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lundi, 16 décembre 2024

Le progressisme est aussi un libéralisme (et c'est pourquoi il n'a pas de critiques fondamentales à formuler à l'encontre de Milei)

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Le progressisme est aussi un libéralisme (et c'est pourquoi il n'a pas de critiques fondamentales à formuler à l'encontre de Milei)

Andrés Berazategui, diplômé en relations internationales et analyste géopolitique, a analysé dans POLITICAR les implications du progressisme dans le libéralisme et le rôle qu'il joue dans l'opposition au gouvernement de Javier Milei.

Andrés Berazategui

Source: https://politicar.com.ar/contenido/344/el-progresismo-tam...

Le progressisme est aussi un libéralisme

Lorsque l'on examine les critiques formulées par les progressistes à l'encontre du président Javier Milei, on constate que les questions qu'ils posent à son gouvernement sont peu approfondies. En général, au-delà de la polémique relatives à des mesures concrètes, comme cela se produit dans tous les systèmes politiques où il y a une opposition, il n'y a pas de jugements contre les piliers idéologiques du libertarisme, c'est-à-dire les fondements philosophiques sur lesquels Milei agit et qui expliquent ses prises de décisions - qui ne sont pas aussi irrationnelles que le croient ses ennemis les plus acharnés -.

Les critiques formulées par les progressistes se limitent aux manières et aux expressions habituelles du président dans ses déclarations publiques, le qualifiant d'autoritaire, d'agressif, de dérangé, etc. C'est peut-être tout cela et même pire, mais ce qui doit nous importer, pour une critique féconde qui permette de démonter les erreurs et les faussetés libertaires, c'est d'analyser la rationalité qui guide Milei et la structure mentale qui sert de cadre à l'émergence de cette rationalité. Et là, le progressisme n'a pas grand-chose à dire.

Il se trouve que le progressisme est aussi une sorte de libéralisme. C'est la raison principale qui explique l'incapacité d'une grande partie de la gauche à mener une critique radicale du libertarisme. Nous entendons par là la gauche postmoderne en général et la gauche qui vit dans et de l'appareil culturel en particulier. Cela ne veut pas dire que le libertarianisme et le progressisme sont exactement les mêmes, mais en tant que deux variantes du libéralisme, ils ont plus en commun que ce qu'ils veulent bien reconnaître.

Certes, ils sont différents dans leurs stratégies respectives de croissance politique et dans les sujets sociaux qu'ils cherchent à « interpeller », comme ils le disent aujourd'hui. Ils ont donc des revendications et des symboles différents. Néanmoins, nous pouvons constater qu'il s'agit dans les deux cas de différentes manières de participer au jeu  à partirdu même point de départ: l'individualisme anthropologique, un aspect crucial qui conduit les libéraux de droite et de gauche à partager les dynamiques qui sont le produit de l'intronisation de l'autonomie individuelle, de la confiance aveugle dans le progrès et d'une rationalité calculatrice orientée vers la maximisation des profits, que ceux-ci naissent de l'appât du gain, comme dans le cas des néolibéraux et des libertariens, ou de la recherche de la reconnaissance, comme dans le cas des progressistes.

Pour revenir aux différences, la droite libérale - dans sa variante néolibérale ou libertaire plus radicale - recherche un Etat minimal, la maximisation du profit et une vision punitive de la sécurité. Ce dernier point est logique: une croissance économique sans répartition équitable des richesses et un État faible ou absent pour garantir l'accès aux biens et services fondamentaux génèrent nécessairement une inégalité irritante; une inégalité qui produit non pas un monde où certains ont beaucoup et d'autres moins, mais un monde où peu ont presque tout et où beaucoup n'ont même pas accès aux biens, aliments et services de base qui leur permettent de vivre dignement.

Qu'est-ce qui peut en résulter, sinon des zones de forte tension interpersonnelle, de marginalité et de surpeuplement ? Un scénario idéal pour la propagation de la violence nuisible et de la criminalité dans ses pires manifestations. Dans ce contexte, il est logique que les libéraux de droite réclament plus de police et de prisons. Ils ne sont pas prêts à s'atteler à la tâche pour mettre fin au terreau social dans lequel la violence se manifeste sous son plus mauvais jour. La droite libérale a souvent aussi une branche conservatrice, ce qui est absurde puisque le conservatisme, en promouvant aussi le libéralisme, défend un système qui sape les fondements communs (c'est-à-dire collectifs) des valeurs qu'il prétend défendre. Le conservatisme est donc impuissant, préoccupé par sa morale de pacotille de défense d'une identité nationale faite de poncho et de matelot, et indigné par ce qu'il perçoit comme des atteintes à des « traditions » qu'il ne définit jamais.

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Le progressisme, quant à lui, interroge l'exclusion sociale en faisant appel à la construction de sujets qui expriment des singularités identitaires, c'est-à-dire à une multiplicité de minorités où c'est précisément l'individualité qui s'exprime. La gauche postmoderne défend autant de minorités et de diversités que possible, c'est-à-dire toutes les exclusions qui existent, et pas seulement (ni même principalement) celles qui sont le produit de la détérioration du travail et de l'économie.

Ainsi, ce qui a commencé comme la lutte des LGBT en référence à la diversité des genres, par exemple, est aujourd'hui désigné par l'acronyme LGBTIQ+ et, de temps à autre, une nouvelle lettre est ajoutée en guise de revendication. Les personnes qui intègrent des identités diverses ne manquent pas, puis apparaissent les trans afro-mapuches, les gros bruns ou autres. 

Mais comme l'émergence de singularités fondées sur l'expression individuelle n'en finit pas, les minorités sont finalement prises au piège de la dynamique logique de ceux qui cherchent à maximiser les bénéfices: la dynamique de la concurrence. En l'occurrence, il s'agit de savoir qui est le plus singulier, le plus exclu ou le plus opprimé. En d'autres termes, la gauche post-progressiste est en compétition pour la visibilité et la reconnaissance, raison pour laquelle toute une stratégie de victimisation est née de ces secteurs: plus je suis exclu, plus j'ai besoin de me rendre visible et plus j'exige des demandes d'« extension des droits ».

Ainsi, il est récurrent de voir dans cette gauche un certain anti-ouvriérisme qui étonne les marxistes d'antan, puisque les travailleurs s'intéressent encore à la défense de communautés éthiques comme la famille, les groupes d'amis ou leurs syndicats, et n'ont apparemment pas encore parmi leurs priorités le multiculturalisme et les débats sur la déconstruction du genre.

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Il semble que l'on se moque de l'histoire. Les Grecs anciens enseignaient que les hommes sont motivés par trois finalités: l'intérêt personnel, la reconnaissance et la survie. Dans le monde contemporain, les libéraux de droite mettent l'accent sur la recherche de l'intérêt personnel et les libéraux de gauche sur la recherche de la reconnaissance, tandis que des foules immenses luttent pour survivre. Cependant, il est clair pour nous que l'autonomie individuelle est l'alpha et l'oméga de la vision libérale du monde, et cela est partagé par tous les libéralismes occidentaux, qu'ils soient conservateurs, néolibéraux, libertaires, progressistes, postmodernes, défenseurs des minorités, etc. Le philosophe russe Alexandre Douguine a raison: en Occident, on peut être tout sauf que l'on reste libéral. On peut être de gauche, de droite, du centre, mais tous, dans le statu quo des systèmes politiques occidentaux, sont libéraux.

La critique fondamentale à l'encontre du gouvernement de La Libertad Avanza ne peut donc pas venir des secteurs progressistes parce qu'ils partagent avec Javier Milei les fondements anthropologiques individualistes du libéralisme. Comme si cela ne suffisait pas, la gauche post-moderne, au-delà de quelques questions purement esthétiques, a même laissé de côté le vieux marxisme. Certes, le communisme était lui aussi une idéologie issue des Lumières, mais cela leur aurait au moins permis de se rendre compte que les idéologies dominantes sont les idéologies des classes dominantes.

Et le progressisme préfère ignorer cette vérité fondamentale, si bien que loin de remettre en cause le système actuel et ses piliers - primauté de l'autonomie individuelle, maximisation rationaliste, confiance dans le progrès - il se consacre à essayer de construire des sujets qui lui permettront de se mouvoir dans ce système, qu'il reconnaît au fond comme triomphant. Pour la gauche déconstruite, la lutte pour le prolétariat, la classe ou même le peuple, sujets d'un passé tissé de « grands récits » qu'elle a fini par abandonner, a été jetée aux orties. Le progressisme interpelle de nouveaux acteurs fondés sur la reconnaissance et l'identité, des collectifs qui expriment des singularités et revendiquent une visibilité, s'inscrivant parfaitement dans le monde de la concurrence et du profit. Le monde que le capitalisme a construit et façonné.

 

jeudi, 01 août 2024

Le progressisme, arrière-garde armée du néolibéralisme

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Le progressisme, arrière-garde armée du néolibéralisme

par Andrea Zhok

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/28596-andrea-zhok-il-progressismo-retroguardia-armata-del-neoliberismo.html

Ce matin, j'ai reçu une publicité du magazine MicroMega, un magazine progressiste par excellence, auquel j'ai également contribué par le passé. La communication annonçait la sortie, en librairie et en ligne, du nouveau volume intitulé « Contre la famille. Critique d'une institution (anti-)sociale ».

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Je cite ci-dessous le commentaire introductif.

"La famille en tant qu'institution sociale est, depuis peu, un objet d'analyse et de critique. Au cours de l'histoire, son dépassement a été l'objectif tant de projets d'émancipation fondés sur une idée de partage de la propriété et du travail, que de projets politiques totalitaires, qui voyaient en elle et dans les affiliations et loyautés qui la composent un obstacle à la relation entre les citoyens et l'État".

Il ne fait aucun doute que nous sommes aujourd'hui confrontés à un retour en force de la rhétorique de la famille et des liens du sang. Que signifie donc aujourd'hui se proclamer « contre la famille », comme MicroMega a choisi d'intituler le quatrième volume de cette année 2024, disponible en librairie à partir du 25 juillet ?

Certainement pas remettre en cause les liens d'affection et d'entraide qui se créent au sein de la famille, mais se concentrer et analyser de manière critique tous ses aspects anti-politiques et anti-sociaux: Le FAMILISME AMORAL; la TENDANCE À MINIMISER L'AUTORITÉ ET LA CRÉDIBILITÉ DES ÉCOLES, dans le désir d'être le seul organisme d'éducation de leurs enfants; le rôle joué dans la TRANSMISSION DES RÔLES RIGIDES DE GENRE; la CONCENTRATION DES GRANDS CAPITAUX TRANSMIS PAR L'HÉRÉDITÉ entraînant l'immobilisme social. ... D'autre part, ce sont très souvent les carences de l'État qui poussent les individus à se réinstaller au sein de la communauté la plus proche, en premier lieu la famille, dans un cercle vicieux qu'il convient de briser pour garantir le plein droit de chacun à l'épanouissement de sa propre personnalité [souligné par moi].

Un commentaire s'impose, qui examine en détail les allégations susmentionnées à l'encontre de l'ordre familial. Je pense qu'il est utile de montrer comment cette position exposée par MicroMega représente, sous une forme emblématique, certaines des raisons sous-jacentes pour lesquelles le progressisme culturel est devenu, dans le contexte contemporain, une entité socialement destructrice, politiquement dissolvante et éthiquement catastrophique.

L'attaque contre l'institution familiale dans les cercles progressistes ou « de gauche » n'est bien sûr pas nouvelle, mais comme toujours dans les développements culturels, le contexte dans lequel une thèse est proposée et développée n'est pas moins important que les thèses elles-mêmes.

Dans le contexte du 19ème siècle où s'est développée la critique de l'institution familiale, certaines des thèses rappelées ici, comme la référence au familialisme amoral, ont pu avoir une base relative.

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Rappelons que le concept de « familialisme amoral » a été introduit par le politologue américain Edward C. Banfield dans son livre The Moral Basis of a Backward Society (1958), fruit d'un séjour de neuf mois dans le village de Chiaromonte (Basilicate). Cette expérience a apparemment permis à Banfield de tirer des conclusions de valeur générale sur le rôle négatif de la famille nucléaire en tant que porteuse de retard socio-économique, en raison de son égoïsme inhérent. Soixante-dix ans plus tard, le manque de rigueur de l'analyse de Banfield, 188 pages dépourvues de toute analyse historique ou comparative digne d'intérêt, est manifeste. Mais cela n'enlève rien au fait que le concept de familialisme amoral a réussi à se répandre comme l'une des nombreuses barres de fer utilisées pour démanteler toute légitimation de l'ordre familial. Que la famille nucléaire, dans des conditions historiques spécifiques, puisse assumer un rôle éminemment défensif et autoréférentiel est certain, mais que cela soit en quelque sorte une caractéristique qualifiante de la famille nucléaire et de ses loyautés internes, c'est un non-sens indéfendable. Quoi qu'il en soit, dans une phase d'expansion de la société moderne, dans laquelle, au moins en principe, les institutions étatiques structurées commençaient à faire leur place, il aurait pu être plausible de voir dans une certaine résistance et méfiance à l'égard des structures familiales traditionnelles un facteur restrictif, « régressif ». Le prototype de cette fonction régressive pourrait être un modèle de familialisme visible dans certaines formes de criminalité organisée (le familialisme du type « Parrain »). Mais la vraie question ici est de comprendre dans quelle mesure la « famigghia » de Vito Corleone représente dans l'Europe du 21ème siècle un véritable facteur de déstabilisation antisociale. L'impression est qu'une certaine intelligentsia puise ses sources sur la réalité sociale plus dans Netflix que dans un regard sur la réalité environnante.

Le deuxième reproche grave que MicroMega croit devoir faire à la famille est celui de « saper l'autorité et la crédibilité de l'école » (OK, ne riez pas). Là encore, nous nous trouvons dans un contexte analytique qui semble né dans la société des années 1960. Nous semblons avoir autour de nous des familles solides et imperméables, mais avec des taux d'analphabétisme élevés, qui font obstacle aux lumières de la raison apportées par la nouvelle école. En effet, alors qu'il y a soixante ans, on pouvait soutenir une fonction déprovincialisante et formatrice de l'école publique, celle-ci est aujourd'hui assaillie par des programmes hétérodirigés, américanisés, très idéologiques, avec simultanément une réduction des connaissances au profit des « compétences » (l'externalité des attitudes et des comportements). Dans le même temps, les familles sont de plus en plus impuissantes et accablées, assaillies à leur tour par des « écrans » omniprésents qui « éduquent » leurs enfants 24 heures sur 24 aux valeurs de TikTok et de Walmart. Les intellectuels de MicroMega ont l'air d'avoir décongelé, d'être entrés dans un congélateur lorsque le « maestro Manzi » passait à la télévision.

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La troisième accusation est complémentaire de la seconde: la famille jouerait un rôle régressif parce qu'elle serait complice de la « transmission de rôles rigides de genre ». Or, outre le fait qu'il est fort douteux que cela corresponde en partie à la réalité d'aujourd'hui, la vraie question est la suivante: à qui incomberait exactement l'éducation des enfants en matière d'affectivité ou d'horizon d'attente en matière de sexe et de genre ? À MicroMega ? À Fedez ? À MinCulPop ? Au Kibboutz ? Aux Soviétiques ? à l'Agenda 2030 ? Sont-ils effleurés par le doute que l'idée de posséder une sagesse supérieure sur des questions telles que l'affectivité primaire est ouvertement autoritaire ?

Le quatrième réquisitoire est peut-être le plus cocasse: la famille favoriserait l'immobilité sociale parce qu'elle encourage la concentration du capital par l'héritage. Sortant de leur congélateur du 19ème siècle, les intellectuels de MicroMega ont bien les Buddenbrook sous les yeux. Ils imaginent des familles de capitalistes au chapeau haut de forme, à l'éthique de travail protestante, transmettant l'entreprise familiale et le capital à leurs descendants de sang. Le caractère anonyme des multinationales et des fonds d'investissement d'aujourd'hui semble leur avoir échappé. De plus, le modèle familial qui a alimenté la concentration du capital n'est même pas le capitalisme du 19ème siècle. Il faut remonter au majorat - aboli avec le Code Napoléon - où seul l'aîné héritait (pour éviter le morcellement du capital). Ici, imaginer qu'aujourd'hui la tendance du capital à se concentrer dans un régime capitaliste est due à l'héritage familial est une indication frappante de la façon dont la gauche ne manie même plus les éléments d'économie dont elle s'enorgueillissait autrefois.

Et d'ailleurs, si cette tendance existait, si nous étions encore au milieu des majorats, le problème serait évidemment ce que la législation permet, et certainement pas l'existence d'un système familial.

Bref, l'attaque en règle contre la famille que MicroMega croit devoir mener est motivée par un ensemble de prétextes insoutenables. Mais la motivation réelle et profonde est celle qui apparaît dans les considérations finales ci-dessus, et il s'agit d'une motivation purement IDEOLOGIQUE: la famille est l'une des « communautés les plus étroites », que les pseudo-lumières progressistes (en réalité le néo-libéralisme inconscient) exigent de briser afin de « garantir à chaque personne l'épanouissement de sa personnalité ».

Au-delà du caractère « antisocial et antipolitique » de la famille, l'ordre familial, et l'ordre communautaire en général, sont un scandale pour la gauche néolibérale d'aujourd'hui car ils ne correspondent pas aux exigences de l'individualisme mercantile, seule dimension de la liberté qu'elle est encore capable d'imaginer.

Le modèle de liberté qu'ils proposent est le rêve humide du grand capital auquel ils prétendent s'opposer. Ils rêvent d'individus déracinés, isolés, qui se consolent en se promenant dans ce grand supermarché qu'est devenu le monde occidental. Ils rêvent d'individus fragiles, fluides et donc prêts à être placés sans résistance dans tous les coins et recoins de la machinerie mondiale. Ils collaborent activement à la dissolution de toute identité stable, collective autant que personnelle, qui pourrait servir de rempart à la liquéfaction des rapports marchands.

Je ne sais pas si cette opération est le résultat d'une complicité flagrante avec le paradigme néolibéral, ou si elle n'est que le signe d'une dramatique inconscience culturelle, mais en fin de compte, cela importe juste ce qu'il faut : les intentions ne comptent pas beaucoup, et ce qui reste dans la mémoire future n'est qu'une contribution de plus à la dégradation en cours.

jeudi, 21 septembre 2023

Contre les "progressistes"

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Contre les "progressistes"

Carlos x. Blanco

Le lecteur connaît déjà une série d'écrits de ma part, certains déjà anciens, tous destinés à dénoncer une grave imposture. L'imposture de ce qu'on appelle aujourd'hui "gauche", "progressisme", "éveil" (woke), etc. C'est toute une galaxie d'activistes, de leaders, d'enseignants, d'écrivains, de "penseurs" qui s'arrogent la possession absolue de la vérité et qui exercent de manière hégémonique et parfois totalitaire le pouvoir de censure ("culture de l'annulation" ou "cancel culture"). Les moins avisés ne peuvent manquer de remarquer un fait fondamental, qui s'impose d'emblée comme une réponse immédiate à la question suivante : qu'ont en commun des personnages et des approches aussi variés, apparemment si contradictoires entre eux ? Le capital. Le capital les finance et les met en œuvre.

Le progressisme, la "nouvelle gauche" post-moderne et "réveillée" se caractérise par :

(a) Un anti-marxisme forcené. La plupart d'entre eux font un usage partiel, ignorant ou tordu de l'héritage théorique ou scientifique de Marx et Engels. Ils nient le concept de classe et donc de lutte des classes. Ils le dénaturent en le subordonnant au concept de lutte identitaire (racialisée, sexiste, ethnique). Ils tentent de nous faire avaler un ragoût toxique: ils disent que l'identité ( ?), souvent indéfinie, est plus importante que la conscience de classe et l'exploitation d'une classe sur une autre. Ainsi, sous un habillage prétendument progressiste, ils reviennent aux pires méthodes du suprémacisme. Une race autrefois opprimée et asservie doit maintenant être la maîtresse de nos destinées. Un "genre" autrefois opprimé et exploité doit maintenant être privilégié. Un peuple ou une nation prétendument colonisé(e) dans le passé doit maintenant mettre ses bottes sur les nations autrefois dominantes. L'infantilisme et le crypto-fascisme de cette nouvelle gauche sont vraiment effrayants. Elle admet que le Blanc, le mâle, l'Européen, l'Espagnol, l'habitant du présent, possède une tache générique, un péché originel qui doit être lavé en raison des outrages commis par ses ancêtres et congénères il y a plusieurs siècles ou décennies. Ce suprémacisme qui fait porter aux populations d'aujourd'hui la "culpabilité" des exactions et des génocides du passé est intolérable. Un tel enfantillage nous conduit dans les ténèbres, et plus encore si l'on considère que la perspective de classe est délibérément occultée. C'est une classe exploitée (et en tant que classe, elle est multiraciale et composée de personnes des deux sexes) qui doit s'élever contre l'exploiteur. C'est le capitalisme qui produit le rêve de la raison et tous ses monstres, y compris le racisme, le colonialisme des peuples ou l'aliénation des femmes.

b) L'absence absolue de remise en cause du régime capitaliste dans sa version néo-libérale. De forts soupçons pèsent sur la gauche identitaire, post-moderne ou woke, anti-ouvrière, bourgeoise, financée par les grandes fondations d'ingénierie sociale, qui étendent leurs tentacules partout, y compris dans les partis politiques, les universités, les gestionnaires culturels, etc. Beaucoup d'argent a été investi pour enterrer la théorie de la valeur travail, le cœur du marxisme, dans l'oubli. La lutte idéologico-culturelle a été déconnectée de la lutte syndicale et de la lutte pour la souveraineté économique.

En Espagne, cela se voit très bien : qui finance toute cette pléthore de sites web et de plumes qui se consacrent à voir le fascisme partout, sauf chez Soros, chez les GAFAM, chez les fonds vautours et les banques habituelles? Qui se consacre à distribuer des cartes de fasciste ou de progressiste, selon le cas, comme s'il s'agissait du jugement divin à la fin des temps? Le système néolibéral paie 90% de ce qui est écrit sur le "progressisme". Je lis déjà de multiples articles de gauchistes (c'est ainsi qu'ils se présentent) assimilant Marx et le "travaillisme" au fascisme. Il en va de même pour les tentatives d'"annulation" d'autres auteurs qui, sans être strictement marxistes, défendent, avec d'authentiques marxistes, une perspective souverainiste espagnole (M. Gullo, Pedro Baños, etc.).

Il faut dénoncer la pseudo-gauche qui tente de nous refiler l'Agenda 2030 et le "monde sans frontières". De même, les gourous de la mort du travail et les partisans de l'oisiveté et de la "soupe universelle". Le marxisme espagnol doit être reconstruit dans une perspective souverainiste, au moyen d'un État du travail qui réalise une insubordination, c'est-à-dire qui se réindustrialise avec le protectionnisme et la déconnexion programmée (Gullo, S. Amin, Fusaro).

jeudi, 10 novembre 2022

L'invention du progrès

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L'invention du progrès

Roberto Pecchioli

Source: https://www.ereticamente.net/2022/10/linvenzione-del-progresso-roberto-pecchioli.html

Bien creusé, vieille taupe ! s'exclame Hamlet à la vue du fantôme de son père, apparaissant au prince du Danemark si loin de son lieu de sépulture. Bien creusé, vieille taupe, Karl Marx réitérera dans Le dix-huit brumaire de Louis Napoléon, confiant dans l'esprit de la révolution prolétarienne.

La taupe qui a creusé le plus profondément est l'idée de progrès, née au 18ème siècle et devenue le totem et le tabou de la modernité occidentale. Elle est apparue lorsque le besoin s'est fait sentir d'attribuer à l'homme, vidé de tout contenu religieux, un destin ayant une signification matérielle. L'invention du progrès est devenue une idéologie, à tel point que des partis et des forces culturelles se disent progressistes et que ceux qui ne sont pas de leur acabit éprouvent le besoin de se justifier, de circonscrire ou de nier leur opposition.

Comment échapper à l'idée de progrès, à son avancée inexorable, à opposer ce qui signifie opposer au progrès de l'humanité, au mouvement positif vers des degrés ou des stades supérieurs, le concept implicite de perfection, d'évolution, de transformation continue vers le mieux.

L'optimisme du 19ème siècle faisait écrire à Giuseppe Mazzini : "Nous savons aujourd'hui que la loi de la vie est le progrès, avec un abus de majuscules. Le progrès, c'est le sens de l'Histoire (encore une capitalisation ; mais le sens de l'Histoire existe-t-il ?), la voie définie, l'Évangile du Bien et du Juste. Quiconque se met en travers du chemin ne peut être qu'un fou, un perturbateur insensé dont la parole doit être retirée. L'écouter reviendrait à marcher à reculons, à se reléguer en deuxième division : régresser. Le progrès est la lumière, toute objection est l'obscurité. En bref, être progressiste est un devoir, une évidence, une foi matérielle séculaire. Comme la phrase sur l'amour gravée sur les bagues des fiancés : plus qu'hier, moins que demain.

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Le destin de l'humanité est "magnifique et progressif". Celui qui ne le croit pas est un maudit réactionnaire, une épave du passé qui ne mérite pas d'être réfutée : le sens et la direction positive du progrès sont indiscutables, semblables à certains postulats mathématiques non prouvés dont la validité est admise a priori, ou à des axiomes, principes supposés vrais parce qu'ils sont considérés comme évidents ou parce qu'ils constituent le point central d'un cadre de référence théorique.

Pas du tout. Et la réfutation ne vient pas d'un louangeur invétéré des temps anciens ou de l'Unabomber, mais de l'un des intellectuels de "gauche" les plus lucides, Christopher Lasch, l'auteur de La culture du narcissisme et de La rébellion des élites. Appliquons à l'historien et sociologue américain (1932-1994), pour des raisons de commodité, la catégorisation droite-gauche qu'il a toujours rejetée. Lasch était plutôt un populiste amoureux des cultures populaires, un socialiste sui generis et avant tout un intellectuel libre. Dans Le paradis sur terre - un titre très polémique - il déclare que le point de départ de sa réflexion est la question suivante : "comment se fait-il que tant de personnes sérieuses continuent à croire au progrès, alors que la masse des preuves aurait dû les amener à abandonner cette idée une fois pour toutes" ?

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Les idées reçues et adoptées ont la vie dure, et le progrès est l'idée maîtresse de la culture de masse. Un remarquable malentendu, voire un clignotant pour ceux qui ont grandi dans les idées marxistes, qui ne parlent pas du tout de progrès, mais de libération des chaînes du capitalisme, dont l'idée directrice est la nécessité de révolutionner continuellement la société. Même Proudhon a mis en garde contre l'optimisme insensé de ceux qui confondent le progrès matériel et économique avec le progrès moral.

C'est ce qu'ont écrit Marx et Engels dans le Manifeste de 1848. "Là où elle est parvenue à dominer, la bourgeoisie a détruit toutes les conditions de vie féodales, patriarcales et idylliques. Elle a impitoyablement déchiré tous les liens féodaux colorés qui liaient l'homme à son supérieur naturel, et n'a laissé entre l'homme et l'homme aucun autre lien que l'intérêt nu, le froid "paiement en espèces". Elle a dissous la dignité personnelle dans la valeur d'échange, et à la place des innombrables libertés brevetées et honnêtement gagnées, elle a placé, seule, la liberté sans scrupule du commerce. (...). La bourgeoisie a dépouillé de leur halo toutes les activités qui étaient jusqu'alors vénérées et considérées avec une pieuse crainte. Elle a transformé le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l'homme de science, en salariés à son salaire. La bourgeoisie a déchiré le voile sentimental de la relation familiale et l'a réduite à une pure "relation d'argent".

L'invention du progrès est la réussite la plus extraordinaire du capitalisme, dont le but est d'abattre toute barrière, toute idée et tout principe afin de tout ramener à l'échange mesurable en argent. Il doit déraciner chaque racine afin de construire l'homo consumens à taille unique - unidimensionnel, selon Herbert Marcuse - un vide à remplir avec l'imagerie des marchandises et la rhétorique inassouvie des désirs ; une machine à désirer sans boussole qui tourne sans relâche à la recherche du nouveau, programmatiquement meilleur que le passé, "plus" que le "moins" d'hier, discrédité, moqué, supprimé. Pourtant, Marx, encore lui, a exprimé dans les Manuscrits un concept décisif, qui semble à l'opposé du progressisme : la racine est l'homme.

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Privé de ses racines, l'homme se dépouille de lui-même au nom du progrès, accueillant avec une joie suffisante toute nouveauté, synonyme d'avancement. Avec l'invention du progrès et son introduction dans la culture de masse, la partie est jouée : elle devient une auto-illusion, un faux bonheur qui arbore le drapeau de la soumission à l'ordre capitaliste. Les progressistes d'ascendance socialiste et communiste, ayant rafraîchi leurs angoisses révolutionnaires, ne saisissent pas la défaite, mais perçoivent comme une victoire le présent dominé par la course illimitée (la dromocratie, pour Paul Virilio, le marathon sans fin pris pour le progrès) : un hallucinant jeu de miroirs. Les francfortologues l'ont compris, soulignant que la culture de masse et l'idée de progrès n'avaient pas libéré les hommes, mais les avaient transformés en victimes consentantes de la publicité et de la propagande. Forme de la marchandise et société du spectacle : aliénation au pouvoir.

Un irrégulier du socialisme qui ne se résigne pas à se noyer dans la soupe progressiste, Jean-Claude Michéa, en est conscient. Pour lui, l'idée de progrès, déclinée comme une course folle sans ligne d'arrivée, révèle les deux postulats cachés de la sensibilité libérale-libertaire, la matrice du progressisme.

La première est l'adhésion à l'idée que l'homme n'est qu'une machine désirante contrainte par sa nature à maximiser sa propre utilité. Cette réduction, une fois introduite comme un corollaire obligatoire du progrès, rend toute objection impossible. Le progrès s'incline devant la mystique des droits, qui deviennent une sorte de revendication de tous sur tous. Cela finit par tout justifier, de l'exploitation la plus impitoyable aux nouveaux droits liés à la sphère sexuelle et pulsionnelle.

Le progrès est l'idéologie de l'homo oeconomicus, parallèle à l'homme-machine et à l'individu qui s'émancipe de toutes les croyances ou structures traditionnelles. Un processus sans fin - comme est sans fin le fil du progrès - qui produit un revers retentissant, une hétérogénéité des fins : la soumission à de nouvelles formes de domination et d'autorité : "l'État moderne et ses juristes, le marché autorégulé et ses économistes, et bien sûr, l'idéal de la science comme fondement imaginaire et symbolique de ce nouveau tout historique".

Incroyable est la mutation, ou la transvaluation des valeurs que le progressisme libéral-libertaire a imposé à ses ennemis d'hier. Marcuse a d'abord dénoncé la "tolérance répressive" du pouvoir dans les sociétés politiques occidentales, la tendance à assimiler le progrès technologique à l'émancipation humaine. Il a affirmé l'imposture des sociétés démocratiques qui rendent impossible toute forme d'opposition. L'incipit de l'Homme unidimensionnel est "une non-liberté confortable, polie, raisonnable et démocratique prévaut dans la civilisation industrielle avancée, un signe de progrès technique". Cependant, la solution fait partie du mal : la libération par Eros, la négation du principe d'autorité, les paradis artificiels et la fermeture dans la dimension subjective. Exactement ce dont le néo-capitalisme mondialiste a besoin pour perpétuer sa domination.

L'autre élément qui légitime l'idéologie du progrès, en la rendant transversale, est l'erreur capitale de la gauche "moderne", qui reste bloquée dans la croyance que le libéralisme est une force conservatrice, voire réactionnaire. Ils sont nombreux, soupire Michéa, à "s'insurger encore contre la famille autoritaire, le moralisme sexiste, la censure littéraire, l'éthique du travail et autres piliers de l'ordre bourgeois, alors que ces derniers sont désormais détruits ou sapés par le capitalisme avancé." Rien de plus insensé que l'affirmation - ou le malentendu - progressiste selon lequel il représente la justice et le bien : depuis le 18ème siècle et les Lumières, la raison, le changement et le progrès sont les étendards et les conséquences de l'ordre économique libéral, dont l'étoile polaire est le marché, pourvoyeur d'harmonie entre des individus rationnels mus par le seul intérêt, privés de filiation et de liens, obstacles intolérables au progrès.

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Le fait que le progrès ne mène pas au bonheur, malgré les améliorations indéniables de nombreuses conditions matérielles, ne dissuade pas ses partisans : il suffit de déplacer l'objet du désir, de brandir de nouvelles avancées, et le tour est joué.

Un autre effet de la superstition progressiste est le curieux suprémacisme de l'époque actuelle, au nom duquel ceux qui ont vécu avant nous nous sont inférieurs ; ils ont bénéficié de moins de moyens et de moins de droits, leur humanité est donc également inférieure à la nôtre. Le "présentisme" progressiste cherche à repousser l'avenir en l'écrasant sur le présent, car sinon il perdrait beaucoup de son efficacité et de son attrait. En effet, le progrès de demain sera supérieur au nôtre, avec la perte d'estime de soi et la relativisation d'aujourd'hui qui en découlent. Les maîtres du progrès le savent et agissent en conséquence. Ils provoquent une anxiété constante, consubstantielle au progrès - le processus qui ne peut s'arrêter - une agitation intérieure qui nous rend dépendants du nouveau, de la consommation, des désirs.

Le progrès, au lieu d'accroître nos possibilités et d'ouvrir nos esprits, comme le pensaient les positivistes et les pragmatiques, génère des tensions, de la compétitivité, de la peur, de l'envie sociale, auxquelles il n'y a pas d'autre remède que d'administrer des doses croissantes du médicament qui a provoqué la maladie. De plus, méprisant tout passé, elle renonce à la confrontation, se contentant de la supériorité des moyens du présent. C'est là que réside l'une des contradictions progressives : l'excès de moyens obscurcit les fins au point de les nier.

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Le progrès, dans la forme sous laquelle il est vécu dans la culture de masse, ressemble de plus en plus à la vaine course circulaire du hamster dans la roue et dans la cage. L'invention du progrès, la foi aveuglante qu'elle génère, sont les murs de la prison sans barreaux qui rend la vie contemporaine frénétique et jamais rassasiée.

Tôt ou tard, le progrès aussi s'essoufflera et les hommes reviendront sur leurs pas, acceptant une vie plus naturelle, humaine au sens noble du terme. La taupe se lassera de creuser et regardera les détritus de son long travail. Peut-être que ce que la géniale légèreté d'Ennio Flaiano a imaginé se produira : même le progrès, devenu vieux et sage, votera contre.

Roberto Pecchioli

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jeudi, 12 mai 2022

"La transmutation totale du progressisme doit être radicale, complète et étrangère à la partitocratie et au néolibéralisme"

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"La transmutation totale du progressisme doit être radicale, complète et étrangère à la partitocratie et au néolibéralisme"

Nous avons interviewé Carlos X. Blanco auteur du livre "Le marxisme n'est pas de gauche".

Par Carlos Pérez- Roldán Suanzes- Carpegna

Nous avons interviewé Carlos X. Blanco, qui a récemment publié El Marxismo no es de izquierda (le marxisme n'est pas de gauche), un ouvrage dans lequel il démonte les sophismes de ceux qui se disent défenseurs des travailleurs.

- Tant le PSOE que Podemos insistent pour nous convaincre que les droits des travailleurs sont en sécurité avec eux. La gauche actuelle est-elle vraiment engagée dans la défense des travailleurs ?

Pas du tout, de manière générale et en référence aux organisations majoritaires. En réalité, ceux qui se définissent comme des gauchistes et des progressistes suivent, en général, les dictats d'un agenda créé par une élite urbaine et apatride, qui, en Espagne, fait partie de la caste des universitaires, des ONG, des syndicats, des fonctionnaires, etc. C'est une élite qui regarde avec beaucoup de hauteur et d'arrogance le travailleur salarié et le modeste indépendant, l'Espagnol qui se lève tôt, qui s'efforce de subvenir aux besoins de sa famille et qui lutte pour joindre les deux bouts. Ils méprisent aussi profondément les agriculteurs, qu'ils qualifient de réactionnaires, de carnivores, d'ennemis du développement "durable". Ces haineux font partie d'une caste qui n'a pas quitté le pouvoir depuis le Felipismo, pas même dans les législatures théoriquement conservatrices d'Aznar et de Rajoy: ce sont les mêmes qui détestent les indépendants, tous ceux qui ne dépendent d'aucune autorité ou subvention pour leur dire ce qu'ils doivent penser correctement, ils détestent ceux d'entre nous qui ne vivent pas de subventions ou d'avantages. Cette élite gauchiste post-moderne (ou progressiste) est le résultat immédiat des agressions commises par le felipismo contre l'ensemble de la classe ouvrière, et elle n'a cessé de se reproduire et de s'étendre depuis lors. C'est une élite ochlocratique, qui déteste le talent et s'attaque toujours aux secteurs les plus productifs du pays. Felipe González a pris sur lui, dans les années 1980, de démanteler le tissu industriel qui avait été rapidement et solidement créé par le défunt régime franquiste.

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La neuvième puissance industrielle du monde était l'Espagne que Franco a laissée derrière lui à sa mort, une place d'honneur obtenue par un peuple alors très endurant et responsable, dirigé par des critères techniques plutôt qu'idéologiques ; même si, à vrai dire, l'Espagne était une puissance économique pleine de contradictions internes à résoudre et qu'il n'y avait aucune volonté de les aborder. L'une de ces contradictions était l'absence d'une véritable intégration du facteur travail dans les structures de l'État, avec une représentation adéquate des producteurs et des mécanismes de négociation du travail non classistes et non libéraux qui minimiseraient les conflits endémiques de l'époque. Un modèle organique de représentation et de négociation était nécessaire, des systèmes non partisans qui protégeraient les travailleurs de l'instrumentalisation des "syndicats de classe" qui étaient, et sont, à proprement parler, les courroies de transmission et les bras d'exécution des partis "progressistes". Ceux-ci, à leur tour, se sont avérés être des marionnettes contrôlées par le capital étranger, ultra-subventionnées et achetées, avec un très faible militantisme et une très faible participation : ils ont été créés afin de démanteler la nation au niveau productif et de nous transformer en la triple colonie que nous sommes maintenant : une colonie des États-Unis, de Bruxelles et du Maroc, peut-être dans cet ordre. La gauche autoproclamée d'aujourd'hui ne fait que servir de bélier à la politique néolibérale sauvage et criminelle déjà initiée par les ministres de Felipe (Solchaga, Boyer), une politique économique qui a toujours eu le soutien de fait (sous couvert de critiques purement verbales et testimoniales) des communistes, honteusement reconvertis en "Izquierda Unida" (Gauche unie). Aux heures décisives, les communistes de l'IU ont presque toujours soutenu les gouvernements socialistes des municipalités et des communautés autonomes, et les syndicats ont participé à la corruption et à la cooptation des dirigeants ouvriers, à la domestication des rebelles, pour les faire entrer dans le rang et permettre au capital d'exercer sa domination.

Le repli de la gauche postmoderne et indéfinie, de plus en plus anti-marxiste, dans l'univers délirant de ce que Prada appelle à juste titre les "droits de la culotte" et la gestion hédonique des fluides corporels, les questions de "violence du pénis", etc, avec le multiculturalisme et le "génératisme" obligatoires, ainsi que la capitulation devant l'Islam et les puissances qui le promeuvent, est la trahison la plus dégoûtante du marxisme et de tous les autres courants et traditions de lutte pour la justice sociale. Ce progressisme anti-marxiste et post-marxiste, comme celui de Podemos et de ses mutations et franchises, collabore à la liquidation de notre peuple. Il n'y a pas de libération du peuple si le peuple n'existe plus. Dans vingt ans, en 2042, le peuple espagnol n'existera plus.

- La gauche est-elle tombée dans le piège de la défense du marché et des grands dogmes libéraux ?

Complètement. C'est pourquoi ils ne comprennent plus le Das Kapital de Marx. Ils ne savent pas le lire, et s'ils le lisaient intelligemment, peut-être cesseraient-ils de s'identifier à la gauche et opteraient-ils pour les notions de souverainisme et de troisième position. C'est pourquoi, à d'honorables exceptions près, la gauche post-moderne qui n'a pas quitté le wagon du pouvoir, et qui ne cesse de créer des "marques blanches" pour compléter les montagnes russes du PSOE (Podemos, Más País, divers séparatistes...) n'a pas la moindre idée des lois économiques du capitalisme. C'est pourquoi la gauche dégénérée ne fait que des extrapolations métaphoriques des lois du marché. Le virus du libéralisme est si profondément ancré dans leur cerveau qu'ils ne peuvent qu'appliquer la logique mercantile et réifiante du Capital, et supposer tacitement et inconsciemment que la personne est une marchandise dont l'emballage peut être modifié à volonté. Aujourd'hui, je suis un homme, demain une femme, le jour suivant une grenouille et la semaine prochaine un alien. L'homogénéité et la non-différenciation des marchandises, la réduction des essences et des qualités du monde à de simples transactions économiques entre des atomes post-humains se reflètent dans une société comme celle qu'ils veulent construire : une société de fourmis où il n'y a pas d'identités sexuelles, nationales, religieuses ou autre. C'est le triomphe de l'abstraction. L'homme est déjà une marchandise.

C'est pourquoi dans mes livres, et notamment dans celui-ci, El Marxismo no es de Izquierdas (EAS, 2022), je défends un retour à la rationalité. Je défends le retour à la justice sociale, au noyau rationnel du marxisme, au droit des peuples à se défendre communautairement contre tous ces outrages législatifs, répressifs et idéologiques dirigés contre les travailleurs. Une agression contre les travailleurs qui est, en même temps, un ensemble d'agressions contre notre État national, une entité qui doit redevenir souveraine face au mondialisme et à la colonisation. Franco a admis, bien que de manière limitée, que les Yankees s'immisceaient dans notre souveraineté, peut-être parce que nous manquions de pain. C'est le sort des peuples brisés et pauvres. Mais le régime de 1978 n'a fait que nous enfoncer de plus en plus dans l'indignité: au point que nous sommes une extension du sultanat du Maroc. Voilà leurs jeunes qui viennent étudier gratuitement chez nous et leur population excédentaire vient repeupler une terre désolée, et nous acceptons encore et encore leurs décrets unilatéraux.

En tout cas, il y a une partie de la gauche, la plus en phase avec le marxisme authentique et la plus éloignée de la folie radicale féministe, animaliste et lacunaire (celle d'Ernesto Laclau), qui se rebelle. Récemment, en ce mois de mai, un numéro du magazine El Viejo Topo est paru avec un dossier consacré au livre de Fusaro auquel j'ai participé. Il y apparaît clairement quel genre de "gauche" est celle qui se limite à disqualifier un géant de la philosophie actuelle, tel que Fusaro, un érudit ayant écrit des dizaines de livres philosophiques que les progressistes ne liront ou ne comprendront jamais, en les traitant, avec une grande impudence, de "cantamañanas". Ces paresseux qui écrivent sur les ordres de Soros dans leurs pamphlets et traînent leur héritage dans les couloirs des universités veulent maintenant être une "police de la pensée". Ils pensent qu'en se faisant traiter de "rojipardo" (de "rouge-bruns") ou pire, ceux qui s'opposent réellement au capitalisme vicieux et à la perte de souveraineté se tairont. Si seulement ils pouvaient travailler pour une fois, y compris sur le plan intellectuel. Ce serait une autre histoire si nous avions une plus grande proportion de jeunes studieux, rigoureux et productifs et non une bande de bimbos hostiles au travail.

Il existe une gauche et un anticapitalisme qui n'est pas à la botte du mondialisme. C'est pourquoi elle publie gratuitement chez EAS, dans Letras Inquietas, dans El Viejo Topo, dans Adáraga, dans La Tribuna del País Vasco, dans Tradición Viva... Le public le plus agité peut avoir accès en ces lieux à des textes fondamentaux de Cruz-Sequera, de Fusaro, de Steuckers, de Preve, de Denis Collin.

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Après la mort de Franco, peut-on considérer que les politiques socialistes visant à démanteler le système destiné à protéger les travailleurs et les familles étaient délibérées?

Je pense que le modèle partitocratique, avec ses innombrables tentacules et extensions dans les syndicats, les associations d'entreprises, les ONG, etc. a été désastreux. Ce modèle a servi à neutraliser la pression de la classe ouvrière face à la poussée néolibérale qui a commencé avec l'ère Thatcher, Reagan, etc. et a permis d'adapter l'agression néolibérale à l'Espagne avec des mesures identiques mais certifiées avec l'approbation de la "gauche". Il semble que les autres voies possibles de transition vers un autre régime post-franquiste aient été délibérément bloquées afin de garantir la domination mondialiste sur l'Espagne et de parvenir à sa neutralisation effective. Vous savez: un concurrent de moins. Pour faire de la nation la triple colonie qu'elle est aujourd'hui. Je répète: colonie des États-Unis, de l'UE (Allemagne) et du Maroc. Il y avait beaucoup d'argent pour que Felipe monte sur le podium et fasse de l'Espagne un eunuque, un impuissant. Un pays de serveurs de café et de bars de plage, un abreuvoir où les étrangers peuvent s'enivrer et vivre du manège aux dépens des impôts d'une maigre classe ouvrière, et d'une classe moyenne en déclin.

Les Asturies, ma nation charnelle, étaient un laboratoire. Et ceux d'entre nous qui l'ont vécu dans les années 80, face à cette neutralisation brutale à laquelle nous étions soumis, devraient toujours l'avoir à l'esprit. Dans les Asturies, jusqu'en 1978, il y avait une culture du travail bien ancrée. Travail dans la "casería", la ferme régionale typique des Asturiens, et travail dans les mines et dans l'industrie. Il s'agissait souvent d'un travail de qualité, exigeant une préparation et une responsabilité maximales, qui se traduisait par des revenus élevés, un haut niveau d'éducation et de culture, etc. Mais l'héritage de l'INI devait être démoli, ainsi que la précieuse tradition d'autosuffisance asturienne qu'était la "casería". Les fameuses reconversions socialistes ont mis fin à tout cela. Aujourd'hui, dans ma patrie, il y a beaucoup de "beodos", les parasites de la "paguita", les singes réfractaires au travail et à l'effort tirés par le PSOE et Podemos. Presque personne n'a plus d'enfants dans les Asturies. Gijón, la ville où je suis né, est pleine d'excréments dans les rues. Vous pouvez difficilement marcher sur les trottoirs sans y mettre les pieds. Il y a plus de chiens que de personnes. Et eux, les quadrupèdes, ont plus de droits que les enfants, ils s'approprient les parcs jusqu'à ce qu'ils deviennent dangereux.

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Il y a de nombreuses années, nous avons essayé d'articuler une réponse spécifiquement asturienne à la décadence en dehors de certains "syndicats de classe" qui faisaient partie du problème et non de la solution. Rien à faire. Bien sûr, rien à faire de la part des secteurs "nationalistes" : peu nombreux mais avec un niveau très élevé en matière de stupidité. Et rien de la "droite", complètement engagée dans le néolibéralisme, indissociable des socialo-communistes, c'est-à-dire de ceux qui ont permis la destruction des secteurs stratégiques de l'industrie et de la campagne. Les autochtones élèvent des chiens, et les étrangers sont les seuls à remplir les jardins d'enfants. J'ai appelé cela "génocide" il y a de nombreuses années. Et j'ai été traité d'exagérateur et supprimé de "Wikipedia" (ce dont je suis reconnaissant aujourd'hui). Le problème existe lorsque les personnes elles-mêmes admettent d'aller à l'abattoir, de leur plein gré et avec le petit drapeau rouge à la main. Les Asturiens, comme la plupart des Espagnols, ont accepté d'aller à l'abattoir. Ce que j'ai vécu dans les Asturies au cours de ces "années décisives", je le vois maintenant dans le reste de l'Espagne. Ceux qui collaborent avec ce régime veulent que nous soyons une colonie, que nous nous laissions envahir, que nous existions comme un peuple castré prêt à être remplacé, et que nous soyons vidés de notre sang par les vampires néolibéraux, les seigneurs de l'argent. Laissez-les profiter de ce pour quoi ils ont voté.

La privatisation des entreprises publiques, l'incorporation de l'Espagne dans l'OTAN, l'intégration à l'Union européenne, le soutien aux mouvements indépendantistes périphériques peuvent-ils être considérés comme des jalons pour parvenir à la subordination de l'Espagne au grand capital?

Bien sûr qu'ils le peuvent. C'est ce que je pense depuis des années. Le colonialisme et la subordination des pays au 20e siècle ont été réalisés fondamentalement par le biais de la subordination financière et des instruments économiques. Et avec le chantage économique, nous, les Espagnols, qui ne devrions jamais oublier l'humiliation et les arts perfides de la bête américaine en 1898, sommes entrés dans l'orbite yankee. Nous, qui avons assisté impuissants à un génocide comme celui des Philippines (un million de morts), dès que l'indépendance a été obtenue par une ruse yankee : la mort programmée d'un million de personnes qui, un peu plus tôt, étaient les Espagnols d'Asie... L'indépendance devrait tirer ces leçons de l'histoire. En Europe de l'Est et dans les Balkans, la Bête a également apporté (et apporte) un génocide.

Que sont nos frères des Amériques depuis qu'ils se sont séparés de l'Espagne ? Esclaves des Yankees, pour la plupart. Leurs républiques se sont-elles améliorées sous le joug anglo-saxon ? Les deux empires anglo-saxons ont toujours été à l'origine de la fragmentation de l'Hispanidad. Tous les anciens Espagnols (Philippins, Américains, Guinéens, Sahraouis) devraient voir ce que leurs "republiquets" sont devenus. Si Madrid leur avait imposé un joug, c'était sans aucun doute un joug plus doux que celui imposé par les Américains. Bordels, casinos et parcs d'extraction de matières premières, esclaves dans l'âme, tel est le destin des ex-espagnols. Outre la puissance du dollar et de l'euro franco-allemand, il y a la puissance du pétrodollar et l'inspiration du croissant de lune. Laissez-les continuer, laissez-les continuer. Ce qui les attend, c'est de tomber dans la poubelle de l'histoire. Les alliés parlementaires du Dr Sánchez qui veulent plus de républiques basques et catalanes, qu'ils continuent sur cette voie.

La gauche espagnole est-elle un rara avis, ou est-elle une partie active d'un processus de dissolution de l'Europe?

Il y a de l'espoir pour une révolte du peuple travailleur et entreprenant, pour un abandon de la nauséabonde "idéologie exaltant les minorités", pour un rejet absolu de l'idéologie post-moderne inventée dans les universités américaines sous une certaine patine post-moderne et structuraliste française. Si elle n'abandonne pas bientôt la folie du génératisme, de la maurophilie, du suivisme moutonnier de l'Agenda 2030, etc., la gauche espagnole se dissoudra dans le néant et la crasse, en même temps que la dissolution de l'identité espagnole elle-même. Cette gauche fera partie du problème, l'agent causal du mal. Si, en revanche, elle revient à la défense du travailleur, du petit entrepreneur, du paysan, il y a une lumière au bout du tunnel.

Le concept marxiste d'aliénation ne se heurte-t-il pas frontalement aux politiques de la gauche européenne, qui s'acharne à défendre bec et ongles le turbo-capitalisme?

Si Marx a parlé d'aliénation, il a parlé d'une "perte de l'essence humaine". Marx est inscrit dans le meilleur et le plus classique de la philosophie (il n'était pas seulement hégélien, il était aristotélicien: l'ousia, l'essence que l'humanité sous le capitalisme perd). Mais cette gauche postmoderne d'aujourd'hui, majoritairement achetée par le Capital, est relativiste et nihiliste. Il n'y a pas d'essence, donc il n'y a rien à perdre. Ils ont décrété l'abolition de l'homme (et de la "femme"). Nous sommes des "choses" qui peuvent être "accordées", modifiées et "déconstruites", telles sont les barbaries qu'ils nous disent. Il n'y a pas de plus grande aliénation que d'être le champion d'un système qui vous anéantit. Les plus aliénés du système sont ceux qui, étant manipulés, instrumentalisés par des élites dont l'idéologie n'est autre que de faire de l'argent, se consacrent à transmettre l'idéologie aux autres et à s'idéologiser eux-mêmes. Le seigneur de l'argent n'a que faire du transgenderisme, de la culture de l'"éveil" et de l'"annulation" (= woke, cancel culture), de l'idéologie lauclaudienne ou du post-marxisme. Ce qu'il veut, c'est augmenter le nombre d'idiots afin de continuer à empocher des bénéfices.

Lorsque je lis certaines choses sur des sites de pseudo-gauche (CXTX, El Salto, El País...), je ne peux que me sentir triste. Beaucoup d'entre eux, auteurs ou lecteurs, sont jeunes. S'ils s'étaient appliqués à leurs études, ils auraient pu remettre en question un grand nombre d'absurdités qui leur ont été enseignées dans les cours universitaires et dans des livres rabâchés. Beaucoup d'entre eux se seraient consacrés à la procréation au lieu de dénigrer les mères et les femmes au foyer. S'ils avaient appris un métier ou s'ils avaient préparé un concours, ils cesseraient de traîner sur les réseaux sociaux ou dans les couloirs des facultés de politique en essayant de "se faire aimer", à la recherche du grand subventionneur, ce dont beaucoup d'entre eux rêvent vraiment : ils rêvent de vivre sans travailler. Beaucoup de ceux qui dénigrent aujourd'hui ceux qui pensent, produisent, procréent et entreprennent, se verront dans quelques décennies comme ce qu'ils sont presque aujourd'hui : vieux avant l'heure, abandonnés par un Système qui les a trompés, un pouvoir qui les a entraînés dans une tranchée de guerre qui n'aurait jamais dû être creusée. Ce sont les zelenskis que nous avons à chaque coin de rue, dans chaque commentaire de profil social, dans chaque critique qui n'en est pas une. Quelqu'un les a encouragés à s'engager dans une guerre médiatique dont ils sont d'avance les perdants. Pendant ce temps, les seigneurs de l'argent, qui ne sont ni de gauche ni de droite, ils sont simplement les seigneurs de leur argent, se frotteront les mains. Vieux et sans enfants, sans amour et entraînés par leur nihilisme, les ex-progressistes de demain seront comme des zombies. Morts dans la vie, qui se rendront compte trop tard qu'ils sont devenus les abatteurs d'un moulin à vent, le fascisme, mais abatteurs eux qui, très végétaliens, ne goûteront pas la viande.

La gauche semble avoir oublié l'économie et s'est tournée avec armes et bagages vers le libéralisme le plus débridé. Est-ce peut-être cette reddition qui justifie qu'ils se vendent maintenant à nous comme des combattants d'un fascisme inexistant ? Ne serait-il pas plus vrai de reconnaître que l'ennemi actuel de l'Occident est le capital sans patrie, sans nom, qui envahit et contrôle tout ?

Les termes sont tellement usés et dépassés qu'ils ne servent plus d'insulte ou d'injure. Elle est déjà "fasciste" ou "pro-russe" ou "populiste" ou "rojipardo" (= "rouge-brune") tout ce qu'ils déplorent. Tant de personnes déplorables vont constituer toute l'humanité à l'exception de cette élite très curieuse. Tant de Nazbols seront produits par ce progressisme qui vit à l'ombre de ce système universel d'exploitation et de domination, que leur élitisme et leur suprémacisme n'en seront qu'accentués et qu'ils deviendront les vrais nazis. Ils traceront une frontière : moi et les déplorables. Une minorité dérisoire dicte déjà comment ceux d'entre nous qui ont de sérieux doutes et objections à ce genre de progrès et à cette dérive d'un R78 qui n'est rien d'autre qu'une vente au rabais de la nation doivent penser et ressentir. Ils ne font que soutenir le libéralisme le plus débridé (un libéralisme qui contredit la propriété privée et la méritocratie, les axes du libéralisme classique et raisonnable), avec ses extravagances, et ils sont prêts à défendre les plus grandes absurdités idéologiques pour que cela ne se remarque pas. Felipe a su être un néo-libéral dans la pratique et un socialiste en surface. La progredumbre post-Sanchez aura du mal à cacher ses excroissances.

Le capital n'a pas de pays. Les travailleurs et la terre le font. Les post- et anti-marxistes de la gauche post-moderne ignorent les bases de l'inter-nationalisme. La lutte pour nos droits se déroule dans un cadre national. Il s'agit d'une "question" nationale. Il est insensé de ne pas comprendre cela. Il est insensé d'identifier le mondialisme et l'internationalisme.

La lecture de votre livre "Le marxisme n'est pas de gauche" permet de conclure que la gauche est passée de l'agnosticisme théologique à l'agnosticisme de la réalité. La défense de l'idéologie du genre, le mouvement d'annulation et sa défense de la mémoire historique sont-ils des manifestations de cet éloignement de la réalité ?

Oui, c'est un détachement de la réalité provoqué par l'absence même d'une ontologie, d'une théorie de la réalité. La gauche post-moderne est intellectuellement indigente et ignore complètement la philosophie classique. Il est urgent de la désintoxiquer des féministes, des animalistes, des structuralistes, des post-structuralistes et de tout le reste. Étudiez Platon, Aristote, Saint Thomas, Kant, Hegel, Marx... avec rigueur, et arrêtez avec les folies car, si vous finissez par les croire, vous finissez par détruire toute la culture et ruiner l'humanité. Je répéterais également ce que j'ai entendu tant de fois de la part de mon professeur, Don Gustavo Bueno : "Je suis un thomiste et un marxiste". On apprend toujours des grands. Puissent les futurs dirigeants du travail, de la lutte sociale, de la justice souveraine, entendre un jour : "nous sommes thomistes et marxistes". Il y a une réalité, et nous devons ramener la politique nationale et mondiale à la réalité. Cela signifiera que la politique aura mis l'économie à genoux, que le facteur travail domine le facteur argent et que l'homme sans entrave qui ne travaille pas ne méritera pas de manger. Nous avons besoin de quelque chose comme ce que Perón appelait une "communauté organisée". Le capitalisme veut créer des réalités virtuelles, véritable opium pour le peuple, pour vivre sur un tas de fumier mais en même temps pour croire ce que Bill Gates met dans votre cerveau, des petites fleurs rouges dans les prés de printemps. Face à cela, l'ontologie des combattants sociaux est une ontologie communautaire et une philosophie de la praxis. Une ontologie réaliste de l'être social : la polis qui se fait et se refait pour la rendre plus vivable et plus humaine.

Il semble que sur la scène politique officielle de l'Occident, seul ce que certains appellent le "progressisme" soit désormais représenté. Y a-t-il un espoir de reconstruire l'homme, la famille et les nations ?

Ma révision particulière du marxisme peut ressembler en partie à ce que certains appellent la "troisième position". Ni l'individualisme libéral, ni le collectivisme. Mettre un frein à tout excès de libéralisme. Du libéralisme classique, je retiens les droits naturels : la vie, la propriété privée résultant du travail et de l'épargne, la liberté de conscience et d'initiative. Peu d'autres choses. Du communautarisme je retiens la communauté organique et organisée, un peuple uni autour du facteur travail, la première école des lettres et des métiers étant la famille, sanctuaire inaliénable, composée d'hommes, de femmes et d'enfants. Du communisme, j'abolis la lutte des classes et je parle d'entente entre les classes afin de forger à nouveau un peuple unifié et souverain, qui est doté d'organisations démocratiques mais non partisanes et qui sait reconnaître les vrais leaders qui le représentent. Un peuple qui possède son destin et sait d'où il vient. L'amendement à la totalité du progressisme doit être radical, complet et étranger à la partitocratie et au néolibéralisme.

lundi, 17 janvier 2022

Libertarisme et transhumanisme

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Libertarisme et transhumanisme

Illustration: Vase attique trouvé et conservé à Ruvo di Puglia. Les Argonautes, Castor et Pollux, maîtrisent l'automate Talos, l'un des nombreux artefacts robotiques forgés par Héphaïstos. Selon le mythe, Talos, lors de l'affrontement avec les Argonautes, a été vaincu par la flèche de Péante après avoir été " piraté " par la magie de Médée, qui l'aurait rendu fou. La flèche de Peante a touché son talon sur lequel il y avait une "veine" découverte.

"Le transhumanisme ou philosophie H+ est un courant de pensée né de cette confluence des critiques anti-humanistes et post-humanistes de l'humanisme, qui caractérise la civilisation occidentale depuis l'époque de Socrate [...]".

Par Fernando Rivero

Ex: https://nritalia.org/2021/11/24/libertarismo-e-transumanesimo/

Le transhumanisme est à la mode. Comme le montre le dernier roman (octobre 2019) de l'auteur portugais à succès, José Rodrigues dos Santos, Imortal, sur le thème de la prétendue "Singularité à atteindre", le dépassement de l'intelligence humaine par l'Intelligence Artificielle (I.A.), et à long terme, l'atteinte de l'immortalité, par la biotechnologie. Nous verrons que c'est l'un des thèmes principaux du transhumanisme. Il s'agit en effet d'un roman très intéressant et très documenté dans lequel, parallèlement aux méthodes totalitaires de la dictature chinoise, sont abordés les différents thèmes du transhumanisme : cyborgs, intelligence artificielle, nanotechnologies, prolongation de la vie humaine, etc.

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Le transhumanisme ou philosophie H+ est un courant de pensée (d'abord une philosophie, puis un mouvement culturel et actuellement un champ de recherche hautement idéologisé) né de la confluence des critiques anti-humanistes et post-humanistes de l'humanisme, qui caractérise la civilisation occidentale depuis l'époque de Socrate, avec la futurologie et la technophilie, portant à ses ultimes conséquences le progressisme et le positivisme caractéristiques des Lumières, ayant pour principes le progrès perpétuel, l'auto-transformation et l'auto-direction, le rationalisme, la technologie basée sur l'intelligence artificielle, l'optimisme et la société ouverte (Open Society de Soros).

Pour comprendre le transhumanisme, il faudrait d'abord approfondir la pensée humaniste, car le transhumanisme cherche à transcender l'humanisme, mais nous n'avons pas la place pour cela dans cet article. Disons simplement que l'auteur de cet article se considère comme un humaniste, puisque, conformément au point VIII du Manifeste de la Comunidad Vértice, il se sent héritier de la tradition gréco-romaine et de ses valeurs, telles que la dignité humaine et la liberté, tout en défendant un humanisme bio-géocentrique (centré sur la Nature), Elle s'inscrit également dans la ligne du point IX du Manifeste, qui propose une "marche sur le terrain" pour réintégrer l'homme dans la nature, re-sacraliser le monde dans lequel nous vivons, retrouver les traditions, retrouver les équilibres personnels et communautaires, sentir que la flore et les espèces animales sont des êtres avec lesquels nous pouvons partager des espaces et des expériences. Il ne se sent donc pas en faveur de l'humanisme né des Lumières (libéral, marxiste, positiviste, progressiste) ni de ses avatars transhumanistes imprégnés de libertarisme.

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On peut considérer que le fondateur du transhumanisme est le philosophe américain Max More (photo - auteur des principes du transhumanisme cités plus haut), qui a créé un mouvement transhumaniste international basé en Californie, l'Extropy Institute, qui prône un transhumanisme libertaire (liberal-libertarian en anglais, qui n'a pas grand-chose à voir avec le concept de libertarianisme plus répandu en Espagne, car bien qu'il puisse être considéré comme anarchiste ou anarchiste dans un certain sens, il est aux antipodes de l'anarcho-syndicalisme ibérique ou de l'anarchisme russe, puisqu'il se définit comme un anarcho-capitalisme, pour plus d'informations sur ces aspects, voir l'article de l'auteur publié dans le numéro 4 de la revue La Emboscadura : "Les écoles du libéralisme libertaire ou le libertarisme et son influence sur le libéralisme postmoderne"), tout comme le fait aussi Ronald Bailey, rédacteur scientifique de la revue libertaire Reason, où il défend un transhumanisme libertaire fondé sur l'amélioration de l'espèce humaine par les biotechnologies, qui comprend désormais non seulement les techniques de recombinaison de l'ADN ou de génie génétique, mais aussi l'édition génétique ou le copier-coller génétique (CRISPR-cas9) et la biologie synthétique (on trouvera une critique de l'utilisation capitaliste et libertaire de la biotechnologie dans l'excellent ouvrage du professeur José Alsina, Humanos a la carta y genes privatizados : una reflexión crítica sobre las nuevas tecnologías, préfacé par l'auteur de cet article et publié par Fides en 2016).

Un autre des promoteurs du transhumanisme dans le monde est le philosophe suédois de l'université d'Oxford, Nick Bostrom, l'un des cofondateurs de la World Transhumanist Association, qui a changé de nom en 2008 pour devenir Humanity +, qui promeut l'application et le développement des cyber- et bio-technologies dans l'amélioration des êtres humains et la prolongation de la vie humaine. Cependant, Bostrom nous avertit qu'une fois la singularité atteinte, le résultat final d'une machine superintelligente pourrait facilement être l'extinction de l'humanité.

Parmi les précurseurs du transhumanisme, on trouve les darwinistes anglais de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, comme Galton et Huxley, dont les idées ont donné naissance à l'eugénisme, le cosmiste russe Nicolaï F. Fyodorov (Никола́й Ф. Фёдоров) et selon certains, bien que cela soit très discutable, Nietzsche et sa philosophie du surhomme (Übermensch). Le cosmisme russe développe une philosophie transhumaniste basée sur le christianisme orthodoxe russe, donc très éloignée du transhumanisme athée actuel. Le cosmisme de Fiodorov a influencé les deux grands de la littérature russe, Tolstoï et Dostoïevski, et revendique l'interdépendance entre l'Homme, la Terre et le Cosmos, mais d'un point de vue de la domination de la nature, opposé donc au point de vue gaïen (de Gaïa, la Terre comme super-organisme de James Lovelock), c'est-à-dire un point de vue fortement anthropocentrique par opposition au point de vue géocentrique. D'autre part, en défendant le cosmisme, la colonisation d'autres planètes est devenue le fondement du programme spatial soviétique. Il faut dire que dans cette philosophie, du moins à ses débuts, il y avait un puissant fond orthodoxe, où l'Homme poursuivrait le processus de la création de Dieu.

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Appartenant également à cette tradition philosophique, le géochimiste russe Vladimir Vernadsky (Photo - Влади́мир Верна́дский), auteur du concept de la noosphère, comme ensemble de toutes les créatures intelligentes. Un autre précurseur du transhumanisme aurait été le philosophe et scientifique français Theilard de Chardin, qui a repris le concept de la noosphère, avec sa proposition d'évolution vers le point oméga ou Christosphère, dans lequel l'intelligence humaine atteindrait un point où émergerait un cerveau planétaire dématérialisé.

Actuellement, ce cerveau universel qui, selon le rêve des transhumanistes, gouvernerait la planète, une fois passée la phase des gouvernements nationaux, serait l'ensemble formé par des millions d'ordinateurs en réseau répartis dans le monde entier, c'est-à-dire si l'intelligence et la conscience humaines naissaient de la croissance continue des neurones du cortex cérébral au cours du processus d'homogénéisation et des connexions en réseau de ces neurones, l'intelligence artificielle naîtrait du doublement de sa puissance tous les deux ans (dans une croissance exponentielle ou explosive) des ordinateurs ainsi que de la mise en réseau de ces mêmes ordinateurs (chacun séparément ne pourrait pas dépasser l'intelligence humaine, du moins pour l'instant) par le biais d'Internet (des projets de collaboration entre des milliers d'ordinateurs du monde entier ont déjà été réalisés pour simuler la météo ou rechercher des signes de vie extraterrestre intelligente).

Le transhumanisme actuel, comme nous l'avons mentionné dans le paragraphe précédent, trouve ses racines chez les darwinistes et les généticiens britanniques d'il y a un siècle et dans le mouvement eugénique qu'ils ont défendu (bien que les transhumanistes actuels nient le mauvais mot, soit "eugénique"). Parmi eux, citons H.B.S. Haldane, qui, dans son livre de 1923 intitulé Daedalus and Icarus : Science and the Future, a jeté les bases du transhumanisme, notamment l'application eugénique de la science pour l'amélioration de l'espèce humaine, et Julian Huxley, petit-fils de Thomas H. Huxley, qui a inventé le terme "transhumanisme" dans un article de 1957. Son frère Aldous Huxley a développé dans son roman de 1932, Brave New World, une société transhumaniste, divisée en cinq castes transhumaines, la caste Alpha étant la plus élevée et la caste Epsilon la plus basse, la plus idiote et la plus asservie. Le cristallographe communiste et sociologue des sciences d'origine séfarade, James D. Bernal, a également émis l'hypothèse, dans son livre de 1929 intitulé The World, the Flesh and the Devil, d'améliorations du corps et de l'intelligence humains grâce à la bionique (une science qui cherche à appliquer l'ingénierie aux vivants), ainsi qu'aux perspectives de colonisation spatiale.

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Un autre des apôtres du transhumanisme est le futurologue d'origine iranienne Fereidon M. Esfandiary (photo), plus connu sous le nom robotique qu'il s'est donné: FM-2030, indiquant qu'il voulait vivre jusqu'en 2030 (pour devenir centenaire, puisqu'il est né en 1930). Ce type de nom, qui rappelle les robots de Star Wars, aurait pour fonction de ne pas révéler les origines sexuelles, ethniques ou religieuses, c'est-à-dire de rompre avec toutes les racines de l'être humain (que les transhumanistes considèrent comme des conditionnements ou des contraintes à la liberté). Il n'a pas réalisé son rêve de centenaire, puisqu'il est mort d'un cancer du pancréas en 2000, après avoir été cryogénisé en Arizona (la cryogénisation est une autre des lubies du transhumanisme).

En 1990, l'Association mondiale des transhumanistes a publié le Manifeste transhumaniste, basé sur son idéologie transhumaniste/libertaire ou extropianisme (une synthèse du transhumanisme et du néolibéralisme), qui prône un transhumanisme dans le cadre de la démocratie libérale. Le but ultime du transhumanisme serait l'évolution vers une espèce transhumaine qui supplanterait l'espèce humaine (Comment s'appellerait-elle, Homo trans-sapiens ? Certains ont déjà proposé des logos Homo. Supplanterait-il les humains ou asservirait-il ceux qui seraient gardés comme une caste d'Epsilon comme dans Brave New World?). Les philosophes transhumanistes cherchent à remplacer l'évolution induite par la sélection naturelle par une évolution dirigée par l'amélioration génétique des cellules germinales. La création d'hybrides homme-machine (les fameux cyborgs) est également au cœur de la pensée transhumaniste.

Raymond Kurzweil, théoricien du transhumanisme, fils de Juifs autrichiens ayant émigré aux États-Unis (bien qu'actuellement athée), a grandi selon les principes de l'Église unitarienne universaliste, célèbre pour son soutien précoce à la cause LGBTI ; À cet égard, il faut dire que le transhumanisme, avec sa défense de la reproduction artificielle, des nouveaux modèles familiaux, de l'individualisme poussé à l'extrême et son culte de la transgression de toutes sortes de limites, est devenu un allié non seulement des transsexuels mais de tous les lobbies queer : l'Église de la Vie Perpétuelle, en Floride, peuplée de millions de retraités fortunés, qui se décrit comme une église basée sur la science et ouverte à tous, une Église d'ouverture), prédit qu'en 2029 nous atteindrons une singularité technologique, la "Singularité", avec le triomphe ultime d'une intelligence artificielle forte, surpassant l'intelligence humaine, passant le test de Turing.

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Kurzweil (photo), directeur de l'ingénierie de Google, a créé une "université" transhumaniste dans la Silicon Valley : l'Université de la Singularité, où sont étudiés les sujets privilégiés du transhumanisme tels la biotechnologie et la bioinformatique, la robotique et l'intelligence artificielle, la nanotechnologie, les neurosciences et la futurologie. Cette université informelle a créé deux branches : l'une à Tel Aviv et l'autre à Séville, dirigée par le directeur d'une prestigieuse école publique. Kurzweil est l'auteur de la loi des rendements accélérés, dans laquelle il affirme que l'innovation en informatique suit une croissance exponentielle. Kurzweil peut être considéré comme un "nouvel optimiste", car il prédit que d'ici 2050, le processus de vieillissement ralentira, puis s'arrêtera et enfin s'inversera, en partie grâce à la nanomédecine, où des nanorobots ou des nanoparticules voyageront dans notre corps pour réparer les cellules ou les tissus endommagés (ce que l'universitaire et auteur de science-fiction Isaac Asimov avait déjà prédit dans Le voyage hallucinatoire).

En 2006, une scission s'est produite dans le mouvement transhumaniste, qui s'était développé à l'UCLA (Université de Californie à Los Angeles), avec d'un côté l'Extropy Institute, qui regroupait les libertaires, et de l'autre la World Transhumanist Association (WTA), qui regroupait les libéraux progressistes. Peu après, les extropiens ont cessé leurs activités, laissant le monopole du mouvement transhumaniste à ceux de la WTA.

Les transhumanistes appellent leurs détracteurs bioconservateurs, bioluddites ou néoluddites (un exemple de néoluddite est le terroriste Unabomber, dont le manifeste, outre sa condamnation du terrorisme, n'est pas sans intérêt pour sa critique de la technophilie). La vérité est que l'amélioration individuelle des êtres humains pour les rendre transhumains peut porter l'inégalité entre les personnes à des niveaux paroxystiques : d'un côté les humains non améliorés, de l'autre les enfants des riches, biologiquement et cognitivement améliorés, de sorte que les différences ne se trouveraient pas seulement dans la richesse, mais aussi dans la beauté, la santé et l'intelligence, toutes choses qui donneraient plus d'importance à la richesse des mieux lotis. Nous marcherions inexorablement vers un Brave New World où les bénéficiaires du transhumanisme et de la mondialisation (les "élites") constitueraient la caste Alpha, et à l'autre extrême, le précariat, les nouveaux esclaves qui constitueraient la caste Epsilon, héréditaire pour ne pas avoir été génétiquement améliorés ou améliorés par des implants neuronaux.

Les "géno-riches", issus de familles riches ayant accès aux nouvelles techniques de reproduction, se situeraient à un niveau supérieur à celui des "géno-pauvres" ou des humains non améliorés, soit parce qu'ils ne possèdent pas la richesse nécessaire pour accéder à ces techniques, soit simplement parce qu'ils ont choisi de rester "naturels", créant ainsi un fossé génétique entre les deux groupes. A terme, s'il y avait isolement génétique, les mécanismes de spéciation entreraient en jeu et nous aurions deux espèces : les transhumains et les humains, les premiers voyant les seconds comme les humains voient aujourd'hui les chimpanzés.

Le transhumanisme n'est pas un mouvement monolithique ; de nombreux courants coexistent en son sein :

    - L'abolitionnisme, dont le but est de mettre fin à la douleur ;
    - L'extropianisme, qui cherche à orienter l'évolution humaine en faisant la synthèse avec le néolibéralisme ;
    - L'immortalisme, qui vise à prolonger la vie humaine et éventuellement l'immortalité, et qui est étroitement lié à la cryogénie ;
    - Le postgénérisme, qui vise à abolir le genre et même le sexe lié à la reproduction, comme l'a manifesté la féministe progressiste Donna Haraway dans son Cyborg Manifesto ; la reproduction se ferait par clonage ou parthénogenèse ("naissance vierge", comme les drones mâles ou les abeilles) ;

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    - Le post-politique, proposé par Piero Gayozzo, de l'Institut d'extrapolitique et de transhumanisme de Lima, qui définit le post-politique comme le dépassement des quatre théories politiques (libéralisme, communisme, fascisme et quatrième théorie politique de Dugin ; d'ailleurs, pour la première fois, nous voyons dans une étude politique du champ académique la mention de la 4TP et du livre publié par ENR, Ediciones Nueva República, en 2013, co-traduit par l'auteur de cet article, et dont la préface de l'édition espagnole fait référence à la mise à disposition du public hispano-américain de la théorie du philosophe russe, la raison en étant connue au Pérou) ; il faut dire que Douguine fait dans son livre une critique féroce, du point de vue de la 4TP, des cyborgs, androïdes et posthumains du transhumanisme postmoderne.
    - Le singularitarisme, promu par Kurzweil et un autre athée d'origine juive, Eliezer Yudkowsky, qui prédisent que la singularité technologique se produira avant un demi-siècle et que nous devons nous y préparer. Ce courant a son point d'appui diffus dans l'Université de la Singularité mentionnée ci-dessus ;
    - Le technicisme, par opposition au néo-luddisme et à l'anarcho-primitivisme, dans lequel les problèmes seraient résolus par la technologie et le gouvernement serait entre les mains de technocrates ;
    - Le technogénisme, qui vise à résoudre les problèmes environnementaux par des propositions dangereuses de géo-ingénierie ou d'ingénierie climatique, comme la gestion de l'énergie solaire atteignant la surface de la terre : les problèmes pour l'homme et la biosphère de l'Anthropocène, l'époque géologique post-Holocène qui aurait commencé en 1950, lorsque les isotopes radioactifs des explosions nucléaires ont commencé à se déposer dans les sédiments géologiques, seraient résolus grâce aux nouvelles technologies ;
    - Le technoprogressisme, et sa version radicale, le transhumanisme démocratique du bioéthicien canadien James Hughes, qui s'oppose au transhumanisme libertaire et extropien en prônant l'intervention de l'État pour rendre les nouvelles technologies d'amélioration génétique accessibles à l'ensemble de la population, en faisant en sorte que les " inaptes " d'un point de vue eugénique aient accès à la repro-génétique (reprogrammation génétique de l'ADN, qui devient désormais possible avec la technologie CRISPR).

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Selon Ernesto Milá, premier analyste politique espagnol à analyser ce phénomène, auquel il a consacré plusieurs pages sur son blog INFO|KRISIS, le transhumanisme partage cinq caractéristiques avec les trois autres tendances progressistes postmodernes extrêmes (l'idéologie de l'UNESCO, le mouvement New Age et le néolibéralisme) :

    - Vision du monde ultra-progressiste (progressisme, évolutionnisme et mondialisme).
    - Perception extrêmement optimiste de l'avenir, fondée sur le scientisme et la technophilie (nouveaux optimistes).
   - Formes extrêmes d'humanisme universaliste (revendication des valeurs de la Révolution française).
    - Désillusion face à l'humain et incompréhension de la nature humaine, qu'il faut surmonter, selon les transhumanistes.
    - L'aspect problématique présent dans tous les cas est qu'ils se présentent avec une aura de rationalité, alors qu'en fin de compte ils sont imprégnés d'éléments mystiques, souvent issus de la franc-maçonnerie.

Selon Milá, le transhumanisme a plus de chances de mener à certaines des visions que nous offre l'abondante littérature cyberpunk, avec des sociétés hautement technologisées mais où règne la dégradation, qu'au "monde heureux" de Huxley (Un mundo feliz est le titre espagnol du Brave New World de Huxley - Ndlr). Il ajoute que ces quatre tendances nous mènent vers un précipice, il est donc urgent de développer une alternative à la pensée progressiste sous toutes ses formes.

Enfin, il conclut en disant que le thème du transhumanisme prend de plus en plus de place dans les revues dissidentes du NWO (New World Order, néolibéral, unipolaire et mondialiste).

jeudi, 02 décembre 2021

La bataille culturelle contre le progressisme : elle ne peut être menée avec des prémisses communes à ce même progressisme!

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La bataille culturelle contre le progressisme: elle ne peut être menée avec des prémisses communes à ce même progressisme!

Par Juan Manuel de Prada

Ex: https://kontrainfo.com/batalla-cultural-al-progresismo-no-se-puede-combatir-con-premisas-compartidas-por-juan-manuel-de-prada/

La droite rappelle souvent la nécessité de mener une "bataille culturelle" contre le progressisme rampant, une expression destinée à dépeindre une sorte de dérapage de combat culturel, journalistique et médiatique dans lequel deux visions du monde radicalement opposées se battent pour l'hégémonie culturelle. Cependant, pour mener une telle bataille, il faut se battre avec des principes tout-à-fait opposés à ce progressisme, des principes qui proposent une alternative radicale (non pas parce qu'ils sont extrémistes, mais parce qu'ils vont à la racine des problèmes qui sont en jeu). Lorsque cela ne se produit pas, lorsqu'il n'y a pas adoption de principes radicalement opposés, la bataille des droites est inévitablement perdue.

Dans ces "batailles culturelles" grotesques, auxquelles nous assistons trop souvent, la droite arrive toujours armée du concept de liberté propre au libéralisme, armée de munitions idéologiques se référant aux droits individuels du libéralisme, à la vision anthropologique du libéralisme, etc. Et puis le progressisme rampant n'a plus qu'à utiliser ces principes à son avantage, les faisant siens, les adaptant à ses intérêts et les développant jusqu'à des extrêmes que la droite timorée n'avait jamais soupçonnés. Et puis, après avoir développé de tels principes, la droite s'insurge contre ce qu'elle appelle, de manière absurde, le "marxisme culturel", qui n'est rien d'autre qu'un libéralisme cohérent. Car le libéralisme, avec son principe émancipateur, crée le terreau de toute l'ingénierie sociale qui convient au progressisme pour construire un " ethos " hégémonique... auquel, à la traîne, les champions de la droite finissent par se rallier, même s'ils en adoptent toujours une version atténuée ou honteuse.

Certains de ces champions ne s'y associent pas du tout, mais s'engagent plutôt dans des escarmouches sur certaines questions qui exacerbent les antagonismes sociaux de la manière la plus formidable qui soit. Tout comme la gauche utilise les immigrants, les féministes ou les écologistes comme "sujets révolutionnaires" pour poursuivre son assaut contre le pouvoir, les champions de droite de cette deuxième version de la "bataille culturelle" utilisent le mouvement pro-vie ou les classes moyennes appauvries.

Mais cette modalité de la "bataille culturelle", tout en utilisant ces groupes sociaux comme béliers, envenime et réarme les détracteurs, générant ainsi une dissociation empoisonnée par un essaim de haines. Cette dissociété polarisée effraie d'ailleurs les tièdes, qui finissent par succomber aux chants des sirènes du progressisme, qui établit toujours où se trouve la modération.

Ces deux modes de "bataille culturelle" sont complètement ineptes, aussi cosmiques que soient leurs douloureuses querelles intestines. Pour mener une véritable "bataille culturelle" contre le progressisme rampant, on ne peut pas y aller avec des prémisses communes, car cela favoriserait un grotesque méli-mélo idéologique qui finit par être le ferment qui favorise l'hégémonie du progressisme.

La seule "bataille culturelle" possible ne peut être menée qu'à partir de prémisses philosophiques, politiques et anthropologiques opposées aux idéologies concurrentes ; et ces prémisses ne sont fournies que par la pensée traditionnelle.

lundi, 27 septembre 2021

Progressisme permissif et intolérant

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Progressisme permissif et intolérant

par Marcello Veneziani 

Source : Marcello Veneziani & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-progressismo-permissivo-e-intollerante

Il a fallu l'article de couverture de The Economist sur le danger de la "gauche illibérale" pour réveiller la gauche italienne de son sommeil dogmatique et présomptueux. Pendant des années, nous avons souligné et dénoncé le tournant libéral de la gauche issue du communisme et du socialisme, qui coïncidait avec la dérive néo-bourgeoise et néo-capitaliste. Mais depuis quelque temps, quelque chose se passe aux confins de cette gauche libérale: pour le dire dans le même langage anglo-américain, l'aspect radical s'accentue et les obligations et les interdictions, la censure et la suppression, les restrictions sérieuses aux espaces de liberté reprennent vigeur. La gauche semble de plus en plus une maison de l'intolérance, entre totems et tabous, interdits et intouchables.

D'un côté, la gauche marche aux côtés de la société néo-bourgeoise et néo-capitaliste, fait l'éloge de la mondialisation, se place résolument dans le camp de l'establishment, est la garde rouge du pouvoir économique, bureaucratique, judiciaire, médiatique et intellectuel. Et elle fait campagne pour une société permissive, de plus en plus individualiste et globale. Mais d'un autre côté, l'âme radicale se réveille elle aussi, et les batailles pour le libéralisme et les libérations de tous acabits sont flanquées de batailles correctives et punitives pour ramener la société dans les canons rigides du politiquement correct, de la culture du cachet et de la pensée uniforme.

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Le spectacle de cette schizophrénie et de cette volte-face de la gauche, libérale dans la sphère privée et radicale dans la sphère publique, tout à la fois permissive et intolérante, est là pour tous et ne concerne pas seulement la gauche italienne et la direction de Letta.
C'est un processus généralisé qui donne lieu aujourd'hui à des crises internes de rejet. D'une part, il y a la dissidence de certains intellectuels et philosophes de "gauche" contre le régime des restrictions sanitaires imposé pour la pandémie, avec les cas les plus évidents d'Agamben, Cacciari, Barbero; et, d'autre part, le malaise des intellectuels et des observateurs de gauche face à ce courant dément, intolérant et puritain de la cancel culture, qui s'est répandu des États-Unis à l'Europe - de Noam Chomsky à Federico Rampini - sur cette vague jacobine de censure et de destruction, d'omertà et d'hystérie gendériste, qui s'est abattue sur l'histoire, la tradition et la culture de l'Occident et sur les relations sociales et sexuelles. Il y a deux façons de violer la culture et l'histoire: l'actualiser par la force ou l'effacer, la nier. Les deux voies sont fréquentes, omniprésentes, voire dominantes aujourd'hui.

Le Festival de philosophie de Modène était consacré au thème de la liberté, et il est à la fois inutile et ennuyeux de constater que le défilé était réservé à la même troupe de personnages, sans voix dissonantes si elles ne sont pas dans cette ligne de pensée; et en plus avec l'auto-congratulation par laquelle le Festival a honoré les quotas roses. Deux critères qui rendent déjà grotesque et incohérent le thème auquel il était dédié: la liberté mais seulement jusqu'à un certain point, la liberté sous surveillance, sans dissidence et avec hommage à la rhétorique du genre.

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Mais quelle est la relation entre la culture progressiste et la liberté ? Les spécialistes de la liberté de ces dernières décennies, d'Isaiah Berlin à Ralf Dahrendorf en passant par Norberto Bobbio, ont fait la distinction entre la liberté de et la liberté pour, c'est-à-dire entre la liberté négative, en tant que non-empêchement, caractéristique du libéralisme, et la liberté positive, qui est plutôt liée à l'émancipation, à la justice sociale et à l'égalité. La position qui découle de Nietzsche, qui a posé une autre question, est: la liberté pour quoi faire ? C'est-à-dire que la liberté, sa qualité, sa dignité, se mesure à l'usage que l'on en fait et à la manière dont on vit. L'implication est que la liberté n'est pas la même pour tous, mais que les différents degrés et les différences doivent être reconnus et qu'elle ne peut aboutir à l'égalité et à l'homologation.

Historiquement, l'idée de liberté à gauche, dans le monde progressiste, antifasciste et marxiste, a coïncidé avec l'idée de libération. La libération des peuples et des individus du joug de la tradition, des hiérarchies sociales et de classe, des régimes autoritaires, répressifs ou même bourgeois, ou comme on l'appelait autrefois la "démocratie formelle". Dans la gauche classique, la liberté individuelle était subordonnée à la libération des masses, le collectif prévalait sur le personnel, la classe sur l'individu.
Et aujourd'hui ? Aujourd'hui, il y a la schizophrénie que nous avons notée précédemment: c'est-à-dire que la libération individuelle par rapport à la nature, au sexe, à la tradition, à la sphère privée, est couplée à la coercition sociale sur les jugements historiques, politiques, idéologiques et sanitaires. Nous avons ici la tunique de Nessus, le lit de Procuste, bref, un régime de restriction et d'intolérance.

Les politiques économiques de la gauche reflètent l'oscillation entre ces deux pôles: d'une part, il y a la conversion de la gauche au marché libre, au secteur privé, au capital, mais d'autre part, il reste l'idée punitive de frapper et de taxer les sources de richesse, les activités entrepreneuriales, la libre entreprise, les actifs, les maisons. C'est là un capitalisme hybride et contradictoire, avec des intermittences dangereuses. Il n'existe actuellement aucune expérience politique significative qui ait été couronnée de succès à cet égard. Et il n'existe aucun régime progressiste connu de coercition et de libération qui bénéficie d'un réel et large consensus populaire.

A tout cela s'ajoute l'utilisation intolérante de l'antifascisme pour censurer tout opposant, pour le maintenir dans la claque, dans laquelle se manifeste le paradoxe de la dérive illibertaire au nom de la liberté elle-même: un abus qui ramène artificiellement à la vie des expériences historiquement défuntes depuis plusieurs décennies, afin de disqualifier les opposants; il sert à frapper la liberté d'opinion et la diversité du jugement historique et à soumettre la vérité et la réalité au moralisme et au sectarisme idéologique. En bref, la gauche d'aujourd'hui montre qu'il est possible d'être tout à la fois permissif et intolérant, de marcher pour la libération et d'être ensuite des ennemis de la liberté. C'est le bipensiero orwellien, le double-thought, ou la double vérité, la double-truth, l'antichambre des nouveaux totalitarismes.

 

mardi, 27 juillet 2021

Alexandre Douguine: "Le progrès n'existe pas. C'est une illusion"

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Le progrès n'existe pas. C'est une illusion

Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolitica.ru/article/progressa-ne-sushchestvuet-eto-zabluzhdenie

Tôt ou tard, quelqu'un devait le dire. L'idée de progrès est une pure illusion. Tant que nous n'abandonnerons pas ce préjugé, tous nos projets et plans, toutes nos analyses et reconstructions historiques, toutes nos idées scientifiques reposeront sur une fausse base. Il est temps de mettre un terme au progrès. Il n'y a pas de progression linéaire des sociétés humaines.

Une fois que nous aurons accepté cela, tout se mettra immédiatement en place.
L'idée de progrès a été formulée pour la première fois par les Encyclopédistes au XVIIIe siècle, et trouve son origine dans la théorie hérétique de Joachim de Flore sur les trois règnes - le Père, le Fils et le Saint-Esprit. La tradition chrétienne orthodoxe reconnaît l'âge de l'Ancien et du Nouveau Testament, c'est-à-dire l'âge du Père et du Fils, mais la fin de la civilisation chrétienne est suivie d'une brève période d'apostasie, de l'arrivée de l'Antéchrist, puis de la fin du monde. Et aucune renaissance spirituelle particulière, aucune amélioration du christianisme n'est attendue. Au contraire. Lorsque l'ère du Fils prend fin, il y a une chute de l'humanité - dégénérescence, effondrement et dégradation.

Joachim de Flore et ses disciples franciscains, majoritairement catholiques, voyaient au contraire l'avenir comme beau, et après la chute de la civilisation chrétienne médiévale, ils ont prophétisé la venue de quelque chose d'encore plus sublime et sacré.

Les Encyclopédistes ne croyaient plus à l'époque du Saint-Esprit, mais non plus ni à l'Église ni à Dieu lui-même. Mais la conviction de la fin de la culture chrétienne était partagée et ils proclamaient joyeusement la fin de la religion comme le début d'une nouvelle société - plus juste, plus parfaite, plus rationnelle et plus démocratique. Plus développée.

C'est ainsi que les athées et les matérialistes - Turgot, Condorcet, Diderot, Mercier - développent la théorie du progrès humain universel, assez rapidement élevée au rang de dogme absolu. Les personnalités annonciatrices du Nouvel Âge ont été encouragées à douter de tout - de Dieu, de l'homme, de l'esprit, de la matière, de la société,  de la hiérarchie, de la philosophie, mais non pas à douter du progrès... Non, car c'eut été trop.

D'où vient cette axiomatique ? Pourquoi l'opinion d'un certain nombre de penseurs - qui ne sont pas les plus brillants et les plus impressionnants - a-t-elle soudainement acquis le statut de dogme ? Et pourquoi ne peut-on pas permettre qu'elle soit critiquée, discutée rationnellement, remise en question ?

Il y a là quelque chose de mystérieux. Le progrès ne peut être catégoriquement réfuté dans le Nouvel Âge. Ceci est commun à toutes les idéologies politiques - libéralisme, communisme et nationalisme, à toutes les écoles scientifiques - idéalistes ou matérialistes. La croyance au progrès est devenue une sorte de religion. Et la religion ne requiert aucune preuve. Plus c'est absurde, plus c'est crédible.

Ainsi, avec la référence au progrès, le Nouvel Âge a écarté l'Antiquité, le Moyen Âge, la théologie, les traditions de Platon et d'Aristote, la hiérarchie, l'empire, la monarchie, les anciens fondements du travail paysan sacré.

Bien sûr, une critique du progrès existait - tant de la part des traditionalistes, que de certains penseurs qui adhéraient à une vision cyclique de la logique de l'histoire, et dans l'école des structuralistes européens, et dans les théories des nouveaux anthropologues.
Le mythe du progrès a été démoli de manière convaincante par l'éminent sociologue russo-américain Pitirim Sorokin.

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Mais dans la conscience publique - et même dans l'inconscient collectif - l'illusion du progrès a conservé sa position dominante. Quoi qu'il en soit, ni une série de catastrophes politiques à grande échelle, ni la dégénérescence évidente de la culture contemporaine, ni l'effondrement des systèmes sociaux, ni les découvertes inquiétantes de la psychanalyse, ni la critique ironique du postmodernisme, n'ont empêché l'humanité de toujours croire aveuglément au progrès. Et l'humanité continue à aggraver les choses en agissant ainsi.

Mais il suffit d'admettre qu'il s'agissait d'une hérésie, d'une hypothèse sans fondement, complètement réfutée par le cours de l'histoire elle-même, pour que l'image de la réalité qui nous entoure redevienne claire.

La civilisation moderne est plutôt dans un état de profond déclin. C'est un constat amer, mais poser un tel constat, plein d'amertume, ce n'est pas la même chose que de sombrer dans le désespoir. Si les choses ont mal tourné - et c'est vraiment le cas - revenons à la plénitude et à la santé, rétablissons les choses comme elles étaient. Tant qu'elles ne sont pas périmées.

Par ailleurs, le refus du progrès n'empêche nullement de reconnaître une amélioration de tel ou tel aspect de la vie. Mais cela n'en fait pas une loi contraignante. Certaines choses s'améliorent. Certaines choses s'aggravent. En outre, une phase peut succéder à l'autre. Et dans différentes sociétés, ces cycles - s'ils ont un quelconque algorithme universel - peuvent ne pas coïncider. Quelque part, il y a du progrès et quelque part, il y a de la régression. En Russie, c'est l'été, en Argentine, c'est l'hiver.

Sans l'illusion délétère du progrès, nous retrouverons à la fois notre santé mentale, tissé de sobriété, et notre liberté. Nous pouvons rendre le monde meilleur, mais nous pouvons aussi le rendre pire. Chaque fois, nous devons réfléchir à nouveau. Comparer, analyser, nous tourner vers l'histoire, repenser l'héritage du passé - sans arrogance ni préjugé.

Rendons notre existence digne. Certainement mieux que maintenant. Mais pour faire ne serait-ce qu'un petit pas dans cette direction, nous devons impitoyablement nous débarrasser de l'idée fallacieuse d'un progrès inéluctable, cette hérésie dangereuse et corruptrice.

samedi, 15 mai 2021

Pourquoi la gauche aime-t-elle le confinement?

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Pourquoi la gauche aime-t-elle le confinement?

Par Marco Malaguti

Des États-Unis à l'Italie, de l'Allemagne à l'Espagne, la gauche a partout été le "parti du confinement". Curieux pour ceux qui, ces cinquante dernières années, avaient fait de la liberté de circulation et de l'"interdit d'interdire" leurs étendards. Y a-t-il une raison à cela ou est-ce vraiment un coup de chance?

SOURCE : https://www.progettoprometeo.it/perche-la-sinistra-ama-il-lockdown/

Au début de la pandémie, nous pensions que les mesures sévères prises par les autorités chinoises pour contenir les contagions (confinement total, couvre-feu, locaux fermés par l'autorité, etc.) n'auraient jamais été adoptées en Europe, et notamment en Italie. Mais comme souvent, la réalité a dépassé le fantasme, et la situation de notre pays nous est bien connue. Cependant, l'un des rares éléments de certitude, qui était également destiné à être balayé, était que toute la galaxie progressiste, qui avait fait de la liberté et de la mobilité ses drapeaux de guerre, aurait opposé une résistance farouche aux mesures coercitives adoptées par le gouvernement Conte Bis.

A vrai dire, les prodromes de la pandémie ont semblé donner raison aux préjugés précédemment entretenus: Matteo Salvini entendait mettre en quarantaine rien moins que les enfants arrivés de Chine. Un scandale digne de la pire droite souverainiste et raciste! Garder les enfants étrangers à la maison pour des raisons de santé? La folie! Fermer les frontières? Aucune chance. Ouvrez les ports (et les aéroports), embrassons les Chinois, tout le monde dîne au sushi wok et les déclarations de ce genre deviennent de plus en plus démentes. Vous frissonnerez, et rirez en même temps, si vous feuilletez l'un des journaux en kiosque entre janvier et février 2020. Entre un Nicola Zingaretti prenant l'apéritif dans un Milan désert et un Corrado Formigli dévorant un nem en direct à une heure de grande écoute sur La 7, il n'y avait aucun doute: les drapeaux de la gauche post-moderne étaient toujours les mêmes, liberté de mouvement à tout prix, interdit d'interdire, abolition des frontières, Erasmus permanent comme mode de vie. Il n'a fallu que quelques mois pour que ce paradigme soit complètement renversé. La même galaxie progressiste est maintenant alignée sur le camp diamétralement opposé. Non seulement ceux qui voulaient autrefois abattre toutes les frontières les ont maintenant rétablies, même entre les régions et les communes, une circonstance que nous pensions avoir déjà surmontée à la fin du Moyen Âge, mais ils ont même fait du "rester chez soi" leur propre croisade de civilisation.

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Autrefois réservée à la droite la plus réactionnaire et sécuritaire, la lutte contre les bivouacs et la vie nocturne sauvage est devenue l'apanage de la gauche, qui avait bâti sa fortune électorale sur le laxisme à l'égard du délabrement urbain, des repaires de drogués, des enclaves universitaires et de l'anarchie urbaine. De champion de la liberté, qui vit obstinément contre toutes les règles de la société bourgeoise bigote et réactionnaire, le jeune homme oisif en quête de défonce est devenu l'ennemi public numéro un. Pour ce faire, ils ont puisé dans la rhétorique la plus éculée de la pire gauche bureaucratique et anti-bourgeoise des ‘’années de plomb’’ les plus sombres: le jeune qui s'amuse n'est plus un ‘’nouveau partisan’’ mais un plouc bouffeur de sandwichs, un rustre, presque certainement aisé (et donc naturellement mauvais) qui veut juste s'occuper de ses affaires tandis que les personnes âgées, hier encore champions vivants et haïs de la pire droite populiste et eurosceptique, meurent étouffées par le virus dans les services surpeuplés des hôpitaux. Même le nomade, magistralement illustré par l'étudiant Erasmus, a été diabolisé en un rien de temps: adieu l'Europe pour visiter le backpacking, les coupons Interrail et les pèlerinages Ryanair. Désormais, il vaut mieux ne pas sortir de chez soi plus d'une fois par semaine, mieux si l'on est équipé de la sympathique appli de suivi d'état appelée Immuni, dont la fortune, cependant, s'est perdue en chemin. Aujourd'hui, le voyageur est un ‘’irresponsable’’, le voyageur est devenu un ‘’hédoniste vicieux’’ doublé d'un hurluberlu qui jette l’argent par les fenêtres, l'expatrié qui, après un an de travail semi-esclavagiste au Royaume-Uni, aimerait rentrer chez lui pour quelques jours pendant les vacances est un ennemi public, un ultra-conservateur attaché à la vieille Italie des petites villes et du ‘’familisme amoral’’. Restez dans votre studio exigu à Bristol. Greta et les environnementalistes vous remercieront. Si vous ne pouvez pas résister, demandez-leur de vous envoyer le proverbial "paquet d'en bas", ça va sans dire, dûment aseptisé. Quant aux immigrés en transit entre la Libye et la côte sicilienne sur les proverbiales péniches, qui ont toujours oublié tous les protocoles sanitaires, il suffisait de ne plus en parler, car ils ne protestent pas, ils n'apparaissent pas dans les salles de classe en formation à distance, ils ne se plaignent pas dans les émissions de radio, ils ne se coordonnent pas pour protester. Les ignorer et faire taire leurs histoires, qui nous étaient si chères auparavant, a été moins difficile que nous le pensions. Il vaut mieux parler des infirmières.

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Mais comment tout cela a-t-il été possible ? Comment cette métamorphose a-t-elle été possible, probablement la plus rapide jamais réalisée dans notre paysage politique changeant et fluide ? Attention, la nouveauté ne concerne pas seulement l'Italie: en Allemagne, les Verts et la gauche sont les plus ardents défenseurs du confinement jusqu'au bout, et il n'est pas une manifestation contre les fermetures qui ne voit une mobilisation parallèle de collectifs antifascistes contre les "négationnistes". Nous avons vu la même chose en Espagne, où le ‘’lockdownisme’’ a coûté à la gauche ibérique une défaite écrasante à Madrid qui a mis fin, entre autres, à la lumineuse carrière politique du leader de Podemos, Pablo Iglesias. Sans parler des États-Unis, où la paranoïa covidienne a été l'atout qui a conduit Joe Biden à la victoire contre le "négationniste" Donald Trump. La raison de la passion fulminante de la gauche pour les enfermements est donc à chercher en amont de toute considération locale ou nationale.

En effet, l'artificialité de la frontière, érigée par une certaine gauche radicale, entre les gauchistes rouges (ou "authentiques") et les gauchistes dits fuchsia, apparaît avec force. Le contexte, le terreau, n'a jamais été aussi commun: la gauche occidentale post-moderne, en ce sens, est allée harmonieusement de pair avec la pratique répressive maoïste la plus brutale de la République populaire de Chine. Est-ce que nous parlons vraiment de quelque chose de différent, alors?

Dans la vision matérialiste, athée et substantiellement anarchique qui unit ces deux courants de pensée, la Nature est complètement dépouillée de toute connotation providentielle, voire de tout organicisme immanentiste. La nature, qui n'est plus la Création, mais un simple agrégat informe d'éléments atomiques groupés indifféremment en objets animés et inanimés, est présentée au progressiste comme un royaume générique du Chaos. La vie n'est qu'un voile de moisissure sur une planète rocheuse appelée Terre. C'est donc la tâche de l'homme, armé des critères de la raison, de la normaliser, de l'ordonner en vue d'une finalité historique supérieure. L'homme n'est pas l'agent de l'ordre, l'homme est l'ordre. Si l'homme devient providence, il s'ensuit l'axiome logique que tout, s'il est abandonné par l'homme, cesse d'être préservé. D'où la manie obsessionnelle de l'environnement (où l'homme est de façon ambiguë à la fois le problème et la réponse) et de la vie biologique nue, où l'on fait semblant de ne pas voir comment les hommes ont toujours survécu aux pandémies de toutes sortes. Dans la vision progressiste, tout doit être normalisé, sous peine de voir se répandre l'iniquité, la souffrance et finalement le désordre. De ce point de vue, la nature est un fumier, un grouillement purulent de pus biologique, une blessure dans le corps du Néant, comme l'a défini Georg Büchner. Le confinement n'est rien d'autre que la quintessence du progressisme élevé à un contexte social.

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Rien ne satisfait plus le politicien progressiste qu'une société qui a cessé de s'autoréguler de manière naturelle et qui, au contraire, obéit automatiquement aux ordres de l'utilisateur, comme s'il s'agissait d'un appareil électrique. Confinement oui, confinement non. Zone jaune, zone rouge, zone jaune, zone rouge. Savez-vous le plaisir et le sentiment de toute-puissance que vous ressentez en tant qu'enfant à allumer et éteindre la lumière de façon répétée? Là, on parle de la même chose. Dommage, comme les parents avaient l'habitude de nous prévenir, l'ampoule brûle. C'est de cela qu'il s'agit, de la conscience d'avoir un pouvoir plastique sur la réalité, de pouvoir faire défiler une multitude comme un seul homme, ce qui a toujours été le rêve humide de tout collectivisme, qu'il soit nationaliste ou égalitaire. Après tout, l'histoire est toujours maîtresse, et il n'est pas besoin d'archéologues pour démontrer que les régimes communistes et socialistes du passé, mais aussi du présent, n'ont jamais été les meilleurs amis de la liberté de mouvement et de divertissement. Entre les murs poétiquement rebaptisés barrières de protection antifascistes, les goulags, les villes fermées, le dépeuplement et le repeuplement forcés de régions entières en Union soviétique, en Chine, au Cambodge et en Europe de l'Est, les régimes qui aspiraient à la liberté la plus totale du peuple ont donné de nombreuses preuves de ce qu'ils entendaient par liberté. Certes, les râleurs ne manquaient pas non plus à l'époque, mais la responsabilité de la souffrance n'était-elle pas imputée aux saboteurs dont la débauche n'a fait que retarder sine die l'avènement radieux de la société communiste? Déjà à l'époque, les ennemis internes ne manquaient pas: parmi les dissidents, les clercs, les "asociaux", les petits voleurs, les hédonistes et les "traîtres" génériques, il y avait l'embarras du choix, et si vous pensez que j'exagère, allez revoir le contexte idéologique et les sympathies géopolitiques de ceux qui, aujourd'hui, en Italie, soutiennent le confinement à tout prix.

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Et tout cela en gardant le silence sur la pratique néo-stalinienne de liquidation des soi-disant ennemis de classe. Là où le NKVD ne peut plus accéder, l'ordre d'un président régional suffit. Avez-vous un numéro de TVA? Vous n’êtes pas un employé (notamment de l'État)? Alors, fermer. Quoi qu'il en soit. Même si vous êtes affamé. D'ailleurs, on sait où vont les sympathies de ces commerçants. Si la révolution ne s'est pas encore manifestée dans les niveaux superstructurels de la société, rien de mieux que d'agir immédiatement à la base, en allant intervenir dans la base dite économique. Il ne faut pas être politologue pour comprendre que, pour ceux qui font des prolétaires et des assistés leur base sociale, leur disparition serait une tragédie. Au contraire, il vaut mieux que les prolétaires soient toujours plus nombreux, et cela, nous l'accordons, le communisme a toujours réussi à l'obtenir dans tous les endroits où il a pu arriver au pouvoir. La prosopopée vieille de 50 ans sur les libertés individuelles s'est révélée être un colossal cheval de Troie destiné à ébranler les défenses de la soi-disant "société bourgeoise", exactement comme Karl Marx nous l'avait toujours rappelé, à savoir qu'on ne passe pas au socialisme si le capitalisme ne suit pas d'abord son cours, de sorte que la soi-disant gauche fuchsia n'a jamais perdu de vue son objectif ultime, tandis qu'une droite sans cervelle, riant devant les décombres du mur de Berlin, n'a rien pu faire d'autre que de s'asseoir à la table entre une coda alla vaccinara et une autre. Et les champions des droits civiques ? Des droits individuels ? Laissez-les aller en Chine, strictement avec un masque. Pas besoin de dépoussiérer, nous en sommes sûrs, ce que Lénine disait des idiots utiles.

Marco Malaguti.

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mercredi, 20 janvier 2021

Idéologie des Lumières et progressisme

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Idéologie des Lumières et progressisme

Par Alberto Buela

Ex : https://www.posmoderna.com

C'est finalement l'œuvre du philosophe allemand Immanuel Kant (1724-1804) Was ist Aufklärung ? (1784) qui a le mieux défini ce qu'était le Siècle des Lumières lorsqu'il a déclaré : "c'est la libération de l'homme de la minorité qu’il s’est imposé". C'est-à-dire de son incapacité à faire usage de la seule raison sans dépendre d'une autre tutelle, comme l'était la théologie au Moyen-Âge, où l'on disait : philosophia ancilla teologíae = la philosophie est la servante de la théologie.

La devise des Lumières était Sapere aude, « oser savoir », en utilisant sa propre raison.

Mais les Lumières, cherchant à émanciper l'homme de la théologie, des préjugés et des superstitions, finirent par déifier "La Raison" et ses produits : technique et calcul dont les conséquences furent contradictoires, puisque son plus grand travail fut la bombe atomique d'Hiroshima et de Nagasaky.

Après avoir été à un poste de combat à sa mesure, l'homme était à nouveau considéré comme une île rationnelle mais entourée d'une mer d'irrationalités, comme aimait à le dire Ortega. La sagesse pré-moderne est à nouveau prise en compte. Des aspects fondamentaux de l'homme qui avaient été négligés par le Siècle des Lumières et ses adeptes, et qui appartenaient au Moyen Âge diabolisé, ont été lentement repris en compte. L'homme postmoderne se plonge à nouveau dans les eaux des problèmes éternels. Mais, bien sûr, avec une différence abyssale : c'est un homme sans foi, sans espoir, nihiliste. Ainsi naquit la pensée d'un Vattimo, une pensée faible (pensiero debole) qui peut donner des raisons à l'état actuel de l'être humain mais qui ne peut donner de sens aux actions à entreprendre pour sortir du bourbier actuel.

Cependant, une grande partie du monde intellectuel de l'après-guerre, notamment celui qui fut lié au marxisme, au communisme et au socialisme, a continué sur la voie des Lumières, même si l'école de Francfort, quintessence de la pensée juive contemporaine (Weil, Lukacs, Grünberg, Horkheimer, Adorno, Marcuse, Fromm), Habermas et alii) qui a soutenu, en synthèse, que nous avions tort non pas parce que les produits du rationalisme éclairé avaient montré leurs flagrantes contradictions en faisant le mal à des innocents comme cela s'est produit avec les milliers de Japonais nés radioactifs et condamnés d'avance, mais parce que les postulats des Lumières n'avaient pas été pleinement appliqués.

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Les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ont adapté, avec des variantes social-démocratiques ou néo-libérales, les restes de la pensée des Lumières, qui ont traversé les ‘’eaux du Jourdain’’, c’est-à-dire les méandres de l'école de Francfort, laquelle possédait la boussole culturelle de notre époque. Ainsi, son produit le plus réussi est le progressisme actuel.

C'est pour cette raison qu'un de nos très bons collègues déclare : "Peut-être est-il correct de dire que le progressisme est ce qui reste du marxisme après son échec historique en tant qu'option politique, économique et sociale et sa résignation transitoire (ou définitive ?) face au triomphe du capitalisme. Une sorte de retour en arrière, en sautant par-dessus le bolchevisme, vers le réformisme de la social-démocratie" [1]. Le progressisme a adopté comme devise "ne pas être vieux et toujours être à l'avant-garde". Comme nous le voyons, la résonance avec les Lumières est évidente.

Que partage le progressisme, à son tour, avec le néolibéralisme : 1) l'adoption de la démocratie libérale, rebaptisée discursive, consensuelle, inclusive, droits de l'hommiste, etc. 2) l'économie de marché, malgré son discours contre les groupes concentrés, etc. 3) l'homogénéisation culturelle planétaire, au-delà de son discours sur le multiculturalisme. Le progressisme est la voie moderne vers la mondialisation

Le progressisme est ainsi, en fin de compte, parce qu'il croit à l'idée de progrès. En réalité, le progressisme n'est pas une idéologie mais plutôt une croyance, car, comme Ortega y Gasset aimait à le dire, les idées sont simplement proclamées et les croyances nous soutiennent, car dans les croyances "on est". Et les progressistes "croient" que l'homme, le monde et ses problèmes vont dans la direction où ils vont. Ainsi, tout contrevenant à leurs croyances est considéré comme "un ennemi". L'être progressiste qui est un ‘’croyant’’ n'accepte pas d'appréhender le réel danssonâpreté, et le seul enseignement qu'il accepte, parce que son imposition devient incontestable, est la pédagogie de la catastrophe. Il découvre ainsi qu'il y a des milliers de pauvres et de chômeurs lorsqu'une inondation se produit et que les ordinateurs promus ne fonctionnent pas parce que dans les écoles rurales il n'y a pas d'électricité ou pas de réseau.

En bref, le progressisme et les Lumières partagent la conviction que la réalité est ce qu'ils pensent qu'elle est et non pas, que la réalité est la vérité de la chose ou de la matière.

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Le grand courant qui contredit le progressisme est le soi-disant réalisme politique (R. Niebuhr, J. Freund, C. Schmitt, R. Aron, H. Morgenthau, G. Miglio, D. Negro Pavón) qui assume avec scepticisme les projets théoriques qui formulent la possibilité d'une paix perpétuelle, d'une organisation parfaite de la société dans le cadre d'un progrès illimité. Et ce réalisme comprend l'histoire comme le résultat d'une tendance naturelle de l'homme à convoiter le pouvoir et la domination des autres.

Le réalisme politique vient remplacer l'homo homini sacra res = l'homme est quelque chose de sacré pour l'homme, qui remonte à Sénèque, par l'homo homini lupus = l'homme est un loup de l'homme de Hobbes, qui a repris cette vue à Plaute.

Le réalisme politique affirme qu'il faut travailler sur la base des matériaux dont on dispose, et la réalité est ce qui en offre le plus, tandis que le progressisme affirme qu'il faut travailler sur ce en quoi on croit, puisque les idées s'imposent finalement à la réalité.

Le réalisme politique privilégie l'existence, tandis que le progressisme privilégie l'essence par rapport à l'existence.

[1]Maresca, Silvio: El retorno del progresismo,(2006) sur internet.

 

dimanche, 15 novembre 2020

Progressistes et populistes face-à-face

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Progressistes et populistes face-à-face 

Chronique de Paysan Savoyard

(n°238 – novembre 2020)

Ex: http://linformationnationaliste.hautetfort.com

Que Trump soit définitivement battu ou qu’il réussisse à renverser la situation sur le plan judiciaire, que sa défaite soit intervenue au terme d’un processus électoral régulier ou qu’elle soit le résultat d’une fraude massive, tout cela ne change rien à la situation qui est aujourd’hui celle des Etats-Unis : il y a deux Amérique, probablement irréconciliables. L’Amérique des Américains blancs de la classe moyenne et de la classe populaire, opposés à l’immigration et au libre-échange mondial qui ont bouleversé et dégradé leurs conditions de vie et détruit leurs emplois. Et l’Amérique de la classe supérieure, alliée aux minorités raciales, toutes deux favorables à l’immigration et à la mondialisation, par idéologie et parce qu’elles en tirent profit. Ces deux Amérique, l’Amérique populiste et l’Amérique progressiste, n’ont plus rien en commun. Elles pèsent le même poids démographique. Et elles sont face à face.

La situation est peu ou prou la même en France et en Angleterre. Elle est en train de devenir identique dans presque tous les pays d’Europe.

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  • La révolution libérale-libertaire

S’étendant sur une période d’une trentaine d’années entre la fin des années soixante et la fin des années quatre-vingt-dix, une révolution a touché le monde occidental, tenant à la fois aux mœurs et à l’organisation économique et sociale : la révolution libertaire et économiquement libre-échangiste. Partie des Etats-Unis, avant de se diffuser en Europe, elle a bouleversé et déstructuré les sociétés et les économies traditionnelles.

La révolution libertaire commence dans les années soixante, déclenchée par les milieux de la gauche américaine, particulièrement implantés dans les universités. Aux Etats-Unis comme ensuite en Europe, des groupes militants efficaces ont combattu les cadres de la société traditionnelle : la religion, la famille, le principe d’autorité ou encore la distinction des rôles traditionnels entre l’homme et la femme. Sous l’action de ces mouvements libertaires, féministes, LGBT et athées, relayés par les médias et les juges, les minorités ont été installées en position de force dans les différents lieux de pouvoir, des lois novatrices radicales sont intervenues et la société a été bouleversée et modifiée en profondeur dans ses structures, ses mœurs et ses croyances. Les mêmes mouvements, au nom de l’idéologie libertaire, qui récuse la légitimité de toute frontière, ont également soutenu l’immigration et l’antiracisme. L’immigration a constitué un autre bouleversement majeur dans plusieurs pays occidentaux : les sociétés homogènes, religieusement, culturellement et racialement, qui existaient jusque-là en Occident ont été remplacées par des sociétés multiraciales et multiculturelles.

Sur le plan économique, la révolution libre-échangiste, initiée elle-aussi par les Etats-Unis, date des années 90. Dès l’après-guerre les Etats-Unis avaient cherché à développer et à libéraliser le commerce mondial, qu’ils dominent notamment grâce au rôle du dollar, en négociant avec les autres pays occidentaux un abaissement général des droits de douanes. De même, en s’appuyant sur les politiciens européens, qui sont pour la plupart sous leur tutelle, les Etats-Unis ont favorisé la mise en place d’un marché commun européen ouvert et intégré au marché mondial. Le pas décisif a été franchi dans les années quatre-vingt-dix, grâce à une double évolution : la volonté des gouvernants chinois à partir de cette date de participer au jeu du marché mondial ; et la décision des Etats-Unis d’accueillir la Chine au sein de l’OMC. A partir de ce moment se sont engagées des évolutions économiques majeures : extension considérable du marché mondial ; financiarisation ; dumping social et fiscal ; délocalisations d’une grande partie de l’industrie et d’une partie des services occidentaux en Chine et dans d’autres pays à bas coûts…

John-Locke.jpgLa révolution libertaire et mondialiste a des racines philosophiques : dès le 18e siècle, la Modernité, c’est-à-dire le courant d’idées issu des Lumières, a contesté les fondements de la société traditionnelle. Ce courant d’idées a plusieurs composantes liées entre elles : l’athéisme, le matérialisme, le progressisme et le rejet de toute tradition, l’universalisme, l’individualisme, ce dernier concept étant le pivot autour duquel les autres s’articulent.

De la même manière les deux aspects de la révolution sociétale et socio-économique intervenue en Occident dans la dernière partie du 20e siècle sont intrinsèquement liés, se répondent et se renforcent : ils débouchent sur la position politique « libérale-libertaire ». On l’a vu en France par exemple ou d’éminents soixante-huitards sont devenus des patrons du CAC 40. Aux Etats-Unis les patrons de la Silicon Valley incarnent brillamment cette convergence. En France comme en Allemagne la figure emblématique de la position libérale-libertaire est D. Cohn-Bendit. 

  • La révolution libérale-libertaire a fracturé les sociétés occidentales en trois groupes

Cette révolution libérale-libertaire a entraîné dans de nombreux pays occidentaux le bouleversement de la société mais également sa fracturation en deux puis en trois groupes, à la situation et aux intérêts profondément dissemblables. La couche supérieure de la société, a tiré le plus grand profit des évolutions économiques récentes, à commencer par les délocalisations, qui l’ont enrichie dans des proportions sans précédent historique. Elle dispose d’autre part des moyens matériels et immatériels de profiter pleinement des ressources et des attraits des sociétés libérées de toute contrainte.

Au contraire l’évolution économique a bouleversé en quelques années, aux Etats-Unis comme en Europe, la situation des classes moyenne et populaire, qui ont été les victimes du chômage massif, de la dévitalisation de régions entières et du remplacement des emplois industriels relativement rémunérateurs par des emplois de services peu qualifiés et mal payés. La classe moyenne en particulier a dans ce contexte entamé un processus de déclin rapide. On le voit ces jours-ci avec les reportages sur les Etats de la Rust Belt, victimes de la désindustrialisation. Sur le plan sociétal, les évolutions libertaires ont également été préjudiciables à la plupart des membres des classes moyenne et populaire, en détruisant ou en affaiblissant les cadres sociaux structurants et protecteurs, la famille et le cadre religieux en particulier, et en précipitant de nombreuses personnes dans l’isolement, la perte de repères et l’anomie. En France par exemple, de nombreux indices, tels que la consommation de tranquillisants, montrent qu’un grand nombre de Français moyens sont en difficulté morale et psychologique. Depuis plus de trente ans les sondages indiquent qu’une majorité des Français sont pessimistes et convaincus que l’avenir sera sombre.

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L’immigration massive a encore accru l’impact et la portée de ces évolutions. Elle a amélioré la situation des plus riches, en tirant vers le bas les salaires et les conditions d’emploi dans les secteurs non délocalisables et en augmentant fortement, grâce notamment aux prestations sociales, le nombre des consommateurs solvables. Elle a bouleversé encore un peu plus la situation des classes moyenne et populaire, qu’elle a notamment chassées, en France du moins, des banlieues des métropoles.

Cette immigration est devenu tellement massive qu’un troisième groupe s’est constitué au sein des sociétés occidentales : dans de nombreux pays occidentaux, les personnes originaires de l’immigration, le plus souvent musulmanes, constituent progressivement une contre-société, qui se distingue nettement de la classe supérieure d’une part et des classes moyenne et populaire de souche d’autre part. L’Europe rejoint ainsi la situation des Etats-Unis qui comptent depuis l’origine une forte communauté afro-américaine, à laquelle viennent s’ajouter désormais les immigrants latinos et asiatiques. Ce troisième groupe constitué par les minorités raciales est pour l’instant l’allié de la classe supérieure, puisqu’il a comme elle intérêt à la poursuite de l’immigration. C’est ainsi que la quasi-totalité des Afro-Américains et une grande majorité des Latinos viennent de voter pour le candidat démocrate, représentant de la classe supérieure. La situation est identique en France et en Angleterre et dans la plupart des pays d’Europe occidentale : la classe supérieure mène une politique immigrationniste approuvée par les immigrés. Cette évolution entraîne l’apparition et la montée en puissance de partis « populistes » anti immigration, qui recueillent les suffrages d’une partie grandissante des populations de souche de classe populaire et moyenne. De toute évidence l’alliance de la classe supérieure et des minorités raciales est provisoire. En Europe occidentale en particulier, les immigrés sont engagés dans une guerre de conquête et exigeront le moment venu, quand ils seront suffisamment nombreux, l’exercice du pouvoir et la soumission des autochtones.

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Ajoutons cette précision. Au sein des sociétés occidentales, on trouve également le ventre-mou des personnes « de souche » qui refusent de se positionner dans un camp ou un autre et se prétendent neutres ou indifférents. D’autres, par peur de la guerre civile et du chaos, se résignent sans enthousiasme aux politiques mondialistes et immigrationnistes suivies par la classe dirigeante, en espérant le maintien d’un certain statu quo le plus longtemps possible : ces « résignés » essaient de se protéger pour eux-mêmes des conséquences catastrophiques de l’invasion migratoire, dont ils ont parfaitement conscience, espérant que la dégradation, qu’ils savent inéluctable, sera suffisamment progressive pour les épargner à titre personnel. Dans la pratique les résignés et les soi-disant centristes sont dans le camp du pouvoir. Quand ils travaillent dans les administrations et les services publics ils appliquent ses ordres sans sourciller. Sur le plan électoral ils favorisent le maintien au pouvoir de la classe dirigeante, en votant pour elle ou en s’abstenant hypocritement.

  • Ce sont les extrémistes qui dénoncent l’extrémisme, les incendiaires qui crient « Au feu », les criminels qui hurlent à la haine

Il y a lieu de mettre en évidence et d’insister sur cette situation remarquable. En organisant la mondialisation et les délocalisations, d’une part, l’invasion migratoire de l’Europe d’autre part, la classe dirigeante mène les politiques les plus extrêmes et les plus provocatrices qui soient. Elles sont contraires aux intérêts vitaux de la population de souche des pays occidentaux et font courir un danger mortel à leurs Etats, à leurs territoires et à leur civilisation : ces politiques criminelles constituent donc sans conteste des politiques de haute trahison.

La classe dirigeante occidentale y ajoute des politiques sociétales destructrices et provocatrices : la discrimination positive et les quotas de race et de sexe, le mariage homosexuel et la PMA en attendant la GPA, l’euthanasie active et bientôt le clonage et le transhumanisme. Tout montre que ces « réformes » bousculent les structures anthropologiques fondamentales et déboucheront sur des monstruosités.

Tout en menant ces politiques de bouleversement, la classe dirigeante parvient à se présenter comme le camp de la modération contre les extrêmes, le camp de la Raison contre les passions mauvaises, le camp du juste-milieu contre les extrémistes, islamistes d’une part, populistes de l’autre. A sa tête le Système place des figures souriantes à costume-cravate, dents blanches et bronzage ajusté, qui parviennent à donner l’image de la raison, de la mesure et de la compétence, comme Macron, Merkel ou Biden. Dans le même temps il réussit à présenter ses adversaires « populistes » comme des agités incontrôlables et dangereux autant que ridicules : Jean-Marie Le Pen pendant toute sa carrière a fait les frais de cette diabolisation. Trump, Johnson, Salvini ou encore Orban incarnent aujourd’hui cette catégorie des fous dangereux à tendance fascitoïde. Alors qu’ils mènent les politiques les plus extrêmes et les plus scandaleuses qui se puissent imaginer, les boutes-feu qui sont à la tête de la plupart des pays occidentaux réussissent à apparaître comme des dirigeants modérés et responsables : même si le contrôle presque absolu qu’il exerce sur les médias lui facilite grandement la tâche, ce tour-de-force du Système est particulièrement remarquable.

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La classe dirigeante ne se contente pas de dénoncer les leaders populistes. Elle met en accusation également les Européens moyens qui renâclent ou résistent aux évolutions en cours. Elle dénonce leur tendance à propager la haine, notamment sur les réseaux sociaux. Elle met en cause leur égoïsme et leur manque d’ouverture d’esprit : les médias insistent d’ailleurs fréquemment sur le fait que les électeurs populistes sont souvent peu diplômés.

Or les populistes ne font qu’essayer de défendre ce qui reste de la société traditionnelle, c’est à dire la société qui existait encore il y a cinquante ou soixante ans et faisait l’objet d’un consensus quasi général. Une société qui dans ses grandes lignes datait de plus de mille ans… Et ce sont les défenseurs des moeurs et des modes d’organisation traditionnels et pluriséculaires qui sont présentés comme des extrémistes et des provocateurs…

L’inversion accusatoire opérée par la classe dirigeante mérite d’être saluée. En menant des politiques extrêmes et criminelles tout en parvenant à accuser d’extrémisme et de pensées haineuses ceux qui s’y opposent, la classe dirigeante occidentale accède à un sommet sans doute jamais atteint jusqu’ici dans l’art de la propagande, de la manipulation et de l’amoralisme. 

Dans tous les pays occidentaux les deux camps se font face : les progressistes et les minorités raciales qui leur sont alliées d’un côté ; les populistes de l’autre. Ces deux camps sont désormais séparés par une hostilité, un mépris et une haine réciproques et grandissantes. Tout les oppose désormais : les intérêts économiques et sociaux, la vision de l’avenir, la conception même de ce que doit être la société. Comme on le sait leur opposition a également une dimension spatiale marquée : aux Etats-Unis comme en France, la classe supérieure habite les métropoles tandis que les classes moyenne et populaire résident le plus souvent dans les régions périphériques et rurales. En France, les immigrés sont désormais majoritaires dans les banlieues des agglomérations.

L’affrontement des deux camps est total et sur tous les terrains : l’idéologie, la culture, les médias, l’école, le judiciaire… Comme on le voit ces jours-ci aux Etats-Unis, c’est une lutte à mort qui s’est engagée. Les règles du temps de paix bientôt seront caduques. Dans les guerres civiles, on le sait, même les lois de la guerre n’ont plus cours. 

Voir également les chroniques suivantes :

La guerre civile tiède a commencé

Trois France désormais, qui se haïssent

« Peureux, incultes, méchants et dépressifs » : comment le Système s’efforce de discréditer les Dissidents

https://leblogdepaysansavoyard.wordpress.com/2020/11/10/c...

jeudi, 23 janvier 2020

Pour un progressisme de droite

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Pour un progressisme de droite

Par Romain d’Aspremont,

auteur de « Penser l’Homme nouveau : Pourquoi la droite perd la bataille des idées »

Ex: http://www.rage-culture.com

Si la droite perd, c’est qu’elle évolue au sein d’un logiciel chrétien. Les sociétés occidentales sont fondamentalement marquées par la morale chrétienne ; il n’est pas étonnant que l’idéologie gauchiste s’y épanouisse – et, sur le temps, ne cesse de gagner du terrain – tandis que les droitistes doivent perpétuellement batailler pour paraître fréquentables. C’est le principe même du Bien qui doit basculer de l’égalitarisme vers l’élitisme, et du pacifisme vers la compétition et la lutte.

41-KRsa2LPL.jpgLa seconde raison de la défaite perpétuelle de la droite, c’est son conservatisme. Les réaco-conservateurs assimilent trop souvent l’avenir à un déploiement inéluctable des forces progressistes. Ils en viennent à prendre l’objet (l’avenir) façonné par le sujet (la gauche) pour le sujet lui-même. Le futur étant devenu synonyme d’avancées « progressistes », l’unique remède ne pourrait être que son contraire – le passé – plutôt qu’un avenir alternatif. Or il y a là une forme de défaitisme, comme si la droite assimilait sa propre déconfiture, ratifiant le monopole de la gauche sur l’avenir. Puisque l’Histoire n’est qu’une longue série de victoires progressistes, c’est l’avenir lui-même qu’il faudrait brider, plutôt que les acteurs qui le façonnent. Ralentir le temps et sanctuariser certaines institutions apparaît alors comme la solution par défaut.

Cette analyse, plus ou moins consciente, est une variante de la croyance en un progrès linéaire : l’avenir n’est plus une irrésistible ascension, mais une lente décadence. Ainsi, tout en ridiculisant l’idée d’un « sens de l’Histoire », les réaco-conservateurs considèrent implicitement que le temps fait le jeu de la gauche. S’il leur arrive – du bout des lèvres – de se satisfaire d’une nouveauté, ils n’iront jamais jusqu’à batailler pour la faire advenir, non plus qu’ils ne mobiliseront leur énergie intellectuelle pour concevoir un nouveau « de droite ». Leurs forces sont toutes entières consacrées à faire l’éloge du passé. 

Le progressisme au sens strict repose sur des postulats infirmés par l’Histoire. Le pacifiste et le jouisseur finissent toujours par se soumettre au guerrier. Mais le conservatisme lui-même n’en repose pas moins sur des présupposés erronés, car les projets d’Homme nouveau, loin de se réduire à des utopies illusoires, sont un des moteurs de l’Histoire. 

 La posture d’un Schopenhauer, qui écrit « le progrès, c’est là votre chimère, il est du rêve du XIXème siècle comme la résurrection des morts était celui du Xème, chaque âge a le sien », n’est plus tenable. La véritable erreur, c’est de croire que les chimères sont sans prise sur le réel – surtout quand ces chimères peuplent les cerveaux des élites. Chaque époque a sa conception particulière du progrès, et ceux qui se refusent à proposer la leur doivent renoncer à écrire l’Histoire. De même, Nietzsche peut bien déclarer que le Progrès est « une idée fausse », il n’empêche que sa philosophie du surhomme est progressiste – progressiste de droite.

Notre ennemi ne doit pas être le progressisme au sens large, mais uniquement le progressisme de gauche. Non pas l’idée de progrès, mais la direction que veulent lui faire prendre nos adversaires. Car « l’idée de progrès constitue moins une idéologie que la présupposition de toutes les idéologies, systèmes de représentations et de croyances proprement modernes ». C’est pourquoi la droite doit développer son propre progressisme, qui doit viser la réunification de l’Occident (plutôt que la défense des Etats-nations) et encourager l’évolution anthropologique (plutôt que sanctifier la tradition). Par définition, le futur a toujours raison du passé. Aussi, le duel du Passé et de l’Avenir doit s’effacer au profit d’un choc entre un avenir de gauche et un avenir de droite.

Notre progressisme doit promouvoir une exigence de dépassement, sur tous les plans, y compris moral. Cette morale sera « vitaliste » : valorisant tout ce qui élève l’espèce et combattant ce qui la bride, l’affaiblit et la mutile. Appliquée aux débats sociétaux qui suscitent le plus de crispations, son verdict sera différent de celui des réaco-conservateurs. Ainsi, la PMA et la GPA sont souhaitables dans la mesure où elles élèvent le capital biologique et intellectuel des Occidentaux (ingénierie génétique).

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Romain d'Aspremont

Un progressisme de droite ne doit pas borner son horizon au domaine anthropologique (entreprise de création d’un homme nouveau) ; il doit l’étendre au domaine institutionnel et étatique. Faute de proposer une vision de l’Europe qui soit autre chose qu’un simple retour à l’ère gaullienne – « l’Europe des nations » – les souverainistes se privent du formidable potentiel mobilisateur propre à tout idéal nouveau. Philippe de Villiers explique que ceux qui ont affronté le traité de Maastricht ont cru combattre un super-État (une entité politique susceptible d’incarner une Europe-puissance, pesant en propre sur la scène internationale), pour ensuite découvrir que le projet européen n’a jamais été de bâtir les Etats-Unis d’Europe, mais de substituer l’économique (le marché) au politique.

En fait, les souverainistes ont bien fait de s’opposer à Maastricht, mais pour de mauvaises raisons. En effet, le dépassement des nations et l’unification de l’Europe ne sont pas des idées condamnables en soi ; elles méritent d’être évaluées à l’aune de l’idéal qui les porte. Le malheur n’est pas que l’Europe soit gouvernée par un « despotisme doux et éclairé » (Jacques Delors), mais que ce despotisme soit anti-européen dans l’âme. Or, par une ruse de l’Histoire, les Européistes nous ont offert le cadre institutionnel et administratif pouvant servir notre vision de l’Europe : plutôt que de détruire ces leviers de pouvoir, emparons-nous-en afin d’impulser une renaissance civilisationnelle, qui passe par la création des Etats-Unis d’Europe, puis des Etats-Unis d’Occident (Etats-Unis d’Amérique, Russie, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande compris).

Les souverainistes ne jurent que par l’État-nation et le retour à l’ordre ancien. Dans de nombreux domaines (immigration, éducation, justice), ce retour est vital, mais il faut se rappeler que les États-nations sont eux-mêmes issus de l’effondrement de l’Empire romain christianisé. Ils sont la conséquence lointaine des invasions barbares du Ve siècle, et une fragmentation de l’unité politique de la chrétienté. Car enfin, l’âme européenne vaut plus que le respect tatillon de la souveraineté des États-nations. Ne confondons pas le moyen – les institutions – et la fin – la pérennité des cultures nationales et de la civilisation européenne. À ceux qui prétendent que cette dernière est un fantasme, et que seules existent les cultures nationales, qu’ils parcourent donc le monde et ils distingueront sans peine ce qui relève de la nuance (les différentes cultures européennes) de ce qui relève de la différence essentielle (les civilisations).

Notre projet doit être la restauration de l’Europe unie, plutôt que le combat acharné pour la pérennité de son éclatement. Il ne s’agit pas de pratiquer une fuite en avant vers le dépassement des États-nations mais, puisque ce dépassement se fera, avec ou sans nous, il nous faut en avoir la maîtrise. Trop longtemps, les défenseurs de l’âme européenne ont laissé aux européistes le monopole de l’idéal européen. Les souverainistes se cantonnent soit à une négation (NON à l’Europe fédérale), soit à une nostalgie gaulliste (OUI à l’Europe des nations). Il nous faut penser un horizon nouveau, sans quoi l’histoire du continent sera écrite par nos adversaires, notre rôle se limitant à celui de retardateur, grippant provisoirement l’engrenage de la déconstruction civilisationnelle.

L’Europe des nations, les souverainistes vous le répètent, c’est l’Europe du « bon sens ». Mais l’homme n’est pas qu’un être de raison. Pour Carl Gustav Jung, l’homme a un besoin de sacré. Mais il a également un besoin d’idéal et d’utopie. S’il est disposé à se sacrifier pour fonder une nation, il ne l’est plus quand il s’agit de la rafistoler. L’Europe des nations est un conservatisme ; il lui manque la force du nouveau. Or le Neuf est souvent nécessaire à la sauvegarde de l’Ancien.

Nous sommes tellement habitués à voir le pouvoir politique européen déconstruire notre civilisation et nos identités nationales, que nous réagissons avec hostilité à toute idée de pouvoir européen, que nous assimilons à l’idéologie remplaciste. Or, le lieu du pouvoir ne préjuge pas de son contenu ; à nous d’en édifier un qui œuvre à notre renaissance civilisationnelle. 

Nietzsche écrit ainsi: « Ce qui m’importe […] c’est l’Europe unie. Pour tous les esprits vastes et profonds du siècle, la tâche où ils ont mis toute leur âme a été de préparer cette synthèse nouvelle et d’anticiper à titre d’essai l’« Européen » de l’avenir.  Aux heures de faiblesse seulement, ou quand ils vieillissaient, ils retombaient dans les perspectives étroites de leurs patries ».

Nous vous conseillons de lire également « Pour un transhumanisme de Droite » du même auteur

Références :
 1. F. Nietzsche, L’Antéchrist, § 4, Oeuvres philosophiques complètes, Paris, Gallimard, 1974, t. VIII, p. 162.
2. Pierre-André Taguieff, Les contre-réactionnaires, Le progressisme entre illusion et imposture, Denoël, 2007, p. 243.
3.  Philippe de Villiers, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, Albin Michel, 2015.
4.  Friedrich Nietzsche, La volonté de puissance, tome II, Gallimard. p. 293. 

dimanche, 23 juin 2019

Homo festivus sur le cours Mirabeau

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Homo festivus sur le cours Mirabeau

par Pierre-Emile Blairon

 

L’homo festivus est un type d’homme très commun à notre époque dans le monde occidental. On le verra se répandre sur toutes les places et les artères de nos villes européennes, sur le cours Mirabeau, les Champs-Elysées ou la Promenade des Anglais, la Piazza del Duomo ou la Puerta del Sol, à la recherche d’étourdissement et de paradis artificiels. Il a besoin de la foule de ses semblables pour ne pas se sentir seul. Il est l’homme des derniers jours.

Le vendredi 14 juin 2019, L’une des plus anciennes, des plus belles et des plus fameuses artères de notre pays, le cours Mirabeau à Aix-en-Provence, était investie par un étrange ballet de semi-remorques ; affairés à l’arrière des camions, des hommes en noir déversaient des échafaudages qui furent montés en un temps record ; Quelques temps après, on entendait de formidables explosions qui faisaient trembler l’eau des fontaines ; les techniciens testaient le son qui jaillissait des énormes enceintes. Le soir même, des milliers de jeunes gens se trémoussaient tout le long du cours aux injonctions saccadées de la musique techno qui avait envahi la totalité de la ville ancienne.

Le charme discret de l’aristocratie

Je ne connaissais pas Aix-en-Provence quand je suis arrivé à la fin des années 60 (XXe siècle) pour y poursuivre quelques études (à moins que ce ne soit le contraire). Quoiqu’il en soit, je n’ai plus voulu en partir ; j’avais été séduit par cette atmosphère de sérénité, de légèreté paisible, qui se dégageait de ses ruelles, quelques notes de piano qui dégoulinaient d’un balcon, le murmure cristallin des fontaines, émerveillé par la beauté des façades dont nulle faute de goût ne venait rompre l’harmonie ; la ville tout entière était un pur chef-d’œuvre, délicat et fragile. Aix-en-Provence était alors vouée entièrement à l’art, à l’étude, à l’éloquence, à la musique classique, à la flânerie, à une certaine qualité de vie qui correspondait bien à sa personnalité issue des traditions les plus élaborées de son prestigieux passé. Cette lente maturation de ce que le génie européen avait produit de plus beau avait fini par constituer une valeur incontestée, immuable et transcendante, un recours auquel pouvait se raccrocher tous ceux qui se sentaient en perte de repères, un lieu sacré éternel, sorte de temple urbain inviolable. Inviolable ? Vraiment ?

Les coups de boutoir des progressistes

Les progressistes mondialistes portent leurs coups de boutoir en priorité contre tout ce qui les dépasse – le passé les dépasse, il est trop riche - tout ce qui est enraciné profondément dans la terre et la pierre. Dans un premier temps, le patrimoine rural fut la cible prioritaire des destructeurs : musées, châteaux, église, abbayes… tous ces marqueurs traditionnels furent systématiquement dégradés par des spectacles, des expositions ou des architectures hors-sol accolées aux monuments visant à les dévaloriser. Ils en viennent maintenant à attaquer les villes anciennes elles-mêmes.

Une ville de culture et de tradition comme Aix-en-Provence va attirer la haine et la jalousie de tous ceux qui veulent faire table rase du passé.

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Ils y emploieront tous les moyens dont ils disposent pour dégrader et ridiculiser cette richesse patrimoniale qui leur fait horreur ; rien que le mot : patrimoine contient la notion de père et de patrie. L’art contemporain, l’architecture mondialiste, la publicité, la mode, la musique déracinée, les minorités revendicatives, l’homme nomade sans feu ni lieu, L’homo festivus, fabrications superficielles et éphémères (mais renouvelables à l’infini) du Système constituent la panoplie non exhaustive de ces moyens.

Des platanes emmaillotés

La première agression contre cette identité dont je me souviens a été visuelle. L’art dit contemporain avait envahi la ville. C’était en 2013 ; la cosmopolite métropole marseillaise, désignée alors ville de culture européenne, avait poussé ses manifestations modernistes et pathétiques jusque dans les cours de nos aristocratiques hôtels particuliers ; les platanes du cours Mirabeau avaient été emmaillottés d’un tissu rouge à pois blancs, la cour de la mairie ornée de personnages en plastique rouge vif moulé, et l’entrée du palais de justice, solennelle comme il sied à cette vénérable institution, ridiculisée par d’improbables « sculptures » aux couleurs bigarrées qui en barraient l’accès.

On commence à comprendre aujourd’hui que l’art contemporain est essentiellement une imposture destinée à devenir une monnaie virtuelle mondiale[1].

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Symbolisme de pacotille

En ce qui concerne l’architecture contemporaine, qu’il faudrait nommer plus clairement mondialiste[2] (comme l’art tout aussi « contemporain »), nos édiles ont eu, jusqu’à présent, la sagesse de l’autoriser uniquement à l’extérieur du périmètre ancien. Ainsi a pu se construire un « pôle culturel » qui ressemble à un alignement hétéroclite d’égos d’architectes nomades venus poser là leur dernière lubie. Ah ! Chacun y est allé de sa référence à un symbolisme de pacotille pour justifier son caprice, en feignant d’avoir recours à la « tradition ». Ainsi, le Pavillon noir, Centre de danse, conçu par Rudy Ricciotti, évoque pour certains l’emplacement proche de l’ancienne manufacture des allumettes, aujourd’hui bibliothèque Méjanes, et la disposition des croisillons qui constitue la trame de l’édifice rappelle le mikado, ce jeu de bâtonnets jetés d’une manière aléatoire ; mais l’architecte lui-même, qui se confie au Monde[3], va plus loin : « Il y a ici une sexualité particulière ; un côté un peu sado-maso, un peu latex, un peu cuir, moulé, très près du corps … C'est un bâtiment pour les initiés et pour Pythagore sous l'emprise de l'absinthe » (imaginer Pythagore sous l’emprise de l’absinthe, c’est… gore.)

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Le japonais Kengo Kuma assure, lui, avoir été inspiré par l’art traditionnel du pliage japonais (origami) en construisant le Conservatoire de musique qui jouxte le Pavillon noir ; fort bien, mais quel rapport avec la tradition provençale ?

Quant au GTP, Grand Théâtre de Provence, situé juste en face du Pavillon noir et du Conservatoire de musique, son architecte italien Vittorio Gregotti a souhaité "faire écho à la montagne Sainte-Victoire, et intégrer l’œuvre dans son paysage aixois". L’aspect massif, genre buncker, du bâtiment, effectivement, plaide pour ce rapprochement un peu facile.

Le mirage de la modernité

L’évocation de cette salle nous ramène au cours Mirabeau. La modernité est le lien entre tous ces domaines culturels. La modernité, c’est cette fuite en avant qui consiste à rechercher sans cesse ce qui peut être « tendance », qui peut constituer une « avancée » (mais de quoi ?) ; c’est comme la mode qui a, comme la modernité, cet aspect momentané (la mode est ce qui se démode) mais à un niveau qui globalise l’ensemble des facettes de la vie, qui consiste à rejeter tout ce qui fait partie du passé pour le prochain « coup de cœur » éphémère, qu’il soit d’ordre culturel, politique, matériel, etc. La modernité, autrement dit, c’est le dogme du progrès qui a été imposé dès notre plus tendre enfance par les partisans de ce qui était encore une utopie, devenue le Système lui-même. Dans cette perspective, aucun élément du passé ne trouve grâce aux yeux des progressistes, toujours prêts à tout démolir selon le goût du moment pour s’enticher d’une nouvelle coqueluche. C’est la société du tout-à-jeter. Le syndrome kleenex.

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La société du spectacle

L’homo festivus, selon la formule de Philippe Muray, est l’individu qui se donne avec enthousiasme à la société du spectacle, selon le titre d’un livre de Guy Debord. Il n’y a là rien de bien nouveau ; c’est le fameux « panem et circenses » de la fin de l’Empire romain ; donnons au peuple du pain et des jeux (du cirque, à l’époque) afin de le soumettre plus facilement à nos lois, même si elles sont iniques.

La majorité des individus de notre fin de cycle ne dispose pas d’une formation suffisante lui permettant l’accès à des activités culturelles de qualité. Elle ne pense, pour ses moments de loisir, qu’à s’étourdir dans la fureur, dans le bruit et dans la consommation de substances alcooliques ou stupéfiantes. C’est déjà un bon début pour le Système, qui a pour ambition d’asservir les « masses ».

Il est à parier, dans ce contexte, que la drogue sera bientôt en vente libre.

Mais pourquoi la municipalité accepte-t-elle ces violentes intrusions ?

Le GTP a coûté 45 millions d’euros pour une capacité d’accueil de 1382 personnes. Mais une salle encore plus grande (8000 spectateurs) a vu le jour fin 2017 : l’Arena. Elle a coûté 50 millions d’euros H.T. En juin, l’Arena a accueilli deux spectacles.

Alors se pose la question : pourquoi diable la municipalité qui a construit ou aménagé des salles de spectacle innombrables (bien d’autres salles existent dans le Pays d’Aix) se croit-elle obligée d’offrir le cours Mirabeau et la quasi-totalité du centre ancien aux bruyants « teufeurs » (on disait « fêtards » à une autre époque) ?

Pourquoi prend-elle le risque de mécontenter une grande partie des habitants de la ville qui ne sont pas spécialement des adeptes de ce genre de musique, ou, tout simplement (pour des motifs qui ne peuvent échapper à personne) ont peut-être envie de dormir la nuit, alors que des salles construites à grands frais sont disponibles pour ce genre de manifestation ? On ne parle pas des dégâts adjacents que tout le monde peut imaginer dans ce genre de circonstances (insalubrité et saleté) qui n’existent pas dans ces équipements modernes qui disposent de tout le confort adéquat, c’est bien le moins.

Il faut dire que le domaine artistique n’est pas le seul bénéficiaire de ce laxisme. Des dizaines de stades ont été aménagés tout autour de la ville qui persiste à accueillir à grand bruit et charroi sur ce même cours Mirabeau des manifestations sportives qui n’ont pas vocation à s’y produire.

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Pourquoi ? Mais parce que la plupart des décideurs municipaux font eux-mêmes partie, consciemment ou inconsciemment, de cette caste de destructeurs avec le sentiment d’être du côté du « bien ». Et c’est le cas dans toutes les structures administratives, nationales, locales ou régionales de notre pays, gangrenées depuis bien longtemps par l’illusion du progrès, méprisant tout ce qui tient encore debout.

L’Homo festivus, comme toutes les minorités, considèrerait comme outrageant et discriminatoire d’être cantonné dans une salle réservée à une activité particulière, serait-ce la sienne. Il veut investir l’espace public, comme il ne viendrait pas à l’idée des cyclistes d’aller exercer leur sport sur un vélodrome, plutôt que sur les routes, ou aux trottinettistes de respecter un quelconque code de déplacement spécifique, ou aux membres des groupuscules LGBT-UVWXYZ d’aller manifester leurs « fiertés » ailleurs que sur les endroits stratégiques des cités les plus en vue (leur exhibitionnisme souffrirait, bien sûr, d’une moindre exposition). Notre pays est livré à la dictature des minorités. Mais ce sera le sujet d’un prochain article.                                                                                                                   

Pierre-Emile Blairon

Notes:

[1] http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/09/23/l-art-de-la-provocation.html

[2] Il s’agit d’une architecture qui n’a aucune attache avec le sol où elle est construite ; on peut la retrouver n’importe où dans n’importe quel pays de n’importe quelle culture.

[3] 20 octobre 2006

dimanche, 28 octobre 2018

The Fallacy of Progress

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The Fallacy of Progress

Our “progressive” obsessions for change neglect to consider consequences. Change is demanded for the sake of a fad or a slogan: “equality,” “democracy,” “reproductive rights” . . . Even a word of caution is damned as “reactionary,” “old-fashioned,” or “fascist.” Traditions, customs, and beliefs are regarded as being as transient as the planned obsolescence of computers. The assumption by the “positivists” is that history is a straight line from “progress” and “primitive” to “modern,” and that anything or anyone who stands in the way is what Marx, in The Communist Manifesto, vehemently damned as a “reactionist.”

The “positivist” assumption was a conscious break with the past; its founder, de Condorcet,[1] [2] was an ideologue of the French Revolution, albeit meeting his fate like many others. Marx was in the same mold. Under the impress of the same zeitgeist, Darwinism was applied to social history and economics and used to justify another type of revolution: the industrial, and nineteenth-century positivists, including Social Darwinists, confidentially saw the nineteenth century as the culmination of all hitherto existing societies. This optimism among the highest intellectual circles was cogently expressed by A. R. Wallace, who was next to Darwin in importance in propounding the theory of evolution: “Not only is our century superior to any that have gone before it but . . . it may be best compared with the whole preceding historical period. It must therefore be held to constitute the beginning of a new era of human progress . . .”[2] [3]

As a reminder that the twentieth and twenty-first centuries are trapped in the same mental straitjacket of “progress” and, ironically, that historical perspectives have not “progressed” beyond the dogmatic assumptions of de Condorcet, Marx, or Wallace, influential academics such as Francis Fukuyama assure us with the same certainty that liberal democracy, under the auspices of the United States, is not only the culmination of all hitherto existing history, but that it is equally applicable to all humans. Moreover, once its universal dispensation has been achieved, this will be literally “the end of history,” and there will be global happiness via production and consumption, and aesthetics will have become so deadened that there is no differentiation between Beethoven and pop.[3] [4] This description is not a spoof or satire.

What is assumed is that man, as a “higher animal,” is so detached from nature that he can mold himself into whatever form he desires, and that the method and aim are justified by a preconceived ideology that shows it to be “true,” whether as Jacobinism, Marxism, or Free Trade. Man, through “social laws,” is above all organic and ecological considerations. It is erroneous for conservatives to assume that Marxism is based on “environmentalism,” considering that the Marxist doctrine states that by changing the environment – under socialism – human nature is thereby changed. Rather, Marxism regards the laws of ecology, just as much as “biologism,” as the laws of Mendelian hereditary, and Marxist regimes tried to overcome both.[4] [5] Hence, doctrines that insist that man is subject only to social laws and the laws of production – that is, doctrines of economic reductionism, whether of the socialistic or capitalistic varieties (both stem from the same outlook) – insist in a hubristic manner that humanity is impelled towards a Promethean conquest of all nature, and can without restraint impose its will upon the universe. What is required is an understanding of the laws of social progress that circumvent all others. How cynical that Marxists entered en masse into the ranks of the ecological and “green” movements – initiatives of the Right – after the Marxist failure to make any headway among the “international proletariat,” that only existed in the imaginings of reading-room ideologues!

The restraint that was so condemned by Marx as “reactionism,” and meets the same chorus of hatred today by “progressives” of all persuasions, is the anchor of tradition. So far from being a regressive personality trait, it is a trait of mature wisdom, drawing on the accumulation of millennia of experience and epigenetically conveyed over generations as “culture” and “custom.” It is what is ridiculed by the “progressives” – who, in their feigned intellectualism, have discarded, obscured, slandered, or buried those who really did seek to understand the nature of being human, whether as philosophers such as Martin Heidegger, Anthony Ludovici, and Oswald Spengler,[5] [6] or as scientists, such as the physiologist Alexis Carrel, the zoologist Konrad Lorenz, the psychologist Carl Jung, or the present-day biologist Rupert Sheldrake.[6] [7]

jungCGp.jpgCarl Jung

Carl Jung, father of analytical psychology, made the point that Western man’s psyche is not keeping pace with his technology. The levels of our unconscious are multi-layered, reaching back to primordial existence, yet Western technology has exponentially leaped ahead, leaving behind the anchorage of tradition in the acclaimed “march of progress.” Jung wrote of this:

Our souls as well as our bodies are composed of individual elements which were all already present in the ranks of our ancestors. The “newness” of the individual psyche is an endlessly varied recombination of age-old components. Body and soul therefore have an intensely historical character and find no place in what is new. That is to say, our ancestral components are only partly at home in things that have just come into being. We are certainly far from having finished with the middle ages, classical antiquity, and primitivity, as our modern psyches pretend. Nevertheless we have plunged into a cataract of progress which sweeps us into the future with ever wilder violence the farther it take us from our ranks. The less we understand of what our forefathers sought, the less we understand ourselves, and thus we help with all our might to rob the individual of his roots and his guiding instincts.[7] [8]

The psyche becomes fractured in contending with a discrepancy between millennia of ancestral experiences and the jolt of what is “modern,” and which aims to discard such primordial wisdom as redundant. Mentally fractured individuals create socially-fractured entities still inaccurately named “societies,” with a multitude of social pathogens. Jung considered the ultimate aim of the individual to be “individuation,” the integration of the fractured parts of the psyche of the individual, and beyond that, of the collective unconscious of the race and of society.

carrelmic.jpgAlexis Carrel

Alexis Carrel was a Nobel Prizewinning physiologist. He departed from the safety, comfort, and fame of life in the United States to return to his native France in a time of need to work during the war with the National Revolutionary regime of Marshal Petain. Carrel was also concerned with the degeneration and fracturing of “modern man” caused by progressivism. In his best-selling 1937 book, Man the Unknown, Carrel addressed these problems:

[M]en cannot follow modern civilization along its present course, because they are degenerating. They have been fascinated by the beauty of the sciences of inert matter. They have not understood that their body and consciousness are subjected to natural laws, more obscure than, but as inexorable as, the laws of the sidereal world. Neither have they understood that they cannot transgress these laws without being punished.

They must, therefore, learn the necessary relations of the cosmic universe, of their fellow men, and of their inner selves, and also those of their tissues and their mind. Indeed, man stands above all things. Should he degenerate, the beauty of civilization, and even the grandeur of the physical universe, would vanish . . . Humanity’s attention must turn from the machines of the world of inanimate matter to the body and the soul of man, to the organic and mental processes which have created the machines and the universe of Newton and Einstein.[8] [9]

Carrel, like Jung, was not a materialist; he regarded the “soul” as important, if still not understood by science. Science has resolved very little of the great questions of life, wrote Carrel, and civilization was having a degenerative affect:

We are very far from knowing what relations exist between skeleton, muscles, and organs, and mental and spiritual activities. We are ignorant of the factors that bring about nervous equilibrium and resistance to fatigue and to diseases. We do not know how moral sense, judgment, and audacity could be augmented. What is the relative importance of intellectual, moral, and mystical activities? What is the significance of aesthetic and religious sense? What form of energy is responsible for telepathic communications? Without any doubt, certain physiological and mental factors determine happiness or misery, success or failure. But we do not know what they are. We cannot artificially give to any individual the aptitude for happiness. As yet, we do not know what environment is the most favorable for the optimum development of civilized man. Is it possible to suppress struggle, effort, and suffering from our physiological and spiritual formation? How can we prevent the degeneracy of man in modern civilization? Many other questions could be asked on subjects which are to us of the utmost interest. They would also remain unanswered. It is quite evident that the accomplishments of all the sciences having man as an object remain insufficient, and that our knowledge of ourselves is still most rudimentary.[9] [10]

In a conclusion similar to that of Jung on the discrepancy between the exponential advances of mechanical and material civilization and of the human conscious and unconscious, Carrel warned:

The environment which has molded the body and the soul of our ancestors during many millenniums has now been replaced by another. This silent revolution has taken place almost without our noticing it. We have not realized its importance. Nevertheless, it is one of the most dramatic events in the history of humanity. For any modification in their surroundings inevitably and profoundly disturbs all living beings. We must, therefore, ascertain the extent of the transformations imposed by science upon the ancestral mode of life, and consequently upon ourselves.[10] [11]

Modern civilization finds itself in a difficult position because it does not suit us. It has been erected without any knowledge of our real nature. It was born from the whims of scientific discoveries, from the appetites of men, their illusions, their theories, and their desires. Although constructed by our efforts, it is not adjusted to our size and shape.[11] [12]

KL-portr.jpgKonrad Lorenz

Konrad Lorenz, the father of the science of ethology, the study of instinct, gave a warning from an ecological viewpoint, that the abandonment of customs and traditions is steeped with dangers which are likely to be unforeseen. Culture is “cumulative tradition.”[12] [13] It is knowledge passed through generations, preserved as belief or custom. The deep wisdom accrued by our ancestors, because it might be wrapped in the protection of religions and myths, is discounted by the “modern” as “superstitious” and “unscientific.” Lorenz referred to the “enormous underestimation of our nonrational, cultural fund, and the equal overestimation of all that man is able to produce with his intellect” as factors “threatening our civilization with destruction.”

Giambattista Vico,[13] [14] a precursor to Spengler, tried to warn about this superficiality of intellectualization and its rejection of tradition – including religion – at the time of the Renaissance, the much-lauded beginning of the epoch of the West’s decay. Ibn Khaldun attempted the same when there was still something left of the Islamic civilization,[14] [15] on the verge of becoming fellaheen, as Spengler called such spent civilizations, or historically passé. We can say the same about Cato, and many others faced by the “progressives” of their own civilization when entering upon the epoch of decay. “Progress” is one of the great illusions of our time, just as it was in the analogous epochs of other civilizations over the course of thousands of years.[15] [16] If Jeremiah, Cato, or Herodotus were to be transported to this time in the West, they might laugh or sneer at the banal slogans of our “progressives” and “moderns,” and reply, “I’ve seen it all before . . . and it does not end well.”

“Being enlightened is no reason for confronting transmitted tradition with hostile arrogance,” stated Lorenz. Writing at a time when the New Left was rampant, as it is today under other names, Lorenz observed that the attitude of youth towards parents shows a great deal of “conceited contempt but no understanding.”[16] [17] Lorenz perceived a great deal of the psychosis of the Left as a pathogen in the social organism, as it remains today: “The revolt of modern youth is founded on hatred; a hatred closely related to an emotion that is most dangerous and difficult to overcome: national hatred. In other words, today’s rebellious youth reacts to the older generation in the same way that an ‘ethnic’ group reacts to a foreign, hostile one.”[17] [18]

What is of interest is that Lorenz saw this as a youth subculture that was tantamount to a separate, foreign ethnos, when a group forms around its own rites, dress, manners, and norms. In the biological sciences this is called “pseudospeciation.” With this new group identity comes a “corresponding devaluation of the symbols” of other cultural units.[18] [19] The obsession with all that is regarded as “new” among the youth revolt was described by Lorenz as “physiological neophilia.” While this is necessary to prevent stagnation, it is normally gradual and followed by a return to tradition. Such a balance, however, is easily upset.[19] [20] In the psychology of individuals, fixation at the stage of neophilia results in behavioral abnormalities such as vindictive resentment towards long-dead parents.[20] [21] This lack of respect for tradition is aggravated by the breakdown of traditional social hierarchy, mass organization, and “a money-grabbing race against itself”[21] [22] that dominates the Late West.

Since Lorenz wrote of these symptoms of Western decay during the 1970s, the Western social organism has continued to fracture, and as one would expect, it has been exponential – a collective rush to insanity that is ironically upheld as “healthy” by humanistic psychologists, who are themselves afflicted with the psychosis and produce papers and books “proving” that, to cite the latest “progressive” fad, one’s gender is a matter of choice. Again we confront the ideological opposition to “biologism” that kept Lysenko in a job.

Destruction of Symbols is Symbolic

There is now the presence – vastly greater than in Lorenz’s time – of actual ethnoi that have no attachment to the West, but maintain a great resentment. There is also further pseudospeciation among women in terms of radical feminism and “gays,” possessing their own manners, rites, dress, terms of speech, and even their own flags and other symbols. They are united in their hatred of the West, denigrated as “white patriarchy”; with its symbols being torn down and its heroes ridiculed as “dead white males.” The destruction of the traditional symbols of one’s forefathers is a redirected form of matricide and patricide that became a doctrine during the psychotic days of the New Left, among the “Weathermen” and Yippies and so on during the 1960s, when Charles Manson became a revolutionary hero, and Jerry Rubin rejoiced in the death of his mother – who, had it not been for cancer, he would have had to murder.[22] [23] We currently witness the group psychosis of the New-New Left in the compulsion to destroy Confederate monuments, and the frenzied, atavistic hitting and kicking at toppled bronze statues with the frenzy of the Italian mob kicking at the lifeless bodies of Mussolini and Clara Petacci.

This vandalism of the symbols and monuments of tradition is a substitute for murder, such as is unleashed during revolution, like that directed at Confederate memorial statues; by official decree at the statues of General Franco in Spain; and the recent abortive effort to get a statue of New Zealand colonial officer Colonel Marmaduke Nixon torn down, presumably as the beginning of a process, through a colossal distortion of colonial history.[23] [24] It is in each case an example of trying to obliterate the tradition that serves as an anchor, without which hubris leads to self-destruction. In other circumstances, these types – and they are types – would have been burning churches in Spain, or destroying ancient monuments in Iraq.

Notes

[1] [25] Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat Condorcet, Sketch for a Historical Picture of the Progress of the Human Mind (London: Weidenfeld & Nicolson, 1955).

[2] [26] A. R. Wallace, The Wonderful Century (London: Swan Sonnenschein & Co., 1985).

[3] [27] Francis Fukuyama, “The End of History? [28]”, The National Interest, Summer 1989.

[4] [29] K. R. Bolton, The Decline and Fall of Civilisations (London: Black House Publishing, 2017), pp. 121-124.

[5] [30] Oswald Spengler, The Decline of The West (London: George Allen & Unwin, 1971).

[6] [31] Rupert Sheldrake, “Morphic resonance: Introduction [32].”

[7] [33] C. G. Jung, Memories, Dreams, Reflections (New York: Pantheon Books, 1961), pp. 235-236.

[8] [34] Alexis Carrel, Man the Unknown (Sydney: Angus & Robertson Ltd., 1937), Preface, p. xi.

[9] [35] Carrel, I, p. 1.

[10] [36] Carrel, I, p. 3.

[11] [37] Carrel, I, p. 4.

[12] [38] Konrad Lorenz, Civilized Man’s Eight Deadly Sins (New York: Harcourt Brace Jovanovich, 1974), p. 61.

[13] [39] Giambattista Vico, The New Science of Giambattista Vico (Ithaca, N. Y.: Cornell University Press, 1948).

[14] [40] Ibn Khaldun, The Muqaddimah, tr. Franz Rosenthal (Princeton, N. J.: Princeton University Press, 1969).

[15] [41] Bolton, The Decline and Fall of Civilisations, passim.

[16] [42] Lorenz, p. 64.

[17] [43] Lorenz, p. 64.

[18] [44] Lorenz, pp. 64-65.

[19] [45] Lorenz, p. 69.

[20] [46] Lorenz, pp. 69-70.

[21] [47] Lorenz, p. 73.

[22] [48] Jerry Rubin, Growing (Up) at 37 (New York: Warner Books, 1976), pp. 140-142. This is followed with a few elaborations that enter new realms of psychosis. See K. R. Bolton, The Psychotic Left (London: Black House Publishing, 2013).

[23] [49] Farah Hancock, Newsroom, September 8, 2017, “South Auckland’s Uncomfortable History [50].”

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

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[28] The End of History?: http://www.wesjones.com/eoh.htm

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[32] Morphic resonance: Introduction: http://www.sheldrake.org/research/morphic-resonance/introduction

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[50] South Auckland’s Uncomfortable History: https://www.newsroom.co.nz/2017/09/07/46506/south-aucklands-uncomfortable-memorial

 

mercredi, 09 novembre 2016

Progressive Foreign Policy Fails Again

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Progressive Foreign Policy Fails Again

impech.jpgWhat happened in Libya and Syria is simply a manifestation of a very dangerous mindset known as progressivism.  Progressivism amounts to a blind faith that government force can improve any given situation.  It is usually associated with domestic policy but progressivism also operates in foreign policy. Progressives ignore costs and consequences.  Progressives plunge into situations they do not understand, heedless of the consequences.  When progressives fail, they invariably attribute the failure to not using enough government force.  Thus, Obama, explaining his failure in Libya, stated, “I think we underestimated... the need to come in full force.”[1]

Thus, it is not merely Obama and Clinton who need to be held responsible.  Their underlying ideology also needs to be called to account.  We need to impeach progressivism too lest that dangerous ideology leads us into an endless series of future foreign policy disasters as it has already led us into 100 years filled with them. 

It is important to understand that a callous disregard of consequences is intrinsic to progressivism,[2] whether applied to domestic or foreign policy. One consequence of foreign intervention which the progressives utterly ignore is blowback in the form of terrorist attacks in direct retaliation against the intervention.  It is probably a Freudian slip that those who supported overthrowing Gaddafi and Assad were oblivious to the consequences as these men had few ties to terrorism in recent years.  However, if all that was said about them was true, then they should have been concerned about such retaliation.  There is no similar excuse concerning ISIS, however.  And true to form, ISIS has delivered, in Paris, in the skies of Egypt and in San Bernardino and Orlando.  As of November of 2015, ISIS had engaged in over 1500 terrorist attacks.[3]

Another consequence of war that is rarely discussed in advance is the legal risk of engaging in war.  When a state is attacked, it has the legal right to respond and defend itself.[4]  Such a response may include attacking any military facility in the attacking state. Obviously, any such attacks in modern war run the risk of civilian casualties.  Since this is rarely if ever mentioned by politicians, they apparently expect us to simply put all of this out of our minds.

What is truly revolting is this.  Obama and Clinton, who are protected by heavy security, have launched the United States into wars against parties likely to retaliate against innocent and vulnerable civilians, when the perpetrators of these illegal wars are utterly incapable of stopping such attacks or protecting such civilians.  The only legal remedy for such moral depravity is impeachment. 

Although foreign progressivism is a species of the same genus as domestic progressivism, it is important to understand that foreign progressivism is even worse.  Foreign progressive intervention has several features that differ from the domestic variety.  First, progressives know even less about foreign lands than they do about their own country where they still make huge policy blunders.  They are particularly unaware of the age-old conflicts among racial, ethnic and religious groups. They bring with them a Western-style assumption, rooted in archism, that national borders are rational, just and sacrosanct.  Thus, they are blind to the fact that the state boundaries in most parts of the world are unjust, arbitrary and usually imposed by imperial powers after violent conquest.  Of course, as progressives (and archists), the notion that states need to be broken up into smaller parts that would allow the various warring tribes and groups to run their own nations, is loathsome to them.  Centralization is a primary progressive value.  So, for example, after the U. S. conquest of the artificial state of Iraq, they insisted on its continued integrity.  It was thus predictable that the Shiite majority would control the entire state after elections and impose its will on the minority Sunnis and Kurds, leading to the inevitable civil war.  Hillary Clinton, who voted for the Iraq War, was herself blissfully unaware of this inevitability.

progrostrow.jpgSecond, people in foreign lands have never approved in any way the progressives’ intervention into their own country.  Third, that being the case, while domestic intervention has a number of tools at its disposal, foreign intervention has only one primary tool, war.  War involves killing people and destroying property.  Not only does this directly engender resistance and retaliation but it also strips away the protective coating of propaganda that usually cloaks state action.  For example, since most people comply with tax laws, the state only rarely has to use actual force to collect them.  Thus, the violent nature of taxation is hidden underneath the usual avalanche of birth-to-death progressive propaganda.  For example, it is based on voluntary compliance; it is the citizens’ duty, and it’s all good because it was democratically approved.  While all these rationalizations are nonsense, it is not easy to cut through the propaganda when the audience spent twelve years in a government school being brainwashed.  In sharp contrast, when a bomb blows up an apartment building and kills thirty people, the facts are plain and the ability of propaganda to make people think that black is white, is minimal.  Naturally, they tend to react, resist and retaliate.

To sum up, progressivism fails in foreign policy for a number of important reasons.  First, the progressives are pervasively ignorant about the countries they are invading and conquering.  Second, such intervention fails to deal with the underlying causes of problems, usually being related to the preexisting culture and character of a people or the arbitrary borders into which disparate ethnic, racial and religious groups have been consigned.  Third, such intervention sparks resistance and retaliation among the victims. Finally, such intervention usually results in unforeseen and unintended bad consequences.

Thus, the lesson of this book is not just that Obama and Clinton blundered by intervening into Libya and Syria but that, once again, progressives applied their utopian theory beyond the borders of the United States with the usual disastrous consequences.

Notes:

[1] T. Friedman, “Obama on the World,” nytimes.com, Aug. 8, 2014 (emphasis added); Progressivism: A Primer, supra at 21, et seq.

[2] And archism as well.

[3] M. Keneally & J. Diehm, “Sobering Chart Shows ISIS Is the Terror Group With Most Mass Killings Since 2000,” abcnews.go.com, Nov 16, 2015.

[4] See, United Nations Charter, Article 51.

James Ostrowski is a trial and appellate lawyer in Buffalo, NY. He is CEO of Libertymovement.org and author of several books including Progressivism: A Primer on the Idea Destroying America. See his website.

jeudi, 08 septembre 2016

Le clivage droite/gauche est-il mort?

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Le clivage droite/gauche est-il mort?

Entretien avec Arnaud Imatz

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

(Figaro Vox, 4 septembre 2016)

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

AIm-1.jpgEmmanuel Macron a présenté sa démission à François Hollande, qui l'a acceptée. L'ancien ministre de l'économie va se consacrer à son mouvement «En marche» et préparer une éventuelle candidature à la présidentielle. Il entend dépasser le clivage droite/gauche. Est-ce le début de la fin de ce que vous appelez une «mystification antidémocratique»?

À l'évidence Monsieur Macron a des atouts dans son jeu. Il est jeune, intelligent, il apprend vite et il n'est pas dépourvu de charisme et de charme. Il a en outre eu la bonne idée de créer une petite structure, En Marche ce que n'avait pas pu, su, ou voulu faire en son temps Dominique de Villepin. Mais si un «mouvement» ou -pour être plus exact - une simple association de notables peut jouer un rôle de parti charnière, et in fine obtenir un ou deux portefeuilles ministériels, je ne crois pas qu'elle puisse suffire pour positionner sérieusement un leader comme candidat crédible à la présidentielle de 2017. Sous la Ve République, seuls les chefs de grands partis, ceux qui en contrôlent les rouages, ont des chances de succès. On voit mal comment dans un parti socialiste aux mains de vieux éléphants un consensus pourrait se dégager spontanément autour de quelqu'un dont le style et les idées ne sont appréciés ni des barons, ni de la majorité des militants. Mais en politique il ne faut exclure aucune hypothèse. Macron est un politicien, sinon chevronné, du moins déjà expérimenté. Il connaît très bien la magie des mots. Il a dit et laisser dire qu'il souhaitait dépasser le clivage droite/gauche et qu'il n'était pas socialiste (après tout il semble qu'il ne l'ait été, comme membre du Parti socialiste, que de 2006 à 2009… à l'époque où il était encore banquier d'affaires). Il s'est réclamé récemment de Jeanne d'Arc flattant à peu de frais un certain électorat de droite toujours sensible aux envolées lyriques devant un des symboles de la nation. Le jour de sa démission, il a précisé qu'il n'avait jamais dit qu'il était «ni de droite, ni de gauche», ce qui d'ailleurs ne lui a rien coûté car cette double négation ne veut pas dire grand-chose. Sans doute eût-il été plus honnête et plus correct d'affirmer devant les français: «je ne suis pas simultanément de droite et de gauche». Cela dit, il s'est aussi déclaré dans le camp des progressistes contre celui des conservateurs. J'imagine sans peine que forcé de nous expliquer ce que sont pour lui les progressistes et les conservateurs, il ne manquerait pas de nous asséner quelques lieux-communs sur les prétendus partisans du progrès, de la raison, de la science, de la liberté, de l'égalité et de la fraternité face aux immobilistes, aux réactionnaires et aux populistes. Je dirai que Macron est un énième remake de Tony Blair, Bill Clinton et Gerhard Schröder. N'oublions pas que ces vedettes politiques de l'époque cherchaient à s'approprier, par-delà les clivages de droite et de gauche, la capacité de mobilisation de la «troisième voie».

Le système des primaires est-il un moyen de faire perdurer cette «mystification»?

Oui! bien évidemment. Il y a en fait une double mystification antidémocratique. Il y a d'abord celle de la division droite / gauche, à laquelle je me réfère dans mon livre. C'est celle que José Ortega y Gasset qualifiait de «formes d'hémiplégie morale» dans La révolte des masses déjà en 1929. C'est aussi celle dont Raymond Aron disait qu'elle reposait sur des «concepts équivoques» dans L'opium des intellectuels en 1955 (Je fais d'ailleurs un clin d'œil admiratif à son œuvre dans l'intitulé de mon livre). Cette dichotomie a été également dénoncée ou critiquée par de nombreuses figures intellectuelles aussi différentes que Simone Weil, Castoriadis, Lasch, Baudrillard ou Gauchet et, elle l'a été plus récemment par une kyrielle d'auteurs. Mais il y a aussi une seconde mystification antidémocratique qui affecte directement les partis politiques. Ce sont les leaders et non les militants qui se disputent le pouvoir. À l'intérieur des partis la démocratie est résiduelle, elle exclut la violence physique mais pas la violence morale, la compétition déloyale, frauduleuse ou restreinte. Il y a bien sûr des partis plus ou moins démocratiques qui parviennent à mitiger et à contrôler les effets de leur oligarchie mais s'ils existaient en France, en ce début du XXIe siècle, je crois que ça se saurait.

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L'opposition droite/gauche peut-elle vraiment se résumer à un «mythe incapacitant»? Comme le souligne Denis Tillinac, ces deux courants ne sont-ils pas, malgré tout, irrigués par un imaginaire puissant dans lequel les électeurs se reconnaissent?

Il ne s'agit pas d'essences inaltérables. Je ne crois pas qu'il y ait «des valeurs permanentes de droite» et des «principes immortels de gauche». Il n'y a pas d'opposition intangible entre deux types de tempéraments, de caractères ou de sensibilités. Il n'y a pas de définitions intemporelles de la droite et de la gauche. Denis Tillinac nous parle de deux courants qui seraient «irrigués par un imaginaire puissant». Mais un imaginaire forgé par qui? Par les Hussards noirs de la République et les Congrégations religieuses? Et depuis quand? Depuis 1870, depuis1900 voire depuis 1930 nous répondent les historiens.

Je n'ignore pas bien sûr le point de vue des traditionalistes. Je sais que pour les traditionalistes être de droite ce n'est pas une attitude politique mais une attitude métaphysique. Je sais qu'ils considèrent que la gauche s'acharne à réduire l'homme à sa mesure sociale et économique. Que pour eux la droite et la gauche sont caractérisées par deux positions métaphysiques opposées: la transcendance et l'immanence. Ils sont les défenseurs d'une droite idéale, sublime, transcendantale ou apothéotique, celle que les partisans de la religion républicaine, d'essence totalitaire, Robespierre et Peillon, vouent perpétuellement aux gémonies.

Pour ma part, en me situant sur les plans politique, sociologique et historique, je constate que les chassés croisés idéologiques ont été multiples et permanents. Je peux citer ici le nationalisme, le patriotisme, le colonialisme, l'impérialisme, le racisme, l'antisémitisme, l'antichristianisme, l'antiparlementarisme, l'anticapitalisme, le centralisme, le régionalisme, l'autonomisme, le séparatisme, l'écologisme, l'américanophilie/américanophobie, l'europhilie/europhobie, la critique du modèle occidental, l'alliance avec le tiers-monde et avec la Russie, et bien d'autres exemples marquants, qui tous échappent à l'obsédant débat droite/gauche. Il suffit de s'intéresser un minimum à l'histoire des idées pour se rendre compte très vite que les droites et les gauches ont été tour à tour universalistes ou particularistes, mondialistes ou patriotiques, libre-échangistes ou protectionnistes, capitalistes ou anticapitalistes, centralistes ou fédéralistes, individualistes ou organicistes, positivistes, agnostiques et athées ou théistes et chrétiennes. Un imaginaire puissant dans lequel les électeurs se reconnaissent? Non! je dirais plutôt, avec le marxologue Costanzo Preve, que ce clivage est «une prothèse artificielle».

Selon vous, un nouveau clivage politique oppose désormais le local au mondial, les enracinés aux mondialisés…

J'avoue que la lecture de la philosophe Simone Weil m'a profondément marqué dans ma jeunesse. Elle a su brillamment démontrer que la dyade vecteur du déracinement / soutien de l'enracinement, explique la rencontre durable ou éphémère entre, d'une part, des révolutionnaires, des réformistes et des conservateurs, qui veulent transformer la société de manière que tous ouvriers, agriculteurs, chômeurs et bourgeois puissent y avoir des racines et, d'autre part, des révolutionnaires, des réformistes et des conservateurs qui contribuent à accélérer le processus de désintégration du tissu social. Elle est incontestablement une «précurseuse». Depuis le tournant du XXIe siècle nous assistons en effet à une véritable lutte sans merci entre deux traditions culturelles occidentales: l'une, est celle de l'humanisme civique ou de la République vertueuse ; l'autre, est celle du droit naturel sécularisé de la liberté strictement négative entendue comme le domaine dans lequel l'homme peut agir sans être gêné par les autres. L'une revendique le bien commun, l'enracinement, la cohérence identitaire, la souveraineté populaire, l'émancipation des peuples et la création d'un monde multipolaire ; l'autre célèbre l'humanisme individualiste, l'hédonisme matérialiste, le «bougisme», le changement perpétuel, l'homogénéisation consumériste et mercantiliste, l'État managérial et la gouvernance mondiale sous la bannière du multiculturalisme et du productivisme néocapitaliste.

Le général De Gaulle savait qu'on ne peut pas défendre réellement le bien commun la liberté et l'intérêt du peuple, sans défendre simultanément la souveraineté, l'identité et l'indépendance politique, économique et culturelle. Passion pour la grandeur de la nation, résistance à l'hégémonie américaine, éloge de l'héritage européen, revendication de l'Europe des nations (l'axe Paris-Berlin-Moscou), préoccupation pour la justice sociale, aspiration à l'unité nationale, démocratie directe, antiparlementarisme, national-populisme, ordo-libéralisme, planification indicative, aide au Tiers-monde, telle est l'essence du meilleur gaullisme. Où voyez-vous les gaullistes aujourd'hui? Henri Guaino? qui est peut être l'héritier le plus honnête? Mais combien de couleuvres a déjà avalé l'auteur des principaux discours du quinquennat de «Sarko l'Américain»?

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La chute du mur de Berlin a-t-elle mis fin à ce clivage?

Souvenez-vous de ce que disait le philosophe Augusto del Noce peu de temps avant la chute du mur de Berlin: «le marxisme est mort à l'Est parce que d'une certaine façon il s'est réalisé à l'Ouest». Il relevait de troublantes similitudes entre le socialisme marxiste et le néo-libéralisme sous sa double forme sociale-libérale et libérale-sociale, et citait comme traits communs: le matérialisme et l'athéisme radical, qui ne se pose même plus le problème de Dieu, la non-appartenance universelle, le déracinement et l'érosion des identités collectives, le primat de la praxis et la mort de la philosophie, la domination de la production, l'économisme, la manipulation universelle de la nature, l'égalitarisme et la réduction de l'homme au rang de moyen. Pour Del Noce l'Occident avait tout réalisé du marxisme, sauf l'espérance messianique. Il concluait à la fin des années 1990 en disant que ce cycle historique est en voie d'épuisement, que le processus est enfin devenu réversible et qu'il est désormais possible de le combattre efficacement. Je me refuse à croire que la décomposition actuelle nous conduit seulement à la violence nihiliste. Je crois et j'espère qu'elle est le signe avant-coureur du terrible passage qu'il nous faudra traverser avant de sortir de notre dormition.

Arnaud Imatz, propos recueillis par Alexandre Devecchio (Figaro Vox, 4 septembre 2016)

jeudi, 30 juin 2016

Racism, Eugenics, & the Progressive Movement

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Racism, Eugenics, & the Progressive Movement

Thomas C. Leonard
Illiberal Reformers: Race, Eugenics & American Economics in the Progressive Era [2]
Princeton: Princeton University Press, 2016

eugenics2book.gifIn many ways the Progressive Era embodies the best of white America. It was a period of compassion, community concern, attempts to raise the living standard of average Americans, a desire to achieve class harmony, to end (or at least reduce) capitalist corruption, and to create a workable, harmonious racial nationalism that would ensure the long-term fitness of American society. The concerns of the Progressives were as much for the future as they were for the present, something almost wholly lacking in contemporary American politics. These scholars, politicians, and activists thought deeply about future generations and recognized, almost to a man, the validity of race science and the crucial role race plays in the historical trajectory of any country.

Thomas Leonard, a research scholar and lecturer in economics at Princeton University, has written an interesting history of the interaction between race, eugenics, and economics in the context of the Progressive movement. It is broadly informative and happily lacking the willful opacity of much contemporary scholastic writing, thus making it accessible to a wide audience. Unfortunately, yet unsurprisingly, this book begins with a blatant lie upon which he constructs his narrative: “Eugenics and race science are today discredited” (p. xiv). As such, the book is fundamentally flawed. Dr. Leonard offers no evidence whatsoever as to why Progressive notions of racial health and eugenics were wrong but, in keeping with contemporary academic fashion, merely resorts to shaming words and moral judgments rather than even a cursory investigation into the validity of the claims.

The book provides a detailed history of the many important Progressive intellectuals who believed that race was a fundamental concern and how they thought it should be dealt with politically, socially, and economically. The Progressives are perhaps the best example of a genuine American attempt to transcend the awkward political dichotomy of Left and Right for the sake of the greater good and a vision of a better and healthier future. Progressive diagnoses and predictions of racial degeneration and a dystopian future were so accurate that one suspects this book, to the extent it is read by objective and open-minded readers, will emphasize rather than deemphasize the importance of these issues.

The first chapter, entitled “Redeeming American Economic Life,” the author sets the context for the development of Progressivism by describing their reaction to the cycle of boom and bust of the dramatically expanding postbellum American economy: the rapid industrialization and urbanization of American society; and the tensions between labor, farmers, and capitalists. Despite the range of attitudes within the Progressive movement towards possible solutions to the problems faced at this time, Progressives shared three things in common: first, discontent with liberal individualism; second, “discontent with the waste, disorder, conflict, and injustice they ascribed to industrial capitalism”; and third, a concern with the problems of monopoly (pp. 8-9). Their understanding of these issues drove them to believe in the necessity of an administrative state to remedy these root problems and their many offshoots. As Dr. Leonard writes, the “progressives had different and sometimes conflicting agendas” but “nearly all ultimately agreed that the best means to their several ends was the administrative state” (p. 9). Those intellectuals who would become Progressives began to turn their focus away from the traditional and reflective scholarly disciplines and towards active ones, i.e. economics, politics, sociology, and public administration (p. 11). This activist turn was integral to the movement.

The author traces some of this activist drive for public improvement to the “social gospel” wing of Protestantism, but as knowledge of science and the use of scientific language increasingly became a marker of intellectual sophistication, the two were eventually combined into a mutually-reinforcing reformist spirit. Following World War I, after which the West experienced something of an existential crisis, the specifically Christian reform rhetoric mostly faded, or, as the author terms it, was “socialized” (p. 13), and mostly replaced by the hard empirical language of the above-mentioned burgeoning “active” disciplines. However, the sense of missionary zeal and notions of secular “salvation” remained a hallmark of the Progressive movement. If salvation could be socialized so too could sin (p. 13). That is to say, those problems that had previously been seen at least partially as religious in nature became social. Laissez-faire capitalism, for example, was not rapacious and exploitative merely because it was a sinful system run by sinful people but because it was “scientifically” incorrect. The Bible could offer insights into social problems but ultimately the responsibility fell to the state to re-make society in accordance with Christian ethics.

In the second chapter, “Turning Illiberal,” Dr. Leonard describes the professionalization of economics, the turn away from British classical liberalism towards German economic theory, and the origins of tensions within the Progressive movement between those who believed in democracy and those who did not. Germany, by the late 19th century had become the premier destination for graduate students wishing to study political economy. Germans were on the cutting edge of this newly formalized discipline — one that was almost entirely nonexistent in American universities. In contrast to Anglo-American classical liberalism, Germans saw the economy as a “product of a nation’s unique development” and believed that its “workings were not unalterable natural laws, [but] were historically contingent and subject to change” (p. 17). The author writes:

The progressives’ German professors had taught them that economic life was historically contingent. The economy wrought by industrial capitalism was a new economy, and a new economy necessitated a new relationship between the state and economic life. Industrial capitalism, the progressives argued, required continuous supervision, investigation, and regulation. The new guarantor of American progress was to be the visible hand of an administrative state, and the duties of administration would regularly require overriding individuals’ rights in the name of the common good (pp. 21-22).

Germans had demonstrated to American students that economics could be a tool of statist reform with a sound theoretical basis. They also demonstrated that it could be a distinguished and respected career path (p. 18). Those students who returned from Germany came home with a very different conception of the role of the economy in relation to the state and, at the same time, had little competition in establishing themselves in American universities and think tanks. It was a powerful position from which to begin their activism, both in terms of knowledge and opportunity.

Just as the German view of the relationship between state and economy had informed American Progressives, so too did the German Historical School’s conception of the nation as an organism (p. 22). This, coupled with the tremendous influence of Darwinist evolutionary theory in all intellectual circles, caused a distinct shift away from American individualism. Richard Ely, founder of the American Economic Association and a highly influential Progressive, explicitly rebuked the notion that the individual comes before society. Washington Gladden, a charter member of the same organization, argued that American individualism was “a radical defect in the thinking of the average American” (p. 22). The concept of the autonomous individual was seen by Progressive economists as a relic of a soundly refuted, old-fashioned ideology. A new class of superior, scientifically-informed men had to take charge of society if it were to rid itself of such antiquated and backwards beliefs.

In the third chapter, “Becoming Experts,” the author delves deeper into the tensions between expertise and democracy, the differences between Left and Right Progressives, the building of the administrative state, and “war collectivism.” Progressives maintained that the good of the people could best be guaranteed by limiting the power of the people — or, expressed positively, by entrusting the care of the people to experts. Dr. Leonard writes: “Financial crisis, economic panic, violent labor conflict, a political war over monetary policy, and the takeoff of the industrial merger movement combined to generate a groundswell of support for economic reform” (p. 30). This convinced many important Progressive intellectuals that government service was a far more important use of their expertise than was the role of public intellectual. Activism was a crucial strategic and ideological element of their project. The future, according to Progressives, should not be left to chance. It had to be engineered, and someone had to engineer it. If one genuinely cared for future generations, a processes to guarantee their success had to be put in motion rather than simply theorized.

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In his discussion of the distinction between Left and Right, Dr. Leonard accurately dismantles the problems with this dichotomous analytical tool. He writes that “progressive” is a “political term and political historians tend to an ideological lens . . . Ideology is [a] useful tool of taxonomy, but when it is reduced to one dimension, it is the enemy of nuance” (p. 38). Rather than frame Progressives as either Left or Right, he usually prefers the term “illiberal” — the belief that, contra liberalism, society takes preference over the individual. Indeed, the very concept of “reform” is often tainted with a Leftism that isn’t always quite there. Many of the positions that modern progressives hold today would be abhorrent to historical Progressives, just as many positions that conservatives hold today would be abhorrent to conservatives of the era. For example, the Progressive Republican Theodore Roosevelt was no fan of laissez-faire capitalism and favored an increase in the regulatory powers of the government, while William Graham Sumner, a conservative opponent of Progressivism, was a believer in free markets but a staunch opponent of imperialism and big business (pp. 39-40). The political battle lines of today differ greatly from those of the past, a fact which seems to validate the 19th century Germanic conception of the relationship of state, economy, and law as being historically contingent. What we think of now as Left or Right was largely absent from Progressive discourse.

Dr. Leonard goes on to discuss the creation of what he calls the “fourth branch” of government (the administrative agencies). The quintessential example of the ascendancy of the fourth branch is the Wisconsin Idea — the integration of government and academic experts in Wisconsin in order to govern the state with maximum efficiency. Many involved in the creation of this integrated system credited its success specifically with the heavy German population of the state. In his 1912 book on the subject, Charles McCarthy described the architect of the Wisconsin Idea, Robert Ely, “as a pupil of German professors, who returned from Germany with German political ideals to teach German-inspired economics at a German university (the University of Wisconsin) in the German state of Wisconsin, where the young men he most inspired were, yes, of German stock” (p. 41). The state government was, to a previously unknown degree, put in the charge of Progressive experts who created on American soil what was in effect an ethnic German state. The Progressive movement, both in theory and in practice, was distinctly Teutonic in conception.

This “fourth branch” of government was established in Washington D.C. by Woodrow Wilson and solidified during World War I by the success of “war collectivism.” The hand of the federal government was greatly strengthened at this time in order to aid the war effort. This is the period in which the income tax was established and was soon followed by corporate and inheritance taxes as well as numerous other reforms and the creation of various administrative agencies (pp. 43-45). Having established themselves as experts, the expert recommendations of the Progressives usually included the establishment of permanent regulatory agencies — “ideally an independent agency staffed by economic experts with broad discretionary powers to investigate and regulate” (p. 43). The author credits much of this to personal ambition rather than idealism, which is doubtless true to some extent but is at odds with his earlier descriptions of the visionary reformist mission of Progressives. Perhaps writing a century later it is hard not to be cynical about such things, but little in his prior discussion would indicate personal ambition as a primary motivating force. And even if it had been the case, their efforts were consistent with their ideology. Personal ambition without value-compromise can hardly be seen as a negative. But throughout the book attempts to tarnish the images of Progressives by insinuating that they were somehow morally compromised (how else to explain their illiberal views?).

Toward the end of the chapter, the author begins his discussion of race, a central concern of Progressives. It was simply understood by Progressives (and most others of the time) that blacks were incapable of freedom. Woodrow Wilson wrote that blacks were “unpracticed in liberty, unschooled in self-control, never sobered by the discipline of self-support, never established in any habit of prudence . . . insolent and aggressive, sick of work, [and] covetous of pleasure” (p. 50). The sociologist Edward Ross, in a statement the author refers to as demonstrating contempt for his “imagined inferiors” (p. 50) wrote: “One man, one vote . . . does not make Sambo equal to Socrates” (p. 50). Such statements seem to contradict the Progressive belief in the elevation of the common man (as contemporarily understood) but as Dr. Leonard points out, the “progressive goal was to improve the electorate, not necessarily expand it” (p. 50). The whole of the country would be better off if its leadership could be entrusted to a superior piece of the American electorate. This was a fundamental tension among Progressives: “Democracies need to be democratic, but they also need to function . . .” (p. 51). American democracy could not function with unintelligent people voting but, given American history, the concept of voting was not up for debate. Thus began the deliberate disenfranchisement of blacks and others deemed unfit for equal rights in American society.

In chapter four, “Efficiency in Business and Public Administration,” the author details the Progressive push for efficiency, the influence of Taylorism, and the beginning of the scientific measurement of mankind for utilitarian purposes. Objective as possible in their approach to the economy, Progressives (with few exceptions) did not regard big business itself as a problem. Scale was, for them, unrelated to efficiency. Efficiency was a goal that could be handled by experts regardless of the size of the project. The classical liberal notion of market efficiency, even if it could be demonstrated to be true, was, like Darwinian evolution, a slow and haphazard process that could be sped up and forced in entirely desirable directions with proper management. Big business was simply a fact of the new economy. As such, it was not undesirable in and of itself, but required outside guidance to achieve socially acceptable results while avoiding “market-made waste” (p. 57). Progressives famously feared monopoly because it could produce political corruption as well as reduce innovation but, as the author writes, “progressives distinguished monopoly from size, and because of this, were not antimonopoly in the populist sense of the term” (p. 57). Indeed, big business was generally thought to be inherently more efficient than small business. As with everything else, proper administration was the key to success.

scientificmanagement.jpgThe 1911 publication of Frederick Taylor’s The Principles of Scientific Management was a watershed moment for Progressives. It offered a scientific method for improving workplace efficiency. By measuring and analyzing everything from workplace break times to the weight of shoveled material, industry would be able to maximize efficiency down to the minute and the pound. Taylorism has since become an epithet, used to describe the dehumanizing effects of the time clock, the oppressive nature of constant managerial supervision, and the turn away from skilled labor in the workforce. However, for Progressives it promised a new approach to the workplace that could make life better for everyone. Those experts who would take charge of industry would be able to maximize the public good while minimizing the power of capitalists and financiers. Men such as the Progressive political philosopher Herbert Croly believed that Taylorism would “[put] the collective power of the group at the hands of its ablest members” (p. 62). For Progressives, scientific management was a noble goal and a model to be followed. It fit perfectly with their basic beliefs and soon spread elsewhere, including into the home, the conservation movement, and even churches (p. 66-69).

The Progressive era was the era of social science. Scholars, commissioners, politicians, and journalists set out to understand the reality of American social life through scientific methods. Few reading this will be surprised with the conclusions of virtually all of these efforts. What this research — into race, into immigration, into domestic behavior, into social conditions — demonstrated was that there was a clear correlation between race and intelligence and the ability to function in American society. Intelligence tests and vast amounts of data collected from the military and immigration centers were collected and analyzed. For Progressives, race science was obviously and demonstrably real and had to be treated with the same scientific objectivity as the economy or any other facet of human existence. America was then, as it is now, being populated rapidly with provably inferior and/or inassimilable human beings. Progressives began to warn of the dangers of Jewish and other non-white immigration to the United States, as well as the problems stemming from rapidly breeding inferior American citizens.[1]

Chapter five, entitled “Valuing Labor: What Should Labor Get?,” describes how Progressives dealt with the question of labor. They sought to determine what labor was getting, how wages were determined, and what labor should get (p. 78). Dr. Leonard writes:

For nearly all of recorded history, the notion of laborers selling their labor services for wages was nonsensical. Labor was the compelled agricultural toil of social inferiors in the service and under the command of their betters. In the United States, this remained true well into the nineteenth century. The value of labor depended on what the worker was — free or slave, man or woman, native or immigrant, propertied or hireling — not what the worker produced or wished to consume (p. 78).

The thinking behind these categories is treated with contempt by the author, of course. The idea that the labor of a black man could be worth less than that of a white man based on something external to mere prejudice against “skin color” or that the labor of an immigrant could be worth less than the labor of a citizen to those who might feel a deeper affinity for their own countrymen was, to him, symptomatic of a “hierarchy that plagued economic life” (p. 79). He relates the claims of race science with contempt but offers no justification for his disdain. But, by simply ignoring the reality of race and sex differences, the author is able to trace the concept of inferior labor back to the Greeks — as if attitudes towards labor even between similar peoples are not themselves historically contingent.

The author sees two fundamental and separate approaches to political economy throughout history: “market exchange and administrative command” (p. 79). He notes correctly that in the centuries between Socrates and Adam Smith, the market was seen as a place of chaos, disorder, Jews (he uses the semi-cryptic “Shylocks” rather than Jews), and unscrupulous persons of various sorts. The Greek prioritization of the political over the economic is, for Dr. Leonard, the source of the various manifestations of human hierarchies in Western societies and economies.[2] [3] Greek men somehow just decided for no valid reason whatsoever that women should supervise the household, market services be left to foreigners, and labor relegated to non-Greeks. These were simply ideas that had “extraordinary staying power in Europe” (p. 80) and thus led to aristocracy and other unnatural hierarchies until Adam Smith blessed Europe with his belief in individualism and natural liberty. Again, the author deliberately chooses to ignore the very real biological bases for such facts of human social life. Command economies are, to the author, somehow “bad” because he sees them as having been based in ignorance and vaguely conspiratorial hierarchical social arrangements.

Enlightenment notions of individualism and liberty were, of course, central to the rhetoric of the American project. However, America did not practice what it preached (nor did it really preach “what it preached” but that is far beyond the scope of this piece): slavery existed in the South and was defended by Southerners as far more humane than the wage-slavery of the North; Northern abolitionists saw this as an absurd comparison and argued that at least free laborers could get up and leave if they were unhappy. But both saw the laborer in one form or another as being an inferior creature. This attitude was to carry through to the Progressive era. As the author puts it, “reformers still saw a bit of the slave in the wage earner, no matter how ubiquitous the employee now was” (p. 84). He goes on to note that when millions of women and immigrants joined the workforce, this reinforced the notion of the laborer as inferior.[3] [4]

If the laborer is inferior, what should they be paid? Progressives believed in the power of the government to change social conditions. As such, they believed that policies could be enacted that would enable laborers to live comfortably, with enough money to be upstanding citizens and raise healthy families. Differing theories existed for how fair wages should be determined, but Progressives tended to reject the idea that wages were anything less than a “worker-citizen’s rightful claim upon his share of the common wealth produced when the laborer cooperated with the capitalist to jointly create it” (p. 86). As is always the case among economists, vigorous debate ensued. The goal was for workers to receive a living wage but how this was to be accomplished was a matter of some controversy. The author discusses some of these theoretical disagreements but concludes that the one thing that united all Progressives in this matter was the belief that “work will always go to the lowest bidder . . . there was a race to the bottom, and the cheapest labor won” (p. 88). However, he pathologizes this as an “anxiety” rather than a real problem experienced by rational people so that Progressive concerns about the intersection of economy and race be seen by the reader as a kind of irrational social “disease,” a collective neurosis with deep roots in the American (read white) psyche.

eugenics3755357.jpgIn chapter six, “Darwinism in Economic Reform,” Dr. Leonard relates how Darwinism was used by Progressives to acquire the “imprimatur of science” (p. 105). Darwinism proved to be a very flexible conceptual tool. It allowed for incorporation into various fields of thought and, within those, still more differing points of view: it was used to advocate for capitalism and for socialism; war and peace; individualism and collectivism; natalism and birth control; religion and atheism (p. 90). Darwinism and related ideas (such as Lamarckism) provided Progressives with a scientific basis upon which to argue for both economic improvement and biological improvement. There was no consensus on which aspects of Darwinism to incorporate into their logic but something the vast majority had in common was the belief in the importance of heredity and that artificial selection, as opposed to natural selection, was the most efficient means of securing a healthy society comprised of evolutionarily fit individuals.

Social Darwinism was a concept championed by believers in the free market. As the author notes, it was always a used as a pejorative and Progressives had to distance themselves from it (p. 99). They did so by challenging laissez-faire using Darwinist principles, an idea that came to be known as Reform Darwinism. The Reform Darwinists, led by the sociologist and botanist Lester Frank Ward, challenged laissez-faire by asserting that capitalists thrived in the Gilded Age because “they had traits well adapted to the Gilded Age” but that these traits were not necessarily “socially desirable” (p. 100). They also asserted that society was an organism that “had a necessary unity” but “not an inclusive one” (p. 102). An organism must always protect itself from threats and an organism must also prioritize the whole over the part. This organic model of society influenced every Progressive concern. If, for example, a corporation was a legal person entitled to the same protections as an individual citizen, then surely “the state was an even larger organism, one that encompassed and thus subsumed corporate and natural persons alike” (p. 100).

Progressives also attacked natural selection as “wasteful, slow, unprogressive, and inhumane” (p. 100). Agreeing that robber barons and rich fat cats were an example of the degenerative tendencies of capitalism, society had a duty to protect itself from such people (p. 100). Natural selection did not always lead to progress. It was environmentally contingent. Richard Ely argued that “Nature, being inefficient, gives us man, whereas society ‘gives us the ideal man'” (p. 104). The free market rewarded those who could make the system work to their advantage by any means necessary, not those who possessed traits that were desirable for a healthy, moral society. Regulation could help fix this problem. Woodrow Wilson wrote that “regulation protected the ethical businessman from having to choose between denying his conscience and retiring from business” (p. 105). Combined with German economics, German historical theory, an activist sociology, and a commitment to the benefits of efficiency, the influence of Darwinism made the development of workable eugenics policies almost a certainty.

In the seventh chapter of the book, “Eugenics and Race in Economic Reform,” Dr. Leonard provides a brief overview of the history of eugenics. He also describes how it entered American intellectual discourse and how it was applied to race science. With roots as far back as Plato and popularized by Francis Galton in the late 19th century, eugenics was the obvious solution to many of the social problems that the Progressives were tackling. The author quotes Galton for a broad explanation: “what nature does blindly, slowly, and ruthlessly, man may do providently, quickly and kindly” (p. 109). The ideas of eugenicists gained mainstream traction rapidly. By the early 20th century, states were passing sterilization laws. By the end of World War I, concerns about the terrible death toll of white men had prompted many American intellectuals to worry deeply about the crisis caused by the loss of so much “superior heredity” (p. 110). American universities began teaching eugenics courses, textbooks on eugenics were written, journals were published, and societies devoted to encouraging the spread of eugenics programs and race science were created.

Francis Galton had gone so far as to declare a “Jehad [sic]” on the “customs and prejudices that impair the physical and moral qualities of our race” (p. 112). Influential Progressives like Irving Fisher and John Harvey Kellogg sought to make this a reality by creating a sort of religion out of eugenics (p. 112). Concern for the white race played an explicit part in Progressive thought. There was nothing coded about it. Like the social gospelers of early Progressivism, the eugenics movement evangelized very effectively. The concept of racial health was soon to be found virtually everywhere one turned, from women’s magazines, movies, and comic strips to “fitter family” and “better baby” contests at agricultural fairs across America (p. 113). Lothrop Stoddard published his classic The Rising Tide of Color Against White World-Supremacy in 1920, and the famous Supreme Court decision in the case of Buck v. Bell in 1927 affirmed that the state had a right to sterilize individuals deemed a genetic threat to society. It is important to note that not all eugenicists were Progressives but the vast majority of Progressives were eugenicists. For them, things such as environmental conservation went hand in hand with racial “conservation.”

For Progressive eugenicists, the administrative state was the most effective defense against racial degeneration (the effects of adverse conditions on a race of people) and race suicide (the effects of a superior race being outbred by inferior races) (p. 117). Poor and uneducated whites were seen to be redeemable given the proper environmental conditions and thus genetically able to assimilate into American society. Non-whites were incapable of assimilation because of their lower intelligence and racially-specific habits and attitudes. Of particular concern was the American black population. White Progressives saw them, at best, as docile children who should be treated as such for the good of all, and, at worst, as a weight that would sap American energy and  character (p. 122). Even among the handful of black Progressives, such as W.E. B. DuBois and Kelly Miller, race was seen as a problem for America. Though they rejected the notion of the genetic inferiority of blacks, they recognized that the rapidly breeding lowest IQ blacks threatened to overwhelm the elite few — the “Talented Tenth,” as DuBois famously described them (p. 122).

But non-whites were not the only concern of the Progressive eugenicists. As indicated above, racial degeneration was of great concern. Literature on degenerate families became wildly popular at this time, bringing to the American lexicon such names as the Jukes and the Kallikaks. These families (given aliases by the authors of these studies) had their histories published as warnings about the dangers of what some would now refer to as “white trash.” The contradictions here are apparent: Progressives sought to improve the conditions of the white poor while at the same time wrestling with the question of whether poor whites were genetically unfit and simply irredeemable by external measures. The latter question, however, was also asked of the rich, who some Progressives saw as even better evidence of racial degeneracy. As with every other issue, there was a certain amount of disagreement among Progressives about specific questions and how to best administer solutions, but the concerns themselves were universal.

Perhaps the greatest concern was with the effects of immigration on the American gene pool. The author subscribes to the notion of an imagined “whiteness” and, as is customary, uses the Anglo-Saxonist tendencies of Progressives to call into question the validity of race science. This is to be expected and can be ignored. But it was indeed a concern of the era, especially as immigrants poured onto American shores. Some Progressives argued that democracy had its origins in the Anglo-Saxon race and that immigration from other areas of Europe was detrimental to survival of the American way of life. Walter Rauschenbach, a “radical social gospeler” (p. 124) argued that capitalism “drew its ever-increasing strength from the survival of the unfit immigrant” (p. 125). Rauschenbach was a committed Anglo-Saxonist and such views had long held sway in Progressive circles, from social gospelers to anti-Catholics to Prohibitionists. But it does not follow that concerns about immigration were irrational because one particular group of whites at the time did not like the customs of another group of whites. Nor do these antiquated distinctions invalidate the entirety of race science, however many times they are used in attempts to do so by this author and so many others.

Chapter eight is entitled “Excluding the Unemployable.” In it the author delves into how Progressives related racial inferiority and other traits deemed as markers of inferiority to labor and wages. He writes: “The Progressive Era catalog of inferiority was so extensive that virtually any cause could locate some threat to American racial integrity” (p. 129). Obviously, non-whites were seen as a threat, but so were white alcoholics, the poor, epileptics, and others. He argues that in antebellum America, laborers knew their place and stayed there. From slaves to women, strict social and sometimes legal controls assured the maintenance of this hierarchy. Postbellum industrialization and the emancipation of slaves threatened this order: “Inferiors were now visible and perceived to be economic competitors” and were either “portrayed as the exploited dupes of the capitalist” or “as the capitalist’s accomplices” (p. 130). Those who were literally incapable of work and those who were willing to work for lower wages than “superior” Anglo-Saxon stock were given the label “unemployable.”

citizens-l.jpgThese “unemployables” were seen as being parasitic. They undercut wages and threatened American racial integrity. The capitalist drive towards cheap labor was certainly seen as partly to blame for this problem, but Progressive discourse began to focus more on biology than economics. Blame was increasingly shifted towards the actual laborers themselves rather than the system that encouraged them to accept lower wages. In what was known as the “living-standard theory of wages,” the unemployables were seen as being able to live on less than the average American worker due to their willingness (either racially-determined or resulting from inferior minds) to accept poor living conditions. The white American worker, it was believed, would reduce his number of children rather than sacrifice his standard of living, thereby increasing the risk of Americans being outbred by inferior stock. This line of argument gained popular currency with the sometimes violent union activism against Chinese workers. Edward Ross wrote that “should wors[e] come to the worst, it would be better for us if we were turn our guns upon every vessel bring [Asians] to our shores rather than permit them to land” (p. 135). The notion of immigrants and others being regarded as scab labor was widely accepted across the political spectrum but was central to Progressive concerns because they were able to see it as symptomatic of multiple grave problems with American society. In order to correct these problems, better methods were needed to identify and exclude the inferiors who were threatening American jobs and lowering the American quality of life.

In chapter nine, “Excluding Immigrants and the Unproductive,” Dr. Leonard examines the methods used for exclusion. The most obvious method was the use of immigration restrictions. Numerous laws were enacted either limiting or barring entirely immigration from certain parts of the world. Restrictions were also imposed by those otherwise deemed a threat to the country, i.e. anarchists, polygamists, and epileptics (p. 142). In 1905, a law was passed that prohibited contract labor altogether (companies paying immigrants to come to America in exchange for labor). A literacy test was also proposed for anyone trying to enter the country, however the effort actually failed when Woodrow Wilson inexplicably vetoed the bill in 1917. Edward Ross blamed Jews for this loss. He wrote that they were financing the anti-restrictionist campaign and pretending that it was for the benefit of all immigrants but was actually “waged by and for one race” (p. 158). But does the author investigate this claim? Of course not. It is easier to label Ross an anti-Semite and move on. To do otherwise might turn up some uncomfortable facts.

Other restrictionist actions met with success: in 1907, the Expatriation Act required American women who married foreigners to surrender their citizenship; massive federal investigations were undertaken to study the problems of immigration; and various private organizations sprung up devoted to anti-immigration advocacy. (p. 143). For Progressives, the issue of race had become one of their deepest concerns. It was, generally, either considered the main determinant of historical change, for better or for worse, or at least an extremely important one. It comes as no surprise that the founding of the United States would be interpreted through a Darwinist lens by Progressives. The author spends some time critiquing their use of Darwinist concepts to defend the original colonists as pioneers and conquerors (that is, “fit”) and later immigrants as simply following a path already tread in opportunistic fashion (“unfit”). Never mind that this is quite obviously at least partially true. He even fails to see the distinction between a colonist and an immigrant, wholeheartedly buying into the ridiculous “nation of immigrants” theory of American demographics that is so popular today.

Progressive eugenicists saw the immigration problem as an opportunity to assert their particular interests. Interest in race science grew exponentially. Various classificatory systems were proposed, studied, and refined, each of which generally had the expected hierarchies: whites at the top, blacks on the bottom. Within each category were, of course, numerous other sub-categories. But almost all races (both in the contemporary sense and in older sense meaning “ethnicity”) was charted and described in great detail. It was crucial from the standpoint of the Progressive eugenicists to use this information to prevent the race conflict that they believed would naturally arise from the intermingling of dissimilar peoples from across the globe. Even the few Progressive intellectuals who were genuinely egalitarian in outlook believed that race-based immigration policies were crucial. John Dewey, for example, supported them because he believed average Americans were too primitive to adopt his supposedly enlightened view that race was a fiction, thus making race conflict inevitable anyway (p. 153). Unsurprisingly, those who opposed immigration restrictions tended to be Jews such as Franz Boas, philosemites such as Emily Balch, and/or laissez-faire capitalists. The motives of the restrictionists are called into question by the author — but not those of the anti-restrictionists, of course. They were simply uniquely informed and tolerant for their time.

The above also fueled the debate over the minimum wage. It was commonly accepted that a legal minimum wage would put some people out of work. Progressives tended to see this as a good thing insofar as it removed inferior laborers from the job market. Dr. Leonard writes: “It deterred immigrants and other inferiors from entering the labor force, and it idled inferior workers already employed. The minimum wage detected the inferior employee, whether immigrant, female, or disabled, so that he or she could be scientifically dealt with” (p. 161). Ways in which these inferiors could be dealt with “scientifically” included simple things such the return of formerly-employed women to the home and far more complex solutions such as labor colonies for the unfit and forced sterilization. As was the case with all internecine Progressive debates, however, the thinking was always keenly focused on future generations. One particular intellectual might disagree with another about a certain policy proposal or belief, but the goal was the same: a harmonious society and healthy race. And since neither can exist without women, it was natural for Progressives to consider the role of women in society.

In the tenth and final chapter of the book, entitled “Excluding Women,” Dr. Leonard examines the views of women’s employment and civil rights within the Progressive movement. Women were always an important part of efforts at labor reform and the drive to improve various aspects of social life. But most Progressives had very strong views on the proper role of women in society. Richard Ely argued that women should be barred from the workplace (p. 170). Many, however, did not go to quite to this extreme. Efforts were made to simply limit the number of hours women were legally allowed to work, for example. The idea behind this was, of course, that women were physically weaker and needed protection from exploitative employers. But there were other issues of importance to Progressives as well, including the desire to combat prostitution. This concern was sometimes used to defend the minimum wage. If working women could make more money per hour they would be less likely to resort to prostitution to make ends meet. The obvious problem here is that the minimum wage was supposed to make certain people unemployed, and this group included women. It was assumed, however, that unemployed women would be cared for by the men in their lives, thereby providing the benefits of higher wages to men, a more appropriate environment for women, and helping to guarantee the health of the race. Whatever limitations this placed on a woman’s individual rights were explicitly justified by concern for the race.

For some Progressive feminists, male social domination had had a dysgenic effect by punishing the race’s strongest women by confining them to the household (p. 179). Most Progressives, however, believed that motherhood was the duty of women and had to be encouraged and thought such ideas absurd. Theodore Roosevelt, for example, had special contempt for those women from privileged backgrounds who did not have enough children despite being able to afford it. Referring to them as “race criminals,” he believed that such behavior was the height of selfishness (p. 180).

The debate over birth control was related to this attitude. Birth control, then as now, was mostly used by the most privileged in society and less so by the lowest classes. It thus had an obvious dysgenic effect. The author sees the synchronic concerns of Progressives with women’s health, sexual virtue, economic competition with men, and health of the race as contradictory. He writes:

If she were paid very little, she was admonished for endangering her health, risking her virtue, and threatening hereditary vigor. If she commanded a slightly higher but still modest wage, she was condemned for undercutting men’s family wages and for neglected [sic] her maternal duties. If she were well paid, she was admonished for selfishly acquiring an education, pursuing a career, and thus shirking her reproductive responsibilities to society and the race (p. 182).

Though there is a superficial tension between these things, he fails to see that there is no necessary contradiction here. It is entirely possible for women to be economically exploited laborers whose employment lowered men’s wages and for their ideal place to be in the home, nurturing the future of the race. Progressives generally saw the employment of women as a precursor to starting a family or as a result of misfortune anyway (p. 178). Sex-specific protections in the workplace, as well as a minimum wage that would displace many of them, would be a perfectly sensible goal for any state that had the future of the race as a primary focus. Dr. Leonard’s concern with finding hypocrisy in every statement relating to race and sex blinds him to reasonable conclusions. The Progressives, however, were not handicapped by ideological taboos and ultimately rejected the small, internal strain of equal-rights feminism within their ranks in favor of protecting the race. Progressives fought hard against the Equal Right Amendment of 1923, but by the mid-1920s, the Progressive Era was winding down and within a few years the zeitgeist would change considerably.

We see in the Progressive movement the last explicit, mainstream advocacy for the white race on American soil. The author clearly realizes this and chooses to ignore every single claim made by Progressives that does not fit with contemporary notions of social constructivism. He quotes Progressives in order to mock them, not to investigate whether what they said had a basis in fact. One might object by saying that it is beyond the scope of the book to investigate race science itself in order to discuss its role in the Progressive era. But the book starts out with the lie that race science has been discredited and everything that follows is therefore either directly based on a lie or has a lie as its overarching context. The point of the book, however, is not to enlighten the reader about anything of substance. His goal is merely to frown upon “racists” and “sexists” with the reader, to roll his eyes at ignorant Progressives along with his academic colleagues, and pray that his book is assigned in universities across the country in order to further indoctrinate students into the secular religion of egalitarianism.

This is not to say that there are not important issues discussed in the book. Clearly, there are. Nor is any of the above meant to suggest that Progressives were correct about everything. Clearly, they were not. But one cannot help but wonder how different America would look today if the Progressives had been able to further investigate and discuss these important issues as a part of the mainstream. What would this country look like now if such ideas had not been turned into “thought crimes?” In so many ways what we see in progressives today is a complete about-face from the intellectual heritage they claim. And in so many ways what we can see in the real Progressive movement is profoundly, devastatingly prescient and of utmost relevance to the contemporary American sociopolitical landscape. These issues are just too important to be left to a hack.

Notes

1. As many readers will be aware, there was a distinct bias towards Nordics among American whites at this time. Many Southern and Eastern European whites were deemed inferior–a hammer used frequently to hit racialists over the head in arguments intended to “deconstruct” whiteness. It is also, unfortunately, still found in White Nationalist circles. Nordicism is dealt with very well by Greg Johnson here (http://www.counter-currents.com/2016/03/nordics-aryans-an... [5]).

2. One wonders how he might explain similar hierarchies in non-European civilizations.

3. How labor would have fared in the 20th century without the presence of millions of women and immigrants to bolster notions of their inferiority is a question that should be asked of every contemporary “progressive.” One might also ask why, if racial diversity is such a tremendous and obvious social good, how it is that highly-educated Progressives completely failed to realize this — especially considering that theirs was a mission to increase the standard of living in America.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[2] Illiberal Reformers: Race, Eugenics & American Economics in the Progressive Era: http://amzn.to/293MqYr

[3] [2]: #_ftn2

[4] [3]: #_ftn3

[5] http://www.counter-currents.com/2016/03/nordics-aryans-and-whites/: http://www.counter-currents.com/2016/03/nordics-aryans-and-whites/

lundi, 02 mai 2016

Robert Redeker: «Le progrès est un échec politique, écologique et anthropologique»

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Robert Redeker: «Le progrès est un échec politique, écologique et anthropologique»

Ex: https://comptoir.org

Philosophe agrégé, Robert Redeker est principalement connu pour une polémique créé par l’une de ses tribunes sur l’islam parue en 2006 sur “Le Figaro”. Si nous jugeons très contestables – mais pas condamnables – ses propos, nous déplorons qu’ils occultent la pensée du philosophe. Depuis une quinzaine d’années, Redeker mène en effet une critique radicale de l’idéologie du progrès, dominante depuis le XVIIIe siècle. C’est sur ce sujet que nous avons souhaité l’interroger, quelques mois après la sortie d’un ouvrage intitulé “Le Progrès ? Point final” (Éditions Ovadia).

Le Comptoir : Vous avez écrit plusieurs livres sur le Progrès (Le Progrès ou l’Opium de l’histoire  ; Le Progrès  ? Point final), et vous semblez voir dans l’idéologie du Progrès un nouvel opium, à l’instar de la religion chez Marx. Le Progrès serait-il une religion à critiquer elle-aussi  ?

RR-prog.jpgRobert Redeker : Pourquoi ces livres ? D’abord, il y a l’urgence d’établir le droit d’inventaire philosophique de la période historique que nous venons de vivre depuis le XVIIIe siècle et qui paraît se clore – c’est la période que l’on appelle “la Modernité”, qui a été marquée par une religion inédite, celle du progrès. Ce livre pourrait se découper ainsi : le progrès, sa naissance, sa vie, son déclin, sa mort. Il s’agit du progrès entendu comme idéologie, c’est-à-dire comme grille métaphysique de lecture du monde, et comme valeur identifiée au Bien. Ensuite, j’ai voulu continuer à penser les mutations de l’homme et du monde dans une lignée que je trace depuis mes premiers livres (Le déshumain ; Nouvelles Figures de l’Homme ; L’emprise sportive) et d’autres plus récents (Egobody). Enfin, le monde en charpie dans lequel nous vivons, et la “montée de l’insignifiance” qu’un philosophe comme Castoriadis diagnostiquait déjà il y a trois décennies, sont des phénomènes qui invitent à penser. Le livre sur la vieillesse s’articule autour de la réflexion sur ces mutations. L’homme est avant tout un être qui a horreur de la vérité, qui ne la supporte que difficilement, qui a besoin de l’occulter derrière un voile d’illusion. L’idéologie du progrès est un voile de cette sorte. Les promesses du progrès – rassemblées dans le vocable progressiste – ne se sont pas réalisées. Le progrès est un triple échec : politique, ou politico-historique, écologique, ou économico-écologique, et anthropologique (l’homme étant devenu, pour parler comme Marcuse, « l’homme unidimensionnel »). La religion du progrès promettait, dès ses origines avec les Lumières, un homme toujours meilleur dans une société toujours meilleure qui finirait par aboutir à une paix aussi universelle que définitive. Le paradoxe pointé par le mythe de Prométhée tel que Platon le narre est toujours vrai : si les techniques évoluent, s’améliorent, l’homme de son côté n’acquiert pas la sagesse qu’elles requièrent, il reste le même. Dans cette identité de l’homme à travers le temps réside le message de la forte idée qu’est celle du péché originel. Les peuples et les gouvernants n’ont, comme l’a fort bien dit Hegel, jamais rien appris de l’histoire et n’en apprendront jamais rien [i]. L’homme réinvente sans cesse le cadre de son existence, c’est l’histoire, mais il ne se réinvente pas lui-même. L’illusion consiste à s’imaginer que cette réinvention perpétuelle a un sens. Le mythe du progrès est cette illusion même.

« Je ne développe pas une technophobie encore moins un irrationalisme. On peut plutôt comprendre ma démarche aussi comme une critique de l’idolâtrie. »

Je n’appelle pas progrès les améliorations qui adoucissent l’existence des hommes, sans d’ailleurs en changer la réalité métaphysique. Ce que j’appelle progrès est autre chose : une valorisation idéologique de ces améliorations, une métaphysique de l’histoire (ce qu’on appelle le progressisme). Mieux : un substitut athée à Dieu, survenant après la mort de Dieu, un directeur de l’histoire. La croyance qu’il en va de l’histoire, de la politique et de la morale comme de la nature chez Descartes – dont nous pouvons devenir « comme maîtres et possesseurs ». Cette conception de la nature traduit le prométhéisme des modernes. Le progrès désigne tantôt la métaphysique de l’histoire, tantôt l’extension du prométhéisme technique au domaine moral. Tantôt et souvent à la fois.

Quant à sa critique, tout dépend de ce que l’on appelle critique. Il y a un sens haut et un sens bas de critique. Le sens haut se retrouve chez Kant, où critique veut dire crible qui établit les usages légitimes et récuse les usages abusifs des concepts. Kant déjà faisait sans le savoir un droit d’inventaire concernant les concepts de la métaphysique. En ce sens- là, kantien, mon travail est une critique de la religion du progrès.

Pouvez-vous nous retracer brièvement les moments fondateurs de cette idéologie?

On pourrait remonter à Joachim de Flore et son immanentisation de l’eschaton chrétien. C’est lui qui met en place les conditions de possibilité d’une pareille idéologie, une parareligion. Mais il faudra quelques siècles pour qu’elles deviennent effectives. C’est le concept de sécularisation qui est ici éclairant. Le progressisme est une sécularisation du christianisme. Le protestantisme a joué le rôle de sas permettant l’extériorisation du christianisme en progressisme. Sans la Réforme, il n’y aurait jamais eu de progressisme.

« Le Progrès prend la place de Dieu comme directeur de l’histoire. »

RR-nfh.gifLa majuscule au “P” de “Progrès” dit tout. Le Progrès ainsi saisi a le statut d’une entité métaphysique planant sur l’histoire et dirigeant sa marche. Il prend la place de Dieu comme directeur de l’histoire – un Dieu dépersonnalisé, désindividualisé, n’existant pas, réduit à un concept exsangue. Cette conception du progrès fut beaucoup plus qu’une idée philosophique (celle de Kant, Condorcet, Hegel, Comte, Marx), ce fut une opinion populaire, répandue dans les masses, en ce sens-là elle fit l’objet d’une croyance collective. Elle fut distribuée comme l’hostie des curés par des milliers de hussards noirs de la République tout au long de la IIIe République. On – surtout à gauche – croyait au progrès comme on avait cru en Dieu. Tous – Kant aussi bien que, quoique confusément, les masses – attribuaient une valeur métaphysique aux évolutions de la technique, de l’industrie, du droit, de la politique. Ma critique n’est pas celle du progrès des connaissances, de l’évolution des techniques et des améliorations de l’existence humaine, ce qui serait aussi absurde que grotesque, mais du sens abusivement conféré à ces évolutions, de leur transformation en fétiche et idole. Je ne développe pas une technophobie encore moins un irrationalisme. On peut plutôt comprendre ma démarche comme une critique de l’idolâtrie.

D’une part, le progrès a été, après le christianisme, et dans la foulée de celui-ci, le second Occident, le second chemin par lequel l’Occident s’est universalisé, planétarisé. On ne peut plus voir l’histoire comme une totalité en mouvement – ainsi que la voyaient Hegel, Marx ou bien encore Sartre – doté d’un pas, d’une marche, c’est-à-dire d’un sens (le sens est à la fois la direction, la signification et la valeur). L’idée de progrès permettait encore une telle représentation, illusoire, de l’histoire. L’Occident se représentait volontiers comme l’avant-garde de cette marche. Mais d’autre part, paradoxalement, cette mort de la métaphysique progressiste de l’histoire et du leadership occidental qu’elle présuppose est en même temps le moment où les exigences typiquement occidentales, nées en Occident, liées au progressisme occidental, de démocratie, de souveraineté populaire, d’émancipation des femmes, de justice sociale, se planétarisent. Elles se déploient à la façon de métastases du progrès après sa mort, déconnectées de la religion du progrès qui les a vu naître, sans qu’on puisse être assuré, puisque les conditions dans lesquelles elles sont nées ont disparu, qu’elles perdureront, ni bien entendu qu’elles triompheront, ne serait-ce qu’un temps.

Comment faire une critique du progressisme en évitant de tomber dans les écueils réactionnaires (du type contre-révolutionnaire ou décadentiste) ou postmodernes (relativiste, antirationnel, antiscientifique, etc.) ?

En premier lieu, la réaction n’est qu’une posture. Elle possède une valeur littéraire, mais aucune valeur philosophique ou politique. La valeur des réactionnaires tient, comme l’a bien montré Antoine Compagnon (Les Antimodernes, 2005), dans leur “charme” [ii]. Les écrivains réactionnaires sont charmants, intéressants, troublants ; les philosophes réactionnaires contemporains – il y en a quelques-uns – ne sont que nuls. Par contre les philosophes du passé étiquetés comme “réactionnaires” donnent à penser – tels Gustave Thibon ou Pierre Boutang. La qualification de “réactionnaire”est extensive, elle peut s’étendre jusqu’à très loin : Badiou, qui se croit progressiste, en certaines de ses opinions est un philosophe réactionnaire au sens où ses propos sont traversés par la nostalgie d’un état du monde dépassé, par des espoirs qui étaient présents dans cet état du monde dépassé. De ce point de vue, Alain Badiou ressemble tout à fait à Joseph de Maistre, le charme intellectuel, la puissance de penser et le talent littéraire en moins. Joseph de Maistre mythifie sur un mode nostalgique l’Ancien Régime tout comme Alain Badiou mythifie sur le même mode l’espoir défunt dans le communisme.

En second lieu, l’échec des postmodernes est patent. De Derrida à Feyerabend, bref des déconstructionnistes (« Jacques Derrida, sophiste moderne s’il en est » dit excellemment Baptiste Rappin dans Heidegger et la question du management publié en 2015) aux relativistes absolus (car c’est bien à cet incroyable paradoxe qu’aboutit l’antirationalisme de Feyerabend), la pensée postmoderne relève de deux jugements : elle n’a aucune prise sur le réel, ni l’histoire (qu’elle nie en la rejetant dans le passé) ni le présent, et elle ne laisse que des ruines derrière elle. De cette galaxie postmoderne seul Gilles Deleuze doit être sauvé. Leur échec est celui des sophistes de l’antiquité grecque. Dans ma critique du progressisme je me garde autant de la posture réactionnaire que des facilités passées de saison du postmodernisme (j’y récuse la notion de fin de l’histoire par exemple).

« Les utopies politiques ont conduit au crime, le capitalisme à la dévastation. Ce dernier est une révolution permanente sans plan ni projet, sans métaphysique structurante »

Le Progrès a défini la téléologie dominante de la modernité, avec une vision allant toujours vers un meilleur, voire un Éden ultime – le marché auto-régulé ou la réalisation des droits de l’homme chez les libéraux, la société sans classe et transparente à elle-même chez les marxistes – mais nous avons dépassé cette période, pour entrer en postmodernité (ou modernité tardive, liquide, etc. selon les auteurs). Le Progrès a subi les déconvenues du XXe siècle avec notamment la barbarie technicienne des deux guerres. Cette critique n’en est-elle pas devenue caduque ?

RR-ego.jpgCette croyance au progrès nous a rendu criminels et aveugles, criminels par aveuglement (le progrès est alors l’opium et l’ivresse de l’histoire) et dévastateurs pour la nature. Par sa faute nous avons confondu le ménagement du monde – le monde que l’on tient comme on fait le ménage, avec amour et précaution, “ménager” – et l’exploitation du monde, sa dévastation. Les utopies politiques ont conduit au crime, le capitalisme à la dévastation. Or, le capitalisme n’a pas besoin de la croyance métaphysique dans le progrès pour aller de l’avant. Il se peut se contenter d’ériger l’innovation, le mouvement, “le bougisme”, comme dit Taguieff en impératifs incontestables. Il est une révolution permanente sans plan ni projet, sans métaphysique structurante (à l’inverse des révolutions politiques d’obédience progressistes), une révolution pour la révolution.

On constatera cependant qu’alors même que la croyance au progrès est morte, que l’idéologie progressiste n’a plus cours, l’emprise de la technique, ce que Heidegger appelait le Gestell, l’arraisonnement de l’existence par la technique, son engloutissement par elle, s’accroît. Le progrès a disparu, mais l’instrument du progrès, la technique, triomphe.

Pierre-André Taguieff, qui a lui aussi beaucoup écrit sur la question – et vous a par ailleurs inspiré – propose de « penser une conception mélioriste du progrès comme exigence morale et raison d’agir ». Peut-on ré-envisager la notion de progrès à l’aune des désastres du XXe siècle (Hiroshima, la crise écologique, etc.) ?

Je me situe dans la lignée des travaux de Pierre-André Taguieff à qui je voue une très grande admiration. Sans son inspiration plusieurs de mes livres n’existeraient pas.

La mort du progrès signifie de fait la fin des finalités que nous appellerons “transcendantes”, qui transcendent l’existence hic et nunc de chacun. Bien entendu cela inclut la fin de la finalité politique, c’est-à-dire fin de la politique, car le capitalisme a finalement réalisé le slogan peint sur les murs en mai 68 et qui se voulait révolutionnaire, à savoir la « fin de la politique ».

Pourquoi la croyance au progrès s’est-elle perdue ? Il y a d’abord la banalisation des améliorations de l’existence, devant lesquelles nous ne savons plus nous émerveiller. Au milieu du siècle dernier, 65 ans était un bel âge pour mourir ; aujourd’hui, on tient sans s’en étonner, blasés, un décès à cet âge-là pour une injustice, un trépas de jeunesse. Cette banalisation (qui est un appauvrissement pour l’esprit) barre désormais la route à la généralisation métaphysique du progrès, à l’idée de progrès avec un “P” majuscule. Il y a ensuite les doutes sur la compatibilité entre les progrès techniques et la nature, autrement dit la fin du paradigme cartésien – pour Descartes, dans le Discours de la méthode de 1637, la science et la philosophie devaient nous rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature ». Mais je crois que ce sont là des causes secondes. La cause première de la décroyance au Progrès est ailleurs. Elle est métaphysique et politique. Les régimes politiques promettant un avenir radieux, autrement dit le progressisme dans son expression politique, se sont révélés être totalitaires et sanguinaires, sans parvenir même à améliorer la vie matérielle aussi bien que le réussirent les régimes capitalistes. La connexion entre progrès techniques et accomplissement politique de l’humanité dans une cité prospère dénuée d’inégalités et d’injustices ne s’est pas faite. De même ne s’est pas faite la connexion entre progrès techniques et progrès moraux, qui était pourtant annoncée par les Lumières. L’époque de la « domination planétaire de la technique » (pour parler comme Heidegger) a aussi été celle des grands génocides, comme la Shoah, de la liquidation industrielle de millions de personnes. Mais surtout, l’histoire du progrès est l’histoire des promesses non tenues, qui étaient intenables. Cependant il y a aussi des aspects désastreux à la fin de la croyance dans le progrès. En particulier politiques.

Fin du progrès ne signifie pas que le progrès ne continue pas. Dieu continue bien de vivre après la mort de Dieu, mais sur un autre régime d’existence. Le progrès continue après la mort du progrès – mais il ne convainc plus, il n’enthousiasme plus, on ne croit plus en lui. Au contraire : il inquiète et terrifie.

« Le transhumanisme est un scientisme et un technicisme de la plus consternante naïveté. »

Vous avez écrit un livre sur le sport et ses impacts sur le corps humain ainsi que la vision de l’humain de manière générale. Vous parlez de créer un “homme nouveau”. Dans quelle mesure l’idéologie du Progrès peut-elle être reliée au transhumanisme et autres tentatives de dépasser notre condition humaine par la techno-science ?

RR-viv.jpgComme programme, le transhumanisme est une utopie post-progressiste qui ne conserve de ce progressisme que le fétichisme de la science et de la technique. La dimension morale, historique et métaphysique du progressisme est jetée par-dessus bord. De fait, le transhumanisme est un scientisme et un technicisme de la plus consternante naïveté. Il n’est que l’un des produits de la décomposition du cadavre du progrès, une sorte de jus de cadavre du progrès. Mais il est aussi une réalité sociale sous la forme d’un fantasme qui hante la médecine, le show-business, le sport. Peu à peu l’homme “naturel” est remplacé par un homme d’un type nouveau, indéfiniment réparable, dont les organes sont des pièces détachées remplaçables, dont le corps est entièrement composé de prothèses. Une figure du sport comme Oscar Pistorius peut être prise pour l’emblème de cette transformation anthropologique. Nommons egobody [ii] (l’être pour qui le moi, égo, est le corps technologiquement fabriqué, le body) cet homme nouveau. Nous sommes tous à des degrés divers en train de devenir des egobodys. Bien entendu l’immortalité est l’horizon d’un tel anthropoïde. Le sport en est l’atelier de fabrication le plus visible. Il s’agit bien plus que de dépasser la condition humaine ; il s’agit de changer la nature humaine elle-même. Ce processus est à l’œuvre sous nos yeux.

Nos Desserts :

Notes :

[i] Hegel, La Raison dans l’Histoire (1822-1830), Paris, 10/18, 1979, p.35.

[ii] Robert Redeker, Egobody, Paris, Fayard, 2010.

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samedi, 26 décembre 2015

«Le progrès? Point final» de Robert Redeker

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«Le progrès? Point final» de Robert Redeker

par Pierre Le Vigan,

écrivain, essayiste

Ex: http://www.polemia.com

De quoi le progrès est-il le nom ?

Repenser le progrès (et l’utopie) avec Robert Redeker

Le progrès est une idéologie au double sens d’une âme collective mais aussi d’un masque. Mais c’est aussi un médium, un dispositif intermédiaire entre soi et le monde, et aucun médium n’est neutre : c’est une représentation du réel qui transforme le réel. Où en sommes-nous avec le progrès ?

Le thème a été traité par Pierre-André Taguieff (1), par Alain de Benoist (2) et quelques autres philosophes. L’immensité du sujet laisse toutefois des choses à dire. Ou à redire pour mieux les penser et comprendre.


Le progrès est une religion de l‘avenir – et même du temps. L’avenir, en effet, donne son sens au temps et permet de rejeter un passé toujours « moins bien » que « ce qui vient ». Le progrès est aussi une religion de la science, la science qui a besoin du temps pour se déployer dans le sens d’une nature et de la matière toujours plus et mieux maîtrisée par l’homme. Le progrès est aussi en ce sens une religion de l’homme, comme le voit bien de son côté Rémi Brague (3).

On trouve dans l’idée du progrès un messianisme (bien vu par Jean Grenier le père spirituel d’Albert Camus), une religion du salut par l’homme et par la science. Mythe créé par l’homme, le progrès est donc – et c’est ce qu’examine Robert Redeker – à la fois un scientisme et un hyperhumanisme. Le progrès, religion du salut matériel par l’homme, est aussi une religion de la sortie de toutes les autres religions, notamment celles d’un salut immatériel. Depuis Descartes, nous savons que la médecine, la mécanique et la morale doivent nous apporter le bonheur dans ce monde, « dans cette vie », comme dit encore Descartes. Tout est question de volonté, car celle-ci vaut plus que toute croyance. Elle est, en d’autres termes, la seule chose en laquelle nous devons croire : la puissance de notre volonté.

Poser l’hypothèse Dieu comme « chiquenaude » initiale (Pascal) permet ensuite à l’homme de passer aux choses sérieuses : son bien terrestre. Telle est l’hypothèse de la modernité : ce n’est pas tant de nier Dieu que de considérer que c’est une question qui ne doit pas empêcher – que l’on réponde oui ou non à la question de son existence – de passer aux choses sérieuses, c’est-à-dire « strictement » humaines, comme si l’homme pouvait être abstrait du fond sur lequel il apparaît, à savoir le monde, créé ou incréé (4). Le monde : ce qui fait lien et ouvre au sens des choses. Or, en affirmant le caractère infini de la volonté humaine, Descartes offre au pouvoir humain un champ de déploiement sans limites. Il permet la « souveraineté du sujet dans les temps modernes » (Heidegger, Nietzsche II). L’homme tend alors à s’émanciper du monde.

A partir de ce schéma, Robert Redeker enquête sur les différents aspects du culte du progrès. Nous voyons comment notre croyance a refaçonné le monde et nous-mêmes. Un des chapitres les plus novateurs met en parallèle la création du sujet comme individu et comme intériorité, cette véritable « découverte métaphysique du sujet » (Ferdinand Alquié) chez Descartes, et, moins attendu, chez Thérèse d’Avila. Dans les deux cas, il y a la négation de « cet assemblage que l’on appelle le corps humain » (Descartes). A la suite de Martin Heidegger, Robert Redeker voit dans le creusement de cette intériorité hors corps, chez Thérèse et chez Descartes, appelée cogito (mouvement de reconnaissance de soi par soi) ou « âme », la matrice du subjectivisme moderne.

Si le progrès n’a par définition pas de fin, l’utopie apparaît comme le contraire du progrès. L’utopie se veut point d’équilibre durable; elle est « remède et prévention contre la démesure ». En effet, l’utopie est, en un sens, contre l’histoire; elle arrête l’histoire. Elle arrête donc le progrès. L’idéal atteint ne requiert plus aucun progrès. Il est frappant de voir qu’une certaine droite, qui critique le progrès, critique aussi les utopies, alors qu’elles peuvent être une solution autre que le progrès et le progressisme sans fin. L’utopie s’oppose au programme. Mais l’usage du programme n’exclut pas celui de l’utopie.

redeker782213655000.jpgPrenons un exemple allemand dans les années vingt et trente. Il y avait un programme du NSDAP. Il y avait une utopie nationale-socialiste, admirablement étudiée par Frédéric Rouvillois (5). Idem pour le marxisme léniniste. Il y avait le programme de Lénine et l’utopie d’une société où chacun s’épanouirait totalement et librement. Robert Redeker rappelle à ce sujet le lien entre marxisme et millénarisme, relevé avant lui par Ernst Bloch. Avec l’utopie c’en est fini de l’histoire et de l’avenir. L’utopie en termine avec l’avenir. Elle ex-termine l’avenir, dit, dans une formule très heureuse, Robert Redeker. Elle fait sortir l’avenir du jeu. Que voulait l’utopie nationale-socialiste ? En finir avec toute faillibilité de l’homme allemand. L’utopie, note encore Redeker, est une anti-chronie. Elle suppose l’arrêt du temps. Elle n’est, au contraire, pas sans lieu. Elle suppose au contraire un lieu définitivement limité. Elle suppose un lieu sans temps. Un pays sans histoire. Kant juge nécessaire l’idée d’une société idéale tout comme Rousseau juge nécessaire l’hypothèse de l’état originel de nature. L’utopie est moins un progressisme qu’un millénarisme qui met fin à tous les progressismes.

C’est un « arrachement au temps » qui suppose lui-même un espace arraché à l’histoire. Cette dernière devient une simple momie. L’utopie relève de la puissance du rêve, et non de la conviction par les preuves. Redeker souligne l’ambivalence de l’utopie : par son goût de la géométrie, de l’ordre parfait elle ressemble aux traits de la modernité, mais par son exposition d’un monde clos sur lui-même, où le bien est déjà et définitivement réalisé, l’utopie est antimoderne.

En même temps une certaine utopie est importée dans le système actuel, que Redeker se refuse à appeler « totalitarisme soft et gélatineux » (et c’est sans doute notre seul point de divergence avec lui). Cette utopie importée c’est celle de la santé et du bonheur. Les questions privées deviennent des questions publiques. L’Etat n’est pas seulement le grand assureur du bon collectif, ce qui est sa fonction, il devient le grand consolateur des malheurs privés, ce qui ne l’est plus. Redeker remarque que le sport, qui suppose la santé et fabrique l’euphorie, est au centre de cette utopie importée dans le monde hypermoderne.

L’utopie moderne s’y niche aussi ailleurs. Le progressisme encastrait la mort de chacun dans un rachat collectif : la nation pour Barrès et en fait toute la IIIe République, la classe des exploités pour le marxisme. Le post-progressisme, qui se veut en même temps un progressisme supérieur, veut abolir la mort en la fondant dans l’homme prothèse (on ne meurt que par petits bouts donc pas vraiment) et dans l’euthanasie qui fait de la mort, non point l’événement terminal, mais une procédure, indolore de surcroît et cool. Il s’agit toujours de modifier la condition humaine – en fait, de la nier. C’est pourquoi l’auteur a amplement raison de voir dans l’idée de perfectibilité, issue des Lumières, y compris de l’atypique Rousseau, une machine de guerre contre l’idée de péché originel, et contre le christianisme, qui s’est historiquement construit sur cette idée depuis la défaite de Pélage.

Avec le progrès les hommes se sont voulus comme « maîtres et possesseurs » de l’histoire – pas seulement de la nature. En même temps, le progrès a évidé l’homme de son propre. C’est l’ère du vide. Sauf pour ceux qui n’ont jamais cru au progrès : les hommes et les peuples mentalement hors Occident.

Pierre Le Vigan
23/12/2015

Robert Redeker, Le Progrès ? Point final, Les Carrefours d’Ariane (28 mai 2015), Editions d’Ovadia, 216 pages.

Ce texte est paru dans la revue Perspectives Libres n°15 – 2015 publiée par le Cercle Aristote http://cerclearistote.com/

Notes :

(1) Du progrès, Librio, 2001 ; Le sens du progrès, Flammarion, 2004.
(2) «  Une brève histoire de l’idée de progrès » in alaindebenoist.com. Voir aussi TVLibertés, émission « Les idées à l’endroit » n°3, 2015 ; Radio Courtoisie avec Frédéric Rouvillois, mai 2014.
(3) Le règne de l’homme, Gallimard, 2015.
(4) Certes, Markus Gabriel (à la suite d’autres) croit expliquer Pourquoi le monde n’existe pas, JC Lattes, 2015. Cela vaut comme stimulant sophisme mais pas plus.
(5) Crime et Utopie, Flammarion, 2014.

Correspondance Polémia – 23/12/2015

lundi, 09 novembre 2015

L’homo reactus, le progressiste et le conservateur

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L’homo reactus, le progressiste et le conservateur

Confondus à tort et à dessein dans le langage médiatique, le réactionnaire et le conservateur ont pourtant de quoi nourrir une querelle d’importance. Leur rapport au temps et à l’Histoire les distingue en même temps qu’il structure leur comportement politique et esthétique.

Rien n’est moins évident que de définir le réactionnaire, et nombreux sont ceux qui continuent d’entretenir le flou. Si Joseph de Maistre et Louis de Bonald sont parfois présentés comme les réactionnaires archétypaux, ils ne répondent pourtant pas à cette définition communément admise, qui est aussi la nôtre, selon laquelle le réactionnaire souhaite un retour en arrière. Ces penseurs dont la téléologie était avant tout chrétienne, ont laissé la place à un vague héritier que nous appellerons homo reactus. Réactionnaire contemporain manifestement plus influencé par la pensée moderne, idéaliste et républicaine héritée des Lumières, que par la tradition eschatologique catholique, à l’image de messieurs Onfray et Zemmour. Ceux-là n’en ont guère après la Révolution française, mais bien plus après la très bourgeoise et parodique révolte de mai 68. Et pendant que l’homo reactus s’écharpe avec son pendant progressiste, le conservateur s’impose, avec une vision nouvelle de l’Histoire, comme une alternative salutaire.

L’Homo reactus au pays du progrès

En réalité, la petite armée des réactionnaires médiatisés valide à son insu les postulats de ses adversaires. La modernité, dans laquelle la Révolution française nous a jetés en donnant corps aux idées des Lumières, repose sur une téléologie moralisée, héritée de la pensée d’Hegel. La pensée moderne conçoit l’Histoire de façon linéaire : des âges sombres de la nuit des temps, l’humanité progresserait sans cesse vers la « fin de l’Histoire », soit vers le triomphe des Lumières libérales et rationalistes. Le temps qui passe serait synonyme de croissance irrépressible, inévitable et nécessaire du Dieu Progrès. Le sort de l’humanité serait la convergence de tous les êtres qui, unis dans le même Esprit – au sens hégélien du terme, et selon cette idée que la raison de l’homme est semblable à celle de Dieu – peuplent la Terre. Ainsi pour Hegel, l’absolu progrès est incarné par Napoléon Ier, porteur de la lumière révolutionnaire universaliste et républicaine, entrant majestueux dans Iéna en 1806 : là est la fin de l’Histoire, le progrès absolu qui gagnera le monde entier à force de conquêtes. À l’horizon se dessine l’avènement de l’État universel et homogène rêvé par le commentateur et continuateur d’Hegel Alexandre Kojève.

Joseph de Maistre réactionnaire ?

Si Joseph de Maistre est considéré comme un réactionnaire emblématique, il faut préciser qu’il est également un réactionnaire problématique. En effet, le Savoyard ne défend pas l’idée d’un retour en arrière, c’est-à-dire la restauration d’un « temps » politique antérieur à la Révolution française. Sa phrase célèbre formulée dans Les considérations sur la France – « le rétablissement de la Monarchie qu’on appelle contre-révolution, ne sera pas une révolution contraire, mais le contraire de la révolution » – résume bien la complexité de sa position. Maistre est plus antirévolutionnaire que contre-révolutionnaire. La perspective de Maistre étant providentialiste, il ne s’agit pas de se positionner pour ou contre la Révolution mais bien plutôt de comprendre sa nature et le dessein divin. Dieu utilise le mal incarné par la Révolution pour châtier le royaume de France compromis par la Réforme et les Lumières. Maistre exprimera d’ailleurs son scepticisme lorsque Louis XVIII accédera au trône. Pour lui, la Restauration entérine définitivement la Révolution.

Matthieu Giroux

Telle est l’idée qui continue d’alimenter la logique des progressistes de tout crin. La téléologie, d’imprégnation chrétienne, a paradoxalement gagné le camp de l’athéisme en contaminant, des Lumières jusqu’au marxisme, des philosophies anti-chrétiennes. Mais telle est aussi la conception que les réactionnaires contemporains valident, en s’affirmant en hommes du passé portant des idées du passé. Des idées révolues en somme, dépassées par la marche du prétendu progrès, confondue avec celle du temps, à laquelle ils assistent hagards et néanmoins contents de leur impuissance qui pare leurs propos d’un tragique dont ils goûtent l’amertume.

Le rapport dialectique qui oppose le progressiste à l’homo reactus ne joue résolument pas en faveur de ce dernier, à moins que sa quête ne soit qu’esthétique. Lui qui valide la téléologie dominante et se place du côté des destitués, des perdants, de l’obsolescence, ne peut rien attendre du présent. Son discours est comme inopérant, inapte à influencer le cours des choses. Tout juste pourra-t-il convaincre quelques-uns de ses auditeurs les moins rongés par la morale médiatique du caractère aussi dramatique qu’inévitable de la marche du temps. Mais n’a-t-il pas tort sur ce point ?

De Burke à Mohler : une philosophie alternative de l’Histoire

Si le triomphe de la philosophie linéaire déchristianisée de l’Histoire est à dater de la Révolution française et de la controverse qu’elle a suscité dans toute l’Europe, on ne peut pas faire l’impasse sur l’intuition d’Edmund Burke, contemporain de ce grand chambardement, qui structure la pensée conservatrice. Contre l’obsession révolutionnaire de la mise à mort de l’ordre ancien au profit d’un progrès compris comme une sorte de deus ex machina, Burke croit à l’évolution. Pierre Glaudes parle de « sédimentation » : le présent se nourrit du passé et l’Histoire apparaît donc comme un mouvement de réforme ou de restauration permanente. C’est l’exact inverse de l’idéologie révolutionnaire et néo-idéaliste qui consiste en une dialectique de la destruction et de la reconstruction, le présent se construisant contre le passé.

Plus radicaux, les auteurs de la Révolution conservatrice allemande prolongent l’intuition de Burke en rupture totale avec cette conception résolument moderne de l’Histoire. Armin Mohler, disciple d’Ernst Jünger et historien de la Révolution conservatrice, nous invite à considérer l’Histoire non pas de façon linéaire, ni même purement cyclique, mais sphérique, à la suite de Friedrich Nietzsche. Si l’idée hégélienne que nous avons définie autant que la conception cyclique de l’histoire sont frappées d’un certain fatalisme, concevoir le temps comme une sphère revient à considérer que toutes les bifurcations sont toujours possibles. Il n’y a plus de sens inévitable, de début ni de fin, de progrès ou de déclin contre lesquels toute tentative humaine serait vaine ! Le cycle n’a pas non plus totalement disparu, mais c’est une infinité de cycles différents que la sphère représente.

Il y a donc une place pour l’inattendu, autant dire pour la volonté, chère aux nietzschéens. Ainsi Robert Steuckers, disciple d’Armin Mohler, écrit : « Cela signifie que l’histoire n’est ni la simple répétition des mêmes linéaments à intervalles réguliers ni une voie linéaire conduisant au bonheur, à la fin de l’histoire, au Paradis sur la Terre, à la félicité, mais est une sphère qui peut évoluer (ou être poussée) dans n’importe quelle direction selon l’impulsion qu’elle reçoit de fortes personnalités charismatiques. » L‘hypothèse de la résignation s’abolit totalement dans cette philosophie de l’Histoire, et il revient aux hommes de bonne volonté de donner forme au lendemain. Car la Révolution conservatrice allemande ne s’en remet guère à Dieu, à la Providence, ni à une vague idée de l’évolution de la société. Mais elle croit à l’incarnation et aux figures, au héros et aux chefs charismatiques.  

D’un côté, l‘enthousiasme béat et autodestructeur des progressistes dont « les conceptions linéaires dévalorisent le passé, ne respectent aucune des formes forgées dans le passé, et visent un télos, qui sera nécessairement meilleur et indépassable » (Steuckers). De l’autre, la passivité mortifère des réactionnaires qui peut conduire au nihilisme. Par contraste, on comprend que le conservatisme est un art de l’action et de l’appréhension du réel, et non pas seulement de la réflexion philosophique. Le conservatisme est une attitude qui convient à la réalité du temps présent et à la nécessité du choix, et non pas une posture contemplative.

L’attitude conservatrice ou l’agir dans l’Histoire

Le conservateur n’est pas figé dans le passé (ou dans le futur, dans la fuite en avant incarnée par le progressisme), mais bien ancré dans le présent. Non pas qu’il se contente bêtement d’approuver toute nouveauté, au contraire, son attitude consiste à préférer le familier à l’inconnu, la réalité du présent au futur incertain. Mais lorsque l’inévitable se produit, le conservateur refuse la résignation. Ainsi Michaël Oakeshott, dans Du Conservatisme, tente de décrire l’attitude conservatrice : « En outre, être conservateur ne signifie pas simplement être hostile au changement (comportement qui peut être idiosyncrasique) ; c’est également une manière de s’accommoder aux changements, activité imposée à tous. »

L’exemple de la technique dans les années 1930, après le traumatisme causé par la Première Guerre mondiale, est frappant. Le réactionnaire s’insurge, vocifère contre cette technique aliénatrice et destructrice, prométhéenne et dégénérée… À croire qu’il envisagerait qu’on puisse la dés-inventer ! Face à cette réaction sans doute légitime mais néanmoins absurde, le conservateur avise : Ernst Jünger qui, mieux que quiconque, a vu la technique destructrice en action, fait naître quelques années plus tard l’idée d’une technique dite mobilisatrice. De même que Carl Schmitt s’appropriera l’idée de démocratie. Au régime parlementaire bourgeois, il oppose sa vision d’un lien fort entre la race et les chefs qu’elle se choisit. Du socialisme au bolchévisme, des sciences à la technique, la Révolution conservatrice allemande reprend toutes les innovations de son époque à son compte. 

Le conservateur ne rejette pas par principe toute nouveauté. Il ne pourrait d’ailleurs la rejeter qu’intellectuellement, mais en aucun cas effectivement. Il l’admet, et se l’approprie. Il ne considère pas d’abord le changement comme foncièrement bon ou, à l’inverse, comme profondément mauvais, mais il entend le subordonner à des valeurs qu’il croit éternelles. Là est l’objet de sa démarche : conserver l’ordre élémentaire des choses dans l’Histoire en soumettant les réalités de son époque à quelque chose qui les transcende. Le conservateur ne s’oppose pas au temps qui passe, il s’oppose à la dégénérescence, au péril et à l’incertitude. Il n’entend pas conserver le temps passé, les idées du passé, les réalités du passé, mais simplement ce qui constitue le centre de gravité de cette sphère qu’est l’Histoire. C’est l’idée qu’un certain nombre de choses ne doit pas disparaître, à cause de la négligence, du mépris et du détachement et surtout pas de la destruction volontaire. Les progressistes l’ont dans le dos, les réactionnaires en pleine face, mais tous deux sont dans le vent. Paisible, le conservateur rit des agités des deux camps : lui, bâtit l’avenir les deux pieds dans le présent.

jeudi, 01 octobre 2015

Progressivism Cannot Deliver Multicultural Tolerance and Peace

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Progressivism Cannot Deliver Multicultural Tolerance and Peace

By

Ex: http://www.lewrockwell.com

[This is an excerpt from Progressivism: A Primer on the Idea Destroying America (2014).]

One of the great virtues of liberalism is that, it alone among the political worldviews, discovered a way for people from different ethnic, racial and religious groups to live together in relative peace.  In all systems of powerful government, including progressivism, these groups struggle with each other for control of the state.  As I demonstrated in a paper presented at the Mises Institute in 2002, the major cause of war in the last fifty years was conflict between or among competing ethnic, racial and religious groups inside states: civil war.[1]  The state system has not only failed to solve the problem of peace among disparate groups but in fact is itself the major cause of conflict and violence among these groups.  The cause of the violence is the fear of or the actual exploitation and domination of ethnic, racial or religious groups by a state controlled by hostile groups.

It is also a myth that the best way to smooth over multicultural differences is through the ballot box.  This is false. The ballot box is simply a means to determine how state violence is to be used against the losers of the election and how those losers will then be exploited economically and in other ways by the majority.  Thus, the incentive for minority groups to attempt to secede or seize control of the state to avoid such domination and exploitation exists in democracies and dictatorships. In 23 of the 25 recent intrastate wars, the prevailing regime was democratic throughout the dispute or at least at certain times during the dispute.[2] In certain cases, a democratic government was overthrown because of the feeling of an ethnic or religious subgroup that its interests were not being protected or advanced by the democratic state.

Thus, in strong states that exercise a great deal of control over people’s economic and personal lives, groups that do not control the state live in constant fear of exploitation, domination, and sometimes genocide itself.  In such states, whether democratic or not, different groups live in continual fear that competing groups may increase their political power, including by increases in population and immigration and thus, the state creates a conflict of interests that would not otherwise exist! In a liberal market society, disparate groups and individuals may live side by side, house to house, without the slightest fear that those who differ from them will seize control of the state and deprive them of their life, liberty or property.  They may associate with them if they wish, trade with them to their mutual benefit if they wish, or not associate with them if that is preferred.  Most importantly, peace is achieved!

It must be emphasized that progressive government, contrary to popular myth, exacerbates racial, ethnic and religious tensions and does not ameliorate them.  Every progressive policy, involving as it does state violence, creates winners and losers and thus resentment among the losers.  The progressive’s favored policies such as civil rights laws (forced association), affirmative action (affirmative racism) and welfare, create winners and losers and therefore resentment among the losers.  Under liberalism, both parties in every voluntary transaction are winners and positive relations among different groups are attained.

Multiculturalism and big government are a toxic mix.  We see this today all over the world with ethnic, racial or religious violence ongoing in Iraq, Ukraine, Syria, Sudan, Israel/Palestine, Darfur, Chechnya and other regions. Those who look forward to a peaceful multicultural world should embrace liberalism and the free market.  No other political system can maintain peace and tolerance in a multicultural world.

Notes

[1] “The Myth of Democratic Peace: Why Democracy Cannot Deliver Peace in the 21st Century,” LewRockwell.com, Feb. 19, 2005.

[2] Id.

mercredi, 23 septembre 2015

Progressivism: The Horrors of an Idea

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One of the most interesting developments of the post-Bush years has been the resurgence of the popularity of the term “progressivism.” With that popularity has come, of course, a resurgence of the ideas traditionally associated with progressivism, though highly sanitized. Some very good and well-intentioned scholars and commentators–who in general are NOT aligned with the left–have even attempted to co-opt and redefine the term for their own belief systems. In particular, those who support rather radical free markets have claimed that progress and progressivism can best be attained by the methods (or anti-methods, as the case may be) of competitive enterprise.

Let me make my point as up front as possible. Not only should we avoid ever praising progressivism or the progressives, we should, without hesitation, shun the term and its advocates (while, of course, loving the person).

First, and importantly, the term itself is one of the most tainted in our history as a western people. And it should be. Indeed, it never should have a good cast to it in the least. Ironically, the very people who today claim the mantle of progressive as a force for humanist harmony have almost no conception of its origins as a brutally racist concept. From its origins and employment by Americans in the 1870s, it was associated with anything that despised and attempted to control non-Anglo-Saxon-Celtic (but only the Scotch, not the Irish) Protestant peoples. Germans and Scandinavians were barely tolerable, but not Irish, Italians, Spaniards, Yugoslavs, Jews, blacks, or any other people that didn’t fit a horrendous racialist norm. The WASP stereotype was much more than a stereotype. It was, for many, a reality. The progressives advocated the separation of the races, the stealing of children from parents, eugenics, and the eventual destruction of anything remotely Catholic, Jewish, or not “perfectly” white. They were as arrogant as they were inhumane. It’s worth remembering that Woodrow Wilson, often considered the greatest and yet most representative of the progressives, re-segregated all federal offices in D.C. as well as the military. He also listened in silence as blacks were lynched while simultaneously speaking out against lynchings of whites.

Frankly, the progressives are the very folks C.S. Lewis used as the model of the “conditioners” in his own fiction and non-fiction. They would use nature to dominate others, present and future, for the appeasement of their own very strong if misguided conceits.

Here’s a rather telling example of a leading progressive, writing in 1914.

“These oxlike men are descendants of those who always stayed behind.… To the practiced eye, the physiognomy of certain groups unmistakably proclaims inferiority of type. I have seen gatherings of the foreign dashboard in which narrow and sloping floor heads were the rule. The shortness and smallness of the crania were very noticeable. There was much facial asymmetry. Among the women, beauty, aside from the fleeting, epidermal bloom of girlhood, was quite lacking. In every face there was something wrong—lipstick, mouth course, upper lip too long, cheek–bones too high, chin poorly formed, the bridge of the nose hollowed, the base of the nose tilted, or else the whole face prognathous. There were so many sugar–loaf heads, moon–faces, slit mouths, lantern–Jaws, and goose–bill noses that one might imagine a malicious jinn had amused himself by casting human beings in a set of skew–molds discarded by the Creator.” [Edward Alsworth Ross, The Old World in the New: The Significance of Past and Present Immigration to the American People (New York: The Century, 1914).]

Not to be smug, but show me where a Warren Harding or Calvin Coolidge would ever stoop to such depths. Never, of course. But the progressives, on the other hand, rather gleefully played with the ideas of racialism and scientism and eugenics.

fjt86264.jpgPicture: Frederick Jackson Turner

Second, progressivism as a theory of politics and society demands a dualistic and conflict-oriented view of the universe. All progress comes—in whatever form—from the clashing of the thesis (old) and the antithesis (opposition) to form a third thing, the synthesis. That synthesis then becomes the old and struggles with a new opposition. This is whence the term “progressive” derives, the unceasing clash of impersonal forces toward some utopia in the far or not-so-distant future. Perhaps the best known American progressive historian, Frederick Jackson Turner, explained this best in his 1893 frontier thesis. American history, he claimed, found its origins in the continual struggle of civilization and savagery that resulted not in one winning, but in a synthesis of the two, in Americanization. Turner was actually quite conservative, and his case allows us to realize clearly that progressivism can be as rightist as it can be leftist in its political orientation. One must note, however, that even in the rather gentle and patriotic vision of Turner, there are winners and there are losers. The American Indian, far from being an independent person endowed with dignity and free will, becomes nothing but a member of an impersonal force, doomed to die. The very existence of the American Indian, therefore, serves only as a catalyst for white American civilization to thrive. It’s like the old Far Side cartoon—the Indians impatiently waiting at Plymouth Rock as the Pilgrims slowly make their way over the Atlantic. Oh, to have purpose in life!

Finally, but inherently related to the previous idea, the progressive sought not the traditional common good of a republic, but the general good of a democracy. That is, they cared little about what minorities thought. Indeed, they resented minorities and the power they might wield. The Progressives wanted man to conform in every way. They were the harbingers of the “mass man” so powerful in the main of the twentieth century. The common good seeks the humane for all, while the great good cares only about utility and power.

So, when a well-meaning person claims the mantle of “progressive,” run. For that way lies democratic despotism, fascism, nationalism, socialism, and communism. Madness.

Books by Bradley Birzer may be found in The Imaginative Conservative Bookstore.

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samedi, 20 juin 2015

L'utopie progressiste débouche sur l'enfer...

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L'utopie progressiste débouche sur l'enfer...

par Robert Redeker

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec le philosophe Robert Redeker, cueilli sur le Figaro Vox et consacré à la question du progrès. Robert Redeker vient de publier un essai intitulé Le progrès ? Point final. (Ovadia, 2015).

FIGAROVOX. - L'idée de progrès, expliquez-vous, n'est plus le moteur des sociétés occidentales. Partagez-vous le constat de Jacques Julliard qui explique que le progrès qui devait aider au bonheur des peuples est devenu une menace pour les plus humbles?

Robert REDEKER. - Le progrès a changé de sens. De promesse de bonheur et d'émancipation collectifs, il est devenu menace de déstabilisation, d'irrémédiable déclassement pour beaucoup. Désormais, on met sur son compte tout le négatif subi par l'humanité tout en supposant que nous ne sommes qu'au début des dégâts (humains, économiques, écologiques) qu'il occasionne. Le progrès a été, après le christianisme, le second Occident, sa seconde universalisation. L'Occident s'est planétarisé au moyen du progrès, qui a été sa foi comme le fut auparavant le christianisme. Il fut l'autre nom de l'Occident.

Aujourd'hui plus personne ne croit dans le progrès. Plus personne ne croit que du seul fait des années qui passent demain sera forcément meilleur qu'aujourd'hui. Le marxisme était l'idéal-type de cette croyance en la fusion de l'histoire et du progrès. Mais le libéralisme la partageait souvent aussi. Bien entendu, les avancées techniques et scientifiques continuent et continueront. Mais ces conquêtes ne seront plus jamais tenues pour des progrès en soi.

Cette rupture ne remonte-t-elle pas à la seconde guerre mondiale et de la découverte des possibilités meurtrières de la technique (Auschwitz, Hiroshima)?

Ce n'est qu'une partie de la vérité. L'échec des régimes politiques explicitement centrés sur l'idéologie du progrès, autrement dit les communismes, en est une autre. L'idée de progrès amalgame trois dimensions qui entrent en fusion: technique, anthropologique, politique. Le progrès technique a montré à travers ses possibilités meurtrières sa face sombre. Mais le progrès politique -ce qui était tenu pour tel- a montré à travers l'histoire des communismes sa face absolument catastrophique. Dans le discrédit général de l'idée de progrès l'échec des communismes, leur propension nécessaire à se muer en totalitarismes, a été l'élément moteur. L'idée de progrès était depuis Kant une idée politique. L'élément politique fédérait et fondait les deux autres, l'anthropologique (les progrès humains) et le technique.

Les géants d'Internet Google, Facebook, promettent des lendemains heureux, une médecine performante et quasiment l'immortalité, n'est-ce pas ça la nouvelle idée du progrès?

Il s'agit du programme de l'utopie immortaliste. Dans le chef d'œuvre de saint Augustin, La Cité de Dieu, un paradis qui ne connaît ni la mort ni les infirmités est pensé comme transcendant à l'espace et au temps, postérieur à la fin du monde. Si ces promesses venaient à se réaliser, elles signeraient la fin de l'humanité. Rien n'est plus déshumanisant que la médecine parfaite et que l'immortalité qui la couronne. Pas seulement parce que l'homme est, comme le dit Heidegger, «l'être-pour-la-mort», mais aussi pour deux autres raisons.

D'une part, parce qu'un tel être n'aurait besoin de personne, serait autosuffisant. D'autre part parce que si la mort n'existe plus, il devient impossible d'avoir des enfants. C'est une promesse diabolique. Loin de dessiner les contours d'un paradis heureux, cette utopie portée par les géants de l'internet trace la carte d'un enfer signant la disparition de l'humanité en l'homme. Cet infernal paradis surgirait non pas après la fin du monde, comme chez saint Augustin, mais après la fin de l'homme. Une fois de plus, comme dans le cas du communisme, l'utopie progressiste garante d'un paradis déboucherait sur l'enfer.

La fin du progrès risque-t-elle de réveiller les vieilles religions ou d'en créer de nouvelles?

Le temps historique des religions comme forces de structuration générale de la société est passé. Cette caducité est ce que Nietzsche appelle la mort de Dieu. La foi dans le progrès -qui voyait dans le progrès l'alpha et l'oméga de l'existence humaine- a été quelques décennies durant une religion de substitution accompagnant le déclin politique et social du christianisme. Du christianisme, elle ne gardait que les valeurs et la promesse d'un bonheur collectif qu'elle rapatriait du ciel sur la terre. Bref, elle a été une sorte de christianisme affaibli et affadi, vidé de toute substance, le mime athée du christianisme. Les conditions actuelles -triomphe de l'individualisme libéral, règne des considérations économiques, course à la consommation, mondialisation technomarchande-, qui sont celles d'un temps où l'économie joue le rôle directeur que jouaient en d'autres temps la théologie ou bien la politique, sont plutôt favorables à la naissance et au développement non de religions mais de fétichismes et de fanatismes de toutes sortes. L'avenir n'est pas aux grandes religions dogmatiquement et institutionnellement centralisées mais au morcellement, à l'émiettement, au tribalisme du sentiment religieux, source de fanatismes et de violences.

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Peut-on dire que vous exprimez en philosophie ce que Houellebecq montre dans Soumission: la fin des Lumières?

Il doit y avoir du vrai dans ce rapprochement puisque ce n'est pas la première fois qu' l'on me compare à Houellebecq, le talent en moins je le concède. Ceci dit dans ma réflexion sur le progrès je m'appuie surtout sur les travaux décisifs de Pierre-André Taguieff auquel je rends hommage. Ce dernier a décrit le déclin du progrès comme «l'effacement de l'avenir». Peu à peu les Lumières nous apparaissent comme des astres morts, dont le rayonnement s'épuise. Rien n'indique qu'il s'agisse d'une bonne nouvelle. Cependant, cet achèvement n'est non plus la revanche des idées et de l'univers vaincus par les Lumières. Elle n'annonce pas le retour des émigrés! Cette fin des Lumières n'est pas la revanche de Joseph de Maistre sur Voltaire!

Le conservatisme, vu comme «soin du monde» va-t-il remplacer le progressisme?

Les intellectuels ont le devoir d'éviter de se prendre pour Madame Soleil en décrivant l'avenir. Cette tentation trouvait son origine dans une vision nécessitariste de l'histoire (présente chez Hegel et Marx) que justement l'épuisement des Lumières renvoie à son inconsistance. Pourtant nous pouvons dresser un constat. Ce conservatisme est une double réponse: au capitalisme déchaîné, cet univers de la déstabilisante innovation destructrice décrite par Luc Ferry (L'Innovation destructrice, Plon, 2014), et à l'illusion progressiste. Paradoxalement, il s'agit d'un conservatisme tourné vers l'avenir, appuyé sur une autre manière d'envisager l'avenir: le défunt progressisme voulait construire l'avenir en faisant table rase du passé quand le conservatisme que vous évoquez pense préserver l'avenir en ayant soin du passé. La question de l'enseignement de l'histoire est à la croisée de ces deux tendances: progressiste, l'enseignement de l'histoire promu par la réforme du collège est un enseignement qui déracine, qui détruit le passé, qui en fait table rase, qui le noie sous la moraline sécrétée par la repentance, alors que l'on peut envisager un enseignement de l'histoire qui assurerait le «soin de l'avenir» en étant animé par le «soin du passé».

Robert Redeker, propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers (Figarovox, 12 juin 2015)

dimanche, 05 décembre 2010

Ilustracion y progresismo

Ilustración y progresismo

 

Alberto Buela (*)

 

lumieres.jpgSigue siendo el trabajo del filósofo alemán Emanuel Kant (1724-1804) Was ist Aufklärung?(1784) quien mejor ha definido qué es la Ilustración cuando afirmaba: “es la liberación del hombre de su culpable minoría de edad”. Es decir, de su incapacidad de servirse sólo de la razón sin depender de otra tutela, como lo fue la teología para la Edad Media, donde se afirmaba: philosophia ancilla teologíae= la filosofía es sierva de la teología.

El lema de la Ilustración fue el Sapere aude, el atrévete a saber sirviéndote de tu propia razón.

Pero la Ilustración buscando la emancipación del hombre de la teología, los prejuicios y las supersticiones, terminó endiosando a “La Razón” y sus productos: la técnica y el cálculo cuyas consecuencias fueron contradictorias, pues su opera magna fue la bomba atómica de Hiroshima y Nagasaky.

Luego de tamaño zafarrancho volvió el hombre a ser considerado una isla racional pero rodeado de un mar de irracionalidades. La sabiduría premoderna volvió a ser considerada. Lentamente se van teniendo en cuenta aspectos fundamentales del ser humano que habían sido dejados de lado por la Ilustración y sus seguidores, y que pertenecían a la demonizada Edad Media. El hombre postmoderno vuelve a zambullirse en las aguas de los problemas eternos. Pero, claro está, con una diferencia abismal: es un hombre sin fe, desesperanzado, nihilista. Nace así il pensiero débole. Pensamiento débil que puede dar razones del estado actual del ser humano pero que no puede dar sentido a las acciones a seguir para salir del actual atolladero.

Sin embargo, gran parte del mundo intelectual de postguerra sobre todo el vinculado al marxismo, al comunismo y al socialismo continuó en la vía ilustrada, incluso como la Escuela de Frankfurt, quintaesencia del pensamiento judío contemporáneo( Weil, Lukacs, Grünberg, Horkheimer, Adorno, Marcuse, Fromm, Haberlas et alii) que sostuvo en síntesis que estábamos mal no porque los productos del racionalismo ilustrado habían mostrado sus contradicciones flagrantes provocando el mal en el inocente como sucedió con los miles de japoneses nacidos radioactivos y condenados de antemano, sino porque no se habían podido llevar a cabo plenamente los postulados de la Ilustración.

Los vencedores de la segunda guerra mundial adoptan, con variantes socialdemócratas o neoliberales, el remanente del pensamiento ilustrado pasado por las aguas del Jordán de la Escuela de Frankfurt, poseedora del úcase cultural de nuestro tiempo. Así, su producto más logrado es el actual progresismo.

 

Es por esta razón afirma un buen colega nuestro, que “Quizá sea correcto afirmar que el progresismo es lo que queda del marxismo después de su fracaso histórico como opción política, económica y social y su transitoria (¿o definitiva?) resignación al triunfo del capitalismo. Una suerte de retorno, saltando hacia atrás por encima del bolcheviquismo, al reformismo de la socialdemocracia” [1]. El progresismo ha adoptado como lema “no ser antiguo y estar siempre a la vanguardia”. Como vemos, la resonancia con la Ilustración es evidente.

Qué comparte, a su vez, el progresismo con el neoliberalismo: 1) La adopción a raja tabla de la democracia liberal, rebautizada como discursiva, de consenso, inclusiva, de derechos humanos, etc. 2) la economía de mercado, a pesar de su discurso en contra de los grupos concentrados, y c) la homogeneización cultural planetaria, más allá de su discurso sobre el multiculturalismo.

El progresismo es tal, en definitiva porque cree en la idea de progreso. En realidad el progresismo no es una ideología sino mas bien una creencia, porque como gustaba decir Ortega y Gasset las ideas se tienen y las creencias nos sostienen, pues en las creencias “se está”. Y los progresistas “están creídos” que el hombre, el mundo y sus problemas van en la dirección que ellos van. De ahí, que cualquier contradictor a sus creencias es tomado por “un enemigo”. Es que el progresista al ser un creyente no acepta aprehender, y la única enseñanza que acepta, porque su imposición se le torna incuestionable, es la pedagogía de la catástrofe. Así descubre que hay miles de pobres y desocupados cuando se produce una inundación y que las promocionadas computadoras no funcionan porque en las escuelas rurales no hay electricidad o no hay señal. Una vez más, las catorce cuadras iluminadas por Bernardino Rivadavia, nuestro primer ilustrado presidente (1826), terminaban en el fangal de la cuadra quince donde las jaurías de perros cimarrones devoraban a los caminantes.

En resumen, el progresismo y la Ilustración comparten la creencia que la realidad es lo que ellos piensa que es la realidad y no, que la realidad es la verdad de la cosa o del asunto.

El gran contradictor del progresismo es el denominado realismo político (R.Neibuhr, J.Freund, C.Schmitt, R.Aron, H. Morgenthau, G. Miglio) que asume con escepticismo los proyectos teóricos que formulan la posibilidad de una paz perpetua, una organización perfecta de la sociedad en el marco de un progreso ilimitado. Y entiende la historia como el resultado de una tendencia natural del hombre a codiciar el poder y la dominación de los otros.

El realismo político viene a reemplazar al homo homini sacra res= el hombre es algo sagrado para el hombre, de los ilustrados que tomaron de Séneca por el homo homini lupus= el hombre es lobo del hombre de Hobbes, que tomó de Plauto.

El realismo político viene a sostener que se debe trabajar sobre la base de los materiales que se tienen y la realidad es lo que es más lo que puede ser,  en tanto que el progresismo afirma que se debe trabajar en lo que se cree pues las ideas en definitiva se imponen a la realidad.

 

(*) alberto.buela@gmail.com

UTN (universidad tecnológica nacional) 

 



[1] Maresca, Silvio: El retorno del progresismo,(2006) en internet.