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mardi, 22 janvier 2019

Christophe Guilluy et la fin des classes populaires autochtones

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Christophe Guilluy et la fin des classes populaires autochtones

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Le dernier livre de Christophe Guilluy, No society, La fin de la classe moyenne occidentale aux éditions Flammarion, est un livre fondamental qui propose un état des lieux décapant de notre société. Il est important de noter que ce livre a été écrit avant le début du mouvement des Gilets jaunes, mouvement qui valide en grande partie les analyses et observations de l’auteur. Cependant Christophe Guilluy pose aussi un certain nombre de questions importantes, qu’il n’approfondit pas et que nous pouvons peut-être éclairer de notre point de vue autochtoniste. Ainsi, il serait intéressant de savoir pourquoi la classe supérieure occidentale est la seule classe supérieure dans le monde à ostraciser son propre peuple. On aimerait aussi comprendre  pourquoi les « classes moyennes » occidentales sont constamment renvoyées par les classes supérieures aux « heures les plus sombres » de leur histoire.

La thèse centrale de Guilluy est le fruit d’une analyse sociologique rigoureuse, que nous résumons sommairement ici :

 Jusque dans les années 70-80, les classes moyennes occidentales incarnaient l’idéal de « l’European way of life » ou de l’American way of life ». Elles étaient respectées par les classes supérieures comme par les immigrés, immigrés qui aspiraient d’ailleurs à s’y intégrer. Les classes moyennes constituaient alors le « référent culturel » de la société. 

A partir des années 80, dans un mouvement qui va aller en s’amplifiant, les nouvelles classes supérieures occidentales vont faire « sécession ». Parallèlement à une désindustrialisation galopante des régions, elles vont se « citadelliser » dans les grandes métropoles où elles vont profiter d’une économie mondialisée. Précisons que la classe supérieure occidentale soutiendra massivement les délocalisations, la dérégulation bancaire, le « marché », l’abolition du contrôle du mouvement des capitaux, la financiarisation de l’économie, l’industrie de la dette…

Les « petits blancs » de la classe moyenne occidentale vont alors perdre leurs emplois et leur statut de référent culturel. Alors que les métropoles mondialisées créent de la richesse et concentrent l’essentiel des nouvelles activités, la France périphérique va s’appauvrir et être rejetée sur les marges économiques, sociales et culturelles du pays.   

A partir de là, nous allons assister à un double mouvement : d’une part les classes dominantes (bobos, journalistes, « experts » médiatisés, cadres, enseignants, publicitaires, dirigeants de startup, professions intellectuelles, responsables marketing, politiciens…), vont accentuer leur sécession en se regroupant dans des métropoles, d’autre part ces classes vont ouvertement ostraciser les classes moyennes en les dévalorisant. La sortie de François Hollande sur les « sans dents » ou d’Hillary Clinton sur les « déplorables » (ceux qui sont "racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes. A vous de choisir" précise-t-elle), sorties qui rappellent d’ailleurs celles de Macron, Darmanin ou Castaner sur les Gilets jaunes (« peste brune », « racistes », « antisémites », « homophobes », « foules haineuses »…) manifestent toutes un insupportable mépris de classe. Ces propos participent d’une double posture : affirmer la supériorité morale de la classe supérieure et renvoyer l’ancienne classe moyenne aux « heures les plus sombres ».

La classe moyenne majoritaire qui portait les valeurs dominantes est donc reléguée tant socialement, économiquement que culturellement, aussi : « les catégories populaires autochtones deviennent celles à qui il ne faut pas ressembler » (Guilluy). Elles sont présentées par les médias, dit Guilluy, comme « une  sous-classe faible, raciste, aigrie et inculte ».  L’entreprise est d’une telle efficacité aujourd’hui que « toute expression populaire est immédiatement discréditée ». A cette classe qui s’interroge sur « l’Europe », la société mondialisée ou l’arrivée des migrants, les médias opposent le « manque d’éducation », le « repli identitaire » ou quelques souvenirs nauséeux… Guilluy :

« Parallèlement, cette relégation culturelle s’accompagne d’une entreprise d’instrumentalisation des minorités et de la question du racisme. Cette stratégie permet à la classe dominante d’accélérer le processus de marginalisation de l’ancienne classe moyenne occidentale (supposée blanche) en lui faisant porter tous les maux des sociétés occidentales. De l’esclavage à la colonisation en passant par l’Holocauste ou l’oppression des homosexuels, les classes populaires passent quotidiennement au tribunal de l’Histoire. Le piège est imparable. Il rejette la majorité des ces catégories dans les poubelles de l’Histoire en offrant une nouvelle virginité à la classe dominante. Dans ce partage de l’histoire occidentale, les classes populaires sont ainsi contraintes d’en porter la face noire, tandis que les classes dominantes pourront se présenter comme les héritières d’une histoire positive (des lumières à l’émancipation des minorités). Le « sanglot de l’homme blanc » place ainsi les classes dominantes supérieures dans une posture de supériorité morale en désignant les véritables coupables que sont les classes populaires ».

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Du haut de leur supériorité morale, les classes dominantes vont intensifier les flux migratoires à destination de la France périphérique tout en privilégiant, pour elles-mêmes, l’entre-soi et « l’évitement résidentiel ». Du fait de l’intensification des flux migratoires, les « petits blancs », racisés, délégitimés et méprisés, décrits comme appartenant à l’ancienne classe moyenne et politiquement marginalisés à travers le vote populiste, forment un groupe destiné à devenir minoritaire (même si pour Guilluy nous n’en sommes pas encore au Grand Remplacement). De tout cela il découle, selon Guilluy, que les classes dominantes occidentales se sont dressées contre leur peuple. Elles l’ont sacrifié sur l’autel de la mondialisation et l’ont fait sortir de l’Histoire. De leur côté, consciente de leur relégation, les classes populaires n’accordent plus aucune légitimité au monde d’en haut. La posture morale des tenants de la société ouverte et de la classe politico-médiatique (« l’antifascisme d’opérette ») a fait long feu et ne trompe plus personne.

Deux mondes hermétiques socialement et culturellement se font désormais face. D’une part, le monde d’en haut enfermé dans ses métropoles (de nouvelles cités-Etat cherchant à s’extraire du cadre national,  dit Guilluy), d’autre part  le monde d’en bas travaillé par le populisme (Trump, Brexit, Salvini, Le Pen…) et que l’Etat abandonne progressivement (réduction des services publics, démantèlement de la protection sociale, démantèlement de l’organisation territoriale, précarisation des emplois, transfert du patrimoine public à la sphère privée…). Selon Guilluy, « le destin des classes populaires n’entre pas dans le logiciel » des classes dominantes.

Christophe Guilluy ne place pas toutes les élites mondialisées de la planète sur le même plan : « Jamais des classes dominantes n’avaient développé un tel mépris de classe, une telle volonté de s’extraire de la société, écrit-il. Revendiquant des valeurs universelles, les classes dominantes occidentales n’ont en réalité cessé de se singulariser. Dans aucune autre partie du monde, on ne trouve des classes dominantes et supérieures qui aient sciemment sacrifié leur classe moyenne et in fine la société elle-même ». Guilluy précise que seule la classe dominante occidentale s’est dépouillée de son histoire, de sa culture et de son cadre national : «  Jamais une clase médiatique politique et universitaire n’a autant dénigré, ostracisé, insulté son propre peuple duquel elle se retrouve isolée. Isolée également du reste du monde qui ne supportent plus non plus ses leçons de morale » !

Décryptons maintenant sans faux-fuyants ce que nous dit Guilluy :

De qui parle Guilluy quand il parle des « classes moyennes » ? A l’évidence et globalement : de la population de souche européenne. Il le laisse entendre ici ou là quand il pointe le caractère méprisant de l’utilisation par les médias du qualificatif « petits blancs », quand il dit que ces classes sont « supposées blanches » ou qu’elles pourraient être astreintes au « sanglot de l’homme blanc ». Il le dit explicitement quand il désigne les « catégories populaires autochtones ».

De qui parle Guilly lorsqu’il parle des « classes dominantes » ? Ils parlent de gens qui sont sortis du cadre national. Il dit que ce sont des « gens de n’importe où » face à des peuples qui sont de « quelque part ». Il dit aussi que ces gens ont renié leur histoire, leur culture, leur nation et leur peuple. Autrement dit, ces gens sont des traîtres, mais aussi plus certainement, du point de vue de ces traîtres eux-mêmes, des étrangers et des nomades qui considèrent légitimement leur pays comme un hôtel (Attali : « Tout pays doit se penser comme un hôtel »).  

Pourquoi les classes dominantes occidentales sacrifient-elles leur peuple et sont-elles en cela différentes des classes dominantes du reste de la planète ? Parce que la classe dominante occidentale a pour la première fois pris le pouvoir en France en 1789 et qu’elle est partout en Occident le produit des idéaux républicains de la révolution française. Pour cette idéologie, les peuples n’existent pas : ce ne sont que des agrégats et des accumulations redistribuables d’individus sans distinction d’origine, de race ou de religion.

Pourquoi la classe dominante occidentale réduit-elle le peuple autochtone au « racisme, au sexisme, à l’homophobie, la xénophobie, l’islamophobie. A vous de choisir » ? C’est ce que nous avons nommé ailleurs l’antijaphétisme. L’antijaphétisme est un système d’avilissement du peuple autochtone (un système raciste il va sans dire). Ce système a deux utilités pour le Système : d’une part faire reposer sur un peuple bouc émissaire les échecs du Système, celui du vivre-tous-ensemble en l’occurrence (l’échec du vivre-tous-ensemble doit être mis au compte du racisme chronique, historique et quasi biologique des Autochtones), d’autre part dominer moralement le peuple autochtone, comme l’a bien vu Guilluy.   

CGlivre.jpgEn résumé, La classe dominante est étrangère au peuple autochtone et lui est ouvertement hostile. De plus, elle ne manque pas de maladroitement instrumentaliser les immigrés pour contrer le réveil autochtone (le « populisme ») et conserver ainsi sa domination culturelle et politique (Guilluy : « A ce titre, l’instrumentalisation de l’immigré et des pauvres par la classe dominante, le show- biz et une partie du monde intellectuel apparaît pour ce qu’il est : une mise en scène indécente… »). Ajoutons que l’Etat est un outil au service de la classe dominante et nous aurons un tableau qui correspond assez bien à ce que nous décrivons depuis quatre ans dans ce blog.

Christophe Guilluy analyse froidement une situation. Il n’y a plus de société car la rupture du lien entre la classe dominante (le monde d’en haut) et le les classes moyennes (le monde d’en bas) fait que ces classes ne font plus société (elles ont basculé dans « l’a-société »). Nous ajouterons une troisième classe, dont Guilluy parle très peu ici, mais dont l’importance va croissante : la classe allochtone des banlieues. Cette classe allochtone n’a aucun lien avec le peuple autochtone (nous voyons d’ailleurs que cette classe allochtone des banlieues est complètement indifférente au mouvement des Gilets jaunes. Les intérêts des Autochtones et des Allochtones ne se recoupent pas, voire pourraient diverger si la classe dominante était forcée de détourner sur la France périphérique une partie des aides d’Etat qu’elle déverse par clientélisme sur les banlieues). La classe allochtone n’a aucun lien non plus avec la classe dominante : elle se moque de sa posture morale (qui accable les seuls Autochtones), elle ne se mélange pas avec elle et, sous la menace (les « émeutes des banlieues), elle oblige la classe dominante à lui verser une partie du tribut prélevé sur la France autochtone (sous forme de route qui ne sont plus entretenues, d’hôpitaux qui sont fermés, de classes d’école surpeuplées…).

Pour bien comprendre la situation, il faut avoir en tête ces trois classes :

  • la classe dominante. Elle est l’héritière de la bourgeoisie qui fit la révolution « française ». Cette classe tient depuis deux siècles tous les leviers de pouvoir et constitue l’infrastructure de la République : les Présidents, les ministres, les préfets, les hauts fonctionnaires… sont tous issus de cette classe.
  • La classe allochtone. La présence de cette classe au milieu du peuple autochtone tient d’une part à la réalisation du principe d’universalité portée par la classe dominante, principe qui fonde le pacte républicain, tient d’autre part aux intérêts économiques de la classe dominante, tient enfin à la nécessité pour cette dernière d’interdire définitivement tout retour à une organisation identitaire de la société.  
  • La « classe moyenne ». C’est le peuple autochtone : celui qui subit les flux migratoires, celui aussi que la bourgeoisie des métropoles domine, exploite, détruit et avilit du haut de son mépris de classe et de sa supériorité morale.

Voilà le tableau. Il ne serait pas complet si nous n’ajoutions une légère touche. Effectivement, Guilluy a raison : ces trois « classes » ne se fréquentent pas, ne parlent pas le même langage, n’ont pas les mêmes aspirations, n’ont pas de liens, bref ne font plus société. Mais, en fait, c’est entre elles qu’elles ne font plus société ! Car si l’on zoome et que l’on observe la vie interne de la classe dominante, on verra (et Guilluy est le premier à le montrer) qu’il existe un entre-soi rigoureux et une unité sociale autour des mêmes aspirations culturelles et sociétales. Il existe un bien commun dans la classe dominante, et celle-ci le défend en détruisant la classe moyenne « raciste, sexiste, homophobe, etc.».

De la même manière, il existe un bien commun dans les sociétés allochtones et celles-ci le défendent grâce à des institutions (CRIF, CRAN, Mosquée…) et un entre-soi tout aussi rigoureux que celui de la classe dominante (Guilluy montre que chaque groupe tend à se rassembler pour être majoritaire sur un territoire).

Les choses sont différentes côté autochtone. Effectivement les Autochtones recherchent l’entre-soi comme tous les autres hommes. Cependant, ils doivent faire face à un Etat qui ne les craint pas, qui les méprise et a ouvertement entrepris de métisser leurs lieux de vie (la fameuse « mixité sociale » qui est en fait la mixité raciale). D’autre part, et contrairement aux deux autres classes, le peuple autochtone  n’est absolument pas organisé pour faire face à l’agression qu’il subit. Christophe Guilluy nous dit que la classe moyenne n’est plus dupe de la malfaisance de la classe politico-médiatique au pouvoir.  C’est vrai. Il n’empêche, et le mouvement des Gilets jaunes nous le confirme, que le peuple autochtone majoritaire se dresse en ordre dispersé face à une classe dominante hyper-minoritaire, mais qui dispose de tous les moyens de contrainte (CRS, police, Gendarmerie, Armée, désinformation médiatique, etc.). Sauf écroulement financier, économique, voire civilisationnel, dans les mois à venir, il est donc probable que la classe dominante se maintiendra encore au pouvoir de nombreuses années, suffisamment longtemps en tous cas pour que le peuple autochtone soit définitivement effacé.

La solution ? Il n’y en a qu’une et nous ne cessons de le répéter : prendre exemple sur les Autochtones mélanésiens de Nouvelle-Calédonie, nous organiser comme eux, former comme eux une société parallèle structurée, revendiquer comme eux des droits collectifs croissants, jusqu’au droit des Autochtones européens de France à disposer d’eux-mêmes sur leurs terres ancestrales. La classe dominante ? Elle se soumettra ou disparaîtra. Les classes allochtones ? A terme, elles redeviendront autochtones… sur leurs terres ancestrales.

Antonin Campana

lundi, 21 janvier 2019

La nouvelle normalité : un déclin séculaire avec une croissance intermittente

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La nouvelle normalité : un déclin séculaire avec une croissance intermittente

par Chris Hamilton

Article original de Chris Hamilton, publié le 20 décembre 2018 sur le site Econimica
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

D’un point de vue macroéconomique, ce dont les États-Unis et les pays développés bénéficient depuis des siècles (des millénaires, en fait), c’est d’une croissance économique séculaire avec des ralentissements intermittents (récessions et parfois des dépressions). Cela a été stimulé par une poussée de la croissance démographique, en particulier depuis 1950, et accru par la technologie, l’innovation, l’énergie peu coûteuse, l’amélioration des soins de santé (prolongation de la durée de vie de plusieurs décennies), etc.

Chaque fois qu’il y a eu un ralentissement économique (cycles économiques à court terme), il y a toujours eu une demande croissante de la part d’une population croissante (cycle macroéconomique)… alors la baisse temporaire des taux d’intérêt et les dépenses ont stimulé l’économie et relancé la croissance économique. Mais à mesure que la croissance organique annuelle de la population ralentissait (là où c’est important, économiquement parlant), des niveaux de plus en plus élevés d’additifs artificiels ont été introduits pour maintenir des taux de croissance anormalement élevés.

Depuis au moins 1990, cette tendance a de plus en plus encouragé la fourniture de crédit bon marché, ce qui a alimenté la création de nouvelles capacités face à la décélération de la demande mondiale. La décélération de la croissance démographique chez les consommateurs potentiels n’a pu absorber la capacité croissante de la production qu’avec un crédit toujours plus important et moins cher (merci à la « mauvaise gestion » des taux d’intérêt par les banques centrales). Il en est résulté une surcapacité mondiale épique et l’accumulation d’une dette qui dépasse nos capacités de remboursement au moment même où le cycle macroéconomique de la population (là où cela compte) devient négatif.

Nous entrons dans une période indéfinie de déclin séculaire. Nous verrons des périodes de croissance occasionnelles avant que la tendance principale de déclin ne reprenne. Cette situation se poursuivra pendant des décennies, sinon plus, et pourrait bien devenir un cycle à la baisse qui se perpétuera si nous continuons sur notre lancée actuelle. Pour éviter les pires scénarios, il est crucial de comprendre cette différence (pour être plus clair, quand vous êtes coincé dans un trou, arrêtez de creuser) !

Qu’est-ce qui a changé ?


Si l’on considère simplement la croissance démographique annuelle des pays disposant de 90% de l’argent (revenu, épargne, accès au crédit) et qui, ce n’est pas un hasard, consomment 90% de l’énergie mondiale (y compris les États-Unis, le Canada, l’UE, le Japon, l’Australie/la Nouvelle-Zélande, la Chine, le Brésil, le Mexique, la Russie… tous ceux dont le revenu annuel par habitant dépasse 4 000 dollars, soit la moitié de la population mondiale, a diminué de 50% depuis les doubles pics atteints en 1969 et 1988, soit 44 millions par an).

Alors que les personnes âgées de 65 ans et plus vivent des décennies de plus que leurs prédécesseurs, les décennies de taux de natalité négatifs se traduisent maintenant par un effondrement de la croissance de la population des 15 à 64 ans actifs, ou plus généralement des personnes âgées de 0 à 64 ans, ce qui est également important. Parmi les pays consommateurs, la croissance de la population âgée de 0 à 64 ans a chuté de 88 % depuis les deux sommets de 1969  et 1988. Le déclin continu et croissant de la population des pays consommateurs en âge de travailler fera qu’à partir de 2021 environ, la croissance  nette de la population viendra des 65 ans et plus (en particulier des 75 ans et plus).

J’ai détaillé, par tranche d’âge, ici, ici, et ici où la croissance démographique ne se trouve pas, et ici où elle se trouve. Le point de vue énergétique est ici.

Quels choix avons-nous ?


En termes simples, le monde est devenu si assuré que nous allions croître perpétuellement que « Nous » (comme dans le Nous royal) avons parié notre avenir sur ce postulat … mais cela s’avère être un très mauvais pari (mauvais pour tous sauf pour les rois). Ce mauvais pari se traduit par des taux d’intérêt de plus en plus bas, une dette plus élevée (et non remboursable) et un papier monnaie de plus en plus dilué appelé argent. Nous sélectionnons les politiciens qui nous disent les mensonges que nous voulons entendre (même si nous n’en pensons pas moins) et le populisme parmi les démocraties continuera à augmenter dangereusement… mais la vérité est que « la marée macro économique a maintenant disparu pour toujours et nous sommes tous là, tout nus ».

Le monde va presque certainement continuer dans cette voie et les systèmes économiques et financiers finiront par s’adapter à la réalité… mais c’est à nous de déterminer à quel point la période intérimaire sera douloureuse, désordonnée et confuse. Particulièrement douloureuse si nous continuons à essayer de faire croître artificiellement l’économie et les actifs financiers face à une décélération organique de la demande ou même à une baisse pure et simple de celle-ci. Cela ne fait que rendre encore plus nécessaire l’ajustement ultime imminent (c’est-à-dire, la dépression) . Investissez en conséquence.

Chris Hamilton

samedi, 12 janvier 2019

Christophe Guilluy et le mystère bobo

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Christophe Guilluy et le mystère bobo

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

« Le grégarisme social est un des fondamentaux de la bourgeoisie. À cet égard, les bobos ne font pas exception. »

Les livres de Guilluy sont riches et instructifs, et plutôt que d’en faire une présentation globale, je traiterai une question essentielle – celle du bobo qui semble devenir une entité eschatologique dans le monde déclinant et menaçant –mais aussi délirant - où nous vivons. Bio, parfois homo, puéril, homogénéisé, aseptisé, unisexe (même avec des gosses), xénophile, francophobe, multiculturel, solidement abruti par ses médias subventionnés, avec son cadre de vie surprotégé et par le bonisme dont parlait le grand historien US Stanley Payne, le bobo est effrayant. Et il devient méchant, car il justifiera, après la guerre en Syrie et l’opération des migrants, toutes les brutalités d’un président honni pour préserver, sinon son cadre de vie, du moins son cadre mental qu’il nous a imposé depuis trente ans de réaction bourgeoise socialiste. Rien de neuf sur le fond : lisez Taine (le bourgeois est un être de formation récente…) et comprenez que le bobo est un jeune bourgeois moliéresque relooké. Soyons précis : le bobo n’est surtout pas bohême, il a été fabriqué par la société postindustrielle et par le surdéveloppement étatique, il est puritain, orwellien, aseptisé, il veut tout censurer. Sa festivité est d’appellation contrôlée, et il pratique le tri sélectif dans tout ce qu’il fait. Le bobo obéit, alors que le peuple réagit.

Mais essayons de ne pas trop polémiquer et d’étudier cette entité qui vote Macron et socialo, recueille le migrant (regardez l’article de Télérama qui est à mourir de rire) mais hait son prochain (voyez Cochet qui nous demande de disparaître pour laisser la place au migrant).

On va citer d’abord Thomas Frank, le très brillant essayiste américain, qui a écrit sur cette épineuse question : pourquoi les riches et les privilégiés sont de gauche (et pourquoi donc le populo allait devenir populiste). Dans une interview traduite il déclare :

« Ce que désire la classe des professionnels bien diplômés, c’est une méritocratie plus parfaite : un système où ceux qui ont du talent peuvent s’élever. Quand on est parvenus à la diversité et que les gens brillants de toutes races et de tous sexes ont été dûment qualifiés, cette espèce de libéral ne peut pas vraiment concevoir d’autres griefs contre le système. Les revendications des travailleurs ordinaires ne les touchent pas : les vigiles, les serveurs de fast-foods, les aides à domicile et les gardes d’enfant – dont la plupart sont des femmes et des personnes de couleur – qui n’ont pas de diplôme universitaire. »

Un autre américain, Stanley Payne, évoque le buenismo, inspirateur du citoyen anesthésié (je préfère aseptisé) des temps postmodernes :

« À présent, aucune nouvelle idéologie ne peut agir comme levier de la société. Au contraire, en Espagne, la "bonté" a été imposée, la chose politiquement correcte. Mais cette "bonté" ne cherche pas à provoquer de grandes révoltes, mais l’inverse. Le bien est contre les révoltes. Il prétend dominer la société, mais promouvoir le conformisme, pas les révoltes. »

cgfdh.jpgVenons-en à Guilluy. Dans son ouvrage sur la France périphérique, il écarte brillamment le mythe d’un accord entre bobos et musulmans (base électorale du PS) :

« Le gauchisme culturel de la gauche bobo se heurte en effet à l’attachement, d’ailleurs commun à l’ensemble des catégories populaires (d’origine française ou étrangère), des musulmans aux valeurs traditionnelles… Autrement dit, le projet sociétal de la gauche d’en haut s’oppose en tous points à celui de cet électorat de la gauche d’en bas. »

Comme savent tous ceux qui passent par Paris ou Lyon (ou ailleurs), les bobos ne se mélangent tant pas que ça. Guilluy :

« Les quartiers boboïsés des grandes métropoles fonctionnent eux aussi sur un fort capital d’autochtonie, presque communautaire. À l’heure où les classes populaires sont régulièrement sermonnées pour leur populisme, leur racisme, voire leur communautarisme, il apparaît que les couches supérieures (des riches aux bobos) pratiquent de plus en plus une forme de communautarisme qu’elles refusent aux plus modestes. »

Cela rappelle le fameux numéro de Patrick Timsit dans la Crise de Colline Serreau : ceux de Saint-Denis ont dû faire de la place. Ceux de Neuilly par contre…

Et Guilluy d’ironiser sur les limites de cette société ouverte :

« On peut toutefois remarquer que les tenants de la société ouverte ne sont pas insensibles à ce capital d’autochtonie. Les quartiers boboïsés des grandes métropoles fonctionnent eux aussi sur un fort capital d’autochtonie, presque communautaire. »

Tout cela sent hélas son Edouard Herriot : cœur à gauche et portefeuille à droite !

Le bobo n’est pas bohême, le bobo est d’abord un bourgeois un peu moins catho et réglo que les autres bourgeois (voyez mes textes sur Bloy et Bernanos) :

« Cette sociologie d’en haut permet d’ailleurs de réactiver un clivage droite-gauche à l’intérieur des grandes villes entre une bourgeoisie traditionnelle vieillissante et « boboland ». Un clivage relatif tant les points d’accord sont nombreux (à l’exception de la frange catholique de la bourgeoisie traditionnelle), ouverture au monde, sont ainsi partagés par l’essentiel de ces catégories supérieures. »

La France est sous le contrôle des deux groupes bourgeois :

« La France bourgeoise et urbaine, celle de l’Ouest parisien et celle des grandes métropoles régionales, était donc surreprésentée dans les manifestations parisiennes. En grossissant le trait, on peut dire que le débat sur le mariage homosexuel a opposé les deux bourgeoisies des métropoles : « bobos-sociétales » contre « traditionnelles et catholiques ».

Dans les Fractures, livre que j’ai trouvé encore plus instructif et incisif, Guilluy écrivait sur le goût bobo pour la promotion immobilière :

« Dans ces quartiers, les bobos sont en train de se constituer un patrimoine d'une très grande valeur en acquérant de grandes surfaces industrielles, artisanales ou en réunissant de petits appartements. Les services des impôts ont ainsi enregistré une explosion des ménages payant l'ISF3 dans tous les quartiers populaires des grandes villes et notamment à Paris. »

Puis la cerise sur le gâteau : le bobo adore la diversité car il adore exploiter à moindre prix.

« …en revanche, on ne souligne pas assez un autre aspect de cette nouvelle exploitation, qui permet d'offrir un train de vie « bourgeois » aux nouvelles couches supérieures sans en payer véritablement le prix. La nounou et la femme de ménage immigrées, et parfois sans papiers, ne ponctionnent que marginalement le budget des cadres. De la même manière, c'est bien grâce à l'exploitation en cuisine des immigrés que le bobo peut continuer à fréquenter assidûment les restaurants pour une note assez modique. »

Ami du restau bio et du four micro-ondes, attends encore, car Guilluy va te régler ton compte. 

Guilluy explique cet incomparable mépris du centre pour la France endormie des périphéries :

« Si la « boboïsation » de la sphère médiatique et culturelle est souvent critiquée, on souligne peu l'importance de la culture issue des quartiers populaires métropolitains sur une grande partie de la jeunesse. Les métropoles sont ainsi devenues des centres prescripteurs pour l'ensemble des territoires. Cette domination culturelle et politique des centres fait ressortir encore davantage l'invisibilité culturelle et politique des périphéries périurbaines et rurales. Cette France invisible concentre l'essentiel des couches populaires perdues de vue par la classe dirigeante et dont le poids démographique ne cesse de se renforcer. Car le nouveau monde, celui des métropoles inégalitaires, n'a pas encore fait disparaître l'essentiel d'une France populaire et égalitaire. »

Alain de Benoist avait écrit dans l’Idiot international, journal où j’officiais moi-même, un dense texte sur ce sujet qu’il concluait ainsi :

« On est loin alors, en effet, très loin des vieux clivages. Barrès et Jaurès réconciliés pour estoquer Bernard Tapis. Beau sujet d’allégorie pour un artiste de l’avenir. »

Guilluy va plus loin et remarque que le bobo aime bien se défausser de son racisme sur le petit peuple :

« L'acquisition d'un pavillon bas de gamme impliquerait même le « rejet de l'autre ». Bizarrement, ce déterminisme urbain, cet « effet pavillonnaire », resterait inopérant pour le bobo parisien acquéreur d'une maison individuelle dans le Lubéron… »

cgno.jpgLe coup du vivre ensemble ? Guilluy :

« Ce choix résidentiel, souvent imposé par des opportunités foncières, témoigne a priori d'une plus grande tolérance à la diversité sociale et culturelle. Les bobos portent ainsi très haut l'argumentaire du « vivre ensemble…Dans ces quartiers, ce discours vient opportunément masquer la violence sociale engendrée par l'appropriation d'un parc de logements et de quartiers hier populaires. Il permet par ailleurs d'occulter le rapport de classes, pourtant très marqué, entre les bobos et les couches populaires. »

C’est ce qu’il appelle le vivre ensemble séparé - manière américaine, brésilienne ou sud-africaine…

Car tout ce cirque intello a ses limites :

« Dans les quartiers du Nord et de l'Est parisien, ceux qui s'embourgeoisent le plus rapidement depuis les années 1990, il n'est pas rare de trouver des copropriétés privées occupées exclusivement par des bobos, « blancs », jouxtant des immeubles où demeure une majorité de ménages précarisés d'origine maghrébine et africaine. »

Guilluy ajoute :

« Vus d'avion, ces quartiers illustrent apparemment l'idéal de la ville mixte, leur diversité sociale et culturelle étant une réalité perceptible dans l'espace public. En plan rapproché, la ville « arc-en-ciel » laisse la place à un découpage du parc de logements qui nous ramène plus à l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid. Une situation qui risque de perdurer du fait du renchérissement du foncier. »

Le fric décide de tout, mais on l’avait compris. Et de la même manière que les concierges votaient à droite et les digicodes socialiste, Guilluy écrit :

« Le grégarisme résidentiel des bobos, avec digicode et interphone, n'a en réalité pas grand-chose à envier en matière de délimitation d'une sphère privée au petit lotissement. »

Cet apartheid subtil et intelligent, pour reprendre les expressions d’un crétin, est habile :

« Comme pour le logement, le séparatisme scolaire revêt aussi une dimension ethnoculturelle. C'est d'ailleurs ce critère qui, pour le sociologue Georges Felouzis, est le plus déterminant dans le processus de ségrégation scolaire. Le chercheur souligne ainsi que les couches supérieures mettent en avant le niveau scolaire des élèves pour éviter un collège, mais qu'ils se déterminent en réalité sur l'origine des élèves et notamment la couleur de la peau. Les collèges où se concentrent des élèves maghrébins et subsahariens seront contournés en priorité. »

Les enfants bobos n’ont pas de souci à avoir (ils ruineront leurs parents ou se feront flinguer en Amérique  lors d’un campus-killing, mais c’est un autre problème) :

« Les enfants des bobos se retrouvent dans les meilleures classes, les enfants d'immigrés se concentrent dans les classes où l'échec scolaire est le plus important et où l'orientation en BEP sera la norme. Des logiques de séparations sociales et ethnoculturelles s'observent aussi à l'intérieur des mêmes classes. Si ces stratégies résidentielles et scolaires n'interdisent pas de réelles solidarités (soutien scolaire, défense des sans-papiers et de leurs enfants), il apparaît que le séparatisme discret des couches supérieures s'impose pourtant à l'ensemble des quartiers dits « mixtes ».

J’ajouterai juste une remarque. La classe bobo des cadres et des professions libérales, des pléthoriques fonctionnaires municipaux et des commissaires de la cybernétique, avec son arrogance, sa tartuferie, sa sous-culture, est insupportable. Et elle tient le coup parce que sa presse est subventionnée par le pouvoir et donc par nos impôts. Et si on arrêtait de banquer pour cette presse qui incarne une classe et une idéologie isolées, on mettrait fin à 90% de notre problème.

Sources

Christophe Guilluy – Fractures françaises ; la France périphérique (Champs)

Nicolas Bonnal – Le choc Macron (Dualpha)

jeudi, 20 décembre 2018

Edward Bernays : la fabrique du consentement ou comment passer du citoyen au consommateur

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Edward Bernays : la fabrique du consentement ou comment passer du citoyen au consommateur

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Edward Bernays est né en 1891 à Vienne et il est mort en 1995 à Boston. 103 années d’une vie fructueuse. Une vie consacrée à l’une des tâches majeures de notre siècle : celle qui consista à pervertir les démocraties pour faire plier les volontés des masses aux desseins des élites, en toute non-violence. Edward Bernays était le neveu de sigmund Freud et il a su exploiter les avancées apportées par son oncle, ainsi que le rayonnement scientifique de ce dernier dans le domaine de la connaissance de l’irrationalité, à des fins économiques idéologiques et politiques.


Sa discrétion dans notre paysage culturel actuel est inversement proportionnelle à l’ampleur de sa tâche. Même dans les agences de pub ou dans les services de relations publiques, son nom est presque inconnu, tout du moins en France. Il faut dire qu’il était un fervent partisan d’une « gouvernance de l’ombre » et ses écrits ne tarissent pas sur ce sujet. « créer du besoin, du désir et créer du dégoût pour tout ce qui est vieux et démodé » fut un de ses leitmotiv. « Fabriquer du consentement », « cristalliser les opinions publiques » furent les titres de 2 de ses œuvres écrites (une quinzaine en tout). « Dompter cette grande bête hagarde qui s’appelle le peuple ; qui ne veut ni ne peut se mêler des affaires publiques et à laquelle il faut fournir une illusion » en furent d’autres.

Ayant étudié la science de son tonton (la psychanalyse), et ayant été en contact régulier avec ce dernier, puis avec sa fille, Bernays va, par la mise en pratique de tels enseignements, passer maître dans l’art de manipuler l’opinion dans un environnement démocratique et « libre », que ce soit à des fins politiques ou publicitaires. Bernays est considéré à ce jour comme l’un des pères de l’industrie des relations publiques et comme le père de ce que les Américains nomment le « spin », c’est-à-dire la manipulation - des nouvelles, des médias, de l’opinion - ainsi que la pratique systématique et à large échelle de l’interprétation et de la présentation partisane des faits. Bernays va faire fumer les femmes américaines, Bernays va démultiplier les ventes de pianos ou de savons, Bernays va contribuer à faire basculer l’opinion publique américaine vers la guerre en 1917, et bien d’autres choses encore que je vais vous conter dans cet article.
Le titre de son livre le plus célèbre ? « Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie ». Tout un programme. Toute une idéeologie qui va d’abord être accueillie avec scepticisme par les oligarques et les politiques, puis utilisée à tort et à travers, dès les premiers succès, et ce jusqu’à notre époque contemporaine qui en fait l’apologie.
À l’heure ou les débats pro et anti « conspiration » font rage sur les événements majeurs de notre période contemporaine, une petite mise au point historique sur la naissance et l’évolution de ce que nous appelons en France les « relations publiques » ou encore la « com » s’impose.

LA PUCE À L’OREILLE

Au début du siècle, étudiant en agriculture, fils d’un marchand de grains très prospère, Bernays s’ennuie et décide de se lancer dans le journalisme. Il rencontre à New York un ami qui a hérité de 2 revues scientifiques et qui a des difficultés dans ses prises de décisions quant à l’orientation de ces revues.
Au même moment, en ville, une pièce de théâtre dont le sujet est très tabou est en train de se mettre sur pied. Cette pièce décrit l’histoire d’un homme qui a la syphilis et qui le cache à sa future femme. Ils ont un enfant qui naît malade. Bref, une sujet très délicat pour l’époque.
Bernays teste alors une méthode qui sera le fondement de sa méthodologie : il met sur pied un comité pour la propagation d’idée en médecine, chapeauté par l’une de ces revues. Ce comité, à droits d’entrée payants, et dont les membres sont d’éminents médecins et professeurs en médecine, parraine la pièce de théâtre en question. Et c’est le succès pour la pièce... tout en donnant un coup de boost à l’une des revues de l’ami de Bernays.
 
Edward a 21 ans... Il transforme un scandale potentiel en succès et il vient de trouver sa voie : une nouvelle manière de faire la promotion de produits ou d’idées.
Technique classique me direz-vous... oui, en effet, c’est une technique classique aujourd’hui. Mais à l’époque, c’est révolutionnaire.
Car, à l’époque ce genre de technique de communication qui procède de biais est totalement inconnue.
En effet, au début du siècle, les messages publicitaires sont simples : il s’agit de vanter un produit en le décrivant, tout simplement, pour ce qu’il est.
Bernays procède par biais, il utilise des figures d’autorité et, via elles, rend le produit intéressant voir incontournable.

LA PREMIERE EXPERIENCE D’ENVERGURE : LA COMMISSION CREEL

Mais n’allons pas trop vite... nous sommes en 1917, et Bernays fort de cette première expérience est à mi-chemin entre le journalisme, l’impresario, le conseiller en communication (bien que cette dernière appellation n’existe pas encore)...
tout va se précipiter avec la constitution de l’« U.S. Committee on Public Information », plus communément appelé la « commission Creel » à laquelle notre ami Edward Bernays va contribuer de manière très active. Qu’est-ce que cette commission ? Une image suffit pour la rappeler à votre mémoire : « I want you for us army ». Vous vous rappelez ? l’oncle Sam qui pointe un doigt accusateur.

Car, en 1917, la population américaine est largement pacifique et n’a aucunement l’intention d’entrer en guerre, alors que le gouvernement est fermement décidé à s’engager dans le conflit, pour des raisons industrielles. Pour la première fois dans l’histoire, une commission va être créée par un gouvernement pour changer une opinion publique. Et c’est précisément au sein de cette commission que Bernays va gagner ses premiers galons aux yeux des grands décideurs. La commission Creel va mobiliser un grand nombre d’intellectuels, de journalistes, de penseurs qui vont tenter un coup d’éclat. Ils vont mettre en place tout un ensemble d’outils et de méthodes destinés à gérer les foules et finalement à faire basculer rapidement l’opinion. Et ils vont réussir avec panache. Les bases de la propagande moderne vont être jetées.

De nombreux concepts aujourd’hui connus et banalisés seront testés : distribution massive de communiqués, appel à l’émotion dans des campagnes ciblées de publicité, recours au cinéma, recrutement ciblé de leaders d’opinion locaux, mise sur pied de groupes bidon (par exemple des groupes de citoyens) et ainsi de suite.
Walter Lippmann, un de ses membres influents, souvent donné comme le journaliste américain le plus écouté au monde après 1930, a décrit le travail de cette Commission comme étant « une révolution dans la pratique de la démocratie », où une « minorité intelligente », chargée du domaine politique, est responsable de « fabriquer le consentement » du peuple, lorsque la minorité des « hommes responsables » ne l’avaient pas d’office.

Cette « formation d’une opinion publique saine » servirait à se protéger « du piétinement et des hurlements du troupeau dérouté » (autrement dit : le peuple), cet « intrus ignorant qui se mêle de tout », dont le rôle est d’être un « spectateur » et non un « participant ». Car, en effet, l’idée qui a présidé à la naissance de l’industrie des relations publiques était explicite : l’opinion publique devait être « scientifiquement » fabriquée et contrôlée à partir d’en haut, de manière à assurer le contrôle de la dangereuse populace.

Petite aparté : le trollage payé et certaines formes de marketing viral sur internet ne sont que l’application moderne du « standing man » technique qui consistait à utiliser une personne reconnue dans une communauté pour se lever soudainement lors d’un événement local et scander une opinion afin de détourner un débat calme et rationnel et de transformer une ambiance de dialogue serein en discussion émotionnelle. Car l’émotion est le premier pas vers l’irrationnel, qui est la porte entrouverte vers l’inconscient, ce domaine que nos publicitaires exploitent au maximum.

Bref, lors de la commission Creel, Bernays a brillé dans ces milieux qui ébauchaient les techniques de propagande moderne en imposant les travaux de son oncle, et de personnes comme Gustav Lebon notamment en expliquant que la psychologie de foule est différente de la psychologie individuelle.

La masse des gens ne peut penser rationnellement, et c’est donc à la minorité intelligente de façonner le destin de cette masse... Ce constat mis noir sur blanc de façon scientifique par Freud, et qui est en adéquation parfaite avec les courants de pensée qui sévissent dans les éltes de l’époque, va permettre à Bernays, en tirant les leçons de la commission Creel, d’inventer littéralement le « public relation ».

L’ŒUVRE DE BERNAYS : L’INSTITUTIONNALISATION DES RELATIONS PUBLIQUES

Pourquoi les relations publiques ?
Après la Première Guerre mondiale, la machine industrielle dont les capacités ont été démultipliées doit trouver des marchés afin de continuer à fonctionner (ce sera le même problème après la Seconde Guerre mondiale). Il faut donc créer des besoins car à l’époque le citoyen occidental de base consomme en fonction de besoins vitaux, et n’accorde que des exceptions à la frivolité. Il faut donc exacerber le désir de consommer et rendre les frivolité obligatoires, incontournables et intimement liées aux gains de liberté apportés par les progrès sociaux...

Par ailleurs,les entreprises au début du XXe siecle aux États-Unis font face à une situation difficilement gérable (grèves, conflit sociaux...) elles oscillent entre répressions dures et punitions par tribunaux interposés, elles font appel à des juristes, à des journalistes sans grand succès, et la fuidité de son fonctionnement est fortement compromise. Grace au succès de la commission Creel, quand Bernays monte son bureau et propose ses services, il est pris au sérieux par les entreprises privées et surtout les trusts.
Dans une époque ou les lois antitrust sont contournées et ou ce que les citoyens américains appellent alors les « barons voleurs » accumulent des fortunes colossales, la démocratie qui porte en blason la liberté individuelle et la liberté d’expression se doit d’apparaître en façade car elle est l’un des fondements de la motivation du travailleur, en Occident.

Bernays crée donc son bureau des relations publiques et invente le métier de conseiller en relations publiques, l’un de ses premiers clients fut l’« american tobacco corporation ».

Entre les guerres Berneys va littéralement inventer des concepts :
- le petit déjeuner américain « eggs and bacon » en mettant sur pied un comité de médecins qui vont prôner les valeurs d’un fort apport calorique au lever. Car il faut le savoir, au début du siècle, les Américains sont plutôt adeptes d’un petit déjeuner frugal, ce qui ne colle pas avec l’industrie du porc qui croît plus vite que la demande... Or, le comité de médecin ne va pas seulement prôner un apport calorique important... il va bien spécifier « bacon ».
- Il va persuader les Américains d’acheter des pianos. Encore une fois, il biaise en infiltrant les milieux d’architectes qui vont influencer leurs clients dans l’adjonction d’une salle de musique dans les maison.
Et que faire quand il y a une pièce dédiée à la musique dans une maison ? La remplir. Et quel est l’objet qui va le mieux la remplir tout en donnant du cachet ? Un piano. Encore un succès.
- Il fera de même pour les maisons d’éditions en « forçant » l’insertion des bibliothèques incrustées aux murs des maisons.
- Le petit déjeuner du président des États-Unis avec des vedettes du show-biz afin de transformer l’image austère et distante de ce dernier, et ça existe encore aujourd’hui.

Il va par la suite affiner ses méthodes et commencer à se lancer dans des opérations de très grande envergure.

Voici 4 missions « Bernaysiennes » qui, j’en suis sûr, vont vous laisser pantois.

LE FÉMINISME UTILISÉ À DES FINS MARKETING

Dans les années 20, Bernays est employé à l’année par l’American tobacco en échange de ne pas travailler pour la concurrence, suite à une première expérience couronnée de succès.

Il faut dire qu’à cette époque le marché de la cigarette stagne, suite à une progression fulgurante durant la Première guerre mondiale et dans les premières années d’après-guerre. En vendant des milliards de cigarettes à l’armée américaine qui les intégrait au paquetage du soldat, les compagnies de tabac avait franchi une étape décisive, en transformant l’image de la cigarette qui avant la guerre était dénigrée au profit du cigare ou de la chique jugés plus « virils ». Au début des année 20, donc, la cigarette est passée de « tabac pour mauviettes » à « symbole de l’Amérique fraternelle et virile ».

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Maintenant les cigarettiers veulent que les femmes fument. Ils confient donc la mission à Bernays.

Ce dernier analyse la situation, soumet ses observations à un psychiatre de New York qui confirme ses soupçons : la cigarette constitue pour les femmes un symbole phallique qui représente le pouvoir de l’homme. Pour faire fumer les femmes il faut d’abord leur faire conquérir de manière symbolique des positions occupées par la gent masculine. Bernays vient de trouver ses leaders d’opinion et il orchestre un des grands coups de marketing de l’histoire en détournant une marche catholique (la procession de Pâques) pour en faire un événement politique au profit des suffragettes. Une dizaine de jeunes premières, invitées par lui et soigneusement instruites du plan de bataille, se présentent au-devant de la procession, exhibent leurs cigarettes, et s’allument devant les photographes des journaux. Bernays lance le slogan aux journalistes présents : « elles allument des flambeaux pour la liberté ».

Du véritable petit lait, et d’ailleurs je ne résiste pas à un petit copier-coller d’un commentaire sur cet événement que j’ai lu sur un blog : « ça coule de source. Les journaux accordent la première page à la nouvelle. Les conservateurs vendent de la copie grâce à l’aspect scandaleux. Les progressistes sont charmés. Les féministes exultent, jubilent de l’ampleur du phénomène médiatique. Toute la société états-unienne est flattée sur la muqueuse par l’imparable évocation de la sacro-sainte liberté. La femme éprise d’émancipation devra simplement fumer. Fumer c’est voter ! Tout le monde profite des photos sexy de ces jolies jeunes femmes. Tous y gagnent ! C’est fantastique. Bernays avait compris que la femme de l’après-guerre avait bossé dans les usines pendant que les hommes étaient au front et il lui offrait un symbole phallique digne de l’ampleur de ses revendications, la clope. » Tout est dit.

Et Bernays d’enchaîner dans les années qui suivent en recrutant et créant des associations et autres collectifs médicaux et en faisant dire aux experts que la santé de la femme, c’est la minceur... et que le meilleur moyen d’y parvenir, c’est la clope.
Des publicités dans les journaux et les magazines, présentées par des regroupements de docteurs, de médecins de famille, de dentistes et d’instituts plus ou moins bidons (tous fondés par Bernays avec des fonds de American Tobacco) proposent ensuite carrément à la femme de tendre la main vers une cigarette plutôt que vers un bonbon, ce qui est tellement meilleur pour la santé. La campagne connaît un tel succès que les grands confiseurs et les producteurs de sucre attaquent American Tobacco en justice et réclament des dommages et intérêts. C’est un triomphe, la femme est maigre, elle est libre, elle respire la santé !

L’EXPLOSION DE L’AUTOMOBILE

Bernays va jouer un rôle lors de l’exposition mondiale de New York de 1939, dominée par General Motors qui comptait parmi ses clients de l’époque. General Motors y présente sa vision de l’Amérique du futur, avec son pavillon très couru, le Futurama, dans lequel on peut voir les dessins et maquettes de ce qui deviendra l’Étendue, la Suburbia, un monde futuriste guidé par la puissance de la corporation.

Il faut dire que les cartels banquiers, qui avaient fait main basse via des procédures d’expropriation sur d’immenses terres du Midle West durant la récession qui suivit le krach de 1929, devaient bien décider de ce qu’elles allaient en faire.

Le plan pour le développement de ces étendues arrivait à maturité, et les maquettes criantes de réalité présentant le monde des années 60, restent à ce jour un incroyable témoignage des capacités de projections des décideurs de l’époque. Certaines personnes croient que ce modèle de civilisation est le fruit du hasard, ou encore un avènement naturel inhérent à l’expansion économique. Pourtant force est de constater qu’au contraire ce modèle est le fruit d’une planification dont la rapidité d’exécution a été planifiée, ce qui est tout de meme curieux quand on sait que seule la machine industrielle boostée par le conflit mondial a pu mettre en œuvre cet agenda et que cette exposition a eu lieu de 1929 à 1941.

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Mais pour en revenir à notre homme, en 1949 il travaille toujours pour General Motors, dont on sait bien qu’elle est le fruit du démantellement sur le papier de la tentaculaire standart oil, et un nouveau client vient garnir son carnet : il s’agit de la compagnie Mack trucks. Leur problème : ils ne peuvent pas vendre plus de camions. Ils ont saturé le marché. Bernays réalise que la concurrence ne vient pas des autres fabricants, mais bien du chemin de fer. Il parvient à imposer à son client une idée totalement folle, s’attaquer aux trains en faisant une promotion rageuse de l’autoroute. Une fortune colossale dont les contributeurs seront multiples sera engloutie dans le projet, car désormais, notre ami Edward a un carnet d’adresses bien rempli, et il a la confiance de plusieurs partenaires d’envergure. On forme des comités de citoyens bidons, de faux experts écrivent de vrais articles qui paraissent un peu partout, la pression populaire pèse sur des autorités déjà corrompues par des contributions non négligeables, c’est un véritable raz-de-marée qui prend d’assaut la campagne américaine ! Vous aurez compris que je n’ai pas cité par hasard la standart oil... euh pardon, je veux dire sa version démantelée par les lois anti-trust, à savoir entre autres BP, Exxon Mobil, Chevron et une trentaine d’autres entités.
De même, le fameux futurama de l’expo de New York d’« avant guerre » comme vous pourrez le constater sur ces vidéos se faisait l’apôtre d’une agriculture fortement industrialisée avec gros apport d’engrais (industrie chimique). De ce côté, on peut dire que la boucle a été bouclée et que les affaires ont prospéré.

RÉPUBLIQUE BANANIERES

La fameuse « république bananière »... expression que nous utilisons tous, revenue très à la mode vu l’air du temps... Mais au fait d’où vient cette expression ?
Edwaaard ? c’est encore toi ? non ? Si. Et c’est le Guatemala au début des années 50 qui va faire les frais de la méthode Bernays,et qui va imprimer dans nos consciences, l’expression « république bananière ».

Cette fois le client de notre brave homme est la united fruit une multinationale qui, comme sont nom l’indique, fait dans les fruits et ses dérivés. Une multinationale bien connue en Amériqe centrale et en Amérique du Sud. Multinationale qui porte parmi ses principaux actionnaires les frères Dulles (je laisse ici un vide que les lecteurs d’agoravox sauront remplir concernant les frères Dulles qui mériteraient un article à eux tout seuls). Ces frères Dulles que Bernays a rencontrés durant la Seconde Guerre mondiale, période durant laquelle il travaillait pour le gouvernement américain, période opaque de sa carrière.
En 1951 donc, au Guatemala après une élection libre, Jacobo Arbenz Guzmán est élu et il entame un processus de saisi de terres que la United Fruits n’utilisait pas (en fait apparemment il ne les saisit pas vraiment : il oblige la United Fruits de vendre les terres non utilisées). Bref, coup dur pour cette noble entreprise américaine habituée à faire ce qu’elle veut en Amérique du Sud, et qui prévoyait un vaste plan de monoculture de bananes dans cette région.

Bernays est alors engagé pour mener une campagne de relations publiques destinée à discréditer le pouvoir nouvellement et démocratiquement mis en place.
En quelques semaines, ce gouvernement socialiste qui n’a même pas de contact avec Moscou va être dépeint comme un dangereux groupuscule de communistes à la solde du bloc russe, destiné à mettre en place un poste avancé proche des frontières américaines. Cette campagne sera longue et active.

Ce détournement d’informations va permettre de justifier une opération de la CIA sous la forme, entre autres d’un bombardement de la capitale. Une junte militaire (Castillo Armas), aussitôt reconnue par les États-Unis, prendra le pouvoir, entraînant la naissance de mouvements de guérilla. Le poète Pablo Neruda dénoncera les « republicas bananas », républiques d’Amérique centrale soumises aux compagnies américaines, et créera ainsi une expression toujours et plus que jamais d’actualité.
Et on dit merci qui ces messieurs de la united fruits ? Merci Edwaaaaaard..

LE FLUOR... c’est bon pour les dents.... mmmmmouais.

Le mythe des bienfaits du fluorure pour la dentition est né aux États-Unis en 1939. Pourquoi ? La Compagnie d’aluminium ALCOA, qui faisait l’objet de poursuites pour déversement toxique de... fluorure, commanda, sur les conseils de qui vous savez, à des scientifiques dépéchés par qui vous savez, une étude faisant l’éloge de ce déchet industriel dérivé de la production de l’aluminium, des fabriques de munitions (et plus tard des centrales nucléaires). L’étude allait jusqu’à proposer qu’on ajoute la substance à l’eau des villes. En 1947, ALCOA, réussit à placer un de ses propres avocats à la tête de l’Agence fédérale de sécurité, ce qui lui donnait ainsi le contrôle des Services de santé publique. Sous la gouverne de celui-ci, 87 villes américaines établirent un programme de fluoridation de l’eau, c’est-à-dire que les fonds publics servaient (et servent encore) à ACHETER un déchet toxique dont l’élimination était très coûteuse et à l’inclure dans l’eau potable consommée par la population.

Combien de municipalité encore aujourd’hui pratiquent encore cette méthode de fluoration de l’eau, y compris en France ? Je n’ose faire des recherches tellement je crains les résultats.

Une fois encore merci qui ?

LA DOCTRINE, sa justification, et ses contradictions majeures :

Bernays, tout au long de sa vie, va user d’une doctrine froide et assez cynique doublée d’une justification idéologique basée sur le long terme, afin de justifier ses agissements.
Il considère sa tâche comme un effort à long terme destiné à l’avènement doucement forcé (mais à peine, hein ?) d’une démocratie basée sur l’économie et le commerce dirigé par une élite.

Il pose assez honnêtement et naïvement d’ailleurs, comme postulat, le fait que la masse est incapable de parvenir à un état de paix collective et de bonheur par elle-même, et que donc cette masse a besoin d’une élite qui la contrôle et qui la dirige à son insu en ce qui concerne les décisions importantes.

Pour lui le bon sens commun n’existe pas, et s’il existe, il ne peut porter l’appellation « bon sens » car il induit un mode de consommation trop lent pour les capacités industrielles et leur besoin de croissance... Il doit donc être refondu par des élites.
Pour lui, la foule n’a pas besoin d’esprit car elle est avant tout gouvernée par sa moelle épinière irrationnelle, et il ne sert à rien d’élever les foules, puisqu’elles sont plus facilement contrôlables en jouant sur cette irrationalité.

Pourtant, fait curieux, Bernays se réclamait d’une certaine éthique. Il faut savoir que cet homme a aussi joué un rôle fondamental dans le congrès pour l’intégration des hommes de couleurs... un événement (tout de même assez isolé au milieu des autres cyniques campagnes dont il a été le chef d’orchestre) dont il se servira pour justifier sa position de mercenaire au services de nombreuses causes qui, mises ensemble, constituent notre monde moderne « libre » à l’occidental.

Car Bernays s’efforce dans ses mémoires de justifier son œuvre. Il n’a jamais été membre de l’« association des relations publiques américaines » car il jugeait ses membres sans éthique et il s’offusqua à la nouvelle que Goebbels possédait toutes ses œuvres et se serait largement inspiré de son travail pour ériger la propagande qui mena les nazis au pouvoir dans l’Allemagne des années 30.

En effet, Bernays voulait que ses méthodes soient présentées en toute « honnêteté » afin d’ouvrir une route à 2 voies à la communication publique : une voie de contrôle et une voix de réaction du peuple à ce contrôle. C’est tout du moins ce qu’il essaie de faire passer lors d’interviews ou dans ces écrits, dans de rares moments. Hélas ces quelques moments d’ouverture sont assez rapidement recouverts par le volume d’écrits et d’actes professionnels qui vont à l’encontre de ce pseudo-principe d’interactivité.

Bernays fut un véritable champion en matière de double langage et il eut énormément de mal à se confronter à ses contradictions, totalement obnubilé par la vision malsaine de la condition humaine induite par son oncle.

On est a mille lieux de ce que Kant par exemple réclamait en disait qu’il faut un espace public de libre discussion où les gens puissent débattre et échanger des idées, se placer du point de vue de la raison et de l’universel, justifier devant les autres les conclusions et affirmations auxquelles ils parviennent et rendre disponible les faits qui nourrissent une conclusion.

Pourquoi ? parce qu’on est dans l’idée d’une minorité intelligente au service de ceux qui ont les moyens de s’adresser à elle pour obtenir de la foule un consentement à des conclusions déterminées à l’avance. Tous les comités, agences de relations publiques et campagnes instiguées par Bernays offriront une illusion de débat, où tous les outils nécessaires à la perversion de ce débat sont prêts à intervenir à tout moment.
Le coup fomenté au Guatemala et justifié par la campagne médiatique qu’il avait orchestré aurait dû lui faire ouvrir les yeux...

Pourtant, avec le recul, il faut constater qu’il ne le fit pas et que ces justifications teintées de naïveté ne tiennent pas une analyse approfondie, surtout vu le caractère opaque de ses missions durant la Seconde Guerre mondiale, et ses liens avec des sbires tels que les frères Dulles.

La « machine » Bernays s’est emballée dès ses débuts et ne cessera jamais ses méfaits au profit de la croissance économique non pas au service de peuples, mais bien dans son asservissement à la consommation.

La deuxième voie proposée par Bernays, celle de l’inter-réaction des hommes fut étouffée par le volume des campagnes de spins.

Bernays va tellement piocher dans les théories de son oncle qu’il va finalement croire lui-même que l’homme n’est dirigé que par des forces irrationnelles.

Il va mettre en pratique des méthodes qui vont à l’encontre même de ce que le siècle des Lumières avait exigé pour sublimer le bon sens humain.

L’humanité moderne va tellement être martelée par ce cynisme qu’elle va en devenir cynique elle-même et épouser l’idée selon laquelle l’homme est un être tiraillé par sa bassesse et piloté par ses instincts les plus enfouis.

Dès le début du siècle, il est évident que la synergie entre les médias de masse et les progrès de la psychologie scientifique vont assurer un pouvoir irrésistible aux minorités « éclairées ». Bernays fut l’un des architectes majeurs de cette synergie qui sévira dans les démocraties comme dans les systèmes totalitaires et qui, n’ayons pas peur des mots, sévit encore plus que jamais, n’en déplaise à ceux qui ironisent sur les "théorie de la conspiration" alors même qu’en France nous évoluons dans une inculture totale en ce qui concerne les relations publiques, les spins doctors et les think tanks, contrairement aux pays anglo-saxons.

Sur ce, je vous laisse avec une citation de notre homme, à titre de fin d’article et d’ouverture de débat.

"Notre démocratie ayant pour vocation de tracer la voie, elle doit être pilotée par la minorité intelligente qui sait enrégimenter les masses pour mieux les guider."

Sources : Livre : Stuart Ewen : a social history of spin.
Livre : Edward Bernays : propaganda édité en 1928 (téléchargeable gratuitement sur le net).
Radio : émission "là-bas si j’y suis" France Inter diffusion 26 novembre 2007
Net : http://en.wikipedia.org/wiki/Fluoride
Net : http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Bernays
 

dimanche, 02 décembre 2018

Nous sommes en pleine régression intellectuelle

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Nous sommes en pleine régression intellectuelle

Cet article apporte des hypothèses intéressantes à la réflexion sur la baisse de QI en Occident, mais même si la lecture sur écran s’avère inférieure sur les plans de la concentration, de la mémorisation et de la compréhension à sa contrepartie sur papier et que clairement, Internet peut surinformer, nous pensons que le relativisme culturel évoqué par Dimitri Casali est davantage en cause que la révolution numérique en elle-même, malgré tous les bémols qui peuvent en nuancer le bilan.

Parce que, si l’on se penche par exemple sur la Chine, une nation aujourd’hui aussi connectée (ordinateurs, tablettes, smartphones) que la France en 2007, elle affiche au contraire une hausse générale du QI de sa population, même dans la région autonome de Hong Kong, qui s’est massivement connectée à Internet au même moment que l’Occident. Si cette tendance chinoise se maintient, il faudra bien se résigner à envisager prioritairement des facteurs comme l’encouragement au nivellement par le bas de la culture en Occident pour comprendre notre tendance à la baisse. A suivre, donc.


Par Charles Sannat
Paru sur Insolentiae.fr


L‘historien Dimitri Casali prône la transmission des connaissances dans cet article du Midi Libre.

Selon Dimitri Casali, “la société bascule dans l’ignorance. Chaque jour la science nous apporte de nouvelles découvertes. Mais d’après l’historien, jamais l’ignorance n’a gagné autant de terrain”.

Il en veut pour preuve les 3 millions de personnes illettrées dans notre pays qui ne savent ni lire ni écrire. Si on additionne les personnes analphabètes qui ont des difficultés à lire et à écrire le français, on arrive à près de 10 % de la population et 6,5 millions de personnes !

Pour faire rentrer la France dans le siècle de la connaissance, c’est plutôt mal parti ! Il évoque aussi les enquêtes PISA, la baisse généralisée de QI.

C’est la fin de l’article qui est le plus intéressant.

À partir de quand peut-on dater, selon vous, cette montée de l’ignorance ?

“Je vois un lien évident avec la révolution numérique. Cela a démarré dans les années 2000 où on a assisté à une surinformation qui a conduit à l’ignorance. Les 15-29 ans ne lisent plus de livres. En revanche, ils lisent davantage sur les réseaux sociaux, les blogs… D’après une étude de l’Université de Yale, la lecture sur Internet n’est pas la même : les informations se superposent les unes aux autres alors que la lecture d’un livre permet de pénétrer les pensées de l’auteur et de structurer les informations.

Cela organise le cerveau. D’autres études sont à rapprocher de cela : les Français auraient perdu 4 points de QI entre 1989 et 2009, phénomène mesuré aussi en Angleterre ou aux États-Unis. Wikipédia est le plus bel exemple des effets pervers d’Internet. On a donné la culture aux imbéciles. Si dans le domaine scientifique, les notices sont rédigées par des experts, dans le domaine de la littérature et en histoire, c’est un agrégat d’informations nivelées par le plus grand nombre. Il n’y a plus de hiérarchisation du savoir. On est à l’époque du relativisme culturel. Tout se vaut. Ainsi la page de Kim Kardashian sera bientôt plus longue que celle de Montaigne et le grand poète grec Homère a déjà moins d’articles que Homer Simpson.

Y a-t-il un moyen d’éradiquer la montée du phénomène ?

Bien sûr, il faut replacer la culture générale et l’histoire au centre de nos préoccupations. Et d’abord à l’école. Or, depuis une trentaine d’années, la culture générale a été abandonnée. Les fameux pédagogistes de la rue de Grenelle ont remplacé la transmission du savoir et des connaissances par de simples compétences techniques. L’idée est de faire un homme nouveau, sans racines ni héritages, un bon consommateur. Rappelez-vous que Philippe Mérieu et Bourdieu préconisaient quand même d’apprendre à lire dans les notices d’appareils électroménagers et non plus grâce aux textes de Hugo ou de Molière… Il faut sortir de ce rejet de la culture classique française qui fait du mal aux esprits faibles. Et cesser de croire que nous devons tous être égaux dans la médiocrité.”

Charles Sannat
Photo Pixabay

Source Midi Libre

samedi, 01 décembre 2018

Le communautarisme fait perdre son identité collective à la gauche

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Le communautarisme fait perdre son identité collective à la gauche

Ex: http://entelekheia.fr

L’une des plaies de la société occidentale moderne est le vague des définitions, l’aspect d’auberge espagnole des concepts politiques, qui brouille tellement le débat public que parfois, il est impossible de savoir de quoi on parle au juste. On peut prendre comme exemples des mots comme « valeurs », « démocratie », « république » dont aujourd’hui, nous serions bien en peine de dégager une définition commune. Mais l’une des principales victimes de ce flou est le concept de « gauche ». D’où la reprise de cet article, dont l’auteur s’est attelé à l’œuvre salutaire d’en délimiter les différentes tendances et conflits internes.

Une nécessité pour enfin savoir de quoi on parle… et si quelqu’un parmi vous a une définition aussi claire de la droite, envoyez-la parce que, pour le moment, elle est tout aussi confuse.


Par Tomasz Pierscionek
Paru sur RT sous le titre How identity politics makes the Left lose its collective identity 


Le phénomène des communautarismes qui envahit le monde occidental est une stratégie de division et de conquête qui entrave l’émergence d’une véritable résistance aux élites.

L’un des principes fondamentaux du socialisme est l’idée d’une solidarité supranationale qui unit la classe ouvrière internationale et l’emporte sur tout facteur qui pourrait la diviser, comme la nation, la race ou le sexe. Les travailleurs de toutes les nations sont des partenaires, avec la même valeur et la même responsabilité dans la lutte contre les exploiteurs de leur cerveau et de leurs muscles.

Le capitalisme, surtout dans sa forme la plus aboutie, exploiteuse et dénuée d’états d’âme — l’impérialisme — a fait plus de tort à certains groupes de personnes qu’à d’autres. Les empires coloniaux réservaient leur pires brutalités aux peuples subjugués, alors que pour sa part, la classe ouvrière de ces nations impérialistes s’en sortait mieux, parce qu’elle se tenait plus près des miettes qui tombaient de la table de l’empire. La lutte internationale des classes vise à libérer tous les peuples du joug capitaliste, quel que soit leur degré d’oppression passé ou présent. L’expression an injury to one is an injury to all’ [‘Une attaque contre un est une attaque contre tous’, slogan du syndicat américain fondé en 1905 Industrial Workers of the World, Travailleurs industriels du monde, NdT] résume cet état d’esprit et exclut de donner la priorité aux intérêts d’une faction de la classe ouvrière sur la collectivité.

Depuis la fin du XXe siècle, une tendance d’inspiration libérale infiltrée dans la gauche (du moins en Occident) encourage l’abandon d’une identité collectivité unique fondée sur la classe sociale en faveur de communautés multiples fondées sur le genre, la sexualité, la race ou tout autre vecteur de divisions. Chaque sous-groupe, de plus en plus distant de tous les autres, se concentre sur une identité partagée et les seules expériences de ses membres, et donne la priorité à sa propre émancipation. Toute personne extérieure à ce sous-groupe est admise, au mieux, au rang d’allié.

Au moment où j’écris ceci, il existe apparemment plus de 70 genres différents en Occident, sans parler des nombreuses orientations sexuelles — l’acronyme LGBT s’est à présent démultiplié en LGBTQIP2SAA. En y ajoutant les races et ethnies, on obtient un nombre encore plus grand de permutations ou d’identités possibles. Chaque sous-groupe a sa propre idéologie. Certains de ces groupes gaspillent un temps fou à se battre contre ceux qu’ils jugent moins opprimés et à les sommer d’admettre leur statut de « privilégiés » à mesure des changements dans la hiérarchie de la victimisation de ces « Olympiades de l’oppression » – car les règles de ce sport sont aussi fluides que les identités de ses participants. Par exemple, l’un des derniers dilemmes du communautarisme LGBT est la question de savoir si les transgenres masculin → féminin méritent d’être reconnus et acceptés en tant que femmes ou s’ils ne ‘sont pas des femmes et s’avéreraient en réalité des hommes « violeurs » de lesbiennes’.

L’idéologie communautariste affirme que l’homme blanc hétérosexuel est au sommet de la pyramide des privilèges, et responsable de l’oppression de tous les autres groupes. Son péché originel le condamne à l’opprobre éternelle. S’il est vrai que les hommes blancs hétéros (en tant que groupe) ont rencontré moins d’obstacles que les femmes, les hommes non hétéros ou les minorités ethniques, la majorité des hommes blancs hétéros, passés et présents, tirent aussi le diable par la queue et ne sont pas personnellement impliqués dans l’oppression d’autres groupes. Bien que la plupart des individus les plus riches du monde soient des hommes de race blanche, il existe des millions d’hommes blancs pauvres et dénués de tout pouvoir. L’idée de « race blanche » est en soi un concept ambigu qui implique un profilage racial. Par exemple, les Irlandais, les Slaves et les Juifs ashkénazes peuvent bien être blancs, mais ils ont enduré plus que leur part de famines, d’occupations et de génocides au cours des siècles. Établir un lien entre le privilège d’un individu et son apparence est en soi une forme de racisme imaginée par des « intellectuels » libéraux fumeux (certains pourraient dire des privilégiés) qui seraient superflus dans toute société socialiste.

Les lesbiennes issues de groupe ethniques minoritaires de la classe moyenne d’Europe occidentale sont-elles plus opprimées que les Syriennes blanches qui tentent de survivre à l’occupation de l’Etat islamique ? Un ouvrier blanc britannique jouit-il vraiment de plus de privilèges qu’une femme de la classe moyenne de la même société ? Les stéréotypes fondés sur la race, le sexe ou tout autre facteur ne conduisent qu’à diviser et aliéner. Comment pourrait-il y avoir une unité de la gauche tant nous ne sommes loyaux qu’à nous-mêmes et à ceux qui nous ressemblent le plus ? Certains hommes ‘blancs’ pour qui la gauche n’a plus rien à offrir ont décidé de jouer le jeu du communautarisme dans leur quête d’une planche de salut, et ont dérivé vers Trump (un milliardaire avec qui ils n’ont rien de commun) ou l’extrême droite, ce qui a débouché sur une aliénation, des animosités et un sentiment d’impuissance supplémentaires qui renforcent les 1% de l’élite économique. Or, les gens du monde entier sont plus divisés en classes sociales qu’en tout autre critère.

Mais il est beaucoup plus facile de « lutter » contre un groupe aussi opprimé, ou légèrement moins opprimé que le vôtre que de s’unir et de s’organiser contre l’ennemi commun – le capitalisme. La lutte contre l’oppression par le biais du communautarisme est au mieux une forme paresseuse, perverse et fétichiste de la lutte des classes. Elle est pilotée par des militants issus de la classe moyenne et de l’enseignement supérieur pour la plupart libéraux, et qui ne comprennent pas grand-chose à la théorie politique de gauche. Au pire, il s’agit d’un autre outil utilisé par les 1 % de l’élite économique pour diviser les 99 % restants en 99, ou en 999 groupes concurrents trop occupés à se battre entre eux pour remettre en question le statu quo. Sans surprise, l’un des principaux donateurs de cette fausse gauche communautariste est le milliardaire cisgenre blanc George Soros, dont les ONG ont aidé à orchestrer les manifestations de l’Euromaïdan en Ukraine, avec leur émergence de mouvements d’extrême droite et néo-nazis : le genre d’individus qui croient dur comme fer à une supériorité raciale et ne voient pas la diversité d’un bon œil.

Il existe une fausse idée largement diffusée, selon laquelle le communautarisme dériverait de la pensée marxiste. L’expression sans signification « marxisme culturel », qui a plus de rapport avec la culture libérale qu’avec le marxisme, est utilisée pour vendre cette ligne de pensée. [Aux USA, le « marxisme culturel » est une idéologie très à la mode émanée de l’École de Francfort, dont les travaux démarrés en 1923 avaient fini par déboucher sur une fusion entre le marxisme et l’idéologie bourgeoise. En France, nous en avons eu l’équivalent (sans l’étiquette marxiste) avec des intellectuels comme Derrida, Foucault, Deleuze, Guattari, etc. On notera que par exemple, le Français Raymond Aron faisait à la fois partie de l’École de Francfort et du Congress for Cultural Freedom, une officine implantée par la CIA en France (lien en français) dans les années 50, expressément pour faire la promotion d’une gauche anticommuniste, libérale-libertaire, capable d’éliminer l’influence du Parti communiste en Europe. Mission accomplie, NdT].

Non seulement le communautarisme n’a rien de commun avec le marxisme, le socialisme ou tout autre courant de pensée traditionnelle de gauche, mais il en représente l’antithèse exacte.

Une attaque contre un est une attaque contre tous’ a été remplacé par quelque chose comme ‘Une attaque contre moi est tout ce qui m’importe’. Aucun pays socialiste n’a jamais fait la promotion du communautarisme. Ni les nations africaines et asiatiques qui se sont libérées de l’oppression colonialiste, ni les États de l’URSS et du bloc de l’Est, ni les mouvements de gauche qui ont vu le jour en Amérique latine au début du XXIe siècle n’ont eu le temps de faire joujou avec des politiques communautaristes.

L’idée selon laquelle le communautarisme fait partie de la pensée traditionnelle de gauche est diffusée par la droite, qui cherche à discréditer les mouvements de gauche, par les libéraux qui cherchent à les infiltrer, à les poignarder dans le dos et à les détruire, et par des jeunes radicaux malavisés qui ne connaissent rien à la théorie politique, et qui n’ont ni la patience ni la discipline nécessaires pour l’apprendre. Ces derniers cherchent à se donner à bon compte l’illusion d’ébranler les fondements du capitalisme alors qu’en réalité, ils les renforcent.

Le communautarisme est typiquement un phénomène moderne piloté par la classe moyenne [à la remorque des médias grand public, NdT] pour aider les dirigeants libéraux à diviser et distraire les masses. En Occident, vous êtes libre de choisir votre sexe ou votre sexualité, d’en changer à votre guise ou même de créer les vôtres, mais vous n’avez pas le droit de remettre en question les fondements du capitalisme ou du libéralisme. Le communautarisme est le nouvel opium du peuple et handicape sérieusement toute résistance organisée contre le système. Certains segments de la gauche occidentale pensent même que ces « libertés » susmentionnées sont un indicateur de progrès et de supériorité culturelle qui justifie leur exportation à l’étranger, que ce soit en douceur par l’intermédiaire d’ONG ou plus brutalement, par des révolutions de couleur et des changements de régime.

Tomasz Pierscionek est médecin spécialisé en psychiatrie. Il était auparavant membre du conseil d’administration de l’association caritative Medact, est rédacteur en chef du London Progressive Journal et a été l’invité de Sputnik, de RT et de l’émission Kalima Horra (présentée par George Galloway) sur la chaine de télévision pan-arabe Al-Mayadeen.

Traduction Entelekheia
Photo Pixabay

vendredi, 30 novembre 2018

Le sociétalisme est-il le poison électoral de la gauche ?

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Le sociétalisme est-il le poison électoral de la gauche ?

Ex: http://entelekheia.fr 

Après l’article de la semaine dernière sur le communautarisme dans la gauche occidentale actuelle, une autre analyse du même phénomène, cette fois non plus relative à la structure elle-même de la gauche libérale-libertaire/sociétale, mais à ses chances de victoires électorales. Écrit par un homme de droite républicaine américaine, cet article décrypte ce qui pourrait bien constituer l’un des principaux rouages de la « machine à perdre » de la gauche libérale à travers une courte, mais édifiante leçon d’histoire récente des USA.


Par James P. Pinkerton
Paru sur The American Conservative sous le titre Social Justice Warriors Are the Democrats’ Electoral Poison


Une jeune femme bien connue de la classe des bavards de New York s’est finalement lâchée sur ce qu’elle pense vraiment. « La race blanche est le cancer de l’histoire de l’humanité », dit-elle, « c’est la race blanche et elle seule — ses idéologies et ses inventions — qui éradique des civilisations partout où elle se répand, ce qui a bouleversé l’équilibre écologique de la planète, ce qui menace aujourd’hui la vie même. »

Votre serviteur vient-il de citer le tweet d’un de nos nouveaux justiciers anti-blancs ? Non. La citation ci-dessus remonte à 1967. Elle est de Susan Sontag, une critique littéraire sur papier glacé. Ses paroles étaient d’abord écrites en réaction à la guerre du Vietnam, mais comme nous pouvons le voir, sa critique s’est étendue bien au delà de la seule guerre. Nous pourrions également ajouter que Sontag a dit plus tard qu’elle regrettait ses mots — parce qu’ils manquaient de considération pour les victimes de cancer.

En d’autres termes, rien de nouveau sous le soleil. Les blancs sont mauvais, la culture occidentale est mauvaise, l’Amérique est mauvaise, etc. Récemment, la journaliste Sarah Jeong a publié une tribune sur le Washington Post, en date du 8 juin, intitulée « Pourquoi ne devrions-nous pas haïr les hommes ? » Et le 19 juin, The Root – une publication fondée par le propriétaire du Washington Post aujourd’hui propriété d’Univision — a mis à la Une un article intitulé « Les blancs sont des couards ». Et le 23 juillet dernier, le New Yorker a offert ceci : « Un sociologue analyse la ‘fragilité psychologique des blancs’ qui empêche les Américains blancs de se confronter au racisme. »

Comme nous pouvons le voir quotidiennement, beaucoup de journalistes et auteurs tentent aujourd’hui d’être de nouvelles Susan Sontag.

Le problème : le succès médiatique n’est pas la même chose que le succès politique. C’est-à-dire que ce qui est aimé de la classe bavarde n’est souvent, disons, pas aimé des électeurs.

Pour illustrer ce point, revenons à l’époque de Sontag, à la fin des années 1960. En 1968, l’année suivant sa déclaration sur le « cancer », les Démocrates, après deux mandats à la Maison Blanche [de 1961 à 1969 avec Kennedy et Johnson, NdT], ont perdu contre Richard Nixon. La fin des années 60 avait apporté un net changement à l’esprit du temps. Oui, la révolution culturelle s’était épanouie dans certaines universités et autres domaines de l’élite, mais en majorité, le pays s’était déporté vers la droite.

Par exemple, l’une des chansons les plus célèbres de 1968 était « Revolution » des Beatles, dont les parolesétaient, en fait, nettement contre-révolutionnaires. Et l’un des plus gros tubes de 1969, « Okie From Muskogee »de Merle Haggard, était carrément réactionnaire.

Certes, la gauche était encore très forte. Le 15 novembre 1969, une manifestation contre la guerre du Vietnam à Washington, D.C., avait attiré 500 000 personnes. Et en parlant de protestations, quoique d’un type particulier, en 1969 et 1970, il y avait eu 370 attentats à la bombe dans la seule ville de New York. Au cours des deux années suivantes, au moins 2 500 bombes avaient explosé dans le pays, y compris au Capitole.

Parallèlement, Hollywood était passé en mode turbo avec des paraboles anti-guerre du Vietnam comme M*A*S*HCatch 22 et Little Big Man. Sur la défensive face à la pop culture, les Républicains soulignaient qu’ils avaient hérité de la guerre du Vietnam des Démocrates, mais à l’époque, la gauche de l’Amérique avait déjà pris des dimensions sontagiennes. Par exemple, un film de 1970, Joe, sur un père ouvrier réactionnaire — Susan Sarandon à ses débuts y figurait — le dépeignait comme haineux au point de tuer.

Pourtant, comme toujours, la politique électorale, par opposition aux postures culturelles, se préoccupait de chiffres — qui avait la majorité ? Et c’est là que les gauchistes avaient un problème : ils avaient du venin à revendre, mais pas assez d’électeurs.

Les élections de mi-mandat de 1970 avaient été portées par des questions sociétales, notamment diffusées par la Nouvelle Gauche contre ce que Nixon avait surnommé la « majorité silencieuse », les partisans de la « loi et l’ordre ». Pendant ce temps, les critiques se déchaînaient, traitant Nixon de presque tous les noms, y compris « fasciste » et « nazi ».

Pourtant, les observateurs ont été surpris lorsque Nixon a choisi de riposter. En mai 1970, le 37e président a tourné en dérision les radicaux des campus en les qualifiant de « minables, vous savez, ceux qui font sauter les campus ». Selon les normes d’aujourd’hui, ce type de rhétorique peut sembler anodine, mais à l’époque, elle avait fait sensation.

Parallèlement, le vice-président de Nixon, Spiro Agnew, était allé plus loin en dénigrant les opposants, en particulier dans les médias, en les traitant de « snobs décadents » et « nababs de la négativité ».

Peut-être en conséquence, les résultats des élections de mi-mandat de 1970 avaient offert un succès mitigé au duo Nixon-Agnew : les Républicains avaient remporté deux sièges de plus au Sénat. Oui, ils avaient aussi perdu une douzaine de sièges à la Chambre et un certain nombre de gouvernorats, mais cette mauvaise nouvelle avait été quelque peu adoucie par la réélection confortable d’une étoile montante en Californie, Ronald Reagan. [Ajoutons qu’à cette époque, la popularité de Nixon était sévèrement écornée par son soutien à la Guerre du Vietnam, à l’encontre d’une opinion publique de plus en plus hostile à ladite guerre – qu’il avait d’ailleurs promis d’arrêter pendant sa campagne électorale de 1968 pour ensuite se dédire. La défaite calamiteuse de McGovern en 1972, soit deux ans plus tard, alors que McGovern avait déclaré vouloir mettre une fin immédiate à cette guerre des plus impopulaires, n’en est qu’encore plus surprenante, NdT].

Puisque la gauche n’avait pas pu vaincre Nixon par les urnes, elle a cherché à le battre à la télévision. En 1971, CBS a créé All in the Family, une sitcom qui mettait en vedette Archie Bunker, un homme réactionnaire de Queens, à New York. Le programme suivait la même ligne directrice que le film Joe, même si l’acteur Carroll O’Connor jouait Archie avec plus de clins d’yeux humoristiques (et depuis, de nombreux observateurs — y compris Rob Reiner, un membre du casting de l’émission — ont comparé Archie Bunker à un autre fils de Queens, Donald Trump.

Mais contrairement aux prévisions, Archie est devenu un héros. Les téléspectateurs de l’Amérique profonde avaient sûrement compris que censément, c’était un beauf, mais les gens de Muskogee et de Peoria avaient décidé de bien l’aimer quand même. Pour utiliser le langage d’aujourd’hui, les Américains de base avaient choisi de « s’approprier » Archie, avec tous ses défauts. L’émission a fait des records d’audience pendant cinq saisons, à une époque où, nous pouvons le noter, cela signifiait qu’un tiers de toutes les télévisions en Amérique étaient allumées sur cette chaîne (en revanche, aujourd’hui, une émission peut prendre la tête des audiences avec seulement un cinquième des téléspectateurs de All in the Family).

Donc, comme on peut le constater, la stratégie de la gauche contre la droite avait ses faiblesses, et même ses retours de boomerang. Mais, bien sûr, même avant l’arrivée de Fox News [la principale chaîne de télévision conservatrice des USA, NdT], il y avait au moins une certaine opposition à la contre-culture. Le début des années 70 avaient notamment vu la défense vigoureuse du pays, de ses institutions et de son peuple d’Arnold Beichman, Nine Lies About America (Neuf mensonges sur l’Amérique), et l’attaque cinglante d’Edith Efron contre les médias, The News Twisters (Les tordeurs d’informations). Mais surtout, les gens ordinaires, parfois peu éduqués, avaient écouté leurs tripes : si les élites culturelles impopulaires résidentes des deux côtes détestaient tant Nixon, alors il devait être dans le vrai. [Aux USA, les classes aisées, qui sont majoritairement de gauche libérale, se concentrent sur les deux côtes atlantique et pacifique. Le reste, l’Amérique profonde beaucoup plus conservatrice, est souvent dédaigneusement nommée « Flyover America », « l’Amérique qu’on survole en avion » pour se rendre d’une côte à l’autre, NdT].

Venons-en à l’élection présidentielle de 1972. Nixon n’était pas particulièrement populaire, mais il avait eu de la chance : les démocrates, enivrés par leur propre culture — et peut-être diverses substances – avaient choisi, à la place de leurs candidats modérés, un gauchiste libéral-libertaire, George McGovern. Et McGovern portait un handicap supplémentaire, à savoir ceux qui, dans ses rangs, donnaient dans un sociétalisme extrémiste, notamment ceux qui se glorifiaient d’une approche à la Sontag.

George McGovern a été battu avec pertes et fracas. La débâcle électorale l’a vu perdre dans 49 États.

Arrêtons ce petit tour historique ici. Qu’il suffise de dire que jamais depuis ce jour, les Démocrates n’ont plus présenté de candidat aussi gauchiste que McGovern. [Ce qui veut dire qu’ils se sont trompés sur les raisons de sa défaite et que, dans les discours et les programmes de leurs candidats, ils ont supprimé le volet social de la gauche pour n’en garder que l’aspect sociétal/communautariste. Autrement dit, la sociétaliste Hillary Clinton oui, le populiste Bernie Sanders non. Et ils l’ont payé par une défaite, comme du temps de McGovern. Et Barack Obama, direz-vous ? Obama était une exception – charismatique, jouant volontiers sur la fibre exceptionnaliste et nationaliste des Américains, il avait su séduire à droite comme à gauche, NdT].

En fait, on devrait peut-être dire qu’ils ne l’ont pas encore fait. Comme nous l’avons vu, la gauche libérale américaine a dérivé encore plus vers le sociétalisme et le communautarisme – au point d’un antagonisme pur et simple envers l’Amérique – ce qui est susceptible de décourager de nombreux électeurs, même ceux qui ne sont peut-être pas des fans de Trump. En d’autres termes, les justiciers du politiquement correct peuvent dominer sur le campus de Berkeley ou à Burlington, sur la côte Est, mais ils ne passent pas dans les villes de Pontiac, dans le Michigan, ou Provo dans l’Utah.

Qu’adviendra-t-il des démocrates en 2020 ? Vont-ils succomber, une fois de plus, au chant des sirènes du macgovernisme, avec ses notes d’extrémisme à la Sontag ?

Aucun candidat démocrate plausible n’est ouvertement hostile à la majorité de la population du pays. Pourtant, il reste à voir si l’un ou l’autre des candidats dénoncera activement les paroles des jusqu’au-boutistes sociétaux, et se vaccinera ainsi contre le poison électoral du politiquement correct.

On se souviendra que ce type de dénonciation avait été la stratégie gagnante du Démocrate Bill Clinton en 1992. En mai de la même année, Clinton avait condamné les propos incendiaires d’une rappeuse, Sister Souljah, qui avait dit : « Pourquoi ne pas prendre une semaine pour tuer des blancs ? », ce qui était exactement ce que les Américains attendaient de sa part. Bien sûr, Clinton l’a très intelligemment attaquée : il l’a comparée à David Duke, le chef du Ku Klux Klan, se mettant ainsi à égale distance de ces deux figures toxiques opposées.

Malgré l’évident calcul de sa démarche, Clinton a manifestement fait ce qu’il fallait. A ce moment-là — dont on se souvient comme de son moment Sister Souljah — il s’est posé en centriste courageux, sans peur de s’attaquer à l’extrémisme de droite comme de gauche. La gauche libérale de l’époque l’avait violemment critiqué, mais les électeurs l’ont récompensé en le portant à la Maison Blanche dans une victoire éclatante.

Les démocrates peuvent-ils reproduire l’exploit de Clinton aujourd’hui ? Peuvent-ils se dégager des éléments les plus politiquement handicapants de leur coalition ?

Il est tout à fait possible que l’élection présidentielle de 2020 dépende de la réponse à ces questions.

James P. Pinkerton écrit pour TAC, dont il est également rédacteur en chef adjoint. Il a travaillé au bureau du Haut conseiller à la Maison-Blanche pour les présidents Ronald Reagan and George H.W. Bush (Bush père).

 

Traduction et notes Corinne Autey-Roussel pour Entelekheia

mercredi, 28 novembre 2018

Bullshit jobs (David Graeber)

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Bullshit jobs (David Graeber)

 
Une note de lecture sur l'ouvrage consacré par un anthropologue américain à la question des boulots inutiles qui prolifèrent dans notre économie tertiarisée https://www.amazon.fr/Bullshit-Jobs-D...
 
L'ouvrage : 00:15
L'auteur : 00:30
La démarche: 02:00
Constat : 05:15
Typologie et mise en perspective : 13:15
Vision du monde et interprétation : 28:45
Aperçu historique : 43:45
Quelle solution ? : 54:0
Annonce prochaine vidéo: 59:00
 

lundi, 26 novembre 2018

Georges Feltin-Tracol et la question sociale : la troisième voie solidariste

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Georges Feltin-Tracol et la question sociale : la troisième voie solidariste

par Pierre LE VIGAN

« Notre particularité, c’est la logique de la troisième voie, celle qui réussit la synthèse entre le national et le social », expliquait début 2011 Emmanuel Leroy, alors un des principaux conseillers de Marine Le Pen. La troisième voie, c’est le tercérisme, et c’est ce que l’on a appelé le solidarisme. Il y a là un continent des idées à redécouvrir. C’est ce à quoi contribue un ouvrage récent. Sous un titre militant, Georges Feltin–Tracol ne se contente pas de rendre compte d‘expériences politiques comme celles du Bastion social. Il explore les idées et propositions d’une troisième voie telles qu’elles ont pu être avancées à droite, mais aussi dans des milieux intellectuels inclassables, c’est-à-dire transversaux.

Saluons son travail d’excavation de thèmes et de propositions oubliées bien à tort, comme si les réelles questions de l’identité et de l’écologie avaient fait disparaître la question sociale, et comme si les trois n’étaient pas liées.

D’où parle Georges Feltin–Tracol ? D’une « droite » révolutionnaire, aussi bien éloignée du libéralisme-libertaire (dénoncé très tôt par Michel Clouscard) que du libéralisme-conservateur, qui paraît à Georges Feltin–Tracol une imposture car on ne peut accepter l’accumulation sans limite, ni territoriale ni anthropologique, du capital sans rendre liquide les peuples eux-mêmes par les migrations. Ce que voit très bien Georges Feltin–Tracol, c’est aussi que la logique du système économique est de pousser à la consommation et de rendre impossible toute patrimonialisation. C’est pour cela que le système liquide les classes moyennes. Contre ce processus, il espère en une troisième voie. Et nous donne un aperçu de son contenu.

pierre-leroux.jpgGeorges Feltin–Tracol rappelle d’abord les origines du socialisme avec Pierre Leroux, qui critiquait à la fois les restaurationnistes de la monarchie (une illusion), et le libéralisme exploiteur (une réalité). Un socialisme non marxiste qui préfigure une troisième voie. Puis, Georges Feltin–Tracol souligne ce qu’a pu être le socialisme pour Jean Mabire : une éthique de l’austérité et de la camaraderie, « au fond des mines et en haut des djebels ». Ce fut le contraire de l’esprit bourgeois. Ce fut un idéal de justice et de fraternité afin de dépasser les nationalismes pour entrer dans un socialisme européen. Avec un objectif : « conjoindre tradition et révolution ». Critiquant ce que le communisme peut voir de bourgeois, Jean Mabire lui préférait le « communisme des conseils », libertaire (mais certes pas libéral-libertaire). Pour les mêmes raisons que le tenait éloigné du communisme productiviste et embourgeoisé, Mabire ne s’assimilait aucunement au fascisme, non seulement parce qu’il était mort en 1945, mais parce qu’il n’avait été ni socialiste, ni européen. Il se tenait par contre proche de la nébuleuse qualifiée de « gauche réactionnaire » par Marc Crapez. Une gauche antilibérale et holiste. Georges Feltin–Tracol évoque aussi le curieux « socialisme » modernisateur, technocratique, anti-bourgeois et anti-rentier de Patrie et progrès (1958-60). Dans son chapitre « Positions tercéristes », Georges Feltin–Tracol évoque les mouvements de type troisième voie de l’Amérique latine, du monde arabe, du Moyen-Orient, d’Afrique.

La troisième voie dans le monde a toujours été à la fois une voie économique et sociale nouvelle, mais aussi un projet de non alignement par rapport aux grandes puissances. Dominique de Roux et Jean Parvulesco l’ont bien vu. « On ne peut pas dissocier la troisième voie sociale et économique du tercérisme géopolitique », note GFT.

Une autre voie économique tercériste est celle de Jacques Duboin et de son journal La grande relève. C’est l’abondancisme et le distributisme, avec une monnaie fondante. Il s’agit de transférer la propriété des moyens de production à des structures locales collectives (familles, corporations, etc.). G-K. Chesterton et Hilaire Belloc défendent, comme J. Duboin, un distributisme lié au projet de Crédit social de C.-H. Douglas. Avec le créditisme, la monnaie est créée en fonction de la richesse réelle produite. Hyacinthe Dubreuil, de son côté, défend des idées proches des distributistes et insiste sur l’auto-organisation nécessaire des travailleurs dans de petites unités.

GFT s’attache aussi à la généalogie des solidarismes. Il étudie le cas de la France avec Léon Bourgeois, puis s’intéresse à la Russie avec le NTS, dont l’emblème fut le trident ukrainien (à noter que l’usage du trident « ukrainien » par des Russes signifie pour eux la force des liens entre la Russie et l’Ukraine. C’est aussi, en forme de fourche, un symbole de la colère et de la force du peuple). Le solidarisme russe du NTS de Sergei Levitsky et d’autres intellectuels militants se réclame d’une doctrine à la fois personnaliste et communautaire. Le solidarisme est aussi présent en Allemagne avec un groupe de solidaristes anti-hitlériens, en Belgique flamande avec les nationaux-solidaristes du Verdinaso et Joris van Severen.

En France, cinquante ans après Léon Bourgeois, se revendiquent solidaristes des déçus du nationalisme traditionnel souhaitant repenser la question sociale. C’est le Mouvement Jeune Révolution dans les années 60, puis le Groupe Action Jeunesse, teinté de nationalisme révolutionnaire, puis le Mouvement nationaliste-révolutionnaire de Jean-Gilles Malliarakis, avant le mouvement Troisième Voie, et d’autres petits groupes. Ce sont les nouveaux tercéristes. Qu’il s’agisse du solidarisme de « Troisième Voie » des années 80 ou de « 3e Voie » des années 2010, il s’agit d’un solidarisme nationaliste-révolutionnaire. Le projet est de bâtir une République du peuple tout entier. Le solidarisme de « 3e Voie », vers 2010, « défendait l’idée d’une démocratie directe vivante axée sur le référendum d’initiative populaire. On notera que ce sont des propositions profondément démocratiques – mais il est vrai que les solidaristes se veulent « au-delà de la droite et de la gauche », et libres par rapport aux divisions droite/gauche de plus en plus artificielles et trompeuses. Loin de toute doctrine xénophobe ou suprématiste, le « solidarisme est défini comme l’universalisme des nations en lutte pour leur survie (Serge Ayoub, Doctrine du solidarisme) ». On est loin de la caricature du « nationalisme fauteur de guerre », caricature maniée par Macron à la suite de Mitterrand et de bien d’autres. « Nous sommes des révolutionnaires, mais des révolutionnaires conservateurs », précise encore Serge Ayoub.

loimut.jpgLe gaullisme n’est pas si éloigné de cette conception de l’économie et du social. Pour les gaullistes de conviction, la solution à la question sociale est la participation des ouvriers à la propriété de l’entreprise. C’est le pancapitalisme (ou capitalisme populaire, au sens de « répandu dans le peuple ») de Marcel Loichot. Pour de Gaulle, la participation doit corriger l’arbitraire du capitalisme en associant les salariés à la gestion des entreprises, tandis que le Plan doit corriger les insuffisances et les erreurs du marché du point de vue de l’intérêt de la nation. Participation et planification – ou planisme comme on disait dans les années trente – caractérisent ainsi la pensée du gaulliste Louis Vallon. D’autres personnalités importantes du gaullisme de gauche sont René Capitant, Jacques Debû-Bridel, Léo Hamon, Michel Cazenave (1), Philippe Dechartre, Dominique Gallet… L’objectif du gaullisme, et pas seulement du gaullisme de gauche, mais du gaullisme de projet par opposition au simple gaullisme de gestion, est, non pas de supprimer les conflits d’intérêts mais de supprimer les conflits de classes sociales. La participation n’est pas seulement une participation aux bénéfices, elle est une participation au capital de façon à ce que les ouvriers, employés, techniciens, cadres deviennent copropriétaires de l’entreprise. Le capitalisme populaire, diffusé dans le peuple, ou pancapitalisme, succèderait alors au capitalisme oligarchique. Il pourrait aussi être un remède efficace à la financiarisation de l’économie.

Jacob Sher, juif lituanien issu d’une famille communiste, développe une doctrine dite l’ergonisme (ergon : travail, œuvre, tâche). Il ne s’agit pas d’être entre capitalisme et socialisme mais hors d’eux et contre eux, comme le troisième angle d’un triangle. Jacob Sher propose la propriété des moyens de production par les travailleurs, mais non pas au niveau de la nation, ce qui passe concrètement par l’État et renvoie au modèle soviétique – qu’il a vu de près et rejette – mais au niveau de la collectivité des travailleurs dans les entreprises. L’autogestion se fonde, dans ce projet, sur l’autopropriété de l’entreprise par les travailleurs – c’est le point commun avec Marcel Loichot – et est donc une autogestion très différente de celle de la Yougoslavie de Tito, qui implique une propriété collective, nationale, des grands moyens de production (même si, à partir de 1965, la Yougoslavie de Tito a donné de plus en plus de place au marché et à l’autonomie des entreprises). L’idée de Jacob Sher se rapproche plutôt des coopératives de production. Ce projet de Jacob Sher apparaît aussi proche de celui du Manifeste de Vérone de la République tardivement édifiée par Mussolini, la RSI (République sociale italienne) (2). Jacob Sher propose ainsi une socialisation plus qu’une nationalisation des moyens de production.

Reste que tous ces projets se trouvent confrontés à une difficulté nouvelle. Dans les années 60, l’obstacle au dépassement non communiste du capitalisme était d’abord politique. Comment briser la domination de l’argent-roi qui pèse sur le politique. Comment libérer le politique des grands trusts ? (Ni trusts ni soviets était encore le titre d’un livre brillant de Jean-Gilles Malliarakis en 1985). La situation est très différente. Tous les projets « tercéristes », ou « solidaristes », ou gaullistes de gauche reposent sur la pérennité des collectifs de travail. Or, cette pérennité est mise en péril par la précarisation, l’uberisation (ou « amazonification »), l’éclatement des collectifs de travail (les contrats de projet à la place des contrats de travail). Il faut donc repenser les projets tercéristes. Face à l’isolement des travailleurs, salariés ou auto-entrepreneurs, il faut remettre des projets en commun, des enjeux en commun, des capitaux en commun, des arbitrages en commun, il faut réinventer des corps de métier et des solidarités trans-entreprises, « corporatives » et locales. Il faut changer à la fois les mentalités et les structures. La troisième voie est aussi une démondialisation et un recours aux liens qui libèrent. Vaste programme.

Pierre Le Vigan

Notes

1 : Philosophe, spécialiste de C.-G. Jung, il organisa le fameux Colloque de Cordoue en 1979.

2 : Voir le point 11 du Manifeste de Vérone – « Dans chaque entreprise – privée ou d’État – les représentants des techniciens et des ouvriers coopéreront intimement, à travers une connaissance directe de la gestion, à la répartition égale des intérêts entre le fond de réserve, les dividendes des actions et la participation aux bénéfices par les travailleurs. Dans certaines entreprises, on pourra étendre les prérogatives des commissions de fabrique. Dans d’autres, les Conseils d’administration seront remplacés par des Conseils de gestion composés de techniciens et d’ouvriers et d’un représentant de l’État. Dans d’autres encore une forme de coopérative syndicale s’imposera. »

• Georges Feltin-Tracol, Pour la troisième voie solidariste. Un autre regard sur la question sociale, Éditions Les Bouquins de Synthèse nationale, coll. « Idées », 172 p., 20 €.

• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 22 octobre 2018.

mercredi, 14 novembre 2018

Baisse de QI en Occident : et si notre « fake culture » était en cause ?

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Baisse de QI en Occident : et si notre « fake culture » était en cause ?

Ex: http://www.entelekheia.fr

Note : dans cette traduction, le mot « Américain » a été changé en « Occidental » parce que la problématique abordée par l’auteur se pose en termes à peu près identiques ici, en France, ce qui démontre bien que nous sommes dans l’orbite culturelle des USA. Y laissons-nous des plumes ?


Par David Masciotra
Paru sur The American Conservative sous le titre Fake Culture is Hastening Our Idiocracy


Carl Wilson, critique musical pour Slate, s’est assis à son bureau, a placé ses doigts sur son clavier et a réellement tapé les phrases suivantes dans une critique du premier album de Cardi B, une ancienne strip-teaseuse actuellement « Star d’Instagram ».

Le meilleur exemple, toutefois, est la façon dont elle cite et sample le membre de Three 6 Mafia Project Pat dans « Bickenhead », un jeu de mots sur son classique du Rap sudiste « Chickenhead » de 2001. Cette chanson était pleine de mépris pour les « putes » sans cervelle (à part un bref moment de réponse de la rappeuse La Chat), et tirait son titre et son refrain d’une ancienne insulte envers les femmes qui pratiquent la fellation. Cardi la retourne à l’avantage des femmes qui utilisent la sexualité pour manipuler des hommes d’esprit faible – « la chatte est bonne, le nègre investit » – et pas seulement pour y gagner financièrement : « Faites-lui un enfant dans le dos, » rappe-t-elle, et dans la vie, c’est exactement ce qu’elle a fait.

Ce douloureux exercice d’humiliation est un sommet, non dans la démission de Wilson, mais dans la présentation de son idée selon laquelle Cardi B a un « impact féministe sur le hip hop ». Un triomphe rare ; le disque démontre, dans le manque de distance des mots de Wilson, qui mêle les cris d’extase de la fan de douze ans à la prétention du diplômé d’université, « ce qui se passe quand l’esprit d’une femme l’élève du bas de la barre d’une strip-teaseuse jusqu’aux hauteurs d’un autel ».

Pour ceux qui ne connaissent pas la beauté artistique et la virtuosité de Cardi B, ce qui suit est un échantillon de paroles de ce que Wilson appelle « son titre le plus touchant », « Be Careful » (« Fais attention »).

Tu disais que tu bossais, mais tu chassais le cul
et les putes, cool à côté de la piscine, tu vivais deux vies,
J’aurais pu faire ce que tu m’as fait plusieurs fois
Mais si je décide de déraper, trouver un nègre
le baiser, sucer sa bite, tu serais emmerdé
mais c’est pas mon MO*, je suis pas ce type de pute
Et le karma pour toi va êt’ avec qui tu vas finir
Me rends pas malade, nègre.

Dans l’incarnation précédente de Wilson, non pas comme star d’Instagram, mais comme auteur intelligent, il tentait d’analyser le mystère du goût artistique. Son livre, le brillant Let’s Talk About Love, explore son mépris envers Céline Dion pour enquêter sur ce qui, au delà des préférences esthétiques, influence les loyautés et les aversions artistiques que se forgent les gens. Le goût, argumente Wilson comme beaucoup de théoriciens de la culture avant lui, est partiellement une fonction du capital social. Mépriser Dion signifie s’élever au-dessus de la masse de ses fans – pour la plupart des banlieusardes d’âge moyen qui achètent leurs CD dans les supermarchés. « Il est difficile d’imaginer un public qui conférerait encore moins de glamour à un musicien, » écrit Wilson.

L’ironie de la transformation de Wilson est qu’elle confirme précisément la critique qui fait le cœur de son livre. La critique musicale – pour Wilson comme pour de nombreux autres – n’est pas une expression honnête de l’analyse et de l’interprétation, mais le moyen par lequel des critiques d’art peuvent s’identifier avec la tendance la plus « cool » et politiquement correcte.

Les lamentables manœuvres pour se garantir une chaise dans la cafétéria à la mode, à côté des hommes et des femmes qui comptent dans le campus, et le remplacement de tous les critères esthétiques par une liste de bons points communautaristes ont vidé les arts populaires de leur signification et vandalisé la crédibilité de prix autrefois prestigieux.

Le comité du Prix Pulitzer a récemment attribué sa récompense pour la meilleure composition musicale à Kendrick Lamar avec ces mots sur son disque DAMN, « une collection virtuose de chansons unifiées par une authenticité vernaculaire et un dynamisme rythmique qui dessinent des portraits de la complexité de la vie moderne afro-américaine ».

« Humble », la chanson la plus populaire et applaudie de DAMN fait la contribution suivante à la chanson américaine :


Si je quitte tes mauvaises manières (jeu de mot avec BM, « bad manners »), je saute quand même Mercedes, funk
Si je quitte cette saison, je suis quand même le plus grand, funk
Ma gauche est devenue virale
Mon droite a envoyé ma meuf en spirale
Soprano do, nous aimons rester sur une note élevée
Cela nivelle, tu le sais et moi aussi, salope, sois humble

Assise !
(Stop, petite salope, stop petite salope) sois humble
(Stop, salope), assise !
(Assied-toi, stop, petite salope )
Sois humble (salope)

En fait, c’est le 37ème emploi du mot « salope » qui donne tout son punch à « Humble ».

Dans son roman épique qui chronique les combats de l’empereur apostat de la Rome antique, Julian (Julien), Gore Vidal écrit « L’Histoire est une somme de commérages sur un événement dont la vérité est perdue à l’instant même où il a lieu ».

La pop culture contemporaine dégrade à la fois le travail de l’historien et celui de la commère en les mêlant, et en injectant ce qui en reste dans son divertissement. Le nouveau disque de Kanye West, Ye, a joui d’une couverture médiatique typiquement réservée à des événements de moindre importance, comme la Révolution bolchevique ou la fin de la Guerre du Vietnam. Dans une chanson, West se souvient de la réaction de sa tendre moitié, Kim Kardashian, quand elle avait appris son incursion dans le révisionnisme historique où il avait déclaré que « l’esclavage était un choix » : « La femme appelle en hurlant que nous allons tout perdre / J’ai dû la calmer parce qu’elle pouvait plus respirer / Je lui ai dit qu’elle pouvait me quitter mais elle ne veut pas partir / C’est ça qu’ils voulaient dire avec pour le meilleur et pour le pire ha. »

La popularité de Kanye West comme celle de Cardi B, dont le déjà mentionné « Be Careful » est la réponse à la sex tape de son boy-friend avec une autre femme, menacent de réduire l’écriture moderne de paroles de chanson à des statuts Facebook rythmiquement chargés et rien de plus. Musicalement, la plupart de ces chansons sont des produits dérivés trop dépendants de programmes d’ordinateurs et d’échantillonnages de hits de véritables musiciens. « Be Careful », par exemple, inclut tellement d’emprunts à des standards de la pop et de la soul qu’elle ne compte pas moins de 16 signatures créditées pour sa composition.

La légende du jazz et directeur artistique du Lincoln Center Wynton Marsalis a récemment décrit le rap comme « un pipeline d’obscénités » et a exprimé sa perplexité consternée face à l’accueil artistique qui lui est réservé, « C’est presque comme si tous les adultes étaient partis ».

Mais le hip hop n’est pas le seul élément de la culture moderne à bénéficier d’une absence de perspective adulte. Le cinéma, ou du moins la perception populaire du cinéma, a également pris un virage malencontreux vers le juvénile.

Les films de super-héros et autres bédés pour ados sont devenus le genre dominant en Occident. Plutôt que de déplorer le manque de films pour adultes comme ils le faisaient auparavant, les critiques considèrent aujourd’hui les empires cinématographiques Marvel et DC comme légitimes, et même excellents, pour autant que les justiciers à capes se tiennent bien accrochés à des problématiques communautaristes politiquement correctes.

Le Guardian a célébré Wonder Woman comme « un chef-d’œuvre de féminisme subversif », mais Slate a contre-attaqué avec un essai sur la façon dont « le féminisme de Black Panther est plus progressiste que celui de Wonder Woman ».

Un des points communs de la plupart des critiques de spectacles à gros budget, à part leur ignorance de grands auteurs féministes comme Virginia Woolf et Erica Jong, est qu’ils ne s’intéressent que très peu aux qualités esthétiques et artistiques des films.

Vox a passé plusieurs articles sur le dernier épisode de la saga Star Wars (Solo: A Star Wars Story), dont la plupart se concentrent sur « l’identité pansexuelle » de l’un des personnages, et sur le robot « éveillé » qui joue une sorte de rôle oraculaire dans l’histoire.

En tant que personne qui n’a vu aucun de ces films, je ne suis pas qualifié pour émettre un jugement sur leur valeur de divertissement ou leur excellence artistique. Je sais, toutefois, que l’évaluation des mérites d’une œuvre d’art à l’aune d’une idéologie devrait être le fait exclusif de fondamentalistes religieux.

L’Occident subit une véritable démolition culturelle, comme le démontrent l’élévation de polémiques de caniveau (dans les cas de Kanye West, Cardi B et autres) au rang d’art digne de faire l’objet de critiques expertes, et le traitement de l’art comme simple extension d’échanges sur des réseaux sociaux.

Le terme « fake news » est désormais omniprésent dans les débats politiques. Bien qu’il se soit déjà transformé de quelque chose de spécifique – la dissémination délibérée de fausses informations destinées à tromper les électeurs – en insulte générale à l’adresse de tout reportage désapprouvé par tel ou tel personnage, il continuera à influencer le débat national sur le journalisme et la politique.

Mais au cours de ces dernières décennies, un nouveau développement inquiétant s’est produit. Des membres éminents des médias de masse, des critiques réputés et des campagnes publicitaires déguisées ont fusionné pour amplifier et magnifier des productions médiocres de pop culture et des amuseurs dont le travail est dénué d’intérêt, mais joue un rôle dans le renforcement de l’orthodoxie politico-culturelle dominante (et permet de préserver la richesse des dirigeants de ces entreprises).

Les « fake news » dans leur nouvelle acception présentent un problème alarmant, mais c’est le cas aussi de la prolifération d’une nouvelle monstruosité de la vie occidentale : la fake culture.

 

Traduction et notes Entelekheia
Photo Pixabay : Art de rue, fresque.

* Modus operandi, mode opératoire

lundi, 15 octobre 2018

Zur Aktualität von Ludwig Gumplowicz

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Rassenkampf als Triebfeder der Geschichte

Von Univ.-Prof. Paul Gottfried

Zur Aktualität von Ludwig Gumplowicz

Was an dem Soziologen Ludwig Gumplowicz (1838–1909) zunächst auffällt, ist die Vergessenheit, in die der Wissenschaftler seit Mitte des letzten Jahrhunderts geraten ist. In der Zwischenkriegszeit wurde Gumplowicz in der deutschen Fachliteratur noch rühmend hervorgehoben, und obwohl der langjährige Professor an der Universität Graz schon im Dritten Reich wegen seiner jüdischen Herkunft und erneut im Nachkriegsdeutschland zur Unperson erklärt wurde, war es in den 1970er Jahren noch möglich, in amerikanischen Enzyklopädien auf günstige Einschätzungen seiner Leistung zu treffen. Zur Bestätigung dieses Ruhmes in den USA läßt sich anführen, daß Gumplowicz, der an Krebs erkrankte und mit seiner schon lange bettlägerigen Gattin Franziska Doppelselbstmord beging, vom hervorragenden amerikanischen Soziologen Frank Lester Ward mit einem ausführlichen Nachruf gewürdigt wurde. Ein noch namhafterer Soziologe, Harry Elmer Barnes, erstellte im Jahre 1968  für die „International Encyclopedia of the Social Sciences“ einen Beitrag über den Sozialwissenschaftler Gumplowicz.

Als Nachkomme einer Familie galizischer Rabbiner trat Gumplowicz zum Katholizismus über, als er sich für eine akademische Laufbahn entschied. In seiner Jugendzeit beteiligte er sich in seiner Heimstadt Krakau stürmisch am aufflammenden polnischen Nationalismus. Gekoppelt mit diesem Engagement gab Gumplowicz eine für die polnische Unabhängigkeit eintretende, polnischsprachige Zeitung mit dem Titel „Krai“ (dt. das Land) heraus. Seine frühen Schriften über Soziologie und Verwaltungslehre wurden auf polnisch verfaßt. 1875 zog er nach Graz, wo der Neuankömmling an der Universität über Verwaltungslehre dozierte. Binnen zwanzig Jahren brachte er es dort zum Ordinarius und erweiterte den Bereich seiner Lehrtätigkeit um die Sozialwissenschaft. Zu diesem Zeitpunkt begann der Professor durch seine zahlreichen Publikationen bekannt zu werden.
In der biographischen Skizze der „International Encyclopedia“ finden sich wiederholt Hinweise auf Ludwig Gumplowicz als „einen der Grundväter der Sozialwissenschaften im neunzehnten Jahrhundert“. Barnes zufolge trug er viel zum Verständnis der „intergroup relations“ und vor allem zur Überwindung älterer Begriffe des Gesellschaftskörpers bei. Er stellte die Scharnierrolle der Gegensätzlichkeit nicht nur bei der Entschlüsselung sozialer Verhältnisse, sondern auch bei der Entwicklung des Staatswesens und der menschlichen Zivilisationen in den Vordergrund. Und nicht zuletzt fokussiert er das Geflecht der Machtfaktoren, das sowohl die Gruppenbildung wie die konfliktträchtigen Beziehungen zwischen konkurrierenden Gruppen mitprägt. Im Gegensatz zu anderen hochprofilierten Sozialwissenschaftlern wie Emile Durkheim, die ein organisches Sozialgefüge annehmen oder ein aus der idealisierten Natur abgeleitetes ganzheitliches Bild von sozialen Verhältnissen darbieten, befaßte sich Gumplowicz hauptsächlich mit den Kämpfen unter den Menschen.


Was ihn verdächtig macht, liegt darin, wo er das konfliktträchtige Potential im geschichtlichen Prozess ausmacht. Sein 1883 in Innsbruck erschienener Erfolgstitel heiβt „Soziologische Untersuchungen. Rassenkämpfe“. In dieser Studie steht der Einfluß ethnischer Faktoren auf den menschlichen Entwicklungsprozess im Vordergrund. Wechselwirkung und Zusammenprall von rassisch verschiedenen Gruppen dienen für Gumplowicz als Schlüssel, um Geschichtsveränderungen von bedeutendem Ausmaβ zu begreifen. Obwohl der „Widersinn“ (sein bevorzugtes Schimpfwort) sich bei ihm nur selten einschleicht, daß aller Wandel einseitig und unmittelbar auf den Rassenfaktor zurückzuführen sei, stimmt es, daß für Gumplowicz Rassengegensätze eine zentrale Rolle bei den geschichtlichen Veränderungen spielen. Gumplowicz war auch der Auffassung, daß „alle diese Gesetze der Vererbung und Übertragung eher zur Erhaltung als zur Zersplitterung des Typus dienen“, daß die Rassenunterschiede also aufrecht bleiben. Eines seiner Hauptthemen versäumt Gumplowicz, mit der angemessenen Überzeugungskraft zu bearbeiten. Eine besondere Abteilung in seinen „Soziologischen Untersuchungen“ widmete er einer Verteidigung des „Polygenismus“. Doch alle neuen anthropologischen Daten belegen die Vermutung, daß der Homo sapiens sapiens vor ungefähr fünfzigtausend Jahren aus Ostafrika hervortrat. Erst zu einem späteren Zeitpunkt zeichnen sich die feststellbaren Rassenunterschiede ab. Gumplowicz ist im Irrtum, wenn er seinen Standpunkt auf polygenetische Prämissen zu stützen versucht. Auch wenn man davon ausgeht, daß die sich voneinander abgrenzenden Rassenteilungen lange nach der Auswanderung aus Afrika erfolgten, zieht das nicht die Nachhaltigkeit der später vollendeten Verschiedenheit in Zweifel.


Auch Gumplowicz Beschäftigung mit der Entwicklungsgeschichte der Sprachen muß als historisch überholt betrachtet werden. Immerhin räumt er ein, daß verschiedene Sprachen von einer Rasse, oder dieselbe Sprache von verschiedenen Rassen gesprochen werden können. Das besagt allerhand. Der Autor anerkennt, wenn auch nur stellenweise, daß sich Menschengruppen verschiedene Sprachen nutzbar machen konnten.
Als Jude aus Galizien, der mit Polnisch aufgewachsen war, wechselte Gumplowicz, als er 1875 nach Graz übersiedelte, zu der hochgeachteten deutschen Sprache. Er machte sie sich ganz zu eigen und pflegte als deutschösterreichischer Autor einen glänzenden Stil. Zwischen Sprach- und Rassenverwandtschaft, so Gumplowicz, besteht eine entfernte und nicht immer nachweisbare Entsprechung. Wenn dem so ist, warum sollte dann die Rassenverschiedenheit eine wuchernde Vielfalt von vorgeschichtlichen Sprachen voraussetzen? Bestreitbar, wenn nicht sogar zu widerlegen ist seine Feststellung, daß die Anzahl von Sprachen seit der grauen Vorzeit bedeutend abnimmt. Gumplowicz deutet auf die Herausbildung einer Vielfalt von Weltreichen und Staatsverwaltungen hin, um seine Argumentation zu stützen; jedoch fußt die Behauptung allenfalls auf Mutmaβungen.

Staaten entstehen durch Gewalt

Hingegen ist Gumplowicz Grundthese bezüglich der Bedeutung von Rassenkämpfen gröβtenteils haltbar, auch wenn seine Belege nicht immer zwingend erscheinen. (Erklärend muß man hinzufügen, daß Gumplowicz den Begriff der „Rasse“ allgemein auf ethnisch oder kulturell geschiedene Menschengruppen bezog.) Bei seiner Darlegung des „naturgeschichtlichen Prozesses“ verweist er gezielt auf ethnische Streitigkeiten und berücksichtigt, in welchem Umfang sie Herrschaftsverhältnisse bestimmen. Die im Kampf überlegene Stammesgruppe „nutzt die Unterlegenen aus“, doch das geschieht nicht immer auf dieselbe Weise. Zuerst töteten oder versklavten die Sieger, was ihnen zur Beute fiel. Als sie aus dem Urzustand allmählich emporstiegen, fanden sie eine bessere Verwendung für die Besiegten. Die Unglücklichen bildeten eine Art Unterschicht und mußten der Herrscherklasse samt Kindern und Kindeskindern dienen. Auf die Dauer wurden die unterlegenen Stämme in eine geregelte Staatsordnung eingefügt, und das ging Hand in Hand mit der Einführung einer Amtssprache und der Schaffung von verbrieften Rechten für alle Stände.


LG1.jpgGumplowicz nennt für den Aufbau des Staates eine Reihe von Folgeerscheinungen. Dabei verschwand die Rassentrennung nicht ganz. Vielmehr wird sie in die staatliche Ordnung eingebettet und tritt als eine staatlich gewährleistete Rangfolge auf. Gumplowicz erklärt: „Denn schließlich ist Herrschaft nichts anderes als eine durch Übermacht geregelte Teilung der Arbeit, bei der den Beherrschten die niedrigeren und schweren, den Herrschenden die höheren und leichteren (oft nur das Befehlen und Verwalten) zufällt. Wie aber ohne Teilung der Arbeit keinerlei Kultur denkbar ist, so ist ohne Herrschaft keine gedeihliche Teilung der Arbeit möglich, weil sich, wie gesagt, freiwillig niemand zur Leistung der niedrigeren und schwereren Arbeit hergeben wird.“ Dieser Punkt ist wichtig: Obwohl die „Vergesellschaftung der Sprache und Religion“ zu einer „amalgamierten“ Gesellschaft führt, wirkt die Staatenbildung gleichzeitig darauf hin, eine Herrschaftsordnung mit einer Trennung von Herrschern und Beherrschten zu festigen.
Ein weiteres Mittel, das der Herrscherklasse gegeben ist, betrifft die Ausgestaltung der immer mehr verzweigten Reichsstrukturen. Das erlaubt es den Besiegten und Tributpflichtigen, ein kollektives Eigenleben unter eingeschränkten Möglichkeiten zu führen. Die Unterordnung bleibt, ohne jedoch die bezwungenen Stammesgruppen ganz zu unterjochen oder ihre Eigenart auszulöschen. Dazu gehört auch die Bildung von Trabanten-Staaten, ein Entwurf, den sowohl die USA wie ihr sowjetischer Widersacher nach dem Zweiten Weltkrieg umgesetzt haben. Obwohl beide eine Zwangsherrschaft im besetzten Deutschland errichteten, wirkten sich die jeweiligen Direktiven verschieden aus. Die DDR wurde zu einem dauernden Polizeistaat, die sowjetische Regierung beutete die  Bodenschätze und die Industrie der Ost- und Mitteldeutschen für sich aus.


In Westdeutschland dagegen haben die Sieger ihren Trabanten-Staat aus der Ferne geschickter gesteuert. Man setzte darauf, den Deutschen jede Spur eines Nationalbewußtseins zu rauben und ihnen nur die Erkenntnis zu lassen, daß sie mit schlimmen Verbrechen belastet waren, und daß sie zwei verheerende Kriege angezettelt hatten. Um diese gefährliche Neigung zu überwinden und den Nachbarländern künftige Gewalttaten zu ersparen, verlange es der Anstand sowie eine erdrückende „Weltmeinung“, die Besiegten umzuerziehen. Wenn diese Umformung gelänge, so die Hoffnung der Sieger, dann würde es möglich sein, einen Nachwuchs heranzubilden, der auf seine Heimat und Tradition nicht mehr stolz wäre. Im besten Falle würden die Umgeformten die gesamte deutsche Geschichte bedauern bis zu dem Moment, da ihr Land eingenommen und geistig und weltanschaulich umgebaut wurde.


Gumplowicz hätte in beiden Fällen von einem Trabanten-Staat sprechen können. Denn in beiden Fällen ist ein als fremd und bedrohlich eingeordneter Feind geschlagen worden, und der Sieger macht sich die Geschlagenen zu Dienern. (Der Vollständigkeit halber muß erwähnt werden, daß die Einnahme Deutschlands durch die Ansätze des Kalten Krieges begleitet wurde. Die Unterworfenen suchte man beiderseits zur Verfolgung weiterer Kriegsziele auszunutzen.)


Im Anhang zu seinen „Soziologischen Untersuchungen“ stuft Gumplowicz die Perser als musterhafte Reichsschöpfer ein und spendet ihrem vergangenen Reich lobende Worte: „Sie verstanden es besser als andere, eine dauernde Weltmacht zu begründen. Den ganzen Witz der Staatskunst: die mannigfachsten ethnischen Elemente in eine einheitliche Interessengemeinschaft zu verbinden, die Eigentümlichkeit der einzelnen Elemente so weit zu schonen, soweit dieselben dem Bestande der Ganzen nicht im Wege stehen.“
Verbriefte Rechte haben, wie schon erwähnt, langfristig eine positive Wirkung für die  Unterdrückten. Danach war es um die Niedrigen nicht so schlimm bestellt wie früher bei der Leibeigenschaft. Gumplowicz sagt dazu: „Nur im Staat scheint das ursprüngliche Leben der Stämme von Grund auf einer Umwandlung unterzogen worden zu sein – nur der Staat konnte dasselbe von Grund auf ändern. Wo dieser es nicht tat oder nicht vermochte, da besitzt das Leben der Stämme eine derartige zähe Stabilität, daß es sich heutzutage in denselben Formen vollzieht wie vor Jahrtausenden.“


Dagegen sollte man folgendes nicht auβer acht lassen: Die Staatsordnung gilt als fortwährende Herrschaftsordnung, die besonders anfänglich die Bezwungenen gesetzlich benachteiligt. Die vorausgegangene Übernahme von Land und Macht ist durch Rassenfeindseligkeit geprägt. In seinem 1875 veröffentlichten Traktat über die Staatenbildung lehnt Gumplowicz schlichtweg jeden Begriff von einer „Vertragstheorie“ für den Ursprung der Staatsentwicklung ab. Weltverbesserer wie Kant und Rousseau wiegten sich in einer Traumwelt, worin die Unterjochung des anderen mit der Gründung einer Staatsverwaltung nichts zu tun hätte. Gumplowicz spricht sich eindeutig gegen solche Ansätze für die Sozialwissenschaft aus.


Gleichzeitig nimmt er sich aber in acht, die bloße Gruppenzugehörigkeit mit echten Rassen zu verwechseln. Wegen der in Gang gesetzten Amalgamierung sind Stammesgruppen miteinander vermischt und kulturell verwachsen: „Danach sehen wir im Laufe der Entwicklung der Menschheit immer und überall aus heterogenen Gruppen, die wir einfach Rassen nennen wollen, höhere Gemeinschaften entstehen, die sich im Gegensatz zu anderen heterogenen Gruppen und Gemeinschaften als Rassen darstellen. Die Stammeszugehörigkeit bekundet sich in einem ‚Gefühl der Einheit, vermöge dessen dieselben sich an die eine Menschengruppe enger anschlossen und mehr angezogen fühlen als an andere Menschengruppen.‘“


Zum „sozialen Naturprozeß“ treten noch zwei Tendenzen hinzu, die in argem Gegensatz miteinander zu stehen scheinen, aber tatsächlich nebeneinander herlaufen. Einerseits wirkt die Amalgamierung als Triebkraft, wenn Stammesgruppen sich verbünden und Mischehen eingehen. Andererseits formen sich immer wieder gegensätzliche Fronten aus, die angetrieben werden von einem Stammesbewußtsein, gekoppelt mit einer tiefen Abneigung gegen die drohenden Konkurrenten. Gumplowicz hält es nicht für lohnend, bestimmte Grundsätze in Abrede zu stellen. Zu seinen Grundaussagen zählt etwa: „Jede Herrschaft ist immer das Resultat eines Krieges“; ohne Herrschaft wäre es nicht möglich, die Kultur als „Gesamtheit der geistigen Gebiete“ eines Volkes hervorzubringen, und nicht zuletzt: Die ethnisch bedingten Gegensätze führen schließlich zu einer menschlichen Zivilisation.


LG2.jpgGumplowicz bringt seine brutalen Grundsätze aber nicht vor, um Blutvergießen zu rechtfertigen oder die Herrschenden zum Krieg aufzustacheln. Ihm geht es darum, auf die blutige Voraussetzung jeder Staatswerdung aufmerksam zu machen. Er distanziert sich von der Gefühlsduselei, die schon zu seiner Zeit die Darstellungen der internationalen Beziehungen prägten. Und nicht zuletzt versucht er, menschliche Erfahrungen und Errungenschaften ohne die übliche Weichzeichnung darzustellen. Die Wechselwirkung von Rassenstreitigkeiten und dem nachfolgenden Amalgamierungsdrang stellt Gumplowicz nochmals in „Rasse und Staat. Eine Untersuchung über das Gesetz der Staatenbildung“ (1875) dar: „Ohne Rassengegensätze gibt es keinen Staat und keine staatliche Entwicklung, und ohne Rassenverschmelzung gibt es keine Kultur und keine Zivilisation.“
Die vollendete Gleichheit gibt es jedoch nie: „Wir bemerkten es fast in allen Staaten, daß die Erobererrasse, die sich als herrschende Adels-Classe in den erobernden Gebieten niederläßt, die geistig entwickeltere, intelligentere, mit einem Wort die moralisch überlegene ist.“ Auch wenn die peinlich genau erstellten Rangordnungen sich verschieben lassen oder Einschnitte bilden, dauert es Generationen, bis sich eine entscheidende Umstellung vollzogen hat.

Vorläufer von Spengler und Schmitt

Gumplowicz ist Spengler um zwei Generation voraus, wenn er mit dem Verfall des öffentlichen Lebens und der Lockerung der Staatsräson eine verfeinerte Gesittung und geschmäcklerische Kunstpflege verbindet. Im Vorgriff auf das Leitmotiv des „Untergangs des Abendlandes“ stellt der Soziologe einen auffälligen Vergleich zwischen den Lebensstufen einer Staatsordnung und der Abfolge der Menschenalter an: „Das Stadium der schroffen Rassengegensätze, die in politischem und socialem Kastenwesen ihren Ausdruck finden, das ist die noch culturlose Kindheit des Staates; das Stadium des Kampfes und der beginnenden Amalgamierung der Rassen, das ist das Jünglings- und Mannesalter des Staates; das Stadium der Ausgleichung der Rassengegensätze und der reifen Civilisation, das ist das Greisenalter des Staates, das sein nahes Ende verkündet.“ (Bei dem Vergleich mit Spengler muß man natürlich gewissen terminologischen und begrifflichen Unterschieden Rechnung tragen. Im Gegensatz zu Spengler spricht Gumplowicz vom Staat und nicht von einer ausgeprägten Zivilisation. Überhaupt verwendet er die Bezeichnung „Cultur“ für das, was Spengler als reife „Zivilisation“ bezeichnet. Sosehr sich Gumplowicz in seinem „Grundriss“ von naturwissenschaftlichen Analogien und Gleichnissen distanziert und die Unvereinbarkeit dieses Vorgehens mit einer streng sozialwissenschaftlichen Sichtweise betont, verwendet er stellenweise doch die geschmähte Methode.)


Reizthemen, denen man später bei Georg Simmel und vor allem Carl Schmitt begegnet, nimmt Gumplowicz ebenfalls vorweg. Seit den 1870er Jahren oder schon früher führt er seinen eigenen Begriff von einer Freund-Feind-Beziehung zur Vollkommenheit. Mehr als Schmitt im „Begriff des Politischen“ zieht Gumplowicz reichhaltige historische Beispiele für seine Konflikttheorien heran. Bei seiner eingehenden Betrachtung der griechischen Geschichte bestreitet er grundsätzlich, daß die Erweiterung des Machtgebiets von Athen im Unterschied zur Geschichte Spartas im Wesentlichen friedlich erfolgte. In Attika wie in Lakonia ging die Herausbildung einer „politischen Gemeinschaft“ nur mit Brachialgewalt vonstatten. Schon Aristoteles, athenischer Herkunft und ehrenhalber athenischer Staatsbürger, verwies im ersten Buch seiner „Politik“ auf die unterschiedliche Abstammung der Herrschenden und Beherrschten. Zwar bringt er einen grundsätzlichen Einwand gegen das Sklavenhaltertum vor, indem er darauf verweist, daß es Sklaven gäbe, die wegen ihrer Verstandeskraft in einen höheren Rang eingestuft werden sollten, und ebenso Sklavenbesitzer, die keine Begabung zum Herrschen aufweisen. Dennoch hält er daran fest, daß es Menschen gibt, die zum Sklaven geboren sind und daß insbesondere die „Barbaroi“, die nicht vom selben Stamm wie die Herrscher seien, nur zu dieser Rangstufe taugen. Auch die Athener haben den ursprünglichen Bewohnern das Land entrissen und die früheren Ansiedler unterworfen. Diese Verdrängung bezeugt einen immer wiederkehrenden Geschichtsablauf, auf den auch der bedeutende preußische Historiker Maximilian Duncker verwies: „Das Emporkommen des mächtigeren ethnischen Elements“, dessen Machtausübung kultur- und zivilisationsbringend ist.

Wie die Weißen die Herrschaft über ihre Länder verlieren

Wenn der Leser Gumplowicz pessimistisches Ideengebilde in den Blick nimmt, dürften ihm zwei Fragen in den Sinn kommen. Zuerst könnte man sich fragen, ob die Widersprüche, wodurch Gruppen sich verfeinden, immer auf blutige Lösungen hinauslaufen müssen. In den letzten sechzig Jahren wurden alle westlichen Länder in unterschiedlichem Grad von einer Beinahe-Diktatur der Politischen Korrektheit und deren Folgen geprägt. Im Verlauf dieser Umkehr aller Werte, die durch Wahlen bestätigt wurde, sind ganze europäische Kulturen abgetragen und weite Gebiete „umgevolkt“ worden. Diejenigen, die der gesteuerten „Zeitströmung“ entgegenzuwirken versuchen, werden als Rassisten und sogar als Nazis diffamiert, von öffentlichen Ämtern und den Medien ausgeschlossen und schlimmstenfalls strafrechtlich belangt.


Diese einschneidende Wende möchte ich nicht moralisch beurteilen. Ich will nur auf den einen Punkt hinweisen, daß die Umwandlung einer ehemals bürgerlich-christlichen westlichen Gesellschaft in eine (beschönigend zu sprechen) grundverschiedene Form des Zusammenlebens erfolgt, ohne daß Gewalt ausgeübt wird. Die Einwohner stimmten zu, als die neuen Herrschenden die Deutungshoheit übernahmen und zur Förderung ihrer Umformungszwecke den Staat benutzten. Die gewalttätigen Auseinandersetzungen verschiedener Gruppen, die Gumplowicz mit der Entstehung von Staaten in Verbindung bringt, gelten offenbar nicht mehr als Voraussetzung zum Machtwechsel.


In Anknüpfung daran ergibt sich die zweite Frage: Wenn die menschliche Geschichte als eine Aufeinanderfolge von Herrschaftsformen sich entfaltet und wenn das Machtstreben mit einer Stammeszugehörigkeit deckungsgleich ist, warum zeigen dann die Weiβen in den westlichen Ländern und allen voran die Deutschen einen solchen Mangel an Gruppensolidarität? Es mag sein, daß dies zahlenmäβig eine unbedeutende Ausnahme darstellt im Vergleich zur Gesamtheit aller Erfahrungen. Dennoch sticht die Abweichung ins Auge. Wieso lassen sich die weißen Mehrheiten von land- und zivilisationsfremden Einwanderern verdrängen und wegschieben, ohne einen Protest zu äuβern, während Erzieher und Journalisten die Stammesgruppen, aus denen sie selbst kommen, geringschätzen? Die Einheimischen sprechen nach, was die Vertreter der „multikulturellen Gesellschaft“ ihnen vorbeten. Das verdient aufmerksame Betrachtung, weil es mit den genannten Gesetzmäßigkeiten keineswegs in Einklang steht.


Einige Gründe für diese Abweichung schildert der Ordinarius für Psychologie am Massachusetts Institute for Technology, Steven A. Pinker, in seinem 2011 erschienenen Bestseller „The Better angels of our Nature: Why Violence Has Declined“. Wenngleich bei manchen seiner Schlußfolgerungen erhebliche Zweifel angebracht sind, steht doch fest, daß die westlichen Kernvölker seit dem Zweiten Weltkrieg immer weniger zur Gewalt neigen, und daß kriegerische Gewalttaten und zivile Ausschreitungen weiterhin im Abnehmen begriffen sind. Pinker prahlt mit dieser Entwicklung, die er weitgefächerten Faktoren zuschreibt, ausgehend von Kriegsmüdigkeit und dem Vorhandensein besserer Beschäftigung bis hin zu einer therapeutischen Regierung, die „aus der Rasse der Menschen alle Streitsucht herauszüchtet“. Pinker freut sich über die von oben gesteuerte Verweichlichung der Männerwelt, die Schwächung der Nationalgefühle in Westeuropa, und die von oben nach unten verordnete Pflege von friedensstiftenden weltgemeinschaftlichen Empfindungen.


Bei diesem Punkt steht man vor einer weiteren Frage: was werden die ihres ererbten und erarbeiteten Besitzstandes beraubten Abendländer tun, wenn sie von den einströmenden und kulturell begünstigten Zuwanderern bedroht werden? Würden Sie gegebenenfalls den Mut aufbringen, einer drohenden Enteignung und Übernahme zu widerstehen? Ist die Verweichlichung so weit fortgeschritten, daß sie bei den Betroffenen jedem Widerstandsimpuls entgegenwirkt? Vielleicht sollte man sich nicht nur in Graz wieder darauf besinnen, was Gumplowicz, immerhin einer der Väter der deutschen Soziologie, als wesentliche Antriebskraft der historischen Entwicklung herausgestellt hat.

mardi, 09 octobre 2018

Le concept de culture sociétale

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Le concept de culture sociétale

par Antonin Campana

Ex: http://autochtonisme.com

Le concept de culture sociétale est régulièrement employé dans notre blog, nous lui avons déjà consacré quelques lignes pour le préciser. Nous y revenons ici tant celui-ci nous semble important dans la logique de libération nationale autochtone qui est la nôtre.

Par « culture » nous entendons ce qui est différent de la nature, même si notre nature, nos structures mentales par exemple, peuvent expliquer certaines expressions de notre culture (le sujet est glissant et nous n’irons pas plus loin ici). Par « culture » nous signifions aussi ce qui est commun à un groupe d’individus et ce qui le soude : son héritage ancestral et ses valeurs partagées. La définition de l’UNESCO nous convient assez bien : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les lois, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». En bref, nous ne faisons pas une distinction franche entre la « culture » et «l’identité » : notre culture est aussi notre identité.

L’UNESCO pose clairement que c’est la culture et non le « contrat social» qui distingue les sociétés et les groupes sociaux (la culture est l’ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social). Autrement dit, les populations étrangères installées au milieu d’un peuple donné, le nôtre par exemple, et présentant des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs qui les caractérisent, constituent des sociétés parallèles et des groupes sociaux distincts. Le problème est que le régime en place dit exactement le contraire. Par le miracle du « pacte républicain » (un vulgaire processus administratif de naturalisation), tous les Français « sans distinction d’origine, de race ou de religion » formeraient une « république une et indivisible » !

La culture distingue, caractérise, donc sépare, des groupes sociaux que le régime entend fusionner dans le même « creuset ». La culture est donc un obstacle important au vivre-tous-ensemble. Pour arriver à ses fins, le régime doit obligatoirement éliminer la puissance structurante des cultures.

C’est ici que nous arrivons au concept de culture sociétale.

Une culture est par définition sociétale. Dans la mesure où la culture donne à ses membres à la fois un mode de vie et un sens qui règlent les activités humaines et les relations des hommes entre eux, tant dans l’espace social que dans l’espace privé, nous pouvons dire que la culture est « sociétale ». La culture est un patrimoine ancestral qui a vocation à organiser le groupe autour de valeurs partagées. Elle module les schémas de pensée, l’éducation, la religion, les sentiments, les relations interpersonnelles, les liens sociaux, les loisirs, la vie des sphères privées et publiques… Une culture ne vit et ne se développe que si elle est sociétale. Une culture qui perd son caractère sociétal va se rétracter et se marginaliser jusqu’à être cantonnée dans la sphère privée. Le destin d’une culture diffuse et résiduelle est de se transformer en folklore, avant de disparaître totalement.  En résumé, une culture est sociétale ou n’est pas.

De cela il est facile de déduire qu’il n’est pas utile d’attaquer frontalement une culture pour la détruire. Il suffit de lui enlever progressivement son caractère sociétal. Par exemple, jusqu’à la Révolution, la culture européenne réglait l’institution du mariage, conçu comme l’union d’un homme et d’une femme devant Dieu. Les révolutionnaires auraient pu interdire le mariage religieux. Ils ont jugé préférable de l’ignorer pour faire du mariage un contrat révocable à tout moment et seul valable en droit : ils ont marginalisé un pan de la culture sociétale européenne ! Voyez les résultats aujourd’hui. Dans un autre article (voyez ici), nous avons souligné que le caractère sociétal de la culture européenne avait été neutralisé dans de nombreux autres domaines. Notre culture européenne ne règle plus, ou de moins en moins, les rôles sociaux féminins et masculins, l’ordre sexué, la vie de la famille, la relation à l’Etranger, la production artistique, le monde du travail, l’élaboration de la langue, la vie politique…  Nous expliquions que ce reflux objectif de la culture sociétale européenne n’était pas du à l’avancée d’une culture étrangère mais à l’action politique et juridique de la République. Si nous observons de plus près l’entreprise républicaine d’ingénierie sociale nous nous apercevrons que le régime a progressivement substitué un ordre juridique universel en son principe aux valeurs culturelles enracinées. C’est d’ailleurs à partir de l’expérience républicaine que Karl Popper (1902-1994) a pu élaborer son concept de « société ouverte ».  

gscar.pngQue dit le maître à penser de Georges Soros ?  En substance, qu’une société ouverte, au contraire d’une société fermée, distingue ce qui relève du droit de ce qui relève de la culture. Le philosophe explique que la société ne doit plus être soudée par des valeurs partagées mais par des lois qui respectent le droit naturel et n’entravent pas le pluralisme des idées ou des croyances. Une société ouverte fondée sur des lois acceptables par tous les hommes peut, et même doit selon Popper, être multiculturelle et multiraciale. En résumé, Popper, inspiré par le républicanisme « français », nous explique que les cultures doivent perdre leur caractère sociétal sous l’effet de lois culturicides. La loi émanant de l’identité doit s’effacer devant une loi abstraite émanant de l’universalité. Le philosophe propose un génocide culturel, prélude toujours d’un génocide biologique, qui rendra possible l’établissement d’une société multiraciale ouverte.

Globalement, soyons lucide, le projet a réussi. Le régime s’est servi du droit pour ôter à notre culture son caractère sociétal, ce qui a facilité l’installation d’une société multiraciale plus ou moins bancale et conflictuelle.  Il est illusoire d’espérer pouvoir un jour réorganiser le fonctionnement du « corps d’associés » multiethnique selon nos valeurs identitaires. Est-ce seulement souhaitable ? Mais il est encore possible de recréer un lien entre la culture autochtone et un espace social autochtone. Pour cela, il nous faut travailler à la formation d’une société parallèle autochtone (Grand Rassemblement). Nous n’avons pas d’autre solution si nous voulons contrer la marginalisation de notre culture et sa fossilisation progressive. Il faut que celle-ci retrouve une forte compacité dans un espace protégé. Nous pouvons pour cela nous appuyer sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui énonce que les Autochtones ont le droit de ne pas subir la « destruction de leur culture » et qu’ils ont le droit d’observer, de promouvoir, de défendre et de vivre selon leurs « traditions culturelles ». La mise en avant de notre autochtonie est donc indispensable elle-aussi : tout se tient !

Il faut avoir conscience que les dégâts occasionnés à notre culture depuis deux siècles sont considérables. Les Autochtones sont fondés à restaurer le caractère sociétal de la culture autochtone. C’est une question de survie. Bien sûr, cette sociétalité ne sera pas identique à ce qu’elle fut avant le coup d’Etat républicain, cela est impossible. Mais dans l’esprit, elle devra exprimer notre identité européenne et les valeurs que nos ancêtres nous ont léguées.   

Antonin Campana

mercredi, 19 septembre 2018

Unisex: la via per l’individuo senza identità

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Unisex: la via per l’individuo senza identità

di Michele Putrino

Ex: https://www.ariannaeditrice.it

È notizia di queste ore che a New York, a partire da questo periodo, i genitori dei neonati potranno scegliere di far scrivere sul certificato di nascita di questi ultimi, invece di “maschio” o “femmina”, la dicitura “Gender X”. Questa è solo l’ultima follia di una ideologia che sempre più si sta affermando nelle istituzioni. In pochi hanno il coraggio di denunciare questa situazione; e quei pochi che questo coraggio lo hanno, sono violentemente attaccati e messi alla pubblica gogna. Una situazione di cui tutti dovete prendere coscienza: ne vale del vostro futuro e di quello dei vostri figli.


uni.jpgEsiste un libro “speciale” in Italia dal titolo UNISEX e con sottotitolo “Cancellare l’identità sessuale: la nuova arma della manipolazione globale” pubblicato da Arianna Editrice. Gli autori sono la giornalista Enrica Perucchietti e lo scrittore Gianluca Marletta.


Perché questo libro è “speciale”? Perché è uno dei pochissimi libri esistenti che denunciano la così detta “ideologia gender” non tramite un altro credo dogmatico, bensì attraverso una vera e propria inchiesta molto documentata. A ogni affermazione, infatti, viene sempre riportata la documentazione e le fonti verificabili. Con UNISEX, dunque, a mio parere ci troviamo di fronte a una vera e propria opera di “giornalismo d’inchiesta”. Inchiesta che, appunto, data la quantità di fonti riportate, non può che lasciare scioccato e basito il lettore per le conclusioni a cui questo libro arriva. Infatti non a caso gli autori hanno subito numerose minacce (persino di morte), evidentemente da chi queste conclusioni non le può accettare. Non solo. Il libro “vanta” anche periodici tentativi di screditamento. L’ultimo — avvenuto proprio durante la scrittura di questo articolo — sì è verificato su Wikipedia dove, alla voce “Omosessualismo”, l’ideologia gender viene definita come “complotto che vedrebbe il movimento omosessuale tentare di reclutare le giovani generazioni per distruggere l’umanità”. Una definizione che non può che suscitare ilarità in chi la legge e far apparire uno sciocco chiunque affermi seriamente una cosa del genere. E quale testo viene riportato come “fonte” per questa definizione? Proprio il libro della Perucchietti e di Marletta. Ora, chiunque abbia letto il libro sa bene che non solo al suo interno non si trovano frasi in grado di giustificare un’affermazione del genere ma, soprattutto, il suo concetto di fondo è tutt'altro; inoltre il libro distingue in modo chiaro e netto (ripetendolo più volte durante il testo) tra la giusta e sacrosanta richiesta da parte degli omosessuali di ottenere rispetto per la propria persona e l’ “ideologia militante” di alcuni movimenti “omosessualisti” che spesso portano avanti e con forza idee pericolose e distruttive. Detto questo vediamo rapidamente, ma in modo serio, di cosa parla questo benedetto libro.


Alcuni gruppi spingono per l’affermazione totalitaria dell’ideologia gender


Questo è il primo messaggio di fondo che mi sembra di cogliere leggendo il libro. Ma, per comprendere il vero significato di questa affermazione, è necessario capire prima cos'è l’ideologia gender. Prima di tutto è una vera e propria “ideologia”. Perché? Perché una “ideologia” è, come riporta il Vocabolario Treccani, “ il complesso di credenze, opinioni, rappresentazioni, valori che orientano un determinato gruppo sociale”. Ora, dato che al mondo esistono persone che appartengono a gruppi sociali che sostengono che il sesso deve essere una scelta del singolo individuo che decide a seconda della sua volontà, è evidente che questi individui sono seguaci, appunto, dell’ideologia gender (anche se a molti questa definizione non piace). Sì perché, per coloro che non ne fossero a conoscenza, “gender” significa, sempre per citare il Vocabolario Treccani, “la distinzione di genere, in termini di appartenenza all'uno o all'altro sesso, non in quanto basata sulle differenze di natura biologica o fisica ma su componenti di natura sociale, culturale, comportamentale”. Quindi, secondo la “visione gender”, il signor Rossi può essere nato con tutti gli attributi maschili ben definiti ma se lui si comporta in modo femminile e dentro si sente di essere donna, allora la società lo dovrebbe riconoscere come donna. Non solo. Dopodomani potrebbe sentirsi di nuovo uomo e quindi, sempre secondo questa visione, essere uomo e così via.


Ma perché questa “visione gender” è diventata una “ideologia”? Il motivo è semplice: se alcuni individui possono sentire la propria natura sessuale completamente diversa da quella del proprio corpo, questo vuol dire che così deve essere la natura di tutti. Di conseguenza se finora il mondo è stato diviso in modo netto in “maschi” e “femmine” questo non è dovuto al fatto che la Natura ci ha voluti così, no: le cose stanno così soltanto perché siamo stati “manipolati” da istituzioni a cui ha fatto e continua a fare comodo la netta e chiara suddivisione tra maschi e femmine. Chiaro no? Certo, ci sarebbe poi da chiedere perché tutto il resto del mondo animale sia diviso sempre in maschi e femmine ma sorvoliamo.


A questo punto dovrebbe essere chiaro che, per chi la vede in questo modo, è assolutamente normale lottare al fine di compiere una “rivoluzione” culturale, sociale eccetera, che possa “liberare” l’essere umano dalla “gabbia sessuale” e poter vivere, finalmente, la sua “vera” natura utilizzando il suo corpo come semplice strumento per soddisfare la sua “vera natura”.


Penso sia inutile specificarlo ma, come si vede, tutto questo niente ha a che fare con un normale omosessuale che conduce la sua vita serenamente e in perfetta armonia con il suo corpo. Ma allora, se la stragrande maggioranza delle persone (siano esse eterosessuali o omosessuali) vivono serenamente senza questa “visione gender”, perché tutto questo affannarsi anche attraverso importanti lotte istituzionali come quelle riportate nel libro (e di cui quella del “Gender X” a New York di questi giorni è soltanto l’ultima in senso temporale)?


Se togli agli individui la propria identità sessuale li trasformi tutti in animali da pascolo
Ecco la semplice risposta.


Ogni persona, sin da bambina, comincia a formare la propria personalità a partire dal suo essere “maschietto” o “femminuccia”. Da lì, infatti, si vengono a creare particolari giochi nonché gruppi sociali che rinforzano la nostra natura che sentiamo, appunto, come naturale. Tutto questo attraversando vari stadi che ci porteranno a chiarire sempre meglio la nostra personalità e a poter dire con orgoglio “io”.


Ma ora mettiamoci dal punto di vista delle élite industriali e finanziarie mondiali. Da questo punto di vista è più facile gestire popoli composti da persone con ognuna una propria personalità ben formata oppure avere a che fare con masse di individui che non sanno nemmeno a che sesso appartengono? Ovviamente la risposta è la seconda giacché, in quel caso, non avendo nemmeno il più primordiale dei riferimenti interiori (e cioè quello dettato dal proprio sesso) ci si aggrapperà inevitabilmente — e come se fosse Dio in persona a parlare — a quello che verrà dettato dall'esterno. E chi sarà a parlare “dall'esterno” se non l’élite che detiene il potere?


In conclusione, che fare?


Quanto descritto finora non è che, ovviamente, una piccola parte dei concetti che ho colto dal libro e che vi consiglio di leggere affinché possiate farvi una vostra idea. Ma esiste una soluzione a tutto ciò? A me pare di intravederla in un libro di prossima uscita di Diego Fusaro intitolato Il nuovo ordine erotico. Elogio dell’amore e della famiglia (Rizzoli Editore). Qui Fusaro — da quello che è stato possibile cogliere dalle anteprime e dalle dichiarazioni — propone di ritornare a rinforzare l’appartenenza al proprio sesso perché soltanto così sarà possibile ricostruire la famiglia, che è il primo nucleo su cui è possibile costituire, come spiega Hegel nel suo celebre libro Lineamenti di filosofia del diritto, una comunità, uno Stato e un senso di appartenenza.


Insomma, UNISEX e Il nuovo ordine erotico a mio parere sono due libri che dovranno essere letti insieme poiché l’uno descrive in modo dettagliato il problema e l’altro ne descrive la soluzione.
Buona lettura.

mercredi, 05 septembre 2018

Effondrement sociétal

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Effondrement sociétal

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Ma femme a une amie professeur d’histoire dans un lycée. Il s’agit d’un lycée d’une petite ville, et non d’un grand centre urbain, la précision est importante. Lors de la réunion de prérentrée, le directeur d’Etablissement a fait savoir au personnel éducatif que désormais Agathe, une élève de Terminale, se prénommerait Thomas, et que Christophe, un élève d’une autre classe, devrait être appelé Audrey. Tout cela était annoncé de la manière la plus naturelle qui soit, comme s’il s’agissait d’une inscription à la cantine. Mon amie, et tout le personnel éducatif avec elle, était donc priée, non de faire semblant de croire, mais de considérer comme un fait établi qu’Agathe était désormais un garçon pour de vrai et que Christophe était désormais vraiment une fille.

Cette anecdote, totalement véridique, me rappelait cette émission d’Arrêt sur image consacrée à la « marche des fiertés » (29 juin 2018, vidéo ici). Dès la première minute, le journaliste Daniel Schneidermann a voulu s’excuser d’avoir invité sur son plateau quatre hommes et aucune femme. L’un de ces mâles, Blanc et barbu, a alors pris la mouche et, jouant l’offensé, a fait remarquer au journaliste qu’il n’était ni un homme, ni un Blanc ( Schneidemann confondait apparemment « identité de genre » et « expression de genre » ! ). Le journaliste, décontenancé, a du avouer qu’il était « désolé ». La personne « binaire », dont il est question ici, aurait tout aussi bien pu dire qu’il était une poule, puisque les réalités ne comptent plus, ou tout au moins puisqu’il nous est ordonné de ne plus les voir.

Et d’ailleurs, puisque le réel ne compte plus, pourquoi un humain, au niveau de son «expression d’espèce », ne serait-il pas un animal, au niveau de son « identité d’espèce » ? Pourquoi ne pourrais-je pas dire que je suis une poule, ou un chat, et vous obliger à ne pas rire, voire à faire comme si j’étais réellement une poule, ou un chat ? Imaginez les souffrances morales et l’humiliation que je ressentirais si vous ne m’acceptiez pas pour ce que je suis réellement ? Le plus fort, dans tout cela, est qu’aujourd’hui des gens se prennent vraiment pour des chiens et veulent vivre comme des chiens. D’autres cherchent à se transformer en chat et se suicident, faute sans doute de n’avoir pas été « compris ». Il n’est pas rare que des enfants se prennent pour des animaux. Interrogeons-nous sur leur cas sans préjugés zoophobes : l’animalité ne serait-t-elle pas leur identité profonde ? Pourquoi alors forcer leur nature ? Ne pourrions-nous pas envisager un état civil qui les enregistre comme chien, chat ou poney ? Il y a même des adultes qui s’identifient à des enfants, voire à des bébés (syndrome de Peter Pan). Si un adolescent s’identifie à un vieillard, aura-t-il immédiatement droit à une retraite ?

Nous vivons un monde de fou. Nous devons faire semblant de croire que les hommes peuvent être des femmes, que les races n’existent pas, que les sphères sont des cubes. Les évidences ne comptent plus, les faits sont à proscrire, la réalité doit disparaître dans le n’importe quoi. Il nous faut faire comme si tout cela était normal et même souhaitable. Est-ce cela la dissonance cognitive ? Dernièrement un titre peu banal des « actualités Google » (la Pravda du web) a attiré mon attention : « Une femme s’introduit chez son voisin et l’agresse sexuellement ». Il est très rare qu’une femme viole un homme. Question de rapport de force mais aussi de psychologie. A la lecture, il s’avère que la « femme » en question est en réalité un homme qui s’imagine être une femme (une « femme transgenre »). On observera que le journaliste montre, ou veut montrer, qu’il croit qu’un homme qui s’identifie à une femme est réellement une femme : il fait « comme si ». Le signal envoyé est celui-ci : « je suis dans le camp du Bien, celui du progressisme sociétal ! ». Le juge lui-même, par la peine symbolique prononcée (15 mois de prison avec sursis pour un viol !), entend évidemment délivrer le même message. Autre article, toujours dans la Pravda du net : « Thomas Beatie, le premier homme enceinte veut avoir un autre enfant ». L’homme en question est bien sûr une femme, même si une barbe lui a poussé, à coup d’hormones. Mais faisons « comme si », puisque nous sommes dans la post-réalité.

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On dit que les Byzantins discutaient du sexe des anges au moment où les Turcs s’apprêtaient à mettre à sang Constantinople. Le refoulement des réalités est-il la marque des civilisations qui s’effondrent ? A l’heure où nous écrivons, la marine russe fait face en Méditerranée à la marine américaine. Les Américains et leurs alliés djihadistes, aidés par les services britanniques, s’apprêtent à monter une attaque chimique sous faux drapeau, au vu et au su de tous. En représailles de l’attaque qu’ils auront eux-mêmes orchestrée, les Américains, les Français et les Anglais menacent de bombarder une nouvelle fois la Syrie. Même les nations se moquent désormais des faits, distordent le réel et se rendent prisonniers de leurs propres mensonges. Mais aujourd’hui l’ours russe montre les dents. Nous sommes peut-être au bord d’une troisième guerre mondiale, une guerre qui signera le retour brutal au réel, un réel tragique que nous prendrons en pleine face. Faut-il choisir entre un effondrement sociétal qui fera de nous des animaux dénaturés et le retour du tragique ? Pour ma part, le choix est fait : tout plutôt que ce lent pourrissement qui avilit notre humanité.

Antonin Campana

dimanche, 02 septembre 2018

La mode : les manipulations physiques de la subversion mondiale

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La mode : les manipulations physiques de la subversion mondiale

par Pierre-Emile Blairon

Nous avons plusieurs corps

Les traditions indoues distinguent chez l’individu cinq types de corps subtils, par ordre ascendant de l’immatérialité : le corps physique, puis éthérique, astral, causal, et mental.

La Tradition primordiale, qui inclut les traditions indoues et toutes les autres, admet comme seule hiérarchie celle qui va du haut vers le bas, donc du supérieur à l’inférieur, de la Tradition aux traditions, du spirituel au matériel, de l’intérieur à l’extérieur, du naturel à l’artificiel, du fondamental au superficiel, de l’être au paraître, principe que nous avons signifié symboliquement par la roue[1] où le moyeu immobile, au point le plus central et le plus intérieur, représente le fondement immuable, intangible, permanent, celui qui ne tourne pas, et, au bout des rayons qui convergent vers ce centre, en contact direct avec le sol et la matérialité, le cercle de fer ou de bois, le point le plus extérieur.

Comme tout est analogique, le corps humain procède du même principe. Le plus vulnérable, soumis à toutes les agressions, est sa surface, sa peau, tout comme l’écorce de la Terre est la partie la plus fragile de son entité.

Cette hiérarchie s’applique avec toute sa force au début d’un cycle civilisationnel (ce que les Grecs appelaient l’Age d’or) mais, les civilisations étant aussi mortelles que tout ce qui vit, le déclin advient lentement, amenuise leurs défenses immunitaires et les rend plus vulnérables, les sciences sacrées cèdent la place aux profanes, les exigeants fondements spirituels sont grignotés par les besoins matériels créées artificiellement.

Des fonctions qui ne sont plus vitales

Les fonctions qui étaient vitales et nécessaires autrefois : se nourrir, se protéger des variations climatiques (les vêtements) et des agressions (la maison) n’ont cessé de grossir artificiellement – le règne de la quantité, qui est aussi celui de l’argent - (prolifération des obèses, accroissement de l’offre vestimentaire, envolée des prix du logement) alors mêmes qu’elles sont devenues superflues puisqu’abondantes dans nos sociétés occidentalisées. D’autres fonctions sont apparues, communication, déplacements, loisirs… qui ne sont ni vitales ni nécessaires mais tout aussi superflues et pléthoriques.

A la fin du dernier Age, l’Age de fer, celui dont nous vivons les derniers instants, les valeurs positives de bon sens, de respect et de rectitude qui maintenaient l’équilibre de la société et réglaient sa bonne marche sont désavouées, ignorées, méprisés et périclitent sous les coups de boutoir des populations fanatisées ou décérébrées par les gourous du désordre mondial et du chaos qui prêchent l’uniformité, la confusion, la facilité, l’hédonisme, l’égalitarisme et l’anarchie. Toutes les fins de cycle civilisationnelles voient l’apparition de non-valeurs qui sont l’inversion systématique de celles qui constituaient la colonne vertébrale des dites civilisations.

Le corps vestimentaire

A la liste des cinq types de corps subtils, nous ajouterons un corps de plus, dans le sens de la matérialité : le corps vestimentaire, qui constitue comme une seconde peau de l’Homme.

Sans remonter aux débuts de notre cycle (ni même à celui de notre dernier Age, le Kali-Yuga, qui a commencé son processus involutif 4500 ans avant notre ère), en s’en tenant aux temps historiques bien plus récents, on sait que le vêtement était très codifié, en accord avec le type de culture que s’était donnée la communauté de sang et de sol qui l’avait adopté ; parmi les exemples les plus intéressants, celui des clans écossais qui portaient des tartans (kilts) dont les couleurs étaient tirées de plantes qui poussaient sur le sol qu’ils occupaient. Cette coutume est très ancienne puisqu’on a retrouvé des momies tokhariennes dans le désert du Tarim en Chine, qui vivaient 3500 ans avant notre ère ; ces momies portant des tartans sont supposées être indo-européennes, voire ancêtres des Celtes.

Le vêtement, à l’origine marque d’une tribu, d’une communauté, d’un clan, d’une fonction, s’est ensuite individualisé chez presque tous les peuples du monde, pour s’uniformiser en même temps que progressait l’emprise du mondialisme initié par la sous-culture américaine destructrice des cultures natives. L’Homme est passé, sans se révéler entièrement en tant qu’être humain, du statut naturel à celui de la machine et même de « produit ».

Le vêtement : voile ou dévoilement de l’être intérieur ?

En Europe, les familles royales qui voulaient s’accaparer le plus de territoire possible ont pratiqué une centralisation effrénée et ont exigé de leurs vassaux l’abandon des langues, coutumes et vêtements régionaux bien vite méprisés. La « mode » en pratique dans les cours royales, commune à toute l’Europe, est née mais le rapport avec les fondamentaux traditionnels a subsisté sous d’autres formes et l’élégance qui a remplacé la tradition est l’une des formes de cet héritage ancien.

Quelques princesses ont été remarquées et admirées dans ces cours, non seulement pour leur beauté, mais aussi pour leur maintien, leur port de tête. Certains hommes, princes et officiers, se distinguaient par leur stature, une élégance désinvolte et une prestance qui les supposaient aussi à l’aise à cheval sur un champ de bataille que sous les lustres des salons royaux.

Les cas extrêmement rares où la beauté extérieure reflète parfaitement la beauté intérieure sont une résurgence miraculeuse des temps anciens où cette adéquation était la règle ; où le paraître était l’expression de l’être ; la cohésion de la personne était assurée par la cohérence de ses divers composants ; c’était de vrais aristocrates, qui n’avaient pas besoin de prouver leurs quartiers de noblesse qui trouvaient leurs sources dans les traditions enfouies.

Chez les Européens de l’Ouest, certains peuples ont conservé cet héritage à travers leurs traditions, comme en témoignent encore de nos jours les Arlésiennes ou les Bavarois. Les Françaises, d’une manière générale, ont su longtemps imposer leur distinction naturelle et leur grâce au monde jusqu’à une période très récente ; ce fut ensuite la dégringolade et la disparition quasi-totale de tout ce qui pouvait se rapporter à cette intelligence du goût et de la beauté.

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La dictature de l’informe

On peut facilement situer ce basculement qui a vu disparaître toute trace de raffinement en France après les manifestations des « révoltés » de mai 68, petits-bourgeois, enfants de grands bourgeois, ceux-là même qui sont maintenant au pouvoir.

La forme a alors disparu au profit de l’informe et la prestance au profit de l’inconsistance. Le vêtement reflétait bien la décomposition des caractères et des corps.

Les pseudo-rebelles de 68 se sont insurgés contre les uniformes (surtout militaires)… pour en adopter d’autres ; après le passage de ces gauchistes qui prétendaient s’affranchir de la pesanteur américaine sur la culture mondiale, on a vu déferler en France et en Europe le « style » américain : baskets, jeans, tee-shirts, casquettes ; les petits écoliers français et européens ont été sommés d’adopter cet uniforme sous peine d’être exclus des cours de récréation.

Les enfants du nouveau système, lentement dépossédés de toute éducation, d’exemple, de repères et, plus encore, d’héritage culturel, se glissèrent avec joie sous le rouleau compresseur de Big Brother ; le mimétisme et le paraître devinrent pour eux les seules attitudes gratifiantes, l’argent, qui leur permettait d’acheter les gadgets à la mode, la seule valeur susceptible d’éveiller chez eux un soupçon d’intérêt.

Des trous à l’âme

Le débraillé vestimentaire, l’absence de recherche esthétique, a ensuite franchi un nouveau pas au début du XXIe siècle avec la mode des jeans troués qui nous fait penser aux « trous » du corps astral, lorsque l’individu est en état d’agression ou de faiblesse, et nous pensons aussi aux trous de la couche d’ozone, agression opérée par l’être humain sur la nature.

Pendant ce temps, les couturiers invertis – il fallait bien ceux-là dans une société en inversion complète des valeurs - qui donnent le ton de ce qu’on appelle la « mode » dans les salons parisiens, anglais, italiens ou américains ne visent qu’à ridiculiser les femmes et efféminer les hommes. Il suffit de voir les vidéos des défilés conçus par ces « génies » de la « haute » couture pour réaliser à quel niveau de perversité le citoyen est tenu d’adhérer[2]. Le « show » que nous avait offert le Président de la République sur le perron de l’Elysée le 21 juin 2018 procède de la même démarche « esthétique ».

C’est vrai qu’il n’y a là qu’un très lointain rapport avec cette mode populaire somme toute banale, et presque innocente, des jeans troués. Encore faut-il bien comprendre ce que cette démarche qui consiste à acheter un jeans usagé (quelquefois beaucoup plus cher qu’un neuf) dans une boutique représente d’absurde et de pathologique.

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Une ethnospiritualité de l’enveloppe

Mais il y a plus grave. Le jeans troué est le symptôme de l’attaque de forces négatives sur le processus même de la vie, le processus vital. Le vêtement, symboliquement, est une protection (sans doute illusoire concrètement) contre les agressions extérieures. Le triomphe de la matière advient quand elle commence à grignoter ce qui n’est plus de son domaine. Sous son action, le corps vestimentaire se délite, devient poreux, le chemin vers le centre intérieur s’insinue par les brèches ouvertes. L’usure de l’enveloppe, qui était naturelle et l’œuvre du temps, est devenue artificielle et l’œuvre de puissances malsaines.

Mais les forces de la subversion mondiale ne s’en sont pas tenues là ; l’objectif, leur semble-t-il, est à leur portée.

Sous le corps vestimentaire commence le corps physique qui, tout physique qu’il est, n’en fait pas moins partie des cinq corps subtils de la Tradition. La peau est son enveloppe extérieure. Première ou ultime protection selon qu’on l’envisage de l’extérieur ou de l’intérieur. Notre corps recèle en effet d’autres système de protection, contre les multiples agressions, extérieures ou intérieures (les maladies). Mais la peau constitue aussi l’interface entre l’intérieur et l’extérieur, entre la matière et le spirituel. Et elle donne aussi à connaître au monde le mode de vie et le sol que le divin, qui n’aime pas l’uniformité, a choisi pour matérialiser l’âme que transporte ce corps sur notre Terre : notamment sa couleur.

Les forces anti-traditionnelles s’efforcent de nier cette évidence par tout un système de propagande que nous connaissons bien. Ceci reste du domaine de l’idéologie mais ces forces négatives s’attaquent désormais concrètement, matériellement, à cette protection naturelle et à cette forme d’identité qu’est la peau par le biais, encore une fois, de la mode.

Il faut sauver sa peau !

Toutes les formes d’agression sont utilisées pour décomposer et meurtrir cette enveloppe. La contre-tradition, comme son nom l’indique déjà, est une imposture qui s’efforce de reprendre maladroitement les codes présumés et incompris de la Tradition qui seraient restés vaguement ancrés dans les esprits, comme une mémoire collective. C’est ainsi que prolifèrent sur les visages des jeunes gens (mais aussi des plus âgés, mais aussi ailleurs que sur les visages) toutes sortes d’anneaux ou de bijoux accrochés, insérés, à toutes les parties symboliques du corps comme il était souvent coutume chez les peuples dits primitifs (lesquels sont en réalité des peuples tardifs découlant d’un processus dégénératif, mais ceci est une autre histoire[3]). De même que les scarifications en pratique chez ces peuples lors de rites initiatiques sont reprises sous forme de tatouages indiscrets et pléthoriques qui font ressembler de frêles jeunes filles européennes à de vigoureux camionneurs ou à des membres de la secte japonaise des Yakuzas.

La subversion mondiale, qui croit avoir déjà gagné, n’a qu’un but : atteindre le centre de la Tradition pour le détruire et empêcher le retour à un nouveau cycle. Le corps humain est la représentation analogique du corps de la Tradition et la plus vulnérable. Il convient que chacun résiste à cette intrusion.

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Face à ces agressions, que doivent faire les hommes différenciés ?

Les hommes différenciés sont, selon l’expression employée par Julius Evola, cette infime minorité de personnes lucides et responsables, celle-là même qui est investie d’une mission propre à faire repartir la roue du temps pour un nouveau cycle.

Selon Guénon, les individus n’ayant pas su conserver dans leurs différents êtres une cohérence et une consistance seront irrémédiablement condamnés à disparaître, à se « volatiliser »  lorsqu’adviendra, inévitablement, la catastrophe finale ; seule, une minorité, dotée encore de la conscience des valeurs traditionnelles primordiales, un souvenir de l’Age d’Or, ayant conservé les repères naturels, biologiques, spirituels, culturels, intellectuels, émotifs, de la Tradition, sera sauvegardée afin d’accomplir sa mission de transition, cette mission consistant à semer les germes du nouveau cycle.

L’on n’est pas toujours maître de son apparence physique mais on est presque toujours responsable de l’aspect de son corps vestimentaire et, plus intimement, de son enveloppe corporelle.

Il convient donc pour ces personnes appartenant à cette minorité de ressembler à ce qu’elles sont, ou à ce qu’elles essayent d’être sans qu’il y ait, entre les différents corps, de visible différence. Le principe étant celui de l’équilibre et du bon sens. Il est indispensable de recentrer ses différents corps pour les besoins de sa cohérence psychologique et de sa cohésion physique. La tradition exige de disposer d’une colonne vertébrale solide et de présenter une forme définie dans toutes les circonstances de la vie. Il appartient à chacun, à la fois dans sa démarche spirituelle et dans son comportement extérieur, d’être à la hauteur de ce qu’il est ou de ce qu’il prétend être, dans son désir d’être perfectible.

La vie est faite de signes perceptibles et apparents ; mais les symbolistes savent qu’un monde parallèle existe qui est fait de signes imperceptibles et apparents seulement à certains, et que ces signes sont aussi nombreux, aussi clairs et aussi évidents que ceux du monde directement perceptible. Le paraître est une composante essentielle de la vie ; il n’est superficiel, inconsistant, que si on l’est soi-même profondément. Le paraître est le miroir de ce que nous sommes au regard des autres ; il n’est l’œuvre que de notre intelligence, de notre sensibilité et de notre volonté ; il est un aspect de l’exercice de notre responsabilité, de notre libre-arbitre, il reflète, dans la forme, le respect que nous avons de nous-mêmes et des autres. Il nous situe, et nous revendiquons cette situation.

Notes:

[1] Pierre-Emile Blairon, La Roue et le sablier, Amazon

[2] https://www.vogue.fr/video/vogue-hommes/videos/les-backstage-du-defile-man-printemps-ete-2019-a-la-fashion-week-de-londres/34833

[3] Julius Evola : La Métaphysique du sexe, éditions L’Age d’Homme, page 18.

jeudi, 02 août 2018

De dictatuur van het simplisme - Over cultuur in de tijd van de media

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Bjorn Roose bespreekt:

De dictatuur van het simplisme - Over cultuur in de tijd van de media (Frans Aerts)

Ex: https://portfoliobjornroose.blogspot.com

 
Mijn belangrijkste conclusie na het lezen van dit pamflet/boekje van “media-eticus” en “kunstfilosoof” Frans Aerts is dat die dictatuur wel héél ver doorgedrongen is. Zelfs tot in de geschriften van iemand die die dictatuur aanklaagt. Niet dat Aerts nergens gelijk heeft, maar als je simplisme wil aanklagen, moet je vooral proberen je er zelf niet aan te bezondigen.

Neem nu dit: “Wanneer het ooit tot zo’n onafhankelijke republiek Vlaanderen komt, behoor ik alvast tot de gelukkigen. Ik woon namelijk (zoals bijna iedereen) niet verder dan tien kilometer van de landsgrens, politiek-cultureel asiel is elders dan snel aangevraagd. In mijn levensavond zal ik wellicht ooit met heimwee terugdenken hoe klein België wel was, maar hoe bewust ook van die beperktheid, en hoe bereid intern en buiten de landsgrenzen iets op te steken. Vlaanderen is natuurlijk nog heel wat kleiner, een vijver groot – vol kikkers die zich geleidelijk opblazen tot het formaat van ossen. In afwachting dat ze ontploffen tot lering en vermaak van de rest van de wereld.” (pagina 31)

FAerts-simpl.jpgLos van het feit dat de “dreiging” om asiel aan te vragen in het buitenland als bepaalde mensen verkozen worden of als een land onafhankelijk wordt (een fenomeen dat zich sinds 1900 toch al zo’n 200 keer heeft voorgedaan in de wereld) tot de meest ridicule en zo goed als nooit uitgevoerde beloftes behoort, slaat de hele uitleg van Aerts nergens op. Voor zover ik weet behoren al die “kikkers” in Vlaanderen namelijk, net zoals Aerts zelf, tot dat belgië dat zich zo “bewust (...) [is] van die beperktheid”, zo “bereid” ook “intern en buiten de landsgrenzen iets op te steken”. Tenzij Aerts het bij zijn uitspraken over belgië alleen maar zou hebben over die onderdelen daarvan die niet Vlaams zijn, natuurlijk. Dat zou, gezien het feit dat de man nogal sterk op Frankrijk gericht is, niet eigenaardig zijn, maar als je met zo’n dédain over een bepaald onderdeel van je geliefde land spreekt, moet je ook niet raar opkijken dat dat onderdeel er vroeg of laat vandoor wil.

Soit, er is meer waar dát simplisme vandaan komt. Hoe haal je het bijvoorbeeld in je hoofd om in een aanklacht tegen simplisme politici onder te verdelen in de wel zéér simplistische kampen “links” en “rechts”? Iedereen met een béétje kennis van politieke geschiedenis en actualiteit weet dat die terminologie alleen nog zinnig is voor politici die niks ... zinnigs te vertellen hebben, maar wél andere politici als “de vijand” willen wegzetten. Dat de kleinburgers en proleten waar Aerts zo op neerkijkt vallen voor die terminologie, daar kan ik nog inkomen, maar een man als hij, die zichzelf mijlenver boven die mensen plaatst?

En dan ’s mans verwijzing naar Hugo Claus als dapperste aller Schrijviërs in het Imperum Medianum: “Sommigen blijven nochtans overeind. Zij begrijpen wel dat je niet om de media heen kan, maar zij manipuleren de media, zij hollen ze van binnenin uit. Zoals Hugo Claus het zich kan permitteren om een krant die hem vanaf het begin onheus en moraliserend bejegend heeft een interview te weigeren.” Ten eerste is er geen enkele kunst aan een krant een vraaggesprek te weigeren – zeker niet als er zat journalisten en andere tisten zijn die aan je lippen hangen -, ten tweede kan je van Claus toch écht niet in ernst beweren dat hij overeind is gebleven tegenover de media. We hebben het hier per slot van rekening over de gróóóte schrijver die schnabbelde als ... modecommentator voor de VRT (toen nog BRT) en voor een schep geld zijn smoel leende aan tv-reclame voor kaas. Het enige dat daarbij van binnenuit uitgehold werd, was Hugo Claus zelve.

Aerts maakt zich overigens niet alleen schuldig aan het door hem bestreden simplisme en selectieve blindheid, maar ook aan regelrecht onlogische redeneringen. Op een zeker moment beklaagt hij er zich bijvoorbeeld over dat Gaston Durnez in zijn kritiek op het “erotisch werk” van Louis Paul Boon (De Standaard, 23 januari 1993) niet wil ingaan op de details van dat “erotisch werk”, maar slechts het feit dat Boon dat soort werk heeft gepubliceerd wil bespreken. Dat vindt Aerts niet te rijmen met het feit dat ... een andere criticus, zijnde Dirk vande Voorde, een kleine drie jaar eerder (De Standaard, 24 april 1990) wél aandacht besteedde aan de “erotische escapades” van Michel Foucault, zoals deze werden beschreven in A l’Ami qui ne m’a pas sauvé la vie van Hervé Guibert. Wat heeft het ene feit in vredesnaam met het andere te maken behalve het feit dat beide besprekingen in De Standaard verschenen (en niet in De Morgen, duidelijk de lijfkrant van Aerts, al was het ideologisch verschil tussen beide kranten ook in het begin van de jaren 1990 al tot zogoed als niks gereduceerd) ?

Of Aerts’ korte uitval naar de nationaal-socialisten: “Er bestaat natuurlijk ook die merkwaardige menselijke aandrift om datgene wat men niet begrijpt als ‘waardeloos’ van de hand te wijzen. Vanuit deze instelling zetten de nazi’s trouwens destijds een rondreizende tentoonstelling op van ‘Entartete Kunst’ – om het minderwaardige van deze onbegrijpelijke vormen van expressie voor het publiek duidelijk te maken. (Daar kwam overigens verdacht veel volk naar kijken. Alvast méér dan naar hun volkseigententoonstellingen. Zo gaat het immers met zulke lieden: ze hebben weliswaar zeer goed omschreven esthetische normen, je krijgt ze echter met geen stokken naar een museum.)” Echt, zo staat het er dus: in de ene zin beweert hij dat er “verdacht veel volk” naar een tentoonstelling ging kijken, in de volgende dat “zulke lieden (...) met geen stokken naar een museum” zijn te krijgen”. Of zijn die “zulke lieden” waarover Aerts het heeft wél te vinden voor “een rondreizende tentoonstelling”, maar niet voor eentje met permanente residentie? Geen idee, ik gok er gewoon op dat Aerts niet verlegen zit om een simplistische sneer meer of minder.

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Wat die simplistische sneren betreft, beperkt hij zich overigens niet tot Vlaams-nationalisten, “rechts”, personeel van De Standaard, of nationaal-socialisten. Eigenlijk moet iedereen behalve Frans Aerts en de chosen few die tot zijn hoogverheven elite behoren er aan geloven: “En dan valt het op hoe men, telkens wanneer men het eigen vertrouwde domein verlaat, onmiddellijk bij de heersende cultuurclichés terechtkomt. Wie bijna nooit muziek beluistert, vindt De vier jaargetijden van Vivaldi het einde, of Für Elise. Wie niets van schilderkunst kent, belandt automatisch bij de Franse impressionisten en Van Gogh. Insiders zullen natúúrlijk niet ontkennen dat de zojuist geciteerde voorbeelden meesterwerken zijn. Anderzijds is het gehoor of de blik van het publiek als het ware voorbestemd om in die evidenties te trappen. Als het die vaste waarden – Van Gogh, Renoir, Beethoven – prachtig vindt, dan is het toch vooral om oneigenlijke redenen. Die redenen hebben wellicht te maken met de gevoelswereld van het publiek. Ooit heeft men pogingen gedaan om ten behoeve van een beter begrip muziekstukken van Mozart te catalogiseren naar begrippen: ‘Jaloersheid’, ‘Liefde’, “Moederlijkheid’, ‘Heimwee’, alsof muziek naar de werkelijke situaties en naar reële gevoelens zou verwijzen. En inderdaad, er wordt nogal wat afgehuild bij muziek; maar dat zijn krokodilletranen, die hebben met echt verdriet helemaal niets te maken. De thema’s en de kleuren van Monet, Renoir, Van Gogh, de nostalgische klanken van Mozart, Beethoven en Schubert roepen vooral een verloren wereld op die beantwoordt aan zekere magisch-historische verlangens. Ongeveer op dezelfde wijze als de fotoboeken over ongerepte Vlaamse dorpen het heimweegevoel van bepaalde lezers zullen aanspreken. Zo blijken heel wat boeken vooral verbonden met de leefsituatie van het leespubliek; bepaalde literatuur bestaat enkel bij de gratie van en als antwoord op een psychische vraag. Je zou hierbij het voorbeeld kunnen citeren van een bestseller als Zout op mijn huid, van de Franse schrijfster Benoîte Groult – een roman die meerdere jaren in de top-tien van de meest verkochte boeken stond. Wellicht speelde bij dat succes vooral de herkenbaarheid mee, het onbewuste verlangen van een hoofdzakelijk vrouwelijk leespubliek dat zich gemakkelijk in de amoureuze situaties van het hoofdpersonage kon inleven.” Met andere woorden: u en ik zijn gestampte boeren of uit de wieg geroofde en bewust domgehouden kuisvrouwen, we zijn verstandelijk gewoon niet tot meer in staat. En als dat wél het geval lijkt, dan is dat toeval, want onze “magisch-historische verlangens” overheersen ons volkomen.

Eind goed, al goed, echter, want nadat Aerts het plebs mooi op zijn plaats heeft gezet, maakt hij ook duidelijk dat hij zelf niet beter is: “Als er nochtans zoiets als een ‘cultuurmens’ zou bestaan, dan beschikt die in de eerste plaats over het enorme vermogen om zijn oordeel op te schorten. Om toe te geven dat hij er eigenlijk niet veel van snapt, terwijl hij toch, aandachtig toekijkend wellicht, maar vooral met respect, aan de andere datgene laat waar hij zelf niet bijkan. Dat is wellicht het eigene van elke gecultiveerde ingesteldheid: het onbegrijpelijke niet echt begrijpen, en daar dan nog begrip voor opbrengen. En indien men al kritisch wil zijn, dan doet men dat op bescheiden wijze – binnenskamers als het ware”. Het moge duidelijk zijn dat een hautaine kwast als Aerts, iemand die duidelijk niét het “enorme vermogen om zijn oordeel op te schorten” heeft, iemand die eerder blijk geeft van jaloezie op mensen die hij niet snapt dan er respect voor te tonen, iemand die in zijn “kritiek” verre van bescheiden is, laat staan dat hij hem binnenskamers houdt, niet beantwoordt aan zijn eigen definitie van een “cultuurmens”. Als zelfrelativering kan dat tellen, te meer omdat ze in dit geval absoluut niet zo bedoeld is.

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jeudi, 26 juillet 2018

Le problème du narcissime, c’est qu’il conduit à l’insignifiance

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Le problème du narcissime, c’est qu’il conduit à l’insignifiance

Par Kenneth Lloyd Anderson

Ex : https://civilizingthebeast.blogspot.com

La culture moderne, surtout la « pop culture », est narcissique, parfaitement mise en exergue par les soeurs Kardashian et leurs maris hip hop et leurs « rap boyfriends ». Elles croient que tout ce qui existe, existe pour leurs propres désirs et concupiscences. « Elles arpentent la Terre comme si elle était un jardin planté uniquement pour elles » (Hegel).

Mais les sœurs Kardashian et leurs boyfriends soi-disant obsédés par leurs fesses plantureuses (cela ressemble plutôt à une constatation d’ordre racial contre les nanas à grosses fesses) et leurs followers hypernaïfs sur le net ne se rendent pas compte que lorsque la drogue narcissique cessera de faire de l’effet, l’insignifiance les attend. Je pense à la triste fin de Marlon Brando, également narcissique, qui cherchait du sens dans la bouffe et les causes frelatées du gauchisme (alors qu’il avait vraiment du talent avant…).

Nietzsche et ses adeptes du 20ième siècle s’en souciaient et savaient que le problème philosophique du narcissisme menait à l’insignifiance. Le sens jadis offert par la religion dans la vie est perdu et un engouement narcissique se déploie sauvagement, cherchant du sens, espérant en trouver dans des phénomènes comme la révolution française ou, plus récemment, dans le « marxisme culturel ».

Le narcissisme à la mode influence beaucoup trop nos jeunesses, encouragé qu’il est par le néfaste Big Media. Ces jeunes ne reçoivent aucune aide de leurs parents dont le narcissisme des années 1960 fait qu’ils sont laissés en plan et que l’on ne se soucie guère d’eux.

Les cultures peuvent fonctionner pendant un certain temps en acceptant des comportements allant à l’encontre de la nature humaine mais, il arrive que les cultures soient ramenées au réel par les schèmes comportementaux, sociaux et génétiquement déterminés, par le fil d’Ariane qu’est la véritable nature humaine pour redevenir des cultures correspondant davantage à ce que nous sommes dans le fonds. La véritable nature humaine, si d’honnêtes sociobiologistes l’examinent, en vient toujours à affirmer une forme ou une autre de nationalisme populaire, d’étatisme ethno-centré, comme on en voit ressurgir aujourd’hui dans l’Occident corrompu.

mardi, 10 juillet 2018

Zygmunt Bauman ou l’insoutenable liquidité de la modernité

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Zygmunt Bauman ou l’insoutenable liquidité de la modernité

par Edouard Rix

C’est à Zygmunt Bauman, sociologue possédant la double nationalité polonaise et britannique, que l’on doit le paradigme de la « modernité liquide ».

Zygmunt Bauman naît à Poznan, en Pologne, en 1925, dans une famille juive non-pratiquante, qui s’enfuit en URSS suite à l’invasion allemande. En 1944, le jeune Zygmunt s’engage dans la 1ère Armée polonaise, sous contrôle soviétique, dans laquelle il devient commissaire politique et participe aux batailles de Kolberg et Berlin. Membre du Parti communiste polonais, il intègre le Corps de sécurité intérieure (KBW), une unité militaire qui lutte contre les nationalistes ukrainiens et la résistance anticommuniste. Devenu major, il en est exclu en 1953, après que son père ait souhaité émigrer en Israël. Pendant ses années de service, il étudie la sociologie et la philosophie. Après l’obtention de sa maîtrise de philosophie en 1954, il devient professeur à l’Université de Varsovie. Il en est exclu - ainsi que du parti communiste - en 1968, et part alors pour Israël, avant de rejoindre l’université anglaise de Leeds en 1971, où il enseignera jusqu’en 1990.

Modernité liquide et société liquide

Bien qu’il soit l’un des principaux représentants de l’école post-moderne, Bauman abandonne, à la fin des années 1990, le concept de « post-modernité » pour ceux de « modernité  liquide » et de « société liquide », qui seraient selon lui caractéristiques de nos modes de vie actuels. Filant la métaphore de la liquidité, il publie successivement L’Amour liquide (2004), La Vie liquide (2006), Le présent liquide (2007).

ZB-liquide.jpgCar pour lui, nos sociétés occidentales sont caractérisées par le passage d’une phase solide de la modernité, stable, immobile et enracinée, à une phase liquide, fluide, volatile et néo-nomade où tout semble se désagréger et se liquéfier, phase « dans laquelle les formes sociales (les structures qui limitent les choix individuels, les institutions qui veillent au maintien des traditions, les modes de comportement acceptables) ne peuvent plus se maintenir durablement en l’état parce qu’elles se décomposent en moins de temps qu’il ne leur en faut pour être forgées et se solidifier[i] ».Tout devient éphémère et jetable.

Pour Bauman « modernité liquide » et « vie liquide » sont intimement liées. La vie liquide est la vie prise dans le flux incessant de la mobilité et de la vitesse. Elle est « précaire, vécue dans des conditions d’incertitude constante[ii] ». « La vie dans une société moderne liquide, écrit-il, ne peut rester immobile. Elle doit se moderniser (lire : continuer chaque jour de se défaire des attributs qui ont dépassé leur date limite de vente, continuer de démanteler/se dépouiller des identités actuellement assemblées/revêtues) - ou périr[iii] ». Dans un récent Eléments, Alain de Benoist précisait les contours de cette société liquide : « La société est devenue flottante. Elle s’est coupée du passé et a cessé de croire en l’avenir, se maintenant ainsi dans un éternel présent où rien ne fait plus sens. Ayant perdu tout ancrage, devenue étrangère à elle-même, elle zappe d’une idée à l’autre, comme on passe d’un produit à l’autre. Elle obéit à la logique de la Mer, faite de flux et de reflux, perdant ainsi le sens de la Terre. Elle donne la priorité à l’économie et au commerce, au détriment de la politique et de la culture[iv] ».

La vie liquide est une vie de consommation. « Elle traite le monde et tous ses fragments animés comme autant d’objets de consommation[v] », avec une date de péremption au-delà de laquelle ils deviennent jetables, l’homme y compris. Les consommateurs individuels ont des identités éphémères, des désirs qui ne peuvent jamais être satisfaits. Cette société consumériste n’a que faire des martyrs et des héros, auxquels elle préfère deux catégories nouvelles : la victime et la célébrité. 

Dans cette société flottante « les meilleurs chances de victoire appartiennent à ceux qui circulent près du sommet de la pyramide globale du pouvoir, ceux pour qui l’espace compte peu et la distance n’est pas une gêne ; ceux qui se sentent chez eux en maints endroits mais dans aucun en particulier. Ils sont aussi légers, vifs et volatiles que le commerce et les finances, de plus en plus globaux et extraterritoriaux, qui assistèrent à leur naissance et soutiennent leur existence nomade[vi] ». Bauman estime que c’est Jacques Attali qui décrit le mieux les hommes qui maîtrisent l’art de la vie liquide : ils aiment « créer, jouir, bouger », vivent dans une société de « valeurs volatiles, insouciante de l’avenir, égoïste et hédoniste », considèrent le « neuf comme une bonne nouvelle, [la] précarité comme une valeur, [l’] instabilité comme un impératif, [le] métissage comme une richesse[vii] ».

L’âge des Mercuriens

Les travaux de Bauman sont à rapprocher de la thèse défendue par Yuri Slezkine dans Le Siècle juif. « L’âge moderne est l’âge des juifs écrit celui-ci. Et le XXe siècle est le siècle des juifs[viii] ». Selon ce professeur de l’Université de Berkeley, il existe dans la plupart des civilisations traditionnelles une opposition structurale entre une majorité de paysans et de guerriers, les « Apolliniens », et une minorité de « nomades fonctionnels », les « Mercuriens ». Les premiers constituent la population autochtone, installée sur la terre, qu’ils cultivent et transmettent à leurs héritiers, tandis que les seconds, issus de minorités étrangères, diasporiques et mobiles - Juifs, Tziganes, Parsis, Jaïns -, sont les dignes descendants de Mercure, « le patron des passeurs de frontières et des intermédiaires ; le protecteur des individus qui vivent de leur agilité d’esprit[ix] ». Au courage guerrier et à l’honneur aristocratique, ces derniers préfèrent l’habileté et l’esprit, aux villages, les grandes villes anonymes.

Or, pour Slezkine, « la modernité signifie que chacun d’entre nous devient urbain, mobile, éduqué, professionnellement flexible », en résumé mercurien. D’où sa conclusion : « En d’autres termes, la modernité, c’est le fait que nous sommes devenus juifs[x] ». Un constat que ne démentiront pas Zygmunt Bauman et Jacques Attali.

Edouard Rix, Réfléchir & Agir, hiver 2017, n°55, pp. 42-43.

Notes

[i] Z. Bauman, Le présent liquide. Peurs sociales et obsessions sécuritaires, Seuil, 2007, p. 7.

[ii] Z. Bauman, La Vie liquide, Pluriel, 2013, p. 8.

[iii] Op. cit., p. 10.

[iv] A. de Benoist, « Une société flottante », Eléments, mai-juin 2016, n° 160, p. 3.

[v] Z. Bauman, La Vie liquide, Pluriel, 2013, p. 19.

[vi] Op. cit., p. 11.

[vii] J. Attali, Chemins de sagesse. Traité du labyrinthe, Fayard, 1996.

[viii] Y. Slezkine, Le Siècle juif, La Découverte, 2009.

[ix] Op. cit.

[x] Op. cit.

lundi, 07 mai 2018

Les enfants de l'idéologie libérale-libertaire

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Les enfants de l'idéologie libérale-libertaire

Par Paul Matilion

Ex: http://www.in-limine.eu 

Dresser un portrait de la jeunesse actuelle ne peut se faire sans essayer de comprendre les tenants et les aboutissants de la révolution culturelle de mai 1968 qui a façonné l’idéologie libérale-libertaire qui nous domine toujours. A l’époque, le fossé des générations sans précédent, « un événement mondial, quelque chose qui ne s’était encore jamais produit avec cette simultanéité et sur une telle échelle » a eu comme conséquence que les jeunes, se sentant « étrangers à leurs parents » [1], ont voulu imposer leur vision du monde à la société. Ils n’ont pas essayé d’élaborer une société représentative des différentes générations qui la composaient mais, au contraire, ont imposé leur génération comme socle de la nouvelle ère. Génération des mots d’ordre « il est interdit d’interdire » et « CRS SS », cette nouvelle ère a alors blâmé l’autorité comme valeur de la vieille génération ringarde au profit du développement personnel comme valeur de la jeune génération oppressée.

De cette révolution culturelle opérée par les jeunes bourgeois de l’époque s’en est alors suivi une forte alliance – celle que l’on se plaît à nommer l’idéologie libérale-libertaire – entre d’une part le libéralisme économique et d’autre part le libéralisme culturel, les deux poursuivant une logique semblable : celle de l’illimité. Le libéralisme est une doctrine économique « qui se donne le marché pour seul fondement, avec pour alliées naturelles l’initiative privée et la libre concurrence » [2]. Il faut rajouter à cette définition qu’une des fonctions du libéralisme économique est la volonté d’accumuler toujours plus, de manière croissante, des capitaux et des profits. De son côté, le libéralisme culturel est la volonté d’étendre toujours plus les droits subjectifs des individus en écartant tout procédé qui serait susceptible de les limiter. Les deux fonctionnent désormais de pair : le libéralisme culturel créant de nouveaux marchés pour le libéralisme économique et le libéralisme économique approfondissant toujours plus le libéralisme culturel. Cette alliance, somme toute logique, est le fruit du combat qu’ont mené les soixante-huitards contre toutes les formes d’autorité afin qu’ils puissent jouir sans entraves. Néanmoins, certaines formes d’autorité légitimes sont nécessaires pour construire une société ambitieuse, soucieuse de transmettre son héritage aux générations suivantes et respectueuse de la fonction des individus qui la composent.

Les jeunes soixante-huitards ayant assimilé l’autorité au fascisme, les rapports intergénérationnels qui ont suivi les événements de 1968, selon le pédopsychiatre Patrice Huerre, « se sont un peu dilués dans une bienveillance apparente des adultes, qui souhaitaient rompre ainsi avec la période antérieure et favoriser le dialogue et l’épanouissement de chacun, refusant l’opposition et le conflit » [3]. Si l’intention d’abandonner toute forme d’autorité, au profit d’une flexibilité, peut paraître alléchante, il n’en reste pas moins que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et que celle-ci a entraîné des conséquences néfastes pour la jeunesse contemporaine.

LA DELEGITIMATION DE LA FONCTION PATERNELLE

Aujourd’hui, la société dans son ensemble ne soutient plus la fonction paternelle dans la famille comme l’a constaté le psychanalyste Jean-Pierre Lebrun : « c’est dans un mouvement de va-et-vient, que fonction paternelle et société se délégitiment aujourd’hui mutuellement de leur tâche ; c’est bien de ne plus être soutenue par le social que la fonction paternelle décline » [4] . En effet, désormais, les parents se doivent d’écouter leur enfant et se soucier principalement de son émancipation individuelle. L’autorité que le père est censé incarner s’étiole donc dans un souci de compréhension de l’enfant. A tel point que l’on ne pourrait désormais plus parler de couple père et mère mais de couple mère et mère bis, ce qui ne laisse pas sans poser de problèmes.

Le père est celui qui apprend l’altérité à l’enfant. Il est celui qui apprend à l’enfant que la mère n’est pas toute à lui puisqu’il demeure en couple avec elle. Il est aussi un Autre plus lointain que la mère – car il n’est pas aussi proche physiquement de son enfant que la mère l’a été – et avec qui l’enfant va pourtant devoir composer. Il vient donc annoncer à l’enfant qu’il n’existe pas que la relation duelle avec sa mère, mais qu’il peut et doit aussi exister une relation avec un tiers. Le père vient donc introduire l’enfant au monde, à ce qui est différent. Il vient donc aussi montrer à l’enfant l’existence d’une dissymétrie entre lui et la mère et non une symétrie.

13189003.jpgL’idéologie libérale-libertaire a pourtant délégitimé ce rôle du père en l’assignant au même rôle que celui de la mère, les deux étant désormais astreints à se nommer simplement parents, papa et maman et pourquoi pas parent 1 et parent 2. Jean-Pierre Lebrun va même plus loin en expliquant qu’il y a un « désaveu de la fonction paternelle pouvant mener jusqu’au triomphe de l’emprise maternante » [5]. Or la symétrie n’invite pas l’enfant à connaître l’altérité, la différence. Elle ne permet pas non plus à l’enfant de connaître l’absence et le manque de la mère car le père n’est plus l’étranger qui vient le retirer de sa relation fusionnelle avec elle. En assignant au père le même rôle qu’une mère, c’est-à-dire en lui retirant ce qui fait sa fonction initiale (l’intervention tierce, l’ouverture à l’altérité…) et en laissant s’installer une relation continue sans manque et pleine de jouissance entre l’enfant et la mère « on tend à provoquer l’annulation de tout manque, donc l’extinction de tout désir, du fait de l’empêchement de se déployer vers autre chose, vers un ailleurs que la présence maternelle » [6].

Place est faite alors à la continuité, à l’immédiateté, à l’absence d’absence, au tout plein et au « maternage qui est privilégié au détriment du dématernement » [7]. Et cela profite beaucoup au libéralisme économique qui fonctionne sur un système où la limite n’a pas lieu d’être au profit de l’incitation à une consommation toujours plus importante. C’est ce qui amène Jean-Pierre Lebrun à affirmer que « l’espèce de cordon ombilical que représente aujourd’hui l’usage du téléphone portable, la coupure sous toutes ses formes vécue comme un traumatisme qu’on refuse de subir, la prégnance de l’image télévisuelle qui échappe à la discontinuité, [sont] autant d’exemples de situations qui, sans avoir de rapport direct avec la relation à la mère, ont pourtant bien un rapport avec le fait d’entériner comme souhaitable un fonctionnement maternant et de discréditer toute tentative de mettre en cause un tel fonctionnement » [8].

L’absence de dissymétrie entre père et mère conduira aussi l’enfant, qui ne connaît pas la différence, à vouloir éviter le conflit au profit du consensus car il n’a pas les capacités de se confronter à ce qui est différent. En effet, la différence de l’autre fait peur et les idées des autres, les idées étranges, n’intéressent pas car à s’y confronter elles engendreraient des conflits. Ne pas être capable de s’ouvrir à la différence des autres et des idées produit le monde du consensus, de la totalité. C’est ce qui amène Jean-Pierre Lebrun à affirmer que « ce à quoi on assiste, c’est au triomphe du consensualisme, autrement dit de l’amour ! Mais d’un amour qui croit pouvoir rester en deçà de la césure, de la discontinuité, de l’asymétrie, de la rupture. C’est-à-dire d’un amour qui voisine uniquement avec la structure de l’amour maternel, celui de la mère pour son enfant et de l’enfant pour sa mère » [9].

LA DELEGITIMATION DE LA FONCTION DE L’ECOLE

Avec l’autorité du père délégitimée par la société c’est aussi l’autorité du professeur qui est invalidée. En effet, comme l’explique Jean-Pierre Lebrun, « là où le système familial donnait la première clef de la confrontation avec le dissymétrique, avec la différence des places, ce qui risque d’être aujourd’hui proposé, c’est un monde où chacun occupe la même place, un univers où les relations ne connaissent plus aucune contrainte, aucune donne qui ne dépende pas que de moi » [10]. L’enfant, sans l’intervention du père comme tiers, comme autre et comme étranger, ne peut pas avoir conscience de la place hiérarchique qu’occupent les individus dans la société. Le professeur occupe donc à ses yeux une place amoindrie à celle qu’il devrait occuper réellement.

Darcos-FranceCulture2.jpgAussi, ce qui caractérise la société libérale contemporaine est la permissivité des parents dans leur manière d’éduquer leur enfant. Christopher Lasch, dans son ouvrage La culture du narcissisme, faisait déjà état de ce constat relativement à la situation aux États-Unis lors des années 1970 en citant Arnold Rogow, un psychanalyste. Selon ce dernier, les parents « trouvent plus facile, pour se conformer à leur rôle, de soudoyer que de faire face au tumulte affectif que provoquerait la suppression des demandes des enfants ». Christopher Lash ajoute à son tour qu’ « en agissant ainsi, ils sapent les initiatives de l’enfant, et l’empêchent d’apprendre à se discipliner et à se contrôler ; mais étant donné que la société américaine n’accorde plus de valeur à ces traits de caractère, l’abdication par les parents de leur autorité favorise, chez les jeunes, l’éclosion des manières d’être que demande une culture hédoniste, permissive et corrompue. Le déclin de l’autorité parentale reflète « le déclin du surmoi » dans la société américaine dans son ensemble » [11].

Si d’un côté le professeur n’est pas identifié aux yeux de l’enfant comme détenant une autorité légitime à laquelle il faut se plier à l’école et que dans le même temps l’idéologie libérale-libertaire incite les parents à faire preuve de laxisme dans l’éducation de leur enfant, il est évident que la transmission des savoirs dont le professeur est le garant ne peut plus s’opérer de manière efficace. De toute manière, l’école a abandonné depuis longtemps son rôle de transmettre les savoirs élémentaires (savoir lire, écrire, compter) au profit du développement individuel de l’enfant. Les programmes scolaires ne chargent plus le professeur d’enseigner des « savoirs » mais le chargent de développer les « compétences » des élèves.

Christopher Lasch, en critiquant les dérives de l’école américaine des années 1970, nous dresse un tableau qui est loin d’être sans liens avec les transformations contemporaines de l’école française. Il nous explique que les réformateurs progressistes de l’époque souhaitaient une école qui réponde aux besoins des élèves et qui les encourage dans leur créativité. Selon lui « deux dogmes, parmi les plus importants, gouvernent l’esprit des éducateurs américains : premièrement, tous les étudiants sont, sans effort, des « créateurs », et le besoin d’exprimer cette créativité prime celui d’acquérir, par exemple, la maîtrise de soi et le pouvoir de demeurer silencieux » [12]. Ce constat pourrait être, mots pour mots, celui dressé pour décrire les idées de nos intello-bobo français actuels qui alimentent les colonnes de Libération et Le Monde avec leurs théories visant à construire l’école du progrès.

lash.jpgEn France, actuellement, le souci de l’école d’accompagner les élèves dans leur développement personnel en favorisant leur créativité et non en les soumettant à l’autorité du professeur pour leur apprendre à maîtriser les savoirs essentiels est couplé avec le souci bourdieusien de ne pas reproduire les classes sociales. Néanmoins, c’est tout l’inverse qui se produit. Tout comme Christopher Lasch l’explique, « les réformateurs, malgré leurs bonnes intentions, astreignent les enfants pauvres à un enseignement médiocre, et contribuent ainsi à perpétuer les inégalités qu’ils cherchent à abolir » [13]. Effectivement, je me souviendrais toujours d’une professeur d’Histoire-Géographie dans le lycée où je travaillais en tant que surveillant à côté de mes études de droit qui, dans l’intention d’enseigner sa matière de manière ludique et attractive, basait principalement son cours sur la projection de films documentaires. Il se trouve que ce lycée, situé dans le quartier du Marais à Paris, était composé à la fois d’élèves provenant de l’immigration et d’une classe sociale défavorisée du 19ème arrondissement ainsi que d’élèves provenant d’une classe sociale aisée du 3ème arrondissement. Les élèves qui parvenaient le mieux à retenir avec précision le contenu des documentaires étaient sans surprise ceux du 3ème arrondissement tandis que les élèves qui avaient du mal à retenir le même contenu étaient ceux provenant du 19ème arrondissement. Pourtant, le fait de baser essentiellement son cours sur des films documentaires était une manière pour cette professeur d’échapper à un enseignement magistral qu’elle jugeait élitiste. Comme l’explique alors à nouveau Lasch, concernant l’école américaine avec laquelle on peut faire un parallèle avec l’école française actuelle, « au nom même de l’égalitarisme, ils [les réformateurs] préservent la forme la plus insidieuse de l’élitisme qui, sous un masque ou sous un autre, agit comme si les masses étaient incapables d’efforts intellectuels. En bref, tout le problème de l’éducation en Amérique pourrait se résumer ainsi : presque toute la société identifie l’excellence intellectuelle à l’élitisme. Cela revient à garantir à un petit nombre le monopole des avantages de l’éducation. Mais cette attitude avilit la qualité même de l’éducation de l’élite, et menace d’aboutir au règne de l’ignorance universelle » [14].

L’école est désormais devenue le lieu où la jeunesse avec ses codes, ses attentes et ses désirs s’impose au professeur, bon gré mal gré. L’enseignant n’est plus celui qui transmet les savoirs et les découvertes scientifiques que lui seul est supposé connaître, mais celui qui doit s’efforcer de rattraper son retard sur les nouveautés technologiques que les jeunes maîtrisent mieux que lui afin d’y conformer son enseignement. C’est ce qui amène Alain Finkielkraut à déplorer qu’aujourd’hui « être vieux, autrement dit, ce n’est plus avoir de l’expérience, c’est, maintenant que l’humanité a changé d’élément, en manquer. Ce n’est plus être le dépositaire d’un savoir, d’une sagesse, d’une histoire ou d’un métier, c’est être handicapé. Les adultes étaient les représentants du monde auprès des nouveaux venus, ils sont désormais ces étrangers, ces empotés, ces culs-terreux que les digital natives regardent du haut de leur cybersupériorité incontestable. A eux donc d’intégrer le changement d’ère. Aux anciennes générations d’entamer leur rééducation. Aux parents et aux professeurs de calquer leurs pratiques sur les façons d’être, de regarder, de s’informer et de communiquer de la ville dont les princes sont les enfants. Ce qu’ils font, sur un rythme endiablé et avec un zèle irréprochable, soit en numérisant les outils pédagogiques, soit, comme le montre Mona Ozouf dans un article du Débat, en adaptant les manuels non encore dématérialisés à la nouvelle sensibilité numérique » [15]. Ce qui est regrettable, c’est que le professeur n’a plus pour fonction d’imposer d’en haut un cadre limité propice à la transmission des savoirs, mais de se faire imposer par en bas un cadre aux limites fluctuantes et fonction des nouvelles technologies dont les enfants sont les maîtres afin de leur transmettre des connaissances via un support dont ils sont devenus addicts. Le professeur, étant désormais dépourvu de toute autorité et en accord avec le « fonctionnement maternant » de notre société, n’initie plus une coupure dans l’utilisation des nouvelles technologies utilisées en continu par les élèves mais, au contraire, accepte leur utilisation permanente.

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L’école, prise d’assaut par les tenants de la nouvelle pédagogie du développement personnel de l’enfant, n’est plus un lieu où le professeur vérifie, sans culpabiliser, par des contrôles de connaissance et en attribuant des notes que les savoirs qu’il a transmis à l’élève ont bien été compris et appris mais un lieu où l’on débat de la pertinence de la notation, celle-ci étant vue comme une sanction traumatisante pour ledit élève. Si à partir d’une mauvaise note traumatisme il y a, c’est bien parce que l’enfant n’est plus habitué à cette confrontation à l’altérité que doit initier l’intervention du père comme agent de l’autre de la mère. C’est bien parce que le « non ! » du père qui vient poser un cadre et une sanction à l’enfant dépassant une limite n’est plus opéré à cause d’une délégitimation de son autorité par la société que les élèves se sentent blessés par une mauvaise note. Pourtant, la notation est nécessaire car, comme l’estime Jean-Pierre Lebrun, « si plus personne ne dit à l’enfant : « Ton travail n’est pas bon », ce qui veut dire aussi : « Tu peux faire mieux », l’enfant reste livré à lui-même, orphelin d’un appui dont il a besoin » [16]. Néanmoins, au lieu de prendre le problème dans le bon ordre, c’est-à-dire en considérant que si l’élève est ébranlé par une mauvaise note la raison est à trouver dans la délégitimation de l’autorité du père par la société, le mouvement actuel est plutôt, désormais, de débattre de l’opportunité des fessées données par les parents à leurs enfants.

UNE DELEGITIMATION OPEREE PAR UNE SOCIETE JEUNISTE

Les adolescents d’aujourd’hui ne sont plus les marginaux qu’ils étaient hier. Notre société entière, désormais, respire l’adolescence dans son mode de fonctionnement. « Le rapport au temps, ce culte de l’immédiat si cher aux adolescents – « c’est l’instant et l’immédiat qui compte, je dois avoir tout de suite » – imprègne toute la société. En ce sens la société adulte est très adolescente dans son fonctionnement » nous explique Patrice Huerre [17]. Il ne faut donc pas s’étonner que l’autorité du père et du professeur soit invalidée par la société dans son ensemble. La révolution culturelle de mai 1968 n’a pas établi un partage intergénérationnel des fonctions qui aurait pu régir le mode de fonctionnement de la société contemporaine mais a imposé le dictât il est interdit d’interdire propre à l’adolescence et qui nous gouverne actuellement.

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Ainsi, les rites et les événements qui permettaient de passer de l’adolescence à l’âge adulte n’existent plus. Il n’est pas rare de voir, sur la rive droite parisienne, des papas revenant de l’école avec leur enfant, la casquette à l’envers et le skate à la main. Les adolescents ont de moins en moins de modèles plus âgés qui leur montrent ce qu’est être adulte. Les publicités font le culte de la jeunesse en déployant tout un arsenal d’images et de slogans pour nous convaincre coûte que coûte qu’il faut rester le plus jeune possible. Le service militaire qui permettait d’opérer une étape pour quitter l’adolescence et le foyer parental n’existe plus et il s’opère, désormais, tout le contraire puisque les jeunes restent de plus en plus longtemps chez leurs parents.

Ce n’est pas l’adolescence qu’il faut critiquer, celle-ci étant une étape de la vie nécessaire. C’est plutôt la validation de l’adolescence comme modèle de fonctionnement de la société et l’invalidation, par la société, de l’autorité des plus âgés (pères, mères, professeurs,…) qu’il faut critiquer. Cela ne veut pas non plus dire qu’il faut faire une éloge réactionnaire de l’autorité absolue des plus âgés sur les plus jeunes. Il faut, en restant dans la juste mesure, bâtir une société où le dialogue intergénérationnel est possible et où la transmission de l’héritage culturel, des savoirs, des traditions de nos aînés et de nos morts s’opère afin que les plus jeunes, une fois devenus plus vieux, transmettent à leur tour cet héritage garni et enrichi avec le temps. Pour cela, et contrairement à aujourd’hui, il faut que chaque individu se voit attribuer, dans la société, la place qui lui revient (la place du Père au père, celle de la Mère à la mère, celle du Professeur au professeur,…). Mais pour cela, je crains qu’il ne faille une nouvelle révolution culturelle…


1 : Margaret Mead, Le Fossé des générations, 1971

2 : Francis Balle, Libéralisme, in Encyclopaedia Universalis, 2015

3 : Patrice Huerre, De l’adolescent à l’adolescence in Qu’est-ce que l’adolescence ? ; Éditions Sciences Humaines, 2009

4 : Jean-Pierre Lebrun, Un monde sans limite ; Éditions érès, 2011

5 : ibid

6 : Jean-Pierre Lebrun in La condition humaine n’est pas sans conditions ; Édition Denoël, 2010

7 : ibid

8 : ibid

9 : ibid

10 : Jean-Pierre Lebrun, Un monde sans limite ; Éditions érès, 2011

11 : Christopher Lasch, La culture du narcissisme, réédité aux éditions Flammarion, 2006

12 : ibid

13 : ibid

14 : ibid

15 : Alain Finkielkraut, L’identité malheureuse ; Éditions Stock, 2013

16 : Jean-Pierre Lebrun, La condition humaine n’est pas sans conditions ; Édition Denoël, 2010

17 : Patrice Huerre, De l’adolescent à l’adolescence in Qu’est-ce que l’adolescence ? ; Éditions Sciences Humaines, 2009

Source : https://paulmatilion.wordpress.com/2015/02/25/les-enfants...

dimanche, 06 mai 2018

Lucien Cerise: formatage social et manipulation des radicalisés

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Lucien Cerise sur Radio Courtoisie : Formatage social et manipulation des radicalisés (avril 2018)

 
Lucien Cerise était l’invité d'Anne-Laure Maleyre sur Radio Courtoisie le 7 avril 2018 sur le thème : Formatage social et manipulation des radicalisés.
 
« Retour sur Maïdan, la guerre hybride de l’OTAN » de Lucien Cerise : https://bit.ly/2mAfg69
Le Retour aux Sources Éditeur : Boutique en ligne : http://www.leretourauxsources.com/
 

jeudi, 03 mai 2018

Préface à Pierre Le Vigan - Face à l’addiction

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Nicolas Bonnal:

Préface à Pierre Le Vigan

Face à l’addiction

Esprit prudent mais prévoyant, notre ami polymathe Pierre Le Vigan avait écrit son petit essai universitaire sur l’addiction bien avant que le mot ne devînt trop à la mode. Les uns parlent d’addiction au sexe, d’autres aux drogues – vieux sujet fatigué des seventies -, d’autres enfin à la dette ou pétrole, comme le faisait Thomas Friedman dans un ombrageux édito du NYT au moment de la crise de 2007, qui déclencha, elle, des vocations d’addiction à l’apocalypse ou à l’écroulement du système – cet aperçu indiquant bien au lecteur combien de psychologie contiendra ici l’essai de notre ami.

PLV-addiction.jpgAvec érudition et sérieux, Le Vigan brave les sentiers battus universitaires, évite l’addiction au verbiage jargonneux et se lance dans une série de digressions, d’élargissements et de références (Lao Tze, maître Eckhart, Balzac…) qui nous enchantent et balaient le sujet si vite qu’elles lui donnent une aura bien différente ! Si l’homme (le pauvre homme) est un être addictif (le travail, le sexe, Dieu…), l’addiction n’est-elle pas le royal sujet au sens alchimique, qui nécessiterait son Rabelais ou son Fulcanelli pour en parler ? Etant moi-même soumis à l’addiction des citations (car pourquoi écrire enfin, quand tant de gens brillants ou même géniaux le font mieux que vous ?), je citerai le texte de Pierre… On trouve ainsi le passage de la névrose à la dépression. Historiquement et freudiennement, cela sonne comme ça. Notre savant écrit : « Trop d’interdits, dans les sociétés traditionnelles, créaient des refoulements et des conflits intérieurs, mais trop peu de cadres, trop peu de disciplines venues de l’extérieur enferment l’individu dans un rêve de toute puissance. « Le sujet ne souffre d’aucune contrainte affective, mais se voit enserré dans la course haletante à la jouissance qui le voue à la dialectique ‘’dépression-antidépression’’ » [citant J. Arènes et N. Sarthou-Lajus]…

J’avais lu un jour qu’à la rébellion des grandes années étudiantes avaient suivi la dépression postmoderne. Pierre, lui, écrit : « Comme la névrose guettait l’individu divisé entre le permis et le défendu, la dépression menace un individu déchiré entre le possible et l’impossible. »

Un bel aphorisme (de l’Héraclite décalé ?) : « On a pu dire avec justesse que le dépressif est un Moi sans sujet, tandis que le schizophrène est un sujet sans Moi. » Parfois on trouve même la vérité dans un magazine (lisez leurs pages pratiques, oubliez politique et diplomatie) : « Ils sont incapables de réaliser que le problème se situe, très majoritairement, dans l’instabilité neurobiologique que le produit a créé en eux »…

Là, je peux en parler d’expérience. Des médicaments prescrits pour je ne sais quel mal de vivre vieux comme Chateaubriand, Sénèque, ou Salomon (les proverbes ou l’Ecclésiaste bien sûr !) m’emmenèrent fort bas. C’est qu’il n’est rien de pire que l’addiction sinon la chasse scientifique à l’addiction. Et comme dirait un sage chinois, La plus grande maladie est de croire que tout doit être guéri… C’est très vrai en économie et pour le bon taoïste que je suis, l’important est de ne rien faire car en voulant guérir ou prévenir les crises, on a créé la modique dette mondiale de 237 000 milliards ou plus. C’est Pierre qui rappelle Sigmund Freud (génie méconnu et méprisé aujourd’hui) et notre désir inconscient de se perdre. Tocqueville évoquait cette angoisse de vivre de l’Américain qui le frappe au milieu de son effervescence politique, de sa frénésie matérialiste. Mais le remède des addictifs est toujours pire que le mal (c’est ainsi qu’on pourrait définir un addictif ?) : « L’addiction au sport, l’addiction aux conduites à risque, l’addiction au travail le montrent aussi : l’addiction est une angoisse devant l’incertain, et, ainsi, souvent une fuite en avant, une volonté de programmer l’incertitude pour ainsi la maîtriser. »

Récemment je suis allé relire Foucault, absent ici (ils ne sont pas nombreux !) et qui disait très justement : « A la suite de cette nouvelle circonspection, toute une armée de techniciens est venue soulager le bourreau, l'anatomiste immédiat de la souffrance: les gardes, les médecins, les aumôniers, les psychiatres, les psychologues, les éducateurs. » Eh oui, le monde moderne c’est cela, et c’est ce qui nous coupe les couilles (Pierre parle de castration). Freud écrivait, ce grand esprit biblique selon mon vieux maître Jean Brun* : « C’est à ce phénomène (la culture) que nous devons le meilleur de ce dont nous sommes faits et une bonne part de ce dont nous souffrons. Ses causes et ses origines sont obscures, son aboutissement est incertain, et quelques-uns de ses caractères sont aisément discernables… Peut-être conduit-il à l’extinction du genre humain, car il nuit par plus d’un côté à la fonction sexuelle… »** C’est à tout cela que vous fera penser ce dense essai qui est aussi, surtout, un bréviaire de la psychologie humaine.

N.B

1er mai 2018.

Notes (PLV) :

* Jean Brun, philosophe (1919-1994).

** Pourquoi la guerre, correspondance entre Sigmund Freud et Albert Einstein, 1933.

Pierre Le Vigan, Face à l’addiction, éditions La barque d’or, diffusion Amazon, broché, 157 pages, 14,99 €. Disponible aussi en format kindle.

jeudi, 22 février 2018

La persistance de l’âme des peuples chez Gustave Le Bon

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La persistance de l’âme des peuples chez Gustave Le Bon

Reconnu pour son ouvrage La psychologie des foules prophétisant dès 1895 les mécanismes psychologiques sur lesquels se sont appuyés les régimes totalitaires du XXe siècle et les démocraties modernes, Gustave Le Bon s’est aussi intéressé aux racines historiques des psychologies collectives. Médecin et psychologue mais également anthropologue passionné par les civilisations orientales, ce penseur français était convaincu que chaque peuple est doté d’une âme propre, garante du maintien de son identité collective à travers les siècles.

GlB-Psy.jpgGustave Le Bon affirme que l’évolution des institutions politiques, des religions ou des idéologies n’est qu’un leurre. Malgré des changements superficiels, une même âme collective continuerait à s’exprimer sous des formes différentes. Farouche opposant du socialisme de son époque, Gustave Le Bon ne croit pas pour autant au rôle de l’individu dans l’histoire. Il conçoit les peuples comme des corps supérieurs et autonomes dont les cellules constituantes sont les individus. La courte existence de chacun s’inscrit par conséquent dans une vie collective beaucoup plus longue. L’âme d’un peuple est le résultat d’une longue sédimentation héréditaire et d’une accumulation d’habitudes ayant abouti à l’existence d’un « réseau de traditions, d’idées, de sentiments, de croyances, de modes de penser communs » en dépit d’une apparente diversité qui subsiste bien sûr entre les individus d’un même peuple. Ces éléments constituent la synthèse du passé d’un peuple et l’héritage de tous ses ancêtres : « infiniment plus nombreux que les vivants, les morts sont aussi infiniment plus puissants qu’eux » (lois psychologiques de l’évolution des peuples). L’individu est donc infiniment redevable de ses ancêtres et de ceux de son peuple.

Le psychologue français prétend que les événements historiques ne sont capables de modifier que les qualités accessoires d’un peuple mais n’altèrent pas son âme. Même soumis à des événements violents et de grande envergure, les peuples retournent inéluctablement à leurs aspirations profondes « comme la surface d’un lac après un orage ». Tant qu’elles ne s’attaquent pas à la substance même d’un peuple, les ruptures historiques ne sont donc que superficielles. Le système français jacobin s’est par exemple révélé tout autant centralisateur, autoritaire et despotique que la monarchie française qu’il prétendait détruire. Pour Gustave Le Bon, les institutions de la Révolution française se conformaient à la réalité de l’âme du peuple français, peuple majoritairement latin favorable à l’absorption de l’individu par l’état. Peuple également enclin à rechercher l’homme providentiel à qui se soumettre et que Napoléon incarna. D’une toute autre mentalité, le peuple anglais a construit son âme autour de l’amour de la liberté. Gustave Le Bon rappelle comment ce peuple anglais a refusé à travers les siècles les dominations et ingérences étrangères avec les rejets successifs du droit romain et de l’Eglise catholique. Ce goût de l’indépendance et du particularisme résonne jusqu’à nos jours à travers les relations conflictuelles qu’entretient l’Angleterre avec le continent européen. Ces réflexions amènent Le Bon à juger sévèrement l’idéal colonial de son temps en ce qu’il prône l’imposition d’institutions politiques et d’idéologies à des peuples qui y sont étrangers. S’opposant frontalement à l’héritage des penseurs des Lumières et à leur quête du système politique parfait et universel, il estime que de bonnes institutions politiques sont avant tout celles qui conviennent à la mentalité profonde du peuple concerné.

gustave-le-bon-psychologie-des-foules.jpgLa dilution des religions dans l’âme des peuples

Pour l’essentiel, l’âme des peuples reste également insensible aux révolutions religieuses. La conversion d’un peuple à une nouvelle religion se traduit le plus souvent avec le temps par l’adaptation de celle-ci aux aspirations profondes du peuple converti. Fasciné par la civilisation indienne, Gustave Le Bon rappelle que l’islam, religion égalitaire, n’est jamais parvenu à remettre en question durablement le système des castes en Inde. L’islam encore n’a pas imposé la polygamie orientale aux populations berbères pourtant converties depuis des siècles. De même, le catholicisme s’est très largement laissé imprégner par les traditions païennes européennes, dissimulant souvent par une christianisation de forme les concessions faites aux croyances des peuples convertis. C’est encore par l’âme des peuples concernés que Gustave Le Bon explique la naissance du protestantisme en pays germaniques et les succès de la religion réformée dans le nord de l’Europe. Amoureux de liberté individuelle, d’autonomie et d’indépendance, ces peuples nordiques et germaniques étaient enclins à discuter individuellement leur foi et ne pouvaient accepter durablement la médiation de l’Eglise que la servilité latine était plus propice à accepter. Dans la civilisation de l’Inde, l’anthropologue français explique également comment le bouddhisme indien, issu d’une révolution religieuse, a peu à peu été absorbé par l’hindouisme, religion charnelle des peuples indiens et de leurs élites indo-iraniennes.

Chaque peuple fait apparaître les particularités de son âme dans des domaines différents. La religion, les arts, les institutions politiques ou militaires sont autant de terrains sur lesquels une civilisation peut atteindre l’excellence et exprimer le meilleur de son âme. Convaincu de la capacité instinctive des artistes à traduire l’âme d’un peuple, Gustave Le Bon accorde un intérêt particulier à l’analyse des arts. Il remarque que les romains ont peiné à développer un art propre mais se sont distingués par leurs institutions politiques et militaire et leur littérature. Cependant, même dans leur architecture largement inspirée par la Grèce, les romains exprimaient une part d’eux mêmes. Les palais, les bas reliefs et les arcs de triomphe romains incarnaient le culte de la force et la passion militaire. Gustave Le Bon admet bien sûr que les peuples ne vivent pas en autarcie et s’inspirent mutuellement, notamment dans le domaine artistique. Pourtant, il soutient que ces inspirations ne sont qu’accessoires. Les éléments importés ne sont qu’une matière brute que les aspirations profondes du peuple importateur ne manquent jamais de remodeler.

psychologiedeled00lebo.jpgAinsi, l’art de l’Egypte ancienne a irrigué la création artistique d’autres peuples pendant des siècles. Mais cet art, essentiellement religieux et funéraire et dont l’aspect massif et imperturbable rappelait la fascination des égyptiens pour la mort et la quête de vie éternelle, reflétait trop l’âme égyptienne pour être repris sans altérations par d’autres. D’abord communiqué aux peuples du Proche-Orient, cet art égyptien a inspiré les cités grecques. Mais Gustave Le Bon estime que ces influences égyptiennes ont irrigué ces peuples à travers le prisme de leur propre esprit. Tant qu’il ne s’est pas détaché des modèles orientaux, l’art grec s’est maintenu pendant plusieurs siècles à un stade de pâle imitation. Ce n’est qu’en se métamorphosant soudainement et en rompant avec l’art oriental que l’art grec connut son apogée à travers un art authentiquement grec, celui du Parthénon. A partir, d’un matériau identique qu’est le modèle égyptien transmis par les Perses, la civilisation indienne a abouti à un résultat radicalement différent de l’art grec. Parvenu à un stade de raffinement élevé dès les siècles précédant notre ère mais n’ayant que très peu évolué ensuite, l’art indien témoigne de la stabilité organique du peuple indien : « jusqu’à l’époque où elle fut soumis à la loi de l’islam, l’Inde a toujours absorbé les différents conquérants qui l’avaient envahie sans se laisser influencer par eux ».

Néanmoins, Gustave Le Bon admet que les idées puissent pénétrer un peuple en son âme. Il reconnaît aux idées religieuses une force particulière, capable de laisser une empreinte durable dans la psychologie collective même si elles ne sont le plus souvent qu’éphémères et laissent ressurgir le vieux fonds populaire. Seul un nombre infime d’idées nouvelles a vocation à modifier l’âme d’un peuple et ces idées nécessitent pour cela beaucoup de temps. Elles sont d’abord défendues par un petit nombre d’individus ayant développé une foi intense en elles. Estimant que « les foules se laissent persuader par des suggestions, jamais par les démonstrations », Gustave Le Bon explique que ces idées se propagent par le prestige de leur représentants ou par les passions collectives que ceux-ci savent attiser. Après avoir dépassé le stade intellectuel, trop fragile, pour se muer en sentiments, certaines idées accèdent au statut de dogmes. Elles sont alors solidement ancrées dans les mentalités collectives et ne peuvent plus être discutées. Gustave Le Bon estime que les civilisations ont besoin de cette fixité pour se construire. Ce n’est que lors des phases de décadence que les certitudes d’un peuple pourront être remises en question.

lebon_revol_francaise_L20-bdd86.jpgLa genèse des peuples

Gustave Le Bon n’élude pas la question de la naissance des peuples et de l’âme qu’ils incarnent. Loin de tout dogmatisme, l’anthropologue français souligne que c’est la dynamique de l’histoire qui accouche des peuples. Seuls des peuples marginaux vivant retirés du monde pourraient prétendre ne pas être le fruit de l’histoire et des brassages de populations. Les peuples historiques, tels qu’ils existent aujourd’hui, se sont édifiés avec le temps par de lentes accumulations héréditaires et culturelles qui ont homogénéisé leurs mentalités. Les périodes historiques produisant des fusions de populations constituent le meilleur moyen de faire naître un nouveau peuple. Cependant, leur effet immédiat sera de briser les peuples fusionnés provoquant ainsi la décadence de leurs civilisations. Le Bon illustre ses propos par l’exemple de la chute de l’empire romain. Pour lui, celle-ci eut pour cause première la disparition du peuple romain originel. Conçues par et pour ce peuple fondateur, les institutions romaines ne pouvaient pas lui survivre. La dilution des romains dans les populations conquises aurait fait disparaître l’âme romaine. Les efforts déployés par les conquérants pour maintenir les institutions romaines, objet de leur admiration, ne pouvaient donc qu’être vains.

Ainsi, de la poussière des peuples disparus, de nouveaux peuples sont appelés à naître. Tous les peuples européens sont nés de cette façon. Ces périodes de trouble et de mélange sont également des périodes d’accroissement du champ des possibles. L’affaiblissement de l’âme collective renforce le rôle des individus et favorise la libre discussion des idées et des religions. Les événements historiques et l’environnement peuvent alors contribuer à forger de nouvelles mentalités. Cependant, privées de tout élan collectif et freinées par l’hétérogénéité des caractères, de telles sociétés décadentes ne peuvent édifier que des balbutiements de civilisation. En décrivant ainsi la genèse et la mort des peuples, Gustave Le Bon révèle que sa théorie des civilisations repose sur l’alternance du mouvement et de la fixité. A la destruction créatrice provoquée par des mélanges de populations succèdent des périodes de sédimentation qui laissent une place conséquente à l’histoire et parfois aux individus. Ce n’est qu’après l’achèvement de cette sédimentation que la fixation des mentalités collectives permettra d’édifier une nouvelle âme, socle d’une nouvelle civilisation. Tant que cette âme n’aura pas été détruite, le destin de son peuple dépendra étroitement d’elle.

Le psychologue français défend également le rôle du « caractère » dans le destin d’un peuple. Contrairement à l’âme qui est fixe, le caractère d’un peuple évolue selon les époques. Le caractère se définit par la capacité d’un peuple à croire en ses dogmes et à s’y conformer avec persévérance et énergie. Tandis que l’âme incarne le déterminisme collectif des peuples et alors que l’intelligence est une donnée individuelle inégalement répartie au sein d’un même peuple, le caractère est le fruit d’une volonté collective également répartie au sein d’un peuple. La teneur du caractère détermine la destinée des peuples par rapport à leur rivaux : « c’est par le caractère que 60.000 Anglais tiennent sous le joug 250 millions d’Hindous, dont beaucoup sont au moins leurs égaux par l’intelligence, et dont quelques uns les dépassent immensément par les goûts artistiques et la profondeur des vues philosophiques ». Admiratif du caractère des peuples anglais et américain de son époque, Gustave Le Bon affirme qu’ils sont parmi les seuls à égaler celui du peuple romain primitif.

Archétype de l’intellectuel généraliste du XIXe siècle, Gustave Le Bon a développé une réflexion originale de la notion de peuple. Irriguée par une solide culture historique, sa pensée se distingue tant de l’idéalisme abstrait des Lumières que d’un matérialisme darwinien. L’âme et le caractère sont chez lui des notions qui mêlent hérédité et histoire en laissant également sa place à la volonté collective.

 

mardi, 20 février 2018

Comment Internet et l'informatique ont créé notre dystopie

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Comment Internet et l'informatique ont créé notre dystopie

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Pendant que nous avons le nez plongé dans nos portables ou nos écrans d’ordinateur, le monde s’endette, s’enlaidit et s’appauvrit. Les huit hommes les plus riches du monde ont autant que les quatre ou cinq milliards les plus pauvres, et cent millions de gamines pas forcément idiotes s’extasient tous les jours de la page Instagram de la fille Jenner. On peut continuer pendant des pages…

Les hommes les plus riches du monde sont souvent jeunes et sortis de la nouvelle économie. Ils hypnotisent ou contrôlent des milliards d’hommes (Alfred Hitchcock parle d’une orgue dont les touches sont l’humanité, et que les malins font résonner à volonté), emploient des milliers ou des millions de personnes en Inde ou ailleurs, et payés au lance-pièces. La globalisation est néo-féodale et divise le monde en deux castes principales : les brainlords, les manipulateurs de symboles, qui ont détruit les classes moyennes en occident par le « progrès technologique » (défense d’exploser de rire) et les techno-serfs. On va tout expliquer.

Voici comment j’annonçais la situation présente à la fin de mon livre sur Internet nouvelle voie initiatique (les Belles lettres, 2000), traduit en portugais et recensé par Roger-Pol Droit dans le Monde.

« Si le programme de la nouvelle économie est la richesse et l'information pour tout le monde, la réalité est tout autre. Robert Reich avait déjà remarqué en 1990 que l'informatique ne nourrissait pas du tout son homme. Il distingue une élite, des cadres et des mainteneurs, chargés de vider ou de recharger les machines. L'assemblage des ordinateurs ne coûte guère non plus, quand il est fait au Mexique ou en Malaisie.

L'externalisation vers les pays les plus pauvres est contemporaine de cette explosion de richesses soudaines concentrée entre les mains de quelques-uns. 85 % de la croissance boursière américaine est restée entre les mains de 10 % de la population. En France même, paradis autoproclamé du socialisme, les richesses boursières ont décuplé en dix ans ; et pendant que les médias célèbrent les stock-options et les richesses en papier des créateurs de start-up, ils passent sous silence les difficultés de dix millions de personnes.

Drucker-portrait-bkt_1014.jpgL'émergence d'une nouvelle économie techno-féodale qui distingue les information rich et les information-poor (et certes il ne suffit pas de se connecter sur le réseau pour être information rich) fait les délices des polémistes. Le gourou du management moderne Peter Drucker (photo) dénonce cette société qui fonctionne non plus à deux mais à dix vitesses : « Il y a aujourd'hui une attention démesurée portée aux revenus et à la richesse. Cela détruit l'esprit d'équipe. » Drucker comme le stupide Toffler, qui devraient se rappeler que Dante les mettrait au purgatoire en tant que faux devins, font mine de découvrir que la pure compétition intellectuelle génère encore plus d'inégalités que la compétition physique. C'est bien pour cela que les peuples dont les cultures symboliques sont les plus anciennes se retrouvent leaders de la Nouvelle Économie.

C'est encore un artiste, un écrivain de science-fiction, qui a le mieux décrit le monde féodal en train d'émerger, et qui disloque les schémas keynésiens archaïques.

neuromancer_by_davidsimpson2112-d4ft3sr.jpgWilliam Gibson, l'inventeur du cyberspace, imaginait en 1983 une société duale gouvernée par l'aristocratie des cyber-cowboys naviguant dans les sphères virtuelles. La plèbe des non-connectés était désignée comme la viande. Elle relève de l'ancienne économie et de la vie ordinaire dénoncée par les ésotéristes. La nouvelle élite vit entre deux jets et deux espaces virtuels, elle décide de la consommation de tous, ayant une fois pour toutes assuré le consommateur qu'il n'a jamais été aussi libre ou si responsable. Dans une interview diffusée sur le Net, Gibson, qui est engagé à gauche et se bat pour un Internet libertaire, dénonce d'ailleurs la transformation de l'Amérique en dystopie (deux millions de prisonniers, quarante millions de travailleurs non assurés...).

Lui-même souffre d'agoraphobie cyber-spatiale et ne se connecte jamais ; mais il encourage les pauvres, I’underclass, à le faire pour oublier ou dépasser le cauchemar social américain. Et de regretter que pendant les émeutes de Los Angeles les pauvres ne volaient pas d'ordinateurs, seulement des appareils hi-fi ... Comme nos progressistes, Gibson n'admet pas que les pauvres ne veuillent pas leur bien. Une classe de cyber-shérifs obligera sans doute un jour les pauvres et les autres à se connecter pour leur bien.

Pour Michael Vlahos, dans la Byte City de l'an 2020 qu'il décrit sur le Web, les castes dirigeantes regrouperont les gens les mieux informés. Ce sont les brainlords. Viennent ensuite les cyber-yuppies puis les cyber-serfs, le peuple perdu (on retrouve cette division chez Reich, Huxley, et mon ami Raymond Abellio avait recyclé les castes hindoues dans ses romans du huitième jour). L'inégalité n'est ici pas dénoncée avec des larmes de crocodiles, elle est au contraire encouragée et célébrée avec cynisme. Pendant longtemps – avant la révolution industrielle - les forts en thème et en maths n'ont pas été riches ; ils le deviennent avec le réseau, la technologie et le néocapitalisme qui ne récompense plus seulement les meilleurs, mais les plus intelligents. C'est à une domination néo-cléricale qu'il faut s'attendre maintenant. Abellio me parlait du retour de la caste sacerdotale ; lui-même écrivit deux livres sur la bible comme document chiffré (voyez mon chapitre sur la technognose).

lessard1.pngLes rois de l'algorithme vont détrôner les rois du pétrole. Les malchanceux ont un internaute fameux, Bill Lessard (photo), qui dénonce cette nouvelle pauvreté de la nouvelle économie. Lessard évoque cinq millions de techno-serfs dans la Nouvelle Économie, qui sont à Steve Case ce que le nettoyeur de pare-brise de Bogota est au patron de la General Motors. Dans la pyramide sociale de Lessard, qui rappelle celle du film Blade Runner (le roi de la biomécanique trône au sommet pendant que les miséreux s'entassent dans les rues), on retrouve les « éboueurs » qui entretiennent les machines, les travailleurs sociaux ou webmasters, les « codeurs » ou chauffeurs de taxi, les cow-boys ou truands de casino, les chercheurs d'or ou gigolos, les chefs de projet ou cuisiniers, les prêtres ou fous inspirés, les robots ou ingénieurs, enfin les requins des affaires. Seuls les quatre derniers groupes sont privilégiés. Le rêve futuriste de la science-fiction est plus archaïque que jamais. Et il est en train de se réaliser, à coups de bulle financière et de fusions ...

Gibson reprend dans son roman le thème gnostique du rejet du corps. Case « taille des ouvertures dans de riches banques de données », il est donc un hacker. Puni, il voit son système nerveux endommagé par une myxotonine russe (toujours ces Russes ! Sont-ils utiles tout de même !), et c’est « la Chute. Dans les bars qu'il fréquentait du temps de sa gloire, l'attitude élitiste exigeait un certain mépris pour la chair. Le corps, c'était de la viande. Case était tombé dans la prison de sa propre chair. »

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Gibson a popularisé le cyberspace. Le héros Case, un cow-boy donc, avait « projeté sa conscience désincarnée au sein de l'hallucination consensuelle qu'était la matrice ». L'expression « hallucination consensuelle » évoque les univers conditionnés de Philip K. Dick, elle évoque surtout le réseau des réseaux, paramétré pour nous faire vivre une seconde et meilleure vie. « La matrice tire ses origines des jeux vidéo, explique Gibson, des tout premiers programmes holographiques et des expérimentations militaires ... une guerre spatiale en deux dimensions s'évanouit derrière une forêt de fougères générées de manière mathématique, démontrant les possibilités spatiales de spirales logarithmiques ... le cyberspace est une représentation graphique extraite des mémoires de tous les ordinateurs du système humain ... des traits de lumière disposés dans le non-espace de l'esprit. »

Cet univers algorithmique et non-spatial est dominé par des Modernes, « version contemporaine des grands savants du temps de ses vingt ans ... des mercenaires, des rigolos, des techno-fétichistes nihilistes ». Gibson nous fait comprendre de qui ces Modernes sont les héritiers : « Pendant des milliers d'années, les hommes ont rêvé de pactes avec les démons. »

Sur ces questions lisez Erik Davies.

Le monde techno-paranoïaque de Gibson, où l'on est identifié par son code de Turing, est dirigé par des multinationales à qui il donne le fameux nom nippon de zaibatsu. Ces derniers, « qui modèlent le cours de l'histoire humaine, avaient transcendé les vieilles barrières. Vus comme des organismes, ils étaient parvenus à une sorte d'immortalité ». Le Neuromancien s'achève par la vision d'une araignée cybernétique qui tisse sa toile pendant le sommeil de tous (…).

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Les brainlords nous laissent miroiter la noosphère, et accaparent la bonne terre. Ils sont les dignes héritiers des évêques médiévaux. Evoquons la résistance maintenant.

L'injustice moderne génère alors ses hérétiques et ses rebelles, les hackers. Les hackers, ou pirates du Web, sont les nouveaux brigands de la société techno-féodale. Sans scrupules et surdoués, ils reproduisent les archétypes des voleurs de Bagdad et des Mandrins d'antan. C'est sans doute pour cela qu'ils sont rarement condamnés sévèrement: ils suscitent trop d'admiration. Ils sont susceptibles d'autre part de pirater les puissants, sociétés, administrations, portails importants, et donc de venger l'internaute moyen. Ils font peur, comme le dieu Loki de la mythologie scandinave qui passe des farces et attrapes au Ragnarök ; car ils peuvent déclencher l'apocalypse virtuelle qui fascine tout le monde et justifient les stocks d'or ou les garde-manger des milices et des paranoïaques.

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Le hacker représente le dernier bandit de l'histoire, et le premier criminel du cyberspace. Il y a une mystique du hacker qui recoupe celle du Graal. C'est le très professionnel Mark Pesce qui l'affirme dans un texte baptisé Ignition et adressé aux world movers, aux cyber-nomades du Grand Esprit. L'inventeur du langage virtuel énonce les vérités suivantes : « Commençons par l'objet de notre désir. Il existe, il a existé de tout temps, et il continuera éternellement. Il a retenu l'attention des mystiques, des sorcières et des hackers de toutes les époques. C'est le Graal. La mythologie du Sangraal - du Saint-Graal - est l'archétype de l'illumination retirée.

La révélation du Graal est toujours une expérience personnelle et unique ... Je sais – parce que je l'ai entendu d'innombrables fois de beaucoup de gens dans le monde - que le moment de la révélation est l'élément commun de notre expérience en tant que communauté. Le Graal est notre ferme fondation. »

(…)

Le cyberspace de Pesce correspond à l'espace sacré antérieur décrit par Mircea Eliade. Dans un monde pollué et réifié par la consommation touristique, le cyberspace devient le nec plus ultra du pèlerinage mystique.

Pesce présente ici le hacker comme un mystique hérétique en quête du Graal. Le Graal est lié au centre sacré, Montsalvat ou le château du roi-pêcheur. Il est père nourricier, donne vie éternelle et santé, et la connaissance absolue du monde : tout ce qui est attendu par les prêtres du cyberspace et du Net, censés résoudre toutes les contradictions de l'humanité. Le hacker dans ce cadre fait figure de chevalier sauvage. L'expression chevalier sauvage désigne le guerrier initié, soumis à la solitude et à l'effroi des lieux les plus sinistres, mais également à la volonté du Bien, celui qui comme Lancelot n'a pas un sillon de terre et qui sillonne toute la terre pour quérir les aventures les plus étranges et merveilleuses. Comme le jongleur (joker de Batman, homme qui rit de Hugo), initié mué en bouffon, l'extraordinaire Lancelot se déplace sans cesse dans un espace-temps où rien ne le retient, si ce n'est ce lien particulier qui le relie à l'Esprit, et qui est figuré par sa Dame la Reine, source de de vie et de sagesse pour tout chevalier sauvage, tout Fidèle d' Amour. Montsalvat est un lieu où l'espace rejoint le temps, comme dit Wagner. L'ère numérique répond ainsi à des aspirations immémoriales.

Bibliographie

Nicolas Bonnal – Perceval et la reine (alchimie et ésotérisme dans la littérature arthurienne, préface de Nicolas Richer, professeur à l’EN.S., Amazon.fr) – Internet nouvelle voie initiatique (Amazon.fr, Avatar éditions) – Comment les peuples sont devenus jetables (Amazon.fr)

William Gibson – Le neuromancien (Editions j’ai lu)

Erik Davies – Techgnosis

Roger-Pol-Droit-.jpgRoger-Pol Droit, "Les démons du web" (29.09.2000). Je cite un extrait de son article :

« Nicolas Bonnal brosse le portrait de cette résurgence de vieilles terreurs sur les réseaux nouveaux. D'après lui, nous serions en pleine croissance de la technognose. Ainsi, le « w » correspondant en hébreu au chiffre 6, beaucoup se préoccuperaient aujourd'hui que le World Wide Web (www) équivale à 666, soit le chiffre de la Bête dans l'Apocalypse de Jean. Le Net, ce serait le filet contre lequel Job se battait déjà. Dans la kabbale, il n'est question, comme sur Internet, que de portails, de codes, de nœuds. Comme dans la gnose, la vieille lutte contre le corps, ses pesanteurs et ses incohérences, est à l'ordre du jour : certains rêvent d'entrer dans le réseau, de devenir téléchargeables, de survivre comme pure information. Pour ces anges New Age, évidemment, notre viande est une gêne. Ils rêvent de n'être que lumière, instantanément diffusée dans un monde sans pesanteur ni animalité.

Les hackers, ces pirates qui contournent les barrières et les mesures de sécurité des systèmes informatiques, sont les chevaliers d'Internet, selon Nicolas Bonnal. Déjouer les plus retorses défenses est leur quête du Graal, aussi interminable que celle des compagnons du roi Arthur. Ce ne serait donc pas un hasard si les jeux de rôles - donjons, dragons et autres occasions de mortels combats - se sont développés sur la Toile de manière spectaculaire. Les ordinateurs se délectent d'anciennes légendes. Ils brassent allégrement Pythagore et la Kabbale, des secrets chiffrés et des mœurs médiévales. On les croyait postmodernes. Ils risquent de se révéler préclassiques.

…Nicolas Bonnal, en dépit de certaines imperfections, met le doigt sur une question importante : le monde hypertechnique est aussi un univers mythologique, régressif, crédule, traversé éventuellement de toutes les hantises et les phobies des âges les plus anciens, celles que l'on avait cru trop vite révolues. Sans doute ne faut-il pas noircir aussitôt le tableau. Il n'est pas vrai que nos disques durs soient truffés de signes maléfiques et nos modems peuplés de gremlins prêts à bondir. Mais il y a une tendance. Une sorte de boucle possible entre l'avenir et le passé. Le futur risque d'être archaïque. On pense à ce mot attribué à Einstein : “Je ne sais pas comment la troisième guerre mondiale sera menée, mais je sais comment le sera la quatrième : avec des bâtons et des pierres.” » 

lundi, 12 février 2018

Matthew Crawford: Creating a Place to Be

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Matthew Crawford: Creating a Place to Be

Review:

Matthew Crawford
The World Beyond Your Head
Farrar, Straus and Giroux, 2016

jacket_med.jpgMatthew Crawford is a new but powerful intellectual. His debut in the public sphere began in 2009 with his book Shop Class as Soulcraft, which was affectionately dubbed “Heidegger and the Art of Motorcycle Maintenance” by Slate [2], and positively reviewed by Francis Fukuyama [3]. Crawford’s second polemic, however, is more far-reaching, and stands to usurp his first work as a philosophical masterpiece.

The book seeks to resolve the crisis of attention in which we find ourselves. Modernity has gently but completely entrapped much of the world, not merely in advertisements and clickbait, but in automated distractions that have no care or interest in the cognitive cost that these stimuli impose on their audience. These claims on our attention make it difficult to develop a coherent thought, discern what is valuable, or build competence in a skill—all of which require periods of uninterrupted focus that our world doesn’t seem interested in allowing us. But perhaps worse than that, these distractions seem designed to create values—or even dependencies—in line with the interests of those crafting the distractions. Because the distribution of attention is a zero-sum equation, valuing what is procured for us by “choice architects” comes at the expense of other things we might otherwise value. Focusing on a social media or email notification on my phone, for instance, means that in that moment, I cannot focus on work that I get paid for, giving my daughter a bath, or paying attention to my wife. The constant stream of interruptions reduces our ability to marshal our attention effectively in the creation of an authentic self.

Crawford argues that the origins of the problem can be found in an Enlightenment idea of freedom most powerfully espoused by Immanuel Kant, which separates our will from the material world. The goal was to save human freedom from the mechanistic determinism of Thomas Hobbes by placing human autonomy on a plane of existence beyond the reach of the world. According to Kant, action must be inspired by the realm of the pure intellect, of a priori moral laws, if we are to be free agents, untarnished by mechanistic infringements upon our autonomy. This retains “free will,” and the dignity of humans as agents touched by the divine spark . . .  or does it?

The book meanders through the relevant literature on perception and cognition, eventually concluding that our ability to see is inseparable from motion, and that thinking similarly contingent upon objects in our environment, including our bodies. In other words, the agency Kant was seeking to protect is not shielded by running away from the material world, but rather is expanded (to whatever degree it can be) by orienting ourselves in relationship to the world.

By way of explanation, Crawford introduces the reader to the concepts of ‘jigs’ and ‘nudges.’ Jigs are contraptions—usually ad hoc—that allow a carpenter to make cuts at exactly the same length without having to measure every individual piece. More broadly, they are ways that experts design their own environment to take some of the cognitive burden of their work, allowing them to focus on other things. The term “nudge” was coined by Cass Sunstein, the head of the Office of Information and Regulatory Affairs under President Obama. Nudges are similar to jigs in principle, in that they accept the limitations of human attention and attempt to engineer behavior, usually by establishing default choices (in Cass Sunstein’s case, by changing the default employee 401k choice to “opt-in”). However, unlike the jig, which is organic creation and usually an indirect product of the environment itself, the nudge is the product of administrative fiat.

The efficacy of the jig and the nudge in the real-world show that this materially grounded conception of human will is not actually escaped by embracing Kant’s Grounding for the Metaphysics of Morals. All that happens is that the reins of attention—our physical world—are presented for control to someone else.

The book takes a downright sinister turn in the exploration of the psychology of casinos. The phenomenon of the casino demonstrates the naivete—or insidiousness—of people who moralize about pulling ourselves up by our bootstraps in an environment purposely engineered to keep that from happening. The design philosophy behind casinos, and perhaps of much of social media, is essentially autistic. It affords the participant the gratification of pseudo-action, having ‘made something happen,’ and this provides a sense of comfort. But this pseudo-action happens within such a constrained system that increases in skill or experience are not relevant, and sometimes not possible. Individual growth does not result in any meaningful change in outcome. By contrast, one can be constrained by the nature of a motorcycle engine, and by accepting and learning these constraints, the individual gradually become more competent in fixing them. Being constrained by the rules of a slot-machine, however, gives the actor the feeling of power over their environment (I push a button, and the machines spins) without any possibility of meaningful improvement.

MC-shop.jpgSuch a design philosophy does not make people more free. By placing their “free will” beyond the reach of their material environment, we make room for all sorts of impositions on people’s ability to act in their own interests, and we may even make them vulnerable to exploitation. In the casino, this can include exploitation “to extinction.”

The book lays out a lethal criticism of the libertarian idea that “people should be allowed to make their own decisions” on this point. Our decisions are not free, and cannot be free, because absolute freedom of choice would render decision-making impossible. The defense of libertarian freedom requires us to join Pennsylvania governor Ed Rendell, and say of problem gamblers that “anyone who has that bent is going to lose their money anyways.”

Even a few weeks of familiarity with smart phones, video games, alcohol, sex, cigarettes, or porn is enough to know that all humans ‘have that bent’ in some capacity. The defense of libertarian freedom is, at best, a failure to understand the environmental effect of decision-making; at worst, something more nefarious.

The “freedom” that both those on the left and the right want to preserve is not a kind of “ability to do otherwise,” though people often attempt to describe it in this way. Rather, it is the kind of feeling of power that Nietzsche articulated, which Crawford captures in his description of a line-cook who feels “like a machine” when he is performing at his best.

What he seems to convey when he exults “I’m a machine,” ironically enough, is that he is caught up in a moment of savoring his own distinctly human excellence. One virtue of the extended-mind rubric is that it offers a theoretical frame for understanding a very basic, low-to-the-ground mode of human flourishing, in which we are wholly absorbed in activity that joins us to the world and to others. The cook finds pleasure in his ability to improvise; to meet the unpredictable demands of the situation, and to do so within the structure imposed by the kitchen.

This feeling of power is accomplished by tuning ourselves to our environment, and also by tuning our environment to ourselves, to create an ecology of attention that gives a feeling of coherence in our lives.

It may be less surprising to some than to others that a writer like Rebecca Newberger Goldstein [4] might take issue with Crawford’s diagnosis, particularly with his assessment of the Enlightenment. While Crawford’s argument is, as Goldstein rightfully points out, by no means a complete history of enlightenment thought, the incompleteness of his account of Spinoza and Hume is not particularly relevant to the argument. Crawford is not saying ‘the Enlightenment was bad,’ but rather ‘this particular conception of the self is wrong.’ By outward appearances, Goldstein’s fixation on the Enlightenment looks like a superficial excuse to disagree with Crawford’s account of coherent self-hood, agency, and a moral theory of attention, without actually addressing the argument itself.

In the end, Crawford’s theory of attention and the self presents a challenge to the neoliberal and libertarian conceptions of individual agency that have separated us from the legacy of those who did have our best interests at heart. It is an argument which—red herrings about the Enlightenment aside—does not appear to have a strong counterargument. If it is correct, then it poses the reader with the challenge of finding some way to ‘jig’ our collective environment in such a way that the possibility of forging a coherent self is possible. If we don’t, then we will be ‘nudged’ into accepting an autistic existence in a kind of Brave New Casino.

Given the rates of porn addiction [5] and suicide [6] that we have presently, such a future may not be very far off.

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

URL to article: https://www.counter-currents.com/2018/02/creating-a-place-to-be/

URLs in this post:

[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2018/02/WorldBeyondYourHead.jpg

[2] Slate: http://www.slate.com/articles/arts/books/2009/05/heidegger_and_the_art_of_motorcycle_maintenance.html

[3] Francis Fukuyama: http://www.nytimes.com/2009/06/07/books/review/Fukuyama-t.html?pagewanted=all

[4] Rebecca Newberger Goldstein: https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2015/05/dont-overthink-it/389519/

[5] porn addiction: https://www.webroot.com/us/en/home/resources/tips/digital-family-life/internet-pornography-by-the-numbers

[6] suicide: https://www.counter-currents.com/2017/07/chester-bennington-and-white-male-suicide/

mercredi, 07 février 2018

Les valeurs populistes comme résistance au narcissisme

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Les valeurs populistes comme résistance au narcissisme

par Renaud Garcia

Ex: http://www.oragesdacier.info

On le pressent, une fois ce diagnostic établi, la solution proposée par Lasch n’a rien de bien « transgressif », en apparence du moins. Lasch propose simplement de retrouver le sens des limites. Sur ce point, il convient cependant de ne pas se méprendre. Que l’individu doive retrouver le sens des limites n’a jamais signifié pour Lasch l’impératif de rétablir par la force l’autorité qui châtie et punit aveuglément. C’est ici que des « conservateurs droitiers » tels qu’Alain Finkielkraut ou Pascal Bruckner cessent de de pouvoir se référer sans mauvaise foi à Lasch. La permissivité et la peur du conflit d’une part, l’autorité qui ne sait qu’interdire d’autre part, forment pour Lasch deux faces d’une même médaille. A moins que les normes éthiques, suggère-t-il dans Le Moi assiégé, ne s’enracinent dans une identification émotionnelle avec les autorités qui les font respecter, elles n’inspireront rien de plus qu’une obéissance servile. 
 
     En réalité, aux yeux de Lasch, un ordre humain conforme aux idéaux révolutionnaires d’égalité, de liberté et de décence ne semble possible que si les individus cultivent la modestie face à la vie, la loyauté dans leurs rapports et un esprit général de gratitude. Or, cette culture-là, Lasch pense la trouve dans le fonds de valeurs du populisme américain, dont il recompose les origines et les luttes du XIXe au XXe siècle dans Le Seul et Vrai Paradis. Alors que sous l’impulsion d’intellectuels experts en politologie tels que Dominique Reynié le « populisme » en est venu aujourd’hui à incarner une sorte de peste politique, remettant prétendument en question par son appel racoleur au peuple les fondements de la démocratie parlementaire, l’insigne mérite de l’ouvrage Le Seul et Vrai Paradis est de rendre au populisme sa vigueur critique et révolutionnaire face aux promesses du progrès capitaliste. 
 
laschCN.jpg     Dans une enquête de grande ampleur, qui évoque notamment le radicalisme chrétien d’Orestes Brownson (1803-1876), le transcendantalisme de Ralph Waldo Emerson (1803-1882), le mouvement de résistance non violente de Martin Luther King (1929-1968), en passant par le socialisme de guilde de George Douglas Howard Cole (1889-1959), Lasch met en évidence tout un gisement de valeurs relatives à l’humanisme civique, dont les Etats-Unis et plus largement le monde anglo-saxon ont été porteurs en résistance à l’idéologie libérale du progrès. Il retrouve, par-delà les divergences entre ces œuvres, certains constances : l’habitude de la responsabilité associée à la possession de la propriété ; l’oubli volontaire de soi dans un travail astreignant ; l’idéal de la vie bonne, enracinée dans une communauté d’appartenance, face à la promesse de l’abondance matérielle ; l’idée que le bonheur réside avant tout dans la reconnaissance que les hommes ne sont pas faits pour le bonheur. Le regard historique de Lasch, en revenant vers cette tradition, n’incite pas à la nostalgie passéiste pour un temps révolu. A la nostalgie, Lasch va ainsi opposer la mémoire. La nostalgie n’est que l’autre face de l’idéologie progressiste, vers laquelle on se tourne lorsque cette dernière n’assure plus ses promesses. La mémoire quant à elle vivifie le lien entre le passé et le présent en préparant à faire face avec courage à ce qui arrive. Au terme du parcours qu’il raconte dans Le Seul et Vrai Paradis, le lecteur garde donc en mémoire le fait historique suivant : il a existé un courant radical très fortement opposé à l’aliénation capitaliste, au délabrement des conditions de travail, ainsi qu’à l’idée selon laquelle la productivité doit augmenter à la mesure des désirs potentiellement illimités de la nature humaine, mais pourtant tout aussi méfiant à l’égard de la conception marxiste du progrès historique. Volontiers raillée par la doxa marxiste pour sa défense « petite bourgeoise » de la petite propriété, tenue pour un bastion de l’indépendance et du contrôle sur le travail et les conditions de vie, la pensée populiste visait surtout l’idole commune des libéraux et des marxistes, révélant par là même l’obsolescence du clivage droite/gauche : le progrès technique et économique, ainsi que l’optimisme historique qu’il recommande. Selon Lasch qui, dans le débat entre Marx et Proudhon, opte pour les analyses du second, l’éthique populiste des petits producteurs était « anticapitaliste, mais ni socialiste, ni social-démocrate, à la fois radicale, révolutionnaire même, et profondément conservatrice ». 
 
     Après avoir exposé avec le narcissisme et le populisme deux registres de valeurs et deux visions de la société humaine, Lasch en a finalement appelé à la résurgence de la critique sociale, en posant une question fondamentale : « La démocratie mérite-t-elle de survivre ? » 
 
Renaud Garcia, « Christopher Lasch, le culte du narcissisme » in Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques