dimanche, 05 octobre 2008
La diplomatie de Staline

Robert Steuckers:
La diplomatie de Staline
L'histoire de notre siècle est enseignée du point de vue américain. Il en va ainsi de la seconde guerre mondiale, de la Guerre Froide et de la Guerre du Golfe. Dans l'optique américaine, le XXième siècle est le “siècle américain”, où doit s'instaurer et se maintenir un ordre mondial conforme aux intérêts américains, qui est simultanément la “fin de l'histoire”, le terminus de l'aventure humaine, la synthèse définitive de la dialectique de l'histoire. Francis Fukuyama, à la veille de la guerre du Golfe, affirmait qu'avec la chute du Rideau de fer et la fin de l'“hégélianisme de gauche” que représentait l'URSS, un seul modèle, celui du libéralisme américain, allait subsister pour les siècles des siècles. Sans que plus un seul challengeur ne se pointe à l'horizon. D'où la mission américaine était de réagir rapidement, en mobilisant le maximum de moyens, contre toute velleité de construire un ordre politique alternatif.
Quelques années avant Fukuyama, un auteur germano-américain, Theodore H. von Laue, prétendait que la seule véritable révolution dans le monde et dans l'histoire était celle de l'occidentalisation et que toutes les révolutions politiques non occidentalistes, tous les régimes basés sur d'autres principes que ceux en vogue en Amérique, étaient des reliquats du passé, que seuls pouvaient aduler des réactionnaires pervers que la puissance américaine, économique et militaire, allait allègrement balayer pour faire place nette à un hyper-libéralisme de mouture anglo-saxonne, débarrassé de tout concurrent.
Si l'hitlérisme est généralement considéré comme une force réactionnaire perverse que l'Amérique a contribué à éliminer d'Europe, on connaît moins les raisons qui ont poussé Truman et les protagonistes atlantistes de la Guerre Froide à lutter contre le stalinisme et à en faire également un croquemitaine idéologique, considéré explicitement par von Laue comme “réactionnaire” en dépit de son étiquette “progressiste”. Cette ambiguïté envers Staline s'explique par l'alliance américano-soviétique pendant la seconde guerre mondiale, où Staline était sympathiquement surnommé “Uncle Joe”. Pourtant, depuis quelques années, de nombreux historiens révisent intelligemment les poncifs que quarante-cinq ans d'atlantisme forcené ont véhiculé dans nos médias et nos livres d'histoire. L'Allemand Dirk Bavendamm a démontré dans deux ouvrages méticuleux et précis quelles étaient les responsabilités de Roosevelt dans le déclenchement des conflits américano-japonais et américano-allemand et aussi quelle était la duplicité du Président américain à l'égard de ses alliés russes. Valentin Faline, ancien ambassadeur d'URSS à Bonn, vient de sortir en Allemagne un ouvrage de souvenirs historiques et de réflexions historiographiques, où ce brillant diplomate russe affirme que la Guerre Froide a commencé dès le débarquement anglo-américain de juin 1944 sur les plages de Normandie: en déployant leur armada naval et aérien, les puissances occidentales menaient déjà une guerre contre l'Union Soviétique et non plus contre la seule Allemagne moribonde.
Une lecture attentive de plusieurs ouvrages récents consacrés aux multiples aspects de la résistance allemande contre le régime hitlérien nous oblige à renoncer définitivement à interpréter l'histoire de la seconde guerre mondiale et de l'alliance anglo-américano-soviétique selon le mode devenu conventionnel. L'hostilité à Staline après 1945 provient surtout du fait que Staline entendait pratiquer une diplomatie générale basée sur les relations bilatérales entre les nations, sans que celles-ci ne soient chapeautées par une instance universelle comme l'ONU. Ensuite, après avoir appris que les deux puissances anglo-saxonnes avaient décidé seules à Casablanca de faire la guerre à outrance au Reich, de déclencher la guerre totale et d'exiger la capitulation sans condition de l'Allemagne nationale-socialiste, Staline s'est senti exclu par ses alliés. Furieux, il a concentré sa colère dans cette phrase bien ciselée, en apparence anodine, mais très significative: «Les Hitlers vont et viennent, le peuple et l'Etat allemands demeurent». Staline ne concevait pas le national-socialisme hitlérien comme le mal absolu ou même comme une essence impassable, mais comme un accident de l'histoire, une vicissitude contrariante pour la Russie éternelle, que les armes soviétiques allaient tout simplement s'efforcer d'éliminer. Mais, dans la logique diplomatique traditionnelle, qui est restée celle de Staline en dépit de l'idéologie messianique marxiste, les nations ne périssent pas: on ne peut donc pas exiger de capitulation inconditionnelle et il faut toujours laisser la porte ouverte à des négociations. En pleine guerre, les alliances peuvent changer du tout au tout, comme le montre à l'envi l'histoire européenne. Staline se borne à réclamer l'ouverture d'un second front, pour soulager les armées soviétiques et épargner le sang russe: mais ce front n'arrive que très tard, ce qui permet à Valentin Faline d'expliquer ce retard comme le premier acte de la Guerre Froide entre les puissances maritimes anglo-saxonnes et la puissance continentale soviétique.
Cette réticence stalinienne s'explique aussi par le contexte qui précéda immédiatement l'épilogue de la longue bataille de Stalingrad et le débarquement des Anglo-Saxons en Normandie. Quand les armées de Hitler et de ses alliés slovaques, finlandais, roumains et hongrois entrent en URSS le 22 juin 1941, les Soviétiques, officiellement, estiment que les clauses du Pacte Molotov/Ribbentrop ont été trahies et, en automne 1942, après la gigantesque offensive victorieuse des armées allemandes en direction du Caucase, Moscou est contrainte de sonder son adversaire en vue d'une éventuelle paix séparée: Staline veut en revenir aux termes du Pacte et compte sur l'appui des Japonais pour reconstituer, sur la masse continentale eurasiatique, ce “char à quatres chevaux” que lui avait proposé Ribbentrop en septembre 1940 (ou “Pacte Quadripartite” entre le Reich, l'Italie, l'URSS et le Japon). Staline veut une paix nulle: la Wehrmacht se retire au-delà de la frontière fixée de commun accord en 1939 et l'URSS panse ses plaies. Plusieurs agents participent à ces négociations, demeurées largement secrètes. Parmi eux, Peter Kleist, attaché à la fois au Cabinet de Ribbentrop et au “Bureau Rosenberg”. Kleist, nationaliste allemand de tradition russophile en souvenir des amitiés entre la Prusse et les Tsars, va négocier à Stockholm, où le jeu diplomatique sera serré et complexe. Dans la capitale suédoise, les Russes sont ouverts à toutes les suggestions; parmi eux, l'ambassadrice Kollontaï et le diplomate Semionov. Kleist agit au nom du Cabinet Ribbentrop et de l'Abwehr de Canaris (et non pas du “Bureau Rosenberg” qui envisageait une balkanisation de l'URSS et la création d'un puissant Etat ukrainien pour faire pièce à la “Moscovie”). Le deuxième protagoniste dans le camp allemand fut Edgar Klaus, un Israëlite de Riga qui fait la liaison entre les Soviétiques et l'Abwehr (il n'a pas de relations directes avec les instances proprement nationales-socialistes).
Dans ce jeu plus ou moins triangulaire, les Soviétiques veulent le retour au status quo ante de 1939. Hitler refuse toutes les suggestions de Kleist et croit pouvoir gagner définitivement la bataille en prenant Stalingrad, clef de la Volga, du Caucase et de la Caspienne. Kleist, qui sait qu'une cessation des hostilités avec la Russie permettrait à l'Allemagne de rester dominante en Europe et de diriger toutes ses forces contre les Britanniques et les Américains, prend alors langue avec les éléments moteurs de la résistance anti-hitlérienne, alors qu'il est personnellement inféodé aux instances nationales-socialistes! Kleist contacte donc Adam von Trott zu Solz et l'ex-ambassadeur du Reich à Moscou, von der Schulenburg. Il ne s'adresse pas aux communistes et estime, sans doute avec Canaris, que les négociations avec Staline permettront de réaliser l'Europe de Coudenhove-Kalergi (sans l'Angleterre et sans la Russie), dont rêvaient aussi les Catholiques. Mais les Soviétiques ne s'adressent pas non plus à leurs alliés théoriques et privilégiés, les communistes allemands: ils parient sur la vieille garde aristocratique, où demeure le souvenir de l'alliance des Prussiens et des Russes contre Napoléon, de même que celui de la neutralité tacite des Allemands lors de la guerre de Crimée. Comme Hitler refuse toute négociation, Staline, la résistance aristocratique, l'Abwehr et même une partie de sa garde prétorienne, la SS, décident qu'il doit disparaître. C'est là qu'il faut voir l'origine du complot qui allait conduire à l'attentat du 20 juillet 1944.
Mais après l'hiver 42-43, les Soviétiques reprennent pied à Stalingrad et détruisent le fer de lance de la Wehrmacht, la 6ième Armée qui encerclait la métropole de la Volga. La carte allemande des Soviétiques sera alors constituée par le “Comité Allemagne Libre”, avec le maréchal von Paulus et des officiers comme von Seydlitz-Kurzbach, tous prisonniers de guerre. Staline n'a toujours pas confiance dans les communistes allemands, dont il a fait éliminer les idéologues irréalistes et les maximalistes révolutionnaires trotskistes, qui ont toujours ignoré délibérément, par aveuglement idéologique, la notion de “patrie” et les continuités historiques pluri-séculaires; finalement, le dictateur géorgien ne garde en réserve, à toutes fins utiles, que Pieck, un militant qui ne s'est jamais trop posé de questions. Pieck fera carrière dans la future RDA. Staline n'envisage même pas un régime communiste pour l'Allemagne post-hitlérienne: il veut un “ordre démocratique fort”, avec un pouvoir exécutif plus prépondérant que sous la République de Weimar. Ce vœu politique de Staline correspond parfaitement à son premier choix: parier sur les élites militaires, diplomatiques et politiques conservatrices, issues en majorité de l'aristocratie et de l'Obrigkeitsstaat prussien. La démocratie allemande, qui devait venir après Hitler selon Staline, serait d'idéologie conservatrice, avec une fluidité démocratique contrôlée, canalisée et encadrée par un système d'éducation politique strict.
Les Britanniques et les Américains sont surpris: ils avaient cru que l'“Oncle Joe” allait avaliser sans réticence leur politique maximaliste, en rupture totale avec les usages diplomatiques en vigueur en Europe. Mais Staline, comme le Pape et Bell, l'Evêque de Chichester, s'oppose au principe radicalement révolutionnaire de la reddition inconditionnelle que Churchill et Roosevelt veulent imposer au Reich (qui demeurera, pense Staline, en tant que principe politique en dépit de la présence éphémère d'un Hitler). Si Roosevelt, en faisant appel à la dictature médiatique qu'il tient bien en mains aux Etats-Unis, parvient à réduire au silence ses adversaires, toutes idéologies confondues, Churchill a plus de difficulté en Angleterre. Son principal adversaire est ce Bell, Evêque de Chichester. Pour ce dernier, il n'est pas question de réduire l'Allemagne à néant, car l'Allemagne est la patrie de Luther et du protestantisme. Au jusqu'au-boutisme churchillien, Bell oppose la notion d'une solidarité protestante et alerte ses homologues néerlandais, danois, norvégiens et suédois, de même que ses interlocuteurs au sein de la résistance allemande (Bonhoeffer, Schönfeld, von Moltke), pour faire pièce au bellicisme outrancier de Churchill, qui s'exprima par les bombardements massifs d'objectifs civils, y compris dans les petites villes sans infrastructure industrielle importante. Pour Bell, l'avenir de l'Allemagne n'est ni le nazisme ni le communisme mais un “ordre libéral et démocratique”. Cette solution, préconisée par l'Evêque de Chichester, n'est évidemment pas acceptable pour le nationalisme allemand traditionnel: il constitue un retour subtil à la Kleinstaaterei, à la mosaïque d'états, de principautés et de duchés, que les visions de List, de Wagner, etc., et la poigne de Bismarck avaient effacé du centre de notre continent. L'“ordre démocratique fort” suggéré par Staline est plus acceptable pour les nationalistes allemands, dont l'objectif a toujours été de créer des institutions et une paedia fortes pour protéger le peuple allemand, la substance ethnique germanique, de ses propres faiblesses politiques, de son absence de sens de la décision, de son particularisme atavique et de ses tourments moraux incapacitants. Aujourd'hui, effectivement, maints observateurs nationalistes constatent que le fédéralisme de la constitution de 1949 s'inscrit peut-être bel et bien dans une tradition juridico-constitutionnelle allemande, mais que la forme qu'il a prise, au cours de l'histoire de la RFA, révèle sa nature d'“octroi”. Un octroi des puissances anglo-saxonnes...
Face aux adversaires de la capitulation inconditionnelle au sein de la grande coalition anti-hitlérienne, la résistance allemande demeure dans l'ambiguïté: Beck et von Hassell sont pro-occidentaux et veulent poursuivre la croisade anti-bolchevique, mais dans un sens chrétien; Goerdeler et von der Schulenburg sont en faveur d'une paix séparée avec Staline. Claus von Stauffenberg, auteur de l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, provient des cercles poético-ésotériques de Munich, où le poète Stefan George joua un rôle prépondérant. Stauffenberg est un idéaliste, un “chevalier de l'Allemagne secrète”: il refuse de dialoguer avec le “Comité Allemagne Libre” de von Paulus et von Seydlitz-Kurzbach: “on ne peut pas accorder foi à des proclamations faites derrière des barbelés”.
Les partisans d'une paix séparé avec Staline, adversaires de l'ouverture d'un front à l'Est, ont été immédiatement attentifs aux propositions de paix soviétiques émises par les agents en place à Stockholm. Les partisans d'une “partie nulle” à l'Est sont idéologiquement des “anti-occidentaux”, issus des cercles conservateurs russophiles (comme le Juni-Klub ou les Jungkonservativen dans le sillage de Moeller van den Bruck) ou des ligues nationales-révolutionnaires dérivées du Wandervogel ou du “nationalisme soldatique”. Leur espoir est de voir la Wehrmacht se retirer en bon ordre des terres conquises en URSS et se replier en-deçà de la ligne de démarcation d'octobre 1939 en Pologne. C'est en ce sens que les exégètes contemporains de l'œuvre d'Ernst Jünger interprètent son fameux texte de guerre, intitulé “Notes caucasiennes”. Ernst Jünger y perçoit les difficultés de stabiliser un front dans les immenses steppes d'au-delà du Don, où le gigantisme du territoire interdit un maillage militaire hermétique comme dans un paysage centre-européen ou picard-champenois, travaillé et re-travaillé par des générations et des générations de petits paysans opiniâtres qui ont maillé le territoire d'enclos, de propriétés, de haies et de constructions d'une rare densité, permettant aux armées de s'accrocher sur le terrain, de se dissimuler et de tendre des embuscades. Il est très vraisemblable que Jünger ait plaidé pour le retrait de la Wehrmacht, espérant, dans la logique nationale-révolutionnaire, qui avait été la sienne dans les années 20 et 30, et où la russophilie politico-diplomatique était bien présente, que les forces russes et allemandes, réconciliées, allaient interdire à tout jamais l'accès de la ”forteresse Europe”, voire de la “forteresse Eurasie”, aux puissances thalassocratiques, qui pratiquent systématiquement ce que Haushofer nommait la “politique de l'anaconda”, pour étouffer toutes les velleités d'indépendance sur les franges littorales du “Grand Continent” (Europe, Inde, Pays arabes, etc.).
Ernst Jünger rédige ses notes caucasiennes au moment où Stalingrad tombe et où la 6ième Armée est anéantie dans le sang, l'horreur et la neige. Mais malgré la victoire de Stalingrad, qui permet aux Soviétiques de barrer la route du Caucase et de la Caspienne aux Allemands et d'empêcher toute manœuvre en amont du fleuve, Staline poursuit ses pourparlers en espérant encore jouer une “partie nulle”. Les Soviétiques ne mettent un terme à leurs approches qu'après les entrevues de Téhéran (28 novembre - 1 décembre 1943). A ce moment-là, Jünger semble s'être retiré de la résistance. Dans son célèbre interview au Spiegel en 1982, immédiatement après avoir reçu le Prix Goethe à Francfort, il déclare: «Les attentats renforcent les régimes qu'ils veulent abattre, surtout s'ils ratent». Jünger, sans doute comme Rommel, refusait la logique de l'attentat. Ce qui ne fut pas le cas de Claus von Stauffenberg. Les décisions prises par les Alliés occidentaux et les Soviétiques à Téhéran rendent impossibles un retour à la case départ, c'est-à-dire à la ligne de démarcation d'octobre 1939 en Pologne. Soviétiques et Anglo-Saxons se mettent d'accord pour “déménager l'armoire Pologne” vers l'Ouest et lui octroyer une zone d'occupation permanente en Silésie et en Poméranie. Dans de telles conditions, les nationalistes allemands ne pouvaient plus négocier et Staline était d'office embarqué dans la logique jusqu'au-boutiste de Roosevelt, alors qu'il l'avait refusée au départ. Le peuple russe paiera très cher ce changement de politique, favorable aux Américains.
Après 1945, en constatant que la logique de la Guerre Froide vise un encerclement et un containment de l'Union Soviétique pour l'empêcher de déboucher sur les mers chaudes, Staline réitère ses offres à l'Allemagne exsangue et divisée: la réunification et la neutralisation, c'est-à-dire la liberté de se donner le régime politique de son choix, notamment un “ordre démocratique fort”. Ce sera l'objet des “notes de Staline” de 1952. Le décès prématuré du Vojd soviétique en 1953 ne permet pas à l'URSS de continuer à jouer cette carte allemande. Khrouchtchev dénonce le stalinisme, embraye sur la logique des blocs que refusait Staline et ne revient à l'anti-américanisme qu'au moment de l'affaire de Berlin (1961) et de la crise de Cuba (1962). On ne reparlera des “notes de Staline” qu'à la veille de la perestroïka, pendant les manifestations pacifistes de 1980-83, où plus d'une voix allemande a réclamé l'avènement d'une neutralité en dehors de toute logique de bloc. Certains émissaires de Gorbatchev en parlaient encore après 1985, notamment le germaniste Vyateslav Dachitchev, qui prit la parole partout en Allemagne, y compris dans quelques cercles ultra-nationalistes.
A la lumière de cette nouvelle histoire de la résistance allemande et du bellicisme américain, nous devons appréhender d'un regard nouveau le stalinisme et l'anti-stalinisme. Ce dernier, par exemple, sert à répandre une mythologie politique bricolée et artificielle, dont l'objectif ultime est de rejeter toute forme de concert international reposant sur des relations bilatérales, d'imposer une logique des blocs ou une logique mondialiste par le truchement de cet instrument rooseveltien qu'est l'ONU (Corée, Congo, Irak: toujours sans la Russie!), de stigmatiser d'avance tout rapport bilatéral entre une puissance européenne moyenne et la Russie soviétique (l'Allemagne de 1952 et la France de De Gaulle après les événements d'Algérie). L'anti-stalinisme est une variante du discours mondialiste. La diplomatie stalinienne, elle, était à sa façon, et dans un contexte très particulier, conservatrice des traditions diplomatiques européennes.
Robert STEUCKERS.
Bibliographie:
- Dirk BAVENDAMM, Roosevelts Weg zum Krieg. Amerikanische Politik 1914-1939, Herbig, München, 1983.
- Dirk BAVENDAMM, Roosevelts Krieg 1937-45 und das Rätsel von Pearl Harbour, Herbig, München, 1993.
- Valentin FALIN, Zweite Front. Die Interessenkonflikte in der Anti-Hitler-Koalition, Droemer-Knaur, München, 1995.
- Francis FUKUYAMA, La fin de l'histoire et le dernier homme, Flammarion, 1992.
- Klemens von KLEMPERER, German Resistance Against Hitler. The Search for Allies Abroad. 1938-1945, Oxford University Press/Clarendon Press, 1992-94.
- Theodore H. von LAUE, The World Revolution of Westernization. The Twentieth Century in Global Perspective, Oxford University Press, 1987.
- Jürgen SCHMÄDEKE/Peter STEINBACH (Hrsg.), Der Widerstand gegen den National-Sozialismus. Die deutsche Gesellschaft und der Widerstand gegen Hitler, Piper (SP n°1923), München, 1994.
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mercredi, 01 octobre 2008
Amérique latine: lumière révolutionnaire

Paolo EMILIANI:
Lumière révolutionnaire
Washington a toujours considéré l’Amérique latine comme une sorte d’arrière-cour et le territoire des nations sud-américaines comme des espaces à dépouiller de leurs énormes ressources, par l’intermédiaire des multinationales américaines, sans que ces Etats n’aient à se préoccuper de politique étrangère. Certes, de temps en temps, la pure volonté populaire a triomphé dans certains de ces Etats mais toujours la seule CIA a suffi pour remettre les choses “en ordre”, comme ce fut par exemple le cas au Chili, où l’expérience Allende fut promptement coulée par le coup d’Etat de Pinochet, “sponsorisé” par les Etats-Unis.
En pratique, jusqu’à nos jours, l’unique exception a été Cuba, gouverné depuis presque un demi siècle par Fidel Castro, qui n’a jamais capitulé, ni après la tentative d’un coup de force militaire ni à la suite d’un embargo ininterrompu et criminel. A cause de cette résistance, jamais aucun président américain n’a pu “encaissé” le cas cubain, à commencer par le faux “bon” Kennedy mais, en fin de compte, Cuba n’est jamais qu’une petite île proche des côtes de la Floride.
Les choses commencent cependant à changer: les idéaux “bolivaristes”, le rêve d’une grande nation latino-américaine, pourraient devenir réalité.
Le guide éclairé de cette révolution bolivariste, celui qui pourrait faire jaillir l’étincelle d’un changement radical et “épocal” sur tout l’échiquier géopolitique mondial, s’appelle Hugo Chavez, président de la “république bolivarienne du Venezuela”. Chavez devient une référence pour tout le continent. Tout récemment, la Bolivie, lassée de devoir subir de continuelles tentatives de déstabilisation institutionnelle sous l’impulsion des services américains, a décidé d’expulser l’ambassadeur des Etats-Unis de La Paz. Chavez a immédiatement décidé de ne pas laisser seul son collègue Evo Morales et a fait aussitôt expulser l’ambassadeur américain en poste à Caracas et a menacé Washington de fermer les robinets du pétrole si les Etats-Unis persistaient à mener des actions hostiles aux gouvernements du Venezuela et de la Bolivie. Chavez est même allé plus loin: il a relancé une collaboration militaire avec Moscou; dans un passé fort récent, il avait déjà conclu des liens d’amitié solides avec l’Iran, créant ainsi les prémisses d’un accord international qui déciderait de facturer le pétrole en euro, acte qui marquerait le début d’une crise irréversible pour les Etats-Unis.
Les liens entre le Venezuela et la Bolivie sont désormais très forts et Chavez peut compter sur l’appui, plus ou moins sincère, plus ou moins déterminé, de quasi tous les gouvernements latino-américains et certainement d’un grande majorité populaire sur tout le continent. Chavez a démontré au monde que les hommes libres de la planète peuvent se dégager du régime mondialiste, que de nouvelles alliances entre les peuples sont possibles et que la lutte de l’un peut devenir la bataille de tous. Le régime globalitaire, jusqu’ici, avait pu détruire un à un ses ennemis, de Saddam à Milosevic, mais la roue tourne.... et “el pueblo unido jamàs serà vencido”.
Paolo EMILIANI.
(éditorial du quotidien romain “Rinascita”, 13-14 septembre 2008; trad. franç. : Robert Steuckers).
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mardi, 30 septembre 2008
Géopolitique pétrolière et gazière en Asie centrale

Alexander GRIESBACH:
Géopolitique pétrolière et gazière de l’Asie centrale: télescopage d’intérêts divergents
L’Asie centrale est l’une des zones-clefs de la géopolitique mondiale, à cause des réserves énergétiques qu’elle recèle. La lutte engagée pour le contrôle de ces réserves va certainement porter le nom de “New Great Game” (= “Le nouveau Grand Jeu”), en référence à l’affrontement russo-britannique du 19ème siècle et parce que de nouveaux acteurs y interviendront, notamment la Chine et l’Inde. Il y a d’abord la question de savoir qui se taillera la part du lion dans ces réserves énergétiques; mais, avant d’y répondre, aujourd’hui, il s’agit principalement de savoir comment ces réserves parviendront aux Etats destinataires; nous soulevons là la politique des oléoducs et gazoducs. Par Asie centrale, nous entendons bien sûr des Etats comme le Kazakhstan ou le Turkménistan mais aussi le Tibet, l’Afghanistan, certaines régions d’Iran ou comme le Pendjab au Pakistan et en Inde.
Prendre le défi russe au sérieux
Après la fin de l’Union Soviétique, l’intérêt des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine n’a fait que croître au fur et à mesure que l’importance des réserves énergétiques croissait dans le système de la concurrence globale. Pour les Etats-Unis, la main-mise sur ces ressources constitue le motif principal de leur engagement dans la région. Cet engagement dans l’ancienne “arrière-cour” de l’Union Soviétique ne s’est pas déroulé sans ressacs. Malgré cela, après les événements du 11 septembre 2001, les dirigeants russes, américains et centre-asiatiques ont serré les coudes dans la “lutte commune contre le terrorisme”. Cette unanimité s’est vite évaporée à cause de l’incompatibilité d’humeur entre Bush et Poutine et surtout d’événements comme, par exemple, l’élargissement de l’OTAN vers l’Est, les révolutions sans effusion de sang d’Ukraine et de Géorgie et, enfin, la guerre en Irak. Poutine a réussi à repousser largement les Etats-Unis hors d’Asie centrale, notamment avec l’aide de la Chine: ce fut la réponse russe aux activités déployées par les Etats-Unis dans l’arrière-cour de Moscou. La tâche de Poutine fut sans doute facilitée parce que la rhétorique américaine des “droits de l’homme” avait sans nul doute énervé quelques autocrates de la région. Par ailleurs, le traitement réservé à l’autocrate Saddam Hussein a certainement eu un effet dissuasif.
Poutine à coup sûr s’est servi d’un instrument, que Medvedev reprendra certainement à son compte: l’Organisation de Coopération de Changhaï (OCC), laquelle, du point de vue occidental, constitue la réponse à la prétention américaine d’exercer un leadership mondial. Le septième sommet de l’OCC, qui s’est tenu à Bichkek en Kirghizie en août 2007, a clairement critiqué la “pax americana”. Moscou n’a pas mâché ses mots. Le rôle de “seule superpuissance” que Washington veut jouer, Poutine l’a relativisé: “Nous sommes convaincus que toutes les tentatives de vouloir résoudre seul tous les problèmes du monde sont vaines”. Alexander Rahr, expert ès-questions russes auprès de la DGAP (“Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik” / “Société allemande de politique étrangère”), a émis les commentaires suivants dès 2006: Moscou est déçu par l’Occident et s’en détourne pour se tourner vers l’espace asiatique et forger “de nouvelles alliances géostratégiques”. “Pour parvenir à cette fin, le Kremlin mobilise les immenses ressources énergétiques de la Russie, afin de récupérer sa position naguère perdue de puissance mondiale. L’Europe et l’Occident doivent prendre très au sérieux ce nouveau défi géopolitique”.
La Turquie: importante plaque tournante dans la politique énergétique
Ce “défi”, la revue “Geo”, de juin 2008, l’a mis en cartes et schémas, notamment sous la forme, plaisante, d’un table de joueurs de poker, qui symbolisent en l’occurrence les acteurs du “New Great Game”. A gauche, nous y voyons les Etats-Unis, qui sont les plus grands consommateurs de gaz et de pétrole et dont les intérêts consistent à se dégager d’une trop grande dépendance du Proche Orient. Les Etats-Unis, qui importent un quart de leur gaz naturel de Russie, investissent dans la construction de gazoducs et oléoducs qui évitent de passer par le territoire russe, comme le système “Nabucco” qui sera complètement opérationnel en 2013. Sur le tracé de ce système “Nabucco” se trouve la Turquie, qui acquiert de plus en plus d’importance car elle est, explique “Geo”, la principale “plaque tournante énergétique entre l’Est et l’Ouest”. De l’autre côté de la table des joueurs de poker, à droite, se trouve la Russie, qui tire des revenus des oléoducs et gazoducs et de la vente des pétroles et gaz de la région caspienne.
La Russie est bien entendu capable de faire de l’énergie une arme, en cas de “comportement fautif”, comme on vient de le voir. La Chine est la deuxième puissance assise à droite, à la table des joueurs: elle est devenue, entretemps, le deuxième consommateur de pétrole au monde et se présente comme concurrent de l’UE et des Etats-Unis. Le “gâteau”, qui forme l’enjeu, est au beau milieu de la table. Il comprend le Kazakhstan, dixième producteur de pétrole du monde; l’Azerbaïdjan, qui occupe un territoire géostratégiquement important entre l’Europe et l’Asie; le Turkménistan, l’un des pays les plus riches en gaz du monde, ainsi que l’Ouzbékistan, dont les gisements en pétrole et en gaz n’ont été que partiellement exploités jusqu’ici. Au réseau de distribution énergétique déjà existant entre les joueurs de poker, il faudra ajouter trois nouveaux grands “pipelines”, rien que pour l’approvisionnement en gaz naturel:
* Le “North Stream”, venant de Russie pour passer sous la Mer Baltique et aboutir en Allemagne; il aura environ 1200 km; Gazprom en est le principal actionnaire avec 51% des parts. “Wintershall AG” et la société “E.ON Ruhrgas AG” possèdent chacune 20%. Le premier tronçon sera prêt en 2010.
* La ligne “Nabucco”, qui partira de Turquie pour aboutir en Autriche, sera longue de 3300 km. Les travaux commenceront en 2010. Cette ligne devra relier l’UE aux gisements gaziers de la région caspienne.
* Le “South Stream” reliera la Russie à l’Italie et à l’Autriche. Ce sera un gazoduc italo-russe dont une partie sera installée sur le fond de la Mer Noire et reliera ainsi le port russe de Novorossisk au port bulgare de Varna. Ce projet est en concurrence directe avec celui de “Nabucco”.
Deux importants systèmes de “pipelines” sont déjà en activité:
* Le “Blue Stream” qui part de Russie pour aboutir à Ankara. Il est en activité depuis 2005. Il est long d’environ 1200 km.
* Le “BTE” ou “Bakou – Tiflis – Erzouroum (en Turquie)” est en activité depuis 2006. sa longueur est d’environ 690 km. On l’appelle également “South Caucasus Pipeline”.
Auxquels il faut encore ajouter:
* Le “BTC” ou “Bakou – Tiflis – Ceyhan (en Turquie). Sa longueur est d’environ 1770 km.
* Le “Drouchba” dont le tronçon septentrional part d’Almetievsk au Tatarstan, traverse la Biélorussie et la Pologne pour aboutir à Schwedt sur l’Oder et dont le tronçon méridional, après une bifurcation près de Masyr en Biélorussie, amène les hydrocarbures en République Tchèque et ensuite, via la Slovaquie, en Hongrie.
* Le pipeline “Kazakhstan-Chine”, qui est en service depuis 2004 et est long de ± 970 km.
Si vous imaginez que, dans ce contexte, la Chine et la Russie, qui toutes deux ont des motifs divers de vouloir chasser les Etats-Unis de leurs sphères d’influence respectives, vont faire cause commune, dans tous les cas de figure, sous l’égide de l’OCC, alors vous ne comprenez pas la dynamique du “New Great Game”, que l’on peut, à juste titre, qualifier de “champ de mines d’intérêts divergents”, pour paraphraser Keith Jones. Aigul Zharylgassova, de la “Société germano-kazakh” a bien mis en exergue l’agencement des intérêts chinois dans le cadre de l’OCC: “Avec l’OCC, la Chine tente de tuer deux mouches d’un seul coup de savate: d’un côté, la République Populaire de Chine coopère avec des Etats centre-asiatiques sur le plan militaire et garantit ainsi la sécurité de ses frontières occidentales; de l’autre côté, la RPC utilise l’Organisation pour réaliser des projets de communication et d’infrastructure afin d’avoir un accès assuré aux ressources énergétiques”. Cette analyse nous permet de comprendre pourquoi la Chine, qui avait toujours eu l’habitude de se montrer réservée face à tout système d’alliance, s’est laissée embrigader dans l’OCC. L’adhésion à l’OCC permet à la Chine de pratiquer “une politique nationale d’ordre dans la région” et de réactiver “son image de marque sur le plan international” (Zharylgassova).
Les divergences entre Moscou et Beijing
On discute beaucoup, en Occident, pour savoir si la rivalité entre la Chine et la Russie, pour prendre dans l’avenir le leadership au sein de l’OCC, mettra en péril l’existence même de cette organisation. Quelques analystes pensent que la Russie voudra, elle aussi, utiliser l’OCC pour au moins limiter “l’influence croissante de la Chine”, ce qu’elle cherche d’ailleurs déjà à faire en jouant “un rôle actif au sein de l’Organisation”. Moscou voit un moyen dans l’OCC de bétonner sa souveraineté lucrative sur le transport du pétrole et du gaz naturel.
Il existe également des divergences entre Moscou et Beijing pour savoir lesquels des Etats, qui avaient jusqu’ici un simple statut d’observateur (actuellement: la Mongolie, l’Inde, l’Iran et le Pakistan), pourront accéder dans un avenir proche au statut de membre à part entière. Le souhait de la Russie, d’accepter l’Iran comme membre à part entière, est contesté par la Chine car celle-ci n’a aucun intérêt à ce que l’islam reçoive un quelconque encouragement sur le territoire chinois lui-même par un effet (secondaire) de l’adhésion pleine et entière de l’Iran. La Chine refuse également l’adhésion pleine et entière de l’Inde parce que les deux géants asiatiques ont toujours été des rivaux. Les Chinois émettent également des réserves contre l’adhésion du Pakistan, dont les liens avec l’islam radical (les talibans) suscitent l’inquiétude à Beijing. On constate également des tensions à l’égard des autres Etats musulmans de l’Organisation, le Kazakhstan, le Kirgizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, car aucun de ces Etats n’a évidemment intérêt à dépendre unilatéralement de Moscou ou de Beijing.
Les démarches énergiques et assertives de Poutine n’ont certainement rien fait pour dissiper les méfiances entre les Etats membres de l’OCC. Il faudra encore attendre quelque peu pour savoir si le Président Medvedev montrera plus de doigté diplomatique. Le sommet des chefs des Etats membres de l’OCC à Duchanbé au Tadjikistan n’apportera rien de bien substantiel, car la solidarité avec la Russie, après la crise de l’Ossétie du Sud, est restée limitée. Les Etats membres de l’OCC ont simplement demandé à ce que “le problème soit résolu pacifiquement par le dialogue”. Aucune prise de position commune n’a suivi la reconnaissance unilatérale de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie par la Russie.
Vu les divergences entre les membres de l’OCC, le jugement qu’Alexander Rahr avait émis dans “Eurasisches Magazin” (28 février 2006) me semble caduc: il affirmait que “l’OCC pourrait rapidement devenir un nouvel acteur global sur la scène internationale, auquel, en cas de conflit avec l’Occident, même la superpuissance américaine n’aurait pas grand’ chose à opposer”. L’anti-occidentalisme ne suffira pas pour cimenter durablement la cohésion de l’OCC, vu les méfiances réciproques que cultivent les Etats membres de l’Organisation. Il est plus que probable que l’OCC entrera en crise en dépit de cet anti-occidentalisme qui sert de paravent à de profondes divergences d’intérêts.
L’intérêt des Européens, et donc des Allemands, c’est de ne pas attendre la crise passivement, mais de tenter de faire valoir leurs intérêts propres dans ce “champ de mines”.
Alexander GRIESBACH.
(Article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°38/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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lundi, 29 septembre 2008
Deux parlementaires belges accusent la Géorgie de crimes de guerre
Deux parlementaires belges
accusent la Géorgie de crimes de guerre


7S7 mise à jour Deux parlementaires belges accusent la Géorgie du président Mikhaïl Saakashvili de "crimes de guerre" en Ossétie du sud, qualifiant Tbilissi d'"agresseur" dans le conflit intervenu au mois d'août dans le Caucase.
"Il y a bien eu crime de guerre"
"Il me semble effectivement établi qu'il y a bien eu crime de guerre", a indiqué jeudi le sénateur Josy Dubié (Ecolo) rejoint à cet égard par sa collègue Christine Defraigne, chef de groupe MR à la Haute assemblée. Les deux parlementaires demandent une enquête internationale, estimant que la Cour pénale internationale doit être saisie.
Mme Defraigne et M. Dubié se sont rendus cinq jours en Ossétie du sud dans le cadre d'une mission qu'ils qualifient d'indépendante.
Dénonçant un contexte de désinformation, notamment dans le chef de la presse occidentale, ils ont organisé jeudi au parlement une conférence de presse intitulée "La vérité a ses droits". Les deux parlementaires pointent Tbilissi comme premier responsable du conflit avec la Russie.
Saakashvili "instigateur" de l'invasion
"Nous concluons sans hésitation, sans ambages que ce sont les Géorgiens qui sont l'agresseur", a notamment indiqué Christine Defraigne, présentant le président Saakashvili comme "l'instigateur de cette invasion brutale qui s'est accompagnée de violations du droit international".
Les deux sénateurs disent avoir recueilli suffisamment de témoignages et constaté sur place les conséquences de bombardements intensifs et répétés, dans le chef de l'armée géorgienne, visant des logements habités par des civils, un hôpital, un jardin d'enfants, des réfugiés en fuite, un bâtiment de la Croix rouge, une caserne abritant des "peace-keepers russes", et le parlement ossète dont il ne reste plus que les murs.
Civils délibérément visés
"Le quartier juif à Tskhinvali, la capitale ossète, a été complètement détruit à l'exception de la synagogue", ont-ils relevé. "Nous avons constaté la destruction quasi-complète d'un village dénommé Tsunar et d'un autre, Kmitogurovo", ont-ils précisé. Selon Josy Dubié, les traces de char repérées dans ce dernier village et les témoignages attestent de ce que les forces géorgiennes ont délibérément visé des habitations qui n'étaient pas vides, et qui n'abritaient pas de militaires.
Compte tenu de ce qu'ils ont vu et entendu, les parlementaires belges ont estimé "vraisemblables" le nombre de 1.500 victimes russes et ossètes avancé par les autorités locales. Mme Defraigne et M. Dubié ont été en mesure d'examiner une partie de l'armement géorgien pris par les Russes. Selon eux, il s'agit de matériel sophistiqué. Ils ont notamment du matériel léger américain, cinq chars T72 de dernière génération fabriqués en Ukraine, équipés de matériel de visée nocturne israélien, ont-ils dit.
Une enquête auto-financée et indépendante
Les sénateurs ont dit avoir pu agir en toute liberté durant leur enquête, et ont assuré avoir financé eux-mêmes leurs déplacements. Ils ont tenu à remettre les pendules à l'heure quant aux origines du conflit en Ossétie du sud, l'exactitude des faits perpétrés et la responsabilité des exactions. Les sénateurs ont dénoncé la "désinformation" à l'oeuvre dans les médias occidentaux mais aussi dans le chef de responsables politiques.
Une délégation de parlementaires belges composée d'Anne-Marie Lizin (PS), Jean-Luc Crucke (MR) et Sabine de Béthune (CD&V), avait dénoncé l'installation de l'armée russe en territoire géorgien. "Chacun sa sensibilité, on ne peut pas la leur reprocher vu l'importance de la propagande organisée par M. Saakashvili", a indiqué Mme Defraigne, épinglant par ailleurs "une propension européenne à exprimer généralement une sensibilité plutôt pro-américaine".
"Nous ne sommes pas des agents du FSB"
Les deux élus se sont défendus d'exprimer un point de vue unilatéral pro-russe. "Nous ne sommes pas des agents du FSB", ont-ils souligné, rappelant qu'ils avaient dénoncé la situation des droits de l'Homme en Russie et la politique poursuivie par Moscou en Tchétchénie. "Et nous continuerons à le faire. Mais il faut aussi savoir reconnaître quand les choses évoluent dans le bon sens", ont-ils dit, soulignant par ailleurs qu'ils se sont rendus à Beslan durant leur séjour, où, selon eux, la population s'exprime aujourd'hui librement, n'hésitant pas, notamment, à critiquer ouvertement le Premier ministre Vladimir Poutine.
Mme Defraigne et M. Dubié sont d'avis que la Belgique devrait participer à la mission d'observation européenne en Géorgie, le ministre des Affaires étrangères, Karel De Gucht étant réticent à cet égard. Les deux sénateurs divergent en revanche dans leur rapport quant à l'idée de reconnaître l'indépendance de l'Ossétie du sud comme l'a fait la Russie. "C'est clairement non", a indiqué jeudi Josy Dubié justifiant son point de vue par la nécessité de respecter le droit international (M. Dubié rappelle qu'il était contre la reconnaissance du Kosovo). Mme Defraigne est plus nuancée. "Peut-on retirer aux peuples le droit de vouloir disposer d'eux-mêmes pour autant que le processus soit pacifique?", s'interroge-t-elle. (belga/7sur7)
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samedi, 27 septembre 2008
Pressions américaines contre l'installation du gazoduc de la Baltique
Pressions américaines contre l’installation du gazoduc de la Baltique
Dans son édition n°39/2008, l’hebdomadaire de Hambourg, “Der Spiegel”, dénonce les pressions indirectes qu’exerce Washington pour saboter l’installation définitive du gazoduc germano-russe de la Baltique. Après l’échec de la tentative téméraire du président géorgien Saakachvili dans le Caucase, dont l’enjeu est la ligne de gazoducs et d’oléoducs Bakou-Tiflis-Ceyhan, les Etats-Unis passent à l’offensive en Mer Baltique, pour torpiller le bon fonctionnement de “North Stream”, sur lequel ils n’exercent aucun contrôle. Ils procèdent de manière indirecte. Soi-disant non officielle. Michael Wood, ambassadeur américain en poste à Stockholm, nommé à ce titre par George Bush junior parce qu’il jouait jadis au golf avec lui et l’accompagnait dans ses randonnées en mountain-bike, vient de publier sous son nom propre un article qui enfreint toutes les règles de la bienséance diplomatique, selon la bonne vieille méthode des néocons, qui revendiquent haut et clair ce style de dérapages. Cet article est paru dans le quotidien suédois “Svenska Dagbladet” et constitue un appel au gouvernement suédois: celui-ci devra vérifier, avec la plus extrême rigueur, si le gazoduc est bien “écologique”, comme prévu, mais ne devra pas se borner à ce seul aspect écologique. Il devra, selon Wood, prendre d’autres facteurs en considération: notamment que ce gazoduc est le fruit d’accords spéciaux entre Allemands et Russes, qu’il est une mise en oeuvre par Moscou de “l’arme de l’énergie” face à laquelle l’Europe doit faire front commun, en refusant bien entendu toutes les séductions qu’elle offre.
Pour une fois, le gouvernement fédéral allemand a réagi clairement: Rüdiger von Fritsch, directeur du département économique du ministère allemand des affaires étrangères, a appelé l’ambassadeur américain en ses bureaux pour lui demander des explications. Le gouvernement fédéral allemand se dit “irrité” devant cette démarche “inhabituelle”. La réponse du diplomate américain à Berlin reflète, elle, une hypocrisie bien habituelle: les Etats-Unis sont “surpris”, paraît-il, des propos de Wood et prétendent que Washington n’a aucune objection à formuler “quant à l’installation de ce gazoduc privé”. Rüdiger von Fritsch, qui n’est évidemment pas dupe, a conservé sa fermeté: un incident comme l’article de Wood ne devra pas se répéter, a-t-il demandé.
Le diplomate von Fritsch n’a pas été le seul à marquer son mécontentement en Allemagne. Eggert Voscherau, représentant de BASF dans le Conseil de supervision du gazoduc “North Stream” incriminé, a déclaré: “Les Américains manifestent désormais ouvertement leur opposition au gazoduc”. Martin Schulz, chef de la fraction sociale-démocrate au Parlement Européen a, lui, déclaré pour sa part que l’article de Wood est une preuve utile et intéressante “pour montrer quelles sont les intentions réelles des Américains: déstabiliser l’Europe”. Notre commentaire: les sociaux-démocrates, jadis, surtout en Belgique, champions de l’alliance atlantiste, vont-ils enfin comprendre, après plus d’un demi siècle, voire un siècle entier, que cette intention américaine a toujours été telle: affaiblir, déstabiliser et détruire l’Europe?
Le ministre allemand des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier ne minimise pas davantage l’affaire: il part du principe que la teneur menaçante de l’article de Wood révèle bel et bien les intentions réelles de Washington. Les observateurs attentifs ont déjà pu constater que la diplomatie américaine ne cesse plus d’intriguer contre ce gazoduc long de 1200 km entre Wyborg et Greifswald, qui, pensent les Américains, accentuera la dépendance énergétique de l’Europe au profit de la Russie. Argument classique, banal mais fallacieux: en effet, ce n’est pas cette dépendance que craignent finalement les Américains mais, au contraire, la fusion des potentialités européennes et russes, qui détacherait les uns et les autres de toute dépendance à l’endroit des Etats-Unis et des sociétés pétrolières moyen-orientales qu’ils contrôlent.
Cette crainte n’est pas seulement exprimée par Condoleezza Rice mais, plus nettement encore, par le Sénateur de l’Utah, Bob Bennett, qui s’inquiète de voir la Russie se transformer “en un Etat gazier et pétrolier”. Ensuite, le tandem énergétique germano-russe, prétendent les Américains, permet à Poutine et Medvedev d’agir énergiquement dans le Caucase et d’y mettre les manigances américaines, voire turques, en échec et mat. Raison pour laquelle, la diplomatie américaine tente une politique de la zizanie en Europe du Nord en excitant Polonais, Baltes et Suédois contre l’alliance énergétique forgée par Berlin et Moscou. Réactivation du clivage polémique entre “Vieux Européens” et “Nouveaux Européens”, à la différence près que, cette fois, Français, Néerlandais et Britanniques sont ou seront aussi les bénéficiaires du gazoduc contre lequel Washington excite les esprits.
La démarche de déstabilisation de l’Europe est si évidente, cette fois, que même les chrétiens-démocrates allemands, souvent très critiques à l’endroit de la politique russe, protestent. Eckart von Klaeden, porte-paroles de la CDU en matière de politique étrangère: “Il faut bien que les énormes investissements [que nous avons faits en Russie] soient amortis”. Déclaration qui montre bien que la dépendance ne va pas en sens unique, que ce n’est pas seulement l’Europe qui dépend de l’énergie russe mais que, simultanément, la Russie dépend du savoir-faire européen, pour combler le “technological gap” que constataient, triomphants, les auteurs anglo-saxons entre 1917 et 1989, dont Arnold J. Toynbee. La Chancelière Merkel, qui semblait pourtant avoir cédé aux ukases américains après la Guerre du Caucase en août dernier et déplorait une trop grande dépendance européenne face au gaz et au pétrole russes, soutient le projet “North Stream” sans la moindre réticence.
Steinmeier et Merkel se sont rendus en Suède pour plaider la cause du gazoduc, qu’ils définissent comme un “projet stratégique européen”. Les Suédois ont le droit de vérifier la fiabilité écologique de ce gazoduc, mais rien de plus, disent les Allemands. La vérification sera sans doute la plus méticuleuse qu’un gazoduc aura jamais subie. Nous ajouterions que les Américains jouent là sur une vieille inimitié russo-suédoise, qui remonte à Charles XII de Suède, au temps où la Suéde désirait maîtriser “l’axe gothique”, de la Baltique à la Mer Noire, entre Memel et Odessa. La défaite de Charles XII l’a évincée, comme fut aussi évincé le tandem polono-lithuanien. L’axe gothique ne peut plus être maitrisé que par un tandem germano-russe, dans le cadre d’un concert européen cohérent qui rappelle et la Sainte-Alliance de 1815 et l’Alliance des Trois Empereurs au temps de Bismarck.
(résumé de l’article et commentaires de Robert Steuckers; titre de l’article: “Aussenpolitik. Amerikanischer Ausrutscher”, par Ralf Beste & Cordula Meyer, in: “Der Spiegel”, n°39/2008).
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Caucaso: Storia di una regione tra Europa e Asia
Caucaso: Storia di una regione tra Europa e Asia |
http://www.eurasia-rivista.org/ |
![]() di Ninni Radicini |
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Pour la constitution d'un nouveau mouvement pacifiste

Dr. Alfred MERCHTERSHEIMER:
Pour la constitution d’un nouveau mouvement pacifiste !
Les leçons à tirer de la Guerre de Géorgie
Le Dr. Alfred Mechtersheimer, politologue, ancien Lieutenant-Colonel, ancien député du Bundestag fut l’un des animateurs les plus zélés du mouvement pacifiste allemand dans les années 80. Aujourd’hui, inlassable, il continue à diriger le “Friedenskomitee 2000”, le “Comité 2000 pour la paix”, après avoir mis sur pied l’ “Institut für Friedenspolitik” à Starnberg.
La fraction belliciste à Washington ne veut tout simplement pas admettre que la Guerre froide ne sera pas suivie de la domination exclusive des Etats-Unis sur la planète. Aujourd’hui cette fraction belliciste mise sur un vétéran de la Guerre du Vietnam, John McCain, et fait tout pour empêcher son rival, Barack Obama, d’accéder à la Maison Blanche. Celui-ci, en effet, pourrait diminuer les dépenses en matière d’armement et se montrer moins belliciste dans un monde perçu comme multipolaire. Voilà pourquoi la fraction belliciste a besoin d’un maximum de confrontations dans le monde pour faire passer son candidat à la présidence.
Le rôle du provocateur
La guerre contre l’Iran, préparée de longue date avec l’appui israélien, serait une entreprise trop risquée et pourrait renforcer le désir de paix chez l’électeur américain. C’est la raison pour laquelle on a fait jouer le rôle du provocateur à la Géorgie, où l’on avait préalablement installé et armé un régime vassal. La Russie était contrainte de réagir après l’attaque géorgienne contre Tskhinvali en Ossétie du Sud, les 7 et 8 août derniers. Question: la Russie a-t-elle eu une réaction disproportionnée?
On ne peut répondre à cette question que si l’on réexamine l’évolution des relations américano-russes de ces vingt dernières années. Les Etats-Unis ont certes été les vainqueurs de la Guerre Froide, mais depuis cette victoire, ils perdent sans cesse plus d’influence et de puissance sur les plans politique et économique, tandis que la Russie, grâce aux richesses de son sol, vit un boom économique unique. A la place de l’ancienne bipolarité, nous avons un monde multipolaire avec de nouveaux centres économiques et politiques et l’islamisme comme nouvelle force globale. Ces deux éléments de la nouvelle donne continuent sans cesse d’affaiblir les positions américaines. Dans le monde entier, le poids de la politique et de l’économie penche en défaveur des Etats-Unis, comme on le voit en Amérique latine, dans le monde arabo-musulman, en Irak, très récemment au Pakistan et maintenant dans le Caucase.
Moscou avait dû subir humiliation sur humiliation
Washington ne peut s’affirmer que là où les services américains peuvent envenimer les conflits ethniques ou autres entre Moscou et les Etats issus du démantèlement de l’URSS. Si les Américains réussissent à faire passer les Russes pour des agresseurs, cela les aide sur tous les autres fronts, comme en Europe orientale, où, peu de temps après la guerre de six jours en Géorgie, le gouvernement polonais, à Varsovie, abandonnait ses dernières réticences à l’installation de fusées américaines dans les régions septentrionales de la Pologne.
Dans ce jeux de conflits et d’intérêts, Washington a besoin de foyers de désordre pour pouvoir s’affirmer contre la Russie qui est une nouvelle grande puissance montante. Voilà pourquoi l’émergence d’une nouvelle Guerre Froide est de l’ordre du possible,surtout si l’on songe au fait que la première Guerre Froide a laissé derrière elle bon nombre de conflits potentiels. Au lieu de mettre sur pied un système de sécurité couvrant l’Europe tout entière, l’OTAN avance ses pions toujours davantage à proximité de la frontière russe. Tandis que les troupes russes quittaient l’ex-RDA, le territoire allemand devenait de plus en plus une base américaine; il abrite même, aujourd’hui, le commandement US pour l’Afrique!
Sous Eltsine, la Russie était un vassal des Etats-Unis et devait accepter humiliation sur humiliation. Poutine a mis rapidement un holà au pillage de ses richesses géologiques. Aujourd’hui, la situation est telle: les dirigeants russes disposent de réserves colossales de matières premières, voient leurs potentiels politique et militaire se renforcer, avec l’assentiment général du peuple russe; il n’y a donc plus de raison qu’ils acceptent de se laisser traiter comme les vaincus de la Guerre Froide.
Le danger d’une nouvelle Guerre Froide est grand car aucun des deux camps n’a tiré les leçons de la première Guerre Froide. On ne reconnaît pas à temps l’émergence de foyers de crise, on ne perçoit pas les intérêts économiques communs et, plus dangereux encore, en cas de crise, personne ne cherche à apaiser les conflits, au contraire, on cherche à les envenimer. La France et la Grande-Bretagne veulent des sanctions; Madame la Chancelière Merkel évoque l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN, alors qu’elle s’y était opposée auparavant! Berlin n’a aucun projet en matières de politique étrangère et l’UE encore moins! La politique étrangère se réduit à une seule question: va-t-on suivre les Etats-Unis ou non?
Le peuple est contre toute Guerre Froide !
Ce qui fait peur, c’est la réaction d’une grande part des media. La presse allemande ressort du placard des réflexes anti-russes que l’on croyait depuis longtemps évacués des têtes. L’hebdomadaire “Die Zeit” perçoit à nouveau un “danger russe” et on voit réapparaître sur les écrans de nos télévisions d’anciens bellicistes de la première Guerre Froide comme l’américaniste Josef Joffe. Même le “Spiegel” titre: “Le voisin dangereux”. Contrairement à l’immense majorité du peuple, on le constate, bon nombre de politiciens et de journalistes attendaient impatiemment que les vieux schémas binaires de la première Guerre Froide retrouvent vigueur et virulence. La réaction musclée du Kremlin est sans doute une erreur mais une erreur qui peut s’expliquer par l’histoire: en aucun cas, elle ne prouve une nouvelle politique étrangère agressive.
En CONCLUSION: il nous paraît nécessaire de constituer un nouveau mouvement pacifiste en Allemagne et dans toute l’Europe. Car si les peuples ne manifestent pas leur volonté de paix, l’UE suivra les errements de la fraction belliciste de Washington jusqu’à la guerre. Vingt-cinq ans après le blocus de la base américaine de Mutlangen, à laquelle j’avais participé avec Günther Grass et Volker Schlöndorff, le peuple doit à nouveau se dresser pour qu’advienne une Europe de la paix, Russie comprise, et faire de la guerre et de la paix des thèmes à débattre dans toutes les élections décisives.
Dr. Alfred MECHTERSHEIMER.
(article tiré de “DNZ”, Munich, n°38/2008, sept. 2008, trad. franç. : Robert Steuckers).
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jeudi, 25 septembre 2008
Ukraine: l'exécutif philo-atlantiste est dissous

Andrea PERRONE :
Ukraine: l’exécutif philo-atlantiste est dissous
La coalition philo-atlantiste, au pouvoir à Kiev, a été dissoute. Le président du parlement ukrainien, Arseny Yatseniouk, l’a annoncé, en même temps que la fin du gouvernement formé naguère par les putschistes de la révolution orange. La coalition avait été composée par le parti “Notre Ukraine” du président Viktor Youchtchenko et par le “Bloc” (BYUT) de Ioulia Tymochenko, l’actuel premier ministre. Les déclarations du président du Parlement ont confirmé le divorce entre les deux partis du gouvernement, celui de Youchtchenko et celui de Tymochenko, tous deux alliés lors de la fameuse “révolution orange” mais devenus, ces derniers temps, des rivaux absolus. Malgré toute cette effervescence, le président ukrainien a néanmoins manifesté son espoir de voir la majorité orange se reconstituer. La coalition, espère-t-il, pourrait se voir élargie aux centristes de Vladimir Litvine qui, pourtant, avait déclaré récemment, qu’il ne serait disponible que pour une coalition formée avec le “Parti des Régions” de l’ancien chef de l’exécutif, le pro-russe Viktor Yanoukovitch, et avec le BYUT.
A peu de mois avant la nomination de Madame Tymochenko à la direction du gouvernement de Kiev, qui, rappellons-le, avait été prévue pour décembre 2007, la coalition avait immédiatement montré ses faiblesses: elle n’avait qu’une majorité très juste, avec seulement deux sièges de plus que l’opposition. Le gouvernement de Madame Tymochenko a tout de suite essuyé les critiques, non seulement de l’opposition, mais aussi de l’intérieur de sa propre coalition, en l’occurrence de la part du président Youchtchenko lui-même. Ce gouvernement, instable, a failli entrer plusieurs fois en crise. En juillet, son exécutif a perdu la majorité au Parlement, après le départ de deux députés.
En août, sur fond du conflit russo-géorgien, Madame Tymochenko a essuyé bon nombre de critiques pour ne pas avoir soutenu ouvertement la Géorgie et pour n’avoir guère émis de critiques à l’endroit de la politique de Moscou. Le 3 septembre dernier, Youchtchenko a menacé de provoquer des élections anticipées après que le Parlement ait approuvé diverses mesures visant à réduire les pouvoirs du président au profit de ceux du premier ministre. C’est la quatrième crise politique d’envergure que connaît l’Ukraine depuis ces toute dernières années. Les causes du dissensus sont liées aux prochaines élections présidentielles, prévues pour l’année 2010, mais dont la campagne est censée commencer l’an prochain. C’est pour cette raison que le premier ministre est accusé de vouloir gagner les sympathies de Moscou, de façon à obtenir le soutien de la Russie pour sa candiudature à la présidence. Pour toute réponse, Madame Tymochenko, dans un entretien récemment accordé au quotidien de la City londonienne, le “Financial Times”, a nié les accusations de Youchtchenko en rappelant qu’elle ne contestait nullement l’intégrité territoriale de la Géorgie et qu’elle soutenait les positions de l’UE dans les négociations avec Moscou. Mais elle n’a pas manqué non plus d’accuser le président de vouloir exploiter à son profit le conflit russo-géorgien pour redorer son blason en vue des très prochaines présidentielles.
De récents sondages ont en effet révélé que Madame Tymochenko a de fortes chances d’aller bientôt occuper le fauteuil présidentiel car elle bénéficie d’un large consensus populaire. Ses scores seront toutefois talonnés de près par ceux de Yanoukovitch, tandis que le soutien du peuple à Youchtchenko tomberait sous la barre des 10%.
Madame le premier ministre, à Kiev, n’a pas manqué de mettre le président en garde contre les bouleversements politiques actuels qui pourraient renvoyer à une date très ultérieure l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ou ralentir une intégration plus étroite du pays à la dynamique de l’UE. En bref, la reine du gaz et actuel premier ministre semble vouloir jouer toutes ses cartes pour devenir présidente de l’Ukraine, en cherchant même à obtenir le soutien des forces pro-russes pour atteindre le but tant convoité.
Andrea PERRONE.
(article tiré du quotidien romain “Rinascita”, 17 sept. 2008, trad. franç. : Robert Steuckers).
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mercredi, 24 septembre 2008
V. Jirinovski: les responsabilités de Saakachvili

Vladimir Jirinovski, Vice-Président de la Douma d’Etat, Russie:
Les responsabilités de Saakachvili
Voici les conclusions de Vladimir Jirinovski, Vice-Président de la Douma, à la suite de la guerre russo-géorgienne d’août 2008:
Des informations partiales et diffamatoires
Les émetteurs de télévision en Occident ont produit des informations unilatérales et partiales sur les derniers événements qui se sont déroulés en Ossétie du Sud. Cela relève de la diffamation quand les mass-media accusent, dans leurs grands titres, la Russie d’agression, comme si elle avait attaqué de paisibles Géorgiens dans leur sommeil. En revanche, le président géorgien Saakachvili a été décrit comme un grand homme. Son discours à la télévision, censé s’adresser au peuple géorgien, il l’a tenu en anglais de façon à ce que l’on sache bien à qui il s’adressait en réalité. La communauté internationale devrait pourtant savoir la vérité à propos de son régime fasciste et aussi connaître les intentions qu’il avait de soumettre les peuples d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, intentions qui nous ont été révélées par des documents découverts sur des prisonniers de guerre géorgiens.
Déjà en mars 2008, plusieurs membres du Parti Libéral-Démocrate russe, ainsi que moi-même, avions averti l’opinion publique, lors d’un débat à la Douma sur la situation dans les deux petites républiques caucasiennes, que des actions militaires géorgiennes étaient de l’ordre du possible. Lors de ce débat, j’ai rappelé que le Président Saakachvili, pendant toute la durée de son mandat, n’a jamais fait mystère de son objectif, celui de préparer une guerre. Déjà auparavant, aucune des mesures qu’il avait prises quant aux deux petites républiques n’avait été constructive. Il ne s’intéressait aucunement à leur histoire et ne connaît probablement pas l’histoire de la Géorgie elle-même.
En 1774, l’Ossétie s’est volontairement jointe à l’Empire russe. A cette époque, il n’y avait pas de frontière entre une Ossétie du Nord et une Ossétie du Sud. Après la révolution russe de 1917, la “République Démocratique de Géorgie”, comme elle s’appelait à l’époque, revendiqua le territoire de l’Ossétie du Sud. La population d’Ossétie méridionale fut alors la victime de confrontations violentes. Des milliers d’Ossètes du Sud furent assassinés par l’armée géorgienne ou expulsés vers l’Ossétie du Nord, tandis que quasiment tous les villages de la région furent détruits.
L’annexion à la Géorgie sans assentiment populaire
En 1921 se constitue un régime de type soviétique en Ossétie du Sud, dont les dirigeants, contre la volonté de la population, décident l’annexion à la RSS de Géorgie. A la suite de cette annexion, les Ossètes du Sud subirent des traitements qui défient les règles de la dignité humaine: les Ossètes étaient considérés comme des personnes de “rang inférieur”; on les força à traduire leurs patronymes en géorgien ou à prendre des noms géorgiens. Les autorités ont remplacé l’alphabet ossète par l’alphabet “Mchedrouli” de la langue géorgienne. Le niveau de vie en Ossétie du Sud était nettement inférieur à celui du reste de la RSS de Géorgie. La population diminua alors qu’elle augmentait dans tout le reste de l’Union Soviétique.
A la fin des années 80 du 20ème siècle, des nationalistes extrémistes géorgiens lancèrent une campagne politique pour supprimer le statut d’autonomie de l’Ossétie du Sud. Pas à pas, toutes les lois garantissant l’autonomie ossète furent remplacées ou abrogées. En 1990, le Presidium du Soviet Suprême de la RSS de Géorgie abrogea toutes les lois qui avaient été votées ou décidées depuis 1921, dont celles qui sanctionnaient la reconnaissance d’un lien territorial entre l’Ossétie et la Russie. Par cette abrogation générale des lois, l’Ossétie du Sud est devenue une zone hors droit à l’intérieur du territoire géorgien. Les discriminations et les menaces, que subirent les Ossètes, débouchèrent, entre 1989 et 1992 sur une agression armée dont l’objectif était d’éradiquer l’Ossétie du Sud. Plus de trois mille personnes furent victimes des actions violentes perpétrées par les Géorgiens, jusqu’en juillet 1992, lorsque les troupes russes, chargées d’une mission de pacification, entrèrent dans le pays. Plus de cent villages avaient été brûlés de fond en comble; près de quatre mille personnes avaient fui vers la Russie; environ trois cents d’entre elles sont toujours portées disparues.
L’objectif de la Russie? La paix!
Après avoir fait face à cette situation, le Presidium de la République d’Ossétie du Sud proclame l’indépendance du pays, en se réclamant du résultat d’une consultation populaire, tenue le 19 janvier 1992. Le 12 novembre 2006, les autorités d’Ossétie du Sud organisent à nouveau un référendum populaire dans l’ensemble du pays: quelque 99,88% de la population votent en faveur de la ligne indépendantiste, visant à détacher l’Ossétie du Sud de la République de Géorgie. La constitution russe prévoit également la possibilité d’un rattachement territorial à la Russie, selon le modèle que cherche à faire prévaloir l’Ossétie aujourd’hui. C’est en vertu de ces clauses constitutionnelles-là que la Douma, à l’unanimité, a accepté, après que se soit tenu le Conseil de la Fédération en août, de reconnaître l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie.
La Russie s’est toujours efforcée de résoudre ce conflit de manière pacifique parce qu’elle a toujours reconnu la complexité des problèmes régionaux; elle n’a jamais cessé de vouloir les résoudre selon les principes du droit des gens. Au cours de ces six derniers mois, la situation s’est considérablement aggravée, essentiellement pour deux raisons: d’abord, il y a eu la déclaration d’indépendance du Kosovo; ensuite, il y a eu les efforts entrepris par la Géorgie pour adhérer à l’OTAN, efforts pour lesquels elle a reçu un appui massif de la part des Etats-Unis. Cette nouvelle donne a contraint les Ossètes et les Abkhazes à un choix: ou bien, ils réclamaient à la Géorgie que celle-ci leur accorde leur indépendance; ou bien, ils décidaient de réclamer la fusion avec la Russie.
Les autorités géorgiennes avaient toutefois la ferme intention d’envenimer encore davantage les rapports, déjà tendus, qu’elles entretenaient avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Le 4 mars 2007, la Géorgie déclare unilatéralement qu’elle ne reconnaîtra plus la Commission de contrôle mixte, mise en place pour canaliser le conflit le 24 juin 1992 par Boris Eltsine et Edouard Chevarnadzé. Pour les Géorgiens, il fallait remplacer cette Commission par un plan nouveau, baptisé “2+2+2”; y siègeraient les représentants du gouvernement sud-ossète contrôlé par la Géorgie, le gouvernement de la République indépendante (de facto) d’Ossétie du Sud, la Géorgie, la Russie, l’OSCE et l’UE. Cette initiative n’émane évidemment pas des Ossètes du Sud, ce qui a conduit à son échec.
Dans les cinq mois qui ont suivi cet échec, la situation, déjà fort tendue, a considérablement empiré le long de la frontières entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud, surtout à cause de la présence de troupes géorgiennes, de plus en plus nombreuses. Les deux camps se sont livrés à des provocations, ce qui a fort freiné les efforts de pacification. On a cependant ignoré délibérément les nombreuses demandes de la Russie à la Géorgie, pour faire en sorte que les deux partis renoncent expressément à toute violence militaire.
Pendant des mois, le Président Saakachvili a refusé de tenir compte de nos propositions. Il n’y a pas si longtemps, avant même que ne commencent les opérations militaires, il déclarait que c’était un non-sens de réclamer sa signature au bas d’un tel document parce que la Géorgie n’exerçait aucune forme de violence contre ses propres citoyens. Cette assertion ne semble plus valable aujourd’hui.
7 et 8 août 2008: l’armée géorgienne attaque
Dans la nuit du 7 au 8 août 2008, les troupes géorgiennes sont passées à l’attaque. L’opération a commencé en dépit de l’armistice qu’avait promis le Président Saakachvili quelques heures à peine avant cette attaque généralisée, planifiée avec acribie. Le fait d’avoir renié sa promesse en dit déjà long. Les actions que Saakachvili a déclenchées le mettent en porte-à-faux avec une demande formulée par les Nations Unies, de ne pas faire parler les armes pendant les Jeux Olympiques de Pékin.
Les villages d’Ossétie du Sud ont été attaqués et bombardés avec les grands moyens; la capitale Tskhinvali a été détruite pour une bonne part. Quelque 1500 civils innocents d’Ossétie du Sud, surtout des femmes, des vieillards et des enfants, ont péri, victimes de cette attaque. Les snipers géorgiens empêchaient les équipes de secouristes d’aider les blessés et de sauver un maximum de vies humaines. Les habitants de Tskhinvali ont dû se terrer dans les caves des immeubles détruits, sous le bombardement incessant des pièces d’artillerie géorgiennes. Le Président Saakachvili a donc dépassé toutes les bornes par ses agissements. C’est par sa faute que nous sommes face, maintenant, au risque d’une catastrophe humanitaire. Des dizaines de milliers de réfugiés sont sur les routes et nous ne voyons pas la fin de cet exode massif. A Tskhinvali, les positions et le QG des soldats russes de la paix ont également subi des attaques, au cours desquelles une centaine de soldats russes ont été tués et plus de 150 autres blessés.
L’obligation constitutionnelle de porter secours à des citoyens russes
Comme 90% des Ossètes du Sud possèdent la citoyenneté russe et comme la Constitution de la Fédération de Russie prévoit de protéger les citoyens russes, la Russie a décidé d’intervenir en vue de ramener la paix. Jusqu’à ce moment-là, des troupes russes étaient stationnées à Tskhinvali mais elles étaient très réduites en nombre et y étaient présentes dans un cadre admis par le droit des gens et en vertu d’un accord accepté par toutes les parties en vue de restaurer la paix. L’objectif principal des mouvements de troupes russes, qui ont eu lieu récemment, est de protéger les soldats de la paix qui étaient déjà stationnés dans le pays et la capitale sud-ossète contre toutes attaques géorgiennes.
Ce n’est donc pas la Russie, mais le Président Saakachvili, qui est responsable de l’escalade du conflit. C’est pourquoi nous ne pourrons parler d’une limitation de la mission russe que si les troupes géorgiennes se retirent au-delà de la ligne de démarcation qui avait été convenue lors de l’accord de 1992. La Géorgie doit tout simplement revenir aux clauses de l’accord international, existant entre les parties belligérantes, et reprendre un dialogue normal avec les autorités de l’Ossétie du Sud.
Vladimir JIRINOVSKI.
(article paru dans “DNZ”, Munich, n°36/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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mardi, 23 septembre 2008
L'oeuvre de Douguine au sein de la droite radicale française

L'oeuvre de Douguine au sein de la droite radicale française
Travail Universitaire à lire avec quelques circonspection, mais digne d'intérêt
cf. : http://www.diploweb.com/L-oeuvre-de-Douguine-au-sein-de-l...
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mardi, 16 septembre 2008
Le réveil de la Russie

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Les positions philosophiques d'Alexandre Douguine

Denis CARPENTIER :
Les positions philosophiques d’Alexandre Douguine
Alexandre Douguine, qui avait pris la parole au colloque du GRECE en 1991, aux côtés d’Alain de Benoist, de Jacques Marlaud et de Charles Champetier, a fait un sacré bonhomme de chemin depuis lors. Incroyablement actif sur internet, écrivain très prolifique, homme orchestre de plusieurs média audio-visuels russes où on l’appele le “disk-jockey de la métaphysique”, il a creusé son trou dans l’entourage du Président Poutine et participe, intellectuellement, au réarmement moral et politique de sa patrie russe. Le Chilien Sergio Fritz, de la “Nueva Derecha Chilena”, et son ami italien Daniele Scalea, qui participe à son site “Eurazia”, ont brossé en quelques paragraphes clairs et succincts la pensée de ce Russe étonnant, sorti de la marginalité dissidente des années 80 pour se hisser, petit à petit, sans jamais se renier ou se dédouaner, aux plus hautes sphères du pouvoir russe actuel. Examinons en bref les idées qui l’animent depuis toujours:
Dougine développe des idées géopolitiques “eurasiennes”, dans la mesure où il inverse la thèse énoncée par Mackinder en 1904, qui prévoyait l’endiguement et l’encerclement de la Russie; comme Carl Schmitt, il conçoit l’histoire comme l’affrontement éternel entre un “Léviathan” et un “Béhémoth”, soit entre la “Terre” et la “Mer”. L’Allemagne et la Russie sont, pour le juriste allemand d’hier comme pour le traditionaliste russe actuel, les forces de la Terre en lutte contre les forces malfaisantes et déliquescentes de la Mer, représentées aujourd’hui par les Etats-Unis.
Douguine s’inscrit dans la tradition de la “politique hermétique”: ce sont en effet des forces spirituelles qui guident le monde et l’ont toujours guidé. Originalité de sa position : le communisme russe, après l’éviction des comploteurs “atlanto-trotskistes” (selon sa terminologie), est devenu une sorte de “voie de la main gauche”. Cette expression un peu énigmatique est tirée de l’œuvre d’Evola et de la tradition indienne; elle signifie qu’une force en apparence anti-traditionnelle peut en réalité dissimuler une puissance active et positive qui va subrepticement dans le sens de la Tradition, donc de l’esprit de la “Terre” par opposition à celui de la “Mer”. On songe au tantrisme indien, en apparence débauché, mais poussant la débauche si loin qu’elle se mue en force rénovatrice et restauratrice.
Douguine se place tout naturellement dans le sillage de la “révolution conservatrice” allemande des années 20 et 30. Il est l’homme qui a réintroduit en Russie les thèses énoncées par le néo-nationalisme soldatique allemand d’après 1918, période de défaite pour Berlin, comme l’effondrement de l’URSS était, finalement, une période de défaite pour la puissance russe. Douguine est évidemment séduit par la russophilie des “révolutionnaires conservateurs”, dont la première source d’inspiration a été l’œuvre de Dostoïevski, traduite à l’époque en allemand par l’exposant principal de la “révolution conservatrice”, Arthur Moeller van den Bruck, dont toutes les idées politiques dérivent de l’oeuvre du grand romancier russe du 19ième siècle. La “révolution conservatrice” allemande est donc essentiellement “dostoïevskienne” pour le Russe Douguine. Il est donc naturel et licite de la ramener en Russie, où, espère-t-il, elle trouvera un terreau plus fécond.
Douguine a introduit ensuite la “pensée traditionaliste” en Russie en y vulgarisant, en y traduisant et en y publiant les œuvres de René Guénon et Julius Evola. Dans cette optique, Douguine n’adopte pas entièrement les mêmes positions que ses homologues ouest-européens. A l’influence des deux traditionalistes français et italien, il ajoute celle du Russe Constantin Leontiev pour qui la Tradition est ou bien othodoxe ou bien islamique. Pour Leontiev, le catholicisme et le protestantisme sont des voies résolument anti-traditionnelles, produits de l’”Occident dégénéré” (Leontiev, Danilevski). L’autre objectif de Douguine, en diffusant la pensée d’Evola et de Guénon, est de lutter contre toutes les entreprises de vulgarisation spirituelle du “New Age” californien, qui risquait fort bien de s’abattre sur une Russie déboussolée et tentée par toutes les expériences occidentales, dont cette confusion des genres, ce bazar de pseudo-spiritualités de pacotille qu’est ce “New Age”.
Douguine plaide en politique pour une “convergence des extrêmes”, à l’instar de l’activiste italien des années 70, Giorgio Freda, auquel les journalistes mal intentionnés avaient collé l’étiquette de “nazi-maoïste”. Les activistes et les militants considérés par les bien-pensants comme des “extrémistes” veulent tous, quelles que soient les étiquettes dont ils s’affublent, la “désintégration du système” (Freda). Il faut unir ces forces et non pas les maintenir en un état de division, où des antagonismes artificiels vont les faire s’exterminer mutuellement. La figure emblématique de cette “convergence des extrêmes” est l’irlando-argentin Che Guevara, que Jean Cau avait chanté en son temps, pourtant après sa rupture avec Sartre!
Douguine travaille certes dans l’entourage de l’actuelle présidence russe mais ce soutien apporté à Poutine n’est pas a-critique et inconditionnel. Pour Douguine, Poutine est pour le moment un “moindre mal” (explique-t-il dans un entretien accordé à Scalea pour le site et le journal Italia Sociale). Il reproche au Président russe d’avoir laissé tomber Chevarnadze en Géorgie et Yanoukovitch en Ukraine, ce qui pourrait inquiéter les présidences fidèles à Moscou en Biélorussie (Loukatchenko), au Kazakstan (Nazarbaïev) et ailleurs. Il préférerait voir l’ancien militaire Pavel Ivanov au pouvoir à Moscou mais Poutine, selon lui, a eu le mérite insigne de mettre fin à l’ère de totale déliquescence qu’avait provoquée le clan Eltsine. Pour Douguine, Poutine avance toutefois trop lentement : il n’est pas assez ferme contre les “oligarques”, il ne cherche pas à créer une élite alternative mentalement bien structurée, prête à prendre les rênes du pouvoir et à barrer la route à tous les charlatans sans cervelle et sans tripes que manipulent les services américains via les “révolutions colorées”, rose ou orange. Le risque de cette faiblesse chronique est de voir la Russie exposée à une “menace orange” en 2008, lors des prochaines présidentielles. Autre danger: la reconstitution tacite d’un cordon sanitaire autour de la Russie et la création d’antagonismes de pure fabrication pour susciter des conflits permanents, retardateurs, à l’intérieur même de l’espace eurasiatique, qui doit s’unir s’il veut rester libre. La stratégie du “divide ut impera”, pratiquée par Washington, implique dans un premier temps, par exemple, un soutien à Sakachvili en Géorgie contre la Russie, puis un soutien à Poutine contre Sakachvili, de façon à maintenir et à entretenir un désordre permanent dans la région, permettant toutes les politiques manipulatoires. Après la Géorgie et l’Ukraine, le scénario de “révolution spontanée” ou de “révolution colorée” se répète au Kirghizistan, où le président Akaïev, ni pro-russe ni pro-américain mais “eurasien”, est déstabilisé parce que l’US Army entend, à terme, utiliser le territoire kirghize comme base pour encercler la Chine. Alors qu’Akaïev voulait que son pays soit la plaque tournante des communications routières et ferroviaires entre la Russie, l’Inde et la Chine. Dès lors est-ce un hasard s’il est dans le collimateur... et tout d’un coup considéré comme “corrompu” par notre bonne presse...?
Suivre Douguine sur internet est captivant. La matière est vaste et apporte chaque jour son bon petit lot d’informations originales et explosives. En parfaite contradiction avec la pensée dominante, “politiquement correcte”.
Denis CARPENTIER.
Bibliographie :
Sergio FRITZ, “Alexander Dughin o cuando la metafísica y la política se unen”, http://www.angelfire.com/zine/BLH/nueve1.html... .
Daniele SCALEA, “Le ‘rivoluzioni colorate’ mirano alla distruzione della Russia” – Intervista con Aleksandr Dugin, http://www.italiasociale.org/Geopolitica_articoli/geo2105... (30 mai 2005).
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dimanche, 14 septembre 2008
Derrière le prétendu impérialisme russe: le pétrole qui sent l'impérialisme américain
Derrière le prétendu impérialisme russe :
le pétrole qui sent l’impérialisme américain
Comme aux plus belles heures de la guerre du Kosovo, les médias « occidentaux » (c’est-à-dire ceux des pays inféodés à l’Oncle Sam) balancent des images en pagaille aux yeux des spectateurs (des images présentées comme celles de la guerre en Géorgie pourraient venir du Liban que personne ne s’en rendrait compte…), avec la traditionnelle répartition des rôles (Russie = puissance impérialiste cruelle, Géorgie = victime innocente et Etats-Unis/ « Communauté internationale » = grands frères protecteurs) et la scène peut être montée : avec la France dans le rôle pathétique des porteurs de riz et les Etats-Unis dans celui de l’acteur que l’on prend au sérieux, parce qu’il a les moyens de ses ambitions (contrairement au coq tricolore qui a renoncé à toute « ambition »). Il est particulièrement risible d’entendre parler « d’impérialisme » à propos de la Russie alors que la Géorgie (qui souhaite adhérer à l’OTAN) est depuis des années le chien fidèle, pour ne pas dire une colonie, des Etats-Unis (ce qui démontre que l’impérialisme n’est pas tant du côté russe qu’américain). Par ailleurs, le président Bush n’a pas craint le ridicule en appelant au respect le plus solennel de « l’intégrité territoriale » de la Géorgie ; on notera toutefois que le vol du Kosovo et le charcutage de « l’intégrité territoriale » de la Serbie n’ont pas particulièrement troublé le sommeil de la diplomatie US ces derniers mois… Joies et délices de l’hypocrisie américaine.
Derrière les pleurnicheries du président géorgien Mikheïl Saakachvili qui veut faire passer son pays pour la victime d’un nettoyage ethnique façon Darfour (il y a des « nettoyages ethniques » dans tous les conflits de nos jours, c’est merveilleux !) et la promptitude du bon samaritain américain à voler au secours de la Géorgie, il y a la réalité froide et incontournable des intérêts pétroliers américains et de leurs vassaux : en effet la Géorgie est l’intermédiaire entre l’axe atlantique (Etats-Unis/Europe de l’ouest) et les hydrocarbures d’Azerbaïdjan, situation bien pratique qui permet de contourner la Russie pour s’approvisionner en pétrole et ainsi accroître la tutelle américaine sur le continent européen grâce au pion géorgien… D’où l’inquiétude des Américains et de leurs alliés. De l’Irak à la Géorgie : rien de nouveau sous le soleil !
Enfin, dans cette affaire où les peuples des deux côtés de l’Atlantique sont pris pour des imbéciles par leurs élites médiatico-politiques, on remarquera cette propension bien journalistique à parler avec emphase de « communauté internationale » comme pour justifier les ingérences insupportables des élites américaines : la « communauté internationale » intervient ici, la « communauté internationale » fait cela… Et on oublie que derrière cette expression en trompe-l’œil (notion floue, sans aucun fondement juridique) se trouve l’œil de Washington puisque les Etats-Unis ont un poids considérable dans les décisions de l’OTAN (organisation politico-militaire héritée de la guerre froide et alliant les Etats-Unis et l’Europe occidentale pour la défense de cette dernière contre l’URSS). Chose qu’avait compris De Gaulle en retirant la France de sa structure militaire intégrée et de sa direction en 1966, se méfiant des arrières pensées du « grand frère américain ». Leçon oubliée par Nicolas Sarkozy qui annonce en 2008 le retour de l’hexagone dans le commandement intégré de l’OTAN. Attention donc aux termes tarte à la crème tels que « la communauté internationale » qui sous-entend de manière sournoise que la décision prise, parce qu’elle est « internationale », l’a été à l’unanimité ou est le résultat d’un consensus, alors que la plupart du temps ce sont les Etats-Unis qui ont le dernier mot (fait admis de tous).
La réémergence de la Russie sur la scène mondiale, débarrassée des scories du communisme, ardent défenseur du Kosovo serbe, impitoyable envers le terrorisme islamique et décidée à en finir avec la pax americana, devrait plutôt exciter la curiosité et la sympathie des Européens au lieu de se laisser bêtement prendre au piège de l’épouvantail soviétique agité par les Etats-Unis. L’âme de l’Europe, si elle est encore bien vivante, est très forte dans cette Russie orthodoxe fière de ses racines et de son identité.
La construction européenne, pour être crédible, ne peut pas se faire sans la Russie : revenir à la situation de la Guerre froide, avec un bloc américain à l’ouest et une Europe occidentale qui lui est totalement soumise (la seule différence aujourd’hui est que la sphère d’influence américaine s’étend jusqu’aux pays de l’est inclus), et un bloc russe d’autre part, serait, plus qu’un retour en arrière en forme de pied de nez historique, un insupportable gâchis ! Ne ratons pas cette occasion historique.
Julien Langella
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jeudi, 11 septembre 2008
Liberté pour l'Ossétie !

OSSETIA FREI !
Source : www.jeune-alsace.com
Depuis une semaine, de violents affrontements ont lieu en Ossétie du Sud, une région du Caucase, occupée par la Géorgie. La Russie est intervenue pour porter secours aux Ossètes, menacés de nettoyage ethnique par les troupes de Tbilissi, suscitant la désapprobation des dirigeants occidentaux, qui soutiennent le génocide des Ossètes.
Lorsque le Kosovo - Etat maffieux musulman dirigé par une milice communiste spécialiste du trafic d’organe (L’UCK) - se bat pour son indépendance, les Etats-Unis, qui ont une énorme base militaire au Kosovo, et les pays de l’Union européenne à leur solde, applaudissent. Mais lorsque les Ossètes se battent dans le Caucase, c’est en coeur que nos belles démocraties, qui s’indignent pourtant du sort du Tibet, dénoncent le sécessionnisme et en appellent à l’unité de la Géorgie.
Pourquoi donc un séparatisme ossète ?
Voyons d’abord les aspects culturels, qui sont intéressants à comparer par rapport au Kosovo, et l’attitude des grandes puissances qui en découle.
Pour comprendre, commençons par une présentation de ce peuple ossète, présentation qui n’est certainement pas superflue. Les Ossètes sont les derniers descendants d’un peuple européen fameux, les Alains du groupe scythique : une civilisation nomade grandiose d’avant l’ère chrétienne, située dans les steppes d’Eurasie (grossièrement autour de l’actuelle Ukraine). Les Ossètes ne sont guère plus aujourd’hui que 500 000, leur langue est encore parlée par environ 100 000 personnes. Ce sont aujourd’hui majoritairement des Chrétiens orthodoxes, comme les Russes ou les Serbes. Ils sont divisés entre deux provinces, l’Ossétie du Nord (8000 km²) ou « Alanie » comprise dans la Fédération de Russie et l’Ossétie du Sud (70 000 habitants pour 4000 km²), occupée par la Géorgie.
Premiers enseignements donc : les Ossètes sont véritablement un peuple en voie de disparition, ce qui n’est pas le cas des Kosovars musulmans, qui ne sont issus, en réalité, que d’une immigration de peuplement albanaise. Ce sont par ailleurs des Orthodoxes, donc des méchants, car pour être gentil (et forcément opprimé), aujourd’hui en Europe, il faut être Musulman. Les Etats-Unis adorent d’ailleurs les Musulmans lorsqu’il est question d’affaiblir l’Europe, d’où leur soutien à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Par contre, lorsque les intérêts des Etats-Unis sont menacés, les Musulmans se transforment en terroristes. Amusant.
Quels intérêts derrière l’indépendantisme ossète ?
Bon, et maintenant un peu de géopolitique, parce qu’entre nous, les grandes puissances se foutent un peu du sort des peuples. Ce qui compte, c’est de voir quels intérêts s’opposent dans cette minuscule région d’Ossétie du Sud. Si les Russes sont très mécontents, si les Russes sont intervenus, ne rêvons pas, ce n’est pas parce qu’ils sont de grands défenseurs des minorités en danger. Les Russes n’apprécient guère les Géorgiens, qui ont justement pris leur indépendance en 1990. Mais les Géorgiens, non contents de prendre leur indépendance à l’époque, ont refusé l’indépendance aux Ossètes et aux Abkhazes, autre minorité séparatiste de Géorgie. L’ancienne URSS voit toujours les Etats qui l’ont quittée comme une chasse gardée, notamment la Géorgie et l’Ukraine, où passent d’importants oléoducs, et qui songent fortement à intégrer l’OTAN. Alors forcément, la Russie, avec sa grande armée, ne va pas tolérer qu’à côté de chez elle on s’en prenne à un peuple frère, surtout s’il y a en plus des intérêts économiques dans le coin…
L’Union européenne et les Etats-Unis, quant à eux, n’apprécient guère ce néo-impérialisme russe. Officiellement, OTAN et Conseil de l’Europe en tête, ils veulent éviter des massacres dans la région. Ils veulent éviter des morts, l’Union Européenne et les Etats-Unis. Ce sont les gentils. Sarkozy, Bush, Condoleezza Rice, Lech Kacsynski, en appellent au maintien de l’unité de la Géorgie, eux qui avec l’OTAN ont bombardé la Yougoslavie et les civils…Quel foutage de gueule ! Ces gens n’en ont rien à faire qu’il y ait une guerre de plus ou du moins. Ils veulent juste éviter que la Russie ne regagne en influence dans la région. Ils veulent éviter que les Russes jouent la même partition qu’eux au Kosovo, et de se retrouver arroseurs arrosés ! Les Ossètes, ils n’en ont que faire, ils peuvent crever sous les bombes géorgiennes, c’est pas aussi cool qu’un Tibétain un Ossète. Quel intérêt médiatique d’aller soutenir une bande d’Européens orthodoxes paumés dans leurs montagnes alors qu’au loin en Asie on a des Tibétains exotiques qui passent tellement mieux à la télé et pour lesquels on sait qu’on n’obtiendra rien, car personne n’a les couilles d’aller vraiment ennuyer les Chinois.
Moralité : nous sommes face à des pourris (oui je sais vous n’apprenez pas grand chose là). Les dirigeants européens et les Etats-Unis sont dégoulinants d’hypocrisie avec leurs Droits de l’Homme, leur droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, alors que dans la pratique ces belles valeurs n’ont d’utilité que lorsqu’elles peuvent servir leurs intérêts. Un nettoyage ethnique se déroule en Géorgie et pourtant c’est le régime de Tbilissi que les Occidentaux défendent. Les civils serbes furent bombardés malgré une situation bien plus complexe…
Les Russes, eux, au moins, ont le mérite d’assumer leur autoritarisme et de défendre leurs compatriotes. Les Russes ont d’ailleurs affirmé qu’ils allaient soutenir tous les sécessionnismes en Europe, après l’indépendance du Kosovo. Mais les Russes sont les premiers à rêver d’un Empire où l’Ukraine et le Belarus seraient réintégrés…là aussi, hypocrisie, mais au moins la Russie a une tradition fédéraliste, contrairement à certains Etats européens donneurs de leçons comme la France.
Comme souvent lorsque l’on est une minorité, ce qui importe, c’est d’être du côté de celui qui pourra vous aider, même si celui-ci a d’autres intérêts derrière. En l’espèce, il faut soutenir totalement l’action de la Russie, en espérant qu’elle aboutisse à l’indépendance pure et simple de l’Ossétie (mais en espérant que ce ne soit pas un prétexte pour intégrer l’Ossétie dans la Fédération russe). Le Président Medvedev est décidé à agir et parle de « déni du droit à la vie pour toute une nation résultant de l’action barbare planifiée par les autorités géorgiennes ». Espérons que les Abkhazes, même s’ils ne sont plus que 200 000, en profiteront aussi pour se soulever contre le régime de Tbilissi.
Le président de l’Abkhazie a promis du soutien à son homologue ossète, dépêchant un millier de volontaires. Un geste imité par le président de la république russe d’Ossétie du Nord, Taïmouraz Mamsourov, qui a annoncé que des « centaines de volontaires » étaient en partance pour le territoire voisin. C’est la guerre.
Comment pourrait-on se refuser, comme le font nos obséquieux représentants, à soutenir le combat pour la liberté ?
Vive l’Europe des Peuples libres ! Ossetia Frei ! Abkhazia Frei !
10:39 Publié dans Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ossétie, russie, caucase, mer noire, ossètes, abkhazie | |
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samedi, 06 septembre 2008
Heurt frontal au Caucase

Jan ACKERMEIER:
Heurt frontal au Caucase
La guerre de cinq jours dans le Caucase vient à peine de se terminer mais ses effets sur les rapports futurs entre les Etats-Unis et la Russie ne sont pas encore vraiment prévisibles dans toute leur portée. Ce qui est intéressant à analyser, c’est le calcul des Etats-Unis dans ce conflit.
La guerre a commencé, c’est connu, par l’entrée des troupes géorgiennes en Ossétie du Sud, “une province rénégate”, selon les Géorgiens. A la suite de cette opération, la grande puissance qui s’auto-proclame défenderesse des Ossètes, soit la Russie, intervient dans le conflit, repousse rapidement les troupes géorgiennes et s’avance profondément dans le territoire central de la Géorgie. Les médias occidentaux s’empressent de stigmatiser la contre-attaque russe, en la campant comme “une guerre d’agression contraire au droit des gens”, et se soumettent servilement aux impératifs de la politique et de la propagande américaines. Les Etats-Unis auraient apprécié que la Géorgie, alignée sur l’Occident et donc sur Washington, ait pu activement imposer ses intérêts dans le Caucase et veiller à limiter encore davantage l’influence de la Russie dans cette région.
Les Russes, toutefois, en dépit de leurs problèmes de politique intérieure, sont encore capables de faire valoir leurs intérêts de grande puissance: ce qui fait écumer de rage les Etats-Unis et leurs vassaux. On crie déjà au retour de la “Guerre froide” et la ministre américaine des affaires étrangères, Condoleezza Rice, s’est ridiculisée récemment en déclarant que “la Russie par sa ‘guerre d’agression’ (!!!) contre la Géorgie avait perdu toute crédibilité internationale”! Cette hypocrisie manifeste, les Américains, baignant dans leur narcissisme, ne l’aperçoivent même plus, car, rappellons-le, les attaques américaines contre l’Irak et l’Afghanistan étaient au moins aussi équivoque sur le plan du droit des gens que l’intervention russe dans le Caucase.
Il faut tenir compte du fait que les Ossètes, tant ceux du Nord qui vivent au sein de la Fédération de Russie, que ceux du Sud, qui vivent dans une région revendiquée par la Géorgie, se perçoivent comme un et un seul peuple, d’une culture spécifique. Les prérequis pour l’exercice par les Ossètes d’un droit d’auto-détermination, sur les plans intérieur et extérieur, existent bel et bien. Et lorsque la Russie, puissance protectrice des Ossètes, se réclame du droit à l’auto-détermination quand elle intervient contre la Géorgie, ses justifications sont bien plus valables que celles invoquées naguère par les Etats-Unis, qui nous parlaient à tours de bras de la fable des “armes de destruction massive” de l’Irak ou de la menace que faisait peser sur les Etats-Unis eux-mêmes les terorristes afghans, ou encore, de l’autre fable médiatique, celle de l’exportation de la démocratie et des droits de l’homme. Bien entendu, les interventions russes dans le Caucase participent, elles aussi, d’une volonté de faire valoir ses intérêts de grande puissance, exactement comme l’avait fait la politique étrangère des Etats-Unis au cours de ces dernières décennies; parallèle que l’on ne veut pas voir en notre pays: n’est-on pas finalement, dans l’âme et dans les tripes, des vassaux de la “communauté occidentale des valeurs”.
Jan ACKERMEIER.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°35/2008 – août 2008 – trad. franç.: Robert Steuckers).
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vendredi, 05 septembre 2008
La politique étrangère européenne après la guerre du Caucase

Andreas MÖLZER, MPE:
La politique étrangère européenne après la Guerre du Caucase
En jouant le rôle d’intermédiaire dans le conflit du Caucase, par le biais du Président en exercice du Conseil de l’UE, Nicolas Sarközy, et de la Chancelière fédérale allemande Angela Merkel, l’UE tente, vaille que vaille bien que la démarche soit importante, d’acquérir une certaine autonomie en politique étrangère. Parce que le Caucase, au contraire des déserts du Tchad africain, se trouve véritablement à la périphérie de l’Europe, les engagements que prend Bruxelles ont un sens, surtout parce qu’il ne faut pas laisser le terrain à une puissance extérieure à l’Europe, notamment les Etats-Unis.
Après l’attitude pondérée et bien balancée adoptée par Sarközy et Merkel au début de l’affaire géorgienne, les tentatives de médiation de l’UE risquent désormais de s’enliser dans les sables mouvants d’un parti-pris unilatéral en faveur de la Géorgie. Ainsi, le Président français Sarközy a menacé les Russes de “conséquences” s’ils ne retiraient pas leurs troupes le plus rapidement possible du pays voisin. Merkel, elle aussi, n’a pas fait mystère de ses sentiments lors de sa visite à Tiflis. La Géorgie peut, si elle le souhaite, devenir membre de l’OTAN, a déclaré la Chancelière fédérale. Or ce sont justement les effots entrepris par le Président géorgien Saakachvili pour faire adhérer son pays à l’OTAN qui ont constitué l’une des raisons majeures du conflit actuel qui l’oppose à la Russie. Car le Kremlin, pour des raisons bien compréhensibles, n’a pas le moindre intérêt à ce que l’Alliance atlantique, dominée par les Etats-Unis, se cramponne dans une région qui forme l’arrière-cour de la Russie.
Si l’UE prend parti unilatéralement en faveur de la Géorgie, ce ne sera pas seulement un acte relevant de la sottise politique mais un acte tout à fait contraire aux intérêts de l’Europe. Finalement, la Russie n’est pas seulement importante pour l’Europe sur le plan de la politique énergétique, elle l’est aussi sur le plan stratégique, afin de s’opposer de concert aux tentatives d’imposer l’hégémonie des Etats-Unis sur le monde. Si, un jour, l’UE veut jouer un véritable rôle en politique internationale, au-delà des discours policés et dominicaux de son établissement, elle ne pourra pas faire autrement que de tendre la main à Moscou. Cette politique de la main tendue implique de respecter les sphères d’intérêts de la Russie, celles qu’elle a acquises au cours de son histoire, depuis le temps du Tsar Pierre le Grand.
Bien sûr, un partenariat avec la Russie ne sera pas toujours facile à gérer. Mais vouloir transformer l’UE en complice de Washington et sacrifier la vie de soldats européens pour les seuls intérêts américains, voilà deux attitudes qui ne peuvent, en aucun cas, constituer une alternative viable et intelligente.
Andreas MÖLZER.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°34/2008, trad. franç. : Robert Steuckers).
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jeudi, 04 septembre 2008
V.Dachitchev : les Etats-Unis veulent la guerre

Géorgie: les Etats-Unis veulent la guerre
Entretien avec le Professeur Viatcheslav Dachitchev, ancien conseiller de Gorbatchev
Q.: Professeur Dachitchev, avez-vous été étonné de l’escalade en Géorgie?
VD: Non, à plusieurs reprises j’avais prévu qu’une guerre allait survenir dans la région. Depuis que Mikhail Saakachvili a pris le pouvoir en Géorgie, ce pays est devenu un satellite des Etats-Unis. Les dirigeants américains veulent la guerre dans le Caucase. Le but est d’abord de chasser la Russie du Caucase et des rives de la Mer Noire, ensuite d’y attiser un foyer de conflictualité permanente et de l’exporter en Asie centrale.
Q.: Cette guerre aurait-elle pu être évitée?
VD: Probablement. Les dirigeants russes auraient du reconnaître l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud comme des Etats pleinement indépendants et forger avec eux une alliance défensive. Cela ne s’est pas passé: j’estime que c’est une grave erreur.
Q.: Exactement comme l’Occident a reconnu le Kosovo...
VD: Bien entendu.
Q.: Pourquoi cela ne s’est-il pas passé?
VD: Parce que jusqu’ici le Kremlin avait parié pour une politique d’apaisement face à Washinton, même si l’OTAN se rapprochait toujours davantage du territoire russe. S’il n’avait fallu tenir compte que de la volonté américaine, la Géorgie aurait été depuis longtemps membre de l’OTAN. Cette politique américaine d’agression pourrait mener à une guerre mondiale.
Q.: Comment?
VD: Il y a cinq ans déjà, j’évoquais une crise de pré-belligérance, dans laquelle nous nous trouvons toujours. Tous les paramètres le confirment. La comparaison avec les situations qui règnaient avant les première et deuxième guerres mondiales est possible. Jusqu’à présent, Washington a parié pour l’ “approche indirecte” (“indirect approach”), telle que l’avait décrite l’historien militaire Basil Liddell Hart. Le but était d’affaiblir la Russie de manière si décisive qu’on aurait pu la dominer de l’intérieur et l’éliminer en tant que contrepoids militaire et politique des Etats-Unis. Cette stratégie de l’approche indirecte peut cependant déboucher rapidement sur une “guerre chaude”, comme viennent de le démontrer les événements de Géorgie. Les Etats-Unis ne se contentent pas de susciter des conflits dans le Caucase: ils le font aussi au Proche Orient, en Iran, en Pologne et en Lituanie et surtout, ce qui est le pire aux yeux des Russes, en Ukraine.
Q.: Quelle sera l’issue du conflit russo-géorgien?
VD: Saakachvili a fort mal calculé son coup. Depuis longtemps, on prêche la haine de la Russie en Géorgie et l’on y développe une progagande virulente et hostile à notre pays. Mais les Ossètes du Sud se réclament de la Russie et la plupart d’entre eux possède la citoyenneté russe. Les Abkhazes sont musulmans mais se réclament, eux aussi, de la Russie. Poutine ne peut plus se retirer de ces régions, sans perdre la face.
Q.: Une guerre contre l’Iran est-elle encore à l’ordre du jour?
VD: Oui. L’opinion publique est préparée de manière optimale pour accepter une attaque contre l’Iran. Depuis deux ans, la menace est militairement bien présente dans la région. Le monde commence à se lasser de cette question iranienne: c’est quand cette lassitude aura atteint un point “x” que l’attaque surviendra, soudainement.
Q.: Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure vous avez apprécié Alexandre Soljénitsyne, le Prix Nobel de littérature, récemment décédé?
VD: Soljénitsyne a critiqué le système stalinien de manière virulente et, simultanément, il s’est avéré un grand patriote. C’est pour cette raison qu’il n’a pas pu rester aux Etats-Unis. Il s’opposait à fond à la politique hégémonique poursuivie par les Etats-Unis et ne cessait de souligner la spécificité des peuples. Lorsqu’Eltsine a voulu lui octroyer la plus haute distinction russe, l’Ordre de Saint-André, il a refusé de l’accepter, car c’était Eltsine qui avait ruiné le pays.
Q.: Estimez-vous fondé le reproche d’antisémitisme que l’on adresse à Soljénitsyne, pour ses deux ouvrages “Les juifs en Union Soviétique” et “Deux siècles ensemble” (trois tomes qui relatent les rapports entre Russes et Juifs au cours de l’histoire récente de la Russie)?
VD: J’ai lu ces ouvrages et je les tiens pour équilibrés et pondérés. Si l’étude des faits révèle un rôle négatif des juifs dans la révolution de février ou dans la révolution d’octobre, cela ne signifie nullement que leur simple évocation relève de l’antisémitisme.
Q.: Vous étiez officier dans l’Armée Rouge en 1945, tout comme Soljénitsyne. Avez-vous lu les rapports qu’il a écrits, à l’époque, sur l’entrée de cette Armée Rouge en Prusse orientale?
VD: Oui. Mais à la différence de Soljénitsyne et de Lev Kopelev, que j’ai personnellement bien connu, mon unité n’a pas été engagée en Prusse orientale, mais en Slovaquie.
(entretien paru dans DNZ, Munich, n°34/2008 – août 2008 – trad. franç.: Robert Steuckers).
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mardi, 02 septembre 2008
Analyse géopolitique des événements de Géorgie

John LAUGHLAND:
Analyse géopolitique des événements de Géorgie
Sir Halford John Mackinder (1861-1947), professeur de géographie à l’Université d’Oxford, directeur de la London School of Economics et membre du Parlement, est généralement considéré comme le fondateur de la “géographie politique”. Profondément pénétré de l’idée très britannique qu’il est nécessiare de maintenir l’équilibre entre les puissances du continent pour pouvoir conserver l’hégémonie sur la mer, Mackinder, en 1904, pose sa fameuse affirmation: l’Eurasie est le pivot géographique de l’histoire mondiale; de cette affirmation découle que celui qui contrôle l’Europe orientale contrôle simultanément l’Eurasie et, par conséquence, le monde entier.
Ses écrits ont eu une influence énorme, qui s’exerce encore aujourd’hui: Zbigniew Brzezinski, le conseiller de Jimmy Carter pour les questions de sécurité nationale, est l’un des principaux débiteurs actuels de Mackinder, notamment pour sa théorie qui veut que l’Amérique doit exercer un contrôle sur l’Asie centrale pour consolider sa propre hégémonie dans le monde. Cependant, les férus actuels de géopolitique ne se rappellent guère que le sommet de la carrière politique de Mackinder fut atteint en 1919, lorsque Lord Curzon, ministre des affaires étrangères, le nomma Haut Commissaire britannique pour la Russie méridionale.
La Grande-Bretagne de l’époque avait envoyé des troupes en Russie méridionale pour combattre aux côtés des forces anti-bolcheviques commandées par le Général Denikine. Mackinder avait persuadé ce dernier de reconnaître l’indépendance des peuples du Caucase en cas de victoire blanche; dès que Mackinder s’en retourna à Londres, il déclara que la Grande-Bretagne aurait dû forger une alliance entre une Ukraine indépendante et les Etats du Caucase et maintenir un contrôle sur la ligne de chemin de fer Bakou/Batoum afin de ne pas mettre en danger les fournitures de pétrole en provenance de la Caspienne et afin d’empêcher les Bolcheviques de règner sur l’ensemble des côtes septentrionales de la Mer Noire. A l’époque, la Grande-Bretagne n’opta pas pour cette politique et l’Union Soviétique de Lénine a fini par contrôler efficacement tous les territoires qui avaient appartenu jadis à l’Empire russe (même si elle le transforma en une “fédération”). La vision de Mackinder, elle, n’est devenue réalité qu’un peu moins d’un siècle plus tard, en 1991, au moment de l’effondrement de l’Union Soviétique.
C’est à la lumière de cette perspective historique et idéologique que nous devons appréhender, aujourd’hui, le soutien énergique qu’ont apporté les géo-stratèges américains à l’adhésion à l’OTAN de tous les pays riverains de la Mer Noire qui ne le sont pas encore, c’est-à-dire l’Ukraine et la Géorgie. Comme Mackinder jadis, les géo-stratèges américains actuels veulent transformer la Mer Noire en un lac “otanique” et expulser la Russie de tous les territoires pontiques qu’elle a absorbés au cours de l’histoire. Leurs objectifs sont au nombre de trois: 1) protéger les fournitures énergétiques; 2) contribuer à la “démocratisation” (c’est-à-dire à l’occidentalisation) du “Grand Moyen-Orient” de Casablanca à Kaboul; et 3) infliger une défaite décisive à la Russie sur le plan géostratégique. Ces objectifs expliquent pourquoi l’Occident a soutenu Victor Youchtchenko en Ukraine, un politicien pro-OTAN, ainsi que la décision du gouvernement géorgien de reprendre le contrôle de deux provinces séparatistes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, où les tensions se sont dangereusement amplifiées, avec des dizaines de tués lors d’un affrontement aux abords de la capitale sud-ossète Tskhinvali.
Quelles sont les chances de succès de l’Occident dans son entreprise? Certes, plusieurs éléments de la théorie de Mackinder ont déjà été traduits dans le réel: l’UE et l’OTAN ont été élargies en direction de l’Est et l’influence de l’Occident vient de progresser en Serbie. Le projet de créer un bouclier “anti-missiles” en Europe orientale avance également et, quand il sera parachevé, il constituera indubitablement une menace pour la Russie. Mais la violence dans le Caucase, si elle s’intensifie, sera la première véritable guerre pour un objectif stratégique depuis l’invasion de l’Irak en 2003; l’ “indépendance” du Kosovo, elle, a été obtenue sans qu’un seul coup de feu n’ait été tiré.
Dans son dernier livre, “Le nouveau XXIe siècle”, l’économiste français Jacques Sapir écrit, de manière particulièrement convaincante, que le projet de créer un empire mondial américain est mort-né et cela, depuis 2003. Bien sûr, le projet agite encore l’esprit de quelques fanatiques à Washington.
Evidemment, l’économie et la politique des Etats-Unis continuent d’être lourdement influencées par l’industrie militaire, qui stipendie les politiciens pour qu’ils plaident la cause d’un expansionisme militaire, qui a encore le vent en poupe. Enfin, il est patent aussi que les Etats-Unis font montre d’une tendance inquiétante à susciter de nouvelles crises pour distraire l’attention des observateurs, afin qu’ils n’examinent plus trop les crises plus anciennes.
Mais les guerres d’usure en Irak et en Afghanistan démontrent que les Etats-Unis ne peuvent effectivement “démocratiser” le Moyen-Orient ni le contrôler véritablement; il s’avère dès lors de plus en plus difficile, dans de telles conditions, de songer à vouloir contrôler toute l’Asie centrale, pour ne pas évoquer l’ensemble du monde. L’armée américaine, finalement, n’est pas assez nombreuse. On peut douter que Washington décide d’envoyer ses propres troupes pour combattre contre les forces pro-russes (ou russes) en Géorgie, même si une telle éventualité reste malgré tout fort probable si John McCain devient président. Mais il ne sera pas nécessairement vrai que “celui qui contrôle Tskhinvali, contrôle le monde”. Néanmoins, l’issue de cette guerre décidera de l’équilibre des forces entre la Russie et l’Amérique dans les prochaines années à venir.
John LAUGHLAND.
(article paru dans “Rinascita”, Rome, 12 août 2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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lundi, 01 septembre 2008
Guerre du Caucase: chronologie des événements

Soldats géorgiens en manoeuvre
Andreï ARECHEV:
Guerre du Caucase: chronologie des événements
Dans la chronologie des événements, qui ont précédé l’agression géorgienne contre l’Ossétie du Sud, il y a un aspect qui mérite tout particulièrement notre attention: le 31 juillet s’étaient clôturées des manoeuvres communes, regroupant unités géorgiennes et unités américaines, que l’on avait baptisées “Immediate Response 2008”; au cours de ces exercices, les instructeurs américains avaient entraîné les forces armées géorgiennes à parachever des “opérations de nettoyage” contre des terroristes embusqués en zones résidentielles. Les exercices comprenaient des actions comme nettoyer un village des terroristes qui s’y dissimulaient, probablement en vue des engagements futurs des soldats géorgiens en Irak, et de mettre en lieu sûr les populations civiles; Les atrocités commises par les forces géorgiennes à Tskhinvali sont donc le résultat de l’entraînement qu’elles ont reçues de leurs instructeurs occidentaux sous la couverture cynique de “lutte contre le terrorisme”. Les véritables objectifs sont bien entendu complètement différents. L’ancien ministre géorgien des affaires étrangères, Salome Zurabishvili, qui est indubitablement une personnalité bien informée, a déclaré que la présence des Etats-Unis en Géorgie impliquait le déploiement d’une vaste gamme d’activités, parmi lesquelles l’instruction des forces armées et le contrôle du corridor de grande importance stratégique qui passe par le Caucase, où est notamment installé le tracé de l’oléoduc Bakou-Tbilisi-Ceyhan. Selon Zurabishvili, c’est là l’objectif principal du conflit actuel, qui oppose la Géorgie à la Russie et renforce simultanément la loyauté qu’éprouvent désormais les Géorgiens à l’égard des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, ce qui permet à ces deux dernières puissances de contrôler la Géorgie et, par voie de conséquence, l’ensemble du versant méridional du Caucase.
Il faut également noter que l’intensification du conflit caucasien, aux confins méridionaux de la Russie, a coïncidé avec les tensions qui ont agité la région autonome chinoise du Xinjiang, où, alors que commençaient les Jeux Olympiques, une attaque terroriste a été commise. Quelques jours auparavant, à Bishkek, la capitale du Kirghizistan, on avait découvert un dépôt illégal d’armes, près duquel résidaient une dizaine de militaires américains et plusieurs diplomates de l’ambassade des Etats-Unis dans ce pays d’Asie centrale. L’agression de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud est un acte de guerre, dans une guerre qui se déroulera dans l’intérêt de tierces puissances et où les Géorgiens sont destinés à jouer le rôle de chair à canon. Si l’agression contre cette petite région caucasienne ne trouve pas rapidement bonne fin, d’autres conflits régionaux seront inévitables et prendront à coup sûr une ampleur bien plus dramatique.
Andreï ARECHEV.
(extrait d’un article paru dans “Rinascita”, Rome, 12 août 2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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lundi, 25 août 2008
Emigration blanche, fascismes russes, stalinisme

Emigration blanche, fascisme, stalinisme: approches nouvelles après la chute du communisme
Le généalogie des droites russes chez Walter Laqueur
par Robert STEUCKERS
L'impact des fascismes ouest-européens et du national-socialisme allemand a été important dans les cercles d'émigrés blancs pendant l'entre-deux-guerres. Le fascisme séduisait parce qu'il promettait des solutions rapides aux problèmes de l'époque, alors que les parlements, qui soumettaient tout à d'interminables discussions, étaient accusés de laisser «pourrir les situations». Ce culte de la «décision rapide», très présent dans les débats allemands de l'époque et dans les discours tonitruants de Mussolini, débordait les cercles restreints des fascistes russes purs et durs et séduisait des conservateurs, dont Struve, et des modérés, dont Timachev.
Pour propager ce double culte de l'autorité et de la vitesse de décision, plusieurs groupes ont vu le jour dans les années 20. Ils étaient surtout constitués de jeunes gens enthousiastes. Le plus petit de ces groupes était le «Mouvement des Jeunes Russes» (Mladorossitsy), dirigé par Alexandre Kassem Bek, issu d'une famille aristocratique d'origine persane, russifiée au cours du XIXième siècle. Emigré à Paris, Kassem Bek prend dès l'âge de 21 ans la tête d'un groupe d'étudiants blancs, réclamant l'avènement d'une monarchie totalitaire de type nouveau. Reprenant à leur compte tous les éléments du decorum fasciste, ainsi que la discipline qui caractérisait cette mouvance, les adeptes de Kassem Bek estimaient, nous explique Laqueur, que l'ancien régime ne pouvait plus être restauré, car il avait été rongé de l'intérieur par la décadence, le «bourgeoisisme» et le «philistinisme». L'effondrement de ce régime sous les coups des Bolcheviks était donc une punition largement méritée. L'apocalypse de 1917 et l'horreur de la guerre civile auraient donc eu des vertus purgatives, selon les partisans de Kassem Bek. Propos qui n'ont guère choqué les conservateurs comme Struve (qui ouvre aux «Jeunes Russes» les colonnes de sa revue) ni Cyrille, le prétendant au trône des Romanovs. Deux grands-princes adhèrent au mouvement.
Au culte de Mussolini et de Hitler, s'ajoute, curieusement, le culte de Staline. Ce dernier, affirmaient Kassem Bek et ses «Jeunes Russes», avait mis un terme à l'anarchie révolutionnaire, avait rétabli l'autorité de l'exécutif (concentrée entre ses mains) et donné congé à l'internationalisme. Kassem Bek plaidait dès lors pour une symbiose entre l'ordre ancien et l'ordre nouveau, pour une monarchie incarnée par le Grand-Prince Cyrille mais reposant sur les nouvelles institutions soviétiques: bref, pour une monarchie bolchévique!
Après une tentative de collaboration avec les nationaux-socialistes allemands, qui téléguidaient le ROND (un parti nazi russe établi à Berlin), le rapprochement tourna court: les Allemands reprochant aux Russes d'être des «nationaux-bolchévistes» et non d'authentiques «nationaux-socialistes». Xénophobes (mais pas officiellement antisémites; en pratique, pourtant, ils l'étaient), les «Jeunes Russes» reprenaient aux Eurasiens l'idée que la mission réelle de la Russie est en Asie, et que Moscou doit constituer un glacis pour la race blanche contre le «péril jaune». Mais Kassem Bek se méfiait des projets concoctés par les Allemands en Europe orientale: en 1939, il demande aux «Jeunes Russes» de soutenir la cause des alliés occidentaux et quitte l'Europe pour les Etats-Unis. En 1956, il revient à Moscou, y devient le secrétaire du Patriarche et meurt en 1977. Il aurait été un agent soviétique tout au long de sa carrière. Laqueur souligne (pp. 111-112) que les Soviétiques ont recruté bon nombre d'agents dans tous les milieux politiques de l'exil russe, y compris chez les Mencheviks, mais que seuls les Blancs fascisants ont été autorisés à rentrer au pays.
Parmi les idéologues autoritaires, monarchistes-bolcheviks, une figure sort du lot: celle d'Ivan Loukianovitch Solonévitch (1891-1953). Il a commencé sa carrière dans la presse radicale de droite avant la Révolution. Il quitte l'URSS en 1934, en franchissant clandestinement la frontière finlandaise, puis publie le récit de cette évasion, qui devient un best-seller international. Solonévitch devient alors journaliste dans la presse émigrée libérale et modérée. Puis, brusquement, il opère un virage à droite, qui le rapproche des cénacles conspiratifs animés par d'anciens lieutenants et capitaines de l'armée du Tsar. Il termine sa vie en Argentine. Son ouvrage politique majeur, Narodnaïa Monarkhiia («La Monarchie Populaire»), a été réédité à Moscou en 1991, et inspire quelques néo-monarchistes.
Les partis fascistes russes ont connu une brève existence en Allemagne, en Mandchourie et aux Etats-Unis dans les années 30. Le groupe le plus significatif était celui de Mandchourie. Il naît dans la faculté de droit de l'université locale, parmi les jeunes Blancs réfugiés là-bas. Le général tsariste Kosmine les soutient. Ils se regroupent d'abord dans l'«Organisation Fasciste Russe» (OFR), puis dans le «Parti Fasciste Russe» (PFR), et éditent deux revues: Nache Poute («Notre Voie») et Natsia («Nation»). De 1931 à 1945, année où l'armée rouge pénètre dans Kharbine, capitale de la Mandchourie, ce fut la figure de Konstantin Rodzayevski qui mèna le parti. Enthousiaste, fougueux mais naïf, il adopte fébrilement les colifichets à croix gammées des nationaux-socialistes allemands, donnant à sa formation des allures quelque peu carnavalesques. De plus, il dépend financièrement du bon vouloir des Japonais. Il espère une victoire de l'Axe Berlin-Tokyo, dont les armées, espère-t-il en dépit de son nationalisme russe, occuperont l'Union Soviétique et placeront à la tête de la nouvelle Russie dé-bolchévisée un «gouvernement national», dirigé évidemment par lui!
Concurrent de Rodzayevski en Mandchourie: l'Ataman Semionov, militaire conservateur, nullement attiré par les imitations du folklore nazi, parie sur la solidarité des Cosaques réfugiés en Extrême-Orient. En 1945, Rodzayevski et Semionov sont tous deux condamnés à mort dans un procès commun, assez expéditif. Et l'activiste du PFR introduit alors une demande pour rentrer au service de Staline, considéré comme «leader fasciste russe», et propose de réactiver ses réseaux pour en faire une «cinquième colonne» au bénéfice de la politique de Moscou. Sa demande n'a pas été retenue.
Aux Etats-Unis, un certain Anastase Vozniyatski fonde une «Organisation Fasciste Panrusse» (OFPR) en 1933, à Windham County dans le Connecticut, avec l'argent de son épouse, une millionaire américaine du nom de Marion Stephens, née Buckingham Ream dans une famille de négociants en bétail et en céréales. Malgré son argent, Vozniyatski n'a pas réussi en politique. La chronique de son mouvement ne révèle rien d'original ni d'extraordinaire.
Pendant les vingt premières années d'exil des Blancs et des anti-bolchéviques de toutes opinions, le mouvement qui, incontestablement, a connu le plus de succès, fut le NTS (in extenso: «Fédération Nationale du Travail de la Nouvelle Génération»). Ce mouvement d'inspiration solidariste et chrétienne-orthodoxe a tenu son premier congrès en 1930 et élu son président, W. M. Baïdalakov, un Cosaque du Don. Objectif: poursuivre le combat pour l'«idée blanche» sous une autre forme, adaptée aux plus jeunes générations. Le NTS travaillait très sérieusement, contrairement aux «Jeunes Russes» et aux groupuscules fascistes de Mandchourie. A peu près tous les deux ans, l'organisation tenait un congrès où l'on décidait des nouvelles orientations et où l'on fixait un nouveau programme. Son idéologie sociale était le solidarisme, un solidarisme qui se distinguait toutefois du solidarisme préconisé par les écoles politiques catholiques d'Europe occidentale. Ce solidarisme reposait sur une triade: idéalisme, nationalisme, activisme. L'idéalisme soulignait l'importance des idées pures et des valeurs, formes permanentes et indépassables dans le monde effervescent de la politique. Le nationalisme indiquait que ces valeurs s'inscrivaient toujours dans un contexte et que ce contexte était la nation, en l'occurrence la nation russe. L'activisme correspondait à la volonté de réaliser l'adéquation de la théorie et de la pratique, un peu comme dans le marxisme.
Ce solidarisme était bel et bien une idéologie conservatrice, dans le sens où l'harmonie entre les classes qu'il prônait le conduisait à rejeter l'«individualisme libéral excessif» et à imposer des limites à la liberté individuelle; le solidarisme du NTS refusait également la démocratie pluripartite. Les industries-clefs devaient demeurer sous la houlette de l'Etat. Le NTS reprenait à son compte une idée centrale dans l'héritage slavophile, l'idée de Sobornost, telle que l'avait théorisée Khomiakov.
Le NTS ne s'est jamais aligné idéologiquement sur les fascismes européens ou sur le nazisme, car sa dimension religieuse le rapprochait davantage du corporatisme catholique autrichien ou du salazarisme portugais, idéologies éloignées du modernisme industrialiste fasciste-italien ou national-socialiste allemand. Quelques éléments toutefois ont collaboré en Allemagne avec les autorités nationales-socialistes, même si le NTS était interdit et ses adhérants emprisonnés. Cette coopération a eu lieu dans les territoires occupés par l'armée allemande et dans le mouvement du général Vlassov. L'organe de presse de ces militants pro-allemands du NTS était le Novoïé Slovo.
Après la guerre, le NTS adopte une idéologie de «troisième force», cherchant à dépasser le marxisme et le capitalisme. Les puissances occidentales ont passé l'éponge sur la collaboration des quelques éléments du NTS (Redlich, Poremski, Tenserov, Vergoune, et Kazantsev) et les Américains, logique de la guerre froide oblige, ont soutenu le mouvement et financé sa propagande à l'intérieur du territoire soviétique. Cette double collaboration avec les ennemis de la Russie, l'Allemagne d'abord, les Etats-Unis ensuite, n'ont pas donné bonne presse au NTS, en dépit de la pureté de ses idéaux, bien ancrés dans la tradition et le mental du peuple russe. Le citoyen soviétique moyen s'en désintéressait.
Selon Laqueur, le principal idéologue du NTS fut le Professeur Ivan Ilyine (1881-1954), qui enseignait la philosophie à l'Université de Moscou avant la Révolution. Cet excellent connaisseur de la pensée de Hegel est expulsé d'URSS en 1922, en même temps que Berdiaev. Il publiait ses écrits dans la revue Russkii Kolokol, proche du NTS sans en épouser toutes les thèses: en effet, Ilyine était monarchiste tandis que les militants du NTS ne se prononçaient pas sur cette question et envisageaient l'éventualité d'une République russe non soviétique. Ilyine se faisait l'avocat d'une «démocratie organique», qui n'aurait plus été ni formelle ni mécanique à la façon occidentale. Dans son livre Pout'k otchevidnosti (= La Voie vers l'évidence), Ilyine définit la «vraie politique» comme un «service», comme le contraire diamétral de la politique envisagée comme «carrière». La notion de service implique de servir les intérêts du peuple tout entier et non d'une catégorie sociale ou d'un réseau d'intérêts. Cette volonté de servir une entité collective de vastes dimensions fait de la politique un «art de la volonté», d'une volonté qui sait d'instinct choisir et promouvoir, dans le flot ininterrompu des faits et des événements, ce qui est bon pour le peuple dans son ensemble, pour l'avenir de l'entité nationale. Or cette volonté doit pouvoir se lover dans le moule d'un idéal et ne pas oublier les vertus du cœur, qui donnent impulsion et sagesse aux potentialités créatives de l'homme politique (pour une approche des idées d'Ilyine, cf. Helmut Dahm, Grundzüge russischen Denkens. Persönlichkeiten und Zeugnisse des 19. und 20. Jahrhunderts, Johannes Berchmans Verlag, München, 1979).
Laqueur, ensuite, passe à une analyse des sources du néo-nationalisme russe contemporain. Ce «parti russe» est né des œuvres des néo-slavophiles et des «écrivains du terroir». Pionniers à l'ère stalinienne de ce style ruraliste, Vladimir Ovetchkine et Yefim Doroche ont préparé le terrain d'une nouvelle école littéraire populiste et nationaliste. Dans les années 60 et 70, les écrivains de Russie septentrionale et de Sibérie, comme Fiodor Abramov, Vassili Choukchine (Kalina Krasnaïa, Le beau bosquet de boules de neige) et Valentin Raspoutine (Adieu à Matiora). Cette littérature est loin d'être idyllique, souligne Laqueur. Les conditions de vie dans les villages du Nord et de la Sibérie sont terribles et les villageois décrits par Abramov se haïssent mutuellement, ne forment plus une communauté soudée et solidaire. Belov, pour sa part, est moins pessimiste: ses personnages vivent dans un monde beau et pur, à l'ombre des clochers en bulle, bercé par la musique douce et gaie des cloches des églises, où se côtoient des mystiques et des idiots qui atteignent la sainteté. Soloükhine se déclare disciple du Norvégien Knut Hamsun, qui, lui aussi, a décrit des personnages ruraux non pervertis par la civilisation moderne. Astafiev et Raspoutine évoquent les descendants des pionniers, dispersés dans les immensités sibériennes. Dans les petites villes, les habitants n'ont plus de référants moraux: ils pillent un dépôt en flammes, n'ont plus de racines et plus aucun sens du devoir. Ils ne songent qu'à s'enrichir et saccagent l'environnement naturel. Cette dépravation est le fruit du pouvoir communiste, écrivait Soloükhine, sans pour autant encourir les foudres du régime; au contraire: il a été lauréat du Prix Lénine! La tonalité générale de cette littérature ruraliste est un scepticisme à l'égard du progrès mécanique, matériel et économique, à l'égard des productions intellectuelles des grandes villes, à l'égard de la culture de masse contemporaine, importée de l'Ouest.
Dans le grand public, ce sont des revues littéraires conservatrices, mais fidèles en paroles au régime, qui se sont fait le relais de ce ruralisme, de ce culte de l'enracinement et de ce refus du déracinement: Nache Sovremenik et Molodaïa Gvardiya. Novii Mir, pour sa part, défendait les thèses progressistes classiques de l'idéologie marxiste. Cet engouement pour le passé intact de la Russie a conduit à une redécouverte de l'héritage slavophile du 19ième siècle, dès la fin des années 70, où Chalmaïev, Lobanov et Kochinov en arrivent à la conclusion que la Russie est devenue un pays décérébré et américanisé, qui perd sa «dimension intérieure», ses racines, en dépit de sa puissance militaire. La Russie est une «coquille vide».
Ce mélange de ruralisme, de slavophilie rénovée, de culte de l'enracinement et d'anti-américanisme, conduit à une critique plus fondamentale de l'idéologie marxiste dominante. Les nationalistes, en effet, évoquent la thèse du «flux unique» de l'histoire russe, thèse qui est en contradiction totale avec le léninisme. En effet, d'après Lénine et ses disciples, l'histoire russe se subdivise en deux courants, un courant progressiste (Pierre le Grand partiellement, Herzen, Tchernitchevski et Gorki) et un courant obscurantiste composé de réactionnaires, de fanatiques religieux et d'exploiteurs du peuple. A ce dualisme officiel, les ruralistes opposent, sans nier la validité du courant progressiste, une réhabilitation des forces politiques et spirituelles qui ont consolidé la Russie au cours des siècles passés, sans être marquées par la philosophie progressiste, moderniste et occidentaliste. L'histoire russe, dans cette optique slavophile et nationale, draine dans un fleuve unique une masse d'éléments positifs, tantôt frappés du sceau du progressisme, tantôt frappés de celui de l'enracinement ou de la tradition, soit de l'immuable.
Le Parti ne pouvait pas accepter cette vision sans risque. Car cela aurait impliqué une revalorisation du rôle de la monarchie et de l'église dans l'histoire russe. Et cela aurait également signifié que, lors de la guerre civile, les Rouges comme les Blancs avaient eu des raisons, avaient eu les uns et les autres partiellement ou entièrement raison. Si Nicolas II et Lénine avaient eu tous deux raison, la révolution aurait pu être considérée comme inutile et l'idéal aurait sans doute été un régime à mi-chemin entre le bolchevisme et la monarchie, sans doute une monarchie populaire comme l'envisageait Ivan Solonévitch. Mais lentement la thèse du «flux unique» a fait son chemin, s'est imposée et structure métaphysiquement la convergence que l'on observe actuellement entre nationalistes et anciens communistes. Hors du «flux unique» ne se trouvent désormais plus que les libéraux qui restent fidèles aux thèses «progressistes», tout en avalisant l'inflation terrible qui secoue la vie russe depuis la libéralisation des prix de janvier 1992, voulue par Gaïdar et son équipe. Aval qui leur fait perdre toute légitimité populaire.
Déjà pendant les dernières années du règne de Brejnev, la maison d'édition Roman Gazetta, qui publiait des livres de poche bon marché, n'éditait plus que des auteurs populistes, slavophiles ou nationalistes, précise Laqueur (p. 135). Signe de leur victoire: quand Alexander Yakovlev, chef du département idéologique du comité central, prononça en 1972 un discours contre l'«anti-historicisme» des russophiles et critiqua leur culte de la religion orthodoxe, tout en défendant les «démocrates» révolutionnaires du XIXième siècle, il fut promu ambassadeur d'URSS au Canada et y resta de nombreuses années. Eviction déguisée, bien évidemment. Cet incident marqua la victoire des revues Nache Sovremenik et Molodaïa Gvardiya. Novii Mir, dont les collaborateurs «libéraux» et «progressistes» avaient été écartés dès les années 70, tenta de reprendre son combat en faveur du «courant progressiste». Sans succès. Elle fut réduite au silence pendant 20 ans et ne reparut que dans le sillage de la perestroïka.
Au départ de sa carrière d'écrivain persécuté, Alexandre Soljénitsyne se situait plutôt dans le camp libéral. Il en sortira petit à petit pour esquisser les grandes lignes d'un «conservatisme» populiste et slavophile particulier, en marge du conservatisme plus musclé des nationalistes et des paléo-communistes actuels. Au départ, ce sont les libéraux, notamment les rédacteurs de Novii Mir, qui se sont engagés à défendre l'écrivain Soljénitsyne, alors que conservateurs et nationalistes critiquaient ses positions. Mais Soljénitsyne jugeait les libéraux trop mous dans leur défense des dissidents. Son glissement vers un conservatisme populiste et slavophile s'est amorcé dès sa lettre ouverte aux dirigeants soviétiques, où, depuis son exil zurichois, il critiquait cette intelligentsia libérale qui croyait que sa tâche première était de «dépasser la folie nationale et messianique des Russes». Entreprise impossible, selon Soljénitsyne, car elle aurait réduit la russéité à rien. Dans cette lettre, il exhortait les dirigeants soviétiques à abandonner le marxisme-léninisme, une idéologie qui ne cessait de provoquer des conflits avec l'étranger, affaiblissait la Russie de l'intérieur et instaurait un système du «mensonge permanent». Ensuite, il demandait l'abrogation du service militaire obligatoire, ce qui hérissait les nationalistes. Sa pensée, au fond, était une synthèse entre le libéralisme national et populaire et le nationalisme dur: le régime qui conviendrait à la Russie serait à la fois éclairé et autoritaire, et s'appuyerait sur les Soviets, car introduire une démocratie à l'occidentale sans transition en Russie conduirait à la catastrophe.
Cette synthèse, malgré ses relents d'anti-militarisme, ou, au moins, son hostilité à la conscription générale, finit tout de même par plaire davantage aux nationalistes qu'aux libéraux. Sakharov trouvait le nationalisme de Soljénitsyne «exagéré», voire quelque peu «xénophobe» et déplorait que l'auteur de l'Archipel Goulag n'entonnât pas un plaidoyer a-critique en faveur de la démocratie à l'occidentale. Le nouveau clivage séparait désormais ceux qui prétendaient que les idées occidentales (dont le marxisme) pervertissaient l'âme russe et ceux qui affirmaient que c'était les défauts de la mentalité russe qui précipitaient la Russie dans le malheur.
La «Nouvelle Droite» russe, ou plutôt les «nouvelles droites» russes, puisent leurs idées dans des synthèses plus modernes ou chez des auteurs plus actuels et seul Soljénitsyne conserve une influence réelle dans le débat. Son influence est évidement plus nette auprès des nationaux-libéraux et des conservateurs tranquilles qu'auprès des nationaux-bolchéviques plus militants et plus activistes. Les Russes d'aujourd'hui tentent également de découvrir des auteurs occidentaux auxquels ils n'avaient pas accès au temps de la censure. La révolution conservatrice allemande et la ND franco-italienne, de même que les synthèses nationales-révolutionnaires de tous acabits, influencent les conservateurs musclés et les nationaux-bolchéviques, tandis que les travaux de Max Weber, José Ortega y Gasset, etc. intéressent les nationaux-libéraux. L'engouement pour Nietzsche est général et cela va des réceptions caricaturales aux analyses les plus fines. Dans ce bouillonnement, un penseur original: Lev Goumilev, décédé en juin 1992, considéré comme une sorte de «Spengler russe»; il a élaboré une théorie de l'«ethnogénèse» des peuples, en expliquant que ceux-ci font irruption sur la scène de l'histoire, animés par une passionarnost, une «passion», un instinct, une pulsion. Cette passionarnost s'épuise petit à petit, forçant les peuples vidés de leurs pulsions créatives, à quitter l'avant-scène de l'histoire, puis à sombrer dans l'insignifiance. Goumilev était «eurasiste» et essuyait les critiques de ceux qui revendiquaient une russéité européenne.
Les nouvelles synthèses russes se forgeront dans la lutte, dans cette opposition à l'occidentalisation brutale dont ils sont les victimes. Imaginatifs et prenant les idées beaucoup plus au sérieux que les Occidentaux, les concepts mobilisateurs de demain seront à coup sûr originaux. Et provoqueront l'étonnement de ceux qui veulent tout mesurer à l'aune des statistiques et des chiffres, des bilans et des profits. Et aussi l'étonnement de ceux qui croient, sur les rives de la Seine, les neurones assaillis par les gaz d'autos, avoir trouvé la formule politique définitive et indépassable dans cette panade ultra-mixée, suggérée par certains journaux (un peu comme si vous mélangiez des fraises écrasées dans l'huile de vos sardines, avec une cuiller de chocolat chaud et du müesli, le tout arrosé de Curaçao bleu, avec un zeste de pamplemousse, le tout saupoudré d'ail).
Robert STEUCKERS.
Walter LAQUEUR, Der Schoß ist fruchtbar noch. Der militante Nationalismus der russischen Rechten, Kindler, München, 1993, 416 S., DM 42, ISBN 3-463-40212-2.
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Consolidons deux axes contre l'atlantisme!

Ugo GAUDENZI:
Consolidons deux axes contre l’atlantisme !
Depuis des années déjà, mon quotidien romain, “Rinascita”, milite, prêche et exhorte ses lecteurs pour aboutir à ce qui semble la seule et unique solution possible pour assurer la survie de notre Europe: l’union stratégique de l’Ouest et de l’Est du continent.
Cette unité de la “plus grande Europe” est une question de vie ou de mort: elle ne se réalisera que par la réactivation et la consolidation d’un nouvel “axe carolingien”, l’Axe Paris-Berlin-Moscou (ndt: remarquablement mis en exergue par Henri de Grossouvre en France), et par l’invention révolutionnaire d’une “alliance continentale-méditerranéenne”, d’un Axe Madrid-Rome-Belgrade-Moscou, capable de fermer les côtes méridionales de l’Europe à toute influence hostile émanant de l’atlantisme.
Telle est notre “utopie réalisable” (et, en partie, elle est déjà en voie de réalisation): construire un double axe géopolitique assurant la défense et la sécurité en Europe.
L’objectif, de fait, est de rendre la souveraineté aux Etats nationaux européens, qui ont été transformés, par les Anglo-Américains, en un chapelet de petites colonies satellisées. L’objectif, pour tous les peuples d’Europe, c’est de faire converger leurs forces, de les additionner et de les joindre à celles de la Russie, l’unique Etat national européen encore capable de donner à notre “plus grande patrie” un avenir dans l’unité sur tous les plans: culturel, social, économique et politique.
En dépit de toutes les vicissitudes, et même des vicissitudes négatives, jour après jour, année après année, notre vision commune s’est renforcée et n’a cessé de se renforcer en Europe. Notre voix, celle de “Rinascita”, n’est plus une voix qui crie dans le désert, mais une voix qui a suscité, en dehors de son vivier d’origine, un écho tangible et des analyses similaires, désormais partagées par de nombreux cercles et personnalités.
De l’effondrement du Mur de Berlin à nos jours, l’histoire européenne a enregistré et subi des offensives répétées contre son territoire. Par le miroir aux alouettes du bien-être occidental ou par les armes de l’OTAN, les fédérations des Etats d’Europe orientale, soit l’URSS et l’ex-Yougoslavie, ont été brisées, émiettées et fragmentées par l’offensive anglo-américaine et néo-libérale, agissant souvent par le biais de “révolutions oranges”, financées par des fonds issus de l’usure et de la finance.
Actuellement, les “fondations” et les groupes de pression occidentaux (Rockefeller, Agnelli, Trilatérale, Davos et autres) ont juré de détruire tous les Etats nationaux et tous les systèmes de protection sociale qu’ils ont mis sur pied, en faisant miroiter les délices d’un “fédéralisme” composé d’autonomies régionales, alors que leur objectif réel est tout entier contenu dans le vieil adage latin “Divide et impera” (“Diviser pour régner”), à appliquer, cette fois, à tout le globe, par ceux qui détiennent le maximum de pouvoir sur les plans politique et économique.
Mais voilà que l’attaque en direction du coeur de la Russie, attaque qui était censée constituer la manoeuvre principale dans la conquête définitive de l’Europe, vient d’échouer.
Le Kremlin a repris les rênes du pouvoir en ses terres propres. Il a utilisé les mêmes armes que les puissances atlantiques, le pétrole et l’énergie, mais sans avoir eu besoin, pour ce faire, d’envahir d’autres pays et de les occuper. Ainsi, le Kremlin est revenu à un “status quo ante” qui hisse à nouveau la Russie au rang de puissance planétaire et non plus régionale.
Pour le bien commun de toutes nos terres européennes, pour le bien de l’humanité toute entière, il faut qu’échoue la stratégie mondialiste qui, sous les oripeaux de la “globalisation économique” et sous la bannière du “libre marché”, cherche en réalité à imposer à toutes les nations la domination unipolaire des Anglo-Américains, orchestrée par la haute finance.
L’enjeu est énorme, extrême. Tellement extrême que, depuis 2001, Washington, prévoyant, pour sa puissance, l’émergence imminente de vents prochains très défavorables, a fait battre ses tambours de guerre, partout dans le monde.
Ces tambours, il faut les faire taire. Notre tâche, à nous Italiens, est de travailler à l’alliance méditerranéenne/continentale, à l’Axe qui nous unira à Moscou.
Ugo GAUDENZI.
(éditorial de “Rinascita”, Rome, 13 août 2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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samedi, 23 août 2008
G. Schröder sur la Guerre du Caucase et les relations euro-russes

L’ex-Chancelier Gerhard Schröder sur la Guerre du Caucase et les relations euro-russes
Résumé de l’entretien qu’il a accordé au “Spiegel”, n°34/2008
Q.: Monsieur Schröder, qui est responsable de la guerre dans le Caucase?
GSch: Le conflit possède sans nul doute ses racines historiques, car ila déjà connu plusieurs expressions au cours de l’histoire. Mais l’élément déchencheur dans les hostilités actuelles est l’entrée des troupes géorgiennes en Ossétie du Sud. Voilà ce qu’il ne faut pas chercher à dissimuler.
Voilà la première réponse de l’ancien Chancelier fédéral Schröder aux journalistes du “Spiegel”, cette semaine. Le ton est donné. Il est vif, succinct, dépourvu d’ambigüités. Schröder rappelle également dans cet entretien, plusieurs vérités bonnes à entendre et qui recèlent bien des similitudes avec notre discours, que nous tenons depuis bientôt trois décennies:
- qu’il n’a jamais jugé intelligente la politique de Washington de faire encadrer l’armée géorgienne par des conseillers militaires américains;
- qu’il est bizarre que ces conseillers n’ait pas eu vent des projets russes; “ils sont soit dénués de qualités professionnelles ou alors ils ont été trompés sur toute la ligne”, ajoute-t-il;
- qu’il ne faut pas oublier que le déploiement de fusées américaines en Pologne et en Tchéquie a hérissé les Russes; ndlr: imagine-t-on l’effet qu’aurait fait l’installation de fusées en Géorgie?
- que l’Occident a commis des erreurs très graves dans sa politique à l’endroit de la Russie.
- qu’il ne partage pas l’idée répandue en Occident d’un “danger russe” et que la perception de la Russie à l’Ouest n’a pas grand chose à voir avec la réalité;
- qu’il existe une dépendance mutuelle entre l’Ouest (du moins l’Europe de l’Ouest, ndlr) et la Russie; qu’il n’y a pas un seul problème global qui puisse être réglé sans le concours de la Russie; qu’il n’y a pas moyen, en Europe de l’Ouest, de se passer du pétrole et du gaz russes et, en Russie, de se passer des commandes européennes;
- qu’il n’y a aucune raison d’abandonner le principe du “partenariat stratégique” germano-russe pour satisfaire la politique de Saakachvili;
- qu’il n’y aura pas de retour au “status quo ante” en Abkhazie et en Ossétie du Sud, non pas parce la Russie y a pratiqué, contre Saakachvili, une politique du “gros bâton”, mais parce que la population ne le veut pas;
- qu’il ne souhaite pas l’envoi de soldats allemands en Géorgie pour une mission de pacification;
- que Merkel et Steinmeier ont eu raison de ne pas s’enthousiasmer, de manifester leur scepticisme, lors du sommet de l’OTAN en avril dernier à Bucarest, face à la candidature géorgienne, contrairement à l’avis des Américains et de certains pays est-européens;
- que si la Géorgie avait fait partie de l’OTAN, l’Allemagne et l’Europe entière se seraient retrouvées aux côtés d’un aventurier politique (“ein Hasardeur”);
- que l’Ukraine et la Géorgie doivent d’abord régler leurs problèmes intérieurs avant de songer à rejoindre des regroupements d’Etats comme l’OTAN ou l’UE;
- que le coup de force de Saakachvili aura eu au moins l’effet bénéfique de postposer pendant plusieurs années au moins l’adhésion effective de la Géorgie à l’OTAN;
- qu’il ne partage pas les propos tenus, lors des événements de Géorgie, par le secrétaire général de l’OTAN;
- qu’il n’est pas un “Géorgien” dans le sens où le veut la déclaration du candidat républicain à la présidence des Etats-Unis, McCain, qui avait proclamé: “Nous sommes tous des Géorgiens!”;
- qu’après avoir lu les dernières tirades du belliciste néocon Robert Kagan à propos de l’entrée des troupes russes en Ossétie du Sud, évoquant un “tournant dans l’histoire” et “le retour des conflits entre grandes puissances pour raisons territoriales”, il reste profondément perplexe; que Kagan appartenait déjà au club de “ces messieurs” (sic) qui ont poussé à la guerre en Irak, guerre dont les conséquences ne sont intéressantes ni pour l’Amérique ni pour l’Europe; et que, par conséquent, personne ne doit plus écouter les “bons conseils” de ce Kagan;
- que la fin de la domination unipolaire de l’Amérique approche (allusion à son récent essai publié par l’hedomadaire “Die Zeit” de Hambourg); que les démocrates autour d’Obama s’en rendent compte, comme d’ailleurs tous les républicains raisonnables; que l’Amérique est contrainte d’accepter la multipolarité dans le monde, qu’il n’y a plus moyen désormais d’agir sur le monde autrement qu’en termes de multipolarité; que les républicains devront se soumettre à cette évidence et agir en cherchant des alliés et en tenant compte de l’avis des instances internationales (ndlr: contrairement à l’équipe de Bush jr.); sinon, l’Amérique gagnera sans doute encore des guerres mais perdra toujours la paix; en clair, Schröder annonce la faillite de l’option néocon;
- que l’unification des esprits en Europe, sur le plan de la politique extérieure, a connu un réel ressac depuis 2005 (ndlr: c’est-à-dire depuis la disparition factuelle de l’Axe Paris-Berlin-Moscou), notamment à cause de l’intégration de nouveaux Etats (ndlr : agités par une certaine russophobie);
- que l’Europe ne jouera un rôle sur l’échiquier international, entre l’Amérique et l’Asie, que si elle développe des relations étroites avec la Russie et les maintient sur le long terme; qu’en ce sens, lui Schröder, perçoit la Russie comme partie intégrante de l’Europe plutôt que comme partie intégrante de toute autre constellation;
- que l’équipe dirigeante de la Russie actuelle pense de la même façon mais que sa marge de manoeuvre est plus grande: la Russie peut jouer une carte asiatique mais non l’Europe;
- qu’il s’insurge contre toute diabolisation de la Russie dans les médias; que ni le “Spiegel” ni les autres organes de presse en Allemagne et en Europe ne doivent participer à la diffusion d’informations erronées voire carrément fausses (ndlr: c’est-à-dire, pour nous, à ne pas reproduire les clichés des agences du soft power américain);
- qu’il est le président du comité des actionnaires de “Nord Stream” (le complexe des oléoducs et gazoducs amenant vers la Baltique les hydrocarbures de Russie); que ce complexe est géré par un ensemble d’entreprises allemandes, néerlandaises et russes dont l’objectif est de construire un réseau de gazoducs et d’oléoducs sous la Baltique pour approvisionner l’Europe et l’Allemagne parce que cet approvisionnement garantit le bon fonctionnement de nos économies, donc de nos sociétés.
Des propos qui ont le mérite de la clarté. Et auxquels nous n’avons rien à ajouter! Puisque c’est ce que nous avons toujours dit, depuis la création des revues “Orientations” (1980) et “Vouloir” (1983), “Nouvelles de Synergies Européennes” (1994) et “Au fil de l’épée” (1999), dont le relais est repris, entre autres, par ce blog (2007).
(résumé de Robert Steuckers).
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Géorgie: les racines du conflit

Günther DESCHNER:
Géorgie: les racines du conflit
C’est dans une constellation “triangulaire” de tensions, entre Tiflis (Tbilisi), Washington et Moscou qu’il faut aller rechercher les déclencheurs de la “Guerre d’août” dans le Caucase, guerre qu’a ordonnée le président Mikhail Saakachvili pour ramener de force dans l’ordre étatique de la Géorgie la “République d’Ossétie du Sud” qui avait fait sécession et n’avait pas été reconnue en tant que telle par l’ordre politique international. Cette action a donné à la Russie le prétexte d’une intervention militaire de grande ampleur. Finalement, les raisons profondes de cette “Guerre d’août” résident dans la lutte géostratégique que mènent les Etats-Unis et d’autres puissances pour contrôler les ressources pétrolières et gazières des régions caucasienne et caspienne.
Mais ce conflit a d’autres racines et il faut remonter loin dans le passé pour les découvrir et les comprendre. Au 18ième siècle, l’Empire des Tsars, en pleine expansion, absorbe, dans le Caucase du Sud les territoires habités par les Abkhazes, les Géorgiens et les Ossètes, qui deviennent une province russe. En Ossétie, plus exactement sur le territoire actuel de l’Ossétie du Nord/Alanie, qui appartient à la Fédération de Russie, la “Commission du Caucase” fit construire une forteresse en 1784, qui deviendra la capitale de la région, en portant le nom significatif de “Vladikavkaz” (= “Qui domine le Caucase”).
Après la chute des tsars et la révolution d’Octobre qui s’ensuivit, on vit d’abord se constituer dans la région une “République Fédérative et Démocratique de Transcaucasie”, qui s’est rapidement disloquée. Finalement, à côté d’une nouvelle Arménie et d’un nouvel Azerbaïdjan, une “République Démocratique de Géorgie” proclame son indépendance en 1918. Le Reich allemand contribua directement à l’émergence de cette république géorgienne, notamment par l’action du général bavarois Kress von Kressenstein, qui appartenait à l’encadrement allemand de l’armée ottomane, alors alliée de Berlin. Les Géorgiens espéraient à l’époque que les Allemands l’emporteraient sur les Russes, victoire qui leur garantirait l’indépendance. Ce fut partiellement le cas. Les objectifs allemands en Géorgie étaient de lier le pays à l’Allemagne par le truchement de traités économiques et de conventions militaires.
Ces plans allemands ne pouvaient se réaliser que si la Géorgie accédait à la pleine indépendance; dès lors, on assista à une convergence des intérêts allemands et géorgiens dans la région. En avril 1918, Berlin s’immisca directement dans les événements. L’Allemagne et la Géorgie signent un accord, où les parties reconnaissent les frontirèes de la Géorgie; pour sa part, l’Allemagne promet de jouer un rôle d’intermédiaire entre la Géorgie, la nouvelle Russie et l’Empire ottoman. Pour appuyer l’indépendance de la Géorgie, l’Allemagne envoie trois mille soldats. L’Allemagne a ainsi parrainé l’indépendance géorgienne qui n’a duré que jusqu’en 1921. Les bonnes relations germano-géorgiennes, qui persistent encore, sont dues partiellement à ce souvenir historique.
Suite aux vicissitudes de la guerre civile russe, entre Blancs et Rouges, la Géorgie glisse, elle aussi, sous l’autorité des Bolcheviks; elle est conquise, toutefois après que les Abkhazes et les Ossètes aient proclamé leurs propres républiques soviétiques. Au départ, ces deux républiques ont constitué des “oblast” autonomes de la grande “République Soviétique de Transcaucasie”, à laquelle appartenait aussi la Géorgie. En 1936, Joseph Staline dissout cette république transcaucasienne.
C’est justement lui, un Géorgien, qui a tracé arbitrairement les frontières des républiques soviétiques. La nouvelle “République Socialiste Soviétique de Géorgie”, selon la volonté de Staline, reprenait à son compte les territoires inclus dans cette Géorgie qui s’était proclamée indépendante en 1918; l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud devinrent dès lors parties intégrantes de la RSS de Géorgie, mais jouissaient d’une très large autonomie.
Par ce processus, les Ossètes furent partagés en deux entités, l’une au Nord du Caucase, l’autre au Sud. Les uns appartenaient désormais à la République Socialiste Soviétique Fédérative de Russie, tandis que les autres se retrouvaient au sein de la nouvelle RSS de Géorgie, ce qui, à l’époque, n’avait guère d’importance pour la vie quotidienne du peuple ossète. Les choses ont changé lorsque la Géorgie, dans les années 90 du 20ième siècle, a retrouvé une nouvelle fois son indépendance, au moment de l’effondrement de l’URSS. Dès ce moment, les Ossètes ont été véritablement séparés les uns des autres, car la frontière, internationalement reconnue, passait alors au beau milieu de leur territoire.
Dans l’ivresse de leur indépendance retrouvée, les Géorgiens ne se sont pas rendus compte que d’autres peuples vivaient sur le territoire de leur république et aspiraient à une autonomie politique dans les limites de leur propre espace vital. L’un des premiers chefs d’Etat de la nouvelle Géorgie, l’ancien ministre soviétique des affaires étrangères, Edouard Chevarnadzé, comprenait les aspirations abkhazes et ossètes, s’était montré conciliant face aux frictions et aux tensions inter-ethniques, tandis que son successeur Saakachvili, lui, se pose comme un “dur”, un “hardliner”.
L’Occident, sur lequel Saakachvili a tant parié, n’a cessé de cultiver les ambigüités et n’a rien fait pour améliorer la situation, bien au contraire, il a tout fait pour envenimer les choses. L’Occident proclame qu’il est pour l’ “intégrité territoriale” de la Géorgie, mais ne souffle mot quant à la façon dont le gouvernement géorgien s’y prend pour maintenir cette “intégrité territoriale”. La Géorgie, ex-république de l’Union Soviétique, s’est proclamée indépendante lors de l’effondrement de l’URSS, ce qui entre parfaitement dans le cadre du droit des gens.
Les républiques autonomes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, du coup, n’ont plus eu la possibilité de se déclarer indépendantes de la Géorgie selon le droit international. Nous sommes là face à une contradiction non résolue. Qui a débouché, en 1992, sur une guerre de sécession sanglante, qui a duré un an. Crimes de guerre, massacres et expulsions furent à l’ordre du jour; des milliers de Géorgiens, d’Abkhazes et d’Ossètes ont été chassés de leurs lieux de résidence. En 1992, un armistice est signé avec l’Ossétie du Sud et, deux ans plus tard, avec l’Abkhazie, armistice qui prévoit que des troupes des Etats de la CEI y maintiendront la paix et y feront taire les armes. En Abkhazie, la Russie a envoyé 3000 militaires, qui ont quasiment constitué le seul contingent de “soldats de la paix” jusqu’à ce qu’éclate la “Guerre d’août”.
De facto, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud sont des républiques agissant en toute autonomie même si elles ne sont pas reconnues sur le plan international et continuent d’appartenir à la Géorgie selon le droit des gens. Le conflit persistant entre la Russie et la Géorgie a poussé petit à petit les deux républiques dans les bras de la Russie. Quand la Géorgie a décrété, par sottise, un embargo économique général contre les deux républiques, la Russie a eu beau jeu de placer les deux régions sous sa propre tutelle économique. Les deux républiques se posent certes comme “indépendantes” mais elles ne le sont pas car leur survie sur les plans économique, politique et militaire dépend directement de leur grand voisin russe, avec lequel elles aimeraient d’ailleurs fusionner. Mais sans l’accord de la Géorgie, cet “Anschluss” est tout aussi impossible sur le plan du droit des gens que leur déclaration unilatérale d’indépendance. La plupart des habitants des deux régions sécessionnistes ont d’ailleurs déjà reçu des passeports russes. Quant au président sud-ossète Edouard Kokoity, il souhaite que se constitue une Ossétie unie.
Les parallèles et les différences entre ce conflit et celui du Kossovo sont étonnants. Dans les deux cas, nous avons affaire à des régions autonomes, où l’Etat titulaire réclame le droit d’exercer sa souveraineté, en se basant sur une interprétation stricte du droit des gens, tandis que ce sont des soldats de la paix venus d’autres pays qui y assurent la sécurité. Quand l’Occident a reconnu le Kosovo, à l’évidence, la Russie allait, dans l’avenir proche, soutenir l’indépendantisme abkhaze et sud-ossète, surtout si cela nuisait à la Géorgie et présentait un intérêt dans l’opposition géostratégique générale entre Washington et Moscou.
Dans cette logique, en avril 2008, deux mois après la reconnaissance du Kosovo, Vladimir Poutine, qui était encore le président russe à l’époque, ordonne de “soutenir substantiellement” l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, tandis que la Douma préconisait de reconnaître les deux républiques. Depuis lors, les autorités russes ont reconnu tous les documents émis par ces deux républiques et permis l’établissement de relations consulaires. La Russie a donc reconnu de facto les deux républiques sécessionnistes, ce que la Géorgie interprète comme une annexion déguisée. C’est cela qui a donné le prétexte à Saakachvili de se lancer dans cette aventure militaire, dont l’issue conduira à l’émergence de réalités nouvelles dans la région.
Günther DESCHNER.
(artcle tiré de “Junge Freiheit”, Berlin, n°34/2008, trad. franç.: Robert Steuckers).
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jeudi, 21 août 2008
Guerre du Caucase: entretien avec A. Rahr

Guerre du Caucase: entretien avec Alexander Rahr
Propos recueillis par Moritz Schwarz
Alexander Rahr est le directeur du programme “Russie/Eurasie” auprès de la “Société allemande de politique étrangère” (Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik) à Berlin. Il est un spécialiste de réputation internationale pour toutes les questions eurasiennes.
Q.: Monsieur Rahr, à quoi pensait, dans le fond, le Président Saakachvili en poussant ses troupes à entrer en Ossétie du Sud
AR: Votre question est pertinente. Car lundi, après seulement deux jours de guerre, il a capitulé. Toute l’opération s’est révélée un parfait désastre, comme c’était à prévoir. Saakachvili a tout raté, sur toute la ligne.
Q.: Manifestement, Saakachvili n’a pas cru à une intervention russe. Etait-ce une position réaliste?
AR: Non. Ou bien cet homme est totalement stupide ou bien il a été inspiré par des dilettantes. Voici les faits: la Géorgie veut devenir membre de l’OTAN le plus vite possible. Bush a déjà promis l’adhésion à Saakachvili, mais, si Obama devient président, cet objectif sera bien plus difficile à atteindre. La condition posée pour une adhésion rapide, c’est qu’il n’y ait plus de conflits inter-ethniques, car l’Aliance atlantique cherche à les éviter. Saakachvili a voulu régler le problème par une politique à la hussarde. Manifestement, il est parti du principe que l’intervention russe serait moins totale, plus ponctuelle; il pensait gagner du temps pour entraîner les Etats-Unis dans le conflit.
Q.: Là, il a pratiquement réussi son coup...
AR: A peine. Les réactions agressives de Bush démontrent plutôt son désarroi. Toutes les ONG, téléguidées par les Etats-Unis, qui ont tenté, au cours de ces dernières années, de mettre sur pied, avec la Géorgie, une “Alliance de la Mer Noire” alignée sur l’atlantisme et dont les objectifs auraient été d’éloigner au maximum les Russes de la région maritime pontique, sont désormais devant des ruines, leurs efforts n’ayant conduit à rien.
Q.: Dans les sphères de l’UE, beaucoup rêvaient aussi de faire de la Mer Noire une nouvelle mer intérieure européenne...
AR: Tous ces rêves se sont évanouis, ce qui rend un tas de gens furieux. En ce qui concerne la Géorgie, les Etats-Unis sont allés beaucoup trop loin au cours de ces dernières années. Maintenant, ils ne peuvent plus laisser leurs alliés dans le pétrin. Mais, par ailleurs, ils sont suffisamment intelligents pour ne pas se laisser entraîner. Les Etats-Unis ont besoin de la Russie en plusieurs domaines: dans le dossier de la non prolifération des armes non conventionnelles, dans la lutte contre le terrorisme, dans la stratégie de l’endiguement de l’Iran et de la Chine, etc. Toutes ces questions sont bien plus importantes que les humeurs de Saakachvili. Malgré toute la colère et toute la déception qui affectent les cercles stratégistes de Washington, personne aux Etats-Unis n’est prêt à déclencher une troisième guerre mondiale pour lui. En outre, bon nombre de responsables à Washington doivent être furieux contre Saakachvili car il a mis les Etats-Unis dans une posture fort embarrassante.
Q.: Comment, à votre avis, s’achèvera le conflit?
AR: Les Géorgiens ne parviendront sans doute plus jamais à recomposer leur pays. Le conflit va geler vraisemblablement. Pour Moscou, ce serait là la meilleure solution. Ainsi, le rôle de la Russie en tant que puissance génératrice d’ordre demeurera tel, à l’arrière-plan.
Q.: Saakachvili survivra-t-il à cette défaite, en politique intérieure géorgienne?
AR: Il s’est probablement posé la question lui-même. Car, à l’avance, il ne pouvait pas sortir gagnant de cette opération, qui a coûté inutilement la vie à une grande quantité de soldats géorgiens.
Q.: Les Russes se frottent-ils les mains parce qu’ils ont eu l’occasion de faire une démonstration de force ou se sentent-ils blessés dans leur propre sphère d’intérêt?
AR: Les cris de triomphe se font entendre partout en Russie, c’est évident, car on attendait cette heure depuis de longues années: dans les années 90, les Russes devaient constater, sans pouvoir agir, comment l’Occident réorganisait à sa guise les Balkans; maintenant, ils peuvent montrer dans le Caucase que l’Occident est désormais à son tour dans le rôle du spectateur impuissant, tandis que la Russie agit. Il y a trois ans, la Russie avait obtenu que les bases militaires américaines quittent l’Asie centrale; maintenant, les Russes ont remis les Américains à leur place dans le Caucase. Il est possible que l’Allemagne récupère bientôt son rôle d’intermédiaire. Berlin a de bonnes relations avec la Russie et peut influencer plus profondément le nouveau président russe Medvedev que n’importe quel autre Etat de l’UE.
(entretien paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°34/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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Géorgie: les intérêts américains et russes se télescopent dans le Caucase

Günther DESCHNER:
Géorgie: les intérêts américains et russes se télescopent dans le Caucase
A peine les premiers obus de la “Guerre d’août” dans le Caucase avaient-ils explosé que Mamouka Kourachvili expliquait ce qui se passait, en termes passablement nébuleux: l’armée géorgienne aurait ainsi lancé une grande offensive “pour rétablir l’ordre constitutionnel dans la province séparatiste d’Ossétie du Sud”. Le président géorgien Mikhail Saakachvili n’a ni rappelé son général à l’ordre ni démenti ses dires.
Le conflit pour l’avenir de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud n’avait cessé de s’amplifier au cours de ces dernières années, entre la Géorgie, tournée vers l’atlantisme, et la Russie. Les deux camps utilisant des cartes truquées. Depuis des mois, on sentait venir la guerre. La portée de ce conflit nous amène bien loin du Caucase. En effet, les deux républiques, qui entendent faire sécession et se séparer de la Géorgie, sont de sérieuses pommes de discorde entre les Etats-Unis et la Russie, constituent quasiment des points de rupture.
Depuis la fin de l’Union Soviétique et depuis que les statégistes américains avaient défini le Caucase du Sud comme appartenant à la sphère d’influence américaine, Washington avait élu la Géorgie comme son partenaire privilégié dans la région. La raison réelle de ce choix réside toute entière dans le conflit géostratégique dont les enjeux sont 1) l’accès au gaz et au pétrole de la région de la Mer Caspienne et 2) le contrôle des grands oléoducs et gazoducs. L’enjeu principal est surtout constitué par la ligne d’oléoducs BTC, longue de 1800 km, qui part de Bakou en Azerbaïdjan, pour passer par Tiflis (Tbilisi) en Géorgie et aboutir à Ceyhan en Turquie, sur la côte méditerranéenne. Washington privilégie cette voie pour faire venir le pétrole de la Caspienne à l’Ouest, car elle ne passe ni par la Russie ni par l’Iran, ce qui empêche ipso facto ces deux puissances d’intervenir sur le tracé des oléoducs et gazoducs. C’est là qu’il faut trouver la raison majeure de l’appui apporté par les Etats-Unis, depuis tant d’années, à Mikhail Saakachvili, lequel vise à aligner totalement son pays sur la politique américaine. Il veut à tout prix que la Géorgie fasse partie de l’OTAN; pour y parvenir, il a fait du contingent géorgien le troisième contingent en importance numérique en Irak dans la fameuse “coalition des bonnes volontés” de Bush.
L’objectif de Moscou est de déstabiliser la Géorgie et d’y installer un gouvernement qui tienne davantage compte des intérêts de son grand voisin russe. C’est clair comme de l’eau de roche. C’est la tradition de grande puissance que la Russie a réactivée depuis Poutine, ce qui a pour conséquence que Moscou s’efforce de déconstruire toutes les positions atlantistes qui se sont incrustées sur les flancs de l’ancien empire russe et/ou soviétique. Dans le cas de la Géorgie, la Russie dispose d’un bon instrument en soutenant les mouvements sécessionnistes en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
L’offensive déclenchée par Saakchvili contre les Ossètes du Sud relève donc de la naïveté et de la stupidité politique. Il offrait ainsi au Kremlin un prétexte en or pour une intervention militaire musclée. Le bellâtre de la “révolutions des roses” y perdra sans nul doute ses fonctions et les deux provinces sécessionnistes risquent bel et bien d’être définitivement perdues pour la Géorgie. Près de vingt ans après l’effondrement de l’Union Soviétique, cette dernière guerre du Caucase a démontré clairement que la Russie, grande puissance renée de ses cendres, estime que ce glacis régional caucasien appartient à sa sphère d’intérêt. Aux yeux des Russes, l’action musclée était parfaitement appropriée, dotée de sens. Une réaction sciemment disproportionnée et mise en scène de la sorte, a donné une leçon au voisin, qu’il n’oubliera pas de sitôt, et démontré aux puissances occidentales que la Russie, elle aussi, a des intérêts de grande puissance, et qu’elle est bien décidée et capable de les faire valoir. Personne ne doit feindre la surprise. Tous auraient dû y penser: la reconnaissance unilatérale du Kosovo par l’Occident allait tout naturellement conduire la Russie, à la première occasion, à rendre la pareille, selon l’adage “J’agis comme tu agis”.
Mais la stratégie choisie par Moscou n’est pas exempte de dangers. On sait, sous les murs du Kremlin, que plusieurs foyers de conflit demeurent potentiellement virulents sur le flanc nord du massif caucasien. Moscou ne peut se permettre de voir ressurgir une escalade de violence en Ingouchie, en Tchétchénie et au Daghestan. La position géostratégique de la Géorgie, corridor en direction de la Caspienne, rend son territoire très intéressant à contrôler pour les puissances occidentales. Sans la Géorgie, les oléoducs et gazoducs devraient passer par le territoire de la Russie pour arriver en Europe occidentale ou par l’Iran (ndt : pour arriver en Asie orientale), ce qui est inacceptable pour les Etats-Unis.
Les intérêts stratégiques des Etats-Unis sont clairs: la Géorgie est non seulement un maillon important dans la chaîne d’Etats et de bases qui doivent parfaire l’encerclement de la Russie, mais aussi une base très bien située pour mener tout guerre future contre l’Iran fort proche. Depuis que la Turquie n’est plus qu’un acteur peu fiable pour l’atlantisme dans la question iranienne, les Américains ont parié sur la Géorgie et se sont faits les avocats de son adhésion à l’OTAN. La Géorgie offre aussi des ports en eaux profondes, dans une région hautement stratégique, où l’OTAN et les Américains pourraient installer des bases militaires et des points d’appui pour leurs forces aériennes.
Les Etats-Unis et l’UE auraient pu rappeler les Géorgiens à l’ordre et les empêcher ainsi de se jeter dans la gueule du loup. Ils ne l’ont pas fait. Ainsi, Moscou a profité de l’occasion que lui offrait Saakachvili, en prenant l’OTAN de court et en démontant qu’elle n’était qu’un tigre de papier. L’alliance dont les Etats-Unis sont l’hegemon perd de son pouvoir d’attraction auprès d’autres candidats potentiels. Toute politique des “doux yeux” à l’adresse de l’OTAN peut désormais s’avérer dangereuse. A Kiev, à Bakou et dans d’autres capitales, l’intervention russe en Ossétie du Sud aura eu l’effet d’un avertissement, dont il faudra impérativement tenir compte.
Washinton applique la “Doctrine de Monroe” et considère que l’Amérique latine est son arrière-cour, où les Etats-Unis peuvent intervenir à leur guise; face à cette “Doctrine de Monroe”, nous voyons désormais émerger une sorte de “Doctrine de Poutine” qui veut que les Etats, se trouvant sur la périphérie de la Russie, sur ses anciens glacis, sont importants pour la politique étrangère et pour la sécurité de la Russie. Manifestement, le retour de la Russie à de tels principes géostratégiques conduit à un nouvel affrontement froid entre Washington et Moscou. Du moins dans l’optique des Russes, l’intervention en Ossétie du Sud constitue un acte de vengeance contre la politique de Washington qui, depuis des années, ne s’occupent que d’encercler la Russie au lieu de l’intégrer.
Dès le début, les choses étaient claires: la “Guerre d’août” au Caucase n’allait nullement être le prélude d’une guerre russe de reconquête. Elle a pour conséquence que les facteurs politiques de la région doivent être réexaminés et réévalués. Règle normale de toute Realpolitik.
Günther DESCHNER.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, Nr. 34/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
13:03 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, etats-unis, caucase, géorgie, ossétie, mer noire, stratégie | |
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