vendredi, 07 mars 2025
Deux réflexions sur l'oeuvre de Henry Corbin
Deux réflexions sur l'oeuvre de Henry Corbin
Henry Corbin et les racines ésotériques de l'histoire
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/henry-corbin-and-the...
Le philosophe français Henry Corbin (1903-1978) a été profondément influencé par L'Être et le Temps de Heidegger et s’est attaché à démontrer que la conscience ne peut être réduite à des forces physiques, sociales ou historiques. Il a ainsi développé une interprétation fascinante à la fois de l’espace et du temps. Concernant le premier, il affirme que nous n’existons pas dans l’espace tel que le suggèrent les positivistes newtoniens, mais que nous spatialisation le monde en accord avec la distinction faite par Heidegger entre l'existential (ce que signifie être) et l'existentiell (la vie dans une perspective profane). Comme l’explique Corbin :
"L’orientation est un phénomène primordial de notre présence au monde. Une présence humaine possède la propriété de spatialiser un monde autour d’elle, et ce phénomène implique une certaine relation de l’homme avec le monde, son monde, cette relation étant déterminée par le mode même de sa présence au monde. Les quatre points cardinaux, est et ouest, nord et sud, ne sont pas des choses rencontrées par cette présence, mais des directions qui expriment son sens, l’acclimatation de l’homme au monde, sa familiarité avec lui. Avoir ce sens, c’est s’orienter dans le monde."
Ainsi, notre manière d’interpréter l’espace n’est pas prédéterminée, en ce sens que nous devons nous adapter au monde et en tirer le meilleur parti, mais elle dépend plutôt de la façon dont nous nous concentrons sur l’acte de présence.
En ce qui concerne l’analyse du temps par Corbin, le penseur français s'inscrit dans la continuité de la philosophie de son homologue allemand en employant la notion heideggérienne d’historicité. Celle-ci constitue la structure ontologique cachée qui rend l’Histoire – et donc une temporalité plus fondamentale – possible. Si cela n’apparaît pas immédiatement, selon Heidegger, c’est en raison de la prédominance du monde profane. Même la culture, selon Corbin, renforce notre incapacité à percevoir ce qui se cache sous la surface du temps dans sa forme la plus basique et profane. Corbin rend hommage à la philosophie de Heidegger en ces termes :
"Je dois dire que le cours de mon travail a pris naissance dans l’analyse incomparable que nous devons à Heidegger, mettant en évidence les racines ontologiques de la science historique et prouvant qu’il existe une historicité plus originelle, plus primordiale que celle que nous appelons Histoire Universelle, l’histoire des événements extérieurs, la Weltgeschichte, l’Histoire au sens ordinaire du terme […] Il y a le même rapport entre historicité et historicité qu’entre l’existentiel et l’existentiell. Ce fut un moment décisif."
Plus intéressant encore, l’inspiration que Corbin a puisée dans cette interprétation phénoménologique unique du temps l’a conduit à conclure qu’une structure ontologique cachée ne nous rend pas totalement impuissants et que tout repose sur deux possibilités : "se jeter dans le courant ou lutter contre lui". Ironiquement, Corbin rejette ces deux options, car se soumettre ou combattre revient à accepter les limitations de l’espace quantitatif. Il nous rappelle donc que les objets du monde sont à notre merci, et non l’inverse.
En refusant de reconnaître "l’historicité de l’Histoire", comme Corbin la décrit, nous validons ainsi une historicité impliquant "les racines secrètes, ésotériques, existentielles de l’Histoire et de l’historique". Autrement dit, c’est la seule méthode véritablement efficace pour mener une guerre spirituelle contre le passage linéaire du temps.
* * *
Henry Corbin et «l’Être-vers-l’Autre-Côté-de-la-Mort»
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/henry-corbin-and-bei...
J’ai récemment mentionné que Henry Corbin avait été profondément inspiré par l’approche phénoménologique dans L'Être et le Temps (1927) de Martin Heidegger, mais pour Corbin, ce dernier n'était qu'une clé philosophique ouvrant la voie à une potentialité bien plus grande.
Bien que Heidegger ait évoqué l’idée selon laquelle le Da du Dasein renvoie à la présence effective de l’individu dans le monde, Corbin estime que la focalisation du penseur allemand sur la notion d’« être-pour-la-mort » est trop ancrée dans la finitude humaine et qu’elle enferme inévitablement la pensée heideggérienne dans une historicité incapable d’appréhender une question bien plus essentielle : celle de « l’être-vers-l’autre-côté-de-la-mort ».
Le fait que Heidegger ait consacré bien moins de temps à la question de l’éthique humaine, selon Corbin, l’empêche de réaliser que sa propre analyse du Dasein contient en réalité le secret fondamental qui permet de s’éloigner d’une interprétation purement séculière de l’histoire. Une fois les limites de « l’être-pour-la-mort » dépassées, la réunification de l’éthique et de l’ontologie aboutira à un sens plus profond de la présence, permettant ainsi à l’humanité de dépasser l’horizon de la finitude et de poser la question essentielle : « À quoi la présence humaine est-elle présente ? »
15:42 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : henry corbin, martin heidegger, philosophie, tradition, traditionalisme | |
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lundi, 03 mars 2025
Le nouveau « Nouveau monde » de Trump
Le nouveau « Nouveau monde » de Trump
Pierre-Emile Blairon
Environ tous les deux ans, je fais éditer un recueil de textes qui réunit tous mes articles parus durant ce laps de temps (sans compter les éventuels ouvrages sur un sujet bien déterminé) ; j’appelle ces recueils des chroniques, bien qu’ils ne soient pas toujours rassemblés chronologiquement, comme l’exigerait la définition de ce type de littérature.
Cette fois, ce recueil comprenait 26 articles rédigés entre le 8 novembre 2023 et le 8 février 2025 en 290 pages. Cet ouvrage devait paraître en mars 2025 et avait reçu pour titre : Haute trahison et, pour sous-titre : Quand les élites rejettent leurs peuples.
Il devait être divisé en deux parties : Satanisation et titanisation du monde et, en seconde partie, Les dirigeants contre leurs peuples.
Il s’est passé entretemps un événement extraordinaire qui a reporté ce projet éditorial à une date ultérieure : l’accession au pouvoir de Donald Trump le 20 janvier 2025, qui a profondément modifié tous les paramètres en cours qui devaient assurer logiquement cette parution.
Changement de paradigme
Il s’est en effet produit en quelques semaines aux USA un changement de paradigme qui a bouleversé toutes les données acquises depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Un changement de paradigme – modification profonde de la façon de penser et d’agir - est souvent associé à une connaissance scientifique qui, vue sous un autre prisme, peut se révéler être de nature purement spirituelle même si les acteurs et spectateurs de ce bouleversement n’ont, en règle générale, pas conscience de son caractère révolutionnaire car les uns et les autres agissent et réagissent en fonction d’une logique qui, en apparence, reste contenue dans des normes ordinaires.
Les primordialistes [1], dont la principale qualité reste la capacité de voir plus haut et plus loin, ont déjà pu analyser, à la lueur des récits traditionnels, ce phénomène de retournement brutal qui s’apparente au renversement d’un glaçon dans un verre « comme pourrait le faire un iceberg qui peut opérer un Grand Retournement, selon le principe même du cycle, Grand Retournement qui se fait instantanément, sans glissement progressif d’un état à l’autre [2] ». Je faisais remarquer, dans cet extrait qui présentait mon recueil d’articles paru en 2021 [3], que « la science profane rejoint quelquefois la science sacrée : les scientifiques appellent ʺretournementʺ ou ʺbasculementʺ un iceberg qui inverse son sommet et sa base. »
Le terme « révolution » convient parfaitement à ce brusque retournement à 180° qui abolit la plupart des certitudes sur lesquelles s’était fondée la croyance en un certain type de société qui s’est avérée n’être qu’une illusion, en l’occurrence dévastatrice.
Ce qui a abasourdi les observateurs, c’est la rapidité et la facilité avec lesquelles cette Révolution s’est produite, comme si c’était un jeu d’enfant, comme s’il suffisait de décréter la mise en place d’une nouvelle base de valeurs pour la voir se réaliser sous nos yeux, simplement en brandissant une baguette magique.
Nous avons en effet peine à imaginer l’énorme charivari – sans doute non encore bien maîtrisé - que ce Grand Retournement représente d’organisation et de décisions au niveau de la plus grande puissance du monde, même si cette dernière en était à vivre des moments difficiles au moment où le basculement paradigmatique s’est produit et à effectuer des concessions douloureuses au nom de l’avènement d’un monde multipolaire qui étend inexorablement ses tentacules sur l’ensemble de la planète. Et c’est peut-être parce que l’Amérique était acculée, contrainte à cet effort de changement, que la magie a pu opérer.
On ne peut s’empêcher d’établir le parallèle entre ces événements et la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989 qui symbolisait la fin du communisme en URSS et, par contrecoup, l’occidentalisation hasardeuse et maléfique du monde avec la disparition des repères traditionnels qui fondaient les antiques civilisations.
Il n’est pas anodin de préciser, pour rappeler ce que je disais plus haut, que ce moment historique qui a marqué la fin du XXe siècle – la chute du mur de Berlin - a été judicieusement appelé « Le tournant ».
Eh bien, nous pouvons constater que le monde procède naturellement d’une manière cyclique par tournants et retournements, que le chemin heureux d’un progrès lisse et sans fin n’existe pas, qu’il suffit parfois de quelques pitreries bien calculées d’un Donald ou d’un Elon pour renverser la table que certains pensaient taillée dans le granit rose le plus solide et ancrée dans les délires du wokisme le plus effréné.
Covid 19 : l’horreur programmée
Soyons clairs au risque de choquer la raison de bien de gens naïfs et trop frêles pour admettre ce qui dépasse l’entendement : la secte pédo-sataniste qui a pris le pouvoir sur le monde à l’orée de 2020 préparait son coup depuis des siècles, si ce n’est des millénaires.
Cette secte est le produit de la décomposition de forces épuisées, « entités maléfiques qui appartiennent au cycle noir qui s’achève et seront emportées avec lui en phase ultime, comme une écume qui s’envole au vent, ʺcomme volatiliséesʺ, a dit Guénon, car elles ne sont que les résidus de mondes disparus, sans lien profond avec le monde et la vie, même si elles se présentent sous les oripeaux rutilants de la plus extrême modernité, la « modernité » étant l’un des aspects majeurs de la décadence [4]. »
Le 21 décembre 2020, dans un article intitulé Le monde, un malade en phase terminale [5], j’écrivais ceci qui devrait plaire à Donald Trump qui ne manquera certainement pas de lire cet article : « les derniers soubresauts de ce monde agonisant ne s’achèveront que dans l’horreur et la terreur à moins d’un retournement de la situation politique aux Etats-Unis qui verrait le président Trump reprendre ses fonctions. Cela pourrait alors signifier au moins une halte dans le processus de décomposition. »
Je me suis trompé, Trump, en ces derniers jours de février 2025, est allé beaucoup plus loin que ce que nous n’aurions pu l’espérer en 2020.
Il faut dire que les perspectives d’alors n’étaient guère réjouissantes car les plus lucides d’entre nous commençaient à entrevoir l’ampleur de la manipulation puisque j’écrivais en aout 2020 un article titré : Objectif Covid : soumission et robotisation de la population planétaire [6].
Donald Trump, Elon Musk, J. D. Vance, Robert Kennedy jr, Tulsi Gabbard et l’équipe admirable qu’ils ont mise en place ont pu heureusement faire échouer ce sinistre projet.
Comment expliquer la réussite totale de l’épisode pédo-sataniste (2020-2024) avant son interruption décisive ordonnée par l’administration Trump ?
J’ai indiqué dans nombre de mes articles précédents la probable genèse de ce culte à Satan qui trouverait, paradoxalement, ses origines dans les trois religions du Livre et qui a fait florès, par dévoiement ou réaction, au sein de la société américaine et de ses élites depuis l’arrivée des premiers pionniers anglo-saxons, les « pilgrims », rejetés d’Angleterre justement à cause de leur fanatisme biblique axé essentiellement sur l’étude de l’Ancien testament, ce qui explique l’identification de certaines sectes américaines actuelles aux coutumes religieuses du peuple juif.
C’est au nom du retour à une normalité religieuse que Trump et Musk se sont attaqués au satanisme et sont prêts à le faire entièrement disparaître, englouti, en même temps que toute la clique du satano-showbiz, dans les miasmes nauséabonds des derniers relents de l’affaire Epstein.
Comme il semble qu’ils vont réussir à arrêter cette guerre déclarée à la Russie par l’Otan sous faux drapeau ukrainien et à écarter définitivement de la scène politique ce voyou cocaïnomane qu’est Zelinsky et toute la bande des mondialistes décadents qui le soutiennent en Europe (de Bruxelles).
Comme ils vont, nous le souhaitons vivement, mettre sous les barreaux - voire plus si besoin est - les responsables de cette fausse pandémie et de ces faux vaccins qui ont tué, et qui vont encore tuer des millions de personnes sur la planète.
Nous avons beaucoup souffert en France des méfaits du wokisme et du gauchisme, de la propagation, avec l’assentiment de l’Education nationale, des théories du genre, notamment dans les petites classes de nos écoles transformées en laboratoires d’initiation aux pratiques sexuelles ; nous avons beaucoup souffert en France, de la satanisation des spectacles proposés aux foules lobotomisées ; aucun d’entre nous n’oubliera la honte qui s’est abattue sur les Français quand ils ont découvert - la même année !- les spectacles répugnants des Jeux Olympiques [7], de l’Eurovision, de Toulouse [8]. Mais qui ne sont pas plus abjects que les folies LGBT que le deep state a alimentées en permanence aux Etats-Unis avec l’aide d’une classe politique dépravée (Biden, Clinton, Obama…)
Nous continuerons à souffrir de l’invasion migratoire et nous continuerons à voir nos enfants tués « pour un regard » malgré les appels à la raison d’un Vance ou d’un Trump pour stopper cette folie.
Malheureusement, toutes ces dispositions salvatrices et tous ces vœux pieux ne concernent que les Etats-Unis. Ni Trump, ni Vance, ni Musk, ni aucun américain n’a l’intention de sauver le soldat Macron, et ils ont bien raison ; personne n’interviendra en faveur de cette Europe à la dérive que les Européens n’ont pas voulue, que l’on songe aux magouilles de « l’Américain » Sarkozy après le non au référendum sur l’Europe en 2005 [9].
L’Europe décadente de Bruxelles n’intéresse plus les Américains
L’ancien dissident soviétique, Vladimir Boukovsky, avait écrit en 2005 un livre décapant, L’Union européenne, une nouvelle URSS (éditions du Rocher) qu’il avait résumé dans un discours prononcé à Bruxelles en février 2006. « Il va y avoir un effondrement de l’Union européenne tout comme l’Union soviétique s’est effondrée. Mais n’oubliez pas que, quand ces choses s’effondrent, elles laissent entrer une telle dévastation qu’il faut une génération pour s’en remettre. Pensez seulement à ce qui se passera s’il arrive une crise économique. Les récriminations entre nations seront immenses. Ça pourrait mener à une explosion. Regardez l’immense nombre d’immigrants du tiers-monde vivant maintenant en Europe […] C’est pourquoi, et je suis très franc là-dessus, plus tôt nous en finirons avec l’UE, mieux cela vaudra. Plus tôt elle s’effondrera, moins il y aura de dégâts pour nous et pour les autres pays. Mais nous devons faire vite parce que les eurocrates agissent très rapidement. Il sera difficile de les vaincre. »
20 ans bientôt et ce discours n’a pas pris une ride !
Comme je l’ai évoqué, la secte pédo-sataniste, par ses attaches bien fragiles qui la relient au monde des paillettes – celui du « showbiz » - mais aussi, et surtout, au monde des ténèbres, la composition de ses éléments comparables à des filaments éphémères comme les fils des ampoules électriques, ne peut avoir prise que sur une société artificielle et superficielle. C’est justement ce monde que les globalistes ont tenté de créer, laborieusement, pièce à pièce, depuis des lustres, avant qu’il ne s’effondre d’une chiquenaude comme cela vient d’être fait par ces deux esprits facétieux que sont Elon Musk et Donald Trump.
Cet effondrement se fait autour d’un pôle inattendu : l’Union européenne, création elle aussi artificielle, qui n’a aucune légitimité sur aucun plan, et surtout pas sur le plan démocratique.
L’Union européenne, à l’heure même où j’écris, est en train de constituer la base arrière de toute la sphère woke mondialiste, un camp retranché qui sera régi par des lois liberticides, une dictature d’opérette gérée par des bouffons qui se donneront l’illusion d’exister dans leur monde peuplé de forcenés et de zombies, des va-t-en guerre grotesques armés, comme chez Guignol, d’épées de bois, déchets pathétiques et obsolètes dont la survie est d’ores et déjà comptée.
Avant le séisme Trump, tous ces gens qui se ridiculisent maintenant dans une fuite en avant belliciste sur un champ de bataille ukrainien qui n’existe plus, fuite en avant qui s’apparente à un suicide collectif, avaient un statut éminemment privilégié puisqu’ils étaient censés devenir l’élite du pays (la France).
La seule condition requise était de prêter allégeance à l’Etat profond américain, je veux parler des « Young leaders », ces étudiants inscrits à cette école de formation franco-américaine « de haut niveau », pour la plupart diplômés de l’Ecole Nationale d’Administration, auxquels l’administration américaine, le deep state, demandait seulement de se conformer à ses directives.
Ces jeunes gens donnaient même l’illusion d’avoir un solide bagage intellectuel avant qu’on ne se rende compte que la plupart étaient de fieffés abrutis, leurs formateurs ne leur ayant jamais demandé d’être intelligents, mais d’être soumis [10].
Nous pouvons même nous poser la question de savoir si certaines de ces créatures n’ont pas été entièrement, voire artificiellement, fabriquées par la CIA, comme pourrait l’être un Macron ; nous avons bien remarqué que cet individu se comportait quelquefois comme Biden qui serrait la main de quelqu’un qui n’existait pas, ou qui continuait à passer des troupes en revue alors que ses comparses étaient déjà en train de boire le champagne ; un ravi de la crèche comme on dit en Provence avec bonhomie, ce qui peut amuser Trump.
Une caste de marchands
Je l’ai dit, Trump et son administration feront ce qu’il faut dans l’intérêt exclusif des Etats-Unis ; les marchands comme Trump ne se préoccupent ni de morale ni de culture. Les premières mesures de l’administration Trump adoptées, avec la brutalité qui sied au Nouveau monde, à l’encontre des pays européens – taxation à 25% de leurs produits - ne laissent aucun doute sur ses intentions.
Sans rien préjuger de ce qui sera éventuellement corrigé, il convient cependant de constater que Trump s’inscrit, avec cette mesure peu compatible avec une quelconque volonté d’apaisement, dans la filiation de ceux qui ont fait en sorte que l’Europe devienne, puis reste, un satellite vassalisé des Etats-Unis et cette filiation remonte à la première guerre mondiale qui a vu la paysannerie française décapitée avec 50% des pertes militaires.
Pour évaluer cette catastrophe, il suffit de laisser parler les chiffres. Les sources et les commentaires proviennent des services gouvernementaux français [11].
Pour un conflit qui a fait 9 millions de morts dont 1,4 million pour la France, voici les pertes humaines (rapportées au nombre d’hommes actifs) ; c’est moi qui ai souligné en gras certaines données.
- France : 10,5%
- Allemagne : 9,8%
- Autriche-Hongrie : 9,5%
- Italie : 6,2%
- Royaume-Uni : 5,1%
- Russie : 5%
- Belgique : 1,9%
- États-Unis : 0,2%
« L’appauvrissement du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne fut compensé par l’enrichissement des pays qui avaient profité de la guerre, le Japon et surtout les États-Unis. Ces derniers ont largement renforcé leur place de première puissance économique et sont devenus la première puissance financière : débiteurs de l’Europe avant la guerre, ils en étaient maintenant les créanciers. »
Pour ce qui est de la seconde guerre mondiale, je dois juste rappeler que Hitler n’a pu accéder au pouvoir que grâce à l’appui de certaines banques et entreprises américaines telles que Morgan, Chase Manhattan (Rockfeller), Ford, General Motors, Standard Oil, etc. et que « cette Amérique sera tout aussi présente après la guerre pour créer un organisme à sa botte qui s’appellera l’Union Européenne. L’un des fondateurs de cette structure sera Jean Monnet, agent de la CIA (selon Marie-France Garaud, Philippe de Villiers, François Asselineau et bien d’autres), tandis que d’autres fondateurs de cette institution comme Robert Schuman et le belge Paul-Henri Spaak (ancien secrétaire général de l’Otan) tiendront le rôle de simples exécutants au service des États-Unis [12] ».
Je passe sur les innombrables conflits fomentés par la CIA et mis en œuvre par son bras armé, l’Otan, qui ont semé la terreur, la haine, la misère et la mort sur la planète pendant des dizaines d’années juste pour entretenir « le commerce », à savoir le complexe militaro-industriel des Etats-Unis.
Nous pouvons espérer que, grâce aux nouvelles bonnes intentions américaines, ce chaos orchestré fait désormais partie du passé.
L’Europe des peuples n’est pas l’Europe de Bruxelles
Cependant, en prenant des mesures contre l’Europe de Bruxelles, l’Amérique de Trump s’en prend aux peuples européens qui n’ont, eux, aucune affinité avec ce monstre administratif, idéologique et dictatorial qui a pris le pouvoir chez eux ; lequel monstre, nous l’avons vu, a été créé par l’Amérique ; les vrais Européens ne demandent qu’à vivre de leur labeur dans un monde apaisé et juste et selon leurs anciennes coutumes. Ce ne sont pas les Européens qui ont programmé l’invasion migratoire dont ils sont victimes. Ce ne sont pas les Européens qui ont demandé à recevoir de faux vaccins au nom d’une fausse pandémie aux débuts des années 2020 ; ils n’ont pas non plus demandé à être conditionnés, voire, pour certains, lobotomisés, par l’ingénierie sociale qui a régné sur tous les actes de la vie sociale sur la quasi-totalité de la planète ; le peuple américain, tout autant que les autres peuples, en a aussi été victime. Mais les Européens ne vont pas accuser les Américains de les avoir placés sous le joug des satano-globalistes, même si la majorité de ces crapules a sévi – et continue à sévir – principalement aux Etats-Unis. De la même façon, les Européens de souche n’ont pas à être accusés de maux dont ils ont été les victimes.
L’Europe des Indo-Européens existe depuis des dizaines de milliers d’années ; plus précisément, selon nos traditions ancestrales, 64.800 ans ; il faut que les Américains comprennent que les Européens conservent encore, pour certains d’entre eux, cet atavisme des origines et la mémoire des temps glorieux que leurs ancêtres ont vécus. On dira que, de ce point de vue, les Indo-Européens sont des peuples natifs, tout comme les Amérindiens.
En vérité, il est quasiment impossible que les habitants de ce que l’on appelle le « Nouveau monde » d’une part, et, d’autre part, ceux, de moins en moins nombreux, dont la longue filiation indo-européenne est encore vivace, ceux qu’on qualifie d’habitants de la « vieille Europe », puissent se comprendre.
Ne serait-ce que parce que les concepts liés à cette définition même de « Nouveau monde » et « d’Ancien monde » sont totalement inversés. Le monde de notre fin de cycle est pris dans le tourbillon de la « Modernité », c’est-à-dire dans une vision progressiste et enchanteresse de l’Humanité qui se trouve aux antipodes de la réalité puisque nous constatons que tout ce qui est d’essence naturelle est au contraire régi par les lois de l’involution qui font que ce qui était juvénile, beau et plein de vitalité, est appelé à se flétrir et à disparaître pour renaître à la nouvelle saison, dans une nouvelle jeunesse, selon le principe cyclique.
Pour le monde de la Tradition, le progrès linéaire d’un univers qui ne cesse de s’améliorer n’existe pas, le principe de l’évolution darwiniste est une illusion bien pratique qui ne vise qu’à remplacer le monde des croyances et des religions à bout de souffle en Occident par celui de la science et de la technoscience, qui est une autre illusion née de la révolution industrielle de la fin du 19e siècle.
Toute manifestation d’ordre physique peut être abolie en un clin d’œil, et toute civilisation qui se fonde sur une conception matérialiste et/ou rationaliste de la vie est appelée à disparaître très rapidement ; ce qui veut dire, à l’échelle d’une civilisation, quelques centaines d’années.
Comprenons bien qu’une arrogance basée sur ce principe de domination est grotesque.
La sagesse d’un peuple se façonne et acquiert quelques éléments de stabilité au bout d’un apprentissage de plusieurs siècles, voire de plusieurs millénaires.
Dans l’Arc et la Massue [13], Julius Evola écrivait qu’il est une bêtise que « l’on entend souvent répéter, à savoir que les Américains seraient une ʺrace jeuneʺ, avec pour corollaire tacite que c’est à eux qu’appartient l’avenir. Car un regard myope peut confondre les traits d’une jeunesse effective avec ceux d’un infantilisme régressif. Du reste, il suffit de reprendre la conception traditionnelle pour que la perspective soit renversée. En dépit des apparences, les peuples récemment formés doivent être considérés comme les peuples les plus vieux et, éventuellement comme des peuples crépusculaires, parce qu’ils sont venus en dernier justement, parce qu’ils sont encore plus éloignés des origines. »
La Tradition primordiale peut se concevoir, en effet, comme la source d’un savoir qui coule sans interruption ; plus une civilisation est éloignée de la source originelle, et moins elle a de chances de s’y abreuver et de s’ancrer dans le monde spirituel parce qu’elle aura perdu les connaissances qui lui auraient permis de se raccrocher aux principes d’origine.
« Les civilisations traditionnelles donnent le vertige par leur stabilité, leur identité, leur fermeté intangible et immuable au milieu du courant du temps et de l’histoire. », rajoute Evola.
Quelle nouvelle Amérique pour quel Nouveau monde ?
Il serait facile de répondre : Nihil sub sole, il n’y a rien de nouveau sous le soleil ; les Américains feront ce qu’ils savent faire déjà. Le problème, c’est que ce qu’ils savent faire, c’est la guerre par procuration, ou sous faux drapeau, si l’on préfère.
Mais nous avons cru comprendre que les Américains allaient désormais suivre une voie vertueuse, se donner des règles de morale et, peut-être, de cohabitation heureuse avec ses voisins dans un monde multipolaire où personne ne tirera à soi la couverture. Vous pouvez y croire si vous croyez au Père Noël. Comme je l’ai dit, je pense plutôt que Trump et sa nouvelle administration ont évalué les changements intervenus ces dernières années dans les rapports de forces internationaux et en ont conclu qu’il était urgent de changer son fusil d’épaule et même de le mettre au râtelier le temps de s’organiser, même si les rodomontades de Trump peuvent faire croire temporairement à une agressivité débridée.
La civilisation américaine est une civilisation moderne, donc éloignée de la source régénérative, elle est fragile, un colosse aux pieds d’argile dont les représentants patentés tentent de se constituer une apparence de dur à cuire, de bagarreur balafré qui n’hésite jamais à brandir son colt pour affirmer sa virilité. Ils évoluent dans un décor hollywoodien tout en bois, une façade de saloons, d’enseignes de coiffeurs et de croque-morts, où déambulent de faux chercheurs d’or, de faux Indiens et de vrais escrocs.
Le transhumanisme, avatar du prométhéisme, s’inscrit dans ce décor de cinéma, professant le culte de l’apparence et de l’éternité (ou de l’apparence éternelle) au même titre que ce que les modernistes évolutionnistes appellent l’Intelligence Artificielle. L’idée des transhumanistes, c’est de remplacer Dieu ; ils n’ont envisagé aucune autre perspective que celle de la mort de la mort ; comme ils ne croient en rien, ils espèrent que la technoscience va leur permettre de devenir éternels. Cela suppose cependant qu’ils devront se débarrasser de plusieurs milliards d’individus qui n’auront pas accès à l’immortalité puisque les transhumanistes l’auront interdite (pour les autres).
Quant à l’Intelligence Artificielle, c’est la croyance aveugle au progrès technologique et en la supériorité de la technoscience qui va permettre à l’Homme d’être déchargé de ses tâches par le robot. Ou, du moins, c’est ce que croient les naïfs car il est clair comme l’eau de roche que le scénario le plus probable sera le même que pour celui du transhumanisme : l’humain sera transformé en robot, sauf une petite élite qui aura réussi à préserver son pré carré.
Bon, je plaisantais : je viens de vous donner-là deux scenarii imaginés par des technocrates qui sont, comme chacun sait, de parfaits crétins.
Voici ce que je pense : C'est d'une grande folie (ou d'une consternante stupidité) de penser que les lois de la nature pourraient être abolies par une "intelligence artificielle". La nature reprend toujours ses droits.
L’I.A. ne pourra jamais remplacer cette petite flamme qui brille en chaque être humain depuis la nuit des temps et qui le relie, comme un héritage précieux et permanent, aux origines de la vie, aux origines de l’Homme, aux origines du monde, mais aussi aux origines de lui-même, cette petite flamme transmise, concrètement et symboliquement, de génération en génération pendant plus d’un millier d’années par les vestales romaines.
Pierre-Emile Blairon
Notes:
[1] Les primordialistes sont les représentants actuels de la Tradition primordiale, concept d’ordre spirituel qui tire ses connaissances des traditions des anciens peuples indo-européens Grecs, Indous, Iraniens, Celtes, Latins, Germains, Slaves, Nordiques … La signification de l’expression Tradition primordiale a été largement expliquée par René Guénon et Julius Evola qui considèrent qu’il s’agit d’un principe originel permanent et immuable qui a fondé toutes les traditions et civilisations du monde sur toute la surface de la Terre, auxquelles ces dernières se réfèrent et en sont une émanation. Les religions, qui constituent actuellement a minima une stabilisation - cohérente et si possible harmonieuse - des mœurs d’une civilisation, un garde-fou, sont elles-mêmes subordonnées à la Tradition primordiale puisqu’il existe des primordialistes chrétiens, païens, spiritualistes, indouistes… Ces traditions originelles savent que le temps est cyclique, à l’image de la nature, que ce temps est divisé en quatre Âges, qui se dégradent suivant une involution du meilleur au pire, de la spiritualité à la matérialité, de l’Âge d’or à l’Âge de fer (le Kali-Yuga) avant qu’un retournement n’intervienne et qu’un nouveau cycle se mette en place. Nous sommes placés à la fin de la phase finale du dernier âge, comme l’extrême décadence en cours nous l’indique.
[2] L’Iceberg, la Tradition primordiale contre le titanisme, Editions du Lore, 2021.
[3] Ibid.
[4] ibid
[5] https://nice-provence.info/2020/12/21/monde-planete-malade-phase-terminale/
[6] http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2020/08/01/objectif-covid-soumission-et-robotisation-de-la-population-planetaire.html
[7] https://nice-provence.info/2024/08/02/jo-paris-2024-frankenstein-echappe/
[8] https://nice-provence.info/2024/10/29/porte-tenebres-grand-ouverte-toulouse/
[9] http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2025/01/18/sarkozy-l-americain-6531523.html
[10] http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2025/01/30/l-extreme-droite-en-europe-tout-va-changer-pour-que-rien-ne-change.html
[11] https://www.vie-publique.fr/eclairage/19334-premiere-guerre-mondiale-1914-1918-un-lourd-bilan
[12] https://nice-provence.info/2023/03/04/ukraine-berceau-tombeau-europeens/
[13] Julius Evola, L’Arc et la massue, éditions Trédaniel-Pardès
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samedi, 01 mars 2025
Guénon et Georgel: un lien philosophique et métaphysique
Guénon et Georgel: un lien philosophique et métaphysique
Alexandre Douguine
Georgel a crédité Guénon de lui avoir fourni la "boussole" pour naviguer et développer ses idées, en particulier celles dérivées de la cosmologie hindoue et d'autres sources traditionnelles.
Gaston Georgel (1899–1978) était un historien et écrivain français qui est devenu un adepte et disciple intellectuel significatif de René Guénon, le célèbre métaphysicien et penseur traditionaliste.
Georgel n'était pas un élève dans le sens formel d'un étudiant en fac, mais plutôt quelqu'un de profondément influencé par les idées de Guénon, en particulier son travail sur les doctrines traditionnelles et les cycles cosmiques.
Leur relation était davantage une dynamique de mentor-disciple, ancrée dans des recherches intellectuelles et spirituelles partagées. Georgel, étudiant en histoire à Paris, est tombé sur le concept des cycles historiques à travers un article qu'il avait lu dans une salle d'attente durant les années 1930.
Cela a éveillé sa curiosité pour les motifs présents dans l'histoire, le conduisant aux écrits de Guénon. Guénon, déjà une figure bien établie à ce moment-là, avait esquissé la doctrine des cycles dans des œuvres comme Formes Traditionnelles et Cycles Cosmiques (publiée à titre posthume mais basée sur des articles antérieurs).
Georgel a crédité Guénon de lui avoir fourni la "boussole" pour naviguer et développer ses idées, en particulier celles dérivées de la cosmologie hindoue et d'autres sources traditionnelles. La contribution la plus notable de Georgel, Les Quatre Âges de l’Humanité (1949), s'appuie directement sur le cadre des cycles de Yuga établi par Guénon — la division de l'histoire humaine en quatre âges déclinants (Satya, Treta, Dvapara et Kali).
Guénon avait proposé un Manvantara (un cycle complet de l'humanité) de 64.800 ans, le Kali Yuga, l'actuel "âge sombre", s'étendant sur 6480 ans. Georgel a poussé cela plus loin, calculant des dates spécifiques, suggérant initialement que le Kali Yuga avait commencé vers 4450 av. J.-C. et se terminerait en 1999 apr. J.-C., bien qu'il ait par la suite ajusté cela pour proposer l'année 2030 apr. J.-C. dans Le Cycle Judéo-Chrétien (1983).
Guénon a examiné les premiers travaux de Georgel, approuvant la plupart d'entre eux mais suggérant un cycle plus large de 25.920 ans lié à la précession des équinoxes, que Georgel a incorporé dans ses études ultérieures.
Leur connexion n'était pas seulement intellectuelle — il existe des preuves de correspondance directe entre eux, dont certaines subsistent aujourd'hui. Le travail de Georgel a attiré l'attention pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ses livres, comme Les Rythmes dans l’Histoire, ont été saisis par la Gestapo en 1942 pour leur critique perceptible de l'idéologie nazie, l'amenant en prison jusqu'à ce que la Croix-Rouge intervienne. Guénon, vivant alors au Caire, est resté pour lui une influence-guide, encourageant Georgel à affiner ses théories sous le prisme traditionaliste.
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lundi, 24 février 2025
Julius Evola: vues sur le Droit, l'État et l'Empire
Julius Evola: vues sur le Droit, l'État et l'Empire
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/julius-evolas-revolt...
Du point de vue d'Evola, le DROIT est inséparable des principes de « vérité, réalité et stabilité ». Le fait que le pouvoir et l'autorité descendent de ce qui est spirituellement transcendant, plutôt que de procéder du domaine humain, confère à la sphère juridique une légitimité divine qui l'emporte sur toutes les considérations terrestres :
Par conséquent, l'homme traditionnel soit ignorait, soit considérait comme absurde l'idée que l'on puisse parler de règles de droit et de l'obéissance qui leur est due si ces règles avaient une simple origine humaine – qu'elle soit individuelle ou collective. Toute règle de droit, pour être considérée comme objective, devait avoir un caractère « divin ». Une fois le caractère « divin » d'une règle sanctionné et son origine rattachée à une tradition non humaine, son autorité devenait absolue : cette règle devenait alors quelque chose d'ineffable, d'inflexible, d'immuable et au-delà de toute critique. [p.21.]
Ainsi, toute transgression de ce droit n'est pas simplement perçue comme un crime ordinaire contre la société, mais comme une offense religieuse qui apporte honte et déshonneur à l'individu ainsi qu'à sa famille. Inutile de préciser que, lorsque l'autorité spirituelle est placée à la racine même du système judiciaire, il devient très difficile de plaider sa cause sur des bases plus séculières, ce qui entraîne inévitablement des accusations d'hérésie.
Dans le contexte de la Tradition, le droit n'est pas un simple outil fonctionnel comme il l'est aujourd’hui, mais il fait partie intégrante de l'ordre naturel tout entier :
La notion d'utilité est le critère matérialiste ultime de la société moderne, alors que ce n'était pas le cas dans les sociétés traditionnelles, qui la considéraient plutôt comme un moyen au service d'un objectif supérieur. [p.22.]
Comme nous l'avons vu préalablement, en d'autres articles, cela découle du fait que le pouvoir émane d'en haut et se manifeste ensuite dans la personne du monarque juste.
Evola se penche ensuite sur la nature de l'État et affirme que les affaires politiques, sociales et économiques ne doivent jamais être confinées à l'ordre temporel, comme c'est le cas dans le monde moderne. Dans les sociétés traditionnelles, il était fréquent que l’autorité spirituelle exerce une influence considérable sur les affaires gouvernementales, à l’image de la hiérarchie catholique dans l’Europe médiévale :
Ainsi, les États et empires traditionnels employaient souvent les symboles de la « centralité » et de la « polarité » associés à l'archétype de la royauté. [p.23.]
Reprenant la « doctrine des deux natures » évoquée dans le premier chapitre – une référence à la séparation entre les royaumes physique et métaphysique – il l'applique ici à la division entre l'État et le peuple (demos). Tandis que les États non traditionnels ou anti-traditionnels tirent leur légitimité du peuple, Evola rejette catégoriquement cette idée en la qualifiant de « perversion idéologique ». Bien que je comprenne pourquoi l'Italien s'oppose aux formes d'autorité non spirituelles, cette situation est rare en pratique, car les gouvernements modernes sont en réalité contrôlés par de grandes banques et corporations dont l'unique objectif est l'enrichissement personnel au détriment du plus grand nombre.
Néanmoins, Evola associe les formes plus authentiques d'autorité populaire à
des formes sociales naturalistes dépourvues d'un véritable chrême spirituel. Une fois que cette voie fut empruntée, un déclin inévitable s’ensuivit, qui se termina par le triomphe du monde collectiviste des masses et l’avènement de la démocratie radicale. [p.24.]
La solution proposée par l'auteur de Révolte contre le monde moderne est la réinstauration de « l'ordre venu d'en haut », ce qui implique même de dépasser l'idée des « droits de l'homme ». Sur ce point, je suis d'accord, car la notion contemporaine selon laquelle nous avons un « droit » à quoi que ce soit repose entièrement sur un anthropocentrisme fallacieux. Cela ne signifie pas que les individus ne doivent pas participer au processus décisionnel, mais Evola rejette toute structure qui ne porte pas l'approbation divine.
Pour approfondir la question de l'ordre social, le Baron fait référence au système des castes indo-européennes (aryennes). Comme le prédisent les prophéties du Vishnu Purana, les sociétés finiront entre les mains de barbares, tandis que les monarchies établies délaisseront leurs responsabilités et régneront d’une main de fer. La caste dominante sera celle des shudras, les artisans et ouvriers, tandis que les vaishyas abandonneront l'agriculture et seront traités comme des serfs. Par ailleurs, les kshatriyas, guerriers, pilleront leurs propres terres au lieu de les protéger, et les brahmanes, prêtres, perdront leur piété et leur respect de soi, étant alors réduits au rang d’hommes ordinaires.
Evola note également que la différence entre les ārya (« deux fois nés ») de la noblesse aryenne et la « masse indifférenciée » des śūdra illustre bien le déclin progressif du système des castes. À l'origine, dit-il, les śūdra étaient contrôlés par les brāhmana, un rôle qui fut ensuite repris par l'État et son système juridique. En utilisant cet exemple, Evola cherche à établir une affinité entre l'État et la royauté divine universelle, bien que cette justification du gouvernement traditionnel semble vague et discutable.
Bien qu'il reconnaisse que l'État est une création tardive, il est surprenant qu'il l’intègre dans la vision traditionaliste, étant donné que l’humanité a survécu sans lui durant la majeure partie de son histoire et préhistoire. Contrairement à René Guénon, qui a contourné la question de l'État en prônant la théocratie ou en affirmant la primauté du spirituel sur le temporel, Evola – ce qui explique pourquoi certains de ses admirateurs incluent des fascistes et des totalitaires – considère l'État comme un instrument de la Tradition.
Le troisième pilier de la pensée d'Evola est l’empire, qu’il voit comme un prolongement logique du droit et de l’État. Contrairement à l’État, qui est limité par des frontières, l’empire s’étend au-delà des limites géographiques et élève l’unité à un niveau supérieur.
Les critiques de l’impérialisme sont bien connues – notamment les désastres de l'Inde britannique ou du Congo belge –, mais Evola dépasse ces considérations administratives en légitimant l'empire comme une transmission des valeurs spirituelles des castes guerrières traditionnelles vers d'autres peuples. Naturellement, ceux qui ont perdu leur souveraineté ne seraient sans doute pas d’accord avec cette vision, mais pour Evola, l’empire est une réalité métaphysique qui transcende le temps et l’espace. Ainsi :
le « monde » ne disparaîtra pas tant que l'Empire romain existera. Cette idée est liée à la fonction mystique de salut attribuée à l'empire, à condition que le « monde » ne soit pas compris dans un sens physique ou politique, mais plutôt comme un « cosmos » garantissant l'ordre et la stabilité face aux forces chaotiques. [p.27.]
Et, finalement :
Les empires furent remplacés par des « impérialismes », et l’État ne fut plus compris que comme une organisation temporelle, nationale, particulariste, sociale et plébéienne. [p.28.]
On ne peut contester cette assertion même si, comme nous l’avons vu, il n’y a pas d’aspect authentiquement « plébéien » dans la démocratie occidentale.
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jeudi, 20 février 2025
Nuits magiques (et brûlantes) entre les deux guerres racontées par Julius Evola
Nuits magiques (et brûlantes) entre les deux guerres racontées par Julius Evola
Un recueil rassemble désormais une série de reportages du philosophe datant des années trente (seuls deux des articles figurant dans cette anthologie remontent à 1929)
Par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/119337-notti-magiche-e-roventi-...
Dans l'année qui vient de s'achever, 2024, et qui marque le cinquantenaire de la mort de Julius Evola, plusieurs livres consacrés au penseur traditionaliste ont été publiés, ainsi que de nouvelles éditions de ses œuvres. Nous nous intéressons ici à la dernière parutio : une anthologie de ses articles intitulée Notturno europeo - Serate sull'orlo della catastrofe (Vies nocturnes en Europe. Soirées au bord de la catastrophe, publiée chez Altaforte Edizioni sous la direction d’Andrea Scarabelli et Adriano Scianca (156 pages, 16,00 euros). Le livre s’ouvre sur une note de la Fondation Evola, suivie d’une introduction de Scarabelli et d’une postface signée Scianca. Le volume rassemble une série de reportages du philosophe datant des années trente (seuls deux des articles inclus remontent à 1929). L’auteur y apparaît comme un observateur attentif de la vie nocturne des grandes capitales européennes. Ces textes sont issus de divers journaux auxquels le penseur collaborait : en premier lieu Il Regime Fascista de Farinacci, dont Evola devint, à partir de 1937, correspondant à l’étranger, mais aussi Il Tevere, Il Corriere Padano et Il Roma. Le livre se clôt sur une annexe regroupant deux lettres du traditionaliste adressées au peintre De Pisis, ainsi que divers témoignages sur la fréquentation par Evolae des établissements nocturnes.
À certains lecteurs, cet intérêt du philosophe, cette activité méconnue, pourraient sembler atypiques, voire impensables. Pourtant, il n’en est rien. Comprendre les raisons qui poussèrent Evola à fréquenter les tabarins jusqu’à l’aube – et pas seulement les cloîtres cisterciens ou les sommets enneigés – permet d’acquérir une vision plus complète de sa personnalité, centrée sur la volonté de se mettre sans cesse à l’épreuve. Il parcourut les capitales européennes pour interviewer d’éminents représentants du monde politique et culturel de son époque, notamment au sein du milieu révolutionnaire-conservateur allemand et autrichien. Il explicitait ainsi ses intentions métapolitiques qui, comme le note Scarabelli, avaient « la révolution conservatrice pour abscisse “horizontale” et le traditionalisme intégral pour ordonnée “verticale” » (pp. 12-13).
La vie nocturne est observée par le philosophe avec une attention et une distance intérieure propres à un convive de pierre. Pour saisir le sens profond de l’anthologie, il convient de garder à l’esprit qu’Evola rédigea ces textes à l’aube de la catastrophe européenne, alors que se profilait l’issue fatale du Second Conflit mondial. Comme introduction, on peut citer ce que note le philosophe dans Moments de l’Europe nocturne : « La “vie nocturne” est […] un concept bourgeois. C’est à la conception bourgeoise que l’on doit […] l’opposition entre la vie diurne normale, plus ou moins domestiquée […] et la “vie nocturne”, entendue comme […] une compensation […] aux accents d’interdit […] et de péché » (p. 26).
Une Europe en déclin
Vienne est décrite par Evola en ces termes : « Tu n’es plus la Vienne royale et impériale […] la monumentalité toute et pérenne de ton âme de pierre » (p. 50) appartient désormais au passé. La vie viennoise est marquée par une agitation perpétuelle, dépourvue de centre et de sens, où s’étend la haine de la grandeur et de l’aristocratie. La Vienne qu’il décrit est une ville sans qualité. À Budapest, le souvenir de la grandeur passée est ravivé en lui par les violons tziganes : cette musique, empreinte de magie, suscite, sur fond de nuit danubienne, l’éveil d’une vision du monde momentanément assoupie. Magnifique et envoûtant, souligne Scarabelli, est le récit de sa chevauchée nocturne aux abords de la ville hongroise, où le philosophe éprouva la vastitude et la douceur du ciel étoilé, face auquel « ce qui n’était qu’un sentiment se libère et s’illumine, et la nostalgie humaine cède place à une nostalgie plus vraie et virile, la nostalgie de l’infini » (p. 93). À Belgrade, l’eau-de-vie, consommée dans les établissements nocturnes, plonge Evola dans des états de conscience où « il semble que les impressions des choses […] nous parviennent […] comme dans une révélation naturelle et calme » (p. 42).
Entre traditions perdues et flânerie métaphysique
Le philosophe fit des expériences similaires à Capri, île païenne, avant qu’elle ne devienne, à partir des années trente, le théâtre de l’invasion touristique perpétrée par des barbares modernes insensibles à la voix du Méditerranée métaphysique. Là, il comprit que la vie dionysiaque transfigure la réalité, révélant l’unité dans la physis, dans la multiplicité tragique et éblouissante de la nature solaire. Il se confronta à l’invisible, au principe qui anime le monde, aussi bien lors de ses séjours alpins, dans le château hanté des Tauferes à Campo Tures (photo ci-dessous).
Dans l’essai final du recueil, Scianca établit une comparaison originale entre l’écriture nocturne d’Evola et celle des situationnistes. Selon lui, Evola, à l’instar du premier Debord, réalise ici un exercice de psycho-géographie : « Il ne s’agit pas d’imaginer des synthèses artificielles entre Evola et le situationnisme, mais plutôt de lire Evola à travers le prisme du situationnisme » (p. 137). Evola et les situationnistes ont en effet élaboré une critique radicale de la vie quotidienne, dénonçant l’urbanisme moderne et ses déterminismes souterrains, capables d’agir en profondeur sur l’imaginaire collectif. Pour déconstruire le mécanicisme de la modernité, la dérive urbaine, les rencontres fortuites dans les cabarets nocturnes jouèrent, pour Evola comme pour les situationnistes – tous deux sensibles au mythe –, un rôle déterminant. Evola apparaît ainsi comme un flâneur baudelairien, porteur d’une métaphysique de l’épisodique (préférons ici l’expression de philosophie du singulier).
Dans les cabarets, le philosophe mit à l’épreuve son idéal d’individu absolu, tendu vers la conquête d’une liberté sans cesse en devenir. C’est la référence à Dionysos qui différencie Evola de Debord. L’errance éthylique du traditionaliste vise un moi renforcé, intégrant en lui des éléments dionysiaques sublimés dans une lucidité supérieure, où Dionysos parle avec la voix d’Apollon (p. 150). Son dionysisme n’est pas une simple échappatoire à la vie bourgeoise, mais la conscience de la présence éternelle de la potestas dionysiaca, de l’origine. Là où le situationnisme s’arrête, Evola franchit un seuil grâce à sa conception de la tradition : le spectacle de la tradition, avec ses mythes et ses rites, est l’antidote à la société du spectacle contemporaine, car il enracine l’homme dans une communauté de destin.
Que le lecteur sache que ces articles d’Evola sont de véritables joyaux littéraires. Sa prose, parfois lyrique et poétique, reflète l’homme difficile de Hofmannsthal. Il appartenait à cette race d’hommes à l’aise aussi bien dans les cabarets que sur les sommets alpins, digne représentant de l’aristocratie de l’esprit dont parle Péter Esterházy dans Harmonia Caelestis. Quitte à bousculer les dogmes de la vulgate des "évolomanes".
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dimanche, 16 février 2025
La royauté sacrée. Universalité et antiquité du roi sacré
La royauté sacrée. Universalité et antiquité du roi sacré
Walter Venchiarutti
Source: https://www.ereticamente.net/la-regalita-sacra-universali...
Le pouvoir politique, autrefois basé sur les vertus divines dans le cadre d'une monarchie sacrée, est aujourd'hui passé de main en main. Il est cependant encore possible de retrouver dans les démocraties, fondées sur le dogme du nombre, les vestiges survivants de cette institution désormais réduite à la parodie ; ces vestiges sont souvent camouflés sous la matérialité des idéaux, cachés sous les apparences du sentimentalisme humanitaire envers les marginaux, lorsqu'ils sont parés d'eschatologie salvifique.
Dans l'Occident européen, à une époque lointaine médiévale, il existait la croyance selon laquelle le pouvoir surnaturel, en particulier celui qui est d'ordre thaumaturgique, provenait directement du pouvoir souverain par des interventions surnaturelles. Cette conviction, riche de témoignages séculaires, a été observée sous les premiers Capétiens et dans l'Angleterre normande. En France, elle était officiellement reconnue grâce à l’onction et à l'incarnation royale, cérémonies réalisées par le pouvoir religieux (illustration, ci-dessus). L'attribution de ce privilège se produisait officiellement avec la transmission du pouvoir du père au fils aîné, désigné pour hériter du trône. La légitimation des rois-saints, détenteurs du pouvoir guérisseur, reposait sur la croyance selon laquelle un malade de la scrofule, de l'épilepsie ou souffrant de douleurs musculaires pouvait guérir grâce à l'imposition des mains du monarque (illustration, ci-dessous), selon la formule bien connue: "Le roi te touche, Dieu te guérit". Cette investiture impliquait le toucher royal sur les malades, accompagné du signe de la croix. Les grands monarques, grâce à ce pouvoir traditionnel, étaient réputés être des guérisseurs prodigieux, des personnages sacrés et les gardiens de la santé de la société.
Même la structure théocratique des premières sociétés africaines plaçait au sommet la figure du roi divin.
"Comme le pharaon, ce roi est le médiateur entre les forces cosmiques et le peuple et est lui-même considéré comme ayant une essence divine. Il réunit dans ses mains le sacré et le profane et est à la fois grand prêtre et législateur suprême. Son pouvoir est absolu, mais uniquement dans les limites de sa fonction sociale. Il est responsable devant le peuple du bien-être collectif qu'il doit assurer et maintenir constant par des rituels appropriés." (B. de Rachewiltz, Eros nero, 1963).
Frazer évoque la figure associée aux fonctions sacrées royales et divines, présentes dans la figure du roi de la forêt, du roi sacrificiel à Rome et du magistrat appelé "roi" à Athènes. Ces archétypes apparaissent fréquemment "au-delà des limites de l'Antiquité classique et sont communs à des sociétés de tous les degrés, de la barbarie à la civilisation... ainsi, dans les forêts du Cambodge, il existe deux souverains mystérieux appelés "roi du feu" et "roi de l'eau" (J.G. Frazer, Le rameau d'or, vol. I, 1965, p. 169). Dans la poésie tamoule, "l'hommage au souverain et l'adoration du dieu se confondent, les bardes louent les rois de la même manière qu'ils exaltent les divinités du sol" (E. Zolla, Les trois voies, 1995).
"Les grandes civilisations de l'Antiquité qui se sont développées à l'époque de la soi-disant révolution urbaine – Mésopotamie, Égypte, Chine – étaient des sociétés stables gouvernées par des ‘rois sacrés’. De même, les États agricoles de l'Amérique centrale et méridionale, les Aztèques et les Incas étaient organisés comme des monarchies sacrées, tout comme les sociétés d'Afrique, d'Europe et d'Asie, qui ont maintenu ces réalités pendant des millénaires." (Encyclopédie des religions, dirigée par Mircea Eliade, vol. I, Objet et modalités de la croyance religieuse, Milan, 1993).
L'épilogue de cette institution en Occident s'est produit au 18ème siècle, pendant la Révolution française, avec la décapitation du "citoyen" Louis XVI. Par la suite, la saga de la royauté sacrée s'est définitivement conclue avec le massacre de la famille entière de Nicolas II Romanov, empereur et martyr. Dans le passé, ce privilège et la dignité des souverains n'avaient jamais été annulés délibérément ; bien que certains aient trouvé la mort au combat ou aient été assassinés, cette légitimité était portée par la suite de la lignée ou par le remplacement de la dynastie déchue.
La figure du roi sacré, en plus d'être extrêmement ancienne et universelle, a toujours assumé, bien que sous différentes formes, la fonction de gardien et de garant du bien-être social. En particulier, la royauté divine dans le contexte africain est liée au pouvoir sacré, un attribut lié à la fertilité de la terre. Depuis des temps immémoriaux, le roi devient homme-Dieu, incarne le numen, ses prérogatives permettant la guérison et la protection de la communauté. Cette défense peut être d'ordre sanitaire ou, dans le cas des Ashantis de la Côte d'Ivoire, se manifeste dans la préservation des récoltes, garantissant ainsi la soumission des forces naturelles, telles que l'arrivée de la pluie nécessaire et favorable, ou l'éloignement de la grêle et des inondations, la gestion du feu ami et simultanément sa soumission contre le danger d'incendie.
Chez les Abron (ci-dessus), qui font partie du groupe Akan résidant toujours en Afrique de l'Ouest, le roi représente le principe même de la vie (M. Lunghi, Les Abron de la Côte d'Ivoire, Milan 1984). C'est pour cette raison qu'il ne parle jamais. Une énergie extraordinaire lui vient de l'Être Suprême par transmission directe. Le chef, en tant que père terrestre, est le représentant de toute la communauté tribale et transmet à son tour cette force vitale à tous les membres des tribus. Pour ce peuple, la sacralité du chef est le prérequis même de la vie. Le roi reçoit les dons de fécondité prolifique de Dieu. Lors de la fête des ignames (tubercules amidonnés qui jouent un rôle majeur dans l'alimentation), le souverain, ayant autorité sur les quatre familles entre lesquelles la communauté est divisée, s'adresse aux points cardinaux respectifs avec des inclinaisons, remercie l'Être Suprême et les ancêtres pour lui avoir accordé d'être le médiateur de la continuation vitale, qui se manifeste à travers l'octroi de récoltes abondantes. Les simulacres des ancêtres, les anciens prédécesseurs, sont présents à l'église comme des protecteurs et occupent la place des saints. La fonction du roi est de communiquer avec la divinité, de recevoir les pouvoirs, de transmettre les messages et les volontés célestes, et de distribuer les récoltes dont les fruits proviennent directement de l'Être Suprême.
Les délégitimation de l'institution monarchique observées précédemment se sont produites selon un processus historique qui a vu la diffusion de la laïcité des mœurs et de la rationalité de la pensée, ces évolutions se manifestant tant dans les gouvernements démocratiques que dans les régimes autoritaires. Dans les deux cas, ces nouvelles tendances, d'abord soutenues par un large consensus, n'ont pas toujours su être à la hauteur des engagements pris. Aujourd'hui, à la naïveté, à la force brute et à la corruption s'est ajoutée la finesse du système informationnel. Cette option indolore est aujourd'hui active et pratiquée à grande échelle. Le lavage de cerveau contribue davantage que la force brute à affaiblir et à enterrer les quelques voix rares de la dissidence. Le résultat obtenu est atteint en droguant les consciences des utilisateurs.
Dans les cas historiques européens et africains, selon différentes modalités, la mystique du roi s'est manifestée dans les mythes des guérisseurs et dans les rituels de fertilité qui ont contribué à la protection prophylactique et à la sécurité alimentaire des communautés. Des anecdotes superficiellement considérées comme secondaires de faits sociaux (maladies, récoltes) deviennent les pierres angulaires pour identifier l'universalité sur laquelle repose la légitimité justifiée du pouvoir, car défendre, administrer et protéger une communauté, garantir l'application des lois et des jugements impartiaux est le premier pas vers la légitimation.
Bien que sous différentes formes, la royauté sacrée, des rois français aux chefs africains, répondait à des problématiques d'ordre alimentaire ou sanitaire visant à suppléer aux besoins primaires d'une collectivité. Ces fonctions trouvaient résolution dans les rituels de reconnaissance. Ces processus historiques d'aide ont continué à évoluer. Dans certains cas, on est passé du roi sacré en tant que divinité, au roi prêtre, ce dernier étant le médiateur, porte-parole des entités suprêmes mais non pour cela considéré comme Dieu. Et pour continuer jusqu'à nos jours, nous les voyons reflétés dans les fonctions attribuées et soutenues par l'icône de l'expert environnementaliste, dernier connaisseur, détenteur et diffuseur des vérités ultimes, désigné pour la sauvegarde de l'environnement et donc de l'humanité, investi d'une véritable ou présumée onction destinée à la défense planétaire.
20:34 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, royauté sacrée, royauté | |
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mercredi, 22 janvier 2025
Les écrits de Julius Evola pour "Vie della Tradizione"
Les écrits de Julius Evola pour "Vie della Tradizione"
La collection complète des essais d'Evola parus dans la revue traditionaliste sicilienne
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/118364-gli-scritti-di-julius-ev...
Parmi les livres d'Evola les plus importants, publiés à l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort du penseur traditionaliste, on trouve Julius Evola, Scritti per « Vie della Tradizione » 1971-1974, récemment édité par L'Arco e la Corte (sur commande: info@arcoelacorte.it, pp. 119, euro 15,00). Le recueil a été publié en première édition comme supplément au numéro 104 de la même revue. La nouvelle publication contient l'avant-propos de Gaspare Cannizzo, l'inoubliable fondateur de la revue, et l'introduction de Gianfranco de Turris, accompagnée d'une brève note d'Anna Cannizzo. Dans le volume est également reproduite une lettre d'Evola du 29 juillet 1971 adressée à Cannizzo concernant les modalités de sa collaboration à « Vie della Tradizione ». Le philosophe n'a pas seulement collaboré avec le périodique, mais il a également fait le nécessaire pour obtenir d'autres contributions précieuses pour la revue. Cannizzo écrit, après avoir rendu hommage à la cohérence de la vie et de la pensée d'Evola : « Notre supplément [...] se veut un hommage à sa mémoire, un hommage à un véritable, peut-être dernier, homme de tradition » (p. 17). Les contributions d'Evola, au nombre de douze, seront publiées à partir du deuxième numéro de 1971 et ne cesseront d'arriver à la rédaction que l'année de la mort du penseur (1974).
De Turris note qu'il s'agit autant d'essais organiques, doctrinaux et interprétatifs que d'écrits à caractère journalistique. Ce sont les écrits du premier type qui prévalent, certains d'entre eux étant réellement pertinents d'un point de vue théorique. Ils abordent « des thèmes et des philosophies chers à Evola [...]: le bouddhisme zen, la Voie de la Main Gauche, l'initiation, la magie sexuelle » (p. 21). On notera, entre autres, Les centres initiatiques et l'histoire et Le mystère de la décadence. Pour des raisons de place, nous n'en évoquerons que quelques-uns. En particulier, ceux qui sont les plus proches de la sensibilité de l'auteur. Commençons par Dionysos et la « Voie de la Main Gauche ». Dans ses pages, Evola présente au lecteur les pouvoirs divins de Dionysos et d'Apollon. L'homme originel était animé d'une "vocation inouïe", il voulait se placer au-delà de l'être: "par le pouvoir de l'être et du non-être, du Oui et du Non" (p. 85). Un tel homme avait en lui, contrairement aux dieux, également une nature mortelle, avec l'infini en lui; vivait, au-delà de tout dualisme, le fini. Les pouvoirs spirituels sont statiques: « sous la forme d'existences objectives autonomes [...] devenues extérieures et fugitives à elles-mêmes, le pouvoir a perdu l'espèce de l'existence objective [...] et la liberté [...] est devenue la contingence [...] des phénomènes » (p. 86). Le « dieu tué » de l'illimité, Dionysos, prend les traits de la limite, de la forme, de l'acte aristotélicien : il devient Apollon.
Ce dieu est essentiellement un savoir distinctif, centré sur la « visualité » spatio-temporelle du principium individuationis. L'homme commence à « dépendre » des choses, du désir, et il est rhétoriquement, aurait commenté Michelstaedter, conditionné: « la tangibilité et la solidité des choses matérielles [...] sont l'incorporation » du principe infini (p. 87). La limite est représentée par la loi, positive et morale à la fois, qui fait taire le pouvoir. Il s'agit, par la « Voie de la Main Gauche », de surmonter l'horreur de l'apeiron. L'individu absolu, dans ce contexte, se place au-delà du domaine de la signification et du finalisme: sa conscience est la même que celle qui vit dans le Tout unique, dans le cosmos, elle n'est plus corrélativement liée aux choses, aux actes, elle descend dans les profondeurs de la vie, au-delà des catégories de la « causalité » et de la « raison suffisante » et de tout « providentialisme ». Le « je » a en lui la possibilité dionysiaque d'abattre les barrières apolliniennes: « Ainsi est attestée la tradition concernant le “Grand Œuvre”, la création d'un second “Arbre de Vie” » (pp. 89-90). Pour cela, il faut déchirer les voiles qui cachent la puissance qui nous habite : il faut consister en elle, sans reculer. Telle est en effet la « mort initiatique ». Un chemin, nous rappelle Evola, dangereux, pour les plus rares....
Le penseur revient sur ce thème dans l'essai Le symbolisme érotique antique en Orient et en Méditerranée. Dans cet essai, il montre comment la pensée chinoise considère le yin et le yang, le mâle et la femelle, principes agissant dans le cosmos, dans une interaction instable. Une doctrine qui n'est pas sans rappeler celle attestée dans le tantrisme par Çiva et Çakti. L'Europe ancienne, la Grèce et la Rome aurorales, connaissaient également de telles conceptions, et Bachofen, en les rappelant à la vie, a construit sa propre vision du monde, centrée sur l'antithèse de la génécocratie et de la civilisation uranique (qu'Evola a inversée).
Pour le traditionaliste, à cet égard, le symbolisme de l'étreinte inversée, déjà attesté dans l'Egypte ancienne, est décisif : une étreinte caractérisée par l'immobilité du mâle et la motilité de la femelle: « La vraie virilité n'agit pas de façon matérielle, elle suscite seulement le mouvement, elle le commande » (p. 115). Dans la « Voie de la Main Gauche », la dvandvâita est supérieure à tous les contraires, au masculin comme au féminin, elle n'est plus liée à la dimension réelle des entités, elle est pure liberté-puissance : « la voie peut être comparée à chevaucher sur le fil du rasoir ou à chevaucher le tigre » (p. 117).
L'essai La morsure de la tarentule mérite une attention particulière. Dans cet essai, Evola présente les civilisations traditionnelles comme différentes de la civilisation moderne produite par la « morsure de la tarentule ». L'homme occidental souffre de cette morsure mortelle, productrice de décadence, depuis que son imagination a été colonisée par l'idole de la démesure capitaliste. Le philosophe, dans ces pages, critique sévèrement, plus que dans d'autres écrits, la politique expansionniste et mondialiste de la civilisation américaine : le capitalisme, précise-t-il, « a pour but de procéder à de nouvelles invasions barbares » (p. 105). Un projet qu'il faut donc arrêter. La morsure de la tarentule est un essai d'une grande actualité. Scritti per « Vie della Tradizione » 1971-1974 est un volume à lire et à méditer.
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lundi, 30 décembre 2024
Raâga Blanda, les compositions poétiques d'Evola 1916-1922
Raâga Blanda, les compositions poétiques d'Evola 1916-1922
L'éditeur évoque, avec une évidente participation émotionnelle, sa rencontre avec Evola, un auteur qui a joué un rôle important dans l'histoire de la courageuse maison d'édition romaine.
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/117475-libri-strenne-di-natale-...
Raâga Blanda, un recueil de poèmes de Julius Evola pour les éditions Mediterranee
À l'occasion du 50ème anniversaire de la mort de Julius Evola, un nombre considérable d'œuvres du philosophe ou qui lui sont dédiées ont été imprimées. Nous abordons ici le recueil de compositions poétiques d'Evola, Raâga Blanda, récemment sorti en librairie grâce aux Edizioni Mediterranee (pour les commandes : 06/3235433, ordinipvdizionimediterranee.net, pp.79, 14,50 euros). Le livre, qui comprend un essai introductif de Giorgio Calcara, se termine par une postface de Giovanni Canonico, patron des Edizioni Mediterranee, ainsi que par une brève biographie du penseur. L'éditeur évoque, avec une évidente participation émotionnelle, sa rencontre avec Evola, un auteur qui a joué un rôle important dans l'histoire de la courageuse maison d'édition romaine. Il s'attarde en particulier sur l'histoire de la couverture du volume que nous présentons, reproposée dans cette nouvelle édition anastatique, exactement telle qu'elle a été conçue et souhaitée par le philosophe.
Calcara, dans l'essai introductif, présente, de manière organique et avec des accents persuasifs, le sens et la signification de la production poétique d'Evola. Il s'agit d'un moment central dans la production artistique futuriste-dadaïste du traditionaliste et d'une grande importance. La première édition de Raâga Blanda est parue en 1969, grâce à l'extraordinaire sensibilité éditoriale de Vanni Scheiwiller.
La saison poétique d'Evola, contemporaine de sa saison picturale, s'est en effet achevée vers 1922. Ses lueurs poétiques ont attendu cinquante ans pour être éditées dans leur intégralité, grâce à l'insistance de l'auteur qui considérait ces expériences « de jeunesse » comme centrales dans son processus de réalisation spéculative. Les compositions de Raâga Blanda témoignent, comme l'indique la Note préparée par la Fondation, de « l'unité profonde d'un philosophe encore capable de penser en artiste et d'un artiste qui [...] n'a jamais cessé de faire de la philosophie » (p. X). Le terme Raâga apparaît pour la première fois chez Evola en 1920, dans le poème I sogni (Rêves), inclus dans Arte astratta (Art abstrait), texte capital de la théorie abstractionniste européenne. Calcara affirme qu'il évoque : « une présence mystérieuse qui se manifeste sous la forme d'une expression phonique abstraite » (p. XIV). Ce lemme prend une forme définitive dans le poème La parole obscure, devenant l'un des quatre « élémentaires » de cette composition, Monsieur Raâga.
Ce dernier exerce une fonction d'enregistrement, en transcrivant : « les mécanismes du paysage intérieur activés par les trois élémentaires précédents » (p. XIV), Lilian, Ngara, Hhah. Grâce à l'étude d'Elisabetta Valento de 1989, centrée sur la relation épistolaire que l'artiste-philosophe entretenait avec le dadaïste Tzara, nous savons que, dès 1919, Evola pensait à son livre poétique, probablement achevé à la fin de l'année 1920. Le livre ne vit pas le jour à ce moment-là en raison de désaccords avec Marinetti et les futuristes et, par conséquent, certaines des compositions furent intégrées à l'essai théorique L'art abstrait, un texte qui, à bien des égards, était déjà dadaïste. Franco Crispolti, éminent critique d'art, a redécouvert le caractère crucial de la production artistique d'Evola à la fin des années 1950 et a organisé une exposition de ses peintures à la galerie de Claudio Bruni à Rome en 1963. Comme nous l'avons dit, Scheiwiller a adhéré avec enthousiasme à la proposition d'Evola, comme en témoigne la correspondance entre les deux hommes, conservée dans le Fonds Apice de l'Université de Milan.
Pour saisir le sens de ces poèmes, il est nécessaire de se référer à la signification que le terme raâga avait dans le bouddhisme primitif. Il peut être traduit par « attachement », « désir » et fait allusion à ce qui pèse sur l'esprit, le reléguant à la seule dimension « causale », « sensorielle ». En sanskrit, ce mot peut être traduit par « couleur », « tache sombre », signe de l'impureté de la condition humaine générant « la souffrance et l'impossibilité d'atteindre l'état final de la grande libération » (p. XVII). L'adjectif blanda (doux) vise, quant à lui, à adoucir cette condition de stase existentielle, en faisant allusion à son possible dépassement. Les poèmes d'Evola ont donc des traits de « mystérieuses abstractions verbales, ils décrivent des paysages intérieurs [...] qui tantôt chantent des territoires doux et acides et des galops féroces, tantôt descendent soudain dans de sombres profondeurs abyssales pour finir projetés sur des orbites stellaires glacées » (p. XIX). À travers l'expérience du vide, les poèmes d'Evola font allusion au dépassement de la limite qui nous caractérise encore, en découvrant, alchimiquement, notre nature divine.
La parole poétique évolienne est mantra, rébus phonologique, qui libère le dire de la dimension de la signification, c'est une parole magique qui porte en elle l'incipit vita nova, tant à l'égard du moi que du monde, comme dans les accords de la perspective philosophique de l'idéalisme magique. Raâga blanda témoigne de l'irruption du spirituel dans l'art. L'art authentique, en effet, est orphique, acte dé-déterminant, mettant en évidence l'être toujours à l'œuvre au commencement.
Pour ce faire, le mot doit se libérer de son rapport univoque aux choses, mais aussi de son propre usage métaphorique : ce n'est que dans ce cas qu'il devient une porte royale grande ouverte sur le divin. Sur les trente compositions rassemblées dans le volume, huit sont tirées de L'art abstrait, bien que révisées. Certains textes sont explicitement dadaïstes. Parmi eux, « A » dit : Lumière dans lequel est évoqué le serpent Ea, typique de l'imagerie hermétique évolienne. Les poèmes de la première période se réfèrent, à partir de 1916, à la phase picturale de l'« idéalisme sensoriel » : « ce qui frappe [...], c'est le recours obsessionnel à l'addition des couleurs » (p. XXII). Ceci est particulièrement évident dans les Esquisses (Schizzi). Les poèmes composés pendant la période où Evola a participé à la Première Guerre mondiale sont également dignes d'intérêt. Dans ces poèmes, « ce qui est représenté, c'est la conséquence de l'action : la visée, le tir [...] et l'explosion » (p. XXII).
Il convient de noter que, transversalement, dans de nombreux poèmes, il y a une valorisation évidente du « féminin », on pense surtout à la Ballade en rouge (Ballata in rosso). La nouvelle édition de Raâga blanda permet au lecteur de saisir pleinement la valeur de la poésie d'Evola, moment saillant de son parcours idéal et de sa réalisation.
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mardi, 19 novembre 2024
Trois grands penseurs du monde indien
Trois grands penseurs du monde indien
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/three-great-thinkers...
L'approche de certains aspects de l'idéalisme absolu qui a vu le jour dans la philosophie allemande à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle est similaire à celle du Vedanta que l'on trouve dans l'hindouisme. Les trois principaux textes traitant de l'approche védique de la réalité ultime sont les Upanishads, la Bhagavad-gita et le Brahma-sutra, tandis que trois des principaux penseurs ayant examiné la relation entre Brahman (la réalité ultime) et Atman (le soi) sont originaires du sud de l'Inde : Shankara (788-820 CE), Ramanuja (1017-1137 CE) et Madhvacharya (1238-1317 CE).
Le premier d'entre eux, Shankara, s'est inspiré d'un vieux conte hindou dans lequel un père place un cube de sel dans une casserole d'eau pour montrer à son fils que sa dissolution éventuelle est un exemple de la manière dont le moi est absorbé par la réalité ultime. Cela a conduit Shankara à développer un système connu sous le nom d'Advaita (non-dualisme), qui cherche à illustrer comment le soi n'est pas une entité séparée qui peut être reliée à diverses parties du corps, mais indissociable du principe universel de Brahman. En supprimant l'identité entre les deux, Shankara a prouvé qu'il était possible d'atteindre la libération. La connaissance de la vraie réalité est donc une forme de liberté, de la même manière que le penseur idéaliste allemand Friedrich Schelling insistera plus tard sur le fait que le sujet et l'objet ne font qu'un en fin de compte.
Notre deuxième philosophe indien, Ramanuja, est arrivé deux siècles après Shankara et n'a pas eu à relever le défi du bouddhisme comme l'avait fait son prédécesseur. La stratégie de Ramanuja était plutôt différente dans le sens où il opérait dans le domaine des Vaishnavas, ou adeptes de Vishnu, et utilisait cette dimension particulière de la religion pour accentuer la relation entre Brahman et Atman par le biais de récits épiques tels que le Mahabharata et les textes mythologiques des Puranas.
Le principal argument de Ramanuja est que les humains ne sont ni différents de Dieu, ni eux-mêmes, et que nos sens sont donc illusoires. Cela ne signifie pas que la réalité ultime est impersonnelle, comme le décrit Shankara, mais seulement que tout est une manifestation du Seigneur (Ishvara), ou du puissant. Dieu contrôle donc à la fois le moi intérieur et le monde.
On pourrait penser qu'il y a encore peu de place pour l'identité, mais les choses changent rapidement avec l'apparition de Madhvacharya au XIIIe siècle. En effet, bien qu'il ait imité Ramanuja en rejoignant le culte de Vishnu, il rejette la non-dualité de ses homologues et promeut une forme de dualisme. Pour Madhvacharya, il doit y avoir une distinction entre la réalité ultime et le moi et ils ne doivent pas être considérés comme identiques. Tous les phénomènes, conformément à la volonté du Divin, sont clairs et définis, mais avec une particularité fondamentale qui exige que l'on vénère le Seigneur Krishna comme quelque chose qui se trouve à l'extérieur du soi. C'est ce qu'il appelle le « témoin intérieur ».
Néanmoins, malgré ces interprétations subtiles entre une réalité impersonnelle et un Dieu personnel, les trois traditions continuent de prospérer sous la forme de l'Ordre Ramakrishna et de la Société Vedanta de Shankara, du mouvement Shri-Vaishnava et Gujarati Swaminarayan de Ramanuja, et du Gaudiya Math et de la Société internationale pour la conscience de Krishna. En ce qui concerne les idéalistes allemands comme Schelling, il est allé au-delà du dualisme que l'on trouve dans le cartésianisme et a formulé une « identité absolue » qui unit la singularité de la réalité ultime à la multiplicité qui découle de la réalité ultime. Comme il l'explique à propos de l'erreur cartésienne elle-même :
« Le "je pense donc je suis", est, depuis Descartes, l'erreur fondamentale de toute connaissance ; la pensée n'est pas ma pensée, et l'être n'est pas mon être, car tout n'est que de Dieu ou de la totalité ».
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jeudi, 31 octobre 2024
Evola et le catholicisme
Evola et le catholicisme
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/evola-and-catholicis...
Une lettre écrite en mai 1945 par Julius Evola à un ami catholique, le père Clemente Rebora (1885-1957) (portrait, ci-dessous), donne un aperçu fascinant de l'état d'esprit du philosophe traditionaliste au lendemain des blessures qu'il avait subies lors d'un bombardement à Vienne.
Bien que le prêtre rosminien et ancien poète athée ait rendu visite à Evola à l'hôpital quatre jours auparavant, pour lui demander s'il souhaitait l'accompagner en train à Lourdes - ce qui a donné lieu plus tard à la spéculation erronée selon laquelle Evola était sur le point de se convertir au catholicisme - ce dernier a écrit pour dire que, bien qu'il soit reconnaissant de l'offre qui lui était fairte d'entreprendre un tel voyage, cela impliquerait ipso facto que tout ce qui l'intéressait était d'obtenir la grâce qui ne mènerait à rien de plus que la possibilité de guérison de ses blessures physiques. Bien que, pour de nombreuses personnes, cela semble être une raison parfaitement compréhensible de visiter le célèbre sanctuaire pyrénéen, il poursuit en expliquant que
"S'il fallait demander une grâce, ce serait plutôt de comprendre le sens spirituel de ce qui s'est passé, que cela reste ainsi ou non, et plus encore de comprendre la raison pour laquelle il faut continuer à vivre".
Après tout, la raison précise pour laquelle Evola s'était exposé à toute l'horreur d'une attaque aérienne soutenue des Alliés était précisément de répondre à cette question. Le résultat, bien sûr, suggère qu'en dépit du fait qu'il ait été confiné dans un fauteuil roulant pendant les vingt-neuf années suivantes, un rôle crucial l'attendait encore. Comme il l'expliquera plus tard dans les pages de son autobiographie, Il cammino del cinabro (1963):
« Rien n'a changé, tout s'est réduit à un empêchement purement physique qui, en dehors des soucis pratiques et de certaines limitations de la vie profane, ne m'a pas du tout affecté, mon activité spirituelle et intellectuelle n'étant en aucune façon altérée ou ébranlée ».
La guérison d'Evola était donc bien moins importante que sa capacité à poursuivre le Grand Œuvre.
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lundi, 14 octobre 2024
Multipolarité et sagesse traditionnelle
Multipolarité et sagesse traditionnelle
Prof. Dr. h.c. Hei Sing Tso
Le concept de multipolarité d'Alexander Douguine est une idée formidable. La multipolarité représente à la fois une tendance et une stratégie. Les civilisations vont remplacer les nations dans la géopolitique. L'Europe, la Russie, la Chine, l'Iran, etc. représentent des forces qui forment un équilibre contre les Anglo-Saxons et les mondialistes. Dans un monde multipolaire, la stratégie et la tactique peuvent être tirées de la sagesse ancienne de différentes civilisations. Pendant la période des Royaumes combattants dans la Chine antique (474-221 av. J.-C.) (1), il existait une ancienne école de pensée diplomatique dont le fondateur est un penseur mystérieux connu sous le nom de Guiguzi. C'était un érudit universel, un scientifique et un praticien. Même Oswald Spengler ne tarissait pas d'éloges sur la sagesse de Guiguzi. La pensée de Guiguzi est issue du Yijing (2) (également appelé I Ching), également appelé « Livre des mutations ». Il est le père du stratagème traditionnel chinois, également appelé Moulüe, qui, selon moi, peut contribuer à la construction d'une véritable multipolarité aux yeux du professeur Douguine.
Il y a peu d'idées clés dans la pensée de Guiguzi. La première est que la psychologie est supérieure aux armes physiques. Contrairement au système des nations, la guerre des idées et la psychologie de masse sont essentielles à la multipolarité. Les anglo-saxons et les mondialistes aspirent toujours au modernisme, au postmodernisme, au transhumanisme et à la pensée progressiste. Pour pouvoir y répondre de manière adéquate, les civilisations multipolaires devraient revenir à leurs traditions et à leurs valeurs conservatrices. Pour y parvenir, il faudrait créer un front uni de la pensée entre la Russie, l'Europe, la Chine et d'autres, en mettant l'accent sur les valeurs traditionnelles et la sagesse. Ces civilisations peuvent apprendre les unes des autres par le dialogue, ce qui a pour effet de les renforcer. Le christianisme orthodoxe, le taoïsme et la pensée de Rumi (3) ont peut-être des points communs qui invitent à des études comparatives.
Selon Guiguzi, la cosmologie englobe le monde physique. Par conséquent, nous ne devrions pas seulement nous intéresser aux choses visibles comme l'économie, la technologie et la matière, mais aussi considérer l'univers invisible lorsque nous réfléchissons à l'art de gouverner et à la stratégie. Cela s'inscrit dans la lignée de la sagesse traditionnelle des civilisations d'Eurasie. Des penseurs comme Goethe, Oswald Spengler, Carl Gustav Jung, Nostradamus, les philosophes russes et même les théoriciens de l'ennéagramme adoptent une approche similaire. Savoir comment relier la nature invisible aux affaires humaines peut devenir une clé de la lutte dans l'ère multipolaire à venir. Les « rationalistes » établis en Occident affirment que ces courants sont des formes de « pseudo-science ». En fait, les entreprises pharmaceutiques qui dominent le marché rejettent la médecine traditionnelle chinoise par crainte de la concurrence.
Troisièmement, Guiguzi a affirmé que l'art métaphysique peut battre le pouvoir brut. L'art signifie stratagèmes, art d'État, tactique, etc. Tout cela peut être déduit de la métaphysique. Pour la sagesse chinoise, la métaphysique signifie « Tao ». Par conséquent, la stratégie et la politique devraient viser l'accomplissement des objectifs supérieurs de la métaphysique dans différentes civilisations. Comparé au pouvoir brut, l'art géopolitique de la métaphysique porte avec lui le poids de la moralité, de la richesse et de la créativité. La diplomatie ubuntu en Afrique n'en est qu'un exemple.
Les enseignements de Guiguzi contiennent de nombreux stratagèmes et astuces qui ne peuvent pas tous être énumérés dans ce court article. Parmi ses 72 stratagèmes, l'un d'entre eux mérite toutefois d'être mentionné, connu sous le titre « repousser l'ancien pour mettre en valeur le nouveau ». Cela signifie que nous utilisons les vieilles choses de manière nouvelle. Les gens ont tendance à abandonner facilement les choses, même en politique, en particulier lors de réformes et de révolutions. C'est la règle en science et en technologie. Guiguzi nous apprend que les vieilles choses, y compris les idées, peuvent être très utiles si on les adapte habilement. En 2022, une vieille femme ukrainienne brandissait un drapeau rouge soviétique. Même si l'Union soviétique n'existe plus, personne ne s'attend à ce qu'elle soit encore très utile sur le champ de bataille.
Lorsque des photos de cette femme ont été publiées sur Internet où on l'appelait « Babushka Z », cela a eu un effet psychologique sur certains Ukrainiens concernant leur lien avec la Russie.
Dans la multipolarité à venir, la sagesse ancienne jouera un rôle très important en nous fournissant une théorie et une stratégie pour les défis futurs.
Notes:
(1) Durant cette période, il y avait de nombreux seigneurs qui régnaient sur différents royaumes, bien qu'il y ait eu une monarchie centrale.
(2) Le Yijing est l'un des plus anciens textes classiques de la Chine antique. La version originale comprenait des symboles appelés hexagrammes, qui consistaient en une combinaison de deux unités, le yin et le yang. Le Yijing a influencé toute la pensée publique et ses concepts, comme le confucianisme et le taoïsme, ainsi que des sujets ésotériques comme le feng shui et même la médecine traditionnelle et les arts martiaux.
(3) Jalāl al-Dīn Muḥammad Rūmī (en persan : جلالالدین محمّد رومی) ou simplement Rumi (né le 30 septembre 1207 - décédé le 17 décembre 1273) est un poète du 13ème siècle, érudit islamique et mystique soufi.
Traduit de l'anglais par Alexander Markovics
Le professeur Dr. h.c. Hei Sing Tso est le Président de l'École de stratagème de Guiguzi, Hong Kong, Chine.
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vendredi, 11 octobre 2024
Mircea Eliade et notre deuxième chute
Mircea Eliade et notre deuxième chute
Nicolas Bonnal
Point n’est besoin d’épiloguer sur la disparition piteuse et générale du christianisme («pas dans un boum, dans un pleurnichement», écrivait déjà Eliot dans son poème repris par Coppola dans Apocalypse) et le déclin général des religions. L’Occident ne décline pas à la sauce Spengler, il est tout bonnement crevé, et le reste du monde décline encore plus sûrement. Le «monde des machines» de Bernanos sera venu à bout de tout le monde.
Dans le Sacré et le profane, Eliade explique notre deuxième chute.
« Mais l'homme moderne qui se sent et se prétend areligieux dispose encore de toute une mythologie camouflée et de nombreux ritualismes dégradés. Comme nous l’avions mentionné, les réjouissances accompagnent la Nouvelle Année où l'installation dans une maison neuve présentent, laïcisée, la structure d'un rituel de renouvellement. On constate le même phénomène à l'occasion des fêtes et des réjouissances accompagnant le mariage ou la naissance d'un enfant, l’obtention d'un nouvel emploi, une promotion sociale, etc. »
Cet homme dégradé qui a frappé tous les penseurs traditionnels (voyez mon recueil) avait encore des compensations – toujours plus maigres :
« Tout un ouvrage serait à écrire sur les mythes de l'homme moderne, sur les mythologies camouflées dans les spectacles qu'il chérit, dans les livres qu'il lit. Le cinéma, cette « usine des rêves », reprend et utilise d'innombrables motifs mythiques : la lutte entre le Héros et le Monstre, les combats et les épreuves initiatiques, les figures et les images exemplaire (la « Jeune Fille », le « Héros », le paysage paradisiaque, I' « Enfer », etc.).
Même la lecture comporte une fonction mythologique : non seulement parce qu'elle remplace le récit des mythes dans les sociétés archaïques et la littérature orale, vivante encore dans les communautés rurales de l’Europe, mais surtout parce que la lecture procure à l'homme moderne une « sortie du Temps » comparable à celle effectuée par les mythes. »
Le culte de la peur du virus et le culte sacerdotal du vaccin et des experts nous aura montré que nous restons religieusement conditionnés mais pour le pire. Eliade :
« La grande majorité des «sans-religion» ne sont pas proprement parler libérés des comportements religieux des théologies et des mythologies. »
Comme Chesterton (« depuis que l’homme ne croit plus en Dieu il croit en tout »), avant lui Eliade voit que l’on recycle la religion facilement :
« Mais ce n'est pas uniquement dans les « petites religions » ou dans les mystiques politiques que l’on retrouve des comportements religieux camouflés ou dégénérés : on les reconnaît également dans des mouvements qui se proclament franchement laïques, voire antireligieux. Ainsi, dans le nudisme ou dans les mouvements pour la liberté sexuelle absolue, idéologies où l'on peut déchiffrer les traces de la « nostalgie du Paradis », le désir de réintégrer l’état édénique d'avant la chute, lors que le péché n'existait pas et qu'il n'y avait pas rupture entre les béatitudes de la chair et la conscience. »
Même le culte du héros subsistait avec la guerre, mais on se souvient du texte de Saint-Exupéry sur la fin de l’aviation (que dirait-il des drones…) :
« Il est intéressant encore de constater combien les scénarios initiatiques persistent dans nombre d'actions et de gestes de l’homme areligieux de nos jours. Nous laissons de côté, bien entendu, les situations où survit, dégradé, un certain type d'initiation: par exemple, la guerre, et en premier lieu les combats individuels (surtout des aviateurs), exploits qui comportent des « épreuves »> homologables à celles des initiations militaires traditionnelles, même si, de nos jours, les combattants ne se prennent plus compte de la signification profonde de leur « épreuves » et ne profitent guère de leur portée initiatique… »
On garde des comportements :
« En somme, la majorité des hommes « sans-religion » partagent encore des pseudo-religions et des mythologies dégradées. Ce qui n'a rien pour nous étonner, du moment que l'homme profane est le descendant de I'homo religiosus et ne peut pas annuler sa propre histoire, c'est-à-dire les comportements de ses ancêtres religieux, qui l'ont constitué tel qu'il est aujourd'hui.»
Mais finalement on arrive à la deuxième chute (même à la troisième on dirait…) avec l’effondrement des cultes, la sous-culture intellectuelle, le tourisme comme aventure (les bronzés…) et la liquidation du sens commun : comme disait magnifiquement Mgr Gaume :
« De toutes ces grandes réalités, vous n’avez qu’une connaissance vague, confuse, sèche et stérile. Vous avez des yeux, et vous ne voyez pas ; des oreilles, et vous n’entendez pas ; une volonté, et vous ne voulez pas. Fruit du don d’entendement, le sens chrétien, ce sixième sens de l’homme baptisé, vous manque.
Il manque à la plupart des hommes d’aujourd’hui et à un trop grand de nombre de femmes. Il manque aux familles, il manque à la société, il manque aux gouvernants et aux gouvernés, il manque au monde actuel. »
La deuxième – ou la troisième – chute ? C’est quand « dans le plus profond de son être on n’a le souvenir de rien ». Eliade :
« La non-religion équivaut à une nouvelle« chute » de l'homme : l’homme areligieux aurait perdu la capacité de vivre consciemment la religion et donc de la comprendre et de l’assumer ; mais, dans le plus profond de son être, il en garde encore le souvenir, de même qu'après la première « chute », et bien que spirituellement aveuglé, son ancêtre, l'homme primordial, Adam, avait conservé assez d'intelligence pour lui permettre de retrouver les traces de Dieu visibles dans le Monde. Après la première « chute », la religiosité était tombée au niveau de la conscience déchirée: après la deuxième, elle est tombée plus bas encore, dans les tréfonds de l’inconscient : elle a été « oubliée ». Ici s'arrêtent les considérations de l'historien des religions.
Ici aussi commence la problématique propre au philosophe, au psychologue, voire au théologien. »
Et comme on en citait un, de théologien :
« Monde de prétendues lumières et de prétendu progrès, il ne reste pour toi qu’un dernier vœu à former, c’est que l’Esprit d’intelligence te soit donné de nouveau et te montre à nu l’abîme inévitable, vers lequel te conduit à grands pas l’Esprit de ténèbres, redevenu, en punition de ton orgueil, ton guide et ton maître. »
Sources:
https://lesakerfrancophone.fr/monseigneur-gaume-et-le-car...
https://www.amazon.fr/Sacr%C3%A9-Profane-Mircea-Eliade/dp...
https://www.amazon.fr/grands-auteurs-traditionnels-Contre...
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dimanche, 08 septembre 2024
La Dame de la Tradition
La Dame de la Tradition
Je remercie du fond du cœur tous ceux qui ont commémoré le jour tragique du 20 août 2022 où ma fille Darya a été brutalement tuée par une terroriste ukrainienne.
Alexander Douguine
Source: https://alexanderdugin.substack.com/p/the-lady-of-tradition?publication_id=2827487&post_id=148424496&isFreemail=true&r=jgt70&triedRedirect=true
Chers amis !
Je remercie du fond du cœur tous ceux qui ont commémoré le jour tragique du 20 août 2022 où ma fille Darya a été brutalement tuée par une terroriste ukrainienne. Je remercie tous mes amis et les amis de Darya pour leurs condoléances et pour avoir partagé mon profond chagrin. Je vous remercie également d'avoir publié les différents livres écrits par Dasha ou dédiés à sa mémoire.
Dasha était avant tout une femme de la Tradition. Et la Tradition, pour elle, c'était tout : le sacré, la philosophie, la politique, la famille, l'amitié, le passé et l'avenir, l'éternité même...
Dasha était très directe dans sa fidélité à la Tradition. Jusqu'à sa mort brutale... Elle a été assassinée au retour du festival « Tradition » le 20 août 2022. Il ne peut s'agir d'une pure coïncidence. C'est le signe de Dieu.
Seul ce pour quoi les gens sont prêts à sacrifier leur vie possède une véritable valeur. La tradition est la valeur la plus élevée. Pour Darya. Pour moi, pour ma femme Natasha, pour ma famille, pour mon peuple. C'est ce qui fait de la patrie la patrie, du peuple le peuple, de l'Église l'Église, de la culture la culture.
Dasha était l'incarnation de la créativité, elle s'élançait vers l'avenir, elle vivait dans la foi et l'espoir. Elle ne regardait jamais que vers l'avant et vers le haut. À tort, elle l'a fait de manière trop abrupte, en ce qui concerne le « haut ». .... Mais son message vit parmi nous et devient de plus en plus distinct, recueilli, clair. Son message est une invitation à l'avenir russe et à un avenir véritablement européen. Un avenir qui doit encore être réalisé. Par vous, par nous.
Dasha s'est toujours considérée comme un projet, comme le lancement d'une volonté créatrice. Elle a brûlé de philosophie, de religion, de politique, de culture et d'art. Elle a vécu si richement, si pleinement, précisément parce qu'elle s'intéressait à tout. D'où la variété de ses intérêts, de ses textes, de ses discours, de sa créativité, de ses entreprises. De son vivant, elle souhaitait vivement que les Russes se mettent en marche, que notre pays et notre culture sortent de l'immobilisme et prennent leur envol.
Elle considérait que sa mission était de vivre pour la Russie et, si nécessaire, de mourir pour la Russie. C'est ce qu'elle a écrit dans son journal, « Les hauteurs et les marécages de mon cœur », que nous avons récemment publié en Russie. Le deuxième livre philosophique de Dasha, « Eschatological Optimism », sera bientôt publié en Russie. Il est formidable qu'il soit déjà publié en anglais. Dasha est rappelée et aimée dans le monde entier par ceux qui sont fidèles à la Tradition même dans les périodes les plus sombres, même lorsque la Tradition elle-même n'existe plus, par ceux qui restent fidèles à Dieu même lorsqu'il est mort.
Vivre pour la Russie est son message, qui doit être transmis encore et encore.
Nous avons de nombreux héros merveilleux, des guerriers, des défenseurs, des personnes à l'âme profonde et au cœur pur. Certains d'entre eux ont donné leur vie pour la patrie. Certains d'entre eux vivent aujourd'hui avec nous. La mémoire de chaque héros est sacrée. Il en va de même pour la mémoire de Dasha.
Mais le fait est que Dasha n'est pas seulement une patriote et une citoyenne modèle, elle est aussi porteuse d'un incroyable potentiel spirituel (même si elle n'a pas eu le temps de le déployer pleinement - elle a été tuée trop jeune, à 29 ans). Elle s'est efforcée d'incarner la grâce de la Russie impériale, le style de l'âge d'argent de la culture russe du début du 20ème siècle et était imprégnée d'un profond intérêt pour la philosophie du néoplatonisme. Orthodoxie et géopolitique russe. L'art moderne d'avant-garde - musique, théâtre, peinture, cinéma - et la compréhension tragique de l'ontologie de la guerre. L'acceptation sobre et aristocratiquement contenue de la crise fatale de la modernité et la volonté ardente de la surmonter. Tout cela est un optimisme eschatologique. Faire face au malheur et à l'horreur de la modernité et, malgré l'horreur, maintenir une foi rayonnante en Dieu, en sa miséricorde et en sa justice.
J'aimerais que le souvenir de Dasha ne se concentre pas tant sur les images de sa vie de jeune fille vive, charmante et pleine d'énergie pure, mais qu'il soit plutôt la continuation de son ardeur, la réalisation de ses projets, de ses rêves impériaux purs et clairvoyants.
Aujourd'hui, il est clair pour beaucoup que Dasha est objectivement devenue notre héroïne nationale. Des poèmes et des peintures, des cantates et des chansons, des films et des universités, des pièces et des productions théâtrales lui sont dédiés. Des rues de villes et de villages portent désormais son nom. Un monument est en cours de préparation pour être installé à Moscou et peut-être dans d'autres villes.
Une jeune fille qui n'avait jamais pris part aux hostilités, qui n'avait jamais appelé à la violence ou à l'agression, qui était profonde et souriante, naïve et bien éduquée, a été brutalement assassinée sous les yeux de son père par une ennemie sans cœur et sans pitié, une terroriste ukrainienne qui participait également au festival « Tradition » et n'a pas hésité à impliquer sa petite fille de 12 ans dans ce meurtre brutal. Ce sont les autorités de Kiev et les services secrets du monde anglo-saxon, ennemis acharnés de la Tradition, qui l'ont envoyée commettre cet acte. Il y a exactement un an, le 20 août 2022, j'ai donné une conférence sur le « rôle du diable dans l'histoire » au Festival de la Tradition. Dasha a écouté. Le meurtrier a également écouté. Le diable écoutait ce que je disais sur le diable, se préparant à faire son œuvre diabolique.
Et Dasha est certainement devenue immortelle. Notre nation ne pouvait rester indifférente à cela. Et ma tragédie, la tragédie de notre famille, des amis de Dasha, de tous ceux qui ont communiqué et collaboré avec elle, est devenue la tragédie de tout notre peuple. Et les larmes ont commencé à étouffer les gens, aussi bien ceux qui connaissaient notre fille que ceux qui entendent parler d'elle pour la première fois.
Et ce ne sont pas seulement des larmes de douleur et de chagrin. Ce sont les larmes de notre résurrection, de notre purification, de notre victoire à venir.
Dasha est devenue un symbole. Elle l'était déjà. Mais il est maintenant important que la signification essentielle de ce symbole ne disparaisse pas, ne se dissolve pas, ne s'évanouisse pas. Il est important non seulement de préserver la mémoire de Dasha, mais aussi de poursuivre son travail. Parce qu'elle avait une cause. Sa cause.
Il y a des saints qui aident dans certaines circonstances : l'un dans la pauvreté, l'autre dans la maladie, le troisième en pèlerinage, le quatrième en captivité. Des icônes russes individuelles sont également distribuées de manière à aider les personnes qui se trouvent dans des situations difficiles, parfois désespérées. L'une des images de la Mère de Dieu s'intitule « Apaise mes peines ». Et il y a un canon que l'on lit quand il devient impossible de vivre et que tout s'écroule.....
Les héros et les héroïnes sont également différents. L'un incarne la vaillance militaire. Une autre -- la tendresse sacrificielle. Le troisième -- la force d'âme. Quatrièmement, le summum de la volonté politique. Tous sont magnifiques.
Dasha incarne l'âme. L'âme russe.
S'il n'y a pas d'âme, il n'y aura pas de Russie, il n'y aura rien.
De nombreuses personnes de bonne volonté se sont portées volontaires pour porter la mémoire de Dasha.
Il y a l'« Institut populaire Daria Dugina ».
Il y a les « Classes de courage Daria Dugina ».
Il y a une nouvelle série de l'excellente maison d'édition Vladimir Dal, « Les livres de Dasha ».
Il existe divers prix et d'autres initiatives.
Et nous laissons les gens faire ce que leur cœur leur dicte.
L'important est de tout faire avec son âme.
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mercredi, 28 août 2024
Les quatre paliers de l’Apocalypse
Les quatre paliers de l’Apocalypse
par Pierre-Emile Blairon
Partie I : Mise en place et accélération des étapes du déclin
Cet article sera édité en deux parties ; la première expose les quatre paliers historiques qui nous conduisent à l’Apocalypse, une « fin des temps » dans la religion chrétienne. Je passerai rapidement sur les trois premières phases, sujets largement développés dans mes articles précédents, publiés sur ce même site et, pour la plupart réunis en recueil dans mes derniers livres, et je m’attarderai sur celle qui est actuellement en cours, le quatrième palier donc, riche en péripéties jusqu’alors inédites dans l’Histoire du monde.
La deuxième partie de l’article, nous donne quelques pistes, pour le moins dérangeantes, je dirais plutôt : ahurissantes, établies par de très anciennes civilisations traditionnelles, en l’occurrence indienne, qui a su décrire, avec une précision qui laisse pantois, les terribles moments que nous sommes en train de vivre et, selon toute logique, qui vont voir arriver le cataclysme final. Et son retournement salvateur.
Première phase : 1789, anéantissement des valeurs traditionnelles
Dans le processus involutif rythmé par les divers paliers de putréfaction qui nous entraînent vers la fin apocalyptique de ce cycle, dans la période historique contemporaine, nous avons d’abord assisté à la destruction par les sectes mondialistes de toutes les valeurs traditionnelles et naturelles qui fondaient le socle des civilisation, première phase qui s’est déroulée en accéléré (après quelques siècles de préparation), dès la date symbolique et tragique de la sanglante et barbare Révolution française (1), avec un succès universel que n’espéraient pas aussi transposable (comme la Révolution bolchevique en premier lieu) les promoteurs de ce saccage.
Deuxième phase : 2020, tests de soumission et de réduction des populations, lobotomisation
La deuxième phase, placée sous le signe de la peur qui doit être inculquée aux masses pour les rendre malléables à souhait, a démarré en 2020 avec la mise en place des divers tests de soumission et de réduction des populations qui ont été initiés dans le cadre de la pseudo-pandémie et de l’inoculation des pseudo-vaccins ; cette phase n’a pas été couronnée par la même réussite que la première tout au moins en ce qui concerne la tentative de réduction des populations telle qu’elle figure dans les projets de la secte mondialiste, à peine déguisée : les dégâts provoqués par la mini-grippe ayant été minimes et ceux causés par les pseudo-vaccins se faisant encore attendre, bien que nous puissions quand même déjà enregistrer un nombre important de décès de personnes dont l’âge et la maladie ne correspondent à aucune norme scientifique.
Mais la grande réussite de cette phase a été la mise en place de l’ingénierie sociale, une manipulation psychologique des foules destinée à les soumettre à la première injonction, autrement dit la parfaite lobotomisation (ablation virtuelle du cerveau) des individus et donc leur soumission. Les Français ont été presque instantanément transformés en toutous : au café : prenez-le debout, non, assis, non, couché ; portez le masque, ne le portez plus, portez-le à nouveau ; à la plage : ne bronzez pas en position statique, donc couché, au contraire, marchez sans vous arrêter ; le soir, aboyez à 20 heures pour soutenir les soignants, ne les soutenez plus, n’aboyez plus, au contraire, mordez-les et jetez-les à la rue sans ressource, ce sont de mauvais citoyens ; pour vous soigner, prenez du Doliprane ou du Rivotril si vous pensez être sur le point de mourir…
Troisième phase : 2024, satanisation, Terreur
Dans l’agenda de nos fausses élites, agenda qu’elles ne cherchent même plus à dissimuler et qui se place sous le signe d’une accélération du processus involutif en 2024, une troisième phase a été révélée en pleine lumière, si l’on peut parler ainsi puisqu’il s’agit d’un culte rendant hommage à un personnage ambigu comportant deux faces d’apparence antagoniste d’une même médaille, Satan et Lucifer (le nom de ce dernier signifiant porteur de lumière) alors que Satan est le personnage sombre et maléfique que l’imagerie populaire nous transmet : il s’agit de la « satanisation » de toutes les manifestations rassemblant un public par définition déjà captif et faible puisqu’il s’adonne à l’idolâtrie ; deux événements mondiaux ont, cette année, été consacrés à la glorification du démon : l’Eurovision (qui, comme son nom ne l’indique pas, rassemble d’autres pays que les seuls européens) et les Jeux Olympiques. Cette satanisation concerne également la plupart des chanteurs et chanteuses connus mondialement qui auraient signé un « pacte avec le diable », selon les dires mêmes de certains de ces saltimbanques ; on sait les foules immenses que drainent chacune de leurs apparitions publiques qui s’apparentent à de grandes messes diaboliques ; il est ici judicieux de rappeler que l’Eurovision est entièrement dédié à leur promotion et que les J.O. ont permis à ces « idoles » de subjuguer (c’est le mot qui convient : de placer sous le joug) le public en les laissant pratiquer leur « art » pendant la majeure partie des cérémonies d’ouverture et de fermeture de ces J.O.
J’ai indiqué dans nombre de mes articles précédents (2) la probable genèse de ce culte à Satan qui trouverait, paradoxalement, ses origines dans les trois religions du Livre et qui a fait florès, par dévoiement ou réaction, au sein de la société américaine et de ses élites depuis l’arrivée des premiers pionniers anglo-saxons, les « pilgrims », rejetés d’Angleterre justement à cause de leur fanatisme biblique.
Il est difficile de comprendre comment et pourquoi des personnes qu’on suppose intelligentes (puisqu’elles sont « l’élite mondiale ») peuvent invoquer et magnifier le « diable », notion que les esprits rationnels considèrent comme une superstition de foules crédules ; il n’y a pas de réponse à cette question à moins de faire appel à des éléments de connaissance d’ordre surnaturel, ou de considérer plus prosaïquement que ces élites mettent en avant ce concept pour maintenir d’une manière constante, encore une fois, une peur irraisonnée au sein de ces masses ; à l’appui de cette dernière thèse, il suffit de songer que le premier palier de ce processus nocif a commencé avec la Révolution et que la période la plus représentative de cet événement qui a bouleversé la société française a été appelée la Terreur.
La Terreur : cette sauvage péripétie de notre Histoire, dont les Français auraient à rougir plutôt qu’à perpétuer la mémoire, a été rappelée avec une délectation malsaine et une mise en scène sanglante par les concepteurs de la cérémonie d’ouverture de ces J.O. 2024 avec la décapitation de la reine Marie-Antoinette sous les yeux d’un public apathique, si ce n’est ravi (3) ; cette foule ne se demandant jamais ce que venait faire la représentation de ces horreurs lors de la célébration d’un événement mondial propre à rassembler sereinement les peuples : la compétition pacifique et saine d’athlètes réunis dans le même amour du sport.
Quatrième phase : 2024- 20… ? Confusion, imposture, transgenrisme, la bête de l’événement
Un autre aspect, tout aussi étrange et saugrenu que cette satanisation, est apparu d’une manière récurrente dans ces manifestations mondiales, comme couplé avec la célébration du Malin.
Je veux parler du transgenrisme.
Il s’agit d’abord de créer une confusion générale dans l’esprit des masses, déjà considérablement perturbé et déficient, par la banalisation de l’imposture dans ce qu’elle a de plus extrême, dans le fait qu’elle porte atteinte à ce qu’il y a de plus naturel et habituel : l’identité sexuelle (4). En fait, l’imposture et Satan vont de pair : Satan est la représentation du mensonge (5) et l’imposture le paroxysme du mensonge puisque l’imposture ne se contente pas de mentir : elle met en place une pseudo-réalité de substitution procédant de la classique inversion des valeurs qui se produit à la fin d’un cycle.
Depuis plusieurs années, on assiste à une mise en scène théâtrale mettant en avant des personnes dites « transgenres » ; il s’agit d’hommes qui se travestissent en femmes, ou le contraire ; un rapport de la FRA (organisme de l’Union européenne pour les droits fondamentaux) du 9 décembre 2014 indique que « le terme « transgenre » est utilisé pour désigner les personnes dont l’identité de genre et/ou l’expression de genre diffère du sexe qui leur a été assigné à la naissance. Ce terme peut couvrir de nombreuses identités de genre. L’enquête a énuméré plusieurs sous-catégories : personnes transsexuelles, transgenres, travesties, ayant une variance de genre, homosexuelles ou ayant une identité de genre différente. »
On notera avec intérêt cette partie du texte : « qui leur a été assigné à la naissance » pour se demander logiquement « par qui » ce sexe leur a été assigné ? Réponse : d’abord par ses parents, ce qui serait un bon début d’explication, et, plus formellement, la plupart du temps par le personnel médical qui assiste à la naissance et qui arrive encore à distinguer un sexe masculin d’un sexe féminin sans demander une analyse ADN.
J’ai tenté d’en savoir plus, mais j’ai renoncé à entrer dans les méandres des divers statuts et appellations des personnes trans+, leurs problèmes, psychologiques, psychiatriques et sexuels, leurs opérations esthétiques diverses et nombreuses, l’absorption de multitude d’hormones remboursées par la Sécurité sociale, cette recherche pouvant m’entraîner à déployer un temps et une énergie qui me sont précieux pour un résultat somme toute inintéressant.
Même si cette étrange communauté constitue un pourcentage infime de la population (entre 1 et 3% en France), elle est hyper-représentée médiatiquement et s’insère dans cette quatrième phase comme un élément indispensable qui permet d’ajouter à la déstabilisation que la secte mondialiste s’efforce d’instaurer en permanence dans la société, d’autant plus que cette communauté LGBTQQIP2SAA (mais oui, ça vient de sortir, on n’arrête pas le progrès) est autorisée à faire du prosélytisme auprès d’enfants souvent très jeunes dans les écoles. Qui est qui ? Est-ce un homme ? Une femme ? Autre chose ? Questions cruciales que des enfants ne devraient jamais avoir à se poser. Et c’est pourtant là le but recherché par ce militantisme malsain.
Le monde entier, lors de ces deux grands événements médiatiques qu’ont été l’Eurovision et les Jeux Olympiques, a bien noté, en même temps que l’évocation insistante du démon et de ses symboles et attributs, la présence massive, sans jeu de mots, de ladite communauté précitée.
Cette phase 4 consiste à préparer l’apparition quasi-miraculeuse d’un mouvement de résistance, ou d’un personnage providentiel, qui, dans ses discours, promettra de faire cesser le chaos et d’organiser la restauration des valeurs traditionnelles ; ce sera encore un faux espoir car cette organisation, ou ce personnage, seront créés et manipulés par cette même caste mondialo-sataniste (6). Cette organisation, ou ce personnage, auront pour unique rôle d’attirer vers eux la sympathie, l’adhésion, voire l’adulation des foules toujours prêtes à s’enflammer pour ceux qui leur promettent monts et merveilles : puissance du verbe et de l’apparence ! Cet avènement, la bête de l’événement, comme disait Macron qui pouvait prophétiser sans se donner trop de mal, sera le coup de grâce donné à toute autre tentative de résurgence d’un ordre souverain.
Ce sera une nouvelle épreuve pour ceux, peu nombreux, qui avaient réussi à garder un esprit lucide, une colonne vertébrale et un minimum de bon sens et qui verront avec tristesse leurs congénères tomber (à nouveau) dans le piège grossier qui leur sera tendu.
* * *
Les quatre paliers de l’Apocalypse
Partie II : Fin de cycle ? Fin du monde ? Apocalypse ?
Fin de cycle ? Fin du monde ? Apocalypse ? Antéchrist ?
En ce qui concerne l’apparition hypothétique de ce « Sauveur », que les traditions religieuses appellent aussi faux Messie ou Antichrist, ou Antéchrist, qui reste, quelle que soit sa dénomination, un imposteur, il s’agit d’une éventualité qui n’est évidemment pas une invention de mon cerveau exalté ; je ne vais pas jouer au prophète inspiré, comme Macron, qui connaît, semble-t-il, tous les détails du plan élaboré par l’Organisation qui l’a mis à la place qu’il occupe.
L’apparition de ce personnage faussement providentiel est attestée dans les livres sacrés des religions monothéistes lorsque viendra la fin des temps, ou l’Apocalypse, chez les chrétiens, mais aussi dans la plupart des traditions anciennes, mais aussi dans les témoignages et les prédictions de nombre de visionnaires.
Nous allons faire un rapide survol des éléments dont nous avons connaissance.
L’apparition du monothéisme juif, suivi du christianisme et de l’islam, a entraîné une conception du temps différente de celle des antiques civilisations; pour entrer dans la logique d’un dieu révélé qui aurait élu le peuple juif, il fallait qu’il y ait un début et une fin (de préférence heureuse) à cette élection réciproquement partagée, il fallait donc adopter le concept d’un temps linéaire, concept artificiel qui amènerait celui d’évolution et de progrès (du pire au meilleur).
Pour les traditions anciennes qui se référaient à la nature et à son fonctionnement, le temps était logiquement cyclique (les astres, les saisons, les jours, les arbres et leurs feuilles, toutes les manifestations naturelles naissent, meurent et reviennent en permanence) et son déroulement était involutif (du meilleur au pire), les choses de la vie naturelle sur Terre allant toujours en se dégradant jusqu’à la mort et non pas en s’améliorant (on ne naît pas vieux décrépi pour finir jeune et beau en parfaite forme).
C’est ainsi que les Indo-Européens (Grecs, Italiques, Iraniens, Indiens, Celtes, Nordiques, Slaves, Arméniens) ont établi des mesures de ce cycle divisé en quatre périodes appelées âges, donc du meilleur au pire : Âge d’or, d’argent, de bronze, de fer ; le cycle auquel nous appartenons aurait duré 64800 ans et nous nous situons à la fin de la fin du dernier âge, l’Âge de fer, connu également sous sa dénomination indienne: Kali-yuga, ou nordique: Ragnarök.
Comment savons-nous que nous sommes exactement à la fin de notre cycle?
Tout simplement parce que les livres sacrés des anciennes civilisations ont décrit la façon dont se terminent tous les cycles et cette façon est peu ou prou identique à chaque fin de cycle. D’autre part, les religions du Livre ont repris certains éléments de ces anciennes traditions.
Un exemple ? La fin des Assours
L’indianiste Alain Daniélou (7) nous rapporte un extrait des Puranas, livres sacrés indous où il est question d’une guerre entre les dieux Vishnu et Shiva; Vishnu, pour détruire le peuple des Assours, a l’idée de créer un personnage pervers appelé Arihat qui sera un imposteur : « Le faux sage s’approcha du dieu et lui demanda : quel est mon nom ? Que dois-je faire ? Vishnu dit : ton nom sera Arihat (destructeur de gens pieux). Tu dois composer un pseudo-livre saint de 1600 versets en langage populaire condamnant les castes et les devoirs des divers âges de la vie. Tu seras doué du pouvoir de faire quelques miracles. La base de ton enseignement sera: le ciel et l’enfer n’existent que dans cette vie et tu enseigneras cette doctrine aux Assours de façon qu’ils puissent être détruits. »
On ne peut s’empêcher de penser à une approximative figure du Christ, ou du Bouddha, représentée par cet Arihat l’imposteur. Arihat, prônant l’égalitarisme et la non-violence, parvint à ses fins: le déclin des Assours.
Ce déclin se manifeste de différentes façons ; c’est dans le détail de ce curieux inventaire que l’on va retrouver quelques aspects de notre vie de tous les jours:
- Le nombre des princes et des agriculteurs décline graduellement.
- Les classes ouvrières veulent s’attribuer le pouvoir royal et partager le savoir, les repas et les lits des anciens princes.
- La plupart des nouveaux chefs est d’origine ouvrière. Ils pourchassent les prêtres et les tenants du savoir.
- On tuera les fœtus dans le ventre de leur mère et on assassinera les héros.
- Des voleurs deviendront des rois, les rois seront des voleurs.
- Les dirigeants confisqueront la propriété et en feront un mauvais usage.
- Ils cesseront de protéger le peuple.
- De la nourriture déjà cuite sera mise en vente.
- Le nombre des vaches diminuera.
- Des groupes de bandits s’organiseront dans les villes et les campagnes.
- Les commerçants feront des opérations malhonnêtes.
- Ils seront entourés de faux philosophes prétentieux.
- Tout le monde emploiera des mots durs et grossiers
- On ne pourra se fier à personne.
- Les gens du Kali-Yuga prétendront ignorer les différences de race et le caractère sacré du mariage, la relation de maître à élève, l’importance des rites.
- Les agriculteurs abandonneront leurs travaux de labours et de moisson pour devenir des ouvriers non-spécialisés et prendront les mœurs des hors-castes.
- L’eau manquera et les fruits seront peu abondants.
- Beaucoup seront vêtus de haillons, sans travail, dormant par terre, vivant comme des miséreux.
- Les gens croiront en des théories illusoires.
Le Dieu Shiva, voyant cette décadence, « lança contre elle son arme la plus terrible, une arme de feu qui, en un instant, brûlait tout, détruisait toute vie […] Seuls furent sauvés quelques fidèles de Shiva qui s’étaient échappés dans la région où vivent les Gana (les compagnons de Shiva), c’est-à-dire le monde Mahar ou monde extra-planétaire. Ce sont ces rescapés qui ont préservé en secret certains éléments du savoir des Assours pour les humanités futures ».
Où l’on voit, avec ces dernières lignes, que les cycles se terminent tous de la même façon.
Une minorité lucide et volontaire subsiste après le cataclysme; elle a pris soin de rassembler les éléments positifs qui constituent le meilleur de leur Humanité et traverse, avec son bagage sur le dos, le gué qui la mène vers l’inconnu.
C’est grâce à eux, à ces hommes et ces femmes de savoir, ces êtres éveillés, que le nouveau cycle peut démarrer sur les bases de l’ancien. Les racines étant préservées, un nouvel arbre peut dès lors s’épanouir et fleurir. Nous remarquerons que ces survivants sont amenés à se réfugier sur une autre planète, chez les Gana.
L’un de ces textes sacrés, le Lingä Purânä, comporte des prédictions qui se rapportent non plus à l’Humanité dans laquelle vivaient les Assours il y a plus de soixante mille ans, mais à la nôtre ; nous allons alors retrouver la thèse développée par Nostradamus, celle d’un Grand Justicier, le Grand Monarque, qui vient faire une guerre totale aux « méchants » ; dans ce cas, la catastrophe finale n’est plus seulement d’ordre cataclysmique mais se rapporte directement à l’attitude des hommes qui provoquent cette catastrophe. Il s’y ajoute alors une raison d’ordre moral qui fait que la catastrophe devient une opération de purification. « Durant la période de crépuscule qui termine le Yugä, le justicier viendra et tuera les méchants. Il sera né de la dynastie de la Lune. Son nom est Guerre (Samiti). Il errera sur toute la terre avec une vaste armée. Il détruira les Mlécchä (les Barbares de l’Occident) par milliers. Il détruira les gens de basse caste qui se sont saisis du pouvoir royal et exterminera les faux philosophes, les criminels et les gens de sang mêlé. Il commencera sa campagne dans sa trente-deuxième année et continuera pendant vingt ans. »
Il y a dans ce texte, que j’ai fait paraître dans mon premier livre il y a 18 ans (8), l’intégralité de ce qui se passe actuellement et de ce qui pourrait arriver :
- Arihat est le faux messie, l’antéchrist ou l’antichrist de la Bible ; celui-là même que la secte mondialiste a l’intention de nous proposer comme « guide suprême ».
- Le détail de toutes les avanies que cette même secte nous fait subir ; si vous transposez le langage ancien décrivant l’Inde de cette période lointaine dans notre période actuelle, vous constaterez que nous sommes en train de vivre presque toutes ces mésaventures, avec – petit retour en arrière - plusieurs références à ce qui s’est passé pendant la Révolution qui est à l’origine de ce désastre.
- Une guerre atomique éclate ensuite qui détruit la presque totalité de l’espèce humaine ne laissant en vie que quelques personnes, ces « êtres différenciés » debout au milieu des ruines chers à Julius Evola, qui vont pouvoir redémarrer le nouveau cycle.
Donc, voilà, tout y est ; il n’y a rien de nouveau sous le soleil, le monde est en perpétuel recommencement.
Nous pouvons remarquer que nous sommes un peu plus concernés par ce qui s’est passé à la fin du cycle précédent, il y a 64.800 ans, que par les prédictions concernant celui que nous vivons, à savoir l’apparition d’un justicier (la parousie, le retour du Christ, le Grand Monarque ?) qui anéantira les satanistes, pour simplifier.
Jean Phaure, primordialiste (9) chrétien, (1928-2002) annonçait en 1974 la fin des temps pour... 2030 !
Jean Phaure écrivait ces mots bouleversants en 1973: « Douloureux honneur que d’appartenir à une Humanité finissante qui ne sait pas sa fin prochaine, qui ne veut pas le savoir, - et de le dire pourtant, car il faut qu’en cette époque certaines choses soient dites, aussi inconfortables soient-elles. Dans le demi-siècle à venir, les événements les plus brutaux, les plus inconcevables , à la fois maléfiques et bénéfiques, vont éclater – et ce n’est qu’alors que la plupart s’apercevront que certains les avaient prévus. Car cette Humanité est sourde et aveugle, et son réveil sera sanglant (10)... »
Selon la tradition shivaïte, notre grand cycle d’Humanité, que les Hindous appellent Manvantara est le septième sur Terre; la première Humanité est née il y a plus de 400.000 ans.
Notre Manvantara, dont nous pourrions voir la fin rapidement, s’est étendu sur 64.800 ans, nombre qui correspond à: 2,5 cycles précessionnels de 25.920 ans, 5 « grandes années » de 12.960 ans, 30 « Ères » zodiacales de 2160 ans (11).
Avant d’entrer dans l’Ère du Verseau, nous sortons de l’Ère des Poissons, caractérisée par la prédominance du christianisme suite à la descente de l’avatar Christ. Dans la tradition hindouiste, un avatar est la descente d’un dieu ou d’un représentant de Dieu qui s’incarne pour rétablir l’ordre et sauver le monde à chaque ère zodiacale.
Notre Humanité a donc connu au moins 30 avatars, mais sûrement plus, car il peut y avoir apparition de plusieurs avatars pour chaque début d’ère zodiacale, qui ont à peu près tous le même profil: fils de Dieu, ou d’un dieu, et d’une mortelle vierge, venus combattre le démon, ou les démons, guérisseurs et initiateurs, périssant en sacrifice avant de remonter vers le Père (voir, par exemple, la figure d’Héraklès ou celle de Mithra). Pour Jean Phaure, le Christ a ceci de différent, et de spirituellement supérieur, d’avec ses prédécesseurs, c’est qu’il arrive à la fin du grand cycle, du Manvantara, pour le clôturer dans l’Apocalypse, la gloire de la Révélation et la parousie qui est le second avènement du Christ (p. 248).
Cette fin apocalyptique pourrait survenir dans un délai très court à l’heure où nous écrivons car Jean Phaure, reprenant un texte sacré hindou, précise qu’elle pourrait se situer en... 2030.
« C’est donc la grande Tribulation de l’Antéchrist qui représente le terme de la cyclologie adamique, le renversement total de l’âge d’Or primordial, et la fin du Cycle proprement dit. Une tradition hindoue situe cette « fin » (fin du Kali-Yuga) en 2030. Nicolas de Cuse (1401-1464) « tombe » sur la même date! […] Quelle que soit l’importance des traditions que nous venons d’évoquer, ce n’est évidemment qu’à titre d’hypothèse de travail que nous faisons état de cette datation (2030), qui nous semble cependant prêter à l’échelonnement des événements de la Fin un cadre chronologique de grande vraisemblance».
Comment être du bon côté du manche
Je voudrais terminer sur une note optimiste (si c’est possible dans ce contexte), à savoir que je lis ce matin même, 20 août 2024, sur le site canadien nouveaumonde.ca (12), que « Selon un décret signé par le président Vladimir Poutine, Moscou fournira une assistance à tous les étrangers qui souhaitent échapper aux idéaux néolibéraux mis en avant dans leur pays et s’installer en Russie, où les valeurs traditionnelles règnent en maître.
En vertu de ce document, ces ressortissants étrangers auront le droit de demander une résidence temporaire en Russie « en dehors du quota approuvé par le gouvernement russe et sans fournir de documents confirmant leur connaissance de la langue russe, de l’histoire russe et des lois fondamentales ».
Les demandes peuvent être fondées sur le rejet des politiques de leurs pays « visant à imposer aux gens des idéaux néolibéraux destructeurs, qui vont à l’encontre des valeurs spirituelles et morales traditionnelles de la Russie ».
Cela peut toujours servir, à défaut de pouvoir vous réfugier sur une autre planète comme l’ont fait les derniers survivants des Assours…
Pierre-Emile Blairon
- (1) Victor Hugo avait déjà perçu en son temps la Révolution française comme une étape constitutive de ce singulier satanisme qui resurgirait à la fin de notre cycle, dans son œuvre inachevé : La Fin de Satan.
- (2) Notamment dans La France, laboratoire de la secte mondialiste, octobre 2023.
- (3) Preuve, s’il en fallait, que l’opération d’ingénierie sociale évoquée dans la deuxième phase a parfaitement fonctionné.
- (4) Système XY de détermination sexuelle : « Il est fondé sur la présence de chromosomes sexuels différents entre les différents individus de l'espèce. Ainsi, les mâles possèdent un chromosome X et un chromosome Y, alors que les femelles possèdent deux chromosomes X. Le sexe hétérogamétique (possédant donc deux chromosomes sexuels différents) est donc le sexe mâle » (Wikipedia). La polémique qui a été créée aux J.O. 2024 à propos d’une personne de nationalité algérienne qui a gagné la finale de boxe féminine n’avait pas lieu d’être ; cette polémique est née du fait que le C.I.O a avancé pour toute justification que cette personne possédait un passeport indiquant son sexe féminin comme critère de son statut, alors que les fédérations de boxe le contestent. Il est évident qu’une mention sur un passeport n’est pas une preuve suffisante. Il faut recourir à une analyse du génotype contenu dans une cellule d’ADN qui indiquera sans le moindre doute le genre de l’individu.
- (5) C’est encore Victor Hugo qui écrivait dans Les Misérables: « Mentir, c’est la face même du démon ; Satan a deux noms : il s’appelle Satan et il s’appelle Mensonge. »
- (6) Il y a une constante : la secte mondialo-sataniste procède toujours par test, c’est dans son ADN, puisque ce « sauveur » qu’elle semble vouloir mettre en place n’est rien d’autre que la répétition préalable à l’avènement de la vraie Bête chère à leur cœurs (façon de parler, ces gens n’ont pas de cœur) ; a priori, l’apparition récente du RN en force dans l’Assemblée nationale et de son jeune représentant ne semblent pas devoir être assimilés à ce projet, le RN se cantonnant pour l’instant dans un silence prudent.
- (7) Le Destin du monde selon la tradition shivaïte, première partie : la théorie des cycles, p. 21 à 40. Albin Michel, 1985
- (8) La Dame en signe blanc, 2006.
- (9) Primordialiste, ou traditioniste : qui se réclame de la Tradition primordiale, laquelle peut se définir par quelques caractéristiques fondamentales, à savoir : la cyclologie : le temps se déroule par cycles (il n’est pas linéaire), en involution (il n’est pas évolutionniste, ou progressiste), la fin d’un cycle est marqué par l’inversion des vraies valeurs qui fondent les civilisations, la Tradition primordiale implique que toutes les religions, civilisations ou spiritualités proviennent d’une source unique, une civilisation primordiale de caractère à la fois solaire (Apollon) et polaire (Hyperborée), qui a ensuite répandu sa connaissance à travers le monde ; pour l’ésotérisme chrétien, le Christ est d’essence apollinienne.
- (10) Le Cycle de l’Humanité adamique, introduction à l’étude de la cyclologie traditionnelle et de la fin des temps, p. 503, Dervy, 1973.
- (11) Ibid. p. 240 et 509.
- (12) https://nouveau-monde.ca/la-russie-offre-un-refuge-aux-pe...
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samedi, 24 août 2024
Tradition et modernité. Au commencement était le sang...
Tradition et modernité. Au commencement était le sang...
par Emiliano Calemma
Source: https://www.destra.it/home/tradizione-e-modernita-in-principio-era-il-sangue/
Il est étonnant de voir comment la plupart des partisans de l'idéologie dominante parviennent à subvertir la réalité des faits avec une simple déclaration, un court écrit, une vidéo stupide de quelques secondes. Mais il y a une explication : des décennies de propagande, assénée par les vainqueurs, ont enterré des décennies de silence observé par les vaincus. Et les torts sont partagés, à parts égales.
Au commencement était le sang: c'est la grande vérité qui a disparu de tous les livres, de toutes les télévisions, de l'esprit de la soi-disant majorité démocratique. Au commencement était le sang, entendu comme l'union des valeurs fondatrices: la terre, le peuple, la tradition. La principale composante de la nouvelle idéologie est précisément la rupture du lien entre le sang, la terre, le peuple et la tradition.
Avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, le sang, la terre, le peuple et la tradition signifiaient l'appartenance, ils représentaient des éléments inséparables qui formaient un concept immuable de patrie. L'homme était prêt à mourir. Et il était prêt à le faire sur la base d'éléments tangibles et millénaires.
Puis vint l'issue du conflit que nous connaissons si bien et tout se transforma en concepts abstraits. En explications absurdes qui renversent l'ordre naturel des choses et nient même la réalité biologique. « Personne ne peut décider de ce que nous nous sentons être » ou “la diversité est une force”, tels sont les mantras d'aujourd'hui.
Le chef-d'œuvre a été de tout transformer en idées abstraites, détachées de la réalité, qui peuvent être transformées à volonté ou modifiées selon les besoins. Le concept semble compliqué, mais il ne l'est pas : s'il faut changer une montagne, ce sera pratiquement impossible ; mais s'il faut changer une idée, ce sera plus simple. Si tout est totalement déconnecté de la réalité, tout sera toujours modifiable en fonction des besoins.
Pour les politiciens et les influenceurs à la solde de l'idéologie, tout est abstrait : ils prennent la vie des gens et la manipulent pour en faire une culture du mélange basée sur des concepts qui n'ont rien de réel. Ce qui est blanc est blanc, ce qui est noir est noir. Ce qui est homme est homme et ce qui est femme est femme, disait-on, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, tout est nuance, tout est « je suis ce que je veux », tout est dysmorphisme aberrant.
La terre est une idée et les frontières disparaissent. Le peuple devient une idée et efface les cultures et les nationalités. La tradition se transforme en idée et des cultures alternatives basées sur les caprices de quelques-uns voient le jour.
Et le signe le plus distinctif de cette folie générale, où rien n'a de substance et où toutes les formes sont en constante mutation, est le fait que ceux qui croient encore à la terre, au peuple et à la tradition peuvent, d'une certaine manière, être aidés par les hommes politiques qui sont censés les représenter. C'est un autre aspect de cette lecture sociale complexe.
Dans ce tourbillon constant de politiciens, de partis et de leurs slogans, le gagnant est toujours le système. Un système fluide qui a en son centre l'inamovible dieu argent, et tout autour une pléthore de galaxies formées par des groupes plus ou moins influents qui œuvrent pour que l'idéal métamorphique abstrait l'emporte sur les piliers de la tradition.
« Tout sera nié. Tout deviendra un credo. C'est une attitude raisonnable que de nier l'existence des pierres sur la route ; ce sera un dogme religieux que de l'affirmer. C'est une thèse rationnelle de penser que nous vivons tous dans un rêve ; ce sera un exemple de sagesse mystique d'affirmer que nous sommes tous éveillés. Nous allumerons des feux pour témoigner que deux et deux font quatre. Nous tirerons l'épée pour prouver que les feuilles sont vertes en été. Nous défendrons non seulement les incroyables vertus et sagesses de la vie humaine, mais aussi quelque chose d'encore plus incroyable : cet univers immense et impossible qui nous regarde droit dans les yeux. Nous nous battrons pour les merveilles visibles comme si elles étaient invisibles. Nous regarderons l'herbe et les cieux impossibles avec un étrange courage. Nous ferons partie de ceux qui ont vu et qui ont cru ». (Gilbert Keith Chesterton).
12:11 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, modernité, abstraction, philosophie | |
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mardi, 13 août 2024
Les fondements mythiques du capitalisme
Les fondements mythiques du capitalisme
Gil-Manuel Hernàndez i Martí
Source: https://geoestrategia.es/noticia/43145/politica/los-fundamentos-miticos-del-capitalismo.html
Ceux qui ont perdu leurs symboles historiques et ne peuvent se contenter de "substituts" se trouvent aujourd'hui dans une situation difficile: le néant s'ouvre devant eux, devant lequel l'homme détourne le visage avec effroi. Pire encore, le vide est rempli d'idées politiques et sociales absurdes, toutes spirituellement désertées (Carl G. Jung : Sur les archétypes de l'inconscient collectif, 1934).
Le pouvoir du mythe
Le capitalisme, en tant que système économique et social prépondérant dans le monde, a exercé et continue d'exercer une influence significative sur nos vies et sur la formation des sociétés de manière profonde, complexe et durable. Cette formation historique, enracinée dans des théories et des pratiques économiques et politiques, fonctionne comme un mode de production matérielle, une machine à générer et à concentrer les profits, et un mécanisme de contrôle social qui repose sur une logique d'exploitation englobant diverses dimensions telles que la classe, le sexe, la race et l'espèce. Il s'agit également d'une force puissante pour façonner les subjectivités et d'un dispositif hégémonique pour la reproduction culturelle. En tant que tel, il se manifeste comme une structure intégrale de domination et de transformation du monde, avec la capacité d'influencer toutes ses sphères, et même de conduire l'humanité vers un état d'effondrement civilisationnel, en raison de sa nature écocide.
Si l'anthropocentrisme, le patriarcat et la construction de l'ego humain existaient déjà avant l'avènement du capitalisme, ce dernier les intensifie, les exacerbe et les subordonne à une logique prédatrice centrée sur la recherche du profit dans le cadre d'un marché prétendument concurrentiel, qui prévaut sur toute autre considération éthique ou forme de relation sociale.
Cependant, une exploration plus approfondie du capitalisme nous permet de l'analyser dans une perspective plus large, en plongeant dans ses fondements mythiques et archétypaux. Dans cet article, nous allons tenter d'explorer la manière dont la logique du capitalisme, façonnée autour du 16ème siècle et développée avec une intensité croissante à partir du 18ème siècle, est particulièrement synchronisée avec l'énergie psychique et sociale de certains mythes et archétypes qui ont existé tout au long de l'histoire de l'humanité. Ces configurations mythiques et archétypales sont présentes, avec diverses adaptations et nuances, dans la plupart des cultures humaines, comme l'ont montré l'anthropologie et la psychologie des profondeurs. Dans cette exploration, nous nous appuierons sur la mythologie grecque comme référence, en raison de sa proximité culturelle. Elle a laissé une empreinte profonde sur la formation de la psyché collective de l'Occident, où le capitalisme a émergé et s'est développé.
Il convient de souligner qu'un mythe est un récit, généralement traditionnel et sacré, qui a une signification symbolique et qui est partagé au sein d'une communauté ou d'une culture spécifique. Les mythes fonctionnent comme des incarnations culturelles des archétypes, compris comme les forces impersonnelles de l'inconscient collectif. Selon Carl Jung (2004), les archétypes constituent une sorte de modèles fondamentaux dans la psyché humaine, qui se manifestent par des images archétypales et s'expriment de manière synchronisée dans la façon dont les individus et les collectifs perçoivent leur environnement et y réagissent (Jung, 2010). Comme le souligne Joseph Campbell (2015) dans son célèbre ouvrage The Power of Myth, les mythes sont métaphoriquement vrais et précieux parce qu'ils véhiculent des vérités sur l'expérience humaine qui échappent à une approche exclusivement rationnelle et scientifique. Les mythes constituent des universaux culturels qui, tout au long de l'histoire, ont servi de récits symboliques pour donner un sens au monde, car les symboles qu'ils contiennent expriment des idées-force qui dépassent le rationnel et le temporel pour entrer dans le mystère et l'ineffable (Chevalier et Gheerbrant, 2007). En effet, comme l'a souligné Thomas Berry (2015), les symboles sont des sources d'énergie et, en même temps, des moyens de transformation psychique. Les symboles expriment des significations partagées, avec la capacité de représenter quelque chose qui est reconnu et compris par un groupe ou une communauté. En tout état de cause, les mythes que les symboles articulent sont souvent flexibles et s'adaptent à l'évolution de la société, conservant leur pertinence et leur signification au fil du temps.
En effet, comme l'a souligné Carl Kerenyi (2009), le mythe survit grâce à la plasticité du mythologème, qui fait référence au riche matériel mythique qui est continuellement révisé, généré et reconfiguré avec des éléments culturellement spécifiques. En d'autres termes, le mythologème fait référence aux composantes minimales et universelles d'un mythe, qui peuvent être répétées ou combinées sous diverses formes pour construire des récits mythologiques plus complexes. Ainsi, le mythologème fonctionne comme un motif récurrent qui apparaît dans différents récits mythologiques et peut se référer à des personnages, des événements, des objets ou des situations. Les mythologèmes ont constitué les fondements de récits qui ont résisté à l'épreuve du temps, des récits qui, "au lendemain d'un monde qui se dissout, restent le miroir dans lequel nous nous contemplons et donnons un sens à notre existence" (Marcet, 2023).
Certes, les mythes peuvent déformer plus ou moins la réalité, mais ils contribuent aussi à la façonner, à la construire et à l'orienter. Les mythes servent à établir, étayer et renforcer des valeurs, des identités, des normes et des croyances partagées au sein d'une communauté, en se transmettant de génération en génération. Ils sont véritablement performatifs et prescriptifs, ce qui explique leur pouvoir et leur transcendance. Comme Vicente Gutiérrez (2023) l'a récemment affirmé en parlant des "mythes qui soutiennent le capitalisme fossiliste", les mythes soutiennent culturellement les modes de production, qui sont également des modes de production de mythes, de sorte que sans les mythes, la permanence, la force et l'acceptation des systèmes économiques, politiques et sociaux ne peuvent pas être comprises. En effet, un mythe ne consiste pas en une simple "superstructure" dérivée du déterminisme matérialiste qui caractérise les relations entre les forces productives. Il s'agit plutôt d'une infrastructure génératrice de connaissances et de sens, d'une "structure de sentiment", d'un tissu symbolique, d'un cadre interprétatif et d'une philosophie quotidienne aux caractéristiques numineuses indéniables. Les mythes, en tant que traduction culturelle des archétypes, expriment la force énergétique des archétypes et leur capacité à harmoniser, stimuler, orienter et renforcer les actions des sociétés humaines et, par conséquent, des modes de domination dans chaque cycle historique.
L'hybris du capitalisme
L'analyse des fondements mythiques du capitalisme, c'est-à-dire l'exploration de ses mythologèmes, permet à la fois de mesurer sa force historique et de comprendre à quel point il est difficile de le réformer, de le dépasser ou d'imaginer des alternatives viables. Lorsque Mark Fisher (2016) a inventé le terme "réalisme capitaliste", il tentait de décrire un état culturel et politique dans lequel le capitalisme a si profondément imprégné la société qu'il est perçu comme la seule façon possible d'organiser la vie. Ainsi, même lorsque les gens reconnaissent les problèmes et les échecs du capitalisme, il leur est difficile d'imaginer et d'élaborer des alternatives significatives, en raison de l'hégémonie écrasante de la pensée capitaliste.
Les motivations et les manifestations du pouvoir du capitalisme, au sens économique, politique et idéologique, sont bien connues et bien étudiées. Mais les impulsions psychiques et archétypales du capitalisme, véhiculées culturellement par les mythes classiques et exprimées dans les mythologèmes, sont peut-être moins connues, en raison du parti pris excessivement matérialiste et rationaliste des sciences sociales critiques. C'est pourquoi nous devons leur prêter attention, car depuis les profondeurs silencieuses de l'inconscient collectif, elles poussent sans relâche, suivant une logique synchronistique (Jung, 2004), pour être entendues, connues et comprises. Une tâche nécessaire pour proposer des alternatives émancipatrices crédibles face à un système totalisant qui menace de tout balayer.
Dans notre modeste approche de ce que nous comprenons comme les fondements mythiques du capitalisme, nous nous concentrerons sur l'idée qu'ils parlent tous d'une inflation pathologique et destructrice de l'ego. Selon Marcet (2023), toutes les mythologies des cultures de la terre nous mettent en garde contre l'hybris: nous ne pouvons pas être comme des dieux, car nous en périrons. Dans la tradition grecque, l'hybris ou hubris est un terme qui renvoie à une arrogance excessive, à un manque de respect pour les dieux, pour la nature. L'hybris, dans sa version capitaliste, se retrouve donc dans les récits mythiques qui présentent des personnages ou des situations reflétant la poursuite effrénée du pouvoir, de la richesse et du succès, sans tenir compte des conséquences morales ou sociales de leurs actions.
L'hybris de la mythologie grecque a constitué une impulsion archétypale liée au long développement historique de la notion d'individualité, comprise comme l'illusion d'un sujet indépendant et autonome. Cependant, cette hybris a été exacerbée lorsque la conception moderne du progrès a pris forme, ce que le capitalisme a traduit en une obsession compulsive d'avancer, de croître et d'accumuler des richesses et du pouvoir, quel qu'en soit le prix, en regardant toujours vers le temps du futur, ce temps propulsé par une modernité qui a annulé l'ancien lien entre l'humanité et la nature/divinité (Marcet, 2023). Cette pulsion irrépressible, qui implique une démesure due à l'aveuglement et à l'orgueil impie (Jappe, 2021), se manifeste par la recherche du profit, l'avidité systémique, l'expansion économique et la croissance perpétuelle. Les dettes, cependant, doivent être remboursées à un moment ou à un autre.
Dans ce champ narratif, les exploits des "entrepreneurs", des hommes d'affaires prospères et des acteurs "perturbateurs" du marché font souvent référence à l'archétype du héros classique ivre d'hybris. Ces combattants légendaires de l'avant-garde capitaliste relèvent des défis, prennent des risques, rivalisent sans relâche et surmontent des obstacles dans leur quête d'expansion, ce qui explique pourquoi ils sont vénérés comme garants de l'avancement de la civilisation. La vie est à leur portée. Bien sûr, plus de modération, de retenue, de compassion, de consensus ou de conciliation est toujours possible, ne serait-ce que par souci de stratégie, et cela a d'ailleurs été le cas dans certaines phases historiques du capitalisme. Mais en fin de compte, l'élan implacable de l'hybris capitaliste signifie que la composante faustienne de sa dynamique structurelle conduit nécessairement au désastre. Le néolibéralisme sauvage contemporain en est la preuve.
En effet, comme les mythes grecs nous mettent en garde contre les excès de l'hybris, défier certaines limites, qu'elles soient naturelles ou divines, ne pas tenir compte des avertissements concernant les excès, commettre les mêmes erreurs encore et encore, a un coût élevé, qui s'incarne dramatiquement dans les krachs, les crises ou les effondrements. Ces événements, loin de s'arrêter ou de s'atténuer, tendent à se répéter cycliquement dans le capitalisme, intensifiant et mettant en danger la vie sur la planète elle-même. Le système a-t-il appris quelque chose des leçons historiques fournies par la puissance de ses fondations mythiques ? Il ne semble pas, et c'est plutôt inquiétant. Examinons, même si c'est de manière impressionniste, certains de ces anciens mythes particulièrement révélateurs.
Les mythes anciens de l'hybris capitaliste moderne
Le mythe d'Icare
Icare et son père Dédale s'échappèrent de Crète, où ils étaient retenus par le roi Minos, au moyen d'ailes faites de plumes attachées à leurs épaules avec de la cire. Cependant, Icare, aveuglé par sa propre arrogance, a désobéi aux avertissements de son père de ne pas s'élever trop haut au-dessus de la mer, s'approchant dangereusement du soleil, faisant fondre la cire et tomber Icare dans l'eau. Ce mythe illustre les conséquences désastreuses de l'ambition démesurée, de l'imprudence technologique, de la mégalomanie, de la vanité et de l'insouciance qui caractérisent le capitalisme. Le mythe montre comment le fait d'ignorer les avertissements de ne pas dépasser certaines limites peut conduire à l'échec et à la ruine. Symboliquement, il suggère également que la surchauffe de la civilisation thermo-industrielle, représentée par le réchauffement climatique, entraîne sa ruine en la précipitant dans les abysses de la mer, elle-même symbole fondamental de l'inconscient collectif et du monde souterrain.
Le mythe du roi Midas
Grâce à son hospitalité envers le satyre Silène, tuteur et fidèle compagnon de Dionysos, ce dernier donna au roi Midas le pouvoir de transformer en or tout ce qu'il touchait. Bien que ce don ait d'abord semblé être une bénédiction, le roi Midas ne tarda pas à en découvrir les conséquences désastreuses, car même sa nourriture et sa fille se transformaient en or lorsqu'il les touchait. Réalisant qu'il ne pouvait pas apprécier une nourriture qui se transformait en métal à son contact, il supplia Dionysos de le libérer de son don. Ce dernier lui demanda de se laver dans la rivière Pactole, ce qui le ramena à la normale. Le mythe met en garde contre la façon dont l'obsession de la richesse (l'or qui prolifère) et l'accumulation de biens peuvent conduire à un malheur généralisé, comme c'est notamment le cas dans le capitalisme mondial financiarisé, déconnecté de la sphère productive et livré à la spéculation la plus brutale. Cette situation symbolise cette quête insatiable du profit (l'or) qui guide le capitalisme (le roi), déconnecté de toute instance transcendante, sensible ou spirituelle, qui conduit immanquablement à l'aliénation, à la dégradation de l'humanité et à l'anéantissement de la vie. D'une certaine manière, le désir ultime du roi Midas de réparer le mal suggère la possibilité d'un certain repentir sous la forme d'une diminution, d'un endiguement ou d'une modération des besoins matériels inhérents au fonctionnement du système, mais cela reste à voir.
Le mythe de Tantale
Après avoir été invité par les dieux à leur banquet, Tantale succomba à la tentation de les égaler en leur offrant de la nourriture, allant même jusqu'à sacrifier son propre fils pour leur servir ses restes. En guise de punition, Tantale fut condamné à un tourment éternel dans les enfers, où on lui présentait de la nourriture et de la boisson qui lui étaient toujours retirées lorsqu'il essayait de les prendre. En outre, un énorme rocher se balançait au-dessus de lui, menaçant de l'écraser. Ce mythe illustre l'addiction démesurée du système à être un dieu, axée exclusivement sur une obsession vorace pour les biens matériels. Le capitalisme, reflété dans ce mythe, génère un désir insatiable et constant, à l'instar du consumérisme de masse qu'il promeut à l'échelle mondiale. Cependant, l'objet du désir ne peut jamais être complètement satisfait, car de nouveaux appétits apparaissent constamment et la poursuite avide se poursuit afin que le taux de profit continue de croître, avec les risques que cela comporte (le rocher qui oscille). Ce récit reflète la réalité systémique d'une ambition permanente, d'une quête sans fin de désirs à satisfaire et d'une frustration chronique qui n'apporte qu'angoisse, frustration et malheur.
Le mythe de Prométhée
Le titan Prométhée trompa Zeus et, pour le punir, le dieu suprême de l'Olympe lui refusa l'accès au feu. Prométhée vola cependant des escarbilles incandescentes pour les donner aux humains afin de les aider dans leur développement. En réponse, Zeus l'enchaîna à un rocher où un aigle dévora à plusieurs reprises son foie qui se régénérait sans cesse. Il fut libéré par Héraklès, fils de Zeus, et le centaure Chiron, mais Prométhée dut désormais porter un anneau attaché à un morceau du rocher auquel il était enchaîné. Ce mythe met en évidence l'aspiration au progrès, à l'amélioration intellectuelle et matérielle de soi, ainsi que l'assimilation à l'intelligence divine, que la société capitaliste incarne si bien (aujourd'hui avec l'"intelligence artificielle").
Cependant, Marx et le socialisme ont également admiré Prométhée en tant que symbole de la révolution et du progrès civilisationnel. Tout au long de l'histoire de la culture occidentale, le mythe de Prométhée a été interprété de trois manières: comme une figure charismatique qui permet le progrès humain; comme le prototype romantique du rebelle qui défie les dieux et la nature; mais aussi comme une figure maléfique dont le savoir et la capacité technologique ont causé de grands désastres et d'énormes souffrances. Ce mythe caractéristique de la modernité, que le Frankenstein de Mary Shelley a mis à jour (ce n'est pas pour rien qu'il est sous-titré "ou le Prométhée moderne"), raconte la dangereuse tendance à vouloir ressembler à la divinité. En d'autres termes, il raconte comment l'ambition technologique et la perversion de la connaissance scientifique dans le contexte capitaliste intrinsèquement titanesque peuvent déclencher des monstruosités éthiques et des effets dystopiques imprévus. En outre, le mythe souligne que, bien qu'il existe une possibilité de se libérer de ces maux, l'humanité doit rester humble et se souvenir de ses effondrements passés, comme l'indique l'image de l'anneau avec le morceau de roche que Prométhée doit toujours porter.
Le mythe de Narcisse
La dimension psychopathologique du capitalisme est énoncée par la figure de Narcisse. Narcisse était célèbre pour son extraordinaire beauté, mais aussi pour sa profonde vanité. Pour punir son arrogance, la déesse Némésis le fit tomber amoureux de sa propre image reflétée dans un étang. Absorbé dans sa contemplation, il ne put s'arracher à son propre reflet. Dans une version romaine du mythe, il est dit que lorsque Narcisse a vu son visage dans l'eau, il a été pris au piège: de peur d'abîmer son image, il n'a pas voulu la toucher et n'a pas pu s'empêcher de la regarder. Narcisse se serait suicidé en se jetant dans l'étang, car il ne parvenait pas à posséder l'objet de son désir. Ce mythe renvoie à l'égocentrisme et au soi-disant narcissisme, des aspects qui sont clairement caractéristiques du capitalisme. Il apparaît séduit par sa propre dynamique de destruction créatrice (la "beauté" du capital). Cette fascination l'empêche de modérer ses appétits, ce qui le conduit inévitablement à l'aliénation ultime et, finalement, au suicide par écocide.
Le mythe de Phaéton
Phaéton était le fils d'Hélios et, désireux de se vanter de sa lignée auprès de ses amis, il persuada son père de lui accorder un vœu. Il demanda à pouvoir guider le char du soleil dans le ciel pendant une journée. Malgré les tentatives de dissuasion d'Hélios, Phaéton resta inflexible dans sa détermination. Le jour venu, le jeune homme fut pris de panique et perdit le contrôle des chevaux blancs qui tiraient le char. Désespéré, il monta trop haut, refroidissant la terre, puis redescendit trop bas, provoquant sécheresse et incendies. Phaéton transforma par inadvertance une grande partie de l'Afrique en désert, brûlant la peau des Éthiopiens. Finalement, Zeus fut contraint d'intervenir, frappant le char déchaîné d'un coup de foudre pour l'arrêter, provoquant la chute de Phaethon qui se noya dans le fleuve Eridanus (Po). Ce mythe illustre de manière impressionnante comment l'ambition excessive et l'irresponsabilité dans le maniement de certaines technologies peuvent déclencher l'altération anthropogénique de la planète, comme c'est le cas dans la réalité d'aujourd'hui avec le chaos climatique causé par le capitalisme et sa religion technologique dogmatique.
Le mythe du Minotaure
Ce récit mythique reflète le processus par lequel une engeance contre nature (le capitalisme mondial) peut conduire à la barbarie et au sacrifice de l'avenir d'une société (les nouvelles générations et celles à venir). Le Minotaure, ou "taureau de Minos", était le fils de Pasiphaé, épouse du roi crétois Minos, et d'un taureau blanc que Minos appréciait beaucoup, car il lui avait été donné par Poséidon. Le Minotaure ne mangeait que de la chair humaine et, en grandissant, il devenait de plus en plus sauvage. Lorsque le monstre devint incontrôlable - comme la civilisation industrielle capitaliste - Dédale construisit le labyrinthe de Crète, une structure gigantesque composée d'un nombre incalculable de couloirs entrecroisés, dont un seul menait au centre de la structure, où le Minotaure était abandonné. Pendant des années, Athènes, soumise au roi Minos, a dû livrer quatorze de ses jeunes hommes, qui ont été enfermés dans le labyrinthe, où ils ont erré, perdus, pendant des jours, jusqu'à ce qu'ils rencontrent le Minotaure et lui servent de nourriture. C'est ainsi que le héros Thésée, aidé par le fameux fil fourni par Ariane, fille du roi Minos, a pu pénétrer dans le labyrinthe et tuer le Minotaure. Cela montre que même si nous essayons de contenir le capitalisme, sa nature prédatrice ne change pas, et qu'il n'y a donc rien de mieux que de le tuer.
L'économiste grec Yanis Varoufakis (2024) fait référence au mythe du Minotaure, notant que la satisfaction de la faim de la créature était cruciale pour maintenir la paix imposée par le roi Minos, qui permettait au commerce de traverser les mers, apportant avec lui les avantages de la prospérité pour tous. En adaptant cette métaphore au capitalisme contemporain, Varoufakis identifie un Minotaure mondial sous la forme de l'hégémonie économique des États-Unis et de Wall Street. Cette hégémonie s'appuie sur le déficit commercial des États-Unis, qui importent massivement des produits manufacturés du reste du monde au profit de Wall Street et des grands investisseurs américains. Selon Varoufakis, alimenté par ce flux constant de tributs, le Minotaure mondial, lié au néolibéralisme et à l'informatisation de la finance, a permis et maintenu l'ordre mondial post-Bretton Woods, tout comme son prédécesseur crétois avait préservé la Pax Creta, bien qu'au prix d'importantes souffrances pour les populations du monde et d'énormes risques financiers. Cependant, comme le Minotaure originel, ce système a commencé à s'effondrer avec la crise économique de 2008. Varoufakis (2024) conclut ainsi: "En fin de compte, on se souviendra de notre Minotaure comme d'une bête triste et bruyante dont le règne de trente ans a créé, puis détruit, l'illusion que le capitalisme peut être stable, que la cupidité peut être une vertu et que la finance peut être productive".
Le mythe de Sisyphe
Sisyphe, connu pour avoir irrité les dieux en raison de son extraordinaire ruse, fut condamné à une tâche apparemment interminable et futile dans le monde souterrain (le royaume de l'inconscient collectif). Son travail consistait à pousser un énorme rocher en haut d'une colline escarpée. Cependant, chaque fois qu'il était sur le point d'atteindre le sommet et de se libérer de son fardeau, la pierre redescendait, l'obligeant à recommencer. Ce cycle se répétait à l'infini et Sisyphe ne parvenait jamais à achever sa tâche.
Ce mythe a été interprété de diverses manières. Certains y voient l'histoire d'un effort sans fin et dépourvu de sens, qui met en évidence l'absurdité de la condition humaine. D'autres l'interprètent comme une métaphore du courage humain, de la détermination, de l'effort et de l'endurance face à des obstacles apparemment insurmontables. Du point de vue du fonctionnement historique du capitalisme, le mythe de Sisyphe semble se rapporter à la puissance considérable des forces archétypales qui s'accordent avec un système régi par une conception purement expansive, ascendante et technico-matérielle du progrès. Cette obsession folle de l'accumulation de richesses et du sentiment de maîtrise conduit à un cycle sans fin de labeur et de stress sans récompense significative, car les problèmes finissent par réapparaître, conduisant à une nouvelle chute qui détruit une grande partie de ce qui a été créé et oblige à chercher de nouvelles voies d'ascension avec de lourds fardeaux sur les épaules. Ces fardeaux, tels que l'exploitation, l'inégalité, la violence ou la domination, font partie de la logique perverse du système, qui pèse structurellement sur ses ambitions excessives. Ainsi, l'inconscience ou l'arrogance face aux limites du système, imposées par la nature (le divin), génère des crises ou des effondrements récurrents, dont on ne tire pas vraiment les leçons. Cela ouvre la porte à de nouvelles tentatives irrationnelles d'ascension, elles aussi vouées à l'échec.
Le mythe d'Erysichthon et le capitalisme catabolique
Mais s'il est un mythe, par ailleurs peu connu, de la dérive actuelle vers un capitalisme catabolique et autolytique, c'est bien celui d'Erysichthon. Mais avant de l'aborder, il faut rappeler que le capitalisme catabolique désigne un capitalisme assoiffé d'énergie et sans possibilité de croissance, le catabolisme étant entendu comme un ensemble de mécanismes métaboliques de dégradation par lesquels un être vivant se dévore lui-même. Comme le souligne Collins (2018), à mesure que les ressources énergétiques et les sources de production rentables s'épuisent, le capitalisme est contraint, par sa soif continue de profit, de consommer les biens sociaux qu'il a autrefois créés. Ainsi, en se cannibalisant lui-même, le capitalisme catabolique transforme la pénurie, les crises, les catastrophes et les conflits en une nouvelle sphère de profit. En d'autres termes, la marchandisation de l'apocalypse finit par générer des perspectives commerciales lucratives (Horvat, 2021). Par conséquent, le processus d'effondrement déclenché par la contradiction même entre la logique expansive capitaliste et les limites naturelles de la planète s'intensifie.
La condition catabolique de ce capitalisme crépusculaire est renforcée par sa dérive autolytique. En biologie, l'autolyse est un processus par lequel les enzymes présentes dans les cellules d'un organisme mort commencent à décomposer la structure cellulaire. Cependant, l'autolyse peut également se produire dans des corps vivants mais malades, de sorte que dans certaines conditions pathologiques, telles que les maladies dégénératives ou les blessures graves, les cellules peuvent activer des mécanismes d'autolyse, conduisant à la dégradation des tissus et des structures cellulaires au sein de l'organisme vivant. Une comparaison qui illustre de manière frappante la décomposition et la désintégration du tissu social, déjà malade, sous l'action du capitalisme historique, qui à son tour intensifie le capitalisme catabolique. Ce dernier définit un système en phase terminale, en passe d'être remplacé par un système émergent potentiellement plus pernicieux, éventuellement de nature néo-féodale ou techno-féodale (Varoufakis, 2024).
Pour en revenir au mythe d'Erysichthon, il raconte l'histoire d'un roi thessalien connu pour son appétit brutal et son ambition débridée. Nous savions que le capitalisme a un caractère cannibale, qui le conduit à tout engloutir sur son passage pour continuer à croître (Fraser, 2023). Mais le mythe d'Erysichthon va plus loin, et Anselm Jappe (2019) le sauve dans son ouvrage La société autophage. Capitalisme, démesure et autodestruction, qui traite du caractère auto-cannibalisant du capitalisme contemporain. Selon Jappe, le mythe d'Erysichthon, jadis recueilli par le poète grec Callimaque et le romain Ovide, raconte l'histoire d'un personnage devenu roi de Thessalie après avoir expulsé ses habitants autochtones, les Pélasgiens, qui avaient consacré une magnifique forêt à Déméter, la déesse des récoltes. En son centre se dressait un arbre gigantesque, et à l'ombre de ses branches dansaient les Dryades, les nymphes de la forêt. Mais Erysichthon, désireux de transformer l'arbre sacré en planches de bois pour construire son palais, se rendit dans la forêt avec ses serviteurs dans l'intention de l'abattre. La déesse Déméter elle-même tente de l'en dissuader, mais le roi répond par le mépris. Devant le refus des serviteurs d'accomplir le sacrilège, Erysichthon abattit lui-même l'arbre, alors que du sang en coulait et qu'un châtiment était annoncé. Dans ce cas, l'abattage dans la forêt sacrée représente un affront direct aux dieux et à la nature elle-même. L'histoire illustre comment des actions imprudentes et égoïstes peuvent conduire à la dégradation et au désastre, tant au niveau personnel qu'environnemental.
En effet, Déméter a envoyé la faim personnifiée dans Erysichthon, pénétrant son corps par son souffle. Le roi fut pris d'une faim insatiable, et plus il mangeait, plus il avait faim. Il engloutit et consomme tout ce qui se trouve à sa portée, vendant sa fille pour obtenir plus de nourriture. Mais comme rien ne pouvait apaiser son incroyable appétit, il commença à s'arracher ses propres membres, de sorte que son corps, en se dévorant, s'amenuisa jusqu'à ce qu'il meure. Pour Jappe, il s'agit d'un des mythes grecs qui évoque l'hybris, qui finit par provoquer la némésis, c'est-à-dire le même châtiment divin que Prométhée, Tantale, Sisyphe, Icare, Midas ou Phaéton, entre autres, subiraient également. Un mythe étonnamment actuel, puisqu'il fonctionne comme une anticipation archétypale de ce qui se passe lorsque la nature n'est pas respectée, car un tel manque de respect attire nécessairement la colère des dieux, ou de la nature elle-même. Pour Jappe, seule la disparition presque complète de la familiarité avec l'antiquité classique peut expliquer pourquoi la valeur métaphorique de ce mythe a échappé jusqu'à aujourd'hui aux porte-parole de la pensée écologique.
Selon Jappe, la faim d'Erysichthon n'a rien de naturel, et donc rien de naturel ne peut l'apaiser. Il s'agit d'une faim énorme qui ne peut être satisfaite. Sa tentative désespérée de l'atténuer pousse le roi à consommer sans relâche, dans une allusion mythique claire à la logique de la valeur, de la marchandise et de l'argent. Mais le besoin et l'avidité ne cessent pas : "Ce n'est pas simplement la méchanceté des riches qui est en jeu ici, mais un enchantement qui fait écran entre les ressources disponibles et la possibilité d'en jouir" (Jappe, 2019:13). La déesse punit Erysichthon à la hauteur de son crime : incapable de se nourrir, il vit comme si toute la nature avait été transformée en un désert qui refuse de fournir un support naturel à la vie humaine.
Pourtant, souligne Jappe (photo), l'aspect le plus remarquable du mythe d'Erysichthon est sa fin. Une rage abstraite qui ne contient pas seulement la dévastation du monde, mais qui se termine par l'autodestruction et l'autoconsommation. Le mythe ne parle donc pas seulement de l'anéantissement de la nature et de l'injustice sociale, mais aussi du caractère abstrait et fétichiste de la logique marchande et de ses effets destructeurs et autodestructeurs dans le cadre du capitalisme catabolique. C'est comme l'image d'un bateau à vapeur qui continue à naviguer tout en consommant progressivement ses propres composants, ou la fameuse scène des Marx Brothers à bord d'une locomotive en marche, où pour la faire fonctionner il faut démonter les wagons et les utiliser comme combustible, jusqu'à ce qu'ils finissent par être consumés par le feu.
Mais, comme le suggère Jappe, le mythe rappelle aussi la trajectoire des toxicomanes en manque, comme cette soif constante d'argent qui caractérise la logique capitaliste et qui n'est jamais pleinement satisfaite. Erysichthon est un narcissique pathologique, qui nie l'objectivité et la sensibilité du monde extérieur, qui à son tour lui refuse l'aide matérielle. L'hybris d'Erysichthon reflète la tendance à l'autodestruction implicite dans le capitalisme catabolique, animé par une pulsion suicidaire "que personne ne veut consciemment mais à laquelle tout le monde contribue" (Jappe, 2019:15).
En effet, à ce stade, il est crucial de mentionner le lien profond entre le mythe de Mars (Arès), dieu de la guerre, et le capitalisme, étant donné que ce dernier fonctionne comme un régime de guerre permanente contre la vie. Dans cette perspective, le "terrible amour de la guerre", archétype universel évoqué par le psychologue jungien James Hillman (2010), est fortement amplifié par la logique capitaliste. En effet, cet "amour de la guerre" dévastateur, capable de générer un sens, un but et une transcendance dans son action destructrice, est particulièrement sacralisé par les présupposés existentiels du capitalisme. Par conséquent, en raison de la convergence mythique-archétypale entre l'hybris et l'amour de la guerre, le capitalisme tend inévitablement vers la dévastation du monde.
Des fondements mythiques du capitalisme à l'impossible capitalisme mythique
Comme nous l'avons vu, le capitalisme possède des fondements mythiques attestés par les grands mythes de l'antiquité classique occidentale, qui à leur tour traduisent et incarnent des archétypes universels. Ces fondements mythiques parlent de l'hybris, cette arrogance qui défie les dieux, et malgré leurs avertissements de ne pas dépasser certaines limites, celles-ci sont ignorées, avec les graves conséquences que cela implique, comme cela s'est produit et continue de se produire avec les excès inhérents au fonctionnement du capitalisme. Mais, paradoxalement, bien que le capitalisme cherche à devenir un mythe pour améliorer sa reproduction, en acquérant une aura d'authenticité et d'unicité qui lui donne une apparence de transcendance, il lui est impossible d'y parvenir. En effet, le mythe communique à travers le symbole, qui est inaccessible au capitalisme en raison de sa nature "diabolique".
Ceci nécessite une explication. Le capitalisme, surtout dans sa forme la plus contemporaine de société de marché consumériste, appelée aussi "capitalisme libidinal" (Fernández-Savater, 2024), utilise abondamment un désir perpétuellement inassouvi, cherchant à définir, à consacrer et à renforcer sa propre condition mythique. Il se présente comme l'incarnation moderne des anciens héros classiques, particulièrement propulsés par toutes sortes de pulsions prométhéennes. En outre, il cherche à incorporer et à réinterpréter laïquement le paradis terrestre biblique comme une terre d'abondance et de bonheur. Elle exploite divers moyens pour tenter d'y parvenir, comme en témoignent les grands blockbusters artistiques de l'industrie culturelle, les parcs à thème, les récits médiatiques sur les avancées en matière de conquêtes, d'innovations, d'inventions, de progrès scientifiques et technologiques, ainsi que sur la connaissance des secrets du macrocosme et du microcosme. L'attention est outrageusement attirée par l'exploration spatiale, la découverte d'énergies miraculeuses, les développements perturbateurs de l'économie de l'attention, les algorithmes sophistiqués, les possibilités de consommation immédiate à la demande, l'informatique quantique, les crypto-monnaies, le cybermonde, la robotique de nouvelle génération, l'intelligence artificielle. Cependant, malgré les efforts du capitalisme pour se constituer en mythe avec tout cela, c'est un faux mythe, juste un feu d'artifice, parce qu'en fin de compte, la désolation causée par le capital progresse, l'effondrement écosocial s'intensifie, l'extinction de la nature s'étend, les dommages causés à l'humanité prolifèrent, et tout cela ne décrit pas un mythe, mais son avortement. Le capitalisme mythique devient une impossibilité.
Le monde des mythes authentiques remet les choses à leur place : "Le capitalisme libidinal est un monstre, un centaure en particulier, tiraillé entre une pulsion de conservation, de stabilisation, de normalisation, et une pulsion désordonnée de conquête, de pillage et de saccage. Un double régime, la promesse et le poison, la productivité et la dévastation, le bien-être et la guerre, qui traverse toutes les institutions et tous les dispositifs, tous les objets de consommation et chacun d'entre nous". (Fernández-Savater, 2024:6-7).
Il en est ainsi parce que le mythe renvoie au symbole et que le symbole renvoie à l'union, à ce qui unit, relie, lie et crée. L'opposé du symbole est le diabolique, c'est-à-dire ce qui sépare, ce qui divise, ce qui contredit, ce qui est destructeur. Comme le souligne Marcet (2023), le mal ne peut être que l'antonyme du Symbole. Pour les anciens chrétiens, comme pour les Grecs classiques, le Symbole constituait l'essence de leurs mythes, de leur poésie et de leur religion, ce qui vertébrait et religiosait tout. C'est pourquoi, si le Symbole était ce qui réunissait à nouveau, le mal devait être par force ce qui divisait et opposait les hommes. D'ailleurs, souligne Marcet, les racines grecques des mots symbole et démon sont éclairantes. Symbole vient de synballein (syn, "un"), qui signifie "jeter ensemble, unir". En revanche, diaballein (dia, "deux"), du grec diabolos (διάβολος), signifie "jeter séparément, provoquer une querelle (diviser)". L'opposé du symbole est donc le diable: celui qui divise le "un" en "deux" et initie le conflit irrésolu entre les opposés. De même, le capitalisme n'est pas seulement ambivalent, contradictoire et conflictuel dans ses pulsions, mais il est finalement entraîné dans sa chute par celles d'un rang plus pervers qui provoquent davantage de division, de déstructuration, de fragmentation, de chaos et de perdition. Le capitalisme aspire à être mythiquement dionysiaque, aphrodisiaque et paradisiaque, c'est-à-dire le jardin des délices, mais finit par être sordidement catabolique, hyperbolique et diabolique, c'est-à-dire le Mordor. Tout le contraire du symbole. Bref, l'antithèse même du mythe unificateur du monde que le capital prétend incarner.
Comme nous l'avons vu, le capitalisme, dans sa quête d'expansion et de croissance illimitées, s'accorde, traduit et actualise l'énorme énergie des archétypes qui, à travers les mythes, expriment l'hybris et ses conséquences. Dans tous les mythes, nous trouvons le motif ou le mythologème des avertissements divins/naturels contre les effets des excès de l'hybris, ainsi que le motif ou le mythologème de l'ignorance délibérée de ces effets. Dès les débuts de la révolution industrielle capitaliste, de nombreux avertissements ont été lancés sur les conséquences désastreuses du développement du système pour la nature et l'humanité. Malgré cela, les responsables de l'expansion capitaliste ont fait et continuent de faire le choix conscient de la destruction (Riechmann, 2024).
Un capitalisme mythique est donc irréalisable, car il ne peut se construire sur des symboles réels, c'est-à-dire sur des constructions ayant la capacité unificatrice de représenter quelque chose qui est reconnu, compris et assumé par un groupe ou une collectivité. Si les mythes authentiques tendent à synchroniser les peuples à travers des symboles partagés, dans la mesure où ils sont susceptibles d'une compréhension universelle en raison de leur caractère archétypal, les faux mythes, comme le capitalisme qui prétend devenir un mythe, sont construits sur la division, l'inégalité et l'exclusion, sur la négation même du mythe. Et s'ils traduisent un archétype, c'est celui du diable, entendu comme une énergie de l'inconscient collectif synonyme de séparation, d'incompréhension, de déviation ou d'erreur.
Le capitalisme, malgré ses promesses renouvelées et toujours trahies de progrès, d'abondance et de prospérité, perpétue l'exploitation, la division et le malheur. Son incompétence mythico-symbolique et son inévitable tendance à l'effondrement deviennent visibles dans cette "apocalypse" qui fonctionne comme une "révélation" de ses limites, comme une terrible convergence de ces "tournants eschatologiques" (Horvat, 2021) qui certifient l'échec existentiel du capital. Archétypiquement lié aux configurations mythiques de l'hybris, il est condamné à faire face aux conséquences de ses excès. La question est de savoir si d'autres mythes puissants, avec leurs symboles authentiques, pourront empêcher le capitalisme d'entraîner le monde dans sa chute.
Bibliographie:
- Berry, T. (2015) : The Dream of the Earth, Berkeley, Counterpoint Press.
- Campbell, J. (2015) : Le pouvoir du mythe, Madrid, Capitán Swing.
- Chevalier, J. et Gheerbrant, A. (2007) : Dictionnaire des symboles, Barcelone, Herder.
- Collins, C. (2018) : "Catabolism : the terrifying future of capitalism", CounterPunch, 1er novembre 2018.
- Fernández-Savater, A. (2024) : Le capitalisme libidinal. Antropología neoliberal, políticas del deseo, derechización del malestar, Barcelona, Ned Ediciones.
- Fisher, M. (2016) : Capitalist realism : Is there no alternative, Buenos Aires, Caja Negra Editora.
- Fraser, N. (2023) : Cannibal capitalism. Qué hacer con este sistema que devora la democracia y el planeta, y hasta pone peligro su propia existencia, Buenos Aires, Siglo XXI.
- Gutiérrez, V. (2023) : "Contra los mitos sostenedores del capitalismo fosilista. La subjetividad colectiva atrapada entre el metamito del progreso y el protomito del colapso", Ekintza Zuzena, numéro 49.
- Hillman, J. (2010) : Un terrible amour de la guerre, Madrid, Sexto Piso.
- Horvat, S. (2021) : Després de l'apocal-lipsi, Barcelone, Arcàdia.
- Jappe, A. (2019) : La société autophage. Capitalismo, desmesura y autodestrucción, Logroño, Pepitas de Calabaza.
- Jung, C.G. (2004) : La dinámica de lo inconsciente, Madrid, Trotta.
- Jung, C.G. (2010) : Les archétypes et l'inconscient collectif, Barcelone, Paidós.
- Kerenyi, C. (2009) : Les héros grecs, Vilaür, Atalanta.
- Marcet, I. (2023) : La historia del futuro, Barcelone, Plaza y Janés.
- Riechmann, J. (2024) : Ecologismo : pasado y presente (con un par de ideas sobre el futuro), Madrid, Los Libros de la Catarata.
- Varoufakis, Y. (2024) : Technofeudalism. El sigiloso sucesor del capitalismo, Barcelone, Deusto.
14:56 Publié dans Définitions, Philosophie, Théorie politique, Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tradition, capitalisme, théorie politique, mythologie, sciences politiques, politologie, philosophie, philosophie politique, mythes grecs | |
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lundi, 15 juillet 2024
Apprendre à mourir: le sens de la vie
Apprendre à mourir: le sens de la vie
L'homme, animal symbolique et mythologique, oublie son véritable or alchimique intérieur au profit du matériel. La liberté intérieure, la perception du sacré et la beauté authentique se trouvent dans la connaissance de soi et l'éveil spirituel, au-delà de la vie extérieure et matérielle.
Guillermo Más Arellano
Source: https://herculesdiario.es/cultura/aprender-a-morir-el-sentido-de-la-vida/
L'homme se distingue du reste du règne animal par sa capacité à utiliser un langage connotatif et surtout dénotatif; il s'ensuit qu'avant d'être un animal conscient, voire un être pour la mort, comme nous le sommes, l'homme est un animal symbolique et mythologique, un poète capable d'incarner le sacré qu'il porte en lui à travers des actes rituels et des paroles magiques, puisque tout acte est potentiellement sacré : la magie, c'est en prendre conscience pour modifier la Nature par la Volonté et l'Eros.
L'alchimie, parmi tant d'autres dons, était capable d'accorder à ses meilleurs praticiens le pouvoir de transformer le plomb en or ; l'homme moderne, en revanche, s'est tourné vers le matériel, vers l'obtention de l'or physique, oubliant au contraire le véritable or alchimique : celui que tout homme porte en lui. Les rêves sont pour le bourgeois, comme les mythes pour le paysan, les réminiscences de tout un monde subconscient qui lui parle de sa liberté intérieure. La maison de l'Être est toujours là, en nous, quel que soit l'activisme, axé uniquement sur l'expérience extérieure, qui voudrait nous persuader de l'inexistence de cette liberté spirituelle que nous portons en nous comme un feu inaltérable.
Nous appelons kairos le moment opportun où quelque chose d'important se produit. Nous appelons metanoia le changement profond qui s'opère en nous lorsque nous nous ouvrons à ce moment qui nous arrache à la vie mondaine. Enfin, nous appelons hiérophanie l'instant de perception du sacré qui ne nous est accordé que par l'initiation au processus précédent. En fin de compte, il s'agit de l'anagnorisis qui, en Occident, porte l'épithète pieuse de révélation ou de rédemption. La vision du Soi que nous sommes par essence.
Platon, le père de la philosophie, auteur d'une œuvre qui a nourri l'Occident solaire et apollinien pendant des siècles, n'était qu'un commentateur des mythes. Il a largement falsifié l'héritage de ces mythes, trahissant leur composante lunaire et dionysiaque qui, dans la civilisation indo-européenne, a permis une pleine coexistence des sociétés. A travers les rites et les mythes, la liturgie et la poésie, la civilisation occidentale se rappelle depuis des siècles que l'inconscient existe et qu'il doit être libéré dans les moments de fête grâce auxquels la société est équilibrée : c'est le potlach tragicomique qui structure mythopoétiquement toute culture (civilisation).
La disparition du rite en Occident, dont ont parlé René Girard, Gaston Bouthoul ou Roberto Calasso, a remis entre les mains de la littérature la tâche de rappeler cette vérité ; mais comme la littérature a disparu, en réponse à un terrible critère d'utilité, de loisir qui va à l'encontre du néc-otium, nous laissant orphelins de cette même vérité, l'état de la question s'est aggravé à un point qui était impensable auparavant. Cependant, la littérature et son message, la maison de l'Être, reste en nous, endormie, attendant que nous dormions pour faire son apparition nocturne : dans les rêves, comme dirait David Lynch, citant Roy Orbison.
Chaque éclair de beauté que nous pouvons encore expérimenter, chaque égratignure laissée par le monde intermédiaire qui se manifeste surtout dans les rêves, est un nouveau souffle pour la liberté intérieure que, pendant des siècles, l'Occidental s'est efforcé d'anéantir. Tout homme de l'Amazonie sait ce que le scientifique le plus expérimenté ignore: il existe des forces cachées qui sous-tendent la vie ; nous appelons cela, compris comme un don que chaque homme s'offre à lui-même, la liberté. La mobilisation totale, l'oubli profond du Moi, a plongé notre civilisation dans la décadence ; et nos cœurs dans la disgrâce. Depuis la Renaissance et surtout les Lumières et l'Industrialisation, le processus de destruction s'est accéléré. Après l'effondrement de plus en plus imminent, le temps du mythe renaîtra.
Nietzsche a souligné à juste titre que, si le désir est à proprement parler projeté vers l'extérieur, notre malaise est avant tout une agitation intérieure. On a beau vouloir indiquer dans ces lignes des raisons extérieures à ce qui s'est passé, on a beau vouloir indiquer des réponses pratiques à l'ampleur du problème, il faut malgré tout comprendre que le problème de la liberté est un problème intérieur et que, par conséquent, l'éveil ou non à cette liberté personnelle dépend uniquement de chacun d'entre nous. Car la liberté est nécessaire et tout le reste, en particulier ce qui a trait au monde matériel, est purement facultatif et disparaîtra en temps voulu (vanitas). Une nuisance au calme et au silence que tout chemin ascétique requiert nécessairement.
Nous n'avons pas besoin de notre prochain et de son enfer lorsque le chemin de la connaissance de soi reste sans fin. Toute l'angoisse formée par l'effet des débris extérieurs sur nous peut être éliminée d'un seul coup si la volonté s'exerce. Le reste n'est que bagage, insignifiance, ruines qui seront effacées par le silence imperturbable de celui qui cherche le sacré parmi les casseroles. La faiblesse ne se manifeste alors que par la peur, par l'ego, par une peur intime de soi qui fuit la transparence du silence. La liberté, en revanche, doit être atteinte libre de tout bagage : telles sont les règles de l'ascension. Incipit authenticité : sans rien à perdre. Même dans la pire des prisons, la liberté est possible, si le sujet emprisonné se l'accorde.
20:28 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, mort, vie, philosophie, mythes, rêves | |
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mardi, 28 mai 2024
Le destin est entre vos mains: les quatre leçons du maître Yuan Liao-Fan
Le destin est entre vos mains: les quatre leçons du maître Yuan Liao-Fan
Giovanni Sessa
Source: https://www.paginefilosofali.it/il-destino-e-nelle-tue-mani-le-quattro-lezioni-del-maestro-yuan-liao-fan-giovanni-sessa/
En Chine, au début du 17ème siècle, la dynastie Ming est au pouvoir. Le territoire du Céleste Empire est immense. A l'intérieur de ses frontières, la situation politique est particulièrement difficile. La paix sociale et la justice sont remises en cause par des affrontements sanglants avec les Mongols, tandis que les Japonais se livrent à d'incessants actes de piraterie. Les Ming tentent de défendre l'idée d'un Empire « d'en haut », d'une domination divine sur le monde. C'est à ce moment de l'histoire que les Quatre leçons du maître Yuan Liao-Fan, un haut fonctionnaire impérial, ont été révélées. Ce texte, si connu en Chine qu'il a donné lieu ces dernières années à la production d'œuvres audiovisuelles qui s'en inspirent, est pratiquement inconnu en Italie. Le choix de "Mimesis edizioni" de le proposer à nos lecteurs sous le titre Le destin est entre vos mains. Cultivez-le avec bonté. Le livre est en librairie sous la direction d'Erica Gallesi, scénariste et auteur de télévision. Le texte est également agrémenté d'un commentaire signé par Alberto Lomuscio, cardiologue et vice-président de la Société italienne d'acupuncture (pour les commandes : mimesis@mimesisedizioni.it, 02/24861657, pp. 185, euro 16.00).
Liao-Fan, dans ces pages, présente sa propre vie. Il raconte le changement soudain et profond qu'il a subi lorsqu'il s'est rendu compte qu'il était le véritable architecte de son propre destin. C'est une œuvre qui se développe en accord avec les valeurs dominantes en Chine à cette époque historique : le néo-confucianisme et le bouddhisme. Les maîtres de référence de Liao-Fan sont Confucius et Mencius. Deux sont les guides avec lesquels il est entré en contact personnel : « Kong, un sage capable de prédire l'avenir, et Yun Gu, un maître zen capable de changer les destins » (p. 8). Grâce à eux, il a appris à se sentir libre et à améliorer son état existentiel. L'auteur, bouddhiste convaincu, adresse ces pages à son fils et aux jeunes, afin qu'ils apprennent à affronter le défi que représente la vie, en étant conscients que « ce n'est que si l'on est en harmonie avec le monde que l'on pourra s'en sortir » : « ce n'est que si l'on est en harmonie avec les Principes Célestes et le Mandat du Ciel » (p. 8) que l'on est capable de conjuguer moment et éternité, dans un « ici et maintenant » apaisant. C'est pourquoi les considérations éthiques jouent un rôle prépondérant dans le traité, qui, bien entendu, ne tombe jamais dans la moralisation. Les protagonistes du récit sont des fonctionnaires de l'empire et des érudits désireux de réussir les « épreuves » par lesquelles l'élite spirituelle était sélectionnée pour accompagner l'empereur dans l'exercice de ses fonctions.
L'auteur, fort de son expérience existentielle, souhaite transmettre à ses lecteurs quatre leçons : 1) Apprendre à créer son propre destin ; 2) Comment se révolutionner ; 3) Comment cultiver la bonté ; 4) Les bienfaits de la vertu d'humilité. De précieux préceptes visant à ennoblir l'homme et à le faire vivre en harmonie avec le cosmos, exprimés sous une forme ludique et engageante. Des quatre leçons, la plus importante, propédeutique aux autres, est la première. Alberto Lomuscio, avec une argumentation sagace, nous plonge dans les choses vivantes du rapport entre le Destin et la Destinée. L'idée d'un Destin immodifiable, selon lui, a imprégné la pensée occidentale, en partant de la tragédie attique pour arriver aux notes du Samarcande de Vecchioni. Son paradigme, la vie d'Œdipe, contraint au suicide à cause de son inceste avec Jocaste et du meurtre de son père. Différent du Destin, c'est le Destin qui : « contient [...] des éléments de coercition » (p. 132), une direction indiquée pour notre vie, modelable cependant par notre « savoir vivre ». Dans la pensée chinoise, il existe trois types de Destin différenciés : 1) le Destin du Ciel, c'est-à-dire le contexte dans lequel nous sommes placés (cosmique, historique, social, etc.) ; 2) le Destin de la Terre, représenté par le conditionnement génétique-physiologique ; 3) le Destin de l'Homme, comprenant le libre arbitre. Chacun de ces types de destin conditionnerait notre vie à hauteur de 30 %. Les dix pour cent restants sont attribués à l'éducation, au hasard et au conditionnement.
Le terme chinois pour désigner le destin est Ming Yun. Ming : « représente le commandement d'une autorité supérieure (le Ciel) auquel l'humanité assemblée doit se soumettre » (p. 111), tandis que Yun représente un chemin de vie en accord avec les lois du Ciel : « La vraie sagesse consiste à accepter et à embrasser sa nature la plus authentique, ce qui nous conduira à atteindre un état idéal, dans la liberté personnelle la plus complète et la plus gratifiante » (p. 112), comme dans les leçons de Liao-Fan. Comment y parvenir ? Lomuscio l'explique dans un parcours concis mais exhaustif des différentes écoles de la pensée chinoise. Parmi elles, le taoïsme joue le rôle principal. Le Wu-wei, le non-agir, est associé, dans cette Voie, au « Vide du Cœur », symbole du « Centre » spirituel, mental et psychologique de l'homme. Le Cœur donne un sens à la vie de l'individu, tout comme l'Empereur joue le même rôle au niveau de la communauté. Le « Vide du Cœur » indique l'attitude dynamique avec laquelle nous devons nous rapporter au principe (Tao) qui anime les choses et le monde et qui est toujours à l'œuvre : il s'ouvre à la Connaissance en tant que : « action-non-action spontanée et adhérente à la nature » (p. 148), capable de garantir le Salut, physique et spirituel. D'où l'importance des styles de vie, comme le suggère Liao-Fan dans le traité. Il est nécessaire d'éliminer toute impulsion égoïste, de pratiquer le calme et l'humilité, et d'agir avec bonté envers les vivants et les défunts.
Dans ce cas, le Ming Shu, le « calcul du destin », nous rend aptes à façonner, à construire, dans les limites qui caractérisent la vie humaine, un chemin de raffinement continu. Ursa Major étant considérée comme le pont de lumière entre le Soleil et la Lune, le Yin et le Yang, les Chinois pensaient que l'homme qui marchait sur le Chemin devait s'abreuver de sa lumière rayonnante, afin d'en saisir l'énergie diffusante. Cette référence permet de comprendre la place centrale de l'astrologie en Chine, comme en témoignent les pages que lui consacre Lomuscio. Pour cette raison, Le destin est entre vos mains peut être considéré comme un texte important, non seulement comme un accès pertinent à la philosophie chinoise, mais aussi comme le porteur d'une vision anti-déterministe de la vie. À une époque où les conceptions sotériologiques réapparaissent ou où, selon d'autres, la fin de l'histoire se manifesterait, il s'agit là d'un héritage précieux, d'un bain réparateur d'« humilité », d'un exemple d'ignorance savante.
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vendredi, 12 avril 2024
L'éternel retour d'Evola 50 ans après sa mort
L'éternel retour d'Evola 50 ans après sa mort
Gennaro Malgieri
Source: https://electomagazine.it/leterno-ritorno-di-evola-a-50-anni-dalla-morte/
L'oeuvre de Julius Evola se confirme, avec le temps, un demi-siècle après sa mort (en date du 11 juin 1974), comme une aire incontournable au cœur de la modernité. Andrea Scarabelli lui a consacré un livre magnifique et volumineux, Vita avventurosa di Julius Evola, publié chez Bietti (pp.737,39,00 €), dont nous parlerons dans les prochaines semaines, un livre indispensable qui, par sa complexité et son exhaustivité, nous fait découvrir l'un des plus grands penseurs du vingtième siècle.
Pour avoir lu et apprécié Evola, bien que sur plus d'un point avec des réserves compréhensibles, il y a cinquante ans, ou même plus tôt quand le débat autour de ses idées faisait rage, en essayant de le sauver d'une diabolisation préventive, c'est comme si on ne l'avait pas connu du tout quand on le relit aujourd'hui, surtout après la publication du livre de Scarabelli, dans le contexte de la révolution la plus subtile et la plus radicale qui ait eu lieu: l'affirmation d'une pensée unidimensionnelle et homologatrice, totalitaire dans son essence et libertaire dans sa forme, qui est à la fois fiction et enveloppe du déracinement des valeurs auquel nous participons, consciemment ou inconsciemment. Evola, paradoxalement, est beaucoup plus notre contemporain qu'il ne l'était à l'époque où son observation minutieuse et son diagnostic précis de la décadence se sont déployés, se projetant dans une dimension qui, seulement des décennies plus tard, comme il l'imaginait lui-même, s'ouvrirait même dans les sphères culturelles qui, de son vivant, tendaient à le marginaliser, voire à le "réduire au silence".
L'œuvre d'Evola, loin d'être embaumée et conservée dans les recoins d'une aire intellectuelle minoritaire, fréquentée uniquement par des "dévots" sans esprit critique, est surtout aujourd'hui, dans sa complexité, non seulement un formidable réquisitoire, extraordinairement efficace et approprié, contre l'idéologie du déclin sous les différentes formes qu'elle a prises, mais se révèle pour ce que tant de gens ont pu y voir en s'y plongeant au point d'en sortir transformés, comme ce fut le cas par exemple pour le grand poète allemand Gottfried Benn après la lecture de Révolte contre le monde moderne. Et si ce sont les traits stylistiques d'une certaine "révolution conservatrice" que Benn a reconnus dans le livre du penseur italien, qui devait conquérir avec lui une notoriété non éphémère dans les milieux culturels européens, il faut dire aussi que l'analyse profonde et complète de la Tradition par Evola laissait entrevoir un horizon culturel qui, au tournant de la crise continentale, pas encore libéré des affres de la première grande guerre civile européenne, s'apprêtait à se dissoudre dans la crise de l'Europe, se préparait à se dissoudre dans la seconde, comme le prédisait "prophétiquement" un fascinant diagnosticien représentant le "déclin de l'Occident", un peu comme Evola lui-même le fera des années plus tard en entraînant la "prophétie" spenglérienne au-delà des contingences qui l'avaient inspirée pour la fonder dans l'éclipse d'une religiosité, même non fidéiste; la "crise du monde moderne" dont René Guènon avait déjà donné une représentation convaincante au point qu'elle tient encore face aux convulsions qui nous habitent et auxquelles nous avons l'impression de ne pas pouvoir échapper.
C'est à ce sentiment d'impuissance qu'Evola s'est souvent intéressé, nous invitant à une sorte de révolution spirituelle qui, en ce début du 21ème siècle, nous apparaît comme la seule carte à jouer face aux contradictions de l'égarement intellectuel. Les conséquences politiques sont connues et la crise substantielle de la démocratie, démembrée par les pouvoirs oligarchiques, maîtres absolus du marché, n'est que la dernière étape de la dissolution sociale qui a commencé avec les crimes commis par la Grande Révolution.
Le "totalitarisme mou", auquel Evola s'est implicitement référé tant de fois, ne s'arrête pas à la prétention d'uniformiser la vie selon l'uniformisation imposée par les potentats transpolitiques et la finance prédatrice à travers les médias, la publicité, l'allégorie fantasmagorique de la liberté exaltée - pour la nier - par les réseaux sociaux, l'apologie de l'homo consumans comme seul être réputé pertinent, la suppression de la souveraineté des peuples, des nations et des Etats en vue de la création d'un Marché Universel dont l'égalitarisme formel devrait être la ligne directrice. Avec pour objectif, de la part des oligarques intellectuels et politiques qui tiennent les ficelles, de transformer, jusqu'à les réduire à néant, les faits et phénomènes de diversité et de catapulter finalement la "théorie du genre" dans l'assimilation pratique de l'unisexe dans une société réduite à un désert de formes et privée de forces vives: bref, la révolution la plus bouleversante qui ait traversé l'humanité.
La "pensée unique" a hâtivement consumé, dans l'horrible lande des idéologies mortes, ses gloires, renversant le principe d'"universalité" (qui n'est pas l'uniformité) propre aux soi-disant "civilisations traditionnelles" en celui de "collectif" propre à la soi-disant "civilisation moderne". Celle-ci s'oppose à l'"universel" comme la "matière" s'oppose à la "forme", affirme Evola. Et il explique, dans les dernières pages de Révolte contre le monde moderne, que "la différentiation de la substance dans la promiscuité de la collectivité et la constitution d'êtres personnels par l'adhésion à des principes et à des intérêts supérieurs constituent la première étape de ce qui, dans un sens éminent et traditionnel, a toujours été compris comme la "culture". Lorsque l'individu est parvenu à donner une loi et une forme à sa propre nature, de sorte qu'il s'appartienne à lui-même au lieu de dépendre de la partie purement physique de son être, la condition préalable à un ordre supérieur est déjà présente, dans lequel la personnalité n'est pas abolie, mais intégrée: tel est l'ordre même des "participations" traditionnelles, dans lesquelles chaque individu, chaque fonction et chaque caste acquièrent leur signification propre par la reconnaissance de ce qui leur est supérieur et de leur lien organique avec lui. Et, à la limite, l'universel est atteint dans le sens du couronnement d'un édifice dont les solides fondations sont précisément constituées à la fois par les diverses personnalités différenciées et formées, chacune fidèle à sa propre fonction, et par des organismes ou des unités partielles avec des droits et des lois correspondants, qui ne se contredisent pas mais se coordonnent solidement grâce à un élément commun de spiritualité et à une disposition active commune à un dévouement supra-individuel".
Il en va tout autrement dans la modernité, où s'impose une conception opposée, de type mécaniste pourrait-on dire, visant au collectivisme. Ainsi, comme l'explique si bien Evola, l'individu apparaît de plus en plus incapable de valoir autrement qu'en fonction de quelque chose: dans ce "quelque chose", indéfini, il cesse d'avoir un visage propre; son visage est celui que les autres lui donnent, fruit de l'homologation, du renoncement à être lui-même du moins formellement. Aujourd'hui, on range tout cela sous le titre de "pensée unique", dont le déploiement est une praxis existentielle visant à la construction d'un indifférentisme accepté, presque toujours inconsciemment, comme une valeur apportée par le déploiement de la démocratie la plus accomplie, alors que c'est exactement l'inverse qui est vrai. C'est-à-dire que la régression dans l'indistinct constitue la dissolution non seulement des différences ordinaires et donc des hiérarchies morales, culturelles et civiles, mais aussi d'une démocratie populaire dont l'essence devrait être l'exaltation des pièces individuelles d'une mosaïque communautaire cimentée par la reconnaissance de la dignité.
À l'époque de la quantification et de l'absolutisme mercantile, il est inévitable que la force du nihilisme devienne un puissant facteur de stabilisation de l'instabilité, avec des conséquences facilement imaginables que nous pouvons déjà voir à l'œuvre autour de nous, massivement présentes dans notre imaginaire culturel et destinées à submerger même les îles isolées que l'on croyait jusqu'à récemment à l'abri des flots de la vulgarité massifiante qui véhicule les modes et les coutumes qui remontent à l'univers de l'unicité de la pensée et donc au triomphe de la modernité. Âge sombre" ou "âge de fer", reprenant l'antique image d'Hésiode: c'est ainsi qu'Evola a défini notre époque. Et lorsque les formulations ont pris des allures de polémiques politiques, il ne s'est pas trouvé un seul homme pour ne pas stigmatiser le "baron noir" par des épithètes irrévérencieuses et pour ne pas considérer ses disciples comme pathétiques. Le temps s'est fait gentilhomme et le néo-totalitarisme, préfiguré et analysé par Evola en des termes on ne peut plus alarmants, bien avant que ses miasmes n'envahissent nos existences, progresse dans l'indifférence de ceux qui ne perçoivent pas les restrictions des espaces de liberté désormais occupés par les cris des multitudes qui réclament l'attention d'on ne sait qui, étant donné que ceux qui tissent les fils de la modernité ont intérêt à faire semblant de donner l'apparence de l'autonomie et de la critique à ceux qui la réclament, à condition, bien entendu, de disposer d'un cadre et d'une structure impénétrables et blindés pour protéger la citadelle du pouvoir qui n'admet aucune contestation, celui de l'argent qui domine les consciences en les achetant avec des gadgets culturels et des croyances nouvellement créées.
Le spenglérien Evola écrit, toujours dans Révolte contre le monde moderne De même que les hommes, les civilisations ont leur cycle, un début, un développement, une fin, et plus elles sont immergées dans le contingent, plus cette loi est fatale. Cela, bien sûr, ne peut impressionner ceux qui sont enracinés dans ce qui, étant au-dessus du temps, ne serait altéré par rien et qui demeure comme une présence éternelle. Même si elle disparaissait définitivement, la civilisation moderne n'est certainement pas la première des civilisations à s'éteindre, ni celle au-delà de laquelle il n'y en aura pas d'autre. Les lumières s'éteignent ici et se rallument ailleurs dans les vicissitudes de ce qui est conditionné par le temps et l'espace. Les cycles se ferment et les cycles se rouvrent. Comme on l'a dit, la doctrine des cycles était familière à l'homme traditionnel, et seule l'insipidité des modernes leur a fait croire un instant que leur civilisation, plongée, plus qu'aucune autre ne le fut jamais, dans l'élément temporel et contingent, pouvait avoir un destin différent et privilégié.
Mais est-il possible que la fin d'un cycle puisse préluder à l'ouverture d'un autre dans une continuité, certes essentielle et marginale ? C'est un grand thème qui, projeté sur l'immense marécage contemporain, sollicite des considérations anthropologiques par rapport auxquelles tous les domaines de la pensée sont remis en question, à commencer par le religieux (même s'il n'est pas ancré dans une foi donnée) jusqu'à l'économico-social. C'est dans ce contexte que celui que l'on a appelé la "lux évolienne" s'est imposé de manière décisive, surpassant même des théoriciens de la crise et du déclin beaucoup plus acclamés. Evola, contrairement à ce que l'on pourrait penser - et surtout dans les dernières années, bien qu'il n'ait pas cultivé les illusions à court terme d'une possible renaissance (les nombreux articles qu'il a écrits pour Il Conciliatore, L'Italiano et Roma en sont la preuve) - a imaginé la possibilité d'inverser le cours des choses, sans s'attarder à les chercher dans certains renouveaux plus folkloriques qu'autre chose des "traditionalistes" autoproclamés de la dernière heure ou dans une religiosité de seconde main, telle qu'on l'observe dans Masques et visages du spiritualisme contemporain.
Il a imaginé qu'une minorité active et culturellement consciente de la tâche à laquelle elle doit se consacrer après avoir mesuré les étapes de la décadence et tiré les conséquences de la dissolution des formes même élémentaires inhérentes à une existence à peine ordonnée, pourrait émerger. Il définit les personnalités qui composent ce noyau comme des egregoroi, c'est-à-dire ceux qui regardent. Mais en plus grand nombre, dit-il, "il y a des individualités qui, sans savoir au nom de quoi, ressentent un besoin confus mais réel de libération. Orienter ces personnes, les mettre à l'abri des dangers spirituels du monde présent, les amener à reconnaître la vérité, et rendre absolue leur volonté que certains d'entre eux puissent atteindre la phalange des premiers, c'est encore ce que l'on peut faire de mieux". Et, toujours dans un rigoureux réalisme, il ajoutait: "Mais là encore il s'agit d'une minorité et il ne faut pas s'imaginer qu'il puisse en résulter une variation appréciable dans l'ensemble des destinées. Telle est donc la seule justification de l'action tangible que certains hommes de la Tradition peuvent encore exercer dans le monde moderne, dans un milieu avec lequel ils n'ont aucun lien. Pour l'action directrice précitée, il est bon que de tels "témoins" soient là, que les valeurs de la Tradition soient toujours indiquées, sous une forme d'ailleurs d'autant plus atténuée et dure que le courant adverse est plus fort. Même si ces valeurs ne peuvent pas être réalisées aujourd'hui, elles ne sont pas réduites à de simples "idées"". Et encore: "Rendre clairement visibles les valeurs de vérité, de réalité et de Tradition à ceux qui, aujourd'hui, ne veulent pas de "ceci" et cherchent confusément "autre chose", c'est apporter un soutien pour que la grande tentation ne l'emporte pas chez tous, où la matière semble désormais plus forte que l'esprit".
La Tradition, prise non pas comme conatus réactif à la "pensée unique", mais comme véhicule d'affirmation d'une "pensée autre", est donc l'héritage d'Evola pour les "derniers temps". Une Tradition, bien sûr, vécue dans ses valeurs constitutives et non dans les déchets rhétoriques qui lui sont associés, auxquels les attitudes culturelles ont offert un espace pour le moins irrespectueux à l'égard de l'univers traditionnel lui-même. Et qui ne peut devenir "active" qu'en prenant les traits d'une "révolution conservatrice", comme le suggère Evola lui-même dans Gli uomini e le rovine (Les hommes au milieu des ruines), dans Cavalcare la tigre (Chevaucher le tigre) et dans de nombreux autres écrits organiques et occasionnels. La formule met en évidence l'élément dynamique représenté par la "révolution", qui n'a donc pas de valeur subversive ou violente d'un ordre légitime, et l'élément constitutif qui l'étaye, lequel est "conservateur". Mais conserver quoi? La tradition et ce qui en découle, en la faisant vivre - et c'est là la tentative la plus ardue - à travers les instruments de la modernité sans être conditionnée ou même subjuguée par eux. Préserver la Tradition et ce qu'elle signifie est le seul véritable acte révolutionnaire imaginable. Et il est loin d'être irréaliste de croire qu'une réaction loin d'être stérile au totalitarisme de la "pensée unique" puisse en découler.
Loin de cristalliser l'idée de Tradition, Evola la relance comme proposition culturelle à l'heure de la crise de toutes les croyances et à la veille de l'effondrement d'idéologies élevées au rang de pratiques quasi mystiques. Dans un article paru dans Il Conciliatore en juin 1971, Evola écrit: "L'introduction de l'idée de Tradition vaut pour libérer chaque tradition particulière de son isolement, précisément en ramenant son principe générateur et ses contenus essentiels dans un contexte plus large, en des termes qui soient d'une intégration effective. Seules les éventuelles revendications d'exclusivisme et de privilèges sectaires en pâtissent. Nous reconnaissons que cela peut être dérangeant et créer une certaine désorientation chez ceux qui se sentaient en sécurité dans une zone donnée et clôturée. Mais pour d'autres, la vision traditionnelle ouvrira des horizons plus larges et plus libres, elle ne fera qu'instiller une sécurité supérieure, à condition qu'ils ne trichent pas au jeu: comme dans le cas de ces "traditionalistes" qui n'ont mis la main sur la Tradition que comme une sorte de condiment à leur propre tradition particulière réaffirmée dans toutes ses limites et dans tout son exclusivisme".
La personnalité multiforme d'Evola se prête, on le sait, à des interprétations diverses, variées, voire contradictoires. Mais sur un aspect de sa pensée, il n'y a probablement pas de différence de jugement. Evola - au-delà de ses propres intentions - est le protagoniste incontesté d'une révolte culturelle contre le conformisme dont la dictature de la "pensée unique" est l'expression la plus macroscopique et la plus meurtrière.
Evola est en bonne compagnie, bien sûr. Mais la pertinence contemporaine de ses idées est telle qu'il est considéré comme la référence d'une vision du monde qui embrasse, contrairement à d'autres, bien que contigus, les domaines les plus importants de l'esprit et de l'action, du sexe (à la "Métaphysique" duquel, anticipant prodigieusement les résultats de la soi-disant "libération sexuelle", il a consacré des pages qui déboulonnent la théorie du genre et l'unisexisme dominant) à la religiosité dans ses multiples déclinaisons, en passant par la science, la démographie, la contestation de la jeunesse et ses mythes, et les formes de décadence.
Quelle est sa pertinence aujourd'hui ? Question inutile. La réponse se trouve dans ses livres.
17:22 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, julius evola | |
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samedi, 30 mars 2024
Dadaïste, séducteur, dandy. L'aventure d'être Evola
Dadaïste, séducteur, dandy. L'aventure d'être Evola
par Stenio Solinas
Source : Il Giornale & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/dadaista-seduttore-dandy-l-avventura-di-essere-evola
"Tout ce que vous avez voulu savoir sur Evola sans jamais oser le demander" pourrait être, en paraphrasant Woody Allen, le sous-titre de la solide biographie de plus de 700 pages qu'Andrea Scarabelli, avec Vita avventurosa di Julius Evola (Bietti, 39 euros), consacre à ce personnage complexe et controversé. Fort d'une décennie de recherches, d'archives italiennes et étrangères, de correspondances, d'interviews et de témoignages, Scarabelli a réussi à contextualiser son œuvre tout en mettant l'accent sur le type humain qui l'a rendue possible et à dresser un portrait convaincant de l'époque, ou plutôt des époques, dans lesquelles Evola a vécu: la Rome artistique, politique et idéologique du début du 20ème siècle puis de l'entre-deux-guerres; Vienne, qui n'est plus habsbourgeoise mais pas encore nazie; Paris surréaliste et moderniste; l'"île païenne" de Capri, par excellence: mais aussi le fer et le feu de la Seconde Guerre mondiale, l'effondrement italien et la capitulation allemande, la difficile période de l'après-guerre marquée par la paralysie physique de ses jambes, par de longues hospitalisations, par des difficultés économiques et de soudaines poussées de notoriété publique, des arrestations et des procès, qui ne contribueront pas peu à sa réputation de "mauvais maître" ou de maître tout court du néo-fascisme italien dans les années 1950 et 1960.
Le premier élément qui saute aux yeux, contredisant et/ou corrigeant cette aura d'impassibilité et d'impersonnalité qu'il a lui-même contribué à construire et que ses exégètes ont transformé en une sorte de totem intemporel, est qu'Evola était un interventionniste, immergé dans son époque, désireux de se tailler un espace public et de jouer un rôle à l'ère de l'agonie culturelle. C'était un homme colérique et polémique, mais il était prêt à faire des compromis lorsque d'autres voies n'étaient pas viables, à être marqué et dénoncé, voire calomnié dans la presse, et à se faire battre la main... Dès ses débuts, il fut un peintre dadaïste et théoricien d'un art abstrait dans sa volonté de faire tabula rasa de tout ce qui était tradition, conservation, passé, ainsi qu'un adepte d'un dandysme à la Oscar Wilde, comme le lui reprochaient ses détracteurs: monocle, brillantine, ongles émaillés, élégance extrême, faux titre de noblesse, prédilection pour les femmes mûres qui voyaient sans doute dans la séduction de cet "élégant abatino" (définition du futuriste Bragaglia) quelque chose de pervers et en même temps d'excitant.
Il l'était encore plus sous sa forme ultérieure de philosophe et, comment dire, d'idéologue, dans cet archipel déchiqueté qu'était le mouvement fasciste avant qu'il ne se cristallise en régime, et qui pourtant, une fois qu'il l'était, maintenait en son sein une telle vivacité de positions et de contrastes qu'elle rendait caduque aussi bien l'idée d'un système monolithique que celle d'une absence de débat culturel, voire d'une absence totale de culture.
De ce point de vue, le livre de Scarabelli est d'autant plus intéressant qu'il dresse une carte, aussi raisonnée que composite, des différentes âmes intellectuelles qui ont vu le jour à l'époque, chacune avec ses propres points de référence, qu'il s'agisse de journaux, de lieux de rencontre, de maisons d'édition, ainsi que des référents politiques et donc des centres de pouvoir alternatifs. Une chose que l'on n'a jamais assez soulignée, et que Scarabelli met au contraire en évidence, c'est que l'intellectualité fasciste qui s'est manifestée à l'époque était l'enfant de l'interventionnisme de guerre qui l'avait précédée. Tout le monde, plus ou moins, avait été au front, tout le monde était revenu du front à la vie civile en conservant une mentalité militaire. C'était la répétition de ce phénomène que furent les demi-soldes napoléoniens si bien décrits par Balzac, des inadaptés par rapport au monde qui aurait dû les accueillir comme si rien ne s'était passé entre-temps...
L'idée que ceux qui avaient été dans les tranchées ou à l'attaque devaient maintenant s'asseoir derrière un bureau et recevoir des ordres de ceux qui étaient restés à la maison semblait surréaliste, tout comme l'appel au vieux décorum bourgeois, à l'échange poli d'opinions, à la polémique polie... Bien que moins virulent que les champions de l'insulte gratuite tels que Mario Carli et Emilio Settimelli dans les colonnes de L'Impero, Evola a également joué son rôle, un bellicisme des mots qui a paradoxalement débordé du fascisme vers le néo-fascisme d'après-guerre, où ce n'est pas une coïncidence qu'Evola se retrouve souvent décrit sur les mêmes tons et avec les mêmes épithètes dénigrantes qui l'avaient accompagné pendant les vingt années de fascisme...
Il faut cependant préciser, et Scarabelli le fait très bien, qu'Evola n'était en aucun cas un personnage marginal dans la culture fasciste. S'il s'est trouvé en marge, c'est en raison des batailles idéologiques très précises qui ont été menées et débattues, les batailles anticatholiques et racialistes, pour ne citer que les deux plus importantes, et qui, même si elles l'ont enveloppé d'un cône d'ombre, n'ont jamais réussi à le mettre complètement hors-jeu. Il est significatif qu'en décembre 1942, le jeune Italo Calvino demande à Eugenio Scalfari, collaborateur de la Rome fasciste, des éclaircissements sur Evola et "ses balivernes sur la pensée aryenne" qui, pour balourdes qu'elles soient, "exercent une certaine fascination, au point qu'en lisant certains de ses articles, j'ai puisé plus d'une inspiration dramatique". D'ailleurs, de Moravia à de Pisis, de Croce à Gentile, à Marinetti et Papini, de la maison d'édition Laterza à la maison d'édition Bocca, Evola a eu, dès sa première apparition, des fréquentations et des publications qui ont contribué à faire de lui un personnage complet, pas du tout folklorique, et encore moins insignifiant.
Il a également des connaissances chez les politiques, en premier lieu Farinacci, qui le prend sous son aile protectrice, mais aussi Bottai, bien que de manière discontinue et fluctuante. Surtout, et malgré ses dénégations à cet égard, il avait en Mussolini, sinon un protecteur, un référent pragmatique et non a priori hostile. Ce que l'historiographie sur le fascisme tend à oublier, c'est qu'avant le Mussolini politique, il y avait eu le Mussolini intellectuel, le fondateur d'Utopia et le collaborateur de La Voce, l'ami de Prezzolini, mais aussi de Lombardo Radice et de Salvemini, l'agitateur socialiste et interventionniste, le préfet du Porto sepolto d'Ungaretti, l'ami et le compagnon d'armes de Marinetti...
Mussolini connaissait la culture de son temps parce qu'il l'avait pratiquée, elle ne lui était pas étrangère, il la comprenait. Cela explique l'attention, même paroxystique, avec laquelle il en suivait les événements, punissant ou récompensant tel ou tel écrivain, tel ou tel mouvement. C'était en quelque sorte son terrain de chasse et les intellectuels son gibier, avec autant d'espèces protégées et d'espèces à tuer ou à sacrifier. Evola, après tout, se rangeait dans la première catégorie.
Le livre contient également un examen approfondi de sa pensée, passionnant et difficile, mais, comme le titre l'indique, l'intérêt de l'auteur se porte ailleurs, sur cette vie "aventureuse", en fait, qui, au moins jusqu'à la tragique crise de 1945 au cours de laquelle il a perdu l'usage de ses jambes, correspondait tout à fait à cet adjectif. Depuis son expérience dadaïste, Evola avait également une vision non provinciale de lui-même : il était polyglotte, avait une bonne connaissance des langues classiques, une passion pour l'Europe de l'Est et une irritation pour le climat culturel romain qui s'est souvent avéré asphyxiant pour lui.
Par rapport à la mythologie que l'après-guerre a construite autour de lui, le portrait que dessine Scarabelli est aussi celui d'un bon vivant, brillant et jamais ennuyeux, à l'humour discret, conscient de sa valeur, mais soucieux de ne pas tomber dans la caricature. Très jaloux aussi de sa liberté: du travail, des charges familiales, des contingences matérielles, et prêt à en payer le prix. Courageux aussi, amoureux du danger compris comme une sorte de blind date, un test spirituel en quelque sorte, un test et en même temps une offrande, et finalement un signe. À Vienne, marcher sous les bombes signifiait précisément cela. "Nous ne pouvons comprendre qu'à travers toutes les conséquences". Toutes, sans exception, comme il l'a expérimenté lui-même, mais sans jamais s'insurger contre le destin cynique et barbare.
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mardi, 26 mars 2024
Massimo Scaligero: "L'homme renaît du sacré"
Massimo Scaligero: "L'homme renaît du sacré"
par Luca Leonello Rimbotti
Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-uomo-rinasce-dal-sacro
En réalité, le lien entre l'archaïque et le postmoderne serait toujours possible, à condition qu'il y ait une décision politique adéquate. Selon Scaligero, l'actualité n'est que le dernier exutoire du primordial. Et nul ne peut invoquer l'incompatibilité du primordial et du futuriste.
La vertu de la pensée serait de créer l'action. La question est de savoir s'il n'est pas possible d'établir un lien entre la sphère intérieure, d'où naît la volonté, et la décision, d'où naît l'action. Habituellement, dans l'histoire, c'est dans les moments d'effondrement civil, de décadence politique et culturelle, que l'homme se tourne vers son âme, l'interrogeant sur le sens de l'existence, exigeant des réponses absolues et recherchant la possibilité d'activer des solidarités protectrices. Lorsqu'une société est triomphante, noyée dans le bien-être, les mystiques et les prophètes ne se manifestent guère. La science du quotidien, qui répond à toutes les questions, suffit. La contrefaçon de l'esprit, la superficialité, comme l'a fait le New Age dans le monde occidental, suffisent. L'esprit d'un peuple, mais aussi celui de l'individu, plane lorsque les inquiétudes sont éveillées et que les questions sont posées. La véritable antithèse créative au matérialisme séculaire est le soin de l'âme, la construction d'un esprit artistique.
Les sciences de l'esprit, en ce sens, ont toujours constitué une contre-culture visant à reconstruire l'histoire comme une apparition du sacré. Surtout dans la modernité, cette convergence a souvent pris des significations de résistance caractérielle et culturelle, capable de tailler des lignes de roc sur lesquelles construire l'appareil d'une volonté antagoniste. L'Europe du vingtième siècle a connu des personnages qui, de Schuré à Guénon, de Meyrink à Steiner et au-delà, ont contribué, du côté ésotérique, pour ainsi dire, à ériger une barrière - quelle que soit la manière dont on la juge - sur laquelle certaines dérives de la modernité se sont parfois brisées, laissant non seulement des témoignages, mais des arguments, des gestes mentaux, des attitudes et des exemples qui, à chaque époque, constituent le précieux héritage de la "race indomptable".
Un personnage comme Massimo Scaligero, aujourd'hui réduit à n'être plus qu'une divinité secondaire et relevant presque du sectaire, lui comme tant d'autres présents sur la dangereuse crête des "nouvelles spiritualités" rongées par le vice américain, dans ce compartiment ambigu qu'est la pensée ésotérique, nous le prenons comme exemple de ce que pourrait représenter la condition dans laquelle se trouve l'homme qui entend s'opposer à l'expansion de la Cosmopolis matérialiste. On pourrait dire qu'il s'agit d'individualités, d'individus, d'avant-gardes, mais potentiellement l'événement de la révolte intérieure investit les masses, implique toute la société chancelante. En effet, la révolution de l'esprit créateur, nécessaire à la fois pour supporter le poids de la dégradation quotidienne et pour penser à l'abattre, est le premier tour d'une roue confucéenne capable de faire bouger l'histoire et même de la renverser.
La recherche d'une vérité absolue se tourne vers l'Orient. C'est un classique de la modernité européenne. Depuis Schopenhauer, cet "ex Oriente lux" a régné pendant plus d'une saison. Et c'est précisément l'"homme de lumière", sur la piste persane de la gnose éclairante, c'est précisément cette entité transfigurée qui est le mirage qui maintient la volonté créatrice en éveil. Scaligero en a ravivé le sens à une époque de grands bouleversements, celle de l'immédiat après-guerre. C'est alors que se rejoignent la demande de salut, l'évasion du monde de l'envie, l'entrée dans une dimension d'altérité et de libération du besoin. La vertu "consolatrice" de la philosophie, appliquée à la catastrophe historique, engendre la mystique, on le sait. Et la mystique de la lumière, c'est la pensée de Scaligero.
Il s'agit d'une tentative - l'une des nombreuses, au 20ème siècle, mais l'une des rares, en Italie - d'endiguer la vague moderniste et de greffer sur le progrès matériel quelques-unes des branches les plus touffues de la tradition. Mais la pensée est-elle capable d'enrayer l'effondrement de la civilisation dans l'inculture ? Le repli sur les plis de l'esprit peut-il construire une vérité encore nouvelle ?
Tout tourne autour du concept d'édification. La pensée puisée dans les profondeurs de la transcendance peut construire, éduquer, former. Sur ce point, la procédure de concentration intérieure quitte la phase solipsiste individuelle et devient - peut devenir - une affaire communautaire, de repousse de nouvelles techniques d'apprentissage formatif. La solitude du sage, à partir de Zarathoustra, devient le cadre de valeurs d'un peuple. Toute pensée qui creuse l'énergie en elle-même, toute religion ou religiosité, à condition d'être mise en contact avec le feu de l'action, peut devenir et devient une révolution. Cela signifie donc que le retour aux soins de l'âme n'est pas une fuite dans l'irréalité, dans l'intimité ou dans le secret des arcanes, s'il est effectué avec la compréhension de la véritable metànoia, la soif de changement qui grandit chaque fois qu'un homme lit dans les yeux d'un de ses semblables ses propres rêves.
L'Orient repensé par Maximus Scaligerus devait être un remède pour l'Occident perturbé par la démocratie libérale et jeté à corps perdu dans les mâchoires d'un matérialisme séculaire brutal. L'obsession progressiste a besoin d'un apaisement, et c'est ce pouvoir que l'essai met en évidence dans les processus de renaissance de l'ego. Comment échapper à l'emprise du temps progressif, qui enferme les individus et les masses dans l'angoisse de l'égarement, au contact de la violence nihiliste ? Comment ne pas ressentir dans son cerveau et dans sa chair la violence du monde à notre égard ? Cette civilisation de l'anéantissement n'a qu'un seul adversaire : nous-mêmes et notre force. Scaligero s'est formé à travers Nietzsche, Stirner et Steiner : cela nous dit déjà tout. L'homme brise sa chaîne schizophrénique en brisant le sortilège progressiste qui l'a forgée. L'homme est puissance, force, lutte. Il a en lui les outils de la libération. Ici, donc, la pensée peut devenir et devient un exercice, c'est-à-dire une ascèse, d'opposition. Chacun peut boire à la fontaine qui lui plaît. Scaligero, comme beaucoup d'autres avant lui, dans le long après-guerre, a désigné l'Orient traditionnel comme un réservoir de conscience et d'édification intérieure encore suffisamment limpide, puis l'a fusionné avec des apports christiques, avec des intuitions néo-païennes, avec des foudres hermétiques. Même si cet Orient s'est entre-temps contracté davantage, du fait de la désastreuse occidentalisation planétaire, avec sa cour du profit, son règne de l'argent, son oubli du savoir, sa domination techno-scientiste, malgré l'ensemble grandiose qui massacre les héritages et s'appelle puissance mondiale, malgré cela et le recul d'époque de la pensée mythique et transcendante, tout cela ne suffit pas encore à déclarer l'inanité de la persévérance.
La civilisation issue de la dialectique socratique et du scientisme cartésien a été elle-même détruite et engloutie par la tempête ruineuse qu'est l'irruption mondiale du pouvoir économique sur les substrats cognitifs de l'homme et ses paramètres existentiels habituels. Face à cet assaut, l'homme conscient a besoin d'armes pour faire face. La "vitalité transcendante" et la "chaleur des instincts" étaient, selon Scaligero, des moments de cette "puissance d'amour" qui, comme une nouvelle gnose, devait enlever la lourdeur du présent. Et voici le devenir de la lumière, l'avènement d'une puissance solaire qui se concrétise dans le détachement de la ruine et dans la gymnastique/ascèse de la contemplation du symbole : quelque chose qui bouge et qui dérive, comme toute notre vie, de la "mémoire sensible", cette sorte d'atavisme communautaire inné que chaque individu peut déterrer de lui-même, comme avec une hachette [1].
Dans ces propositions, nous ne trouvons pas d'impuissance passéiste. Nous y trouvons au contraire la détermination sereine de déterrer les trésors de la conscience de soi. Le retour à la source aujourd'hui n'est pas une lubie d'intellectuel désorganisé, ni une complainte impuissante de mélancolique : celui qui voit, touche et savoure la source accomplit un miracle communautaire, il irradie autour de lui la puissance du sacré. "Une montée des temps, à contre-courant", si je ne me trompe, disait Evola. Savoir unir les choses du monde à celles de l'idée hyperboréenne déclenche la puissance de cette révolution expansive: le ciel et la terre. Se pencher sur les dangers de la transcendance, décider d'activer l'ascétisme, ce sont des voies du monde, pas des échappatoires au monde. La formation d'une espèce humaine ancienne et rénovatrice est mise en gestation, l'avènement d'un type est invoqué, auquel est réservée la tâche de détruire la société de l'usure pour donner naissance à la société de la valeur. Penser la transcendance et vivre la vie. Deux symboles en mouvement. Ce que Scaligero, à un certain moment, encore jeune, de sa maturation intellectuelle, avait aussi esquissé en termes de pouvoir politique organique, qui, historiquement, unit les sphères privées et cosmiques :
La race qui vénère les forces du ciel conçoit un rapport symbolique entre le feu du foyer, l'atmosphère et le feu solaire, de sorte que, par la flamme, les offrandes sont brûlées et absorbées par l'éther, la grande divinité céleste ; la race qui vénère les forces terrestres communique avec ses divinités en apportant des offrandes dans les cavernes et en les plongeant dans l'abîme. Dans l'unité olympienne-terrestre, d'origine hyperboréenne, renouvelée par Rome, un motif symbolique dominant est le "feu qui réchauffe la terre", la flamme qui brûle à l'intérieur du temple de Vesta : ici se manifeste la rencontre des deux symboles et des deux spiritualités qui sont les fondements métaphysiques de l'Empire [2].
L'union du tellurique et de l'uranique est la garantie qu'il n'y a pas de dissociation entre le sacré et le profane.
S'agit-il d'une conception de l'existence trop éloignée du quotidien banal de la société de l'anarcho-libéralisme mondialiste ? En apparence seulement, et seulement pour ceux qui ont perdu toute capacité à croire en la possibilité de renverser le néant massifié.
En réalité, le lien entre archaïque et postmoderne serait toujours possible, dès lors qu'il y a une décision politique adéquate. Il n'existe rien d'inéluctable, sauf la résignation. Les cultes anciens, par exemple, pourraient encore aujourd'hui, et même demain, réapparaître comme des moments crédibles de réciprocité sociale, à nouveau viables. La tradition sacerdotale et la tradition héroïque, en ce sens, selon le langage des sciences de l'esprit, peuvent très bien coexister avec la technoscience de masse et la "mégamachine" productiviste.
Selon Scaligero, comme selon les grandes voies de l'Orient et de l'Occident métaphysique, l'actualité n'est que le dernier débouché du primordial. Et nul ne peut invoquer l'incompatibilité du primordial et du futuriste. L'argument nous mènerait loin, mais l'histoire a montré à maintes reprises que le primordial revit dans l'actualité, pour peu qu'il y ait une volonté - non seulement culturelle, mais précisément politique - qui l'évoque. Le monde du Logos et du Mythos se voit barrer la route si la transcendance se réfugie dans les plis de l'intimité individuelle ; il voit l'horizon s'ouvrir si, au contraire, le sacré se répand dans le monde comme obéissance à la vie. "La mémoire du Logos est le principe de la régénération de l'homme", écrit Scaligero. "Chaque fois que l'Esprit rencontre l'âme pour l'expression de la pensée, le Logos resplendit, mais imperceptiblement". Pour inverser la tendance et pour que l'ouverture à la transcendance soit perçue même au milieu du vacarme moderniste, il faut que surgisse une pensée qui unisse l'idée et l'expérience, le monde et le surmonde :
Dans les temps nouveaux, le chemin vers le don de la Vie passe par la pensée : elle seule peut réveiller la vie perdue du sentiment. Aujourd'hui, la possibilité directe de l'Esprit est la pensée. [...] Cette pensée veut se relever de sa mort, veut revenir à la vie, à la Lumière de la Vie : elle veut se relever en tant que mélodie, parce que la mélodie cosmique est la force à partir de laquelle elle se meut réellement [3].
Il ne s'agit pas de promenades gratuites dans les prairies de l'illusion ou de digression ésotérique rêveuse, mais du produit d'un effort empirique, physique, sans lequel il n'est pas possible d'attaquer le monde dans lequel nous vivons, si imposant, si monolithique, pas même du côté de l'utopie. Il s'agit en effet de donner la parole à cette race particulière d'hommes qui, dans l'histoire du monde de toutes les époques, a toujours constitué le moteur immobile du changement et de l'événement : ceux qui, par l'éducation, l'édification personnelle, la sanctification providentielle ou autre, gardent toujours en eux, à chaque moment, même le plus désespéré en apparence, le "courage de l'impossible" [4].
Notes:
[1] Cf. Scaligero, L'immaginazione creatrice [1964], introd. par Pio Filippani Ronconi, F.lli Melita Editori, Rome 1989, p. 27, où, se référant à la substance de lumière de l'être éthérique, Scaligero affirme que dans l'homme sont produites des images qui "se traduisent en lui immédiatement en sensations et en pensées conformes à la mémoire sensible : qui est la mémoire de la race et du sang".
[2] Scaligero, La razza di Roma, éd. Mantero, Tivoli 1938, p. 49.
[3] Scaligero, Isis-Sophia, la dea ignota, Edizioni Mediterranee, Rome 1980, pp. 62-63.
[4] Cf. Aa. Vv, Massimo Scaligero, Il coraggio dell'impossibile, Tilopa, Teramo 1982.
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vendredi, 23 février 2024
La vie aventureuse du philosophe Julius Evola
La vie aventureuse du philosophe Julius Evola
La biographie monumentale du penseur traditionaliste éditée par Andrea Scarabelli arrive dans les librairies d'Italie
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/113097-la-iita-avventurosa-del-filosofo-julius-evola/?fbclid=IwAR2lRtsNMLf6gASscEhKwbfiSxW943v2iyLXDc-IZYCqZ0J3sujOn38OFj4
Julius Evola est mort il y a cinquante ans. Son nom continue d'être accablé de préjugés aprioristiques récemment ravivés par le battage journalistique mainstream visant à promouvoir un volume mal informé dans lequel le penseur traditionaliste est présenté, rien de moins, comme l'"instigateur moral" du "viol de Circeo". Le philosophe Piero di Vona, l'un des plus fins exégètes de la vision du monde d'Evola, avait en effet raison de souligner l'urgence, pour sauver Evola d'un dénigrement préconçu ou d'une exaltation hagiographique tout aussi stérile, d'écrire une biographie objective et équilibrée de cet intellectuel qui a traversé le "petit siècle" en tant que l'un de ses protagonistes. Andrea Scarabelli a répondu à ce besoin de clarification historique avec sa Vita avventurosa di Julius Evola (Vie aventureuse de Julius Evola), désormais en librairie grâce aux éditions Bietti (pour les commandes : 02/29528929, pp. 830, 39,00 euros).
Il s'agit d'une reconstruction méticuleuse de la vie du traditionaliste, développée en dix chapitres à caractère organique, révisée avant publication par de nombreux spécialistes d'Evola et d'autres. Le travail de Scarabelli a surtout une qualité littéraire évidente. La vie d'Evola, certainement peu commune et "au-dessus des lignes", est également étudiée dans le récit par le biais de références appropriées à son cheminement de pensée. Ces pages ne se limitent pas à la présentation de données biographiques et de contingences historico-existentielles, mais constituent un portrait: la "pensée incarnée" d'Evola. Le lecteur doit être conscient qu'il lit "la biographie de quelqu'un qui n'a pas voulu être biographié, la périodisation d'une pensée qui a tout fait pour se situer au-delà de l'Histoire, sauf alors à parier sur l'Histoire elle-même" et sur l'engagement en elle pour en "rectifier" le cours. On sort de la lecture avec une certitude: la linéarité de l'iter d'Evola est plus problématique que ce que le philosophe veut bien nous faire croire, car elle est constituée de points d'arrivée et de redémarrages conséquents qui, dans certains cas, représentent une rupture par rapport à la phase précédente.
Scarabelli (photo) a utilisé une vaste documentation d'archives, a parcouru (pour la première fois) tout le matériel conservé par la Fondation, a consulté des lettres épistolaires (parfois inédites), a recueilli de nouveaux témoignages, a suivi les traces laissées par Evola en Italie et en Europe. Grâce à la vaste documentation produite, on peut parler, et pas seulement pour le volume que constitue l'ouvrage, d'un livre monumental, d'une œuvre charnière dans la bibliographie critique concernant le penseur traditionaliste. Le personnage d'Evola fait ici l'objet d'une étude approfondie, ses points positifs et sa grandeur sont notés, mais aussi ses limites et ses traits "humains, trop humains". Il en ressort un portrait équilibré: un Evola face au miroir. Dans l'incipit, l'environnement familial est reconstitué dans son intégralité (dans la mesure où les documents le permettent), révélant la nature tout sauf aristocratique de la famille (le surnom de "baron", par lequel Evola est souvent désigné, est en fait un surnom qui lui a été donné à l'époque du dadaïsme).
Il s'agit d'une reconstitution évocatrice du mileu ésotérico-occultiste dont Evola était l'animateur à Rome dans les premières décennies du siècle dernier, à l'époque du "Groupe UR", avec ses divisions et les personnages extraordinaires qui l'animaient, de Reghini (photo) à Maria de Naglowska (photos). L'auteur présente également une reconstruction précise de l'environnement des cercles futuristes que l'artiste-philosophe, d'abord proche de Balla et ensuite le plus grand interprète italien du dadaïsme poétique, fréquentait en animant des soirées mémorables aux "Caves d'Augusteo".
Evola était également un voyageur passionné. Il aimait la Capri pré-touristique, le cœur de la Méditerranée panique-dionysienne, un refuge, à cette époque, pour les "hérétiques" de toutes sortes et où Evola a acheté une maison avec deux amis en 1943 (Villa Vuotto, dans la Via Campo di Teste). C'est là qu'il travaille à l'une des nombreuses revues prévues mais jamais réalisées, Sangue e Spirito (Sang et Esprit), aidé par une jeune et belle secrétaire allemande, Monika K., fille d'un photographe berlinois, qui, Evola absent de l'île, se suicidera en ingérant une grande quantité de tranquillisants. Cela incite Evola à revenir brusquement à Capri et à écrire une lettre sincère à la sœur de la jeune amie (l'épisode, jusqu'à présent, n'a pas été connu).
Toujours à Vienne, le penseur participe à la fondation, avec les principaux éléments de la révolution conservatrice locale, du Kronidenbund : "il passait en revue [...] la dimension nocturne de la ville. Il fréquente un club appelé, non sans raison, "Le Rien", dont les murs arborent des symboles hermétiques et astrologiques et où : "Au lieu de tables, il y a des cercueils et les boissons sont servies dans des crânes". En Allemagne, il est bien accueilli dans les milieux aristocratiques et entretient des relations positives avec Edgar Julius Jung, secrétaire de von Papen, qui sera plus tard éliminé par les nazis.
Les épisodes de la vie d'Evola liés au paranormal ne manquent pas : il est invité, par exemple, au château de Taufers (photo), à Campo Tures, où se produisent des phénomènes médiumniques. À son entrée, ces phénomènes, au lieu de s'atténuer, se sont accentués. Evola les a qualifiés d'"influences errantes", d'"énergies" : "influences errantes, énergies à l'état libre".
Il se rendit également à la chartreuse de Maria Hain (photo), près de Düsseldorf, où il fut témoin d'un rituel: Au milieu de la nuit, il évoque quelque chose de radical. Deux aspects, à notre avis, sont les plus pertinents qui ressortent de la biographie:
1) un rapport médical anonyme de l'hôpital où Evola a été hospitalisé après l'explosion de la bombe du 21 janvier 1945 (un bombardement sans doute américain !) dans lequel apparaît l'histoire médicale de l'état de santé du penseur et des thérapies qu'il a suivies. Jusqu'à présent, on avait toujours supposé qu'Evola était paralysé des membres inférieurs immédiatement après le bombardement. L'exégèse des dossiers médicaux montre au contraire que ce sont les thérapies appliquées, inadaptées à la pathologie d'Evola, qui ont aggravé et dégénéré la situation: il s'agit d'une faute professionnelle, qui s'explique par les conditions des hôpitaux autrichiens de l'époque ;
2) l'analyse du racisme d'Evola. Le "racisme spirituel" proposé par le philosophe n'était pas seulement impraticable à la lumière des contingences historiques et donc politiquement inutile, mais il était aussi combattu, comme "anti-allemand", non seulement par les nazis, mais aussi par des cercles appartenant à la Compagnie de Jésus, le père Agostino Gemelli (photo) et Pietro Tacchi-Venturi. Même Giorgio Almirante (qui décrira plus tard Evola comme "notre Marcuse") et Giulio Cogni ont contribué à l'isolement d'Evola.
Scarabelli note que, dans certains écrits et certaines circonstances, même le philosophe a succombé à la culture de l'époque, au racisme "populaire", et a développé des considérations qui ne pouvaient pas être partagées. Il n'en reste pas moins que le "raciste" Evola était moins "raciste" et "antisémite" que beaucoup d'autres qui se sont convertis par la suite aux idéaux des nouveaux maîtres. L'histoire terrestre d'Evola s'est achevée par le dépôt de ses cendres parmi les glaciers du Lyskamm, après bien des vicissitudes : "C'est la conclusion d'une vie aventureuse et peu commune, qui a traversé le XXe siècle, en portant ses masques et en interrogeant ses énigmes".
Giovanni Sessa
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Traditionalistes contre globalistes: le grand chambardement planétaire
Traditionalistes contre globalistes: le grand chambardement planétaire
par Pierre-Emile Blairon
1.
Etat des lieux
En 2020 a eu lieu un événement sans précédent dans l’histoire du monde : un groupe d’oligarques psychopathes a fomenté un coup d’État planétaire, qu’il a dénommé le Great Reset, la « grande réinitialisation » en français, une expression à l’évidence inspirée par la main-mise de la technologie informatique sur le monde que nous vivons. Ce coup d’État est toujours en cours ; il trouve ses origines funestes et son but pernicieux dans un lointain passé de l’humanité, transmis de siècle en siècle, de sociétés secrètes en officines « satanistes » (terme revendiqué par ces mêmes officines et, actuellement, par ces mêmes psychopathes), de cooptation en cooptation d’individus malfaisants jusqu’à la secte maléfique qui s’est emparée de quasiment toutes les structures civilisationnelles du monde d’aujourd’hui[1]. Pourquoi cette engeance a-t-elle décidé d’intervenir à ce moment ? Parce que la fin de notre cycle, qui s’accompagne, comme tous les précédents, de nombreux troubles, d’origine humaine ou naturelle, présente une vulnérabilité que les globalistes attendent depuis bien longtemps et qu’il s’agit d’empêcher la naissance de celui qui va suivre.
C’est amusant, ces personnages nuisibles qui semblent issus en droite ligne d’Epiméthée, le frère idiot de Prométhée, plus que de Prométhée lui-même, ont ouvert la boîte de Pandore (qui, dans la mythologie, était une jarre) répandant tous les malheurs qui vont inévitablement leur tomber sur la tête. Oui, l’existence des racailles en col blanc qui dirigent le monde procède de cette filiation mythologique dont ils se réclament.
En effet, par cette soudaine entrée en scène et la répression qui l’a suivie, les globalistes se sont révélés au monde et, de ce fait, ont déclenché une prise de conscience de tous ceux qui ne se sentaient pas concernés jusque là par les agissements de leurs gouvernants, valets, complices ou adeptes de la secte.
Les mondialistes avaient méticuleusement préparé leur coup depuis de longues années ; leur première tâche avait consisté à prendre le contrôle de tous les médias afin de conditionner les populations ; il faut reconnaître que cette étape décisive a parfaitement fonctionné ; les techniques d’ingénierie sociale sont très au point ; et les quelques rares esprits lucides qui n’ont pas été atteints par cette épidémie de crétinisation ont regardé avec effarement les masses se plier sans broncher à toutes les absurdes injonctions qui leur étaient lancées afin de tester leur degré de soumission.
En quelques mois, toutes les valeurs qui constituaient le socle même des sociétés civilisées depuis des siècles ont disparu ; en moins de quatre ans, ce qu’on a appelé l’Occident s’est effondré sur tous les plans: spirituel, économique, diplomatique, technologique, culturel, intellectuel, sapientiel, mémoriel...
L’infime minorité qui a su conserver son esprit critique a pu se relever, se regrouper et entamer une résistance courageuse avec ses faibles moyens. Des personnes venues de tous horizons, qui ne se côtoyaient pas auparavant, se sont reconnues comme faisant partie d’une même communauté, sentiment accru du fait qu’elles sont passées par les mêmes épreuves, surtout lors de la troisième offensive lancée contre les peuples, celle d’une pseudo-vaccination mortifère, après l’entreprise de conditionnement planétaire des populations - de leur lobotomisation - et après la fabrication du coronatralalavirus en Chine et sa diffusion.
Les clivages artificiels économiques (de classe) ou politiques (gauche-droite) laissent place désormais à une reconfiguration des archétypes sociaux avec d’un côté, les individus conformistes qui ont été conditionnés par l’ingénierie sociale (les plus nombreux) adhérant par défaut - de cerveau - au camp mondialiste ou, pour les autres, plus éveillés mais en minorité, rejoignant le camp traditionaliste.
Mais nous verrons que ces nouveaux résistants n’ont pas le profil attendu de gens passéistes qui s’accrochent à leurs privilèges, à leur confort ou à une idéologie conservatrice ; ceux-ci rejoignant le camp mondialiste sans se poser de questions. Les cartes ont été rebattues avec l’accélération et la multiplication d’événements significatifs qui ont divisé le monde selon des critères inattendus.
En voici quelques exemples.
- La guerre déclenchée par les Occidentistes [2] en Ukraine a, contrairement aux espérances des Américains, de l’OTAN et de leur entité vassale, l’Union Européenne, renforcé ces dissidents occidentaux qui se sont rapprochés de la Russie, laquelle brandit sans complexe et avec fermeté le flambeau des valeurs pérennes indo-européennes de nos origines communes.
- La création de l’alliance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ouvre une alternative à l’hégémonie planétaire américaine ; la Russie, bien loin de succomber économiquement face aux sanctions occidentales, s’est, au contraire, consolidée sur le plan économique, déclenchant même un marasme sans précédent dans beaucoup d’Etats européens (dont la France).
- La récente entrevue du journaliste-vedette américain Tucker Carlson avec Vladimir Poutine, qui a pu enfin exposer le point de vue de la Russie sur la guerre en Ukraine, a déclenché un tsunami médiatique et une vague de sympathie pour le dirigeant russe à laquelle ne s’attendaient pas les globalistes.
- Les Etats-Unis - « dirigés » par un vieillard sénile compromis, en compagnie de son fils, dans d’innombrables affaires douteuses - sont en complète déliquescence, à tel point que de nombreux Etats songent à faire sécession.
- Autre théâtre de troubles internationaux, le massacre en cours perpétrée par Israël sur la population palestinienne ne peut, à terme, que fragiliser l’état sioniste et ses alliés, Israël constituant l’un des trois principaux composants du bloc occidental avec les Etats-Unis et l’Union européenne.
- Les Africains commencent à se réveiller et chassent les Français (dont c’était la « chasse gardée », la Françafrique), à cause de l’ignorance, de la bêtise, de la vanité et de la maladresse d’Emmanuel Macron ; la France est brusquement remplacée par la Chine et la Russie.
- Enfin, la fronde des paysans européens contre le projet sournois de l’Union européenne visant à les éradiquer (fronde toujours en cours à l’heure où nous publions) a radicalisé les franges les plus traditionnelles de la population qui semblent décidées à ne plus se laisser manipuler.
C’est ainsi que se dessine lentement un monde bipolaire (à défaut, pour l’instant, d’être multipolaire) à la fois sur le plan économique mais aussi sociétal, les BRICS, composés essentiellement de très anciennes civilisations traditionnelles, solidement structurées par des valeurs ancestrales, refusant unanimement les errances d’un Occident déboussolé et suicidaire.
Quelles sont les caractéristiques de chacun des deux blocs ainsi constitués ?
2.
Le camp traditionaliste
Le terme de « tradition » vient du latin traditio, action de transmettre et du verbe tradere : transmettre ; on confond souvent les traditionalistes avec les conservateurs ; le latin précise bien qu’il y a une action qui est requise ; la tradition n’est donc pas un simple « retour au passé », un concept figé, contrairement au mot « conservation » qui suppose une préservation, certes, mais aussi le « maintien d’un statu quo », selon le Larousse. C’est exactement la différence que décrit l’adage russe : « Le passé n’est pas un port, c’est un phare ». c’est-à-dire ce qui éclaire notre présent pour envisager notre avenir.
Il faut toujours remonter à la source pour comprendre le présent et tenter de deviner le futur. Remonter à la source, c’est prendre de la hauteur, l’eau coule toujours du haut vers le bas ; l’eau qui sourd de la source est un renouvellement constant, comme une fontaine de Jouvence.
Nos ancêtres avaient observé la nature et les astres et en avaient conclu que le temps était cyclique et que le processus pérenne « naissance-vie-mort » n’avait ni début ni fin. Les anciennes civilisations indo-européennes indiennes, grecques et iraniennes avaient partagé les grandes périodes de ce temps cyclique en quatre âges représentés par des métaux qui allaient du plus précieux au plus vil (or, argent, bronze et fer), l’or étant incorruptible et le fer se décomposant en rouille jusqu’à disparaître avec la fin du cycle avant qu’en renaisse un nouveau. L’Âge d’or représentant le plus haut sommet d’une civilisation, chacun des citoyens vivait selon les préceptes d’une spiritualité raffinée, productrice de valeurs admirables, aristocratiques et chevaleresques qui structuraient une société policée et enracinée au sol qui lui avait été dédié, ces vertus s’émoussant au fil du temps et des âges jusqu’au déclin de l’Âge de fer qui voit la totale décomposition de cette société par l’inversion de ses valeurs, l’abêtissement et l’ensauvagement de l’humanité et le règne du matérialisme le plus abject.
Nous sommes à la fin de ce dernier âge et l’on peut constater les méfaits qui l’accompagnent inévitablement et inexorablement dans la vie de tous les jours.
Une certaine catégorie d’hommes et de femmes (que Julius Evola appelle « les êtres différenciés ») se consacre, au fil des siècles et des générations, à la transmission et à la maintenance des valeurs de l’Âge d’or qui devraient être les valeurs naturelles et spirituelles de l’humanité si elles n’avaient pas été détournées. La réactivation de ces valeurs étant la condition indispensable à la résurgence du nouveau cycle lorsque le temps sera venu.
Le camp globaliste veut coûte que coûte empêcher cette réactivation qui, si elle est menée à bien, signifierait la fin de son hégémonie matérielle. C’est tout le combat des « êtres différenciés » dont nous parlerons en fin d’article. Toutes les actions qui visent à retarder la chute de cette modernité matérialiste constituent une production d’énergie en pure perte ; le seul combat utile consiste à préparer le grand retournement en rassemblant les bagages (les valeurs) pour franchir le gué qui mène au nouveau cycle, au nouvel Âge d’or, et en empêchant les satanistes d’interrompre le processus d’avènement du nouveau cycle.
Ce processus est expliqué dans la plupart de mes ouvrages et articles ; je ne pourrai pas ici l’expliciter plus avant. Je donne juste quelques indications qui, dans le cadre de cette intervention, permettent de comprendre les événements qui nous préoccupent actuellement, c’est-à-dire les raisons de l’offensive inattendue et brutale des forces négatives qui ont pris le pouvoir sur l’ensemble de la planète.
3.
Le camp globaliste
Je parlerai indifféremment de mondialistes, globalistes, satanistes ou transhumanistes puisque ce sont autant de sectes nuisibles qui interfèrent, se complètent et se substituent l’une à l’autre selon les situations ou les besoins du moment, mais qui visent le même but sous des apparences quelquefois patelines et anodines : la réduction puis la mise en esclavage et/ou en robotisation de ce qui restera de la population planétaire, « l’élite » (que ces groupes s’arrogent le droit exclusif de représenter) ne se préoccupant que d’accroître sa durée de vie et son bien-être matériel au prix de bien de turpitudes et de misères infligées aux peuples sans le moindre état d’âme, ce qu’a amplement prouvé l’épisode sanitaire et ses suites tragiques.
Nos globalistes se veulent les héritiers de la race des Titans qui, dans la mythologie grecque, ont voulu se mesurer aux dieux par la révolte de leur figure la plus emblématique qui s’appelle Prométhée, lequel est réputé avoir créé les humains ; le prométhéisme, ou le titanisme, a donné naissance au surhumanisme, qui est lui-même l’antichambre de l’actuel transhumanisme qui milite pour un « homme augmenté », équivalent du surhomme. Humanisme (domination de l’Homme sur les autres règnes), surhumanisme, transhumanisme et, but ultime : posthumanisme qui voit l’Homme transformé en robot dans un épouvantable cliquetis de ferraille...
Cette vanité, cet orgueil qui a poussé les Titans à défier les dieux s’appelle l’hubris, la démesure élevée en mode de fonctionnement de nos sociétés actuelles, la folie titanesque qui voit, par exemple, s’élever des tours toujours plus hautes au sein de mégapoles toujours plus gigantesques.
Et ce n’est pas un hasard si l’équivalent des Titans chez les monothéistes sont les anges rebelles, et de ce fait déchus, dont le chef s’appelle évidemment Satan, dont la racine serait la même que celle de Titan, selon le chercheur Daniel E. Gershenson. La cause de la déchéance de ces « anges » est identique à celle qui a poussé Prométhée à défier les dieux : l’hubris, l’orgueil, la vanité, la volonté de se mesurer à Dieu, voire de le remplacer.
Les ancêtres de nos modernes transhumanistes sont les auteurs d’une grande manipulation, bien avant celles de la pseudo-pandémie et des pseudo-vaccins, une totale inversion des valeurs et de la logique.
Cette manipulation s’est révélée à la faveur, d’une part, des multiples inventions scientifiques qui ont jalonné la fin du 19e siècle (inventions qui ne pourront que tourner la tête des foules et les persuader qu’une ère nouvelle était en train de bouleverser leur vie, celle du progrès sans fin) et, d’autre part, à la même époque, de la parution du livre de Charles Darwin, L’Origine des espèces, qui professe que l’ancêtre de l’homme est un singe. Ces nouveaux « progressistes » en ont profité pour diriger l’humanité vers une croyance entièrement tournée vers le matérialisme et le monde artificiel qui ne pouvait qu’avantager leur ambition démesurée de contrôler la planète par ce biais, ces individus d’alors, tout comme leurs successeurs d’aujourd’hui, étant incapables de toute démarche spirituelle.
La théorie du progrès (lequel ne peut être que technique, et encore sous certaines réserves) et celle de l’évolution qui procèdent toutes deux d’un même illogisme sont des aberrations dans un monde qui, quand on observe la nature, ne peut que nous conduire à constater que tout ce qui vit sur Terre vit sous le principe traditionnel de l’involution, expliqué par Julius Evola [3], c’est-à-dire, dans un sens qui va du meilleur au pire, de la naissance à la mort et non pas le contraire [4]. Ces aberrations ont également infesté le raisonnement de l’archéologie naissante qui voit dans les ossements humains qu’elle découvre encore aujourd’hui des ancêtres de l’homme actuel alors que ce sont, dans un flux naturel qui coule en sens contraire, des restes de branches humaines dégénérées qui appartiennent vraisemblablement à des fins de cycles antérieurs au nôtre, tout comme les peuplades primitives qui sont nos contemporaines [5].
Toujours selon Evola, seule une petite minorité de personnes a conscience de cette manipulation parce que ces personnes ont conservé ce qu’il appelle « cette hérédité des origines, cet héritage qui nous vient du fond des âges qui est un héritage de lumière. […] Seul peut adhérer au mythe de l’évolutionnisme et du darwinisme l’homme chez qui parle l’autre hérédité (celle introduite à la suite d’une hybridation) car elle a réussi à se rendre suffisamment forte pour s’imposer et étouffer toute sensation de la première [6]».
Le constat d’involution est la plus grande idée révolutionnaire que l’on puisse émettre car, à partir de ce constat, tous les fondements illusoires de notre société matérialiste basés sur les notions de progrès et d’évolution s’écroulent.
4.
Qui est Laurent Alexandre ?
Le chantre du transhumanisme en France, bien connu depuis la parution de son livre en 2011, La Mort de la mort, se nomme Laurent Alexandre.
Chirurgien-urologue, diplômé de Sciences-Po, d’HEC, de l’ENA, il vit actuellement en Belgique (histoire de ne pas payer d’impôts ?) avec sa famille, après avoir vendu son site internet Doctissimo pour 139 millions d’euros au groupe Lagardère.
Dans son livre, il nous prédit une révolution technologique notamment dans le domaine médical, si radicale que la notion même de mort sera caduque dans les quelques dizaines d’années qui viennent. Ces progrès spectaculaires tiennent, dit-il, en quatre lettres : NBIC, pour : Nanotechnologies, Biologie, Informatique, et sciences Cognitives. « Grâce à ces révolutions concomitantes de la nano-technologie et de la biologie, chaque élément de notre corps deviendra ainsi réparable, en partie ou en totalité, comme autant de pièces détachées. »
Alexandre tente, avec beaucoup de maladresse et de désinvolture – on sent bien que c’est le moindre de ses soucis – de se doter d’une morale, ou plutôt d’une philosophie, ou tout au moins d’une posture pour contrebalancer l’excessivité de ses positions matérialistes et le cynisme qui va avec. Le résultat est un naufrage, l’auteur se contredisant d’une page sur l’autre et émettant tous les poncifs en vogue. On se demande ce que vient faire ici, dans ce livre où il est question d’une révolution majeure, l’épuisant et mesquin conflit gauche-droite : « Le mouvement transhumaniste deviendra l’allié de l’Etat-providence, et défendra l’accès pour tous aux technologies bionanomédicales. Répétons-le, le transhumanisme est une idéologie de gauche très égalitariste. Ce n’est pas la défense d’une race supérieure contre les autres… » (page 247) mais, page 301 : « L’alliance des transhumanistes et des humanistes égalitaristes de gauche pourrait conduire à la généralisation de normes administratives réductrices de libertés. » Seulement administratives ?
Page 303 : « Dans les siècles qui viennent, les souvenirs pourront être manipulés directement dans les cerveaux humains. De quoi donner un nouvel élan aux sinistres mouvements ˝conspirationnistes˝ qui contestent les vérités les plus établies, de la Shoah à la conquête de la lune, en passant par les attentats du 11 septembre. » Un nouvel élan dans plusieurs siècles ? Il faut être patient. Mais, page 309 : « Le problème, c’est que le lobby transhumaniste est très organisé et puissant alors que l’on attend toujours qu’une contestation aux technologies NBIC s’organise. »
Page 248 : « Les transhumanistes sont fondamentalement des sociaux-démocrates et pas du tout une nouvelle extrême-droite. » (retenez bien ceci qui va nous servir dans un moment) mais, page 317 : « Rien ne garantit qu’une humanité augmentée sera tolérante vis-à-vis des humains traditionnels. […] La possible tyrannie de la minorité transhumaniste doit être envisagée avec lucidité. ».
Et voici une perle : en 2011, Laurent Alexandre avait « prédit » ce qui allait se passer en 2020, mais ce ne sont pas des terroristes qui sont à l’origine de cette attaque, ce sont ses amis, et il avait même prévu le pseudo-vaccin qui allait suivre : « Une attaque terroriste virale, avec par exemple une version génétiquement modifiée du SRAS, de la variole ou autre, pourrait provoquer des millions de victimes avant qu’un vaccin ne soit disponible. » Mais Alexandre nous met la puce… à l’oreille ; les transhumanistes sont prêts à tout pour arriver à leur fin : « La hantise de la mort chez beaucoup des transhumanistes pourrait bien les conduire à accélérer l’histoire technologique, quitte à utiliser la force ».
C’est ce qu’ils ont déjà commencé à faire ; la tactique des globalistes consiste à conditionner les populations aux abominations qu’ils ont préparées pour elles, tout en laissant croire qu’il ne s’agit que d’une fatalité contre laquelle personne ne peut rien, et sûrement pas eux.
Le grand chambardement dont il est question dans le titre de cet article ne fait pas seulement référence à la création des BRICS, il est aussi européen, mais surtout français parce qu’il concerne notre classe politique qui ne réagit pas du tout comme nous étions en droit de l’attendre.
5.
La trahison des droites populaires
Georgia Meloni n’est pas le seul dirigeant européen à avoir trahi ses électeurs, mais elle a été la première à l’avoir fait avec une telle rapidité et un tel dédain de ses électeurs et elle est encore actuellement le modèle des deux courants principaux de la droite populaire française : RN et Reconquête qui, désormais, ne se distinguent pratiquement plus : Marion Maréchal a annoncé récemment son intention de rejoindre le groupe de Meloni au Parlement européen si elle est élue et nous allons voir que les deux partis cochent toutes les cases du politiquement correct sous la houlette de l’Union européenne.
En décembre 2023, Georgia Meloni, en reniant ses promesses électorales et surtout celle concernant l’arrêt de l’immigration pour laquelle elle a été élue, a décidé d’accueillir légalement 452.000 travailleurs étrangers en Italie (en plus des clandestins qui débarquent à flots à Lampedusa) pour combler les prétendus déficits en main-d’œuvre de l’agriculture, de la pêche et de la restauration ; situation similaire à celle de la France : si les ouvriers et employés étaient bien payés et si les indépendants ne succombaient pas sous les charges, les mondialistes n’auraient pas besoin d’appeler au secours des migrants pour les traiter en esclaves ; les secteurs concernés apprécieront, surtout les paysans [7].
Tout comme les Fratelli d’Italia (le parti de Meloni), RN et Reconquête ont coché et cochent encore toutes les cases du politiquement correct de l’Union européenne :
- Pendant la crise sanitaire, les deux partis français étaient favorables à la « masquarade », au confinement et à l’injection des pseudo-vaccins.
- Les deux partis ont pris position pour l’Otan lors de la guerre que cette organisation a initiée en Ukraine contre la Russie.
- les deux partis se sont rangés derrière Israël pour dénoncer l’agression du Hamas contre Israël et, du même coup, soutenir le massacre en cours des Palestiniens par les sionistes.
- L’immigration devrait encore être le cheval de bataille des deux partis puisqu’ils sont mandatés par le peuple pour l’arrêter même si, à l’arrivée aux affaires de l’un des deux, il n’aurait strictement aucun pouvoir, - la reculade de Meloni l’a prouvé - puisque tous les organismes satellites de l’Union européenne ayant force de loi sur ce sujet sont pleinement favorables à une invasion migratoire sans limite. Rappelons cependant que Marine Le Pen n’a pas attendu les élections pour donner des gages de soumission à l’Europe (alors qu’on ne lui demandait rien) puisque, au début de ce mois de février, elle a « mis en garde » le parti dit « d’extrême-droite » allemand, l’AFD, sur son projet d’organiser la remigration des étrangers non-européens contre lequel elle est vent debout ( par souci électoral?)
Nous en serions là de ces « droites populaires » acquises à presque toutes les dérives mondialistes si le RN, jamais en retard d’un asservissement, n’avait pas poussé le bouchon beaucoup plus loin !
6.
Laurent Alexandre : coucou, le revoilou ! Il joue au gourou ! chez Bardella !
Oui, ce personnage, d’apparence qui ne peut pas être qualifiée de guillerette, se trouve désormais être l’un des principaux conseillers du RN, propulsé à cette fonction par Marine Le Pen et Jordan Bardella ; rappelons ce qu’écrivait Laurent Alexandre dans son ouvrage La mort de la mort, p. 248 : « Les transhumanistes sont fondamentalement des sociaux-démocrates et pas du tout une nouvelle extrême-droite. »
Son ralliement à « l’extrême-droite » nous fait penser à la position de l’éminence grise qui se tenait derrière l’élection de chacun de nos présidents depuis des décennies, je veux parler de Jacques Attali (celui qui rêve de voir disparaître les personnes âgées de plus de 65 ans parce qu’elles sont « improductives »), personnage pour lequel Alexandre a la plus grande sympathie [8] et qu’il rêve peut-être de remplacer. Et quoi de plus facile à faire avec le RN quand on sait avec quel empressement les dirigeants de ce parti saisissent n’importe quelle occasion de s’immiscer dans la cour fermée des lanceurs de fatwa du politiquement correct pour tenter d’être épargnés de leurs traits redoutables.
Le philosophe Gaspard Koenig [9] a publié dans le journal Les Echos du 11 octobre 2023 un article au sujet de cette marotte inattendue de Marine Le Pen et Jordan Bardella sous le titre : Pourquoi l’extrême-droite est devenue technophile ?
« Le transhumanisme a trouvé un écho très favorable dans les milieux d'extrême droite, satisfait de voir se dessiner une humanité homogénéisée, faite de clones hyperconnectés dressés dans le culte de la performance, regrette Gaspard Koenig. Les masques tombent : le transhumanisme est un antihumanisme. Qui, parmi la classe politique, parle aujourd'hui de colonisation du cosmos, de sélection embryonnaire, d'Homo deus ou d'IA forte (« l'autre grand remplacement ») ? Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, qui se fait remarquer depuis un an par sa technophilie galopante et qui vante avec candeur les progrès des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) en déplorant les ardeurs régulatrices de l'Europe. Il se fait ainsi l'écho fidèle de Laurent Alexandre , l'importateur zélé des rêves de la Silicon Valley, qui parle aux politiques de tous bords et semble avoir trouvé oreille attentive. »
Cet engouement du RN pour le transhumanisme ne date pas d’hier, déjà, en 2020, le journal L’Opinion s’en faisait l’écho sous le titre : Laurent Alexandre, le docteur qui phosphore avec la droite radicale[10] : « Son allure sage, chemise à rayures et lunettes invisibles, est trompeuse : Laurent Alexandre est le showman qui parle de repousser les limites de la mort. Marine Le Pen l’écoute. Elle a invité l’ancien chirurgien-urologue à sa rentrée politique à Fréjus, en septembre , quitte à dérouter un public militant peu porté sur le transhumanisme. Qu’importe, la patronne du RN sort ravie de l’amphithéâtre : la preuve que son parti « réfléchit » ! Quoi de mieux qu’un futurologue médiatique pour dépoussiérer un meeting ronronnant ? « Je les perturbe », rigole l’intéressé auprès de l’Opinion. »
Un article du Monde du 10 février 2023 relate que Jordan Bardella a été fortement impressionné par le livre Homo deus, une brève histoire du futur de Yuval Harari, le principal théoricien des sectes mondialistes et transhumanistes.
Enfin, pour couronner le tout, Laurent Alexandre a été invité à participer à un débat avec le philosophe Olivier Rey le 28 juin 2023 sur le thème de « L’irruption de l’IA (intelligence artificielle) : un bouleversement sous-estimé pour nos sociétés » lors du colloque de la Fondation ID intitulé « Relever le défi de l’IA en Europe » présenté par le jeune député RN de l’Hérault Aurélien Lopez-Liguori, président du groupe d’études de l’Assemblée nationale consacré à la souveraineté numérique [11].
Eliezer Yudkowsky, l'un des experts de cette nouvelle science met en garde le monde, dans le Guardian du 17 février 2024 contre les dangers de l'intelligence artificielle [12]. Et le magazine Geo rapporte ainsi l’entretien: « Selon lui, l’IA pourrait nous mener à notre perte. Pour détruire l’humanité toute entière... Elle n’aurait besoin que de quelques années. "Si vous me mettez au pied du mur, si vous m’obligez à faire des probabilités, [je peux vous dire que] j’ai le sentiment que notre calendrier actuel ressemble plus à cinq ans qu’à cinquante ans, a-t-il confié au quotidien. Cela pourrait mettre deux ans, cela pourrait en mettre dix."
En bref, Yudkowsky prévient le monde qu’il serait très dangereux de laisser n’importe quel apprenti-sorcier farfelu s’occuper d’I.A car les conséquences pourraient être très graves.
Disons-le clairement: cette dérive des droites populaires est consternante et gravissime, dérive qui s’effectue dans l’indifférence ou l’ignorance des militants et électeurs de ces mêmes droites, dont les espérances légitimes pour un retour aux valeurs saines qui ont fondé nos sociétés traditionnelles européennes sont entièrement bafouées.
Nous aurions pu espérer au moins que les théoriciens des milieux identitaires et traditionalistes auraient promptement et vivement réagi à ces dévoiements. Il semble bien que ce soit tout le contraire; ces structures quelquefois vieilles de plus de 50 ans sont restés cantonnées dans leur microcosme intellectuel parisien, dans leur attachement désuet au concept surhumaniste qu’elles n’ont pas vu bifurquer vers le transhumanisme; ces mêmes « élites » qui, tout au long de ces cinquante années, n’ont jamais pu prendre le moindre pouvoir effectif sur le plan spirituel, culturel, idéologique, politique, métapolitique, économique, etc., tous détenus par la gauche, l’extrême-gauche et les mondialistes d’une manière générale, auraient, paradoxalement (?), retrouvé un nouveau souffle en se ralliant aux structures mondialistes et ainsi favorisé le dérapage globaliste de ces droites renégates si l’on en croit l’étude de Périne Schir, rapportée par Marine Turchi dans Médiapart du 18 déc 2023 sous le titre : « Sous la présidence Bardella, la Nouvelle Droite retrouve un rôle de premier plan au RN » :
« Chercheuse à l’université George-Washington, Périne Schir (photo) démontre l’influence que retrouvent au Rassemblement national deux cercles radicaux : la Nouvelle Droite sur l’idéologie, la « GUD Connection » sur les finances. Tout en partageant les mêmes connexions avec l’extrême droite italienne.
Sous la présidence de Jordan Bardella, deux réseaux radicaux ont retrouvé une place de premier plan au Rassemblement national (RN) : la Nouvelle Droite et la « GUD Connection ». Et ces cercles, qui bénéficient de connexions étroites avec l’extrême droite italienne, pourraient aider le nouveau président du RN à se rapprocher de la première ministre italienne, Giorgia Meloni. »
La boucle est bouclée.
7.
Les êtres différenciés
On comprend mieux l’expression du visionnaire Julius Evola, « les êtres différenciés », ceux qui sont chargés de faire repartir la roue du nouveau cycle depuis l’offensive, en 2020, des sectes globalistes.
En effet, on pouvait prévoir que ces êtres différenciés surgissent des habituels cercles d’une vieille droite nationale qui ne semblait pas très éloignée du concept traditionnel.
Il s’est avéré que ces êtres différenciés étaient des êtres différents de ceux que l’on attendait.
Ce ne sont pas ces militants qui se disent « nationalistes » (par opposition au mondialisme) qui se sont érigés en résistants lors de ces agressions mondialistes ; ceux-ci sont restés, pour la plupart, confinés en leur demeure, comme l’ordre leur en avait été donné. Ce sont d’autres personnes, souvent issues du milieu médical qui, par leur courage et leur charisme, ont pu rassembler autour d’eux, l’embryon d’une communauté destinée à préparer l’après-fin de notre cycle.
C’est ainsi que l’on a pu voir une librairie nationaliste être saccagée par des gauchistes qui ont rallié le grand capital (notamment celui de Big Pharma) tout comme l’ont fait les droites dites « populaires » ; c’est sans doute ce que Guillaume Faye appelait la « convergence des catastrophes » ! Et, oh surprise ! Les vitrines de cette librairie dénonçaient comme « facho » un Louis Fouché, médecin de son état, qui fut l’un des grands lanceurs d’alerte se dressant courageusement et avec talent contre la dictature sanitaire [13], un homme que ces mêmes gauchistes appellent un « covidonégationniste » ! Il se fait que Louis Fouché a, ou avait, plutôt des sympathies de gauche si l’on s’en tient encore à ce manichéisme suranné droite-gauche ; les terroristes gauchistes expliquent ainsi leur « action » dans un style qui nous a quand même fait pouffer de rire :
Malgré ses positionnements politiques, il est traité avec complaisance par une partie de celleux (sic !) qui devraient être ses ennemis, parce qu’il mobilise des références prisées à l’extrême-gauche telles qu’Alain Damasio ou Murray Bookchin dans le cadre d’une stratégie confusionniste, et parce que le mouvement antifasciste n’a pas entièrement pris la mesure de la menace continue que constitue le covidonégationnisme. Louis Fouché, comme tous ceux qui nient la gravité du Covivid-19, l’efficacité du vaccin et des masques, est un eugéniste, prêt à sacrifier les personnes les plus vulnérables à la maladie. Il est également clair que lui et ses amis sont des fascistes, et doivent désormais être traités comme tel par tou-tes les révolutionnaires. »
On peut classer aussi comme « covidonégationnistes » toutes les grandes personnalités du monde médical comme le professeur Raoult, le professeur Perronne, la généticienne Alexandra Henrion-Caude, le regretté prix Nobel Luc Montagnier, etc. qui se sont élevés contre Big pharma et la secte mondialiste.
Dans d’autres domaines ont surgi aussi sur le devant de la scène des êtres différenciés tel l’ingénieur-physicien Philippe Guillemant (photo), lui aussi spécialiste de l’intelligence artificielle, mais qui n’en tire pas, loin de là, les mêmes conclusions que Laurent Alexandre ou que Jordan Bardella. Philippe Guillemant inclut dans ses recherches la dimension spirituelle qui fait cruellement défaut aux transhumanistes et autres chercheurs scientistes. On le voit ici en photo en compagnie de Georges Gourdin (ci-dessous), le créateur et rédacteur en chef du site Nice-Provence Info.
Les préoccupations de son livre paru en 2021 chez Trédaniel, Le grand virage de l’humanité, rejoignent celles que nous avons exprimées en tout début de cet article et dans les paragraphes traitant du transhumanisme, avec le grand plus de son expertise en matière scientifique et notamment de science physique, et son talent de prospectiviste, tel que nous l’indique la dernière de couverture de ce même ouvrage : « Si la crise du coronavirus représente un grand tournant dans l’histoire de l’humanité, vers quel futur nous dirige-t-elle dorénavant ? D’après Philippe Guillemant, la physique peut répondre à cette question. L’avenir serait en effet déjà tracé, mais pourrait radicalement changer, comme le parcours d’un GPS, en produisant des coïncidences étranges suivies de défaillances irrationnelles. L’auteur en déduit que les événements sidérants que nous avons vécus de 2019 à 2021 sont des signes que, dans le futur, l’humanité s’est débarrassée du transhumanisme pour s’orienter vers une nouvelle destinée, construite par par un éveil de conscience à la véritable nature de l’humain. »
Je conclurai cet article comme je le fais désormais pour tous les autres, à savoir rappeler que ces forces négatives qui veulent arrêter le cours de la vie sur Terre en défiant Dieu ou les dieux ne réussiront JAMAIS à venir à bout de leur projet qui ne peut se situer que sur un plan matériel, la spiritualité qui gouverne tous les autres plans, y compris le plan matériel, leur étant inaccessible du fait même de leur origine satanique ou du pacte qu’ils auraient éventuellement conclu avec un supposé diable, dont ils se revendiquent en permanence [14].
Pierre-Emile Blairon
Notes:
[1]. Voir sur ce même site mon article : Mais quelles est cette secte qui dirige le monde ?
[2]. Comme nomment les Occidentaux les anciens dissidents russes Zinoviev et Boukowski, bien placés, de par leur expérience en Union soviétique, pour prédire que l’Europe dite de Bruxelles allait devenir une dictature. Voir mon livre La Roue et le sablier, p. 202.
[3]. « Alors que l'homme moderne, jusqu'à une époque toute récente, a conçu le sens de l'histoire comme une évolution et l'a exalté comme tel, l'homme de la Tradition eut conscience d'une vérité diamétralement opposée à cette conception. Dans tous les anciens témoignages de l'humanité traditionnelle, on retrouve toujours, sous une forme ou sous une autre, l'idée d'une régression, d'une "chute" : d'états originels supérieurs, les êtres seraient descendus dans des états toujours plus conditionnés par l'élément humain, mortel et contingent. Ce processus involutif aurait pris naissance à une époque très lointaine. ». Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[4]. Consulter à ce sujet sur ce même site les articles que j’ai signés : La France, laboratoire de la secte mondialiste et aussi : Evola et la Tradition primordiale : une autre vision de l’Histoire.
[5]. « Il est très significatif, d'autre part, que les populations où prédomine encore ce que l'on présume être l'état originel, primitif et barbare de l'humanité ne confirment guère l'hypothèse évolutionniste. Il s'agit de souches qui, au lieu d'évoluer, tendent à s'éteindre, ce qui prouve qu'elles sont précisément des résidus dégénérescents de cycles dont les possibilités vitales étaient épuisées, ou bien des éléments hétérogènes, des souches demeurées en arrière du courant central de l'humanité ». Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[6]. Julius Evola, Révolte contre le monde moderne
[7]. https://www.youtube.com/watch?v=hKcOARkVHZs
[8]. https://www.tiktok.com/@ingridcourregesofficiel/video/7283487210056207648
[9]. Lequel n’a pas compris que le transhumanisme n’est pas un « antihumanisme » mais la suite logique de l’humanisme et du surhumanisme.
[10]. https://www.lopinion.fr/politique/laurent-alexandre-le-docteur-qui-phosphore-avec-la-droite-radicale
[11]. https://www.youtube.com/watch?v=Lf088Pj7XVA
[12]. https://www.geo.fr/sciences/ia-pourrait-terrasser-humanite-en-deux-ans-seulement-alerte-un-expert-guardian-eliezer-yudkowsky-218905
[13]. https://paris-luttes.info/attaque-de-la-librairie-vincent-17863
[14]. Voir à ce sujet sur ce même site mes articles : La France, laboratoire de la secte mondialiste et, auparavant : Mais quelle est cette secte qui dirige le monde ?
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lundi, 05 février 2024
Cinquante ans sans Evola et Romualdi. Mais leurs idées s'affirment et germent
Cinquante ans sans Evola et Romualdi. Mais leurs idées s'affirment et germent
Source: https://www.barbadillo.it/112748-cinquantanni-senza-evola-e-romualdi-ma-le-loro-idee-si-affermano-e-germogliano/
Décembre 2023 - janvier 2024. L'année "romualdienne" se termine et l'année "évolienne" s'ouvre: cinquante ans se sont écoulés depuis le moment où Adriano Romualdi (1940-1973), d'abord, et Julius Evola (1898-1974), ensuite, ont quitté leur vie terrestre en se consacrant à la détermination et à la codification d'une langue, à la clarification et à la préservation d'une vision du monde, à la définition et à la transmission d'une culture "traditionnelle" et, en même temps, "de droite".
Les deux années 1973-1974 et, avec elles, les anniversaires des cinquantenaires relatifs d'aujourd'hui représentent une sorte de passage à deux visages sous le signe de Janus, un de ces "rites de passage" qui fondent ces "sociétés d'hommes" sur lesquelles l'un et l'autre ont tant écrit : ces initiations par lesquelles les "fils" perdent et, en même temps, deviennent "pères", ces pertes qui sont en même temps des conquêtes, ces sacrifices et ces détachements qui favorisent la naissance et la maturation des "ordres", ces legs par lesquels les "héritiers" reçoivent des "ancêtres" le bâton ainsi que la responsabilité et la charge de conserver, de vivifier et de transmettre, à la postérité, ce qui a été reçu.
Le "saut" et le "passage" se sont ouverts le 12 août 1973 et se sont refermés le 11 juin 1974: la droite italienne, avec l'ouverture et la fermeture de cette parenthèse, s'est retrouvée orpheline de ses principaux intellectuels capables de l'informer et de la former, de la préserver et de la renouveler. Contre nature, c'est le "disciple" - même si "élève du maître" il n'a jamais voulu se définir, mais qui était certainement celui qui, comme l'écrit Gianfranco de Turris, "avait assimilé et mieux interprété ses idées" - qui a quitté prématurément le "maître". Dans le numéro d'août-septembre 1973 de L'Italiano - la revue fondée et dirigée par son père Pino et à laquelle Evola lui-même a collaboré de façon fructueuse (1) - Evola écrit des pages brèves et denses de commémoration: "Avec la mort de notre cher jeune ami Adriano Romualdi, due à une malheureuse contingence, la nouvelle génération orientée dans le sens "traditionnel" et de droite perd l'un de ses représentants les plus qualifiés" (2).
À la suite de ce funeste accident de voiture sur la Via Aurelia, à l'époque de l'exode du Ferragosto (mi-août), des générations entières - parmi lesquelles nous pouvons donc également inclure celle d'Evola - ont perdu une référence brillante et un animateur plein d'énergie; et tout un "monde" - celui de la Tradition et de ceux qui, depuis la "droite", se sont tournés vers elle - s'est réveillé orphelin de l'homme qui, alors qu'il n'avait même pas trente-trois ans de vie derrière lui, avait donné une "vision", en mettant à profit le meilleur enseignement d'Evola à travers le développement d'une Weltanschauung à laquelle notre groupe, humain plus encore qu'éditorial, est profondément redevable.
C'est pour cette raison que - avec l'aide de nos amis Mario Michele Merlino et Rodolfo Sideri - Cinabro Edizioni a décidé de commémorer cet "anniversaire bicéphale" avec une publication qui puisse rendre hommage et témoigner des deux : tous les articles publiés par Adriano Romualdi dans L'Italiano entre 1959 et 1973 ont été rassemblés. Une anthologie née avec la prétention convaincue et ambitieuse d'éviter le risque que son héritage culturel et son œuvre - "souvent dispersés dans des revues oubliées et/ou désormais introuvables" - ne tombent dans l'oubli, bien que son enseignement soit recherché "par les nouvelles générations qui entendent parler d'Adriano Romualdi mais ne connaissent pas ses écrits" (3).
Une anthologie d'Adriano Romualdi est sur le point d'être publiée par les éditions Cinabro : tous les articles publiés (1959-1973) dans la revue L'Italiano - Titre: Adriano Romualdi - Un Italiano per l'Europa (il Cinabro)
Ce n'est pas un hasard si les trois derniers articles qu'Adriano a écrit pour L'Italiano, entre mai et juillet 1973, ont été écrits précisément pour commémorer le 75ème anniversaire d'Evola, comme appendice, synthèse et complément à son essai déjà publié chez Volpe à l'occasion de son 70ème anniversaire: face aux signes de "fatigue" qu'offrait le débat sur la "culture de droite", Romualdi, imperturbable, voulait "profiter du 75ème anniversaire d'Evola pour rappeler, avec l'ampleur nécessaire, la contribution qu'il avait apportée à cette culture qui - en se plaçant en dehors des idéaux du progressisme, de l'humanitarisme et de l'égalitarisme - peut être appelée à juste titre "de droite"" (4).
À l'occasion de l'une des dernières conversations entre Evola et Romualdi, les deux hommes se sont livrés à une réflexion et à une méditation sur l'adage "la vie est un voyage dans les heures de la nuit". Après leur mort, le voyage est devenu plus difficile et la nuit plus sombre, sans lune ni étoiles, mais le flambeau qu'ils ont allumé est toujours vivant et gardé par ceux qui, après cette période de deux ans, se sont réveillés orphelins mais aussi et surtout héritiers.
Notes:
(1) Dont les contributions ont été rassemblées par Alberto Lombardo dans J. Evola, "L'Italiano" (1959-1973), Fondazione Julius Evola, Rome, 2023.
(2) J. Evola, "Per Adriano Romualdi", in L'Italiano, août-septembre 1973, pp. 485 et suivantes, maintenant dans A. Romualdi, Su Evola, Fondazione Julius Evola, Rome, 1998, pp. 19 et suivantes.
(3) "... Il reste son héritage culturel, son œuvre à laquelle il faut se référer, qui, souvent dispersée dans des revues oubliées et/ou désormais introuvables, risque de tomber dans l'oubli, bien qu'elle soit recherchée par les nouvelles générations qui entendent parler d'Adriano Romualdi mais ne connaissent pas ses écrits..." (Gianfranco de Turris, Adriano Romualdi e Julius Evola, in A. Romualdi, Su Evola, Fondazione Julius Evola, Rome, 1998, p. 18).
(4) A. Romualdi, "I 75 anni di Julius Evola" (I), maintenant dans Un Italiano per l'Europa, Cinabro Edizioni, Rome, 2024.
(de leggifuoco.it)
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vendredi, 02 février 2024
Traditionalisme: le projet radical de restauration de l'ordre sacré
Traditionalisme: le projet radical de restauration de l'ordre sacré
Un compte-rendu
Source: https://reactionair.nl/artikelen/traditionalism-the-radical-project-for-restoring-sacred-order/
Mark Sedgwick, professeur d'études arabes et islamiques à l'université d'Aarhus, a publié son premier livre sur le traditionalisme en 2004 et vient d'écrire une nouvelle introduction à ce mouvement philosophique et religieux avec Traditionalism : The Radical Project for Restoring Sacred Order (= Le traditionalisme : le projet radical de restauration de l'ordre sacré). Cette publication comble une lacune importante dans l'étude du traditionalisme. Elle offre un aperçu approfondi mais accessible du mouvement traditionaliste et constitue donc une bonne introduction pour quiconque souhaite se familiariser avec ce monde de pensée intéressant. Malheureusement, l'auteur n'exploite pas tout le potentiel du sujet en raison de certains choix étranges et d'omissions flagrantes. Néanmoins, la conclusion finale est que le livre contient beaucoup d'informations précieuses sur le traditionalisme et constitue donc une bonne introduction à cette philosophie.
Dans son ouvrage, Sedgwick affirme que l'essence du traditionalisme se compose de trois éléments. Premièrement, les traditionalistes sont pérennialistes. En d'autres termes, ils croient que sous toutes les religions se cache "une tradition sacrée unique, intemporelle et ésotérique" (p. 43). Deuxièmement, les traditionalistes ont une vision cyclique de l'histoire, selon laquelle l'histoire peut être divisée en plusieurs périodes successives. Le fondateur du traditionalisme, René Guénon, s'appuie pour cela sur les quatre jugas hindous. Ce qui est caractéristique, c'est que l'histoire n'est pas perçue comme une progression, mais comme une dégénérescence. Troisièmement, le traditionalisme propose une critique fondamentale de la modernité. Dans la modernité, l'individualisme, le sentiment, le chaos social et, surtout, la matérialité deviennent centraux selon les traditionalistes (p. 102-103). Tous ces éléments s'opposent à la Tradition dans laquelle il y avait un ordre social et une orientation vers la transcendance.
Selon Sedgwick, ce noyau de la pensée traditionaliste est suivi d'un certain nombre de projets centraux et secondaires. Les projets centraux comprennent la réalisation de soi, la religion et la politique. Les projets plus latéraux comprennent l'art, le genre, la nature et le dialogue interconfessionnel. Toutes ces composantes sont largement abordées dans l'ouvrage et, dans l'ensemble, on obtient donc une vue d'ensemble assez large et, pour une introduction relativement courte, assez profonde de l'essence du traditionalisme et de la manière dont il s'exprime dans les différents projets.
Le réactionnaire
Néanmoins, il convient de noter que le contenu du livre présente des choix étranges et des lacunes. Tout d'abord, il y a le choix particulier des représentants centraux de la pensée traditionaliste. Sedgwick choisit de considérer René Guénon, Fritjhof Schuon et Julius Evola comme les représentants centraux et les plus originaux de la pensée traditionaliste. Or, les deux premiers penseurs sont universellement reconnus comme des figures centrales qui se sont trouvées à la base du filon traditionaliste. Evola, en revanche, est une figure controversée du mouvement et n'est donc pas considéré par beaucoup comme faisant partie du traditionalisme. Par exemple, Evola semble s'opposer directement à Guénon et à Schuon sur des points importants. Pour citer quelques exemples: Evola a une compréhension fondamentalement différente de ce que signifie la tradition primordiale. Alors que Guénon et Schuon se concentrent sur les grandes religions mondiales telles que l'hindouisme, le bouddhisme, le christianisme et l'islam, Evola s'intéresse davantage à la mythologie européenne et aux divers mouvements ésotériques et hermétiques. Il convient également de mentionner qu'alors que Guénon et Schuon mettent l'accent sur la vita contemplativa, Evola semble mettre l'accent sur la vita activa. Dans le même ordre d'idées, on peut dire que si pour Guénon et Schuon la politique n'avait que peu d'importance, pour Evola la politique a joué un rôle plus ou moins important au cours de sa vie - par exemple, Evola a été un partisan de l'apolitisme pendant la dernière phase de sa vie. Le choix de considérer Evola comme le penseur central du traditionalisme est tout à fait étrange, étant donné qu'Ananda Coomaraswamy ne se voit attribuer qu'un rôle latéral, alors que ce grand écrivain et penseur a joué un rôle fondamental dans le traditionalisme. En fait, il est tout à fait défendable d'affirmer que ses œuvres et ses écrits sur l'art, le symbolisme et la métaphysique sont d'une qualité au moins égale, sinon supérieure, à celle de Guénon. Il ne s'agit pas de minimiser les brillants travaux de Guénon, mais d'indiquer le haut niveau de réflexion et d'écriture des travaux que Coomaraswamy partage avec nous. Malheureusement, Coomaraswamy n'est abordé en profondeur que dans le chapitre sur l'art.
Une autre critique, que nous entendons formuler, est que Sedgwick choisit de discuter de certains "compagnons de route" traditionalistes dans presque tous les chapitres. Les points de vue de ces penseurs ne correspondent pas suffisamment aux hypothèses fondamentales du traditionalisme pour qu'on puisse les classer dans cette catégorie, mais ils s'en rapprochent par certains aspects importants. Par exemple, Jordan Peterson est cité plusieurs fois et discuté en détail. Le lecteur peut avoir des doutes sur le fait de citer Peterson comme compagnon de route, car ses archétypes ont une origine principalement jungienne et qu'il soutient la plupart des hypothèses de la modernité. Il ne semble donc pas y avoir de raison valable de lui accorder une place prépondérante dans le livre.
En outre, la discussion sur le sujet du symbolisme est une absence thématique importante dans le livre. Sedgwick déclare lui-même qu'il a choisi cette option parce que l'attention et l'interprétation du symbolisme par les traditionalistes n'ont eu que peu d'impact. Que cela soit vrai ou non - on pourrait certainement affirmer que Coomaraswamy et Nasr ont eu un certain impact académique dans ce domaine - la question est de savoir si l'on doit considérer le sujet uniquement d'un point de vue externe pour évaluer l'intérêt d'un sujet. En effet, pour les traditionalistes eux-mêmes, le symbolisme est d'une importance capitale. Guénon a écrit des dizaines d'articles et de livres sur les symboles, et ces réflexions nourrissent en quelque sorte l'ensemble de la pensée traditionaliste. Aujourd'hui encore, les traditionalistes publient des ouvrages importants sur le symbolisme. En 2020, par exemple, le Dr Charles William Dailey a publié un ouvrage important intitulé The Serpent Symbol in Tradition (1). L'absence de chapitre sur le symbolisme signifie que cet ouvrage ne peut donc pas être considéré comme une introduction complète et exhaustive au traditionalisme.
En conclusion, il convient toutefois de dire que Mark Sedgwick a fourni une bonne introduction au traditionalisme. Sur la base de ce livre, le profane peut avoir un bon aperçu des pensées fondamentales du mouvement et de certains de ses principaux penseurs. Toutefois, le lecteur doit garder à l'esprit que certains choix de l'auteur concernant les penseurs et les sujets abordés ne sont pas entièrement défendables. Toutefois, compte tenu de ces points, l'ouvrage est vivement recommandé à toute personne désireuse d'en savoir plus sur ce sujet.
Note:
(1) En vente dans la librairie https://reactionair.nl/winkel/
19:06 Publié dans Livre, Livre, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, mark sedgwick, traditionalisme, livre | |
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