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mardi, 30 janvier 2018

Daniel Bell: The Man Who Foresaw the West’s Fantasia

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Daniel Bell: The Man Who Foresaw the West’s Fantasia

While he couldn't predict selfies, multiculturalism, or Oprah, Daniel Bell sensed the rage against bourgeois order would eventually lead to crisis.

vendredi, 26 janvier 2018

Pour un réenchantement des âmes collectives

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Pour un réenchantement des âmes collectives

Gérard Maurice
Professeur des Facultés de Droit

Ex: https://metamag.fr

Quand il n’est pas devant son écran, Thierry M. adore se promener dans la ville. Il va au vidéo-café lorsque son argent de poche le lui permet. Il ne se lasse pas de regarder les panneaux géants de cristaux liquides sur lesquelles s’affichent les publicités les plus folles et qu’on peut voir en plein soleil comme si on était chez soi dans la pénombre devant son écran.

La ville est ainsi jalonnée d’écrans qui scintillent en permanence pour vanter le Coca-cola, les produits Pioneer ou les voitures japonaises.  Entre deux publicités passent des clips vidéos, et il n’est pas rare de voir dix ou quinze jeunes assemblées devant ces sucettes géantes.

Lorsqu’on demande à Thierry M. ce qu’il veut plus tard, il répond invariablement : « avoir du temps » Pour quoi faire ?  Thierry ne le sait pas, et ne veut pas le savoir, même si au fond de lui une petite voie inquiète lui renvoie l’écho de sa solitude.

Car Thierry vit désespérément seul.  Hanté par les images extérieures, il a fini par perdre peu à peu la sienne. Il n’a pas de besoins particuliers : les images lui servent de substitut. Il n’éprouve pas de désir d’échanger avec extérieur : il est l’extérieur.

 Deux figures de la société individualiste médiatique peuvent ouvrir mon propos : M. M, cadre commercial et M. Z, le tolérant.

Ses goûts sont ceux du marché corrigé des variations saisonnières, il ne conçoit rien au-delà de son opinion, il ne voit rien au dessus de la cohue du « moi… ».

Tout idéal lui paraît un danger pour la démocratie, toute valeur permanente un frein à la liberté… tout souci de l’avenir une menace envers l’instant présent…

Ce garçon est un échantillon de ce siècle dominé par un système économique, social, mental dont la logique est d’éradiquer le spirituel.

La société occidentale réduit nos désirs à l’horizon matériel, échappent à notre vue non seulement le spirituel, l’âme des choses mais la simple notion commune du bien et du mal.

Or, la fin du XXème siècle et le début du XXIème nous réduit à la matière et au mécanisme.

Elle menace de rendre le XXIème siècle doublement orphelin du spirituel, elle efface la notion d’âme et de désir éternel.

Elle nous installe dans le culte du moment présent, ce qui coupe le mouvement même de la civilisation.

Car est spirituel car possède l’âme, ce qui parvient à échapper à l’absurde et surtout au temps et à son usure, c’est ce qui surmonte la mort de l’individu et celle des civilisations, ces instants d’éternité qui incarnent l’histoire.

Quelles portes ouvrent ces instants d’histoire, le courage et la fraternité ?

La cité antique organisait ces instants en conjuguant quatre forces : le citoyen / hoplite, la provenance qui structurait l’appartenance, l’éternité / gloire, l’histoire / pérennité.

Il appartenait aux héros d’incarner le génie et le destin de la cité … Ils façonnaient l’histoire et l’exemple : Hector, Achille, Léonidas… toute l’Europe est déjà dans l’Eliade.

A l’évidence, la cité moderne ne conjugue pas les mêmes forces. Histoire / Présentisme, Citoyen / nomade, Provenance / déracinement,  Eternité / relativisme

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Le résultat est perceptible, il est celui d’une grande déprime, suicide, peur de la mort, angoisse, hédonisme marquent l’espace public. La pub idéologie ne parvient plus à contenir les frustrations (le club Méditerranée).

La France, par son nombre de suicides, arrive dans le peloton de tête des pays européens… ce n’est plus un hasard mais une véritable anomie.

Darkheim écrivait « la vie n’est tolérable que si on lui aperçoit quelque raison d’être, que si elle a un but et qui en vaille la peine. Or l’individu à lui seul n’est pas une fin suffisante ».

Le sens de la voie, pour être véritablement intériorisé par les sujets, doit être envisagé collectivement.

La racine fondamentale de cet effondrement doit être recherché dans l’effritement des rapports communautaires et à la déperdition du bien commune.

Dès lors que les hommes ne peuvent partager un ensemble de valeurs, aucune action collective n’est possible.

Les Grecs avaient eu le sens de l’harmonie, équilibre des contraires et organisaient le chaos.

Le vide contemporain précipite nos concitoyens dans une obsession de survie immédiate. Plus rien ne compte sinon un surcroît de vie.

Une éthique d’auto préservation se met en place, fleurissent alors les différentes techniques d’épanouissement de soi, de la méditation tantrique en passant par le Feng Shi et pour les plus fortunés par le coachting.

L’aspiration dominante est la performance physique et psychologique…

Ce survivalisme, pour reprendre le mot de Christopher Lash, prend racine « dans l’expérience subjective du vide et de l’isolement ».

De son côté Gail Sheehy écrit « l’idéologie actuelle semble un mélange de désir de survie, de volonté de renaissance et de cynisme individuel ».

Cependant ce survivalisme se mue en peur pathologique de la mort.

L’effondrement démographique entraîne de son côté un amenuisement du lien entre générations, tandis que l’absolutisme du présent efface tout sacrifice pour le futur.

De manière pathétique, la valeur refuge est assurée par une prothèse : la télévision.

Cette grande usine de rêve sert de tout à bon nombre de nos concitoyens qui la subissent en moyenne 4 heures/jour, et qui s’abîment devant ce mur d’images comme les hommes troncs du film de Truffaut : Farenheint 45

Ainsi progressivement le destin de nos cités est dominé par la lute entre deux imaginaires, d’une part celui des machines à rêver avec leur incalculable puissance et d’autre part, ce qui peut exister en face de lui et qui n’est pas autre chose que l’héritage de la noblesse du monde… de l’aristocratie de pensée.

Nos cités sont désormais confrontées à la dictature du présent et aux batailles dans l’imaginaire.

I – LA DICTATURE DU PRÉSENT

La société a adopté les valeurs féminines.

De ce choix témoigne le primat de l’économie (3ème fonction) sur la politique ; le primat de la discussion sur la décision, le déclin de l’autorité au profit du dialogue ; la mise sur la place publique de la vie intime, la survalorisation de la parole de l’enfant, la vogue de l’humanitaire et de la charité médiatique, les problèmes de santé, du paraître, la diffusion des formes rondes, la sacralisation du mariage d’amour, la vague de l’idéologie victimaire, la multiplication des cellules de soutien psychologiques, le développement du marché de l’émotionnel et du compassionnel, une justice qui doit permettre la reconstruction des douleurs et non plus le jugement de la loi, la généralisation des valeurs du marché, de la transparence, de la mixité, du nomadisme, du flux et du reflux.

A une société raide, surplombante, verticale, se substitue une société liquide, de réseaux, de l’indistinction des rôles sociaux.

C’est le gonflement du « moi » et le « fonctionnalisme » qui l’emportent.

La dictature du présent c’est l’hypertrophie de l’intime et de l’utilitarisme.

L’hypertrophie de l’intime se manifeste par le gonflement du « moi » et par le primat de l’économie.

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1. Le « moi » devient le centre de tout.

Il se complet dans l’immédiat et l’égolatrie. Le maître mot de l’immédiat, c’est l’urgence ;

Si l’on admet l’idée selon laquelle la temporalité d’une société s’ordonne autour d’un axe présent, passé, avenir, on note aujourd’hui une surcharge du présent au détriment à la fois du passé et de l’avenir.

Dans ce cadre, l’urgence est la traduction sociale de cette surcharge. Le temps est ainsi surchargé d’exigences inscrites dans la seule immédiateté.  La montée en puissance du thème de l’urgence renforce la logique économique de l’immédiateté…

De surcroît toutes les politiques d’urgence tendant à se fonder non pas en raison mais en émotion, il en est ainsi du plan de lutte contre le chômage, pour l’emploi, contre les délocalisations, pour le Darfour…

Certes le motif d’action est difficilement récusable, mais son opérationnalité passe par un consensus émotif initial.

Ce traitement, en urgence, ajoute à la compression du temps que la mondialisation induit en termes technologiques et de marché.

Désormais, il ne s’agit plus de gagner de nouveaux espaces, car le monde est atteint dans toutes ses limites, mais il s’agit de gagner du temps.

Le temps devient une valeur marchande en soi. Cette hypertrophie de l’immédiat est accompagnée d’une hypertrophie des intimités.

La tendance au repli sur soi est renforcée par une vive méfiance, de nature paranoïaque, à l’égard de l’autorité et des communautés.

La moindre influence est vécu comme une intrusion insupportable.

C’est pourquoi l’adhésion à des héritages culturels ou à des traditions est jugée aliénante.

En fait, on constate depuis 40 ans un rejet forcené de toutes les figures d’ordre.

Or l’intériorisation de ces figures assurait à l’enfant et à l’adolescent un apprentissage, une assurance et une sécurité.

Le manque d’intériorisation génèrera un défaut de confiance en soi, des angoisses paradoxalement compensées par une survalorisation du moi.

L’individualisme contemporain est lié à un mouvement de frénésie et de « bougisme » porté par une sorte d’égolatrie et un rejet de toute verticalité au tradition.

L’adolescence ou le jeunisme se prolongent indéfiniment tandis que le sens collectif fait défaut.

Selon le mot d’Alain Ehrenberg : « l’individu souffrant a supplanté l’individu conquérant ».

On comprend dans ce cas que la démocratie ne soit plus veuve comme le mode d’expression d’un peuple conscient de son histoire et de son destin mais elle devient une manière individuelle de voir la vie, une façon de brandir nos goûts intimes et de réclamer que la cité nous aide à les satisfaire sans délai.

Le nouvel individu démocratique n’est pas un citoyen ancré dans l’histoire, c’est un consommateur flottant au gré des modes.

Il baigne dans l’impatience.

Son univers est celui de l’instantané commercial, achat sans délai (la pub), émotion minute (la télévision), le zéro distance.

Il se satisfait donc du primat de l’économie, bien plus il l’exige.

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2. Cette enflure de l’économie alimente aussi l’hypertrophie de l’intime.

En effet, le primat de l’économie ramène la politique à la gestion des choses et transforme les droits de l’individu en créance économique.

Le totalitarisme économique a débouché sur la marchandisation généralisée, c’est-à-dire sur l’idée que tout ce qui est de l’ordre du désir ou du besoin peut être négocié.

Le modèle normatif devient celui du négociant.

Aristote écrivait « ceux qui croient que chef politique, chef royal, chef de famille, et maître des choses sont une seule et même notion, se trompent. Ils s’imaginent que les diverses formes d’autorité ne diffèrent que par le nombre de ceux qui y sont assujettis. En fait, il existe entre chaque autorité, une différence de nature ».

Marcel Henaff aujourd’hui dit la même chose lorsqu’il énonce « réduire la politique à une tâche de gestion économique, c’est oublier la fonction souveraine de reconnaissance publique des citoyens ».

Il est donc logique que l’individu vive sa relation au politique à travers de simples revendications matérielles, érigeant ses droits en un droit de tirage permanent sur le système conçu comme une sorte d’immense machine à « miam-miam ».

L’hypertrophie du droit au dépend du politique est une autre conséquence de la montée en puissance de la gestion fonctionnelle de l’espace public.

Car la dictature du présent ramenant tout à soi érige le « fonctionnalisme » en huile de rouage du marché.

Le triomphe du « fonctionnalisme » :

Ramener tout phénomène à son utilité ou à sa fonction réduit la cité à un agrégat et le citoyen à l’homme.

1. Le passage de la cité organique à forts liens communautaires et symboliques, à une cité fonctionnelle et « zonée » a littéralement privé les villes de leur âme.

C’est à coup sûr la charte d’Athènes, inspirée par Le Corbusier, qui a donné le coup de grâce à la cité-histoire.

La Charte d’Athènes introduit une vision mécanique de la ville et de l’urbanisme. Elle a expulsé l’histoire de ses vues, elle a choisi la rentabilité et l’anonymat. Les villes, découpées selon les fonctionnalités marchandes ont créé des lieux au ban qui sont des non villes, même les plus riches n’échappent pas à ce vide. Les nouveaux hameaux, les nouveaux villages n’ont pas plus d’âme… c’est Los angeles sur Seine, le « bonheur si je veux ».

Autrefois, les métiers structuraient la ville.

Le boucher, le tapissier, le boulanger avaient des modes de vie différents. Aujourd’hui, les modes de vie se sont indifférenciés, les quartiers deviennent plus ou moins identiques et on cherche vainement un paysage urbain. A part le centre historique qui pourrait évoquer un destin collectif.

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La ville est devenue un pur système d’objets où des individus isolés se meuvent dans toutes les directions sans autre but que les flux de consommation et du spectacle.

A la communauté d’appartenance et d’histoire succède une communauté d’inquiétude et de mécontentement.

Ces barbaries à visage urbain où triomphent les tribus urbaines constituées de zombies acculturés, ayant pour modèles les noirs américains des ghettos de Los angeles, concourent à la destruction du politique qui a tenté désespérément de retourner à la base selon un principe illusoire « connaître au mieux et au plus près ce que veulent les gens ».

En réalité le remède est pire car l’action politique se trouve réduite à une société de services, ce qui conduit à exacerber les demandes individuelles au détriment du bien commun.

Le culte excessif de la proximité détruit l’intérêt général et favorise des réponses en forme de catalogue à la Prévert.

En réalité, ce qui se profile derrière tout cela c’est la destruction des distances symboliques.

Les petites phrases remplacent les discours… le débat sur les finalités a disparu, il n’y a plus de citoyens mais des activités citoyennes relevant de la morale.

2. Ici l’homme supplante le citoyen.

Il est pris en charge par le système qui affiche plusieurs figures : le politico technocrate, le gentil présentateur de télévision, le publicitaire.

Toutes concourent à lui décrire les mérites, de l’homme fonctionnel parfait, bronzé et ouvert.

Même Jacques Attali prophétise que la frontière s’amenuisera entre la personne et l’artefact, entre la vie sacrée et la vie utilitaire.

Tout cela doit déboucher sur un être « sans père, ni mère, sans antécédents, ni descendants, sans racine ni postérité, un nomade absolu ».

Nomade par la mentalité acquise, marquée par l’éphémère et l’inconséquence.

Dans son dernier ouvrage, il précise le contour de ce nomade qui sera un transhumain, citoyen planétaire.

Décidemment un nihilisme à peine déguisée habite le microscome.

C’set pourquoi le destin de nos cités assujetti par la dictature du présent, se jouera au cours d’une bataille dans l’imaginaire, parce que c’est là que se forgent et s’apprécient les représentants du monde.

II – LA BATAILLE DANS L’IMAGINAIRE

S’il est vrai que l’homme, animal culturel, ne vit pas le monde en direct, mais se le représente, à travers une grille d’interprétation dont la structure dépend de la culture de chaque peuple voire, des ensembles géoculturels, alors la bataille dans l’imaginaire relève de l’ordre du symbole.

A cette dictature du présent, de l’immédiat, de l’anonymat, du nomadisme, de la consommation de masse, de l’amnésie et du bonheur matériel à tout prix, que répondre si ce n’est d’invoquer non pas la fin de l’histoire mais le sursaut de l’histoire, d’y ajouter une volonté de différence, d’identité qui puisse interrompre un mouvement sans sens.

Le sursaut de l’histoire implique que soient « réunies certaines conditions et que soit affichées une ambition ».

Malraux, en 1965, dans un discours à l’Assemblée nationale, avait proféré des phrases terribles : « le futur sera dominé par l’Empire global, celui de l’audiovisuel, grande usine à rêve ».

Or nous sommes une civilisation qui devient vulnérable dans ses rêves car la technologie de l’image permet aux anciens domaines sinistres, ceux du sexe et du sang, de l’emporter sur le sacré et la mémoire.

Il ajoutera : « les dieux sont morts mais les diables sont biens vivants…. »

Le préalable à tout sursaut est donc de réintroduire de la perspective, de la distance, de l’histoire…

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Enseigner à nouveau, voire en rendre une obligatoire, les langues anciennes dites inutiles, c’est en réalité réintroduire 4000 ans dans la mémoire des enfants qui se verront ainsi héritiers et non plus éphémères estomacs sur pattes.

A la société médiatique guidée par les lois de l’émotion, de la séduction, de la mode, de l’insignifiance, du gnan-gnan, il faut non pas opposer mais exiger en parallèle le retour de la démocratie originale, la démocratie directe.

Nous assistons à l’épuisement d’un modèle d’autorité surplombante où la décision est concentrée dans les mains d’un pouvoir d’en haut où le média est auto instrumentalisé pour légitimer le rôle d’un petit groupe d’hommes et de femmes en état de connivence.

Certes la démocratie directe, forme originelle de la démocratie, peut difficilement s’exercer sur un vaste territoire.

Toutefois cette remarque n’est pas rédhibitoire, car cette demande de démocratie directe que d’aucuns appellent démocratie participative, passe par un renforcement du local et de la mise en œuvre du principe de subsidiarité.

Il ne s’agit pas de faire participer des associations spontanées, sorte de quasi néo-soviets ou de jury populaires ; il faut rendre à chaque échelon des appartenances le droit de gérer en direct ce qui le concerne.

Rien n’interdit un mixage entre la démocratie directe et la démocratie représentative, il suffit de laisser à la première le droit de s’introduire dans le débat parlementaire ou d’assemblée locale par un droit d’initiative référendaire.

Quant au principe de subsidiarité, il s’inscrit naturellement dans une écriture politique fédérale.

Au fond la mondialisation, comme l’internationalisme de Jaurès, donne envie de plus de patrie charnelle pour mieux soutenir ceux des nôtres qui doivent guerroyer sur les fronts mouvants du marché.

Les conditions réunies permettent de bâtir une nouvelle ambition.

Cette ambition doit s’appuyer sur deux leviers, d’une part le retour de la liberté des anciens, d’autre part un choix holistique.

Benjamin Constant avait revendiqué le droit d’intimité contre le droit de participer à la vie de la cité.

Dans l’Antiquité, la liberté s’atteignait d’abord par la participation active et constante des citoyens à la vie publique.

Or pour les théoriciens libéraux, la liberté se conquiert dans la sphère privée, ce qui signifie que la liberté n’est plus ce que permet la politique mais ce qui lui est soustrait.

En d’autres termes, la liberté réside dans la garantie d’échapper à la sphère publique.

Elle ne relève plus de l’essence politique mais de l’existence personnelle.

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Redonner aux citoyens le goût de privilégier l’espace public, c’est à tout coup les sortir d’une relation nécessairement mutilante car pour l’heure elle consiste à émettre des demandes dont la satisfaction ne peut être qu’aléatoire ou destructrice de l’intérêt général.

Cet espace public peut être approché par des individus comme par des communautés si par ailleurs on insiste sur le mode holistique.

Ce mode valorise la communauté et ne laisse plus l’individu seul et solitaire.

Le monde traditionnel ne livrait pas les personnes à elles-mêmes, les vieillards étaient pris en charge par les jeunes, les parents aidaient les enfants, la famille était une souche, l’honneur et l’hospitalité, le fondement de la relation sociale.

C’était l’application naturelle du don et du contre don, distinct du principe de l’échange.

Il faut l’avouer, il existe plus de pratiques sociales de ce type parmi les populations immigrées, ou encore dans les terres latines ou villageoises celtes que dans la ville de Paris où la canicule a fait plus de ravages qu’ailleurs.

Bref engager la bataille dans l’imaginaire, c’est engager dans le discours et la pratique sociale, le combat pour les appartenances.

Cette reconquête des appartenances ouvrir le débat sur l’identité comme fondement de l’âme de la cité, mais c’est aussi réintroduire une volonté pour le futur.

La demande d’identité est une demande antimoderne dans la mesure où la modernité n’a pas cessé d’étendre l’indistinction.

Le déblocage de l’histoire passe par l’écriture de nouvelles histoires, car l’identité n’est pas une substance mais une réalité dynamique qui réintroduit du temps.

D’ailleurs, les revendications identitaires fleurissent de toutes parts car elle dénonce cette injustice qui est le déni de reconnaissance des identités.

A l’exigence quantitative de redistribution des ressources se substitue l’exigence qualitative de la reconnaissance des appartenances.

L’identitarisme peut aboutir au meilleur comme au pire, il ne faut pas enfermer l’identité dans une forteresse, mais en faire un levier de connaissance de l’Autre qui n’a pas vocation à être un même.

Car comme l’a écrit Claude Imbert, « notre identité est atteinte par l’effondrement du civisme, par l’appauvrissement de la langue mais surtout par une homogénéisation technico-économique du monde qui généralise le non sens et qui rend chaque jour les hommes plus étrangers ».

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Retrouver le sens du bien commun concourent à la singularité de la communauté et donc évite le repli sur soi.

Cette reconquête des appartenances permet enfin de réintroduire du futur, car retrouver sa mémoire c’est aussi rompre avec le présent et réenclencher la dynamique du passé, présent, futur.

En fait, le recours à l’histoire des appartenances n’est pas neutre, il permet aux acteurs de se reconnaître dans le passé et de se projeter pour dans le futur de pérennité et de destin.

Ce regard nous constitue à la fois comme sujets sociaux et comme acteurs de notre propre liberté. Certes la mémoire n’est jamais intégrale, le traitement symbolique de l’histoire est toujours subjectif mais l’indentification de la provenance peut donner un sens au futur. C’est désormais la condition primordiale de la reconnaissance des âmes collectives sans lesquelles la cité des hommes ne sera qu’un instant sans sens

jeudi, 18 janvier 2018

Le politicien professionnel ne veut pas votre bien

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Le politicien professionnel ne veut pas votre bien

Le politicien professionnel est sans doute un mal nécessaire de la démocratie mais ce n’est ni un gentil ni un altruiste

Par Dominique Philos.
Un article de Témoignage fiscal

Ex: https://www.contrepoints.org

Les quelques réflexions qui suivent m’ont été inspirées par l’attitude de Thierry Solère, député Les Républicains, par ailleurs visé par une enquête fiscale, qui a changé « d’écurie » pour passer à LREM et qui s’est accroché à ses fonctions de questeur pour des raisons financières (doublement de l’indemnité de base de 5.600 € par mois) mais aussi de pouvoir ; et qui a dû s’incliner… de très mauvaise grâce tout en risquant finalement d’être exclu de LREM pour des petits arrangements entre amis avec Urvoas, ancien ministre socialiste de la Justice.

Faire de la politique son métier

Le politicien professionnel fait de la politique son activité exclusive mais reste marginal par rapport au nombre total d’élus, qui sont majoritairement des non professionnels. Or, il peut apparaître singulier de vouloir faire carrière dans un secteur qui relève en principe du seul mandat électif périodique ; lequel rend nécessairement aléatoire, en fonction du résultat des élections, toute projection de carrière.

On connaît pourtant des politiciens professionnels qui ont eu quarante ans ou plus d’activité exclusivement politique ; ce qui justifie que l’on s’intéresse un peu à eux.

Nul besoin de diplôme pour se lancer en politique ; il suffit d’avoir de l’audace, de l’ambition, pas trop de scrupules, une élocution aisée, une aptitude à mentir et à dissimuler.

Le politicien professionnel cultive l’amitié politique et les réseaux essentiellement à des fins de Cursus Honorum et de pouvoir. Son ambition est d’arriver aux fonctions les plus prestigieuses et il va tout faire, une fois arrivé à la position convoitée, pour s’y maintenir.

Les arguments du politicien professionnel pour être élu

Le discours du politicien tourne toujours autour du même sujet et utilise toujours les mêmes arguments : Votez pour moi, je vais assurer votre bonheur et, évidemment, la population ne demande bien souvent qu’à croire aux belles promesses du politicien qui n’hésitera jamais à caresser l’électeur dans le sens du poil !

La réalité qui se cache derrière ce discours est un peu plus nuancée… réalité qui révèle souvent une distorsion entre l’éthique affichée et des petits accommodements personnels.

Le cadre d’action du politicien professionnel, spécialement en France, est l’État car c’est lui qui lui donne sa légitimité et ses moyens d’action tout en exploitant le besoin de protection et d’assistanat d’une partie notable de la population qui ne demande pas mieux que d’être prise en charge par un État présenté comme protecteur, de la naissance à la mort, avec un travail, une sécurité sociale, des vacances, des colonies de vacances, une retraite et un logement fournis par ce même État.

Seulement, pas besoin de creuser bien longtemps pour s’apercevoir de la vacuité du discours car :

Quand il promet qu’il va verser des aides sociales, il oublie juste de vous dire que ce n’est pas son argent qu’il va distribuer mais celui extorqué à d’autres, voire même, comble de l’ironie et du cynisme, à vous-même, mais le tout est de vous convaincre.

Quand il promet des services publics gratuits, l’illusion trompeuse de la gratuité laisse à penser que le politicien œuvre pour le bien public, or si les services publics sont gratuits pour certains c’est qu’ils sont payés par d’autres ; les fonctionnaires ne sont pas des bénévoles.

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L’illusion maintenue avec l’argent public

Quand il prévoit de financer des investissements (« ici l’État investit pour votre avenir»), il oublie juste de vous dire que ce sont vos impôts qui sont investis et que le politicien sait surtout dépenser avec prodigalité l’argent des autres ! Par ailleurs, les miracles accomplis par les politiciens se résument bien souvent à une illusion provoquée par l’escamotage des coûts réels des dépenses financées par l’impôt.

Quand il promet la création d’emplois, en fait, il ne crée pas d’emplois, au mieux il peut seulement recruter des fonctionnaires qui ne sont pas des emplois productifs mais uniquement des emplois payés par les impôts des autres. Il peut aussi distribuer vos impôts par le biais de subventions pour attirer des entreprises susceptibles de créer ces emplois.

Finalement, la constante est que le politicien professionnel promet beaucoup en dépensant votre argent !

Les  buts réels du politicien professionnel

Contrairement à ce qu’il tente de faire croire, le politicien professionnel ne veut pas votre bonheur, il veut essentiellement le sien et fera toujours passer ses intérêts avant ceux de ses électeurs. Le politicien a, avant tout, pour but le pouvoir et l’argent (et le sexe en prime, parfois) mais il préfère faire croire à son engagement altruiste ; c’est à la fois plus glorieux et plus valorisant pour son ego… souvent largement dimensionné. On a quelquefois parlé d’hubris à propos de certains.

En outre, il n’hésitera pas à sacrifier les intérêts de ses électeurs aux siens propres notamment lorsqu’il obéit à des directives d’appareil ; même si celles-ci sont contraires à l’intérêt de ses concitoyens. Car il est avant tout dans le calcul politicien.

Ayant accès aux fonds publics, il va utiliser, en tant qu’élu, votre argent à son bénéfice personnel d’une part pour s’assurer un train de vie tout à fait confortable (on se souvient de la gauche caviar) et d’autre part pour assurer sa réélection c’est-à -dire son maintien en place.

Pour cela, il faut qu’il soit populaire et surtout qu’on le voit et qu’on ne l’oublie pas. Il va donc sur les plateaux télé et participe à tous les évènements médiatiques (y compris à l’enterrement d’un chanteur populaire) pour y être vu ou pour discourir de sujets dont parfois il ignore tout. Il va aussi tenter de contrôler son image et notamment acheter la presse, avec vos impôts, pour qu’elle parle de lui favorablement ; car quoi de mieux qu’une presse subventionnée et complaisante et d’autant plus complaisante qu’elle dépend du politique pour sa survie.

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La manipulation de la population

Il n’a échappé à personne que les politiciens professionnels exploitent tous les ressorts psychologiques, et quelquefois les plus vils, des électeurs pour arriver à leurs fins (cupidité, jalousie, victimisation …). En fait, le politicien professionnel se crée une clientèle c’est-à-dire qu’il va prêcher dans le sens des idées de la fraction de la population visée afin de recevoir son assentiment ; l’électorat n’étant finalement perçu que comme un marché à conquérir (le marketing politique n’est pas un vain mot).

La désignation de boucs émissaires et de la responsabilité des autres est aussi bien une technique classique pour attirer un électorat que pour détourner l’attention et éluder ses propres responsabilités car, vous l’aurez peut-être remarqué, mais le politicien professionnel n’a jamais tort et ne se trompe jamais ! On l’a compris : la lâcheté ou, à tout au moins, le manque de courage est aussi un de ses traits de comportement.

Il cherchera et trouvera, au moyen d’explications simplistes, des responsables à la situation et à l’insatisfaction de sa clientèle, et, de ce fait, il n’hésitera pas à s’attaquer aux étrangers, à l’Europe, aux riches, aux banques, aux juifs fraudeurs fiscaux qui « ruinent le pays » en n’acceptant pas la spoliation, à des profiteurs hypothétiques étant entendu que les profiteurs sont toujours les autres … tout en exploitant la crédulité, les sentiments xénophobes et la peur de la population.

Manipuler l’opinion

La promesse de faire payer les autres, surtout les autres, ne peut d’ailleurs que recevoir l’assentiment d’une population qui rêve du « grand soir » et qui a tendance à se victimiser.

De ce fait, il n’aura aucun scrupule à manipuler l’opinion et à mentir pour parvenir aux fonctions qu’il convoite et utilisera à cet effet toutes les ressources de la démagogie et du clientélisme (il peut même défendre des idées auxquelles il ne croit pas) ; le cynisme étant d’ailleurs un mode ordinaire de gestion du politicien qui reste, quoiqu’il arrive, un opportuniste.

L’électeur n’apparaît finalement être, dans ce schéma, qu’un instrument, un moyen pour permettre au politicien professionnel d’arriver à ses fins car le tout c’est d’être élu !

Le rêve du politicien est en fait de contrôler la population qui devient soumise et obéit ; ce qui est facile dans les régimes autoritaires de type URSS ou Allemagne nazie mais est évidemment plus compliqué dans les démocraties où il est nécessaire de recueillir l’assentiment, au moins passif, des populations.

Le politicien n’a alors que deux solutions : acheter les électeurs avec l’argent… des autres en organisant des transferts autoritaires de richesse au profit de sa clientèle ou leur faire peur afin de les rendre plus réceptifs, plus malléables à son discours. L’écologie, je devrais plutôt dire l’hystérie réchauffiste, (on nous parle désormais d’urgence climatique) est l’archétype du sujet qui permet de conditionner la population pour lui faire accepter une vérité officielle et la contraindre à accepter des contraintes et des impôts qu’elle n’accepterait pas autrement.

C’est juste une version actualisée de la carotte et du bâton.

L’envers du décor est que le jour où il faudra solder les dettes de l’État et sa dette colossale (pour l’instant arrêtée à 2.200 mds €), ces mêmes politiciens sauront vous expliquer qu’il faut payer, mais de responsable… vous n’en trouverez pas ; car, et c’est le défaut de notre démocratie, le politicien peut faire à peu près n’importe quoi sans encourir de sanction (à part électorale), à la grande différence d’un mandataire social (gérant ou PDG de société) qui, s’il gère mal, sera révoqué très rapidement et fera probablement un séjour en prison.

En outre, volontiers moralisateurs, les politiciens professionnels font preuve d’une bonne dose de vénalité et d’absence de scrupules. En témoigne la liste, arrêtée en 2013, de 160 politiciens de tous bords condamnés (ici).

Rapporté au nombre total d’élus (5 ou 600.000), ce nombre est certes dérisoire mais si on le rapporte aux 577 députés et 348 sénateurs, la proportion devient alors beaucoup plus significative parce que, on omet en général de vous le dire, les politiciens condamnés sont la plupart du temps des politiciens professionnels.

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Le verrouillage du système

Les politiciens ont su organiser le système de telle façon qu’on ne peut plus se passer d’eux et le système électoral fait qu’il suffit de recueillir l’assentiment de la plus forte minorité pour arriver au pouvoir (puisque la démocratie moderne n’est pas le gouvernement par la majorité mais bien celui de la plus forte minorité) bien aidé en cela par un système électoral à deux tours calculé pour éliminer les concurrents, éviter la dilution des votes et canaliser l’électorat !

De plus, il est nécessairement en faveur de l’accroissement du rôle de l’État, et si vous y prêtez un peu attention vous observerez que les politiciens professionnels évoquent souvent le rôle, l’importance et les missions de l’État pour la raison qu’il va en résulter pour eux une augmentation parallèle de leur pouvoir sur la société ; lequel va leur permettre, en s’ingérant et en légiférant sur tous les aspects de notre vie, de devenir des intermédiaires ou des arbitres indispensables.

L’opportunisme plutôt que les convictions

En fait, si l’on y regarde bien, l’utilité du politicien est tout à fait marginale et on connaît des cas où des États ont pu fonctionner sans gouvernement et sans dommage pendant de longues périodes (en Belgique notamment pendant 18 mois).

Opportunisme, clientélisme, ambition démesurée, veulerie et vacuité sont les traits de comportement habituels du politicien professionnel et vous pouvez lire l’article de Nathalie MP sur son site (ici). Il vous éclairera sur la réalité de la politique française et « l’engagement » de politiciens sans conviction mais opportunistes.

Vous me direz : On ne demande pas aux politiciens d’être gentils mais d’être efficaces et compétents.

Seulement, le problème est qu’ils sont très rarement compétents et donc, a contrario, le plus souvent sont totalement incompétents et s’en remettent aux spécialistes c’est à dire …. à l’administration.

En fait, le politicien professionnel est le plus souvent un individu ordinaire, sans talent, sans compétence, vénal et sans scrupule qui exploite la naïveté de ses électeurs et n’hésitera pas à mentir pour justifier ses propres actions (on se rappelle la déclaration de celui-là selon laquelle « il ne pouvait pas dire la vérité aux français car ils ne comprendraient pas »).

Finalement, bien qu’omniprésents, il ne faut surtout ne pas se faire d’illusion quant à leurs convictions et leur rôle dans la société. Le politicien professionnel est sans doute un mal nécessaire de la démocratie mais ce n’est ni un gentil ni un altruiste.

Je ne sais pas si cela peut vous rassurer mais c’était déjà le cas sous la République Romaine du temps de Jules César. Nous n’avons visiblement pas fait beaucoup de progrès depuis.

lundi, 08 janvier 2018

Pitirim Sorokin Revisited

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Pitirim Sorokin Revisited

How one scholar predicted the West's deterioration into sexual libertinism

jeudi, 04 janvier 2018

Le marché de l’attention et le capitalisme de sublimation

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Le marché de l’attention et le capitalisme de sublimation

Par Jure Georges Vujic, écrivain franco-croate, avocat, géopoliticien, contributeur de Polémia ♦

Facebook, Whatsapp, Snapchat, Twitter, Viber, Google, Amazon et Apple, le labyrinthe des réseaux sociaux, tous sont là, ces virus technomorphes quotidiens, pour nous solliciter, détourner, capter l’attention, dans un ordre souvent cacophonique et synchronique. Notre attention est le plus souvent extorquée et orientée vers des offres voire des demandes pseudo-communicationnelles, ludiques et consuméristes, le tout paqueté dans un langage relationnel, interactionnel et prétendument créatif.

Tel est bien l’enjeu de cette nouvelle économie de l’attention, dont le sociologue Gabriel Tarde rendait compte déjà au début du XXe siècle et dont Herbert Simon traçait des contours précis, dans le cadre contemporain de l’abondance d’information qui créait une rareté de l’attention.


En effet, la surproduction du marché nécessite des formes de publicités qui puissent « arrêter l’attention, la fixer sur la chose offerte ». Bien sûr, ce phénomène ne date pas d’hier, et les stratégies publicitaires, le marketing des marques cherchaient à capter l’attention du consommateur sur tel ou tel produit, mais ce qui est nouveau aujourd’hui, avec l’explosion des applications internet et smartphone, c’est que l’attention est devenue une denrée rare, une ressource captable, une nouvelle monnaie qu’il est loisible de capitaliser et de stocker. Penser l’économie en termes attentionnels, c’est réduire l’attention à des questions d’économie quantifiables. Le récepteur étant constamment sollicité par un flot d’informations et de questions le plus souvent privées de profondeur et de sens, et dépassant souvent ses capacités attentionnels, se réduit à un consommateur boulimique passif de supports visuels et d’informations dans un univers digital et numérique où la frontière entre en attention et distraction, concentration et dispersion, disparaît.

C’est le propre des stratégies numériques d’aligner des attentions (et des inattentions) sur certains indicateurs plutôt que sur d’autres, entraînant ce que l’on appelle des phénomènes de « cécité attentionnelle » : on concentre tellement son attention sur un phénomène précis qu’on rate quelque chose qui devrait pourtant nous sauter aux yeux. La cécité attentionnelle et les stratégies d’escapisme et de désinformation font bon ménage. Lorsque Patrick Le Lay, parlant du modèle d’affaires de TF1, affirmait que : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible », il touchait à la question capitale des conséquences anthropologiques délétères de l’économie de l’attention, puisque la manipulation et l’orientation des attentions humaines bouleversera à long terme les données anthropologiques culturelles multimillénaires basées sur la diachronie espace/temps, le respect des sphères intérieures privées, de l’intégrité personnelle et le besoin de reconnaissance au sein des sociétés humaines.

L’emprise de cette économie serait d’autre part catastrophique sur la culture, sur l’enseignement, sur les capacités cognitives et cérébrales des nouvelles générations, puisque les facultés de concentration et les capacités de transmission du savoir sont considérablement amoindries et détournées. Pour le futurologue Ray Kurzweil, qui est aujourd’hui chargé par Google d’imaginer les produits et services du futur, cette immortalité est toute proche, puisque, selon lui, nous entrons dans l’ère de « la fusion entre la technologie et l’intelligence humaine ». Dépossédés de notre libre arbitre et du contrôle de notre attention, nous serons bientôt des êtres mi-homme mi-machine constamment reliés à l’Internet. Notre esprit se diffusera bientôt dans le réseau sous forme de données numériques. Nous sauvegarderons notre contenu cérébral aussi facilement que nous stockons aujourd’hui un fichier Word sur une clé USB. Une application permettra des mises à jour quotidiennes. Tout cela sera possible à l’horizon 2045, d’après les chantres du transhumanisme.

Nous assistons dores et déjà à ce que le philosophe Eric Sadin appelle « la Silicolonisation du monde », en mettant l’accent sur l’impact anthropologique et politique de ce qu’il appelle « l’accompagnement algorithmique de la vie » ou « le soft-totalitarisme numérique », lesquels visent ultimement à nous dessaisir de notre attention, de notre jugement pour piloter automatiquement le cours de nos existences. L’économie de l’attention qui s’intègre dans cette « nouvelle industrie de la vie » serait le dernier avatar du techno-libéralisme :

“L’économie de la donnée aspire à faire de tout geste, souffle, relation, une occasion de profit, entendant ne concéder aucun espace vacant, cherchant à s’adosser à chaque instant de la vie, à se confondre avec la vie tout entière. L’économie de la donnée, c’est l’économie de la vie intégrale.”

Jbausigne.jpgDe l’économie politique des signes, critiquée par Baudrillard, nous sommes passés au nouvel horizon du capitalisme fondé sur l’économie de l’attention. Dans cette économie, l’homme n’est plus seulement pensé en termes de valeur d’échange mais aussi en termes de valeur d’attention. Simultanément, l’individu, dégagé de toute obligation collective d’ordre politique ou transcendental-religieux, « libéré » de ses liens symboliques ou personnels, enfin « privé » et autonome, se définit par une activité d’allocataire d’attentions disparates, furtives et fluides. L’attention, étant le plus souvent spoliée, détournée vers des offres et des besoins artificiels et préconçus dans cet univers le plus souvent virtuel, s’intègre dans un système de codification (les likes chez Facebook, on like pour être like-é) non dénué de toute forme ostensible evoquée par Thorstein Veblen à propos de la consommation ostentatoire.

Avec ce nouveau marché de l’attention, nous serions entrés dans une ère post-culturelle, pour d’autres, dans une période hyper-moderne ou post-humaine, eu égard aux progrès modernes de la nouvelle révolution digitale, de la reproduction artificielle et de la génétique qui bouleversent l’« univers biblique » ou fantasmatique touchant aux origines de l’humanité : une période marquée par un vacillement sans précédent des paradigmes qui pulvérise le schéma Khun-ien desdites « révolutions de paradigmes » qui ont, depuis la Renaissance, construit les modèles socio-culturels qui nous furent transmis et dont la sublimation fut un des moteurs. La civilisation occidentale « hyper-refoulatoire » et « hyper-pulsionnelle », surchargée de dispositifs libidinaux, serait vouée au cercle infernal de l’inflation sublimatoire. Y aurait-il une crise du processus sublimatoire lui-même – un malaise dans la sublimation – dont nous serions les témoins et les acteurs face à ce mouvement d’acculturation et de déculturation généralisée qu’entraîne l’uniformisation consumériste de la globalisation ?

Il convient de s’accorder sur un constat : le cycle séculaire qui faisait de la culture le cadre de notre vie et de nos aspirations, ciment de la civilisation occidentale, est en train de se fermer. Le cycle de notre civilisation, dont l’épicentre trouve ses appuis les plus solides dans le Siècle des Lumières et par conséquent dans l’humanisme anthropocentrique, porte un héritage moribond. Aujourd’hui, les échos du passé deviennent presque imperceptibles dans la cacophonie généralisée de l’instantanéité médiatique et vidéosphérique omniprésente. Ils se dissolvent. Le sentiment de continuité cultuelle qui jusque-là permettait de contempler dans notre imaginaire les traces de ce qui avait fait l’objet de cet héritage paraît effacé et les conséquences sont nombreuses : repli de l’identité culturelle avec le retour des fanatismes ethno-confessionnels, et des crises identitaires entraînant des replis et réflexes sécuritaires.

La raison instrumentale, le positivisme simplificateur, l’idéologie de la « faisabilité » et du solutionnisme opératoire reflètent une fascination pour « la supériorité du fait » et un certain « impérialisme de la preuve » inlassablement requise face aux incertitudes de la pensée et de la réflexion. Sans s’attarder sur le bien-fondé des leçons métapsychologiques freudiennes qui font de la sublimation le passage du sexuel vers des buts non sexuels d’ordre culturel (et qui, par voie de conséquence, produirait les forces d’une grande part des œuvres de la civilisation), il conviendrait plutôt de s’interroger sur la nature sociale de cette sublimation et sur la question de son devenir. Bien sûr, il est indéniable que la société consumériste globale contemporaine est une société pulsionnelle et sublimatoire, et la sublimation ostensible, qu’elle soit consumériste, esthétique, économique ou politique, reste à l’état réactionnel le symptôme d’une maladie plus profonde qui est celle de l’absence de sens. Notre époque sublimatoire n’a jamais été aussi « créative » et, mutando mutandis, « réactive », marquée par une véritable explosion d’ « œuvres » culturelles et artistiques, de festivals, de « rencontres », d’une myriade d’ « events », mais elle souffre fortement d’une absence de « contenu » référentiel ; elle privilégie l’autoréférentiel subjectif, hyperindividuel et par conséquent l’éphémère sublimatoire des « contenants » frivoles, de la pure consommation et de l’hédonisme individuel.

La sublimation consumériste fébrile et ostensible qui résulte de ce captage de l’attentio prend la forme d’une excitation et d’un escapisme durable, un « onanisme » permanent, sorte de procédé auto-calmant, qui contrecarre l’hémorragie narcissique liée à l’investissement de l ‘œuvre en gestation. L’activité sublimatoire est ici à son acmé. La brutalité de l’oscillation des investissements narcissiques et objectaux plus souvent à l’œuvre dans les réseaux sociaux constitue bien une menace pour l’intégrité individuelle, pour « l’autarcie du for intérieur » qui nous empêcheront d’être notre « propre principe souverain » (autarcie).

Il est question ici de dispositifs subliminaux purement somatiques qui n’ont rien à voir avec les procédés sublimatoires mystiques qui s’apparentent à une quête de soi (ou plutôt à un renoncement de soi et une séparation de soi) lesquels débouchent sur un mouvement de conversion intérieur qui détermine ce « saut ontologique », non pas dans le somatique, mais dans la spiritualité (même si les processus qui relient les diverses formes de conversion s’entrecroisent). Certains parlent de neuro-totalitarisme ou de totalitarisme numérique et avec raison. Le capitalisme de sublimation, après avoir aliéné le désir, aboutirait donc via la nouvelle emprise sur l’attention, au règne d’un autisme collectif. La sublimation postmoderniste aboutirait à une sorte d’extinction nihiliste, une sorte de « satori » global où notre société de consommation marchande s’abolirait elle-même par une entropie irréversible.

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L’idéalisation de la promesse de libération, de renaissance, de restauration ou de purification originelle, est illusoire, non seulement du fait de l’intensité des forces sublimatoires globales, mais aussi du fait du retrait des grands récits mobilisateurs porteurs d’idéal, et de leur incapacité à s’ancrer dans des consciences collectives qui ne sont ni pré-modernes ni modernes, mais tout simplement des consciences collectives coalisées par l’imaginaire sublimatoire occidental. Au contraire, plutôt que vers une sortie vers l’idéalisation, la sublimation générale mobilise des charges émotionnelles mélancoliformes, qui côtoient une sorte de dépouillement imaginaire, cousin de la déréalisation. De sorte que la société sublimatoire contemporaine s’achemine vers des phases de mélancolie successives qui jouent le jeu d’un processus de sevrage, dans lequel se résolvent les excédents d’images inflationnistes, pour nourrir un sentiment nostalgique qui équivaudra à un renoncement, à une perte de ses particularités défensives.

Le véritable défi ontologique de notre époque sera celui de surmonter les formes d’une société mélancolique, en tant qu’usine de sevrage où se désintoxiquent des millions d’individus vivant à la surface des apparences d’images dénuées de sens. Ou bien cette même société sombrera dans une mélancolie psychiatrique généralisée, la folie des Anciens, où disparaît l’activité métaphorique et où le sens s’amenuise peu à peu, ou bien elle sombrera dans une folie infra-onirique, cathodique et hypnotique, qui dilue et réifère l’attention, le sens, pour n’entretenir que l’apparence d’une activité créatrice.

Entre cette folie intra-onirique et la folie sociale, notre société globale contemporaine se trouve dans un espace interval et transitoire.

Jure Georges Vujic
29/12/2017

Notes bibliographiques :

  • Yves Citton, L’Economie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ? La Découverte, 2014.
  • Eric Sadin, La Silicolonistion du monde, L’Echappée, 2016.
  • En savoir plus sur lemonde.fr

Correspondance Polémia – 31/12/2017

mardi, 31 octobre 2017

Quelle est la situation des gens en Allemagne?

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Quelle est la situation des gens en Allemagne?

par Elisabeth Koch, Allemagne

Ex: http://www.zeit-fragen.ch

Angela Merkel proclame «Nous allons bien en Allemagne». Cependant, maintenant, après les élections, les médias soulèvent la question de savoir pourquoi tant de gens sont mécontents de la situation en Allemagne, avec le gouvernement actuel. Les protestations lors des réunions électorales d’Angela Merkel étaient bien distinctes, pas seulement en Allemagne orientale. Depuis des années déjà, de nombreuses personnes expriment leur mécontentement. On ne les a pas pris au sérieux – tout au contraire. Les citoyens formulant leur désaccord sont considérées comme des personnes névrotiques: Mme Merkel utilise à tout moment les termes «craintes et inquiétudes», comme si elle était une psychiatre à la recherche d’une méthode de soins pour des patients refusant de coopérer. Rita Süssmuth, CDU, par exemple, a expliqué à la Radio suisse alémanique,1 que les gens n’avaient «pas compris» que nous avions besoin des réfugiés comme main-d’œuvre. «Nous n’étions pas assez bons dans l’écoute et dans nos explications», a-t-elle déclaré. «Nous», c’est elle et ses collègues, une élite planant comme un «vaisseau spatial» au-dessus du peuple. Cette élite sait tout, alors que nous, les citoyens, sommes des ignorants, auxquels il faut tout expliquer trois fois. Les politiciens promettent, de mieux «s’occuper» de nous, de nous «prendre avec eux».2 Ces gens ont oublié, qu’ils sont nos représentants, qu’ils doivent nous demander quels sont nos vœux et souhaits, comment nous voyons les choses. Au XXIe siècle, nous ne voulons plus, en tant que citoyens, tout accepter sans broncher ou croire que tout ce que «les puissants» nous présentent constitue la panacée. En tant que personnes éclairées, nous sommes tout à fait en mesure d’observer ce qui se passe, de nous informer, de reconnaître les liens entre les évènements et d’en tirer les conclusions nécessaires.

Sources de données: Organes statistiques fédéraux et des Länder ainsi que la Banque fédérale.

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«Qu’en est-il des Allemands de l’Est?»

L’interview accordée à un journal suisse par Petra Köpping, ministre d’Etat de la Saxe (SPD) représente une exception positive. Concernant les manifestations ayant eu lieu en Allemagne orientale lors de réunions électorales de Mme Merkel, on lui posa la question: «Qu’en est-il des Allemands de l’Est?» Et Mme Köpping de répondre: «Ceux qui crient, provoquent et sifflent sont une minorité. La majorité est tranquille – cela ne signifie pas pour autant qu’elle est satisfaite de sa situation.»3 Cela est déjà assez étonnant, car à la télévision, on ne nous montre d’ordinaire que ceux qui manifestent de manière bruyante et indignée. C’est rare d’entendre des prises de paroles raisonnables; on ne nous présente que des personnes s’exprimant de manière maladroite et souvent enragée. Mme Köpping a expliqué, que beaucoup d’Allemands de l’Est ont été trompés pour toute leur vie lors de la réunification, car malgré une bonne formation, leurs qualifications professionnelles ne valaient d’un jour à l’autre plus rien et ils ont perdu leur emploi et leur reconnaissance. En réalité, 75% des habitants en Allemagne de l’Est ont perdu leur place de travail. Nombreux sont ceux qui avaient auparavant une situation convenable et qui, soudainement, s’appauvrissaient, car leurs connaissances professionnelles n’étaient plus demandées. La formation scolaire en Allemagne de l’Est était excellente, notamment dans les domaines scientifiques et mathématiques. Mais jusqu’à aujourd’hui même des anciens professeurs diplômés doivent gagner leur pain avec des petits travaux ne correspondant nullement à leur niveau de formation. Mme Köpping déplore à juste titre que jusqu’à nos jours «les membres de 17 groupes professionnels reçoivent une rente beaucoup trop petite. Mais le gouvernement fédéral ne s’intéresse pas à ces personnes». A titre d’exemple: la rente moyenne en Allemagne se situe à 1176 euros par mois, en Allemagne orientale elle s’élevait en 2015 seulement à 984 euros en moyenne – donc de nombreuses personnes obtiennent encore moins de rente.4

Des problèmes sociaux aussi en Allemagne de l’Ouest

Dans certaines parties d’Allemagne occidentale, notamment la région de la Ruhr ou de la Sarre, le nombre de personnes ayant perdu leur emploi qualifié et prétendument garanti est également élevé. Le fait que le taux de chômage en Allemagne soit malgré tout assez bas, est probablement dû au fait que de plus en plus de personnes gagnent leur vie dans des emplois incertains à bas salaires. Ainsi, entre temps, presque la moitié de tous les contrats de travail conclus sont limités.5 Même une partie des enseignants, ayant auparavant toujours eu un emploi garanti en tant que fonctionnaire, se font licencier.6 Il n’est pas difficile de s’imaginer les incertitudes que cela signifie pour les pères et mères de famille: aurais-je encore mon emploi l’année prochaine, puis-je encore m’offrir une maison, m’installer dans un appartement. Dois-je déménager? Devons-nous nous séparer, pour trouver un emploi dans une autre partie du pays, afin de pouvoir subvenir aux frais de la famille? De nombreux chômeurs doivent accepter plusieurs jobs, travaillent dans des «jobs à 1 euro» et n’arrivent toujours pas à gagner assez. Même des retraités doivent se trouver un travail pour avoir assez à vivre. De telles situations de travail précaires mènent à une pauvreté accablante chez un nombre de personnes beaucoup trop élevé. L’infographie ci-dessus illustre comme depuis 2006, le taux de pauvreté en Allemagne grimpe en même temps que le PIB. Cela prouve que dans certains pans de la société, on gagne bien sa vie. Mais qui est-ce? Manifestement, il y a beaucoup de perdants.

Qui paye? Le «Mittelstand»!

Entre temps, on sait que bon nombre de personnes bien formées de la classe moyenne soutiennent le parti AfD (Alternative für Deutschland) par contestation. Les petites et moyenne entreprises, notamment dans les domaines de l’artisanat, du commerce de détail ou de la production – représentant le «Mittelstand» – génèrent la plus grande partie de l’argent en Allemagne. Ils garantissent notre prospérité, ils emploient la majorité des salariés, ils forment notre jeunesse. Mais on leur demande de plus en plus d’impôts. Prenons l’exemple des millions de nouveaux migrants ayant besoin de logements, de nourriture, de vêtements. C’est naïf de croire, que grâce à notre «culture d’accueil», le ciel nous offrira la manne. Les charges fiscales en découlant sont essentiellement assumées par les entreprises du «Mittelstand». Au niveau de l’UE, les transferts aux Etats membres en difficultés telles la Grèce, l’Espagne etc. sont couverts par les revenus étatiques réalisés par le «Mittelstand». En outre, celui-ci est inondé par de la main-d’œuvre et des produits bon marché arrivant de l’étranger. Les directives de l’UE obligent les entrepreneurs à pratiquer un effort bureaucratique croissant. Puis, il y a les sanctions contre la Russie affaiblissant notamment l’économie européenne. Récemment, le Handelsblatt a écrit qu’«entre temps plusieurs Länder, telles la Saxe, la Basse-Saxe et la Saxe-Anhalt, réclament des aides étatiques pour les entreprises affectées par les sanctions contre la Russie». Martin Wand­leben, directeur de la Chambre allemande de commerce et d’industrie (DIHK), exige, compte tenu des nouvelles sanctions prévues, «que l’Europe toute entière s’oppose aux plans américains».7 Jusqu’à présent, on n’entend peu ou rien concernant la prise en compte de cette demande.

L’agriculture sous pression

Concernant ces questions soulevées, les agriculteurs n’ont guère voix au chapitre. Car eux, ils ne souffrent pas seulement des intempéries, mais surtout de la bureaucratie bruxelloise et des marchés agricoles globalisés. Ils sont nombreux à lutter contre leur déchéance économique. La constante diminution du nombre d’exploitations illustre qu’il y a beaucoup de perdants. Les terres arables n’ont guère diminué en Allemagne depuis 1991. C’est-à-dire que les agriculteurs restant ont dû agrandir leur entreprise. Cela signifie qu’ils sont confrontés à une montagne de dettes suite à l’achat des terres et à de nouvelles machines agricoles. Ils en ont un grand besoin, puisque le nombre d’emplois dans le domaine de l’agriculture a également diminué.8 Que pensent les paysans en entendant la formule incantatoire «la situation de l’Allemagne n’a depuis longtemps plus été aussi bonne»?

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Criminalité croissante

La situation critique de l’économie n’est certainement pas la seule raison du mécontentement régnant, d’autres domaines en politique et dans la société se trouvent également dans une situation critique. Toujours est-il qu’une discussion est mal vue, surtout quand il s’agit de la politique migratoire. La majorité des Allemands n’est pas hostile aux étrangers. L’Allemagne a toujours su intégrer des personnes venues d’ailleurs, tels les Polonais, les Italiens et les Turcs. Beaucoup d’entre eux se sont bien intégrés et font partie de la société et de l’Etat allemand.


Bien sûr, en tant que citoyens allemands, nous respectons le droit à l’asile: quiconque est en danger de vie est le bienvenu et on l’aidera. Aucun parti allemand n’a remis cela en question. Mais, il est inconcevable de provoquer partout dans le monde des guerres détruisant l’existence des gens puis de les inciter à s’enfuir en Europe. Que font le gouvernement allemand, les partis politiques établis, les médias etc. pour empêcher ces guerres scandaleuses? Plus ou moins tous soutiennent ces guerres entreprises en violant le droit international: pensons à la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Libye ou la Syrie. On nourrit artificiellement des conflits et des émeutes dans une grande partie de l’Afrique. Des hommes politiques corrompus sont placés ou soutenus au pouvoir. Tout cela afin de pouvoir plus facilement exploiter les matières premières telles le coltan, les pierres précieuses etc. Car un peuple se trouvant sans cesse en guerre n’est pas capable d’établir un Etat de droit, d’installer des autorités judiciaires et des forces de police pour s’opposer aux pillards. Maltraité et martyrisé, le Congo (RDC) en est un parfait exemple.
Dans d’autres pays, comme en Libye, on a renversé un gouvernement stable et fonctionnant. Il y avait des structures garantissant du travail, un système de santé publique, l’éducation des jeunes et un système judiciaire plus ou moins opérationnel. Aujourd’hui, tout est détruit et la Libye est un «Etat en déliquescence». Il ne peut plus aider à résoudre la crise migratoire, puisque il en fait partie.


Ce n’est pas le moment de faire l’analyse de l’implication de l’Allemagne dans ces conflits et ces guerres. Il paraît pourtant clair que l’Europe ne peut pas accueillir tous ceux qui en souffrent. Sinon ce sera l’Allemagne qui finira par s’écrouler. D’abord sur le plan économique mais aussi en ce qui concerne l’intégration de toutes ces personnes. Actuellement, il est évident que seule une petite partie des réfugiés pourra être intégrée dans le marché du travail. Cependant, tout refugié reconnu a le droit à un logement pour lui et sa famille. La crise de logement existait déjà bien avant le flux migratoire.

Actuellement, on construit partout des logements. De nombreux Allemands réalisent que les refugiés obtiennent souvent des appartements qu’eux-mêmes ne pourraient pas se payer. Ils savent également que tout cela doit être payé par quelqu’un et que ce sont les citoyens allemands qui passent à la caisse par leurs impôts. Il est indéniable que cela mène au mécontentement.


Beaucoup de personnes arrivant chez nous pensent que nous roulons tous sur l’or. Cela crée une attitude exigeante que de nombreux citoyens réalisent et cela ne leur plaît pas non plus. Le taux de criminalité augmente, bien que ces méfaits soient commis par une minorité des étrangers, on ne peut plus le cacher et souvent les gens le vivent quotidiennement ou en sont même touchés personnellement. Parler avec condescendance d’«angoisses diffuses» de la part de la population suscite une indignation qui ne doit pas étonner. En plus, il faut savoir que la plupart des réfugiés dans notre pays n’ont pas la moindre idée, ni de notre démocratie, ni de notre Etat de droit. Pourtant, pour garantir la cohésion sociale, il est nécessaire que les habitants et les citoyens d’un pays en acceptent et soutiennent la législation. Tout cela prouve que les grands problèmes mondiaux demandent d’autres solutions que l’accueil en Europe de tous les déshérités.

Les enfants n’apprennent plus assez

Suite aux résultats de diverses élections régionales de cette année, il s’est avéré qu’un grand nombre de parents sont mécontents du fait que leurs enfants apprennent de moins en moins à l’école. En Rhénanie du Nord-Westphalie et au Bade-Wurtemberg, les électeurs viennent de passer un savon aux responsables gouvernementaux. Et cela bien que les habitants de l’Allemagne de l’Ouest soient déjà habitués depuis bien trop longtemps à des programmes scolaires farfelus. Après la Réunification, le nouveau système éducatif a provoqué un choc dans l’Est de l’Allemagne. Les habitants de l’ancienne RDA (appelés «Ossis») sont de bons observateurs et sont habitués à penser historiquement. Ils savent parfaitement que l’éducation en RDA – mise à part l’influence idéologique – était meilleure et plus solide, surtout dans les domaines des mathématiques et des sciences. Il n’est pas nécessaire d’avoir la nostalgie de la RDA pour s’en rendre compte.

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De nouveaux modèles familiaux?

Pour la plupart des habitants des nouveaux «Länder», la famille est centrale. C’était semblable à l’époque du communisme. Se retrouvant dans une liberté inconnue, ils se rendirent rapidement compte que l’Ouest propageait des modèles familiaux bizarres et qu’on leur demandait de les soutenir. Sinon, ils étaient marginalisés, exclus et insultés. D’ailleurs, beaucoup d’Allemands de l’Ouest ne sont pas non plus d’accord, mais ils n’osent plus le dire à haute voix.


Les familles dans les nouveaux «Länder» voient leurs jeunes partir à l’Ouest parce qu’il n’y a pas assez de travail chez eux. Même des pères de famille travaillent à l’Ouest pendant la semaine pour retourner chaque week-end chez leur famille en Saxe ou en Thuringe. En 2016, 327 000 pendulaires faisaient la navette entre leur domicile et leur lieu de travail.9 Est-ce vraiment ce qu’on entend par une meilleure vie? Les Allemands de l’Est réalisent pertinemment qu’il y a pour les Allemands de l’Ouest des non-dits, une dictature de l’opinion, des lignes rouges à ne pas franchir. Un jour, l’un d’eux m’a dit: «En RDA, on savait ce dont on avait le droit de parler et ce dont il ne fallait pas parler. On savait aussi qui tirait les ficelles. Tout était clair et transparent. Maintenant, après la Réunification, la dictature de l’opinion est beaucoup plus compliquée et opaque et il y a de multiples pièges. Tout se passe sous couvert et il est très difficile d’identifier les responsables.»
Ce ne sont que quelques sujets qu’il faut mettre sur la table. Il y a certainement encore davantage de problèmes à résoudre, et ce ne sont pas pour tous les citoyens les mêmes. Cependant, une chose est claire: il faut pouvoir en débattre ouvertement. Et en plus: les citoyens ne veulent pas seulement avoir le sentiment d’être pris au sérieux, il veulent réellement être pris au sérieux. Cela signifie: avoir son mot à dire. Il n’y pas d’alternative à la démocratie directe!     •

(Traduction Horizons et débats)

1    SRF, Echo der Zeit, Interview de Rita Süssmuth du 26/9/17
2    p. ex. Manuela Schwesig, SPD, dans une discussion télévisée le soir des élections, 24/9/17
3    «Luzerner Zeitung» du 20/9/17
4     www.focus.de/finanzen/altersvorsorge/rente/kontostand/dur...
5    cf. «Fast jeder zweite neue Arbeitsvertrag ist befristet» in: Zeit online du 12/9/17
6    cf. magazin.sofatutor.com/lehrer/2016/11/03/infografik-arbeit...
7    «Deutsche Industrie fürchtet Russlandsanktionen». Spiegel online du 4/8/17
8    cf. Données de base de l’agriculture allemande: www.veggiday.de/landwirtschaft/deutschland/220-landwirtsc...
9    cf. www.manager-magazin.de/politik/deutschland/pendler-fahren...

dimanche, 29 octobre 2017

Immigration travail & religion - Interview de Guillaume Faye et Claude Berger

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Immigration travail & religion

Interview de Guillaume Faye et Claude Berger

Guillaume Faye et Claude Berger, se retrouvent sur l'activité salariée qui coupe l'homme de ses racines, sur les racines de l'antisémitisme dans le socialisme, dans le christianisme et dans l'Islam. Un moment rare pour des analyses exceptionnelles.
 

dimanche, 10 septembre 2017

Ingénierie sociale : une petite histoire de la libération sexuelle

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Ingénierie sociale : une petite histoire de la libération sexuelle

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

 

L’histoire de la « libération sexuelle » est celle d’une ingénierie sociale qui est parvenue à faire de l’individu isolé la cellule de base de la société, conformément à ce qu’énonçaient Rousseau et les révolutionnaires de 1789. Cette ingénierie est passée par trois phases : une phase légale, une phase idéologique et une phase psychosociale de reconditionnement des instincts sexuels. Cette dernière phase correspond à ce que nous appelons la « libération sexuelle ». C’est en fait un processus d’animalisation qui a permis d’enchaîner l’individu à des instincts « libérés » peu compatibles avec une vie de famille stable.

Le Système, fondé sur le préjugé obscurantiste d’un individu préexistant au groupe, va naturellement faire de la Famille la cible de toutes ses attaques. Dès la période révolutionnaire, le Système naissant a compris que la famille, héritée de notre patrimoine phylogénétique, sublimée par les cultures et les religions, serait le dernier bastion à résister au projet totalitaire d’esseuler les hommes. Pour connaître le but de tout ceci, il suffit de lire Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932). Ce livre, qui n’est pas un roman de science-fiction mais le projet révélé d’une caste, nous apprend que dans le futur Etat mondial il n’y aura plus ni pères, ni mères, ni familles, ni même reproduction sexuée. En 2017, cela n’est plus vraiment une utopie : on y est presque ! Voici en quelques lignes comment cela s’est passé.

La Révolution, premier acte de la destruction de la Famille

Dans la société traditionnelle européenne, le mariage relève du sacré. Indissoluble, il est béni par le prêtre et fait partie, avec le baptême ou l’eucharistie, des sept sacrements. On se marie devant Dieu, qui délivre sa grâce, dans le but de former un couple et de fonder un foyer.

Le mariage n’est pas seulement l’union d’un homme et d’une femme. C’est aussi l’union de deux familles qui ont donné leur accord par l’intermédiaire des parents. Cette « alliance » de deux groupes familiaux n’est pas que symbolique. Elle implique un devoir de solidarité et une exigence d’entraide qui peut aller jusqu’à l’obligation morale de venger un affront dont l’allié aurait été victime (Robert Muchembled, Cultures et société en France du début du XVIe Siècle au milieu du XVIIe siècle, Sedes, 1995).

Traditionnellement, c’est uniquement dans le cadre du mariage qu’une sexualité est possible. Celle-ci a pour finalité l’agrandissement de la famille par de nouvelles naissances. De plus, puisque le mariage est un sacrement, la sexualité et la reproduction qui en découle prennent à leur tour un caractère sacré.

Dès l’époque révolutionnaire, les républicains vont donc attaquer la famille en sapant le mariage. Ils vont d’une part rompre son lien au sacré, d’autre part remettre en cause son indissolubilité, enfin le dissocier de la reproduction de la lignée. Tout cela va se faire à coup de lois et de décrets et n’aura, pendant des décennies, quasiment aucune incidence sur les mœurs et coutumes de la société française.

En août 1792, l’Assemblée nationale vote une loi autorisant le divorce « sur simple allégation d’incompatibilité d’humeur » : c’en est fini de l’indissolubilité du mariage. En septembre de la même année, une loi institue le mariage civil. Celui-ci n’est plus défini comme un sacrement mais comme un contrat entre deux individus : c’en est fini du caractère sacré du mariage. Le 12 brumaire An II (20 novembre 1793) est votée une loi qui stipule que tous les enfants nés hors mariage seront admis à la succession de leur père. L’enfant naturel ou illégitime entre ainsi dans la filiation légale : c’en est fini du mariage comme seul moyen légitime de perpétuer la lignée.

En attaquant le mariage, la République attaque la clé de voûte de la famille. Car c’est bien la famille qu’il s’agit de déconstruire et d’affaiblir, de nombreux écrits républicains en font foi. La famille serait ainsi un « détournement d’énergie citoyenne », un « vol fait à la cité » selon le conventionnel Courtois (Danton : « Les enfants appartiennent à la République avant d’appartenir à leurs parents », intervention à la Convention lors de la séance du 22 frimaire an II). On doit être « enfant de la Patrie » et non de ses parents ! Il convient donc de distendre les liens familiaux (Sieyès : « Un législateur éclairé verrait jusqu’où on peut permettre les liens de famille ») en permettant le divorce, en affaiblissant la sacralité du mariage ou même en attaquant le pouvoir du père, notamment à travers la loi successorale de 1794 (cette loi impose l’égalité entre les héritiers. Elle présente trois avantages d’un point de vue républicain. D’une part, elle permet à la République de s’immiscer au sein même de la famille à déconstruire pour prendre un pouvoir traditionnellement dévolu au Père, ce qui au passage diminue le prestige de celui-ci. D’autre part, le Père n’ayant plus la possibilité de sanctionner (ou d’avantager) l’un ou l’autre de ses enfants, ceux-ci auront plus de latitude pour remettre en question son autorité. Enfin cette loi a pour conséquence d’émietter les biens familiaux et de diminuer ainsi la puissance économique de la famille). 

Dès la période révolutionnaire, nous voyons clairement s’ébaucher une volonté non dissimulée d’en finir avec le mariage, la famille, la filiation dans un cadre familial, les liens de parenté et la place du Père (assimilé au Roi, quand ce n’est pas au tyran). Tout cela reste au niveau légal et garde un impact sociétal très faible. Néanmoins, l’opération-Système est réussie : le ver est dans le fruit ! Car le Système « raisonne » en décennies, voire en siècles. Peu importe le temps : l’essentiel est que le pourrissement soit inéluctable.

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L’amour libre

La Restauration va abolir le divorce en 1816. Il sera rétabli en 1884, dès que la République se sera solidement réinstallée au pouvoir. Persévérant dans son entreprise de destructuration de la famille, la République va, par une loi de 1896, restreindre le droit de regard des parents sur le mariage de leurs enfants et par une autre, de 1907, mettre fin à l’obligation du consentement des parents par des « actes respectueux ». Tout cela est conforme à l’idéologie du contrat social : il s’agit toujours de réaffirmer l’individu isolé et libéré de ses « obligations familiales » contre le « corps intermédiaire ». A travers la mise à l’écart des parents, garants des intérêts globaux de la famille et chargés notamment de prévenir les mésalliances, la République pose que le mariage est affaire de désir individuel et non d’alliance entre des groupes familiaux. Insensiblement, le régime politique impose l’idée romantique que le mariage est affaire d’amour et que l’amour doit être libre.

L’idée sera bientôt reprise et utilisée contre le mariage. Car si l’individu est la cellule de base de la société, et si la liberté et les « passions » de celui-ci priment sur les corps intermédiaires qui l’oppriment, alors le mariage est une prison, peu importe qu’il soit civil ou religieux. En substituant le mariage civil révocable au mariage religieux irrévocable, la République-Système avait certes affaibli l’institution mais ne l’avait pas fait disparaître.  Poussant la logique républicaine jusqu’au bout, un courant d’idée va, au nom d’une liberté individuelle qui passe par la liberté sexuelle, proposer l’abolition du mariage et l’union libre entre les individus.

Les partisans de « l’amour libre » ne se contentent pas de contester l’institution du mariage, qu’ils décrivent comme un esclavage sexuel. Ils font en effet la promotion des comportements sexuels non procréateurs, dont l’homosexualité, et entendent ainsi libérer le désir sexuel : « L’amour libre ne peut être de l’immoralité puisqu’il est une loi naturelle ; le désir sexuel ne peut être une immoralité puisqu’il est un besoin naturel de notre vie physique » (Madeleine Vernet, l’Anarchie, 1907). Aux Etats-Unis l’hebdomadaire Lucifer, The Light-Bearer (Lucifer, Le Porteur de Lumière) fondé en 1883 par Moses Harman  décrit le mariage comme une conspiration contre la liberté et la justice. Le journal fait la promotion de la liberté sexuelle, du contrôle des naissances et de l’eugénisme. Dans une conférence de 1907, l’anarchiste Voltairine de Cleyre, qui publie aussi dans Lucifer, déclare : « la tendance sociale actuelle s’oriente vers la liberté de l’individu, ce qui implique la réalisation de toutes les conditions nécessaires à l’avènement de cette liberté ». Et elle ajoute : « je souhaiterais que les hommes et les femmes organisent leurs vies de telle façon qu’ils puissent être toujours, à toute époque, des êtres libres, sur ce plan-là [sexuel] comme sur d’autres ». Et ailleurs, très luciférienne : « je ne m’inquiète pas de la repopulation de la Terre, et je ne verserais aucune larme si l’on m’apprenait que le dernier être humain venait de naître ».  

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Voltairine de Cleyre

Le courant anarchiste ou « d’extrême gauche » semble en pointe dans le combat pour l’amour libre. Ce n’est qu’une illusion car ce courant a historiquement toujours servi les intérêts de la Caste et a toujours été à sa remorque. Les internationalistes marxistes, qui entendent alors détruire la famille bourgeoise, sont les idiots utiles des mondialistes libéraux qui voient dans le « libéralisme sexuel » une transposition du libéralisme économique. Il est tentant pour ces derniers d’analyser la libido comme un capital qu’on serait libre d’investir où l’on veut. Les frontières imposées par le couple et la famille représenteraient alors, pour la libido, un obstacle équivalent à ce que sont les frontières nationales pour l’argent. On peut trouver un exemple typique de cette collusion entre la gauche radicale et le capitalisme le plus débridé en la personne de Margaret Sanders. Sanders est à la fois anarchiste, féministe et une eugéniste partisan du contrôle des naissances comme de l’amour libre. Avec le soutien financier de la famille Rockefeller, consciente de leurs convergences idéologiques, elle va fonder en 1921 l’American Birth Control League qui deviendra en 1942 le Planning familial (Planned Parenthoud).  

Côté Caste, Richard Nikolaus Eijiro von Coudenhove-Kalergi (1894-1972) est dans l’entre-deux guerres l’un des représentants les plus en vue de l’oligarchie. On le connaît surtout pour son influence dans la construction de l’Union européenne. Celle-ci lui doit l’hymne européen, la « journée de l’Europe », la CECA, le Conseil de l’Europe qui inspira le Parlement européen et même la monnaie unique qui fut proposée par Valéry Giscard d’Estaing sous les auspices du Xème Congrès du mouvement Paneuropéen que Coudenhove-Kalergi a fondé en 1922. Titulaire de plusieurs prix et décorations, proposé pour le prix Nobel, Coudenhove-Kalergi a été en relation avec tous les hommes de pouvoir de son temps.

praktischer-idealismus-richard-de-coudenhove-kalergi.jpgDans son ouvrage Praktischer Idealismus édité en 1925, Kalergi expose clairement sa conception eugéniste du monde. Dans la société planétaire qu’il appelle de ses vœux, l’humanité sera, expose-t-il, divisée en deux groupes : d’une part une Caste oligarchique toute puissante, d’autre part une masse humaine de moindre valeur, métissée et assujettie (voyez ici notre article sur ce triste personnage).

Le mariage et la reproduction sexuée seront réservés aux « élus » de la Caste : « Seule sera libre l’alliance des hommes les plus nobles avec les femmes les plus nobles, et inversement » (Page 46). Le « mariage » et « l’eugénisme », écrit-il, seront à la base d’une « noblesse de reproduction » (Sic ! la traductrice de l’ouvrage souligne que le terme « Zuchtadel » peut aussi se traduire par « noblesse d’élevage » !). Le système que Kalergi veut voir s’installer « culminera dans la production (NDT : Züchtung : élevage) de la noblesse, dans la différentiation de l’humanité. C’est ici, dans l’eugénisme social, que réside sa plus haute mission historique » (page 46).

La masse métissée aura quant à elle une condition très différente. Coudenhove-Kalergi poursuit : « Les personnes de valeur moindre devront se satisfaire de personnes de valeur moindre. Ainsi le mode d’existence des personnes de valeur moindre et médiocre sera l’amour libre, celle des élus : le mariage libre » (Page 46).

 Coudenhove-Kalergi est le porte-parole d’une Caste au pouvoir qui se sert accessoirement des mouvements sociétaux de gauche et d’extrême gauche. Il s’agit d’installer une société où les oligarques  auront tout loisir de se reproduire dans un cadre protecteur (la famille) et où ceux qui appartiennent à « l’humanité de quantité » seront autorisés à assouvir leurs instincts sexuels avec les « personnes » de  leur choix (peu importe donc le sexe de celles-ci) sans pouvoir se reproduire. Aux uns le mariage et la reproduction, aux autres l’amour libre mais stérile.

L’idée eugéniste de maîtriser la reproduction de l’espèce à travers la prohibition de la famille et la libération des instincts sexuels apparaît très clairement dans le meilleur des mondes de Huxley. Cet ouvrage est davantage une annonce politique qu’un roman de science fiction. Aldous Huxley fait partie de la Fabian society, véritable institut d’ingénierie sociale qui entend « altérer l’opinion publique » pour lui faire accepter le pouvoir d’une élite mondiale. Il est le frère de Julian Huxley, vice président puis président de la Eugenic Society entre 1937 et 1962, fondateur de l’UNESCO et du WWF dont le premier président sera le Prince Bernhard par ailleurs co-fondateur du groupe de Bilderberg. Dans le meilleur des mondes selon Huxley, le gouvernement est mondial, les Alphas forment l’élite dominante, les hommes sont conditionnés, la sexualité est libre dès l’enfance mais stérile et sans amour, la reproduction humaine est artificielle, le mariage et la famille n’existent plus, les mots orduriers de « parents », « père » et « mère » font rougir de honte.

Aldous Huxley connaît André Breton avec qui ils échangent en français. Les surréalistes, parfois accusés de « pédérastie », prétendent dans les années 1920 lutter contre les valeurs reçues et libérer la libido de tous les préjugés, notamment sexuels. Ce serait, selon eux, une condition indispensable d’accès à une certaine forme de connaissance. De ce point de vue, la famille leur fait horreur. André Breton, dira que la religion et la famille sont des pièges pour la passion amoureuse et que par conséquent : « Tout est à faire, tous les moyens doivent être bons à employer pour ruiner les idées de famille, de patrie, de religion » (Second manifeste du surréalisme, 1929). Voilà bien une idée que l’Administrateur Mustapha Menier aurait pu soutenir dans Le meilleur des mondes !

L’ingénierie sociale qui est sous-tendue ici isole l’individu sous prétexte de le libérer et le met sans défense face au pouvoir global, que celui-ci se nomme « gouvernement mondial » ou « république universelle ». Le schéma a été proposé par la république « française ».  Il sera repris  par l’ensemble des mondialistes de « gauche » comme de « droite », notamment du monde anglo-saxon. La remise en cause de la famille par l’idéologie de l’amour libre entre 1880 et 1940 a dans cette période reçu le soutien passif des plus hautes instances politiques républicaines. N’oublions pas que l’ouvrage Paneurope de Coudenhove-Kalergi (1927) est porté par des gens comme Aristide Briand, Ministre (et Président de l’Union Paneuropéenne !), Joseph Caillaux, ministre et ancien Président du Conseil, Edouard Herriot, Henri de Jouvenel, Paul Painlevé ou Albert Thomas.

L’ère Kinsey : détruire le chef de famille et la maîtresse de maison

Les bases légales de l’éclatement de la famille ont été posées par la révolution « française ». Elles ont peu à peu été reprises par l’intégralité des Etats occidentaux. L’idéologie de l’amour libre a quant à elle proposé un moyen pour rendre effectif cet éclatement : «  libérer » les instincts sexuels de l’individu. Cependant,  ni la loi républicaine, ni les promoteurs de l’amour libre n’ont eu de réel impact sur les comportements des populations. Pour que le basculement s’opère, il faudra une gigantesque entreprise de manipulation mentale, significativement appelée par ses promoteurs : « Restructuration de l’attitude sexuelle » (« Sexual attitude Restructuring » ou SAR). Cette opération visant ouvertement à animaliser le comportement sexuel humain fut conduite par les milieux eugénistes dès la fin de la seconde guerre mondiale, à partir des travaux menés par un « scientifique » nommé Alfred Kinsey. Nous nous référons ici aux travaux de Judith Reisman et notamment à son livre absolument fondamental, Kinsey, la face obscure de la révolution sexuelle, paru en français aux éditions Kontre Kulture (2016).

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Il est établi aujourd’hui qu’Alfred Kinsey était un dangereux déviant sexuel sans compétence scientifique en sexologie (c’était un biologiste spécialisé dans l’étude des guêpes). A partir de « biographies sexuelles » que Kinsey est majoritairement allé chercher dans les prisons (629 biographies de criminels incarcérés sur 4120 biographies répertoriées), les bars homosexuels (630 biographies d’homosexuels sur 4120), auprès de délinquants sexuels, pédophiles et psychopathes (1600 sur 4120), de faibles d’esprit, de nourrissons et d’enfants victimes de sévices sexuels en laboratoire (317 selon les décomptes de Judith Reisman)… Kinsey va tirer des conclusions qu’il étendra à l’ensemble de la population américaine. Les deux rapports « scientifiques » de Kinsey, publiés en 1948 (sur la sexualité des hommes) et en 1950 (sur celle des femmes) vont être puissamment relayés par les publications grands publics et provoquer un véritable électrochoc dans la société américaine.

Des ouvrages de Kinsey, il ressort que 37% des hommes américains ont eu des relations homosexuelles, que 17% d’entre eux ont eu des rapports sexuels avec des animaux, que 69% ont fréquenté des prostitués, que 45% ont commis l’adultère et qu’au total 95% ont violé les lois sur les crimes sexuels. Côté femmes, les conclusions ne sont guère plus reluisantes : 24% ont été « abordées sexuellement » durant leur enfance (avec des conséquences bénignes !) ; 1,7% des femmes ont eu leur première expérience sexuelle avec des animaux ; 3,6% des femmes adultes ont eu des rapports sexuels avec des animaux ; 90% des femmes enceintes célibataires ont eu recours à l’avortement ainsi que 22% de celle qui étaient mariées ; 64% des femmes ont connu l’orgasme avant leur mariage ; 12% sont émoustillées par le sadomasochisme ; 50% ont eu une expérience sexuelle avant le mariage et 40% ont été ou seront infidèles après le mariage !

Le moins que l’on puisse dire est que l’image du « chef de famille » et de la « maîtresse de maison » en prend un sacré coup ! Dégrader l’image du père et avilir celle de la mère n’est toutefois pas le seul objectif.

Il faut savoir que les « travaux » de l’équipe de déviants sexuels réunie autour de Kinsey, lui-même pédophile, ont été financés par la fondation Rockefeller. Cette fondation était (et reste !) ouvertement eugéniste et ne cachait pas sa volonté de limiter ce que Coudenhove-Kalergi appelait « l’humanité de quantité ». Pour cela, il fallait en passer par une ingénierie sociale qui supposait la disparition de la famille, lieu sacré de la reproduction humaine, et l’installation d’un modèle de société individualiste proche de ce qu’avait imaginé la révolution « française ».

Dès avant la guerre, la fondation Rockefeller s’était beaucoup intéressée au « management social », aux techniques de contrôle des populations, aux manipulations mentales visant à orienter l’opinion publique. Après la guerre, elle a recruté des experts en guerre psychologique directement issus des services de renseignement américains ainsi que des spécialistes en communication de masse. Leur mission a consisté à fabriquer le « consentement des masses » au projet d’eugénisme social de la Caste.

Au début des années 1950, on savait déjà que le comportement social des individus est essentiellement conditionné par le mimétisme et le conformisme (expérience de Asch par exemple). Etre conforme signifie ne pas dévier de la norme admise. Il est en effet très difficile pour un individu de ne pas se conformer à ce que pense le groupe… ou à ce qu’il croit que pense le groupe. La manipulation mentale, ici la « restructuration de l’attitude sexuelle », va consister essentiellement à persuader l’individu que son comportement (sexuel) est en décalage avec celui du reste du groupe. L’instinct grégaire, le besoin de recevoir l’approbation du groupe, la peur de s’en distinguer vont obliger l’individu à modifier son attitude de manière à rentrer dans ce qu’il pense être la « norme ». Pour cela, il est indispensable que la source d’influence soit crédible et que l’expertise de celle-ci ne puisse être remise en question. En 1950, ce qui est crédible n’est plus la religion, mais la science. Cela tombe bien : Alfred Kinsey est présenté par les médias comme un scientifique d’envergure et son travail est unanimement reconnu comme irréprochable.

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Un véritable rouleau compresseur médiatique va reprendre et populariser les chiffres mais aussi la thèse centrale de Kinsey, à savoir que chacun doit pouvoir vivre librement sa sexualité, quelles que soient les orientations de celle-ci. Les thèses de Kinsey vont être incorporées aux manuels universitaires et être enseignées dans les écoles via les programmes scolaires «d’éducation sexuelle ».  La Loi elle-même va évoluer pour être en adéquation avec les comportements de la population, tels qu’ils sont décrits par Kinsey : « Le modèle de code pénal élaboré en 1955 par l’American Law Institute est pratiquement un document Kinsey… Dans l’un des chapitres, par exemples, Kinsey y est cité 6 fois en 12 pages » (Jonathan Gathorne-Hardy, cité par Judith Reisman). L’action de la fondation Rockefeller associée à l’Institut Carnegie est ici encore déterminante. L’American Law Institute a ainsi reçu d’importantes sommes d’argent en provenance de la fondation Rockefeller. Par pure philanthropie ?

Kinsey « démontre » que les rapports sexuels hors mariage, l’avortement, l’adultère, l’homosexualité, la bisexualité, mais aussi la pédophilie ou la zoophilie sont choses banales et font partie des pratiques habituelles et « normales » de l’Américain moyen. Le regard sur la notion de trouble sexuel devait donc évoluer en conséquence. En 1973, l’American Psychiatric Association retire l’homosexualité de sa classification des désordres mentaux. En 1985, l’homosexualité est retirée du Diagnostic and Statistical Manuel of mental disorder (DSM). En 1991, l’OMS retire l’homosexualité de la liste des maladies mentales. En 1994, à la suite du rapport Roth, le Parlement européen lance un appel en faveur de la reconnaissance des couples homosexuels. Entre 2001 et 2017, 22 Etats ont accordé le mariage aux couples homosexuels, stériles par définition.

Mais il y a pire car en 1994 l’American Psychiatric Association a retiré la pédophilie, le masochisme et le sadisme de la liste des troubles mentaux de son DSM 4. La légalisation du sexe entre adultes et enfants, pratique courante dans l’entourage de Kinsey, a fait l’objet, y compris en France, d’un important battage médiatique favorable dans les années 1970-1980. Dans Le Monde et Libération les « pétitions contre la majorité sexuelle »  se succèdent dans les années 1970. On y parle en toute liberté de la « sodomisation des enfants » au nom de la remise en cause des interdits. C’est l’affaire Dutroux (1996) qui mettra vraiment un coup d’arrêt brutal au processus de légalisation de la pédophilie. Pour combien de temps ?

Kinsey a aussi voulu présenter l’avortement comme une chose commune et sans conséquence sur la femme, si bien que sa légalisation allait de soi. En 1955, il a remis à Planned Parenthood (le Planning familial) un rapport préliminaire reprenant ses données truquées sur l’avortement. C’est à partir de ces données, constamment invoquées dans « l’ère post-Kinsey », que pourra s’organiser une gigantesque manipulation qui débouchera sur la légalisation de l’avortement dans de nombreux Etats : en 1973 aux Etats-Unis, en 1975 en France…

On le voit, la « restructuration de l’attitude sexuelle » consiste essentiellement à « libérer » l’individu pour qu’il s’adonne à des pratiques sexuelles « stériles » (homosexualité, pédophilie, sadomasochisme, zoophilie…) ou pouvant être aisément corrigées par l’avortement et la contraception (sexualité hors mariage). On comprend bien que dans ce cadre la famille traditionnelle, en tant que cellule de base de la société, est un obstacle qu’il s’agit d’abattre. Ce serait une erreur toutefois de penser que la Caste voulait absolument livrer l’humanité aux bas instincts que Kinsey prétendait avoir scientifiquement révélé. La Caste voulait seulement abattre la famille. Rationnellement, le meilleur moyen était d’en faire sortir les hommes au nom de leurs « droits sexuels ». C’est ce qu’elle a fait, sans état d’âme.

En résumé…

La destruction de la famille est une entreprise qui a commencé avec la révolution « française ». Celle-ci a postulé, conformément à la doctrine du Contrat social de Rousseau, que l’individu était la cellule de base de la société et que tout ce qui s’intercalait entre celui-ci et la « volonté générale » était liberticide.  Au nom de la libération de l’individu, la République a donc coupé la famille de sa source sacrée (Dieu) et entrepris de la détricoter à coup de lois qui permettaient aux individus de se libérer du couple et aux enfants de s’affranchir des parents. La raison profonde de cette entreprise est évidemment politique. Le projet consistait moins à libérer l’individu du groupe familial protecteur qu’à l’esseuler pour mieux le contrôler. Les rassemblements, les associations libres, les groupes structurés et d’une manière générale tout ce qui contrecarre l’isolement des individus, sont la hantise de tous les régimes totalitaires.

Le despotisme paternel étant assimilé au despotisme royal, la famille est décrite par la bourgeoisie révolutionnaire comme un lieu d’oppression (Cambacérès à la convention nationale, 9 août 1973 : « Qu’on ne parle plus de puissance paternelle. Loin de nous ces termes de plein pouvoir, d’autorité absolue, formule de tyran, système ambitieux que la nature indignée repousse… ». Robespierre décrivait quant à lui la famille comme un « fédéralisme domestique, qui rétrécit les âmes en les isolant » - Comité de salut public, 18 floréal an II). Les plus radicaux des héritiers spirituels de la révolution « française » vont prendre pour argent comptant cette justification morale de la destruction de la famille sans voir l’arrière-pensée nauséabonde qui la sous-tend (isoler pour mieux régner).

Anarchistes, féministes et marxistes vont vouloir anéantir la « famille bourgeoise » au nom de la lutte des classes alors que paradoxalement l’abolition de la famille était depuis la Révolution l’un des objectifs principaux de la haute bourgeoisie oligarchique. Influencés sans doute par la psychanalyse qui met le sexe au centre de sa problématique, ils vont assimiler le mariage à un « esclavage sexuel » et la famille, lieu de l’exploitation, à une cage qui emprisonne le désir sexuel. Avec l’idéologie de l’amour libre, le droit au plaisir sexuel non conditionné au mariage, qu’il soit civil ou religieux, et le droit au vagabondage sexuel sont invoqués pour justifier l’abolition de la famille. L’argumentaire républicain contre la famille patriarcale liberticide est bien sûr repris mais s’y ajoute ainsi une dimension que les écrits révolutionnaires ne semblent pas avoir abordés : l’institution de la famille refuse aussi aux individus leur liberté sexuelle.

Au tournant du siècle, ces « radicaux » marxisants vont plus particulièrement se soucier de l’émancipation de la femme de la structure patriarcale. Les enfants apparaissant comme autant de chaînes qui retiennent la mère à sa famille, ils vont très rapidement s’intéresser à la problématique de l’avortement, du contrôle des naissances, de l’eugénisme, de l’homosexualité, de la stérilisation et bientôt de la contraception. Or, nous l’avons vu, les  fondations oligarchiques comme la fondation Rockefeller ou l’Institut  Carnegie, travaillent elles-aussi, durant cette période, sur les mêmes problématiques. Coudenhove-Kalergi reprend ces théories et les propose en Europe : mariage et reproduction des hommes et femmes de l’élite ; amour libre et stérilisation des masses humaines dégénérées par le métissage. De cette association des « révolutionnaires » marxistes et des oligarques qui les financent sortira la stratégie anti-famille mise en œuvre dès le sortir de la seconde guerre mondiale, à partir des rapports Kinsey.

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Les rapports Kinsey donnent une représentation volontairement falsifiée de la sexualité aux Etats-Unis et par extension dans le monde occidental. Ils sont financés par la fondation Rockefeller dont le but est de modifier les comportements des populations en utilisant ce qu’enseignent les sciences sociales ainsi que les nouvelles techniques de guerre psychologique et de manipulation des populations. La « science », les médias, les ouvrages universitaires, les programmes d’éducation sexuelle, bientôt les films et les séries télévisées vont puissamment relayer les conclusions de Kinsey et imposer ainsi une nouvelle norme. Une femme qui ne couchera pas avec le premier venu passera pour coincée. Un homme qui agira avec délicatesse sera « un peu vieux jeu ». Quant à l’adultère, l’homosexualité ou l’avortement, il conviendra de faire comme si c’était choses tout à fait normales sous peine de passer pour ringard, réactionnaire ou homophobe. Une représentation falsifiée des réalités s’est ainsi substituée, via les médias de masse et la caution de la science, à la réalité vécue. Les occidentaux ont été persuadés que cette représentation falsifiée de la sexualité était la réalité, que les pratiques un peu bizarre qui étaient décrites par les « scientifiques » étaient réellement celles de l’immense majorité de leurs compatriotes. Or, c’est une réaction psychologique primaire que de considérer que le groupe ne peut se tromper. Chaque individu a donc eu tendance à se conformer aux normes (supposées) de la majorité. Les « droits sexuels » et le « droit au plaisir » ont progressivement dictés les comportements. Il ne restait plus à la famille, obstacle à « l’épanouissement personnel », qu’à disparaître. 

Qui a bénéficié de cette disparition programmée de la famille ?

Certainement pas l’individu esseulé, devenu l’esclave de ses pulsions et condamné à poursuivre des fantasmes toujours plus difficiles à atteindre. 

Certainement pas les femmes soustraites au prétendu pouvoir de leur mari pour être confiées à celui, bien réel, d’un patron.

Certainement pas les hommes déchargés, au prix de leur masculinité, du devoir d’être père.

Certainement pas les enfants, sans véritables parents, qui subiront tôt ou tard une légalisation de la pédophilie.

C’est l’oligarchie mondiale, celle qui en France a pris le pouvoir en 1789, qui profite de la disparition de la famille. L’oligarchie était confrontée autrefois à une société organisée et structurée selon ses propres valeurs ; elle doit aujourd’hui mener un agrégat d’individus constitués comme un troupeau de moutons. Que pourrait-elle demander de mieux, si ce n’est de décider du nombre de têtes ?

Antonin Campana

lundi, 07 août 2017

Les fossoyeurs de la civilisation occidentale

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Friedrich P. Ost

Les fossoyeurs de la civilisation occidentale

Le « marxisme culturel » comme instrument de la rééducation s’utilise depuis des décennies pour saper les assises conservatrices de nos sociétés

La déclaration de guerre des Etats-Unis d’Amérique au Reich allemand puis à l’Empire austro-hongrois pendant la première guerre mondiale, respectivement les 6 avril et 7 décembre 1917, a sauvé l’Entente d’un effondrement prévisible et a scellé le destin des puissances dites « centrales » un an plus tard. Les bellicistes anglo-américains se rendaient toutefois compte que leur but de guerre –la défaite et l’annihilation de l’Europe et de sa civilisation- ne pouvait pas être atteint par les seuls moyens militaires mis en œuvre mais qu’il leur fallait aussi déployer des moyens « civils » parallèles. Des experts en guerre psychologique ont alors planifié la rééducation des vaincus et la subversion de leur culture par l’intérieur : l’avènement de l’école de Francfort était donc à l’ordre du jour.

En 1924, Felix Weil, fils d’un millionnaire germano-argentin, négociant en céréales, fonde l’ « Institut des Etudes sociales », rapidement inféodé à l’Université de Francfort sous l’appellation synonymique d’ « Ecole de Francfort », nom par lequel il allait connaître une notoriété mondiale. Georg Lukacs, rejeton richissime d’une famille hongroise dirigeant une banque d’investissement, tenait absolument à saper les assises de la culture européenne/occidentale. Pour y parvenir en Allemagne, il se rappelait ses propres expériences pratiques en Hongrie, lorsqu’il était Commissaire du peuple pour la culture et l’enseignement sous le régime bolchevique de Bela Kun en 1919. A cette époque-là, Lukacs avait déjà imaginé une forme d’éducation sexuelle pour les enfants des écoles dans le but de détruire les valeurs familiales. Cette expérience fit de lui un spécialiste des méthodes de rééducation qui, au bout de plusieurs décennies,  allaient nous donner le « gender mainstream » (GM) ou « gendérisme ». Cet avatar des élucubrations de Lukacs se répand aujourd’hui dans le monde entier.

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Peu après la première guerre mondiale, les idéologues de gauche se préoccupaient surtout d’un phénomène patent qui les contrariait : pourquoi la classe ouvrière, à l’exception de la Russie soviétique, avait failli dans le rôle qu’ils lui avaient assigné, à savoir d’être la porteuse de la révolution partout dans le monde. Contrairement aux prévisions de Karl Marx, les ouvriers de tous les pays belligérants étaient partis, volontaires, à la guerre pour combattre pour leur patrie au lieu de déclencher des révolutions. Antonio Gramsci (1891-1937), écrivain, homme politique et chef de file des idéologues de gauche en Italie, croyait avoir trouvé la réponse : il avançait désormais l’idée qu’une révolution communiste n’était possible qu’après « une longue marche à travers les institutions ». Si cette longue marche n’avait pas lieu, les masses resteraient accrochées à la culture et aux valeurs religieuses de leurs pères. Il fallait donc éradiquer les habitudes avérées des peuples. Pour y parvenir, il fallait, poursuivait-il, placer des intellectuels révolutionnaires dans toutes les institutions culturelles et scolaires afin d’infléchir les sociétés vers le cours nouveau. Les institutions culturelles devaient véhiculer, par des livres, par les mass media et par le cinéma, des idées révolutionnaires et préparer ainsi l’avènement de « l’homme nouveau ».

Le premier directeur de l’Ecole de Francfort fut Carl Grünberg. Son successeur immédiat fut Max Horkheimer, qui prit ses fonctions en 1930. Son objectif était de poursuivre l’œuvre théorique de Georg Lukacs. Horkheimer décréta que la classe ouvrière était incapable de déclencher une révolution et posa la question : quelle catégorie de la population la remplacera dans le rôle d’initiatrice des révolutions ? Au contraire de Karl Marx, dont les positions théoriques étaient déduites de causes économiques, Horkheimer estimait que les influences culturelles étaient primordiales, influences qu’il interprétait aussi par les théories de Sigmund Freud. Il finit par affirmer que les ruptures dans l’ordre culturel en place annonçaient toujours les véritables révolutions politiques.

Herbert Marcuse, Theodor Adorno et Erich Seligmann Fromm ont formé une deuxième vague de « francfortistes », non moins déterminante sur le plan théorique. Ils ont fondé leurs doctrines sur les recherches d’anthropologues contemporains renommés, comme par exemple celle du Britannique Joseph D. Unwin, auteur de Sex and Culture en 1934. Unwin confirmait, dans ce travail, ce que la plupart des anthropologues avaient toujours admis : toute promiscuité sexuelle débordante, contemporaine d’une inversion des rôles sexuels, avait toujours conduit les sociétés, qui la pratiquaient et la toléraient, à un déclin irréversible. Cela s’était observé dans toute l’histoire humaine au cours de ces cinq mille dernières années. Fromm part de ce constat d’Unwin pour, a contrario, propager la thèse d’une libération sexuelle sans freins. Il ajoute à cette thèse et ce projet l’idée que le sexe d’une personne n’est pas une donnée naturelle mais le produit des conditions sociales, déterminées par la société. Nous avons affaire, là, à une aberration scientifique mais elle s’est maintenue envers et contre tout jusqu’à nos jours, avec la promotion des « Gender Studies ».

L’expression « gender », dans l’usage qu’en fait la langue anglaise et, à sa suite, les tenants du « marxisme culturel », signifie le sexe mais seulement selon les critères sociaux (et non naturels-biologiques). L’expression « gender » a moins de connotations érotiques que le terme « sexe », ce qui permet son usage dans toutes les conférences mondiales organisées par les féministes et patronnées par les Nations Unies. Il faut aussi ajouter que le terme n’est guère compris en dehors de la sphère occidentale. Il permet aux rééducateurs de gauche de dissimuler habilement leurs véritables intentions, derrière des phrases pompeuses ou en apparence inoffensives (comme l’égalité des sexes ou la libération des sexes), contre lesquels personne ne soulève d’objections. Ainsi, jusqu’en 2014, en Allemagne, quelque 200 « professeurs »  et des milliers d’assistants, dans plus de cinquante universités, ont pu enseigner la pseudo-science des « gender studies ». En 1998, un citoyen honnête et préoccupé fit un procès à l’Université Humboldt pour pouvoir exercer un droit de regard sur le matériel pédagogique des dites « gender studies ». Au départ, l’Université refusait cet accès sans doute parce qu’elle craignait que le public allait bien vite s’apercevoir qu’il s’agissait d’un matériel pseudo-scientifique, dont l’utilisation abusive et manipulatrice constituait un délit punissable par la loi.

En 1933, les représentants de l’Ecole de Francfort déménagèrent à Genève d’abord puis, un an après, aux Etats-Unis, où ils furent reçus amicalement à la Columbia University. On peut avancer l’hypothèse suivante : vu leur passé puritain, les Etats-Unis se montrent généralement réceptifs à toutes les entreprises sectaires. La nouvelle base américaine de l’Ecole de Francfort a offert à ses protagonistes la possibilité de réaliser leur mission de rééducation, visant la destruction des valeurs et traditions existantes, la déconstruction de toute autorité, la dissolution de la famille et le démantèlement de l’Etat national. Ce programme a d’abord visé l’Allemagne vaincue après 1945, ensuite tous les Etats de la sphère occidentale.

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Le principe de tout réduire à du fascisme, ou d’accuser de « fascisme » tous ceux qui n’entendent pas suivre le programme à la lettre, dérive des théories et du livre de Theodor Adorno, « Die autoritäre Persönlichkeit ». Dans cet ouvrage, Adorno stigmatise tous les citoyens qui tiennent encore aux valeurs héritées : il les traite de « fascistes » (réels ou potentiels).  La méthode a connu son succès jusqu’à nos jours. Même un Vladimir Poutine est insulté de « nazi » dans la presse mensongère de la sphère occidentale alors que l’Union Soviétique a subi le poids le plus lourd de la seconde guerre mondiale dans son combat contre le Troisième Reich.

Après la guerre, Horkheimer et Adorno sont revenus en Allemagne. Demeuré aux Etats-Unis, Herbert Marcuse, entretemps, croyait avoir trouvé la catégorie sociale appelée à remplacer la classe ouvrière comme moteur de la révolution : pour lui, c’était l’ensemble des minorités. Celles-ci sont variées dans le menu proposé : cela peut être, tour à tour, les étudiants, les chômeurs, les peuples de couleur, les femmes, les mal doués pour les études, les homosexuels, les lesbiennes, les pédophiles, les criminels, les objecteurs de conscience, les militants d’extrême-gauche, les immigrés clandestins, tous ceux qui ont besoin de protection, etc. En optant pour cette survalorisation des minorités, la gauche se détache des théories de Karl Marx : les marxistes classiques n’auront que mépris pour les marcusiens, para-marcusiens et post-marcusiens. Pour eux, c’est là une pseudo-gauche ou une bande de socialistes de salon. Pour la gauche marcusienne, la révolution culturelle ne se fera donc que par le biais d’un prolétariat diplômé, alimenté par l’Etat. Les ouvriers sont dès lors considérés comme une vieillerie et la figure de Karl Marx ne sert plus qu’un but : servir de cheval de Troie pour les nouveaux vertueux auto-proclamés et pour gruger les gens du peuple encore fascinés par le socialisme traditionnel.

Marcuse est rapidement devenu le héros de la « nouvelle gauche » et a exercé une forte influence sur la génération de mai 68. Dans son ouvrage « Eros et la civilisation », il s’attaque à toutes les limitations imposées à la sexualité dans les sociétés équilibrées et plaide en faveur d’une « perversion polymorphe », comme celle que l’on peut voir à l’œuvre dans les « Life Balls » actuels, notamment ceux qui animent notre bonne ville de Vienne. Marcuse est aussi devenu l’un des représentants les plus emblématiques de la « rectitude politique » et de la « tolérance répressive ». Seuls les adeptes du « marxisme culturel » peuvent être traités avec tolérance. Tous les autres, tous ceux qui pensent autrement, doivent être traités avec la plus extrême des intolérances.

Pour faire face à la « terreur vertuïste » et à la « tolérance répressive » du marxisme culturel, le citoyen normal et décent n’a plus qu’un choix : soit il émigre et quitte le « paradis occidental », soit il se convertit et devient un « homme bon » selon les critères mis en place par l’Ecole de Francfort, en respectant les dix commandements de la « nouvelle rectitude ». Les voici :

  1. Tu ne croiras à aucun Dieu.
  2. Tu devras détruire les églises.
  3. Tu devras accueillir tous les migrants.
  4. Tu devras réclamer la dissolution de la famille.
  5. Tu devras empêcher toute nouvelle vie d’éclore.
  6. Tu devras répandre des perversions.
  7. Tu devras saluer la domination du non-droit.
  8. Tu devras combattre tous les hommes et les femmes décentes.
  9. Tu devras adhérer à la folie du « gendérisme ».
  10. Tu devras dépendre de l’Etat.

Ce « marxisme culturel » et cette rééducation se sont étendus sur près de quatre générations et ont laissé des traces profondes de déclin et de déchéance dans les sociétés régies par les Etats occidentaux. Ce qui nous oblige à dire que les alternatives à cette déliquescence, alternatives qui nous assureront seules un avenir et une évolution réellement constructives, se trouvent aujourd’hui en Europe orientale et en Asie !

Friedrich P. OST.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°21/2017, http://www.zurzeit.at ).

vendredi, 09 juin 2017

L’entre-soi comme résistance au «vivre-ensemble obligatoire pour tous»?

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L’entre-soi comme résistance au «vivre-ensemble obligatoire pour tous»?

Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Le Temps du 30 mai, commentant la tenue à Paris d’un festival afroféministe, s’indigne d’une interdiction d’accès à un séminaire aux « blancs », femmes et hommes, transgenres aussi sans doute, et accessoirement aux hommes noirs. Les antiracistes titulaires, talibans des luttes idéologiques factices et des ennemis imaginaires, se sont déchaînés contre la tenue d’un festival qui veut discuter des problèmes subjectifs ressentis par certain(e)s, dans  un entre-soi légitime. Ce droit de discuter entre pairs de certaines problématiques me semble parfaitement légitime et même sain. La réponse du groupe de combat  à une demande d’une femme blanche ( ni noire ni métisse) de participation est limpide : «  notre collectif est non-mixte…Notre confort et nos luttes sont plus important.e.s que ta curiosité ».Et le groupe réclame « le droit d’avoir un espace pour se sentir en sécurité ».Rien de choquant finalement dans un choix d’affirmation de soi :« les blancs vous accuseront de causer le trouble quand tout ce que vous faisiez était d’agir comme des êtres humains normaux au lieu de ramper ». Une telle posture n’est évidemment plus imaginable chez les formatés, émasculés et décolorés bobos biberonnés à la repentance et à la religion multiculturaliste du Grand Autre sans lequel vous ne seriez rien, n’êtes d’ailleurs rien, du factice, de l’illusoire, du repli sur soi nauséabond.

La résistance culturelle viendrait-t-elle de groupes militants déculpabilisés qui en suivant la logique de leur idéologie d’affirmation de soi finissent par réclamer le Droit de discriminer pour elles (eux) de ce qu’ils reprochaient aux autres  de pratiquer( dominants, blancs, hommes, hétérosexuels).

L’antiracisme est un dogme de la religion multiculturaliste, unilatéral et totalitaire. A ce propos, il faut absolument lire « Le nouveau régime, essais sur les enjeux démocratiques actuels » de Mathieu Bock-Côté, éd. du Boréal 2017. La dictature de la nouvelle religion de l’inclusion imposée et de la repentance culpabilisatrice y est magistralement décrite. Tout « Autre » est automatiquement ontologiquement supérieur au Mâle dominant « blanc », hétérosexuel, senior. La hiérarchie ubuesque se décline ainsi : mieux vaut femme que homme, noire ou métis que blanc, homosexuel ou LGBT qu’hétéro, musulman que juif (quoique). Les choses risquent de se compliquer avec les avancées de la théorie du genre où l’on peut se sentir femme si l’on est apparemment un homme, ou transgenre. On imagine les problèmes posés par le refus d’accepter à un séminaire exclusif, un homme d’apparence blanche mais qui se considère comme une femme métisse et de sensibilité queer.

Bonjour les dégâts.

En attendant, le choix de développement séparé, communautaire ou entre soi ( d’identité, de sexe) est parfaitement légitime. La tradition, marqueur de « fascisme originaire » ( Ur-fascisme selon Umberto Eco qui a publié un petit manuel de détection pratique de cette tendance, Grasset 2017), favorise le respect , la culture de la différence qui offre la possibilité de se protéger, de construire l’identité, entre soi sans perdre son âme dans une mixité   stressante, contrainte et obligatoire. La reconnaissance de la différence des sexes, des générations, de la complémentarité des rôles sociaux est un marqueur ( aussi défendu par la psychanalyse jungienne et même freudienne) de développement de soi réussi : génitalité , et non perversion et utilisation d’autrui, authenticité  et non pas faux Soi, autonomie et non pas dépendance non reconnue.

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Les contradictions de l’antiracisme multiculturel de déconstruction et d’individualisme abstrait explosent. C’est bon signe, l’idéologie du Système est en voie d’effondrement. L’individualisme forcené de la culture inclusive ( ouverture bénéfique forcée) n’est pas un progrès mais une cause d’aliénation. Le Droit d’être entre soi est aussi un Droit humain légitime. Et nous acceptons les deux manières de se comporter : Le Vivre-ensemble librement choisi comme le Droit de vivre entre soi, dans une communauté ou entre communautés, librement consenti. Au contraire de l’intolérance haineuse moraliste de la gauche des Valeurs.

Dominique Baettig, 5 juin 2017

vendredi, 02 juin 2017

Éthique de subsistance et esprit capitaliste chez Werner Sombart

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Éthique de subsistance et esprit capitaliste chez Werner Sombart

Figure de la révolution conservatrice allemande, Werner Sombart a consacré une large part de son œuvre à l’analyse de l’esprit capitaliste et à la recherche de ses origines. En s’intéressant à la genèse du capitalisme qu’il situe au Bas Moyen Âge, le sociologue allemand met en exergue l’opposition entre une éthique commerciale européenne précapitaliste, dite de subsistance, et une éthique spécifiquement capitaliste. Cette dernière a d’abord été influencée par la pensée chrétienne, qui l’a limitée, avant de s’émanciper de celle-ci.

L’économie féodale et corporatiste du Moyen Âge était dominée par l’idée selon laquelle chacun devait pouvoir vivre de son travail conformément à son rang et en menant une vie honnête. Les propos de Sigismond, empereur du Saint-Empire romain germanique au début du XVe siècle, rapportés par Werner Sombart, traduisent cet idéal : « Le métier existe, afin que chacun puisse gagner son pain en l’exerçant et que personne ne puisse empiéter sur le métier de l’autre. C’est grâce à lui que chacun peut satisfaire ses besoins et se nourrir ». Les logiques économiques régissant une telle société étaient donc subordonnées à la nécessité de faire vivre les producteurs et la détermination des prix était essentiellement fondée sur les coûts de production. La valeur d’usage primait sur la valeur d’échange : les prix ne dépendaient pas du jeu de l’offre et de la demande dans l’esprit commercial précapitaliste. De même, toute manœuvre visant à faire baisser les prix, comme la vente à rabais, était jugée immorale.

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Cette éthique, que Werner Sombart qualifie de subsistance, induisait une conception particulière de la notion de concurrence. Pour assurer la stabilité et les moyens de vivre de chacun, les commerçants et les artisans devaient se restreindre à un domaine d’activité particulier et à une clientèle définie. Imprégnée d’esprit paysan, cette morale commerciale considérait, selon Werner Sombart, que « la clientèle était pour le citadin ce qu’était pour le paysan son lopin de terre ». Toute chasse aux clients était donc prohibée et le recours à des procédés visant à détourner les clients de son voisin était interdit. S’appuyant sur les réglementations commerciales et sur les registres des litiges de grandes villes commerçantes, Werner Sombart montre que toute tentative de promotion commerciale pouvait donner lieu à des sanctions.

Par ailleurs, assurant l’organisation et la régulation des professions, les corporations veillaient à ce que nul n’empiète sur la branche d’activité d’autrui. Quant à la prohibition du prêt à intérêt qui prédominait alors, elle était conforme à la volonté de se prémunir de toute fuite en avant en refusant que l’argent produise de l’argent. Le sociologue remarque que cette économie précapitaliste était peu productive. Le manque de rigueur commerciale, la multiplicité des jours chômés et la lenteur du rythme des transactions nuisaient à l’efficacité d’une société dont le travail économique n’était pas le pivot et dont les élites ne légitimaient pas leur pouvoir par leurs compétences commerciales. Cet esprit correspondait en effet à des sociétés européennes dont la vie était rythmée par les événements sociaux, populaires et religieux, lesquels imposaient leurs impératifs au commerce. En outre, Werner Sombart est bien conscient que les principes de cette éthique de subsistance étaient régulièrement violés. La transgression ponctuelle de l’interdit, voire la tolérance occasionnelle de cette transgression n’affaiblissait cependant pas le principe de l’interdiction ni l’empreinte laissée dans l’esprit d’une époque.

L’émergence d’un premier capitalisme dans l’Italie du XIIIe et XIVe siècles, notamment à Florence, rompt avec les époques précédentes en valorisant la richesse obtenue par le travail mais surtout en rationnalisant les comportements économiques. Werner Sombart souligne le rôle de certains aspects du catholicisme dans cette évolution. En prônant un idéal de vie chaste et modérée mais également une absolue maîtrise de soi et une rigueur dans le travail, la doctrine thomiste du catholicisme encourage la rationalisation de la vie et constitue un terreau fertile au développement de l’homo economicus. L’honnêteté et la rigueur dans les affaires ne sont plus uniquement des contraintes imposées par la réputation mais des vertus requises par la conscience personnelle de l’individu, ce qui accroît le degré d’exigence. Ces vertus chrétiennes sont un catalyseur de l’esprit capitaliste mais elles en sont également une limite importante. Le thomisme ne condamne pas la richesse mais la distingue de l’enrichissement. Le mouvement, la dynamique suscitent toujours la méfiance et la crainte d’un affranchissement des limites. De plus, même lorsqu’il est admis, cet enrichissement ne doit pas être une finalité. L’homme doit rester la fin immédiate de l’économie.

La persistance de l’éthique de subsistance

Les principes de l’éthique de subsistance restent cependant omniprésents dans ce premier capitalisme. Plus rationnelle et plus efficace qu’auparavant, l’activité commerciale reste de faible intensité. L’idée de limite sous-jacente à l’éthique de subsistance n’a rien perdu de son importance et le commerce reste subordonné à la vie sociale des individus. Mettre sa vie au service de la croissance de son patrimoine n’est pas l’idéal du capitaliste de cette époque, celui-ci aspirant à s’enrichir rapidement et à se retirer des affaires pour profiter et vivre des richesses obtenues. Werner Sombart explique qu’au cours de cette période du capitalisme primitif, les prix restent essentiellement déterminés par la valeur d’usage des biens et la concurrence demeure strictement soumise aux principes de l’économie précapitaliste : « Encore pendant la première moitié du XVIIIe siècle, les marchands de Londres voyaient une concurrence déloyale dans les efforts que faisait tel ou tel de leurs collègues pour orner sa boutique ou attirer les clients par un étalage fait avec goût et élégance ». Le sociologue illustre ce maintien tardif de l’éthique de subsistance en citant les écrits de Daniel Defoe, auteur de Robinson Crusoé mais aussi figure du capitalisme anglais et rédacteur du Complete English Tradesman publié en 1725. Dans cet ouvrage, l’entrepreneur n’hésite pas à prendre position contre des procédés de désintermédiation commerciale. Il leur reproche de faire baisser les prix en diminuant drastiquement les emplois nécessaires à une même production pour concentrer les profits dans les mains de quelques uns. Werner Sombart rappelle également l’attitude méfiante des corporations italiennes dès le XVIesiècle envers les premières machines au nom de la défense du travail. Cette première période capitaliste maintient donc l’économie profondément encastrée dans la vie sociale, bridant toute velléité d’autonomie des logiques économiques par rapport aux principes religieux et traditionnels.

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La mutation de ce capitalisme classique vers le capitalisme moderne commence au XVIIIe siècle mais ne se révèle vraiment qu’au XIXe siècle. L’économie devient alors autonome et n’est plus soumise aux limites de la société traditionnelle. L’homme n’est plus le centre du système économique. Le vieux principe du « gagner le plus possible en faisant le moins d’affaires possible » n’a plus cours, il s’agit au contraire de produire toujours plus pour compenser des prix toujours plus faibles. La publicité commerciale se généralise et les démarches visant à attirer et séduire la clientèle ne font plus l’objet d’une réprobation morale. Toutes les entraves juridiques et morales des époques antérieures sont vécues comme des obstacles à détruire pour libérer le commerce. L’efficacité économique devient l’unique principe moral dans les affaires. Werner Sombart remarque que les anciennes vertus du capitalisme primitif (rigueur au travail, esprit d’épargne et honnêteté) survivent dans le monde moderne mais sous une forme « objectivée ». Ces vertus sont justifiées tant qu’elles prouvent leur efficacité économique mais n’ont plus à être suivies si leur utilité vient à cesser, dans la vie privée par exemple.

Le culte moderne de la croissance et du mouvement

Pour Werner Sombart, la principale mutation de l’esprit capitaliste moderne réside cependant dans le mobile du capitaliste. À l’époque du capitalisme primitif, le marchand était animé par l’amour du gain et par la volonté de se conformer aux vertus chrétiennes, ces dernières stimulant mais limitant l’esprit capitaliste. À l’époque moderne, l’amour du gain s’accentue, les vertus s’objectivent, mais le capitaliste est surtout mû par une nouvelle force. C’est la volonté de croître et l’amour de cette croissance qui le motivent avant tout. L’expansion sans limite de ses affaires constitue son but suprême. Cet impératif de croissance suppose une illimitation du travail, de la production et de la création de richesses. Werner Sombart explique que l’activité commerciale moderne atteint une ampleur décuplée, mais aussi et surtout une profondeur et une intensité inégalées jusqu’alors : « En avant, en avant ! Tel est le mot d’ordre de notre temps. La marche en avant et l’agitation furieuse : voilà ce qui le caractérise avant tout. On sait à quel point cet excès d’activité épuise les corps, flétrit les âmes. Toutes les valeurs inhérentes à la vie sont sacrifiées au Moloch du travail, toutes les aspirations du cœur et de l’esprit doivent céder la place à un seul intérêt, à une seule préoccupation : les affaires ». La sociologue n’hésite pas à rapprocher cette psychologie de l’homme d’affaires moderne de celle d’un enfant dont le monde psychique repose sur l’agitation permanente, la volonté d’obtenir toujours plus, l’amour de la nouveauté et le sentiment de puissance. Autant de caprices que l’éducation doit permettre de réguler en imposant des limites aux désirs de l’enfant. L’éthique commerciale moderne reposerait sur cette psychologie infantile débarrassée de toute entrave éducatrice.

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Cette rupture fondamentale apportée par la modernité se fonde sur le culte du mouvement et du changement. Perçue négativement, la stabilité devient au contraire synonyme d’immobilisme et de stérilité. À la fin du tumultueux XIXe siècle, Charles Péguy perçoit encore les vestiges de la vieille éthique de subsistance : « Ils nous disaient qu’un homme qui travaille bien et qui a de la conduite est toujours sûr de ne manquer de rien (…) tout cet ancien monde était essentiellement le monde de gagner sa vie » dont la disparition constitue le propre de la modernité : « Et c’est peut être là la différence la plus profonde, l’abîme qu’il y ait eu entre tout ce grand monde antique, païen, chrétien, français et notre monde moderne ». La dynamique du capitalisme moderne analysée par Werner Sombart dans la première partie du XXe siècle s’est poursuivie jusqu’à nos jours. Le recours à la publicité et au marketing, la course à la baisse des prix et l’impératif de croissance économique se sont intensifiés depuis les écrits de l’intellectuel allemand. Alors que la fluidification de la société apparaît plus que jamais comme l’idéal du monde moderne, les pratiques commerciales condamnées par l’éthique de subsistance se sont banalisées. On retrouve pourtant encore des traces significatives de cette éthique dans les règles déontologiques de certaines professions dites règlementées. L’ordre des avocats interdit ainsi le démarchage des clients d’un confrère au nom du principe de confraternité et restreint les possibilités de publicité pour préserver la dignité de la profession. À travers son approche originale des notions de croissance économique, de concurrence et de détermination des prix, l’analyse historique et dépourvue de toute naïveté de Werner Sombart constitue un outil pertinent pour aborder les questions contemporaines de décroissance et d’économie locale ou alternative.

jeudi, 18 mai 2017

Elites installées, élites naturelles et populisme...

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Elites installées, élites naturelles et populisme...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue cueilli sur le site Idiocratie, qui rappelle avec talent la différence entre la technocratie prédatrice et l'aristocratie organique...

Élites installées, élites naturelles et populisme

Dans le langage officiel sans cesse martelé, celui des élites installées, le « populisme » semble synonyme d'immaturité politique. Mais, peut-on se demander, ce travers d'immaturité, à quoi conviendrait-il de le reconnaître ? A la fâcheuse volonté de poser certaines questions, notamment celles qui renvoient à des enjeux décisifs ? Curieuse immaturité ! Pourtant, c'est ce qu'expriment nombre de dirigeants politiques, le plus souvent à mots couverts, mais parfois directement comme le fit un jour Ségolène Royal.

Celle-ci répondit en effet à un journaliste qui l'interrogeait quant à la possibilité d'un référendum sur le maintien de la France dans l'UE : « nous croyons en la démocratie, mais nous croyons aux bonnes questions par rapport aux bonnes réponses ». Autrement dit, nous, classes dirigeantes, décidons unilatéralement quelles sont les bonnes réponses. Résultat : il n'y a pas vraiment de questions, pas autrement que pour la forme. Ce qui témoigne d'une vision purement oligarchique de la démocratie et énonce la vérité profonde du système. A ce titre, on ne saurait trop remercier Ségolène Royal pour l'inégalable candeur dont elle fait preuve dans l'expression du cynisme. Pour cela, nul doute, on la regrettera.
 
Remarquons-le, si l'élite dirigeante prétend ainsi exercer une tutelle éclairée sur la communauté politique, c'est précisément parce qu'elle se considère éclairée : elle posséderait d'emblée les bonnes réponses. A vrai dire, le mode de connaissance qu'elle revendique ainsi implicitement procède d'une fonction oraculaire, vieille comme le monde mais jamais disparue. C'est le tropisme archaïque des initiés qu'ont notamment vécu les Romains pendant quelque temps avec les fameux pontifes, détenant seuls la connaissance mystérieuse des règles applicables, et dont la communauté civique s'est par la suite libérée au profit des jurisconsultes et de l'élaboration ouverte du droit. C'est cette tendance récurrente, dans l'histoire des sociétés, selon laquelle se forment périodiquement des castes se voulant productrices et dépositaires d'un savoir, non pas issu d'un effort dialectique, comme toute connaissance exigeante, mais d'un savoir autogène et imposé comme tel. Aujourd'hui, il y a là un trait qui ne trompe pas, quant à la nature oligarchique de l'élite qui nous gouverne.
 
Or, barricadée dans ce fantasme oraculaire, cette élite tente constamment de disqualifier le courant populiste. Non seulement en déniant tout jugement lucide au commun de la population sur ce qui le concerne, mais encore en laissant planer l'idée suivante : le peuple - qui, en pratique, correspond à l'ensemble de la communauté nationale, interclassiste par définition - serait dépourvu d'élites par nature. En somme, l'excellence serait du côté du système (haute finance, grands médias et gouvernants) et la médiocrité dans le camp de ceux qui le subissent. On doit le constater, il s'agit bien là d'une vision dualiste de la communauté politique, dans laquelle existerait ainsi une séparation étanche entre les meilleurs et les autres, vision relevant d'un biais cognitif proprement oligarchique.
 
De fait, la sécession des élites, évoquée par Christopher Lasch, est d'abord une sécession accomplie dans les représentations. L'oligarchie ne conçoit la cité qu'à travers une division de principe : d'un côté, une caste qui, forte du magistère qu'elle n'hésite pas à s'attribuer, exerce un pouvoir unilatéral, de l'autre, une masse indifférenciée. Sur la base de cet imaginaire, cette même oligarchie entretient avec la cité un rapport ambivalent. Elle est dans la cité, mais sans en jouer le jeu. Elle est à la fois à l'intérieur et en dehors, son but, en tout état de cause, n'étant pas de détruire la cité mais de l'instrumentaliser à son profit.
 
Selon une conception traditionnelle de type aristocratique, apparaît au contraire un tout autre rapport entre les meilleurs et les autres, entre le petit nombre et le grand nombre. Prenons ici la notion d'aristocratie non au sens sociologique mais en référence au principe d'excellence réelle. Principe que, comme l'enseigne la moindre expérience, certains individus incarnent mieux que d'autres (d'où une inégalité foncière, différenciation irréductible qui constitue sans doute l'invariant anthropologique le plus embarrassant pour notre époque).
 
L'excellence à la place des oracles
 
On peut observer que, dans le monde hellénique et romain, toutes considérations de statut mises à part, les meilleurs (aristoï, en grec) sont, idéalement, ceux qui pratiquent le mieux les vertus de courage, de sagesse pratique (phronesis) et de justice. Il faut insister ici sur la notion de phronesis. Disposition de la personne au jugement perspicace non dogmatique et sens aigu des limites, elle constitue « l'une des facultés fondamentales de l'homme comme être politique dans la mesure où elle le rend capable de s'orienter dans le domaine public, dans le monde commun », selon les termes d'Hannah Arendt. Cette phronesis, comme l'avait antérieurement montré Aristote, s'inscrit dans une conception délibérative de l'action et notamment de l'action commune. A ce titre, notons-le particulièrement, elle apparaît comme un précieux garde-fou contre toute velléité de sécession.
 
Pour bien saisir à quel point une telle vertu favorise un engagement non faussé dans la vie de la cité, il faut situer la question au niveau des modes de perception commune. Il apparaît en effet qu'en pratiquant la vertu prudentielle de phronesis, les meilleurs, s'ils cultivent une exigence singulière, n'ont pas pour autant un rapport au réel foncièrement différent de celui du peuple en général. Ils procèdent là pleinement de la matrice communautaire. De ce point de vue, il n'y a donc pas de fossé entre les meilleurs et le grand nombre, tous partageant, pour l'essentiel, la même vision du monde. Qu'il s'agisse de mythes, de religions ou de toute autre conception globale de l'existence, il y a unité de tradition. N'en déplaise aux défenseurs d'un lien social magique, prétendument libre de toute détermination, la solidarité du cadre de perception est une condition de la solidarité de destin.
 

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Dans un modèle de ce type, le souci de stabilité qui anime les meilleurs reflète ainsi largement les préoccupations de la population. D'où la volonté aristocratique traditionnelle, attestée dans la Rome antique et dans l'ancienne Europe, d'assurer la protection des mœurs et des coutumes. A rebours de la chimère des avant-gardes éclairées, les meilleurs n'incarnent, à ce titre, que la composante la plus dynamique de la sagesse commune. Aussi n'est-il pas absurde de dire que l'aristocratie bien comprise, loin de tout esprit de caste, n'est que la fine fleur du peuple. Du moins tant qu'elle n'emprunte pas la voie d'un contrôle et d'une transformation de ces mœurs et règles communes et ne se transforme alors elle-même, de facto, en oligarchie, avec son esprit de rupture, sa vulgarité et ses rêves de yachts.
 

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Différenciation et liberté commune
 
On ne doit pas cesser de le dire, la communauté politique, aujourd’hui comme hier, recèle des élites naturelles, lesquelles ne s'adonnent généralement pas à la vaine quête du pouvoir. De toute évidence, le rejet des élites que manifeste le populisme ne relève donc nullement d'une quelconque opposition à la compétence, à l'efficacité, au principe de l'élite en soi. C'est au contraire en vertu de ce principe qu'est contestée la nomenklatura, souvent douée pour l'incurie.
 
Il n’en faut pas moins tenir compte de l’entropie actuelle. Celle-ci peut être enrayée cependant. De fait, en misant davantage sur les ressources de l'excellence, en donnant la priorité à ses élites naturelles, toujours renaissantes, sur les technocraties prédatrices et niveleuses, la communauté peut et doit retrouver toute la vitalité de ses différenciations organiques. Rien n'est pire en effet qu'un peuple réduit à l'état de foule sentimentale et versatile, tantôt saisie d'une saine réactivité, tantôt séduite par les illusionnistes au pouvoir et inclinant à la servitude volontaire. Qui dit foule dit aliénation et, partant, impuissance à défendre la liberté commune : question vitale au cœur de l'enjeu populiste. A cet égard, notons-le, il est bien établi qu'une longue tradition aristocratique, avec son art de la bonne distance, sa lucidité au long cours et sa culture de l'exemple, a beaucoup fait, dans l’histoire européenne, pour la liberté concrète du peuple. C'est précisément à ce rôle salutaire joué par les meilleurs que faisait allusion Ernst Jünger quand il parlait, dans « Le Noeud gordien », de « la liberté élémentaire, c'est-à-dire la liberté des patres*, dont dispose un peuple ». En définitive, serait-il hasardeux de penser qu'un populisme conséquent ne saurait qu'être, au sens indiqué du terme, aristocratique ?
 
Des idiots (Idiocratie, 13 mai 2017)
 
*patres : la noblesse romaine, dans la rhétorique latine classique. Sens symbolique, ici.

mardi, 16 mai 2017

Howard Kunstler et le désastre de la civilisation américaine

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Howard Kunstler et le désastre de la civilisation américaine

Par Nicolas Bonnal 

Ex: http://lesakerfrancophone.fr

On a parlé ici de la crise du tourisme en Amérique. Parlons de la crise de la civilisation en Amérique, cette nation indispensable qui crée un monde zombi à son image.
 
Il reste un cinéaste américain, Alexander Payne, qui nous conte, à travers des films comme Les Descendants, Monsieur Schmidt ou Nebraska, le désastre de la civilisation américaine. La matrice américaine entre les mains des oligarques a tué la civilisation américaine et l’a dévitalisée. Michael Snyder, sur son blog, ne cesse de nous donner, semaine après semaine, des nouvelles de cet effondrement physique de l’Amérique, cette Amérique représentée par les jeunes filles odieuses et monstrueuses comme la grosse Kardashian ou l’Ivanka Trump-Kushner.

Le néant US accompagne bien sûr une extension du domaine de la lutte, pour reprendre l’expression de Houellebecq. Car la matrice fait vivre de plus en plus mal les gens à l’intérieur, et elle fait souffrir ou extermine de plus en plus de peuples à l’extérieur, du monde musulman aux banlieues industrielles chinoises et bengalis (cinq euros par mois pour fabriquer des chemises vendues soixante chez Gap) en passant par la banlieue française. Comme dans un livre de Jack London que j’ai analysé récemment, l’oligarchie devient de plus en plus fasciste et dangereuse, car elle carbure moins à l’impérial qu’au prétexte humanitaire : réparation du monde (tikkun), lutte contre le nationalisme, le sous-développement, le terrorisme (sauf Daesh), l’islamisme, etc.

Jack London écrit dans le Talon de fer : « La force motrice des oligarques est leur conviction de bien faire. » Les milliardaires éduquent ensuite leurs enfants et les rendent tout prêts à amender l’humanité, et à l’exterminer comme populiste quand elle ne veut pas être amendée !

Et s’il y a un cinéaste, il y a aussi un grand analyste du désastre US (qui est devenu le nôtre lors de notre passage à la globalisation), et qui se nomme Howard Kunstler. Je donne ici deux extraits de son dernier texte, qui résume son œuvre maîtresse, The Long Emergency.

Froidement, Kunstler présente ainsi son pays :

Je vis dans un coin de cette Amérique périphérique, où vous pouvez facilement lire les conditions de vie sur les murs : les rues principales vides, surtout quand la nuit tombe, les maisons sans soins et se dégradant d’année en année, les fermes abandonnées avec des granges qui tombent en ruine, les outils agricoles rouillant sous la pluie et les pâturages couverts de sumacs, ces chaînes nationales de magasins parasites, poussant comme des tumeurs aux abords de chaque ville.

Ce pourrissement culturel créé par l’oligarchie avide et folle, les Wal-Mart, la multiplication des « détritus urbains » (Lewis Mumford) et la crétinisation médiatique créent une humanité à la hauteur :

Vous pouvez le lire dans le corps des gens dans ces nouveaux centre-ville, c’est-à-dire le supermarché : des personnes prématurément vieilles, engraissées et rendues malades par la consommation de mauvaises nourritures, faites pour avoir l’air et avoir un goût irrésistible pour les pauvres qui s’enfoncent dans le désespoir, une consolation mortelle pour des vies remplies par des heures vides, occupées à regarder la trash-télé, des jeux informatiques addictifs et leurs propres mélodrames familiers conçus pour donner un sens narratif à des vies qui, autrement, ne comportent aucun événement ou effort.

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Tout programme télé me semble à moi aujourd’hui totalement insupportable. Il ne faut plus être tout à fait humain pour se gaver de télé. Évidemment, cela rend ensuite la démarche plus dure à l’antisystème : comment peut-il expliquer le monde à un zombi nourri de l’arme de destruction massive qu’est la télévision ? Et l’on rencontre ce problème tous les jours. On est dans le classique de Don Siegel.

Une illustration donnée par Snyder a magnifiquement illustré l’involution américaine des années Eisenhower aux années Obama. On peut en dire autant du cinéma. Godard disait qu’il ne critiquait pas le cinéma américain contemporain parce qu’il était anti-américain, mais parce que ce cinéma est devenu mauvais. Où sont passés les Walsh, Ford et Minnelli d’antan ?

Il y a dix-sept ans, j’avais publié un roman d’anticipation sur ce thème, les territoires protocolaires. C’est que la construction européenne avait facilité l’émergence d’une Europe déracinée et défigurée, présente déjà en France à l’époque de Pompidou : les grandes surfaces, les autoroutes, les zones de luxe, le pourrissement culturel par la télévision. Cet anéantissement de toute civilisation présent aussi au Maroc (agglomérations interminables autour de Tanger, aéroports, centres commerciaux, villas et immigration de luxe – gourbis et HLM pour les autochtones) se répand dans le monde comme un cancer. L’insensibilité des populations toujours plus hébétées (Baudrillard) par les médias accompagne ce phénomène. On cherche à en savoir plus sur le simulacre Kardashian (soixante millions de tweeter ; et je rappelle : un million de commentaires par chanson Gaga) que sur la prochaine guerre ou l’état de son âme.

Lorsque j’avais découvert et commenté – en 2012 – Howard Kunstler pour la presse russe, il était encore à la mode en Amérique, et prévoyait comme toujours une catastrophe énergétique (prévoir une catastrophe financière ou autre est devenu une usine à gaz), mais surtout il décrivait cette apocalyptique réalité – celle que Kunstler appelle le sprawling, la prolifération de cette géographie du nulle part, qui s’étend partout et pourrit tout l’espace mondial (repensons à Guénon).

L’impérialisme américain devenu risible et hors de contrôle, mais impuissant aussi, ne doit pas nous faire oublier la vraie menace, celle du modèle économique et urbain. C’est par là que l’on devrait commencer les prochains combats qui nous guettent. Au lieu de prévoir des catastrophes imprévisibles, voir enfin ce désastre américain qui nous entoure et nous consume.

Nicolas Bonnal

Ses dernières publications sur Amazon

Sources

  • Le blues national – Le Saker Francophone
  • Nicolas Bonnal – les territoires protocolaires ; les grands auteurs et la théorie… (Kindle)
  • Kunstler, James Howard, The Geography of Nowhere (Simon and Schuster, 1994). Kunstler, James Howard, The Long Emergency (Atlantic Monthly Press, 2005).
  • Jack London – Le talon de fer (ebooksgratuits.com)
  • Lewis Mumford – La cité dans l’histoire

 

lundi, 08 mai 2017

“I bimbi non giocano più (e ci rimettono)”

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Massimo Fini:

“I bimbi non giocano più (e ci rimettono)”

Ex: https://infosannio.wordpress.com 

(Massimo Fini – il Fatto Quotidiano) – NIENTE SPAZI – Al posto della campagna, che un tempo penetrava ancora nelle città, hanno i ‘boschi verticali’ dove gli alberi sono impiccati alle facciate dei grattacieli (i boschi, per quanto ne so io, sono fatti per camminarci dentro)

Secondo una ricerca di Sergio Dugnani, docente di Scienze del Movimento all’Università di Milano, in prima media due ragazzi su tre non sono in grado di fare una capriola. Per Annalisa Zapelloni, decano dei docenti di educazione fisica romani, mancano in moltissimi giovani, non più bambini, la forza delle braccia e il senso dell’equilibrio. “Vedo ragazzini in difficoltà se chiedi loro di saltare a piedi pari una riga disegnata sul pavimento. Non sono disabili: semplicemente non l’hanno mai fatto”. Com’è possibile in un’epoca che ha fatto della cura del corpo un cult e quasi un’ossessione? Dice la Zapelloni che ciò è dovuto alla scomparsa del “gioco di strada”. Che a sua volta è conseguenza delle strutture che hanno assunto le nostre città, grandi, medie, ma anche piccole, dove non ci sono più spazi liberi e non regolamentati.

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Ai tempi miei, di bambino e adolescente degli anni Cinquanta, per noi ragazzi milanesi c’erano immensi terrain vague anche grazie ai bombardamenti anglo americani. Noi ci giocavamo a calcio, a correre a chi arriva primo, a guardie e ladri e, dividendoci in bande, facevamo a cazzotti che a quell’età non possono fare un gran male perché i pugni sono leggeri, al massimo ne uscivi con un labbro spaccato o col classico ‘occhio nero’(onta da nascondere ai padri non perché si era fatto zuffa, ma perché voleva dire che le avevi prese).

Le bambine avevano giochi più quieti. Ma col ‘pampano’ devi almeno essere capace di saltare con un piede solo, tenendoti in equilibrio, una serie di righe, segnate col gesso, e chinarti per raccogliere il sasso gettato sempre più lontano. E poi, senza distinzione di sesso, di ‘genere’ come si dice adesso con un termine che trovo raggelante, si giocava a prendersi, a nascondersi, a ‘palla prigioniera’, a‘palla avvelenata’, ai ‘quattro cantoni’. Era insomma un allenamento inconsapevole, un’educazione fisica naturale. La strada era poi una scuola di vita, dove si imparava a conoscere gli altri e se stessi: la lealtà, la slealtà, il coraggio (ma questo è un altro discorso anche se tout se tient).

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Oggi i bambini e i ragazzini hanno perso quello spazio che noi avevamo in abbondanza. Al posto della campagna, che fino agli anni Cinquanta penetrava ancora nelle città, hanno il famigerato ‘verde’ che non si può toccare, quando non i ‘boschi verticali’ dove gli alberi sono impiccati alle facciate dei grattacieli (i boschi, per quanto ne so io, uomo del pleistocene, sono fatti per camminarci dentro). Milano ha pochissimi parchi, anch’essi peraltro di fatto impraticabili, ma le lussuose case del centro hanno tutte, all’interno, uno splendido giardino, però i regolamenti condominiali vietano ai bambini di giocarci: troppo rumore, troppe risa, troppe grida che invece di rallegrarli disturbano i vecchi rincoglioniti. Mettiamoci anche l’apprensione delle ‘mamme’ che appena vedono il loro figlioletto fare un gioco un po’ardito vanno in catalessi e la fine della leva militare obbligatoria ed ecco che abbiamo generazioni di giovani debosciati, giovani che con tutte le loro preoccupazioni salutiste sono già vecchi.

Dice Mario Bellucci, autore di uno studio sulla questione: “Tanti quindicenni non sanno andare in bici. Di correre non se ne parla, il camminare è ridotto a pochi metri al giorno. La loro muscolatura è così poco tonica da creare problemi di postura: dopo pochi minuti in piedi devono sedersi. Sono stanchi”. Giovani privi di forza fisica o della capacità di usarla. Non è ammissibile che un uomo della mia età, che non ha certo la struttura di Mike Tyson, batta regolarmente a braccio di ferro ragazzi poco più che ventenni. La mancanza di spazi di libero gioco si lega, come concausa e conseguenza della scarsa efficienza fisica dei bambini e dei ragazzi delle nuove generazioni, all’irrompere nella loro vita della playstation e di tutto il mondo digitale che vi gira attorno.

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Stanno ore e ore, immobili, seduti sul divano, a trafficare con questi aggeggi che offrono loro ogni tipo di divertimento virtuale ma non l’azione fisica. Una mia vicina di casa ha un figlioletto di sei/sette anni. Ogni tanto i due vengono a trovarmi. E io dico al bambino: “Dai, giochiamo a nasconderci, a prenderci, a mosca cieca” e, scherzosamente, aggiungo “con me non hai neanche bisogno di bendarmi”. Ma vedo che non è contento. Ha voglia di tornare al computer. È comico, se non fosse tragico, che esista un ‘centro di rieducazione motoria’per bambini e ragazzini. Mi suona come quei centri per la rieducazione dei rapaci, aiutati a ridiventare dei serial killer.

La felicità di un bambino è correre. La necessità di un rapace è uccidere. Se il bambino non sa correre e il rapace non è in grado di uccidere, il primo non è più un bambino e il secondo non è più un rapace. Naturalmente molti genitori –almeno quelli che possono permetterselo- per impegnare il tempo dei loro figli li mandano a scuola di tennis, di nuoto, di calcio. Ma è una cosa molto diversa dal movimento naturale e spontaneo del gioco da strada. Per parecchi motivi. È eterodiretto. Stimola solo certi muscoli e certe articolazioni e non altre. E può essere persino controproducente, perché oggi si ha la tendenza a professionalizzare fin da subito i bambini e i ragazzini con la speranza che dal mucchio esca qualche campione.

Giocare liberamente seguendo il proprio istinto è una cosa, fare movimenti forzati e obbligati in un’età prematura è un’altra. Nelle scuole di calcio, magari sponsorizzate da grandi squadre, ho visto bambini sviluppare seri problemi alle anche, ai legamenti, ai tendini. Anche noi facevamo, a volte, dei giochi statici. I tappi di bottiglia, i ‘tollini’, solo per fare un esempio fra i tanti possibili, erano l’ideale per simulare Giri d’Italia, Tour de France, partite di calcio. Ma questi giochi ce li inventavamo da noi e questo sviluppava la nostra fantasia. E anche se sembra non c’entrarci col problema della capacità motoria, in qualche modo vi si ricollega. Io sono divorziato da quando mio figlio aveva sette anni. A weekend alterni veniva a casa mia. Se non potevo occuparmi di lui perché avevo da scrivere, se ne stava nella sua stanzetta. Un pomeriggio venne da me e mi chiese, sconsolato: “Papà, come facevi tu a inventarti tanti giochi?”. La playstation non esisteva ancora, ma in ogni caso i giochi eterodiretti cui era abituato, come tutti i suoi coetanei, avevano tarpato le ali alla sua fantasia. Ma anche se le ricerche sulla forma fisica degli studenti, piccoli e meno piccoli, sono focalizzate sul nostro Paese, il problema riguarda tutto il mondo occidentale propriamente detto. Gli americani, bambini o adulti, sono obesi. Nel complesso, complice certamente anche la mancanza dell’esercizio fisico praticato in modo naturale fin da bambini, ma non solo, nella società del benessere, dove le macchine e gli algoritmi fanno tutto al nostro posto, impigrendoci, infiacchendoci, fisicamente e spiritualmente, è la vitalità che ci è venuta meno. Per restare in Europa: se c’è una rapina in banca non è mai un locale a reagire, ma un serbo, un rumeno, un nero. Non possiamo poi meravigliarci se poche migliaia di guerriglieri dell’Isis, che certamente non hanno problemi motori, tengono in scacco centinaia di milioni di occidentali superarmati ma incapaci di saltare una siepe…

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vendredi, 17 mars 2017

Reading Marx Right: A “Reactionist” Interpretation of The Communist Manifesto

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Reading Marx Right:
A “Reactionist” Interpretation of The Communist Manifesto

 

There is much about The Communist Manifesto [2] that is valid from a Rightist viewpoint – if analyzed from a reactionary perspective. One does not need to be a Marxist to accept that a dialectical interpretation of history is one of several methods by which history can be studied, albeit not in a reductionist sense, but in tandem with other methods such as, in particular, the cyclical morphology of Oswald Spengler,[1] the economic morphology of civilizations as per Brooks Adams,[2] the cultural vitalism of Yockey,[3] and the heroic vitalism of Carlyle.[4] Marx, after all, did not conceive dialectics, he appropriated the theory from Hegel, who had followers from both Left and Right, and whose doctrine was not that of the materialism of the Left. The American Spenglerian, Francis Parker Yockey, pointed this out:

Being inwardly alien to Western philosophy, Marx could not assimilate the ruling philosopher of his time, Hegel, and borrowed Hegel’s method to formulate his own picture. He applied this method to capitalism as a form of economy, in order to bring about a picture of the Future according to his own feelings and instincts.[5]

Indeed, Marx himself repudiated Hegel’s dialectics, whose concept of “The Idea” seemed of a religious character to Marx, who countered this metaphysical “Idea” with the “material world”:

My dialectic method is not only different from the Hegelian, but is its direct opposite. To Hegel, the life-process of the human brain, i.e. the process of thinking, which, under the name of “the Idea,” he even transforms into an independent subject, is the demiurgos of the real world, and the real world is only the external, phenomenal form of “the Idea.” With me, on the contrary, the ideal is nothing else than the material world reflected by the human mind, and translated into forms of thought.[6]

Hegel, on the other hand, wrote about how the historical dialectic worked on the “national spirit,” his philosophy being a part of the Rightist doctrinal stream that was receiving an important impetus form the German thinkers in antithesis to “English thought” based on economics, which imbued Marx’s thinking and hence mirrored capitalism. Hegel wrote, for example:

The result of this process is then that Spirit, in rendering itself objective and making this its being an object of thought, on the one hand destroys the determinate form of its being, on the other hand gains a comprehension of the universal element which it involves, and thereby gives a new form to its inherent principle. In virtue of this, the substantial character of the National Spirit has been altered, – that is, its principle has risen into another, and in fact a higher principle.

It is of the highest importance in apprehending and comprehending History to have and to understand the thought involved in this transition. The individual traverses as a unity various grades of development, and remains the same individual; in like manner also does a people, till the Spirit which it embodies reaches the grade of universality. In this point lies the fundamental, the Ideal necessity of transition. This is the soul – the essential consideration – of the philosophical comprehension of History.[7]

Dialectically, the antithesis, or “negation” as Hegel would have called it, of Marxism is “Reactionism,” to use Marx’s own term, and if one applies a dialectical analysis to the core arguments of The Communist Manifesto, a practical methodology for the sociology of history from a Rightist perspective emerges.

Conservatism and Socialism

KM-2-719014.jpgIn English-speaking states at least, there is a muddled dichotomy in regard to the Left and Right, particularly among media pundits and academics. What is often termed “New Right” or “Right” there is the reanimation of Whig-Liberalism. If the English wanted to rescue genuine conservatism from the free-trade aberration and return to their origins, they could do no better than to consult the early twentieth-century philosopher Anthony Ludovici, who succinctly defined the historical dichotomy rather than the commonality between Toryism and Whig-Liberalism, when discussing the health and vigor of the rural population in contrast to the urban:

. . . and it is not astonishing therefore that when the time of the Great Rebellion[8] the first great national division occurred, on a great political issue, the Tory-Rural-Agricultural party should have found itself arrayed in the protection and defence of the Crown, against the Whig-Urban-Commercial Trading party. True, Tory and Whig, as the designation of the two leading parties in the state, were not yet known; but in the two sides that fought about the person of the King, the temperament and aims of these parties were already plainly discernible.

Charles I, as I have pointed out, was probably the first Tory, and the greatest Conservative. He believed in securing the personal freedom and happiness of the people. He protected the people not only against the rapacity of their employers in trade and manufacture, but also against oppression of the mighty and the great . . .[9]

It was the traditional order, with the Crown at the apex of the hierarchy, which resisted the money-values of the bourgeoisie revolution, which manifested first in England and then in France, and over much of the rest of mid-nineteenth century Europe. The world remains under the thrall of these revolutions, as also under the Reformation that provided the bourgeoisie with a religious sanction.[10]

As Ludovici pointed out, in England at least, and therefore as a wider heritage of the English-speaking nations, the Right and the free trade liberals emerged as not merely ideological adversaries, but as soldiers in a bloody conflict during the seventeenth century. The same bloody conflict manifested in the United States in the war between the North and South, the Union representing Puritanism and its concomitant plutocratic interests in the English political sense; the South, a revival of the cavalier tradition, ruralism and the aristocratic ethos. The South itself was acutely aware of this tradition. Hence, when in 1863 Confederate Secretary of State Judah P. Benjamin was asked for ideas regarding a national seal for the Confederate States of America, he suggested “a cavalier” based on the equestrian statue of Washington in Capitol Square at Richmond, and stated:

It would do just honor to our people. The cavalier or knight is typical of chivalry, bravery, generosity, humanity, and other knightly virtues. Cavalier is synonymous with gentleman in nearly all of the modern languages . . . the word is eminently suggestive of the origin of Southern society as used in contradistinction to Puritan. The Southerners remain what their ancestors were, gentlemen.[11]

This is the historical background by which, much to Marx’s outrage, the remnant of the aristocracy sought anti-capitalist solidarity with the increasingly proletarianized and urbanized peasants and artisans in common opposition to capitalism. To Marx, such “Reactionism” (sic) was an interference with the dialectical historical process, or the “wheel of history,” as will be considered below, since he regarded capitalism as the essential phase of the dialectic leading to socialism.

OS-PS166709.jpgSpengler, one of the seminal philosopher-historians of the “Conservative Revolutionary” movement that arose in Germany in the aftermath of the First World War, was intrinsically anti-capitalist. He and others saw in capitalism and the rise of the bourgeoisie the agency of destruction of the foundations of traditional order, as did Marx. The essential difference is that the Marxists regarded it as part of a historical progression, whereas the revolutionary conservatives regarded it as a symptom of decline. Of course, since academe is dominated by mediocrity and cockeyed theories, this viewpoint is not widely understood in (mis)educated circles.

Of Marxism, Spengler stated in his essay devoted specifically to the issue of socialism:

Socialism contains elements that are older, stronger, and more fundamental than his [Marx’s] critique of society. Such elements existed without him and continued to develop without him, in fact contrary to him. They are not to be found on paper; they are in the blood. And only the blood can decide the future.[12]

In The Decline of The West [3], Spengler states that in the late cycle of a civilization there is a reaction against the rule of money, which overturns plutocracy and restores tradition. In Late Civilization, there is a final conflict between blood and money:

. . . [I]f we call these money-powers “Capitalism,” then we may designate as Socialism the will to call into life a mighty politico-economic order that transcends all class interests, a system of lofty thoughtfulness and duty-sense that keeps the whole in fine condition for the decisive battle of its history, and this battle is also the battle of money and law. The private powers of the economy want free paths for their acquisition of great resources . . .[13]

In a footnote to the above, Spengler reminded readers regarding “capitalism” that, “in this sense the interest-politics of the workers’ movements also belong to it, in that their object is not to overcome money-values, but to possess them.” Concerning this, Yockey stated:

The ethical and social foundations of Marxism are capitalistic. It is the old Malthusian “struggle” again. Whereas to Hegel, the State was an Idea, an organism with harmony in its parts, to Malthus and Marx there was no State, but only a mass of self-interested individuals, groups, and classes. Capitalistically, all is economics. Self-interest means: economics. Marx differed on this plane in no way from the non-class war theoreticians of capitalism – Mill, Ricardo, Paley, Spencer, Smith. To them all, Life was economies, not Culture… All believe in Free Trade and want no “State interference” in economic matters. None of them regard society or State as an organism. Capitalistic thinkers found no ethical fault with destruction of groups and individuals by other groups and individuals, so long as the criminal law was not infringed. This was looked upon as, in a higher way, serving the good of all. Marxism is also capitalistic in this . . .[14]

Something of the “ethical socialism” propounded by Rightists such as Spengler and Yockey is also alluded to in the above passage: “It is based on the State [as] an Idea, an organism with harmony in its parts,” anathema to many of today’s self-styled “conservatives,” but in accord with the traditional social order in its pre-materialistic epochs. It is why Rightists, prior to the twentieth-century reanimated corpse of nineteenth-century free trade, advocated what Yockey called “the organic state” in such movements as “corporatism,” which gave rise to the “New States” during the 1930s, from Salazar’s Portugal and Dollfuss’ Austria to Vargas’ Brazil. Yockey summarizes this organic social principle: “The instinct of Socialism however absolutely preludes any struggle between the component parts of the organism.”[15] It is why one could regard “class struggle” literally as a cancer, whereby the cells of the organism war among themselves until the organism dies.

Caste & Class

The “revolutionary conservatism” of Spengler and others is predicated on recognizing the eternal character of core values and institutions that reflect the cycle of cultures in what Spengler called their “spring” epoch.[16] A contrast in ethos and consequent social order between traditional (“spring”) and modern (“winter”) cycles of a civilization is seen in such manifestations as caste as a metaphysical reflection of social relations,[17] as distinct from class as an economic entity.

Organizationally, the guilds or corporations were a manifestation of the divine order which, with the destruction of the traditional societies, were replaced by trade unions and professional associations that aim only to secure the economic benefits of members against other trades and professions, and which seek to negate the duty and responsibility one had in being a proud member of one’s craft, where a code of honor was in force. Italian “revolutionary conservative” philosopher Julius Evola stated of this that, like the corporations of Classical Rome, the medieval guilds were predicated on religion and ethics, not on economics.[18] “The Marxian antithesis between capital and labor, between employers and employees, at the time would have been inconceivable.”[19] Yockey stated:

Marxism imputed Capitalistic instincts to the upper classes, and Socialistic instincts to the lower classes. This was entirely gratuitous, for Marxism made an appeal to the capitalistic instincts of the lower classes. The upper classes are treated as the competitor who has cornered all the wealth, and the lower classes are invited to take it away from them. This is capitalism. Trade unions are purely capitalistic, distinguished from employers only by the different commodity they purvey. Instead of an article, they sell human labor. Trade-unionism is simply a development of capitalistic economy, but it has nothing to do with Socialism, for it is simply self-interest.[20]

The Myth of “Progress”

While Western Civilization prides itself on being the epitome of “progress” through its economic activity, it is based on the illusion of a Darwinian lineal evolution. Perhaps few words have more succinctly expressed the antithesis between the modernist and the traditional conservative perceptions of life than the ebullient optimism of the nineteenth century biologist, Dr. A. R. Wallace, when stating in The Wonderful Century [4] (1898):

ARW-WC.jpgNot only is our century superior to any that have gone before it but . . . it may be best compared with the whole preceding historical period. It must therefore be held to constitute the beginning of a new era of human progress. . . . We men of the 19th Century have not been slow to praise it. The wise and the foolish, the learned and the unlearned, the poet and the pressman, the rich and the poor, alike swell the chorus of admiration for the marvellous inventions and discoveries of our own age, and especially for those innumerable applications of science which now form part of our daily life, and which remind us every hour or our immense superiority over our comparatively ignorant forefathers.[21]

Like Marx’s belief that Communism is the last mode of human life, capitalism has the same belief. In both worldviews, there is nothing other than further “progress” of a technical nature. Both doctrines represent the “end of history.” The traditionalist, however, views history not as a straight line from “primitive to modern,” but as one of continual ebb and flow, of cosmic historical tides, or cycles. While Marx’s “wheel of history” moves forward, trampling over all tradition and heritage until it stops forever at a grey, flat wall of concrete and steel, the traditionalist “wheel of history” revolves in a cycle on a stable axis, until such time as the axis rots – unless it is sufficiently oiled or replaced at the right time – and the spokes fall off;[22] to be replaced by another “wheel of history.”

Within the Western context, the revolutions of 1642, 1789, and 1848, albeit in the name of “the people,” sought to empower the merchant on the ruins of the Throne and the Church. Spengler writes of the later era: “. . . And now the economic tendency became uppermost in the stealthy form of revolution typical of the century, which is called democracy and demonstrates itself periodically, in revolts by ballot or barricaded on the part of the masses.” In England, “. . . the Free Trade doctrine of the Manchester School was applied by the trades unions to the form of goods called ‘labour,’ and eventually received theoretical formulation in the Communist Manifesto of Marx and Engels. And so was completed the dethronement of politics by economics, of the State by the counting-house . . .”[23]

Spengler calls Marxian types of socialism “capitalistic” because they do not aim to replace money-based values, “but to possess them.” Concerning Marxism, he states that it is “nothing but a trusty henchman of Big Capital, which knows perfectly well how to make use of it.”[24] Further:

The concepts of Liberalism and Socialism are set in effective motion only by money. It was the Equites, the big-money party, which made Tiberius Gracchus’ popular movement possible at all; and as soon as that part of the reforms that was advantageous to themselves had been successfully legalized, they withdrew and the movement collapsed.

There is no proletarian, not even a communist, movement that has not operated in the interests of money, in the directions indicated by money, and for the time permitted by money – and that without the idealist amongst its leaders having the slightest suspicion of the fact.[25]

It is this similarity of spirit between capitalism and Marxism that has often manifested in the subsidy of “revolutionary” movements by plutocracy. Some plutocrats are able to discern that Marxism and similar movements are indeed useful tools for the destruction of traditional societies that are hindrances to global profit maximization. One might say in this sense that, contrary to Marx, capitalism is not a dialectical stage leading to Communism, but that Marxian-style socialism is a dialectical phase leading to global capitalism.[26]

Capitalism in Marxist Dialectics

While what is popularly supposed to be the “Right” is upheld by its adherents as the custodian of “free trade,” which in turn is made synonymous with “freedom,” Marx understood the subversive character of free trade. Spengler cites Marx on free trade, quoting him from 1847:

Generally speaking, the protectionist system today is conservative, whereas the Free Trade system has a destructive effect. It destroys the former nationalities and renders the contrast between proletariat and bourgeois more acute. In a word, the Free Trade system is precipitating the social revolution. And only in this revolutionary sense do I vote for Free Trade.[27]

For Marx, capitalism was part of an inexorable dialectical process that, like the progressive-linear view of history, sees humanity ascending from primitive communism, through feudalism, capitalism, socialism, and ultimately – as the end of history – to a millennial world of Communism. Throughout this dialectical, progressive unfolding, the impelling force of history is class struggle for the primacy of sectional economic interests. In Marxian economic reductionism history is relegated to the struggle:

[The struggle between] freeman and slave, patrician and plebeian, lord and serf, guild master and journeyman, in a word, oppressor and oppressed . . . in constant opposition to one another, carried on uninterrupted, now hidden, now open, a fight that each time ended, either in a revolutionary re-constitution of society at large, or in the common ruin of the contending classes.[28]

das-kapital_188859.jpgMarx accurately describes the destruction of traditional society as intrinsic to capitalism, and goes on to describe what we today call “globalization.” Those who advocate free trade while calling themselves conservatives might like to consider why Marx supported free trade and described it as both “destructive” and as “revolutionary.” Marx saw it as the necessary ingredient of the dialectic process that is imposing universal standardization; this is likewise precisely the aim of Communism.

In describing the dialectical role of capitalism, Marx states that wherever the “bourgeoisie” “has got the upper hand [he] has put an end to all feudal, patriarchal, idyllic relations.” The bourgeoisie or what we might call the merchant class – which is accorded a subordinate position in traditional societies, but assumes superiority under “modernism” – “has pitilessly torn asunder” feudal bonds, and “has left remaining no other nexus between man and man than naked self-interest,” and “callous cash payment.” It has, among other things, “drowned” religiosity and chivalry “in the icy water of egotistical calculation.” “It has resolved personal worth into exchange value, and in place of the numberless indefeasible chartered freedoms, has set up that single, unconscionable freedom – Free Trade.”[29] Where the conservative stands in opposition to the Marxian analysis of capitalism is in Marx’s regarding the process as both inexorable and desirable.

Marx condemned opposition to this dialectical process as “reactionary.” Marx was here defending Communists against claims by “reactionaries” that his system would result in the destruction of the traditional family, and relegate the professions to mere “wage-labor,” by stating that this was already being done by capitalism anyway and is therefore not a process that is to be resisted – which is “Reactionism” – but welcomed as a necessary phase leading to Communism.

Uniformity of Production & Culture

Marx saw the constant need for the revolutionizing of the instruments of production as inevitable under capitalism, and this in turn brought society into a continual state of flux, of “everlasting uncertainty and agitation,” which distinguishes the “bourgeoisie epoch from all other ones.”[30] The “need for a constantly expanding market” means that capitalism spreads globally, and thereby gives a “cosmopolitan character” to “modes of production and consumption in every country.” In Marxist dialectics, this is a necessary part of destroying national boundaries and distinctive cultures as a prelude to world socialism. It is capitalism that establishes the basis for internationalism. Therefore, when the Marxist rants against “globalization,” he does so as rhetoric in the pursuit of a political agenda; not from ethical opposition to globalization.

Marx identifies the opponents of this capitalist internationalizing process not as Marxists, but as “Reactionists.” The reactionaries are appalled that the old local and national industries are being destroyed, self-sufficiency is being undermined, and “we have . . . universal inter-dependence of nations.” Likewise in the cultural sphere, “national and local literatures” are displaced by “a world literature.”[31] The result is a global consumer culture. Ironically, while the US was the harbinger of internationalizing tendencies in the arts, at the very start of the Cold War the most vigorous opponents of this were the Stalinists, who called this “rootless cosmopolitanism.”[32] It is such factors that prompted Yockey to conclude that the US represented a purer form of Bolshevism – as a method of cultural destruction – than the USSR. It is also why the diehard core of international Marxism, especially the Trotskyites, ended up in the US camp during the Cold War and metamorphosed into “neo-conservatism,”[33] whose antithesis in the US is not the Left, but paleoconservatism. These post-Trotskyites have no business masquerading as “conservatives,” “new” or otherwise.

With this revolutionizing and standardization of the means of production comes a loss of meaning that comes from being part of a craft or a profession, or “calling.” Obsession with work becomes an end in itself, which fails to provide higher meaning because it has been reduced to that of a solely economic function. In relation to the ruin of the traditional order by the triumph of the “bourgeoisie,” Marx said that:

Owing to the extensive use of machinery and to division of labor, the work of the proletarians has lost all individual character, and, consequently, all charm for the workman. He becomes an appendage of the machine, and it is only the most simple, most monotonous, and the most easily acquired knack, that is required of him . . .[34]

Whereas the Classical corporations and the medieval guilds fulfilled a role that was metaphysical and cultural in terms of one’s profession, these have been replaced by the trade unions as nothing more than instruments of economic competition. The entirety of civilization has become an expression of money-values, but preoccupation with the Gross Domestic Product cannot be a substitute for more profound human values. Hence it is widely perceived that those among the wealthy are not necessarily those who are fulfilled, and the affluent often exist in a void, with an undefined yearning that might be filled with drugs, alcohol, divorce, and suicide. Material gain does not equate with what Jung called “individuation” or what humanistic psychology calls “self-actualization.” Indeed, the preoccupation with material accumulation, whether under capitalism or Marxism, enchains man to the lowest level of animalistic existence. Here the Biblical axiom is appropriate: “Man does not live by bread alone.”

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The Megalopolis

Of particular interest is that Marx writes of the manner by which the rural basis of the traditional order succumbs to urbanization and industrialization; which is what formed the “proletariat,” the rootless mass that is upheld by socialism as the ideal rather than as a corrupt aberration. Traditional societies are literally rooted in the soil. Under capitalism, village life and localized life are, as Marx said, made passé by the city and mass production. Marx referred to the country being subjected to the “rule of the towns.”[35] It was a phenomenon – the rise of the city concomitant with the rise of the merchant – that Spengler states is a symptom of the decay of a civilization in its sterile phase, where money values rule.[36]

Marx writes that what has been created is “enormous cities”; what Spengler calls “Megalopolitanism.” Again, what distinguishes Marx from traditionalists in his analysis of capitalism is that he welcomes this destructive feature of capitalism. When Marx writes of urbanization and the alienation of the former peasantry and artisans by their proletarianization in the cities, thereby becoming cogs in the mass production process, he refers to this not as a process to be resisted, but as inexorable and as having “rescued a considerable part of the population from the idiocy of rural life.”[37]

“Reactionism”

Marx points out in The Communist Manifesto that “Reactionists” (sic) view with “great chagrin”[38] the dialectical processes of capitalism. The reactionary, or the “Rightist,” is the anti-capitalist par excellence, because he is above and beyond the zeitgeist from which both capitalism and Marxism emerged, and he rejects in total the economic reductionism on which both are founded. Thus the word “reactionary,” usually used in a derogatory sense, can be accepted by the conservative as an accurate term for what is required for a cultural renascence.

Marx condemned resistance to the dialectical process as “Reactionist”:

The lower middle class, the small manufacturer, the shopkeeper, the artisan, the peasant. All these fight against the bourgeoisie, to save from extinction their existence as fractions of the middle class. They are therefore not revolutionary, but conservative. Nay more, they are reactionary, for they try to roll back the wheel of history. If by chance they are revolutionary, they are so only in view of their impending transfer into the proletariat, they thus defend not their present, but their future interests, they desert their own standpoint to place themselves at that of the proletariat.[39]

This so-called “lower middle class” is therefore inexorably condemned to the purgatory of proletarian dispossession until such time as it recognizes its historical revolutionary class role, and “expropriates the expropriators.” This “lower middle class” can either emerge from purgatory by joining the ranks of the proletarian chosen people, become part of the socialist revolution, and enter a new millennium, or it can descend from its class purgatory, if it insists on trying to maintain the traditional order, and be consigned to oblivion, which might be hastened by the firing squads of Bolshevism.

Marx devotes Section Three of his Communist Manifesto to a repudiation of “reactionary socialism.” He condemns the “feudal socialism” that arose among the old remnants of the aristocracy, which had sought to join forces with the “working class” against the bourgeoisie. Marx states that the aristocracy, in trying to reassert their pre-bourgeois position, had actually lost sight of their own class interests in siding with the proletariat.[40] This is nonsense. An alliance of the dispossessed professions into what had become the so-called proletariat, with the increasingly dispossessed aristocracy, is an organic alliance which finds its enemies as much in Marxism as in capitalism. Marx raged against the budding alliance between the aristocracy and those dispossessed professions that resisted being proletarianized. Hence, Marx condemns “feudal socialism” as “half echo of the past, half menace of the future.”[41] It was a movement that enjoyed significant support among craftsmen, clergymen, nobles, and literati in Germany in 1848, who repudiated the free market that had divorced the individual from Church, State, and community, “and placed egoism and self-interest before subordination, commonality, and social solidarity.”[42] Max Beer, a historian of German socialism, stated of these “Reactionists,” as Marx called them:

The modern era seemed to them to be built on quicksands, to be chaos, anarchy, or an utterly unmoral and godless outburst of intellectual and economic forces, which must inevitably lead to acute social antagonism, to extremes of wealth and poverty, and to a universal upheaval. In this frame of mind, the Middle Ages, with its firm order in Church, economic and social life, its faith in God, its feudal tenures, its cloisters, its autonomous associations and its guilds appeared to these thinkers like a well-compacted building . . .[43]

It is just such an alliance of all classes – once vehemently condemned by Marx as “Reactionist” – that is required to resist the common subversive phenomena of free trade and revolution. If the Right wishes to restore the health of the cultural organism that is predicated on traditional values, then it cannot do so by embracing economic doctrines that are themselves antithetical to tradition, and which were welcomed by Marx as part of a subversive process.

This article is a somewhat different version of an article that originally appeared in the journal Anamnesis, “Marx Contra Marx [5].”

Notes

1. Oswald Spengler (1928), The Decline of The West (London: George Allen and Unwin, 1971).

2. Brooks Adams, The Law of Civilisation and Decay: An Essay on History [6] (London: Macmillan & Co., 1896).

3. Francis Parker Yockey, Imperium [7] (Sausalito, California: The Noontide Press, 1969).

4. Eric Bentley, The Cult of the Superman: A Study of the Idea of Heroism in Carlyle & Nietzsche [8](London: Robert Hale Ltd., 1947).

5. Francis Parker Yockey, op. cit., p. 80.

6. Karl Marx (1873), Capital, “Afterword” (Moscow: Progress Publishers, 1970), Vol. 1, p. 29.

7. G. W. F. Hegel (1837), The Philosophy of History [9], “Introduction: The Course of the World’s History[10].”

8. The Cromwellian Revolution.

9. Anthony Ludovici, A Defence of Conservatism [11] (1927), Chapter 3, “Conservatism in Practice.”

10. Max Weber, The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, Asceticism and the Spirit of Capitalism[12] (London: Unwin Hyman, 1930).

11. R. D. Meade & W. C. Davis, Judah P. Benjamin: Confederate Statesman [13] (Louisiana State University Press, 2001), p. 270.

12. Oswald Spengler (1919), Prussian and Socialism (Paraparaumu, New Zealand: Renaissance Press, 2005), p. 4.

13. Oswald Spengler, The Decline of The West, op. cit., Vol. 2, p. 506.

14. Francis Parker Yockey, op. cit., p. 81.

15. Francis Parker Yockey, ibid., p. 84.

16. Oswald Spengler, op. cit. The tables of “contemporary” cultural, spiritual and political epochs in The Decline can be found online here [14].

17. The only aspect more widely recalled today being the “divine right of Kings.”

18. Julius Evola, Revolt against the Modern World [15] (Rochester, Vermont: Inner Traditions international, 1995), p. 105.

19. Julius Evola, , ibid., p. 106.

20. Francis Parker Yockey, op. cit., p. 84.

21. Asa Briggs (ed.), The Nineteenth Century: The Contradictions of Progress [16] (New York: Bonanza Books, 1985), p. 29.

22. Turning and turning in the widening gyre

The falcon cannot hear the falconer:

Things fall apart, the centre cannot hold;

Mere anarchy is loosed upon the world . . . W. B. Yeats, “The Second Coming [17],” 1921.

23. Oswald Spengler, The Hour of Decision [18] (New York: Alfred A Knopf, 1934), pp. 42-43.

24. Oswald Spengler, The Decline of The West, op. cit., Vol. 2, p. 464.

25. Oswald Spengler, ibid. p. 402.

26. K. R. Bolton, Revolution from Above [19] (London: Arktos, 2011).

27. Oswald Spengler, The Hour of Decision, op. cit., p. 141; citing Marx, Appendix to Elend der Philosophie, 1847.

28. Karl Marx, The Communist Manifesto (Moscow: Progress Publishers, 1975), p. 41.

29. Karl Marx, ibid., p. 44.

30. Karl Marx, ibid., p. 47.

31. Karl Marx, ibid., pp. 46-47.

32. F. Chernov, “Bourgeois Cosmopolitanism and Its Reactionary Role [20],” Bolshevik: Theoretical and Political Magazine of the Central Committee of the All-Union Communist Party (Bolsheviks) ACP(B), Issue #5, 15 March 1949, pp. 30-41.

33. K. R. Bolton, “America’s ‘World Revolution’: Neo-Trotskyist Foundations of U.S. Foreign Policy [21],” Foreign Policy Journal, May 3, 2010.

34. Karl Marx, The Communist Manifesto, op. cit., p. 51.

35. Karl Marx, ibid., p. 47.

36. Oswald Spengler, The Decline of The West, op. cit., Vol. 2, Chapter 4, (a) “The Soul of the City,” pp. 87-110.

37. Karl Marx, The Communist Manifesto, op. cit., p.  47.

38. Karl Marx, ibid, p. 46.

39. Karl Marx, The Communist Manifesto, ibid., 57.

40. Karl Marx, ibid., III “Socialist and Communist Literature, 1. Reactionary Socialism, a. Feudal Socialism,” p. 77.

41. Karl Marx, ibid., p. 78.

42. Max Beer, A General History of Socialism and Social Struggle [22] (New York: Russell and Russell, 1957), Vol. 2, p. 109.

43. Max Beer, ibid., pp. 88-89.

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[10] Introduction: The Course of the World’s History: http://www.class.uidaho.edu/mickelsen/texts/Hegel%20-%20Philosophy%20of%20History.htm#--III

[11] A Defence of Conservatism: http://amzn.to/2nKy2sc

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[14] here: http://www.scribd.com/doc/13596939/Spenglers-Civilization-Model

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[20] Bourgeois Cosmopolitanism and Its Reactionary Role: http://www.cyberussr.com/rus/chernov/chernov-mirovaya-e.html

[21] America’s ‘World Revolution’: Neo-Trotskyist Foundations of U.S. Foreign Policy: http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/05/03/americas-world-revolution-neo-trotskyist-foundations-of-u-s-foreign-policy/

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dimanche, 12 mars 2017

Les réveils identitaires: une réponse à la crise de la modernité

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Les réveils identitaires: une réponse à la crise de la modernité

par Etienne Malret

Ex: http://www.institut-iliade.com 

La notion d’identité, qui a massivement investi le champ des sciences sociales depuis une quarantaine d’années, apparaît aujourd’hui comme une notion incontournable, tant au niveau individuel que collectif, dans l’analyse des conflits, tensions, crises, dans un contexte de changements sociétaux rapides et déstabilisateurs et de remise en cause des « grands récits » caractéristiques de la Modernité.

Ainsi, ce recours croissant à la notion d’identité apparaît en grande partie lié à la réhabilitation de la notion de sujet qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avait été occultée, du fait de son caractère prétendument illusoire, par plusieurs courants de pensée alors dominants (marxisme, behaviorisme, structuralisme, etc.) [1]. Ces courants de pensée issus des « grands récits » qui se sont constitués au XIXème siècle comme autant de religions séculières (libéralisme, scientisme, marxisme…) postulaient, conformément à l’idéologie du Progrès, que l’avenir serait nécessairement meilleur que le présent et affirmaient dans le même temps la possibilité d’un salut dans l’ici-bas [2]. Les évènements tragiques du XXème siècle ont cruellement infirmé la vision optimiste, progressiste du devenir du monde portée par ces religions séculières.

Omniprésente dans les débats contemporains, la notion d’identité apparaît, toutefois, difficile à cerner dans la mesure où elle résulte de constructions historiques particulières et comporte de multiples facettes. Dans une approche très générale, comme le relève Samuel Huntington, l’identité est ce qui nous distingue des autres [3]. Plus spécifiquement, le philosophe Charles Taylor l’envisage comme un cadre, un horizon au sein duquel l’individu est en mesure de prendre des engagements, une posture morale, souvent en référence à une communauté [4].

Sans doute ce cadre, pour partie hérité, pour partie choisi, n’est-il pas immuable, intemporel mais au contraire évolutif : l’identité n’est pas une essence ; elle se construit historiquement « dans le dialogue ou la confrontation avec l’Autre » [5]. De plus, la narration apparaît comme le principal mode de construction de cette identité évolutive, ainsi que l’a montré Paul Ricoeur en introduisant la distinction entre « l’identité ipse » et « l’identité idem » : « A la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. » [6] Ce caractère narratif de l’identité vaut aussi bien au plan individuel que s’agissant de l’identité collective [7].

Les questionnements, les débats qui surgissent actuellement dans les pays européens [8] et aux Etats-Unis [9] sur l’identité sont le plus souvent interprétés, à raison, comme un symptôme de crise d’une société en pleine mutation. L’affirmation, la revendication d’une identité est alors présentée selon les cas, soit comme une menace supplémentaire et une aggravation de la crise, soit comme une réponse légitime à cette crise, voire comme une solution (c’est notamment la question de la reconnaissance symbolique ou même juridique de l’identité des minorités ethniques, sexuelles etc.). Cette crise, vue sous l’angle de l’identité peut être appréhendée à un double niveau, individuel et collectif.

chtay.jpgAu plan individuel, le questionnement identitaire révèle un sentiment de perte de sens au sein des sociétés modernes. Dans son ouvrage Les sources du moi. La formation de l’identité moderne, Charles Taylor, en faisant la généalogie de l’identité moderne, a montré que celle-ci s’est notamment construite sur une conception instrumentale du monde, c’est-à-dire un monde vu comme un simple mécanisme que la raison doit s’attacher à objectiver et à contrôler. Or, cette vision instrumentale du monde, héritée du cartésianisme, et qui a connu son plein épanouissement au XXème siècle, s’est révélée un puissant facteur de désymbolisation [10], synonyme de perte de sens. Ainsi, cette crise, interprétée à travers le prisme de l’identité, apparaît dans une large mesure comme une crise de la modernité, une crise affectant l’homme faustien dont parlait Spengler dans Le Déclin de l’Occident, c’est-à-dire « un individu caractérisé par une insatisfaction devant tout ce qui est fini, terminé », un homme qui « ne croit plus qu’il peut savoir ce qui est bien et mal, ce qui est juste et injuste. » [11]

Au plan collectif, de puissants mouvements d’homogénéisation, dont la mondialisation constitue l’une des manifestations les plus notables, contribuent à dissoudre les identités, en particulier nationales [12]. Ces mouvements d’homogénéisation apparaissent comme le produit d’une idéologie égalitariste, ce qu’Alain de Benoist appelle « l’idéologie du Même » [13], qui tend à nier les différences, qu’elles soient d’ailleurs individuelles ou collectives, en les considérant comme insignifiantes. Ces deux dimensions, individuelles et collectives, sont liées : le processus d’homogénéisation tendant à faire disparaître les identités collectives contribue par là même au sentiment de perte de sens ressenti par les individus [14].

C’est donc à l’aune de cette crise, considérée dans ses deux dimensions, qu’il convient d’apprécier les réactions, les questionnements et les recompositions identitaires qui se manifestent aujourd’hui. Ainsi, on assiste, dans la période actuelle, à des réveils identitaires multiformes : réveil des régionalismes contre l’Etat-Nation, par exemple au Royaume-Uni ou encore en Espagne, réveil des identités nationales face à la mondialisation avec la montée des partis qualifiés de populistes, émergence d’un « tribalisme » qui serait le signe d’un déclin de l’individualisme et de la raison instrumentale et utilitaire [15], affirmation des identités religieuses, ethniques ou encore des identités liées au genre [16].

Dans ce contexte, on peut se demander comment susciter, accompagner, orienter les réveils identitaires des peuples européens en vue de reconstituer un cadre, un horizon commun, pour reprendre la terminologie de Charles Taylor, qui soit en mesure de préserver leur liberté. Ainsi, il parait nécessaire d’identifier non seulement les modèles pertinents qui pourraient inspirer la redéfinition d’un tel cadre mais également les leviers d’action métapolitiques permettant la mise en œuvre concrète d’une telle reconstruction.

Printemps identitaires : identités glorifiées, victimaires ou menacées

Schématiquement, on peut distinguer au moins trois sources auxquelles puisent les mouvements identitaires en plein développement aujourd’hui. Ainsi, les réveils identitaires que l’on observe peuvent se fonder principalement sur une identité glorifiée, sur une identité victimaire ou encore sur une identité menacée.

Tout d’abord, certains réveils identitaires se fondent sur la mise en récit d’une identité glorifiée qui prend appui sur la puissance actuelle et les succès d’une collectivité vécus comme des motifs de fierté pour les membres de cette collectivité renforçant par là même leur sentiment d’appartenance au groupe. En se limitant au cadre national, il s’agit là d’un ressort exploité par D. Trump aux Etats-Unis et que traduit son slogan de campagne « Make America Great Again ». C’est également à ce type de réveil identitaire que l’on assiste en Russie : après l’effondrement du communisme et les années noires de la période Eltsine (1991-1998), la politique de V. Poutine a consisté à restaurer la puissance de la Russie en vue d’en faire un acteur majeur au sein d’un monde multipolaire, non seulement en s’attachant à renforcer sa puissance militaire et énergétique, mais aussi en réaffirmant les valeurs traditionnelles de l’identité russe : « le peuple, la patrie, la religion orthodoxe et le souvenir des gloires impériales d’antan » [17]. Ainsi, la Russie s’est en quelque sorte érigée en contre-modèle de la postmodernité décadente d’un Occident dénué d’optimisme et d’énergie. Si bien que l’institut Levada estimait en 2009 que 80% des Russes considéraient leur pays comme une grande puissance contre seulement 30% huit ans auparavant [18].

Black51111_91lk.jpgEn second lieu, on observe le développement de mouvements identitaires, notamment à caractère ethnique, reposant sur la mise en récit d’un passé interprété comme humiliant et qui justifierait en tant que tel une reconnaissance non seulement symbolique mais aussi juridique. Il s’agit là de l’exploitation (non exempte, bien souvent, d’instrumentalisation) d’une mémoire, d’un imaginaire victimaire visant à réclamer des compensations aux supposés coupables (ou à leurs descendants), et aboutissant à nourrir un sentiment de revanche voire de haine et ainsi à fortifier une identité collective autour d’un ennemi commun. Aux Etats-Unis des mouvements de ce type invoquent la mémoire de l’esclavage pour dénoncer le traitement supposément spécifique dont feraient l’objet, de la part de la police, les membres de la communauté noire (cf. le mouvement Black Lives Matter). C’est aussi la voie suivie par une partie des populations immigrées issues des pays anciennement colonisés à l’encontre des ex-pays colonisateurs comme la France. Ces revendications identitaires trouvent un écho favorable, notamment parmi les élites politiques, économiques, judiciaires et médiatiques qui conçoivent l’affirmation identitaire des minorités comme une réaction légitime face à une culture occidentale européocentriste considérée comme un système de domination aliénant, oppressant par nature pour ces minorités. Ainsi, le traitement médiatique des faits de délinquance tend à occulter délibérément le nom des délinquants quand ils sont d’origine étrangère avec en arrière-fond l’idée que ces délinquants sont et restent par essence des victimes qu’il convient de protéger [19]. Les politiques de quota et de discrimination positive dans l’accès à l’emploi ou à l’université s’inscrivent également dans ce schéma de pensée. Comme le relève Christopher Lasch, on est passé d’une demande d’égalité et d’abolition des discriminations fondées sur la race (mouvement des droits civiques aux Etats-Unis dans les années 1960) à la revendication et à l’instauration d’un traitement de faveur au profit des minorités raciales au motif que ces minorités, éternelles victimes du racisme des Blancs, auraient par nature un droit à réparation [20]. Ce type de mesure qui avalise les revendications identitaires de nature victimaire tend à nourrir les conflits ethniques au sein de la société [21].

Enfin, certains réveils identitaires trouvent leur source dans un futur jugé menaçant. Le terrorisme islamiste a ainsi généré un regain du patriotisme dans les pays touchés par le phénomène, notamment aux Etats-Unis depuis 2001. Selon S. Huntington, le 11 septembre a symbolisé la fin du XXème siècle, siècle des conflits idéologiques, et le début d’une nouvelle ère dans laquelle les peuples se définissent eux-mêmes d’abord en termes de culture et de religion [22]. Ainsi, selon cet auteur, les ennemis potentiels de l’Amérique aujourd’hui sont l’islamisme et le nationalisme chinois non idéologique. En Europe, la multiplication des attentats islamistes ces dernières années réveille également les consciences d’autant plus que l’identité européenne s’est forgée depuis des siècles en opposition notamment aux conquêtes musulmanes [23]. Pour J. Le Goff « une identité collective se bâtissant en général autant sur les oppositions à l’autre que sur des convergences internes, la menace turque va être un des ciments de l’Europe » [24].

mazurel_SX347_BO1,204,203,200_.jpgA cet égard, dans son ouvrage Les vertiges de la guerre – Byron, les philhellènes et le mirage grec, Hervé Mazurel retrace une des étapes importantes de la prise de conscience d’une identité européenne à travers le combat civilisationnel du mouvement philhellène dans les années 1820 en vue de libérer la Grèce, matrice de la civilisation européenne, de l’envahisseur ottoman, jugé coupable des pires atrocités (massacres, viols), immortalisées par la Scène des massacres de Scio de Delacroix et dont témoigne également le recueil de poèmes Les Orientales de Victor Hugo. Or tout cet arrière-fond historique ré-émerge aujourd’hui dans les consciences non seulement au moment des attentats terroristes mais également à l’occasion des évènements dramatiques liés aux mouvements migratoires (viols de Cologne…).

Au-delà du terrorisme islamique, d’autres menaces sans doute plus diffuses permettent d’expliquer les réveils identitaires qui ont cours aujourd’hui. Ainsi la situation de profonds bouleversements (mutations technologiques, phénomènes migratoires…) que connaissent nos sociétés génère des incertitudes croissantes et laissent entrevoir des changements majeurs dans nos modes de vie (travail, éducation, sécurité…) avec le sentiment de plus en plus largement partagé, à tort ou à raison, que ces mutations touchent d’abord les plus fragiles et toucheront à court ou moyen terme une part croissante de la population alors même qu’une petite élite au pouvoir, notamment politique et économique, reste protégée. Or, ces bouleversements en cours dans les modes de vie sont envisagés de manière négative et angoissée par de larges pans de la population des pays développés qui semblent aspirer pour le moins au statu quo et ressentent même une nostalgie vis-à-vis de modes de relations sociales qui avaient cours il y a encore quelques dizaines d’années [25]. L’une des causes profondes de ce qui est vécu aujourd’hui comme un véritable délitement social en voie d’accélération rapide semble résider, au moins en partie, dans un modèle libéral dominant qui s’est progressivement radicalisé depuis une trentaine d’années.

Dénoncer les totems du libéralisme

Par nature, le libéralisme, en tant qu’il est fondé sur une conception individualiste de l’homme, contribue à diluer sinon à détruire les identités collectives traditionnelles [26]. Les justifications qui sont invoquées pour légitimer l’approfondissement du modèle libéral et son application généralisée à tous les domaines de la vie en société sont principalement de deux ordres.

D’une part, le projet libéral est une promesse de bonheur individuel en ce qu’il se propose de libérer l’individu de tous les carcans traditionnels considérés comme attentatoires à son autonomie et à son épanouissement personnel en substituant à tous les modes de relations sociales traditionnels des relations de type contractuel régies par le marché. En bref, il s’agit de substituer des identités « choisies » aux identités héritées. Ainsi, le capitalisme marchand puis industriel et enfin financier tel qu’il s’est développé dans l’histoire et qui n’est autre que la déclinaison au plan strictement économique de l’idéologie libérale fournit de multiples illustrations de ce pouvoir censément libérateur. Boltanski et Chiapello ont notamment montré que le développement du salariat qui est allé de pair avec le développement du capitalisme industriel au XIXème siècle a constitué une forme d’émancipation, principalement de type géographique, à l’égard des communautés locales traditionnelles [27].

Plus généralement, en effet, les économistes classiques puis néo-classiques se sont attachés à montrer, depuis le XVIIIème siècle, que le marché constituait le mode optimal d’allocation des ressources en vue de favoriser le progrès global de l’humanité sur un plan matériel. En pratique, cette conception, qui dilue les identités collectives traditionnelles fondées sur des liens non marchands, tend à réduire l’individu principalement au rôle de producteur-consommateur en lui fournissant des identités de substitution [28].

D’autre part, dès l’origine, le modèle libéral, en tant qu’il a pour effet de diluer les identités collectives, a été vu comme un facteur d’apaisement et de résolution des conflits [29], notamment en référence à cette forme particulière de guerres civiles que constituaient les guerres de religion qui avaient ensanglanté l’Europe aux XVIème et XVIIèmesiècles. C’est la théorie bien connue du « doux commerce » énoncée par Adam Smith au XVIIIème siècle [30]. A ce titre, le libéralisme, qui constitue le cadre idéologique de la construction européenne telle qu’elle a été pensée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, vise à dissoudre les identités nationales au motif qu’elles seraient les principaux vecteurs des conflits mondiaux [31].

gauchon-fdgg-2013-1.jpgOr, la théorie du « doux commerce » chère aux penseurs libéraux des Lumières apparait, dans une large mesure, comme un mythe. En réalité, les intérêts commerciaux se sont révélés être de puissants facteurs d’exacerbation des conflits. Comme le relève Pascal Gauchon (photo), « pour que règne la paix, il fallait imposer le commerce par la guerre » [32]. De plus, la tendance à l’uniformisation du monde par la mondialisation libérale entraine, aujourd’hui, en retour, des mouvements de fragmentation, sources de nouveaux conflits (montée des fondamentalismes religieux notamment) [33]. Pascal Gauchon observe qu’« alors que les frontières nationales s’abaissent, les frontières intérieures se multiplient : les communautés fermées se multiplient, les immeubles s’abritent derrière des barrières digitales et le code postal définit l’identité (…) » [34]. Apparaissent donc de plus en plus clairement tous les ferments de la guerre civile à mesure que les sociétés s’hétérogénéisent sous l’effet de l’immigration de masse qu’encourage la mondialisation libérale, ce que Pascal Gauchon appelle « les guerres de la mondialisation ». Quant au projet de libération de l’individu, il apparait lui aussi très largement comme une utopie, tant il est vrai que les politiques libérales, notamment au plan économique, se sont traduites par de nouvelles aliénations ainsi que l’ont montré les travaux de Jean Baudrillard sur la société de consommation. Aliénation par la consommation via la publicité qui est infligée à l’individu-consommateur conçu comme « un système pavlovien standard, modélisable par quelques lois comportementales et cognitives simples, manipulable et orientable par les professionnels du marketing » [35]. Aliénation au travail que subit le travailleur moderne « occupant des emplois provisoires, dépersonnalisés, délocalisés en fonction des besoins de l’économie » [36].

Aussi louables soient-elles, ces intentions (favoriser la libération de l’individu, garantir la paix) apparaissent donc, dans une large mesure, comme des totems visant à désamorcer, délégitimer les critiques apportées à l’extension radicale du projet libéral et particulièrement, aujourd’hui, la mise en œuvre par l’Union européenne de politiques ultra-libérales. Ces critiques visent à mettre à jour la réalité du modèle libéral en tant qu’il constitue certes un système de création de richesses et de valeur efficace mais ce au prix d’une destruction sans précédent de l’environnement [37]et d’un formidable accroissement des inégalités, cette richesse étant captée à grande échelle par un petit nombre d’individus [38]. Au sein des sociétés occidentales, il s’accompagne également d’une hausse inédite de la pauvreté [39]. En outre, ce modèle ultra-libéral favorise une immigration massive qui contribue à menacer gravement le cadre de vie et la sécurité des populations autochtones, et ce au nom du respect du principe de libre circulation des facteurs de production, qui constitue l’une des conditions essentielles permettant de caractériser un marché concurrentiel dans la théorie économique néo-classique libérale [40].

Insécurité physique, corporelle tout d’abord : un lien entre immigration massive, société multiculturelle et hausse de la délinquance semble pouvoir être établi. Dans le cas de la France, un rapport sur l’islam radical en prison rédigé par le député Guillaume Larrivé en 2014 a mis en évidence que les musulmans constituaient environ 60 % de la population carcérale totale alors même qu’ils ne représenteraient qu’environ 12% de la population française. Insécurité culturelle ensuite qui provient de la peur des populations autochtones de devenir minoritaires dans leur propre pays, c’est-à-dire de perdre leur statut de référent culturel. Comme le relève Christophe Guilluy (photo), cette crainte universelle est ressentie dans tous les pays qui subissent des flux migratoires massifs (pays occidentaux, pays du Maghreb…) [41].

guilluy_noye3.jpgEnfin, sur le plan économique, des travaux ont montré qu’une forte hétérogénéité ethnique au niveau local allait de pair avec une dégradation des services publics essentiels comme l’éducation ou encore les infrastructures routières et nécessitait des transferts sociaux plus importants que dans les zones à forte homogénéité ethnique [42]. Ainsi, les auteurs de cette étude en concluent que les sociétés à forte hétérogénéité se caractérisent par une moindre importance accordée à la qualité des biens publics, un développement du paternalisme et des niveaux de déficit et d’endettement plus élevés. Dans le même sens, Christophe Guilluy dans son ouvrage, la France périphérique, souligne que la politique de la ville s’est avérée être un puissant instrument de redistribution au profit quasi-exclusif des banlieues dites « sensibles », c’est-à-dire des zones à forte concentration immigrée [43].

En résumé, les pays européens connaissent aujourd’hui une situation dans laquelle une part croissante de la population subit de profondes mutations qui menacent son identité, avec le sentiment que seule une petite élite est capable de se mettre à l’abri des conséquences négatives de ces mutations. Cette situation apparaît de plus en plus visiblement liée à un modèle libéral qui s’avère être un système des plus profitables pour une minorité et un laminoir pour les couches populaires et la classe moyenne, comme il le fut déjà au XIXème siècle. Tous les ingrédients semblent donc réunis pour que ce que l’on qualifie généralement de populisme, souvent pour le discréditer, gagne du terrain.

Le populisme, un modèle en quête d’une troisième voie ?

En réponse à la crise identitaire causée par les bouleversements induits par la mondialisation libérale et par la perte de sens ressentie par les individus des sociétés occidentales, on observe un développement des mouvements populistes qui apparaissent ainsi comme une des formes les plus visibles des réveils identitaires en cours. En effet, les mouvements populistes actuels ont le plus souvent pour caractéristique commune de contester des élites acquises à la mondialisation libérale.

Toutefois, la notion même de populisme est problématique pour deux raisons : d’une part la très grande diversité des mouvements qualifiés de populistes et d’autre part l’usage polémique qui est fait de ce terme [44]. En effet, la réduction du populisme aux mouvements populistes des années 1930 apparaît comme un artifice rhétorique régulièrement utilisé pour discréditer le populisme, alors conçu comme une simple entreprise anti-démocratique d’instrumentalisation des masses faisant appel aux instincts les plus vils des individus plutôt qu’à leur raison.

Or, cette conception réductrice du populisme, à visée idéologique, ne permet pas de caractériser l’ensemble des mouvements populistes, et notamment pas le populisme russe et nord-américain de la seconde moitié du XIXèmesiècle ni même les mouvements latino-américains du XXème siècle [45]. En outre, elle tend à masquer la critique pertinente, portée par les mouvements populistes, qui consiste à mettre en lumière la crise de légitimité qui affecte les démocraties représentatives dans les pays occidentaux, en tant qu’elles sont confisquées par des oligarchies étatiques ou transnationales [46]. La profonde remise en cause des identités nationales causée par la mondialisation libérale constitue donc le principal facteur explicatif non seulement de la crise des démocraties occidentales mais aussi en retour, du développement du populisme. Ainsi, comme le remarque Guy Hermet, « le populisme comme la démocratie est intrinsèquement lié au cadre national » [47].

hermet06118-G_0.jpgSi la très grande diversité des mouvements populistes rend illusoire tout accord sur une définition unique, on peut néanmoins tenter d’énoncer les principales caractéristiques du populisme. Tout d’abord, il s’agit d’un style de discours, un appel au peuple qui exalte une communauté (peuple demos, c’est-à-dire la communauté des citoyens et/ou peuple ethnos, c’est-à-dire une communauté ethno-culturelle) en tant qu’elle est porteuse de valeurs positives (vertu, bon sens, simplicité, honnêteté,…) et qu’elle s’oppose à une élite au pouvoir, considérée comme délégitimée. Ensuite, le populisme ne s’incarne pas dans un régime politique particulier (une démocratie ou une dictature peuvent avoir une orientation populiste) ni même ne revêt en soi un contenu idéologique déterminé : il se caractérise par la recherche d’une 3ème voie entre le libéralisme et le marché d’une part et le socialisme et l’Etat-Providence de l’autre [48]. En cela, il se veut un dépassement du clivage droite-gauche [49].

Enfin, le populisme tend à émerger dans des périodes de changements profonds et/ou de crise de légitimité c’est-à-dire, en particulier, de crise du système de représentation [50]. Pour Christopher Lasch, la cause profonde du développement actuel du populisme, ainsi d’ailleurs que du communautarisme, résiderait dans le déclin des Lumières que révèlent les doutes croissants sur l’existence d’un système de valeurs qui transcenderait les particularismes [51].

Les populismes qui s’affirment actuellement, notamment dans les pays occidentaux, combinent pour beaucoup une double dimension protestataire et identitaire. La dimension protestataire se manifeste par un appel au peuple demos (les citoyens) à l’encontre d’élites accusées d’avoir confisqué le pouvoir par le biais de fausses alternances et ainsi d’avoir transformé la démocratie en une oligarchie. La dimension identitaire se manifeste par un appel au peuple ethnos qui vise à critiquer les effets néfastes de l’immigration massive ainsi que les politiques prônant le multiculturalisme et la diversité. C’est en jouant sur ces deux registres que Donald Trump a pu remporter l’élection présidentielle américaine de 2016. En effet, la campagne de Trump a été, en quelque sorte, la mise en application des analyses développées en 2004 par Samuel Huntington dans son ouvrage Who are we ? America’s Great Debate, traduit en Français sous le titre Qui somme nous ? Identité nationale et choc des cultures.

who-are-we-9780684870540_hr.jpgPour Huntington, depuis la fin du mouvement des droits civiques dans les années 1965 qui a fait des Afro-Américains des citoyens de plein exercice, l’identité nationale américaine ne se définit plus par un critère racial et ne revêt plus que deux dimensions : une dimension culturelle (c’est-à-dire la culture anglo-protestante des XVIIème-XVIIIème siècles, héritée des Pères fondateurs) et une dimension politique (« the Creed ») constituée des grands principes à vocation universaliste que sont la liberté, l’égalité, la démocratie, les droits civiques, la non-discrimination, l’Etat de droit [52] (principes qui sont, en quelque sorte, l’équivalent de ce que l’on désigne habituellement en France par « valeurs républicaines »). Or, Huntington souligne que l’identité américaine est gravement menacée pour deux raisons.

D’une part, la dimension politique de l’identité américaine est en elle-même fragile en ce que les principes qui la composent étant universels, ils ne permettent pas de distinguer les Américains d’autres peuples et donc de constituer une communauté qui fasse sens pour les individus [53]. A cet égard, Huntington remarque que le communisme qui aura duré 70 ans a laissé place à un regain identitaire à caractère ethno-culturel dans les pays d’Europe de l’Est et en Russie [54].

D’autre part, la dimension culturelle de l’identité nationale américaine est elle-même en passe d’être remise en cause du fait de l’immigration massive, en particulier d’origine hispanique (développement du bilinguisme [55], d’une éducation multiculturelle [56], craintes de revendications voire de sécessions territoriales par exemple en Californie [57]) et de l’action des élites politiques, judiciaires, économiques et médiatiques qui soutiennent et encouragent le développement du multiculturalisme et de la diversité, c’est-à-dire les revendications identitaires croissantes de type racial et ethnique de la part des minorités [58].

Ainsi, tout en proférant une dénonciation féroce contre les élites corrompues (« l’establishment », le « clan » Clinton), le candidat Trump s’est attaché à prendre en compte cette dimension culturelle (entendue au sens large comme mode de vie) de l’identité nationale américaine en proposant des mesures susceptibles de répondre aux craintes de nombreux Américains face à la dégradation de leur cadre de vie (mesures protectionnistes face à la désindustrialisation et au chômage, lutte contre la délinquance et contre l’immigration illégale notamment mexicaine). Le programme de Trump en conjuguant libéralisme (remise en cause de l’Obamacare) et nationalisme (mesures protectionnistes vis-à-vis de la Chine et du Mexique) met en lumière le syncrétisme idéologique du populisme qui s’affirme en effet comme un modèle en quête d’une troisième voie.

En Europe, l’essor des partis qualifiés de populistes [59] résulte également d’une combinaison des deux dimensions, protestataire et identitaire, avec des degrés variables. L’abstention massive aux élections et/ou le vote pour les partis « hors-système » traduisent la dimension protestataire qui s’explique par le décalage croissant entre d’une part les couches populaires et une frange croissante de la classe moyenne et d’autre part les élites, qu’elles soient politiques, économiques ou médiatiques, auxquelles il est reproché de fausser le jeu démocratique et de confisquer le pouvoir par le biais de fausses alternances. La dimension identitaire est elle aussi vivace du fait d’une immigration incontrôlée d’origine extra-européenne, notamment de culture musulmane. La succession des attentats islamistes en Europe (à Paris, Nice, Bruxelles et Berlin pour ne prendre que les plus récents) ravive le souvenir des luttes séculaires à l’encontre des conquêtes musulmanes en Europe.

Selon C. Guilluy le rejet de cette immigration de masse, qui concerne tous les pays et s’explique par la peur de devenir minoritaire et de perdre le statut de référent culturel, va bien au-delà du vote FN et se traduit par exemple par des phénomènes tels que le contournement de la carte scolaire ou encore la constitution de zones d’habitation séparées [60]. Ainsi, Christophe Guilluy identifie, sur une base géographique, les contours de trois ensembles socioculturels qui se construisent contre la volonté des pouvoirs publics : les catégories populaires, engagées dans un processus de ré-enracinement, qui se relocalisent dans la France périphérique, c’est-à-dire dans les zones géographiques les moins dynamiques économiquement, les catégories populaires d’immigration récente qui se concentrent dans les quartiers de logements sociaux des grandes métropoles et enfin les catégories supérieures, concentrées dans le parc privé de ces mêmes métropoles [61].

Face à ces dynamiques socioculturelles en cours que traduit, au plan politique, l’essor des partis populistes, il reste à s’interroger sur les voies par lesquelles pourrait être ravivée une identité culturelle, civilisationnelle créatrice de sens, c’est-à-dire qui répondrait « à la volonté, de plus en plus manifeste du peuple français, de retrouver en partage un monde commun de valeurs, de signes et de symboles qui ne demandait qu’à resurgir à la faveur des épreuves à venir » [62].

Les leviers d’action métapolitiques

buissonBBBNNNN.jpgOn l’a vu les réveils identitaires peuvent s’analyser comme une tentative de réponse à une crise identitaire caractérisée par la perte de sens au niveau individuel et par la dissolution des identités collectives. Comme le relève Patrick Buisson (photo), cela conduit à se poser « la question qui est au centre de la société française : comment redéployer les solidarités perdues, comment relier de nouveau les individus entre eux ? » [63] Autrement dit, l’enjeu est de retrouver des cadres, des horizons communs qui fassent sens pour l’individu contemporain. A cet égard, il est sans doute illusoire de croire que reviendra le temps où l’identité individuelle était entièrement absorbée par les identités collectives issues des communautés traditionnelles (religieuses, familiales…) et ne s’en distinguaient pas ou peu. L’identité individuelle est devenue plus mouvante, fluide. Avec la modernité, la composante choisie de l’identité a pris le pas sur la dimension héritée.

Dans ce contexte, et face aux menaces qui pèsent sur le cadre de vie des peuples européens, il parait urgent de s’interroger sur les actions à entreprendre en vue d’accompagner les réveils identitaires en cours. Pour guider l’action, deux principes, qui sont liés, nous paraissent pouvoir être mis en avant. D’une part, la lutte contre l’atomisation de la société (résultant de l’individualisme méthodologique, au fondement des théories économiques néo-classiques) en créant des cadres, des cercles, des organisations permettant que se réalise le processus d’identification par lequel chacun peut se définir comme appartenant à un collectif. D’autre part, les logiques de don, de contre-don et de coopération devraient être privilégiées au détriment de la prééminence des intérêts individuels afin de créer des tissus de relations, des rapports de dépendance entre les membres du groupe, et ainsi de renforcer son identité collective [64].

On se focalisera ici sur deux domaines d’action : l’éducation et le domaine économique.

Le déclin du système éducatif français, mesuré notamment par les classements PISA, fait l’objet d’un constat unanime, hormis peut-être parmi les promoteurs de l’idéologie pédagogiste, principaux responsables de la « situation de détresse » et de « banqueroute programmée » [65] de l’école. Cette idéologie néfaste qui prône un égalitarisme radical a eu pour conséquence paradoxale de générer l’inégalité la plus criante qui se manifeste à plusieurs niveaux : accroissement de l’illettrisme, faiblesse de la circulation et du renouvellement des élites, mise en œuvre de mesures de discrimination positive, etc.

Mais au-delà du pédagogisme qui constitue en quelque sorte une cause immédiate de l’effondrement du système éducatif, la cause profonde de cet effondrement est à chercher dans une crise, un déclin de l’autorité, telle que l’entendait Hannah Arendt, c’est-à-dire de « la conviction du caractère sacré de la fondation, au sens où une fois que quelque chose a été fondé il demeure une obligation pour toutes les générations futures » [66]. Or, poursuit Arendt, « dans le monde moderne, le problème de l’éducation tient au fait que par sa nature même l’éducation ne peut faire fi de l’autorité, ni de la tradition, et qu’elle doit cependant s’exercer dans un monde qui n’est pas structuré par l’autorité ni retenu par la tradition » [67].

Dans ce contexte, il parait impérieux de restaurer des structures de transmission culturelle inspirées de modèles éprouvés, c’est-à-dire régies par des principes visant à rétablir des objectifs d’excellence et à susciter l’émulation (modèle jésuite), à former le caractère autant que l’intelligence (modèle de l’école française républicaine), à valoriser la tradition qui définit l’identité (modèle des public schools britanniques) et à restaurer l’autorité et la discipline en associant à cette entreprise les intéressés eux-mêmes (modèle jésuite) [68].

Dans cette perspective, il s’agit d’encourager les initiatives visant à la création d’écoles hors contrat s’inspirant des modèles éducatifs ayant fait la preuve de leur efficacité mais également d’associations à vocation éducative et culturelle ayant pour objet la transmission des valeurs et des savoirs, tel l’Institut Iliade, dont on pourrait imaginer un développement sur le modèle des Lancastrian schools. A cet égard, il serait intéressant de créer une plateforme sur Internet recensant les différents projets existants afin de leur donner une meilleure visibilité et de permettre ainsi à un plus large public d’y adhérer voire d’y contribuer. La possibilité de financements participatifs (crowdfunding) pourrait aussi être envisagée.

mark_cropped.jpgDans le domaine économique, un large champ d’actions à vocation identitaire parait ouvert, qui peut s’appuyer sur des fondements théoriques permettant de s’abstraire de la pure logique marchande. A cet égard, le courant de la Nouvelle Sociologie Economique auquel on peut rattacher les travaux de Mark Granovetter (photo) sur les réseaux, vise notamment à remettre en cause la vision sous-socialisée des relations économiques qui est celle de l’individualisme méthodologique et qui fonde les théories néo-classiques. Pour Granovetter, l’économie n’est qu’un sous-ensemble qui s’inscrit au sein d’un ensemble plus vaste et construit à partir d’une logique proprement sociale.

A la vision de l’individu rationnel maximisant ses intérêts privés, il oppose la vision d’acteurs insérés, encastrés dans des réseaux de relations sociales. L’encastrement, concept clé de Granovetter, revêt une triple dimension. Tout d’abord, une dimension cognitive dans la mesure où la rationalité de l’individu est limitée et non absolue. Une dimension culturelle, ensuite, au sens où l’action économique est inspirée par des valeurs, des croyances et des habitudes culturelles. Une dimension structurelle, enfin, car les relations économiques sont insérées dans des systèmes durables et concrets de relations sociales, c’est-à-dire des réseaux interpersonnels, fondés sur des logiques d’appartenance, de communauté, voire des normes de réciprocité.

Or, les travaux de Granovetter ont montré que des marchés fortement encastrés permettaient d’une part d’accroitre la confiance entre les agents et d’autre part d’améliorer la circulation et la qualité de l’information, deux conditions nécessaires à la réalisation d’activités économiques. Les groupes d’affaires (zaïbatsu japonais, chaebols coréens, grupos americanos d’Amérique latine…), liés par des relations de confiance interpersonnelle sur la base d’une même origine personnelle ethnique ou communautaire, constituent un des nombreuses applications du concept d’encastrement [69]. De plus, la nature des liens sociaux au sein du réseau est également déterminante, y compris dans le domaine économique.

A cet égard, Granovetter établit la distinction devenue classique entre liens forts et liens faibles : « la force ou la faiblesse d’un lien est une combinaison de la quantité de temps, de l’intensité émotionnelle, de l’intimité (la confiance mutuelle) et des services réciproques qui caractérisent ce lien » [70]. Cette distinction met en évidence l’intérêt des liens faibles [71] : « plus grande est la proportion des liens faibles, plus grand est l’accès aux informations ; plus grande est la proportion de liens forts, plus grande est la probabilité qu’une information soit redondante et que le groupe se constitue en clique » [72]. Appliquée à l’entrepreneuriat, Granovetter a toutefois montré la prédominance des liens forts au démarrage de l’entreprise et l’importance des liens faibles dans la phase de développement [73].

Encastrement au sein d’un réseau, liens forts, liens faibles sont des concepts qui se sont révélés particulièrement riches pour expliquer notamment les comportements sur le marché du travail, l’innovation (clusters) ou encore l’entrepreneuriat. Ainsi, l’entrepreneuriat ethnique ou identitaire peut être analysé à la lumière de ces notions. L’économie du Pays basque en est un exemple typique : succès de la marque « 64 », fondé sur l’attachement à l’identité basque, les produits identitaires (bière basque, Cola basque…), le succès de la coopérative Mondragon au Pays basque espagnol [74]

L’entrepreneuriat ethnique, analysé par Edna Bonacich [75], peut également servir, dans une certaine mesure, de source d’inspiration. Cet auteur relève que certaines minorités ethniques (les Arméniens en Turquie, les Juifs en Europe, les Syriens en Afrique de l’Ouest, les Chinois en Asie du Sud-Est, les Japonais ou les Grecs aux Etats-Unis) ont pour spécificité de jouer, au plan économique, un rôle d’intermédiaire (activités commerciales, de location, de prêt…) entre producteur et consommateur [76]. Les modes d’organisation de ces minorités, dont les liens communautaires sont très forts [77], méritent d’être analysés, notamment sur le plan économique [78].

Aujourd’hui, on observe également des initiatives, attestant d’un certain réveil identitaire en matière économique, qui méritent d’être encouragées : tentatives de développement d’un tourisme identitaire manifestant l’attachement aux territoires ruraux [79], apparition de tentatives d’intégration verticale dans le domaine agricole (reprise par une coopérative d’agriculteurs de l’abattoir du Vigan [80] en vue de garantir un traitement éthique des animaux [81])…

Les réveils identitaires en matière économique pourraient aussi à l’avenir se manifester par des actions de boycott (on pense notamment à la viande issue de l’abattage rituel). Pour certains, le boycott serait au modèle postindustriel ce que la grève était au modèle industriel. Dans le modèle capital contre travail, le contre-pouvoir vient du fait que le travailleur peut priver le patron de sa puissance de travail. Le boycott constituerait quant à lui une forme possible de contre-pouvoir face à une économie mondialisée, l’arme d’une société civile mondiale forte de son pouvoir d’achat [82].

L’efficacité du boycott dépend de la capacité à créer une identité collective autour de l’événement, ce qui implique de réunir toute une série de conditions [83] : définition d’objectifs clairs, réalistes et mesurables formulés dans un message intellectuellement simple et attractif sur le plan émotionnel, soutien des médias [84], l’existence d’une cible clairement identifiée, l’existence d’une solution alternative offerte au consommateur qui soit notamment identifiable [85] et une forte solidarité du groupe mobilisé (existence de réseaux bien organisés). Dans le cas de la viande hallal, l’une des difficultés consiste dans l’impossibilité d’identifier aisément les alternatives du fait du non étiquetage du mode d’abattage.

Les réveils identitaires qui se manifestent dans la période actuelle sont multiformes : ils se traduisent au plan politique, notamment à travers la montée des populismes, mais sont également perceptibles dans le domaine de l’éducation et de l’économie. Aurait aussi mérité d’être évoqué le domaine social et notamment le thème de l’exclusion [86] ; domaine qu’investissent fortement les minorités, notamment de confession musulmane, qui y voient la mise en application du concept de « citoyenneté croyante » développé par Tariq Ramadan [87]. Il aurait également été intéressant d’aborder la question du développement de réseaux communautaires à l’échelle européenne et de réfléchir à des formes d’action commune.

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Ces réveils identitaires ne sont pas surprenants. Avec le déclin des identités collectives et des sociabilités issues des grands récits eschatologiques caractéristiques de la modernité, eux-mêmes en voie d’effacement [88], la quête d’identité devient un enjeu toujours plus crucial pour l’individu contemporain : « les hommes et les femmes recherchent des groupes auxquels ils peuvent appartenir assurément et pour toujours, dans un monde dans lequel tout le reste bouge et change » [89]. Dans ce contexte, la recherche de cadres, d’horizons communs et de récits adaptés permettant au processus d’identification de se réaliser reste bien le grand défi actuel.

Étienne Malret
Mémoire de fin de cycle de formation ILIADE
Promotion Don Juan d’Autriche, 2016/201


Annexe 1 : Liens faibles et organisations communautaires [90]

Analysant la nature des liens sociaux structurant les réseaux à partir du cas de deux communautés habitant deux quartiers distincts de Boston, soumis à des plans de « rénovation urbaine » visant in fine à la destruction de ces quartiers, Granovetter se pose la question essentielle suivante : pourquoi certaines communautés s’organisent aisément et efficacement en vue de l’accomplissement de buts communs (en l’espèce la défense d’un quartier d’habitation) alors que d’autres semblent incapables de mobiliser des ressources même face à des menaces pressantes ?

Pour l’auteur, la cause de l’incapacité de l’une des communautés (en l’espèce une communauté d’origine italienne) à s’organiser pour la défense de son quartier réside dans la nature des liens sociaux qui structurent cette communauté. Ainsi, il observe que la communauté italienne se caractérise d’une part, par l’existence de liens forts au sein des sous-groupes (familles, amis…) constitutifs de cette communauté et d’autre part, par une fragmentation globale de la communauté. Cette fragmentation globale s’explique par le manque de liens faibles entre les sous-groupes (les cliques selon sa terminologie), attesté par la pauvreté du tissu associatif et par le fait que très peu d’habitants de cette communauté travaillent au sein même du quartier. A l’inverse, la communauté ouvrière de Charleston, l’autre quartier de Boston soumis au plan de rénovation, a réussi à s’organiser efficacement contre un tel plan. Selon Granovetter, la raison en est que cette communauté possédait une vie associative riche et que presque tous les hommes résidaient et travaillaient au sein même du quartier.

Cet exemple montre l’importance et la force des liens faibles ainsi que le risque d’enfermement qu’induit l’existence de liens forts.

Annexe 2  : The middleman theory

L’organisation de certaines communautés ethniques très intégrées, étudiées par Edna Bonacich dans son article « A theory of Middleman Minorities », repose sur plusieurs spécificités. Tout d’abord, des mécanismes de financement intra-communautaires préférentiels sont mis en place : prêts à taux bas voire à taux zéro, système de la parentèle (pot commun abondé par les versements réguliers des membres de la communauté) au profit des membres de la communauté en vue notamment de leur permettre de démarrer une activité indépendante. Ensuite, une maîtrise de la chaîne de valeur est recherchée, dans la mesure du possible, par une intégration verticale des activités économiques, notamment dans le domaine agricole. Enfin, des salaires bas et une vie communautaire qui, combinés aux mécanismes de financement intra-communautaires et à un fort taux d’épargne, permettent d’abaisser les coûts de revient et d’être compétitifs.

Les succès économiques de ces minorités ethniques (en particulier les Chinois, les Indiens et les Juifs) aboutissent à des phénomènes de concentration et de domination sectorielle (surtout dans le commerce) qui s’observent partout dans le monde. Ces succès liés à l’efficacité de l’organisation de cette économie communautaire sont aussi attestés par les tensions et conflits générés du fait de l’intensification de la concurrence économique.

Notes

[1] Cf. Denise Jodelet : « Le mouvement de retour vers le sujet et l’approche des représentations sociales », Connexions 2008/1 (n°89), p. 25-46.
[2] Cf. Pierre-André Taguieff : « L’idée de progrès, la «religion du Progrès» et au-delà. Esquisse d’une généalogie », Krisis n°45 – Progrès ?
[3] « L’identité est un produit de la conscience de soi ; conscience que l’on possède, individuellement ou collectivement, des qualités distinctes qui nous différencient des autres » (Samuel Huntington, Who are we ? America’s Great Debate, Free Press, 2005, p.21).
[4] Charles Taylor, Les sources du moi. La formation de l’identité moderne, Seuil, 1998, p.46.
[5] Alain de Benoist, « Identité, égalité, différence » in Critiques – Théoriques, L’Age d’Homme, 2002, p. 418.
[6] Paul Ricoeur, Temps et récit, tome 3 : Le temps raconté, Points Seuil, 1991 (3ème édition), p.443.
[7] Paul Ricoeur, op. cit., p.444.
[8] Opposition résolue des pays dits du « Groupe de Visegrad » à la politique migratoire de l’UE, élection présidentielle française, etc.
[9] Tous les enjeux posés dans l’ouvrage précité de Huntington sont au cœur de l’élection présidentielle américaine de 2016.
[10] Gilbert Durand, L’imagination symbolique, Paris, PUF, 1964, p.23.
[11] Leo Strauss, La philosophie politique et l’histoire, Le livre de poche, p.212 et s.
[12] Ainsi, parmi les menaces pesant sur l’identité nationale des Etats-Unis, Samuel Huntington mentionne notamment la mondialisation et le cosmopolitisme (cf. Samuel Huntington : op. cit., p.4.). Néanmoins, si les identités nationales apparaissent aujourd’hui particulièrement menacées par la mondialisation libérale, il faut aussi remarquer qu’elles sont elles-mêmes le produit de la modernité, comme l’a montré Louis Dumont. Dès lors, la crise des identités nationales peut également s’analyser, dans une large mesure, comme la résultante de contradictions internes à l’idée même d’Etat-Nation.
[13] « C’est une idéologie allergique à tout ce qui spécifie, qui interprète toute distinction comme potentiellement dévalorisante ou dangereuse, qui tient les différences que l’on peut constater entre les individus et les groupes comme contingentes, transitoires, inessentielles ou secondaires. Son moteur est l’idée d’Unique. L’unique est ce qui ne supporte pas l’Autre, et entend ramener tout à l’unité : Dieu unique, civilisation unique, pensée unique » (Alain de Benoist, op. cit., p. 413).
[14] Charles Taylor, op. cit., p.623-624.
[15] Michel Maffesoli, Le Temps des tribus – Le déclin de l’individualisme dans les sociétés postmodernes, La Table Ronde, 2000, préface à la 3ème édition, p. V et VI.
[16] A cet égard, Huntington relève que l’affaiblissement de l’identité nationale des Etats-Unis du fait de la mondialisation a laissé place à une affirmation des identités ethniques, raciales et des identités liées au genre (cf. Samuel Huntington : op. cit., p.4).
[17] Revue Eléments n°131, avril-juin 2009, entretien avec Alexandre Douguine.
[18] Revue Eléments n°131, avril-juin 2009, p.36.
[19] Cf. le débat édifiant diffusé sur Arte, à l’occasion de l’affaire des viols de Cologne, au cours duquel les journalistes reconnaissent eux-mêmes l’existence de ce traitement de faveur réservé aux délinquants d’origine immigrée. Un extrait de ce débat peut être visionné sur Internet (http://www.ojim.fr/occultation-de-lorigine-des-delinquants-dans-les-medias-laveu-de-quatremer/).
[20] Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie, Flammarion, 2007, p.144. Selon Lasch, ces politiques de discrimination positive vont non seulement profondément à l’encontre de la culture américaine, fondée sur la prééminence de la responsabilité individuelle, mais elles constituent aussi une cause d’échec pour la majorité des individus appartenant à ces minorités dans la mesure où, intériorisant leur statut de victimes, ils éprouvent souvent de plus grandes difficultés à acquérir le respect d’eux-mêmes.
[21] Christopher Lasch, op. cit., p.145-146.
[22] Samuel Huntington : op. cit., p.344.
[23] Jacques Le Goff, l’Europe est-elle née au Moyen Age ?, Seuil, 2003, p.196.
[24] Jacques Le Goff, op. cit., p.258.
[25] En témoigne la filmographie parfois qualifiée de « réactionnaire » qui connait de larges succès d’audience : Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, La famille Bélier…
[26] Alain de Benoist, « Critique de l’idéologie libérale » in Critiques – Théoriques, L’Age d’Homme, 2002, p.13 : « Le libéralisme est une doctrine qui se fonde sur une anthropologie de type individualiste, c’est-à-dire qu’elle repose sur une conception de l’homme comme être non fondamentalement social ». Pour l’auteur, se fondant notamment sur les travaux de Louis Dumont, les deux traits caractéristiques du libéralisme, à savoir la notion d’individu et celle de marché « sont directement antagonistes des identités collectives ».
[27] Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 2011, p.55.
[28] Cf. Marc Muller « Les Lumières contre la guerre civile – Le libéralisme ou l’idéologie du Même », Nouvelle Ecole n°65, 2016, p.34.
[29] Jean-Claude Michéa, L’empire du moindre mal – Essai sur la civilisation libérale, Flammarion, 2007, p.28 : « En replaçant ainsi la question de la pacification de la société au centre des problèmes, il devient plus facile de penser à la fois l’originalité absolue du projet moderne, les principes de l’anthropologie qui l’accompagnent et, surtout, l’unité profonde des deux figures philosophiques sous lesquelles le libéralisme va porter ce projet à son accomplissement logique ».
[30] Jean-Claude Michéa, op. cit., p.52.
[31] Cf. Marc Muller, article précité, p.37.
[32] « La paix est un souhait, la guerre est un fait », éditorial de la revue Conflits, hors-série n°1 (Hiver 2014) relatif à la guerre économique, p.5.
[33] Cf. Hervé Coutau-Bégarie: « A quoi sert la guerre ? », Krisis n°34, juin 2010 – La guerre (2) ?, p.19. Pour C. Lasch, ces mouvements d’unification et de fragmentation sont liés à l’affaiblissement de l’Etat-Nation. Affaiblissement lui-même causé par le déclin de la classe moyenne sur laquelle s’étaient appuyés les fondateurs des nations modernes dans leur combat contre la noblesse féodale. Ainsi, selon C. Lasch, la culture de la classe moyenne (sens du territoire et respect pour la continuité historique) qui servait de cadre de référence commun est en train de se décomposer pour laisser place à des factions rivales (Christopher Lasch, op. cit., p.59-60).
[34] Pascal Gauchon, « Guerre civile. Guerre de la mondialisation », Revue Conflits, Avril-Mai-Juin 2016, p.46.
[35] Cf. Marc Muller, article précité, p.35.
[36] Cf. Marc Muller, article précité, p.36.
[37] Jean-Claude Michéa relève à cet égard que « la seule guerre qui demeurera concevable, dans un tel dispositif philosophique, est la guerre de l’homme contre la nature, conduite avec les armes de la science et de la technologie ; guerre de substitution, dont les Modernes vont précisément attendre qu’elle détourne vers le travail et l’industrie la plus grande partie des énergies jusque-là consacrées à la guerre de l’homme contre l’homme » (Jean-Claude Michéa, op. cit., p.27).
[38] En France, les 10 % les plus riches captent un peu plus du quart (27 %) de la masse globale des revenus, presque dix fois plus que les 10 % les plus pauvres (2,9 %) [Note de l’Observatoire des inégalités en date du 21 janvier 2014]. Dans le monde, les inégalités moyennes au sein des pays sont plus grandes qu’il y a 25 ans (rapport de 2016 de la Banque mondiale intitulé « Taking on inequality »).
[39] Ainsi, en France, plus d’un million de personnes ont basculé sous le seuil de pauvreté en dix ans. La population vivant sous le seuil de pauvreté représente plus de 14%, soit une personne sur sept. (Le Monde, daté du 8 septembre 2016).
[40] Les trois autres conditions permettant de caractériser un marché concurrentiel sont la condition d’atomicité des offreurs et des acheteurs, la condition d’homogénéité des produits, la condition de transparence de l’information. Cf. Olivier Torrès-Blay, Economie d’entreprise, Economica, 2009, 3ème édition, p.8.
[41] Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion, 2014, p.134 et s.
[42] Alberto Alesina; Reza Baqir; William Easterly, « Public Goods and Ethnic Divisions », The Quarterly Journal of Economics, Vol. 114, No. 4. (Nov., 1999), pp. 1243-1284. Dans son ouvrage « Economie du bien commun », Jean Tirole conclut de cette étude que la préférence communautaire, la préférence nationale sont des réalités, qu’il déplore, mais dont il admet qu’il faut tenir compte dans la conception des politiques publiques (Jean Tirole, Economie du bien commun, PUF, 2016, p.92).
[43] Christophe Guilluy, op. cit., p.172.
[44] Pierre-André Taguieff « Le populisme et la science politique » in Les Populismes, sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Perrin, 2007, p.17.
[45] Pierre-André Taguieff, op. cit., p.18-19
[46] Pierre-André Taguieff, L’illusion populiste, Flammarion, 2007, p.201.
[47] Guy Hermet, Les populismes dans le monde – Une histoire sociologique XIXème – XXème siècle, Fayard, 2001, p. 45.
[48] Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie, Flammarion, 2007, p.109
[49] Christopher Lasch, op. cit., p.110.
[50] Pierre-André Taguieff, « Le populisme et la science politique » in Les Populismes, sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Perrin, 2007, p.25.
[51] Christopher Lasch, op. cit., p.101-102.
[52] Samuel Huntington : op. cit., p.38.
[53] Samuel Huntington : op. cit., p.342-343. Dans le même sens, cf. Emilio Gentile, Les religions de la politique – Entre démocraties et totalitarismes, Seuil, 2005, p.261 : l’auteur relève que, par rapport aux religions traditionnelles, les idéologies politiques, qu’il appelle les religions de la politique, revêtent un caractère éphémère.
[54] Ce qui justifia l’utilisation polémique du terme « populiste » pour qualifier, à la fin des années 1980, les dirigeants de ces pays (Boris Eltsine à ses débuts, Lech Walesa…), à la fin des années 1980, après l’effondrement des régimes communistes (cf. Guy Hermet, op. cit., p.58).
[55] Samuel Huntington : op. cit., p.162.
[56] Samuel Huntington : op. cit., p.176.
[57] Samuel Huntington : op. cit., p.233.
[58] Samuel Huntington : op. cit., Préface p.XVII.
[59] La Ligue du Nord en Italie, l’UDC en Suisse, le PVV aux Pays-Bas, le FN en France, le FPÖ en Autriche, le UKIP en Grande-Bretagne…
[60] Christophe Guilluy, op. cit., p.135-136 et p.150.
[61] Christophe Guilluy, op. cit., p.158-163.
[62] Patrick Buisson, La cause du peuple –L’histoire interdite de la présidence Sarkozy, Perrin, 2016, p.324.
[63] Patrick Buisson, op. cit., p.437.
[64] Strategor, Dunod, 2009, p.792.
[65] Ces termes sont ceux de Roger Fauroux ancien directeur de l’ENA, cité par Alain Kimmel dans son article « L’enseignement en France : état des lieux », Krisis n°38, Education ?, p.150-157.
[66] Hannah Arendt, La crise de la culture, huit exercices de pensée politique, Gallimard, coll. « Folio essais », 1989 [1972], p.159. H. Arendt précise que « le mot auctoritas dérive du mot augere, augmenter, et ce que l’autorité ou ceux qui commandent augmentent constamment : c’est la fondation. Les hommes dotés d’autorité étaient les anciens, le Sénat ou les patres qui l’avaient obtenue par héritage et par transmission de ceux qui avaient posé les fondations pour toutes les choses à venir, les ancêtres, que les Romains appelaient pour cette raison les maiores ». (H. Arendt, op. cit., p.160).
[67] Hannah Arendt, op. cit., p.250.
[68] Pour un panorama de ces modèles, cf. Jacques Berrel « Les modèles éducatifs qui ont fait l’Europe », la Nouvelle Revue d’Histoire n°26, Septembre-Octobre 2006, p.48-51.
[69] Isabelle Huault, « Embeddedness et théorie de l’entreprise – Autour des travaux de Mark Granovetter », Annales des Mines, Gérer et comprendre, Juin 1989, p.73-86. L’auteur précise que « la confiance et le partage de croyances (…) apparaissent comme des ingrédients essentiels pour atteindre le niveau de coordination souhaité ».
[70] Olivier Torrès-Blay, op. cit., p.263.
[71] Cf. Annexe 1.
[72] B. Chollet : « L’analyse des réseaux sociaux : quelles implications pour le champ de l’entrepreneuriat ? », 6èmeCongrès international francophone en entrepreneuriat et en PME, HEC Montréal, Octobre 2002, cité par Olivier Torrès-Blay, op. cit., p.266.
[73] Mark Granovetter, Le marché autrement, Essais de Mark Granovetter, Desclée de Brouwer, 2000, cité par Fabien Reix in « L’ancrage territorial des créateurs d’entreprises aquitains : entre encastrement relationnel et attachement symbolique », Géographie, économie et société, 2008/1 (Vol. 10), p.29-41.
[74] La coopérative Mondragon a souvent été érigée en modèle et ses succès économiques ont fait l’objet de nombreuses analyses : cf. notamment Philippe Durance, « La coopérative est-elle un modèle d’avenir pour le capitalisme ? – Retour sur le cas de Mondragon », Annales des Mines – Gérer et comprendre 2011/4 (N° 106), p.69-79 ; Jean-Michel Larrasquet, « Crise, coopératives, innovation et territoire », Projectics / Proyéctica / Projectique 2012/2 (n°11-12), p.157-167 ; Christina A. Clamp, « The Evolution of Management in the Mondragon Cooperatives », disponible sur Internet, à l’adresse : http://community-wealth.org/content/evolution-management-mondrag-n-cooperatives.
[75] « A theory of Middleman Minorities », American Sociological Review, Octobre 1973, p.583-594.
[76] Elle note à cet égard que ce phénomène est particulièrement observé dans les sociétés caractérisées par un fossé entre les élites et les masses comme par exemple dans les sociétés coloniales ou encore les sociétés féodales, marquées par la division entre masses paysannes et aristocratie. La fonction des minorités est alors de combler ce fossé.
[77] Résistance aux mariages extérieurs à la communauté, établissement d’écoles et d’associations de nature culturelle et linguistique pour leurs enfants, peu d’implication dans la politique locale sauf pour ce qui touche directement à leurs intérêts communautaires…
[78] Cf. Annexe 2.
[79] Cf. par exemple le site http://www.accueil-paysan.com/fr/
[80] Cet abattoir avait été fermé en 2016 pour cause de maltraitance animale.
[81] Pierre Isnard-Dupuy, Reporterre, le quotidien de l’écologie, « Des petits paysans veulent faire de l’abattoir du Vigan un exemple éthique », 17 février 2017 (article disponible en ligne sur le site www.reporterre.net).
[82] Cf. Ulrich Beck, cité par Ingrid Nyström et Patricia Vendramin in Le Boycott, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), 2015, p.93-120.
[83] Nyström et Patricia Vendramin, op. cit., p.93-120.
[84] Même si aujourd’hui, la capacité de contagion passe d’abord et avant tout par le web et les réseaux sociaux. Ainsi, en 2011, les Anonymous, suite à leur appel à boycotter Paypal, lancé sur leur compte Twitter, avaient annoncé au bout d’une journée, neuf mille désinscriptions de comptes Paypal. La société eBay, maison mère de Paypal, dévissa en bourse et perdit un milliard de dollars en une heure de cotation à Wall Street.
[85] L’alternative au produit boycotté doit être de qualité équivalente, disponible en quantité suffisante et identifiable.
[86] Sur ce thème, cf. notamment Alain de Benoist, « Du lien social » in Critiques – Théoriques, L’Age d’Homme, 2002, p.196-214.
[87] Konrad Pedziwiatr, « L’activisme social des nouvelles élites musulmanes de Grande-Bretagne », Hermès, La Revue, 2008/2, CNRS éditions, (n°51), p.125-133. L’auteur y décrit les activités d’une association basée à Londres, The City Circle, qui, notamment, met en œuvre des projets de nature éducative (tutorat, école du samedi, conseils d’orientation professionnelle, techniques d’entretien…) et organise des réunions hebdomadaires visant à discuter des questions touchant à la population musulmane.
[88] Emilio Gentile, op.cit., p.250-251.
[89] Eric Hobsbawn, « The Cult of Identity Politics » in New Left Review, n°217, 1996, p.40, cité par Zygmunt Bauman, in « Identité et mondialisation », Lignes 2001/3 (n° 6), p.10-27.
[90] Mark Granovetter, « The Strength of Weak Ties », American Journal of Sociology, Volume 78, Mai 1973, p.1360-1380.

mardi, 07 mars 2017

Séries télévisées: la géopolitique des séries ou le triomphe de la peur?

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Séries télévisées: la géopolitique des séries ou le triomphe de la peur?

Rémy Valat, historien

Ex: http://metamag.fr 

Les séries télévisées sont-elles le reflet de notre imaginaire et de nos peurs?

Oui, certainement. Les scénaristes sont en quelque sorte des analystes des sociétés contemporaines et de leurs travers, et les drames télévisés sont une projection de nos fantasmes et de nos peurs, une théâtralisation dans laquelle le réel cohabite avec l’imaginaire. Jadis les feuilletons des gazettes, aujourd’hui les épisodes des séries.

À l’heure de la mondialisation, caractérisée par une hégémonie linguistique et culturelle nord-américaine, les House of Cards et autres Game of the Throne sont autant de références, de marqueurs des émotions de l’Amérique, de l’Occident, voire par un effet de contagion d’une partie de la planète (la population qui s’abrutit devant la télévision). Mieux, un dialogue s’instaure entre public et héros du petit écran : la série se transforme en source d’inspiration pour les acteurs politiques et les décideurs et devient une grille de lecture et d’interprétation du monde pour les spectateurs.

Les séries télévisées ont connu une surprenante révolution culturelle et ont atteint un niveau d’excellence inédit : la qualité des scenarii, de l’image et des effets spéciaux égale celle des réalisations du grand écran. Cette révolution est survenue à un tournant de l’histoire mondiale : les attentats du 11 septembre 2001. L’Occident triomphant bat de l’aile : méfiance envers les élites (House of Cards), peur d’un ennemi intérieur (Homeland), la crainte de l’ennemi russe (Occupied) et au loin, la perspective d’un « Hiver », c’est-à-dire d’un chaos prochain (Game of Thrones). Ces drames télévisés créent un paradoxe : les médias, outil du « Soft Power », sont à la fois les révélateurs d’une relative bonne santé de la liberté d’expression que des faiblesses morales de l’Occident, lesquelles en nourrissent le discrédit à l’étranger (en particulier en Chine, où les élites se gobergent des « magouilles » de Francis J. Underwood, interprété magistralement par Kevin Spacey).

Est-ce à dire que ce phénomène est inédit ? Je ne le crois pas, il est attisé par les fractures et les tensions des sociétés occidentales et américaines, mais les ingrédients de l’ennemi intérieur et de la malignité du pouvoir politique étaient déjà des éléments importants de la série X Files de Chris Carter. X Files était un condensé des peurs des années 1990 : le péril nucléaire, la défiance envers les OGM, le rôle ambigu de la CIA, la crainte d’une conspiration, le danger russe, le péril climatique, etc : les séries actuelles sont un plat réchauffé, mais les spectateurs en redemandent. Ce sont les vieilles recettes du thriller, celles qui séduisent et fidélisent le public depuis toujours.

Game of Thrones dépasse la simple projection d’une crainte d’un chaos à venir : la fantasy (comme le courant médiévaliste dont elle dérive) soulignerait aussi un rejet de la modernité, du culte du progrès, du réel et du présent. La liberté sexuelle, plus que débridée dans cette série et qui peut choquer les plus puritains, est aussi le fruit de la contre-culture américaine et des mouvements libertaires de la fin des années 1960, dont les réalisateurs de ce pays sont les héritiers. La dimension eschatologique est le fruit de la culture judéo-chrétienne… Rien de foncièrement nouveau, donc, seules les formes changent.

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Une tendance majeure, plus profonde encore que le sentiment de peur (diffus, mais bien présent), et qui serait peut-être le fruit du haut degré de développement des civilisations occidentales est la tendance au réalisme (y compris dans la fantasy), autant dire à la désacralisation d’un monde post-moderne et désenchanté.

Le livre de Dominique Moïsi, La géopolitique des séries ou le triomphe de la peur, ouvre un passionnant chantier de recherche, dont il ne faut pas cependant exagérer la portée : l’absence de morale de Pénélope Fillon ou de Jérôme Cahuzac pèsent plus sur la rupture entre le peuple et les élites politiques que la soif de pouvoir et l’égocentrisme de fiction de Francis J. Underwood. En attendant, ces scénaristes qui écrivent sur ces sujets vendeurs, se remplissent les poches avec la conscience en paix (puisqu’ils dénoncent les « méchants »). Les séries sont aussi le reflet d’une forme de conformisme et de bien-pensance : brasser de l’air, manipuler des symboles, évite de se salir les mains.

La géopolitique des séries est une contribution intéressante sur un champ de la recherche nouveau et qui ouvre la voie à d’autres questionnements : la réception de ces œuvres à l’étranger (peut-être insuffisamment traité dans le livre) et leur place dans la politique culturelle des grandes puissances : il aurait été précieux que l’auteur dresse un parallèle entre productions cinématographiques et télévisées, sans oublier la fabrication et le contrôle de l’imaginaire du jeune public par la société Disney.

Nous avions récemment à travers l’exemple du film de Martin Scorsese, Silence, montré ce que nul n’ignore, à savoir la dimension politique du cinéma, comme outil de propagande et de promotion d’une politique hégémonique sur le déclin. Un livre pertinent, même si le scénario de série fictive proposée en fin d’ouvrage (et qui monopolise tout un chapitre) nous paraît inutile.

LA GÉOPOLITIQUE DES SÉRIES OU LE TRIOMPHE DE LA PEUR, DOMINIQUE MOÏSI, ÉDITIONS STOCK, COLLECTION ESSAIS, 18€.

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dimanche, 19 février 2017

Louis de Bonald : le sacre du social

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Louis de Bonald : le sacre du social

 

« Vivre ensemble », « faire société », « rester unis ». Voilà des expressions dont la répétition a rongé le sens. Défenseur d’une unité politique fondée sur le droit naturel, Louis de Bonald prôna cette réconciliation totale du peuple de France. Posant le primat du social sur l’individu, du commun sur le particulier, il eut pour exigence la conservation du caractère sacré des rapports sociaux.

 

C’est un immortel dont le nom fut englouti par le génie maistrien. Écrivain prolifique et méthodique, ardent défenseur de la tradition catholique qu’il sentait menacée par les assauts libéraux de la Révolution, Louis de Bonald fut également maire de Millau, député de l’Aveyron, nommé au Conseil royal de l’Instruction publique par Louis XVIII. Il entra à l’Académie française en 1816. Considéré par Durkheim comme précurseur de la sociologie, le vicomte n’eut de cesse que de relier la théologie politique avec une compréhension des rapports sociaux. Antidémocrate convaincu, il élabora un système visant l’unité politique et théologique du social fondé dans les organes les plus naturels des individus : la famille et la religion.

Bonald pense la famille comme le socle primordial et nécessaire de la société. En 1800, celui qui considère que « ce sont les livres qui ont fait les révolutions »  publie son Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social. Deux ans plus tard, il écrit Le divorce considéré au ХІХe siècle où est souligné le rôle essentiel de la famille dans la totalité d’un corps social hiérarchisé et justifié par Dieu. Étonnement proche de certaines lignes du futur Marx, il compare la famille à une société composée de ses propres rapports politiques, de sa tessiture sociale, de ses interactions élémentaires. La famille est et fait société. Dans la sphère biologique qui la fixe, le père fait office de monarque bienveillant garant de l’autorité sur l’enfant défini par sa faiblesse et sa vulnérabilité. Père, mère et enfants sont entraînés dans des rapports et des fonctions strictement inégaux, cette inégalité étant un donné inamovible qui ne saurait être contractualisé à l’image d’un rapport marchand librement consenti. Il en va de même pour les frères et sœurs, l’aîné ne pouvant se confondre avec un cadet qui ne dispose donc pas du droit d’aînesse. En tant que présupposé naturel, la famille ne peut être le lieu d’un ajustement consenti des rôles et des places.

Comme système, la famille est une chose entièrement formée qui ne saurait être une somme de parties indépendantes cherchant concurrentiellement à « maximiser leur utilité ». Fondée sur une inégalité qui la dépasse tout en la caractérisant, sa dissolution est jugée impossible. Bonald écrit : « le père et la mère qui font divorce, sont donc réellement deux forts qui s’arrangent pour dépouiller un faible, et l’État qui y consent, est complice de leur brigandage. […] Le mariage est donc indissoluble, sous le rapport domestique et public de société. » C’est dans cette volonté de conserver l’unité politique que le futur pair de France, alors élu à la Chambre, donne son nom à la loi du 8 mai 1816 qui aboli le divorce. Le divorce, bien plus qu’une évolution dans les rapports familiaux, est ce « poison » amené par une Révolution qui porte en elle la séparation des corps sociaux dont la famille est le répondant. Ne devant être dissoute sous aucun prétexte et constituant un vecteur d’unité originaire, c’est de la famille que la pensée bonaldienne tire son appui et sa possibilité.

 

Une « sociologie » sacrée

Admiré par Comte (qui forge le terme de « sociologie »), consacré par Balzac pour avoir élaboré un système englobant les mécanismes sociaux, Louis de Bonald est un noble précurseur de cette « science de la société » qualifiée aujourd’hui de sociologie. Noyé dans une époque où le jacobinisme semble encore chercher sa forme, Bonald entend revenir à la tradition d’une manière inédite en convoquant la réflexion sociale. Il élabore une véritable théologie sociale enchâssée dans la vérité révélée du catholicisme. Comme le note le sociologue Patrick Cingolani, Bonald se méfie de l’indétermination démocratique tirée du « libre examen » du protestantisme, entraînant discorde et scepticisme. Défenseur d’un principe holistique, le vicomte pense à rebours de l’idée des Lumières selon laquelle les droits de la société résultent d’une libre entente entre les individus. C’est à la société de faire l’homme, non l’inverse. Plutôt que de refonder la société, la Révolution l’a donc détruite : il n’existe plus de grand corps sacré de la communauté, uniquement des individus dispersés.

Le Millavois pense donc l’homme comme intégralement relié à Dieu dans lequel il fonde positivement sa légitimité spirituelle et sociale. L’individu n’a pour droits que ses devoirs, qui sont envers toute la société, et donc envers Dieu dans lequel cette dernière se confond. Dieu, c’est le social total, car l’homme ne doit rien à l’homme et doit tout à Dieu. Sans le pouvoir de ce dernier, la notion même de devoir s’éteint, annulant du même geste la possibilité d’existence de la société. L’auteur de Théorie du pouvoir politique et religieux pense les lois religieuses, celles qui constituent la religion publique, comme devant « être un rapport nécessaire dérivé de la nature des êtres sociaux ». Dans son bel article Totalité sociale et hiérarchie, Jean-Yves Pranchère souligne la manière dont la vision du social chez Bonald se dissout dans le sacré jusqu’à élaborer une sociologie trinitaire : « la théologie serait en un premier sens une sociologie de la religion et des rapports sociaux qui constituent l’Église ; en un second sens, elle serait une sociologie des rapports sociaux de l’Église avec Dieu ; en un dernier sens, elle serait la sociologie des rapports sociaux qu’entretiennent entre elles les personnes divines. » Les lois sociales d’ici-bas sont analogues à celles reliant les hypostases du Très-Haut, et c’est pour cela qu’elles cherchent naturellement à se conserver.

L’utilité sociale d’une théologie politique

 

Ce sacre du social, l’auteur gallican entend l’encastrer dans la politique. Les hommes, ne pouvant être entièrement raisonnables, ne peuvent s’entendre sur un principe fondateur de la société. L’individu, limité, fait défaut. La légitimité du pouvoir doit donc nécessairement se trouver en dehors de lui. Celui qui traite la « politique en théologien, et la religion en politique » replie donc l’intelligence politique sur la grande Histoire : la raison doit recourir à la tradition, à l’hérédité validée par Dieu. Dans un ouvrage au titre saillant, Législation primitive, considérée dans les derniers temps par les seules lumières de la raison, il écrit : « Une fois révélées à l’homme, par la parole, les lois sont fixées par l’écriture, par les nations, et elles deviennent ainsi une règle universelle, publique et invariable, extérieure, une loi, qu’en aucun temps, aucun lieu, personne ne peut ignorer, oublier, dissimuler, altérer ». Et cet usage de la tradition n’a pour but que d’assurer la tranquillité du Royaume, car « une société constituée doit se conserver et non conquérir ; car la constitution est un principe de conservation, et la conquête un principe de destruction. »

L’homme est un un être culturel par nature parce qu’il toujours vécu par Dieu. Son isolement est une illusion et l’état de nature est réductible à un état social. Le pouvoir qui s’exerce dans la vie de la cité n’a nullement sa source dans le cœur libéré des individus, mais préexiste à la société. Dans son étude sur Bossuet, Bonald note : « Le pouvoir absolu est un pouvoir indépendant des sujets, le pouvoir arbitraire est un pouvoir indépendant des lois. » « Omnis potestas a deo, sed per populum », nous dit Paul. Avant de s’exercer, le pouvoir fonde, il constitue. Ce caractère utilitaire de la vérité catholique donne à Bonald une vision progressive de l’histoire. Dans sa récente étude, Louis de Bonald : Ordre et pouvoir entre subversion et providence, Giorgio Barberis insiste sur ce point. Chez Bonald, dit-il en le citant, « c’est la connaissance de la vérité qui détermine aussi bien le progrès de la raison humaine que le développement de la civilisation. La connaissance de la vérité est directement proportionnelle à la situation globale d’un système social, tandis que chez l’homme elle dépend de l’âge, de la culture ou de l’éducation de chacun. Il y a un progrès effectif dans la connaissance du Vrai et dans le développement de la société. La vérité chrétienne se réalise, se révèle dans le temps. Le christianisme n’est lui-même « qu’un long développement de la vérité » ».

Accédant à Dieu par la fonction sociale, jugeant la vérité catholique sur son utilité collective, Bonald est à la fois critique et héritier des Lumières. Se distinguant nettement de Joseph de Maistre par une vision de l’histoire qui quitte la berge du tragique, Bonald conserve l’optimisme d’un retour durable à l’Ancien Régime. Dans Un philosophe face à la Révolution, Robert Spaemann décrira Bonald comme un fonctionnaliste accomplissant de manière retournée la pensée révolutionnaire. Sa réduction positive de Dieu à une fonction conservatrice de la société anticipe déjà les postures maurrassiennes.

dimanche, 08 janvier 2017

Mathieu Bock-Côté: Le multiculturalisme est une religion politique

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Le multiculturalisme est une religion politique

Ex: http://www.lesobservateurs.ch 

Passionnant entretien accordé par le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté, à Politique Magazine, à l'occasion de la parution de son dernier ouvrage.

En quoi le multiculturalisme est-il une religion politique ?

Le multiculturalisme est apparu au mitan du xxee siècle comme une révélation. Il ne prétend pas améliorer la société, mais la démanteler pour la reconstruire radicalement selon une nouvelle anthropologie. Ce en quoi il est aussi une eschatologie : il y a le monde d’avant, coupable de péchés indélébiles contre la diversité, et le monde d’après, qui tend vers le paradis diversitaire et transnational, étape ultime de l’aventure humaine et seul visage possible de la modernité.

Selon les tables de la loi multiculturelle, les vieilles institutions sociales doivent s’effacer au profit des revendications exprimées par tous les « exclus » de la terre qui se trouvent parés, en tant que tels, de l’aura christique des réprouvés.

De là découle une conception particulière de l’affrontement politique. Car les grands prêtres du multiculturalisme ne conçoivent pas la démocratie comme la confrontation de conceptions concurrentes du bien commun mais comme un espace d’éradication du mal. Qui ne communie pas au culte de la diversité est le diable en personne – et le diable est intolérant, raciste, islamophobe, homophobe… C’est ainsi que le débat public en Occident a été confisqué par un petit clergé progressiste qui menace du bûcher toute pensée dissidente.

Vous expliquez que le multiculturalisme est né sur les décombres du soviétisme, comme une métamorphose de l’imaginaire marxiste…

Il est certain qu’à partir des années 1950, la plupart des intellectuels marxistes prennent conscience que l’URSS, leur nouvelle Jérusalem, ressemble davantage à un enfer concentrationnaire qu’à un paradis de travailleurs. C’est le début de ce que j’appelle le « socialisme migrateur » ou « socialisme tropical » : beaucoup vont chercher de nouvelles terres promises en Chine, à Cuba, en Afrique… Mais c’est à partir des années 1960 que le progressisme va profondément muter en se détachant du communisme.

Mai 68 et les Radical Sixties marquent le triomphe du gauchisme et de la contre-culture qui débordent le communisme par la gauche et transforment le rapport au mythe révolutionnaire. C’est l’époque où Herbert Marcuse parle avec dédain des « classes populaires conservatrices ». La gauche radicale constate que le prolétariat aspire davantage à la middle class qu’à la révolution. Désormais, elle fera la révolution sans le peuple et même, au besoin, contre lui. Et c’est aux minorités que le rôle de catégorie sociale révolutionnaire de substitution est dévolu.

Mais le muticulturalisme ne menace-t-il pas d’implosion violente les sociétés où il s’exerce ?

Pourquoi vivre en commun si on ne partage pas la même culture ? En laissant cette question sans réponse, le multiculturalisme, loin de tenir sa promesse du « vivre-ensemble », ne produit, au mieux, qu’une pluralité d’appartenances au sein de sociétés fragmentées et communautarisées. Mais ne réduisons pas sa critique aux aspects liés à la paix civile même s’ils ne sont pas négligeables.

L’idéologie multiculturelle obéit d’abord à une logique de déracinement qui passe par le démantèlement des institutions et des systèmes normatifs traditionnels. Elle est fondée sur une inversion du devoir d’intégration : l’immigré n’a plus vocation à se fondre dans le creuset de la culture d’accueil mais c’est la culture d’accueil qui doit s’accommoder de la culture d’importation. La culture d’accueil perd ainsi son statut référentiel et devient, en quelque sorte, optionnelle, sauf pour expier ses crimes contre la diversité, ce qui revient évidemment à œuvrer à sa propre destruction. C’est exactement ce qui est arrivé au Canada.

Le Canada, présenté par les thuriféraires du multiculturalisme comme un modèle de gestion ethnoculturelle… Qu’en est-il de la réalité ?

Je ne sais pas si on peut parler de modèle, mais le multiculturalisme est là-bas une sorte de doctrine d’état. Avec son enthousiasme coutumier, notre flamboyant Premier ministre, Justin Trudeau, vient d’expliquer dans le New York Times que c’était la diversité qui caractérisait le Canada. Et de fait, au pays des accommodements raisonnables, une immigrée peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux ou le Premier ministre d’une province comme l’Alberta peut se montrer dans une vidéo revêtue d’un voile islamique pour fêter la fin du ramadan…

Ce zèle diversitaire, ce multiculturalisme triomphant récoltent l’admiration béate des élites culturelles et médiatiques qui se congratulent entre elles de ces marques définitives de tolérance et d’ouverture d’esprit. Au Canada, le multiculturalisme est, si j’ose dire, entré dans les mœurs.

En revanche, on sait moins qu’il y a été utilisé et programmé comme une arme de guerre contre le nationalisme québécois. C’est Pierre Trudeau, le père de l’autre, qui l’a fait inscrire dans la loi constitutionnelle de 1982, imposée de force au Québec afin de désamorcer ses revendications historiques à se constituer en nation. Trudeau voyait en effet d’un très mauvais œil le souverainisme québécois qu’il accusait d’ethnocentrisme, alors même que le socle de l’identité canadienne reposait traditionnellement sur la figure des deux peuples fondateurs, les anglophones et les francophones.

Le résultat ne s’est pas fait attendre. Ainsi constitutionnalisé, le multiculturalisme a non seulement amputé le Canada de son identité française, mais il a aussi privé le Québec de son statut de nation fondatrice. Triste destin pour le peuple québécois, extrait de sa propre histoire, dépossédé d’une part de lui-même et rabaissé à l’état de communauté ethnique parmi d’autres au sein de la diversité canadienne…

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En France, la victoire de François Fillon à la primaire de la droite est parfois analysée comme une réaction à l’idéologie des élites, largement comparable à ce que vous décrivez pour le Canada. Est-ce aussi votre sentiment ?

Oui, d’une certaine façon, même si, en France, les références aux valeurs républicaines entretiennent l’illusion d’une communauté politique unifiée. Je dis bien l’illusion : on sait que la réalité est tout autre et qu’énormément de Français ont le sentiment que leur pays se décompose. C’est pourquoi je crois que les gens ont moins voté pour le programme de François Fillon que pour l’image d’une France traditionnelle et enracinée qu’il personnifie. De ce point de vue, il est l’exact contraire de Justin Trudeau qui incarne un cosmopolitisme diversitaire sans racines et la dissolution du politique dans la communication. Fillon est la sobriété faite homme. Pas de transgression outrancière chez lui. Ce qui le distingue aussi d’un populiste du genre Donald Trump.

Fillon l’a plus emporté pour la part de conservatisme qu’on lui attribue que pour sa promesse de rétablir les finances publiques ?

Sans aucun doute, même si le verbe « rétablir » que vous venez d’employer est celui qui lui convient. François Fillon doit avoir conscience des enjeux qu’il a fait naître. Il porte pour l’élection de 2017 tous les espoirs d’un certain conservatisme à la française. Je veux parler d’un mélange d’enracinement, de sens commun, de dignité qu’il lui faudra, sous peine d’immense déception, incarner personnellement mais aussi politiquement s’il est élu à la tête de l’État.

Ce conservatisme réclame une part de volontarisme car, dans le monde qui est le nôtre, il ne s’agit plus seulement de conserver, il faut également restaurer ce qui a été mutilé par quarante ans de progressisme maniaque. En France, cela commence par l’État, l’autorité de l’État. La psychologie politique de votre pays est profondément imprégnée de l’idée que c’est l’état souverain qui incarne le destin de la nation et il serait tout à fait illusoire de vouloir lui substituer la société civile comme le prône le philosophe anglais Roger Scruton. Le conservatisme français est une synthèse originale d’identité et de liberté, même sur les questions de mœurs.

Cela le distingue du conservatisme social américain qui peut avoir une dimension agressive, très éloignée du conservatisme tranquille qui s’est exprimé lors de la Manif pour tous. Si les Français sont à la recherche de leur conservatisme, qu’ils ne le regardent surtout pas avec une loupe américaine ou britannique !

Le problème de ce conservatisme n’est-il pas de ne jamais s’assumer en tant que tel ?

C’est tout le problème des dirigeants de ce qu’on appelle la droite. Alain Juppé était tellement heureux d’être célébré par la presse de gauche qu’il en a oublié que la France ne se réduisait pas à ce que pensent Les Inrockset Télérama. Le rêve d’une certaine droite, et c’est le danger qui guette Fillon désormais, c’est que la gauche lui dise qu’elle n’est pas vraiment de droite. Elle se croit donc obligée de prouver qu’elle est la plus moderne et, pour faire moderne, elle ne parle que d’Europe et de mondialisation, jamais ou presque jamais des questions sociétales et identitaires. Le débat public se résume ainsi depuis quarante ans à une querelle entre progressistes. C’est ce que j’appelle dans mon livre le « malaise conservateur » : bien que prégnant en France, le conservatisme n’a jamais trouvé sa traduction politique, sinon dans quelques discours électoraux vite oubliés une fois au pouvoir.

Pourtant, on entend beaucoup dire que les « réacs » auraient gagné la suprématie culturelle…

Et qui l’affirme ? Certes, quelques voix discordantes se font entendre un tout petit peu plus qu’avant, ce qui provoque un double phénomène : d’une part, la gauche hégémonique se croit assiégée parce que sa domination est très légèrement contestée ; de l’autre, la droite silencieuse se croit conquérante parce qu’elle est un tout petit peu plus entendue. Mais le fait est que la quasi-intégralité des pouvoirs institutionnels et culturels reste progressiste.

Un dernier mot sur le regard qu’on porte sur la France depuis le Québec ?

Il y a un vieux sentiment d’affection filiale qui vire à l’hostilité chez les élites car la France est perçue comme un rouleau compresseur laïciste qui étouffe sa diversité. Mais pour les souverainistes, qui représentent grosso modo 40% de la population, la France demeure la première alliée et un enjeu interne : même si la langue française est fragilisée à cause de l’État fédéral où elle n’existe quasiment plus, le Québec ne parle pas norvégien ou danois.

Il parle français, une des plus grandes langues du monde, et cela a contribué à sa survie. Si l’aventure coloniale a pu avoir des aspects positifs, c’est bien ici, en Amérique du Nord, où la France a accouché d’un peuple neuf !

Extrait de: Source et auteur

vendredi, 06 janvier 2017

Cerveau connecté, cerveau vidé ?

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Cerveau connecté, cerveau vidé ?

Philippe Vernier, chercheur au CNRS, commente la chute libre de la durée d’attention

Spécialiste des neurosciences, il reconnaît qu’il s’agit là d’une « régression ». Il affirme dans son entretien que le fait de disperser son attention entre plusieurs tâches ou plusieurs sollicitations a nécessairement pour résultat de diminuer la qualité d’attention que l’on accorde à chacune, même s’il est possible selon lui de s’entraîner à ce nouveau mode de fonctionnement cérébral. Et de recommander, notamment pour les métiers où l’attention et la concentration sont primordiales, de couper son téléphone et de se réhabituer à prendre son temps. Car le zapping, souligne-t-il, est « addictif » : l’esprit humain apprécie la nouveauté et a donc tendance à la rechercher de plus en plus.
 
Mais lorsque Philippe Vernier recommande de « remplacer la satisfaction du zapping par celle de la compréhension de sujets approfondis », la vraie question – et il n’y répond pas – est de savoir si c’est encore possible pour des esprits biberonnés aux sollicitations cognitives incessantes et sans lien entre elles, ou à tout le moins, s’ils peuvent y arriver seuls. Quid de ces jeunes qui sont nés avec un téléphone dans la main, et à qui on impose qui plus est de travailler sur l’écran de l’école, à partir de méthodes globales qui inhibent la parole et l’analyse, comme le font – et de plus en plus – les programmes les plus récents de l’Education nationale ?

Un chercheur au CNRS appelle au réapprentissage de la concentration

 
Il faut prendre Vernier au sérieux lorsqu’il affirme, sur la foi de l’étude Microsoft : « C’est une évidence que l’on est capable d’absorber plus d’informations en moins de temps. C’est ce que montre l’étude et on peut les croire la dessus, cependant, c’est forcément au détriment de la qualité de l’attention que l’on porte à un sujet donné. »
 
Il en tire cette conclusion : « Pour la presse écrite, c’est un problème. De moins en moins de gens ont cette capacité à lire un article de fond et la tendance dans les médias est de faire court, percutant pour que l’on sache beaucoup de choses mais sur lesquelles nous n’approfondissons pas. On ne cherche plus le pourquoi des choses. »
 
Autrement dit, la tendance de fond de la soi-disant « information » est de nous balancer à la tête d’innombrables faits qu’on ne traite plus à la manière intelligente qui devrait être le propre de l’homme : analyse, synthèse, et s’il y a lieu jugement critique. Ces types de connaissances accumulées appellent des réactions primaires, cantonnent le lecteur ou l’auditeur dans l’émotion. S’il n’a que huit secondes de temps de cerveau disponible, il est clair que la réflexion n’y a aucune place.

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Le cerveau connecté devient comme celui du poisson rouge…

Selon Philippe Vernier, une autre retombée négative de cet état de fait – que nous dirons, quant à nous, désastreux – est que le travail en entreprise est devenu un vrai problème pour beaucoup de jeunes ou des personnes passant de longues heures sur leurs écrans :
 
« Dans les entreprises, les personnes qui ne sont plus capables de réaliser des tâches à long terme sont devenues un problème pour les chefs d’entreprise. Lorsque l’on fait un rapport de synthèse par exemple, il faut être apte à travailler longtemps et de manière efficace. C’est aussi un problème pour les créatifs, l’imagination et la créativité de manière générale demandent du temps. Et ce temps de cerveau disponible mobilisable, nous ne l’avons plus. »
 
Il est significatif que ce soit précisément Microsoft qui se livre à ces enquêtes. L’objectif marketing du géant de l’informatique est clair : il faut sans cesse modifier les contenus et en réduire la richesse, le volume et la profondeur pour espérer toucher les internautes qui n’ont plus la capacité de lire et de comprendre sur la durée. Plonger les hommes dans la « réalité virtuelle »… Mais il faut ajouter que les créateurs de contenu Internet et du mode de fonctionnement des espaces connectés créent en même temps les problèmes auxquels ils prétendent chercher à répondre.

La chute de la durée attention, résultat des multiples sollicitations des écrans connectés
 
Il en va ainsi des multiples alertes, pop-ups et autres sollicitations incessantes qui détournent l’attention de ce que l’on est en train de faire véritablement, ainsi que de la tentation de cliquer sur les liens hypertextes : tout cet ensemble d’appels à l’attention qui interrompent la pensée et le raisonnement aboutissent logiquement à la mise en veille de la mémoire longue – c’est-à-dire, finalement, de la culture – au profit d’une mémoire immédiate qui se vide presqu’aussitôt remplie. C’est le thème de l’indispensable ouvrage de Nicholas Carr, au titre si mal traduit : Internet rend-il bête.
 
Philippe Vernier, lui, est un peu plus optimiste. Mais il semble penser que la solution pour reconquérir de la concentration et de la durée d’attention passe notamment par l’image, la vidéo. « La vidéo a une vertu considérable, une image en mouvement ou le fait de pouvoir changer le support visuel de ce que l’on apprend, cela permet de maintenir l’attention », explique-t-il.
 
Or la vidéo – et globalement tout ce qui relève avant tout de l’image en mouvement – présente justement l’inconvénient de court-circuiter la parole : on voit l’image et on réagit sans verbaliser, sans même avoir le temps de le faire. Et cela contribue précisément à réduire la durée de l’attention et la capacité de raisonnement, comme l’a amplement montré Elisabeth Nuyts dans ses divers ouvrages. Et elle, elle donne de vraies solutions face à la véritable déshumanisation que les nouveaux modes d’apprentissage entraînent.
 
Anne Dolhein

Guilluy et le crépuscule de la bobocratie

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Guilluy et le crépuscule de la bobocratie

 

Le géographe Christophe Guilluy vient de publier Le crépuscule de la France d’en haut (Flammarion), un ouvrage passionnant dans lequel il met en évidence la partition géographique, culturelle et sociale des deux France qui se font désormais face : d’une part, la France des bourgeois-bohêmes (très minoritaires) qui profitent de la mondialisation libérale et qui règnent sans partage sur la quinzaine de métropoles françaises et d’autre part, la France périphérique des perdants (très majoritaires) de cette même mondialisation. L’oligarchie a choisi de concentrer les richesses dans ces quinze métropoles dans lesquelles elle vit à l’écart des ‘’red-necks’’ de la périphérie qui sont supposés être fascistes.

La minorité de privilégiés qui bénéficie des effets de la mondialisation libérale pratique un apartheid qui ne dit pas son nom et utilise les lois du marché qui, du fait de l’augmentation du prix des biens immobiliers dans ces quinze métropoles, permettent de créer une barrière de verre infranchissable sans avoir à utiliser les méthodes habituelles (murs, grillages, forces de l’ordre…).

Une partie de la population de ces métropoles est d’origine immigrée et accepte de vivre dans des zones résiduelles de moindre qualité et désertées par les autochtones qui ne veulent plus vivre au contact de populations aux mœurs par trop différentes des leurs. Cette population immigrée sert d’alibi aux privilégiés qui se veulent ouverts aux autres et leur permet, en fait, de disposer d’une main d’œuvre bon marché dans le domaine des services domestiques et commerciaux (restaurants…).

Les bobos sont les bourgeois du XXIème siècle qui se donnent bonne conscience en participant au combat fantasmatique contre le fascisme et le racisme.  Fantasmatique parce que le danger fasciste n’existe pas (Jospin lui-même l’a reconnu) et parce que les Français ne sont pas racistes (seule une très petite minorité l’est) ; ils veulent seulement préserver leur culture, leur mode de vie, leur sociabilité, leurs institutions… qui sont menacés par l’immigration que nous subissons depuis quarante ans.

L’idéologie de la bobocratie est véhiculée par la quasi-totalité des médias mais, malgré cela, les Français ne tiennent plus compte des sermons, des mises en garde, des menaces, des injures, des mensonges qu’ils profèrent à longueur d’année. 90% d’entre eux ne leur font pas confiance (lors d’un sondage fait récemment par une radio très connue, 91% des auditeurs ont répondu que les journalistes sont des menteurs !) et Marine Le Pen a été la personnalité politique préférée par les Français en 2016, devant tous les candidats du système ! La bobocratie est en perdition, en France, comme en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Europe centrale et à peu près partout dans le monde occidental.

L’idéologie de la métropole

 L’idéologie de la métropole est celle d’une nouvelle bourgeoisie, libérale-libertaire, dont le modèle est celui de la Silicon Valley californienne. Comme l’a écrit Jean-Claude Michéa, cité par l’auteur, : ‘’Ce modèle repose en effet sur cette idéologie libérale-libertaire qui « constitue depuis des décennies la synthèse la plus accomplie de la cupidité des hommes d’affaires libéraux et de la contre-culture californienne de l’extrême-gauche des sixties »’’. Cette nouvelle bourgeoisie, cool et décontractée, n’en partage pas moins avec la bourgeoisie du passé, un mépris à peine voilé pour les classes populaires : ‘’D’un côté des métropoles embourgeoisées qui travaillent, de l’autre une France périphérique peuplée d’assistés. Une représentation condescendante des classes populaires qui est, à peu de choses près, celle de la bourgeoisie traditionnelle depuis au-moins les Rougon-Macquart !’’.‘’Bénéficiaires d’un modèle économique et territorial qui assure aussi leur hégémonie politique et culturelle, les classes supérieures métropolitaines sont les gardiennes du temple libéral’’.

Dans ces métropoles désertées par les gros bataillons des autochtones les plus modestes au cours des vingt-cinq dernières années, il y a une population d’origine immigrée qui permet aux privilégiés de disposer d’une main d’œuvre peu exigeante, disponible pour des activités de services domestiques et commerciaux et qui leur donne le sentiment de vivre dans un univers mondialisé et ouvert , ce qui n’est qu’un trompe-l’œil : ‘’Cette présence populaire et immigrée permet aux tenants de la métropolisation de mettre en avant l’image d’une ville ouverte et mixte. La réalité est que la présence de ces catégories ne freine qu’à la marge le processus d’éviction des catégories modestes des métropoles. Par ailleurs, l’accentuation des inégalités spatiales montre que le modèle métropolitain ne favorise pas l’ouverture et la mixité, mais la ségrégation’’.

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Les bourgeois-bohêmes ou la nouvelle bourgeoisie

Selon Christophe Guilluy, les bobos ont horreur de cette appellation parce qu’elle contient  le mot « bourgeois ». Ils ne peuvent pas imaginer qu’ils sont les nouveaux privilégiés, ceux qui profitent d’un système économique très dur pour l’immense majorité des Français (ou des Italiens, ou des Anglais…..la situation est la même partout). Pour se donner bonne conscience, le bobo affiche sa solidarité avec les homosexuels, les immigrés et les victimes des guerres. Çà ne lui coûte pas cher ; un tweet de temps en temps et la participation à une manifestation lui donnent l’impression d’être un rebelle. Le bobo vit claquemuré dans sa métropole dont il pense qu’elle est un monde ouvert, à la différence de la France périphérique qui serait, selon lui, intrinsèquement « pétainiste ». En fait, tout cela est faux. Le bobo est le bourgeois du vingt et unième siècle ; un bourgeois hypocrite qui essaie de dissimuler son aisance derrière un look débraillé et un langage branché, « cool ». ‘’Derrière le mythe de la société ouverte et égalitaire des métropoles cosmopolites, nous assistons donc au retour des citadelles médiévales, de la ville fermée, et à la consolidation d’un modèle inégalitaire de type anglo-saxon… Détachée de toute appartenance collective autre que celle de son milieu, la nouvelle bourgeoisie surfe sur la loi du marché pour renforcer sa position de classe, capter les bienfaits de la mondialisation et se constituer un patrimoine immobilier qui rivalisera demain avec celui de l’ancienne bourgeoisie’’.

 L’idéologie des bobos est un libéralisme poussé dans ses plus extrêmes conséquences en matière d’individualisme ; ce qui se traduit par un mondialisme radical, une désaffiliation à l’égard de toute communauté autre que socio-économique, une approbation totale du libéralisme économique et un libertarisme radical en matières de mœurs.

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L’antifascisme : une rhétorique qui vise à dissimuler une guerre de classes

Les bobos se donnent bonne conscience en ‘’militant’’ contre le racisme et contre le fascisme, deux maux illusoires dont ‘’Lionel Jospin reconnaîtra plus tard que cette « lutte antifasciste en France n’a été que du théâtre » et même que le « Front National n’a jamais été un parti fasciste »’’. Quant au racisme qui est peu fréquent au sein de la population autochtone, il est surtout le fait des immigrés musulmans dont l’antisémitisme est fréquent et parfois même criminel. ‘’Véritable arme de classe, l’antifascisme présente en effet un intérêt majeur. Il confère une supériorité morale à des élites délégitimées en réduisant toute critique des effets de la mondialisation à une dérive fasciste ou raciste. Mais, pour être durable, cette stratégie nécessite la promotion de l’ « ennemi fasciste » et donc la sur-médiatisation du Front National’’. ‘’La France du repli d’un côté, des ploucs et des ruraux, la France de l’ouverture et de la tolérance de l’autre. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cet « antiracisme de salon » ne vise absolument pas à protéger l’ « immigré », le « musulman », les « minorités » face au fascisme qui vient, il s’agit d’abord de défendre des intérêts de classe, ceux de la bourgeoisie’’. Intérêts de classe qui sont dénoncés par la France périphérique qui, elle, ne profite pas de la mondialisation voulue par la nouvelle bourgeoisie et qu’il faut réduire au silence en la méprisant et en l’injuriant.‘’Car le problème est que ce n’est pas le Front National qui influence les classes populaires, mais l’inverse. Le FN n’est qu’un symptôme d’un refus radical des classes populaires du modèle mondialisé. L’antifascisme de salon ne vise pas le FN, mais l’ensemble des classes populaires qu’il convient de fasciser afin de délégitimer leur diagnostic, un « diagnostic d’en bas » qu’on appelle « populisme »’’.

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Le séparatisme des bobos

Les bobos ont abandonné toute idée de nation et l’Union européenne n’est, pour eux, qu’une étape vers un monde unifié dont les pôles seraient les métropoles dans lesquelles seraient rassemblées les élites culturelles, financières et techniques. Dans ce monde des métropoles interconnectées, les zones comprises entre elles seraient des zones réservées aux « losers » et seraient ignorées de la caste métropolitaine : ‘’Dans une tribune commune, Anne Hidalgo et Sadiq Khan font l’apologie du dynamisme des villes globales et ouvertes qu’ils opposent à la léthargie des Etats-nations, considérés comme le cadre du repli sur soi. Structurellement minoritaires, les partisans de l’ordre mondialisé prônent donc maintenant l’indépendance de leurs citadelles et l’abandon des périphéries populaires ! Les grands contempteurs de la France ou de l’Angleterre du repli préconisent ainsi le repli territorial de la bourgeoisie. Cependant, en attendant la création de ces cités-Etats, les classes dominantes et supérieures devront se confronter à un problème existentiel : comment assurer l’avenir d’un modèle mondialisé rejeté par une majorité de l’opinion ?’’.

Le mythe d’un monde nomade

attalinomade.jpgL’idée que les bobos se font du monde est celle d’un monde de nomades (l’ineffable Jacques Attali a dit que sa seule patrie était son ordinateur !). Or les études démographiques et sociologiques montrent qu’il en va très différemment.  ‘’ Contrairement à ce que laisse entendre le discours dominant, la majorité des gens sont sédentaires : ils vivent dans les pays, régions ou départements où ils sont nés… en France comme dans le monde, les classes populaires vivent et préfèrent vivre, là où elles sont nées. Si les gens apprécient le « voyage », le tourisme, ils ne choisissent pas le déracinement’’. L’idée d’un monde fluide, atomistique, est celle que tentent de nous imposer les classes dominantes libérales pour lesquelles il n’est de réalité qu’individuelle. ‘’Cette représentation permet d’imposer efficacement l’idée d’une société hors sol, d’individus libérés de toutes attaches, circulant comme les marchandises au gré de l’offre et de la demande, contrairement aux classes populaires réticentes au changement et tentées par le « repli »’’. Les nomades ne sont qu’une toute petite minorité au plan mondial et les sociétés enracinées restent la norme.

Les préoccupations ethnoculturelles de la France d’en bas

 La classe dominante rabat la contestation du système qu’elle impose sur les seuls succès électoraux du Front National mais cette contestation est le fait d’une part beaucoup plus importante du peuple français. Ce sont environ 70% de nos compatriotes qui considèrent qu’il y a trop d’immigrés et 60% qui ne se sentent plus vraiment chez eux. Le Front National a donc une marge de progression énorme s’il n’abandonne pas ce qui a fait son succès : la lutte prioritaire contre l’immigration et pour la préservation de la culture nationale. Christophe Guilluy souligne le fait que ce sont les plus âgés des Français qui continuent de soutenir le système tandis que ce sont les plus jeunes, surtout ceux des milieux populaires, qui, au contraire, le contestent massivement. Un sondage CEVIPOF de mai 2016, ‘’révèle ainsi que 37% des jeunes issus du milieu ouvrier et 60% des primo-votants chômeurs accorderaient leurs suffrages à Marine Le Pen, contre 17% des jeunes issus des catégories cadres et professions intellectuelles supérieures. L’étude souligne que « Marine Le Pen est particulièrement visible au sein des primo-votants issus de l’immigration européenne (Espagne, Italie et Portugal) et crée en cela une fracture politique et électorale au sein même de la population issue de l’immigration »’’. La tendance est donc au renforcement des contingents d’électeurs dits ‘’populistes’’, ce qui est confirmé par Jérôme Fourquet de l’IFOP  qui a dit ‘’que désormais les ressorts électoraux des électeurs populaires sont essentiellement « ethno-culturels »’’ (cité par Christophe Guilluy). ‘’Débarrassées des affiliations politiques traditionnelles, les classes populaires réinvestissent leur capital social et culturel. Ce processus n’est pas le signe d’un repli, mais la réponse à un modèle libéral mondialisé qui détruit les solidarités’’. Les classes populaires de la ‘’périphérie’’ (60% des Français selon Guilluy et non pas les quelques 15 à 20% de ruraux âgés et éloignés de tout dont parlent les statistiques officielles) rejettent désormais la mondialisation libérale et la culture qui lui est associée tout en se raccrochant à la culture nationale (le seul recours disponible puisqu’il n’y a pas de culture européenne et qu’il n’y a plus de cultures régionales dynamiques hormis dans quelques régions) qui lui sert de refuge, ce qui se traduit par un ré-enracinement strictement national qui court-circuite les projets européens du passé. Il semble bien que, comme l’a dit récemment Viktor Orban,  la nation ait de beaux jours devant elle.

Les bobos sont en train de perdre la partie

 ’C’est par ces périphéries que la France d’en haut est en train de perdre le contrôle. Maastricht a été le premier coup de semonce, le référendum de 2005, le deuxième. La déstabilisation ne viendra pas d’un hypothétique « grand soir », mais du lent processus de désaffiliation sociale et culturelle des classes populaires. De la classe politique au monde culturel et intellectuel en passant par les médias, l’ensemble de la classe dominante commence à redouter les conséquences du marronnage des classes populaires. Car il rend visible un conflit de classes, aux soubassements désormais sociaux et identitaires, et dont on a longtemps prétendu qu’il n’existait pas’’.  Désormais, l’antifascisme et l’antiracisme, les deux armes de la bourgeoisie bobo n’impressionnent plus personne. ‘’C’est terminé. Les classes populaires ne parlent plus avec les « mots » de l’intelligentsia. Le « théâtre de la lutte antifasciste » se joue devant des salles vides’’. ‘’Le discours de la classe dominante n’a plus aucune prise sur le réel, il fait apparaître une France privilégiée mais hors sol, une « France du vide »’’.

Des bobos sur la voie du totalitarisme

L’oligarchie commence à comprendre qu’au plan démocratique elle a perdu la partie et qu’elle ne maîtrise plus l’évolution de l’opinion (le Brexit et l’élection de Trump ont montré que, désormais, des changements de fond sont possibles malgré les tirs de barrage de l’oligarchie ; Breitbart et d’autres sites de moindre importance ont permis ces deux victoires électorales qui ont sidéré la bobosphère). Sûre et certaine de détenir la seule et unique vérité, elle réagit en dénonçant les travers de la démocratie et en affirmant de plus en plus clairement sa préférence pour un modèle despotique (forcément « éclairé ») : ‘’Réunie sous la bannière de l’antifascisme, partageant une représentation unique (de la société et des territoires), les bourgeoisies de gauche et de droite sont tentées par le parti unique. « Si les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires » (Simon Leys), une tentation totalitaire semble aussi imprégner de plus en plus une classe dominante délégitimée, et ce d’autant plus qu’elle est en train de perdre la bataille des représentations. Ainsi, quand la fascisation ne suffit plus, la classe dominante n’hésite plus à délégitimer les résultats électoraux lorsqu’ils ne lui sont pas favorables. La tentation d’exclure les catégories modestes du champ de la démocratie devient plus précise’’.

Quand Alain Minc déclare que le Brexit, « c’est la victoire des gens peu formés sur les gens éduqués » ou lorsque Bernard-Henri Lévy insiste sur la « victoire du petit sur le grand et de la crétinerie sur l’esprit », la volonté totalitaire des classes dominantes se fait jour’’. Cette arrogance et ce mépris se sont manifestés à nouveau lors de la victoire électorale de Donald Trump dont l’oligarchie a stigmatisé les électeurs d’en bas forcément abrutis, incultes et alcooliques. L’oligarchie dépitée ne sait plus qu’injurier le peuple ; elle va tenter de reprendre la main et de limiter la pratique de la démocratie mais elle ne réussira pas à conserver le pouvoir durablement. Ironie de l’histoire, cette oligarchie ne sera même plus tentée de se réfugier aux États-Unis qui sont désormais dirigés par un nouveau diable. Prise en sandwich entre Poutine et Trump, désavouée en Grande-Bretagne et en Italie, dénoncée par les leaders politiques d’Europe centrale, rejetée par toutes les périphéries, en France et ailleurs, la bobocratie est en perdition !

Bruno Guillard

Christophe Guilluy – ’Le crépuscule de la France d’en haut’’ – Editions Flammarion

mardi, 04 octobre 2016

Der Lebenszyklus eines Volkes

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Der Lebenszyklus eines Volkes

von Robin Classen

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Besonders interessant, aber bislang kaum rezipiert, ist das letzte Kapitel „Die Parlamentsversammlungen“ in Gustave Le Bons 1895 erschienenem Werk „Psychologie der Massen“.

Le Bon wendet darin die zuvor entwickelten massenpsychologischen Erkenntnisse auf die Parlamente an und ergänzt sie um einige Annahmen, die speziell auf diese besondere Form der Versammlung zutreffen. Neben den das Buch durchziehenden massenpsychologischen Beobachtungen der Einseitigkeit der Anschauungen in Form einer Aversion gegen das Komplexe, der Erregbarkeit der Massen und ihrer Beeinflussbarkeit durch ihre Führer kommt laut Le Bon beim Parlament noch die Angst vor dem Wahlbürger als zusätzlicher Faktor hinzu. Der sonst bei Massen alles überwältigende Einfluss von Führungspersönlichkeiten, die sich herauskristallisieren, muss im parlamentarischen Alltag stets mit der Angst des Abgeordneten vor dem Bürger in seinem Wahlkreis und seiner künftigen Stimmabgabe konkurrieren.

Auch im Parlamentarismus regieren Führer

Jedoch sei auch im Parlament der Einfluss der Führer bestimmend. Und in der Tat dürfte jeder Leser nur einige wenige Bundestagsabgeordnete aller Parteien kennen, die letztlich die großen Gefechte austragen und den Ton angeben. Die restlichen – es dürften über 600 sein, die keine Führer sind – folgen meist dem Fraktionszwang und treten kaum in Erscheinung. Damit entlarvt Le Bon auch die demokratietheoretische Annahme, die Entscheidungen großer, repräsentativer Gruppen seien tendenziell besser als die kleiner Gruppen, als Schimäre. Die wenigen guten Gesetze, so der notorische Pessimist spöttisch, die von Parlamenten gemacht würden, seien schließlich auch nicht von der Vielzahl der Abgeordneten, sondern von einer Handvoll Fachmänner in Hinterzimmern geschrieben worden.

GLB-pf-1.jpgZwei Grundprobleme der Demokratie

Trotz allem hält Le Bon die Demokratie für die beste Regierungsform, die existiert. Sie müsse sich lediglich zweier substantieller Gefahren erwehren, die in ihrem Grundwesen angelegt seien: Der Verschwendungssucht und der Eindämmung der Freiheit durch die Parlamente. Erstere sei der Bindung an den Wähler geschuldet: Trotz der zweifelsohne vorhandenen Vernunft der Bürger sind Wahlversprechungen und soziale Wohltaten immer ein unverzichtbares Mittel, um Stimmen zu gewinnen. Auch die Gegenseite will sich nicht lumpen lassen und so streiten meist Steuersenkungsversprechungen gegen Erhöhungsversprechungen bei Sozialleistungen. Nicht selten wird dann von beidem ein bisschen eingelöst und es besteht nicht einmal ein stimmiges Gesamtkonzept.

Le Bon als Liberaler

Auf der anderen Seite suche sich der Staat gerade durch die sozialstaatlichen Versprechungen auch selbstständig immer neue Aufgaben, die den Bürger lästige Eigenverantwortung aber auch Freiheit und Selbstständigkeit kosteten. Dadurch sänken die Widerstandskräfte und letztlich werde der Bürger immer mehr das umsorgte Kind einer Nanny namens Staat. An diesem Punkt angelangt habe die Zivilisation in ihrem Lebenszyklus das Greisenalter, welches der Entartung vorangehe, erreicht, so Le Bon.

Den Lebenszyklus von Völkern stellt er wie folgt dar: Zunächst existiere kein Volk, sondern nur eine Masse von Menschen, die durch sich herauskristallisierende Anführer, Familienbande, Kreuzungen und historische Ereignisse langsam aber sicher ein Gemeinschaftsgefühl entwickle und sich als Volk aus der Barbarei der bloßen Masse erhebe. Dieses Volk suche sich durch lange Kämpfe, innere Streitigkeiten und Debatten letztlich ein abstraktes „Ideal“: Das kann beispielsweise der „American Way of Life“ oder auch die Pharaonen-​Herrschaft sein.

Mit der Entdeckung und Verankerung dieses Ideals beginne der Aufstieg eines Volkes – die Entwicklung von Glaube, Kunst, Kultur und der Volksseele. Doch an einem gewissen Punkt stagniere dann eines Tages die Entwicklung und das Ideal verliere an Einfluss. In den USA ist es besonders gut zu bemerken, wo der „American Dream“ längst rissig und spröde geworden ist und das Land seit einigen Jahren wie aus den Fugen gehoben völlig orientierungslos wirkt. In Deutschland dürfte der alte deutsche Geist seit den 68ern zum sinkenden Stern geworden sein.

Nur eine Rückbesinnung kann uns retten

Konsequenz sei, dass sich die Entfaltung des Einzelegos über die des Gemeinschaftsegos erhebe und das Volk sich langsam aber sicher zersetze. Auch der Hedonismus als Phänomen des Individualegoismus sei hier als aktuelles Beispiel genannt. Am Ende steht laut Le Bon der unweigerliche Verlust der Existenz als Volk und letztlich verbleibe nur der Haufen von egoistischen Barbaren, aus dem das Volk einst hervorgegangen sei.

Der Kreislauf könne nun von Neuem beginnen und ein neues Volk entstehen. Einen Ausweg aus diesem Kreislauf zeigt Le Bon nicht auf. Er könnte jedenfalls nur in der Rückbesinnung auf die Identität der Volksgemeinschaft gesehen werden und in der Bekämpfung der individualistischen Bilderstürmerei. Die aktuell beliebte Frage der Zeitgeistjünger, die wohl auf dem besten Weg zurück in die Barbarei sind, was denn eigentlich deutsch sei und wie man es definieren wolle, lässt einem angesichts dieser Thesen Le Bons einen kalten Schauer den Rücken hinunterlaufen.

2030: Les immigrés et les cas sociaux majoritaires en France?

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2030: Les immigrés et les cas sociaux majoritaires en France?

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Impossible de savoir de quoi l'avenir sera fait. Il y a trop de facteurs en jeu, trop d'imprévus, trop d'incertitudes. Cependant, on peut esquisser un assez probable tableau de ce que deviendra notre pays dans un futur plus proche qu'on ne le pense. Et un pays est avant toute chose la somme des populations qui y vivent. Partant de là, on se dit que le cauchemar ne fait que commencer... La situation actuelle nous apprend trois choses fondamentales :

1 – Le pourrissement et la décrépitude de la France sont solidement ancrés et rongent les forces vives de notre pays à une vitesse inquiétante. La France change et les « Français » aussi. Entre le grand remplacement et la dégénérescence inexorable d'une partie de la population « de souche », on se dit que la célèbre formule de Robert Dun prend tout son sens : « Il est plus tard que vous ne pensez ».

2 – En 40 ans, notre pays a complètement changé. Quatre décennies ! Ce n'est rien à l'échelle de la vie d'un peuple. A ce rythme-là, on se dit que 20 ou 30 ans de plus suffiraient à anéantir tout ce que la France a été....

3 - L'oligarchie est la principale responsable du marasme total dans lequel se débat la France depuis si longtemps. Si tout ce que nous connaissons n'est pas le fruit d'une conspiration, on peut toutefois vérifier chaque jour à quel point l'état de notre pays est dû à la nullité et à l'incompétence des pseudo-élites qui nous gouvernent mais surtout à l'idéologie qui les porte: mélange de marxisme culturel et de soumission à l'étranger. Un pays mal dirigé et trahi depuis des décennies a toujours peu de chances de briller... C'est une évidence historique. Notons cependant que lorsque le peuple ne fait rien pour se préserver et accepte quasiment tout sans broncher, la situation est encore pire. C'est l'histoire récente de la France. Elle aura des conséquences abyssales sur l'avenir. Si avenir il y a.

On le sait: la démographie, les déplacements de personnes à grande échelle et la surpopulation seront les enjeux du XXIème siècle dans le monde entier. Nous allons donc tenter d'aller à l'essentiel: à quoi ressemblera la population française ne serait-ce que dans 20 ans ? Les quelques éléments ci-dessous n'ont aucunement la prétention de faire le tour de la question mais simplement d'apporter quelques éléments de réflexion.

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I. Déclin du talent et fuite des cerveaux

Le premier facteur de réponse se trouve dans une évidence rarement formulée : le déclin du talent (je reprends ici à dessein le titre du livre de H.F. Günther). Toute notre société en témoigne. La France devient peu à peu un pays de sous-doués qui ne pourra éternellement vivre sur ses acquis anciens. La baisse du QI moyen français en 20 ans (4 points en moins pour une moyenne de 98 désormais) a certes de multiples causes mais ne viendra pas démentir mon propos.

L'école (qui n'est que le miroir de la société voulue par le Système) est en crise, elle produit des générations d'analphabètes et de crétins... Oui, ceux qui seront la France de demain... L'abrutissement n'a jamais été si profond chez une population qui n'aspire bien souvent qu'à consommer et à se laisser porter par les vagues du Système. C'est l'inculture satisfaite qui domine aujourd'hui. Nous en avons déjà parlé. Les Français n'ont le goût de rien, ni de penser, ni de créer, ni de travailler. Ils sont trop fatigués. Ils transmettent tout cela à leurs enfants...

fuite-des-cerveaux.gifEn parallèle, les cerveaux quittent la France. Adieux diplômés et chercheurs remplacés par migrants et chômeurs exotiques! Tous ces cerveaux ne reviendront jamais. Ils constituent une perte irréparable, d'autant que leur nombre ne fait qu'augmenter. “Le flux net sortant annuel des personnes nées en France a doublé entre 2006 et 2011 pour s’établir à près de 120 000 personnes en 2011” lit-on dans le Figaro. Si l'on s'en tient à ces chiffres, ce sont donc plus d'un million d'individus parmi les plus qualifiés que l'on perdra en 10 ans. Qui restera-t-il à votre avis ?

II. L'explosion de l'assistanat

Face à une conjoncture économique désastreuse nourrie des conséquences de la mondialisation et de la nullité des pouvoirs publics dans le domaine de l'emploi, la France compte 10% de chômeurs soit 6,5 millions de personnes (toutes catégories confondues).

Parmi ceux-ci, ne nous voilons pas la face, existe un nombre conséquent de gens qui ne font rien, ne cherchent pas de travail et vivent aux crochets de la collectivité. Prenons d'abord les chiffres officiels de la CAF : fin 2015, plus de 2,5 millions de foyers français sont allocataires du RSA ! 2,5 millions de foyers, c'est au moins 7 à 8 millions de personnes, non ?

L'assistanat est devenu un problème majeur pour la France. Nous en avions déjà parlé dans notre article Métier ? Assisté. Les profiteurs professionnels sont de plus en plus nombreux et pondent des tas d'enfants qui seront eux aussi voués à suivre les traces de leurs géniteurs: ne rien faire et profiter du Système ! Ce phénomène est inquiétant de par son ampleur mais surtout de par son caractère profond: ces populations d'oisifs et de cas sociaux dégénèrent de génération en génération! L'oisiveté est la mère de tous les vices dit l'adage... C'est ce que nous avons appelé la « cas-socialisation de la France ». Une triste réalité qui pose déjà d'épineux problèmes car l'aide à outrance constitue un appel d'air pour l'immigration et fait dégénérer des millions de Français.

Le Système continuera sa politique d'assistanat malgré tous les problèmes posés par celle-ci (problèmes financiers notamment, voyez comme les départements sont asphyxiés par le paiement de ces aides). C'est une évidence : les bénéficiaires du RSA et du reste seront de plus en plus nombreux. Plusieurs raisons à cela :

-Le chômage endémique et tout ce qui découle des décennies de libéralisme qui ont mis la France à genoux.

-La facilité de vivre sans rien faire grâce à des aides mirobolantes. Y'a bon la sécu! comme dirait le Docteur Merlin! Français ou étrangers, venez tous vous abreuver à la source du pognon facile. Aucune contrepartie n'est demandée !

-La volonté de l'Etat de garder sous perfusion financière des millions de personnes. Celles-ci sont, de fait, ses obligés. Les masses oisives sont tenues en laisse en quelque sorte. Si elles ne percevaient rien, elles seraient à même de déclencher d'importants troubles sociaux. RSA = un des ingrédients de la paix sociale.

Le redressement économique et moral de notre pays ne semblant pas prévu pour demain, la France sera dans 20 ans un pays qui crèvera littéralement de ses assistés, tant financièrement que socialement et culturellement. Le pain et les jeux seront plus que nécessaires pour tenir la plèbe exotique et crasseuse! Autant dire que ce n'est pas un atout pour notre avenir...

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III. La France colorée

Qui fait des tonnes d'enfants aujourd'hui, mis à part les cas sociaux? Les immigrés extra-européens. Ces derniers, on le sait, sont majoritairement des assistés professionnels. Il suffit de constater à quel point les départements les plus touchés par l'immigration sont souvent ceux où les aides sociales sont les plus développées (Seine-Saint-Denis, Nord...).

Aujourd'hui, les chiffres des naissances non-blanches font froid dans le dos. On les connaît grâce au dépistage de la drépanocytose qui est une maladie génétique ne touchant quasiment que les populations africaines ou antillaises. La France interdisant les statistiques ethniques, c'est le seul moyen pour nous de savoir quelle est l'ampleur du grand remplacement. Les chiffres ci-dessous sont édifiants (source)! En 2015, près de 40% des enfants nés en France n'étaient pas d'origine européenne! Des régions comme la PACA (52%!) ou l'Ile-de-France (73%!) semblent condamnées à court terme à devenir des enclaves africaines où les Blancs seront en grande minorité. Le reste du pays suit la même trajectoire... L'africanisation de la France, prévue dans les années 1930 déjà par un Céline, est devenue réalité. Imaginez dans 20 ans...

Le fait est que même si les frontières étaient fermées aujourd'hui, nous serions tout de même condamnés à l'africanisation. Il y a certes peu de risques qu'elles le soient de sitôt... Les migrations continueront et viendront accélérer la mise en minorité des Blancs. La tour de Babel au lieu de la tour Eiffel! N'oublions pas pour finir que la population « de souche » est vieillissante et qu'elle ne peut faire face, à terme, au flot continu de populations jeunes qui lapinent à tout va. Aujourd'hui déjà, si le taux de natalité français (dont se félicitent politiciens et médias) est supérieur à celui de certains pays voisins, c'est bien grâce à l'apport africain...

IV. Villes et campagnes

La population française étant urbaine à 80%, il est utile de se questionner sur l'avenir de nos villes, là où le changement est toujours le plus rapide. En 40 ans, elles ont tellement évolué... en mal. La fuite de la population blanche de celles-ci ne va faire que croître. Cloaques immondes bourrés de toutes les races sombres et vendues au mondialisme financier et cosmopolite, les métropoles verront leur population se transformer comme jamais. Elles perdront peu à peu leur identité, bafouée par les influences extra-européennes et le phénomène bobo, à l'image de ce qui se profile depuis des années. La gentrification de certains quartiers s'accélérera probablement, menée par tous ceux qui s'accommoderont de la situation grâce à leurs revenus élevés. Pour le reste, ce sera la direction du bidonville... Normal, la France devient un pays digne du tiers-monde.

Les Blancs « normaux » continueront quant à eux leur exode dans ce que le géographe Christophe Guilluy a appelé « la France périphérique ». Les temps seront de plus en plus durs, il va falloir payer et supporter le poids des diverses chances pour la France dont on vient de parler... Le dictature du Système risque en outre de s'intensifier... Campagnes et zones périurbaines profondes deviendront les bases de repli de tous ceux qui voudront se séparer de ce que le Système aura fait de notre pays. C'est là que les Blancs les plus conscients s'organiseront face à une France qui n'en aura plus que le nom et qu'ils pourront retrouver leurs racines et traditions... ainsi qu'un sens à la vie! En attendant de résister activement et non plus passivement à leur disparition programmée? Espérons-le, le temps presse. Il n'a jamais été si tard.

Rüdiger / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

lundi, 03 octobre 2016

Phänomenologie verlorener Räume

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Phänomenologie verlorener Räume

von Marc P. Ihle

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Massenmigration „schaffen wir“? Wie unser identitärer Kulturraum dabei verlorengeht

Erst verschwinden die Bilder. Dann die Menschen. Sartre schreibt in seiner phänomenologischen Ontologie Das Sein und das Nichts, dass der Blick des Anderen uns als Person konstituiert, ein wechselseitiges Anerkennungsverhältnis, soziale Menschwerdung. Das gilt in analoger Weise für Räume, die unserem sie formenden Blick antworten durch den Wechsel der Bilder, aus deren Rückkopplung der Mensch eines Kulturraumes seine Identität bezieht. Unser Blick bejaht den Raum in seinem gewachsenen Sosein, der Raum schenkt uns seine Bilder, denen die Seele durch die Geburt in ein Volk wie durch einen Initiationsritus verbunden wird. Heimat, das bedeutet Identität, die wir in der Erscheinung unseres Kulturraums vorfinden.

Heimat ist eine Perspektive, ein gemeinsamer Blickpunkt, von dem aus ein Kulturraum gesehen und konstituiert wird. Im Zenit ihrer kulturellen Entwicklung stehend, haben große Völker ihren Raum ganz aus ihrem Genius geformt, wie die Athener ihre Polis und die europäischen Christen das Heilige Römische Reich. Ihre Kulturraumpflege war cultus. Mit dem Niedergang des cultus, der einsetzenden Verwahrlosung des Raumes, beginnt auch der Verfall eines Volkes. Raumgrenzen werden uneindeutig, äußere wie innere Feinde erwachen, und die verwaschene Bildwelt der Nachgeborenen erzeugt eine Erschlaffung, die keinen Gedanken an Abwehr aufkommen lässt. Es braucht keinen Kapitulationsakt, der Raum wird selbst amorph, die Bilder schwinden; andere Völker brechen in ihn ein, mit ihren Bildern und Träumen. Zuletzt erfolgt ein Ikonoklasmus gegen die alten Götter, dann gibt es einen neuen, völlig anderen, fremden Raum.

Phänomenologie im Bruch

Was drängt sich heute unserem raumschaffenden Blick auf, wenn wir über einen deutschen Großstadtboulevard flanieren; sind wir noch zu Hause in diesem ethnischen Eklektizismus? Noch kann man in jedem größeren Ort das Angelusläuten hören, doch man hört es verhalten, fast nicht ohne sich dabei schuldbewusst an die Brust zu schlagen, mea culpa, und sich bei dem Gedanken zu ertappen, wie lange es das noch geben mag.

Ob sich nicht bald der Schrei des Muezzins, der Gong eines Buddhatempels oder die wüste Furie einer Feme hineinmischen wird. Glockenklang hat etwas Unschuldiges und Erhabenes, doch ich nehme wahr, dass ich ihn mit dem Unterton einer Anklage höre: Warum gibt es euch überhaupt noch, ihr Christen? Dieselben Menschen, die sich von ihrem kulturellen Erbe wie von einer vertrockneten Nabelschnur getrennt haben und in den Bildern des Heilands in der Krippe einen furchtbaren Atavismus sehen, würden Minarette jeder Größenordnung tolerieren, allein um sich damit einen phallisch fundierten Ausweis ihrer hybriden Toleranz in den Hinterhof zu stellen.

Unser Raum ist keine frei verfügbare Marktfläche. Es ist der Ort, an welchem unsere Art zu sein eine Selbstverständlichkeit ist. Bilder von hoher symbolischer Erlösungsmacht wohnen ihm inne. Der Zyklus des Kirchenjahres verleiht ihm Struktur. Wir Deutsche benötigen keinen Opernführer, um die Quintessenz der Wagnerschen Meistersinger–Ouvertüre zu verstehen. Wie Thomas Mann über das Werk schreibt, in ihm wohnt deutscher Geist. Welches Schicksal droht unseren romantischen Vorstellungen, jenen Stimmungen, die Caspar David Friedrich unverwechselbar einfing, wenn sie der Bannstrahl des islamischen Bilderverbotes trifft? Nicht nur die Bilder verschwinden; es geht um unsere Art, Mensch zu sein.

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Masse und Macht der „Neuen“

Emanuel Levinas sagt, dass wir im Anderen ein „Antlitz“ sehen, das ihn wie uns selbst zu menschlichen Personen macht. Was ist heute die typische Straßenszene: Eine Gang junger, viriler Nordafrikaner, uniformiert in der flüchtlingstypischen Einheitskluft von Levis und Jack-​Wolfskin, die um einen Bahnhofszugang lungern. Ihre Blicke leer, dunkel, herausfordernd, manchmal sogar hasserfüllt. Sie lächeln nie. Sie scheinen keine Namen zu haben. Sie treten auf als kompakte Masse. Sprungbereit in ihren federnden Bewegungen. Wo ist ihr Antlitz, wo in der unverhohlenen Aggressivität strahlt etwas von der christlichen Idee der Gottessohnschaft durch, der wir in den großen Momenten der Renaissancemalerei begegnen? Ein Mensch, nicht ein Fordernder.

Nach Einbruch der Dämmerung in der Fußgängerzone: Junge, muslimische Paare, gutgekleidet, immer einen Kinderwagen dabei, die Frauen mit Kopftuch. Um Missverständnissen vorzubeugen: Die islamische Kultur ist eine große Kultur mit langer Geschichte, das Kopftuch ein respektables religiöses Symbol. In unseren Straßen, in dieser Massivität, ist es eine Waffe. Manchmal wirken sie wie Patrouillen, die ein frisch besetztes Gebiet arrondieren.

Man ist schnell mit dem Vorwurf mangelnder Empathie. Als wären die uralten Bildräume, die emotionalen und mentalen Galerien der europäischen Völker, nichts als leer stehende Baracken, die sich im Handumdrehen zu riesigen Auffanglagern umwidmen lassen. Es existiert keine Sprache zwischen uns und den sogenannten „Neuen“; schon dieser Begriff in Orwellscher Diktion, als wären die en masse aus namenlosen Nestern der nordafrikanischen Wüste nach Europa drängenden Menschen nichts anderes als potentielle Deutsche mit keiner anderen als der hehren Absicht, unsere womöglich tatsächlich ausgebrannte Kultur zu bereichern.

Das mag in linken Ohren das defätistische Gejammer von Kulturpessimisten sein. Was ist denn schon groß passiert, fragt eine große deutsche Wochenzeitung sinngemäß. Die nervenden Zigeuner mit ihrem infernalischen, markerschütternden Geheul, das sie unter Musik verstehen und sie so begeistert, dass sie die ganze Innenstadt damit beschallen. Rempelnde Levantiner, die meinen, sich auf einem orientalischen Prachtboulevard zu bewegen, statt sich den hiesigen Gepflogenheiten anzupassen. Marginalien, könnte man meinen.

Unser 1453

Doch unser Blick hat sich verändert. Unsere Welt, wie sie war, ist uns genommen worden. Das ist mehr als der übliche historische Wandel. Es ist ein Identitätsbruch, wie ihn Friedenszeiten noch nicht sahen. Die Frage ist nicht abwegig, wie oft wir noch Weihnachten feiern werden, das „reaktionäre“ Christenfest, meine ich, nicht die multikulturelle Begegnungsmöglichkeit mit Glühwein und Falafel am Jahresende. Die Selbstverständlichkeit, mit der wir in unserem Kulturraum von Identität sprechen, uns den gewachsenen Institutionen anvertrauen, ist verloren. Die unhintergehbare Selbstevidenz der Bilder, sie ist fraglich geworden, verfemt sogar, und lächerlich gemacht.

Um es mit einem Terminus Heideggers auszudrücken, wir Europäer sind „Unbehauste“ geworden, große, schwerfällige Minderheiten, die in verlorenen Räumen stagnieren. Die Massenmigration des Jahres 2015 ist irreversibel, unabhängig davon, wie viele noch kommen oder auch wieder gehen. Das ist unser 1453. Nur eine flüchtige Straßenszene, und wir erkennen, wie wir nie wieder sehen werden. Die Phänomenologie unserer verlorenen Räume steht unter dem Diktat fremder Kulturen, die sich einen Raum nach Europa formen werden. Er wird eine andere Sprache haben, nichts von der uns heute noch in Resten vertrauten Klarheit der abendländischen Formsprache. Der auf unseren Straßen tobende, vorerst noch stumme Krieg wird dieser Sprache ihren rohen Klang verleihen.

samedi, 01 octobre 2016

Vers un art de l'hypercontrole - Avec Bernard Stiegler

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Vers un art de l'hypercontrole

Avec Bernard Stiegler

Bernard Stiegler développe l’idée que nous sommes entrés dans l’époque de l’hypercontrôle, rendue possible par les technologies numériques, les systèmes de big data, de traces et autres automatismes, omniprésents dans les développements et applications technologiques "hyperindustriels".


Dispositifs qui nous suivent autant qu’ils nous guident dans nos comportements, et qui constituent selon lui un processus de désintégration sociale.


Selon un fil historique et conceptuel, nous serons amenés à comprendre les éléments du contrôle et de la surveillance : tels qu’ils ont été pensés et utilisés depuis William Burroughs, l’écrivain américain chez qui Gilles Deleuze avait trouvé la récurrence du terme de contrôle, et à partir duquel il conceptualisa la formule de "société de contrôle", cela en passant par les écrits de Foucault et sa description des dispositifs de surveillance. Bernard Stiegler décrira les "sociétés de l’hypercontrôle" et l’automatisation généralisée, tout en posant le défi d’un "art de l’hypercontrôle" comme thérapeutique, ou "pharmacologie positive".