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lundi, 22 août 2022

Adieu à Günter Maschke, le Gomez Davila allemand

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Adieu à Günter Maschke, le Gomez Davila allemand

Dimitrios Kisoudis

Source: https://www.barbadillo.it/105745-addio-a-gunther-maschke-il-gomez-davila-tedesco/

Maschke a rassemblé la production du Carl Schmitt constitutionnaliste dans le volume Frieden oder Pazifismus? (= Paix ou Pacifisme ?), le deuxième grand volume qu'il a édité sur les œuvres du juriste allemand.

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Le conflit entre la Russie et l'Ukraine avait éclaté à peine deux jours plus tôt, lorsque l'annonce de la mort de Günter Maschke est parue dans le Frankfurter Allgemeine ; les signataires se sont engagés à "honorer sa mémoire et à chérir son œuvre".

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Tenons maintenant notre promesse !

J'ai rencontré Günter Maschke en 2005 à la Foire du livre de Francfort. Je venais de rentrer de ma période d'études à l'université de Séville et j'étais à la foire en tant que stagiaire pour une petite maison d'édition étrangère. Lorsque la discussion s'est tournée vers Juan Donoso Cortés, Maschke a cité les derniers mots du dictateur Narvaez, que Donoso Cortés avait défendu en 1848 dans son Discours sur la dictature. À l'article de la mort, lorsque le prêtre lui a demandé s'il pardonnerait à ses ennemis, le dictateur a répondu : "Je n'ai plus d'ennemis. Je les ai déjà tous éliminés."

Maschke aimait choquer ou tester son interlocuteur en prenant des positions fortement réactionnaires. En lui brillait la nature énergique du grand propriétaire terrien espagnol, l'arrogance du grand propriétaire foncier, en contraste total avec son humilité absolue d'auteur. Conscient qu'il ne pouvait rien ajouter de décisif à ce que les grands penseurs avaient produit, il s'est rapidement concentré sur son travail de critique et d'éditeur. Ses préfaces et postfaces aux "Classiques de la réaction" publiés auprès de la maison d'édition Karolinger sont devenues légendaires.

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Si nous voulons réduire à un résumé l'ensemble des notes accompagnant les textes parfois obscurément menaçants ou lucidement contrastés, nous pouvons utiliser ces mots: "la différence entre la droite et la gauche est toujours pertinente, mais plus la Révolution avance, plus elle devient difficile à saisir". Si les premiers grands réactionnaires, comme Joseph De Maistre et Louis de Bonald, ont pu trouver les racines de leur passion et parfois de leur pédantisme dans la croyance de leurs contemporains qui pensaient que la Tradition pouvait être sauvée, ceux qui ont continué dans leur ligne de pensée, comme Juan Donoso Cortés ou Auguste Romieu, ont été contraints de soutenir la Monarchie et d'affirmer la légitimité du Césarisme.

Déjà Otto von Bismarck disait, en s'opposant aux légitimistes prussiens, que tout ce qui existait était désormais enraciné dans la Révolution. Et pour lui aussi, la seule solution était le césarisme.

À l'ère de la révolution triomphante, la droite ne pouvait plus tirer sa position politique de la simple tradition, mais devait au contraire être créative et se donner de nouveaux outils pour surmonter le sentiment de défaite. Et Maschke a tenu à distance ce sentiment de défaite par un travail inlassable, qui est devenu pour lui un plaisir épuisant, mais sans jamais prendre de libertés créatives, car il était conscient d'avoir déjà trop vécu pour se permettre d'autres déceptions.

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Comme Gomez Davila avec ses Escolios a un texto implicito, Maschke a élaboré ses pensées en travaillant ses annotations à l'œuvre du constitutionnaliste Carl Schmitt, la différence étant que, dans son cas, le texte annoté existait réellement. Grâce à son savoir sans limite, il était heureux de faire des suggestions aux petites gens que nous étions, mais c'est précisément ce grand savoir qui le freinait dans son écriture. Oh, comme nous devons lui être reconnaissants ! Touchés par la chance d'être nés après lui, nous devons nous charger d'écrire ce que Maschke avait jugé indigne d'être publié.

Dans son numéro de juillet 2021, Sezession a publié un entretien avec Günter Maschke, dans lequel il tente de cadrer politiquement son mentor Carl Schmitt : "Il était de droite, je dirais. Mais ce serait aussi une intrusion dans sa pensée, il faut construire un barrage contre le chaos. Qui vaincra le chaos, qui mettra fin à la guerre civile ?". Son premier théorème fondamental nous dit que l'élément distinctif de la politique est la distinction entre Ami et Ennemi. Cette distinction est au centre du premier grand volume d'œuvres schmittiennes publié par Maschke, Staat, Grossraum, Nomos. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile s'est étendue au monde entier. Seuls ceux qui perçoivent clairemen cette différenciation politique sont en mesure d'avoir une orientation dans la compréhension quotidienne des processus politiques.

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L'ancien président américain Donald Trump, aux instincts populistes, a défini la mondialisation comme l'Ennemi, mais cette position aussi, comme toutes les déterminations politiques, a été rendue taboue. En effet, on renonce à identifier l'ennemi, alors que le contexte de la politique se décompose en une succession d'événements (immigration, coronavirus, Ukraine), face auxquels on prend position en fonction du résultat des enquêtes démographiques. Mais la politique n'est pas le libre jeu de l'offre et de la demande.  Avant de suivre l'opinion publique, il faut décider si l'on est du côté de la Révolution, ou contre elle.

Maschke a rassemblé la production de Carl Schmitt en tant que constitutionnaliste dans le volume Frieden oder Pazifismus?, le deuxième grand volume qu'il a édité avec des œuvres du juriste allemand. Dans le droit constitutionnel européen, les nations souveraines peuvent se faire la guerre, et c'est dans ce "droit de faire la guerre" que réside la souveraineté des États. En revanche, le pacifisme revendiqué par le droit international anglo-saxon dès la fin de la Première Guerre mondiale a criminalisé la guerre offensive, dans un sens clairement anti-allemand. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la grande puissance mondiale pouvait au contraire, au nom des droits de l'homme, intervenir dans les conflits pour y mettre fin ou pour punir les ennemis de l'humanité.

Pour ces raisons, les interventions dans les conflits prennent désormais le visage de pacifisme, qui n'a rien à voir avec les demandes de paix, mais qui revêtent au contraire une spécificité absolument politique.

Nous passons de l'ennemi légitime à la guerre légitime. L'ennemi n'est plus reconnu comme légitime dans son rôle, mais au contraire une guerre juste est menée contre un ennemi injuste, détruisant ainsi toute chance de parvenir à la paix, comme Maschke l'a clairement expliqué dans une conversation avec Julien Freund.

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Après la guerre froide, un ordre mondial multipolaire, dans lequel les puissances régionales défendraient leur sphère d'influence contre toute intrusion extérieure, s'est dessiné de plus en plus clairement. Et donc la transformation de l'État-nation en un État caractérisé par un modèle de civilisation, et qui peut être appelé souverain lorsqu'il exerce son influence sur des territoires organisés en harmonie avec sa propre civilisation, avec la capacité, si nécessaire, de faire sentir sa force en dehors de sa sphère d'influence. La Russie, la Chine, l'Inde sont de tels États, et la Turquie elle-même peut également aspirer à en être un.

Que nous dit Günter Maschke sur l'Europe dans sa dernière interview, qui a été publiée par le périodique Cato ? L'Europe ne peut pas être considérée comme un "Grand Espace" (Grossraum), parce que dans l'Union européenne, il n'y a pas d'homogénéité entre les États fédérés, parce qu'il n'y a pas de sujet européen hégémonique qui puisse éclairer tout le continent avec ses idées politiques. L'Europe veut-elle continuer à être manipulée comme une tête de pont et une zone tampon de l'ordre mondial unipolaire ? Nous n'avons vraiment pas le droit d'avoir peur de laisser cette question sans réponse.

Lors du dernier congrès d'Alternative für Deutschland, une motion appelait à construire l'Europe comme un sujet autonome dans un monde multipolaire. La demande était certes dans l'air du temps, mais - également en raison de sa radicalité - elle a provoqué une discussion qui a dépassé les bornes préalablement assignées, sans autre conclusion que sa transmission au comité exécutif national. Des clarifications sont sûrement nécessaires pour mieux encadrer ce défi, car la multipolarité ne présuppose pas inévitablement un Dexit, une sortie de l'Allemagne hors de l'Union européenne, qui ne serait en aucun cas facile à réaliser. La Grande-Bretagne a pu le faire parce qu'elle s'apparente à un bateau pirate naviguant au large des côtes européennes. La tâche de l'Allemagne semble plutôt être de construire en son sein un pôle de changement. Et dans cette perspective, les relations de pouvoir sont plus pertinentes que les traités de l'UE.

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L'unipolarité n'a qu'une seule signification: les États-Unis d'Amérique dominent le monde, pour rendre chaque pays heureux par le truchement de leur idéologie des droits de l'homme, qui s'appellent aujourd'hui LGBTQ, BLM et similia. Au contraire, dans un monde multipolaire, ce sont les puissances régionales qui décident de ce qui est important et de la façon dont on vit dans leurs zones d'influence respectives. Bien sûr, le conflit unipolarité/multipolarité s'est également exprimé jusqu'à ses ultimes conséquences dans le récent conflit entre la Russie et l'Ukraine. Un nationalisme de façade, parfois camouflé par des attitudes fascistes, parfois présenté avec des accents libéraux, sert à dissimuler ce conflit tout en rendant l'unipolarité acceptable pour les milieux qui, autrement, rejetteraient dans son essence l'idéologie du bonheur fondée sur les droits de l'homme.

La résolution sur l'Europe signée par les membres de l'AfD contient la demande d'un système de défense européen commun, qui mérite d'être discuté et développé davantage. L'OTAN ne garantit pas en premier lieu la défense de ses États membres, mais la sécurité de la domination américaine sur l'Europe, tout comme la Ligue de Corinthe garantissait l'hégémonie macédonienne sur la Grèce, la différence étant toutefois que la Macédoine appartenait à la Grèce, alors que les États-Unis sont étrangers à l'Europe (ndt: sont une puissance étrangère à l'espace européen).

Évidemment, l'État hégémonique défend les États qu'il domine, quand il défend sa propre sphère d'influence. Mais cela provoque également le danger de voir la réaction des autres puissances à son expansion affecter directement les États vassaux. La question clé réside dans l'hégémonie américaine sur l'Europe, une phase préliminaire de l'unipolarisme, qui, par le biais de la protection militaire, opère de plus en plus la transformation des peuples, l'Europe étant certes protégée militairement, mais cela ne s'articule pas en harmonie avec ses intérêts et sa nature.

La tâche d'une alliance de défense militaire commune serait précisément de défendre l'Europe pour elle-même. Les partisans de l'OTAN répondraient : "Jusqu'à présent, cela n'a pas été possible, ce n'est pas la peine d'essayer !

Toutes les sorties de la misère allemande sont au-dessus de l'Europe.

Et en cela, Günter Maschke peut encore nous aider.

Dimitrios Kisoudis (traduction par Antonio Chimisso)

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mercredi, 11 mai 2022

Günter Maschke: un hommage à Ernst Jünger, l'anarque, le sylvestre, l'esthète de l'horreur

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Günter Maschke: un hommage à Ernst Jünger, l'anarque, le sylvestre, l'esthète de l'horreur

par Günter Maschke

Source: https://wir-selbst.com/2022/05/07/gun/

Le discours suivant a été écrit en 1982 à l'occasion de la remise du prix Goethe à Hilmar Hoffmann, un fonctionnaire de premier plan de la ville de Francfort-sur-le-Main, qui se consacrait à la culture et avait approuvé l'attribution du prix Goethe à Ernst Jünger et s'était ensuite vu confronté à de vives critiques de la part de ses amis au sein de son parti. Les chances, minimes dès le départ, que ce discours soit prononcé n'ont pas pu être exploitées. Si le ghost-writer de l'époque, Günter Maschke, l'avait prononcé de sa propre initiative, il aurait sans doute été plus clair en bien des points et aurait moins cherché à susciter la compréhension. Le lecteur d'aujourd'hui doit donc garder à l'esprit les circonstances ainsi que la vieille phrase de Georg Lukacs : "Un discours n'est pas une écriture". Cet hommage à Ernst Jünger a été publié pour la première fois sous la plume de Günter Maschke dans la très recommandable revue Etappe - Magazin für drakonisches Denken.

Günter Maschke

(* 15 janvier 1943 à Erfurt ; † 7 février 2022 à Francfort-sur-le-Main)

***

En décernant le prix Goethe à Ernst Jünger, la ville de Francfort rend hommage au dernier grand survivant de la génération de Gottfried Benn et Bertold Brecht, d'Alfred Döblin et Hans Henny Jahnn, de Heinrich et Thomas Mann. La vie littéraire et intellectuelle contemporaine n'est guère plus féconde, ni plus débordante de talents, pour que l'on puisse passer à côté de l'un des représentants les plus importants de l'époque héroïque de notre littérature sans lui rendre hommage. Cela vaut même si de nombreuses pensées de Jünger nous apparaissent désormais incompréhensibles ou nous semblent insupportables. Nous devrions nous rendre compte que le prétendu "précurseur du national-socialisme" et le "glorificateur de la guerre" est considéré sereinement comme le "plus grand écrivain allemand" de notre époque en France, un pays que nous avons attaquée deux fois - et les deux fois, le soldat Jünger était impliqué. In Stahlgewittern - aus dem Tagebuch eines Stoßtruppführers est paru en 1920, et depuis lors, Ernst Jünger est un auteur controversé, toujours contraint à la polémique et à la controverse.

"Il existe aujourd'hui peu de penseurs avec l'œuvre desquels on entretient pendant des années une relation qui alterne sans cesse entre l'approbation spontanée et le rejet déterminé... Nous avons besoin d'Ernst Jünger. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu'une erreur, si elle est compréhensible et honnêtement acquise à la vie, est plus à même de nous aider que la constatation d'une vérité à laquelle manque le pouvoir de conviction", écrivait Eugen Gottlob Winkler. "La querelle autour d'Ernst Jünger", tel pourrait être le titre d'une documentation à éditer en plusieurs volumes, et la protestation des Verts et du SPD contre l'attribution du prix Goethe à Ernst Jünger fait également partie de cette querelle. Alors que dans les années 1960, l'auteur semblait entrer dans un panthéon sans danger, cette querelle semblait toucher à sa fin, elle s'enflamme à nouveau aujourd'hui. Ces intervalles de plus d'un demi-siècle dans la querelle, me semblent être un indice certain du rang de cet homme.

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On peut objecter beaucoup de choses à Jünger, selon son point de vue idéologique, mais il me semble impossible de nier son importance comme essayiste et mémorialiste, comme descripteur et penseur de la nature, comme diagnostiqueur des guerres, des guerres civiles et du travail industriel. On peut douter que ses romans et ses récits aient une importance similaire. Un prix tel que le Goethe Preis ne peut être décerné qu'en raison d'une réalisation intellectuelle et/ou artistique. C'est précisément lorsqu'un auteur est à ce point controversé que la preuve de sa performance est apportée. Un lauréat qui satisferait tout le monde serait également celui dont le travail ne nous interpellerait en rien - il serait récompensé pour ses propos édifiants, généralement acceptés et généralement ennuyeux. Le prix Goethe n'aurait aucun sens s'il était l'hommage à une médiocrité qui ne passionne personne. Dans quelques réflexions intitulées Autor und Autorschaft, Jünger écrit en 1980: "Mon jugement ne doit pas se fonder sur le fait qu'un auteur pense différemment de moi - mais sur le fait qu'il pense même et peut-être mieux que moi. Je dois le placer dans son système. Mais je peux le rejeter. Encore une fois, cela n'exclut pas l'estime". Je pense que ces mots doivent nous servir de guide et je suis sûr que les membres du jury, qu'ils aient ou non le passage cité sous la main, pensaient de la même manière.

La vie intellectuelle en République fédérale souffre d'une crispation très idéologisée et policée. Ce que l'on dit et pense est en permanence interrogé: d'où cela vient-il? Puis vient régulièrement la question: où cela peut-il mener? Pour finir, nous entendons le jugement de condamnation déjà standardisé: c'est dangereux ! - ce qui revient à dire qu'une pensée inoffensive pourrait être intéressante. Vous avez le choix: la chute du monde libre ou l'esclavage impérialiste, la monotonie mortelle de l'égalité ou le retour des prédateurs (c'est-à-dire le "fascisme"), Vorkhuta ou Auschwitz. La question de savoir d'où l'on vient - par exemple de Marx (comme Lukacs, également lauréat du prix Goethe) ou de Nietzsche (comme Jünger, lui aussi lauréat du prix Goethe) - ne peut bien sûr pas être écartée et la question de savoir à quelles conséquences une pensée peut conduire (mieux encore: à quoi elle peut être utilisée) est non seulement permise, mais aussi utile. Cependant, il doit y avoir un espace au-delà de ces discussions, l'espace réel de la pensée et de la discussion. Et ici, la question est: qu'a-t-il remarqué? Qu'a-t-il vu? L'essentiel est ici, comme le dit très justement la justification du prix décerné à Jünger, dans "l'indépendance de la perception". Ce qui est décisif, c'est de savoir si nous apprenons quelque chose sur l'homme, si notre regard est aiguisé pour les domaines problématiques. Que signifie la Première Guerre mondiale en tant que première guerre des machines? Nous savons qu'il s'agissait d'une boucherie, et que l'officier de première ligne Jünger le sait aussi, c'est certain. Mais que révèlent ces paysages de feu et de sang? Et qu'est-ce qui s'exprime dans la technique industrielle moderne, qu'est-ce qui se cache derrière elle? C'est la question que pose Jünger dans Der Arbeiter. Il y a un domaine d'observation, de constatation des faits ou, en ce qui me concerne, d'affirmation des faits - et il y a un autre domaine où l'on essaie de tirer des conclusions et de trouver des instructions pour agir. Les deux domaines sont souvent difficiles à séparer, mais le lecteur, plus encore que l'auteur, doit toujours essayer de le faire. Si l'on nie l'existence d'un tel terrain neutre de la connaissance, du constat, de la constatation, alors on est également incapable de mener des discussions encore fructueuses par-delà les fronts idéologiques et politiques. Un tel boycott des discussions est régulièrement payé par une augmentation de la stupidité au sein de tous les partis: on ne peut même plus se mettre les arguments de l'adversaire dans sa propre poche. Karl Marx, par exemple, a critiqué le système industriel naissant avec les arguments des idéologues conservateurs semi-féodaux et il a critiqué leur glorification de l'époque préindustrielle avec les arguments des théoriciens enthousiastes du jeune capitalisme. Ce n'est là qu'un exemple. Comme pour tous les auteurs vraiment importants, l'œuvre de Jünger possède une force qui transcende les frontières et les camps, et on peut tout à fait identifier une gauche jüngerienne, comme Alfred Andersch. Il faut également se souvenir que deux des amis les plus proches de Jünger, qui l'ont accompagné toute sa vie, étaient presque homonymes Carlo Schmid et Carl Schmitt. Carlo Schmid, lui aussi lauréat du prix Goethe, l'un des pères de la Constitution de la deuxième République allemande, et Carl Schmitt, le critique sarcastique et incisif de Weimar, le pourfendeur implacable des illusions démocratiques, libérales et pacifistes, un homme dont les démocrates ont beaucoup à apprendre s'ils veulent se défendre. Cette amitié étroite avec deux hommes aussi opposés politiquement, qui travaillaient en outre dans le même domaine, en tant que penseurs de la politique, ne prouve pas que Jünger était un opportuniste à la langue de vipère, mais que des hommes d'esprit et d'horizons totalement différents trouvent notre lauréat stimulant et fructueux. Dans les années 1920, la vie littéraire berlinoise était polarisée par Bert Brecht et Ernst Jünger. Mais à l'époque, Brecht défendait toujours Jünger en disant : "Laissez le Jünger tranquille !".

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Le rang intellectuel d'une personne ne se prête donc que de manière limitée à l'excitation morale. Il ne s'agit pas d'un problème démocratique. Pour le dire en termes crus, Goethe n'était pas non plus un démocrate, ne serait-ce que parce qu'il s'intéressait avant tout au perfectionnement de sa propre personne. Les lauréats du prix Goethe, Georg Lukács et Arno Schmidt, ne l'étaient pas non plus. Georg Lukács a certes été l'un des plus grands critiques marxistes du stalinisme, mais il a aussi été longtemps stalinien, ou du moins son collaborateur pendant longtemps. Sa distance vis-à-vis du stalinisme a sans doute toujours été inférieure à celle d'Ernst Jünger vis-à-vis des nationaux-socialistes et c'est à Lukács que l'on doit, une fois qu'il n'y a plus eu de doute sur les crimes du stalinisme, cette phrase horrible dans ses implications : "Le pire des socialismes est toujours meilleur que le meilleur des capitalismes". Arno Schmidt, cependant, dont l'affront au jury du prix Goethe est encore frais dans les mémoires, s'est montré non démocrate d'une manière plus inoffensive, mais sans doute plus provocante: en proclamant la primauté de l'esthétique sur la morale, de l'artistique sur le social, et en mettant en avant le grand écrivain, d'une manière qui semble aujourd'hui audacieuse, sur les nombreux (trop nombreux ?) qui font le travail normal dans une société. La démocratie n'est qu'un principe d'organisation politique - mais la question de savoir si le principe démocratique doit s'appliquer à d'autres domaines de la pratique humaine doit être posée, en particulier aux démocrates.

Au cours de ses plus de soixante années d'écriture, Ernst Jünger a fait l'objet d'appréciations très diverses. L'auteur d'écrits tels que In Stahlgewittern, Der Kampf als inneres Erlebnis, Das Wäldchen 125 a été considéré comme un militariste, voire un va-t-en-guerre. L'auteur de Der Friede, écrit en 1941 et diffusé en copies à partir de 1943, était considéré comme un pacifiste. Après le livre Der Arbeiter (1932), Jünger apparaît comme un technocrate sans conscience. Avec Am Sarazenenturm (1959), avec ses innombrables essais sur les pierres, les papillons, la capture de coléoptères, l'horticulture ou avec ses œuvres allant dans le sens d'une philosophie de la nature comme Subtile Jagden (1967), enfin sa collaboration à la revue Scheidewege fondée par son frère défunt Friedrich Georg, il était considéré comme un écologiste. Le fait que Jünger soit un pionnier du mouvement vert peut être prouvé avec une extraordinaire facilité.

L'harmonie entre l'homme et le cosmos est un thème récurrent chez Jünger, au moins depuis le milieu de son œuvre. Son aversion pour toute science naturelle simplement quantifiante et pour la maîtrise de la nature est tout aussi constante. Le soldat nationaliste Jünger, qui - comme tout le monde doit l'admettre - a lutté à juste titre contre le traité de Versailles, semble être l'ennemi du bon Européen qui, en 1941, avec La Paix, fait ses adieux au nationalisme et appelle à la réconciliation, afin que les efforts et l'héroïsme de la guerre, ces "premières œuvres communes de l'humanité", ne soient pas vains; afin que la haine se transforme en solidarité. Enfin, il y a aussi "l'anarchiste conservateur", comme le politologue Hans-Peter Schwarz a appelé notre lauréat en 1962 dans un livre qu'il convient de lire (H.-P. Schwarz: Der konservative Anarchist. Politik und Zeitkritik Ernst Jünger). Et c'est ce Jünger qui nous apprend non seulement comment se soustraire à un pouvoir totalitaire en "marchant dans les bois", en contournant, en esquivant et en sabotant, et comment préserver ainsi sa propre souveraineté, - c'est aussi le Jünger qui est en contact étroit avec des résistants comme Ernst Niekisch, Speidel et von Stülpnagel, et qui est renvoyé de l'armée de manière déshonorante après le 20 juillet 1944. Il ne fait guère de doute que Jünger s'en est sorti à l'époque parce qu'il était déjà devenu un mythe de la génération des combattants de la Première Guerre mondiale. Cet "anarchiste conservateur" qu'est Jünger est aussi celui qui a un organe réceptif pour les représentants de la sous-culture, pour les marginaux et les hippies, en général pour le déviant et son importance, voire sa nécessité. Les aspects souvent déroutants, voire contradictoires, de Jünger s'expliquent notamment par le fait que les décennies, avec leur lot d'expériences, travaillent sur les textes et en font ressortir sans cesse de nouvelles facettes. Mais en même temps, Jünger n'a cessé de se transformer et d'orienter son intérêt vers de nouvelles questions. Même parmi les auteurs les plus importants du siècle, il est l'un des rares à évoluer jusqu'à un âge avancé, une caractéristique qui rappelle Goethe. Le roman Eumeswil, paru en 1977, en est la preuve évidente. Il dépasse de loin, du moins en pensée, la plupart de la prose allemande des années 1970.

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On entend souvent dire que Jünger a toujours été un porte-parole de l'esprit du temps. En réalité, c'est l'esprit du temps qui s'exprimait à travers lui, alors qu'il était également considéré comme intempestif. Les moments de son influence ont coïncidé avec les moments de conscience critique de l'histoire allemande. Hans-Peter Schwarz écrit à ce sujet: "En 1920 ... lorsque le lieutenant de la Reichswehr ... publia son journal de guerre In Stahlgewittern, il fut l'un des premiers à donner une forme littéraire complète à l'expérience de la guerre mondiale du combattant des tranchées. Der Kampf als inneres Erlebnis (1922) procédait déjà à l'approfondissement du diagnostic de l'époque sur la rencontre avec la guerre. L'expérience marquante de Jünger - la bataille de matériel sur le front occidental - était aussi celle de nombreux membres de la génération de la guerre... Un avant-gardiste de l'âge de fer, un porte-parole de la jeunesse activiste, un représentant de la génération qui allait prendre le pouvoir - c'est ainsi qu'il était compris par un nombre sans cesse croissant de lecteurs fidèles...

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En 1932, la crise de l'Etat et de la société est entrée dans sa phase décisive, personne ne sait où l'on va; le besoin de faire des prévisions est d'autant plus vif. C'est à ce moment-là que parut Der Arbeiter. Il devint la sensation littéraire des mois d'octobre et de novembre 1932 et, comme certains s'en souviennent encore aujourd'hui, l'ouvrage décisif de l'année pour plus d'un. Il s'agissait d'un homme dont les propos, par la magie de son style, pouvaient être considérés comme crédibles et qui annonçait, sur un ton qui n'admettait aucune contradiction, la fin de l'ère bourgeoise libérale et l'avènement d'un État national, socialiste et impérialiste. Les courbes rouges de l'époque et de l'existence de l'auteur avaient convergé au cours de ces années.

1939 - l'année du début de la guerre - et 1942, celle de la plus grande extension de la sphère d'influence allemande, mais en même temps annonciatrice de la catastrophe qui se profilait déjà, ont à nouveau apporté deux livres qui ont rapidement gagné un grand nombre de lecteurs, en particulier auprès de la Wehrmacht: Sur les falaises de marbre et le journal de guerre Jardins et routes. Il trouva à nouveau le mot de l'heure ; mais cette fois-ci pour ceux qui recherchaient la possibilité d'une existence juste, décente et saine. En 1945, il publie Der Friede (La Paix), conçu en 1941, et en 1949 Strahlungen: ces deux ouvrages interviennent directement dans le débat sur l'attitude des Allemands vis-à-vis du Troisième Reich et sur les principes de la politique future. En l'étudiant a posteriori, on a l'impression que, pour certains, la confrontation avec leur destin personnel s'est faite quasiment en confrontation avec l'évolution intérieure de cet homme". - Cette longue citation donne une idée à la fois de l'étendue et de l'actualité sans cesse renouvelée de l'écriture de Jünger, comme nous l'avons déjà évoqué.

Considérons quelques-uns des écrits les plus importants d'Ernst Jünger, et en particulier ceux de ses débuts, dans lesquels on ne peut nier un barbarisme militariste, un romantisme sanguinaire dissuasif, voire un lansquenettisme malveillant - tout comme on ne peut nier la glorification critiquée de la guerre. "Le sang gicle dans les veines en étincelles divines, lorsque l'on s'élance au combat avec la conscience claire de sa propre audace. Sous le pas qui rythment l'assaut, toutes les valeurs du monde s'envolent comme des feuilles d'automne. Sur de tels sommets de la personnalité, on éprouve du respect pour soi-même... Certes, le combat est sanctifié par sa cause, mais plus encore, une cause est sanctifiée par le combat". On rencontre régulièrement ce genre de kitsch d'acier dans les premières œuvres, mais il reste périphérique. Néanmoins, l'indifférence totale à l'égard de toute problématique morale de la guerre fait peur. Mais cette indifférence a au moins un avantage: c'est grâce à elle - au-delà d'hystéries comme celle citée - que le regard froid de Jünger est possible, qui se pose sur la réalité de la bataille de matériel qui menace de dépasser l'homme en tant qu'homme et donc aussi en tant que héros.

Alors que d'autres chroniqueurs littéraires de la Première Guerre mondiale comme Erich Maria Remarque et Ludwig Renn, avec des romans comme A l'ouest rien de nouveau et Guerre, n'ont pas grand chose à nous dire de plus, même si leur récit et leur morale sont saisissants, si ce n'est que la guerre est quelque chose d'horrible, Jünger essaie de comprendre la loi de la guerre des machines, son sens métaphysique et se demande en outre comment les sociétés industrielles européennes évolueront après une telle guerre. Dans les batailles de matériel de la Somme, de Cambrai, des Flandres, une nouvelle époque naît et le monde de la sécularité bourgeoise s'enfonce. Et pourtant, cette guerre avait commencé de manière si romantique: "Nous avions quitté les amphithéâtres, les bancs de l'école et les établis et nous nous étions fondus en un grand corps enthousiaste pendant les courtes semaines de formation. Ayant grandi dans une ère de sécurité, nous ressentions tous la nostalgie de l'inhabituel, du grand danger. La guerre nous avait alors saisis comme une ivresse. Nous étions sortis sous une pluie de fleurs, dans une ambiance d'ivresse de roses et de sang".

Ce début est connu: la guerre a été accueillie avec soulagement dans toute l'Europe. Et bien que la réalité de la guerre décrite par Ernst Jünger, faite de boue, de jours de pilonnage et de combats épuisants, se soit ensuite imposée, nous nous heurtons à chaque page à cette question qui nous paraît aujourd'hui monstrueuse: l'homme a-t-il besoin de la guerre? La nostalgie de l'époque, bientôt si terriblement comblée, le beuverie au bistrot des années plus tard ne doivent-ils pas être compris comme la critique la plus acerbe et la plus désespérée de la paix et de la vie quotidienne, avec sa routine, ses chaînes forgées dans du papier de chancellerie, ses luttes dérisoires et pourtant si épuisantes pour l'influence et le prestige, ses préoccupations mornes entre la fiche de rappel, la facture d'électricité et la revendication juridique ? On ne peut comprendre ni ici ni plus tard la pensée de Jünger, qui n'est souvent qu'une pensée sous le coup d'affects violents, si l'on ne comprend pas la haine du monde de la rentabilité et de l'utilité bourgeoises et bureaucratiques, de l'angoissant "renoncement au monde", que Jünger fuit d'abord dans la guerre, puis dans la nature, enfin dans le mysticisme ou dans l'isolement stylé, souvent trop prétentieux. Il faut prendre en compte le sentiment de vie d'une grande partie de la génération soldatesque de 1914. Celui qui ne veut pas pardonner devrait au moins pouvoir comprendre.

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La guerre est pour Jünger un événement élémentaire et l'élémentaire ne lui semble finalement pas touché par le fait de la bataille matérielle. Il assume une envie primitive de combattre et de tuer et les soldats qu'il décrit, assourdis par le tonnerre des machines de destruction, par le "mur de feu flamboyant, haut comme une tour ..., baptisé dans un brouillard rouge, dans la soif de sang, la rage et l'ivresse, vivent dans un monde qui, en tant que réalité extrême, semble aussi onirique que choquant. C'est là que s'enracine "l'esthétique de l'horreur" de Jünger (selon son interprète Karl-Heinz Bohrer dans le livre du même nom), avec des effets artistiques qui font de lui peut-être le seul surréaliste de la littérature allemande. Le moment dangereux que l'homme vit de manière aussi somnambule que tranchante et surlignée, et que Jünger a raconté et étudié comme aucun autre, confère à ces œuvres, souvent insupportables dans leur vision du monde, un rang artistique si élevé qu'elles doivent être considérées comme ses plus importantes. La bataille matérielle est exaltée métaphysiquement, considérée par Jünger comme "l'expression d'un élémentaire", comme "un jeu somptueux et sanglant", comme "le besoin du sang de fête, de joie et de célébration" et l'héroïsme, que l'on croyait perdu, devient possible d'une nouvelle manière grâce à la maîtrise parfaite de l'appareil technique de destruction. C'est dans la guerre, dans la proximité de la mort, que la vie s'exprime avec intensité, tandis qu'en même temps la guerre consume les hommes comme le matériau d'une grande idée. C'est la guerre qui crée un Homme Nouveau, une nouvelle aristocratie, celle des tranchées, qui doit remplacer l'élite bourgeoise et ses idéaux éclairés datant du temps des perruques, sa confiance joufflue dans le progrès, le développement et l'humanité, une élite bourgeoise qui se prolonge dans le personnel dirigeant du mouvement ouvrier devenu pacifiste et bourgeois. Une telle esthétisation de l'horreur est du pur nihilisme, mais elle s'enracine tout naturellement dans le sentiment de vie d'une génération qui ne peut plus croire aux idées générales, à la vérité et à la justice des Lumières bourgeoises et du socialisme. Seule la lutte en soi, le fait que l'on lutte et la manière dont on le fait, confère le rang.

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Avant de nous indigner, nous devrions nous pencher sur cette génération qui avait perdu toutes ses illusions, y compris celles que nous nourrissions déjà à nouveau, pour devenir la victime d'une nouvelle et plus terrible illusion, celle de la violence libératrice, purificatrice et fortifiante. De là, on peut tracer des lignes vers Georges Sorel et Benito Mussolini, vers Adolf Hitler comme vers Che Guevara et Frantz Fanon. Le sacrifice, la lutte, la souffrance, l'endurance ennoblissent une cause - mais une telle attitude semble être le dernier recours dans un monde désenchanté, banal, organisé, où la soif d'excitation la plus forte augmente de manière totalement inéluctable. Les œuvres du fasciste Pierre Drieu la Rochelle, du conservateur Henry de Montherlant, du socialiste André Malraux ou du sympathisant franquiste et hitlérien Wyndham Lewis montrent que cet enthousiasme a touché de nombreux hommes en Europe à cette époque. Ce sentiment de vie se retrouve au moins jusqu'à la fin de la guerre civile espagnole, à droite comme à gauche. La religion, la convention morale, le progrès, la réconciliation des peuples - ces idées sont devenues de vaines bulles d'air et la stabilisation du moi n'est plus possible que dans le groupe combattant, dans l'endurance fraternelle de monstrueuses épreuves, dans l'action concrète. L'idéologie, toujours défendue, devient alors périphérique. C'est dans l'action que les choses deviennent claires et exigeantes, que la décision est prise, que prend fin la discussion épuisante, le pour et le contre angoissant, le bavardage intellectuel où chaque argument trouve un contre-argument aussi évident que douteux.

Il faut comprendre la confusion, la profonde perplexité, l'ampleur du désenchantement de la génération de Jünger pour ainsi dire sur le plan de l'histoire culturelle: "Casca il mondo ! Le monde s'écroule !". Puis vint la mort avec la machine, dans laquelle la société européenne avait placé de tout autres espoirs, une société dans laquelle, du monarque au dernier chômeur, on avait cru que, peu à peu, l'humanité progressait quand même. De ce point de vue, la Première Guerre mondiale a été un événement bien plus important que la Seconde, qui n'en a été qu'une copie agrandie et déformée. Au-delà de toute idéologie qui nous fait peur, c'est Jünger qui a enregistré le plus laconiquement à l'époque, quasiment comme un graveur à la pointe sèche, ces bouleversements dans lesquels beaucoup ne trouvaient de soutien que dans une existence de soldat. Il était l'un des rares à trouver le courage de le faire ; après l'enthousiasme général, c'est un flot de paroles pacifistes confuses qui prévalait. On pourrait ici se placer sur le plan purement artistique et louer le niveau stylistique élevé de ces textes, à quelques dérapages près. Mais deux choses sont décisives. Premièrement, nous sommes ici conduits vers les abîmes de l'âme humaine (peu importe que Jünger le fasse avec presque autant d'enthousiasme), que nous ne pouvons pas nier, surtout si nous voulons la paix. Cette thèse selon laquelle il existe un besoin d'action guerrière et que ce besoin ne peut pas être expliqué comme le résultat d'intérêts économico-militaires et de manipulation - cette thèse ne mérite pas l'indignation, mais l'examen. Ainsi, pour la plupart d'entre nous, les premiers écrits de Jünger soulèvent la question de savoir si la condition humaine n'est pas encore pire que ce que croit l'amoureux de la paix effrayé par la guerre. Deuxièmement, dans l'horreur de la première guerre industrielle, Jünger parvient à découvrir les structures et les forces motrices de la société industrielle "pacifique". Là encore, l'affirmation de la cause par l'auteur ne change rien à la force d'ouverture des phénomènes de travaux tels que le court essai de 1930 Die totale Mobilmachung. Bien sûr, entre les premiers écrits sur la guerre, la "Mobilisation totale" et le "Travailleur", il y a un livre comme Das abenteuerliche Herz (1929), dans lequel Jünger anticipe sa pensée de promeneur que l'on trouve dans ses derniers journaux et essais, notant sa pensée sur la nature, la société et le quotidien. L'attente au bureau de poste, le shopping, la contemplation des animaux et des plantes, les rêves, les descriptions oppressantes de machines de torture que nous ne connaissons que de Kafka - ce qui caractérise ce recueil, ce n'est pas seulement la certitude du caractère symbolique de tous les phénomènes, mais aussi la volonté de récupérer la réalité la plus fugitive au moyen des sens de l'ouïe, du toucher, de l'odorat et du goût. Dans la littérature allemande de notre siècle, seul Walter Benjamin y est peut-être parvenu de manière similaire. Un tel comportement esthétique, dans lequel le fragment de conscience et de perception devient en un éclair le miroir de l'époque, n'est possible qu'en des temps où le sol vacille, où, comme l'a dit un jour Jacob Burckhardt en 1876, en se référant davantage à la politique, "toute certitude a une fin".

Jünger a souvent dit de lui-même: "Après le tremblement de terre, on frappe sur les sismographes". Et si, pour beaucoup, cette expression traduit l'intention de minimiser son propre travail, elle rend compte en grande partie de la situation. Tous ceux qui ont contribué à détruire les illusions de l'optimisme du progrès au début de notre siècle ne pouvaient le faire sans sarcasme, voire avec une joie malveillante. Les opposants à l'attribution du prix Goethe à Ernst Jünger l'ont qualifié de chantre de la "mobilisation totale" avec une indignation vraiment infatigable. Mais le fait qu'Adolf Hitler aimait utiliser ce terme (c'est pourquoi Jünger l'évitait pendant le Troisième Reich) et que Jünger ne regrettait pas seulement la défaite allemande de 1918, mais espérait une revanche, n'est pas une raison pour nier la valeur diagnostique de cet essai. Il montre que les Etats à structure corporative ou féodale comme la Turquie ou la Russie n'étaient guère à la hauteur de la guerre et que l'Allemagne, qui présentait jusqu'à la fin de la guerre de fortes structures traditionnelles, a également perdu la partie pour cette raison. Les pays qui ont gagné la guerre sont ceux qui possédaient une classe dirigeante métropolitaine et technicisée et qui ont réussi - sur la base de l'égalité civique - à exploiter toutes les réserves de matériel et d'hommes. L'Allemagne n'a réussi qu'une mobilisation partielle et n'avait même pas d'idéologie unifiée. Désormais, tous les pays développés devaient, s'ils voulaient se maintenir dans le monde, orienter toute leur économie et leur technique vers la possibilité d'une guerre totale. Ils devraient aussi, pour assurer l'unité idéologique de la nation, se préoccuper de manipuler une opinion publique favorable aux objectifs du pouvoir. Rarement la tendance de la machine à faire la guerre et l'avenir de la propagande auront été vus avec autant d'acuité. Jünger voyait dans les chars, les canons, les sous-marins, les avions et les mitrailleuses des machines en réalité parfaites. Et comme Nietzsche avant lui, il était clair pour notre auteur que la technique et la science "voulaient" la destruction du monde, tout en croyant encore que la technique ouvrait de nouvelles possibilités d'héroïsme et donc d'humanité. Mais ce n'est que parce qu'il voyait dans les machines la volonté de destruction qu'il affirmait alors, qu'il a pu se lancer plus tard dans une critique aussi convaincante de l'ère technique. L'opposition entre "gauche" et "droite" n'était déjà plus pertinente pour Jünger. Il était convaincu qu'elle avait été dépassée par la bureaucratie et la technocratie qui se servaient alternativement des mots "gauche" et "droite" et des luttes correspondantes entre les camps pour contraindre l'individu à s'adapter. La lutte entre les camps n'était qu'un tour de vis ...

Le caractère inéluctable de ce monde, Jünger le voyait sans doute de la même manière que Max Weber, qui était certes trop prompt à croire que l'on pouvait être "humainement à la hauteur". Dans "La mobilisation totale", Jünger écrivait : "L'abstraction, donc aussi la cruauté de toutes les conditions humaines, augmente sans cesse. Le patriotisme est remplacé par un nouveau nationalisme fortement imprégné d'éléments de conscience. Dans le fascisme, dans le bolchevisme, dans l'américanisme, dans le sionisme, dans les mouvements des peuples de couleur, le progrès fait des avancées que l'on aurait crues impensables jusqu'ici ; il se précipite pour ainsi dire, pour continuer son mouvement sur un plan très simple, après un cercle de dialectique artificielle. Il commence à se soumettre les peuples dans des formules qui ne se distinguent déjà plus guère de celles d'un régime absolu, si l'on veut bien faire abstraction du degré bien moindre de liberté et de convivialité. En de nombreux endroits, le masque humanitaire est déjà tombé, mais un fétichisme mi-grotesque, mi-barbare de la machine, un culte naïf de la technique, apparaissent, précisément dans les lieux où l'on n'a pas de rapport direct, productif, avec les énergies dynamiques dont les canons à longue portée et les escadrons de combat armés de bombes ne sont que l'expression guerrière. En même temps, l'appréciation des masses augmente; le degré d'adhésion, le degré de publicité devient le facteur décisif de l'idée. En particulier, le socialisme et le nationalisme sont les deux grandes meules entre lesquelles le progrès écrase les restes de l'ancien monde et finalement lui-même.

Pendant plus d'un siècle, la "droite" et la "gauche" se sont renvoyé comme des balles les masses aveuglées par l'illusion optique du droit de vote; il semblait toujours y avoir chez l'un des adversaires un refuge contre les prétentions de l'autre. Aujourd'hui, dans tous les pays, le fait de leur identité se révèle de plus en plus clairement, et même le rêve de liberté s'évanouit comme sous la poigne de fer d'une pince. C'est un spectacle grandiose et terrible que de voir les mouvements des masses de plus en plus uniformément formées, auxquelles l'esprit du monde tend ses filets de pêche. Chacun de ces mouvements contribue à une capture plus aiguë et plus impitoyable; et il y a là des sortes de contraintes plus fortes que la torture: si fortes que l'homme les accueille avec jubilation. Derrière chaque issue dessinée avec les symboles du bonheur se cachent la douleur et la mort. Heureux celui qui entre dans ces espaces équipé".

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"La mobilisation totale": c'était aussi la nouvelle annoncée de l'enterrement de l'individu, une évolution qui semblait totalement inéluctable à Jünger, et qu'il affirmait donc avec un pessimisme héroïque. Ce thème est développé plus en détail dans Le Travailleur. Le monde est entré dans l'ère du "grand aménagement de l'espace", où la rationalisation du travail devient parfaite; les moyens techniques déterminent de plus en plus l'homme sur le plan social, psychique et physique. Sous la dictée de la technique, la guerre et le travail industriel se ressemblent de plus en plus. Le soldat devient un technicien de l'extermination, le technicien "civil" agit dans le paysage planifié du nouvel État total comme un soldat de la production: "La tâche de la mobilisation totale est la transformation de la vie en énergie, telle qu'elle se manifeste dans l'économie, la technique et les transports dans le vrombissement des roues ou sur le champ de bataille comme feu et mouvement". Sausen, Blitz, Brausen, Fliegen, Schwirren, Donnern - nous trouvons une accumulation de tels mots dans le livre de Jünger, dans lequel une fascination pour la technique est clairement visible, comme elle l'est par exemple dans la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité) à la même époque. Et pourtant, le fait d'être livré à l'appareil technique est très clair, même si Jünger le salue comme une fatalité à laquelle il faut adhérer. Le mythe de l'ouvrier, qui est le mythe d'une société planifiée et industrielle disciplinée, une sorte de bolchevisme sous des auspices nationalistes, ce mythe est pour Jünger lié à un système autoritaire qui abolit l'inefficacité et la convivialité de l'ère libérale. Les figures du Waldgänger et de l'Anarque qu'il dessinera plus tard, toutes deux ennemies de la technique, se réfèrent au "travailleur". Jünger est un homme des extrêmes et il voit les phénomènes de l'intérieur. C'est ce qui rend cette pensée séduisante, mais c'est aussi ce qui fait sa force : l'exagération qui amplifie les phénomènes en fait ressortir la tendance. Et la déclaration suivante s'applique également à Der Arbeiter: "Notre tâche ... consiste à voir, mais pas à faire de la publicité".

1933-1945. Il ne fait aucun doute que Jünger n'aimait pas la République de Weimar et qu'il espérait un autre système. Mais qui la défendait encore dans sa phase finale, qui l'aimait même? Avec ses chômeurs, son désespoir à peine imaginable aujourd'hui, sa large acceptation du Traité de Versailles, considéré à juste titre comme un diktat insupportable, son (auto-)humiliation nationale? Et: pour comprendre Jünger, il faut au moins considérer comme discutable la thèse selon laquelle, à partir de 1930, après la démission du gouvernement Hermann Müller, la question n'était plus: démocratie ou dictature? - mais seulement: quelle dictature et de qui? C'est un simple fait qu'une grande partie de la population, jusque dans l'électorat des partis démocratiques, n'était pas démocrate et que, si elle voulait le devenir, l'évolution de Weimar ne lui facilitait pas la tâche. The proof of the pudding is in the eating. La démocratie est quelque chose de difficile à faire et nous ne devons pas oublier que Reinhold Maier et Theodor Heuß ont voté en faveur des lois d'habilitation - alors qu'Ernst Jünger et Carl Schmitt n'ont pas eu cette chance...

Certes, il y avait une certaine proximité de Jünger avec le national-socialisme. Mais cette proximité était à l'époque aussi normale que compréhensible. Il suffit de penser à un Ernst Niekisch, dont la résistance, aujourd'hui louée, s'enracinait surtout dans l'opinion qu'Hitler n'était pas assez radical, qu'il était une marionnette de l'"Occident". Cette proximité n'est pas non plus disqualifiante en soi, comme le prouvent les hommes du 20 juillet, qu'il est impossible de maquiller en démocrates et qui ont opposé la résistance qui faisait généralement défaut aux démocrates convaincus. Sous le troisième Reich, Jünger s'est comporté de manière tout à fait irréprochable. Il a refusé d'être admis à l'Académie prussienne de littérature, il a interdit aux journaux nationaux-socialistes de publier ses œuvres, il a immédiatement refusé un mandat au Reichstag qui lui avait été proposé par la NSDAP, il a écrit Auf den Marmorklippen (Sur les falaises de marbre), une œuvre qui a été lue par beaucoup comme une attaque téméraire contre le régime hitlérien, il a fait preuve d'une rare solidarité avec les persécutés (par exemple avec Niekisch), il entretient des contacts étroits et amicaux avec Speidel et von Stülpnagel, il confie à son journal des commentaires sur la situation qui étaient plus que dangereux, si l'on considère que les perquisitions de la Gestapo chez lui ne comptaient pas parmi les raretés. Nous avons déjà évoqué sa démobilisation après le 20 juillet 1944. Si l'on lit dans les Strahlungen les passages concernant Hitler et Goebbels, il est impossible de considérer cet homme comme un ami des nationaux-socialistes. Gärten und Straße, paru en 1942, a été indexé parce que Jünger note le 29 mars 1940 : "Ensuite, je me suis habillé et j'ai lu le psaume 73 à la fenêtre ouverte".

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Les possibilités de résistance d'un capitaine, qui avait en outre l'intelligence de voir en Hitler l'homme providentiel, étaient modestes. Jünger n'a même pas été en mesure de résoudre le problème central: "Comment puis-je entrer dans le cercle d'exclusion 1 avec la bombe?" - On lui a reproché, à partir de ses écrits Le travailleur et La mobilisation totale, de défendre l'idéologie de l'État total et on a ensuite construit, notamment dans le document de protestation des Verts, une ligne Jünger-Hitler. L'"État total", que Jünger a parfois voulu, était pourtant le concept opposé à celui d'Hitler. Il voulait dire la dictature de la Reichswehr contre la combinaison négative NSDAP/KPD, telle que l'ancien chancelier Kurt von Schleicher, assassiné par les nazis en 1934, l'avait imaginée dans son idée de "front transversal" incluant les syndicats. Le NSDAP ne voulait pas d'un "Etat total" - il voulait une communauté populaire volontaire, car l'Etat total exprimait à la fois la contrainte, qui n'était plus nécessaire entre les heureux membres du peuple, et le caractère légal de la forme politique souhaitée. La polémique contre l'"État total" est presque la caractéristique unificatrice de toutes les théories nationales-socialistes. Il est tout aussi absurde de reprocher à Jünger de constater la tendance à une "caractérologie mathématique et scientifique", par exemple "sur une recherche raciale qui s'étend jusqu'au comptage des globules sanguins". Sa conclusion selon laquelle "ce n'est qu'avec l'apparition de ces phénomènes ... que l'art d'État et la domination à grande échelle, c'est-à-dire la domination mondiale, seront possibles", est tout à fait plausible ; de même que le fait que Jünger constate ici aussi la "renumérotation du monde". Et lorsqu'il écrit en 1920: "L'intégration de tous les Allemands dans le grand peuple de cent millions de personnes de l'avenir, voilà le but pour lequel il vaut bien la peine de mourir et d'écraser toute résistance", ce sont les mots d'un nationaliste déçu, dont la nostalgie est compréhensible même aujourd'hui...

Il est indéniable que Jünger a tenu quelques propos antisémites. Mais avant 1933, de telles prises de position étaient très répandues et les Juifs étaient considérés comme des représentants de la modernité et de l'abstraction, des partisans du système de Weimar en faillite, des organisateurs d'une industrie culturelle décadente. Il faut toujours tenir compte du contexte de telles déclarations, il faut distinguer si elles veulent quelque chose ou si elles ne font que constater quelque chose et il faut enfin accorder ceci ou cela à un homme qui n'a pas seulement écrit quelques livres importants, mais qui a fait preuve de courage, de courage civique et de galanterie à d'innombrables reprises. On ne peut pas non plus attendre d'un homme qui a grandi dans la tradition militaire de l'Empire qu'il devienne un libéral-démocrate enthousiaste. De plus, la critique de la démocratie n'est pas forcément fausse, la sociologie politique en fournit suffisamment de preuves, il suffit de penser à Michels, Pareto, Sorel, Mosca, Ostrogorski et même Schumpeter.

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Dans le cadre de cet article, il n'est pas possible d'aborder de nombreux écrits, comme la magnifique étude An der Zeitmauer (1959), dans laquelle Jünger éclaire les raisons de la fascination pour l'astrologie, ou l'essai Der gordische Knoten (1953), dans lequel il retrace les racines historiques du conflit Est-Ouest. Il faut également passer sous silence son activité d'éditeur de la revue Antaios (en collaboration avec Mircea Eliade), son œuvre narrative, ainsi que ses derniers carnets de voyage Soixante-dix s'effacent. "Là où l'on met la main, c'est intéressant", disait Goethe à propos de la vie. C'est aussi une maxime de Jünger, dont l'universalité des intérêts rappelle autant Goethe que son talent pour l'aventure de l'étonnement. Certes, tous les écrits du lauréat ne sont pas réussis, et il va de soi que beaucoup d'entre nous n'aiment pas son message, ou du moins pas toujours. Mais qu'est-ce que cela signifie par rapport à l'œuvre d'un grand passeur de frontière entre la poésie, la contemplation et la science, d'un homme avec lequel il vaut toujours la peine de se confronter - même si ce n'est pas de la manière la plus insipide des protestataires contre l'attribution du prix? Avec le Waldgänger dans Der Waldgang (1951) et avec l'Anarchen dans Eumeswil (1977), Jünger nous a esquissé deux types de résistance à la domination. Certes, le Waldgänger qui attend, se tient prêt, frappe de temps en temps, et dont les moyens de lutte sont avant tout le sabotage et le refus, n'est pas quelqu'un qui se jette dans la gueule du loup du pouvoir en place. Mais ce n'est pas le sens de la résistance. Mais il nous est donné ici une suggestion décisive sur la manière dont un système totalitaire pourrait peut-être être contraint de battre en retraite. Certaines phrases de ce travail font l'effet d'une illustration de ce qui se passe aujourd'hui en Pologne et la quintessence de Jünger est donc la suivante: "Là où un peuple se prépare à marcher dans la forêt, il doit devenir une puissance redoutable". La marche en forêt n'est ni plus ni moins qu'une théorie sur l'érosion de l'appareil de domination par les réactions imprévisibles de nombreux individus déterminés. A l'opposé, l'"anarque" (qui ne veut pas, comme l'anarchiste, abolir la domination, car celle qui est combattue à chaque fois ne serait que remplacée par une autre) est une figure plus désespérée. L'anarque comprend que sa résistance est sans espoir et ne se préoccupe que de sa propre liberté de mouvement et de pensée. Il se bat égoïstement pour sa liberté: contre ses parents, contre la "société", contre l'opinion publique, contre les "idées", contre son propre confort. Ce sont deux modèles de liberté qui sont presque toujours négligés dans les discussions sur le grand sujet. On peut reprocher à ces approches de se concentrer trop fortement sur la fuite, l'évitement, la survie. Il n'y a pas ici de guerre d'agression fraîche et joyeuse contre la très grande et la très authentique liberté, mais le "manque d'optimisme" n'est guère un reproche au vu des expériences de l'époque. Peut-être qu'aujourd'hui, en particulier dans les sociétés où la domination des hommes est organisée par des moyens psychiques et intellectuels plutôt que par l'usage classique de la force, la capacité de résistance individuelle et consciente de l'individu est plus nécessaire que celle des groupes sociaux qui, la plupart du temps, ne veulent que participer à l'oppression subtile et lutter pour leur quota légal de possession du pouvoir. C'est parce que Jünger, à ses débuts, a saisi de manière radicale la menace qui pèse sur la liberté individuelle, que le dernier Jünger a pu devenir un partisan de cette liberté. Il est impossible de voir en lui un agent de l'absence de liberté organisée ; nous pouvons encore lire le premier comme un diagnostic, même si nous rejetons ses conséquences - les conseils du dernier peuvent nous être utiles. Dans un écrit comme La Paix - que Rommel a salué comme le fondement éthique de la résistance - Jünger montre un net éloignement de son militarisme antérieur et nomme très clairement les "meurtres sacrilèges" dans les camps de concentration. Les grands efforts de la guerre, avec leurs sacrifices et leur héroïsme, sont pour lui "la semence" d'où doit germer le fruit: la paix. "On peut bien dire que cette guerre a été la première œuvre générale de l'humanité. La paix qui la termine doit être la seconde". Peut-être que seul un vieux soldat comme Jünger pouvait dire le 24 juin 1979 devant les anciens combattants allemands et français à Verdun: "Ne devrions-nous pas, désormais à l'échelle de la planète, commencer tout de suite là où tant de détours de tant de victimes nous ont conduits ?"

Chaque nouvelle lecture prouve à quel point l'œuvre de cet aventurier intellectuel et pisteur est riche en facettes, complexe et même contradictoire. Nul doute qu'il s'agit là d'une œuvre majeure et durable, d'un homme qui a franchi bien des frontières, qui a célébré le pouvoir et qui lui a résisté, qui a exalté la voix du sang et qui, sans doute pour cela, a redécouvert le geste de la fraternité, ce geste si simple et si lourd ; d'un homme qui a souvent été un sismographe et souvent un oiseau d'orage ; d'un homme, enfin, dans l'œuvre duquel se reflètent la tension, le tourment, le cœur des conflits de l'époque qui déchirent les individus. Ernst Jünger est un lauréat digne de ce nom.

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25. Etappe

L'article de Günter Maschke est d'abord paru dans: Fünfundzwanzigste Etappe, mai 1990. Nous remercions l'éditeur, le Dr Theo Homann, pour l'autorisation de publication. Des exemplaires individuels peuvent être commandés ici: https://etappe.org/25-etappe/

samedi, 12 février 2022

Günter Maschke est mort - Nécrologie pour mon ami !

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2003: Günter Maschke à Francfort lors d'un colloque sur le philosohe Adorno.

Günter Maschke est mort - Nécrologie pour mon ami !

par Werner Olles

Source: https://wir-selbst.com/2022/02/12/gunter-maschke-ist-tot-nachruf-auf-einen-freund/

Il y a quelques personnes dont l'existence même donne réconfort. C'est le cas de mon cher ami Günter Maschke, qui est décédé de manière inattendue le 7 février, trois semaines seulement après son 79e anniversaire. Une semaine plus tôt, nous nous étions encore parlés au téléphone, il était de bonne humeur, travaillait à son petit livre d'anecdotes sur Carl Schmitt et se réjouissait de l'arrivée du printemps, car nous pourrions alors à nouveau manger ensemble au restaurant italien. Et puis mercredi, j'ai vu sa photo sur le blog "acta diurna" de Michael Klonovsky et j'ai lu la nouvelle de sa mort, je n'ai d'abord pas voulu y croire et je n'arrive toujours pas à y croire aujourd'hui.

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Nous nous sommes rencontrés au milieu des années 1980, alors qu'Alain de Benoist devait parler de la "Nouvelle Droite" dans une maison privée quelque part dans le Taunus. Lorsque nous sommes arrivés, il y avait là quatre ou cinq personnages que j'ai reconnus comme étant des membres du Kommunistischer Bund (KB) - avec lequel j'avais encore sympathisé dix ans auparavant -, ce qui a conduit l'organisateur, un avocat de Francfort, à annuler la rencontre. Maschke a écumé de rage et a écrit à ce monsieur une lettre amère dont la teneur était la suivante : "Si nous nous dégonflons déjà devant une telle bande d'hirsutes du KB, comment allons-nous arriver un jour au pouvoir ?". En tant qu'ancien radical de gauche, cela m'a touché au cœur, et lorsque nous nous sommes découverts de nombreux points communs, il avait par exemple appris le métier d'assureur comme moi, avait été membre du SDS, puis du SPD, mais avait renoncé au communisme après son asile sur l'île de Cuba, tandis que chez moi, quelques années plus tard, la triste réalité de la gauche, dans le propre cadre des mes fréquentations, a suffi à détruire mes utopies socialistes.

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Deux productions du plus haut intérêt de la maison "Edition Maschke".

Nous nous sommes ensuite rencontrés plus souvent, nous sommes allés manger ensemble ou allés siroter quelques breuvages au café, et il était toujours présent lors des réunions mensuelles à la "Nibelungenschänke", auxquelles participaient également Martin Mosebach, Lorenz Jäger, l'artiste de cabaret Matthias Beltz, Gerd Koenen, Claus Wolfschlag, "notre" député de l'époque au Römer (le parlement de la ville de Francfort, ndt) Wolfgang Hübner, Eckhard Henscheid, Götz Kubitschek et Ellen Kositza. Cela s'est encore intensifié après le décès de sa chère Sigrid il y a six ans, dont il s'est occupé avec dévouement jusqu'à la fin. C'est alors que s'est révélée une facette que beaucoup ne soupçonnaient pas chez un homme qui, en tant que professeur invité à l'Académie de la marine de guerre de La Punta au Pérou, enseignait à ses élèves officiers la théorie de la lutte contre les partisans de son propre maître Carl Schmitt et qui avait lui-même participé à deux campagnes contre les terroristes du Sentier lumineux ("Sendero Luminoso"). De ces campagnes, il nous est parvenu une anecdote savoureuse qui mérite d'être retenue : Lors d'une fusillade à Ayacucho, l'armée fut bombardée de grenades de mortier par le Sendero, et alors que la place du marché de la petite ville était jonchée de débris et de cadavres, Maschke découvrit dans la vitrine d'une librairie, curieusement restée à peu près intacte - le libraire s'était sagement éclipsé - un livre de son ennemi préféré Jürgen Habermas "Théorie de la communication sans domination". Ses camarades ne furent pas étonnés de le voir ensuite éclater de rire malgré le carnage qui l'entourait. Dans son magnifique livre "La parole armée", il décrit d'ailleurs dans un essai du même nom l'ascension du "Sendero", une lecture qui coupe le souffle.

Günter Maschke est né le 15 janvier 1943 à Erfurt. Son père biologique étant mort pendant les dernières années de la guerre, il a été adopté par un monsieur Maschke, un fabricant de tricots de la classe moyenne. Son père adoptif, un Stresemannien politique qu'il aimait beaucoup, déménagea avec sa famille et son entreprise à Trèves à la fin de la guerre. C'est là que le jeune Günter grandit dans une Allemagne d'après-guerre marquée par la France, obtint son certificat d'études secondaires (Mittlere Reife), puis son baccalauréat (Begabtenabit) des années plus tard dans le Bade-Wurtemberg, et adhéra aussitôt à l'Union allemande pour la paix (Deutsche Friedensunion, DFU), une organisation de façade du KPD interdit, financée par la RDA, ce qui fit sensation dans la ville catholique de Trèves et provoqua des tumultes et lui valu des insultes, ce qui lui plut beaucoup. Il était logique qu'il rejoigne également le KPD illégal peu de temps après.

Avec Rudi Dutschke, Frank Böckelmann, Herbert Nagel et Dieter Kunzelmann, il était actif dans la "Subversive Aktion", puis plus tard dans le SDS. Il a déserté l'armée allemande, mais pas pour des raisons pacifistes, s'est réfugié en Autriche où il fut connu sous le nom de "Dutschke de Vienne". Lorsque la police a voulu l'expulser vers l'Allemagne, l'ambassadeur cubain lui a offert l'asile. Pendant les deux années qu'il passa sur l'île à sucre, Maschke découvrit le côté obscur du communisme, une économie moribonde, la faim et une répression excessive, le système des mouchards, la mentalité habituelle de l'Amérique latine qui consiste à ne rien faire, et le "petit protégé" de Castro devint avec le temps un opposant grâce à son amitié avec le dissident et poète Heberto Padilla. Lorsque le régime l'accusa de "conspiration", même le Lider Maximo - qu'il vénérait malgré tout parce que Castro avait tenu tête au principal ennemi de l'Amérique latine, les États-Unis - ne put plus le protéger : la police militaire cubaine est venue le chercher, a glissé un bon cigare dans la poche de sa chemise à l'aéroport et l'a mis dans l'avion. En Allemagne, un an de prison l'attendait à Landsberg. Pendant cette période, qu'il ne regretta jamais, il mit sur pied la bibliothèque de la prison et fit ce qu'il aimait le plus : lire.

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En haut, Maschke à son retour de Cuba. En bas, Maschke attend son procès qui le conduira à purger treize mois de prison à Landsberg en Bavière.

Il serait trop long d'énumérer toutes les étapes de sa vie aventureuse. Jusqu'à la mort de Carl Schmitt en 1985, il a travaillé comme pigiste permanent pour la FAZ. Sa nécrologie de Schmitt, qui venait de mourir, incita Dolf Sternberger à écrire un contre-article et Maschke à démissionner de son poste à la FAZ. Maschke fonda sa propre maison d'édition, "Edition Maschke", donna des conférences, surtout à l'étranger, en Espagne, en France, en Colombie, écrivit de magnifiques essais, commenta et traduisit les œuvres de Juan Donoso Cortés - il suffit de lire son essai "La dictature légale du général Narváez et Donoso Cortés (1847/51)" - et devint à Francfort-sur-le-Main le point focal où convergeaient de jeunes intellectuels de droite, surtout des admirateurs étrangers de Schmitt, auxquels il offrait en quelque sorte des cours privés. Il donna d'innombrables interviews sur Carl Schmitt, le droit international, la constitution de la République fédérale d'Allemagne qui n'existe toujours pas - sa première interview dans le JF "Die Verfassung ist unser Gefängnis" (la constitution est notre prison) est légendaire - et cultiva son existence d'érudit privé, traité avec un soin relatif, même par la très controversée plateforme Wikipedia.

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En principe, tout ce qu'il a couché sur le papier mérite d'être lu, mais surtout Das bewaffnete Wort (La parole armée) avec les essais "Sterbender Konservativismus und Wiedergeburt der Nation" (Conservatisme mourant et renaissance de la nation), dans lequel il recommandait aux conservateurs de s'abolir en tant que tels pour renaître en tant que nationaux-révolutionnaires, "Die Verschwörung der Flakhelfer" (La conspiration des aides de camp), qu'il faut avoir lu pour comprendre un tant soit peu le rôle étrange et l'image de soi de la République fédérale et "Die schöne Geste des Untergangs" sur l'écrivain fasciste et décadent Pierre Drieu la Rochelle, un essai que - on a peine à le croire - la FAZ osait encore publier en 1980. Si vous souhaitez également connaître des informations personnelles sur lui ou ce qu'il pense de la soi-disant "nouvelle droite", vous pouvez vous reporter au livre d'entretiens de 200 pages intitulé Verräter schlafen nicht (Les traîtres ne dorment pas). Celui qui veut savoir pourquoi il a mis fin à sa carrière à la FAZ cinq ans plus tard, malgré l'intercession de Joachim Fest, lira Der Tod des Carl Schmitt et la partie qu'il contient "Sankt Jürgen und der triumphierende Drache - Anläßlich Habermas' neueste Angriff auf Carl Schmitt". Il comprendra alors pourquoi - comme aimait à le dire Maschkino - cela ne vaut pas la peine de se pencher sur les théories de Habermas qui, selon les mots de Maschke, "sont réfutées tous les soirs aux informations". Et ce, bien que ce dernier l'ait tout de même qualifié de "seul véritable renégat du mouvement soixante-huitard". C'est pourquoi Maschke réitère : "Que sont cent pages de Habermas face à une page de Hobbes ou de Gehlen ?"

"Pour Werner Olles -in hoffnungsschwacher, doch heiterer Verbundenheit", c'est en ces termes qu'il m'a dédicacé le dernier livre cité, "Das bewaffnete Wort", avec la dédicace "Die Garde stirbt, aber sie ergibt sich nicht! " Maintenant, il est parti, notre esprit le plus brillant, le plus intelligent et en même temps le plus attachant, mais nous ne nous rendrons pas tant que nous serons en vie. Mais en même temps, sa mort marque la fin d'une époque, non seulement pour moi et tous ses amis personnels, mais aussi pour toute la Nouvelle Droite intellectuelle, dont il a toujours accompagné l'action avec un intérêt vigilant et une solidarité critique.

Maschkino, mon cher et fidèle ami, tu me manques, tu nous manques à tous, et tu me manques déjà, ton humour si merveilleusement particulier, ton rire tonitruant, ta noblesse et ta jovialité, l'absence totale de prétention - même pour le mendiant assis avec son gobelet en carton devant Rewe, tu avais quelques mots aimables et surtout toujours quelques euros sous la main - ah, je ne sais pas par où commencer ni par où m'arrêter. Si tu ne te sentais pas très bien, ce qui était dû au "Général Zucker" (= le diabète, ndt), il t'arrivait d'être un peu rude et de me crier que mes articles n'étaient pas non plus "si géniaux" et que je devais "modérer" mes "accès de colère" et de "haine" dans mon "discernement", pour me serrer dans tes bras quelques minutes plus tard. Il reste les souvenirs de nos repas communs chez Pino et chez Apulia, de nos discussions et de nos promenades à Rödelheim, où tu rencontrais une connaissance tous les dix mètres, de l'admiration dont tu jouissais en tant que "le Professore" chez nos deux Italiens préférés, alors que j'étais "le Teemann" (Monsieur-le-thé), car je ne buvais jamais que du thé vert.

À la question "Croyez-vous en Dieu ?", tu as répondu un jour dans une interview : "Pas toujours, mais souvent !" Pour un agnostique confirmé, qui était protestant dans sa jeunesse, qui a qualifié le Vatican II de l'Église catholique de "suicide", c'est beaucoup. Lors d'une conversation sur Dieu que nous avons eue un jour après un bon repas méditerranéen, tu as insisté sur le fait que tu irais plutôt en enfer. Je n'étais pas d'accord et finalement, je n'ai rien trouvé d'autre à dire que "d'accord, mais alors je viendrai te voir de temps en temps". Tu as eu une crise de rire et tu as immédiatement parlé de mon projet à tous les invités avec enthousiasme. Ce genre d'expérience reste à jamais gravé dans ma mémoire.

Mon bon Mashkino, je te remercie pour ta fidèle amitié et pour les moments uniques que nous avons passés ensemble et que je n'oublierai jamais. Un jour viendra où nous nous reverrons, peu importe où, mais je pense que ce sera plutôt là-haut. D'ici là, je suis avec toi en pensée !

Ton ami Werner Olles.

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vendredi, 11 février 2022

Günter Maschke (1943 - 2022): hommages de ses amis !

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Sur cette photo, voir note.

Günter Maschke (1943 - 2022): hommages de ses amis !

Témoignages de Peter Weiss, Michael Klonovsky, Martin Mosebach, Thor von Waldstein, Frank Böckelmann

Günter Maschke, né en 1943 à Erfurt, a grandi à Trèves. Il a été l'un des protagonistes de la révolte étudiante allemande des années 1960, principalement à Vienne, où il a organisé l'opposition extraparlementaire à partir de 1967. En 1967-69, il a obtenu l'asile politique à Cuba, puis a été arrêté et expulsé pour activité contre-révolutionnaire en raison de son parti pris pour Heberto Padilla.

Depuis, cet érudit sans chaire a travaillé pendant de longues années pour la rubrique "Feuilleton" du Frankfurter Allgemeine Zeitung, en tant qu'écrivain indépendant, essayiste et traducteur. Maschke, qui a "détourné sa libido de Fidel Castro vers Carl Schmitt", le "seul renégat de la génération 68" (Jürgen Habermas), est un écrivain brillant et est toujours resté attaché à la relation entre le mot et l'acte révolutionnaire ou contre-révolutionnaire. Outre Carl Schmitt, il s'intéressait particulièrement à Leo Kofler, Ernst Bloch, Donoso Cortés et Joseph de Maistre et a largement contribué au programme de la maison d'édition Karolinger.

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Peter Weiss, à droite, avec le spécialiste suisse des questions militaires, Jean-Jacques Langendorf.

Peter Weiß, KAROLINGER Verlag

Nous nous étions rencontrés en 1982. Le contact avec Jean-Jacques et Cornelia Langendorf à la Foire du livre de Francfort a été rapidement suivi d'une visite à Vienne, en compagnie de son épouse Sigrid, où nous avons jeté les bases d'une longue amitié en discutant et en buvant abondamment. Il fut bientôt très impliqué dans la maison d'édition, dont il devint un associé au sens immatériel du terme. Avec Langendorf, il fonda la "Bibliothèque de la réaction", où il édita entre autres de Maistre, Donoso Cortés, Romieu, Constantin Frantz, Lasaulx, traduisit avec le soutien de Martin Mosebach les Escolios Sucesivos de Gómez Dávila et publia ses propres livres Der Tod des Carl Schmitt et Das bewaffnete Wort. Il nous convenait et convenait à la maison d'édition, dans laquelle l'intérêt personnel a toujours prévalu sur les perspectives du marché, ce qui se reflète également dans notre développement économique.

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La fierté de Maschke venait aussi de sa sensibilité, qui lui faisait parfois monter les larmes aux yeux : "On utilise volontiers mes travaux, mais on ne les cite jamais". Il a sacrifié deux fois sa carrière économique à Carl Schmitt : lorsqu'il a publié l'essai de Schmitt sur le Léviathan dans sa propre maison, Edition Maschke, et lorsqu'il rédigea sa nécrologie de Schmitt dans le F.A.Z., où il était un collaborateur libre mais permanent. Quelque temps plus tard, sur notre stand à la foire du livre, l'éditeur Joachim Fest lui avait demandé de collaborer à nouveau au journal. Maschke lui a répondu sèchement : "Je n'y pense pas". Il pouvait aussi être assez drôle. Il avait parfois des relations un peu tendues avec Marcel Reich-Ranicky. Lorsque celui-ci lui reprocha un jour de dire du mal de lui, Maschke répliqua : "Oui, mais seulement dans votre dos !"

Un éminent savant, un caractère difficile et noble, mon bon ami. Fiducit !

Si, moi !

Michael Klonovsky

Günter Maschke a dit un jour de son père adoptif et nourricier, qu'il vénérait beaucoup, qu'il faisait preuve d'un désintérêt quasi monstrueux pour les opinions des autres. Quelle merveilleuse et rare qualité. Elle s'est transmise à son fils, qui était un solitaire, un esprit libre, génial, brillant, d'une méchanceté parfois divine - "Pourquoi ne pas livrer des armes dans des régions en crise ? C'est là qu'on en a besoin !" - et toujours divertissant. A l'époque de la soi-disant décision à prendre popur savoir quelle allait être la capitale (de la RFA réunifiée, ndt), Maschke s'est retrouvé dans un sondage de rue organisé par quelque chaîne de télévision, et les reporters lui ont demandé s'il souhaitait Berlin ou Bonn comme capitale allemande.
"Je suis pour Vienne !", déclara Maschke.
Personne ne parle de Vienne, lui répondit-on.
"Si, moi !"

Ce "Si, moi !" est devenu pour moi une tournure répétée en permanence, un runnig gag, une confession en deux mots.

Je me la rappellerai toute ma vie.

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MASCHKINO

Martin Mosebach

Cet ennemi juré de la démocratie était l'homme le plus démocratique que j'aie jamais vu - cela impliquait de considérer tous ceux qu'il rencontrait comme des égaux dont la conscience devait absolument être guidée vers la vérité - la vestibulaire serbe de la bibliothèque universitaire , avec laquelle il réorganisait les Balkans, ou le chauffeur de taxi afghan qu'il informait sur le "Great game" des années 1900, la femme de ménage indienne à qui il baisait la main. Lorsque l'on se promenait avec lui dans la ville ou que l'on s'asseyait dans un café, on pouvait imaginer l'action de Socrate : comme le philosophe, il abordait simplement toutes sortes de personnes et les engageait dans une conversation. Lui qui avait appris très précisément, en théorie et en pratique, ce qu'est la "tolérance répressive", croyait profondément à la liberté de la discussion générale et ne comprenait jamais qu'il en soit exclu. En même temps, son tempérament impétueux pouvait aussi conquérir des ennemis - ennemi était d'ailleurs un titre honorifique à ses yeux - mon beau-frère danois, social-démocrate fidèle à la ligne, a déclaré après une soirée avec Maschke : "Je n'ai jamais vu un homme avec des opinions aussi terribles qui m'ait été aussi exceptionnellement sympathique".

Il a été un stimulateur et un rassembleur ; je lui dois le lien avec la maison d'édition Karolinger qui m'a conduit à découvrir Gómez Dávila et a encouragé la publication de mes essais liturgiques - les deux impulsions maschkiennes ont eu la plus grande influence sur ma vie. J'ai vu le bohémien effréné se transformer, après son mariage, en un travailleur universitaire acharné, creusant des dizaines de milliers de pages - ses éditions de Donoso Cortès et de Carl Schmitt, abondamment annotées, lui auraient ouvert la voie de l'université, lui l'érudit sans chaire se tenant à une large distance de sécurité du monde académique, ce qui n'était évidemment pas envisageable : "J'aurais dû prêter serment à la Constitution !". Face à la figure paternelle de Carl Schmitt, il préservait une totale liberté : "Il n'était pas à la hauteur de son génie" et "Après avoir lu chaque ligne de Schmitt, je ne pourrais plus dire, avec la meilleure volonté du monde, ce que cet homme pensait", tel était son résumé dans les dernières années. Vers la fin de sa vie, il est devenu d'une douceur et d'une souplesse suspectes et s'est réconcilié avec de nombreux ennemis - c'était façon d'exprimer de la piété. Je ne reverrai plus jamais quelqu'un comme lui.

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GÜNTER MASCHKE

Thor von Waldstein

Günter Maschke était un esprit libre. Il se distinguait par tout ce qui manque le plus à l'intellectualisme réellement existant et au climat "spirituel" que cet intellectualisme a préparé durant la deuxième République allemande : l'indépendance intérieure, la sagesse, le sens de la réalité, le courage et la capacité de penser jusqu'au bout des choses, même lorsque le juste milieu dominant se sent obligé s'affaisser les zygomatiques ou même lorsque des "applaudissements du mauvais côté (du spectre politique, ndt)" menacent. Il n'a pas seulement méprisé les beati possidentes du status quo, qui aiment prendre un bain tiède d'atlantisme et qui adorent les rapports de force déterminés par l'étranger dans la Grande Allemagne de l'Ouest, il les a sincèrement détestés. Oui, il pouvait haïr comme seul est capable de le faire celui qui n'a pas encore éteint dans son cœur l'amour d'une autre Allemagne, une Allemagne de Hölderlin couronnée de fleurs, avec des enfants qui rient et sans les ravages de la rééducation. Derrière la façade de son grandiose esprit de publiciste, le connaisseur de la nature humaine pouvait découvrir le visage d'un homme qui souffrait comme un chien des tristes conditions de sa patrie, mais aussi, plus globalement, de la "machine à broyer et à émietter le monde moderne" (Maschke dixit).

Si les poètes sont, comme l'a dit Gottfried Benn, admiré par Maschke, dans son éloge funèbre de Klabund, "les larmes de la nation", alors Günter Maschke était un écrivain qui a su, comme peu d'autres, mettre le doigt sur la confusion politique déplorable qui règne chez les Allemands. Si les Allemands devaient tout de même trouver la force de mettre fin à leurs vacances hors de l'histoire pour réapparaître en tant que pion indépendant sur l'échiquier de la politique, ils ne pourront pas se passer du bagage intellectuel marqué par la personnalité de Maschke.

Pour ma part, je perds avec Günter Maschke un ami attachant, au charme duquel il était difficile de résister lors de ses conversations au long cours à travers l'histoire intellectuelle européenne. Pas un seul nuage n'est venu assombrir notre amitié de plus de 36 ans, marquée par une confiance mutuelle. Marcel Proust dit que tous les paradis sont des paradis perdus, et pourtant la mort de Günter Maschke ne m'ôtera pas le souvenir des rayons de soleil de son amitié. Je n'oublierai pas la finesse de son caractère et la noblesse de son attitude. Continuer à travailler dans son esprit pour l'avenir de notre patrie européenne meurtrie reste pour moi un devoir.

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À LA MORT DE GÜNTER MASCHKE

Frank Böckelmann, TUMULT

Lorsque j'ai appris il y a quelques heures que l'ami Maschke était décédé, j'en ai été abasourdi - au sens littéral du terme. Car Maschkino - c'est le nom qu'il signait dans ses lettres - avait l'habitude d'annoncer depuis longtemps son effondrement prochain et souvent aussi la fin de sa vie, régulièrement dans des conversations et des messages après la mort de sa femme Sigrid en 2014. J'étais donc habitué à ce qu'il ne meure pas finalement. Ces derniers temps, il y avait même de plus en plus d'appels à l'aide ("Sinon, je vais TRÈS mal - sur plusieurs fronts, et tu devrais être un peu plus gentil avec moi"), ainsi que des expressions de confiance lors de la rédaction de son livre sur Carl Schmitt. Et maintenant, il serait vraiment mort ?

Il n'y a aucun doute à ce sujet, même si cela me semble irréel. Günter Maschke a passé sa vie dans l'enthousiasme et le désespoir créatifs et intellectuels. Il n'avait aucune distance par rapport à ceux qui croisaient son chemin et aux objets de sa passion - Carl Schmitt, le droit international, le droit de la guerre comme droit de l'homme, la "Constitution que nous n'avons pas", la misère allemande universelle, le monde hispano-américain. C'est pourquoi il était aimé, même par ses adversaires, du moins, je le suppose. Il partageait avec enthousiasme mon point de vue selon lequel le terme "conservateur" était devenu sans objet, donc insignifiant. Pour caractériser la situation, il ne reculait devant aucune condamnation, pour mettre en avant ses propres mérites dans la querelle des thèses, devant aucune auto-humiliation et auto-glorification. C'est pourquoi c'était une torture - pardon, Maschkino! - d'être exposé à tes monologues. Et pourtant, tu les évoquais sans cesse. Malheur à celui qui, en ta présence, laissait briller une lueur d'espoir stratégique dans l'évaluation des rapports de force politiques ! Il était impitoyablement taxé d'inconscience et de soumission.

C'est ainsi que le cercle de Maschke à Francfort accueillait de préférence les oiseaux de mauvais augure. Dans son appartement de Rödelheim, on assistait régulièrement - par exemple les jours où se déroulait la foire du livre - à un concours de surenchère de la part de ceux qui étaient, avec ardeur, des désespérés. Ce penchant pour la rigueur a toujours eu une note existentielle chez Maschke. J'ai fait sa connaissance en 1964 lors d'un méfait de notre action subversive à l'occasion du congrès catholique allemand à Stuttgart (et par son intermédiaire, j'ai connu la famille Ensslin). La nuit, en marchant à côté de moi sur le lieu du délit, il ne discutait pas du tout de méthodes, mais me demandait des titres de livres - si je connaissais tel ou tel auteur et ce que je pensais de ses théories. La suite est connue et sera désormais racontée à nouveau chez les amis et les ennemis : Tübingen, Ernst Bloch, sa désertion de l'armée, Vienne, Cuba, Heberto Padilla, la prison, l'abandon de la gauche, Carl Schmitt, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, "Die Verschwörung der Flakhelfer" et autres farces grandioses où il expulsait les esprits du temps (toutes ont été publiées chez KAROLINGER), les retraites éditoriales, les histoires de femmes tragiques, l'activité de professeur à l'école navale péruvienne (avec le pistolet à la ceinture), alliance avec d'autres grands dans l'Olympe de Carl Schmitt et combat final contre les caprices du diabète ("Général Zucker").

Ce que je voulais dire : Machkino, tu es toujours resté un enfant qui a fait preuve d'intrépidité intellectuelle et politique pour conquérir l'affection qui te revenait. Tu ne connaissais que deux sujets : la grande situation et toi-même. Tu étais insupportable dans tout ce que tu faisais. Pour résister au désespoir, il n'y avait pour toi que la voie de la connaissance sans compromis. Je t'aime.     

MASCHKE

Lorenz Jäger, FAZ

Que n'a-t-il pas été : déserteur et théoricien de la guerre, d'abord à gauche puis à droite, le tout avec des élans assez violents ; athlétique (il avait joué au football) et en même temps intellectuel d'une subtilité extrême. Pour un homme de droite, ses diatribes contre les "chers Allemands" étaient difficilement supportables, pour un homme de gauche, son sarcasme envers toutes les utopies.  Peut-être que ce qui frappait d'abord chez lui, même les étrangers, c'était sa stature. Dans les deux sens du terme : de grande taille ; quand il le voulait, sa voix pouvait être tonitruante. Impressionnante aussi sa stature intellectuelle et, finalement, personnelle : celle d'un homme de lettres qui, dans les années 1970, a lancé des réimpressions de classiques oubliés de la gauche non communiste, qui, à l'époque, a développé dans ce journal (= FAZ) l'histoire des idées politiques au plus haut niveau et à qui l'on doit plus tard d'excellentes éditions de penseurs réactionnaires : Carl Schmitt et Donoso Cortés. Sa nécrologie de Carl Schmitt, à laquelle Dolf Sternberger s'était violemment opposé, a brisé sa carrière dans notre journal.

Günter Maschke est né le 15 janvier 1943, le mois de Stalingrad. Adopté, il grandit à Trèves, dans la zone d'occupation française. Toute sa vie, la littérature française et la pensée politique française sont pour lui la référence. Les extrêmes le touchent. Il devient membre de l'"Union allemande pour la paix", une organisation pacifiste (en réalité infiltrée par les communistes), puis se tourne avec un instinct sûr vers l'original et adhère au KPD illégal. Il écrit des poèmes, le recueil Sorgen um Kaspar est annoncé aux éditions de Gudrun Ensslin (dont il épouse la sœur) et de Bernward Vesper.  Il est ironique que Maschke, qui commentera plus tard le classique de Clausewitz Vom Kriege, se soustraie au service militaire. Après son activité au sein du groupe Subversive Aktion, auquel appartenait également son ami de toujours Frank Böckelmann, il a déserté, mais pas par pacifisme de principe. Son sens des rapports de force était déjà si prononcé à l'époque que Rudi Dutschke l'avait surnommé "Maschkiavelli". Sa fuite l'a conduit à Vienne, où il avait un cercle de soutien intellectuel de gauche, dont faisait partie le philosophe Günther Anders. Lorsque le gouvernement autrichien a voulu l'extrader, les Cubains lui ont accordé l'asile. Il vécut un certain temps sur l'île socialiste et se maria une seconde fois, avec une Afro-Cubaine dont la vision pragmatique des choses l'aida à se désillusionner face aux absurdités du stalinisme tropical. Il fit la connaissance du poète et dissident Heberto Padilla, dont il traduisit plus tard l'œuvre en allemand.  Cette amitié ne passa pas inaperçue aux yeux du régime castriste, qui le fit rapidement arrêter et expulser. De retour en Allemagne, il dut purger une peine de prison prononcée pour désertion.

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Ce sont des écrits sur la guerre qu'il a publiés et commentés : On lui doit une excellente édition, malheureusement épuisée, de L'art de la guerre de Sun Tsu. En tant que professeur invité, il a enseigné à l'école de la marine péruvienne à La Punta dans le cadre de ce que l'on appelle la "contre-insurrection", la stratégie antipartisane. L'un de ses meilleurs essais remonte à cette époque.  Maschke a magistralement analysé la guérilla maoïste du "Sentier lumineux", le groupe terroriste le plus cruel et le plus efficace en dehors de l'espace islamique. Son histoire se révèle être celle d'une expansion du système éducatif (péruvien) qui fut ratée car imposée de manière technocratique et centralisée dans l'une des régions les plus sous-développées du pays, qui a dérapé et a débouché sur la superstition du pouvoir presque magique qu'aurait une doctrine (cf. Das bewaffnete Wort).

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Parmi les réalisations scientifiques de Maschke figurent les éditions de deux éminents penseurs de la droite: Juan Donoso Cortés, dont il a publié les "Essais sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme", et Carl Schmitt, dont il a dirigé les essais sur le droit international - "Paix ou pacifisme" (Berlin 2005). Mais Maschke, devenu ultra-réactionnaire, a lui aussi mis en mouvement des écrits qui semblaient figés. Non pas qu'il s'agisse principalement de problèmes de différentes versions et de réécritures. Dans le cas de Maschke, le mouvement s'est plutôt produit dans le commentaire. Le processus par lequel les pensées de Donoso et de Schmitt se sont formées et ont été reprises ou contestées par les contemporains est alors devenu clair. L'éditeur Mashke ne laissait aucune thèse de ses dieux domestiques passer la barrière sans être vérifiée. Et soudain, ce n'était pas seulement tel ou tel texte qui devenait plausible (parfois, à la fin, il perdait aussi de sa plausibilité dans le processus de commentaire), mais un massif de pensées collectives apparaissait, avec tous les sommets, les fissures et les abîmes imaginables ; d'une simple surface de texte, quelque chose de tridimensionnel et de plastique apparaissait.

Aujourd'hui encore, on lit un travail de Maschke qui s'était attaqué au récit central et identitaire de l'intelligentsia de la République fédérale. L'essai "Verschwörung der Flakhelfer" (= Conspiration des auxiliaires de la défense anti-aérienne) commençait en 1985 par un coup de tonnerre : "La République fédérale, mi-cour industrielle ordonnée, mi-zone de loisirs avec corbeille à papier régulièrement vidée, cette terre résiduelle large comme une serviette de toilette, dont les habitants sont avides d'inoffensivité, est en même temps le pays dans lequel chacun peut devenir l'ennemi constitutionnel de l'autre". Là où Jürgen Habermas ou encore Heinz Bude veulent reconnaître dans la génération née vers 1928 la première cohorte stable de démocrates, Maschke parle désormais d'un "homoncule antifasciste": le prétendu "citoyen responsable" vit dans un "entrelacement de recherche de plaisir et de contrition". La distanciation fondamentale avec le système politique de sa patrie, qui le motivait lorsqu'il était jeune (et gauchiste musclé, ndt), est donc demeurée quasi intacte.

On s'incline devant un intellectuel authentique. Certes : de la droite. Mais pas un droitier. Même la cause à laquelle il s'est consacré (il y en a eu plusieurs au cours de sa vie), il pouvait parfois la considérer avec distance et avec un esprit abyssal. Il renonça avec résignation à l'achèvement d'un grand traité de droit international lorsqu'il sentit ses forces décliner. Son dernier projet devrait consister en une petite collection de malentendus qui se sont formés autour de Carl Schmitt, que ce dernier les ait provoqués lui-même ou que d'autres les lui aient attribués par manque de discernement. Il faudrait espérer qu'une partie du matériel soit publiable. Günter Maschke est décédé au début de cette semaine à Francfort.

Note:

Cette extraordinaire photo, que nous devons à Michael Klonovsky, a été prise dans le bureau de Maschke. Elle m'interpelle tout particulièrement car, lorsque je me rendais chez lui, à l'occasion des foires du livre de Francfort, c'est exactement là, à l'emplacement où nous voyons une vieille et archaïque machine à écrire, que Sigrid, son épouse, me dressait un lit de camp. J'ai donc dormi moults nuits dans le saint des saints de l'univers maschkien ! (Robert Steuckers). 

jeudi, 10 février 2022

Entretien réalisé en 2020 avec Günter Maschke

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Entretien réalisé en 2020 avec Günter Maschke
La politique s'appelle : conspirations

Propos recueillis par Michael Klonovsky

Source: https://ef-magazin.de/2022/02/09/17429-interview-mit-guenter-maschke-das-politische-heisst-verschwoerungen

Rediffusion en ligne de la revue eigentümlich frei (ef 205) à l'occasion du triste décès de Günter Maschke

Günter Masche est décédé en début de semaine à Francfort-sur-le-Main. Dans ef 205, Maschke faisait la une et était le sujet principal. L'interview suivante pour eigentümlich frei a été réalisée par l'écrivain Michael Klonovsky.

Le néo-droitier de la vieille gauche Günter Maschke est passé de Karl Marx à Carl Schmitt. L'écrivain Michael Klonovsky s'est entretenu pour eigentümlich frei avec Maschke autour d'un verre de vin et a parlé de Weib und Gesang. Maschke nous explique pourquoi il trouve le mouvement "Black Lives Matter" ridicule, pourquoi il considère les Etats-Unis comme un ennemi - et ce qu'est un "Petrolero".

ef : Monsieur Maschke, que dirait Carl Schmitt du mouvement "Black Lives Matter" ?

Maschke : Je pense qu'il ferait quelques blagues plus ou moins bonnes à ce sujet. 

ef : Il ne considérerait pas ce mouvement comme une menace ?

Maschke : Tout au plus dans le sens de la constatation de Gehlen : Tout ce qui est encore debout se fait "souffler la moelle des os". Et "Black Lives Matter" sert bien sûr à cela.

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ef : Et que pensez-vous de cette affaire ?

Maschke : Je trouve ridicule de manifester ici en Allemagne à cause d'incidents survenus dans les rues américaines. Je suis un extrémiste de la non-intervention ; si le cannibalisme faisait rage en France, mais qu'aucun Allemand n'était dévoré, cela ne nous concernerait pas. 

ef : Mais en face, on trouve des cannibales de l'ingérence, qui ne se sentent pas à tort comme un collectif agissant à l'échelle mondiale.

Maschke : Le mondialisme ou la globalisation sont des faits, certes, mais ces incidents ne m'intéressent que par rapport à notre relation avec les Etats-Unis. On vous incite constamment à vous forger une opinion sur des choses dont vous ne savez rien ou très peu. La base d'information doit alors sérieusement être ce qui est écrit dans les journaux. Je n'ai pas d'opinion à ce sujet. 

ef : C'est une position d'érudit privé. 

Maschke : Oui, bien sûr. Soit je ne comprends rien, soit je ne comprends que trop bien. Je n'ai aucun intérêt à mener les mêmes débats pendant des décennies, avec les mêmes personnes de surcroît. Quel est l'intérêt ?

ef : Cela vous importe-t-il aussi que Trump soit réélu ? Ou si les démocrates se dépêchent de nommer Michelle Obama ?

Maschke : Les Etats-Unis resteront toujours nos ennemis, mais on ne le reconnaît pas ici. Je suis d'avis que nous devons trouver un arrangement avec la Russie. Les anglo-saxons ont toujours redouté une alliance germano-russe. C'est donc ce qu'il faudrait faire. 

ef : La Russie ne parvient pas à mettre sur pied une économie nationale solide. Une fois les ressources naturelles épuisées, elle deviendra un pays émergent insignifiant avec une armée importante. 

Maschke : Nous entrons en décadence avec encore plus de certitude. Vous pouvez oublier l'Europe. L'UE continuera certes d'exister sous une forme ou une autre en tant que corps économique administratif, mais elle ne pourra pas exister en tant que facteur de puissance mondiale. On voit régulièrement, lors de discussions, quelqu'un s'exclamer: "Ce n'est tout de même pas le déclin de l'Occident !". J'ai alors toujours envie de répondre: "Monsieur, l'Occident a disparu le 4 août 1914, cela n'est-il pas encore parvenu jusqu'à vous ?". L'Europe va s'abaisser jusqu'à devenir un simple rassemblement de puissances de troisième ou de quatrième ordre. C'est inévitable, car il n'y a pas de "nous" européen, comme l'a montré la soi-disant crise des réfugiés. De plus, une puissance nucléaire quitte l'UE confédérale. Et ensuite, Madame von der Leyen dit que l'UE doit apprendre le langage de la puissance. Et personne ne rit dans l'hémicycle ! Enfin, la stupidité aussi devrait avoir ses limites. Nous n'avons pas d'armée commune, ce n'est d'ailleurs pas possible, nous n'avons pas de "nous", nous ne sommes même pas d'accord sur qui est notre ennemi, nous accueillons tous les malades des pieds, sans parler de ce qui se passe sur le plan démographique. L'homogénéité de la Confédération européenne, où est-elle ? Il n'y a pas d'idée d'Europe. Qu'est-ce qui rapproche un Finlandais d'un Sicilien ? 

ef : Un progressiste dirait : l'idée des droits de l'homme.

Maschke : C'est la plus grande absurdité. L'homme a autant de droits qu'un tatou, disait Vacher de Lapouge. En tant qu'être humain, je n'ai absolument aucun droit. J'ai des droits en tant qu'Allemand ou en tant que Français ou en tant qu'Anglais, et ainsi de suite. Les droits de l'homme sont une chose fatale. On devient incapable d'agir à cause d'eux. Ces exigences droit-de-l'hommiennes ne connaissent pas de frontières. C'est comme l'émancipation des femmes : elle n'a pas de limites non plus. Si vous répondez à une exigence, la suivante suit, et ainsi de suite.

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ef : Avec la Russie, nous serions dans le système Poutine. En quoi cela serait-il mieux ? Qu'est-ce que cela nous apporterait ?

Maschke : Ils ont les matières premières, nous l'économie. Ils ont en outre une merveilleuse technologie d'armement qu'ils conservent malgré les difficultés économiques. Nous aurions un espace résistant au blocus. Nous devons en effet nous attendre à une guerre un jour ou l'autre.

ef : Contre qui ?

Maschke : Regardez en mer de Chine méridionale. Une connaissance m'a raconté que dans le journal de l'armée chinoise, il est écrit : "Nous sommes là pour faire la guerre, pas pour assurer la paix ou seulement la défense". La guerre est clairement affirmée. On ne trouve pas cela dans les pays occidentaux. Le problème des Chinois, c'est qu'ils n'ont pas de culture à vendre, qu'ils sont impopulaires dans tout leur environnement, qu'ils ont l'Inde comme ennemi. Mais les cartes, dans le monde, sont toujours redistribuées. On croit seulement que ce serait différent aujourd'hui. 

ef : Vous parlez de guerre. La probabilité d'une guerre civile n'est-elle pas plus élevée ? Rien qu'en voyant ce qui se prépare aux Etats-Unis. 

Maschke : Je ne peux que hausser les épaules. Une guerre civile, c'est autre chose que quelques manifestations violentes. La guerre civile implique la division de l'armée et de la police.

ef : Vous dites que les Européens ne sont pas d'accord sur l'identité de l'ennemi. Qui est-ce donc ? L'Allemagne a-t-elle des ennemis ?

Maschke : Oui, même au sein de l'UE. Nous assisterons à une véritable explosion d'hostilité lorsque l'Allemagne ne pourra plus payer. Nous serons alors à nouveau les nazis.

ef : Et pourquoi les États-Unis sont-ils notre ennemi ?

Maschke : Parce qu'ils discriminent la guerre en étant incapables de conclure la paix. Les Américains ne pourraient répondre que de guerres justes, dans lesquelles tout leur est permis, parce qu'ils font la guerre à des criminels. Mais on ne fait pas la paix avec les criminels, on les détruit, on transforme leurs pays selon les idées américaines et on y laisse des bases militaires. Ce tournant vers un concept de guerre discriminatoire a détruit l'ancien droit international.

ef : Est-ce que cela vaut aussi sous Trump ?

Maschke : Aussi. Après tout, il n'a pas envie de faire des interventions militaires. Je ne sais pas comment est composé l'appareil qui l'entoure, s'il doit constamment mettre des gens à la porte parce qu'ils lui tapent sur les nerfs. Mais je le trouve parfois très clownesque et bizarre.

ef : La plupart des gens de droite disent que l'islam est l'ennemi.

Maschke : Si l'on ne parvient pas à discipliner la religion, quelle qu'elle soit, elle est toujours dangereuse. La question est de savoir si l'islam, qui n'a pas d'unité, se brisera contre le monde moderne ou si celui-ci se brisera contre lui. En soi, je vois les choses plus calmement que beaucoup d'amis. Ici, devant ma porte, les musulmans pullulent. Ils sont pratiquement athées, ils n'ont aucun intérêt pour la religion, sauf pour les saucisses de porc, où là, la plaisanterie s'arrête. Pour une partie considérable d'entre eux, la religion se réduit à des prescriptions alimentaires. 

ef : Et les femmes, qui sont défendues comme des biens.

Maschke : J'ai connu cela aussi d'une autre manière. Je vois comment les femmes dans la rue tuent littéralement leurs maris.

ef : Ce sont alors celles qui vivent ici depuis longtemps.

Maschke : Probablement.

ef : L'Allemagne est-elle une démocratie ?

Maschke : On confond toujours les choses, on dit que la démocratie, ce sont les droits de l'homme, les droits de l'opposition, la liberté d'expression, la liberté de la presse et tout le tralala, mais ce sont des idées libérales, non des idées démocratiques. La France était aussi une démocratie en 1793. Si l'on dit que les roux doivent tous être pendus et que la majorité le veut, c'est un acte démocratique. La démocratie n'est qu'une méthode - elle n'a aucun contenu.

ef : Si, le démos. 

Maschke : Alors c'est quand même le demos d'un peuple. Même la loi fondamentale est la loi fondamentale d'un peuple, elle est valable pour le peuple allemand, pour personne d'autre, c'est bien écrit dans le texte.

ef : Si ceux qui sont entrés illégalement en Allemagne depuis 2015 sont tout simplement naturalisés, ils font alors partie du peuple allemand. 

Maschke : Justement. Nous avons alors la salade variée. 

ef : La notion de "peuple allemand" devient ainsi assez floue.

Maschke : Elle l'est déjà. C'est une "population". 

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ef : Qui tôt ou tard sera tellement éclatée qu'elle ne pourra plus former de volonté commune.

Maschke : C'est l'objectif. Cela nous amène à ces fameuses théories du complot, qui seraient des mensonges en bloc. Je parlerais plutôt d'élucidation. Les conspirations ne doivent pas nécessairement avoir lieu à minuit dans les cimetières de Prague, il y en a dans chaque club de gymnastique, peu importe le nom qu'on leur donne, par exemple "intrigue". Monsieur Kohl a parlé du "réseau de la côte Est". Je ne peux pas penser la politique sans conspiration. Il suffit de "dé-pathétiser" le terme. En tant que politicien, je discute de ceci et de cela avec mon équipe, puis je réfléchis à la manière de le vendre à la population stupide. Je dois d'abord promettre beaucoup - si je dis à la population de se taire, de travailler et de se contenter de moins, j'aimerais bien voir le nombre d'électeurs qu'il restera... - et ensuite, après les élections, je ne tiens pas la plupart de mes promesses. Parce qu'il n'y a pas d'autre solution, vu l'état des caisses ! Je dois d'abord me rouler par terre devant le "souverain suprême", comme le maître du langage Kohl appelait le peuple, et ensuite je dois lui faire la peau. C'est le mécanisme du système. Schumpeter dit que la démocratie est la domination par le mensonge. C'est probablement aussi une théorie du complot ? Dans la démocratie allemande, un homme politique n'a de pouvoir que s'il travaille sur l'impuissance allemande.

ef : Si vous deviez choisir entre les options de la Chine, c'est-à-dire un capitalisme d'État entièrement surveillé avec des promesses de technologie et de sécurité, du califat et de l'Occident libéral, que choisiriez-vous ?

Maschke : Qui gouverne ? Vous comprenez, je suis tout à fait nihiliste sur cette question. Je suis souvent consulté, y compris par des jeunes qui veulent savoir comment cela va se passer, et mon glamour a fortement diminué parce que je ne leur ouvre aucune perspective. La plupart du temps, ils s'efforcent de protester contre ceci ou cela, et ils sont ensuite furieux de ne pas pouvoir devenir fonctionnaires parce que les services de protection de la Constitution les ont déjà notés. Je ne me bats pas pour qu'ils puissent devenir fonctionnaires. Et puis il y a des gens qui veulent un jour être invités par Anne Will. Si elle le faisait, ils seraient déjà à bout de souffle. Si j'étais à la place d'Anne Will, je le ferais immédiatement.

ef : Ce n'est pas possible. Il faut un diable. Il faut que quelqu'un joue ce rôle pour que les bons aient quelqu'un contre qui se liguer.

Maschke : Oui, bien sûr. Il y a une personne intéressante, Klaus Kunze, un jeune avocat dont le mantra était : nous sommes la droite fidèle à la Constitution. D'une certaine manière, cela n'est pas arrivé. La satanisation de ces personnages majoritairement inoffensifs va désormais très loin. Le citoyen lambda se laisse vite embrigader et répète ce que les journalistes lui servent. C'est en partie de l'incitation pure et simple, et ensuite ils se plaignent toujours de l'incitation. Au final, c'est une énorme machine à projeter : on reproche au petit ennemi faible ce que l'on fait soi-même avec les grands moyens dont dispose le pouvoir. Il suffit que vous trouviez cette politique des réfugiés fatale pour que vous soyez déjà le "détracteur" ou le "xénophobe". Mais l'étranger est - souvent - l'ennemi. C'est déjà ce que dit la philologie, quand on monte dans toutes les langues possibles. 

ef : Au moins, il est étranger.

Maschke : Contre ce fait, il y a la phrase : "Nous sommes tous des hommes". En fait, il n'y a pas d'êtres humains. L'homme en tant que tel relève de la zoologie. De Maistre a dit: "Je n'ai jamais vu d'hommes, toujours des Allemands, des Italiens, des Français, des Russes". Montesquieu a certes affirmé qu'il y avait des hommes en Perse - voyez les Lettres persanes -, je n'en sais rien, je n'y étais pas, je ne peux rien en dire. C'est ce que je veux dire. "Homme" n'est pas un terme politique. "Humanité" n'est pas un terme politique.

ef : Le grand espoir de la gauche est que les peuples s'unifient un jour pour former l'humanité.

Maschke : Ils pensent qu'il n'y a qu'une seule interprétation pour indiquer la direction à prendre. Par exemple Monsieur Westerwelle, qui a écrit une thèse débile sur les organisations de jeunesse des partis, parue chez Nomos, qui prêchait : "L'éducation, l'éducation avant tout". Il voulait dire que l'éducation devait conduire partout aux mêmes résultats, que l'éducation faisait de chacun un occidental libéral. Pourtant, nous savons que ce n'est pas vrai. Dans mon essai La parole armée, j'ai montré comment le Sendero Luminoso ("Sentier lumineux") au Pérou a profité de l'explosion de l'éducation. Cette guérilla et organisation terroriste était beaucoup plus éduquée que la moyenne.

ef : L'éducation peut déboucher sur n'importe quelle vision politique. 

Maschke : Oui, bien sûr. Mais nous devons encore parler de la qualité de l'éducation. Les bacheliers au chômage vont bientôt pulluler ici. Cela est lié aux notes du baccalauréat, qui ont été revues à la hausse de manière totalement frauduleuse. Cette population est censée devenir de plus en plus intelligente ! En 1960, j'ai encore passé un Begabtenabitur après mon apprentissage, auparavant j'étais dans une école secondaire près de Trèves, cette école a été fondée en 1940, et en 20 ans, on a obtenu un A en allemand - pour moi. Aujourd'hui, n'importe quel crétin obtient un A. Quand je vois les devoirs de classe des jeunes élèves, ils sont notés avec un A moins, ce qui nous aurait valu un C. Toute une génération a grandi dans cette fraude. A douze ans, ils sont déjà des tricheurs. Ils sont corrompus moralement, et Mesdames et Messieurs les pédagogues y participent. 

ef : L'objectif est d'aplanir toutes les différences.

Maschke : Oui. Car "nous sommes tous des êtres humains", comme le dit la formule mentionnée. L'un des mots les plus dénués de sens dans ce contexte est : "sous-privilégié". Pourquoi "sous" ? Tout le monde doit-il avoir des privilèges ? Que veut dire privilège ?

ef : Quand on est privilégié, on fait bien de se plaindre d'être sous-privilégié. C'est ce que les aristocrates français auraient dû faire à temps. Les riches qui soutiennent aujourd'hui les revendications de la gauche veulent peut-être seulement sauver leur peau ?

Maschke : La plupart du temps, les gens ne sont pas logiques avec eux-mêmes. Ils ne remarquent pas non plus quand ils vont à l'encontre de leurs maximes. Je ne sais pas qui a formulé cela pour la première fois, mais je trouve la formulation enviable : les gens ne mentent pas, ils sont menteurs. Si l'on prétend aujourd'hui que "les hommes politiques mentent tous" : ils ne pourraient pas le faire, les hommes ne peuvent pas mentir sans cesse, ils doivent être menteurs. C'est différent.

ef : La dissonance cognitive, c'est-à-dire la capacité à affirmer des choses qui s'excluent mutuellement, fait partie de la dissimulation. Par exemple qu'il n'y a pas de race, mais que les émeutes raciales et le racisme existent bel et bien. Une dirigeante canadienne noire du BLM vient de déclarer que les Blancs sont des sous-hommes, que la blancheur est due à des défauts génétiques.

Maschke : Bien sûr que cela existe. L'autre jour, un intellectuel noir a écrit dans le "FAZ" que les Noirs devaient maintenant se battre, qu'il n'y avait aucune possibilité de collaboration avec les Blancs. Pourtant, la coopération entre races fonctionne en partie très bien, comme je l'ai notamment constaté à Cuba. Certes, il y avait un racisme évident dans certaines provinces, mais pas à La Havane et dans l'est de Cuba. Et il ne faut pas oublier que des luttes inter-raciales ont également lieu au sein de la communauté noire. Les peuples sont également dotés de talents différents. Mais, voilà, désormais, il ne doit pas y avoir de différences de talent. Outre le fait qu'une société juste serait ennuyeuse, terriblement ennuyeuse, l'aplanissement de toutes les différences est impossible. Ils viennent avec leur mètre-étalon de l'égalité et mesurent, et, bigre, voilà qu'il y a encore quelque chose d'inégal. Comme avec ces quotas de femmes : les femmes représentent 25 ou 26 pour cent des membres des partis, mais elles doivent maintenant avoir les mêmes chances que les hommes.

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ef : Les quotas de femmes sont une sorte de taxe punitive sur les hommes, dit le blogueur Hadmut Danisch.

Maschke : L'attrait de ces exigences réside bien sûr dans le fait qu'elles sont irréalisables. Nous le savons bien : l'envie ne diminue pas quand l'égalité augmente. Je n'envie pas le multimillionnaire, j'envie le voisin qui n'est pas plus intelligent que moi, mais qui conduit une meilleure voiture et a un appartement de trois mètres carrés plus grand. Plus les différences sont abolies, plus l'envie grandit - et les différences demeurent.

ef : Ce qui nous ramène au racisme.

Maschke : Oui, mais c'est le plus mort des poncifs, je trouve. L'étranger est un fait. On sait que les cultures sont différentes - et cela suffit. La cohabitation est plus difficile qu'on ne le pense. Il y a des gens qui font un procès pendant des années parce qu'une branche de mon poirier a franchi le mur mitoyen et a poussé au-dessus de leur jardin, et ces mêmes personnes disent : ces immigrés, ce sont tous des êtres humains, il n'y a aucun problème avec eux. Mais ils mènent une guérilla sans fin contre leur voisin de pure souche allemande.

ef : La tolérance augmente avec la distance par rapport au problème.

Maschke : C'est très important. Regardez les maisons des propagandistes de la politique d'accueil, ils pourraient bien accueillir des migrants dans leurs pénates ! On n'a pas entendu parler d'un tel accueil. Mais ils recommandent à leurs compatriotes de quitter le pays si l'immigration leur déplaît. L'agressivité se nourrit de cette prétendue philanthropie. A cela s'ajoute - je ne dis rien de nouveau non plus, mais il y a des vérités banales qu'il faut toujours répéter - le fait que la plupart des gens ne veulent pas penser, le phénomène habituel de Pareto, l'être humain donne des raisons rationnelles pour chaque bêtise. Cela fonctionne tout seul, nous n'avons même pas besoin d'un Goebbels pour cela aujourd'hui. Le matin, il devait encore décider par télex : ce mot ne doit pas être utilisé, ce mot signifie ceci ou cela. Aujourd'hui, cela se fait tout seul. Goebbels serait au chômage aujourd'hui. (rires)

ef : Êtes-vous raciste ?

Maschke : Ce n'est pas moi qui décide (rires). Je ne pense pas. Parmi les castristes à Cuba, j'étais considéré comme un "Petrolero". C'est ainsi qu'on appelle là-bas un Blanc qui aime coucher avec des femmes noires.

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ef : C'est peut-être une forme particulièrement subtile de racisme.

Maschke : Il est tout de même vrai que chaque homme au monde capable de procréer peut avoir un enfant avec chaque femme du monde capable de procréer. Ce n'est pas inintéressant.

ef : Vous êtes ou étiez au moins considéré comme un révolutionnaire national. Correct ?

Maschke : Je passais plutôt pour un Français. 

ef : Que signifie ce mot mystère ?

Maschke : C'est ce que Hans-Dietrich Sander m'a reproché ; pour lui, on était déjà suspect si on parlait français. J'ai un certain affect anti-germanique. Cela est lié à la faible capacité de spontanéité des Allemands. Comme l'a fait remarquer Bismarck, "il manque aux Allemands un peu de champagne dans le sang". Ils restent trop longtemps aux toilettes, ces Allemands. Ou comme le disait Heine : "Ils ont avalé le bâton avec lequel on les battait autrefois". Les Français sont les champions du monde de la chicane, nous sommes les champions du monde de la délation. Mais j'ai décidé de ne plus me laisser monter la tête contre aucun peuple - ce qui est toutefois autre chose que la "culture de l'accueil".

ef : Un peuple qui vote Merkel et majoritairement noir et vert - faut-il encore s'engouffrer dans la brèche pour cela ?

Maschke : Il ne sait évidemment pas ce qu'il veut. Il peut dire : "Nous allons encore bien". Voyez-vous, Max Weber est souvent présenté comme l'ancêtre de la démocratie parlementaire, mais nous savons qu'il était un partisan acharné du pouvoir. Sa critique du wilhelminisme ne portait justement pas sur le prétendu autoritarisme, mais sur l'incapacité d'un véritable impérialisme. Il a critiqué le wilhelminisme parce qu'il ne pratiquait pas la politique de puissance. Weber voulait une démocratisation pour renforcer l'impérialisme et faire entrer les meilleurs au Parlement. Le Comte Harry Kessler décrit comment Bismarck, après avoir été viré, ne cessait de répéter comme un mantra dans ses conférences: "nous sommes désormais saturés". Et Kessler décrit la déception des jeunes gens dans le public, généralement des étudiants. Ah, c'est donc ça? Weber voulait plus de démocratie, mais pour augmenter le pouvoir de la nation, une démocratie de dirigeants. Les 36 petits États étaient probablement ce qui nous convenait le mieux. En 1871, nous pouvions à peine avancer à cause de notre puissance, et ensuite nous ne pouvions rien en faire. En 1939, nous étions déjà plus faibles qu'en 1914, même si le niveau des généraux du Troisième Reich était plus élevé qu'en 1914-18, si l'on excepte un génie comme von der Goltz. Dans les années 50, nous avions encore un "take off", sur le plan économique; il y avait aussi beaucoup de choses intéressantes dans les sciences humaines. Mais aujourd'hui, ce pays est également fini sur le plan intellectuel.

ef : Y a-t-il des contemporains que vous considérez comme dignes d'être lus ?

Maschke : J'ai une très haute opinion d'Enzensberger, malgré certaines bêtises qu'il a écrites, par exemple sur le pauvre Saddam Hussein, qui aurait été une réincarnation d'Hitler. Cet homme est un grand poète, je l'affirme, et s'il n'avait rien fait d'autre que de traduire César Vallejo et William Carlos Williams, il serait plus important que la plupart des autres. Le jour de son anniversaire, le FAZ a publié une page entière sur lui, mais ni le poète ni le traducteur ne figuraient dans cet article. Il est capable de beaucoup de choses. J'ai fait sa connaissance, il possédait ou possède, malgré tout son travail, une absence de transpiration qui me fait vraiment peur. Il sait même gérer l'argent. Enzensberger pourrait faire un cours : "Comment faire le tour du monde pendant trois ans avec un sac en plastique, tout en gagnant de l'argent et en organisant une anthologie de poésie en dix volumes en toungouse". Il est d'une éloquence extrême, il vient en effet de Kaufbeuren, qui est en fait une région très isolée, cela me semble presque une sorte de surcompensation. Mais sinon ? Tout le monde est mort.

ef : Vous sentez-vous isolée intellectuellement ?

Maschke : J'ai un problème avec le fait qu'ils soient tous morts. J'ai toujours eu un grand talent pour les amis plus âgés, tout à fait paternels à mon égard. Cela a commencé avec mon père adoptif, que j'admire énormément, Walter Maschke, né en 1892, entrepreneur, producteur de tricots. Je ne connais pas mon père biologique, il est mort en 1944. Quand j'étais jeune, j'étais communiste. À 16 ans, j'étais encore apprenti à la Nürnberger Lebensversicherung à Trèves, j'ai organisé la marche de Pâques, on nous crachait dessus dans la rue, cela m'a bien sûr donné un énorme élan. Le journal catholique Trierische Landeszeitung écrivait à l'époque: "Günter Maschke, bien connu dans la ville, voulait atteler les personnes présentes à la charrette de l'Est". Mais mon père n'en avait cure.

ef : Vous avez dit de lui, dans une belle tournure de phrase, qu'il faisait preuve d'un désintérêt monstrueux pour les opinions des autres.

Maschke : Et cela en tant qu'entrepreneur ! Pensez à la manière dont se comportent la plupart des entrepreneurs aujourd'hui. Il m'a simplement dit : "Tu verras bien". Et quand je suis revenu de Cuba, il m'a dit : "Tu as vu ? C'est juste que ça craint avec le communisme". Il ne m'a pas éduqué, il était pour moi le héros, l'exemple. J'ai toujours eu des amis plus âgés, Schmitt, Julien Freund, Günter Anders, j'étais très proche de lui - Anders pouvait d'ailleurs vous taper sur les nerfs, parce qu'il avait cette pulsion invincible pour le bon mot, ça finissait par devenir fade, cinq heures de bons mots d'affilée, personne ne peut le supporter. Et aujourd'hui, ils sont tous morts. Ils sont tous morts, le Julien Freund, le Roman Schnur, le Gehlen, que je considère peut-être comme plus important que Schmitt du point de vue intellectuel et de l'importance réelle. Je le trouve déjà énorme, même en termes de désinvolture. Mon ami Mohler est lui aussi parti depuis longtemps. Mohler avait d'ailleurs réuni trois grandes bibliothèques, une sur la Révolution conservatrice, qu'il a vendue aux Japonais, une sur la droite française, que l'université de Potsdam a achetée, et puis il avait encore des milliers de volumes sur l'art, dont il n'a rien vendu. Mohler a dit : "J'ai gâché une partie de ma vie à faire de la politique, j'aurais dû m'occuper beaucoup plus de l'art".

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ef : Etes-vous en fait catholique ?

Maschke : Non. Dans ma jeunesse, j'étais protestant. Après la guerre, nous avons été relogés à Saarburg, près de Trèves, et il y avait alors tout à coup quelques centaines de protestants dans cette région catholique. Les catholiques et leurs superbes processions - il y avait aussi un lieu de pèlerinage là-bas - m'ont impressionné. Je suis également allé au cours de religion catholique et je voulais devenir catholique. Mon père m'a juste dit : "Eh bien, attends un peu". En tant que jeune communiste, j'ai naturellement estimé qu'il était de mon devoir de quitter l'Église. Lorsque je me suis dangereusement rapproché du catholicisme pour la deuxième fois - j'ai travaillé pendant cinq ans à la traduction et au commentaire de Donoso Cortés - est arrivé Vatican II, et je me suis alors dit : "C'est le suicide". Entre-temps, je penche pour l'athéisme. J'ai un ami, philosophe, qui est toujours aussi athée qu'on l'était en 1888 dans l'association pour la Libre Pensée et qui ne recule pas devant les arguments les plus grossiers. Nous ne pouvons bien sûr pas déterminer si Dieu existe ou non, c'est une question d'enfant, mais ce qui est vraiment intéressant, c'est le besoin religieux. Je suis devenu tout à fait nihiliste. Il y a justement la nullité cosmologique de l'homme, comme l'a appelé Blumenberg, et un jour se produira ce qu'Arno Schmidt a résumé par ces mots : "L'expérience humaine, celle qui pue, a cessé". Alors, il n'y aura pas non plus d'œuvres collectées ni d'historiens, mais rien. Nous allons en quelque sorte nous consumer. C'est peut-être aussi ce qui se passera quand il y aura dix milliards d'êtres humains. L'homme cessera un jour d'exister.

ef : Vous êtes le paria allemand le plus ancien ou celui qui a servi le plus longtemps - peut-on dire cela ?

Maschke : Un paria ?

ef : Vous êtes isolé, ostracisé, vous n'êtes pas invité ...

Maschke : Mon Dieu, oui, je suis déjà mis à l'écart. Je me suis tiré une balle dans le genou, dans la "FAZ" et dans la maison d'édition, j'ai perdu deux fois mon existence économique complète à cause de Carl Schmitt. L'argent pour mon Edition Maschke venait des éditions médicales allemandes, qui nageaient dans l'argent. C'est à eux que j'ai refilé le Léviathan de Schmitt. Je voulais absolument publier ce livre, ce que Schmitt n'a jamais eu le courage de faire. Il voulait lui-même annuler le contrat, mais j'ai refusé. Le livre a été publié, et il y a eu immédiatement une édition espagnole et française. L'année suivante, la maison d'édition médicale m'a coupé les vivres. Et puis il y a eu ma rupture avec le "FAZ" à cause de ma nécrologie de Schmitt. Ensuite, Dolf Sternberger s'est mobilisé contre moi - et non pas Habermas, comme on le prétend toujours - et j'ai fini par dire stop. Joachim Fest a encore essayé de me faire changer d'avis, mais je ne voulais plus. Je n'aurais d'ailleurs pas pu maintenir ma position antérieure. En tout cas, je suis tombé deux fois dans le panneau. C'est ma femme qui m'a sauvé financièrement. Ensuite, j'ai été très actif en Italie, j'ai fait du prosélytisme en Amérique latine, on peut dire ça comme ça, au Pérou surtout. J'aurais voulu rester au Pérou comme professeur à l'École supérieure de l'armée, mais il n'a pas été possible de convaincre ma femme de s'installer ailleurs. La mort de ma femme m'a gravement heurté, j'ai passé 33 ans avec elle et je n'ai pas passé 33 ans à me chamailler avec elle. Les sept dernières années, je l'ai soignée, c'était l'enfer, je n'ai rien écrit pendant cette période - je n'ai tenu que parce que j'étais amoureux d'elle jusqu'au bout.

ef : Avez-vous déjà eu une option de carrière, je veux dire : intérieurement ?

Maschke : Je savais déjà comment j'aurais dû me comporter, mais ce n'était tout simplement pas possible. Je ne peux pas faire ça.

ef : Vous auriez pu participer, avec vos talents vous auriez quand même été supérieur à tous les autres, et à la fin vous leur auriez dit ce que vous pensiez d'eux.

Maschke : Oui, mais l'homme ne fait pas cela. L'homme est reconnaissant. Mon ami Helmut Quaritsch a dit une fois de ses élèves : "Quand les gars sont stagiaires et peuvent être mis à la porte d'un jour à l'autre, ils disent les choses les plus incroyables et sont prêts à l'amok intellectuel. Quand ils sont professeurs et qu'il ne peut plus rien leur arriver, ils deviennent tout à coup doux comme des agneaux. Je lui ai répondu : Monsieur Quaritsch, vous voyez par là que la thèse de l'ingratitude humaine est une bêtise. Quaritsch appartenait à la génération de ce que j'appelais les "élèves de Forsthoff", qui pensaient pouvoir construire un État sur ces sables mouvants une fois le nazisme enfin terminé. Pas du tout ! 

ef : Si on vous posait en conclusion la question idiote : Que voulez-vous au juste ?

Maschke : J'aimerais que l'on retrouve l'idée que l'on se faisait autrefois de l'université. Que l'université soit à nouveau conçue comme un lieu où je vais pour penser, dans la solitude et la liberté, oui, pour parler librement. Où l'on dit : nous sommes assis ensemble, nous essayons de comprendre quelque chose, c'est pourquoi nous nous apprécions, nous n'avons pas peur de dire ceci ou cela - un peu comme Monsieur Humboldt l'avait peut-être imaginé. J'ai encore ressenti un peu de cela dans le soleil couchant des sciences humaines à l'université de Tübingen, où je n'ai certes pas étudié, mais où j'ai tout de même été rédacteur du journal des étudiants, j'ai même fait des exposés, chez Dahrendorf par exemple. Je souhaite que cela se reproduise. On se rencontre parce qu'on a le désir commun de penser, il s'agit de choses très intéressantes, et on apprécie tous ceux qui veulent participer à la réflexion, même si tout à coup ils disent quelque chose que l'on trouve complètement faux. Nous savons comment c'était autrefois à l'université wilhelminienne - mais c'était mieux qu'aujourd'hui! En Italie, j'ai encore connu un début de cela dans les années 1970 - mais l'Italie aussi est aujourd'hui dévorée par le politiquement correct -, j'ai assisté à des congrès où la gauche et la droite débattaient, c'était très agréable : "Ah bon, vous aussi vous essayez de penser, alors entrez, prenez place, voulez-vous un verre de vin ?" A l'époque, il y avait encore ici et là quelque chose comme une fraternité des hommes d'esprit. Aujourd'hui en revanche, il existe une hostilité envers l'homme spirituel qui va jusqu'à la haine et le désir d'infliger la mort - et qui en même temps jargonne sur la "formation".

Vous trouverez cet article imprimé, ainsi que de nombreux articles publiés en exclusivité, dans le numéro de septembre d'eigentümlich frei n° 205.

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Günter Maschke (1943-2022), un souvenir

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Portrait de Günter Maschke, qui ornait son salon à Francfort, choisi pour une couverture de l'excellente revue espagnole Empresas politicas.

Günter Maschke (1943-2022), un souvenir

Prof. Carlo Gambescia

Source: http://carlogambesciametapolitics2puntozero.blogspot.com/... & https://cargambesciametapolitics.altervista.org/gunter.../

Le souvenir le plus vif, que j'ai de Günter Maschke, décédé lundi dernier, le 7 février, remonte probablement à un Julien Freund, bien vieilli, comme tout bon vin, d'il y a de nombreuses années. Lisez comment il le dépeint dans L'aventure du politique, livre paru en l'an de grâce 1991:

"Il y a quelques années, en 1986, une conférence internationale sur Carl Schmitt s'est tenue à Speyer (Spire). Là aussi, la principale obsession des universitaires présents était de savoir si Carl Schmitt avait été un homme de droite, de gauche ou du centre. Cela n'avait aucun intérêt. Mais soudain, un homme s'est levé et a pris la parole de manière spontanée, en parlant d'autorité. Ses paroles m'ont frappé et m'ont consolé intellectuellement. Je voulais dîner avec lui au restaurant Feuerbach. L'itinéraire de cet homme, Günter Maschke, est fascinant. Maschke faisait partie du groupe d'étudiants qui a provoqué des émeutes à Berlin entre 1967 et 1968. Il était un compagnon de Rudi Dutschke, Baader Meinhof et quelques autres. Arrêté et libéré à deux reprises, il s'installe dans la patrie de ses rêves, Cuba. Mais à Cuba, il a été arrêté et libéré grâce à l'intervention d'un ambassadeur étranger. C'est alors qu'il a fait connaissance avec l'œuvre de Carl Schmitt et qu'il en est devenu un spécialiste. Il a déclaré : "Je me suis parfaitement rendu compte qu'il y avait un ennemi au centre de notre action, mais nous ne savions pas lequel, et nous n'avions pas le concept d'ennemi. Et quand j'ai lu Schmitt, tout est devenu clair pour moi. On sort transformé d'une expérience comme celle de Maschke et, surtout, capable de donner le juste poids aux mots'' (*).

Homme indocile et curieux, désabusé de la politique, polyglotte érudit, il est venu au réalisme schmittien. Attentif, comme le prouve sa façon d'être, aux aspects concrets d'une œuvre, celle de Carl Schmitt, elle l'escorté comme au-delà de la droite et de la gauche. Mais pas dans un sens crypto-fasciste, comme le comprennent encore certains interprètes italiens superficiels, pour le meilleur et pour le pire. Mais plutôt comme un levier - je parle du travail schmittien - pour étudier la politique à travers les régularités du politique.

C'est-à-dire se concentrer sur l'analyse de ce qui reste réellement, au-delà de la rhétorique trop facile sur les valeurs et les intérêts. L'étude, en somme, de ce qui précède et dépasse la politique. Et qui ne se complaît donc pas dans l'esthétique impuissante de la noblesse de la défaite, ni ne caresse des paradis totalitaires inexistants, tout comme elle dédaigne le trafic apparemment inoffensif des petits intérêts.

"C'est ainsi que sont les politiciens" est une de ses expressions récurrentes. Ce n'était pas de la résignation, mais une autodiscipline imposée par le réalisme. Une approche de la réalité telle qu'elle est, et non telle qu'elle devrait être selon tel ou tel code moral ou religieux. La politique, comme une acceptation, je le répète, des régularités de la politique. Tout d'abord, comme on le lit dans le portrait de Freund, celui de l'ami-ennemi.

La figure de l'érudit schmittien était flanquée du "personnage" Maschke. De grande taille, il portait des chapeaux à larges bords qui le rendaient encore plus imposant. D'apparence grincheuse, mais avec les yeux vifs d'un enfant, peut-être impénitent, avec un regard qui parfois, dans les moments de calme, entre un élan intellectuel et un autre, se perdait à la poursuite d'on ne sait quelles aventures et exploits mystérieux du Puer Aeternus.

Cependant, il était implacable avec les opportunistes, auxquels, comme un vrai Maschkiavelli, qui avait tant vu, il réservait des plaisanteries acerbes. Oubliez alors le Puer Aeternus...

Des blagues, souvent si subtiles qu'elles n'étaient pas remarquées par le malheureux concerné, qui en souriait même. Mais pas par certaines des personnes présentes, les plus rusées, presque complices, intellectuellement complices. Un scénario que Maschke pouvait moralement se permettre, car, comme le souligne son ami Jerónimo Molina, très proche de Maschke, dans le sillage d'Álvaro D'Ors, il "détient l'auctoritas" (**).

Le professeur Molina est l'auteur d'un important "Liber Amicorum ofrecido a Günter Maschke" (***), qui contient tous les éléments critiques, biographiques et bibliographiques nécessaires à une étude plus approfondie de Maschke, auquel nous renvoyons les lecteurs.

Je l'ai rencontré en personne. Comment oublier un déjeuner animé à Rome ? Mais aussi son feu de plaisanterie en d'autres occasions, "récité" de manière olympienne et imperturbable ? Cependant, je ne pense pas qu'il soit juste d'évoquer une sorte d'amitié profonde, comme cela arrive à de nombreux autopromoteurs qui savent profiter de toutes les circonstances. Disons qu'il y avait une estime mutuelle.

J'ai soumis à Maschke, que j'avais rencontré au milieu des années 90, un certain nombre de projets d'édition, qui n'ont malheureusement pas été réalisés, sans que ce soit de sa faute ou de la mienne.

Qu'il repose en paix, à la droite de Carl Schmitt.

Attention, droite non pas dans un sens idéologique, mais dans un sens méta-politique. Qu'il soit assis, pour employer un terme noble, comme un juge politique, au-dessus de la misère et de la noblesse des affaires humaines.

Sans perdants, sans gagnants. "Voilà à quoi ressemble le politique".

Carlo Gambescia.

(*) Julien Freund, L'aventure du politique. Conversations avec Charles Blanchet, édition italienne sous la direction de Carlo Gambescia et Jerónimo Molina, Edizioni Il Foglio, 2021, p. 49 (https://www.ibs.it/avventura-del-politico-conversazioni-con-libro-julien-freund/e/9788876068928 )

(**) Jerónimo Molina, Gaston Bouthoul, inventeur de la polémologie, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, 2019, p. 23.

(***) Numéro spécial édité par Jerónimo Molina de la revue Empresas Políticas, VII, n° 10-11, 1er et 2ème semestre 2008.

mercredi, 09 février 2022

Günter Maschke est mort

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Günter Maschke est mort

Benedikt Kaiser

Source: https://podcast.jungeuropa.de/guenter-maschke-ist-tot/

Avec Günter Maschke, c'est un autre "renégat" de jadis qui s'éteint, après Hans-Dietrich Sander (2017). Formé à la gauche radicale, désillusionné par elle - et s'en détournant avec un certain cynisme qu'il a conservé toute sa vie -, il est devenu un solitaire de droite. "Comme plus personne ne veut brûler, le monde s'assombrit", écrivait Maschke dans le recueil Das bewaffnete Wort publié en 1997. Lui-même ne brûlait cependant plus depuis des décennies, mais s'était depuis longtemps résigné à une impasse - à mon avis exagérée - de la politique pratique de droite. 

Ceux qui s'intéressent de plus près aux dates et aux césures de la vie de Maschke trouveront leur bonheur dans le Staatspolitisches Handbuch ou ici, mais surtout dans un recueil d'entretiens publié en 2011 (voir plus loin).

En lieu et place, voici un petit guide bibliographique pour les jeunes lecteurs. Car Maschke n'est plus connu de tous. Bien sûr, cela n'est pas seulement dû à la paresse de lecture supposée ou réelle d'une partie des générations montantes. C'est aussi tout simplement parce que l'auteur et publiciste Maschke, qui maîtrisait plusieurs langues et trouvait surtout ses admirateurs dans le monde roman, s'est fait rare ces dernières années. Les éditions méticuleuses de Donoso Cortés et de Carl Schmitt étaient pour lui une priorité absolue - il ne devait et ne voulait pas présenter régulièrement des recensions, des articles ou des essais dans divers périodiques. 

Néanmoins, la plume de Maschke a produit des écrits durables qui, pour la plupart, ne sont plus disponibles que chez les bouquinistes. Ceux qui s'y intéressent trouveront leur bonheur sur le net. 

Trois titres sont à mentionner en guise d'introduction. (Je les présente selon ma propre subjectivité, et non selon des critères chronologiques ou autres).

    Das bewaffnete Wort. Aufsätze von 1973–1993, Wien 1997. 

    Si cela ne sonnait pas comme une hérésie, je dirais : Tout ce que Maschke avait à dire se trouve entre les deux couvertures de ce volume. Des textes clés comme "Die Verschwörung der Flakhelfer" (1985) et "Sterbender Konservatismus" (1987) y figurent, tout comme son éloge de Pierre Drieu la Rochelle ("Die schöne Geste des Untergangs", 1980). Maschke a retravaillé cet hommage à Drieu en été 2010 pour mon propre premier ouvrage, Eurofaschismus und bürgerliche Dekadenz (Kiel 2011), et m'a autorisé à le reproduire en tant que préface. Cela m'a rempli de gratitude à l'époque et encore aujourd'hui. Cela a sans doute permis à certains lecteurs des textes de l'"Eurofascisme" d'avoir une sorte de "confiance anticipée" : "Si Maschke s'en charge, c'est que ça doit être bon", m'a effectivement dit un ou deux ans plus tard un lecteur un peu âgé lors d'une rencontre dans le nord de l'Allemagne. 

     Verräter schlafen nicht, Kiel 2011.

    200 pages de Maschke, 200 pages de suspense. Maschke répond à des questions sur son époque au sein du KPD illégal, sa désertion, l'activisme à Vienne, l'exil à Cuba. Dans le style qui lui est propre, il décrit son éloignement de la gauche et son cheminement vers la droite, parle de sa maison d'édition ("Edition Maschke"), dans laquelle il a réalisé des projets de passionné avant de trouver les thèmes de sa vie - Carl Schmitt et la guerre, Donoso Cortés et le catholicisme. Pour finir, Maschke parle librement de la "nouvelle droite" et de ce qu'il en pense. Il ne se fait pas d'illusions, ses chances sont extrêmement faibles. Mais : "Être pessimiste et se battre, c'est la tâche, il est vrai, la plus difficile".

    Kritik des Guerillero. Zur Theorie des Volkskriegs, Frankfurt/Main 1973.

    Entièrement imprégné de l'esprit de l'époque, Maschke, dans cette "Critique du guérillero" est marque par la "lutte de libération" des révolutionnaires internationaux, surtout d'Amérique latine. Par "guérilla", Maschke saisissait le "peuple combattant irrégulier" qui résiste à une armée régulière. Clausewitz, Schmitt et Mao se retrouvent dans une synthèse lorsque Maschke, en tant qu'"homme de terrain", analyse la révolution cubaine et les aspirations qui y sont liées. Pour Maschke, il était déjà clair à l'époque que "Sorel l'emportait sur Marx", car pour les Cubains aussi, les mythes, notamment nationaux, étaient plus importants que les catégories marxistes dans leur lutte anti-américaine pour la liberté.

On pourrait certes mettre en avant d'autres livres de ce natif d'Erfurt et Francfortois d'adoption, comme le recueil de textes Der Tod des Carl Schmitt (Vienne 1987/2012). Mais l'essence de l'œuvre de Maschke est contenue dans ces trois ouvrages. Ceux qui souhaitent découvrir cet auteur, que le philosophe de cour de la maison RFA, Jürgen Habermas, a qualifié de "seul renégat du mouvement soixante-huitard" (et qui n'a pas seulement donné tort à Bernd Rabehl), devraient trouver dans ces volumes leur juste entrée en matière. 

Günter Maschke, Repose en paix. 

(Auteur : Benedikt Kaiser)

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Günter Maschke nous a quittés...

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Valerio Benedetti:

Günter Maschke nous a quittés...

J'ai appris avec une grande tristesse que Günter Maschke nous a quittés. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Maschke était l'un des principaux intellectuels de la nouvelle droite allemande, ainsi que l'un des plus grands connaisseurs de la pensée de Carl Schmitt. Il y a environ un an, j'ai eu le plaisir de l'interviewer pour Il Primato Nazionale (dans le numéro d'avril 2021), un magazine qui s'est toujours distingué par son dialogue avec les meilleurs esprits de la culture non-conformiste en Europe.

Comme je n'avais pas d'adresse électronique, nos conversations se déroulaient principalement par téléphone (des conversations qui duraient en moyenne une heure et demie, qui me prenaient littéralement la vie, mais c'était toujours un plaisir de l'écouter). Maschke m'avait dit qu'il était malade depuis un certain temps et, apparemment, sa santé s'était détériorée. J'avais espéré lui rendre visite à Francfort mais, en partie à cause de la pandémie, cela n'a pas été possible. Afin d'honorer sa mémoire, je reproduis ici la fiche biographique que j'ai rédigée pour le présenter aux lecteurs d'Il Primato Nazionale :

Au fil des ans, la bibliographie sur Carl Schmitt est devenue interminable. Mais en tout état de cause, quiconque souhaite s'aventurer dans les profondeurs de la pensée de Schmitt ne peut manquer de rencontrer le nom de Günter Maschke. Sa connaissance du grand juriste et philosophe allemand est presque encyclopédique. Des qualités que même ses plus ardents détracteurs (et ils sont nombreux) sont obligés de reconnaître. Avec son intellect brillant et sa langue acérée, Maschke est un polémiste né. Et sans lui, peut-être, notre connaissance de Schmitt n'aurait pas été sauvée des interprétations abusives que de nombreux interprètes libéraux et marxistes en ont fait.

Et dire que Maschke a fait ses premiers pas en politique au sein du parti communiste allemand, qui avait été interdit en Allemagne de l'Ouest en 1956. C'est dans ces milieux qu'il a rencontré la charismatique Gudrun Ensslin, qui a fondé avec d'autres la Rote Armee Fraktion (Raf), un groupe terroriste d'extrême gauche redouté. Mais ce n'est pas Gudrun qui a conquis le cœur de Günter, mais sa sœur Johanna, avec laquelle il devait se marier en 1965. Lorsque sa femme et lui s'installent à Tübingen, Maschke a l'occasion d'étudier la philosophie à l'université locale et d'assister aux conférences d'Ernst Bloch. Insoumis, il s'enfuit en Autriche, où il rejoint la Commune de Vienne et est arrêté pour avoir participé à une manifestation contre la guerre au Viêt Nam. Grâce à des protestations médiatiques efficaces, ses compagnons de lutte ont réussi à empêcher son extradition vers la République de Bonn, ce qui lui a permis d'atterrir à Cuba, où il a trouvé l'asile politique.

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C'est toutefois pendant son séjour sur l'île des Caraïbes (1968-1969) que Maschke rompt avec l'idéologie marxiste : il exprime à plusieurs reprises des critiques à l'égard du gouvernement castriste et refuse de nombreux postes proposés par le régime, au point d'être finalement expulsé du pays pour "activité contre-révolutionnaire". À son retour, il a finalement dû purger un an de prison pour désertion. Entre-temps, ses reportages sur le Cuba de Castro ont eu beaucoup de succès et lui ont ouvert les portes de la prestigieuse maison d'édition Suhrkamp et du Frankfurter Allgemeine Zeitung, le principal quotidien allemand. En 1985, il a écrit une notice nécrologique à la mémoire de Carl Schmitt qui a déclenché un nid de frelons avides de controverses. Sa lecture des œuvres de Schmitt avait en effet été décisive pour sa "conversion" politique (ce qui restera pour ses anciens camarades une trahison douloureuse), à tel point que Maschke noua une solide amitié avec Schmitt, lui rendant souvent visite dans son "exil" à Plettenberg. Cependant, sa nécrologie en l'honneur de Schmitt a déclenché une dispute amère avec Jürgen Habermas, qui s'est terminée par le renvoi de Maschke de la Faz [comme il me l'a fait remarquer après la publication de l'interview, c'est en fait Dolf Sternberger et non Habermas qui était responsable de son expulsion].

Son excommunication publique, qui lui a causé des problèmes évidents, n'a pas empêché Maschke de poursuivre ses études sur Donoso Cortès et Carl Schmitt et de s'imposer comme le plus grand spécialiste de Schmitt et de sa pensée. Et, ajouterions-nous, comme l'un des interprètes les plus lucides des catégories idéologiques dominantes aujourd'hui.

A relire: http://www.archiveseroe.eu/cortes-a48274023

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Günter Maschke est décédé

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Günter Maschke est décédé

Nous avons appris le décès de Günter Maschke en début de semaine à Francfort-sur-le-Main.

Maschke, renégat de 68 et spécialiste de Schmitt, était lié au travail de la revue Sezession, en tant que lecteur et interlocuteur régulier. A l'occasion de son décès, nous publions l'article que Karlheinz Weißmann a rédigé sur Günter Maschke pour le troisième volume du Staatspolitisches Handbuch ("Vordenker").

Günter Maschke est né en 1943 à Erfurt et est arrivé avec sa famille à Trèves en 1949 en tant qu'enfant adopté. Il quitta l'école avec le certificat d'études secondaires et fit un apprentissage d'agent d'assurance. Il adhéra d'abord à l'organisation communiste maquillée "Deutsche Friedensunion", puis au KPD illégal, et suivit des cours à l'école supérieure technique de Stuttgart.

Maschke entra ainsi en contact avec les milieux estudiantins de gauche (il fit notamment la connaissance de Gudrun Ensslin, dont il épousa la sœur Johanna en premières noces), passa à Tübingen et étudia la philosophie avec Ernst Bloch. Parallèlement, il travailla comme rédacteur d'un journal étudiant marxiste et participa à la "Subversiven Aktion", un précurseur de la légendaire "Kommune 1", puis au travail du Sozialistischer Deutscher Studentenbund (SDS).

En 1965, Maschke déserte l'armée allemande et s'enfuit à Paris, mais ne parvient pas à y trouver refuge et arrive à Vienne via Zurich, où il devient rapidement l'une des figures centrales de la Nouvelle Gauche. Il a été arrêté en 1967 après une manifestation anti-Vietnam. Un sit-in devant la prison de la police empêcha l'extradition prévue vers la République fédérale, et les autorités autrichiennes permirent à Maschke de partir pour Cuba, le seul État prêt à lui accorder l'asile.

Mais la pauvreté et le caractère totalitaire du système local lui déplaisaient autant que le système capitaliste de l'Allemagne de l'Ouest. Emprisonné à nouveau pour "conspiration contre-révolutionnaire", le gouvernement cubain l'a expulsé vers Madrid. Finalement, Maschke retourna en République fédérale d'Allemagne, où il purgea la peine de prison qui lui restait à purger et travailla comme journaliste après sa libération.

Nombre de ses travaux ont servi à l'autocritique de son milieu initial, d'abord à partir d'une position de gauche peu orthodoxe, puis d'une position libérale, et enfin d'une position conservatrice. Son point de repère est devenu Carl Schmitt, dont il connaissait les écrits depuis longtemps, mais qu'il percevait comme des déclarations propres à l'ennemi conservateur. Cela a changé de manière spectaculaire à partir de la fin des années 1970. En tout cas, de nombreux textes qu'il publiait en tant que rédacteur de la Frankfurter Allgemeine montraient un ton de plus en plus acerbe.

Maschke utilisait une terminologie inspirée de Schmitt et une envie d'irriter l'adversaire qui n'était tolérée que tant qu'il avait la réputation d'être un étrange gauchiste, mais un gauchiste tout de même. Cela a changé après une attaque générale contre Jürgen Habermas, qui a forcé Maschke à quitter la FAZ.

Depuis lors, Maschke a accompli un travail extraordinaire en tant que "droitier sans domicile fixe", exégète et continuateur de Schmitt, et a contribué à sortir les grands contre-révolutionnaires - Donoso Cortés en tête - de l'oubli. Son influence marquante sur le programme de la maison d'édition viennoise Karolinger ou la revue Etappe qu'il a codirigée parlent d'elles-mêmes. Il fait sans aucun doute partie des intellectuels de droite les plus importants de l'après-guerre, même s'il a depuis longtemps enterré tout espoir d'efficacité pratique.

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Les écrits de Günter Maschke :

Kritik des Guerillero. Zur Theorie des Volkskriegs, Frankfurt a.M. 1973
Der Tod des Carl Schmitt. Apologie und Polemik, Wien 1987
Das bewaffnete Wort. Aufsätze aus den Jahren 1973 – 93, Wien/ Leipzig 1997

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Parmi les ouvrages majeurs dont il fut l'éditeur:

Carl Schmitt. Staat – Großraum – Nomos, Arbeiten aus den Jahren 1916 – 1969, Berlin 1995
Carl Schmitt. Frieden oder Pazifismus? Arbeiten zum Völkerrecht und zur internationalen Politik 1924 – 1978, Berlin 2005.
Staatsgefüge und Zusammenbruch des zweiten Reiches, Berlin 2011

ik des Guerillero. Zur Theorie des Volkskriegs, Frankfurt a.M. 1973
Der Tod des Carl Schmitt. Apologie und Polemik, Wien 1987
Das bewaffnete Wort. Aufsätze aus den Jahren 1973 – 93, Wien/ Leipzig 1997

Als Herausgeber unter anderen:

Carl Schmitt. Staat – Großraum – Nomos, Arbeiten aus den Jahren 1916 – 1969, Berlin 1995
Carl Schmitt. Frieden oder Pazifismus? Arbeiten zum Völkerrecht und zur internationalen Politik 1924 – 1978, Berlin 2005.
Staatsgefüge und Zusammenbruch des zweiten Reiches, Berlin 2011

Kritik des Guerillero. Zur Theorie des Volkskriegs, Frankfurt a.M. 1973
Der Tod des Carl Schmitt. Apologie und Polemik, Wien 1987
Das bewaffnete Wort. Aufsätze aus den Jahren 1973 – 93, Wien/ Leipzig 1997

Als Herausgeber unter anderen:

Carl Schmitt. Staat – Großraum – Nomos, Arbeiten aus den Jahren 1916 – 1969, Berlin 1995
Carl Schmitt. Frieden oder Pazifismus? Arbeiten zum Völkerrecht und zur internationalen Politik 1924 – 1978, Berlin 2005.
Staatsgefüge und Zusammenbruch des zweiten Reiches, Berlin 2011

Kritik des Guerillero. Zur Theorie des Volkskriegs, Frankfurt a.M. 1973
Der Tod des Carl Schmitt. Apologie und Polemik, Wien 1987
Das bewaffnete Wort. Aufsätze aus den Jahren 1973 – 93, Wien/ Leipzig 1997

Als Herausgeber unter anderen:

Carl Schmitt. Staat – Großraum – Nomos, Arbeiten aus den Jahren 1916 – 1969, Berlin 1995
Carl Schmitt. Frieden oder Pazifismus? Arbeiten zum Völkerrecht und zur internationalen Politik 1924 – 1978, Berlin 2005.
Staatsgefüge und Zusammenbruch des zweiten Reiches, Berlin 2011

Kritik des Guerillero. Zur Theorie des Volkskriegs, Frankfurt a.M. 1973
Der Tod des Carl Schmitt. Apologie und Polemik, Wien 1987
Das bewaffnete Wort. Aufsätze aus den Jahren 1973 – 93, Wien/ Leipzig 1997

Als Herausgeber unter anderen:

Carl Schmitt. Staat – Großraum – Nomos, Arbeiten aus den Jahren 1916 – 1969, Berlin 1995
Carl Schmitt. Frieden oder Pazifismus? Arbeiten zum Völkerrecht und zur internationalen Politik 1924 – 1978, Berlin 2005.
Staatsgefüge und Zusammenbruch des zweiten Reiches, Berlin 2011

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samedi, 18 mai 2019

Guerra y saber político: Clausewitz y Günter Maschke

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Guerra y saber político:
Clausewitz y Günter Maschke

Antonio Muñoz Ballesta

Ex: http://www.nodulo.org

Conviene, especialmente cuando suenan tambores de guerra, no malinterpretar a Carlos Clausewitz (1780-1831), y reconocer la conclusión realista del filósofo militar prusiano, que la Guerra es la expresión o la manifestación de la Política

«George Orwell advertía en una ocasión que, en las sociedades libres, para poder controlar la opinión pública es necesaria una «buena educación», que inculque la comprensión de que hay ciertas cosas que no «estaría bien decir» –ni pensar, si la educación realmente tiene éxito–.» (Noam Chomsky en Tarragona, octubre de 1998)

A José María Laso, luchador en la paz y en la guerra

1

 La inminente guerra del Imperio realmente existente en el planeta, EEUU, contra Irak, y contra otros países del llamado «Eje del mal», entre los que se encuentra, según expresión de Gabriel Albiac, el «manicomio militarizado» de Corea del Norte, y que puede provocar la primera Guerra Nuclear en la que los dos contendientes utilicen efectivamente armas atómicas –aunque en la Historia contemporánea se ha estado varias veces al borde de la misma, y no solamente en la crisis de los misiles de Cuba, sino también hace unos meses en la guerra silenciada entre Pakistán y la India–, requiere que nos dispongamos a contemplarla con las mejores armas conceptuales posibles (pidiendo, a la misma vez, a Dios, a Alá, o a Yahvè, según la religión de cada uno, que «el conflicto bélico» no nos afecte individualmente).

¿Qué mejor arma conceptual, para nosotros, que delimitar lo que sea verdaderamente la «guerra» desde el punto de vista del «saber político»?

Porque las guerras no son una «maldición divina o diabólica» a pesar de que las consecuencias en las víctimas humanas, y la destrucción que provocan, así lo sea.

Las guerras pertenecen también, como nos recuerda Clausewitz, al «ámbito de la acción humana», y aunque siempre han estado envueltas en las formas artísticas de su tiempo y han sido el ámbito en el que se han realizado avances técnicos, tecnológicos y científicos de eficaz transcendentalidad –en el sentido del materialismo filosófico– innegable para las sociedades, las guerras «no pertenecen al campo de las artes y de las ciencias», y sin embargo, no son un saber sencillo, sino al contrario, «llevar una guerra» consiste en un saber de los más complejos y racionales que existen.

En las guerras se trata de «movimientos de la voluntad aplicado... a un objeto viviente y capaz de reaccionar», y por ello, subraya Günter Maschke, para Clausewitz, la guerra (también la próxima guerra contra Irak y Corea del Norte, &c., habría que añadir) es «incertidumbre, fricción y azar» que no permite una simplificación –ni por los militares, ni por los políticos e intelectuales– de los «complejos procesos» de la guerra, presentándola de tal forma «que incluso un niño podía tener el sentimiento de ser capaz de dirigir un ejército» («militärische Kinderfreunde»). Ni admite el desarme conceptual de la Filosofía ante ella, pues estaríamos renunciando a la comprensión verdadera de una de las cuestiones más cruciales del Presente histórico. ¡Ya es hora que la Filosofía no quede al margen de la Guerra, de la Idea de «guerra»!

2

gm.jpgEl gran ensayista y pensador de lo político y la política, Günter Maschke, ha encontrado, al respecto y recientemente{1}, una solución plausible al laberinto interpretativo de lo que realmente nos quiso decir Carlos Clausewitz (1780-1831) sobre la Idea de la «Guerra» en su obra principal De la guerra, y en concreto en su relación con la «política».

Günter Maschke, después de un preciosa, y laboriosa, labor exegética de la correspondencia y demás obras, algunas inéditas, del famoso general prusiano, ha concluido, lo que muchos siempre hemos intuido, desde hace tiempo, a saber, que:

«La Guerra es la expresión o la manifestación de la Política».

Es ésta conclusión de Maschke una tesis que acerca el pensamiento de Clausewitz al «realismo político», y lo aleja, definitivamente, de los análisis bien intencionados y humanitaristas, de ciertos filósofos, intelectuales, especialistas universitarios y periodistas, que continuamente tratan de ocultarnos o silenciarnos la verdad de la geopolítica del inicio del siglo XXI en el Mundo (los que Antonio Gramsci denominó «expertos en legitimación»).

No podía ser de otra forma ya que la realidad política internacional, y nacional, es objetiva, y es la que es, independientemente de la propaganda orwelliana que realicen los «intelectuales», los «centros de educación» y los medios de comunicación.

3

La propaganda orwelliana de EEUU, y de sus «satélites» europeos –«satélites» porque no han conseguido tener una política exterior común, ni un ejército propio–, más o menos sutil, se presenta en dos frentes.

El primero es el frente de la opinión pública y consiste en conseguir que la misma adopte el consenso «políticamente correcto» de la élite intelectual.

En este caso el «consenso» significa que la guerra contra Irak es inevitable y necesaria por parte de EEUU y sus aliados (en cambio más razones tendría Irán), independientemente de saber si realmente el Irak de 2003 ha amenazado o agredido a EEUU o a Inglaterra o a Alemania o a España, o si sabemos con certeza las consecuencias sobre la población civil que tendrán los bombardeos y la invasión de los soldados de las fuerzas terrestres (bombardeos que se vienen haciendo, por lo demás, periódicamente desde 1991, y terminación «por tierra» de la guerra del golfo de 1991, sin hacer mención de la «medida política o militar» del «embargo de medicamentos, &c.»). Pueblo irakí y kurdo que, indudablemente, no se merece el régimen político de Sadam Husein (ni de Turquía), ni la ausencia de los derechos humanos elementales, inexistencia de derechos fundamentales que, lamentablemente, se suele olvidar por los que están en contra de la guerra contra Irak, salvo la honrosa excepción de Noam Chomsky, quién siempre ha defendido los derechos humanos auténticos contra cualquier organización estatal o no, sea EEUU o se trate de otro Estado.

El segundo frente de la propaganda orwelliana se presenta en el campo de las ideas del saber político. En el análisis político interesa que no se comprenda, no ya por la opinión pública, sino tampoco por parte de los dedicados a la «ciencia política», lo que significa la realidad de la guerra y la política, pues es propio de la ideología de un determinado régimen político que su «élite intelectual» posea unas herramientas conceptuales «apropiadas» para la consecución, no de la verdad, sino de los objetivos del régimen político –que suele coincidir con los objetivos de los más ricos y poderosos del régimen y sus monopolios económicos–.

Günter Maschke, en mi opinión, contribuye con su acertado análisis o comprensión verdadera del pensamiento de Clausewitz, a no convertirnos en víctimas conceptuales de este segundo frente de la propaganda orwelliana del «eje del bien» y/o del «eje del mal».

4

Los «intelectuales humanitaristas», que están afectados, del llamado por Noam, «problema de Orwell»{2}, suelen permanecer en la «ilusión necesaria» de que la política fracasa cuando se recurre a la guerra (de que la guerra es el «fin» de la política), porque han interpretado incorrectamente la famosa frase de Clausewitz:

«La guerra es un instrumento de la política/ Der Krieg ist ein Instrument der Politik»{3}

La «ilusión» de estos intelectuales de la «intelligentsia» viene de la confusión entre «instrumento» y «objetivo» de la «verdadera política». Si consideramos la guerra como un simple instrumento del «arte de la política», y la política tiene el instrumento pacífico de la diplomacia ¿no es, por tanto, un «fracaso» de la política, el recurrir al «instrumento de la guerra»?

Günter-Maschke+Kritik-des-Guerillero-Zur-Theorie-des-Volkskriegs.jpgPlanteados así las premisas o los presupuestos, habría que concluir que sí; pero ocurre que las cosas no son así, es decir, que el pensamiento de Clausewitz (ni de los más importantes y coherentes «pensadores políticos», incluido Noam Chomsky) no tiene esos presupuestos que se les atribuye falsamente. Y ello debido a que la frase de Clausewitz (ni el pensamiento de los filósofos a los que me refiero) no puede sacarse del contexto de toda su obra, incluido la correspondencia, del general prusiano (y de los autores que miren «sin prejuicios» los hechos ).

Y el «objetivo» de la «política», como sabemos, es la eutaxia de su sociedad política; y para ello el objetivo no es solamente la «paz a cualquier precio», pues ello implicaría la renuncia a su «soberanía», a su «libertad» (si, en un país, todos aceptaran ser siervos o esclavos, o vivir en la miseria y sin luchar, no habría jamás violencia o «guerras»), &c., y en el límite la renuncia, de la misma sociedad política, a su «existencia» o permanencia en el tiempo de sus planes y programas –de su prólepsis política–.

Renuncia a la existencia de la misma sociedad política, puesto que, y esto se reconoce por Clausewitz y todos los autores, la «paz» como las «guerras», no son conceptos unívocos.

La «paz», y la «guerra», puede ser de muchas formas, desde la «Pax romana» a la «Paz establecida en Versalles». Además de la existencia, quizás más realista, de un «status mixtus que no es ni guerra ni paz», por ejemplo, ¿cómo calificar la situación actual entre Marruecos y España después de la «batalla» del islote Perejil? ¿O en el futuro, entre España e Inglaterra, por el asunto del peñón de Gibraltar? ¿O en el futuro, entre España y el «País Vasco» o «Catalonia» o «Galicia»? ¿De «diplomacia» o de «guerra»?

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En realidad la guerra es la expresión o manifestación de la política, y ella –la guerra– es como «un verdadero camaleón, pues cambia de naturaleza en cada caso concreto», aparentemente creemos que se produce la «desaparición» de la política (o del Derecho Internacional) cuando «estalla la Guerra», y en verdad no es así, pues la política y la diplomacia continúa implementando sus planes y programas, ¿para qué?, para conseguir una mayor eutaxia de la sociedad política vencedora o no, en el «tiempo de paz» posterior (así consiguió EEUU su predominio en Oriente Medio después de la Guerra Mundial II).

Pues, recordemos que las guerras terminaban con los Tratados de Paz, por lo menos hasta la Guerra Mundial I. Hoy en día, parece más bien, que estemos en un permanente «estado de guerra» mundial, en el que es imposible un «Tratado de Paz» entre los contendientes. Así las cosas en el «mundo del saber político» ¿Cómo y cuando se firmará el Tratado de Paz entre EEUU y Ben Laden? ¿Y es posible tal cosa?

Bien dice G. Maschke que Clausewitz es autor de las siguientes frases que inclinan la balanza en favor del primado de lo político sobre lo militar en el tema de la «guerra»:

«la política ha engendrado la guerra», «la política es la inteligencia... y la guerra es tan sólo el instrumento, y no al revés», «la guerra es un instrumento de la política, es pues forzoso que se impregne de su carácter » político, la guerra «es solo una parte de la política... consecuentemente, carece absolutamente de autonomía», «únicamente se pone de manifiesto –la guerra– en la acción política de gobernantes y pueblos», «no puede, jamás, disociarse de la política», «pues las líneas generales de la guerra han estado siempre determinadas por los gabinetes... es decir, si queremos expresarlo técnicamente, por una autoridad exclusivamente política y no militar», o cuando dice «ninguno de los objetivos estratégicos necesarios para una guerra puede ser establecido sin un examen de las circunstancias políticas», &c.

gmbew.jpgAhora bien, volvamos a la Guerra contra Irak, una manifestación más (en este caso de violencia extrema «policial») de la nueva «política «del «Imperio» constituido y constituyente de la también «nueva forma de la relación-capital» –el «Capitalismo como forma Imperio», según la reciente tesis del libro de Antonio Negri y M. Hardt– e intentemos «comprender» ahora, con las «armas conceptuales tradicionales» clausewitzianas, la política del bando «occidental». Entonces, EEUU, dirigido por Bush II, se nos presenta como un «nuevo Napoleón» que reuniera en su persona política la categoría de «príncipe o soberano» al ser, a los ojos del Mundo, al mismo tiempo «cabeza civil y militar» de la «civilización». Pero otorgándole que sea la cabeza militar en el planeta, ¿quién le otorga el que sea también la «cabeza civil»?{4} –Noam Chomsky es más realista al reconocer que desde el punto de las víctimas, es indiferente que el poder que los humilla y mata se llame «Imperio» o «Imperialismo». En cambio, el poder militar y civil de Sadam Husein se nos da en toda su crueldad dictatorial, apoyada –por cierto– hasta hace once años por los mismos EEUU y Occidente, que miraban, entonces, para otro lado, cuando se cometían innumerables atentados a los derechos humanos contra su propia población irakí y kurda.

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En verdad la guerra es la expresión de la política, y en ese orden, es decir, que la política no es la manifestación de la guerra, lo cual viene a dar la razón, no solamente al realismos político de Carl Schmitt y Julien Freund, sino también a Gustavo Bueno, pues la existencia de las sociedades políticas auténticas, de los Estados o Imperios, requiere una capa cortical que se da, entre otras causas, por la acción política partidista y eutáxica.

Se consigue así que dichos intelectuales no incidan, como deseamos todos, en su lucha y defensa por una nueva política que se exprese predominantemente en diplomacia, y no en guerras de exterminio, predominantemente «exterminio de civiles».

Estos «intelectuales» y periodistas se concentran, en cambio, en la denuncia «humanitaria»{5} de los males de la guerra (males de la guerra que por más que se han denunciado en la Historia no han dejado de producirse salvo que se ha influido de manera práctica en la política), olvidándose de luchar conceptualmente, filosóficamente, por conseguir una vuelta a la verdadera política que no se exprese en guerras nucleares generalizadas o no.

Y, en cambio, la verdadera política incluye, como nos demuestra el análisis de G. Maschke, dos partes, en su expresión, la «diplomacia» y la «guerra». Y la política de una sociedad determinada no deja de ser «verdadera política» –utilizando conceptos de la «realista» filosofía política de Gustavo Bueno– cuando se manifiesta en diplomacia o en la guerra.

No se reduce la política a la paz, y a los medios pacíficos.

Otra de las causas del error habitual, hasta ahora, en la interpretación de Clausewitz, es no percatarse del origen histórico de determinadas Ideas del saber político, y viene recogida y resaltada por G. Maschke, a saber, la trascendental importancia del cambio histórico en la concepción de la guerra, con la Revolución Francesa de 1789 y Napoleón (príncipe o soberano, y no sencillamente «dictador»), ya que se pasó del «viejo arte de la guerra» de gabinete de los Estados Absolutistas, a «los grandes alineamientos engendrados por la guerras», por la Revolución.

ra-cl.jpgGustavo Bueno ha recogido también esta modificación crucial, sin hipostatizarla, con su análisis del surgimiento de la Idea de la «Nación política» o nación canónica:

«Algunos historiadores creen poder precisar más: la primera vez en que se habría utilizado la palabra nación, como una auténtica «Idea-fuerza», en sentido político, habría tenido lugar el 20 de septiembre de 1792, cuando los soldados de Kellerman, en lugar de gritar «¡Viva el Rey!», gritaron en Valmy: «¡Viva la Nación!» Y, por cierto, la nación en esta plena significación política, surge vinculada a la idea de «Patria»: los soldados de Valmy eran patriotas, frente a los aristócratas que habían huido de Francia y trataban de movilizar a potencias extranjeras contra la Revolución.» Gustavo Bueno, España frente a Europa, Alba Editorial, Barcelona 1999, página 109.

Por ello, el realismo político, y toda la filosofía política «realista» –en cuanto sabe separar la ideología y la verdad geopolítica– que incluye, en este sentido y a mi entender, a Gustavo Bueno y a Noam Chomsky, tienen que reconocer, lo que ya dijera Clausewitz:

«Que la «guerra no es otra cosa que la prosecución de la política por otros medios»

O como dice el mismo Günter Maschke: «La tesis fundamental de Clausewitz no es que la guerra constituye un instrumento de la política, opinión de los filántropos que cultivan la ciencia militar, sino que la guerra, sea instrumento o haya dejado de serlo, es la «prosecución de la política por otros medios.» Pero Clausewitz encontró una formulación aún mejor, sin percatarse de la diferencia con la precedente. Él escribe que las guerras no son otra cosa que «expresiones de la política» (tal cita proviene del estudio, todavía inédito, «Deutsche Streitkräfte», cfr. Hahlweg en la edición citada de Vom Kriege, pág. 1235), y en otro lugar, que la guerra «no es sino una expresión de la política con otros medios».» Empresas políticas, número 1, Murcia 2002, pág. 47.

7

En conclusión, es mucho más «humano» ser «realista» en el saber político, cuando se trata de Idea tan omnipresente como la «guerra», pues se evitan más «desastres humanitarios», y se consigue más auténtica libertad y justicia, cuando superamos el «problema de Orwell» y podemos contemplar la política tal como es, es decir, como la que tiene el poder real de declarar la guerra y la paz, que van configurando, a su vez, los «cuerpos de las sociedades políticas» en sus respectivas «capas corticales». Por ello la solución de G. Maschke a las ambigüedades de la obra de Clausewitz viene a contribuir al intento serio de cambiar la política para evitar las guerras. Se trata de una lucha por la verdad, en la paz y en la «guerra».

Notas

{1} «La guerra, ¿instrumento o expresión de la política? Acotaciones a Clausewitz», traducción de J. Molina, en la revista Empresas políticas (Murcia), año I, número 1 (segundo semestre de 2002).

{2} El «problema de Orwell» es el tema central de la labor de Noam como filósofo político, y consiste en la cuestión de «cómo es posible que a estas alturas sepamos tan poco sobre la realidad social» y política de los hombres(y olvidemos tan pronto las matanzas, miserias, etc. causados por el poder estatal imperialista), disponiendo, como se dispone, de todos los datos e informaciones sobre la misma. A Orwell no se le ocultó que una «nueva clase» conseguía en gran medida que los hechos «inconvenientes» para el poder político y económico, llegasen a la opinión pública «debidamente interpretados», y para ello si era preciso cambiar el Pasado, se hacía, pues se controlaba los hechos y los conceptos del Presente. La propaganda en las sociedades «libres» se consigue sutilmente, por ejemplo por el procedimiento de fomentar el debate pero dejando unos presupuestos o premisas de los mismos sin expresarse (y sin poder ser criticadas), o discutiendo por la intelligentsia, entre sí, cuestiones periféricas, dando la impresión de verdadera oposición.

{3} Clausewitz, Vom Kriege, págs. 990-998, 19 ed., Bonn 1980.

{4} La ONU, como institución internacional con «personalidad jurídica propia», ha sido «puenteada» continuamente por EEUU, cuando le ha interesado, y sus Resoluciones incumplidas sistemáticamente, siempre y cuando no sean como la 1441, que da a entender, o no –dicen otros– que se puede utilizar la «fuerza» contra el dictador irakí.

{5} ¡Como si no fuera «humano» el análisis científico y filosófico del concepto de las guerras y sus relaciones con la política, precisamente para conseguir mejores y mayor cantidad de Tratados de Paz!

lundi, 03 septembre 2018

Monika Berchvok Speaks With Robert Steuckers

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Monika Berchvok Speaks With Robert Steuckers

Translation: https://institutenr.or
 
Following the publication of Pages celtiques by éditions du Lore and the trilogy Europa by éditions Bios of Lille, Monika Berchvok subjected the author of these works, Robert Steuckers, to a rapid fire volley of questions, showing that even the rebels of the young generation of the 2010s want to know the oldest roots of this silent revolt which is growing across all of Europe. Monika Berchvok previously interviewed Robert Steuckers during the publication of La Révolution conservatrice allemande by éditions du Lore in 2014.

Your career is extremely intellectually wealthy. What is the origin of your engagement? 

To speak of intellectual wealth is certainly exaggerated: I am above all a man of my generation, to whom they still taught the “basics”, which today, alas, have disappeared from academic curricula. I experienced my childhood and adolescence in a world that was still marked by quiet tradition, the mores and manners were not those of the industrial world or the service sector, where we increasingly separate from concrete and tangible reality, increasingly acquiring an unbounded pretension and arrogance against “provincials,” like me, who remain anchored in the muck of reality with their heavy boots (yes, yes, that’s from Heidegger…). My father, who really hadn’t been to school, except to the primary school in his Limburg village, wanted nothing to do with the fashions and crazes that agitated our contemporaries in the 1960s and 70s; “all fafouls,” he claimed, “fafoul” being a Brussels dialect term used to designate idiots and cranks. I lived in a home without television, far from and hostile to the mediocre little universe of the pop tune, variety show, and hippy or yéyé subculture. I still thank my progenitor, 25 years after his death, for having been able to totally resist the miserable abjection of all those years where decline advanced in giant steps. Without television, it goes without saying, I had a lot of time to read. Thanks Papa.

Next, I was a gifted student in primary school but fundamentally lazy and desperately curious, the only life saver, to avoid ending up a tramp or a prole, was learning languages to a competent level because, in Brussels, I lived on a street where they spoke the three national languages (and the dialectical variants), with the Russian of a few former White officers and their children who wound up in our fair city in addition. With this linguistic plurality, the task was already half done. Clément Gstadler, a neighbor, an old Alsatian teacher who had ended up in Belgium, told me, donning his ever present traditional hat of the Thann countryside and with a razor sharp Teutonic accent: “My boy, we are as many times men as languages we know.” Strengthened by this tirade hammered into me by Gstadler, I thus enrolled, at the age of eighteen, in Germanic philology and then in the school of translators – interpreters.

The origin of my engagement is the will to remain faithful to all these brave men that we consider anachronistic today. On their certitudes, under siege, we must erect a defensive structure, which we hope will become offensive one day, resting on principles diametrically opposed to the hysterics of the trendy people, to construct in our hearts an alternative, impregnable fortress, that we are determined never to give up.

How do you define your metapolitical combat? 

Dilthey, with whom the alternative minded of our type unfortunately aren’t familiar enough, partially constructed his philosophical system around one strong simple idea: “We only define what is dead, the things and facts whose time has definitively ended.” This fight is not over because I haven’t yet passed from life to death, doubtlessly in order to thwart those who my stubbornness displeases. It is evident, as a child of the 1950s and 60s, that my first years of life unfolded in an era where we wanted to throw everything away. It’s of course a gesture that I found stupid and unacceptable.

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Retrospectively, I can say that I felt, in my young mind, that religion left the scene as soon as it renounced Latin and the spirit of the crusader, very present in Belgium, even among peaceful, calm, authors, like a certain Marcel Lobet, totally forgotten today, doubtlessly because of the excessive moderation of his words, nevertheless ultimately invigorating for those who knew how to capture their deep meaning. The philosopher Marcel Decorte, in his time, noted that society was disintegrating and that it was collapsing into “dissociety,” a term that we find again today, even in certain left wing circles, to designate the present state of our countries, weakened by successive waves of “civilizational negationism,” such as the ideology of Mai 68, New Philosophy, neo-liberal pandemonium, or gender ideology, all “dissociative” phenomena, or vectors of “dissociation,” which today converge in the Macronist imposture, mixing together all these baneful delusions, seven decades after opening Pandora’s Box. Thus the metapolitical combat must be a combat that unceasingly exposes the perverse nature of these civilizational negationisms, continuously denouncing above all the outfits, generally based beyond the Atlantic, that fabricate them in order to weaken European societies to create a new humanity, totally formatted according to “dissociative” criteria, negators of reality as it is (and cannot be otherwise, as the relevant philosopher Clément Rosset remarked, who unfortunately passed away in recent weeks). To make a metaphor with the ancient world, I would say that a metapolitical combat, in our sense, consists of, as the European history expert of Radio Courtoisie Thomas Ferrier said, putting all these negationisms in Pandora’s Box, from which they sprang, then closing it.

You mention “bio-conservatism” in your recent works? What does this term cover? 

I didn’t mention “bio-conservatism.” My editor, Laurent Hocq of Editions Bios, believes that it’s a path we will need to explore, precisely in order to fight “civilizational negationisms,” notably all the elements that deny the corporeality of man, his innate phylogenetics, and his ontology. For me a well conceived bio-conservatism must go back to the implicit sociology that Louis de Bonald sketched in the 19th century, critiquing the individualist drift of the Enlightenment philosophers and the French Revolution. Romanticism, in its non-ethereal or tearful aspects, insists on the organicity, vitalist and biological, of human and social phenomena. We must couple these two philosophical veins – traditional conservative realism and organic Romanticism – and then connect them to the more recent and more scientifically established achievements of biocybernetics and systems theory, while avoiding falling into perverse social engineering as desired by the Tavistock Institute, whose cardinal role in the elaboration of all forms of brain washing that we’ve endured for more than sixty years was investigated by the “conspiracy theorist” Daniel Estulin, now living in Spain. The “Tavistockians” used biocybernetics and systems theory to impose a “depoliticized” culture across the Western world. Today these disciplines can be perfectly mobilized to “re-politicize” culture. Laurent Hocq wants to initiate this work of metapolitical mobilization with me. We will have to mobilize people competent in these domains to complete the task.

At the end of the road, rethinking “bio-conservatism” is nothing more or less than the will to restore a “holistic” society in the best sense of the term as quickly as possible, that is to say a society that defends itself and immunizes itself against the fatal hypertrophies leading us to ruin, to degradation: economic hypertrophy, juridical hypertrophy (the power of manipulative and sophist jurists), the hypertrophy of the services sector, hypertrophy of petty moralism detached from reality, etc.

Localism is also a theme that often reoccurs in your recent books. For you the return to the local has an identitarian dimension, as well as a social and ecological one? 

Localism or the “vernacular” dimensions of human societies that function harmoniously, according to timeless rhythms, are more necessary than ever at a time where a sagacious geographer such as Christophe Guilluy notes the decline of “France from below”, the marvelous little provincial towns that are dying before our eyes because they no longer offer a sufficient number of local jobs and because their light industry has been relocated and dispersed to the four corners of the planet.
Attention to localism is an urgent necessity in our time, in order to respond to a terrifying evil of neo-liberalism that has expanded since Thatcher’s accession to power in Great Britain and all the fatal policies that the imitators of this “Iron Lady” have seen fit to import into Europe and elsewhere in the world.

The refusal of the migratory “great replacement” happens through an understanding of immigration movements in the era of total globalization. How can the tendency of migratory flows be reversed? 

By not accepting them, quite simply. We are a stubborn phalanx and it is imperative that our stubbornness become contagious, taking on the appearance of a global pandemic.

Nevertheless, when you mention the fact that there must be an “understanding of migratory movements,” you indirectly underline the necessity of deeply understanding the contexts from which these migrants come. For half a century, and even longer since Mai 68 had antecedents in the two decades that preceded it, we have been fattened on junk culture, of inane varieties, which occupies our minds with time consuming spectacles and prevents them from concentrating on things as real as they are essential. A good state is a state that inquires about the forces at work in the world. Whether migratory flows are accepted or not, every host state, guided by a healthy vision of things, should draw up an economic, ethnic, and social cartography of the populations coming from the emigrants’ countries.

RS-MB-B-EE.jpgFor Africa, that means understanding the economic state of each migrant exporting country, the possible system of kleptocracy that reigns there, the ethnic components (and the conflicts and alliances that result from them), the history of each of these political or anthropological phenomena, etc. This knowledge must then be delivered by an honest press to the citizens of our countries, so that they can make judgments about credible pieces and not be forced to vote according to unremitting propaganda based on inconsistent slogans.

For Syria we should have known, before the waves of refugees spilled into Europe, the religious and tribal structures of the country in a very precise manner: actually, the media, generally uncultivated and dependent on the “junk culture” imposed on us for decades, discovered the Syrian divisions that had been ignored until now. Only a handful among us has a clear notion of who the Alawites or Yezidis are, knows that the Syrian Christian communities have complicated divisions, understands the tacit alliance that unites Alawites with Twelver Shiites, understands that the principal enemy of the Ba’athist political system is the Muslim Brotherhood, which fomented the terrible disorders of 1981-1982 that ravaged Syria in the time of Hafez al-Assad, father of the current president. In short, the general public knows nothing about the complexity of Syria. The only bone it has to gnaw is the slogan that decrees Assad is a horrible monster, fit to be eliminated by fundamentalist assassins or American bombs.

For Africa, the only means of reducing the waves of refugees, real or solely economic, would be to put an end to evidently very kleptocratic regimes, in order to fix the populations on their native soil by redirecting sums of money toward infrastructural investment. In certain more precise cases, that would also happen through a return to a subsistence agricultural economy and a partial and well regulated abandonment of monoculture which doesn’t properly nourish populations, especially those that have opted for rural exodus towards the cities and sprawling slums, like Nigeria for example.

For Syria, we should have established a filter to sort refugees but that would have, ipso facto, privileged Muslim or Christian communities allied to the regime, to the detriment of the hostile social classes, who are totally un-integrable into our European societies, because the Salafism that animates them is viscerally hostile to all forms of syncretism and all cultures that do not correspond to it 100%. Moreover, as a general rule, the reception of migratory flows coming from countries where there are dangerous mafias is not recommended even if these countries are European like Sicily, Kosovo, Albania, or certain Caucasian countries. All immigration should pass through a well established anthropological screening process and not be left to chance, at the mercy of the “invisible hand” like the one that all the liberals expect the world to be perfected by. Non-discernment in the face of migratory flows has transformed this constant of human history into a catastrophe with unpredictable repercussions in its current manifestations, as evidently these flows do not bring us a better society but create a deleterious climate of inter-ethnic conflict, unbridled criminality, and latent civil war.

Reversing the tendency of migratory flows will happen when we finally implement a program of triage for migrations, aiming for the return of criminals and mafiosos, the psychologically unbalanced (that they deliberately send here, the infrastructure capable of accommodating them being non-existent in their countries of origin), politicized elements that seek to import political conflicts foreign to us. Such a policy will be all the more difficult to translate into daily reality where the imported mass of migrants is too large. Then we cannot manage it in proper conditions.

JFTH.jpegYou knew Jean Thiriart. Does his political vision of a “Great Europe” still seem relevant? 

Jean Thiriart was firstly a neighbor for me, a man who lived in my neighborhood. I can note that behind the sturdy and gruff sexagenarian hid a tender heart but bruised to see humanity fall into ridicule, triviality, and cowardice. I didn’t know the activist Thiriart because I was only twelve when he abandoned his political combat at the end of the 1960s. This combat, which extended over a short decade starting from Belgium’s abandonment of the Congo and the tragic epilogue of the war in Algeria for the French, two years later. Thiriart was motivated by a well developed general idea: abolish the Yalta duopoly, which made Europe hemiplegic and powerless, and send back the Americans and Soviets in succession in order to allow the Europeans to develop independently. He belonged to a generation that had entered politics, very young, at the end of the 1930s (the emergence of Rexism, the Popular Front, the war in Spain, the Stalinist purges, Anschluss, the end of the Czechoslovakia born at Versailles), experienced the Second World War, the defeat of the Axis, the birth of the state of Israel, the coup in Prague, and the blockade in Berlin in 1948, the Korean War, and the end of Stalinism.

Two events certainly contributed to steer them towards an independentist European nationalism, different in sentiment from the European nationalism professed by the ideologues of the Axis: the Hungarian Revolt of 1956 and the Suez campaign, the same year, the year of my birth in January. The West, subjugated by Washington, did nothing to aid the unfortunate Hungarians. Worse, during the Suez affair, the Americans and the Soviets forced the French and British to unconditionally withdraw from the Egyptian theater of operations. Thiriart, and a good number of his companions, temporary or not, observed that the duopoly had no desire to dissolve itself or even to fight each other, to modify one way or the other the line of the Iron Curtain that cut Europe across its center, to tolerate any geopolitical affirmation on the part of European powers (even if they were members of the UN Security Council like France and the United Kingdom). The decolonization of the Congo also demonstrated that the United States was unwilling to support the Belgian presence in central Africa, despite the fact that Congolese uranium underpinned the nuclear supremacy of Washington since the atom bombs fabricated in order to bring Japan to its knees in 1945. A little history, Hergé’s brother was the only Belgian military officer not to chicken out and he showed an arrogant hostility to the NATO troops who came to take control of his Congolese base.

One thing leading to another, Thiriart would create the famous movement “Jeune Europe” that would inject many innovations into the discourse of the activist milieu and contest the established order of what one could classify as the extreme-right in its conventional forms, petty nationalists or Poujadists. The “habitus” of the extreme-right did not please Thiriart at all, who judged them unproductive and pathological. A reader of the great classics of the realist politics, especially Machiavelli and Pareto, he wanted to create a small hyper-politicized phalanx, rationally proceeding from truly political criteria and not thin emotions, creating only behavioral indiscipline. This political hyper-realism implied thinking in terms of geopolitics, having a knowledge of the general geography of the planet. This wish was realized in Italy alone, where the magazine Eurasia of his disciple and admirer Claudio Mutti has done remarkably well and has attained a very elevated degree of scientific precision.

To bypass the impediment of Yalta, Thiriart believed that we needed seek allies across the Mediterranean and in the East of the vast Soviet territorial mass: thus the attempt to dialogue with the Nasserist Arab nationalists and the Chinese of Chou Enlai. The Arab attempt rested on a precise Mediterranean vision, not understood by the Belgian militants and very well comprehended, on the contrary, by his Italian disciples: according to Thiriart this internal sea must be freed from all foreign tutelage. He reproached the various forms of nationalism in Belgium for not understanding the Mediterranean stakes, these forms turned more towards Germany or the Netherlands, England or the Scandinavian countries, an obligatory “Nordic” tropism. His reasoning about the Mediterranean resembled that of Victor Barthélémy, an adviser of Doriot and also a former communist, a reasoning shared by Mussolini as mentioned in his memoirs. Thiriart very probably derived his vision of Mediterranean geopolitics from a feeling of bitterness following the eviction of England and France from the Mediterranean space after the Suez affair in 1956 and the war in Algeria.

According to Thiriart, the Europeans shared a common Mediterranean destiny with the Arabs that could not be obliterated by the Americans and their Zionist pawns. Even if the French, the English, and the Italians had been chased from the Arabophone North African shore, the new independent Arab states could not renounce this Mediterranean destiny they shared with non-Muslim Europeans, massed on the Northern shore. For Thiriart, the waters of the Great Blue sea unite, not separate. From this fact, we must favor a policy of convergence between the two civilizational spaces, for the defense of the Mediterranean against the element foreign to this space, interfering there, constituted by the American fleet commanded from Naples.

The idea of allying with the Chinese against the Soviet Union aimed to force the Soviet Union to let go of its ballast in Europe in order to confront the Chinese masses on the Amur River front. The dual project of wagering on the Nasserist Arabs and the Chinese marked the last years of Thiriart’s political activity. The 1970s were, for him, years of silence or rather years where he immersed himself in the defense of his professional niche, namely optometry. When he returned to the fight at the start of the 1980s, he was nearly forgotten by the youngest and eclipsed by other political and metapolitical lines of thought; moreover the given facts had considerably changed: the Americans had allied with the Chinese in 1972 and, since then, the latter no longer constituted an ally. Like others, in their own corners and independently of each other, such as Guido Giannettini and Jean Parvulesco, he elaborated a Euro-Soviet or Euro-Russian project that the Yeltsin regime didn’t allow to come to fruition. In 1992 he visited Moscow, met Alexander Dugin and the “red-browns,” but unexpectedly died in November of the same year.

thiriartQSJ-YS.jpgWhat we must retain from Thiriart is the idea of a cadre school formed on principles derived from pure political philosophy and geopolitics. We must also retain the idea of Europe as a singular geostrategic and military space. It’s the lesson of the Second World War: Westphalia defended itself on the beaches of Normandy, Bavaria on the Côte d’Azur and along the Rhône, Berlin at Kursk. Engines allowed for the considerable narrowing of the strategic space just as they allowed for the Blitzkrieg of 1940: with horse-drawn carts, no army could take Paris from Lorraine or Brabant. The failures of Philip II after the battle of Saint-Quentin prove it, Götz von Berlichingen never went past Saint-Dizier, the Prussians and Austrians never went past Valmy, and the armies of the Kaiser were stopped on the Marne. One exception: the entrance of the allies into Paris after the defeat of Napoleon at Leipzig. The United States is henceforth the sole superpower, even if the development of new arms and imperial hypertrophy, that it imposed on itself through unthinking immoderation, slowly break down this colossal military power, recently defied by the new capabilities of Russian or perhaps Chinese missiles. European independence happens through a sort of vast front of refusal, through the participation of synergies outside of what Washington desires, as Armin Mohler also wanted. This refusal will slowly but surely erode the supremacist policy of the Americans and finally make the world “multipolar.” As Thiriart, but also Armin Mohler, doubtlessly wanted, and, following them, Alexander Dugin, Leonid Savin, and yours truly want, multipolarity is the objective to aim for.

Three German author seem to have left their mark on you particularly: Ernst Jünger, Carl Schmitt and Günter Maschke. What do you retain from their thought?

Actually, you ask me to write a book… I admire the political writings of the young Jünger, composed in the middle of the turmoil of the 1920s just as I also admire his travel narratives, his seemingly banal observations which have made some Jüngerians, exegetes of his work, say that he was an “Augenmensch,” literally a “man of the eyes,” a man who surveys the world of nature and forms (cultural, architectural) through his gaze, through a penetrating gaze that reaches far beyond the surface of apparent things and perceives the rules and the rhythms of their internal nature.

Very soon I will release a voluminous but certainly not exhaustive work on Carl Schmitt. Here I want to remind people that Carl Schmitt wrote his first relevant texts at the age of sixteen and laid down his last fundamental text onto paper at 91. So we have a massive body of work that extends over three quarters of a century. Carl Schmitt is the theorist of many things but we essentially retain from him the idea of decision and the idea of the “great space.” My work, published by éditions du Lore, will show the Schmitt’s relation to Spain, the very particular nature of his Roman Catholicism in the context of debates that animated German Catholicism, his stance in favor of Land against Sea, etc.

Speaking about Günter Maschke interests me more in the framework of the present interview. I met Günter Maschke at the Frankfurt Book Fair in 1984, then during a small colloquium organized in Cologne by high schoolers and students under the banner of the Gesamtdeutscher Studentenverband, an association that intended to oversee the student organizations which, at the time, were working towards the reunification of the country. Maschke was a thundering and petulant former leader of the activist years of 1967 and 1968 in Vienna, from which he would be expelled for street violence. In order to escape prison in West Germany, because he was a deserter, he successfully defected, via the French collective, “Socialisme ou Barbarie,” first to Paris, then Cuba. He then settled in the insular Castroist Carribean republic and met Castro there, who gave him a tour of the island in order to show him “his” sugar cane fields and all “his” agricultural property. Maschke, who can’t hold his tongue, retorted to him, “But you are the greatest latifundist in Latin America!” Vexed, the supreme leader didn’t renew his right of asylum and Maschke found himself back at the beginning, that is to say in a West German prison for thirteen months, the span of the military service he refused, as demanded by the law. In prison, he discovered Carl Schmitt and his Spanish disciple Donoso Cortès, and in the cramped space of his cell, he found his road to Damascus.

Many activists from 67-68 in Germany henceforth turned their backs on the ideologies they professed or utilized (without really believing in them too much) in their youth years: Rudi Dutschke was basically a anti-American Lutheran nationalist; his brothers gave interviews to the Berlin new conservative magazine Junge Freiheit and not usual leftist press, which repeats the slogans of yesterday without realizing that it has fallen into anachronism and ridicule; Frank Böckelmann, who was presented to me by Maschke during a Book Fair, came from German Situationism and never hesitated to castigate his former comrades whose anti-patriotism, he said, was the mark of a “craving for limits,” of a will to limit themselves and mutilate themselves politically, to practice ethno-masochism. Klaus Rainer Röhl, a nonagenarian today, was the spouse of Ulrike Meinhof, who sunk into terrorism with Baader. Röhl too became closer to the nationalists while the articles of Ulrike Meinhof in her magazine konkret would trigger the first fights in Berline during the arrival of the Shah of Iran.

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Uli Edel’s film devoted to the “Baader Meinhof Gang” (2008) also shows the gradual slide of the terrorist “complex” in West Germany, which arose from an idealistic and unreasoning, uninhibited, and hysteric anti-imperialism, but often correct in some of its analyses, to pass into an even more radical terrorism but ultimately in the service of American imperialism: in his film, Edel shows the stakes very clearly, notably when Baader, already arrested and sentenced, speaks with the chief of police services and explains to him that the second generation of terrorists no longer obeys the same guidelines, especially not his. The second generation of terrorists, while Meinhof, Baader and Ensslin (Maschke’s sister in law!) were imprisoned and had not yet committed suicide, assassinated statesmen or economic decision makers who correctly wanted to pursue policies in contradiction with the desires of the United States and free West Germany from the cumbersome tutelage that Washington imposed on it. This shift also explains the attitude taken by Horst Mahler, Baader’s lawyer and partisan in armed struggle in his time. He would also pass to nationalism when he was released from prison, a nationalism strongly tinted with Lutheranism, and he would return to prison for “revisionism.” The last I heard, he was still languishing there.

At the start of the 1980s, Maschke was an editor in Cologne and notably published the works of Carl Schmitt (Land and Sea), Mircea Eliade, Pierre Drieu la Rochelle, Agnès Heller, and Régis Debray. Every year, in October when the famous Frankfurt Book Fair took place, Maschke, who thought I had the countenance of an imperturbable young reactionary, had Sigi, his unforgettable spouse who left us much too soon, set up a cot in the middle of his prestigious office, where the most beautiful flowers of his library were found. So every year, from 1985 to 2003, I frequented the “Maschke Salon,” where personalities as prestigious as the Catholic and conservative writer Martin Mosebach or the Greek political philosopher Panajotis Kondylis, the ex-Situationist Franck Böckelmann,or the Swiss polemicist Jean-Jacques Langendorf dropped by. These soirees were, I must admit, pretty boozy; we sang and performed poems (Maschke likes those by Gottfried Benn), the fun was de rigeur and the ears of a good number of fools and pretentious people must have rung as they were lampooned. I inherited a frank manner of talking from Maschke, who often reproached me, and he helped consolidate my mocking Bruxellois verve, which I owe to my uncle Joseph, my mother’s very sarcastic brother.

I can’t finish this segment without recalling the fortuitous meeting between Maschke and Joschka Fischer, the year where the latter had become a minister in the Land of Hesse, the first step that would lead him to become the German minister of foreign affairs who made his country participate in the war against Serbia. Fischer strolled down the long hallways of the Book Fair. Maschke came up to him and patted his stomach, very plump, saying to everyone: “Well, comrade Fischer, fattening up to become minister.” Next followed a torrent of acerbic words poured out on the little Fischer who looked at his sneakers (his trademark at the time, in order to look “cool”) and stammered apologies that he wasn’t. Scolding him as if he was only a dirty brat, Maschke proved to him that his Schmittian neo-nationalism was in accord with the anti-imperialist tendencies of the 1967-68 years, while Fischer’s alignment was a shameful treason. The future would give him ample justification: Fischer, former violent Krawallo (hooligan) of Hessian leftism, became a vile servant of capitalist and American imperialism: the dithyrambic phrases that he pronounced these last weeks praising Chancellor Merkel only accentuate this bitter feeling of betrayal. These remarks are evidently valid for Daniel Cohn-Bendit, today a war monger on sale to Washington. Jean-François Kahn, in an interview very recently accorded to Revue des deux mondes, spoke of him as a former sixty-eighter turned neocon in the style of the East Side Trotskyites.

In his quest after his return from Cuba and his stay in a dreary Bavarian prison, Maschke, unlike Mahler or Dutschke’s family for example, evolved, with Schmitt and Donoso, towards a Baroque and joyous Catholicism, strongly tinted with Hispanicism and rejected the uptight, Protestant, and neo-Anabaptist violence that so clearly marked the German extra-parliamentary revolutionaries of the sixties. For him as for the director Edel, the Ensslin sisters, for example, were excessively marked by the rigorous and hyper-moralist education inherent to their Protestant familial milieu, which seemed insupportable after his stay in Cuba and his journeys to Spain. Also because Gudrun Ensslin fell into a morbid taste for an unbridled and promiscuous sexuality, resulting from a rejection of Protestant Puritanism as Edel’s film highlights. The Maschkian critique of the anti-Christianity of the (French) New Right is summarized by a few choice words, as is his habit: thus he repeats, “they are guys who read Nietzsche and Asterix simultaneously and then fabricated a system from this mixture.” For him, the anti-Christianity of Nietzsche was a hostility to the rigors of the Protestantism of the family of Prussian pastors from which the philosopher of Sils-Maria came, a mental attitude that is impossible to transpose in France, whose tradition is Catholic, Maschke doesn’t take the Jansenist tradition into account. These anecdotes show that any political attitude must fall back into a kind of Aristotlean realism.

RS-MB-GB-PC.jpgYou return to the contribution of the Celtic world to our continental civilization in your book “Pages celtiques.” What do we retain from the “Gaulish” in our European identity? You return to the Irish and the Scottish nationalist movement at length. What lessons should we draw from their long struggles? 

In “Pages celtiques”, I wanted, essentially, to underline three things: firstly, the disappearance of all Celtic cultural and linguistic references is the result of the Romanization of the Gauls; this Romanization was apparently rapid within the elites but slower in the spheres of popular culture, where they resisted for five or six centuries. The vernacular culture retained the Celtic language until the arrival of the Germans, the Franks, who took over from the Romans. We can affirm that the popular religiosity retained the religiosity of “eternal peasants” (Mircea Eliade) and it remained more or less the religion whose rituals were practiced by the Celts. This religiosity of the soil remained intact under the Christian veneer, only the religion of the elites from the start. The dei loci, the gods of places, simply became saints or Madonnas, nestled in the trunks of oaks or placed at crossroads or near springs. The “de-Celticization,” the eradication of the religion of “eternal peasants,” occurred under the blows of modernity, with the generalization of television and … with Vatican II. What the French still have from the “Gaulish”, was put to sleep: it’s a fallow field awaiting a reawakening. Our essence, in Belgium, was deeply Germanized and Romanized, in the sense where the Eburons, the Aduatuques, and the Treviri were already partially Germanized in the time of Caesar or later when the Ingvaeonic Germanic tribes settled in the valley of the Meuse served Rome and rapidly Latinized.

Secondly the Celtic contribution is equally Christian in the sense where, at the end of the Merovingian era and at the start of the Pippinic / Carolingian era, Christian missions were not only guided by Rome, they were also Irish – Scottish with Saint Columban, who settled in Luxeuil-les-Bains, the formerly Gaulish, then Roman, thermal baths site. Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Switzerland, Wurtemberg, Bavaria, Tyrol, and a part of Northern Italy received the Christian message not from the apostles who came from the Levant or missionaries mandated by Rome but from Irish – Scottish monks and ascetics who proclaimed a Christianity closer to the natural religiosity of the indigenous peoples, with some pantheist dimensions, while advocating the large scale copying of ancient, Greek and Latin manuscripts. The Christian, Celtic, and Greco-Latin syncretism that they offered us remains the foundation of our European culture and any attempt to remove or eradicate one of these elements would be a useless, even perverse, mutilation, that would deeply unbalance the foundations of our societies. The smug and foolish moralism, proper to the recent history of the Church and its desire to “third worldize,” also ruined all the seduction that the religion could exercise on the popular masses. Failing to take the vernacular (Celtic or otherwise) into account and ceasing to defend the heritage of the classical humanities (with the political philosophy of Aristotle) at any price has separated the masses from the intellectual and political elites of the Church. The parishes have lost their flocks: actually, what did they have to gain from hearing the moralizing sermons without depth repeated ad nauseum that the Church henceforth offers to them.

Thirdly, in the 18th century, the Irish, Scottish, and Welsh Enlightenment philosophers were certainly hostile to absolutism, calling for new forms of democracy, demanding popular participation in public affairs and calling for a respect of vernacular cultures by the elite. The enlightenment republicanism of the Irish, Scottish, and Welsh hostile to the English monarchy which subjected the Celtic peoples and Scottish people (a mixture of Celts, Norwegians, and free Anglo Saxons) to a veritable process of colonization, particularly cruel, but this hostility was accompanied by a very pious devotion to the cultural productions of the common people. In Ireland, this republicanism was not hostile to the homegrown and anti-establishment Catholicism of the Irish nor to the multiple remnants of pantheist paganism that was naturally and syncretically harbored in this Irish Catholicism. The representatives of this religiosity were not treated as “fanatics,” “superstitious,” or “brigands” by the Republican elites. They would not be vilified nor dragged to the guillotine or gallows.

The Celtic Enlightenment philosophers of the British Isles did not deny rootedness. On the contrary, they exalted it. Brittany, non-republican, was the victim, like the entire West, of a ferocious repression by the “infernal columns.” It largely adhered to the ancien régime, cultivating nostalgia, also because it had, in the era of the ancien régime, a “Parliament of Brittany,” that functioned in an optimal manner. The uncle of Charles De Gaulle, “Charles De Gaulle No. 1”, would be the head of a Celtic renaissance in Brittany in the 19th century, in the framework of a monarchist ideology. In the same era, the Irish independence activists struggled to obtain “Home Rule” (administrative autonomy). Among them, at the end of the 19th century, was Padraig Pearse, who created a mystic nationalism, combining anti-English Catholicism and Celtic mythology. He would pay for his unwavering commitment with his life: he would be shot following the Easter Rising of 1916. Likewise, the union leader James Connolly mixed syndicalist Marxism and the liberatory elements of Irish mythology. He would share the tragic fate of Pearse.

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The leaders of the Irish independence movement offer to political observers of all stripes an original cocktail of nationalist labor unionism, mystic Celticism, and social Catholicism, where the ideology of human rights would be mobilized against the British not in an individualist sense, featuring, for reference, a man detached from any social bond with the past, thus a man who is modeled as a “nameless apostasy from reality.” On the contrary, from the start Irish Republican ideology reasons according a vision of man that fits into into a cultural, social, and bio-ethnic whole. All that must also be the object of legal protection with a corollary that any attack, anywhere in the world, on one of these ethnic-social-cultural ensembles is an attack on a fundamental human right, the right to belong to a culture. So the rights of man, for the Irish, are inseparable from the cultures that animate and feed human societies.

After the Second World War, the Welsh would take up the cause of the Bretons pursued by the Republic, which would be condemned by the International Court of Human Rights for crimes against Breton culture: this fact is quite evidently forgotten, because it was knowingly hidden. Today, notably following the peremptory tirades of the “nouveaux philosophes,” whose path begins around 1978 and continues today, forty years later (!), with the hysterical fulminations of Bernard-Henri Lévy, the Republic sees itself as the defender par excellence of human rights: it is henceforth piquant and amusing to recall that it was condemned on a charge brought by the Welsh and Irish for crimes against a vernacular culture of the Hexagon, and consequently any politically act that ultimately infringes the rights of a people’s culture, or denies it the mere right to exist and propagate, is equally a crime liable for an equivalent sentence. So there exist other possible interpretations and applications of human rights than those that automatically treat anyone who claims an identity rooted in physical belonging as backwards or potentially fascist. Thus human rights are perfectly compatible with the right to live in a rooted, specific, and inalienable culture that ultimately has a sacred value, on soil it has literally turned for centuries. Hervé Juvin, through an original and politically relevant interpretation of the ethnological and anthropological works of Claude Lévi-Strauss and Robert Jaulin, is the one who has shown us the way to follow today in order to leave behind this deleterious atmosphere, where we are called to swear an inextinguishable hatred towards what we are deep within ourselves, to rob ourselves of what’s deep in our hearts in order to wallow in the nihilism of consumerism and political correctness.

I partially owe this Celticism,both revolutionary and identitarian, to the German activist, sociologist, and ethnologist Henning Eichberg, theorist and defender of identities everyone in the world, who expressed an analogous Celticism in a militant and programmatic work, published at the start of the 1980s, at the same time Olier Mordrel published his “Mythe de l’Hexagone.” Elsewhere, my friend Siegfried Bublies would give the title Wir Selbst to his non-conformist, national-revolutionary magazine, the German translation of the Gaelic Sinn Fein (“We Ourselves”). Bublies was the editor of Eichberg’s polemical and political texts, who passed away, alas too soon, in April 2017.

In “Pages celtiques”, I also pay homage to Olier Mordrel, the Breton combatant, and define the notion of carnal fatherland, while castigating the ideologies that want to eradicate or criminalize it.

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You’ve restarted Trans-European activities. How do you the judge the evolution of “identitarian”forces in Europe? 

No, I’ve restarted nothing at all. I’m too old. We must leave it to the youth, who are doing very well according to the criteria and divides inherent to their generation, according to modes of communication that I haven’t mastered as well as they have, such as social networks, videos on YouTube, Instagram, Facebook, or others. The institutions challenging the ambient mismanagement are multiplying at a good pace because we are experiencing a consolidated conservative revolution in relation to what it was, lying fallow, twenty or thirty years ago. It’s true that the dominant powers have not kept their promises: from the Thirty Glorious Years, we’ve passed to the Thirty Piteous Year, according to the Swiss writer Alexandre Junod, who I knew as a child and has grown up so much … And he is still optimistic, this boy: if he wrote a book, he would have to mention the “Thirty Shitty Years.” As we’ve fallen very very low. It’s really the Kali Yuga, as the traditionalists who like to mediate on Hindu or Vedic texts say. I modestly put myself in the service of new initiatives. The identitarian forces today are diverse but the common denominators between these initiatives are multiplying, quite happily. We must work for convergences and synergies (as I’ve always said…). My editor Laurent Hocq has limited himself to announcing three international colloquiums in order to promote our books in Lille, Paris, and Rome. That’s all. For my part, I will limit myself to advise initiatives like the “Synergies européennes” summer universities, even if they are very theoretical, as they allow me to encounter and adapt fruitful strategies for the years to come.

Source: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/05/08/m...

mercredi, 16 mai 2018

Marc Eemans, Jean Thiriart & Günter Maschke : trois inspirateurs contradictoires ?

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Marc Eemans, Jean Thiriart & Günter Maschke : trois inspirateurs contradictoires ?

Par Robert Steuckers

Question posée par l’animateur de l’Ecole des Cadres de Synergies Européennes à Liège :

Q.: Dans les entretiens que vous avez accordés récemment à Monika Berchvok (http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/05/08/m... ) et à Thierry Durolle ( http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/04/18/e... ), vous répondez à des questions spécifiques, vous demandant de préciser la dette que vous estimez avoir à l’endroit de quelques-uns de vos aînés, à savoir Marc Eemans (1907-1998), Jean Thiriart (1922-1992) et Günter Maschke (né en 1943). Ces personnalités, marginalisées par l’inculture dominante, ont des cartes d’identité idéologiques très différentes. Comment faites-vous la synthèse entre des positions qui furent les leurs et qui sont hétérogènes et contradictoires (du moins en apparence) ?

R.: En effet, les trois hommes recouvrent presque l’entièreté du spectre politico-idéologique et métapolitique du 20ème siècle, car les avant-gardes de gauche, les diverses conjugaisons du communisme, les idéologies quiritaires d’Allemagne et d’Italie entre 1920 et 1945, l’opposition extra-parlementaire allemande des années 1967-68 ont animé ces hommes à titre divers : ils les ont abordés, dans leur jeunesse, sous des angles différents. Leurs itinéraires, leurs maturations et leurs changements apparents de cap méritent toute l’attention du politiste, à l’heure actuelle, nous allons le voir.

Marc Eemans vient du dadaïsme et du surréalisme, a exploré le monde des traditions, parfois en pionnier avec sa revue Hermès (entre 1933 et 1939), a dirigé le Centro Studi Evoliani de Bruxelles à la fin de sa vie, qu’il a passée dans les milieux artistiques d’avant-garde. Jean Thiriart est opticien et optométriste de formation ; son regard sur les choses est « technomorphe » ; les traditions de sa famille sont laïcardes et hostiles au cléricalisme qui maintenait solidement ses ouailles sous sa coupe en Belgique avant-guerre et encore dans l’immédiat après-guerre. Sa vision du politique est pragmatique (il disait « matérialiste ») et la qualifiait aussi de « machiavélienne ». Il entendait recréer une « physique du politique », dérivant d’une certaine interprétation mécanique de la pensée de Thomas Hobbes, exprimée dans le Léviathan. Pour lui, l’Etat-Léviathan permet de tirer les masses hors du marais de la trivialité. Il avait horreur de l’indiscipline qu’il prêtait à tous les littéraires.

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Günter Maschke est un Revoluzzer allemand, finalement assez typique. Issu d’une famille thuringienne, qui avait adopté l’orphelin de guerre qu’il était, il est séduit par l’idéologie révolutionnaire des gauches marxistes et communisantes, non pas parce qu’elles offrent des appareils conceptuels rigides mais parce qu’elles servent de prétexte pour « foutre le boxon » dans le monde bourgeois dont il aime toujours à se moquer. Il aura une carrière haute en couleurs de pré-soixante-huitard mais virera sa cuti après avoir découvert l’œuvre de Carl Schmitt, d’abord via sa théorie du partisan, qui a, il faut le rappeler, quelques connotations maoïstes car, à l’époque, les personnalités issues d’une forme ou d’une autre de catholicisme, ou qui avaient abandonné fraîchement leurs déterminations propres aux classes rurales, avaient été davantage fascinées par Mao plutôt que par la version soviétique du communisme d’inspiration marxiste.

Photo: Günter Maschke en 2015.

Günter_Maschke_2015.jpgMaschke, comme la plupart des agitateurs allemands des années 1967 et 1968 en Allemagne et en Autriche, ne persévèrera pas dans la veine ethno-masochiste du soixante-huitardisme désormais institutionnalisé, ne s’enlisera pas dans la volonté fébrile et frénétique d’amorcer une « longue marche à travers les institutions » pour détruite de fond en comble les fondements mêmes de ces institutions. Chez eux, ce sera la veine anti-impérialiste qui prendra le dessus, si bien qu’en fin de compte les marottes du sociétal rencontreront leur incompréhension et leur désapprobation (car elles sont foncièrement impolitiques). Ils n’opèreront pas le virage « néocon » des trotskystes américains de la Côte Est et ne se solidariseront pas avec leur bellicisme outrancier depuis les événements de Yougoslavie et d’Irak. De même, tous les travers du sociétal suscitent leurs moqueries.

Le dénominateur commun à ces trois hommes se trouve, me semble-t-il, dans une approche, superficielle ou rigoureuse (dans le cas de Maschke), de Carl Schmitt. Ce sont les œuvres de ce juriste rhénan, ou plutôt ses concepts de combat, qui permettent, et me permettent, d’opérer entre ces trois personnalités, leurs itinéraires idiosyncratiques, leurs réflexions, leurs travaux, un travail de convergence.

Marc Eemans était lié d’amitié avec le principal des disciples et exégètes de Carl Schmitt en Flandre, le Professeur Piet Tommissen, qui, plus tard, deviendra un ami intime de Günter Maschke. Piet Tommissen explique dans ses mémoires, publiées à compte d’auteur (cf. https://robertsteuckers.blogspot.be/2011/10/piet-tommisse... & https://robertsteuckers.blogspot.be/2011/11/adieu-au-prof... ) que son intérêt de jeunesse pour les avant-gardes artistiques et littéraires était partagé par Carl Schmitt dont, il faut le rappeler, l’un des plus enthousiastes admirateurs était l’ex-dadaïste et ex-surréaliste allemand Hugo Ball, reconverti au catholicisme (de forme romaine) dès 1920. Le lien entre Schmitt et l’espace des avant-gardes est dès lors évident : il est tout naturel qu’une passerelle existe entre ce monde purement artistique et littéraire et les thèses sur l’essence du politique, formulées par Schmitt et son disciple alsacien Julien Freund.

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Marc Eemans et Piet Tommissen dans les années 1970.

Par ailleurs, l’européisme de Carl Schmitt et la volonté d’Evola de replonger l’Europe dans une sphère politique impériale et romaine (païenne ou catholique) se rejoignent. L’idée schmittienne de « grand espace » (Grossraum) (1) et l’européisme pragmatique et géopolitique de Jean Thiriart se rejoignent pareillement. Et le glissement de Maschke, parti d’une opposition extra-parlementaire gauchiste, hostile à la « Grande Coalition » entre sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens pour aboutir dans une immersion totale et passionnée dans l’œuvre de Carl Schmitt, permet de concilier provocations de type dadaïste ou situationniste, d’une part, et immersion dans la tradition, vaste espace intellectuel qui va de Donoso Cortès à Julius Evola, d’autre part, sans oublier la volonté schmittienne de retrouver la forme romaine dans un « grand espace » européen hostile à l’américanisme.

Tous ces ingrédients se retrouvent à des degrés divers chez les personnalités que vous évoquez dans votre question : Eemans restait totalement étranger aux séductions de l’américanisme, pensait l’excellence européenne en termes impériaux traditionnels, notamment en valorisant la figure de l’Empereur Frédéric II Hohenstaufen. Thiriart admirait cet Empereur et sa politique méditerranéenne, entendait restaurer une « forme romaine » (non catholique en ce qui le concerne) en dépit du laïcisme assez tranché, hérité de son milieu familial, et partageait la notion schmittienne du politique et son hostilité aux immixtions américaines sur le Vieux Continent, hostilité que Maschke combinera aisément avec l’anti-impérialisme de ses amis de jeunesse. Maschke connait les avant-gardes, manie ironie cinglante, assénée à coups de marteau, même s’il ne se déclare pas nietzschéen, cultive un art de la provocation que l’on peut définir comme post-dadaïste, voit une Europe certes sous hegemon germanique mais animée par une pensée politique hispanique ou italienne, moins naïve que celle du « Deutscher Michel », du plouc allemand replié sur lui-même, sur son ego narcissique, ou du Biedermeier bourgeois, esthète et impolitique, tous deux mentalement mutilé par le protestantisme.

Jean Thiriart.

thiriartmeilleurephoto.jpgL’ensemble de ces influences couvre un spectre idéologique d’une très grande amplitude, mêlant l’hyperpolitisme (Schmitt et Thiriart) aux fondements de la tradition (Evola et Eemans), permettant de cimenter, dans le concret et dans l’esprit, de vastes espaces impériaux et civilisationnels (Evola et Schmitt), tout en autorisant les tenants de cet hyperpolitisme et de ce traditionalisme (bien conçu et non replié sur des dadas impolitiques, énoncés sur un mode insupportablement pubertaire) à déverser des sarcasmes dignes des dadaïstes sur ceux qui, d’une manière ou d’une autre, entendent pratiquer le politicide (2) dissolvant ou subvertir et éradiquer le mos majorum (Maschke et le jeune Evola).

En tablant sur ce faisceau d’influences, il faut souligner les convergences entre pensées fortes (3) et ne pas mettre systématiquement en exergue les divergences qui existent entre elles, car, dans ce cas, on empêche l’éclosion de mouvements réellement alternatifs, permettant de se débarrasser des pratiques concussionnaires, impolitiques et conduisant au politicide que mettent toujours en œuvre, inlassablement, les démocrates-chrétiens, les sociaux-démocrates et les libéraux. Leurs pratiques, fustigées par l’opposition extra-parlementaire de Rudi Dutschke, ont mené l’Europe à l’impasse dangereuse dans laquelle elle végète et marine aujourd’hui. L’intention qui vise à favoriser les convergences et les synergies correspond à une idée de Carl Schmitt, celle de la coïncidentia oppositorum, vertu éminemment politique qu’il attribuait à l’Eglise, société idéale, dans la phase la plus catholique de son œuvre, dans les années 1920. Il faut, de fait, faire coïncider toutes les divergences qui ont animé ces hommes au cours de leur existence.

La proposition toute récente de former un gouvernement en Italie entre le « mouvement cinq étoiles » et la Ligue est sans doute la première manifestation importante, capable de faire masse dans une Europe qui a chaviré dans la trivialité, et d’amorcer un processus graduel de sortie hors de la fange antipolitique conventionnelle, qui ne donnera plus aucun fruit tant ses arbres démocrates-chrétiens, sociaux-démocrates ou libéraux sont gangrénés jusqu’aux plus infimes de leurs radicelles. L’Italie avait sur tous les autres pays européens une fameuse longueur d’avance dans le processus de maturation intellectuel et politique que nous appelons de nos vœux. Car, là-bas, de Milan à la Sicile, Schmitt et Evola sont présents dans tous les débats au quotidien. En Europe, il faut constituer des avant-gardes de même nature, portée par le projet liguiste de Gianfranco Miglio, aujourd’hui décédé et disciple insigne de Carl Schmitt et par la stratégie ironique, mise au point rigoureusement par Beppe Grillo, mêlant ironie caustique des avant-gardes, stratégie gramscienne et pirandellienne du théâtre des rues. Nous avons là tous les ingrédients brassés jadis, d’une manière ou d’une autre, par les trois hommes que vous mettez en avant dans votre question. Au travail !

Notes :

  • (1) L’idée schmittienne du Grossraum a été étudiée à fond par le juriste alsacien Jean-Louis Feuerbach, et remarquée par un disciple de Schmitt, également spécialiste de Vilfredo Pareto, idole de Thiriart et objet de la thèse de doctorat de Piet Tommissen, feu Helmut Quaritsch.
  • (2) Le terme de « politicide » a été forgé par le politologue néerlandais Luk De Middelaar, spécialiste des questions françaises. De Middelaar voyait l’origine de cette destruction systématique du politique dans les cercles sartriens des années 1950 et 1960, préludes du soixante-huitardisme proprement dit.
  • (3) Nous reprenons l’idée de « pensée forte » au philosophe italien Gianni Vattimo qui leur opposait un jeu d’antidotes qu’il baptisait « pensée faible ».

samedi, 19 juillet 2014

¿Unión Europea o gran espacio?

¿Unión Europea o gran espacio?

Jeronimo Molina

Ex: http://www.galeon.com/razonespanola

«Queda por averiguar si la misión política de la, inteligencia se va a agotar en la direccion del proceso de la producción y en el planeamiento de la economía».

F. J. CONDE. (Misión política de la inteligencia)


1. DECADENCIA TERMINAL DE EUROPA

jm716710069.jpgSe habla y se escribe, con la aquiescencia general, de las Europas de los pueblos, de las regiones, de las lenguas, de los negocios. Tempranamente asistimos, ya al erigirse las democracias de Potsdam, a la Europa de los partidos, cuya verdadera dimensión se ha vuelto a poner de manifiesto en fechas recientes con ocasión de la estigmatización antipolítica de la nación austriaca y su gobierno consensualista (1). Hay también la Europa de los políticos de vocación humanitaria y cosmopolita, especie venática en la que se significa un mal profundo de civilización. En este sentido, hace décadas que Europa proclama con contundencia ante el mundo que se arrepiente de sus errores, encarando de la peor forma posible lo que Julien Freund denominó el fin del Renacimiento. Los artistas entremetidos y los intelectuales denunciantes, profesionales de la crítica, piden perdón a los muertos y a los vivos por las consecuencias de la fáustica misión del europeo (2): la aceleración del tiempo histórico, el impacto de la tecnología sobre el aluvión de la vida humana colectiva (la Tradición). El viejo continente, así se ha decidido, es «culpable de los servicios prestados».

Se ha contado, a pesar de todo, con una literatura de resistencia espiritual, voz discordante que recuerda a los europeos su constitución histórica (3). Por encima del culto maquiavélico de los neonacionalismos a una Europa neohelenística cuarteada en patrias minúsculas, encerradas en el folclore tribal y linguístico, azotadas acaso por la ignorancia de una elite resentida, existe un horizonte que rebosa desafíos, hoy tal vez, como pocas veces desde que en 1914 comenzara el ciclo de la guerra civil europea. Se asiste, pues, con sorpresa al espectáculo de una civilización que se ha transformado en la abogada de unos principios que la niegan. En esencia: el universalismo político, el intervencionismo económico y el moralismo humanitario. Estos principios dan contenido a una variante del pensamiento único, de raiz antipolítica, que bien podría denominarse Neorrepublicanismo y al que la mayoría se adscribe, contando acaso con la general aquiescencia (4).

Los otrora intelectuales críticos europeos, devenidos orgánicos en el sentido de Gramsci, defienden el llamado pluralismo social en nombre del consensualismo (5), valor en el que se inspira el pendant llevadero o light de las viejas ideologías totalitarias -lo que explica, dicho sea de pasada, que en nombre del consenso se pueda atacar a la democracia, actitud típica del democratismo (6)-. En este sentido, la ideología denominada de centro constituye la forma electoral que en la política interior de los Estados europeos adopta aquel pluralismo social (7). Este punto de vista, llámese ideología, mentalidad o forma del pensamiento, resulta ser acusadamente sociologista -lo social es lo total (8)-. Desde su óptica, la política es definida negativamente: no-discrepancia, no-debate, etc. En última instancia, no-política. Mas el pluralismo constituye también un inadvertido factor polemógeno en las sociedades modernas («industriellen Konfliktgesellschaften»(9). Para evitar sus efectos, especialmente el conflicto generalizado, la temida hipótesis de la «guerra de todos contra todos», se debe recurrir forzosamente a la homogeneización de la opinión pública, bien a través de la propaganda, bien mediante el terror.

En el plano del espíritu, Europa padece hoy la confusión de las formas del pensamiento y de los campos pragmáticos de la acción humana. Parecen borradas, una vez eclipsado el astro del racionalismo moderno, las fronteras epistemológicas y praxiológicas que en otro tiempo delimitaron con precisión la jurisdicción de las distintas actividades humanas. Así, la política parece haber renunciado a cumplir su finalidad específicamente política y sus medios se consagran muchas veces a la manipulación de la economía política -«Steuersstaat» o Estado fiscal (10)-. Los economistas, por su parte, juegan la baza de los poderes indirectos y se postulan como arbitristas políticos; en el fondo, los neoliberales economicistas (11) y, naturalmente, los neokeynesianos (12) responden al patrón de lo que Wilhelm Ropke llamaba «economócratas» (13). Los hombres de fe, a su vez, devienen activistas de una política teológica secularizadora-teologías de la liberación-y ceden su lugar a las prédicas supuestamente laicas de los «clercs»: el esteticismo, el cientificismo o el moralismo. Los principios del orden moderno parecen en trance de ser superados por un nuevo tipo de operaciones mentales en las que se pierde de vista el principio de realidad. Entre tanto, los elementos basales de la cultura europea han hecho sitio a otra cosa: la política, a la política social (14); el Derecho, a la legislación; el cristianismo, a una política teológica en el sentido de Comte; el Estado, al estatismo; la ciencia y la técnica, a la tecnología deshumanizadora.

2. DE LA NECESIDAD DE LIBERALISMO A LA NECESIDAD DE POLITICA.

Salvador de Madariaga, Ortega y Gasset y otros escritores europeos insistían en los años 1930 y 1940 en que Europa sería liberal o sería nada. En la ideología decimonónica, tal vez a falta de algo mejor o por rechazo del socialismo marxista, se vió de ese modo la solución de los males del continente. Así pues, el enfrentamiento entre el socialismo y el liberalismo contemporáneos, subyacente a la construcción europea y cuyo momento decisivo fue la publicación, en 1944, del libro de F. A. Hayek Camino de servidumbre, constituyó, tal vez, un episodio necesario en la evolución de la política ideologizada (15).

jm573875781.jpgLos problemas del liberalismo y del socialismo están ligados decisivamente a la cuestión de lo político y al problema histórico de las plurales configuraciones de la política como «habitus» (16). En ambas ideologías refléjase con acuidad el destino de la política europea, abocada al utopismo, al moralismo, al abstraccionismo, en definitiva, a la subversión de la tradición de lo Político, que unos denominan «realismo» y otros «liberalismo político» por contraposición al liberalismo ideológico (17). Puede afirmarse, por tanto, que ni el neoliberalismo de Hayek y otros economistas, ni el socialismo postcomunista pueden hoy responder a los verdaderos desafíos de Europa (Cliopolítica, Geopolítica), representados a todos los efectos por la despolitización. Por despolitización de Europa entendemos el abandono de lo Político y no tanto la desideologización de la política europea postulada por Fernández de la Mora (18).

Fue John Stuart Mill quien dio el golpe de gracia a la tradición realista europea de la política de la libertad, inventándose, como se sabe, un liberalismo social (19) de largas consecuencias. La terminología adoptada por Stuart Mill permitió al socialismo presentarse como el heredero del liberalismo (20), mixtificación que hoy sirve también para legitimar el Estado social en Europa. Sin embargo, el problema del socialismo tomó muy pronto otro cariz. En rigor, el pensamiento socialista no es propiamente político. Existe una «cratología» socialista, comprensiva de la táctica para conseguir y mantener el poder: técnicas del golpe de Estado, de la lucha revolucionaria, de la guerra de guerrillas, de la dictadura, etc., epónimo de la cual fue Mao Zedong; así mismo, puede hablarse de una «escatología» socialista-plenitud del hombre histórico, conquista de la historia-, cifrada en un G. Luckács (21), mas no hay constancia de una «política» socialista. Ni siquiera puede hablarse propiamente de una política «socialdemócrata», pues se trata, más bien, del oportunismo político tantas veces denunciado por el más cínico de los hombres de acción, Lenin.

Si bien los problemas venían de muy atrás, el dilema europeo del período de entreguerras todavía podía presentarse en los años 1930 como un supuesto típico de la política ideológica del siglo XIX, al menos hasta que la querella entre liberales y socialistas fue sustituida, sobre todo después de la II guerra mundial, por la dicotomía derechas-izquierdas, por cierto, muy poco liberal. La contraposición de derechas e izquierdas llegó a ser la quintaesencia de las democracias de postguerra altamente politizadas, o, visto desde otra perspectiva, la formulación ideológica y electoralmente aceptable del conflicto permanente que legitima a las partitocracias europeas. La crisis de la conciencia europea coincide, pues, en buena medida, con la polarización derecha-izquierda, cara y cruz de la ideología estatista (22). En este sentido, los males de Europa no podrían ya conjurarse en los términos de las viejas ideologías liberal y socialista, las cuales responden, por lo demás, a un tiempo concluido.

El problema y su solución se han radicalizado extraordinariamente, hasta el punto de que Europa o es política o será nada. El desafío histórico parece enfrentar nuevamente al europeo con su destino, que pasa por los condicionamientos de lo Político, pues, en última instancia, todo cambio histórico es un cambio en lo Político.

Gunter Maschke, que pertenece a la familia espiritual europea de los escritores políticos realistas, se ha ocupado en varias ocasiones de uno de los problemas europeos por excelencia, el de la unificación; y lo ha hecho con un punto de vista político y, al mismo tiempo, teológico político. Enemigo de la «fraseología aburrida y molesta» de la propaganda europeista, Maschke ha trasladado los problemas del continente al plano superior de lo Político, para afirmar que la cuestión de la unidad europea, en el fondo, hace tiempo que ha dejado de ser una materia opinable: el Gran Espacio constituye, tal vez, el único medio para afrontar con posibilidades de éxito las mutaciones del tiempo histórico y poder mantenerse «a nivel». Con un lenguaje que tal vez sorprenda a muchos, sobre todo teniendo en cuenta la desorientación política de los intelectuales y la ignorancia de la tradición europea del saber político, Maschke se refiere al Kat-echon o dique político, cuya tarea consiste en «detener la aceleración de la historia, bloquear el tiempo desencadenado en el camino hacia una unidad mundial sin Adán y sin Jesucristo, retardar el tiempo a través del espacio que conserva la sustancia histórica propia de los pueblos» (23). En su opinión, deudora de la crítica al universalismo político de Carl Schmitt, la forma de lo Político emergente, el Grossraum (24), representa el nuevo Kat-echon, pero el sesgo que están tomando los acontecimientos en Europa hace pensar, más bien, que «la Comunidad Europea constituye una máquina de la velocidad final, para usar las palabras de Kierkegaard, una aceleración hacia la muerte» (25).

3. UN LIBRO DE POLITICA EUROPEA.

Los problemas del europeo, destacados aquí, no son los únicos; tampoco son nuevos. Es muy probable, sin embargo, que entre ellos se cuenten los que con más urgencia reclaman el examen de la inteligencia política. Desde que se produjo la retirada europea del mundo-proceso denominado descolonización- una vez recuperada la salud material del continente al final de la Guerra civil europea, ha tenido lugar, en palabras de Díez del Corral, la aceleración del rapto o expropiación europea. Las mentes más lúcidas de Europa no han ahorrado esfuerzos para remediar esta situación y, en la medida de lo posible y de sus fuerzas, revertirla. Las soluciones argüidas, como nadie ignora, pasan casi todas por la realización de la unidad europea, concebida ésta, no obstante, desde muy diversas ópticas: el «federalismo integral» de Alexandre Marc y su escuela (26); la «política de civilización» de Rougemont, Madariaga y los demás europeístas del Congreso de La Haya de 1948; las «Comunidades europeas» de Jean Monet. En relación con estas últimas suscita un interés especial la Europa del «principio de supranacionalidad», no por su novedad como instrumento ejecutivo de una política de unificación europea, sino porque su examen conduce al corazón de lo Político: ¿cuál es el verdadero principio político federativo?

El predominio en la Europa actual de ciertos prejuicios economicistas, de los que se hace depender ahora la Unión, justifica sobradamente la relectura de un libro de Francis Rosenstiel (27), en el que se aboga, bajo inspiración en parte schmittiana, por una Europa verdaderamente política o, lo que resulta equivalente, por una Europa que trascienda el normativismo de los juristas, el automatismo de los mercados y el mito tecnocrático, mentalidades amparadas, según la opinión del autor, por el pseudo principio político de la supranacionalidad.

jm96321.jpgEn junio de 1961 tuvo lugar en la Facultad de Derecho de Estrasburgo la defensa de la tesis del doctorando F. Rosenstiel. La tesis fue publicada al año siguiente con el título Le principe de supranationalité. Essai sur les rapports de la politique et du droit (28). La obra no despertó el interés que merecía, pero poco después fue preparada la traducción al alemán. En ella tuvo Carl Schmitt una participación puntual y preciosa. El gran jurista había conocido el trabajo de Rosenstiel en una copia que, por mediación de un amigo común, Julien Freund, había recibido a principios de 1961. La impresión que le causó fue honda, hasta el punto de haber considerado la oportunidad de que un prólogo suyo acompañase la edición francesa, aparecida, a la sazón, cuando los alemanes, en palabras del propio Schmitt, temerosos de cualquier decisión en el terreno de la unificación europea, habían hecho de la no decisión una moral: «su opción por la Europa comunitaria constituye una opción a favor del ideal de la no decisión» (29). Aunque Schmitt, finalmente, rehusó escribir el prólogo, la edición alemana conservó, por deseo expreso de Rosenstiel, el subtítulo «fascinante» sugerido por aquel: Supranationalität. Eine Politik des Unpolitischen (30), es decir, La supranacionalidad. Una política de lo impolítico.

La traducción española fue impresa en 1967 por el Instituto de Estudios Políticos, a cuya dirección se acababa de incorporar el jurista y escritor de temas políticos Jesús Fueyo Alvarez. La colección que incluyó el volumen, titulado en español El principio de la supranacionalidad. Ensayo sobre las relaciones de la política y el derecho, estaba dirigida por el gran internacionalista Camilo Barcia Trelles.

4. VIDA COMO ADAPTACION: LA UNION EUROPEA Y EL PRINCIPIO DE SUPRANACIONALIDAD.

El libro de Rosenstiel tiene dos partes en cierto modo desiguales. En la primera, que recoge los tres primeros capítulos, el autor desarrolló propiamente su tesis, a saber: la supranacionalidad no es ni un concepto jurídico ni un principio político. En realidad, es una especie de categoría mixta que encubre la confusión entre lo Político y lo Jurídico, entre la normatividad de la política y la mera normalidad del derecho. Según sus propias palabras, la supranacionalidad consiste en una «técnica de integración» que presupone la alteración de las relaciones entre la política y el derecho (31). A esta conclusión llega una vez que la «esencia política de la soberanía» y las relaciones entre soberanía, supranacionalidad y federalismo han sido estudiadas.

En la segunda parte se examinaron con detalle algunas de las consecuencias políticas de la supranacionalidad. Sus dos capítulos quieren presentar, aunque no de manera sistemática, las relaciones concretas entre la política y el derecho, la economía y la política, la técnica y la política y lo Político y lo militar en el marco de las instituciones europeas.

El punto de partida del estudio es la situación histórica del Estado-nación europeo, caracterizada por el «conflicto de soberanías declinantes» (32). En ese contexto, la ilusión del jurista consiste en creer que sus nociones pueden sujetar a la soberanía, es decir, a la facultad de decidir sobre la situación de excepción («Über den Ausnahmezustand entscheiden» (33). Rosenstiel, que recoge el concepto de soberanía de Schmitt, no admite el prejuicio jurídico según el cual la crisis de las soberanías europeas dará lugar, gradual o automáticamente, a otra cosa, canalizado el proceso por las instituciones correspondientes. En su opinión, «el jurista, si bien no se adapta a los rodeos de lo Político, no puede resistir el deseo de integrar cualquier individualidad jurídicamente sospechosa en una u otra categoría jurídica preexistente» (34).

Contra la opinión dominante desde entonces, que atribuye al principio de supranacionalidad unas virtudes políticas extraordinarias (la coordinación de soberanías, la misteriosa y automática cancelación de la guerra civil europea sin necesidad de un Tratado de paz, la misión pedagógica federalista, la integración funcional de las naciones), el autor tuvo el valor intelectual de espetar un silete iurisconsultus in munere aliene!: la técnica de la supranacionalidad no puede franquear el escollo de lo Político, pues «es un hecho que no se podrá contradecir que lo jurídico no puede conducir más que a lo jurídico» (35). Curiosamente, el principio que cultivan los abogados del espontaneísmo de las instituciones jurídicas comunitarias es el mismo que pregonan los neonacionalismos periféricos europeos: la soberanía se aniquilará a sí misma y de esta donación generosa emanará una nueva forma de lo Político... Mas a un poder sólo puede sucederle otro poder. Lo dijo Vilfredo Pareto e insiste en ello Rosenstiel. En materia política, creer en «tomas de conciencia y lentas maduraciones equivale a erigir la providencia al rango de institución» (36). El autor es aquí, tal vez, demasiado comedido, pues al no existir en política el vacío de poder, se trata de que la parcela que una élite abandona se la apropia otra: bien la «New class» cosmopolita de los tecnócratas de Bruselas, bien los cuadros de los partidos neonacionalistas que quieren jugar a la gran política.

Rosenstiel desengañó a los bellos espíritus de la política europea, pues nada permite pensar que la soberanía estatal pueda autolimitarse o, como dicen en nuestros días los maquiavelistas, compartirse: en la soberanía sólo cabe la sucesión (37). Al estar por encima de la legislación, la soberanía puede crear excepcionalmente las situaciones jurídicas. La afirmación inversa le da la vuelta a la primacía existencial de lo Político sobre lo Jurídico. El derecho no puede ser, en este sentido, soberano. Tampoco, por cierto, la Constitución, como sabiamente advertía Guglielmo Ferrero al acuñar la noción de cuasi-legitimidad (38).La llamada integración funcional de la supranacionalidad no podrá nunca, ciertamente, realizar el milagro que de ella se espera. Sus resultados tienen que ver, más bien, como hoy se aprecia, con la tendencia al superestatismo. Este peligro fue denunciado casi en soledad durante algunos años por el economista Wilhelm Ropke. «Si el mercado común, decía en la década de 1950, se transforma en saint-simonismo, es decir, en un dominio del aparato europeo, en un dirigismo europeo de gran estilo, no será mejor sino mucho peor que un dirigismo nacional, por no tener cortapisas y por ser más ineludible y más amplio» (39). ¿Qué ha devenido la Unión Europea aparte de una «Verwaltungsgemeinschaft», de una colección de reglamentaciones jurídicas -creadoras de nuevas situaciones jurídicas, de un cuerpo de Derecho público administrativo como el descrito por Rosenstiel? Esta interrogante y otras análogas no tienen respuestas esperanzadoras desde un punto de vista político. En esta línea, el gran logro de la política exterior europea (PESC), según se puso de manifiesto en la Guerra de Yugoslavia, consiste en haber consagrado la práctica de facultar incluso a una Rusia decadente para que intervenga en el Gran Espacio europeo (40).

Cuando Alexander Hamilton, James Madison y John Jay escribieron los artículos recogidos en The Federalist Papers algunos de los más serios obstáculos para el modelo de Federación postulado pasaban por «el interés patente de la élite política de los Estados en una resistencia a cualquier cambio que pudiese implicar una disminución de su poder o emolumentos» (41). En Europa sucede lo contrario, aunque el problema de fondo es el mismo: el mayor número de adictos a la Unión Europea o, al menos sus partidarios más activistas, pertenecen a las élites partitocráticas o burocráticas, que intentan adaptarse a los cambios en lo Político ampliando el radio de acción del estatismo (42). ¿De qué otra manera es posible interpretar la obsesión por la homogeneización de la fiscalidad del ahorro, política que impide una sana «competencia fiscal» de los Estados y a la que apenas si se aludió en la reunión de los Ministros de Economía y Finanzas de la Unión Europea, celebrada en Santa María de Feira en junio de 2000? (43). Si la consecuencia a corto plazo del principio de supranacionalidad es el dualismo de una «soberanía en suspenso» (44), lo que a largo plazo está en juego es, efectivamente, la posibilidad de despojar a la anti-ideología estatista de su disfraz racionalista, moralista y metafísico que, en opinión de Rosenstiel, «enmascara el rostro permanente de lo Político» (45).

jm59307.jpgEn el «orden de las soberanías normativamente subordinadas» (supranacionalidad) no halló el autor un verdadero principio federativo. Este se encuentra en un terreno muy distinto de la realidad política: en el «orden de las soberanías integradas», lo que se conoce como «potencia pública federal». Así, mientras que la «supranacionalidad de las comunidades es una afirmación de intención, la supranacionalidad de la federación es una afirmación de poder» (46). Para el autor, el principio federalista constituye un verdadero principio político federativo. En él cifra la posibilidad de una unión verdadera de los Estados europeos, dado que su situación geopolítica sería similar a la de los Estados de América del Norte en vísperas de la Constitución de 1787 (47). Entendido como «técnica jurídica de la democracia», el federalismo es un instrumento político que «se convierte en un modo de vinculación de las soberanías, apto para darles una única convergencia en función de una situación dada» (48). El problema, empero, es la deficiente recepción del ideal federalista, entendido como una doctrina universalista (en el sentido de Proudhon o en el de los partidarios del federalismo integral, por ejemplo), pues eso constituye la antítesis de lo Político. La Federación mundial no tiene más sentido que el Estado mundial. El ecumenismo cataláctico, moralista y religioso tiene su antítesis en el carácter partitivo de lo Político. Dicho de otra manera: para que las actividades económica o religiosa unan, lo Político tiene que separar. En el fondo, el autor ha diagnosticado muy bien la disyuntiva europea: o una supranacionalidad incapaz de adaptarse a las mutaciones en lo Político, o un federalismo funcional o parcial, meramente técnico. Cualquier cosa antes que el federalismo político. A esta especie de indefinición (49) tal vez pueda imputarse el alejamiento de lo Político de la Unión Europea, a pesar de que sus instituciones quieran consagrarse a la defensa de un régimen político concreto -el mismo Rosenstiel, confundiendo la democracia moral y la política, entiende que el federalismo es un «humanismo al servicio de la democracia» (50)-.

En la práctica, la Unión Europea parece reproducir los hábitos morales, los defectos de la virtud cívica y las relaciones de poder que han despolitizado al Estado. El superestatismo de la Unión Europea, exhibido por las reglamentaciones del trato entre particulares, la burocratización de las actividades económicas, la tendencia creciente de la presión fiscal y la nula representatividad de los tecnócratas que, sugestionados por la economía de los mercados mundiales, simulan decisiones políticas, recuerda a lo que Ortega y Gasset decía en su ensayo Del Impeno Romano: «hay épocas en que, por causas múltiples, desaparece para (los) pueblos la posibilidad de preferir unas instituciones a otras; antes bien, sobrevienen ineluctablemente, sin margen para la opción, impuestas por una necesidad mecánica e inexorable. Nadie las quiere propiamente, si por querer se entiende algo que implique el preferir (...) Esto y no otra cosa es vida como adaptación» (51).

5. DIALECTICA EUROPEA DE LO POLITICO Y LO JURIDICO.

jm140.jpg«Tanto desde el punto de vista jurídico como desde el político, la "supranacionalidad" constituye una máquina sin motor» (52). Con esta categórica afirmación el autor pone principio al examen de algunas referencias doctrinales y jurisprudenciales para mejor ilustrar su tesis. No buscó Rosenstiel, en ningún caso, la exhaustividad, pues no es el suyo un tratado de exégesis jurídica. Esto permite, sin violentar la estructura del libro, destacar las contraposiciones que se manejan a lo largo de la obra, pero especialmente en la segunda parte, sobre todo, la dialéctica entre lo Político y lo Jurídico, asunto que justifica su análisis. No obstante, Rosentiel dejaba aflorar sus opiniones acerca de las relaciones entre lo político y lo técnico, lo político y lo económico y también, naturalmente, las de lo Político con lo Militar.

«Todo es extraño, escribía Rosenstiel, cuando se considera con ojos de novicio las relaciones entre la política y el derecho» (53). Siendo todo derecho «Situationsrecht» o derecho de la situación concreta, la responsabilidad sobre su eficacia y validez afecta de lleno a la acción política. Sin embargo, se pretende que el cuerpo que forman los Tratados constitutivos, los reglamentos, directivas y demás normativa jurídico-administrativa de la Unión Europea (el Derecho originario y el derivado) sea autosuficiente desde la óptica política, como si no hubiese solución de continuidad entre la decisión política constituyente y las prescripciones jurídicas constituidas. La soberanía política del Derecho, en contra de la opinión dominante, constituye la utopía vergonzante del normativismo jurídico. Ahora bien, como dicha mentalidad jurídica no puede existir en estado puro, la neutralidad de sus mecanismos deviene necesariamente positivista (54), lo que explica el sesgo reglamentista del ordenamiento jurídico de la Unión Europea. Excluida del mismo la decisión política, casi todos los problemas europeos parecen reducirse a una cuestión de ingeniería jurídica (55). El desarrollo del derecho de reglamentación-creador de situaciones jurídicas, en perjuicio del derecho de regulación -mero ordenador de relaciones sociales-, además de constituir la manifestación más evidente de la confusión entre lo Político y lo Jurídico, está sirviendo para hacer de la Unión un complejo artificio legislativo, ajeno cuando no contrario a los intereses de las naciones europeas.

La apelación al derecho comunitario viene eclipsando desde hace tiempo el problema del sujeto activo de la unificación de los Estados europeos. Resulta improbable que los Estados soberanos devengan algún día los artífices de su propia desaparición histórica. Lo mismo puede decirse de los movimientos espontáneos de la opinión pública continental. Descartado, en cualquier caso, una suerte de decisionismo político, que a todos parece incomodar, sólo queda hacer responsables de la unificación o a la fatalidad, mezclada, no obstante, con ciertas dosis de ignorancia geopolítica y cliopolítica, o a las partidocracias, que necesitan, como dirían sus críticos, ampliar el «spoil system» estatista, o, finalmente, a las elites burocráticas.

Con respecto a estas últimas planteó Rosenstiel la dialéctica entre lo Político y lo Técnico o lo tecnoburocrático. Para el autor, la relevancia y la autoridad de los tecnócratas europeos es algo consagrado por el «entumecimiento de lo Político» (56). En rigor, el principio de supranacionalidad no es más que una forma de Administración sui generis, «una visión nueva y horizontal de la administración» (57). Tiene razón Rosenstiel, por tanto, al afirmar que la supranacionalidad sólo existe realmente en el plano de los tecnócratas. A su tesis cabría objetar, no obstante, que su presuposición de la identidad entre Administración y Tecnoburocracia carece de fundamento, al menos desde el punto de vista político. En efecto, la Administración, a pesar de las críticas que hoy suscita de parte del economicismo neoliberal, a pesar, incluso, de que sus principios políticos han sido minados por la ideología de la gestión privada, continúa siendo uno de los últimos reductos de la sana Razón de Estado. Por el contrario, la Tecnoburocracia constituye uno de los poderes indirectos contemporáneos. Mientras que la Administración se ordena a los fines de lo Político, la Tecnoburocracia pretende someterlo. Algo parecido sucede, según el autor, con las relaciones entre lo Político y lo Económico, pues la opinión dominante insiste en la preeminencia de esto último. Tanto es así que una de las pocas decisiones políticas que se han adoptado recientemente -a saber: la creación del Euro o moneda única-se suele presentar normalmente como una medida de índole económica, justificada no por la «necessitta» política sino por la evolución natural de los mercados internacionales ¿Por qué tantos esfuerzos para enmascarar la expropiación de la pluralidad de monopolios estatales de acuñación, atributo que Bodino atribuía a la soberanía? (58)

jm716709.jpgTocante a la politicidad de la Unión Europea, resulta obligado referirse, aunque sea en último lugar, a uno de sus aspectos decisivos: el militar. El fracaso de la Comunidad Europea de Defensa (C. E. D.), que podría haber sido el verdadero germen político de la Unión, se debió probablemente a que anunciaba efectos irreversibles en lo Político (59). La C.E.D., en opinión de Rosenstiel, fue rechazada «tanto por los mecanismos que comprendía, como por los efectos de aceleración política que implicaba en breve plazo» (60). En ese momento se frustró y retrasó sine die la posibilidad de una verdadera política exterior europea -tal vez de una doctrina Monroe para el Viejo continente, cada vez más lejana-: «a las sirenas demasiado comprometedoras de la C. E. D. y de la Comunidad Europea se debía preferir la Unión de la Europa Occidental (U. E. O.), instituida por los acuerdos de París de 23 de octubre de 1954» (61). Dicho de otra forma, la C. E. D. chocó con la «lucidez política de los nacionalismos» (62). Las cosas, probablemente, no han cambiado mucho desde que la Asamblea Nacional Francesa rechazase la ratificación de los Protocolos de la Comunidad Europea de Defensa el 30 de agosto de 1954, propuesta por el gobierno de Mendès France.

Quiérase o no, en lo militar reside el verdadero principio político federativo. El polemólogo francés Julien Freund lo expresó con claridad meridiana: el verdadero problema de Europa es que la «verdadera integración se realice a través de lo militar, pues sólo lo militar plantea la cuestión de vida o muerte («seul le militaire pose la question de vie et de mort»). ¿Está usted dispuesto a morir por alguna causa? ¿Por la causa europea, por ejemplo? Me gustaría preguntar a los franceses y a los alemanes: ¿Están ustedes dispuestos a morir por Europa? No es seguro que la respuesta fuese positiva» (63).

6. EL GRAN ESPACIO O LA VIDA COMO LIBERTAD.

La Unión Europea parece concentrada exclusivamente en su misión burocrática e intervencionista. En ella han encontrado refugio y justificación los adalides del «social constructivismo», los mismos que rechazan la dimensión militar de lo Político, cuando no lo Político mismo. El economicismo y el moralismo, por su parte, quieren hacer las veces del pensamiento político. Si se tiene en cuenta el cambio del horizonte de posibilidades históricas, el problema de los europeos no consiste únicamente en que «no hay en las comunidades supranacionales más que una base de intuición política clarividente, pero encerrada en un argolla jurídica estrecha e inadaptada» (64). Rosenstiel se acercó a la cuestión de fondo al advertir, con la terminología de la época, que «después de dos guerras mundiales, el ámbito de la democracia, de una parte, y el de la eficacia política, de otra, se han desplazado del Estado nacional, sea unitario o federal, a los conjuntos estatales multinacionales y continentales» (65). En esta emigración de lo Político hacia nuevas bases pudo cifrar Carl Schmitt la emergencia de los Grandes espacios (66). Paradójicamente, según es notorio, la construcción de la Unión Europea le ha dado la espalda a esa nueva ordenación de lo Político. Ajena a la mutación del Nomos, Europa consume sus mermadas fuerzas en la búsqueda de formas políticas compensatorias (67).

jm75280316.jpg«El hombre, decía Ortega y Gasset, no es libre para eludir la coacción permanente de la colectividad sobre su persona que designamos con el inexpresivo nombre de "Estado", pero ciertos pueblos, en ciertas épocas, han dado libremente a esa coacción la figura institucional que preferían -han adaptado el Estado a sus preferencias vitales, le han impuesto el gálibo que les proponía su albedrío-. Eso y no otra cosa es vida como libertad»68. ¿Cómo se conducirá el europeo en las circunstancias actuales? ¿Podrá cambiar su perspectiva histórica? ¿Se liberará del superestatismo de la Unión Europea? ¿Sabrá, en suma, ser fiel a la tradición europea de lo Político y descubrir en el Grossraum la vida como libertad? La obra de Rosenstiel sigue suministrando, en este sentido, buenos argumentos para la reflexión política sobre el futuro de Europa.

J. Molina

Notas

1 Véase La diplomacia, en «Razon Española» num. 101, 2000. Además, Negro PavÓn, D., El consenso se sulfura, en «La Razón», 8 de febrero de 2000.

2 Tratada magistralmente por DIEZ DEL CORRAL, L., El rapto de Europa. Alianza. Madrid, 1974.

3 Sobre lo infundado de tantos mea culpa puede verse DE ROUGEMONT, D., Europa como posibilidad. Taurus. Madrid, 1946, pp. 103-111. Imprescindible en el macuto de campaña ARON, R., Plaidoyer pour l'Europe décadente. Robert Laffont. Paris, 1977.

4 El realismo politico constituye la linea de resistencia frente al neorrepublicanismo, definido por quien es a la sazón uno de sus más acreditados representantes franceses, no sin cierta ambiguedad, como una forma abstracta de pensar las exigencias de la politica sin tener en cuenta los «ámbitos de civilización». TENZER N., La pomica y la filosofia politica: ensayo de definición conjunta, en DEL AGUILA, R. et al, «La politica ensayos de definición». Sequitur. Madrid, 2000, p. 73 En el prólogo a un texto ocasionalista, como lo son todas las piezas del verdadero pensamiento politico—se quiera o no, la verdad politica es polemogena y beligerante—,se referia Femandez de la Mora a que el «pensamiento politico occidental es platonizante porque arranca de la hipótesis de que existe el Estado ideal, o sea, una formula constitucional perfecta válida para cualquier tiempo y lugar». El Estado de obras. Doncel. Madrid, 1976 p 7 En ei neorrepublicanismo ha retoñado, sin duda, el modo de pensar «platonizante». Ello explica el equivoco prestigio politico de filósofos sociales como Isaiah Berlin.

5 Para esto vease NEGRO PAVON, D., «EI liberalismo, la izquierda del siglo X». En SANABRIA, F. y DE DIEGO, E., ed., Elpensamiento liberal en elfin de siglo. Fundacion Cánovas del Castillo. Madrid, 1997

6 Vease MOLINA CANO, J., Elproblema de la democracia moral y la teoria de lasformas de gobierno en Julien Freund, en «Hespendes», núm. 20, 2000.

7 Sobre el Estado moderno como «centro» véase NEGRO PAVON, D., Ontologia de la Derecha y la izquierda. Un posible capítulo de reologia pomica, en «Anales de la Real Academia de Ciencias Morales y Politicas», ano Ll, num. 76

8 Puede consultarse MANENT, P., La cité de l'homme. Fayard. Paris, 1994. También ARENDT, H., La condición humana. Paidós. Barcelona, 1996 DONZELOT, J., L'invention du social. Essai sur le déclin des passionspolitiQues. Seuil. Paris, 1994

9 Véase FREUND, J., Die industrielle Konfliktgesellschaft, en «Der Staat», vol. 16 num. 2, 1977

10 Véase SCHUMPETER, J. A., La crisis del Estadofiscal, en «Hacienda Publica Española», num. 2, 1970.

11 Es el caso, entre otros, de FRIEDMAN, M., Libertad de elegir. Planeta-D'Agostini. Barcelona, 1993.

12 Vease el sugestivo libro de FUNES ROBERT, M., La lucha de clases en el siglo XXI. Vision política de las crisis económicas de nuestro tiempo. ESIC. Madrid, 1997.

13 Vease Más allá de la oferta y la demanda. Valencia. Fomento de cultura, 1960, pp. 198, 206, 255, 323. En terminos equivalentes, pero con menos recato, se expresa ROTHBARD, M. N., Economistes et charlatans. Les Belles Lettres. Paris, 1991.

14 Sobre esto, MOLINA, J., La politica social en la historia. Diego Marin Librero. Murcia, 2000.

15 Al menos hasta la publicacion en 1965 del libro de FERNANDEZ DE LA MORA, G., El crepúsculo de las ideologfas, debelador del modo de pensar ideológico. Se cita casi siempre el volumen miscelaneo de Daniel Bell, The End of Ideologies (1960), como una referencia fundamental de la literatura antiideologica curiosamente, sus páginas postulan la antitesis de una politica sana y desideologizada. En opinión dei sociologo norteamericano, acuñador de buenos lemas, el fin de las ideologias se resume en «un acuerdo general respecto de cuestiones politicas como la aceptación del Estado social, el deseo de un poder descentralizado, el sistema de economia mixta y el pluralismo politico». Vease BELL, D., El fn de las ideologías. Ministerio de Trabajo. Madrid, 1992, p. 449. Bell no advirtió que ese «consenso general» ha sido una de las causas de la despolitizadora del continente europeo.

16 Imprescindible CONDE, J., «El hombre, animal politico», en Escritos y fragmentospolíticos. Instituto de Estudios Politicos. Madrid, 1974, vol. ll, pp. 21 sq.

17 Véanse CAMPI, A., Schmztt, Freund, Miglio. Figure e temi del realismo politico europeo. Akropolis. Florencia, 1996. MOLINA, J., Julien Freund, lo politico y la polítca. Sequitur. Madrid, 2000, pp. 59 sq. Sobre la tradición liberal de lo Politico, imprescindible NEGRO PAVON, D., La tradiczón liberal y el Estado. Union Editorial. Madrid, 1995. También MOLINA, J., «La supuesta apoliticidad del liberalismo», en SANABRIA, F. y DE DIEGO, E., op. cit. Sobre las raices politicas o «realistas» del liberalismo, MANENT, P., L'histoire intellectuelle du libéralisme. Calmann-Lévy. Paris, 1987.

18 Vease ¿Despolitizacion de Europa?, en «Razón Española», núm. 81, 1997.

19 Véase NEGRO PAVON, D., Liberalismo y socialismo. La encrucijada intelectual de Stuart Mill. 1. E. P. Madrid, 1975.

20 El topico fue legalizado más tarde por el revisionista aleman Eduard Bemstein en folletos como ¿Qué es el socialismo? Véase en BERNSTEIN, E., Socialismo democrático. Tecnos. Madrid, 1990. Esta opinión, que tenia no obstante algo de verdad, se combinó peligrosamente con el socialismo alemán de tipo prusiano promovido por la socialdemocracia de Ferdinand Lasalle, responsable historico de la estatizacion del pensamiento socialista, cuya gran obsesión personal fue la destruccion del movimiento cooperativista aleman, insusceptible de ideologizacion. Vease LASALLE, F., Manifiesto obrero y otros escritos políticos. Centro de Estudios Constitucionales. Madrid, 1989.

21 Vease LUCKACS, G., Historia y conciencia de clase. Grijalbo. Barcelona, 1975.

22 Sobre el estatismo hay sugestivas acotaciones en GAGO GUERRERO, P. F., Acerca del surgimiento de las ideologías, en «Cuenta y Razon», num. 103, 1997. Con una óptica distinta, HUERTA DE SOTO, J., «Estatismo y corrupción ética», en SANABRIA, F. y DE DIEGO, E., op. cit.

23 La unificación europea y la teoria del Gran espacio, en «Disenso», núm. 16, 1998, p. 52. Existe una version ampliada: La unificaci6n de Europa y la teoria del Gran espacio en «Carl Schmitt-Studien», 1/2000.

24 Puede consultarse SCHMITT, C., Escritos de politica mundiaL Heracles. Buenos Aires, 1995. Especialmente los textos: «EI concepto de Imperio en el Derecho Internacional», «La lucha por los Grandes espacios y la ilusion Norteamericana» y «La unidad del mundo».

25 MASCHKE, G., loc. cit., p. 57.

26 Origenes, balance y perspectiva de este movimiento en DIAZ CARRERA, C. (ed.), Elfederalismo global. Union Editorial. Union Editorial, 1989.

27 El alsaciano Francis Rosenstiel, a la sazón alto funcionario del Consejo de Europa, cuya jefatura de Relaciones exteriores desempeño, ha sido profesor de Relaciones intemacionales y Derecho internacional economico en la Universidad de Ciencias Juridicas y Politicas de Estrasburgo (ahora Universidad Robert Schuman o Estrasburgo III). Su obra no es muy extensa, destacando los trabajos que ha dedicado a la cuestión judía. Asi, en colaboracion con Sholomo Giora Shoham, edito Der Sige des Opfers. Klett & Cotta. Stuttgart, 1980. Asi mismo, Big Brother, un inconnufamilier: Contributions au Colloque George OrvJell 1984 mythes et réalités. L'Age de l~omme. Paris, 1986. Tolede et Jerusalem: tentative de symbiose entre les cultures espagnole et judatque. L’Age de l'homme. Paris, 1992. Una de sus últimas publicaciones es Les dents du destin: Vichy et suites. Transition. Paris, 1997.

28 Burdeos. Ed. A. Pedone, 1962.

29 Véase FREUND, J., La mia correspondenza con Carl Schmitt, en «Studi Perugini», num. 1, 1996, p. 208.

30 Kiepenheuer & Witsch. Colonia y Berlin, 1964.

31 ROSENSTIEL, F., Elprincipio de la supranacionalidad, p. 33.

32 Op. cit., p- 25

33 SCHMITT, C., Théologiepolitique. Gauimard. Paris, 1988, p. 15.

34 ROSENSTIEL, F., op. cit., p. 27. Aunque después se volverá a insistir en ello, una de las ultimas aportaciones de este juridicismo ayuno de saber politico la constituye la pintoresca teoria de la «soberania compartida» patrocinada en Espana por algunas partidocracias regionales.

35 Op. cit., p. 190. Decía Freund, dandole la vuelta a la afirmacion, que la única alternativa a la politica es la misma politica. En L'Essence du Politique. Sirey. Paris, 1986, p. 618.

36 Op. cit., p. 41.

37 Op. cit., p. 171. La soberanía es indivisible y en consecuencia no puede compartirse. Op. cit., p. 51. Así pues, desde el punto de vista de la politica interior, la «poliarquía» o «pluralismo social» en el sentido de Schmitt, no pasa de ser una enfermedad de la politica y de la decision que se manifiesta al final de un ciclo politico. Vease MIGL10, G. Monocracia, en «Hespérides», num. 20, 2000. SCHMITT, C., El concepto de lo político. Alianza. Madrid, 1992, pp. 70 sq.

38 Vease Elpoder. Los genios invisibles de la ciudad. Tecnos. Madrid, 1991. Pp. 212 sq. A la «soberanía de la Constitución» únicamente apela quien no cree en los titulos y facultades del poder legitimo y en su mision configuradora de un orden politico sano.

39 Organizacion e integracion económica intemacional. Fomento de Cultura. Valencia, 1959, p. 359.

40 Naturalmente, ningún europeo es capaz de concebir una intervención de la Unión en el conflicto de Chechema. El liderazgo indiscutido en Europa de los Estados Unidos de América ni siquiera merece ya un comentario. En 1939 Carl Schmitt defmio muy bien este tipo de situaciones, al definir el Impero o Gran espacio como «aquellas potencias rectoras y propulsoras cuya idea politica irradia en un espacio determinado y que excluyen por principio la intervención de otras potencias extrañas al mismo». Vease «El concepto de Imperio en el Derecho intemacional» (traduccion de Javier Conde), en Escritos de política mundial El moralismo internacionalista y la retórica de la 0. N. U. apenas si logran maquillar la degradacion geopolitica del viejo continente.

41 TheFederalistsPapers. Mentor. NuevaYork, 1961 p 83

42 Muy pocos se han opuesto a la emigracion de la ideologia estatista hacia Bruselas y Estrasburgo. Durante los años 1980 lo intentaron casi en solitario los intelectuales del rnstitute of Economic Affairs, consejeros áulicos de Margaret Thatcher, y unos pocos neoliberales del continente. En los 90, con menos exito, se han sumado a las voces criticas las de los escritores de la Nouvelle Droite francesa, las de los neofederalistas lombardos en Italia y algunas otras. Vease MIGL10, G., Ex uno plures, en «Limes-, num. 4 1993 También del mismo: Laprospettiua teorica del nuovofederalismo (intervista a cura di Marco Bassani~, en «Federalismo & Societa», núm. 2 1994. Finalmente: HUERTA DE SOTO, J., «Teoria del nacionalismo liberal» y «Por una Europa libre», en Estudios de Economia Política. Unión Editorial. Madrid, 1994 El supuesto europeísmo de los ciudadanos europeos, que en algunos casos puede incluso ser puro y no un producto de la propaganda oficial, tiene más que ver con la destrucción del espiritu de las grandes naciones europeas. Véase MASCHKE, G., La unificación de Europa y la teoría del Gran espacio, loc. cit., p. 31

43 La máxima contradiccion se produce cuando se postula oficialmente un régimen de maxima transparencia de las inversiones, como sucede por ejemplo con el levantamiento del secreto bancario en algunos paises. Este tipo de aspiraciones, por definicion, carecen de sentido en un entorno en el que, teoricamente al menos, se ha librado a los flujos de capital de la vigilancia administrativa. Identica paradoja se observa en la ofensiva de la 0. C. D. E. contra los paraisos fiscales de la tierra. En plena revolucion digital no parece que tenga mucho sentido de la realidad actuar los resortes de la vieja policia fiscal.

44 Para Rosenstiel, «habiendo sido defmida la soberania en su fase inicial, como la coincidencia de lo juridico y de lo politico, el hecho de que haya hoy, de una parte, una soberania juridica sin efectividad politica y, de otra, una soberania juridica sin efectividad juridica, da toda la medida de lo que hemos llamado una soberania en suspenso». Op. cit., p. 72.

45 Op. Ctt., p. 67.

46 ROSENSTIEL, F., op. cit., p. 95.

47 Op. cit., pp. 109-110. Aunque, tal vez, la situación cliopolitica no sea tan favorable y no resulte conveniente llevar tan lejos la analogía.

48 Op. cit., p. 107.

49 A la que habria que añadir, probablemente, la confusión introducida en paises como España, Italia o el Canadá, cuyas elites regionales, en algunos casos, han patrocinado una interpretación del federalismo que hace de dicho principio un instrumento para desbastar Estados.

50 Op. at., p. 113.

51 Las Atlántidas y Del Imperlo romano. Alianza. Madrid, 1985 pp 176 177.

52 ROSENSTIEL, F., op. cit., p. 139

53 Op. cit., p. 207

54 Vease SCHMITT, C., Sobre los tres modos depensar la ciencia jurídica. Tecnos. Madrid, 1996.

55 De ahi que no tenga mayor importancia la alocución del Presidente de la República Francesa en el Reichstag, proponiendo la fantasmagoria de una Constitución europea. Después de todo, lo que Fernandez de la Mora llamó «mania constitutoria» no es unicamente un mal hispanico. Véase FERNANDEZ DE LA MORA, G., El Estado de obras. P. 23-27

56 Op. cit., p. 141 Mas adelante asegura que la creencia de la aceleracion de lo Politico por la administracion no es más que un mito. P. 194.

57 Op. cit., p. 139

58 La ruinosa botadura del Euro se parece mucho a la imposición de una «moneda de ocupación» emitida por los burócratas de Bruselas. Sobre la dimension politica de los monopolios monetarios estatales véase HAYEK, F. A., La desnacionalización del dinero. Unión Editorial. Madrid, 1983 pp. 25-38 102-109 128-130. HUERTA DE SOTO, J., «La teoría del Banco central y de la Banca libre», en Estudios de Economiapomica.

59 La politica exterior y de seguridad común europea constituye realmente una caricatura de la idea original. La pregunta decisiva ni siquiera se formula: ¿quién es el enemigo de Europa?

60 Op, cit., p. 163.6l 0p.cit.,p 184.62 op. cit., p. 165.63 Vease L'aventure dupolitique. Criterion. Paris, 1991, p. 160.64 ROSENSTIEL, F., op. cit., p. 93. 65 Op.cit.,p.115. 66 Véanse SCHMITT, C., Escritos de Politica Mundial MASCHKE, G., «La unificación de Europa y la teoria del Gran espacio», en loc. cit. Tarnbien D'ORS, A., Laposesión del espacio. Civitas. Madrid, 1998, pp. 56-60.67 Véase ROSENSTIEL, F., op. cit, p. 204. 68 Op, cit., p. 176.s

dimanche, 22 septembre 2013

Rechtsphilosophie nach ’45

droit.jpgRechtsphilosophie nach ’45

 

von Günter Maschke

Ex: http://www.sezession.de

Zwar können Skizzen stärker anregen als penibel ausgeführte Gemälde, doch auch sie benötigen ihr Maß. Der Versuchung, sie allzu kärglich ausfallen zu lassen, widerstehen nur wenige.

Auch ein so umsichtiger und kenntnisreicher Rechtshistoriker wie Hasso Hofmann, dessen oft ungerechtes Buch Legitimität und Legalität – Der Weg der politischen Philosophie Carl Schmitts (1964) für immer aus dem Ozean der Carl-Schmitt-Literatur herausragt, ist dieser Gefahr erlegen. Wer die nunmehr 67 Jahre umfassende Geschichte der deutschen Rechtsphilosophie und -theorie seit dem Kriegsende auf 61 Seiten abhandelt (die Seiten 62–75 enthalten eine relativ stattliche Bibliographie), übertreibt den löblichen Willen, sparsam mit Papier umzugehen. Doch eine Taschenlampe ist nur eine Taschenlampe und ersetzt nicht einmal eine Notbeleuchtung.

Hofmanns asthenische Schrift (Rechtsphilosophie nach 1945 – Zur Geistesgeschichte der Bundesrepublik Deutschland, Berlin: Duncker&Humblot 2012. 75 S., 18 €), auf einem Vortrag vom Oktober 2011 bei der Siemens-Stiftung beruhend, beginnt mit der berühmten »Naturrechtsrenaissance« nach 1945. Ein eher behauptetes denn durchgeformtes aristotelisch-thomistisches Naturrecht, sich legierend mit der Soziallehre des politischen Katholizismus, bestimmte damals bis in die fünfziger Jahre die juristischen und rechtstheoretischen Debatten der frühen Bundesrepublik. Wie schon 1918 ließen sich die Geschlagenen vom sonst gerne ignorierten katholischen Gedanken anleiten. Zum großen Schuldigen am Desaster der Justiz unterm Nationalsozialismus wurde der »Rechtspositivismus« ernannt. Daß die deutschen Juristen sich zwischen 1933 und 1945 so willfährig zeigten, lag angeblich am hergebrachten »Gesetz-ist-Gesetz«-Denken, mit dem man das die Menschenwürde und die Menschlichkeit achtende Naturrecht ignorierte. Jetzt aber sollte der Vorrang der Lex naturalis (des durch die Vernunft allgemein erkennbaren Teils eines angeblich »ewigen Gesetzes«) gegenüber dem Jus positivum durchgesetzt werden; letzteres hatte sich ersterem unterzuordnen.

Aber der Skandal der Jurisprudenz während des Nationalsozialismus findet sich (zumal wenn man die damals eher geringe Produktion neuer Gesetze bedenkt!) nicht in einem knechtischen Rechtspositivismus, sondern in der Tendenz zur »unbegrenzten Auslegung« (Bernd Rüthers) schon lange bestehender Gesetze. Dabei darf man auch daran erinnern, daß diese sinistre Kunst der Auslegung sich nicht selten auf ein angebliches nationalsozialistisches Naturrecht stützte. Man begann also 1945 mit einer Legende – mit der Legende von der Schuld des Rechtspositivismus; Hofmann spricht hier triftigerweise von »Bewältigungsliteratur«. Diese Legende barg auch ein beachtliches destruktives Potential: Jetzt konnte man den Staat diffamieren und ihn bzw. das, was von ihm noch übriggeblieben war, demontieren. Der den Rechtspositivismus durchsetzende Leviathan wurde zerschnitten. Mittels der Legende vom Rechtspositivismus fälschte man den radikalen Nicht-Staat des Nationalsozialismus, einen wahren Behemoth, zu einem Staat, nein: zu einem extremen Hyper-Staat um. So wurde der Staat, die wehrhafte Relation von Schutz und Gehorsam, ein weiteres Mal, diesmal von einer anderen Seite her, attackiert. Im endlich vollendeten Großtrizonesien weihten sich schließlich auch die Juristen der vermeintlich so menschenfreundlichen Staatsfeindschaft.

Tatsächlich setzte diese Entwicklung, heute offen zutageliegend, 1945 mit den Leerformeln des Naturrechts ein. In einer sich beschleunigt säkularisierenden, partikularisierenden, an der Oberfläche pluralisierenden Gesellschaft wurde ein ewiges Sittengesetz verkündet, von dem man bekanntlich rasch gehörige Abstriche machen mußte. Der Einfluß des – wie seine Geschichte beweist! – so wandelbaren Naturrechts führte zu Absurditäten wie der, daß der Bundesgerichtshof 1954 den Verlobtenbeischlaf zur »Unzucht« erklärte. Die Meinung machte die Runde, daß das Recht dazu da sei, die Bevölkerung zu einer bestimmten Moral anzuhalten, – zu einer Moral, in der sich das wahre Wesen und die wahre Bestimmung des Menschen ausdrücken sollten. Im Rückblick verwundert es nicht, daß die mit Aplomb vorgetragenen Naturrechtsfragmente bald in einer Wertphilosophie des Rechts ihre Erbin fanden, einer Wertphilosophie, die mittlerweile das Staats- und Verfassungsrecht mit moralisierenden Suggestionen und Gesinnungseinforderungen zersetzt und die eine schreckliche Tochter gebar: die political correctness. Hier fehlt auch ein kritischer Blick auf das Surrogat einer Verfassung, auf das politisch wie intellektuell defizitäre Grundgesetz, das eher ein Oktroi der Besatzer war als eine eigene Schöpfung, – Hofmann rafft sich bei dieser Gelegenheit immerhin dazu auf, etwas spöttisch dessen »Sakralisierung« zu vermerken.

Gewiß hat sich der ideologische Überbau der Jurisprudenz seit den Jahren 1945 bis ca. 1955 beträchtlich verwandelt. Geblieben aber ist die Tendenz zur Abschaffung der Freiheit mittels der »Werte«. Zuweilen spürt man, daß Hofmann gegenüber einigen Aspekten dieser Entwicklung Einwände hegt, doch er spitzt nur mit großer Dezenz die Lippen und verbietet sich das Pfeifen. Die sich gemäß den hastigen Zeitläuften rasch ändernde Melange aus suggestiv sein sollenden Naturrechtselementen, aus dem Staate vorgelagerten »Werten« und aus einer eklektisch-vagen Humanitätsphilosophie, die zu unerbittlichen Exklusionen fähig ist, angereichert mit etwas Orwell und etwas Huxley – all diese so wandelbar scheinenden Ideologeme, die doch nur modernisierte Versionen der Melodie von 1945 sind, kommen zum immergleichen Refrain: Wen diese Worte nicht erfreuen, der verdienet nicht, ein Mensch zu sein.

Hofmann geht auch auf die Debatte zur analytischen Rechtsphilosophie, zur Rechtslogik und zur Topik ein, sowie auf die in den sechziger und siebziger Jahren Terrain gewinnende Rechtssoziologie. Man darf aber annehmen, daß sowohl das Rechtsbewußtsein der Bevölkerung als auch die juristische Praxis von dieser Art theoretischer Erörterungen wenig beeinflußt wurden. Bedeutsamer scheint da wohl der bald die Verfassungsebene erreichende Weg vom Rechtsstaat zum sozialen Rechtsstaat zu sein. Wir möchten hier aber Hofmanns so knappe Skizze nicht mittels einer noch kürzeren abschildern und reflektieren.

Zum Schluß wirft Hofmann noch einen Blick auf die allüberall kundgetane »Ankunft in der Weltgesellschaft«. In dieser wird angeblich die »Frage nach Zukunft« (Hofmann) unabweisbar. Doch die Forderung Kants, daß die »Rechtsverletzung an einem Platz der Erde an allen gefühlt« werde, ist nur eine trügerische, dazu noch intellektuell peinliche Hoffnung. Ein Weltbürgerrecht als Recht von Individuen, das an die Stelle des internationalen zwischenstaatlichen Rechts tritt, führt nur zu einem zügellosen Pan-Interventionismus und Menschenrechtsimperialismus, dessen »Vorgriffe« auf das Weltbürgerrecht uns in den letzten Jahren einige entsetzliche Blutbäder bescherten. Der Träger des Friedenspreises des Deutschen Buchhandels, Jürgen Habermas, hielt den Kosovo-Krieg, in dem die NATO alle bisherigen Rekorde in der Disziplin »Propagandalüge« brach, für einen derartigen »Vorgriff« auf die von ihm geliebte schwarze Utopie des Weltbürgerrechts, – wenn auch, wie es einem kritischen Intellektuellen bei uns ziemt, aus Naivität und nicht aus Bosheit.

Soll man zum Ewigen Frieden durch den Ewigen (dazu noch Gerechten) Krieg gelangen? Es gibt einige alte, sich immer wieder bestätigende Wahrheiten: Wer Menschheit sagt, will betrügen, und Ordnung kann nur auf Ortung beruhen. An diesen Wahrheiten festzuhalten, wäre die ehrenvolle Aufgabe eines Rechtsdenkens, das, um seine fast ausweglose Schwäche wissend, die furchtbaren Tatsächlichkeiten beim Namen nennt und diese weder ganz oder partiell beschweigt, verharmlost, noch, nachdem man sich zum Hans Wurst des Gerechten Krieges machte, mit etwas Bedauern rechtfertigt. Dazu sollte man auch verstehen, daß das Recht nicht den Frieden schaffen kann, sondern – im Glücksfall! – der Frieden das Recht.

 


 

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lundi, 04 février 2013

Günter Maschke - Das Geburtstagsgespräch

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Günter Maschke

Das Geburtstagsgespräch

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SEZESSION: Herr Maschke, Sie waren auf einem viertägigen Carl-Schmitt-Kongreß in Brasilien. Warum waren Sie der einzige Deutsche, wenn es doch um einen Deutschen ging, an dem sich hierzulande die Geister scheiden und über den Jahr für Jahr ein halber Meter Literatur erscheint?

MASCHKE: Unter den deutschen Interpreten Schmitts bin ich wohl der einzige, der mehrere Jahre in Lateinamerika (Cuba und Peru) gelebt hat und der sowohl dort als auch in Spanien und Portugal Dutzende von Vorträgen, Seminaren und ähnliches über Schmitt gehalten hat. Es finden sich dort auch ziemlich viele Veröffentlichungen von mir, zum Teil direkt auf Spanisch verfaßt und in Deutschland unbekannt. Ich kenne eine Reihe jüngerer Autoren, die sich mit Schmitt beschäftigen und ich war befreundet mit inzwischen leider verstorbenen Freunden Schmitts, etwa mit Álvaro d´Ors, José Caamáno Martinez, Jesús Feuyo oder Gonzalo Fernández de la Mora. Seit mehreren Jahren pflege ich auch Kontakte zu einigen Portugiesen.

SEZESSION: Mit anderen Worten – Carl Schmitt im spanisch-portugisischen Ausland ist fest in Maschkes Hand!

MASCHKE: Es waren Spanier und Portugiesen, die meine Teilnahme am Kongreß in Uberlándia anregten. Weshalb nur ich aus Deutschland eingeladen wurde, weiß ich nicht, aber vermutlich haben Sie recht mit Ihrer Aussage – obwohl ich nie eine Werk- oder Denkschulstrategie verfolgt habe.

gm85418080.jpgSEZESSION: Erzählen Sie etwas über den Ertrag dieser Tagung, über die Atmosphäre. Wofür interessierte man sich? Für den Schmitt von 1932 oder auch für etwas anderes?

MASCHKE: Der Kongreß war etwas allzu angestrengt und anstrengend – einundzwanzig Vorträge in vier Tagen, dazu in unterschiedlichen Sprachen. Die Atmosphäre war jedoch angenehmer als bei ähnlichen Unternehmen hierzulande, dies auch deshalb, weil es so gut wie nicht um die Frage ging, ob Schmitt sich 1933 falsch oder verantwortungslos oder gar verbrecherisch verhalten hat. Diese bestenfalls drittrangige Frage interessiert Ausländer nur sehr selten. Was sie interessiert sind die Probleme und Ideen in Schmitts Werk und welche Aktualität dieses Werk heute in der bedrohlich nahenden Zukunft besitzt. Das kam besonders in den Referaten von Joseph Bendersky (USA) – „Schmitt und der ‚Kampf der Kulturen’ bei Samuel Huntigton“ – und von Alain de Benoist (Frankreich) – „Der gerechte Krieg von heute und Carl Schmitt“ – zur Sprache. Aber es mangelte auch nicht an Vorträgen, die man der „Einflußliteratur“ (Friedrich Balke) zuzählen mag: Schmitts Verhältnis zu Kelsen, zu Machiavelli, zu Donoso Cortés, zu Blumenberg undsofort.

Man darf sagen, daß „für jeden etwas dabei war“. Das ist aber keine Kritik meinerseits. Ein erster, dazu auch noch internationaler Kongreß hat wohl immer eine derartig großzügige „Streuung“. Man vermißte einige Schmitt-Forscher aus Argentinien und aus Kolumbien, aber der bedeutendste Ertrag des Kongresses war wohl die Gründung eines „Internationalen Netzes für Schmitt-Studien“ (RIES – Rede Internacional de Estudos Schmittianos). Es spricht viel dafür, daß hier viele Impulse aus Brasilien kommen werden, – nicht zuletzt aufgrund der erstaunlichen Energie des Initiators des Kongresses, des Philosophen Roberto Bueno.

SEZESSION: Sie haben bei Karolinger jüngst eine überarbeitete Fassung Ihres Buchs Der Tod des Carl Schmitt veröffentlicht. Das Buch war damals, nach dem Tode Schmitts im Jahre 1985, eine Abrechnung mit der Nekrologie und der Dominanz der Habermas-Schule. Wie ist die Lage heute?

MASCHKE: Die Lage hat sich etwas gebessert, weil eben die Frage nach Schmitts Engagement 1933 selbst bei uns weniger interessiert als früher. Doch vielen politischen Themen geht man immer noch etwas aus dem Wege, – dem gerechten Krieg von heute, dem so menschenfreundlich daherkommenden Humanitarismus und seinen ´Abgründen´, dem Betrug der parlamentarischen Demokratie, auch der wundersamen Vermehrung des ´eindimensionalen Menschen´, um einmal Herbert Marcusus Buchtitel zu benutzen. Was allzu heftig gedeiht ist wohl die schon erwähnte „Einflußliteratur“, die „Schmitt und … “ – Literatur. Schmitt und Agamben, und Benjamin, und Cioran, und Eschweiler, und Foucault, und Gütersloh usw. usf. Unstreitig ist ein Teil dieser Literatur nützlich und sogar notwendig, – doch der weitaus größere Teil scheint mir nur Permutations-Zirkus und feuilletonistische oder universitäre Anknüpfungsbetriebsamkeit. Die modernen geisteswissenschaftlichen Fakultären sind heute Fabriken, in denen erbarmungslos produziert werden muß – die Qualität und der Gebrauchswert der Erzeugnisse spielen da eine immer geringer werdende Rolle. Wenn schon „Schmitt und …“ –Studien, dann sollten sie auch Leuten gelten, die engere intellektuelle Beziehungen zu Schmitt unterhielten und deren Themen und Argumente sich oft mit denen Schmitt deckten, man denke etwa an Paul Barandon, Carl Bilfinger, Axel Freiherr v. Freytagh-Löringhoven, Asche Graf Mandelsloh, Heinrich Rogge, Gustav Adolf Walz, Giselher Wirsing, Ernst Wolgast. Aber ausgerechnet hier finden sich keine „Schmitt und …! –Aufsätze und das liegt zu einem beträchtlichen Teil an skandalöser Unkenntnis. Doch ich bleibe höflich und schweigsam!

gm7a792d7f1dc3346d56d6179f74a10061.jpgSEZESSION: Aus einem Gespräch mit Ihnen habe ich die Bemerkung in Erinnerung, daß Sie Schmitt desto weniger begriffen, je länger Sie sich mit ihm beschäftigten. Kokettieren Sie oder ist Schmitt wirklich ein Labyrinth?

MASCHKE: Schmitt ist eben wie jeder wirkliche Klassiker: vieldeutig und unerschöpflich. „Er zieht an, stößt ab, interessiert und ärgert, und so kann man ihn nicht los werden“ sagte Goethe 1818 über Stendhal und so geht es mir und vielen anderen mit Schmitt. Es ist oft das nur Skizzenhafte der Text Schmitts, das so stark anregt und zur wiederholten Lektüre zwingt, – auch beim x-ten Mal entdeckt man etwas bis dahin Übersehenes. Schmitts Werk ist eine Samenkapsel! – Meine Bemerkung Ihnen gegenüber war vielleicht allzu kokett. Schmitt sagte mir einmal: „Unterschätzen Sie nicht den systematischen Charakter meines Werkes!“ Doch ich gestehe, daß ich diesen „systematischen Charakter“ bisher nicht gefunden habe. Ich halte es mehr mit einer Feststellung von José Caamano Martinez: Schmitts Werke zeichneten sich aus durch Mangel an Solidheit, aber auch durch große Finesse („falta de solidez, pero de gran finura“). Nichts gegen die Solidheit, – aber die Finesse kommt aus höheren Regionen.

mercredi, 14 novembre 2012

Guerra y saber político:Clausewitz y Günter Maschke

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Guerra y saber político:
Clausewitz y Günter Maschke

Antonio Muñoz Ballesta

http://nodulo.org/

Conviene, especialmente cuando suenan tambores de guerra, no malinterpretar a Carlos Clausewitz (1780-1831), y reconocer la conclusión realista del filósofo militar prusiano, que la Guerra es la expresión o la manifestación de la Política

«George Orwell advertía en una ocasión que, en las sociedades libres, para poder controlar la opinión pública es necesaria una «buena educación», que inculque la comprensión de que hay ciertas cosas que no «estaría bien decir» –ni pensar, si la educación realmente tiene éxito–.» (Noam Chomsky en Tarragona, octubre de 1998)

A José María Laso, luchador en la paz y en la guerra

1

La inminente guerra del Imperio realmente existente en el planeta, EEUU, contra Irak, y contra otros países del llamado «Eje del mal», entre los que se encuentra, según expresión de Gabriel Albiac, el «manicomio militarizado» de Corea del Norte, y que puede provocar la primera Guerra Nuclear en la que los dos contendientes utilicen efectivamente armas atómicas –aunque en la Historia contemporánea se ha estado varias veces al borde de la misma, y no solamente en la crisis de los misiles de Cuba, sino también hace unos meses en la guerra silenciada entre Pakistán y la India–, requiere que nos dispongamos a contemplarla con las mejores armas conceptuales posibles (pidiendo, a la misma vez, a Dios, a Alá, o a Yahvè, según la religión de cada uno, que «el conflicto bélico» no nos afecte individualmente).

¿Qué mejor arma conceptual, para nosotros, que delimitar lo que sea verdaderamente la «guerra» desde el punto de vista del «saber político»?

Porque las guerras no son una «maldición divina o diabólica» a pesar de que las consecuencias en las víctimas humanas, y la destrucción que provocan, así lo sea.

Las guerras pertenecen también, como nos recuerda Clausewitz, al «ámbito de la acción humana», y aunque siempre han estado envueltas en las formas artísticas de su tiempo y han sido el ámbito en el que se han realizado avances técnicos, tecnológicos y científicos de eficaz transcendentalidad –en el sentido del materialismo filosófico– innegable para las sociedades, las guerras «no pertenecen al campo de las artes y de las ciencias», y sin embargo, no son un saber sencillo, sino al contrario, «llevar una guerra» consiste en un saber de los más complejos y racionales que existen.

En las guerras se trata de «movimientos de la voluntad aplicado... a un objeto viviente y capaz de reaccionar», y por ello, subraya Günter Maschke, para Clausewitz, la guerra (también la próxima guerra contra Irak y Corea del Norte, &c., habría que añadir) es «incertidumbre, fricción y azar» que no permite una simplificación –ni por los militares, ni por los políticos e intelectuales– de los «complejos procesos» de la guerra, presentándola de tal forma «que incluso un niño podía tener el sentimiento de ser capaz de dirigir un ejército» («militärische Kinderfreunde»). Ni admite el desarme conceptual de la Filosofía ante ella, pues estaríamos renunciando a la comprensión verdadera de una de las cuestiones más cruciales del Presente histórico. ¡Ya es hora que la Filosofía no quede al margen de la Guerra, de la Idea de «guerra»!

2

El gran ensayista y pensador de lo político y la política, Günter Maschke, ha encontrado, al respecto y recientemente{1}, una solución plausible al laberinto interpretativo de lo que realmente nos quiso decir Carlos Clausewitz (1780-1831) sobre la Idea de la «Guerra» en su obra principal De la guerra, y en concreto en su relación con la «política».

Günter Maschke, después de un preciosa, y laboriosa, labor exegética de la correspondencia y demás obras, algunas inéditas, del famoso general prusiano, ha concluido, lo que muchos siempre hemos intuido, desde hace tiempo, a saber, que:

«La Guerra es la expresión o la manifestación de la Política».

Es ésta conclusión de Maschke una tesis que acerca el pensamiento de Clausewitz al «realismo político», y lo aleja, definitivamente, de los análisis bien intencionados y humanitaristas, de ciertos filósofos, intelectuales, especialistas universitarios y periodistas, que continuamente tratan de ocultarnos o silenciarnos la verdad de la geopolítica del inicio del siglo XXI en el Mundo (los que Antonio Gramsci denominó «expertos en legitimación»).

No podía ser de otra forma ya que la realidad política internacional, y nacional, es objetiva, y es la que es, independientemente de la propaganda orwelliana que realicen los «intelectuales», los «centros de educación» y los medios de comunicación.

3

La propaganda orwelliana de EEUU, y de sus «satélites» europeos –«satélites» porque no han conseguido tener una política exterior común, ni un ejército propio–, más o menos sutil, se presenta en dos frentes.

El primero es el frente de la opinión pública y consiste en conseguir que la misma adopte el consenso «políticamente correcto» de la élite intelectual.

En este caso el «consenso» significa que la guerra contra Irak es inevitable y necesaria por parte de EEUU y sus aliados (en cambio más razones tendría Irán), independientemente de saber si realmente el Irak de 2003 ha amenazado o agredido a EEUU o a Inglaterra o a Alemania o a España, o si sabemos con certeza las consecuencias sobre la población civil que tendrán los bombardeos y la invasión de los soldados de las fuerzas terrestres (bombardeos que se vienen haciendo, por lo demás, periódicamente desde 1991, y terminación «por tierra» de la guerra del golfo de 1991, sin hacer mención de la «medida política o militar» del «embargo de medicamentos, &c.»). Pueblo irakí y kurdo que, indudablemente, no se merece el régimen político de Sadam Husein (ni de Turquía), ni la ausencia de los derechos humanos elementales, inexistencia de derechos fundamentales que, lamentablemente, se suele olvidar por los que están en contra de la guerra contra Irak, salvo la honrosa excepción de Noam Chomsky, quién siempre ha defendido los derechos humanos auténticos contra cualquier organización estatal o no, sea EEUU o se trate de otro Estado.

El segundo frente de la propaganda orwelliana se presenta en el campo de las ideas del saber político. En el análisis político interesa que no se comprenda, no ya por la opinión pública, sino tampoco por parte de los dedicados a la «ciencia política», lo que significa la realidad de la guerra y la política, pues es propio de la ideología de un determinado régimen político que su «élite intelectual» posea unas herramientas conceptuales «apropiadas» para la consecución, no de la verdad, sino de los objetivos del régimen político –que suele coincidir con los objetivos de los más ricos y poderosos del régimen y sus monopolios económicos–.

Günter Maschke, en mi opinión, contribuye con su acertado análisis o comprensión verdadera del pensamiento de Clausewitz, a no convertirnos en víctimas conceptuales de este segundo frente de la propaganda orwelliana del «eje del bien» y/o del «eje del mal».

4

Los «intelectuales humanitaristas», que están afectados, del llamado por Noam, «problema de Orwell»{2}, suelen permanecer en la «ilusión necesaria» de que la política fracasa cuando se recurre a la guerra (de que la guerra es el «fin» de la política), porque han interpretado incorrectamente la famosa frase de Clausewitz:

«La guerra es un instrumento de la política/ Der Krieg ist ein Instrument der Politik»{3}

La «ilusión» de estos intelectuales de la «intelligentsia» viene de la confusión entre «instrumento» y «objetivo» de la «verdadera política». Si consideramos la guerra como un simple instrumento del «arte de la política», y la política tiene el instrumento pacífico de la diplomacia ¿no es, por tanto, un «fracaso» de la política, el recurrir al «instrumento de la guerra»?

Planteados así las premisas o los presupuestos, habría que concluir que sí; pero ocurre que las cosas no son así, es decir, que el pensamiento de Clausewitz (ni de los más importantes y coherentes «pensadores políticos», incluido Noam Chomsky) no tiene esos presupuestos que se les atribuye falsamente. Y ello debido a que la frase de Clausewitz (ni el pensamiento de los filósofos a los que me refiero) no puede sacarse del contexto de toda su obra, incluido la correspondencia, del general prusiano (y de los autores que miren «sin prejuicios» los hechos ).

Y el «objetivo» de la «política», como sabemos, es la eutaxia de su sociedad política; y para ello el objetivo no es solamente la «paz a cualquier precio», pues ello implicaría la renuncia a su «soberanía», a su «libertad» (si, en un país, todos aceptaran ser siervos o esclavos, o vivir en la miseria y sin luchar, no habría jamás violencia o «guerras»), &c., y en el límite la renuncia, de la misma sociedad política, a su «existencia» o permanencia en el tiempo de sus planes y programas –de su prólepsis política–.

Renuncia a la existencia de la misma sociedad política, puesto que, y esto se reconoce por Clausewitz y todos los autores, la «paz» como las «guerras», no son conceptos unívocos.

La «paz», y la «guerra», puede ser de muchas formas, desde la «Pax romana» a la «Paz establecida en Versalles». Además de la existencia, quizás más realista, de un «status mixtus que no es ni guerra ni paz», por ejemplo, ¿cómo calificar la situación actual entre Marruecos y España después de la «batalla» del islote Perejil? ¿O en el futuro, entre España e Inglaterra, por el asunto del peñón de Gibraltar? ¿O en el futuro, entre España y el «País Vasco» o «Catalonia» o «Galicia»? ¿De «diplomacia» o de «guerra»?

5

En realidad la guerra es la expresión o manifestación de la política, y ella –la guerra– es como «un verdadero camaleón, pues cambia de naturaleza en cada caso concreto», aparentemente creemos que se produce la «desaparición» de la política (o del Derecho Internacional) cuando «estalla la Guerra», y en verdad no es así, pues la política y la diplomacia continúa implementando sus planes y programas, ¿para qué?, para conseguir una mayor eutaxia de la sociedad política vencedora o no, en el «tiempo de paz» posterior (así consiguió EEUU su predominio en Oriente Medio después de la Guerra Mundial II).

Pues, recordemos que las guerras terminaban con los Tratados de Paz, por lo menos hasta la Guerra Mundial I. Hoy en día, parece más bien, que estemos en un permanente «estado de guerra» mundial, en el que es imposible un «Tratado de Paz» entre los contendientes. Así las cosas en el «mundo del saber político» ¿Cómo y cuando se firmará el Tratado de Paz entre EEUU y Ben Laden? ¿Y es posible tal cosa?

Bien dice G. Maschke que Clausewitz es autor de las siguientes frases que inclinan la balanza en favor del primado de lo político sobre lo militar en el tema de la «guerra»:

«la política ha engendrado la guerra», «la política es la inteligencia... y la guerra es tan sólo el instrumento, y no al revés», «la guerra es un instrumento de la política, es pues forzoso que se impregne de su carácter » político, la guerra «es solo una parte de la política... consecuentemente, carece absolutamente de autonomía», «únicamente se pone de manifiesto –la guerra– en la acción política de gobernantes y pueblos», «no puede, jamás, disociarse de la política», «pues las líneas generales de la guerra han estado siempre determinadas por los gabinetes... es decir, si queremos expresarlo técnicamente, por una autoridad exclusivamente política y no militar», o cuando dice «ninguno de los objetivos estratégicos necesarios para una guerra puede ser establecido sin un examen de las circunstancias políticas», &c.

Ahora bien, volvamos a la Guerra contra Irak, una manifestación más (en este caso de violencia extrema «policial») de la nueva «política «del «Imperio» constituido y constituyente de la también «nueva forma de la relación-capital» –el «Capitalismo como forma Imperio», según la reciente tesis del libro de Antonio Negri y M. Hardt– e intentemos «comprender» ahora, con las «armas conceptuales tradicionales» clausewitzianas, la política del bando «occidental». Entonces, EEUU, dirigido por Bush II, se nos presenta como un «nuevo Napoleón» que reuniera en su persona política la categoría de «príncipe o soberano» al ser, a los ojos del Mundo, al mismo tiempo «cabeza civil y militar» de la «civilización». Pero otorgándole que sea la cabeza militar en el planeta, ¿quién le otorga el que sea también la «cabeza civil»?{4} –Noam Chomsky es más realista al reconocer que desde el punto de las víctimas, es indiferente que el poder que los humilla y mata se llame «Imperio» o «Imperialismo». En cambio, el poder militar y civil de Sadam Husein se nos da en toda su crueldad dictatorial, apoyada –por cierto– hasta hace once años por los mismos EEUU y Occidente, que miraban, entonces, para otro lado, cuando se cometían innumerables atentados a los derechos humanos contra su propia población irakí y kurda.

6

En verdad la guerra es la expresión de la política, y en ese orden, es decir, que la política no es la manifestación de la guerra, lo cual viene a dar la razón, no solamente al realismos político de Carl Schmitt y Julien Freund, sino también a Gustavo Bueno, pues la existencia de las sociedades políticas auténticas, de los Estados o Imperios, requiere una capa cortical que se da, entre otras causas, por la acción política partidista y eutáxica.

Se consigue así que dichos intelectuales no incidan, como deseamos todos, en su lucha y defensa por una nueva política que se exprese predominantemente en diplomacia, y no en guerras de exterminio, predominantemente «exterminio de civiles».

Estos «intelectuales» y periodistas se concentran, en cambio, en la denuncia «humanitaria»{5} de los males de la guerra (males de la guerra que por más que se han denunciado en la Historia no han dejado de producirse salvo que se ha influido de manera práctica en la política), olvidándose de luchar conceptualmente, filosóficamente, por conseguir una vuelta a la verdadera política que no se exprese en guerras nucleares generalizadas o no.

Y, en cambio, la verdadera política incluye, como nos demuestra el análisis de G. Maschke, dos partes, en su expresión, la «diplomacia» y la «guerra». Y la política de una sociedad determinada no deja de ser «verdadera política» –utilizando conceptos de la «realista» filosofía política de Gustavo Bueno– cuando se manifiesta en diplomacia o en la guerra.

No se reduce la política a la paz, y a los medios pacíficos.

Otra de las causas del error habitual, hasta ahora, en la interpretación de Clausewitz, es no percatarse del origen histórico de determinadas Ideas del saber político, y viene recogida y resaltada por G. Maschke, a saber, la trascendental importancia del cambio histórico en la concepción de la guerra, con la Revolución Francesa de 1789 y Napoleón (príncipe o soberano, y no sencillamente «dictador»), ya que se pasó del «viejo arte de la guerra» de gabinete de los Estados Absolutistas, a «los grandes alineamientos engendrados por la guerras», por la Revolución.

Gustavo Bueno ha recogido también esta modificación crucial, sin hipostatizarla, con su análisis del surgimiento de la Idea de la «Nación política» o nación canónica:

«Algunos historiadores creen poder precisar más: la primera vez en que se habría utilizado la palabra nación, como una auténtica «Idea-fuerza», en sentido político, habría tenido lugar el 20 de septiembre de 1792, cuando los soldados de Kellerman, en lugar de gritar «¡Viva el Rey!», gritaron en Valmy: «¡Viva la Nación!» Y, por cierto, la nación en esta plena significación política, surge vinculada a la idea de «Patria»: los soldados de Valmy eran patriotas, frente a los aristócratas que habían huido de Francia y trataban de movilizar a potencias extranjeras contra la Revolución.» Gustavo Bueno, España frente a Europa, Alba Editorial, Barcelona 1999, página 109.

Por ello, el realismo político, y toda la filosofía política «realista» –en cuanto sabe separar la ideología y la verdad geopolítica– que incluye, en este sentido y a mi entender, a Gustavo Bueno y a Noam Chomsky, tienen que reconocer, lo que ya dijera Clausewitz:

«Que la «guerra no es otra cosa que la prosecución de la política por otros medios»

O como dice el mismo Günter Maschke: «La tesis fundamental de Clausewitz no es que la guerra constituye un instrumento de la política, opinión de los filántropos que cultivan la ciencia militar, sino que la guerra, sea instrumento o haya dejado de serlo, es la «prosecución de la política por otros medios.» Pero Clausewitz encontró una formulación aún mejor, sin percatarse de la diferencia con la precedente. Él escribe que las guerras no son otra cosa que «expresiones de la política» (tal cita proviene del estudio, todavía inédito, «Deutsche Streitkräfte», cfr. Hahlweg en la edición citada de Vom Kriege, pág. 1235), y en otro lugar, que la guerra «no es sino una expresión de la política con otros medios».» Empresas políticas, número 1, Murcia 2002, pág. 47.

7

En conclusión, es mucho más «humano» ser «realista» en el saber político, cuando se trata de Idea tan omnipresente como la «guerra», pues se evitan más «desastres humanitarios», y se consigue más auténtica libertad y justicia, cuando superamos el «problema de Orwell» y podemos contemplar la política tal como es, es decir, como la que tiene el poder real de declarar la guerra y la paz, que van configurando, a su vez, los «cuerpos de las sociedades políticas» en sus respectivas «capas corticales». Por ello la solución de G. Maschke a las ambigüedades de la obra de Clausewitz viene a contribuir al intento serio de cambiar la política para evitar las guerras. Se trata de una lucha por la verdad, en la paz y en la «guerra».

Notas

{1} «La guerra, ¿instrumento o expresión de la política? Acotaciones a Clausewitz», traducción de J. Molina, en la revista Empresas políticas (Murcia), año I, número 1 (segundo semestre de 2002).

{2} El «problema de Orwell» es el tema central de la labor de Noam como filósofo político, y consiste en la cuestión de «cómo es posible que a estas alturas sepamos tan poco sobre la realidad social» y política de los hombres(y olvidemos tan pronto las matanzas, miserias, etc. causados por el poder estatal imperialista), disponiendo, como se dispone, de todos los datos e informaciones sobre la misma. A Orwell no se le ocultó que una «nueva clase» conseguía en gran medida que los hechos «inconvenientes» para el poder político y económico, llegasen a la opinión pública «debidamente interpretados», y para ello si era preciso cambiar el Pasado, se hacía, pues se controlaba los hechos y los conceptos del Presente. La propaganda en las sociedades «libres» se consigue sutilmente, por ejemplo por el procedimiento de fomentar el debate pero dejando unos presupuestos o premisas de los mismos sin expresarse (y sin poder ser criticadas), o discutiendo por la intelligentsia, entre sí, cuestiones periféricas, dando la impresión de verdadera oposición.

{3} Clausewitz, Vom Kriege, págs. 990-998, 19 ed., Bonn 1980.

{4} La ONU, como institución internacional con «personalidad jurídica propia», ha sido «puenteada» continuamente por EEUU, cuando le ha interesado, y sus Resoluciones incumplidas sistemáticamente, siempre y cuando no sean como la 1441, que da a entender, o no –dicen otros– que se puede utilizar la «fuerza» contra el dictador irakí.

{5} ¡Como si no fuera «humano» el análisis científico y filosófico del concepto de las guerras y sus relaciones con la política, precisamente para conseguir mejores y mayor cantidad de Tratados de Paz!

jeudi, 12 avril 2012

Deutsche Meisterdenker

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Deutsche Meisterdenker

von Siegfried Gerlich

Ex: http://www.sezession.de/

Der Regin-Verlag hat eine glückliche Wahl getroffen, seine von Sebastian Maaß herausgegebene Gesprächsreihe »ad rem« mit Selbstportraits der besten Köpfe der radikalen Rechten zu eröffnen. Dabei wecken die Biographien Hans-Dietrich Sanders und Günter Maschkes den Verdacht, daß deren intellektueller Rang sich nicht unmaßgeblich ihren marxistischen Lehrjahren verdankt.

Der auf mecklenburgischem Land aufgewachsene »nationale Dissident« Sander stand als Theaterkritiker in der frühen DDR zunächst unter dem Einfluß Bertolt Brechts, bevor er in die BRD übersiedelte und sein politisches Denken an Carl Schmitt neu schulte. Von der Borniertheit der Rechten abgestoßen, bezog Sander stets einen parteiübergreifend gesamtdeutschen Standpunkt. So erwuchs mit dem jungen Mitarbeiter der Welt und späteren Herausgeber der Staatsbriefe nicht nur dem Establishment ein Störenfried, sondern auch dem nationalen Lager ein Konkurrent. Unermüdlich gegen die »postfaschistische Resignation« ankämpfend, verachtete Sander den Neuen Konservatismus Schrenck-Notzings und Kaltenbrunners als kraftlos und konformistisch.

Trotz seines Bekenntnisses zum Preußentum als der »Quintessenz des deutschen Geistes« macht Sander keinen Hehl daraus, daß ihm für die Wiederherstellung des Deutschen Reiches die Rückgewinnung der ostdeutschen wie der deutsch-österreichischen Gebiete noch immer als »nationaler Imperativ« gilt. Nur von dieser Höhe, wenn nicht Hybris, seines »ghibellinischen« Reichsnationalismus her wird Sanders Argwohn verständlich, die Alliierten hätten mit der Wiedervereinigung »die Endlösung der deutschen Frage« bezweckt. Selbstbewußt beansprucht Sander, seit Kriegsende wie kein anderer »den deutschen Geist verkörpert zu haben«. Mit seiner scharfen Kritik der den Untergang einer entorteten Welt beschleunigenden jüdischen Apokalyptik stemmte er zumal den deutschen Antijudaismus auf ein einsames philosophisches Niveau. Um so widersprüchlicher wirkt Sanders eigener apokalyptischer Ton, in dem er ein »schnelles Ende« des bestehenden Deutschland beschwört, da erst nach einer »restlosen Implosion des status quo« eine neue Reichsherrlichkeit anbrechen könne. Ernst Jünger jedenfalls quittierte die Zusendung von Sanders grandiosem Hauptwerk Die Auflösung aller Dinge mit den mahnenden Worten: »Wir haben unser Cannae hinter uns.«

Zu Sanders heimatlich wohlverortetem deutschen Geist bildet Maschkes abenteuerliches Herz und sein nachgerade französischer Esprit einen harten Kontrast. Die Jugendjahre vis-à-vis dem Geburtshaus von Karl Marx in Trier verlebend, zog es den philosophisch ambitionierten Studenten zu Ernst Bloch nach Tübingen, wo er eine führende Rolle in der dadaistischen »Subversiven Aktion«, der auch Rudi Dutschke und Bernd Rabehl angehörten, spielen sollte. Der von Dutschke als »Maschkiavelli« Titulierte despektierte diesen wiederum als »reinen Toren«, da sich in dessen Revolutionsromantik die Machtfrage nicht stellte.

Nach seiner Desertion aus der Bundeswehr 1965 floh Maschke nach Wien, um als Kommunarde Adorno und Marcuse zu propagieren, bis Bruno Kreisky ihn in Abschiebehaft nahm. Das rettende kubanische Asyl 1968/69 bewahrte Maschke indessen nicht vor der Desillusionierung über Castros Sozialismus, und seine Hilfsdienste für eine Umsturzpläne schmiedende oppositionelle Gruppe führten zu seiner Ausweisung. Nach der Heimkehr nach Deutschland trat Maschke seine ausstehende Haftstrafe an und nahm eine schmerzliche Grundrevision seiner ideologischen Überzeugungen in Angriff. Ab 1973 als freier Mitarbeiter bei der FAZ beschäftigt, wandte sich Maschke allmählich der Neuen Rechten zu. Besiegelt wurde seine Konversion durch die 1979 geschlossene Freundschaft zu Carl Schmitt, als dessen Herausgeber und profunder Kenner Maschke sich internationale Anerkennung erwarb.

In seinen wenigen, aber gewichtigen Büchern und Aufsätzen richtete »der einzige Renegat der 68er-Bewegung« (Habermas) sein »bewaffnetes Wort« zunehmend gegen die degenerierten Nachkriegsdeutschen als »Fellachen de luxe« und die USA als »Schurkenstaat Nr. 1«, und mit seiner Stilisierung Castros zum »Katechon« einer in den Abgrund rasenden globalisierten Welt erwies der »Kritiker des Guerilleros« diesem eine späte Reverenz. Wie ein »Partisan, der die Waffen nimmt, wo er sie kriegen kann«, schätzt Maschke den unverminderten diagnostischen Wert der marxistischen Theorie und verachtet die »Lesefaulheit und latente Theoriefeindschaft vieler Rechter, die glauben, mit ihren Affekten auszukommen.« Gerade am autoritären Marxismus imponiert dem Nationalrevolutionär der Anspruch einer »höheren Sittlichkeit«, wohingegen die libertäre Linke sich mit dem bourgeoisen Liberalismus arrangiert habe und dessen hedonistischen Verfall auch noch forciere und als Emanzipation feiere. In seinen erfrischenden Heterodoxien erweist sich Maschke als einer jener freien Geister, die in allen Lagern selten geworden sind: »Nichts korrumpiert das Denken so sehr wie die Angst vor dem Beifall von der falschen Seite.«

Hans-Dietrich Sander/Sebastian Maaß: »Im Banne der Reichsrenaissance«, Kiel: Regin 2011. 126 S., 14.95 €
Günter Maschke/Sebastian Maaß: »Verräter schlafen nicht«, Kiel: Regin 2011. 206 S., 16.95 €

mercredi, 14 septembre 2011

Piet Tommissen: le Grand Maître des notes en bas de page

Piet Tommissen: le Grand Maître des notes en bas de page

 

Modeste, il brisait les blocages mentaux

 

Hommage au Schmittien flamand Piet Tommissen

 

Par Günter MASCHKE

 

“La rcherche sur Carl Schmitt, c’est moi’”, aurait pu dire Piet Tommisen dès 1952, alors qu’il n’avait que vingt-sept ans. Ce Flamand était à l’époque un étudiant sans moyens, qui étudiait  seul l’économie politique et la sociologie, en autodidacte, alors qu’il avait un boulot banal. Sans cesse, il venait à Plettenberg dans le Sauerland pour rencontrer Carl Schmitt, après des voyages pénibles dans un pays totalement détruit. Et l’étudiant Tommissen posait des questions au Maître: il était très respectueux mais si curieux et si pressant qu’il exagérait parfois dans ses véritables interrogatoires, jusqu’à perdre la plus élémentaire des pitiés! A l’époque, il n’y avait pas de photocopieurs et Tommissen recopiait sur sa petite machine à écrire portable des centaines d’essais ou de documents, tout en pensant à d’autres chercheurs éventuels: il utilisait sans lésiner de gros paquets de papier carbone.

 

Sans Tommissen, la célébrité de Carl Schmitt aurait été plus tardive

 

Certes, Carl Schmitt, grand juriste et politologue allemand, diffamé et réprouvé après 1945, avait quelques autres amis fidèles mais il faut dire aujourd’hui que le travail le plus pénible pour le sortir de son isolement a été effectué par Piet Tommissen. Sans ce briseur de blocus venu de Flandre, la célébrité acquise par Schmitt aurait été bien plus tardive. Tommissen a établi la première bibliographie de Schmitt de bonne ampleur (cf. “Versuch einer Carl Schmitt-Bibliographie”, Academia Moralis, Düsseldorf, 1953); il a écrit une série impressionnante, difficilement quantifiable, de textes substantiels, en allemand, en français, en néerlandais, en espagnol, etc., sur la vie et l’oeuvre du plus récent de nos classiques allemands en sciences politiques; il a découvert et édité les multiples correspondances entre Schmitt, grand épistolier, et d’autres figures, telles Paul Adams, Hugo Fischer, Julien Freund, etc.; enfin, à partir de 1990, il a publié huit volumes de la série “Schmittiana” (chez Duncker & Humblot à Berlin), tous absolument indispensables pour qui veut s’occuper sérieusement de l’oeuvre de Schmitt. Tout véritable connaisseur de Schmitt devra dorénavant acquérir et potasser cette collection.

 

Tommissen était le maître incontesté d’un genre littéraire particulièrement noble: l’art de composer des notes en bas de page. Ses explications, commentaires, indices biographiques et bibliographiques réjouissent le “gourmet”, même après maintes lectures et relectures, et constituent les meilleurs antidotes contre les abominables simplifications qui maculent encore et toujours la littérature publiée sur Schmitt et son oeuvre. Dis-moi qui lit avec zèle les notes de Tommissen et je te dirai quelle est la valeur des efforts qu’il entreprend pour connaître Schmitt!

 

Tommissen était surtout la “boîte à connexions” dans la recherche internationale sur Schmitt ou, si on préfère, la “centrale de distribution”. Presque tout le monde lui demandait des renseignements, des indices matériels, des conseils. Ainsi, il savait tout ce qui se passait dans le monde à propos de Schmitt. Pour ne citer que quelques noms: tout ce à quoi travaillaient Jorge Eugenio Dotti en Argentine, Alain de Benoist en France, Antonio Caracciolo en Italie, Jeronimo Molina en Espagne ou moi-même, auteur de ces lignes nécrologiques, Tommissen le savait et c’est pour cette raison qu’il pouvait susciter de nombreux contacts fructueux. Tous ceux qui connaissent les cercles de la recherche intellectuelle s’étonneront d’apprendre que Tommissen a toujours su résister à la tentation de rationner ses connaissances ou de les monopoliser. Son mot d’ordre était: “Le meilleur de ce que tu peux savoir, tu dois toujours le révéler à tes étudiants!”.

 

Bon nombre d’admirateurs de Tommissen déploraient une chose: notre professeur ne prenait que fort rarement position et ne formulait qu’à contre-coeur des assertions théoriques fondamentales. Cette réticence n’était nullement la faiblesse d’un collectionneur impénitent mais le résultat d’une attitude toute de scrupules, indice d’une grande scientificité. Après une conversation de plusieurs heures avec Tommissen, mon ami Thor von Waldstein était tout à la fois enthousiasmé et perplexe: “Qui aurait cru cela! Cet homme incroyable creuse en profondeur. Il sait tout en la matière!”.

 

Il serait toutefois faux de percevoir Tommissen exclusivement comme un “schmittologue”. Il était aussi un excellent connaisseur des écrits de Vilfredo Pareto et de Georges Sorel, deux “mines d’uranium” comme les aurait définis Carl Schmitt. Il y a donc un mystère: comment un homme aussi paisible et aussi bienveillant que Tommissen ne s’est-il préoccupé que de ces “dinamiteros” intellectuels? Sa thèse de doctorat, qu’il n’a présentée qu’en 1971, et qui s’intitule “De economische epistemologie van Vilfredo Pareto” (Sint Aloysiushandelhogeschool, Bruxelles), lui a permis, après de trop nombreuses années dans le secteur privé, d’amorcer une carrière universitaire. Cette thèse restera à jamais l’un des travaux les plus importants sur le “solitaire de Céligny”, sur celui qui n’avait plus aucune illusion. Quant aux études très fouillées de Tommissen sur Sorel, cette géniale “plaque tournante” de toutes les idéologies révolutionnaires, devraient à l’avenir constituer une lecture obligatoire pour les lecteurs de Sorel, qui se recrutent dans des milieux divers et hétérogènes.

 

L’oeuvre majeure de Tommissen est une histoire des idées économiques

 

La place manque ici pour évoquer en long et en large les recherches de Tommissen sur la pensée politique française des 18ème et 19ème siècles, ses essais sur les avant-gardes surréalistes et dadaïstes en Europe. Pour mesurer l’ampleur de ces recherches-là, il faut consulter la bibliographie composée avec amour par son fils Koenraad Tommissen (“Een buitenissige biblografie”, La Hulpe, Ed. Apsis, 2010).

 

L’exemple le plus patent de l’excellence des travaux de Tommissen en sciences humaines (au sens large) est incontestablement son ouvrage majeur “Economische systemen” (Deurne, 1987). Dans l’espace relativement réduit de 235 pages, Tommissen nous brosse l’histoire des idées économiques de l’antiquité à la Chine post-maoïste, en complétant son texte, une fois de plus, d’innombrables notes de bas de page et d’indices substantiels. Il nous révèle non seulement l’histoire dramatique de l’économie politique à travers les siècles mais nous introduit également à l’étude du substrat politique, culturel et idéologique de “l’homme travaillant” au cours de l’histoire. Un bon livre nous épargne très souvent la lecture de centaines d’autres et nous encourage à en lire mille autres!

 

La personnalité de Piet Tommissen nous révèle aussi que le questionnement, la lecture, la compilation, la pensée, l’écriture ne connaissent jamais de fin, que ce travail est épuisant mais procure aussi énormément de bonheur.

 

“Si tu veux aller à l’infini

Borne-toi donc à arpenter le fini en tous ses recoins”

(“Willst Du ins Unendlichen schreiten,

Geh nur im Endlichen nach allen Seiten”),

nous dit l’Olympien de Francfort-sur-le-Main, de Weimar.

 

Piet Tommissen, né le 20 mars 1925 à Lanklaar dans le Limbourg flamand est décédé à Uccle le 21 août 2011.

 

Günter MASCHKE.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°36/2011 – http://www.jungefreiheit.de ).

jeudi, 08 septembre 2011

Piet Tommissen o dell'ostinazione - In Memoriam

Piet Tommissen o dell'ostinazione 

In memoriam (1925-2011)

Günter Maschke

Si è spento lo scorso 21 agosto Piet Tommissen, sociologo ed economista belga, noto per i suoi studi su Vilfredo Pareto e Carl Schmitt, del quale fu amico e bibliografo e alla cui opera, a lungo negletta, ha dedicato una quantità di scritti che hanno contribuito a diffonderla su scala internazionale. Molto stretto fu anche il suo rapporto con Julien Freund. Tommissen – “il matto” come lo definiva amabilmente Gianfranco Miglio – è stato senz’altro uno degli esponenti più in vista della tradizione del realismo politico europeo e un punto di riferimento per tutti i giovani studiosi che a questa tradizione si sono richiamati nel corso degli anni. Lo ricordiamo pubblicando l’omaggio che in occasione dei suoi 75 anni, nel 2000, gli ha dedicato Günter Maschke, a sua volta amico ed editore di Schmitt, nonché curatore di alcune sue importanti raccolte di scritti.

Cicerone disse una volta: «Niente fa più impressione dell’ostinazione». Questa frase potrebbe applicarsi perfettamente alla vita e all’opera dell’economista politico fiammingo Piet Tommissen, che ha festeggiato lo scorso 20 marzo i suoi 75 anni conservando intatta la sua impressionante energia lavorativa.

Quanti cercano ancora la prova dell’evidenza che ogni cultura riposa sull’atto gratuito, sul lavoro prestato senza remunerazione, la troveranno nella persona di Piet Tommissen. Dopo la Seconda guerra mondiale, Carl Schmitt era il capro espiatorio favorito nella sfera delle scienze giuridiche e politiche tedesche, ma anche, occorre ripeterlo, la «quercia sotto cui i cinghiali venivano a cercare i loro tartufi» (Roman Schnur dixit). Durante questo buio periodo, il giovane Piet Tommissen ha dato la sua amicizia a Schmitt, insieme ad alcuni, rari fedeli amici tedeschi; ha presto redatto la prima bibliografia di Carl Schmitt in condizioni difficili (Versuch einer Carl-Schmitt-Bibliographie, Academia Moralis, Düsseldorf 1953). E quando dico «condizioni difficili», voglio ricordare ai miei contemporanei che Tommissen ha effettuato questo lavoro molto prima che esistessero ovunque, come oggi, delle fotocopiatrici in cui è possibile riprodurre testi a bizzeffe. Tommissen ritrascriveva a mano, con la sua penna a inchiostro, centinaia di articoli di Schmitt o li batteva su una vecchia macchia per scrivere da viaggio, con carta carbone, per aspera ad astra. Ha effettuato questo lavoro quand’era uno studente senza mezzi, nei duri anni del dopoguerra in cui ogni viaggio esplorativo verso Plettenberg (dove Schmitt si era ritirato) presentava continue difficoltà finanziarie. È dunque con inizi così difficili che Tommissen, nel corso degli anni, è divenuto il migliore esperto, e il più meticoloso, dell’opera di Carl Schmitt.

I frutti di questo lavoro così disinteressato si ritrovano oggi in innumerevoli articoli e studi, in nuove bibliografie e, a partire dal 1990, in una collana di libri battezzata «Schmittiana» che esce presso Duncker & Humblot a Berlino. Oggi noi riteniamo tutti che simili lavori siano facili da realizzare, ma fu lungi dall’essere così all’epoca eroica del giovane studente e del giovane economista Tommissen. Direi persino di più: senza la marea di contributi e di dettagli apportati e scoperti da Tommissen, l’impresa di diffamazione internazionale che ha orchestrato il boicottaggio e l’ostracismo contro Schmitt – e contribuito così alla sua gloria! – apparirebbe ancora più sciocca e pietosa perché non avrebbe alcun valido argomento, né saprebbe nulla delle tante sfaccettature delle sua persona.

Tommissen, che ha studiato le scienze economiche alla Haute Ecole économique Sint-Aloysius a Bruxelles e all’Université des Jésuites di Anversa, ha dovuto lavorare, accanto alle sue ricerche, per guadagnarsi il pane come procuratore industriale. Accede al titolo di dottore nel 1971 presentando una tesi su Vilfredo Pareto. Intitolata De economische epistemologie van Vilfredo Pareto (Sint-Aloysius Handelshogeschool, Bruxelles 1971), questa tesi può essere considerata come una delle più importanti e fondamentali opere mai redatte sul grande uomo. Ogni ricercatore che desiderasse dedicarsi seriamente all’italiano Pareto dovrebbe acquisire almeno una conoscenza passiva dell’olandese. Il che non mi impedisce di rimpiangere che Tommissen non abbia scritto il suo libro in tedesco o in francese: ma, ahimè, la gloria è ingiusta, mostruosa per le lingue minoritarie. In questo lavoro, noi incontriamo già tutto Tommissen: un osservatore interdisciplinare che si serve di questa interdisciplinarietà con la massima naturalezza, come se fosse evidente; un autore che possiede la grande arte di mettere in esergo i legami tra le cose più diverse. Alla lettura di questa tesi, non acquisiremo solo conoscenza dei problemi fondamentali dell’economia politica europea fino agli anni che hanno immediatamente seguito la Prima guerra mondiale, ma anche di tutto lo sfondo politico, filosofico e psicologico che animava il «solitario di Céligny». Tommissen ci restituisce con amore e espressività tutto questo sfondo, di solito ignorato da molti autori, troppo legati alla superficie dei testi. Nessun altro studio dettagliato renderà pertanto la tesi di Tommissen caduca.

Ma si capirebbe male il personaggio Tommissen se lo si considerasse solo come uno specialista di Schmitt e Pareto, lui che ha insegnato dal 1972 al 1990 alla Haute Ecole d’Economie Sint-Aloysius di Bruxelles in cui curava la collana «Eclectica» che contiene montagne di tesori, di aneddoti e dettagli sempre inaspettati su Schmitt. Pochi ricercatori sanno in Germania che conosce anche bene Georges Sorel, Julien Freund e il pensiero politico francese del XIX e del XX secolo. Tommissen ha sempre dichiarato, expressis verbis, che voleva praticare le «scienze umane nel senso più ampio del termine».

Un esempio particolarmente sorprendente di concretizzazione di questa volontà è il suo libro Economische Systemen (Uitgeverij N.V., Deurne, 1987). In poche pagine, Tommissen vi abbozza la storia delle idee economiche dall’antichità alla Cina post-maoista e le innumerevoli note e considerazioni fondate che ha aggiunto al testo ci aprono a quel dramma che è la storia economica dell’umanità e ci comunicano le radici e le fondamenta politiche, culturali e ideologiche dell’uomo lavoratore nel corso della storia. Un buon libro rende la lettura di cento altri superflua e ci incoraggia a leggerne ancora altre migliaia. Ecco! Straordinarie conoscenze in letteratura e storia dell’arte… Ma in tutti i lavori di economia e scienze politiche scritti da Tommissen il lettore è costantemente sorpreso dalle sue straordinarie conoscenze della letteratura e della storia dell’arte, poiché aveva a lungo accarezzato l’idea di studiare la filologia germanica e la storia dell’arte. Conosce ad esempio il dadaismo e il surrealismo europei in tutte le loro varianti. Non aveva ancora trent’anni quando invitava già nelle Fiandre per tenervi delle conferenze autori tedeschi come Heinz Piontek e Heinrich Böll (e sarei tentato di aggiungere: quando questi erano ancora degli scrittori interessanti!).

Solo quanti sono consapevoli dell’enorme lavoro prestato da Tommissen hanno il diritto di pronunciare una critica: questo maestro della nota a piè di pagina esagera talvolta nel suo zelo di voler dire tutto, poiché sottovaluta spesso le conoscenze dei suoi lettori. Ma in Tommissen non vi è alcun orgoglio a motivare la sua azione, né alcuna vanità, perché è il calore umano incarnato. Per lui, l’uomo è nato per aiutare il suo prossimo e per ricevere da questo un aiuto equivalente. Tanto che Tommissen, l’eminenza, non ha alcuna vergogna di imparare qualcosa, anche d’infima importanza, in uno scrittoretto appena uscito dalla pubertà e senza esperienza.

Una fedele dedizione a Pareto e Schmitt

Sempre felice di dare un’informazione, sempre alla ricerca di informazioni da altri con la più squisita amabilità, Tommissen ha permesso la nascita di molti lavori scientifici e ha seminato molto più di quanto i tanti ingrati lascino intendere al loro pubblico. Un uomo di questa natura così particolare e valida merita i nostri omaggi perché ha dedicato volontariamente e fedelmente una grande parte della sua vita a quelli che considera i suoi maestri: Vilfredo Pareto e Carl Schmitt. Viene in mente un brillante saggista e sovrano narratore come Adolf Frisé che per molti decenni non ha esitato a esplorare l’opera di Robert Musil e a diffonderla. Spesso la luce che brilla sotto il moggio è la più viva! Ad multos annos, Piet Tommissen!

mardi, 12 avril 2011

Libye: interventionnisme raté

Libye : interventionnisme raté

 

Entretien avec Günter MASCHKE

 

b045f91a7b81d0dba7645c73226a1d6b.jpgQ. : Monsieur Maschke, l’intervention militaire en Libye est-elle justifiable sur le plan du droit des gens ?

 

GM : Oui, bien sûr, elle est justifiable du point de vue du droit des gens, car il y a une décision du Conseil de Sécurité. Ce qui est important de savoir, cependant, c’est où mène en fin de compte un tel droit des gens, qui rend possible pareilles formes de sanctions. Le droit des gens actuel est ce qui pose finalement problème, parce qu’il veut imposer la paix en menant la guerre.

 

Q. : Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a permis de prendre des mesures d’assez vaste ampleur…

 

GM : On fait miroiter l’existence d’une communauté mondiale de droit. L’interdiction d’intervenir a été vidée de tout contenu depuis bien longtemps déjà. Et le processus s’amplifie encore et toujours : on en vient maintenant à intervenir dans des guerres civiles. Les dernières interventions servent nettement des objectifs impérialistes.

 

Le point essentiel, qu’il convient de souligner, c’est que personne n’a une idée claire de ce qu’il faudra faire après. C’est là que réside le problème, bien au-delà de toutes les prises de position morales. On avait encore une vague idée de ce qu’il fallait faire au Kosovo, en Afghanistan ou en Irak… Mais on connaît trop bien les résultats de ces interventions-là. On ne cesse d’accumuler les problèmes. Ensuite, l’intervention militaire relève du pur irrationnel car la politique intérieure de la Libye ne nous concerne pas.

 

(propos recueillis par Curd-Torsten Weick et parus dans « Junge Freiheit », Berlin, n°15/2011 ; http://www.jungefreiheit.de/ ).

mardi, 04 janvier 2011

Ex-68er Günter Maschke im Gespräch

 

 

Ex-68er Günter Maschke

im Gespräch

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lundi, 22 novembre 2010

Maschke: "Die Deutschen werden zu Vasallen der USA ohne Lohn"

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"Die Deutschen werden zu Vasallen der USA ohne Lohn"

N-KFOR-Kosovo-1.jpgHerr Maschke, hat Gregor Gysi recht, wenn er davon spricht, daß Deutschland einen Angriffskrieg gegen Serbien führt?

Maschke: Ja – unbedingt. Die Frage eines Angriffskrieges zwischen zwei Staaten ist ja kaum zu klären. Jedoch hat in diesem Fall ein Angriff auf deutsches Territorium nicht stattgefunden, und so müßte der Paragraph 26 des Grundgesetzes greifen, wonach ein Angriffskrieg eben verboten ist. Es gibt aber auch andere juristische Probleme. Es ist durch das Eingreifen eindeutig die Charta der Vereinten Nationen verletzt. Im Artikel 2 Absatz 4 ist allen Mitgliedern die Anwendung von und Drohung mit Gewalt untersagt. Dies bezieht sich auf zwischenstaatliche Gewaltanwendung, nicht auf innerstaatliche Gewalt oder Bürgerkriegslagen. Dann ist auch wichtig, daß hier ein Bruch des Nordatlantikvertrages stattfindet. Er erlaubt nur Verteidigung für den Fall, daß ein Mitglied angegriffen worden ist. Es ist jedoch kein Nato-Mitglied angegriffen worden. Auch hinsichtlich des Gelöbnisses des deutschen Soldaten ist dieser Krieg ein Problem, da er nur dafür einstehen soll, die Bundesrepublik Deutschland zu verteidigen. Einsätze außerhalb des Bundesgebietes dürfen nicht der Kriegsführung dienen. Selbst bei einer Legalisierung des Eingriffs der Nato durch die UNO bestünde das Problem, daß der Nordatlantikpakt eben keine regionale Organisation ist wie zum Beispiel die OSZE. Die Nato darf im Auftrag der UNO eigentlich gar nicht handeln, sondern die OSZE müßte selbst ihre Truppen zusammenstellen.

Nun werden Ihnen Kritiker entgegenhalten, Sie führten eine reine Formeldiskussion. Warum kann man Rechtsfragen nicht so lässig behandeln, wie es hier geschieht?

Maschke: Man kann ja gerne den Sinn des modernen Völkerrechts bezweifeln. Das tue ich übrigens auch.

Warum?

Maschke: Weil das moderne Völkerrecht militärische Interventionen erleichtert. Es geht relativ leger mit der Einmischung um. Der momentane Bruch des Völkerrechtes durch die Nato zerstört dieses Völkerrecht jedoch, basiert aber auf einer Art radikalisierten Fortschreibung dieses Rechtes. Wenn jetzt überhaupt keine Barrieren für eine Intervention bestehen, dann ist eine völlig willkürliche Lage da, die sich einer internationalen Anarchie nähern kann. Dann kann künftig überall beliebig interveniert werden, mit Hinweis auf die äußerst deutbaren Menschenrechte. Die dienen dann als Tarnung für imperialistische Interessen.

Wenn ich die Interpretationsmacht habe und auch die notwendige militärische Interventionskraft, dann kann ich überall auf der Welt meinen politischen Willen durchsetzen. Dies wird zu einem recht merkwürdigen Rechtsnihilismus führen. Zwar ist das Völkerrecht nicht der wichtigste Faktor in einer Theorie der internationalen Beziehungen. Die langfristigen Folgen für die zwischenstaatlichen Beziehungen sind aber nicht absehbar. Man muß Gysi in diesem Punkte uneingeschränkt recht geben.

Warum legen die Politiker überhaupt so viel Wert darauf, den Begriff "Krieg" zu vermeiden, und warum sprechen sie in bestem Orwell-Deutsch von "Friedensmaßnahmen", Interventionen etc.?

Maschke: Weil nach der UN-Charta ein Krieg verboten ist! Wenn ich den Kriegszustand anerkenne, hat das auch alle möglichen wirtschaftsrechtlichen, völkerrechtlichen und auch versicherungsrechtlichen Folgen. Die Tabuisierung hat ihren Sinn, weil das Völkerrecht aufbaut auf dem Gewaltverbot, auf dem Kriegsverbot. Man will nicht wahrhaben, daß man den Krieg wieder verrechtlichen muß und daß Krieg und Frieden korrelative Begriffe sind.

Wir müssen also jetzt vom Kosovo-Krieg sprechen.

Maschke: Natürlich! Krieg ist die bewaffnete Auseinandersetzung zwischen zwei kämpfenden Parteiungen. Es gibt auch Theorien, daß der Wille des einen genügt,um Krieg zu konstituieren. Natürlich ist der Konflikt auf dem Balkan ein Krieg. Wir wissen aus der Kriegsgeschichte, daß der Krieg alle möglichen Formen annehmen kann. "Der Krieg ist ein Chamäleon", sagt Clausewitz. Es ist interessant, daß sich der common sense durchsetzt und die Menschen immer wieder ganz unbefangen von Krieg sprechen.

Sie haben Anfang der 90er Jahre die deutsche Beteiligung am Golfkrieg der Amerikaner schärfstens kritisiert. Worin unterscheidet sich der Krieg gegen Serbien wesentlich vom Krieg gegen den Irak?

Maschke: Zunächst ist es ein europäischer Krieg. Der Golfkrieg diente dazu, eine antiamerikanische, arabische Großraumbildung zu verhindern. Dies natürlich auch im Hinblick auf und im Interesse Israels. Hier geht es im Prinzip darum, daß Europa unfähig ist, amerikanische Interventionen in Europa zu verhindern. Nicht nur das – Europa macht diese Interventionen mit, jedoch eher als Juniorpartner, als Vasall. Die amerikanischen Interessen sind ganz offensichtlich: Aufbau eines Groß-Albaniens und die Produktion von Flüchtlingen. Diese sind für Europa – auch wegen ihres kriminellen Potentials – bedenklich und spielen politisch immer die fünfte Kolonne der USA. Wir, Deutschland, unterstützen diesen Prozeß, was ich für eine ganz fantastische Leistung halte.

Die Idee der Strafaktionen aus der Luft ist so alt wie der Völkerbund.

Maschke:: Die Idee entwickelte sich als sogenannte Luftpolizei im Rahmen des Völkerbundes. Als Beispiel mag da England gelten, dem es gelang, mit einer "Imperial Police" solche Strafaktionen durchzuführen. Eine französische Idee war es, eine internationale Luftpolizei zu gründen. Auch der italienische Luftkriegstheoretiker Douhet glaubte, daß man mit wenigen Schlägen aus der Luft auf die Hauptstadt den Feind in die Knie zwingen könnte. Die Idee des Luftkrieges nach den großen Schlachten des Ersten Weltkrieges war es, Kriege zu begrenzen und kontrollierbar zu machen.

Dies hat auch eine Rolle bei der Gründung der UNO gespielt. Auch hier war die Rede von integrierten Luftstreitkräften, die allerdings nicht zustande kamen. Dies ist im Prinzip die Weiterentwicklung der Idee von großen Blockade-Flotten aus dem 19. Jahrhundert. Es hängt aber auch zusammen mit der Überschätzung der Möglichkeiten der Luftwaffe. Es stellt sich schließlich jedesmal die Frage, welche Ordnung man am Boden herstellt.

In Deutschland spricht man von einer humanitären Katastrophe, die sicherlich nicht wegzudiskutieren ist und die beschämen muß. Das alleine hat aber noch selten internationale Streitkräfte auf den Plan gerufen. Um welche großräumigen Interessen geht es in diesem Konflikt?

Maschke: Ich denke, es geht einfach um die Beherrschung und Kontrolle Europas durch die Vereinigten Staaten von Amerika. Wenn dort jemand hätte intervenieren müssen, dann die Europäer – die sich bekanntlich nicht einig sind. Unter anderem, weil London und Paris der Auffassung zu sein scheinen, daß ihnen ein schwaches Deutschland bekommt. So setzen diese auch auf die amerikanische Karte. Sie glauben, auch innerhalb der Europäischen Union vorwiegend nationale Interessen verfolgen zu können. Wenn wir, die Deutschen, europäische Interessen verfolgen wollen, müßten wir jedoch alles daran setzen, die Amerikaner aus diesem Konflikt herauszuhalten. In Wirklichkeit sind wir eher die weiche Eintrittsstelle für amerikanische Intervention und Penetration aller Art in Europa. Vor diesem Hintergrund kann man auch nur die Nato-Osterweiterung sehen. Deutschland ist hier der amerikanische Lieblingsvasall, der von der Intervention gar nichts hat.

Kehren nun die Konflikte wieder zurück, die zum Ausbruch des Ersten Weltkrieges geführt haben?

Maschke: Der Balkan war stets nur in Ruhe zu halten durch einen Hegemon, und dieser mußte die Füße auch irgendwie auf dem Boden haben. Dies war Rußland, Österreich-Ungarn oder das Deutsche Reich. Auch dieser Konflikt wurzelt jedoch im Prinzip im Diktat von Versailles. Wir können nach Irak schauen und wir können nach Jugoslawien schauen: Wir finden ständig die Folgen des Diktates von Versailles und des Ersten Weltkrieges – nicht die des Zweiten. Damals hat man eben auf einem Völkerrecht aufgebaut, das dem jetzigen gleicht. Dessen jetziger Bruch ist – seine Fortsetzung! Je weiter wir gehen, um so mehr entfernen wir uns vom richtigen Standpunkt.

Gibt es Parallelen zwischen dem Ausbruch des Ersten Weltkrieges und der jetzigen Mächtekonstellation?

Maschke: Es fehlt hier der Gegenpart und die internationale Konfrontation. Es könnte eine gewisse lokale Ausweitung geben, es enthält aber keinen Zündstoff für einen Weltkrieg.

Haben die USA mit dem Nato-Einsatz nicht auch das Ziel, Rußland endgültig aus Europa herauszudrängen?

Maschke: Sicher. Das paßt auch zur Nato- und EU-Osterweiterung. Wir haben uns jetzt selbst eingekreist und können nicht mehr die russische Karte spielen – Rußland wird wieder erstarken ...! Das ist wirklich keine große Meisterleistung.

Wäre eine deutsch-russische Initiative zur Befriedung des Kosovo und Disziplinierung der Serben nicht erfolgversprechend gewesen?

Maschke: Das wirkt etwas science-fiction-haft. Hier muß man die Potenz der Regierung in Deutschland und der deutschen Politiker bedenken.Wir reden zwar davon, wir müßten Verantwortung übernehmen und erwachsen werden. Dies bedeutet jedoch nur, daß wir von der bisherigen Abstinenz Abschied nehmen. Es läuft lediglich darauf hinaus, daß wir zu Mitläufern und Vasallen geworden sind. Dies haben wir schon im Golfkrieg gesehen. Erwachsen werden heißt nun Eingliederung in uns widerstrebende fremde Interessen. Das kann ja wohl nicht Sinn der Übung sein.

Welche Auswirkungen wird dieser erste wirkliche Krieg in Europa seit 1945 auf die Kräfteverhältnisse haben?

Maschke: Dies bedeutet zunächst die ständige Präsenz der Vereinigten Staaten in Europa. Sie werden den Einigungprozeß Europas vorantreiben – und Europa wird so eine riesige, durch Grenzen nicht mehr geteilte Penetrationssphäre der USA. Dies wird bedeuten, daß sich Rußland andere Partner suchen muß, sei es China oder Indien. Man kann Rußland natürlich durch Kreditpolitik kujonieren, aber das wird Grenzen haben.

Europa ist mit der Einführung des Euro kurz davor, wirtschaftlich zum bedrohlichsten Konkurrenten der USA zu werden. Soll es da politisch ausgeschaltet wird?

Maschke: Die EU ist kein Konkurrent für die USA, denn Amerika ist auf allen Ebenen, sei es militärisch, ökonomisch und vor allem massenkulturell, in Europa präsent. Die europäische Einigung hätte Sinn, wenn man die USA ausschlösse oder zurückdrängen würde. So ist es praktisch nur ein riesiges Lateinamerika de luxe für die USA. Es ist die alte Diskussion: Wollen wir eine europäische Einigung Europas oder eine amerikanische Einigung Europas?

Warum beteiligen sich Frankreich und Großbritannien an diesem Vorgehen der USA?

Maschke: Weil beide den deutschen Einfluß auf dem Balkan fürchten.

Sie schädigen sich doch aber selbst.

Maschke: Ja, weil jede Aktion, die Amerika nach Europa hineinbringt, im Prinzip alle Europäer und eine europäische Einigung Europas schädigt.

Der Angriff der Nato mußte die UNO brüskieren. Bedeutet dies jetzt auch das Ende dieser Organisation?

Maschke: Die UNO ist in den letzten Jahren zunehmend von den Vereinigten Staaten instrumentalisiert worden. Als das nicht mehr ging, hat man versucht, sie zu umgehen. Dies kann beliebig wiederholt werden. Die UNO hat heute gar keine Vermittlungsmacht mehr. Man kann sich heute fragen, ob man nicht zum Naturzustand zurückkehrt. Man kann sagen, daß das Ganze eine größere Simplizität und Ehrlichkeit in die internationalen Beziehungen bringt. Diese nähert sich sozialdarwinistischen Vorstellungen – was nicht beruhigend sein kann.

Das Recht des Stärkeren wird also im Prinzip als Recht der Weltpolizei USA verkauft?

Maschke: Wenn ich jetzt hingehe und argumentiere, es gebe etwas jenseits des Völkerrechts, dann habe ich natürlich Probleme, anderen den Bruch des Völkerrechtes vorzuwerfen. Wenn heute eine westliche Macht den Chinesen Vorhaltungen macht wegen Tibet, dann können die nur mit einem Fragezeichen antworten – nach Kosovo.

Gäbe es überhaupt eine andere Lösung für das Problem des Kosovo, Massenvertreibungen und Massaker zu verhindern?

Maschke: Wenn man interessiert ist an einer Ordnung auf dem Balkan, müßte man mit Bodentruppen eingreifen und eine Art Protektorat errichten. Wichtig ist, welche Folgen die jetzige Handlung hat. Das jetzige Handeln verschärft das Flüchtlingsproblem – und ich vermute, daß dies den USA aus den geschilderten Gründen sehr gut zupaß kommt, aber nicht uns. Die Luftschläge werden keine Lösung bringen, und es wird auch weiter Terror geben, selbst wenn die jugoslawische Armee im Kosovo auf Null gebracht ist. Man kann nicht immer so tun, als hätten alle Konflikte eine eindeutige Lösung. Der Konflikt Israels mit seiner Umgebung hat auch keine Lösung – solche Konflikte haben allenfalls eine Geschichte.

Es gab Ideen, die Albaner – ähnlich wie die Kroaten – massiv zu bewaffnen.

Maschke: Das bedeutet natürlich, daß trotz einer massiven Bewaffnung der Albaner das Verhältnis sehr ungleichgewichtig geblieben wäre. Das zweite wäre, man hätte sich aus dem Konflikt gleichsam verabschieden müssen. Das ist etwa bei dem Konflikt in Süd-Vietnam so gewesen. Dann wäre immer noch die Frage, ob sich die Albaner aus ihren Schwierigkeiten hätten befreien können. Sie hätten immer versucht, jemanden mit in diesen Konflikt hineinzuziehen.

Sie kennen Joschka Fischer als Frankfurter Sponti und haben sich oft mit ihm gestritten. Ist die Wandlung des Friedenskämpfers und Pazifisten zum Außenminister und Angriffskrieger konsequent?

Maschke: Ja. Das ist nicht inkonsequent, denn wenn die Feindschaft der Pazifisten zu den Nicht-Pazifisten groß genug ist, müssen sie – frei nach Carl Schmitt – auch zum Krieg schreiten. Das ist hier der Fall, nur nennen sie es anders. Wir kennen auch die Formeln bereits zur Genüge, sie sind bekannt seit Wilson – wir führen keinen Krieg gegen das deutsche Volk, wir führen keinen Krieg gegen das serbische Volk etc. Im Ernstfall spaltet sich der Pazifismus: der eine Teil sagt, Gewalt kann man nur mit Gewalt begegnen, die andern reagieren wie Ströbele – und sagen, wir wollen es generell nicht. Es gab nach dem Ersten Weltkrieg die Formel "Krieg gegen den Krieg". Jetzt heißt es Aktion gegen den Krieg oder friedenserzwingende Maßnahmen gegen den Krieg. Selbst der "Krieg gegen den Krieg" ist den Pazifisten jetzt zu kriegerisch – terminologisch! Das ist nicht überraschend. Aber in der Kriegsgeschichte des Jahrhunderts war immer festzustellen, daß sich die Pazifisten in solch einer Situation spalten – und die größere Fraktion wird "kriegerisch".

Glauben Sie, daß die Grünen an dieser Frage zerbrechen werden?

Maschke: Es kommt vor allem darauf an, wie lange das dauert. Welche Folgen das für Deutschland hat, wenn es bedeutende Verluste für Deutschland gibt. Wenn es nur kurz ist, wird man dies vergessen – und es werden sich nur sehr kleine Gruppen abspalten.

Ist es nicht seltsam, daß während des Golfkrieges Anfang der neunziger Jahre massenhaft Leute gegen die USA und den Krieg auf die Straße gegangen sind und jetzt kaum jemand zu sehen ist?

Maschke: Es ist sicherlich ganz wesentlich, wer an der Regierung ist. Obwohl man versucht hat, zum Beispiel Hussein zu satanisieren, scheint das nicht so erfolgreich gewesen zu sein wie bei den Serben.Gegen die Serben existiert ein parmanenter Groll, zumal sie erklärte Deutschlandfeinde sind. Der serbische Haß auf Deutschland ist unbezweifelbar, und es gibt einen antiserbischen Affekt in den Medien und einen Affekt für Kroatien. Hinzu kommt, daß ein Entsetzen entsteht, daß die Greuel durch die Serben mitten in Europa geschehen. Wenn das bei den Irakis geschieht, ist das nicht so verwunderlich. Der Europäer ist in seinem Selbstverständnis aufgeklärt und pazifiziert. Das gilt auch für die Serben. Die haben Telefone, Autos, sprechen Deutsch oder Englisch und scheinen zivilisiert, tragen Schlipse. Dann ist man ganz erstaunt, wenn die sich irgendwelche Körperteile abschneiden. Das paßt zu einem Gelben, Braunen, Schwarzen, aber nicht zu einem Europäer. Hier ist die Empörung dann plötzlich größer.

Inwieweit ist überhaupt die Bundesregierung Herr der Lage, wer gibt den Takt vor? Von wem und wie wird über den möglichen Bodenkrieg entschieden?

Maschke: Über den Bodenkrieg werden die entscheiden, die ihn auch durchsetzen wollen – auf parlamentarischem Wege. Da sehe ich Schwierigkeiten. Entscheiden wird es der Hegemon des Bündnisses – die USA. Und dieser kann das auch alleine machen. Doch werden wir das wahrscheinlich wieder mitmachen, weil wir unfähig sind, uns gegen die Vereinigten Staaten zu stellen. Die Grundregel scheint da ganz einfach: Wir tun das, was die USA für richtig halten.

Können sich die Deutschen überhaupt noch aus dem Einsatz zurückziehen? Es heißt ja, wer sich einmischt, übernimmt Verantwortung.

Maschke: Interessant ist ja die Erklärung von Johannes Rau. Er hatte den Einsatz gebilligt und gesagt, er hoffe, daß unsere Soldaten in Zukunft nicht öfters bei solchen und ähnlichen Aktionen mitmachen müssen.Wenn man sich die Konfliktlage in der Welt ansieht und die amerikanische Forderung nach Lastenteilung betrachet, kann man sich vorstellen, daß es eine Multiplizierung ähnlicher Konflikte gibt, bei denen wir des öfteren die Gefährten der USA sein werden. Insgesamt ist dies eine Salamitaktik. Wir machen erst auf dem Niveau mit, dann auf dem Niveau u.s.w. Das bedeutet am Schluß: "Germans to the front" – ohne daß wir wirklich Einfluß nehmen können. Wir haben auch keine eigene Taktik, dies mit einer allmählichen Einflußsteigerung zu verbinden. Wir sind Vasallen ohne Lohn. Das ist unsere Form der Fellachisierung bzw. Selbst-Fellachisierung.


"Die Friedensbewegung und die immer noch zu ängstlichen Politiker und Militärs stehen dem [der totalen Erlösung]  immer noch im Wege, aber auch sie werden dem geheimen Wunsch aller, den alle leugnen, nicht mehr lange widerstehen können. Letzteres ist in etwa die Quintessenz des jungen Münsteraner Philosophen Ulrich Horstmann, dessen Essay in der moralparfümierten geistigen Landschaft der Bundesrepublik durch seine Radikalität und seine elegante Schnoddrigkeit auffällt. Der gelegentlich dekadent-pathetische Ton [...] mindert das bösartige Lesevergnügen ein wenig. Und ist es nötig, daß Horstmann, ganz braver Sohn der Alma Mater, all die Scharteken der Außenseiterphilosophen mitschleppt? Doch so leistet er immerhin eine Anthologie der Sehnsucht nach dem Ende. [...] Ist denn das Zuendeführen des Werkes in Horstmanns Sinn ohne solche Spekulationen denkbar? Die Ausrottung der Menschheit wird unter humanitären Parolen erfolgen oder sie wird nicht gelingen. Horstmann scheut leider den Gedanken, ob nicht die von ihm geforderte Ausbreitung des anthropofugalen Denkens - aufgrund der dann entstehenden Gleichgültigkeit - das größte aller Hindernisse für die anthropofugale Sehnsucht wäre. [...] Die Pointe ist [...], daß das anthropofugale Denken gerade keine Garantie dafür bietet, daß ‚unsere Spezies bis auf das letzte Exemplar' vertilgt wird. Wer will, daß die Qual aufhört, legt sich eher aufs Sofa, als daß er den Helmriemen festzieht. Horstmanns Programm wird nicht von seinesgleichen verwirklicht werden, sondern von den Täternaturen, die es immer noch gibt."

Günter Maschke: Daß wir besser nicht da wären. In: Frankfurter Allgemeine Zeitung, 16.8.1983