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vendredi, 09 novembre 2018

Max Nordau et l’art dégénéré du goy (1900)

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Max Nordau et l’art dégénéré du goy (1900)

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Philosophe juif et sioniste hérétique (il acceptait l’Ouganda…), Max Nordau appartient à toute cette génération de penseurs juifs politiquement incorrects qui défièrent à Vienne le monde moderne dans le sillon de Nietzsche, et auxquels j’ai rendu hommage dans mon livre sur Kubrick. Schnitzler, le jeune Weininger, l’extraordinaire et éternellement méconnu Karl Kraus et même Freud dans son genre furent, entre beaucoup d’autres, ces êtres qui foraient, sapaient et minaient le monde moderne qui s’était construit depuis beaucoup plus longtemps que ne le pensaient les chrétiens peu éclairés et les traditionalistes de l’époque. Un rappel : Jonathan Swift se demandait déjà par quoi on remplacerait le christianisme au début du dix-huitième siècle. Eh bien on le remplaça par quelque chose qui prit son nom mais qui n’était plus du christianisme (voyez Feuerbach à ce propos). On passait du croisé, du bâtisseur de cathédrale au bourgeois victorien, au possédant trouillard, au pèlerin ferroviaire, au touriste religieux…

Nordau dénonce donc la culture moderne du dix-neuvième, culture de philistin comme dirait Nietzsche. Les symbolistes, y passent, les parnassiens, les Tolstoï, les préraphaélites. Nordau voit aussi le mauvais usage que l’on fait de Wagner… et de Nietzsche ! Pour lui la culture moderne est une pathologie. Comme nous sommes d’accord ! Et cette pathologie tourne en rond comme la modernité depuis des siècles (plus elle prétend progresser, plus elle patauge et tourne en rond mécaniquement, comme ces épisodes de la quête du Graal où l’on voit des chevaliers pris dans des rondes).

Il me parait important de le rappeler. Les nazis ont dénoncé l’art dégénéré lié aux juifs, eh bien un intellectuel juif l’a fait avant eux, tapant sur l’art dégénérant du goy, et qui avait compris la toxicité de la culture wagnérienne qui donnerait Hitler.Il faut renvoyer dos à dos ici antisémites et progressistes libérateurs. Car le problème est bien plus spirituel que politique.

Je donnerai des extraits du texte que Nordau écrit au célèbre César Lombroso :

« La notion de dégénérescence, d'abord introduite dans la science par Morel et développée avec tant de génie par vous-même, s'est déjà montrée extrêmement fertile dans les directions les plus diverses. Sur de nombreux points obscurs de la psychiatrie, du droit pénal, de la politique et de la sociologie, vous avez déversé un véritable flot de lumière, que seuls n'ont pas perçu ceux qui ferment obstinément les yeux ou qui sont trop myopes pour tirer profit de quelque illumination que ce soit. »

Et là, la cible qui fâche, l’art et la littérature dégénérée :

« Mais il existe un domaine vaste et important dans lequel ni vous ni vos disciples n’avez jusqu’à présent porté le flambeau de votre méthode : le domaine de l’art et de la littérature. »

deg.jpgEn effet, ajoute Nordau :

« Les dégénérés ne sont pas toujours des criminels, des prostituées, des anarchistes et des fous déclarés ; ce sont souvent des auteurs et des artistes. Ceux-ci, cependant, présentent les mêmes caractéristiques mentales, et pour la plupart, les mêmes caractéristiques somatiques que les membres de la famille anthropologique susmentionnée qui satisfont leurs pulsions malsaines avec le couteau de l'assassin ou la bombe du dynamiteur, et eux avec stylo et crayon. »

On parle de films-culte depuis que le cinéma est crevé comme tel. Mais le culte artistique est énorme à l’époque de Lombroso (Tolstoï attaque aussi Wagner et le symbolisme dans son livre sur l’art que j’ai recensé) :

« Certains parmi ceux-ci dégénérés en littérature, musique et peinture ont pris une importance extraordinaire ces dernières années et sont vénérés par de nombreux admirateurs en tant que créateurs d'un nouvel art et hérauts des siècles à venir. »

Conformément à son époque et à son propos, Nordau certes use et abuse du lexique médical. Il est bien sûr de son temps comme nous sommes du nôtre. Il dénonce aussi l’hypnose massifiée de ce culte artistique, et donc son danger (Tolstoï voit même la dimension hitlérienne  de l’art wagnérien) :

« Ce phénomène ne doit pas être négligé. Les livres et les œuvres d'art exercent une puissante suggestion sur les masses. C'est de ces productions qu'une époque tire ses idéaux de moralité et de beauté. S'ils sont absurdes et antisociaux, ils exercent une influence perturbante et corruptrice sur les vues de toute une génération. Par conséquent, ces derniers, en particulier les jeunes impressionnables, facilement excités par un enthousiasme pour tout ce qui est étrange et apparemment nouveau, doivent être avertis et éclairés quant à la nature réelle des créations si aveuglément admirées. »

Nota : le mot impressionnisme était en ce sens tout un programme…

Mais Nordau ajoute :

« Cet avertissement que le critique ordinaire ne donne pas. La culture exclusivement littéraire et esthétique constitue, par ailleurs, la pire préparation concevable pour une véritable connaissance du caractère pathologique des œuvres de dégénérés. Le rhétoricien verbeux expose avec plus ou moins de grâce ou d'intelligence les impressions subjectives reçues des œuvres qu'il critique, mais est incapable de juger si ces œuvres sont les productions d'un cerveau brisé, mais aussi la nature du trouble mental qui s'exprime par leurs écrits. »

Plus loin :

« Maintenant, j'ai entrepris le travail d'investigation (autant que possible d’après votre méthode) des tendances de la mode dans l'art et la littérature ; de prouver qu'ils ont leur source dans la dégénérescence de leurs auteurs et que l'enthousiasme de leurs admirateurs est pour les manifestations de folie morale, d'imbécillité et de démence plus ou moins prononcées. »

Il ajoute avec humour et humeur qu’il est déjà trop facile de taper sur l’Eglise ou les gouvernements :

« Je ne doute pas des conséquences pour moi de mon initiative. Il n’y a actuellement aucun danger à attaquer l’Église, car elle n’a plus de bûcher à sa disposition. De même, écrire contre les gouvernants et les gouvernements n'a rien d'inquiétant, car au pire, il ne pourrait s'ensuivre une incarcération assortie de la gloire compensatrice du martyre. »

Par contre Nordau rappelle avec raison qu’il est plus grave de traiter de l’art et les artistes « dégénérés », et ce bien avant donc que les nazis n’antisémitisent la critique dudit art par leur comportement de « barbares préhistoriques » (Freud) !

« Mais le destin de celui qui a l'audace de qualifier les modes esthétiques de décadence mentale est menaçant. L’auteur ou l’artiste attaqué ne pardonne jamais à un homme de reconnaître en lui un fou ou un charlatan ; les critiques subjectivement ridicules sont furieux lorsqu'il est souligné à quel point ils sont superficiels et incompétents ou à quel point ils sont lâches en nageant avec le courant ; et même le public est en colère lorsqu'il est forcé de voir qu'il a couru après des imbéciles, des dentistes et des charlatans. »

Enfin Nordau dénonçait même le rôle toxique de la presse :

« Maintenant, les graphomanes et leurs gardes du corps critiques dominent la quasi-totalité de la presse et possèdent dans celle-ci un instrument de torture par lequel, à la mode indienne, ils peuvent dégager le dérangeur gênant de la partie jusqu’à la fin de ses jours. »

Notre intellectuel juif antisystème faisait déjà partie de ces nombreux esprits juifs (voyez Cohen, Klein, Kunstler, Zemmour, Finkielkraut et autres) qui envoient promener tous les partis pris et guident la marche des antisystèmes…

Et je rajouterai comme ça en passant cette phrase de Julien Benda qui montre que bien avant Léo Strauss et les néocons les penseurs allemands avaient remis Machiavel au goût du jour… C’est dans la Trahison des clercs :

« On sait que cette apologie du machiavélisme inspire tous les historiens allemands depuis cinquante ans, qu’elle est professée chez nous par des docteurs fort écoutés, qui invitent la France à vénérer ses rois parce qu’ils auraient été des modèles d’esprit purement pratique, des espèces de paysans madrés (voir J. Bainville), exempts de tout respect d’on ne sait quelle sotte justice dans leurs rapports avec leurs voisins… »

Sources

Max Nordau – Dégénérescence (Gutenberg.org, en anglais)

Tolstoï – Qu’est-ce que l’art ? Bibliothèque russe et slave.

Julien Benda – La trahison des clercs (classiques.uqac.ca)

Bonnal – Kubrick et le génie du cinéma (Dualpha, Amazon.fr)

Philippe Granarolo présente son dernier livre « En chemin avec Nietzsche »

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Philippe Granarolo présente

son dernier livre

« En chemin avec Nietzsche »

Ajoutée le 28 oct. 2018
Dans ce nouveau livre paru chez l'Harmattan,
Philippe Granarolo rassemble ses principaux
articles dans son exploration de l’œuvre de
Friedrich Nietzsche, auquel il a consacré toute
son existence : du plus ancien, Le rêve dans
la pensée de Nietzsche (1978) au plus récent,
Le Surhomme : mythe nazi ou image
libertaire ? (2016). Ces articles constituent les
étapes d'une lecture originale et cohérente.
Regroupés en cinq chapitres, « L'Imaginaire »,
« Le Corps », « Le Temps », « Le Futur » et
« Le Retour Éternel », ces articles constituent
une introduction à l'étude de l’œuvre
nietzschéenne.
 

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Broché - format : 15,5 x 24 cm - 26 euros
ISBN : 978-2-343-15570-8 • 5 octobre 2018 •
254 pages EAN13 : 9782343155708
+ d'infos
 
 
 

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La Chine et les Ouïghours

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La Chine et les Ouïghours

Les médias occidentaux se taisent : dans l’Empire du Milieu, on combat fermement l’islamisme

Par Georg Immanuel Nagel

En Chine, l’immense majorité de la population est d’ethnie han mais il y a tout de même beaucoup de minorités. La seule qui, aux yeux du gouvernement chinois actuel, pose problème est une ethnie turque (turcophone), celle des Ouïghours, qui vit dans la région du Sin Kiang. Les neuf millions d’Ouïghours se sentent proches des autres peuples turcophones, ont adopté les mêmes symboles nationaux et, surtout, partagent avec eux la même foi islamique. Le mouvement islamiste global intervient également dans le Sin Kiang, si bien que cette province est, depuis un certain temps déjà, la proie du terrorisme et d’une violence au quotidien.

La situation est d’autant plus tendue que le Sin Kiang, sur son flanc occidental, a des frontières avec le Pakistan et l’Afghanistan, ce qui a pour conséquence que les réseaux terroristes ne manquent jamais de logistique et d’approvisionnements. L’objectif politique des Ouïghours est d’obtenir l’indépendance du « Turkestan oriental », comme ils appellent leur zone de peuplement, et d’en faire une théocratie islamique. Ils espèrent avoir gain de cause en utilisant des méthodes sanglantes. Outre les assassinats ciblés, les musulmans du Sin Kiang envisagent d’autres modes d’agression, comme les viols collectifs. A plusieurs reprises des désordres de grande ampleur et des émeutes ont eu lieu. Ensuite, les autorités chinoises reprochent aux Musulmans de ne participer que très modérément à la vie économique et d’avoir une tendance très généralisée à carotter, à éviter toute profession constructive.

En superficie, le Sin Kiang est la plus grande des régions de Chine mais elle est peu peuplée. Tout comme au Tibet, Beijing pratique une politique de « grand remplacement » de la population pour contraindre les petits peuples récalcitrants à s’étioler, à abandonner le terrain. Contrairement aux esprits confus des gauches européennes, les Chinois savent pertinemment bien que les immigrations massives et les mixages, qui en résultent, ne produisent pas un « paradis multiculturel » mais détruisent la population qui subit cette immigration. En 1955, les Ouïghours représentaient encore 73% de la population du Sin Kiang ; en 2010, ils n’étaient plus que 45%.

La première mesure prise contre les djihadistes a été d’interner de nombreux agitateurs et prédicateurs haineux. Par l’introduction de lois sévères, on a plus ou moins interdit l’islamisme. Les écoles coraniques au statut douteux et les mosquées qui prêchaient la terreur ont dû fermer leurs portes. Il est désormais illégal de donner aux enfants des prénoms à connotation religieuse. Les Ouïghours deviendront-ils dès lors le premier peuple musulman, où un homme sur deux ne se prénommera pas Mohammed ? En plus, le port de la barbe chez les hommes et du voile chez les femmes a été mis à l’index. L’oisiveté, l’absence de métier ou d’emploi, très répandue, va être combattue par les autorités chinoises, par la rééducation dans des centres de formation professionnelle. De très nombreux extrémistes sont désormais obligés de se rendre dans ces centres pour y apprendre à devenir de braves citoyens chinois, travailleurs et consciencieux. Des programmes obligatoires ont été établis, non seulement pour offrir aux islamistes oisifs des perspectives d’emploi, mais aussi pour les resocialiser et pour corriger leurs comportements, jugés aberrants par les autorités chinoises, au point de les soumettre, le cas échéant, à des traitements psychiatriques. L’objectif de ces programmes drastiques est d’éviter la constitution de sociétés parallèles animées par le radicalisme islamiste.

Tous ceux qui ont un comportement « séparatiste », selon les autorités chinoises, sont visés, par exemple, ceux qui n’envoient pas leurs enfants dans les écoles officielles, qui prêchent des doctrines extrêmes ou tentent de forcer d’autres à des pratiques religieuses, risquent bien, à court terme, de gagner un séjour gratuit dans une institution contrôlée par l’Etat.

Dans ce cadre, il est curieux de constater que les Ouïghours reçoivent le soutien de l’Occident (censé combattre le radicalisme islamiste). Les médias mainstream ne présentent l’affaire que dans une seule optique : ils déplorent les mesures prises par les Chinois contre les extrémistes ouïghours mais n’évoquent jamais le terrorisme qui les a provoquées. Les médias occidentaux présentent les Ouïghours comme de pauvres agneaux innocents, méchamment discriminés pour leur foi inoffensive. En Europe centrale, nous avons reçu, récemment, un enrichissement ouïghour car, à Munich, s’est établi le siège du « Congrès mondial des Ouïghours » ; auparavant, les animateurs de cette association pouvaient en toute légalité circuler en Turquie. Le mouvement ouïghour en exil a la réputation d’être soutenu par la CIA.

L’association, établie à Munich, est toutefois beaucoup plus influente aux Etats-Unis. L’Oncle Sam s’engage à chaque occasion en faveur des Ouïghours. Ainsi, la diplomate américaine Kelley Currie a prononcé un discours particulièrement agressif contre la Chine lors d’une assemblée de l’ONU, portant contre elle de nombreuses accusations. D’après Currie, les mesures que prennent les Chinois sont contraires aux droits de l’homme et les Ouïghours sont injustement placés sous le joug de Beijing et discriminés.

Ce discours tonitruant de Madame Currie laisse sous-entendre que ces islamistes ouïghours, comme d’autres groupes fondamentalistes auparavant, sont sciemment promus par Washington pour faire avancer les stratégies géopolitiques du Pentagone. Créer des conflits intérieurs en Chine puis stigmatiser les Chinois en les posant comme des oppresseurs brutaux constitue une stratégie qui entre bien dans l’ordre du jour des stratèges américains, qui, depuis longtemps déjà, cherchent à freiner l’expansion du dragon chinois dans le monde.

Georg Immanuel Nagel.

(article paru dans « Zur Zeit », Vienne, n°42/2018 – http://www.zurzeit.at ).

 

Le Brésil de Bolsonaro et les relations internationales

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Le Brésil de Bolsonaro et les relations internationales

par Romain Migus 

Ex: http://www.zejournal.mobi

Ca y est. «Ele foi eleito presidente». Il est élu. Lui, c’est Jair Messias Bolsonaro, le nouveau président du Brésil. Ces derniers jours, impossible d’échapper aux différents commentaires – généralement d’indignation – qui accompagnent le résultat des élections présidentielles dans la 8e puissance mondiale.

Cette effervescence médiatique autour du nouveau président brésilien s’explique par deux phénomènes. D’une part, elle est en partie motivée par la déferlante actuelle de nouveaux acteurs populistes conservateurs sur la scène politique occidentale. Jair Bolsonaro viendrait en effet confirmer une tendance actuelle à la contestation apparente d’un ordre politique qui allait de soi, il y a encore quelques années.

D’autre part, le retentissement de l’élection de cet homme politique, aux déclarations aussi violentes que controversées, est aussi dû au poids que représente ce pays-continent au niveau international. Or qu’en est-il vraiment ? La marche du monde va-t-elle être bouleversée par l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro ?

Que change l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir ?

Durant la première décennie du XXIe siècle, l’Amérique Latine s’était dotée d’organismes supranationaux dont le but était de renforcer l’intégration et la coopération entre les pays latino-américains. Une vision indépendante qui permettait de bâtir des solutions communes hors de l’ingérence de Washington. La construction d’un monde multipolaire, et l’édification d’une diplomatie Sud-Sud visant à l’élaboration de politiques conjointes en matière de finances, de développement, d’agriculture, d’énergie et de commerce, ont été l’horizon commun de la plupart des pays latino-américains durant la décennie précédente. Durant cette période, le Brésil de Lula a joué un rôle prépondérant dans la construction de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), de la  Communauté d’Etats latino-américains et caribéens (Celac), ou encore du forum bi-régional Amérique du Sud-Afrique (ASA), qui regroupait 55 pays d’Afrique et 12 d’Amérique du Sud.

Ce panorama régional était déjà largement écorné avant l’élection de Jair Bolsonaro. Sous les coups de butoir d’une droite décomplexée, qui a rongé son frein pendant une décennie, l’Unasur traverse une crise sans précédent. Six pays sur les douze qui la composent (dont le Brésil) ont fait connaître leur souhait de suspendre leur participation à cet organisme (1). Quand au Forum ASA, il est au point mort et n’a plus tenu de réunion plénière depuis 2013.

Comment en est-on arrivé là ? Les raisons sont avant tout politiques. L’arrivée au pouvoir de plusieurs gouvernements de droite a changé la donne. Ces gouvernements, dont la ligne politico-économique renoue avec le néolibéralisme, préfèrent établir des traités économiques bilatéraux ou des accords commerciaux régionaux – comme l’Alliance du Pacifique rassemblant le Chili, le Pérou, la Colombie et le Mexique – plutôt que de parier sur la coopération comme moteur du développement régional. Jair Bolsonaro s’insère dans cette dynamique et il y a fort à parier que son élection mettra un coup d’arrêt aux organismes de coopération régionale, ainsi qu’à la dynamique des relations Sud-Sud.

Même s’il existe, pour l’instant, plus d’indices que de propositions programmatiques chez le nouveau président brésilien, on peut d’ores et déjà déceler une certaine cohérence entre son programme économique ultra-libéral et sa vision internationale. Tout comme il rejette toute régulation de l’économie par les secteurs étatiques, il n’acceptera aucune contrainte internationale qui pourrait aller à l’encontre de la réalisation de son projet politique.

Ce qui est choquant n’est pas tant la réaffirmation de la souveraineté brésilienne sur les 3/5e de la forêt amazonienne, que son projet politique et économique aux antipodes des préoccupations écologiques internationales

C’est dans cette optique qu’il faut comprendre sa position par rapport à l’Accord de Paris. Jair Bolsonaro a réaffirmé qu’il n’en sortirait pas à la condition qu’aucune contrainte écologique extérieure n’entrave son projet de développement de l’agro-industrie, de l’élevage intensif et de l’industrie minière dans la région amazonienne.

Ce qui est choquant n’est pas tant la réaffirmation de la souveraineté brésilienne sur les 3/5e de la forêt amazonienne, que son projet politique et économique aux antipodes des préoccupations écologiques internationales (2). Le futur nous dira qui gagnera ce bras de fer. L’Accord de Paris résistera-t-il à la sortie du Brésil après celle des Etats-Unis ? Ou tout sera-t-il fait pour éviter une sortie du géant sud-américain ? La réponse semble déjà faire partie de la question.

Les positions de Jair Bolsonaro nous rappellent surtout qu’aucun traité ou organisme international ne réussit à s’imposer aux choix politiques et économiques d’une nation souveraine, si détestables qu’ils puissent nous paraître.

Il en a été de même par le passé lorsque les gouvernements de gauche d’Amérique latine ont fait capoter l’Accord de libre-échange pour les Amériques (3) ou lorsque le Venezuela décida de se retirer de la Communauté andine des nations, sans que le ciel ne lui tombe sur la tête. En dernier lieu, le dépositaire de la souveraineté reste le peuple et son expression électorale. A moins de remettre en cause le principe de démocratie représentative, mais ceci est un autre sujet.

Relations ambiguës avec la Chine

Quelle peut être la marge de manœuvre du nouveau président brésilien face à la Chine ? Durant sa campagne, Jair Bolsonaro a multiplié les déclarations hostiles et provocantes contre la grande nation asiatique. Sa volonté de s’aligner sur la diplomatie de Washington pourrait laisser penser qu’un virage diplomatique drastique pourrait être opéré.

Les relations de Brasilia avec Beijing devront se faire sous l’angle du pragmatisme économique et non de l’idéologie

Néanmoins, la réalité des liens entre la Chine et le Brésil devrait pousser le nouveau chef d’Etat à une position plus pragmatique, surtout à court et moyen terme, le mandat présidentiel ne durant que quatre ans. En effet, 54 milliards de dollars ont été investis par les Chinois sur une centaine de projets de 2003 à 2018. Le gouvernement non élu de Michel Temer, peu suspect de sympathie pour le communisme ou le monde multipolaire a, sur la seule année 2017, porté les investissements du géant asiatique à 10,8 milliards de dollars. Ni les Etats-Unis, ni l’Europe n’étant en mesure de constituer une alternative crédible à cet investissement massif, les relations de Brasilia avec Beijing devront se faire sous l’angle du pragmatisme économique et non de l’idéologie.

Même si le Brésil pourra restreindre certains investissements chinois, tourner le dos aux Brics (4) ou à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, dont le Brésil fait partie, reste peu probable sinon suicidaire pour son économie. De même, il ne semble pas vraisemblable que le Brésil s’isole du projet de Nouvelle route de la soie en Amérique Latine, négocié au sein du Forum Celac-Chine, laissant ainsi des concurrents régionaux profiter des avantages tirés de tels accords.

Qui plus est, si les exportations brésiliennes vers la Chine représentaient à peine 2% avant l’arrivée de Lula au pouvoir, elles totalisent en 2018, 26% du total des exportations, principalement dans le domaine de l’agro-business, l’un des piliers du soutien au nouveau président brésilien. Si le Brésil est en droit de diversifier les pays où il exporte, via l’accord Union européenne-Mercosur, par exemple, le marché chinois apporte un débouché bien plus sûr et stable pour ses produits que ne pourrait l’être l’Europe ou les Etats-Unis, régions du monde où commence à s’agiter l’étendard du protectionnisme économique.

Le Venezuela

L’un des thèmes récurrents de la campagne de Bolsonaro a été le Venezuela. Rien d’étonnant. Depuis quelques années, le pays bolivarien s’invite en guest-star de nombreux processus électoraux à travers le monde. Du Chili à l’Espagne en passant par l’Argentine, la France et même les Etats-Unis, une campagne électorale ne semble pas être aboutie sans qu’une référence au modèle chaviste soit utilisée par les candidats de droite pour stigmatiser leurs adversaires politiques.

Jair Bolsonaro n’a pas fait exception à cette règle, vociférant tout au long de la campagne qu’il mettrait tout en œuvre pour que «le Brésil ne devienne pas un autre Venezuela». Nul doute que le nouveau président brésilien augmentera la pression politique et diplomatique contre son voisin. L’échange téléphonique entre Mike Pompeo et le nouveau président du Brésil au lendemain de son élection va dans ce sens. Le secrétaire d’Etat étasunien ayant évoqué une nécessaire coordination entre les deux pays sur la question du Venezuela.

Le Venezuela deviendra un argument de change dans les relations qu’entretiendra Jair Bolsonaro et son équipe avec l’administration Trump, fervent opposant au gouvernement de Nicolas Maduro

Dans ce contexte, comment interpréter les déclarations de certains proches du nouveau président ? Son fils Eduardo, ainsi que le général Augusto Heleno y Luiz Philippe de Orleans, pressentis pour occuper respectivement le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères ont laissé entendre qu’une intervention militaire contre le pays bolivarien n’était pas à exclure. Si Jair Bolsonaro s’est lui même défendu de toute aventure guerrière, il paraît évident que le Venezuela deviendra un argument de change dans les relations qu’entretiendront Jair Bolsonaro et son équipe avec l’administration Trump, fervent opposant au gouvernement de Nicolas Maduro.

Il faut aussi se rappeler que l’Etat du Roraima, frontalier avec le Venezuela, est alimenté en électricité par le pays bolivarien. Dans un conflit aggravé, le Venezuela disposerait donc de la possibilité de rationner cet approvisionnement et de générer une situation chaotique dans un Etat désormais gouverné par Antonio Denarium, un partisan du président élu (5).

Une intervention du Brésil en terres bolivariennes aurait des répercussions sur tout le continent. Non seulement le Venezuela compte sur des soutiens diplomatiques ou militaires de poids (russes, chinois et cubains) mais la nouvelle doctrine militaire de ce pays, élaborée dès 2005, mise sur une stratégie adaptée aux conflits non conventionnels et à la guerre de quatrième génération.

Agresser le Venezuela reviendrait à créer une poudrière régionale et un bourbier militaire qui s’étendrait sur plusieurs années. Pas sûr que le Brésil sorte vainqueur d’un tel affrontement ni que Bolsonaro y gagne en popularité.

Israël et le Proche Orient

Jair Bolsonaro entretient des liens politiques et religieux très fort avec Israël et s’est même fait baptiser dans les eaux du Jourdain. Il a plusieurs fois rappelé son attachement à la «démocratie israélienne» qu’il considère comme un exemple à suivre. Ce faisant, il se démarque de la politique extérieure du PT qui avait reconnu l’Etat de Palestine et rappelé son ambassadeur en Israël pour protester contre l’opération Bordure Protectrice en 2014.

De la même manière, le gouvernement de Dilma Roussef s’était opposé à la nomination de Dani Dayan comme ambassadeur de Tel Aviv au Brésil. Motif invoqué : alors que le gouvernement brésilien dénonçait l’occupation de la Palestine, Dani Dayan, membre du parti extrémiste Foyer Juif, et ancien président du conseil de Yesha, qui représente les intérêts des colons israéliens, pouvait perturber les relations entre les deux pays. Une campagne de soutien au diplomate israélien avait été orchestré par la députée Geovania da Sé, membre du groupe parlementaire évangéliste à l’assemblée brésilienne, groupe parlementaire qui comptait parmi ses membres un certain Jair Bolsonaro (6).

Le « nationaliste » Bolsonaro au cours d’un discours

Suivant le mouvement initié par Donald Trump, ce dernier a annoncé le transfert de l’ambassade brésilienne à Jérusalem et a promis de fermer l’ambassade de l’Etat Palestinien, ouverte en 2016 en déclarant : «La Palestine est-elle un pays ? La Palestine n’est pas un pays, donc elle ne devrait pas avoir d’ambassade ici».

Le Brésil de Bolsonaro deviendra sans aucun doute l’un des soutiens majeurs de la politique israélienne au Proche-Orient et développera certainement des partenariats rapprochés avec l’Etat d’Israël.

Bolsonaro au-delà des maux

Le tournant géopolitique que représente l’élection de Jair Bolsonaro doit se comprendre dans son contexte régional. La direction géopolitique que prendra la nouvelle équipe dirigeante devrait peu différer de celle déjà en vigueur dans les pays latino-américains dirigés par des gouvernements néo-libéraux. En cela, il renforcera cette tendance, qui s’inscrit désormais comme un virage continental qui balaie les politiques et les avancées réalisées par les gouvernements post-libéraux du début du siècle.

Au-delà des mots et des maux, l’alignement sur les politiques de Washington dans la région, et un certain pragmatisme par rapport à la Chine, caractériseront surement le mandat du nouveau président brésilien, qui, pour mettre en œuvre sa politique autoritaire sur le plan intérieur ne pourra se payer le luxe d’être isolé diplomatiquement.

Notes:

(1) Les pays suivants ont exprimé leur souhait de suspendre leur participation à Unasur: L’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Pérou, et le Paraguay. Notons que le président équatorien a décidé de porter un sérieux coup d’arrêt à l’organisme d’intégration en décidant de récupérer ses installations situées dans la banlieue de Quito.

(2) La France dispose du 2e espace maritime au monde (Zone économique exclusive). L’écosystème dans ce territoire français est aussi d’une richesse inestimable. Doit-on pour autant renoncer à notre souveraineté sur cette zone en raison des intérêts écologiques internationaux qui en découle? 

(3) La Zone de Libre Échange entre les Amériques était un projet de libéralisation des économies et de dollarisation du continent. Principalement porté par les Etats-Unis, il fut mis en déroute grâce à l’action conjointe des gouvernements progressistes dans la région. Voir Telesur, “América Latina, a 12 años de la derrota del Alca”, 05/11/2017, https://www.telesurtv.net/news/10-anos-del-NO-al-ALCA-201...

(4) Le siège pour les Amériques de la Banque de Développement des Brics a récemment été ouverte à Brasilia par le gouvernement de droite –non élu- de Michel Temer

(5) Une intrusion armée, sous le prétexte d’une guerre humanitaire, pourrait être le prétexte pour prendre le contrôle des centrales hydro-électriques vénézuéliennes, situées juste de l’autre coté de la frontière.

(6) Voir Romain Migus, “La agenda secreta de Israel en América Latina”, Venezuela en Vivo, 30/04/2016,  https://www.romainmigus.info/2017/11/la-agenda-secreta-de...


- Source : RT (Russie)

La trilogie "Europa" de Robert Steuckers

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La trilogie "Europa" de Robert Steuckers

par Georges FELTIN-TRACOL

Europa : c’est sous ce titre que les Éditions Bios ont publié à la fin de l’année 2017 trois volumes de géopolitique écrits par Robert Steuckers, infatigable animateur du site Euro-Synergies et ancienne cheville ouvrière des revues OrientationsVouloir et Nouvelles de Synergies européennes. Le premier tome (338 p., 25 €) aborde les « Valeurs et racines profondes de l’Europe », le deuxième (316 p., 25 €) traite « De l’Eurasie aux périphéries, une géopolitique continentale » et le troisième (342 p., 25 €) s’intéresse à « L’Europe, un balcon sur le monde ».

Il est bien sûr impossible de résumer les quarante-six articles qui portent sur les grands enjeux géopolitiques. Notons cependant que l’Amérique latine, l’Afrique noire et l’Océanie en sont quelque peu écartées. Il faut reconnaître que plusieurs textes évoquent sur la très longue durée les puissantes interactions politico-culturelles entre le continent européen, l’Asie Centrale et le Moyen-Orient. Persophile avoué, Robert Steuckers rappelle que les Perses ont fondé le premier empire indo-européen de l’histoire et que la révolution islamique de 1979 fut à l’origine encouragée par Washington…

Les confrontations entre civilisations, États, peuples et nations ne manquent pas dans ce vaste panorama. Ainsi peut-on lire une étude magistrale de la bataille de Lépante du 7 octobre 1571, cette victoire navale qui préserva la civilisation occidentale européenne de l’invasion ottomane. Polyglotte belge d’esprit européen, Robert Steuckers se sait sujet de l’Empire, résultat géopolitique de la « Grande Alliance » à la fin du Moyen Âge, à savoir la transmission de l’héritage bourguignon à la jeune Maison royale des Espagnes par l’intermédiaire de la dynastie impériale élective des Habsbourg. Malheureusement, l’unité continentale ne put s’opérer autour de cette dynastie en raison du Grand Schisme d’Orient de 1054, des dissensions religieuses récentes (la Réforme de 1517) et des détestables manigances de Henry VIII et François Ier.

En géopolitologue avisé, l’auteur rappelle que l’intention de l’islam demeure la conquête de Constantinople – effective depuis 1453 -, de Rome et de Vienne. Il considère le monde turc comme une vraie menace au même titre d’ailleurs que les États-Unis d’Amérique. Par leur hypertrophie militaire, économique et financière, ceux-ci ne peuvent pas ne pas verser dans un messianisme puéril, abscons et dangereux pour l’équilibre du monde. Il importe donc d’avoir toujours à l’esprit leur habile tactique : susciter partout la révolte des musulmans afin de museler définitivement une civilisation européenne décatie.

Ces trois tomes paraissent ardus; il n’en est rien ! En effet, avec un rare talent narratif exigeant, Robert Steuckers nous plonge dans la longue trame des millénaires pour mieux en discerner les données fondamentales. Il n’oublie jamais l’impératif de notre identité, « l’identité politique européenne, seule identité vraiment concrète […] réside donc, aujourd’hui, en cette époque de calamités, à prendre conscience de nos déboires géopolitiques […] et à agir pour promouvoir une politique spatiale, maritime et militaire claire (t. I, p. 19) ». Ce n’est hélas ! pas gagné pour l’instant.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 97, diffusée sur Radio-Libertés, le 2novembre 2018.

jeudi, 08 novembre 2018

Kleist et le transhumain vers 1800…

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Kleist et le transhumain vers 1800…

par Nicolas Bonnal

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Oublions les embarras de la géopolitique et demandons-nous à quelle sauce l’élite globale et milliardaire, technophile et transhumaniste va nous reprogrammer. BRICS et occidentaux tous dans le même sac ! L’Inde a interdit le cash ou presque, la Chine contrôle sa population par le portable, le suédois se fait scanner pour aller au théâtre… La race humaine est fatiguée, me disait Jean Parvulesco peu avant sa mort, et elle désire se faire remplacer non pas démographiquement mais anthropologiquement, et euphoriquement.

Relisons la fameuse et merveilleuse interview de Lucien Cerise :

« À vrai dire, une conscience numérique ne serait qu'une forme simulée de vie puisqu'elle serait dépourvue d'épiderme (ou alors un épiderme simulé, donc faux). En effet, le programmateur possède un droit de regard total sur son programme, il peut le rectifier comme il veut et réduire totalement l'incertitude de son fonctionnement. Le programmateur est en position « divine ». Il ne peut donc pas y avoir de vie numérique puisque le minimum requis, l'incertitude réelle liée à l'épiderme réel, n'est pas présent. Par définition, l'incertitude véritable n'est ni modélisable, ni programmable. Par contre, il peut y avoir extermination du biologique au bénéfice d'une forme de « vie simulée » dans le numérique. Réalisation du « crime parfait », l'extermination de l'incertitude liée au vrai réel (ici, la matière vivante), au bénéfice d'une simulation du réel parfaitement traçable et contrôlée.

Le downloading total dans la Matrice virtuelle et l'accès du pouvoir à l'intimité psychologique des citoyens sont pour bientôt. »

On pourra dire que les citoyens n’ont que ce qu’ils méritent, du Brésil à la Chine en passant par Paris.

Mais revenons à la source, la quête de l’être artificiel et robotique dans le monde moderne…

On continue avec nos allemands qui relèvent vers 1800 une imperfection de la civilisation occidentale (voyez nos textes sur Goethe, Schiller) et tentent parfois d’y remédier. Cela donne Kleist, militaire prussien, qui lui rêve du monde transhumain de la marionnette, de l’automate seul capable d’édifier du parfait. Et cela donne un texte dense, impeccable, sulfureux : les scènes de la vie des marionnettes.

Le monde étant depuis Shakespeare et le baroque une scène de théâtre, on commence ainsi : 

« Il me demanda si je n’avais pas en effet trouvé certains mouvements des poupées, surtout des plus petites, très gracieux dans la danse.

Je ne pus le nier. Téniers n’eût pas peint de façon plus charmante un groupe de quatre paysans dansant la ronde en vive cadence. »

Puis Kleist se montre plus scientifique, plus mathématicien, héritier des automatismes des Lumières et de Vaucanson :

« Il répondit qu’il ne fallait pas m’imaginer que chaque membre était avancé et retiré par le machiniste, aux différents moments de la danse.

Chaque mouvement avait un centre de gravité ; il suffisait de commander celui-ci, à l’intérieur de la figure ; les membres, qui n’étaient que des pendules, obéissaient d’eux-mêmes de façon mécanique, sans qu’on y soit pour rien. »

Images mathématiques :

« Les mouvements des doigts sont au contraire dans un rapport assez subtil à celui des poupées qui y sont attachées, à peu près comme des nombres à leurs logarithmes ou de l’asymptote à l’hyperbole. »

Il faut pousser à la perfection et éviter l’affectation, trop humaine :

— Et quel avantage aurait cette poupée sur les danseurs vivants ?

— Quel avantage ? Avant tout, mon cher ami, un avantage négatif: celui d’écarter toute affectation. Car l’affectation apparaît, comme vous savez, lorsque l’âme (vis motrix) se trouve en tout point autre que le centre de gravité du mouvement. »

kleistbuch.jpgLe mannequin, la poupée, l’automate sont plus parfaits que nous :

« Je dis qu’aussi habilement qu’il conduise son paradoxe, il ne me ferait jamais croire qu’il puisse y avoir plus de souplesse dans un mannequin mécanique que dans la structure du corps humain.

Il reprit qu’il était parfaitement impossible à l’homme d’approcher même en cela le mannequin.

Que, sur ce terrain, seul un dieu pourrait se mesurer avec la matière… »

La perte de la grâce est irréparable. Le petit air d’innocence ne revient pas, comme dit Debord de la Société du Spectacle après mai 68. Et Kleist donne un bel et célèbre exemple :

« Je dis que je savais fort bien quels désordres produit la conscience dans la grâce naturelle de l’homme. Un jeune homme de ma connaissance avait, par une simple remarque, perdu pour ainsi dire sous mes yeux son innocence et jamais, dans la suite, n’en avait retrouvé le paradis, malgré tous les efforts imaginables.

À dater de ce jour, pour ainsi dire de ce moment, un changement incompréhensible s’opéra en lui.

Il se mit à passer des jours entiers devant le miroir ; mais l’attrait diminuait à chaque fois. Une force invisible et inexplicable semblait contraindre, comme un filet de fer, le libre jeu de ses gestes. Un an plus tard, on ne trouvait plus trace en lui de la grâce charmante qui faisait naguère la joie de ceux qui l’entouraient. »

Si l’homme est dans un équilibre instable. Il aussi perdu la perfection de la nature. Et Kleist de parler d’un bretteur ours…et russe ! Il est invincible :

« Non seulement l’ours parait tous mes coups, comme le premier bretteur du monde, mais (chose en quoi nul bretteur au monde ne l’eût imité) il ne se prêtait même pas aux feintes : debout, me fixant dans les yeux comme s’il avait pu lire dans mon âme, la patte levée prête au coup, si mes attaques n’étaient que simulées, il ne bougeait pas. »

Bel aphorisme :

« Nous voyons que, dans le monde organique, plus obscure et plus faible est la réflexion, d’autant plus rayonnante et souveraine s’étend la grâce. »

Conclusion simple de Kleist :

« Toutefois, comme l’intersection de deux droites partant d’un même côté d’un point, après le passage à l’infini, se retrouve soudain de l’autre côté, ou comme l’image du miroir concave, après s’être éloignée à l’infini, revient soudain juste devant nous : de même la grâce, quand la connaissance est pour ainsi dire passée par un infini, est de nouveau là ; de sorte qu’elle apparaît en sa plus grande pureté dans cette conformation humaine du corps qui, ou bien n’a aucune conscience, ou bien a une conscience infinie, c’est-à-dire dans le mannequin, ou dans le dieu. »

Il faut donc remanger de l’arbre de connaissance :

— En sorte, dis-je un peu rêveur, qu’il nous faudrait de nouveau manger du fruit de l’arbre de la connaissance (wieder von dem Baum der Erkenntniß essen), pour retomber dans l’état d’innocence (um in den Stand der Unschuld zurückzufallen)?

— Sans nul doute, répondit-il ; c’est le dernier chapitre de l’histoire du monde (das letzte Capitel von der Geschichte der Welt.)

Ici nous sommes enfin bien d’accord. Le camp de concentration électronique permettra d’accomplir le rêve des Lumières de reprogrammation de « l’homme d’après la deuxième chute » (Mircea Eliade). Et tout cela se fait sans douleur ni résistance, comme dans la caverne de Platon.

Sources

Heinrich Von Kleist – Scènes de la vie des marionnettes

René Guénon – Symboles de la science sacrée

Nicolas Bonnal – Ridley Scott, les mythologies de sa science-fiction (Amazon.fr)

Lucien Cerise – Interview sur « Gouverner par le chaos ».

Thomas Ferrier: "Pourquoi faut-il sauver l'Europe ?"

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Conférence Suavelos

Thomas Ferrier:

"Pourquoi faut-il sauver l'Europe ?"

Octobre 2018

 
Pour suivre Thomas Ferrier, visitez son twitter : https://twitter.com/ThFerrier
 
Le programme de son parti, le Parti Des Européens : https://drive.google.com/file/d/1KDrQ...
 
Le site de l'équipe Suavelos : https://www.suavelos.eu/
 

Russia, India & Iran Want to Create Alternative Trade Route to Suez Canal

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Russia, India & Iran Want to Create Alternative Trade Route to Suez Canal

Le plan russo-sino-européen pour contourner les sanctions pétrolières contre l’Iran

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Le plan russo-sino-européen pour contourner les sanctions pétrolières contre l’Iran

par William Engdahl

Ex: http://www.zejournal.mobi

Il se peut fort bien que la politique unilatérale de la terre brulée menée par l’administration Trump donne un résultat tout à fait contraire à ce que l’on attend. La décision de Washington d’abandonner l’accord nucléaire iranien et d’imposer des sanctions sévères aux entreprises qui commercialisent du pétrole iranien, à partir du 4 novembre, crée de nouvelles voies de coopération entre l’UE, la Russie, la Chine et l’Iran et potentiellement d’autres pays. La récente déclaration de responsables bruxellois sur la création d’un Special Purpose Vehicle (SPV) non spécifié pour éviter légalement le commerce du pétrole en dollars américains et donc les sanctions américaines, pourrait potentiellement marquer le début de la fin de la domination du système dollar dans l’économie mondiale.

Selon les rapports des derniers pourparlers bilatéraux germano-iraniens à Téhéran, le 17 octobre, les mécanismes d’une structure spéciale qui permettrait à l’Iran de continuer à tirer profit de ses exportations de pétrole commenceront à être mis en œuvre dans les prochains jours. Fin septembre, Federica Mogherini, responsable de la politique étrangère de l’UE, a confirmé son intention de créer un tel canal commercial indépendant, notant qu’« aucun pays souverain ou organisation ne peut accepter que quelqu’un d’autre décide avec qui vous êtes autorisé à faire du commerce ».

Ce SPV serait calqué sur le système de troc soviétique utilisé pendant la guerre froide pour éviter les sanctions commerciales américaines, où le pétrole iranien serait en quelque sorte échangé contre des marchandises, sans échange d’argent. L’accord SPV impliquerait l’Union européenne, l’Iran, la Chine et la Russie.

Selon divers rapports de l’UE, le SPV implique un système de troc sophistiqué qui permet d’éviter les sanctions du Trésor américain. Par exemple, l’Iran pourrait expédier du pétrole brut à une entreprise française, accumuler des crédits par l’intermédiaire du SPV, un peu comme une banque. Un intermédiaire financier multinational soutenu par l’Union européenne serait mis en place pour traiter les transactions avec les entreprises intéressées par des transactions avec l’Iran et avec les parties iraniennes. Ces transactions ne seraient pas visibles par les États-Unis et impliqueraient des euros et des livres sterling plutôt que des dollars.

C’est une réponse extraordinaire à ce que Washington appelle une politique de guerre financière totale contre l’Iran, qui inclut des menaces de sanctions contre les banques centrales européennes et le réseau de paiements interbancaires SWIFT basé à Bruxelles si ils maintiennent des liens avec l’Iran après le 4 novembre. Dans les relations qui existent entre l’Europe de l’Ouest et Washington depuis 1945, de telles mesures agressives n’ont jamais été prises auparavant, ce qui oblige les principaux cercles politiques de l’UE à repenser les choses en profondeur.

Une nouvelle architecture bancaire

Le contexte de cette mystérieuse initiative a été présenté en juin dans un rapport intitulé « L’Europe, l’Iran et la souveraineté économique : nouvelle architecture bancaire en réponse aux sanctions américaines ». Le rapport a été rédigé par l’économiste iranien Esfandyar Batmanghelidj et Axel Hellman, membre de l’European Leadership Network (ELN), un groupe de réflexion politique basé à Londres.

Le rapport propose que la nouvelle architecture comporte deux éléments clés. Tout d’abord, elle s’appuiera sur des « banques passerelles » désignées pour servir d’intermédiaires entre les banques commerciales iraniennes et celles de l’UE liées à l’entité ad hoc. Le deuxième élément est qu’elle serait supervisée par un bureau de contrôle des actifs étrangers de l’UE ou EU-OFAC, sur le modèle du Trésor américain, mais utilisé pour faciliter le commerce légal UE-Iran, et non pour le bloquer. Ce système UE-OFAC, entre autres fonctions, consisterait à créer des mécanismes de certification pour garantir les entreprises faisant de tels échanges commerciaux et à « renforcer les protections juridiques européennes pour les entités engagées dans le commerce et l’investissement en Iran ».

Le SPV utiliserait des Gateway Banks spécifiques, des banques de l’UE non affectées par les « sanctions secondaires » de Washington car elles ne font pas d’affaires aux États-Unis et se concentrent sur les affaires avec l’Iran. Il peut s’agir de banques régionales allemandes appartenant à l’État, de certaines banques privées suisses telles que la Europäisch-Iranische Handelsbank (EIH), une banque européenne créée spécifiquement pour le financement du commerce avec l’Iran. En outre, certaines banques iraniennes ayant des bureaux dans l’UE pourraient être utilisées.

Quel que soit le résultat final, il est clair que les actions belliqueuses de l’administration Trump contre le commerce avec l’Iran forcent les grands pays à coopérer, ce qui pourrait entraîner la fin de l’hégémonie du dollar qui a permis à un gouvernement américain endetté de financer une tyrannie mondiale au détriment des autres.

UE-Russie-Chine….

Lors de la récente Assemblée générale des Nations unies à New York, Federica Mogherini a déclaré que le SPV a été conçu pour faciliter les paiements liés aux exportations de l’Iran – y compris le pétrole – tant que les entreprises impliquées exerçaient des activités légitimes en vertu du droit communautaire. La Chine et la Russie sont également impliquées dans le SPV. La Turquie, l’Inde et d’autres pays pourraient y adhérer par la suite.

Immédiatement, comme prévu, Washington a réagi. Lors d’une réunion avec l’opposition iranienne aux Nations unies, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, ancien chef de la CIA, a déclaré qu’il était « troublé et même profondément déçu » par le projet européen. Il a notamment déclaré : « C’est l’une des mesures les plus contre-productives que l’on puisse imaginer pour la paix et la sécurité régionales et mondiales. » Le plan de Washington pour une guerre économique contre l’Iran est-il vraiment conçu pour favoriser la paix et la sécurité régionales et mondiales ?

Un SWIFT non étasunien ?

L’une des armes les plus brutales de la batterie de guerre financière du Trésor américain est la capacité de forcer le système de compensation interbancaire privé SWIFT, basé à Bruxelles, d’empêcher l’Iran de l’utiliser. Cela a eu un effet dévastateur en 2012 lorsque Washington a fait pression sur l’UE pour que SWIFT se soumette, un grave précédent qui a déclenché l’alarme partout dans le monde.

Le fait que le dollar américain demeure la monnaie dominante pour le commerce international et les transactions financières donne à Washington un pouvoir extraordinaire sur les banques et les entreprises du reste du monde. C’est l’équivalent financier d’une bombe à neutrons. Cela pourrait être sur le point de changer, même si ce n’est pas encore chose faite.

En 2015, la Chine a dévoilé son système CIPS (China International Payments System). À l’origine, le CIPS était considéré comme une future alternative chinoise à SWIFT. Il offrirait des services de compensation et de règlement à ses participants pour des opérations et des paiements transfrontaliers en Renminbi. Malheureusement, une crise boursière chinoise a forcé Pékin à revoir ses plans à la baisse, bien qu’il y ait un squelette d’infrastructure.

Dans un autre domaine, depuis fin 2017, la Russie et la Chine ont discuté de la possibilité de relier leurs systèmes de paiements bilatéraux en contournant le dollar. Le système Unionpay de la Chine et le système de paiement intérieur de la Russie, connu sous le nom de Karta Mir, seraient directement reliés.

Plus récemment, les principaux cercles politiques de l’UE se sont fait l’écho de ces idées sans précédent dans l’ère post-1944. En août, se référant aux actions unilatérales des États-Unis pour bloquer le pétrole et d’autres échanges commerciaux avec l’Iran, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a déclaré à Handelsblatt, un grand quotidien économique allemand, que « l’Europe ne devrait pas permettre aux États-Unis d’agir au-dessus de nos têtes et à nos dépens. Pour cette raison, il est essentiel que nous renforcions l’autonomie européenne en établissant des canaux de paiement indépendants des États-Unis, en créant un Fonds monétaire européen et en mettant en place un système SWIFT indépendant ».

Une fissure dans l’édifice du dollar

Jusqu’où l’UE est disposée à défier Washington sur la question du commerce avec l’Iran n’est pas encore clair. Il est fort probable que Washington, par l’intermédiaire de la NSA et d’autres moyens, puisse avoir accès aux échanges entre l’UE, l’Iran, la Russie et la Chine dans le cadre du SPV.

Outre les récentes déclarations du ministre allemand des Affaires étrangères, la France envisage d’étendre le SPV iranien afin de créer un moyen de protéger les économies de l’UE contre les sanctions extraterritoriales illégales, comme les sanctions secondaires qui punissent les entreprises européennes faisant des affaires en Iran en les empêchant d’utiliser le dollar ou de faire affaire aux États-Unis. La porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Agnès Von der Mühll, a déclaré qu’en plus de permettre aux entreprises de continuer à commercer avec l’Iran, le SPV « créerait un outil de souveraineté économique pour l’Union Européenne au-delà de ce seul cas. Il s’agit donc d’un plan à long terme qui protégera, à l’avenir, les entreprises européennes des effets de sanctions extraterritoriales illégales ».

Si tel est le cas de la nouvelle structure ad hoc de l’UE, cela créera une fissure béante dans l’édifice du dollar. Se référant au SPV et à ses implications, Jarrett Blanc, ancien responsable du département d’État sous Obama et impliqué dans la négociation de l’accord nucléaire iranien, a noté que « le mécanisme de paiement ouvre la porte à une dégradation à long terme du pouvoir des sanctions américaines ».

L’UE a fait preuve d’une rhétorique effrénée et de vociférations véhémentes contre la guerre économique unilatérale des États-Unis et l’imposition extraterritoriale de sanctions telles que celles contre la Russie. Mais sa détermination à prendre des mesures énergiques pour créer une véritable solution de rechange a, jusqu’à présent, été absente. Il en va de même à d’autres égards pour la Chine et la Russie. La guerre des sanctions américaines incroyablement brutale contre l’Iran va-t-elle enfin marquer le début de la fin de la domination du dollar sur l’économie mondiale qu’elle exerce depuis Bretton Woods, en 1945 ?

J’ai l’impression qu’à moins que le SPV, sous quelque forme que ce soit, n’utilise les avantages technologiques remarquables de certaines des technologies du Blockchain ou d’autres comme celles du XRP ou de Ripple, basé aux États-Unis, qui permettraient d’acheminer les paiements transfrontaliers de façon sécuritaire et presque instantanée à l’échelle mondiale, il n’aura que peu d’effet. Ce n’est pas que les programmeurs informatiques européens n’ont pas l’expertise nécessaire pour développer de tels logiciels, et encore moins les Russes. Après tout, l’une des principales entreprises de Blockchain a été créée par un Canadien d’origine russe nommé Vitalik Buterin. La Douma russe travaille sur une nouvelle législation concernant les monnaies numériques, même si la Banque de Russie y semble toujours fermement opposée. La Banque populaire de Chine est en train de développer et de tester rapidement une cryptomonnaie nationale, le ChinaCoin. Les technologies de Blockchain sont encore largement méconnues, même dans les cercles gouvernementaux tels que la Banque centrale russe qui devrait voir en elle bien plus qu’une nouvelle « bulle des mers du Sud ». La capacité d’un système de paiement supervisé par l’État à échanger des monnaies au-delà des frontières, totalement crypté et sécurisé, est la seule réponse plausible à court terme aux sanctions unilatérales et aux guerres financières jusqu’à ce qu’un ordre plus civilisé entre les nations soit possible.

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

mercredi, 07 novembre 2018

Questionnaire de la Nietzsche Académie Réponses de Robert Steuckers

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Questionnaire de la Nietzsche Académie 

Réponses de Robert Steuckers

- Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Nietzsche annonçait la transvaluation des valeurs, c’est-à-dire l’abandon et le dépassement de valeurs qui s’étaient pétrifiées au fil des siècles, jusqu’à devenir les charges que portait le chameau dans la fable de Zarathoustra. Il a fallu deux siècles et demi environ aux Européens pour se dégager des vieilles tables de valeurs : et ce processus de dégagement n’est nullement achevé car les résidus de ces fausses valeurs, qui résistent à la transvaluation, reviennent sans cesse à la charge, parfois avec une rage destructrice autant qu’inféconde, comme l’attestent le festivisme et le « politiquement correct ». Il y a encore bien du travail à faire ! Les pétrificateurs, avant les coups de marteau de Nietzsche, faisaient toutefois face aux résidus des valeurs antiques, celles des périodes axiales de l’histoire, qui offraient, face à leurs manigances, de la résilience tenace, malgré que les pétrificateurs étaient au pouvoir, alliés aux démissionnaires d’hier qui abandonnaient graduellement leurs exigences éthiques, leurs exigences de style, comme le montre parfaitement la déchéance des catholiques (et des protestants) en démocrates-chrétiens et des démocrates chrétiens en prétendus « humanistes » . A l’époque de Baudelaire et de Nietzsche, s’installe un système dominé par l’économie et la finance qui houspille les valeurs créatrices hors du champ d’action, hors de la vie de la plupart des hommes, réduisant ceux-ci à de la matière « humaine, trop humaine ». Ce système est toujours en place et se vend à nos pauvres contemporains, qui sont hélas « humains, trop humains », sous différents masques : Nietzsche nous apprend à les arracher, à dénoncer le plan pétrificateur qui se dissimule derrière les beaux discours eudémonistes ou les promesses politico-messianiques. Nietzsche est donc un Maître qui nous apprend de multiples stratégies pour nous extraire des pétrifications du système.

 - Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie d’abord, et avant tout, combattre les falsifications mises en place pour faire triompher les projets des êtres vils, ceux qui pétrifient, comme je viens de le dire, mais qui, de cette pétrification, tirent leur pouvoir, le consolident et le perpétuent au détriment de la beauté et de la légèreté, de l’harmonie apollinienne et de l’ivresse dionysiaque. Tout est lourdeur, pesanteur, répétition chez les tenants des fausses valeurs en place, toutes pétrifiées, monstrueusement froides : Baudrillard parlait d’un système obèse ; l’architecture prisée par le système en place est d’une laideur sans nom, la répétition des poncifs du « politiquement correct » est d’une lourdeur à frémir. L’humain trop humain s’étiole en une dépression infinie, contraint qu’il est de ne surtout rien créer, même de petites choses originales car tout, désormais, doit être sérialisé. Etre nietzschéen, c’est vouloir, envers et contre tout ce que l’on nous propose, la véritable légèreté d’âme, le gai savoir, la beauté permanente de nos environnements, la magnifique variété du monde, obtenue par les perspectives aquilines, celles, justement, du Nietzschéen qui, tel l’aigle, vole haut au-dessus des contingences abrutissantes du système et voit les choses sur tous leurs angles.

- Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

Je recommande tout particulièrement La généalogie de la morale et L’Antéchrist, car ces deux livres sont justement ceux qui nous enseignent à arracher les masques des pétrificateurs.

- Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

Parce qu’il voulait bousculer les tables des valeurs au 19ème siècle, le nietzschéisme a d’abord été la marque des révolutionnaires de gauche, des anarchistes de tous poils, des artistes (parfois un peu déjantés) et des féministes. Dès la première décennie du 20ème siècle, la gauche allemande s’est pétrifiée à son tour, comme le déplorait et le fustigeait un social-démocrate combattif et contestataire (au sein de son propre vivier politique), tel Roberto Michels (qui parlait de la formation d’oligarchies fermées sur elle-mêmes au départ des bureaucraties des partis, tenues par les « bonzes »). La décennie qui a précédé la Grande Guerre a été, pour les socialistes allemands, l’époque d’une dé-nietzschéanisation progressive, les bonzes ne supportant pas l’audace nietzschéenne, surtout celle qui consiste à arracher les masques des hypocrites, à s’affirmer face aux conventions désuètes. C’est alors que l’on verra le nietzschéisme basculer vers la droite. En Autriche, comme je l’ai démontré dans le premier volume que j’ai consacré aux figures de la révolution conservatrice allemande, les socialistes consolident leurs positions sur l’échiquier politique de l’Empire des Habsbourgs jusqu’en 1914 parce qu’ils s’inspiraient de Wagner, de Schopenhauer et de Nietzsche. On peut également arguer qu’un socialiste italien prénommé Benito était, avant 1914, un activiste politique dont les inspirations philosophiques venaient de Hegel et de Marx, assurément, mais aussi de Bergson et de Nietzsche. Il quittera le parti socialiste italien, en voie de figement idéologique. Plus tard, le futur communiste Gramsci en fera autant, en dénonçant le « Barnum socialiste ». On peut arracher le masque des hypocrites au nom d’une révolution de gauche comme d’une révolution ou d’une restauration de droite.

 - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

L’impact de la pensée de Nietzsche est immense et s’est diffusée à tous les niveaux des arts et des lettres en Europe. Pour des raisons purement didactiques, je me réfère généralement aux catégories forgées par le Professeur René-Marill Albérès, pour qui plusieurs filons dans les lettres européennes portent la marque de Nietzsche : 1)  le filon anti-intellectualiste, qui, sous des formes très diverses, reprend l’hostilité nietzschéenne au socratisme et à tout intellectualisme desséchant, une hostilité que l’on a appelée parfois sa « misologie » (son rejet des logiques et des raisons figeantes) ; 2) le filon dit du « déchirement et de l’action », propre aux années 1930 et 1940, qui englobe la soif d’aventure où l’existence audacieuse prend plus de valeur que l’essence, perçue, souvent à tort, comme figée et immuable. Nietzsche a brisé des certitudes pétrifiées : les hommes sont partis à la recherche d’autre chose, en tâtonnant, en se sacrifiant, en commettant parfois l’irréparable : ils ont été a-socratiques, non ratiocinants, pleins de panache ou tragiquement broyés. Je ne pense pas qu’il existe des auteurs entièrement nietzschéen, seulement des auteurs marqués par un aspect ou un autre du « continent philosophique » qu’est Nietzsche. Seul Nietzsche est pleinement nietzschéen : chacun, disait-il, est sa propre idiosyncrasie. Il ne fait sûrement pas exception à la règle ! Revenons à la notion de « continent nietzschéen » : l’expression est de Bernard Edelman, auteur aux PUF de « Nietzsche – Un continent perdu » (1999). L’œuvre nietzschéenne a effectivement des dimensions continentales, où l’on peut puiser à l’envi, sans jamais en venir à bout, sans jamais enfermer ce foisonnement dans un « enclôturement » trop étriqué.

- Pourriez-vous donner une définition du surhomme ?

Les socratismes (christianisés ou non), les mauvaises consciences sur lesquelles tablent les idéologies manipulatrices ne retiennent que l’humain, trop humain, ou l’homme domestiqué (le « type ») par tous les vecteurs de morbidité qui ont agi dans l’histoire occidentale. Le surhomme est donc celui qui s’efforce d’aller au-delà de cette morbidité générale, par l’effet de sa volonté de puissance, et éventuellement y parvient, inaugurant de la sorte le règne des « grands hommes », mutants qui abandonnent les morbidités, devenues le propre de l’espèce humaine « typifiée ».

- Votre citation favorite de Nietzsche ?

Ce n’est pas une citation mais un poème, intitulé Ecce homo :

Ja ! Ich weiss, woher ich stamme !

Ungesättigt gleich der Flamme

Glühe und verzehr ich mich.

Licht wird alles, was ich fasse,

Kohle alles, was ich lasse:

Flamme bin ich sicherlich.

 

(Oui ! Je sais d’où je suis issu !

Insatiable comme la flamme

Je brûle et me consume.

Lumière devient ce que je saisis

Cendre ce que j’abandonne :

Oui, je suis flamme).

Le monde se dissocie discrètement des États-Unis

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Le monde se dissocie discrètement des États-Unis

Article original de Brandon Smith, publié le 9 octobre 2018 sur le site alt-market.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr 


… et personne n’y prête attention 
 
par Brandon Smith
 
Ex: https://versouvaton.blogspot.com


La confiance aveugle dans le dollar américain est peut-être l’un des facteurs les plus invalidants dont disposent les économistes pour évaluer notre avenir économique. Historiquement parlant, les monnaies fiduciaires sont des animaux dont la durée de vie est très courte, et les monnaies de réserve mondiales sont encore plus sujettes à une mort prématurée. Mais, pour une raison ou une autre, l’idée que le dollar est vulnérable au même sort est jugée ridicule par les médias dominants.
 
Cette illusion a aussi récemment perfusé dans certaines parties du mouvement économique alternatif, certains analystes espérant que l’Administration Trump renversera en quelque sorte plusieurs décennies de sabotage des banques centrales en seulement quatre à huit ans. Cependant, cette façon de penser exige qu’une personne ignore complètement la tendance actuelle.

Des années avant que l’on ne soupçonne l’imminence d’une guerre commerciale, de nombreux pays ont établi des accords bilatéraux qui devaient réduire le dollar comme principal mécanisme d’échange. La Chine a été un chef de file dans cet effort, bien qu’elle soit l’un des plus importants acheteurs de titres du Trésor américain et détenteurs de réserves en dollars américains depuis le krach de 2008. Au cours des dernières années, ces accords bilatéraux ont pris de l’ampleur, en commençant par de petits accords, puis en se transformant en accords massifs sur les matières premières. La Chine et la Russie sont un parfait exemple de la tendance à la dé-dollarisation, les deux pays ayant formé une alliance commerciale sur le gaz naturel dès 2014. Cet accord, qui devrait commencer à stimuler les importations en Chine cette année, élimine le besoin de dollars comme mécanisme de réserve pour les achats internationaux.

La Russie et certaines parties de l’Europe, y compris l’Allemagne, se rapprochent également sur le plan commercial. Avec l’entrée de l’Allemagne et de la Russie dans l’accord sur le gazoduc Nordstream 2 malgré les condamnations de l’administration Trump, nous pouvons voir une nette progression des nations s’éloignant des États-Unis et du dollar et allant vers un « panier de devises ».
Le ministre de l’Énergie, Rick Perry, a laissé entendre que des sanctions sont possibles à l’égard du projet Nordstream 2, mais les politiques de guerre commerciale ne font que hâter le mouvement international qui s’écarte des États-Unis comme centre d’influence commerciale. Les sanctions américaines contre le pétrole iranien appuient cet argument, car la Chine, la Russie et une grande partie de l’Europe travaillent ensemble pour contourner les restrictions américaines sur le brut iranien.

La Chine a même mis en place son propre marché de pétro-yuans, et les premières livraisons de pétrole du Moyen-Orient vers la Chine payées par un contrat de pétro-yuans ont eu lieu en août de cette année. Les économistes classiques aiment à souligner la petite part du marché mondial du pétrole que représente le pétro-yuan, mais ils semblent ne pas avoir saisi l’ensemble de la situation. Le problème, c’est qu’il existe maintenant une solution de rechange au pétro-dollar là où il n’en existait pas auparavant. Et c’est là l’essentiel de la question qu’il faut examiner : La tendance vers des alternatives, et toutes les alternatives conduisant à la centralisation par les banques mondiales.
Au-delà de l’abandon du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale, il y a une nouvelle question autour des systèmes de paiement internationaux alternatifs. SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) est un réseau mondial de « messages financiers » entre les grandes banques, dont les banques centrales. Les transactions sont enregistrées via le réseau SWIFT, ce qui permet une confirmation rapide des « messages » et des mises à jour de comptes dans le monde entier.

Fondé à l’origine à Bruxelles, SWIFT est depuis des décennies le seul réseau bancaire de ce type disposant d’une capacité mondiale et, jusqu’à récemment, les principaux centres de données étaient situés aux États-Unis et aux Pays-Bas.

Le gouvernement américain a exploité un contrôle économique étendu en utilisant son influence sur SWIFT, notamment en surveillant massivement les transactions financières internationales et en refusant à des pays comme l’Iran l’accès à SWIFT par des sanctions. Par le passé, les États-Unis ont saisi ou gelé des fonds transférés par l’entremise de SWIFT entre des banques à l’extérieur des frontières américaines, y compris des transactions entièrement légales, ce qui indique que les États-Unis exercent un contrôle manifeste sur le système. Le statut de réserve mondiale du dollar, combiné à l’influence des États-Unis sur l’outil le plus important dans les transactions bancaires internationales, a renforcé la domination financière des États-Unis pendant de nombreuses années.

Mais le règne du dollar touche rapidement à sa fin, les banques mondiales comme le FMI cherchant à centraliser l’autorité monétaire dans une structure mondiale unique. La grande illusion perpétrée est que l’« ordre mondial multipolaire » qui est en train de naître est en quelque sorte « anti-globaliste ». Ce n’est tout simplement pas le cas.

Alors, que se passe-t-il réellement ? Le monde se rétrécit à mesure que tout le monde, SAUF les États-Unis, se consolide sur le plan économique. Cela inclut les alternatives à SWIFT.

La Russie vend ses bons du Trésor américain, mais entretient des liens étroits avec le FMI et la BRI, appelant à un système monétaire mondial sous le contrôle du FMI. La Chine fait de même, en resserrant ses liens avec le FMI par le biais de son système de panier de DTS, tout en coupant un par un ses liens avec le dollar. L’Europe se rapproche de la Russie et de la Chine, s’efforçant de défier les sanctions américaines.

Aujourd’hui, tous ces pays construisent de nouveaux réseaux de type SWIFT afin de mettre les États-Unis à l’écart de la boucle. En d’autres termes, les États-Unis sont en train de devenir le méchant de notre soap opera mondial et, du fait de leur orgueil démesuré, ils préparent le terrain pour leur propre destruction. Les États-Unis jouent un rôle de catalyseur en aidant les banques mondiales en faisant peur à leurs ennemis et alliés et en les poussant à une plus grande centralisation. Du moins, c’est le récit que je soupçonne que les futurs historiens reprendront.

Dans le cadre des efforts visant à saper les sanctions américaines contre le pétrole iranien, l’UE a établi un programme pour construire un nouveau système SWIFT en dehors de l’influence américaine. C’est un modèle auquel la Russie, la Chine et l’Iran ont accepté de participer, et la nouvelle a été largement ignorée par le grand public. Le Wall Street Journal a rapporté à contrecœur l’évolution de la situation, mais l’a rejetée comme étant inefficace pour contrecarrer les sanctions américaines. Et cela semble être le consensus parmi les médias – minimiser ou ignorer les implications d’un système SWIFT alternatif.

Les préjugés à l’égard du dollar soulèvent une fois de plus leur vilaine tête, et les dangers de ce genre de déni sont nombreux. Le dollar peut être, et est en train d’être contourné par des accords commerciaux bilatéraux. La domination américaine sur les marchés pétroliers est contournée par d’autres contrats pétroliers. Et maintenant, le contrôle américain des réseaux financiers est contourné par des programmes SWIFT alternatifs. Le seul fil conducteur qui maintient le dollar et, par extension, l’économie américaine ensemble est le fait que ces alternatives ne sont pas encore répandues. Cela va inévitablement changer.

Alors, la question est : quand cela va-t-il changer ?

Je crois que le rythme de la guerre commerciale dictera le rythme de la dé-dollarisation. Plus les tarifs deviendront agressifs entre les États-Unis et la Chine, l’Iran, l’Europe et la Russie, plus vite les systèmes alternatifs déjà existants seront mis en œuvre. À l’heure actuelle, la rapidité du conflit entre les États-Unis et la Chine laisse entrevoir un passage du dollar à un panier de monnaies internationales d’ici la fin 2020, et il faudra environ une autre décennie pour que ce processus se concrétise. En d’autres termes, le système du panier des DTS servira de pont dans le temps vers une nouvelle monnaie de réserve mondiale, un système monétaire mondial unique.

Avec les tarifs douaniers actuels qui couvrent au moins la moitié du commerce chinois et l’autre moitié qui est menacée si la Chine riposte de quelque manière que ce soit, je pense que ce n’est qu’une question de mois avant que la Chine n’utilise ses propres dollars et réserves de bons du Trésor comme arme contre les États-Unis. Lorsque cela arrivera, la Chine n’annoncera pas publiquement cette mesure, et les grands médias ne sauteront dessus que beaucoup trop tard.

Ne vous attendez donc pas à ce que l’Europe vienne en aide à l’Amérique si cela se produit. Il me semble évident, d’après le comportement récent de l’UE, qu’elle a l’intention de rester neutre, du moins pendant l’escalade, si ce n’est être totalement du côté de la Chine et de la Russie par nécessité économique.

La préparation de cet événement exige autant d’indépendance financière que possible. Cela signifie des alternatives tangibles au dollar, comme les métaux précieux, et des économies localisées basées sur le troc et le commerce. Une fois que le dollar perdra son statut de réserve mondiale, le transfert de l’inflation des prix aux États-Unis sera immense. Les dollars détenus à l’étranger reviendront en masse dans le pays, car ils ne seront plus nécessaires à l’échange international de biens et de ressources. Ce changement pourrait se produire très rapidement, comme une avalanche.

Encore une fois, ne vous attendez pas à recevoir un avertissement avant que les créanciers étrangers ne vendent des actifs libellés en dollars, et attendez vous à ce que les effets négatifs se fassent sentir dans un délai très court sur Main Street.

Brandon Smith

Note du traducteur

Les analyses de cet auteur fortement anti-centralisation semblent parfois s'arrêter là où commencent les intérêts américains. Il est donc intéressant de connaître la vision d'un Américain pur jus, même anti-système, à l'égard de la fin de l'Empire américain. On pourrait le voir se réjouir de contempler la fin de l'Empire et de ces guerres impliquant le retour de la nation. Il devrait se féliciter de voir le dollar débarrassé de ce rôle de réserve mondiale qui désindustrialise son pays et lui vole sa souveraineté.


Certes les USA, s'ils existent encore en un seul morceau, devront faire défaut sur le dollar de la Fed et passer à une autre monnaie. Une monnaie souveraine ?

Les USA sont coincés dans la division raciale

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Les USA sont coincés dans la division raciale

par Lance Welton

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Article original de Lance Welton, publié le 21 août 2018 sur le site Unz Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Le prochain recensement américain est prévu pour 2020. Apparemment, l’administration Trump n’est pas tombée dans le piège de l’ère Obama qui prévoyait de changer les questions sur la race pour reconstruire encore davantage l’Amérique, bien qu’elle veuille relancer les pratiques de la période 1890-1950 consistant à poser des questions sur la citoyenneté, à laquelle les suspects habituels et la kritarchie se sont opposés sans gêne. [Voir « La question sur la citoyenneté pour le recensement de 2020 suscite des critiques et des poursuites », par Steve Larkin, Catholic News Service, 20 août 2018 et « Trump Officials Say They Can’t Recall Discussing Census Citizenship Question », par Hansi Lo Wang, NPR, 5 septembre 2018]. C’est bien, mais ce qui est vraiment nécessaire, c’est de passer à l’offensive : faire en sorte que les questions du recensement reflètent ce que la science moderne dit de la « race ».

La classe dirigeante américaine a une attitude schizophrène envers l’idée de race. Si vous voulez parler de questions comme la criminalité ou l’immigration, alors la « race » est une construction sociale sans fondement biologique et si vous n’êtes pas d’accord, vous êtes pire qu’Hitler. Cependant, lorsqu’il s’agit d’action positive, ou lorsqu’on constate que les minorités souffrent de manière disproportionnée de certaines maladies congénitales, alors la « race » devient magiquement à la fois biologique et douloureusement réelle.

Le problème, comme le montrent en détail deux livres récents sur la race : les catégories raciales utilisées par toutes les formes de gouvernement aux États-Unis sont, au sens biologique, absurdes.

Le formulaire type du gouvernement américain – où l’on vous demande de remplir votre ethnicité – diffère selon les personnes qui l’émettent. Mais en général, les « races d’hommes » de l’élite libérale le sont : blanc, noir, hispanique (parfois divisé en blanc hispanique et non-blanc hispanique), asiatique, insulaire du Pacifique et amérindien. Parfois, pour empirer les choses, on trouve des options telles que « Amérindien d’Amérique, insulaire du Pacifique et de l’Alaska » ou simplement « API » (« Asie-Pacifique insulaire »).

Mais dans son livre à paraître sous peu, Race Differences in Psychopathic Personality, le professeur Richard Lynn, psychologue britannique, présente un énorme corpus de données impliquant que les catégories raciales américaines ne sont tout simplement pas adaptées, à dessein.

Une « race », nous dit-il, est une population reproductrice séparée assez longtemps d’une autre population reproductrice pour s’adapter à une écologie différente, ce qui entraîne des différences constantes dans les fréquences moyennes des gènes entre les populations. C’est important parce que, comme le montre Lynn, la « race » s’exprime donc par des différences physiques et mentales cohérentes et interreliées, qui ont tendance à différer dans la même direction parce qu’elles sont des adaptations à des environnements distincts. Ainsi, les différentes races ont des profils de maladies génétiques différents, des groupes sanguins dominants différents, un QI moyen différent et des personnalités modales différentes.

Un autre livre récent, J. Philippe Rushton : A Life History Perspective, de Edward Dutton, un collègue de Lynn, présente les détails de ces différences raciales constantes : l’âge à la ménopause, le type de visage et de corps trouvé le plus attirant, la préférence pour le sexe oral plutôt que vaginal et même la composition du cérumen.

Ces études présentent les données des tests génétiques qui prouvent qu’il y a environ 10, et peut-être 12 races distinctes :
  1. Européens
  2. Maghrébins et Arabes
  3. Les Sud-Asiatiques, alias les Indiens
  4. Asiatiques du Nord-Est alias Orientaux
  5. Asiatiques du Sud-Est
  6. Les habitants des îles du Pacifique
  7. Amérindiens
  8. Les peuples de l’Arctique
  9. Africains
  10. Australiens (« Aborigènes ») et nouveaux Guinéens
  11. Bushmen
Les deux derniers sont parfois subsumés en « Africain » tandis que les Nord-Africains, les Arabes et les Sud-Asiatiques sont parfois fusionnés en « Non-Européen Caucasien ». Le livre de Lynn démontre que ces races diffèrent par quelque chose d’aussi important que le niveau moyen de personnalités psychopathes ; une condition définie par le comportement imprudent ; la criminalité ; l’impulsivité ; la tricherie ; la rupture conjugale ; l’égoïsme et le manque d’empathie. Ainsi, simplement pour rester en sécurité, cela vaut la peine de bien comprendre ce que sont les « races d’homme » réelles. Et le fait de comprendre cela révèle ce que sont les catégories raciales officielles américaines absurdes.

RACE QI PP
Aborigènes d’Australie 62 6,0
Africains subsahariens 70 7,5
Nouvelle-Zélande Maori 84 5,9
Amérindiens – États-Unis 86 2,2
Asiatiques du Sud – Grande-Bretagne 92 1,0
Européens 100 1,0
Asiatiques du Nord-Est – Grande-Bretagne 105 0,7

Différences raciales en terme d’intelligence et de personnalité psychopathique (PP) : Différences raciales en terme de QI et niveau de crime (le ratio standard est mis à 1.0 pour les européens) [Richard Lynn, Race Differences in Psychopathic Personality,Washington Summit , In Press, Table 16 : 2].

Les catégories raciales les plus stupides utilisées par le gouvernement américain sont les « Amérindiens, les insulaires du Pacifique et les autochtones d’Alaska » et « API ». Les habitants des îles du Pacifique n’ont pas grand-chose en commun génétiquement avec ces deux races. La distance génétique entre un insulaire du Pacifique et un Amérindien est environ le quadruple de la distance entre un insulaire du Pacifique et un Asiatique du Sud-Est, par exemple du Cambodge ou de Malaisie (voir Tableau 2, ci-dessous). La distance génétique entre les habitants de l’Alaska et ceux des îles du Pacifique est trois fois plus grande que celle qui sépare les Asiatiques du Sud-Est des habitants des îles du Pacifique.
C’est logique, bien sûr, parce que les habitants des îles du Pacifique se sont séparés des Asiatiques du Sud-Est il y a fort longtemps. En d’autres termes, la catégorie « API » est un peu comme avoir un groupe racial appelé aborigène européen-australien, la différence entre ces races n’étant que légèrement supérieure à la différence entre les insulaires du Pacifique et les autochtones américains.

Ces derniers, étant si différents, ont aussi des taux de personnalités psychopathes beaucoup plus élevés.

La catégorie « Asiatique » est également extrêmement problématique, car elle englobe les Asiatiques du Nord-Est, les Asiatiques du Sud-Est et les Asiatiques du Sud ; ces derniers s’étendant souvent pour inclure des Moyen-Orientaux et des Africains du Nord.

Les Asiatiques du Sud – les « Indiens d’Inde » – sont un peuple caucasien. La distance génétique entre les Asiatiques du Sud et les Asiatiques du Nord-Est est plus de quatre fois plus grande que la différence entre les Sud-Asiatiques et les Européens, et le sextuple lorsqu’on compare les Sud-Asiatiques et les Asiatiques du Sud-Est. Les Asiatiques du Nord-Est sont 1,6 fois plus semblables aux peuples de l’Arctique (comme les Inuits et les habitants de l’Alaska) qu’ils ne le sont des Asiatiques du Sud-Est.

En d’autres termes, la catégorie « Asiatique » n’a aucune base génétique. C’est à peine plus justifiable que de regrouper les Indiens et les Inuits en une seule catégorie raciale.

Comme on pouvait s’y attendre, les différences au sein de la catégorie asiatique sont frappantes. Les Asiatiques du Nord-Est ont un QI moyen de 105, tandis que les Asiatiques du Sud ont un QI moyen d’environ 92 lorsqu’ils vivent dans des pays occidentaux. Les Asiatiques du Sud sont aussi beaucoup plus psychopathes que les Asiatiques du Nord-Est, mais à peu près au niveau des Européens. Lynn suggère qu’il s’agit de l’adaptation de l’Asie du Sud aux environnements très bondés.

Mais cela ne fait pas partie de la catégorie API. Non seulement les habitants des îles du Pacifique ont des niveaux plus élevés de personnalités psychopathes que les Asiatiques ou les Européens, mais, en raison des complications des migrations et des séparations raciales, ils sont plus semblables aux Aborigènes australiens qu’aux Asiatiques du Sud.

Et comme Lynn l’explique, la catégorie hispanique – bien qu’elle ait une certaine utilité – est fondamentalement un désastre.

En général, les Hispaniques sont un cline ; un mélange de deux races, spécifiquement les Amérindiens et les Européens. Sur la plupart des mesures de la personnalité psychopathique, ils se situent, sans surprise, entre les Européens et les Amérindiens, ce qui les laisse avec des niveaux moyens de personnalité psychopathique inférieurs à ceux des Africains. Cependant, la catégorie « hispanique » comprend souvent de nombreuses personnes originaires d’Amérique du Sud, qui, dans certains cas, peuvent être plus génétiquement européennes que certains « Blancs », qui peuvent avoir une petite part d’ascendance amérindienne ou afro-américaine.

Les clines signifient qu’il y a un élément culturel dans la « race ». Pourquoi les Grecs sont-ils européens mais pas les Turcs occidentaux ? Il y a toujours des choses qui n’entrent dans aucun système de catégories.

Mais soyons clairs : d’un point de vue génétique, la « race » existe et prédit des choses très importantes, comme la personnalité psychopatique.
Les catégories raciales officielles aux USA, cependant, prédisent très peu de choses… peut-être parce que ceux qui les inventent trouvent qu’il est psychologiquement trop conflictuel d’avoir à penser à l’idée de « race ».

Lance Welton est un nom de plume d’un journaliste freelance vivant à New York.

Note du traducteur

Ces analyses sont à rapprocher des articles de Chris Hamilton sur la croissance et la population ainsi que sur le livre de John Glubb sur les Empires. L'Empire américain absorbe une forte croissance démographique de toute sa zone d'influence, c'est-à-dire le monde entier, pour alimenter sa croissance interne comme tous les empires l'ont fait avant lui. Mais la posture idéologique du marxisme culturel (tous égaux) bute sur la réalité des différences raciales et culturelles qui forme la richesse de l'humanité et ses capacités de résilience. Au nom d'un égalitarisme forcené, ceux-là mêmes qui s'insurgent contre le mot race veulent effacer ce qui fait de nous des humains, nos différences issues de l'adaptation de chaque groupe à son milieu.

Quand Macron veut manipuler une histoire qu’il ne connaît pas

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Quand Macron veut manipuler une histoire qu’il ne connaît pas

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Macron, dans le journal Ouest-France, a indiqué que la période actuelle ressemblerait aux années trente (1). Comparaison n’est pas raison, on le sait. Et l’on voit bien ce qui boite dans cette comparaison, par ailleurs.

La période actuelle ne vient pas après une guerre terrible, celle de 1914-1918, qui fit des millions de morts, et qui — de plus — fit entrer la violence de masse dans les sociétés européennes. Cette guerre, et surtout les traités qui suivirent, avaient laissé de profondes rancœurs dans de nombreux pays. L'impact de cette guerre est capital pour comprendre la montée de mouvements qui n'étaient pas seulement nationalistes (et ce qualificatif ne même convient pas pour définir le nazisme allemand (2)) mais qui portaient en eux des méthodes (groupes de combat, organisation centralisée des diverses classes d'âge) et une idéologie nouvelle.

Car, que ce soit le fascisme italien ou le nazisme allemand (et l'on peut étendre cela au communisme soviétique) avaient pour objectif de créer un « homme nouveau ». A cela, le nazisme ajoute un racisme et un antisémitisme obsessionnel qui imprègne toutes ses actions (3). Rien de tel dans les mouvements actuels que l'on appelle, à tort ou à raison, « populistes » et que l'on qualifie, sans beaucoup d'analyse ou de preuves, de nationalistes. La méthode est claire. Se servir d'un passé terrible pour discréditer des adversaires politiques. Alors, Macron est-il coupable d'une manipulation de l'histoire?

Le rôle de la crise économique

La crise de 1929, cependant, a aussi joué un rôle évident, et ce même si le fascisme italien était déjà installé, dans l'arrivée au pouvoir du nazisme en Allemagne. Alors, le Président français a-t-il raison d'agiter le spectre des « années trente » car il est vrai que nous vivons après une crise importante? Mais, ce spectre, ne l'agite-t-il pas pour justifier des politiques désastreuses?

Car les années trente ne sont pas seulement celles de la montée des mouvements totalitaires. Ce qui est aussi vrai est que la période des années 1930 a joué un rôle décisif dans la maturation des réflexions sur ce que devait être un système international monétaire et commercial. On doit se souvenir que les leçons que Keynes avait tirées des années 1930 allaient dans trois directions (4).

Keynes avait déduit à juste titre des processus du début des années 1930 l'importance capitale de l'alimentation en liquidité du système international. Ceci l'avait renforcé dans son opposition à toute forme d'étalon-or. De fait, aujourd'hui, c'est bien l'Euro qui joue le rôle de l'étalon-or d'antan, en empêchant les pays de réajuster leurs monnaies, et en les obligeant à des politiques meurtrières d'austérité, comme celles, à l'époque, de Brüning en Allemagne (la cause véritable de l'arrivée au pouvoir d'Hitler), de Ramsay MacDonald en Grande-Bretagne, de Pierre Laval en France. S'il y a un parallèle à établir, il est là, dans cette austérité stupide et meurtrière.

De nombreux pays remettent en cause le multilatéralisme et le libre-échange aujourd'hui. Mais il faut comprendre comment Keynes fut conduit à adopter le principe du protectionnisme, lui l'ancien apôtre du libre-échange. Une leçon clairement tirée par Keynes était que le libre-échange avait épuisé son contenu positif au XXe siècle (5). Pour Keynes le protectionnisme permet aussi de rendre impossible des pratiques de concurrence ou de dumping fiscal entre pays voisins.

La troisième direction est que si une coordination entre États est nécessaire, celle-ci ne doit pas empêcher de mener des politiques nationales qui sont les seules légitimes. La question du lien entre responsabilité politique et légitimité est d'ailleurs au cœur de sa conversion au protectionnisme au début des années 1930 (6). Toute architecture de coordination doit donc préserver cette liberté d'action ou être condamné à l'échec. De ce point de vue, le contrôle des changes joue un rôle clé dans les dispositifs imaginés par Keynes.

Ce que l'on devrait tirer d'une comparaison avec les années trente

Si l'on peut établir un parallèle entre la situation actuelle et celle des années trente, c'est bien dans les conséquences désastreuses des politiques économiques qui furent menées dans cette période. Le retour vers le protectionnisme, comme avec entre autres la politique de Donald Trump, et les mesures de réglementation des capitaux, retour dénoncé dans les milieux néo-libéraux (qu'ils soient « sociaux » ou non) comme le début d'un processus devant nous conduire à la guerre, comme dans les années trente, fut au contraire le début des mesures qui permirent de faire face à la crise.
On affirme souvent que les mesures de sauvegarde monétaires et commerciales prises après la crise de 1929 auraient contribué à l'aggraver, provoquant un effondrement du commerce international (7). Mais cet effondrement a des causes différentes. Une étude du NBER montre que les droits de douane (le protectionnisme) n'a eu pratiquement aucun rôle dans l'effondrement du commerce international. Les deux facteurs déterminants furent l'accroissement des coûts de transport et le manque de liquidité (8). La hausse des coûts de transport est aussi signalée dans une autre étude comme la responsable de la contraction des flux du commerce international (9). De plus, l'essentiel de la contraction du commerce se joue entre janvier 1930 et juillet 1932, soit avant la mise en place des mesures protectionnistes dans certains pays. Un événement postérieur à un autre ne saurait en être la cause…

La pratique des dévaluations est, quant à elle, une réponse à la pénurie de liquidités internationales qui s'était manifestée en 1930. Celle-ci oblige de nombreux pays, confrontés à des sorties brutales de devises et d'or induites par la crise des banques américaines et au rapatriement des capitaux qui s'en suit, à tenter de dégager un solde commercial excédentaire à tout prix afin de dégager de cette manière les liquidités nécessaires. Et là, la responsabilité de l'étalon-or est évidente.

Macron prend donc des libertés importantes avec l'histoire. Il veut la manipuler à des fins politiciennes évidentes: éviter une déroute aux prochaines élections européennes. Pourtant, il y aurait eu des choses à tirer de cette comparaison entre la situation actuelle et les années trente. Mais, pour cela, Emmanuel Macron aurait dû sortir de son idéologie européiste, ce dont il est manifestement incapable.
 
Notes:

(1) https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/inf...

(2) W. Sheridan Allen, "The Collapse of Nationalism in Nazi Germany", in J. Breuilly (ed), The State of Germany, Londres, 1992.

(3) M. Burleigh et W. Wippermann, "The Racial State — Germany 1933-1945", Cambridge University Press, 1991.

(4) J.M. Keynes, "Proposals for an International Currency Union — Second draft, November 18, 1941" in D. Moggridge (ed.), Collected Writings of John Maynard Keynes, volume XXV, Londres, Mac Millan, 1980, pp.42-66. La première version de ce texte date d'octobre 1941. Il semble que Keynes se soit mis au travail sur ce projet lors de son retour de son voyage aux Etats-Unis en mai 1941.

(5) J.M. Keynes, « National Self-Sufficiency », Yale Review, 1933.

(6) J. Sapir, « Retour vers le futur: le protectionnisme est-il notre avenir? » in L'Economie Politique, n°31, 3ème Trimestre 2006.

(7) C'est la thèse de C.P. Kindleberger, « Commercial Policiy Between the Wars » in P. Mathias et S. Pollard (edits). The Cambridge Economic History of Europe, vol. 8, Cambridge University Press, Cambridge, 1989 ainsi que de H. James, The End of Globalization: Lessons from the Great Depression, Harvard University Press, Cambridge, Mass, 2001.

(8) A. Estevadeordal, B. Frants et A.M. Taylor, « The Rise and Fall of World Trade, 1870-1939 », NBER Working Papers Series, National Bureau of Economic Research, Working Paper 9318, Cambridge, Mass., novembre 2002.

(9) R. Findlay et K.H. O'Rourke, « Commodity Market Integration: 1500-2000 » in M. D. Bordo, A.M. Taylor et J.G. Williamson, (edits), Globalization in Historical Perspective, University of Chicago Press, Chicago, Mich., 2003.
 

mardi, 06 novembre 2018

Quand les droits de l’homme se transforment en arme géopolitique

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Quand les droits de l’homme se transforment en arme géopolitique

par Alfred de Zayas

Ex: http://www.zejournal.mobi

Utiliser et abuser des droits humains comme une arme géopolitique a transformé le droit individuel et collectif à l’aide, à la protection, au respect et à la solidarité – fondé sur la dignité humaine et l’égalité de tous et de toutes – en un arsenal hostile pour s’attaquer aux concurrents ou adversaires économiques et politiques. La technique du dénigrement public («naming and shaming») est devenue une sorte de kalachnikov omniprésente utilisant les droits de l’homme comme munition.

L’expérience montre cependant que la technique du dénigrement public ne soulage en rien la souffrance des victimes. Elle poursuit uniquement des objectifs stratégiques de certains gouvernements, d’organisations non gouvernementales tout à fait politisées, de lobbies, et d’une industrie droits-de-l’hommisme en émergence, instrumentalisant les droits de l’homme pour dénoncer sélectivement et déstabiliser autrui, même souvent pour faciliter un changement de régime, indépendamment de leur évidente tendance antidémocratique, impérialiste, voire néo-colonialiste et sans égard pour la norme fondamentale du droit international de la non-ingérence dans les affaires internes des Etats souverains.

Cette stratégie repose sur le postulat erroné suivant: «celui qui dénonce» possède une sorte d’autorité morale et l’«Etat dénoncé» est censé de reconnaître cette supériorité morale et doit agir en conséquence. Cela pourrait fonctionner théoriquement si «celui qui dénonce» faisait ses reproches et pratiquait l’humiliation médiatique d’une manière non sélective et renonçait à un évident deux poids deux mesures. Toutefois, cette technique se retourne souvent contre «celui qui dénonce», car tout le monde se rends compte qu’il utilise les droits de l’homme «à la carte», a souvent ses propres secrets honteux à cacher et demeure peu crédible moralement.

Cet exemple classique de mauvaise foi intellectuelle renforce en général la résistance des Etats ou gouvernements «dénoncés» qui seront encore moins enclins à prendre des mesures en vue de corriger les violations des droits de l’homme réelles ou imaginaires. Ou alors, on peut supposer que «celui qui dénonce» souhaite en réalité susciter davantage de résistance parmi les dénoncés afin que l’on puisse encore mieux clouer au pilori le «dénoncé». Cela s’inscrit dans une idée machiavélique des droits de l’homme en tant qu’instrument de politique extérieure ne servant pas à améliorer la vie des individus mais à promouvoir des objectifs géo-économiques et géopolitiques.

Une autre technique de guerre envers les droits de l’homme est l’emploi des «lois» comme arme de déstabilisation. Il s’agit de la dite «guerre à l’aide du droit» [en anglais «lawfare», une synthèse de «law» et «warfare»] avec laquelle le «droit» est utilisé pour saper l’Etat de droit en instrumentalisant le droit pénal international pour diaboliser certaines personnalités dirigeantes bien choisies. Là aussi c’est le deux poids deux mesures. Un avocat ou un juge respectable ne trahirait pas son métier en jouant à ce genre de double jeu – mais certains le font. Au lieu de préserver l’éthique de l’Etat de droit, ces juges politisés corrompent et minent la crédibilité de tout le système (pensez au «Volksgerichtshof» [Tribunal du Peuple] du juge Roland Freisler!). Parfois on pense aux juges de la Cour pénale internationale à La Haye, aux juges de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg et aux juges de la Cour interaméricaine des droits de l’homme à San José, Costa Rica. Certains de leurs jugements manquent de toute cohérence et violent les principes fondamentaux tel «audiatur et altera pars». Le «droit» n’est plus le droit, mais une arme politique, une arme de destruction massive.

L’arsenal des droits de l’homme utilisé comme arme comprend aussi des guerres non-conventionnelles, telles les guerres économiques et les régimes de sanctions qu’on tente de justifier par des prétendues violations des droits de l’homme dans le pays visé. Le résultat de ces guerres est qu’elles prennent en otage des populations entières sans apporter une quelconque aide aux victimes – ni à celles ayant subi des violations des droits de l’homme par leurs propres gouvernements, ni à celles soumises aux «sanctions collectives» par l’Etat ou les Etats ayant prononcé des sanctions. Cela peut mener à des crimes contre l’humanité, lorsque la sécurité alimentaire est détruite, les médicaments et les appareils médicaux manquent ou ne sont disponibles qu’à des prix prohibitifs. Empiriquement, on sait que les sanctions économiques tuent. Les régimes de sanctions contre l’Irak, la Syrie ou le Venezuela ont déjà tué des milliers de personnes civiles, mortes de malnutrition ou manque de médicaments, et ont déclenché des flux migratoires.

La technique du «dénigrement public» de gouvernements et de peuples implique dans certaines conditions d’autres violations des droits de l’homme et de l’Etat de droit en violation des articles 6, 14, 17 ,19 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et peuvent atteindre les limites de ce qu’on appelle «discours de la haine» (art. 20).
En guise de conclusion: même s’il y a eu dans certains cas des résultats positifs suite à un «dénigrement public», notamment par quelques ONG sérieuses, cette manière d’agir est très problématiques et n’est certes pas une solution pour toutes les violations des droits de l’homme. Dans des situations complexes, le «dénigrement public» a très souvent aggravé la situation ou alors il s’est avéré totalement inefficace. Les Etats feraient bien de consulter à nouveau l’Evangile selon Matthieu VII, 3–5, et de remplacer la technique hypocrite et politisée du «dénigrement public» par des honnêtes propositions de bonne foi et des recommandations constructives, complétées par un service de conseil et d’assistance technique pour apporter de l’aide concrète aux victimes sur le terrain, voir une réparation directe aux victimes.

Tisser et entretenir des liens d’amitié et de bienveillance est la meilleure chose que l’on puisse faire pour développer la coopération et le progrès dans le domaine des droits de l’homme. Le plus urgent, à l’heure actuelle, est une diplomatie réfléchie, des négociations axées sur des résultats, une culture du dialogue et de la conciliation – et certainement pas d’une «culture» de l’intransigeance et de l’hypocrisie n’aidant personne.

L'auteur, Alfred de Zayas, a été nommé dès mai 2012 premier Expert indépendant pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Son mandat s’est terminé en mai de cette année. Actuellement, il est professeur de droit international à la Geneva School of Diplomacy. Il est haut fonctionnaire retraité de l’Office du Haut Commissaire des Droits de l’homme, où il était secrétaire du Comité des Droits de l’homme et chef du Département de pétitions (greffier).

Pourquoi la France achète-t-elle de la dette américaine ?

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Pourquoi la France achète-t-elle de la dette américaine ?

par Leslie Varenne, Général Dominique Delawarde & Jean-Luc Baslé

Ex: http://www.zejournal.mobi

Alors que de nombreux analystes financiers alertent sur une probable crise financière en provenance des Etats-Unis, à l’horizon 2020, qui serait plus catastrophique encore que celle de 2008 (voire la note de Jean-Luc Baslé) ; alors que dans la perspective d’un krach obligataire nombre de pays se délestent de leurs bons du Trésor US, la France a acheté, entre avril 2017 et août 2018, plus de 51 milliards de dollars de dettes américaines…

Depuis janvier 2018, la dette publique US augmente à un rythme exponentiel de 3 milliards par jour et se situe aujourd’hui à 21 700 milliards de dollars. A la fin de l’année, les Etats-Unis devraient atteindre les 22 000 milliards soit une dette souveraine de 107 à 108% du PIB. C’est la raison pour laquelle de nombreux économistes tirent la sonnette d’alarme (1). Contre vents et marées, les agences de notation américaines (Fitch, et Moody’s) maintiennent la meilleure note, AAA, aux bons du Trésor américain, à l’exception de S&P qui l’a abaissé à AA+ en août 2011. L’agence de notation financière chinoise, DAGONG, ne les suit pas et en janvier 2018, elle a attribué un BBB+, avec perspectives négatives, à la dette souveraine US, ce qui la situe désormais juste un cran au-dessus des emprunts considérés comme spéculatifs. Pour justifier ce recul, DAGONG met en avant le risque croissant d’insolvabilité et les faiblesses du mode de développement économique des Etats-Unis fondés sur la dette (2). Elle met également en garde les investisseurs et les Etats qui pourraient être tentés par l’achat de cette dette susceptible de se transformer, à court ou moyen terme, en obligations à haut risque.

Il ne serait pas incongru de penser que l’agence chinoise n’est pas plus objective que ses consœurs occidentales. Il ne serait pas non plus stupide d’imaginer que la Russie ne s’est pas délestée de presque toutes ses obligations US soit 91 milliards de dollars, il ne lui en reste plus que 14, seulement par prudence et bonne gestion de père de famille. Cependant, le fait que d’autres pays, dont certains sont des alliés fidèles des Etats-Unis, agissent de la même manière leur donne raison. En effet, entre août 2017 et août 2018, le Japon a réduit son exposition de 73 milliards de dollars ; la Turquie de plus de 40, la Chine de 36.5, Taïwan de 17 et la Hollande de 10 milliards de dollars. Depuis janvier 2018, la Suisse s’est allégée de 21 milliards de dollars, depuis mars l’Allemagne et l’Inde se sont délestées respectivement de 13 et de 17 milliards de dollars (3). Même les Îles Caïmans, paradis fiscal réputé qui gèrent les fortunes de gens très informés se sont désengagés de 45 milliards de dollars sur une seule année…. C’est donc une lame de fond qui correspond à des inquiétudes légitimes.

Le village gaulois

Il reste néanmoins quelques récalcitrants : le Brésil de Michel Temer, le Royaume-Uni, l’Arabie Saoudite et la France. En avril 2017, deux mois avant l’arrivée au pouvoir du président actuel, la France détenait 66,9 milliards de dollars d’obligations souveraines US. Aujourd’hui, le département du Trésor américain indique que la France en détient 118,4 milliards de dollars, soit une augmentation de 51,5 milliards en un peu plus d’un an (+ 77%)(4). Mieux, depuis mars 2018, l’exposition de Paris à la dette américaine est passée de 80 milliards de dollars à 118 milliards de dollars soit une hausse de 47,5 % en 6 mois, elle fait plus que tous les autres récalcitrants (5).

Pure amitié atlantiste ?

Cette évolution, pour le moins étrange interpelle : pourquoi la France dont la dette a déjà dépassé les 100% du PIB s’encombre-t-elle de toujours plus d’actifs à risque ? Autre question légitime : quelles sont les contreparties ? Il semble que cela soit totalement désintéressé…

Sur le plan de la politique étrangère, Washington continue de dire non aux incessantes demandes de Paris de placer le G5 Sahel sous le chapitre 7 des Nations Unies, ce qui permettrait aux militaires français de sortir du bourbier sahélien et d’économiser un milliard d’euros par an (6).

Le Président américain a « confié » le dossier libyen au président italien au grand dam d’Emmanuel Macron (7).

Et si la diplomatie française a enfin pu opérer un timide retour au Moyen-Orient, ce n’est pas grâce à son allié américain mais à la Russie qui a invité le président français au dernier sommet d’Istanbul (8).

Sur le plan économique, les sanctions américaines contre l’Iran ont durement pénalisé les entreprises françaises comme Total, Peugeot etc. Par ailleurs, les menaces de l’extraterritorialité du droit américain, pèsent toujours sur les sociétés hexagonales. Après Alstom, la justice américaine pourrait infliger des amendes à plusieurs d’entre-elles, dont une peine record à Areva, 24 milliards de dollars.

Opacité

Sauf s’il s’agit d’obscures raisons qui échappent aux auteurs de ces lignes, rien ne justifie donc un tel niveau d’exposition à la dette souveraine US. Rien ne justifie non plus, le silence des médias et des parlementaires. Le gouvernement qui s’évertue à vanter les nécessités de l’austérité aura des difficultés à expliquer aux Français qui grondent, ces placements de bien piètres épargnants. 51,5 milliards de dollars c’est une somme et à n’en pas douter, chaque citoyen aura, bien sûr, son idée sur les raisons qui ont poussé leurs dirigeants à exposer l’épargne des Français à la dette US et sur une meilleure affectation de l’argent public.

Un des auteurs, Jean-Luc Baslé, est ancien directeur de Citigroup New-York

Notes:

(1) https://www.businessbourse.com/2018/07/16/lamerique-se-dirige-droit-vers-la-plus-grande-crise-dendettement-de-lhistoire/
(2) http://en.dagongcredit.com/index.php?m=content&c=inde...
(3) http://ticdata.treasury.gov/Publish/mfh.txt
(4) Le Brésil a acheté 44.2 milliards de dollars d’obligations US, le Royaume-Uni 47.6, l’Arabie Saoudite 37.5, la Belgique fait aussi partie des récalcitrants, mais Bruxelles, qui héberge l'Union européenne à un statut à part,  elle a néanmoins racheté pour  58.3 milliards de dollars. 
(5) http://ticdata.treasury.gov/Publish/mfh.txt
(6) https://www.iveris.eu/list/notes_danalyse/371-le_sahel_estil_une_zone_de_nondroit__
(7) https://www.iveris.eu/list/entretiens/362-la_libye_victime_des_ingerences_exterieures_
(
8) http://www.lefigaro.fr/international/2018/10/27/01003-201...


- Source : Iveris

Les soubresauts d’un cadavre

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Les soubresauts d’un cadavre

par Georges FELTIN-TRACOL

Il faut parfois s’attarder sur des événements bousculant l’infiniment petit, à savoir les récents soubresauts du Parti communiste français. Plus grande formation groupusculaire française, le PCF est aujourd’hui très loin du 1er tour de la présidentielle de 1969 où son candidat, Jacques Duclos, avait atteint 21,3 % des suffrages. Aux législatives de 2017, les candidats de la place du Colonel-Fabien n’ont rassemblé que 2,72 % des voix. Ce résultat dérisoire ne les a pas empêchés d’obtenir dix sièges et de former avec six députés d’Outre-mer le groupe Gauche démocrate et républicaine. Aussi présent au Palais du Luxembourg avec douze sénateurs, le PCF dirige encore un département (le Val-de-Marne), dispose d’une trentaine de conseillers régionaux et administre quelques communes, les plus mal gérées de l’Hexagone et les plus touchées par le communautarisme allogène rampant.

Les 6 et 7 octobre derniers, les adhérents communistes devaient choisir entre quatre propositions de base commune à débattre par leur conseil national (au PS, on aurait parlé de « motions »). 30 172 militants y ont participé. Le résultat final révèle un véritable tremblement de terre ! Pour la première fois, le texte de la direction et du secrétaire national, le sénateur de Paris Pierre Laurent, intitulé « Le communisme est la question du XXIe siècle », se retrouve en minorité. Certes, avec 11 461 voix (37,99 %), il arrive en tête dans 49 fédérations et remporte la majorité absolue dans 29 autres dont les Bouches-du-Rhône et la Seine – Saint-Denis. Il est cependant dépassé par la proposition présentée par André Chassaigne, le truculent député du Puy-de-Dôme de la circonscription d’Ambert – Thiers, et de son collègue nordiste, Fabien Roussel. « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle » recueille 12 719 voix (soit 42,15 %), arrive en tête dans 40 fédérations et obtient la majorité absolue dans 24 fédérations, en particulier le Nord, le Pas-de-Calais et le Val-de-Marne. Catalogué « orthodoxe », le duo Chassaigne – Roussel dénonce les atermoiements de Pierre Laurent, rêve d’un PCF plus revendicatif et soutient une ligne d’indépendance par rapport à l’hégémonisme croissant de La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

Les mélenchonistes du PCF connaissent pour leur part une cuisante défaite. Déjà, en 2016, seuls 53,6 % des militants communistes avaient approuvé le soutien officiel à l’ancien sénateur trotsko-mitterrandien de l’Essonne pour la présidentielle. « Se réinventer ou disparaître ! Pour un printemps du communisme » ne récolte que 11,55 % et 3 607 suffrages, c’est-à-dire 3 300 voix de moins que deux ans auparavant. Ce désaveu cinglant traduit l’immense méfiance des derniers communistes à l’égard des « Insoumis ». Dès à présent, Ian Brossat, l’adjoint de l’exquise mairesse de Paris, doit conduire une liste concurrente aux européennes de mai 2019.

Quant à l’éternel opposant Emmanuel Dang Tran qui défend des positions strictement ouvriéristes orthodoxes, sa contribution, « PCF : reconstruire le parti de classe, priorité au rassemblement dans les luttes », ne récolte que 2 385 suffrages (7,90 %). Ce chef de file de la faction « Vive le PCF ! » refuse toute négociation avec les mélenchonistes, l’extrême gauche trotskyste, le PS et la gauche modérée. Ce néo-bolchevik appelle au contraire au retour décomplexé de la tactique du Parti dans les années 1920 appelée « classe contre classe ».

Les cabines téléphoniques ont été supprimées. C’est bien dommage, car on aurait pu mieux observer les jeux d’appareil, les trahisons internes ainsi que les rivalités personnelles exacerbées de ce microcosme tant la crise devient profonde au PCF. Ne vaudrait-il pas mieux l’euthanasier ?

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 96, diffusée sur Radio Libertés, le 26 octobre 2018.

Revenir à Sparte

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Revenir à Sparte

par Achille BALDURE

Lorsque l’on pense à une cité grecque, Athènes vient immédiatement à l’esprit. Cela est bien normal puisque celle-ci s’est illustrée à travers les âges grâce à des figures désormais intemporelles telles Platon ou Périclès. Malheureusement, un vilain bourdonnement résonne aussi dans nos oreilles à l’évocation du nom de la ville de la déesse Athéna, un bourdonnement pénible : l’invocation de la démocratie. Cette nuisance auditive et cognitive émane le plus souvent du camp du bien, celui des guimauves post-modernes. Ces idiots incultes seraient cependant horrifiés s’ils se penchaient cinq minutes sur ce modèle de démocratie. Par contre, les réactions sont généralement toutes différentes dès que l’on parle de la ville de Sparte. Bien que Robespierre admirait la politique de la cité-État lacédémonienne, les Bisounours de combat du Système l’assimilent volontiers au totalitarisme, donc in extensio, au fascisme.

spartericher.jpgDepuis le film 300, inspiré par le comics de Frank Miller, Sparte a refait son apparition dans l’imaginaire collectif en tant que cité proto-fasciste et génératrice du modèle du mâle blanc hétérosexuel oppresseur (du moins pour les Bisounours de combat du Système). Nous nous souvenons encore de la critique toute partisane d’un pseudo-éducateur de la jeunesse (c’est-à-dire un dresseur de futurs consommateurs cosmopolites) : « C’est un film raciste qui magnifie la pseudo-supériorité des Blancs sur les Perses qui représentent en fait les émigrés et les peuples de couleur en général. » Il est certain que le film a déchaîné les passions. Il aura au moins eu le mérite de remettre un épisode de leur histoire à maints jeunes Européens.

Au-delà du prisme déformant de Hollywood, il faut étudier sérieusement cette cité « de Grecs en Grèce », militariste certes, mais qui ne se résume pas à un rassemblement des pires bourrins de l’Europe méridionale – le comics de Miller, en ce sens, ne rend pas justice à la culture spartiate. Le livre Sparte de Nicolas Richer remet les pendules à l’heure et constitue un ouvrage définitif concernant la cité lacédémonienne. Il faut dire que l’auteur maîtrise parfaitement son sujet. Agrégé d’histoire, c’est un spécialiste de la Grèce antique (il a entre autre rédigé une thèse sur les éphores, les magistrats de la cité de Léonidas).

L’intérêt premier de l’ouvrage est qu’il aborde tous les aspects de la vie des Spartiates : histoire, art, système politique, religiosité, éducation, batailles connues et moins connues… Tous ces thèmes sont développés sur des bases archéologiques, mais surtout écrites. En effet, un grand nombre d’informations nous est parvenu sur les Lacédémoniens, si bien que le portrait de Sparte se dessine parfaitement bien au fil des pages. En dépit de la formation pour le moins académique de l’auteur, l’ouvrage demeure très accessible et ne devrait rebuter que les seuls réfractaires à la lecture en général.

Le deuxième intérêt de l’ouvrage, est de dresser le portrait d’un type d’homme, hélas ! aujourd’hui disparu, qui incarnait pleinement l’homme au sens de Vir. La notion de Polemos (chère à Héraclite), c’est-à-dire de conflit, était constitutive de la vie de ces hommes. La notion d’honneur prenait ainsi tout son sens. À titre d’exemple, revenir de captivité après une guerre, c’était s’assurer l’opprobre et le fait d’être rejeté par toute la communauté, à tel point que l’exil ou la mort devenaient les seules portes de sortie. Le livre fourmille d’exemples de virilité authentique; l’inspiration pour redevenir ce que nous sommes se cache bel et bien derrière l’histoire de cette citée devenue mythique. L’esprit légionnaire prôné par Julius Evola dans son livre Orientations trouve assurément l’une de ses sources dans ce que fut Sparte.

En conclusion, le travail de Nicolas Richer nous plonge dans une cité-État dont le nom évoque encore aujourd’hui la grandeur. Très complet, l’ouvrage, nous le répétons, constitue une somme définitive sur le sujet. Il est aussi un témoignage important sur le fait d’être un Homme-Vir, un exemple du passé qui doit nous guider pour retrouver le plus qui est en nous.

Achille Baldure

• Nicolas Richer, Sparte, Perrin, 2018, 400 p., 25 €.

• D’abord mis en ligne sur La nouvelle Sparte, le 24 octobre 2018.

07:47 Publié dans Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : antiquité, sparte, antiquité grecque, hellénisme, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook