mardi, 21 janvier 2025
Trump et le Groenland
Trump et le Groenland
Par Joakim Andersen
Source: https://motpol.nu/oskorei/2025/01/11/trump-och-gronland/
Lorsque le futur président américain Donald Trump revendiqua à la fois le Groenland et le canal de Panama, sans exclure l'utilisation de moyens militaires, cela suscita une certaine surprise dans le monde entier. Le gouvernement français réagit notamment en déclarant que l'UE n'accepterait pas que des frontières soient modifiées par la violence. Les dirigeants du Danemark et du Groenland soulignèrent que le Groenland n’était pas à vendre. Cela soulève plusieurs questions intéressantes. D'une part, Trump est connu pour sa rhétorique « stratégiquement dramatique », qui fait partie de son « art de l'accord ». Ce qui commence par des menaces de violence et des discussions sur une vente pourrait bien se terminer par l'implantation de quelques bases militaires américaines supplémentaires au Groenland. D'autre part, cette déclaration suggère également une réelle volonté américaine de prendre le contrôle du Groenland, une idée que Trump a déjà abordée par le passé. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a commenté cette situation en affirmant que « l’Europe doit se réveiller », car nous entrons dans un nouvel ordre international caractérisé par le « droit du plus fort ». Vae victis.
Géopolitiquement, cela rappelle la faiblesse de l’Europe. L’Europe n’est pas un acteur sur la scène internationale, ce qui tient en partie aux fondements impolitiques qui servent de base à son unité politique. L’Europe réelle devrait être une communauté fondée sur autre chose que la bureaucratie et l’économie, comme l’ont écrit Jünger, Storey et Evola. Cela signifie que le projet eurocratique est devenu une menace pour les peuples européens et pour leur essence, au lieu de constituer un outil et une expression de celle-ci. Les dirigeants européens d’après-guerre ont largement été des vassaux de l’empire américain, agissant contre les intérêts de leurs propres peuples (voir Jordis von Lohausen).
Sous la présidence de Trump, cela prend une tournure plus aiguë. Nous nous retrouvons dans une situation où, par exemple, Macron représente fréquemment une ligne en politique étrangère qui laisse sous-entendre l'existence d'une force européenne, tout en soutenant une ligne intérieure de faiblesse européenne (en particulier en ce qui concerne la politique d’immigration). Comparé à cela, Trump est souvent favorable aux États-Unis sur le plan intérieur, mais pas toujours aussi bénéfique pour l’Europe sur le plan extérieur. Cela pourrait même, comme le prévient Barrot, signifier que la politique des États-Unis envers les États vassaux européens entre désormais dans une phase d’exploitation et de pillage plus ouvert. Un Europe forte est alors entravée par le politiquement correct et une idéologie hostile aux peuples, et le nœud gordien réside dans l’immigration massive et la légitimité déficiente qu’elle entraîne.
Qu'aucun des deux, le Danemark ni l’Europe, ne doive vendre le Groenland est évident. Cela est d’autant plus vrai qu’une majorité de Groenlandais eux-mêmes sont pour plus d’indépendance et pour une adhésion à l’UE. Le processus d’indépendance se poursuit depuis des décennies et le Groenland reprend progressivement sa souveraineté sur différents domaines. En même temps, le pays reste économiquement dépendant du Danemark: « L’État danois accorde chaque année un soutien financier au Groenland qui s’élevait en 2024 à 4,3 milliards de couronnes. De plus, l’État danois couvre directement des dépenses de plus d’1 milliard de couronnes pour des domaines tels que la défense, la police et le système judiciaire. » Plus d’un Groenlandais sur quatre vit d’ailleurs au Danemark. Les liens entre le Groenland et le Danemark sont considérables, que ce soit sur les plans économique, génétique, onomastique, historique ou religieux. Le paysage politique du Groenland ne semble pas non plus particulièrement compatible avec Trump et le MAGA.
Le parti au pouvoir, Inuit Ataqatigiit, est décrit comme socialiste et a notamment affirmé: « Inuit Ataqatigiit dit non à l’extraction et à l’exportation d’uranium et d’autres minéraux radioactifs… La nature arctique est la réserve alimentaire du Groenland, tout comme de nombreux autres peuples arctiques vivent encore largement de ressources naturelles. C’est pourquoi nous, habitants de l’Arctique, avons un intérêt particulier à ce que la nature arctique ne soit pas polluée par l’extraction d’uranium radioactif et d’autres matières premières toxiques, par des matériaux radioactifs provenant d’accidents dans les centrales nucléaires ou dans des navires à propulsion nucléaire, ou par le dépôt de déchets nucléaires. Nous pensons également que les grandes puissances mondiales doivent procéder à un désarmement surtout sur le plan des armements nucléaires. L’Arctique est et doit rester pacifique. » Le parti démocrate-socialiste Siumut est également très influent au Groenland. Politiquement, le Groenland appartient davantage à l’Europe qu’aux États-Unis.
La géopolitique n’est cependant pas tout. Il existe également des raisons mythiques et psychologiques profondes de ne pas rompre les liens entre le Nord scandinave et l’Arctique. Le Groenland possède de riches traditions et une mythologie fascinante. Il existe aussi une tendance eurartique dans l’inconscient scandinave, comparable au « Drang nach Osten » allemand, les peuples nordiques s'étant maintesfois orientés vers le Nord. On peut citer ici l’expédition d’Andrée, l’intérêt authentique d’Ossian Elgström (photo) pour les Inuits et les Samis, ainsi que les descriptions d’Evola sur l’origine polaire, sur Hyperborée et Thulé. Nous avons déjà écrit sur ce sujet, notamment dans mes textes sur Ödun et l’ours polaire et sur la mythologie antarctique. Notre tradition vient ultérieurement des chasseurs de mammouths dans l’Arctique, et rompre les liens avec l’Arctique équivaudrait, psychologiquement et mythiquement, à une sorte d’effondrement.
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Indonésie: le Géant oublié
Indonésie: le Géant oublié
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/il-gigante-dimenticato/
L’Indonésie est un géant. Un géant dont nous, Européens, et surtout nous, Italiens, prétendons ignorer l’existence.
Une fiction rassurante entoure l'Indonésie sous nos latitudes. Parce qu’au mieux, nous considérons ces terres comme pétries de pur folklore. Une sorte de pays d'opérettes, une destination de vacances privilégiée pour les riches. Ou pour ceux qui prétendent l’être.
Une myopie due à l’ignorance fondamentale avec laquelle nous regardons le monde. Avec une perspective qui reste celle d’il y a quatre-vingts ans : l’Amérique, ou plutôt les États-Unis, et la petite Europe occidentale. Voilà le monde… le reste, simplement, ne compte pas. Ou pire, n’existe même pas en nos têtes.
Et pourtant, l’Indonésie est une réalité bien différente. Une réalité avec laquelle nous devrons, bientôt, commencer à composer. Et ce ne seront pas des compromis faciles, ni, surtout, à notre avantage.
Car ce colosse insulaire, doté d’une agriculture extrêmement riche et d’un potentiel minier – pétrole, gaz, or… – tout aussi extraordinaire, a officiellement demandé à intégrer les BRICS. Autrement dit, la coalition économique qui conquiert progressivement la primauté mondiale. Provoquant bien des maux de tête pour les finances américaines. Sans parler de notre petite Europe, de plus en plus réduite à l’insignifiance économique. Et pas seulement économique.
La décision indonésienne est sans aucun doute un événement important. Fondamental, à bien des égards.
Jakarta a en effet toujours été étroitement liée aux États-Unis. Un lien non seulement économique, qui a profondément marqué son histoire récente et tourmentée.
Demander formellement à rejoindre les BRICS – qui, par ailleurs, courtisaient l’Indonésie depuis longtemps – représente donc un changement de politique profond et mûrement réfléchi.
Chercher de nouveaux marchés, augmenter de 20% les exportations vers la Chine et de 8% vers l’Inde, et s’ouvrir à la Russie ainsi qu’aux autres pays associés aux BRICS.
Mais bien au-delà, ce choix de Jakarta signifie une prise de distance claire vis-à-vis des États-Unis. En effet, l’Indonésie se rebelle ouvertement contre l’hégémonie du dollar, qui a longtemps conditionné et limité sa croissance.
Au sein des BRICS, elle peut trouver des alternatives viables et moins coûteuses, tant sur le plan strictement économique que, peut-être encore plus, sur le plan politique.
Ainsi, la décision indonésienne marque un tournant, probablement radical, dans les équilibres économiques et géopolitiques mondiaux.
Cependant, en Italie, cet événement est quasiment ignoré par les grands médias. Comme s’il ne nous concernait pas ou ne nous impliquait en aucune manière.
Comme si l’Indonésie n’était pas un géant économique, mais un pays exotique, joyeux et festif, un pays pour touristes repus et satisfaits. Une affaire d’opérette, en somme.
Alors que nous devrions prendre conscience de la réalité. Et comprendre que c’est nous, désormais, qui sommes le… pays des opérettes.
19:09 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, indonésie, brics, asie, affaires asiatiques, politique internationale, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 19 janvier 2025
Syrie, Iran: une nouvelle spirale d'escalade menace-t-elle avec de nouvelles guerres au Proche-Orient?
Syrie, Iran: une nouvelle spirale d'escalade menace-t-elle avec de nouvelles guerres au Proche-Orient?
Source: https://report24.news/syrien-iran-droht-eine-neue-eskalat...
Avec la chute du président Assad et la prise de pouvoir par les islamistes en Syrie, une nouvelle spirale d'escalade menace le Proche-Orient. L'Iran, en particulier, est dans la ligne de mire des fanatiques mondialistes, zélotes des changements de régime. La situation est-elle réellement explosive ?
Les récents développements au Proche-Orient dressent un tableau inquiétant où l'on perçoit des glissements de pouvoir de nature géopolitique et l'émergence d'alliances douteuses. Ce qui a commencé il y a plus de 20 ans avec la révélation explosive du général Wesley Clark d'un plan du Pentagone visant à « éliminer sept pays en cinq ans » semble aujourd'hui se manifester avec une clarté effrayante.
La situation actuelle en Syrie n'est que la partie émergée de l'iceberg. Alors que l'Occident présente l'ancien commandant d'Al-Qaida Al-Jolani, aujourd'hui chef du mouvement islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), comme un prétendu réformateur, une réorganisation dramatique de la région se déroule en arrière-plan.
Le rôle de la Turquie du président Erdogan est particulièrement significatif. Son récent soutien aux groupes djihadistes contre Assad marque un nouveau tournant dans sa course politique qui va à la dérive entre l'Est et l'Ouest. Depuis la tentative de putsch avortée de 2016, au cours de laquelle les services secrets russes lui ont peut-être sauvé la vie, Erdogan manœuvre habilement entre les grandes puissances.
Les liens économiques parlent d'eux-mêmes: les banques chinoises financent les grands projets turcs, tandis que la Russie est un partenaire important en matière d'infrastructures. Parallèlement, Ankara maintient ses livraisons de pétrole à Israël - malgré une rhétorique virulente contre la politique de Tel-Aviv.
Les conséquences de ces développements s'étendent bien au-delà de la région. L'Arabie saoudite observe la situation avec une inquiétude croissante, ce qui pourrait également avoir des conséquences pour l'alliance BRICS. Le projet d'oléoduc Qatar-Turquie semble difficilement réalisable au vu de l'instabilité croissante en Syrie.
Des experts comme Chris Macintosh mettent en garde : la région pourrait devenir un nouvel Afghanistan, avec des conséquences imprévisibles pour l'architecture de sécurité mondiale. Les prochains mois montreront si la communauté internationale est encore en mesure d'empêcher une nouvelle escalade - ou si nous entrons dans une nouvelle phase d'affrontements militaires.
19:28 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, proche-orient, levant, moyen-orient, iran, syrie, géopolitique, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 15 janvier 2025
Vers un grand espace trumpiste?
Vers un grand espace trumpiste?
par Georges Feltin-Tracol
Donald Trump n’est pas encore entré en fonction et il multiplie déjà les propositions-chocs. Friand de déclarations osées sur son propre réseau social ou sur celui de son nouvel ami Elon Musk, le futur 47e président des États-Unis montre une vraie constance dans ses prises de position géopolitiques.
En 2019, alors 45e locataire de la Maison Blanche, il avouait volontiers annexer le Groenland. Il aurait aimé l’acheter. La proposition suscita un mélange de stupeurs, de ricanements et de réprobations. En décembre dernier, l’homme d’affaires a réitéré sa demande qui n’est donc pas une plaisanterie.
L’océan glacial Arctique prend une valeur stratégique majeure. C’est le seul au monde où se font face les littoraux russe et étatsunien. Donald Trump sait que le territoire des États-Unis s’est largement formé grâce à des achats successifs de territoires. Le plus célèbre reste en 1804 quand la France de Napoléon Bonaparte vendit tout le bassin hydrographique du Mississippi, la grande Louisiane, pour 80 millions de dollars. Cette vente ouvrit la voie à la « conquête de l’Ouest » et au mythe mobilisateur de la Frontière. En 1819, cinq millions de dollars permirent l’acquisition de la Floride espagnole. En 1848, au terme d’une effroyable guerre d’agression, le traité de Guadalupe oblige le Mexique à céder aux États-Unis pour quinze millions de dollars tout le Mexique septentrional (Californie, Arizona, Nouveau-Mexique, Nevada) en plus du Texas déjà annexé. En 1867, Saint-Pétersbourg vend pour 7,2 millions de dollars l’Alaska et se prive d’être une puissance tricontinentale. En mars 1917, Washington donne 23 millions de dollars au Danemark pour posséder une part des Îles Vierges dans les Antilles.
Tous ces précédents historiques rendent donc plausibles les intentions marchandes de Donald Trump. Le Danemark serait encore sollicité. En effet, malgré un large statut d’autonomie interne, le Groenland reste un territoire danois. La plus grande île du monde après l’Australie conserve un lien ténu avec Copenhague. Cependant, dès 1985, un référendum autorisa la sortie de l’« Île verte » de la CEE (Communauté économique européenne). Membre fondateur de l’OTAN, le Danemark a fait de sa dépendance boréale un pivot indispensable pendant la Guerre froide. Jusqu’en 1992, on recensait deux bases militaires (seule se maintient celle de Thulé, renommé). Les prétentions étatsuniennes sur le Groenland sont fondées. Mais son rattachement aux États-Unis ne viendrait qu’après l’absorption du Canada.
Avant même son investiture, Donald Trump a avancé sa volonté d’augmenter les droits de douane de 25 % envers les produits canadiens et mexicains. Vice-ministresse et ministresse canadienne des Finances, Chrystia Freeland, a démissionné, le 16 décembre dernier. Craignant une guerre commerciale âpre et difficile, elle a refusé de cautionner la politique de Justin Trudeau qui aggrave le déficit. Ottawa a levé la taxe sur les produits et services jusqu’à la mi-février et entend offrir une chèque de 250 dollars canadiens aux travailleurs au printemps 2025. Cette distribution d’argent public s’apparente à un arrosage clientéliste dans la perspective d’élections législatives prévues en octobre.
Chantre du multiculturalisme, du wokisme et du financiarisme, Justin Trudeau sait que Donald Trump ne l’apprécie guère. Sa faible popularité auprès des Canadiens indique son déclin politique traduit par l’annonce de sa démission, le 6 janvier 2025. Redoutable bête politique, Trump ne se prive de se moquer du chef du gouvernement canadien qu’il qualifie de gouverneur ! Ces derniers temps, le futur président étatsunien a répété qu’il verrait bien le Canada devenir le 51e État des États-Unis et ainsi supprimer « une ligne artificielle », à savoir la frontière canado-étatsunienne. Si ce projet se réalise, les nouveaux États-Unis (avec le Canada donc) deviendrait un très vaste État avec 19.818.187 km² ! Un des avantages de la fusion du Canada et des États-Unis permettrait de redéployer les services douaniers et les unités de surveillance de frontières sur le flanc méridional en face du Rio Grande et de Cuba.
Comment se passerait cette intégration? Le Canada se fondrait-il en tant qu’ensemble étatique unitaire au risque de déséquilibrer les rapports internes (la Californie n’apprécierait pas de perdre son premier rang…) ou bien cette assimilation passerait-elle à travers les dix provinces et les trois territoires du Nunavut, du Nord-Ouest et du Yukon? La population canadienne de langue anglaise approuverait-elle d’ailleurs cette absorption?
On ignore en France l’existence de mouvements indépendantistes en Alberta, riche en hydrocarbures, au Manitoba et, plus anecdotique, dans le Saskatchewan. Comment réagiraient enfin les communautés francophones du Québec, d’Acadie et de l’Ouest en cas d’intégration par le grand voisin du Sud ? Il est fort plausible que l’hypothétique élévation du Canada en 51e État fédéré se fasse dans un cadre unitaire et indivisible. Pas sûr dès lors que Washington consente aux velléités sécessionnistes du Québec et des autres territoires canadiens-français. Maints responsables indépendantistes québécois ont prôné le continentalisme nord-américain.
L’intégration du Canada aux États-Unis ouvrirait la voie au rattachement du Groenland par l’intermédiaire du Nunavut. Les Inuits sont cousins des autochtones groenlandais. « Notre Terre » en inuktitut attirerait inévitablement une population du Groenland pour l’heure rétive à toute union avec l’Oncle Sam. Un parti indépendantiste d’extrême gauche assure le gouvernement autonome du Groenland. Quant aux Canadiens plus progressistes que les Étatsuniens, leur admission redonnerait bien des couleurs au parti démocrate.
Les Canadiens se moquent pour l’instant des intentions trumpiennes. Le premier ministre conservateur de l’Ontario, Doug Ford (photo), dont le frère, Rob, fut le maire sulfureux et stupéfiant de Toronto (2010 – 2014), a dès à présent menacé la Maison Blanche de représailles pour l’application de toutes mesures protectionnistes décidées par le futur président Trump. Il a même plaisanté en souhaitant acheter l'Alaska et en y ajoutant le Minnesota et Minneapolis. L’Ontarien aurait cependant intérêt à se taire s’il ne veut pas connaître une petite « révolution colorée » chez lui. En outre, un scandale mêlant finances et sexe arrive si vite de nos jours…
Le 21 décembre dernier à Phoenix en Arizona, Donald Trump évoquait l’avenir du canal du Panama. Il critiquait des tarifs de passage onéreux pour les navires étatsuniens. Il s’offusquait de la présence de travailleurs chinois. Ainsi visait-il indirectement le projet chinois de construire au Nicaragua un canal transocéanique concurrent. Fort du succès du canal de Suez inauguré en 1869, le Français Ferdinand de Lesseps propose de construire un canal dans la partie la plus étroite de l’isthme centraméricain. En 1889, les États-Unis rachètent les droits de sa compagnie pour un montant de quarante millions de dollars, puis incitent la bourgeoisie locale à se révolter contre la Colombie. Le Panama devient indépendant en 1903. Un an plus tard, la constitution panaméenne reconnaît aux États-Unis le droit d’intervenir militairement et octroie une région de 1432 km² de part et d’autre du canal. En 1977, Jimmy Carter signe un nouveau traité qui accorde la souveraineté du canal au Panama malgré la présence de six bases militaires US. Le 31 décembre 1999, le Panama acquiert la pleine souveraineté sur tout le canal. Entre-temps, le 20 décembre 1989 commençait l’opération « Juste Cause ». George Bush père ordonnait l’invasion militaire du Panama et l’arrestation du général Noriega accusé de trafic de drogue, largement aidé par la CIA et d’autres officines de l’État profond yankee.
La déclaration de Donald Trump a soulevé un formidable mécontentement populaire au Panama dont la population garde en mémoire cette intervention militaire inique. Les manifestants brandissent des affiches grossières à l’encontre de Trump. Il sera très difficile au prochain secrétaire d’État de convaincre les dirigeants du Panama de rendre le contrôle du canal à moins que les États-Unis s’engagent dans une nouvelle aventure armée comme Trump l’a laissé entendre. Il préconise enfin de changer le golfe du Mexique, vraie « Méditerranée méso-américaine », en golfe de l’Amérique.
Sceptique envers l’utilité de l’OTAN qui forme un grand espace euro-atlantique intégré, y compris avec le Canada et le Groenland, Donald Trump a compris que le XXIe siècle sera le temps des États-continents. Si l’apport démographique du Canada et du Groenland demeure relatif (375.750.000 habitants), les nouveaux États-Unis d’Amérique du Nord et de l’Arctique disposeraient d’une formidable étendue ramassée (21.984.273 km²) avec des ressources minières, énergétiques et agricoles peu exploitées. Les projets d’expansion de Donald Trump ne sont pas à prendre à la légère. Son ambition expansionniste pourrait-elle finalement réconcilier un mouvement trumpiste qui se divise à propos de la question brûlante de l’immigration entre la base MAGA nativiste et les oligarques de la High Tech, Elon Musk en tête ?
GF-T
- « Chronique flibustière » n° 139 mise en ligne sur Synthèse nationale, le 14 janvier 2025.
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dimanche, 12 janvier 2025
Groenland: Scène géopolitique d’un bras de fer entre les États-Unis et l’Union européenne
Groenland: Scène géopolitique d’un bras de fer entre les États-Unis et l’Union européenne
par Elena Fritz
Source: https://www.pi-news.net/2025/01/groenland-geopolitische-b...
Depuis sa victoire électorale, Donald Trump a à plusieurs reprises évoqué l’idée que le Groenland devrait devenir une partie intégrante des États-Unis.
Autrefois une île isolée et silencieuse, le Groenland devient de plus en plus le centre d’un jeu d’échecs géopolitique qui attire l’attention des États-Unis et de l’Union européenne. Sa position stratégique et ses ressources naturelles abondantes en font une cible convoitée, et cette lutte d’influence ne restera probablement pas sans conséquences pour l’Europe.
Les autorités locales groenlandaises, qui œuvrent depuis des années à une autonomie progressive vis-à-vis du Danemark, perçoivent cet intérêt croissant de Washington comme une opportunité. D’éventuels investissements américains pourraient aisément remplacer l’aide financière annuelle de 500 millions d’euros que le Danemark accorde à l’île. Mais il ne s’agit pas uniquement d’argent: la question porte sur le pouvoir, l’influence et l’indépendance. Chaque dollar investi par les États-Unis se traduit par une perte de contrôle pour Copenhague.
L’administration Trump avait déjà laissé entendre par le passé son intention de valoriser le Groenland sur le plan stratégique, que ce soit par des contrats d’exploitation des vastes ressources naturelles de l’île ou même par un achat pur et simple de celle-ci. Bien que cette dernière hypothèse semble irréaliste, le message est clair : les États-Unis considèrent le Groenland comme une position clé, tant sur le plan économique que militaire.
Bruxelles sur la défensive : l’UE peut-elle garder le Groenland ?
Toutefois, l’Union européenne ne compte pas rester les bras croisés face à ce bras de fer. Bruxelles n’aura d’autre choix que d’offrir des fonds supplémentaires au Groenland afin d’éviter son rapprochement avec Washington. Le problème ? L’UE a peu à offrir en comparaison des investissements américains ou des garanties de sécurité stratégiques proposées par les États-Unis.
Le Groenland détient les plus grandes réserves de terres rares hors de Chine – des ressources indispensables à la production de technologies de pointe et aux énergies vertes. De plus, les réserves pétrolières de l’île sont estimées à 110 milliards de barils. Bien que l’extraction soit coûteuse et techniquement complexe, un financement adéquat et des compétences spécialisées permettraient d’exploiter ces richesses. Alors que l’UE tarde à agir, les investisseurs internationaux, en premier lieu les Américains, sont déjà sur le pied de guerre.
Danemark : le grand perdant
Pour le Danemark, cette évolution pourrait avoir des conséquences désastreuses. Le développement économique du Groenland grâce aux investissements étrangers renforcerait considérablement les mouvements indépendantistes locaux. Une éventuelle séparation du Groenland représenterait un coup dur pour Copenhague, tant sur le plan symbolique qu’économique.
En parallèle, le Danemark pourrait se retrouver engagé dans une guerre commerciale avec les États-Unis. Les géants pharmaceutiques danois, qui réalisent chaque année des milliards d’euros de chiffre d’affaires sur le marché américain grâce à leurs produits amaigrissants, pourraient devenir une cible pour Washington. La politique de lutte contre l’obésité prônée par l’administration Trump pourrait servir de prétexte pour imposer des taxes ou des droits de douane sur les entreprises danoises. Face à cette menace, Copenhague aurait peu de moyens de défense, étant trop dépendante des revenus générés aux États-Unis.
Conclusion : l’Europe dans une impasse
Les événements autour du Groenland illustrent une fois de plus la faiblesse de l’Europe sur la scène géopolitique mondiale. Alors que Washington agit avec fermeté et poursuit résolument ses intérêts stratégiques, Bruxelles apparaît hésitante et réactive. Pour le Danemark et l’UE, le Groenland devient le symbole d’une perte d’influence dans un monde de plus en plus dominé par la politique de puissance.
Le cas du Groenland montre que l’Europe est reléguée à la périphérie géopolitique, tandis que les États-Unis continuent d’étendre leur emprise. Et Bruxelles ? Elle préfère se concentrer sur des questions idéologiques et bureaucratiques, tandis que l’avenir se joue à ses portes.
14:16 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, actualité, groenland, états-unis, donald trump, danemark, europe, affaires européennes, zone arctique, arctique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 09 janvier 2025
Les mains du dragon sur le canal de Panama. Voici pourquoi Donald veut le reprendre
Les mains du dragon sur le canal de Panama. Voici pourquoi Donald veut le reprendre
Les États-Unis l'ont cédé, puis ce fut la «trahison»: des accords avec la Chine, qui le contrôle désormais
Marco Valle
Source: https://www.ilgiornale.it/news/politica/mani-dragone-sul-...
C'est bien connu, The Donald n'aime pas les tournures de phrases compliquées et déteste les sophismes diplomatiques. Ses déclarations brutales de Noël sur le sort du Panama et de son canal le confirment une fois de plus. Pour Trump, la petite république pénalise délibérément le trafic maritime américain au profit de la Chine qui, par l'intermédiaire de la société CK Hutchison Holdings, basée à Hong Kong, contrôle deux des cinq ports adjacents au point de transit stratégique mondial, ainsi que des zones franches.
Pour le nouveau président, il s'agit là de "l'ongle du dragon jaune avide" qui s'apprête à engloutir le pays d'Amérique centrale. Ce n'est pas un hasard si le 27 décembre, sur son compte Truth, il a ironiquement souhaité un « Joyeux Noël à tout le monde, y compris aux merveilleux soldats chinois qui gèrent avec amour, mais illégalement, le canal de Panama ». Bref, pour le prochain occupant de la Maison Blanche, la ligne d'eau stratégique entre les deux océans est sur le point de tomber entre les mains de Pékin et il est prêt à utiliser tous les moyens pour l'empêcher.
Au-delà des hyperboles trumpiennes, l'affaire est très complexe et les enjeux pour Washington sont très importants: depuis plus d'un siècle, le Panama et son canal sont une créature des Etats-Unis, le centre géopolitique de leur «arrière-cour». Tout a commencé en 1903, lorsque le président Theodore Roosevelt a décidé que le district périphérique du nord de la Colombie « méritait » l'indépendance. La partie est facile: les canons du croiseur Nashville soutiennent les tièdes ambitions séparatistes de l'élite créole locale, forçant Bogota à capituler, et deux semaines après l'indépendance, la république nouvellement établie autorise les Américains à commencer les travaux du canal.
Roosevelt n'a pas perdu de temps. En dix ans, ses ingénieurs réussissent une entreprise abandonnée d'abord par les Espagnols (la première étude, en 1793, est due à l'amiral Alessandro Malaspina, navigateur toscan au service de Madrid), puis, à la fin du XIXe siècle, par les Français de Ferdinand de Lesseps, l'homme de Suez. Un ouvrage colossal, une voie d'eau de 82 kilomètres à travers un terrain impraticable et montagneux, qui révolutionne le trafic maritime et témoigne de la puissance technologique de la république étoilée. Inaugurée le 15 août 1914, la voie d'eau est restée sous souveraineté américaine (accueillant d'importantes installations militaires) jusqu'au 31 décembre 1999, date à laquelle Jimmy Carter, récemment décédé, a décidé de la céder aux Panaméens. Une décision historique que Trump n'a jamais appréciée : « Quand Carter l'a bêtement cédée pour un dollar, c'était entièrement au Panama de la gérer, pas à la Chine, ni à personne d'autre ».
Et c'est là que réside le problème. Début 2017, surprenant Washington, le président panaméen de l'époque, M. Varela, a rompu les liens diplomatiques avec Taïwan et a signé en juin un protocole d'accord contraignant avec la Chine de Xi Jinping. C'était le début d'une formidable offensive diplomatique et commerciale. Quelques chiffres : selon les statistiques des douanes chinoises, le volume des échanges entre la Chine et le Panama en 2021 était de 11.344 milliards de dollars, dont 10.180 milliards de dollars d'exportations chinoises et 1164 milliards de dollars d'importations, avec une augmentation régulière et fructueuse d'une année sur l'autre. La Chine est ainsi devenue le principal partenaire commercial du Panama, le premier fournisseur de la zone franche de Colon et le deuxième utilisateur du canal. Des données lourdes. Une éventuelle satellisation du Panama dans l'orbite économique chinoise n'est plus une probabilité lointaine mais une possibilité, certes pas immédiate, mais réelle.
Des perspectives qui irritent le déjà colérique Trump. Pour lui, « si les principes, tant moraux que légaux, du geste magnanime de donation ne sont pas suivis, alors nous exigerons que le canal nous soit rendu, en totalité, rapidement et sans question ».
Le président panaméen Jose Raul Mulino (photo) a répondu que « chaque mètre carré du canal et de la zone environnante appartient au Panama et continuera d'appartenir au Panama. La souveraineté et l'indépendance de notre pays ne sont pas négociables ». Toujours sur Truth, Trump a répondu : « Nous verrons ».
19:50 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : panama, canal de panama, états-unis, donald trump, amérique centrale, amérique ibérique, amérique latine, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 05 janvier 2025
L'Équateur ouvre ses portes à l'armée américaine
L'Équateur ouvre ses portes à l'armée américaine
Leonid Savin
Après les informations sur la présence militaire américaine au Panama (et les déclarations ultérieures de Donald Trump selon lesquelles il rendrait le canal de Panama aux Etats-Unis), l'activité du Pentagone s'est manifestée de manière spectaculaire en Équateur.
On a appris que le président équatorien Daniel Noboa cédait les îles Galápagos aux États-Unis pour qu'elles servent de base militaire. Le 10 décembre 2024, le projet de sécurité intégrée pour la région des îles et les instructions pour la mise en œuvre des accords de coopération entre l'Équateur et les États-Unis ont été approuvés. Ce fut la touche finale du passage dans la sphère d'influence de la Maison Blanche et la destruction de facto de la souveraineté de l'État latino-américain.
Il convient de rappeler que, par décret du 15 février 2024, Quito a ratifié l'accord avec Washington sur le statut des forces armées, signé le 6 octobre 2023 sous l'administration de Guillermo Lasso, en vertu duquel le personnel militaire et civil du ministère américain de la défense et de ses sous-traitants bénéficierait de privilèges, d'exemptions et d'immunités équivalents à ceux accordés au personnel administratif et technique des missions diplomatiques en vertu de la Convention de Vienne.
Dans la pratique, cela signifie l'établissement d'une base militaire, comme ce fut le cas de 1999 à 2009 dans la ville côtière de Manta, un accord que le président Rafael Correa (photo) a refusé de renouveler, parce que la nouvelle Constitution de 2008 interdisait la présence de forces armées étrangères ou de bases militaires sur le territoire équatorien. Il est plus qu'évident que la tentative de coup d'État d'octobre 2010 en Équateur, au cours de laquelle des rebelles entraînés aux États-Unis ont tiré sur le président légalement élu Rafael Correa, était liée à un changement dans la politique étrangère du pays.
C'est à ce moment-là que Daniel Noboa a déposé un amendement constitutionnel à l'Assemblée (parlement) pour supprimer un article interdisant la présence en Equateur de bases d'autres pays.
Bien que l'amendement n'ait pas été voté par l'Assemblée, l'opinion de nombreux experts selon laquelle un régime colonial de facto serait établi est bien fondée.
Il est également regrettable que la ou les bases militaires soient installées dans une réserve naturelle unique au monde. En 1978, l'UNESCO a déclaré l'archipel patrimoine naturel de l'humanité. Son écosystème est très fragile et il ne fait aucun doute qu'il ne résistera pas à la pression exercée par l'armée américaine. Bien qu'il soit officiellement indiqué que les navires de guerre, les avions et les équipages américains, exemptés de droits administratifs (taxes), seront soumis à des contrôles environnementaux stricts lorsqu'ils entreront dans l'île, il est scientifiquement prouvé que les armées américaines, ainsi que leurs homologues britanniques, sont les plus polluants au monde.
On peut donc d'ores et déjà parler d'une catastrophe environnementale imminente.
Quel est l'objectif de la présence militaire étrangère ? Selon les documents, il s'agit de « lutter contre le trafic de drogue, la pêche illégale et d'autres activités maritimes illégales dans cette région de l'Équateur. Il est important d'éviter les conflits violents et autres délits connexes entre les groupes narcoterroristes liés aux cartels internationaux qui se disputent les routes d'exportation de la drogue et le contrôle territorial des exportations de drogue ».
En fait, l'ordre du jour est plus large que cela. Du point de vue des dirigeants équatoriens actuels, il s'agit d'une orientation vers les États-Unis et Israël dans la politique mondiale. Outre les intérêts du complexe militaro-industriel américain lié aux entrepreneurs privés, Washington étend effectivement son influence géostratégique parce que l'Équateur se projette dans le corridor maritime du Pacifique oriental. L'Équateur est en train d'étendre ses frontières vers d'autres régions du monde, notamment les îles Galápagos, Coco au Costa Rica, Gorgon et Malpelo en Colombie, et Cohiba au Panama. Mais les objectifs déclarés de lutte contre le trafic de drogue sont discutables, car les îles Galápagos sont situées à l'écart des routes traditionnelles du trafic de cocaïne en provenance d'Amérique du Sud. Nous devrions plutôt parler ici d'une expansion globale de la présence militaire américaine, en tenant compte des intérêts croissants de la lutte contre la Chine et son projet « Belt and Road » dans la région. Ajoutons à cela le rôle du Nicaragua et du Venezuela dans l'opposition aux États-Unis et la mise en œuvre de la politique du socialisme bolivarien, qui irrite Washington et ses clients locaux. La nouvelle base américaine servira évidemment de moyen de dissuasion pour faire pression sur les États récalcitrants.
Jusqu'à présent, une coalition de 50 organisations civiques, nationales et internationales s'est opposée à la présence militaire étrangère dans les îles Galápagos parce qu'elle viole la Constitution équatorienne, menace la préservation de l'archipel et met en péril la souveraineté nationale.
Cette souveraineté est d'ailleurs également menacée par la dollarisation excessive de l'économie équatorienne.
Il est intéressant de noter que tout cela se déroule dans le contexte d'une crise politique interne en Équateur. Le 24 décembre 2024, la vice-présidente de l'Équateur, Veronica Abad (photo), a publié une lettre appelant les organisations nationales et internationales à agir dans son cas, qu'elle a qualifié d'« achèvement d'un coup d'État déclaré ».
Le ministère du travail avait déjà tenté de la suspendre, mais la juge Nubia Vera avait tranché en faveur d'Abad. Cependant, elle n'a pas pu se rendre sur son lieu de travail car les bureaux ont été bloqués par les militaires et le président Daniel Noboa a signé un décret ordonnant son transfert immédiat en Turquie.
Selon Mme Abad, la tentative de l'envoyer en Turquie est « une nouvelle insulte aux Équatoriens » par laquelle le président cherche à « prendre l'avantage sur les autres candidats à la présidence » sans renoncer au pouvoir. Bien que la loi l'oblige à céder le pouvoir au vice-président pour la durée de la campagne. L'élection est prévue pour le 9 février 2025, et la campagne commencera dès le début du mois de janvier.
Cela signifie un programme d'information assez massif, contre lequel il sera possible de réaliser l'escroquerie de l'amendement constitutionnel et d'autoriser l'armée américaine à pénétrer dans les îles Galápagos. Compte tenu de ce qui précède, il existe un risque avéré que cela se produise.
P.S. On sait également que le gouvernement du Pérou, pays voisin de l'Équateur, a approuvé par l'acte législatif n°32214 l'entrée de l'armée américaine dans le pays en 2025. L'accord sera valable pour toute l'année civile. Les militaires américains seront stationnés dans 16 régions: Lima, Cayao, Loreto, San Martin, Huánuco, Ucayali, Pasco, Junín, Huancavelica, Cuzco, Ayacucho, Apurimac, Madre de Dios, ainsi qu'Iquitos et Pucusana. Dans cette optique, les actions du Pentagone ressemblent à une stratégie délibérée et à long terme dans le style de la Doctrine Monroe 2.0.
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dimanche, 29 décembre 2024
La guerre de l'Arctique
La guerre de l'Arctique
par Pierluigi Fagan
Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-guerra-artica
Le Groenland est la plus grande île du monde et correspond à 22% du territoire des États-Unis, soit à peu près la superficie additionnée de l'Italie + la France + l'Espagne + l'Allemagne + la Pologne + le Royaume-Uni, avec seulement 60.000 habitants. Elle fait partie du Royaume du Danemark mais dispose de pouvoirs autonomes étendus.
Selon un rapport de l'US Geological Survey, 13% des ressources pétrolières et 30% des ressources gazières mondiales, ainsi que de l'or, des rubis, des diamants, du zinc, du fer, du cuivre, des terres rares et beaucoup d'uranium, se trouvent dans le sous-sol (entre la terre ferme et les fonds marins) pour une valeur totale estimée à environ 400 milliards d'USD, soit une année de PIB pour le Danemark.
Les États-Unis y possèdent déjà plusieurs bases militaires non divulguées, à l'exception de celle, bien connue, de Pituffik, qui est le centre de l'ensemble du réseau de protection de l'espace (NORAD). Au-delà des ressources, certes substantielles, il ne fait aucun doute que le principal poids stratégique de l'île glacée est d'ordre géostratégique, puisqu'elle fait partie du pôle Nord et qu'elle en contrôle l'accès pour tout le Sud-Ouest.
Pour le pôle Nord, limitrophe de la Sibérie, les Chinois envisagent de développer leur route de la soie polaire, alternative stratégique pour éviter les détroits d'Asie du Sud-Est (alors Bab el-Mandeb, Mer Rouge, Suez) et aussi raccourcir le temps de traversée vers l'Europe.
Je rappelle que les États-Unis ne sont considérés comme une nation polaire qu'en raison d'une partie (nord) de l'Alaska, qui était autrefois une terre russe achetée par les Américains (en 1867). Le sous-sol du pôle Nord est quant à lui crédité d'énormes réserves de pétrole, de gaz, de palladium, de nickel, de phosphate, de bauxite, de terres rares, et j'en passe.
Bien sûr, tout ce battage autour du Grand Nord suit les mesures et les prévisions sur la fonte progressive des glaces que les hauts commandements stratégiques des grandes puissances mondiales semblent croire, mais ils ne suivent pas les canaux actifs des négationnistes du climat, les seuls à savoir réellement ce qu'il en est. Cette ligne est activement financée par l'entourage de Trump, qui donc quand cela l'arrange nie, quand cela l'arrange achète par anticipation ce qu'il nie par ailleurs. Dans ces réseaux de nouvelles qui sont pour beaucoup invérifiables et apparemment contradictoires, plusieurs fake news sont repérables.
En 1991, un forum de consultation, de coordination et de coopération - le Conseil de l'Arctique - a été créé par les États membres de l'Arctique, à savoir le Canada, le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et le Royaume-Uni : Le Canada, le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège, la Russie, la Suède et les États-Unis. En mars 2022, les pays occidentaux ont suspendu leur participation en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Suite au renoncement à la neutralité historique et à l'adhésion à l'OTAN de la Suède et de la Finlande, ces pays sont désormais tous membres de l'OTAN (à l'exception, bien sûr, de la Russie).
Ce dernier virage scandinave n'est certainement pas dû à la crainte face à l'hypothétique convoitise des Russes pour les élans, les rennes et les lichens scandinaves, mais plutôt à l'alignement stratégique des perspectives concernant le conflit -certain- à venir ou au moins le "différend chaud"qui s'instaurera avec l'Arctique pour objet. En particulier, avec la Finlande et accessoirement la Suède, toutes deux désormais dans l'OTAN, l'une des bases russes les plus importantes dans l'Arctique, la péninsule de Kola, est directement menacée. Avec une quarantaine de navires, les Russes peuvent se targuer d'avoir la plus grande flotte de brise-glaces au monde, et leur présence en direction du pôle est bien organisée et continuellement renforcée.
Il y a quelques jours, Trump a relancé l'idée d'acheter l'île du Groenland, une idée que les Américains poursuivent depuis 1867 et que Trump lui-même avait mise sur la table lors de sa première présidence. Il a ensuite déplacé l'ambassadeur qui se trouvait en Suède, soit l'homme qui avait évidemment piloté, avec des arguments intéressants et convaincants, la renonciation de Stockholm à l'histoire de sa neutralité qui durait depuis deux siècles. Ce diplomate est l'un des fondateurs de PayPal et donc un membre décisif de la PayPalMafia (Thiel, Musk, Nosek, Levchin), ainsi qu'un « jeune leader mondial » élu par le Forum économique mondial. Chaque jour un peu plus, ce groupe prend une fonction stratégique dans l'administration Trump; à quelles fins ? L'avenir nous le dira.
'Trump veut acheter le Groenland' est un titre pour les journaux et les émissions télévisées, l'affaire est cependant bien moins absurde. Les Américains peuvent acheter une partie (Nord) ou la louer pour 99 ans ou avoir des permis de construction et d'exploitation limités ou envenimer le conflit d'autonomie entre les indigènes et le Danemark en soutenant les souhaits d'indépendance ou en se proposant comme médiateur qui peut « rendre tout le monde heureux », c'est-à-dire surtout les États-Unis. La partie qui intéresse les États-Unis se trouve dans le nord, tandis que la population inuit, par ailleurs peu nombreuse, se trouve dans le sud.
Les Inuits sont la population dont le taux de suicide est le plus élevé au monde. Les noyer sous les dollars ne les rendra pas heureux, mais en bref, cela les aidera peut-être.
La question est d'ailleurs la dénégation la plus flagrante de la Doctrine Monroe puisque l'île fait en fait partie de la plate-forme nord-américaine.
Le retour de la Doctrine Monroe s'est également traduit par la mise sur la table, de manière synchronisée, d'une nouvelle question panaméenne. Comme nous l'avions anticipé dans notre article publié quelques jours après l'élection américaine, la ré-annexion hégémonique de l'ensemble du continent aux intérêts et aux souhaits de Washington constitue l'épine dorsale de la vision stratégique de la nouvelle administration.
Cette vision, contrairement au rejet obstiné et irréaliste de la présidence précédente, semble considérer l'évolution multipolaire de l'ordre mondial comme acquise, alors autant compacter son propre pôle et le faire sur des bases solidement géopolitiques (pôle américain) et non idéalistes (États-Unis+UE=Ouest/Occident). Qu'on le veuille ou non, le « groupe Trump » fait preuve d'une logique géostratégique solide et articulée.
Pour toutes ces raisons qui viennent d'être évoquées et pour l'élasticité des nombreuses solutions possibles, je prendrais l'opération pour faite, en perspective, nous verrons bien combien et comment.
20:32 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, danemark, groenland, europe, affaires européennes, donald trump, états-unis, doctrine de monroe, géopolitique, arctique, inuit | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 28 décembre 2024
Comment un pont terrestre mondial pourrait créer un partenariat entre l'Inde, la Chine, la Russie et les États-Unis à l'ère Trump
Comment un pont terrestre mondial pourrait créer un partenariat entre l'Inde, la Chine, la Russie et les États-Unis à l'ère Trump
par Atul Aneja
Source: https://telegra.ph/Come-un-ponte-terrestre-mondiale-pu%C3...
Pour les pans de l'humanité qui aspirent à l'avènement d'un monde multipolaire, l'arrivée du président américain nouvellement élu Donald Trump sur la scène mondiale a provoqué un certain émoi.
Non pas parce que Trump est un défenseur du multipolarisme, fondé sur l'essor collectif et collaboratif des États civilisés. En fait, sa vision du monde est plutôt nationaliste et ne vise que la renaissance de la « grandeur » américaine. Cependant, sa vision internationale est basée sur un pragmatisme extrême. Ainsi, si l'élévation de l'Amérique peut se faire en s'engageant avec des régimes dits « autoritaires », que ce soit en Corée du Nord ou en Chine, c'est bien, tout comme il est bien de travailler avec les Européens, à condition qu'ils se débarrassent de leurs instincts parasitaires et qu'ils établissent une relation véritablement équitable et symbiotique avec Washington.
Cependant, il est important de comprendre ce que Trump n'est pas. Le 44ème président** des États-Unis n'est pas un mondialiste. Cela signifie qu'il rejette la croisade anti-tradition d'une élite transnationale ultra-puissante, non élue et dirigée par les États-Unis, qui insiste pour imposer la démocratie libérale à l'ensemble de la planète, même au prix de créer des changements de régime dans les pays qui s'opposent à ce diktat. En d'autres termes, Trump partage son programme antimondialiste avec l'idée sous-jacente du multipolarisme, qui rejette le mondialisme et veut créer un monde multipolaire sous la forme d'une alliance d'États-civilisations souverains.
Selon le philosophe russe Alexandre Douguine, il est peu probable que Trump adhère au multipolarisme ; il est partisan de l'hégémonie américaine. "Cependant, il considère cette hégémonie d'une manière radicalement différente des mondialistes qui ont dominé le pouvoir américain au cours des dernières décennies (qu'ils soient démocrates ou républicains)".
Les mondialistes associent la domination politico-militaire et la supériorité économique à une idéologie libérale fondée sur l'imposition de valeurs anti-traditionnelles dans le monde entier (y compris aux États-Unis). Pour eux, l'hégémonie n'est pas la domination d'un pays, mais d'un système idéologique libéral international.
Trump, quant à lui, estime que les intérêts nationaux doivent primer, enracinés dans les valeurs américaines traditionnelles. En d'autres termes, il s'agit d'une hégémonie droite-conservatrice, idéologiquement opposée à l'approche gauche-libérale (Clinton, Bush Jr., Obama, Biden).
On ne sait pas encore comment le trumpisme se manifestera dans les relations internationales. Il pourrait objectivement accélérer la transition vers le multipolarisme, ou la ralentir ».
Malgré l'incertitude ambiante, l'arrivée de Trump a ouvert la porte à l'entrée d'un air frais. Les partisans du multipolarisme ne peuvent pas gaspiller ce moment de transition possible pour définir un nouveau système mondial.
Pour faire une percée, de nouvelles idées sont nécessaires, en particulier sur la connectivité transcontinentale qui peut naturellement transcender les fixations géopolitiques rigides et générer un nouveau paradigme de collaboration sans précédent.
Le projet de connectivité transcontinentale a déjà été amorcé. Malgré des critiques en partie légitimes, les Chinois ont déjà lancé leur initiative dénommée « la Ceinture et la Route », une gigantesque entreprise de connectivité reliant l'Asie à l'Europe à travers la vaste masse continentale eurasienne, avec des points nodaux s'étendant jusqu'au Sud mondial. La Russie a son propre projet d'Union économique eurasienne (UEE) qui implique également une connectivité profonde. De même, la Russie, l'Inde et l'Iran ont été les pionniers du corridor international de transport nord-sud (INSTC).
Compte tenu de ces avancées, comment les Américains peuvent-ils se joindre à ces gigantesques initiatives de connectivité, créant ainsi un vaste espace pour la création de richesses et l'essor économique ?
La création d'un pont terrestre mondial pourrait apporter une réponse.
L'Institut Schiller, basé aux États-Unis et en Allemagne, propose depuis longtemps que les États-Unis s'associent à la Russie pour intégrer physiquement les Amériques à la Sibérie, ce qui conduirait à un enchevêtrement logistique, économique et culturel avec l'Eurasie, qui est déjà connectée avec la BRI de la Chine et l'UEE de la Russie.
Dans l'une de ses présentations, l'Institut a souligné qu'il existe un projet visant à combler le fossé entre l'Alaska et la Sibérie par la construction d'un tunnel sous le détroit de Béring. Il s'agit du projet de connectivité le plus décisif, qui conduira à la création d'un pont terrestre mondial, puisqu'il reliera la Russie et les États-Unis, c'est-à-dire toute l'Eurasie, à l'ensemble du continent américain.
Il existe un deuxième projet, également d'une importance capitale pour la connectivité terrestre avec les Amériques et l'ensemble du globe.
Il s'agit de la proposition de relier l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud plus au sud, à travers la fosse dite de Darien, par des routes et des trains à grande vitesse. Une fois la trouée de Darien franchie, une liaison ferroviaire pourra être créée pour relier l'Amérique du Sud à l'Eurasie, générant des millions d'emplois, ouvrant de nouveaux marchés et donnant naissance à de nouvelles villes, à des parcs industriels et à des pôles touristiques. L'osmose culturelle de telles entreprises, par le biais de contacts interpersonnels, à l'échelle industrielle, est impensable.
Heureusement, Moscou et Pékin soutiennent activement le tunnel de la mer de Béring, conscients qu'il peut contribuer à élever l'économie mondiale à un tout autre niveau, en mettant fin aux rivalités géopolitiques et en bénéficiant à l'humanité toute entière grâce à un projet gigantesque reposant sur une science et une ingénierie de pointe.
Auparavant, le Siberian Times avait rapporté que Vladimir Iakounine, ancien président des chemins de fer russes, avait présenté un plan de développement d'une gigantesque route transsibérienne qui relierait la frontière orientale de son pays à l'État américain de l'Alaska, en traversant une partie étroite de la mer de Béring.
Le projet de développement de la ceinture transeurasienne (TEPR) prévoit la construction d'une grande route le long du chemin de fer transsibérien existant, ainsi que d'un nouveau réseau ferroviaire et d'oléoducs et de gazoducs.
Il s'agit d'un projet interétatique et intercivilisationnel », a déclaré M. Iakounine selon le Siberian Times. Le projet doit être transformé en une « zone d'avenir » mondiale et doit être basé sur des technologies de pointe et non de repli ». M. Iakounine a indiqué que la route relierait la région de Tchoukotka, à l'extrême est de la Russie, à la péninsule de Seward, en Alaska, en passant par le détroit de Béring. La route entrerait probablement en Alaska au nord de la ville de Nome.
Les Chinois ont également proposé une liaison « Chine-Russie-Canada-Amérique », qui rejoindrait l'Alaska par le tunnel du détroit de Béring. Le journal d'État Beijing Times a rapporté qu'un tunnel sous-marin de 200 kilomètres serait nécessaire pour traverser le détroit de Béring. La ligne s'étendrait sur 13.000 km, soit environ 3000 km de plus que le chemin de fer transsibérien. Le voyage durerait deux jours et le train atteindrait une vitesse moyenne de 350 km/h.
La participation de l'Inde au projet de connectivité trilatérale avec le Myanmar et la Thaïlande dans le cadre de l'initiative « Act East » offre un autre moyen de s'engager dans les corridors de croissance transcontinentaux. Par exemple, la Thaïlande est au centre d'un projet de chemin de fer visant à relier Singapour à la province chinoise du Yunnan. Partant de Singapour, le chemin de fer proposé traversera la Malaisie, la Thaïlande et le Laos avant d'entrer dans le Yunnan.
Une fois qu'un corridor terrestre aura été créé avec la Thaïlande, ce pays d'Asie du Sud-Est pourra devenir la porte d'entrée de l'Inde sur un réseau ferroviaire très développé qui relie déjà la Chine à l'Europe.
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samedi, 21 décembre 2024
Comment un dialogue énergétique entre la Russie, l'Inde et la Chine (RIC) peut déboucher sur un réseau électrique panasiatique
Comment un dialogue énergétique entre la Russie, l'Inde et la Chine (RIC) peut déboucher sur un réseau électrique panasiatique
Le super-réseau asiatique peut devenir une réalité si la Russie, l'Inde et la Chine parviennent à un consensus.
Atul Aneja
Source: https://atulaneja.substack.com/p/how-a-russia-india-china...
L'idée d'un grand réseau électrique panasiatique a germé en 2011, dans le contexte du tsunami qui a frappé l'Asie cette année-là.
La triple catastrophe du tremblement de terre, du tsunami et de la fusion nucléaire qui a frappé le nord-est du Japon en mars 2011 a servi de signal d'alarme pour Masayoshi Son, fondateur, président et directeur général de SoftBank Group, une multinationale japonaise spécialisée dans les télécommunications et l'internet.
Ayant perçu les dangers des centrales nucléaires de Fukushima, M. Son (photo) a ressenti le besoin de remplacer l'énergie nucléaire par des énergies renouvelables plus sûres et plus propres pour un avenir meilleur. L'aversion pour la technologie nucléaire est d'autant plus compréhensible qu'elle se nourrit de la mémoire collective des horreurs vécues lors des attaques nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki.
Pour accélérer le déploiement d'énergies renouvelables propres, sûres et abordables, Son a fondé le Renewable Energy Institute (REI). Cela a conduit à la conceptualisation de l'« Asia Super Grid (ASG) » en septembre 2011.
Parallèlement, une avancée technologique majeure avait eu lieu en Chine, qui allait jouer un rôle clé dans la concrétisation des rêves de Son.
Au début des années 2000, la Chine était confrontée à d'importantes pannes d'électricité dues à des pénuries d'énergie. Le nœud du problème était la transmission. Alors que les ressources énergétiques telles que le charbon et le gaz se trouvaient dans le nord, le nord-ouest et le sud-ouest du pays, les centres de la demande majeure d'énergie se trouvaient dans les zones industriels le long des côtes est et sud, dans et autour de villes animées telles que Shanghai et Guangzhou.
La solution a été imaginée par Liu Zhenya (photo), alors directeur du StateGrid chinois. Liu a proposé de résoudre le problème de transmission en établissant des lignes électriques à ultra-haute tension (UHV). Contrairement aux lignes conventionnelles, les lignes de transport à très haute tension peuvent transférer de grandes quantités d'énergie sur de longues distances. En effet, cette technologie permet de réduire au minimum les pertes d'énergie pendant le transport.
En 2006, le transport d'électricité à très haute tension a été intégré au plan quinquennal de la Chine. La Chine a donc commencé à construire une liaison de 640 km entre le centre charbonnier de Shanxi, au nord, et la province centrale de Hubei, en passant par un point d'arrêt au milieu. En 2009, cette ligne est devenue opérationnelle.
D'autres projets plus ambitieux ont suivi. Par exemple, la ligne Xiangjiaba-Shanghai a été achevée en 2010. Il s'agissait alors du système de transmission le plus long et le plus puissant au monde. En transmettant 6,4 gigawatts, la ligne répondait à près de 40 % de la demande d'électricité de la ville.
En avril 2024, la Chine avait mis en place 38 lignes à très haute tension, capables d'acheminer de l'énergie conventionnelle et renouvelable sur de vastes distances.
Les avancées chinoises en matière de transport à longue distance ont rendu le projet ASG de Son réalisable.
Une fois la transmission à longue distance en place, SoftBank a recherché des centres de production d'énergie sur de vastes territoires. Le groupe SoftBank a donc créé la SB Energy Corp. pour mettre en place des centrales de production d'électricité renouvelable au Japon.
L'entreprise a également cherché des partenaires en dehors du Japon pour renforcer l'approvisionnement en énergie renouvelable. La Mongolie a été retenue en raison de son énorme potentiel en matière d'énergie éolienne. C'est ainsi que SB Energy Corp. a créé Clean Energy Asia LLC avec Newcom LLC, un conglomérat mongol, comme partenaire. La coentreprise a obtenu un droit de location de terres dans le désert de Gobi pour les 100 prochaines années afin de développer et d'exploiter des parcs éoliens d'une valeur de 7 GW. L'entreprise a également créé une coentreprise appelée SBG Cleantech Ltd en Inde, avec l'entreprise indienne Bharti Enterprises Pvt. et le groupe technologique taïwanais Foxconn, pour développer un parc photovoltaïque solaire de 350 MW dans l'État indien de l'Andhra Pradesh.
Après avoir obtenu une capacité suffisante en matière d'énergie renouvelable, le prochain défi pour Son était d'acheminer l'énergie renouvelable au Japon et dans toute l'Asie. L'entrepreneur japonais a trouvé en Liu Zhenya, pionnier chinois de la transmission UHV, un partenaire de choix. Le duo s'est associé à Hwan-Eik Cho, président-directeur général de Korea Electric Power Corp. (KEPCO), une compagnie d'électricité publique sud-coréenne. En mars 2016, ces trois organisations ont été rejointes par Rosseti, un opérateur russe d'énergie électrique et de réseau.
Le quatuor a signé un protocole d'accord pour mener des études de faisabilité technique et économique en vue de la création d'un réseau de transmission international en Asie du Nord-Est.
L'accord a débouché sur l'idée de créer un « anneau d'or » desservant la majeure partie de l'Asie. Pour concrétiser cette idée, il est envisagé de transmettre l'énergie éolienne produite en Mongolie au Japon, en passant par la Chine et la Corée du Sud, via des câbles de transmission sous-marins. Par ailleurs, l'énergie hydroélectrique produite en Russie pourrait être acheminée vers le Japon et d'autres pays. Son qualifie ces deux voies de transport d'énergie d'« anneau d'or » en Asie du Nord-Est.
Tirer parti de la diversité des charges et des ressources
Mika Ohbauashi, directeur de REI, a déclaré que cette intégration interrégionale du réseau peut contribuer à maximiser l'utilisation des énergies renouvelables, qui sont dispersées géographiquement. Une fois les réseaux reliés, il sera possible de tirer parti des différents modèles de charge, y compris des périodes de pointe. En tirant parti de la diversité des charges et des ressources, l'ASG peut accroître la flexibilité des réseaux dans chaque pays.
Les énergies renouvelables s'avèrent également rentables. Par exemple, le coût de l'acheminement de l'hydroélectricité de la Russie vers le Japon par des câbles de transmission sous-marins est inférieur à 10,5 cents/kWh, soit le coût de l'électricité produite par une centrale au charbon au Japon. De même, le coût de l'acheminement vers le Japon de l'énergie éolienne produite en Mongolie via la Chine puis la Corée du Sud est également estimé à moins de 10,5 cents/kWh.
« Les énergies renouvelables sont propres et sûres, mais elles étaient auparavant très chères », aurait déclaré Son de SoftBank. Il ajoute : « En partageant l'énergie renouvelable avec d'autres: « En partageant l'énergie renouvelable entre nous, les énergies renouvelables sont désormais propres, sûres, stables et peu coûteuses ».
Alors que le Japon s'est concentré sur les énergies renouvelables, en particulier après Fukushima, Liu Zhenya, anciennement du StateGrid de Chine, semble plus neutre en termes de sources d'énergie. Liu a proposé un réseau mondial qui tirerait l'électricité des éoliennes du pôle Nord et des vastes réseaux solaires dans les déserts d'Afrique, puis la distribuerait aux quatre coins du monde. Selon M. Liu, ce système produira, entre autres avantages, « une communauté de destin commun pour toute l'humanité, avec un ciel bleu et des terres vertes ».
L'Inde peut devenir un point d'appui majeur dans le super-réseau asiatique. SoftBank a déjà déclaré que la construction d'une centrale solaire de 350 mégawatts dans l'État indien de l'Andhra Pradesh était en cours, et que l'entreprise visait à établir un projet de 20 GW dans le pays, à terme.
Selon une carte du super-réseau asiatique publiée par la REI, l'électricité éolienne produite en Mongolie serait acheminée vers Pékin. De la capitale chinoise, elle sera envoyée à Chengdu, la capitale de la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine. Chengdu devient le point de jonction à partir duquel l'électricité est transmise à travers le Tibet jusqu'au Bhoutan, d'où elle se dirige vers Delhi et est vendue à un coût de 0,14 $ par KW/h. Selon les projections d'ASG, Dhaka est un autre point de jonction à partir duquel l'électricité serait transmise à Chennai au coût de 0,1 dollar par KW/h. Le nœud de réseaux en constante expansion envisage également le rôle de l'Inde en tant que méga-consommateur et plateforme de fourniture et de transit d'électricité pour le Sri Lanka. D'autres opportunités peuvent être explorées dans ce sens.
En fait, à l'instar de la communauté européenne du charbon et de l'acier, qui est devenue le précurseur de l'Union européenne (UE), le GSA peut devenir le noyau d'une Union asiatique (UA) dans les années à venir.
Si l'économie d'un GSA semble être en place, la réflexion géopolitique accuse un sérieux retard. Par exemple, la méfiance entre l'Inde et la Chine risque de faire obstacle, car le projet implique le développement d'infrastructures essentielles.
Si l'Inde et la Chine peuvent entamer un dialogue bilatéral sur l'énergie à la suite de la rencontre décisive du Premier ministre Narendra Modi pour trouver une solution, il serait peut-être prudent d'impliquer la Russie dans la conversation, car Moscou est un acteur majeur de la constellation ASG. Par conséquent, le partenariat énergétique pourrait être un sujet majeur de délibération avec le sous-groupe Russie-Inde-Chine (RIC), qui a déjà tenu des réunions institutionnalisées au niveau des ministres des affaires étrangères avant que la pandémie de Covid ne frappe.
Le RIC peut à son tour inviter le Japon en tant que partenaire dans la discussion sur le projet ASG, qui peut décoller sur la base de la bonne volonté, de l'interdépendance et de l'évaluation des avantages géoéconomiques, qui sont suffisamment importants pour l'emporter sur les différences géopolitiques.
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La Russie, la Chine et Trump
La Russie, la Chine et Trump
Stefano Vernole
Source: https://telegra.ph/Russia-Cina-e-Trump-12-17
Trump parviendra-t-il à briser l'alliance sans limite entre la Russie et la Chine?
Il y a quelques semaines, le journal britannique The Guardian, qui fait autorité en la matière, a indiqué quelles seraient les conditions de la nouvelle administration américaine pour mettre fin à la guerre en Ukraine: «Trump négociera les conditions de la Russie avec Kiev si Moscou rompt ses relations militaires avec la Chine».
Il s'agit d'une suggestion compréhensible si l'on se place du point de vue de Washington, mais irréalisable à la lumière de la situation intérieure et mondiale actuelle si l'on se place du point de vue de Moscou et de Pékin. C'est aussi la principale raison pour laquelle je pense que le conflit avec l'OTAN en Ukraine n'est pas près de se terminer: Trump n'a rien à offrir à Poutine, Poutine n'a rien à offrir à Trump.
Les liens russo-chinois remontent à loin, même à la doctrine Primakov des années 1990, lorsque le triangle géopolitique Moscou-Beijing-New Delhi - qui devait être étendu à l'Iran - était identifié par le diplomate russe comme la clé de la stabilité de l'Eurasie face à la pénétration militaire américaine.
Ces relations se sont ensuite renforcées au fil des années, d'abord au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai dans le but d'empêcher l'avancée de la thalassocratie américaine en Asie centrale, puis grâce à la plateforme géopolitique des BRICS.
Bien qu'ayant averti l'Occident de ne pas aller trop loin lors de son discours de Munich, la présidence de Poutine a été contrainte d'abord de s'engager dans un conflit éphémère en Géorgie, puis d'intervenir militairement en Syrie en empêchant l'OTAN de mettre la main sur sa base de Tartous. Il en va de même pour le raid et le référendum qui s'en est suivi en Crimée en 2014, qui a permis de sceller la souveraineté russe sur la base navale de Sébastopol, en mer Noire.
La Chine a suivi de près depuis 2008 (compte tenu de la crise financière résultant de l'éclatement de la « bulle » des subprimes américains) et avec une compréhension croissante tous les mouvements russes, sentant que le renversement d'Assad en 2011 aurait favorisé un « régime hasardeux » en Iran que Pékin lui-même n'aurait pas apprécié, puis aidant économiquement la Russie face à l'assaut spéculatif de la finance américaine contre le rouble et aux sanctions euro-atlantiques en 2014.
L'amitié sans bornes scellée par les deux dirigeants, Poutine et Xi Jinping, ainsi que la déclaration commune en faveur d'un nouveau monde multipolaire, représentent l'épilogue naturel d'une relation géopolitique russo-chinoise intime sur laquelle peu d'analystes avaient parié auparavant.
Pékin a résisté à toutes les pressions occidentales au cours des trois dernières années et a continué à soutenir conjointement l'économie russe attaquée par les sanctions renforcées de l'UE et des États-Unis après le début de l'opération militaire spéciale. Les deux grands projets d'infrastructure eurasiens, la Razvitie russe et la Nouvelle route de la soie terrestre et maritime chinoise, ont été harmonisés au nom d'une vision géopolitique commune: la défense du « Heartland ».
Moscou et Pékin ont ainsi identifié une série de points de convergence: renforcement de la multipolarité, élargissement des BRICS à de nombreux pays (BRICS+), dédollarisation dans les échanges monétaires internationaux et les relations commerciales réciproques, clôture de l'accord énergétique Power of Siberia 2 qui pourrait entrer en fonction prochainement, partenariat dans l'Arctique face aux ingérences de l'OTAN.
Bien entendu, toutes les nominations de l'administration Trump vont dans le sens de provoquer une rupture de l'amitié stratégique globale entre la Russie et la Chine et d'empêcher Pékin d'acheter de l'énergie à l'Iran; le coup d'État armé à Damas de ces dernières semaines va dans ce sens et constitue une menace directe pour l'initiative Belt and Road et pour la géopolitique russe d'accès aux « mers chaudes »; ainsi que la réactivation du projet de gazoduc qatari via la Turquie vers l'Europe se fait au détriment du projet énergétique iranien qui devait exploiter le gisement de South Pars.
Les propos de Poutine après le tir du missile Oreshnik ont mis en garde les États-Unis contre la création de nouvelles crises non seulement dans l'« étranger proche », mais aussi dans le quadrant Asie-Pacifique, où Washington aimerait en fait diriger son attention après avoir « gelé » le conflit en Ukraine.
Alors que la nouvelle administration Trump est truffée de partisans du Projet 2025, un manifeste néoconservateur décliné géopolitiquement dans un sens anti-chinois et anti-iranien, Moscou continue de tisser sa toile de relations vers l'Asie de manière de plus en plus rigoureuse: de l'Afghanistan au Pakistan (voir par exemple l'adhésion d'Islamabad au Corridor économique Nord-Sud), de la République démocratique de Corée au Myanmar, à la fois pour réaffirmer qu'elle se coordonnera avec la Chine en cas de crise militaire entre Washington et Pékin, et pour donner corps à la vision multivectorielle de vieille mémoire qui laisse entrevoir la formation d'un nouvel axe mondial sunnite par rapport auquel la Russie veut se placer en interlocuteur crédible et égalitaire.
L'initiative « la Ceinture et la Route » (BRI), l'Union économique eurasienne (UEE), l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et le partenariat de la Grande Eurasie font tous partie d'un paradigme sans précédent des relations internationales, propre au fonctionnement d'un ordre mondial qui correspond aux nouvelles conditions inaugurées par un monde multipolaire caractérisé par les processus concomitants de la mondialisation et de la régionalisation. Toutefois, la Russie et la Chine aspirent à une intégration beaucoup plus large de la macro-région eurasienne et ne se limitent pas à une éventuelle zone de libre-échange Chine-EEE ou Chine-ASEAN.
Cela crée les conditions nécessaires pour développer la BRI avec la participation d'autres acteurs, qu'il s'agisse d'États ou d'organisations régionales. Pour concrétiser les visions existantes, il sera nécessaire d'éliminer les risques et les faiblesses des relations sino-russes et de renforcer une identité commune et une pensée orientée vers l'Eurasie.
Le lancement du corridor économique Chine-Mongolie-Russie (CMREC), qui met l'accent sur le double objectif de Moscou et de Pékin de parvenir à l'indépendance économique vis-à-vis des marchés occidentaux tout en conservant un contrôle stratégique sur les corridors de transit est-ouest essentiels, sera déterminant. Ce projet à multiples facettes repose sur trois mécanismes stratégiques cruciaux : les concessions tarifaires et commerciales, l'expansion des infrastructures et les accords de partage des ressources.
Un corridor économique et logistique s'inscrit dans le cadre plus large de la réorientation de la Russie vers l'Asie (prônée par Sergei Karaganov), renforcée par son partenariat croissant avec la Chine, qui réoriente les ressources et le commerce des routes occidentales traditionnelles vers l'Est.
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jeudi, 19 décembre 2024
La Russie et son double
La Russie et son double
Ouvrage édité par "Perspectives libres", novembre 2023
Exposé liminaire
par Gérard Conio
J’ai écrit ce livre pour donner de la Russie une autre image que celle propagée par une russophobie délirante fondée sur l’ignorance et le dénigrement systématique.
J’ai voulu montrer tout d’abord l’état rédhibitoire de la Russie que j’ai constaté en 1996 pour qu’on puisse le comparer à l’essor qu’elle connaît aujourd’hui grâce au redressement opéré par Vladimir Poutine, depuis son accession à la présidence.
Ce que j’ai observé d’une manière subjective est confirmé par les statistiques objectives des économistes et des politologues indépendants qui ont refusé de se plier à la doxa officielle.
Le conflit entre la Russie et l’Occident est avant tout un choc des civilisations qui oppose des visions du monde et on peut comprendre que les adorateurs de la démocratie regrettent une évolution qui écarte la Russie de la sacro-sainte liberté individuelle au nom de laquelle elle a été entraînée dans un paradis qui s’est révélé pour elle un enfer.
Les débats fondés sur des axiomes et des pétitions de principe engendrent le déni des réalités vécues par le peuple russe dans son adhésion à une autorité qui lui rendait sa souveraineté et son indépendance en lui apportant une sécurité et une stabilité retrouvées ainsi que l’amélioration de ses conditions de vie détériorées par l’emprise de quelques prédateurs sur la société russe.
Le narratif occidental sur « l’opération spéciale » a le tort de se polariser sur un moment isolé de son contexte, sans tenir compte de tous les facteurs qui ont pesé sur une rupture dont les conséquences n’ont été sérieusement envisagées ni dans une décision que le président russe jugeait inévitable ni dans les « sanctions » qu’elle a suscitées et qui se sont retournées contre leurs auteurs.
Une « agression » aux objectifs limités a provoqué « le basculement du monde », parce qu’elle avait des origines très anciennes.
Ce moment n’est pas né « par hasard », il s’inscrit dans un devenir historique.
C’est pourquoi j’ai jugé bon de relater mon expérience des stades successifs d’une évolution dont j’ai été le témoin.
Mais, pour éclairer une opinion abusée par la fausse parole, il importe en tout premier lieu de remettre la Russie à sa place sur la carte du monde.
L’histoire de la Russie est déterminée par « le fait géographique » qui l’ouvre vers l’Ouest et vers l’Est, l’Europe et l’Asie. Dépourvue de frontières naturelles, elle a dû se défendre contre les invasions qui, depuis des siècles, sont venues se briser contre le Heartland, le coeur du monde, ainsi nommé par Mackinder, le fondateur de la géopolitique au 19ème siècle qui avait déduit le résultat de ses observations dans une formule restée célèbre: «Qui contrôle l’Europe de l’est, contrôle le Heartland, qui règne sur le Heartland, règne sur le monde». Mackinder désignait ainsi l’Empire russe couvrant « la plaine qui s’étend de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale et rayonne sur la mer Méditerranée, le Moyen Orient, l’Asie du Sud et la Chine ».
Un géopoliticien américain, Nicolas Spykman (photo), appliquera cette théorie à la deuxième guerre mondiale. Il ajoute au Heartland la bande de terre côtière qu’il appelle le Rimland et il critique Mackinder en parodiant sa formule: « Qui contrôle le Rimland contrôle l’Eurasie, qui règne sur l’Eurasie contrôle le destin du monde ». Et il souhaite que les Américains contrôlent le littoral européen afin de contenir l’expansion du Heartland.
La vision de Spykman est à la base de la "politique d'endiguement" formulée par le diplomate Georges Kennan (photo) dans son article, The Sources of Soviet Conduct (juillet 1947) et mise en œuvre par les États-Unis dans la guerre froide.
Il s’agissait « d’endiguer » le Heartland en contrôlant la zone tampon du Rimland, auquel appartenaient les satellites de la Russie soviétique, dont l’Ukraine était le maillon fondamental.
On tient dans ce schéma tous les paramètres de l’évolution qui a mené la Russie de la chute de l’URSS sous Gorbatchev à sa déliquescence sous Boris Eltsine, puis à son redressement sous Vladimir Poutine.
La chronologie de cette évolution s’inscrit entre deux catastrophes, la fin de l’URSS et la guerre en Ukraine.
Mais on doit inscrire en filigrane de cette évolution une continuité dans la pensée géopolitique occidentale manifestée par Mackinder, Spykman, Kennan, et plus tard Brzezinski.
Mackinder se disait convaincu de la suprématie des Anglo-Saxons qui leur donnait le droit de dominer le monde et donc de s’emparer du Heartland. Il opposait les puissances de la terre aux puissances de la mer et redoutait l’émergence d’une Allemagne forte pouvant s’allier à l’Empire russe.
Or, cette obsession a été partagée par les dirigeants américains qui n’ont cessé d’oeuvrer pour empêcher une alliance aussi favorable au développement de l’économie européenne que nuisible à leurs intérêts. Ils l’ont sapée définitivement en détruisant le Nordstream 2 et en privant l’Allemagne d’une source d’énergie indispensable pour son industrie. Aujourd’hui, les entreprises allemandes sont contraintes, pour exister, de se délocaliser aux Etats-Unis.
Spykman, en donnant la primauté au Rimland sur le Hearland, posait déjà la question du rapport de force entre la Russie et l’Union européenne. En se concentrant sur les choix de l’Ukraine, cet antagonisme est à l’origine d’un conflit localisé qui, en s’aggravant, met à présent le monde au bord de l’escalade nucléaire.
Les stratèges américains ont fait fausse route en misant sur la supériorité du Rimland et en minimisant la puissance du Heartland russe.
Au lieu d’affaiblir la Russie en instrumentalisant l’Ukraine, l’Occident a démontré sa propre faiblesse dont visiblement il n’avait pas conscience et en s’infligeant des échecs imputables à ses erreurs de calcul.
Mon témoignage sur une Russie qui, dans les années 90, sombrait dans l’anarchie et le chaos, trouve un éclairage paradoxal dans Le Grand Echiquier de Brzezinski paru en 1997, la veille de la faillite financière de l’État russe sous le gouvernement de Boris Eltsine.
En cette même année 1998, où la Russie a été sur le point de disparaître, Soljénitsyne consignait dans La Russie sous l’avalanche un constat analogue sur le désespoir d’une population décimée par les privatisations et par l’emprise des oligarques qui avaient pris le pouvoir, ces oligarques n’étant que les prête-noms des « bandits dans la loi » qui sévissaient déjà à l’époque soviétique.
En dépit de cette situation désespérée qui semblait ôter tout soupçon de velléité impérialiste, Brzezinski reprend les idées de Mackinder et de Spykman en les actualisant et il considère que, malgré la disparition de sa puissance, la Russie, par sa position dominante dans le Heartland, restait une menace pour l’ordre du monde instauré par les Etats-Unis.
Il en avait conclu qu’il fallait séparer l’Ukraine de la Russie pour enlever à celle-ci toutes les chances de redevenir une grande puissance.
Si l’on admet que les analyses de Mackinder et de Spykman trouvaient un fondement dans un empire qui détenait le Heartland en couvrant la moitié de l’Europe, il est plus difficile de sonder les motivations de Brzezinski quand il souhaitait la destruction d’une Russie qui s’était déjà détruite elle-même.
Et il convient de rappeler que Kennan, pourtant promoteur de la politique d’« endiguement » contre l’URSS, a été très circonspect sur les « guerres humanitaires » menées par des politiciens incompétents et aventureux qui prenaient leurs désirs pour des réalités. On le donne même en exemple aujourd’hui en Russie en l’opposant à la courte vue des dirigeants qui lui ont succédé.
Il a fortement désapprouvé l’élargissement de l’Otan qui a été le coup d’envoi d’une escalade dont il prévoyait les dangers pour la paix du monde.
On ne saurait comprendre le processus qui a mené de la fin de l’URSS à la guerre en Ukraine, sans faire état du « syndrome occidental » qui a pesé de tout temps sur la mentalité et la politique russe.
La Russie a été sans cesse confrontée à son double par son désir passionné d’être reconnue par l’Occident comme un partenaire à part entière. Et Vladimir Poutine lui-même n’a pris conscience que fort tard du péril auquel il exposait la sécurité de la Russie en accordant sa confiance à des interlocuteurs qui après la réunification de l’Allemagne, ont refusé la main tendue par les Russes dans l’espoir d’une coopération économique qui devait se substituer à leurs yeux au conflit entre les deux idéologies en lice dans la guerre froide.
En sacrifiant son empire, sans contre partie, la Russie avait donné un gage de sa volonté de devenir une démocratie qui entrerait de plain-pied dans le concert européen.
Et cette coopération s’appuyait sur des intérêts réciproques qui auraient assuré la consolidation de la paix et une meilleure prospérité dans le continent européen.
Mais les passions idéologiques ont pris le pas sur les intérêts économiques et cet espoir a été battu en brèche à trois reprises, lorsque l’Otan n’a pas tenu la promesse de ne pas s’étendre à l’est, lorsque les accords de Maïdan, garantis par la signature de trois ministres européens, ont été violés sans autre forme de procès, et enfin quand les accords de Minsk, destinés à réintégrer à l’Ukraine les républiques séparatistes, ont été signés sans la volonté de les appliquer pour réarmer le gouvernement de Kiev, issu d’un putsch, et continuer la guerre inaugurée par «l’opération contre- terroriste » déclenchée en 2014 par le gouvernement de Kiev contre des populations civiles.
Même si on juge obsolètes aujourd’hui les prophéties de Fukuyama sur la fin de l’histoire et les assertions de Brzezinski, en 1997, sur la nécessité de mettre un terme au danger potentiel représenté par la Russie, il n’en reste pas moins que ces convictions triomphalistes étaient conformes à la doctrine Wolfowitz (photo) qui, dès 1992, avait annoncé l’invasion de l’Irak pour pérenniser la domination des Etats-Unis sur le monde.
Si le bellicisme des néo-conservateurs peut s’expliquer du point de vue des Etats Unis, il apparaissait alors contraire aux intérêts de l’Europe, c’est pourquoi la France et l’Allemagne, en accord avec la Russie et la Chine, ont dénoncé une violation du droit international qui ne pouvait mener qu’à un désastre humanitaire.
Mais on est en droit de s’interroger sur les raisons qui poussent aujourd’hui les Européens à ruiner leur économie en participant à fonds perdus à la guerre en Ukraine en se soumettant, contre leurs intérêts, au diktat des Etats-Unis et en reprenant à leur compte les arguments des anciens satellites de l’URSS qui brandissent le spectre d’une menace russe.
L’agression de l’Ukraine confirme à leurs yeux cette menace, qui apparaît d’autant plus irréelle que, nonobstant la supériorité militaire acquise par Vladimir Poutine, la Russie n’aurait pas les moyens de la mettre en exécution, du fait de sa démographie et des rapports de force avec la coalition de l’Otan.
Et pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la rupture consommée le 24 février 2022, il n’est pas inutile de revenir a posteriori sur les raisons qui poussaient Wolfowitz en 1992 et Brzezinski en 1997 à se lancer dans une confrontation qui met aujourd’hui le monde au bord du gouffre.
On assiste, en effet, à une fuite en avant de la part des néo-conservateurs qui, malgré leurs échecs successifs refusent de voir en face les conséquences planétaires de leur aventurisme. A cause de leurs tentatives mal calculées, mal engagées, ils ont provoqué la méfiance croissante des trois quarts de la planète à l’égard des Etats-Unis qui ne sont plus en mesure d’imposer au monde leur hégémonie par la suprématie du dollar.
Le réveil de la Russie a été le facteur principal de ce renversement du monde unipolaire auquel l’Occident reste attaché comme le pendu à sa corde.
L’Occident démocratique subit aujourd’hui la même psychose qui a entraîné l’Union soviétique à sa perte.
On assiste à une inversion des rôles et il faut considérer que, pour redevenir une puissance « normale », uniquement soucieuse de son indépendance et de sa souveraineté, sans céder à la mégalomanie messianique, la Russie devait passer par la cure d’une démocratisation ratée qui alimente encore les rêves de sa minorité libérale.
Après avoir, dans cette première partie, évoqué, à des fins pédagogiques, ce passé douloureux, je me suis appuyé sur quelques-uns de mes travaux pour montrer l’apport de la Russie au patrimoine culturel, artistique et scientifique de l’humanité.
Dans « La vision russe du cosmos », j’ai indiqué les sources spirituelles du cosmisme russe fondé par le philosophe Nicolas Fiodorov, qui a été le mentor de Tsiolkovski, dont les travaux sur les fusées ont abouti au vol de Gagarine.
Au moment où l’on glose sur la renaissance de la religion pour compenser le vide idéologique, j’ai retracé dans « L’Empire russe et Moscou Troisième Rome », les relations ambivalentes entre l’orthodoxie et l’autocratie.
Dans « La dialectique du double chez Dostoïevski », j’ai analysé dans le thème du double la parodie romanesque de la dialectique de Hegel dans une esthétique de la création verbale qui trouvera son accomplissement chez les futuristes.
Dans « Le dernier dialogue de Bakhtine », j’ai tiré la quintessence des mémoires parlés du grand philosophe russe dans ses entretiens avec Douvakine, professeur de Siniavski et Daniel dont il a pris la défense lors de leur procès.
Puis, j’ai analysé longuement le thème du MLB ( « la plongée dans le sein maternel ») dans Ivan le Terrible d’Eisenstein et dans sa mise en scène de la Walkyrie au Bolchoï en 1940.
En raison du rôle controversé de la Pologne dans le conflit ukrainien, j’ai tenu à rendre hommage à Wat et Mlosz, deux auteurs polonais que j’ai traduits et commentés pour mettre en exergue leur russophilie qui n’était pas incompatible à leurs yeux avec leur critique du communisme totalitaire. Cette largeur de vue chez ces «dissidents » antisoviétiques tranche sur l’amalgame raciste et imbécile pratiqué aujourd’hui entre la culture et la politique vis-à-vis de la Russie.
Enfin j’ai cité mes interventions à un colloque sur « L’URSS, un paradis perdu ».
Et j’ai mis en conclusion une réflexion sur les deux Russies qui s’opposent aujourd’hui à propos de la guerre en Ukraine.
Chaque livre est une bouteille à la mer et j’espère que celui-ci trouvera les bons lecteurs qui sauront en tirer la substantifique moelle.
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mercredi, 11 décembre 2024
La Russie attaquée sur plusieurs fronts: stratégies, tensions et jeu géopolitique mondial
La Russie attaquée sur plusieurs fronts: stratégies, tensions et jeu géopolitique mondial
Par Marcelo Ramirez
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/rusia-bajo-ataque-en-mu...
Dans un contexte d'intensification des conflits mondiaux, la Russie est soumise à des pressions multiples qui remettent en cause sa position stratégique et sa capacité de réaction militaire. Alors que le Kremlin continue d'accroître l'intensité de ses opérations en Ukraine, dévoilant même de nouveaux missiles tels que l'« Oreshnik », les fronts de conflit s'étendent à des théâtres inattendus tels que la Géorgie et la Syrie. Ces régions, historiquement sensibles aux intérêts russes, sont devenues les points focaux d'une stratégie occidentale plus large visant à diviser l'attention et les ressources de Moscou.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, on supposait que la principale confrontation resterait à l'intérieur des frontières de ce pays. Toutefois, la récente résurgence des conflits en Géorgie et en Syrie montre comment l'Occident a réactivé des foyers stratégiques pour exercer une pression supplémentaire sur la Russie. Ces actions ne sont pas spontanées, mais font partie d'un plan coordonné visant à affaiblir Moscou sur le plan militaire et politique, tout en consolidant les intérêts occidentaux dans la région.
La situation en Géorgie illustre le fait que les révolutions de couleur restent un outil clé de la stratégie occidentale. Dirigée par le président géorgien Salomé Zourabichvili, la crise actuelle met en évidence les liens complexes entre les élites politiques locales et les intérêts étrangers. Zourabichvili, qui est née à Paris et dont la carrière diplomatique est étroitement liée à la France et à l'OTAN, représente un cas emblématique de la manière dont l'Occident place des personnalités alignées sur ses intérêts à des postes de pouvoir.
Mme Zourabichvili, qui a accédé à la présidence à l'issue d'un processus électoral controversé et d'un changement opportun de nationalité, illustre clairement la manière dont la dynamique internationale façonne la politique intérieure des pays stratégiques. Au cours de sa carrière, elle a joué un rôle important en tant qu'ambassadrice de France en Géorgie et ministre des affaires étrangères de Géorgie, poste qu'elle a occupé quelques jours seulement après avoir renoncé à sa citoyenneté française. Ce parcours politique atypique n'est qu'un des aspects qui alimentent les tensions actuelles en Géorgie.
La crise a été déclenchée par l'adoption d'une loi obligeant les ONG qui reçoivent plus de 20% de leur financement de l'étranger à s'enregistrer en tant qu'organisations étrangères. Cette mesure, qui vise à accroître la transparence, a été présentée par les médias occidentaux comme une menace pour la démocratie. En réalité, elle reflète la volonté de la Géorgie de réduire l'influence des acteurs extérieurs sur sa politique intérieure. Des manifestations de masse ont éclaté en réponse à cette loi, avec le soutien explicite de secteurs de l'opposition, d'ONG financées par l'Occident et de la présidente Zourabichvili elle-même.
Le modèle de révolution colorée mis en œuvre en Géorgie n'est pas nouveau. Il utilise les étudiants des universités et des lycées, les ONG et les partis d'opposition pour générer un chaos social et politique. Cette stratégie, qui vise à délégitimer le gouvernement en place, n'est pas sans rappeler les événements qui ont conduit à l'Euromaïdan en Ukraine en 2014. Dans les deux cas, la population se voit promettre une entrée rapide dans l'Union européenne en guise d'incitation, une promesse rarement tenue mais qui sert à alimenter les attentes de changement.
Pendant ce temps, en Syrie, la situation s'aggrave avec la résurgence de groupes djihadistes qui s'appuient sur le soutien logistique et militaire de l'Ukraine. Selon les allégations de Moscou, ces groupes reçoivent des drones et d'autres équipements de pointe d'origine ukrainienne, preuve supplémentaire de l'interconnexion des conflits dans le cadre d'une stratégie anti-russe globale. Ces groupes ont capturé des systèmes antiaériens russes avancés, tels que le radar Polet 48Ya6-K1, qui pourraient être utilisés pour renforcer les capacités militaires occidentales s'ils étaient analysés en détail.
L'utilisation de ces systèmes constitue une menace importante pour la Russie, non seulement en raison de la perte de technologies sensibles, mais aussi parce que ces équipements pourraient être remis à des pays de l'OTAN. La Turquie, qui possède déjà des systèmes S-400 achetés à la Russie, pourrait servir d'intermédiaire pour que ces technologies soient démantelées et étudiées par les alliés occidentaux.
La présence de combattants djihadistes en Ukraine et en Syrie expose également l'ampleur des opérations coordonnées par l'Occident. Depuis 2014, l'implication de combattants étrangers dans le conflit ukrainien, dont beaucoup ont des antécédents en Syrie ou en Irak, a été signalée. Ce réseau de soutien militaire et logistique reflète un schéma constant dans la stratégie occidentale : exploiter toutes les ressources disponibles pour affaiblir la Russie.
En Ukraine, les forces russes continuent de se masser, des rapports faisant état de la mobilisation de 120.000 militaires près de Zaporiyia. Cela suggère que Moscou accélère la récupération de son territoire, peut-être en préparation de futures négociations. Cependant, l'introduction de soldats de la paix de l'OTAN, déguisés en opérations internationales, pourrait encore compliquer la situation. Une telle mesure permettrait à l'Occident de renforcer les positions ukrainiennes sans déclarer ouvertement son implication dans le conflit, augmentant ainsi la pression sur la Russie.
La division de l'Ukraine en zones d'influence, un plan dénoncé par les services de renseignement russes, montre également que l'Occident considère le pays comme une monnaie d'échange. La Pologne, la Roumanie et l'Allemagne seraient chargées de contrôler différentes régions, tandis que le Royaume-Uni superviserait le nord du pays. Cette fragmentation n'affaiblirait pas seulement l'Ukraine en tant que nation souveraine, mais consoliderait également la présence de l'Occident dans la région.
La Russie est confrontée à un dilemme stratégique : intensifier sa réponse militaire sur tous les fronts ou donner la priorité à ses ressources en Ukraine. Les deux options présentent des risques importants. Une expansion militaire pourrait surcharger l'économie russe et accroître la possibilité d'une confrontation directe avec les pays de l'OTAN, tandis qu'une stratégie plus conservatrice permettrait à l'Occident de gagner du temps pour se réarmer et réorganiser ses positions.
L'Occident continue de présenter ces conflits comme des luttes pour la démocratie et les droits de l'homme, occultant ainsi les dynamiques géopolitiques complexes qui les animent. En réalité, ces conflits sont le résultat d'un jeu stratégique dans lequel les principaux acteurs cherchent à consolider leur pouvoir et leur influence aux dépens des autres.
Dans ce contexte, la question essentielle n'est pas de savoir s'il y aura une escalade, mais comment et où se produira le prochain mouvement sur ce dangereux échiquier mondial. La Russie, prise dans un siège géopolitique multidimensionnel, doit décider comment naviguer dans ces eaux troubles tout en redéfinissant sa position dans un monde de plus en plus fragmenté et hostile.
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mardi, 10 décembre 2024
La guerre des gazoducs en Syrie est désormais remportée par les Américains
La guerre des gazoducs en Syrie est désormais remportée par les Américains
Source: https://dissident.one/de-syrische-pijpleidingenoorlog-is-...
Comme vous vous en souvenez peut-être, l’une des raisons du déclenchement de la guerre en Syrie était le gaz.
Plus précisément, la question portait sur quel gazoduc serait utilisé pour transporter le gaz du gisement de Pars, le plus grand du monde, partagé entre le Qatar et l’Iran, vers l’Europe.
Les deux gazoducs devaient traverser la Syrie, et celui qui contrôle la Syrie pouvait décider si l’Europe serait alimentée en gaz par l’Iran, allié de la Russie, ou par le Qatar, allié des États-Unis.
Posobiec est un individu controversé, ayant servi à Guantanamo, et tout Américain ayant servi là-bas est coupable de torture sur des innocents, le crime le plus vil. Cependant, il a publié un tweet pertinent, et cela mérite d’être noté, même si cela dérange. Dans ce Tweet, il écrivait: Why does the CIA care about Syria so much you ask? Well right before the CIA and ‘moderate jihadists’ began the dirty war in Syria to oust Assad, he cancelled the US-backed Qatar pipeline project . Once again, maps cut through the rhetoric - Pourquoi la CIA se soucie-t-elle tant de la Syrie, me direz-vous? Eh bien, tout juste avant que la CIA et les "djihadistes modérés" ne commencent leur sale guerre en Syrie pour chasser Assad, ce dernier avait rejeté le projet de gazoduc du Qatar, soutenu par les Etats-Unis. Une fois de plus, les cartes en disent plus long que toute rhétorique (voir la carte en tête du présent article).
Pepe Escobar a écrit un article à ce sujet en 2015 :
La Syrie est une guerre énergétique. Au cœur de la question se trouve une compétition géopolitique féroce entre deux gazoducs proposés. C’est l’ultime « guerre de Pipelinestan », un terme que j’ai inventé il y a longtemps pour désigner les champs de bataille énergétiques impériaux du 21ᵉ siècle.
Tout a commencé en 2009, lorsque le Qatar a proposé à Damas de construire un gazoduc depuis son champ gazier du Nord – adjacent au champ gazier de South Pars appartenant à l’Iran – à travers l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Syrie jusqu’à la Turquie, pour approvisionner l’UE.
En 2010, Damas a choisi de soutenir un projet concurrent : le gazoduc Iran-Irak-Syrie de 10 milliards de dollars, également connu sous le nom de « pipeline islamique ». L’accord a été officiellement annoncé en juillet 2011, alors que la tragédie syrienne était déjà en cours. En 2012, un protocole d’accord a été signé avec l’Iran.
Jusqu’à cette époque, la Syrie était perçue comme géostratégiquement insignifiante par rapport aux riches ressources pétrolières et gazières des pays du CCG. Mais les initiés savaient déjà l’importance de la Syrie comme corridor énergétique régional. Plus tard, cela a été renforcé par la découverte de sérieux potentiels pétroliers et gaziers offshore.
L’Iran, de son côté, est un géant établi du pétrole et du gaz. À Bruxelles, des rumeurs persistantes ont alimenté une excitation à peine contenue à propos du "pipeline islamique", qui aurait pu être la stratégie idéale pour réduire la dépendance à Gazprom. Cependant, l’Iran était sous sanctions américaines et européennes en raison de son programme nucléaire.
Cela est finalement devenu une raison stratégique majeure, du moins pour les Européens, de rechercher une solution diplomatique au dossier nucléaire iranien. Un Iran « réhabilité » (aux yeux de l’Occident) pourrait devenir une source énergétique clé pour l’UE.
Cependant, du point de vue de Washington, un problème géostratégique demeurait : briser l’alliance entre Téhéran et Damas, et à terme, entre Téhéran et Moscou.
L’obsession de Washington selon laquelle « Assad doit partir » est une hydre à plusieurs têtes. Elle comprend la rupture de l’alliance entre la Russie, l’Iran, l’Irak et la Syrie (désormais connue sous le nom d’alliance « 4+1 », incluant le Hezbollah, qui combat activement toutes les formes de jihadisme salafiste en Syrie). Elle vise également à isoler leur coordination énergétique, au profit des clients pétrodollars du Golfe liés aux géants de l’énergie américains.
* * *
Nord Stream
Cette guerre est maintenant terminée et le vainqueur est clair. Ajoutez à cela le sabotage de Nord Stream par les Américains, qui acheminait du gaz russe vers l’Europe, et il est évident que les États-Unis ont désormais une emprise totale sur l’approvisionnement énergétique de leurs vassaux européens.
Pour la partie du projet chinois de la « Route de la soie » en direction de l’Europe qui traverse la Syrie, c’est également une mauvaise nouvelle. Des articles sur les conséquences de la fin très provisoire de cette guerre suivront certainement bientôt.
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dimanche, 08 décembre 2024
La mer Baltique - « mer de l'OTAN » ou terrain de jeu stratégique de la Russie?
La mer Baltique - « mer de l'OTAN » ou terrain de jeu stratégique de la Russie?
La mer Baltique reste un point névralgique de tensions géopolitiques, où l'OTAN comme la Russie poursuivent leurs intérêts stratégiques.
Par Elena Fritz
Source: https://www.pi-news.net/2024/12/die-ostsee-nato-see-oder-...
Avec l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN, les stratèges occidentaux espéraient transformer la mer Baltique en une «mer de l'OTAN». Mais les développements actuels montrent que la Russie n'abandonnera pas ces eaux sans se battre.
Selon l'éditorialiste Elisabeth Braw de Foreign Policy, la guerre électronique (GE) russe en mer Baltique entrave considérablement la fonctionnalité des systèmes d'identification et de navigation automatiques des autres nations. Cela a des conséquences non seulement en termes de sécurité, mais aussi en termes économiques. Par exemple, les systèmes mondiaux de navigation par satellite (GNSS) génèrent environ 17,2 milliards de dollars US par an pour l'économie britannique. Mais l'activité constante de l'EE russe au cours des trois dernières années réduit considérablement ces revenus.
L'ancien commandant de la marine danoise, Nils Wang, confirme : « Les Russes font ça très bien ». Déjà en mai 2022, l'organisation C4ADS, basée à Washington, a identifié depuis février 2016 un total de 9883 cas d'usurpation de GPS dans dix zones, impliquant 1311 navires civils.
Ces interférences compliquent la tâche de l'UE et des États-Unis pour surveiller le transport de pétrole russe à travers la mer Baltique. Les marins européens qui s'appuient sur la navigation par satellite ont de plus en plus de mal à identifier ces navires et donc à contrôler le volume des livraisons de pétrole russe. Braw résume avec justesse: «La mer de l'OTAN ne sera jamais calme».
Depuis l'époque de Pierre le Grand, la mer Baltique est une voie maritime d'importance stratégique pour la Russie. L'idée qu'un ensemble de nations inamicales puisse « réguler » le trafic russe est inacceptable pour Moscou. Plus la Russie peut utiliser de moyens de pression asymétriques contre ses adversaires, mieux c'est pour ses intérêts stratégiques.
Les récents développements montrent que la mer Baltique est loin d'être une « mer pacifiée par l'OTAN ». Elle reste au contraire un champ de bataille central où s'affrontent des intérêts géopolitiques et où la Russie affirme sa présence et son influence.
Des incidents récents soulignent les tensions dans la région. Ainsi, un incident s'est produit en mer Baltique, au cours duquel un navire russe a tiré des munitions de signalisation sur un hélicoptère de la Bundeswehr. La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock a abordé cet incident lors de la réunion de l'OTAN et a souligné la nécessité de renforcer la surveillance dans la région.
En outre, plusieurs câbles de données sous-marins ont récemment été endommagés en mer Baltique, ce qui a suscité l'inquiétude des pays de l'OTAN concernés quant à d'éventuels actes de sabotage. Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a exprimé le soupçon qu'il pourrait s'agir d'actes de sabotage intentionnels et a souligné la nécessité d'une vigilance accrue face aux menaces hybrides.
Ces événements illustrent le fait que la mer Baltique reste un point névralgique où se télescopent des tensions géopolitiques, où l'OTAN et la Russie poursuivent leurs intérêts stratégiques.
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mardi, 03 décembre 2024
Le Tchad et le Réveil Souverain de l’Afrique
Le Tchad et le Réveil Souverain de l’Afrique
Constantin von Hoffmeister
Source: https://www.eurosiberia.net/p/chad-and-africas-sovereign-...
La décision du Tchad de rompre sa coopération militaire avec la France dépasse un simple mouvement géopolitique isolé — elle constitue un acte décisif de libération vis-à-vis de l'ordre postcolonial qui a longtemps attaché une grande partie de l’Afrique à l’hégémonie occidentale. Annoncée après une rencontre entre le président Mahamat Idriss Déby et le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à N'Djamena, cette décision marque la maturation de la souveraineté tchadienne. Le ministre des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a souligné que le Tchad est désormais une puissance autonome, déterminée à façonner ses politiques étrangères et militaires en fonction de ses intérêts nationaux, affranchie de toute tutelle extérieure.
Ce tournant est emblématique du réveil de l’Afrique dans un monde de plus en plus marqué par la multipolarité. Le moment unipolaire, qui visait à intégrer le Sud global dans une vision monolithique de la modernité, s’érode. Le rapprochement du Tchad avec Moscou plus tôt cette année, culminant avec une rencontre personnelle entre le président Déby et Vladimir Poutine, ainsi que l’inauguration d’une Maison Russe à N'Djamena en présence du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, illustre une réorientation des alliances. Ces actions ne sont pas de simples ajustements, mais l’expression d’une quête plus large des nations africaines pour redéfinir leurs rôles au sein d’un ordre mondial non plus dicté uniquement par les puissances occidentales.
Militairement, les actions du Tchad révèlent les contours de cette transformation. Ayant auparavant compté sur les avions Rafale français pour réprimer les dissidences internes, le Tchad construit désormais son autosuffisance à travers des partenariats avec la Turquie, qui fournit des avions d’attaque au sol et des drones, et avec les Émirats arabes unis, qui l’aident à acquérir davantage de drones. Cette diversification symbolise un rejet plus large de la dépendance. Elle reflète une Afrique qui cherche à gérer ses défis sécuritaires non pas en tant que cliente de puissances lointaines, mais comme architecte de son destin. L’intérêt de la Hongrie à déployer des soldats au Tchad, ostensiblement pour le contrôle migratoire, illustre la complexité croissante des engagements internationaux dans une région désormais ouverte à une variété d’acteurs.
Pour la France, la décision du Tchad est un coup dur, non seulement sur le plan pratique mais aussi sur le plan symbolique. Paris, autrefois arbitre incontesté de la géopolitique au Sahel, fait face à la perte progressive de son influence. Bien que le ministre tchadien des Affaires étrangères ait déclaré que la rupture n’est pas absolue, contrairement au rejet catégorique de la présence française par le Niger, l’incertitude entourant l’avenir des relations bilatérales — qu’elles soient purement économiques ou incluent une coopération militaire résiduelle — met en lumière la fragilité de la position française. Cela fait partie d’un bilan plus large pour l’Occident, qui doit affronter la réalité de son déclin dans des régions qui étaient autrefois des bastions de son pouvoir.
Le chemin emprunté par le Tchad n’est pas isolé, mais s’inscrit dans une trajectoire africaine plus vaste, dans un monde en profond réalignement. L’annonce par le Sénégal de son intention d’expulser les troupes françaises témoigne d’un changement similaire, et à travers le Sahel et au-delà, le désir de souveraineté devient une force irréversible. Dans le contexte d’un monde multipolaire, l’Afrique s’affirme non comme un participant passif, mais comme un acteur actif, forgeant des partenariats qui servent ses intérêts tout en rejetant les cadres hiérarchiques d’autrefois. L’avenir du continent réside dans sa capacité à naviguer dans cet ordre émergent, où aucun pôle unique ne domine et où le réveil de la souveraineté sert de pierre angulaire à sa résurgence. Longtemps considérée comme un terrain de domination extérieure, l’Afrique émerge désormais comme une frontière de possibilités dans l’architecture d’une nouvelle ère mondiale.
11:54 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, tchad, france, afrique, affaires africaines, sahel, géopolitique, françafrique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 02 décembre 2024
Alep. Et plus encore...
Alep. Et plus encore...
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/aleppo-e-altro/
Alep est, pratiquement, tombée. En quelques heures, conquise par la coalition rebelle syrienne. Une coalition composite, mais en fait hégémonisée par les djihadistes. C'est-à-dire par ces groupes auxquels, en paroles et parfois en actes, l'Occident dit s'opposer. Mais qui sont bien utiles en Syrie pour combattre Assad.
Derrière les forces kurdes, qui constituent la véritable colonne vertébrale militaire des rebelles, bien sûr, une coalition complexe où les djihadistes sont, très certainement, majoritaires. Il devient donc extrêmement difficile de décrypter le jeu complexe de soutien et de résistance entre la Turquie, d'une part, et l'Occident, principalement américain et britannique, et accessoirement français, d'autre part.
Erdogan semble inquiet. Et il négocie avec Poutine. Certes, sa Turquie a soutenu les soi-disant « rebelles » anti-Assad, mais l'horizon semble flou. Et pas de nature à le laisser serein. Le risque de voir naître un Kurdistan syrien indépendant est bien réel. Et celui-ci deviendrait certainement une base d'opérations pour les Kurdes du PKK, qui tentent d'arracher les provinces kurdes à Ankara.
Il est donc préférable de traiter avec Poutine maintenant. En position de force, essentiellement.
Assad est manifestement en grande difficulté. La violente offensive israélienne au Liban a rendu l'engagement du Hezbollah en Syrie pour l'essentiel non substantiel. Il a dû retirer la plupart de ses milices de Syrie pour les engager chez lui. Et qui, en outre, s'est trouvé, et se trouve encore dans une certaine mesure, dans une phase complexe de transition après la mort de son leader Nasrhallah.
Il y a donc une grande incertitude quant à ce que Téhéran veut faire. Celui-ci ne semble pas vouloir s'engager directement en Syrie, trop préoccupé, dans ses sommets, par les intentions d'Israël, ou plutôt de Netanyahou, qui semble vouloir attaquer directement le territoire iranien.
Cela ne se produira probablement pas en raison de la pression exercée par Washington qui, pour l'instant, souhaite éviter un conflit direct avec l'Iran. Mais l'inquiétude demeure et le nouveau président iranien, Masoud Pazeshkian, représente des groupes d'intérêts qui seraient trop lésés par un choc frontal avec les Etats-Unis.
D'où l'ambiguïté de la position iranienne dans le conflit syrien. Ce qui a donné et continue de donner l'impression d'un refus de s'engager directement.
Les forces « rebelles » en sont bien sûr parfaitement conscientes. Et, surtout, ceux qui les manœuvrent de loin. De très loin. De l'autre côté de l'Atlantique, pour être clair.
Reste le problème Poutine. C'est-à-dire ce que la Russie, qui est et reste le principal soutien d'Assad, va décider de faire.
Et c'est là le point critique.
La Russie, toujours fortement impliquée en Ukraine, n'a certainement pas le désir, et peut-être même pas la force, d'intervenir directement au Moyen-Orient.
Et c'est précisément sur ce point que comptent les forces, politiques et économiques, qui cherchent à saper le pouvoir d'Assad. Avec la perspective non pas d'un changement de régime, c'est-à-dire d'un changement de gouvernement, mais d'une fragmentation de la Syrie. De conduire le pays vers une situation permanente de chaos et de troubles civils. Car certains intérêts profitent largement du chaos et de l'absence de gouvernement.
Cependant, Poutine est bien conscient que la Syrie d'Assad est la principale base d'opérations de la flotte russe en Méditerranée. Et il ne peut évidemment pas la perdre. Car ce serait une perspective très, très dangereuse pour l'avenir.
Tel est l'état actuel des choses.
Un signe avant-coureur, cependant, de développements continus qui sont très difficiles à prévoir. Ce qui pourrait se passer, par exemple, avec l'entrée de Trump dans le bureau ovale... Et ce que pourrait faire Pékin, qui jusqu'à présent reste silencieux. Mais, compte tenu de son intérêt pour les ports syriens, c'est un silence extrêmement lourd.
20:29 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, alep, syrie, djihadisme, proche orient, levant, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Turquie et Russie: concurrents dans l'espace post-soviétique
Turquie et Russie: concurrents dans l'espace post-soviétique
par Alexandr Svaranc* (New Eastern Outlook)
Source: https://www.lantidiplomatico.it/dettnews-turchia_e_russia...
Malgré une ambiance de réel partenariat dans les relations russo-turques, la Turquie a pour objectif d'approfondir sa présence géopolitique et géo-économique dans plusieurs régions de l'ancien espace soviétique. Une telle orientation pourrait bien aigrir les rapports entre les deux puissances.
L'effondrement de l'URSS est devenu le plus grand événement géopolitique au tournant du 20ème siècle. Les manifestations de souveraineté et la formation de nouveaux États indépendants ont créé une situation d'orientation multi-vectorielle des nouvelles élites politiques des anciennes républiques soviétiques.
De leur côté, dans leurs projections géopolitiques, les pays de l'OTAN (principalement les États-Unis, le Royaume-Uni et la Turquie) ont maintenu leurs aspirations de domination dans les régions post-soviétiques de l'Eurasie, ce qui a entraîné un amoindrissement de la présence historique de la Russie. C'est précisément cette dynamique qui a sous-tendu l'avancée de l'OTAN vers l'est, ce qui a entraîné des problèmes dans les relations avec la Russie en Ukraine, en Moldavie et en Géorgie.
Parallèlement, depuis l'époque du président Türgüt Özal, Ankara n'a cessé de poursuivre une voie d'intégration globale avec les nouveaux pays de la CEI et a manifesté un intérêt soutenu pour des régions telles que la mer Noire (avec son épicentre en Crimée), le Caucase du Sud et l'Asie centrale.
La Turquie veut raviver son statut impérial en déployant une stratégie actualisée qui comprend l'entrée dans un « monde turc » indépendant, et ce, selon la doctrine du néo-ottomanisme; elle vise aussi l'établissement d'un contrôle sur certains sujets non turcs de la CEI (y compris la Géorgie et l'Arménie) toujours conformément à la doctrine du néo-ottomanisme et à la formation d'un marché commun turc. En ce qui concerne la Crimée, Ankara s'appuie sur le facteur tatare présent en Crimée et n'exclut pas que la crise politico-militaire russo-ukrainienne permette à terme l'établissement d'un protectorat turc sur la péninsule. En Moldavie, la Turquie soutient le séparatisme gagaouze.
De l'expérience des deux guerres mondiales du 20ème siècle, la Turquie a tiré une leçon importante: la mise en œuvre de la doctrine du pan-touranisme est impossible si l'on mise sur un conflit militaire direct avec la Russie. En ce début de siècle, Ankara poursuit une tactique qui combine « petits conflits » et « partenariat actif » avec la Russie, tactique qui ne s'avère possible qu'à condition que les contradictions géopolitiques entre Moscou et l'Occident (principalement avec les États-Unis et le Royaume-Uni) s'aggravent.
De même, la Turquie a fait des progrès significatifs dans le renforcement de ses liens avec la nouvelle Russie et a reçu de nombreux dividendes de la coopération économique et politique dans les domaines de l'énergie (gaz, pétrole, centrales nucléaires), du tourisme de masse, du marché russe de la construction, de la pénétration dans le nord de la Syrie et dans le Nagorno-Karabakh, et de la formation d'une infrastructure turque commune en matière de transport, d'énergie et d'institutions.
Aujourd'hui, le corridor de transport du Caucase du Sud (SCTC) et l'Organisation des États turcs (OTS) sont devenus les principales bases de la progression géoéconomique et géopolitique de la Turquie dans les espaces post-soviétiques de Transcaucasie et d'Asie centrale. Alors que la Russie reste en conflit avec l'Occident à propos des événements en Ukraine, la Turquie avance rapidement dans la mise en œuvre du projet turc sous le couvert de l'OTS ("Organization of Turkish States").
Les objectifs d'Ankara ne se limitent pas à l'intégration des peuples et pays turcophones, mais comprennent également des approches très pragmatiques visant à accéder aux ressources naturelles stratégiques les plus riches des pays de la CEI indépendants de la Turquie et à assurer leur transit à travers son territoire vers l'Europe, opération qui se révèle financièrement lucrative.
Sur le plan militaire et politique, Ankara compte sur la formation d'un système commun de « sécurité turque » et d'une « armée turque », où la Turquie, en tant que membre de l'OTAN, deviendra un lien entre les pays turcs et l'alliance atlantique. Enfin, la mise en œuvre de Touran créera objectivement un « corridor de division » entre la Russie d'une part et le Sud global (Chine, Iran et Inde) d'autre part. Tous ces objectifs initiaux se conjuguent avec les intérêts des Anglo-Saxons (en premier lieu le Royaume-Uni).
L'OTS a proclamé le slogan « Une nation, six États turcs » (bien que le nombre de pays puisse changer si Ankara réussit à promouvoir l'entité de Chypre du Nord en tant que membre de l'organisation). À chaque forum des dirigeants de l'OTS, la Turquie dicte un nouvel ordre du jour pour étendre l'intégration turque commune (y compris un alphabet commun, une langue commune, un hymne commun, une banque unique, une armée commune, renommer l'Asie centrale et lui donner le nom de Turkestan, créer un corridor de transport et d'énergie transcaspien, etc.)
L'instabilité d'un monde multipolaire
Dans sa confrontation avec l'Occident collectif, la Russie soutient la formation d'un monde multipolaire, où la Turquie revendique le leadership dans le monde turc. Toutefois, un monde multipolaire s'avérera aussi fragile et instable qu'un monde unipolaire sous l'hégémonie des États-Unis. La raison principale en sera les contradictions croissantes dans les intérêts des dirigeants du monde multipolaire, en particulier entre les mondes turc et russe, car la géographie des aspirations convergera dans les mêmes régions (Caucase du Sud, Asie centrale, Crimée).
En développant un partenariat économique actif avec la Turquie, la Russie a apporté aux Turcs un renforcement significatif de leur indépendance économique. Certes, cette coopération n'a pas sauvé la Turquie d'une grave crise financière et économique, mais elle ne l'a pas non plus aggravée.
La Turquie tente de rester le principal médiateur dans la crise russo-ukrainienne actuelle. D'une part, Ankara appelle à une cessation rapide des hostilités et à une solution pacifique avec la possibilité de geler le conflit le long de la ligne de front ; d'autre part, les Turcs ont déclaré leur attachement à l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières de 2014 et fournissent une assistance militaire et technique considérable au régime de Kiev. Par conséquent, la tactique d'Ankara dans ce dossier ne se limite pas à un cessez-le-feu, mais inclut plutôt la poursuite de ce massacre entre peuples slaves frères, ce qui conduit à un affaiblissement des positions des deux pays.
La Russie est le principal générateur et intégrateur des unions économiques et politico-militaires eurasiatiques (EAEU et OTSC). En développant le projet OTS et en planifiant la formation d'un marché commun turc, la Turquie crée une concurrence substantielle pour la Russie en Asie centrale et dans le Caucase du Sud. En outre, la Turquie fournit à l'Union turque une base idéologique dans le pan-turquisme et le pantouranisme.
Cependant, dans le conflit ukrainien, la Russie démontre de manière assez convaincante sa constance à atteindre ses objectifs déclarés (y compris par le recours à la force). Ce dernier point devrait constituer un avertissement pour les autres opposants déclarés et cachés de la Russie.
Dans le Caucase du Sud, la Russie entretient un partenariat stratégique et des liens d'alliance avec l'ami le plus proche de la Turquie, l'Azerbaïdjan. Bakou a obtenu une route de transit énergétique vers l'Europe via la Géorgie et la Turquie, en contournant la Russie, et a maintenant ramené militairement le Karabakh sous son contrôle en profitant de la non-ingérence de Moscou. La géographie de l'Azerbaïdjan est cruciale pour la progression de la Turquie et de l'OTAN dans l'Est post-soviétique. La Russie compte sur la clairvoyance des autorités azerbaïdjanaises pour éviter de provoquer de nouveaux conflits dans la région.
L'avancée de la Turquie dans l'Est post-soviétique, contraire aux intérêts russes, pourrait créer une situation conflictuelle dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. Par conséquent, l'utilisation par la Russie du missile balistique Oreshnik sans tête nucléaire pour la première fois le 21 novembre, visant une installation militaire sur le territoire de l'Ukraine, a constitué un avertissement pour les pays de l'OTAN quant à l'inadmissibilité de permettre aux forces armées de l'Ukraine d'utiliser des missiles occidentaux à l'intérieur du territoire russe. Cela a contraint le président du Kazakhstan, K. Tokayev, à envisager de renforcer le système de sécurité (même si personne à Moscou n'attaquerait le Kazakhstan ami). Toutefois, la Russie n'aurait pas utilisé ce type d'arme en Ukraine si l'OTAN n'avait pas procédé à des provocations. En outre, Moscou n'aurait pas été impliquée dans le conflit avec l'Ukraine si les autorités de Kiev avaient entretenu des relations amicales avec la Russie. Comme on dit, le temps passe et les choses changent....
Dans ces circonstances, le président turc Erdogan n'a pas tardé à mettre en garde ses alliés de l'OTAN contre une escalade des tensions militaires en Ukraine et à prendre au sérieux les changements dans la stratégie nucléaire de la Russie. Si Erdogan prend également en considération les intérêts de la Russie en Turquie, il ne pourra que développer un partenariat commun avec les Turcs sans oublier le passé. Dans le cas contraire, les intérêtsdesdeux puissances s'opposeront tôt ou tard.
(Traduction de l'Anti Diplomatico)
*Docteur en sciences politiques, professeur.
18:12 Publié dans Actualité, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eurasie, russie, turquie, caucase, asie centrale, pantouranisme, panturquisme, géopolitique, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 26 novembre 2024
L'Eurasie, principal forum de la géopolitique mondiale
L'Eurasie, principal forum de la géopolitique mondiale
L’Eurasie continue d’être le principal terrain de jeu pour régler la lutte pour la suprématie mondiale. Cela devient de plus en plus évident lorsque l’on observe les combats, chauds ou froids, qui se déroulent sur leur territoire.
par Lic. Andrés Berazategui
Source: https://politicar.com.ar/contenido/258/eurasia-como-princ...
C’est le géographe britannique Halford Mackinder qui, dans sa conférence désormais classique de 1905, intitulée «Le pivot géographique de l’histoire», affirmait que l’Eurasie – ou plus précisément ce qu’il appelait «l’île-monde» – était la principale scène de compétition pour toutes les puissances qui cherchaient à exercer une domination mondiale. L’île-monde, composée de l’Eurasie et de la frange septentrionale de l’Afrique, possède des attributs uniques. Il s’agit d’une immense continuité territoriale dans laquelle se trouve la plus grande concentration de population et de ressources de la planète, et depuis laquelle on peut accéder directement aux principaux océans.
En général, les civilisations qui ont façonné l’histoire se sont développées sur son territoire et, aujourd’hui encore, la plupart des villes les plus dynamiques du monde sur le plan culturel et technologique se trouvent en Eurasie. Mackinder affirmait que l'espace fondamental de cette île-monde était le «Heartland», le cœur terrestre, qu'il situait dans une zone qui s'étendait depuis l'Europe de l'Est et se prolongeait vers le sud jusqu'au Moyen-Orient; à l'est, il comprenait presque toute la Russie, l'Asie centrale, la Mongolie et s'avançait même près de la côte de l'océan Pacifique, dans le nord de l'Asie de l'Est. Au fil des années, les Britanniques élargirent son argumentaire en expliquant ses thèses, même s'il reformula un peu les frontières du Heartland. Sa théorie deviendra fondamentale dans la pensée géopolitique, conditionnant une grande partie des débats théoriques ultérieurs, en particulier ceux qui relient la puissance maritime et la puissance terrestre. Dans son livre de 1919, Idéaux et réalité démocratiques, il résumait sa doctrine comme suit : « Celui qui contrôle l’Europe de l’Est dominera le Heartland ; celui qui contrôle le Heartland dominera l’Île-Monde ; "Celui qui contrôle l'Île-Monde dominera le monde."
Brzezinski et la suprématie américaine
Plus près dans le temps, c'est l'Américain d'origine polonaise Zbigniew Brzezinski qui devait procéder à la réactualisation la plus élaborée de la pensée de Mackinder en ce qui concerne l'Eurasie. Il affirmait que la suprématie américaine - réellement existante dans les années 1990, lorsqu'il défendait les idées que nous allons évoquer ici - dépendait «directement de la durée et de l'efficacité avec lesquelles ils (les États-Unis) peuvent maintenir leur prépondérance sur le continent eurasien», et il prévoyait toute une géostratégie pour que les États-Unis parviennent à cette prépondérance.
D'une manière générale, sa réflexion repose sur l'idée fondamentale de Mackinder selon laquelle la suprématie mondiale se dispute essentiellement en Eurasie, ce qui est en accord non seulement avec le géographe anglais, mais aussi avec d'autres auteurs classiques de la géopolitique tels que Karl Haushofer et Nicholas Spykman. Cependant, il a introduit des changements et a également évité d'entrer dans des polémiques qu'il considérait comme secondaires. Ainsi, pour Brzezinski, il importe peu de savoir quelle zone de la géographie eurasienne est la plus importante comme point de départ de la domination sur le méga-continent, comme l'enseigne Mackinder qui la place en Europe de l'Est, ou comme le fait Spykman, déjà cité, qui place les zones les plus importantes à la périphérie de l'Eurasie, sur un territoire périphérique/littoral qu'il appelle le Rimland.
Pour Brzezinski, la géopolitique s'était déplacée «de la dimension régionale à la dimension globale», et par conséquent, «la prépondérance sur l'ensemble du continent eurasien est la base centrale de la primauté mondiale». Il ne considérait pas non plus comme fondamental de savoir si le pouvoir terrestre ou maritime était plus important. Or, les États-Unis ne sont pas un pays eurasiatique, ce qui amena Brzezinski à développer une pensée visant à distinguer les principales zones de l'Eurasie et à prescrire comment les États-Unis devaient les aborder afin de rester l'acteur déterminant dans la politique internationale. Ainsi, il distingua quatre zones en Eurasie : l'ouest, le sud, l'est; et, ensuite, ce qu'il appelait «l'espace moyen», constitué essentiellement de la Russie. Dans chacune de ces zones se trouvaient des problématiques à aborder, subordonnées à une stratégie globale dont l'objectif fondamental était, comme nous l'avons déjà dit, que les États-Unis deviennent la puissance prépondérante de l'Eurasie, pour laquelle, en outre, ils devaient contrer la montée possible de puissances remettant en question la domination américaine et pouvant éventuellement la défier. Pour Brzezinski, le pire scénario possible serait la formation d'une alliance anti-hégémonique composée de la Russie, de la Chine et de l'Iran.
Maintenant, qu'est-ce qui était les principaux défis dans chacun de ces domaines et comment les Etats-Unis les abordaient-ils? En ce qui concerne l’Europe (la zone ouest), les États-Unis devraient promouvoir l’unité du Vieux Continent en favorisant l’expansion de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ainsi que de l’Union européenne (UE). En Europe aussi, les États-Unis pourraient projeter le matériel assurant la sécurité pour les initiatives de l'OTAN (en tant qu'acteur fondamental) ; en attendant, l’Union européenne élargit le modèle constitué d’ordres internes et de multilatéralisme, de libre-échange et des «valeurs occidentales».
Par souci de motivation, Brzezinski définit l’Europe comme étant «la tête de pont démocratique». Pour la géostratégie, la zone sur laquelle elle se présente est complète en termes de sécurité en raison de la multitude de conflits latents, c'est-à-dire ce qui lui fait mériter le nom de «Balkans eurasiens». Quoi qu'il en soit, c'est la zone située dans les limites de l'Asie centrale et de la région du Caucase, sans oublier tout ce qui concerne la Méditerranée orientale, surtout l'extrême nord de l'Afrique, la péninsule arabe, la région qui s'étend du golfe Persique au Pakistan. Compte tenu des difficultés inhérentes à cette zone géographique, Brzezinski propose un pluralisme géopolitique qui lui permettra de ne plus pouvoir contrôler politiquement la région et de permettre à la «communauté mondiale» d'accéder à ses ressources économiques (principalement le pétrole) ainsi qu'à ses atouts financiers.
Brzezinski considérait que la Russie était un acteur positif potentiel dans la région et, dès lors, il fallait s'efforcer de faire d'elle un partenaire régional, sans qu'elle n'y deviennent toutefois une puissance dominante. Par rapport à l'espace central — soit le « trou noir » constitué de l'énorme vide géopolitique qui s'était constitué suite à la désintégration de l'Union Soviétique —, du fait des spécificités de la puissance qui prit le relais de l'URSS, c'est-à-dire la Fédération de Russie, une stratégie particulière à l'égard de celle-ci doit être élaborée vu l'ampleur de ses ressources énergétiques et de son gigantesque arsenal nucléaire. La Russie, en effet, est capable de développer ses propres ressources et de projeter et de démultiplier sa puissance territoriale dans toutes les régions de l'Eurasie.
Pour Brzezinski, la seule voie possible pour Moscou était l'intégration à l'Europe, en forgeant une alliance et un système de coopération transcontinentale qui aurait fait comprendre à la Russie que son destin était de coopérer avec l'Occident et non pas de jouer un rôle d'opposant systématique.
En bref, Brzezinski proposait une Russie encadrée par l'OTAN -quiaurait même eu la possibilité de coopérer avec l'Alliance atlantique- et quiaurait entretenu des relations étroites avec l'UE. Une Russie donc qui aurait laissé derrière elle son "passé impérial", qui se serait développée selon les règles de la démocratie libérale et de l'économie libre de marché et serait devenue "occidentale" stricto sensu. Cette Russie aurait accepté le "pluralisme géopolitique" dans l'ancien cadre de l'impérialisme soviétique", ce qui lui aurait évité la tentation de soumettre des Etats nés de la dislocation de l'URSS.
Enfin, Brzezinski préconisait, pour la zone orientale -c'est-à-dire l'Extrême-Orientet l'Asie du Sud-Est- une approche en trois volets: les Etats-Unis devraient, selon lui, coopérer avec leur allié traditionnel, le Japon et reconnaître simultanément la Chine montante et l'intégrer.
Avec un Japon 'non régional mais international" et une Chine "non internationale mais régionale", les Etats-Unis auraient pu se créer un "ancrage en Extrême-Orient". Brzezinski reconnaissait le fait de la montée en puissance de la Chine et sa transformation en un acteur important et incontournable mais croyait que la croissance économique chinoise déclinerait avec le temps, ce qui l'amenait à sous-entendre qu'il serait possible, à terme, de le tenir en respect sans trop de problèmes.
Comme mentionné ci-dessus, Brzezinski pensait que le pire scénario était la réalisation d'une alliance anti-hégémonique qui remettrait en question le pouvoir des États-Unis en limitant leur puissance et même en les expulsant de l'Eurasie. Une telle alliance anti-hégémonique pourrait être formée entre la Chine, la Russie et l'Iran, car ces trois pays ont des objectifs stratégiques différents, mais partagent le même rejet de l'intervention américaine dans ce qu'ils considèrent comme leurs domaines d'intérêt. C'est pourquoi les États-Unis devraient nouer des alliances et promouvoir le pluralisme géopolitique en Eurasie, tout en affrontant les concurrents potentiels en leur faisant comprendre que le coût de la défiance serait très élevé, mais en évitant en même temps de menacer les intérêts vitaux de ceux qui aspirent à une sorte d'hégémonie régionale. En bref, la recette de Brzezinski pour l'Eurasie était basée sur:
1) la recherche d'équilibres régionaux et de pluralisme géopolitique dans des zones bien définies;
2) la dissuasion des challengers, mais en évitant de menacer les revendications légitimes de ceux qui cherchent à devenir des acteurs régionaux importants ; et
3) l'empêchement de former toute alliance potentielle qui pourrait défier avec succès la puissance américaine.
Mackinder et Brzezinski n'avaient pas si tort que cela
En examinant le paysage actuel, nous arrivons à la conclusion que les idées fondamentales de la géopolitique classique en général, et celles d'Halford Mackinder et de Zbigniew Brzezinski en particulier, restent valables dans le désordre mondial d'aujourd'hui. L'euphorie des années 1990 liée au triomphe de l'Occident dans la guerre froide est révolue. L'optimisme du projet de mondialisation, avec son expansion de la démocratie libérale, de l'économie de marché et du « monde fondé sur des règles », a également disparu. Aujourd'hui, les idées cosmopolites semblent même grossièrement caricatureales. Les théories de la paix démocratique et celles qui postulaient un monde intégré et coopérant pour des intérêts économiques ont été reléguées à l'arrière-plan. Le monde « business as usual » de la politique de puissance est revenu, avec tous les problèmes qui en découlent: méfiance à l'égard de la sécurité, concurrence pour les ressources, protectionnisme économique, primauté du calcul égoïste dans la prise de décision, « intérêt national » d'abord, etc. Un autre constat est que la structure internationale est devenue multipolaire. En effet, la Chine, les Etats-Unis et, un peu plus loin, la Russie, sont aujourd'hui les grandes puissances qui façonnent le système international. Malheureusement pour les États-Unis, la Chine et la Russie montrent de plus en plus qu'elles sont sur la même longueur d'onde en matière d'énergie et de sécurité. Comme si cela ne suffisait pas, l'Iran a également noué de bonnes relations avec les deux États, en particulier avec la Russie, ce qui a conduit à un rapprochement qui ressemble de plus en plus à l'alliance anti-hégémonique que craignait Brzezinski. Mais voyons comment les scénarios se présentent dans les zones que ce dernier avait analysées dans les années 90.
En ce qui concerne la "zone occidentale", la Russie, remise sur pied, a réagi car elle est loin d'être un "trou noir". Elle a réagi finalement contre l'élargissement de l'OTAN et contre la volonté de cette alliance d'inclure en son sein la Géorgie et l'Ukraine. A plusieurs occasions, Poutine a bien précisé que l'élargissement de l'OTAN constituait une menace pour lasécurité de la Russie et que le soutien apporté par l'Europe au processus d'intégration de l'Ukraine dans l'alliance consistait à franchir une ligne rouge et ne serait pas toléré. Donc quand l'Ukraine a manifesté clairement sa volonté d'adhérer à l'OTAN et que l'OTAN a accepté implicitement cette candidature, Poutine a réagi et a commencé la guerre qui fait toujours rage aujourd'hui.
Les racines immédiates de cette guerre se situent dans la menace existentielle que perçoit la Russie en Ukraine si celle-ci est intégrée dans la projection militaire de l'Occident, visant les portes d'accès à son territoire propre. Les grandes puissances sont strictes quant à l'intangibilité de leurs frontières et ne veulent pas qu'une autre puissance (ou une alliance de puissances) avance ses pions dans leur proximité.
Pourquoi les Nord-Américains ont-ils réagi énergiquement lorsque des missiles de l'Union Soviétique furent installés à Cuba? De plus, Poutine a défié les valeurs occidentales et le type de guerre internationale qui a été créé, modelé et soutenu par les États-Unis. Il défi donc un ordre mondial basé sur des sociétés ouverteset multiculturelles, avec des marchés libres, des frontières fluides et reposant sur une théologie séculière, celle des droits de l'homme et des libertés individuelles. Le président russe, lui, se base sur une vision conservatrice et statique qui postule le primat de l'intérêt national, ce qui l'amène a rejeter l'odre mondial en vigueur aujourd'hui et réclame une révision impliquant une façon nouvelle de percevoir les relations internationales, tenant compte des nouvelles réalités, soit de la redistribution des cartes en matière de puissance dans le monde. La Russie se positionne sur de telles lignes d'une manière qui sert au mieux ses intérêts. La Chine, à son tour, partage cette vision.
Dans les "Balkans eurasiatiques", au moment où nous écrivons ses lignes, le conflit régional s'est dramatiquement accentué opposant Israël, un allié important des Etats-Unis dans la région, à ce qu'il est convenu d'appeler "l'Axe de la résistance", soit l'alliance entre l'Iran et divers groupes et milices soutenus par lui, comme le Hezbollah, le Hamas ou les Houthis du Yémen ainsi que d'autres organisations qui sont actives en Irak en Syrie et dans les territoires palestiniens. Le prétexte direct pour l'escalade en cours a été l'attaque du 7 octobre 2023, lorsque un groupe appartenant au Hamas est parvenu, suite à une action risquée, à franchir la frontière dans le sud d'Israël, opération qui provoqua la mort de centaines de civils et de soldats à l'intérieur même des frontières de l'Etat hébreu.
A l'évidence, cette confrontation à des racines bien plus profondes et anciennes, dont l'examen excèderait le cadre du présent article. Quoi qu'il en soit, la réaction ne se fit pas attendre et Israël commença une opération de défense dans la Bande de Gaza qui, en fait, est une opération "terre brûlée". La conséquence de cette riposte fut que le Hezbollah lança des missiles sur le nord d'Israël afin de défendre les Palestiniens; les Houthis, quant à eux, tirèrent des missiles depuisle Yémen et, ultérieurement, les Iraniens se lancèrent dans la mêlée...
La situation au Moyen- et Proche-Orient est donc loin d'être tranquille à l'heure actuelle si bien que cette région est pls instable que jamais, avec des conséquences mondiales car les Etats qui ont des alliés et des intérêts dans la région sont concernés ou parce que la République Populaire de Chine intervient activement aujourd'hui dans les affaires du monde, contrairement à ce qui se passait jadis: en effet, elle veut être l'un desgarants de lasécurité internationale en Eurasie, un défi qu'elle doit relever si elle veut conserver son statut de grande puissance. Il est difficile de comprendre l’importance des principaux aspects de la région. Il est difficile de prévoir quelle tournure prendront les événements si les trois grandes puissances ont desintérêts divergents dans la région. De plus, aujourd'hui, la zone compte avec les États qui aspirent à être des puissances régionales et disposent d'un bon nombre de ressources ou d'atouts pour défendre leurs intérêts, comme l'Arabie Saoudite, l'Iran, Israël et la Turquie.
Que dire en ce qui concerne l'Extrême-Orient ? L'un des faits les plus notoires de la politique mondiale contemporaine est l'ascension de la Chine, qui est déjà devenue le plus grand concurrent des États-Unis à l'échelle mondiale. La République populaire de Chine dispose de vastes ressources et de la volonté de défendre ses intérêts loin de ses frontières, mais elle est consciente qu'elle ne pourra pas mener sa politique étrangère sans menacer les intérêts américains. Cependant, sa stratégie repose généralement sur la capacité à générer des affaires et promouvoir des intérêts partagés. La Chine construit des infrastructures, prête de l'argent, fait preuve de diplomatie et montre peu d'intérêt à intervenir dans les affaires des pays auxquels elle accorde des avantages. Bien sûr, ce n'est pas le cas partout, comme en ce qui concerne Taïwan. De plus, la Chine aide des pays très faibles qui ont parfois beaucoup de mal à répondre aux exigences qu'elle impose. Quoi qu'il en soit, la Chine reste déterminée à construire un réseau d'infrastructures, d'affaires, de questions militaires et de diplomatie qui finit par entrer en confrontation avec les intérêts américains. De leur côté, les États-Unis réagissent par des contre-mesures pour neutraliser ce qu'ils perçoivent comme des menaces à leurs objectifs. La Chine construit des alliances, des routes et des ports, entre autres, dans le cadre de l'Initiative de la Ceinture et la Route, à travers laquelle elle investit massivement et intègre de vastes territoires; ou avec des structures économiques telles que l'Organisation de Coopération de Shanghai, le groupe BRICS ou la Banque asiatique d'investissement et d'infrastructure. Les États-Unis réagissent avec des organisations déjà existantes ou créées pour la compétition actuelle. Avec diverses fonctions dans les domaines militaire et économique, les Américains soutiennent l'OTAN, le NORAD, le QUAD, l'initiative des Cinq Yeux, l'AUKUS, la Banque mondiale, le Cadre économique indo-pacifique pour la prospérité, entre autres, et concluent des accords bilatéraux avec divers alliés et partenaires.
De ce bref aperçu, nous pouvons tirer quelques conclusions. La première d'entre elles est que l'Eurasie reste manifestement le principal échiquier dans la compétition que se livrent les puissances pour atteindre leurs objectifs. D'autre part, nous pouvons constater que les affirmations de Brzezinski concernant les principales zones de conflit en Eurasie étaient fondamentalement vraies: les fronts de conflit entre les États-Unis et leurs challengeurs se situent en Europe de l'Est, au Proche et au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. Une autre conclusion est que la structure internationale est multipolaire, les États-Unis n'étant plus la seule superpuissance mondiale comme dans l'immédiat après-guerre froide, mais partageant le sommet de la hiérarchie internationale avec une Chine montante qui, à l'avenir, pourrait peut-être devenir le « pair concurrent » des États-Unis ; et un peu plus loin, mais avec une politique étrangère active qui n'hésite pas à aller à la guerre, une Russie revitalisée par l'action de Vladimir Poutine. Ces deux derniers États, en outre, et avec la République islamique d'Iran, ont mis au point un ensemble de mesures d'assistance mutuelle de mieux en mieux huilé, constituant quelque chose de proche de ce que craignait Brzezinski, une alliance anti-hégémonique destinée à défier la puissance américaine. Nombreux sont ceux qui incluent dans cette alliance la Corée du Nord, faible mais toujours imprévisible et secrète.
Dans un avenir prévisible, les États resteront les acteurs les plus importants du système international et les grandes puissances se disputeront l'attention, le temps et les ressources en Eurasie. Il est difficile de prédire comment la Russie sortira de la guerre avec l'Ukraine et si elle se remettra matériellement et politiquement du conflit tout en conservant son statut de grande puissance. Ou bien elle sera affaiblie, descendra de quelques échelons dans la stratification de la puissance mondiale, et le monde évoluera vers une structure bipolaire avec les États-Unis et la Chine comme concurrents égaux. Cependant, il est clair que de nouveaux enjeux et espaces de compétition s'ajouteront où chaque puissance cherchera à façonner l'ordre à venir de la manière qui lui convient le mieux: ce sera le cas sur des questions telles que le climat, le cyberespace ou les nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle, la biotechnologie et la nanotechnologie. Si l'on y ajoute des problèmes traditionnels comme l'accès et la régulation des espaces partagés (océans, pôles, espace extra-atmosphérique), le développement de l'exclusion, l'impact des technologies sur le monde du travail, l'hiver démographique dans les pays riches et la difficulté de faire face aux menaces transfrontalières, entre autres, on peut d'ores et déjà entrevoir un monde en pleine turbulence.
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lundi, 11 novembre 2024
Hypothèses sur la politique étrangère de Donald Trump
Hypothèses sur la politique étrangère de Donald Trump
par Pierluigi Fagan
Source: https://electomagazine.it/il-sahara-ferma-la-desertificaz...
Nous parlons d’hypothèses, car le nouveau président américain n’a pas donné l'interview préélectorale habituelle où les candidats exposent généralement les grandes lignes de leur politique étrangère, et parce que cet homme est, notoirement, peu prévisible. Cependant, certaines choses peuvent être envisagées et d'autres restent des suppositions.
1) Ukraine. Il est presque certain que Trump réduira (peut-être seulement en partie) le soutien financier direct, les livraisons d'armements et l'engagement logistique des États-Unis. Il pourrait également laisser le «fardeau» dans les mains déjà hésitantes de l’Europe, qui fait l’objet d’autres objectifs stratégiques dont nous parlerons plus tard. Il essayera de parvenir à un accord de paix comme promis, bien que cela semble peu probable, sauf s’il est prêt à discuter avec Poutine des principes généraux de sécurité dans la région (positionnement des missiles, rôle des pays de l'OTAN frontaliers). Or, ceci paraît très improbable, étant donné que la dernière fois, Trump avait lui-même abandonné le Traité INF, pilier du système de sécurité européen signé autrefois par Gorbatchev et Reagan (alors qu’on l’accuse souvent d'être «l’ami de Poutine»!). Selon Mearsheimer, Poutine ne fait plus confiance à l’Occident sous aucune forme, et il semble peu probable qu'il fasse de réels compromis avec les États-Unis. Les premières déclarations russes après les élections ont réaffirmé que la Russie poursuivrait tous les objectifs de son opération militaire spéciale.
2) Russie. Cependant, il n'est pas certain que les relations avec la Russie soient nécessairement liées à la question ukrainienne. Trump est soutenu par l'industrie pétrolière, ce qui s'était pleinement révélé lors de sa première présidence avec la nomination de Rex Tillerson, ancien PDG d'ExxonMobil, comme Secrétaire d'État. ExxonMobil avait de nombreux partenariats avec la société russe Rosneft pour des explorations, notamment dans l’Arctique. Trump, qui avait reçu le soutien de R. F. Kennedy Jr. — connu pour ses positions écologistes — aurait déclaré : «C'est un type extraordinaire, il veut vraiment agir et nous lui en donnerons l’opportunité, mais j'ai simplement dit: 'Bobby, laisse-moi le pétrole.'» La question pétrolière reste donc ouverte. ExxonMobil considérait jadis l’exploration arctique comme stratégique et vitale, et Trump pourrait chercher à négocier un réchauffement des relations (indépendamment de l’Ukraine), en demandant peut-être à Poutine de ralentir le développement de la Route maritime du Nord (utilisée par la Chine pour contourner les détroits). Il est difficile de dire si les deux trouveront un accord, mais il semble très improbable que Poutine renonce à ce projet avec la Chine.
3) Venezuela et Nicaragua. Ces pays ne font certainement pas partie des enthousiastes suite aux dernières élections présidentielles américaines. Après les récentes élections au Venezuela, Trump avait exprimé des critiques acerbes, et Elon Musk avait d'abord tweeté : «Le peuple vénézuélien en a assez de ce clown», puis, après une réponse de Maduro, il avait ajouté : «Un âne en sait plus que Maduro», avant de s'excuser d’avoir «insulté les ânes». Maduro a depuis suspendu X (ancien Twitter) dans son pays. En toile de fond, il y a les intérêts commerciaux de Starlink et une alliance avec Javier Milei pour une nouvelle hégémonie en Amérique du Sud. Le Venezuela, cinquième réserve mondiale prouvée d'hydrocarbures (et premier en Occident), pourrait également voir ses relations régionales modifiées par l’élection de Trump, tandis qu'Obrador au Mexique pourrait également être mécontent, confronté à une pression accrue aux frontières due aux migrations d'Amérique centrale.
4) Netanyahu et Israël. Parmi les enthousiastes, on compte Netanyahu. Hier, le Premier ministre israélien a limogé le ministre de la Défense Gallant, son rival naturel au sein du Likoud. Gallant, préparant sa succession, avait demandé une enquête sur le 7 octobre. Selon Fagan, il semble peu probable qu’Israël ignorait tout des mouvements logistiques importants précédant l’attaque, et Gallant pourrait détenir des preuves que Netanyahu a sciemment ignoré les rapports (y compris ceux des services secrets égyptiens). Bien que la police ait ouvert une enquête, le soutien de Trump renforcera probablement Netanyahu, qui a envisagé des projets de développement à Gaza (hôtels de luxe, casinos) une fois les habitants palestiniens déplacés et le Hamas affaibli, facilitant les accords d'Abraham. Cette perspective pourrait raviver les tensions avec l'Iran, avec lequel Trump a été particulièrement dur (voir le retrait du JCPOA, l’accord nucléaire), et dont les réserves de pétrole et de gaz en font une cible géopolitique pour l'administration Trump.
5) L'Europe. Trump cherchera à diviser l'UE pour négocier de manière bilatérale. Attendez-vous à des tarifs, des hostilités envers les politiques écologiques, des doutes sur l’OTAN, et une forte pression pour augmenter les dépenses militaires (et acheter des armes américaines). Ce sera un chapitre complexe sur lequel il faudra revenir plus tard.
6) Chine. Concernant la Chine, des tensions peuvent également être prévues.
Le phénomène Trump est un moteur de l’histoire, ce qui, pour ceux qui l’étudient, n’est pas sans intérêt. La première élection de Trump avait coïncidé avec la sortie de mon premier livre en janvier 2017 ; cette fois, la publication de mon second ouvrage est prévue pour Noël, bien qu’il ne porte pas spécifiquement sur la géopolitique.
Ce texte de Fagan offre des perspectives sur les orientations possibles de la politique étrangère de Donald Trump dans divers domaines.
13:40 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, donald trump, états-unis, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 02 novembre 2024
La mer contre la terre
La mer contre la terre
par Martino Mora
Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-mare-contro-la...
C'est précisément parce que les valeurs matérielles, et donc économiques, dominent en son sein que l'Occident actuel ne fait pas la guerre au reste du monde pour des raisons strictement économiques.
Ce n'est qu'un paradoxe apparent. L'Occident américano-sioniste actuel, qui vénère la matière et l'individu atomisé, déteste le reste du monde précisément parce que ce reste du monde ne vénère pas la matière et l'individu atomisé de la même manière. C'est pourquoi il n'a pas besoin de la perspective de gains économiques pour lui faire la guerre.
La guerre contre la Russie via l'Ukraine en est un exemple évident. La ploutocratie anglo-américaine déteste Poutine pour des raisons existentielles, pas pour des raisons commerciales. Il suffit de lire ce qu'écrit le financier et idéologue George Soros pour le comprendre. L'Occident ploutocratique déteste la Russie comme il détestait autrefois les autocraties tsariste, prussienne et habsbourgeoise.
Les marchands anglo-saxons détestent Poutine parce qu'il a subordonné les pouvoirs économiques des « oligarques », qui ont débordé de démocratie démagogique dans les années Eltsine, à sa volonté politique. Il ne les a pas expropriés au nom du communisme (bien que certains cultivent la fixation d'un Poutine « bolchevique »), mais les a subordonnés au pouvoir de l'État, c'est-à-dire au sien, par la ruse ou par l'escroquerie. Il a donc rejeté, dans la pratique, le modèle sorosien de « civilisation ouverte », dans lequel seul l'argent gouverne.
Le modèle de Poutine est donc un modèle « césariste » de civilisation et de pouvoir, dans lequel la politique subordonne à elle-même, en le contenant, le règne animal de l'esprit. Et dans lequel un rôle non marginal est également redonné à la dimension religieuse, ce qui est d'ailleurs intolérable pour les tenants de la « société ouverte ».
La Russie d'aujourd'hui n'est pas un modèle véritablement alternatif à la folie spirituelle de l'Occident, mais elle contient au moins les dégâts de la commercialisation à grande échelle de la vie sociale et de la dissolution panérotique des coutumes et de la famille. Ce n'est pas rien.
La haine contre l'Iran est encore plus évidente. Elle se fait passer pour de l'aversion envers le fondamentalisme islamique. Si la véritable aversion était pour le fondamentalisme, l'islam sunnite du Golfe devrait être beaucoup plus détesté que la théocratie chiite de l'Iran, dans laquelle non seulement les minorités chrétiennes et juives, mais aussi les femmes, propagande mise à part, s'en sortent beaucoup mieux. L'Arabie saoudite et le Qatar, ou peut-être le Pakistan ou le Soudan, seraient les principaux ennemis.
Certes, des raisons stratégiques d'alliance géopolitique entre l'américano-sionisme et ses adversaires jouent contre l'Iran. Mais en fin de compte, oublions cela, on en revient toujours là, au choc des civilisations. Le vrai, pas l'imaginaire. Et le choc des civilisations actuel, du moins le principal, est entre le nihilisme matérialiste et atomiste de l'Occident anglo-sioniste, qui a répudié le christianisme et sa Tradition (et s'enfonce donc de plus en plus vers le bas), et le reste du monde.
La mer contre la terre.
18:06 Publié dans Actualité, Définitions, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : terremer, actualité, géopolitique, théorie politique, définition, politologie, sciences politiques, philosophie politique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 01 novembre 2024
La Géorgie sous pression: course au contrôle et à la souveraineté
La Géorgie sous pression: course au contrôle et à la souveraineté
Source: https://www.pi-news.net/2024/10/georgien-unter-druck-wett...
Lors des élections législatives en Géorgie, république du Caucase du Sud, la commission électorale a déclaré vainqueur le parti national-conservateur «Rêve géorgien» du milliardaire Bidzina Ivanichvili avec 54% des voix.
Par Elena Fritz
Les dernières élections législatives de Géorgie, lors desquelles le parti « Rêve géorgien » (Georgian Dream - GD) a de nouveau assuré la majorité du gouvernement, illustrent la manière dont le pays se retrouve de plus en plus pris entre les fronts des grandes puissances. La situation stratégique dans le Caucase fait de la Géorgie un point névralgique dans la lutte géopolitique entre l'UE, l'OTAN et la Russie. Les acteurs occidentaux cherchent à intégrer étroitement la Géorgie dans leur zone d'influence, tandis que le gouvernement de Tbilissi tente de maintenir un équilibre neutre sous l'égide de GD - une approche qui est à la fois défiée par les tensions politiques internes et les tentatives de pression extérieures.
Pour l'Union européenne, la Géorgie est plus qu'un partenaire du Partenariat oriental: c'est un allié potentiel qui fait interface avec la Russie. Depuis des années, l'UE s'efforce de lier la Géorgie à elle sur le plan économique et politique; les programmes de soutien, les projets d'infrastructure et les conditions de réforme étant des éléments essentiels de cette stratégie. Bruxelles se présente ici comme un soutien, mais les conditions liées à ces programmes laissent peu de place à une politique nationale indépendante.
Un exemple est le financement continu par l'UE d'organisations de la société civile qui promeuvent les valeurs occidentales et renforcent souvent les forces pro-occidentales. Cela contribue à la polarisation de la société géorgienne et pousse le gouvernement à s'aligner plus clairement sur les intérêts occidentaux - une orientation qui remet de plus en plus en question la politique pragmatique de GD vis-à-vis de la Russie. En outre, l'UE met également la Géorgie sous pression en matière de politique de sécurité, par exemple en développant la coopération militaire avec l'OTAN. La stratégie est claire : en tant que partenaire de l'OTAN, la Géorgie doit devenir à long terme un avant-poste occidental dans le Caucase.
Intégration à l'OTAN : sécurité ou facteur de risque ?
La coopération avec l'OTAN, y compris les exercices communs et l'adaptation militaire aux normes de l'OTAN, rapproche dangereusement la Géorgie d'une confrontation avec la Russie. Moscou considère le Caucase comme faisant partie de sa sphère d'influence et a clairement fait savoir à plusieurs reprises qu'un élargissement de l'OTAN dans la région serait perçu comme une menace existentielle. Le conflit autour des régions géorgiennes séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud reste également un sujet sensible. Tout nouveau pas en direction de l'OTAN provoquerait des réactions politiques et militaires de la Russie - un scénario qui pourrait devenir une menace directe pour la Géorgie.
Le parti GD a reconnu ce facteur de risque et renonce donc officiellement à exiger une adhésion rapide à l'OTAN. Mais le rattachement croissant à l'OTAN via le « statut de partenariat » remet en question cette politique de neutralité et pourrait pousser la Géorgie dans un rôle qui présente des avantages stratégiques pour l'Occident, mais qui pourrait provoquer une escalade pour la Géorgie elle-même.
Des divisions internes: la déchirure de la société géorgienne
La société géorgienne est profondément divisée: l'opposition, sous la bannière du « Mouvement national unifié » (MNU) et de la « Coalition pour le changement », fait ouvertement campagne pour une intégration claire à l'Occident et attaque le gouvernement GD en le qualifiant de « pro-russe » ». Ces fronts politiques ne sont pas seulement de nature idéologique, mais ont un impact réel sur la stabilité politique interne. La présidente Salomé Zourabichvili, par exemple, appelle la population à protester et parle d'« élections russes ». De telles positions reflètent les divisions profondes qui existent en Géorgie, où les électeurs des grandes villes, pro-occidentaux, veulent faire avancer le courant pro-européen, tandis que les éléments plus conservateurs du pays ne veulent pas rompre complètement les relations plus traditionnelles avec la Russie.
De son côté, l'UE soutient indirectement ces tensions en encourageant les ONG et les mouvements politiques pro-occidentaux qui font pression sur le gouvernement et menacent ainsi l'équilibre interne. Ces tensions pourraient être de plus en plus utilisées de l'extérieur pour déstabiliser le gouvernement géorgien et imposer un leadership clairement pro-occidental si le « Rêve géorgien » maintient son cap axé sur la neutralité.
Options de politique réelle pour la Géorgie dans l'ordre multipolaire
En théorie, la Géorgie pourrait jouer un rôle clé dans un ordre mondial multipolaire, dans lequel elle serait un acteur souverain et entretiendrait à la fois des partenariats économiques avec l'UE et des relations pragmatiques avec la Russie. Mais la voie est étroite: les programmes occidentaux et la coopération militaire ont placé la Géorgie dans une position où elle reste dépendante du soutien de l'Occident.
Des partenariats alternatifs, par exemple avec la Chine ou d'autres acteurs eurasiens, pourraient certes apporter des avantages économiques à la Géorgie, mais entraîneraient la perte du soutien occidental et un renforcement des sanctions.
Dans cette constellation, une coopération plus étroite avec d'autres acteurs eurasiens - par exemple en tant que plaque tournante logistique dans le commerce avec la Chine - pourrait certes constituer une alternative stratégique, mais la dépendance vis-à-vis des investissements de l'UE et du soutien de l'OTAN laisse peu de marge de manœuvre au gouvernement. L'ordre mondial multipolaire pourrait théoriquement permettre à la Géorgie d'être plus indépendante, mais il manque actuellement des alternatives concrètes à l'Occident.
Conclusion : l'avenir de la Géorgie - entre intégration et souveraineté
La Géorgie est prise dans un dilemme: la véritable autonomie à laquelle aspire le gouvernement du « Rêve géorgien » est limitée par les mécanismes d'influence occidentaux. L'UE et l'OTAN continueront à défendre agressivement leurs intérêts pour lier fermement la Géorgie à leur sphère d'influence. Il ne reste guère de possibilité réaliste pour la Géorgie de se positionner en tant qu'acteur indépendant sans risquer de perdre le soutien de l'Occident.
Tant que la Géorgie sera liée à l'Occident sur le plan de la politique de sécurité et de l'économie, elle ne disposera guère de l'autonomie stratégique qui serait possible dans un ordre multipolaire. Les années à venir montreront si le « rêve géorgien » pourra maintenir la politique d'équilibre à long terme - ou si la Géorgie deviendra définitivement une sphère d'influence occidentale.
18:37 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, géopolitique, géorgie, caucase, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 25 octobre 2024
Un motif de guerre explosif: en Ukraine, il s'agit d'énormes gisements de lithium
Un motif de guerre explosif: en Ukraine, il s'agit d'énormes gisements de lithium
Washington/Kiev. Fin décembre 2023, le « faucon » de la CDU Roderich Kiesewetter avait vendu la mèche lors d'une interview sur la chaîne ARD. Il avait déclaré sans ambages que l'UE dépendait du lithium de l'est de l'Ukraine pour son « tournant énergétique ». Les plus grands gisements d'Europe se trouvent dans la région de Donetsk-Luhansk, avait alors expliqué Kiesewetter. Plus tard, l'homme de la CDU a fait la une des journaux avec sa demande explosive selon laquelle la guerre devait être « portée en Russie ».
En effet, le lithium et d'autres matières premières comme les terres rares jouent un rôle important dans le « tournant énergétique ». Le lithium est considéré comme la matière première centrale de la transition énergétique. Ce métal est utilisé pour les batteries et les voitures électriques.
Chaque étoile représente un gisement de lithium.
Il n'est pas surprenant que les Etats-Unis voient les choses de la même manière: là aussi, on ne cache pas que les gisements de lithium dans l'est de l'Ukraine sont l'une des raisons de l'engagement américain aux côtés de Kiev. L'Ukraine est « assise sur des minéraux d'une valeur de mille milliards de dollars qui seraient bons pour notre économie », a laissé entendre le sénateur républicain américain Lindsey Graham lors d'une visite à Kiev en septembre, avant de poursuivre : « Je veux donc continuer à aider nos amis en Ukraine ».
Déjà auparavant, en juin, Graham avait également souligné sur la chaîne de télévision CBS que les « minéraux critiques » en Ukraine valaient dix à douze billions de dollars. Il ne veut pas « donner cet argent et ces actifs à Poutine pour qu'il les partage avec la Chine », a-t-il déclaré. Il faut donc aider l'Ukraine à gagner la guerre contre la Russie. Les États-Unis ne peuvent « pas se permettre » de la perdre.
Les convoitises américaines pour le lithium ont une longue histoire. Déjà début mars 2022, quelques jours après l'invasion russe, le New York Times rapportait que peu de temps auparavant, 17 experts militaires américains s'étaient adressés au secrétaire à la Défense Lloyd Austin en exigeant que les Etats-Unis s'assurent l'accès aux minéraux et métaux rares comme le lithium. En fait, le gouvernement de Kiev, dirigé par Zelensky avait déjà autorisé les Etats-Unis à exploiter le lithium dans le Donbass en 2021, a fait savoir le juriste russe et ancien directeur du bureau russe d'Interpol Vladimir Ovtchinski dans une analyse en septembre 2022. Il s'appuyait sur des informations ukrainiennes.
Le soutien de l'OTAN à l'Ukraine n'a donc pas grand-chose à voir avec les « valeurs occidentales » tant vantées et avec leur défense. Il s'agit, comme d'habitude dans de tels cas, de pure propagande. En réalité, il s'agit de matières premières, de beaucoup d'argent et de la protection de ses propres positions stratégiques - des deux côtés (mü).
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mardi, 22 octobre 2024
Théorie de l'arc de crise : géopolitique et géostratégie
Théorie de l'arc de crise : géopolitique et géostratégie
Tiberio Graziani
Source: https://geoestrategia.eu/noticia/43416/geoestrategia/teoria-del-arco-de-crisis:-geopolitica-y-geoestrategia.html
Les deux guerres en cours ont des origines différentes et lointaines
Les causes de la guerre russo-ukrainienne, si l'on se limite au contexte régional, remontent aux émeutes de l'Euromaïdan de novembre il y a dix ans, à l'annexion ultérieure de la Crimée par la Russie, aux politiques anti-russophones mises en œuvre dans le Donbass par Kiev et les républiques séparatistes autoproclamées de Donetsk et de Louhansk. En revanche, le conflit israélo-palestinien, si l'on ne considère que la portée régionale, remonte à la guerre civile de juin 2007, lorsque le Hamas est parvenu à prendre le contrôle total de la bande de Gaza.
En réalité, les deux guerres ont des origines beaucoup plus anciennes et, surtout, ne peuvent pas être simplement limitées, non seulement en termes de causes mais aussi en termes d'effets internationaux, à leurs dimensions régionales respectives. Cela s'explique par les intérêts importants des autres acteurs impliqués, qui sont à la fois locaux et mondiaux.
Le long après-guerre froide et le moment unipolaire
L'affrontement entre la Russie et l'Ukraine est une manifestation spectaculaire de la longue période de l'après-guerre froide qui a suivi l'effondrement de l'Union soviétique ; à certains égards, il en marque la fin. Cette période d'après-guerre est également étrange et tragique, car elle est marquée par une série impressionnante d'événements militaires.
Le début de cette période d'après-guerre, aussi dramatique que sa conclusion, remonte aux guerres balkaniques de la décennie 1991-2001, qui ont culminé avec l'opération des forces alliées dirigée par l'OTAN. Les Européens, encore sous l'effet de l'euphorie brève mais intensément optimiste liée à la chute spectaculaire du mur de Berlin (novembre 1989), ont été brutalement réveillés. Au lieu d'assister à la « fin de l'histoire » (Fukuyama F., "The End of the History ?" in The National Interest, Summer 1989, The End of History and the Last Man, 1992), ils ont été les témoins, sur leur propre continent et pendant toute une décennie, d'une guerre civile sanglante et des actions dévastatrices de deux opérations de l'Alliance atlantique, Allied Force en 2001 et Deliberate Force en 1995.
Situé temporellement à la fin de la longue période de l'après-guerre froide, le conflit actuel entre Russes et Ukrainiens est également une guerre civile entre populations slaves et un affrontement entre républiques post-soviétiques. Cependant, contrairement aux guerres balkaniques qui ont éclaté au plus fort du séisme géopolitique provoqué par la chute du mur de Berlin, la dissolution de l'URSS et du Pacte de Varsovie, cette guerre intervient après trois décennies d'hégémonie mondiale des États-Unis. La conclusion à tirer est qu'elle représente un nouvel exemple de l'incapacité du monde occidental, en particulier de celui dirigé par les États-Unis, à gérer le « moment unipolaire ».
Au cours des trente dernières années, la « nation indispensable » - comme l'a fièrement définie le président Clinton dans son deuxième discours inaugural le 20 janvier 1997 ( "L'Amérique est la seule nation indispensable au monde") - a démontré à maintes reprises cette incapacité. L'exemple le plus récent est l'abandon de l'Afghanistan après vingt ans de guerre. Cet abandon de l'Afghanistan après vingt ans de guerre, laisse derrière lui un pays dévasté et des milliers de morts, de blessés et d'invalides.
L'« opération militaire spéciale » - telle que définie par le Kremlin pour l'invasion du territoire ukrainien - qui a débuté le 24 février 2022, est sans aucun doute une réponse ferme de la Russie à la pénétration progressive de l'Occident dans la masse continentale eurasienne, en particulier à l'expansion de l'OTAN jusqu'aux frontières occidentales de l'État russe. Il s'agit d'une réponse prévisible, compte tenu du bref conflit russo-géorgien d'août 2008 et de l'annexion de la Crimée en 2014.
L'« Opération militaire spéciale » de 2022 met en évidence le manque de pertinence de l'UE en termes de planification de la sécurité, sa capacité limitée à définir un rôle géopolitique stabilisateur distinct dans le monde post-bipolaire et, en fin de compte, sa subordination totale et non critique aux États-Unis -son principal allié - et à l'OTAN. Cette guerre nous montre, une fois de plus, que l'UE ne sait pas se concevoir comme une entité autonome et indépendante en dehors du contexte occidental dominé par les États-Unis.
De plus, en ne comprenant pas ou en ne voulant pas comprendre le processus historique en cours, l'UE ne voit pas ce qui se passe à ses frontières et ce qui pourrait se produire dans un avenir immédiat. En conséquence, elle se retrouve constamment et dramatiquement mal préparée donc moralement coupable d'au moins quatre catastrophes qui persistent ou se sont produites dans son voisinage immédiat : a) les guerres balkaniques de 1991-2001 ; b) la déstabilisation de la Libye en 2011 ; c) la guerre russo-ukrainienne de 2022 ; d) la guerre israélo-palestinienne de 2023, sans parler de l'incapacité à trouver une solution au grave problème migratoire au cours des trois décennies qui se sont écoulées depuis son apparition.
Quant aux pays d'Europe de l'Est directement et indirectement impliqués, le conflit russo-ukrainien a montré, après trois décennies, que leurs classes dirigeantes - qu'elles soient politiques, économiques ou intellectuelles - enfermées dans leur néo-nationalisme étroit et à courte vue, ont été incapables de développer un projet régional autonome ou de présenter une proposition utile pour leur rôle géopolitique et géostratégique spécifique dans le nouveau contexte qui a émergé de la dissolution de l'Union soviétique, caractérisé par le processus concomitant de la mondialisation.
Prises entre la séduction exercée par Bruxelles et les pressions atlantiques exercées par Londres et Washington, d'une part, et la réinterprétation et la reconstruction de leurs identités nationales basées sur la russophobie, d'autre part, ces classes dirigeantes n'ont pas saisi l'opportunité historique offerte par l'effondrement soviétique: l'option de s'émanciper de l'Est et de l'Ouest, de se présenter comme une zone cohésive et autonome, jouant le rôle de pivot et de charnière entre les États membres de l'Union européenne et la Fédération de Russie.
La peur d'un voisin imposant, perçu comme dangereux et agressif (bien qu'au début des années 1990, la Russie pouvait difficilement être considérée comme un pays « dangereux » pour ses voisins), ainsi que les pressions de l'OTAN, ont conduit ces pays à adhérer d'abord à l'Alliance atlantique, puis à l'Union européenne. Les classes dirigeantes d'Europe de l'Est ont ainsi pris la décision peu subtile de quitter un camp - le camp russophile - pour un autre, le camp euro-atlantique, perdant ainsi une opportunité difficile à retrouver: celle de se positionner comme un centre d'échange et de compensation entre l'Est et l'Ouest.
L'Europe de l'Est, dans une perspective historique à moyen terme, est passée de la sphère d'influence soviétique à la sphère d'influence atlantique, c'est-à-dire de la cage du Pacte de Varsovie à la cage du Pacte atlantique, d'un maître à un autre. En choisissant de devenir l'extrême périphérie orientale du camp occidental hégémonisé par les États-Unis, cette partie de l'Europe a choisi de devenir un arc de crise permanent entre l'Occident et la Russie.
Choc des civilisations : cui prodest ?
Bien sûr, on pourrait objecter à ce qui a été écrit jusqu'ici que le conflit entre Moscou et Kiev s'inscrit dans un éventuel projet du Kremlin visant à rétablir la domination de Moscou sur un territoire ayant appartenu à l'Empire tsariste puis à l'Union soviétique... Certes, le discours public russe ne manque pas d'échos néo-impériaux (par ailleurs marginaux, mais remarquables par leur force mobilisatrice), dont certains sont même teintés d'un certain spiritualisme civilisationnel ambigu qui interprète l'affrontement actuel dans le langage fumeux de l'eschatologie. Cependant, ce projet possible, cette stratégie hypothétique du Kremlin ne résiste pas à une lecture moins émotionnelle et romantique des événements actuels et à une analyse de leurs causes, ainsi que, notamment, à une description plus objective et réaliste de la situation, des « valeurs » actuelles exprimées par la Russie et l'Occident.
Certaines précisions du président Poutine sur la supériorité des valeurs de la Russie par rapport à l'Occident - qui semblent à première vue reprendre les échos néo-impérialistes et civilisationnels évoqués plus haut - renvoient à l'affrontement dialectique avec les principaux représentants politiques du camp opposé (l'« Occident collectif »), qui assimilent le gouvernement de la Fédération à une autocratie de tradition tsariste, accusent le Kremlin de promouvoir des théories obscurantistes et d'exercer un régime liberticide et oppressif.
Plus importantes et pleines de réalisme politique sont les déclarations continues de Poutine, au moins depuis son discours à la Conférence de Munich (2007), sur la neutralité des régions voisines de la Fédération pour leurs besoins de sécurité.
Pour en revenir au prétendu désir du Kremlin de rétablir la Russie impériale ou une réédition de l'Union soviétique, il convient de noter que le récit néo-impérial et civilisationnel, paradoxalement, devient fonctionnel pour la stratégie américaine de maintien de l'équilibre mondial. L'hégémonie, aussi bien que largement et magistralement définie par les deux textes canoniques qui sont sans aucun doute ceux de Samuel P. Huntington et Zbigniew Brzezinski, auteurs respectivement de The Clash of Civilisations and the Reconstruction of the World Order (1996) et de The Grand Chessboard. La primauté américaine et ses impératifs géostratégiques (1997).
Si le Kremlin succombait à la tentation du récit civilisationnel « néo-impérial » et prenait, sur cette base, des décisions stratégiques, il tomberait irrémédiablement dans le piège du choc des civilisations, en s'exposant ainsi que l'ensemble de l'Eurasie. Elle s'exposerait à la multiplication des crises prévues par Brzezinski et au danger de fragmentation de son espace national et de tout le continent selon des lignes de fracture religieuses et ethnoculturelles: en fin de compte, elle réaliserait le rêve hégémonique et messianique des États-Unis, celui d'être la nation indispensable, l'unique dispensateur de civilisation et de valeurs.
De la guerre israélo-arabe au conflit Israël-Hamas
La guerre actuelle entre la bande de Gaza et l'État d'Israël, qui a débuté le 7 octobre 2023 avec l'opération Al Aqsa Flood voulue et organisée par le Hamas, à laquelle Israël a réagi rapidement en mettant en œuvre une réponse disproportionnée avec l'opération Iron Swords, est un épisode du conflit israélo-arabe plus large qui a débuté en 1948. Il constitue la troisième phase de l'affrontement direct entre Israël et Gaza. Elle fait suite aux opérations « Plomb durci » et « Bordure protectrice », lancées par Israël contre Gaza en 2008 et 2014, respectivement.
Il convient de revenir rapidement sur l'histoire de ce long conflit, dont la guerre actuelle constitue une partie importante, en raison de certains éléments qui la distinguent des épisodes précédents: l'asymétrie des belligérants, le nombre impressionnant de victimes, principalement des enfants, la passivité de la soi-disant communauté internationale et des pays arabes, l'hybridation entre guerre de religion et libération nationale, la stratégie de l'Axe de la résistance parrainée par l'Iran.
Les trois guerres de 1948, 1967 et 1973 sont des conflits entre des coalitions arabes et Israël. Ce sont des guerres qui expriment la volonté de certaines nations arabes de résoudre la question du peuple palestinien, par la confrontation militaire, après la proclamation de l'Etat d'Israël en 1948 par les autorités sionistes en Palestine. D'une certaine manière, ces guerres israélo-arabes sont issues de la Thawra Filasṭīn (Révolution palestinienne), la grande révolte des Arabes palestiniens, qui a duré environ trois ans, de 1936 à 1939, contre la politique de colonisation juive, permise par la Déclaration Balfour de 1917, adoptée par les Britanniques. La politique de colonisation a fait passer la population juive de 80.000 à environ 360.000 unités en seulement 18 ans, créant un bouleversement démographique et socio-économique majeur au détriment des populations autochtones. La Palestine, après la défaite de l'Empire ottoman et sa dissolution, a été gouvernée de 1920 à 1948 par les Britanniques (c'était la "Palestine mandataire") et s'étendait sur un territoire d'environ 28.000 kilomètres carrés. Après la partition de 1947, la naissance de l'État d'Israël et les résultats des trois guerres israélo-arabes (1948, 1967, 1973), le territoire de la Palestine sous mandat britannique est aujourd'hui divisé entre Israël (20.770 km²) et l'État de Palestine (6020 km²), qui comprend la Cisjordanie (5655 km²) et l'ancienne bande de Gaza (365 km²).
Après les résultats décevants des trois guerres israélo-arabes mentionnées ci-dessus, les coalitions arabes, pour diverses raisons, se sont effondrées et la population palestinienne a été, pour ainsi dire, laissée à elle-même. En effet, l'Égypte et la Jordanie sont parvenues à un accord avec Israël et ont signé des traités de paix avec l'État juif en 1979 et 1994 respectivement. La Syrie, le Liban et l'Irak n'ont pas reconnu l'État d'Israël et ont continué à soutenir la cause palestinienne.
Depuis la guerre du Kippour (1973), la résistance palestinienne s'est exprimée de manière asymétrique et par des actions sporadiques, dont les épisodes les plus marquants ont été les soulèvements longs et sanglants qui sont entrés dans l'histoire sous le nom d'intifadas : la première intifada ou intifada des pierres, qui a débuté le 8 décembre 1987 et s'est achevée environ six ans plus tard, le 13 juillet 1993, et la deuxième intifada ou intifada al-Aqsa, qui a débuté en 2000 et s'est achevée en 2005.
C'est précisément avec les intifadas, en particulier celle de 1987, que la résistance palestinienne la plus radicale commencera à s'opposer à l'État d'Israël non seulement dans le contexte d'une lutte de libération nationale, mais aussi en termes de guerre de religion. C'est précisément le cas de l'organisation islamiste d'inspiration sunnite Hamas, née lors de la première intifada et qui est parvenue, à partir du second semestre 2007, à contrôler la bande de Gaza. C'est également le cas de l'organisation islamiste libanaise Hezbollah, d'inspiration chiite.
Le passage du modèle traditionnel des luttes de libération nationale, fondé sur le principe de l'autodétermination des peuples, qui a connu un franc succès lors de l'indépendance de l'Algérie et de la Tunisie et a constitué une référence théorique pour l'OLP, à la pratique de la « guerre sainte » est dû à plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, il est important de souligner les influences croissantes de l'Iran, surtout après la conclusion de la guerre avec l'Irak, et des Frères musulmans sur les organisations politiques palestiniennes. Si, jusqu'en 1973, la lutte pour l'établissement d'un État palestinien impliquait des acteurs étatiques, c'est-à-dire les principaux États de la région (Égypte, Jordanie, Syrie, Liban), aujourd'hui, elle implique principalement des organisations radicales et idéologiquement motivées qui participent à l'axe de la résistance. Leur objectif n'est pas seulement la libération de la Palestine, mais la lutte totale contre Israël et les influences politiques des États-Unis et d'Israël lui-même dans la région du Proche et du Moyen-Orient.
La disparité criante des forces et du soutien international entre Israël - qui bénéficie, rappelons-le, du soutien des États-Unis et de tout l'Occident - et la bande de Gaza, qui jouit d'un soutien régional aussi radical que fragmenté, réactualise tragiquement le principe biblique. La lutte entre le géant Goliath et David.
Les deux guerres en cours et la transition unimultipolaire
Les deux guerres en cours constituent deux foyers de crise situés dans des régions spécifiques de la masse eurasienne capables de réécrire les structures géopolitiques mondiales.
Une déstabilisation prolongée de ces zones, ainsi que d'éventuels foyers de tension dans d'autres parties de la masse continentale eurasienne, comme l'Indo-Pacifique ou l'Asie centrale, pourraient contribuer à une transition complexe d'un ordre unipolaire dominé par les États-Unis vers un monde plus équilibré, orienté vers la maîtrise de la concurrence entre les nations et la promotion de la coopération internationale.
La crise russo-ukrainienne représente un premier facteur d'exacerbation de la fracture entre l'Europe continentale et centrale-orientale et la Fédération de Russie. En effet, elle finit par éloigner les possibilités de collaboration entre la Russie, riche en énergie, et les pays européens hautement industrialisés mais dépendants de l'énergie. Elle retarde également la nécessité de développer une architecture de sécurité commune. Les principaux bénéficiaires de cette fracture potentielle durable entre l'Europe et la Russie semblent être les États-Unis, tant sur le plan géopolitique que géostratégique.
La crise persistante et récemment ravivée en Palestine constitue un deuxième facteur qui, à long terme, complique la transition d'un ordre unipolaire à un ordre multipolaire, en raison également de l'équidistance actuelle entre des acteurs mondiaux tels que la Russie, la Chine et l'Inde. Hypothétiquement, si d'un côté une attitude pro-Gaza de ces trois pays et du Sud global pourrait accélérer le processus de transition, d'un autre côté elle pourrait augmenter le risque d'un conflit généralisé, voire le déclencher avec des conséquences imprévisibles. En impliquant indirectement les puissances régionales de ce que l'on appelle le Sud mondial, telles que l'Iran, la Syrie et, à certains égards, la Turquie d'Erdogan (qui s'est récemment démarquée de l'Occident dirigé par les États-Unis), l'éclatement de la crise israélo-palestinienne actuelle entraverait la capacité de ces pays à s'engager activement dans la construction d'un nouveau système multipolaire ou polycentrique. En outre, le maintien de cette situation critique et fortement déséquilibrée en faveur d'Israël donnerait aux États-Unis l'occasion d'utiliser Israël comme une force armée (et nucléaire) stabilisatrice dans la région du Proche et du Moyen-Orient. Israël se positionnerait ainsi comme un pilier nécessaire - en synergie avec la Turquie ou comme une alternative à Ankara si cette dernière poursuivait son excentricité vis-à-vis de l'alliance atlantique - de la politique américaine en Méditerranée orientale et au Moyen-Orient. Une fois de plus, parmi les acteurs mondiaux, le principal bénéficiaire géopolitique semble être la puissance étrangère.
Comme indiqué, l'application du modèle de l'arc de crise pour comprendre les guerres actuelles nous permet de les analyser dans le contexte de la transition d'un ordre unipolaire à un ordre généralement multipolaire. Elle souligne également la nécessité pour la puissance déclinante, les États-Unis - visiblement en crise en raison de la perte du rôle hégémonique qu'ils ont joué jusqu'à présent au profit de nouveaux acteurs tels que la Chine et l'Inde - d'adopter une stratégie généralisée visant à promouvoir les zones de tension (la géopolitique du chaos) dans la masse eurasienne. Comme on pouvait s'y attendre, ce scénario s'étendrait également à l'Afrique pour contrer les influences russes et chinoises, dans le but d'entraver, voire de priver de pouvoir, ceux qui façonnent le nouvel ordre mondial.
En conclusion, le modèle des foyers de crise nous aide à comprendre la transition de l'unipolarité à la multipolarité, qui est encore en cours de définition. De ce point de vue, les « centres de crise » semblent être fonctionnels à la stratégie américaine visant à ralentir la transition en cours vers un système multipolaire et à prolonger l'hégémonie unipolaire de Washington.
20:03 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, géostratégie, multipolarité, russie, ukraine, israël, hamas | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 18 octobre 2024
La loi de la subjectivité géopolitique (A. Douguine)
La loi de la subjectivité géopolitique
Alexandre Douguine
Un examen attentif de la carte de Halford Mackinder, à laquelle on devrait constamment se référer dans l'analyse géopolitique des questions théoriques générales, et aussi des questions plus spécifiques et locales, car elle permet de se rendre compte de la grande importance de la figure de l'« observateur » ou de l'« interprète » en géopolitique.
Dans la théorie de la relativité, la mécanique quantique, la linguistique structurelle et la logique moderne, l'importance de la localisation du sujet par rapport aux processus examinés est décisive: selon l'endroit et la manière dont l'« observateur » (l'« interprète ») est situé, la qualité, l'essence et le contenu des processus examinés changent. La dépendance directe du résultat par rapport à la position du sujet dans les sciences modernes - naturelles et humaines - est considérée comme une valeur de plus en plus importante.
En géopolitique, la position du sujet est généralement le critère principal - dans la mesure où les méthodologies, les principes et les modèles géopolitiques eux-mêmes changent à mesure que le sujet passe d'un segment de la carte géopolitique du monde à un autre.
En même temps, la carte elle-même reste commune à toutes les géopolitiques, mais c'est la localisation de l'« observateur » qui détermine de quel type de géopolitique il s'agit. Pour souligner cette différence, on parle parfois d'écoles géopolitiques. Mais contrairement à d'autres écoles scientifiques, la différence est ici beaucoup plus profonde.
Chaque « observateur » (c'est-à-dire chaque « école ») en géopolitique voit la carte géopolitique générale du point de vue de la civilisation dans laquelle il se trouve. Par conséquent, dans son analyse, il reflète non seulement telle ou telle orientation de la science géopolitique, mais aussi les principales propriétés de sa civilisation, ses valeurs, ses préférences et ses intérêts stratégiques, en grande partie indépendamment de la position individuelle du scientifique. Dans une telle situation, il convient de faire la distinction entre l'individualité d'un géopolitologue et sa subjectivité. Par commodité, cette subjectivité peut être appelée subjectivité géopolitique.
La subjectivité géopolitique est un facteur d'appartenance obligatoire du géopolitologue (à la fois personnellement et du point de vue de son école) au segment de la carte géopolitique auquel il appartient par des circonstances naturelles de naissance et d'éducation ou par un choix volontaire conscient. Cette appartenance conditionne toute la structure du savoir géopolitique avec lequel il devra composer. La subjectivité géopolitique forme l'identité civile du scientifique lui-même, sans laquelle l'analyse géopolitique serait stérile, sans système de coordonnées.
La subjectivité géopolitique est collective et non individuelle. Le géopolitologue exprime son individualité en interprétant à sa manière certains aspects de la méthodologie scientifique, en effectuant des analyses, en mettant des accents, en soulignant des priorités ou en faisant des prédictions; mais la zone de liberté individuelle de la créativité scientifique est rigidement inscrite dans le cadre de la subjectivité géopolitique, que le géopolitologue ne peut pas franchir, parce qu'au-delà commence une configuration complètement différente de son espace conceptuel. Bien sûr, l'individu géopolitique peut exceptionnellement changer d'identité et passer à une autre subjectivité géopolitique, mais cette opération est un cas exceptionnel de transgression sociale radicale, comme le changement de sexe, de langue maternelle ou d'appartenance religieuse. Même si une telle transgression se produit, la personne géopolitique ne se retrouve pas dans un espace individuel de liberté, mais dans un nouveau cadre défini par la subjectivité géopolitique dans laquelle elle est entrée.
20:14 Publié dans Définitions, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : définition, géopolitique, alexandre douguine, théorie politique, philosophie politique, politologie | | del.icio.us | | Digg | Facebook