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samedi, 28 septembre 2024

Carlo Terracciano, l'anti-mondialiste. Sa « Pensée armée » revient en librairie grâce à Aga editrice

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Carlo Terracciano, l'anti-mondialiste. Sa « Pensée armée » revient en librairie grâce à Aga editrice

Écrit par Hanieh Tarkian (2020)

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/cultura/carlo-terracciano-anti-mondialista-pensiero-armato-aga-editrice-159942/

Rome, 15 juin 2020 - Après « Alle radici del rossobrunismo » (Aga edizioni sous la direction de Maurizio Murelli), voici « Pensiero Armato », le deuxième tome des recueils d'écrits de Carlo Terracciano publiés en son temps dans la revue Orion. Ce volume est principalement consacré aux thèmes suivants: sociologie, Iran et Islam. La plupart des articles rassemblés dans ce livre ont été écrits il y a plus de trente ans, mais ils restent d'une grande actualité, tant par les thèmes abordés que par les analyses géopolitiques et idéologiques, certainement indispensables pour comprendre les événements récents. Terracciano évoque des questions qui sont toujours d'actualité: la manipulation de l'information, le mondialisme, les États-Unis comme principal responsable de la déstabilisation et du chaos mondial, la diabolisation de tout État ou groupe qui s'oppose aux politiques mondialistes.

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Pour Terracciano, « la géopolitique en vient naturellement à représenter l'arme la plus puissante pour la libération des peuples d'une domination étrangère qui impose ses propres directives politiques géostratégiques » (p. 27), et il affirme à nouveau que la Terre est un véritable être vivant qui interagit avec nous et nous avec elle, cette interaction entraînant évidemment toute une série de conséquences, positives ou négatives; nous pouvons dire que dès que nous perdons le centre et oublions la conception du heartland, nous créons le chaos et nous arrivons à cet état de déstabilisation dans lequel se trouve aujourd'hui le Moyen-Orient, mais en fait le monde entier, où la vision mondialiste, qui offre une fausse uniformité, ne fait que déclencher des conflits.

Comme l'indique la biographie de Terracciano dans le livre, il a voulu briser le moule, dépasser l'opposition entre les camps, et nous pouvons donc dire qu'il a cherché à unir les forces des groupes et des mouvements, de droite comme de gauche, pour s'opposer à l'hégémonie américaine et à la dérive mondialiste: « C'est donc tout autre chose que nous recherchons, en dehors et au-delà des vieux schémas idéologiques trompeurs, qui ne sont même plus adaptés à notre siècle : anticommunisme, antifascisme, ou autres, ne sont que des mots pour des coquilles vides toujours utilisées pour le plus vil (attention à la... minuscule !) des électoralismes). Nous venons de beaucoup plus loin et allons beaucoup plus loin » (p. 323).

La nouvelle stratégie américaine

Toujours à propos des Etats-Unis, il est clair que, du point de vue de Terracciano, ce sont eux, ou plus précisément l'idéologie qu'ils promeuvent et l'ingérence qu'ils pratiquent, qui sont la principale source des maux du monde moderne et en particulier les principaux soutiens du projet mondialiste. En faisant le lien avec les événements de ces dernières années, nous pouvons voir qu'avec l'élection de Trump, une tentative est en cours pour offrir un nouveau récit, en particulier dans certains cercles, à savoir exonérer une partie de l'establishment américain, celui qui est dirigé par Trump. Cependant, Terracciano, déjà dans un article de 2000 (à l'époque où le président Clinton était président), parle d'une tendance néo-isolationniste aux États-Unis, la considérant comme l'un des facteurs qui sapent le monocentrisme nord-américain.

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Est-il vrai que les États-Unis se sont engagés dans une politique néo-isolationniste? Examinons les faits: certains analystes qualifient également l'approche de Bush Jr de néo-isolationniste, du moins jusqu'aux événements du 11 septembre 2001. Obama, dans l'un de ses discours à l'Académie militaire de West Point (28 mai 2014), affirme que la perspective a changé, que le coût des initiatives militaires est très élevé et que, depuis la Seconde Guerre mondiale, les erreurs les plus coûteuses sont liées à des entreprises militaires menées sans tenir compte de leurs conséquences, soutenant par suite que, dans les cas où les États-Unis ne sont pas directement menacés, une intervention directe n'est pas nécessaire, mais qu'il est préférable de profiter du soutien des alliés dans la région; en d'autres termes, mettre en œuvre la stratégie des guerres par procuration, comme cela a d'ailleurs été fait en Syrie et au Yémen, une stratégie que Trump a également poursuivie.

Il semble donc que, plus que d'une tendance néo-isolationniste, il faille parler d'une stratégie d'ingérence indirecte et de guerre par procuration, visant en tout cas la déstabilisation pour garantir les intérêts américains, et en tout cas une stratégie commune à tous les présidents américains, du moins ceux qui ont gouverné au cours des quarante dernières années. Un exemple lié à ce thème et que Terracciano aborde dans ses écrits est la guerre imposée à l'Iran par l'Irak, expliquant précisément que pour les États-Unis, qui ne s'étaient pas encore remis de leur écrasante défaite au Viêt Nam, une intervention directe n'aurait pas été possible et qu'ils ont donc soutenu l'Irak dans cette guerre (avec le soutien économique de l'Arabie saoudite, qui reste le principal allié des États-Unis parmi les pays arabes), même si, à certains moments, ils n'ont pas manqué d'intervenir directement. L'objectif était d'affaiblir et de mettre fin à la République islamique d'Iran qui, dès le début, avait déclaré son hostilité aux États-Unis d'Amérique, qualifiés par l'imam Khomeiny de « grand Satan ».

Et dans cet affrontement entre l'Iran et les États-Unis, Terracciano réitère plusieurs fois clairement sa position et celle de la revue Orion: « Dans l'affrontement mondial, idéal et géopolitique, notre choix est unique et obligatoire: avec la République islamique d'Iran et avec tous les peuples déshérités de leur propre terre et civilisation, en lutte mortelle contre tout impérialisme grand ou petit, toujours dépendant de l'intérêt mondialiste apolitique et cosmopolite » (p. 162-163). Terracciano rappelle également l'objectif déstabilisateur de l'ingérence américaine: « Selon les termes de l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger, surnommé “le juif volant”, la victoire de l'un ou l'autre belligérant (en particulier l'Iran khomeiniste) serait le plus grand malheur pour les États-Unis, alors que ce qui est souhaitable pour eux, c'est la poursuite jusqu'au bout de la guerre qui saigne à blanc les deux pays et tient enchaînés tous les autres gouvernements de la région ». C'est la même realpolitik qu'a adoptée l'État israélien envers tous ses ennemis : diviser pour régner » (p. 157).

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Sur ces questions, les essais d'Alexandre Douguine dans ce même recueil sont éclairants. En particulier, Douguine déclare : « Lors de sa campagne électorale de 2016, le président Trump lui-même a promis aux électeurs qu'il rejetterait l'interventionnisme et limiterait les politiques néo-impérialistes et mondialistes, ce qui faisait de lui un défenseur potentiel d'une transition pacifique vers le multipolarisme. Mais avec sa décision d'assassiner Soleimani, Trump a complètement nié cette possibilité et a confirmé une fois de plus le positionnement des États-Unis dans le camp des forces qui lutteront désespérément pour préserver le monde unipolaire » (p. 120).

Douguine va jusqu'à considérer la décision de Trump comme un véritable suicide politique, non seulement pour lui-même mais aussi pour les États-Unis, et qui aura certainement des conséquences sur le nouvel ordre mondial. Selon Douguine, « les États-Unis utilisent la politique de sanctions et de guerre commerciale contre leurs adversaires de telle sorte qu'un pourcentage croissant de l'humanité se retrouve sous sanctions américaines, et pas seulement en Asie, mais aussi en Europe, où des entreprises européennes (en particulier allemandes) ont été sanctionnées pour leur participation au projet Nord Stream. Il s'agit là d'une manifestation de l'arrogance de l'hégémonie américaine, qui traite ses « alliés » comme des laquais et leur inflige des châtiments corporels. Les États-Unis n'ont pas d'amis, ils n'ont que des esclaves et des ennemis. Dans cet état, la « superpuissance solitaire » se dirige vers une confrontation, cette fois avec la quasi-totalité du reste du monde. Dès qu'ils en auront l'occasion, les « esclaves » d'aujourd'hui tenteront sans aucun doute d'échapper à l'inévitable confrontation sur laquelle débouchera leur collaboration avec l'hyperpuissance unipolaire. Washington n'a tiré aucune leçon de la volonté du peuple américain qui a élu Trump. Le peuple n'a pas voté pour la poursuite des politiques de Bush/Obama, mais contre elles, pour leur rejet radical » (p. 123).

Douguine affirme que Trump a fini par devenir un jouet entre les mains des mondialistes et que « l'assassinat du général Soleimani se répercutera sur le début d'une véritable guerre civile aux États-Unis eux-mêmes » (p. 123), il prévient également que « les positions des populistes européens de droite qui ont soutenu ce geste suicidaire de Trump ont également été considérablement affaiblies. Le fait est qu'ils n'ont même pas choisi de se ranger du côté de l'Amérique, mais qu'ils se sont rangés du côté d'un unipolarisme moribond - et cela peut ruiner n'importe qui » (p. 125). Impossible de ne pas faire le lien avec les événements de ces dernières semaines aux États-Unis.

Manipulation des médias et désinformation

La condamnation et l'accusation de Terracciano à l'encontre des grands médias, qui se plient à la propagande mondialiste et pro-américaine en désinformant et en diabolisant toute entité ou tout État qui s'oppose à l'hégémonie pro-atlantique, sont tout à fait opportunes. À cet égard, Terracciano traite en particulier de la désinformation médiatique concernant la guerre imposée par l'Irak à l'Iran, essayant ainsi de clarifier pour le lecteur la réalité des faits. Un article entier intitulé « L'Iran et la presse mondiale » (p. 183) traite de ce sujet, dans lequel Terracciano déclare : « Les événements exaltants et terribles de la révolution islamique en Iran et la guerre d'agression subséquente perpétrée par le régime baasiste d'Irak au nom de la puissance mondialiste, nous proposent encore et encore l'éternel cercle vicieux : le terrorisme psychologique mené sur la base des calomnies les plus infâmes, afin de diaboliser l'ennemi de l'ordre international constitué, et l'agression militaire dirigée, préparée, favorisée, alimentée et justifiée par cette campagne de désinformation de masse à l'échelle planétaire ».

Et encore : « Une preuve supplémentaire que plus les nerfs vitaux de l'hégémonisme international sont touchés, plus la réaction des maîtres de la désinformation organisée est instinctive, immédiate et hystérique, jusqu'à ses niveaux les plus bas et périphériques » (p. 184). Les accusations de fascisme et d'antisémitisme à l'encontre de Khomeiny ne manquent pas et Terracciano les rapporte dans le cadre de cette propagande contre l'Iran, citant un article de M. A. Ledeen publié dans le « Giornale Nuovo » du 7/01/1979 : « Khomeiny est, en effet, un fasciste clérical, un antisémite violent et un antiaméricain intensément chauvin ». Comment nier l'actualité de telles déclarations ? D'une part, il critique certains mouvements de droite: « Un autre des chevaux de bataille de la presse la plus réactionnaire et la plus droitière de l'époque était, bien sûr, celui de l'anticommunisme, de l'antisoviétisme viscéral, de la défense des “valeurs” de l'Occident mises à mal en Iran » (p. 188); et d'autre part les mouvements de gauche: « La “redécouverte” de l'Amérique par la gauche européenne réaligne cette dernière sur le front uni anti-iranien qui s'étend d'un extrême à l'autre du spectre politico-parlementaire de ce qu'on appelle l'"Occident"» (p. 189).

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Terracciano nous rappelle à nouveau la stratégie du chaos mise en œuvre par les médias dominants : « Après tout, même la confusion babélienne des langues, le fait de dire tout et le contraire de tout est un moyen de confondre le lecteur qui, en fonction de ses goûts personnels et/ou de son dégoût, trouvera quelque chose à accuser et à maudire sur commande (ou par télécommande) » (p. 190). Néanmoins, Terracciano ne manque pas d'exprimer à nouveau clairement sa position: « L'Iran n'a pas été, comme le dirait Alberto Baini, “( ... ) pris en otage par un millier de mollahs”, mais il a pris en otage non seulement la poignée d'espions américains dans l'ambassade, mais l'arrogance jusqu'alors incontestée de l'impérialisme mondialiste à partir de 45 ». Et cet exemple pour tous les « dépossédés de la terre » devait être dissimulé et déformé par des journalistes et des intellectuels dont le sort dépend évidemment de celui des maîtres qui les paient » (p. 192). Et à propos de la guerre Irak-Iran, il déclare: « Une guerre dont la responsabilité irakienne est aujourd'hui ouvertement reconnue, téléguidée par les puissances impérialistes et le sionisme, financée par les régimes arabes réactionnaires pro-occidentaux, avec la complicité de toutes les organisations mondialistes, à commencer par cette ONU qui a démontré son hypocrisie et sa perfidie par un silence complice et son immobilisme face à l'agression du 22 septembre 1980, qui s'est ensuite transformée en appels hystériques à une « paix immédiate et inconditionnelle » à imposer unilatéralement à l'Iran, alors que son peuple héroïque a répondu comme un seul homme à l'appel de Khomeiny, en arrêtant puis en chassant l'envahisseur de son propre territoire et en pénétrant ensuite profondément en Irak dans une guerre de libération islamique » (p. 194).

Terracciano ne doute pas des responsabilités et de l'hypocrisie des institutions occidentales mondialistes, et le lecteur attentif ne peut que constater que c'est encore le cas aujourd'hui: « Laissez-moi vous donner un exemple: en Iran, le peuple participe d'une manière ou d'une autre, directement ou indirectement, au choix du Guide de la Révolution, du Président de la République et du Parlement. En Arabie Saoudite, au contraire, ni les dirigeants ni le Parlement ne sont choisis par le peuple, et pourtant la propagande mondiale peint l'Iran sous des couleurs sombres et le désigne à l'exécration du monde, alors que rien de tel ne se produit en Arabie Saoudite. Ce véritable assaut de la culture occidentale contre le monde entier a pour conséquence la destruction de l'identité éthique, culturelle et spirituelle des différents peuples et de toute justice dans leurs relations réciproques, et cette œuvre dévastatrice a des effets mortels même et surtout sur les peuples d'Occident, en Europe et en Amérique même, centre et citadelle de la subversion. En effet, l'Amérique a dû assister presque impuissante, comme conséquence de cette culture perverse, à la destruction de la famille, à la diffusion incontrôlée du crime, de la drogue, de l'alcoolisme, de la pornographie, des pratiques sexuelles contre nature, et à l'extension de la misère dans les couches les plus larges de la population » (p. 258).

Terracciano et l'Islam

Toujours à propos de la manipulation des médias et de l'hypocrisie occidentale, le point de vue de Terracciano sur l'islam est intéressant: «Ainsi, en Occident, on assiste à une véritable criminalisation politique et culturelle de l'islam. À travers les médias, l'islam, l'islam révolutionnaire et non ses contrefaçons inféodées à l'Occident, est diabolisé chaque jour davantage, par ignorance, par bêtise, par étroitesse d'esprit, mais surtout par mauvaise foi, par un calcul astucieux qui vise à atteindre des objectifs bien définis » (p. 300). La vision de Terracciano sur le wahabisme, une contrefaçon de l'islam soumise au mondialisme, est très pertinente: « Il est évident à cet égard, comme l'avait déjà dit l'imam Khomeini, qu'un islam comme l'islam saoudien est un “islam américain”, qu'il n'est pas l'islam, qu'il est contraire à ses principes, dans la mesure où il penche en faveur de l'oppression mondialiste » (p. 263), et pourtant cette version de l'islam saoudien n'est pas présentée comme une contrefaçon de l'islam, car cette version-là de l'« Islam », qui n'est pas du tout démocratique, est alliée aux Etats-Unis (p. 147) et à l'Occident, bien que le principal danger soit précisément le contrôle saoudien, avec son interprétation hérétique et extrémiste, sur les activités des centres islamiques (p. 228), dont le résultat aujourd'hui, avec la fondation de l'Etat islamique et l'enrôlement de centaines d'individus, y compris d'origine européenne, nous saute aux yeux.

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Terracciano, en revanche, voit dans l'islam, l'islam révolutionnaire promu par l'Iran, un allié contre le mondialisme, en raison de l'importance accordée à l'identité, à la souveraineté du peuple, à la justice et à la lutte contre l'oppression. Dans certains passages, Terracciano semble presque suggérer que cet islam, par opposition à l'islam wahhabite et saoudien, pourrait être un salut pour l'Europe, ou du moins une source d'inspiration, ainsi qu'un allié contre la dérive mondialiste: « Il y a un retour aux religions et même aux sectes, aux pseudo-religions, etc... Et il commence à y avoir une diffusion de l'islam parmi les Européens ; très souvent, entre autres, parmi des personnes issues de milieux politiques militants d'extrême-gauche ou d'extrême-droite. Il se peut que tout cela soit dû à la recherche d'un nouvel équilibre intérieur, d'une nouvelle spiritualité. En ce sens, l'Islam peut être un point fixe, une base pour la crise d'identité de l'Occident » (p. 238, voir aussi pp. 236, 266, 283).

C'est pourquoi Terracciano propose une définition spécifique de la révolution : « Nous voudrions faire une brève mise au point concernant nos considérations précédentes sur la nature cyclique de l'histoire. Nous croyons fermement que la révolution islamique fait partie de cette même réalité cyclique. En effet, l'imam Khomeini a restauré un ordre traditionnel issu de Dieu, du Coran et du Prophète, c'est-à-dire qu'il a également voulu revenir politiquement à l'origine, à la source même de votre culture, de votre tradition, en établissant un gouvernement islamique. Notre concept de révolution est celui d'un revolvere, d'un retour aux origines, au sens spirituel, politique et aussi astrologique. La révolution islamique réalise ce retour aux origines » (p. 300). Toutefois, dans son éloge de la révolution islamique iranienne, Terracciano ne manque pas de mettre en garde contre l'influence mondialiste exercée sur des groupes et des responsables au sein de l'ordre de la République islamique, et ce malgré le fait que le front réformiste - et mondialiste - n'était pas encore aussi clair et défini à l'époque, en particulier pour l'observateur extérieur (pp. 204-207).

L'importance stratégique de l'Iran

Terracciano semble presque vouloir suggérer que l'Iran est ce centre perdu dans le brassage de la géopolitique contemporaine: « L'importance géopolitique de la résistance de l'Iran à toute invasion se reflète donc dans le destin même de l'Europe » (p. 158) ; « Le problème américain n'est pas le même que celui de l'Europe (p. 158) ; « Le problème américain n'était pas seulement géostratégique avec la perte d'un pion important, presque unique, entre la Russie, l'océan Indien, le monde arabe, l'Asie et l'Afrique (non loin d'Israël) ; il y avait pire pour la stratégie globale de soumission mondialiste au système capitaliste occidental, made in USA: la force de l'exemple même de la révolution islamique, qui ne pouvait être ramenée au schématisme bipolaire des deux blocs impérialistes mondiaux. Pour la première fois depuis 1945, une révolution non matérialiste ou moderniste triomphait, simultanément anticapitaliste et antimarxiste, contre l'Occident consumériste et l'Orient communiste soviétique » (p. 195).

L'Iran moderne est la « plate-forme tournante » de la géopolitique eurasienne, pour reprendre l'expression du géopoliticien Jordis von Lohausen. Mais la République islamique d'Iran, née de la révolution de 1979 et de la « guerre imposée » contre Saddam Hussein, est aussi aujourd'hui une rampe de lancement pour les luttes de libération islamiques, du Maroc à l'Asie centrale, et au-delà ; un bastion, un « sanctuaire » inviolé pour tous les « dépossédés de la Terre », qui attendent de Téhéran une directive spirituelle et politique dans la lutte contre le Nouvel Ordre Mondial imposé au monde par les États-Unis d'Amérique et le sionisme cosmopolite. La foi et la volonté politique représentent son élément dynamique et volontariste ; sa position géographique et sa conscience géopolitique sont le fait immuable, le point de départ du pouvoir, l'arme pour réaliser les destins tracés par la Providence. Une Providence qui a placé l'Iran, l'ancienne Perse, dans une position géographique vraiment unique en termes d'importance dans la région » (pp. 209-210).

En tant que révolutionnaire, le destin de l'Iran est lié, dans la vision de Terracciano, à celui de l'Europe: « Avant tout, l'Europe unie représenterait l'avant-garde révolutionnaire, nécessaire et indispensable dans la lutte des peuples pour la libération de l'impérialisme capitaliste américano-sioniste. Un rôle qui, à son tour, est nécessaire pour l'Europe elle-même afin de réaliser son indépendance et de la garantir à l'avenir » (p. 39), ce qui explique pourquoi il espère une alliance étroite dont l'Italie peut être le médiateur : “Nous, animateurs de la revue Orion, pensons plutôt que le rôle de l'Italie, un rôle géopolitique, est celui d”un pont pour une alliance méditerranéenne étroite entre l'Europe et l'Islam. Notre projet général est l'alliance Eurasie-Islam, dans une fonction anti-mondialiste » (p. 236).

La situation italienne

En ce qui concerne précisément l'Italie, l'analyse de Terracciano est très opportune: « La vérité, c'est qu'une restructuration du système politique est en cours en Italie. Il s'agit d'une crise générale des partis, plus que de la DC (= démocratie chrétienne), d'une crise de la forme partitocratique elle-même. Les détenteurs du pouvoir réel en Occident ne sont pas les partis, les hommes et les structures politiques, mais le pouvoir politique est complètement soumis au pouvoir économique et financier » (p. 304).

Ce livre contient également la vision de Terracciano d'un parti qui pourrait être véritablement révolutionnaire : « Mais il serait monolithique s'il n'était pas accompagné, voire précédé, par la lutte de notre peuple pour la libération contre l'occupation étrangère. Sans la liberté et l'indépendance nationale, à quoi servirait la proposition de révolutionner le système financier, le marché libre-échangiste ou les institutions oligarchiques qui séparent le peuple réel de la gestion directe, de l'autogestion? Seul un peuple souverain sur sa terre ancestrale, véritable propriétaire des « clés de sa maison », peut se dire adulte, responsable et maître de son destin (...). La sortie de l'Italie de l'OTAN et la sortie de l'OTAN de l'Europe comme l'abandon du traité de Maastricht, la guerre totale au sionisme et l'engagement inter-nationaliste en faveur des peuples déshérités par le Mondialisme, la dénonciation du FMI, de la Banque mondiale, de l'ONU de plus en plus inféodée aux intérêts de l'impérialisme hégémonique américain et de l'Union européenne, sont autant d'éléments de la stratégie des forces antagonistes. Ce ne sont pas des slogans d'un effet facile pour capter l'attention des jeunes, mais des priorités vitales de la lutte du Mouvement, de tout le Mouvement et de chacun de ses représentants, pour chaque moment de leur vie » (pp. 323-324), mais pour cela, une révolution culturelle doit d'abord être entreprise.

Hanieh Tarkian

vendredi, 15 septembre 2023

CONTRE tout brûlage du Coran. Une certaine droite: tout feu tout flamme contre l'islamisation?

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CONTRE tout brûlage du Coran. Une certaine droite: tout feu tout flamme contre l'islamisation?

Alexander Markovics

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la droite dite islamophobe, qui diabolise l'islam en tant que tel et fait des États-Unis et d'Israël ses alliés dans la lutte politique, est devenue un facteur dans la vie politique des pays occidentaux. Sa montée en puissance n'est pas surprenante: à juste titre, les Européens sont choqués par les attentats terroristes et le militantisme de groupes fondamentalistes wahhabites qui prônent réellement l'islamisation de nos pays. Mais comment réagir à cette menace ? Si nous suivons les critiques de l'islam, l'ennemi politique principal est la religion musulmane et il n'y a pas de différence entre les musulmans culturels qui vont de temps en temps à la mosquée et dont les femmes portent le voile, et les terroristes musulmans et les djihadistes qui veulent répandre leur religion par le fer et par le feu.

D'un côté, ils déclarent que la société occidentale du 21ème siècle est la seule culture légitime - y compris les drag queens, le libéralisme, l'immigration de masse et les drapeaux arc-en-ciel - pour, à l'inverse, déclarer que toute la civilisation musulmane et ses nombreuses subdivisions (Shia, Sunna, etc.) sont une barbarie qu'il faut complètement éradiquer. Cette pensée implique ensuite la dépréciation publique de l'islam, y compris du livre sacré des musulmans, le Coran, ce qui conduit généralement à des émeutes de musulmans dans le monde entier ou à des restrictions supplémentaires de la liberté d'expression et de réunion en Europe.

Ce n'est pas pour rien que les services secrets occidentaux comme la CIA ont encouragé de telles tensions par le passé, ont contribué à la création de l'État islamique/Al-Qaida et se frottent les mains à chaque fois que des individus brûlent le Coran - car pour eux, il ne s'agit pas seulement d'une stratégie de la tension, mais aussi d'une stratégie pour leur propre survie. Même si nous rejetons l'islam en Europe, nous ne devrions jamais oublier que certains des mouvements de résistance les plus puissants contre l'impérialisme américain et le néo-culte homosexuel ont été des musulmans au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et - mot-clé : l'Iran -  et qu'ils continuent à remplir cette mission.

Au cours de son histoire, l'Europe a toujours connu des conflits avec l'Islam, mais aussi une coopération et des échanges pacifiques - il suffit de penser à la coopération entre le Second Empire allemand et l'Empire ottoman. Qu'est-ce qui s'oppose donc à une coexistence pacifique avec la civilisation islamique, une fois que l'Europe aura résolu son problème d'immigration et fermé les frontières du continent ? Une coexistence pacifique avec l'islam est possible, comme le prouvent la Russie et la Chine, mais il faut pour cela être soi-même fort et avoir une foi intérieure solide.

D'un point de vue objectif, cette approche consistant à brûler les textes sacrés d'autres peuples n'apporte rien de plus - bien au contraire, celui qui piétine lui-même le sacré des autres apparaît aux yeux de ses voisins du monde comme un nihiliste sans conscience pour qui rien n'est sacré. Si l'on veut empêcher l'islamisation de l'Allemagne et de l'Europe, il faut s'attaquer à la racine du problème : l'État libéral et ses élites mondialistes, qui font de la politique d'immigration de masse une fatalité "sans alternative" qui conduit finalement à l'islamisation.

Se concentrer uniquement sur l'immigration musulmane reviendrait à ignorer le problème du remplacement de population. Mais ce n'est pas tout : comme l'a fait remarquer le créateur du concept de Grand Remplacement, Renaud Camus, la condition préalable à celui-ci est d'abord la destruction de la culture autochtone. Ainsi, si l'on veut défendre efficacement son pays à long terme contre l'immigration de masse, il faut promouvoir le renouvellement de sa propre culture populaire, la désaméricaniser et aussi la reconnecter à la transcendance, donc à la foi en Dieu.

Celui qui porte en lui l'amour de Dieu et de la création comme valeur suprême, suivi de l'amour de son propre peuple, est également à l'abri des débordements haineux contre d'autres peuples. Les hautes clôtures font les bons voisins et le respect mutuel crée la possibilité d'une cohabitation pacifique. L'un des penseurs français de la Nouvelle Droite, Alain de Benoist, s'est finalement démarqué de ce chauvinisme rabique propre à certains groupes identitaires, car notre ennemi principal n'est pas l'Islam, mais la menace qui pèse sur les identités et les religions de tous les peuples du monde de manière égale : les Etats-Unis d'un point de vue géopolitique, le libéralisme d'un point de vue idéologique et la bourgeoisie d'un point de vue sociologique.

19:45 Publié dans Actualité, Islam | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, islam, coran | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 13 décembre 2022

Said Ramadan, l'islamiste de la CIA

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Said Ramadan, l'islamiste de la CIA

Emanuel Pietrobon

Source: https://insideover.ilgiornale.it/schede/senza-categoria/said-ramadan-l-islamista-della-cia.html

Les États-Unis sont les héritiers de l'Empire britannique, dont ils ont hérité de l'hégémonie mondiale, du fardeau-honneur de contrôler les routes de la mondialisation et du fardeau de l'homo anglicus : l'éternelle lutte contre les puissances telluriques de l'Eurasie.

Londres a d'abord été réticente à céder le sceptre de reine de l'anglosphère, en raison de l'issue de la Seconde Guerre mondiale, mais s'est ensuite consacrée avec un certain sens de l'abnégation à transmettre son savoir à Washington. Car être un partenaire minoritaire dans l'anglosphère était et est mieux que la perspective d'un déclin à l'européenne.

Washington a vraiment tout appris de Londres, le maître inégalé de la diplomatie secrète, des tournois de l'ombre et des triangulations, et l'histoire le démontre amplement. Elle a appris de la saga de Lawrence d'Arabie et de la grande révolte arabe comment créer un arc de crise. Il a appris de l'épopée de la Compagnie britannique des Indes orientales la valeur des sociétés multinationales. Elle a pris note des petits et grands jeux, basés sur le principe "diviser pour régner", avec lesquels les Britanniques ont dominé l'Eurasie. Et c'est en Iran, dans le cadre de l'opération Ajax, que l'on a appris à conduire un changement de régime à distance - un art ensuite perfectionné, coup sur coup, et du ventre duquel sont nées les révolutions colorées.

Washington a vraiment tout appris de Londres, y compris l'importance de la foi dans des contextes peu ou non sécularisés. Car les Britanniques ont utilisé l'Islam comme une arme contre les Russes pendant le "Tournoi des Ombres" et ont subjugué l'Inde moghole (aussi) en alimentant les rivalités interreligieuses et sectaires entre les peuples du sous-continent. Reconnaissant le potentiel hybride de l'Islam, reconfirmé par les expériences allemandes, les wilhelminiennes comme les nationales-socialistes, l'Empire américain a commencé son grand jeu moyen-oriental au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C'est l'histoire de Said Ramadan, l'islamiste au service de la umma (et de la Central Intelligence Agency).

Les origines d'un mythe oublié

Said Ramadan est né à Shibīn el-Kōm, dans le delta du Nil, le 12 avril 1926. Élevé dans un environnement imprégné de conservatisme, et sensibilisé dès son plus jeune âge à l'étude de l'islam, Ramadan a été introduit aux Frères musulmans à l'adolescence. Un amour destiné à durer toute une vie.

À l'âge tendre de 14 ans, en 1940, Ramadan a rencontré Hasan al-Banna à Tanta, lors d'une conférence des Frères musulmans, et les chemins des deux ne se sont jamais quittés. Frappé par le charisme et la curiosité de ce jeune compatriote, al-Banna lui propose de travailler pour la cause de l'organisation. Devenu rédacteur en chef de l'hebdomadaire des Frères musulmans, Al Shihab, Ramadan est ensuite promu secrétaire personnel d'Al-Banna, dont il devient l'ombre. La relation classique d'identification entre le maître en quête d'un héritier et l'élève réclamant le besoin d'un père putatif.

La confiance accordée par al-Banna au jeune Ramadan, qu'il considérait comme un candidat à la succession dans les années à venir, était telle que le prédicateur lui a donné sa fille Wafa en mariage. Six enfants sont nés de ce mariage, une fille et six garçons, dont le futur intellectuel Tariq.

Les premières étapes

Méthodique et ambitieux, Ramadan allait rendre l'estime que lui vouait al-Banna en jouant un rôle décisif dans l'expansion des Frères musulmans au Moyen-Orient. En 1945, l'ouverture d'une succursale à Jérusalem. En 1946, la licence d'exploitation à Amman. Et pendant la fatidique année 1948, année de la création d'Israël, faire du prosélytisme dans toute l'Égypte pour rassembler des mujāhidīn à envoyer en Terre Sainte.

Après avoir accompli la mission palestinienne, toujours en 1948, Ramadan est envoyé à Karachi pour représenter les Frères musulmans à la Conférence islamique mondiale. Il a profité de l'occasion pour élargir son réseau de contacts et pour charmer les organisateurs de l'événement, comme en témoigne la délivrance ultérieure d'un passeport diplomatique par le Pakistan.

En 1949, à la suite de l'assassinat d'al-Banna et de l'interdiction des Frères musulmans, Ramadan devient le chef fantôme de l'organisation. Il l'aidera à résister à la vague de répression et, contre toute attente, à connaître un nouveau printemps. Car les années de Ramadan seront aussi celles de Sayyid Qutb.

La renaissance des Frères musulmans sous l'égide de Ramadan ne durera cependant pas longtemps. Car Gamal Nasser, qui accède à la présidence en 1952, consacrera l'essentiel de son œuvre politique à leur répression. Parce qu'il est laïc et conscient des événements récents - l'assassinat du Premier ministre Mahmūd Fahmī al-Nuqrāshī. Et parce qu'il se méfie de Ramadan, que les services secrets égyptiens croyaient être un homme de Washington. Plus que des soupçons fondés : Ramadan avait été approché par les États-Unis en 1950, par l'intermédiaire de l'agent diplomatique Talcott Williams Seelye, qui lui avait proposé de faire des Frères musulmans un bélier anticommuniste, et trois ans plus tard, il était reçu par Dwight Eisenhower.

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Saïd Ramadan, âgé.

L'ennemi de mon ennemi est mon ami

En 1954, lors d'une nouvelle vague d'arrestations et de procès contre les Frères musulmans, Ramadan est exilé d'Égypte. Une sentence sévère, la sienne, justifiée davantage par les ombres de collusion avec la CIA que par son militantisme - au grand jour - dans l'organisation. Mais pour Ramadan, plutôt que la fin, l'expulsion aurait signifié le début d'un nouveau chemin.

Ramadan, voyageur infatigable et orateur persuasif, passera la seconde moitié des années 1950 à voyager, à se faire des amis, à recueillir des renseignements et à (essayer de) façonner l'Islam selon les souhaits de Washington. Les voyages au Liban, en Syrie et en Jordanie pour prendre la température de la question israélo-palestinienne et sentir le niveau d'infiltration soviétique. Et la prédication en Arabie saoudite pour transformer l'ultra-conservatisme du mouvement wahhabite en radicalisation, dans le but de contenir le communisme.

Ramadan était un pragmatique. Il était sur les tablettes des États-Unis parce qu'il les considérait comme un moindre mal par rapport à l'Union soviétique et aussi parce que, non moins important, il était d'avis que ce jeu de diplomatie et d'espionnage parallèle aurait plus d'avantages que d'inconvénients pour les Frères musulmans. Les faits lui ont donné raison : l'organisation a été autorisée à se développer en Europe occidentale, ouvrant des mosquées et des centres culturels, notamment en France, en Allemagne de l'Ouest, en Angleterre et en Suisse.

L'Allemagne de l'Ouest, l'un des principaux théâtres de confrontation entre les États-Unis et l'Union soviétique, allait devenir le principal théâtre d'opérations de Saïd Ramadan. C'est là, à Munich, qu'il a créé la Communauté islamique d'Allemagne (IGD, Islamische Gemeinschaft in Deutschland), une organisation qui allait bientôt devenir le cœur battant du détachement européen des Frères musulmans. Avec en toile de fond la conduite d'activités d'espionnage et d'évangélisation parmi les communautés islamiques d'origine soviétique.

En 1965, avec la complicité de Washington, Ramadan fera de Munich et de Genève deux centres de prosélytisme, de recrutement et d'espionnage mutuellement utiles au gouvernement américain et aux intérêts des Frères musulmans. Privé de sa citoyenneté égyptienne et condamné par contumace à vingt-cinq ans de prison en 1966 dans le cadre du maxi-procès du Caire, Ramadan continuera à voyager avec des documents qui lui sont fournis par des pays amis, comme le Pakistan, ou falsifiés par les États-Unis. Intouchable jusqu'au dernier jour.

L'impact intemporel (et sans frontières) de Said Ramadan

Ramadan a vécu principalement entre l'Europe et le Moyen-Orient et est mort le 4 août 1995, mais son impact ne connaissait ni frontières spatiales ni limites territoriales. À cet égard, la tombe située à droite de Hasan al-Banna le mérite bien.

Sa pensée, une combinaison d'anticommunisme, d'anti-occidentalisme, d'irrédentisme arabe et de panislamisme, a fasciné sa génération contemporaine et captivé les suivantes. Sa pensée était utile à la CIA dans le contexte de la distanciation des peuples islamiques du communisme et des nationalismes socialisants, tels que le nassérisme et le baasisme, mais pour les États-Unis, elle a causé des problèmes dans l'immédiat et à long terme.

Le charismatique Ramadan a fait partie de ceux qui ont radicalisé les idées de Malcolm X, avec qui il entretenait une relation épistolaire et qu'il a rencontré deux fois en personne. Et il faisait partie de ceux qui ont suivi la conversion à l'islam de David Theodore Belfield, devenu plus tard Dawud Salahuddin, futur terroriste et agent de Téhéran. Ramadan fut dès lors un éclat sauvage et imprévisible. Un islamiste qui a été utilisé par la CIA pour populariser le salafisme et le wahhabisme dans l'islamosphère, en préparation du Vietnam soviétique - l'Afghanistan - et qui a utilisé la CIA pour porter les idéaux des Frères musulmans à la conquête du monde.

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samedi, 27 août 2022

L'impact des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS sur l'image de l'islam traditionnel dans le paysage médiatique russe

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L'impact des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS sur l'image de l'islam traditionnel dans le paysage médiatique russe

Rustam Nugumanov

Source: https://www.geopolitika.ru/article/vliyanie-geopoliticheskih-posledstviy-raspada-sssr-na-obraz-tradicionnogo-islama-v

Le développement des technologies de l'information et des communications a créé des conditions particulières pour l'impact de l'information sur la conscience de masse, ce qui a sans aucun doute influencé la formation de la conscience religieuse des musulmans russes. L'espace médiatique, avec ses attributs d'accès universel à l'information de n'importe où dans le monde et la possibilité d'exprimer librement son opinion sur n'importe quelle question, y compris religieuse, a imposé ses propres exigences spécifiques aux clercs musulmans et aux spécialistes de l'Islam en termes d'argumentation adéquate de sujets donnés et de promotion des idées et valeurs islamiques traditionnelles. Malgré les efforts continus pour faire revivre la bonne tradition, l'image de l'islam traditionnel a été influencée par des cadres contenant des représentations biaisées de l'islam, avec une tendance caractéristique à la destruction. Pour continuer à œuvrer de manière productive à la préservation de la véritable pureté des valeurs traditionnelles de l'Islam dans la nouvelle réalité, il faut tenir compte des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS.

Depuis le jour de la propagation de l'islam, les musulmans ont mené leurs activités éducatives en se basant strictement sur des principes qui garantissent que les concepts intégrés dans les sermons reflètent exactement les significations transmises aux associés par le Messager de Dieu Mohammed (que la paix soit avec lui) lui-même. Conscients de la grande responsabilité qui leur incombe à l'égard des générations futures, les musulmans ont veillé méticuleusement et soigneusement à la pureté des significations transmises, ce qui les a sans doute encouragés à déployer des efforts titanesques pour relever les défis de chaque époque successive. Grâce à ce travail minutieux, les savants musulmans ont développé toute une série de sciences, qui comprenaient, entre autres, non seulement les questions de croyance (aqeedah) et de jurisprudence (fiqh), mais aussi une méthodologie spéciale pour déterminer la fiabilité des jugements transmis remontant au Prophète Muhammad (la paix soit avec lui), qui a pris forme plus tard dans la science de l'hadithologie. C'est par cette transmission rigoureuse et cette assimilation sérieuse des valeurs sociales et culturelles de génération en génération que les significations de l'orthodoxie qui caractérisent l'Islam traditionnel ont survécu jusqu'à ce jour dans leur essence inchangée.

Dans tout le monde islamique, la plupart des spécialistes de l'islam sont unanimes pour dire que l'islam traditionnel (Ahlu Sunna wal Jama'a) (1) reconnaît un islam dans laquelle le fondement de la croyance (usul ad-din) remonte aux penseurs théologiens musulmans al-Ashari (2) et al-Matrudī (3), et la pratique religieuse et juridique repose sur les quatre madhhabs (4) (Hanafi'i (5), Shafi'i (6), Maliki (7) et Hanbali (8)).

Les Fondements de l'orthodoxie sont les résultats compilés des disputes polémiques des adeptes du Dieu unique avec les adeptes de différentes religions, mouvements hérétiques, écoles de philosophie, etc., qui ont eu lieu pendant la vie du Prophète (PBUH) et sont devenues par la suite une partie intégrante de la vie culturelle des centres scientifiques de la civilisation musulmane. Ces compilations, qui exposent et étayent les principales idées dogmatiques, les normes et règles juridiques, rituelles et éthiques de la conception traditionaliste de la foi, deviennent un élément obligatoire du système éducatif de pratiquement toutes les institutions éducatives musulmanes (madrasahs).

Malgré l'énorme quantité de littérature dans le domaine des croyances religieuses, la présentation la plus populaire et la plus répandue de la doctrine de la foi islamique parmi les musulmans est la dénommée Akida al-Tahawiyya, œuvre d'un contemporain des imams al-Ashari et al-Matroudi, un juriste et érudit égyptien, l'imam Abu Jaafar Ahmad ibn Muhammad al-Azdi (9), connu sous le nom d'imam al-Tahawi. Étant un résumé concis de la doctrine islamique et composé de 105 dictons, l'Akida at-Tahawiyya a incité de nombreux érudits islamiques à écrire des commentaires détaillés sur ce credo universellement accepté par les musulmans.

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En Russie, notamment dans la région de Volga-Ourals, malgré la présence du credo Tahawi, la version Nasafi était la plus connue et la plus populaire. "Akida an-Nasafi", écrit par l'Imam Abu-Hafs an-Nasafi (10), est un résumé de la doctrine de l'Imam al-Matrudi et de ses disciples, et a atteint la célébrité, selon les chercheurs turcs, grâce à l'interprétation de l'Imam at-Taftazani (11) dans son livre "Sharh al-aka'id". La popularité du commentaire d'at-Taftazani montre qu'il a été publié une quinzaine de fois à Kazan, et le théologien tatar Shihab-ad-din al-Marjani y a écrit son commentaire détaillé sous le titre "al-Hikma al-baliga al-janiyya fi sharkh al-akaid al-khanafiyya" (12), qui a été publié à Kazan en 1888.

Pendant la période soviétique, malgré la domination de l'idéologie athée, la transmission de l'héritage musulman s'est poursuivie, mais dans un cadre très étroit et sous le strict contrôle de l'État, au sein de la madrasa "Mir-Arab" de Boukhara et de l'Institut islamique de Tachkent. La qualité de l'enseignement dans ces institutions spirituelles soviétiques est démontrée par les nombreux diplômés de ces institutions, qui occupent aujourd'hui des postes à responsabilité dans de nombreuses structures religieuses de l'ancienne Union soviétique.

Après l'effondrement du système soviétique, les enseignements traditionnels de l'Islam ont pu regagner leurs positions perdues et être ravivés sous une forme fraîche et moderne, enrichie par les réalisations des sciences séculaires. Cependant, la pénétration incontrôlée de diverses organisations et mouvements islamiques étrangers et internationaux sur le territoire de l'ex-Union soviétique, dont la controverse idéologique et politique interne n'est pas la moindre, a non seulement créé des obstacles au retour de la bonne tradition, mais a également révélé les graves défis auxquels est confronté l'Islam traditionnel. Les musulmans de l'ex-URSS ont été confrontés à une nouvelle réalité dans laquelle le travail de retour aux valeurs traditionnelles exigeait de prendre en compte les conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS.

Les conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS ont été caractérisées par le démantèlement du système communiste et la proclamation du modèle de société occidental-libéral comme universel pour tous les peuples du monde, suivis par l'intégration et l'unification de tous les aspects de la société sous la domination directe des États-Unis et de leurs alliés.

Les États-Unis ont profité de l'absence d'obstacles juridico-internationaux pour arranger le monde selon leurs propres normes. Ils se sont empressés de reconstruire les frontières de l'Europe de l'Est, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, en créant de nouveaux États indépendants, des autonomies non reconnues, dont la direction est sous le contrôle total de Washington. La guerre en Yougoslavie, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye, au Yémen ne sont qu'une liste mondialement connue de points chauds qui ont pris des centaines de milliers de vies innocentes et laissé des millions de réfugiés. En outre, poursuivant une politique d'endiguement contre la Russie, l'Occident collectif, dirigé par les États-Unis, met en scène une série de révolutions de couleur dans les pays post-soviétiques. Le Kirghizistan, la Géorgie, l'Arménie, l'Ukraine et la Moldavie deviennent les principaux théâtres de la confrontation géopolitique entre l'Occident et la Russie.

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En raison de la politique irresponsable et criminelle des États-Unis, de nombreux peuples musulmans sont devenus les otages des intrigues politiques des élites pro-occidentales, qui ont divisé l'Oumma musulmane, commune dans sa foi, en plusieurs camps politiquement hostiles. En outre, divers acteurs non étatiques extrémistes et terroristes sont devenus plus actifs en raison des tensions croissantes au Moyen-Orient. Les activités criminelles de divers mouvements djihadistes, dont Al-Qaïda (13) et ISIS (14), ont créé de nouveaux obstacles à la perception adéquate du bon héritage de l'islam traditionnel, accompagnés d'une haine pure et simple des autres musulmans et d'une islamophobie rampante.

Dans le contexte du facteur géopolitique, la renaissance des valeurs de l'Islam traditionnel est confrontée à plusieurs défis sérieux. D'une part, la proclamation de l'universalité du modèle de société occidental-libéral et les processus de mondialisation qui y sont liés ont posé des exigences intransigeantes quant à l'adaptation des valeurs islamiques séculaires aux modèles de la culture occidentale, ce qui se manifeste davantage dans les activités dites réformistes des activistes orientés vers l'Occident. D'autre part, il existe un soutien constant et tout à fait délibéré à tous les mouvements et organisations pseudo-islamiques radicaux, extrémistes et terroristes possibles pour discréditer les adeptes de l'Islam traditionnel et diaboliser l'Islam dans son ensemble, accompagné d'une promotion constante de l'islamophobie.

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Une sorte de dichotomie est en train de se créer, où l'effet destructeur de deux directions apparemment sans rapport vise à freiner les aspirations positives des représentants de l'islam traditionnel. La popularisation par les "réformateurs" d'idées telles que la "libéralisation de l'Islam", la "suprématie de l'individualisme sur la famille élargie", l'"égalité des sexes", le "rejet des traditions des écoles religieuses et juridiques", la "pertinence de la vie présente par rapport à la vie future" se fait sur fond de slogans radicaux et extrémistes des mouvements pseudo-islamiques sur le renforcement des normes religieuses, le rejet de toutes les formes de vie séculière et de traditions populaires, ainsi que le maintien d'un état de guerre constant (jihad) contre les "infidèles".

Tout cela crée une instabilité socio-économique et politique persistante, désorganisant la société et rendant impossible la planification de toute tâche positive et constructive pour l'avenir.

Pour contrer les menaces et les défis posés par le facteur géopolitique, il est nécessaire d'établir les fondements théoriques et méthodologiques de l'Islam traditionnel comme base scientifique pour la formation de contenu dans l'espace médiatique. En conséquence, toutes les images médiatiques tendancieuses existantes de l'Islam seront confrontées et ajustées selon la méthodologie scientifique de l'Islam traditionnel. Dans ce cas, l'image de l'Islam traditionnel sera adéquate et non déformée dans l'espace médiatique, ce qui assurera la souveraineté spirituelle et des bases saines pour le développement ultérieur de l'Islam dans l'intérêt non seulement des citoyens russes mais aussi de l'humanité entière.

Notes:

1. traduit de la langue arabe, il signifie "les gens de la Sunnah et de l'harmonie communautaire".

2. Le plus éminent penseur musulman, théologien, et fondateur de l'une des écoles kalama, qui porte son nom, les Asharites.

3. Abu Mansur Muhammad ibn Muhammad ibn Mahmud al-Maturidi as-Samarqandi (870, Maturid, près de Samarqand - 944, Samarqand), penseur islamique, fondateur et éponyme d'une école de kalam, le maturid.

4. "École théologique et juridique".

5. Les enseignements de l'école religieuse sunnite de l'islam sont liés à la doctrine de la charia.

6. Le madhhab Shafi'i est l'une des écoles de droit de l'islam sunnite, fondée par Muhammad ibn Idrees ash-Shafi'i. Ce mazhab a été formé sous la forte influence des mazhabs Hanafi et Maliki et a adopté leurs caractéristiques.

7. Le madhab Maliki est un madhab sunnite dont le fondateur est considéré comme étant Malik ibn Anas.

8. Le madhab hanbali (les adeptes du madhab sont appelés Hanbali) est l'une des quatre écoles de droit canoniques (madhabs) de l'islam orthodoxe sunnite ; son fondateur et éponyme est Ahmad ibn Hanbal, l'un des plus célèbres experts en hadiths.

9. Abu Ja'far Ahmad ibn Muhammad al-Tahawi (843/853, Taha-935, Égypte) est un célèbre érudit musulman sunnite, l'une des autorités du madhab Hanafi.

10. Najmuddin Abu Hafs 'Umar ibn Muhammad al-Nasafi (1067, Nasaf-1142, Samarqand) - Théologien islamique, juriste du mazkhab Hanafi, spécialiste du hadith, interprète du Coran.

11. Sadd al-Din Masud ibn Umar at-Taftazani (1322, Taftazan, Khorasan, - 1390, Samarqand) - le philosophe arabo-musulman, le représentant exceptionnel du Kalam tardif. Ses ouvrages sur la logique, la jurisprudence, la poétique, la grammaire, les mathématiques, la rhétorique et l'exégèse coranique étaient populaires comme guides d'étude.

12. "La sagesse mature dans l'explication des dogmes d'al-Nasafi".

13. Interdit sur le territoire de la Fédération de Russie.

14. Interdit sur le territoire de la Fédération de Russie.

 

vendredi, 08 octobre 2021

Max von Oppenheim, le djihadiste du Kaiser

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Max von Oppenheim, le djihadiste du Kaiser

Emanuel Pietrobon

Ex: https://it.insideover.com/schede/storia/max-von-oppenheim-il-jihadista-del-kaiser.html?fbclid=IwAR33m1ZVvUwqmO8TSXAgHE7PcTfJzexlo9syBuZ4FgRzZUTn2DK441UWn1c


Lorsque l'on écrit et que l'on parle de l'instrumentalisation de l'Islam à des fins politiques et/ou terroristes, on pense rapidement à Sayyid Qutb - le précurseur du Qaedisme -, à Hasan al-Banna - le fondateur des Frères musulmans - et à Abdullah Azzam - le mentor d'Oussama Ben Laden -, mais la vérité est que la genèse et la mise en forme du concept qui porte le nom de Jihad offensif sont plus complexes et labyrinthiques qu'on ne le croit généralement.

Car ce n'est pas (seulement) dans la chaleur asphyxiante de La Mecque, ni au milieu des pyramides égyptiennes, ni même parmi les mosquées cyclopéennes de la Turquie ottomane, mais dans le froid du Berlin luthérien que furent posées les bases de la reconfiguration belliqueuse de la puissante mais ambiguë notion de Jihād. C'est là, au plus fort des influences du zeitgeist wilhelminien sur la nation allemande, que les orientalistes vont commencer à étudier le message du prophète Muhammad et la réalité du dār al-Islām.

Contrairement à leurs contemporains, tels que les soi-disant traditionalistes à la suite de René Guenon, les orientalistes du Kaiser ne se contentent pas de s'attarder sur les aspects mystiques de l'Islam : ils vont aller plus loin. En effet, les orientalistes wilhelminiens s'avèrent être des pionniers, combinant la curiosité anthropologique et la recherche introspective avec l'impératif de poursuivre l'intérêt national.

Le chef de file des orientalistes avisés du Kaiser était Max von Oppenheim qui, plus d'un demi-siècle avant Zbigniew Brzezinski - le théoricien de la géopolitique de la foi appliquée de façon magistrale en Afghanistan -, au début de la Grande Guerre, instruisait les échelons supérieurs sur la façon de mettre le feu aux domaines coloniaux français et britanniques éparpillés entre l'Afrique du Nord et l'Inde. Domaines où Oppenheim fera souffler le vent de l'instabilité et du choc des civilisations à travers le Jihād du bonheur proclamé à Constantinople en 1914.

Mouche blanche de la famille

Max von Oppenheim est né à Cologne le 15 juillet 1860. Il appartenait à une dynastie de banquiers juifs allemands du même nom, qui possédaient la plus grande banque privée d'Europe, Sal. Oppenheim. Max, contrairement à ses proches, a été élevé dans la foi catholique. Son père Albert s'est converti au catholicisme en 1858 pour épouser Pauline Engels, descendante d'une riche famille de marchands coloniaux.

Par rapport à ses proches, Max se distinguerait non seulement par sa foi différente mais aussi par ses passions différentes. En effet, son père n'a jamais pu le convaincre de travailler pour la puissante banque familiale. Car Max, depuis ce Noël où il reçut en cadeau Les Mille et Une Nuits, n'avait qu'une seule passion : l'Orient.

djk.jpgPendant ses années d'université - il s'est inscrit à la faculté de droit, d'abord à Strasbourg puis à Berlin, pour répondre aux souhaits de son père - il trouve le temps d'étudier (et d'apprendre) la langue arabe entre les cours, tout en collectionnant des objets du Moyen-Orient et en servant dans les forces armées.

L'Islam comme arme

En 1892, après avoir terminé ses études universitaires et servi dans l'armée, Max part pour l'Afrique allemande et le Moyen-Orient. Ce voyage, qui a duré jusqu'en 1895, l'a conduit au Sahara, en Égypte, en Syrie, en Irak, en Turquie et en Inde.

Pendant trois ans, seul et armé d'un stylo et d'un carnet, Max a visité des endroits encore inconnus des Européens, a vécu parmi les Bédouins et a préféré les expériences de vie originales aux séjours dans les hôtels luxueux des quartiers européens. Au cours de ce voyage, qui s'achève à Constantinople à la cour de l'ancien sultan Abdul Hamid II, Max sera initié à l'Islam et saisira un phénomène totalement ignoré par ses contemporains européens : l'émergence d'un printemps identitaire chez les peuples asservis à la domination coloniale.

Une fois de retour en Europe, Max va profiter de son réseau d'amis pour entrer dans la diplomatie. Avec l'aide de son ami le Comte Paul von Hatzfeldt - le signataire de l'accord du Yangtze - Max a pu entrer comme attaché au consulat général d'Allemagne au Caire. Relativement libre d'obligations et de commandes, l'orientaliste autodidacte en profitera pour approfondir ses études sur l'Islam et le monde arabe, pour se créer un réseau d'amis utile en cas de besoin et pour rédiger des rapports au Kaiser sur les résultats de ses recherches.

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Dans l'un des nombreux rapports envoyés à Berlin, qui a survécu à l'érosion du temps, Oppenheim aurait informé les politiciens allemands de la croissance d'un "mouvement panislamique et afro-asiatique contre les colonialistes" que les alliés ottomans pourraient utiliser pour pénétrer dans l'espace impérial franco-britannique. L'opinion de l'orientaliste perspicace était que si le sultan proclamait un Jihād offensif, il serait possible d'obtenir plus que les Soudanais mahdistes au moment de la guerre contre les Britanniques.

Son activisme ne serait pas passé inaperçu auprès des Britanniques, qui avaient fait de l'Égypte un protectorat en 1882 - année de la guerre anglo-égyptienne - et qui craignaient les mouvements de l'Allemagne entre l'Afrique et le Moyen-Orient. En 1906, à l'occasion de l'incident de Taba, Oppenheim est accusé par les journaux britanniques et français d'alimenter les sentiments europhobes des indigènes. Ces sentiments sont dangereux car ils peuvent à la fois conduire à des massacres des occupants et servir les intérêts des Allemands et des Turcs.

Après avoir participé à la table de négociation qui a conduit à l'ouverture de la ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad en 1910, Max a consacré les dernières années de son expérience consulaire à cultiver une autre passion : l'archéologie. Une passion qui, comme l'islamologie, lui apportera succès et célébrité. C'est lui, en effet, qui a découvert le célèbre site archéologique de Tell Halaf.

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Le djihadiste du Kaiser

En 1913, après avoir passé trois ans à dénicher les merveilles contenues dans Tell Halaf, Oppenheim aurait décidé de faire une pause temporaire, retournant en Europe pour se reposer, mettre de l'ordre dans ses notes et passer du temps avec sa famille. Le déclenchement de la Grande Guerre a toutefois transformé cette courte pause en une résidence obligatoire.

Contacté par l'Office des relations extérieures (Auswärtiges Amt) au lendemain du déclenchement de la Première Guerre mondiale, Oppenheim se voit confier une tâche aussi lourde qu'honorable : la formulation d'un programme pour le Moyen-Orient. Aucun autre sujet du Kaiser ne pouvait remplir cette tâche, car lui seul avait (dé)montré une connaissance hors du commun de l'islamosphère.

Le Kaiser n'aurait pas eu à attendre trop longtemps pour avoir cet agenda sur son bureau. Car en octobre 1914, trois mois après le début des hostilités, Oppenheim devait signer un chef-d'œuvre intemporel de stratégie, à savoir le Mémorandum sur la manière de révolutionner les territoires islamiques de nos ennemis (Denkschrift betreffend die Revolutionierung der islamischen Gebiete unserer Feinde).

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L'idée d'Oppenheim était simple : catalyser le réveil du panislamisme dans les domaines coloniaux franco-britanniques (et dans le Caucase russe) par une proclamation officielle de guerre sainte par le Grand Mufti de Constantinople, l'autorité religieuse la plus importante de l'Empire ottoman et parmi les plus respectées du monde sunnite.

Les points clés du plan Oppenheim étaient l'Egypte - clé de voûte pour déclencher un effet domino entre l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient -, l'Inde - fonctionnelle pour accélérer la chute de l'Empire britannique, privé de son plus riche domaine - et le Caucase russe - utilisable à diverses fins, dont l'endiguement de Moscou et la pénétration en Eurasie. Le succès de ce Jihād offensif et global, considéré comme porteur d'une charge hautement déstabilisante, selon Oppenheim, aurait largement dépendu des compétences de propagande de Berlin. Et si tout s'était passé comme prévu, l'Allemagne, une fois la guerre terminée, aurait pu satelliser l'Empire ottoman décadent et puiser dans les richesses d'une islamosphère libérée du joug franco-britannique.

Cela dit, le 14.11.14, le Grand Mufti de Constantinople de l'époque, Ürgüplü Mustafa Hayri Efendi, ordonne à la Umma de lancer un Jihād global et offensif contre les infidèles de la Triple Entente. Un ordre lancé depuis l'un des lieux symboliques de l'ottomanisme et de l'islam mondial, la Grande Mosquée bénie d'Ayasofya, et que le Bureau de renseignements pour l'Orient (Nachrichtenstelle für den Orient), dirigé par Oppenheim, aurait entrepris de diffuser aux quatre coins de la planète dans les plus brefs délais.

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L'appel aux armes du Grand Mufti, du moins au début, a semblé fonctionner. Son écho, en effet, parviendra jusqu'à Singapour, où se produit en 1915 la mutinerie du cinquième régiment d'infanterie de l'armée anglo-indienne. Et parmi ceux qui ont été ensorcelés par l'appel hypnotique de la guerre sainte - pour donner une idée de l'impact à moyen et long terme du djihad made in Germany - se trouvait un adolescent palestinien nommé Amin al-Husseini, futur grand mufti de Jérusalem et allié d'Adolf Hitler.

À l'aube de 1915, Oppenheim se serait rendu dans ce qui est aujourd'hui l'Arabie saoudite pour convaincre les dirigeants locaux de prendre fait et cause pour les Empires centraux. Une fois sur place, le djihadiste du Kaiser négociera les termes de l'alliance arabo-turque-allemande avec le prince Fayçal, sans savoir, toutefois, que quelqu'un d'autre se bat déjà pour les faveurs des Saoud : Lawrence d'Arabie. L'agent secret britannique, curieusement, a été initié à l'Islam et au monde arabe par Oppenheim, dont il avait lu le récit de son voyage au Moyen-Orient à la fin du XIXe siècle - publié en deux volumes et intitulé Vom Mittelmeer zum persischen Golf durch den Haurän, die syrische Wüste und Mesopotamien -, le décrivant comme le meilleur livre qu'il ait jamais lu sur le sujet.

Oppenheim, cependant, n'abandonne pas facilement. Se rendant compte de l'impossibilité de soudoyer les Saoud, l'orientaliste se mettrait à faire des sermons en personne dans les principales mosquées de l'Empire ottoman, légitimant les massacres ethno-religieux perpétrés par les Jeunes Turcs dans le Caucase du Sud dans une perspective préventive et popularisant la tactique de la "double guerre", une guerre hybride ante litteram basée sur des actions conventionnelles - comme les sièges et les batailles entre soldats - et irrégulières - comme les soulèvements inattendus, les révoltes et les pogroms.

Il ne rentrera chez lui qu'en 1917, après avoir passé trois ans à alimenter les soulèvements anticolonialistes dans tout l'espace impérial britannique et français, ainsi que dans le Caucase russe, et avoir gagné le titre d'Abu Jihad (Père de la guerre sainte) dans le monde arabe.

Les dernières années et la mort

La chute de l'Allemagne en ruine n'aurait pas de répercussions particulièrement graves et lourdes pour Oppenheimer. L'orientaliste délaisse la politique pour se consacrer à sa deuxième passion : l'archéologie. Après avoir fondé un institut consacré aux études moyen-orientales à Berlin, il est retourné dans son cher Tell Halaf à la fin des années 1920 pour reprendre ce qu'il avait interrompu plus de dix ans auparavant.

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Dans les années 30, profitant du changement de paradigme, il tentera de parer à une éventuelle hostilité à l'égard de sa figure - il était et reste un Oppenheim, c'est-à-dire un Juif aux yeux des dirigeants nazis - en élaborant un nouveau plan pour le Moyen-Orient, essentiellement basé sur le plan wilhelminien, et en multipliant les séjours à l'étranger pour des raisons archéologiques.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, il est toutefois contraint de rentrer dans son pays en raison du climat anti-allemand qui règne dans le reste du monde. Et ici, dans son pays natal, il a miraculeusement survécu aux bombardements de Berlin et de Dresde - au cours desquels il a perdu ses maisons et les trésors qu'elles contenaient, comme les découvertes de Tell Halaf.

Il meurt le 15 novembre 1946, à l'âge de quatre-vingt-six ans, dans la maison de sa sœur, où il s'était installé après avoir irrémédiablement perdu sa maison. Passé dans un quasi-anonymat, et encore (injustement) à demi-connu, Oppenheim est l'un de ces personnages qu'il convient de redécouvrir, de sortir du tiroir de l'oubli, car il fait partie, au même titre que Lawrence d'Arabie, Mark Sykes, François Georges-Picot et Arthur James Balfour, de ceux qui ont écrit l'histoire du XXe siècle et contribué à changer à jamais le Moyen-Orient, le monde islamique et le monde.

dimanche, 19 septembre 2021

Géopolitique du chiisme

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Géopolitique du chiisme

Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolitica.ru/en/article/geopolitics-shia

L'évaluation correcte du timing géopolitique est cruciale

Avec la panique qui a suivi le retrait américain d'Afghanistan, il est clair que nous vivons déjà dans un monde multipolaire. Le leadership unipolaire incontestable de l'Occident appartient au passé. L'émergence d'un ordre multipolaire est déjà un fait. Il est donc grand temps de revoir les principaux acteurs - actuels et futurs, mondiaux et régionaux. Dans la phase de transition, beaucoup de choses impensables hier, deviennent possibles. C'est le début d'une situation d'urgence mondiale - Ernstfall/Urgence (C. Schmitt). Les vieilles portes se ferment, les vieilles routes explosent, les vieux murs sont détruits. C'est le moment de penser avec audace et d'agir rapidement. La forme de l'établissement de la multipolarité dépend de nous; elle sera exactement comme nous entendons la façonner : le monde de notre création (N. G. Onuf).

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Considérons le monde chiite. Il représente une partie importante du territoire islamique. La victoire des talibans le concerne profondément à bien des égards. La proximité de l'Iran, la minorité chiite des Hazaras, le changement brutal de l'équilibre des forces (le retrait des États-Unis) dans la région, le nouveau rôle du Pakistan, de la Chine et de la Russie - tout cela affecte la communauté chiite. Cela crée de nouveaux défis, de nouveaux risques et de nouvelles opportunités.

Sur le plan géopolitique, les chiites doivent être considérés comme un Großraum (grand espace). Le cœur du monde chiite est l'Iran et en partie la partie sud de l'Irak. Il s'étend à l'est (Pakistan, Afghanistan), au nord (Azerbaïdjan), à l'ouest (hussites au Yémen, chiites en Syrie, au Bahreïn, en Arabie saoudite, au Kurdistan, Hezbollah au Liban bordé par la Palestine). Il ne faut pas oublier certaines branches moins orthodoxes du chiisme Ghulat: les alaouites en Syrie, les alévites en Turquie, les ismaélites au Tadjikistan et en Inde. Il existe des communautés chiites en Afrique occidentale (Nigeria) et ailleurs.

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Tout d'abord, nous devons mentionner que le monde chiite est une sorte de réseau: il a un cœur (l'Iran), un bastion (l'Irak et le Hezbollah) et des branches du réseau - avec quelques régions spéciales de contrôle territorial au Yémen et ailleurs. Il est temps de penser à toute cette structure asymétrique avec des différences ethniques, sectaires et historiques comme un tout. Une telle pensée stratégique existait à l'époque de l'Imam Khomeini et à la veille de la Révolution de Juillet parmi les clercs d'Irak et de Qom. Au cours des dernières décennies, cette stratégie était en déclin; le moment est venu de la restaurer.

Le Großraum chiite possède des caractéristiques très particulières. En géopolitique, il semble être très anti-occidental et anti-libéral. Ce n'est pas seulement une partie du message du leader de la révolution iranienne, l'imam Khomeini, mais une partie existentielle de l'identité chiite profonde. Le chiisme est une tendance religieuse révolutionnaire qui est très sensible à l'oppression et à l'attitude coloniale de l'Occident moderne. La même sensibilité se retrouve dans la relation des chiites avec les Palestiniens: les chiites sont très intolérants à l'égard de l'occupation israélienne de la Palestine et sont l'un des principaux moteurs du bloc de résistance du Moyen-Orient.

L'identification théologique d'Al-Dajjal (le Trompeur) avec l'Occident capitaliste-impérialiste est la caractéristique essentielle de la mentalité politique chiite. Il ne s'agit pas seulement d'une composante idéologique, mais de la partie organique de la doctrine principale. D'où les changements d'optique géopolitique au Moyen-Orient et ailleurs.

Compte tenu de ce qui précède, il est clair que pour l'ensemble de la communauté chiite, la nette atténuation de l'hégémonie occidentale, illustrée par le retrait des États-Unis et de leurs collaborateurs de Kaboul - avec de pauvres serviteurs américains tombant des avions - est l'occasion de réaffirmer sa position en comblant le vide partout où il se produit.

C'est un objectif facile à atteindre en raison de la présidence de Raisi en Iran même, compte tenu de la croissance du pouvoir des groupes cléricaux chiites conservateurs au sein du gouvernement.

Les chiites peuvent donc saisir l'occasion pour renforcer leurs attaques: c'est ce que l'on appelle la "stratégie du vide".

Où ce principe peut-il être appliqué ?

Tout d'abord, en Irak. La fuite panique de Kaboul est l'image qui peut - et doit - être répétée en Irak. Ce n'est pas seulement une question de volonté américaine. Cela dépend en outre de la détermination du peuple irakien à mettre définitivement fin à l'occupation. Le principal obstacle ici n'est pas la décision américaine - rester ou ne pas rester - mais plutôt l'absence d'une image viable de l'avenir. Les Américains en Irak ne sont encore tolérés que parce qu'il n'y a pas de consensus entre les chiites irakiens entre eux, et que le modèle de leur relation avec les sunnites et les kurdes est problématique. Les États-Unis servent aujourd'hui d'une sorte d'équilibre qui est pragmatiquement utile pour tous. Mais avec leur déclin évident, ils arrivent à une fin tout aussi évidente. Fuir l'Afghanistan et s'emparer de l'Irak serait un geste suicidaire et ne ferait que provoquer une future escalade de l'anti-américanisme dans la région. Ils auraient donc dû abandonner tôt ou tard, plutôt tôt que tard.

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Les chiites doivent s'y préparer. Leur avenir en Irak dépend de leur comportement à l'égard du processus de retrait américain. S'ils restent à l'écart et font preuve de passivité, d'autres puissances agiront à leur place ; cette question doit être examinée sérieusement.

Mais le plus important pour les chiites en Irak est d'avoir un plan pour l'avenir. Pour l'instant, ils n'ont pas de vision d'avenir et suivent plutôt une politique plus ou moins opportuniste. Si les Américains quittent l'Irak, ils essaieront de ne pas donner au pays la chance d'un processus normal de reconstruction de leur État. Pourquoi ? C'est facile à expliquer: pour promouvoir le séparatisme parmi les Kurdes, pour enflammer les hostilités entre sunnites et chiites, et pour diviser les fractions chiites concurrentes. Ils le font déjà maintenant, mais dans certaines limites, il semble obligatoire pour eux de rester. Quand vous partez, vous pouvez claquer la porte. Juste au visage des chiites. Il n'y a donc presque plus de temps pour réfléchir avec toutes les responsabilités.

Deuxièmement, il y a la Résistance en Syrie et au Liban qui se dresse en direction de la Palestine. Si les Américains sont chassés d'Asie centrale, cela affectera-t-il aussi l'aide à "Israël"? Si oui, c'est le bon moment pour commencer la mobilisation de la Résistance. Ou serait-il préférable d'attendre un peu, et seulement ensuite de décider? C'est aux stratèges chiites de décider. Mais c'est grave. L'évaluation correcte du timing géopolitique est cruciale.

Prochain défi: comment le retrait américain affecterait-il les relations entre chiites et sunnites? Il est clair que la victoire des talibans est une réalisation presque entièrement sunnite. Elle ne peut être revendiquée par les Turcs et donc les Frères musulmans (en raison de l'adhésion de la Turquie à l'OTAN). Mais l'Arabie saoudite et l'Égypte sont plutôt gagnantes comme d'autres groupes salafistes. Ils sont considérés comme des forces hostiles par les chiites. Ce facteur peut affecter négativement le Großraum chiite en donnant une seconde chance à la stratégie salafiste. Il serait tout à fait logique, si les Américains sont évincés, qu'ils utilisent à nouveau le facteur salafiste. L'orientation des ex-ennemis contre d'autres ennemis est tout simplement naturelle et logique pour les États-Unis. Les chiites seraient donc un objectif possible dans ce tour de jeu. Cela ne concerne pas seulement les Hazaras mais aussi les Hussites, l'équilibre des forces en Syrie, mais aussi le cœur du monde chiite - l'Irak et l'Iran eux-mêmes.

Soyons clairs: en Afghanistan, les principaux gagnants sont précisément les sunnites radicaux aux racines salafistes-soufies (la tendance Wahdat-al-Shuhud - et non Wahdat al-Wujjud). Aujourd'hui, ils sont plus qu'antiaméricains et le resteront pendant un certain temps; cependant, ils étaient auparavant soutenus et armés par la CIA et ont été utilisés contre d'autres ennemis des États-Unis - les Soviétiques, les régimes laïques (tels que les baathistes) et l'Iran.

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Nous avons donc ici un terrain fertile pour le rapprochement entre chiites et sunnites - l'anti-américanisme. Un ennemi commun est une grande chose en politique, peut-être la plus grande chose.

La même situation est valable pour l'équilibre géopolitique au Moyen-Orient. Le retrait des États-Unis serait la meilleure solution pour Washington afin de laisser derrière lui Al-Fitna (la discorde) - une guerre civile sanglante entre chiites et sunnites qui nuirait aux deux parties. Pour "Israël", ce serait également la meilleure solution - presque le seul moyen de retarder sa disparition finale. Nous devons donc réfléchir à la manière d'éviter ce scénario.

Ici, les chiites ont différentes voies à explorer. La Turquie, avec ses rêves ottomans, sera toujours considérée comme un acteur égocentrique, vu avec une certaine méfiance par la plupart des Arabes. En joignant ses efforts à ceux de la Turquie et en utilisant intelligemment le facteur alévite et l'affinité ethnique des Iraniens avec les Kurdes, les chiites peuvent facilement établir un partenariat régional ; ou bien ils peuvent utiliser des tactiques opposées en essayant d'améliorer leurs relations avec les régimes arabes sunnites qui se sentent menacés par l'élargissement d'Ankara. Cette voie est déjà testée par les relations Téhéran-Doha.

Le Pakistan est une autre option. Le désaccord traditionnel avec Islamabad - sunnite, partiellement salafiste et pro-américain - perd ses raisons dans la situation actuelle. Islamabad se rapproche de plus en plus de la Chine et de la Russie, essayant d'assurer sa place dans un club multipolaire. Théoriquement, il est plus que jamais enclin à revoir sa position régionale sans égard pour l'Occident. Dans de telles conditions, les Pachtounes peuvent causer des problèmes au Pakistan lui-même. Islamabad peut donc opter pour une certaine forme de coopération avec les chiites et l'Iran, en particulier, en joignant ses efforts à l'échelle régionale.

À l'échelle mondiale, le Großraum chiite et sa ramification dans le réseau devraient définir sa place dans un contexte multipolaire en général. Il s'agit d'une nécessité pour la survie des chiites - pour garantir son espace en tant que partie indépendante et plus ou moins unifiée de la civilisation islamique. Cela signifie qu'il faut accepter le rôle du pôle chiite à l'intérieur du pôle islamique - plus large - et cela n'est pas trop dangereux en raison de la structure multipolaire de l'islam sunnite lui-même. Il y aura toujours suffisamment de contradictions et de rivalités entre les sunnites eux-mêmes - Turquie, pays arabes du Moyen-Orient, Maghreb, Pakistan et région indonésienne - pour donner aux chiites la possibilité de sauver leur indépendance. Mais tout cela devrait être inscrit dans la structure principale de la multipolarité émergente. Et maintenant que ses caractéristiques et ses frontières ne sont pas encore clairement définies et fixées, c'est le bon moment pour énoncer des revendications générales - pour formuler la vision géopolitique dans le cadre principal d'un ordre mondial polycentrique.

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Les facteurs russes et chinois sont les principaux piliers géopolitiques de la multipolarité. L'alliance russo-chinoise a déjà démontré son efficacité en Syrie. Le rapprochement avec la Russie peut être extrêmement important dans le cadre général de la géopolitique chiite. Il pourrait affecter de nombreuses questions régionales - Palestine, Yémen, Afghanistan, Caucase, Asie centrale, etc.

D'autre part, les territoires et réseaux chiites font partie intégrante de l'initiative chinoise Belt & Road. La Chine est donc un autre partenaire clé.

(Presque) tout le monde dans le monde islamique, la Russie et la Chine sont existentiellement intéressés par la limitation, voire l'arrêt de l'hégémonie unipolaire occidentale (américaine). Il y a donc une chance de renforcer le Großraum chiite - de manière physique et virtuelle - en rejoignant la tendance multipolaire, si clairement définie avec le retrait américain d'Afghanistan.

Dans la perspective de l'eschatologie chiite, la situation actuelle peut être considérée comme un signe extrêmement important de l'approche du moment du Zuhur (l'apparition de l'Imam Al-Mahdi, le rédempteur eschatologique de l'Islam).

 

lundi, 30 août 2021

Qu'est-ce qu'Isis-K, le cauchemar des talibans qui a frappé à Kaboul ?

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Qu'est-ce qu'Isis-K, le cauchemar des talibans qui a frappé à Kaboul ?

Francesca Salvatore

Ex: https://it.insideover.com/terrorismo/cosa-e-isis-k-talebani-stato-islamico-khorasan.html

La peur était dans l'air depuis plusieurs jours et, ces dernières heures, les hypothèses d'une attaque imminente ont été reprises dans les médias et dans les rapports de 007. Alors que l'on tente de comprendre l'entité et la matrice des attentats qui ont ensanglanté Kaboul ces dernières heures, Isis, suspect numéro un des massacres, est une fois de plus le cauchemar de l'Occident mais aussi des talibans. Et c'est précisément cette formation qui risque de transformer le pays en une bombe à retardement, bien plus que les talibans, contribuant à la déstabilisation de toute la région. Presque tous les voisins de l'Afghanistan - la Chine, le Pakistan, l'Iran - ont des appréhensions à cet égard: pour l'Asie, bien mieux que les Talibans, au contraire, avec lesquels toutes ces puissances ont déjà une expérience de coopération.

Qu'est-ce que Isis-K?

Concrètement, la cellule tant redoutée est celle dite Isis-K, la branche afghane de l'État islamique, selon les services de renseignement américains, soupçonnée de préparer depuis un certain temps une attaque visant à frapper l'OTAN et les Afghans en fuite. Le groupe a déjà revendiqué l'acte: des massacres vraisemblablement coordonnés par le leader actuel Shahab al Mujair, un ancien Qaediste nommé au poste suprême en avril 2020.

La variante afghane d'Isis a une genèse relativement récente et a rassemblé des adeptes au cours des cinq dernières années, se rendant responsable des principales attaques contre la capitale, "disputant" aux Talibans le record des attaques contre des cibles militaires et civiles. Cette division découle des rivalités internes au pays, fondées sur les divergences avec les Pachtounes, coupables de marchandage avec la CIA et l'Occident tout entier. La naissance du groupe a eu lieu dans la province de Khorasan, à la frontière avec le Pakistan, où de nombreux commandants qui avaient échappé aux forces talibanes ont décidé d'embrasser le drapeau noir. Cependant, ce même groupe a également vu ses combattants rejoindre les talibans afghans. Contrairement aux talibans, Isis-K avait clairement exprimé son intention de lancer des attaques contre les puissances occidentales et l'ONU, au-delà des retraits militaires et de leurs échéances. Isis-K se targuait d'environ 800 combattants en octobre 2018 et atteignait un pic de taille en 2016 avec jusqu'à 4000 membres militants, destinés, peut-être, à augmenter.

Où le mouvement était-il pendant toutes ces années ?

Au cours de ses premières années d'existence, le groupe s'est emparé de quelques districts dans l'est de l'Afghanistan et a progressivement étendu sa présence dans le nord. Cependant, sa progression a été rapidement freinée par les forces de sécurité afghanes et les talibans. Bien qu'elle ait été empêchée d'atteindre une certaine puissance de feu, d'envahir des villes et des quartiers, sa capacité à mener des opérations de sabotage et des attaques complexes telles que des attentats-suicides, des explosions de grosses bombes et des assassinats ciblés est restée intacte.

En 2016, Isis-K a mené six attaques à Kaboul, puis 18 en 2017 et 24 en 2018. Plus d'un millier de civils ont été tués dans des dizaines d'attaques, dont certaines très récentes et exemplaires par leur exécution et leur ciblage: 55 morts dans l'attaque d'une école de filles à Kaboul le 8 mai, 12 morts dans l'attaque d'une mosquée à Shakar Darah dans la province de la capitale le 16 mai, 20 morts à l'université de Kaboul en novembre 2020, 29 morts dans le raid sur une prison à Jalalabad.

Entre-temps, ses miliciens se sont également consacrés à la propagande, appelant à de nouvelles attaques en Occident à l'occasion de massacres comme celui d'Orlando ou d'épisodes isolés de terrorisme islamique qui ont touché l'Europe.

Quelques points faibles

Pour le moment, les forces dont dispose Isis-K sont nettement inférieures aux forces financières, militaires et politiques des Talibans. Par exemple, elle ne dispose pas d'un véritable sanctuaire: mis en déroute à la hâte dans la province du Helmand, les miliciens sont restés enracinés dans celle du Nangarhar, qui s'étend dans une zone grise de trafics et d'intrigues où domine l'Isi, les services secrets pakistanais.

Le groupe a également perdu ses dirigeants les uns après les autres dans des attaques de drones, des bombardements et des opérations terrestres. Ce que l'on craint aujourd'hui, en revanche, ce sont deux phénomènes concomitants possibles: le pouvoir de fascination de l'État islamique sur les jeunes étudiants islamistes et d'éventuelles défections de commandants talibans si cette cellule devait grossir à l'excès; cette seconde hypothèse semble toutefois la moins probable des deux au vu de l'image solide que le groupe exécutif taliban donne de lui-même ces dernières semaines.

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Deux courants différents de l'Islam

La veine islamiste de cette cellule apparaît résolument plus radicale que ce que nous connaissons de l'État islamique et, dans le même temps, nettement plus puriste que les talibans eux-mêmes. Les deux groupes se sont affrontés sur de nombreuses autres questions, notamment le trafic de drogue, qui sert à financer en partie le militantisme. Par exemple, Isis-K estime que la culture du pavot à opium n'est pas respectueuse de la foi islamique, une activité approuvée par les Talibans. La société afghane appartient principalement à l'école de pensée islamique hanafite, qui est compatible avec l'islam des talibans. La branche K de l'État islamique, quant à elle, suit une interprétation salafiste stricte de l'islam. De nombreux rituels islamiques, qui ont presque pris la forme de coutumes et de traditions pachtounes, autorisés par les hanafites, sont considérés comme non islamiques et hérétiques par les salafistes.

Ergo, pour ses miliciens la guerre permanente et la charia sont le verbe.

Ce à quoi il faut s'attendre

Pour l'heure, les sources de renseignement semblent donner les forces d'Isis-K en approche de Kaboul, faisant craindre de nouvelles attaques dans les prochaines heures. Dans ces phases délicates, cette menace risque de jeter de l'huile sur le feu afghan, rendant plus complexe la sortie des forces occidentales mais, en même temps, l'installation des Talibans. Le risque est que le pays se transforme en une bataille à mort entre les deux différentes déclinaisons islamistes, avec de graves dommages pour les civils. Si ces forces venaient à grossir leurs rangs et à gagner des avant-postes, leur progression - paradoxalement - pourrait être beaucoup plus dangereuse pour l'Afghanistan que la reconquête des talibans.

dimanche, 11 avril 2021

La géopolitique et la géostratégie de l'Iran

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Ronald Lasecki :

La géopolitique et la géostratégie de l'Iran

Ex: https://xportal.pl/?p=38885

L'assassinat du général iranien Kasem Suleimani et du commandant de la milice chiite irakienne Kataib Hezbollah, Abu-Mahdi al-Mohandes, par les Américains à Bagdad le 3 janvier 2020, et la forte augmentation de la tension qui s'en est suivie dans les relations entre Washington et Téhéran, ont à nouveau tourné l'attention du monde vers l'Iran.

Une forteresse rocheuse naturelle

C'est le pays le plus grand et le plus peuplé de la région, avec une superficie de 1.648.000 km², ce qui en fait le 19e plus grand pays du monde, et une population de 83 millions d'habitants, ce qui en fait le 17e plus grand pays du monde [1]. À titre de comparaison, l'Irak voisin a une superficie de seulement 438.000 km² et une population de 40 millions d'habitants [2], tandis que l'Afghanistan, au nord-est, a une superficie de 652.000 km² et une population de 34 millions d'habitants. L'Iran est donc une fois et demie plus grand que l'Irak et l'Afghanistan réunis, et sa population est plus importante que les populations combinées de ses deux petits voisins. Si une carte de l'Iran était superposée à une carte de l'Europe, elle serait plus grande que toute l'Europe occidentale: Péninsule ibérique, France, Benelux et Allemagne [3].

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La deuxième caractéristique du pays réside dans ses frontières géopolitiques naturelles: à l'ouest se trouve la chaîne de montagnes du Zagros, composée de plusieurs chaînes parallèles, qui s'étend sur 1600 km. et se raccordant au nord aux montagnes kurdes et au Taurus arménien; au nord se trouve la chaîne d'Elburn; à la frontière avec la plaine touranienne, au nord-est se trouve la chaîne de Kopet-Dag, qui fait partie des montagnes turkmènes (Khorosan); à la frontière avec l'Afghanistan se trouvent de nombreuses chaînes des montagnes afghanes centrales qui convergent vers l'est en direction de l'Hindu Kush ; au sud se trouvent les montagnes Suleiman qui s'étendent vers le sud; sur la côte du golfe d'Oman se trouvent des montagnes peu élevées (jusqu'à 2500 m. d'altitude - Monts Mekran) [4]. Toutes ces chaînes forment une forteresse rocheuse naturelle, extrêmement difficile à conquérir de l'extérieur.

La longueur totale des frontières de l'Iran est de 8640 km, dont 566 km sur la frontière avec la Turquie, naturellement fortifiée par des montagnes, 756 km sur la frontière, également sécurisée, avec l'Azerbaïdjan, et 45 km sur la frontière avec l'Arménie [5]. L'expansion nord-ouest de l'Iran se heurte non seulement à des obstacles politiques relatifs sous la forme des centres de pouvoir turcs et russes, mais aussi à des obstacles géographiques et climatiques objectifs sous la forme de chaînes de montagnes difficiles à franchir. La frontière avec le Turkménistan, longue de 1190 km, cache de l'autre côté le désert aride et sablonneux de Karakoum. D'une longueur totale de 1843,9 km. D’autres montagnes couvrent les frontières de l'Iran avec l'Afghanistan et le Pakistan ; ici, l'expansion de part et d'autre est découragée par le terrain et l'aridité des terres des deux côtés de la frontière.

La frontière maritime septentrionale de l'Iran s'étend sur 843 km et comprend la côte de la mer Caspienne, dont les monts Elbours sont séparés par l'étroite plaine de la Transcaspienne (ce relief a été exploité par les pêcheurs du 18e siècle). La Russie a conquis temporairement les provinces perses de Mazanderan et d'Astrabad durant les années 1723-1732 [6]). Le littoral sud est de 2106 km de long et s'étend sur le golfe Persique, le golfe d'Oman et le détroit d'Ormuz. Au rétrécissement formé par ce dernier se trouve le port le plus important d'Iran dans la ville de Bandar Abbas. Il s'agit d'un point stratégiquement sensible et, en l'absence d'autres ports importants, l'Iran ne peut aspirer à être une puissance maritime, restant avant tout une puissance terrestre.

Frontière entre l'Irak et l'Iran

Les conditions géopolitiques les plus favorables à l'expansion de l'Iran sont créées par les 1608 km de la longue frontière de ce pays avec l'Irak. Les montagnes kurdes mentionnées ci-dessus disparaissent du côté irakien de la frontière, au sud du Kurdistan irakien. Du côté iranien s'élève la chaîne des Zagros, qui fait office de mur défensif (plus de 4 000 m d'altitude), tandis que du côté irakien s'étend la plaine plate et fertile de la Mésopotamie. En combinant son propre potentiel démographique avec le potentiel économique de la plaine mésopotamienne, avec les conditions qui lui donnent un avantage territorial et démographique significatif sur l'Irak, l'Iran serait en mesure d'atteindre la position d'une superpuissance. Le déroulement de la guerre Irak-Iran de 1980-1988 indique que, malgré la supériorité technique et la meilleure organisation des habitants des plaines, les tentatives d'attaque de la forteresse naturelle iranienne, entourée de chaînes de montagnes, s'avèrent trop difficiles pour eux.

56e854cb58d3d3d4ae550cb30c672c10.jpgLes racines du conflit Irak-Iran remontent à un passé lointain, lorsqu'en 1847, la frontière terrestre séparant les deux pays a été tracée de manière inexacte. Dans les années 1950 et 1960, l'objet du litige était le mouillage de Khoramshahr et l'île d'Abadan, revendiqués par l’Irak, qui exigeait que les navires iraniens soient escortés par des pilotes irakiens. En avril 1969, Bagdad s'est déclaré propriétaire du fleuve Shatt al-Arab et a interdit aux navires étrangers d'y pénétrer. Cette déclaration n'a pas été acceptée par l'Iran, qui a envoyé des navires de guerre pour protéger ses propres navires. Le différend a été temporairement réglé par l'accord de compromis signé à Alger en 1975.

Les plans opérationnels de l'armée irakienne dans la guerre contre l'Iran, qui a débuté le 22 septembre 1980 par une attaque aérienne de l'Irak sur les positions iraniennes, prévoyaient la destruction de l'armée iranienne dans un délai de 10 à 14 jours et la prise des zones contestées du Khuzestan et de certaines parties de la province d'Ilam, après quoi Téhéran devait proposer des pourparlers au cours desquels il était prévu de négocier un traité de paix favorable à l'Irak. L'objectif de l'armée de l'air irakienne dans les premières semaines de la guerre était de prendre le contrôle de l'air, de détruire les bases aériennes iraniennes, de bombarder les zones de dislocation des forces terrestres iraniennes, ainsi que les installations industrielles de Téhéran, Abadan, Kermanshah et Ispahan, et les installations minières et de pompage de l'île de Khark. Malgré la réalisation de 100 à 150 vols de combat par jour jusqu'à la fin du mois de septembre, les Irakiens n'ont pas réussi à atteindre ces objectifs en raison, notamment, d'une mauvaise reconnaissance de l'emplacement des installations et de leurs défenses et de l'inexpérience des pilotes dans la destruction d'installations terrestres relativement petites et souvent cachées. À la fin du mois de décembre 1980, l'offensive terrestre irakienne s'est également effondrée, rencontrant initialement une résistance relativement faible de la part des volontaires, de la police, des unités de gendarmerie et d'un petit nombre d'unités d'artillerie défendant des nœuds de communication et des emplacements particuliers, mais entravée par les conditions naturelles sous la forme d'un terrain montagneux et d'un climat rigoureux [7].

Une exception au type de frontière Irak-Iran décrit ci-dessus est la province iranienne du Khuzestan, qui s'étend sur une longueur de 200 km, avec le fleuve Shatt el-Arab, qui est le débouché commun de l'Euphrate et du Tigre dans le golfe Persique. Le Khuzestan est une région de plaines et de marécages, donc bien qu'elle soit située sur le versant occidental des monts Zagros, elle est parfaitement adaptée à la défense contre d'éventuels agresseurs venant de l'ouest, et elle a effectivement joué ce rôle lors de la lutte contre l'agression irakienne dans les années 1980. Cependant, la province est habitée par des Arabes de souche organisés selon des modes de loyauté essentiellement claniques, plutôt que persanes, ce qui, dans le passé, avait déjà été un facteur de déstabilisation du pouvoir iranien sur place.

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A la fin du 19e siècle, le Khuzestan était surtout connu pour ses vols et ses enlèvements. Les fonctionnaires de la cour impériale des Qajars ne venaient que rarement dans ses steppes sauvages et toujours sous escorte militaire. Le Khuzestan était dirigé par le cheikh Khazal de Muhamrah, qui tirait ses revenus de la collecte de tributs auprès des caravanes commerciales. La Perse confie toutefois l'administration des douanes aux Belges, ce qui incite le cheikh à demander un protectorat à Londres en 1898. L'ambassadeur britannique de l'époque à Téhéran, Sir Mortimer Durand, a donné une réponse évasive, ne voulant pas fâcher le Shah. Au même moment, cependant, le voyageur australien William Knox D'Arcy découvre des gisements de pétrole au Khuzestan et obtient du Shah une concession pour leur exploitation exclusive. Dans cette situation, un autre ambassadeur britannique, Sir Arthur Hardinge, a fait en sorte que le Khuzestan soit placé sous protectorat britannique en 1909. En contrepartie, les tribus subordonnées au cheikh Khazal ont promis de ne pas attaquer les installations de l'Anglo-Persian Oil Company et de ne pas kidnapper le personnel en charge du forage.

La situation n'a été renversée qu'après la révolution nationaliste de 1921, par le futur Shah Reza, lorsqu'en 1924 le Khuzestan a été contrôlé par des garnisons de l'armée iranienne et que le Sheikh Khazal a été amené à Téhéran sous bonne garde. Cependant, cela n'a pas diminué l'influence de l'Anglo-Persian Oil Company (rebaptisée Anglo-Iranian Oil Company en 1933), qui a même maintenu sa propre force de police à Abadan. Cet état de fait a duré jusqu'en 1951, lorsque le pétrole iranien a été nationalisé par le Premier ministre Mohammad Mossadegh, qui a été renversé deux ans plus tard par un coup d'État organisé par les Américains. La reconquête définitive du Khuzestan par les Iraniens n'a eu lieu qu'après la révolution de 1979. Ce fait revêt une grande importance pour l'Iran, puisque 85% du pétrole et du gaz produits par le pays proviennent de cette région [8].

La Mésopotamie, clé de la puissance de l'Iran

Jusqu'au développement de la navigation océanique, les routes les plus importantes reliant l'Inde et la Méditerranée passaient par l'Iran. Les monts Zagros, habités par les Perses, constituent en fait un pont terrestre entre l'Asie occidentale et la péninsule indienne. Cependant, il s'agit d'une route ardue en raison du terrain montagneux défavorable. Il est extrêmement coûteux de développer des infrastructures et de l'industrie sur les pentes de ces montagnes. Le transport de matériel et de troupes à plus grande échelle est impossible. Ce sont les raisons pour lesquelles les tentatives successives d'occupation de l'Iran par des forces extérieures ont échoué. Mais c'est aussi un facteur déterminant de l'efficacité relativement faible de l'économie iranienne et de la pauvreté relative de sa population: le PIB/personne mesuré en termes de pouvoir d'achat était en 2019 de 17.600 dollars, ce qui plaçait l'Iran au 95e rang mondial [9]. Le marché du pétrole et du gaz protège l'Iran d'une dégradation économique complète, mais ne constitue pas une source de ressources suffisante pour sortir le pays de la pauvreté. La situation est exacerbée par les sanctions imposées par les États-Unis depuis l'automne 2018 et l'embargo absolu imposé en mai 2019 par Washington sur les importations de pétrole iranien.

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Enfin, la dernière conséquence de la forme spécifique de l'espace iranien est la difficulté stratégique de lancer des attaques à partir de celui-ci vers les plaines à l'ouest; les difficultés de transport dans les chaînes de Zagros limitent les options non seulement des forces d'invasion extérieures potentielles mais aussi des Iraniens eux-mêmes. Afin d'étendre son influence en Irak, Téhéran doit faire appel aux acteurs nationaux manifestant des sympathies pro-iraniennes dans le pays. Lorsque l'Iran a combattu le gouvernement irakien politiquement intégré dans les années 80, il n'a rien gagné, malgré de lourdes pertes. Positionné contre un Irak post-Saddam après 2003, avec une majorité chiite tournée vers Téhéran, il est rapidement devenu un acteur majeur et a eu accès à des ressources pour poursuivre son expansion dans la région. Un facteur clé de la géostratégie iranienne est donc de gagner des alliés dans les basses terres fertiles de la Mésopotamie, ce qui est actuellement facilité par la proximité religieuse des chiites des deux côtés de la frontière Iran-Irak.

Pendant la guerre de 1980-1988, la stratégie de l'Iran était dictée par sa géopolitique: la guerre devait être résiliente et préventive du point de vue iranien; l'offensive irakienne devait être contenue dans des positions fortement défendues dans les monts Zagros, à la périphérie des villes d'Abadan, de Khoramshahr, d'Alwaz, de Dezful, de Shushtar, de Musian et de Mehran, pour ensuite vaincre l'agresseur dans une contre-offensive et déplacer les hostilités en territoire irakien. Après une pause de trois semaines dans les hostilités, l'Iran lance une attaque contre les positions irakiennes en janvier 1981, débloquant (au prix de lourdes pertes) la liaison avec Abadan qui avait été perdue à l'automne. En septembre de la même année, l'offensive "Thamil ul Aimma" est menée. Le 22 mars 1982, l'Iran a mené avec succès l'opération "Fath", qui a permis de libérer environ 2000 km² du territoire iranien de l'occupation irakienne. Une autre offensive iranienne réussie, "Quds", a débuté le 30 avril 1982 et a permis de reprendre Khoramshahr, de libérer de l'occupation irakienne 5000 km² supplémentaires de territoire iranien dans le Khuzestan, et de repousser définitivement l'agresseur au-delà des frontières de l'Iran.

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La partie iranienne a eu moins de succès dans ses tentatives d'introduire des opérations militaires en territoire irakien: en 1988, Téhéran avait mené 23 opérations offensives, au cours desquelles les Iraniens n'ont pas réussi à percer les défenses très efficaces des forces irakiennes bien équipées sur la ligne défensive fortifiée créée par l'Irak. Les plus importantes de ces offensives ont été: l'opération "Ramadan béni" visant à s'emparer de Bassora et à couper l'Irak du golfe Persique. (13 juillet-5 août 1982), au cours de laquelle la partie iranienne a perdu 18.000 soldats, 220 chars et 133 véhicules de transport, ce qui a permis de déplacer la ligne de front de 7 km seulement vers l'ouest; l'offensive "Badr" visait à couper Bassora du reste de l'Irak (mars 1985) ; dans cette opération, l'Iran a perdu 15.000 à 30.000 tués et blessés; l'offensive "Wal-Fajr 8" visant à capturer le port d'Al-Faw et la base navale d'Umm-Kasr (février-mars 1986) qui s'est soldée par un demi-succès avec la prise du port d'Al-Faw et d'une partie de la péninsule du même nom. Malgré le fait que l'Iran ait engagé des forces importantes en hommes et en matériel, il n'a pas réussi dans deux offensives ultérieures, "Karbala" et "Fath"(mai 1986-décembre 1987), à provoquer l'effondrement militaire de l'Irak, qui, lors de sa propre offensive en avril-juin 1988 a repris la péninsule d'Al-Faw aux Iraniens, et a repoussé leurs troupes de la région de Bassora, Madjun, Zubaidat et Mehran [10]. Le 20 août 1988, une trêve est signée, et le 10 février 1991, après que l'Irak ait fait des concessions sous la pression de l'ONU en réponse à l'attaque irakienne contre le Koweït le 2 août 1990, un traité de paix est signé rétablissant le statu quo ante bellum [11].

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Volontaires afghans pendant la guerre Iran/Irak.

La guerre Irak-Iran est donc un exemple rare de conflit qui s'est soldé par une défaite relative des deux parties: l'Irak a échoué sur le plan stratégique, l'Iran sur le plan tactique. Le bilan du conflit pour l'Iran comprend un million de victimes (dont 300.000 morts), un coût de 645 milliards d'euros avec, en sus, la ruine des infrastructures et de l'économie [12]. Le conflit a mis en évidence l'importance de la chaîne de montagnes du Zagros: d'une part, l'impossibilité pour le pouvoir en place en Mésopotamie de vaincre le pouvoir perse, et d'autre part, l'insuffisance du potentiel du pouvoir perse issu de la ceinture de peuplement Zagros-Elburs pour soumettre la Mésopotamie seul avec un soutien insuffisant des forces locales.

La direction de l'est

Si l'on considère la géographie de l'Iran, il faut enfin mentionner brièvement les régions situées à l'est de la principale ceinture de peuplement de Zagros-Elburs: ce sont des régions inhospitalières et parmi les moins accueillantes pour l'homme. Les zones de plaine sont principalement le Grand désert de sel à l'est de Téhéran et de Koum, et le désert du Dasht-e Lut qui s'étend vers le Baloutchistan. La surface du premier, comme son nom l'indique, est une couche de sel mélangée à une épaisse couche de poussière (désert de salpêtre). Ce dernier est un désert de type sableux. Des températures de 70°C y ont été enregistrées et c'est l'un des endroits les plus secs et les plus chauds du monde. Les deux déserts sont inhabités et inhabitables. Les chaînes de montagnes arides environnantes entre les villes de Yazd et de Karman sont les régions dans lesquelles les reliques religieuses de Mazda ont finalement été repoussées après des siècles d'islamisation de l'Iran [13].

Les déserts des hauts plateaux iraniens sont de vastes plaines avec des couches sédimentaires horizontales résistantes au dégel et altérées, de type conglomérat. Les chaînes de montagnes Elburn, Kopet-Dag, les montagnes centrales d’Iran et les montagnes du Tabask, entourant le Grand Désert de Sel, et les chaînes de montagnes Kuh-e Behan (au sud-ouest) et les montagne de l’Est iranien (au nord-est) entourant le Dasht-e Lut empêchent l'entrée de masses d'air humide, ce qui détermine des précipitations extrêmement faibles (60-100 mm) et des températures de l'air très élevées en même temps. Le climat des deux déserts est de type continental subtropical. Presque toute l'année, le ciel est sans nuage, l'air est sec, en été il y a une grande chaleur, des brouillards secs et des tempêtes de poussière. Dans la partie centrale des deux déserts, on trouve des bandes de sables barchan qui, dans le cas du Dash-e Lut (où leur étendue est plus grande), se déplacent si rapidement qu'elles provoquent l'enfouissement des installations humaines: puits, postes d'eau, terres cultivées et structures. La végétation naturelle est très rare et se limite à de petits buissons de tamaris et à deux ou trois espèces de marais salants [14].

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Dasht i-Lut.

Dans ce contexte, l'activité limitée de l'Iran dans l'est et le nord-est n'est pas surprenante: son épisode le plus notable était de nature réactive et se limitait à une augmentation temporaire de la tension dans les relations entre Téhéran et Kaboul - il s'agissait de la réaction de l'Iran au meurtre de dix diplomates iraniens et d'un correspondant de l'IRNA par les Talibans lors de l'assaut du consulat iranien à Mazar-i-Sharif en septembre 1998. L'Iran a alors mobilisé 70.000 soldats à la frontière avec l'Afghanistan et l'indignation générale en Iran a laissé entrevoir la possibilité d'une nouvelle escalade des tensions [15]. Les négociations sur la libération des otages iraniens ont été pilotées depuis Téhéran par le général K. Suleimani, qui a également participé à la préparation des plans stratégiques pour une éventuelle guerre contre l'Afghanistan. À cette époque, le général Suleimani était également chargé d'assurer la sécurité de la frontière orientale du pays, où passent les routes de la contrebande de drogue en provenance d'Afghanistan [16].

L'activité la plus récente de Téhéran en Afghanistan et au Pakistan s'est limitée à la mobilisation de volontaires chiites dans ces pays pour combattre en Syrie. Dans le cas de l'Afghanistan, ils sont appelés "Fatemjun" et sont recrutés parmi les Khazars chiites et les réfugiés afghans en Iran. La tradition de l'implication de Fatemjun aux côtés de Téhéran remonte aux années de la guerre Irak-Iran. Beaucoup moins nombreux sont les volontaires chiites du Pakistan appelés "Zajnabjum". Ces deux catégories de volontaires ne reçoivent qu'une formation militaire de base dispensée par l'Iran ou le Hezbollah, qui dure généralement de 20 à 45 jours [17] et leurs pertes humaines dans la guerre en Syrie ont été très élevées [18].

Principes et instruments de la stratégie de l'Iran

La portée des activités de l'Iran à l'ouest, en Irak, est beaucoup plus large. La percée s'est produite avec l'agression américaine contre l'Irak le 19 mars 2003, qui a conduit, trois semaines plus tard, à la chute de Saddam Hussein - un objectif que l'Iran n'avait pas réussi à atteindre pendant la guerre de huit ans avec l'Irak en 1980-1988. En quelques mois, l'Iran a mis en œuvre une stratégie d'actions hybrides visant à augmenter le coût de l'occupation yankee de l'Irak et à façonner sa scène politique dans le sens d'une complémentarité avec les intérêts de Téhéran. La stratégie de l'Iran a tenu compte de sa faible puissance militaire et de sa faible efficacité dans un conflit conventionnel à grande échelle, en se concentrant sur les opérations asymétriques et en évitant les affrontements avec des concurrents plus forts. Cette stratégie a apporté à Téhéran un succès sans précédent et, en 2011, lorsque l'occupation américaine de l'Irak a officiellement pris fin, elle a élevé son statut international à celui d'une puissance régionale internationalement reconnue.

La base doctrinale de l'interventionnisme iranien au nom du chiisme, de l'islam en tant que tel, ainsi que la reconnaissance de "l'indépendance, de la liberté et du règne de la justice et de la vérité" comme droit de "tous les peuples du monde" et le soutien à "la lutte des combattants de la liberté contre les oppresseurs dans tous les coins du globe" sont contenus dans la Constitution de la République islamique d'Iran du 3. décembre 1979 (Préambule, article 3 (Objectifs de l'État), article 152 (Principes de la politique étrangère), article 154 (Indépendance, soutien à la lutte juste) et article 155 (Asile) [19]. Une autre source est le "Règlement général des forces armées de l'Iran" de 1992 qui fait référence à la fois au facteur géostratégique sous la forme du terrain de l'Iran ainsi qu'au rôle des forces armées conventionnelles (notamment les forces disposant de missiles) et à l'importance du moral sous la forme de l'énergie islamique révolutionnaire. L'armée de la République islamique d'Iran (Artesh-e Jomuri-ye Islami-je Iran, en abrégé Artesh) et le Corps des gardiens de la révolution islamique (Sepah-e Pasdaran-e Enghelab-e Islami, connu sous son acronyme anglais IRGC) [20] doivent être à la base de la mise en œuvre de la stratégie militaire de l'Iran.

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L'IRGC, fondé le 22 avril 1979 sur ordre de l'Ayatollah Ruhollah Khomeini (1902-1989), joue un rôle particulier dans la mise en œuvre de la stratégie militaire de l'Iran. L'article 150 de la Constitution iranienne lui confie la tâche de "défendre la Révolution et ses réalisations" [21]. Elle compte 190.000 soldats (dont: forces terrestres – 150.000, marine – 20.000, armée de l'air – 15.000, force Quds – 5.000) et 450.000 réservistes sous la forme de la milice Basij [22]. Une unité spéciale au sein de l'IRGC est la Force Quds (Force de Jérusalem), dont la tâche décrite par l'ayatollah Ali Khamenei en 1990 est "d'établir des cellules populaires du Hezbollah dans le monde entier", tandis que le commandant de l'IRGC, le général Mohammad Ali Jafari, a déclaré en 2016 que "la mission de la Force Quds est une mission extraterritoriale visant à aider les mouvements islamiques, à étendre la Révolution islamique et à renforcer la résistance et l'endurance des peuples qui souffrent dans le monde et des personnes qui ont besoin d'aide dans des pays comme le Liban, la Syrie et l'Irak"[23]. Le premier commandant de la force Quds était le général de brigade Ahmad Vahidi, remplacé par le général K. Suleimani vers 1998 [24]. Pendant la période où il commandait les Quds, la formation a établi une vingtaine de camps d'entraînement rien qu'en Iran, ainsi que des centres similaires au Liban et probablement au Soudan [25].

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Le point de référence de la force Quds est l'"axe de la résistance", formé par des acteurs étatiques et non étatiques soutenus par l'Iran dans la région du Moyen-Orient: la Syrie sous Bachar el-Assad, le Hezbollah libanais (45.000 combattants), les milices chiites en Irak (75.000 à 145.000 combattants actifs dans plus de 35 milices), les Houthis au Yémen (10.000 à 30.000. combattants), l'opposition au Bahreïn [26] et les organisations palestiniennes (sunnites) Hamas (25.000 combattants), Jihad islamique palestinien (8.000 combattants) et Front populaire de libération de la Palestine - Commandement général (800 combattants) [27]. Cependant, l'importance de l'Iran s'accroît également en Afrique, où ses alliés comprennent le Mouvement islamique chiite du Nigeria, qui est persécuté par les autorités sunnites d'Abuja et est dirigé par le cheikh Ibrahim Zakzaky [28].

Le théâtre d'opérations irakien après 2003

Cependant, le domaine clé de la stratégie politique de l'Iran après 2003 est devenu l'Irak voisin. En gagnant de l'influence en Irak, Téhéran se construit une profondeur stratégique et un canal d'influence sur des entités telles que le Kurdistan, la Jordanie, le Koweït et l'Arabie saoudite. La stratégie de l'Iran en Irak consiste essentiellement à gagner des alliés parmi la majorité chiite locale. Bien que la plupart des chiites irakiens n'aient aucun penchant pour le khomeinisme, un nombre important de leurs militants ont reçu une formation en Iran, ont trouvé refuge en Iran par le passé ou ont bénéficié de l'aide de Téhéran.

imasciri.jpgLe premier allié chronologique de l'Iran a été le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (SCIRI), fondé dès 1982, dont le bras armé est devenu le Corps Badr, rebaptisé ensuite Organisation Badr, qui est devenu à son tour indépendant du SCIRI. Badr était initialement composé de prisonniers de guerre chiites de la guerre Irak/Iran et, plus tard, également de réfugiés politiques chiites de l'Irak de Saddam. Après 2003, il s'agissait déjà d'un groupe bien formé, idéologiquement mûr et discipliné, dont le chef Hadi al-Ameri prônait des liens étroits entre les chiites irakiens et l'Iran. D'autres organisations similaires comprennent Asaib Ahl al-Haq sous la direction de Quais al-Khazali, Kataib Sajid al-Szuhada sous la direction d'Abu Mustafa al-Szaibani, et Kataib Hezbollah sous le commandement du commandant Jamal Jafar Mohammad al-Ibrahimi (également connu sous le nom d'Abu Mahdi al-Mohandes [30]), qui a été assassiné en même temps que K. Suleimani.

Après les succès de l'offensive de l'ISIS en Irak en juin 2014, Bagdad, sous la pression de Téhéran, a lancé le programme des forces de mobilisation populaire (également connu sous le nom d'unités de mobilisation populaire, al-Hashd al-Shabi), dans le cadre duquel les milices qui combattent l’ISIS reçoivent des salaires versés par les autorités irakiennes, sont approvisionnées en armes à leurs frais et agissent officiellement comme des organes de l'État. La base idéologique des activités d'al-Hashd al-Shabi a été fournie par la fatwa du grand ayatollah Ali al-Sistani, également émise en juin 2014. En décembre 2016, les milices al-Hashd al-Shabi ont été officiellement intégrées aux forces armées irakiennes et, depuis mars 2018, elles ont droit aux mêmes privilèges que les autres fonctionnaires du ministère irakien de la Défense.

Moqtada al-Sadr speaks during a news conference in Najaf, Iraq May 17, 2018. REUTERSA OK.jpg

Muktada as-Sadr.

La souveraineté officielle de Bagdad n'a que peu d'influence sur les loyautés et les orientations politiques réelles des différentes milices; certaines reconnaissent la souveraineté du Grand Ayatollah Ali al-Sistani, d'autres celle de Muktada as-Sadr, et d'autres encore sont fidèles à l'Iran. Les milices opèrent dans toutes les muhafazahs d'Irak, à l'exception de la région du Kurdistan irakien. La plupart de leurs combattants sont des Arabes chiites, mais il y a aussi des Arabes sunnites, des Turkmènes et même des chrétiens. Le catalyseur de l'importance de l'Iran dans al-Hashd al-Shabi a été l'assassinat par les Américains, le 3 janvier 2020, d’Abu Mahdi al-Mohandes, officiellement commandant adjoint de cette formation et également commandant de la milice Kataib Hezbollah. Né en 1954, il a passé la majeure partie de sa vie adulte en tant que réfugié politique en Iran et parle couramment le farsi en plus de l'arabe. Faleh al-Fajad, le commandant nominal d'al-Hachd al-Shabi de 2014 à 2018, n'a jamais exercé une influence ou une autorité similaire à celle d'Abou Mahdi al-Mohandes et a été démis de son poste purement symbolique par le président Haider al-Abadi en septembre 2018. Depuis lors, le poste de commandant d'al-Hashd al-Shabi est resté vacant, tandis qu'Abu Mahdi al-Mohandes est resté jusqu'à sa mort leur plus haut officier hiérarchique, responsable notamment de la logistique, de l'approvisionnement, du personnel administratif et de la politique générale de la milice.

Les alliés irakiens de Téhéran

Sa milice Kataib Hezbollah appartient à la catégorie des milices les plus proches de l'Iran qui s'orientent vers Téhéran pour des raisons idéologiques: reconnaître le principe chiite de la "vigilance" des interprètes de la loi islamique (oulémas) sur les fidèles (Velâyat-e Faqih). Pour eux, la lutte contre ISIS fait partie d'un combat plus large contre les Anglo-Saxons infidèles et les États sunnites traîtres qui les servent. La République islamique d'Iran est le fer de lance de cette lutte et le maillon le plus important de l'Axe de la Résistance. Le Kataib Hezbollah se décrit comme une "force de résistance" et souligne ouvertement ses liens avec l'Iran et sa participation aux attaques contre les occupants américains de l'Irak et leurs collaborateurs. La milice dissidente Kataib Sajid al-Szuhada du Hezbollah, dirigée par Abu Ali al-Walaija et al-Szaibani. Les raisons de la scission entre les deux formations ne sont pas claires ; selon A. A. al-Walaija, cependant, elles n'étaient pas de nature idéologique [31]. Kataib Sajid al-Shahada est avant tout un groupe armé, et dans une moindre mesure un groupe politique, se décrivant comme un "parti de résistance soutenu par la République islamique d'Iran" [32]. Pour les milices qui entrent dans la catégorie des alliés idéologiques de l'Iran, rompre les liens avec Téhéran nécessiterait une réinterprétation radicale de leur propre identité et de leur sens de l'action de leur part, cela semble donc peu probable, et les entités de cette catégorie figurent parmi les alliés les plus fiables de Téhéran en Irak.

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La deuxième catégorie peut être décrite comme des "alliés politiques", partageant les idées du khomeinisme en principe, mais soulignant en même temps leur identité irakienne et essayant d'adapter le khomeinisme au contexte irakien. Cette catégorie comprend l'organisation Badr, qui fonctionne à la fois comme une milice armée et comme l'un des acteurs les plus importants de la scène politique irakienne. Le chef de l'organisation, Hadi al-Ameri, a occupé le poste de ministre des Transports de la République d'Irak de 2010 à 2014, tandis que l'influent ministère de l'Intérieur et la formation de la police fédérale placée sous son autorité sont devenus un secteur de l'administration centrale dont la gestion a été officieusement confiée à des membres de l'organisation Badr. Parmi les militants de l'Organisation Badr figuraient le ministre de l'Intérieur Mohammad al-Ghabban et son successeur de 2017-2018 Kasim al-Araji. L'organisation Badr est sans doute la plus grande entité au sein d'al-Hashd al-Shabi, représentant également un niveau relativement élevé de professionnalisme et de compétence technologique. Ses dirigeants et cadres ne se présentent pas comme des exécutants de la volonté de Téhéran, mais comme des Irakiens qui tentent d'adapter les idées de la révolution islamique iranienne aux conditions locales.

Dans la catégorie des alliés politiques de Téhéran figure également Asaib Ahl al-Haq, initialement fidèle à Muktada as-Sadr mais qui a rompu avec lui à la suite de divergences idéologiques entre M. as-Sadr et son chef Quais al-Khazali. Asaib Ahl al-Haq est armé et entraîné par l'Iran et le Hezbollah libanais dans au moins trois camps d'entraînement en Iran. L'argent, les armes et les équipements destinés à Asaib Ahl al-Haq sont introduits clandestinement à travers la frontière Iran/Irak dans le cadre du programme "Groupes spéciaux" mis en œuvre par la force Quds depuis 2005. Depuis le retrait des troupes américaines d'Irak en 2011, Asaib Ahl al-Haq a été présent sur la scène politique irakienne et ses représentants siègent au parlement irakien. L'identité du groupe a évolué, passant du nationalisme irakien de la ligne de Muktada as-Sadr à l'idée transnationale de l'Axe de la résistance promue par Téhéran, comme en témoigne la participation des combattants de la milice aux combats en Syrie et la visite de Quaisem al-Khazali à la frontière syro-israëlienne en Palestine en décembre 2017.

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Emblème de Saraja Ashura.

Le cas de la milice Saraja Ashura affiliée au Conseil suprême islamique d'Irak (ISCI) est légèrement différent. Il semble s'éloigner de la rhétorique révolutionnaire de Téhéran, tandis que son ancien dirigeant Ammar al-Hakim a rompu avec l'ISCI, se présentant aux élections parlementaires de 2018 dans le cadre du ‘’Mouvement de la sagesse nationale’’ nouvellement lancé. Cependant, le groupe partage toujours une plateforme religieuse avec l'Iran sous la forme d'une version chiite de l'Islam, le fait de ses liens de longue date avec Téhéran et peut-être sa dépendance matérielle toujours existante vis-à-vis de l'Iran jouent également leur rôle. Ces trois facteurs font qu'il est difficile, et certainement lent, pour l'ISCI de s'écarter de la ligne politique de Téhéran.

La troisième catégorie d'alliés de l'Iran parmi les milices irakiennes est constituée d'entités que l'on pourrait qualifier d'"opportunistes". Il s'agit de milices qui ont été formées sous l'inspiration de l'Iran en 2012-2013 pour combattre en Syrie, puis en juin 2014 ont été intégrées à l’al-Hashd al-Shabi et ont combattu dans son cadre, également sous le commandement iranien de facto, contre ISIS à l'intérieur de l'Irak. Ces organisations n'ont aucune influence politique indépendante en Irak, elles doivent tout à la partie iranienne. S'il n'y avait pas l'Iran, elles n'existeraient probablement pas. Leurs dirigeants font montre d’un faible niveau intellectuel et n'ont très probablement aucune éducation formelle derrière eux. Le niveau intellectuel et moral des militants de base, souvent recrutés dans les couches inférieures de la société irakienne, est encore plus bas. C'est cette catégorie de milices qui est responsable des abus de guerre de la part des opposants à ISIS en 2014-2015. Des milices telles que Jund al-Imam, Saraja al-Chorasani et Harakat al-Nujaba, par exemple, qui a été formé en tant que groupe dissident d'Asaib Ahl al-Haq et dirigé par Akram al-Kaabi - un ancien commandant de l'armée du Mahdi et d'Asaib Ahl al-Haq - appartiennent à cette catégorie. Ils affichent tous haut et fort leur loyauté envers l'Iran et son guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, mais cette loyauté n'est pas profondément idéologique ou intellectuelle, et la dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l'Iran joue probablement un rôle clé. Si l'aide iranienne devait être interrompue, ces groupes pourraient chercher un nouveau mécène.

Le dernier groupe d'alliés de Téhéran au sein d'al-Hashd al Shabi sont des alliés qui partagent des objectifs ad hoc avec l'Iran. C'est le cas de la milice sunnite Liwa Salahaddin (51e brigade) qui opère dans la partie nord de la muhafaza de Salahaddin (près de la région de Badji, où se trouvent les plus riches champs pétrolifères d'Irak) sous le commandement de Jazan al-Jaburi. Il utilise des armes et des renseignements fournis par l’Iran, ce qui lui permet de dépasser le cercle religieux chiite et de gagner des alliés parmi les sunnites d'Irak également. Le recrutement d'Asaib Ahl al-Haq au sein de la tribu arabe sunnite des Karawi dans la Mojaza nord de Dijala a une base similaire. Cela permet à l’Iran d'élargir son cercle d'influence politique, tandis que les Karawi gagnent un soutien matériel et une légitimité politique en tant qu'entité liée à l’al-Hashd al-Shabi. L'Iran étend également son influence sur les groupes chiites non affiliés: les membres de l'administration des mosquées Imam Ali et Imam Hussein de Nadjaf et de Karbala, politiquement affiliés à l'Ayatollah A. al-Sistani, par décision d'A. M. al-Muhandis, bénéficient d'une formation militaire organisée en Irak par des vétérans de l'Organisation Badr.

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al-Hashd al-Shabi.

En dehors du système al-Hashd al-Shabi, l'espace d'influence de l'Iran est constitué des secteurs de l'administration irakienne contrôlés par les membres de l'Organisation Badr et d'autres réémigrants d'Iran. Il s'agit de la police fédérale, de l'unité d'intervention d'urgence du ministère de l'intérieur, de la 5e division et de la 8e division de l'armée irakienne, ainsi que des services de sécurité et de la bureaucratie du ministère de l'intérieur. L'influence iranienne dans l'administration irakienne facilite l'accès aux ressources matérielles et aux informations ainsi que le fonctionnement des milices pro-iraniennes au sein d'al-Hashd al-Shabi, et paralyse le développement éventuel d'un nationalisme irakien à orientation anti-iranienne dans des segments clés de l'appareil institutionnel de l'État irakien.

Pendant les combats contre ISIS en 2014, l'Iran a également fourni un soutien militaire tactique aux forces peshmergas - notamment dans les zones contrôlées par l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). Ce soutien comprenait la fourniture d'armes, de munitions, d'équipements militaires, la présence de conseillers militaires iraniens et même d'unités d'artillerie iraniennes. Pour l’Iran, il s'agissait d'éloigner la menace d'ISIS des régions situées le long de la frontière entre l'Irak et l'Iran, de diversifier le soutien aux Kurdes et de réduire ainsi leur dépendance à l'égard des États-Unis, ainsi que de réduire l'opposition kurde à la présence des milices pro-iraniennes al-Hashd al-Shabi dans les "territoires contestés" dont le gouvernement central irakien et le gouvernement régional kurde (GRK) revendiquent le contrôle.

Les infrastructures des bases militaires déjà existantes de l'armée irakienne sont utilisées comme bases logistiques et centres de soutien pour al-Hashd al-Shabi, ce qui permet aux alliés de l'Iran non seulement d'avoir accès aux infrastructures irakiennes mais aussi de compliquer politiquement d'éventuelles frappes américaines contre les centres de dislocation de ces milices. Dans le même temps, la plupart des bases utilisées par al-Hashd al-Shabi sont situées dans des zones religieusement ou ethniquement mixtes, ou dans des régions dominées par les Arabes sunnites.

Une mesure de l'importance des milices chiites en Irak peut être observée dans les résultats de deux élections parlementaires consécutives, en 2014 et 2018. En 2014, la coalition de l'État de droit du Premier ministre Nouri al-Maliki l'a emporté (24 %), l'alliance Al-Muwatim dirigée par A. al-Hakim est arrivée en deuxième position (7,5 %) et le bloc sadriste Al-Ahrar en troisième position (7 %). En 2018, la coalition Sajrun de M. as-Sadr l'a emporté (14,3 %), tandis que la deuxième place est revenue à la coalition Fatah (13 %) formée par les forces pro-iraniennes, devant l'alliance Nasr du Premier ministre Haider al-Abadi (10,9 %). Les participations parlementaires de l'Organisation Badr n'ont pas augmenté par rapport à 2014, tandis que le nombre de parlementaires d'Asaib Ahl al-Haq a augmenté. Si l'on ajoute à cela le succès électoral des sadristes qui utilisent une rhétorique anti-oligarchique similaire, cela indique une augmentation des attitudes de contestation dans la société irakienne et une augmentation de l'électorat protestataire.

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Lors des élections de 2018, sur les 329 sièges du Conseil des représentants [33], les partis affiliés à al-Hashd al-Shabi ont remporté un total de 101 sièges (Sajrun - 54, Organisation Badr - 22, Asaib Ahl al-Haq - 15, autres milices liées à l'Iran - 10), tandis que la Coalition pour l'État de droit a remporté 25 sièges, l'Alliance Nasr - 42 sièges, les partis kurdes - 56 sièges, les partis sunnites - 60 sièges, et tous les autres partis - 100 sièges. En incluant le sadriste Sajrun[34], les partis chiites favorables à l'Iran disposent ainsi de la représentation parlementaire la plus nombreuse.

Le meurtre du général K. Suleimani et du commandant A. M. al-Mohandes le 3 janvier 2020 a porté un coup sévère à la politique étrangère de l'Iran, car les deux hommes assassinés représentaient une ancienne génération de militants, formée pendant la guerre Irak-Iran et l'exil politique irakien en Iran. Ces expériences ont rapproché les militants irakiens et iraniens et ont créé des liens personnels uniques entre eux. A. M. al-Mohandes a ainsi pu être le pilier de l'influence de l'Iran auprès de son voisin occidental, tandis que le général K. Suleimani a été l'architecte de toute la politique moyen-orientale de Téhéran. Les nouveaux militants, comme le remplaçant du général K. Suleimani au poste de commandant de la force Quds, le général Esmail Ghaani, auront plus de mal à maintenir ce type de lien spécifique avec la partie irakienne.

La stratégie hybride de l'Iran

Les succès géopolitiques de Téhéran après 2003 ont été rendus possibles par la mise en œuvre habile d'une stratégie hybride, évitant l'engagement de forces propres importantes et donc une surcharge stratégique, et évitant la confrontation frontale avec des adversaires plus puissants. Cette stratégie comprenait la création, l'armement, le financement, l'entraînement, le transport et la reconnaissance d'un certain nombre de milices chiites (et parfois sunnites) capables de combattre simultanément plusieurs adversaires de l’Iran sur des théâtres de guerre distincts. L'Iran a ainsi acquis la capacité de mener (par des intermédiaires) plusieurs guerres simultanément. Le nombre d'alliés de l'Iran au Moyen-Orient après 2011 a atteint les 200.000 combattants. Le degré de contrôle de Téhéran sur ces alliés et la forme de son soutien dépendaient des caractéristiques des alliés eux-mêmes, notamment de leur niveau de sophistication technologique et organisationnelle, et des exigences d'un théâtre d'opérations donné - plus élevé dans le cas des milices syriennes et des milices irakiennes dont il est question ici, et plus faible dans le cas des Houthis yéménites et du Hezbollah libanais. L'Iran a également réussi à gagner des segments de la communauté arabe sunnite (mouvements palestiniens, certaines milices irakiennes), ouvrant ainsi une brèche dans la solidarité nationaliste traditionnelle entre Arabes et Perses, et dans la solidarité confessionnelle entre Sunnites et Chiites.

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L'Iran engage des officiers supérieurs de la force Quds en tant que conseillers dans des conflits individuels; il fournit un soutien logistique, matériel et cybernétique à ses alliés; et forme des milices dans sa sphère d'influence à la fois sur son propre territoire et sur le terrain pour améliorer leur valeur idéologique ainsi que leur efficacité et leur sophistication technologique; il engage de petits groupes de spécialistes de la Force Quds et du Corps des gardiens de la révolution islamique dans des conflits spécifiques; elle fournit des armements avancés d'un type adapté aux exigences d'un théâtre d'opérations donné - technologie du renseignement, drones de combat (UAV), technologie des missiles avancés, pénétrateurs formés par explosion (EFP), bateaux explosifs télécommandés; elle forme des forces alliées selon le modèle du Hezbollah libanais [35].

L'implication de l'Iran et l'expansion de son influence sont devenues possibles dans les conditions suivantes: la désorganisation de l'État au sein duquel l'expansion de l'influence a lieu et la désorganisation des forces existantes en son sein qui sont disposées à contrer la politique de Téhéran; l'existence d'une communauté chiite qui se perçoit comme menacée dans son existence et qui s'oriente donc vers le soutien d'acteurs extérieurs; l'existence d'une voie de transport permettant à l'Iran de fournir à ses alliés des armes, du matériel et des ressources humaines, et d'acheminer vers son territoire des combattants qui suivent un entraînement ultérieur; l'absence d'acteurs capables et désireux de contrer la politique de Téhéran, et donc l'absence des fameuses "lignes rouges" marquant les limites de l'influence de l'Iran.

Stratégie multidirectionnelle et large pour l'Irak

Parmi les théâtres d'opérations dans lesquels l'Iran est engagé, l'Irak est le plus important. La situation en Irak peut avoir un impact décisif sur la stabilité et la sécurité internes de l'Iran, comme l'illustrent à la fois la guerre Irak-Iran de 1980-1988 et l'offensive d'ISIS de juin 2014 dans le nord de l'Irak. L'Irak est également le couloir de transport nécessaire pour que l'Iran reste connecté à son allié syrien et au Hezbollah libanais. Comme nous l'avons noté au début, l'Irak, qui est plus petit et moins peuplé que son voisin oriental, est plus densément peuplé et situé dans des zones de plaine plus propices à l'agriculture. La participation éventuelle de l'Iran à la reconstruction de l'Irak après la guerre et l'établissement de liens économiques étroits avec ce pays élargiraient la base économique iranienne au niveau nécessaire pour maintenir la position de l'Iran en tant que superpuissance et hégémon régional. Pour engager les capacités de l'Irak en fonction de ses besoins, l'Iran a toutefois besoin d'alliés sur le terrain qui lui sont favorables et partagent son orientation, sans lesquels son potentiel de mobilisation de sa puissance est insuffisant pour guider les politiques de Bagdad.

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Depuis le renversement de Saddam Hussein par les Américains en 2003, l'Iran a donc profondément pénétré la communauté chiite irakienne et, dans une moindre mesure, d'autres acteurs en Irak, dans le but de façonner la politique interne et l'orientation stratégique du pays dans une direction conforme à ses exigences en matière de sécurité. Les principaux objectifs de Téhéran en Irak restent le retrait des Américains et l'influence sur le processus de formation de l'État irakien. À cette fin, l'Iran a investi des ressources importantes dans un certain nombre de groupes politiques et militaires souvent rivaux en Irak.

La communauté chiite irakienne est si hétérogène sur le plan interne (par exemple, les sadristes nationalistes contre les milices khomeinistes, l'organisation Badr systémique contre l'Asaib Ahl al-Haq anti-systémique) qu'il sera impossible dans un avenir prévisible de l'organiser en une formule politique et militaire unifiée sur le modèle du Hezbollah libanais. Au lieu de cela, Téhéran gagne à ses propres fins les rivalités politiques au sein du système politique irakien et du conglomérat d'acteurs divers qui le favorisent. L'Iran influence le processus décisionnel irakien non pas en dictant des solutions, mais en établissant des relations amicales avec tous ses participants réels et potentiels, afin qu'aucun acteur obtenant un avantage en Irak ne soit hostile à l'Iran ou à ses intérêts clés.

L'Iran se construit une position de protecteur des décideurs plutôt que de décideur, acceptant la rivalité des différentes milices dans sa sphère d'influence et des camps politiques au-dessus d'elles - tant qu'elle ne se transforme pas en conflit au sein du camp pro-iranien, ce qui pourrait miner l'influence de Téhéran en tant que telle. L'Iran agit en Irak comme un courtier en puissance et un médiateur des différends, et non comme un souverain politique ou un hégémon. La politique de Téhéran en Irak consiste à créer et à laisser ouvertes autant d'options que possible, et non à essayer d'imposer des solutions et une orientation politique qui pourraient conduire à un conflit concluant dans lequel l'Iran et ses alliés pourraient échouer.

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La constitution par l'Iran d'un vaste portefeuille politique en Irak immunise Téhéran contre les changements de la conjoncture politique chez son voisin occidental et rend presque impossible pour Téhéran de porter un coup fatal aux Iraniens dans la politique irakienne. Dans des conditions où l'Iran entretient des relations amicales et exerce une influence d'intensité variable sur une grande partie des participants rivaux du système politique irakien, le coup porté par un acteur tiers à une faction soutenue par l'Iran renforce automatiquement d'autres factions - également soutenues par l'Iran. La tentative des Américains de jouer le mécontentement populaire en Irak contre l'influence iranienne s'est surtout retournée contre eux: lors des élections législatives de 2018, le soutien à l'Organisation Badr pro-iranienne, considérée comme une force de l'establishment, a diminué, mais le soutien à l'Asaib Ahl al-Haq pro-iranien, également considéré comme anti-establishment, a augmenté dans le même temps.

L'objectif à long terme de la politique iranienne est de coordonner les activités et l'alignement politique des différentes milices irakiennes qui lui sont favorables. Suite aux assassinats du général K. Sulemnani et de A. M. al-Mohandes le 3 janvier 2020, l'Iran a pris plusieurs initiatives, une série de réunions ont eu lieu à Beyrouth et à Kum du 9 au 13 janvier entre les militants des unités pro-iraniennes d'al-Hashd al-Shabi afin de surmonter leurs différences, d'empêcher la désorganisation d'al-Hashd al-Shabi après la mort de leurs fondateurs K. Suleimani et A. M. al-Mohandes, et de créer un mouvement de résistance uni contre la présence politique et militaire américaine en Irak. Les chefs des milices irakiennes ont commencé à parler de "groupes de résistance internationaux", de "régiments de résistance internationaux" et d'un "front de résistance irakien". Le nationaliste chiite irakien rival M. as-Sadr et le sympathisant iranien H. al-Ameri ont uni leurs forces pour l'adoption par le Conseil des représentants, le 5 janvier, d'une résolution demandant le départ des troupes américaines d'Irak. Le 14 janvier, M. as-Sadr a également annoncé une marche anti-Yankee à Bagdad le 24 janvier, co-organisée par la milice pro-iranienne al-Hashd al-Shabi, qu'il avait jusqu'ici traitée avec dédain. Avant même sa mort, le général K. Suleimani travaillait à la création d'une autre milice pro-iranienne: Saraya Imam al-Hussein al-Istishhadiya [36]. Ainsi, il semble que l'assassinat de K. Suleimani et de A. M. al-Mohandes par les Yankees puisse s'avérer être un facteur catalysant le rapprochement mutuel des milices au sein d'al-Hashd al-Shabi et consolidant l'opposition à l'occupation américaine de l'Irak.

Les défis de la stratégie de l'Iran

Un défi immédiat pour la politique irakienne de Téhéran a été l'assassinat par les Américains de ses principaux architectes, le général K. Suleimani et Abu Madi al-Mohandis. Avec le temps, la disparition, due à l'âge, de l'activité des militants suivants, qui ont construit leur conscience et leur identité politiques en exil en Iran pendant la guerre de 1980-1988 et dans les années suivantes de la dictature de Saddam Hussein, prendra de l'importance. Pour la jeune génération de militants irakiens, l'aide iranienne ne joue plus le rôle d'une expérience de vie formatrice comme c'était le cas pour les militants plus âgés.

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L'avenir des milices irakiennes pro-iraniennes est également une question qui doit être abordée. Leur existence même semble être assurée, en raison de la présence continue en Irak des troupes américaines d'occupation et des satellites de Washington (dont, malheureusement, la Pologne) et des troupes turques. L'environnement politique de l'Irak reste également caractérisé par un haut niveau d'incertitude - une flambée de conflits sectaires ou politico-sociaux est possible (comme les manifestations anti-gouvernementales soutenues par les États-Unis qui reviennent depuis l'été 2018), l'avenir du Kurdistan irakien reste une question ouverte, les épigones de Daesh restent actifs. La zone de friction, en revanche, sera la place des milices dans la structure politique irakienne: en l'état actuel des choses, l'existence de milices influencées ou parfois directement contrôlées par l'Iran prive l'Irak du monopole de la violence sur son propre territoire national, qui est l'un des attributs fondamentaux de tout État. L'Irak, qui finance al-Hash al-Shabi sur son propre budget, pourrait s'efforcer à l'avenir de placer les milices sous son contrôle plus étroit.

Les limites de la base financière et économique de l’Iran peuvent s'avérer une difficulté pour étendre davantage l'influence de la superpuissance iranienne. Si l'Iran s'engage sur les théâtres d'opérations où il dispose d'une présence minimale en termes de ressources humaines, il engage également d'importantes ressources financières à son échelle - sous forme de transferts en espèces, de fournitures pétrolières, d'armes et d'équipements militaires provenant de ses propres stocks. Les dépenses comprennent la rémunération et l'entraînement de milliers de combattants et le coût d'exploitation des avions militaires iraniens et des compagnies aériennes civiles utilisées pour le transport des fournitures et du matériel. Les dépenses engagées pour soutenir les alliés en Syrie, en Irak et au Yémen sont estimées à 16 milliards de dollars au cours des huit dernières années. Indépendamment de cela, l'Iran transfère 700 millions de dollars par an pour soutenir le Hezbollah libanais et plusieurs millions de dollars pour soutenir les organisations palestiniennes. Le volume de l'aide iranienne à la Syrie en 2011 a été un record pour l'aide étrangère jamais accordée dans l'histoire de l'Iran à ce jour. L'ONU a estimé en 2015 l'aide annuelle de l'Iran à la Syrie à 6 milliards de dollars. Selon le FMI, l'Iran a accordé à la Syrie un prêt de 1,9 milliard d'euros en 2013. En 2014, 3 milliards d'euros ; en 2015, 0,97 milliard d'euros. En outre, l'Iran fournissait à la Syrie 60.000 barils de pétrole par jour [37].

Un autre obstacle à la politique de superpuissance de l'Iran s'avère être l'insuffisance de sophistication technologique de ses propres moyens militaires. Ce constat s'impose au vu de la faiblesse et du retard technologique de l'Artesh et de l'IRGC dans des domaines tels que l'aviation [38] et les missiles [39], ainsi que de l'absence d'armes nucléaires propres à l'Iran [40]. Cette faiblesse est devenue apparente dans les conditions révélées par les printemps arabes et de l'implication croissante de l'Iran en Syrie. Dans la première phase des événements, la force Quds s'est avérée trop faible pour vaincre les appareils de sécurité des États arabes sunnites de la région du Golfe, et l'Iran n'est pas parvenu à déclencher une rébellion durable au sein des populations chiites de ces pays, y compris au Bahreïn, qui a fait l'objet d'efforts particuliers de la part de Téhéran.

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Dans la deuxième phase, celle de la guerre civile en Syrie, la situation fut similaire, malgré des succès partiels comme la libération de Quasyr en mai 2013 (qui a débloqué la connexion avec la vallée de la Bekaa au Liban, foyer du Hezbollah, débloqué aussi la connexion entre Damas et la côte méditerranéenne de la Syrie, foyer des partisans de B. al-Assad, et bloqué Homs, foyer de l'opposition).Cette deuxième phase s'est révélée être un puits sans fond pour l'Iran. Selon des sources iraniennes, en 2015, 18 officiers supérieurs de l'IRGC et au moins 400 volontaires iraniens et afghans étaient tombés en Syrie. En août de la même année, les forces gouvernementales syriennes ne contrôlaient plus qu'un sixième du pays. Les Iraniens qui combattent à leurs côtés, dirigés par le général K. Suleimani (il a personnellement commandé une partie des forces syriennes et libanaises lors de la bataille de Quasyr), manquent d'appui en aviation de combat, d'artillerie avancée, de systèmes de coordination des missiles et de forces spéciales expérimentées. La fortune n'a été inversée que lorsque la Russie a rejoint la guerre le 30 septembre 2015.

Un pouvoir post-moderne

Les stratégies de Téhéran vis-à-vis de l'Irak et de l'ensemble du Moyen-Orient ont pour point de départ la prise de conscience par l'élite iranienne de la faiblesse objective de son État et de son incapacité à imposer directement sa volonté à d'autres entités. Au lieu de structures verticales de subordination hiérarchique, l'Iran met en place des structures de réseau horizontales. L'Iran est une puissance postmoderne, qui greffe des réplicateurs politiques autonomes, souvent auto-originaires et auto-répliquants en divers points de l'espace environnant, adaptant ses propres idées de la révolution islamique et de l'axe de la résistance aux conditions locales. Le réseau dynamique iranien est une structure asymétrique, hétérogène, flexible, polymorphe et polycentrique. Téhéran joue habilement de l'indétermination, de la relativité et de la nébuleuse de la réalité postmoderne et de son "devenir" sujets/objets (la frontière entre le sujet et l'objet politique est floue dans la postmodernité). Comprendre le phénomène des succès de la politique iranienne actuelle est possible avec une compréhension à la fois des lois de la géopolitique et, surtout, de la structure et de la nature de la réalité postmoderne (l'ontologie de la postmodernité). L'appareil de la philosophie postmoderne et de la géopolitique devrait donc être utilisé pour analyser et interpréter la politique iranienne.

Ronald Lasecki

(article publié dans le trimestriel Polityka Polska)

Notes:

[1]https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbo... (10.01.2020).

[2]https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbo... (10.01.2020).

[3]The Geopolitics of Iran: Holding the Center of a Mountain Fortress, https://worldview.stratfor.com/article/geopolitics-iran-h... (10.02.2020).

[4]J. Makowski, Geografia fizyczna świata, Wydawnictwo Naukowe PWN, Warszawa 2007, s. 138.

[5] Toutes les données sur la longueur des frontières de l'Iran: Iran Statistical Yearbook 2016-2017 (1395), s. 55.

[6]L. Bazylow, P. Wieczorkiewicz, Historia Rosji, Zakład Narodowy im. Ossolińskich – Wydawnictwo, Wrocław-Warszawa-Kraków 2005, s. 143, 157.

[7]J. Modrzejewska-Leśniewska, Walka o hegemonię w rejonie Zatoki Perskiej. Wojna iracko-irańska (1980-1988), [w:] A. Bartnicki (red.), Zarys dziejów Afryki i Azji 1869-1996. Historia konfliktów, Wydawnictwo „Książka i Wiedza”, Warszawa 1996, s. 438-440, 443-445.

[8]Por. W. Giełżyński, Byłem gościem Chomeiniego, Książka i Wiedza 1981, s. 175-182.

[9]https://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2019/02/weodata/...= (18.01.2020).

[10]J. Modrzejewska-Leśniewska, dz. cyt., s. 441, 445-447.

[11]J. Kukułka, Historia stosunków międzynarodowych 1945-2000, Wydawnictwo Naukowe SCHOLAR, Warszawa 2003, s. 412.

[12]Iran’s Networks of Influence in the Middle EastChapter One: Tehran’s Strategic Intent, https://www.iiss.org/publications/strategic-dossiers/iran... (11.02.2020).

[13]Por. T. Margul, Jak umierały religie. Szkice z tanatologii religii, Warszawa 1983, s. 249-250.

[14]M. P. Pietrow, Pustynie kuli ziemskiej, Państwowe Wydawnictwo Naukowe, Warszawa 1976, s. 41-46.

[15]Douglas Jehl, For Death of Its Diplomats Iran Vows Blood for Blood, https://www.nytimes.com/1998/09/12/world/for-death-of-its... (11.02.2020). J. Kukułka pisze o 200 tys. zmobilizowanych. Zob. J. Kukułka, dz. cyt., s. 809-810.

[16]Iran’s Networks…, art. cyt. (11.02.2020).

[17]Iran Military Power. Ensuring Regime Survival and Securing Regional Dominance, Defence Intelligence Agency 2019, s. 61 – ramka Shia Foreign Fighters.

[18]Ibid. (11.02.2020).

[19] Citations de la Constitution de la République islamique d'Iran: http://www.servat.unibe.ch/icl/ir00000_.html (11.02.2020).

[20]Por. S. R. Ward, The Continuing Evolution of Iran’s Military Doctrine, „Middle East Journal” t. 59 nr 4 (jesień 2005), s. 559-576, por. także P. Bracken, Pożar na Wschodzie. Narodziny azjatyckiej potęgi militarnej i drugi wiek nuklearny, Bertelsmann Media Sp. z o.o., Warszawa 2000.

[21]http://www.servat.unibe.ch/icl/ir00000_.html (11.02.2020).

[22]Iran Military Power… s. 11.

[23] Les deux devis: Iran’s Networks… (art.cyt.).

[24] K. Suleimani est né en mars 1957 dans une famille de paysans du sud-est de l'Iran. À l'âge de 13 ans, il a été contraint de quitter la maison familiale et de chercher un moyen de subsistance. Il a trouvé un emploi à l'institution locale de gestion de l'eau à Kerman. Il n'a pas participé à la révolution de 1979, mais pendant la guerre contre l'Irak, il était chargé de fournir de l'eau aux soldats combattant sur le front. En raison de lourdes pertes du côté iranien, il a été redéployé sur le champ de bataille. Malgré l'absence d'éducation et de formation militaire formelle, il a fait preuve de courage et de talents militaires, ce qui a déclenché la suite de sa carrière et ses promotions - d'abord dans l'armée, puis dans les services spéciaux.

[25]Ibid.

[26]Iran Military Power…, s. 15 – ramka „Axis of Resistence”.

[27]Ibid., s. 59-63.

[28]H. S. Tangaza, Islamic Movement in Nigeria: The Iranian Inspired Shia Group, https://www.bbc.com/news/world-africa-49175639 (11.02.2020).

[29]M. Alami, Hezbollah Allegedly training Nigerian Shiites to expand Influence in West Africa, https://www.mei.edu/publications/hezbollah-allegedly-trai... (11.02.2020).

[30]Iran’s Network… (art. cyt)., (11.02-2020).

[31]Iran’s Network of Influence Chapter Four: Iraq,https://www.iiss.org/publications/strategic-dossiers/iran... (12.02.2020).

[32]Ibid.

[33]Zgodnie w Konstytucją z 15. października 2005 r. parlament Iraku jest jednoizbowy.

[34] Cependant, il faut garder à l'esprit les gestes de Muktada as-Sadr indiquant sa volonté de se démarquer du concept iranien de l'Axe de la Résistance au profit du nationalisme irakien : en juillet 2017. M. as-Sadr s'est rendu en Arabie saoudite, en décembre 2017 il a appelé à la dissolution des milices armées.

[35]Iran’s Networks of Influence in the Middle EastChapter One: Tehran’s Strategic Intent, (art. cyt.) (12.02.2020).

[36]K. Lawlor, Warning Intelligence Update:Iran Increases Pressure on U.S. Forces in Iraq, http://www.understandingwar.org/backgrounder/warning-inte... (12.02.2020).

[37]Ibid.

[38]Zob. Iran Military Power…(dz cyt.), s. 64-71.

[39] Ibid, s. 30-31, 43-47.

[40]Ibid, s. 19-21.

 

 

samedi, 27 juin 2020

Frithjof Schuon versus René Guénon

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Frithjof Schuon versus René Guénon

 
Extrait d'un exposé intitulé "Guénon au combat, des réseaux en mal d'institutions" par Jean-Pierre Laurant
 
 
 
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Son livre, « Guénon au combat, des réseaux en mal d'institutions » vient de paraitre chez l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/ind...
 
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mercredi, 03 juin 2020

Soufi: état d'esprit, état d'être, état de conscience

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Soufi: état d'esprit, état d'être, état de conscience

par Marc Gandonnière

(via facebook)

On ne devrait pas limiter le mot Soufi à une appartenance à l'Islam, le mot Soufi peut désigner, si on nous laisse encore un peu d'initiative et de liberté avec les mots, un état d'esprit, un état d'être, un état de conscience. A cet égard je pourrais désigner un Soufi comme un Rose-Croix en puissance.

Il y a des hommes et des femmes qui sont du côté de l'être, on les croise, on les flaire, il est possible de les trouver partout dans toutes les cultures tous les groupes,pays ou races on a envie de les fréquenter pour le bien qu'ils vous font. Mais vous avez aussi les inquisiteurs quasi ontologiques, on tombe sur eux tout le temps et partout, enfin il aurait mieux fallu les éviter parce que souvent si vous êtes dans la première catégorie ils vous repèrent aussi vite ou plus vite et ce sont eux qui vous tombent dessus.

Les inquisiteurs peuvent très bien avoir les apparences de l'universalité, de l'ouverture, de la tolérance, c'est leur meilleure tenue de camouflage, mais leur manque d'étonnement, d'innocence, de créativité se dénotera tout de même assez vite. Dans ce cas là. il faut fuir à partir d'une certaine supériorité numérique, je veux dire par là quand on est entouré d'une meute de fanatiques car ils se regroupent en général très vite et autrement combattre, comme les chevaliers de l'Ordre de l'Etoile autrefois selon leur règle semblable en cela à celle des templiers. Mais pour se battre dans ces conditions il faut un entraînement intensif et un bon équipement. S'agissant de joutes oratoires ou écrites, cela s'appelle la recherche philosophique et la culture bien assimilée. La question que l'on rencontre alors est celle de la rencontre entre la philosophie et la théologie ou la religion et nous l'avons en Islam comme en christianisme et cela rejoint les interrogations autour de Saint Augustin que nous avons eu hier avec Remi Mogenet.

Le livre que j'ai cité déjà sur le soufisme, celui de Habib Sharifi. consacre tout un chapitre 9 à "Quels rapports le soufisme entretient-t-il avec la philosophie et avec le panthéisme ?". C'est très serré comme texte, et demande une sacrée culture religieuse comme philosophique mais c'est passionnant et cela décrasse bien la tête si je peux dire.

ob_7fac04_ob-2cb4ca-a6dlr4mcuaaehbr.jpgEn tout cas il y a une argumentation parfaitement bien menée et une vraie réponse à la question posée. Nous sommes loin d'un Islam irrationnel tel que notre Pape émérite Benoît l'a dénoncé assez raisonnablement dans son fameux discours de Ratisbonne (Regensburg). Il était dans le juste, mais parce que c'est cet Islam là qui domine et fait des ravages. Je m'approche pour donner envie de lire ce livre mais il faut suivre l'enchaînement des chapitres et le discursif au sein de chaque chapitre, même si, comme mystique, ce soufi se base sur une expérience qui dépasse le discursif, il en tire justement le meilleur au delà du meilleur de toute philosophie qui n'irait pas jusqu'à la mystique.

"Nous pouvons répondre désormais à notre question. Le soufisme n'est pas une philosophie, il est une manière de vivre destinée destinée à faire parvenir à l'illumination ; il s'efforce d'élever l'âme jusqu'à Dieu alors que la philosophie ne pourra au meilleur des cas, que lui en présenter l'idée." Il ne sera pas rare, par conséquent, ni étonnant de rencontrer un libellé soufi qui soit dans la catégorie des inquisiteurs et qui soit donc aux antipodes de cet art de vivre, cherchant à tout prix à ramener le soufisme dans le giron de la révélation Coranique plaçant le soufisme même avec le christianisme doctrinal dogmatique dans le même camp de défense d'une vérité révélée alors qu'il n'a et ne pourra jamais résoudre la contradiction dans le Verbe entre ces deux révélations exclusives éternellement l'une de l'autre...

Mansur-al-jallaj-Kashmiri-manuscript-19th-century.jpgJe dois revenir face à la contradiction qui m'a été faite sur le cas du mystique soufi Hallàdjj dans ce tournant du Xème. A noter puisque cela m'a été dit qu'il a été condamné aussi par des autorités libellées soufies ce qui porte au comble de la confusion sans explications précises. Nous sommes en cette année 922. Il a été crucifié et décapité ensuite, c'est dire tout de même dans cette mise à mort l'importance de la symbolique, comme chez nos révolutionnaires français. Je continue donc à penser qu'il a bien été sacrifié non comme un cas isolé d'un mystique délirant mais parce que nous sommes dans une période de tournant de l'Islam où il s'écarte de son ésotérisme tout à fait comme on le fait aussi en occident dans le Moyen Age chrétien... La doctrine de l'unité de l'existence a des relents panthéistes que la théologie musulmane ne pourra admettre.

On doit tout de même à ce moment de notre réflexion se déterminer dans une vision des choses et, de mon point de vue, reconnaître que les contradictions de ces époques n'étaient pas conciliables dans la Tradition ainsi formulée, alors que ces contradictions peuvent être résolues dans la modernité ou plutôt la post modernité, c'est à dire avec l'évolution dans leurs tâtonnements à la fois de la science et de la philosophie. Etre radicalement anti moderne est de toute façon intenable dans l'existence, psychologiquement, et vous rend assez inutile à vous-même et au monde pour se changer tous les jours davantage en Alceste grincheux. Ce qu'il nous faut c'est sortir de la modernité mortifère matérialiste, pour entrer dans une plus large compréhension et favoriser cette entrée dans une nouvelle manifestation de la Tradition, qui ne peut pas être autre chose, selon la compréhension d'Abellio, que la nouvelle gnose.

Le point de vue Traditionaliste, y compris dans l'ésotérisme qui s'affirme comme tel, est incapable de sortir de certaines contradictions ni d'ouvrir le moindre espace de compréhension au-délà de ses dogmes rabâchés en boucle dits Traditionnels à prétention ésotérique. C'est la limite et l'ambiguïté que l'on trouve surtout malgré tout l'apport de sa pensée d'un Guénon qui n'en finit plus de condamner radicalement la modernité et de lancer des Fatwas envers ce qu'il a dénoncé comme contre - initiation; c'est présent aussi chez Evola mais dans une proportion moindre, Evola, parce qu'il a toute une dimension artistique dans son cheminement, est bien plus respirable si je puis dire. Il aura fallu un immense penseur très intuitif au XX ème siècle, Raymond Abellio, pour briser les idoles de la dite Tradition ésotérique. Sa liberté provient sans doute de sa structure psychique Toulousaine et donc Cathare...

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jeudi, 02 avril 2020

L’inacceptable statut privilégié de l’islam radical en France

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L’inacceptable statut privilégié de l’islam radical en France

mardi, 31 mars 2020

Gueïdar Djemal

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Gueïdar Djemal

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Cette nouvelle chronique évoque une personnalité publique dite en novlangue « controversée » parce qu’elle représente une déclinaison politique quasi-inconnue en France de l’idée grande-européenne ou, plus exactement, du néo-eurasisme dans le monde post-soviétique.

Gueïdar Djemal naît le 10 juin 1947 à Moscou et meurt à l’âge de 69 ans le 5 décembre 2016 à Almaty au Kazakhstan. Azéri (c’est-à-dire turcophone chiite d’Azerbaïdjan) par son père, il est russe par sa mère. Après d’excellentes études au cours desquelles il apprend avec brio l’allemand, l’anglais et le français, il rejoint à la fin des années 1960 un cercle intellectuel informel moscovite conduit par Evgeny Golovine. Il y découvre l’œuvre de René Guénon et de Julius Evola. Ce cénacle non conformiste surveillé par le KGB qui y voit une association de farfelus asociaux accueille dans les années 1980 un jeune étudiant prometteur et sous peu polyglotte : Alexandre Douguine.

Dans le tumulte de la Pérestroïka, Gueïdar Djemal se distingue par ses positions tranchées. Bien qu’en délicatesse avec le régime communiste, il souhaite le maintien de l’Union Soviétique. Il participe en 1990 à la fondation à Astrakhan du Parti de la Renaissance islamique (PRI) qui s’affiche pan-soviétique. Il en devient le principal conseiller politique. À partir de 1991 – 1992, le PRI – bientôt qualifié de « mouvement terroriste » – participe à la guerre civile au Tadjikistan.

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De retour de la capitale russe, le directeur – fondateur de la revue Nationalisme et République, Michel Schneider, décrit dans le n° 9 de septembre 1992 sa rencontre avec Gueïdar Djemal, un « homme [qui] a la très forte personnalité des génies, ou des fous… […] D’une intelligence hors du commun, cette personnalité douée d’une réelle présence physique est un magnifique comédien, sachant jouer de tous les registres ». Il le perçoit finalement comme « un homme redoutable ».

En effet, membre vite viré du mouvement archéo-nationaliste Pamiat, Gueïdar Djemal qui dirige la revue russophone Tawhid (« Monothéisme ») et Wahdad (« Unité »), l’organe du PRI, veut prolonger les réflexions de Constantin Léontieff. Ce penseur du XIXe siècle prônait face à l’Occident romain-germanique une alliance entre l’islam et l’Orthodoxie, soit les retrouvailles des deux héritiers de Byzance, les Empires russe et ottoman. Gueïdar Djemal est l’un des théoriciens de l’eurislamisme, c’est-à-dire l’activisme en faveur d’un empire paneuropéen de Vladivostok à Dublin islamiste.

Président du Comité islamique de Russie, il entend aussi écarter le soufisme et l’islam saoudien pour mieux rapprocher les dimensions ésotérique du chiisme et géopolitique du sunnisme. En 1992, Gueïdar Djemal se rend ainsi à Khartoum au Soudan à l’invitation du penseur panislamiste Hassan al-Tourabi dans le cadre de la Conférence arabe et islamique populaire. Il influence durablement les oulémas russophones. Il n’est pas anodin que deux cents sages musulmans venus de Russie et des marches de l’ancienne URSS se rassemblent en août 2016 à Grozny à l’invitation du président tchétchène Ramzan Kadyrov. Malgré la pression, les menaces, puis la vive colère de Riyad, cette réunion s’achève par une fatwa qui exclut le wahhabisme de l’islam sunnite.

Gueïdar Djemal prévient en 2013 dans le quotidien Vzgliad : « Ceux qui croient que l’islamisme est un instrument maîtrisé par l’Occident se trompent. L’islam politique mène au contraire une lutte ouverte contre le système politique occidental. La Russie doit comprendre qu’elle n’a pas intérêt à suivre l’Occident sur ce front. » Dans Pour le Front de la Tradition (Ars Magna, 2017), Alexandre Douguine explique dès 1991 que « Tawhid est la revue de l’avant-garde métaphysique islamique fondamentaliste fondée et animée par le grand penseur et métaphysicien de notre époque, Gueïdar Djemal. On y considère l’islam sous la lumière initiatique et géopolitique, eschatologique, raciale, ethnique, économique, scientifique, artistique. C’est un curieux et génial mélange d’avant-garde intellectuelle et de traditionalisme radical (p. 143) ». Il n’hésite cependant pas à intégrer dans sa vision du monde la « lumière du Nord hyperboréenne ». Il est significatif que son premier essai paru en 1981 s’intitule L’Orientation du Nord.

Ce proche de l’ancien philosophe communiste français converti à l’islam Roger Garaudy lance en février 2009 à Iekaterinbourg dans une perspective ouvertement révolutionnaire et contre les nationalistes ethniques « petits »-russes une Union internationale de soutien aux travailleurs migrants. « Ce mouvement va œuvrer pour la défense des couches les plus déshéritées de la société russe, annonce-t-il. Il intègre également la société civile favorable à la renaissance des idées internationalistes. C’est pourquoi aucun critère ethnique, confessionnel ou de citoyenneté n’est requis pour y participer. »

Ces dernières années, il se félicitait que de plus en plus de Russes d’origine slave se convertissent à l’islam. Dans le journal national-patriotique Zavtra du 12 mars 2002, cet ennemi juré de l’OTAN affirmait que « l’union avec près d’un milliard d’hommes, formant aujourd’hui un front d’opposition à l’hégémonisme américain se révèle nécessaire, sinon la Russie n’est tout simplement pas capable de survivre en tant que sujet de la grande Histoire ». Pour lui, la conversion de la Russie – déjà membre observateur à l’Organisation de la coopération islamique – à la foi mahométane lui permettra « d’enrayer son processus de décadence nationale provoqué par l’Occident ». Un temps conseiller politique du général Alexandre Lebed (14,73 % à la présidentielle de 1996), il sert d’intermédiaire entre les autorités russes et les indépendantistes tchétchènes, et permet la fin de la première guerre de Tchétchénie.

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Auteur de sept ouvrages dont un recueil de poèmes, Une fenêtre sur la nuit, et en 2003, La révolution des prophètes, Gueïdar Djemal confirmait encore à Michel Schneider que « la lutte en cours n’oppose pas tant l’ethnoparticularisme à l’universalisme musulman que deux types antinomiques de mondialisme : le mondialisme américain horizontal et le mondialisme islamique, sacral et vertical. En réalité, le mondialisme américain domine avec succès les ethnoparticularismes qui, en fin de compte, se mettent à le servir et se transforment en éléments fonctionnels de ses stratagèmes ». Il classera plus tard les forces politiques du monde moderne en trois groupes antagonistes : les libéraux, les traditionalistes et les radicaux.

Gueïdar Djemal demeura toujours fidèle à sa conception d’une puissance islamo-orthodoxe russo-soviétique alliée au tiers monde musulman. Il désapprouva par exemple l’intervention militaire française au Sahel et invita son gouvernement à s’implanter durablement en « Françafrique ». Son fils, Orkhan Djemal, fait d’ailleurs partie des trois journalistes russes assassinés en République centrafricaine en juillet 2018.

Gueïdar Djemal restera un personnage paradoxal. Ce traditionaliste convaincu combattait le « monothéisme de marché » au nom d’un autre monothéisme tout aussi dangereux. Preuve supplémentaire que le cosmopolitisme se manifeste sous bien des aspects.

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 33, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 25 février 2020 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

samedi, 18 janvier 2020

The Roots of American Demonization of Shi’a Islam

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The Roots of American Demonization of Shi’a Islam
 

The US targeted assassination, via drone strike, of Maj. Gen. Qassem Soleimani, apart from a torrent of crucial geopolitical ramifications, once again propels to center stage a quite inconvenient truth: the congenital incapacity of so-called US elites to even attempt to understand Shi’ism – thus 24/7 demonization, demeaning not only Shi’as by also Shi’a-led governments.

Washington had been deploying a Long War even before the concept was popularized by the Pentagon in 2001, immediately after 9/11: it’s a Long War against Iran. It started via the coup against the democratically elected government of Mosaddegh in 1953, replaced by the Shah’s dictatorship. The whole process was turbo-charged over 40 years ago when the Islamic Revolution smashed those good old Cold War days when the Shah reigned as the privileged American “gendarme of the (Persian) Gulf”.

Yet this extends far beyond geopolitics. There is absolutely no way whatsoever for anyone to be capable of grasping the complexities and popular appeal of Shi’ism without some serious academic research, complemented with visits to selected sacred sites across Southwest Asia: Najaf, Karbala, Mashhad, Qom and the Sayyida Zeinab shrine near Damascus. Personally, I have traveled this road of knowledge since the late 1990s – and I still remain just a humble student.

In the spirit of a first approach – to start an informed East-West debate on a crucial cultural issue totally sidelined in the West or drowned by tsunamis of propaganda, I initially asked three outstanding scholars for their first impressions.

They are: Prof. Mohammad Marandi, of the University of Tehran, expert on Orientalism; Arash Najaf-Zadeh, who writes under the nom de guerre Blake Archer Williams and who is an expert on Shi’a theology; and the extraordinary Princess Vittoria Alliata (photo hereunder) from Sicily, top Italian Islamologist and author, among others, of books such as the mesmerizing Harem – which details her travels across Arab lands.

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Two weeks ago, I was a guest of Princess Vittoria at Villa Valguarnera in Sicily. We were immersed in a long, engrossing geopolitical discussion – of which one of the key themes was US-Iran – only a few hours before a drone strike at Baghdad airport killed the two foremost Shi’a fighters in the real war on terror against ISIS/Daesh and al-Qaeda/al-Nusra: Iranian Maj. Gen. Qassem Soleimani and Iraqi Hashd al-Shaabi second-in-command Abu Mahdi al-Muhandis.

Martyrdom vs. cultural relativism

Prof. Marandi offers a synthetic explanation: “The American irrational hatred of Shi’ism stems from its strong sense of resisting injustice – the story of Karbala and Imam Hussein and the Shi’a stress on protecting the oppressed, defending the oppressed and standing up against the oppressor. That is something that the United States and the hegemonic Western powers simply cannot tolerate.”

Blake Archer Williams sent me a reply that has now been published as a stand-alone piece. This passage, extending on the power of the sacred, clearly underlines the abyss separating the Shi’a notion of martyrdom from Western cultural relativism:

“There is nothing more glorious for a Moslem than attaining to martyrdom while fighting in the Way of God. General Qāsem Soleymānī fought for many years for the objective of waking the Iraqi people up to the point where they would want to take the helm of the destiny of their own country in their own hands. The vote of the Iraqi parliament showed that his objective has been achieved. His body was taken away from us, but his spirit was amplified a thousand fold, and his martyrdom has ensured that shards of its blessed light will be embedded in the hearts and minds of every Moslem man, woman, and child, inoculating them all from the zombie-cancer of the Satanic Novus Ordo Seclorum cultural relativists.”

[a point of contention: Novus Ordo Seclorum, or Saeculorum, means “new order of the ages”, and derives from a famous poem by Virgil which, in the Middle Ages, was regarded by Christians as a prophecy of the coming of Christ. To this point, Williams responded that “while that etymological sense of the phrase is true and still stands, the phrase was hijacked by one George Bush The Younger as representative of the New Worldly Order globalist cabal, and it is in this sense that is currently predominant.”]

Enslaved by Wahhabism

Princess Vittoria would rather frame the debate around the unquestioning American attitude towards Wahhabism: “I do not think all this has anything to do with hating Shi’ism or ignoring it. After all the Aga Khan is super embedded in US security, a sort of Dalai Lama of the Islamic world. I believe the satanic influence is from Wahhabism, and the Saudi family, who are much more heretic than the Shi’a to all Sunnis of the world, but have been the only contact to Islam for the US rulers. The Saudis have paid for most of the murders and wars by the Islamic Brothers first, then by the other forms of Salafism, all of them invented on a Wahhabi base.”

So, for Princess Vittoria, “I would not try so much to explain Shi’ism, but to explain Wahhabism and its devastating consequences: it has given birth to all extremisms as well as to revisionism, atheism, destruction of shrines and Sufi leaders all over the Islamic world. And of course Wahhabism is so close to Zionism. There are even researchers who have come up with documents which seem to prove that the House of Saud is a Dunmeh tribe of converted Jews expelled from Medina by the Prophet after they tried to murder him despite having signed a peace treaty.”

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Princess Vittoria also emphasizes the fact that “ the Iranian revolution and Shi’a groups in the Middle East are today the only successful force of resistance to the US, and that causes them to be hated more than others. But only after all other Sunni opponents had been disposed of, killed, terrified (just think of Algeria, but there are dozens of other examples) or corrupted. This is of course not only my position, but that of most Islamologists today.”

The profane against the sacred

Knowing of Williams’ immense knowledge of Shi’a theology, and his expertise in Western philosophy, I prodded him to, literally, “go for the jugular”. And he delivered: “The question as to why American politicians are incapable of understanding Shi’a Islam (or Islam in general for that matter) is a simple one: unrestrained neoliberal capitalism engenders oligarchy, and the oligarchs “select” candidates that represent their interests before they are “elected” by the ignorant masses. Populist exceptions such as Trump occasionally slip through (or don’t, as in the case of Ross Perot, who pulled out under duress), but even Trump is then controlled by the oligarchs through threats of impeachment, etc. So the role of the politician in democracies seems not to be to try to understand anything but simply carry out the agenda of the elites who own them.”

Williams’ “go for the jugular” response is a long, complex essay that I’d like to publish in full only when our debate gets deeper – along with possible refutations. To summarize it, he outlines and discusses the two main tendencies in Western philosophy: dogmatists vs. skeptics; details how “the holy trinity of the ancient world were in fact the second wave of the dogmatists, trying to save the Greek city states and the Greek world more generally from the decadence of the Sophists”; delves into the “the third wave of skepticism”, which started with the Renaissance and peaked in the 17th century with Montaigne and Descartes; and then draws connections “to Shi’a Islam and the failure of the West to understand it.”

And that leads him to “the heart of the matter”: “A third option, and a third intellectual stream over and above the dogmatists and the skeptics, and that is the tradition of the traditional (as opposed to the philosophical) Shī’a scholars of religion.”

Now compare it with the last push of the skeptics, “as Descartes himself admits, by the ‘daemon’ which came to him in his dreams and which resulted in his writing his Discourse on the Method (1637) and Meditations on First Philosophy (1641). The West is still reeling from the blow, and it would seem has decided to put away its stilts of reason and the senses (which Kant tried in vain to reconcile, making things a thousand times worse and more convoluted and discombobulated), and just wallow in the self-congratulatory form of irrationalism known as post-modernism, which should rightly be called ultra-modernism or hyper-modernism as it is no less rooted in the Cartesian ‘Subjective Turn’ and the Kantian ‘Copernican Revolution’ than are the early moderns and the moderns proper.”

To summarize a quite complex juxtaposition, “what all this means is that the two civilizations have two utterly different views of what the world order should be. Iran believes that the order of the world should be what it has always been and actually is in reality, whether we like it or not, or whether we even believe in reality or not (as some in the West are wont not to do). And the secularized West believes in

a new worldly (as opposed to other-worldly or divine) order. And so it is not so much a clash of civilizations as it is a clash of the profane against the sacred, with profane elements in both civilizations arrayed against the sacred forces in both civilizations. It is the clash of the sacred order of justice versus the profane order of the exploitation of man at the hands of his fellow man; of the profaning of God’s justice for the (short-term or this-worldly) benefit of the rebels against God’s justice.”

Dorian Gray revisited

Williams does provide a concrete example to illustrate these abstract concepts: “The problem is that while everyone knows that the 19th and 20th century exploitation of the third world by Western powers was unjust and immoral, this same exploitation continues today. The continuation of this outrageous injustice is the ultimate basis for the differences that exist between Iran and the United States, which will ineluctably continue as long as the US insists on its exploitative practices and as long as it continues to protect its protectorate governments, who only survive against the overwhelming will of the people they rule because of the bullying presence of the US forces that are propping them up in order for them to continue to serve their interests rather than the interests of their peoples. It is a spiritual war for the establishment of justice and autonomy in the third world. The West can continue to look good in its own eyes because it controls the reality studio (of world discourse), but its real image is plain for all to see, even though the West continues to see itself as Dorian Gray did in Oscar Wilde’s only novel, as a young and handsome person whose sins were only reflected in his portrait. Thus the portrait reflects the reality which the third world sees every day, whereas the Western Dorian Gray sees himself as he is portrayed by the CNN’s and the BBC’s and the New York Times’s of the world.”

31Xv3LBYFmL.jpg“Western imperialism in Western Asia is usually symbolized by Napoleon Bonaparte’s war against the Ottomans in Egypt and Syria (1798–1801). Ever since the beginning of the 19th century, the West has been sucking on the jugular vein of the Moslem body politic like a veritable vampire whose thirst for Moslem blood is never sated and who refused to let go. Since 1979, Iran, which has always played the role of the intellectual leader of the Islamic world, has risen up to put a stop to this outrage against God’s law and will, and against all decency. So it is a process of revisioning a false and distorted vision of reality back to what reality actually is and should be: a just order. But this revisioning is hampered both by the fact that the vampires control the reality studio, and the ineptitude of Moslem intellectuals and their failure to understand even the rudiments of the history of Western thought, be this in its ancient, medieval, or modern period.”

Is there a chance to smash the reality studio? Possibly: “What needs to happen is for world consciousness to shift from the paradigm wherein people believe a maniac like Pompeo and a buffoon like Trump represent the paragon of normality, to a paradigm where people believe that Pompeo and Trump are just a couple of gangsters who go about doing whatever they please, no matter how disgusting and depraved, with almost complete and utter impunity. And that is a process of revisioning, and a process of awakening to a new and higher state of political consciousness. It is a process of rejecting the discourse of the dominant paradigm and of joining the Axis of Resistance, whose military leader was the martyr General Qāsem Soleymānī. Not least, it involves a rejection of the absurdity of the relativity of truth (and the relativity of time and space, for that matter; sorry, Einstein); and the abandonment of the absurd and nihilistic philosophy of humanism, and the awakening to the reality that there is a Creator, and that He is actually in charge. But of course, all this is too much for the oh-so-enlightened modern mentality, who knows better.”

There you go. And this is just the beginning. Input and refutations welcomed. Calling all informed souls: the debate is on.

 

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lundi, 23 décembre 2019

Le sommet musulman de Kuala Lumpur (Malaisie)

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Le sommet musulman de Kuala Lumpur (Malaisie)

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Ce sommet, du 19 au 21 décembre, a réuni des représentants, non seulement de la Malaisie mais de la Turquie, de l'Iran et du Qatar. Supposé rechercher le rassemblement mondial du monde musulman, il a surtout montré que celui-ci se divise actuellement en deux blocs.
 
Ont participé personnellement au sommet le président iranien Hassan Rohani, l'émir du Qatar cheikh Tamim, le président turc Recep Tayyip Erdogan et bien entendu le premier ministre malaisien Mahathir Mohammad, tous à des titres divers opposés à l'Arabie saoudite. L'absence de celle-ci , bien que prévisible, a été très remarquée. Il faut rappeler que les alliés de l'Arabie saoudite regroupent la plupart des autres pays pays arabes, du Maghreb au Golfe Persique. La plupart d'entre eux, bien qu'invités n'étaient pas présents à Kuala Lumpur

L'Organisation de la Coopération Islamique (OCI), basée dans le port saoudien de Djeddah et généralement considérée comme la voix du monde islamique, a vivement critiqué la tenue de ce sommet. Elle a surtout exprimé en l'espèce la voix de l'Arabie saoudite. Le sommet de Kuala Lumpur a en effet été, que ce soit dans le monde arabe ou dans les pays occidentaux, considéré comme anti-saoudien.

Dans son discours d'ouverture, le premier ministre malaisien Mahathir Mohammad a annoncé que le sommet visait à comprendre pourquoi l'islam et les pays musulmans étaient «en crise, sans espoir et indigne de cette grande religion». Mais d'emblée il est apparu que les pays musulmans resteraient divisés entre ceux de plus en plus proches de la Russie, à commencer par la Turquie et l'Iran, et ceux qui comme l'Arabie saoudite, restent malgré quelques dissensions de bons allées des Etats-Unis.

Cette division marque aussi l'incapacité de l'islam sunnite de s'entendre avec l'islam chiite, non seulement sur le plan religieux, mais dans de domaine géopolitique. La encore, on retrouve le poids de l'Arabie saoudite dont l'influence dans le monde tient à l'importance de ses réserves en pétrole et en gaz, au contraire des autres pays musulmans, à l'exception de l'Iran. Mais l'Iran, soumise aux sanctions américaines, peine à exporter son pétrole dans les pays arabes qui en auraient le plus grand besoin.

Le premier ministre iranien Hassan Rohani a dénoncé «la domination du dollar américain et du système financier américain». Le premier ministre turc Erdogan a confirmé qu'au lieu de commercer avec des devises étrangères, les pays arabes souhaiteraient commercer commercer avec des devises nationales. Ni l'un ni l'autre ne l'ont dit explicitement, mais cela signifierait pour eux s'affranchir de la domination américaine. Ce que l'Arabie saoudite est encore incapable de faire. 

Note

Pour plus de détails, voir un article de Hasan Alhasan dans Asia Times
https://www.asiatimes.com/2019/12/opinion/kuala-lumpur-summit-points-to-split-in-muslim-world/

Voir également MK Bhadrakumar
https://www.asiatimes.com/2019/12/article/kl-summit-shaken-by-imrans-absence-saudi-ire/

 

 

jeudi, 04 avril 2019

Universalisme islamique et droit-de-l’hommiste, même combat ?

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Universalisme islamique et droit-de-l’hommiste, même combat ?

Par Laurence Maugest, essayiste

La Charia pour l’Islam et l’ordre mondial pour les Droits de l’Homme. Existe-t-il des points de convergence ? Pour Laurence Maugest, contributrice régulière pour Polémia, c’est indubitable.

L’idéologie des Droits de l’Homme a en commun avec l’Islam de se vouer à la création d’un homme « sur-mesure », « construit », corseté dans des règles.

La religion musulmane est une doctrine qui s’immisce dans la vie privée des pratiquants, dans ses moindres recoins, lavage de mains, nourriture,  relations sexuelles…Tout est indiqué dans un calendrier que le bon musulman doit suivre à la lettre.

Curieusement, nous sommes dans l’obligation de noter que l’idéologie des Droits de l’Homme, notamment par les principes de précaution qu’elle sécrète, suit le même chemin.En effet, cette “religion” laïque devient de plus en plus invasive dans nos univers et s’évertue, de jour en jour, à réglementer davantage notre vie intime. Tel l’Islam, les Droits de l’Homme entrent dans nos foyers : des fessées aux enfants, maintenant interdites,au contenu de nos frigidaires, nous obligeant par exemple, à privilégier les légumes et à proscrire de plus en plus la viande.

Ces « avancées » se font toujours sous les coups de butoir de la culpabilité et nous mènent systématiquement à un résultat identique : notre déresponsabilisation « d’être libre ».

Le point de convergence, presque troublant, entre l’intrusion de l’Islam et celle des Droits de l’homme trouve son acmé dans ce qu’il y a de plus intime dans la vie des individus et de plus fondateur dans une société : la relation entre les hommes et les femmes.

Des chemins différents, voire opposés, aboutissent à un résultat identique

La mise à mal de la relation hommes – femmes :

  • Dans le monde masculin musulman, la femme doit se résoudre à « ne pas être », à « se dissoudre », à se dissimuler sous un voile, en dehors du regard de son père, de ses frères et de son mari.
  • L’homme occidental, lui est maintenu par l’épée des Droits de la Femme dans les reins, etne doit plus exprimer son désir.Il sera perçu, de plus en plus souvent, comme un prédateur, à surveiller de près et à maintenir à distance.

Faut-il rappeler qu’aux Etats Unis, les hommes rechignent parfois à monter dans un ascenseur seul avec une femme de peur de se retrouver devant le Juge et de payer un avocat?

Faut-il rappeler que, depuis que les européens rejettent leur histoire qui les a construits, leur avenir est lisible dans le présent des Etats Unis ? Ce qui, évidemment, n’est pas pour nous réjouir sous réserve que l’on ne soit pas avocat.

Trois autres points communs :

  • L’hyper sexualisation des relations hommes – femmes qui se révèle dans une forme d’obsession pathologique qui gomme, au passage, toutes possibilités de rencontresautreset de sympathie en dehors du sexe. Ce qui, avouons-le, est particulièrement réducteur en ce qui concerne la richesse des échanges entre les êtres en général.Ceci relève d’une limitation au corps et réduit à l’animalité notre gent humaine pourvue, pourtant, d’un cortex cérébral qui a fait ses preuves.
  • L’apartheid sexuel qui n’est pas sans rappeler la prophétie d’Alfred de Vigny (*) :

« Bientôt, se retirant dans un hideux royaume,
La Femme aura Gomorrhe et l’Homme aura Sodome,
Et, se jetant, de loin, un regard irrité,
Les deux sexes mourront chacun de son côté. »

  • La judiciarisation progressive des relations entre les hommes et les femmes

Ce dernier point commun entre l’Islam et les Droits de l’Homme « la judiciarisation exponentielle» concerne l’ensemble de la société. En effet, la mode actuelle privilégie, après la délation dans les hashtags en tous genres, les plaintes et les appels à la justice au moindre « dérapage ».  Rappelons-nous avec Rémi Brague que si  « le christianisme est la religion de l’absolu (Hegel),…l’Islam est un système politique  et juridique ». (*)

En cela nous pouvons conclure que l’Islam s’apparente davantage au Droits de l’Homme qu’au christianisme.

Dis-moi ce que tu veux, je te dirai qui tu es

Le christianisme porte en lui une visée universelle certes, mais qui concerne l’au-delà : « Mon royaume n’est pas de ce monde ».

Ce qui est loin d’être le cas de l’Islam et de son point d’orgue : la Charia qui vise à l’élargissement de la « oumma » (« Communauté mondiale des croyants »).

Les « droits-de-l’hommistes », eux, déploient une énergie considérable à détruire les frontières. Ceci, sous le prétexte que seul « un ordre mondial » assurera l’équilibre politique,  la santé écologique de la planète, la démographie et la sécurité de la population, notamment des femmes.

L’Islam et les Droits de l’Homme poursuivent donc un but similaire, l’universalisme sur Terre pour l’Islam, le cosmopolitisme mondial en ce qui concerne les Droits de l’Homme.

Un problème de taille

Le Monde est vaste et demeure, pour notre bonheur, pétris de diversités et de cultures variées.

Olivier Rey montre que tout ce qui est grand ou plus précisément grandit trop est source d’accidents. Ces aléas concernent le domaine biologique et aussi le champ géopolitique. (**)

Pensons à la superficie de la Russie qui impose à ce pays, depuis des siècles, un régime fort pour éviter le chaos susceptible de naître dans la confrontation des peuples si différents qui la composent.

Si les musulmans peuvent espérer que leurs règles de vie contrôlent la communauté des croyants, les mondialistes, eux, n’ont pas de Coran ou de petit livre rouge pour jouer le rôle de partition sévère et raide  dans un monde disparate qu’ils rêvent d’unifier.

C’est pourquoi, les Droits de l’Homme trouvent ici leur place naturelle et leur rôle de « régulateur des soucis de taille et de disparité ». Ainsi, plus l’empire mondialiste s’étendra, plus les commandements des Droits de l’Homme deviendront rigides, toujours plus répressifs, toujours plus liberticides.

Cela signifie, en définitive, que le démantèlement des frontières, nationales, culturelles, individuelles (en ce qui relève de la singularité des êtres qui est de moins en moins respectée au profit de leur nivellement), nous amène, peu ou prou, à un système politique tyrannique, seul, capable de faire obéir tout ce monde-là !

Nous sommes en train de perdre notre « responsabilité » d’être humain et la grande liberté qui s’y attache. Ce « Libre arbitre » qui nous fut offert par notre histoire gréco-latine et chrétienne sensible au développement personnel qui ne peut s’épanouir que dans une culture enracinée dans l’espace et le temps.

Il y a une membrane fondamentale que les règles islamiques comme les doctrines tyranniques des Droits de l’Homme ne détruisent pas mais, obstruent, bien au contraire,  pour notre malheur, il s’agit de notre relation au monde. Cette membrane osmotique qui, depuis la nuit des temps, ouvre l’homme comme sujet identifié, responsable, curieux et questionnant à l’univers qui l’entoure et aux mystères de la vie. Cet homme debout ne pourra plus être dans un système qui épingle « hors la loi » toutes singularités, judiciarise à tour de bras et surtout, est convaincu de son savoir ce qui inhibe, inévitablement, tout questionnement.

Laurence Maugest
5/12/2018

(*)  Libérons-nous du féminisme !, Bérénice Levet, https://www.youtube.com/watch?v=PJ6GUtAoqDM

(**) Une question de taille, Olivier Rey, https://miscellanees01.wordpress.com/2015/07/27/olivier-r... (Vidéo)

Source : Correspondance Polémia

samedi, 26 janvier 2019

Le djihad violent comme résultat du djihad civilisationnel

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Le djihad violent comme résultat du djihad civilisationnel

Mohamed Mokhtar Qandiel

Les mouvements islamiques modérés aussi bien qu’extrémistes pratiquent le djihad en accord avec leur vision et en accord avec les lois de la politique. En conséquence, chaque action doit provoquer une réaction. Les réactions viennent en résultat de ces pratiques. Nous pouvons dire qu’affronter le djihad violent est la partie la plus facile pour les polices des gouvernements et les autres parties concernées. Mais continuer de se concentrer sur le djihad violent impose un questionnement sur la relation entre le djihad civilisationnel et le djihad violent. Cela nous oblige à nous demander ce qu’il vaut mieux combattre en premier ? Ou faut-il combattre les deux à la fois en les plaçant sur le même plan ?

Le djihad civilisationnel comme infrastructure de l’Etat islamique

Mohammad Akram (un dirigeant palestinien, qui est probablement aussi « Mohammad Akram Adlouni », un membre du Conseil de la Choura des Frères Musulmans [Muslim Brotherhood] et l’un des plus importants dirigeants en Amérique) a publié un document intitulé  « Mémorandum explicatif sur le but stratégique général du Groupe Islamique en Amérique du Nord » le 22 mai 1991. Il était attaché à un plan de montée en puissance à long terme qui fut lancé par le Conseil de la Choura des Frères Musulmans en 1987.

Ce mémorandum commençait par poser la question suivante : « Comment aimeriez-vous voir le Mouvement Islamique en Amérique du Nord dans dix ans ? ». Les buts généraux sont :

  • Etablir un Mouvement Islamique effectif et stable dirigé par les Frères Musulmans.
  • Adopter les causes des musulmans sur le plan intérieur [= dans une nation particulière] et au niveau mondial.
  • Elargir la base musulmane pratiquante.
  • Unifier et diriger les efforts des musulmans.
  • Présenter l’Islam comme une civilisation alternative [à l’Occident].
  • Soutenir l’établissement de l’Etat Islamique mondial partout où il [l’islam] est présent.

Ce mémorandum est l’un des documents importants qui prouvent le concept de « djihad civilisationnel » ; il pourrait même être la source de ce concept. En fait, l’idée de Mohammed Akram n’est pas seulement de développer [l’islam] en Amérique ; c’est aussi l’idée de répandre ce genre de djihad dans diverses régions en établissant des branches des Frères Musulmans dans divers pays, en établissant des organisations islamiques sans avoir de contrôle effectif sur leurs activités, en établissant des mosquées dirigées par des wahhabites, en établissant et en développant des sites [= des centres] islamiques « défendant des mesures ou des vues extrêmes » qui travaillent à bâtir un caractère islamique visant à établir un Etat islamique en accord avec les idées du mouvement islamique, ou en développant des organisations caritatives qui appartiennent à des organisations islamiques extrémistes cachées.

D’une manière générale, le djihad pourrait être défini comme « chercher à établir un Etat islamique en travaillant à bâtir une communauté militante islamique, en intensifiant la défense, l’établissement et la montée en puissance du Mouvement Islamique dans les communautés où l’Etat islamique sera lancé ; il renoncera à la violence dans ses premières étapes ».

Le djihad violent comme résultat du djihad civilisationnel :

Le djihad violent est la phase finale du djihad, d’après la perspective islamique ; il est représenté comme un combat pour établir l’Etat islamique, proclamer la parole de Dieu et agir en accord avec Sa loi et ses clauses en accord avec le verset : « Et ceux qui ne jugent pas selon ce que Allah a révélé, ce sont eux qui sont les mécréants ».

La continuation du djihad violent en dépit des affrontements en cours par les organisations djihadistes dans le monde entier a plusieurs interprétations ; l’une des plus importantes interprétations est de viser à la création d’une zone où l’établissement et le développement du djihad civilisationnel peut être accompli. Ce second genre de djihad travaille à semer les germes de l’extrémisme chez ses adeptes ; l’irrigation de ces semences se fait par l’intervention de groupes djihadistes pour trouver des recrues afin que l’idéologie extrémiste se développe et que l’individu se tourne directement vers le djihad violent.

Traits généraux des deux genres de djihad :

Les deux genres ont des traits et des avantages particuliers ; d’une part, on pourrait dire du djihad violent qu’il est une confrontation directe avec les gouvernements et les communautés qui refusent le règne de la loi islamique et l’établissement d’un Etat islamique gouvernant selon la divine Charia, en décrivant l’islam comme le Sauveur de l’humanité, ainsi il sauve l’humanité de la Jahiliyyah, l’ignorance de la guidance divine, sans établir de base militante servant ces buts.

D’autre part, le djihad civilisationnel est plus rationnel, plus intelligent et plus précis pour développer des stratégies ; il sert d’infrastructure et de pierre angulaire pour la construction d’un Etat islamique basé sur l’application de la loi et recourant à l’islam tel qu’il est contre l’« ignorance » prévalant dans les communautés, en accord avec la perspective des penseurs de ces groupes et en bâtissant et en développant une base militante qui aura des valeurs et des idées pour établir un Etat islamique.

Si nous voulons apporter un éclairage sur les modèles de djihads violent et civilisationnel, nous pouvons voir un modèle vivant dans l’« Organisation de l’Etat Islamique en Irak et au Levant ». C’est un grand modèle pour le premier genre, le djihad violent. Quant au second genre, le djihad civilisationnel, le modèle le plus évident et le plus efficace est l’organisation internationale des Frères Musulmans et ses diverses branches et établissements dans le monde entier. Il y a aussi beaucoup d’autres organisations qui adoptent les deux modèles. Nous pouvons dire que l’« organisation al-Qaïda », durant les différentes étapes de son histoire, a combiné ces deux modèles, le djihad violent et le djihad civilisationnel.

Quel est le plus dangereux ?

La dangerosité du djihad violent ne peut pas être comparée à la dangerosité du djihad civilisationnel, en dépit des résultats spectaculaires et des victimes du djihad violent ; on pourrait dire que le djihad civilisationnel est le plus dangereux, mais aussi qu’il est le fondement du djihad violent puisqu’il est considéré comme une phase préparatoire d’un djihad violent victorieux.

Il est très dangereux parce que les adeptes du djihad civilisationnel œuvrent depuis le début à instiller l’idée de la nécessité d’appliquer la loi islamique et les clauses de l’islam ; ces clauses sont recouvertes d’un discours tolérant où les musulmans se présentent comme opprimés et persécutés, et devraient recevoir leurs droits dans le cadre du respect des droits humains et des conventions internationales ; ils utilisent d’autres mécanismes qui permettent de bâtir une communauté en se basant sur les attitudes du groupe islamique. Ils pourraient être transformés en une armée d’extrémistes ; nous ne voulons pas dire par là tous les autres groupes islamiques dans divers pays, mais nous voulons dire ces groupes qui adoptent des attitudes et des pensées extrémistes.

D’autre part, les chiffres montrent que les adeptes des groupes du djihad civilisationnel doublent le nombre de ceux qui appartiennent aux groupes djihadistes qui adoptent le djihad violent. Le nombre des adeptes des Frères Musulmans dans le monde entier est de cent millions d’individus d’après les statistiques de 2013, mais le nombre de ceux qui appartiennent à Daech est de 200.000 combattants, la plus grande organisation représentant le djihad violent.

Comment affronter les deux genres de djihad ?

Affronter le djihad violent est beaucoup plus facile qu’affronter le djihad civilisationnel, car ce dernier pousse les pays [non-musulmans] à tomber sous l’accusation de violation des droits humains et de persécution des musulmans, donc il fait apparaître l’Etat concerné comme violant les droits humains et comme étant hostile à l’islam et aux musulmans, ce qui accroît la probabilité d’exposition de cet Etat à des attaques venant des partisans et des sponsors du « djihad violent ».

Pour éviter la diffusion du djihad civilisationnel, les Etats concernés devraient travailler à combattre le djihad violent en participant aux opérations armées qui ciblent les bastions du djihad violent, à condition de ne pas toucher aux civils vivant dans ces lieux, tout en renforçant la surveillance pour restreindre les activités des partisans du djihad civilisationnel en amendant les lois qui gouvernent leur existence et leur travail comme les lois de naturalisation par la naissance et les matériels des sermons prononcés dans les mosquées et  servant à la formation des extrémistes, ou les lois des ONG affiliées à celles-ci [= les mosquées extrémistes] et contrôlées par celles-ci. Les pays qui courent le risque de subir le djihad violent devraient s’en remettre à des Centres de Loi Islamique [Da’wah] qui feraient connaître le [véritable] concept de loi islamique et la [bonne] manière de l’appliquer et la validité des conditions de l’époque actuelle imposées par la réalité.

Finalement, on pourrait dire que les deux sortes de djihad, le djihad violent et le djihad civilisationnel, sont basés sur l’idée d’imposer la loi islamique aux Etats [non-musulmans] et de débarrasser ces pays des vestiges de l’« ignorance » [Jahiliyyah], d’après cette vision. Ainsi, la différence est que le djihad violent cherche à subjuguer les nations par la force militaire, et que le djihad civilisationnel cherche à subjuguer les pays en développant des communautés militantes qui sont bâties sur une mauvaise compréhension de l’islam et qui souffrent d’un conflit interne, d’un état d’aliénation et d’une perte d’identité.

samedi, 06 octobre 2018

L’ambition d’Erdogan pour le Califat et l’échec de la démocratie turque

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L’ambition d’Erdogan pour le Califat et l’échec de la démocratie turque

Par Aydogan Vatandas

Source : Aydogan Vatandas, Consortium News

Le président turc Recep Tayyip Erdogan semble avoir gagné un autre mandat de cinq ans lors des élections dimanche dernier. Quel impact sur le futur de la démocratie turque, se demande Aydogan Vatandas.

Lorsque le Parti de la justice et du développement (AKP) a pris le pouvoir en 2002, de nombreux intellectuels en Turquie et à l’étranger étaient convaincus que l’engagement du parti en faveur de la démocratisation était prometteur. Le premier mandat de la règle du Parti AKP qui est considéré comme un âge d’or, s’est globalement étendu de 2002 à 2007. Cette ère a été caractérisée par une croissance économique forte et ouverte, associée à d’importantes réformes démocratiques, allant d’une réorganisation radicale des relations civilo-militaires à la reconnaissance des droits des minorités, y compris les droits linguistiques et culturels des citoyens kurdes.

Ces bonnes performances initiales ont créé un certain niveau de confiance dans la gouvernance du Parti AKP parmi les intellectuels turcs, y compris le Mouvement Gülen, selon lesquels le Parti AKP éliminerait à terme tous les aspects antidémocratiques du système gouvernemental turc. Entre 2009 et 2011, le gouvernement du Parti AKP a réussi à créer un cadre juridique qui exclut la participation militaire turque à la vie politique, ce qui empêcherait les interventions militaires dont la Turquie a souffert dans le passé. Le résultat final, cependant, n’a pas été une démocratie consolidée comme prévu, mais une autocratie hautement personnalisée incarnée dans la figure de Recep Tayyip Erdogan.

Ce qui a mal tourné avec le Parti AKP et sa direction pendant la démocratisation de la Turquie reste une question importante. La performance du parti entre 2002 et 2007 n’était-elle que de la poudre aux yeux, Erdogan et son cercle étroit et oligarchique attendant un moment opportun pour appliquer leur programme secret et réel ? N’ont-ils jamais été démocratiques ? Ou bien Erdogan était-il obsédé par l’idée qu’il avait une mission messianique comme être le “calife” du monde musulman ?

ata.jpgRésilience des institutions kémaliste

On avance que l’échec du Parti AKP à développer une démocratie consolidée est profondément enraciné dans la tutelle traditionnelle des institutions kémalistes laïques (se perpétuant depuis Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne) sur le système politique turc. En conséquence, indépendamment de leur volonté ou non de démocratiser davantage le pays, la direction du Parti AKP a été contrecarrée par la résistance des institutions kémalistes au changement.

Un partisan de cette théorie est Ihsan Dagi, un libéral qui a soutenu les réformes menées par le Parti AKP dans son âge d’or. Dagi note que beaucoup de gens s’attendaient à la défaite de l’establishment de l’État kémaliste par une large coalition de libéraux, démocrates et conservateurs sous la direction politique du Parti AKP, ce qui mènerait à la création d’un régime démocratique avec une constitution libérale. Mais aujourd’hui, il observe que « le kémalisme est mort, mais son esprit d’état centralisé, jacobin et antilibéral a été réincarné dans l’AKP ».

État fort, société faible

On soutient que la Turquie a suivi la voie de la modernisation laïque en donnant la priorité à la création d’une nation forte et homogénéisée dirigée par l’élite politique au pouvoir.

Cet argument soutient que le système turc de gouvernance a été formulé dans le cadre d’un État fort et d’une société faible, ce qui constitue un obstacle majeur à la création d’une démocratie consolidée. Les gouverneurs et les gouvernés avaient une relation unidimensionnelle qui oppressait les gouvernés. En raison de cette situation historique, la société turque n’a jamais été en mesure d’établir une sphère autonome libre de tout contrôle étatique.

Comme la modernisation laïque affirmée n’a jamais donné la priorité à un renforcement des droits civils ou de la société civile, le système politique turc est toujours resté antilibéral et antidémocratique, même après l’avènement d’un système multipartite en 1946, toujours selon cette argumentation.

La duplicité d’Erdogan

Beaucoup d’universitaires ont suggéré que ce que la Turquie reçoit du pouvoir du Parti AKP est exactement ce à quoi elle aurait dû s’attendre. Par conséquent, c’était une erreur fondamentale de s’attendre à ce que le Parti AKP promeuve la démocratie turque.

Behlül Özkan, politologue à l’Université de Marmara, affirme que le Parti AKP est un parti d’extrême droite selon la littérature politique. Il dit :

« Supposer que l’AKP ferait avancer la Turquie était comme penser que Le Pen en France ferait avancer la démocratie. Lorsqu’il est placé dans le spectre droite-gauche, l’AKP croit qu’il a une mission sacrée et qu’il restera au pouvoir pour toujours. Aucune de ces notions n’est compatible avec la démocratie. Cet extrémisme se manifesterait à travers le racisme en Europe, alors qu’il deviendrait sectarisme en Turquie en ne considérant pas les autres partis comme des représentants de la nation. L’AKP est un modèle non pas pour le Moyen-Orient mais pour l’extrême droite en Europe sur la façon d’instrumentaliser la démocratie. »

La principale raison pour laquelle les intellectuels libéraux n’ont pas vu les véritables ambitions d’Erdogan était la conviction même que l’élimination de la tutelle militaire et d’autres institutions laïques telles que le pouvoir judiciaire serait suffisante pour instaurer une démocratie. Ce n’était pas le cas. Il est vrai que ces institutions n’ont pas réussi à créer une démocratie fonctionnelle dans le passé, mais il était erroné de croire que l’affaiblissement de ces institutions conduirait à l’émergence d’une démocratie.

Il faut souligner que ce ne sont pas seulement les libéraux et les démocrates religieux turcs qui ont été victimes de la duplicité d’Erdogan. Même certaines organisations internationales de premier plan n’ont pas su prévoir l’avenir de la démocratie turque.

Par exemple, Angel Rabasa et F. Stephen Larrabee ont produit pour Rand Corporation en 2008 quatre scénarios possibles. Dans l’ordre, du plus probable au moins probable, ils l’étaient : 1) L’AKP poursuit une voie modérée, orientée vers l’UE ; 2) l’AKP poursuit un programme islamiste plus agressif ; 3) la fermeture judiciaire de l’AKP ; et 4) l’intervention militaire.

Pour les auteurs, une régression de la démocratie turque n’était pas probable, même dans le deuxième scénario, dans lequel « le gouvernement réélu de l’AKP poursuit un programme islamiste plus agressif. Avec le contrôle total des pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement, l’AKP est en mesure de nommer des administrateurs, des juges et des recteurs d’université et même d’influencer les décisions en matière de personnel militaire ».

De nouveaux pouvoirs

Les auteurs concluent que ce scénario est moins probable parce qu’il conduirait à une plus grande polarisation politique et provoquerait probablement une intervention militaire. La plupart des Turcs soutiennent un État laïque et s’opposent à un État fondé sur la charia. En outre, l’adhésion à l’UE est un élément clé de la politique étrangère de l’AKP.

Le politologue Andrew Arato suggère que les intellectuels libéraux n’ont pas compris la logique des actions d’Erdogan, en raison de leur propre conflit avec la tutelle militaire. Ils considéraient la Cour constitutionnelle comme un simple instrument de cette tutelle, bien que la Cour ait eu ses batailles avec les structures bureaucratiques militaires dès les années 1970. La Cour a pris plusieurs décisions en faveur des positions du parti AKP (par exemple, en 2007, la décision de quorum a été rapidement contrebalancée par une décision autorisant un référendum sur la présidence) et a refusé de dissoudre le parti en 2008, certes lors d’un vote très serré. Ils ne comprenaient pas que dans le système turc, surtout avec l’existence d’un parti hégémonique, les tribunaux et le pouvoir judiciaire étaient des contrepoids importants.

Dans une thèse de doctorat à la U.S. Naval Postgraduate School, Clifford Anderson a souligné que l’objectif principal d’Erdogan était d’établir un pouvoir exécutif au-dessus du pouvoir judiciaire, ce qui violerait la séparation des pouvoirs. Il a en outre précisé que le Parti AKP avait assujetti l’État sans être contrôlé par d’autres partis ou branches du gouvernement. Il a ajouté que les décrets exécutifs et la législation indiquent les penchants autoritaires de ce régime, qui ont empêché tout progrès vers l’adhésion à l’UE, malgré les efforts initiaux du parti pour le contraire.

Selon Arato, alors que les dirigeants du Parti AKP, ainsi que de nombreux intellectuels libéraux, continuaient de considérer la Cour constitutionnelle comme un ennemi, le référendum de 2010 représentait une tentative de conquérir une branche du système de séparation des pouvoirs, à savoir le pouvoir judiciaire. Arato soutient que certaines des dispositions les plus attrayantes du programme ont servi de vitrine à un projet monolithique qui visait en fait à créer un type d’hyper-présidentialisme. Il a cherché à éliminer tous les obstacles à ce nouveau système, en particulier le pouvoir judiciaire qui avait établi sa compétence en matière d’amendements constitutionnels.

En fin de compte, Erdogan a remporté un référendum en 2017 qui lui a donné des pouvoirs présidentiels d’une grande portée, qu’il exercera maintenant après l’élection de dimanche. La présidence turque était auparavant une position symbolique, bien qu’Erdogan l’ait utilisée inconstitutionnellement pour exercer un pouvoir réel.

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Le charisme dangereux d’Erdogan

En plus de tous les obstacles systémiques à une démocratie consolidée en Turquie, je suggèrerai fortement que les traits de caractère et le style de leadership d’Erdogan ont également joué un rôle crucial dans la transformation du système politique en Turquie. Aylin Görener et Meltem Ucal, utilisant l’analyse des traits de leadership conçue par Margaret Hermann comme outil de recherche, ont examiné la rhétorique d’Erdogan pour analyser son style de leadership. Leurs recherches ont conclu que les convictions d’Erdogan « sont si profondément ancrées et ses priorités si bien établies, qu’il a tendance à ne voir que ce qu’il veut voir, [ce qui] le rend incapable de déchiffrer les nuances de la diplomatie et de naviguer avec succès dans les eaux difficiles des affaires internationales ».

L’étude révèle également que « sa tendance à la dichotomie le prédispose à considérer la politique comme une lutte entre le bien et le mal, le juste et l’injuste, les méchants et les victimes ». L’étude souligne que le modèle de scores d’Erdogan indique qu’il a une orientation « évangélisatrice » en politique, ce qui est le style de leadership résultant d’une combinaison de la tendance à contester les contraintes de l’environnement, de la fermeture à l’information et d’une focalisation sur les relations.

Les universitaires turcs Irfan Arik et Cevit Yavuz affirment qu’Erdogan a les qualités d’un leader charismatique. Cependant, ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour la démocratie turque. Les données historiques montrent que les tendances autoritaires couplées à une personnalité charismatique laissent le plus souvent la place à la dictature. Lewis, par exemple, montre comment les leaders charismatiques exacerbent souvent les frustrations et les préjugés de leurs adeptes par l’utilisation d’une « agression polarisée ».

Les universitaires António Costa Pinto, Roger Eatwell et Stein Ugelvik Larsen affirment que tous les dictateurs fascistes doivent posséder des capacités individuelles qui les rendent « extraordinaires » : « Ils ont besoin de disciples pour “comprendre” ou “apprécier” et relier leurs qualités et il doit y avoir une situation ou un événement qui exige ces capacités inhabituelles, ou qui pourrait “appeler” à la reconstruction du régime de manière à permettre l’application de nouvelles solutions aux problèmes ».

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La cible de 2023 et le califat

Dans plusieurs articles et discours d’Erdogan et de l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu, les deux dirigeants semblent convaincus que les initiatives de l’AKP feraient de la Turquie un acteur mondial d’ici 2023, année du centième anniversaire de la création de la République turque. Après avoir considéré l’opposition de l’AKP aux symboles fondateurs de la République, l’objectif et la vision de 2023 est lié à la re-création de la nouvelle identité de l’État et de la nation.

Puisque le processus de construction de l’État se réfère au développement d’une entité politique avec des dirigeants, des institutions et des citoyens, la vision de l’AKP pour 2023 est un indicateur important pour voir comment une « projection imaginée du futur » est utilisée pour mobiliser la nation et recréer la Grande Turquie qui a perdu sa grandeur il y a cent ans. Il ne faut pas considérer cela seulement comme un voyage vers un avenir imaginaire, mais aussi comme un voyage dans le passé où l’identité collective turque grandiose s’est perdue. En examinant cette vision, il est tout à fait clair que son intention est de reconstruire une Grande Turquie, tout en ne promettant rien sur une société forte, les droits civils ou une démocratie consolidée.

La relation leader-disciple n’est pas une relation à sens unique et les deux agents se définissent l’un l’autre. En d’autres termes, les leaders ne peuvent pas opérer sans adeptes. Quant aux disciples d’Erdogan, il est évident que beaucoup d’entre eux le voient comme un « calife ».

Selon la politologue Maria Hsia Chang, le narcissisme pernicieux commence par un traumatisme collectif, comme une défaite nationale, une crise économique ou l’assujettissement par un autre groupe, souvent plus puissant. Cette défaite conduit la nation à s’interroger sur elle-même et sur son histoire, « ce qui se traduit par un sentiment omniprésent d’insécurité et une identité collective hésitante et faible ».

Chang soutient que le nationalisme narcissique « fonctionne comme un “saut dans le fantasme collectif” qui permet aux individus menacés ou anxieux d’éviter le fardeau de penser par eux-mêmes ». Par exemple, les résultats humiliants du Traité de Sèvres, l’abolition du califat et l’effondrement de l’Empire ottoman ont laissé une nation turque brisée et blessée dans leur sillage. Cette histoire douloureuse a été rappelée et utilisée par les dirigeants de l’AKP comme élément rhétorique et comme outil de compensation au cours de la dernière décennie.

Par exemple, l’écrivain turc Abdurahman Dilipak, qui est proche d’Erdogan, a déclaré que le califat reviendra avec la réélection victorieuse d’Erdogan en 2018. Lors de sa participation à une conférence en 2017 au Canada, Dilipak a déclaré que « si Erdogan gagne la présidence l’année prochaine, il deviendra le calife et que le calife [islamique] aura des commissaires travaillant dans les salles du palais présidentiel qui compte 1 000 chambres ».

Il a ajouté que le califat s’est déplacé au parlement turc, soulignant qu’après sa réélection, Erdogan nommera des conseillers de toutes les régions musulmanes du califat de divers pays islamiques. Celles-ci demanderont à l’Union Islamique d’avoir des représentants des régions du califat dans les mille chambres.

Et ce n’est pas seulement Dilipak ; Suat Onal, membre du Conseil de gouvernement du Parti de la justice et du développement, a déjà mentionné sur son compte Facebook que « Erdogan deviendra le calife en 2023 et Allah lui jettera sa lumière sur lui ».

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« L’ombre de Dieu »

De même, en 2013, Atilgan Bayar, ancien conseiller de la chaîne d’information pro gouvernementale A Haber, a écrit qu’il reconnaissait Erdogan comme le calife du monde musulman et lui a exprimé son allégeance. Dans l’un de ses tweets récents, Beyhan Demirci, écrivain et adepte d’Erdogan, a également écrit qu’Erdogan est le calife et l’ombre de Dieu sur Terre. Certains de ses disciples sont même allés plus loin et ont dit des choses comme : « Puisque Erdogan est le calife, il a le droit d’utiliser l’argent gagné par la corruption pour ses objectifs politiques ».

Dans sa thèse intitulée Loss of the caliphate : The trauma and aftermath of 1258 and 1924 [Perte du califat : Le traumatisme et les séquelles des années 1258 et 1924, NdT] , la professeure assistante Mona F. Hassan de l’Université Duke note que de nombreux dirigeants musulmans ont aspiré à accroître leur prestige avec le titre suprême de calife. Comme je l’ai déjà écrit dans mon livre Hungry For Power [assoiffé de pouvoir, NdT],

« Outre les revendications du calife ottoman destitué, Abdülmecid et les ambitions apparentes de Sharif Husayn de La Mecque, les noms du roi Fu’ad d’Egypte, Amir Amanullah Khan d’Afghanistan, Imam Yahya du Yémen, le sultan ibn Sa’ud de Najd, le sultan Yusuf bin Hasan du Maroc, le Nizam d’Hyderabad, le Cheikh Ahmad al-Sanusi de Libye, l’émir Muhammad bin Abd al-Karim al-Khattabi du Rif marocain, et même celui de Mustafa Kemal ont tous été évoqués comme ayant des ambitions pour la position de calife. »

Il convient également de mentionner qu’Erdogan a déclaré en février 2018 que « la République de Turquie est une continuation de l’Empire ottoman ». Il a poursuivi en déclarant que « la République de Turquie, tout comme nos États précédents qui sont une continuation les uns des autres, est aussi une continuation des Ottomans ». Erdogan explique que « Bien sûr, les frontières ont changé. Les formes de gouvernement ont changé… Mais l’essence est la même, l’âme est la même, même beaucoup d’institutions sont les mêmes. »

Kadir Misiroglu, qui travaille avec Erdogan depuis les années 1980, reste résolument anti-laïque. Il a affirmé que les incursions de la Turquie en Syrie et en Irak permettront à Erdogan de ressusciter l’Empire ottoman et de se déclarer calife.

L’obsession du califat ne se limite pas aux islamistes politiques. Par exemple, le nombre de recrues de l’EI a énormément augmenté après que son chef Abu Bakr al-Baghdadi s’est proclamé calife. « Indépendamment de l’idéologie, des individus du monde entier qui se sentaient réprimés par leurs propres gouvernements, dont la plupart n’étaient pas en mesure de garantir leur sécurité personnelle ou une infrastructure durable, se sont précipités pour rejoindre son armée. L’essentiel est que le concept de califat n’est pas difficile à vendre, que ce soit dans un État autoritaire, dans les pays musulmans sous-développés ou dans les pays développés où les musulmans sont le plus souvent stigmatisés », selon un article de Cynthia Lardner de juin 2017, Erdogan : Self-Proclaimed Caliphate ? [Erdogan : Caliphat autoproclamé ?, NdT]

Un califat est un État dirigé par un intendant islamique connu sous le nom de calife – une personne considérée comme le successeur du prophète de l’Islam, Mahomet (Muhammad bin Abdullah), le prophète de toute la communauté musulmane. Le mot calife désigne en fait le dirigeant de la communauté mondiale des musulmans, ou oumma. Au cours des siècles qui suivirent la mort du prophète Mahomet en 632 de notre ère, les dirigeants du monde musulman furent appelés califes, ce qui signifie « successeur » en arabe. En 1924, Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la nouvelle République turque, abolit le califat.

Le calife a longtemps été considéré par de nombreux musulmans comme le représentant légitime de Dieu sur terre, héritier d’une chaîne de succession ininterrompue remontant jusqu’au prophète Mahomet.

Le professeur Zeki Saritoprak souligne que l’EI et certains islamistes politiques utilisent largement les thèmes eschatologiques et le « califat » dans leur idéologie, en particulier certains récits que l’on trouve dans les hadiths, le recueil de récits de paroles et d’enseignements du Prophète :

« Il n’est dit nulle part dans le Coran ou les hadiths que le devoir des musulmans est d’établir un califat, et en fait, l’idée d’un État islamique n’existait pas avant le milieu du XIXe siècle. Je pense que s’ils sont tellement obsédés par un État c’est parce qu’ils ont oublié comment appliquer les règles à eux-mêmes, et qu’ils ont donc le désir d’imposer les règles aux autres. L’EI est donc une version de l’islam politique qui, en tant que philosophie de gouvernement, considère que l’islam peut être imposé à une population du haut vers le bas. Cela va en fait à l’encontre des principes coraniques, qui se concentrent sur l’individu en tant qu’univers en soi-même », a dit Saritoprak.

Il a poursuivi :

« Une chose dont les adeptes de l’Islam politique ne sont généralement pas conscients, c’est que le temps est un interprète du Coran. Certains versets du Coran doivent être interprétés dans les conditions de notre époque et non dans les conditions du Moyen Âge. Par conséquent, je ne pense pas qu’un califat ou un État islamique soit nécessaire pour que l’islam s’épanouisse au XXIe siècle. Il semble que l’avenir de l’Islam soit dans la coopération avec l’Occident et avec le christianisme. Il n’y a pas d’impératif dans le Coran pour détruire l’Occident ou les chrétiens. Bien au contraire, l’Islam devrait être construit sur la civilisation occidentale, et non pas chercher à la détruire. Ceux qui voient des problèmes en Occident devraient être réconfortés par les paroles de Said Nursi, qui a dit que les aspects négatifs de l’Occident finiront par se dissiper et qu’il peut y avoir un rapprochement entre les civilisations occidentale et islamique. »

Selon Ali Vyacheslav Polosin, directeur adjoint du Fonds de soutien à la culture, aux sciences et à l’éducation islamiques, « Erdogan a utilisé l’image du califat et des valeurs islamiques traditionnelles pour gagner en popularité au Moyen-Orient, en espérant la gagner partout dans le monde ». Il a expliqué que « après qu’Erdogan est devenu président, il a commencé à se positionner dans la publicité par l’image non seulement en tant que président de la République turque, mais aussi en tant que lecteur du Coran, comme s’il irradiait une sorte de “nur”, de la lumière. C’est plus l’image d’un calife, d’un dirigeant de vrais croyants, que celle du président d’une république, surtout si l’on considère que la Turquie a une très grande expérience dans ce domaine. Donc les revendications ne sont pas si infondées. »

D’un point de vue méthodologique, l’établissement d’un État islamique peut sembler très attrayant pour de nombreux musulmans, mais en réalité, cela ne résoudra peut-être pas les problèmes des êtres humains. Si vous fournissez les meilleures règles et que vous les remettez entre les mains de personnes corrompues, ces règles seront également utilisées pour la corruption. L’attrait du califat aveugle de nombreux musulmans sur la réalité de leur situation et de leur moralité.

Erdogan ne s’est pas déclaré comme le nouveau calife du monde musulman. Mais ses actions peuvent être un signe avant-coureur de ce qui pourrait arriver.

Il est important de garder à l’esprit que la création de l’État turc a toujours joué un rôle crucial dans la configuration de la société en tant qu’agent constitutif. Alors que le rôle constitutif de l’État a été exercé dans le passé avec une vision laïque du monde, ce rôle constitutif semble aujourd’hui être passé à la direction de l’AKP et en particulier à Erdogan lui-même, ce qui suggère que la mission de l’État est maintenant d’élever une génération religieuse. Cela indique que l’aspect « ingénierie sociale » d’un « État constitutif » n’est pas exclu, comme l’a clairement dit Erdogan : « la nouvelle constitution sera en harmonie avec les valeurs de notre nation. »

Alors qu’Atatürk se considérait comme le sauveur de la nation ? une sorte de demi-dieu ? l’establishment séculier de l’État a agi en conséquence. Erdogan et sa bureaucratie semblent convaincus qu’ils ont aussi la capacité de construire leur propre État, leur propre société et même des mythes. Le charisme autoritaire d’Erdogan et sa personnalité narcissique prouvent qu’il serait prêt à gouverner la Turquie en tant que « leader unique incontestable », mais pas en tant que leader démocratique. Des données facilement disponibles démontrent que les leaders charismatiques autoritaires avec des personnalités narcissiques, ont tendance à être des dictateurs.

Je soutiens fermement que l’objectif d’Erdogan pour 2023 et son ambition de ressusciter le califat n’a pas seulement été formulé pour idéaliser sa domination, mais aussi pour servir d'”appel” à cette reconstruction du régime.

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Un échange de pouvoir des élites

Malgré l’élimination de la tutelle militaire sur le système politique pendant l’ère du parti AKP, la Turquie a connu plusieurs faiblesses historiques et structurelles qui l’ont empêchée de devenir un État démocratique. Les efforts d’Erdogan pour exclure les militaires turcs du système politique ne visaient pas à consolider la démocratie, mais plutôt à créer un système autocratique selon ses souhaits.

Ce que la Turquie connaît donc depuis des années, c’est la « charismatisation/Erdoganisation » des institutions politiques turques à travers l’idéalisation de l’objectif de 2023 et un avenir imaginaire du califat qui a endommagé non seulement les institutions démocratiques, mais aussi conduit à des changements radicaux dans la politique intérieure et étrangère turque. En raison des obstacles systémiques à la démocratie, tout ce qui émerge en Turquie dans un avenir proche ne sera pas une démocratie consolidée, mais plutôt un échange de pouvoir entre les élites.

Cet article a été publié à l’origine sur Politurco.

Aydogan Vatandas est un journaliste turc chevronné et rédacteur en chef de Politurco.

Source : Aydogan Vatandas, Consortium News, 25-06-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

mercredi, 05 septembre 2018

A West Indian Hindu Looks at Islam

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A West Indian Hindu Looks at Islam

V. S. Naipaul
Among the Believers: An Islamic Journey
New York: Alfred A. Knopf, 1981

The further to the political Right one gets, the easier it is to connect with the mentality and ideas of those of a Hindu background while becoming increasingly alienated from the Bible’s Old Testament and its vicious cast of desert-dwelling thieves, murderers, perverts, and swindlers. One example of this phenomenon is the late V. S. Naipaul’s (1932–2018) look at one prickly Abrahamic faith of the desert: Islam, entitled Among the Believers (1981).

among.jpgNaipaul had a unique background. He was of Hindu Indian origins and grew up in the British Empire’s West Indian colony of Trinidad and Tobago. Naipaul wrote darkly of his region of birth, stating, “History is built around achievement and creation; and nothing was created in the West Indies.”[1] [2] His gloomy take on the region is a bit inaccurate; the racially whiter places such as Cuba have produced societies of a sort of dynamism. Cubans did field a large mercenary force on behalf of the Soviet Union in Africa late in the Cold War, and the mostly white Costa Rica is a nice place to live. But Haiti is a super-ghetto of Africanism. In some cases, the West Indians can’t even give themselves away. At a time when the American people were enthusiastic for expansion, the US Senate bitterly opposed the Grant administration’s attempt to annex what is now the Dominican Republic. Who wants to take over Hispaniola’s problems?[2] [3] Naipaul’s prose is so good that he will be extensively quoted throughout this review.

In Among the Believers, Naipaul takes a look at the nations where Islam dominates the culture but where the populations are not Arabs. He wrote this book in the immediate aftermath of the Iranian Revolution, so we are seeing what happens when a people with a rich heritage attempt to closely follow the religion of their alien Arab conquerors. What you get is a people at war with themselves, and a people who, to put it mildly, turn away from the light of reason. He can express this in civilizational terms as well as individually. For example, in highly readable prose, Naipaul writes of a Malay woman who courts a “born again” Muslim man. Before she got with him, the young lady danced, dived, and went camping, but afterwards she took to the hijab and the drab long gowns, “and her mind began correspondingly to dull.”[3] [4]

When one reads Naipaul’s work, one comes to appreciate Islam; not the sort of pretend appreciation that virtue-signaling liberals have right up until a group of fanatics run them over with a car and then knife them to death as they lie injured [5], but an appreciation of just how terribly the Islamic worldview impacts all of society. After reading this book, one can see that Islam is the following:

  • Islam is the product of unfocused resentment and discontent made into a religion. Anarchism also qualifies as a religious form of undirected anger at unfairness. What I mean here is that it is clear that there are things in this world that are unjust. One way of reacting to life not being fair is to develop a worldview that supposes that it can cure injustice through a set of simplistic ideas married to cathartic violence. This worldview draws in the malcontents and the resentful. Islamic terrorists and the anarchist terrorists of the late nineteenth and early twentieth centuries are very similar. Ultimately, Islam requires “absolute faith . . . fed by . . . passion: justice, union, vengeance.”[4] [6]
  • From the perspective of a low-IQ non-white, Islam is an escape from the frightening world of advancing technology and market forces they cannot understand. It is escapism, pure and simple. Naipaul’s view of the 1978 novel Foreigner [7] by Nahid Rachlin is that of an escapist Islamic death pact. The protagonist retreats from a world of “intellect and endeavor” to one where the Muslim believer “will no longer simply have to follow after others, not knowing where the rails are taking them. They will no longer have to be last, or even second . . . Other people in spiritually barren lands will produce [modern equipment].”[5] [8]
  • This escapism is ultimately a project that leads to a nihilistic end. For example, Pakistan “had undone the rule of law it had inherited form the British, and replaced it with nothing.”[6] [9] To add to this idea, “The glories of [Islam] were in the remote past; it had generated nothing like a Renaissance. Muslim countries, where not colonized, were despotisms; and nearly all, before oil, were poor.”[7] [10]
  • Muslims take advantage of America’s foolish open immigration policies. “[T]he United States was more than a place to get an education. It was also – for the Iranian physician, as for the newly rich of so many insecure countries, politicians and businessmen, Arab, South American, West Indian, African – a sanctuary.” From the perspective of 1981, Naipaul is showing the initial infection of Third World pathologies in the United States before they manifested as clearly as they do today.
  • Islam carefully keeps old grudges alive. A family feud involving the descendants of the Prophet Mohammed led to half-trained Iranian pilots flying American-made Phantoms attacking Sunni Kurds centuries later. “To keep alive ancient animosities, to hold on to the idea of personal revenge even after a thousand years, to have a special list of heroes and martyrs and villains, it was necessary to be instructed.”[8] [11] Instructing believers in the ins and outs of these grudges takes a great deal of time away from instruction in other matters.
  • Islam is ultimately a suboptimal worldview for the creation and maintenance of civilization. Like apologists for Communism, apologists for Islamic societies insist that true Islam “has never been tried.”[9] [12]

Quite possibly the most interesting part of this book is Naipaul’s account of the Arab conquest of what is now Pakistan, but which was then called the Sind. Starting around 634, the Muslim Arabs began attempting to conquer the region. They launched at least ten campaigns over seventy years; all were unsuccessful. However, the Arabs eventually won. During the time of the Arab menace, the people of the Sind were weakened by a prophecy of doom, and palace intrigue had weakened their political elite. The Sind people were also awed by the apparent unity and discipline of the Muslims. The common people surrendered in droves, and the Sind’s King was killed in an avoidable death, or glory battle.

For the people of the Sind and their Hindu/Buddhist culture, the Arab conquest was a disaster. “At Banbhore [13], a remote outpost of the earliest Arab empires, you walked on human bones.”[10] [14] However, the Pakistanis today cannot admit to themselves that they lost their traditional culture. The story of the Arab conquest is told in a work called the Chachnama. Naipaul argues that the Chachnama is like Bernal Díaz’s great work, The Conquest of New Spain, except for the fact that the Chachnama’s author was not a soldier in the campaign as was Bernal Díaz; it was written by a Persian scribe centuries after the event. Like all things in Islam, the insights offered by the Chachama are dull at best, and “The intervening five centuries [since the publication of the Chachama] have added no extra moral or historical sense to the Persian narrative, no wonder or compassion, no idea of what is cruel and what is not cruel, such as Bernal Díaz, the Spanish soldier, possesses.”[11] [15]

IndiaWoundedCivilisation.jpgThe arrival of Islam to the Sind is the disaster which keeps on giving. Pakistan’s economy [16] lags behind India’s, although India has a large population of low IQ, low-caste people. Pakistan also cannot produce world-class cultural works like India does. There is no Pakistani version of Bollywood. The best thing the Pakistani government can do is to provide exit visas for its people to go and work elsewhere, as well as advice on the immigration laws of receiving countries.

Perhaps because Naipaul is from the West Indies – a Third World region which has long touched the more dynamic societies of the white man – he is able to so accurately describe the disaster of Third World immigration, especially as it applies to Pakistan and its pitiable people. He is worth quoting at length:

The idea of the Muslim state as God had never converted into anything less exalted, had never converted into political or economic organization. Pakistan – a thousand miles long from the sea to the Himalayas, and with a population of more than seventy million – was a remittance economy. The property boom in Karachi was sustained in part by the remittances of overseas workers, and they were everywhere, legally and illegally. They were not only in Muslim countries – Arabia, the Gulf states, Libya; they were also in Canada and the United States and in many of the countries of Europe. The business was organized. Like accountants studying tax laws, the manpower-export experts of Pakistan studied the world’s immigration laws and competitively gambled with their emigrant battalions: visitor’s visas overstayable here (most European countries), dependents shippable there (England), student’s visas convertible there (Canada and the United States), political asylum to be asked for there (Austria and West Berlin), still no visas needed here, just below the Arctic Circle (Finland). They went by the planeload. Karachi airport was equipped for this emigrant traffic. Some got through; some were turned back.[12] [17]

Once they got there:

. . . the emigrants threw themselves on the mercies of civil-liberties organizations. They sought the protection of the laws of the countries where the planes had brought them. They or their representatives spoke correct words about the difference between poor countries and rich, South and North. They spoke of the crime of racial discrimination and the brotherhood of man. They appealed to the ideals of the alien civilizations whose virtue they denied at home.[13] [18]

Naipaul shows that Islam is a tremendous, though retarding, metapolitical force that works its way into all areas of human societies: the law, philosophy, medicine, and even city planning. He shows the power of its simple theology over less intelligent, Third World minds. He shows its dark, violent core. Once the virus of Islam infects a society, whatever higher culture that society had is destroyed. Islam’s ultimate endpoint is a world of barren desert dunes squabbled over by uncreative, violent fanatics. In short, Islam is so powerful because it is fortified by its own failures and contradictions rather than defeated by them.

Naipaul’s criticism of Islam has drawn its own critics, such as Salman Rushdie [19] and the late Edward Said [20], but in light of the Global War on Terror and the rapid descent of many Islamic lands into even deeper, darker forms of barbarism, they have been given extended life by the imported lights of the white man’s science and technology, and Naipaul has become something of a prophet.

In conclusion, from the perspective of the white man who believes in civilization, Islam must be resisted by all means. Furthermore, “civil rights” is a tool of white displacement. Dismantling “civil rights” agencies is critical. Of the greatest importance, though, is to break free of the tremendous sense of guilt and self-loathing in the Western world. As long as whites continue to worship Emmett Till, Martin Luther King, and the rest of the pantheon of non-white idols, the dull, slack society of Islam will punch above its weigh.

Don’t let your nation become one of those counted as among the Believers.

Notes

[1] [21] Patrick French, The World Is What It Is: The Authorized Biography of V. S. Naipaul (New York: Alfred A. Knopf, 2008), p. 203.

[2] [22] Unfortunately, the US did purchase the Danish Virgin Islands and capture Puerto Rico. The 2017 hurricane season was the scene of two vicious storms: one devastated Houston, Texas, which recovered rapidly. The other storm destroyed Puerto Rico, which took months to recover basics such as electricity.

[3] [23] Ibid., p. 302.

[4] [24] I’ve had to condense the prose here to generalize what Naipaul is saying about several Iranians during the Islamic Revolution. See p. 80 for the full quote in context.

[5] [25] Ibid., p. 15.

[6] [26] Ibid., p. 169.

[7] [27] Ibid., p. 12.

[8] [28] Ibid., p. 7.

[9] [29] Ibid., p. 124.

[10] [30] Ibid., p. 131.

[11] [31] Ibid., p. 133.

[12] [32] Ibid., p. 101.

[13] [33] Ibid.

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

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[2] [1]: #_ftn1

[3] [2]: #_ftn2

[4] [3]: #_ftn3

[5] group of fanatics run them over with a car and then knife them to death as they lie injured: https://www.youtube.com/watch?v=rI72LK3Zhi8

[6] [4]: #_ftn4

[7] Foreigner: https://smile.amazon.com/Foreigner-Novel-Nahid-Rachlin-ebook/dp/B00AMQ3ERI/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1534882077&sr=8-1&keywords=foreigner+nahid+rachlin

[8] [5]: #_ftn5

[9] [6]: #_ftn6

[10] [7]: #_ftn7

[11] [8]: #_ftn8

[12] [9]: #_ftn9

[13] Banbhore: https://en.wikipedia.org/wiki/Banbhore

[14] [10]: #_ftn10

[15] [11]: #_ftn11

[16] Pakistan’s economy: https://www.jagranjosh.com/general-knowledge/india-vs-pakistan-economic-comparision-1497247847-1

[17] [12]: #_ftn12

[18] [13]: #_ftn13

[19] Salman Rushdie: https://www.independent.co.uk/news/people/sir-salman-rushdie-claims-i-was-just-fooling-around-as-his-ratings-of-other-authors-work-go-viral-10156390.html

[20] Edward Said: https://www.newstatesman.com/node/159123

[21] [1]: #_ftnref1

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lundi, 26 février 2018

Islam, arme des banquiers

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Islam, arme des banquiers

L’islam en tant que religion et culture est en Europe notamment occidentale un fait historique, politique, démographique et social non seulement récent mais surtout, au regard de la longue durée, anecdotique.

Si le califat d’Al Andalus est remonté jusque loin au nord (la « bataille » de Poitiers) et à l’est de la France (Grenoble, Lyon), ce ne sont pas huit tombes musulmanes retrouvées près de Narbonne qui font de la France et des pays limitrophes, à l’exception de l’Espagne, du Portugal ou de la plus lointaine Sicile, une terre « d’islam ». C’est bien le christianisme, sur des racines helleno-romaines et germaniques (européennes en somme) qui a façonné la France, ses peuples, ses arts, mais aussi ses paysages : les vignes et les monastères, on le comprend, sont plus rares au Pakistan, en Égypte et en Arabie saoudite. La topographie là encore est imprégnée de cette histoire, et on y trouve guère de présence de nos envahisseurs musulmans des premiers siècles du moyen âge : combien de villes et de villages portent des noms de saints et de saintes? Trop pour être comptés.

Ces quelques rappels faits, intéressons nous à la situation actuelle. Il y a une grande quantité de Français d’origine immigrée et d’étrangers sur le sol français. Certains sont réislamisés, certains n’ont jamais perdu la religion de leurs ancêtres, et d’autres enfin sont chrétiens (catholiques, évangéliques), notamment une grande quantité d’Africains subsahariens. Polarisés en diverses communautés, ces gens partagent néanmoins plusieurs choses : une assimilation proche du néant à la culture et à la civilisation française, y compris pour les chrétiens africains, une haine de la France, et conséquence, une allégeance à un autre pays.

Le problème n’est pas tant l’islam. Que celui ci soit violent, misogyne et intolérant ne nous intéresse pas tant que ses adeptes vivent entre eux en Syrie, en Algérie, au Yémen, en Turquie, en Iran. Vouloir une réforme de l’islam c’est s’aligner sur les valeurs progressistes et laïques de la République. La critique théologique de l’islam qui est le plus mise en avant dans les médias, outre sa pauvreté spirituelle (pour ou contre le cochon ? Le voile ou le string ?) ne sert qu’à masquer le fait que l’islamisation, réelle, n’a été possible que par une immigration de masse, elle même arme du Capital. Critiquer l’islam en tant que spiritualité et uniquement en tant que telle, est une arnaque intellectuelle et politique. Que l’on me comprenne bien : je ne dis pas que cette critique n’est pas intéressante. Je dis qu’elle n’est pas intéressante d’un point de vue politique.

C’est donc moins le Coran qu’il faut expurger, que le multiculturalisme. S’il y avait en France 20 millions de Japonais shinto, malgré l’image romantique que se font les Français des Japonais, des geishas, des samouraïs, du théâtre nô et de la cérémonie du thé, il y aurait aussi des actes de violence. Ils seraient différents mais ils existeraient. De la même manière, rappelons que Hutus et Tutsis n’ont pas eu besoin de l’islam pour se massacrer entre eux.

Pour préciser encore davantage ma pensée, il faut bien comprendre que je refuse de choisir entre le califat et la République laïque.

dimanche, 12 novembre 2017

Les jeunes musulmans n'aiment pas les questions qui fâchent

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Les jeunes musulmans n'aiment pas les questions qui fâchent

par Mireille Vallette

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

La jeunesse musulmane a une image si positive d’elle-même et de sa religion qu’elle ne comprend pas pourquoi nous résistons à l’imposition de ses rites et de ses marqueurs. Débat à Genève.

Rares sont les espaces qui permettent de poser des questions critiques à des musulmans. Le titre d’un cycle de l’Institut des cultures arabes et méditerranéennes, «Des questions qui fâchent…» était prometteur. Je me suis laissé tenter.

Ce soir-là, la septantaine de participants est censée se pencher sur le thème «La jeunesse arabe et/ou musulmane dans la situation genevoise: situation et défis».

Ce fut un grand théâtre de victimisation avec en rôles titres «l’identité» et «la visibilité» qui passent d’abord par le foulard au travail, puis la reconnaissance du ramadan, les prières, le burkini… Sans ces marqueurs, impossible de se forger son identité. Je n’ai pas osé suggérer que la disparition de la nôtre pourrait être douloureuse. C’est, comme chacun sait, une opinion d’extrême-droite.

Il semble en tout cas que nous faire accepter les rites et mœurs islamiques et se faire reconnaitre comme musulmans soient les défis et les seules ambitions de cette dévote jeunesse.

Une jeune juriste non voilée a réalisé qu’elle était en milieu discriminant lorsqu’elle s’est posé cette question: «Est-ce que je vais dire à mes collègues que je jeûne?... J’ai eu peur d’être jugée, ou que l’islam soit jugé.» Plus tard, une autre musulmane -à l'esprit critique- remarquera qu’en Turquie, elle ne pouvait pas ne pas porter le voile, ni avouer qu’elle ne faisait pas le ramadan, sous peine de graves ennuis.

Notre juriste compatit avec de nombreuses femmes de sa connaissance «très compétentes»  qui ne trouvent pas de travail à cause du voile. «On les empêche d’exercer un droit fondamental.» Pour elle, ce foulard est une question d’identité. Elle pense à le porter un jour «si Dieu le veut».

«On me renvoie constamment à mon foulard!»

Une future travailleuse sociale, voilée et aux amples vêtements, est depuis peu monitrice dans une maison de quartier. «On me renvoie constamment à mon foulard! C’est un traitement différent des autres; je n’ai pas le droit de mettre un certain type de maillot de bain, on me demande de servir au bar alors qu’on sait que  je suis musulmane… Comment dans ces conditions apprendre aux jeunes à respecter la différence et la construction de notre identité?»

Pour beaucoup, il faut «démystifier l’image de la femme voilée qui est une femme normale». La réussite passera par «davantage de visibilité dans le monde professionnel.» La visibilité comme l’identité, ces jeunes y tiennent beaucoup.  Hugo Lopez, un intervenant non musulman qui fut longtemps éducateur de rue, y tient aussi: «J’emmène des jeunes en Afrique pour qu’ils trouvent leur identité. Certains sont revenus aux coutumes de leur pays…le respect de la mère… Ils sont revenus à la religion parce qu’on en parlait autrement qu’on en parle en Suisse.»

Omar Azzabi est Tuniso-Suisse, non-pratiquant et blogueur dans la Tribune de Genève. Il a adhéré aux Verts et deux ans plus tard s’est présenté aux élections communales. Score honorable, mais pas élu… ce qui l’a fait plancher sur la  discrimination en politique. «Vous avez 14% de chances de plus d’être élu si vous avez un nom d’origine suisse.»  Bon, ça ne parait pas dramatique. Mais en plus, les musulmans se heurtent à un «plafond de verre»: on en élit un nombre acceptable dans les conseils municipaux, moins dans les parlements cantonaux, encore moins au niveau fédéral, etc. Une discrimination à laquelle s’en ajoutent d’autres, sans compter des sondages aux résultats désagréables pour les adeptes de sa religion, et tout récemment un carré musulman vandalisé.

Les remèdes? «Il faut normaliser la présence des arabo-musulmans dans la politique et les médias: leur visibilité n’est pas assez forte. Dénoncer et faire condamner les actes islamophobes et racistes: la norme pénale antiraciste n’est pas assez forte… » (un conseiller municipal a prononcé le mot «nègre » et n’a pas été condamné). Pour lui, il faut s’engager en politique, toujours en tant qu’arabo-musulman, «quel que soit le parti». J’avoue avoir quelques préventions à ce que ce genre de personnages cassent le plafond de verre.

Les médias en ont pris pour leur grade tout au long de la soirée. Normal, ils sont responsables de l’image négative de l’islam.

«Je suis contre la burqa, mais je me battrai pour elle!»

Question burqa, Azzabi a le raisonnement tordu habituel: le problème n’est pas ce symbole honteux que seule sa religion promeut. Le problème, c’est l’UDC et tous ceux qui s’apprêtent à voter son interdiction. Ce qui donne ceci : «Je suis Tunisien séculariste, anti-burqa… De la connaissance que j’ai de l’islam, elle n’est pas islamique. Mais je vais devoir la défendre! Parce que c’est un débat qui va stigmatiser les musulmans… encore une fois les montrer du doigt, donner un peu  plus d’espace aux partis d’extrême-droite.»

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Question stigmatisation, je confirme: je n’arrive pas à comprendre que toutes ces communautés soient favorables à ce symbole. Je ne comprends pas qu’elles n’aient pas été unanimes à le condamner. Il y aurait eu un bref débat, une votation au parlement et pas de stigmatisation. Et cette capacité à se remettre en question aurait insufflé un peu plus de confiance et d’acceptation de l’islam.

Après 1heure 30 d’écoute attentive, je décide de rompre la plaintive harmonie et de poser quelques questions qui fâchent: «Vous parlez de vous et de l’islam comme s’il n’existait qu’en Suisse. Ici, les musulmans sont pacifiques, et ceux qui ne partagent pas vos points de vue sont donc racistes, discriminants, etc. Or, nous, nous voyons ce qui se passe au nom de l’islam ailleurs. Toutes ces atrocités, toutes ces législations discriminatoires…

«Vous pourriez vous mettre à notre place … lorsque nous voyons que plus un mouvement est radical plus il couvre le corps des femmes, nous nous demandons ce que signifie le foulard… Là-bas il est liberticide, ici ce serait la liberté. On ne sait même pas pourquoi les femmes doivent le porter et pourquoi les hommes ne portent rien de particulier: c’est une discrimination qui nous est incompréhensible… Et pourquoi tant de gens se réclament de l’islam pour commettre tant de crimes?…  J’ai lu le Coran et j’y retrouve des composantes de ce qui se passe là-bas. Pourquoi nous répond-on systématiquement ça n’a rien à voir avec l’islam? L’islam d’ici, qu’est-ce que c’est?

Crac, crac… l’hôte de la soirée Alain Bittar, gérant de la Librairie arabe de Genève, descend l’escalier de bois depuis son bureau, très fâché. « Ça fait 38 ans que je tiens un espace culturel où se retrouvent beaucoup de musulmans. Je suis un chrétien d’Orient et je n’ai jamais eu le moindre problème. Nous parlons de gens qui vivent à Genève, qui partagent leur vie quotidienne avec la population suisse.  Que l’islam n’ait pas une belle image, je veux bien le croire, mais cette image est terriblement faussée par les médias en fonction de la politique internationale.

Quand je suis arrivé à Genève, je venais du Soudan. Qu’est-ce que je n’ai pas entendu sur les chrétiens du Soudan qui se faisaient massacrer par les musulmans! J’ai encore de la famille là-bas, ils vivent très bien, ils sont très heureux…

«La géopolitique internationale fait qu’aujourd’hui on stigmatise énormément UNE population. Or dans le monde, ce sont souvent des musulmans qui se font tuer par d’autres musulmans, la majorité des gens qui se font tuer par le terrorisme ce sont des musulmans… On ne peut pas aborder un débat comme celui de ce soir en essayant de prendre l’image qu’ont les musulmans au niveau de la planète parce que… c’est faux. Les musulmans qui vivent à Genève, ce ne sont pas ceux qui sont en train de tirer  sur d’autres populations. Je pense qu’il y a un dérapage qui est facile, des sortes de manipulations idéologiques dont on peut s’abstenir dans des discussions comme celle-ci. »

L’assemblée rassurée reprend son cours.

Après un moment, un peu fatiguée par cette interminable soirée, je m’en vais. On me racontera la suite.

Nadia, Tunisienne regrette mon départ. Pour elle, j’ai symbolisé toute les crispations qu’il y a autour de la question de l’islam. «En Tunisie, ces débats sont les mêmes. Cette dame a raison, on évolue dans un contexte, il y a des choses qui font peur aux gens… Les agresser alors qu’ils font l’effort de venir, de s’intéresser … On peut leur expliquer calmement...»

Azzabi n’a semble-t-il aucun regret. Notre Vert informe l’assemblée que «Madame Vallette écrit un blog fasciste, voire raciste!»

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Revenons-en au point de départ: « Les jeunes arabes musulmans vivent-ils une particularité dans le contexte actuel?» Quelques éléments de réponse.

Chers jeunes musulmans, voici quelques-unes de vos particularités et de nos défis

  • Vous exigez avec une suffisance rare de changer en profondeur notre société: supprimer son caractère séculier pour introduire des mœurs religieuses, par ailleurs très conservatrices: des foulards, des burkinis, des burqas, des prières, des rites (ramadan), le refus de serrer la main de l’autre sexe, la non-mixité dans vos mosquées, la fermeture aux non-musulmans.
  • Ne pouvez-vous comprendre que des citoyens, nombreux, s’opposent à ce bouleversement? Qu’ils attendent sur ce sujet des réponses plutôt que des insultes?
  • Pourquoi voulez-vous à tout prix porter ou soutenir ce foulard et ces vêtements amples ou informes? Ils ont toujours symbolisé dans l’islam l’asservissement des femmes. Ils le symbolisent encore aujourd’hui, et chaque fois qu’un pays se radicalise, l’extension du port du voile en est un signe. Ne pouvez-vous imaginer que la prolifération de ces marqueurs vestimentaires nous envoie un signe de complicité avec ces radicaux?
  • Mesdames, accepteriez-vous d’épouser un non-musulman sans qu’il soit obligé, comme c’est la règle aujourd'hui comme hier, de se convertir à l’islam?
  • Pouvons-nous savoir pourquoi votre dieu impose une telle contrainte aux femmes (se couvrir, y compris les cheveux) et rien d’équivalent aux hommes?
  • Pourquoi tant de crimes au nom de l’islam? Pourquoi tous les pays musulmans (hors la Tunisie… devenue laïque) sont-ils régis par des lois inspirées de la charia qui discriminent les femmes, traquent les minorités religieuses, usent de violence contre les opposants à votre religion? Votre islam à vous, de quoi s’inspire-t-il?

Votre refus de répondre à ces interrogations promet une méfiance croissante et des conflits sans fin.

Mireille Vallette, le 10 novembre 2017

mardi, 12 septembre 2017

"L'Arabie saoudite, pays géniteur du radicalisme"

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"L'Arabie saoudite, pays géniteur du radicalisme"

VIDÉOS. Ancien haut fonctionnaire à la Défense, Pierre Conesa explique comment notre grand allié a diffusé son islam ultra-rigoriste dans le monde.

Propos recueillis par et Pauline Tissot
Ex: http://www.lepoint.fr

C'est un tabou français que Pierre Conesa tente de briser. Grande alliée (et argentier) de la France au Moyen-Orient, la richissime Arabie saoudite possède sa face sombre : soixante ans d'une diplomatie religieuse qui a exporté en catimini dans le monde entier son « wahhabisme », version la plus rigoriste et intolérante de l'islam sunnite, qui a inspiré les pires djihadistes d'Al-Qaïda comme de Daech. Ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense, Pierre Conesa s'est livré dans Dr. Saoud et Mr. Djihad* à une enquête passionnante et inédite sur les rouages de ce prosélytisme d'État adoubé à Paris comme à Washington. Des secrets explosifs sur le véritable géniteur du radicalisme sunnite.

Le Point.fr : Vous parlez de mensonge d'État à propos du 11 Septembre et du rôle de l'Arabie saoudite. Mais la récente déclassification des 28 pages polémiques n'a-t-elle pas dédouané l'Arabie saoudite ?

Pierre Conesa : La déclassification de ces 28 pages, quinze ans après le 11 Septembre, prouve qu'un certain nombre des auteurs des attentats ont été en contact avec des diplomates saoudiens et des familles proches de ceux-ci qui les ont logés et entretenus. Et puis il y a une évidence. Sur les dix-neuf terroristes du 11 Septembre, quinze étaient saoudiens. Or, le discours de George W. Bush en janvier 2002 consiste à accuser l'Iran, l'Irak et la Corée du Nord, alors qu'il n'y a aucun Iranien, aucun Irakien et aucun Nord-Coréen dans le groupe terroriste. De la même façon, les Saoudiens constituaient le plus gros contingent aux côtés des Afghans lors du conflit contre les Soviétiques dans les années 1980, et ils fournissent le plus gros lot de djihadistes étrangers à Daech aujourd'hui. C'est donc qu'il existe quelque part une matrice idéologique – le wahhabisme – qui explique aujourd'hui une grande partie des crises et des actes terroristes qui frappent la planète.


Pierre Conesa : « La diplomatie religieuse... par LePoint

Mais existe-t-il un lien direct entre le financement du djihad et l'Arabie saoudite ?

Le système saoudien est une sorte de soft power américain avec une multiplicité d'intervenants qui vont de la politique publique aux grandes fondations privées et aux universités islamiques : une conjonction d'acteurs qui permet toujours au pouvoir saoudien de prétendre qu'il n'était pas au courant. Et c'est vrai, car dans un pays où le budget du roi et celui de l'État ne sont pas vraiment séparés, on peut toujours prétendre qu'il existe quelqu'un aux intentions moins louables et dont les agissements ne sont pas connus du roi. Ainsi, lorsque les Américains ont mis en garde les Saoudiens sur le financement du terrorisme après le 11 Septembre, ils ont eux-mêmes listé 265 organisations dont il fallait tarir ou interdire l'activité ! Mais, d'après moi, le financement du terrorisme me paraît être un second problème. Parce qu'un attentat terroriste ne coûte rien. Les attentats du 11 Septembre n'ont coûté que 11 000 dollars et on estime qu'ils ont fait 40 milliards de dollars de dégâts entre effets directs et indirects. La question importante à mon sens est celle de l'idéologie.

En quoi l'idéologie saoudienne inspire-t-elle les terroristes ?

L'Arabie saoudite possède également un côté soviétique. Les Saoudiens ont formé à peu près 25 000 personnes à l'université islamique de Médine, qui est l'équivalent saoudien de l'université soviétique Lumumba, et qui diffuse une idéologie totalitaire : le wahhabisme, ou salafisme. Un théologien musulman français m'a dit un jour que le wahhabisme était la version la plus sectaire, la plus raciste, la plus antisémite, la plus homophobe, et la plus misogyne de l'islam. À la différence des autres universités islamiques dans le monde, les étudiants de Médine obtiennent des bourses, sont logés et entretenus, à la condition de retourner chez eux pour faire de la prédication, donc de la propagande, comme à l'époque des commissaires politiques de l'université soviétique Lumumba. D'après mes chiffres, 30 000 personnes ont été formées dans ces universités islamiques saoudiennes. On va les retrouver dans toute la bande sahélienne, au Mali, au Niger, en République centrafricaine. Chaque année, les Saoudiens dépensent 7 à 8 milliards de dollars pour leur diplomatie religieuse, soit autant que pour leur diplomatie de défense ! C'est à peu près deux fois plus que l'URSS à la belle époque.

Mais n'y a-t-il tout de même pas une différence entre le salafisme, qui est quiétiste, et le djihadisme ?

Pas à mon sens. Lorsque vous avez un discours raciste, antisémite, vous légitimez d'une certaine manière la violence. En France, on réprime les propos antisémites, racistes, sectaires. Or, en Arabie saoudite, vous avez une idéologie qui reprend exactement tous ces mots en la légitimant par la religion. L'étude qu'a faite Antoine Sfeir sur les manuels wahhabites est d'ailleurs extrêmement claire. Dans les programmes scolaires wahhabites, on n'apprend pas Freud, Marx ou Darwin, mais l'antisémitisme et la dénonciation des autres religions… On est dans le système de l'intolérance absolue. Vous préparez littéralement des citoyens à basculer tout à coup dans la violence, parce que vous estimez que les « mécréants », terme utilisé par les salafistes pour désigner les autres croyants, sont des individus de seconde zone. Pour moi, le salafisme quiétiste est une préparation psychologique à la violence.

Mais l'idéologie djihadiste n'est-elle pas un mélange de salafisme et de théories révolutionnaires des Frères musulmans ?

L'identité islamiste a été constituée par plusieurs mouvances qui ont justifié par différents propos le passage à la violence. Saïd Qotb, qui est souvent celui qui est cité comme le légitimateur de la violence, la concevait surtout contre les régimes arabes qui, d'après lui, se prétendaient musulmans mais n'appliquaient pas le Coran. Par la suite, il y a eu la justification du djihad contre les Soviétiques auquel nous, Occidentaux, avons nous-mêmes adhéré, puisqu'on pensait que les ennemis de nos ennemis ne pouvaient être que nos amis. Aujourd'hui, la défense de la terre de l'islam est légitimée par tous les théologiens, quelle que soit leur mouvance. Cela a été le cas après l'intervention américaine en Afghanistan, en Irak… Il y a donc eu un processus de légitimation progressive de la violence.

Comment expliquer ce conservatisme religieux en vigueur en Arabie saoudite ?

Il faut revenir au pacte originel entre Mohammed Ibn Saoud, patriarche de la dynastie Saoud, et l'imam ultraconservateur Mohammed Abdelwahhab, scellé en 1744, et qui est à l'origine du premier État saoudien. À cette époque, Abdelwahhab a utilisé le terme de djihad pour que les Saoud puissent conquérir le territoire d'Arabie contre les autres tribus. L'imam a également appelé au djihad pour lutter contre l'Empire ottoman. Ainsi, le djihad est-il constitutif de l'identité nationale saoudienne. Dès le départ, l'Arabie saoudite est un système à deux pieds, avec, d'un côté, la famille Saoud (la dynastie en place) et, de l'autre, le corps des oulémas (théologiens), dirigé par la famille al-Shaikh, c'est-à-dire les descendants d'Abdelwahhab. En échange du pouvoir, ceux-ci régissent la société saoudienne, ainsi que l'action extérieure du pays. Le problème est que les Saoudiens ont à plusieurs reprises sollicité les Occidentaux – des « mécréants » – pour défendre leur régime, que ce soit en 1979 lors de l'occupation de la Grande Mosquée de la Mecque (par des islamistes radicaux, NDLR) ou en 1991 lors de l'invasion du Koweït par Saddam Hussein. À chaque fois, les oulémas les plus radicaux sont montés au créneau pour dénoncer une « invasion de croisés » en terre d'islam. Pour se légitimer, le régime Saoud a donc obtenu des oulémas une justification théologique. En contrepartie, les religieux ont gagné plus de droits sur la société et la diplomatie saoudienne. En 1979, les gendarmes français du GIGN ont même été convertis à l'islam pour libérer la Grande Mosquée des étudiants islamistes radicaux qui dénonçaient la corruption du régime ! On voit ici résumée toute l'hypocrisie du système saoudien. En Arabie saoudite, c'est « la violence ailleurs, mais touche pas à mon prince ».

Comment l'Arabie saoudite a-t-elle procédé pour exporter le wahhabisme ?

Outre la formation d'imams étrangers dans ses universités, l'Arabie saoudite s'est appuyée sur des organisations religieuses. C'est notamment le cas de la Ligue islamique mondiale, créée à l'époque de Nasser. Ce leader arabe possédait un discours très critique à l'égard des pays du Golfe et brandissait le panarabisme. En réaction, l'Arabie saoudite a prôné le panislamisme, dont le vecteur porteur a été la Ligue islamique mondiale. Il s'agit d'une ONG, toujours dirigée par un Saoudien, qui porte une conception wahhabite de l'islam, et dont les financements sont très opaques. Sous le couvert de la défense des musulmans et de la construction de mosquées, la Ligue islamique mondiale a souvent été le faux nez de l'action saoudienne à l'étranger. Or, l'Arabie saoudite étant un pays allié combattant à l'époque la « laïcité » soviétique, l'Occident a laissé faire.

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L'Arabie saoudite est-elle, comme on peut l 'entendre, à l 'origine de la création de Daech ?

Pas du tout. L'Arabie saoudite n'a pas créé Daech. En revanche, elle a créé le salafisme, qui en est le géniteur. D'ailleurs, les deux régimes décapitent tous deux massivement en public, et détestent les chiites. Lorsque Abu Bakr al-Baghdadi proclame le califat, il conteste directement les Saoud. Car ces derniers, s'ils se sont toujours autoproclamés serviteurs des lieux saints, n'ont aucune légitimité par rapport à la dynastie du Prophète. Ainsi, lorsqu'un individu comme al-Baghdadi s'autoproclame calife, il rétrograde de fait les Saoudiens. Voilà pourquoi les Saoud sont aujourd'hui dans la concurrence, et non dans la confrontation, avec Daech. C'est-à-dire qu'ils veulent délégitimer l'État islamique en montrant qu'ils sont les meilleurs défenseurs de la cause sunnite. Et donc en réprimant davantage qu'eux les chiites.

Comment expliquer qu 'un pays aussi conservateur soit notre meilleur allié au Moyen-Orient ?

En Occident, on nous rappelle sans cesse que ce pays est notre ami, ainsi que notre meilleur client, et il existe une sorte de tabou dans la critique de l'Arabie saoudite. Or, j'estime que nos intérêts commerciaux ne doivent pas primer la sécurité de nos concitoyens. Il est d'ailleurs intéressant de noter que cela fait vingt ans que l'on nous parle d'une prévision de dix milliards de dollars de contrat avec le royaume. Or, cela ne reste que de la prévision. Certains contrats se réalisent, d'autre pas. Mais cela ne peut être en aucun cas le raisonnement d'une stratégie diplomatique dont les effets sécuritaires sont aussi dramatiques que ceux que l'on connaît aujourd'hui. Pendant des années, on leur a vendu des armes, qu'ils n'ont jamais utilisées… jusqu'à la guerre au Yémen (depuis mars 2015), où l'on constate leur absence totale de retenue en ce qui concerne les dommages collatéraux. Entre le radicalisme chiite et le radicalisme sunnite, nous n'avons pas à choisir. Or, nous l'avons fait.

Pourquoi les Saoudiens ne sont-ils pas davantage impliqués dans la coalition contre Daech ?

En effet, dès qu'ils sont intervenus au Yémen, l'Arabie saoudite et les autres pays arabes ont retiré tous leurs avions de la coalition contre Daech. Pourquoi l'Arabie saoudite a-t-elle mobilisé toute son aviation au Yémen, qui n'est pourtant pas sa menace principale ? Comment expliquer que nous, Occidentaux, sommes les seuls aujourd'hui à combattre l'État islamique ? Aujourd'hui, nous avons du mal à définir qui est notre ennemi. Notre ennemi, c'est le salafisme, dont Daech est une application pratique. Mais le géniteur, le docteur Frankenstein, c'est l'Arabie saoudite. Et nous sommes dans la position schizophrénique où l'on combat le radicalisme tout en protégeant son géniteur. Or, dans le roman de Mary Shelley, le monstre disparaît avec son créateur.

* "Dr. Saoud et Mr. Djihad : la diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite" est paru aux éditions Robert Laffont.

samedi, 09 septembre 2017

Eric Voegelin and the "Orient"

Review: Éric Voegelin et l’Orient: Millénarisme et religions politiques de l’Antiquité à Daech. Renaud Fabbri. Editions L’Harmattan, 2016.

EvoeBook1.jpgRenaud Fabbri is a professor of political science at l’Université de Versailles. Over the past few years he has been quietly blogging away at a post-secular age, applying the ideas of Eric Voegelin to Hinduism and Islam. Éric Voegelin et l’Orient seems to be his first book and it is a very welcome addition to Voegelinian thought indeed. Just about anyone familiar with Voegelin’s output should be able to admit that what he had to say in relation to India and Islam, two of the most important players in world history, was inattentive at best and perhaps downright woeful, Eurocentric and dismissive at worst. Voegelin was a very prolific thinker, yet one cannot do equal justice to everything one supposes. Happily, Fabbri is seeking to remedy this by charting what he sees as a decline in Hindu and Muslim luminosity into immanentism, nationalism and millenarianism in the form of contemporary phenomena such as Daesh (ISIS) and the Iranian Revolution. As one might expect a great deal of the blame for these eastern “political religions” falls squarely (and rightly) on “Gnostic” influences absorbed from the West during the colonial period: Hegel, Marx, Nietzsche, “process theology”.

At 123 pages Eric Voegelin et l’Orient is a very short text. My overwhelming sense when reading it the first time was that it is simply an opening salvo for a much larger and more detailed work we can expect from Fabbri in the near future. Moreover, one can tell Fabbri is a blog writer. Even in producing a monograph he writes in linked short bursts of a few pages on certain important figures in the history of the two religions in question. However, this is not to denigrate the book; rather we should celebrate it for its adventurousness. Fabbri is an abstract and thematic thinker, like Voegelin at his most experimental. Anyone picking up this book expecting something akin to the Voegelinian-Straussian The New Political Religions, written not long after 9/11 on the pneumatopathological history of Islamic terrorism (including its eye-opening essay on the ethics of suicide bombing), is going to be more than a little surprised.[1] Fabbri leaps around, he reads between the lines and conjures up obscure thinkers, both as nodes in the history of the decline of Islamic and Hindu religious experience, and as accessories to aid him in his explorations.

The two most important accessories Fabbri uses besides Voegelin are the French thinkers René Guénon and Henry Corbin, the former of which he uses largely in his discussions on Hinduism and the latter on Islam. Many readers may not be familiar with either of these so perhaps a little explanation is in order. Guénon is the father of an esoteric movement known commonly as Traditionalism or Perennialism. He believed that for all the diversity of the world’s religions, they call contained a transcendental unity of shared truth. Ergo, Guénon was a universalist, a very unpopular opinion in our post-colonial era. However, he was a very eccentric universalist, even for the early 20th century. The basis of Guénonian history is the idea that the cosmos passes through cycles of decline, from all quality and no quantity (=God) to all quantity and no quality. This comes to a final Kali Yuga, a scientistic “reign of quantity”. Finally the world collapses into total atomisation and spiritual decay before another Golden Age begins.[2]

However, this does not tend to make Traditionalists millenarians trying to force the Golden Age to come back. There is of course the exception of far-right outliers such as Julius Evola and Russian “New Rasputin” Aleksandr Dugin, in whom there is at least as much Nietzsche as Guénon.[3] In my experience with Traditionalists (all my teachers when I was an undergrad religious studies student were Guénonians), there is a far more profound sense of a pessimistic acceptance of a pre-determined order to things. There are no “Guns, Germs and Steel”, theories about millenarian “political religions” or Heideggerian blame-Plato-for-the-reign-of-quantity in Guénon.[4] The West simply drew the short straw in a natural cosmic process. Nonetheless, in Guénon’s successor Fritjof Schuon one can certainly find the idea that the West was metaphysically broken from the start because of Greek rationalism, scepticism and materialism. To Schuon Islam and Christianity got more out of the Greeks than they got out of themselves:

“The true “Greek miracle, if a miracle there be – and in this case it would be related to the “Hindu Miracle”- is doctrinal metaphysics and methodic logic, providentially utilized by the monotheistic Semites”.[5]

The aim for the Traditionalist becomes to find what is left of an imagined universal sophia perennis of esoteric truth in Sufism, Hinduism, the Western Hermetic traditions – the part of inferno that is not inferno, so to speak. Thus, as one might imagine, Fabbri seems to believe that the Guénonian narrative of decline can be laid over the Voegelinian narrative of pneumatopathology. There are problems with this, perhaps. Compared with Voegelin’s open-ended “order in history” as the produce of human experiences of social crisis, there is very little metacritical about the deterministic Guénonian historical narrative. All of this is amusingly epitomised by the Guénonian who put me on to Fabbri and his book: “Oh Voegelin? Too historicist for my liking. But then again you have to be if you want the academy to take you seriously.” However, I think that what Fabbri has done, nonetheless, is attempt a highly original experimental dual focus using both thinkers well, yet erring on the side closer to Voegelin and historicity.

Fabbri utilises the ideas of Guénon to patch up what he sees, quite reasonably, as Voegelin’s faults in understanding India. For Voegelin India had never been the recipient of any great historical upheavals, as occurred in the Ancient Near East with the collapse of the ancient cosmological empires. Thus no one ever really had to think about rationalising an order to history. Moreover, because God/Brahman in Hinduism is always atman (the self) and never Other, this also prevented any emergence of a “differentiation in being” to take place. Voegelin writes:

“In the culture of Hinduism, historical consciousness is muted by the dominance of late-cosmological speculations on the cosmos as a “thing” with a beginning and an end, as a “thing” that is born and reborn in infinite sequence. The hypostasis of the cosmos, and the fallacious infinite of cosmological speculation, can be identified as the stratum in the Hinduist experience of reality that has not been broken by epochal events comparable to the noetic and pneumatic theophanies in Hellas and Israel. As a consequence, the Brahmanic experience of reality does not develop the self-consciousness of the Platonic-Aristotelian philosophy as a noetic science; in its self-understanding it is a darshana, a way of looking at reality from this particular thinker’s position… The most striking manifestation of this phenomenon is the nonappearance of historiography in Hindu culture.”[6]

Now, so one might think, to Voegelin all this would be a good thing – none of the dualism and millenarianism that caused the decline of Near Eastern and Western religious experience into secular political religions. However, Voegelin simply seems to snub India as something which never really went anywhere. He shows some passing interest in the Greco-Bactrian cultural exchange, but the only thinker of note is Shankara with his advaitya vedanta. This is perhaps because of similarities between the neti neti (God is not this, not this) of Shankara and the via negativa (negative theology) of the Christian Cloud of Unknowing, which Voegelin initially took to be a Gnostic text, but later came to embrace because of its refusal of “Gnosis”- ultimate positive knowledge.[7] There are other problems, small but niggling. We are never even told by Voegelin whether, as with China and its t’ien hsien (all under heaven), anyone in Indian history ever attempted to symbolise a universal “humanity”.[8] Even more invitingly, as Fabbri (p. 39) suggests, we are left wondering why Voegelin never had anything to say about the great Indian epic the Mahabharata. Let’s hope that Fabbri or someone else in the near future gets around to fixing this. I would love to read such a thing.

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Fabbri attempts to turn Voegelin’s remarks on their head. From a Guénonian perspective India’s atman and lack of “historicism” makes it far more spiritually healthy. To Fabbri India represents a more complete primordial view of things, spared from the dualism inherent in monotheism that leads to obsessions with mastery over nature and the millenarian immanentisation of an alien God (pp. 40-1). This only begins to come apart with the introduction of Western ideas during the colonial period (p. 43). Fabbri’s main target of interest is Sri Aurobindo, a British-educated turn of the century figure who reshaped Hinduism towards a progressive view of history – a Hegelesque “integral” view of the world. The whole world comes to be united in a futuristic enlightened communist consciousness emanating from India and its god-man sages (pp. 49-60). Indeed Aurobindo and those like him such as the Theosophists have done a lot of damage to Indian thought. Without them there would have been none of the “New Age” millenarianism of the 60s that the West (and India) came to be soaked in. What is curious, and what Fabbri fails to mention, is that Guénon initially had some enthusiasm for Aurobindo, but eventually realised that his evolutionism was a modern corruption of the traditional Hindu cyclic view of history.[9] However, the supreme sin of Aurobindo for Fabbri is the fact that he transformed Maya, the veil of illusion separating the individuated entity from realising it is part of atman, to Lila, merely the cosmic playfulness of entities coming into being and perishing (p. 57). The phenomenal world becomes a joyous, immanentised plenitude, reminiscent of “process theology”. Such views in my experience are of course extremely prevalent in New Ageism and its gutting of Hindu thought, especially the twee Spinozism of “Deep Ecology”.

This brings us to two curious absences in Fabbri’s take on India. The first is that although he traces the influences of Aurobindo down to modern Indian nationalism and communism and New Age gurus, he does this perhaps too succinctly. For instance, he mentions Radhakrishnan only in passing (p. 48). This thinker not only actively engaged in attempting to square Hindu thought with western progress narratives, science and “process thought”, but also played an enduring part on the international stage as a representative of Indian nationalism.[10] At least something on this figure would have been welcome. The second issue is that although Fabbri (p. 41) mentions the idea of the kalki-avatara, the tenth and final avatar of Vishnu, who is supposed to come at the end of this cosmic cycle to renew the world, he never queries whether even this idea might have come from the millenarianisms of the Abrahamic religions. Some thinkers have certainly asked this before, as also in regard to the closely related legend of the eschatological kalki kings and armies of Shambhala in Buddhism, for which at least some Islamic influence has been posited.[11] Nonetheless, Fabbri (p. 42) is very much right to remind us that there are thousands more years of the to go before any kalki-avatara might be expected. Anyone, especially all those dubious New Age gurus, who claim otherwise, seem testament to the idea that millenarianism should perhaps be called the opiate of the Kali Yuga. Everyone wants out but Great Disappointments keep on coming.

Fabbri then moves from India into tracing a similar history in Islam. In fact India disappears for the rest of the book. This largely seems to be because Islam is a far greater issue in relation to contemporary global politics. Fabbri’s (p. 67) understanding of Islam takes its bearings from two things. The first is the idea that Islam has always been troubled by a “noeud gordien” (Gordian Knot), wherein prophesy and empire-building have had an uneasy coexistence. He attributes the origins of this understanding to Voegelin, which does not actually seem to be the case, though the conception still seems quite valuable. Rather, if we are to look at what Voegelin has to say about Islam in The Ecumenic Age, the results are even more woeful than what he has to say about India. All we get is a couple of pages, most of which are simply block-quotes from the Koran and the declaration that Islam was little more than the combined empire-and-church approach of the Byzantine and Sassanid ecumenai. These, so Voegelin says, formed the “horizon” in which Mohammad thought:

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“Mohammed conceived the new religion that would support its ecumenic ambition with the simultaneous development of imperial power. The case is of special interest as there can be no doubt that Islam was primarily an ecumenic religion and only secondarily an empire. Hence it reveals in its extreme form the danger that beset all of the religions of the Ecumenic Age, the danger of impairing their universality by letting their ecumenic mission slide over into the acquisition of world-immanent, pragmatic power over a multitude of men which, however numerous, could never be mankind past, present, and future.” [12]

Whether we are talking about “Gordian Knots” or “sliding over”, for all the briefness of Voegelin’s observations, there would certainly seem to be something profound to work with here. It seems that Islam, like Christianity with its Heavenly and Earthly City, millennium and later its “two swords” of Church and State, was troubled from the moment it began to set down concrete notions of the historical finalisation of the nature of things.

This brings us to the second basis for Fabbri’s history of Islamic spiritual decline – his reliance on the ideas of Henry Corbin (pp. 70, 83-5). Like Guénon, the name of Corbin in not well-known (except perhaps within Islamic mystical circles or in the writing of Norman O. Brown). Corbin was the first French translator of Heidegger, but his main importance comes from his enterprising work on angelology and proposed Zoroastrian influences in Shi’a Islam.[13] Corbin describes the existence of a “mundus imaginalis” (imaginal world) – a medial realm between man and God –  peopled by angelic beings. This Nâ-Kojâ-Abâd, “Country of Non-Where”, or “Eighth Clime”, is accessible only through the consciousness and is the organ for the reception of the visions and prophesies that are brought to men from God via the angels. The “imaginal” is not to be confused with modern western understandings of the “imagination”, which largely view this term to mean simply a source for entertaining aesthetic produce or downright falsity. Imagination isn’t “fantasy”. However, so I am tempted to propose, if one looks closely at the history of these two terms their confusion seems to lie in the mediaeval reception of the ideas of Avicenna in Europe. Many tangled arguments ensued over which term meant a purely receptive capacity for external images and inner divine visitations, and which the organ of active creativity from pre-received material.[14]

What both Corbin and then Fabbri do is chart the history of Islam as the history of the decay and forgetting of the angelic reality – the death of ongoing prophesy. As one might imagine Fabbri finds similarities between the medial nature of this “mundus imaginalis” and Voegelin’s metaxy or In-Between and his reading of history as the breaking down of this dynamic experiential system into dualism and then immanentism. Without a “resolving third” full of intramundane spirits and myths one’s ecumene and consciousness becomes very empty indeed. Fabbri also sees this inherent in the discarding of the cult of the gods, the Ishtadevas, in Hinduism by thinks such as Aurobindo. In a later essay I would like to return to such questions in relation to the history of the West and its own loss of angels. However, for now it is more important to emphasise that all this means that both Corbin and Fabbri come down hard on the side of Shi’a rather than Sunni Islam. The root of Islam’s issues is the “tragédie fondatrice” (founding tragedy) of the Sunni-Shi’a division (the fitna), just as much as the “Gordian Knot” of prophesy and empire mentioned above. For the Shi’a, prophesy kept on going to a certain point, depending on how many Imams each faction take to be rightfully guided, up to the Great Occultation of the mahdi – the imam in hiding. For the Sunnis, Muhammad was the “seal of the prophets” and that was that. This means that those claiming to be the recipients of new prophesies and divine knowledge have always had a strained relationship with mainstream Islamic thought.

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Fabbri (pp. 74-7) lays out the history of these difficulties through figures such as Al Farabi, whose mixture of Platonism and Islamic revelation produces an image of a proto-Kantean world state ruled by “philosopher kings”. Following Corbin, Fabbri (p. 75) ponders whether Farabi was a “crypto-Shiite” trying to think beyond the Grand Occultation of the last imam. Another important thinker is the Sufi Ibn Arabi who represented the rulers from Adam to Muhammad as God’s representatives on Earth, and those thereafter as simply secular rulers. History instead is controlled from the outside by the saints and angels. As Fabbri (pp. 88-9) notes there is something strongly anti-millenarian and “realist” about this. Yet, at the same time, this descacralisation of the caliphate opens up the space for a “spiritual anarchy” where the secular rulers are unimportant compared with the Gnostic claims of holy men.

The “Gordian Knot” problem leads down to the “presque schmittienne” (almost Schmittian p. 90) political theorisations of Ibn Taymiyya. Here maintaining the sharia and the temporal rule of the Islamic states against heathens becomes the onus. So too is the cult of the saints pejorated as idolatry, leaving no intermediaries or intercessors between man and God. The genesis of Islamism then emerges in a kind of dual spiritual desperation. On the one hand there is the destruction of the Caliphate by the Mongols (and later the collapse of the Ottoman Empire). On the other there in an increasing shutting out and disappearance of prophetic claims and the intercession of saints. What then emerges is a kind of panicked assumption that if the Caliphate is restored, Islamic consciousness then too will be restored to how it was during its early period. Increased persecution of Sufis, attempts to rid foreign corruptions from an imagined pure, original Islam and abject literalism ensue through Abd al-Wahhab, Sayyid ibn Qutb and other prominent thinkers among contemporary Sunni Islamists. Fabbri (pp.91-3), in comparison with The New Political Religions, only gives these influential thinkers a couple of pages and he has nothing to say about Westernised Pan-Arabist movements like Ba’aathism. He remains far more interested in the stranger, more obviously “Gnostic” cases.

Fabbri (pp. 95-101) then descends into the influence of Western political religions on Islam during the colonial period. The most important thinker here is Muhammad Iqbal, who attempted to square Einsteinian cosmology, and the “process” thought of Whitehead and Bergson with Islam, and ends up producing a series of bizarre “Gnostic” visons about modernity. Marx becomes the angel Gabriel of the new age, feminism appears manifest as a monstrous Priestess of Mars. Reading all this strongly reminds me of the way in which in the Soviet Era the old religious and heroic oral epics of “minorities” in the USSR were secularised to replace millenarian heroes such as Geser Khan and his titanic foes with Marx, Engels and Lenin flying through the cosmos battling the fifty-headed hydra of capitalism.[15] The strange syncretism of the old religions and the political religions seems to have got into everything in the twentieth century.

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Finally, Fabbri (pp. 103-11) comes to Ali Shariati, Khomeyni and the Iranian Revolution. Fabbri deftly notes the influence of a number of Western thinkers such as Sartre and Marx (“red Shi’ism”) on the formation of these ideas and the degeneration into millenarian theocracies ruled by Gnostic “philosopher kings”. Yet, there is one very obvious absence in his analysis. This is Heidegger. Fabbri mentions Heidegger numerous times throughout Eric Voegelin et l’Orient in connection with globalism, subjectivity, technology and nihilism (pp. 30, 46, 50, 58, 100). However, like his references to Leo Strauss (ie. pp. 99-100), Heidegger is always cited as a kind of minor accessory – one of the “good guys” – but not as important as Corbin, Guénon and of course Voegelin himself. Fabbri does not at all mention how the influential concept gharbzadegi (“westosis/weststruckness”- being infected with western nihilism) from the Iranian Revolution is nearly entirely down to Heidegger’s influence through Ahmad Fardid, who propagated Heidegger’s ideas about cultural “authenticity” in Iran and organised a group of “Iranian Heideggerians” in the 1970s.[16] Fabbri (p.104) in passing names Jalal al-e-Ahmad who popularised the concept, but Ahmad and his Heideggerianism is never dealt with at all.

Heidegger is a very troublesome thinker, far more than the occasional ritualistic hand-wringing about his Nazi period in contemporary continental philosophy usually conveys. Heidegger’s embrace of Nazism has its basis in the idea that the Germans had a unique primordial and “authentic” link with the Greeks and Being, which was under threat by the flattening effects of capitalist and communist nihilism.[17] There is quite a profound legacy to this idea of one’s people possessing an ancient and unique manifest destiny and identity to overcome global nihilism. Shortly after Heidegger’s infamous Rektor speech in 1933, some of the Japanese philosophers of the “Kyoto School” such as Keiji Nishitani, who studied with Heidegger, took this up, replacing Being with the Zen Void, to construct a Japanese imperial manifest destiny.[18] “Reactionary” Heidegger returns in the Iranian Revolution and more recently in the “Fourth Political Theory” of Aleksandr Dugin and his obsessions with building a Eurasian Empire to combat the “post-liberal” monster of globalised American consumer culture.[19] As Foucault said of the Iranian Revolution – it was to be the first great rebellion against the Western “world system”. Just as much as Heidegger, his reputation never managed to live this down.[20] Thus, I think that Fabbri should have expended at least some attention on dealing with the millenarian and deforming aspects of Heidegger’s ideas outside the West.

In comparison, perhaps, as Chinese Heideggerian Yuk Hui has recently shown with his book The Question Concerning Technology in China, which touched upon the uneasy Heideggerian legacy in Dugin and the “Kyoto School”, there might be some hope of using Heidegger’s later ideas to undertake culturally-specific “rememberings of Being” without it all just turning into a “metaphysical fascism”. This possibility is based around re-investigating how imported Western conceptions of technology have covered over the ongoing relationship between Qi and Tao in Chinese philosophy. Knowing the dangers of an emerging China simply repeating Western global empire building and technological nihilism seems to be the first step; to live with technology China must learn to reintegrate it, the world, life and society together into a “cosmotechnics”. One can only hope this doesn’t backfire and we end up with some sort of exceptionalist Taoism with a transhumanist immortality complex.[21] Heideggerian “traditionalism” remains a dangerous animal.

Fabbri draws his book to a close by attempting to consider how to deal with contemporary Islamism. Although one is unsure of his political leanings, he does seem very much aware of the weaknesses of the contemporary left and right in Europe (though it could be America, Australia…) in understanding Islam and its history. To the liberal left Islam is a magical victim, which must be defended at all costs, often to the point of naivety; to the increasingly reactionary right and the actively anti-religious left it is simply anathema – it has no place in Western society (p. 121). Fabbri’s (pp. 116-9) beginning of an answer to this is in the vague hope he seems to find in the figure of Tariq Ramadan, a popular Islamic public intellectual. Ramadan believes that Islam needs to reform the Sharia for the “complexities” of the modern world and understand that there is a “double revelation of God” – the koran and nature.

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What is it that Fabbri finds promising about Ramadan? It simply seems to be that he is not necessarily a priori against the ideas from Sufi thinkers (p. 118). This doesn’t really sound like much. Fabbri himself recognises that Ramadan’s attitude towards the metaphysical aspects involved in the nature of modernity and Islam are gravely lacking. Moreover he admits that Ramadan is rather “naïve” in his attempts to square Islam with modern science. All in all to Fabbri (p. 116), Ramadan “illustre bien la vitalité mais aussi les limites de cette literature de résistance au fondamentalisme en terre d’Islam” (illustrates well the vitality but also the limits of this literature of resistance to fundamentalism in the Islamic world). These days there seem to be “Ramadans” everywhere, many far worse than the man himself. Some of them are atheists simply flying the identity politics flag of “cultural Islam”. They people TV talk show panels and public lectures telling everyone of the wonders of some liberal Islamic reformation, which seems to exert almost no influence outside of educated liberal Western circles. As to how the Islamic world might actually go about such a thing, and moreover, how it might do so without losing even more of its spirit than it already has done through the “Gordian knot” and Western influence, seems extremely fanciful.[22] Nonetheless, it seems difficult to consider how the Islamic world might actually go about a renewal of the spirit, and moreover, how it might do so without losing even more of its spirit than it already has done through the “Gordian knot” and Western influence.

Although things might seem rather dark, Fabbri (p. 122) ends his book with the optimistic hope for a “New Axial Age”, a renewal of Islam, Hinduism (and presumably Western traditions too) that might emerge by looking back over their histories and rediscovering the moments of luminosity that produced them. Yet because of the narratives of spiritual decline inherent in Voegelinian and Guénonian perspectives, there might seem no real exit beyond simply enduring “modernity without restraint” as best one can. In the words of Peter Sloterdijk on Voegelin, one of the few popular thinkers to engage with his ideas in recent years: “defences of philosophia perennis in the twentieth century frequently become involuntary obituaries instead.”[23] Here Sloterdijk might as well have been speaking of Guénon. The elephant in the room, however, is whether announcing a new epoch like this is not an act of millenarianism in itself. In light of this one should perhaps recall Georges Sorel’s apt observation that it is pessimist desperation that gives rise to millenarian will-to-deliverance and revolution, not optimistic images of the world.[24] Maybe the best we can do is stay positive about what remains of esoteric tradition, name the devil of millenarianism for what it is, and keep an open mind to different traditions, experiences and ecumenical histories. All in all Fabbri has written an amazing little book, as much as it cannot help but seem to be slightly tinged with obituary. I look forward to finding out more about this “New Axial Age”.

Notes

[1] Barry Cooper, The New Political Religions, or, An Analysis of Modern Terrorism, University of Missouri Press, Columbia and London, 2004.

[2] René Guénon, The Essential René Guénon, World Wisdom, Sophia Perennis, Bloomington, 2009.

[3] Julius Evola, Ride the Tiger: A Survival Manual for Aristocrats of the Soul, trans. Jocelyn Goodwin, Inner Traditions, New York, [1961] 2003; Aleksandr Dugin, The Fourth Political Theory, Arktos, London, 2014.

[4] For an example of just how dependent upon the idea of deterministic primary causes in the narrative of the cosmos Guénonian thought is, compare Voegelin’s conceptions of order and history with this: Fritjof Schuon, The Essential Fritjof Schuon, edited by Seyyed Hussein Nasser, World Wisdom Publishers, Bloomington, Indiana, 2005,  p. 181:”…traditions having a prehistoric origin are, symbolically speaking, made for “space” and not for “time”; that is to say, they saw the light in a primordial epoch when time was still but a rhythm in a spatial and static beatitude…the historical traditions on the other hand must take the experience of “time” into account and must foresee instability and decadence, since they were born in periods when time had become like a fast-flowing river and ever more devouring, and when the spiritual outlook had to be centred on the end of the world.”

[5] Fritjof Schuon, The Essential Fritjof Schuon, p. 144. Cf. p. 138 uses the anti-philosophical arguments of the Sufis against the philosophical obsessions with laws of causation and the “outer world”. Here Schuon refers to the “best of the Greeks” as those who saw immanent Intellect at work in the world, but even here he has to emphasise that he believes the Arabic mismatch of Plato, Plotinus and Aristotle was superior because Islamic thinkers considered them holy men and used their ideas as a combined instrument to search for the truth. Also see: Ibid, Art from the Sacred to the Profane: East and West, World Wisdom Publihsers, Bloomington, Indiana, 2007, p. 48.  Perhaps an anecdote might shed some light on the occasional habit among Traditionalists to pejorate the “Western tradition” in favour of Hinduism and Islam. Many years ago when my old teacher Roger Sworder hired Harry Oldmeadow for his Philosophy and Religious Studies Department at Latrobe University Bendigo, Australia he asked him one important question over the phone: “What do you think of Guénon and Schuon’s attitudes towards the Greeks?” The appropriate answer that got him the job was “They said Plato was the best the West had available. They didn’t say enough.” Sworder spent his whole life in many ways trying to redeem the Greeks (especially the Neo-Platonic tradition) from a Traditionalist perspective. See: Roger Sworder, Mining, Metallurgy and the Meaning of Life, Sophia Perennis, San Rafael CA, [1995] 2008.

[6] Eric Voegelin, Collected Works of Eric Voegelin Vol. 17: Order in History Vol IV: the Ecumenic Age, University of Missouri Press, Columbia, 2000, p. 394. Cf. Idem, Anamnesis, trans. Gerhart Niemeyer, University of Missouri Press, Columbia and London, 1990, p. 123 on India: “but no historiography.”

[7] Idem, Collected Works of Eric Voegelin Vol. 21: History of Political Ideas Vol. III: The Later Middle Ages, University of Missouri Press, Columbia, p. 177: “the civilizational destruction perpetrated by a peasant group fighting for the perfect realm does not differ in principle from the annihilation of the world content in the…Cloud of Unknowing.” Cf. Eugene Webb, Eric Voegelin: Philosopher of History, University of Washington Press, Seattle, 1981, pp. 28-9.

[8] Eric Voegelin, The Ecumenic Age, esp. pp. 375-6.

[9] Pierre Feuga, “Rene Guenon et l’Hindouisme,” http://pierrefeuga.free.fr/guenon.html#_ftnref25 last accessed: 11th July 2017. Also see: René Guénon, Studies in Hinduism, trans. Henry D. Fohr and Cecil Bethell, Sophia Perennis, Hillsdale NY, 2004, p. 168 where he quotes Aurobindo at length against the Freudian unconsciousness.

[10] See: Radhakrishnan, An Idealist View of Life, Unwin Books, London, 1970.

[11] Mahabharata Vol. II, trans. and ed. by J. A. B. van Buitenen University of Chicago Press, Chicago and London, 1975, Book III. section 188.86-189.12. See: A. L. Basham, The Wonder that Was India, Rupa, Calcutta, 1986, p. 309 which mentions similarities with Christ’s second coming on a white horse as a similarity with Kalki; Zoroastrianism and Buddhism are mentioned as possible sources for the myth too. Wendy Doniger, The Hindus: An Alternative History, Oxford University Press, Oxford, 2010, pp. 486-7. On Shambhala, Kalki and Islam see: Alexander Berzin, “Holy Wars in Buddhism and Islam,” Alexander Berzin Archive:www.studybuddhism.com/en/advanced-studies/history-culture...islam last accessed: 19th June 2016; Jan Elvserskog, “Ritual Theory Across the Buddhist-Muslim Divide in Late Imperial China,” in A. Akasoy, C. Burnett and R. Yoeli-Tlalim, (eds) Islam and Tibet: Interactions Along the Musk Road, Ashgate, Farnham UK, 2011, pp. 1-16 and 293-312. On the Soviet use of the Shambhala myth to spread communism: Alexander Znamenski, Red Shambala: Magic, Prophesy and Geopolitics in the Heart of Asia, QuestBooks, Theosophical Publishing House, Wheaton, 2011.

[12] Eric Voegelin, The Ecumenic Age, pp. 198. The koranic quotes are carried over onto pp. 199-201. Perhaps Voegelin didn’t like Islam very much, as is suggested in The New Science of Politics, University of Chicago Press, Chicago, 1952, pp. 139-42 where he uses the term “koran” pejoratively to indicate the Gnostic habit of writing heretical third testaments to biblical history.

[13] Henry Corbin, Creative Imagination in the Sufism of Ibn Arabi, trans. Ralph Manheim, Princeton University Press, Princeton N.J., 1969. Idem, “Mundus Imaginalis, or, The Imaginary and the Imaginal,” Zurich, Spring 1972, available from:  https://ia600201.us.archive.org/28/items/mundus_imaginali... last accessed: 6th July 2017.

[14] For a commensurate overview see: Dennis L. Sepper, Descartes’ Imagination: Proportions, Images and the Activity of Thinking, University of California Press, Berkeley, 1996, pp. 19-25.

[15] Jonathan Ratcliffe, “The Messianic Geser: from Religious Saviour to Communism,” Paper delivered at Geser Studies Conference, 23rd June 2016, Buryat Scientific Centre, Ulan Ude. English and Russian versions. http://anu-au.academia.edu/JonathanRatcliffe last accessed: 6th July 2017.

[16] Mohammad Rafi, “Re-Working the Philosophy of Martin Heidegger: Iran’s Revolution of 1979 and its Quest for Cultural Authenticity,” Telos Press, 19th April 2013, http://www.telospress.com/re-working-the-philosophy-of-ma... last accessed: 6th July 2017.

[17] Martin Heidegger, “The Self-Assertion of the German University,” in Richard Wolin, The Heidegger Controversy, MIT Press, London, 1993, pp. 29-39; idem, Nature History and the State 1933-1934, trans. Gregory Fried and Richard Polt, various contributors, Bloosmbury, London, 2015.

[18] Yuk Hui, The Question Concerning Technology in China: An Essay in Cosmotechnics, Urbanomic, Falmouth, UK, 2016, pp. 241-69.

[19] Aleksandr Dugin, The Fourth Political Theory; Alexander S. Duff, “Heidegger’s Ghosts,” The American Interest 11/5 25th February 2016, http://www.the-american-interest.com/2016/02/25/heidegger... last accessed: 17th September 2016.

[20] Janet Afary and Kevin B. Anderson, Foucault and the Iranian Revolution, University of Chicago Press, Chicago, 2005. Cf Slavoj Žižek, In Defence of Lost Causes, Verso, New York, 2008, esp. pp. 107-17.

[21] Yuk Hui never talks about transhumanism, but is very much dependent upon Joseph Needham, Science and Civilisation in China Vol II: History of Scientific Thought, Cambridge University Press, Cambridge, 1956.  However as noted by one of the most millenarian thinkers of the last century: Norman O. Brown, Life Against Death, Wesleyan University Press, Middletown Connecticut, 1959, p. 311: “But Needham’s enthusiasm for Taoism as a human and organismic response to life in the world must be qualified by recognising that the Taoist perfect body is immortal: Taoism does not accept death as part of life.”

[22] Exemplary is this book: Paul Berman, The Flight of the Intellectuals, Scribe, Melbourne, 2010. This is little more than a kind of rather ineffectual beat-up about Ramadan, all based on his father’s connections with the Muslim Brotherhood rather than the thinker’s own character. The conclusions of its author were simple: replace the public intellectual Ramadan with another, Ayaan Hirsi Ali. What’s so special about Ali? She’s an ex-muslim, she loathes Islam and campaigns against it. Ergo, the only good Islam in Europe (or possibly everywhere) is no Islam.

[23] Peter Sloterdijk, In the World Interior of Capital, trans. Wieland Hoban, Polity, Cambridge UK, 2016, p. 283 n.4.

[24] Georges Sorel, Reflections on Violence, trans. J. Roth and T.E. Hulme, Collier Books, New York, 1961, pp. 34-6.

 

Written by

 

Jonathan Ratcliffe is a doctoral candidate in Asian History at the Australian National University. He is working with Chris Heggie-Brown on a history of technology and politics, provisionally titled "Voegelin Among the Machines."

dimanche, 11 juin 2017

« Daech : L'arme de la communication dévoilée » de François-Bernard Huyghe

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Fiche de lecture:

« Daech : L'arme de la communication dévoilée » de François-Bernard Huyghe

par Nicolas Faure
Ex: http://www.europesolidaire.eu & https://www.polemia.com
 
François-Bernard Huyghe est docteur d'Etat en sciences politiques, habilité à diriger des recherche, directeur de recherche à l'Iris et enseignant, notamment au CELSA Paris IV Sorbonne. Spécialiste de l'influence stratégique, il décrypte dans cet ouvrage traitant de l'Etat islamique les différentes stratégies de communication utilisées par cet Etat islamique.
 
Nous rééditons ici cet article de Nicolas Faure publié par Polémia,  que nous remercions
https://www.polemia.com/daech-larme-de-la-communication-devoilee-de-francois-bernard-huyghe/?utm_source=La+Lettre+de+Pol%C3%A9mia&utm_campaign=a0270d0758-lettre_de_polemia&utm_medium=email&utm_term=0_e536e3990e-a0270d0758-60536937

L'auteur  dresse le portrait d'un ennemi implacable, bien moins déséquilibré que certains commentateurs semblent imaginer. Un livre à lire de toute urgence pour comprendre que la guerre contre les djihadistes n'est sans doute pas terminée...

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« Le nom que nous leur donnons en révèle plus sur nos fantasmes que sur les leurs »

« Difficile d'opérer une conversion plus absolue que celle des djihadistes, d'adopter un critère du vrai, du bien, du juste ou du souhaitable plus opposé au nôtre » écrit François-Bernard Huyghe en introduction de son livre.

Cette opposition évidente entre le monde moderne et ces combattants de l'Etat islamique conduit l'auteur à analyse en profondeur leurs motivations et celles de ceux qui les rejoignent.

Il s'attaque par exemple à la frilosité occidentale quant à la désignation de l'ennemi :

« La question de sa désignation devrait être réglée depuis longtemps. Or le nom de l'ennemi nous pose plutôt problème à nous, ses adversaires (...). Entre les stratégies d'évitement [ne pas stigmatiser, ne pas amalgamer, pas de vocables évoquant des principes généraux ou des « valeurs »] et les stratégies de l'affirmation [il faut avoir le courage de désigner l'ennemi islamiste violent], nos politiques révèlent leurs contradictions. »

Plus loin il adresse une nouvelle pique aux Occidentaux incapables de prendre la mesure des ressorts de l'Etat islamique :

« [Employer] des termes comme “nihilisme” [sonne] creux ; les djihadistes ne sont nullement animés par le refus de toutes valeurs ; ils sont dans l'obsession d'une seule valeur. (...) Nier cette positivité, l'inverser en haine absurde, c'est se donner bonne conscience à bon compte. (...) En niant qu'ils puissent agir au nom de valeurs religieuses, nous les considérons comme irrationnels, et refusons de comprendre leur logique de légitimité. Moraliser [ils veulent le mal] ou psychiatriser [ils sont fous] sont de bien pauvres consolations contre ce qui nous nie. Le nom que nous leur donnons en révèle plus sur nos fantasmes que sur les leurs. »

Dans cet ouvrage, François-Bernard Huyghe s'attache donc à analyser sans faux-semblant ce qui anime les soldats du califat islamique. Cette démarche saine et essentielle permet à ce livre d'être une mine d'or d'informations et d'analyses pertinentes.

La violence relayée par Internet comme arme à double tranchant

Pour François-Bernard Huyghe, l'Etat islamique est passé maître dans l'art de la communication. Il écrit même (p. 68) : « Daech, c'est une machine à tuer plus un appareil à communiquer. »

La plus visible des communications, c'est la mise en scène de sa violence.

« Au-delà du sang, il y a le sens » écrit François-Bernard Huyghe (p. 56). Selon lui, la violence des exécutions d'infidèles a une importance capitale dans la propagande de l'Etat islamique, à la fois pour ses partisans ou supporteurs, fascinés et attirés par la violence des actes, mais aussi pour l'adversaire qui, face à la brutalité des djihadistes, peut être démoralisé ou prendre peur.

L'Etat islamique se sert d'Internet comme d'une caisse de résonnance incroyable. Ce ne sont pas les premiers, nous rappelle François-Bernard Huyghe en citant notamment l'expertise d'al-Qaïda et de ben Laden.

Une communication professionnelle

« La propagande d'Etat du califat est centralisée » assure François-Bernard Huyghe. Un ministère, des agences et des contrôles de production sérieux aboutissent à des réalisations extrêmement professionnelles.

« Il faut que nous reconnaissions la sophistication de leurs moyens et leur professionnalisme » écrit même l'auteur. Dans ce livre, il n'hésite pas à pointer du doigt le véritable souci de l'esthétisme dans les vidéos produites par le califat.

De la part d'un professeur au CELSA, prestigieuse école de communication française, ce ne sont évidemment pas des paroles en l'air...

Outre les images de violence destinées à impressionner et effrayer, François-Bernard Huyghe relève que la propagande de Daech concerne également les bienfaits de l'administration islamique sur les territoires qu'elle contrôle. Des images de familles heureuses ou de marchés bien approvisionnés sont ainsi très nombreuses.

François-Bernard Huyghe s'attache aussi à étudier de près la publication de magazines professionnels comme Dabiq, réservé aux anglophones, paru pour la première fois en avril 2014, ou Dar al-Islam, dédié aux francophones. Des analyses poussées fascinantes qui permettent au lecteur de prendre la mesure du professionnalisme de certains membres de l'Etat islamique.

Djihad 2.0

Dans cet ouvrage très bien documenté de François-Bernard Huyghe, on apprend également que l'Etat islamique incite fortement ceux qui s'y intéressent à sécuriser leur connexion Internet. Tout d'abord en utilisant un ordinateur volé qui ne puisse pas être relié à soi, puis en se connectant à Internet uniquement via des réseaux publics (type McDonald's) et en installant des outils de cryptage des connexions.

Selon l'auteur, les suiveurs de l'Etat islamique sont également passés maîtres dans l'art de diffuser des messages de tout type (propagande, revendication, etc.) de manière virale grâce aux réseaux sociaux.

La contre-propagande de l'Occident est-elle efficace ?

Selon François-Bernard Huyghe, les pays occidentaux n'ont tout simplement pas pris la mesure de la solidité doctrinale des meneurs de l'Etat islamique. Outre les justifications islamiques apportées après chacun de leurs attentats, les tirades sur des actions n'ayant « rien à voir avec l'islam » ferait tout simplement rire les membres de l'Etat islamique et leurs suiveurs !

Pire : à la campagne anti-djihad du gouvernement français intitulée « Toujours le choix », l'Etat islamique a répondu ironiquement par une campagne « Pas le choix », rappelant à l'aide d'éléments doctrinaux solides qu'un sunnite se devait de rejoindre l'Etat islamique.

François-Bernard Huyghe ne se contente pas d'analyser brillamment les ressorts communicationnels de l'Etat islamique. Il adresse également un avertissement sérieux à ceux qui sous-estiment l'intelligence ou la détermination des meneurs de Daech.

Face à un groupe terroriste aussi ingénieux et professionnel, la guerre pourrait durer encore longtemps, même après la victoire militaire occidentale...

Nicolas Faure

François-Bernard Huyghe, Daech : L'arme de la communication dévoilée, Collection L'Information, c'est la guerre, Va Presse, mai 2017, 134 pages

mercredi, 07 juin 2017

Saudi Arabia's doctrine of global Islamist terror

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Saudi Arabia's doctrine of global Islamist terror 

Much has been remarked about a picture taken by United States President Donald Trump on his recent visit to the Kingdom of Saudi Arabia. Alongside Trump, are the monarch of the Saudi state, King Salman bin Abdulaziz Al Saud and the Egyptian president, Abdel Fattah el-Sisi. All three men were captured placing their hands on a luminescent sphere. In the dimmed surroundings, the contrast between the set of glistening supraorbital ridges and pallid glow of fleshy cheeks on the one hand and the darkened, seemingly sunken eye sockets on the other produced an effect on each man's countenance that was both striking and startling.

If it reminded some of a pagan rite in which the participants were attempting to summon the forces of darkness, such an analogy would not be misplaced for it is an image which evokes the nature of the unholy alliance between the United States and the kingdom. Further, the fact that the event was held at an establishment which the Saudis name the 'Global Center for Combating Extremist Ideology' also captures the diabolical cynicism of the Saudi state whose Wahhabi ideology is the underpinning factor of the phenomenon of global jihadism. This puritan mutation of Islam serves as the inspiration for a network of extremist Sunni terror militias that includes al-Qaeda, the so-called Islamic State, Jabhat al-Nusra and Boko Haram.

The age-long rivalries and ancient hatreds which inform Saudi foreign policy; namely those related to regimes reflecting secular nationalist and pan-Arabist thinking as well as to Persian-majority Iran, the bastion of Shiadom, have produced a situation in which Saudi Arabian geo-political objectives coalesce with those of the United States and Israel. This has meant that the Saudis have been involved in both covert and overt efforts aimed at destabilisation and balkanisation in the Middle East and North African area and beyond; a central tactic that has involved the use of Wahhabist terror groups.

The rulers of Saudi Arabia, the oil rich kingdom situated on the Arabian peninsula, have for long seen themselves as being far more than the custodians of the holy relics of Islam. They have sought to be the undisputed leaders of the Arab and Muslim world; in the past battling with the secular, pan-Arab philosophy espoused by Gamal Abdel Nasser for the heart and soul of the Arab world, and, in more recent times, contending with Shi'ite Iran for regional influence.

However, this global scale reach for power and influence over a period of many decades has resulted in a state of affairs in regard to which the following inexorable conclusion cannot be avoided: that Saudi Arabia bears the greatest responsibility for the spread of militant Islamic ideology and remains the largest sponsor of Islamist terror groups.

A leaked email written by Hillary Clinton in January 2016 included an excerpt from a private speech she had made in 2013 in which she acknowledged that "the Saudis have exported more extreme ideology than any other place on earth over the course of the last 30 years." And a classified 2009 cable signed by Clinton while serving as US Secretary of State admitted that "Donors in Saudi Arabia constitute the most significant source of funding to Sunni terrorist groups worldwide."

In July of 2013, the European Parliament identified Wahhabism, the governing doctrine of Saudi Arabia, to be the main source of global terrorism.

The Wahhabist strain of Islamic theology lies at the heart of the creation of the Saudi state. Based on a demand that Muslims return to the pure and austere faith practiced by Prophet Muhammad and his early companions in Medina, Wahhabist-thinking rejected practices such as consuming tobacco, wearing silk clothes, the adorning of gold jewelry by men, and dancing to music. It forbade the building of gravestones and mausoleums or other edifices or practices which were viewed as encouraging idol and ancestor-worship; all of which detracted from complete subservience to God. It also considered the culture and philosophy accumulated by a thousand years of Muslim civilization to be heretical. This is known in Islamic parlance as Bid'ah.

The original followers of Ibn Abdel Wahhab were Bedouin folk who felt pride in an uncomplicated puritan mode of living which stood in satisfying contrast, as they saw it, to the decadent influences which permeated the practice of Islam among the more 'sophisticated' city dwellers in places such as Mecca and Basra. It was also a reaction against the opulent lifestyles of the Egyptian and Ottoman nobility.

The Wahhabist gospel preached a merciless creed of proselytizing via the sword. The takfiri doctrine designated as infidels not only those who were non-Muslim, but also Muslim adherents to the Shia and Sufi sects, and even Sunnis who did not fulfil to the letter, Wahhab's teachings. Those who did not adhere to his teachings effectively forfeited their right to their lives and to their property. He wrote the following:
Those who would not conform to this view should be killed, their wives and daughters violated, and their possessions confiscated
The relationship between the Sauds, a Bedouin clan, and Wahhabism go back to their antecedent Muhammad al Saud, a chieftain from the Nedj, a highland area of central Arabia. Al Saud combined his military prowess with the fervour engendered by Wahhbist thinking to create what is often referred to as the first Saudi state. Among his conquests were Mecca and Medina. The Shi'ite city of Karbala was also invaded and desecrated.

The license given to pillage outlying communities was an aspect of the Wahhabi doctrine which wedded with Bedouin culture. Saud showed no mercy as he went on to establish what came to be known as the Emirate of Diriyah until his defeat in 1818 by an Egyptian Expeditionary force sent by the Ottoman rulers who took him to Istanbul where he was beheaded in front of St. Sophia. His severed head was thrown into the Bosphorus.

However, the early part of the 20th century saw the beginning of the rise of another Saudi state under a young chief of the Saud clan named Abdelaziz. Utilising the services of a Bedouin cadre of pastoralised warriors known as the Ikhwan, Saud began a series of conquests over a period of several decades which covered much of the Arabian peninsula. The survivors of Ikhwan conquest were subjected to a political and social regime which strictly enforced the tenets of Wahhabism. Saudi expansion was limited largely by the colonial presence of the British who aided Abdelaziz in destroying the Ikhwan, elements of whom rebelled against what they saw as Abdelaziz's compromises with European infidels and the encroaching modern world fuelled by the discovery oil and its attendant wealth.

That is the history through which one can comprehend the motivation of groups such as Islamic State in destroying Roman architecture in Palmyra and of Boko Haram putting whole communities to death. Both groups have outraged the world with their treatment of females who have been subjected to concubinage and forced marriages; acts which amount to mass rape. Hostility to modern culture and its underpinning ideas are reflected in the name Boko Haram, a faux amis which stands for "Western education is a sin". It was given by Hausa-speaking residents of the area of north-eastern Nigeria from where the group originated.
 

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But how did the Wahhabist creed expand beyond the Arabian peninsula after the fall of the Ikhwan and the halt of the military advances of the clan of al Saud?

There are arguably two pivotal events which shaped the beginnings of what we now understand to be global jihadism. One concerns an anti-House of Saud insurrection in 1979, which is known as the 'Siege of Mecca'. It was led by a descendant of a prominent member of the Ikhwan. The other is the role played by Saudi Arabia as part of the anti-Soviet alliance in Afghanistan in the 1980s.
On November 20th 1979, the first day of a new Muslim century, hundreds of gunmen led by a preacher by the name of Juhaymon al-Otaybi seized control of the Grand Mosque in the holy city of Mecca. Otaybi declared that the Mahdi or "redeemer of Islam" had arrived in the form of one Mohammed Abdullah al-Qahtani.

Otaybi and his group of insurgents had the objective of overthrowing the House of Saud on the grounds that the rulers of the Saudi state had compromised the strict tenets of the Wahhabi creed which had been central to the formation of the country. They called for the expulsion of Westerners, the abolition of television and the ending of education for women. The siege lasted for two weeks. After obtaining the blessing of Wahhabi clerics, the Saudis used a detachment of French special forces to enter the Grand Mosque and flush out the rebels.

But it all came at a price. Following consultations with the class of influential fundamentalist clerics, many of whom agreed with the grievances of the rebels, the Saudis set about 'correcting' those areas where 'liberalisation' had strayed beyond acceptable limits including the media and the school curriculum. The clerics also extracted from the Saudis a commitment to pumping money into the coffers of Sunni missionary organisations with the objective of spreading the Wahhabist doctrine in Islamic universities and madrassas around the Muslim world. It is a policy which became institutionalised and continues to this day.

The Soviet invasion of Afghanistan, occurring like the siege of Mecca in 1979, was the second critical event. The outrage felt by the Muslim world included the declaration of a fatwa by Abdelaziz Bin Baz, who later became the Grand Mufti of Saudi Arabia. The rulers of Saudi Arabia then became involved with 'Operation Cyclone', one of the longest and most expensive covert operations undertaken by the American Central Intelligence Agency (CIA).

Masterminded by Zbigniew Brzezinski, the US National Security Advisor during the administration of President Jimmy Carter, the Saudis provided a large amount of funding for the local Mujahideen as well as the bands of non-Afghan jihadis who flocked in from parts of the Muslim world. Among the multi-ethnic force of migrant warriors, the so-called 'Afghan Arabs', was a young, wealthy Saudi Arabian named Osama bin Laden.

It is from this endeavour overseen by the Americans and heavily funded by the Saudis that the rise of al Qaeda and global jihadism can be traced. The template of Operation Cyclone would be used by the Americans with the aid of the Saudis in future conflicts ranging from the one in Bosnia and Kosovo to the present insurrection in Syria. While funding has come from state and private sources among the Gulf states including Qatar, a country with which the Saudis have a rivalry over dominance in the Sunni world, it is safe to assume that the bulk of financing has come from Saudi sources.

A well-worn method of funnelling money and weapons to jihadist causes is through a network of Saudi-sponsored 'charities'. It is estimated that the Saudis funded the Bosnian Mujahideen to the tune of approximately $150 million from both state and private sources. The Saudi government was reputed to be the largest donor to the Third World Relief Agency (TWRA), which served as a conduit for both finance and arms for the Mujahideen, an arrangement which broke an arms embargo.

Saudi funding for militant Islamist groups continued into the era of the so-called war on terror commenced after the September 11 attacks on American soil by what were claimed to be al-Qaeda cells. Most of the alleged 19 hijackers were identified as Saudi citizens although confusion over the identity of a number of them persists until this day.

While the United States claimed that it would wage war against Sunni Islamist groups of the sort that are claimed to have carried out the terror attacks in the name of al-Qaeda, this has not prevented it from utilizing such groups in attempting to overthrow secular Arab governments who have stood in opposition to American policy. This has invariably been pursued with the help of Saudi Arabia.
The administration of President George Bush recalibrated its policy in providing support to Sunni militant groups in achieving the end of overthrowing the Alawite-dominated government of Syria, with the Saudis playing a key role. Writing about this 're-direction' in the March 2007 edition of the New Yorker magazine, Seymour Hersh gave the following explanation of how Washington would put pressure on Hezbollah through the use of militant Lebanese Sunni groups:
In Lebanon, the Administration has cooperated with Saudi Arabia's government, which is Sunni, in clandestine operations that are intended to weaken Hezbollah, the Shi'ite organisation that is backed by Iran. The US has also taken part in clandestine operations aimed at Iran and its ally Syria. A by-product of these activities has been the bolstering of Sunni extremist groups that espouse a militant vision of Islam and are hostile to America and sympathetic to al-Qaeda.
Four years later, this strategy would be taken to another level on Syrian soil under cover of the so-called 'Arab Spring'. The introduction of armed jihadist mercenaries to act in concert with homegrown anti-Assad militias, the majority of which have a jihadist agenda, has produced an insurgency which has caused the deaths of hundreds of thousands and left millions internally and externally displaced.

The Saudis have continued to feature in exposes relating to the funding of these rebels. For instance, the British Daily Telegraph edition of March 8th 2013 reported an airlift of arms through Zagreb destined for Syrian rebels. According to the report, "the shipments were allegedly paid for by Saudi Arabia at the bidding of the United States, with assistance on supplying the weapons organised through Turkey and Jordan, Syria's neighbours."
 

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An earlier report in the New York Times of 25 February 2013 headlined "Saudis Step Up Help for Rebels in Syria With Croatian Arms" was more definitive about Saudi involvement:
Saudi Arabia has financed a large purchase of infantry weapons from Croatia and quietly funneled them to antigovernment fighters in Syria in a drive to break the bloody stalemate that has allowed President Bashar al-Assad to cling to power, according to American and Western officials familiar with the purchases
This was not an isolated episode. In addition to the aforementioned leaked emails of Hillary Clinton, in another communication dated in 2014, Clinton cited Western intelligence sources as asserting that United States allies Saudi Arabia and Qatar supported ISIS. She wrote:
We need to use our diplomatic and more traditional intelligence assets to bring pressure on the governments of Qatar and Saudi Arabia, which are providing clandestine financial and logistical support to ISIL and other radical Sunni groups in the region
But Clinton is not the only senior American political figure to have alluded to Saudi financing of the terror militias in Syria. Referring to "our allies in the region" in regard to which he specifically mentioned "the Saudis", the then serving US Vice President Joe Biden, in a speech at the John Kennedy School of Government at Harvard University in October 2014, revealed the following:
They were so determined to take down Assad and essentially have a proxy Sunni-Shia war. What did they do? They poured hundreds of millions dollars and thousands of tons of weapons into anyone who would fight against Assad. Except that the people who were being supplied were al-Nusra and al-Qaeda and the extremist elements of jihadis coming from other parts of the world
The Saudis have also not been averse to directing the machineries of internal control to serve as instruments of state terror as relates to the actions taken against Shia dissenters in Qatif, a governorate within the largely Shia eastern province. Its military have also undertaken brutal interventions in neighbouring countries. It invaded Shia-majority Bahrain in 2011 to suppress demonstrations by those opposed to the rule of the Sunni al-Khalifa family.

The actions of the Saudi military in its current intervention in Yemen -albeit as part of a coalition of Arab and African states- is not premised as an operation of benevolent peacekeeping. While fighting against the Shia Houthi rebels, who Saudi Arabia claim -without providing evidence- are being aided by Iran, the Saudi military has implemented a campaign of terror directed at the civilian population. This has included airstrikes on residential complexes and market places as well as the deliberate destruction of infrastructure: health centres, farms and agricultural industry.

These all amount to war crimes. The Saudis are signatories to the additional protocol of the Geneva Conventions of August 1949 which provides the following:
It is prohibited to attack, destroy, remove or render useless objects indispensable to the survival of the civilian population such as foodstuffs, crops, livestock...for the specific purpose of denying them for their sustenance value to the civilian population...whatever the motive...
Saudi actions have led to what a top United Nations relief official described as a "humanitarian catastrophe". A United Nations News Service report in July 2015 noted that eighty percent of the total Yemeni population of 26 million were in need of some form of humanitarian assistance. The threat of long-term famine is a real one.

It is important to note that the Saudi role in fomenting terrorism by waging proxy wars or interventionist wars of the sort that Yemen is, has continually been facilitated by Western powers, most notably Britain and the United States. British arms supplies and British military advisers are key components in this war. Both the CIA and MI6 were central in facilitating the transaction involving the previously mentioned airlift of arms from Zagreb to Syrian rebels in their efforts to overthrow Assad; an endeavour which according to Roland Dumas, a former French foreign minister was planned years in advance, with key input by Britain.

Saudi collusion with Nato powers fits into the historical context of Western use of militant Islam in the furtherance of geo-political objectives. Both the United States and Britain have had an enduring relationship with extremist Islamist movements and militias including the Egyptian-originated Muslim Brotherhood. For the Americans, this goes back to at least the time of the Eisenhower administration in the 1950s while Britain's relations with the Brotherhood go further back in time to the period following its creation in the late 1920s.

Britain's specific relationship with the ruling House of Saud has been a long-lasting one. In the early part of the 20th century, the resurgent Saudi emirate was used by the British as a means of weakening Ottoman power in the Arabian Peninsula despite Winston Churchill's misgivings about Ibn Saud's followers being "bloodthirsty" and "intolerant". The logic that Saudi Arabia is a worthy ally because of its oil wealth and geo-strategic position is one which underpins its relations with Britain.
 
This also applies to the United States. The assessment by British policymakers in 1947 of Saudi oil as "a vital prize for any power interested in world influence or domination" captures the essence of America's ties with the Saudi kingdom.

The relationship between both nations, one self-avowedly democratic and republican and the other an absolute monarchy, steeped in medieval-era feudalism, is one which is riddled with contradiction and hypocrisy.
 

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At its heart is the supply of Saudi oil which President Franklin Roosevelt explained would be the determining factor in shaping the alliance. It is one which is predicated on a series of Faustian-like bargains. In 1971, with the aim of propping up the faltering dollar after taking the United States off the gold standard, President Richard Nixon negotiated a deal whereby the United States would guarantee to militarily protect the Saudis in return for the Saudis guaranteeing the sale of the oil they produce in US dollars. The aim of this pact is to assure the survivability of the US dollar as the world's dominant reserve currency.

The relationship has evolved to encompass collusion in the arming and training of jihadi militias pursuant to each country's hegemonic objectives: for the Americans global economic and military dominance and for the Saudis, dominance in the Arab and Muslim world.

The question of terrorism has at various junctures served to complicate Saudi relations with both America and Britain. For instance, in 2016, the Saudis threatened to dump billions of United States assets in retribution if a bill by American lawmakers holding Saudi Arabia responsible for the September 11th terror attacks was passed. It stemmed from the revelation that 28 pages had been redacted from a report on the atrocity.

In the case of Britain, a long-term supplier of arms and who like the Americans have played a key part in training the National Guard, the issue arose when the Saudis threatened to withdraw from security cooperation with British intelligence agencies over a decision by the Serious Fraud Office (SFO) to commence an investigation into allegations of bribery involving members of the Saudi royal family and government officials in an arms deal between BAE Systems and the Saudi government.

After pressure from the highest levels of the government of Tony Blair, the investigation was discontinued. A subsequent judicial review by the highest court in Britain accepted the argument by the government that the threat issued by the Saudis, which the British government claimed would have led to an increased threat of terrorism in Britain was a relevant consideration to be taken into account by the head of the SFO in making the decision to abort the investigation.

Court papers revealed that the rulers of Saudi Arabia had threatened to make it easier to attack London unless the inquiry was stopped. Secret files described how investigators were told that Britain would be faced with "another 7/7" and the loss of "British lives on British streets" if the investigation was not discontinued. The threats to withhold information related to potential suicide bombers and terrorists were claimed to have been made by Prince Bandar, when head of the Saudi National Security Council, on a visit to London in December of 2006.

The irony was that Tony Blair, to whom Bandar must have voiced such threats, had five years earlier described Saudi Arabia as "a good friend in the international coalition against terrorism".

This hypocritical disconnect from reality has for long typified the Western relationship with the Saudis. Blair's predecessor, Margaret Thatcher once claimed that the Saudis "never used arms irresponsibly"; a statement which jars today given the use of British-supplied arms by the Saudi military in the present conflict in Yemen. Thatcher's 1981 declaration that "the hearts of the free world" were with the Afghan Mujahideen must also rankle those aware of the mutation of several of its component parts into al-Qaeda and the Taliban.

The frequent claims by contemporary British and American political and military leaders that Iran is the "the world's biggest sponsor of terrorism" does not stand to scrutiny. All the major acts of terror carried out in the West in the name of Islam have emanated from Sunni and not Shia militants. It is a bias which extends to criticisms leveled at Iran's electoral process while Western politicians say little or nothing about the lack of democratic institutions in Saudi society.

Saudi Arabia's quest for dominance in the Muslim and Arab world is not based on spreading enlightened values. There are no features in its society which would for instance encourage movements designed to develop civil society or the intellectual critique of episodes in Muslim and Arab history as pertain to the issues of slavery and genocide. Its human rights failings are well documented and the problems of discrimination in relation to the ceiling faced by female, Shia and black Saudi citizens remain largely unaddressed.

It is clear that the "shared interests and values" claimed by Donald Trump on his recent visit to Saudi Arabia to be at the basis of the partnership between the Americans and the Saudis are not predicated on what could be termed universal moral and ethical standards of behaviour. It is a partnership which is primarily based on the determined acquisition of power and domination which has been guided by an ends justifies the means ethos.

This in the final analysis is the reason why Saudi Arabia, with the complicity of its Western backers, will not escape history's judgement as the greatest purveyor of fundamentalist-based Islamic terror.

lundi, 29 mai 2017

France : L'idéologie de la Victimisation Islamique

  • La victimisation est une excuse offerte aux Français musulmans par l'État, par la plupart des politiciens (droite et gauche) et par les médias traditionnels.

  • Pour éviter la confrontation, les dirigeants des grands partis politiques et les médias traditionnels alimentent le mythe de la victimisation. Le problème est que cela contribue à plus de violence, plus de terrorisme et plus de fantasmes de victimisation.

La recherche sociologique française est à peu près vide de nouveaux livre, articles ou idées sur la radicalisation des Français musulmans. L'explication est simple : les quelques érudits qui pourraient être tentés de musarder hors des sentiers battus (« les terroristes sont victimes de la société et souffrent du racisme » etc.) courent le risque d'être appelés de noms désagréables, d'être en butte à des pétitions et dénonciation de la part de collègues hostiles. La tentation d'éviter les lieux communs est d'autant plus faible que de nombreux sociologues raisonnent encore sur la base d'une idéologie marxiste qui fonde les comportements liés à la radicalisation sur la discrimination et à la pauvreté. La majorité de ces sociologues récusent toute les analyses qui prennent en compte la culture d'origine ou la religion des populations étudiées. Si un hérétique essaiet d'expliquer que les terroristes ne sont pas automatiquement des victimes (de la société, des hommes blancs français, ou de quoi que ce soit d'autre), que leur appartenance culturelle ou religieuse peut expliquer leur violence, alors, une meute d'éminents professeurs et chercheurs, musulmans et non-musulmans, se constituera illico pour clouer l'insolent au pilori du racisme, de l'islamophobie et de l'atteinte au politiquement correct.

De temps en temps, toutefois des surprises peuvent se produire. Après les attentats terroristes de novembre 2015 à Paris, Alain Fuchs, président du Centre national français de la recherche scientifique (CNRS), a lancé un appel à projet pour des recherches concernant les « facteurs de radicalisation » en France.

Olivier Galland and Anne Muxel qui avaient répondu à l'appel d'offres ont dévoilé le 20 mars 2017, les premiers résultats d'une étude qu'ils ont coordonné sur la radicalité en milieu lycéen. Ces premiers résultats émanent de sondages d'opinion qui ont été menés sur plus de 7 000 lycéens pour mieux comprendre les facteurs d'adhésion des jeunes à la radicalité politique et religieuse. Comme l'expliquent les auteurs, il ne s'agissait pas de « repérer des jeunes radicalisés ou en voie de l'être, mais de mesurer le degré d'adhésion à la radicalité au sein de la jeunesse ».

Dans un souci d'éviter toute « stigmatisation », la recherche n'a pas été menée sur les seuls musulmans. Un premier sondage a touché 7000 lycéens toutes religions confondues. Et un deuxième sondage, plus resserré sur 1 800 lycées de confession musulmane a complété le questionnaire quantitatif initial.

Ce double sondage permettait de satisfaire au politiquement correct des commanditaires (ne pas stigmatiser), sans gommer l'idée qu'il pouvait y avoir un problème spécifique avec les lycéens français musulmans. Le sondage général offrait même l'avantage secondaire d'établir un point de mesure du niveau de radicalisation général qu'il était ensuite possible de comparer au sondage plus spécifique concernant les musulmans.

À la question posée, quels sont les principaux facteurs de radicalisation ? L'étude a répondu : la religion .

« Nous avons constaté dans notre étude un effet religieux qui est, on ne peut le nier, présent chez les jeunes musulmans de notre échantillon. D'une part, ils sont trois fois plus nombreux que les autres à défendre une vision absolutiste de la religion – en considérant à la fois qu'il y a « une seule vraie religion » et que la religion explique mieux la création du monde que la science. ... 4 % des jeunes de toutes confessions défendent une vision absolutiste de la religion tout en adhérant à des idées radicales, alors que ce chiffre est de 12 % chez les jeunes musulmans de notre échantillon »

L'étude frôle toutefois l'hérésie quand elle pousse sur le côté toutes explication de la radicalisation par le positionnement économique et social des élèves. Le manque d'intégration économique, la peur du chômage, l'exclusion sociale, etc. ont-ils favorisé la montée du radicalisme islamique lycéen ?

« Une explication purement économique ne nous paraît pas validée. L'idée d'une « génération sacrifiée » qui serait du même coup tentée par la radicalité se heurte au sentiment de relative bonne intégration de ces populations. Lorsqu'on les compare avec l'enquête témoin réalisée par Opinion Way, ils ne paraissent ni plus ni moins confiants en l'avenir que l'ensemble de la jeunesse française, et croient tout autant en leurs capacités de poursuivre des études après le bac et de trouver un emploi satisfaisant. »

Ces jeunes musulmans ont toutefois offert aux chercheurs un merveilleux paradoxe : ils ont reconnu ne pas souffrir de racisme ou d'une quelconque discrimination. Mais simultanément, ils se sont présentés comme des victimes. En réalité, Ils n'étaient pas les victimes d'un système structurellement raciste - lequel n'existe pas - mais ils adhéraient à une idéologie de la victimisation, qui clame qu'en raison de leur race et de leur religion, les jeunes lycéens musulmans sont (forcément) victimes de discrimination

« Le sentiment d'être discriminé est deux fois plus marqué dans notre échantillon, notamment chez les jeunes de confession musulmane ou d'origine étrangère. Nous devons envisager que les facteurs religieux se conjuguent avec des questions identitaires, mêlées à des sentiments de victimisation et de discrimination, pour expliquer l'adhésion à la radicalité ».

Si l'islam est le moteur premier de la radicalisation, l'idéologie dominante de la victimisation est bel et bien le second moteur.

« Les jeunes musulmans qui se sentent discriminés adhèrent plus souvent à des idées radicales que ceux qui ne se sentent pas discriminés ».

L'interprétation politique politique qu'il est possible de tirer de ces résultats a de quoi inquiéter. Si le niveau d'intégration sociale est bon, si la performance d'un jeune musulman à l'école est bonne et si la profession de ses parents n'est pas en cause, il n'en reste pas moins qu'il est quatre fois plus susceptible qu'un jeune chrétien d'adhérer à des idées radicales.

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« Cette solidité de l'effet islam, c'est peut-être l'enseignement le plus surprenant de cette étude », souligne Olivier Galland. « Cela se confirme dans les statistiques lycée par lycée. Quelle que soit leur sociologie, les jeunes musulmans y affichent une propension identique à la radicalité ».

Cette étude n'est pas la première à mettre en évidence le processus de radicalisation des jeunes musulmans en France. En 2016, l'Institut Montaigne avait estimé qu'un jeune musulman sur deux pouvait être catalogué d'intégriste. Mais l'étude CNRS est la première à relier radicalisation et idéologie de la victimisation. Le discours victimaire est le discours que l'État, la plupart des politiciens (droite et gauche) et les médias offrent aux musulmans en gage d'apaisement et de bonne volonté face à une colère et une violence islamiques qu'ils ne partagent pas et comprennent encore moins. Mais il s'agit d'un marché de dupes, car les musulmans se saisissent de leur victimisation comme excuse – et justification - de tout acte terroriste qu'ils pourraient commettre.

Cette culpabilité imaginaire offerte par les « blancs » aux « basanés » non seulement n'est pas utile, mais pire, elle ne fonctionne pas. Loin d'apaiser la violence, elle l'alimente. La victimisation contribue à la radicalité, alimente la violence des jeunes de banlieue ou les terroristes recrutent mais aussi bloque toute compréhension de la radicalité.

La meilleure preuve en a été fournie le 17 février 2017, quand le président français François Hollande s'est précipité au chevet de Théo, un jeune homme de 22 ans qui affirmait avoir été violé par la police avec une matraque au cours d'un contrôle antidrogue particulièrement difficile. Alors qu'une enquête judiciaire était en cours et que les déclarations du jeune homme n'avaient rien d'avéré, le chef de l'Etat a ouvertement pris le parti de la « victime » présumée contre la police, ouvrant ainsi la voie à trois semaines d'émeutes urbaines. Non seulement la visite présidentielle au lit d'hôpital de Théo n'avait rien apaisé, mais elle avait justifié une nouvelle vague de violence dans les banlieues.

Quand le candidat Emmanuel Macron s'est déclaré en faveur de la « discrimination positive » (une subvention de 15 000 € d'argent public pour toute entreprise qui embauche un jeune de banlieue), il a affirmé sans le dire publiquement que la France est un pays raciste ou l'embauche se produit sur des critères raciaux et religieux. Un nouveau geste d'apaisement mais qui en réalité, brouille le message réconciliateur et favorise le ressentiment et la colère des exclus de la mesure comme de ceux qu'elle favorise.

La France compte la plus grande communauté musulmane, la plus grande communauté juive, la plus grande communauté chinoise et la plus grande communauté arménienne d'Europe. Le modèle d'intégration français a fonctionné efficacement pour tous ces groupes sauf les musulmans. Un pourcentage croissant de musulmans en France n'accepte pas- ou plus - les règles communes au nom de la religion et au nom de leur statut permanent de « victime ».

Les dirigeants des grands partis politiques, le gouvernement et les médias qui plaident toujours coupable d'un racisme imaginaire feraient bien de comprendre enfin que, loin d'apaiser la colère, l'entretien de cette victimisation permanente ne fait que généraliser le ressentiment. Point n'est besoin d'être prophète en son pays pour prédire que, si rien ne change, le quinquennat qui s'avance produira un lot accru de malheurs et de violence.

Yves Mamou, auteur et journaliste basé en France, a travaillé pendant plus de vingt ans au journal Le Monde.