and others live souls moor to “Drugie Berega”
Speaking on his memories, I would like to cite the concluding lines:
“To my love I will not say “Good-bye”.
I will carry it with me for ever.
And remember, please, “Never say never”
Till we live, till we honestly die”.
Pavel Toulaev, Utica College, N.Y., 1994
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L’âge d’argent de la littérature russe : Rozanov, penseur vitaliste
Par Robert Steuckers
L’ « âge d’argent » de la littérature russe correspond à ce que nous appelons la « Belle Epoque ». Elle est une période de contestation de l’autocratie tsariste et des figements de l’orthodoxie mais les exposants de cette contestation dont nous retenons le nom, ici, ne sont pas des révolutionnaires au sens marxiste du terme. Le premier personnage que nous choisissons dans cette nébuleuse est Vassili Vassilévitch Rozanov (1856-1919). Cet auteur représente un itinéraire très particulier, une vita exceptionnelle, dirait Hannah Arendt, qui ne peut être aisément campée dans un camp conservateur ou « progressiste » : Rozanov pense en dehors de tout parti, de toute conviction. « Je suis venu au monde, écrira-t-il, pour le regarder et non pour y accomplir quelque chose ». Les vagabondages de ce regard seront dûment consignés dans un volume en trois volets temporels (1913, 1915 et 1918) : Feuilles tombées, recueil hétéroclite de notes diverses, écrites non pour durer dans la postérité mais pour exprimer spontanément une sensation, une humeur. Rozanov veut renouer là avec l’espièglerie du copiste médiéval qui gribouille une plaisanterie ou un dessin grivois en marge de son vénérable manuscrit. Il voit en cela une véritable littérature, une expression d’avant l’imprimerie donc d’avant la modernité. Pour lui, « ce dont nous avons besoin, ce n’est point d’une ‘grande littérature’ mais d’une grande et belle vie, bien remplie ». La littérature véritable est une petite arrière-cour de ma maison, rien de plus, et ne doit certes pas servir à des quidams prétentieux qui veulent plastronner devant leurs contemporains.
De là, Rozanov inaugure l’un des fondements de la « révolution conservatrice », dont l’apport russe est essentiel, par le filon qui court de Rozanov au couple Merejkovski/Hippius et de ce couple à Moeller van den Bruck. Quel est ce fondement ? Celui qui entend aller aux petites choses du quotidien, aux particularismes les plus particuliers, car ces particularismes sont mon divin, les divins de mes semblables. Rozanov est un « physionomiste » : il valorise les regards, les corps, l’immersion dans le soi le plus profond. Il se déclare ainsi indépendant de tout public, se dégage, à la façon de Schopenhauer, de toute volonté militante et frénétique, fébrile et acquisitive, de toute participation à de mauvais cirques idéologiques. Rozanov, sans prétention, se veut le plus normal des hommes : celui qui voit ce que ne voient pas ces partisans de toutes moutures schématisantes qui jugent toutes choses en noir et blanc. Il voit ce que les idéologues ne voient pas. Et les choses essentielles résident dans le foyer intime : la vraie vie s’épanouit dans un foyer privé, chaleureux et confortable, il est « rond » comme un nid d’oiseau. Il faut œuvrer à se créer un « foyer tout en rondeur », alors Dieu ne nous abandonnera pas. Ce nid familial est l’ordre ménager qu’il appelle de ses vœux, le domostroï slave ou le kahal juif qui, s’il est détruit, engendrera un socialisme inorganique, où la fraternité ne sera qu’un leurre.
Cette immersion dans le soi induit, chez Rozanov, une haine du positivisme libéral (occidental) : « Le positivisme est le mausolée philosophique de l’humanité en déclin. Je ne veux rien avoir à faire avec lui. Je le méprise. Je le hais. Je le crains ». La nature tout entière est préstabilisée, car elle est là, tout simplement, et c’est là uniquement que pourront s’exprimer les potentialités qui deviendront réalités. On pense au réel sans double de Clément Rosset. La raison raisonnante des positivistes est inférieure à ce réel sans double. Quant à la vérité, elle n’a pas d’importance en soi ; elle n’a d’importance que si (et seulement si) elle est constitutive de la réalité réelle. On croit entendre Armin Mohler, admirateur de Rosset.
Rozanov fréquentait la « société religieuse/philosophique » de Saint-Pétersbourg qui entendait moderniser la religion non dans un sens positiviste, bien sûr, mais en lui donnant une vigueur nouvelle. Dans ces débats, parfois houleux, Rozanov n’a eu de cesse de dénoncer le rejet par l’église orthodoxe des facteurs vitaux, posture qui lui a donné une réputation de révolutionnaire antireligieux, alors qu’au même moment il prenait fait et cause pour la « Centurie noire » pogromiste, qui accusait les juifs de « meurtre rituel », et il brocardait la pusillanimité des progressistes dans cette affaire. Cette ambivalence le discrédite aux yeux des libéraux, pourtant réceptifs à sa critique de l’orthodoxie. La pétrification de l’orthodoxie a généré un gouffre profond de l’âme qui provoquera à terme une catastrophe de colossale dimension : elle engloutira tout, trône, classe, travailleurs, …
Rozanov développe sa pensée religieuse : elle n’est pas directement centrée sur l’Eglise orthodoxe, qu’il n’abandonnera toutefois jamais, car, malgré ses lacunes et ses travers, elle réserve pour ses fidèles un espace de chaleur inégalée : on y enterre ses parents, ses proches, on y marie ses enfants. Le corps de l’Eglise, ce sont ses rites qui rythment la vie, celle du foyer, du nid. D’emblée, on le voit, la critique antireligieuse de Rozanov n’est pas celle des positivistes et des libéraux, dont il perçoit les idées comme également pétrifiées ou en voie de pétrification. Le noyau central de sa critique de l’orthodoxie russe est vitaliste. La doctrine chrétienne est hostile à la vie, au désir. Elle s’est détachée de l’« arbre de la vie », alors que l’Ancien Testament, qu’il revalorise, y était étroitement attaché. L’Evangile, qui, pour lui est un poison mais non au sens où l’entendait Maurras, véhicule une profonde tristesse, un deuil permanent. Il n’est pas tellurique, encore moins phallique. Il méconnait le rire et l’amour charnel, seul amour véritable. Mais fidèle à sa manière de dire aussi, et dans la foulée même de ses écrits provocateurs, le contraire de ce qu’il vient d’affirmer, Rozanov chante les vertus du monachisme européen, générateur d’un être hermaphrodite et monacal, qui est parvenu à sublimer à l’extrême les instincts vitaux et, par là même, à générer la civilisation en Europe. Ce monachisme créateur a toutefois cédé le pas à l’infertilité évangélique en Europe, si bien qu’à terme tout deviendra « ombre ». Ce n’eut pas été possible si la religion avait été plus charnelle, plus solaire, plus fidèle aux cultes antiques de la fertilité, dixit Rozanov, l’inclassable, car le soleil est là, est l’élément le plus patent du réel (sans double), sans lequel aucune vie, ni élémentaire ni monacale n’est possible, sans lequel les liturgies cycliques n’ont aucun sens. Comme David Herbert Lawrence, Rozanov réclame un retour de la religion au cosmos pour que la théologie ne soit plus un grouillement sec de radotages syllogistiques mais la voix du peuple paysan qui chante le retour du printemps.
La disparition du cadre doux du domostroï et l’a-cosmicité, l’anti-vitalisme, de la religion officielle sont les vecteurs du déclin final de la civilisation européenne. Sans vitalité naturelle, une civilisation n’a plus l’énergie d’agir ni la force de résister. Elle a perdu toute étincelle divine. Lev Gumilev, qui déplore la disparition des passions, Edouard Limonov, récemment décédé, qui parle d’un Occident devenu un « grand hospice », Alexandre Douguine, qui développe sa critique particulière de l’Occident, sont des échos lointains de ce vitalisme de Rozanov. Préfigurant également Heidegger, Rozanov déplore l’envahissement de nos foyers par l’opinion publique/médiatique, qui décentre nos attentions et disloque la cohérence de nos nids. Nous sommes dans un processus de « sociétarisation » qui détruit les communautés archaïques, dissout les ciments irrationnels et les remplace par un bla-bla intellectuel pseudo-rationnel. La politique est dès lors dominée par cet intellectualisme infécond et tout ce qu’elle produit comme idéologies ou comme programmes mérite le mépris. Rozanov formule donc un credo apolitique. Si la révolution bolchevique, survenue pendant la rédaction des Feuilles tombées, réussit à bouleverser de fond en comble l’édifice impérial tsariste, c’est parce qu’elle est portée par la vitalité des moujiks qui se sont engagés dans l’Armée Rouge. La révolution est une manifestation de la jeunesse, écrit-il, qui veut autre chose qu’un empire sclérosé.
Rozanov avait fréquenté à Saint-Pétersbourg, ce couple extraordinaire que formaient Dimitri Merejkovski et Zinaïda Hippius qui, à leur tour, avaient fréquenté à Paris cet autre couple hors du commun, Arthur Moeller van den Bruck et Lucie Kaerrick (traducteurs de Dostoïevski). Par l’intermédiaire de ces deux couples, très actifs dans les milieux culturels russes et allemands, les idées vitalistes de Rozanov, avec son antipositivisme viscéral, sa critique de l’assèchement des religions, sa vision de la mort civilisationnelle par la disparition des communautés archaïques et, enfin, sa valorisation, au début de la révolution russe, du facteur jeunesse, sont passées, mutatis mutandis, dans le corpus de la révolution conservatrice. Et s’y sont ancrées. Définitivement.
Robert Steuckers.
Forest-Flotzenberg, avril-mai 2020.
Bibliographie :
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Luc-Olivier d'Algange: Entretien avec Anna Calosso sur "L'âme secrète de l'Europe"
Anna Calosso : Vous venez de faire paraître un fort beau livre, au titre particulièrement évocateur pour nous, L'Ame secrète de l'Europe, dans la collection Théôrià, aux éditions de L'Harmattan, et je serais tentée de vous demander d'emblée : Qu'est-ce qu'une âme ? Et l'Europe, selon vous, a-t-elle encore une âme ?
Luc-Olivier d'Algange : Avant de répondre directement à votre question, ou plus exactement à vos deux questions, aussi fondamentales l'une que l'autre, permettez-moi de dire quelques mots à propos de la collection où il vient de paraître, dirigée par Pierre-Marie Sigaud, nommée Théôrià. Cette collection, qui prend la suite de la collection Delphica des éditions de L'Age d'Homme, publie, depuis deux décennies, des œuvres, philosophiques et métaphysiques, qui relèvent de ce que l'on a nommé la sophia perennis . Citons, parmi les auteurs, Frithjof Schuon, Jean Borella, Jean Hani, Marco Pallis, Gilbert Durand, Françoise Bonardel, Patrick Laude ou encore Paul Ballanfat, dont un livre tout récent présente l'oeuvre de Yunus Emre, poète majeur, dont l'oeuvre poétique vient également de paraître dans cette collection.
Si l'on considère la pensée dominante, y compris dans ses aspects en apparence contradictoires, force est de reconnaître que nous sommes pris en tenaille entre le nihilisme relativiste, d'une part, et des formes de religiosités fondamentalistes, légalistes ou moralisatrices d'autre part. Entre l'homme-machine et le dévot narcissique et vengeur, entre un matérialisme et un spiritualisme (qui, soit dit en passant, obéissent également à une logique managériale), bien peu d'espace nous reste, tant et si bien que nous vivons dans un monde où nous ne respirons guère, où les souffles sont courts, où les pensées sont étroitement surveillées, où le débat intellectuel se réduit à l'accusation et à l'invective. D'où l'importance de ce corpus rassemblé sous le nom de Théôria,- mot qui veut dire contemplation, et qui redonne sa primauté à l'herméneutique, l'art de l'interprétation, l'expérience intérieure, mais avec précision et exigence, loin du fatras New Age et des « spiritualités » interchangeables ou touristiques.
Voici donc pour le paysage, où je suis heureux de me retrouver, et dans lequel le mot âme, bien sûr, vient tout de suite à l'esprit. L'expression « venir à l'esprit », au demeurant, n'est pas fortuite. L'âme, pour sortir de la sa gangue, a besoin de l'esprit. De même, que serait un esprit qui serait totalement détaché de l'âme, d'un esprit sans souci de l'âme, sinon une pure abstraction ? Une chose détachée, une chose sans cause, un pur néant.
Qu'est que l'âme ? L'âme est ce qui anime, et je serais tenté de dire, avec Jean-René Huguenin, que ce n'est pas l'âme qui est dans le corps mais le corps qui est dans l'âme. L'âme est inspir et expir, elle n'est point un épiphénomène, elle n'est pas subjective ; si intérieure qu'elle soit, c'est elle qui nous donne accès à la grande extériorité, au cosmos lui-même. Infime iota de lumière incréée dans le noir de la prunelle, elle est ce qui resplendit, la lumière sur l'eau, « la mer allée avec le soleil » dont parle Rimbaud.
Quant à la seconde partie de votre question, le titre même de l'ouvrage, donne la réponse. L'âme de l'Europe est devenue secrète. Elle existe, mais inapparente et lorsqu'elle semble apparaître, ici ou là, dans les vestiges visibles du passé, sa statuaire par exemple, ou ses œuvres contemporaines, elle est insultée, bafouée, conspuée, ou tout simplement ignorée. Cependant, le secret, dans sa modalité, n'est pas seulement un refuge, un retrait, une clandestinité, mais aussi, de par l'étymologie même du mot, un recours au sacré. Secrète, l'âme de l'Europe, n'est pas moins vive. Peut-être même pouvons-nous comprendre cette clandestinité comme une sorte de « mise-en-abyme » héraldique , la possibilité d'une récapitulation salvatrice. L'âme disparaît des apparences pour se tenir en éveil dans l'Apparaître.
Un chapitre du livre évoque cette possibilité : « Les dieux, ceux qui apparaissent ». Pour qu'une chose apparaisse, il faut qu'au préalable elle soit cachée, en attente, en puissance. Il n'est si grand hiver, qui, vers sa fin, ne laisse éclater les graines qui survivaient sous sa glace. Tout désormais, pour ceux qui sont attachés à la grande culture européenne, est affaire de survie. Or, lorsqu'elle est menacée, la survie devient métaphysique. Elle passe de l'immanence à la transcendance, elle se retourne vers son origine et sa fin dernière. Elle devient une lisière entre l'être et le néant, une expérience « gnostique » non au sens de la « gnose qui enfle », de la prétention intellectuelle, mais au sens d'une humilité nécessaire. Lorsque plus rien ne semble tenir, que tout s'effondre, et que l'horizon indépassable du « progrès » semble être un champs de ruines ou, pire encore, une réalité faussée, virtuelle, clonée, « zombique », nous devons retrouver le sens de la terre, de l'humus.
Vous avez remarqué qu'à intervalles régulier nos ordinateurs nous demandent de prouver que nous ne sommes pas des robots. Les preuves à l'appui seront, je gage, de plus en plus en plus difficiles à fournir, puis inutiles. Nous sommes intimement modifiés par les instruments que nous utilisons et par notre façon de les utiliser. En littérature, cette façon se nomme le style. Mais la littérature qui exige le silence, l'attente, la patience, la temporalité profonde, est elle-même menacée par l'ère du « clic » et du « toc » où nous sommes déjà entrés. Voyez la morale, qui fut autrefois l'objet de tant de réflexions et de passion, voyez ce qu'elle est est devenue : une chose binaire, manipulable, destructrice et d'une crétinerie sans nom, voire, pour filer la métaphore, une sorte de TOC, autrement dit un trouble obsessionnel compulsif. La morale qui fut l'objet de l'attention patiente des stoïciens, des théologiens, de Spinoza, de Montaigne, de Pascal, est devenue une forme de pathologie qui menace de tout ravager sur son passage, à commencer par la littérature, - non seulement la littérature « mal-pensante », mais la littérature en soi, autrement le langage qui n'est pas exclusivement au service d'une utilité ou d'une efficience immédiate.
Anna Calosso : La comparaison vous paraîtra peut-être étrange, mais à lire votre livre, j'ai pensé à l'ouverture du Lohengrin de Richard Wagner. J'ai perçu là une musique, des nappes sonores, des orchestrations, des « leitmotives », comme si, en évoquant, tour à tour Nietzsche et Venise, la pensée grecque, des présocratiques à Plotin, Novalis et les romantiques allemands, l'alchimie du poème, vous vous étiez donné pour dessein de dire l'aurore attendue à travers le crépuscule : une aurore européenne, belle comme la statue de Uta von Ballenstedt qui figure sur la couverture de votre livre.
Luc-Olivier d'Algange : Je vous avoue n'y avoir pas songé, mais la façon dont vous en parlez donne à la comparaison une pertinence qui va,sans tarder, me porter à réécouter cette ouverture... Je vous avoue cependant que ces derniers temps j'ai davantage écouté du Debussy et du Ravel, voire du Nino Rota, que du Wagner. Mais vous avez sans doute raison, et Debussy fut aussi, peut-être, à sa façon, un « anti-wagnérien » wagnérien. Enfin, je vous dirai qu'entendre un livre comme de la musique, entendre la musique sur laquelle reposent les phrases, est sans doute la meilleure façon de lire, et peut-être la seule. Il n'est rien de plus navrant que ces lecteurs qui, dans un livre, se contentent de collecter les informations, des opinions, à partir desquelles ils se forgeront des avis ou des opinions, en accord ou en contradiction avec ceux du livre, peu importe. Ils seront passés à côté de ce dont naquirent les phrases ; ils seront passés à côté de l'auteur, et, ce qui est plus grave, des paysages et des figures aimées. Nous écrivons toujours avec toutes nos Muses. Les écrivains sont tous des plagiaires, - mais ce qu'ils tentent de plagier, ce n'est que malencontreusement d'autres livres. Le bon défi, en écrivant, est de tenter de plagier Scarlatti ou John Coltrane, ou encore un bruissement de feuillage ou son enchevêtrement, la neige qui tombe, la rugosité de l'écorce, la fugacité de la luciole, et les vagues, bien sûr, les vagues en leur triple mouvement. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas une seule façon de bien écrire, mais d'infinies, allant de l'évidence immobile du galet sur la plage jusqu'aux bouleversements des nuages par temps d'orage.
Anna Calosso : Cependant votre livre, si grande que soit l'importance que vous attachez à la poésie, est aussi un livre polémique, et, si j'ose dire, une sorte de « défense et illustration » de la culture européenne dans son identité profonde. Comment pourriez-vous formuler rapidement la thèse défendue?
Luc-Olivier d'Algange : Le mot « thèse » me semble inadéquat, cela supposerait une anti-thèse et une synthèse. Mon dessein est plus modeste et plus improvisé. J'obéis à des admirations, - et toutes, loin de là, ne figurent pas dans cet ouvrage... Ce livre est peut-être né du sentiment que tout conjure, aujourd'hui plus jamais, à nous faire passer à côté de la beauté des êtres et des choses. L'Europe n'est pas seulement un territoire, un ensemble de langues et de peuples plus ou moins apparentés ; elle fut aussi une possibilité de l'esprit et des corps, une réfraction particulière du monde. Qu'elle disparaisse, et ce sont des aspects de l'entendement humain qui disparaîtront, des styles, des exactitudes et des abandons, des mythes et des symboles, des inquiétudes et des aventures, des métaphysiques contradictoires, mais aussi des coutumes, des rites populaires ou aristocratiques . C'est vous dire que je ne crois aucunement en l'Europe économique ou technocratique, mais en la France, l'Allemagne, l'Italie, la Grèce, le Portugal etc... Que se passe-t-il quand nous nous promenons à Paris ou à Venise, dans un village de Provence ou de l'Aveyron, quelles pensées nous viennent sur le quai du Tounis à Toulouse, ou sur le bord du Tage à Lisbonne, ou encore au Temple de Delphes, - ou tout simplement dans une forêt, sur la chemin de campagne, sur la terrasse d'un bistrot ? L'esprit des lieux, toujours, est plus grand que nous. Une certitude nous en vient : nous nous devons à ce qui est plus grand que nous, au choeur des voix qui se sont tues dont parlait Péguy, à notre langue, au Logos qui est Roi. Les grands bonheurs sont des réminiscences.
Anna Calosso : Mais qu'en est-il alors du présent, du bonheur présent ?
Luc-Olivier d'Algange : Le bonheur du présent est de devenir présence par l'afflux de la réminiscence, par les dons reçus et honorés. Il n'est pire malheur que l'amnésie ou le reniement. L'enfer sur terre a toujours été instauré par les adeptes de la table rase. Ceux-ci, remarquons-le, ne désarment pas. A peine sommes-nous remis d'un de leurs désastres programmés que les voici de nouveau à la tache, traquant, surveillant, lynchant sans relâche, honnissant leur passé et s'exaltant narcissiquement de leur présent, lui trouvant toutes sortes de vertus, et se croyant l'incarnation du Bien. A chaque homme de grande mémoire qui disparaît, notre vie s'abaisse d'un cran ; elle devient plus ennuyeuse, plus mesquine, plus calculatrice, et, en tout, plus misérable. Notre langue est notre mémoire : elle nous dit ce que nous fûmes et ce que nous pourrions être. Aussi bien s'acharne-t-on à la défigurer, à en rendre l'usage presque impossible, avec l'écriture inclusive, l'approximation, le jargon, une syntaxe effondrée, mais aussi, et surtout, un appauvrissement du vocabulaire, une uniformisation du propos autorisé, - si bien que certaines choses ne peuvent, tout simplement plus être dites. Les quelques « puristes » de la langue qui demeurent, hélas, n'y changeront rien. Tout au plus feront-ils quelques livres aimables dans un style « néo-hussard », où Blondin, Nimier, ou Jacques Laurent, certes, ne reconnaîtraient point leurs petits. Le mal est en amont. Il est dans l'expérience intérieure, l'espace intérieur. Qu'en est-il du « champs du possible » qu'évoquait Pindare ? Qu'en est-il de nos sensations à fleur de peau et des plus hautes spéculations de l'Intelligible, - au sens platonicien. Qu'en est-il de l'espace entre les deux, ce monde « imaginal » selon le néologisme de Henry Corbin, d'où apparaissent les symboles, les mythes, les épiphanies ? Qu'en est-il de l'aventure humaine ?
Anna Calosso : Vous écoutant, il me vient naturellement à l'esprit le nom de Gabriele D'Annunzio, auquel un des chapitres de votre livre est consacré. Un regret cependant, vous n'y retracez pas la fameuse équipée de Fiume, dont vous aviez parlé dans une excellente émission de radio en compagnie de Didier Carette.
Luc-Olivier d'Algange : Fiume sera présente dans un prochain livre qui porte sur le refus de la servitude volontaire. Ce fut, en effet, une aventure extraordinaire, échappant à toutes les idéologies, un exercice pratique de liberté conquise. J'y reviendrai. J'étais particulièrement heureux de l'évoquer avec Didier Carette, - qui sait particulièrement bien ce que c'est qu'être acteur, - au sens étymologique du terme. Au commencement était l'action, disait Goethe. Qu'est-ce que l'agir, qu'est-ce que la pensée ? Heidegger creuse admirablement la question. Nous croyons penser alors que nous ne pensons pas encore ; nous calculons, nous classons, nous évaluons, nous ratiocinons, mais nous ne pensons pas encore. Nous construisons des systèmes, nous inventons des orthopraxies, mais nous ne pensons pas. Il en est de même de l'action : nous nous affairons, mais l'essence de l'agir nous échappe. Le monde politique est la scène de ces actions vides, qui n'existent que par la représentation qu'elle se donnent d'elle-mêmes, - qui est flatteuse, qui n'est même que flatterie. Rien ne se fait vraiment : nos contemporains en sont flattés. Il y a des écoles de flatterie, de flagornerie, c'est une science : selon que le vent souffle, bien reconnaître le sens du poil. Un bon politicien reconnaît le sens du poil du Gros Animal dont il voudra se servir pour ne rien faire. D'où l'importance des poètes, du poien, et D'Annunzio en eut la plus haute conscience. La vie, dont il écrivit l'éloge, il la voulut, en disciple de Pindare, magnifique. Célébrer le passé afin que l'avenir revienne vers nous, ne rien renier, et tout vouloir hausser à une plus haute intensité, aimer d'un amour égal la douceur de la vie et la tragique de la mort. Sa devise est parfaite : « J'ai ce que j'ai donné ».
Anna Calosso : Quant-à-vous, cher Luc-Olivier, vous nous avez donné un beau livre, dont nous n'avons évoqué ici qu'une infime partie. Mais j'invite nos lecteurs à voyager avec vous dans le songe de Pallas-Athéna, d'entendre « le beau murmure des sages abeilles du pays », de méditer sur « la légère et infinie trame du monde », de divaguer au bord de lllissos, du Tage et de la Garonne, dans l'Allemagne d'Hölderlin, ou de Jacob Böhme, dans monde des visionnaires néoplatoniciens et des Alchimistes, « entre Albe et Aurore ». Rarement l'image de l'Attelage Ailé ne m'a semblé plus juste. Une dernière question. Dans votre hommage à Stefan George vous écrivez « La poésie est un combat ». Qu'en est-il du combat aujourd'hui ? Contre qui ou contre quoi faut-il se battre ?
Luc-Olivier d'Algange : Stefan George est un poète qui me tient à cœur. Il est tout ce que ce monde, - tantôt nihiliste malin, tantôt fondamentaliste obtus – n'est plus. Ludwig Lehnen disait de l'oeuvre de Stefan George qu'elle était un « contre-monde ». Solennelle, mais pour inviter à la légèreté de l'être ; mystérieuse mais pour donner accès au mystère de la limpidité ; aristocratique, mais par générosité. Ce « contre-monde » est l'enfance continuée. Sa langue est là, mallarméenne à certains égards, pour dire ce que nous ressentions avant de pouvoir le dire, avant l'adultération, la ratiocination, la banalité despotique.
La poésie est un combat contre le prosaïque, - elle est un combat pour la sauvegarde de ses propres sources intérieures . Le combat n'est pas idéologique, ni politique au sens actuel du terme, - qui se réduit à trouver un poste, - mais de chaque instant... A chaque instant, il nous donné de ternir ou de faire resplendir le monde. Il ne suffit plus d'être intelligent, de manier des concepts ou d'être maître dans l'art du sarcasme : il faut, comme disait Novalis « poétiser le réel ». Chacun sait, par intuition, que la vie ne suffit pas. Il faut faire danser les images et les mots en tarentelles dionysiaques... ou comme le proclamait D'Annunzio, à Fiume, aux derniers jours de l'aventure, danser une dernière fois devant la mer, aux lueurs des feux, avant la fin du rêve.
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18:05 Publié dans Cinéma, Film, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, ferme des animaux, george orwell, littérature, dessin animé, littérature anglaise, lettres, lettres anglaises | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Reparlons de la fin de l’histoire…
La catastrophe est arrivée avec Louis-Philippe, tout le monde devrait le savoir (cela me rappelle je ne sais quel journaliste royaliste qui me demandait si j’étais orléaniste ou légitimiste. On est légitimiste ou on n’est pas monarchiste, voilà tout). Depuis, on barbote. Voyez l’autre avec sa banque Rothschild et sa soumission aux patrons anglo-saxons.
Balzac c’est la comédie humaine et c’est aussi la recherche de l’absolu qui n’aboutit plus - et on n’a rien fait de mieux depuis. Car Balzac a compris mieux que tout le monde le monde moderne, peut-être mieux que Guénon même (à savoir que les résurrections et recommandations spirituelles seraient des potions, des simulacres).
Extraits de Z. Marcas, petite nouvelle méconnue, prodigieuse. On commence par la chambre de bonne :
« Comment espère-t-on faire rester les jeunes gens dans de pareils hôtels garnis ? Aussi les étudiants étudient-ils dans les cafés, au théâtre, dans les allées du Luxembourg, chez les grisettes, partout, même à l’École de Droit, excepté dans leur horrible chambre, horrible s’il s’agit d’étudier, charmante dès qu’on y babille et qu’on y fume. »
Les études professionnelles comme on dit au Pérou, de médecin, d’avocat, sont déjà des voies bouchées, observe le narrateur avec son ami Juste :
« Juste et moi, nous n’apercevions aucune place à prendre dans les deux professions que nos parents nous forçaient d’embrasser. Il y a cent avocats, cent médecins pour un. La foule obstrue ces deux voies, qui semblent mener à la fortune et qui sont deux arènes… »
Une observation sur la pléthorique médecine qui eût amusé notre Céline :
« L’affluence des postulants a forcé la médecine à se diviser en catégories : il y a le médecin qui écrit, le médecin qui professe, le médecin politique et le médecin militant ; quatre manières différentes d’être médecin, quatre sections déjà pleines. Quant à la cinquième division, celle des docteurs qui vendent des remèdes, il y a concurrence, et l’on s’y bat à coups d’affiches infâmes sur les murs de Paris. »
Oh, le complexe militaro-pharmaceutique ! Oh, le règne de la quantité !
Les avocats et l’Etat :
« Dans tous les tribunaux, il y a presque autant d’avocats que de causes. L’avocat s’est rejeté sur le journalisme, sur la politique, sur la littérature. Enfin l’État, assailli pour les moindres places de la magistrature, a fini par demander une certaine fortune aux solliciteurs. »
Cinquante ans avant Villiers de l’Isle-Adam Balzac explique le triomphe de la médiocrité qui maintenant connaît son apothéose en Europe avec la bureaucratie continentale :
« Aujourd’hui, le talent doit avoir le bonheur qui fait réussir l’incapacité ; bien plus, s’il manque aux basses conditions qui donnent le succès à la rampante médiocrité, il n’arrivera jamais. »
Balzac recommande donc comme Salluste (et votre serviteur sur un plateau télé) la discrétion, l’éloignement :
« Si nous connaissions parfaitement notre époque, nous nous connaissions aussi nous-mêmes, et nous préférions l’oisiveté des penseurs à une activité sans but, la nonchalance et le plaisir à des travaux inutiles qui eussent lassé notre courage et usé le vif de notre intelligence. Nous avions analysé l’état social en riant, en fumant, en nous promenant. Pour se faire ainsi, nos réflexions, nos discours n’en étaient ni moins sages, ni moins profonds. »
On se plaint en 2018 du niveau de la jeunesse ? Balzac :
« Tout en remarquant l’ilotisme auquel est condamnée la jeunesse, nous étions étonnés de la brutale indifférence du pouvoir pour tout ce qui tient à l’intelligence, à la pensée, à la poésie. »
Liquidation de la culture, triomphe idolâtre de la politique et de l’économie :
« Quels regards, Juste et moi, nous échangions souvent en lisant les journaux, en apprenant les événements de la politique, en parcourant les débats des Chambres, en discutant la conduite d’une cour dont la volontaire ignorance ne peut se comparer qu’à la platitude des courtisans, à la médiocrité des hommes qui forment une haie autour du nouveau trône, tous sans esprit ni portée, sans gloire ni science, sans influence ni grandeur. »
Comme Stendhal, Chateaubriand et même Toussenel, Balzac sera un nostalgique de Charles X :
« Quel éloge de la cour de Charles X, que la cour actuelle, si tant est que ce soit une cour ! Quelle haine contre le pays dans la naturalisation de vulgaires étrangers sans talent, intronisés à la Chambre des Pairs ! Quel déni de justice ! quelle insulte faite aux jeunes illustrations, aux ambitions nées sur le sol ! Nous regardions toutes ces choses comme un spectacle, et nous en gémissions sans prendre un parti sur nous-mêmes. »
Balzac évoque la conspiration et cette époque sur un ton qui annonce Drumont aussi (en prison, Balzac, au bûcher !) :
« Juste, que personne n’est venu chercher, et qui ne serait allé chercher personne, était, à
vingt-cinq ans, un profond politique, un homme d’une aptitude merveilleuse à saisir les rapports lointains entre les faits présents et les faits à venir. Il m’a dit en 1831 ce qui devait arriver et ce qui est arrivé : les assassinats, les conspirations, le règne des juifs, la gêne des mouvements de la France, la disette d’intelligences dans la sphère supérieure, et l’abondance de talents dans les bas-fonds où les plus beaux courages s’éteignent sous les cendres du cigare. Que devenir ? »
Les Français de souche qui en bavent et qui s’expatrient ? Lisez Balzac !
« Être médecin n’était-ce pas attendre pendant vingt ans une clientèle ? Vous savez ce qu’il est devenu ? Non. Eh ! bien, il est médecin ; mais il a quitté la France, il est en Asie. »
La conclusion du jeune grand homme :
« J’imite Juste, je déserte la France, où l’on dépense à se faire faire place le temps et l’énergie nécessaires aux plus hautes créations. Imitez-moi, mes amis, je vais là où l’on dirige à son gré sa destinée. »
Homo festivus… Chez Balzac il y a toujours une dérision bien française face aux échecs de la vie et du monde moderne et déceptif.
Il y a une vingtaine d’années j’avais rappelé à Philippe Muray que chez Hermann Broch comme chez Musil (génie juif plus connu mais moins passionnant) il y avait une dénonciation de la dimension carnavalesque dans l’écroulement austro-hongrois.
Chez Balzac déjà on veut s’amuser, s’éclater, fût-ce à l’étranger. Il cite même Palmyre :
« Après nous être longtemps promenés dans les ruines de Palmyre, nous les oubliâmes, nous étions si jeunes ! Puis vint le carnaval, ce carnaval parisien qui, désormais, effacera l’ancien carnaval de Venise, et qui dans quelques années attirera l’Europe à Paris, si de malencontreux préfets de police ne s’y opposent. On devrait tolérer le jeu pendant le carnaval ; mais les niais moralistes qui ont fait supprimer le jeu sont des calculateurs imbéciles qui ne rétabliront cette plaie nécessaire que quand il sera prouvé que la France laisse des millions en Allemagne. Ce joyeux carnaval amena, comme chez tous les étudiants, une grande misère… »
Puis Balzac présente son Marcas – très actuel comme on verra :
« Il savait le Droit des gens et connaissait tous les traités européens, les coutumes internationales. Il avait étudié les hommes et les choses dans cinq capitales : Londres, Berlin, Vienne, Petersburg et Constantinople. Nul mieux que lui ne connaissait les précédents de la Chambre. »
Les élites ? Balzac :
« Marcas avait appris tout ce qu’un véritable homme d’État doit savoir ; aussi son étonnement fut-il excessif quand il eut occasion de vérifier la profonde ignorance des gens parvenus en France aux affaires publiques. »
Il devine le futur de la France :
« En France, il n’y aura plus qu’un combat de courte durée, au siège même du gouvernement, et qui terminera la guerre morale que des intelligences d’élite auront faite auparavant. »
Les politiques, les sénateurs US comme des marionnettes, comme dans le Parrain. Balzac :
« En trois ans, Marcas créa une des cinquante prétendues capacités politiques qui sont les raquettes avec lesquelles deux mains sournoises se renvoient les portefeuilles, absolument comme un directeur de marionnettes heurte l’un contre l’autre le commissaire et Polichinelle dans son théâtre en plein vent, en espérant toujours faire sa recette. »
Corleone Marcas est comme un boss, dira Cochin, qui manipule ses mannequins :
« Sans démasquer encore toutes les batteries de sa supériorité, Marcas s’avança plus que la première fois, il montra la moitié de son savoir-faire ; le ministère ne dura que cent quatre-vingts jours, il fut dévoré. Marcas, mis en rapport avec quelques députés, les avait maniés comme pâte, en laissant chez tous une haute idée de ses talents. Son mannequin fit de nouveau partie d’un ministère, et le journal devint ministériel. »
Puis Balzac explique l’homme moderne, électeur, citoyen, consommateur, politicard, et « ce que Marcas appelait les stratagèmes de la bêtise : on frappe sur un homme, il paraît convaincu, il hoche la tête, tout va s’arranger ; le lendemain, cette gomme élastique, un moment comprimée, a repris pendant la nuit sa consistance, elle s’est même gonflée, et tout est à recommencer ; vous retravaillez jusqu’à ce que vous ayez reconnu que vous n’avez pas affaire à un homme, mais à du mastic qui se sèche au soleil. »
Et comme s’il pensait à Trump ou à nos ex-vingtième siècle, aux promesses bâclées des politiciens, Balzac dénonce « la difficulté d’opérer le bien, l’incroyable facilité de faire le mal. »
Et comme s’il fallait prouver que Balzac est le maître :
« …il y a pour les hommes supérieurs des Shibolet, et nous étions de la tribu des lévites modernes, sans être encore dans le Temple. Comme je vous l’ai dit, notre vie frivole couvrait les desseins que Juste a exécutés pour sa part et ceux que je vais mettre à fin. »
Et sur l’éternel présent de la jeunesse mécontente :
« La jeunesse n’a pas d’issue en France, elle y amasse une avalanche de capacités méconnues, d’ambitions légitimes et inquiètes, elle se marie peu, les familles ne savent que faire de leurs enfants ; quel sera le bruit qui ébranlera ces masses, je ne sais ; mais elles se précipiteront dans l’état de choses actuel et le bouleverseront. »
Vingt ans plus tard Flaubert dira que le peuple aussi est mort, après les nobles, les clercs et les bourgeois, et qu’il ne reste que la tourbe canaille et imbécile qui a gobé le Second Empire, qui marque le début de notre déclin littéraire. Si on sait pour qui vote la tourbe, on ne sait toujours pas pourquoi.
Balzac rajoute :
« Louis XIV, Napoléon, l’Angleterre étaient et sont avides de jeunesse intelligente. En France, la jeunesse est condamnée par la légalité nouvelle, par les conditions mauvaises du principe électif, par les vices de la constitution ministérielle. »
C’est JMLP qui disait un jour à notre amie Marie que 80% de nos jeunes diplômés fichent le camp. On était en 2012 ! Circulez, y’a de l’espoir…
Le piège républicain expliqué en une phrase par notre plus garnd esprit moderne (royaliste et légitimiste comme Tocqueville et Chateaubriand et Baudelaire aussi à sa manière) :
« En ce moment, on pousse la jeunesse entière à se faire républicaine, parce qu’elle voudra voir dans la république son émancipation. »
La république donnera comme on sait le radical replet, le maçon obtus, le libéral Ubu et le socialiste ventru !
Z. Marcas. Lisez cette nouvelle de seize pages, qui énonce aussi l’opposition moderne entre Russie et monde anglo-saxon !
On laisse le maître conclure : « vous appartenez à cette masse décrépite que l’intérêt rend hideuse, qui tremble, qui se recroqueville et qui veut rapetisser la France parce qu’elle se rapetisse. »
Et le patriote Marcas en mourra, prophète du déclin français :
« Marcas nous manifesta le plus profond mépris pour le gouvernement ; il nous parut douter des destinées de la France, et ce doute avait causé sa maladie… Marcas ne laissa pas de quoi se faire enterrer…
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Jean Raspail, the famed French explorer and writer, has passed away at the age of 94. This man is famous in our circles, not just in France but around the world, for his controversial 1973 novel The Camp of the Saints, which imagined what would happen if 1 million Third-World immigrants suddenly landed on the southern French coast.
Apparently, the head French counterespionage in the 1980s, Alexandre de Marenches, gave a copy of the novel to President Ronald Reagan. My own grandfather gave a copy to my father. This is a classic of Western identity under siege.
Raspail in fact was a man varied interests. He cannot be accused of being an ignorant xenophobe. He spent many years of his life on various expeditions getting to know exotic cultures, whether exploring the Inca heartlands and Tierra del Fuego, recording the deplorable social conditions of the Redskins of the United States, or living in Japan. As with many thoughtful Westerners, knowledge of the beauties and richness of distant peoples went hand-in-hand with a greater appreciation for his own Western identity. Raspail has won many prizes over the years for his bountiful and diverse literary work.
With that, I leave you with a translation of one of Raspail’s few public pronouncements, an article published in Le Figaro newspaper on 17 June 2004
* * *
The Fatherland Betrayed by the Republic
I circled around this theme like a dog-handler around a parcel bomb. It is hard to approach it frontally without it exploding in your face. There is the risk of civil death. And yet, this is the crucial question. I hesitated. All the more so given that in 1973, in publishing The Camp of the Saint, I said just about everything on the topic. I don’t have much to add, other than the fact that I think the goose is cooked.
I am convinced that our fate as Frenchmen is sealed, because “they are at home in my home” ([according to French Socialist President François] Mitterrand), within a “Europe whose roots are as much Islamic as Christian” ([according to French conservative President Jacques] Chirac), because the situation is irreversibly moving towards the final swing in the 2050s which will see the “native French” become reduced to the more elderly half of the country’s population, the rest being made up of Africans, Maghrebi or Black, and all sorts of Asians hailing from the inexhaustible reservoir of the Third World, with a strong Islamic majority, including Jihadis and fundamentalists, the latter dance only just beginning.[1]
France is not the only nation concerned. All of Europe is marching towards death. There is no shortage of warnings: notably a report from the United Nations (which is overjoyed by this development), the indispensable works of Jean-Claude Chesnais and Jacques Dupâquier;[2] but these are systematically downplayed and the INED [National Institute for Demographic Studies] is pushing disinformation. The almost sepulchral silence of the media, governments, and European institutions on the demographic crash of the EU-15[3] is one of the most astonishing phenomena of our time. When there is a birth in my family or among my friends, I cannot look at this baby without thinking of what is being prepared for the fecklessness of our “governance” and what he will have to face when he grows up . . .
Not to mention that the “native French” – constantly beat over the head to throbbing drumbeat of human rights, of “welcoming others,” of the “sharing” dear to our bishops, etc, boxed in by a vast arsenal of repressive “antiracist” legislation, conditioned from infancy to embrace cultural and behavioral “métissage” [mixing], and “plural France”[4] and all the excesses of the old Christian charity – will have no other choice than to tighten their belts and melt without complaint into the mold of the new French “citizen” of 2050. All the same, let us not despair. Certainly, there will still be what ethnologists call isolates, powerful minorities, perhaps 15 million Frenchmen and not necessarily all of white race, who will still speak our language in its more-or-less preserved integrity and who will stubbornly remain imbued with our culture and our history, as passed down from generation to generation. But it will not be easy for them.
In the face of the various “communities” which we see emerge today on the ruins of integration (or rather its gradual inversion: we are the ones who today integrate “the other,” and no longer the opposite), who in 2050 will be definitively institutionally settled, [the French minority] will in a sense, I am looking for the right term, be a community of French continuity. This community will be founded on families, fertility, the endogamy of survival, its own schools, parallel networks of solidarity, and perhaps even geographical zones, its own slices of territory and neighborhoods, or even its safe zones[5] and, why not, its Christian and Catholic faith, if by chance that cement still holds.
This will not be a pleasant situation. The clash will occur sooner or later. Something like the elimination of the kulaks through the appropriate legal means. And then what?
Then France will only be peopled by hermit crabs, whatever their origins, who will live in the shells abandoned by a forever extinct species which was called the French species. A species which in no way prefigured, by God knows what genetic metamorphosis, the species that will bear this name in the second half of this century. The process has already begun.
There is a second possibility which I can only express in private and which would require me to consult my lawyer: that the last isolates resist to the point of engaging in a kind of reconquista, no doubt different from the Spanish one, but inspired by the same motives. A dangerous novel remains to be written on this subject. I will not take charge of this, I have already given. Its author is probably not yet born, but this book will see the light of day at just the right time, of that I am sure . . .
What I don’t understand, and what plunges me in the depths of an afflicted confusion, is why so many informed Frenchmen and so many French politicians are knowingly and methodically, I don’t dare say cynically, contributing to the immolation of a certain France (let us not say “eternal,” which disgusts certain beautiful souls) on the altar of a exacerbated utopian humanism. I ask myself the same question concering these omnipresent associations defending the rights of this, the rights of that, all these leagues, these societies of thought, these subsidized little offices, these networks of manipulators who have infiltrated the machinery of the State (education, judiciary, political parties, unions, etc.), these innumerable petitioners, these correctly consensual media and all these “intelligent people” who day after day and inject with impunity their numbing substance into the still-healthy organism of the French nation.
Even if I can almost credit them with some degree of sincerity, I sometimes have trouble conceding that these are my countrymen. The word renegade begins to come to mind, but there is another explanation: they confuse France with the Republic. “Republican values” are evoked in their infinite variation, we learn that to the point of disgust, but there is never a reference to France. Yet France is first a carnal homeland. The Republic, on the other hand, is but a form of government, synonymous for them with ideology, a capital “I” ideology, the great ideology. It seems, then, that they are betraying the former for the sake of the latter.
Amidst the flotsam of references which I have accumulated in thick folders in support of this assessment, here is one which under friendly airs is quite instructive on the extent of the damage. An extract from a speech by Laurent Fabius at the 17 May 2003 Socialist congress of Dijon: “When the Marianne[6] of our city halls will have taken on the beautiful face of a young Frenchwoman of immigrant origin, that day France will have taken a step forward by fully living the values of the Republic . . .”
Since we are quoting people, here are two more, to conclude: “No amount of atom bombs will be able to prevent the flood made up of millions of human beings who will one day leave the southern and poor portion of the world, to land in the relatively open spaces of the northern hemisphere, in search of survival.” ([Algerian] President [Houari] Boumediene, March 1974.)
And this one, drawn from the twentieth chapter of the Book of Revelation: “When the thousand years are completed, will be gathered the nations which are in the four quarters of the earth and the number of whom is as the sand of the sea. And they will go up the breadth of the earth and surround the camp of the saints and the beloved city:”
Notes:
[1] The delicate imam of Vénissieux, thanks to birthright citizenship, has alone produced sixteen little French citizens. (Raspail’s footnote.)
[2] A French demographer and demographic historian, respectively. – GD
[3] The then-members of the EU, covering most of Western Europe.
[4] La France plurielle, a euphemism for “multicultural France,” when the word “multicultural” still suffered from bad press in our country.
[5] Places de sûreté, a reference to the areas in which the Protestant minority was allowed to safely resided during France’s Wars of Religion.
[6] French town halls typically feature a bust of Marianne, the symbol of the French Revolution. – Guillaume Durocher
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En 1949, Jean Raspail descend les cours tumultueux du Saint-Laurent et du Mississippi, ce qui donne en 2005 En canot sur les chemins d’eau du roi. Une aventure en Amérique (Albin Michel). Hier, samedi 13 juin, jour de la Saint Antoine de Padoue, la littérature française a perdu Jean Raspail. Il est monté dans la barque de Charon afin de franchir à l’âge de 94 ans le Styx.
Auteur d’une quarantaine d’ouvrages et récompensé par vingt-deux prix dont le Prix des intellectuels indépendants en 2002, le Grand Prix du roman de l’Académie Française en 1981 et le Grand Prix de littérature de l’Académie Française en 2003, Jean Raspail s’était présenté en juin 2000 au siège de Jean Guitton sous la Coupole, quai Conti. Il ne recueillit que onze voix; l’élection fut blanche. Comme Stendhal, Honoré de Balzac et Jean Cau, il n’a jamais rejoint les « Immortels ».
Connaisseur des peuples du monde
Élu académicien, il aurait sûrement scruté les mœurs étranges de cette assemblée bizarre, lui qui n’hésita pas pendant des décennies à parcourir les continents. De septembre 1951 à mai 1952, il traverse les Amériques en automobile de la Terre de Feu jusqu’en Alaska. Il arpente les Andes et navigue entre Caraïbes et Antilles. Il vit une année au Japon en 1956 et fait la connaissance des Aïnous, les autochtones blancs d’Hokkaïdo.
Tout au long de ses périples, il s’attache au sort des derniers peuples de moins en moins préservés de la modernité. Dans Qui se souvient des Hommes… (Robert Laffont, 1986), il retrace d’une manière poignante la fin des Alacalufs. Avec son extraordinaire Journal peau-rouge (1975, réédition en 2011 chez Atelier Fol’Fer), il témoigne de la situation inégale des tribus amérindiennes parquées dans les réserves. Certaines s’y étiolent et aspirent seulement à la fin de l’histoire. D’autres, les Navajos par exemple, formulent, grâce à l’exploitation des ressources naturelles, de grandes ambitions comme devenir le cinquante et unième État des États-Unis. Jean Raspail se plaît à romancer ses explorations quasi-anthropologiques dans La Hache des Steppes (1974, réédition en 2016 chez Via Romana), dans Les Hussards (Robert Laffont, 1982) et dans Pêcheurs de Lune (Robert Laffont, 1990).
Sa curiosité dépasse les tribus « primitives » et autres clans « premiers », car elle concerne tous les peuples, techniquement développés ou non. Jean Raspail apprécie les traditions, les peuples et les religions. Il aime l’éclectisme d’un monde menacé par un cosmopolitisme uniformisateur. Il dénonce très tôt une uniformisation programmée avec Septentrion (Robert Laffont, 1979) : une épopée désespérée de trente-cinq personnes à bord d’un vieux train qui s’élance à travers des villes inquiétantes, des forêts profondes et des steppes ventées en direction du Nord, abandonnant derrière eux la grisaille croissante due à l’avènement des « Rudeau ». Il y dépeint d’une plume alerte et angoissante un grand remplacement mental, civilisationnel et humain. Cette ambiance de fin d’un monde se retrouve dans Sept Cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l’Ouest qui n’était plus gardée (Robert Laffont, 1992).
Des critiques y ont vu un pessimisme foncier. Et s’il était seulement lucide ? Jean Raspail prône aussi la lutte, la riposte et l’héroïsme. Même quand tout est perdu, le sens du devoir appelle au combat. Les seules vraies défaites sont les batailles jamais engagées. Les bien-pensants lui reprochent d’avoir commis en 1973 Le Camp des Saints (Robert Laffont), le récit de l’invasion pacifique de l’Europe par des hordes faméliques venues du Tiers-Monde, du subcontinent indien pour la circonstance. L’indignation des belles âmes atteint son comble à l’occasion de sa troisième réédition en 2011 avec une préface inédite, « Big Other », qui signale tous les passages litigieux passibles de poursuites judiciaires en raison de l’existence d’une intolérable législation liberticide. En 2004, des ligues de (petite) vertu l’ont poursuivi sans succès devant la XVIIe chambre pour délit d’opinion. Il avait auparavant osé dans Le Figaro asséner quelques saines vérités dans un article magistral, « La patrie trahie par la République ».
Visionnaire du déclin
Toujours en avance sur son époque, Jean Raspail a compris que l’État républicain tue la France et son peuple au nom de valeurs mondialistes. La République parasite la France, lui vole toute sa vitalité et contribue au changement graduel et insidieux de la population. Il n’a jamais caché son royalisme sans toutefois se lier à un prince particulier. Sa conception de la restauration royale, plus métaphysique que politique d’ailleurs, exprimée dans Sire (Éditions de Fallois, 1991) se rapproche du providentialisme si ce n’est du Grand Monarque attendu. Il témoigne aussi de sa fidélité aux rois de France. Pour commémorer les deux cents ans de l’exécution du roi Louis XVI, il organise, le 21 janvier 1993 sur la place de la Concorde, une manifestation à laquelle participe l’ambassadeur des États-Unis en personne.
Jean Raspail reporte en outre son engagement royaliste sur la personne attachante d’Orélie-Antoine de Tounens qui, en 1860 – 1862, se déclara devant les Mapuches, roi d’Araucanie et de Patagonie en Amérique australe. Dès 1981, année où sort Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (Albin Michel), Jean Raspail se proclame Consul général de Patagonie avec le privilège d’accorder aux plus méritants la nationalité patagone. Il rend effectif ce qu’il a imaginé dans Le jeu du roi (Robert Laffont, 1976) avec pour le roi solitaire Antoine IV. La cryptarchie patagone devient un fait réel, certes au plus grand nombre qui l’gnore superbement.
Héraut des royaumes éphémères et des rois occultés, Jean Raspail part sur les traces de la papauté d’Avignon et de son (éventuelle ?) postérité dans L’Anneau du Pêcheur (Robert Laffont, 1990) où l’on frise le sédévacantisme… Se doute-t-il que le Grand Schisme d’Occident de 1378 a brisé la Chrétienté latine ? Vainqueur des menées conciliaires, Benoît XIII (Pedro de Luna) aurait su revivifié l’institution mystique qui ne se serait pas déchiré moins d’un siècle plus tard avec le schisme protestant. Dans une nouvelle des Hussards (Robert Laffont, 1982), il mentionne un étonnant séparatisme vauclusien. Lassés par la République, de braves gars s’habillent en gardes suisses pontificaux, rétablissent le Comtat Venaissin et le placent sous l’autorité temporelle du Saint-Siège. Hormis feu Rodolphe Crevelle et son Lys noir anarcho-royaliste, rares sont les royalistes français qui goûtent autant que Jean Raspail les petites patries, les causes impossibles et les comportements anachroniques. En 1984 et en 1998, dans le contexte de l’occupation britannique des Malouines argentines (et patagones), Jean Raspail, accompagné de quelques têtes brûlées, s’empare de l’archipel anglo-normand des Minquiers au nom du roi Orélie-Antoine et les renomme « Patagonie septentrionale ».
Son œuvre serait maintenant difficile à publier tant elle dérange. Elle propose une solution : l’existence d’isolats humains. Dans La Hache des Steppes, le narrateur s’échine à retrouver les lointains descendants des Huns dans le village d’Origny-le-Sec dans l’Aube. Il raconte plusieurs fois l’histoire de ces déserteurs sous Napoléon Ier qui se réfugient dans des villages russes reculés où ils font souche. Dans « Big Other », Jean Raspail annonce qu’« il subsistera ce que l’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une vingtaine de millions de Français – et pas nécessairement de race blanche – qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester conscients de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération (p. 37) ». L’exemple de certaines réserves peaux-rouges résilientes est à méditer…
Écrivain de la survie future
Jean Raspail voit ainsi dans l’isolat un recours à la survie des peuples européens. Cette idée correspond maintenant à la notion de BAD (bases autonomes durables). On peut même concevoir une progression dans l’agencement des termes. Au départ s’organisent des BAD éparses. L’établissement de liaisons étroites entre différentes BAD d’un même territoire produit un isolat. La mise en résonance de plusieurs isolats assez proches les uns des autres engendre une autochtonotopie. Jean Raspail a-t-il un don de prescience ?
Dans « Big Other », il avertit que « face aux différentes “ communautés ” qu’on voit se former dès aujourd’hui sur les ruines de l’intégration et qui, en 2050, seront définitivement et institutionnellement installées, il s’agira en quelque sorte – je cherche un terme approprié – d’une communauté de la pérennité française. Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité et de sécurité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoires, ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance, si ce ciment-là a tenu (p. 37) ». Jean Raspail exprime ici très clairement une vision communautariste qui enrage tous les républicains de l’Hexagone. Peu lui chaut. Pour paraphraser Le jeu du roi, Jean Raspail « n’est pas à la mode. À contre-courant, contretemps, contresens et d’ailleurs (pp. 13 – 14) ».
À la notable différence d’un histrion de gauche (pléonasme !) et d’un éditorialiste sentencieux mauvais observateur patenté de l’actualité, Jean Raspail ne bénéficiera pas d’une couverture médiatique digne de son œuvre. Il n’aura pas droit à des obsèques dans la cour d’honneur des Invalides. Qu’importe si en hussard de la flotte australe, il passe à l’ère d’un monde froid, triste et si moderne pour une sentinelle postée en arrière-garde. Ses lecteurs savent pourtant que l’auteur du Roi au-delà de la mer (Albin Michel, 2000) appartient aux éclaireurs, à l’avant-garde d’une élite reconquérante, d’une élite qui applique la devise de cette famille hautement européenne de devoir, d’honneur et de courage, les Pikkendorff : « Je suis d’abord mes propres pas. » Jean Raspail l’a toujours fait sienne, du Cap Horn au Septentrion, de l’Ouest américain à L’île bleue (Robert Laffont, 1988).
La navigation de Jean Raspail s’est achevée dans un hôpital parisien. Son œuvre reste néanmoins plus que jamais présente dans le bastion français et européen d’un Occident bien finissant.
Georges Feltin-Tracol
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Flaubert et la catastrophe française de 1870
par Nicolas Bonnal
Je dirais que la correspondance de Flaubert est le plus grand livre du monde moderne, devant même le Zarathoustra de Nietzsche, et qu’il est gratuit, à télécharger en plusieurs volumes sur le site Gallica de la bibliothèque nationale, dont on saluera le travail. Il y a des milliers de pages, alors perdez-vous y.
Flaubert a compris le désastre impérial de Napoléon III, désastre métaphysique et moral avant tout.
En 1853 il écrivait déjà à Louise Colet cette sentence définitive sur notre modernité désastreuse et notre présent permanent : « 89 a démoli la royauté et la noblesse, 48 la bourgeoisie et 51 le peuple. Il n'y a plus rien, qu'une tourbe canaille et imbécile. Nous sommes tous enfoncés au même niveau dans une médiocrité commune.»
Ceci on a pu descendre plus bas, notamment en 1870, en 1940, en 1968, ou sous le binôme Macron-Hollande. Comme dit un ami nommé Sylvain, et prof d’informatique dans une fac privée américaine (essayez, cela ouvre l’esprit) : « en France quand on touche le fond on creuse encore ».
Maxime du Camp
Mais voyons 1870. J’en ai parlé citant Maxime du Camp (qui souligne la légèreté française face au sérieux prussien) ou Renan (qui vaticine une victoire russe après celle allemande en Europe). 1870 ouvre la porte de la rapide décadence matérielle, morale et culturelle de la France, jadis modèle et âme de cette Europe. La république sera pire que l’empire, et le bilan de la troisième république fut à tous égards désastreux, y compris sur le plan moral avec entre autres les crimes du colonialisme inutile.
1870… L’époque est déjà assez nihiliste et Flaubert écrit du reste :
« On se paye de mots dans cette question de l'immortalité, car la question est de savoir si le moi persiste. L'affirmative me paraît une outrecuidance de notre orgueil, une protestation de notre faiblesse contre l'ordre éternel. La mort n'a peut-être pas plus de secrets à nous révéler que la vie. Quelle année de malédiction! Il me semble que je suis perdu dans le désert. »
L’année est mauvaise déjà en juin, et il le rappelle :
« Je ne suis pas plus gai que vous, car l'année a été, pour moi, atroce. J'ai enterré presque tous mes amis ou du moins les plus intimes. En voici la liste : Bouilhet, Sainte-Beuve, Jules de Goncourt Duplan le secrétaire de Cernuschi, et ce n'est pas tout. »
Mais démarrons. La guerre arrive, les esprits en France sont enflammés, et on cherche à se prendre une énième rouste. Le 22 juillet, Flaubert écrit à George Sand (une gauchiste caviar adorée aussi par Tocqueville) :
« Que devenez-vous, chère maître, vous et les vôtres ? Moi, je suis écœuré, navré par la bêtise de mes compatriotes. L'irrémédiable barbarie de l'humanité m'emplit d'une tristesse noire. Cet enthousiasme, qui n'a pour mobile, aucune idée, me donne envie de crever pour ne plus le voir. »
Les raisons :
« Le bon Français veut se battre 1° parce qu'il est jaloux de la Prusse; parce que l'état naturel de l'homme est la sauvagerie; 3° parce que la guerre contient en soi un élément mystique qui transporte les foules. »
Le trait de génie ensuite :
« En sommes-nous revenus aux guerres de races ? J'en ai peur. »
Après notre artiste en remet une louche sur le bourgeois sartrien d’alors :
« Le bourgeois d'ici ne tient plus. Il trouve que la Prusse était trop insolente et veut « se venger ».
Le 3 aout Flaubert revient sur ce bellicisme insensé (cf. le « Français parfaitement enthousiaste » de Louis-Ferdinand Céline, avant la raclée de juin 40) :
« Je vous assure qu'ici on se ferait assommer si on s'avisait de prêcher la paix. Quoi qu'il advienne, nous sommes reculés pour longtemps. »
Le génie ensuite. Flaubert insiste sur le racisme entre petits blancs :
« Les guerres de races vont peut-être recommencer. On verra, avant un siècle, plusieurs millions d'hommes s'entre-tuer en une séance. Tout l’orient contre toute l'Europe, l'ancien monde contre le nouveau. Pourquoi pas ? »
Mais il voit aussi dans cette grosse guerre une malédiction liée à Suez (tiens, tiens…) et la grande industrie :
« Les grands travaux collectifs comme l'isthme de Suez sont peut-être, sous une autre forme, des ébauches et des préparations dont nous n’avons pas idée. »
A cette époque la France plonge vite dans la misère (et on nous fait le coup des cinq milliards payés rubis sur l’ongle…) :
« La misère s'annonce bien. Tout le monde est dans la gêne, à commencer par moi Mais nous étions peut-être trop habitués au confortable et à la tranquillité. »
Comme toujours Flaubert regrette un bon vieux temps qu’il sait pourri pourtant :
« Nous nous enfoncions dans la matière. Il faut revenir à la grande tradition, ne plus tenir à la vie, au bonheur, à l'argent, ni à rien; être ce qu'étaient nos grands-pères, des personnes légères, gazeuses. Autrefois on passait sa vie à crever de faim. »
Le 17 aout, encore à George Sand :
« Je suis arrivé à Paris lundi et j'en suis reparti mercredi. Je connais maintenant le fond du Parisien et j'ai fait dans mon cœur des excuses aux plus féroces politiques de 1793. Maintenant, je les comprends. Quelle bêtise quelle lâcheté, quelle ignorance, quelle présomption ! Mes compatriotes me donnent envie de vomir. Ils sont à mettre dans le même sac qu'Isidore. Ce peuple mérite peut-être d'être châtié, et j'ai peur qu'il le soit. »
Et ce peuple a régulièrement été châtié et il s’en moque à chaque fois. C’est ce qui fera de Céline le pacifiste enragé et le francophobe dont j’ai parlé.
Puis Flaubert annonce notre ère ubuesque :
« Voilà où nous a conduits le suffrage universel, dieu nouveau que je trouve aussi bête que l'ancien N'importe Vous croyez qu'il en sera démonté, le bon suffrage universel ? Pas du tout Après Isidore, nous aurons Pignouf 1er. Ce qui me désole dans cette guerre, c'est que les Prussiens ont raison. A leur tour ! Puis à celui des Russes ! »
Déchéance française mais aussi défaite allemande en perspective :
« Nous allons devenir une Pologne, puis une Espagne. Puis ce sera le tour de la Prusse, qui sera mangée par la Russie. Quant à moi, je me regarde comme un homme fini. Ma cervelle ne se rétablira pas. On ne peut plus écrire quand on ne s'estime plus. Je ne demande qu'une chose, c'est à crever, pour être tranquille. »
J’ai cité dans mes chroniques cette grande envolée de Renan, extraite d’une lettre à un célèbre historien allemand :
« Le Slave, dans cinquante ans, saura que c’est vous qui avait fait nom synonyme d’esclave : il verra cette longue exploitation historique de sa race par la vôtre, et le nombre du Slave est le double du vôtre, et le Slave, comme le dragon de l’Apocalypse dont la queue balaye la troisième partie des étoiles, traînera un jour après lui le troupeau de l’Asie centrale, l’ancienne clientèle des Gengis Khan et Tamerlan. »
Flaubert voit la fin d’un dix-neuvième siècle heureux et l’avènement des misères modernes. Il voit un déclin ontologique, comme Nietzsche un peu plus tard (lisez et relisez la deuxième considération sur l’histoire) :
« Nous sommes assaillis de pauvres Ils commencent à faire des menaces. Les patrouilles de ma milice commenceront la semaine prochaine, et je ne me sens pas disposé à l'indulgence. Ce qu'il y a d'affreux dans cette guerre, c'est qu'elle vous rend méchant. J'ai maintenant le cœur sec comme un caillou et, quoi qu'il advienne, on restera stupide. Nous sommes condamnés à parler des Prussiens jusqu'à la fin de notre vie. »
A Maxime du Camp, il écrit le 29 septembre :
« Ce qui me désole, c'est l'immense bêtise dont nous serons accablés ensuite. Toute gentillesse, comme eût dit Montaigne, est perdue pour longtemps. Un monde nouveau va commencer. On élèvera les enfants dans la haine du Prussien. Le militarisme et le positivisme le plus abject, voilà notre lot désormais à moins que, la poudre purifiant l'air, nous ne sortions de là, au contraire, plus forts et plus sains. »
Pour être honnête j’ai déjà cité Edmond Burke à ce sujet, Burke et son « siècle de philosophes, d’économistes et de sophistes », Burke et cette « chevalerie à jamais en allée »…
The age of chivalry is gone.
On parle beaucoup de déchéance impériale américaine; tout est basé sur du faux, du toc et de la dette. Idem à cette époque pour l’empire bonapartiste :
« Oui, mon vieux, tu as raison Nous payons maintenant le long mensonge où nous avons vécu, car tout était faux, fausse armée, fausse politique, fausse littérature, faux crédit et mêmes fausses courtisanes. Dire la vérité c'était être immoral. »
La république arrive avec Gambetta et ses cassages de jambe (Bernanos), et on se doute que Flaubert, malgré Sand, ne s’en contente pas. Il écrit à sa nièce Caroline, celle qui le ruinera :
« La République me paraît dépasser l'Empire en bêtise. On parle toujours des armées du Centre et on ne les voit pas. On promène les soldats d'une province à l'autre, voilà tout. »
Léon Gambetta
Il voit un monde nouveau naître, bien plus nul que l’ancien, celui du règne de la quantité et de la médiocrité qui finit sous nos yeux en ce moment. A mon avis, et je l’ai prouvé, Chateaubriand a parfaitement traité cette question dans la conclusion des Mémoires d’Outre-tombe. Mais notre génial Flaubert ajoute que la prochaine guerre sera mondiale :
« Quoi qu'il advienne, le monde auquel j'appartenais a vécu. Les Latins sont finis maintenant c'est au tour des Saxons, qui seront dévorés par les Slaves. Ainsi de suite. Nous aurons pour consolation, avant cinq ou six ans, de voir l'Europe en feu; elle sera à nos genoux, nous priant de nous unir avec elle contre la Prusse. »
Il annonce la guerre civile de la Commune :
« Dans un mois tout sera fini, c'est-à-dire le premier acte du drame sera fini, le second sera la guerre civile. »
A George Sand il écrit encore :
« Paris finira par être affamé et on ne lui porte aucun secours. Les bêtises de la République dépassent celles de l'Empire. Se joue-t-il en dessous quelque abominable comédie ? Pourquoi tant d'inaction ? »
Il voit pulluler les pauvres partout, dont on ne me parla jamais au cours des humanités pourtant poussées :
« Nous n'avons eu mardi dernier que trois cents pauvres environ. Que sera-ce cet hiver ? Quelle abominable catastrophe et pourquoi ? dans quel but ? au profit de qui ? Quel sot et méchant animal que l'homme et comme c'est triste de vivre à des époques pareilles Nous passons par des situations que nous estimions impossibles, par des angoisses qu'on avait au Ve siècle, quand les Barbares descendaient en Italie. »
Il semble que jamais fatigués nous allions vers de nouveaux désastres grâce au virus et au reste !
Nous sommes d’accord sur le reste. Un monde laid et bête va naître, qui va du reste détruire le génie allemand si flamboyant sous Napoléon –voyez mes textes à ce sujet, dédiés à Robert Steuckers, et publiés dans le recueil sur Guénon et les gilets jaunes) :
« J'ai le sentiment de la fin d'un monde. Quoi qu'il advienne, tout ce que j'aimais est perdu. Nous allons tomber, quand la guerre sera finie, dans un ordre de choses exécrable pour les gens de goût. Je suis encore plus écœuré par la bêtise de cette guerre que par ses horreurs.
A Claudius Popelin, Flaubert écrit le 28 octobre dans une tonalité presque guénonienne :
« Je suis convaincu que nous entrons dans un monde hideux où les gens comme nous n'auront plus leur raison d'être. On sera utilitaire et militaire, économe, petit, pauvre, abject. La vie est en soi quelque chose de si triste, qu'elle n'est pas supportable sans de grands allégements. Que sera-ce donc quand elle va être froide et dénudée. Le Paris que nous avons aimé n'existera plus. »
Il rêve d’un ailleurs, souvent bédouin d’ailleurs :
« Mon rêve est de m'en aller vivre ailleurs qu'en France, dans un pays où l'on ne soit pas obligé d'être citoyen, d'entendre le tambour, de voter, de faire partie d'une commission ou d'un jury. Pouah ! Pouah !
Je ne désespère pas de l'humanité, mais je crois que notre race est finie. C'en est assez pour être triste. Si j'avais vingt ans de moins je reprendrais courage. Et si j'avais vingt ans de plus, je me résignerais. »
Il sent le retour du refoulé catholique, celui qui va amener des Péguy et justement exaspérer quelques années plus tard des génies comme Bloy, Drumont ou Bernanos :
« En fait de résignation, je vous prédis ceci : la France va devenir très catholique. Le malheur rend les faibles dévots et tout le monde, maintenant, est faible. La guerre de Prusse est la fin, la clôture de la Révolution française. »
Il insiste – et il a raison, car la bêtise catho ou américaine est toujours d’actualité avec Trump ou ce pape :
« Je meurs de chagrin, voilà le vrai, et les consolations m'irritent. Ce qui me navre, c'est la férocité des hommes; la conviction que nous allons entrer dans une ère stupide. On sera utilitaire, militaire, américaine et catholique, très catholique. »
Et puis il voit que l’Europe va entrer à cause des revanchards Français dans un siècle de guerres :
« …ces civilisés sauvages me font plus horreur que les cannibales. Et tout le monde va les imiter, va être soldat. La Russie en a maintenant quatre millions. Toute l'Europe portera l'uniforme. Si nous prenons notre revanche, elle sera ultra-féroce, et notez qu'on ne va penser qu'à cela, à se venger de l'Allemagne ; Le gouvernement, quel qu'il soit, ne pourra se maintenir qu'en spéculant sur cette passion. Le meurtre en grand va être le but de tous nos efforts. »
On arrête ici et on dédie ce triste texte à notre ami Jean Raspail. Dans la dernière lettre qu’il m’écrivit, il m’avait même dit que nous avions le pape du Camp des saints aux commandes...
Sources:
Nicolas Bonnal – Céline, le pacifiste enragé ; Guénon, Bernanos et les gilets jaunes ; chroniques sur a fin de l’histoire
Flaubert – Correspondance, Gallica BNF, 1859-1871
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par Franck BULEUX
Jean Raspail nous a quittés le 13 juin alors qu’il abordait ses 95 ans. Pourtant, il en avait traversé des mers, atteint de nombreux rivages, il n’atteindra pas celui-là. Il a changé de rive.
Contre la modernité
C’est en 1986, dans Les yeux d’Irène, roman de Jean Raspail, pour qui j’ai vécu une passion personnelle, paru en 1984, que j’ai découvert l’existence des Alakalufs, un des peuples les plus vieux de la terre, natif de l’extrême sud du continent américain, un peuple indien d’Amérique du Sud vivant au Chili dans le détroit de Magellan. Comme d’autres explorateurs, comme tant de voyageurs, Jean Raspail avait rencontré ce peuple, en 1951, sous la neige et dans le vent qui l’avait emmené sur cette terre extrême. La rencontre entre deux civilisations. De cette courte rencontre qui l’avait marqué, il avait souhaité écrire leur histoire.
Qui se souvient des Hommes ? était le titre de ce « roman » consacré aux Alakalufs. Ce livre aurait pu être présenté comme une « épopée » ou une « tragédie » humaine, recréant le destin de ces êtres, nos frères, que les hommes qui les virent hésitèrent à reconnaître comme des Hommes.
Déjà, en l’an Mil, l’Islandais Leif Erikson avait découvert le Nord du continent américain, faisant des hommes du Nord, les Northmen, les premiers Européens présents sur le territoire outre-Atlantique. Presque mille ans après, le jeune explorateur français, Jean Raspail croisait un canot sur lequel des hommes et des femmes, présents ethniquement probablement depuis des milliers d’années, pêchaient. Comme les Indiens s’étaient méfiés des Européens de l’an Mil, ils ne pouvaient que se méfier de ceux de l’an Deux mille. Leif Erikson n’avait même pas utilisé les cartes de l’explorateur Pythéas, qui, au IVe siècle avant notre ère, avait sillonné l’Atlantique et atteint le cercle polaire septentrional. Comme Leif Erikson, mais au sud de ce continent, Jean Raspail s’y était laissé égaré. Après avoir traversé l’Amérique, à partir de l’Alaska, il avait rencontré l’homme éternel, celui qui avait refusé tout mélange. Celui qui se méfiait du « dieu blanc ».
« Là-bas, au loin, si loin… » comme le sous-titre le livre, qui reprend l’intégralité de sept romans de Jean Raspail, édité dans la collection Bouquins par Robert Laffont en 2015 avec une superbe préface de Sylvain Tesson. Jean Raspail faisait partie de ces conquérants pacifistes, ceux pour qui la terre, patrie charnelle, crée et pérennise la différence.
Tous ces explorateurs, Pythéas, Leif Erikson, Jean Raspail avaient probablement cherché le lieu où disparaissait le Soleil, à l’Ouest du monde, avant de renaître.
Ce Grand Sud, appelée souvent Patagonie, partie méridionale de l’Amérique du Sud, était à l’origine, selon les légendes et certaines statues découvertes, la regio gigantum (« région des géants » en latin). Et les hommes qui y vivaient encore étaient appelés à disparaître car leur nombre se réduisait, peu à peu.
Ils n’ont jamais été très nombreux. La population totale n’a jamais dépassé les 5 000 individus. Dans les années 1930, les Alakalufs se sont sédentarisés sur l’île Wellington, dans la ville de Puerto Eden, port chilien. Ils représentaient l’histoire du monde. Jean Raspail l’avait compris.
Roi sur sa terre
Déjà, en 1981, Jean Raspail avait publié Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie ou le destin vécu d’un aventurier français qui débarqua en Argentine en 1860 et se fit proclamer roi d’Araucanie et de Patagonie par les populations indigènes locales. Ce livre avait obtenu le prix du roman de l’Académie française. Cet ouvrage relate l’histoire d’un aventurier venu du « Périgord vert » qui s’autoproclame roi, le 18 novembre 1860, par les tribus de cavaliers qui menaient contre l’Argentine et le Chili les derniers combats de la liberté et de l’identité. Il régna quelques mois, sous le nom d’Orllie-Antoine Ier (écrit parfois Orélie-Antoine Ier) galopant à leur tête en uniforme chamarré, sous les plis de son drapeau bleu, blanc, vert. Et puis, la chance l’abandonna. Trahi, jeté en prison, jugé, il parvint à regagner la France où un autre destin l’attendait, celui d’un roi de dérision en butte à tous les sarcasmes, mais jamais il ne céda. En effet, bien que le royaume n’existât plus, il créa autour de lui une petite cour, attribuant ainsi décorations et titres. Roi il resta, mais solitaire et abandonné, il mourut dans la misère le 17 septembre 1878, à Tourtoirac, en Dordogne, où il était né.
Les Indiens ont disparu, mais la symbolique du livre tient au fait que ses sujets se comptent aujourd’hui par milliers, en France et à travers le monde, car son royaume est éternel. Il symbolise ce peuple identifié à sa terre, comme les Alakalufs.
Symboliquement, en 1989, puis en 1998, Jean Raspail avait « occupé » brièvement l’archipel des Minquiers, archipel normand situé au sud des îles Anglo-Normandes et qui fait partie du bailliage de Jersey : un éparpillement de granit peuplé de lapins, au sud de l’île. Jean Raspail réagissait en représailles à l’occupation des Malouines argentines, territoire purement patagon, par les Britanniques. Toujours ce choix de l’identité charnelle des hommes.
Qui se souviendra de nous ?
En 1973, l’écrivain publie ce qui deviendra un livre emblématique, toujours sous l’épitaphe de « roman » : Le Camp des Saints, chez l’éditeur Robert Laffont. Roman apocalyptique qui se situe dans la France de 2050, confrontée à l’arrivée massive de migrants sur ses côtes azuréennes comme si le paradis bleu, de la couleur des yeux de Jean Raspail, devait affronter une invasion d’individus représentant une véritable subversion. Lorsque l’Azur s’assombrit.
Le Camp des Saints, dès 1973, fut un succès de librairie. Il fut édité, en langue anglaise, à l’étranger et réédité, en français, à de nombreuses reprises.
Jean Raspail, dès 1973, met l’accent sur un discours démographique entre le Nord et le Sud. Il a constaté, de visu, la disparition de peuples qui se pensaient éternels. Ces romans ne sont que la modélisation de ses expériences humaines. Il a constaté que la modernité absorbait la vie des peuples et que la faiblesse de la démographie traduisait la fin des peuples.
En 1970, l’Académie française lui avait remis le prix Jean-Walter pour l’ensemble de son œuvre mais lorsqu’il postulat à l’Académie française le 22 juin 2000, il ne réussit pas à être élu au siège vacant de Jean Guitton. Pourtant, il recueillit 11 voix contre 6 pour Max Gallo et 4 pour Charles Dédéyan, sans toutefois obtenir la majorité requise. Sans doute Le Camp des Saints l’empêcha-t-il de devenir Immortel.
Lui, le chasseur d’éternité, l’explorateur de peuples enracinés, est parti à une époque où le nomadisme imposé est l’essence de notre civilisation déclinante. Il était alors chercher, à l’Ouest, l’origine de l’humanité. Il pensait les civilisations mortelles, non par idéologie, mais par expérience, par souci d’observation. Il avait vu disparaître les Alakalufs, il ne souhaitait pas la disparition d’autres civilisations.
Il ne se pensait pas prophète. Comme on dit aujourd’hui, probablement un simple lanceur d’alerte.
Emmené par les oies sauvages, il a dû traverser la rive de l’ailleurs. Celle au-delà de laquelle tout retour est improbable. C’est effectivement la seule rive d’où il est impossible de revenir. La seule.
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J’ai parcouru rapidement les quelques papiers consacrés à la mort de Jean Raspail, j’ai l’ impression qu’il n’a écrit qu’un livre, le camp des saints, or c’est l’un de ses premiers ouvrages, l’oeuvre, la vraie est venue après…
Il passa au moins les vingt premières années de sa vie d’auteur à courir le monde pour tenter de sauver la mémoire de peuples qui disparaissaient. Il parlait avec une grande émotion de sa rencontre avec Maria la dernière femme du peuple Onas de la terre de feu, dernière de sa race, parlant une langue que personne ne comprenait, et n’en parlant aucune autre, son regard qui n’était que tourné vers l’intérieur l’avait ébranlé.
Il parcourut ainsi l’Amérique du sud et du nord, le Japon d’après guerre jusque chez les Aïnous, Haïti, les Caraïbes, le moyen-orient et bien d’autres pays…
Ce goût, il l’avait pris dans sa jeunesse parisienne, quant il allait avec un petit camarade, certains après-midi, à la brasserie La Coupole, comme auditeur des réunions du club des explorateurs. Un vieux Monsieur ouvrait la séance avec la formule:
« Moi compagnon de Brazza… » il se rêva explorateur. Le monde, pourtant, était déjà découvert, mais ceux qui étaient ses premiers occupants, partout disparaissaient devant la modernité. Alors il fut celui qui enterrait les derniers feux, parfois ce n’étaient que des cendres encore tièdes… Voire, plus que des fantômes.
Cette conscience des civilisations qui sombrent, des sociétés qui disparaissent, elle lui vient surement de cet été 1940, en pleine débâcle, son père haut fonctionnaire, doit se replier, il n’y a plus de voiture, il colle le gamin sur un vélo, il a 15 ans, et lui donne rendez-vous chez sa grand-mère dans l’Indre.
Seul sur sa bicyclette, au milieu du chaos, il sera le spectateur du monde qui s’écroule. Et pour ceux qui ont lu ses mots sur cette période et le discours sur l’armistice de Pétain qui lui paraît: « ce qui fit le plus de mal à la France », les antifascistes de salon d’aujourd’hui qui croient le classer de ce côté-là, pour sûr ne l’ont pas lu…
Après ses périples américains, de retour du Japon et de chez les Aïnous, où il découvre, dans la hutte d’un vieux chef, qu’il est le seul blanc, venu là depuis des lustres et que son prédécesseur est Tchekhov, il se rend compte, qu’un récit de voyage ne lui suffira pas, pour traduire le choc de ce que fut pour lui le japon. . Il l’écrit sous forme romanesque : « le vent des pins », il ne le revendique pas et interdit sa réédition depuis.
Il reviendra aux livres de voyage, jouera le conférencier, puis un retour au roman, réfugié sur la côte d’Azur pour des vacances utiles, il imagine une fin de l’occident, après avoir suivi les traces de tellement de peuples disparus, il est armé pour concevoir celle de l’occident. Ce sera « le camp des saints » on est en 1972. Aux USA, la science-fiction est à son apogée, si on lit Raspail à cette époque, c’est ainsi qu’on le voit… John Brunner et le troupeau aveugle, K Dick bien sûr.
Encore quelques livres de voyage, dont un grand : » les peaux-rouges aujourd’hui » en 1975. Puis c’est sa grande période de romancier, je suis un auteur tardif disait-il, pendant que ses chers peaux-rouges se révoltent à Wounded-knee, il sort ici « le jeu du roi », formidable ouvrage, tout Raspail est là, le livre s’ouvre sur une citation de Roger Caillois: « le rêve est un facteur de légitimité », les beaux livres s’enchaîneront ensuite , sept cavaliers (que j’ai adapté en BD) Moi Antoine de Tounens, où voit le jour la Patagonie littéraire, terre mythique refuge de ses lecteurs, dont il était le consul général. L’île bleu, adapté (mal) par Nadine Trintignant pour la télévision, livre directement issu de l’aventure à vélo dans la débâcle. Sire, Les Pikkendorff, famille fictive qui hante ses livres. Le plus beau pour moi : « Qui se souvient des hommes » prix du livre inter, il élève aux Alakaluffs de la terre de feu, anéantis depuis longtemps, un monument de papier. Un joli livre que je recommande pour sa partie explorateur : pêcheurs de lune. Un retour en Patagonie, avec le dernier voyage: « Adios Terra del fuego » il sait que l’âge est là, et qu’il n’y reviendra plus.
Il terminera en 2005 avec son dernier livre récit, il a retrouvé ses notes de jeunesse, de ce qui fut son premier périple à 25 ans, reconstituer avec quatre amis le voyage du père Marquette, le découvreur du Mississippi au 17ème siècle. Ce sera « en canot sur le chemin d’eau du roi » son dernier livre, il ne voulait pas aller au-delà, et terminer comme ces écrivains qui font toujours le même livre jusqu’au bout, de moins en bien et que l’on achète par habitude…
Je ne vous reconnais pas, Jean Raspail, dans les articles des journaux qui annoncent votre mort, en ne regardant que votre premier roman, parce que la réalité, s’est mise à lui ressembler terriblement, mais on me dit que Sylvain Tesson monte au créneau, lui saura.
Jacques Terpant
Vice-consul de Patagonie
Membre du cercle des peintres et illustrateurs patagons
9eme cavalier.
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