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lundi, 11 mai 2009

Karl Kraus

Ellen KOSITZA - http://www.sezession.de

Karl Kraus

Karl Kraus

Eins meiner Steckenpferde, die Physiognomik, wird heute gemeinhin zu den „Pseudowissenschaften“ gezählt. Das kann ruhig stimmen, auch wenn die Liste von Vertretern des phsysiognomischen Zugriffs lang und prominent ist – von der Antike ganz abgesehen, bedienten sich später Albertus Magnus, Dürer, Galen und ungezählte andere solcher Herangehensweise an den Menschen.

 Man mag sie als obskure Geheimwissenschaft apostrophieren oder als „Schädelkunde“ diskreditieren – ich nenne sie die Lehre vom Antlitz.

Wer sich der Physiognomik in abwertender Absicht bedient, der mag sich in halb-rassistische Gefilde begeben – anders, wenn man sie als Menschenkenntnis und erweiterte Seh-Schule begreift. Wer mir eine Bilder-Liste von, sagen wir, Mitgliedern des deutschen Bundestags vorlegt, dem sag ich, wer Sozialdemokrat, wer liberal und wer grün ist: Die Trefferquote dürfte bei 90% liegen.

 Wenn ich den Prototyp jener Klientel zeichnen (kann ich nicht: also als Phantombild am Polizeirechner basteln) müßte, die auf unserem Rittergut den Veranstaltungen des Instituts für Staatspolitik beiwohnt, käme ungefähr die Erscheinung heraus, die hier links oben Karl Kraus zeigt.

 Ob Karl Kraus dabei gewesen wäre? Eine Anmaßung, logisch. Heute dürfen wir den 135. Geburtstag feiern – der 110. Geburtstag seines publizistischen Kindes, „Die Fackel“ liegt übrigens nur ein paar Tage zurück. Wikipedia schreibt:

Unter dem Motto Was wir umbringen, das er dem reißerischen Motto Was wir bringen der Zeitungen entgegenhielt, sagte er der Welt, vor allem der der Schriftsteller und Journalisten, den Kampf gegen die Phrase an und entwickelte sich zum wohl bedeutendsten Vorkämpfer gegen die Verwahrlosung der deutschen Sprache.

Dieser Karl Kraus, wortgewaltiger Satiriker, Misanthrop, zum Katholizismus konvertierter Jude, wechselweise Anhänger von Sozialdemokratie, dann Franz Ferdinand, zuletzt von Engelbert Dollfuß, ist einer unserer ganz Großen. Viel Feind – viel Ehr, hier trifft’s den Nagel auf den Kopf. Geblieben ist von dem mit Prozessen überzogenen Publizisten und Dramaturgen (Die letzten Tage der Menschheit), wie so oft, ein gewaltiger Nachruhm.

Presse und Phrase galten ihm als ein Begriff, auf ihn dürfte das Schmähwort „Journaille“ zurückgehen. Ob’s heute einen Spruch-Kalender ohne Karl-Kraus-Aphorismen gibt?
Nehmen wir den:

Ein Historiker ist nicht immer ein rückwärts gekehrter Prophet, aber der Journalist immer einer, der nachher alles vorher gewußt hat.

Oder den:

Die deutsche Sprache ist die tiefste, die deutsche Rede die seichteste.

Und, wunderschön aus pazifistischen Munde:

Sollte man, bangend in der Schlachtordnung des bürgerlichen Lebens, nicht die Gelegenheit ergreifen und in den Krieg desertieren?

lundi, 13 avril 2009

Aux origines de la Croatie militaire

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Aux origines de la Croatie militaire

 

L'éditeur C. Terana, spécialisé dans les rééditions de livres d'histoire militaire, publie La Croatie militaire (1809-1813). Les régiments croates à la Grande Armée  du Commandant P. Boppe, ouvrage paru en 1900 et illustré de six planches en couleurs et d'une carte des “Provinces Illyriennes”. L'auteur nous rappelle les origines de la Croatie militaire: «Après que les Turcs, en 1685, eurent été contraints de le­ver le siège de Vienne et eurent été rejetés en Bosnie, l'empereur Léopold Ier, roi de Hongrie, organisa en 1687 un cordon de régiments frontières pour servir de barrière aux incursions qu'ils pourraient en­core tenter, autant qu'à la propagation de la peste. Ce cordon fut établi sur une longue bande de pays s'étendant du littoral hongrois de l'Adriatique à la Transylvanie et ne dépassant pas la largeur moyenne de huit lieues, c'est à dire une journée de marche. Tout ce territoire fut soustrait à la féodalité seigneu­riale, le souverain en devenant le maître absolu, et fut divisé en dix-sept provinces dites régiments; chaque régiment fut subdivisé en compagnies et celles-ci en familles (...). Cette organisation subsistait au commencement de ce siècle telle qu'elle avait été créée, tant elle s'adaptait aux besoins qui l'avaient fait concevoir, aussi bien qu'aux mœurs et au tempérament des habitants de contrées qui por­taient le nom, justifié dans la réalité, de Confins militaires. Les Croates ayant toujours à se défendre contre les brigands venant de Turquie, vivaient sur un perpétuel qui-vive et étaient constamment ar­més; un fusil, un khangiar, plusieurs pistolets à la ceinture faisaient partie de leur costume, on pourrait presque dire d'eux-mêmes; ils étaient soldats de naissance:l eur groupement en régiments s'imposait donc par la nature même des choses et c'est un peuple organisé militairement que Napoléon devait, en 1809, trouver sur la rive droite de la Save» (P. MONTHÉLIE).

 

P. BOPPE, La Croatie militaire, Editions C. Terana; 31 bd Kellermann, F-75.013 Paris, 268 p., 150 FF.

lundi, 12 janvier 2009

12 janvier 1909: l'Empire ottoman renonce à la Bosnie-Herzégovine

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Il y a cent ans…

 

L’Empire ottoman renonce à la Bosnie-Herzégovine

 

12 janvier 1909 : L’Empire ottoman accepte les propositions que lui avait fait l’Autriche le 9, c’est-à-dire renoncer à tous ses droits sur la Bosnie-Herzégovine, que Vienne avait annexée en octobre 1908, avec, rappelons-le, l’aval de la Russie, donné en septembre 1908. La défaite de la Russie face au Japon, qui avait reçu l’appui des puissances navales anglo-saxonnes, impliquait l’obligation pour Saint-Pétersbourg de renoncer à toute ouverture sur les mers chaudes dans le Pacifique. Il faut donc qu’elle cherche ailleurs un débouché vers les mers chaudes, notamment en Egée et en Méditerranée orientale. La défaite face au Japon oblige donc la Russie à revenir dans les Balkans, espace qu’elle avait négligé dans les décennies précédentes au profit de l’Asie centrale et de l’Extrême-Orient. Elle se heurte aux aspirations autrichiennes de porter vers l’Egée l’impérialité romaine-germanique, dont elle était encore la titulaire officieuse, en dépit de la dissolution officielle du Saint Empire sous la pression de Bonaparte en 1806. La Turquie accepte, résignée, de laisser les Balkans à l’empire danubien austro-hongrois, moyennant des compensations financières et une aide au développement, qui viendra plutôt du Reich allemand. Sous l’impulsion du programme « panserbe » du premier ministre serbe Stojan Novakovic, les populations slaves et orthodoxes des Balkans, à l’exception des Bulgares, se hérissent face à la perspective de tomber sous la coupe d’un empire catholique et cherchent l’appui d’une Russie qui ne peut plus le leur donner avec toute l’efficacité voulue, sauf si elle emprunte à la France, qui, elle, a toujours cherché à déstabiliser le cœur du continent, à le balkaniser et le rendre ingouvernable. La nouvelle donne crée les conditions des prochaines guerres balkaniques, de la guerre italo-turque et, à terme, de la première guerre mondiale (Robert Steuckers).

 

 

samedi, 20 décembre 2008

Erwin Guido Kolbenheyer

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Erwin Guido Kolbenheyer (1878-1962)

 

Robert Steuckers

Né le 30 décembre 1878 à Budapest, Erwin Guido Kolbenheyer, poète, dramaturge et philosophe, voit le jour dans le foyer d'un célèbre architecte austro-hongrois. Orphelin dès 1881, il s'installe avec sa mère à Karlsbad, dans le pays des Sudètes, où il fréquente le Gymnasium. En 1900, il part à Vienne pour y étudier la zoologie et la philosophie, notamment sous la tutelle des professeurs Hatschek et A. Stöhr. C'est avec l'appui de ce dernier qu'il acquiert son titre de docteur en philosophie en 1904. Mais il renonce à toute carrière universitaire pour se consacrer entièrement à sa poésie, ses drames et ses romans. En 1925, il fait paraître une première version de son ouvrage philosophique majeur, Die Bauhütte, qui sera définitivement achevé en 1940. Honoré de plusieurs prix, il continuera à ¦uvrer jusqu'à sa mort, survenue le 12 avril 1962. Dans toute sonoeuvre, tant philosophique que poétique ou romanesque, Kolbenheyer pose des héros qui incarnent l'être le plus profond de l'homme germanique, caractérisé par un élan vital sans repos; partant, ses héros recherchent, infatigables et tragiques, une connaissance, une puissance, un absolu, un idéal, un dieu, eux-mêmes. Son Paracelse, par exemple, est toujours en errance, toujours à la recherche de la connaissance suprême; dans ce cheminement interminable, Paracelse, précurseur de Faust, s'éloigne toujours davantage de l'Eglise et de ses lois. Il cherche, dans la foi, une liberté totale et, en Dieu, le repos éternel, sans jamais trouver ni l'une ni l'autre. Chacun des volumes de sa trilogie paracelsienne est précédé d'un dialogue entre le Christ et Wotan et contient plusieurs dialogues entre Paracelse et un représentant de la "vieille culture" classique, désormais incapable d'étancher la "soif métaphysique" des hommes. A un représentant de la Curie romaine, venu en Allemagne pour enquêter sur les progrès de la Réforme, Paracelse reproche de défendre des formes, figées et raidies, sans contenu, sans substance. Le Réforme est, aux yeux de Kolbenheyer, le retour de l'humanité germanique à la substance vitale, au-delà des formes figées, imposées par l'Eglise de Rome. Dans l'¦uvre de Kolbenheyer, resurgissent tous les débats de la réforme et de la renaissance, de l'humanisme et de la nouvelle vision du cosmos (celle d'un Giordano Bruno notamment), autant de Schwellenzeiten,   d'époques-seuil, où il est impératif d'adapter l'esprit au temps. Pour notre auteur, l'histoire de la pensée européenne est marquée par l'opposition entre, d'une part, un dynamisme adaptatif/mouvant/plastique, ancré dans un humus populaire précis, et un statisme absolu rigide, immobile et planant au-dessus de l'oikos  des hommes. Spinoza, Paracelse, Giordano Bruno, le personnage de Kolbenheyer Meister Joachim Pausewang, sont des représentants du dynamisme. Les églises et les dogmes, religieux ou laïques, sont des éléments de statisme, des cangues dont il faut sortir.

L'atelier. Eléments pour une métaphysique des temps présents (Die Bauhütte. Grundzüge einer Metaphysik der Gegenwart)  1925-1952

Idée centrale de cet ouvrage philosophique de Kolbenheyer: l'humanité, fascinée par les absolus postulés par les métaphysiques désincarnées, ne parvient plus à s'adapter aux impératifs des temps présents. Ceux-ci exigent une métaphysique souple, plastique, sans forme systématique définitive. L'homme a besoin de métaphysique pour s'orienter dans l'avalanche de données que lui communique le monde. La métaphysique lui sert de fil d'Ariane. Sans elle, il tâtonne. Les métaphysiques classiques ont toutes été des systèmes qui se voulaient définitifs et absolus, qui avaient pour but d'ordonner les idées, les connaissances et les valeurs humaines selon une idée centrale, généralement une conception de Dieu ou du monde, issue d'un état particulier d'adaptation de l'homme au monde dans un contexte spatio-temporel déterminé mais révolu. Mais quand le monde change sous la pression des événements, quand le changement provoque à l'échelle européenne une "crise de conscience", les métaphysiques classiques, de Pascal à Leibniz et à Rousseau, s'effondrent. On tente de les remplacer par l'idée du Moi, l'idée de la matière ou l'idée de l'esprit, l'idée de la collectivité ou l'idée du rien (nihilisme), sans se rendre compte que ces idées n'ont pas de contenu réel correspondant au nouvel état d'adaptation de l'humanité. Pire: ces idées sans contenu réel ont servi à construire des systèmes que l'on a posé comme définitifs, alors que la vitesse des changements, donc la nécessité vitale d'adaptations rapides successives, impliquait de se débarrasser de toute espèce de rigidité.
Question majeure que pose Kolbenheyer: qu'est-ce que la pensée? Elle est 1) l'intégration consciente de tout ce que nous vivons dans le monde de la conscience et 2) le fait de compléter, de classer et de construire sans cesse ces diverses sensations. Le siège de ce processus d'intégration, de complétement, de classification et de construction est le cerveau humain, conditionné par une biologie et une hérédité précises. Ce site, différent d'une multitude d'autres sites analogues, exclut la croyance naïve et dépassée en un esprit d'essence indépendante. Ces déterminations du siège de la pensée, c'est-à-dire du cerveau, lié à d'autres cerveaux par le jeu infini et kaléidoscopique du code génétique, se heurtent à des résistances continuelles qu'il faut vaincre, dépasser ou contourner. Les communautés de cerveaux unies par un même code génétique, lequel est variable à l'infini, produisent des idées directrices qui font montre d'une certaine durée dans l'histoire. Ces idées directrices sont métaphysiques, selon Kolbenheyer, car elles transcendent les individualités qui les incarnent plus ou moins bien. La métaphysique, de cette façon, est descendue de l'au-delà dans le monde réel. Les données du problème de la métaphysique sont les hommes, les hommes dans la vie et la vie dans les hommes et non pas un au-delà quelconque auquel il s'agit d'arriver, non pas un absolu fixé d'avance, indéterminé et indéterminable auquel l'homme doit adapter sa vie. La métaphysique est de ce fait "un point parfait d'adaptation intérieure et extérieure de l'homme" qui, nécessairement, diffère d'un individu à l'autre, d'un peuple à l'autre. De cette définition différenciée à l'infini de la métaphysique découle un dépassement de l'idéalisme et du rationalisme; ces systèmes faisaient de la pensée un "cadre" sans contenu. Pour Kolbenheyer, la pensée est et cadre et contenu en interaction ininterrompue. La pensée est ainsi à la foi force absorbante et force créatrice et n'a de valeur et d'importance que si elle remplit ce double rôle.
L'horizon de la pensée est, chez Kolbenheyer, celui de la "vie plasmatique", qui n'est pas un être en soi supérieur auquel les formes d'individuation sont subordonnées; il n'existe pas d'être plasmatique en dehors des formes d'individuation, ce qui n'empêche pas de penser à un rapport originel et générateur entre les formes d'individuation sur le plan de l'évolution générale. Ce qui existe en tant que vie, est de la vie différenciée, de la vie en train de s'adapter. Kolbenheyer dégage les lois de la "plasmogénèse" c'est-à-dire de l'individuation du plasma et de sa conservation dans les individus; le plasma adapté (c'est-à-dire l'individu) ne peut être ramené à un degré d'individuation par lequel il a passé précédemment; la part de plasma dont les capacités ne résistent pas par l'adaptation au changement des époques géologiques cosmiques disparaît. La substance vitale, le plasma, est répartie entre tous les peuples de la terre. Pour parfaire leur rôle historique, pour créer des formes culturelles viables et sublimes, pour exprimer les potentialités de ce plasma qui leur est échu, les peuples épuisent graduellement leur capital en plasma. Les peuples jeunes sont ceux qui disposent encore d'une grande quantité de plasma non transformé en formes. Plus la quantité de plasma résiduel est importante, plus la vitalité du peuple est intense. Les peuples trop encombrés de formes ont terminé leur cycle et se retirent petit à petit de la scène du monde.
De cette vision biologico-mystique, Kolbenheyer déduit une éthique individuelle répondant à une maxime paraphrasant Kant: "Agis toujours de façon telle, que tu puisses être convaincu d'avoir fait par tes actions le meilleur et le maximum pour que le type humain, dont tu es issu, puisse être maintenu et se développer". L'individualité est, dans cette optique, "exposant de fonction"; il est une modalité de l'adaptation au réel du donné plasmatique. Par conséquent, ne sont immortelles que les prestations de l'individualité qui ont accru les capacités adaptatives du plasma. De la maxime énoncée ci-dessus et de cette notion d'immortalité des prestations, découle une éthique du devoir. L'individualité doit maintenir et développer la vie, au-delà de sa propre existence individuelle, et mettre en ¦uvre, dans ce but, toutes ses énergies. L'individu en soi, dans la perspective kolbenheyerienne, n'existe pas car tous les hommes sont reliés au paracosmos, et ont ainsi en commun bon nombre de traits supra-individuels; de plus, l'individualité, au cours de son existence, change et est appelée à jouer des rôles différents: celui de l'enfant, puis celui de l'époux, du père, celui que postule sa fonction sociale, etc. Il y a différenciation constante, ruinant toute rigidité posée comme en soi. On a parlé de l'¦uvre philosophique de Kolbenheyer comme d'un "naturalisme métaphysique" (R. König) ou d'un "matérialisme biologique" (E. Keller).
(Robert Steuckers).

- Bibliographie non exhaustive; nous ne reprenons que les ouvrages littéraires de Kolbenheyer ayant un intérêt philosophique; une bibliographie complète, établie par Kay Nieschling, se trouve dans Peter Dimt (cf. infra); par ailleurs, le lecteur pourra s'adresser à la Kolbenheyer-Gesellschaft e. V., Schnieglinger Straße 244, D-8500 Nürnberg, pour tout renseignement sur l'auteur. Cette société édite également un périodique d'exégèse de l'¦uvre d'EGK, intitulé Der Bauhütten-Brief.
Giordano Bruno, 1903 (tragédie); Die sensorielle Theorie der optischen Raumempfindung, 1905 (thèse); Amor Dei, 1908 (roman sur Spinoza); Meister Joachim Pausewang, 1910 (roman où intervient la figure de Jakob Böhme); Montsalvach, 1912; Die Kindheit des Paracelsus, 1917 (premier tome de la trilogie paracelsienne); Wem bleibt der Sieg?, 1919; Das Gestirn des Paracelsus, 1922 (tome 2); Die Bauhütte. Grundzüge einer Metaphysik der Gegenwart, 1925 (première version); Das dritte Reich des Paracelsus, 1926 (tome 3); Heroische Leidenschaften, 1929 (nouvelle mouture de Giordano Bruno); Aufruf an die Universitäten, 1930 (discours); Das Gesetz in dir, 1931 (théâtre); Die volksbiologischen Grundlagen der Freiheitsbewegung, 1933 (essai); Gregor und Heinrich, 1934 (pièce de théâtre mettant en scène le Pape et l'Empereur et les valeurs qu'ils incarnent); Unser Befreiungskampf und die deutsche Dichtung, 1934 (discours); Der Lebensstand der geistig Schaffenden und das neue Deutschland, 1934 (discours); Arbeitsnot und Wirtschaftskrise biologisch gesehen, 1935 (article); Das gottgelobte Herz, 1938 (roman avec pour thème la mystique allemande); Der Einzelne und die Gemeinschaft, 1939 (discours); Goethes Denkprinzipien und der biologischen Naturalismus, 1939 (discours); Die Bauhütte, 1940 (nouvelle version); Das Geistesleben in seiner volksbiologischen Bedeutung, 1942 (discours); Menschen und Götter, 1944 (tétralogie dramatique); Die Bauhütten-Philosophie, 1952 (troisième édition, complétée de textes nouveaux); Sebastian Karst über sein Leben und seine Zeit, I, 1957 (autobiographie); Sebastian Karst über sein Leben und seine Zeit, II & III, 1958 (autobiographie, suite); Metaphysica viva, 1960; éditions posthumes: Wem bleibt der Sieg?, 1966 (anthologie comprenant le texte de 1919 portant le même titre); Vorträge, Aufsätze, Reden, 1966 (‘uvres complètes, 2/VII); Die Bauhütte, 1968 (4ième éd.); Mensch auf der Schwelle, 1969; Du sollst ein Wegstück mit mir gehn, 1973 (anthologie); Gesittung. Ihr Ursprung und Aufbau, 1973; Kämpfer und Mensch. Theoretischer Nachlaß, 1978; Rationalismus und Gemeinschaftsleben, 1982. Les ‘uvres complètes, publiées à l'initiative de la Kolbenheyer-Gesellschaft, sont parues entre 1956 et 1969.
- Sur Kolbenheyer:  Conrad Wandrey, Kolbenheyer. Der Dichter, der Philosoph, Langen/Müller, Munich, 1934; Franz Westhoff, E.G. Kolbenheyers Paracelsus-Trilogie - eine Metaphysik des deutschen Menschen,  Thèse, Münster, 1937; Ernst Heinrich Reclam, Die Gestalt des Paracelsus in der Dichtung. Studien zu Kolbenheyers Trilogie, Thèse, Leipzig, 1938; H. Vetterlein, "Kolbenheyer-Bibliographie", in Dichtung und Volkstum (Euphorion), 40, 1939, pp. 94-109; E. Fuchs, Das Individuum und die überindividuelle Individualität in Kolbenheyers historischen Romanen, 1940; Franz Koch, "E.G. Kolbenheyers Bauhütte und die Geisteswissenschaften", in Dichtung und Volkstum (Euphorion), 41, 1941, pp. 269-296; H. Seidler, "Kolbenheyer über die Dichtkunst", in Dichtung und Volkstum (Euphorion), 41, 1941, pp. 296-321;   Paul Lespagnard, "Erwin Guido Kolbenheyer", in Bulletin de l'Ouest, Bruxelles, 15 avril 1942, 2, pp. 18-20; Paul Lespagnard, "L'oeuvre de E.G. Kolbenheyer. La "Bauhuette"", in Bulletin de l'Ouest,  Bruxelles, 15 nov. 1943, 20, pp. 230-233 et 30 nov. 1943, 21, pp. 241-244; St. R; Townsend, Kolbenheyers Conception of the German Spirit and the Conflict with Christianity, 1947; H.D. Dohms, Die epische Technik in Kolbenheyers Roman "Das gottgelobte Herz", 1948; Franz Koch, Kolbenheyer,  Göttinger Verlagsanstalt, Göttingen, 1953; Robert König, Von Giordano Bruno zu E.G. Kolbenheyer, Kolbenheyer-Gesellschaft, Nuremberg, 1961; A.D. White, The Development of the Thought of E.G. Kolbenheyer from 1901 to 1934, 1967; Otto Schaumann, Die Triebrichtungen des Gewissens,  Orion-Heimreiter, Francfort s.M., 1967; Ernst Frank, Jahre des Glücks. Jahre des Leids. Eine Kolbenheyer-Biographie,  blick + bild, Velbert, 1969 (principale biographie de l'auteur; avec 95 ill.); Ernst Keller, "Der Weg zum deutschen Gott: E.G. Kolbenheyer", in Ernst Keller, Nationalismus und Literatur, Francke, Berne/Munich, 1970; Robert König, Der metaphysische Naturalismus E.G. Kolbenheyers, Kolbenheyer-Gesellschaft, Nuremberg, 1971; Robert König, Ein Gedenkblatt zu seinem 10. Todestag am 12. April 1972,  Kolbenheyer-Gesellschaft, Nuremberg, 1972; Alain de Benoist, "Paracelsus: roman d'Erwin Guido Kolbenheyer", in Nouvelle Ecole,   29, 1976, pp. 126-131; Robert Steuckers, "Le centenaire de Kolbenheyer", in Pour une renaissance européenne, Bruxelles, 27/28, 1979, pp. 270-276; Herbert Seidler, "Erwin Guido Kolbenheyer", in Neue Deutsche Biographie,   Band 12, Duncker u. Humblot, Berlin, 1980;  Peter Dimt, Schlederloher Teestunde. Vierzig Anekdoten um Erwin Guido Kolbenheyer,  Türmer, Berg, 1985 (avec bibliographie complète des ¦uvres de EGK); Hedwig Laube, Von Erwin Guido Kolbenheyers Ethos aus Naturerkenntnis,  Kolbenheyer-Gesellschaft, Nuremberg, 1985; Hedwig Laube, Religion in Kolbenheyers Werk,  tiré à part édité par la Kolbenheyer-Gesellschaft, Nuremberg, 1989; Karl Hein, "Er hieß Kolbenheyer und schuf den biologischen Sozialismus für das 21. Jahrhundert", in Elemente, Kassel, 4, 1990.

mercredi, 29 octobre 2008

H. von Hofmannsthal et "l'enténèbrement du monde"

Hugo von Hofmannsthal et « l’enténèbrement du monde »

jeudi, 09 octobre 2008

Note sur Otto Weininger

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Note sur Otto Weininger (1880-1903)

 

 

«Quel homme étrange, énigmatique, ce Weininger!», écrivait August Strindberg à son ami Artur Gerber, immédiatement après le suicide d'Otto Weininger, âgé de 23 ans. «Weininger mi ha chiarito molte cose» [= “Weininger m'a éclairé sur beaucoup de choses”], avouait Mussolini dans son long entretien avec Emil Ludwig. Pour Ernst Bloch, l'ouvrage principal de Weininger, Sexe et caractère,  était “une unique anti-utopie contre la femme”, Weininger était dès lors un “misogyne extrême”, un misogyne par excellence. Theodor Lessing posait le diagnostique suivant: il voyait en Weininger la typique “haine de soi” des Juifs. Rudolf Steiner voyait en lui un “génie décadant”. Il fut admiré par Karl Kraus, Wittgenstein et Schönberg; Mach, Bergson, Georg Simmel et Fritz Mauthner l'ont lu et l'ont critiqué. Son ouvrage principal a connu quelque trente éditions, a été traduit en vingt langues; en 1953, il a même été traduit en hébreu malgré son antisémitisme. Plus d'une douzaine de livres ont été consacrés jusqu'ici à Weininger seul.

 

Otto Weininger est né en 1880 à Vienne. Très tôt, il a été marqué par le souffle, d'abord fort léger, de la décadence imminente. C'était la Vienne fin de siècle, avec Hofmannstahl, Schnitzler et Nestroy, Wittgenstein et le Cercle de Vienne, l'empiro-criticisme et la psychanalyse freudienne, Mahler et Schönberg, Viktor Adler et Karl Lueger: une grande richesse intellectuelle, mais marquée déjà du sceau de la fin. L'effervescence intellectuelle de Vienne semble d'ailleurs se récapituler toute entière dans la personne de Weininger: il développe des efforts intellectuels intenses qui finissent par provoquer son auto-destruction. Et il a fini par se suicider le jour de sa promotion, ce Juif converti au protestantisme, ce philosophe qui était passé du positivisme à la métaphysique mystique et symbolique; en peu d'années, cet homme très jeune était devenu une sorte de Polyhistor qui naviguait à l'aise tant dans l'univers des sciences naturelles que dans celui des beaux arts, qui connaissait en détail toutes les philosophies d'Europe et d'Asie, qui savait toutes les langues classiques et les principales langues modernes d'Europe (y compris le norvégien, grâce à son admiration pour Ibsen).

 

Pourquoi ce jeune homme si brillant s'est-il tiré une balle dans la tête le 4 octobre 1903, quelques mois après la parution de son ouvrage principal, dans la maison où mourut jadis Beethoven?

 

«Seule la mort pourra m'apprendre le sens de la vie», avait-il un jour écrit. Et il avait dit à son ami Gerber: «Je vais me tuer, pour ne pas devoir en tuer d'autres». Bien qu'il ait toujours considéré que le suicide était un signe de lâcheté, il s'est senti contraint au suicide, tenaillé qu'il était pas un énorme sentiment de cul­pabilité. Ce qui nous ramène à son œuvre et à sa pensée, où la catégorie de la culpabilité occupe une place centrale. La culpabilité, pour Weininger, c'est, en dernière instance, le monde empirique.

 

Après avoir rapidement rompu avec le néo-positivisme de Mach et d'Avenarius, Weininger développe tout un système métaphysique, une philosophie dualiste au sens de Platon et des néo-platoniciens, du chris­tianisme et de Kant. D'une part, nous avons ce monde de la sensualité, de l'espace et du temps, c'est-à-dire le Néant. De l'autre, nous avons le monde intelligible, soit le monde de la liberté, de l'éthique et de la logique, de l'éternité et des valeurs: le Tout. Le monde empirique, selon Weininger, n'a de réalité que sym­bolique; c'est pourquoi, inlassablement, il approfondit la signification symbolique de chaque chose empi­rique, de chaque plante, de chaque animal, au fur et à mesure qu'elle se révèle à son regard mystique. Ainsi, la forêt est le symbole du secret; le cheval, le symbole de la folie (on songe tout de suite à cette ex­périence-clé de Nietzsche, se jetant au cou d'une cheval à Turin en 1889!); le chien, celui du crime; et ce sont justement des cauchemars, où des chiens entrent en jeu, qui ont tourmenté Weininger, tenaillé par ses sentiments de culpabilité, immédiatement avant son suicide.

 

Ce qui est caractéristique pour tous les efforts philosophiques de Weininger, est un élément qu'il partage avec toutes les autres philosophies dualistes, soit une nostalgie catégorique pour l'éternité, pour le monde de l'absolu et de l'immuable. En guise d'introduction à cette métaphysique, citons, à partir de son ouvrage principal, cette caractérologie philosophique des sexes, aussi bizarre que substantielle. Cette caractérologie reflète finalement son dualisme métaphysique fondamental. Le principe masculin est le re­présentant du Tout. Le principe féminin, le représentant du Néant. Cette antinomie, posée par Weininger est à la source de bien des quiproquos. En fait, il ne parle pas d'hommes et de femmes empiriques, mais d'idéaltypes. Tout être empirique contient une certaine combinaison de principe masculin et de principe féminin, de “M” et de “F” comme Weininger les désigne. Cette notion d'androgyne, il la doit à Platon (Sym­po­sion)  et il cherche à expliquer, par les différences dans les combinaisons entre ces deux élé­ments, quelles sont les lois régissant les affinités sexuelles, notamment l'homosexualité et le féminisme.

 

Sur base de son analyse des deux idéaltypes, Weininger voulait jeter les fondements d'une psychologie philosophique et remettre radicalement en question la psychologie de tradition anglo-saxonne, qu'il ju­geait être dépourvue de substance. Le principe “M” est donc l'idée platonicienne de l'homme et le véhicule du génie, qui, grâce à sa créativité, sa logique et son sens de l'éthique, participe au monde intelligible. Le principe “F”, en revanche, n'est que sexualité, au-delà de toute logique et de toute éthique; en fin de compte, il est le Néant et la culpabilité qui tourmente le principe masculin. Le principe “F” est incapable d'amour, car tout amour véritable naît d'une volonté de valeur, ce qui manque totalement au principe fé­minin. En conséquence, pense Weininger, la véritable émancipation de la femme serait justement de dé­passer et de transcender ce principe féminin; le raisonnement de Weininger est très analogue à celui de Marx dans La question juive,  quand l'auteur du Capital donne ses recettes pour résoudre celle-ci.

 

Weininger consacre tout un chapitre au judaïsme et, en lisant, on s'aperçoit immédiatement qu'il ne s'agit pas seulement d'une manifestation de “haine de soi”, typiquement juive, mais, bien plutôt d'une analyse profonde, introspective et psychologique de l'essence du judaïsme. Weininger pose la question de savoir si sont exactes les théories qui affirment que les Juifs constituent le plus féminin et le moins religieux de tous les peuples; certaines de ses analyses en ce domaine, comme du reste dans les chapitres sur le crime et la folie, la maternité et la prostitution, l'érotisme et l'esthétique, sont magistrales, véritablement géniales, mais aussi, en bien des aspects, déplacées, naïves ou exagérément exaltées.

 

Ce qui en impose dans l'œuvre de Weininger, c'est qu'il tente de penser à fond et d'étayer son anti-fémi­nisme et de l'inclure dans un système métaphysique de type néo-platonicien. Certes, il y a eu des doc­trines anti-féministes à toutes les époques, et qui n'exprimaient pas seulement une quelconque misogy­nie, mais qui apercevaient clairement que le féminisme était une de ces idéologies égalitaires qui entravait le chemin des femmes vers une réelle affirmation d'elles-mêmes. Mais, à l'exception des idées de Schopenhauer, jamais l'anti-féminisme n'a été esquissé avec autant de force et de fougue philosophiques que chez le jeune philosophe viennois.

 

Mladen SCHWARTZ.

(texte issu de Criticón, n°64, mars-avril 1981; trad. française: Robert Steuckers).

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vendredi, 03 octobre 2008

H.Chr. Strache: vainqueur à Vienne

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Hans B. von SOTHEN:

 

Heinz-Christian Strache: vainqueur à Vienne

 

Heinz-Christian Strache a réussi un véritable exploit que l’on aurait jugé tout-à-fait impossible en avril 2005, lorsque Jörg Haider venait de quitter la FPÖ et de fonder sa nouvelle liste électorale, “Bündnis Zukunft Österreich” (“Alliance pour l’Avenir de l’Autriche”), tout en laissant, à l’aile nationale, la FPÖ résiduaire, vouée en apparence à la disparition définitive. Né en 1969 à Vienne, Strache est technicien-dentiste, père de deux enfants et divorcé; il a non seulement préservé les “Freiheitlichen” du déclin mais a tiré ce parti, qui n’avait alors plus que 4%, de l’insignifiance et a refait de lui le troisième parti d’Autriche, cette fois en concurrence avec Jörg Haider. En peu de temps, il a su redonner une identité et de l’optimisme à la FPÖ.

 

Mais les blessures du temps de la rupture sont loin d’être cicatrisées. Strache et la FPÖ ne peuvent pas pardonner Haider d’avoir voulu détruire le parti et, avec lui, l’ensemble de ce que l’on appelle en Autriche le “Troisième Camp” (“Dritter Lager”), rien que pour former un “mouvement” tourné vers lui seul, vers sa seule personne. La déception face à l’infidélité du “père fondateur” était née, toutefois, un peu avant cette rupture, lorsque Haider avait déclaré, au début de l’année 2005, qu’il n’avait rien à redire quant à une éventuelle adhésion turque à l’UE.

 

C’est pourquoi Strache a toujours rejeté abruptement toutes les tentatives de rapprochement, émanant de Haider. Lors d’un débat à l’ORF, le nouveau chef de la FPÖ a refusé le tutoiement que lui proposait Haider. Lors d’autres rencontres fortuites, l’Obmann (= chef de parti en Autriche) de la FPÖ ignore ostensiblement la présence de Haider.

 

La recette de Strache est simple: retour aux origines, retour aux thèmes propres de la première FPÖ. La formule, qu’il a trouvée, pour désigner son parti, “Die soziale Heimatpartei”, “Le parti social de la patrie (charnelle)”, attire l’électeur. L’élément proprement national ne constitue plus un thème habituel mais demeure indubitablement le facteur de cohésion dans les groupes de base de la FPÖ. En Autriche, contrairement à ce qui se passe en République Fédérale allemande, il n’existe pas seulement un parti “freiheitlich”, mais aussi un vivier politique de tradition “freiheitlich”, le “Dritte Lager”, le “Troisième Camp”. Camp auquel appartiennent également les frères devenus ennemis du BZÖ. Ce camp, tous clivages confondus, est devenu, dimanche dernier, et pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la principale force politique d’Autriche. Mais cette situation, grisante en apparence, recèle bien des dangers.

 

Strache, le soir après le scrutin, a dû constater que Haider était le second vainqueur des élections et pouvait, lui aussi, fêter un succès inattendu. Strache a adressé ses meilleurs voeux de succès au Carinthien mal aimé, ce que quelques médias ont interprété comme une première tentative de rapprochement. Ce que Strache et les grands de la FPÖ ont démenti avec véhémence. Ils savent qu’en politique un et un ne font pas toujours deux et fort souvent moins de deux. Les cabrioles erratiques prévisibles de Haider deviendraient rapidement, en cas de rabibochage, les germes d’une nouvelle crise du “Troisième Camp”. Toute négociation en vue d’une réunification causerait des lézardes internes au sein de la FPÖ. De ce fait, à court ou moyen terme, Strache n’acceptera pas de retour en arrière.

 

Hans B. von SOTHEN.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°41/2008; trad. franç.: Robert Steuckers). 

jeudi, 28 août 2008

Brève note sur Heimito von Doderer

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Brève note sur Heimito von Doderer

Né le 5 septembre 1896, sous le nom de Franz Carl Heimito, Chevalier von Doderer, à Hadersdorf-Weidlingau et mort à Vienne le 23 décembre 1966, Heimito von Doderer fut un é­crivain autrichien, fils d'un architecte et entrepreneur de tra­vaux de construction. Il a servi comme aspirant dans un régiment de dragons pendant la première guerre mondiale. Il a été prisonnier pendant quatre ans en Russie [ndt: plus exac­tement, en Sibérie]. En 1920, il revient en Autriche, où il étudie l'histoire à Vienne, notamment sous la férule du Che­valier Heinrich von Srbik [ndt: et obtient son diplôme en 1925]. Sous la forte influence d'Albert Paris Gütersloh, il tente de s'initier au difficile métier d'écrivain. Il a com­men­cé, ainsi, mais sans grand succès, par publier des poèmes, de brèves nouvelles et des romans. En 1933, il adhère à la NSDAP, qui est interdite en Autriche à l'époque, mais la quit­te en 1938. Cette année-là, il accède enfin à une plus vaste notoriété grâce au roman Ein Mord den jeder begeht. En 1940, après sa conversion, il est accepté au sein de l'E­glise catholique. Pendant la seconde guerre mondiale, il sert en tant qu'officier de la force aérienne. Finalement, il acquiert la gloire par la publication de deux grands romans à thématique sociale, Die Strudlhofstiege (1951) et Die Dä­monen (1956).

La prose de Doderer se caractérise par une langue imagée, totalement inédite. Une série de motifs revient sans cesse dans son écriture, dont une critique systématique du pro­grès technique et de la civilisation moderne des grandes mé­tropoles; Doderer rejette aussi tous les linéaments de l'è­re des masses, qui empêchent, dit-il, le déploiement op­ti­mal de l'individualité personnelle. Il écrit, à ce propos: «Ce­lui qui appartient aux "masses", a d'ores et déjà perdu la liberté et peut s'installer où il veut».

Une adhésion à la plénitude complète du réel

[ndt: Le style littéraire de Doderer est largement influencé par Marcel Proust et Robert Musil, dans la mesure où, tout entier, il part, lui aussi, à la "recherche du temps perdu"; chez lui, cette recherche vise à retrouver les innombrables fractions de bonheur de l'Autriche-Hongrie d'avant 1914, en replongeant dans l'histoire sociale des hommes et des familles. Pour Doderer, le chaos de la société moderne ex­prime la crise de l'universalité, raison pour laquelle la tâ­che de l'écrivain doit être d'esquisser une nouvelle univer­salité, qui n'est évidemment pas un universalisme idéolo­gique à côté d'autres universalismes idéologiques, mais une adhésion à la plénitude complète du réel, comme on l'é­prou­vait généralement sans détours dans l'ancien empire da­nubien austro-hongrois. L'homme universel n'est pas un mo­dèle abstrait, taillé sur mesure une fois pour toutes, mais un être qui se manifeste sous des "variations multi­ples". En revanche, plongé dans le carcan étroit d'une "réa­lité seconde", faite de restrictions mutilantes de nature idéo­logique, il perd et son universalité et ses variations pour n'être plus qu'un instrument au service des pires bar­baries politisées de l'histoire. Heimito von Doderer dénonce l'idiotie immanente de toutes les positions doctrinaires, quel­les qu'elles soient. En cela, Doderer est disciple de Hoff­mansthal, qui disait: «L'idiotie, comme l'indique l'éty­mologie de ce mot étranger, n'est rien d'autre que l'auto-li­mitation de l'homme par lui-même». Une telle posture im­pli­que de revaloriser les communautés humaines, avec leurs échelles variables de formes sociales et de classes, contre l'uniformité grise des sociétés totalitaires, plaide si­mul­tanément pour une restauration des qualités humaines contre les affres de la quantité (Musil, Guénon). Uni­ver­sa­lité, variété et qualité impliquent de ce fait de respecter et de conserver le jeu des interpénétrations créatrices entre les éléments contradictoires du réel prolixe pour unir l'esprit conservateur et l'esprit émancipateur dans une quê­te permanente de la "totalité" (Ganzheit) ou, comme on le dit plus justement aujourd'hui en philosophie, l'"holicité" - RS].

Dans les ouvrages de Doderer, nous trouvons donc trois con­cepts centraux, présentés sous des facettes diverses: celui d'"aperception" (Apperzeption), celui de "seconde réalité" (zweite Wirklichkeit) et celui du "devenir-homme" (Mensch­werdung). Celui qui refuse de percevoir la réalité (telle qu'elle est), c'est-à-dire la réalité première, dit Doderer, fait éclore en lui, justement par ce refus de l'aperception, une seconde réalité, sous la forme d'une représentation fi­xiste (fixe Vorstellung) ou d'une idée-corset ou idée-cangue (Zwangsidee), ce qui correspond à une image du donné vi­ciée par l'idéologie. Doderer considère que l'Etat totalitaire constitue une "seconde réalité" de ce type, de même que ces volontés révolutionnaires et fébriles de vouloir tout changer, que le primat accordé névrotiquement à la politi­que, que les complexes d'ordre sexuel, que les névroses et que l'attachement forcené à certains systèmes et ordres.

La vie telle qu'elle est

Une bonne partie des personnages de l'univers romanesque de Doderer sont en lutte contre les formes de "seconde réa­lité". Les dépasser n'est possible que par un processus de "de­venir-homme", soit par le fait que l'homme revient ainsi à sa véritable destination, en s'ouvrant, de manière incon­ditionnelle, à la première réalité, la seule vraie, qui, pour Do­derer, est la vie civile naturelle, sans fard et sans exci­tations artificielles. Dans ce contexte, Doderer se réclame "de la vie telle qu'elle est" et nous enjoint de l'accepter. Il faut dès lors se détourner des fixismes idéologiques —qu'il désigne comme les "hémorroïdes de l'esprit"— des convic­tions et des idéaux qui sont soi-disant sublimes, pour s'a­don­ner à l'aperception pleine et entière du réel. Cette a­per­ception est essentiellement conservante  —ici, Doderer ar­ticule clairement sa position—  car celui qui adopte cette po­sition ne souhaite pas voir modifier ce qu'il aime ré­cep­tionner par "aperception" et se trouve autour de lui. Raison pour laquelle Doderer dit: «L'attitude fondamentale de l'hom­me apercevant est conservatrice».

Dr. Ulrich E. ZELLENBERG.

(extrait de "Lexikon des Konservatismus" - Caspar v. Schrenck-Notzing /Hrsg. - Leopold Stocker Verlag, Graz, 1996 - ISBN 3-7020-0760-1; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

dimanche, 29 juin 2008

Les "Oies Sauvages": soldats irlandais au service du Saint-Empire

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Les “Oies Sauvages”: les soldats irlandais au service du Saint-Empire pendant la Guerre de Trente Ans

Il y a plus de 380 ans commençait l'une des plus grandes ca­tastrophes de l'histoire européenne, dont nous subissons en­core aujourd'hui les séquelles: la Guerre de Trente Ans.

Je vais raconter ici l'histoire d'une armée de sans-patrie, dont les soldats ont combattu sur tous les champs de ba­tail­le de la Guerre de Trente Ans en Europe centrale. On les appelait les “Oies Sauvages” (Wild Geese) et on les com­pa­rait à ces oiseaux migrateurs qui quittent à inter­val­les réguliers leur verte patrie insulaire. Mais à la différence des oies sauvages, les Catholiques irlandais, chassés de leur patrie au 17ième siècle, ne connaissaient qu'un départ sans retour vers le continent. Presque jamais ils ne revenaient en Irlande.

Des marins français les introduisaient clandestinement sur le continent via la Flandre ou la Normandie. Débarqués, ils étaient confrontés au néant. Mais ils étaient libres. Un flot ininterrompu de mercenaires irlandais sont ainsi arrivés en Europe continentale. Ils étaient des hommes jeunes ou des adolescents, à peine sorti de l'enfance: la plupart d'entre eux n'avaient que quinze ou seize ans, les plus âgés en a­vaient dix-neuf. Ils voulaient faire quelque chose de leur vie ou du moins voulaient être libres.

Après 1600, l'histoire irlandaise s'était interrompue. Le pays é­tait devenu une colonie anglaise, où les Tudors, pour la pre­mière fois, avaient appliqué la tactique de la terre brû­lée. Les autochtones irlandais ont été dépossédés de leurs ter­res. Leur sol leur a été arraché. On y a implanté des co­lons protestants anglais ou écossais.

Systématiquement, la colonisation de modèle normand dé­mon­trait son efficacité. Déjà, dans la foulée de leurs cam­pagnes contre les Anglo-Saxons à partir de 1066, les Nor­mands vainqueurs perpétraient des destructions sans nom pour confisquer définitivement leur histoire aux vaincus. On brûlait leurs villages, on rasait leurs églises et leurs bâ­ti­ments, de façon à ne plus laisser la moindre pierre qui soit un souvenir de leur culture. Ravage, pillage et violen­ce, oppression systématique, famine organisée contre la population: toutes les tactiques utilisées plus tard par les Anglais en Amérique, puis par les Américains ailleurs, ont été mises au point en Irlande.

Une force militaire inutilisée

Pourtant, sur cette île ruinée par la colonisation anglaise, il y avait une force militaire inutilisée. Les Irlandais étaient des soldats farouches qui ne craignaient pas la mort. Ils se feront rapidement une solide renommée dans les batailles. Ils étaient commandés par des officiers compétents, d'ex­cel­lente réputation, qui feront l'admiration de tous sur le con­tinent.

Dans le Saint-Empire Romain de la Nation Germanique, diri­gé par un Empereur catholique, beaucoup d'Irlandais deve­nus apatrides ont vu un allié puissant voire une puissance protectrice au passé glorieux. Par milliers, ils sont venus s'en­gager au service de cet Empereur de la lignée des Habs­bourgs. Beaucoup sont parvenus en Autriche à la suite de pé­riples fort aventureux.

La première vague d'immigrants irlandais est arrivée en 1619 en Autriche. Ces jeunes hommes combatifs ont débar­qué sur le continent de deux manières totalement diffé­ren­tes. Les uns sont arrivés par des voies clandestines, opéra­tion osée dans la mesure où les fugitifs de ce type ris­quaient la peine de mort. Les autres ont été recrutés de for­ces par les Anglais en Irlande et, contre leur volonté, ont dû servir dans l'armée anglaise protestante. Sur base de traité qui unissait l'Angleterre aux princes d'Allemagne du Nord, ils se sont retrouvés sur le continent dans des unités auxiliaires anglaises au début de la Guerre de Trente Ans. Par une ironie du destin, comme souvent dans les guerres an­ciennes, il n'y avait quasiment pas d'Anglais ethnique dans ces troupes, mis à part quelques officiers supérieurs. La plupart de ces soldats étaient donc “déportés” hors des Iles Britanniques et ces Irlandais encombrants s'en allaient ainsi mourir sur le Continent comme chaire à canons. Les Anglais s'en débarrassaient à bon compte.

Une infanterie montée

Ces Irlandais avaient été incorporés dans des Régiments de Dragons, où les pertes étaient généralement très élevées. Mais au début du 17ième siècle, ces Irlandais profitent de la première occasion pour se rendre sans combattre aux trou­pes impériales catholiques. Très vite, ils enfilent l'uniforme autrichien. L'Empire aligne ainsi ses premiers régiments ir­landais. La plupart de ces Irlandais choisissent de servir dans les dragons. A l'époque, cette cavalerie était très ap­préciée et on la surnommait “l'infanterie montée”. Les hom­mes se déplaçaient à cheval mais combattaient à pied. Ils étaient très rapides et très mobiles et ne dépendaient pas vraiment du cheval comme la cavalerie proprement di­te. Dans une certaine mesure, ces dragons constituaient une troupe d'élite, crainte et admirée, dont le cri de guerre est devenu vite célèbre: “Den Weg frei!” (La voie libre!). Ra­pières au clair, ils fonçaient dans les rangs ennemis.

Les Anglais eux-mêmes, comme tous les autres officiers pro­testants, respectaient ces mercenaires irlandais au ser­vice de l'Empereur et les traitaient mieux qu'ils ne les a­vaient jamais traité en Irlande, alors qu'ils étaient devenus leurs ennemis. Ainsi, les Roi de Suède Gustave Adolphe fit soigner les soldats catholiques irlandais après la bataille de Francfort-sur-l'Oder au printemps de 1631, lors de la prise de cette ville par les armées protestantes. Le Roi suédois admirait le courage des Irlandais au service de l'Autriche. L'officier irlandais Richard Walter Butler, au départ recruté de force par les Anglais, était passé aux Impériaux lors de la fameuse bataille de la Montagne Blanche en 1620. Il avait quitté le corps auxiliaire anglais. A Francfort-sur-l'O­der, il était parmi les blessés, sérieusement atteint. Un coup l'avait frappé au bras et sa hanche était percée d'un coup d'estoc. Le Roi de Suède fit soigner ce blessé. Après quelques mois de captivité, il fut libéré.

Les Britanniques respectaient cet ennemi qu'ils avaient as­servi et humilié jadis. Ces Irlandais jouaient souvent le rôle d'émissaires de l'Empereur, car ils maîtrisaient la langue an­glaise. Les nobles anglais les appréciaient et reconnais­saient pleinement leurs qualités d'émissaires ou d'inter­prè­tes. En 1635, quand la France catholique se joint à la coa­lition protestante et trahit le Saint Empire Romain de la Na­tion Germanique, la situation devient tragique pour les Ir­landais catholiques qui combattent désormais dans les deux camps. Soldats d'élite, on les excite les uns contre les au­­tres.

Certains volontaires servaient dans des armées protes­tan­tes. La France du Cardinal Richelieu avait besoin de bons soldats. Officiellement, elle était catholique et, par consé­quent, incitait bon nombre d'Irlandais à la servir. Les Irlan­dais qui traversaient le pays étaient sollicités à rejoindre ses armées. Leur confiance a été trahie par Richelieu qui, souvent, a envoyé ces hommes se battre contre leurs frè­res de sang, fidèles à la légitimité du Saint Empire.

Dévouement et respect pour l'Empereur

Ces soldats irlandais avaient un dévouement et un respect pour l'Empereur. Ils étaient les mercenaires les plus fidèles de la cause impériale et autrichienne. En Irlande même, l'a­mour du Saint Empire ne cessait de grandir, de même que le culte de la légitimité impériale. Les mercenaires af­fluaient sans cesse et s'engageaient dans l'armée autri­chien­ne. Souvent des familles entières débarquaient et par­fois tous les fils mouraient sur les champs de batailles, pour le salut du Saint-Empire.

Le Comte irlandais Richard Wallis, persécuté par les An­glais, arrive en 1622 avec ses deux fils pour se mettre au ser­vice de l'Empereur Ferdinand II. Nommé colonel, il se bat à la tête de son régiment irlandais à Lützen en novem­bre 1632, une bataille au sort indécis mais qui a exigé un lourd tribut de sang. Wallis y est grièvement blessé. Il meurt de ses blessures à Magdebourg. Son plus jeune fils, O­liver Wallis, reçoit de l'Empereur Ferdinand III un régi­ment d'infanterie. Il fera en Autriche une brillante carrière militaire. Dans les rangs de l'armée impériale, plusieurs ré­giments irlandais sont mis sur pied entre 1620 et 1643. Cha­que régiment comptait de 1000 à 1200 hommes. Le nombre des pertes a été très élevé. L'ennemi a parfois annihilé des ré­giments entiers d'Irlandais. Mais, rapidement, de nou­veaux volontaires permettent de les reconstituer. Avant d'ê­tre une nouvelle fois annihilés… Malgré ces pertes dra­ma­tiques, l'Autriche aligne plus de soldats irlandais à la fin de la Guerre de Trente Ans qu'au début.

L'intégration des immigrés de la Verte Eirinn

Les officiers (chaque régiment appartient à un colonel) é­taient allemands ou irlandais. Mais tous étaient acceptés. Parfois on mélangeait les recrues allemandes et irlandaises. Les survivants se sont presque tous installés en Autriche, de­venue leur nouvelle patrie. Jamais on ne les a considérés comme des étrangers. Ils étaient des Européens (chré­tiens), qui apprenaient très vite la langue du pays. Ils é­taient fidèles à l'Empereur, leurs mœurs et leur aspect phy­sique ne déconcertaient pas. Dans tous les pays apparte­nant à la monarchie des Habsbourgs, ces immigrés venus de la Verte Eirinn se sont immédiatement intégrés.

Pendant cette Guerre de Trente Ans, de vastes territoires de l'Empire ont été complètement dépeuplés à causes des opérations de guerre qui y ont fait rage. Il a fallu attendre la fin du 18ième siècle pour ramener le chiffre de la popu­la­tion centre-européenne à celui du 16ième siècle. Les pays du Nord du Danube, où les batailles ont été livrées, de même que les territoires catholiques de la Bavière, de la Souabe et de la Forêt Noire (ndt: et de la Franche-Comté impé­ria­le) ont dû être partiellement repeuplés.

Bon nombre d'Irlandais au service de l'Autriche sont ainsi de­venus colons, des fermiers qui ont reçu des chambres impériales le droit de mettre en valeur des biens fonciers abandonnés, dévastés ou négligés; il fallait recultiver des terres auparavant fertiles. Les Irlandais sont restés et ont participé à la reconstruction du Saint-Empire. Leurs des­cen­dants, élevés en Autriche, vivent encore parmi nous.

Alexander ERETH.

(article tiré de "Zur Zeit", n°21/1998; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

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