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mercredi, 13 janvier 2010

L'insegnamento della Costituzione di Fiume

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L'insegnamento della Costituzione di Fiume

 

Giorgio Emili - Articoli

Scritto da Giorgio Emili   

Ex: http://www.area-online.it/ 

La politica si spezza il cuore a forza di predicozzi e buoni sentimenti, nell’era del conflitto sociale.
La Costituzione dovrebbe fare da collante e i valori in essa contenuti dovrebbero essere totalmente condivisi. La realtà, come bene abbiano visto, è un’altra: addirittura opposta. Lo scontro è aperto, i valori non sono condivisi, aleggia da decenni l’idea non dichiarata di una parte giusta che ha vinto e che reca in sé tutto il bene possibile.

La Costituzione italiana – serve parlar chiaro -  in molte parti nasconde questa realtà.
Per molti aspetti continua a essere la Costituzione del dissenso, prodotta da una frattura della storia italiana.
Le istituzione cercano, giustamente, di evidenziare le note concilianti, il sapore pieno di salvaguardia della democrazia e dei valori innati. L’evidenza dei fatti e la scarsa considerazione, da parte dei comuni cittadini, del tessuto della nostra Costituzione (certo, quanti la conoscono realmente?, quanti hanno approfondito le sue norme?) testimoniano che il passo decisivo verso la reale distensione degli animi non è ancora compiuto. Del resto perché tanti tentativi di riforma, perché tante dichiarazioni sulla necessità di un suo adeguamento?
La fiducia nella Costituzione ha, da sempre, sopito il conflitto, rasserenato gli animi, colmato i buchi di ogni possibile deriva. Questo però, a quanto pare, non basta. Fiducia cieca nella Costituzione, ci mancherebbe, ma è bello ricordare che esiste (è esistito) un modello costituzionale diverso (e per certi versi controverso) che ha un filo conduttore invidiabile.
Da uno scritto di Achille Chiappetti abbiamo scoperto una felice ricostruzione della Carta del Carnaro, la Costituzione di Fiume.
«Lo Statuto della Reggenza italiana del Carnaro, promulgato l’8 settembre del 1920, costituisce da sempre – scrive Chiappetti - un angolo oscuro quasi perduto della coscienza costituzionale del nostro Paese. Il suo testo predisposto dal socialista rivoluzionario Alceste De Ambris rappresenta infatti un insieme di estrema modernità e di inventiva anticipatoria di quelli che sarebbero stati i successivi sviluppi dell’organizzazione economica dello Stato fascista e delle democrazie moderne. Il suo impianto – spiega - fondato sul sistema corporativo e sul valore del lavoro produttivo, come fondamento dell’eguaglianza e della libertà, nonché sul non riconoscimento della proprietà se non come funzione sociale, costituisce un modello che e stato troppo spesso dimenticato». Ma la parte più affascinante di quelle considerazioni sullo statuto fiumano riguarda l’analisi di singole norme, soprattutto se confrontate con le attuali della nostra Costituzione.
«La Reggenza riconosce e conferma la sovranità di tutti i cittadini  - dice lo Statuto -, senza distinzione di sesso, di stirpe, di lingue, di classe, di religione». «Amplia ed innalza e sostiene sopra ogni altro diritto i diritti dei produttori». Ancora: «La Reggenza si studia di ricondurre i giorni e le opere verso quel senso di virtuosa gioia che deve rinnovare dal profondo il popolo finalmente affrancato da un regime uniforme di soggezione e di menzogne». Si respira  - chiosa Achille Chiappetti - «un aria di positività e di concordia quasi da costituzione statunitense e non il clima di tensione e scontro che risuona nelle prime parole della nostra Carta repubblicana».
Le conclusioni hanno forte sapore dannunziano e meritano di essere segnalate. Si innalza, infatti, su tutti l’articolo XIV della Carta del Carnaro: «La vita è bella e degna che veramente e magnificamente la viva l’uomo rifatto intiero dalla libertà».
«È nello Statuto fiumano, dunque, che e possibile trovare l’ispirazione per un concetto di socialità posto in maniera differente e del tutto a-conflittuale che meriterebbe di essere ripreso per dare forza ad un nuovo risorgimento italiano».
Ecco. La felicita nella nostra Costituzione non c’è – dice Chiappetti - . E non solo lui.

Le crépuscule de l'axe Washington-Moscou

eltsine_boris.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Le crépuscule de l'axe Washington-Moscou

 

par Wolfgang STRAUSS

 

Camp David, dans les montagnes enneigées du Maryland. 1er février. Le Russe fête son anniversaire. L'Américain lui offre des bottes de cow-boy. Ils s'appellent mutuellement «ami George» et «ami Boris». Le soir, ils signent une déclaration. «La Russie et les Etats-Unis ne se considèrent plus comme des adversaires potentiels. A partir d'aujourd'hui, leurs rapports se caractériseront par l'amitié et le partenariat, se baseront sur la confiance réciproque et le respect mutuel, ainsi que sur un engagement conjoint pour faire avancer la démocratie et la liberté économique».

 

Au même moment, à Moscou, couverte de neige, une vieille femme verse le contenu de son porte-monnaie sur le comptoir d'une boulangerie d'Etat. Ses yeux expriment la crainte et la honte. «Je vous en prie, donnez-moi du pain, autant que vous le pouvez». Mais les piécettes qu'elle a secouées hors de son porte-monnaie ne sont que des kopeks. Quand cette pauvre vieille s'est mise en route, ce matin-là, elle avait 40 roubles. Elle les a dépensés pour s'acheter du charbon et des pommes de terre. «Excusez-moi, je n'ai rien de plus...».

 

Dans le point 5 de la déclaration commune, on lit: «Nous entreprendrons tous les efforts nécessaires pour promouvoir partout dans le monde les valeurs de la démocratie, que nous partageons, la primordialité du droit, le respect des droits de l'homme, y compris des droits des minorités». Mais la déclaration ne parle pas du droit des hommes à mourir dans la dignité...

 

En effet, à Saint-Petersbourg, la plupart des retraités ne peuvent payer leur propre enterrement. Car il faut 5000 roubles, pour offrir au défunt des obsèques simples, sans luxe. Une couronne bon marché coûte de 300 à 500 roubles. Enfin, il faut 1200 roubles pour la tombe. Les plus pauvres doivent enterrer les leurs comme au temps de l'encerclement par la Wehrmacht. Sans la moindre pelletée de terre, les corps sans vie sont abandonnés en lisière des cimetières, enveloppés dans un drap.

 

«Je ne suis pas venu, pour tendre la main» a dit Eltsine aux milliardaires américains. Devant le numéro 26 de la perspective Koutouzov, une longue file de citoyens russes se forme devant les vitrines du premier magasin d'alimentation privé du quartier. Ces citoyens ne tendent pas la main; ils se contentent d'ouvrir les yeux. Très grand. Ils voient toutes les sortes de saucissons imaginables, du pudding en poudre, des pâtes, des saucisses allemandes, du chocolat français, du lard, du jambon en boîte, de la limonade, du fromage, du lait en conserve. Les badauds n'achèteront rien car ils ne peuvent rien acheter. 160 roubles pour 300 grammes de jambon; 290 roubles pour un kilo de salami. Les deux amis de Camp David ont parlé de «liberté économique»...

 

«Tout homme doit vivre comme une grande flamme claire et brillante, étinceller autant qu'il le peut»: tel est la devise que s'est donné Boris Eltsine. Et il a ajouté: «A la fin, cette belle flamme s'éteint. Mais il valait mieux qu'elle fut grande, qu'elle ne fut pas petite et misérable».

 

La flamme chiche des petits, des sans-grade de toutes les Russies, a déjà commencé à s'éteindre. Le 27 janvier 1992, on pouvait lire dans la Pravda: «En Suède, c'est l'individu qui est l'objet premier des préoccupations de l'Etat, l'individu dans ce qu'il a de particulier. Nos premiers pas vers le capitalisme, eux, se caractérisent par la plus sauvage des inhumanités. Le pouvoir politique n'entreprend rien pour freiner ce délire de pillage, ce besoin maladif d'amasser. Comment expliquer alors qu'il ait toléré des mesures anti-populaires comme l'augmentation des prix des crèches et jardins d'enfants, des vêtements d'enfants, des colonies d'été? Sans vergogne, le gouvernement fait disparaître les conditions de survie des plus pauvres et des malades. Jadis, les pauvres se maintenaient en vie avec du pain, des pommes de terre, du charbon, des carottes et des saucisses. Aujourd'hui, avec ce qu'il reste dans leur porte-monnaie, ils ne peuvent plus rien acheter. Le prix de la bière, du repas principal de midi, vient de décupler. Pour le travailleur du bas de l'échelle, les très petites joies de la vie quotidienne ne sont plus possibles: on les lui a volées».

 

Et Eltsine est revenu les mains vides de Camp David. Il est revenu dans une Russie condamnée à l'isolement. Sans rémission. «Nous avons besoin d'argent et d'aide pour parfaire nos réformes. Si ces réformes échouent en Russie», a dit Eltsine lors d'une rencontre de trois heures avec les représentants de l'économie américaine à New York, «la conséquence sera une nouvelle guerre froide, qui pourra très vite se transformer en une guerre chaude». Après cette rencontre, le Président russe a dit: «Très étonnante, l'attitude de ces pays qui ne font guère plus que parler».

 

Mais qu'attendait-il, au fond, d'un pays qui glisse inexorablement vers la crise économique, qui est miné par les faillites, les cessations d'activité, les fermetures d'entreprises, les licenciements en masse?

 

Pour guérir l'économie russe, plusieurs recettes pouvaient être appliquées. On n'en a appliqué qu'une seule: la libéralisation des prix. Conclusion: sont au pouvoir en Russie, ceux qui veulent faire du pays une deuxième Amérique et qui, en conséquence, copient le modèle américain.

 

Or le problème numéro un en Russie, c'est la distribution du pain. Pour les Russes, le pain signifie davantage qu'un aliment de base; le pain est une assurance-vie, un élément de la dignité. Le pain a un caractère sacré. Dans les régions industrialisées, on ne le vend plus que sur présentation d'un bon d'achat. Avant la libéralisation des prix, une miche de pain coûtait 80 kopeks; en janvier, le prix est monté à 4,20 roubles; en mars, il fallait payer le double. Officiellement, seul le pain le plus simple, noir, est encore vendu au prix contrôlé; mais on ne le trouve plus nulle part.

 

Pour une brique de beurre, il fallait donner, fin février, 120 roubles; pour un kilo de viande, 120 roubles. Or les retraitées veuves ou célibataires perçoivent, dans les grandes villes, une retraite de 185 roubles par mois. Bien sûr, elle ne meurent pas de faim; mais on ne peut pas parler d'une vie... Les fonctionnaires à la pension ont le droit d'acheter aux prix subventionnés. Mais à quoi cela leur sert-il, si les réserves de marchandises subventionnées sont épuisées depuis longtemps? «90% des habitants ne peuvent plus payer leur nourriture, leur électricité et leur loyer», constatait Sobtchak, le maire de Saint-Petersbourg dès janvier.

 

Eltsine reproche à son cabinet de ne pas avoir pris des mesures en faveur des pauvres. Son représentant, Routskoï, exige sans arrêt que l'on proclame l'«état d'urgence dans le domaine économique» et réclame une guerre de l'Etat contre les spéculateurs.

 

L'époque où Moscou vivait sur le dos de l'ensemble du pays est bien révolu. A cette époque, les provinciaux prenaient les magasins moscovites d'assaut pour obtenir viande ou vêtements. Aujourd'hui, c'est l'inverse: les Moscovites se rendent dans les bourgs et les villages de province. Sur le marché, règne la loi de la jungle.

 

Sonia Margolina, écrivain à Moscou, a rencontré son ancien professeur. Celle-ci se plaignait: «On a promis une aide à notre école contre la famine: mais rien n'est arrivé. Les parents des élèves téléphonent tous les jours parce qu'ils croient que les enseignants ont volé les boîtes de conserve; ils ne peuvent plus imaginer qu'il existe des citoyens qui ne volent pas» (cf. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 8 février 1992). Seuls 6 à 7% des colis de vivres arrivent à destination. Déjà à l'aéroport, le vol sauvage et le vol organisé commencent, à peine les conteneurs sont-ils ouverts. 80% des envois caritatifs venus d'Allemagne disparaissent dans les réseaux mafieux du marché noir. La caricature du capitalisme pillard, que les communistes avaient décrit aux Russes pendant des décennies, est devenu réalité à Moscou et dans les grandes villes de la CEI.

 

En Russie, plus aucune autorité ne demeure intacte; plus aucune autorité n'est en mesure de répartir correctement et de façon efficace les marchandises disponibles ou venues de l'Ouest. Les planifications du transport par route ou par air ne servent à rien: aucun horaire ne peut être tenu à cause de la pénurie de carburant. Les gens attendent des journées entières dans les gares ou les aéroports, que leur train ou leur avion arrivent. «Les chefs des républiques et les parlements gouvernent vaille que vaille, alors que toutes les structures du pouvoir se disloquent. Mais ils sont dépassés par des chefs locaux, des chefs tribaux, des responsables du parti ou des princes auto-proclamés. Dans la CEI, une décision politique ne vaut que pour quelques jours, dans un rayon de quelques centaines de kilomètres. Les gens font ce qu'ils veulent» (Süddeutsche Zeitung, 1 février 1992).

 

Ebranlé par l'effondrement spirituel et moral dans sa vieille patrie, le germaniste russe et israëlite Lew Kopelew vient de revenir de Russie. Cet émigré, qui vit à Cologne, cet ami et compagnon de combat de Sakharov, ne comprend plus comment tourne le monde. Les ensembles chorégraphiques sont dissous, les théâtres ferment, des institutions culturelles vieilles de plusieurs siècles cessent leurs activités, les artistes sont jetés à la rue. Depuis que règne la «liberté dans le domaine artistique». Conclusion de Kopelew: «N'est pas nécessairement bon, ce qui était interdit hier».

 

Son compatriote Viktor Konyetski donne lui aussi son diagnostic: l'âme russe est horriblement malade, le désorientement et la haine se répandent comme un feu de brousailles; les vieilles icônes sont flétries, brisées, et l'occidentalisation avance à grands pas: «Le Yakoute affamé, qui croupit dans sa hutte sale, entendra bientôt de la musique rock à la télévision et y verra de jeunes femmes le cul tout nu. Alors, enflammé par la colère, il prendra sa fourche ou son fusil» (Lettre internationale, Berlin, n°15, 1991).

 

Alexandre Zinoviev, le géant de la satire, dans son exil munichois, ne prononce que des mots de dégoût, en voyant comment ses compatriotes affamés changent de paradigmes. Avec la même âpreté de fauve, explique-t-il, la même mentalité grégaire qu'au temps de Staline, ils donneront leur cœur à une nouvelle idéologie, le lui jetteront en pâture: cette idéologie est le capitalisme, qu'ils voudront total et suicidaire, à la mode russe. La conséquence: un égarement massif des sens; une schizophrénie collective, culminant dans l'idéalisation du matérialisme occidental (cité par Arnulf Barning, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 24 décembre 1991).

 

Malheureusement, les idées nobles de l'Europe occidentale ne pénètrent que très lentement en Russie, constate le Patriarche Alexis II. Après l'effondrement du bolchévisme démoniaque, la Russie ne s'est pas connectée aux sources limpides de l'Europe, mais à ses égoûts. Ce Savonarole slave, revêtu du blanc qui sied aux patriarches, ne mâche pas ses mots: «La sous-culture du rock, de la toxicomanie, ces attitudes superficielles dictées par les médias, sont-ce là des valeurs dignes d'être désirées? L'occidentalisation de notre mode de vie, auquel nous assistons aujourd'hui, n'a que très peu de choses en commun avec l'humanisme et le christianisme». Et le Patriarche ajoute qu'un élément essentiel de cette occidentalisation est le «dégoût et la haine pour tout ce qui relève de l'histoire nationale» (Der Spiegel, n°30/1991; Moscow News, n°8/1991).

 

Pour l'intellectuel russe qu'est le Professeur Anatoli Outkine, qui enseigne la littérature américaine à l'Académie russe des sciences, l'occidentalisation équivaut à une commercialisation de la vie intellectuelle. Le capitalisme américain, en niant toute forme de spiritualité, nie la culture nationale. «Comme la Russie s'est tournée vers le capitalisme, la pensée, à son tour, est devenue marchandise (...) La capacité la plus importante des intellectuels russes, servir un idéal, lui faire don de soi, n'est pas une valeur demandée dans un monde de pure accumulation» (Frankfurter Allgemeine Zeitung, 22 janvier 1992).

 

La Russie décohoit-elle au rang d'une colonie américaine? Le Ministre des Affaires Etrangères américain, Baker, vient en effet de visiter les républiques de la CEI comme un inspecteur. «Dans une économie intégrée englobant toute l'Europe, notre Russie aurait le rôle d'un fournisseur de matières premières bon marché et servirait de dépôt pour les résidus de toutes les technologies qui polluent l'environnement», a déclaré le propre ministre de la privatisation, Anatoli Tchoubaï, nommé par Eltsine mais retourné par cette vision apocalyptique. La politiques des investissements devra être sévèrement contrôlée, a exigé Tchoubaï en janvier, pour éviter que le capitalisme multinational étranger «n'achète de gros morceaux de l'économie russe pour un salaire de misère».

 

Mais un miracle ne suffirait pas à sortir la Russie de l'embarras! L'un des grands espoirs des occidentalistes dans les années 89/90, co-auteur du «programme des 500 jours» de Chataline, Grigori Yavlinski est passé dans le camp anti-capitaliste. Cet Ukrainien, qui fit partie de l'ancienne équipe d'Eltsine, est aujourd'hui le directeur d'un centre privé de recherches en économie et en politique. Yavlinski est devenu sceptique et a dressé son bilan en 1992: la libéralisation des prix, lancée le 2 janvier, conseillée par les Harvard Boys, n'a réglé aucun problème; au contraire, elle a accéléré l'augmentation permanente des prix. Le rouble, à cause de l'hyperinflation, n'a même plus la valeur du papier sur lequel il est imprimé; il est houspillé par les devises étrangères, fléchit devant le dollar ou le DM, qui sont aujourd'hui les monnaies réelles de la Russie. L'industrie et la production n'ont pas accru leurs prestations; les stocks de marchandises et de réserves ont fondu (Moscow News, 2/92).

 

Mais la Russie russe est l'ennemie de l'Amérique; elle ne se soumet pas à la Doctrine Bush, qui parle des «droits de l'homme», d'«économie libre de marché» et de «démocratie parlementaire» pour mieux faire passer son impérialisme; elle perçoit un grand danger dans l'«Occident américanocentré» qui prend, en Russie, le relais du communisme (cf. Alexandre Douguine, dans éléments, n°73, 1992).

 

Eltsine a eu beau faire des salamalecs à Camp David et à New York; il s'y est humilié avec une intesité qui frise la folie mais l'Amérique n'a réagi qu'avec perfidie. «Tous les restes de l'hostilité du temps de la guerre froide» devront être éliminés, lisait-on dans la déclaration du 1er février. «A partir d'aujourd'hui, nous ne nous considérons plus comme des ennemis», a juré Eltsine. Il a même proposé un système de défense globale contre toutes les attaques atomiques potentielles, de conjuguer la technologie américaine, née du programme IDS, au savoir-faire russe pour élaborer un système de défense anti-missiles dans l'espace. Eltsine a même annoncé que la Russie était prête à mettre un terme à la fabrication des bombardiers stratégiques. Il s'est livré à le surenchère: «je considère que les Etats-Unis et les autres pays de l'alliance atlantique sont les alliés de la Russie».

 

Pourtant, le jour même où Eltsine déclarait en grande pompe devant le parlement de Russie que l'Amérique avait un intérêt vital au succès de ses réformes, le New York Times publiait un document émanant du Pentagone, où étaient esquissés des scénarios de crise pour les dix prochaines années. Point d'orgue de ces scénarios: une guerre entre l'Amérique et la Russie! Si l'armée d'un nouveau régime autoritaire et expansionniste russe pénétrait de force dans les Pays Baltes, l'Amérique, flanquée de ses tirailleurs sénégalais de l'OTAN, riposterait par des moyens militaires. Objectif: libérer la Lituanie en 90 jours (cf. Die Welt, 19 février 1992). Or une Russie «autoritaire», selon les bellicistes américains, serait une Russie comme le souhaite Alexandre Soljénitsyne, exilé dans l'Etat américain du Vermont.

 

Avec une clarté désarmante, le quotidien moscovite de gauche, libéral et pro-américain, Moskovskiye Novostii, esquisse les plans que concocte l'Amérique au sujet de la Russie. La soumission de la direction moscovite à l'alliance occidentale et l'adhésion potentielle de la Russie à l'OTAN ne sert qu'un seul objectif: «L'Ouest a besoin de la Russie, car elle est la clef de l'espace politique que constitue la CEI et parce qu'elle est le facteur principal dans toute politique de containment des menaces en provenance du continent asiatique». La Russie serait ainsi un bastion avancé, un territoire et une population sacrifiés, en cas de guerre entre l'impérialisme américain, d'une part, et le Japon, la Chine et le monde islamique, d'autre part. Le quotidien occidentaliste, sans honte, remercie l'Amérique du rôle humiliant qu'elle assigne à la Russie! «Selon toute vraisemblance, la Russie devra se satisfaire de ce rôle» (Moscow News, mars 1992). Mais dans le cas où éclaterait une seconde révolution russe, cette fois dirigée contre le policier du nouvel ordre mondial et contre l'idéologie occidentale aliénante, les Moskovskiye Novostii prophétisent une guerre au finish entre l'Amérique et la Russie. Après un changement de politique éventuel, après une redistribution possible des cartes du pouvoir à Moscou, la Russie ne serait plus, comme elle l'est aujourd'hui, «un allié de l'Ouest» mais un facteur de puissance «complexe, imprévisible, insupportable». Ce serait un Etat russe, non un laquais slave.

 

Les forces pro-américaines en Russie paniquent. L'ennemi qu'elles désignent, c'est la «droite». Qu'elle soit nationale-bolchévique, qu'elle adhère au patriotisme populiste d'un Soljénitsyne, peu importe, les «démocrates» la classent, sans nuances, dans le tiroir de l'anti-démocratie, en sortant les accusations habituelles, en réitérant les soupçons bien connus, en ressortant les vieilles théories conspirationnistes. Les occidentalistes mettent en scène une véritable sarabande de sorcières. Mais quelles sont ces Cassandres, ces dénonciateurs officieux et officiels? D'abord Gorbatchev lui-même, depuis peu collaborateur permanent du New York Times. Ensuite, les médias russophobes de la côte Est des Etats-Unis (qui sont aussi germanophobes, anti-japonais, anti-arabes et anti-gaulliens, comme par hasard, ndlr), qui ne cessent d'avertir les bonnes âmes du danger que représenteraient les «forces dormantes de la réaction».

 

D'après l'ancien chef du KGB, Vadim Bakatine, néo-bolchéviks et néo-slavophiles se prépareraient très activement à provoquer un effondrement économique pour favoriser un changement de régime. La révolution sociale, qui pointe à l'horizon, pourrait culbuter la Russie dans le fascisme, pense un certain Professeur Obminski, expert ès-matières économiques au ministère russe des affaires étrangères. Des «mouvements nazis» russes, composés de très jeunes gens, augmenteraient leur audience (Süddeutsche Zeitung, 6 février 1992). Si Eltsine ne réussit pas, la «démocratie» ne triomphera jamais en Russie, prophétise le vice-président américain Don Quayle.

 

Dans la Russie qui s'effrite, il n'y a pas que le «somnambule qui erre entre deux mondes», c'est-à-dire Mikhaïl Gorbatchev, qui prononce de sombres oracles comme celui-ci: «Le nationalisme sauvage, vulgaire, incorrigible est extrêmement dangereux; une vague de nationalisme pourrait s'emparer du pouvoir» (Corriere della Sera, 8 février 1992). A la chasse aux sorcières dirigée contre les patriotes russes, participe aussi, depuis peu, un patriote russe, le Sauveur de la Russie en août 1991, Boris Eltsine. Il dit déjà sentir «dans nos cous le souffle chaud des porteurs de chemises rouges ou brunes», comme il l'a formulé à Paris (Die Welt, 7 février 1992).

 

La droite russe se défend. Elle passe à la contre-offensive. Elle est sur le point de se donner une idéologie, de forger sa propre vision de l'homme, de la liberté, de la société. Une vision qui n'a pas d'équivalent. Axe central de cette vision globale du monde et de la politique: le caractère eurasien de la terre russe, qui implique une géopolitique particulière. Cette droite réintroduit la géopolitique dans un discours grand-russe, eurasien.

 

L'ennemi désigné de cette droite qui se souvient brusquement des leçons de la géopolitique est le totalitarisme américain, la civilisation qui meurt très lentement du libéralisme. En décembre, l'envoyé spécial d'Eltsine, Igor Maximytchev, un occidentaliste, avait déclaré lors d'une conférence de presse à Berlin, que la Russie, en adoptant le libéralisme et en libéralisant les prix, «retournait à la civilisation mondiale»!

 

L'Amérique agit comme une thalassocratie. La Russie incarne la tellurocratie classique. Là-bas règnent les marchands, les capitalistes. Ici règnent les soldats et les paysans. Puissance maritime contre puissance continentale. L'Amérique est Carthage. La Russie est Rome. Carthage sombrera, lorsque la Quatrième Rome trouvera un Scipion l'Africain.

 

Wolfgang STRAUSS.

(texte issu de Staatsbriefe, n°3/1992; adresse: Dr. Hans-Dietrich Sander, Postfach 14 06 28, D-8000 München 5; abonnement annuel: DM 100,-; étudiants, lycéens, apprentis et soldats du contingent, DM 50,-).  

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mardi, 12 janvier 2010

Bernard Lugan lance sa revue par internet

Bernard Lugan lance sa revue par Internet

Logo couleur [1]

Madame, Mademoiselle, Monsieur,

Je vous annonce la naissance d’une nouvelle revue africaniste, inspirée de l’ancienne Afrique réelle à laquelle certains d’entre vous étiez abonnés entre 1995 et 2005. Cette publication sera mensuelle, soit 12 numéros par an, et sa distribution exclusivement par Internet. Réalisée en couleurs, son approche de l’Afrique se fera par le réel, notamment à partir du milieu et des peuples et dans la longue durée. Elle sera illustrée et comportera une riche cartographie.

Afin de toucher le plus grand nombre, notamment les étudiants, le prix de l’abonnement annuel est de 25 euros (France et étranger), ce qui met le prix du numéro à environ 2 euros. Pour obtenir une copie papier, il suffira de tirer la revue sur l’imprimante de l’ordinateur.

Le premier numéro est en cours de fabrication et je vous en communique un article en SPECIMEN [2]. Tous les numéros comporteront une partie actualité, notamment centrée sur les pays ou les régions en crise et une partie dossier.
Les abonnés recevront le numéro 1 de la revue dans la seconde quinzaine du mois de janvier 2010. Les thèmes principaux qui y sont traités concernent l’analyse en profondeur de la situation en Guinée et la réalité du réchauffement climatique en Afrique. Nous publions un long entretien réalisé peu de temps avant sa mort avec le grand climatologue Marcel Leroux qui fut le chef de file des climato sceptiques.
Les numéros suivants traiteront, entre autres, de l’afro centrisme, de la situation en Afrique du Sud quinze après les débuts du pouvoir noir etc.

Pour vous abonner, vous devez imprimer et renvoyer à l’adresse indiquée le FORMULAIRE D’ABONNEMENT [3].

Pour télécharger le SPECIMEN et le FORMULAIRE D’ABONNEMENT, faites un clic droit avec votre souris sur les fichiers bleus et selectionner « Enregistrer la cible du lien sous» . Si vous rencontrez des difficultés pour afficher ou télécharger ces deux fichiers, vous pouvez envoyer un courriel à contact@bernard-lugan.com, nous vous les transmetterons directement.

Source : Le blog officiel de Bernard Lugan [4]


Article printed from :: Novopress Québec: http://qc.novopress.info

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[1] Image: http://qc.novopress.info/wp-content/uploads/2010/01/Logo-couleur.jpg

[2] SPECIMEN: http://www.mydatanest.com/files/Lugan/44038_gigiy/SPECIMEN.pdf

[3] FORMULAIRE D’ABONNEMENT: http://www.mydatanest.com/files/Lugan/44040_zfl6l/FORMULAIRE.pdf

[4] Bernard Lugan: http://bernardlugan.blogspot.com/

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L'offensive contre l'Europe passe par la Grèce

greek-riot-police-falling.jpgL’offensive contre l’Europe passe par la Grèce

Une tribune libre de Roberto Fiorini

On pourrait résumer ce qui arrive à la Grèce et, demain, à l’Europe, en une seule formule : « lorsqu’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la gale ».

On dit que les déficits sont colossaux, et on sacrifie tout sur l’autel du nouveau Dieu Unique…

Les procédés à l’œuvre en Grèce, le sont aussi en France, mais avec des méthodes plus douces : la vaseline médiatique.

La réalité n’est pas celle annoncée par nos médias. Elle peut être vue de façon bien différente, si on y regarde de plus près.

Guerre contre l’Euro ?

Les déclarations des agences de notation étasuniennes en défaveur des PIGS (acronyme pour Portugal, Irlande, Grèce, Spain – Espagne – ; mais aussi mot méprisant signifiant « cochons », en anglais) correspondent à une manœuvre délibérée, organisée de toute pièce par les ennemis de l’Europe des peuples et relayée massivement par nos médias et ceux qui les contrôlent, pour déstabiliser l’Euro, et par ricochet, faire remonter le Dollar, au moment où la parité avec l’Euro allait clairement en sa défaveur.

L’Euro a chuté après la dégradation, par l’agence Fitch, de la note de la dette à long terme de la Grèce, ainsi que des notes des quatre principales banques commerciales du pays, toutes ramenées de A– à BBB+.

La parité Dollar / Euro est passée de 1,51 le 25 novembre 2009, à 1,43 le 18 décembre 2009. Ainsi, en peu de temps, la parité Dollar / Euro a baissé de 5 % en défaveur de l’Euro, sur une simple opération de communication, savamment orchestrée par les adversaires de l’Europe : Britannia et America.

Les agences de notations diffusent le mensonge

« L’agence Standard & Poor’s a, elle aussi, abaissé mercredi [16 décembre] la note de la Grèce d’un échelon et averti qu’elle pourrait aller plus loin encore si le gouvernement ne parvenait pas à réunir les soutiens politiques nécessaires à l’assainissement des finances publiques. » (NDLR : si toute la classe politique et syndicale ne suit pas le diktat des marchés, ce sera pire pour eux.)

Ces mêmes agences de notations qui sont à l’origine de la crise, se permettent de donner des avis qui servent d’ « étalon de mesure » à tout un système financier défaillant, alors qu’elles n’ont rien vu venir de cette crise, ou pire encore, qu’elles l’ont orchestrée et couverte. Voilà ce qui sert de « baromètre », de référence suprême, à nos élites politiques, médiatiques et à tous leurs cortèges de spécialistes et d’intellectuels de salons télévisuels.

Mais ces manœuvres ne sont qu’un élément mineur dans le libre échange mondial, car accepter de commercer alors qu’on n’a pas défini de parités de monnaies, c’est un suicide… Un libre échange sans parité de monnaies, que les élites corrompues, au pouvoir dans nos soi-disant démocraties, ont accepté de jouer, au détriment de nos emplois et de notre protection sociale.

Historique d’une mise en scène ? A vous de juger en quatre temps…

1 – Élection d’anciens « cadres » de l’OCDE pour assainir la situation des finances grecques :

7 octobre 2009 : la Grèce se dote d’un gouvernement centré sur l‘économie

« Ces cadres qui ont tous deux travaillé pour l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économique, vont devoir mettre en œuvre les promesses de Georges Papandréou : relancer une économie menacée par la récession et assainir les comptes publics, à l’heure où le déficit budgétaire est évalué à 6% du PIB. »

2 – Découverte par la nouvelle équipe élue, de l’état présumé catastrophique de la dette grecque :

1er décembre 2009 : l’UE au chevet de la Grèce

« Le ministre de la Cohésion sociale (Grec) , en visite à Bruxelles, a affirmé au quotidien athénien que “le déficit des assurances atteindra les 4 milliards d’euros si on n’intervient pas au plus vite et de manière efficace. (…) En l’espace d’un mois, le déficit grec est en effet passé de 6% à 12.7% du PIB. »

Pourtant, « Il est vrai que la situation budgétaire du gouvernement grec est précaire. Sa dette devrait dépasser 110% du PIB l’année prochaine. C’est beaucoup, mais elle était de 118% en 1999, la dette du Japon atteindra bientôt 200%, et celle des Etats-Unis, 100%. Il reste que les précédents gouvernements grecs n’ont guère brillé par leur discipline : la dernière fois que le budget fut à l’équilibre, c’était en 1972 – sous la dictature des Colonels… »

NDLR : la Grèce s’est mise cette dette sur le dos pour faire comme les copains, qui jouent le jeu du libre échange. D’autres régimes, plus rigoureux, refusaient de payer des intérêts à des usuriers apatrides… C’est certainement pour cela qu’ils ont été renversés, d’ailleurs : démocrates et usuriers cohabitent dans la démocratie sociale, le régime préféré des copains/coquins, néo-esclavagistes.

Aujourd’hui, la Grèce achète de l’argent, 2,6 % plus cher que l’Allemagne sur les marchés. On ne prête pas aux pauvres, et cela pèsera forcément sur les comptes de la nation grecque et de son peuple qui, au final, paye toutes les factures publiques.

3 – Annonce de mesures d’austérité, avec les syndicats, pour canaliser le mécontentement (…et empêcher qu’il ne se manifeste autrement et directement, par le peuple ? En France, le mécontentement a aussi été canalisé aussi par les syndicats, au plus fort de la crise, mais ils n’ont rien obtenus de concret pour les travailleurs. Les méthodes sont identiques sur tout le continent européen avec, parfois, des variantes locales) :

15 décembre 2009 : Grèce : les mesures de rigueur annoncées ne satisfont personne

« Une centaine de syndicalistes grecs ont exprimé mardi leur inquiétude concernant l’avenir en bloquant les portes du ministère grec des finances, après la diminution des dépenses de protection sociale dévoilées lundi soir parmi les mesures de rigueur budgétaire rendues publiques par le gouvernement Papandreou. Il y a des mesures qui vont nous laisser sans emploi affirme Theodoros Georgiou, un syndicaliste du secteur de la construction, sans assurance, sans éducation scolaire, sans sécurité sociale. Il y a des mesures qui ne peuvent pas rester sans réponses et c’est ce que nous faisons ici”.

4 – Annonce de privatisations pour faire rentrer de l’argent dans les caisses :

17 décembre 2009 : la Grèce va privatiser pour éponger sa dette

« Une série de privatisations devrait rapporter environ 2,5 milliards d’euros à la Grèce et devrait permettre à Athènes de combler quelque peu son déficit public, a déclaré jeudi à Reuters le ministre des Finances Georges Papaconstantinou. (…) Signe des difficultés du pays, il a expliqué que les hôpitaux grecs devaient environ cinq milliards d’euros aux laboratoires pharmaceutiques. »

Une belle orchestration des événements !

Si la situation grecque n’a pas été orchestrée de main de maîtres, c’est un sacré paquet de coïncidences en peu de temps…

La crise qui éclate ainsi au grand jour, permet donc à certains d’avancer leurs pions et de prendre des parts de marché, facilement, en neutralisant des services publics.

On voit aussi très clairement que les mesures de protection sociale sont visées dans tout ce qui est annoncé : on sait d’avance dans quoi on va couper pour faire des économies… Le travailleur européen et sa famille payeront pour les autres.

Une des conséquences de la crise sera des réductions des dépenses publiques, pour rendre ainsi nos économies plus « compétitives », en réduisant les coûts que font peser les charges sociales sur les comptes de la nation. On continue ainsi de jouer le jeu du libre échange qui veut que tout soit dérégulé, et on s’aligne ainsi sur les normes imposées par le capitalisme libéral le plus sauvage.

Si les peuples des pays d’Europe ne se révoltent pas, ils verront le modèle que leurs anciens ont mis des décennies à construire, s’évaporer à cause de cette austérité manigancée…

Paradoxe suprême, cette victoire de la « pieuvre financière capitaliste » ou, en tout cas, ce début de remise en cause du modèle européen, intervient au moment même ou le modèle libéral semblait avoir fait faillite.

Objectif visé ? La nécessaire harmonisation, en vue du Marché Transatlantique de 2015

Les attaques en règle contre le modèle de capitalisme européen, plus protecteur, ont un but, là aussi clairement annoncé : rendre nos contraintes budgétaires aussi proches que possible de celles des USA. En préparant cette harmonisation (à la baisse) de nos normes fiscales et sociales, les pourris qui ont été mis en place par ceux qui les payent, préparent l’instauration du grand « Marché Transatlantique », qui a pour objectif d’aboutir, en 2015, à la création d’une grande zone d’échange USA-Europe.

Ce qui passe par la réalisation des conditions d’une non-concurrence entre pays d’une même zone d’échange… à venir, la zone transatlantique.

Dans un sens, on peut présumer, que fidèles à leurs façons de faire, ceux qui tirent les ficelles procèdent toujours par des tests en grandeur nature, mais à petite échelle, avant de les étendre au reste de l’objectif ciblé (nous, les Européens).

En ce sens, surveiller ce qui se passe en Grèce en ce moment, c’est peut-être lire dans la boule de cristal qui nous révélera l’avenir des travailleurs européens.

Grezngänger Ernst Niekisch

niekisch-ernst-photo.jpgGrenzgänger Ernst Niekisch

Ex: http://rittermabuse.wordpress.com/

In der DDR bekleidete Ernst Niekisch zahlreiche Funktionen; dennoch entzog die deutsche Teilung ihm den Boden: »Zuletzt erkannte ich, dass man in Deutschland nur noch die Wahl habe, Amerikaner oder Russe zu sein. Wer mit Entschiedenheit eine eigene deutsche Position bewahren will, verfällt über kurz oder lang hoffnungsloser Vereinsamung.« In einem unveröffentlichten Manuskript schlug er tatsächlich kurz vor seinem Tod vor, die DDR, das »Bollwerk gegen den Westen«, in »Preußen« umzubenennen.

Als Grenzgänger zwischen links und rechts blieb Niekisch auch nach seinem Tod wirkungsmächtig. Bei vielen Versuchen, die Linke mit der Nation zu versöhnen, stand er Pate. Der Historiker Sebastian Haffner forderte noch im November 1989 angesichts der sich abzeichnenden Wiedervereinigung, Niekisch wieder auf die Tagesordnung zu setzen: »So unwahrscheinlich es klingen mag: Der wahre Theoretiker der Weltrevolution, die heute im Gange ist, ist nicht Marx und nicht einmal Lenin. Es ist Niekisch.«

Quis contra nos? Gabriele d'Annunzio et la Marche sur Fiume

d'aannn.jpgPeter VERHEYEN:

Quis contra nos?

Gabriele d’Annunzio et la Marche sur Fiume

 

Dans l’histoire, nous trouvons bon nombre de figures difficilement classables dans une catégorie proprette et bien définie. Elles nous apprennent que les clivages entre la gauche et la droite, entre le conservatisme et le progressisme ne sont finalement que des clivages entre « concepts conteneurs » aux contours médiocrement balisés, que l’on peut sans doute appliquer aux politicards sans intérêt qui sévissent de nos jours mais qui n’ont aucune pertinence dans la réalité, en dehors des tristes et inutiles baraques à parlottes que sont devenus les parlements. Gabriele d’Annunzio est l’exemple d’un penseur original, de la trempe de ceux que l’on ne rencontre pas tous les jours. Ce poète excentrique, cet aviateur et ce révolutionnaire demeure, encore de nos jours, une personnalité dont on peut s’inspirer ; ce n’est donc pas un hasard si son portrait orne un certain mur de la « Casa Pound » de Rome, le magnifique squat occupé aujourd’hui par des nationaux révolutionnaires dans la capitale italienne. Sa Marche sur Fiume en septembre 1919 et l’occupation de la ville qui s’ensuivit et dura quinze mois, n’a pas seulement été une entreprise toute d’ardeur et de témérité : elle a donné le ton pour d’autres générations de nationalistes révolutionnaires, d’anarchistes et d’autres esprits libres de l’entre-deux-guerres et, même, d’époques ultérieures. Le concept de « Zone Temporaire Autonome », telle que décrite dans les travaux de l’anarchiste Hakim Bey, a finalement été traduit dans le réel, et pour la première fois, à Fiume. La ville est ainsi devenue un microcosme où les rêves les plus radicaux, quels qu’ils soient, ont reçu la chance de se développer. Il serait dès lors dommage de dénigrer la Marche sur Fiume comme un simple précédant de la Marche sur Rome de 1922.

 

Dès son plus jeune âge, d’Annunzio avait lu Shakespeare et Baudelaire et ses premiers pas de poète, il les a faits dans le sillage du poète italien Giosué Carducci. L’influence de Nietzsche fut grande chez lui et le leitmotiv du « surhomme » devint rapidement central dans son œuvre. Il en déduisit un rôle important à accorder à l’héroïsme. Il hissa le culte éthique de la beauté, propre de l’héritage latin antique, au-dessus des fausses valeurs de l’industrialisme et du matérialisme. Il se dressa contre le positivisme et proclama qu’il ne voulait plus entendre de « vérité » mais voulait, plus simplement, posséder un rêve. C’est en ces années de maturation que l’influence de Nietzsche se fit fortement sentir sur d’Annunzio : il en vint à prêcher l’avènement d’une aristocratie spirituelle, arme contre la morale bourgeoise, et à concentrer ses efforts pour faire advenir une ère nouvelle. Avant la première guerre mondiale, sa pensée avait influencé le mouvement futuriste mais le fondateur du futurisme, Tomaso Marinetti, considérait que d’Annunzio était un personnage appartenant au passé. Après avoir séjourné un certain temps en France, il revint en Italie en 1915, en suscitant un énorme intérêt et pour participer aux combats de la guerre. Il avait déjà 52 ans au moment où elle éclata mais cela ne l’empêcha pas de se porter volontaire pour commander une division de cavalerie et la mener au feu, contre les puissances centrales. Il acquis bien vite le statut de héros, notamment en lançant une attaque contre les tranchées ennemies, vêtu d’une longue cape flottante jetée sur ses épaules et armé seulement d’un pistolet. Autre geste héroïque qu’il convient de rappeler : il s’envola un jour, à bord d’un avion, pour lancer des tracts sur Vienne, ce qui lui permit d’obtenir la « médaille d’or », la plus haute décoration honorifique d’Italie.

 

Lors de la conférence préludant au Traité de Versailles en 1919, l’Italie exigea le port de Fiume. Mais le sort de la ville était scellé, semble-t-il. En Italie, un sentiment général prenait le dessus : celui de subir une « victoire mutilée », concept forgé par d’Annunzio lui-même. La situation était devenue explosive, d’autant plus que l’état de l’économie se détériorait considérablement, avec son cortège de millions de chômeurs et l’atmosphère prérévolutionnaire que cette misère impliquait.

 

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France voulaient que Fiume fasse partie du nouvel Etat, né de Versailles : la Yougoslavie unitaire. Les alliés occidentaux occupent le port pour concrétiser leur volonté. En août 1919, les troupes italiennes sont contraintes de quitter la ville après quelques fusillades échangées avec des soldats français. Un petit groupe d’officiers, qui avaient dû quitter le port adriatique, s’est alors adressé à d’Annunzio, pour lui dire : « Nous l’avons juré : ou nous reprenons Fiume ou nous mourrons. Et que faites-vous pour Fiume ? ». Le 12 septembre 1919, pour répondre à ce défi, d’Annunzio, gravement malade, marche sur Fiume à la tête de deux mille légionnaires italiens, qui avaient déserté et s’étaient affublés de chemises noires ; leurs colonnes avancèrent en chantant « Giovinezza » et prirent la ville. Fiume était soudainement devenue le symbole de la liberté qui se dressait contre la lâcheté du temps. En fait, Fiume était devenue non seulement le symbole de la « victoire mutilée », qu’on essayait de réhabiliter, mais aussi le symbole de la « latinité ». En dehors de la ville, d’Annunzio rencontre le général italien Vittorio Emanuele Pittaluga, qui commandait les forces italiennes présentes devant la cité. Il donna l’ordre à d’Annunzio de faire demi-tour, mais le poète-soldat sortit son atout et lui montra fièrement ses médailles. Le général Pittaluga n’eut pas le cœur de faire tirer sur le héros. Ils entrèrent tous deux dans la ville sans qu’un seul coup de feu n’ait été tiré. Les alliés, abasourdis, furent contraints de quitter les lieux et d’Annunzio annonça  qu’il avait l’intention d’occuper la ville jusqu’à ce qu’elle soit annexée à l’Italie. Il prit le titre de « Commandante » et, quelques semaines plus tard, sept mille légionnaires supplémentaires et quatre cent marins vinrent renforcer ses effectifs.

 

Les légionnaires de d’Annunzio se prononçaient en faveur de la liberté des peuples opprimés et tournaient leurs regards vers les expériences du tout jeune régime soviétique. D’Annunzio entra également en contact avec Sean O’Kelly, le futur président de l’Irlande, qui représentait le « Sinn Fein » à Paris ; ensuite, avec des nationalistes égyptiens et avec les autorités soviétiques. Le 28 avril 1920, il met sur pied une « Ligue de Fiume » pour faire contrepoids à la « Société des Nations ». Vladimir Lénine citait d’Annunzio comme « l’un des rares révolutionnaires d’Italie », un compliment qu’il avait préalablement adressé à Mussolini. Ces faits nous montrent que les extrêmes se touchent effectivement, même si d’actuels bourgeois trotskisants ne l’admettront jamais.

 

La « Carta del Carnaro » : base de l’Etat Libre de Fiume

 

L’Etat Libre de Fiume reposait sur des idées proto-fascistes, sur des idées républicaines et démocratiques antiques et sur quelques formes d’anarcho-syndicalisme : en ce sens, il exprimait un éventail bigarré mais intéressant d’idées fortes, issues de trois sphères intellectuelles fort différentes. D’Annunzio et l’anarchiste national-syndicaliste Alceste de Ambris rédigèrent le 27 août 1920 la constitution de Fiume, intitulée « Carta del Carnero » ; elle hissait la musique au rang de principe cardinal de l’Etat. D’après Gabriele d’Annunzio, la musique est un langage rituel, disposant du pouvoir d’exalter les objectifs de l’humanité. Les idées développées dans cette « Carta del Carnero » étaient inspirées du syndicalisme, surtout de ses éléments corporatifs. Les principes d’autonomie, de production, de communauté et de corporatisme y étaient tous importants. Inspirés par l’antiquité, les libérateurs de Fiume firent de la Cité une république, avec un régent comme chef d’Etat, qui, comme sous la république romaine, devait diriger la Cité avec des pouvoirs dictatoriaux si l’époque était soumise à un danger particulièrement extraordinaire. Autre élément important : la décentralisation complète, afin de dégager le politique autant que possible du parlement et de le ramener sur la « piazza », sur la place publique, sur le forum, de façon à ce que les simples citoyens soient tous impliqués dans le fonctionnement de la politique de la cité.

 

Les méchantes langues diront que c’est là du populisme mais, en fait, cette disposition rappelait la démocratie antique où un droit civil positif incitait les citoyens à participer aux débats politiques. Le parlement ne recevait dans cette « Carta » qu’un rôle peu signifiant, tandis que neuf corporations, qui accueillaient l’ensemble des citoyens et étaient basées sur leurs activités économiques, étaient destinées à gouverner véritablement. On créa même une dixième corporation, pour souligner l’importance du facteur spirituel : « … elle sera réservée aux forces mystérieuses du progrès et de l’aventure. Elle sera une sorte d’offrande votive au génie de l’inconnu, à l’homme du futur, à l’idéalisation espérée du travail quotidien, à la libération de l’esprit de l’homme au-delà des efforts astreignants et de la sueur sanglante que nous connaissons aujourd’hui. Elle sera représentée dans le sanctuaire civique par une lampe allumée portant une ancienne inscription en toscan, datant de l’époque des communes, qui appelle à une vision idéale du travail humain ; « Fatica senza fatica » » (article 9, Carta del Carnero).

 

A côté de ces corporations, les citoyens et la commune se voient octroyer, eux aussi, un rôle important. Les citoyens obtiennent leurs droits politiques et civiques dès l’âge de 20 ans. Tous, hommes et femmes, reçoivent le droit de vote (1) et peuvent, par l’intermédiaire d’institutions législatives, lever l’impôt dans le but de mettre un terme à la lutte entre le travail et le capital. La commune, elle, était basée sur le « potere normativo », le « pouvoir normatif », c’est-à-dire le pouvoir de soumettre le législatif aux lois coutumières.

 

La marine de Fiume se nommait « les Uscocchi », d’après le nom de pirates disparus depuis longtemps et qui avaient vécu jadis dans les îles de l’Adriatique, pas très éloignées de Fiume, et prenaient pour proies les bateaux marchands vénitiens et ottomans. Les Uscocchi modernes ont permis ainsi à Fiume de s’emparer de quelques navires bien chargés et de s’assurer de la sorte une plus longue vie. Artistes, figures issues de la bohème littéraire, homosexuels, anarchistes, fuyards, dandies militaires et autres personnages hors du commun se rendirent par essaims entiers à Fiume.

 

Fiume fut une république bizarre et excentrique, que l’on peut aussi qualifier de « décadente ». Chaque matin, d’Annunzio y lisait ses poésies du haut de son balcon et, chaque soir, il organisait un concert, suivi d’un feu d’artifice. Dans la constitution, l’enseignement se voyait attribuer un grand rôle, avec usage fréquent de poésie, de littérature et de musique dans les classes (articles 50 à 54 de la « Carta del Carnero »). Cette légèreté et cette superficialité apparentes exprimaient surtout l’autonomie et la liberté, n’étaient pas signes de décadence. Cependant, les problèmes ne tardèrent pas à survenir : ils se sont manifestés par des divergences idéologiques. Au départ, d’Annunzio voulait rendre Fiume à l’Italie, avait agi pour que Rome annexe la ville portuaire adriatique mais ses compagnons légionnaires ne voyaient pas l’avenir de cette façon. D’Annunzio, tourmenté par le doute, a fini par renoncer, lui aussi, à son idée initiale.  L’un des corédacteurs de la constitution de Fiume, l’anarcho-syndicaliste Alceste de Ambris, plaidait pour une alliance entre les éléments fascistes de gauche et les révolutionnaires de gauche, mais elle ne se concrétisa jamais. L’objectif d’Alceste de Ambris était d’exporter la révolution de Fiume vers l’Italie toute entière mais, comme on le verra par la suite, Mussolini s’y opposait, tout en glissant petit à petit vers des options de droite. Cette mutation dans l’esprit de Mussolini, dira de Ambris, fera de lui « un instrument antirévolutionnaire aux mains de l’établissement bourgeois ».

 

La fin rapide de l’expérience insolite et originale que fut l’Etat Libre de Fiume vint au moment où Giolitti succéda à Nitti au poste de premier ministre en Italie. En novembre 1920, Giolitti signe à Rapallo un traité avec le nouvel Etat yougoslave. Ce traité fixe les frontières définitives entre les royaumes de Yougoslavie et d’Italie. Ce traité était à l’avantage de l’Italie : elle recevait l’Istrie, la région située à l’Est de la Vénétie ; Fiume devenait une ville-Etat indépendante. D’Annunzio, pour sa part, refusait de se retirer de Fiume ; Giolitti décida de faire donner l’armée pour le déloger. L’armée régulière prend la ville. Mussolini déclare : « maintenant l’épine enfoncée dans le flanc de Fiume est ôtée ; la rage de détruire, le feu de la destruction qui avait pris à Fiume n’a pas incendié l’Italie ni même le monde ». Lors des combats, commencés le 24 décembre 1920, il y eu 52 morts. Les trois mille hommes de d’Annunzio, après quatre jours de combat, se rendirent à l’armée régulière, forte de 20.000 hommes. L’Etat Libre de Fiume, qui fut éphémère, représente une révolte héroïque et passionnée contre la modération, incarnée par les autorités officielles de l’Italie. Même si l’on peut considérer que l’expérience de d’Annunzio était dès le départ condamnée à une fin prématurée, il faut dire que le souvenir de Fiume demeurera, comme un espoir général et comme source d’inspiration du futur fascisme.

 

D’Annunzio, effectivement, inspira Mussolini qui reprendra certains de ses emblèmes comme les chemises noires, oripeaux des combattants « arditi » de la première guerre mondiale, ces troupes de choc et d’élite de l’armée italienne ; Mussolini reprendra aussi une bonne part des us et de la terminologie de d’Annunzio. Mais tout cela n’était pas vraiment nouveau. Giuseppe Garibaldi, fondateur de l’Italie moderne, avait déclaré, en insistant, que les Italiens devaient s’habituer à l’idée de porter des chemises de couleur, car elles étaient le symbole de toutes les causes visant l’émancipation. Même le terme « fascio », d’où dérive le mot « fascisme » et qui signifie « groupe » ou « ligue », avait une longue tradition déjà dans la terminologie de la gauche italienne. En 1872, Garibaldi avait fondé un « fascio operaio », un « faisceau ouvrier », et, en 1891, apparaît un groupe d’extrême gauche qui a pour nom « Fascio dei Lavoratori », le « faisceau des travailleurs ». En dehors d’Italie, le mot « fascio » existe et exprime une idée de force, reprise par toutes sortes d’organisations politiques. A l’instar du futur fascisme, d’Annunzio exalte la violence et l’action héroïques et méprise le socialisme et le mode de vie bourgeois. Les marches de masse, dont la Marche sur Fiume fut le modèle initial, étaient considérées par les contemporains comme une réaction disciplinée, héroïque et collective contre le grand anonymat qu’imposait l’idéologie bourgeoise. La rébellion des jeunes hommes de gauche contre un socialisme perçu comme bourgeois et oppresseur, comme mou et antirévolutionnaire, était un trait commun aux légionnaires de Fiume et aux miliciens fascistes. Tous se réclamaient d’une puissance italienne, qui devait s’exprimer sur les plans militaire, culturel et sexuel.

 

Quelle leçon devons-nous tirer aujourd’hui de la Marche sur Fiume ? Tout d’abord, et c’est indubitablement la leçon principale qu’elle nous donne, c’est que la pensée politique ne peut pas, ne peut plus, se limiter aux concepts conteneurs conventionnels que sont le conservatisme, le progressisme, la gauche et la droite, etc. Toute pensée révolutionnaire s’exprime par la parole et par l’action, et ne met jamais d’eau dans son vin. Les compromis sont de simples instruments de la politique politicienne, axée sur les comptabilités électorales ; ils sont toutefois autant de coups de poignard dans les idéaux révolutionnaires. La prise de Fiume et la constitution qui s’ensuivit ont constitué le premier exemple de ville-Etat de facture utopique et poétique dans l’histoire contemporaine. Gabriele d’Annunzio était tout à la fois révolutionnaire, poète, guerrier, chef et philosophe. Fiume nous apprend a élargir notre propre horizon philosophique, lequel ne doit jamais se laisser aveugler par les compromis ni chavirer dans la médiocrité. Dans un régime où ont cohabité l’anarcho-syndicalisme, le proto-fascisme et l’idéal de la démocratie et de la république antiques, il n’y avait pas de place pour le bourgeoisisme passif, celui qui aime tant se laisser enchaîner par le conformisme moral et social et refuse d’emprunter une voie propre et héroïque :

 

Tutto fu ambito

e tutto fu tentato.

Ah perchè non è infinito

Come il desiderio, il potere umano ?

 

Cosi è finito il sogno fiumano.

NON DVCOR, DVCO !

Gridiamo ancora Noi,

per ricordare e per agire !

 

(Nous avons tout voulu,

nous avons tout tenté.

Et pourquoi donc le pouvoir humain

n’est-il pas aussi infini que le désir ?

 

C’est ainsi que finit le rêve de Fiume.

NON DVCOR, DVCO !

crions-nous encore,

pour nous souvenir et pour agir !) (2)

 

Peter VERHEYEN v/o Pjotr,

Scriptor NSV !’09-’10,

Stud. rer. hist..

( branding@nsv.be ).

 

Notes :

(1)     Deux instances constituent le pouvoir exécutif : un Conseil de Sénateurs auquel peuvent appartenir tous les citoyens qui disposent de leurs droits politiques. la deuxième instance est le Conseil des « Provisori », composé de soixante délégués, élus au suffrage universel et selon une représentation proportionnelle. Y siègent des ouvriers, des marins, des patrons d’entreprise, des techniciens, des enseignants, des étudiants et des représentants d’autres groupes professionnels.

 

(2) Texte d’une chanson intitulée « NON DVCOR, DVCO » du groupe italien « Spite Extreme Wing ».

 

Entretien avec Günter Maschke

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

93_thumb.jpgEntretien avec Günter Maschke

 

propos recueillis par Dieter STEIN et Jürgen LANTER

 

Q.: Monsieur Maschke, êtes-vous un ennemi de la Constitution de la RFA?

Q.: Monsieur Maschke, êtes-vous un ennemi de la Constitution de la RFA?

 

GM: Oui. Car cette loi fondamentale (Grund­gesetz)  est pour une moitié un octroi, pour une autre moitié la production juri­dique de ceux qui collaborent avec les vain­queurs. On pourrait dire que cette constitu­tion est un octroi que nous nous sommes donné à nous-mêmes. Les meilleurs liens qui entravent l'Allemagne sont ceux que nous nous sommes fabriqués nous-mêmes.

 

Q.: Mais dans le débat qui a lieu aujourd'hui à propos de cette constitution, vous la défen­dez...

 

GM: Oui, nous devons défendre la loi fon­damentale, la constitution existante car s'il fallait en créer une nouvelle, elle serait pire, du fait que notre peuple est complètement «rééduqué» et de ce fait, choisirait le pire. Toute nouvelle constitution, surtout si le peu­ple en débat, comme le souhaitent aussi bon nombre d'hommes de droite, connaîtrait une inflation de droits sociaux, un gonfle­ment purement quantitatif des droits fon­damentaux, et conduirait à la destruction des prérogatives minimales qui reviennent normalement à l'Etat national.

 

Q.: Donc, quelque chose de fondamental a changé depuis 1986, où vous écriviez dans votre article «Die Verschwörung des Flakhelfer» (= La conjuration des auxiliaires de la DCA; ndlr: mobilisés à partir de 1944, les jeunes hommes de 14 à 17 ans devaient servir les batteries de DCA dans les villes al­lemandes; c'est au sein de cette classe d'âge que se sont développées, pour la première fois en Allemagne, certaines modes améri­caines de nature individualiste, telles que l'engouement pour le jazz, pour les mouve­ments swing et zazou; c'est évidemment cette classe d'âge-là qui tient les rênes du pouvoir dans la RFA actuelle; en parlant de conjuration des auxiliaires de la DCA, G. Maschke entendait stigmatiser la propen­sion à aduler tout ce qui est américain de même que la rupture avec toutes les tradi­tions politiques et culturelles européennes). Dans cet article aux accents pamphlétaires, vous écriviez que la Constitution était une prison de laquelle il fallait s'échapper...

 

GM: Vu la dégénérescence du peuple alle­mand, nous devons partir du principe que toute nouvelle constitution serait pire que celle qui existe actuellement. Les rapports de force sont clairs et le resteraient: nous de­vrions donc nous débarrasser d'abord de cette nouvelle constitution, si elle en venait à exister. En disant cela, je me doute bien que j'étonne les «nationaux»...

 

Q.: Depuis le 9 novembre 1989, jour où le Mur est tombé, et depuis le 3 octobre 1990, jour officiel de la réunification, dans quelle mesure la situation a-t-elle changé?

 

GM: D'abord, je dirais que la servilité des Allemands à l'égard des puissances étran­gères s'est encore accrue. Ma thèse a tou­jours été la suivante: rien, dans cette réuni­fication, ne pouvait effrayer la France ou l'An­gleterre. Comme nous sommes devenus terriblement grands, nous sommes bien dé­cidés, désormais, à prouver, par tous les moyens et dans des circonstances plus cri­tiques, notre bonne nature bien inoffensive. L'argumentaire développé par le camp na­tio­nal ou par les établis qui ont encore un pe­tit sens de la Nation s'est estompé; il ne s'est nullement renforcé. Nous tranquilisons le mon­de entier, en lui disant qu'il s'agit du processus d'unification européenne qui est en cours et que l'unité allemande n'en est qu'une facette, une étape. Si d'aventure on rendait aux Allemands les territoires de l'Est (englobés dans la Pologne ou l'URSS), l'Autriche ou le Tyrol du Sud, ces braves Teu­tons n'oseraient même plus respirer; ain­si, à la joie du monde entier, la question allemande serait enfin réglée. Mais trêve de plaisanterie... L'enjeu, la Guerre du Golfe nous l'a montré. Le gouvernement fédéral a payé vite, sans sourciller, pour la guerre des Alliés qui, soit dit en passant, a eu pour ré­sultat de maintenir leur domination sur l'Al­lemagne. Ce gouvernement n'a pas osé exiger une augmentation des impôts pour améliorer le sort de nos propres compa­trio­tes de l'ex-RDA, mais lorsqu'a éclaté la guer­re du Golfe, il a immédiatement imposé une augmentation et a soutenu une action militaire qui a fait passer un peu plus de 100.000 Irakiens de vie à trépas. Admettons que la guerre du Golfe a servi de prétexte pour faire passer une nécessaire augmenta­tion des impôts. Il n'empêche que le procédé, que ce type de justification, dévoile la dé­chéance morale de nos milieux officiels. Pas d'augmentation des impôts pour l'Alle­ma­gne centrale, mais une augmenta­tion pour permettre aux Américains de massacrer les Irakiens qui ne nous mena­çaient nullement. Je ne trouve pas de mots assez durs pour dé­noncer cette aberration, même si je stig­ma­tise très souvent les hypo­crisies à conno­ta­tions humanistes qui con­duisent à l'inhu­ma­nité. Je préfère les dis­cours non huma­nistes qui ne conduisent pas à l'inhuma­ni­té.

 

Q.: Comment le gouvernement fédéral au­rait-il dû agir?

 

GM: Il avait deux possibilités, qui peuvent sembler contradictoires à première vue. J'ai­me toujours paraphraser Charles Maur­ras et dire «La nation d'abord!». Première possibilité: nous aurions dû parti­ciper à la guerre avec un fort contingent, si possible un contingent quantitativement su­périeur à ce­lui des Britanniques, mais ex­clusivement avec des troupes terrestres, car, nous Alle­mands, savons trop bien ce qu'est la guerre aérienne. Nous aurions alors dû lier cet engagement à plusieurs conditions: avoir un siège dans le Conseil de Sécurité, faire sup­primer les clauses des Nations Unies qui font toujours de nous «une nation ennemie», fai­re en sorte que le traité nous interdisant de posséder des armes nu­cléaires soit rendu caduc. Il y a au moins certains indices qui nous font croire que les Etats-Unis auraient accepté ces conditions. Deuxième possibilité: nous aurions dû refu­ser catégoriquement de nous impliquer dans cette guerre, de quelque façon que ce soit; nous aurions dû agir au sein de l'ONU, sur­tout au moment où elle était encore réticente, et faire avancer les cho­ses de façon telle, que nous aurions dé­clenché un conflit de grande envergure avec les Etats-Unis. Ces deux scénarios n'appa­raissent fantasques que parce que notre dé­gé­nérescence nationale et politique est désor­mais sans limites.

 

Q.: Mais la bombe atomique ne jette-t-elle pas un discrédit définitif sur le phénomène de la guerre?

 

GM: Non. Le vrai problème est celui de sa lo­calisation. Nous n'allons pas revenir, bien sûr, à une conception merveilleuse de la guer­re limitée, de la guerre sur mesure. Il n'empêche que le phénomène de la guerre doit être accepté en tant que régulateur de tout statu quo devenu inacceptable. Sinon, de­vant toute crise semblable à celle du Ko­weit, nous devrons nous poser la question: de­vons-nous répéter ou non l'action que nous avons entreprise dans le Golfe? Alors, si nous la répétons effectivement, nous créons de facto une situation où plus aucun droit des gens n'est en vigueur, c'est-à-dire où seu­le une grande puissance exécute ses plans de guerre sans égard pour personne et impose au reste du monde ses intérêts parti­culiers. Or comme toute action contre une grande puissance s'avère impossible, nous aurions en effet un nouvel ordre mondial, centré sur la grande puissance dominante. Et si nous ne répétons pas l'action ou si nous introduisons dans la pratique politique un «double critère» (nous intervenons contre l'Irak mais non contre Israël), alors le nou­veau droit des gens, expression du nouvel ordre envisagé, échouera comme a échoué le droit des gens imposé par Genève jadis. S'il n'y a plus assez de possibilités pour faire ac­cepter une mutation pacifique, pour amorcer une révision générale des traités, alors nous devons accepter la guerre, par nécessité. J'a­jouterais en passant que toute la Guerre du Golfe a été une provocation, car, depuis 1988, le Koweit menait une guerre froide et une guerre économique contre l'Irak, avec l'encouragement des Américains.

 

Q.: L'Allemagne est-elle incapable, au­jourd'hui, de mener une politique extérieure cohérente?

 

GM: A chaque occasion qui se présentera sur la scène de la grande politique, on verra que non seulement nous sommes incapables de mener une opération, quelle qu'elle soit, mais, pire, que nous ne le voulons pas.

 

Q.: Pourquoi?

 

GM: Parce qu'il y a le problème de la culpa­bilité, et celui du refoulement: nous avons refoulé nos instincts politiques profonds et naturels. Tant que ce refoulement et cette cul­pabilité seront là, tant que leurs retom­bées concrètes ne seront pas définitivement éliminées, il ne pourra pas y avoir de poli­tique allemande.

 

Q.: Donc l'Allemagne ne cesse de capituler sur tous les fronts...

 

GM: Oui. Et cela appelle une autre question: sur les monuments aux morts de l'avenir, inscrira-t-on «ils sont tombés pour que soit imposée la résolution 1786 de l'ONU»? Au printemps de cette année 1991, on pouvait re­pérer deux formes de lâcheté en Allemagne. Il y avait la lâcheté de ceux qui, en toutes cir­constances, hissent toujours le drapeau blanc. Et il y avait aussi la servilité de la CSU qui disait: «nous devons combattre aux côtés de nos amis!». C'était une servilité machiste qui, inconditionnellement, voulait que nous exécutions les caprices de nos pseudo-amis.

 

Q.: Sur le plan de la politique intérieure, qui sont les vainqueurs et qui sont les perdants du débat sur la Guerre du Golfe?

 

GM: Le vainqueur est inconstestablement la gauche, style UNESCO. Celle qui n'a que les droits de l'homme à la bouche, etc. et estime que ce discours exprime les plus hautes va­leurs de l'humanité. Mais il est une question que ces braves gens ne se posent pas: QUI décide de l'interprétation de ces droits et de ces valeurs? QUI va les imposer au monde? La réponse est simple: dans le doute, ce sera toujours la puissance la plus puissante. A­lors, bonjour le droit du plus fort! Les droits de l'homme, récemment, ont servi de levier pour faire basculer le socialisme. A ce mo­ment-là, la gauche protestait encore. Mais aujourd'hui, les droits de l'homme servent à fractionner, à diviser les grands espaces qui recherchent leur unité, où à dé­truire des Etats qui refusent l'alignement, où, plus sim­plement, pour empêcher cer­tains Etats de fonctionner normalement.

 

Q.: Que pensez-vous du pluralisme?

 

GM: Chez nous, on entend, par «pluralis­me», un mode de fonctionnement politique qui subsiste encore ci et là à grand peine. On prétend que le pluralisme, ce sont des camps politiques, opposés sur le plan de leurs Welt­an­schauungen, qui règlent leurs différends en négociant des compromis. Or la RFA, si l'on fait abstraction des nouveaux Länder d'Al­lemagne centrale, est un pays idéolo­gi­quement arasé. Les oppositions d'ordre con­fessionnel ne constituent plus un facteur; les partis ne sont plus des «armées» et n'exi­gent plus de leurs membres qu'ils s'en­ga­gent totalement, comme du temps de la Ré­pu­blique de Weimar. A cette époque, comme nous l'enseigne Carl Schmitt, les «totalités parcellisées» se juxtaposaient. On naissait quasiment communiste, catholique du Zen­trum, social-démocrate, etc. On pas­sait sa jeunesse dans le mouvement de jeu­nesse du parti, on s'affiliait à son association sportive et, au bout du rouleau, on était en­terré grâce à la caisse d'allocation-décès que les core­li­gionnaires avaient fondée... Ce plu­ralisme, qui méritait bien son nom, n'existe plus. Chez nous, aujourd'hui, ce qui do­mine, c'est une mise-au-pas intérieure com­plète, où, pour faire bonne mesure, on laisse subsister de petites différences mineures. Les bonnes consciences se réjouissent de cette situation: elles estiment que la RFA a résolu l'énigme de l'histoire. C'est là notre nouveau wilhel­mi­nisme: «on y est arrivé, hourra!»; nous avons tiré les leçons des er­reurs de nos grands-pères. Voilà le consen­sus et nous, qui étions, paraît-il, un peuple de héros (Hel­den),  sommes devenus de véri­tables marc­hands (Händler),  pacifiques, amoureux de l'argent et roublards. Qui plus est, la four­chette de ce qui peut être dit et pensé sans encourir de sanctions s'est ré­duite conti­nuel­lement depuis les années 50. Je vous rappel­lerais qu'en 1955 paraissait, dans une gran­de maison d'édition, la Deutsche Verlags-Anstalt, un livre de Wilfried Martini, Das Ende aller Sicherheit,  l'une des critiques les plus pertinentes de la démocratie parle­men­taire. Ce livre, au­jourd'hui, ne pourrait plus paraître que chez un éditeur ultra-snob ou dans une maison minuscule d'obédience ex­trê­me-droitiste. Cela prouve bien que l'es­pace de liberté intel­lectuelle qui nous reste se rétrécit comme une peau de chagrin. Les cri­tiques du sys­tème, de la trempe d'un Mar­tini, ont été sans cesse refoulés, houspillés dans les feuilles les plus obscures ou les cé­nacles les plus sombres: une fatalité pour l'intelligence! L'Allemagne centrale, l'ex-RDA, ne nous apportera aucun renouveau spirituel. Les intellectuels de ces provinces-là sont en grande majorité des adeptes exta­tiques de l'idéologie libérale de gauche, du pacifisme et de la panacée «droit-de-l'hom­marde». Ils n'ont conservé de l'idéologie of­ficielle de la SED (le parti au pouvoir) que le miel humaniste: ils ne veu­lent plus entendre parler d'inimitié (au sens schmittien), de con­flit, d'agonalité, et four­rent leur nez dans les bouquins indigestes et abscons de Stern­berger et de Habermas. Mesurez le désastre: les 40 ans d'oppression SED n'ont même pas eu l'effet d'accroître l'intelligence des op­pressés!

 

Q.: Mais les Allemands des Länder centraux vont-ils comprendre le langage de la réédu­cation que nous maîtrisons si bien?

 

GM: Ils sont déjà en train de l'apprendre! Mais ce qui est important, c'est de savoir re­pérer ce qui se passe derrière les affects qu'ils veulent bien montrer. Savoir si quel­que chose changera grâce au nouveau mé­lan­ge inter-allemand. Bien peu de choses se dessinent à l'horizon. Mais c'est égale­ment une question qui relève de l'achèvement du processus de réunification, de l'harmo­ni­sa­tion économique, de savoir quand et com­ment elle réussira. A ce mo­ment-là, l'Alle­ma­gne pourra vraiment se demander si elle pourra jouer un rôle poli­tique et non plus se borner à suivre les Alliés comme un toutou. Quant à la classe politique de Bonn, elle es­père pouvoir échapper au destin grâce à l'u­nification européenne. L'absorption de l'Al­le­magne dans le tout eu­ropéen: voilà ce qui devrait nous libérer de la grande politique. Mais cette Europe ne fonc­tionnera pas car tout ce qui était «faisable» au niveau eu­ro­péen a déjà été fait depuis longtemps. La cons­truction du marché inté­rieur est un bri­colage qui n'a ni queue ni tête. Prenons un exemple: qui décidera de­main s'il faut ou non proclamer l'état d'urgence en Grèce? Une majorité rendue possible par les voix de quelques députés écossais ou belges? Vouloir mener une poli­tique supra-nationale en con­servant des Etats nationaux consolidés est une impossi­bilité qui divisera les Européens plutôt que de les unir.

 

Q.: Comment jugez-vous le monde du con­servatisme, de la droite, en Allemagne? Sont-ils les moteurs des processus domi­nants ou ne sont-ils que des romantiques qui claudiquent derrière les événements?

 

GM: Depuis 1789, le monde évolue vers la gauche, c'est la force des choses. Le natio­nal-socialisme et le fascisme étaient, eux aussi, des mouvements de gauche (j'émets là une idée qui n'est pas originale du tout). Le conservateur, le droitier  —je joue ici au terrible simplificateur—  est l'homme du moin­dre mal. Il suit Bismarck, Hitler, puis Adenauer, puis Kohl. Et ainsi de suite, us­que ad finem. Je ne suis pas un conserva­teur, un homme de droite. Car le problème est ailleurs: il importe bien plutôt de savoir comment, à quel moment et qui l'on «main­tient». Ce qui m'intéresse, c'est le «main­te­neur», l'Aufhalter,  le Cat-echon  dont par­lait si souvent Carl Schmitt. Hegel et Sa­vi­gny étaient des Aufhalter  de ce type; en poli­ti­que, nous avons eu Napoléon III et Bis­marck. L'idée de maintenir, de contenir le flot révolutionnai­re/­dis­s­olutif, m'apparait bien plus intéressante que toutes les belles idées de nos braves conservateurs droitiers, si soucieux de leur Bildung.  L'Aufhalter  est un pessimiste qui passe à l'action. Lui, au moins, veut agir. Le conservateur droitier ouest-allemand, veut-il agir? Moi, je dis que non!

 

Q.: Quelles sont les principales erreurs des hommes de droite allemands?

 

GM: Leur grande erreur, c'est leur rous­seauisme, qui, finalement, n'est pas telle­ment éloigné du rousseauisme de la gauche. C'est la croyance que le peuple est naturel­lement bon et que le magistrat est corrup­ti­ble. C'est le discours qui veut que le peuple soit manipulé par les politiciens qui l'op­pres­sent. En vérité, nous avons la démo­cratie to­tale: voilà notre misère! Nous avons au­jour­d'hui, en Allemagne, un système où, en haut, règne la même morale ou a-morale qu'en bas. Seule différence: la place de la vir­gule sur le compte en banque; un peu plus à gauche ou un peu plus à droite. Pour tout ordre politique qui mérite d'être qualifié d'«or­dre», il est normal qu'en haut, on puis­se faire certaines choses qu'il n'est pas per­mis de faire en bas. Et inversément: ceux qui sont en haut ne peuvent pas faire cer­taines choses que peuvent faire ceux qui sont en bas. On s'insurge contre le financement des partis, les mensonges des politiciens, leur corruption, etc. Mais le mensonge et la cor­ruption, c'est désormais un sport que prati­que tout le peuple. Pas à pas, la RFA devient un pays orientalisé, parce que les structures de l'Etat fonctionnent de moins en moins correctement, parce qu'il n'y a plus d'éthi­que politique, de Staatsethos,  y com­pris dans les hautes sphères de la bureau­cratie. La démocratie accomplie, c'est l'uni­ver­salisa­tion de l'esprit du p'tit cochon roublard, le règne universel des petits ma­lins. C'est précisément ce que nous subis­sons aujour­d'hui. C'est pourquoi le mécon­tentement à l'égard de la classe politicienne s'estompe toujours aussi rapidement: les gens devinent qu'ils agiraient exactement de la même fa­çon. Pourquoi, dès lors, les politi­ciens se­raient-ils meilleurs qu'eux-mêmes? Il fau­drait un jour examiner dans quelle mesure le mépris à l'égard du politicien n'est pas l'envers d'un mépris que l'on cul­tive trop souvent à l'égard de soi-même et qui s'ac­com­mode parfaitement de toutes nos pe­tites prétentions, de notre volonté générale à vou­loir rouler autrui dans la farine, etc.

 

Q.: Et le libéralisme?

 

GM: Dans les années qui arrivent, des crises toujours plus importantes secoueront la pla­nète, le pays et le concert international. Le libéralisme y rencontrera ses limites. La pro­chaine grande crise sera celle du libéra­lisme. Aujourd'hui, il triomphe, se croit in­vincible, mais demain, soyez en sûr, il tom­bera dans la boue pour ne plus se relever.

 

Q.: Pourquoi?

 

maschke.jpgGM: Parce que le monde ne deviendra ja­mais une unité. Parce que les coûts de toutes sortes ne pourront pas constamment être externalisés. Parce que le libéralisme vit de ce qu'ont construit des forces pré-libérales ou non libérales; il ne crée rien mais consomme tout. Or nous arrivons à un stade où il n'y a plus grand chose à consommer. A commen­cer par la morale... Puisque la morale n'est plus déterminée par l'ennemi extérieur, n'a plus l'ennemi extérieur pour affirmer ce qu'elle entend être et promouvoir, nous dé­bouchons tout naturellement sur l'implosion des valeurs...  Et le libéralisme échouera par­ce qu'il ne pourra plus satisfaire les be­soins économiques qui se font de plus en plus pressants, notamment en Europe orientale.

 

Q.: Vous croyez donc que les choses ne changent qu'à coup de catastrophes?

 

GM: C'est exact. Seules les catastrophes font que le monde change. Ceci dit, les catas­tro­phes ne garantissent pas pour autant que les peuples modifient de fond en comble leurs modes de penser déficitaires. Depuis des an­nées, nous savions, ou du moins nous étions en mesure de savoir, ce qui allait se passer si l'Europe continuait à être envahie en masse par des individus étrangers à notre espace, provenant de cultures radica­lement autres par rapport aux nôtres. Le problème devient particulièrement aigu en Allemagne et en France. Quand nous au­rons le «marché in­térieur», il deviendra plus aigu encore. Or à toute politique ration­nelle, on met des bâtons dans les roues en invoquant les droits de l'homme, etc. Ceci n'est qu'un exemple pour montrer que le fossé se creusera toujours davantage entre la capacité des uns à prévoir et la promptitude des autres à agir en con­séquence.

 

Q.: Ne vous faites-vous pas d'illusions sur la durée que peuvent prendre de tels processus? Au début des années 70, on a pronostiqué la fin de l'ère industrielle; or, des catastrophes comme celles de Tchernobyl n'ont eu pour conséquence qu'un accroissement générale de l'efficience industrielle. Même les Verts pratiquent aujourd'hui une politique indus­trielle. Ne croyez-vous pas que le libéralisme s'est montré plus résistant et innovateur qu'on ne l'avait cru?

 

GM: «Libéralisme» est un mot qui recouvre beaucoup de choses et dont la signification ne s'étend pas à la seule politique indus­triel­le. Mais, même en restant à ce niveau de po­litique industrielle, je resterai critique à l'é­gard du libéralisme. Partout, on cherche le salut dans la «dé-régulation». Quelles en sont les conséquences? Elles sont patentes dans le tiers-monde. Pour passer à un autre plan, je m'étonne toujours que la droite re­proche au libéralisme d'être inoffensif et inefficace, alors qu'elle est toujours vaincue par lui. On oublie trop souvent que le libéra­lisme est aussi ou peut être un système de domination qui fonctionne très bien, à la condition, bien sûr, que l'on ne prenne pas ses impératifs au sérieux. C'est très clair dans les pays anglo-saxons, où l'on parle sans cesse de democracy  ou de freedom,  tout en pensant God's own country  ou Britannia rules the waves.  En Allemagne, le libéralisme a d'emblée des effets destruc­teurs et dissolutifs parce que nous prenons les idéologies au sérieux, nous en faisons les impératifs catégoriques de notre agir. C'est la raison pour laquelle les Alliés nous ont octroyé ce système après 1945: pour nous neutraliser.

 

Q.: Etes-vous un anti-démocrate,

Monsieur Maschke?

 

GM: Si l'on entend par «démocratie» la par­titocratie existente, alors, oui, je suis anti-démocrate. Il n'y a aucun doute: ce système promeut l'ascension sociale de types hu­mains de basse qualité, des types humains médiocres. A la rigueur, nous pourrions vi­vre sous ce système si, à l'instar des Anglo-Sa­xons ou, partiellement, des Français, nous l'appliquions ou l'instrumentalisions avec les réserves né­cessaires, s'il y avait en Allemagne un «bloc d'idées incontestables», imperméable aux effets délétères du libé­ra­lisme idéologique et pratique, un «bloc» se­lon la définition du ju­riste français Maurice Hauriou. Evidemment, si l'on veut, les Alle­mands ont aujourd'hui un «bloc d'idées in­contes­tables»: ce sont celles de la culpabilité, de la rééducation, du refoulement des acquis du passé. Mais contrairement au «bloc» dé­fini par Hauriou, notre «bloc» est un «bloc» de faiblesses, d'éléments affaiblissants, in­ca­­pacitants. La «raison d'Etat» réside chez nous dans ces faiblesses que nous cultivons jalousement, que nous conservons comme s'il s'agissait d'un Graal. Mais cette omni­pré­sence de Hitler, cette fois comme cro­que­mitaine, signifie que Hitler règne tou­jours sur l'Allemagne, parce que c'est lui, en tant que contre-exemple, qui détermine les règles de la politique. Je suis, moi, pour la suppres­sion définitive du pouvoir hitlérien.

 

Q.: Vous êtes donc le seul véritable

anti-fasciste?

 

GM: Oui. Chez nous, la police ne peut pas être une police, l'armée ne peut pas être une armée, le supérieur hiérarchique ne peut pas être un supérieur hiérarchique, un Etat ne peut pas être un Etat, un ordre ne peut pas être un ordre, etc. Car tous les chemins mènent à Hitler. Cette obsession prend les formes les plus folles qui soient. Les spécula­tions des «rééducateurs» ont pris l'ampleur qu'elles ont parce qu'ils ont affirmé avec succès que Hitler résumait en sa personne tout ce qui relevait de l'Etat, de la Nation et de l'Autorité. Les conséquences, Arnold Gehlen les a résumées en une seule phrase: «A tout ce qui est encore debout, on extirpe la moëlle des os». Or, en réalité, le système mis sur pied par Hitler n'était pas un Etat mais une «anarchie autoritaire», une alliance de groupes ou de bandes qui n'ont jamais cessé de se combattre les uns les autres pendant les douze ans qu'a duré le national-socia­lisme. Hitler n'était pas un nationaliste, mais un impérialiste racialiste. Pour lui, la nation allemande était un instrument, un réservoir de chair à canon, comme le prouve son comportement du printemps 1945. Mais cette vision-là, bien réelle, de l'hitlérisme n'a pas la cote; c'est l'interprétation sélective­ment colorée qui s'est imposée dans nos es­prits; résultat: les notions d'Etat et de Nation peuvent être dénoncées de manière ininter­rompue, détruites au nom de l'éman­cipa­tion.

 

Q.: Voyez-vous un avenir pour la droite en Allemagne?

 

GM: Pas pour le moment.

 

Q.: A quoi cela est-il dû?

 

GM: Notamment parce que le niveau intel­lectuel de la droite allemande est misérable. Je n'ai jamais cessé de le constater. Avant, je prononçais souvent des conférences pour ce public; je voyais arriver 30 bonshommes, parmi lesquels un seul était lucide et les 29 autres, idiots. La plupart étaient tenaillés par des fantasmes ou des ressentiments. Ce public des cénacles de droite vous coupe tous vos effets. Ce ne sont pas des assemblées, soudées par une volonté commune, mais des poulaillers où s'agitent des individus qui se prétendent favorables à l'autorité mais qui, en réalité, sont des produits de l'éducation anti-autoritaire.

 

Q.: L'Amérique est-elle la cible principale

de l'anti-libéralisme?

 

GM: Deux fois en ce siècle, l'Amérique s'est dressée contre nous, a voulu détruire nos œu­vres politiques, deux fois, elle nous a dé­claré la guerre, nous a occupés et nous a ré­éduqués.

 

Q.: Mais l'anti-américanisme ne se déploie-t-il pas essentiellement au niveau «impolitique» des sentiments?

 

GM: L'Amérique est une puissance étran­gè­re à notre espace, qui occupe l'Europe. Je suis insensible à ses séductions. Sa culture de masse a des effets désorientants. Certes, d'aucuns minimisent les effets de cette cul­ture de masse, en croyant que tout style de vie n'est que convention, n'est qu'extériorité. Beaucoup le croient, ce qui prouve que le pro­blème de la forme, problème essentiel, n'est plus compris. Et pas seulement en Alle­ma­gne.

 

Q.: Comment expliquez-vous la montée du néo-paganisme, au sein des droites, spécia­lement en Allemagne et en France?

 

GM: Cette montée s'explique par la crise du christianisme. En Allemagne, après 1918, le protestantisme s'est dissous; plus tard, à la suite de Vatican II dans les années 60, ça a été au tour du catholicisme. On interprète le problème du christianisme au départ du con­cept d'«humanité». Or le christianisme ne repose pas sur l'humanité mais sur l'a­mour de Dieu, l'amour porté à Dieu. Au­jour­d'hui, les théologiens progressistes attri­buent au christianisme tout ce qu'il a jadis combattu: les droits de l'homme, la démo­cra­tie, l'amour du lointain (de l'exotique), l'af­faiblissement de la nation. Pourtant, du christianisme véritable, on ne peut même pas déduire un refus de la poli­tique de puis­sance. Il suffit de penser à l'époque baroque. De nos jours, nous trou­vons des chrétiens qui jugent qu'il est très chrétien de rejetter la distinction entre l'ami et l'ennemi, alors qu'el­le est induite par le péché originel, que les théologiens actuels cherchent à mini­mi­ser dans leurs interpré­tations. Mais seul Dieu peut lever cette dis­tinction. Hernán Cor­tés et Francisco Pizarro savaient encore que c'était impossible, con­trairement à nos évêques d'aujourd'hui, Lehmann et Kruse. Cortés et Pizarro étaient de meilleurs chré­tiens que ces deux évêques. Le néo-paga­nis­me a le vent en poupe à notre époque où la sécularisation s'accélére et où les églises el­les-mêmes favorisent la dé-spi­ritualisation. Mais être païen, cela signifie aussi prier. Demandez donc à l'un ou l'autre de ces néo-païens s'il prie ou s'il croit à l'un ou l'autre dieu païen. Au fond, le néo-paga­nisme n'est qu'un travestissement actualisé de l'athéis­me et de l'anticléricalisme. Pour moi, le néo-paganisme qui prétend revenir à nos racines est absurde. Nos racines se si­tuent dans le christianisme et nous ne pou­vons pas reve­nir 2000 ans en arrière.

 

Q.: Alors, le néo-paganisme,

de quoi est-il l'indice?

 

GM: Il est l'indice que nous vivons en déca­dence. Pour stigmatiser la décadence, notre époque a besoin d'un coupable et elle l'a trou­vé dans le christianisme. Et cela dans un mon­de où les chrétiens sont devenus ra­rissi­mes! Le christianisme est coupable de la dé­cadence, pensait Nietzsche, ce «fanfaron de l'intemporel» comme aimait à l'appeler Carl Schmitt. Nietzsche est bel et bien l'ancêtre spirituel de ces gens-là. Mais qu'entendait Nietzsche par christianisme? Le protestan­tis­me culturel libéral, prusso-allemand. C'est-à-dire une idéologie qui n'existait pas en Italie et en France; aussi je ne saisis pas pourquoi tant de Français et d'Italiens se réclament de Nietzsche quand ils s'attaquent au christianisme.

 

Q.: Monsieur Maschke, nous vous remer­cions de nous avoir accordé cet entretien.

 

(une version abrégée de cet entretien est pa­rue dans Junge Freiheit n°6/91; adresse: JF, Postfach 147, D-7801 Stegen/Freiburg).

lundi, 11 janvier 2010

Nouveaux articles sur le site "Vouloir"

iliade.jpgNouveaux articles sur le site

http://vouloir.hautetfort.com/

 

Frank GOOVAERTS :

Sur l’itinéraire d’Erich Wichman (1890-1929)

 

Robert STEUCKERS :

Hommage à Frank Goovaerts

 

◊◊◊

 

DOSSIER « PAGANISME »

 

Alessandra COLLA :

Notes relatives à l’ESSAI SUR PAN de James Hillman – L’homme et son « alter ego » : nature et écologie

 

Anne MUNSBACH :

« Antaios », fer de lance de la reconquête païenne

 

Christopher GERARD :

La vraie religion de l’Europe

 

DOSSIER de PRESSE sur les romans et essais de Christopher GERARD,

avec textes et recensions d’Incitatus, Jacques Franck (« la Libre Belgique »), daniel Cologne, Robert Badinand, A. Bordes, P. L. Moudenc, Luc-Olivier d’Algange, Laurent Schang, Jacques De Decker, etc.

 

Jean VERTEMONT :

Qu’est-ce que le paganisme ?

 

◊◊◊

 

DOSSIER « ORTEGA Y GASSET »

 

Robert STEUCKERS :

José Ortega y Gasset, philosophe espagnol du politique

 

Textes : « Ortega, un grand hérétique » & « Ortega y Gasset contre Stendhal »

 

◊◊◊

 

Entretien-éclair avec Robert STEUCKERS :

Deux questions à la fin de la première décennie du XXI° siècle (décembre 2009)

 

Entretien de Robert STEUCKERS à « Volk in Bewegung »

Propos recueillis par Andreas THIERRY (novembre 2009)

 

Robert STEUCKERS :

Entretien sur la Russie accordé à « ID Magazine » (2006)

 

◊◊◊

 

DOSSIER « ERNST KANTOROWICZ »

 

Stefan PIETSCHMANN :

Ernst Kantorowicz, biographe de Frédéric II de Hohenstaufen

 

Xavier RIHOIT :

Ernst Kantorowicz, clerc-guerrier du XX° siècle

 

Patrick BOUCHERON :

« Les deux corps du Roi » d’Ernst Kantorowicz

 

◊◊◊

 

Robert STEUCKERS :

Silvio Gesell : le « Marx » des anarchistes

 

DOSSIER « Monnaie » à consulter sur internet

 

◊◊◊

 

DOSSIER « WILHELM STAPEL »

 

Dr. Karlheinz WEISSMANN :

Sur Wilhelm Stapel

Robert STEUCKERS :

La contribution de Wilhelm Stapel à « Il régime fascista »

◊◊◊

Ulli BAUMGARTEN :

Edwin Erich Dwinger : donner un sens à la souffrance

http://vouloir.hautetfort.com/

 

Marokkanen en Molukkers uit hele land klaar voor veldslag

Marokkanen en Molukkers uit hele land klaar voor veldslag
door Johan van den Dongen
CULEMBORG - De rassenrellen tussen Molukkers en Marokkanen in Culemborg dreigen uit te groeien tot een landelijk uitslaande brand.
Hoewel het vuur tussen beide bevolkingsgroepen in de Gelderse plaats al jaren zo nu en dan oplaait en dan weer gaat liggen, lijken de vlammen nu over te slaan. Marokkanen en Molukkers uit andere delen van het land hebben al aangegeven naar de wijk Terweijde te komen om hun eigen groep bij te staan en klaar te staan voor een eventuele veldslag.

Ook groepen van andere signatuur dagen elkaar op internet op een hooliganachtige manier uit tot een confrontatie. De vonk lijkt te zijn ontstaan in september, toen een Marokkaanse en een Molukse jongen ruzie kregen in een shoarmazaak. Er volgden grote vechtpartijen en na de jaarwisseling een dubbele aanslag op het 15-jarige half-Molukse meisje Shoëla Coenmans.

Noodverordening

Burgemeester Roland van Schelven, die gisteren voor de komende twee weken een noodverordening afkondigde, vreest de komst van relschoppers. "Blijf weg uit Terweijde!", waarschuwde hij gisteren in een emotionele oproep. Van Schelven heeft minister Ter Horst (Binnenlandse Zaken) inmiddels om financiële hulp gevraagd. "Ik hoop op steun van de minister. Een kleine gemeente als Culemborg kan elke steun in dit geval goed gebruiken."

De PvdA-bewindsvrouw maakte gisteravond bekend 150.000 euro beschikbaar te stellen, zodat Culemborg drie straatcoaches kan inschakelen tegen de overlast.

Eind vorig jaar werd al een zogeheten vliegende brigade van deskundigen naar de gemeente gestuurd om bij te springen.

Ook de politie is alert op probleemgroepen van buiten Culemborg. De komende tijd zal de politie nog massaal aanwezig zijn met onder meer de mobiele eenheid. De inzet kost tonnen, aldus politiebaas Van Zwam. In de wijk geldt de komende twee weken een samenscholingsverbod voor vier of meer personen. Brandgangen zijn afgesloten met betonnen afzettingen. Die moeten het onbevoegden moeilijk maken om achter de huizen te komen. De Diepenbrockstraat werd gisteren gedeeltelijk afgesloten met betonblokken. Volgens Van Schelven, die ouders oproept om relschoppende jongeren van straat te houden, was de politie-inzet in Culemborg tijdens de jaarwisseling groter dan ooit. Niettemin reed tijdens de ernstige ongeregeldheden een zwarte Fiat Punto met vijf oudere Marokkaanse jongens in op twee groepen mensen. Bewoners spreken van een aanslag, gericht tegen het meisje Shoëla Coenmans dat twee dagen eerder een Marokkaanse jongen zou hebben herkend bij het in brand steken van een auto en aangifte deed bij de politie. Gisteravond hielden ongeveer tien Molukse bewoners de wacht in de wijk. Zij komen naar hun zeggen op voor hun eigen veiligheid omdat eerder jongeren uit het niets kwamen en vernielingen aanrichtten. De mobiele eenheid, die om de hoek staat, vertrouwen ze niet. De politie verrichtte in Culemborg veertien arrestaties, onder wie de vijf Marokkanen die in de auto zaten. Van hen zit alleen de bestuurder nog vast. Twee mannen die werden opgepakt wegens zware mishandeling, zitten ook nog vast.

Camus, con Jünger e la Arendt sta a pieno titolo nel "nostro" pantheon

camus.jpgCamus, con Jünger e la Arendt sta a pieno titolo nel "nostro" pantheon

 Articolo di Luciano Lanna
Ex: http://robertoalfattiappetiti.blogspot.com/
Dal Secolo d'Italia, edizione domenicale del 3 gennaio
A cinquant'anni dalla prematura scomparsa per un incidente stradale, il presidente Sarkozy ha pensato di trasferire le spoglie di Albert Camus al Pantheon e in Francia è esplosa una vivace polemica. Tutta di natura politica. L'omaggio è stato considerato un affronto da parte di qualcuno. Tuttavia Catherine Camus, la figlia della scrittore che gestisce l'eredità del padre, ha comunque spiegato: «Camus è un uomo pubblico e i suoi libri appartengono a tutti. Io non voglio imporre nulla a nessuno, non sono la guardiana del tempio, anche perché il tempio non esiste...». E in questo senso qualcosa di simile si è registrata anche in Italia, dove il quotidiano la Repubblica ha dedicato un'inchiesta di Simonetta Fiori a una nuova destra politica e culturale - «libertaria e non autoritaria, riformatrice e non conservatrice, democratica e non populista» - il cui profilo emerge evidente proprio per il fatto che «adotta Albert Camus tra i propri Lari».
Lo scrittore e pensatore francese di cui domani, 4 gennaio, ricorre il cinquantenario della morte, veniva affiancato su Repubblica accanto a figure a lui apparentabili come Simone Weil, Hannah Arendt, Bruce Chatwin o Jürgen Habermas. E alle quali si potevano senz'altro accostare anche Ernst Jünger, Indro Montanelli, Arthur Koestler, Ignazio Silone, André Malraux, George Orwell, Raymond Aron... Personalità del secolo scorso che si sono contraddistinte per il fatto di aver "attraversato" criticamente il Novecento, essersi abbeverati alle sue passioni incandescenti, ma che a un certo punto sono riusciti a prendere le distanze da quelle tempeste a cui essi stessi avevano partecipato. Jünger, ad esempio, arrivando a scrivere un romanzo-metafora contro la degenerazione totalitaria di quel nazionalismo che lo aveva visto entusiasta da adolescente come Sulle scogliere di marmo, partecipando al fallito putsch contro Hitler e lavorando teoricamente, nel secondo dopoguerra, per un libertarismo spiritualista. Allo stesso modo Koestler, Silone, Malraux e Orwell ribaltarono gli entusiasmi giovanili per il comunismo nel più coerente impegno intellettuale antitotalitario. Ma Albert Camus fu senz'altro più precoce e più incisivo di tutti gli altri. Aderì ad Algeri, dove trascorse gran parte della sua gioventù, alla locale sezione del partito comunista nel 1934, a ventuno anni. Ma lo fece solo per occuparsi delle rivendicazioni e dei diritti della popolazione araba. Ma si dimette già nel 1935: i motivi di dissenso erano già tanti, ma fu soprattutto la posizione dei comunisti favorevole alla repressione poliziesca contro Messali Hadj, leader del movimento indipendentista Etoil Nord Africaine, a fargli intravvedere come inevitabile la rottura. Non a caso Albert, che intanto si è laureato in filosofia, sceglie un'altra via per il suo impegno politico: insieme a un gruppetto di intellettuali delle varie etnie algerine fonda una Casa della cultura con l'obiettivo di dar vita a quello che potremmo chiamare il "libertarismo mediterraneo". «Al suo tempo - ricorda sua figlia Catherine - la maggior parte degli intellettuali francesi erano dei borghesi che avevano frequentato le migliori scuole. Lui era diverso e per di più veniva dall'Algeria, in un'epoca in cui la Francia guardava soprattutto al Nord, rimuovendo la sua dimensione mediterraneo. Per lui invece la mediterraneità era importante. Amava moltissimo anche la Spagna, la Grecia e soprattutto l'Italia. Per lui il mare e il sole erano fondamentali. Ha anche scritto che gli sarebbe piaciuto morire sulla strada che sale verso Siena...». Morì invece in Francia, sulla strada Sens-Parigi, per un fatale incidente d'auto quel 4 gennaio del 1960. La macchina era una Facel-Vega, alla guida Michel Gallimard, editore. «Albert Camus, scrittore, nato il 7 novembre del 1913 a Mondovi, dipartimento di Costantine (Algeria)», c'era scritto sulla carta d'identità ritrovatagli in una tasca della sua giacca.
Aveva scritto da qualche parte che non gli sarebbe spiaciuto morire in una camera d'albergo, libero da qualsiasi «senso di possesso». Non amava le facili rassicurazioni, le comode ossessioni identitarie, i feticci della modernità. E restò fino alla fine coerente con questi suoi assunti. Alla notizia dell'incidente, l'allora ministro della Cultura francese, André Malraux, spedisce immediatamente un segretario a ritirare la borsa di Camus. Nella borsa c'è un manoscritto, centoquaranta fogli coperti da una scrittura fitta: è il romanzo Il primo uomo. La casa editrice decise di non pubblicarlo perché politicamente non opportuno. Eppure quel romanzo era la risposta di Camus alla questione algerina, che dal 1954 lacerava la Francia, l'Algeria e l'Europa, e che fu storicamente il primo laboratorio di quei conflitti che, a cinquant'anni da quell'incidente automobilistico, agitano i nostri tempi.
D'altronde è un dato storico che negli anni Sessanta, alla vigilia di quella contestazione studentesca di Berkeley che anticipò il nostro Sessantotto, gli universitari tenevano sul comodino due livre de chevet: Sulla rivoluzione di Hannah Arendt e L'uomo in rivolta di Albert Camus. In quel fermento studentesco anglosassone, lontano dal marxismo-leninismo e spinto soprattutto sul fronte dei diritti civili, della lotta contro la segregazione razziale e del libertarismo, l'autore di romanzi come Lo straniero e La peste, il giovane premio Nobel nel 1957, veniva letto come uno scrittore "politico" tout court.
Già nel 1946 del resto Camus da giornalista impegnato - cominciò a scrivere prima su Paris Soir poi su Combat dopo la pubblicazione dei suoi primi famosi romanzi - pubblicò una serie di articoli dal titolo «Né vittime né carnefici", in cui delineva una prima critica profondo dello stalinismo e di tutti i totalitarismi. Dal 1949 è tra i promotori di un'organizzazione che si propone di dare aiuto materiali ai dissidenti dei regimi comunisti dell'Est, delle colonie africane in esilio e delle dittature militari. Nel 1950 interviene pubblicamente nel dibattito tra Palmiro Togliatti e Ignazio Silone, di cui è amico, sulla rottura dell'italiano col Pci in nome delle ragioni della libertà. Nel 1951, infine, esce il suo saggio filosofico L'uomo in rivolta che segna la rottura tra lui e Jean-Paul Sartre. «Fu - racconta sua figlia - un vero scandalo, fu accusato di essere di fatto un alleato della destra. Molti si allontanarono da lui. Solo alcuni amici gli rimasero vicini, come Nicola Chiaromonte e Ignazio Silone». Il primo gli restò vicino fino alla fine e lo fece collaborare sin dal 1956 alla rivista Tempo Presente, in nome della comune avversione per il pensiero ideologico: «La cultura non è il terreno - diceva - della verità, ma della disputa intorno alla verità».
Nel 1953, alla notizia della rivolta libertaria di Berlino, Camus prende posizione a favore delle ragioni degli insorti anticomunisti. Tra il 1955 e il 1956 Camus collabora poi al settimanale L'Express con una lunga serie di articoli sulla guerra civile algerina scoppiata nel 1954. Impegnato nella ricerca di una soluzione politica per quella crisi, nel gennaio 1956 torna ad Algeri e Orano sostenendo quei movimenti che lottano per la fine del regime coloniale ma anche per la convivenza etnica, partecipando a diversi comizi. Nel 1957, ancora, scrive Riflessioni sulla ghigliottina, una serie di testi contro la pena di morte, all'epoca ancora in vigore a Parigi come a Washington, a Madrid come ad Algeri.
In Italia, oltre ovviamente ai suoi amici e sodali Silone e Chiaromonte, si interessarono di lui Mario Gozzini sulla rivista papiniana L'Ultima già nel 1948, poi Guido Piovene, i pensatori cattolici Armando Rigobello e Armando Carlini, e i critici letterari Luigi Baccolo e Carlo Bo, accostandolo quest'ultimo alla letteratura di Pierre Drieu La Rochelle. Sul piano generazione, vale quanto scritto a suo tempo da Massimo Fini: «Coloro che, come me, erano adolescenti - ha scritto il giornalista - nella seconda metà degli anni Cinquanta, si sono formati su Sartre e su Camus. Fummo esistenzialisti anche se non sapevamo bene cosa fosse l'esistenzialismo. Da lì nasceva la nostra inclinazione per l'individualismo, il nichilismo, l'assurdo, il libertarismo che, sostanzialmente, non ci ha più abbandonato. Alla rivoluzione preferivamo, con Camus, la rivolta».
Da "destra" comunque nei primi anni Sessanta se ne occupano almeno due libri pubblicati dalle edizioni dell'Albero di Piero Femore: L'uomo in allarme dell'allora giovane critico letterario Fausto Gianfranceschi e Il declino dell'intellettuale di Thomas Molnar. Il primo accostava la rivolta esistenziale evidente negli scritti di Camus a tutti i "ribelli" che dalla letteratura dei "giovani arrabbiati" britannici alla beat generation statunitense stava caratterizzando nei romanzi il bisogno di libertà delle giovani generazioni. Nella figura dello "straniero" di Camus si ravvisava l'escluso «che si pone il problema della libertà, l'uomo che è interessato a sapere come dovrebbe vivere invece di prendere semplicemente la vita come viene». E Gianfranceschi apparentava la figura del Mersault camusiano, il protagonista de Lo straniero, a personaggi letterari contemporanei come il "lupo della steppa" di Herman Hesse o all'outsider di Colin Wilson. Thomas Molnar invece, anche sulla scorta dell'interpretazione del pensatore cattolico (e di destra) Gabriel Marcel, lo avvicinava al connazionale André Malraux: «Si può dire - scriveva - nonostante il loro pensiero sia meno sistematico di quello di Sartre, che abbiamo rappresentato meglio l'umanesimo esistenzialista poiché hanno afferrato e colto le sue motivazioni sotterranee con l'intuizione propria dell'artista». E in particolare su Camus, annotava: «Scrittore più vivo, più caldo, più mediterraneo, rappresenta l'altra faccia del culto dell'azione: la giustificazione dell'impegno quotidiano, di quelle che lui chiama le "fatiche di Sisifo" che conferiscono dignità all'uomo attraverso la schiavitù di un'esistenza media. Anch'egli, senza alcun dubbio, parla dell'artista come di un ribelle che tenta di strappare alla storia i suoi inafferabili valori».
Ma l'impulso libertario di Camus non si è mai crogiolato nella santificazione di un comodo individualismo narcisista. «Visto che non viviamo più i tempi della rivoluzione - scrisse - impariamo a vivere il tempo della rivolta». Ed è anche per questo che Massimo Fini ha concluso: «Il Sartreche che cercava di comiugare esistenzialismo e marxismo non ci finì mai di convincere. Camus, che ebbe la fortuna di morire presto, invece lo amammo sempre. Tutto».
Luciano Lanna, laureato in filosofia, giornalista professionista dal 1992 e scrittore (autore, con Filippo Rossi, del saggio dizionario Fascisti immaginari. Tutto quello che c'è da sapere sulla destra, Vallecchi 2004), oltre ad aver lavorato in quotidiani e riviste, si è occupato di comunicazione politica e ha collaborato con trasmissioni radiofoniche e televisive della Rai. Già caporedattore del bimestrale di cultura politica Ideazione e vice direttore del quotidiano L'Indipendente, è direttore responsabile del Secolo d'Italia. Alcuni suoi articoli sono raccolti su questo blog.

Les dieux vivent dans la forêt

 

perche_11_ETE_CHENES_15X15.jpgLES ARBRES DE LA VIE

LES DIEUX VIVENT DANS LES FORETS

par Pierre VIAL

Le Choc du Mois - N° 53 - juin 1992

"Détruire des forêts ne signifie pas seulement réduire en cendres des siècles de croissance naturelle. C'est aussi un fonds de mémoire culturelle qui s'en va".

Robert Harrison résume bien, ainsi, l'enjeu plurimillénaire, le choix de civilisation que représente la forêt, avec ses mythes et ses réalités (1). Une forêt omniprésente dans l'imaginaire européen.

L'inconscient collectif est aujourd'hui frappé par la destruction des forêts, due à l'incendie, aux pluies acides, à une exploitation excessive. Un être normal- c'est-à-dire quelqu'un qui n'est pas encore totalement conditionné par la société marchande ressent quelque part au fond de lui-même, quelle vitale vérité exprime Jean Giono lorsqu'il écrit de l'un de ses personnages: "Il pense: il tue quand il coupe un arbre!"

Le rapport de l'homme à la forêt est primordial. Il traduit une vision du monde, le choix d'un système de valeurs. Car la forêt, symbole fort, porte en elle des références fondamentales. "Une époque historique, écrit Harrison, livre des révélations essentielles sur son idéologie, ses institutions et ses lois, ou son tempérament culturel, à travers les différentes manières dont elle traite ou considère ses forêts." Dans la longue mémoire culturelle des peuples, la place donnée - ou non - aux forêts est un repère qui ne trompe pas.

Pour étudier la place des forêts dans les cultures et les civilisations, depuis qu'il existe à la surface de la terre des sociétés humaines, Harrison prend pour guide une grille d'analyse forgée par un Napolitain du XVIIIe siècle, Giambattisto Vico, qui résume ainsi l'évolution de l'humanité: "Les choses se sont succédé dans l'ordre suivant : d'abord les forêts, puis les cabanes, les villages, les cités et enfin les académies savantes" (La Science nouvelle, 1744).

Ainsi, les forêts seraient à l'origine la matrice naturelle d'où seraient sortis les premiers hommes. Lesquels, en s'affranchissant du milieu forestier pour ouvrir des clairières, en se regroupant pour construire des cabanes, auraient planté les premiers jalons de la civilisation, c'est-à-dire de la conquête de l'homme sur la nature. Puis, d'étape en étape, de la ruralité au phénomène urbain, de la rusticité à la culture savante, de la glèbe aux salons intellectuels, l'humanité aurait réalisé son ascension. On voit bien, ici, s'exprimer crûment cette conception tout à la fois linéaire et progressiste de l'histoire, qui triomphe au XV111e siècle avec la philosophie libérale des Lumières pour nourrir, successivement, l'idéologie libérale et l'idéologie marxiste. Mais cette vision de l'histoire plonge ses racines très loin, dans cette région du monde qui, entre Méditerranée et Mésopotamie, a donné successivement naissance au judaïsme, au christianisme et à l'islam, ces trois monothéismes qui sont définis, à juste titre, comme les religions du Livre.

TU NE PLANTERAS PAS...

Religions du Livre, de la Loi, du désert. C'est-à-dire religions ennemies de la forêt, car celle-ci constitue un univers à tous égards incompatible avec le message des fils d' Abraham. La Bible, est, à ce sujet, sans ambiguïté. Dans le Deutéronome, Morse ordonne à ses errants dont il veut faire le Peuple élu de brûler, sur leur passage, les bois sacrés que vénèrent les païens, de détruire ces piliers de bois qui se veulent image de l'arbre de vie: "Mais voici comment vous devez agir à leur égard: vous démolirez leurs autels, briserez leurs stèles, vous couperez leurs pieux sacrés, et vous brûlerez leurs idoles." L'affirmation du Dieu unique implique l'anéantissement des symboles qui lui sont étrangers : "Tu ne planteras pas de pieu sacré, de quelque bois que ce soit, à côté de l'autel de Yahvé ton Dieu que tu auras bâti."

Cet impératif sera perpétué par le christianisme, du moins en ses débuts lorsqu'il rencontre sur son chemin, comme principal obstacle, la forêt et ses mythes. Très vite, l'Eglise pose en principe un face à face entre les notions de paganisme, sauvagerie et forêt (sauvage vient de sylva), d'un côté, et christianisme, civilisation et ville, de l'autre. Quand Charlemagne entreprend. pour se faire bien voir d'une Eglise dont il attend la couronne impériale, une guerre sainte en Saxe, bastion du paganisme, il donne pour première consigne à ses armées de détruire l'lrminsul, ce monument qui représente l'arbre de vie et qui est le point de ralliement des Saxons. Le message est clair: pour détruire la capacité de résistance militaire des païens, il faut d'abord éliminer ce qui donne sens à leur combat. Calcul erroné, puisqu'il faudra, après la destruction de l'lrminsul, encore trente ans de massacres et de déportations systématiques pour imposer la croix. Les clercs entourant Charlemagne n'avaient pas compris que pour les Saxons comme pour tout païen, les dieux vivent au coeur des forêts, comme le constatait déjà Tacite chez les Germains de son temps. Autrement dit, tant qu'il reste un arbre debout, le divin est présent.

LA FORÊT-CATHÉDRALE

La soumission forcée des Saxons n'aura pas fait disparaître pour autant la spiritualité liée aux forêts. Car le christianisme a dû, contraint et forcé, s'adapter à la mentalité européenne, récupérer et intégrer les vieux mythes qui parlaient encore si fort, au coeur des hommes. Cette récupération s'exprime à travers l'architecture religieuse: "La cathédrale gothique, note Harrison, reproduit visiblement les anciens lieux de culte dans son intérieur majestueux qui s'élève verticalement vers le ciel et s'arrondit de tous côtés en une voûte semblable à celle des arbres rejoignant leurs cimes. Comme des ouvertures dans le feuillage, les fenêtres laissent pénétrer la lumière de l'extérieur. En d'autres termes, l'expression forêt-cathédrale recouvre davantage qu'une simple analogie, car cette analogie repose sur la correspondance ancienne entre les forêts et la résidence d'un dieu" (2).

L'Eglise s'est trouvée, au Moyen Age, confrontée à un dilemme: contre le panthéisme inhérent au paganisme, et qui voit le divin partout immergé dans la nature, il fallait décider d'une stratégie de lutte. Réprimer, pour extirper, éradiquer ? C'est la solution que préconisent de pieuses âmes, comme le moine bourguignon Raoul Glaber : "Qu'on prenne garde aux formes si variées des supercheries diaboliques et humaines qui abondent de par le monde et qui ont notamment une prédilection pour ces sources et ces arbres que les malades vénèrent sans discernement." En favorisant les grands défrichements des Xlle et XIlle siècles, les moines ont un objectif qui dépasse de beaucoup le simple intérêt économique, le gain de nouvelles surfaces cultivables: il s'agit avant tout, de faire reculer ce monde dangereux, car magique, qui abrite fées et nymphes, sylves et sorcières, enchanteurs et ermites (dont beaucoup trop ont des allures rappelant fâcheusement les hommes des chênes, les anciens druides). Brocéliande est, comme Merlin, "00 rêve pour certains, un cauchemar pour d'autres".

Faut-il, donc, détruire les forêts ? Les plus intelligents des hommes d'Eglise cornprennent, au Moyen Age, qu'il y a mieux à faire. Le culte de saint Hubert est chargé de faire accepter la croix par les chasseurs. Les "chênes de saint Jean" doivent, sous leur nouveau vocable, fixer une étiquette chrétienne sur les vieux cultes du solstice qui se pratiquent à leur pied. On creuse une niche dans l' arbre sacré pour y loger une statuette de la Vierge (nouvelle image de l'éternelle Terre Mère). Devant "l'arbre aux fées" où se retrouvent à Domrémy Jeanne d'Arc et les enfants de son âge, on célèbre des messes. La plantation du Mai, conservée, sera compensée par la fête des Rameaux ( qui vient remplacer la Fête de l' arbre que célébraient, dans le monde romain, les compagnons charpentiers pour marquer le cyclique et éternel retour du printemps).

Saint Bernard, qui a su si bien, comme le rappelle Henri Vincenot (3), perpétuer les traditions celtiques, assure tranquillement devant un auditoire d'étudiants: "Tu trouveras plus dans les forêts que dans les livres. Les arbres et les rochers t'enseigneront les choses qu'aucun maître ne te dira." Cet accueil et cette intégration, par le syncrétisme, d'une nature longtemps perçue, par la tendance dualiste présente dans le christianisme, comme le monde du mal, du péché, est poursuivi par un saint François d'Assise. "C'était en accueillant la nature, constate Georges Duby, les bêtes sauvages, la fraîcheur de l'aube et les vignes mûrissantes que l'Eglise des cathédrales pouvait espérer attirer les chevaliers chasseurs, les troubadours, les vieilles croyances païennes dans la puissance des forces agrestes" (4).

La perpétuation du symbole de l'arbre et de la forêt se fera, à l'époque moderne, par la plantation d'arbres de la Liberté (5), les sapins de NoëI, la branche verte placée par les compagnons charpentiers sur le faîtage terminé de la maison. . .

L'ARBRE COMME SOURCE DE VIE

Mais, référence culturelle par excellence, la forêt reste, jusqu'à nos jours, un enjeu idéologique et l'illustration d'un choix de valeurs. Quand Descartes, dans son Discours de la méthode, compare l'autorité de la tradition à une forêt d'erreurs, il prend la forêt comme symbole d'un réel, foisonnant et touffu, dont il faut s'abstraire, en lui opposant la froide mécanique Raison. "Si Descartes se perd dans la forêt - le monde historique, matériel - , ne nous étonnons pas qu'il se sente chez lui dans le désert ( . . . ) C ' est l' esprit désincarné qui se retire de l'histoire, qui s'abstrait de sa matière et de sa culture" (6). Ajoutons: de son peuple.

Inversement, en publiant leurs célèbres Contes et légendes du foyer, les frères Grimm, au XIXe siècle, entendent redonner, par le biais de la langue, un terreau culturel, un enracinement à la communauté nationale et populaire allemande. Or, significativement, la forêt est omniprésente dans leurs contes, en tant que lieu par excellence de ressourcement.

L'arbre comme source de vie. Présent encore parmi nous grâce à une reuvre qui a, par bien des aspects, valeur initiatique, Henri Vincenot me confiait un jour : "II y a dans la nature des courants de forces. Pour reprendre des forces, c'est vrai que mon grandpère s'adossait à un arbre, de préférence un chêne, et se pressait contre lui. En plaquant son dos, ses talons, ses mains contre un tronc d'arbre, il ne faisait rien d'autre que de capter les forces qui vivent et montent en l'arbre. Il ne faisait qu'invoquer, pour y puiser une nouvelle énergie les puissances de la terre, du ciel, de l'eau, des rochers, de la mer..." (7).

 

(1) Robert Harrison, Forêts. Essai sur l'imaginaire occidental, Flammarion, 398 p., 145 F.
(2) Voir Roland Bechmann. Les Racines des cathédrales. Payot-1981
(3) Les Etoiles de Compostelle, Denoel, 1984
(4) Le temps des cathédrales, NRF, 1976
(5) Jérémie Benoit, L'Arbre de la Liberté: résurgence d'une mentalité indo-européenne, in Etudes indo-européennes, 1991.
Robert Harrison, op. cit.
(7) Eléments, n° 53.

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Der absolute Krieg

CWZ1812Alt2e.jpgDer absolute Krieg

Ex: http://rezistant.blogspot.com/
In dem Bilde, das Clausewitz vom Kriege entwirft, steht im Mittelpunkt der lapidare Satz "Der Krieg ist ein Akt der Gewalt, um den Gegner zur Erfüllung unseres Willens zu zwingen". Er vermeidet bei dieser Charakterisierung "schwerfällige publizistische Definitionen" und geht der Sache in einfacher, jedem verständlicher Weise auf den Grund. In der Anwendung dieses Aktes der Gewalt gibt es - folgerichtig betrachtet - keine Grenzen. Es gilt vielmehr einzig und allein das Ziel zu erreichen, "den Feind wehrlos zu machen". Hat doch die Auffassung, der Krieg sei mit zunehmender Kultur humaner geworden, sich bei genauer Betrachtung als unrichtig erwiesen. Clausewitz´ Feststellung, "dass gebildete Völker den Gefangenen nicht den Tod geben, Stadt und Land nicht zu zerstören", dies nur deshalb nicht zu tun, "weil sich die Intelligenz mehr in ihre Kriegführung mischt und sie wirksamere Mittel zur Anwendung der Gewalt gelehrt hat, als diese rohen Äusserungen des Instinkts", hat bis auf unsere Tage immer wieder ihre Bestätigung gefunden.

Da man den unabhängigen Willen des Gegners sich gegenüber hat, so gilt es, diesen Willen zu brechen. Dies geschieht mit Hilfe der eigenen Machtmittel und der eigenen Willenskraft. Wenn sich die eigenen Machtmittel als unzureichend erweisen oder die eigene Willenskraft der des Gegners nachsteht, müssen daraus gewissen Gegengewichte erwachsen. Diese beiden Faktoren sind daher von geradezu entscheidender Bedeutung. Jeder Kriegführende wird folgerichtig bestrebt sein, sie zu möglichst grosser Wirkung zu bringen, d. h. die "äusserste Anstrengung der Kräfte" vorzubereiten und in die Tat umzusetzen.

Theoretisch betrachtet, müsste man nun zu einem Maximum an personeller, materieller, wirtschaftlicher und willensmässiger Anstrengung gelangen können, aus dem sich ein völlig ungehemmter Krieg ergeben würde, den Clausewitz mit dem Begriff "Absoluter Krieg" umfasst. Aber das ist nur höchst selten der Fall. Vielmehr ist "die Gestalt, die der Krieg gewinnt, abhängig von allem Fremdartigen, was sich darin einmischt und daran ansetzt..., von aller natürlichen Schwere und Reibung der Teile, der ganzen Inkonsequenz, Unklarheit und Verzagtheit des menschlichen Geistes".

Der "absolute" oder, wie ihn Clausewitz gelegentlich auch nennt, der "abstrakte" Krieg hat also mit dem Krieg, wie er sich in der Wirklichkeit abspielt, nur wenig zu tun. Wenn auch gerade in neuester Zeit seit dem Zeitalter Napoleons das offensichtliche Bestreben zutage tritt, dem Kriege auch in der Wirklichkeit eine absolute Gestalt zu verleihen, so wurde dies doch noch nie in der letzten Vollkommenheit erreicht. Selbst die glänzendsten Feldzüge weisen hier und da, wenn auch kleinere, Lücken auf, die z. B. durch unvermeidliche Fehler von Unterführerm hervorgerufen worden sind.

Friedrich von Cochenhausen, Der Wille zum Sieg. Clausewitz´ Lehre von den dem Kriege innewohnenden Gegengewichten und ihrer Überwindung, erläutert am Feldzug 1814 in Frankreich, Berlin 1943.

1941: les Soviétiques préparaient la guerre

Soviet-troops-02.jpgArchives de Synergies Européennes - 1991

 

1941: les Soviétiques préparaient la guerre!

 

par le Dr. Heinz MAGENHEIMER

Professeur à l'Université de Salzbourg,

Membre de l'Académie de la Défense de Vienne

 

Pendant des décennies, l'attaque alle­man­­de contre l'Union Soviétique, com­men­cée le 22 juin 1941, a été considérée comme l'exemple par excellence d'une guerre d'exter­mi­na­tion, préparée depuis longtemps et justifiée par des arguments raciaux. L'histo­rio­gra­phie soviétique qualifiait en outre cette guer­re de «guerre de pillage» et ajoutait que l'Al­le­­magne avait trahi ses promesses, avait rompu la parole donnée. Jusqu'en 1989, le Pac­te Hitler/Staline des 23 et 24 août 1939 a­vait été interprété de cette fa­çon dans l'apo­logétique soviétique. L'observateur des évé­ne­ments était littéra­lement noyé sous un flot d'ar­guments qui vi­saient à étayer au moins deux thèses: 1) La signature du traité a em­pêché Moscou d'être impliqué dans les pre­miers événements de la guer­re européenne, qui aura ultérieure­ment comme victime prin­cipale l'URSS; 2) Le pouvoir soviétique a vu d'avance le plan des «impérialistes» et l'a contre­car­ré; il vi­sait à détourner l'armée al­le­mande vers l'Est. L'Union Soviétique au­rait ainsi été la victime, à l'été 1941, de sa fi­dé­lité à la lettre du pacte et de sa volonté de paix. Cette loyauté, l'URSS l'a payée cher et a failli être complètement détruite sur le plan militaire.

 

Des experts soviétiques réfutent l'interprétation officielle

 

Depuis 1989, cette vision de l'histoire con­tem­poraine a été largement réfutée. Des ex­perts soviétiques, dont V. Dachitchev, esti­ment désormais que le Pacte des 23 et 24 août 1939 a constitué une lourde erreur de la poli­tique étrangère soviétique (cf. Hans-Henning Schröder, Der Zweite Weltkrieg, Piper, Mün­chen, 1989). Bien sûr, on parle encore et tou­jours de la guerre germano-russe comme d'une «guerre d'anéantissement justifiée par une idéologie racialiste», notamment dans les écrits, y compris les derniers, de l'historien Andreas Hillgruber (cf. Zwei­fa­cher Untergang, 1986). Mais les préoccu­pa­tions qui dominent, actuellement, chez les spécialistes de l'histoire contempo­raine, sont celles qui concernent les mul­tiples fa­cet­tes du processus de décision: outre la volonté d'expansion de Hitler, on examine désor­mais la logique, certes subjec­tive, qui a fait que l'Allemagne a choisi la solution mili­taire pour règler le problème que constituait l'URSS dans le contexte stra­tégique du prin­temps 1941. On étudie ensuite ce qui opposait de façon irréconciliable les idéologies au pou­­voir en URSS et dans le Troisième Reich, tout en essayant de com­prendre quelles étaient les arrière-pensées de Staline en ce qui concerne l'Europe. Résultat de ces in­ves­ti­gations: on se de­mande si l'attaque alle­man­de n'a pas été fi­nalement une attaque pré­ventive, vu ce qui s'annonçait à moyen ou long terme. Ernst Topitsch est de cet avis de­puis longtemps et a étayé solidement sa thè­se dans Stalins Krieg (2ième éd., 1986). Quant à Viktor Souvorov, dans Le brise-glace  (Olivier Orban, Paris, 1990), il a illustré cette thèse à grand renfort de preuves.

 

Staline avait le temps pour lui

 

Cela n'aurait guère de sens de revenir sur la vieille querelle quant à savoir si l'attaque de la Wehrmacht a été dictée essentiellement par des considérations d'ordre stratégique et politique ou par des motivations d'ordre idéo­logique. Il me semble plus utile, d'un point de vue historique, de chercher à cerner la rai­son première et fondamentale qui a fait que l'état-major allemand s'est décidé à pas­ser à l'attaque. Cet état-major s'est dit, me semble-t-il, qu'attendre passivement rendait jour après jour le Reich plus dépendant de la politique de Staline; une telle dépendance aurait finalement créé des conditions défa­vorables pour l'Alle­magne dans sa guerre à l'Ouest et en Afrique. Hitler était bien cons­cient du risque énorme qu'il y avait à ouvrir un second front, à parier pour l'offensive: il l'a clairement fait savoir à ses généraux, dont la plupart étaient trop optimistes.

 

Les papiers de Joukov

 

Les historiens qui affirment que les motiva­tions idéologiques à connotations racistes ont été les plus déterminantes, sous-estiment trop souvent les préoccupations stratégiques; en effet, dès le début de l'automne 1940, la si­tuation, pour l'Allemagne, était alar­mante; l'état-major devait le reconnaître, si bien que son chef, le Général Halder crai­gnait, dès a­vril 1941, une attaque préventive des Sovié­ti­ques. Aujourd'hui, après qu'on ait publié les papiers du Maréchal Georgy Joukov et qu'on y ait découvert des docu­ments d'une im­por­tance capitale, non seu­lement on sait que l'Ar­mée Rouge s'était mise en branle, que ses manœuvres avaient un caractère offen­sif, surtout dans les quatre districts mili­tai­res de l'Ouest mais on sait également, d'a­près des sources attestées, que les autorités militaires soviétiques pré­voyaient dès la mi-mai 1941 une attaque pré­ventive limitée, au moins contre la Pologne centrale et la Haute-Silésie.

 

Staline a certes refusé ce plan, mais son exis­tence explique néanmoins pourquoi les Soviétiques ont massé six corps mé­ca­nisés sur des positions en saillie du front (le pre­mier échelon opérationnel sovié­ti­que comp­tait en tout et pour tout treize corps mécani­sés), ont aligné cinq corps aé­roportés, ont réaménagé les installa­tions d'un grand nom­bre de terrains d'a­viation pour bombar­diers et pour chas­seurs à proximité de la fron­tière et ont renoncé à renforcer la Ligne Staline, a­lors qu'elle aurait été excellente pour u­ne bonne défense stratégique du ter­ri­toire soviétique. Les papiers de Joukov nous permettent de comprendre pour­quoi les gran­des unités stationnées dans les régions frontalières n'ont pas reçu l'ordre de cons­trui­re un système défensif en profondeur mais, au contraire, ont été utilisées pour a­mé­liorer les réseaux routiers menant à la fron­tière. Ces indices, ainsi que bien d'au­tres, ont été mis en exergue récemment par des historiens ou des publicistes sovié­tiques, dont Vladimir Karpov. Sur base de ces plans d'opération, le chef de l'état-major général soviétique, Joukov, en accord avec le Minis­tre de la Défense, Timo­chen­ko, voulait attein­dre en trente jours la ligne Ostrolenka, Rive de la Narev, Lowicz, Lodz, Oppeln, Olmütz. Ensuite, Joukov prévoyait de re­tourner ses for­ces vers le Nord et d'attaquer et de défaire le centre des forces allemandes, ainsi que le groupe Nord des armées du Reich, massé en Prusse Orientale.

 

Je souligne ici que ce plan d'opérations ne signifie pas que les Soviétiques avaient défi­nitivement décidé de passer à l'offensive. L'exis­tence de ce plan ne constitue donc pas une preuve irréfutable des intentions offen­sives de Staline à l'été 1941. Mais ce plan nous permet d'expliquer bon nombre de pe­tits événements annexes: on sait, par exem­ple, que Staline a refusé de prendre en consi­dération les informations sérieuses qu'on lui communiquait quant à l'imminence d'une at­taque de la Wehrmacht au printemps 1941. Or il y a eu au moins 84 avertissements en ce sens (cf. Gordievski/Andrew, KGB, 1990). Com­me le prouvent les événe­ments de la nuit du 22 juin, Staline voulait éviter toute provocation; peu de temps avant que le feu des canons al­le­mands ne se mette à tonner au-dessus de la frontière soviétique, il a don­né ins­truction à l'ambassadeur d'URSS à Ber­lin, de s'enquérir des conditions qu'il fal­lait respec­ter pour que les Allemands se tien­nent tran­quilles (cf. Erich E. Som­mer, Das Memorandum, 1981).

 

Staline estime que

l'Armée Rouge n'est pas prête

 

Ce qui nous autorise à conclure que Staline cher­chait à gagner du temps, du moins jus­qu'au moment où le deuxième échelon stra­té­gique, composé de six armées (77 divi­sions), puisse quitter l'intérieur des terres rus­ses. Ce qui étaye également la thèse qui veut que Staline estimait que ses préparatifs offensifs, destinés à réaliser ses projets, n'é­taient pas encore suffisants. Quoi qu'il en soit, au début de la campagne, les Sovié­ti­ques alignaient à l'Ouest, réserves compri­ses, 177 divisions, renforcées par au moins 14.000 chars de combat, environ 34.000 ca­nons et obusiers et à peu près 5.450 avions d'attaque (61 divisions aériennes). Face à ces forces impressionnantes, la Wehrmacht n'a­li­gnait que 148 divisions, trois brigades, 3.580 chars de combat, 7.150 canons et envi­ron 2.700 avions d'attaque.

 

Cette faiblesse des forces allemandes et l'im­provisation dans l'équipement et l'orga­nisa­tion, permettent de soutenir la thèse que la décision d'ouvrir un front à l'Est ne décou­lait pas d'un «pro­gram­me» con­cocté depuis longtemps (cf. Hart­mut Schustereit, Vaban­que, 1988). Beau­coup d'indices semblent prou­ver que Sta­line esti­mait que le conflit ou­vert avec l'Allemagne était inéluctable. En effet, les avantages in­contestables que le Pac­te germano-soviétique offrait à Berlin (cf. Rolf Ahmann, Hitler-Stalin-Pakt 1939, 1989) n'avaient de valeur qu'aussi long­temps qu'ils facilitaient les opérations allemandes à l'Ouest.

 

C'est alors qu'un facteur a commencé à pren­dre du poids: en l'occurrence le fait que les deux camps percevaient une menace qui ne pouvait être éliminée que par des moyens militaires. Les ordres qui lancent déploie­ments ou opérations ne reflètent  —c'est con­nu—  que des jugements d'ordre poli­tique. C'est pourquoi l'observateur se trouve face à une situation historique où les deux prota­go­nistes ne réfléchissent plus qu'au moment opportun qui se présentera à eux pour dé­clen­cher l'attaque. Mais comme dans l'his­toi­re, il n'existe pas d'«inéluctabilité en soi», la clef pour com­prendre le déclenchement de l'«O­pé­ration Barbarossa» se trouve dans une bonne con­naissance de la façon dont les adversaires ont perçu et évalué la situation. De cette fa­çon seulement, l'historien peut «vi­vre ré­trospectivement et comprendre» (com­me le disait Max Weber), le processus de décision. On peut ainsi acquérir un ins­tru­ment pour évaluer et juger les options po­litiques et stra­tégiques qui se sont présentées à Berlin et à Moscou au cours des années 1940 et 1941. L'Allemagne tentait, en pres­tant un effort immense qu'elle voulait uni­que et définitif, de créer un imperium conti­nen­tal inatta­quable; l'URSS tentait de défen­dre à tout prix le rôle d'arbitre qu'elle jouait secrètement, officieusement, en Europe.

 

Dr. Heinz MAGENHEIMER.

(texte issu de Junge Freiheit, juin 1991; adresse: JF, Postfach 147, D-7801 Stegen/Freiburg).