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mardi, 08 juillet 2025

La crise du système des ONG dans l'ordre mondial post-occidental

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La crise du système des ONG dans l'ordre mondial post-occidental

par Elena Fritz

L'époque où les organisations non gouvernementales telles que « Omas gegen Rechts » (Les grands-mères contre l'extrême droite) jouaient un rôle central dans un ordre mondial imprégné de valeurs morales semble révolue.

Le dernier article paru dans Foreign Affairs, la revue officielle de l'establishment américain en matière de politique étrangère, retient l'attention. Sous le titre « The End of the Age of NGOs » (La fin de l'ère des ONG), les politologues Sarah Bush et Jennifer Hadden constatent sobrement la fin d'une époque: l'époque où les organisations non gouvernementales jouaient un rôle central dans un ordre mondial empreint de moralité semble révolue. Le nombre d'ONG internationales stagne, leur influence s'amenuise, leur réputation est ternie.

Mais alors que les auteurs expliquent ce phénomène principalement par la baisse des financements et la répression croissante, une analyse structurelle plus approfondie fait défaut – ou est délibérément évitée. Car la véritable raison du recul mondial du système des ONG ne réside pas dans des questions de financement, mais dans la prise de conscience par la société mondiale du rôle de ces acteurs en tant qu'outils d'une politique ne visant que le maintien de la puissance.

Les ONG comme organes exécutifs d'un ordre mondial informel

Dans les années 1990, marquées par l'euphorie, les ONG étaient considérées comme l'avant-garde d'une « société civile transfrontalière ». Mais en réalité, elles faisaient partie, dès le départ, d'une nouvelle stratégie hégémonique: contrôle par la morale, influence par les « valeurs », pilotage par une participation citoyenne apparente. Le fonctionnaire colonial classique a cédé la place au « conseiller », le soldat à l'« observateur électoral », l'intervention à la « campagne pour les droits de l'homme ».

Ces organisations n'agissaient pas dans le vide. Elles s'inscrivaient dans un système finement orchestré qui visait la projection informelle du pouvoir, soutenu par les gouvernements occidentaux, les fondations, les think tanks et les structures supranationales. Elles se présentaient comme indépendantes, mais elles suivaient – consciemment ou structurellement – un programme géopolitique : stabilisation des gouvernements pro-occidentaux, déstabilisation des régimes indésirables, manipulation des discours sociaux sous la bannière des valeurs universelles.

La couleur changeait au gré des circonstances: tantôt c'était les « droits de l'homme », tantôt la « bonne gouvernance », tantôt la « promotion de la démocratie ». L'objectif restait toujours le même: gagner en influence sans assumer une responsabilité formelle, sans intervenir directement, sans agresser ouvertement. Les ONG étaient le camouflage parfait à une époque où les guerres ne devaient plus être déclarées, mais « justifiées ».

Le point de rupture : souveraineté contre contrôle informel

Ce que Foreign Affairs décrit comme une « restriction de la société civile » est en réalité l'expression d'une impulsion mondiale vers la souveraineté. Plus de 130 États ont pris des mesures, ces dernières années, pour contrôler ou exclure les ONG financées par des fonds étrangers, afin de se défendre contre les opérations d'influence hybrides.

Car on sait depuis longtemps que là où les ONG occidentales sont particulièrement actives, il n'est pas rare que les ordres politiques changent, que ce soit par des recommandations électorales, des campagnes d'opinion, des interventions juridiques ou la mobilisation des milieux urbains prompts à la contestation. Le fait que cela ne soit pas l'expression d'une « société civile » organique, mais souvent le résultat d'un transfert de pouvoir orchestré, est devenu évident en Ukraine, en Géorgie ou en Libye, par exemple.

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Exemple concret : l'attaque contre l'industrie automobile allemande

Un exemple particulièrement explosif d'instrumentalisation politique des ONG s'est récemment produit au cœur même de l'Europe, avec des répercussions directes sur la souveraineté industrielle de l'Allemagne. Des articles de presse, comme celui paru dans Welt am Sonntag, ont révélé que des programmes européens tels que LIFE avaient servi à financer de manière ciblée des ONG qui ont ensuite lancé des campagnes juridiques contre des constructeurs automobiles allemands. ClientEarth a ainsi reçu des fonds européens pour intenter des poursuites contre des entreprises telles que VW et BMW à cause de prétendues violations des normes d'émissions.

Ces ONG agissent de manière formellement indépendante, mais fonctionnent en réalité comme des régulateurs extérieurs qui sapent économiquement et politiquement des industries clés, non pas par le biais d'un débat démocratique, mais par des offensives judiciaires et stratégiques. Le scandale ne réside pas seulement dans le contenu des plaintes, mais dans le système lui-même: des fonds publics sont versés à des acteurs qui, sous couvert de moralité, interfèrent dans la politique structurelle d'États souverains.

Les ONG agissent au cœur de la projection du pouvoir

Ces événements confirment une tendance de plus en plus évidente: les ONG n'agissent pas en marge, mais au cœur même du pouvoir qui se projette à l'avant-scène. Elles sont soutenues par des structures supranationales qui se soustraient à leurs responsabilités, tout en exerçant une pression sur les gouvernements, les entreprises et les sociétés sans être légitimées démocratiquement. Ce qui est qualifié de « société civile » est en réalité souvent l'avant-garde opérationnelle d'un contrôle post-démocratique.

Les dommages sont réels: non seulement sur le plan économique – par exemple en raison des délocalisations de la production, de l'insécurité des sites et des entorses infligées à la réputation de leurs cibles –, mais aussi sur le plan institutionnel. Car lorsque des structures qui ne peuvent être contrôlées démocratiquement s'immiscent dans les décisions industrielles centrales par le biais des tribunaux, des médias et des politiques de financement, la souveraineté politique est systématiquement sapée. L'industrie automobile allemande est ici symbolique pour une nation industrielle en phase de transition malheureuse entre une autodétermination féconde et une dépendance contrôlable et contrôlée, orchestrée par le levier que sont les campagnes moralisatrices des ONG.

La question des ressources : un symptôme, pas une cause

Bush et Hadden attribuent notamment la crise du système des ONG à la baisse des subventions qu'elles percevaient dans le monde occidental. En effet, de nombreux pays, dont l'Allemagne, ont réduit ou réaffecté leurs budgets destinés au financement des ONG internationales. Mais ce n'est pas la cause, mais une conséquence de la diminution de leur utilité stratégique: le modèle des ONG a atteint les limites de sa légitimité.

La croyance en une « société civile » neutre, bonne et non partisane est ébranlée là où la réalité nous suggère d'autres conclusions: les acteurs des ONG ne vivent pas en marge du pouvoir, mais en son centre fonctionnel. Ils font partie, souvent inconsciemment, d'une forme de contrôle qui n'a plus besoin de chars d'assaut, mais fait usage de récits, de réseaux et de pression normative.

Un changement de paradigme mondial

L'ordre mondial est en pleine mutation. Le régime suggère des interprétations, car il est dominé par l'Occident, et présentait les ONG comme l'épine dorsale morale. Ce régime perd de son rayonnement. Il est remplacé par une réalité multipolaire dans laquelle émergent des modèles de modernité alternatifs – pragmatiques, souverains, spécifiques à chaque culture.

Dans ce nouveau monde, les ONG ne sont pas discréditées en soi, mais elles doivent faire face à leur propre rôle et à leur propre histoire: qui les finance? Qui servent-elles? Quels intérêts représentent-elles – et quelle langue parlent-elles? Ces questions ne peuvent plus être ignorées.

Perspectives : fin du camouflage, retour à la responsabilité

Ce à quoi nous assistons actuellement n'est pas la fin de tout engagement dans le chef de la société civile, mais la fin de son instrumentalisation idéologique. Le retrait des ONG est le prix à payer pour des décennies de politique où la morale est devenue un camouflage et l'indignation un levier de réorganisation géopolitique.

Quiconque souhaite aujourd'hui accomplir un véritable travail civique doit se libérer de ces structures et assumer le risque d'une véritable autonomie. Dans un monde qui recherche à nouveau la vérité plutôt que des « valeurs », il s'agit d'une rupture nécessaire, mais attendue depuis longtemps.

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Peter Thiel désigne l'ennemi: le mondialisme libéral est l'Antéchrist

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Peter Thiel désigne l'ennemi: le mondialisme libéral est l'Antéchrist

Pour la première fois, Thiel qualifie ouvertement le mondialisme libéral comme une émanation de l'Antéchrist

Alexandre Douguine

Dans une interview au NYT, Peter Thiel a identifié avec justesse le principal dilemme du monde contemporain: l'Antéchrist contre l'Armageddon. L’Antéchrist désigne le mondialisme libéral, l’État mondial, « Un Monde ou rien ». L’Armageddon signifie la multipolarité, l’Ordre Mondial élevé à une Puissance Supérieure. C'est, pour lui, le mouvement MAGA, Poutine, la Chine, Bharat.

Pourquoi la multipolarité mène-t-elle à la Troisième Guerre mondiale (à l'Armageddon) ? demande Thiel. Parce que le camp de l’Antéchrist parle de l’Armageddon, présente la conservation des souverainetés comme le prélude à une destruction mutuelle imminente. Ainsi, le mouvement MAGA (ainsi que Poutine, Xi, Modi) présument que la multipolarité peut signifier une coexistence réaliste.

Suggestion intéressante: c’est l’Antéchrist qui cherche à présenter la multipolarité comme étant l'Armageddon et à la provoquer. Les néoconservateurs (Lindsey Graham et d’autres) font exactement cela: ils détournent le mouvement MAGA de ses intentions premières et le transforment en un vecteur d'hégémonie agressive.

Pour la première fois, à un niveau élevé, l’Antéchrist est appelé par son vrai nom: le mondialisme libéral est émanation directe de l’Antéchrist. Mais le camp de l’Armageddon, lui, est mal nommé. Lui attribuer ce nom relève d'un mensonge de l’Antéchrist (des mondialistes). Thiel dit exactement cela.

Deuxième point dans l’interview de Thiel: l'idée d'un transhumanisme de droite. Très inquiétant. Thiel suggère que le transhumanisme peut libérer l’âme du corps. La gauche affirme qu’il n’y a pas d’âme. Thiel, catholique (gay), affirme qu’il y en a une. Mais l’étape suivante est étrange. Si l’âme compte, le corps est optionnel.

Un homme sans corps ou avec un corps optionnel reste un homme (selon Thiel). La transformation de genre est la première étape vers la découverte de l’âme. Voilà une bien étrange théologie!

En résumé, le récit proposé par Thiel est le suivant: le mondialisme, le libéralisme de gauche (Soros et sa marionnette Greta Thunberg) est expression de l’Antéchrist. Exact. L’âme existe. Exact. Le corps est optionnel, la technique est libération. Faux.

Elon Musk prend de l’élan. Trump est pris en otage par les néoconservateurs, il est très discrédité aux yeux des tenants du mouvement MAGA pour son interventionnisme au Moyen-Orient et son soutien inconditionnel à Netanyahu. Le mouvement MAGA se sent trahi. Il est grand temps de commencer quelque chose de nouveau.

Attaques contre des navires concernant la Russie témoignent d’une coopération britannico-ukrainienne

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Attaques contre des navires concernant la Russie témoignent d’une coopération britannico-ukrainienne

Source:  https://dissident.one/aanvallen-op-schepen-met-betrekking...

Il semble que les attaques contre des navires liés à la Russie se produisent désormais de manière régulière, écrit Moon of Alabama :

Une explosion a frappé le pétrolier Vilamoura, qui naviguait sous drapeau des Îles Marshall et transportait environ un million de barils de pétrole brut, au large des côtes de la Libye, selon l’opérateur grec TMS Tankers. – Greek City Times, 1er juillet 2025

Suite à l’explosion, la salle des machines a été submergée, rendant le navire inutilisable. TMS Tankers a indiqué que le navire, qui se dirigeait, depuis Zueitina, en Libye, vers Gibraltar, sera probablement remorqué vers la Grèce mardi ou mercredi. La cause de l’explosion reste inconnue.

La société de sécurité Vanguard a évoqué vendredi la possibilité que le Vilamoura ait été touché par une mine, mais a précisé que les autorités n’avaient encore rien confirmé.

L’exploitant s’est distancié des spéculations selon lesquelles le navire aurait été la cible de saboteurs.

Selon le Financial Times, il s’agit au moins du cinquième pétrolier (dûment archivé), cette année, à avoir été victime d’explosions:

"Une série d’attaques mystérieuses avec des mines de type limpet contre des pétroliers a ébranlé le monde maritime. On spécule que ces explosions font partie d’une campagne de sabotage soutenue par un État".

Cinq navires ont été touchés par des explosions délibérées cette année. Le dernier incident s’est produit la semaine dernière, lorsque la salle des machines du pétrolier grec Vilamoura a été submergée alors qu’il naviguait au large de la Libye.

Quelques semaines après les attaques, tous les navires ont accosté dans des ports russes. Certains experts en sécurité suggèrent donc que l’Ukraine aurait été impliquée dans ces explosions.

Le rapport du FT ne mentionne toutefois pas le cas d'un navire de fret russe qui aurait été attaqué à l'aide d'explosifs fin 2024 et aurait coulé:

"L'exploitant russe d’un cargo, qui a coulé en Méditerranée entre l’Espagne et l’Algérie, a déclaré jeudi que le navire avait été frappé par une série d’explosions dues à du sabotage".

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"Oboronlogistica, une entreprise d’État qui exploitait le cargo Ursa Major, a indiqué que le navire avait été détruit par trois explosions puissantes juste au-dessus de la ligne de flottaison. Selon l’entreprise, le navire a coulé à cause d’une "attaque terroriste"".

Dans un communiqué de l’agence de presse d’État russe RIA Novosti, l’entreprise a indiqué que les explosions avaient laissé un trou, côté tribord du navire, et que la salle des machines avait été envahie par une fumée épaisse, empêchant l’équipage d’y pénétrer. Elle a ajouté que les dommages à la salle des machines rendaient impossible l’activation des pompes et le maintien de la flottabilité du navire.

L’entreprise a rapporté que le navire, l’un des plus grands cargos russes, avait quitté Saint-Pétersbourg et transportait deux grues lourdes et d’autres équipements vers le port de Vladivostok, sur la côte est de la Russie.

Tous ces attaques semblent avoir été menées à l'aide de mines limpet magnétiques. Ces mines sont fixées sur la coque d’un navire lorsqu’il est à l’ancre ou amarré. Elles peuvent être déclenchées par un minuteur ou un signal radio.

La campagne contre ces navires liés à la Russie pourrait être une opération ukrainienne. Mais je serais surpris si les Britanniques n’y étaient pas impliqués.

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L'Ukraine n’est pas connue pour avoir un accès aisé aux ports de la Méditerranée et pour ses spécialistes qualifiés en plongée. Le British Special Boat Service (SBS), en revanche, l'est :

"Le SBS dispose d’une sous-unité spécialisée dans la manipulation de véhicules transportant des nageurs (SDV), mieux connue sous le nom d'unités SDV.

Ces véhicules, lancés depuis des sous-marins, sont idéaux pour installer des mines limpet sur la coque des navires, sans éveiller la suspicion.

Le Royaume-Uni a participé à la planification de l’attaque ukrainienne à Kursk. Il a été impliqué dans plusieurs opérations de sabotage menées par le service de renseignement militaire ukrainien sur le territoire russe. Des soldats britanniques meurent sur le front en Ukraine.

Lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des opérations de sabotage contre des navires, les unités antiterroristes russes doivent prêter toute leur attention à d'éventuels acteurs britanniques plutôt qu’ukrainiens.

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lundi, 07 juillet 2025

Une guerre pour sauver le dollar

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Une guerre pour sauver le dollar

Par Jürgen Elsässer

Source: https://www.compact-online.de/ein-krieg-um-den-dollar-zu-... 

Le retournement brusque du président américain, qui, en un tourne-main, est passé du statut de président de la paix à celui de fauteur de guerre, a, outre la pression du lobby israélien, des raisons économiques: les États-Unis sont en faillite.

Le problème principal des États-Unis n'est pas la dette en soi (actuellement 37 billions de dollars), elle qui était au centre du conflit entre Donald Trump et Elon Musk : ce dernier voulait la réduire résolument, le premier la freinait.

Le vrai problème est plutôt ladite "dette extérieure nette", c'est-à-dire la différence entre les dettes envers l'étranger et les créances propres sur l'étranger: celle-ci atteignait déjà en 2021 18 billions de dollars, soit près de 80% du produit intérieur brut annuel. À titre de comparaison: en 1989, la RDA était considérée comme en faillite parce que sa dette envers l'Ouest représentait 16% du PIB annuel. En réalité, aucun investisseur responsable ne voulait plus prêter de l'argent à "l'Etat socialiste allemand des ouvriers et des paysans". Mais dans le cas des États-Unis, la dette publique et le déficit commercial ne sont pas une raison suffisante pour les milliardaires et fonds du monde entier de ne plus investir leur argent aux États-Unis… Ce qui semble fou a une raison plausible: le gouvernement américain peut, contrairement à celui de tout autre État débiteur, promettre aux acheteurs de ses titres d’État de les forcer à tout moment et en tout lieu, par la force militaire, à échanger ces papiers sans valeur contre des marchandises.

Des pays comme l’Irak sous Saddam Hussein ou la Libye sous Khadafi, qui menaçaient de ne plus facturer leurs ventes de pétrole et de gaz en dollars mais en monnaies concurrentes, ont été déclarés "États voyous" et liquidés militairement. Actuellement, la même menace plane sur l’Iran, qui possède les plus grandes réserves mondiales de pétrole et de gaz, et qui fournit également ces énergies fossiles en grande quantité à la Chine, principal rival des États-Unis. La protection d’Israël, les armes de destruction massive — tout cela n’est que propagande. Quand les Anglo-Américains parlent des droits de l’homme, ils pensent en réalité aux droits d’exploitation.

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L’impérialisme du papier-monnaie

La politique étrangère américaine se trouve face à un dilemme: le billet vert n’est plus garanti par l’or ou par une performance économique réelle, mais seulement par la force militaire brute. Plus l’économie américaine sombre dans le rouge, plus la politique étrangère sera agressive pour encaisser les dettes et faire taire les créanciers. En même temps, cette posture de plus en plus agressive a modifié la structure des créanciers des États-Unis: les banques d’État de Chine et du Japon, qui, il y a 15 ans, détenaient la majorité des bons du Trésor américain, se sont depuis éloignées de leurs papiers dollar. Elles ont été remplacées par des clients non étatiques: super-riches du monde entier et fonds souverains comme Blackrock. La Fed peut continuer à construire sur ces "rochers noirs".

Mais de nombreux investisseurs du Sud global et de la sphère BRICS sont devenus nerveux, après que les États-Unis (tout comme l’UE) ont gelé les avoirs des riches Russes (et pas seulement de l’État russe). Une telle expropriation de grands investisseurs n’avait auparavant été vue que dans des États socialistes. Depuis, les titres américains ne sont plus un refuge sûr pour les magnats de la finance — cela prive le moteur perpétuel de l’enrichissement américain de sa base.

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Dans COMPACT magazine, n°12/2024, j’avais déjà abordé ce sujet. Mon article de l’époque se terminait par une réflexion sur les alternatives qui s'offraient à Trump :

"Le chemin hors du piège de la dette mène Trump dans une impasse: il doit soit restaurer la crédibilité militaire des États-Unis (et donc la couverture hors-économique du dollar) après le fiasco en Afghanistan, ce qui pourrait — contre sa volonté — le conduire à des aventures: si ce n’est contre la Russie, alors contre l’Iran ou la Chine. Ou il tente de rallier à nouveau les milliardaires étrangers en s’orientant vers les prétendus "États voyous" du groupe BRICS, en mettant fin au gel illégal des avoirs russes, et en essayant un genre de "Grand Deal" avec Moscou et Pékin. Mais alors, il se retrouve face à Wall Street, à la City de Londres et à Blackrock".

De nos jours, il est évident que Trump a choisi la seconde option, celle de la guerre.

***

Pour en savoir plus sur la crise économique mondiale et l’impératif économique, lisez cette édition spéciale de COMPACT:  https://www.compact-shop.de/shop/compact-spezial/welt-wir... 

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Fanatiques et fin du monde

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Fanatiques et fin du monde

Par Federico Bischoff

Source: https://www.compact-online.de/fanatiker-und-weltuntergang...

Les fondamentalistes religieux du judaïsme, du christianisme et de l’islam rêvent de la dernière bataille, où le diable sera vaincu. Après quoi, le royaume de Dieu s’installera. Pour en savoir plus sur les prophéties religieuses de la fin du monde et leurs effets sur l’histoire mondiale, lisez le bestseller d’Oliver Janich, « Le secret dévoilé ». Très pertinent ! En savoir plus ici: https://www.compact-shop.de/shop/neu/oliver-janich-das-of....

Les gens ordinaires craignent bel et bien qu’une guerre mondiale éclate. Bertolt Brecht écrivait — comme pour lancer un avertissement aux Allemands : « La grande Carthage a mené trois guerres. Elle était encore puissante après la première, encore habitable après la deuxième. On ne pouvait plus la retrouver après la troisième. »

Les fanatiques voient cela plus froidement. Mao se moqua de la crainte des Soviétiques d’un conflit nucléaire mondial et de la politique de détente de Moscou, en argumentant que la Première Guerre mondiale avait libéré un sixième de la Terre du capitalisme, et qu’après la Seconde, d’autres pays étaient devenus socialistes — alors pourquoi craindre la Troisième ?

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Pour les apocalypse juifs, la situation est similaire. Au milieu des batailles de 1914-1918, l’Empire britannique donna, pour affaiblir l’ennemi ottoman, le décisif coup de pouce à la colonisation sioniste de la Palestine avec la Déclaration Balfour. Et après 1945, la création de l’État d’Israël ne pouvait plus être empêchée. Alors, qu’est-ce qui s’oppose à une nouvelle guerre mondiale ? — demandent les cyniques.

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Martin Buber résuma la pensée des factions apocalyptiques du judaïsme dans son roman « Gog et Magog » :

« Le monde des nations est en agitation, et nous ne pouvons pas vouloir qu’il s’arrête, car c’est seulement lorsque le monde se met en travail qu’adviennent les douleurs du Messie. La délivrance n’est pas un cadeau fini de Dieu, déposé du ciel sur la terre. Dans de grandes douleurs, le corps du monde doit accoucher, il doit toucher le seuil de la mort avant de pouvoir naître. »

Et encore : « Nous devons œuvrer pour que cette lutte s’intensifie jusqu’aux douleurs du Messie. Les nuages de fumée autour de la montagne du monde sont encore petits et éphémères. De plus grands, plus persistants, viendront. Nous devons attendre le moment où le signe nous sera donné… Il ne nous est pas ordonné de l’éteindre, mais de l’enflammer. »

L’outil de Dieu

La dernière phrase est décisive. Le vrai pieux, selon la théorie, n’attend pas la venue du royaume de Dieu, mais agit activement en provoquant l'Armageddon. Celui qui souhaite la venue du Messie sait très bien que la dernière bataille de l’humanité doit la précéder. Dans toutes les religions monothéistes, elle se déroule en Terre Sainte.

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Fatalement, l’alliance formée entre des juifs fondamentalistes et des évangéliques partageant les mêmes idées s'avère particulièrement dangereuse. En réalité, l'ancien Testament et les enseignements du Nouveau Testament présentent de grandes différences: Yahvé est un Dieu colérique et punisseur, qui extermina les ennemis d’Israël, et qui contraint les pécheurs de ses fidèles à l’obéissance par le feu et l’épée (voir Sodome et Gomorrhe). Jésus, lui, prêche le pardon et l’amour des ennemis, et il sauve non seulement les Israélites, mais toute l’humanité.

Mais il existe un pont théologique enjambant cette fracture, c’est la fameuse Révélation de Jean dans le Nouveau Testament, qui correspond à la description de l’Armageddon dans l’Ancien Testament par le prophète Ézéchiel. Il y est question du jugement contre « Gog de Magog », un souverain du Nord (ce qui peut s’interpréter comme Babylone/Bagdad, l’Iran ou aussi la Russie d’aujourd’hui).

Ézéchiel : « Oui, tu viendras de ton lieu, du plus extrême Nord, toi et beaucoup de peuples avec toi, qui monteront tous sur des chevaux, une multitude grande et un peuple puissant. Tu monteras contre mon peuple Israël, comme une nuée obscure qui couvre le pays. »

Gog et ses armées seront totalement détruits :

« Et je jugerai contre lui lui envoyant pestilence et sang ; je ferai pleuvoir des pluies diluviennes, des grêlons, du feu et du soufre sur lui et sur ses hordes de guerre, sur beaucoup de peuples qui sont avec lui. »

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Dans l’Apocalypse de Jean, une bataille similaire est décrite. Cependant, Gog n’apparaît pas, et les ennemis sont Satan, « la bête », « le faux prophète » et « la prostituée Babylone ». À Jérusalem, 144.000 pieux seront rachetés. Les sept sceaux, sept trompettes et sept coupes de la colère répandent mort et terreur, peut-être avec des armes de destruction massive. À la fin, tous les incroyants seront jetés « dans une mer de feu et   de soufre brûlant ». Ensuite, Christ revient sur terre et établit son royaume millénaire.

Chez les juifs fondamentalistes, qui nient Jésus en tant que Sauveur, la venue du Messie est liée à la restauration du mythique temple du roi Salomon. La communauté Chabad Loubavitch est convaincue que cela doit se produire sur le site de l’ancien temple, c’est-à-dire le Mont du Temple à Jérusalem. Mais cela nécessiterait d’abord de démolir un bâtiment important: la mosquée al-Aqsa, vieille de 1300 ans. Enfin, il serait impensable de construire le troisième temple tant qu’un sanctuaire musulman s’y trouve.

Déjà en 1948, le grand-rabbin de l’époque déclarait :

« Tel Aviv ne sera pas la capitale, mais Jérusalem, car c’est là que se trouvait le temple de Salomon, et toute la jeunesse juive est prête à sacrifier sa vie pour conquérir le site de leur temple sacré. » Il est difficile d’imaginer que les musulmans renoncent à leur troisième lieu saint, après La Mecque et Médine, sans être chassés militairement de Palestine.

L’alliance apocalyptique

Les États-Unis, sous la direction des francs-maçons mais avec une majorité évangéliste, sont le creuset où se mêlent ultrareligieux évangélistes et juifs apocalyptiques. Ces fameux puritains (du latin purus = pur) ont émigré de Grande-Bretagne, après les guerres de religion entre anglicans et catholiques aux 15ème et 16ème siècle, quand une certaine tolérance s’était installée, où on les considérait, dès lors, comme dangereux à cause de leurs idées. Dans les colonies américaines, les fervents de l’Ancien Testament dominaient. Il y aurait eu plus de sorcières brûlées là-bas que sous les injonctions de l’Inquisition catholique.

Une coalition lâche entre la majorité blanche protestante (WASP) et les Juifs s’est formée dès avant la Première Guerre mondiale, car les banquiers juifs représentaient la base financière de la future grande puissance, mais cette alliance resta fragile à cause de l’antisémitisme des vieux puritains anglais.

Ce n’est qu’avec la création, au début des années 1970, du mouvement des néoconservateurs qu’une symbiose stable s’est formée, basée sur une solidarité sans compromis avec Israël et sur l'ambition américaine d'exercer une hégémonie sur le monde entier ; toute politique de détente, au Moyen-Orient comme vis-à-vis de l’URSS, a été rejetée. Les néoconservateurs atteignirent leur apogée sous ce président religieux que fut George W. Bush (2001-2009), notamment après le 11 septembre.

Les principaux centres de décision — notamment au Pentagone — furent occupés par des tenants de l'idéologie neocon. Des groupes de travail communs entre le Likoud israélien et les républicains américains (par exemple par le truchement du think tank « Project for the New American Century ») ont sans cesse préparé les guerres qui furent menées contre les États islamiques, notamment en falsifiant des preuves quant aux armes de destruction massive qu'aurait possédées Saddam Hussein, alors qu'elles n’ont jamais existé. Une attaque contre l’Iran, prévue dès 2008/2009, a été évitée de justesse suite à l'intervention de l’état-major américain.

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La bataille finale dans l’islam

La figure salvatrice du Mahdi apparaît chez les musulmans après la mort de Mahomet, lorsque les califes ont éliminé le successeur désigné du prophète, Ali. Les partisans de ce dernier, les chiites, voient, depuis, Ali comme le souverain attendu, celui qui doit rétablir la vraie foi. À la fin des temps, il unira tous les musulmans et participera à la bataille décisive contre Dajjâl (le mal ultime, comparable à l’Antéchrist).

L’historien nord-africain islamisé Ibn Khaldoun décrit comme suit, au 14ème siècle, le déroulement de cette bataille finale:

« Ensuite, Jésus descendra et tuera Dajjâl. Ou Jésus descendra avec lui, aidera à tuer Dajjâl et priera derrière lui. » La description montre que, même s’il n’est pas vu comme le Messie, dans l’islam, Jésus joue un rôle positif et important, comme prophète et aussi dans les événements de la fin des temps.

Ce personnage a inspiré les sanglants soulèvements mahdi contre la domination coloniale britannique au Soudan à la fin du 19ème siècle. En Iran, le Mahdi est considéré depuis la Révolution islamique de 1979 comme le véritable chef de l’État. Sa résurrection n’est prophétisée qu’après des bouleversements et des guerres majeurs, ce qui alarme l’Occident, craignant que les mollahs ne provoquent une telle évolution.

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Au cours des trente dernières années, l’Iran a adopté une politique extérieure défensive. Des milices chiites comme le Hezbollah ont participé, avec le soutien de Téhéran, à la lutte contre al-Qaida et l’État islamique, et ont défendu aussi, dans la guerre civile syrienne et au Liban, des villages chrétiens. La relation avec le Hamas sunnite, jusqu’à l’escalade récente, était froide.

 

Le ministre italien de la défense secoue l’OTAN: «L’alliance n’a plus de légitimité»

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Le ministre italien de la défense secoue l’OTAN: «L’alliance n’a plus de légitimité»

Rome. La structure qui régente le partenariat militaire occidental grince de toutes parts. Après que le président slovaque Fico a récemment évoqué une sortie de son pays, c’est maintenant un autre coup dur qui vient de Rome: dans un discours fondamental et remarquable, le ministre de la Défense italien Guido Crosetto, peu avant le sommet de l’OTAN, a remis en question la légitimité de l’alliance occidentale. « L’OTAN n’a plus de légitimité », a déclaré le ministre lors d’une intervention à Padoue, ajoutant que les temps avaient changé : « Les États-Unis et l’UE ne sont plus le centre du monde. »

Crosetto, qui est membre du parti de droite Fratelli d’Italia et est considéré comme un proche conseiller de Giorgia Meloni, appelle à une réorientation fondamentale de l’alliance: pour continuer à garantir paix et défense mutuelle, il faut coopérer avec le Sud global.

Les propos interviennent à un moment critique — l’Italie, depuis 1949, l’un des douze membres fondateurs de la Charte de l’Atlantique Nord, est l’un des piliers historiques du pacte. Juste avant la réunion des 32 États membres à La Haye, où Donald Trump, président des États-Unis, est aussi attendu, un membre clé de l’OTAN remet en question les bases mêmes de l’alliance.

Crosetto a également été plus loin lors de son discours à l’université de Padoue, exprimant des critiques acerbes sur le rôle de l’UE : « Nous parlons souvent comme si nous vivions encore il y a 30 ans. Mais tout a changé. » Il a poursuivi avec une critique mordante : « Nous parlons de l’Europe comme si elle comptait encore. Peut-être aurait-elle pu compter un jour, si elle avait joué un rôle politique qu’elle n’a justement pas joué. Si elle avait eu une politique étrangère ou une défense originale. Mais, comme ce ne fut pas le cas, son temps est révolu. »

Ce pas en avant est particulièrement remarquable compte tenu de l’évolution politique de la Première ministre Meloni. Elle doit son succès électoral en 2022 à une critique acerbe contre l’UE, mais s’est depuis révélée une partenaire fiable dans la politique ukrainienne de Bruxelles. En tant que présidente des Fratelli d’Italia, elle dirige une coalition de trois partis de droite et conservateurs, ce qui donne un poids supplémentaire aux déclarations de Crosetto. Reste à voir si ses critiques ne sont que de la rhétorique ou si elles annoncent réellement un virage en politique étrangère de l’Italie (mü).

Source: Zu erst, juin 2025.

Comme l’Oncle Sam en Hexagone

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Comme l’Oncle Sam en Hexagone

par Georges Feltin-Tracol

On doit à Yannick Sauveur une excellente biographie de son ami Jean Thiriart parue en 2016 chez Pardès dans la collection « Qui suis-je ? ». Ce proche du fondateur de Jeune Europe a cependant commencé son militantisme aux débuts des années 1970 dans les rangs solidaristes. Il vient de publier une enquête très étayée et un réquisitoire solide sur un mal qui ravage la France.

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L’américanisation de la société française. Acculturation et perte d’identité (L’Æncre, coll. « Nouveaux enjeux du XXIe siècle », 2025, 310 p., 35 €) met en lumière une tendance inquiétante qui atteint tout l’Hexagone. Les Français se rêvent de plus en plus en Texans de la Seine, en Californiens du Rhin, en Floridiens de la Garonne, en New-Yorkais de la Loire et en Chicagoans du Rhône. Ce phénomène, particulièrement prégnant, est fort ancien. Il se manifeste à travers divers canaux de propagation dont ceux de la culture dite populaire : le cinématographe, la variété musicale, le roman et la bande dessinée.

Yannick Sauveur rappelle l’intervention primordiale de la CIA en matière culturelle afin de mieux façonner les « élites » d’Europe occidentale. Ainsi la construction européenne s’opère-t-elle dès le départ sous la tutelle implicite – mais réelle – des États-Unis d’Amérique ! Sous le prétexte facile de contrer la menace communiste soviétique, écrivains, journalistes et essayistes de renom s’engagent volontiers dans la promotion de l’atlantisme, de l’occidentalisme et du mondialisme sans toujours en connaître les aboutissements !

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Déjà dénoncée en son temps par Régis Debray dans Civilisation. Comment nous sommes devenus américains (2017) et L’Édit de Caracalla. Ou plaidoyer pour les États-Unis d’Occident (2002), l’américanisation ne se limite pas au haut de la société; elle se diffuse partout, y compris et surtout dans les zones rurales où prolifèrent festivals, clubs et fêtes locales de country music chaque fin de semaine. La langue de Molière est sérieusement touchée par cette mode détestable. Par la faute du Conseil constitutionnel présidé par le délétère Robert Badinter, la loi Toubon de 1994 ne s’applique pas (ou si peu). On ne traduit plus les titres des films ! Une flopée d’anglicismes (« expérimentation », « létal » ou « dispatcher ») métastase le français courant. Maintes enseignes – et pas seulement les salons de coiffure ! – emploient des termes angloïdes, c’est-à-dire un sabir bâtard qui n’est finalement qu’un globish lamentable. Le grand remplacement n’est pas démographique; il est aussi linguistique.

L’Union dite européenne est en pointe dans cette invasion insidieuse. Malgré le Brexit, l’unique langue (officieuse) de travail de la Commission et du fumeux Parlement demeure l’anglais par la faute des responsables français qui, à partir de 1974, ont renoncé à soutenir leur propre langue. Mais est-ce si surprenant quand Yannick Sauveur rapporte que cette politogenèse soi-disant européenne est de confection étatsunienne et que de nombreux politiciens et politiciennes hexagonaux en tant que Young Leaders de la French American Foundation servent de relais majeurs d’influence étrangère ? Par ailleurs, l’entité terroriste planétaire appelée OTAN renforce l’intégration des États d’Europe dans une matrice occidentale cosmopolite.

On connaît bien maintenant les connexions entre les cénacles mondialistes et les instances de l’État profond US. Certes, il n’y a jamais une identité complète de vue, de projet et d’ambition entre eux. Toutefois, il importe de prendre en compte qu’en-dehors du courant isolationniste qui récuse souvent l’Ancien Monde s’affrontent une tendance hégémoniste pour qui les États-Unis doivent assumer seuls la direction politique du monde, quitte à s’emparer de nouvelles terres, et une faction globaliste chez qui l’expansion du modèle étatsunien doit susciter l’arasement total des cultures, des peuples et des nations. Pour ce dernier groupe, l’occidentalisation, l’américanisation et la mondialisation ne sont pas les étapes successives d’un seul et même procédé, mais les manifestations parfois simultanées d’une procédure d’homogénéisation de très longue durée.

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Tel un déluge ou un raz-de-marée gigantesque, l’américanisation se retrouve partout, des arts dont l’art contemporain en est le fer de lance à la gastronomie. À la pause – déjeuner de Midi, le burger remplace le sandwich ! Quant aux divertissements, Disneyland – Paris attire un public venu de toute l’Europe pour déverser sur lui un récit détourné et dévoyé des mythes ancestraux européens. L’Oncle Sam pille sans retenue nos ressources, nos talents et notre imaginaire. Résultat, « l’aliénation culturelle, écrit Yannick Sauveur, va d’abord imprégner des enfants qui, dès le plus jeune âge, vont être conditionnés par l’american way of life. Ce n’est pas être excessif de dire que Disneyland symbolise à souhait l’impérialisme américain et l’américanisation culturelle et, circonstance aggravante, avec la complicité des dirigeants de notre pays ».

Les Français portent eux aussi une grand part de responsabilité dans cette « McDonaldisation » qui « est aussi, à travers le succès de toutes ces chaînes commerciales d’origine américaine, prévient encore Yannick Sauveur, le spectacle peu réjouissant de la standardisation poussée à l’extrême et aussi avec pour conséquence la mort des centres villes et le déclin voire la disparition des petits commerces ». Le corollaire de ce triste constat correspond à l’essor d’un hyper-individualisme perceptible à l’hypertrophie de la place de l’automobile, élément central dans la surconsommation. Il serait peut-être temps que l’opinion avisée délaisse cet engouement pernicieux et s’intéresse à cette discipline novatrice lancée dès 1991 par Thomas Molnar : l’américanologie.

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 163, mis en ligne le 2 juillet 2025 sur Radio Méridien Zéro.

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jeudi, 03 juillet 2025

Le kabuki du cessez-le-feu

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Le kabuki du cessez-le-feu

par Pepe Escobar

Au final, comme on pouvait s'y attendre, le directeur du cirque a fait TACO (« Trump Always Chickens Out », Trump se défile toujours).

Il était terrifié par trois développements cruciaux basés sur les faits réels.

  1. 1. Le message iranien sur les préparatifs à la fermeture du détroit d'Ormuz. La CIA avait averti Trump que la Chine était viscéralement opposée au blocus du détroit. Selon un vétéran du Deep State, c'est l'une des raisons pour lesquelles Trump a décidé de poursuivre malgré tout son opération théâtrale « spectaculaire » (sic) à Fordow. Mais lorsque le spectre d'un détroits d'Ormuz bloqué, détruisant l'économie mondiale est devenu réel, il a fait TACO.
  2. 2. L'avertissement iranien a été transmis par le bombardement de la base d'Al-Udeid au Qatar, le joyau militaire de l'hégémon en Asie occidentale. Même des sources atlantistes à Doha confirment que les dégâts causés à la base – évacuée – ont été « monumentaux », avec au moins trois missiles ayant atteint leurs cibles. Téhéran disait sans équivoque : « Nous pouvons vous frapper partout, à tout moment, avec tout ce que nous voulons. Et vos laquais du CCG vous en tiendront responsables. »
  3. 3. La raison principale est probablement que les génocidaires de Tel-Aviv épuisent rapidement leurs missiles intercepteurs ; en effet, tout leur réseau de défense aérienne, déjà perméable, est en difficulté. Lors du dernier tir de missiles iranien important sur la Palestine occupée lundi matin, le taux d'interception est tombé en dessous de 50% et l'Iran a commencé à viser le réseau électrique israélien. La nouvelle directive de l'Iran – offensive stratégique continue, pas de patience temporisatrice – visait à paralyser complètement l'économie israélienne. De plus, les génocidaires avaient déjà supplié Téhéran de « mettre fin à la guerre ». Téhéran a répondu que le moment n'était pas encore venu. Les génocidaires ont donc supplié papa Trump de les sauver.

La chaîne d'événements qui a conduit au cessez-le-feu reste obscure. Un facteur clé qui a accéléré les événements a été la rencontre personnelle de Poutine avec le ministre iranien des Affaires étrangères Araghchi au Kremlin.

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S'exprimant au nom de l'ayatollah Khamenei, Araghchi aurait demandé une livraison importante d'armes et surtout de systèmes de défense ; mais cela prendra du temps, d'autant plus que le partenariat stratégique récemment approuvé par la Douma et le Majlis à Téhéran n'est pas – officiellement – une alliance militaire.

Toutefois, selon des sources moscovites bien informées sur la rencontre, Poutine a placé la Russie au centre d'une possible résolution, évinçant ainsi Washington. L'équipe Trump 2.0 était furieuse. Trump s'est vanté que l'Iran et Israël l'avaient appelé presque simultanément pour convenir d'un cessez-le-feu. Balivernes: seul Tel-Aviv l'a fait. Poutine a une fois de plus clairement indiqué que la Russie soutiendrait l'Iran, offrant indirectement une issue à Trump.

Fidèle à son caractère, le directeur du cirque a sauté sur l'occasion pour annoncer son propre cessez-le-feu, à la manière d'une émission de téléréalité. Et cela seulement deux jours après s'être réjoui que le programme nucléaire iranien ait été « anéanti » (il insiste sur ce point même si les services secrets américains admettent que le programme pourrait avoir pris quelques mois de retard).

Un tabou suprême a été brisé

L'Iran a appris quelques leçons importantes de la manière la plus dure, en payant un prix terrible. Téhéran s'est montré trop transparent et raisonnable dans ses relations avec un groupe de gangsters : depuis l'autorisation de la surveillance nucléaire de l'AIEA, qui s'est avérée être un processus d'accumulation d'informations précieuses pour les objectifs israéliens, jusqu'à la croyance en la diplomatie et le respect d'accords qui ont été brutalement abandonnés.

Il n'y a pas de diplomatie lorsqu'il s'agit de traiter avec le Léviathan/Behemoth impérial, surtout lorsque celui-ci envisage avec horreur la réduction de son empreinte dans tout le Sud du monde.

Sur le plan intérieur, cependant, l'Iran passe à la vitesse supérieure. Il existe au moins trois factions opposées : l'ayatollah Khamenei et son cercle restreint, plus l'IRGC ; les réformateurs, incarnés par la présidence modérée de Pezeshkian ; et ceux que l'on pourrait appeler les nationalistes laïques, qui veulent un Iran fort mais pas une théocratie.

L'IRGC détient désormais tout le pouvoir. La défense de la patrie contre l'axe sioniste mortel, y compris l'hégémon, a cristallisé un sentiment généralisé d'unité nationale et de fierté. Tous les secteurs de la population iranienne – 90 millions d'âmes, que quelqu'un le dise au pathétique Marco Rubio – se sont ralliés sous le drapeau.

Conceptuellement, le cessez-le-feu – personne ne sait combien de temps il durera – est défavorable à l'Iran, car sa capacité de dissuasion croissante est désormais perdue. Israël va fébrilement renforcer ses défenses aériennes, tandis que l'Iran, seul, aura besoin de mois, voire d'années, pour se reconstruire.

Le modus operandi impérial reste le même. Le directeur du cirque a vu qu'une humiliation monstrueuse se profilait, quelque chose qui ressemblait au Vietnam d'Israël: il a donc annoncé un cessez-le-feu unilatéral puis s'est enfui.

Cependant, la configuration des prochaines batailles a changé. Si Washington décide d'intensifier à nouveau les hostilités ou de recourir à la pratique éprouvée de l'utilisation de proxys terroristes, l'Iran, en tant que leader de facto de la Résistance, ripostera avec détermination. Le mythe de l'invincibilité génocidaire a été brisé à jamais. Tout le Sud du monde l'a vu et prend désormais cet état de fait au sérieux.

Une discussion sérieuse reste ouverte sur la question de savoir si Téhéran optera finalement pour suivre le modèle nord-coréen afin de contrer l'imposition, jusqu'ici infructueuse, du modèle libyen et/ou syrien. L'enrichissement de l'uranium se poursuivra. Avec un rebondissement supplémentaire digne d'un film noir: personne ne sait où se trouve l'uranium.

L'Empire du Chaos, comme on pouvait s'y attendre, ne s'arrêtera jamais. Seule l'union du Sud du monde, animée d'une volonté de fer, pourra le contraindre à s'arrêter. Les conditions ne sont pas encore réunies.

Dans l'état actuel des choses, le véritable cessez-le-feu serait entre les États-Unis et le Sud du monde, guidé institutionnellement par la Russie, la Chine, les BRICS et diverses autres organisations multipolaires. Les chances que les classes dirigeantes américaines respectent un cessez-le-feu aussi durable, s'il devait jamais avoir lieu, sont inférieures à zéro.

Quant au cessez-le-feu entre l'Iran et Israël, ce n'est pas la fin de la guerre. Au contraire, c'est la fin – incertaine – de la première bataille chaude. Les chiens et les hyènes de la guerre reviendront, tôt ou tard. Il y aura encore et encore du sang. Cependant, au moins un tabou suprême a été brisé: l'entité qui pratique le culte de la mort en Asie occidentale peut vraiment être mortellement blessée.

 

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dimanche, 29 juin 2025

Sommet de l’OTAN 2025 : un blazer, des images et des messages

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Sommet de l’OTAN 2025 : un blazer, des images et des messages

Elena Fritz

Bron: https://pi-news.net/2025/06/nato-gipfel-2025-blazer-bilde...

Trump impressionné: pour la première fois, le président ukrainien Zelenskyj n’est pas apparu lors du sommet de l’OTAN à La Haye en pull vert olive, mais avec un veston sombre.

Vu de l’extérieur, c’était un sommet de l’OTAN comme beaucoup d’autres: beaucoup de caméras, beaucoup de promesses, beaucoup de rhétorique. Mais en regardant de près, on a pu remarqué: le décor est resté le même, mais la pièce a changé. Et un veston est devenue la star silencieuse de tout l'événement.

Dans quelques années, en repensant au sommet de l’OTAN 2025 à La Haye, on se souviendra peut-être moins des conférences de presse ou des déclarations finales — mais surtout du veston. Plus précisément: du veston de Volodymyr Zelensky. Pour la première fois, le président ukrainien n’est pas apparu en pull vert militaire, mais en tenue civile. Une rupture avec son rôle public antérieur — et peut-être un symbole involontaire de la dynamique modifiée au sein de l’alliance. Car même si personne ne voulait le dire tout haut: les coordonnées bougent. Pas de manière dramatique. Mais de façon perceptible.

Un sommet tissé de sous-entendus

Officiellement, tous ont souligné la détermination de l’OTAN à soutenir l’Ukraine. Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a loué l’unité de l’alliance, le soutien militaire, la ligne commune. On aidera Kiev à « tenir jusqu’à ce qu’une paix viable soit atteinte », a-t-on dit. Cela sonne bien. Mais que dit-il vraiment ?

D’une part: que la paix semble lointaine. D’autre part: que « tenir » militairement n’est pas une stratégie, mais un simple état de choses. Rutte a insisté sur le fait que les États-Unis continuent d’aider Kiev — par des renseignements, des systèmes de défense aérienne, un soutien logistique. Mais en même temps, ses mots contenaient un appel discret aux Européens: ces derniers devaient prendre plus de responsabilité, donner plus d’argent, fournir plus d’efforts propres. D’ici 2035, les dépenses de défense des États membres doivent augmenter pour atteindre cinq pour cent du PIB, la production d’armement doit être accrue, le personnel doit être renforcé, les stocks de munitions remplis — un programme d’investissement gigantesque sans débat de société, le tout justifié par le récit de la menace.

Trump n’est pas le problème — il est la nouvelle norme

Ce qui a surtout marqué, c’est la façon dont l’Europe s’est désormais adaptée en silence à Donald Trump. Pas d’irritations ouvertement étalées, pas de querelles transatlantiques. Au contraire: reconnaissance, retenue, adaptation.

Macron a ouvertement déclaré que l’Europe doit reprendre le dialogue avec la Russie — sur le contrôle des armements, la confiance réciproque, la coexistence. Merz a indiqué que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est « impossible » tant que Trump est en fonction — peut-être plus tard, mais pas maintenant.

Ce ne sont pas des déclarations spectaculaires, mais elles indiquent un ton nouveau. Comme si la réalité, l’incertitude, le malaise étaient désormais acceptés. De la défiance transatlantique, on est passé à une adaptation prudente.

L’Ukraine: visible, mais stratégiquement isolée

Pour l’Ukraine, cela signifie une constatation amère. Même si elle continue de recevoir des déclarations de loyauté publiques, la voie vers l’OTAN est pratiquement gelée. Pas de date, pas de plan, pas d’engagements concrets.

Et ainsi, le veston de Zelensky est devenu une métaphore: il témoigne de la tentative de rester en lien, avec une scène politique qui poursuit déjà ses propres scripts. La rhétorique du « combat jusqu’à la victoire » paraît de plus en plus dépassée. L’Ukraine n’est plus le centre du récit occidental — elle est une variable dans une équation plus grande.

Conclusion: la façade tient encore — mais des travaux sont en cours derrière elle

Le sommet de l’OTAN 2025 a marqué un tournant. Non pas par ce qui a été dit, mais par ce qui n’a plus besoin d’être dit. L’Europe commence à se libérer prudemment de la tutelle américaine — non par conviction, mais parce qu’il n’y a guère d’alternatives. Les États-Unis restent présents, mais ne dominent plus.

L’Ukraine reste un sujet, mais n'est plus le centre des préoccupations. Et le veston ? Il reste — comme symbole d’un sommet qui en disait long sur l’état de l’Occident, sans le dire tout haut.

« Les États-Unis ont attaqué non seulement l’Iran, mais aussi la multipolarité… »

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« Les États-Unis ont attaqué non seulement l’Iran, mais aussi la multipolarité… »

Onur Sinan Güzaltan 

Les États-Unis ont rejoint les attaques d’Israël contre l’Iran, et la guerre s’est intensifiée.

Les États-Unis ont ciblé les installations nucléaires en Iran. Quel est votre avis sur cette question ?

Les États-Unis ont attaqué l’Iran en ignorant le droit et les normes internationales. Cette attaque aura de nombreuses conséquences négatives.

L’Iran, qui est la cible des attaques, y répondra bien sûr de différentes manières. La plus évidente de ces réponses sera de continuer à frapper Israël, la plus grande base américaine dans la région. En dehors de cela, il est possible que les alliés de l’Iran dans la région, notamment les Houthis au Yémen et le Hezbollah au Liban, soient impliqués dans cette guerre qui ne cesse de s'accroître. Il y a de nombreuses bases, centres et soldats américains dans la région… Il est très probable qu’ils soient ciblés dans la période à venir. De plus, l’Iran pourrait prendre des mesures visant à perturber la chaîne économique mondiale via le détroit d’Hormuz et la mer Rouge.

Dans tous les cas, les États-Unis et Israël paieront un prix lourd.

D’un autre côté, en termes de politiques américaines, les discours MAGA, ou « America First » (l’Amérique d’abord), représentés par Trump, sont complètement tombés en désuétude. Les États-Unis sont de nature agressive et l’ont montré une fois de plus au monde avec l’attaque contre l’Iran.

Une autre leçon à tirer de l’attaque américaine contre l’Iran est que les négociations avec l’impérialisme n’ont aucune suite. La Russie a été visée durement à chaque fois qu’elle s’est assise à la table de négociation pour régler la question de l’Ukraine. Assad s’est assis à la table avec l’Occident en 2010, et la guerre civile a immédiatement éclaté dans son pays. Kadhafi a été renversé de façon similaire…

Et l’Iran a été ciblé alors qu’il négociait avec les États-Unis…

Ces exemples montrent que l’impérialisme ne comprend que la force, pas la négociation.

Comment le rôle des États-Unis dans la guerre changerait-il le cours de la guerre ?

Eh bien, les États-Unis sont manifestement un pays puissant. Ils disposent d’une supériorité technologique, d’armes avancées et de capacités de renseignement.

Mais l’Iran est aussi un pays puissant et aura des réponses à donner aux États-Unis.

L’étendue dans laquelle les États-Unis peuvent prendre des risques dans la période à venir sera décisive. Si l’Iran répond, quelle sera la position des États-Unis ? Oseront-ils, par exemple, lancer une opération terrestre ? Je ne pense pas… Les États-Unis ont fait un choix difficile, et je doute qu’ils voient clairement quel chemin suivre.

D’un autre côté, l’attitude de la Russie et de la Chine sera importante.

En frappant les installations nucléaires iraniennes, les États-Unis ont tenté d’envoyer un message non seulement à l’Iran, mais au monde entier; ils ont voulu dire: « Je suis toujours le maître du monde. »

La Russie et la Chine accepteront-elles ce message ?

Il vaut la peine de souligner que l’attaque américaine ne concerne pas seulement l’Iran, mais aussi la multipolarité.

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Comment évaluez-vous la situation d’Israël dans la guerre ?

La situation actuelle montre clairement que le système de défense aérienne et le Dôme de fer d’Israël ont échoué face aux frappes de missiles de l’Iran.

Les rapports indiquent qu’Israël ne peut tenir que 10 ou 12 jours de plus dans une telle guerre. C’est précisément la réalité qui se profile derrière l’implication des États-Unis. Trump s’est impliqué dans cette guerre pour sauver Israël, qui s’effondrait et perdait la guerre.

Quant aux déclarations provenant d’Iran, à la fin, le peuple iranien et l’État iranien défendent leur propre terre. C’est une défense territoriale. Et jusqu’à présent, ils ont réussi. Ils ont pu répondre à chaque mouvement israélien par une contre-attaque équivalente.

Il y a eu des discussions sur la supériorité technologique d’Israël et de ses alliés. Mais l’utilisation des missiles Fattah par l’Iran dans ses frappes de représailles a suscité de nouveaux débats à ce sujet. Quel est votre point de vue ?

La réalité sur le terrain nous montre ceci: tout d’abord, l’Iran lutte contre les sanctions occidentales depuis plus de 45 ans. Il a donc développé une économie indépendante.

Deuxièmement, nous voyons maintenant clairement que ces mêmes sanctions ont poussé l’Iran à développer sa propre industrie nationale de défense. Et avec les armes qu’ils produisent, ils peuvent résister contre les États-Unis et Israël.

Troisièmement, l’Iran possède un territoire vaste, ce qui lui donne plus de mobilité, plus de marge pour se retirer et se regrouper. Et si l’on compare les populations, celle de l’Iran est bien plus grande que celle d’Israël. Nous parlons ici d’un peuple avec une histoire plurimillénaire dans la région.

Israël, en revanche, est coincé dans une mince bande de terre. Il a une population fragmentée et un État relativement jeune. Militairement et économiquement, il dépend fortement du soutien financier et militaire des États-Unis et de l’Occident.

Donc, s'il n'y avait eu que l’Iran et Israël, sans implication d’un tiers, cette guerre se serait déjà terminée par la défaite d’Israël.

Des affirmations comme « Le régime iranien s’effondrera en trois jours » ou « L’État va se désagréger » sont creuses. L’Iran résiste depuis des décennies économiquement, socialement et militairement contre l’Occident. Et dans sa lutte contre l’Occident et ses proxies, comme Israël, l’Iran a montré qu’il est très résilient et efficace. C’est ce que nous voyons aujourd’hui.

Ce que nous vivons actuellement prouve que les pays qui comptent sur leurs propres ressources morales et matérielles peuvent rester forts. En résumé: moins vous dépendez de puissances extérieures, plus vos chances sont grandes de résister à l’agression occidentale-israélienne.

Quelle devrait être la position de la Turquie et des pays de la région face à la guerre Iran-Israël après l’intervention américaine ?

Il y a des messages de condamnation du gouvernement turc envers les États-Unis et Israël, mais cette rhétorique n’est pas suffisante.

Des renseignements directs et indirects sont fournis à Israël depuis les bases d’Incirlik et de Kürecik, situées en territoire turc. Ces bases doivent être fermées dès que possible.

En fin de compte, c’est la Turquie, voisine de l’Iran, qui peut devenir la cible, et les conséquences seront graves pour la Turquie.

Tous ceux avec qui je parle dans la région disent la même chose : « Si l’Iran tombe, nous tombons aussi. » Le monde arabe le sait. Et en Turquie, la conscience publique de cette réalité grandit. L’Iran est une puissance clé dans la région. Si les choses tournent contre l’Iran, les conséquences ne toucheront pas seulement les Iraniens, mais toute la région.

C’est pourquoi les pays de la région doivent agir avant qu’il ne soit trop tard.

Xi Jinping n'a pas assisté au sommet du groupe BRICS - Douguine s'exprime sur les principaux défis

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Xi Jinping n'a pas assisté au sommet du groupe BRICS

Douguine s'exprime sur les principaux défis

Alexandre Douguine

Xi Jinping a, pour la première fois, refusé d’assister au sommet du groupe BRICS. Beaucoup essaient déjà d’en faire une sensation, mais personnellement, je ne vois dans cette absence aucune connotation politique particulière. Le groupe BRICS est une organisation très sérieuse mais qui en est encore à ses débuts. Son potentiel n’est pas encore bien compris. Jusqu’à présent, le groupe BRICS ne fait que décrire les contours d’un futur ordre mondial multipolaire, où les différents pôles seront des États-civilisations: la Russie, la Chine, l’Inde, le monde islamique, les pays africains et latino-américains. Tout cela constitue pour l’instant une esquisse préliminaire de la multipolarité.

Il existe toutefois des contradictions entre ces pôles. Le monde islamique connaît une grande incertitude : notamment, les événements tragiques et terribles qui se déroulent actuellement au Moyen-Orient – avec la soi-disant "guerre de 12 jours" entre Israël et l’Iran. En même temps, les relations entre l’Iran et l’Inde, ainsi qu’entre l’Inde et le Pakistan, se sont tendues. Tout cela pose sans aucun doute de nombreux défis à l'émergence de la multipolarité.

C’est pourquoi, à mon avis, c’est une période où il ne peut y avoir de clarté quant au développement stratégique futur du groupe BRICS. Il est très important que de tels sommets aient lieu, que ce bloc multipolaire continue de se réunir. La présence de chefs d’État, je pense, n’est pas toujours nécessaire. Actuellement, il semble qu’il n’y ait pas de décisions mûres et entièrement préparées qui nécessiteraient la présence des chefs d’État. Là où ils seront présents, c’est bien ; là où ils seront représentés par des délégués dûment habilités, c’est tout aussi acceptable.

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Honnêtement, le BRICS n’a, pour l’instant, rien à dire au monde. Ce bloc n’est pas encore suffisamment uni pour proposer des décisions vraiment décisives ou pour adopter des documents communs concernant le Moyen-Orient ou d’autres questions. Je pense donc que ce n’est pas encore le bon moment pour que le groupe BRICS se réunisse au plus haut niveau, surtout avec la présence d’un pays aussi important que la Chine, pour faire réellement des déclarations déterminantes. Ce nouveau sommet sera un événement important, mais il se peut qu’il ne nécessite pas la présence du leader chinois.

C’est pourquoi je ne vois pas de véritable intrigues derrière ce qui se passe. La situation générale est que le groupe BRICS doit être soutenu, développé et renforcé. Mais dans les conditions actuelles, où la volatilité du système mondial est évidente, le groupe BRICS ne peut probablement pas faire de déclarations décisives valables pour le monde entier. Il est difficile d’imaginer des positions communes, par exemple entre la Chine et l’Inde. De plus, cette réunion spécifique du groupe BRICS ne comporte pas de tâches fondamentales. Quand de telles perspectives et horizons s’ouvriront, je pense que la Chine sera présente lors des rencontres du groupe BRICS et ce, au plus haut niveau.

Pour l’instant, je crois que chaque Etat-Civilisation doit préciser davantage ses propres positions et intérêts. La guerre de 12 jours a causé des secousses très graves, auxquelles faut réfléchir. Pour le moment, au niveau de chaque participant au monde multipolaire, il n’y a pas de clarté définitive. Je pense qu'il n'y a pas de clarté même chez nous, en Russie. Cette absence de clarté porte aussi sur les dernières propositions de Trump, qui représentent aussi un grand défi qu’il faut analyser, puis échanger des opinions, y compris au niveau du groupe BRICS.

vendredi, 27 juin 2025

La doctrine du sursaut

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La doctrine du sursaut

Jordi Garriga

Donald Trump est président des États-Unis (pour la deuxième fois) depuis le 20 janvier dernier. Et on dirait qu'il a été élu il y a des années : chaque semaine, il nous offre des nouvelles, des gros titres et des raisons de dire, dans un anglais parfait : « What the fuck ! »

Le dernier en date s'est attribué le mérite d'avoir mis fin à une guerre que nous avons déjà surnommée la « guerre des 12 jours » entre Israël et l'Iran. Il n'a pas eu autant de chance avec la guerre en Ukraine, malgré ses appels (y compris des menaces) à la Russie dans des publications accrocheuses sur les réseaux sociaux. Trump possède un côté théâtral qui, bien que caractéristique de son caractère, s'inscrit parfaitement dans la tradition politique américaine : il est populiste, patriote et conservateur. Mais tout cela est commun à plusieurs familles idéologiques de droite aux États-Unis, qui n'ont que peu ou pas de liens avec l'Europe, malgré des tentatives de copier de manière simiesque le discours yankee (voir en Espagne Isabel Díaz Ayuso ou Irene Montero).

La ​​droite américaine privilégie généralement le libre marché, l'individualisme et les valeurs morales traditionnelles. Au-delà de cela, des divergences apparaissent, notamment l'interventionnisme à l'étranger, visant à imposer par la force leurs normes démocratiques, les États-Unis étant une nation choisie par Dieu pour guider l'humanité. D'autres privilégient l'isolationnisme pour une raison tout aussi valable : la démocratie américaine doit tirer parti de sa situation géographique et ne pas s'associer inutilement à des projets étrangers. Trump, avec son slogan « Make America Great Again » (qui peut prendre le sens que chacun juge approprié selon ses idées), a réussi à gagner en unissant ces familles. Une fois élu président, le réalisme politique règne. Et ce qui règne sur la planète, c'est l'émergence d'un ordre multipolaire, avec des acteurs incontrôlables par le seul exercice de la force, de la culture ou de l'économie : la Chine et l'Asie du Sud-Est, avec l'Iran et l'Inde, sont le nouveau centre du monde. L'Europe n'est plus une référence politique, économique, ni même morale: divisée en vingt gouvernements, traînant une dette éternelle, et transformée en laboratoire d'expérimentations sociales. C'est le mur antirusse, et c'est suffisant.

La doctrine du sursaut est l'offensive américaine actuelle : elle impose des sanctions et des récompenses par le biais de droits de douane ; elle fournit et retire son soutien militaire ; elle régule et déréglemente les migrations ; elle cible et retire les organisations terroristes de ses listes ; elle se lie d'amitié avec certaines nations et se crée des ennemis ; elle veut quitter l'OTAN et imposer davantage de dépenses militaires… Les États-Unis changent parfois d'avis ou de perspective (du moins superficiellement) tout en punissant ou en critiquant toute autre nation qui souhaite faire de même.

Le sursaut pour tout gouvernement est d'avoir le soutien des Yankees et de le perdre le lendemain ; le risque est que chaque groupe politique devienne un jour combattant pour la liberté et terroriste le mois suivant (et vice versa) ; il est tour à tour menacé ou loué, de sorte que la réaction à un mode de fonctionnement apparemment aussi insensé est la paralysie, la peur, l'indécision: le choc de ne savoir que faire ou dire. Ou, pour le dire autrement, le contrôle spirituel de telle nation ou de tel groupe.

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Et quand quelqu'un ne sait plus où il va, ne sait plus ce qu'il doit faire ou comment se gouverner, c'est l'heure du sheriff mondial, qui lui dira comment être un good boy ou, pire encore, un bon patriote. Personne ne lit ni ne se souvient de ce que George Washington a dit :

« La passion excessive d'une nation pour une autre produit une variété de maux. L'affection pour une nation favorite facilite l'illusion d'un intérêt commun imaginaire là où il n'en existe pas réellement, et instille en elle les inimitiés de l'autre et la pousse à entrer dans ses guerres sans justice ni motif. Elle pousse également la nation favorisée à accorder des privilèges refusés aux autres, ce qui est susceptible de nuire à la nation qui fait les concessions de deux manières : en renonçant inutilement à ceux qu'elle devrait conserver et en suscitant la jalousie, la mauvaise volonté et le désir de vengeance chez ceux à qui elle refuse ce privilège. Elle donne également aux citoyens ambitieux, corrompus ou abusés (qui se placent dans la dévotion d'une nation favorite) la facilité de renoncer ou de sacrifier les intérêts de leur pays sans haine et parfois même avec popularité, dorant une condescendance basse ou ridicule d'ambition, de corruption ou d'engouement sous les apparences d'un sentiment vertueux d'obligation, d'un respect louable pour l'opinion publique ou d'un un zèle louable pour le bien général ».

18:51 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, soumission, europe, états-unis, donald trump | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 25 juin 2025

La dernière bataille: Trump et le destin de l'humanité

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La dernière bataille: Trump et le destin de l'humanité

Alexandre Douguine

Tout semble aller mal, très mal. Trump est tombé dans le piège tendu par les globalistes et les néoconservateurs. Il continue de mener « leur guerre » contre la Russie en Ukraine et s’est maintenant engagé dans une autre « guerre qui n’est pas la sienne » au Moyen-Orient, et il n’y a aucune trace « de sa liste Epstein ».

Mais... malgré tout, le président Trump reste la personne la plus haïe et attaquée au monde, notamment par les réseaux globalistes. Il est en difficulté, et le mouvement MAGA est divisé par les guerres qu’il n’a pas initiées, mais qu’il continue de soutenir et d’alimenter: c’est une erreur fatale. Néanmoins, c’est toujours Trump, et il est en difficulté.

Nous devons être stratégiques. Trump reste une chance pour l’humanité d’éviter la catastrophe finale que nous imposent les globalistes. Il vaut mieux le soutenir, en essayant de corriger et d’améliorer ses erreurs, que de l’abandonner complètement.

Il est clair que les États-Unis n’ont pas besoin de guerres suicidaires. Théoriquement, Trump peut les arrêter. Les autres ne le veulent pas et ne le feront pas. Les globalistes sont pure malveillance. Trump se trouve entre le mal et le bien. Son hésitation entre deux pôles métaphysiques est déjà quelque chose de grand en ces temps très sombres. Il faut faire preuve de patience.

L’État sioniste d’Israël est l’ennemi absolu de l’Iran, des chiites, des Arabes et du monde musulman. C’est leur guerre, et nous devons laisser qu’ils la mènent. Deux eschatologies religieuses opposées se battent entre elles pour Jérusalem, Al-Aqsa et la Palestine. Cela n’a rien à voir avec le christianisme.

15:00 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, donald trump, alexandre douguine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'Iran est la clé de l'équilibre multipolaire au Moyen-Orient

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L'Iran est la clé de l'équilibre multipolaire au Moyen-Orient

par Stefano Vernole

Source : Strategic Culture & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-iran-e-la-chiav...

Comme signalé il y a quelques semaines, la D.I.A. américaine avait pris l'Iran pour cible. En résumé, les raisons en étaient les suivantes: l'Iran possède une capacité de représailles directes et pas seulement par procuration via l'Axe de la Résistance au Moyen-Orient ; l'Iran développe d'importantes capacités en matière de missiles et de drones ; l'Iran a des ambitions nucléaires, même s'il est encore loin de pouvoir développer une bombe atomique. Sur ce dernier point, Donald Trump (idole des "altermondialistes malins") a sèchement contredit le chef des services secrets américains, Tulsi Gabbard, en déclarant : « Je me fiche de ce qu'elle a dit. Je pense qu'ils étaient très près d'en avoir une ».

En réalité, dans le rapport de l'agence de renseignement de Washington, ce sont les motivations géopolitiques qui semblaient prévaloir. La coopération de l'Iran avec la Russie, la Chine et la Corée du Nord méritait, du point de vue américain, un durcissement des sanctions économiques, étant donné que la mise en service du corridor ferroviaire entre Téhéran et Pékin permettait de transporter le pétrole en 15 jours au lieu de 40 et de contourner le détroit de Malacca, qui risquait d'être fermé en cas de conflit pour Taïwan.

Ce n'est pas un hasard si les analystes militaires chinois ont immédiatement porté leur attention sur l'agression d'Israël contre l'Iran et en ont tiré des conclusions peu encourageantes: une profonde infiltration des services secrets sionistes dans la chaîne de commandement iranienne suivie de lourdes pertes militaires (celles subies par les Houthis au Yémen ne sont même pas comparables) ; une défense antiaérienne iranienne inefficace ; un manque de vigilance et de préparation dû à une certaine indolence des dirigeants iraniens ; l'échec de la politique de dissuasion iranienne ; crise totale de la tentative de réforme économique lancée par Raisi, puis brisée à la fois par la mort de l'ancien président iranien (difficile aujourd'hui de penser à un accident) et par l'instabilité régionale provoquée par Israël avec la chute d'Assad, l'attaque contre le Liban et le génocide des Palestiniens [1].

Bien sûr, la Chine, la Russie, la Turquie et les pays du golfe Persique, en premier lieu l'Arabie saoudite, ont sévèrement condamné l'attaque militaire israélienne et souhaiteraient sauver le gouvernement de Téhéran du « changement de régime » évoqué par Londres, Washington et Tel-Aviv. La Grande-Bretagne a mis ses bases militaires à la disposition de l'armée de l'air israélienne, transformant ainsi le territoire britannique en une zone de préparation directe pour les opérations contre l'Iran, fournissant à Tel-Aviv non seulement des bases aériennes, mais aussi ses services de renseignement. Elon Musk a activé le système satellitaire Starlink au-dessus de l'Iran, conférant à la coalition occidentale un avantage crucial en matière de communication et de navigation des données, tandis que le porte-avions américain Nimitz, en provenance de la mer de Chine méridionale, se dirige vers le golfe Persique. L'Occident dans son ensemble, avec le communiqué du G7, a fourni une légitimation formelle et « morale » au renversement du gouvernement iranien actuel.

La modalité de l'agression militaire israélienne est identique, tant sur le plan technique (lancement de drones à l'intérieur du pays) que politique (alors que l'Iran était en pourparlers avec les États-Unis), à celle de l'attaque ukrainienne contre les sites nucléaires et les bases russes il y a quelques semaines: la main est manifestement la même.

Pour la Russie, dont l'accord de partenariat stratégique avec l'Iran a été approuvé par Vladimir Poutine lui-même le 21 avril dernier, mais par Téhéran il y a seulement quelques jours, une défaite des ayatollahs serait un désastre géopolitique bien plus grave que la chute d'Assad en Syrie. L'Iran joue un rôle essentiel dans l'équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient et est un allié indispensable dans la résistance à la domination mondiale occidentale; en particulier, l'équilibre stratégique dans la mer Caspienne serait rompu et les intérêts de Moscou dans le secteur énergétique seraient menacés au profit des États-Unis qui veulent exporter leur gaz naturel liquéfié.

De plus, un effondrement de l'Iran signifierait: l'effondrement du système d'alliances régionales de Moscou; la domination totale de l'Occident dans la région; l'isolement de la Russie et de ses principaux partenaires. La perte de l'Iran, membre des BRICS, deviendrait une catastrophe géopolitique pour le multipolarisme et confirmerait la capacité de l'Occident à résoudre par la force toutes ses contradictions géopolitiques. La vision à long terme esquissée par Brzezinski dans les années 1990 et par les néoconservateurs américains après le 11 septembre 2001 se réaliserait alors presque définitivement.

De son côté, Benjamin Netanyahu écarterait tout risque d'être remis en cause pour ses crimes évidents, devenant le symbole de la victoire atlantiste au Moyen-Orient.

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La Chine, qui a également conclu un accord de partenariat stratégique avec l'Iran et qui dépend fortement du pétrole iranien (environ 90% du pétrole transitant par le détroit d'Ormuz est destiné à Pékin), ne peut se permettre de perdre un partenaire indispensable à ses ambitions géopolitiques.

Que peut-il se passer maintenant ? Si la tentative de médiation diplomatique des pays d'Eurasie et des États voisins échoue, comme cela semble désormais évident, l'escalade devient inévitable.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël, avec le plein consentement de leurs vassaux européens, recherchent des acteurs locaux capables de remplacer Khamenei et de conduire l'Iran vers une rupture avec Moscou et Pékin. Si les dirigeants actuels de Téhéran perçoivent le danger d'un renversement qui pourrait se produire si les États-Unis entrent directement en scène avec leurs forces armées, ils n'auront d'autre solution que d'augmenter le prix du conflit en dépassant toutes les « lignes rouges ». Mobiliser l'Axe de la Résistance, fermer le détroit d'Ormuz au passage des navires (avec le consentement de Pékin, désormais résigné à une guerre totale dans la région) et changer l'inertie de la bataille par une intervention terrestre depuis le Liban, la Syrie et l'Irak, sont les seules cartes dont elle dispose, compte tenu de la domination totale du ciel par Israël.

Plusieurs inconnues subsistent. Certes, la Chine n'interviendrait pas directement (tout comme la Russie engagée en Ukraine), mais elle pourrait aider l'Iran en lui fournissant du matériel militaire et en poussant le Pakistan à entrer en scène (le ministre pakistanais de la Défense a non seulement manifesté sa solidarité immédiate avec Téhéran, mais s'est également déclaré prêt à attaquer Israël en cas d'intervention militaire américaine contre l'Iran). Islamabad, seule puissance nucléaire islamique, apporterait une aide indispensable et pourrait également inciter l'Égypte et la Turquie (dont les dirigeants restent dans le collimateur de Tel-Aviv et le seront de toute façon dans un avenir pas trop lointain) à intensifier leur pression contre Israël. Reste à savoir si cet effet domino complexe n'impliquerait pas également d'autres acteurs mondiaux, à commencer par l'Inde, en quête de revanche après l'échec subi dans la bataille aérienne qui a suivi la crise du Cachemire.

La Troisième Guerre mondiale, évoquée ces dernières heures par Steve Bannon et Tucker Carlson, est-elle peut-être plus proche que nous ne l'imaginons ?

NOTE:

[1] Wang Shichun, "L'Iran sera-t-il la deuxième Syrie d'Assad?", guancha.cn, 14 juin 2025. L'analyste militaire chinois souligne également un conflit interne à l'appareil iranien entre la position du Guide suprême Khamenei, la ligne médiane de Pezeshkian qui attribue une grande partie de la corruption du pays aux Gardiens de la révolution et celle des libéraux qui souhaiteraient privatiser totalement l'économie.

Téhéran ne cède pas, Israël mise sur les États-Unis: premier bilan de la guerre entre Israël et l'Iran

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Téhéran ne cède pas, Israël mise sur les États-Unis: premier bilan de la guerre entre Israël et l'Iran

Andrea Muratore

Bron: https://it.insideover.com/guerra/teheran-non-crolla-israele-punta-sugli-usa-un-primo-bilancio-della-guerra-israele-iran.html  

Après plus d'une semaine, la guerre entre Israël et l'Iran présente des scénarios stratégiques de toute première importance qui sont encore en cours de consolidation, mais dont l'analyse permet de se frayer un chemin à travers un flot de propagande extrêmement visqueux et de comprendre comment le conflit le plus problématique de l'histoire récente du Moyen-Orient pourrait évoluer et façonner la région.

Récit contre réalité, la guerre d'Israël contre l'Iran

Comme toute guerre, celle entre Tel-Aviv et Téhéran est faite de récits autant que de faits. Des récits qui s'avèrent souvent fallacieux à l'épreuve des faits concrets et qui doivent être présentés comme tels. Nous le constatons dans l'attitude des acteurs sur le terrain, directement ou indirectement impliqués dans la guerre, qui a fortement changé au cours des journées où ce conflit s'est développé.

La première tendance, double, est la prémisse nécessaire à tout le reste. Nous constatons en effet que la justification israélienne d'une guerre préventive visant à empêcher Téhéran d'accéder rapidement à une forme de dissuasion nucléaire s'est avérée insuffisante pour expliquer la réelle volonté de Tel Aviv d'entrer en guerre, justifiée en réalité par la tentative d'affaiblir et de saper les fondements du régime iranien.

Après le bombardement de Be'er Sheva jeudi, le ministre de la Défense de Benjamin Netanyahu, Israel Katz, l'a clairement indiqué en désignant l'ayatollah Ali Khamenei comme une cible militaire légitime. Au cours de ces mêmes jours, le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, a rejeté l'hypothèse selon laquelle, malgré les critiques de l'organe de Vienne pour avoir violé ses obligations en matière de prolifération, l'Iran accélérerait réellement la possibilité de se doter de la bombe par excellence.

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Le régime ne s'effondre pas

Deuxièmement, nous constatons que malgré les coups très durs subis et l'éclaircissement continu des rangs supérieurs des forces armées, l'appareil du pouvoir iranien ne s'est pas effondré. L'architecture dite "baroque", qui pose la structure fondée sur le rôle du Guide suprême et des Gardiens de la révolution sur le gouvernement proprement dit et sur les forces armées traditionnelles, s'est révélée plus souple que prévu.

En particulier, le discours de Netanyahu, repris par de nombreux représentants des camps libéral et conservateur en Europe et aux États-Unis, selon lequel la libération de l'Iran du système de pouvoir actuel serait le résultat des raids de Tel-Aviv, ne s'est pas concrétisé. Indépendamment du jugement global sur le système de la République islamique et sur le Guide suprême, on constate qu'un régime en difficulté sur de nombreux fronts, de l'économie en crise aux questions sociales pressantes, n'a à ce jour aucune alternative crédible dans la société iranienne, que l'idée d'exporter un système démocratique à coups de bombes, une vieille tentation qui refait surface, semble pour le moins fallacieuse et que la ligne de réponse à Israël sur le terrain n'a pas provoqué de protestations ou de soulèvements.

Khamenei refuse la reddition, le système iranien ne s'effondre pas

À cet égard, le discours prononcé jeudi par Khamenei, dans lequel il a rejeté toute hypothèse de « reddition » du pays, comme l'avait demandé le président américain Donald Trump, a eu une importance politique considérable, dictant une ligne de conduite et mettant au défi les éventuels opposants de se manifester: aucun conflit ne semble avoir émergé dans l'architecture pourtant difficilement pénétrable du régime iranien.

Tout bien considéré, l'Iran subit les durs coups de l'offensive aérienne et balistique israélienne et tente de riposter avec une dissuasion balistique bien plus réduite, mais qui ne semble pas inexistante, loin de là. À ce jour, en substance, l'attaque de Tel-Aviv n'a pas encore provoqué le démantèlement total du nucléaire, n'a pas, jusqu'à présent, comme le confirme également le Jerusalem Post, ouvert de fissures irréparables dans le régime et n'a pas, troisième point de la confrontation entre le récit et la réalité, convaincu les États-Unis d'entrer en guerre pour porter un coup décisif à Téhéran, en évitant toute solution diplomatique.

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Le dilemme américain et l'heure de la diplomatie

Trump a été sollicité de toutes parts: plusieurs faucons du Parti républicain, menés par les sénateurs Ted Cruz et Lindsey Graham, poussent à s'engager aux côtés d'Israël, et le général Michael Erik Kurilla, à la tête du Commandement central (Centcom) chargé des opérations au Moyen-Orient, semble partager cet avis.

Dans le même temps, on note la froide réticence de l'aile proche du vice-président J. D. Vance et des figures politiques, commentateurs et faiseurs d'opinion proches du monde "Maga", comme le présentateur Tucker Carlson. Mais jeudi, The Donald a déclaré vouloir donner une nouvelle place à la diplomatie, ouvrant une fenêtre de deux semaines pour d'éventuelles rencontres diplomatiques avec les dirigeants de Téhéran.

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La « résurrection » de Shamakhani

À ce sujet, certaines informations intéressantes méritent d'être soulignées: tout d'abord, après que Trump ait ouvert cette fenêtre, l'Iran a annoncé que l'amiral Ali Shamakhani, haut conseiller de Khamenei et figure centrale de la diplomatie atomique avec Washington, était vivant et se remettait des blessures subies le 13 juin lors des attaques israéliennes qui ont déclenché la guerre. À propos de récits: Shamakhani avait été déclaré mort sur la base des communiqués militaires israéliens qui annonçaient son élimination.

Tel Aviv pensait avoir tué l'habile négociateur qui, jusqu'à il y a un mois, présentait des demandes pour le moins modérées dans ses discussions avec Washington: ouverture à l'abandon de l'uranium hautement enrichi, négociations directes et continues avec les États-Unis, politique permanente visant la désescalade. La nouvelle de la survie de Shamakhani ouvre la possibilité de recréer l'axe avec le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi au nom de la désescalade. Hier, les premières discussions ont eu lieu à Genève avec les diplomates de l'E3, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

À propos de changement de discours: l'Europe, qui n'est pas intervenue dans les négociations entamées en avril par les États-Unis et l'Iran et qui, au début de la guerre, avait largement épousé le discours israélien et les raids, adopte désormais une approche plus inquiète, ouverte aux négociations et au cessez-le-feu. La volonté prématurée de venir en aide au (présumé) vainqueur a atteint son apogée lors du G7, lorsque le chancelier Friedrich Merz a déclaré qu'Israël « faisait le sale boulot pour nous tous ». La situation s'est avérée, comme dirait Giulio Andreotti, « un peu plus complexe ». Et le discours, éternel fléau de la politique internationale, a cédé la place au pragmatisme et à un plus grand réalisme. Ce qui, dans les affaires internationales, devrait toujours être bienvenu.

Téhéran ne cède pas, Israël mise sur les États-Unis: premier bilan de la guerre entre Israël et l'Iran

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Téhéran ne cède pas, Israël mise sur les États-Unis: premier bilan de la guerre entre Israël et l'Iran

Andrea Muratore

Bron: https://it.insideover.com/guerra/teheran-non-crolla-israele-punta-sugli-usa-un-primo-bilancio-della-guerra-israele-iran.html  

Après plus d'une semaine, la guerre entre Israël et l'Iran présente des scénarios stratégiques de toute première importance qui sont encore en cours de consolidation, mais dont l'analyse permet de se frayer un chemin à travers un flot de propagande extrêmement visqueux et de comprendre comment le conflit le plus problématique de l'histoire récente du Moyen-Orient pourrait évoluer et façonner la région.

Récit contre réalité, la guerre d'Israël contre l'Iran

Comme toute guerre, celle entre Tel-Aviv et Téhéran est faite de récits autant que de faits. Des récits qui s'avèrent souvent fallacieux à l'épreuve des faits concrets et qui doivent être présentés comme tels. Nous le constatons dans l'attitude des acteurs sur le terrain, directement ou indirectement impliqués dans la guerre, qui a fortement changé au cours des journées où ce conflit s'est développé.

La première tendance, double, est la prémisse nécessaire à tout le reste. Nous constatons en effet que la justification israélienne d'une guerre préventive visant à empêcher Téhéran d'accéder rapidement à une forme de dissuasion nucléaire s'est avérée insuffisante pour expliquer la réelle volonté de Tel Aviv d'entrer en guerre, justifiée en réalité par la tentative d'affaiblir et de saper les fondements du régime iranien.

Après le bombardement de Be'er Sheva jeudi, le ministre de la Défense de Benjamin Netanyahu, Israel Katz, l'a clairement indiqué en désignant l'ayatollah Ali Khamenei comme une cible militaire légitime. Au cours de ces mêmes jours, le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, a rejeté l'hypothèse selon laquelle, malgré les critiques de l'organe de Vienne pour avoir violé ses obligations en matière de prolifération, l'Iran accélérerait réellement la possibilité de se doter de la bombe par excellence.

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Le régime ne s'effondre pas

Deuxièmement, nous constatons que malgré les coups très durs subis et l'éclaircissement continu des rangs supérieurs des forces armées, l'appareil du pouvoir iranien ne s'est pas effondré. L'architecture dite "baroque", qui pose la structure fondée sur le rôle du Guide suprême et des Gardiens de la révolution sur le gouvernement proprement dit et sur les forces armées traditionnelles, s'est révélée plus souple que prévu.

En particulier, le discours de Netanyahu, repris par de nombreux représentants des camps libéral et conservateur en Europe et aux États-Unis, selon lequel la libération de l'Iran du système de pouvoir actuel serait le résultat des raids de Tel-Aviv, ne s'est pas concrétisé. Indépendamment du jugement global sur le système de la République islamique et sur le Guide suprême, on constate qu'un régime en difficulté sur de nombreux fronts, de l'économie en crise aux questions sociales pressantes, n'a à ce jour aucune alternative crédible dans la société iranienne, que l'idée d'exporter un système démocratique à coups de bombes, une vieille tentation qui refait surface, semble pour le moins fallacieuse et que la ligne de réponse à Israël sur le terrain n'a pas provoqué de protestations ou de soulèvements.

Khamenei refuse la reddition, le système iranien ne s'effondre pas

À cet égard, le discours prononcé jeudi par Khamenei, dans lequel il a rejeté toute hypothèse de « reddition » du pays, comme l'avait demandé le président américain Donald Trump, a eu une importance politique considérable, dictant une ligne de conduite et mettant au défi les éventuels opposants de se manifester: aucun conflit ne semble avoir émergé dans l'architecture pourtant difficilement pénétrable du régime iranien.

Tout bien considéré, l'Iran subit les durs coups de l'offensive aérienne et balistique israélienne et tente de riposter avec une dissuasion balistique bien plus réduite, mais qui ne semble pas inexistante, loin de là. À ce jour, en substance, l'attaque de Tel-Aviv n'a pas encore provoqué le démantèlement total du nucléaire, n'a pas, jusqu'à présent, comme le confirme également le Jerusalem Post, ouvert de fissures irréparables dans le régime et n'a pas, troisième point de la confrontation entre le récit et la réalité, convaincu les États-Unis d'entrer en guerre pour porter un coup décisif à Téhéran, en évitant toute solution diplomatique.

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Le dilemme américain et l'heure de la diplomatie

Trump a été sollicité de toutes parts: plusieurs faucons du Parti républicain, menés par les sénateurs Ted Cruz et Lindsey Graham, poussent à s'engager aux côtés d'Israël, et le général Michael Erik Kurilla, à la tête du Commandement central (Centcom) chargé des opérations au Moyen-Orient, semble partager cet avis.

Dans le même temps, on note la froide réticence de l'aile proche du vice-président J. D. Vance et des figures politiques, commentateurs et faiseurs d'opinion proches du monde "Maga", comme le présentateur Tucker Carlson. Mais jeudi, The Donald a déclaré vouloir donner une nouvelle place à la diplomatie, ouvrant une fenêtre de deux semaines pour d'éventuelles rencontres diplomatiques avec les dirigeants de Téhéran.

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La « résurrection » de Shamakhani

À ce sujet, certaines informations intéressantes méritent d'être soulignées: tout d'abord, après que Trump ait ouvert cette fenêtre, l'Iran a annoncé que l'amiral Ali Shamakhani, haut conseiller de Khamenei et figure centrale de la diplomatie atomique avec Washington, était vivant et se remettait des blessures subies le 13 juin lors des attaques israéliennes qui ont déclenché la guerre. À propos de récits: Shamakhani avait été déclaré mort sur la base des communiqués militaires israéliens qui annonçaient son élimination.

Tel Aviv pensait avoir tué l'habile négociateur qui, jusqu'à il y a un mois, présentait des demandes pour le moins modérées dans ses discussions avec Washington: ouverture à l'abandon de l'uranium hautement enrichi, négociations directes et continues avec les États-Unis, politique permanente visant la désescalade. La nouvelle de la survie de Shamakhani ouvre la possibilité de recréer l'axe avec le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi au nom de la désescalade. Hier, les premières discussions ont eu lieu à Genève avec les diplomates de l'E3, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

À propos de changement de discours: l'Europe, qui n'est pas intervenue dans les négociations entamées en avril par les États-Unis et l'Iran et qui, au début de la guerre, avait largement épousé le discours israélien et les raids, adopte désormais une approche plus inquiète, ouverte aux négociations et au cessez-le-feu. La volonté prématurée de venir en aide au (présumé) vainqueur a atteint son apogée lors du G7, lorsque le chancelier Friedrich Merz a déclaré qu'Israël « faisait le sale boulot pour nous tous ». La situation s'est avérée, comme dirait Giulio Andreotti, « un peu plus complexe ». Et le discours, éternel fléau de la politique internationale, a cédé la place au pragmatisme et à un plus grand réalisme. Ce qui, dans les affaires internationales, devrait toujours être bienvenu.

dimanche, 22 juin 2025

La guerre à distance

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La guerre à distance

par Daniele Perra

Source : Daniele Perra & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-guerra-a-dista...

On peut déjà distinguer au moins deux phases dans cette actuelle « guerre à distance ».

1) L'hyper-exaltation israélienne du premier jour suite au lancement de l'opération « Rising Lion », avec Netanyahu qui, dès le deuxième jour, annonce la domination totale du ciel au-dessus de Téhéran.

2) La réaction iranienne, alors que l'exaltation israélienne s'estompe, puis le traditionnel jeu de la « carte victimaire » de la part de Netanyahu lui-même pour forcer l'intervention directe (sur le plan logistique, c'est déjà un fait accompli) des États-Unis contre l'Iran. Il est également curieux, à cet égard, que le gouvernement israélien lui-même soit passé de la position consistant à dire « ne publiez pas de photos et de vidéos de l'impact des missiles iraniens » (afin de ne pas nuire au moral de la population) à celle consistant à dire « publiez tout » (stratégie suivie, bien sûr, par nos médias); curieuse également la confrontation musclée entre Ben Gvir (celui qui veut le nettoyage ethnique à Gaza) et le chef du Mossad. Ben Gvir se plaint probablement parce que la guerre contre l'Iran détourne des ressources de son plan d'extermination (plus de 250 millions de dollars par jour, et considérons que rien que pendant la dernière année de l'administration Biden, Israël a reçu 20 milliards de dollars des États-Unis, alors que traditionnellement, cette aide s'est toujours élevée à environ 5 à 6 milliards par an, dons privés compris; et rappelons également qu'Israël est le seul État qui n'a pas à rendre de comptes à Washington sur la manière dont il investit l'argent reçu).

Quoi qu'il en soit, tout dépenser d'un seul coup est une tradition bien établie dans la doctrine militaire israélienne, parfois couronnée de succès (1967), parfois non (2006). Et même dans ce cas, les résultats sur le terrain sont assez décevants (à l'exception de l'assassinat de hauts responsables des Pasdaran et de scientifiques iraniens, à condition que le meurtre de civils puisse être considéré comme un succès militaire). Le programme nucléaire iranien n'est que partiellement affecté et les capacités de riposte de Téhéran sont presque intactes.

Si le conflit devait se prolonger, la position de Tel-Aviv pourrait être encore plus compromise. Si les États-Unis interviennent directement, il faudra évaluer la manière dont ils le feront. Les doutes de Trump sont en effet liés au risque de ne pas obtenir une victoire réelle exploitable sur le plan de la propagande interne aux États-Unis et à l'Occident en général. La Russie et la Chine ne permettront guère un « changement de régime » déjà très difficile, et les États-Unis pourraient risquer une « victoire à la Pyrrhus » inutile avec une action qui aurait presque exclusivement une valeur symbolique (les Iraniens sont probablement déjà en train d'évacuer et de démanteler les cibles éventuelles).

Ainsi, sans la certitude d'un changement de régime, les États-Unis n'agiront pas, ou le feront de manière partielle.

En conclusion, et en ce qui concerne la Chine, il est curieux que l'attaque israélienne ait eu lieu quelques jours avant l'inauguration de la ligne ferroviaire Pékin-Téhéran, branche fondamentale de la Nouvelle Route de la Soie: signe indéniable que (malgré les déclarations officielles), ce « nouveau » conflit a des raisons bien plus vastes qu'on ne pourrait le penser.

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Contenir la Russie ou remodeler le système? - Rééquilibrer les forces ou "pivoter hors d'Europe"?

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Contenir la Russie ou remodeler le système?

Rééquilibrer les forces ou "pivoter hors d'Europe"?

Irnerio Seminatore

Source: https://www.ieri.be/fr/publications/wp/2025/juin/contenir-la-russie-ou-remodeler-le-systeme

Table des matières

  • Les leçons de fond sur les causalités du conflit, les intérêts en jeu et l'ambivalence des négociations
  • Moments de rupture et réorganisation de l'ordre mondial
  • Pivoter hors d'Europe, plutôt que rééquilibrer les forces
  • "Pivot coopératif russe vers l'Est" ou "Pivot hégémonique mondial USA - Chine"
  • Conflit ukrainien, cessez le feu et négociations de paix
  • La Russie et les vérités faussées de l'Occident et ses conséquences

* * *

Les leçons de fond sur les causalités du conflit, les intérêts en jeu et l'ambivalence des négociations 

Des leçons de fond sont à tirer du conflit russo-ukrainien, pour mieux comprendre les divergences stratégiques euro-américaines et pour redéfinir la politique étrangère de l'Union à l'approche du sommet de l'Otan du 24 et 25 juin prochain à la Haye. Elles concernent tout à la fois les enjeux, les intérêts et les stratégies.

Pour ce qui est des causalités fondamentales du conflit, la première et plus importante repose sur le statut et la position géopolitique de l'Ukraine, couloir incontournable de l'Europe vers l'Asie et enjeu de la stratégie eurasienne de l'Amérique

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L'importance du facteur géographique n'avait pas échappé à Zbigniew Brzezinski qui, dans Le Grand Échiquier de 1997 avait identifié les trois leviers qui permettraient aux États-Unis de conserver le premier rôle dans les affaires mondiales au 21ème siècle: contenir la poussée de la Chine, poursuivre la division des Européens et couper la Russie post-soviétique de l’Ukraine. Celle -ci, située entre l’Union européenne à l’ouest et la Russie à l’est, a été souvent qualifiée d’État tampon. Or, il s'agit d'une définition qui remonte au Congrès de Vienne (1815) et qui implique une sorte de neutralisation et principalement d'une vocation de l'Etat tampon à ne rejoindre aucune alliance militaire ou organisation d’intégration économique afin d’éviter les conflits entre les puissances majeures du système. Cependant la succession des événements de la post guerre-froide prouve que cette mesure n'a pas eu de succès. Si la Russie a cherché à maintenir l’Ukraine dans son orbite, les États-Unis, de leur côté, ont voulu voir l’Ukraine comme un levier essentiel pour affaiblir la Russie.

Moments de rupture et réorganisation de l'ordre mondial

En effet sur le plan historique une succession de ruptures ont caractérisé le processus de réorganisation de l'ordre mondial, après la dislocation de L’Union soviétique (26 décembre 1991).

 En voici les quelques références essentielles :

- 1999, fin du conflit du Kosovo opposant Serbes et Kosovars suite à l’intervention de l’OTAN sans mandat de l'ONU ;

- 2001, attentat terroriste aux Tours Jumelles du World Trade Center de New York ;

- 2003 conflit d’Irak par l’invasion américaine contre Saddam Hussein.

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Pivoter hors d'Europe, plutôt que rééquilibrer les forces

À l’instar de l’antagonisme américano-soviétique de jadis et contrairement au conflit en cours entre la Russie et l'Ukraine, la compétition entre l'est et l'ouest s'est déplacée vers l'antagonisme entre Washington et Pékin pour l’hégémonie mondiale et a désormais un objet beaucoup plus important que le conflit ukrainien, se situant à un autre niveau stratégique.

L’actuelle connivence dans le "deal" américano-russe ne s’explique pas par une quelconque crainte que Moscou puisse dominer l’Europe ou menacer les pays baltes. Plutôt que de contenir Moscou, l’intérêt des États-Unis aujourd’hui serait de pivoter hors de l’Europe, en direction de l’Asie orientale, d’entraîner la Russie dans une coalition de rééquilibrage face à la Chine et de ne pas se laisser embourber dans une guerre en Europe de l’Est, en précipitant le rapprochement sino-russe. Pour le « réaliste » John Mearsheimer, la perspective d’intégrer l’Ukraine au sein de l’OTAN constituait et constitue encore une menace pour la Russie. Les Russes ne prétendaient pas que l’Ukraine était une menace en soi. C’est l’Ukraine au sein de l’OTAN qui concrétise cette menace. Par conséquent les Etats-Unis doivent désormais se détourner du continent européen pour mieux se consacrer à l’Asie. C'est là la contrainte de la politique du "Pivot” !

"Pivot coopératif russe vers l'Est" ou "Pivot hégémonique mondial USA - Chine"

Le terme “pivot vers l’Est” est réapparu dans le discours russe, lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, en 2013. À cette occasion, Vladimir Poutine a évoqué la possibilité de développer les relations économiques avec les marchés de l’Asie-Pacifique, suivant en partie le modèle des États-Unis. Cependant, Poutine a immédiatement souligné une différence majeure: la Russie souhaitait coopérer avec la Chine et non rivaliser avec elle, contrairement à l’approche américaine. L’intérêt de la Russie pour l’Asie s’explique par la montée en puissance de la Chine, perçue comme une contre-force planétaire aux États-Unis. C’est pourquoi Moscou a cherché à établir une coopération avec Pékin, plutôt qu’une concurrence. Une autre différence notable entre le pivot asiatique américain et le pivot vers l’Est russe réside dans le rôle jusqu’alors limité de la Russie dans l’ensemble de la région Asie-Pacifique.

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La politique des grandes puissances se caractérise cependant toujours par une implacable compétition sécuritaire puisque chaque État cherche non seulement à gagner en influence relative, mais aussi à éviter que la balance des pouvoirs ne penche en sa défaveur. Cet objectif, dit de l'équilibrage, peut être mis en œuvre soit par un accroissement de sa puissance, soit par une alliance avec d’autres États pareillement menacés. Dans un monde réaliste, le pouvoir d’un pays s’apprécie essentiellement à l’aune de ses capacités militaires, lesquelles dépendent d’une économie avancée et d’une population nombreuse. En conséquence, face aux multiples tentatives de mettre un terme au conflit ukrainien, les difficultés dans la définition des missions aux délégations des deux parties, chargées du déroulement des pourparlers de paix, repose sur le concept de stabilité et, en conséquence sur le statut des puissances régionales affectées par le règlement obtenu. Le dilemme concernant l'issue du conflit ukrainien (paix de compromis, ou paix dictée), porte sur des perspectives de sécurité totalement éloignées, soit en termes de système, soit en termes de sous-système.

A titre d'exemple, l'objectif qui fut proposé par Kissinger, le retour négocié à un "status quo”, passant par la reconnaissance d’une Ukraine neutre, ne devait pas être opposé à l’analyse qui avait été celle de Zbigniew Brzeziński dans Le Grand Échiquier.  Reprenant les catégories forgées par Halford Mackinder, pour qui l’hégémonie mondiale dépendait de la prédominance exercée sur le Heartland qu’est l’Eurasie, Brzeziński voyait dans l’État ukrainien un important « pivot géopolitique », dont l’indépendance était de nature à contenir les ambitions impériales russes, à l'intérieur d'une bipolarité affichée. Dans l'actuelle formulation, l'objectif stratégique du "Pivot Asiatique" américain cache à la fois le moteur essentiel de la stratégie de l'Indo-Pacifique (APAC-2011), visant le sous-système asiatique et pas seulement la Chine et, au même temps une rivalité étendue au système international tout entier. A l'intérieur de ce cadre le "Pivot vers l'Est" de la Russie fait apparaître une véritable dépendance stratégique de la Russie vis-à-vis de la Chine et des Européens vis-à-vis de la Russie.

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En effet, dans le concept de "Pivot Américain" il s'agit de remodeler la centralité de l'ordre politique et la hiérarchie de puissance, bref le point de gravité du système, d'où tout dépend. Or, si "la stratégie du containment", en son pur concept, consiste à limiter l'influence politique, à isoler par des sanctions économiques et à s'opposer à l'expansion géopolitique et militaire d'un acteur étatique dans une région ou dans un sous-système, le remodelage du système est une politique planétaire et de long terme qui consiste à rivaliser pour déstabiliser, en s'opposant à toute forme de "status quo" et visant l'hégémonie impériale et universelle. La première implique l'exercice d'une liberté d'action et donc "une politique de bascule" entre système et sous-système (Ukraine, Taiwan, Tibet, Xinjiang..), qui inverse la politique de rapprochement de Nixon, la deuxième un bouleversement structurel et général des rapports mondiaux de forces et la montée en puissance d'un nouvel acteur universel.

Conflit ukrainien, cessez le feu et négociations de paix

Face aux risques d'une aggravation du conflit et après trois ans d’affrontement, les parties aux prises, ainsi que la communauté européenne et internationale, ont entamé des rencontres diplomatiques, visant à régler les différends existants, en leurs causes, évolutions et perspectives. Compte tenu des différentes perceptions des dangers et de tournants défavorables à l'Ukraine dans le développement des opérations terrestres et donc dans les rapports réels des forces, un bilan lucide de la situation politique et militaire demeure le préalable à l'évaluation des perspectives de sécurité auxquelles s'inspirent les deux parties et qui divergent profondément. Ainsi une vue d'ensemble doit être portée sur les aspects capacitaires des acteurs impliqués dans le conflit, directement ou indirectement, mais aussi sur leurs intentions et objectifs, déclarés ou latents.

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Nous commencerons par la Fédération de Russie dont l'action historique et le récit politique la désignent comme l'acteur principal des résolutions de pacification et de stabilisation recherchées. Les objectifs du Kremlin sont restés inchangées depuis le début des opérations militaires et peuvent se résumer en trois points:

- faire libérer par Kiev les quatre Oblasts de l'Ukraine considérés comme russophones, qui sont Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia (libération qui a été un facteur déclencheur du conflit).

 - s'engager au retrait de la candidature de l'Ukraine à devenir membre de l'Otan, assorti d'une réassurance de l'éventuel traité de paix par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

- obtenir un changement de régime politique, appelé "dénazification" au sens des accords de Potsdam sur l'Allemagne (de juillet 1945, et signifiant à l'époque une légitimité démocratique et nouvelle pour l’Allemagne vaincue). Ces accords prévoyaient notamment la dénazification, la démilitarisation, la décartellisation et la décentralisation.

La Russie et les vérités faussées de l'Occident et ses conséquences

Les principaux obstacles à un processus de paix demeurent, selon de multiples observateurs, les Occidentaux et principalement la Grand Bretagne et la France, en raison de vérités faussées et du refus de comprendre l'adversaire. A la lumière de celles-là et au cœur des préoccupations de l'adversaire, le projet russe de protéger la population russe de l'Ukraine, facteur déclenchant du conflit, apparaît parfaitement légitime.

De cette incompréhension découlent une série de conséquences et donc la conception de l'importance du territoire à reconquérir (la Crimée et les quatre Oblasts du Donbass) et de l'aide occidentale accordée à l'Ukraine pour cette reconquête improbable. Il s'agit d'une aide qui prolonge la guerre sans donner un avantage sur le terrain à l'Ukraine, car cette victoire appartient à la Russie. Ils en dérivent deux répercussions importantes ; la construction d'un narratif illusoire qui consiste à faire davantage confiance à la représentation de la guerre qu'à la réalité du terrain et, quant au but de guerre, à faire croire en une paix de compromis et non de capitulation.

Cet artifice pousse Zelenski, à la légitimité discutée, à pratiquer une guerre d'éclat sur les arrières du front, sans influence sur la ligne des combats, (attaques d'aérodromes russes, contre le pont de Kersch..). Ce choix fait cliver le régime en place vers un régime terroriste, avec lequel il apparaît dès lors difficile de négocier. Le but de ce narratif est au fond de fausser la perspective, cependant que des rapports américains sur l'état du conflit, contredisent radicalement le narratif des Européens, qui demandent à être parties prenantes du conflit sans en avoir les moyens.

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Dans cette ligne de conduite et dans cette approche équivoque, il est nécessaire de distinguer également, au plan diplomatique, l'échange de mémorandums entre les parties aux prises pour amorcer un "cessez le feu", qui n'a pas de sens sans un "traité de paix” ; traité qui confère une convergence d'intentions et de sincérité à l'ensemble du processus. Or, à propos du conflit, si les Etats-Unis tâchent de le terminer et de s'en dégager au plus vite et si la Russie apparaît toujours prête à négocier, les Européens font tout pour empêcher la négociation, car le seul souci de la diplomatie de l'UE a été d'alimenter l'affrontement armé (J. Borrel) ou de le "décoloniser" (Kaja Kallas, Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité).

Pour celle-ci le concept de stabilité coïncide avec celui d'élimination de la Russie ou son découpage politique et territorial, bref une amputation eurasienne. Or, malgré le fait que l'armée ukrainienne n'a jamais eu le dessus dans le conflit, même dans la contre-offensive de 2023, l'objectif de l'UE demeure celui selon lequel "l'Ukraine doit gagner !", objectif, pour lequel un vaste plan de réarmement de l'Europe est entamé. En ce sens la diplomatie européenne n'a pas avancé depuis Angela Merkel et l’Ukraine est restée un conflit non résolu et donc gelé, à la marge, inessentiel au continent. Or, dans la "disputatio imperii" entre l'est et l’ouest, l’issue du conflit, au lieu de prendre la forme d’un projet de coopération et de développement Europe-Russie, figure comme une pomme de discorde et comme un gage d'instabilité permanente, gangrénant les relations entre Moscou et Paris, Paris et Berlin et l'Europe et l'Amérique.

La divergence  de prospective est évidente et elle apparaît au grand jour au Sommet du G7 au Canada du 17 juin dernier, où l'absence d'unité des Occidentaux reproduit des formules vides, du style: "le G7 s'est consacré à l'aide accordée à Kiev et "a de nouveau apporté son soutien à l'Ukraine, mais sans durcir le ton face à la Russie", En effet, "le club des grandes démocraties industrialisées n'a cette fois pas publié de déclaration commune dénonçant 'l'agression russe'",  "contrairement aux années précédentes quand Joe Biden était à la tête des États-Unis". Et, le dirigeant ukrainien, Volodymyr Zelenski, qui s'est rendu au Canada "pour plaider sa cause", sans grand succès, fait de l'Ukraine la "grande perdante d'un G7, dominé par la guerre au Moyen-Orient". N'ayant pas eu la "possibilité de s'entretenir avec le président américain", il "repart tout de même avec une nouvelle aide militaire de 1,27 milliard d'euros, notamment pour des drones et des véhicules blindés", preuve que, dans l'Europe multilatéraliste, les problèmes de la conscience historique peuvent avoir toujours des revers financiers.

Bruxelles, le 18 Juin 2025

L’Iran: l’un des principaux socles de nos origines indo-européennes

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L’Iran: l’un des principaux socles de nos origines indo-européennes

Pierre Emile Blairon

« Regardons-nous en face. Nous sommes des Hyperboréens – nous n’ignorons pas à quel point nous vivons à l’écart. « Ni par terre, ni par mer, tu ne trouveras le chemin qui mène chez les Hyperboréens » : voilà ce que Pindare savait déjà de nous. Par-delà le nord, la glace, la mort – notre vie, notre bonheur… Nous avons découvert le bonheur, nous connaissons le chemin, nous avons trouvé la voie pour sortir de millénaires entiers de labyrinthe. Qui l’a trouvé, à part nous ? »

C’est ce qu’écrivait Nietzsche dans L’antéchrist en 1896.

Qui sont donc ces « Hyperboréens » qui seraient nous-mêmes et dont très peu de personnes ont entendu parler ? Eh bien, il s’agit de nos plus lointains ancêtres, le peuple-source dont nous sommes issus [1], dont la grande ethnie indo-européenne est issue [2], une ethnie dont nos ennemis ne veulent considérer que l’aspect linguistique et qui est composée à l’origine des peuples grecs, italiques, albanais, indo-iraniens, celtiques, germaniques, nordiques, slaves, arméniens, qui sont nos frères et nos cousins.

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Julius Evola écrivait, dans l’entre-deux-guerres, à propos de nos ancêtres : « Cette hérédité des origines, cet héritage qui nous vient du fond des âges est un héritage de lumière »

Parmi ces peuples européens, l’une des principales composantes est constituée par les Indo-Iraniens qui étaient autrefois appelés Perses et qui sont venus de la Russie méridionale et du Caucase vers la fin du IIe millénaire avant notre ère.

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L’Iran « a donné naissance il y a 2500 ans au premier empire à vocation universelle en s'emparant de la prestigieuse Babylone : en 539 av. J.-C., Cyrus II le Grand, roi des Perses et des Mèdes, fonde le premier empire à vocation universelle de l'Histoire humaine. Depuis lors, les plateaux iraniens ont abrité des civilisations du plus extrême raffinement, qui n'ont rien à envier à l'Occident comme à l'Orient.

À la différence de leurs voisins, les Iraniens ne souffrent d'aucune frustration à l'égard de l'Occident. Ils n'ont de « revanche » à prendre sur personne, sinon sur les trublions cupides qui ont tenté depuis la Seconde Guerre mondiale de s'approprier leurs réserves pétrolières […] Dans l'Antiquité domine le mazdéisme (de Mazda, Dieu, dans la langue perse), aussi appelé zoroastrisme parce que fondé par le prophète Zarathoustra (ou Zoroastre) au VIIe siècle avant J.C. Il prospère sous les Achéménides (les héritiers de Cyrus) et va survivre jusqu'à l'approche de l'An Mil avant de s'effacer presque complètement face à la poussée de l'islam.

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Cependant, l’islam ne réussira pas à brider la culture persane qui « s'épanouit sous le règne d'Abbas I er comme en témoignent les beaux monuments d'Ispahan, les tapis, les céramiques et les délicieuses miniatures de cette époque. » (André Larané, 2500 ans d'Histoire de la Perse à l'Iran, Hérodote.net [3]

L’Iran est un grand pays, par son histoire, ses paysages, ses peuples, sa culture, son courage, mais aussi par sa superficie: 1.648.000 km2, soit plus de trois fois celle de la France.

Nous avons montré que les Iraniens ne sont pas des Sémites, comme on pourrait le croire parce qu’ils sont musulmans. A l’origine, ils n’étaient pas musulmans, tout comme les Gaulois n’étaient pas chrétiens.

La société traditionnelle iranienne, malgré l’intense propagande occidentale qui veut la faire passer pour une société aux mœurs obscurantistes, est à nouveau tournée vers son ancienne religion zoroastrienne (oui, encore une référence à Nietzsche : Zarathoustra) ainsi que nous l’explique cette jeune femme [4].

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Une autre vidéo est encore plus explicite: elle nous montre la jeunesse de Téhéran lors de la dernière fête païenne, mazdéiste, du printemps (Norooz [5]). Vous voyez beaucoup de jeunes filles voilées et de mollahs barbus ? Non ! La vidéo d’origine iranienne est accompagnée de ce commentaire : « Hier soir, c'était Chaharshanbe-Soori (fête du mercredi) que les Iraniens festoient et font la fête alors qu'ils disaient adieu à la dernière semaine de l'année avant l'arrivée de NOROOZ (le nouveau jour et l'arrivée du printemps). Voici à quoi ressemblaient les rues de Téhéran... C'est merveilleux de voir notre peuple célébrer malgré les difficultés économiques.

La jeune génération sait ce qu'elle veut, et la tyrannie de la religion n'en fait PAS partie. »

Les mensonges de l'Occident et de Nétanyahu ainsi que la bêtise et l'ignorance crasse de nos politiciens (voir, par exemple, les dernières positions de Marine Le Pen sur le sujet) nous conduisent tout droit à une guerre mondiale.

Le « régime des Mollahs », qui touche à sa fin, n’aura constitué qu’une parenthèse dans la grande et splendide histoire de l’Iran, toponyme qui signifie « royaume des Aryens », et une parenthèse encore plus insignifiante dans l’histoire fabuleuse de nos origines, notre cycle qui s’achève ayant débuté il y a plus de 60.000 ans.

Cette fin de cycle voit s’opposer deux grandes factions [6] qui vont s’affronter dans une guerre impitoyable : les Traditionalistes contre les Globalistes [7], la vérité contre le mensonge, la dignité des cultures anciennes contre l’abjection de notre monde en décomposition.

Si un conflit majeur devait survenir, ma place de cœur serait auprès de ces frères et de ces cousins que je ne connais pas, cette intuition lointaine, venue « du fond des âges », me le murmure, cet héritage des origines me le rappelle, le sort de cette jeunesse iranienne encore insouciante me l’impose.

Notes: 

[1] Les Hyperboréens étaient le peuple-source qui habitait l’Hyperborée à une époque relativement ancienne, il y a 64800 ans, selon la tradition indoue ; ce continent serait désormais enfoui sous les glaces ; le concept et la spiritualité qui se rattachent à l’Hyperborée se nomment : la Tradition primordiale, et ses partisans, les primordialistes. Voir l’article sur ce site : Qu’est-ce que la Tradition primordiale ? du 4 mai 2022.

[2] C’est le mathématicien indien Bal Gangadhar Tilak (1856-1920) qui a, le premier, ouvert l’ère des recherches indo-européennes contemporaines ; lui ont succédé, pour les principaux noms connus, dans l’ordre chronologique : Ananda Coomaraswamy, René Guénon, Julius Evola, Mircea Eliade, Alain Danielou, Jean Phaure, Paul-Georges Sansonetti ; les professeurs Georges Dumézil et Jean Haudry, linguistes et historiens des religions, ont plus particulièrement traité des langues et de l’organisation des sociétés indo-européennes.

[3] Voir la vidéo « De la Perse à l’Iran, 2500 ans d’histoire » https://www.youtube.com/watch?v=_uVPt7GLNH0

[4] https://www.facebook.com/reel/4177251819176792

[5] https://www.facebook.com/IranFocusedForum/videos/15201020...

[6] Voir mon article du 17 octobre 2024 : La guerre des deux mondes

[7] Voir mon article du 22 février 2024 : Traditionalistes contre globalistes : le grand chambardement planétaire

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Les mémoires d’un jeune péquenot

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Les mémoires d’un jeune péquenot

par Georges Feltin-Tracol

Je « n’ai encore rien accompli d’exceptionnel dans la vie », annonce J.D. Vance en préambule de son autobiographie publiée à 32 ans et parue en 2016 sous le titre de Hillbilly Elegy. En français, il s’intitulait à l’origine Hillbilly Élégie. Les éditions Globe viennent de le rééditer sous un titre spécieux, celui d’Une famille américaine. De la grande pauvreté aux ors de la Maison Blanche (2025, 306 p., 23 €). Il s’ouvre sur une préface inutile de Christine Ockrent. Au moment de sa rédaction, homme d’affaire et juriste de formation, J.D. Vance souhaitait à travers son parcours montrer à ses compatriotes la réalité crue des Hillbillies, ces «gars des collines».

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Transposé en français par « plouc » ou « péquenot », Hillbilly désigne l’habitant des Appalaches. On connaît surtout les Montagnes Rocheuses situées à l’Ouest de l’Amérique du Nord. Or, dans l’arrière-pays de la côte Est s’étend en diagonale sur près de 2500 km de l’Alabama jusqu’en Gaspésie au Québec une vaste chaîne de montagnes. D’environ 200 à 300 km de large, ce relief complexe aux altitudes peu élevées correspond à un Massif Central très étiré avec de multiples vallées encaissées longtemps exploitées pour leur richesse houillère, d’où, par extension, l’essor d’une puissante industrie métallurgique.

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Né en 1984 dans l’Ohio, J.D. Vance grandit dans une famille dysfonctionnelle. « Le chaos appelle le chaos. L’instabilité provoque l’instabilité, prévient-il. Bienvenue dans la vie de famille des Hillbillies. » Son père quitte très vite sa mère qui sombre bientôt dans diverses formes de dépendance dont la toxicomanie et des liaisons extraconjugales tumultueuses, fréquentes et éphémères. Ce sont ses grands-parents maternels – Papaw et Mamaw – qui l’élèvent avec sa sœur aînée, Lindsay. Ils passent tous deux leur enfance, puis leur adolescence dans un milieu misérable où les voisins survivent en allocataires des aides sociales gouvernementales quand ils ne sombrent pas dans la délinquance et la drogue. Par ce livre, l’auteur pointe « une culture qui encourage de plus en plus le déclassement au lieu de lutter contre ».

Plus que le Texan, le Hillbilly souffre d’une mauvaise réputation. Originaire d’un vrai « Quart-Monde » intérieur, il s’exprime avec un accent caractéristique. Sa rusticité se confond vite avec une frustration instinctive. Les plus cinéphiles retrouveront ces clichés dans le film de John Boorman, Délivrance (1972). Quatre amis, hommes d’affaires à Atlanta, décident de passer une fin de semaine ludique et sportive à descendre une rivière des Appalaches. Deux bouseux rustres et violents les agressent. Le groupe recourt alors à l’auto-défense la plus viscérale.

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J.D. Vance ne fait aucune référence à ce film qui puise dans des stéréotypes considérés comme racistes pour d’autres ethnies. L’auteur l’avoue volontiers : « Je suis blanc, mais pas comme les WASP, white anglo-saxon protestants, du Nord-Est. Au contraire, je me reconnais dans les millions de Blancs d’origine irlando-écossaise de la classe ouvrière américaine qui n’ont pas de diplômes universitaires ». Il ajoute ensuite qu’avec leur état d’esprit réfractaire et leurs traditions bien ancrées, « les Irlando-Écossais sont l’un des sous-groupes les plus identifiables de la population américaine ». Il ne précise pas que le peuplement des Appalaches résulte de l’installation héroïque de petits colons chassés de leurs lopins de terre par de grands propriétaires - planteurs. Il s’y développe au fil des générations une réticence certaine envers toute forme d’autorité officielle…

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Crise économique ou pas, « c’est dans ces montagnes, observe J.D. Vance, que le sort des Blancs de la classe ouvrière semble le plus rude ». Les difficultés du quotidien n’empêchent nullement le maintien d’un sens aigu de l’honneur. « Nous, les Hillbillies, sommes les gens les plus durs à cuire de la planète. Si quelqu’un insulte notre mère, nous sortons la tronçonneuse. » L’allusion à cet appareil n’est pas qu’une métaphore, mais le rappel d’un fait réel ignoré de la police locale…

Outre le cadre sécurisant de ses grands-parents, J.D. Vance sait aussi saisir quelques occasions propices. Sur le conseil d’une cousine, il s’engage dans les Marines et est envoyé en Irak. Il y exerce une fonction de conseiller auprès des équipes de presse. Au sein de cette unité d’élite, il apprend la discipline, les efforts sportifs et le régime alimentaire… Il dépeint un corps d’arme soucieux de ses recrues qui les materne dans tous les actes de la vie courante tels l’achat d’un véhicule. Les Marines disposent d’un établissement de crédit réputé : la Navy Federal qui leur propose des crédits au taux imbattable.

Son contrat d’engagement de quatre ans terminé, J.D. Vance s’inscrit à l’université de l’Ohio avant de poser sa candidature à Yale dans le Connecticut. Une loi aux États-Unis permet aux anciens soldats de suivre des études supérieures sans contracter des prêts bancaires onéreux. Par ailleurs, il apprend vite que « les universités les plus coûteuses sont paradoxalement les plus économiques pour les étudiants d’origine modeste ». Ancien combattant et plus âgé que ses condisciples, l’auteur perçoit sa présence à Yale comme « une anomalie ».

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Son admission dans l’une des plus prestigieuses universités lui ouvre bien des portes. « À Yale, la fac de droit est le Hollywood des nerds. » Le nerd est un intello peu sociable passionné de techniques informatiques et numériques. Il rencontre dans ces lieux « la fille brillantissime d’immigrants indiens », Usha Chilukuri, sa future épouse et mère de leurs trois enfants. Elle ne sait pas qu’elle deviendra la première femme de vice-président d’origine indienne et de confession hindouiste. On reste surpris que le système médiatique d’occupation mentale hexagonal décrive encore J.D. Vance en national-populiste suprémaciste blanc… Ce choix matrimonial irrite en revanche quelques milieux nationalistes - séparatistes blancs. Une certaine droite radicale soupçonneuse se méfie de l’administration Trump II avec ce vice-président marié à une Asiatique ou un secrétaire au Trésor, Scott Bessent, homosexuel assumé et ancien employé de George Soros. En outre, à Yale agit la puissante fraternité secrète Skull and Bones (« Crâne et Os »). Vance en fait-il partie ? Aucun commentaire de sa part sur ce point ! Il ne s’épanche jamais non plus sur les raisons de la rédaction de ce livre.

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Contrairement à sa famille démocrate même si en 1984 son Papaw vota pour la première et unique fois en faveur de la réélection du président républicain Ronald Reagan, J.D. Vance se déclare conservateur. Il signale que son « héros en politique » n’est autre que « le gouverneur de l’Indiana, Mitch Daniels » (photo) de 2005 à 2013, un conservateur classique post-reaganien.

Le chapitre 11 est le plus politique. Lu aujourd’hui avec le recul, il surprend, car s’y trouve la dénonciation de la thèse qu’Obama ne serait pas né aux États-Unis, thèse soutenue avec ardeur par Donald Trump. « Un tiers de notre communauté met en doute la nationalité du président. […] Il s’agit d’une profonde défiance à l’encontre des institutions de notre pays, qui gagne le cœur de la société. » On comprend mieux son anti-trumpisme virulent des années 2016 – 2018.

En conservateur alors libéral et individualiste, J.D. Vance critique « une tendance forte, chez les Blancs de la classe ouvrière, [qui] consiste à accuser la société ou le gouvernement de tous les maux, et elle ne cesse de s’étendre. C’est là que le discours des conservateurs actuels (dont je fais partie) passe à côté des vrais défis auxquels font face leurs principaux électeurs. Au lieu d’encourager l’engagement, les conservateurs exaltent de plus en plus la forme de détachement même qui a sapé l’ambition de beaucoup de mes pairs. […] La droite le répète de plus en plus : ce n’est pas votre faute si vous êtes des ratés, c’est celle du gouvernement ».

Quand J.D. Vance sort son autobiographie, a-t-il déjà en tête d’entrer en politique ? Peut-être pas. Le succès de son livre (quatre millions d’exemplaires vendus) l’incite à se présenter en 2022 au poste de sénateur fédéral dans l’Ohio. Il remporte l’élection et siège au Sénat de 2023 à 2025 grâce à l’appui, parfois sarcastique, de Donald Trump. Son ralliement au mouvement MAGA parachève un processus commencé à la présidentielle de 1964 avec le républicain Goldwater et poursuivi avec la « Majorité silencieuse » de Richard Nixon, la « révolution libérale – conservatrice » de Reagan, le développement des milices anti-gouvernementales contre Clinton dans la décennie 1990, la candidature à la vice-présidence en 2008 de Sarah Palin et le Tea Party contre Obama. Une autre révolution, populaire et nationale-conservatrice, est sûrement en cours. J.D. Vance en est dès à présent l’emblème.

Il ne fait guère de doute qu’il sera candidat aux primaires en 2028 sauf si survient un contretemps inattendu qu’il mentionne dans le livre. Tout en se moquant des affirmations de certains sites complotistes avançant que « Barack Obama instaurerait la loi martiale avant la fin de son mandat dans le but de faire un troisième mandat », J.D. Vance émet sans le savoir une hypothèse qui pourrait au final convenir à Donald Trump lui-même avant 2029.   

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 161, mise en ligne le 18 juin 2025 sur Radio Méridien Zéro.

15:24 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j. d. vance, actualité, états-unis | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 21 juin 2025

RAND analyse l'expérience de l'Ukraine et recherche les vulnérabilités de la Russie

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RAND analyse l'expérience de l'Ukraine et recherche les vulnérabilités de la Russie

Leonid Savin

La société américaine RAND Corporation continue de publier régulièrement des rapports sur l'opération militaire spéciale de la Russie, qui peuvent être intéressants en termes d'évaluation du conflit armé, des perspectives de son achèvement, ainsi que des intentions futures à l'égard de la Russie.

Dans cet article, nous examinerons trois études. La première, intitulée « Conséquences de la guerre entre la Russie et l'Ukraine et évolution du conflit », présente les principales conclusions suivantes :

« Le principal effet géostratégique de la guerre entre la Russie et l'Ukraine a été d'affaiblir les relations entre l'Europe et la Russie et, dans une moindre mesure, entre l'Europe et la Chine, tout en offrant l'occasion de renforcer les relations entre les États-Unis et leurs alliés européens. Si ces effets se maintiennent, ils retarderont l'objectif de la Russie et de la Chine de créer un monde multipolaire où l'influence occidentale serait réduite. Au-delà du sang et des trésors qu'un tel retard entraînerait, le coût stratégique pour le Kremlin sera plus important.

– La Russie et la Chine sont désormais davantage incitées à saper l'alliance transatlantique. Bien que la Russie semble toujours disposée à reprendre ses relations commerciales d'avant-guerre avec l'Europe, les décisions de l'Europe de rechercher des alternatives à long terme aux importations d'énergie russe et d'imposer des sanctions radicales ne seront pas faciles à inverser. Pékin, pour sa part, semble de plus en plus intéressé par des opérations diplomatiques et d'information visant à affaiblir l'alliance transatlantique.

- Les États-Unis et leurs alliés doivent s'adapter pour se préparer à de futurs conflits prolongés à grande échelle et préserver la dissuasion étendue. Les adversaires des États-Unis ont pris note des difficultés liées au maintien du soutien à l'Ukraine et pourraient à nouveau remettre en question la capacité et la volonté des États-Unis de mener une guerre prolongée. Si les adversaires estiment que leurs systèmes industriels et politiques sont mieux adaptés à un conflit prolongé que ceux des États-Unis, et s'ils considèrent que leurs intérêts peuvent encore être satisfaits à un coût acceptable, il pourrait en résulter un affaiblissement de la dissuasion élargie des États-Unis.

- La communauté de défense américaine pourrait négliger les implications de la guerre en Ukraine pour les contingences futures au-delà de la région indo-pacifique, y compris en Europe. Les États-Unis tirent les leçons des opérations en Ukraine et les appliquent à la région indo-pacifique, mais ils accordent moins d'attention à la manière dont ces leçons pourraient remodeler l'approche américaine en matière de défense des alliés sur d'autres théâtres, en particulier, et ironiquement, en Europe. La recherche d'un moyen rentable et asymétriquement avantageux de dissuader l'agression de l'adversaire s'applique de la même manière à tous les théâtres d'opérations.

Ces conclusions semblent évidentes, même si l'accent mis sur la transition vers la multipolarité et les intérêts de la Chine trahit le véritable désir de Washington de maintenir sa propre hégémonie.

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Dans le même temps, les auteurs notent que la situation sur le champ de bataille peut évoluer dans différentes directions et que les voies diplomatiques peuvent donner lieu à différents scénarios.

Dans l'ensemble, on observe un effort visible pour diaboliser la Russie, en suggérant que Moscou pourrait utiliser des armes nucléaires tactiques à l'intérieur de l'Ukraine ou des armes antisatellites cinétiques en orbite basse contre les satellites commerciaux que l'Ukraine utilise pour obtenir des renseignements. Il est également noté que la Chine pourrait accroître son soutien à la Russie en lui fournissant des armes létales.

Il est intéressant de noter que les conclusions indiquent que « cette évolution suggérerait un consensus sur le fait que le soutien matériel et économique à l'Ukraine ne peut à lui seul permettre d'atteindre les objectifs de sécurité régionale ».

En ce qui concerne la fin du conflit, trois scénarios possibles sont évalués : 1. La Russie atteint son objectif initial en imposant militairement un changement de gouvernement à Kiev ; 2. L'Ukraine réussit à repousser l'offensive russe et regagne le territoire occupé ou contesté par les forces russes depuis 2014 ; 3. L'Ukraine et la Russie conviennent de mettre fin aux hostilités, mais le territoire ukrainien reste divisé et des combats de faible intensité persistent.

Il est évident que le premier scénario est souhaitable pour Moscou, tandis que l'Occident le redoute ; le deuxième, au contraire, est bénéfique pour l'Ukraine et l'Occident, mais n'est clairement pas réalisable, et le troisième reflète la réalité de la situation.

En termes de recommandations, les auteurs insistent pour que le gouvernement américain prenne les mesures suivantes :

- Renforcer la collaboration, la divulgation d'informations et la planification avec les alliés européens afin de répondre aux préoccupations mondiales des États-Unis ;

- Accorder une plus grande attention interinstitutionnelle et davantage de ressources à la protection des systèmes politiques américains et alliés contre les opérations d'information adverses ;

- Continuer à affiner les outils de coercition économique des États-Unis et de leurs alliés.

Le département américain de la Défense devrait prendre les mesures suivantes :

- Concentrer les investissements dans la base industrielle de défense (DIB) sur les besoins à long terme. Les efforts américains et européens visant à renforcer les capacités de production donnent la priorité aux besoins actuels de l'Ukraine en matière de guerre et au réapprovisionnement des pays donateurs ;

- Mettre à jour les plans de dissuasion des États-Unis et de l'OTAN à l'égard de la Russie afin d'intégrer davantage les enseignements tirés des combats en Ukraine, en particulier dans la région indo-pacifique, ainsi que le rôle et les capacités accrus des UAS ;

- Évaluer comment le recours croissant aux UAS influence la perception qu'ont les adversaires des capacités des États-Unis et des alliés de l'OTAN.

Il est également suggéré que les forces aériennes américaines en Europe (Air Forces Africa, U.S. Air Force et U.S. Space Force) :

- Examinent les possibilités de tirer parti des améliorations réelles et proposées de l'industrie, de la recherche et du développement (DIB) et des infrastructures européennes pour soutenir les opérations aériennes distribuées des États-Unis.

- Collaborent avec les forces aériennes ukrainiennes et alliées afin d'intégrer les enseignements tirés de la guerre dans les exercices et les entraînements nationaux, bilatéraux et de l'OTAN.

Cela ne fait que démontrer la volonté claire des forces impérialistes de poursuivre la guerre par procuration menée par l'Ukraine contre la Russie et d'utiliser l'expérience acquise pour améliorer leur capacité de combat, qui pourrait être utile dans une future guerre avec la Chine.

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Un autre rapport de RAND, intitulé « Dispersed, Disguised, and Degradable » (Dispersé, déguisé et dégradable), aborde directement les implications de l'expérience ukrainienne qui présentent un certain intérêt pour les forces armées américaines.

« La guerre entre la Russie et l'Ukraine est une occasion et une motivation importantes pour les États-Unis d'apprendre l'utilisation et l'interaction de diverses forces et capacités dans un conflit de haute intensité d'une manière qui était auparavant impossible », indique l'étude.

Bien qu'elle note que l'Ukraine est différente des États-Unis, il ne sera donc pas possible de copier directement l'expérience.  Dans le même temps, le rapport note que « la Russie et la Chine diffèrent considérablement dans ces domaines, et même dans un conflit avec l'OTAN, la Russie pourrait choisir une manière de faire la guerre différente de celle utilisée en Ukraine... et les États-Unis se préparent à une guerre entre la Russie et l'OTAN et à une guerre entre les États-Unis et la Chine, qui implique également les alliés et partenaires américains dans le Pacifique ».

Autrement dit, il n'y a ici aucune intention cachée concernant une guerre potentielle avec la Chine.

Sur la base des enseignements tirés, les auteurs suggèrent qu'à l'avenir, la distinction entre les systèmes aériens sans pilote (UAS) et les missiles de croisière risque de s'estomper. Pour l'instant, les missiles de croisière conservent des avantages en termes de vitesse, de charge utile et de résistance au brouillage par rapport aux UAS, mais les progrès technologiques permettront probablement de développer des UAS équipés de moteurs plus rapides. Les deux armes pourraient donc être combinées en fonction de missions spécifiques.

L'équilibre entre l'attaque et la défense pourrait changer radicalement, de sorte que ce ne sera pas nécessairement une guerre d'usure, comme c'est le cas en Ukraine. Pour l'instant, le défenseur sera probablement aussi facile à repérer que l'attaquant.

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L'importance d'une surveillance continue et d'un tir à longue portée est soulignée, ce qui augmente l'efficacité des mesures défensives traditionnelles telles que les champs de mines. Mais la même dynamique peut s'appliquer à d'autres domaines et régions géographiques.

Un conflit prolongé nécessite une approche spécifique en matière de moyens rentables, et en Ukraine, les deux camps ont dû s'adapter spontanément, en reconstruisant leurs bases industrielles de défense, leur approvisionnement externe et leurs concepts opérationnels pour s'adapter à la réalité des types de munitions et de systèmes dont ils disposent. Il est donc essentiel de développer des armes pouvant être produites en série à faible coût.

« Les compétences sont tout aussi importantes, sinon plus, que la technologie : les comparaisons purement techniques des capacités militaires russes et ukrainiennes avant la guerre n'auraient pas permis de prédire la situation actuelle. Les combats en Ukraine ont démontré l'importance continue de la maîtrise tactique, d'une planification opérationnelle solide et d'une stratégie cohérente. » Cela est indéniable. Mais cette approche ne peut être copiée, et chaque cas sera unique.

Il a également été noté que « la supériorité aérienne est essentielle : bon nombre des dilemmes mis en évidence en Ukraine découlent de l'incapacité des deux belligérants à établir une supériorité aérienne, qui est cruciale pour la manœuvrabilité sur le champ de bataille ». Il est également ajouté qu'« à un certain moment, la taille même de l'armée russe et sa grande résistance à l'usure pourraient compenser les mêmes facteurs intangibles qui ont donné à l'Ukraine son avantage militaire au début de l'invasion à grande échelle ».

Les risques pour les États-Unis dans la région indo-pacifique et pour les pays de l'OTAN en cas de guerre avec la Russie sont également indiqués : l'Occident ne sera pas en mesure d'assurer une suprématie aérienne totale et de mettre en place un système de défense aérienne fiable.

Les conclusions du rapport sont similaires à celles du précédent : investissements dans le développement et la production d'armes et de munitions, en particulier celles à longue portée ; poursuite du développement de constellations de satellites proliférées et d'architectures spatiales hybrides ; introduction de systèmes de lutte contre les drones, tant cinétiques qu'électroniques ; étude du potentiel des champs de mines navales ; et choix des priorités en cas de conflit prolongé.

Le troisième rapport, intitulé « L'armée russe après l'Ukraine », est consacré à la restauration et à la réorganisation potentielles des forces armées russes. Il identifie quatre approches ou voies possibles que la Russie pourrait emprunter pour reconstituer ses forces armées après la guerre en Ukraine.

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Ces quatre scénarios possibles sont les suivants :

Voie 1 : le plan Shoigu. Cette voie reflète les idées de reconstitution et de cessez-le-feu présentées par l'ancien ministre russe de la Défense.

Voie 2 : revisiter les anciens modèles. Cette voie consisterait à revenir à une armée d'avant le « New Look », en mettant l'accent sur la masse et en s'appuyant fortement sur la conscription, la mobilisation, les capacités nucléaires et la production nationale.

Voie 3 : Un nouveau « New Look ». Cette voie impliquerait la reconstruction d'une force plus petite, mais qualitativement supérieure.

Voie 4 : Un nouveau modèle opérationnel. Cette voie impliquerait la mise en œuvre de réformes industrielles majeures.

La recherche note l'expérience historique : l'effondrement de l'URSS et la réorganisation de l'armée russe, la guerre en Tchétchénie et la nouvelle expérience acquise dans ce cadre, les tentatives de modernisation pendant le mandat de Sergueï Ivanov en tant que ministre de la Défense, et la guerre en Géorgie en 2008, qui a été le catalyseur de véritables réformes.

À la suite de cette analyse, les auteurs sont parvenus à la conclusion suivante :

■ La manière dont la guerre en Ukraine prendra fin déterminera les leçons que la Russie tirera du conflit et, par extension, les décisions qu'elle prendra en matière de reconstitution.

■ Les relations de la Russie avec ses principaux partenaires, notamment la Chine, l'Iran, la Biélorussie et la Corée du Nord, joueront un rôle particulièrement influent dans le processus de reconstitution.

■ La décision de la Russie de restructurer l'économie du pays en vue de la guerre a créé des dépendances au sein de la base industrielle de défense qui seront difficiles à inverser.

■ Bien que les alliés des États-Unis suivent de près les efforts de reconstitution de la Russie, ils se concentrent davantage sur la rapidité de la reconstitution que sur la nature de l'armée russe reconstituée.

Et, en conclusion finale : « Une armée russe partiellement reconstituée continuera de représenter une menace importante pour les intérêts américains et occidentaux sur le théâtre européen. »

Il était difficile d'imaginer une autre conclusion à la fin de cette étude. Nous le savons depuis l'époque de la Russie impériale : une Russie forte est redoutée. Et c'était peut-être la raison principale du coup d'État en Ukraine en 2014 et du début de la guerre par procuration menée par l'Occident collectif.

Pour nous, Russes, les derniers rapports de la RAND devraient nous rappeler les véritables intentions de nos anciens partenaires et nous inciter à opérer les changements nécessaires tant dans le domaine militaire que dans la société elle-même.

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Etats-Unis et Israël: pourrissement cérébral - Entretien avec Alexandre Douguine

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Etats-Unis et Israël: pourrissement cérébral

Entretien avec Alexandre Douguine

Propos recueillis par Tatiana Ladaïeva

Tatiana Ladaïeva : Malheureusement, l'escalade au Proche-Orient se poursuit, et le titre de notre émission reflète plus que jamais la situation dans le monde. Commençons par le plus important : le Moyen-Orient. Cela fait déjà quatre jours que les frappes se poursuivent entre Israël et l'Iran. À l'heure actuelle, on rapporte que la défense aérienne iranienne a abattu plusieurs mini-drones au-dessus du nord-est de l'Iran, et qu'une frappe israélienne a endommagé un hôpital dans l'ouest du pays. Il y a des victimes. Il y a quelques minutes à peine, le président iranien a déclaré que les partisans de la production d'armes nucléaires à Téhéran n'avaient pas leur place dans la politique de la république. Faisons un bilan intermédiaire : quels sont les scénarios possibles pour résoudre ou non ce conflit ? Discutons de ce sujet.

Alexandre Douguine : Oui, je pense que c'est actuellement l'événement le plus important, et il s'agit en effet d'une véritable escalade. Tout d'abord, je tiens à exprimer ma profonde solidarité et ma tristesse face aux pertes subies par l'Iran. Les attaques israéliennes ont détruit le commandement militaire iranien. De nombreux civils ont péri: des physiciens, des scientifiques, des militaires, des chefs militaires ainsi que leurs familles. Nous n'avons pas vraiment insisté là-dessus, mais ils ont tout simplement été anéantis, avec leurs enfants et leurs femmes. Selon les données disponibles ce matin, plus de 70 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été victimes de dommages collatéraux. Or, l'Iran est notre allié, notre ami. Dès le début de l'opération militaire spéciale, il nous a soutenus, tout comme la Corée du Nord. C'est donc un coup très dur pour nous. Ce n'est pas que nous soyons directement impliqués dans cette guerre, mais la sympathie de notre peuple – et, je pense, de l'humanité tout entière – est du côté de l'Iran.

Même en Occident, à en juger par les réseaux sociaux (où il y a plus de liberté que dans les médias mensongers), les gens soutiennent l'Iran. Nous considérons les actions d'Israël au Moyen-Orient – à Gaza, au Liban, en Iran, en Syrie – comme monstrueuses. C'est une manière sanguinaire, cruelle et misanthrope de frapper tout le monde sans distinction, de détruire les dirigeants d'États souverains sans aucune raison. Israël, qui possède l'arme nucléaire, a décidé que l'Iran ne devait pas en avoir et a lancé des frappes préventives, détruisant le commandement militaire d'un pays souverain, frappant des installations nucléaires et tuant des centaines de civils. Cela ne rentre dans aucun cadre, ce ne sont pas des lignes rouges, ce n'est pas la norme, ce n'est pas éthique.

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Actualité du jour : Trump, qui avait d'abord soutenu Israël, a été confronté à une vague de franche hostilité de la part de ses propres partisans MAGA. Tout Internet, du moins les réseaux sociaux libres, regorge de demandes visant à mettre fin à l'aide apportée à Israël. « Ce n'est pas ma guerre » est le slogan le plus populaire. Trump, qui venait de promettre d'aider Israël, a changé instantanément de position : il est désormais en faveur de la paix, exige la suspension des hostilités, se souvient comment il aurait mis fin aux conflits entre l'Égypte et l'Éthiopie, l'Inde et le Pakistan, la Serbie et le Kosovo — tout ce qui peut servir à atténuer l'impression qu'il soutient pleinement Israël. Car aujourd'hui, tout le monde déteste Israël. Être son partisan n'est pas considéré comme éthique.

Avant, on pouvait avoir des opinions différentes, mais après Gaza et l'attaque contre l'Iran, c'est trop. L'attaque n'a pas été pas provoquée: depuis 15 ans, on nous répète que l'Iran est sur le point de fabriquer une bombe nucléaire, mais rien ne se passe. Pourquoi y croire maintenant? Il n'y a aucune donnée factuelle. Et Trump dit que Netanyahu lui a demandé l'autorisation d'assassiner l'ayatollah, le chef spirituel de l'Iran, et qu'il a refusé. Vous imaginez ? Des terroristes sévissent à l'échelle mondiale, demandant l'autorisation d'éliminer le chef spirituel, comme au Moyen Âge. Seul Trump, dans sa « miséricorde », l'a interdit. Ce n'est pas une escalade, c'est un cauchemar.

Toutes les notions de droit international s'effondrent. Israël est un État dont le peuple a tant souffert au 20ème siècle. Mais aujourd'hui, toute la légitimité, toute la compassion envers les victimes du régime hitlérien – et les victimes ne sont pas seulement les Juifs, mais aussi les Tsiganes, les Slaves et d'autres peuples – sont balayées par les actions du régime sioniste. Les Juifs du monde entier protestent contre Israël. Les rabbins, les politiciens, les analystes disent : « À bas Israël ». Les actions de Netanyahu sont un crachat au visage du peuple juif, elles renversent le sens de leur sacrifice historique.

Tatiana Ladaïeva : Peut-on préciser s'il y a une possibilité de comprendre ce que Netanyahu veut obtenir en s'opposant à l'Iran, à d'autres pays ? Le conflit dans la bande de Gaza dure depuis 23 ans, oui, c'est compréhensible, l'histoire y est longue. Les tensions avec l'Iran durent également depuis plusieurs années, mais la question est la suivante: si personne ne le soutient, ni Trump, qui tente aujourd'hui de prendre ses distances et cherche des solutions, ni, semble-t-il, son propre peuple, qu'est-ce qui le motive ? Je peux supposer qu'il a peur pour lui-même, qu'il ne veut pas perdre le pouvoir, c'est évident. Mais quand même, que cherche-t-il à obtenir ?

Alexandre Douguine : Pour comprendre ce que Netanyahu cherche à obtenir, nous devons abandonner notre vision habituelle de la politique comme une lutte pour des intérêts, des ressources ou pour l'approbation de la société. C'est une illusion née d'une lecture simpliste et superficielle de la réalité. La politique mondiale est mue par d'autres forces : des idées et des convictions profondes. L'État d'Israël n'a pas été créé simplement comme un projet national, mais comme l'incarnation d'un objectif religieux : la venue du Messie.

Pour les Juifs, c'est la pierre angulaire de leur foi. Cependant, les sionistes, apparus il y a plus d'un siècle, ont proposé une idée controversée : si le Messie, le sauveur qu'ils attendent – sans reconnaître le Christ et le christianisme – tarde à venir, alors il faut prendre sa mission en main.

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Le judaïsme orthodoxe interdit catégoriquement le retour en Terre promise et la création d'un État avant la venue du Messie. C'est un principe talmudique, une interdiction absolue. Mais les sionistes ont déclaré : « Nous n'attendrons pas. Nous deviendrons nous-mêmes le Messie ». Ils ont décidé de construire le Grand Israël, ont proclamé Jérusalem capitale et se sont attribué le rôle de messie. C'est là l'essence du sionisme dans sa dimension religieuse. Ben-Gvir, considéré comme un extrémiste, ne fait que donner voix à cette logique: le sionisme n'attend pas l'intervention divine, mais agit ici et maintenant, se substituant au Messie.

Les Juifs sont désormais divisés. Certains ont adopté le sionisme, affirmant: «Nous prenons notre destin en main et faisons ce que le Messie aurait dû faire». D'autres objectent: «Non, il faut attendre. Nous sommes le peuple de l'attente, et la précipitation est une arrogance qui empêche sa venue». J'ai vu des images incroyables: des rabbins à Londres, vêtus de habits hassidiques, brandissant des drapeaux iraniens, appelant à la destruction d'Israël. Ils voient en lui un faux royaume, un simulacre, un précurseur de l'Antéchrist qui éloigne le véritable Messie.

Une telle vision du monde dépasse le cadre d'une politique rationnelle. Israël aspire à régner sur le monde en s'attribuant le rôle du Messie. L'analyse habituelle — intérêts, stratégies, erreurs de calcul — est ici impuissante. Tout s'explique par la métaphysique. Oui, les Juifs ont beaucoup souffert, mais cela ne justifie pas la logique vétérotestamentaire de l'«œil pour œil», selon laquelle un seul coup doit être suivi d'une destruction totale. Les peuples chrétiens, après avoir enduré des souffrances, ont prié pour leurs ennemis, ils ne se sont pas vengés.

L'escalade au Moyen-Orient prend une ampleur eschatologique. Pour les chiites d'Iran, l'Occident et Israël sont l'incarnation du Dajjal, leur Antéchrist. Ils se battent, mais respectent les règles, ne franchissent pas les lignes rouges. Cependant, après avoir perdu à Gaza, au Liban et en Syrie, ils sont obligés de se défendre. Pendant ce temps, les protestants américains et les sionistes chrétiens, l'entourage de Trump, attendent l'invasion du «roi Gog», c'est-à-dire la Russie. Ils nous poussent à soutenir l'Iran pour déclencher une vaste guerre. La Russie condamne Israël, soutient l'Iran, mais le conflit s'étend. Israël affirme avoir détruit un tiers des installations de missiles iraniens, tandis que le Hamas estime que Gaza restera en dehors du conflit. L'ampleur du conflit ne fait pourtant que croître.

En réalité, ils se défendent et, d'ailleurs, ont retiré leurs troupes de Syrie. Cela s'est produit après qu'Abu Mohammad al-Jolani, que beaucoup accusent de travailler pour les intérêts d'Israël, ait mené sa terrible campagne contre Damas, sans parvenir à renverser l'homme politique très raisonnable et modéré qu'est Bachar al-Assad. Les Iraniens se sont comportés de manière étonnamment réservée, malgré leur bellicisme interne, ne franchissant jamais certaines limites. Au contraire, ils ont même discuté avec les Américains de la possibilité de compromis sur l'accord nucléaire. Mais, sans attendre la prochaine réunion, Israël a tout fait capoter par cette terrible frappe — et la guerre a commencé.

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Passons maintenant au Pakistan : il fait des déclarations menaçantes, affirmant que si Israël utilise la bombe nucléaire – et tout le monde sait parfaitement qu'Israël en possède –, le Pakistan ripostera par une frappe nucléaire. Ce qui a pu être évité dans le conflit entre deux puissances nucléaires, le Pakistan et l'Inde, redevient une perspective tout à fait réelle. Nous vivons un moment critique. Les explications du comportement des principaux acteurs de cette incroyable escalade ne rentrent plus dans le cadre habituel.

En Occident, on parle de plus en plus souvent d'une troisième guerre mondiale : des publications et des hashtags tels que « #WW3 » apparaissent. De plus en plus de gens comprennent que la situation est allée si loin que les anciennes approches et les explications classiques ne fonctionnent plus du tout. L'ancien ordre mondial s'est effondré, il n'en reste plus rien. Les institutions internationales sont paralysées, leur autorité est réduite à néant.

Les positions politiques changent quotidiennement, ce qui nous oblige à créer une nouvelle carte politologique, ou plus précisément géopolitique. Nous devons prendre en compte ce qui était auparavant ignoré ou sous-estimé: la composante religieuse et les scénarios eschatologiques. Car c'est précisément au Moyen-Orient que convergent aujourd'hui les conceptions les plus diverses sur la fin du monde. Ces idées sont largement répandues tant parmi les protestants américains que dans les cercles du sionisme chrétien. Beaucoup de ses adeptes, y compris dans l'entourage proche de Trump, élaborent leur propre vision de ce qui se passe ou devrait se passer dans cette région. Ils attendent l'invasion du « roi Gog », le « roi du nord », autrement dit la Russie, qu'ils identifient au Gog biblique. Leur calcul est simple: nous soutiendrons l'Iran et entrerons en guerre avec Israël, ce qui leur donnera un prétexte pour déclencher un conflit à grande échelle contre nous. Il s'agit en fait d'une provocation visant à entraîner la Russie dans une escalade.

Il convient de rappeler que Netanyahu a mené des négociations avec Poutine, puis avec Trump. La Russie, quant à elle, adopte une position claire dans ce conflit: elle soutient l'Iran et condamne les actions d'Israël.

Pour ceux qui ne suivent pas l'actualité, je précise que l'armée israélienne a récemment annoncé avoir détruit un tiers des installations de missiles iraniens. Dans le même temps, dans la bande de Gaza, les représentants du Hamas affirment que l'escalade entre l'Iran et Israël ne les affectera pas directement. Cependant, il est évident que l'ampleur du conflit ne fera que s'intensifier.

Tatyana Ladaïeva : Et à propos de Trump : il y a littéralement huit minutes, il a déclaré qu'Israël et l'Iran devaient mener leur conflit jusqu'au bout pour parvenir à un accord. Mais, Alexandre Douguine, lorsque tout a commencé, beaucoup affirmaient qu'Israël agissait sur ordre direct de Trump. Ils disaient que c'était lui qui ne voulait aucun accord avec l'Iran et qui avait presque poussé Israël à agir ainsi. Trump ne devrait-il pas maintenant prendre l'initiative et asseoir Israël et l'Iran à la table des négociations afin de trouver une issue à cette situation ?

Alexandre Douguine : Je pense que le rôle de Trump dans ce conflit est très paradoxal. Il n'est guère l'initiateur de ce qui se passe, car les actions d'Israël sous la direction de Netanyahu suivent la ligne du sionisme religieux d'extrême droite. Trump se retrouve plutôt dans la position d'un otage impliqué dans des guerres qu'il n'a pas déclenchées. Il cherche à jouer le rôle de pacificateur, mais reste néanmoins partie prenante au conflit. À mon avis, il est acculé comme un lièvre: ses déclarations ressemblent davantage à des crises de nerfs qu'à une stratégie mûrement réfléchie. Sa position change quotidiennement: il tente de satisfaire des forces contradictoires, mais ce n'est pas sa volonté propre, c'est une réaction à la pression des circonstances.

En parlant de la guerre au Proche-Orient entre Israël et l'Iran, on ne peut ignorer la position des autres États islamiques. Israël fait preuve d'une prudence et d'une persévérance remarquables — à Gaza et en Irak, il y parvient avec brio. Une question légitime se pose : qui contrôle réellement la situation ? L'Amérique, qui utilise Israël comme un instrument de sa politique, ou Israël lui-même, qui manipule l'Amérique et la communauté internationale dans son propre intérêt ? Si auparavant de telles réflexions étaient considérées comme du conspirationnisme, aujourd'hui la question se pose inévitablement.

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Remarquez avec quelle habileté Israël, depuis son invasion terrestre de Gaza, vient à bout de ses adversaires, en s'occupant de chacun d'entre eux individuellement. Après les actions scandaleuses du Hamas, qui ont dépassé toutes les limites imaginables, Israël a répondu par la même monnaie. Son opération contre le Hamas, condamnée par les pays islamiques, a néanmoins contraint les forces régionales à s'abstenir de toute intervention directe.

Après s'être occupé de Gaza – certes pas complètement, mais en recourant à des bombardements intensifs rappelant les pages sombres de la Seconde Guerre mondiale –, Israël s'est tourné vers le Liban et le Hezbollah. Après avoir détruit le leadership de ce dernier, y compris ses fondateurs, il a envahi le territoire d'un État souverain, bombardant sans ménagement des villes pacifiques. La seule véritable résistance est venue des Houthis yéménites, qui ont fait preuve d'un courage exceptionnel, tandis que les autres États se sont contentés de protester et d'observer la situation.

Aujourd'hui, Israël a frappé l'Iran, un pays qui le dépasse largement à tous égards. L'objectif principal du régime sioniste est clair: empêcher la consolidation des États islamiques en tenant à l'écart les Turcs, les Saoudiens et les pays du Golfe Persique. Israël élimine méthodiquement ses adversaires les uns après les autres, tandis que le monde islamique semble être en transe, fasciné par cette volonté de domination rusée, calculatrice, presque satanique. Ce petit État agressif et fanatique s'en prend aux régimes islamiques, qui se contentent d'observer, invoquant leurs divergences internes ou leurs intérêts économiques. Où est donc cette oumma islamique dont on parle tant ? Dans les épreuves réelles, elle fait preuve de passivité et de désunion. Israël a l'intelligence, la volonté et la détermination fanatique de prendre la place du Messie, tandis que les musulmans semblent absorbés par le commerce du pétrole et les appels au droit international.

Nous pouvons maintenant revenir à Trump — tous ces sujets sont inextricablement liés.

Tatyana Ladaïeva : Oui, tout est vraiment lié. Permettez-moi de résumer les commentaires qui nous sont activement envoyés. Beaucoup se demandent pourquoi ceux qui sont mécontents de Netanyahu et de la politique d'Israël ne résolvent pas leurs problèmes eux-mêmes, sans entraîner les pays voisins dans le conflit. Nous avons déjà abordé cette question. Certains craignent que le silence des autres États ne conduise à une situation où « on est venu me chercher, et personne n'était là pour me défendre ». D'autres voient dans ce qui se passe une motivation économique liée aux intérêts des États-Unis. Ils disent notamment que l'objectif est de faire grimper les prix du pétrole, ce qui profite à l'industrie pétrolière américaine et peut-être à Trump. Nos auditeurs ont différentes hypothèses, mais il semble que nous ayons abordé cette question sous tous ses angles. En ce qui concerne les États-Unis, cela fait déjà trois jours, si je ne me trompe pas, que des manifestations contre le président Donald Trump et son administration ont lieu. Voyons ce qu'est la campagne nationale « No Kings » (« Pas de rois », si l'on traduit littéralement). Elle est directement liée à ce qui se passe aujourd'hui en Amérique.

Alexandre Douguine : En effet, la situation est extrêmement grave. Avant de parler de Trump, il faut aborder le conflit au Proche-Orient. Israël a avancé un argument auprès de l'opinion publique américaine qui n'a pas encore reçu toute l'attention qu'il mérite chez nous, mais qui fait l'objet de discussions partout aux États-Unis, en particulier dans le contexte des manifestations. Il ne s'agit pas seulement de l'opération « Peuple du Lion » contre l'Iran, mais aussi du « choix de Samson ». L'idée est qu'en cas de défaite, si le « Dôme de fer » ne tient pas, Israël est prêt à faire exploser des installations nucléaires dans le monde entier. Ils ont déjà montré comment leurs agents infiltrent même des pays aux régimes répressifs, comme l'Iran: des frappes chirurgicales ont été menées contre ce pays à partir de son propre territoire par des cellules dormantes. Comment cela est-il possible dans de telles conditions? C'est un mystère. Le «choix de Samson» est une image biblique: périr avec ses ennemis. Si Israël commence à perdre, il activera ses cellules à travers le monde et provoquera un apocalypse nucléaire. C'est une perspective sinistre, qui a déjà atteint les Américains et fait partie des discussions autour des manifestations « No Kings ».

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Les manifestations « No Kings » (« Pas de rois ») sont une mobilisation des opposants à Trump dans le but de le renverser. Les démocrates, les migrants et les groupes extrémistes tels que l'Antifa appellent à la révolution. Il est curieux de constater qu'Antifa, qui déclare lutter contre le fascisme, reste silencieux lorsque le fascisme se manifeste, par exemple en Ukraine. Il ne s'active que pour renverser les dirigeants qui œuvrent pour le bien de leur peuple, les accusant de « fascisme ». Antifa est le noyau dur de « No Kings », construit sur le modèle des révolutions colorées de Soros. Au lieu du BLM, ce sont désormais les « bérets bruns » latino-américains, qui attisent le séparatisme au Texas et en Californie, et les anarchistes, qui considèrent tout pouvoir comme du fascisme, qui sont à l'avant-garde. Ces radicaux sont les plus agressifs : ils sont armés et provoquent la police. Les démocrates soutiennent ce mouvement. Dans le Minnesota, un partisan des démocrates a abattu la sénatrice S. Harb, son mari et le politicien Hoffman: c'est déjà du terrorisme politique. On parle de guerre civile. Dans le même temps, Trump est accusé d'autoritarisme, comme Poutine ou Orbán, ce qui fait de lui la cible de la révolution.

Les manifestations n'ont pas commencé de manière très intense, peut-être à cause des frappes israéliennes sur l'Iran, qui ont détourné l'attention. Mais Trump est acculé. Il n'a pas apporté la paix en Ukraine, il n'a pas cessé de soutenir le régime de Kiev, échouant ainsi dans la mission pour laquelle il avait été élu. Son soutien à Israël, surtout au début, a déçu ses partisans opposés à tout interventionnisme. Sa position active sur l'Iran s'est soldée par un échec. Échec en Ukraine, soutien aux mesures inhumaines d'Israël et révolte interne: les nuages s'amoncellent au-dessus de lui.

Le rôle d'Elon Musk, deuxième personnalité la plus influente de la politique américaine, est intéressant. Au début, il s'est rapproché de Trump, s'est excusé et a prévu une rencontre. Mais après les frappes contre l'Iran, Musk a changé de discours, voyant le soutien à Trump s'effondrer. Son idée d'un parti « Amérique » a attiré 87% des partisans déçus de Trump parmi ses millions d'abonnés. Dans ce contexte, Trump est poussé dans le rôle d'un fauteur de guerre, comme l'était Biden. Derrière lui se trouvent des personnalités telles que Lindsey Graham, inscrit sur la liste des terroristes par Rosfinmonitoring. Les démocrates, y compris Bernie Sanders, organisateur de « No Kings », condamnent soudainement la guerre et Israël, alors que leur parti l'a toujours soutenu. Ils poussent Trump à commettre des erreurs, puis les utilisent contre lui: c'est une tactique diabolique.

Il est difficile de sympathiser avec Trump: ses déclarations sont contradictoires, sa position change tous les jours. Mais il est le président d'un grand pays, pris en étau entre les protestations, les attentes de ses partisans et ses propres erreurs. Cela ressemble à une crise de nerfs. Il lui reste encore trois ans à gouverner, mais son autorité s'effrite et sa destitution a déjà commencé. Les transgenres, les féministes, les militants LGBT, des groupes interdits en Russie, participent aux manifestations.

Tatyana Ladaïeva : Pouvez-vous préciser ce que ces manifestants veulent obtenir ? Veulent-ils que Trump démissionne complètement, qu'il renonce à ses pouvoirs ? Ou s'agit-il peut-être d'une procédure de destitution ? Ou bien exigent-ils simplement que Trump modifie sa politique sur certaines questions clés ?

Alexandre Douguine : Je pense qu'ils sont incapables de réfléchir de manière sensée. Le fait est que sous le règne des démocrates, lorsque les écoles imposaient le changement de sexe, au moment où une personne était capable de participer à des manifestations, sa capacité de réflexion critique était déjà compromise. Une grande partie de la société américaine est dans un état d'hallucination, favorisé par la propagation des drogues et un phénomène connu sous le nom de « brain rot » (pourrissement cérébral), une culture de mèmes absurdes qui captive des millions d'utilisateurs. Plus le contenu est stupide, plus il devient populaire. Ce « brain rot » est l'état dans lequel se trouve une grande partie des Américains. Il est très facile de diriger cette masse, qui ne travaille nulle part, vit des allocations sociales et des drogues, vers des manifestations, même sans expliquer les objectifs. Il s'est avéré que George Soros finance les participants en leur distribuant de l'argent et des biscuits, comme dans les révolutions colorées classiques.

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C'est un coup dur pour Trump: il a gagné, alors qu'il aurait dû perdre; il a proclamé les valeurs traditionnelles, ce qui est inacceptable pour ses adversaires. Maintenant, on tente de le renverser, de le discréditer, en montant tout le monde contre lui, des transgenres aux Latino-Américains. Mais cette masse en décomposition n'a pas de plan constructif, comme dans les autres révolutions colorées. Les démocrates et les mondialistes semblent pousser délibérément les États-Unis vers une guerre civile ou un conflit nucléaire, sans proposer aucune vision positive de l'avenir. L'agression, la violence, la dégénérescence, le sadisme, la perversion sont omniprésents, mais il n'y a pas d'image de l'avenir. Nous avons précipité les choses en discutant de la suppression du terme « escalade » : celle-ci ne fait que s'intensifier, et dans ce chaos naissent les scénarios les plus fous. La Russie doit rester un bastion de bon sens et continuer à avancer vers ses objectifs, mais c'est difficile, car nous faisons partie de ce monde et le « brain rot » nous touche aussi.

L'Iran est certes une théocratie mais jusqu’à un certain point seulement... - Sur l’architecture institutionnelle de Téhéran

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L'Iran est certes une théocratie mais jusqu’à un certain point seulement...

Sur l’architecture institutionnelle de Téhéran

par Giorgio Cataldo (*)

Source: https://www.barbadillo.it/122220-iran-teocrazia-ma-fino-a...

Les agences de presse ont diffusé la nouvelle selon laquelle le Guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei, aurait transféré les pouvoirs exécutifs aux Pasdaran, c’est-à-dire au Corps des Gardes de la Révolution, le groupe militaire qui a joué un rôle décisif lors de la Révolution khomeyniste de 1979 et qui continue d’exercer des missions et fonctions pour la protection des principes de la Révolution (art. 150).

Si cela est confirmé, il s’agirait d’une décision d’urgence qui n’est pas formellement prévue par la Constitution iranienne, qui prévoit en réalité, dans ses procédures, des modalités différentes, tout aussi adaptées à la phase délicate que traverse la République.

Une première procédure consiste à confier la responsabilité des devoirs du Guide, en cas d’incapacité temporaire, à un Conseil provisoire composé du Président de la République, du Président de l’Organe Judiciaire et d’un des juristes du Conseil des Gardiens élu par le Conseil pour le Discernement de l’Intérêt Supérieur de l’État (art. 111). Il faut préciser que le Conseil des Gardiens (à ne pas confondre avec le Corps des Gardiens mentionné ci-dessus) joue un rôle similaire à celui d’un juge constitutionnel, en vérifiant la compatibilité des normes adoptées par l’Assemblée parlementaire avec la Constitution et les préceptes de l’Islam (art. 94) ; en revanche, le Conseil pour le Discernement de l’Intérêt Supérieur de l’État est une sorte de « super » juge constitutionnel, qui tranche, entre autres, les conflits d’interprétation entre le Conseil des Gardiens et l’Assemblée (art. 112).

Une seconde procédure concerne l’implication du Conseil suprême de sécurité nationale, créé pour garantir l’intérêt national et protéger la Révolution islamique, l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale (art. 176). Cet organe a été central lors de l’urgence du coronavirus, et sa particularité réside dans le fait que ses décisions ne nécessitent pas obligatoirement d’être publiées dans les sources officielles, la ratification par le Guide étant suffisante (et, peut-être, une communication informelle par moyens de télécommunication).

Une troisième procédure consiste en la proclamation de l’état de siège et la formation d’un gouvernement militaire, dont les décisions ont une validité provisoire, devant être converties par l’Assemblée (un peu comme notre décret-loi) (art. 79).

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La situation concrète actuelle a semblé si atypique qu’elle aurait incité le Guide suprême à confier les pouvoirs exécutifs aux Pasdaran, en dérogation à la Constitution elle-même, si les informations dont nous disposons sont exactes.

Une occasion de comprendre la particularité de la « théocratie » islamique

L’ensemble du cadre esquissé, tant ce qui concerne les procédures prévues de façon abstraite que ce qui concerne la décision concrète, laquelle semble avoir été adoptée, est intéressant, entre autres, parce qu’il permet d’observer l’ordre iranien au-delà de la simple définition de « théocratie ».

Il est vrai que l’élément religieux constitue une constante dans le fonctionnement des organes cités, mais:

– les Pasdaran sont des militaires révolutionnaires, pas du tout des membres du clergé.

– le Conseil des Gardiens est composé de 6 juristes islamiques (Fuqaha) nommés par le Guide suprême et de 6 juristes laïcs nommés par l’Organe judiciaire sur proposition de l’Assemblée (qui elle-même est composée de laïcs et de clercs).

– le Conseil pour le Discernement de l’Intérêt Supérieur de l’État est composé de membres issus de divers horizons (juristes, militaires, clercs, politiciens, etc.), nommés par le Guide.

– le Conseil suprême de sécurité nationale est composé des hauts responsables des trois Pouvoirs de l’État, du commandant du quartier général des forces armées, du responsable de la planification économique et financière, de deux représentants choisis par le Guide, des ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur et des Services de renseignement, du Commandant général des forces armées et des Gardiens de la Révolution.

– le même Guide suprême, qui est un clerc de très grande influence, est élu par un Conseil d’experts, dont les membres sont eux aussi élus par le peuple parmi des représentants de diverses origines (juristes, militaires, clercs, politiciens, etc.) (art. 107) !

Le Guide suprême – l’unique à avoir été élu à cette fonction est actuellement Ali Khamenei, successeur de Ruhollah Khomeini, dont le mandat était à durée indéfinie – est reconnu comme un juriste-clerc expérimenté capable d’interpréter les préceptes de l’Islam.

Un ordre en attente d’une véritable théocratie

L’ensemble du système constitutionnel iranien pourrait même être qualifié de provisoire en l’absence d’une véritable théocratie. L’Iran est une nation chiite. Le chiisme est la seconde plus grande branche de l’Islam. La première est le sunnisme, qui est la plus répandue. Comme il est de notoriété, ces deux grandes traditions se divisent principalement sur la succession du Prophète Mahomet. Les chiites en tirent leur origine de la fille Fatima et du cousin et époux, Alī ibn ʾAbī Ṭālib, considéré comme le premier Imam (guide). Les sunnites, en revanche, rejettent cette interprétation et évoquent la femme de Mahomet, en considérant, pour simplifier, que toute personne pouvant proclamer être Imam mérite de l’être.

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Cela a des répercussions sur le plan juridique-institutionnel du gouvernement de la communauté islamique. Le sunnisme confond la guidance religieuse avec la guidance séculière. Dans ce cas, le terme « théocratie » paraît tout à fait approprié. Le chiisme, en revanche, considère qu’une figure directement issue de la lignée d’Alī est nécessaire. Cependant, là réside le problème, d’une portée eschatologique extrême: le douzième Imam aurait disparu au 9ème siècle pour échapper aux persécutions du califat sunnite. Cela a privé toute légitimité aux gouvernances politiques ultérieures. Depuis des siècles, les chiites acceptent à contrecœur les autorités politiques en place. Pour l’Iran, cependant, Ruhollah Khomeini a élaboré la théorie du « jurisconsulte expérimenté »: il faut qu’une personne autorisée gouverne, capable d’interpréter les préceptes de l’Islam de la manière la plus cohérente possible (toutefois elle ne sera jamais parfaite), en attendant le retour de l’Imam. Sur cette base, la Révolution de ’79 (renversant le Shah de l’époque en Perse) a été menée, et c’est sur elle que repose le régime actuel.

Lectures recommandées : 

    - Cantaro – F. Losurdo, “Secolarizzazione” e “desecolarizzazione” negli ordinamenti giuridici islamici, in Dir. pubbl. comp. eur., 2/2014;

    - De Grazia, Fonti del diritto e fattore religioso. Aspetti di diritto costituzionale comparato. Israele, Iran, Città del Vaticano, Napoli, 2013;

    - Khomeini (1995-2000), Il governo islamico o l’autorità spirituale del giuriconsulto, trad. it. a cura di A. Cancian, Rimini, 2006;

    - P.L. Petrillo, Iran, Bologna, 2008;

    - A.R. Jalali, Alcune particolarità sulla forma di governo della Repubblica Islamica dell’Iran da Khomeini a Rouhani, in DPCE Online, 1/2015;

    - (se si vuole), G. Cataldo e A.R. Jalali, La stabilità istituzionale come principio supremo dell’ordinamento iraniano nelle misure di contrasto al Coronavirus, in DPCE Online, 2/2020.

(*) Enseignant contractuel auprès des Institutions de droit public à l'Université de Salento.

 

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vendredi, 20 juin 2025

La rigueur d'une politique de retenue : pourquoi la Chine n’interviendra pas

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La rigueur d'une politique de retenue : pourquoi la Chine n’interviendra pas

Source: https://dissident.one/de-brutaliteit-van-terughoudendheid...

Une question qui m’est posée à plusieurs reprises – récemment en lien avec Gaza ou l’Iran – est la suivante : pourquoi la Chine n’intervient-elle pas ? Ou, si elle ne participe pas directement sur le plan militaire, pourquoi ne cesse-t-elle pas au moins le commerce avec Israël ou ne soutient-elle pas l’Iran avec en fournissant des armes pour son autodéfense ?

Honnêtement, je n’ai pas de réponses simples, écrit Arnaud Bertrand. Et je mentirais si je prétendais en avoir. La règle de base est: quiconque affirme avoir une compréhension de la pensée stratégique des dirigeants chinois est un hâbleur. Ces stratégistes chinois ne lâchent rien – littéralement personne en dehors de leur cercle intérieur ne sait ce qu’ils pensent. Donc, toute personne dans les médias occidentaux citant des sources anonymes prétendument proches des délibérations secrètes qui se tiennent à Pékin diffuse probablement des absurdités. Même des employés de haut rang de Xinhua, l’agence de presse officielle de la Chine et porte-voix du Parti communiste, n’ont pas un accès privilégié aux délibérations de la direction du parti. Il est totalement exclu que des journalistes occidentaux en aient.

Ce que nous pouvons toutefois savoir – et cela pourrait être découvert par quiconque fait un peu de recherche – c’est l’histoire de la Chine et ce que le pays a lui-même rendu public au sujet de sa politique étrangère. Quiconque s’y intéresse sérieusement trouvera des réponses étonnamment claires.

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Historiquement, la Chine a été impliquée dans précisément cinq conflits armés internationaux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale: la guerre de Corée (1950-1953), dans laquelle elle a combattu aux côtés de la Corée du Nord contre les États-Unis ; la guerre du Vietnam, où 300.000 soldats chinois ont soutenu le Nord-Vietnam ; la guerre de la frontière avec l’Inde en 1962, provoquée par des incursions indiennes dans des zones contestées comme l'Aksai Chin ; des conflits militaires avec l’Union soviétique à la fin des années 1960, par exemple lors de l’incident de l'Oussouri ; et la courte mais sanglante guerre contre le Vietnam en 1979, suite à l’invasion vietnamienne du Cambodge.

D’autres événements, comme la crise à Taïwan, l’invasion du Tibet en 1950-1951 ou les récents incidents frontaliers dans la vallée de Galwan avec l’Inde, sont considérés selon le droit international comme des différends internes ou locaux, et non comme des interventions militaires.

Le modèle est clair: la Chine n’intervient militairement que lorsque sa propre intégrité territoriale ou sa sécurité est menacée. Dans son histoire millénaire, elle n’a jamais mené d’intervention militaire en dehors de son environnement immédiat – surtout pas dans des conflits qui ne touchent pas directement à sa sécurité. Il est extrêmement improbable qu’un dirigeant chinois rompe ce schéma profondément ancré dans l’histoire.

Il est également intéressant de noter que deux des cinq guerres menées par la Chine l'ont été contre les États-Unis – et qu’elle a gagné dans les deux cas, malgré le fait qu’à l’époque, elle était encore l’un des pays les plus pauvres du monde. Un souvenir qui pourrait ne pas déplaire aux faucons chinois à Washington.

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Cela nous amène aux principes. Au cœur de la politique étrangère chinoise se trouve un principe de stricte non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États. Même lorsqu’il y a un agresseur évident, la Chine refuse toute ingérence, car cela violerait la souveraineté – même si moralement, elle prend le parti de la victime. Ce qui est souvent perçu comme un cynisme pragmatique dans la politique occidentale, est, dans la vision de la Chine, l’expression d’un principe cohérent : les principes s’appliquent, même quand cela ne leur profite pas.

La question qui se pose est dès lors la suivante: respectez-vous la souveraineté d’un pays uniquement si vous êtes d’accord avec sa politique? Ou même si vous n’êtes pas d’accord? La Chine tente la dernière option. Elle maintient sa souveraineté, même si cela est difficile – par exemple dans le cas d’Israël ou de l’Iran.

Ce comportement crée une paradoxe: en n’intervenant pas, la Chine facilite la tâche aux autres États pour le faire à leur tour. Pourtant, la Chine croit que les principes prévalent par la crédibilité et l’exemplarité – pas par la force ou la contrainte. Une intervention sélective ferait de la Chine une nouvelle puissance hégémonique qui violerait à volonté les règles.

La Chine veut projeter une image d’un ordre mondial dans lequel un État peut exercer son influence sans recourir à la puissance militaire. Le modèle occidental – selon la contre-image chinoise – repose sur la violence, l’hypocrisie et les doubles standards. L’alternative chinoise: respecter les principes, faire preuve de patience et de retenue. L’objectif est la crédibilité à long terme, pas le gain à court terme.

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La Chine rejette également toute politique de blocs. Le président Xi Jinping a répété à plusieurs reprises la condamnation de la pensée qui régentait le monde pendant la Guerre froide, avec l'établissement de zones d’influence et de la confrontation. Une aide militaire à l’Iran ou à Gaza placerait immédiatement la Chine dans un bloc anti-américain – exactement selon la logique bipolaire qu’elle veut éviter. Cela minerait non seulement la quête chinoise d’un ordre mondial multipolaire, mais aussi sa crédibilité en tant que puissance non-hégémonique – surtout dans le Sud, où elle est vue comme une alternative à la domination occidentale.

Une parabole historique de 288 av. J.-C. illustre la pensée stratégique de la Chine: deux royaumes chinois rivaux, Qin et Qi, se sont tous deux proclamés détenteurs de l'impérialité chinoise. Cependant, l’État le plus bienveillant, Qi, a perdu son avantage moral à cause de cette démarche – et a finalement été détruit par Qin. La leçon à retenir: celui qui agit en tant que co-hégémon perd son statut spécial.

Le multilatéralisme est également un principe central de la politique étrangère chinoise. La Chine vise à une véritable organisation multilatérale soutenue par l’ONU. Elle n’interviendra pas unilatéralement, même si le système est bloqué. Quiconque ignore le système de l’ONU détruit toute autorité qu’il pourrait utiliser pour le défendre.

Stratégiquement, la Chine évite également l’expansion excessive, qui a jadis conduit l’Union soviétique à sa chute et affaibli les États-Unis aujourd’hui. Plutôt que de gaspiller des ressources dans des interventions lointaines, la Chine se concentre sur le développement national – un modèle réussi qu’elle souhaite préserver. Des aventures militaires au Moyen-Orient donneraient aussi aux États-Unis des munitions pour lutter contre la présence chinoise en Asie de l’Est et autour de Taïwan – ce qui nuirait à Pékin.

La réunification avec Taïwan, objectif stratégique supérieur de la Chine, exige une image de stabilité et de supériorité – pas celle d’un hégémon agressif. Quiconque s’engage militairement partout dans le monde perd cette image.

En résumé : que ce soit d’un point de vue historique, principiel ou stratégique, tout milite en faveur de la non-intervention de la Chine. Cela irait à l’encontre de son identité politique, compromettrait sa crédibilité et mettrait en danger ses objectifs stratégiques. Reste à voir si cette approche sera plus efficace à long terme que les démonstrations de puissance occidentales. Mais c’est une alternative réaliste à un système qui se termine trop souvent par la violence, l’intervention et l’hypocrisie.

Et aussi douloureux que cela soit de voir l’inaction face à des tragédies humaines comme celle de Gaza, la tentative de la Chine de modeler un rôle différent en tant que grande puissance mérite au moins du respect. Peut-être même de l’admiration – pour la cohérence radicale et le courage de résister à la spirale de la violence.

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La politique étrangère des États-Unis est-elle hors du contrôle de Trump ?

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La politique étrangère des États-Unis est-elle hors du contrôle de Trump ?

par Davide Malacaria

Source: https://www.piccolenote.it/mondo/la-politica-estera-usa-e...

« Voici la réalité de ce qui est en jeu, de ce que nous affrontons aujourd’hui, car pendant que nous sommes ici, plus que jamais, nous sommes tout proches de l’annihilation nucléaire, tandis que les guerres de l’élite politique alimentent imprudemment la peur et la tension entre les puissances nucléaires. » C’est ainsi que Tulsi Gabbard s’est exprimée dans une vidéo inhabituelle, publiée sur YouTube après sa visite à Hiroshima, où elle appelle les peuples à faire entendre leur voix pour arrêter cette dérive.

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Gabbard sait de quoi elle parle, puisqu’elle dirige le renseignement national américain et a accès aux informations les plus confidentielles des agences fédérales. Ce n’est pas une plaisanterie de mauvais goût, mais la réalité dramatique, qui s’est encore accentuée après l’attaque contre les bombardiers stratégiques russes la semaine dernière.

Cette attaque cache des arrière-plans inquiétants, au-delà des motifs évoqués que j'ai évoqués dans une note précédente, à savoir faire échouer le processus de paix d’Istanbul prévu pour le lendemain, et déclencher une réaction russe pour amorcer un conflit direct avec l’Occident.

Alastair Crooke en parle dans un article publié sur le site du Ron Paul Institute, où il décrit ces arrière-plans. La première, qui découle du fait que les Ukrainiens ne pouvaient pas mener une opération aussi sophistiquée en solitaire, est que c’est l’Amérique qui a coordonné l’opération, évidemment en collaboration avec la Grande-Bretagne (Londres dirige également l’Union européenne, en tirant les ficelles des marionnettes placées au sommet de l’UE et de l’Allemagne).

Le Silence des Ours

Ce contrôle extérieur de l’attaque est évident, mais Crooke explique que peut-être Trump a donné son feu vert en croyant à ce que lui ont rapporté ses conseillers, selon lesquels la Russie était proche de l’effondrement, et qu’en augmentant la pression — par des attaques stratégiques visant à dégrader le moral russe — Moscou serait contrainte de céder.

Dans ce cas, Trump aurait été victime du manque de réalisme de ses conseillers, perdus dans leurs rêveries et incapables de comprendre la véritable force économique et militaire de la Russie. Crooke ne le précise pas explicitement, mais en citant un tweet de Trump — « Des choses terribles, si ce n’était pas moi, des choses VRAIMENT TERRIBLES arriveraient à la Russie » — il est clair que, si cette approbation existait, elle aurait été limitée.

La seconde hypothèse plus crédible, selon Crooke, est que « peut-être ses conseillers, involontairement ou délibérément, ont ‘trompé’ Trump et son programme de normalisation des relations avec la Russie ». L’initiative d’attaquer les bombardiers russes aurait été prise à l’insu du président, et justifiée par la suite sous le prétexte que « la CIA a simplement agi en fonction d’une vieille directive présidentielle autorisant des attaques en profondeur à l’intérieur du territoire russe. »

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Au-delà de nos considérations, selon Crooke, dans les deux cas, ce qui s’est passé signifie « une seule chose : que Trump n’a pas le contrôle. » Il l’éclaire davantage en expliquant qu’un objectif stratégique de l’attaque — qui a réussi et a prouvé qu’elle était « réalisable » — est que cela a « imposé à Trump la dure réalité de ne pas avoir le contrôle de la politique étrangère des États-Unis […]. Le Deep State collectif lui a fait comprendre cela. »

À ce propos, il cite le général Michael Flynn, qui explique : « L’État profond agit désormais en dehors du contrôle de la direction élue de notre nation… les hommes de l’État profond s’efforcent de provoquer la Russie pour ouvrir un affrontement à grande échelle avec l’Occident. »

L’alerte lancée par Gabbard, sous une forme si inhabituelle, semble confirmer les difficultés de Trump, qui aurait pu lui demander de prendre cette initiative surprenante.

Crooke explique aussi que l’attaque contre la Russie a exploité une vulnérabilité du Traité Salt-Start sur les armes nucléaires, en particulier l’article XII du traité START qui exige que les puissances signataires « exposent visiblement » tous les bombardiers lourds à l’intérieur de leur base aérienne. Ceci afin qu’ils puissent être surveillés par des satellites ennemis pour empêcher tout “premier coup” d’une des parties.

L’attaque contre les bombardiers russes fragilise donc un des piliers de l’accord sur la dissuasion nucléaire mutuelle, avec toutes les conséquences qui en découlent.

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Selon Crooke, la Russie préparerait une réaction différente de celles qu’elle a déjà menées, qui s’est traduite par une intensification des attaques conventionnelles en Ukraine, mais cela pourrait ne pas être le cas.

Il est évident que Trump, lors de l’appel apaisant avec Poutine, lui aurait demandé d’être patient, de répondre de manière mesurée pour ne pas le mettre entre les mains de ses ennemis (des ennemis extérieurs pour le tsar, des ennemis intérieurs pour le président américain).

Et, en même temps, il lui aurait assuré qu’il ferait tout pour éviter de telles initiatives. Il est probable que Poutine ait accepté, conscient des marges de manœuvre limitées de son interlocuteur et de la nécessité de ne pas le livrer aux ennemis communs.

Mais Trump doit agir rapidement pour changer les choses s’il veut prendre le contrôle d’un système géré par d’autres. Un petit, mais non négligeable, signal vient du nouveau programme de financement de la Défense élaboré par le Secrétaire de ce ministère, Pete Hegseth, l’un des rares hommes fidèles à Trump dans son administration (lui aussi a dû lutter pour être confirmé par le Congrès, tout comme Tulsi Gabbard).

Ce plan, développé par Hegseth, fait l’objet d’un article dans Responsible Statecraft, dont le titre est évocateur : « Le Secrétaire à la Défense déclare la guerre au complexe militaro-industriel. » En expliquant les coupes dans la défense, Hegseth a déclaré que certaines grandes industries de l’armement pourraient faire faillite en un ou deux ans. Le texte prévoit également une réduction de l’aide directe à Kiev…

Lobbying : la guerre contre le complexe militaro-industriel

En réalité, il ne s’agit pas d’un affrontement direct avec une des composantes du Deep State, et il ne semble pas, du moins pour le moment, que l’Ukraine reste totalement sans aide made in USA, mais cela signale une inversion de tendance qui inquiète beaucoup ces cercles, car ils ne supportent aucune limitation.

Il reste que le texte doit être approuvé par le Congrès, où de nombreux membres ont plus ou moins ouvertement des liens avec l’industrie militaire. L’approbation sera très difficile, et il est probable que le plan subisse des modifications pour le rendre moins désagréable, voire même plus acceptable pour ceux qui profitent des guerres faites par les États-Unis ( déclarées ou non).