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jeudi, 17 septembre 2009

A. Chauprade: la Russie, obstacle majeur sur la route de l'Amérique-Monde

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Aymeric Chauprade : La Russie, obstacle majeur sur la route de « l’Amérique-monde» 

[1]Alors que les Etats-Unis tentent, depuis le 11 septembre 2001, d’accélérer leur projet de transformation du monde à l’image de la société démocratique et libérale rêvée par leurs pères fondateurs, les civilisations non occidentales se dressent sur leur chemin et affirment leur volonté de puissance.

La Russie, en particulier constitue un obstacle géopolitique majeur pour Washington. Elle entend défendre son espace d’influence et montrer au monde qu’elle est incontournable sur le plan énergétique.

L’un des auteurs classiques de la géopolitique, Halford J. Mackinder (1861-1947), un amiral britannique, qui professa la géographie à Oxford, défendait comme thèse centrale que les grandes dynamiques géopolitiques de la planète s’articulaient autour d’un cœur du monde (heartland), l’Eurasie. Pivot de la politique mondiale que la puissance maritime ne parvenait pas à atteindre, l’Eurasie avait pour cœur intime la Russie, un Empire qui « occupait dans l’ensemble du monde la position stratégique centrale qu’occupe l’Allemagne en Europe ».

Autour de cet épicentre des secousses géopolitiques mondiales, protégé par une ceinture faite d’obstacles naturels (vide sibérien, Himalaya, désert de Gobi, Tibet) que Mackinder appelle le croissant intérieur, s’étendent les rivages du continent eurasiatique : Europe de l’Ouest, Moyen-Orient, Asie du Sud et de l’Est.

Au-delà de ces rivages, par-delà les obstacles marins, deux systèmes insulaires viennent compléter l’encadrement du heartland : la Grande-Bretagne et le Japon, têtes de pont d’un croissant plus éloigné auquel les États-Unis appartiennent.

Selon cette vision du monde, les puissances maritimes mondiales, les thalassocraties que défend Mackinder, doivent empêcher l’unité continentale eurasiatique.

Elles doivent donc maintenir les divisions est/ouest entre les principales puissances continentales capables de nouer des alliances (France/Allemagne, Allemagne/Russie, Russie/Chine) mais aussi contrôler les rivages du continent eurasiatique.

Cette matrice anglo-saxonne, que l’on peut appliquer au cas de l’Empire britannique au XIXe siècle, comme à celui de la thalassocratie américaine au XXe siècle, reste un outil pertinent pour comprendre la géopolitique d’aujourd’hui.

La théorie de Mackinder nous rappelle deux choses que les thalassocraties anglo-saxonnes n’ont jamais oubliées : il n’y a pas de projet européen de puissance (d’Europe puissance) sans une Allemagne forte et indépendante (or l’Allemagne reste largement sous l’emprise américaine depuis 1945) ; il n’y pas d’équilibre mondial face au mondialisme américain sans une Russie forte.

L’Amérique veut l’Amérique-monde ; le but de sa politique étrangère, bien au-delà de la seule optimisation de ses intérêts stratégiques et économiques du pays, c’est la transformation du monde à l’image de la société américaine. L’Amérique est

messianique et là est le moteur intime de sa projection de puissance. En 1941, en signant la Charte de l’Atlantique, Roosevelt et Churchill donnaient une feuille de route au rêve d’un gouvernement mondial visant à organiser une mondialisation libérale et démocratique. Jusqu’en 1947, l’Amérique aspira à la convergence avec l’URSS dans l’idée de former avec celle-ci un gouvernement mondial, et ce, malgré l’irréductibilité évidente des deux mondialismes américain et soviétique. Deux ans après l’effondrement européen de 1945, les Américains comprirent qu’ils ne parviendraient pas à entraîner les Soviétiques dans leur mondialisme libéral et ils se résignèrent à rétrécir géographiquement leur projet : l’atlantisme remplaça provisoirement le mondialisme.

Puis, en 1989, lorsque l’URSS vacilla, le rêve mondialiste redressa la tête et poussa l’Amérique à accélérer son déploiement mondial. Un nouvel ennemi global, sur le cadavre du communisme, fournissait un nouveau prétexte à la projection globale : le terrorisme islamiste. Durant la Guerre froide, les Américains avaient fait croître cet ennemi, pour qu’il barre la route à des révolutions socialistes qui se seraient tournées vers la Russie soviétique. L’islamisme sunnite avait été l’allié des Américains contre la Russie soviétique en Afghanistan. Ce fut le premier creuset de formation de combattants islamistes sunnites, la matrice d’Al Qaida comme celle des islamistes algériens… Puis il y eut la révolution fondamentaliste chiite et l’abandon par les Américains du Shah d’Iran en 1979. Le calcul de Washington fut que l’Iran fondamentaliste chiite ne s’allierait pas à l’URSS, contrairement à une révolution marxiste, et qu’il offrirait un contrepoids aux fondamentalistes sunnites.

Dans le monde arabe, ce furent les Frères musulmans qui, d’Egypte à la Syrie, furent encouragés. Washington poussa l’Irak contre l’Iran, et inversement, suivant le principe du « let them kill themselves (laissez-les s’entretuer) » déjà appliqué aux

peuples russe et allemand, afin de détruire un nationalisme arabe en contradiction avec les intérêts d’Israël. L’alliance perdura après la chute de l’URSS. Elle fut à l’œuvre dans la démolition de l’édifice yougoslave et la création de deux Etats musulmans en Europe, la Bosnie-Herzégovine puis le Kosovo.

L’islamisme a toujours été utile aux Américains, tant dans sa situation d’allié face au communisme durant la Guerre froide, que dans sa nouvelle fonction d’ennemi officiel depuis la fin de la bipolarité. Certes, les islamistes existent réellement ;

ils ne sont pas une création imaginaire de l’Amérique ; ils ont une capacité de nuisance et de déstabilisation indéniable. Mais s’ils peuvent prendre des vies, ils ne changeront pas la donne de la puissance dans le monde.

La guerre contre l’islamisme n’est que le paravent officiel d’une guerre beaucoup plus sérieuse : la guerre de l’Amérique contre les puissances eurasiatiques.

Après la disparition de l’URSS, il est apparu clairement aux Américains qu’une puissance continentale, par la combinaison de sa masse démographique et de son potentiel industriel, pouvait briser le projet d’Amérique-monde : la Chine. La formidable ascension industrielle et commerciale de la Chine face à l’Amérique fait penser à la situation de l’Allemagne qui, à la veille de la Première Guerre mondiale, rattrapait et dépassait les thalassocraties anglo-saxonnes. Ce fut la cause première de la Première Guerre mondiale.

Si la Chine se hisse au tout premier rang des puissances pensent les stratèges américains, par la combinaison de sa croissance économique et de son indépendance géopolitique, et tout en conservant son modèle confucéen à l’abri du démocratisme occidental, alors c’en est fini de l’Amérique-monde. Les Américains peuvent renoncer à leur principe de Destinée manifeste (Principle of Manifest Destiny) de 1845 ainsi qu’au messianisme de leurs pères fondateurs, fondamentalistes biblistes ou franc-maçons.

Alors que l’URSS venait à peine de s’effondrer, les stratèges américains orientèrent donc leurs réflexions sur la manière de contenir l’ascension de la Chine.

Sans doute comprirent-ils alors toute l’actualité du raisonnement de Mackinder. Les Anglo-Saxons avaient détruit le projet eurasiatique des Allemands, puis celui des Russes ; il leur fallait abattre celui des Chinois. Une nouvelle fois la Mer voulait faire pièce à la Terre.

La guerre humanitaire et la guerre contre le terrorisme seraient les nouveaux prétextes servant à masquer les buts réels de la nouvelle grande guerre eurasiatique : la Chine comme cible, la Russie comme condition pour emporter la bataille.

La Chine comme cible parce que seule la Chine est une puissance capable de dépasser l’Amérique dans le rang de la puissance matérielle à un horizon de vingt ans. La Russie comme condition parce que de son orientation stratégique découlera largement l’organisation du monde de demain : unipolaire ou multipolaire.

Face à la Chine, les Américains entreprirent de déployer une nouvelle stratégie globale articulée sur plusieurs volets :

* L’extension d’un bloc transatlantique élargi jusqu’aux frontières de la Russie et à l’ouest de la Chine.

* Le contrôle de la dépendance énergétique de la Chine.

* L’encerclement de la Chine par la recherche ou le renforcement d’alliances avec des adversaires séculaires de l’Empire du Milieu (les Indiens, les Vietnamiens,les Coréens, les Japonais, les Taïwanais…).

* L’affaiblissement de l’équilibre entre les grandes puissances nucléaires par le développement du bouclier anti-missiles.

* L’instrumentalisation des séparatismes (en Serbie, en Russie, en Chine, et jusqu’aux confins de l’Indonésie) et le remaniement de la carte des frontières (au Moyen-Orient arabe).

Washington a cru, dès 1990, pouvoir faire basculer la Russie de son côté, pour former un vaste bloc transatlantique de Washington à Moscou avec au milieu la périphérie européenne atlantisée depuis l’effondrement européen de 1945. Ce fut

la phrase de George Bush père, lequel en 1989 appelait à la formation d’une alliance « de Vladivostok à Vancouver » ; en somme le monde blanc organisé sous la tutelle de l’Amérique, une nation paradoxalement appelée, par le contenu même de son idéologie, à ne plus être majoritairement blanche à l’horizon 2050.

L’extension du bloc transatlantique est la première dimension du grand jeu eurasiatique. Les Américains ont non seulement conservé l’OTAN après la disparition du Pacte de Varsovie mais ils lui ont redonné de la vigueur : premièrement l’OTAN est passé du droit international classique (intervention uniquement en cas d’agression d’un Etat membre de l’Alliance) au droit d’ingérence. La guerre contre la Serbie, en 1999, a marqué cette transition et ce découplage entre l’OTAN et le droit international. Deuxièmement, l’OTAN a intégré les pays d’Europe centrale et d’Europe orientale. Les espaces baltique et yougoslave (Croatie, Bosnie, Kosovo) ont été intégrés à la sphère d’influence de l’OTAN. Pour étendre encore l’OTAN et resserrer l’étau autour de la Russie, les Américains ont fomenté les révolutions colorées (Géorgie en 2003, Ukraine en 2004, Kirghizstan en 2005), ces retournements politiques non violents, financés et soutenus par des fondations et des ONG américaines, lesquelles visaient à installer des gouvernements anti-russes. Une fois au pouvoir, le président ukrainien pro-occidental demanda naturellement le départ de la flotte russe des ports de Crimée et l’entrée de son pays dans l’OTAN.

Quant au président géorgien il devait, dès 2003, militer pour l’adhésion de son pays dans l’OTAN et l’éviction des forces de paix russes dédiées depuis 1992 à la protection des populations abkhazes et sud-ossètes.

À la veille du 11 septembre 2001, grâce à l’OTAN, l’Amérique avait déjà étendu fortement son emprise sur l’Europe. Elle avait renforcé l’islam bosniaque et albanais et fait reculer la Russie de l’espace yougoslave.

Durant les dix premières années post-Guerre froide, la Russie n’avait donc cessé de subir les avancées américaines. Des oligarques souvent étrangers à l’intérêt national russe s’étaient partagés ses richesses pétrolières et des conseillers libéraux proaméricains entouraient le président Eltsine. La Russie était empêtrée dans le conflit tchétchène, remué largement par les Américains comme d’ailleurs l’ensemble des abcès islamistes. Le monde semblait s’enfoncer lentement mais sûrement dans l’ordre mondial américain, dans l’unipolarité.

En 2000, un événement considérable, peut-être le plus important depuis la fin de la Guerre froide (plus important encore que le 11 septembre 2001) se produisit pourtant : l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine. L’un de ces retournements de l’histoire qui ont pour conséquences de ramener celle-ci à ses fondamentaux, à ses constantes.

Poutine avait un programme très clair : redresser la Russie à partir du levier énergétique. Il fallait reprendre le contrôle des richesses du sous-sol des mains d’oligarques peu soucieux de l’intérêt de l’Empire. Il fallait construire de puissants opérateurs pétrolier (Rosneft) et gazier (Gazprom) russes liés à l’Etat et à sa vision stratégique. Mais Poutine ne dévoilait pas encore ses intentions quant au bras de fer américano-chinois. Il laissait planer le doute. Certains, dont je fais d’ailleurs partie puisque j’analysais à l’époque la convergence russo-américaine comme passagère et opportune (le discours américain de la guerre contre le terrorisme interdisait en effet momentanément la critique américaine à propos de l’action russe en Tchétchénie), avaient compris dès le début que Poutine reconstruirait la politique indépendante de la Russie ; d’autres pensaient au contraire qu’il serait occidentaliste. Il lui fallait en finir avec la Tchétchénie et reprendre le pétrole. La tâche était lourde. Un symptôme évident pourtant montrait que Poutine allait reprendre les fondamentaux de la grande politique russe : le changement favorable à l’Iran et la reprise des ventes d’armes à destination de ce pays ainsi que la relance de la coopération en matière de nucléaire civil.

Pourquoi alors l’accession de Poutine était-elle un événement si considérable ?

Sans apparaître à l’époque de manière éclatante, cette arrivée signifiait que l’unipolarité américaine, sans la poursuite de l’intégration de la Russie à l’espace transatlantique, était désormais vouée à l’échec, et avec elle, par conséquent, la grande stratégie visant à briser la Chine et à prévenir l’émergence d’un monde multipolaire.

Au-delà encore, nombre d’Européens ne perçurent pas immédiatement que Poutine portait l’espoir d’une réponse aux défis de la compétition économique mondiale fondée sur l’identité et la civilisation. Sans doute les Américains, eux, le comprirent-ils mieux que les Européens de l’Ouest. George Bush n’en fit-il pas l’aveu lorsqu’il avoua un jour qu’il avait vu en Poutine un homme habité profondément par l’intérêt de son pays ?

Le 11 septembre 2001 offrit pourtant l’occasion aux Américains d’accélérer leur programme d’unipolarité. Au nom de la lutte contre un mal qu’ils avaient eux-mêmes fabriqués, ils purent obtenir une solidarité sans failles des Européens (donc plus d’atlantisme et moins « d’Europe puissance »), un rapprochement conjoncturel avec Moscou (pour écraser le séparatisme tchétchéno-islamiste), un recul de la Chine d’Asie centrale face à l’entente russo-américaine dans les républiques musulmanes ex-soviétiques, un pied en Afghanistan, à l’ouest de la Chine donc et au sud de la Russie, et un retour marqué en Asie du Sud-est.

Mais l’euphorie américaine en Asie centrale ne dura que quatre ans. La peur d’une révolution colorée en Ouzbékistan poussa le pouvoir ouzbek, un moment tenté de devenir la grande puissance d’Asie centrale en faisant contrepoids au grand frère russe, à évincer les Américains et à se rapprocher de Moscou. Washington perdit alors, à partir de 2005, de nombreuses positions en Asie centrale, tandis qu’en Afghanistan, malgré les contingents de supplétifs qu’elle ponctionne à des Etats européens incapables de prendre le destin de leur civilisation en main, elle continue de perdre du terrain face à l’alliance talibano-pakistanaise, soutenue discrètement en sous-main par les Chinois qui veulent voir l’Amérique refoulée d’Asie centrale.

Les Chinois, de nouveau, peuvent espérer prendre des parts du pétrole kazakh et du gaz turkmène et construire ainsi des routes d’acheminement vers leur Turkestan (le Xinjiang). Pékin tourne ses espoirs énergétiques vers la Russie qui équilibrera à l’avenir ses fournitures d’énergie vers l’Europe par l’Asie (non seulement la Chine mais aussi le Japon, la Corée du Sud, l’Inde…).

Le jeu de Poutine apparaît désormais au grand jour. Il pouvait s’accorder avec Washington pour combattre le terrorisme qui frappait aussi durement la Russie. Il n’avait pas pour autant l’intention d’abdiquer quant aux prétentions légitimes de la Russie : refuser l’absorption de l’Ukraine (car l’Ukraine pour la Russie c’est une nation sœur, l’ouverture sur l’Europe, l’accès à la Méditerranée par la mer Noire grâce au port de Sébastopol en Crimée) et de la Géorgie dans l’OTAN. Et si l’indépendance du Kosovo a pu être soutenue par les Américains et des pays de l’Union européenne, au nom de quoi les Russes n’auraient-ils pas le droit de soutenir celles de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, d’autant que les peuples concernés eux-mêmes voulaient se séparer de la Géorgie ?

Mackinder avait donc raison. Dans le grand jeu eurasiatique, la Russie reste la pièce clé. C’est la politique de Poutine, bien plus que la Chine (pourtant cible première de Washington car possible première puissance mondiale) qui a barré la route à Washington. C’est cette politique qui lève l’axe énergétique Moscou (et Asie centrale)-Téhéran-Caracas, lequel pèse à lui seul ¼ des réserves prouvées de pétrole et près de la moitié de celles de gaz (la source d’énergie montante). Cet axe est le contrepoids au pétrole et au gaz arabes conquis par l’Amérique. Washington voulait étouffer la Chine en contrôlant l’énergie. Mais si l’Amérique est en Arabie Saoudite et en Irak (1ère et 3e réserves prouvées de pétrole), elle ne contrôle ni la Russie, ni l’Iran, ni le Venezuela, ni le Kazakhstan et ces pays bien au contraire se rapprochent. Ensemble, ils sont décidés à briser la suprématie du pétrodollar, socle de la centralité du dollar dans le système économique mondial (lequel socle permet à l’Amérique de faire supporter aux Européens un déficit budgétaire colossal et de renflouer ses banques d’affaires ruinées).

Nul doute que Washington va tenter de briser cette politique russe en continuant à exercer des pressions sur la périphérie russe. Les Américains vont tenter de développer des routes terrestres de l’énergie (oléoducs et gazoducs) alternatives à la toile russe qui est en train de s’étendre sur tout le continent eurasiatique, irriguant l’Europe de l’Ouest comme l’Asie. Mais que peut faire Washington contre le cœur énergétique et stratégique de l’Eurasie ? La Russie est une puissance nucléaire.

Les Européens raisonnables et qui ne sont pas trop aveuglés par la désinformation des médias américains, savent qu’ils ont plus besoin de la Russie qu’elle n’a besoin d’eux. Toute l’Asie en croissance appelle le pétrole et le gaz russe et iranien.

Dans ces conditions et alors que la multipolarité se met en place, les Européens feraient bien de se réveiller. La crise économique profonde dans laquelle ils semblent devoir s’enfoncer durablement conduira-t-elle à ce réveil ? C’est la conséquence positive qu’il faudrait espérer des difficultés pénibles que les peuples d’Europe vont endurer dans les décennies à venir.

Aymeric CHAUPRADE

Source du texte : ACADÉMIE DE GÉOPOLITIQUE DE PARIS [2]


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[2] ACADÉMIE DE GÉOPOLITIQUE DE PARIS: http://www.strategicsinternational.com/

mardi, 01 septembre 2009

Variations autour du thème "Russie"

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Robert STEUCKERS:

 

Variations autour du thème “Russie”

 

Discours de Robert Steuckers lors du colloque de la “nouvelle alternative solidariste” à Ruddervoorde/Bruges, 11 octobre 2008

 

La Russie  –vous l’entendez et le lisez chaque jour dans les médias du système—  est l’objet d’une inlassable propagande, toujours dénigrante et négative, d’un harcèlement permanent des esprits, qui la campent comme un immense foyer où se succèdent sans discontinuité horreurs et entorses à la “bonne gouvernance”; cette propagande a été bien réactivée depuis la “Guerre d’août” dans le Caucase, il y a deux mois. Cette propagande négative, cette “Greuelpropaganda” (“gruwelpropaganda”), n’est pas nouvelle, car, les historiens le savent, elle s’est déjà déployée dans l’histoire des deux derniers siècles, essentiellement pour deux faisceaux de motifs:

 

Premier faisceau de motifs:

D’abord à cause de l’autocratisme de certains tsars: Paul I, qui voulait marcher avec Napoléon contre l’Inde britannique et démontrait, par cette volonté, que la maîtrise de la Mer Noire et de la Caspienne permettait à terme de déboucher en Inde, arsenal civil et source de profit pour la puissance dominante anglaise; et Nicolas I, qui a entamé la marche des armées russes en direction du Caucase et de l’Asie centrale; ce tsar voulait régler la question d’Orient en liquidant l’Empire ottoman, ce qui a déclenché la Guerre de Crimée. Ce reproche d’autoritarisme fait partie d’un arsenal propagandiste récurrent car il s’adresse également à des tsars d’ouverture tels Alexandre II, qui lance un programme d’industrialisation, de modernisation et de libération des serfs, ou Nicolas II, qui sera tantôt ange tantôt démon, selon les fluctuations de la géopolitique anglaise, qui entendait d’abord ébranler la Russie pour s’emparer des pétroles du Caucase puis s’allier à elle dans le cadre de l’Entente pour faire pièce à une Allemagne devenue ennemie principale, prenant ainsi, au titre de cible première des propagandes dénigrantes, le relais de l’Empire des Tsars comme le démontre d’excellente manière le géopolitologue suédois William Engdahl dans son ouvrage sur la guerre du pétrole (1). Nicolas II partage avec les Mexicains Zapata et Pancho Villa le triste honneur d’avoir été tout à la fois, en l’espace de quelques années seulement, tyran sanguinaire et brave allié. Les deux Mexicains, rappellons-le, voulaient nationaliser les pétroles de leur pays, les arracher aux tutelles britannique et yankee... L’an passé, nous avons eu à déplorer la disparition de Henri Troyat, de l’Académie Française, écrivain de souche russe et arménienne, qui nous a laissé des biographies de tous les tsars: elles nous expliquent en long et en large les grands axes de leur politique, dans un langage clair et limpide, accessible à tous, sans jargon. Je conseille à chacun de vous de s’y référer.

 

Deuxième faisceau de motifs:

Ensuite à cause du bolchevisme et de la bolchevisation de la Russie, après 1917, la démonisation propagandiste se focalise sur l’idéologie et la pratique du communisme. Elle a la tâche bien plus facile car le tsarisme était moins démonisable que le soviétisme. Le monde catholique belge et flamand, notamment, dépeint la Russie soviétisée comme le foyer du mal absolu, surtout pour empêcher tout envol du communisme en Belgique même; la publication de l’album d’Hergé, “Tintin au pays des Soviets” relève, pour ne donner qu’un seul exemple, de cet anti-communisme catholique et militant des années 20 et 30. Cette propagande anti-soviétique a laissé des traces: en dépit de l’effondrement définitif de l’Union Soviétique et de la débolchevisation de la Russie, les réflexes anti-russes mobilisés pour combattre le soviétisme, notamment la propagande en faveur de l’OTAN, restent ancrés dans les mentalités, incapables d’intégrer les nouvelles donnes géopolitiques d’après 1989. A cet anti-communisme, mis en sourdine à partir de 1941 pour raisons d’union sacrée contre le nazisme et pour couvrir les agissements de la résistance communiste (en tant qu’instrument de la “guerilla warfare”), succède un anti-stalinisme, partagée par certains communistes ailleurs dans le monde; cet anti-stalinisme prête tous les travers du communisme à la seule gestion stalinienne de l’Union Soviétique. Comme Nicolas II, tyran sanguinaire puis “bon père des peuples de toutes les Russies” selon la propagande londonienne, Staline sera un monstre, puis le brave “Uncle Joe”, puis le “petit père des peuples” puis à nouveau un dictateur infréquentable.

 

Dans mon article, intitulé “La diplomatie de Staline” (cf. http://euro-synergies.hautetfort.com), et dont la teneur m’a été souvent reprochée (2), j’ai souligné l’originalité, après 1945, de la diplomatie soviétique, qui pariait sur des rapports bilatéraux entre puissances et non sur une logique des blocs, du moins au départ. De fait, le pacte de Varsovie nait en 1955 seulement, après la mort du leader géorgien. Ce Pacte a bétonné la logique des blocs et est l’oeuvre du post-stalinisme que Douguine dénonce, aujourd’hui à Moscou, comme une émanation d’un certain “atlanto-trotskisme”. En dépit d’atrocités comme l’élimination des koulaks dans les terres noires et si fertiles d’Ukraine, qui a privé l’Union Soviétique d’une paysannerie capable de lui assurer une totale autonomie alimentaire, et comme les épurations du parti et de l’armée lors des grandes purges de 1937, il faut objectivement mettre à l’acquis de la période stalinienne tardive les notes de 1952, proposant la neutralisation de l’Allemagne sur le modèle prévu pour l’Autriche, en accord avec le filon “austro-marxiste” de la social-démocratie autrichienne.

 

Déstalinisation et logique des blocs

 

La volonté de réhabiliter les rapports bilatéraux entre puissances, selon les vieux critères avérés de la diplomatie classique, et le projet de neutralisation d’une large portion du centre de l’Europe entre l’Atlantique et la frontière soviétique, dont l’arsenal industriel allemand appelé à renaître de ses cendres (“les Hitlers vont et viennent, l’Allemagne demeure”), sont deux positions qui ont l’une et l’autre déplu profondément à Washington et entraîné ipso facto une propagande anti-stalinienne puis, dans la foulée, la déstalinisation, au profit d’une logique des blocs parfaitement schématique, qui condamnait l’Europe à la division et la stagnation, au blocage géopolitique permanent. La déstalinisation, en dépit de la “bonne figure” qu’elle se donnait, interdisait de revenir au message de la fin de l’ère stalinienne: diplomatie classique et neutralisation de l’Allemagne.

 

La Chine actuelle, partiellement héritière de ce communisme de la fin des années 40 et du début des années 50, préconise des relations internationales basées sur des rapports bilatéraux, dans le respect des identités politiques des acteurs de la scène internationale, en dehors de toute  formation de blocs et de toute idéologie “immixtionniste” (wilsonisme, stratégie cartérienne et reaganienne des “droits-de-l’homme”, etc.) (cf. nos articles sur la question: Robert Steuckers, “Les amendements chinois au ‘nouvel ordre mondial’” & “Modernité extrême-orientale et modèle juridique ‘confucéen’”; ces deux  articles sont repris dans: Robert Steuckers, “Le défi asiatique et ‘confucéen’ au ‘nouvel ordre mondial’”, Synergies Européennes, Forest, 1998; les deux textes figurent dorénavant sur: http://euro-synergies.hautetfort.com).

 

Le retour des thématiques anti-autocratiques

 

Avec Poutine et Medvedev, la propagande habituelle recompose les thématiques de l’anti-autocratisme, de l’hostilité à tout pouvoir non seulement fort mais simplement solide, à celle des résidus de communisme, dans le sens où toute réorganisation des anciennes terres de l’Empire russe et toute velléité de contrôler l’économie et le marché des matières premières s’assimilent à un retour au communisme. Ce sont des pièges dans lesquels il ne faut pas tomber, en tenant compte des arguments suivants:

-          la Russie a besoin d’un pouvoir plus contrôlant que les terres situées à l’Ouest du sous-contient européen, la coordination des ressources de son immense territoire exigeant davantage de directivité;

-          dans une perspective européenne et russe, le contrôle pacifique de l’Asie centrale, du Caucase, de la Caspienne et de la Mer Noire est un atout géopolitique et géostratégique important, dont il ne faut pas se défaire avec légèreté, sous peine de voir triompher le voeu le plus cher de la géopolitique anglo-saxonne, dont les fondements ont été théorisés par Halford John Mackinder et Homer Lea dans la première décennie du 20ème siècle;

-          la démonisation de la Russie a une forte odeur d’hydrocarbure; chaque étape historique de cette démonisation est marquée par l’un ou l’autre enjeu pétrolier; hier comme aujourd’hui, dans le Caucase;

-          le communisme, en tant que messianisme qui s’exporte et ébranle les équilibres politiques des nations voisines, a cessé d’exister et les réflexes défensifs que son existence dictait n’ont plus lieu d’être et vicient, s’ils jouent encore, la perception de la réalité actuelle;

-          la propagande anti-russe d’hier et d’aujourd’hui participe de la stratégie immixtionniste et internationaliste mise en oeuvre à Londres hier, à Washington depuis la présidence de Teddy Roosevelt et du système wilsonien; elle a eu pour résultat de torpiller toutes les  oeuvres d’unification continentale et de faire, à terme, de l’Europe un nain politique, en dépit de son gigantisme économique.

 

L’historiographie dominante fait donc de la Russie un croquemitaine et cette historiographie est dictée aux agences médiatiques, à la presse internationale, par des officines basées à Londres ou à Washington. Il s’agit désormais, dans les espaces de liberté comme le nôtre, de contrer les poncifs toujours récurrents de cette propagande et de se référer à une autre interprétation de l’histoire, à une historiographie alternative, différente aussi de l’historiographie soviétique/communiste (liée à l’historiographie anglo-saxonne pour les événements de la seconde guerre mondiale).

 

Le souvenir de “Pietje Kozak”

 

Dans le cadre restreint du mouvement flamand, il faut se rappeler que sans les cosaques d’Alexandre I, les provinces sud-néerlandaises n’auraient jamais été libérées du joug napoléonien et que leur identité culturelle et linguistique aurait disparu à tout jamais si elles étaient demeurées des départements français. Si un quartier s’appelle “Moscou” à Gand, c’est en souvenir des libérateurs cosaques, conduits par “Pietje Kozak”, dont les chevaux avaient galopé d’Aix-la-Chapelle aux rives de l’Escaut, en passant par Bruxelles, où ils avaient campé à la Porte de Louvain, l’actuelle Place Madou. Les cosaques n’ont pas laissé de mauvais souvenirs. Ils ne sont pas restés longtemps: ils ont foncé vers Paris, tandis que les Gantois volontaires étaient incorporés dans l’armée prussienne, armée pauvre, levée en masse, selon les consignes de Clausewitz, qui voulait faire pièce à la conscription républicaine puis napoléonienne. Cette armée devait vivre sur la population, notamment sur la rive orientale de la Meuse que la Prusse convoitait, en inquiétant les Anglais, qui voyaient une grande puissance s’approcher d’Anvers et occuper une vallée mosane menant directement au Delta et au Hoek van Holland, à une nuit de navire à voile de Londres, comme au temps de l’Amiral De Ruyter. Les réquisitions prussiennes ont laissé de mauvais souvenirs, surtout en pays de Liège, dans les Ardennes et le Condroz. Les Anglais, eux, payaient tout ce qu’ils prenaient et se taillaient bonne réputation: c’est là qu’il faut voir l’origine de l’anglophilie belge.

 

Après l’effondrement du système napoléonien qui avait l’avantage peut-être d’unir l’Europe mais le désavantage de le faire au nom des philosophades modernistes de la révolution française, l’Europe acquiert, à Vienne en 1814-15, une sorte d’unité restauratrice. Ce sera la Pentarchie, le concert des cinq puissances (Prusse, Russie, Angleterre, Autriche, France) dont le territoire s’étend de l’Atlantique au Pacifique. Nous avons donc pour la première fois dans l’histoire un espace européen et eurasien entre les deux plus grands océans du globe. La cohérence de cet espace demeure un idéal et une nostalgie, en dépit des faiblesses de cette Pentarchie, sur lesquelles nous reviendrons. Rappellons qu’elle subsistera à peu près intacte jusqu’en 1830 et que les premières lézardes de son édifice datent justement de cette année fatidique de 1830, de la révolte belge de Bruxelles, où Français et Britanniques acceptent les exigences des insurgés, les uns dans l’espoir d’absorber petit à petit le pays; les autres pour briser l’unité des Pays-Bas, qui alliaient de considérables atouts à l’aube de la révolution industrielle: une industrie métallurgique liégeoise, des mines de charbons de Mons à Maastricht, une bonne industrie textile en Flandre et dans la Vallée de la Vesdre, une flotte hollandaise impressionnante et des colonies en voie de développement en Insulinde (Indonésie), un pôle germanique continental et littoral aussi attrayant, sinon plus attrayant, pour les populations d’Allemagne du Nord que la Prusse et le Brandebourg (3). Tandis que Français et Britanniques favorisaient la sécession belge, les autres puissances européennes y voyaient une première entorse à la cohésion “pentarchique” et le triomphe d’un particularisme stérile.

 

La Doctrine de Monroe contre la Pentarchie

 

Preuve des potentialités immenses de la “Pentarchie”: c’est à l’époque de sa plus forte cohésion que les puritains d’Amérique du Nord s’en inquiètent, tout en devinant les potentialités de leur propre vocation continentale et bi-océanique dans le Nouveau Monde. La proclamation de la Doctrine de Monroe en 1823 constitue un défi américain à cette formidable cohésion européenne qui s’impose sur la masse continentale eurasiatique (4). Il fallait de l’audace pour oser ainsi défier les cinq puissances de la Pentarchie. Avec un culot inouï, sans avoir à l’époque les moyens de défendre sa politique sur le terrain, James Monroe a osé prononcer ce programme d’exclusion des puissances européennes, à commencer par l’Espagne affaiblie, car si la Pentarchie l’avait voulu, elle se serait partagé le Nouveau Monde en zones d’influence et les treize colonies rebelles n’auraient pas pu dépasser les Appalaches ni atteindre le bassin du Mississippi si Bonaparte n’avait pas eu la funeste idée de leur vendre la Louisiane en 1803.

 

La Guerre de Crimée (5) va définitivement rompre la cohésion de la Pentarchie et inaugurer l’ère des compositions et recompositions d’alliances qui conduiront à l’explosion de 1914, à la première guerre mondiale et à l’implosion de la culture européenne. Le Tsar Nicolas I entendait parachever le travail de liquidation de l’Empire ottoman, commencé en 1828, où les flottes anglaise, française et russe, de concert, avaient forcé le Sultan à concéder l’indépendance à la Grèce, qui aura un roi bavarois. L’objectif du Tsar était de liquider progressivement l’Empire ottoman, corps étranger à la Pentarchie sur le sous-continent européen, en protégeant puis en accordant l’indépendance aux sujets chrétiens (orthodoxes) de la Sublime Porte. La logique du Tsar est continentaliste: il veut un élargissement de “l’ager pentarchicus” et la ré-occupation de positions statégiques-clefs que les impérialités européennes, romaines et byzantines, avaient tenues avant les raz-de-marée arabe et ottoman. L’élargissement de “l’ager pentarchicus” impliquait, après la parenthèse de l’indépendance grecque soutenue par tous, d’englober tout le territoire maritime pontique et de débouler, partiellement ou par nouvelles petites puissances orthodoxes interposées, dans le bassin oriental de la Méditerranée, avec la Crète et Chypre, à proximité de l’Egypte. La logique de l’Angleterre est, elle, maritime, thalassocratique. Pour le raisonnement impérial anglais, l’Empire des Tsars, avec ses immenses profondeurs territoriales et ses énormes ressources, ne peut pas s’avancer aussi loin vers le Sud, peser de tout son poids sur la ligne maritime Malte-Egypte, au risque de couper la voie vers les Indes, car on compte déjà à Londres percer bientôt l’isthme de Suez.

 

Le centre névralgique de l’Empire britannique n’est plus en Europe

 

Les préoccupations anglaises du temps de la Guerre de Crimée (1853-1856) demeurent actuelles, à la différence près que ce sont désormais les Américains qui les font valoir. Pour Londres hier et pour Washington aujourd’hui, la Russie, ni aucune autre puissance européenne d’ailleurs, ne peut avoir la pleine maîtrise de la Mer Noire ni disposer d’une bonne fenêtre sur la Méditerranée orientale. En 1853, Londres prendra fait et cause pour la Turquie, entraînant la France dans son sillage, et les deux puissances occidentales ruinèrent ainsi définitivement la notion féconde et apaisante de Pentarchie: elles sont responsables devant l’histoire de toutes les catastrophes qui ont saigné l’Europe à blanc depuis la Guerre de Crimée. L’unité et la cohésion de l’Europe ne comptent pas pour Londres et Paris, puissances excentrées par rapport au coeur du sous-continent. L’Occident s’alliera avec n’importe quelle puissance ou n’importe quelle peuplade extérieure à l’Europe pour détruire toute force de cohésion émanant du centre rhénan, danubien ou alpin de notre sous-continent. Cette stratégie de trahison et d’anti-européisme avait commencé avec François I, le Sultan et Barberousse au 16ème siècle (6); l’Angleterre vole, elle, au secours de l’Empire ottoman moribond, prolonge la servitude des peuples balkaniques en ne montrant aucune solidarité avec des Européens croupissant sous un joug musulman, parce que le centre névralgique de la puissance britannique ne se situe plus en Europe, ni même dans la métropole anglaise, mais en Inde. L’Angleterre possède donc un empire dont le centre, sur le globe, est le sous-continent indien; bien qu’hegemon, elle se situe en périphérie de l’espace-tremplin initial, du coeur même de son propre empire et combat tout ce qui, autour de l’Inde, pourrait, à moyen ou long terme, en réalité ou en imagination, en menacer l’intégrité territoriale. Les logiques française et anglaise de la seconde moitié du 19ème siècle ne sont donc plus euro-centrées mais exotiques. Ce glissement scelle la fin de la cohésion pentarchique.

 

C’est à la suite de la Guerre de Crimée que le terme “Occident” devient péjoratif en Russie. Nul autre que Dostoïevski ne l’a expliqué aussi clairement que dans son “Journal d’un écrivain”. En 1856, quand la Russie doit accepter les clauses humiliantes de la paix, une première césure traverse l’Europe pentarchique, une césure qui constitue une première étape vers l’épouvantable cataclysme d’août 1914. En effet, la césure sépare désormais une Europe occidentale (France et Angleterre), d’une Europe centrale et orientale (Prusse, Russie, Autriche-Hongrie). En dépit de la méfiance autrichienne avant et pendant la Guerre de Crimée, qui voyait d’un mauvais oeil la Russie qui tentait de s’installer dans le delta du Danube en prenant sous sa protection les principautés roumaines (Valachie et Moldavie), de confession orthodoxe. Sous l’impulsion de Bismarck, les trois puissances impériales chercheront à reproduire, à elles seules, la cohésion de la Sainte-Alliance. Après l’unification allemande de 1871, on parlera de “l’alliance des trois empereurs” (“Drei-Kaiserbund”). Bismarck exhortera les Autrichiens à ne pas succomber aux tentations occidentales, ce qui sera d’autant plus aisé que l’Autriche n’a jamais eu de colonies extra-européennes.

 

La crainte de voir renaître un Empire russo-byzantin sur le Bosphore

 

Le théoricien le plus pertinent de la “Pentarchie” fut incontestablement Constantin Frantz (7): c’est lui qui a démontré que “l’excentrage” exotique de l’Angleterre en direction des Indes principalement et de la France en direction de l’Afrique (Algérie, Saint-Louis/Dakar, Côte d’Ivoire, Gabon, avant 1860) brisait la cohésion de l’Europe et pouvait induire sur son territoire des conflictualités générées ailleurs. La Guerre de Crimée est la première conflagration inter-européenne après 1815, dont les motivations dérivent de préoccupations extra-européennes: l’Angleterre ne veut pas d’une flotte russe en Méditerranée orientale parce que cela menace l’Egypte et comporte le risque de voir s’installer des postes et bases russes en Mer Rouge, avec accès à l’Océan Indien; la France n’en veut pas davantage car une flotte russe dans les bases auparavant ottomanes risque de menacer l’Algérie fraîchement conquise, qui, rappelons-le, était tout de même la base la plus avancée des Ottomans en Méditerranée occidentale au 16ème siècle. La crainte partagée par Paris et Londres en 1853 était de voir se reconstituer, sur les débris de l’Empire ottoman, un empire russo-byzantin rechristianisé capable, avec les réserves russes, de contrôler les principaux points stratégiques à la charnière des masses continentales asiatiques et africaines, et de remplacer ainsi l’Empire ottoman. Cette crainte n’existait pas encore vingt-cinq ans auparavant, au moment de l’accession de la Grèce à l’indépendance: la France n’avait pas encore débarqué ses troupes en Algérie et l’Angleterre escomptait simplement faire de la Grèce un satellite plus solide que le seul petit cordon d’îles ioniennes, dont elle avait fait, en 1815, une république sous protectorat anglais.

 

Revenons à la propagande anti-russe actuelle: elle remonte à l’époque de la Guerre de Crimée. Aujourd’hui encore, les linéaments de cette propagande et les motifs géopolitiques qu’elle dissimule ou travestit demeurent et s’utilisent toujours. Et montrent plus de virulence dans la sphère anglo-saxonne et en France qu’ailleurs en Europe, mis à part les pays de l’est fraîchement libéré du communisme. Les cénacles, journaux, publications des milieux dits “nationalistes” ou “nationaux-conservateurs” de l’Occident français et anglais évoquent bien moins souvent une alliance euro-russe que leurs pendants d’Europe centrale germanique (Allemagne, Autriche). En Flandre, nous assistons à une contagion anglaise, à une véritable “anglo-saxonnite aigüe”, totalement contraire aux intérêts européens de cette région liée à la Rhénanie-Westphalie, et improductive pour tout combat métapolitique face au danger français, à l’heure où la conquête n’est plus militaire ou culturelle mais économique.

 

Les “nouveaux philosophes”, instruments de la russophobie

 

La propagande anti-russe, et aujourd’hui hostile à Poutine, fonctionne à merveille dans la sphère linguistique anglo-saxonne. C’est au départ d’officines de moins en moins britanniques et de plus en plus américaines qu’elle se déploie sur la planète entière. En France, cette propagande se distille, sous un déguisement différent, au départ, non pas de cercles conservateurs ou nationaux-conservateurs, mais de réseaux trotskistes, d’obédience affichée ou infiltrés dans les cénacles syndicaux ou socialistes et surtout au départ des niches médiatiques et journalistiques où s’est incrustée la secte des “nouveaux philosophes”, à cheval entre une gauche nouvelle (les fameuses deuxième et troisième gauches) et une droite atlantiste, molle, libérale et “orléaniste” qui cherche à tourner le dos au gaullisme. Ce bastion, bien positionnée sur le carrefour entre droite centriste et gauche centriste, permet à cette propagande de s’insinuer partout et d’empêcher l’éclosion d’une pensée géopolitique alternative, non atlantiste, qui pourrait émerger dans plusieurs franges politiques potentielles, aujourd’hui houspillées dans les marges de la politique dominante et souvent décriées comme “extrémistes”: communiste, gaulliste (dans le sens de Couve de Meurville), nationaliste, souverainiste ou néo-maurrassienne.

 

La Guerre de Crimée a donc fracassé définitivement la Pentarchie, la seule cohésion européenne de l’ère moderne et contemporaine. Néanmoins, le conflit dominant, celui dont les enjeux  géopolitiques avaient le plus d’envergure territoriale car ils concernaient et la Terre du Milieu  (sibérienne et centre-asiatique) et l’Océan du Milieu (l’Océan Indien avec le sous-continent indien), demeurait le conflit russo-britannique. Le conflit franco-prussien de 1870-71, perçu comme essentiel en France ou en Allemagne car il était local, reste marginal, malgré tout, malgré son importance, malgré qu’il est l’une des sources majeures des deux conflits mondiaux du 20ème siècle.

 

Versailles ou le retour de la politique de Richelieu

 

Cependant, la permanence du conflit anglo-russe aux confins de l’Hindou Kouch, la rivalité entre Londres et Saint-Pétersbourg en Asie centrale et la volonté française de revanche et de reconquête de l’Alsace et de la Lorraine thioise vont peser d’un poids suffisant pour modifier la donne entre 1871 et 1914. La France va investir en Russie, afin d’avoir un “allié de revers”, comme François I s’était allié au Sultan et aux pirates barbaresques pour prendre le Saint-Empire et l’Espagne en tenaille et faire échouer l’offensive espagnole et vénitienne en Afrique du Nord et en direction de la Méditerranée orientale. On ne mesure pas encore complètement l’impact désastreux de cette politique. La politique française des investissements en Russie, mieux connue sous l’appelation des “emprunts russes” va contribuer à la dislocation progressive de l’alliance des “Trois Empereurs”, ultime résidu de l’esprit de la Pentarchie de 1814. A ce projet de s’adjoindre le “rouleau compresseur russe”, s’ajoutera une volonté maçonnique d’émietter l’espace de la “monarchie danubienne” austro-hongroise, de fractionner l’Europe centrale et orientale en autant de petits Etats que possible, tous condamnés à la dépendance ou à l’inviabilité économique: ce sera une réactualisation de la politique de Richelieu, visant la “Kleinstaaterei” dans les Allemagnes (pluriel!), qui trouvera un nouvel aboutissement dans le Traité de Versailles.

 

Bismarck serait indubitablement parvenu à maintenir la cohésion de l’alliance des Trois Empereurs. Ses successeurs n’auront pas cette intelligence politique et ce “feeling” géopolitique. Ils laisseront libre cours, sans réagir de manière opportune, à cette politique française de satellisation de la Russie. Quand celle-ci bascule définitivement dans le camp français, la politique alternative de l’Allemagne sera d’aller chercher dans l’Empire ottoman moribond un espace pour écouler les biens d’exportation de sa nouvelle industrie et y puiser des matières premières. Cette politique heurtera la volonté russe de trouver un débouché au-delà des Dardanelles, en direction de la Méditerranée orientale, de Suez et de l’Egypte et la volonté britannique de maintenir ou de créer un verrou partant du Caire pour aboutir à Calcutta au Bengale, afin de parachever, avec les possessions anglaises d’Afrique et d’Australie, une domination absolue sur l’ensemble des rivages de l’Océan Indien.

 

Une vingtaine d’années pour parfaire l’Entente

 

Il faudra cependant une vingtaine d’années pour consolider l’alliance que sera l’Entente entre Londres, Paris et Saint-Pétersbourg. Les sources de conflits potentiels demeurent latentes entre l’Angleterre et la France, en Indochine où l’Angleterre accepte, bon gré mal gré, que les Français contrôlent la façade pacifique de cette Indochine mais n’acceptent aucune extension de ce contrôle en direction du Siam et du Golfe du Bengale. De même, l’Angleterre voit d’un mauvais oeil la conquête violente  puis la pacification de Madagascar par le Général Gallieni (qu’ils détesteront même au plus fort de la bataille de la Marne en 1914, alors que cette bataille a décidé du sort de la guerre en faveur des alliés). Ensuite, l’affaire de la prise de contrôle par les Britanniques du Canal de Suez ne s’est pas apaisée rapidement, a connu des rebondissements, surtout, notamment, quand l’expédition du Capitaine Marchand en direction de Fachoda au Soudan laissait présager une installation française sur les rives du Nil, axe liant l’Egypte à l’Afrique du Sud.

 

Une présence française sur le Nil aurait pu briser la cohésion territoriale de l’Empire britannique en Afrique en s’alliant soit à la Somalie sous domination italienne soit à l’Abyssinie chrétienne soit au Congo belge. Il y aurait eu une présence européenne continentale  sur une portion importante du littoral africain de l’Océan Indien, avec, d’une part, une grande profondeur territoriale, reliant l’Atlantique à l’Océan du Milieu, et d’autre part, une base navale (et, plus tard, un porte-avion) malgache en face du Mozambique portugais, du Tanganyka alors allemand et surtout des mines d’Afrique du Sud, où demeurait une population boer rebelle, partiellement d’ascendance française. Imagine-t-on aujourd’hui quelle puissance aurait pu avoir un bloc colonial européen, regroupant les colonies françaises, belges, allemandes et portugaises et les Etats indépendants boers? La Mer Rouge aurait été contrôlée à hauteur d’Aden et de Djibouti par une constellation européenne germano-turque, italienne et française. Pour Londres, l’un des résultats les plus intéressants de la première guerre mondiale a été de contrôler la Mer Rouge de Suez à Aden, d’y éliminer toute présence germano-turque et, indirectement, française, la France sortant exsangue de la Grande Guerre.

 

Ratzel, Tirpitz et le réveil de l’Allemagne

 

Dans les années 90 du 19ème siècle, les Russes se rendent encore maîtres de l’actuel Tadjikistan et exercent une influence prépondérante sur le “Turkestan chinois” au nord du Tibet. Tandis que pour contrer ce gain de puissance, les Anglais annexent à l’Empire des Indes les régions afghanes aujourd’hui pakistanaises et que l’on appelle la “zone ethnique” pachtoune, actuellement en pleine rébellion et sanctuaire des rebelles talibans en lutte contre l’occupation de l’Afghanistan. Entre 1890 et 1900, rien ne laissait augurer une alliance anglo-russe, tant les conflits potentiels s’accumulaient encore le long des frontières afghanes. Le très beau film “Kim”, d’après une nouvelle de Rudyard Kipling, met en scène un Indien musulman local, fidèle à la Couronne britannique, et des explorateurs russes, soupçonnés d’espionnage et de venir soulever les tribus hostiles à la présence anglaise. Le scénario du film se déroule précisément dans les années 90 du 19ème siècle.

 

Après la guerre des Boers et l’élimination impitoyable de leurs deux républiques libres d’Afrique australe, période où l’Angleterre victorienne avait été honnie dans toute l’Europe, l’Allemagne devient l’ennemi numéro un, parce qu’elle développe des stratégies commerciales efficaces, concurrence les produits industiels britanniques partout dans le monde, se met à construire une flotte sous l’impulsion du géopolitologue Friedrich Ratzel et de l’Amiral von Tirpitz, exerce une influence prépondérante dans les “Low Countries”, propose une “Union de la Mittelafrika” à la Belgique et au Portugal susceptible de ruiner les projets de Cecil Rhodes et surtout réorganise l’Empire Ottoman pour un faire un espace complémentaire de son industrie (un “Ergänzungsraum”), coupant la route des Russes vers Constantinople et occupant des positions stratégiques en Méditerranée orientale, en prenant, avec l’Autrriche-Hongrie et ses marins dalmates, le relais de Venise la “Sérénissime” dans cet espace maritime, en face de Suez et sur un segment important de la route maritime vers l’Inde.

 

Mackinder et le “Terre du Milieu”

 

Malgré l’émergence, pour Londres, d’un “danger allemand”, la Russie demeure implicitement l’ennemi principal dans le dicours que tient Halford John Mackinder en 1904, pour expliquer, par la géographie, la dynamique Terre/Mer de l’histoire, où l’Angleterre tient la Mer et les Indes et la Russie, la Terre et l’Asie centrale, rebaptisée “Terre du Milieu” et posée comme inaccessible à l’instrument naval de la puissance anglaise. Mackinder tire en quelque sorte le signal d’alarme en cette année 1904, parce que, contrairement à l’époque de la Guerre de Crimée, la Russie commence, sous l’impulsion de Sergueï Witte, à se doter d’un réseau de chemins de fer et d’une ligne ferroviaire transsibérienne qui lui procurent désormais la capacité militaire de transporter rapidement des troupes vers la Mer Noire, le Caucase, l’Asie centrale et l’Extrême-Orient. Sur le plan technologique, la donne a donc changé. La Russie, handicapée par l’immensité de ses territoires et les problèmes logistiques qu’ils suscitent, venait d’acquérir un supplément non négligeable de mobilité terrestre. Elle pèse d’un poids plus considérable sur les “rimlands”, dont la Perse et l’Inde, qui donnent accès à l’Océan Indien, “Océan du Milieu”.

 

De facto, la Russie devient la protectrice de la Chine, après la guerre sino-japonaise de 1895, ce qui lui permet de faire passer le Transsibérien à travers la riche province chinoise de Mandchourie. Cette Russie plus mobile, grâce au chemin de fer, et donc plus “dangereuse”, inquiète l’Angleterre: elle doit dès lors être tenue en échec par une politique d’endiguement et par la constitution d’un “cordon sanitaire” de petites puissances dépendantes de la principale thalassocratie de la planète. Mieux: la politique extrême-orientale de la Russie, face aux anciennes et nouvelles puissances asiatiques de la région, reçoit le plein aval de Guillaume II d’Allemagne, qui détourne ainsi la Russie du Danube et désamorce les conflits potentiels avec l’Autriche-Hongrie; face à ces encouragements allemands, l’Angleterre, qui voit en eux un danger de plus pour ses intérêts, entend ramener, à terme, la Russie en Europe, pour qu’elle agisse contre l’Autriche, principal allié de l’Allemagne montante.

 

La Russie avance ses pions vers le Pacifique

 

L’Entente se dessine: la France finance la Russie, mais la lie ainsi à elle, et l’Angleterre dispose de deux “spadassins continentaux” pour abattre la puissance qu’elle juge la plus dangereuse pour elle, avec le sang de leurs millions de conscrits. Sergueï Witte préconisait une politique de petits pas en Extrême-Orient: l’acquisition par l’Allemagne de la base chinoise de Tsingtao précipite les choses, oblige les Russes à abandonner leur modération initiale et à revendiquer et occuper Port Arthur; du coup, les Anglais s’emparent de Weihaiwei. Les puissances s’abattent sur la Chine, grignotent sa souveraineté pluriséculaire, déclenchant une révolte xénophobe, celles des Boxers, soutenue in petto par l’Impératrice douairière. Pour mater cette révolte, les puissances organisent une expédition punitive, au cours de laquelle les Russes prennent l’ensemble de la Mandchourie. Via Kharbin et Moukden, le Transsibérien est prolongé jusqu’à Port Arthur: du coup, la Russie est présente dans les eaux chaudes du Pacifique (8). L’Amiral Alexeïev, gouverneur de la région, entreprend l’exploitation du port et de la nouvelle base navale puis lorgne directement vers la péninsule coréenne, susceptible de fournir un pont territorial entre Vladivostok et Port Arthur. Sur le cours du fleuve Yalou, les Russes découvrent de l’or. La politique d’Alexeïev heurte le Japon qui convoite la Corée. Le scénario est en place pour une nouvelle guerre. Cette fois contre le Japon, avec le désavantage que cette guerre est très impopulaire, ne correspond pas aux mythes politiques habituels du peuple russe, qui veut toujours un élan vers Constantinople, les Balkans et l’Egée.

 

En 1905, lors de la guerre russo-japonaise, l’Angleterre et déjà les Etats-Unis, soutiennent le Japon, archipel en lisière du “rimland” sino-coréen. Le Japon devient ainsi le petit soldat asiatique de la première politique d’endiguement, immédiatement après le discours de Mackinder. La propagande contre Nicolas II, posé comme “bourreau” de son peuple, bat son plein. Quelques cercles révolutionnaires perçoivent de mystérieux financements. La flotte russe de la Baltique, qui part du Golfe de Finlande pour porter secours à celle du Pacifique, ne peut s’approvisionner en charbon le long de son itinéraire, dans les bases britanniques, les plus  nombreuses. Résultat: le désastre de Tchouchima.

 

Notons, dans ce contexte, l’ignoble hypocrisie de la France, qui avait promis monts et merveilles à son “allié” russe, mais l’a froidement laissé tomber face au Japon, pour ne pas désobliger l’Angleterre. Jeu dangereux car, un moment, cette trahison a failli ramener la Russie dans un système d’alliance comprenant l’Allemagne sans exclure la France. L’Axe Paris-Berlin-Saint-Pétersbourg a failli voir le jour en octobre 1904. La France a refusé et le Tsar, dépendant des fonds français, n’a pas signé. En juillet 1905, deuxième tentative de rétablir une unité européenne avec l’Allemagne, la France et la Russie, lors de l’entrevue entre Guillaume II et Nicolas II dans l’île suédoise de Björkö. Ces entretiens ne relèvent que de la bonne volonté des deux monarques qui ne bénéficiaient d’aucun contre-seing ministériel. Une fois de plus, la France refuse, tablant sur son alliance anglaise et sur les avantages immédiats que lui procurait celle-ci au Maroc. Pour les Anglais, l’affaiblissement de la Russie, suite à sa défaite face au Japon, ne permettait plus aucune manoeuvre dangereuse en direction de l’Inde. Elle n’est donc plus l’ennemi principal.

 

Terrible année 1905

 

La Russie, battue par le Japon et fragilisée par les menées révolutionnaires, assouplit ses positions: elle est mûre pour entrer dans l’Entente franco-britannique, signée en 1904. Pire, à l’humiliation militaire succède un dissensus civil de nature révolutionnaire: dès juillet 1904, les nihilistes assassinent le ministre de l’intérieur Plehwe; en janvier 1905, une manifestation menée par le Pope Gapone tourne au carnage; en février 1905, c’est au tour du Grand-Duc Serge d’être assassiné; des troubles surgissent en Mandchourie sur l’arrière des troupes; en juin, des mutineries éclatent sur les bâtiments de la flotte de la Mer Noire, dont le fameux cuirassé Potemkine; en octobre 1905, Lénine organise un premier mouvement révolutionnaire à Saint-Pétersbourg, qui débute par une grève générale; les frondes paysannes procèdent à des “illuminations”, c’est-à-dire des incendies de châteaux ou de bâtiments publics, dans les provinces; les Baltes s’attaquent à l’aristocratie allemande et incendient ses domaines; en décembre 1905, Lénine frappe à Moscou mais les troupes sont revenues de Mandchourie et le mouvement bolchevique est maté. Witte, rappelé aux affaires, lance le “Manifeste d’Octobre”, promettant la création d’une Douma dûment élue et des réformes. En 1906, quand la Russie renonce à sa politique d’expansion extrême-orientale, quand elle accepte de nouveaux prêts français, les troubles intérieurs cessent “miraculeusement”; le Tsar, de “monstre” qu’il était, redevient un “brave homme”.

 

En 1907, Britanniques et Russes signent un accord sur le dos de la Perse des Qadjars décadents, se partageant le pays en zones d’influence. L’année suivante, 1908, est marquée par deux événements majeurs: l’annexion par l’Autriche de la Bosnie-Herzégovine et la révolution des “Jeunes Turcs”. En dépit des menées franco-britanniques pour créer la discorde entre Vienne et Saint-Pétersbourg, les relations austro-russes étaient au beau fixe. En juin, les Autrichiens envisagent de construire une voie ferrée à travers le Sandjak de Novi Pazar, afin d’organiser la péninsule balkanique selon leurs intérêts. Cette intention provoque imméditement un renforcement des liens entre la Russie et la Grande-Bretagne, suite à l’entrevue entre Nicolas II et Edouard VII à Reval. En juillet, les “Jeunes Turcs” triomphent, réclament une constitution et des élections, auxquelles sont conviés les habitants de Bosnie-Herzégovine, administrés par les Autrichiens mais toujours citoyens ottomans. La Russie craint que les “Jeunes Turcs” donnent une vitalité nouvelle à la Turquie, s’allient aux Français et aux Britanniques, comme lors de la Guerre de Crimée, et reprennent la vieille politique de verrouiller les Détroits. La révolution des “Jeunes Turcs” rapproche Autrichiens et Russes. Ährental et Iswolski, ministres des affaires étrangères, lors des accords secrets de Buchlau en Moravie, seraient convenus de la politique suivante: 1) L’Autriche-Hongrie abandonne ses projets ferroviaires dans le Sandjak de Novipazar; 2) Vienne promet de soutenir tous les efforts russes en vue de déverrouiller les Détroits. Forts de ces accords, les Autrichiens annexent en octobre 1908 la Bosnie-Herzégovine, sans en référer aux Italiens et aux Allemands, leurs alliés réels ou théoriques au sein de la Triplice. Les Bulgares en profitent pour se déclarer totalement indépendants de la Turquie. Les épouses monténégrines de deux Grands-Ducs russes et du Roi d’Italie, hostiles à Vienne, incitent les partis bellicistes et interventionnistes à combattre toute politique autrichienne dans les Balkans. Stolypine ne veut pas la guerre, oblige les bellicistes à la modération, mais la Russie n’a plus aucun appui en Europe pour soutenir ses visées sur les Détroits. Les diplomates  britanniques, tels l’Ambassadeur Nicolson et Sir Eyre Crowe, répandront la légende que les Autrichiens, et derrière eux, les Allemands, sont les seuls et uniques responsables du verrouillage des Détroits. En 1909, l’Angleterre appuie les prétentions françaises sur le Maroc, en échange d’une reconnaissance définitive de la prépondérance anglaise en Egypte.

 

De l’assassinat de Stolypine à l’attentat de Sarajevo

 

En 1911, avec l’assassinat de Stolypine par un révolutionnaire exalté, toutes les chances d’éviter un conflit germano-russe et austro-russe s’évanouissent. Sazonov, beau-frère de Stolypine et successeur d’Iswolski, opte pourtant pour une politique pacifiste et suscite une dernière entrevue entre Guillaume II et Nicolas II à Postdam, où Bethmann-Hollweg et Kiderlen-Wächter tenteront, pour la dernière fois, de sauver la paix, en proposant aux Russes de se joindre au projet de chemin de fer Berlin-Bagdad et de les associer à une future ligne ferroviaire dans le nord de la Perse. Mais les bellicistes ne désarmaient pas: l’ambassadeur russe à Belgrade, Hartwig, appuie le mouvement grand-serbe contre l’Autriche; Delcassé ordonne la marche des troupes françaises sur Fez au Maroc, bouclant ainsi la conquête définitive du royaume chérifain, où l’Allemagne perd tous ses intérêts; Lloyd George menace directement l’Allemagne. Celle-ci cède au Maroc, en acceptant, pour compensation, une bande territoriale qu’elle adjoindra à sa colonie du Cameroun. En Europe, elle est bel et bien encerclée. Le scénario est prêt: il n’attend plus qu’une étincelle; ce sera l’attentat de Sarajevo, le 28 juin 1914.

 

En 1918, quand l’Allemagne perd définitivement la guerre et que la Russie devient bolchevique, plusieurs voix s’élèvent, à gauche et à droite de l’échiquier politico-idéologique, pour réclamer une nouvelle alliance germano-russe. Ces tractations conduiront aux accords de Rapallo entre Tchitchérine et Rathenau (1922). L’Allemagne et la Russie maintiendront des rapports privilégiés, notamment sur le plan de la coopération militaire, jusqu’en 1935, date où Hilter décide de réintroduire le service militaire obligatoire, de réoccuper la Rhénanie et de relancer un programme de réarmement.

 

En 1936, avec l’Axe Rome-Berlin et la création du Pacte Anti-Komintern, les liens sont rompus avec la Russie soviétisée. Quand éclate la guerre civile espagnole, l’Allemagne soutient les nationalistes de “l’Alzamiento nacional” et l’URSS les Républicains du “Frente Popular”, qui comptent les communistes dans leurs rangs. Le soutien à Franco rapproche définitivement l’Allemagne de l’Italie, mais les communistes espagnols et leurs alliés soviétiques se désolidarisent du bloc, d’abord uni, du “Frente Popular” et se heurtent aux autres factions militantes de gauche, anarchistes et trotskistes (POUM), dans les territoires contrôlés par les Républicains espagnols, notamment à Barcelone, contribuant à la ruine définitive du “Frente Popular” et à l’effondrement de ses forces armées. Après la victoire du camp franquiste et l’émiettement du camp des gauches, tout est en place pour rapprocher l’Axe, et plus particulièrement l’Allemagne, de l’URSS. En août, le fameux Pacte germano-soviétique, ou Pacte Ribbentrop-Molotov, est signé à Moscou. L’Allemagne est libre pour tourner toutes ses forces vers l’Ouest, tout en recevant pétrole et céréales soviétiques. L’idylle durera jusqu’en 1941, quand Molotov, déjà inquiet de la politique balkanique des Allemands, ne peut admettre leur contrôle définitif de la Yougoslavie et de la Grèce. Ces dissensus, renforcés par les menaces réelles que les Anglais faisaient peser sur le Caucase à portée des appareils de la RAF, constituent les préludes de l’Opération Barbarossa, déclenchée le 22 juin 1941. Les rapports germano-russes entre 1918 et 1945 méritent à eux seuls qu’on leur consacre un séminaire entier. Ce n’est pas notre propos aujourd’hui. C’est pourquoi je demeurerai bref sur ce thème pourtant capital afin de comprendre la dynamique du siècle (9).

 

Pas d’Europe libre si la bipolarité Est/Ouest persiste

 

Après 1945, la Guerre Froide s’installe avec le blocus de Berlin et le coup de Prague. Elle durera plus de quarante ans, imprègnera les esprits car tous imaginaient que cette situation allait perdurer pour les siècles des siècles. Dans ce contexte bipolaire, où l’idéologie semblait dominer, l’Europe était coupée en deux, l’Allemagne était traversée par un Rideau de Fer et partagée en deux républiques antagonistes; le Danube, artère centrale de l’Europe, était bloqué peu après Vienne; l’Elbe, principal fleuve de la plaine nord-européenne, qui mène de Prague à Hambourg, était coupée dès l’hinterland immédiat de ce grand port. Une telle Europe n’était plus qu’un comptoir atlantique. Dans les années 50, elle possédait encore pleinement son poumon extérieur colonial. Dès la décolonisation des premières années des “Golden Sixties”, ce poumon n’est plus garanti et le palliatif des multinationales, qui créent de l’emploi et remplacent les vocations coloniales, plonge l’Europe dans une dépendance dangereuse. Voilà le contexte politique international dans lequel émergera la conscience politique de ma génération. Pour ma part, elle émergera cahin-caha à partir de mes quatorze ans; après cinq ou six années de tâtonnements, vers 1975-76, nos groupes informels, plutôt des groupes de copains, inspirés par la postérité de l’école des cadres de “Jeune Europe”, innervés par de nouvelles lectures et stimulés par de nouvelles donnes politiques, en arrivent à la conclusion générale qu’il est impossible de donner un avenir libre à la portion occidentale de l’Europe si la bipolarité Est/Ouest persiste.

 

Dans le contexte belge, Pierre Harmel avait tenté une ouverture à l’Est, en multipliant les rapports bilatéraux entre la Belgique et de petites puissances du bloc communiste, telles la Pologne, la Roumanie ou la Hongrie. Il agissait de manière pragmatique, sans s’aligner sur la France de De Gaulle, qui, en tant que France, demeure toujours un danger pour l’intégrité psychologique et territoriale de notre pays (qui est, avec le G.D. du Luxembourg et avec ses frontières complètement démembrées au sud, le dernier lambeau indépendant du Grand Lothier de médiévale mémoire). Harmel n’imitait pas pour autant l’Ostpolitik de Willy Brandt, avec son discours empreint de ce sens allemand de la culpabilité, qui, en Belgique, n’était évidemment pas de mise. Harmel entendait restituer une “Europe Totale”, détacher le sous-continent de la logique figée des blocs. Ces efforts furent malheureusement de courte durée et, dans son propre parti, on ne l’a guère suivi. Après l’ère Harmel, l’ère Vanden Boeynants est arrivée, avec une politique atlantiste, pro-OTAN et philo-américaine. Plus tragique bien que moins visible: l’échec du “harmélisme” diplomatique signifie aussi la fin du catholicisme politique cohérent en Belgique, héritier de la tradition bourguignonne et impériale hispano-autrichienne. La Belgique oublie alors qu’elle a incarné cette tradition dans l’histoire de ces cinq derniers siècles, avec un brio inaltérable, et elle accepte, avec “Polle Pansj” (“Popol Boudin”, alias Vanden Boeynnants) et ses successeurs, le statut misérable de petit pion subalterne sur l’échiquier atlantiste. 

 

Kissinger “drague” la Chine de Mao

 

Dans ce contexte, postérieur aux agitations de 1968, la donne générale, sur l’échiquier international, était en train de changer: pour disloquer le bloc communiste eurasien, reposant sur le pilier chinois et le pilier soviétique, pour embrayer sur un conflit bien réel qui venait de surgir au sein de ce bloc rouge, soit la guerre chaude sino-soviétique le long du fleuve Amour, la diplomatie américaine de Kissinger, posant pour principe que Moscou demeure et restera l’ennemi principal, va “draguer” la Chine de Mao et nouer avec elle, dès 1971-72, des relations diplomatiques normales, tout en la soutenant en Asie orientale contre l’URSS. Cette diplomatie repose, une fois de plus, sur les théories géopolitiques de Mackinder et de ses disciples: dans l’optique de ces théories, il convient, le cas échéant, de soutenir une puissance du rimland (ou “inner crescent”), ou une alliance de moindres puissances du rimland, contre la puissance détentrice de la “Terre du Milieu”. Les maoïstes de mai 68 basculeront partiellement dans le camp américain contre les “mouscoutaires”: Washington avait déjà déployé ses propres “communistes”, principalement d’obédience trotskiste ou issus de l’ancien POUM de la Guerre Civile espagnole; à ceux-ci s’adjoindront bientôt des maoïstes, forts de la nouvelle alliance Washington/Pékin.

 

Avec la disparition, à l’avant-scène, de Harmel et de sa politique des rapports bilatéraux entre petites puissances du bloc occidental et petites puissances du bloc oriental, et avec la disparition, dans les marges militantes de la politique, de “Jeune Europe” de Jean Thiriart, qui visait une libération de notre sous-continent des tutelles américaine et soviétique, aucun champ d’action politique réel et concret ne s’offrait encore à nous. Nous vivions les prémisses de la “Grande Confusion”, avec des lignes de fracture qui scindaient désormais tous les camps qui avaient été présents sur le terrain avant la réconciliation sino-américaine. Cette grande confusion frappait essentiellement les groupes activistes de gauche mais ne permettait pas davantage de clarté dans les petites phalanges européistes et nationales révolutionnaires.

 

Rapprochement euro-russe, seule solution viable

 

Dans l’optique de la mouvance “Jeune Europe” des années 60, les deux superpuissances étaient posées et perçues comme également nuisibles à l’éclosion d’une Europe libre. Quand Washington se rapproche de la Chine et que le bloc rouge se scinde en deux puissances antagonistes, “Jeune Europe” ne peut plus préconiser ni des alliances ponctuelles et partielles entre petites puissances des deux blocs (comme lors du voyage de Thiriart en Roumanie) ni une alliance de revers avec la Chine pour obliger l’URSS à lâcher du lest en Europe danubienne. Le bloc sino-américain devient une menace pour l’Europe et, ipso facto, un rapprochement euro-russe apparaît comme la seule solution viable à long terme pour les tenants de la Realpolitik. Ce pas, le Général italien e.r. Guido Gianettinni, Jean Thiriart et l’écrivain franco-roumain Jean Parvulesco le franchiront, en étayant leurs positions d’arguments solides.

 

Entre-temps, en 1975, les Etats-Unis abandonnent le Sud-Vietnam exsangue au Nord vainqueur et pro-soviétique et déclenchent aussitôt, avec leurs nouveaux alliés chinois, une guerre sur la frontière sino-tonkinoise et arment, via la Chine, le Cambodge de Pol Pot pour harceler en Cochinchine le nouveau Vietnam réunifié. Le Vietnam sera ainsi neutralisé et cessera d’être une “poche de résistance” sur le rimland du Sud-Est asiatique, désormais étendu à la Chine, comme c’était prévu d’ailleurs sur toutes les cartes dessinées par l’école anglo-saxonne de géopolitique de Mackinder à Lea et à Spykman. Plus personne, aujourd’hui, surtout dans les jeunes générations, ne s’imagine encore quel était l’état de confusion mentale au sein des gauches militantes, où se disputaient âprement mouscoutaires, trotskistes, maoïstes pro-albanais, autogestionnaires titistes, maoïstes anti-soviétiques, partisans et adversaires de Pol Pot ou de Ho Chi Minh. Ce chaos a scellé la fin de la gauche militante classique entre 1975 et 1978-79, quand l’émiettement en chapelles antagonistes ne permettait plus de faire émerger un bloc politique offensif et viable. Les gauches dures, juvéniles et révolutionnaires, sont mortes, faute d’avoir eu un raisonnement géopolitique cohérent. Pire, parce qu’elles avaient auparavant accepté des raisonnements géopolitiques étrangers à leur propre nation ou nation-continent.

 

Carter et les “droits de l’homme”, Reagan et l’ “Empire du Mal”

 

Avec l’arrivée au pouvoir du démocrate Jimmy Carter à Washington en 1976, nous entrons de plein pied dans la période de gestation de l’univers mental qui règne aujourd’hui et qui est de  plus en plus ressenti comme étouffant. Les termes fétiches de la “political correctness” se mettent en place, avec l’introduction de la diplomatie dite des “droits de l’homme” et avec une opposition républicaine qui s’aligne sur les thèses du néo-libéralisme, par ailleurs propagées par Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. En 1979, celle-ci inaugure l’ère néo-libérale qui prend fin avec la crise de cet automne 2008. En 1980, quand Reagan accède à la présidence américaine, sa version du néo-libéralisme, les “reaganomics”, vont étayer et non effacer la diplomatie cartérienne des “droits de l’homme”, et la mettre à la sauce apocalyptique en évoquant un “empire du Mal”, prélude à “l’Axe du Mal” de Bush junior.

 

En Europe, le discours sur les “droits de l’homme” oblitère tout et une partie de la gauche militante émiettée, orpheline, va marcher dans le sens de ce nouveau “subjectivisme” bien médiatisé, base philosophique première de la méthodologie hyper-individualiste du néo-libéralisme de Hayek, Friedmann, etc. Le moteur de cette nouvelle synthèse, dans une France marquée par l’étatisme gaulliste et communiste, sera le discours des “nouveaux philosophes”, porté essentiellement, en ces années-charnières, par deux écrits de Bernard-Henry Lévy, “Le Testament de Dieu” et “L’idéologie française”. Ce dernier constituant un véritable instrument de diabolisation de toutes les forces politiques françaises car, toutes, indifféremment, porteraient en elles les germes d’un fascisme ou d’une dérive menant à un univers concentrationnaire.

 

Les ingrédients idéologiques des deux manifestes de Lévy, dont les assises philosophiques sont finalement bien ténues, vont houspiller dans la marginalité politico-médiatique les discours plus militants de mai 68 et aussi, ce qui est plus grave parce que plus stérilisant, tout cet ensemble de pensées, de théories et de réflexions que Ferry et Renaud appelleront la “pensée 68”. Cette dernière constitue un dépassement intellectuel séduisant du simple militantisme étudiant et ouvrier de l’époque, qui était imbibé de ces vulgates rousseauistes et communistes (typiquement françaises) et avait reçu la bénédiction du vieux Sartre (“ne pas désespérer Billancourt”).

 

Potentialités de la “French Theory”, magouilles des “nouveaux philosophes”

 

Cette “pensée 68”, que les universitaires américains nomment dorénavant la “French Theory”, englobe Deleuze, Guattari, Lyotard et Foucault: elle est accusée, en gros par ses critiques parisiens, néo-philosophes à la Lévy ou néo-quiétistes à la Comte-Sponville, inquisiteurs tonitruants ou apologètes doucereux du ronron consumériste, de privilégier dangereusement la “Vie” contre le “droit”, d’opter tout aussi dangereusement pour des méthodologies généalogisantes et archéologisantes de nietzschéenne mémoire, etc. Pour le réseau, finalement assez informel, des “nouveaux philosophes”, “maîtres penseurs” allemands du 19ème (Glucksmann) et phares de la “French Theory” doivent céder la place à “un marketing littéraire et philosophique” (selon la critique cinglante que fit Deleuze de leur pandémonium médiatique), soit à un “prêt-à-penser” bien circonscrit qui se pose comme l’attitude intellectuelle indépassable qui va mettre bientôt un terme définitif aux horreurs de l’histoire, qui déboucheraient invariablement sur l’univers concentrationnaire décrit par Soljénitsyne dans “L’Archipel Goulag”. Les “nouveaux philosophes” et assimilés sont les “vigilants” qui veillent à ce qu’advienne la fin de l’histoire (Fukuyama) et que l’humanité aboutisse enfin à la grande quiétude antitotalitaire. La clique parisienne des “nouveaux philosophes” et assimilés entend représenter “l’espérance radicale de la disparition du mal”. L’antithèse de la pensée des maîtres penseurs, qui génèreraient l’univers concentrationnaire, se trouve tout entière concentrée dans le discours sur les droits de l’homme, inauguré par Carter, et constitue l’instrument premier pour lutter contre “l’Empire du Mal” et tous ses avatars, comme le voulaient Reagan et, plus tard, le père et le fils Bush. Le discours des “nouveaux philosophes” correspond donc bel et bien aux objectifs généraux de l’impérialisme américain, et son apparition dans le “paysage intellectuel français” n’est certainement pas l’effet du hasard: on peut sans trop d’hésitation le considérer comme une production habile et subtile des agences médiatiques d’Outre-Atlantique, fers de lance du “soft power” américain.

 

Ce glissement idéologique hors du questionnement inquiétant de la “French Theory”, a été systématiquement appuyé par les médias, qui ont écrasé toutes les nuances et les subtilités du discours politico-idéologique, pire, ne les tolèrent plus au nom d’une tolérance préfabriquée; il s’est opéré dès l’avènement de Thatcher au pouvoir à Londres et s’est considérablement renforcé quand Reagan a accédé à la Présidence américaine. Le passé maoïste militant de certains exposants, majeurs ou mineurs, de la “nouvelle philosophie” de Glucksmann, Lévy et autres homologues avait permis à Guy Hocquenghem d’ironiser dans une “Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary”. L’image est aussi pertinente que percutante: des maoïstes, jadis rabiques admirateurs sans fard des excès de la “révolution culturelle”, sont effectivement devenus “salonfähig”, dès le rapprochement sino-américain de la première moitié des “Seventies”. Dénominateur commun: l’anti-soviétisme. Ce soviétisme que leurs camarades trotskistes appelaient, pour leur part, le “panzercommunisme”. Donc, on peut aisément conclure que nos anciens révolutionnaires trotskistes ou maoïstes des barricades parisiennes avaient bien davantage que quelques points en commun avec Zbigniew Brzezinski. Celui-ci, rappellons-le, était l’avocat, au sein de la diplomatie américaine, d’une nouvelle alliance avec la Chine et le principal partisan d’une destruction de l’URSS par démantèlement de ses glacis caucasiens et centre-asiatiques. Plus tard en Afghanistan, il préconisera une alliance avec les mudjahiddins et, finalement, avec les talibans.

 

Le grand retour de la pensée slavophile

 

En Union Soviétique, la période qui va de 1978 à 1982 (année de la disparition de Brejnev) est marquée par une tout autre évolution intellectuelle. On assistait à une véritable “révolution conservatrice”, à un retour aux sources de la “russéité”, aux linéaments de la slavophilie du 19ème siècle, à un retour de Dostoïevski. La figure emblématique de ce renouveau “völkisch” (folciste) et slavophile a été sans conteste l’écrivain Valentin Raspoutine (10). Pour cet écrivain aux accents ruralistes, les notions de mémoire, de souvenir, de continuité sont cardinales et primordiales. Pour Raspoutine, la conscience n’est telle que parce qu’elle se souvient et s’inscrit dans des continuités imposées par le flux vital (et donc par l’histoire particulière du peuple dont le “je” fait partie). Une action humaine n’est justifiable moralement que si elle s’imbrique dans une continuité, que si elle lutte contre les manigances de ceux qui veulent, par intérêt particulier ou égoïste, provoquer des discontinuités. Le thème littéraire du déracinement et de l’aliénation (par rapport aux origines) implique celui de la perte simultané de l’intégrité morale. On l’avait déjà lu chez le Norvégien Knut Hamsun. L’oubli de son propre passé plonge l’homme dans la dépravation morale, la laideur d’âme.

 

Cette position philosophique fondamentale heurte de front les idéologies modernes de la “tabula rasa”, dont le communisme fut l’avatar le plus caricatural. Du jacobinisme ou du babouvisme français de la fin du 18ème siècle au communisme, court, sans discontinuité aucune, un fil rouge qui ne produit rien de bon, rien que germes et bacilles de déclin et de dépravation. Au moment où l’Union Soviétique atteignait son apogée, le faîte de sa puissance, et justifiait son existence et ses succès par une idéologie “progressiste” qui avait la prétention de laisser derrière elle tous les legs du passé, émergeait au sein même de la société soviétique un éventail de thèmes littéraires dont la teneur philosophique était radicalement différente de l’idéologie officielle. Je me souviens encore, dans ce contexte, avoir acheté, à la “Librairie de Rome”, avenue Louise, et à la “Librairie du Monde Entier”, gérée par le PCB, un exemplaire de “Sciences sociales”, revue de l’Académie de l’Union Soviétique, avec un long article de Boris Rybakov sur le paganisme russe avant la conversion au christianisme, et l’exemplaire de “Lettres soviétiques” consacré à la réhabilitation de Dostoïevski et édité, à l’époque, par Alexandre Prokhanov, l’éditeur de “Dyeïenn” et “Zavtra”, que j’allais rencontrer à Moscou en 1992. Les textes de Rybakov paraîtront dans les années 90 aux PUF.

 

“Occidentalistes” et “Slavophiles” dans la dissidence et dans l’établissement

 

Outre les articles de Wolfgang Strauss en Allemagne (11), l’ouvrage le plus significatif, à l’époque, qui explicitait, en le critiquant de manière fort acerbe, ce renouveau slavophile était dû à la plume d’un dissident exilé aux Etats-Unis: Alexander Yanov (graphie allemande: Janow), attaché à l’Institute of International Studies de Berkeley (Université de Californie). Pour donner ici les grandes lignes de l’ouvrage de Yanov (12), disons qu’il subdivisait, de manière assez binaire, le paysage politico-intellectuel de l’URSS de Brejnev, comme le champ d’affrontement entre “Zapadniki” (“occidentalistes”) et “Narodniki” (“populistes” voire “völkische/folcistes” ou, plus exactement, ce que nous appellons, nous, en Flandre, les “volkgezinden” ou au Danemark, les “folkeliger”). Yanov, émigré aux Etats-Unis se posait incontestablement comme un occidentaliste et fustigeait les nouveaux Narodniki ou néo-slavophiles, en les campant comme “dangereux”. Yanov, cependant, expliquait à ses lecteurs américains que la dissidence soviétique comptait en son sein des “zapadniki” et des “narodniki” (dont il convenait de se défier, bien entendu!), tout comme dans les hautes sphères du pouvoir soviétique où se côtoyaient également occidentalistes et populistes. Parmi les grandes figures qui tendaient vers le populisme, Yanov comptait Soljénitsyne. Sa conclusion? En URSS, fin des années 70, les populistes et les étatistes avaient gagné du terrain, par rapport aux occidentalistes, et constituaient in fine la force métapolitique majeure en Union Soviétique, une force certes non officielle et sous-jacente, mais néanmoins déterminante. Cette domination implicite des “Narodniki” sur les esprits devait, selon Yanov et bon nombre de dissidents occidentalistes, inciter les Etats-Unis et les atlantistes à la vigilance car, communiste ou non, la Russie demeurait un danger parce que son essence était intrinsèquement “dangereuse”, rétive aux formes “civilisées” de la gouvernance à l’occidentale ou à l’anglo-saxonne. Cette attitude “russophobe”, Soljénitsyne la fustigera avec toute la véhémence voulue, dans son tonifiant pamphlet “Nos pluralistes”. Nous nous empressons d’ajouter que la critique du “narodnikisme” sous toutes ses formes, nouvelles ou anciennes, et que les tirades haineuses que Soljénitsyne lui-même a dû essuyer, démontrent, toutes, que la russophobie qui visait les tsars du dix-neuvième siècle ou qui se profilait derrière un certain anti-soviétisme n’est pas prête à disparaître dans les discours occidentaux.

 

L’époque de la fin du brejnevisme était donc marquée par la nouvelle alliance sino-américaine, par le déploiement des thèses de Brzezinski chez les stratégistes du Pentagone et des services secrets, par la mise en place d’une russophobie déjà post-soviétique dans ses grandes lignes, et ensuite par l’alliance entre les Etats-Unis et les fondamentalistes wahhabites et, enfin, par l’élimination du Shah avec la création, de toutes pièces, d’un chiisme fondamentaliste et offensif en Iran. La carte du monde s’en trouve sensiblement modifiée: la cassure nette et duale, propre de l’hégémonisme duopolistique de Yalta, fait place à une plus grande complexité, notamment par l’avènement du facteur islamiste, voulu, dans un premier temps, par les stratégistes américains. Forts de cette alliance avec les mudjahhidins afghans, armés de missiles Stinger, les Etats-Unis tentent d’avancer leurs pions en Europe en déployant leurs fusées Pershing en Allemagne, face aux SS-20 soviétiques. En cas d’affrontement direct entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie, l’Allemagne, le Benelux, l’Autriche, l’Alsace et la Lorraine risquaient d’être vitrifiés. Cette éventualité, peu rassurante, fit aussitôt renaître en Allemagne le mouvement neutraliste, oublié depuis les années 50. Pour nous, le mouvement neutraliste a été incarné principalement par la revue allemande “Wir Selbst”, fondée en 1979 par Siegfried Bublies dans l’intention de dégager le mouvement national de sa cangue passéiste, de ses nostalgies stériles et de ses rodomontades ridicules. Bublies entretenait en Flandre des relations amicales avec les fondateurs de la revue “Meervoud” qui existe toujours.

 

De la rhétorique des “droits de l’homme” à la guerre permanente

 

Le combat contre le déploiement des missiles en Europe a connu son apogée dans les années 1982-83, portée essentiellement par une gauche pacifiste, que l’on accusait d’être “crypto-communiste” et, par conséquent, d’être stipendiée par Moscou. Mais cette hostilité au bellicisme de l’OTAN n’était pas le propre des seuls mouvements pacifistes de gauche et d’extrême gauche. Ailleurs sur l’échiquier politique, bon nombre d’esprits s’inquiétaient des nouvelles rhétoriques cartériennes et reaganiennes, qui contaminaient les milieux libéraux et conservateurs, voire d’extrême droite, et avaient pour corollaire évident de miner les principes de la diplomatie traditionnelle. En effet, la rhétorique des “droits de l’homme”, maniée dans les médias par les démocrates cartériens et les “nouveaux philosophes”, ruinait le principe cardinal de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats, propre de la diplomatie traditionnelle. Quand le Républicain Reagan ajoute à cette pernicieuse rhétorique “immixtionniste”, le langage apocalyptique des fondamentalistes religieux américains, les principes de la diplomatie metternichienne, la logique des traités de Westphalie et de Vienne, reculent encore d’une case. Le processus de déliquescence de la diplomatie classique s’achèvera quand les néo-conservateurs de l’entourage de Bush-le-Fils, décrèteront tout de go que le respect de ces principes est un “archaïsme frileux”, indigne des Américains, posés comme “les fils virils du dieu Mars”, et l’indice le plus patent de la lâcheté de la “Vieille Europe”, gouvernée par “les pleutres fils de la déesse Vénus”. Pour nous, à partir de 1983-84, ce sera le Général Jochen Löser, ancien Commandeur de la 24ème Panzerdivision de la Bundeswehr, qui énoncera les lignes directrices de nos argumentaires (13) : la rhétorique des “droits de l’homme” rend impossible l’exercice de la diplomatie classique; les dissensus internes, qu’elle exploite via les médias et les agences qui les informent, ne trouvent plus aucune solution équilibrée, s’en trouvent pérennisés, inaugurant de la sorte des cycles de “guerres longues”; les “droits de l’homme”, contrairement aux apparences, n’ont pas été hissés au rang d’idéologie dominante pour faire triompher sur la planète entière un humanisme de bon aloi, mais pour amorcer un processus infini de guerres, de révolutions et de troubles.

 

Le mouvement neutraliste, tel que nous le concevions au début des années 80, reposait donc sur trois piliers: 1) le refus du déploiement de missiles en Europe, afin d’éviter la transformation définitive de notre sous-continent en “son et lumière”; 2) le refus de perpétuer la logique des blocs, avec la dissolution de l’OTAN et du Pacte de Varsovie et la création d’un vaste espace neutre en Europe centrale, de la Mer du Nord à Brest-Litovsk et de la Laponie à l’Albanie; cet espace neutre devait organiser un système défensif performant sur le mode helvétique; il ne refusait donc ni les forces armées ni le principe du citoyen-soldat à l’instar des pacifistes de gauche; 3) il entendait revenir aux principes de la diplomatie classique et refusait de ce fait d’embrayer sur les discours imposés par les médias (ou le “soft power”). Le neutralisme, en prenant le contre-pied du prêt-à-penser médiatique, s’avérait un espace de liberté, face à la “novlangue” planétaire, si bien fustigée par George Orwell dans “1984”.

 

Nous avons eu la naïveté de croire à l’avènement d’une “Maison Commune” européenne

 

Si le mouvement neutraliste avait pu distiller ses arguments pendant une période plus longue, imprégner plus durablement les esprits, la pensée politique diffuse en Europe aurait pu générer des anti-corps. Mais l’effervescence anti-missiles et les réflexions neutralistes se sont étalées sur quatre années seulement. Dès 1984-85, Gorbatchev lance deux idées: celle, très positive, de “Maison Commune européenne” et, celle, double, de “perestroïka” et de “glasnost”, de réforme et de transparence. Ce changement de discours à Moscou mine définitivement le communisme soviétique traditionnel. Entre 1989 et 1991, en effet, le communisme en tant que bloc monolithique disparaît du paysage politique international. Notre conclusion à l’époque: s’il n’y a plus de communisme, il ne peut plus y avoir d’animosité à l’endroit des peuples d’au-delà de l’ancien Rideau de Fer. Les motifs d’un conflit éventuel n’existaient plus. Nous avons eu la naïveté de croire à l’avènement d’une Maison Commune européenne pacifiée, à l’ouverture d’une ère marquée par un esprit plus ou moins équivalent à celui qui se profilait derrière l’idée de paix perpétuelle chez Kant.

 

Rapidement, l’idée universaliste armée du communisme soviétique allait faire place à un néo-conservatisme, dérivé de la matrice du trotskisme américain et new-yorkais. Alliant le néo-libéralisme, nouvelle grande idéologie universaliste, à ce trotskisme fidèle à la notion de révolution permanente mais habilement masqué par une phraséologie conservatrice et puritaine, le néo-conservatisme va se  consolider en deux étapes: la première, avec Reagan, constituera un “mixtum” de paléo-conservatisme, d’anti-fiscalisme, de néo-libéralisme et, en politique internationale, d’une diplomatie en apparence plus classique qu’avec les droits de l’homme de Carter mais néanmoins érodée par une phraséologie apocalyptique (l’Empire du Mal, etc.). Reagan prend finalement le relais de Nixon, dernier président américain à avoir appliqué plus ou moins correctement les règles de la diplomatie classique. Mais, tout en prenant le relais de Nixon, il doit tenir compte des acquis ou des avancées de l’anti-diplomatie cartérienne, basée sur l’idéologie des droits de l’homme. Cependant, le langage apocalyptique s’atténuera pendant son second mandat.

 

Le néo-conservatisme crypto-trotskiste met un terme définitif à la diplomatie classique

 

Avec Bush le père commencent les tentatives de forcer la main aux instances internationales et de passer à de véritables offensives sur le terrain, la Russie d’Eltsine n’opposant aucun veto crédible. Clinton renouera, notamment pendant la Guerre des Balkans contre la Serbie, avec l’idéologie des droits de l’homme, prétendument bafouée par Milosevic dans la province du Kosovo. Avec Bush le fils, le néo-conservatisme crypto-trotskiste met un terme définitif à la diplomatie classique, la brocarde comme une “vieillerie” incapacitante, propre justement de la “Vieille Europe” et de la Russie (posée souvent comme “stalinienne” ou “néo-stalinienne” depuis l’avènement de Vladimir Poutine). Ce rejet de la diplomatie classique et des règles de bienséance internationale est l’indice le plus patent qui permet de démontrer, outre les liens et itinéraires personnels des exposants majeurs du  néo-conservatisme, que le néo-conservatisme est en réalité un trotskisme dans la mesure où il affine la notion de “révolution permanente” en abolissant toutes les règles en vigueur, toutes les règles communément acceptées, et en recréant un monde incertain, où le recours aux guerres et aux invasions redevient un mode de fonctionnement tout à fait naturel et acceptable. Le “Big Stick Policy” de Teddy Roosevelt est désormais au service d’une bande trotskiste qui entend plonger le monde dans un chaos permanent (assimilé à la “révolution”).

 

C’est uniquement avec le recul que l’on perçoit clairement les vicissitudes de cette politique américaine et son jeu d’avancées et de reculs, camouflé par l’alternance des Démocrates et des Républicains au gouvernail du pouvoir. L’accession à la magistrature suprême aux Etats-Unis de Bush le père constitue aussi l’arrivée des pétroliers texans qui savent à tout moment se souvenir que la puissance américaine dérive du contrôle des hydrocarbures dans le monde, et en particulier dans la péninsule arabique et le Golfe Persique. La crainte d’un prochain “pic” pétrolier implique la volonté de contrôler le maximum de puits dans cette région afin de garantir l’hégémonie globale de Washington, au moins jusqu’à la fin du 21ème siècle. D’où le projet PNAC (“Project for a New American Century”). Les chanceleries européennes savent parfaitement que l’Amérique entend perpétuer son hégémonisme en contrôlant les sources d’hydrocarbures moyen-orientales au détriment de toutes les autres puissances du globe et que le rejet de la diplomatie classique finit par être un “modus operandi” commode pour imposer sa volonté sans discussion ni débat ni concertation. Mais ces mêmes chanceleries sont incapables d’opposer, par manque de volonté et de cohérence intellectuelle, par fascination imbécile du modèle américain, une métapolitique européenne générale, un “soft power” européen capable de distiller dans les esprits, via les médias, des raisonnements et de “grandes idées incontestables” contrairement à leur homologue américaine, “grandes idées incontestables” véhiculées par les grandes agences médiatiques d’Outre Atlantique.

 

Les “blanches vertus” du démocratisme planétaire

 

L’Amérique est maîtresse du monde non seulement parce qu’elle contrôle les hydrocarbures mais aussi et surtout parce qu’elle forge, répand et impose les opinions dominantes dans le monde, spécialement en Europe. En 1999, quand le “bon apôtre” Clinton, posé comme tel parce que “démocrate” donc de “gauche”, lance ses bombardiers contre Belgrade, les pays européens de l’OTAN emboîtent le pas sans régimber. Depuis Franklin Delano Roosevelt, le démocrate qui avait lancé la croisade contre l’Europe allemande en 1941, la “bonté” politique, les blanches “vertus” du démocratisme planétaire sont incarnées, avant tout, par les démocrates américains. Par conséquent, si on ne suit pas leurs injonctions, on plonge dans le “mal”, dans le “crypto-nazisme” ou dans une résurgence quelconque de l’hitlérisme. Cet immense simplisme est profondément ancré dans les mentalités contemporaines et malheur à qui tente de l’extirper comme une mauvaise herbe! De fait, les réseaux pro-américains sont nés, en Europe, dans les années 40, sous l’impulsion de l’Administration Roosevelt, d’obédience démocrate; l’atlantisme militant avait au départ un ancrage plutôt social-démocrate (à l’exception de Schumacher en Allemagne de l’Ouest), que conservateur ou même libéral au sens européen du terme à l’époque.

 

La participation des pays européens de l’OTAN, France chiraquienne comprise, aux bombardements des villes serbes, est l’indice d’un parfait “écervèlement politique”: la politique de Clinton et de son adjointe Madeleine Albright (qui a eu pour étudiante Condoleezza Rice; vous avez dit continuité?) réintroduisait indirectement la Turquie dans les Balkans, en détachant de la Serbie comme de la Croatie, et en dépit des peuplements serbes ou croates, les anciennes provinces ottomanes du tronc commun, induisant ainsi l’émergence d’une “dorsale islamique” de la Méditerranée à l’Egée et à la Mer Noire. Tous les Etats voisins s’en trouvaient fragilisés: la Macédoine, la partie de la Grèce entre Thessalonique et la frontière turque, la Bulgarie qui compte de dix à quinze pourcents de musulmans, souvent ethniquement turcs, sans compter la sécession du Kosovo, prévisible dès 1998. De plus, les minorités non musulmanes au sein des nouveaux Etats majoritairement musulmans sont menacées à  terme en Albanie, au Kosovo, en Macédoine.

 

La création délibérée du chaos dans les Balkans n’est pas une politique démocrate, qui s’opposerait à une politique républicaine antérieure. Elle s’inscrit bien au  contraire dans une parfaite continuité. Bush le père, Républicain, installe ses troupes en lisière de l’Irak de Saddam Hussein, contrôle l’espace aérien irakien et prépare ainsi la seconde manche, soit l’invasion totale de l’Irak, qui aura lieu, sous le règne de son fils, en 2003. Clinton, Démocrate, lui, s’empare du tremplin de l’Europe en direction du Proche et du Moyen Orient depuis l’épopée d’Alexandre le Grand. La maîtrise des Balkans et celle de la Mésopotamie participent d’une seule et même stratégie grand-régionale. L’empire macédonien-hellenistique d’Alexandre le Grand, l’empire ottoman ont toujours maîtrisé à la fois les Balkans et la Mésopotamie au faîte de leur puissance. C’est une loi de l’histoire. Les stratégistes américains s’en souviennent.

 

Les réseaux pro-américains étaient au départ socialistes

 

La guerre contre la Yougoslavie résiduaire de Milosevic en 1999, premier conflit de grande envergure en Europe depuis 1945, est donc le fait d’un président et d’une équipe issus du parti démocrate américain. C’est la raison pour laquelle les puissances européennes, grandes et petites, ont suivi comme un seul homme, contrairement à ce qui allait se passer en 2003, lors de l’invasion de l’Irak. Cette unanimité s’explique tout simplement parce que l’Europe place toujours sa confiance dans une Amérique démocrate, en se méfiant de toute Amérique républicaine. Pourquoi? Parce que, je le répète, les réseaux pro-américains ont émergé, lors de la seconde guerre mondiale, sous la double impulsion du Président américain et de son épouse Eleonor et que l’atlantisme militant, le “spaakisme” dit chez nous le Prof. Coolsaet de l’Université de Gand, avait un ancrage socialiste plutôt que conservateur (Pierre Harmel s’efforcera au contraire de se dégager de la logique des blocs, que Spaak avait bétonné).

 

En transformant le tremplin balkanique en une zone contrôlée par les Etats-Unis, le tandem Clinton/Albright neutralisait la région à son profit: celle-ci n’allait plus pouvoir constituer un atout pour le bloc centre-européen germano-centré ni pour une Russie régénérée qui aurait fait valoir ses anciens intérêts dans les Balkans. En 1999, l’Europe a perdu tous les atouts potentiels qu’elle avait gagnés à partir de 1989. Elle les a perdus parce qu’elle n’a pas cultivé le sens de son unité, parce qu’elle n’a pas une vision claire de son destin géopolitique. En 2001, suite aux “attentats” de New York, l’Amérique parachève son projet “alexandrin” en s’emparant rapidement de la zone orientale de l’antique Empire du chef macédonien. En 2003, lorque le fils Bush entend terminer le travail de son père en Mésopotamie, l’Europe semble se réveiller et crée autour de Paris, Berlin et Moscou un front du refus que les services américains fragilisent aussitôt en semant le dissensus entre cet “Axe”, nouveau et contestataire, et de petites puissances comme les Pays-Bas, la Pologne, la République Tchèque et les Pays Baltes, tout en bénéficiant de l’appui de la Grande-Bretagne et de la pusillanimité de l’Espagne et de l’Italie. On se souviendra de la distinction opérée entre “Vieille Europe”, aux réflexes dictés par la diplomatie classique, et “Nouvelle Europe”, alignée sur la logique du fait accompli des néo-conservateurs.

 

“Révolutions colorées” et pétrole

 

Les services américains et le soft power de Washington, vont s’activer pour vider l’Axe Paris Berlin Moscou de son contenu: de Villepin en France est éliminé de la course à la présidence, à la suite d’un dossier de corruption sans doute préfabriqué, au bénéfice de Sarközy, qui mènera, comme on le sait, une politique pro-atlantiste. Le social-démocrate allemand Schröder devra céder la place à Angela Merkel, plus sceptique face au bloc continental européen, plus prompte à tenir compte des exigences des Etats-Unis. Schröder demeure toutefois en place, en gérant de main de maître les relations énergétiques entre l’Allemagne et la Russie. Les révolutions orange, qui ont éclaté en Ukraine, en Géorgie, en Serbie (avec “Otpor”) ou au Kirghizistan ne sont donc pas les seules interventions des services et du soft power: en Europe occidentale aussi la politique est manipulée en sous-main, l’indépendance nationale et/ou européenne minée à la base dès qu’elle tente de s’affirmer, par le biais de la manipulation des élections et des factions. Dans l’avenir, un bloc européen indépendant devrait s’abstenir de reconnaître les gouvernements issus de “révolutions colorées”.

 

En Géorgie, le pouvoir mis en place par la “révolution des roses” a pour objectif de garantir le bon déroulement de la politique pétrolière américaine dans le Caucase et en lisière de la Caspienne. Pour les stratégistes américains, la Géorgie doit être un espace de transit pour les oléoducs et gazoducs amenant les hydrocarbures du Caucase et de la Caspienne vers la Mer Noire et vers la Méditerranée via la Turquie. De là, ils parviendraient en Europe sous le contrôle américain. Le malheur de l’Europe, c’est de ne pas avoir de pétrole. Nous devons acheter la majeure partie de nos hydrocarbures en Arabie Saoudite ou dans les Emirats par l’intermédiaire de consortiums américains. L’affrontement russo-géorgien de l’été 2008, à propos de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, a pour enjeu réel l’énergie. Pour échapper à la dépendance énergétique, l’Europe doit tenter, par tous les moyens techniques possibles, d’abord, de réduire cette dépendance pétrolière en pariant sur des sources propres comme l’énergie nucléaire et toutes les autres sources imaginables et réalisables, selon une optique de diversification adoptée mais non parachevée en son temps par la France gaullienne. Les panneaux solaires constituent une première alternative parfaitement généralisable dans notre pays: en effet, pourquoi les ménages qui constituent notre nation ne pourraient-ils pas générer leur propre électricité domestique, ou une bonne part de celle-ci, sans passer par des fournisseurs contrôlés par l’étranger comme “Electrabel”, entièrement aux mains de l’ennemi héréditaire français, qui occupe depuis trois siècles et demi près des trois quarts du territoire du Grand Lothier! Certaines voix nous disent: par année, le nombre de journées d’ensoleillement est trop restreint en Belgique par rapport à la zone méditerranéenne pour constituer une alternative au pétrole. Peut-être. Mais un pays comme la Norvège, disposant pourtant de pétrole propre, la technique des panneaux solaires génère 50% de l’énergie domestique de ses ménages dans un pays où l’ensoleillement moyen est bien plus réduit que chez nous. Notre objectif premier est la réduction graduelle de la dépendance, non pas l’obtention immédiate d’une autarcie totale.

 

Pacte de Shanghai et initiatives ibéro-américaines

 

Nous venons de voir que l’emprise américaine sur notre politique étrangère est complète. Elle détermine aussi notre politique énergétique. L’Amérique séduit les esprits (ou plutôt les masses écervelées) par le truchement de son soft power omniprésent. Le princpal danger qui nous guette dans l’immédiat en Europe est la disparition graduelle et silencieuse des espaces encore neutres. Les pays qui ont gardé le statut de neutralité lorgnent de plus en plus vers l’OTAN. Je rappelle que notre position initiale, calquée sur celle du Général Jochen Löser dans les années 80 en Allemagne fédérale, visait au contraire l’élargissement de l’espace neutre en Europe. Non le contraire! Löser entendait élargir le statut de la Suisse, de l’Autriche, de la Yougoslavie, de la Finlande et de la Suède aux deux Allemagnes, aux Etats du Benelux, à la Pologne, à la Tchécoslovaquie et à la Hongrie. Aujourd’hui, ces trois derniers  pays font partie de l’OTAN et en sont même devenus les élèves modèles. De fiers représentants de la “Nouvelle Europe”, telle que l’a définie Bush jr. L’Europe, totalement abrutie par les propagandes distillées par le soft power, ne peut constituer, pour l’instant, dans les conditions actuelles, un espace de renouveau politique, exemplaire pour la planète entière. Les seuls môles de résistance cohérents se situent aujourd’hui en Asie et en Amérique latine. En Asie, la résistance s’incarne dans le “Pacte de Shanghai” et en Amérique latine dans les initiatives du Président vénézuélien Hugo Chavez, alliant, avec les autres contestataires ibéro-américains, les corpus doctrinaux péronistes, castristes et continentalistes qui, fusionnés, permettent aux Etats ibéro-américains de créer des structures unitaires capables de refouler l’ingérence traditionnelle des Etats-Unis dans leurs affaires politiques et économiques, au nom d’une idéologie soi-disant panaméricaniste, forgée au temps de la politique du “Big stick” de Teddy Roosevelt.

 

Sans le “Pacte de Shanghai” et sans la volonté indépendantiste et continentaliste des Ibéro-Américains, la domination américaine sur le monde serait totale, comme elle est quasiment totale en Europe depuis la  liquidation du gaullisme par Sarközy et le “mobbing” systématique de la Suisse et de l’Autriche (affaires Waldheim et Haider). Les espaces potentiels de résistance se font de plus en plus rares: il reste des bribes de gaullisme en France, de bons réflexes neutralistes en Allemagne, une volonté de conserver le statut de neutralité en Autriche, en Suisse et en Suède; l’opinion  publique en Belgique, d’après un sondage récent, craint davantage les initiatives bellicistes américaines que celles de la Russie de Poutine (en dépit de la propagande russophobe du “Soir”), alors qu’en Allemagne, où la russophilie de bon nombre de cercles établis est plus solidement ancrée, Washington et Moscou sont mis sur pied d’égalité.

 

“Volksgezindheid” et solidarisme

 

Pour faire éclore un môle de résistance en Flandre, il me paraît opportun de dire aujourd’hui qu’il devrait reposer sur deux piliers: la “volksgezindheid” (le populisme au sens défini par la tradition herdérienne ou par la tradition slavophile russe) et le solidarisme. La “volksgezindheid” est un sentiment plus profond que le “nationalisme” car il ne découle pas uniquement d’une option politique mais aussi et surtout d’un amour du passé et de la culture du peuple dont on ressort. Le terme “nationalisme”, de surcroît, recouvre des acceptions bien différentes selon les pays (14). L’utiliser peut semer la confusion, tandis que le terme “volksgezind”, lui, indique bien la teneur de notre propre tradition. Le solidarisme est un terme délibérément choisi pour remplacer celui de “socialisme”, désormais grevé de trop d’ambiguïtés ou assimilé à des déviances de tous ordres qui font que les socialistes officiels sont tout sauf socialistes. Le solidarisme devra exprimer dans l’avenir un socialisme sans atlantisme (à la Spaak ou à la Claes), un socialisme sans les “consolidations” à la Di Rupo (quand il s’agissait de privatiser la RTT pour qu’elle devienne “Belgacom”), un socialisme qui défende la solidarité de tous les producteurs directs de biens et de services contre les féodalités administratives et parasitaires. Un tel solidarisme découle aussi, pour ceux qui ont encore une culture classique, de la fameuse “fable de l’estomac” de la tradition romaine: “tous les organes de la communauté populaire servent les autres et construisent de concert l’harmonie”.

 

Une volonté de renouveau politique général basée sur la “volksgezindheid” et le solidarisme fera immédiatement se dresser devant elle des ennemis implacables. L’affirmation des valeurs populaires et solidaires implique automatiquement de désigner leurs ennemis, selon la formule de Carl Schmitt. Identifions-en trois aujourd’hui: 1) les médias formatés par le soft power américain; 2) l’idéologie néo-libérale, nouvel universalisme araseur des spécificités populaires et des politiques sociales, permettant le renouveau des élites (au sens où l’entendait Gaetano Mosca et Vilfedo Pareto); 3) l’idéologie festiviste qui noie les peuples dans l’impolitisme.

 

Le cas Verstrepen

 

“Volksgezindheid” et solidarisme impliquent de lutter contre tous les phénomènes culturels qui ne découlent pas naturellement d’une matrice populaire (la nôtre ou celle d’un autre peuple réel) mais nous  sont imposés par le soft power internationaliste et cosmopolite. Un exemple: vous vous rappelez tous de ce journaliste branché, Jürgen Verstrepen, égaré, on ne sait trop pourquoi, dans le mouvement national flamand, où il s’était fait élire. Dans un entretien récent, accordé à l’hebdomadaire de variétés “Dag allemaal”, ce Verstrepen se plaignait du “passéisme” de ses co-listiers, qui chantaient des chants traditionnels, qu’il posait d’emblée comme “ringards” ou désuets, un “ringardisme” et une désuétude qui suscitait chez lui un avatar de ce même effroi ressenti par les dévots devant les oeuvres réelles ou supposées du Malin. Toute expression de la culture vernaculaire suscite donc en lui, à l’entendre, le dégoût du progressiste, pour qui rien d’antérieur aux panades médiatiques ou de différent d’elles n’a le droit d’exister. Et plutôt que d’aller se recueillir dans une belle abbaye bourguignonne, comme son parti le lui avait suggéré, il préférait flâner dans un “mall” pour se choisir des fringues branchés, des bouts de chiffon marqués d’un logo, en compagnie d’une autre députée-gadget, allergique aux racines. Inconsciemment, dans son entretien à “Dag allemaal”, Verstrepen révélait un état de choses bien contemporain: la lutte entre le vernaculaire matriciel, les racines et la culture traditionnelle, d’une part, et le médiatiquement branché, d’autre part. Reste une question: comment conciliait-il, ce Verstrepen, dans son cerveau soumis à l’homogénéisation postmoderniste, ce culte dévot du médiatiquement branché et son aspiration à lutter contre le “politiquement correct”? On ne peut aduler l’un et lutter contre l’autre: on ne peut, de notre point de vue, que les rejeter tous deux. On ne peut être atlanto-hollywoodien, succomber à la séduction du babacoolisme californocentré et se réclamer simultanément d’un “nationalisme” en lutte contre l’idéologie liberticide du “politiquement correct”. Verstrepen incarne bien l’incohérence de bon nombre de nos contemporains dans la Flandre d’aujourd’hui. Espérons que la crise va leur dessiller les mirettes. Car le soft power a promu le néo-libéralisme, cause de la crise, en même temps que les manipulations médiatiques, les modes (captatrices d’attentions) et le festivisme.

 

“Volksgezindheid” et solidarisme impliquent donc de lutter contre toutes les formes de néo-libéralisme que l’on nous a imposées depuis Thatcher et Reagan, depuis le début de la décennie 80. Nos admonestations, jusqu’ici, surtout celles, au début de notre aventure, de Georges Robert et Ange Sampieru, n’y ont rien changé. G. Robert et A. Sampieru étaient très attentifs aux productions des éditions “La Découverte” qui amorçaient déjà la critique du libéralisme outrancier qui pointait à l’horizon. Aujourd’hui, dans le monde occidental, l’américanosphère, l’espace euro-atlantique, dans la Commission européenne complètement inféodée à l’idéologie néo-libérale, la domination de cette idéologie est totale. Et la crise de ce début d’automne 2008 laisse entrevoir quelles en seront les conséquences catastrophiques, avec pour seule consolation que le système a appris à freiner les effets des crises et des récessions, à les délayer dans le temps. La crise prouve que la recette néo-libérale ne fonctionne pas: tout simplement. En attendant, les délocalisations perpétrées depuis près d’une trentaine d’années laissent l’Europe privée d’un tissu de petites et moyennes industries, pourvoyeuses de travail, et affligée d’un secteur tertiaire improductif qui n’offre que des emplois détachés du réel de la production et injecte dans les mentalités une idéologie délétère du “non-travail” (dénoncée très tôt par Guillaume Faye dans un texte que de Benoist avait refusé de publier). Cette idéologie du non-travail est aussi celle du festivisme: elle a servi d’édulcorant intellectuel pour justifier le processus de démantèlement de nos tissus industriels locaux, par le truchement des délocalisations vers l’Extrême-Orient, l’Afrique du Nord ou la Turquie (surtout le textile) et pour exalter le travail non productif du secteur tertiaire, devenu dangereusement inflationnaire.

 

Néo-libéralisme et altermondialisme

 

L’avènement du néo-libéralisme a été rendu possible par une bataille métapolitique. On se rappellera l’engouement pour Hayek, qu’on exhumait de l’oubli en même temps que les “think tanks” de Mme Thatcher dès la fin des années 70. On insistait principalement sur son pamphlet “The Road to Serfdom” et non pas tant sur les dimensions organiques (et parfois intéressantes) de sa théorie économique, axée sur la notion de “catallaxie” (laisser faire les choses naturellement sans interventions étatiques volontaristes). L’infiltration néo-libérale du discours dominant a surtout été le fait des “nouveaux philosophes”, dont nous venons d’expliciter le rôle, et de personnages ultra-médiatisés comme Jacques Attali, biographe de banquiers, et Alain Minc, propagateur principal de la nouvelle vulgate dans les gazettes conservatrices. Nul mieux que François Brune, collaborateur du “Monde Diplomatique”, n’a défini l’idéologie contemporaine, dans son ouvrage “De l’idéologie, aujourd’hui” (Ed. Parangon/L’Aventurine, Paris,  2003): “L’idéologie est omniprésente: dans les sophismes de l’image, le battage événémentiel des médias, les rhétoriques du politiquement correct, les clameurs de la marchandise. Machine à produire du consentement, elle démobilise le citoyen en le vouant à l’ardente obligation de consommer, de trouver son identité dans l’exhibition mimétique (ndlr: niet waar, Meneer Verstrepen?), sa liberté dans l’adhésion au marché, et son salut dans la ‘croissance’... C’est cela l’idéologie d’aujourd’hui: une vaste grille mentale, faussement consensuelle, qui prescrit à chacun de se taire dans son malheur conforme, et qui aveugle nos sociétés sur la catastrophe planétaire où ses modèles socio-économiques entraînent les autres peuples” (présentation de l’éditeur).

 

Le système, en lançant l’opération du néo-libéralisme dès la fin des années 70, devinait bien que cette idéologie finirait par rencontrer assez vite des résistances diverses. Deux objectifs allaient dès lors être les siens: 1) empêcher la fusion de ces résistances telles que l’avait préconisée le théoricien ex-communiste Roger Garaudy (soit empêcher les complots “rouges-bruns”, comme s’y sont employés le journal “Le Monde” de Plenel à Paris et certains cercles ou personnalités autour du PTB/PvdA en Belgique); 2) créer une résistance artificielle (l’altermondialisme), de manière à neutraliser toute résistance réelle. L’altermondialisme énonce un tas d’idées intéressantes et séduisantes. Mais il les énonce sans une assise politico-étatique et géographique précise, sans un ancrage tellurique, condition sine qua non pour lui conférer une épaisseur réelle. Tout empire, et tout challengeur d’empire, s’arc-boute sur un terrain: l’hegemon américain d’aujourd’hui ne fait pas exception. Il dispose d’un territoire aux dimensions continentales. Il pratique le protectionnisme et une bonne dose d’autarcie, tout en prêchant aux autres de ne pas adopter les mêmes attitudes et en les maintenant ainsi en état de faiblesse. Si l’hegemon développe un “réseau”, il le fait au départ d’une vaste base logistique, soit au départ de son propre territoire biocéanique, de l’Atlantique au Pacifique, et de son prolongement pacifico-arctique, l’Alaska. Pour créer l’illusion d’une résistance planétaire, les services de diversion ont forgé le concept de “réseau” (qui a séduit le “parigogot” de Benoist, l’homme qui cherche sans cesse le statut de vedette du jour, au détriment de toute rigueur de jugement).

 

Ce n’est pas le “réseau” qui est contestataire mais les vieilles strucutres étatiques et impériales

 

L’altermondialisme militant entend être le seul grand réseau contestataire de l’établissement mondial. Mais depuis les émeutes bien médiatisées de Gênes ou de Nice, on ne voit pas très bien quel ébranlement du système en place ce fameux “réseau” a pu produire. La thèse de Michael Hardt et Toni  Negri sur l’“Empire”, dont les assises seront “un jour” définitivement sapées par le “réseau altermondialiste”, s’avère un leurre. Au temps de la Guerre Froide, les services américains avaient su faire émerger des “communistes de Washington” (pour reprendre l’expression de Jean Thiriart); il recycle désormais, en la personne de Toni Negri, d’anciens “terroristes” pour une opération de diversion d’envergure planétaire, qui absorbe et neutralise la contestation, en la médiatisant, en la transformant en un pur “spectacle” (Guy Debord), car nos contemporains, formatés comme les citoyens d’Océania, dans le “1984” d’Orwell, croient davantage aux images (télévisées) qu’aux faits (vécus), au spectacle qu’au réel. La résistance au système mondialiste américano-centré ne se retrouve pas, en réalité, dans un “réseau” planétaire de contestataires “babacoolisés” ou de nervis shootés à la cocaïne mais provient bien davantage de structures étatiques et impériales classiques, profondément ancrées dans le temps passé: Groupe de Shanghai avec une Chine aux traditions politiques millénaires, une Russie de Poutine qui retrouve sa mémoire, un indépendantisme ibéro-américain dans l’esprit du Mercosur et du président vénézuélien Chavez.

 

Combattre le festivisme

 

Enfin, après le “soft power” et le “néo-libéralisme”, le troisième aspect du système général d’ahurissement des masses et de déracinement, qu’il s’agit de combattre à outrance, est représenté par l’ambiance “festiviste”, celle que dénonçait avec force vigueur le philosophe français, récemment et prématurément décédé, Philippe Muray. Dans son tout dernier ouvrage, “Festivus festivus” (Fayard, 2006), Muray prononce un réquisitoire aussi virulent que tonifiant contre ce qu’il appelle le festivisme, mode de fonctionnement des sociétés occidentales avancées. Dans le long entretien, qu’est ce livre, avec la journaliste et philosophe vraiment non conformiste Elizabeth Lévy, Muray, dans son chant du cygne, fustige une société qui fonctionne uniquement sur le mode de la fiction médiatique, un mode qui vise la désinhibition totale, l’exhibition de tout ce qui auparavant était “privé”, “intime” et “secret” (dont évidemment les attributs et les pratiques sexuels). Le pouvoir, explique Muray, s’exercera avec une acuité maximale, quand les dernières enclaves du “secret” seront divulguées et exhibées, quand les dernières limites et les dernières distances (et les distances sociales font la civilisation, la promiscuité l’abolissant) auront été franchies et supprimées. La télévision avec ses émissions exhibantes (“Loft Story”, etc.) est l’instrument de ce pouvoir qui annonce la fête permanente et l’impudeur universelle, dans l’intention d’évacuer les îlots de “sériosité”, établie ou alternative, afin d’empêcher tout retour à un passé moins trivial ou toute préparation d’un futur cohérent. L’impudeur universelle brouille toutes les frontières et annonce un amalgame planétaire de promiscuité et d’indifférenciation, sous le signe de l’infantilisme “touche-pipi” et de l’ “adultophobie”.

 

Dans un ouvrage antérieur, intitulé “Désaccord parfait”, Muray qualifiait de “société disneylandisée” toute société “où les maîtres sont maîtres des attractions et les esclaves spectateurs ou acteurs de celles-ci”. Le “soft power” va donc imaginer et préfabriquer des “attractions”, pour tuer dans l’oeuf toute pensée libre, toute spontanéité créatrice ancrée dans le génie populaire, en substituant au créateur libre et spontané issu du peuple (celui de Rabelais et des carnavals contestataires) l’animateur officiel ou subsidié, et subsidié seulement après être passé sous les fourches caudines de l’idéologie imposée, après avoir appris son unique leçon qu’il répétera jusqu’à la consommation des siècles. Le “néo-libéralisme” va prospérer en marge de cette grande fête artificielle, forgée de toutes pièces, bien encadrée par de petits flics à gueule de bon apôtre, en dépit de son  désordre apparent, qui étouffera d’emblée toute révolte vraie. Par l’action des anciens contestataires arrivés au pouvoir, le “mixtum compositum” de mai 68 se réduira ainsi progressivement à ses seules dimensions festives, libidineuses et ludiques, tirées, par les agents de l’OSS, du livre “Eros et civilisation” d’Herbert Marcuse voire des vulgates caricaturales issues du freudo-marxisme de Reich, dont ils fabriqueront un “prêt-à-penser” allant dans le sens de leurs desseins. Dans son meilleur ouvrage, désormais un classique, “L’Homme unidimensionnel”, Marcuse craignait l’avènement d’une humanité formatée, réduites à ses seuls besoins matériels; il avait raison; mais les règles de ce formatage, c’est lui, probablement à son corps défendant, qui les a fournies au système. On a formaté et on a trouvé l’édulcorant dans sa définition de l’ “éros”, que l’on a quelque peu sollicitée pour les besoins de la cause. Ce ne sont pas les rigidités du monde totalitaire du “1984” d’Orwell mais le “Brave New World” de Huxley, avec ses paradis artificiels, que l’on tente de nous infliger.

 

Mort du “zoon politikon” et mort des peuples

 

Les bourgmestres (ou “maires”) de Paris et de Berlin, Delanoë et Wowereit, ou l’échevin Simons de Bruxelles, tout le socialisme français actuel (surtout à la gauche de Ségolène Royale) ont pour objectif stratégique réel (et à peine occulté) d’occuper les “citoyens” à toutes sortes de festivités, de concerts, de happenings, de “gay prides”, de “zinneke parades”, de manifestations antiracistes ou autres, afin qu’ils ne s’occupent plus directement de politique, afin qu’ils oublient définitivement ce qu’ils sont, la trajectoire dont ils procèdent. L’objectif? Eradiquer l’essence de l’homme qui est, dit Aristote, un “zoon politikon”. Il s’agit de distraire à tout prix l’imaginaire humain de toute tradition ou réalité historique. En Occident, dans le complexe atlantiste franco-anglo-américain selon la définition qu’en donnait mon professeur Peymans fin des années 70, la domination des castes mercantiles ou du tiers-état bourgeois français, a percuté, abîmé et détruit les ressorts les plus intimes des peuples (Irlande exceptée), si bien que Moeller van den Bruck, le traducteur de Dostoïevski, pouvait affirmer que quelques décennies de “libéralisme” suffisaient pour détruire définitivement un peuple.

 

Le festivisme, mode par lequel s’exprime le despotisme contemporain, contribue à donner l’assaut final aux ressorts intimes des peuples: il en pénètre le noyau le plus profond et y sème la déliquescence. Philippe Muray, pour revenir à lui, réactualise de manière véritablement tonifiante la critique de la “société du spectacle”, énoncée dans les années 60 par Guy Debord et l’école situationniste, tout en jetant un éclairage neuf et très actuel sur le processus de dissolution à l’oeuvre dans la sphère occidentale.

 

Lega Nord et FPÖ

 

Pour articuler une résistance à l’échelle européenne, pour traduire dans les faits nos options philosophiques et nos aspirations historiques, deux partis identitaires peuvent nous servir de modèle: la Lega Nord d’Italie du Nord et la FPÖ autrichienne. Je ne vois pas grand chose d’autre. Pourquoi? Parce que ce sont les deux seuls mouvements identitaires de masse qui affichent ou ont affiché clairement des options “non-occidentistes”. La “Lega Nord” et son quotidien “La Padania” ont eu une attitude très courageuse en 1999, quand l’OTAN bombardait la Serbie. Le journal et le “Senatur” Umberto Bossi n’ont pas hésité à fustiger vertement les Américans et leurs complices bellicistes en Europe. Ensuite, à la base de cette ligue, il y a un manifeste, “Come cambiare?” (“Comment changer?”), dû à la plume du grand juriste Gianfranco Miglio. Ce manifeste dénonce les travers de la partitocratie italienne, qui est si semblable à la nôtre. Les leçons de Miglio peuvent donc être directement retenues par tout militant politique de chez nous. La clarté des arguments et des suggestions de Miglio, que j’ai eu l’honneur de rencontrer en 1995 dans sa magnifique bibliothèque privée à Côme, nous permettrait de développer rapidement l’esquisse d’un contre-pouvoir (cf.: “L’Italie toute chamboulée...”, Entretien avec Gianfranco Miglio, propos recueillis par Andreas K. Winterberger, in; “Vouloir”, n°109-113, octobre-décembre 1993;  Alessandro Campi, “Au-delà de l’Etat, au-delà des partis: la théorie politique de Gianfranco Miglio”, in: “Vouloir”, n°109-113, oct.-déc. 1993; Luciano Pignatelli, “Les idées pratiques de Gianfranco Miglio:  comment changer le système politique italien”, in: “Vouloir”, n°109-113, oct.-déc. 1993; “Quelques questions à Gianfranco Miglio”, propos recueillis par Francesco Bergomi, in: “Vouloir”, n°109-113, oct.-déc. 1993; Robert Steuckers, “La Ligue lombarde”, in: “Le Crapouillot”, nouvelle série, n°119, mai-juin 1994; “L’Etat moderne est dépassé!”, Entretien avec le Prof. Gianfranco Miglio, propos recueillis par Carlo Stagnaro, in: “Nouvelles de Synergies Européennes”, n°46, juin-juillet 2000; “Pour une Europe impériale et fédéraliste, appuyée sur ses peuples”, Entretien avec le Prof. Gianfranco Miglio, propos recueillis par Gianluca Savoini, in: “Nouvelles de Synergies Européennes”, n°48, octobre-décembre 2000).

 

Dans l’orbite de la FPÖ, l’hebdomadaire “zur Zeit”, dirigé par Andreas Mölzer à Vienne, recèle chaque semaine des pages d’actualité internationale sans concession aucune à l’américanisme ambiant. Jörg Haider est décédé ce matin dans un accident d’automobile mais, en dépit de sa rupture récente avec la FPÖ et de son option personnelle en faveur de l’adhésion turque, il demeurera pour moi l’auteur impassable du livre-manifeste “Die Freiheit, die ich meine” (= “La liberté comme je l’entends”). La partitocratie autrichienne présentait, avant les coups de butoir de la FPÖ, d’étonnantes analogies avec la nôtre. La critique générale du système politique autrichien, telle que Haider l’a formulée, est très technique comme celle de Miglio. Mais elle ne recourt à aucun langage abscons. Et suggère des pistes pour sortir de l’impasse politique. La clarté de ces manifestes a donné à la “Lega Nord” et à la FPÖ une formidable impulsion dans les débats publics et, partant, dans les batailles électorales (cf. Robert Steuckers, “Autriche: Haider, le Capitaine du pays”, in: “Le Crapouillot”, nouvelle série, n°119, mai-juin 1994; “Nous sommes en avance sur notre temps!”, Entretien avec Jörg Haider, propos recueillis par Andreas Mölzer, in: “Au fil de l’épée” recueil n°8, février 2000; “Rafraîchir la mémoire des coalisés anti-Haider!”, in: “Au fil de l’épée”, recueil n°8, février 2000; Mauro Bottarelli, “Haider contre Chirac: non à l’UE centraliste et parisienne – la bonne santé de l’économie autrichienne”, in: “Au fil de l’épée”, recueil n°12, août 2000 – article traduit du quotidien “La Padania”, 11 juillet 2000).

 

Les succès constants de ces partis, leur impact indéniable sur le débat politique et sur les réformes en cours prouvent que les deux manifestes, que j’évoque ici, recèlent bel et bien les bonnes recettes. Si elles valent pour l’Autriche et pour l’Italie, elles devraient valoir pour nous, vu que les systèmes politiques de ces deux pays et leurs dysfonctionnements sont similaires et comparables aux nôtres. Et, qui plus est, la vision géopolitique de ces deux formations est européiste et anti-atlantiste, éléments essentiels pour une critique solide et positive du système en place qu’aucun parti ou mouvement n’a repris chez nous, rendant du même coup caduque toute efficacité concrète.

 

Les hommes de gauche qui ont opéré les bon aggiornamenti...

 

Pour nous servir d’inspiration complémentaire, nous ajouterions le corpus établi par des personnalités de gauche, devenues non conformistes au fil du temps, comme la famille de Rudy Dutschke ou son compagnon Bernd Rabehl, qui s’expriment régulièrement dans l’hebdomadaire berlinois “Junge Freiheit”; ou comme Günther Rehak en Autriche, ancien secrétaire du Chancelier socialiste Bruno Kreiski; en Suisse romande, toujours dans l’arc alpin, le mouvement “Unité populaire” parvient à nous livrer chaque semaine sur l’internet des analyses ou des réflexions dignes d’intérêt pour tous ceux qui rêvent à l’avènement d’un solidarisme qui soit capable de dépasser les contradictions et les enlisements du socialisme établi. En Italie, le quotidien romain “Rinascita”, issu du nationalisme classique, se présente actuellement comme le journal de la “sinistra nazionale” et opte pour une perspective européiste et eurasiste, anti-impérialiste et anti-capitaliste. Nos sources d’inspiration ne doivent pas se limiter aux seuls mouvements qui se donnent, à tort ou à raison, les étiquettes de “national”, de “régionaliste” ou d’ “identitaire”. Des cénacles, anciennement ou nouvellement classés à gauche sur les échiquiers politiques en Europe, ont procédé avec intelligence aux bons aggiornamenti: ils ont refusé toutes les involutions en direction des pistes suggérées par la “nouvelle philosophie” et ses satellites et ont rejeté l’attitude de ceux qui, en dépit de leur vibrant militantisme d’il y a quelques décennies, demeurent, par paresse intellectuelle, des “compagnons de route” des partis sociaux-démocrates partout en Europe. La posture du “compagnon de route” est le plus sûr moyen de s’enliser, de faire du sur place, d’entrer dans la spirale infernale du déclin, un déclin engendré par le “mimétisme” qui ne produit plus aucune différence (ni “différAnce” pour faire un clin d’oeil à Derrida), mais reproduit sans cesse, sur un ton morne, le même et le même du même. C’est le plus sûr moyen de devenir les béni-oui-oui du système, ses chiens de Pavlov.

 

La création d’un espace stratégique euro-sibérien est inséparable d’un remaniement complet de nos institutions nationales, dans le sens de la “volksgezindheid” et du solidarisme, dans le sens de la critique anti-partitocratique de Miglio et Haider, afin d’immuniser totalement ces institutions contre les bacilles du soft power jacobin ou américain.

 

C’est tout ce que j’ai voulu vous dire cet après-midi.

 

Robert Steuckers,

Octobre 2008.

 

 

NOTES :

(1)     William ENGDAHL, “Pétrole – une guerre d’un siècle – L’ordre mondial anglo-américain”, Ed. Jean-Cyrille Godefroy, Paris, 2007.

(2)     La parution de cet article, dans une publication du “Parti Communautariste National-Européen” avait induit l’inénarrable comploteur parisien Alain de Benoist, via son zélé vicaire campinois, à exciter un brave citoyen allemand, membre de la “DESG” (= “Deutsch-Europäische Studiengemeinschaft”), une association basée à Hambourg qui s’apprêtait alors à fusionner avec “Synergies Européennes”, à tenter un ultime baroud (de  déshonneur) pour torpiller cette fusion. L’homme, honnête, naïf et manipulé, a échoué dans ses manoeuvres. Il s’est dûment excusé quelques mois plus tard, à l’occasion d’un séminaire DESG/Synergies sur les relations germano-russes et euro-russes et sur la problématique de l’eurasisme, tenu à Lippoldsberg. Il avait enfin compris que l’instigateur de cette bouffonerie était un comploteur pathologique et que son vicaire n’était qu’un pauvre bas-de-plafond. Forcément: pour servir un tel maître...

(3)     Cf. L. SIMMONS, “Van  Duinkerke tot Königsberg – Geschiedenis van de Aldietsche Beweging”, Uitgeverij B.  Gottmer, Nijmegen,1980. Voir également: Alan SPANJAERS, “Constant Hansen”, in: “Branding”, n°2/2008.

(4)     Dexter PERKINS, “Storia della dottrina di Monroe”, Il Mulino, Bologna, 1960.

(5)     Alain GOUTTMAN, “La Guerre de Crimée 1853-1856, la première guerre moderne”, Perrin, 1995; vor également : “The Collins Atlas of Military History”, Collins, London, 2004.

(6)     Jacques HEERS, “Les Barbaresques - La course et la guerre en Méditerranée – XIV°-XVI° siècle”, Perrin, Paris, 2001-2008.

(7)     Robert STEUCKERS, “Constantin Frantz”, in: “Encyclopédie des Oeuvres philosophiques”, PUF, 1992.

(8)     Richard MOELLER, “Russland – Wesen und Werden”, Goldmann, Leipzig, 1941.

(9)     L’ouvrage le plus complet pour aborder cette thématique si complexe est le suivant: Gerd KOENEN, “Der Russland-Komplex – Die Deutschen und der Osten 1900-1945”, C. H. Beck, Munich, 2005.

(10)  Günther HASENKAMP, “Gedächtnis und Leben in der Prosa Valentin Rasputins”, Otto Harrassowitz, Wiesbaden, 1990.

(11)  Wolfgang STRAUSS, “Die Neo-Slawophilen – Russlands konservative Revolution”, in: “Criticon”, Munich, n°44, 1977. Cf. Robert STEUCKERS, “Wolfgang Strauss: les néo-slavophiles ou la révolution conservatrice dans la Russie d’aujourd’hui”, in “Pour une renaissance européenne”, Bruxelles, n°21, 1978.

(12)  Alexander YANOV, “The Russian New Right – Right-Wing Ideologies in the Contemporary USSR”, Institute of International Studies, University of California, Berkley, 1978.

(13)  Cf. Robert STEUCKERS, “Adieu au Général-Major Jochen Löser”,  in: “Nouvelles de Synergies  Européennes”, n°50, mars-avril 2001. Cf.  également: Detlev KÜHN, “En souvenir d’un soldat politique de la Bundeswehr: le Général-Major Hans-Joachim Löser”, ibidem. Ces deux textes figurent sur: http://euro-synergies.hautetfort.com .

(14)  Cf. nos deux études sur le nationalisme: Robert STEUCKERS, “Pour une typologie opératoire des nationalismes”, in: “Vouloir”, n°73/74/75, printemps 1991; Robert STEUCKERS, “Pour une nouvelle définition du nationalisme”, in: “Nouvelles de Synergies Européennes”, n°32, janvier-février 1998 (texte d’une conférence prononcée à Bruxelles le 16 avril 1997). On  peut lire ces deux textes sur: http://euro-synergies.hautetfort.com.

dimanche, 30 août 2009

Short note on the Pacts of August 1939

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Short note on the Pacts of August 1939

(The Pact of Mutual Help between UK  and  Poland

and the Molotov-Ribbentrop Pact)

Tiberio Graziani *

Considering the alliances signed by the insular Great Britain in the frame of their secular anti-European power politics, finalized at containing and defeating the aims of friendship and / or integration among the nations of the European Continent, it is worth mentioning - as an illustrative example - the Pact of  Mutual Help between the UK and Poland, signed in London on 25 August 1939.

As known, the Anglo-Polish Friendship Treaty, signed by Lord Halifax and Count Rczynski, was a deliberate violation (1) of the similar Treaty that Germany and Poland had signed on 26 January 1934, and, above all, an explicit interference in the delicate relations between the National Socialist Reich and USSR; Berlin and Moscow, in fact, just two days earlier, on 23 August, had signed a non-aggression treaty, known to history as the Molotov-Ribbentrop Pact, named after their respective foreign ministers.

 

In this case, the United Kingdom intended  to use - as part of a diplomatic-military device, theoretically equal, -  the strategic position of Poland as a "splitter" between two continental powers in order to affect, simultaneously, both the creation of a potential axis Moscow -Berlin and the German-Polish agreements, and thereby removing any future potential perspective of welding / integration between the European Peninsula and the Asian continental mass.

The disturbing action devised by London, through a fine texture of diplomatic activities, which U.S. were involved (2), was perfectly consistent with British geopolitical doctrine, whose exploitation of the tensions between the continental nations constituted a key pillar of  its equilibrium policy (balance of power).

 

 

1. Some months before, on 19 May 1939, a Mutual Help Agreement between France and Poland (probably on U.S. and U.K. request) was signed in Paris by Polish ambassador Juliusz Lukasiewicz  and French Minister of Foreign Affairs, Georges Bonnet. For Berlin, and under some aspects for Moscow too, the  two Mutual Help Agreement constituted a sort of threat for the continental peace.

 

2.  We refer to meetings among U.S. Ambassador William Christian Bullitt, Jr. and the Polish Ambassadors Potocki and Lukasiewicz, which occurred in France in November 1938 and February 1939;  see  Giselher Wirsing, Roosevelt et l'Europe (Der Kontinent Masslose), Grasset, Paris, 1942, p. 266.

 

 

* Eurasia. Rivista di studi geopolitici (Eurasia. Journal of Geopolitical Studies – Italy)

www.eurasia-rivista.org

direzione@eurasia-rivista.org

 

vendredi, 28 août 2009

Association Solidarité Enfants de Beslan

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Association Solidarité Enfants de Beslan (ASEB)

 

Section belge

 

 

 

Chers amis,

 

Vous avez pu constater au fil des années la profondeur et la constance de notre engagement en faveur des survivants du massacre de Beslan et, de manière générale, contre toutes les actions terroristes qui visent des enfants. Vous savez comment nous nous impliquons dans la pétition européenne pour faire du 1er septembre la Journée européenne de solidarité avec les enfants victimes du terrorisme. Vous savez, d’autre part, comment nous réagissons toujours à la désinformation systématique dont les Russes sont victimes à ce sujet.

 

Comme l’an dernier, une cérémonie de commémoration du drame de Beslan est prévue le 1er septembre prochain à 19 heures au Centre culturel et scientifique russe, au n°19 de la rue du Méridien à Bruxelles. Nous en avions arrêté le programme avec le directeur du Centre en accord avec l’Ambassadeur de Russie. Sur les six interventions inscrites, nous avions à en assumer une en français et une en néerlandais, les autres étant faites en russe, par l’Ambassadeur et le directeur du Centre et par des représentants des colonies ossète et russe.

 

Nous sommes à présent avertis que nos amis russes croient préférable de se réserver l’exclusivité de ce programme. Il convient dès lors que vous soyez prévenus que tant Renaissance Européenne, Terre & Peuple et Euro-Rus que l’ASEB ne font plus partie des invitants. Pour ce qui nous concerne, nous allons consacrer à présent toutes nos énergies à participer à la manifestation que l’ASEB organise à la mémoire de la tragédie de Beslan, comme chaque année depuis 2005, le 1er septembre prochain à 19 heures, à Paris, sur l’esplanade du palais du Trocadero.

 

Dès que nous aurons l’explication de la décision, pour nous incompréhensible, de nos amis russes, nous ne manquerons pas de vous la faire connaître. Nous vous prions de croire en attendant à notre entier dévouement à la cause d’une paix fraternelle sur l’ensemble de l’Eurosibérie, où les enfants feront l’objet d’une protection particulièrement attentive.

 

 

Jean-Jacques de Hennin                                                            

Georges Hupin

jeudi, 06 août 2009

Russie/Chine: grandes manoeuvres sur le front oriental

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Russie/Chine: grandes manoeuvres sur le front oriental

 

22 juillet 2009: la “Mission de Paix 2009” vient de commencer. Il s’agit de manoeuvres militaires russo-chinoises qui se poursuivront dans les territoires les plus orientaux des deux  pays jusqu’au 26 juillet. Les opérations ont été planifiées pour 1300 militaires russes et autant de Chinois. Cent soixante véhicules blindés, dont des chars d’assaut, des avions et des hélicoptères participeront aux exercices. Ces manoeuvres ont pour but de renforcer la coopération entre les forces armées de Moscou et de Beijing, qui seront peut-être appelées à affronter les menaces du monde contemporain: le terrorisme et l’extrémisme. C’est ce qu’a déclaré le 22 juillet le chef d’état-major russe, le général Nikolaï Makarov. Mais ces manoeuvres n’ont pas été organisées à titre préventif seulement. Les protagonistes veulent faire entendre au monde un message bien précis par la voix du Général Makarov: “Les exercices militaires de ‘Mission de Paix 2009’ doivent démontrer à la communauté internationale que les forces armées de la Russie et de la Chine ont bel et bien la capacité  d’assurer la stabilité et la sécurité dans la région”. En clair: cela signifie que les adversaires du “Groupe de Shanghai” doivent se retirer du Turkestan oriental (Sinkiang), de l’Asie centrale et, aussi, bien sûr, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.

 

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 23 juillet 2009, trad. franç.: Robert Steuckers).

mercredi, 05 août 2009

Géorgie: l'opposition veut un dialogue avec Moscou

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Géorgie: l’opposition veut un dialogue avec Moscou

 

Il n’y a rien de pire, pour un pays, puissant ou non, que de s’engager dans un “angle mort”  et d’y rester coincé. Car il n’en sort plus. Il lui est inutile d’attendre le bon vouloir de ses alliés: il doit se retrousser les manches et agir seul, se dépatouiller sans l’aide de personne. C’est le point de vue que semble avoir adopté le chef de l’opiniâtre opposition géorgienne, Irakli Alasania. Le 22 juillet dernier, il a accordé un entretien au quotidien russe “Kommersant” où il évoquait la nécessité de normaliser les rapports entre Moscou et Tbilissi. Il a déclaré: “C’est simple: il n’y a pas d’autre solution, il faut rétablir les relations russo-géorgiennes. Ni la Russie ni la Géorgie ne peuvent promouvoir une stabilité durable dans la région sans entamer un dialogue direct”.

 

Le jeune leader de l’opposition, qui est aussi le président du parti libéral-démocratique “Notre Géorgie”, est convaincu que, dans un avenir proche, il sera possible de négocier directement avec le Kremlin. Tout simplement parce que, comme il l’a dit, il n’y a pas d’autre solution.  Alasania est aussi l’un des candidats potentiels pour les futures élections présidentielles, quand Saakachvili ne pourra plus briguer de mandat supplémentaire. Pour Alasania, il serait idiot de commettre les mêmes erreurs impardonnables que son prédécesseur. Pendant ce temps, l’actuel gouvernement géorgien perd du crédit jour après jour et continue à hurler au scandale lorsque les autorités russes rendent une visite officielle, sans y être autorisées par Tbilissi, à la République indépendante d’Ossétie du Sud, jadis territoire géorgien. 

 

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 23 juillet 2009, trad.  franç.: Robert Steuckers).

mardi, 28 juillet 2009

Paris, au Sénat: le colloque sur Beslan

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Paris, au Sénat

LE COLLOQUE SUR BESLAN

 

Le 6 juin dernier s’est tenu à Paris, au Palais du Luxembourg, un colloque sur le thème ‘La solidarité européenne avec les enfants victimes du terrorisme’. Un des objectifs, non déclaré sur les invitations, est le lancement d’une pétition au Parlement européen. Pour obtenir de lui que le 1er septembre, anniversaire de la prise d’otages de loin la plus importante de toute l’histoire, devienne une journée de solidarité avec tous les enfants victimes du terrorisme. Les invitations avaient été lancées par l’ASEB, l’Association Solidarité avec les enfants de Beslan. Le colloque était présidé par Henri-Paul Falavigna, président de l’ASEB qui en a pris l’initiative, sous le patronnage du Sénateur Patrice Gélard, président du Groupe d’Amitié France-Russie. Le message de bienvenue de l’Ambassadeur Orlov a parfaitement fait comprendre qu’il avait parfaitement compris l’entreprise et qu’on pouvait compter les uns sur les autres.

 

Le colloque a bénéficié des contributions de :

Henri-Paul Falavigna, qui a rappelé d’entrée de jeu que la Croix-Rouge Internationale avait dénombré, parmi les enfants rescapé de la tuerie de Beslan, quarante cas graves pour lesquels un patronage amical serait salutaire, en tout cas psychologiquement. Pour le moment, dix familles françaises assurent ce service affectueux, pour l’essentiel par des échanges de lettres, de photos, de petits souvenirs. Il est nécessaire que trente parrainages supplémentaires soient trouvés.

Le professeur Jean-Pierre Arrignon, qui enseigne l’histoire du moyen âge de la Russie, notamment à l’EHESS, a retracé sous l’intitulé ‘Les Alains de la Russie à l’Europe’ les origines de ces Indo-européens, qui constituent aujourd’hui l’essentiel de la population d’Ossétie-Alanie. Tous les livres d’histoire de l’antiquité évoquaient déjà les Scythes et les Sarmates. Sénèque, Lucain et Flavius Josèphe attestent la présence des Alains dans ces régions et Strabon parle des Roxolans, ce qui signifie Alains lumineux. Effectivement, Ammien Marcellin, qui les décrit, au IVe siècle, les voit grands et beaux avec des cheveux tirant sur le blond. Et vivant dans des cités mouvantes composées de chariots. Le professeur Arrignon recommande la traduction par Georges Dumézil de leur légende sur les Nartes, parue dans la collection Gallimard Unesco sous le titre ‘Le livre des héros’. Sous un premier grand choc qu’il subissent, celui des Huns, les Alains vont refluer jusqu’en Gaule, où ils laisseront des souvenirs de leur passage, notamment dans la toponymie (Alençon). La cavalerie des Alains sera là pour arrêter Attila devant Orléans. Et pour récupérer enfin leur patrie caucasienne. Ils s’étendent alors vers le sud de la chaîne montagneuse, établissant une Alanie nouvelle. Au Xe siècle, ils sont partie intégrante du glacis défensif du khanat des Kazars et par là de l’Empire byzantin. Guillaume de Ruysbroek vantera la qualité de leurs artisans armuriers. Au XIIIe siècle, les Alains subissent un second grand choc, celui des Mongols. C’est finalement sous la pression de Tamerlan qu’ils se replieront sur leurs montagnes.

Dimitri de Kochko, journaliste et président de l’association France-Oural, a présenté son film ‘Retour sur Beslan’, avec son émouvante interview du président de la République d’Ossétie-Alanie, dont les enfants étaient présents dans l’école et ont survécu au drame. Il a recueilli de nombreux témoignages des enfants, qui confirment qu’il n’y a pas eu, comme l’a prétendu aussitôt la presse libre, d’assaut des force d’intervention, dont le bouclage était si maladroit que certains terroristes ont pu profiter de la surprise pour s’échapper

L’Ambassadeur Jean Perrin, qui connaît particulièrement la région, ayant été en poste en Iran et en Azerbaïdjan, a relaté son séjour à Tshinkivali, en août 2008. Il a pu ainsi dénoncer la désinformation systématique commise par notre presse sur l’offensive géorgienne contre l’Ossétie du Sud. Il a pu constater que les cibles des Georgiens étaient les infrastructures, ponts, ministères, écoles, université, hôpitaux.

Christian Maton, vice-président de l’ASEB, a présenté le film ‘Les enfants de Beslan en France’ (été 2008), compte-rendu du séjour d’une vingtaine de petits rescapés à l’invitation de l’ASEB. La réussite de l’entreprise a dépassé les attentes. Il s’agira à présent de faire de la seconde édition un succès aussi complet.

Jean-Jacques de Hennin, enfin, a apporté le témoignage de la détermination de l’équipe belge à militer pour que le 1er septembre soit institué Journée européenne de la solidarité avec les enfants victimes du terrorisme. Son texte est repris ci-après.

 

POURQUOI NOUS MILITONS

Monsieur l’Ambassadeur, monsieur le président, mesdames, messieurs,

Pour leur commodité, les professeurs d’histoire découpent la matière en grandes périodes, les faisant débuter à partir d’événements qui devraient, en bonne logique, être significatifs. Mais il n’en est pas toujours ainsi et leurs élèves ne doivent pas bien comprendre, par exemple, pourquoi le moyen âge, et ses temps prétendument obscurs, s’achève le 29 mai 1453, lorsque le Sultan Mehmet II entre à cheval dans la Basilique Sainte Sophie et la traverse au galop. En quoi, pour ces étudiants, ce geste provocateur et symbolique marquerait-il particulièrement le crépuscule de la sauvagerie des âges frustes en même temps que l’aube brillante de la renaissance des temps antiques ?

 

Nous répète-t-on assez aujourd’hui que notre époque est une charnière ? Sa marque, c’est sans doute la massification des populations et la manipulation des masses, par la propagande, par la médiatisation, par la communication. La terreur fait partie des moyens de manipuler les masses, pour déstabiliser ceux dont elles sont la base. A cet égard, on peut dire que la tragédie de Beslan est un événement particulièrement significatif de notre époque, et même doublement significatif. C’est un paroxysme dans l’horreur terroriste et, paradoxalement, c’est en même temps une aube d’espérance dans la renaissance de la paix, la paix royale, la paix impériale, interne à chaque peuple et entre les peuples comme prétendait à l’être la paix romaine, la Pax Romana.

 

Le drame de Beslan est un paroxysme du terrorisme, par le choix de sa cible, la plus innocente qu’on puisse trouver, et par le choix de la fête de la rentrée des classes, et bien sûr par la cruauté de son exécution. Il est vrai qu’il ne faut pas distiller sans fin dans nos cœurs le souvenir du martyre de ces enfants, leur frayeur et leur désarroi, le tourment désespérant de la soif, les tortures morales des familles, leur mortelle attente, leur révolte, leur colère, leur horreur, leur incrédulité, leurs espoirs trompés. Il n’est pas salutaire de ressasser indéfiniment ces images lamentables. Il faut même se garder d’en banaliser l’atrocité, pour ne pas risquer d’inciter des névrosés à la surenchère. C’est clairement le ton que nous donnent les monuments commémoratifs. Il vaut mieux, pour la bonne propagande, pour la propagation du bien, de la paix, de la fraternité entre les peuples, tenter de tirer des leçons de vie de la mémoire de l’horreur. C’est ici que réside le miracle, le second aspect signifiant du drame de Beslan, plus signifiant encore que l’horreur de l’horreur, l’espoir qui veut en renaître.

 

Victime de ces découpages et de ces recompositions qui étaient si fréquents à la grande époque de la discordance du concert des nations, la Belgique serait, dit-on chez nous, un enfant perdu que l’Angleterre a fait dans le dos de la France. Les Belges, sans être des experts en relations interethniques, sont assez ferrés sur la matière pour apprécier ce que les Ossètes ont fait après avoir été les victimes de cette abomination et pour proclamer que c’est un modèle d’humanité, un modèle pour l’humanité.

 

Car pour nous il est admirable, il est encourageant, il est enthousiasmant que les autorités de la ville de Beslan et de la République d’Ossétie-Alanie, comme celles de la Fédération, aient su alors trouver les mots, les gestes, les images, les raisons pour retenir leur peuple d’embrayer sur la spirale de la vengeance, comme l’avaient prémédité les inspirateurs de la tuerie. Ils ont su transformer leur logique de haine et de mort en une logique de confiance et de vie. Pour que les petits martyrs n’aient pas souffert pour rien, mais pour que leur sacrifice inaugure une ère nouvelle d’espérance et de paix. Nous sommes reconnaissant à l’excellent artiste qui a conçu l’Arbre du Chagrin d’avoir préféré le langage clair de l’art populaire au langage trop souvent hermétique de l’art moderne. Car pour tous le message est limpide, de ces mères qui lancent vers le ciel, de leurs bras ouverts comme des branches, un vol de petits anges dont les ailes sont des feuilles, symboles de renaissance. Et que les enfants morts deviennent ainsi les génies vivants de la paix, les anges gardiens de sa fragilité.

 

Participe de la même justesse, la discrète évocation du supplice de la soif qu’ont enduré les petits martyrs. Il n’y aura eu dans l’histoire des hommes que peu de peuples capables d’exprimer aussi bien leur communion avec la souffrance des leurs que par ce mémorial de la soif, avec ses deux mains de bronze tendues qui offrent à nos mémoires ce fin filet d’eau. N’est pas moins émouvant le souvenir de l’abnégation des hommes des forces de sécurité, qui se sont sacrifiés dans l’espoir de sauver des enfants. A l’égard de leurs veuves et de leurs orphelins, ce beau monument nous lave de la honte que nous éprouvons à cause de notre presse, dite libre, qui s’est précipitée pour calomnier ces héros.

 

Pour nous, le drame de Beslan marque, si pas la fin du terrorisme, en tout cas le début de l’ère nouvelle. Nous ne dirons jamais assez notre gratitude au peuple de Beslan et d’Ossétie-Alanie de compter tant de poètes et d’être aussi ouvert à la poésie, à l’aube de cette ère nouvelle, en un temps où elle est particulièrement nécessaires à la compréhension et à l’amitié entre les peuples d’Europe. Le préalable évident à cette amitié entre les peuples européens, c’est leur équilibre interne. Nous espérons dès lors fermement que le 1er septembre deviendra bientôt dans toute l’Europe la journée de la mémoire et de la solidarité.

                                                                                           Jean-Jacques de Hennin

 

LA PETITION

(elle existe dans toutes les langues de la Communauté européenne)

Nous, femmes et hommes, scandalisés par l’attentat terroriste perpétré sur 1300 otages à Beslan, en Ossétie-Alanie le 1er septembre 2004 et consternés par l’indifférence constatée à l’égard des 1000 survivants, tous atteints de pathologies physiques et psychologiques, appelons les parlementaires européens, la Commission européenne et le Conseil de l’Europe à Strasbourg à proclamer le 1er septembre, en mémoire de 186 petites victimes des terroristes à Beslan, Journée de solidarité européenne avec les enfants victimes du terrorisme.

(Pour signer la pétition, http://www.beslan.f  ou Torrestraat 76, 9200 Dendermonde)

lundi, 27 juillet 2009

Caucase: échec au terrorisme

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Caucase: échec au terrorisme

 

 

Plus de quarante terroristes ont été tués ou arrêtés récemment au cours d’une opération spéciale menée dans la zone frontalière entre la Tchétchénie et l’Ingouchie. L’agence de presse RIA Novosti l’annoncé le 15 juillet dernier, en rapportant le contenu d’un communiqué du ministère ingouche de l’intérieur, Rouslan Meïriev. L’opération anti-terroriste avait commencé le 16 mai 2009 et avait occupé jour et nuit les forces armées des deux républiques autonomes de la  Fédération de Russie. Selon le ministère, personne ne connaît le nombre de combattants qui se cachent  dans  les forêts ou les montagnes. Une chose est certaine désormais: ils ont de moins en moins d’effectifs sur lesquels ils peuvent vraiment compter. “Les membres des formations illégales”, précise un membre du ministère de l’intérieur ingouche, “se déplacent continuellement d’un territoire à l’autre. Aujourd’hui ils sont dispersés et isolés; nos opérations sont un succès car ils  ne sont plus en mesure de commettre des attentats à grande échelle”. Mais  le travail de nettoyage n’est pas terminé.  Chaque jour qui passe permet aux troupes loyales de Tchétchénie et d’Ingouchie de découvrir de nouvelles cachettes d’armes et de munitions.

 

(article paru dans  “Rinascita”, Rome, 16  juillet 2009).

jeudi, 09 juillet 2009

Entretien avec A. Douguine sur la Russie et l'Union Européenne

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Entretien avec Alexandre Douguine

Sur la Russie et l’Union Européenne

 

Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz pour l’hebdomadaire “zur Zeit” (Vienne)

 

Q.: Monsieur Douguine, comment jugez-vous le rôle de l’Union Européenne dans le monde?

 

AD: Je pense que l’Europe est prédestinée à jouer un rôle géopolitique important dans le monde et l’UE pourrait constituer un élément positif dans ce projet car l’unification européenne peut se percevoir comme la volonté des peuples européens de se porter au-delà des limites des Etats nationaux. Et lorsqu’on analyse la situation géopolitique, on constate que, dans un monde en plein changement, le concept de souveraineté reçoit un contenu nouveau. Même de grands Etats comme la France ou l’Allemagne ne sont plus en mesure de maintenir leur souveraineté pleine et entière et risquent, à court ou moyen terme, de devenir des satellites américains. Mais une Europe unie, elle, serait capable de devenir, si elle le voulait, un puissant facteur géopolitique. Mais, justement, cette UE n’a pas la volonté de  défendre ses propres intérêts géopolitiques; au lieu de cela, elle ne poursuit que des intérêts économiques immédiats.

 

Q.: Comment faudrait-il, d’après vous, façonner les relations entre l’UE et la Russie?

 

AD: Il faut d’abord savoir qu’Européens et Russes sont des alliés naturels parce que la Russie est un Etat continental et que l’Europe, elle aussi, a une identité essentiellement continentale. C’est pourquoi Européens et Russes sont des partenaires idéaux dans un monde multipolaire, parce que la Russie dispose de ressources énormes et que l’Europe, pour sa part, dispose de hautes technologies, d’un bon système économique et est la deuxième économie du monde. Voilà pourquoi je crois que si la Russie et l’UE s’unissent sur base de leurs intérêts communs, elles pourront toutes deux atteindre leurs objectifs. Ce qui affaiblirait les Etats-Unis.

 

Q.: C’est pourquoi les Etats-Unis tentent de diviser l’Europe, entre une “Vieille Europe” et une “Nouvelle Europe”?

 

AD: C’est tout à fait exact. Les Etats-Unis tentent de créer en Europe orientale un “cordon sanitaire”. Ils veulent que se constitue une zone de manoeuvre géopolitique qui séparerait la Russie de l’Europe, tout en essayant de contrôler entièrement cet espace géographique-là. La plupart des pays est-européens ne servent plus aujourd’hui des intérêts européens mais, au contraire, ceux des Etats-Unis. Ce que font des pays comme les Pays Baltes, l’Ukraine, la Pologne voire la République Tchèque, c’est empêcher une possible alliance euro-russe. Ces pays sont certes membres de l’UE mais ne sont pas “européens” au sens géopolitique et stratégique du terme: il leur manque une conscience européenne, ils en sont totalement dépourvus, et essaient, de ce fait, de détruire l’Europe qui est en train de se faire. Voilà pourquoi la Russie et l’Europe doivent coopérer en ne songeant qu’à leurs intérêts communs, indépendamment des points de vue différents qu’elles pourraient avoir en d’autres sujets ou matières.

 

Q.: Comment juge-t-on en Russie les projets d’adhésion de la Turquie à l’UE?

 

AD: Ce projet est diabolique dans la mesure où il nuit tant à l’Europe qu’à la Turquie. J’entretiens depuis quelque temps de très bonnes relations avec de nombreuses personnalités de haut rang en Turquie et toutes pensent qu’une adhésion de leur pays à l’UE détruirait l’identité turque. Les Américains sont en fait les promoteurs de l’idée d’une adhésion turque à l’UE dans le but d’affaiblir l’Europe et de détruire la Turquie. Nous, Russes, avons actuellement de bons rapports avec la Turquie et nous coopérons étroitement avec elle, quand il s’agit de servir nos intérêts communs, mais nous ne pensons rien de bon d’une éventuelle adhésion de la Turquie à l’UE.

 

(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°7/2009; entreten réalisé par Bernhard Tomaschitz; trad. franç.: Robert Steuckers)

samedi, 04 juillet 2009

Un tabou de l'histoire contemporaine: l'attaque allemande contre l'Union Soviétique en juin 1941

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Archives de Synergies Européennes - 1992

 

Un tabou de l'histoire contemporaine: l'attaque allemande contre l'Union Soviétique en juin 1941

 

 

par le Generalleutnant Dr. Franz UHLE-WETTLER

ancien Commandeur du NATO Defence College de Rome

 

Le 22 juin de cette année, il y avait tout juste cinquante ans que la Wehrmacht était entrée en Russie. Notre époque se caractérisant par un engouement pour les dates-anniver­sai­res, médias et politiciens ont eu l'occasion de se manifester et de faire du tapage. Mais on savait d'avance ce qu'ils allaient nous dire. Ils nous ont rappelé que l'Allemagne, pen­dant la seconde guerre mondiale, avait utili­sé des méthodes criminelles (l'ordre de dé­clen­cher l'Opération Barbarossa) et con­cocté des desseins tout aussi criminels (le Plan de la réorganisation politique et éco­nomique des territoires de l'Est). Et que c'est pour pro­mou­voir ces méthodes et réaliser ces des­seins que les Allemands ont com­battu. Avec des reproches dans la voix, avec des trémolos de honte, on nous a remémoré que toutes les institutions politiques, y com­pris la Wehr­macht, ont participé à ces crimes. Plus d'un donneur de leçons est venu à nous, la mine docte, pour nous dire qu'il fallait briser les ta­bous et laisser la vé­rité se manifester.

 

Mais il y a plus intéressant que ces sempi­ternelles répétitions de ce que nous savons déjà: précisément ce que ces briseurs de ta­bous veulent ériger comme tabous, les révé­lations qu'ils considèrent comme sacrilèges et qu'ils dénoncent comme telles. L'heb­do­ma­daire Die Zeit,  notamment, s'est spécia­li­sé dans ce genre d'entourloupettes. En 1988, quand les toutes premières voix se sont éle­vées pour dire que l'attaque alle­mande de juin 1941 n'était peut-être pas une attaque dé­libérée, perpétrée sans qu'il n'y ait eu, de la part de l'adversaire, la moindre pro­vo­ca­tion, Die Zeit  répondit par deux longs ar­ticles morigénateurs, dont le titre et les sous-titres en disaient assez sur leur contenu et leur style: «Les mensonges qui justifient la thè­se de l'attaque défensive  - Pourquoi on ré­ac­tive la fable de la guerre préventive dé­clen­chée par l'Allemagne». Bref: le ton d'une inquisition moderne.

 

Bien sûr, Staline voulait la paix

et Hitler, la guerre

 

Souvenons-nous toujours que les médias et les politiciens ne traitent des causes de la guerre qu'au départ de catégories morali­santes: on parle de culpabilité dans le dé­clen­chement de la guerre, de Kriegs-’Schuld’.  Or la guerre est un fait de monde qui échappe précisément aux catégories de la morale. Mieux qui ne peut nullement s'ap­préhender par les catégories de la mo­ra­le. Si Hitler avait acquis plus rapidement la victoire à l'Ouest ou si, au moins, il était parvenu à une paix provisoire avec l'Angle­terre, il aurait pu, s'il en avait eu en­vie, tour­ner tout son potentiel contre la Russie. Staline aurait été livré à son bon vouloir. Donc Staline ne pouvait pas, sans réagir, laisser évoluer la situation de la sorte. Il devait en conséquence attaquer l'Allemagne tant que celle-ci affrontait en­core l'Angle­ter­re (derrière laquelle se profi­laient depuis un certain temps déjà les Etats-Unis). Staline a dû opté pour cette solution par contrainte. Et cette option n'a rien à voir avec une quelcon­que notion morale de «faute», de «culpa­bi­li­té»; elle a été dictée par la volonté de Staline de survivre.

 

Examinons les choses de l'autre bord: la con­trainte que Staline allait inévitablement subir, Hitler ne pouvait pas ne pas la devi­ner. Par conséquent, Hitler était contraint à son tour d'élaborer des plans pour abattre la puissance de Staline, avant que celui-ci ne passe à l'attaque. Et quand, dans une situa­tion pareille, si explosive et si complexe, l'é­tat-major allemand assure Hitler que la Rus­sie peut être battue en quelques mois, plus rien ne pouvait arrêter le Führer. Pro­cessus décisionnaire qui n'a rien à voir non plus avec la notion de «faute», mais dé­coule plus simplement de la position géogra­phique occupée par l'Allemagne. Oser poser au­jour­d'hui de telles réflexions réalistes, non mo­rales: voilà qui est tabou.

 

Mais il y a encore plus étonnant: par exem­ple, ce que nos destructeurs de tabous ra­con­tent sur les intentions de Staline en 1940/41. Les documents soviétiques ne sont toujours pas accessibles. Pourtant, nos bri­seurs de ta­bous savent parfaitement bien ce que voulait Staline. Et il voulait la paix. Evidemment. Donc, l'attaque allemande était délibérée, in­justifiée. Scélérate. Comme sont des scélé­rats ceux qui osent émettre d'autres hypo­thè­ses sur la question. Des scélérats et des men­teurs. Des menteurs qui cultivent de mau­vaises intentions. Voilà comment on défend des tabous.

 

Pourtant Karl Marx déjà nous avait ensei­gné que les Etats socialistes devaient se pré­parer pour la guerre finale contre les capita­listes. Staline  —on sait qu'il ne s'encom­brait pas de scrupules inutiles—  avait choisi de provoquer cette lutte finale par l'offensive. Et il l'avait planifiée jusqu'au plus insigni­fiant détail. Depuis 1930, tous les nouveaux wagons des chemins de fer sovié­tiques, épine dorsale de la logistique des ar­mées moder­nes (encore de nos jours), de­vaient être cons­truits de façon à pouvoir pas­ser rapidement du grand écartement russe au petit écarte­ment européen. Préconise-t-on de telles me­su­res quand on n'envisage que la défensive? De plus, Staline avait mis sur pied une ar­mée gigantesque. On pourrait arguer que c'était pour se défendre; mais les chars et les unités aéroportées y jouaient un rôle prépon­dérant. Par conséquent, cette im­mense ar­mée avait bel et bien été conçue pour une guerre offensive.

 

Comparons quelques chiffres pour donner une idée de la puissance soviétique en ma­tière de blindés; en 1941, la Wehrmacht pos­sédait 3700 chars capables d'engager le com­bat, c'est-à-dire des chars qui ont au moins un canon de 37 mm. Elle disposait en plus de 2030 engins chenillés ou sur roues armés de mitrailleuses ou de canons de 20 mm. Elle a attaqué la Russie avec 2624 chars et 1024 en­gins armés de mitrailleuses ou de canons légers de 20 mm (types Panzer I ou Panzer II). C'était tout! Face à elle, l'Armée Rouge alignait entre 22.000 et 24.000 chars de com­bat, presque tous armés de canons de 45 mm ou plus. Parmi ces chars, on trouvait déjà 1861 chars des types KV et T34, qui étaient invulnérables face à presque tous les chars allemands de l'époque. L'arme blindée sovié­tique, à elle seule, était plus puissante que toutes les autres forces blindées du monde! La supériorité soviétique en matières de ca­nons et de mortiers était plus impression­nante encore. Quant aux escadrilles aé­rien­nes, le rapport des forces était également dé­fa­vorable aux Allemands: le 22 juin 1941, les unités allemandes envoyées au front russe disposaient de 2703 avions de combat; leurs adversaires soviétiques en avaient de 8000 à 9000, pour protéger des unités bien plus im­portantes encore, massées dans l'arrière-pays.

 

Les Soviétiques disposaient en tout état de cause d'une puissance militaire capable de passer à l'offensive. Et l'URSS avait des rai­sons de s'en servir. Mais que voulait Staline?

 

Déjà, au début de l'été 1940, quand les Al­le­mands n'avaient plus que quatre divi­sions à l'Est, Staline avait massé près de cent di­visions le long de sa frontière occiden­tale. Personne ne saura jamais ce que Staline comptait en faire, au cas où l'attaque alle­mande contre la France se serait enlisée. A la veille de l'attaque allemande contre l'Est, Staline avait rassemblé 180 divisions dans ses districts militaires de l'Ouest. Elles ve­naient des régions les plus éloignées de l'em­pire soviétique: de la Transbaïkalie et du Caucase. A ces 180 divisions, s'ajoutaient en­core neuf nouveaux corps mécanisés (cha­cun doté de plus de 1000 chars) ainsi que dix nouveaux corps d'armée aéroportés, ce qui trahissait bien les intentions offensives du dictateur géorgien.

 

Bon nombre de ces divisions acheminées vers l'Ouest ont été cantonnées dans des bi­vouacs de forêt provisoires, où il s'avérait difficile de maintenir à long terme les acquis de l'instruction et la vigueur combattive des troupes. Pas une seule de ces unités ne s'est mise en position défensive. Si elles avaient construit des redoutes de campagne, installé des obstacles, posé des champs de mines, l'attaque allemande de juin 1941 aurait été bloquée net et neutralisée. Les généraux so­viétiques n'ont pas tenu leurs unités de chars en réserve pour une éventuelle contre-attaque mais les ont avancés le plus loin pos­sible vers l'Ouest, dans les saillies fronta­lières. Indice plus révélateur encore: les dé­pôts logistiques de pièces de rechange, de munitions, etc. se situaient dans la plupart des cas à l'avant, plus à l'Ouest, que les uni­tés de combat ou les escadrilles d'avions qui étaient censées s'ébranler les premières. Beau­coup de phénomènes apparamment mar­ginaux confirment la thèse de l'immi­nence d'une attaque soviétique. Citons-en un seul: lors de leur avance fulgu­rante, les troupes allemandes ont souvent découvert des stocks de cartes militaires soi­gneu­se­ment emballées. Ces paquets conte­naient des cartes de territoires allemands.

 

La thèse de l'attaque

délibérée ne tient plus

 

Que pouvons-nous prouver en avançant tous ces indices? Rien. Sinon que l'attaque du 22 juin 1941 n'était probablement pas une at­taque délibérée et injustifiée contre une URSS qui ne voulait que la paix. Staline avait tous les moyens qu'il fallait pour attaquer. Beaucoup d'indices prouvent qu'il avait éga­lement l'intention d'attaquer, comme Hitler l'a affirmé dans plusieurs conversations se­crètes et privées. Reste à savoir quand cette attaque soviétique se serait déclenchée. Quel­ques semaines plus tard? Au printemps de 1942? La décision allemande d'attaquer, la date du déclenchement des opérations, ont-elles été choisie parce que l'état-major alle­mand avait aperçu le danger d'une attaque soviétique imminente ou parce que les mou­vements des troupes soviétiques ont précipité le cours des événements ou ont-elles été choi­sies tout-à-fait indépendemment des ma­nœu­vres soviétiques? Voilà tout un jeu de questions encore sévèrement tabouisé. La «querelle des historiens», il y a quelques an­nées, l'a amplement démontré.

 

Quoi qu'il en soit: tout historien qui prétend aujourd'hui, en dépit de tous ces indices, que l'attaque allemande était entièrement injus­tifiée, qu'elle a été perpétrée sans qu'il n'y ait eu la moindre provocation soviétique, tout historien qui avance la thèse d'une attaque allemande délibérée et veut faire d'une telle thèse un axiome de vérité, ne pourra plus être pris au sérieux. La raison, le bon sens et le programme du premier semestre de toute licence en histoire nous enseignent la même chose: toute connaissance sûre quant aux motivations, aux intentions et aux objectifs ne peut être acquise qu'au départ de docu­ments internes. Or les documents sovié­ti­ques sont toujours inaccessibles.

 

Dr. Franz UHLE-WETTLER.

   

dimanche, 28 juin 2009

Entretien avec Ilya Goriachev

Entretien avec Ilya Goriachev

par Alexandre LATSA - http://alexandrelatsa.blogspot.com/

Il est des gens qui n'ont pas accès aux médias officiels Francais, parmi eux, Ilya Gorachev, leader de la principale organisation ultra-nationaliste Russe "Obraz Russie".


Depuis la reprise en main de la Russie par l'équipe Poutine-Medvedev, les mouvements ultra-nationalistes ont toujours été très présents sur la scène politique Russe mais également souvent marginalisés. Pire, la plus grande partie de ces mouvements (DPNI en tête) est allé se fourvoyer dans une opposition sans borne au Kremlin, allant même jusqu'à soutenir les libéraux et participer avec les groupes néo-nazis Ukrainiens à la révolution Orange en Ukraine.

Au contraire, depuis 4 ans, Obraz se structure comme la principale force nationaliste d'opposition réelle, et se définit comme l'aile droite des mouvements de jeunesse, un mouvement de jeunesse qui s'affirme prêt à résister sur le terrain à une éventuelle révolution Orange en Russie. Très proche du député à la douma Russe
Maxim Mishenko (député du parti de Vladimir Poutine et accessoirement leader de l'organisation de jeunesse Poutinienne "Jeune Russie"), Ilya Goriachev a accepté de répondre à mes questions (entretien réalisé il y a quelques semaines) :


Ilya, peux tu te présenter et présenter Obraz Russie ?

Je m'appelle Ilya Gorachev. Je suis le président et le coordinateur de l'association «Obraz Russie» en fédération de Russie et ce depuis 6 ans. Officiellement nous existons depuis le 1ier mars 2003, depuis qu'est sorti le premier numéro de notre journal.
D'ou vient le concept de Obraz ? Il vient de Serbie, ou durant l'automne 2002 une organisation du nom de
Obraz Serbie a été crée par un patriote du nom de Nebojsa Krstic. Celui ci était proche du SRS et de Seselj, de Arkan et d'autres patriotes de ces mouvances. Malheureusement, fin 2002 il mourut dans un accident de voiture. Le doute subsiste toujours de savoir s'il s'agit d'un accident réel ou d'un accident provoqué comme celui de Jorg Haider.
Dès lors l'organisation est tombée en désuétude en Serbie, pendant que sa soeur jumelle naissait en Russie. Aujourd'hui Obraz Russie collabore avec Obraz Serbie mais également avec d'autres organisations en Serbie qui nous semblent prometteuses comme le
mouvement 1389 de Misa Vacic et Igor Marinkovic.

Obraz Russie s'est donc développé autour d'une revue à ses débuts et à la chance de compter dans sa sphère dirigeante près de 50% de gens issus d'un cursus universitaire historique, c'est un gros plus car nous estimons à Obraz que les gens qui s'engagent en politique doivent avoir de solides connaissances historiques.

Si nous parlons de la structure même de Russki Obraz, nous existons comme structure politique depuis 2 ans. Le coeur de notre mouvement est bien évidemment à Moscou, ou nous pouvons compter sur une centaine de militants actifs permanents. Notre plus grosse action publique à pour l'instant été la marche Russe de novembre 2008 qui a réuni plus de 1.500 nationalistes. Cela peut sembler peu pour un pays gros comme la Russie mais la société civile Russe est extrêmement peu politisée et il faut comparer avec les marches «anti pouvoir», ou de «libéraux» qui ne rassemblent jamais plus de 200 ou 300 personnes.
A côté de cela nous sommes bien sur présents ailleurs en Russie, nous avons actuellement une dizaine de bureaux structurés, principalement dans la partie Occidentale de la Russie, notamment à Kaliningrad, Saint pétersbourg ou encore Kalouga. Au centre du pays nos deux principales structures sont à Iekatérinbourg et Iejevsk, et en Sibéfie, à Tomsk et Abakan.
Dans de nombreuses villes nous n'avons pas de structures Obraz à proprement parler mais des réseaux. Enfin, le journal sort une fois par an, pour notre anniversaire.

Obraz Russie se veut avant tout un groupe de pression qui défend les intêrets des citoyens Russes dans les médias et dans les structures du pouvoir. Nous avons décidé de copier la tactique de lobbying et d'infiltration qu'utilisent les différentes diasporas ou encore les groupes «gauchistes» ou «libéraux». C'est une tactique qui fonctionne bien et est malheureusement trop peu répandue chez les patriotes. Pour ce faire, nous travaillons avec tous les individus qui défendent les mêmes valeurs que nous, peu importe leur étiquette politique. Nous n'appartenons à aucun parti politique, et ne sommes pas une marque achetable. Par exemple dans la dernière douma d'état nous travaillions beaucoup avec
Nicolas Kurianovitch du LDPR (NDLR le parti de Vladimir Jirinovski ) et dans l'actuelle douma nous travaillons avec Maxime Mishenko de Russie Unie (le parti du premier ministre Vladimir Poutine). Pour nous l'individu et les valeurs priment sur le parti, nous pourrions très bien travailler avec quelqu'un membre du parti communiste de Russie par exemple.
Enfin nous nous servons de la musique pour diffuser nos idées, via notre groupe de musique «
Hook Sprava». Le groupe est récent et vient d'enregistrer son premier album à l'occasion du dernier anniversaire de Obraz Russie. Il a également effectué une série de concerts. La société en Russie étant passive politiquement, nous tentons de développer nos idées via la musique et cela fonctionne plutôt bien.

La scène politique en Europe est très lisible, qui est de droite, qui est de gauche, qui est pro Américain ... Qu'en est t'il en Russie ? Qui est qui ?
Voila comment on peut décrire la situation : ces dernières années ce sont fortement développées en Russie des manifestations d'opposants au pouvoir en place. Particulièrement des marches regroupants des groupuscules libéraux et d'extrême gauche qui défilent ensemble lors des célèbres «
marches du désaccord». Ces marches ont quelque peu préocuppé le Kremlin, dans une atmosphère de révolutions de couleurs dans les pays voisins.
Par conséquent le pouvoir a en réaction toléré la «marche Russe» de 2005 qui a été la première marche nationaliste officielle sous l'ère Poutine. Celle ci à eu un succès phénoménal, et les marches se sont multipliées dans les annés qui ont suivies et ce en plein centre de Moscou et ont fait beaucoup parlé d'elle, effrayant le public. Le pouvoir s'est alors fendu d'une loi interdisant toutes les marches ou manifestations hormis à un seul endroit de Moscou. Dès lors de nombreux «dissidents» se servent de cette loi pour pouvoir faire filmer une manifestation réprimée devant les caméras, manifestation dès lors réprimée uniquement car tout simplement légalement interdite à l'endroit ou ces dissident prétendent l'organiser.

A ce sujet il me semble utile de préciser ceci : nombre de patriotes en Russie et ailleurs pensent qu'il serait utile de rallier les protestations anti pouvoir, ou au moins de copier leurs méthodes coup de poings. Ceux la mêmes pensent qu'après une éventuelle révolution orange aboutie, ils auraient en tant que nationalistes la possibilité de participer au pouvoir dans une situation démocratique politique nouvelle. Hors si les opposants internationalistes (regroupant la gauche et les libéraux) venaient à prendre le pouvoir en Russie, ceux ci, parfaitement conscients de la popularité des idées nationales dans le peuple Russe, ne toléreraient jamais d'équitables élections et une participation des nationalistes à la vie politique. L'intolérance à l'égard des idées nationales serait la même avec cette alliance «libéralo-gauchiste» que sous Eltsine ou sous le régime Communiste. Cela doublé d'une collusion avec les «orangistes» et leurs soutiens en Europe et en Amérique, soutiens ouvertements incamicaux à l'égard des citoyens Russes et la de la Russie en général.
Nous autres, patriotes de Obraz, affirmont catégoriquement notre opposition à ces «dissidents» et affirmons que les patriotes qui soutiennent ces opposants se trompent. Nous ne sommes absolument pas satisfaits de la «tolérance» à l'Européene comme modèle politique et pensons que un tel régime (libéral) en Russie et à la Russe ne serait pas aussi doux qu'en Europe, comme l'histoire récente de notre pays nous l'a montré au cours du siècle dernier.

Lors de notre dernière marche, nous avons eu le droit de légalement défiler selon un itinéraire permis et toléré par la mairie, pendant que d'autres marches ont elles été interdites et sanctionnées par le pouvoir (arrestations de militants et etc). Il est curieux que ces marches interdites aient tenté le coup de force, comme la marche du DPNI sur Arbat On peut légitimement se demander les motivations de ceux qui ont envoyés des patriotes au «casse pipe» aussi ouvertement alors qu'ils savent très bien qu'ils ne peuvent tout au plus mobiliser que quelques centaines de personnes alors que les OMON seraient eux en très grand nombre.

Obraz souhaite travailler dans un cadre légal avec les authorités du moment car il n'est possible de menacer et d'utiliser des ultimatums seulement si vous disposez de dizaines de milliers de partisans ou de grosses ressources financières. Nous n'avons pour l'instant ni l'un ni l'autre. Aller au clash avec le régime et se plaindre des violences policières derrières n'a aucun intérêt pour les patriotes Russes car ceux ci ne bénéficieront pas de couverture médiatique ni en Russie, ni dans la presse Occidentale pour qui ils représentent ce qu'il y a de pire.
Cela a été démontré lors de la dernière marche du 4 novembre ou la forte représsion contre les manifestants nationalistes n'a au aucun écho favorable tel que les organisateurs escomptaient obtenir. A l'inverse, les quelques manifestations coup de poings des libéraux à Moscou ont un écho énorme dans la presse notamment Occidentale, de par les passerelles médiatiques communicantes Russie/occident, via la sphère libérale.

Je suis un multilatéraliste, si certains veulent organiser une marche coup de poing, sans l'accord du pouvoir, qu'ils le fassent mais que l'on ne nous demande pas d'y participer. Un centre unique est toujours plus facile à détruire et à diviser pour le système, l'expérience de «l'unité nationale Russe», du «front national Francais» ou du «parti radical serbe» devraient nous servir de leçon.

Quels sont les liens de Obraz Russie avec des mouvements Europeéns ?
Actuellement nous avons des liens très étroits avec divers mouvements dans le sud-est de l'Europe, en Macédoine, Serbie, Bosnie Serbe et Roumanie. Nous souhaiterions développer nos liens avec des mouvements en Europe occidentale et en Amérique mais actuellement nous n'avons pas de contacts réellement établis.
Il faut bien comprendre que le mouvement nationaliste en Russie si il est assez fort est tout récent, et encore peu structuré en profondeur. Il ne date que des années 90 pouvez vous l'imaginer ?
Enfin nous rencontrons également des difficultés de relation avec les médias, tout comme en Europe et même en Russie de nombreux citoyens ne savent pas qu'existent des associations nationalistes comme la nôtre. Les médias, partout dans le monde, façonnent la vision du monde nouveau, et donnent parfois des images erronées. La vision erronée de nationalistes en uniformes noirs (RNE) reste dans les esprits mais cela n'est plus comme ca depuis longtemps en Russie! Ce type de mouvement n'est plus, les gens ne sont plus les mêmes !
Nous souhaitons dire à nos collègues européens que principalement nous souhaitons collaborer avec eux dans le domaine de l'échange d'information, d'opinion et de connaissance, mais aussi dans l'organisation d'activités communes. Enfin il y a une volonté d'organiser une conférence des nationalistes Européens à Moscou, mais pour l'instant cela est au point mort car nous n'avons pas encore les bons contacts, éprouvés, avec des responsables d'organisations Européennes sérieuses.

Bien sur nous souhaiterions plus de contacts avec la France, l'Allemagne et l'Italie. En France l'expérience pratique de Jean Marie Le Pen au sens électoral (cumul de direction d'un parti nationaliste et de poste de député Européen) est pour nous intéressante, tout comme l'est celle des Italiens,qui font un gros travail de prise et de gestion du pouvoir. Mais malheureusement nous n'avons aucun contact direct avec les Italiens, ce que nous souhaiterions pourtant.

Question à propos du conflit 'Israelo-Palestinien' ?
Nous avons à Obraz organisé deux manifestations devant les consulats des deux parties au conflit en les incitant à intensifier leurs activités militaires. En effet, nous pensons que nous n'avons pas à prendre partie d'un côté ou de l'autre, en tant que nationalistes Russes nous nous soucions tout d'abord de la Russie et des Russes. Pour nous Russes, ce conflit ne nous dérange pas, au contraire, plus il durera, plus cela nos sera profitable, par exemple pour développer la vente d'armes aux bélligérants ? Nous pensons exactement la même chose de tout autre conflit auquel la Russie n'est pas mêlée, par exemple le conflit entre les Hutus et les Tutsis.
Encore une fois, pour nous les problèmes les plus principaux sont ceux concernants la Russie.

En France ce conflit a soulevé de grosses questions et créé d'importantes tensions dans toutes les sphères politiques, y compris chez les patriotes.
Je pense que c'est une caractéristique des nationalistes du monde entier que d'être rigide doctrinalement contrairement aux gauchistes qui cherchent avant tout la tolérance et le compromis. De par le grand nombre de ressortissants de cette zone du monde, la france est plus concernée que la Russie par ce conflit. Pour nous en Russie, ce n'est qu'un petit conflit local et nous avons également «déjà» nos conflits. Nous avons déjà nos problèmes religieux en Russie. Par conséquent nous ne sommes pas concernés plus que cela par le proche orient.

A quel niveau Obraz s'interesse t'il à ce qui se passe en Europe ? Il y a cette idée que les Russes en général s'interessent avant tout à ce qui se passe chez eux, et moins à par exemple les évenements en France ou en Europe ...
Cette impression est correcte de l'extérieur car le Francais est la langue européenne la moins parlée en Russie désormais, enfin moins que l'Allemand ou l'Anglais. Une petite quantité de gens le savent. En Serbie par exemple les contacts datent d'il y a très longtemps, pour des raisons historiques que l'on comprend facilement. Les contacts sont par contre très établis avec les Polonais via le football et la subculture, nous avons donc des contacts permanents avec eux et savons bien ce qu'il se passe en Pologne. C'est plus dur avec l'Europe dont les gens ne puisent l'information que par le biais de la presse grand tirage Russe. Les patriotes sont en général satisfaits du résultat des élections en Europe avec les bons scores des partis «nationalistes» en Bulgarie, Autriche ou en Suisse. L'affiche du mouton blanc qui chasse le mouton gris a été très populaire en Russie. En ce qui concerne la France, Obraz a publié deux textes : le premier sur les pogroms afro-arabes anti blancs de 2005 et demandant pourquoi les francais de souches ne se sont ils pas plus défendus et le second sur l'OAS.

En règle général nous sommes ouverts au monde, par exemple les émeutes de 2005 en Australie contre les libanais qui empêchaient des australiennes de bronzer topless. J'ai entendu dire que en France un débat avait éclaté pensant sur la nécéssité d'un tel homme fort (le premier ministre John Howard) au pouvoir, alors qu'en Australie au contraire on l'accusait de lois restreignant la vente d'armes dans le pays, alors que ce pays en a une très grande tradition comme en Amérique.

Les nationalistes Russes s'intéressent énormément aux associations européennes c'est un fait. Par exemple des contacts ont été établis de facon sérieuse avec les allemands du NPD, certaines de leurs pages étant traduites en Russe par le grand nombre d'adhérents Russes de chez eux. Grâce à cela nous avons procédé à une présentation des livres de l'historien Dmitri Tatatorin sur l'histoire des nationalismes en Russie. Malheureusement cette présentation à Saint Pétersbourg n'a pas eu le succès escompté car nombre de nationalistes Russes avaient joints une marche nationaliste en Suède, dans la petite ville de Salem. Par conséquent il y a des contacts, mais pas forcémment publics, ce qui laisse effectivement penser que nous ne communiquons pas entre Russes et Européens.

Quelle est pour toi, en tant que nationaliste Russe la frontière «est» de l'Union Européenne ?
Je sais quel rapport ont les nationalistes avec l'UE, comme en Serbie par exemple ou cette question de l'UE est très délicate et la société très divisée à ce sujet. En Russie l'UE n'est que peu appréciée et pas respectée. Chez les nationalistes Russes il n'y a en général pas d'opinion tranchée, si ce n'est que : « l'UE est remplie d'immigrés», ce qui d'ailleurs n'est pas faux.
Je pense que la Russie pourrait être amenée à intégrer l'UE mais a condition que les forces libérales se soient au préalable imposée et que la Russie est définitivement basculée, et soit devenue une société libérale molle à l'occidentale, comme est en train de le devenir la Pologne. A ce moment, la Russie serait toute prête à intégrer l'union européenne. Mais tout cela est virtuel car la Russie d'aujourd'hui, avec sa réalité archaique et son pouvoir aux ambitions impériales ne peut absolument pas intégrer l'UE. Si la Russie en l'état devait intégrer l'UE cela ferait le même résultat que d'unifier la corée du nord et du sud. Cela serait un choc terrible pour l'UE que de devoir intégrer 140 millions de citoyens avec leurs conflits, leur économie différente, etc etc

L'UE modifie les politiques des pays, et créé des problèmes de réglementation en imposant au pays des réglementations indésirables. Par exemple en Bulgarie, qui était un gros producteur de pommes, les normes Européennes ont fait cessé toute production et depuis les pommes sont importées d'Iran, tout cela pour protéger les pays comme la France, l'Espagne ou l'Italie et leur monopole au sein de l'Europe. Lorsque l'UE a commencé à taper sur la bourse des gens, les partis contestataires se sont développés, en premier lieu desquels le parti nationaliste
Ataka, qui surfe sur la vague eurosceptique et contre l'entrée de la Bulgarie dans l'OTAN. Les gens ne comprennent pas en Bulgarie pourquoi tout est arrivé en même temps.

Aujourd'hui avec la crise mondiale, les théories libérales nous disent que nous ne sommes pas allés assez vite et que il faut plus globaliser et aller rapidement vers un gouvernement mondial. Cela signifierait que dans ce scénario certains trouveraient les moyens de continuer à diriger de façon efficace. Dans ce scénario négatif, certes la Russie pourrait intégrer n'importe quel nouvel ensemble mais dans tous les cas l'UE ne digèrerait pas la Russie. Ou alors il faudrait un système à deux vitesses, peut être avec une sorte d'apartheid interne à l'UE (schengen ne s'étendant pas à la Russie) ou encore un «euro» propre à la Russie. Dans ces cas la peut être. Il faut bien être conscient que l'appareil administratif Russe ne «subiste» que par la corruption, et cela ne ferait sans doute pas plaisir à l'UE d'intégrer un ensemble aussi compliqué.
Enfin il y a l'obsession fétiche libéral des droits de l'homme, hors on imagine mal comment l'UE pourrait résister au déferlement de bandes organisées criminelles de l'ex URSS tout en maintenant ses dogmes «humanistes». Face aux problèmes que lui créérait cette situation d'intégration de la Russie, l'UE ne saurait quoi faire. C'est pour cela que les Russes ne craignent pas l'UE, parce que si elles devaient nous intégrer, nous la détruirions de l'intérieur.

En France il se dit que l'Ukraine pourrait éclater en deux entités ...
Et cela serait parfait ! Qu'est donc l'Ukraine ? Les Ukrainiens sont des Slaves de l'empire Austro-Hongrois et aujourd'hui, la langue et les moeurs de ce groupe ethnique qui représente ¼ du territoire cherche à l'imposer aux ¾ restants. Ce faisant se heurte aux protestations dans le sud est du pays, longtemps zone internationale. Mais il ne faut pas oublier que il y avait aussi des colonies Grecques le long de la mer noire dans l'antiquité, et dans la période médiévale des colonies génoises et vénitiennes. Et il y avait surtout de nomberux nomades. La steppe Ukrainienne a été longtemps occupée de voyageurs variés. Lorsque les troupes Russes occupèrent ce territoire, la colonisation fut Russe. Aujourd'hui on veut imposer l'Ukrainien aux populations qui résident en Ukraine. Naturellement il y a du rejet. Je vais souvent en Ukraine, j'ai été à Kiev par exemple l'année dernière. Que puis je dire ? On y parle Russe, mieux qu'à Moscou et comme dans la plupart des grandes villes de crimée. Je ne m'attendais pas que l'idée de l'implosion de l'Ukraine en deux soit déjà en Europe. Il est probable que la partie Occidentale de l'Ukraine rejoigne l'UE, voir la Pologne (des revendications en ce sens existent déjà) et que l'autre partie (orientale) deviennent une sorte de «Ukraine russe».
Voila la question, souhaiterions nous éventuellement alors intégrer cette «Ukraine Russe» à la fédération de Russie ? Certainement non, il est plus cohérent de souhaiter que ce nouvel état éventuel commence son histoire de zéro, seul et souverainement.
Pourquoi ? Prenons l'exemple de la Serbie, celle ci traine en elle les bagages de trois yougoslavies différentes : royale, communiste, et moderne. Elle en a hérité la structure et la nomenclature. Et même lorsque celle ci n'était plus que la Serbie et le Monténégro, il y avait encore deux niveaux d'organisations, le niveau fédéral et celui de chaque république. Exemple inverse en Croatie ou l'état a été directement créé de zéro, il y a été beaucoup plus facile d'y définir les identités et les nationalités. Autre exemple parlant, l'Amérique, les colons y ont créé un état à partir de zéro, avec de grandes libertés «nouvelles», comme ce second amendement permettant librement de s'exprimer ou encore la possibilité de possession et stockage d'armes à feu. C'est la constitution la plus libre du monde car elle donne de très grands droits et de très grandes libertés aux citoyens.

La France, au contraire, comme toute l'Europe, traîne des bagages négatifs. La France est le premier état à avoir renié les valeurs traditionelles au profit d'abord du pouvoir absolu d'un homme, puis au profit des chimères d'universalisme et d'égalitarisme, ce sont ces superpositions et l'absence de liberté individuelles qui en découle qui ont entrainé son déclin, comme dans nombres de pays d'Europe. Nous trainons nous aussi en Russie notre bagage historique pénalisant, il s'agit de celui de l'URSS et de ses républiques, ici et la, dont nous ne pouvons ni espérer un changement profond, ni nous en débarasser, sans que cela n'entraine de conflits sanglants.
Voila pourquoi la perspective de création d'un état Russe d'Ukraine, serait intéressant comme exemple d'auto création d'un état neuf sans bagages historiques pénalisants. Voila quel serait à mon sens le seul intêret de créer un nouvel état Russe d'Ukraine, partant de zéro, et au sein duquel des «colons» pourraient y établir un ordre nouveau et juste. Mais ce ne sont que des rêves pour l'instant, la nouvelle élite Ukrainienne n'a pas besoin de Moscou.

Nous autres nationalistes Russes regardons attentivement d'autres sociétés, par exemple la Biélorussie (qui pour nous est un modèle de nouvel état avec un mode de fonctionnement national intéressant) ou la Transnistrie. Il y a aussi l'Estonie dont l'est est peuplé majoritairement de Russes et qui a des lois extrêmement libérales sur l'achat et la possession d'armes. En Russie il y a une très grosse revendication à ce sujet. Certains groupes sont ouvertement contre en Russie, affirmant que la légalisation des armes aménerait à l'anarchie et que les gens se tireraient tous dessus. Mais l'exemple de l'Estonie ou de nombreux Russes et Estoniens, habitants ensemble dans des zones très compactes, possèdent des armes prouve que ce n'est pas le cas. Le nombre d'affaires criminelles en Estonie via des armes à feu mêle un nombre égal de Russes et d'Estoniens, et les statistiques criminelles ne mentent pas.

En France les nationalistes ont longtemps regardé l'URSS comme l'empire du mal absolu, quelle est ton opinion à ce sujet ?
Lorsque l'URSS existait, le monde était bipolaire, et les communistes Francais cherchaient le soutien de l'URSS. C'était un réel danger pour le pouvoir Francais de voir les revendications des travailleurs se radicaliser et gagner le soutien «pratique» de Moscou. Le pouvoir ne pouvait par conséquent ignorer les revendications de ces travailleurs, revendications dirigées en sous main par Moscou. Lorsque l'URSS a disparue, le projet libéral à pu se développer sans aucune restriction, sans rencontrer aucun obstacle. J'ai été en France en 1997 et déjà il y avait de nombreux immigrants, dans les années 80 la situation n'était pas aussi désastreuse c'est certain. Voila la conséquence du libéralisme.

Quand à l'URSS, son principal problème est qu'elle portait en elle les germes de son échec en ne pouvant se détacher du système «marxo-communiste» pur. L'URSS n'a pas su dépasser son «cadre» communiste propre, Staline n'y est pas arrivé, et par conséquent après lui personne d'autre. Si cela avait été le cas, peut être que les choses auraient été différentes. L'URSS ne pouvait muter et donc après la mort de Staline son effondrement a commencé, cela était clair à l'ouest, mais cela c'est fait lentement, pas en 2 ou 10 ans mais en 40 ans. Cet effondrement était aussi certain que ne l'était la victoire de l'URSS durant le second conflit mondial.

Hors communisme et libéralisme sont les deux faces d'une même pièce de monnaie. Il n'y avait pas d'alternative mais les deux systèmes ne pouvait que mener au même résultat.

Pour Obraz, la Russie est ce l'Europe ou l'Eurasie ?
Nous sommes en harmonie avec la phrase de De Gaulle sur la grande Europe de Dublin à Vladivostock! Tout d'abord qu'est ce que l'Eurasisme ? D'ou vient elle ?
C'est une théorie développée par les officiers blancs en exil après la guerre civile et à bien des égards elle est construite sur un ressentiment anti Européen et anti Occidental car ces théoriciens de l'Eurasisme (qui sont tous des Russes blancs) ont un sentiment d'abandon (justifié) de la part des Européens de l'entente. Donc la théorie Eurasienne est né dans le coeur d'officiers russes blancs, humiliés par l'Europe et cette théorie a été basée sur une necessité de la Russie de développer sa propre civilisation et selon sa propre voie.
L'Eurasisme qui renait aujourd'hui en Russie, principalement par le travail de A
lexandre Douguine et du mouvement Eurasien, implique non seulement que la Russie se développe selon «sa» voie historique mais elle implique également une forme d'unité avec les peuples «asiatiques», notamment à l'intérieur de la Russie contre l'Ouest (Amérique et Europe). En tant que nationaliste Russe, je refuse de "m'allier" avec les Tadjiks ou les Chinois contre les Européens. L'eurasisme aujourd'hui nous la voyons en surnombre dans les rues de Moscou! Pour nous l'immigration asiatique à Moscou ou en Russie peut à terme présenter une menace sérieuse, et non l'immigration Européenne, bien au contraire. Nous pensons que le peuple Russe a plus de points communs avec les Européens qu'avec les Asiatiques. C'est pourquoi nous défendons l'idée de grande Europe, de Dublin à Vladivostock.

La position de Obraz sur «l'Amérique» ?
L'image de l'amérique en Russie est issue de la culture Soviétique : «Ha l'Amérique c'est l'empire de l'autre côté de l'océan, c'est l'empire du mal» etc etc
Mais les Russes qui pensent comme cela ne pensent jamais aux citoyens Américains qui par exemple sont en désaccord avec leur propre gouvernement. Par exemple les milliers d'Américains d'origine européene qui étaient contre les bombardements sur la Serbie. Nous à Obraz prônons de différencier le peuple des gouvernements. Il n'y a pas fondamentalement que des choses mauvaises en Amérique comme nous avons déjà parlé de la grande liberté d'expression mais regardez également l'existence d'asociations citoyennes comme la
NRA, qui regroupe des centaines de milliers de gens! Il n'y a rien de tel ni en Europe ni en Russie! Nous n'avons pas de tels lobbyes aussi puissant pour défendre nos intêrets car nos lois ne le permettent pas, et en ce sens nous sommes moins libres d'un certain point de vue qu'en Amérique.

Si l'on parle de l'amérique comme état, il ne faut pas oublier que l'amérique a été créé par des colons religieux européens qui ne «pouvaient» plus vivre en Europe. Ils ont traversé les océans, se sont imposés sur la nature et les indigènes, et ont créé un monde à partir de zéro. Cet esprit subsiste encore en amérique aujourd'hui. Et puis soyons objectifs, au vu du nombre d'armes à feu par habitants, il serait très dur aujourd'hui de contraindre les habitants de ce pays à quoi que ce soit, très dur de leur imposer un régime totalitaire par exemple! Croyez vous que des pogroms type les pogroms Francais de 2005 pourraient arriver en amérique ? Non, les américains eux auraient largement les moyens de régler le problème sans même la police. Et c'est bien ce que nous pensons à Obraz, que les lois restrictives anti armes sont avant tout des lois anti-citoyennes, pour les empêcher de se défendre. En Russie la police c'est l'arbitraire, et en Europe c'est l'état, mais en Amérique il y a le shériff qui est responsable des citoyens de sa zone, c'est une conception totalement différente.
Pour nous à Obraz, un pays ou le citoyen à droit à être armé, et à le droit à l'auto défense, ne peut pas être considéré comme entièrement mauvais.
En outre, qui connait des américains sait leur propension à la violence, et en cela ils sont beaucoup plus proches des Slaves, des Serbes notamment que des Européens de l'ouest. Enfin, je voudrais rajouter que l'amérique va sans doute très prochainement faire face à des larges conflits internes, opposants gangs mafieux et ethniques, et qu'il est probable que l'état fédéral perde de plus en plus le contrôle sur de plus en plus larges pans de territoire. En outre, la natalité des populations européennes en amérique ne baisse pas contrairement à l'europe et la russie, l'amérique reste donc un laboratoire «ouvert» et à observer.

Qui sont les nazbols ?
Les «nazbols» sont les menbres d'une organisation qui s'appelle le
NBP Leur chef, édouard limonov malgré ces 65 ans reste assez jeune dans sa tête. Celui ci à une grande carrière «politique» en Russie, il a même participé à des guerres (au côté d'Arkan en Serbie par exemple) et est devenu réellement célèbre en Russie lorsqu'il à co-créé le NBP avec Alexandre Douguine. Le NBP était un parti d'opposition sous Eltsine mais avec l'élection de Poutine, Alexandre Douguine a vu la possibilité de participer activement au mainstream de la vie politique Russe et dans un sens cesser d'être marginal. Il est donc devenu un «légaliste» , Limonov lui a continué (et continue) de vouloir faire tomber le régime.
Le NBP à toujours et est encore avant tout une organisation de protestation, mais une organisation politique ne «peut pas» vivre sur le vide et l'unique protestation. Hors le régime a toujours empêche le NBP de légalement exister sur la scène politique. Limonov a même été en conflit avec le parti communiste de Russie pour l'utilisation des symboles communistes. Les nazbols sont avant tout des contestataires et non des nationalistes à proprement parler, ils utilisent le drapeau rouge, la croix et la faucille. Leur rhétorique n'est pas non plus réllement nationale.

Peut on parler de narionalisme Rouge ?
En quelque sorte oui ! Leur idéologie est très variée et très souple. Dans certains cas ils sont très proches des communistes, dans d'autres plutôt légalistes et proches du pouvoir, et par exemple ailleurs (smolensk) ils sont avant tout anti-fascistes. Pour nombre de «libéraux» Limonov est un fasicte pur et dur ! Et en fait nombre de nationalistes auraient été disposés à des alliances politiques avec Limonov, si celui ci n'avait pas décrit dans son journal ses «sauteries» homosexuelles avec un black de Harlem! Cela a vraiment indisposé nombre de nationalistes en Russie mais lorsque celui ci a fait de la prison pendant deux ans pour «tentative de coup d'état», les détenus qui ne sont en général pas tendres avec les homosexuels en Russie n'ont eu aucun problème avec lui, je le sais car nous avons communiqué un temps ensemble. Par conséquent il est fort possible que cette page ait été écrite lors d'un moment de vie de bohème, ou même que cela soit une fiction complète, qui sait ?

Suite à cet période carcérale, limonov s'est radicalisé contre le régime et à commencé à chercher à participer de facon active à la vie politique. Sans ressources financières ni soutien médiatique, celui ci à conduit ses effectifs aux troubles de rues et à rejoindre les «marches du désaccord», principal groupe d'opposition au régime du Kremlin regroupant les libéraux et la gauche. Limonov pense réellement que en cas de renversement du régime, il pourra avec son parti participer à des élections librement. Je n'y crois pour ma part absolument pas. Je ne crois pas à des quelconques élections ou les nationalistes auraient librement le droit de s'exprimer. Si de réelles élections «libres» devaient avoir lieu, ce serait Mikael Kodorkovski qui les gagnerait, tout simplement parce qu'il couvrirait les murs d'affiches géantes, monopoliseraient les télés et les radios, et ainsi l'emporteraient. Et même si les gens ne votaient pas pour lui, les «libéraux» et autres affiliés truqueraient les bulletins afin d'attribuer la victoire à qui ils souhaitent. Voila à quoi ressemblerait une élection libre après une révolution orange.
Voila également pourquoi limonov fait alliance avec les libéraux, qu'il combattait auparavent, parce que notre système politique traine en lui l'héritage du soviétisme avec toutes ses lourdeurs et n'est pas capable d'offrir des corridors de développement suffisant à nombre de partis, dont le NBP. Voila pourquoi limonov et les «libéraux» font alliance, parcequ'ils pensent que unis, ils ont plus de chances de l'emporter.

Peut on nous dire en tant que nationaliste Russe quel problème te semble prioritaire ?
Le proncipal problème, en Russie comme ailleurs est l'involution démographique et la réduction du capital santé de la population de souche. C'est à dire une diminution quantitative de cette population mais également une baisse de sa vitalité et une détérioration de sa qualité. Ce problème existe en Russie mais également en France, il n'y a qu'à regarder votre équipe de football pour en être convaincu.

Si l'on parle du problème des forces et du pouvoir en Russie on peut imaginer trois variantes crédibles de contrôle de notre pays : une première possibilité est la prise de pouvoir par les nationalistes, une seconde est la prise du pouvoir par une quelconque coalition «libéralo-orange» et enfin la dernière un basculement à moyen terme de notre pays sous la bannière de l'Islam, soit après une guerre civile perdue, soit par volonté d'un régime libéral au pouvoir de définitivement détruire l'identité Russe en favorisant la prise de pouvoir de minorités (musulmanes) par le haut.

A mon sens, voilà ou se situe la lutte réelle pour la prise du pouvoir en Russie, entre les jeunes nationalistes et les jeunes groupes antifa, qui oeuvrent inconsciement pour les libéraux. C'est bien une des clefs à comprendre, l'ennemi est plus l'agent de la gauche que l'étranger musulman asiatique d'asie centrale, qui même si en surnombre est facilement contrôlable par un état fort et volontaire.

L'essentiel aujourd'hui est la lutte pour le pouvoir, et cette lutte ne passe pas par le Kremlin, car nous ne parlons pas de la même génération. Les gens de 20 ans ne vont pas avec les gens de 50 ans. Voyez le parallèle avec la France ou en 1968 tous ces étudiants d'extrême gauche s'opposait au pouvoir. Que voit t'on aujourd'hui ? Que ceux la même sont au pouvoir, tous ces anciens «ultras de gauche» sont au pouvoir au sein de coalitions libérales anti nationales. Il n'y a pas longtemps j'ai lu un livre de Alexei Tsvetkov, cet ancien anarchiste de gauche, raconte comment il a rencontré des écologistes du parlement Européen à Moscou et à pu «entrer» dans le système et distiller ses idées. Il a cependant été sifflé par ses partisans. Voila le même problème touche nombre de nationalistes, de patriotes en Russie aujourd'hui, ils refusent d'entrer ouvertement dans le système et ce faisant seront encore dans 20 ans à siffler le pouvoir plutôt que d'en faire partie et d'influer sur celui ci.

Les «gauchistes de 1968» ont été formés à l'école politique Allemande de Frankfort (markuse) et ont réussi à intégrer le système et le remodeler selon «leurs» façons de voir, selon leurs idées. Ils ont réussis à changer la face politique de l'Europe pour les 100 ans à venir. Naturellement vous avez toujours les éternels «puristes» qui vous diront : «vous avez renié, vous avez trahi, vous avez collaboré avec le système» mais en fait au global c'est totalement faux, cette génération de révolutionnaires nous a montré qu'on pouvait quasimment réaliser ses rêves, même si il existe évidemment une différence entre ses rêves et la réalité.

Nous pouvons dire qu'en Russie la situation est la même aujourd'hui qu'en 1968 en Europe, Celui qui «entre» dans le système à une chance de le modifier et d'influer sur l'évolution de notre pays. Si ce n'est pas nous qui prenons les places aujourd'hui, ce sera les «autres» et s'ils ont le pouvoir ils modèleront la Russie d'une façon qui ne nous convient pas. Par conséquent nous devons, comme les révolutionnaires de 1968 devenir une classe politique qui influe sur le développement du pays. Pour cela, il faut tout simplement, pas à pas accéder à tous les leviers du pouvoir.
Beaucoup de nationalistes en Russie ne savent pas comment «influer» sur le pouvoir, beaucoup attendent un grand soir, une sorte de 1917 bis mais ceux la se leurrent. Les bolcheviks par exemple n'ont pas attendu la révolution, ils l'ont déclenchée, et l'ont gagnée. Plus que cela, ils ont sacrifié leur vie à arriver à leur fin. Les bolcheviks étaient 100.000 au début et faisaient face à des partis politiques avec bien plus de membres mais c'était eux les plus motivés. A l'époque ils n'avaient pas en face d'eux un parti comme «Russie Unie» rempli de businessmen et de fonctionnaires, inscrits mais peu «militants» au demeurant. Les bolcheviques ont tout fait, ils ont créé une armée secondaire, ils ont modifié leur mode de vie, leur style de vie «pour» leur arriver à leur but, ils sont allés en prison, ils ont créé une société parallèle. Il n'y a aujourd'hui en Russie aucun parti, aucun mouvement avec de telles ressources. Qui ferait la révolution si elle arrivait demain ?

Aujourd'hui pour un nationaliste il y a a mon sens deux façons de se battre : soit mettre en place une structure révolutionnaire et la diriger jusq'au bout, soit intégrer une structure existante et la modifier de l'intérieur.

Merci Ilya d'avoir répondu à mes questions, je précise que le site d'Obraz comprend désormais une présentation en langue Française
ici.

00:28 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politiquer internationale, russie, nationalisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 26 juin 2009

Attacken auf den Dollar

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Attacken auf den Dollar

Aufstrebende Schwellenländer formieren sich − Steht die Welt vor einer »monetären Revolution«?

Brasilien, Rußland, China und Indien stellen immer offensiver den US-Dollar als Leitwährung im Welthandel in Frage.

Brasiliens Staatspräsident Luiz Inacio da Silva hat es satt: „Es ist absurd, daß zwei bedeutende Handelsnationen ihre wirtschaftlichen Beziehungen in der Währung eines dritten Landes abrechnen.“
Da Silva wandte sich mit seiner Kritik unmißverständlich an Chinas kommunistischen Führer Hu Jintao. Die beiden Staatsmänner hatten soeben in Peking einen Milliardenhandel über die Lieferung von Rohstoffen aus Südamerika unterzeichnet. Hu Jintao und seine Ministerriege hatten schon Monate zuvor die Ablösung des US-Dollar als Leitwährung der Welt ins Gespräch gebracht.
Die beiden aufstrebenden Großmächte stehen nicht alleine mit ihrer revolutionären Forderung. Auch andere Schwellenländer, wie Rußland, Indien, Südafrika und sogar entwickelte Industriestaaten wie Südkorea drängen darauf, eine andere, weniger schwankende und zuverlässige Verrechnungsbasis einzuführen, bei der auch der Euro eine bedeutende Rolle spielen könnte. Immerhin hat er dieses Jahr 15 Prozent gegenüber der US-Währung zugelegt.  
Vor allem die Russen drängen immer wieder darauf, den Greenback zu entthronen und durch einen Korb verschiedener Währungen, gekoppelt mit Sonderziehungsrechten des Internationalen Währungsfonds (IWF) zu ersetzen oder wenigstens zu ergänzen. Die Sonderziehungsrechte sind ein in den 60er Jahren eingeführte Kunstwährung, deren Kurs aus einem Korb großer Weltwährungen wie Dollar, Euro, Yen und Pfund errechnet wird.
Dimitrij Medwedjew, der Präsident aller Reußen, unkt: „Der Dollar hat als Verrechnungseinheit in der gegenwärtigen Krise versagt!“ Er sieht in diesem Zusammenhang eine künftige, neue Rolle für den Rubel, den chinesischen Yuan und – wie schon 1944 nach dem Zweiten Weltkrieg im Abkommen von Bretton Woods von damals 44 Staaten bis in die 70er Jahre festgelegt – eine teilweise Golddeckung sowie erweiterte Sonderziehungsrechte des IWF.
„Das System kann einfach mit nur einer Währung nicht erfolg-reich sein“, verkündete er kürzlich auf dem Gipfeltreffen der sogenannten „Bric“–Länder (Brasilien, Rußland, Indien, China) im russischen Jekaterinburg. Voraussetzung sei allerdings, daß die Chinesen ihren Yuan konvertibel machten und die Wirtschaft weiter liberalisierten. In etwa zehn Jahren, prognostizierte der Russe euphorisch, könne ein solches Szenario Wirklichkeit werden, der Yuan sogar als neue Basiswährung Anerkennung finden, zumal China spätestens 2037 – wie etwa Jim Neill von der New Yorker Bank Goldman Sachs kühn orakelt – die USA als führende Wirtschaftsmacht der Erde abgelöst haben dürfte.
Schon heute erbringen die Bric-Länder 15 Prozent der globalen Wirtschaftsleistung, wickeln 13 Prozent des internationalen Handels ab und horten mit 2,8 Billionen Dollar fast die Hälfte aller globalen Devisenreserven in der US-Währung. China ist dabei in Billionenhöhe der größte Gläubiger der USA. Schon allein deswegen – und das betonen die Söhne aus dem Reich der Mitte trotz ihrer monetären Macht – ist Peking nicht an einer Schwächung des Dollar interessiert, solange man nicht umschichten könne und die Amerikaner ihre Verpflichtungen eingelöst haben. Einige Großanleger überprüfen, so ist von Goldman Sachs zu hören, bereits vor dem Hintergrund solcher Aussichten ihre Portfolios.
Es steht für die internationalen Finanzexperten allerdings außer Zweifel, daß eine solche „monetäre Revolution“ nicht so ohne weiteres von der Hand geht, da im Ölgeschäft, im Tourismus, im globalen Flug- und Frachtverkehr der US-Dollar nach wie vor die Grundlage für die Verrechnung von Leistungen und Lieferungen stellt.
Zumal China in der Zwickmühle steckt: Einerseits will Peking die Rolle des Dollar herabstufen, andererseits ist China durch seine enormen Dollarreserven auf absehbare Zeit an der Stärke der Leitwährung interessiert.
Erst der Zweite Weltkrieg hat der amerikanischen Währung diese Schlüsselstelle zugespielt. Damals wurden die Briten zum Hauptschuldner, die USA zum weltweiten Hauptgläubiger. Erst als sich Washington mit seinen Kriegen in Vietnam und Korea selbst außergewöhnlich verschuldete, brach die Golddeckung zusammen. Viele Länder, darunter Frankreich, forderten die Schulden der Yankees in Gold ein. Die USA konnten diese Garantie bald nicht mehr erbringen, der Dollarkurs brach das System von Bretton Woods mit seinen festgelegten Wechselkursen dem Dollar gegenüber wurden aufgegeben und es wurde versucht, mit IWF-Ziehungsrechten eine Brücke zu bauen.
Gegenwärtig ist es wieder ein Krieg, der zusätzlich zu den enormen Belastungen der globalen Wirtschaftskrise das monetäre Fundament der USA und damit fast der gesamten westlichen Welt gefährdet. Eines indessen steht fest: Die Ordnung von morgen kann ohne die rohstoffreichen Länder Rußland und Brasilien und die neuen Industrieriesen China und Indien nicht auskommen.
Allerdings sind diese Länder trotz ihres rasanten Wachstums noch weit davon entfernt, den USA an Wirtschaftskraft nahezukommen. Experten halten Zeithorizonte wie Medwedjews, der Dollar könne schon in zehn Jahren von seinem internationalen Thron fallen, für unrealistisch.            

Joachim Feyerabend

Veröffentlicht am 24.06.2009

mercredi, 24 juin 2009

The Geopolitical Great Game: Turkey and Russia Moving Closer

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The Geopolitical Great Game:

 

Turkey and Russia Moving Closer

By F. William Engdahl - http://www.engdahl.oilgeopolitics.net/

Despite the problems of the ruble and the weak oil price in recent months for the Russian economy, the Russian Government is pursuing a very active foreign policy strategy. Its elements focus on countering the continuing NATO encirclement policy of Washington, with often clever diplomatic initiatives on its Eurasian periphery. Taking advantage of the cool relations between Washington and longtime NATO ally, Turkey, Moscow has now invited Turkish President Abdullah Gul to a four day state visit to discuss a wide array of economic and political cooperation issues.

In addition to opening to Turkey, a vital transit route for natural gas to western Europe, Russia is also working to firm an economic space with Belarus and other former Soviet republics to firm its alliances. Moscow delivered a major blow to the US military encirclement strategy in Central Asia when it succeeded earlier this month in convincing Kyrgystan, with the help of major financial aid, to cancel US military airbase rights at Manas, a major blow to US escalation plans in Afghanistan.

In short, Moscow is demonstrating it is far from out of the new Great Game for influence over Eurasia.

Warmer Turkish relations

The Government of Prime Minister Recep Erdogan has shown increasing impatience with not only Washington policies in the Middle East, but also the refusal of the European Union to seriously consider Turkey’s bid to join the EU. In the situation, it’s natural that Turkey would seek some counterweight to what had been since the Cold War overwhelming US influence in Turkish politics. Russia’s Putin and Medvedev have no problem opening such a dialogue, much to Washington’s dismay.

Turkish President Abdullah Gul paid a four-day visit to the Russian Federation from February 12 to 15, where he met with Russian president Dmitry Medvedev, Prime Minister Vladimir Putin, and also travelled to Kazan, the capital of Tatarstan, where he discussed joint investments. Gul was accompanied by his state minister responsible for foreign trade, and Minister of Energy, as well as a large delegation of Turkish businessmen. Foreign Minister Ali Babacan joined the delegation.

 

the largest autonomous republic in Russian Federation whose population mainly consists of Muslim Tatar Turks, is a sign how much relations between Ankara and Moscow have improved in recent months as Turkey has cooled to Washington foreign policy. In previous years, Moscow was convinced that Turkey was trying to establish Pan-Turanism in the Caucasus and Central Asia and inside the Russian Federation, a huge concern in Moscow. Today clearly Turkish relations with Turk entities inside the Russian Federation are not considered suspicious as it was once, confirming a new mood of mutual trust.

Russia elevated Gul's trip from the previously announced status of an ‘official visit’ to a ‘state visit,’ the highest level of state protocol, indicating the value Moscow now attaches to Turkey. Gul and Medvedev signed a joint declaration announcing their commitment to deepening mutual friendship and multi -dimensional cooperation. The declaration mirrors a previous ‘Joint Declaration on the Intensification of Friendship and Multidimensional Partnership,’ signed during a 2004 visit by then-President Putin.

Turkish-Russian economic ties have greatly expanded over the past decade, with trade volume reaching $32 billion in 2008, making Russia Turkey's number one partner. Given this background, bilateral economic ties were a major item on Gul's agenda and both leaders expressed their satisfaction with the growing commerce between their countries.

Cooperation in energy is the major area. Turkey's gas and oil imports from Russia account for most of the trade volume. Russian press reports indicate that the two sides are interested in improving cooperation in energy transportation lines carrying Russian gas to European markets through Turkey, the project known as Blue Stream-2. Previously Ankara had been cool to the proposal. The recent completion of the Russian Blue Stream gas pipeline under Black Sea increased Turkey’s dependence on Russian natural gas from 66 percent up to 80 percent. Furthermore, Russia is beginning to see Turkey as a transit country for its energy resources rather than simply an export market, the significance of Blue Stream 2.

Russia is also eager to play a major part in Turkey's attempts to diversify its energy sources. A Russian-led consortium won the tender for the construction of Turkey's first nuclear plant recently, but as the price offered for electricity was above world prices, the future of the project, awaiting parliamentary approval, remains unclear. Prior to Gul's Moscow trip, the Russian consortium submitted a revised offer, reducing the price by 30 percent. If this revision is found legal under the tender rules, the positive mood during Gul's trip may indicate the Turkish government is ready to give the go-ahead for the project.

Russia’s market also plays a major role for Turkish overseas investments and exports. Russia is one of the main customers for Turkish construction firms and a major destination for Turkish exports. Similarly, millions of Russian tourists bring significant revenues to Turkey every year.

Importantly, Turkey and Russia may start to use the Turkish lira and the Russian ruble in foreign trade, which could increase Turkish exports to Russia, as well as weakening dependence on dollar mediation.

Post-Cold War tensions reduced

However the main message of Gul's visit was the fact of the development of stronger political ties between the two. Both leaders repeated the position that, as the two major powers in the area, cooperation between Russia and Turkey was essential to regional peace and stability. That marked a dramatic change from the early 1990’s after the collapse of the Soviet Union when Washington encouraged Ankara to move into historically Ottoman regions of the former Soviet Union to counter Russia’s influence.

In the 1990’s in sharp contrast to the tranquillity of the Cold War era, talk of regional rivalries, revived ‘Great Games’ in Eurasia, confrontations in the Caucasus and Central Asia were common. Turkey was becoming once more Russia’s natural geopolitical rival as in the 19th Century. Turkey’s quasi-alliance with Ukraine, Azerbaijan, and Georgia until recently led Moscow to view Turkey as a formidable rival. The regional military balance developed in favor of Turkey in Black Sea and the Southern Caucasus. After the disintegration of the USSR, the Black Sea became a de facto ‘NATO lake.’ As Russia and Ukraine argued over the division of the Black Sea fleet and status of Sevastopol, the Black Sea became an area for NATO’S Partnership for Peace exercises.

By contrast, at the end of the latest Moscow visit, Gul declared, ‘Russia and Turkey are neighboring countries that are developing their relations on the basis of mutual confidence. I hope this visit will in turn give a new character to our relations.’ Russia praised Turkey's diplomatic initiatives in the region.

Medvedev commended Turkey's actions during the Russian-Georgian war last summer and Turkey's subsequent proposal for the establishment of a Caucasus Stability and Cooperation Platform (CSCP). The Russian President said the Georgia crisis had shown their ability to deal with such problems on their own without the involvement of outside powers, meaning Washington. Turkey had proposed the CSCP, bypassing Washington and not seeking transatlantic consensus on Russia. Since then, Turkey has indicated its intent to follow a more independent foreign policy.

The Russian aim is to use its economic resources to counter the growing NATO encirclement, made severe by the Washington decision to place missile and radar bases in Poland and the Czech Republic aimed at Moscow. To date the Obama Administration has indicated it will continue the Bush ‘missile defense’ policy. Washington also just agreed to place US Patriot missiles in Poland, clearly not aimed at Germany, but at Russia.

Following Gul's visit, some press in Turkey described Turkish-Russian relations as a ‘strategic partnership,’ a label traditionally used for Turkish-American relations. Following Gül’s visit, Medyedev will go to Turkey to follow up the issues with concrete cooperation proposals. The Turkish-Russian cooperation is a further indication of how the once overwhelming US influence in Eurasia has been eroded by the events of recent US foreign policy in the region.

Washington is waking up to find it confronted with Sir Halford Mackinder’s ‘worst nightmare.’ Mackinder, the ‘father’ of 20th Century British geopolitics, stressed the importance of Britain (and after 1945 USA) preventing strategic cooperation among the great powers of Eurasia.

Un attacco della Russia contro gli USA potrebbe iniziare dalle banche principali

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UN ATTACCO DELLA RUSSIA CONTRO GLI USA POTREBBE INIZIARE DALLE BANCHE PRINCIPALI

A CURA DI ONE'S MAN THOUGHT

Ex: http://www.comedonchisciotte.org/

Mentre gli scienziati USA presentano la nuova dottrina della Deterrenza Nucleare Minima (puntando i missili contro le 12 imprese chiave della Russia), il sito web Bigness.ru ha deciso di delineare la mappa di un attacco limitato che potrebbe paralizzare l’economia degli USA. Ne risulta che gli Stati Uniti sono molto più vulnerabili della Russia a questo stadio. Un attacco su appena cinque bersagli negli USA riporterebbe l’economia americana all’età della pietra.

Gli scienziati americani hanno proposto l’idea di concentrare i bersagli su 12 elementi chiave dell’economia russa: le imprese della Gazprom, della Rosneft, della Rusal, della Nornikel, della Surgutneftegaz, della Evraz e della Severstal. Il suggerimento è divenuto un approccio del tutto nuovo per la dottrina della deterrenza. Attualmente gli USA hanno la Dottrina di Demolizione Assicurata Reciproca,che prevede un attacco su circa 200 bersagli sul suolo russo.

Secondo varie stime, la dottrina della Russia prevede attacchi contro circa 100 bersagli sul territorio degli Stati Uniti. La distruzione di tali bersagli causerà danni critici per gli USA.

Non c’è motivo di distruggere l’intero pianeta per paralizzare uno stato e riportarlo all’età della pietra. A questo punto il FMI può tornare utile da esempio: un’organizzazione che ha spinto svariati paesi nell’abisso economico senza l’uso della forza militare.

Leonid Ivashov, vice presidente dell’Accademia di Scienze Geopolitiche, crede che la Russia dovrebbe innanzitutto attaccare le principali banche degli USA. Se l’attacco riuscisse, paralizzerebbe l’intera economia che dipende dal dollaro. “Questo è l’obiettivo numero uno nel caso di un conflitto. Dovremmo distruggere anche grandi banche a Londra,” ha detto il colonnello generale.

Inga Foksha, analista della IK Aton non ha esitato a citare cinque bersagli, la cui distruzione metterebbe a repentaglio l’esistenza degli USA.

Il primo attacco dovrebbe essere effettuato contro gli uffici della Compagnia Federale di Assicurazione sui Depositi [Federal Deposit Insurance Corporation] di Washington, Dallas e Chicago. “Questa azienda gestisce i fondi dei depositanti. Se scomparisse e le banche non avessero più garanzie, la gente entrerebbe nel panico e si affretterebbe ad incassare i depositi”, ha detto Foksha.

Un’azienda del settore reale dell’economia con interessi diversificati, la General Electric ad esempio, potrebbe diventare oggetto di un secondo attacco. La fine dell’azienda che sta al crocevia di svariati settori economici paralizzerà le attività di migliaia di aziende adiacenti e milioni di persone perderanno il lavoro.

Il terzo attacco nucleare sarà contro la Freddie Mac e la Fannie Mae. “Queste due agenzie divorano attualmente grandi quantità di fondi statali”, ha detto Inga Foksha.

L’analista crede anche che il Ministero del Tesoro USA e il sistema della Federal Reserve sarebbero bersagli importanti da colpire.

Fonte: onemansthoughts.wordpress.com
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22.04.2009

Traduzione a cura di MICAELA MARRI per www.comedonchisciotte.org

dimanche, 21 juin 2009

Perspectives géopolitiques eurasiennes

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Archives de" SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

 

Perspectives géopolitiques eurasiennes

 

 

Table ronde tenue dans les locaux de la revue moscovite Dyenn, organe de l'opposition

 

Avec la participation de Sergeï Babourine, Alain de Benoist, Alexandre Douguine, Lieutenant-Général Nikolaï Klokotov, Chamil Soultanov, Robert Steuckers

 

Les participants:

 

Chamil SOULTANOV: journaliste musulman, observateur politique à la rédaction de la re­vue Dyenn, spécialiste des questions géo-éco­no­miques et géopolitiques.

 

Sergeï BABOURINE: leader de l'opposition au sein du Parlement de la république de Russie et chef du groupe des députés "Rossiia" (= Russie); député, juriste. Il a eu plus de voix lors de l'élection au poste de président du haut conseil de la Russie au printemps de 1991; il battait ainsi son rival Chazboulatov, numéro 1 dans l'équipe d'Eltsine. Mais vu la fai­ble participation des électeurs à cette élec­tion, elle a été annulée. Babourine a fondé le parti patriotique "Renaissance", qu'il dirige de main de maître.

 

Alexandre DOUGUINE, Président de l'Asso­cia­tion historique-religieuse Arktogaïa, édi­teur, écrivain.

 

Nikolaï KLOKOTOV, Lieutenant-Général de l'Armée Soviétique; Directeur de la chaire de stratégie à la haute école de l'état-major de l'Armée Soviétique.

 

A. DOUGUINE: Commençons par prendre en considération la doctrine géopolitique eura­sien­ne. Aujourd'hui, les facteurs géopolitiques re­pren­nent toute leur importance, au moment, pré­cisément, où s'effondrent, avec une rapidité dé­concertante, les univers idéologiques qui avaient été conventionnels jusqu'ici. Nous ne pouvons plus envisager le monde dans l'optique dichoto­mique habituelle, opposant un camp socia­liste à un camp capitaliste. Sommes-nous ca­pable de don­ner une réponse satisfaisante quand on nous pose la question de savoir si la Russie d'aujour­d'hui vit sous un régime capitaliste ou un régime socialiste? Devant l'impossibilité de répondre à cette question, parce qu'il n'y a pas encore de ré­ponse, nous devons immanquable­ment nous ré­férer à un système doctrinal stable, pour pouvoir nous orienter dans le monde poli­tique, devenu très compliqué, parfois paradoxal. Je pense que l'approche géopolitique est pour l'instant la seule acceptable, parce qu'elle insiste sur les réalités politiques et historiques les plus durables et re­fuse d'accorder trop d'importance aux circon­stan­ces passagères et éphémères de la politique politicienne.

 

Je voudrais, ici, attirer votre attention sur un pro­jet géopolitique défendu par plusieurs auteurs en Europe actuellement. Tous appartiennent à des milieux intellectuels non conformistes. Généra­le­ment, on les désigne sommairement par l'éti­quet­te «Nouvelle Droite». Leur projet re­prend des thèses énoncées dans les années 20 par des géo­politiciens allemands, souvent russo­philes. Par­mi eux, les nationaux-bolchéviques regroupés au­tour de Niekisch et plusieurs repré­sentants de l'école de Karl Haushofer. Le noyau de ce projet, c'est l'application pratique de la cé­lèbre doctrine géopolitique du géographe britan­nique Sir Hal­ford John Mackinder, mais en en inversant le sens.

 

Mackinder jetait un regard bien circonstancié sur la situation géopolitique mondiale; en effet, son optique est celle des puissances thalassocra­tiques, surtout l'Angleterre; son objectif est de dé­fendre leurs intérêts. Pour Mackinder, le plus grand danger qui guettait les Etats maritimes, démocratiques et marchands (capitalistes) était l'éventualité d'une alliance entre tous les Etats tellurocratiques ou continentaux, autour du pays détenteur de la grande masse continentale, le Heartland. Le rôle-clef dans cette alliance, pour­rait être joué soit par la Russie soit par l'Al­le­magne soit par une quelconque alliance entre pays européens et/ou asiatiques.

 

Les nationaux-bolchéviques allemands et Haus­hofer ont tenu compte des thèses de Mackinder mais ont refus la politique d'endiguement qu'il préconisait. Ils voulaient, au contraire, que les puissances continentales s'unissent et se dé­ve­lop­pent en autarcie; base de cette union grande-continentale: l'alliance germano-russe, sur les plans géopolitique et stratégiques. Haushofer a donné le nom de Kontinentalblock  à ce projet, qui impliquait l'anti-américanisme ou, plus gé­néralement, l'opposition à toute forme d'impé­ria­lisme thalas­socratique. La Nouvelle Droite eu­ropéenne  —ra­dicalement anti-américaine et anti-bourgeoise—  a repris à son compte les mê­mes thèses, en les modernisant et en les appli­quant à la situation géopolitique actuelle. Le pré­curseur de cette ten­dance a été sans conteste Jean Thiriart, le leader d'un mouvement pour l'unité européenne, actif dans les années 60 en Belgique et en Italie et portant le nom de «Jeune Europe». Jean Thiriart n'a pas participé au lancement de la Nouvelle Droite: au moment où celle-ci voyait le jour, il s'était déjà retiré de la politique active et n'écrivait plus rien (années 1966-69). Ce n'est que vers 1983-84 qu'il a rédigé et distribué à comp­te d'auteur ses thèses sur l'unification eu­ra­sienne et formulé son projet «euro-soviétique».

 

Plus tard, l'anti-américanisme est systématisé par Alain de Benoist, chef de file de la Nouvelle Droite en Europe. L'intérêt pour les doctrines géopolitiques eurasiennes se retrouve dès 1981 chez Robert Steuckers, l'éditeur des revues Vou­loir  et Orientations.  En Allemagne, les cou­rants néo-nationalistes ne sont plus du tout rus­sophobes  —à quelques exceptions près—  et l'an­ti-américanisme est une constante solide­ment ancrée dans ces milieux. Un général de l'armée autrichienne, Jordis von Lohausen, ré­dige en 1979 un traîté de géopolitique, reprenant les thè­ses des écoles d'avant-guerre en les mo­derni­sant. Sa conception est très européo-centrée mais ses critiques contre l'Amérique sont acerbes.

 

Le noyau essentiel de cette démarche pro-conti­nen­tale et anti-thalassocratique, c'est la recon­naissance, réaliste et froide, nécessaire, qu'il y a opposition entre les puissances maritimes  —ras­semblées aujourd'hui dans le projet planétaire et thalassocratique des Etats-Unis, c'est-à-dire le «Nouvel Ordre Mondial»—  et les puissances eu­rasiatiques continentales de la Chine à l'Espa­gne. Cette opposition doit être reconnue comme telle, divulguée, présentée au public sans aucune équivoque de type moralisant, sans hypo­crisie.

 

Aujourd'hui, nous devons constater que le lobby atlantiste et pro-américain est très fort dans les pays eurasiatiques. Cette présence est patente dans les pays du Tiers-Monde (leurs dirigeants travaillent souvent ouvertement pour la CIA) et en Europe. Mais les événements récents que nous avons subis dans notre pays, montrent que ce lob­by est également ici, chez nous, en Russie. Il est donc temps d'y réfléchir pour que nous puis­sions amorcer une lutte consciente et cohérente contre ces forces, téléguidées depuis Washington. Or­ga­niser la résistance continen­tale eurasiatique est un impératif très actuel pour nous qui devons agir au nom de nos intérêts géo­politiques, au nom de notre tradition et de nos va­leurs étatiques et spirituelles, menacées par les Américains et leurs agents politiques et cultu­rels.

 

Ne pensez-vous pas, Messieurs, que la doctrine eurasienne devient aujourd'hui de plus en plus actuelle et nécessaire?

 

S. BABOURINE: Cette vision de l'actualité géo­politique me paraît extrêmement intéressante, mais un peu trop générale. Je voudrais attirer votre attention sur des problèmes plus concrets, quoique liés au thème central que nous soumet­tons à discussion. Nous, les Russes, avons as­sisté au cours de ces dernières années à la des­truction systématique de toutes les structures qui assuraient la sécurité de l'Etat. On en arrive même à détruire des structures plus directement vitales, dans les domaines économique et straté­gique.

 

Ce processus involutif a commencé dès l'annon­ce de la «démocratisation». Cette «démocratisa­tion» —qui est d'ailleurs quelque chose de tout à fait différent de la démocratie—  je pourrais la dé­finir comme le régime du «libéralisme nihi­liste». La doctrine du libéra­lisme rejette toutes les considérations d'ordre proprement géopoli­tique, de la même façon qu'elle refuse d'accepter les valeurs de l'Etat, de l'ordre politique, etc. Dans notre société, le libé­ralisme a nié les in­térêts géopolitiques natio­naux, les intérêts de l'instance qu'est l'Etat. Dans une telle situation, les idées positives, qui exigent une certaine élé­vation de l'esprit, parce qu'elles veulent penser un ordre concret pour le continent ou pour l'Eu­rasie, ne trouvent aucune réponse, dans une so­cié­té «démocratisante» qui s'enfonce dans les voies de l'anarchie et de l'hyper-individualisme délétère.

 

La crise alimentaire se fait sentir d'une ma­nière très forte. Par conséquent, toutes les tenta­tives de réveiller la conscience géopolitique du peuple russe seront bloquées par le nihilisme qui ne cesse de croître. Pourtant, travailler à réveil­ler cette conscience est nécessaire: le nihilisme ambiant ne doit pas nous empêcher de la faire.

 

Ch. SOULTANOV: A propos du libéralisme, je pense plutôt qu'il y a des nations intelligentes et des nations moins intelligentes. Les premières peuvent assimiler le poison imposé de l'extérieur et le transformer, sinon en remède, du moins en quelque chose d'inoffensif. Le modèle démocra­tique et libéral, qui est intrinsèquement anti-or­ganique, anti-traditionnel et anarchique, a été imposé au Japon et à l'Allemagne occidentale a­près la deuxième guerre mondiale. Mais ces deux pays ont réussi à introduire dans ce système libéral-démocratique des éléments issus de l'or­dre traditionnel, impliquant une hiérarchie des valeurs. Au Japon surtout, on peut retrouver der­riè­re la façade capitaliste et les discours libé­raux, les restes de l'esprit des samouraïs, l'éthi­que japonaise traditionnelle, la conscience aigüe des intérêts nationaux, le collectivisme créatif. A l'extérieur, le Japon correspond aux critères de la démocratie voulue par les Américains, mais l'esprit qui l'anime est radi­calement autre.

 

Je me demande pourquoi, nous Soviétiques, nous nous conduisons aujourd'hui comme une nation stupide, en acceptant sans aucune distance cri­tique les propositions libérales de l'Occident? De plus, nous n'avons même pas été vaincus par une puissance étrangère, comme c'était le cas pour le Japon et l'Allemagne. Pourquoi n'avons-nous pas imité l'expérience de la Chine, qui a pu réali­ser des réformes économiques très importantes sans crises brutales et catastrophes sociales? Vers 1985, nous étions une superpuissance relati­vement stable qui aurait eu seulement beoin de quelques modernisations superficielles et de quel­ques innovations technologiques. Pourquoi les changements ont-ils pris aujourd'hui une al­lure tellement dramatique?

 

S. BABOURINE: Je me souviens des paroles d'un homme politique russe, appartenant au camp des patriotes, Milyoukov. En observant les agitations du parlement bourgeois russe des an­nées 1916-1917, il se demandait: «Qu'est-ce que c'est? De la stupidité ou de la trahison?». Si cette question était posée aujourd'hui, la seconde pos­sibilité évoquée par Milyoukov répondrait à votre question, Monsieur Soultanov.

 

N. KLOKOTOV: A mon avis, le recours aux pers­pectives géopolitiques est un impératif caté­gorique aujourd'hui. Nous sommes le plus grand pays eurasien et nos intérêts sont inextricable­ment liés à l'espace eurasiatique et cela, sur tous les plans, économique, stratégique, politique, etc. On ne doit pas oublier que le continent eurasia­tique est beaucoup plus riche par ses ressources que le continent américain. Cela nous donne un certain avantage stratégique.

 

Ch. SOULTANOV: Mackinder affirmait que les puissances maritimes, surtout l'Angleterre, ne doivent jamais tolérer qu'un Etat continental s'or­ganise économiquement et politiquement, qu'il deviennent fort et puissant. Telle était la position traditionnelle de la Grande-Bretagne face à ses voisins européens. Par conséquent, dans cette même logique, l'éclatement de l'Etat soviétique répond aux nécessités stratégiques de la Grande Ile qu'est le Nouveau Monde, héritier de la politique thalassocratique anglaise, et ad­versaire de cette Plus Grande Ile qu'est l'Eu­rasie.

 

N. KLOKOTOV: Cette continuité géopolitique est désormais, pour ainsi dire, inscrite dans les gènes des peuples anglo-saxons. Face au Vieux Continent, les Etats-Unis ont hérité cette tactique de l'Angleterre. En tenant compte du développe­ment des armes modernes, l'Ile Amérique est de­venue pour l'Eurasie, ce qu'était jadis l'Angle­terre pour l'Europe. Pour ma part, je suis con­vain­cu que la conscience géopolitique des peuples est une faculté qui, peu à peu, devient hé­réditaire. Les Américains ont une mentalité d'insulaires. Ce qui m'amène à la certitude que les Améri­cains agissent toujours, en politique internatio­na­le, pour favoriser géopolitiquement leur Ile-Amérique et pour contrecarrer les sy­nergies à l'œuvre en Eurasie, le continent rival.

 

Par ailleurs, il m'a toujours paru évident que les expansionnismes allemands et japonais ne pou­vaient avoir disparu purement et simplement avec leur défaite de 1945. Nous, Russes, sommes contraints de regarder le retour du Japon et de l'Allemagne sur l'avant-scène de la politique internationale avec une certaine inquiétude. Vont-ils jouer le jeu de l'Ile Amérique ou parier pour l'unité eurasiatique? J'ai toujours refusé de croire que les Allemands étaient devenus de braves pacifistes innocents. Je ne crois pas qu'ils puissent un jour abandonner complètement leur prétention à vouloir unifier à leur profit et pour leur compte la masse continentale eurasienne ni à réaliser leur projet de Lebensraum à nos dé­pens. L'idée même d'une Allemagne pacifiste m'apparaît contre-nature. Raison pour laquelle les Russes doivent être constamment en état d'a­lerte sur le plan géopolitique.

 

A. DOUGUINE: Monsieur Klokotov, permettez-moi une question indiscrète. Y a-t-il dans l'Ar­mée Soviétique, actuellement, un lobby eura­sia­ti­que qui s'opposerait à la tendance nettement pro-atlantiste et pro-américaine de nos diri­geants «démocratiques» d'aujourd'hui, tels Gorbatchev, Yakovlev et Eltsine?

 

N. KLOKOTOV: Il n'y a pas qu'un lobby ou un groupe de stratéges. Trouver dans l'armée des atlantistes est extrêmement difficile, peut-être même impossible. Malgré les efforts des com­missaires politiques dans l'armée, qui voulaient nous convaincre que notre histoire militaire a commencé en 1917, nous, les officiers sovié­ti­ques, avions bien conscience du passé glorieux des armes russes; toutes les victoires russes de l'histoire étaient nos victoires. Et comme la stra­tégie militaire russe était essentiellement et na­tu­rellement eurasiatique, continentale et, en ce sens, universelle et supra-ethnique, ces mêmes traditions se perpétuaient dans l'armée soviéti­que. L'idée de la solidarité entre tous les peuples de l'Eurasie était le fondement doctri­nale de no­tre armée. Dans l'armée actuelle, au­cune que­rel­le n'oppose les nationalités, même si cette ar­mée est composée de représentants des ethnies les plus diverses. La conscience des inté­rêts grands-continentaux unit notre armée, comme devrait être soudé organiquement le ter­ritoire eurasien lui-même.

 

A. de BENOIST: Il faut rappeler la genèse de l'O­TAN. Cette alliance a été créée après la se­conde guerre mondiale pour organiser la défense des pays occidentaux contre la menace commu­niste venue de l'Est. Les peuples d'Europe occi­dentale ont également vécu tout ce temps sous la tutelle de l'OTAN, supposant naïvement que les Améri­cains les défendraient contre l'Union Sovié­ti­que. Quoi qu'il en soit, il est parfaitement évi­dent que, dans la situation actuelle, l'existence de l'OTAN a perdu pleinement sa si­gnification: le communisme en Union Soviétique n'existe plus et le Pacte de Varsovie, qui était le pendant de l'OTAN, s'est écroulé.

 

A. DOUGUINE: Objectivement, l'OTAN est dé­sormais une force globale garantissant stratégi­quement la domination planétaire de la civilisa­tion atlantique. Aujourd'hui, il est évident que seules les alliances stratégiques globales sont en mesure d'assurer le fonctionnement du système complexe qu'est la géo-économie mondiale. L'O­TAN se trouve être aujourd'hui la forme d'uni­fi­cation de la politique planétaire  —ou plus exacte­ment: de l'économie globalisée—  sous le signe de l'atlantisme et sous le commandement des puis­sances insulaires anglo-saxonnes, à sa­voir les Etats-Unis et leur «base maritime et aé­rienne en lisière de l'Europe», l'Angleterre.

 

A. de BENOIST: Cette «unification atlantique du monde» et, pour commencer, cette «unification atlantique de l'hémisphère nord» est l'objectif final de l'OTAN. Mais une telle «unification at­lantique» ignore totalement l'incompatibilité géopolitique globale entre les conceptions du mon­de —politique et géoéconomique— «conti­nen­tale» (eurasiatique) et «insulaire» (atlan­ti­que). Au fond, comment les théoriciens de l'O­TAN expliquent-ils le fait que leur al­liance existe? Auparavant, ils justifiaient l'OTAN par l'existence d'une menace sovié­tique. Actuelle­ment, ils parlent comme suit: après la faillite du communisme, il est tout-à-fait logique d'ad­mettre que l'ordre démocratique et libéral se propagera d'Ouest en Est et qu'un nombre tou­jours plus grand de pays de l'hémisphère nord seront intégrés dans un sys­tème socio-démo­cra­tique unique de type occiden­tal. L'OTAN, à l'heu­re actuelle, veut se donner un rôle de mé­diateur au niveau du processus d'intégration des régimes libéraux de l'hémisphère nord; veut participer au processus de soudure économique et industrielle des éco­nomies des différents Etats. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que l'industrie militaire est partout un secteur industriel impor­tant.

 

A. DOUGUINE: Monsieur Steuckers, votre vi­sion du monde et de la politique est agonale et conflictuelle, éloignée de tout irénisme. Com­ment conciliez-vous l'idéal de pax eurasia­tica avec votre constat de la permanence du con­flit dans les relations inter-humaines et inter-éta­tiques?

 

R. STEUCKERS: Les conflits sur notre «hémis­phère eurasiatique» sont inévitables mais ils doi­vent être transformés en conflits lo­caux et ré­gulés, ce qui est impossible en dehors d'un bloc militaire stratégique unique en Eurasie. Nous devons combattre la conception de la «guerre ab­solue», avec son idéologie mani­chéenne où les adversaires se considèrent mu­tuellement com­me les représentants du «mal ab­solu». Nous a­vons vu l'exemple le plus détestable de cette ap­pro­che manichéenne quand les Américains, lors de la guerre du Koweit, ont été pris d'un délire de fanatisme puritain. Nous de­vons plutôt nous pen­cher sur le concept de «guerre de forme», c'est-à-dire sur les types de conflits  —vu la nature hu­maine les conflits sont malheu­reusement iné­vitables—  qui se déroulent entre de petites ar­mées composées de volontaires et de militaires professionnels, sans engagement de la popula­tion civile et sans destruction des éco­nomies na­tionales. Je le répète, nous ne sommes pas des utopistes et nous reconnaissons, bien sûr, que des conflits déterminés enflammeront tou­jours l'u­ne ou l'autre portion de l'espace eurasia­tique. Mais il sera nécessaire de les réguler en pensant au mode de belligérence que fut et pourra rede­venir la «guerre de forme»: les parties belli­gé­rantes doivent voir dans leur ennemi d'au­jour­d'hui un allié potentiel de demain.

 

N. KLOKOTOV: Considérez-vous, Monsieur Steuckers, que le refus de l'armement nucléaire de la part de la Russie mènera à une plus grande sécurité en Europe ou, au contraire, l'armement nucléaire russe a-t-il été et demeurera-t-il un facteur effectif de dissuasion des conflits locaux?

 

R. STEUCKERS: En Europe, le désarmement u­ni­latéral de la Russie et notamment son renon­cement unilatéral à l'armement nucléaire n'est avantageux pour personne. Nous avons toujours aspiré à ce que les troupes soviétiques abandon­nent les pays d'Europe centrale mais nous n'a­vons jamais voulu l'affaiblissement de la Rus­sie elle-même, qui, forte, a toujours jouer un rôle stabilisateur, tant au temps de la Pentarchie que pendant l'équilibre européen arbitré par Bis­marck. L'arme nucléaire en quantité limitée est effectivement nécessaire à l'Europe pour conte­nir les Etats-Unis ou d'autres puissances extra-continentales et pour prévenir des conflits locaux intra-européens ou intra-eurasiatiques.

En même temps, un puissant armement nu­clé­aire est extrêmement accablant d'un point de vue économique au point que les dépenses pour l'ar­me­ment ont déjà conduit l'économie améri­caine au seuil de la faillite; les Russes ne doi­vent pas se faire d'illusions à ce sujet. Les seuls modèles capitalistes efficaces aujourd'hui sont les modè­les japonais et allemand. La course aux arme­ments a détruit non seulement l'économie so­viéti­que mais également l'économie améri­cai­ne. Les dépenses pour un super-armement sont tout simplement insensées. Il est certes né­ces­saire d'avoir une arme nucléaire limitée per­mettant d'asséner sélectivement un coup puis­sant, fort et irrésistible destiné à prévenir l'ex­ten­sion des conflits, à arrêter la guerre to­tale. Mais pourquoi faut-il créer un potentiel suf­fisant pour détruire dix fois la planète entière? 

 

A. DOUGUINE: Pour l'armée tout est donc clair, comme vient de nous le dire le Lieutenant-Gé­néral Klokotov. Sur le même sujet, j'aimerais maintenant interroger Monsieur Babourine et lui demander quelles sont les orientations géopo­litiques de nos parlementaires, de nos députés.

 

S. BABOURINE: A la différence de Monsieur Soultanov, je ne crois pas qu'il y ait des nations intelligentes et des nations moins intelligentes. Je pense plutôt qu'il y a des peuples heureux et des peuples malheureux. Les peuples heureux ont des gouvernants sages. Aujourd'hui, notre peuple est extrêmement malheureux. La plupart des députés sont absolument incompétents en matières poli­tiques et géopolitiques. Ils agissent par la force de leurs émotions, de leurs sentiments éphémères, en suivant les suggestions séduisantes de la pe­tite clique des hypnotiseurs et des démagogues. Ces derniers sont bien conscients de leurs inté­rêts, mais évitent toujours de parler des questions géopolitiques, évitent même de prononcer ce mot parce qu'ils ont peur des définitions claires et sans équivoques que donne précisément la géopo­litique; on s'apercevrait tout de suite, si ces défi­nitions étaient largement répandues dans la classe politique et dans l'opinion publique, qu'ils agissent contre les intérêts nationaux de notre Etat et de notre peuple. Deux exemples: celui des Iles Kouriles et celui des frontières russo-ukrai­niennes. On veut rendre les Iles Kouriles au Ja­pon pour obtenir un soutien financier (dérisoire d'ailleurs) de Tokyo; mais sur le plan économi­que, politique, géopolitique, stratégique et surtout moral, ce serait une perte gigantesque, une tra­gédie nationale, un choc pour notre cons­cience, une humiliation profonde. Pire, cela risque d'a­morcer un processus destructeur de ré­vision gé­nérale de toutes les frontières du globe. Si nous acceptons comme légitime cette pratique de révi­ser les frontières nationales, nous créons impli­ci­tement un terrible précédent; des guerres en chaîne risquent de s'ensuivre.

 

Une autre tragédie risque de se produire, à la fois géopolitique et religieuse: la destruction de la synthèse unique entre les trois grandes cultures religieuses (chrétienté, islam, bouddhisme) qui s'est réalisée dans les terres de Russie. Enfin, troisième menace, tout aussi terrible: le risque de brisure irrémédiable de l'unité des trois peuples slaves orientaux (Grands-Russiens, Petits-Rus­siens ou Ukrainiens et Blancs-Russiens). Si cet­te rupture est consommée lors du prochain ré­fé­rendum sur l'indépendance de l'Ukraine, ce se­ra une catastrophe gigantesque. Nous sommes en­racinés dans toutes les parties de la Russie; nous avons tous des parents dans toutes les répu­bliques, parmi tous les peuples qui vivent sur nos terres.

 

Dans tous ces événements, j'aperçois clairement la trace du travail qu'accomplissent les forces qui veulent à tout prix détruire l'unité eurasia­tique, affaiblir l'organisme géopolitique conti­nental, dresser des obstacles à toute réssurection possible de la Russie en tant que grand empire eurasien. Mais cette politique de sabotage systé­matique n'est pas seulement venue de l'exté­rieur. Ce sont nos politiciens qui détruisent sys­té­matiquement le pays de l'intérieur. C'est en pen­sant anticipativement les conséquences ter­ribles de cette involution politique, en envisa­geant la catastrophe grande-continentale qui ris­que de survenir, qu'il faut juger les orienta­tions géopolitiques de nos dirigeants et de nos par­lementaires. Leurs positions, mêmes ina­vouées, deviennent bien claires quand on cons­tate leurs actes concrets.

 

Ch. SOULTANOV: Je voudrais rappeler les ar­guments qu'évoquent souvent les opposants à l'i­dée eurasienne. Je m'adresse surtout à Ale­xan­dre Douguine. On ne peut pas nier que l'Eurasie d'aujourd'hui est loin, très loin, d'être le conti­nent harmonique et pacifié. Elle est dé­chirée par les conflits intérieurs: guerre récente entre l'I­rak et l'Iran, guerre inter-ethnique en Yougosla­vie, guerre en Afghanistan, menées sé­paratistes en Inde (les Sikhs), conflits entre na­tionalités de l'ex-URSS, etc. Pire: bon nombre de puissances en Eurasie possèdent l'arme nu­cléaire, ce qui augmente les chances de voir se déclencher une apocalypse, scellant définitive­ment le suicide de tous nos peuples. Ne doit-on pas rechercher plutôt qu'une opposition entre deux continents, une har­monie planétaire, se ba­sant sur des valeurs uni­versellement humaines, non pas contre l'Amé­rique, mais avec l'Amérique?

 

A. DOUGUINE: Premièrement, je refuse à croi­re aux «valeurs universellement hu­maines», parce que c'est, à mon avis, une abs­traction, une utopie, absolument vide de sens; ces «valeurs» font partie de l'héritage de la Révolution fran­çaise et de la pensée rationaliste de l'ère des Lu­mières: elles sont aussi optimistes qu'elles sont infantiles.

 

Ch. SOULTANOV: Mais toutes les religions sont d'accord pour affirmer l'unité de l'homme.

 

A. DOUGUINE: Oui, dans un autre sens, dans le sens spirituel, au niveau de l'archétype intempo­rel, et non pas dans la réalité historique contin­gente. De plus, les différentes religions expri­ment des conceptions différentes de l'«universa­lisme anthropologique». L'universalisme chré­tien  —dont il existe d'ailleurs beaucoup de va­riétés—  est une chose, l'universalisme isla­mi­que en est une autre, etc. On peut admettre la possibilité d'une alliance, par exemple, entre les Chrétiens et les Musulmans pour la défense des intérêts géopoli­tiques de l'Eurasie, mais les dif­fé­rences entre leurs valeurs religieuses respec­tives n'en dimi­nueront pas pour autant. D'ail­leurs le monde d'aujourd'hui n'est pas guidé par les facteurs spirituels et religieux, donc je trouve votre objec­tion est dépourvue de consistence.

 

Par ailleurs, le célèbre politologue allemand Carl Schmitt, popularisé en Europe par les efforts des nouvelles droites, est devenu aujourd'hui l'auteur le plus indispensable pour donner un re­gain de sérieux aux facultés de sciences poli­tiques et sociales en Europe occidentale. Carl Schmitt, dans toute son œuvre, insiste sur la dis­tinction ami/ennemi, ou, plus précisément, entre «les nôtres» et les «non nôtres» (en russe: nachi  et nenachi).  Cette distinction est à l'origine de toute communauté humaine, depuis les tribus pri­mitives jusqu'aux empires les plus complexes et les Etats les plus grands. Nier la distinction a­mi/ennemi, nôtres/non-nôtres, serait faire vio­len­ce à la nature humaine, sombrer dans l'arti­ficialité monstrueuse et contre-naturelle. Je pen­se que les défenseurs des «valeurs univer­selle­ment humaines» ne croient pas eux-mêmes en l'abstraction qu'ils proposent et suggèrent; ils l'utilisent pour masquer leurs buts géopolitiques et politiques véritables. Eux aussi opèrent la dis­tinction entre «nôtres» et «non-nôtres». Leurs «nôtres» restent souvent dans l'ombre et sont ra­dicalement les ennemis de nos «nôtres». Le seul «universalisme» que nous devons reconnaître comme réel, réaliste et concret est l'univer­sa­lis­me eurasien, qualitatif et différen­cié, poly-ethni­que et organique.

 

Je voudrais aussi insister sur la nécessité, au­jourd'hui, à l'heure critique où nous vivons, d'é­largir les limites dans lesquelles nous avions coutume d'enfermer notre conception des «nô­tres». Ces limites ne seront plus celles de l'ex-URSS, mais celles, naturelles et géogra­phiques, du grand continent eurasiatique. Toutes les for­mes de (petit)-nationalisme ou de chauvi­nisme sont des alliées objectives des forces hos­tiles à la synergie constructive eurasiatique. Dans le mon­de actuel, la liberté d'un peuple, quel qu'il soit, dépend directement de l'autarcie géo­poli­tique et géo-économique du continent sur le­quel ce peuple vit. Les Russes, les Allemands, les Ja­ponais, les Français, les Serbes et les Croates, les Caucasiens, les Indiens, les Irakiens et les Ira­niens, les Espagnols, les Vietnamiens et les Chi­nois, en tant que nations, ne seront plus ja­mais libres, indépendants et forts si un Empire eura­sia­tique ne se constitue pas. Les peuples de l'ex-URSS et tous les autres peuples d'Europe, sans instance grande-continentale eurasienne, reste­ront à jamais les «petits frères» de l'Oncle Sam. Dans ce vaste processus de libération anti-amé­ri­cain et donc anti-impérialiste, trois Etats sont historiquement destinés à jouer un rôle uni­fi­ca­teur important, à devenir conjointement le Heart­land  eurasiatique: la Chine, la Russie et l'Allemagne. Pour réaliser cette fantastique sy­nergie, nous avons besoin de la participation de tous les peuples et de tous les pays eurasiens. Ils sont tous des «nôtres».

 

Nous devons clairement apercevoir l'unique fron­tière qui sépare les «nôtres» des «non-nô­tres». C'est la frontière entre l'Eurasie (non seu­lement géographique, mais aussi spirituelle, cul­turelle, idéologique, traditionnelle) et l'Occident «atlantiste» et extra-européen, l'Occident améri­cain. Je suis partisan d'une union et d'une uni­versalité plus larges mais, pour être concrète, définie et réelle, cette univer­salité doit s'arrêter, trouver des limites tan­gibles, sur la façade mari­time occidentale de la masse continentale eura­sienne. Au-delà des «colonnes d'Hercule», de Gi­braltar ou du Cap Saint-Vincent, commence u­ne autre planète, un autre monde, aliéné et hos­tile. Certes, nous pou­vons faire une exception pour les Amérindiens, ces enracinés qui conser­vent malgré tout leur propre identité, leur propre tradition. Ils sont des «nôtres», contrairement aux yankees, avec leur messianisme qui veut promouvoir les «valeurs universellement hu­mai­nes», en même temps que leurs «Mac'Do'» et leurs banques.

 

S. BABOURINE: Je ne partage pas le radica­lisme de vos propos. Il y a des valeurs universel­lement humaines, comme le droit de vivre, par exemple, ou quelques vérités religieuses, etc. En revanche, je suis radicalement contre l'emploi de la rhétorique humaniste et de la démagogie quand elles servent à masquer la destruction de l'Etat et la désintégration des systèmes de sécu­rité. C'est de la manipulation et du lavage de cerveaux.

 

Ch. SOULTANOV: Vous avez mentionné la sé­curité de l'Etat. Comment la pensée militaire so­viétique voit-elle le rôle de l'Etat soviétique en tant que puissance nucléaire à ces trois niveaux que sont la planète, le continent et l'Etat russe?

 

N. KLOKOTOV: Nous avons construit notre doc­trine militaire en prenant ces trois niveaux en considération. Détenir l'arme nucléaire et peser très lourd sur le plan des armements con­ven­tionnels, tels étaient les deux atouts décisifs qu'a­vançait l'armée soviétique pour garantir l'é­­quilibre planétaire entre les deux blocs. Grâce à l'URSS, les Atlantistes américains et leurs in­térêts commerciaux étaient confrontés à des li­mites sur le continent eurasiatique. De facto, le Pac­te de Varsovie était un pacte eurasien ina­che­vé. Nous étions les garants de l'ordre: grâce à no­tre force dissuasive, aucun conflit grave ne pouvait survenir en Eurasie. De ce fait, l'armée soviétique avait une fonction équilibrante tant au niveau global qu'au niveau continental. Elle as­surait la parité. La doctrine dominante de notre stratégie militaire était qualifiable d'«eura­sis­te». On peut donc dire que la sécurité planétaire (globale), la sécurité continentale et la sécurité de l'Etat soviétique étaient étroitement liées entre elles; elles étaient au fond une seule et même cho­se.

 

Dans le vaste contexte eurasien, le rôle de l'ar­mée soviétique était le suivant: grâce à sa simple existence, les autres peuples d'Europe et d'Asie n'avaient pas besoin d'entretenir d'armée, si­non des unités limitées numérique­ment pour as­surer l'ordre intérieur dans de pe­tites entités po­litiques. De telles armées n'auraient eu qu'une fonction symbolique en cas de conflit global. En revanche, quand la donne a changé en URSS, on s'est aperçu que l'armée so­viétique n'était pas préparée du tout à faire face à des conflits locaux ou à intervenir dans des luttes intestines. Toute notre stratégie avait été élabo­rée pour garantir la paix à grande échelle et non pas à vaincre dans de petits combats (en situation de Kleinkrieg).  L'objectif principal de notre armée à toujours été d'assurer la paix planétaire.

 

Même aujourd'hui, après la dissolution du Pacte de Varsovie, notre armée continue à servir cet ob­jectif, tout simplement parce qu'elle possède l'arme nucléaire et que se structuration straté­gique est demeurée telle. Il n'est pas sérieux de parler de la «souveraineté» des républiques ou même des libertés des pays d'Europe orientale si ces républiques et ces pays ne possèdent pas de forces militaires suffisantes pour défendre cette liberté et cette indépendance. Paradoxalement, ces républiques et ces pays ne peuvent être «in­dépendants» que s'ils dépendent de l'armée so­viétique! Autrement, le voisin le plus fort les avalera à la première occasion. Toute «souve­rai­neté» sans armée forte, capable de ga­rantir ef­ficacement l'indépendance, est pure chimère, même au niveau juridique. Même au cas où les républiques de l'ex-URSS se partage­raient une fraction plus ou moins importante de l'arsenal nucléaire soviétique, cette fraction demeurera tou­jours insuffisante pour les rendre réellement li­bres. Arithmétiquement, la République de Rus­sie sera toujours plus forte sur le plan militaire. C'est pourquoi toute cette rhéto­rique indépendan­tiste, déversée sur les ondes ou dans les colonnes des journaux, sans aucune considération profon­de de la situation straté­gique, géopolitique et mi­li­taire, me paraît être de la pure démagogie, in­consistante et vide de sens. La souveraineté et l'indépendance ne seront ga­ranties aux répu­bliques que si elles participent à une alliance stra­tégique et géopolitique avec la Russie ou avec un Etat soviétique rénové mais qui n'aura pas aliéné les instruments de sa sou­veraineté. D'ail­leurs, quel que soit le nom, URSS, CEI ou autre, la donne géopolitique et géostratégique restera la même.

 

Ch. SOULTANOV: D'accord, mais vous ne pou­vez pas nier que le bloc OTAN demeure toujours puissant et continue à développer ses capacités militaires et stratégiques; quant au bloc alterna­tif, il se réduit aujourd'hui à la seule Russie, qui se dégrade de plus en plus et se trouve entre les mains de politiciens de tendance atlantiste. Nous devons donc nous attendre à la fragmenta­tion définitive de l'ancienne URSS et même à ce que les républiques, Russie comprise, vendent leurs armes nucléaires à des pays relativement belliqueux, le Pakistan par exemple. Aujour­d'hui, l'armée soviétique est presque en­tière­ment détruite. Dès lors, les propos de Monsieur Klokotov ne sont-ils pas un peu ana­chroniques?

 

A. DOUGUINE: Pour ma part, je voudrais insis­ter sur le caractère artificiel de la destruction du système soviétique. J'ai toujours été un ennemi du socialisme marxiste et du système soviétique mais, malgré cela, je veux rester honnête et avouer qu'avant la perestroïka, la situation en URSS n'était guère critique des points de vue économique, politique, technologique, etc. Nous, les dissidents, étions une minorité infime; nos idées anti-soviétiques n'avaient pas la moindre incidence sur le peuple. En 1985, des pays beau­coup moins stables que l'URSS survivaient sans trop de problèmes depuis des décennies et pour­suivent leur bonhomme de chemin. Mais Gor­ba­tchev a commencé par déstabiliser l'Etat, en provoquant des conflit, en ébranlant les struc­tu­res administratives, en bouleversant les habitu­des idéologiques, en dénonçant les vérités incar­nées dans l'homo sovieticus. En prétendant en finir avec la «sclérose» de l'armée (qu'est ce que cela signifie, dans le fond?), on fait sauter toute sa structure. Volontairement, on a troqué une i­déologie totalitaire contre une autre, qui n'est pas moins totalitaire, je veux dire qu'on a troqué l'u­topisme marxiste/communiste contre l'utopisme démocratique/capitaliste, sans faire preuve de la moindre correction à l'égard du peuple et sans aller à l'encontre de ses demandes d'ordre spi­rituel ou existentiel. Quel que soit le but de Gor­batchev et d'Eltsine, il demeure évident que leurs orientations géopolitiques sont non seu­lement pro-occidentales mais, pire, extrême-oc­ci­den­ta­les, c'est-à-dire atlantistes, agressive­ment pro-a­méricaines et anti-eurasistes, anti-euro­péen­nes dans le sens où le destin de la Russie et celui de l'Europe sont intimement liés. Je perçois bien la contradiction entre, d'une part, la doctrine stra­tégique développée par l'état-ma­jor sovié­ti­que  —laquelle est eurasiste plutôt que marxiste ou communiste, comme vient de nous l'expliquer le Lieutenant-Général Nikolaï Klokotov—  et, d'au­tre part, la doctrine géopoli­tique pro-atlan­tiste des chefs de l'Etat post-sovié­tique actuel. J'en déduis que les idées défendues par Nikolaï Klokotov ne sont pas anachroniques mais consti­tuent plutôt une conception opposée à celles des auteurs et des praticiens de la peres­troïka. Géopo­litiquement parlant, les transfor­mations à l'œu­vre aujourd'hui sont globalement négative pour l'ensemble eurasiatique. Mes con­victions per­son­nelles me portent à croire que les chefs de l'URSS actuelle, partie en quenouille, sont les agents inconscients, non pas tant des services secrets étrangers (ça reste à prouver; nous n'a­vons aucune preuve tangible), mais, métaphy­si­quement, je crois qu'ils sont les agents de l'autre continent, car ils font le jeu, naïve­ment, des in­térêts atlantistes et anti-eurasiens.

 

J'aimerais aussi répondre à Sergueï Babourine, puisqu'il m'a interpellé à propos du «droit de vi­vre». Je crois, moi, qu'il y a des valeurs qui transcendent le simple droit de vivre. Les va­leurs qui se profilent derrière la pensée géopoli­tique, les valeurs supérieures de l'Etat, les va­leurs véhiculées dans la chair du peuple, par la Tradition, par l'héritage historique de la nation sont plus hautes que notre misérable vie indivi­duelle, éphémère et inéluctablement vouée à la mort. La Russie a été un grand empire continen­tal parce que des millions de Russes sont morts, ont donné, avec des millions de ressortissants d'autres peuples de l'empire, leur «droit de vi­vre» pour que s'instaure sur la planète cet Em­pire/Etat gigantesque et grandiose, qui res­tera, dans les mémoires, couvert de gloire éter­nelle, grâce à ses victoires, ses guerres, l'exemple des génies qu'il a produits, grâce à la culture qu'il a fait éclore, grâce à sa tradition et sa spiritualité. Cet Empire/Etat avait une grande mission eura­siatique à accomplir, dont les di­mensions histo­ri­ques et religieuses ne doivent pas nous échap­per. Pour ces valeurs, les meil­leurs fils de la Pa­trie mourraient et tuaient. Voilà la grande vé­rité, nue et crue, que nous dé­voile l'histoire. Nous, les Russes, sommes tout naturellement, par le fait de notre naissance, de notre culture, de nos racines, les soldats de cet Empire, les soldats de l'Eurasie. Et nous devons, au lieu de ratio­ciner sur ces abstractions mé­diocres que sont le «droit de vivre», les «droits de l'homme», les «valeurs universellement hu­maines», mourir et tuer pour les intérêts, de la Russie, du Grand Con­tinent eurasiatique, de la Planète. Nous de­vons n'être qu'une armée où seuls comptent la discipline et le devoir.

 

S. BABOURINE: D'accord. Pour notre peuple, la période de la perestroïka est la période d'expan­sion d'une nouvelle idéologie qui lui est consub­stan­tiellement étrangère. A présent, notre peuple est groggy, sa conscience est obscurcie, troublée. Il ne comprend pas ce que les nouveaux chefs de l'Etat comptent faire de lui. Il n'a pas été préparé. Il est knock-outé. En gros, je pense comme Dou­guine, mais je mettrais l'accent sur d'autres cho­ses. Ou plutôt, je simplifierais la problématique en disant que l'essentiel, au­jourd'hui, est de dé­fendre la Patrie. A tout prix. Car tel est notre de­voir. La Russie est en danger. Et c'est en défen­dant la Russie sur les plans spi­rituel, idéolo­gi­que et physique que nous abouti­rons, tout naturel­lement, à la défense du Grand Continent, à la conscience de sa dynamique géo­politique, à la di­mension axiologique eura­sienne proprement dite.

 

Ch. SOULTANOV: Ne pensez-vous pas, Mon­sieur Douguine, que le projet eurasiatique est une utopie nouvelle, alors que la réalité éco­nomique et les intérêts de la vie quotidienne nous dirigent vers d'autres perspectives, plus con­crètes et net­tement moins héroïques. L'Occident et surtout les Etats-Unis vont profiter de la crise écono­mique en Russie pour acheter tout simple­ment le pays, ses politiciens et ses dirigeants, comme c'est le cas partout dans le tiers-monde. Le peuple sera satisfait d'exécuter les ordres des gouver­neurs de la Banque mondiale, à condition de re­cevoir à manger. Le pathos eurasiatique est cer­tes très séduisant pour l'élite et les patriotes con­vaincus mais le peuple, lui, ne s'en souciera guè­re; il préfèrera sans doute la satiété et la colo­ni­sation à l'indépendance et au combat.

 

S. BABOURINE: Dans la rue, on dirait que c'est déjà le cas.

 

A. DOUGUINE: Sans doute que, dans un premier temps, le choix du peuple se portera vers l'atlan­tis­me. Mais, à long terme, je doute que la greffe soit possible. L'atlantisme, en soi, est une idéolo­gie qui est diamétralement opposée à notre idéo­logie intrinsèque, à notre nature russe, à notre idéologie russe, à nos traditions, à notre histoire. Les auteurs eurasistes du début de ce siècle, com­me Troubetskoï, Vernadsky, etc., ont démontré que la révolution bolchévique a été une réponse spontanée et aveugle à l'expansion du capitalis­me et de son idéologie implicite, indivi­dualiste et égoïste. Le communisme n'avait qu'un seul côté attirant: son engagement anti-bourgeois et anti-individualiste. Les Russes, à cette époque, vi­vaient toujours dans la dimension du collec­ti­visme spirituel, dans l'esprit de l'obchtchina,  c'est-à-dire la communauté (Gemeinschaft) qua­litative et organique tradi­tionnelle. Quand notre peuple prendra cons­cience de l'essence anti-rus­se du modèle améri­cain, il réagira. D'une ma­nière brutale.

 

Par ailleurs, je refuse de croire à la supériorité absolue de l'économie capitaliste; notre écono­mie a commencé à se désintégrer quand on y a in­troduit des éléments capitalistes. Dans le tiers-monde, beaucoup de pays capitalistes connais­sent la misère. De plus, le bien-être offert par le capitalisme est également très exagéré. Cette re­lativisation du fait capitaliste me permet de ne pas considérer a priori les réflexions d'ordre géopolitique, les perspectives eurasistes, comme des utopies. En outre, je ne crois pas que le pou­voir et le lobby atlantistes dureront longtemps dans notre pays. Les réflexes communautaires des Russes sont trop profondément ancrés dans l'âme du peuple pour qu'on puisse les en éradi­quer. L'âme russe est pourtant plastique: elle peut assimiler toutes les idéologies, sauf celle qui veut expressément son assèchement et sa dispari­tion. Qui plus est, les «démocrates» ne pourront jamais nourir convenablement le peuple. Ils sont malhabiles à l'extrême et n'ont aucun sens de la responsabilité. Les révoltes de la faim éclate­ront. La haine à l'égard des politiciens prendra des proportions inouïes. Le pouvoir «démo­crati­que» va tomber et les gouverneurs de la Banque mondiale seront renvoyés dans leurs pays. Par conséquent, les intérêts eurasiens se­ront les seuls à l'avant-plan à court ou moyen terme. Raison pour laquelle nous ne pouvons né­gliger les projets géopolitiques eurasiens, les re­jeter comme quelque chose de trop «intellectualiste» ou d'«utopique». Je déplore au contraire l'absen­ce d'intellectualité chez les nôtres. La stupidité de nos «démocrates» me ré­jouit. Mais je crains que la révolte populaire, anti-démocratique et an­ti-atlantiste, ne soit ré­cupérée, une fois de plus, par quelques aventu­riers idéologiques ou par des sectes politiques étrangères aux intérêts russes et eurasiatiques, comme en 1917. Je ne crois pas qu'on puisse acheter notre peuple; on peut le sé­duire mais pour cela, il faut faire preuve d'au­torité, encourager l'esprit communautaire qui gît au fond de son âme et connaître les détours de la psyché russe. Les atlantistes sont incapables de faire ce tra­vail. Donc, en dépit de leurs efforts, la réponse sera eurasiatique.

 

N. KLOKOTOV: A propos de la satiété, je me sou­viens d'une conversation que j'ai eue à Rome a­vec un général de la Bundeswehr qui me de­man­dait: «Qu'allez-vous faire avec l'aide hu­mani­taire de l'Occident?». J'ai répondu qu'il n'y a pas meilleur moyen de tuer les capacités à pro­duire les biens que de donner ceux-ci en ca­deau. La fameuse aide occidentale nous perver­tit; elle fait de nous des parasites. Cette aide est perverse: elle est une forme de lutte idéologique qui, sous le couvert souriant de la générosité, em­pêche toute renaissance possible de notre peuple, rend inutile les efforts de notre peuple dans la re­construction pour lui-même d'un appareil indus­triel et de services.

 

Ch. SOULTANOV: Réalisable ou non, le projet eurasien reste très intéressant et digne d'une étu­de approfondie. Par conséquent, je pense qu'il faut l'étudier sous tous ses aspects dans les mi­lieux intellectuels, culturels, politiques et mili­taires. Il est temps, pour nous, d'appeler les cho­ses par leur nom, sans équivoques et sans il­lu­sions.

 

A. DOUGUINE: Monsieur de Benoist, vous qui vi­vez à Paris, au sein de la culture occidentale, comment réagissez-vous quand on vous parle de «continent eurasien», thème qui n'a pas beau­coup été abordé en France?

 

A. de BENOIST: Je considère le projet eurasia­tique, l'alliance eurasienne à l'échelon culturel, économique et peut-être militaro-stratégique com­me nécessaire et souhaitable au plus haut point. Il est possible que la création définitive du bloc eurasien soit le stade final d'un long proces­sus. Le continent eurasiatique est un conglomé­rat géant de formations politiques, nationales et étatiques diverses. Nous ne pourrons pas en une seule fois parvenir à l'intégration géopolitique définitive. La majorité des ethnies et des peuples eurasiatiques ont des racines culturelles, histo­riques et traditionnelles communes bien plus pro­fondes que les frictions et les conflits de l'his­toire de ces derniers siècles qui, en compa­raison du cycle de vie d'une ethnie, occupent un espace-temps assez insignifiant.

 

A. DOUGUINE: Habituellement, deux principes en apparence antagonistes s'opposent au projet du «mondialisme atlantique»: le principe du régio­nalisme, de la conservation de l'ethnie, du «na­tio­nalisme local» et le principe de l'union eura­sienne globale, la théorie de l'«autarcie des grands espaces»...

 

A. de BENOIST: Je considère qu'il s'agit là de deux niveaux différents d'un seul et même pro­cessus; l'un inférieur, l'autre supérieur. A l'heu­re actuelle, nous ne devons pas insister uni­quement sur l'unification eurasienne puisque nous n'avons pas encore les moyens suf­fisants pour réaliser un tel projet. Nous devons commen­cer par le bas, en opposant au mondia­lisme les valeurs ethniques, régionales et natio­nales, les traditions, les principes organiques, commu­nau­taires et qualitatifs de l'organisation sociale. Mais cette opposition doit nous permettre de pré­parer le fondement intellectuel et culturel de la future unification; doit contribuer à l'instau­ra­tion de la compréhension réciproque entre les for­ces eurasiennes orientées dans le sens conti­nen­tal. Nous devons travailler au ni­veau des ré­gions tout en pensant au continent.

 

Il y a des aspects positifs dans l'unification al­lemande, en ce qu'elle constitue l'amorce du dia­logue eurasiatique. L'alliance étroite entre la Russie et l'Allemagne est gage de paix pour le continent eurasien. Toute la question est de sa­voir si l'URSS d'hier pourra passer sans heurts à la création d'un nouveau bloc continental eura­siatique. Il me semble, hélas, que c'est impos­si­ble. Apparemment, nous devrons passer par une période transitoire de chaos: d'abord la dé­sin­té­gration du bloc des pays de l'ex-Pacte de Var­so­vie; ensuite le chaos et la guerre civile dans les pays d'Europe orientale; enfin, la désin­tégration de l'URSS et même, peut-être, de la Russie. Tous ces processus  —et particulièrement la désin­té­gra­tion de la Russie—  sont des phéno­mènes pu­re­ment négatifs mais qui, malheureu­sement, sont presque inévitables.

 

R. STEUCKERS: Toutes les guerres eurasiennes de ces derniers siècles n'ont amené que des ré­sultats négatifs; pensons à la guerre russo-sué­doise au temps de Charles XII, à Napoléon, à Hitler, etc. Chaque guerre eurasiatique, gagnée ou perdue, a mené uniquement à l'exarcerbation des problèmes géopolitiques, sociaux, nationaux et économiques et nullement à leur résolution. Chaque guerre menée entre les pays de l'Est et de l'Ouest, chaque conflit se développant le long de cet axe est contre nature et enfreint les liens géo­politiques et géo-économiques organiques tou­jours plus solides et profonds le long des latitudes et se relâchant au contraire le long des longi­tudes du globe terrestre. Selon une loi détermi­née, non encore comprise dans son entièreté, les pays du Nord se sont toujours distingués, dans l'histoire médiévale et contemporaine, par un niveau plus élevé de développement économique ou par un sens plus aigu du politique, face à leurs adversaires en décadence; raison pour laquelle  tous les conflits qui les opposent tendent inévita­blement vers une crise planétaire globale. Le Nord, plus riche, peut et doit livrer sa production excédentaire au Sud plus pauvre. C'est notam­ment du Nord vers le Sud que doit passer l'ex­pansion culturelle positive, qui ne signifie nul­lement un impérialisme exploiteur. Presque tou­jours  dans l'histoire, lorsque l'influence cultu­relle et économique s'est propagée du Nord au Sud (du Japon en Chine; de la Russie à l'Asie Cen­trale au XIXième siècle, etc.), nous avons ob­tenu un résultat harmonieux et naturel. Les ex­pansions le long de l'axe Est-Ouest, au contraire, ont mené systématiquement à la destruction de tout équilibre et à la catastrophe.

 

Il faut d'ailleurs souligner que l'expansion de la Russie à travers le continent asiatique a été une expansion pleinement harmonieuse et naturelle; en effet, à partir du XVIIième siècle, les Russes, descendants directs des peuples indo-européens jadis répartis dans l'actuelle Ukraine et dans la partie occidentale de la steppe centre-asiatique, ont suivi la même voie que leurs ancêtres scythes et iraniens qui ont créé l'empire perse et la civi­lisation védique en Inde dans la plus haute anti­quité. C'est de ce point de vue d'ailleurs, que la Russie peut, aujourd'hui, se considérer comme la puissance politique qui est l'héritière directe de ces conquérants indo-européens. En Europe occi­dentale, l'Empire romain a commencé son ex­pansion méditerranéenne contre Carthage, diri­geant ses énergies vers le Sud, vers l'Afrique du Nord, grenier à blé. Ce mouvement était orga­nique et harmonieux; quand Rome s'est retour­née contre son réservoir de population celtique et germanique, contre la Gaule et la Germanie, son déclin a commencé.

 

A partir de ses lois géopolitiques et historiques, nous pouvons comprendre à quel point est dange­reuse l'intrusion militaire, culturelle et écono­mique de l'Amérique en Europe et en Asie: cette intrusion contredit en effet la logique naturelle Nord-Sud et représente une ingérence catastro­phique, génératrice de crises, le long de l'axe Est-Ouest. L'ingérence américaine, nouveauté du XXième siècle, est source de déséquilibre cons­tant sur le continent eurasien; cette expan­sion va de paire avec des conflits entre Etats eu­rasiatiques littoraux et insulaires, d'une part, et Etats centre-continentaux (Allemagne/Grande-Bretagne; Russie/Angleterre en Asie centrale et en Afghanistan; Chine/Japon; etc.). L'Amé­ri­que, imitant l'exemple de l'Angleterre, vise tou­jours à provoquer des conflits sur les franges lit­to­rales du grand continent. En Extrême-Orient, c'est la politique d'attiser les conflits entre la Chine et le Japon, la Corée du Nord et la Corée du Sud, le Vietnam du Nord et le Vietnam du Sud. En Europe, c'est l'opposition entre Etats occiden­taux littoraux ou insulaires (France et Grande-Bretagne) et Etats centraux ou orientaux "conti­nen­taux" (Allemagne, Autriche-Hongrie, Rus­sie). La stratégie de l'américanisme consiste à conquérir (particulièrement sur les plans cultu­rel et éco­nomique) les Etats littoraux, tant sur la façade atlantique que sur la façade pacifique. Cette poli­tique enfreint directement la logique na­turelle du développement le long d'axes nord-sud et fait obstacle au renforcement des liens con­tinentaux eurasiens. Notons, par ailleurs, que dans le cadre de leur propre hémisphère oc­cidental insu­laire, les Etats-Unis utilisent ad­mi­rablement la logique Nord-Sud, en unifiant selon leurs propres critères géo-économiques le Ca­nada, les Etats-Unis (puissance dominante dans le jeu) et le Mexique. C'est la logique pana­méricaine.

 

A. DOUGUINE: Comment vous apparaît, Mon­sieur Steuckers, l'alliance stratégique et mili­tai­re des puissances eurasiatiques?

 

R. STEUCKERS: Elle est nécessaire. Nous de­vons mettre à l'avant-plan, aujourd'hui, la con­ception qui s'est développée au XVIIIième siècle sous le nom de Jus publicum europaeum  en l'ap­pliquant à l'ensemble du continent eurasien. Quoi­qu'il soit encore trop tôt pour parler de la réa­lisation d'un tel bloc continental stratégique uni­fié, nous sommes néanmoins tout simplement ob­ligés de présenter et de développer cette notion. Nous devons sans cesse insister sur le fait que tout conflit intra-continental, représentera une défaite notoire pour toutes les parties belligé­ran­tes aux niveaux économique, politique et so­cial, sans même parler des pertes humaines et mo­ra­les. Chaque guerre entre puissances eura­siennes porte en germe une défaite complète pour toutes les parties engagées. Dans un certain sens, nous sommes condamnés à l'alliance con­tinentale, de même que nous sommes condam­nés, sur le plan géopolitique, à voir dans les Etats-Unis l'en­nemi commun, menaçant à tous points de vue l'harmonie du continent eurasia­tique et contrecarrant l'orientation naturelle de ses ex­pansions culturelles et économiques. Car tant que l'américanisme, qui ouvre des conflic­tua­li­tés Est-Ouest, exercera sa pression sur l'Europe, nous vivrons toujours dans l'attente d'un nou­veau conflit intra-continental, d'une nouvelle guer­re eurasiatique qui, le cas échéant, pourra se terminer par une catastrophe globale qui préci­pitera la planète dans le déclin et la mi­sère. 

 

De la part de la revue Dyenn,  je remercie tous les participants et j'espère que nous nous rencontre­rons plus souvent dans l'avenir car notre jour­nal consacrera bientôt, régulièrement, plusieurs pages à l'idée eurasiste.

 

(nous remercions Alexandre Douguine et Sepp Staelmans de nous avoir communiqué une ver­sion française du texte russe de cette table ronde, publiée dans Dyenn,  n°2/1992).     

 

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vendredi, 19 juin 2009

Des BRIC à l'OCS

Des BRIC à l'OCS

Ex: http://alexandrelatsa.blogspot.com/

Aujourd'hui 16 juin 2009 à eu lieu au coeur du continent Eurasien, dans la ville de Iekaterinbourg, frontière intra-continentale et infra-civilisationelle entre l'Europe et l'Asie, le double congrès de l'OCS et celui (historique car le premier) des BRIC.

L'OCS est galvanisé par le prêt Chinois et se préparerait à agrandir la famille des membres observateurs (Iran / Inde / Mongolie / Pakistan) au Sri lanka et àl a Biélorussie. L'organisation se présente comme une force régionale et continentale mais pour beaucoup elle est devenue une réelle"alternative orientale à l'Otan"



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Le sommet des BRIC (Brésil / Russie / Inde / Chine) aurait lui pour objectif de préparer à un ordre mondial plus juste, de favoriser le dialogue énergétique, d'augmenter la représentation des pays émergeants, et de contribuer à la réforme de l'architecture financière mondiale.

Que peut on dire des BRIC ?

- Les BRIC comptent déjà pour 22 % de l’économie mondiale et Goldman Sachs prévoit que leur PIB cumulatif sera supérieur à celui des pays membres du G-7 en 2027. (NB : es États-Unis représentaient 50 % de l’économie mondiale à la fin de la Deuxième guerre mondiale, ils n’en font que le quart aujourd’hui).
- La taille de l’économie chinoise a doublé à chaque huit ans au cours des trois dernières décennies. Malgré la récession mondiale, les économies chinoises (+6%) et indiennes (+4,5%) continuent de croître.
- La population des BRIC s’approche des trois milliards d’individus, la Chine et l’inde comptant à eux seuls 37 % de la population mondiale. En plus du poids des nombres, ces pays se sont considérablement enrichis au cours des dernières années. (Selon McKinsey Global Institute, le nombre de véhicules vendus en Chine passera de 26 millions à 120 millions de 2003 à 2020).
- Les BRIC contrôlent 42 % des réserves mondiales de change.
- La Chine est le premier créancier des États-Unis avec des réserves de 2000 milliards de dollars.
- Le seul fait que le président russe Medvedev entend soulever la question de la substitution du dollar a suffi à faire reculer aujourd'hui le billet vert face à toutes les autres devises.

Enfin il est à noter que les BRIC pourraient devenir très rapidement les BRIIC puisque
l'Indonésie pourrait rejoindre le groupe très bientôt. Indonésie qui est par ailleurs membre invité de l'OCS.
Enfin, le prochain sommet se tiendra au Brésil
l'année prochaine.


 

lundi, 15 juin 2009

Alla conquista del cuore della terra

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Archivio - 2003

Piero Pagliani(1) :

ALLA CONQUISTA DEL CUORE DELLA TERRA

  

Il testo completo su http://www.fedevangelica.it/glam/docglam/42/glam42.exe

 

Parte I. Potere, egemonia e guerra. La guerra e i cicli sistemici. Tipi di guerra - Violenza, potere politico e potere economico - Le fasi storiche ricorrenti di accumulazione del capitale e le “guerre sistemiche”. I cicli sistemici storici. Il ciclo britannico (Rule Britannia! Britannia rule the waves) - Non “imperialismo” ma “tipi di imperialismo” - L’Impero britannico e l’imperialismo britannico. Il ciclo americano - La crisi del ciclo americano - La fine del ciclo americano (L’Oriente è rosso?). Cala il sipario. La supremazia statunitense come accanimento terapeutico? Dallo scontro tra civiltà allo scontro nelle civiltà: Lo scontro nelle civiltà - La volontà e la rappresentazione - Autori e beneficiari: la pseudo-logica dominante - Perché l’Islam politico - L’impero autoreferenziale statunitense e il cosiddetto “spirito protestante” - I valori occidentali e la loro esportazione. Nota su maggioranza, minoranza e soggetti alternativi. Il sipario strappato: è possibile una resistenza? Appendice A: i primi cicli sistemici. Il ciclo genovese-iberico - Il ciclo olandese - La nascita dello stato-nazione capitalistico inglese.

 

Parte II. La conquista dell’Eurasia. L’Eurasia. Un posto che ne vale la pena. Le caratteristiche uniche dell’Eurasia - L’Heartland: Asia Centrale e Caucaso. Ovvero, la Torre di Babele. Breve profilo dei contendenti principali. La Russia - La Cina - La Turchia - L’Iran - L’Uzbekistan - La geopolitica degli Stati Uniti: dalla crisi egemonica alla conquista dell’Heartland. Impero o Imperialismo?. Il pendolo delle “opportunità”: i punti salienti della storia recente. Cambiamenti strategici nella storia recente dell’Heartland - L’eredità di Bush Jr. - I nuovi schieramenti - Excursus: perché è stato ucciso il Comandante Massud? - La conquista dell’Heartland e la guerra all’Iraq. L’Heartland e la geopolitica delle risorse energetiche. Premessa - Stime delle riserve energetiche in Asia Centrale - Pensieri geostrategici - Le pipeline: tra geopolitica e keynesismo di guerra - Gli sporchi giochi attorno alla BTC - La BTC: un’opera sovvenzionata dall’apparato militare-industriale? Geopolitica delle risorse naturali: ambiente e acqua. Generalità - Cenni sulla questione dell’acqua in Medio Oriente: l’asse “idro-militare” Turchia-Israele - Cenni sulla questione delle risorse idriche in Asia Centrale - Petrolio e acqua: il caso dello Xinjiang - Petrolio e ambiente: il caso del Bosforo. Epilogo. Excursus: di nuovo sull’autoreferenzialità. Appendice B: Il conflitto del Nagorno-Karabakh - Le contraddizioni degli USA nella politica eurasiatica: Sezione 907 contro Silk Road Strategy Act. Appendice C: L’Olocausto Armeno. Gli Armeni - Il genocidio - “Umanità” è un concetto geopolitico, come le direttrici delle pipeline.

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Come è tristemente noto, le guerre sono sempre rivestite da ideali. E’ un meccanismo che gli antichi Romani avevano codificato nel famoso "si vis pacem, para bellum", se vuoi la pace prepara la guerra. Il meccanismo dell’ossimoro, della contraddizione in termini. "Pace è guerra" come, riecheggiando Orwell, giustamente la scrittrice e militante indiana Arundhati Roy intitolava un suo articolo sull’Afganistan. "Guerra Umanitaria", "Guerra Etica" e via celando la verità, con il corredo di "effetti collaterali", "precisione chirurgica", "prezzi giusti da pagare" (da parte delle vittime, ovviamente), ecc. Nonostante l’assordante clamore di questo sistema di inganni, è ormai evidente a tutti che in ogni angolo del mondo milioni di persone in qualche modo hanno capito che i "conflitti locali" degli ultimi tre lustri, giustificati da questi o quei motivi, inventati o reali che siano, fanno in realtà parte di una produzione in serie progettata e realizzata, con gli inevitabili aggiustamenti in corso d’opera, dall’attuale potenza capitalistica dominante, gli USA, e dal suo entourage che incomincia ad assumere forme instabili e cangianti.

 

Il petrolio: una spiegazione necessaria ma non sufficiente

Moltissime persone hanno anche incominciato ad intuire che il petrolio deve c’entrare non poco in questi conflitti. La guerra del Golfo era paradigmatica, ma anche ai tempi di quella contro la Serbia qualche osservatore controcorrente e attento si era ricordato di un progetto per fare transitare attraverso il Kossovo in direzione dell’Europa occidentale gli idrocarburi fossili provenienti dai terminali sul Mar Nero(2). Probabilmente era un motivo secondario, però forse non così tanto, vista poi l’ampiezza della base di Camp Bondsteel, costruita in Kossovo vicino a oleodotti e corridoi energetici da una affiliata della compagnia petrolifera "Halliburton Oil" di cui Cheney era Direttore Generale(3). Poteva essere una coincidenza. Ma anche l’Afganistan è da anni considerato un territorio di transito preferenziale (rispetto all’invisa Repubblica Islamica dell’Iran) per gli idrocarburi fossili estratti dalla zona del Mar Caspio che saranno diretti verso l’Oceano Indiano. Infatti, un intervento in Afganistan contro i recalcitranti (e irriconoscenti) Talebani era già nell’agenda di Clinton, senza bisogno del destro poi "offerto" da Osama bin Laden. E, similmente, anche l’intervento nel Kossovo era già stato deciso molto prima del preteso "genocidio"(4). E ora di nuovo l’Iraq. A freddo. Anche qui, per pura coincidenza, troviamo il petrolio, esattamente la più grande riserva mondiale dopo l’Arabia Saudita. Petrolio di ottima qualità, economico da estrarre. E, ancora per puro caso, l’oro nero si trova anche in quasi tutti i Paesi elencati nell’agenda antiterrorismo degli Stati Uniti: Iran, Sudan, Indonesia. Il petrolio è quindi un collante evidente dei conflitti avvenuti e di quelli a venire. Ma esiste un’altra coincidenza ancora più interessante: tutti e tre gli "Stati canaglia" canonici sono in Asia. Inoltre, verosimilmente i prossimi obiettivi saranno decisi insieme ad Israele e quindi, riflettendo la strategia geopolitica di questo Paese, che insiste sul Medio Oriente e sull’Asia Centrale (via Turchia), saranno anch'essi concentrati in quest’area(5). Troppe coincidenze fanno, ovviamente, un piano lucido. Ma quale piano? Questo piano ha a che fare solo con il petrolio? O è un piano più vasto?

 

Il "cuore della terra" e il controllo delle "nuove vie della seta"

Ci sono molti motivi per ritenere che il controllo delle risorse energetiche costituisca un fattore importante di un calcolo più ampio. Secondo il mio modo di vedere i martoriati Iraq e Afganistan, i tristemente noti Kossovo e Bosnia, così come gli sconosciuti, ma anch'essi infelici, Azerbaijan e Georgia e il furbo Uzbekistan sono tutte tappe di quella che definisco "la conquista del cuore della Terra", cioè l’attuazione riveduta e aggiornata della classica "dottrina Brzezinski" di conquista del centro dell’Eurasia, o meglio ancora, prendendo a prestito il nome di una legge statunitense varata all’uopo nel 1999, il Silk Road Strategy Act, sono tappe verso il controllo delle nuove vie della seta, delle risorse energetiche che vi fanno capo e di quelle del Golfo. Ma per un fine strategico più complesso. Le tappe successive potrebbero essere l’Iran, la Siria o anche un’Arabia Saudita già adesso in pesantissima crisi economica e sociale e ulteriormente destabilizzata dal probabile dopo Saddam(6). Più facilmente, con i soldi e non con le armi, ovverosia alla moda dell’Uzbekistan (già da tempo infeudato a Stati Uniti e Israele), sono ormai a portata di mano il Kirghizistan e il Tagikistan(7). Interessante sarà vedere cosa gli Stati Uniti intenderanno fare con il Kazakistan, il cui petrolio è appetito da tutti e potrebbe essere essenziale per dare un senso economico ad un oggetto su cui vale la pena soffermarsi brevemente: la pipeline Baku-Tbilisi-Ceyhan (BTC) che unirà i pozzi petroliferi di un Azerbaijan ormai praticamente federato alla Turchia, a un grande terminale petrolifero proprio sulla costa mediterranea del (bellissimo) paese fondato da Atatürk, passando attraverso una Georgia che non vede l’ora di sbarazzarsi della presenza militare russa (che comunque tra qualche anno dovrà sgombrare il campo grazie ai Protocolli di Istanbul). Ma per sperare di fornire alla BTC la quota giornaliera di petrolio imposta dai calcoli economici bisognerà vincere le indecisioni del governo di Astana, alternativamente propenso verso la Cina, la Russia, l’Iran e l’Occidente. Per quanto riguarda il Turkmenistan, per ora apparentemente c’è poco da sperare dato che sembra soddisfatto degli accordi che legano i suoi ricchissimi giacimenti di gas naturale alla rete di gasdotti della russa Gazprom. E, come ben sanno gli Stati Uniti, le pipeline non sono solo corridoi energetici, ma anche diplomatici.

 

Il keynesismo di guerra delle pipelines.

La BTC, fortemente voluta dal dipartimento di Stato statunitense (e non, si noti bene, da quello dell’energia come sarebbe stato naturale) è un’opera quasi sconosciuta – e specialmente ai nostri più gettonati commentatori – ma per ora è il miglior esempio di attuazione nel nuovo impero formale degli USA di quel "keynesismo di guerra" di cui tanto si parla. Infatti benché non abbia attualmente una prospettiva molto profittevole questa pipeline ha, tuttavia, il nobile compito geostrategico di sottrarre il petrolio del Mar Caspio all’influenza russa, cinese e iraniana e di cementare la "nuova via della seta" Turchia-Georgia-Azerbaijan, che in realtà inizia in Israele e termina nel bel mezzo dell’Asia Centrale a ridosso della Cina. Un vero e proprio paradigma della strategia statunitense. Una strategia che ha l’obiettivo conclamato di contrastare, attraverso il controllo dei principali fattori strategici (posizione geografica e risorse energetiche), la possibilità che in Eurasia si formi un’aggregazione di forze che possa mettere in discussione la supremazia statunitense, la quale, per leggere a ritroso una spudorata ammissione del dottor Kissinger, è solo un altro modo per definire la cosiddetta "globalizzazione". Se questa strategia è evidente, se non altro perché dichiarata senza troppe remore dai responsabili statunitensi, ne sono però meno evidenti le motivazioni più profonde. Al di là delle apparenze, della propaganda e delle certezze anche di sinistra, ritengo che sia più che sensato porsi delle domande, se non altro a partire dalla constatazione che è alquanto strano che gli Stati Uniti sentano minacciata la propria supremazia proprio dopo che l’unica altra superpotenza, l’URSS, è collassata.

 

I diritti umani come transponder per bombardieri

La vulgata propagandistica narra di una lotta titanica contro un terrorismo internazionale senza obiettivi razionali ma motivato da istinti premoderni se non addirittura primordiali. Una lotta che si complementa con una missione storica: la difesa e l’ampliamento dei diritti umani, della sicurezza globale e della democrazia. Queste sono le motivazioni superficiali, ovvero quelle che si vuole far apparire in superficie, come la punta di un iceberg. Ma già un solo metro sotto il livello del mare spariscono, perché lì iniziano quelle più profonde. Come l’Afganistan insegna, diritti umani, sicurezza e democrazia non sono nemmeno "side effects" della guerra, che purtroppo sono di tipo ben differente. Al contrario, l’uso strumentale dei diritti umani equivale esattamente alla loro cerimonia funebre. Infatti il problema che pone questo scenario è che quando i diritti umani sono utilizzati come armi politiche o quando seguono compatibilità strategiche e non sono invece concepiti come diritti individuali e collettivi universali, indivisibili e inalienabili, diventano inservibili perché ogni richiamo ad essi rischia di diventare un transponder per bombardieri. La motivazione più recepita e variamente elaborata dalla sinistra è invece il petrolio. Come abbiamo visto è sicuramente più pertinente; tuttavia è parziale e questa parzialità rischia di metterne in ombra la pregnanza: perché infatti gli Stati Uniti avrebbero la necessità di acquisire militarmente questo controllo dato che, almeno apparentemente, hanno una forza politica ed economica tale da attrarre e condizionare qualsiasi paese produttore, dall’Arabia Saudita alla Russia? L’utile di breve e medio termine che ne ricaverebbero vale gli altissimi rischi economici, politici e militari che queste aggressioni comportano? La risposta non può consistere nel ribaltare gli assiomi statunitensi e vedere negli USA un "Regno del Male" con l’aggravante di essere guidato da un gruppo dirigente particolarmente ignorante, aggressivo e arrogante (cosa sicuramente vera) che ormai non riesce ad inventarsi nient’altro che la conquista imperialistica diretta delle risorse altrui. E’ chiaramente una spiegazione limitata, a volte frutto di legittima esasperazione, ma non accettabile, per il semplice motivo che in linea di principio anche le spiegazioni che prendono in considerazione fattori irrazionali o mitologici devono comunque inserirli in un quadro analitico razionale.

 

Il dominio statunitense: parabola di un ciclo sistemico di accumulazione del capitale

Un quadro analitico razionale che ritengo possa inquadrare con successo i fenomeni che stiamo osservando, da quelli più materiali a quelli più ideologici, ci è fornito dall’analisi dei cicli sistemici di accumulazione del capitale, così come è elaborata dalla scuola di pensiero detta del "sistema-mondo", raccolta attorno al "Fernand Braudel Center for the study of Economies, Historical Systems, and Civilizations", dell’Università di Binghamton, New York e guidato da Immanuel Wallerstein, Andre Günder Frank e Giovanni Arrighi e, in posizione più eccentrica e spesso critica, Samir Amin. In particolare, secondo Giovanni Arrighi ogni ciclo sistemico di accumulazione è egemonizzato da una singola potenza e presenta una fase iniziale di espansione materiale basata sulla produzione e sul commercio cui segue una fase di crisi e decadenza, caratterizzata da un disimpegno del capitale dalla produzione e dal commercio e da un suo impegno nella speculazione finanziaria internazionale (si veda G. Arrighi, "Il lungo XX secolo. Denaro, potere e le origini del nostro tempo". Il Saggiatore, 1996). Questa espansione finanziaria è alimentata dalla concorrenza tra gli Stati per succedere alla potenza egemone in crisi, concorrenza che richiama il capitale attraverso un’espansione del debito pubblico e le spese per il riarmo che si ampliano a dismisura durante le fasi di crisi sistemica. Seguendo questa analisi arriviamo allora ad uno scenario sorprendente: gli Stati Uniti fanno quel che fanno non perché sono senza rivali ma perché la loro supremazia è in crisi. O, per essere più precisi, perché sono in crisi – e da tempo – i meccanismi di base di riproduzione di questa supremazia. Infatti, secondo la valutazione di molti studiosi, anche appartenenti a scuole di pensiero differenti, gli Stati Uniti stanno vivendo la fase di declino della loro egemonia nata con la fine della II Guerra Mondiale. In termini più ampi, la Superpotenza sta percorrendo la fase discendente di una parabola iniziata alla fine del XIX secolo e che ha raggiunto il suo apice negli anni tra il 1945 e i primi anni settanta del novecento. Di questa crisi potrebbero approfittare (anche qui, non per intrinseca perfidia o per odio antioccidentale, ma per occidentalissimi meccanismi concorrenziali) alcune potenze di dimensione continentale come gli stessi Stati Uniti: in primo luogo la Cina, poi la Russia e, in prospettiva, anche l’India. Questa partita tutta eurasiatica è però estremamente aperta e lo strapotere bellico statunitense la sta spostando su un piano militare. Cosa che è storicamente avvenuta in tutte le precedenti fasi di crisi sistemica individuate da Giovanni Arrighi.

 

Decadenza e violenza

La fine di un ciclo egemonico è infatti sempre un periodo di violenza, così come il suo inizio. Per la precisione l’egemonia è l’evoluzione di un dominio ottenuto con la forza e, parimenti, l’esaurirsi di un’egemonia favorisce l’uso della forza per far emergere un nuovo dominio. La violenza è dunque un modo iniziale e finale di esercizio del potere. L’esercizio maturo è ottenuto tramite l’egemonia, ovverosia facendo condividere gli scopi del potere anche a chi è soggetto gerarchicamente al potere stesso. Un’egemonia può basarsi su meccanismi ideologici e/o materiali e, si può dire, è compiuta quando li comprende entrambi. Meccanismi ideologici classici sono la fedeltà ad un gruppo etnico, ad una religione o il riconoscimento di un nemico o di interessi comuni, e quindi essi stabiliscono i modi in cui il potere è legittimato e può essere esercitato, anche in termini coercitivi (termini che sono ereditati dai meccanismi violenti con cui inizia la parabola dominio-egemonia-dominio e, per dirla con Marx, ricompaiono quando le cose non vanno più per il loro "corso ordinario"). Sono dinamiche che tendono a raggruppare, a definire spazialmente l’area di egemonia. In generale diremo che sono dinamiche che tendono a territorializzare. Dinamiche che vengono esaltate da eventi come Pearl Harbour o l’11 settembre, o in periodi come la Guerra Fredda. Meccanismi materiali sono quelli di carattere economico, il riconoscersi in un circuito commerciale o produttivo o anche finanziario, come attori e/o beneficiari. Questi meccanismi non sono necessariamente territorializzanti. Anzi spesso tendono alla deterritorializzazione, a rompere le frontiere spaziali. E ciò accade patologicamente quando una giurisdizione territoriale diventa un limite per l’accumulazione del capitale. A partire dagli albori del capitalismo nelle città-stato dell’Italia settentrionale, i due tipi di meccanismi di potere possono considerarsi – in linea di principio – appannaggio di gruppi separati, risultato di un lungo processo di differenziazione tra centri di potere politico territoriale e centri di potere economico, tra Stati e imprese. E’ a questo punto dell’evoluzione storica che si può parlare di "Capitale" come distinto dal "Potere" (territorialista).

 

La logica del Capitale e la logica del Potere

La divaricazione dei comportamenti di potere e capitale è innanzitutto spiegata dal fatto che il primo segue una logica di spazi-di-luoghi mentre il secondo segue una logica di spazi-di-flussi. La logica degli spazi-di-luoghi è funzionale alla razionalità del potere che è dettata da fattori come la formazione dello Stato, coi suoi meccanismi di riproduzione del controllo del territorio dove il potere è installato, quelli di espansione in ampiezza e le motivazioni ideologiche e morali che si di solito si intrecciano a questi fattori. La logica degli spazi-di-flussi è invece dettata da criteri come il calcolo del rapporto costi-benefici di ogni intrapresa e il controllo della capacità di acquisto, intesi come strumenti organici all’unico scopo della logica puramente capitalistica: generare denaro tramite denaro. E’ la particolare fusione di queste due logiche che permise l’ascesa delle città-stato italiane, dando l’avvio ai grandi cicli di accumulazione del capitale. Una storia che inizia col tentativo da parte dei mercanti europei di recuperare i mezzi di pagamento che si erano concentrati in Oriente e specialmente in Cina, aree che fino a metà del 1700 forniranno la quasi totalità dei prodotti manifatturieri mondiali. Ma perché il capitale si allea col potere tramite il meccanismo del debito pubblico? In sintesi questo matrimonio d’interessi è dovuto in alcune situazioni alla ricerca di protezione territoriale da parte del capitale apolide e, più in generale, ai calcoli del capitale rispetto le capacità del potere con cui si sta alleando di permettergli una successiva espansione materiale. Infatti ad ogni alleanza del capitale con il potere, stipulata durante la fase di espansione finanziaria, che è caratterizzata dal disimpegno del capitale dalle attività di trasformazione della natura, è seguita una fase di espansione materiale, caratterizzata invece dall’impegno del capitale nella produzione e nel commercio di merci, a scala ben maggiore di quella precedente. A sua volta il potere si allea col capitale per consolidarsi ed espandersi, ovvero per coprire i "costi di formazione dello Stato" e i "costi di protezione". Storicamente questa alleanza fa emergere una e una sola potenza capitalistica mondiale la cui egemonia caratterizza un ciclo sistemico di accumulazione. Questa potenza capitalistica sarà quella capace di accentrare il monopolio dei mezzi di pagamento e di "presentare i propri interessi come interessi generali di tutti gli altri agenti (stati-nazione, cittadini) o di un importante gruppo di essi" (Arrighi, op. cit.). E avendo rilevato il potere a spese della potenza egemone declinante (e degli altri contendenti), questa posizione gli permette, per l’appunto, di avviare la nuova grande espansione materiale di cui ha bisogno il capitale. Quando l’espansione materiale incomincia a diventare un limite alla valorizzazione del capitale allora inizia anche il divorzio tra il capitale e la potenza egemone in carica. Questo momento di passaggio è quindi indotto da una crisi generale di accumulazione "che segna il punto più alto del periodo di espansione materiale (D -->M) e dà inizio al periodo di espansione finanziaria (M -->D’)" (ibidem(8)). Come commenta Arrighi, D è segno di libertà di azione da parte del capitale: varie scelte di valorizzazione sono possibili. D -->M è uno specifico impegno del capitale che però viene sottoposto alle rigidità incorporate da M. Infine M -->D’ è un disimpegno grazie al quale il capitale riacquista una libertà d’azione, D’, allargata. E’ con questa dinamica che il capitale affronta la dialettica limite-condizione delle composizioni di potere territoriali storicamente date e le trasforma. Il disimpegno del capitale dalla produzione e commercio di merci inizia quando l’espansione materiale genera capitali che non possono incrementare "se non a patto di non essere più reinvestiti nelle attività che li hanno generati". La ragione di questo fenomeno risiede nel successo stesso dell’espansione materiale che genera pressioni concorrenziali di vario tipo (pressione verso l’alto dei salari, concorrenza per l’approvvigionamento delle materie prime, concorrenza sugli sbocchi commerciali dei prodotti, eccetera). Queste pressioni abbattono il profitto sotto quelle soglie che gli agenti capitalistici ritengono "tollerabili". Si ha allora una crescente fuoriuscita di capitali dall’investimento nelle attività produttive e commerciali e si genera una massa crescente di denaro in cerca di occasioni di profitto(9). La fase di espansione finanziaria, come si è detto, è resa possibile dalla concorrenza tra gli Stati per il capitale mobile, concorrenza che è indotta a sua volta dalla loro rivalità nella successione alla potenza egemone, ancora in carica ma uscente. Questa successione avviene facendo leva su due punti: a) l’acquisizione diretta o indiretta delle reti commerciali-industriali del soggetto egemone uscente; b) la centralizzazione dei mezzi di pagamento internazionali. L’espansione finanziaria è quindi legata a una fase di caos sistemico che genererà una nuova egemonia al cui interno saranno riorganizzati i processi di accumulazione del capitale su scala mondiale. L’inizio della fase discendente di un ciclo egemonico è segnalato da una crisi detta "crisi spia" (s1, s2, …, nel diagramma successivo) perché in effetti è la "spia" di una più profonda e fondamentale crisi sistemica, che lo spostamento verso l’alta finanza (la finanziarizzazione) dissimula e ritarda fino all’avvento della "crisi terminale" (t1, t2, …, nel diagramma). In realtà, "lo spostamento può fare molto più di questo: esso può trasformare per chi lo promuove e lo organizza, la fine dell’espansione materiale in un "momento meraviglioso" di nuova ricchezza e di nuovo potere, come è avvenuto, in misura diversa e secondo modalità differenti, in tutti e quattro i cicli sistemici di accumulazione. Tuttavia, per quanto meraviglioso possa essere questo momento per coloro che traggono maggiormente vantaggio dalla fine dell’espansione materiale dell’economia-mondo, esso non è mai stato l’espressione di una soluzione durevole della crisi sottostante. l contrario è sempre stato il preludio a un aggravamento della crisi e alla definitiva sostituzione del regime di accumulazione ancora dominante con uno nuovo." (ibidem)

Il "momento meraviglioso" in piena crisi sistemica, di cui parla Arrighi, è stato rappresentato ai giorni nostri dalla nuova belle époque reaganiana-clintoniana che ha raddoppiato la classica belle époque a cavallo tra il XIX e il XX secolo.

 

L’egemonia USA, ultimo ciclo sistemico storico

Fatte queste premesse, si possono individuare i seguenti cicli sistemici (adattamento da Arrighi, op. cit.):

 

 

 

 

Ci sono molte interessanti osservazioni sono indotte da questo diagramma. Le condensiamo qui indicando solo la continua accelerazione del ritmo (tempo sempre minore per l’ascesa, lo sviluppo e la sostituzione di un regime sistemico) e l’aumento della complessità organizzativa richiesta ad una potenza per poter emergere come dominante (lo si nota tramite la scala sull’ordinata da me aggiunta allo schema di Arrighi). Queste dinamiche sembrano confermare l’osservazione fatta da Marx nel terzo libro del Capitale, secondo la quale "il vero limite della produzione capitalistica è il capitale stesso", ragion per cui la produzione capitalistica supera questa contraddizione "unicamente con dei mezzi che la pongono di fronte agli stessi limiti su scala nuova e più alta". L’ultimo ciclo di espansione materiale inizia con la vittoria degli Stati Uniti nella Guerra dei Trent’anni per la successione all’egemonia britannica (1914-1945) e con la I Guerra Fredda che permette a Truman di vincere le resistenze di un Congresso isolazionista ed estendere su una zona artificialmente limitata del mondo le idee di New Deal mondiale elaborate da Roosevelt (bisogna infatti notare che nei piani di Roosevelt non era contemplata nessuna suddivisione del mondo e anche l’Unione Sovietica vi rientrava a pieno diritto). Per vincere quelle resistenze l’amministrazione Truman invocava un’emergenza internazionale che il sottosegretario di Stato, Acheson, aveva "previsto" in Corea, in Vietnam o a Taiwan. Chissà come Acheson "indovinò" veramente perché, come ebbe a dire, "la Corea arrivò e ci salvò". Era il 1950. La I Guerra Fredda era ormai ufficialmente dichiarata. Il mondo veniva diviso in due e il New Deal poteva propagarsi su un "mondo" in formato ridotto e quindi gestibile: il "Mondo Libero". Come ci ricorda Gore Vidal, le resistenze e le proteste contro la politica estera di Truman e la complementare politica interna di sicurezza nazionale, da parte degli uomini del defunto Roosevelt (come ad esempio l’ex vicepresidente Henry Wallace) furono emarginate o criminalizzate anche con l’accusa di"comunismo" (sic!) (si veda Gore Vidal, "Le menzogne dell’impero". Fazi Editore, 2002) Fu così che sull’onda del più grande riarmo che il mondo avesse mai visto in tempo di pace si costituì lo strumento per continuare a sostenere gli aiuti all’Europa anche dopo la conclusione del Piano Marshall e impedire che innanzitutto il Vecchio Continente (o almeno la sua parte "libera") e poi il Giappone si isolassero dagli Stati Uniti. Gli organismi sovranazionali di governo del mondo, che nella visione di Roosevelt avrebbero dovuto sancire il carattere politico del governo mondiale, furono tenuti sullo sfondo. Le organizzazioni nate con gli accordi di Bretton Woods – cioè Banca Mondiale e Fondo Monetario Internazionale – e l’ONU ebbero solo una funzione ancillare nei confronti del governo statunitense (anche la Corea fu un’operazione di "polizia internazionale") oppure furono ostacolate. L’unico effetto rivoluzionario degli accordi di Bretton Woods fu che la produzione del denaro mondiale passò sotto l’esclusivo controllo di una ristretta rete di autorità governative (in linea con il primato della politica sulla finanza codificato dal New Deal rooseveltiano). Tra il 1950 e il 1968 assistiamo così alla più grande espansione materiale della storia del capitalismo (la cosiddetta "Età dell’Oro del capitalismo"), all’ombra di un dominio formale statunitense, speculare a quello sovietico, ovverosia di una struttura gerarchica di Stati con a capo gli USA, dominio a cui cercarono di sottrarsi la Francia gaullista e Cuba. Ma tra 1968 e il 1973 si consuma la "crisi spia" del ciclo americano. La crescente concorrenza internazionale, con conseguente disimpegno dei mezzi di pagamento dagli investimenti produttivi e il progressivo impegno nella speculazione finanziaria – ad esempio nell’Eurovaluta – e una serie di tracolli politico-militari del campo occidentale (guerra del Vietnam, guerra del Kippur) congiunti all’impossibilità da parte delle autorità statali di tenere sotto controllo i flussi monetari generati dalle multinazionali, che seguendo la logica degli spazi-di-flussi sfuggono costantemente alle singole giurisdizioni pur basandosi su di esse, portarono alla fine del gold-dollar-standard (la base aurea mediata dal dollaro che aveva sostenuto il periodo di sviluppo materiale) e all’inedito fenomeno della stagflazione: la stagnazione accompagnata dall’inflazione. Il ciclo americano era entrato in crisi globale a meno di trent’anni dal suo inizio.

 

Un accanimento terapeutico: cercar di succedere a se stessi

Dopo tentativi del governo statunitense di ridurre alla ragione l’alta finanza, contrastando le manovre speculative con una continua inflazione e un continuo deprezzamento del dollaro, con Reagan assistiamo ad un processo opposto: la ricerca di nuova alleanza tra potere e capitale suggellata dalla trasformazione degli Stati Uniti nel più grande mercato offshore del mondo (deregulation) e con un riarmo sfrenato che trasformò il debito pubblico statunitense in un immenso aspirapolvere di capitali, così potente da risucchiare tutte le eccedenze dei Paesi industrializzati e uccidere sul nascere le speranze di "recupero" dei Paesi che, all’epoca, si dicevano "in via di sviluppo". La politica di Reagan con la sua II Guerra Fredda rappresentò dunque una duplicazione della I Guerra Fredda di Truman, ma per scopi totalmente opposti: mentre Truman voleva risolvere il problema della ridistribuzione della capacità di acquisto concentrata negli Stati Uniti, Reagan aveva invece il problema di riconcentrarla. Un’altra differenza consisteva nel fatto che con la sconfitta del Vietnam gli Stati Uniti abbandonarono la politica di impero formale per entrare in una fase di impero informale dove l’egemonia era esercitata tramite il mercato, più o meno come era successo nel 1800 con il periodo di libero mercato nel Regno Unito durante il precedente ciclo di accumulazione. Nel caso degli USA erano però il crescente deficit commerciale e l’enorme indebitamento pubblico che, congiunti alla supremazia monetaria, politica e militare fungevano da forza centripeta del mercato mondiale. Questa situazione si è estesa all’era Clinton, grazie all’esasperata finanziarizzazione dell’economia trainata dalla forza del dollaro (crescita della bolla speculativa) e alla massiccia terziarizzazione(10). Ed è così che negli anni novanta del secolo scorso, gli Stati Uniti hanno vissuto il culmine del loro "momento meraviglioso". Ma altri meccanismi erano all’opera. L’egemonia statunitense reaganiana-clintoniana era strutturalmente debole. Al contrario dei precedenti storici, ultimo l'Impero Britannico, gli Stati Uniti non avevano, e non hanno, un surplus strutturale da reinvestire all’estero e favorire la crescita (subordinata) dei Paesi che ricadevano sotto il loro tramontante impero informale o che ricadranno sotto il loro futuro dominio. Ne segue che la crescita degli USA e del sistema capitalistico occidentale (Giappone ed Europa) lascia indifferenti, nei migliori dei casi, le sorti del restante i restanti 4/5 del mondo, dato che questo sistema, sia in termini economici, sia in termini culturali, sia in termini politici "non ha più nulla da proporre all’80% della popolazione del pianeta" mondiale (Amin).(S. Amin, "Oltre il capitalismo senile". Edizioni Punto Rosso). La supremazia, statunitense per utilizzare le categorie offerteci dall’approccio del sistema-mondo, si gioca allora esclusivamente sulle attività di formazione e di protezione dello Stato. E’ una supremazia che comunque permette agli Stati Uniti di convertire in forza gravitazionale che agisce sul mercato i loro disavanzi (quello dei conti con l’estero ha ormai superato il 430 miliardi dollari) e di porsi al primo posto nell’ambito degli armamenti e della ricerca scientifica, attività strettamente legata al riarmo, e che consentono loro di ipotecare almeno quattro dei cinque monopoli individuati da Samir Amin coi quali si esercita la supremazia mondiale: monopolio della tecnologia, controllo dell’accesso delle risorse naturali, monopolio dei mezzi di comunicazione e dei media, monopolio degli armamenti di distruzione di massa (cfr. Samir Amin, “Il capitalismo del nuovo millennio”. Edizioni Punto Rosso, 2001). Il quinto monopolio, il controllo mondiale dei flussi finanziari, è invece più problematico. Negli anni novanta si è assistito infatti ad una impressionante crescita asiatica nell’alta finanza. Fatti 100 i beni delle maggiori 50 banche mondiali, la percentuale giapponese è passata dal 18% del 1970 al 48% del 1990, mentre le riserve in valuta estera sono passate dal 10% del 1980 al 50% del 1994. Questa crescita è stata accompagnata da un’eccezionale espansione industriale. L’Unione delle Banche svizzere ha stabilito in un’analisi comparativa che a partire dal 1870 non c’è mai stata una crescita economica paragonabile a quella recente del Sud-Est e dell’Est asiatico iniziata poco dopo la crisi sistemica del 1968-1973 (+ 8% annuo di media). In più questa crescita è avvenuta in un periodo di stagnazione nel resto del mondo e si è propagata come un’onda dal Giappone alle Tigri asiatiche, Corea del Sud, Taiwan, Singapore e Hong Kong, e da lì alla Malaysia, alla Tailandia e all’Indonesia, fino a coinvolgere anche il Vietnam. E ora la Cina. Come si sa, i carghi provenienti dall’Oriente in Europa sono zeppi di merci, mentre quelli in direzione contraria sono mezzi vuoti, riproducendo singolarmente la situazione che avveniva all’inizio del capitalismo seicento anni fa. Similmente, come nella seconda metà dell’800 la produzione industriale britannica era ormai surclassata da quella statunitense e tedesca, allo stesso modo oggi assistiamo al declino industriale dell’Occidente a favore dei nuovi Paesi emergenti(11). "La contraddizione dell’egemonia mondiale USA ha innanzitutto a che fare con un percorso di sviluppo caratterizzato da alti costi di protezione e riproduzione, ovvero sulla formazione di un apparato militare di ampiezza globale ad alta intensità di capitale e sulla diffusione di uno schema di consumo di massa insostenibile e devastante che hanno finito per destabilizzare la potenza degli USA. Al contrario, l’eredità storica dell’Asia dell’Est di minori costi di riproduzione e di protezione hanno dato alle agenzie governative e d’affari della regione un decisivo vantaggio competitivo nella economia globale fortemente integrata. Se questa eredità verrà preservata, è un fatto ancora non chiaro." (Arrighi, op. cit.) Come risultato evidente di questa contraddizione, la sconfitta del Vietnam forzò gli USA a riammettere la Cina nei normali circuiti commerciali e diplomatici mondiali, ampliando il raggio dell’espansione e dell’integrazione regionale, in cui la Cina stessa, con la sua base demografica, le potenzialità di crescita e la disponibilità di forza-lavoro è diventata un gigante assoluto, attraendo quote crescenti di mezzi di pagamento. La Cina ha ormai superato il Giappone nella fornitura di merci agli USA e le autorità cinesi "hanno in mano il destino dei cambi dell’intero continente asiatico." (M. De Cecco, "La Repubblica, Affari & Finanza", 13-1-03) (12). Non è quindi un caso che gli Stati Uniti abbiano previsto che tra il 2017-2020 la Cina diventerà un avversario strategico. L’arcano profondo dell’attacco a Oriente sta forse proprio qui. Evitare che il capitale si allei con l’emergente stato-nazione-continente cinese. E per raggiungere questo obiettivo deve cercare, finché è ancora in tempo e finché ne è ancora capace, di arginare il più possibile la propria decadenza e di occupare, come sanno i giocatori esperti, il "centro della scacchiera". Ed è possibile, anche se con difficoltà. Le difficoltà nascono dal fatto che, per dirla in termini un po’ naïve, gli Stati Uniti non hanno assolutamente tanti soldi da spendere in guerre. E su questo il Movimento deve far leva e fa leva (giustissima la campagna "Non un uomo, non un soldo per la guerra"). Già quella del Golfo fu pagata per oltre il 70% dagli alleati e in special modo da Arabia Saudita, Emirati e – nota oggi dolente – da Giappone e Germania(13).La possibilità deriva invece dal fatto che in parziale contrasto con le fasi di crisi sistemica precedenti, oggi non si assiste ad una fusione della potenza finanziaria e di quella militare in un ordine più alto, ma si assiste invece ad una loro fissione: la centralizzazione della potenza militare negli USA da una parte e dall’altra la dispersione del potere finanziario in un arcipelago asiatico formato da stati-nazione, città-stato, diaspore, che non hanno né singolarmente né collettivamente nessuna possibilità di eguagliare la potenza militare statunitense né, per adesso, la possibilità di sostituirsi agli USA come centro organizzativo della finanza internazionale (Arrighi, op. cit.). Ma non è detto che questa situazione possa perdurare in eterno. Anzi, storicamente ciò non è mai successo. Non ci vorrà moltissimo tempo per arrivare al punto culminante della concorrenza per lo scambio politico con il potere finanziario. Gli Stati Uniti lo sanno benissimo e le date 2017-2020 previste dai suoi strateghi lo stanno a testimoniare.

 

I diritti umani e le convenzioni internazionali sono pipelines: seguono linee geostrategiche.

In questa situazione gli Stati Uniti, se vorranno mantenere la posizione di potere, dovranno cercare di scambiare la propria capacità bellica e di formazione dello stato con il potere finanziario dell’Asia orientale, eventualmente "mediante una rinegoziazione dei termini dello scambio politico che ha legato il capitalismo dell’est asiatico al keynesismo militare globale degli Stati Uniti durante tutta l’epoca della guerra fredda." (Arrighi, op. cit.). Contemporaneamente dovrà cercare di bloccare sul nascere ogni ipotesi di aggregazione di nuovi complessi o alleanze territoriali capaci di competere con questo piano. I corollari comportamentali di politica internazionale a nostro avviso sono: 1 non permettere un’autonomia politica europea; cercare di indebolire la Russia e, soprattutto, tenerla il più possibile lontana dall’Unione Europea (e l’ammissione nella UE di alcuni Paesi dell’Est e della Turchia potrebbe favorire entrambe queste manovre); 2 indebolire la Cina e cercare di disgregarla (utilizzando a fondo, tanto per iniziare, la questione tibetana e poi, o contemporaneamente, quella degli Uiguri nello Xinjiang(14)); 3 separare l’India (il terzo gigante territoriale asiatico) dall’Asia orientale, centrale e dalla Cina (a questo fine il conflitto in Kashmir è una benedizione da coltivare, assieme alla politica dell’attuale governo, guidato dal Bharatiya Janata Party, che a dispetto del suo proclamato, e spesso facinoroso, nazionalismo indù sta consegnando l’India alle più aggressive multinazionali occidentali). E’ in questo quadro che inseriamo la lotta per il mantenimento e l’incremento dei cinque monopoli - e quindi anche la lotta per il controllo esclusivo delle risorse energetiche - e possiamo ipotizzare che l’attuale III Guerra Fredda, o III Guerra Mondiale, si svolgerà quindi, o meglio si stia già svolgendo, attorno a questi cinque monopoli e al loro intreccio, con la finalità sistemica di ricentralizzare negli USA l’accumulazione di capitali o, per lo meno, di ricentralizzare il comando sui suoi fattori. Io credo perciò che siamo rientrati in una fase di neo-imperialismo, simile all’imperialismo che caratterizzò l’ultimo atto del ciclo britannico, dove, però nessuna potenza neo-imperialista è ancora pronta a raccogliere le sfide della Superpotenza. Dopo la Prima e la Seconda Guerra Fredda, ne stiamo quindi vedendo una terza replica che però non è più solo fredda anche se, forse, non sarà globalmente catastrofica, almeno per questo giro. Una pseudo guerra mondiale o una pseudo guerra fredda che a quanto si riesce a intravedere approderà, se avrà successo, a un’altra stagione di imperialismo formale statunitense, ovvero a un nuovo ordine gerarchico tra Stati con a capo gli USA. In termini generali, gli Stati Uniti stanno rifluendo dall’egemonia al dominio, chiudendo, ad un più alto livello, il cerchio iniziato nel 1945-1947. Infatti, se con Bush padre e con Clinton c’era stata una fase in cui si era pensato di ristabilire un ordine mondiale di tipo rooseveltiano, rivitalizzando e ridefinendo, ad usum delphini, gli organismi di governo internazionali, ora con Bush figlio sembra invece di essere ritornati ad un ridimensionamento unilateralista alla Truman, con le stesse tinte nazionalistiche e con la stessa tendenza all’impero formale. E come già successe allora con De Gaulle, la Francia cerca anche oggi di sganciarsi, seguita però stavolta.da diversi Paesi, tra cui l’altro pilastro dell’Unione Europea, la Germania, aprendo così un conflitto tra le due sponde dell’Atlantico e all’interno della stessa Unione. Conflitto ampiamente "previsto" con stizza e minacce da Martin Feldstein, ora consigliere di Bush, alla vigilia dell’introduzione dell’Euro (cfr. "Il Sole 24 Ore", novembre 1997). Condoleeza Rice dice quindi molto di più di quanto intenda fare quando paragona questo periodo agli anni 1945-1947. Perché questa, suo malgrado corretta, affermazione ci riporta alla mente l’invocazione dell’amministrazione Truman per una "emergenza internazionale" che infatti, come ricorda il professor Chalmers Johnson, venne riproposta tale e quale da D. Cheney, D. Rumsfeld e dagli altri allegri compari del Project for a New American Century, in un loro rapporto del settembre 2000, dove si dichiararono in attesa di "un evento catastrofico e catalizzante come una nuova Pearl Harbour"(15). Come accadde al sottosegretario di Stato di Truman, anche Cheney e Rumsfeld si rivelarono a loro modo "preveggenti" e con l’11 di settembre 2001 ebbero la loro auspicata nuova Pearl Harbour che legittimò la reazione unilaterale e dilagante degli USA. Tuttavia la nuova situazione, cioè il collasso dell’unico possibile contendente degli Stati Uniti, rischia di trasformare questo unilateralismo in un limite fondamentale all’esercizio del potere. Se infatti la strategia da Truman a Reagan si basava sulla possibilità di ritagliarsi una fetta di mondo su cui poter esercitare prima il proprio dominio e, in seguito, la propria egemonia, ora l’espansione globale di questa fetta rischia di portare a ciò che è stato definito un "sovradimensionamento strategico", ovverosia ad avere "interessi così estesi che sarebbe difficile difenderli tutti nello stesso momento e quasi altrettanto difficile abbandonarne uno qualunque senza correre rischi anche maggiori." (P. Kennedy, "Ascesa e declino delle grandi potenze". Garzanti, 1993)

 

Il Movimento e la guerra, quintessenza della mercificazione della vita umana

Se si accetta questa interpretazione della realtà, allora il rifiuto etico della guerra è costretto a fare in conti con un obiettivo immane: trasformare radicalmente la logica di sviluppo economico, di formazione dello stato e di esercizio della forza che è stata seguita negli ultimi seicento anni. O almeno contrastarla. Un compito non facile, lungo e complesso. Ma non impossibile, perché l’avversario non è poi così invulnerabile come si vuole presentare. Ma è vulnerabile non perché un’organizzazione di fanatici è capace di bombardarlo con un’azione terroristica, frutto avvelenato proprio della logica da contrastare, o perché un satrapo asiatico, altro frutto di questa logica, può in teoria infliggere sensibili perdite agli eserciti che vogliono aggredirlo. Al contrario, lo è perché esso stesso nel corso del tempo ha prodotto il proprio principale anticorpo: la coscienza dell’indivisibilità e dell’universalità dei diritti umani. Una coscienza che nello stesso campo occidentale è cresciuta in modo esponenziale come reazione all’iperconsumismo, alla dilatatissima alienazione economicistica e all’esasperata polarizzazione delle ricchezze, ovverosia come reazione al radicale attacco a valori di base politici, etici, sociali e religiosi elaborati e conquistati nel corso di secoli. Tutto ciò è testimoniato proprio dal carattere composito del movimento contro la globalizzazione liberista e le sue guerre, la cui varietà non dovrebbe destare meraviglia se si pensa che "il capitalismo innovativo e globale non è affatto soltanto anti-proletario (come continuano ad opinare i veteromarxisti operaisti), ma è anche e soprattutto anti-borghese, perché l’ethos nobiliare-borghese si è sempre ostinato a mantenere sfere vitali non mercificabili, o per lo meno non interamente mercificate." (Costanzo Preve, "Il Bombardamento Etico", Editrice CRT, Pistoia, 2000, pag. 39)(16). E non è difficile allora capire perché un’opinione pubblica trasversale, avvilita dall’arroganza economica e politica del potere, già allarmata per i tentativi di privatizzazione della vita cresciuti sull’onda dei successi della bioingegneria e preoccupata per il cattivo stato di salute del pianeta avvertibile tutti i giorni, consideri istintivamente e implicitamente (e giustamente) lo scambio morti-per-petrolio – il più evidente tra gli scambi proposti dall’amministrazione Bush – come l’inaccettabile quintessenza della mercificazione della vita umana. Ed è infatti mia opinione che la guerra, e specialmente la guerra moderna, sia da rubricarsi proprio sotto questa voce. Allo stesso modo possiamo aggiungere che, con tutte le sue contraddizioni, lo stesso risveglio religioso di questi anni non è altro, e proprio da un punto di vista squisitamente laico, che una manifestazione del fatto che l’essere umano è un animale ideologico, ermeneutico e metafisico, e non lo schiavo di una "mano invisibile" che lo inchioda alla pura materialità. E’ questa "dimensione antropologica transtorica" - per usare un concetto di Samir Amin - a spingere l’uomo a fare la propria storia. Ed è la moderna pratica politica laica il terreno più favorevole per compierla, perché "la democrazia moderna si attribuisce subito il diritto d’invenzione, a fare qualcosa di nuovo. Sta tutto qui il senso del segno di uguaglianza che la Filosofia dei Lumi pone tra Ragione ed Emancipazione." (S. Amin, "Oltre la mondializzazione". Editori Riuniti, 1999). Fare la propria storia vuol dire emanciparsi dall’alienazione mercantilistica e capire che un nuovo ciclo di espansione materiale capitalistico presupporrebbe una fase di conflitti crescenti e senza esclusione di colpi e, inoltre, sia che esso venga incentrato di nuovo sugli Stati Uniti sia, a maggior ragione, che venga incentrato su un nuovo stato-continente come la Cina che deve recuperare velocemente le fasi "pesanti" di sviluppo perdute, equivarrebbe con ogni evidenza ad un collasso ecologico-sociale planetario. L’emancipazione dall’alienazione mercantilistica non può quindi limitarsi all’Occidente, ma deve estendersi in ogni parte del mondo, Asia in primo luogo. E sembra anche evidente che questa emancipazione non è più appannaggio esclusivo di un soggetto sociale specifico, come nella tradizione marxista, ma di una rete di soggetti in larga misura ancora da definire e, addirittura, da identificare e che possono variare da Paese a Paese, eppure già reali e operanti. L’alternativa a questa emancipazione potrebbe non esserci, né singolarmente né come specie: "[…] prima di soffocare (o respirare) nella prigione (o nel paradiso) di un impero mondiale postcapitalistico o di una società mondiale di mercato postcapitalistica, l’umanità potrebbe bruciare negli orrori (o nelle glorie) della crescente violenza che ha accompagnato la liquidazione dell’ordine mondiale della guerra fredda. Anche in questo caso la storia del capitalismo giungerebbe al termine, ma questa volta attraverso un ritorno stabile al caos sistemico dal quale ebbe origine seicento anni fa e che si è riprodotto su scala crescente a ogni transizione. Se questo significherà la conclusione della storia del capitalismo o la fine dell’intera storia umana, non è dato sapere." (G. Arrighi, op. cit.)

 

 

 

NOTE

 

 

(1) Consulente di una transnazionale statunitense specializzata in informatica e in servizi nel settore petrolifero-energetico. Collaboratore di istituti di ricerca in Europa e in Asia nel campo dell’algebra della logica, sistemi esperti e analisi logico-algebrica di informazioni incomplete, è autore di memorie scientifiche e ha tenuto seminari e conferenze in Canada, Francia, Germania, Giappone, India, Polonia, Romania e Stati Uniti. Per un incarico di consulenza, ha vissuto in Turchia dall’inverno 2000 all’estate 2001. Durante questo soggiorno ha approfondito la propria documentazione sulla politica interna e internazionale di quel paese e delle repubbliche centroasiatiche e transcaucasiche. E’ membro della Chiesa Evangelica Metodista, al cui interno ha promosso la discussione sulle politiche neo-liberiste. (http://www.surf.it/logic)

 

(2) E’ il caso di Sergio Cararo (si veda il sito http://digilander.libero.it/acta_imperii/balcani01.html).

 

(3) I termini più generali della questione iugoslava sono verosimilmente quelli discussi da Alberto Negri in http://www.sottovoce.it/conflitti/corridoi1.htm

 

(4) Così Gerard Segal, ex direttore dell’Istituto Internazionale di Studi Strategici di Londra, un anno prima dell’intervento contro la Serbia: "Dovremo intervenire unilateralmente in Kossovo? La risposta sarà in larga misura un calcolo politico, ma l’interrogativo solleva questioni fondamentali attinenti alle finalità della potenza militare" (La Repubblica, 10-7-1998).

 

(5) Con la probabile aggiunta eccezionale e precauzionale, appena il gioco si farà duro, della perenne spina nel fianco: Cuba.

 

(6) Il reddito medio dell’Arabia Saudita è diminuito di più del 50% dall’inizio della reaganomics ad oggi.

 

(7) "Non con le armi" non è però in ultima analisi una descrizione esatta. La guerra per sottrarre all’influenza Russa i Paesi centrasiatici e transcaucasici si sta combattendo in Cecenia. La Cecenia, infatti, prima della guerra alla Serbia è stata la riprova che la Russia era così debole da non riuscire a venire a capo di un conflitto locale in casa propria (figuriamoci all’estero); dopo l’11 settembre è stata la merce di scambio per ottenere il lasciapassare per l’Asia centrale ex-sovietica, mentre oggi costituisce la situazione di crisi che continua a mantenere la Russia sotto pressione militare e politica. Il conflitto in Cecenia è uno dei tanti il cui compito è quello di non finire, a totale dispetto e dispregio delle sofferenze che provoca.

 

(8) Nelle classiche formule di Marx, D sta per capitale (denaro), M sta per "merci" (ma possiamo anche intendere M come mezzi o strumenti dell’espansione materiale) mentre D’ è il capitale accresciuto grazie a quei "mezzi"(D'=D+x).

La formula con cui Marx descrive la logica generale di accumulazione del capitale è quindi D -->M -->D’, mentre quella con cui descrive l’accumulazione finanziaria tramite interessi è D -->D’ (il denaro che "procrea" direttamente denaro). Arrighi, su un diverso piano di astrazione, spezza la formula generale di Marx in due momenti storico-logici separati: l’impegno del capitale nella produzione e nel commercio di merci, D -->M, che dà luogo alla dinamica di accumulazione D -->M -->D’ (espansione materiale), e il disimpegno dalla produzione materiale e progressivo impegno nelle attività finanziarie, M -->D’, che innesca il meccanismo di accumulazione abbreviato D -->D’ (espansione finanziaria).

Marx definisce la finanziarizzazione come "una delle leve più energiche dell’accumulazione originaria", associandola così all’inizio del modo di produzione capitalistico, che in quanto tale è caratterizzato invece dalla formula D -->M -->D’ (cfr. , "Il Capitale", Libro I, Vol 3, Sezione VII, cap. 24). Se quindi si concepisce il capitalismo come un unico ciclo sistemico, una nuova fase di finanziarizzazione sarà vista come un sintomo di putrefazione (Lenin) o di decadenza (Keynes) del sistema. E’ di fatto il grande schema a cui si attiene anche Samir Amin, sebbene in modo altamente creativo e per nulla meccanico (dato che al suo interno contempla possibili ‘sottocicli’). Schumpeter, al contrario considerava la finanziarizzazione sintomo della fine di un ciclo di accumulazione e, nella sua scia, Arrighi la considera caratteristica della fine di un ciclo sistemico di accumulazione e di inizio di un ciclo successivo. Va allora notato che lo stesso Marx non parla di un’unica fase iniziale di accumulazione, ma di diverse fasi di accumulazione originaria che si sono susseguite nella Storia, ognuna basandosi sui frutti di quella precedente (Venezia, Olanda, Inghilterra e, presagiva, Stati Uniti). Tuttavia lo schema dei cicli sistemici di accumulazione non è derivabile direttamente da Marx (e in ciò l’interpretazione di Amin sembra più ortodossa di quella di Arrighi).

 

(9) I famosi "capitali fluttuanti speculativi" oggetto della Tobin tax, cavallo di battaglia di ATTAC, hanno questa origine.

 

(10) Attualmente è calcolato che il rapporto tra transazioni commerciali e transazioni finanziarie sia 1:80, cifra che illustra bene cosa si intenda per “disimpegno dalla produzione e dal commercio”.

 

(11) La partecipazione dell'apparato produttivo di Giappone, Germania e USA all'economia internazionale è passata dal 54% nel 1961 al 40% nel 1996 (IFRI-Ramses).

 

(12) La diaspora capitalistica cinese nel mondo ha contribuito in modo fondamentale a questo processo, sia finanziando direttamente la crescita cinese, sia fungendo da intermediaria finanziaria e commerciale (modello "One Nation, Two Systems").

 

(13) Per gli USA e gli UK il presidente Chirac è "un verme" non perché senza la Francia non si possa fare la guerra materialmente, ma perché la Francia trascina le posizioni di molti Paesi, in primo luogo la Germania, senza i quali è difficile farla finanziariamente.

 

(14) "Una volta che il momento è maturo, non sarà impossibile che i nazionalisti separatisti dello Xinjiang, assistiti da forze ostili interne e internazionali, si mettano a contrastare il governo locale e quello centrale e chiedere supporto alla comunità internazionale, proprio come i separatisti albanesi nel Kossovo, Yugoslavia. In quel momento non possiamo escludere la possibilità che il blocco militare della NATO guidato dagli USA agisca contro la Cina in un modo o nell’altro, anche con mezzi militari, con il pretesto di salvaguardare i diritti umani dei gruppi etnici di minoranza." Al Yu, "Kossovo Crisis and Stability in Cina’s Tibet and Xinjiang", Ta Kung Pao, FBIS.CHI-97-223, August 11, 1997.

 

(15) Cfr. Chalmers Johnson, "I missili di oggi sull’Iraq sono partiti 50 anni fa". Supplemento al N. 5 di Carta, febbraio 2003.

 

(16) "A proposito infine della tradizione culturale borghese, l’attuale globalizzazione non ‘occidentalizza’ affatto il pianeta (come sostengono noti confusionari sempre pubblicati, recensiti e pubblicizzati), dal momento che essa globalizza un modello di vita rigorosamente post-occidentale, posteriore al declino comune delle occidentalissime classi borghese e proletaria, e nichilisticamente posteriore a tutte le forme di saggezza e di religione occidentali." (Costanzo Preve, op.cit. pag. 47)

 

 

 

jeudi, 04 juin 2009

Euro-america o Eurasia?

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Archives - 2003

 

 

Euro-america o Eurasia?

 

 

 

Intervento di Fausto Sorini svolto al seminario internazionale PCdoB di Brasilia del 25-26 Settembre 2003, dedicato all'analisi del quadro mondiale (tratto da http://www.resistenze.org)

 

1) Con l’occupazione militare dell’Iraq si è espressa in modo organico una volontà di dominio globale da parte dei settori più aggressivi dell’imperialismo americano. Controllare il Medio Oriente, maggiore riserva petrolifera mondiale, significa condizionare tutte le dinamiche economiche del pianeta, ed in particolare quelle di Unione europea e Cina, che dal petrolio di questa regione sono ancora oggi largamente dipendenti. Non a caso Russia e Cina, nel primo incontro al vertice tra Putin e Hu Jintao, hanno deciso di intensificare la cooperazione in campo energetico.

 

2) Lo scenario è quello di una competizione per l’egemonia mondiale nel 21° secolo. Gli Stati Uniti, di fronte alle proprie difficoltà economiche, a un debito estero che è il maggiore del mondo, all’emergere di nuove aree economiche, geo-politiche e valutarie che ne minacciano il primato mondiale, scelgono la guerra “permanente” e “preventiva” per tentare di vincere la competizione globale sul terreno militare, dove sono ancora i più forti. E dove si propongono di raggiungere una superiorità schiacciante sul resto del mondo, per cercare di invertire una tendenza crescente al declino del loro primato economico.

Nel 1945 gli Usa esprimevano il 50% del PIB del mondo; oggi sono al 25% (come l’Unione europea). Con le attuali tendenze dell’economia mondiale, i centri studi dei Paesi più industrializzati prevedono un ulteriore dimezzamento della % Usa nei prossimi 20 anni. Sarebbe la fine dell’egemonia mondiale dell’imperialismo americano, l’ascesa di nuovi centri di potere, capitalistici e non, un’autentica rivoluzione negli equilibri planetari. Si sono fatte guerre mondiali per molto meno.

 

3) Unione europea, Russia, Cina, India sono le principali potenze economiche e geo-politiche emergenti dotate anche di forza militare. L’Eurasia è il principale ostacolo al dominio Usa sul mondo. Chi avesse ancora dei dubbi, si rilegga Paul Wolfowitz, ideologo dell’amministrazione Bush : “Gli Stati Uniti devono appoggiarsi sulla loro schiacciante superiorità militare e utilizzarla preventivamente e unilateralmente…Il nostro primo obiettivo è di impedire l’emergere ancora una volta (dopo l’Urss - ndr) di un rivale…Ciò richiede ogni sforzo per impedire ad ogni potenza ostile di dominare una regione il cui controllo potrebbe consegnarle una potenza globale. Tali regioni comprendono l’Europa occidentale, l’Asia orientale (la Cina - ndr), il territorio dell’ex Unione Sovietica e l’Asia sud-occidentale (l’India - ndr)”. 

 

4) Non si tratta di una linea congiunturale, facilmente reversibile con un cambio di presidenza, ma di un orientamento che viene dal profondo dei settori più aggressivi e oggi dominanti dell’imperialismo americano. Un orientamento strategico che guarda alle grandi sfide del 21° secolo, non una breve parentesi. Vi sono differenze nei gruppi dominanti Usa e nell’opinione pubblica, nella stessa amministrazione Bush. Ma le posizioni meno oltranziste oggi sono minoranza e prevedibilmente lo saranno per molto tempo, fino a quando la linea attuale non andrà incontro a sconfitte economiche o militari (tipo Vietnam).

 

5) Gli Usa aspirano, come ha ben sintetizzato Fidel Castro, ad una “dittatura militare planetaria”. E’ una minaccia “diversa”, ma per certi aspetti più grande di quella rappresentata dal nazi-fascismo nel secolo scorso. Gli Usa dispongono oggi di una superiorità militare sul resto del mondo assai maggiore di quella che Germania, Giappone e Italia avevano all’inizio della seconda guerra mondiale. Nemmeno il Terzo Reich pensava al dominio globale del pianeta, così come esso viene teorizzato da alcuni esponenti dell’amministrazione Bush. Ciò spiega perché la linea della “guerra preventiva” suscita una opposizione tanto vasta, che coinvolge la grande maggioranza dei Paesi del mondo. E’ significativo che gli Usa, con la scelta di fare la guerra all’Iraq, siano rimasti in forte minoranza nell’Assemblea generale dell’Onu e nel Consiglio di Sicurezza, dove non solo hanno avuto l’opposizione dei paesi maggiori (Francia, Germania, Russia, Cina), ma dove non sono riusciti – pur esercitando pressioni fortissime – a “comprare” il voto di paesi come Messico, Cile, Angola, Camerun, da cui non si attendevano tante resistenze. Con la guerra in Iraq gli Usa hanno scontato un isolamento politico senza precedenti. Si calcola che solo il 5% dell’opinione mondiale abbia sostenuto la guerra. Una nuova generazione che, con il crollo dell’Urss e la crisi dell’ideale comunista, era cresciuta in tanta parte del mondo col mito del modello americano, oggi comincia ad aprire gli occhi e a maturare una coscienza critica potenzialmente antimperialista, come non si vedeva dai tempi del Vietnam. E’ un grande patrimonio, che peserà nel futuro del mondo.

 

6) La spinta verso un mondo multipolare è inarrestabile, anche se essa procederà con gradualità, perché nessuno oggi ha la volontà e la forza di sfidare apertamente gli Usa. Cresce in ogni continente la tendenza alla formazione di “poli regionali”, volti a rafforzare la cooperazione economica, politica, militare dei paesi dell’area per essere presenti sulla scena mondiale con maggiore potere contrattuale. Tutti ritengono di avere bisogno di tempo per rafforzarsi. Questo può spiegare la prudenza della Cina (e per altri versi della Russia) nei rapporti con gli Usa: vogliono rinviare ad altri tempi una possibile frattura, che in particolare la Cina mette nel conto. Mentre Francia e Germania, con diversa collocazione, non considerano matura la fine del legame transatlantico. Tali disponibilità al compromesso si sono espresse nel voto unanime (con la non partecipazione della Siria) a favore della risoluzione 1483 (22 maggio 2003) del CdS dell’Onu, che in qualche misura legittima a posteriori l’occupazione militare dell’Iraq e “riconosce” i vincitori. La questione si ripropone nella trattativa in corso in questi giorni, in cui si tratta di definire natura, ruolo e comando di un eventuale coinvolgimento dell’Onu in un Iraq tutt’altro che normalizzato, dove gli Usa sono impantanati, costretti a spendere cifre astronomiche, militarmente sotto il tiro di una resistenza irakena che si rivela più tenace e radicata del previsto. Le maggiori potenze che pure si sono opposte alla guerra, nella logica della più classica realpolitik - puntano anche a non farsi escludere da ogni influenza sul nuovo Iraq e dai giganteschi interessi legati alla ricostruzione del paese; e a tutelare i propri interessi in campo, dalle concessioni petrolifere al recupero dei debiti contratti dal vecchio regime di Saddam Hussein. Cercano di costringere gli Usa, oggi in difficoltà, ad accettare quei vincoli Onu ai quali nei mesi scorsi si erano sottratti. Il rischio è quello di contribuire a sostenere e legittimare l’occupazione militare e il comando degli Usa in Iraq, offrendo loro un salvagente senza significative correzioni della loro politica aggressiva. Vedremo su quali basi avverrà il compromesso.

 

7) Questa guerra ha fatto nascere un forte movimento popolare, che ha coinvolto centinaia di milioni di persone, in ogni continente. Il 15 febbraio 2003 più di cento milioni di persone hanno manifestato contemporaneamente in ogni parte del mondo. Era dalla fine degli anni ’40, dai tempi del Movimento dei partigiani della pace, che non si vedeva una mobilitazione così estesa a tutte le latitudini. Si tratta di una delle novità più importanti del quadro internazionale dopo il 1989. Anche se tale movimento non ha avuto la forza per fermare la guerra e oggi vive una fase di delusione e di riflusso, si sono poste importanti premesse per le lotte future e per la ricostruzione di un movimento mondiale contro la logica imperialista della guerra, che non si fermerà. Vi è qui un terreno fondamentale di lavoro per i comunisti e le forze rivoluzionarie di ogni parte del mondo. Purtroppo mancano forme anche minime di coordinamento internazionale di tale lavoro; e questo limite, che dura ormai da molti anni, non vede ancora in campo ipotesi di soluzione ed iniziative adeguate da parte dei maggiori partiti comunisti che avrebbero la forza e la credibilità per prenderle. Ciò rende tutto più difficile, ed espone il movimento contro la guerra, soprattutto in alcune regioni del mondo, all’influenza prevalente delle socialdemocrazie, delle Chiese o di alcuni raggruppamenti trotzkisti (come è stato finora, in buona misura, nel movimento di Porto Alegre). L’appuntamento del prossimo Forum Sociale Mondiale in India, potrebbe vedere in proposito alcune novità, ed un suo ampliamento unitario: in senso geo-politico, con il coinvolgimento dell’Asia, oltre l’asse originario imperniato su Europa occidentale, Stati Uniti e America Latina (poi si dovrà guardare all’Africa, all’Europa dell’Est, alla Russia); e in senso politico, con l’auspicabile superamento di una persistente pregiudiziale antipartitica, che si è finora risolta in sorda ostilità soprattutto nei confronti dei partiti comunisti. Se sarà così, il movimento non potrà che trarne vantaggio, consolidamento e maggiori legami coi movimenti operai dei rispettivi paesi, con generale beneficio del movimento mondiale contro la guerra e la crescita in esso di una più matura coscienza antimperialista.

 

8) L’opposizione alla “guerra preventiva” viene non solo dalle tradizionali forze di pace, ma anche da parte di potenze imperialiste come Francia e Germania, che fanno parte del nuovo ordine mondiale dominante. Potenze non “pacifiste”, come si è visto in Africa (ad es. in Congo, dove la competizione interimperialistica tra Francia e Stati Uniti, per il controllo delle immense risorse minerarie della regione è costata la vita in pochi anni a 4 milioni di persone…); o nella guerra della Nato contro la Jugoslavia, che ha visto Francia e Germania pienamente coinvolte. Questi paesi sono gli assi portanti dell’Unione europea, un progetto autonomo di costruzione di un polo imperialista (con la sua moneta : l’ euro) che vuole giocare le sue carte nella competizione globale. E che in prospettiva punta a dotarsi di una forza militare autonoma dagli Usa. Questi paesi non accettano di sottomettersi al dominio Usa, ma procedono con prudenza in questo processo di autonomizzazione : non hanno oggi la forza di sfidare apertamente gli Usa, non hanno un sufficiente consenso degli altri Paesi dell’Unione europea per mettere apertamente in discussione l’equilibrio “transatlantico”.

 

9) Le contraddizioni che oppongono la grande maggioranza dei Paesi del mondo al progetto militarista e unipolare Usa, sono di natura diversa: -vi sono contrasti tra imperialismo e Paesi in via di sviluppo, che aspirano alla pace e a un ordine mondiale più giusto nella ripartizione delle ricchezze del pianeta; - vi sono contrasti tra imperialismi, per la ripartizione delle risorse mondiali e delle rispettive sfere di influenza; - vi sono contrasti tra imperialismo e paesi di orientamento progressista (Cina, Vietnam, Laos, Corea del Nord, Cuba, Venezuela, Brasile, Libia, Siria, Palestina, Sudafrica, Bielorussia, Moldavia…) che in vario modo aspirano ad un modello di società diverso dal capitalismo dominante. Si evidenzia qui in particolare il contrasto con la Cina, grande potenza socialista (economica e nucleare), diretta dal più grande partito comunista al mondo, che sta emergendo come la grande antagonista degli Usa nel 21° secolo. Questo dichiarano apertamente vari esponenti Usa, che valutano che nei prossimi 20 anni, con gli attuali tassi di sviluppo, il PIB della Cina potrebbe eguagliare quello degli Usa, il divario di potenza militare potrebbe ridursi, e quindi “bisogna pensarci prima che sia tardi”, se non si vuole che la Cina divenga per gli Stati Uniti, nel 21° secolo, quello che l’Urss è stata nel secolo scorso; - vi sono contrasti con grandi paesi come la Russia e l’India (potenze nucleari), che pur non avendo oggi una coerente collocazione progressista in campo internazionale, non fanno parte del sistema imperialistico dominante, e hanno interessi nazionali e una collocazione geo-politica che contraddicono le aspirazioni egemoniche degli Usa. La Casa Bianca, nel suo documento sulla Sicurezza nazionale del settembre 2002, li definisce paesi dalla “transizione incerta”, che potrebbero evolvere verso una crescente omologazione agli interessi Usa e al suo modello sociale e politico (distruzione di ogni statalismo in campo economico, democrazia liberale in campo politico-istituzionale, rinuncia al potenziamento del proprio potenziale militare e nucleare e ad ogni “non allineamento” in politica estera…); ma che potrebbero evolvere in senso opposto e quindi rappresentare una “minaccia” per l’egemonia Usa e per l’attuale ordine mondiale dominante.

 

10) Vi è una spinta, nei vari continenti, alla formazione di entità regionali più autonome dagli Usa e con un proprio protagonismo sulla scena mondiale: -in Europa, con l’Ue e il rapporto Ue-Russia; -nell’area ex-sovietica, con la Csi; -in America Latina, con il Mercosur e la convergenza progressista di Brasile, Cuba, Venezuela…; -in Africa, con l’Unione africana e il Coordinamento per la cooperazione e lo sviluppo dei paesi dell’Africa australe (SADC), imperniato sul nuovo Sudafrica e sui governi progressisti della regione (Angola, Mozambico, Namibia, Zimbabwe, Congo, Tanzania…); -in Asia, con lo sviluppo del rapporto Cina-Asean/Cina-Vietnam. Nel 2010 i dieci paesi dell’Asean e la Cina formeranno il più grande mercato comune del pianeta; con le spinte verso una riunificazione della Corea su basi di neutralità, denuclearizzazione e allontanamento di tutte le basi militari straniere; con il rafforzamento del ruolo del “Gruppo di Shangai” (Russia, Cina, Kazachistan, Kirghisia, Uzbekistan, Tagikistan) : imperniato sull’asse russo-cinese, con la recente significativa richiesta di Putin all’India di entrare a farne parte. Il processo di avvicinamento tra Cina e India pesa enormemente sugli equilibri mondiali.

 

11) Gli Usa osteggiano il formarsi di questi “poli regionali” e cercano di favorirne la “disaggregazione”, oppure di sostenere all’interno di essi l’egemonia delle forze che sono sotto la loro influenza. Ne derivano contrasti di natura diversa nei principali organismi internazionali (Onu, FMI, G7, Wto, Unione Europea, nella stessa Nato). Ultimo in ordine di tempo il fallimento del vertice WTO a Cancun, dove è emerso uno schieramento “Sud-Sud”, imperniato su Cina, India, Brasile, Sudafrica (e con la significativa presenza di paesi come Cuba e Venezuela) che si è fatto interprete degli interessi dei Paesi in via di sviluppo, contro le pretese egemoniche dei maggiori centri dell’imperialismo. Le contraddizioni tendono continuamente a ripresentarsi : basti pensare alle tensioni e alle minacce che investono Iran, Siria, Arabia Saudita, crisi palestinese, Corea del Nord, Venezuela, Cuba; ad una situazione interna all’Iraq non normalizzata; alla permanente competizione economica e valutaria Usa-Ue / dollaro-euro... Ma c’è diversità di interessi in campo, di progetti politici e di modello sociale, anche tra le forze che si oppongono all’unilateralismo Usa. Ad esempio : la Cina, il Vietnam, Cuba, il Venezuela…non hanno la stessa collocazione strategica, della Germania di Schroeder o della Francia di Chirac, che invece difendono un certo modello economico e un ordine mondiale fondato sul predominio delle grandi potenze capitalistiche. Emblematica la vicenda di Cuba che è sostenuta dai Paesi socialisti e progressisti, ma osteggiata dall’Unione europea che si è vergognosamente avvicinata agli Usa nel rilancio di una campagna ostile. La lotta di classe non è scomparsa, così come non scomparve negli anni ’40 quando forze tra loro assai diverse per riferimenti sociali e politici trovarono una comune convergenza contro il nazi-fascismo, per poi tornare a dividersi negli anni della guerra fredda, perché portatori di interessi e di modelli di società tra loro alternativi.

 

12) Il fatto che l’opposizione alla guerra di grandi paesi come Russia, Cina, Francia, Germania non abbia superato una certa soglia di asprezza (oltre la quale il contrasto tende a spostarsi sul terreno dello scontro aperto, anche militare); il fatto che momenti di forti divergenze si alternino a situazioni in cui prevale la ricerca di una mediazione e di un compromesso, sorge non già – come sostengono le teorie di Toni Negri sul nuovo impero - dall’esistenza di interesse omogenei di un presunto “capitale globale” e di un presunto “direttorio mondiale” in cui esso troverebbe espressione politica organica e unitaria, ma da rapporti di forza internazionali che, sul piano militare, non consentono oggi a nessun paese o gruppo di paesi di portare una sfida aperta, oltre certi limiti, alla superpotenza Usa.

 

13) Come ricostruire internazionalmente un contrappeso capace di condizionare la politica estera degli Stati Uniti? Questo è il problema n°1 per tutte le forze che non vogliono una nuova tirannia globale. E’ necessaria la convergenza di più forze, tra loro assai diverse: -innanzitutto la resistenza del popolo irakeno e delle forze che in Medio Oriente la sostengono (Siria, Iran, resistenza palestinese…) per mantenere aperto il “fronte interno”, contro l’occupazione militare, e scoraggiare nuove avventure. E’ necessario un sostegno internazionale a questa resistenza, oggi pressochè inesistente al di fuori del mondo arabo; sostegno non separabile da quello alla causa palestinese, in grave difficoltà dentro una dinamica politico-diplomatica sempre più condizionata dagli Usa, che con Israele vogliono il controllo pieno del Medio Oriente; -la ripresa del movimento per la pace negli Usa e su scala mondiale, riorganizzando le sue componenti più dinamiche e determinate, per impedirne la dispersione e il riflusso; -il consolidamento delle più larghe convergenze politico-diplomatiche tra Stati, contro l’unilateralismo Usa, senza di che è impensabile una ripresa di ruolo dell’Onu (obiettivo che non va abbandonato, in assenza di alternative più avanzate che oggi non esistono). Si impone un maggior ruolo dell’Assemblea generale rispetto al Consiglio di Sicurezza e una composizione più rappresentativa del Consiglio stesso; -lo sviluppo, negli Stati Uniti, di una opposizione alla politica di Bush e in Gran Bretagna a quella di Blair, oggi entrambi in crisi di consenso. La difesa intransigente del diritto di Cuba, della Siria, dell’Iran, della Corea del Nord e di ogni altro paese minacciato a proteggere la propria sovranità da ogni ingerenza esterna, è parte integrante della lotta contro il sistema di guerra, indipendentemente dal giudizio che ognuno può avere sulla situazione interna di questo o quel paese.

 

14) Come evolverà l’Europa? Sono emerse divisioni non facilmente superabili tra Usa e Unione europea, all’interno dell’Unione europea e della Nato (cioè tra alleati del tradizionale blocco atlantico), come mai era accaduto nel dopoguerra. Nell’Unione europea (e nella Nato) continuerà il contrasto tra filo-americani e sostenitori di un’Europa più autonoma dagli Usa, imperniata sul rapporto preferenziale tra Francia - Germania - Russia. Anche per questo gli Usa vorrebbero l’ingresso nell’Ue di Turchia e Israele, loro alleati di fiducia (soprattutto Israele, perché anche in Turchia, come si è visto in relazione al conflitto irakeno, sta emergendo una dialettica nuova). Una sconfitta elettorale (possibile) dei governi di centro-destra in Italia e in Spagna, favorirebbe una collocazione europea più autonoma.

 

15) E’ vero che gli Usa sono oggi orientati ad agire anche militarmente in modo unilaterale, senza farsi condizionare né dall’Onu nè dalla Nato, ma essi non rinunceranno alla Nato, che continua ad essere per loro uno strumento prezioso per controllare l’Europa e le strutture politico-militari, di sicurezza, di intelligence, nonché l’industria e la tecnologia militare dei Paesi europei integrati nell’Alleanza. E per disporre di basi militari sul continente, poste sotto il loro controllo, magari spostandole o creandone di nuove nei paesi europei più fedeli e sottomessi, come alcuni paesi dell’Est. Gli Usa dispongono di una presenza militare in 140 Stati su 189 (con altri 36 vi sono accordi di cooperazione militare), con 800 basi militari e 200.000 soldati dislocati all’estero in permanenza (esclusi quelli presenti in Iraq). Ciò rende attualissima e non rituale la ripresa di una iniziativa del movimento per la pace per la chiusura delle basi militari Usa nei rispettivi Paesi. Per il ritiro di tutti i militari impegnati all’estero a supporto di azioni di guerra e di occupazione militare. Per attivare iniziative e dinamiche di disarmo in campo internazionale.

 

16) Un intellettuale britannico vicino a Tony Blair, ha scritto dopo la guerra in Iraq che in Europa il bivio è “tra euroasiatici, che vogliono creare un’alternativa agli Usa (lungo l’asse Parigi – Berlino – Mosca – Delhi – Pechino) ed euroatlantici, che vogliono mantenere un rapporto privilegiato con gli Usa”. Tony Blair ha espresso con chiarezza la sua linea euroatlantica in una intervista al Financial Times (28.05.2003), affermando: “Alcuni auspicano un mondo multipolare con diversi centri di potere che si trasformerebbero presto in poteri rivali. Altri pensano, e io sono tra questi, che abbiamo bisogno di una potenza unipolare fondata sulla partnership strategica tra Europa e America”. Dunque: “Euro-america” o “Eurasia”?

 

17) Chi vuole un’ Europa davvero autonoma dagli Usa e dal suo modello di società, deve avere un progetto alternativo, che vada oltre l’attuale Unione europea e le basi su cui essa è venuta formandosi e che comprenda tutti i paesi del continente (anche Russia, Ucraina, Bielorussia, Moldavia…). Un progetto che: -sul piano economico, contrasti la linea delle privatizzazioni e prospetti la formazione di poli pubblici sovranazionali (interessante la proposta, in altro contesto, che il presidente venezuelano Hugo Chavez ha sottoposto a Lula, per la formazione di un polo pubblico continentale per la gestione delle risorse energetiche, collegato ad una banca pubblica regionale che serva a finanziare progetti di sviluppo e con finalità sociali); -sul piano politico-istituzionale, contrasti ipotesi federaliste volte a svuotare la sovranità dei Parlamenti nazionali e sostenga un’ipotesi di Europa fondata sulla cooperazione tra Stati sovrani, non subalterna ai poteri forti delle maggiori potenze imperialistiche che dominano l’attuale Unione europea; -sul piano militare, preveda un sistema di sicurezza e di difesa pan-europeo, alternativo alla Nato, comprensivo della Russia (una sorta di Onu europea), che già oggi – considerando il potenziale nucleare di Francia e Russia – disporrebbe di una forza difensiva sufficiente a dissuadere chiunque da un’aggressione militare all’Europa. Dunque, un progetto opposto a quello di un riarmo dell’Unione europea, di una sua militarizzazione e vocazione imperialistica, volte a rincorrere gli Usa sul loro terreno. E’ vero che oggi l’imperialismo franco-tedesco è assai meno pericoloso per la pace mondiale di quello americano e può fungere a volte da contrappeso. Ma guai a trarne una linea di incoraggiamento al riarmo dell’Ue: i movimenti operai e i popoli europei, e qualsivoglia progetto di Europa sociale e democratica, verrebbe colpiti al cuore da una politica di militarizzazione del continente su basi neo-imperialistiche. Essa stimolerebbe la corsa al riarmo a livello internazionale, e il costo di una crescita esponenziale delle spese militari, in un’Europa neo-liberale dove già oggi vengono colpite duramente le spese sociali, distruggerebbe quel poco che rimane dell’Europa del Welfare.

 

18) L’Unione europea non può fare da sola. Se vuole reggere il confronto con gli Usa ed uscire dalla subalternità atlantica, deve essere aperta ad accordi di cooperazione e di sicurezza con la Russia (che è parte dell’Europa), con la Cina, l’India; e con le forze più avanzate e non allineate che si muovono in Africa, in Medio Oriente, in America Latina. Solo una rete di unioni regionali, non subalterne agli Usa (di cui l’Europa sia parte) può modificare i rapporti di forza globali e condizionare la politica Usa. Gli Usa non possono fare la guerra a tutto il mondo.

 

19) In paesi come Russia, Cina, India – potenze nucleari in cui vive la metà della popolazione del pianeta, che potrebbero esprimere tra 20 anni un terzo della ricchezza mondiale (e che la stessa amministrazione Bush definisce “paesi dalla transizione incerta”) – le forze comuniste, di sinistra, antimperialiste, non subalterne al modello neo-liberista e agli Usa, costituiscono già oggi una forza maggioritaria (in Cina) o che potrebbe diventarlo (Russia, India) nell’arco di un decennio.

Un’alleanza elettorale in India tra Congresso e Fronte delle sinistre (animato dai comunisti) potrebbe vincere le prossime elezioni (previste per il 2005), su un programma che recuperi le istanze progressive del non-allineamento. Un’avanzata dei comunisti e dei loro alleati alle prossime elezioni politiche in Russia può creare le condizioni per un compromesso con Putin (con una parte almeno delle forze che sostengono Putin) e collocare la Russia su posizioni più avanzate. Sono possibilità, non certezze. Per questo parlo di un processo che potrebbe maturare “nell'arco di un decennio”. Ma che dispone delle potenzialità per affermarsi e su cui forze importanti in questi Paesi stanno lavorando.

 

20) Come ha sintetizzato Samir Amin, “un avvicinamento autentico fra l’Europa, la Russia, la Cina, l’Asia costituirà la base sulla quale costruire un mondo pluricentrico, democratico e pacifico”. Un’ Eurasianon allineata può rappresentare un interlocutore fondamentale anche per le forze progressiste in America Latina e in Africa. Non sarebbe il socialismo mondiale, ma certamente un avanzamento strategico nella direzione giusta. E con il clima politico che caratterizza il mondo di oggi, non sarebbe poco.

 

 

 

lundi, 01 juin 2009

Sopljenitsyne, le visionnaire qui exaspère

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Soljenitsyne, le visionnaire qui exaspère 

Paul François Paoli
19/03/2009 | ex:
http://www.lefigaro.fr
 

«Le Phénomène Soljenitsyne» de Georges Nivat est un essai de référence sur le message spirituel et politique du géant russe.

Soljenitsyne agace ceux qui voudraient bien se débarrasser du grand homme après l'avoir encensé. L'équation est connue : gardons le héros de L'Archipel du Go ul ag qui, par sa force d'âme, a ébranlé le mensonge soviétique, mais oublions le réactionnaire aux allures d'ayatollah slave qui annonce à l'Occident des lendemains qui déchantent. L'ennui est que le résistant au communisme et le critique du libéralisme ne font qu'un chez celui dont la rébellion fut autant spirituelle que politique. Telle est la thèse de Georges Nivat, slaviste renommé qui enseigne à l'université de Genève et dont le livre Le Phénomène Soljenitsyne a été lu et approuvé par l'intéressé avant sa mort.

Vendu à 800 000 exemplaires lors de sa publication en Russie durant la perestroïka, cet ouvrage, qui paraît aujourd'hui en France dans une version enrichie, n'est pas une biographie de plus : c'est un essai qui, non seulement, embrasse tous les aspects de l'œuvre romanesque de Soljenitsyne, mais se veut, en outre, l'expression fidèle de la pensée ultime de l'écrivain, disparu le 8 août 2008. Admirateur de Soljenitsyne, Georges Nivat n'est pas un hagiographe. Il ne minimise pas les « défauts » du grand homme : une personnalité autocratique, qui est comme l'envers de son charisme. Il n'occulte pas ce qui peut paraître choquant chez un chrétien : un pessimisme culturel à la Oswald Spengler, l'auteur du Déclin de l'Occident, l'un des livres culte de la révolution conservatrice allemande.

Dégénérescence morale des Occidentaux

Le fait est que Soljenitsyne, même s'il ne mit jamais sur le même plan le totalitarisme communiste et le libéralisme occidental, aura des mots très durs, depuis le discours de Harvard en 1977, pour ce qu'il a appelé la « dégénérescence morale des Occidentaux », leur « manque de caractère » et pour tout dire de « virilité ». « À relire toute l'œuvre de Soljenitsyne publiciste, on reste frappé par son extraordinaire cohérence  », écrit Nivat. « Tout est commandé par une vision historiographique précise : le mal vient de l'humanisme, de l'anthropocentrisme né à la Renaissance et importé en Russie depuis Pierre le Grand . » Selon Nivat, Soljenitsyne s'inscrit dans la lignée de ces Russes, d'Alexandre Herzen à Léon Tolstoï, pour lesquels il existe une « Russie éternelle » dont la vocation s'enracine moins dans la tradition grecque orthodoxe que dans une vieille Russie chrétienne du Nord et de l'Est sibérien fondée sur les communautés paysannes et l'amour mystique de la terre.

Il faudra bien s'y faire, Soljenitsyne est un fieffé «antimoderne».

Son culte de l'honneur, son amour des traditions et son sens du sacrifice, explique Nivat, est d'un autre temps. Mais qui dit que la nostalgie est par principe impuissante ? N'est-ce pas au nom d'une Russie que les marxistes considéraient comme « dépassée », que Soljenitsyne a vaincu ses persécuteurs ? « Ses grands rappels dans le domaine de l'éthique et de la politique ne font plus recette. Et pourtant, ils correspondent en grande partie aux tâtonnements des nouvelles générations : ne pas mentir, rester soi-même, créer une démocratie à la base, plutôt qu'au sommet, pratiquer l'autolimitation dans sa vie personnelle, comme dans la consommation de masse », écrit Georges Nivat, pour qui la force de Soljenitsyne est d'avoir toujours transfiguré le réel par la foi, loin du réalisme bourgeois ou socialiste. « Ce qui pèse en l'homme, c'est le rêve », écrivait Bernanos. Qui peut nier que, grâce à Soljenitsyne, le rêve d'une Russie régénérée ait pesé dans la balance de l'histoire ?

Le Phénomène Soljenitsyne de Georges Nivat Fayard, 449 p., 25 €.

jeudi, 28 mai 2009

Mythes russes

Mythes russes

Présentation de l'éditeur
Contrairement aux Grecs, aux Indiens ou aux Iraniens entre autres, les Russes ne possèdent pas un ensemble cohérent de mythes sur les dieux païens, de textes sacrés antiques, de grands récits épiques. Mais ils disposent d'une vaste littérature de contes populaires évoquant les esprits les démons, de récits légendaires et merveilleux (avec l'effrayante Baba-Yaga), d'histoires qui racontent les exploits des premiers défenseurs de la Russie, de légendes où croisent des personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament, des saints, des ermites, des gens du peuple... Des formes non littéraires - rituels, proverbes, incantations, arts populaires... - déploient aussi dans sa diversité cette " mythologie " authentiquement russe. Celle-ci est marquée par une conception animiste de la nature, par la croyance en la magie et le culte des morts - des traits encore vivants aujourd'hui et que le christianisme, à travers l'" orthodoxie populaire a bien plus assumés qu'éradiqué.

Elizabeth Warner, Mythes russes, Seuil, 2005.

lundi, 25 mai 2009

Gogol le libre orthodoxe et la transfiguration du monde

Gogol le libre orthodoxe et la transfiguration du monde

Notes à propos de Nicolas Vassiliévitch (1809-1852) et de son bicentenaire.

090518"Tâchez de voir en moi le chrétien plutôt que le littérateur".
Lettre de Gogol à sa mère en 1844.

"Prie pour que mon labeur soit véritablement consciencieux pour je sois jugé digne de chanter un hymne à la Beauté céleste"
Lettre à son ami Joukovski, 1852

Nul mieux que le grand slavisant Pierre Pascal (1) n'a cerné de manière aussi aiguë ce qu'il appelle le "Drame spirituel de Nicolas Gogol". En 1952 il intitulait de la sorte une magnifique introduction à la traduction française des Méditations sur Divine liturgie (2). Il y soulignait l'incompréhension de la majorité des compatriotes et contemporains. Car, écrit-il : "les intellectuels russes de 1850 étaient encore trop les enfants du siècle des lumières pour voir dans les exigences religieuses de Gogol autre chose qu'une maladie mentale et dans sa fin un drame de la folie".

Dès sa dernière "Nouvelle Pétersbourgeoise" intitulée "Le Manteau", commencée à Vienne en 1841 Gogol préfigure, par la pauvre destinée d'Akaki Akakiévitch, la sienne propre : "Laissez-moi ! Pourquoi me faites-vous mal !... dès lors, tout fut changé pour lui... une force surnaturelle l'écarta des camarades... qu'il avait pris d'abord pour des gens convenables..."

Irrésistiblement aussi, on songe au serviteur souffrant. On se remémore également Celui qui est venu parmi les siens et que les siens n'ont pas reçu.

Une part essentielle d'un des plus grands écrivains russes reste aujourd'hui encore méconnue

Dans sa patrie même, on recommence à s'intéresser à lui, non pas seulement comme auteur des textes charmants ou satiriques, qui lui ont valu son immense renommée depuis les années 1830, mais aussi comme croyant.

Le site internet en langue française "Parlons orthodoxie" (3) indiquait à cet égard début avril que  : "le hiéromoine Syméon Tomatchinski, directeur des éditions du monastère Sretensky à Moscou, est convaincu que l'œuvre de Nicolas Gogol renferme un grand potentiel missionnaire : elle aide l'homme contemporain à comprendre le sens des sacrements de l'Église. Il faut davantage éditer et faire connaître les œuvres de Gogol, considère le père Syméon, persuadé que Gogol est l'écrivain le plus religieux de la littérature russe, non seulement par sa vision des choses, mais aussi par son mode de vie. Parmi les œuvres spirituelles de Gogol, il accorde la place la plus importante aux Méditations sur la divine liturgie, "oubliées" pendant l'époque soviétique."(4)

Sur la tombe de l'écrivain, au cimetière du monastère Novodevitchi de Moscou après une pannykhide donnée pour le 200e anniversaire de la naissance de l'écrivain, le métropolite Juvénal, évêque de la région de Moscou soulignait pour sa part son "désir ardent de partager sa foi avec le monde, de lui transmettre sa vision de l'aspect mystique de notre existence. Il semble qu'il n'ait jamais été entendu (…). La portée véritable de sa quête spirituelle n'a pas encore été complètement comprise".

En Russie, en Ukraine et un peu partout dans le monde orthodoxe slave, nous viennent donc beaucoup  d'éloges à son propos. Mais voici ce qu'on peut trouver dans le Wikipedia francophone au sujet d'une de ses œuvres spirituelles les plus importantes, les Passages choisis d'une correspondance avec des amis témoignage, dans la patrie de Descartes, de l'incompréhension qui demeure quand on lit ceci :

Cet ouvrage est présenté comme une suite de lettres écrites entre 1843 et 1846. Celles-ci touchent à des thèmes extrêmement variés : la littérature (Les Âmes mortes et leur véritable signification, en particulier), l'éducation des serfs par les propriétaires fonciers, les obligations des épouses de gouverneurs etc. Leur contenu est ultra-conservateur, voire obscurantiste. Elles ont le ton du prêche.
Aujourd'hui, les Passages choisis sont surtout un document essentiel pour comprendre le drame de Gogol : dépression, perte d'inspiration et dérive mystique. Depuis 1843, celui-ci n'avait plus rien publié. Voyageant frénétiquement à travers l'Europe de l'ouest, il emportait dans son bagage le manuscrit de la suite des Âmes mortes, son chef-d'œuvre, dont ses nombreux admirateurs attendaient impatiemment la finition. L'écriture, cependant, n'avançait pas. Gogol, déprimé et hypocondriaque, chercha secours dans la religion. C'est ainsi qu'il s'orienta vers un ultra-conservatisme moral et politique (adhésion fanatique à l'orthodoxie et à l'autocratie).
Les Passages choisis déclenchèrent un véritable "scandale Gogol" en Russie.(…)
Tout ceci surprit et bouleversa Gogol, qui croyait sincèrement à sa renaissance artistique. Il ne publia plus rien jusqu'à sa mort, en 1852.

Revenons à la réalité des écrits de Nicolas Vassiliévitch Gogol

Quand on souhaite évoquer l'œuvre ou la pensée d'un écrivain une première remarque s'impose. On se situe soi-même et on inscrit son auditoire dans un certain contexte, celui de la langue de ses interlocuteurs ou de ses lecteurs. Ignorant le russe, je n'accède à cette littérature, que j'aime et qui touche aux choses qui, en définitive, me préoccupent avant tout, qu'au gré de ses traductions françaises.

Dans la pratique on constatera, hélas, que la deuxième partie de ses œuvres complètes, exprimant sa pensée profonde ne reste guère disponible aujourd'hui, pour le lecteur francophone, que dans l'excellente mais coûteuse édition de la Pléiade de 1966.

On peut, et on doit, véritablement distinguer, sans les opposer, deux parties chronologiques dans les écrits de Gogol.

Or, la première, la plus connue, et surtout la plus reconnue, largement profane est abordée le plus souvent par bribes. On ne cherche à y voir aucune continuité, et surtout aucune idéologie. L'auteur de ces lignes peut en attester : entre la découverte émerveillée de "Taras Boulba" (1835), le premier "vrai" livre que quelqu'un lui ait offert, et la lecture des "Nouvelles Pétersbourgeoises" (1843), il s'est écoulé pour moi un bon demi-siècle.

Ces créations délicieuses et heureuses appartiennent au royaume des lettres. Elles semblent, à première vue, échapper à tout classement. Les étiquetages qu'un certain public de faux-lettrés a pu accoler à certains textes, les décrivant comme les plus contestataires, ainsi le "Revizor" (1836) ou, plus encore, les "Âmes mortes" (1842), relèvent surtout du malentendu. Et dès le début notre auteur a tenu à s'en excuser.

Pour comprendre "le Grand Dessein de Gogol"

Tout cela nous amène à évoquer la deuxième partie de son œuvre, celle qui sera qualifiée de "Grand Dessein de Gogol", et qui s'inscrit dans une démarche explicite d'apologie de la Foi orthodoxe.

Né en 1809, l'auteur dont on fête, hélas assez modestement le bicentenaire, est âgé de 36 ans quand il annonce publiquement en 1845 son "retour à la religion".

Que faut-il entendre par "retour à la religion" ?

Ce mot, cet événement et cette démarche appellent à leur tour des éclaircissements. Essayons de ne pas trop nous encombrer de pédantisme ou d'étymologie pour évoquer le fait que dès les auteurs latins, dont la langue française est issue, le terme religio peut s'interpréter dans des sens bien différents. Chez Cicéron, il signifie "le respect que ressent l'individu au plus profond de lui devant tout être qui en est digne, divin en particulier". Pour toute une lignée d'auteurs chrétiens estimables, comme Tertullien, Lactance et jusqu'à Chateaubriand ce fait est supposé "religere", relier, réunir les hommes.

Or tout cela s'inscrit dans une tradition latine et catholique. Et on ne peut ignorer que celle-ci diffère de la pensée orthodoxe, tributaire elle-même de la transposition en langue grecque d'idées hébraïques.

Pour l'orthodoxie chrétienne, le mot "religion" doit être considéré comme ambigu, pour ne pas dire : trompeur. À proprement parler le christianisme ne relève pas du "phénomène religieux".

Il existe plusieurs concepts, fort différents :
- la "foi", adhésion volontaire et individuelle. La phrase récurrente de Jésus consiste à dire aux miraculés "ta foi t'a sauvé" ;
-et le "culte", dont les ministres forment le clergé et ne constituent aucunement à eux seuls "l'Église" ;
- à distinguer lui-même des "œuvres".

Ceci lève la fameuse ambiguïté sur laquelle a buté le "sola fide" de Luther. L'interprétation protestante traditionnelle devient, dans son expression extrême, irrecevable pour un orthodoxe en raison même de l'argument développé dans l'épître de Jacques. Que signifierait, en effet, la "foi sans les œuvres" ? La réponse néo-testamentaire fuse alors comme une évidence : "la foi sans les œuvres est une foi morte" (Jacques 2, 17).

La dérive symétrique, celle d'un certain "activisme occidental", a été chantée par l'excellent philosophe [catholique] Philippe Nemo dans son petit livre "Qu'est-ce que l'occident ?"(5). L'auteur y développe l'éloge de ce qu'il appelle la "révolution papale du XIIe siècle". Ainsi nomme-t-il la "réforme de Grégoire VII" après sa victoire sur Henri IV de Hohenstaufen (1077). Cette lutte de la Papauté contre l'Empire occidental se prolonge jusqu'à la mort de Frédéric II (1250). Pour faire court, et résumer honnêtement le propos, "il ne suffit pas de prier il faut transformer le monde". Tout lecteur de l'Évangile (Mt 4,1-11 ; Mc 1, 12-13 ; Lc 4,1-13) reconnaît les trois tentations du Christ, et particulièrement la première : "transformer les pierres en pain", objectif économique qui guette toutes les tentatives de "doctrines sociales".

Sans aucune ambiguïté, cette formulation "occidentaliste" se veut commune au catholicisme et au protestantisme. (6)

Et elle s'affirme également éloignée de l'orthodoxie.

Elle reprochera donc à cette dernière son "essence conservatrice". Philippe Nemo ne s'abstient pas de le faire explicitement dans son livre : il s'agit de prétendre que l'orient chrétien cantonne la "religion" à la prière. Pour enfoncer le clou, le même brillant apologiste croit bon d'interpréter dans ce sens, à notre avis biaisé, la fameuse Légende du Grand Inquisiteur. Ce passage essentiel des "Frères Karamazov" marquerait de la sorte, et entacherait du sceau de l'obscurantisme "oriental", la foi de Dostoïevski.

On va voir que nous en arrivons là, très précisément, à l'occultation de sa pensée qui sera infligée à Gogol.

Son cercle d'amis et son influence

Globalement incompris, dans les dix dernières années de sa vie, il fit cependant quelques adeptes, et non des moindres.

En 1843-1844 il séjourne à Nice et réunit un petit nombre d'amis. Au nombre de ceux-ci il convient de citer la comtesse Vielgorski et ses deux filles, la comtesse Sophie Solloghoub et Anna Mikhaïlovna "la seule femme dont Gogol ait été amoureux" (7). Ce groupe compte aussi Mme Smirnova, sa protectrice qui est aussi la dame d'honneur de l'Impératrice ainsi que les deux poètes Yazhykhov et Joukovsky.

Plus tard, il n'hésitera pas à donner à ses amis des conseils spirituels. On ne les trouvera pas anodins dans le contexte de sa conception discrète et personnelle de l'orthodoxie : "prends aussi cette habitude : chaque samedi fais célébrer chez toi la vigile nocturne".

Beaucoup plus tard, en 1888 Tolstoï publiera, sous pseudonyme, une brochure "N.V. Gogol comme maître de vie".

Pierre Pascal s'interroge à ce sujet, dans les termes suivants : "Pourquoi Tolstoï, négateur de l'Église et de l'État a-t-il tant aimé Gogol orthodoxe et conservateur ? N'est-ce pas qu'il reconnaissait en lui un premier interprète de sa pensée la plus profonde : pénétrer de christianisme la vie intellectuelle et sociale toute entière ?"

Ce n'est qu'en 1850 qu'il fait un pèlerinage à l'ermitage d'Optina où il s'entretiendra avec le starets Macaire.

Sa vision du salut de la société

Il commence à la développer dans les "Passages choisis" de la correspondance avec ses amis.

"Ma cause, écrit-il pour les présenter, est celle de la vérité et du bien public". Ses textes sont qualifiés, par leur auteur de "nécessaires et utiles". Ils "apportent le salut" et répondent à une situation de la Russie qu'il affirme "malade". Or le pays ne sortira de cette maladie que si :

"à la place qui lui a été assignée par Dieu, chaque Russe, tsar, haut fonctionnaire, propriétaire foncier, serf, artiste, écrivain, femme du monde, femme de gouverneur, etc. se décide à servir"…

Dans un autre texte ("Confession d'un auteur) il posera ce choix comme la découverte du véritable sens de l'existence humaine : "Notre vie tout entière est service". Cette notion, d'ailleurs, remonte aux racines mêmes de son œuvre. Dès 1829 son désir un peu naïf d'être un grand homme, il le définit "pour le bien de sa patrie et le bonheur de ses semblables".

On peut devenir meilleur en suivant les enseignements de l'Église et l'on peut contribuer à rendre les autres meilleurs en exerçant une bonne influence. Tout cela suppose de "faire entrer le Christ dans les moindres actions de sa vie".

On doit noter que Gogol refuse très explicitement, ou pour parler de manière plus exacte, il se désintéresse absolument de l'idée de changer la moindre institution, y compris le servage. Nous serions tenté de résumer de la sorte la vision sociale de Gogol en la définissant du point de vue orthodoxe : Le christianisme ne vise pas la transformation du monde par la loi, mais à sa transfiguration par la foi.

L'exemple de la cruelle institution du servage qu'Alexandre II abolira en 1861…

Le point ne peut pas être pudiquement mis de côté puisqu'il s'agit du sujet même des "Âmes mortes".

Évoquons donc ici quelques données à propos de cette forme sociale. On la considère aujourd'hui, peut-être à juste titre comme la marque, la plus odieuse, d'une injustice toute médiévale et de l'obscurantisme. Elle se distingue radicalement de l'esclavage, en ce sens que le serf y dispose d'un statut social de personne humaine. Le système était apparu dans l'occident médiéval et a évolué au gré des siècles et des pays. En Angleterre, il fut aboli dès XVIe siècle, mais en Écosse seulement au XVIIIe. En France, il avait pratiquement disparu à la veille de 1789.

Dans le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie, le statut des "serfs-paysans" s'était dégradé au cours des âges. Sur les domaines seigneuriaux, le nombre de jours de servage est passé, on n'arrête pas le progrès : de quelques jours dans l'année XIIIe siècle, à 1 jour par semaine au XIVe siècle, 4 jours par semaine au XVIIe siècle et de 6 au XVIIIe. Et comme le septième jour était consacré au repos, le "serf-paysan" polonais ne pouvait plus cultiver son lopin personnel.

En Russie, au contraire, le servage n'a été généralisé que sous l'effet de l'occidentalisation, à partir du XVIIe siècle. Il sera largement aggravé au temps des "Lumières". Le 19 février 1861 l'abolition de ce "contrat" par le tsar Alexandre II libère de manière radicale 40 % de la population.

Dans la perspective chrétienne qui est la sienne on ne peut évidemment pas dire, de Nicolas Vassiliévitch Gogol, qu'il "défend" le servage. Son livre "les Âmes mortes" est généralement considéré comme la plus admirable dénonciation de cette sinistre institution : mais il s'écarte de toute apologie de la révolte.

Sommes-nous autorisés à dire ici que l'Histoire lui donna raison : moins de 20 ans après son livre, par la volonté d'un monarque libérateur, que les révolutionnaires assassineront, le système disparaît. En revanche après 1921, et la victoire des Rouges, des "justes révoltés", pendant la guerre civile, la condition des travailleurs de la glorieuse Union Soviétique évoluera rapidement vers une forme d'esclavage que l'ancienne Russie n'avait jamais connue, et qui ne disparaîtra qu'après 70 ans de souffrance et d'oppression.

La question de la censure administrative

Vers 1847 il se trouve confronté à la fois au problème de la censure et à son éreintement propre par la presse, de même qu'aux reproches véhéments de certains membres du clergé. Il mobilise un petit comité de lecture de 5 personnes.

Il prend pour modèle Karamzine (1766-1826) précurseur du mouvement slavophile. En 1811, celui-ci avait publié une "Note sur l'ancienne et la nouvelle Russie". L'auteur se verra attaqué comme glorifiant l'autocratie. Mais il subit en fait la censure parce qu'il critique les anciens empereurs modernistes. Le même publiera en 1818 un pamphlet intitulé "L'opinion d'un citoyen russe" où il critique l'autonomie accordée à la Pologne.

Voici ce qu'écrit Gogol à ce sujet : "Karamzine a été le premier à nous montrer qu'un écrivain peut chez nous être honoré et indépendant à l'égal du plus titré des citoyens. Le premier, il a proclamé solennellement que la censure ne saurait gêner un écrivain et que si, l'écrivain est animé du plus pur désir de faire le bien, au point que ce désir, s'emparant de toute son âme, devienne sa chair et sa nourriture, alors aucune censure ne lui est sévère et il est à l’aise partout. Karamzine a dit cela et il l'a prouvé." (8)

"Comme ils sont ridicules après cela, ceux d'entre nous qui prétendent qu'en Russie il est impossible de dire la vérité pleine et entière et qu'elle ne peut que blesser ! (...) Allons donc !", conclut-il. "Ayez une âme aussi pure aussi bien ordonnée que Karamzine, et alors proclamez votre vérité !" (9)

Ceci entraînera à son encontre les foudres du pire inquisiteur des lettres russes, censeur politiquement correct, plus dur encore que son homologue administrative de l'époque, précurseur lui-même du réalisme socialiste, le pense-petit Bielinski qui ose écrire : "les hymnes aux puissances du jour arrangent parfaitement la situation terrestre du pieux auteur".

Certains textes ne pourront paraître qu'après sa mort en 1857 : "Confession d'un auteur" et son travail par les archives de l'Académie de Kiev, que Gogol a recopié des extraits de 17 Pères de l'Église et de 10 théologiens russes des XVIIe et XVIIIe siècles. Il se faisait traduire du grec en latin notamment saint Jean Chrysostome et saint Basile le Grand.

Slavophiles contre occidentalistes

Comme toujours on doit se méfier des classifications réductrices. Dans sa Lettre XI "Controverses" on pourrait même penser de notre auteur qu'il entend se tenir à égale distance des "deux camps" slavophiles et occidentalistes qui apparaissent vers 1839-1840. Les occidentalistes ("rapadnicki") Herzen, Botkine, Bielinski attendaient, au départ, des principes politiques de l'occident la transformation du régime absolutiste. Les "slavophiles" proprement dits sont représentés par IP Kirievski (1806-1856) et Khomiakov (1804-1860). Leur pensée consiste à dénoncer d'abord deux grands maux de la Russie : les réformes de Pierre le Grand, et l'asservissement de l'Église russe à l'État.

En 1844-1845 on assiste à la rupture totale entre les deux milieux. Et c'est à ce moment que, par ailleurs, se situe la conversion, le retour à la foi de Gogol. On verra qu'à tous égards ou presque ses idées rejoignent celles des slavophiles. On remarquera que lui-même utilise des mots différents comme "vostokchnicki" opposé à "zapadnicki". Vostok c'est l'orient "slavianofily" finira par s'imposer un peu plus tard.

Sa conversion

En 1842, Gogol quitte à nouveau la Russie. Il entend alors écrire la deuxième partie de ses "Âmes mortes", aujourd'hui encore célébrissimes quoique largement incomprises et qu'on a si longtemps présenté comme une sorte de pamphlet social. Ses biographes honnêtes considèrent que cet événement essentiel de son cheminement va lui donner ce que la prière liturgique orthodoxe nous apprend à demander au Seigneur : une fin de vie chrétienne.

À partir de 1843, il se veut avant tout chrétien. Il "a pris", dès lors, note Pierre Pascal, "la religion au sérieux".

En 1838 au cours de sa première découverte de l'Italie qui ne constitue alors, a-t-on dit, qu'une expression géographique, il note déjà : "À Rome seulement, on prie, ailleurs on fait seulement semblant". C'est aussi dans la Ville Éternelle que semble se situer une conversion, probablement amorcée aussi par un épisode de 1839, où meurt dans ses bras son ami Joseph Wielgorski, alors que lui-même souffre de maladie et pourra écrire "je sens déjà l'odeur de la tombe".

On ne saurait contester que, redécouvrant la religion à Rome, il ait été attiré par le catholicisme. Quoiqu'il s'en défende, il écrira néanmoins qu'il juge les "religions catholiques et orthodoxes également vraies".

Son chemin mystique se précisera et se développera plus tard, avec les années. En 1844 il découvre la Philocalie. Par la suite il rencontrera les représentants de cette spiritualité cette spiritualité hésychaste sans la connaissance de laquelle on ne peut rien comprendre véritablement à la spécificité du monde orthodoxe.

Si critiquée ait-elle été, sa correspondance, éclaire donc bel et bien la précision de sa pensée, son grand dessein.

Voilà encore ce qu'il écrit :

"Personne ne sera sauvé s'il n'aime Dieu, et cet amour n'existe pas chez nous. Ce n'est pas dans un couvent que vous le trouverez, n'y vont que ceux que Dieu lui-même a appelés".
(…) "Mais comment aimer ses frères, comment aimer les hommes, l'âme ne veut aimer que le beau et les pauvres hommes sont si imparfaits, il y a en eux si peu de beau ! Comment donc y arriver ? Remerciez Dieu avant tout d'être Russe."
(10)

Cela met évidemment en perspective toutes les considérations douloureuses qu'il a pu rencontrer ou formuler lui-même, celles que les âmes pures, en tout temps ou en tout lieu, sont tentées de ruminer, sur l'état de la patrie.

Et enfin cet esprit en marche nous lègue ce viatique :

"Pour un chrétien les études ne sont jamais terminées ; le chrétien est un élève perpétuel, jusqu'à la tombe". (11)

Apostilles

  1. né en 1890 et mort en 1983 ce grand défenseur de la culture russe n'aura jamais connue la fin de l'Union soviétique.
  2. 118 pages, Bruges-Paris 1952, éditions Desclée De Brouwer.
  3. créé par le diocèse français du patriarcat de Moscou
  4. Après vérification, nous pensons cependant que le P. Syméon se trompe quand il écrit : "Pour écrire ces Méditations, Gogol avait même appris la langue grecque." Au contraire il s'était fait traduire les textes des Pères grecs en latin.
  5. publié en 2004 au PUF et qui a rencontré un succès certain puisque réédité en 2005
  6. et ceci contrairement à la fameuse thèse de Max Weber
  7. au témoignage du beau-frère de celle-ci, le comte Sollogoub cf. Œuvres complètes Pléiade page 1867/note de la page 1390
  8. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettre XIII p. 1552
  9. ibid. page 1553
  10. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettres XIX et XX "il faut aimer la Russie" page 1591 et "il faut voyager à travers la Russie".
  11. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettre XII "Le chrétien progresse" p. 1549.

JG Malliarakis

 

vendredi, 15 mai 2009

La Russie, l'Angleterre et l'Afghanistan

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Histoire : la Russie, l’Angleterre et l’Afghanistan

Ex: Bulletin d'avril 2009 de "La Gazette du centre de langue et de culture russes"

 

A la suite de la progression de la Russie en Asie Centrale dans les années 1860 à 1870 (1), l’Afghanistan est devenu le théâtre d’affrontements entre la Russie et l’Empire britannique ! La deuxième guerre anglo-afghane a commencé en 1878, lorsque l’émir afghan, Cher-Ali, a reçu l’ambassade russe après avoir refusé d’accueillir l’ambassade britannique. L’armée anglaise, bien supérieure à l’armée afghane, lui a infligé une série de défaites. Mais, après avoir quitté les villes de Kaboul et Kandahar, elle est tombée dans des pièges, dans les défilés des montagnes et a été victime de brusques chutes de pierres. Les Britanniques ont subi de lourdes pertes par suite de maladies, malaria et refroidissements, dues aux brutales chutes de températures dans les montagnes. Quant aux Russes, ils « n’ont pas pu » empêcher, en janvier 1880, la « fuite » de Tachkent de l’émir Abdourakhman qui avait été renversé par les Anglais. Sous son commandement, des détachements afghans ont anéanti, en juillet 1880, une brigade britannique près de Maïvand. « Nous avons été confrontés à quelque chose de bien plus grave qu’une explosion de fureur de tribus sauvages déversant leur haine sur notre envoyé, écrivait le journal « The Times ». Manifestement, nous avons affaire à un peuple qui se révolte, irrité par notre présence et enflammé de haine contre tous les Anglais. La conquête d’un pays désertique et peu peuplé, vaut-elle de si gros sacrifices matériels et humains ? » . A la suite de cela, le gouvernement libéral de Gladstone a renoncé à annexer l’Afghanistan aux Indes et n’a gardé que des passages à travers l’Hindu Kouch, ainsi que le contrôle général de la politique extérieure de l’Afghanistan.

Au début de l’année 1919, le fils d’Abdourakhman, qui avait des liens étroits avec Londres, a été tué à la suite d’un coup d’état, et son fils Amanoullah a proclamé l’indépendance de l’Afghanistan. La Russie soviétique, qui soutenait tout mouvement contre les pays de l’Entente, est devenue son allié naturel. L’armée anglo-indienne, soutenue par l’aviation et les voitures blindées, a envahi le pays par le Sud. Cependant, les innovations techniques se sont montrées impuissantes devant les montagnes afghanes et l’absence de routes. On découvrit que les chars blindés étaient facilement transpercés par les balles de vieux fusils. Quant aux avions, ils tombaient, après avoir heurté un sommet, ou abattus par des tirailleurs qui se trouvaient dans les montagnes à la même altitude qu’eux. L’Angleterre a reconnu l’indépendance de l’Afghanistan.

Mais l’affrontement continuait. En 1929, Amanoullah a été renversé grâce au soutien des services secrets britanniques. Le consul général d’Afghanistan, Goulam-Nabi-Khan, a formé avec l’aide de Moscou, un gouvernement en exil à Tachkent et a commencé à recruter des partisans d’Amanoullah. Le 14 avril 1929, des éclaireurs soviétiques ont pris un poste frontière afghan sur l’Amou-Daria. Le 22 avril, un détachement commandé par Vitali Primakov (pseudonyme de Raguib-Bey) a pris la capitale de l’Afghanistan du Nord, Mazari-Charif. Puis, Primakov a déclaré au Quartier d’Asie Centrale que « dès les premiers jours, il a fallu affronter une population hostile de Turkmènes, Tadjiks et Ouzbeks ». Le 30 mai 1929, tout le détachement est retourné sur le territoire soviétique. En octobre, l’insurrection sous le commandement de Nadir Chah, ancien ministre de la guerre d’Amanoullah, a balayé les partisans d’une union, tant avec l’URSS qu’avec l’Angleterre.

Il n’est pas étonnant que le Quartier Général soviétique et son général en chef Nicolas Ogarkov, connaissant les péripéties des invasions précédentes de l’Afghanistan, aient été catégoriquement opposés à la  campagne d’Afghanistan de l’année 1979. Le bureau politique ne les a pas écoutés, et 10 ans plus tard, l’armée soviétique a dû se retirer sans gloire de l’Afghanistan toujours insoumis.

T. Aptekar

« Vremia Novosteï », 09 octobre 2001

 

 



(1) La conquête, le plus souvent pacifique, de l’Asie Centrale par les Russes a duré de 1854 jusqu’à la fin des années 1880. en 1895, le traité signé entre l’Angleterre et la Russie a défini la frontière russo-afghane.

mercredi, 13 mai 2009

Gebet für Russland - Zwei Bücher von Alexander Solchenizyn

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Gebet für Rußland

Zwei Bücher von Alexander Solschenizyn

Alexander Solschenizyns: Zwischen zwei Mühlsteinen. Mein Leben im Exil. Herbig 2005.
Alexander Solschenizyn: Was geschieht mit der Seele während der Nacht? (Prosaminiaturen) Herbig 2006.
Ein Aufsatz von Martin Möller
Ex: http://www.monarchieliga.de/

Vorbemerkung: Diese Rezension schrieb ich für die Zeitung „Neue Ordnung“ des Leopold Stocker Verlags. Inhalt und Konzeption des Aufsatzes waren mit dem Verlagsleiter Mag. Stocker abgesprochen. Trotzdem weigerte sich Stocker den Aufsatz zu bringen, weil ich die „düsteren und kriminelle Aspekte“ der Demokratie benannte und weil ich zu Recht feststellte, daß Rußland durch die „Demokratisierung“ vom Regen in die Traufe geraten ist.


Bei Herbig sind zwei Bücher von Alexander Solschenizyn erschienen, „Zwischen zwei Mühlsteinen“, das in faszinierender und packender Weise die 30 Jahre eines Exils schildert, das Solschenizyn bekanntlich via Köln und Zürich nach Vermont, Usa führte, und das Bändchen „Was geschieht mit der Seele während der Nacht?“ mit Prosaminiaturen aus vierzig Jahren schriftstellerischen Schaffens.

Aus dem us-amerikanischen Exil kehrte Solschenizyn bekanntlich vor 12 Jahren nach Rußland zurück. Im Exil hatte er niemals die Verbindung zur russischen Heimat aufgegeben und stets an seinem Glauben an eine Wiedergeburt Rußlands festgehalten. Für diesen Glauben hatte er in Kauf genommen, im Westen als Reaktionär und im Osten als antikommunistischer Staatsfeind diffamiert zu werden. An der Zusammenarbeit von Ost und West, die sich oft genug in gemeinsamer Desinformation manifestierte, zerbrach Solschenizyn nicht, wie viele andere, die die Allianz von Kommunismus und Demokratie nicht verstehen konnten und sich in die Isolierung flüchteten.

In der Schweiz galt Solschenizyn im Gegensatz zu Millionen Asylanten als lästiger Ausländer und wurde von der Fremdenpolizei als politischer Agitator behelligt. Ironischer Weise geschah das, als Solschenizyn in den Schweizer Archiven erforschte, daß der Massenmörder Lenin während seines Schweizer „Asyls“ völlig unbehelligt seinen Vorbereitungen zum Umsturz der christlichen Ordnung nachgehen konnte. Im September 1915 hatten sich die europäischen Kommunisten bekanntlich in Zimmerwald im Kanton Bern getroffen, um die Durchsetzung des Bolschewismus, die Zerstörung der europäischen Staaten und die Beseitigung des Rechts zu bewerkstelligen. Diesen Prozeß förderte die Schweiz bis hin zum termingerechten Einschleusen Lenins in das wankende Rußland. Wäre Lenin 1916 und 1917 von der Schweiz so behandelt worden, wie Solschenizyn 1976 und 1977, dann hätte es wohl keine bolschewistische Revolution gegeben. Solschenizyn bedankte sich trotzdem höflich bei den Schweizern, hatte er hier doch die Lenin betreffenden Kapitel für das Rote Rad fertigstellen können, Kapitel, die auch als eigenständiges Buch Lenin in Zürich erschienen sind. Die weiteren Teile des Roten Rades schuf Solschenizyn dann in den Usa, weil er sich nur hier vor den Nachstellungen des KGB sicher fühlte. Von der Öffentlichkeit ließ sich Solschenizyn in seinem Exil sorgfältig abschirmen, da er sein Leben einzig dem schriftstellerischen Werk widmen wollte.

Bereits als Sowjetbürger hatte Solschenizyn die westliche Entspannungspolitik und die westliche Interpretation des Kommunismus kennengelernt. Dies geht auch aus einigen seiner vor 1975 erschienenen Schriften hervor. Was er dann im Westen und namentlich in den Usa der Präsidenten Ford und Carter erlebte, schockierte ihn jedoch und erfüllte ihn mit tiefer Besorgnis vor einem Endsieg des Kommunismus. Diese Sorge wurde noch verstärkt durch die Tatsache, daß der deutschjüdische Außenminister Kissinger die amerikanischen Rundfunkstationen anwies, keine Reden oder Kommentare Solschenizyns ins Ausland zu übertragen und daß zumindest bis zum Ende der Entspannungsära mit dem Amtsantritt Präsident Reagans im Jahre 1981 die Usa darum bemüht war, nicht etwa den Kommunismus, sondern das „Problem Solschenizyn“ einzudämmen.

Die Sorge vor einem weltweiten Erstarken des Kommunismus bewegte Solschenizyn dazu, den Essay „Warnung! Die tödliche Gefahr des Kommunismus“ zu verfassen, der 1980 in der Abenddämmerung der gescheiterten Entspannungspolitik erschien. Solschenizyn warf in dem Essay dem Westen zu Recht vor, daß er den Kommunismus von Anfang an unterstützt habe, obwohl sich 1917 das ganze russische Volk gegen den Kommunismus gestellt hatte. Diese Unterstützung des Westens wurde noch verstärkt, je mehr sich der Kommunismus in millionenfache Massenmorde und Verbrechen verstrickte, und kulminierte im 2. Weltkrieg, als der Westen ganze Völker und halbe Kontinente dem Sowjetkommunismus auslieferte. Der Westen gewann immer dann, wenn er sich zur Abwehr des Kommunismus entschloß, sei es bei der Blockade Berlins, sei es beim Koreakrieg. Anschließend fiel er leider wieder in den Anpassungskurs zurück, der dem Kommunismus Boden verschaffte. Bei der Interpretation des Kommunismus liebte der Westen die Oberflächlichkeit. Die Aggressivität des Kommunismus wurde im Westen mit Angst vor Angriff, Einkreisung und ähnlichem beschönigt. Und obwohl der Kommunismus weltweit wütete, sprach man von asiatischem Charakter des Sowjetsystems oder vom notorischen Russentums. Solschenizyns Analyse sah anders aus: Der Kommunismus ist ein destruktives, zerstörerisches soziales Krebsgeschwür, das nur besiegt werden kann, wenn es völlig vernichtet wird. Entspannungspolitik ist so sinnlos wie das Verharren eines Krebskranken in blinder Hoffnung auf Heilung. Solschenizyn weiß wovon er spricht, hat er doch in den 50er Jahren eine Krebserkrankung überwunden. Dem Roman „Krebsstation“ liegt der Heilungsprozeß zugrunde. In der Entspannungspolitik sieht Solschenizyn den „dritten Verrat des Westens“ - nach 1918 und 1945.

Solschenizyn belegt die furchtbare Zerstörung, die der Kommunismus am russischen Volk angerichtet hat. Er zeigt auf, wie das Russentum kurz vor der biologischen Vernichtung steht und er weist immer wieder hin auf die Denker und Priester, „die geistigen Lehrer des Volkes“, die die Kommunisten ermordet haben, Namen, die im Westen auch heute niemand kennt, einem Westen, der behauptet einen Kult des Gedenkens zu veranstalten, tatsächlich aber einen Exzeß an Gedächtnisverlust betreibt. Es ist wohl ein Wunder, daß sich das orthodoxe Priestertum angesichts des kommunistischen Massenmordes und der flankierenden Unterstützung der gesamten westlichen Linken, auch der deutschen und österreichischen Sozialdemokraten, überhaupt erhalten hat. Und man darf es wohl als namenlose Schande bezeichnen, daß Österreich die Symbole der Mörder noch im Staatswappen führt.

Als der Kommunismus in der Sowjetunion unter Gorbatschow zusammenbrach und sein Ende abzusehen war, wandte sich Solschenizyn im Sommer 1990 mit dem Buch Rußlands Weg aus der Krise an seine Landsleute. Solschenizyn ging es darum, praktische Vorschläge für ein zu erneuerndes Rußland zu machen. Dazu war es auch nötig, den territorialen Bestand Rußlands zu klären. Den Randrepubliken bis auf Kasachstan solle, so Solschenizyn, die Möglichkeit gegeben werden, sich bedingungslos von Rußland zu lösen. Die Grenzen der „Unionsrepubliken“ allerdings waren fast ausnahmslos von den Kommunisten ahistorisch und ohne Rücksicht auf Region und Bevölkerung gezogen. Deshalb gehörten riesige russische Gebiete zu fremden Unionsrepubliken. Dies betrifft vor allem die Republiken Ukraine und Kasachstan, aber auch andere Unionsrepubliken. Das Problem Rußland/Ukraine, das bekanntlich auch heute noch nicht gelöst ist, liegt Solschenizyn insofern am Herzen, als seine Mutter Ukrainerin war. Solschenizyn schlägt zur Lösung der Grenzfrage das Mittel der fairen Volksabstimmung vor, ähnlich den Grenzziehungen durch Abstimmung nach dem 1. Weltkrieg. Er erwähnt in diesem Zusammenhang die ukrainischen Gebiete, die bis 1918 österreichisch waren:

„In der österreichischen Monarchie nannten die Galizier im Jahre 1848 ihren Nationalrat noch nach altrussischem Brauch Golowna Russka Rada. Doch später entwickelte sich im von Rußland (!) abgetrennten Galizien unter dem österreichischen Übergewicht eine entstellte Sprache, die mit deutschen und polnischen Wörtern gespickt war. Es wurden Versuche unternommen, die Karpatorussen der russischen Sprache zu entfremden, man lockte mit einem gesamtukrainischen Separatismus, der sich bei den gegenwärtigen Führern der nationalistischen ukrainischen Emigration in volkstümelndem Obskurantismus äußert, etwa derart, daß Wladimir der Heilige Ukrainer gewesen sei. Diese Emigrantenführer versteigen sich schließlich zu dem Kampfruf: Der Kommunismus mag sein wie er will, wir müssen die „Moskowiter“ erledigen!“

Hier, wie in manch anderem Gedanken, dringt das russische Herz Solschenizyns durch und für die Feststellung, daß Galizien, Lodomerien, die Bukowina und die „Karpatoukraine“, also die Ostkarpaten, Teil der Habsburger Monarchie sind, könnte er wohl nur geringe Sympathien aufbringen.

Solschenizyn fordert weiterhin, daß die Menschen wieder lernen müssen zu arbeiten, ihr Schicksal selbst in die Hand zu nehmen. Er verlangt radikale Abrüstung und Marktwirtschaft. Die KPdSU muß vollständig enteignet und entmachtet, der Grund und Boden privatisiert werden, allerdings nur an Bauern! Vor einem kapitalistischem System der Bodenbearbeitung warnt Solschenizyn.

Die Aussagen Solschenizyns zur Frage der Staatsform sind zwiespältig zu beurteilen. Solschenizyn betont zwar mancherorts, daß es eine Obrigkeit geben muß, doch für eine Rückkehr des Hauses Romanow bricht er keine Lanze, ja er erwähnt das ja zweifellos auf göttlicher Vorsehung beruhende Zarentum des Hauses Romanow (bzw. Romanow-Holstein-Gottorp) nicht einmal. Dies ist um so rätselhafter, als er die Geschichte dieses Hauses ja kennt wie kaum ein zweiter. Die Einführung einer „Demokratie“, deren düstere und kriminelle Aspekte er ebenfalls genau kennt und in seinem Werk mancherorts ausführlich beschrieben hat, hielt er wohl schon 1990 für beschlossene Sache. Daß Rußland auf diesem Wege vom Regen in die Traufe gerät, hätte ihm klar sein müssen. Die Zeit seit 1990 hat das uneingeschränkt bestätigt. Auch Solschenizyn konstatiert 1999 das totale Scheitern des angeblichen „Neubeginns von 1990“. Warum hat er selbst damals die gleiche verführerische Demokratie-Melodie gespielt? Dies bleibt unverständlich und befremdlich.

Solschenizyn kennt die fundamentale Demokratiekritik durchaus und zitiert Tocqueville, Schumpeter und sogar Karl Woytila. Er nennt einige der bekannten Argumente gegen die Demokratie, zieht daraus jedoch überhaupt keine Konsequenzen. In den Usa hatte er sich mit seiner radikalen Zivilisationskritik wenig Freunde gemacht, da sie als antiamerikanisch empfunden wurde. Im legendären Jahr 1990 hielt er sich hingegen auffallend zurück. Dies war ein nicht wieder gutzumachender Fehler. Gerade für einen Mann wie Solschenizyn hätte die Tatsache, daß der „demokratische“ Weg in die Zerstörung hinein führt, vorhersehbar sein können und müssen. Die verschiedenen Vorschläge, die Solschenizyn zu Politik, Wahlsystem und Verwaltung vorträgt, machen dann auch einen eher belletristischen Eindruck und erschöpfen sich in Wunschvorstellungen. Ein „Semstwo“-System nach altrussischem Vorbild, wie es Solschenizyn beschreibt, kann ja überhaupt nur unter dem Schirm einer monarchischen Herrschaft und eines Reiches gedeihen und muß unter demokratischen Verhältnissen entarten, wenn es denn überhaupt eingeführt werden kann - was im Nachwenderußland nicht der Fall war.

Vier Jahre später veröffentlichte Solschenizyn das Buch „Die russische Frage am Ende des 20. Jahrhunderts.“ Hier handelt es sich um einen sehr ausführlichen historischer Abriß des Russentums, der die Geschichtssicht Solschenizyns darlegt. Es ist zum Teil amüsant zu lesen, wie Solschenizyn Deutschland und Österreich betreffende Ereignisse der russischen Politik beurteilt.

Solschenizyn ist russisch-orthodoxer Christ. Er fordert von der (russisch-orthodoxen) Kirche, daß sie sich vollständig vom Joch des Staates befreit und ganz mit der Seele des Volkes lebt. Sie möge nach dem Beispiel Christi Furchtlosigkeit zeigen. Solschenizyn mißtraut dem hohen Klerus und erhofft eine Evangelisierung Rußlands durch die Priester und das Christenvolk. Die orthodoxe Kirche soll keine Staatskirche mehr sein, doch stellt sich Solschenizyn vor, daß sie einen Einfluß ausübt, „wie ihn das Rabbinat in Israel hat“. Als verhängnisvoll für die russische Kirche nennt Solschenizyn das Schisma des 17. Jh. Diesem Schisma waren radikale Reformen der russischen Kirche vorausgegangen, mit dem Ziel, die russischen Liturgien den konstantinopolitanischen anzupassen. Die Reformen beinhalteten u.a. die Regel des dreifingerigen statt des zwei- und fünffingerigen Kreuzschlagens, ein dreifaches statt zweifachem Halleluja, die Schreibweise „Iisus“ statt „Isus“ für Jesus, die Vorschrift, die Prozessionen nach Sonnenaufgang statt nach Sonnenuntergang zu richten, sowie die Anpassung des Nizänums an den griechischen Text. Die Bewegung der bei den alten Sitten verbleibenden Altgläubigen, von den Gegnern „Raskolniki“ genannt, wurde für zwei Jahrhunderte blutig verfolgt, teils dezimierte sie sich auch in Massenselbstmorden.

Solschenizyn bemerkt, daß der Wille Zar Nikolaus II. einer durchgreifenden Erneuerung der Kirche vor 1917 im Wege gestanden habe. Die Revolution wurde daher von der Kirche zunächst als Befreiung empfunden, die ihr die von Gott geforderte Selbstbestimmung ermöglichte. Es sei daran erinnert, daß hier ein Prozeß begann, der in der katholischen Kirche bereits vor der Burg Canossa im 11. Jh. einsetzte! Alle Zaren des 19. Jh. hatten die russisch-orthodoxe Kirche durch einen Minister, den s.g. „hl. Synod“ regieren lassen und die Freiheit der Kirche gegen das göttliche Recht massiv beschnitten. Solschenizyn fordert eingedenk dieser Erfahrungen eine starke, unabhängige orthodoxe Kirche, die machtvoll ihr Wächteramt wahrnehmen kann. Doch ist dies angesichts der inneren Struktur der Orthodoxie und ihrer Trennung vom römischen Lehramt kaum möglich. Solschenizyn fordert ferner einen verständlichen und überzeugenden kirchlichen Unterricht für Kinder und Erwachsene, eine Modernisierung der Kirche ohne Verlust an Glaubenssubstanz, in diesem Zusammenhang Versöhnung mit den Altgläubigen (der sich allerdings noch schwieriger darstellen dürfte, als die Versöhnung der katholischen Tradition mit den Anhängern des „2. Vatikanum“.

Solschenizyn zeigt auf, daß auch im heutigen Rußland eine massiv kirchenfeindliche Propaganda lebendig ist. Diese korrespondiert mit der kirchlichen Erstarrung und nutzt diese rücksichtslos aus. Solschenizyn besteht aber darauf, daß es „der Geist der Orthodoxie ist und nicht die imperiale Macht, die den kulturellen russischen Typ herausgebildet hat. Die Orthodoxie, die wir in unseren Herzen tragen und die uns in unseren Sitten, unseren Haltungen erhalten hat, wird den geistigen Sinn in uns stärken, der höher steht als alle ethischen Erwägungen. Wenn wir in den uns bevorstehenden Jahrzehnten weiterhin mehr und mehr von unserer Bevölkerung, von den Territorien und schließlich sogar unsere Staatlichkeit verlieren - dann wird uns nur noch das eine Unvergängliche bleiben: der orthodoxe Glaube und das von ihm ausgehende Weltgefühl.“

Solschenizyn hat neben der großen Form des Romans und des historischen Epos auch stets die kleinen Formen des Gedichtes und der Prosaminiatur gepflegt. Vieles davon findet sich innerhalb der großen Werke, doch das Wertvollste hat Solschenizyn aufbewahrt. Diese Prosaminiaturen sind jetzt in einem Bändchen bei Herbig unter dem Titel „Was geschieht mit der Seele während der Nacht?“ erschienen. In zwei Abteilungen (1958-1963 und 1996-1999) gewährt Solschenizyn Einblick in die poetische Seite seines Schaffens.

Tief kann man, gerade auch als in der DDR geborener Deutscher, die Trauer nachempfinden, die Solschenizyn bei zugrunde gegangenen Dörfern empfindet, bei abgerissenen Kirchen und verschwundenen Klöstern. Das bis zur verbrecherischen Revolution blühende Leben wurde in ödeste Tristesse verwandelt und doch blieb ein Rest von Schönheit, ein Nachklang einstiger himmlischer Harmonie der christlichen Kultur: „Alle wurden von dem Gefühl einer Einheit ergriffen, die niemals sichtbar vor uns erschien, die langsam nach Sonnenuntergang vom Himmel herniederkam, sich in der Luft auflöste, durch die Fenster hereinfloß - jener tiefe Ernst des Lebens, der in der Hast des Tages nicht bemerkt wurde, sein vollständiger Sinn. Wir berührten ein schwindendes Geheimnis.“

Leider bedient sich der Verlag Langen Müller der Neuen Schlechtschreibung, was wohl kaum im Sinne des Dichters sein kann.

dimanche, 10 mai 2009

Histoire du libéralisme en Russie

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

 

Histoire du libéralisme en Russie

Victor LEONTOVITCH, Histoire du li­bé­­ra­lisme en Russie,  Fayard, Pa­ris, 1986, 479 p.,180 FF (Préface d'A­lexandre Soljé­ni­tsyne).

 

Ouvrage fouillé, très complet, le livre de Victor Léontovitch commence par une approche théo­rique du libéralisme dans le contexte russe. N'ayant connu ni un régime aristocratique féodal (une démocratie limi­tée aux aristocrates) ni l'in­dépendance de l'autorité spirituelle (le pape) face aux pouvoirs temporels, la Russie a forcément développé un libéralisme différent de celui de l'Eu­rope occidentale. Dans le programme de gou­vernement de l'Impératrice Catherine II, ap­pa­raissent des idées libérales issues de Mon­tes­quieu et appelées à moderniser la Russie, à construire un ré­seau de manufactures et à renforcer l'éducation pu­blique. Ces mesures fu­rent jugées trop révolution­naires par son fils Paul Ier et aussitôt annulées. Alexandre Ier, petit-fils de l'Impératrice, poursuivra son œuvre émancipatrice. Léontovitch souligne l'influence de ministres comme Spéranski et Karam­zine. Spéranski avait élaboré un projet de «royaume orthodoxe» caractérisé par une sorte d'«abso­lutisme libéral». Karamzine voudra codifier le droit russe se­lon des idées proches de celles de Savigny, lequel souhaitait maintenir les règles issues de la coutume et de la jurisprudence, de même que les variantes régio­nales du droit, contre toutes les tentatives d'homo­généisation des peuples et du continent euro­péen sous l'égide d'un droit unique, comme, par exemple, le Code Napoléon. Mais libéraliser, dans la Russie, du XIXième siècle, signifie émanciper les paysans. C'est ce problème crucial qui blo­quera l'évolution de la Russie vers un li­béralisme à l'occidental. Au lieu de voir triom­pher le libéralisme, la Russie a vu triompher les radicalismes de toutes moutures. Dans sa pré­face, Soljénitsyne explique que la non réussite du libé­ralisme, a fait naître d'autres dégradations idéo­lo­giques, comme l'absolutisme dé­mocra­ti­que ou la dé­mocratie impérialiste. Comme les idées à la fois tra­ditionalistes et émancipatrices de Ka­ramzine et Sa­vigny ne parviennent pas à infléchir les réformes dans un sens évolu­tion­naire, la Russie ne connaîtra que des tentatives rupturalistes extrêmes, malgré les projets d'un Witte ou d'un Stolypine au début de ce siècle. L'application de projets libéraux idéaux et abstraits ne pouvait pas fonctionner en Rus­sie. Victor Léontovitch explore à fond les méandres de cette lancinante ques­tion paysanne russe, avec ses moujiks qui passent du servage aristocra­tique/auto­cratique au servage étati­que/kolkho­zien. Un chapitre nous éclaire sur ce qu'est le droit paysan tra­ditionnel, où ce sont les «feux» qui possèdent des terres com­munales et non des individus qui possèdent des terres individuelles. Ces terres ne pouvaient être héritées, et à la disparition d'une fa­mille, d'un feu, par mort ou stérilité, elles revenaient à la commune; ce con­texte rend bien sûr l'application d'un libéralisme indivi­dualiste à l'occidentale très problé­mati­que... (Robert Steuckers).

 

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jeudi, 07 mai 2009

El Caucaso se calienta...

El Cáucaso se calienta: Rusia y el eje EEUU-OTAN reinician movimientos militares

¿Nuevo desenlace en la guerra energética?

Rusia y EEUU vuelven a cruzarse peligrosamente en el Cáucaso, una región clave en la disputa estratégica por el control de los recursos energéticos de Eurasia que ya tuvo su primer desenlace armado con la llamada “guerra de Georgia” en agosto pasado. Ejercicios militares de la OTAN y un reposicionamiento estratégico de Rusia en Abjasia y Osetia del Sur, marcan el calendario inmediato de una región de alto voltaje conflictivo.

El presidente de Rusia, Dmitri Medvédev, calificó el jueves de “provocación descarada” los ejercicios que la OTAN efectuará en Georgia este mes de mayo.

“Los ejercicios que la OTAN tiene previsto llevar a cabo en Georgia son una provocación descarada por mucho que se intente convencernos de lo contrario”, dijo Medvédev en el acto de firma de acuerdos con Abjasia y Osetia del Sur sobre vigilancia conjunta de fronteras, celebrado el jueves 30 en el Kremlin.


La OTAN tiene previsto celebrar en el territorio georgiano, del 6 de mayo al 1 de junio próximo, las maniobras Cooperative Longbow/Cooperative Lancer 09, con la asistencia de 1.300 militares de 19 naciones: Albania, Armenia, Azerbaiyán, Bosnia y Herzegovina, Canadá, Croacia, EEUU, Emiratos Árabes Unidos, España, Georgia, Gran Bretaña, Grecia, Hungría, Kazajstán, Macedonia, Moldavia, República Checa, Serbia y Turquía. El objetivo principal de los ejercicios de mandos sin tropas, según la OTAN, es mejorar la coordinación con los países partes del programa Asociación por la Paz.

Moscú interpreta el despliegue de fuerzas atlánticas como un intento del “eje occidental” de reafirmar su presencia militar en la región tras la derrota política, militar y diplomática sufrida con el posicionamiento militar de Rusia en el Cáucaso, en agosto del año pasado.

En las maniobras de la OTAN participarán Azerbaiyán y Georgia (ambos limitan fronteras), búnkeres del eje USA-UE, que son parte del corredor energético en disputa que desató el conflicto del Cáucaso en agosto de 2008.

Azerbaiyán, a su vez, limita con Armenia, un enclave ruso, que también comparte fronteras con Turquía (aliado estratégico de EEUU) e Irán (aliado estratégico de Rusia).

Georgia, puntal de estrategia USA en el Cáucaso, continúa rodeada por el aparto militar ruso, mientras que Ucrania (aliada de EEUU) y Moldavia (más inclinada hacia Moscú) están asediadas por conflictos políticos internos donde el sector “pro-ruso” está recuperando espacios de poder.

Esto denota el alto voltaje estratégico de la región donde se va a realizar el despliegue de las unidades navales y terrestres de la alianza atlántica (OTAN).

A su vez Rusia, a una semana de las maniobras de la OTAN en el Cáucaso, consolidó su posición estratégica en la región mediante acuerdos militares con Osetia del Sur y Abjasia sobre el control ruso de las fronteras de esas repúblicas, reconocidas por Moscú como estados independientes, después de la invasión militar perpetrada por Georgia contra Osetia del Sur, en agosto del año pasado.

De acuerdo a los términos establecidos en los acuerdos, Abjasia y Osetia del Sur “delegan en Rusia las atribuciones en materia de vigilancia de la frontera estatal hasta que sean formados cuerpos republicanos de guardafronteras”. Esta cláusula se aplicará a las fronteras tanto terrestres y aéreas como marítimas.

A su vez, el gobierno de Georgia calificó el jueves de “provocación” el acuerdo suscrito la víspera por Rusia, Abjasia y Osetia del Sur sobre la vigilancia de las fronteras entre los tres países, documento que a juicio de Tbilisi, tiene como objetivo “legalizar la ocupación de territorios pertenecientes a Georgia”.

Según la cancillería georgiana, los acuerdos fronterizos suponen un intento de Rusia para fortalecer su potencial militar en “territorios ocupados de Georgia”.

Para los analistas rusos, las maniobras militares de la OTAN -de casi un mes de duración- y la decisión rusa de mantener y consolidar sus dispositivo militar por aire, mar y tierra en la región, reposiciona un “teatro de conflicto armado latente” en el Cáucaso, donde -y durante los casi 30 días que duren los eejercicios de la OTAN- seguramente se va a desarrollar una creciente tensión militar.

Luego de que Georgia invadiera Osetia del Sur, el año pasado, y por medio de una estrategia envolvente, Moscú invadió y consolidó sus posiciones de control militar en Georgia, desoyó las advertencias de EEUU, dividió a la ONU y desafió abiertamente a la flota de la OTAN en el Mar Negro.

En agosto de 2008, las tropas georgianas atacaron a Osetia del Sur, y Rusia se vio obligada a intervenir con unidades militares para defender a la población suroseta, gran parte de la cual tiene ciudadanía rusa.

Durante el conflicto armado de tres semanas Moscú realizó cinco movidas claves: Pulverizó al Ejército de Georgia entrenado y armado por EEUU, se posicionó en el control de las áreas estratégicas de la región (principalmente del oleoducto BTC, un enclave energético de las petroleras anglo-estadounidenses), rompió virtualmente “relaciones” con la OTAN, dividió la ONU boicoteando todos los proyectos de resolución en su contra, y a inicios de septiembre reconoció la independencia de las provincias separatistas de Abjasia y Osetia del Sur que permanecían presionadas por el tutelaje del gobierno de Georgia, títere desembozado de la OTAN y del eje “occidental” en el Cáucaso.

Tras la finalización del conflicto armado en septiembre pasado, y mientras la OTAN desplegaba su flota en el Mar Negro, la UE, atada por su dependencia energética a Moscú, desechó la aplicación de sanciones a Rusia.

Y aunque EEUU se apuró a transmitir que estudiaba medidas contra Rusia por lo que consideraba una ofensiva militar inaceptable y un desafío a la soberanía e integridad territorial de su gran aliado en el Cáucaso, debió resignarse a un acuerdo de Moscú con la UE, mediante el cual la organización europea se ponía en “garante de la paz” en la región.

Con su posicionamiento militar en el Cáucaso, y su virtual control de Georgia, Moscú se perfiló para avanzar hacia la consolidación de nuevos acuerdos energéticos con Europa produciendo una fisura en la alianza EEUU-UE con -todavía impensables-influencias en el mapa del poder regional.

El teatro de operaciones del Cáucaso, y Georgia en particular, juegan un papel clave en el tablero de la guerra energética (todavía sin definición militar) que disputan Washington y Moscú en la región euroasiática.

Los lineamientos del “nuevo orden mundial” construido sobre la base del control de mercados y recursos estratégicos es, fundamentalmente, un orden creado para que las trasnacionales, los bancos, las petroleras y la armamentistas capitalistas, hagan “negocios”.

La nueva “guerra fría” entre Rusia y EEUU, es antes que nada una guerra económica por el control de recursos estratégicos, con el petróleo y el gas como los dos objetivos fundamentales en disputa.

Se trata de una guerra (por ahora “fría”) por el control de las redes de oleoductos (corredores energéticos) euroasiáticos donde China juega su supervivencia en alianza con Rusia.

Además, en la agenda militar y geopolítica del espacio asiático, Pekín, igual que Rusia, se sitúa en las antípodas del proyecto estratégico del eje EEUU-UE que militarizó la región euroasiática para desestabilizar las redes energéticas de Rusia, de las cuales China es la principal beneficiaria.

Moscú y Pekín, en abierto desafío a la hegemonía europeo-estadounidense, a su vez trazaron acuerdos militares estratégicos y consolidaron un bloque militar y económico común en Asia en abierto desafío a la OTAN.

En el actual escenario de crisis económica mundial, un reposicionamiento de la OTAN y de la flota rusa en el Mar Negro, ponen de relieve nuevamente el papel estratégico de la zona en el gran tablero internacional.

En ese juego, “El Gran Juego”, la UE (a través de la OTAN) y Washington mueven sus propias piezas en el teatro de operaciones de la guerra intercapitalista por áreas de influencia que se disputa desde Eurasia y los ex espacios soviéticos hasta el Medio Oriente. Y en ese tablero, el Kremlin sabe que sólo cuenta con dos aliados: Irán y China, con el petróleo y las armas rusas como eje de los acuerdos.

Putin y Medvedev, luego de posicionarse militarmente con el control de Georgia, y de comprobar la lentitud de reflejos del decadente Imperio capitalista “occidental” referenciado en el eje USA-UE, vivieron el conflicto como una victoria en la disputa por el control del Cáucaso.

El posicionamiento militar de Rusia en Georgia, en agosto pasado, y la pasividad de EEUU, que no defendió a su aliado estratégico en el Cáucaso, impactó inmediatamente en un acercamiento de la Unión Europea a Moscú quienes, a espaldas de Washington, pactaron el acercamiento.

Para los analistas europeos, las potencias del euro vacilaron a la hora de instrumentar medidas concretas contra Moscú, en primer lugar por la creciente dependencia comercial, en el rubro de la energía y el petróleo ruso, y en segundo lugar por el temor acentuado de que el Kremlin resuelva concretar algún bloqueo del vital oleoducto BTC en Georgia que lleva el petróleo del Caspio a Europa.

Lo que hoy (a través de los movimientos de Rusia y de la OTAN) los analistas ya visualizan como el principio de una nueva escalada militar en el Cáucaso, puede modificar nuevamente el statu quo de las relaciones de Moscú con la UE, dado que la organización europea conforma la columna vertebral de la alianza atlántica.

Los casi treinta días de duración de los ejercicios de la OTAN, en una región altamente militarizada y con las dos flotas navales posicionadas una enfrente de la otra en el Mar Negro, preanuncian un creciente estado de tensión en el Cáucaso.

Según interpretaban el jueves analistas rusos, se trata de una peligrosa reedición de “escalada militar” en un escenario internacional dominado por una crisis recesiva de difícil pronóstico y desenlace.

Manuel Freytas

Extraído de IAR Noticias.