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mercredi, 24 juin 2009

Discours pour l'Europe (novembre 1988)

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SYNERGIES EUROPÉENNES - NOVEMBRE 1988

 

 

 

Discours pour l'Europe

 

(Paris, 9 novembre 1988)

 

 

par Robert STEUCKERS

 

 

Mesdames, Messieurs,Chers amis et camarades,Chers partisans de la lucidité donc de la "troisième voie",

 

 

Les partis politiques du système veulent faire une Europe. Une Europe qu'ils annoncent pour 1992-93. Mais cette Europe n'est évidemment pas notre Europe. C'est une Europe qui traîne quelques soli-des boulets: notamment celui d'être la concrétisation d'un vieux projet américain. Professeur à Rome, Rosaria Quartararo a exploré les archives améri-cai-nes de Washington et d'ailleurs et elle y a découvert que la CEE, telle que nous la connaissons aujour-d'hui, avait déjà soigneusement été esquissée dans le fameux Plan Marshall et dans le cadre de la Eu-ro-pean Recovery Policy.  Autrement dit, l'intégration envisagée s'est faite sous le signe de la vassalité à l'égard des Etats-Unis. Alors que les plans nés en Eu-rope, chez un Briand ou un Quisling, chez un Drieu La Rochelle ou chez un Henri De Man, pré-voyaient la liberté pour tous les peuples et le respect de toutes les identités, sans qu'il n'y ait de dépen-dance à l'endroit d'une puissance extra-continentale, les Etats-Unis, dont les stratégies diplomatiques et militaires ont toujours visé à deux choses:

- soit affaiblir notre continent en favorisant ses divisions internes;

- soit favoriser une intégration, de façon à faciliter la pénétration de nos marchés par les firmes et les ex-por-tateurs américains. De l'Allemagne de Weimar, li-vrée pieds et poings liés à la partitocratie des sous-capables, les circuits financiers américains disaient: It's a penetrated system,  c'est un système "péné-tré". Cette qualité de "pénétré", eh bien, nous la re-fusons ici haut et fort.

 

 

En théorie, l'Europe intégrée est gérée par la Com-mission de Bruxelles. Mais en réalité, cet organe de dé-cision, qui devrait agir dans le sens de l'indépen-dance de notre continent, agit en fait pour favoriser et faciliter la "pénétration" de notre économie par les systèmes japonais et américains; la Commission se positionne ainsi comme un facteur de liquéfaction de notre tissu industriel, exactement comme HIV liqué-fie les stratégies du corps contre l'intrusion des virus de toutes sortes.

 

Par le fait que la Commission ne joue pas son rôle d'instance décisionnaire, les adversaires du Grand Es-pace européen obtiennent pleine satisfaction: celle d'avoir en face d'eux un processus d'intégration non dangereux, qui ne bénéficie qu'aux seules multina-tio-nales "pénétrantes", et d'avoir affaire à un organe soi-disant décisionnaire qui ne prend pas de vérita-bles décisions et qui se soumet aux parlements na-tionaux, dont l'horizon n'est pas européen mais é-troi-tement électoraliste, local, concussionnaire.

 

 

On en arrive au paradoxe suivant: les Européens sin-cères   —et nous, nous voulons être de ceux-là—  sont obligés de constater que l'Europe se défait par l'action délétère des institutions qui sont censées la ren-dre forte et que les seuls espaces de résistance aux pénétrations américaines et japonaises sont par-fois certains politiciens régionaux ou nationaux, qui ne sont pas encore trop gâtés par les turpitudes par-lementaires!

 

 

L'Europe des forces identitaires, que nous appelons de nos vœux, doit dès lors se donner pour mission de réduire cette logique perverse en miettes. Dans cette Europe-là, qui est nôtre, la Commission doit pou-voir décider et fortifier notre indépendance; elle doit suivre la logique impériale de l'auto-centrage,

- en refusant l'éparpillement tous azimuts des capi-taux;

- en favorisant les fusions économiques intra-euro-péennes et les investissements dans la modernisation de nos outils industriels;

- en dérivant les plus-values globales dans les cir-cuits de sécurité sociale et de politique familiale nataliste.

 

 

La Commission, dans son état actuel, a accru dange-reusement cette tare affligeante qu'est le nanisme po-li-tique volontaire; en suivant cette voie, elle a mené nos peuples dans une impasse: en effet, nos peuples sont des peuples de travailleurs, de créateurs, de pro-ducteurs et ont su faire de nos pays des géants éco-nomiques. Un géant économique ne peut jamais ê-tre un nain politique. Par conséquent, notre tâche est simple: c'est de combler rapidement le fossé qui sépare, d'un côté, la formidable et puissante réalité économique que nous représentons virtuellement dans le monde, et, d'un autre côté, notre marasme po-litique, notre indécision calamiteuse et notre éco-no-mie "pénétrée". D'ailleurs, soyons clairs et so-yons francs, une situation aussi paradoxale ne peut te-nir à long terme. A notre grandeur économique, doit correspondre une grandeur politique, garantie par une Commission décisionnaire qui obéit à d'au-tres logiques et d'autres principes que ceux de ce libéralisme qui véhicule la pénétration étrangère et dé-bilite notre corps politique.

 

 

Nous ne sommes donc pas hostiles à un chapeautage des gouvernements nationaux véreux, corrompus et anachroniques par une Commission qui serait ani-mée par la stratégie de l'auto-centrage et par l'idée de puissance. Par une Commission qui allierait l'idée d'Empire à celle du Zollverein (union douanière). Mais à la Commission libérale, molle, vassalisée et châ-trée par la valetaille partitocratique, nous préfé-re-rons toujours le gouvernement national dirigiste et so-cialiste, qui offrira un espace de résistance et sous-traiera ses administrés aux catastrophes provo-quées par le mondialisme des écervelés libéraux, com-me en Suède où le taux de chômage n'est que de 2,8%.

 

 

Evidemment, on pourrait nous poser une question em-barrassante: votre préférence —fort nuancée, nous en convenons—  pour l'Etat national non mondialiste et non libéral ne vous aligne-t-elle pas d'em-blée sur les positions de Madame Thatcher qui vient de prononcer à Bruges un vibrant réquisitoire contre l'intégration européenne?

 

Notre réflexe identitaire est aux antipodes du réflexe insulaire de Madame Thatcher, tout comme notre va-lo-risation du rôle potentiel de la Commission est dia-métralement opposée au rôle réel qu'elle joue aujour-d'hui, dans une Europe qui se désindustrialise, se clo-chardise et se quart-mondise.

 

 

Margaret Thatcher a saboté l'autonomie alimentaire eu-ropéenne en torpillant la politique agricole com-mu-ne; par fétichisme idéologique, par son admiration fanatique pour les thèses fumeuses du néo-li-bé-ralisme, pour les grimoires de Hayek et de Milton Friedman, des anarcho-capitalistes et de la "Nou-vel-le Droite" américaine de la "majorité morale" (Moral Majority),  par ses engouements idéologiques, Mar-ga-ret Thatcher a démantelé l'outil industriel britan-nique, déconstruit avec un acharnement déplorable les barrières protectionnistes existantes, tant en Grande-Bretagne qu'en Europe. Cette politique qu'elle veut imposer à la Commission, au détriment de bon nombre de secteurs industriels continentaux, français, belges, italiens ou allemands, favorise la concurrence américaine et japonaise et décourage les investissements auto-centrés; qui pis est, elle assas-sine le capital concret, ruine notre tissu industriel, déconsidère le fruit du Travail des producteurs au profit des magouilles des spéculateurs de tous poils; elle privilégie le capital vagabond et financier au dé-triment du capital créatif des machines et du capital humain des mains façonnantes de nos ouvriers et de la matière grise de nos chercheurs! Cette logique est une logique de l'artifice, de l'abstraction; elle est un défi aux forces de nos cerveaux, de nos mains, de notre sang!

 

 

En Ecosse, Madame Thatcher a confié des zones fran-ches à la firme Hitachi, abandonnant du même coup des lambeaux du sol et de la souveraineté britanniques à une instance privée étrangère. Dans ces zones franches, sacrifiées à l'anarchie capitaliste, son gouvernement promet de ne pas appliquer les lois de protection sociales: Hitachi pourra ainsi li-cencier des ouvriers écossais, embaucher de pauvres hères venus des quatre coins de la planète, ne devra payer aucune cotisation sociale, aucune indemnité de licenciement, aucune pension d'invalidité! Pour une Dame de Fer qui frappe du poing à Bruges, devant De-lors et Martens médusés, et réclame le droit à la souveraineté nationale, c'est un comble... Mais alors, au fait, qu'est-ce que la souveraineté nationale pour Madame Thatcher? Est-ce le droit de vendre des sujets britanniques comme esclaves à des né-griers japonais? Le droit de solder le territoire écos-sais à l'encan?

 

 

Chers camarades, en criant notre volonté politique, nous devons être vigilants et ne pas tomber dans les pièges du vocabulaire. Nous vivons en effet dans un monde orwellien, où chaque chose en est venue à si-gnifier son contraire:

- La Commission est, théoriquement, une instance dé-cisionnaire mais elle ne décide pas;

- Les Etats nationaux sont des anachronismes, après les charniers de Verdun, de la Somme, de Capo-ret-to, de Stalingrad ou de Poméranie, mais, ce sont parfois des leaders nationaux ou de vieux pays indé-pendants comme la Suisse ou la Suède qui créent et maintiennent de la souveraineté en notre continent;

Madame Thatcher hurle son nationalisme, mais ce na-tionalisme galvaude la souveraineté du pays et dé-pouille ses nationaux de tous droits, les mue en es-claves-numéros pour fabricants de gadgets japonais.

 

 

L'Europe des partisans de l'identité, notre Europe, sait au moins quelles sont les recettes de la souveraineté et de l'indépendance! Nous savons quelles doc-trines nous solliciterons: celles de List et de Schmol-ler, celles de Delaisi et de Perroux, celles de Zischka et de Messine. Nous savons quelles sont les grandes lignes qu'il faudra suivre pour bâtir un "grand espace protégé", pour assurer la liberté de tout un continent par un dirigisme économique sai-nement conçu!

 

Il est faux et trop facile de dire que nous n'avons pas de doctrine économique. Nous n'avons tout simple-ment pas eu les fonds nécessaires pour la diffuser, nous n'avons pas bénéficier de la complicité des mé-dias!

 

 

Et chez les autres, existe-t-il des doctrines écono-miques cohérentes? Que dire du RPR qui a fait cam-pagne pour un libéralisme reaganien, en même temps qu'il proclamait sa fidélité au gaullisme qui, lui, était pourtant dirigiste? Que dire de l'UDF qui se réclame de Keynes, sans vouloir se débarrasser du libre-échangisme libéral? Qui, avec Raymond Barre, se réclame de ce Keynes, lequel manifestait sa joie devant les réalisations économiques du IIIème Reich (j'oublie sans doute que Mr. Barre est un anti-facho officiel, comme mr. tout-le-monde...)? Que dire du PS qui se réclame de Schumpeter, pour qui les in-novations des inventeurs et des patrons sont les mo-teurs de l'économie et du progrès? Que dire donc de ce PS qui, malgré cet engouement pour Schumpeter, n'abandonne pas ses marottes égalitaristes? Que pen-ser ensuite des capitulations successives de la "IIème gauche", de la "IIIème gauche" et des sé-ductions du capitalisme libertaire, prôné par d'ex-PSU?

 

 

Face à l'incohérence et au désorientement, à l'échec patent et à l'enlisement tragi-comique des partis du système, nous sommes désormais en mesure de fai-re valoir notre droit à la parole et de propulser notre cohérence doctrinale sur la scène politique, de faire irruption dans le débat sans plus rougir de notre im-préparation. Je m'adresse surtout aux étudiants qui sont dans nos rangs: qu'ils se préparent pour ce que j'appelerais "la bataille de l'économie"; qu'ils étof-fent et fourbissent leurs argumentaires. Nos divers mouvements rénovateurs, qu'ils soient politiques ou métapolitiques, ont désormais l'impérieux devoir de se consacrer corps et âme aux doctrines écono-mi-ques, d'arraisonner enfin le social, même si cela im-plique le léger sacrifice d'être moins littéraires, voire moins nostalgiques.

 

 

Le modèle américain, reaganien, a fait faillite. Seul de-meure le modèle japonais. Le MITI nippon, c'est l'instance centrale qui régule (mot significatif!) l'é-conomie de l'Empire du Soleil Levant et c'est l'exem-ple que devrait suivre la Commission de Bru-xelles: les Japonais ont investi dans des machines-outils robotisées, en se passant allègrement d'im-mi-grés et en conservant ipso facto une homogénéité so-cio-culturelle. Ces deux options japonaises des an-nées cinquante portent aujourd'hui leurs fruits. Les "eurocrates" ont choisi la politique du chien crevé au fil de l'eau: ils n'ont pas investi à temps dans la ro-botisation et ils ont importé de la main-d'œuvre du Maghreb ou de la Turquie. Conséquence: nous a-vons un taux de chômage massif et nous ne sommes pas compétitifs.

 

 

Contrairement à ce qu'affirme une brochette de vilains petits cloportes, qui pissent leurs articulets mal torchés dans des revues soi-disant anti-fascistes, nous n'allons pas chercher nos modèles auprès des totalitarismes d'antan. Nous souhaitons plus simplement une synthèse efficace des stratégies suédoises ou japonaises et une application des théories véritablement socialistes que les sociaux-démocrates, pusillanimes et indécis, n'ont jamais osé s'approprier.

 

 

Mais il est temps de conclure:

Nous voulons des robots comme les Japonais, pas des esclaves immigrés;

Nous voulons des hommes et des peuples libres, pas des masses hallucinées par le déracinement;

Nous voulons le progrès technologique, pas l'avilis-sement des peuples nord-africains et sud-sahariens; parce que nous sommes de vrais humanistes —et non des humanistes de carnaval— parce que la di-gnité est un principe cardinal dans notre éthique, nous voulons des "potes" qui travaillent à reverdir le Sahara, nous voulons des "potes" qui travaillent dans les fermes modèles du désert de Libye; nous ne voulons pas des "potes" manipulés, devenus "schi-zo" dans de sordides HLM de banlieue;

Nous voulons le succès économique, pas le chôma-ge ni la désindustrialisation ni la quart-mondisation ou la tiers-mondisation de nos classes ouvrières;

Nous sommes des futuristes et des bâtisseurs, pas des collectionneurs de bric-à-brac.

 

Donc, il n'y a qu'un seul mot d'ordre qui tienne: au travail!

 

mardi, 23 juin 2009

Il cantore del mito nuovo: Giorgio Locchi

Il cantore del mito nuovo: Giorgio Locchi



… suonava così antico, eppure era così nuovo…

(Richard Wagner, I Maestri Cantori di Norimberga)


di Adriano Scianca (2005) - http://augustomovimento.blogspot.com/


E per ultima venne la “globalizzazione”. In duemila anni di pensiero unico egualitario ci siamo sorbiti: “l’inevitabile” venuta dei tempi messianici, “l’inevitabile” avanzata del progresso tecnico, economico e morale, “l’inevitabile” avvento della società senza classi, “l’inevitabile” trionfo del dominio americano, “l’inevitabile” instaurazione della società multirazziale. Ed ora, appunto, è la “globalizzazione” ad imporsi come “inevitabile”. Il cammino è già tracciato, nulla possiamo contro il Senso della Storia. Certo, l’ingresso trionfale nell’Eden finale va continuamente procrastinato, giacché sempre emergono popoli impertinenti che non apprezzano gli hegelismi in salsa yankee di cui sopra. Ma prima o poi – ce lo dice Bush, ce lo dicono i pacifisti, ce lo dicono gli scienziati, i filosofi e i preti – la storia finirà. È sicuro. Sicuro?


Fine della storia?


È vero: la storia può effettivamente finire. È del tutto plausibile che nel futuro che ci aspetta si possa assistere al triste spettacolo dell’“ultimo uomo” che saltella invitto e trionfante. Ma questo è solo uno dei possibili esiti del divenire storico. L’altro, anch’esso sempre possibile, va nella direzione opposta, verso una rigenerazione della storia attraverso un nuovo mito. Parola di Giorgio Locchi. Romano, laureato in giurisprudenza, corrispondente da Parigi de “Il Tempo” per più di trent’anni, animatore della prima e più geniale Nouvelle Droite, fine conoscitore della filosofia tedesca, della musica classica, della nuova fisica, Locchi ha rappresentato una delle menti più brillanti ed originali del pensiero anti-egualitario successivo alla sconfitta militare europea del ‘45.

Molti giovani promesse del pensiero anticonformista degli anni ‘70 conservano ancora oggi il nitido ricordo delle visite da “Meister Locchi” presso la sua casa di Saint-Cloud, a Parigi, «casa dove molti giovani francesi, italiani e tedeschi si recavano più in pellegrinaggio che in visita; ma simulando indifferenza, nella speranza che Locchi […] fosse come Zarathustra dell’umore giusto per vaticinare anziché, come disgraziatamente faceva più spesso, parlare del tempo o del suo cane o di attualità irrilevanti»1. Le ragioni di una tale venerazione non possono sfuggire anche a chi l’autore romano lo abbia conosciuto solo tramite i suoi testi. Leggere Locchi, infatti, è un’“esperienza di verità”: aprendo il suo Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista – un «grande libro», «uno dei testi classici dell’ermeneutica wagneriana», come lo definisce Paolo Isotta sul… “Corriere della Sera”!2 – ci si trova di fronte al disvelamento (ἀλήθεια, a-letheia) di un sapere originale ed originario. Disvelamento che non può mai essere totale.

L’aristocratica prosa locchiana è infatti ermetica ed allusiva. Il lettore ne è conquistato, nel tentativo di sbirciare tra le righe e cogliere un sapere ulteriore che, se ne è certi, l’autore già possiede ma dispensa con parsimonia
3. Ad aumentare il fascino dell’opera di Locchi, poi, contribuisce anche la vastità dei riferimenti e la diversità degli ambiti toccati: dalle profonde dissertazioni filosofiche alle ampie parentesi musicologiche, dai riferimenti di storia delle religioni alle ardite digressioni sulla fisica e la biologia contemporanea. Chi è abituato alle atmosfere asfittiche di certo neofascismo onanistico o ai tic degli evolomani di stretta osservanza ne è subito rapito.


La libertà storica


Il punto di partenza del pensiero locchiano è il rifiuto di ogni determinismo storico, ovvero l’idea che «la storia – il divenire storico dell’uomo – scaturisca dalla storicità stessa dell’uomo, cioè dalla libertà storica dell’uomo e dall’esercizio sempre rinnovato che di questa libertà storica, di generazione in generazione, fanno personalità umane differenti»4. È il rifiuto della “logica dell’inevitabile”. La storia è sempre aperta e determinabile dalla volontà umana. Due sono, a livello macro-storico, gli esiti possibili, i poli opposti verso cui indirizzare il divenire: la tendenza egualitarista e la tendenza sovrumanista, esemplificate da Nietzsche con i due mitemi del trionfo dell’ultimo uomo e dell’avvento del superuomo (o, se si preferisce, dell’“oltreuomo”, come è stato rinominato da Vattimo nell’intento illusorio di depotenziarne la carica rivoluzionaria). Il filosofo della volontà di potenza afferma la libertà storica dell’uomo tramite l’annuncio della morte di Dio: chi ha acquisito la consapevolezza che “Dio è morto” «non crede più di essere governato da una legge storica che lo trascende e lo conduce, con l’umanità intera, verso un fine – ed una fine – della storia predeterminato ab aeterno o a principio; bensì sa ormai che è l’uomo stesso, in ogni “presente” della storia, a stabilire conflittualmente la legge con cui determinare l’avvenire dell’umanità»5.

Tutto ciò porta Locchi ad individuare una vera e propria “teoria aperta della storia”. Il futuro, in questa prospettiva, non è mai stabilito una volta per tutte, rimane costantemente da decidere. Non solo: anche il passato non è chiuso. Il passato, infatti, non è ciò che è avvenuto una volta per tutte, un mero dato inerte che l’uomo può studiare come fosse un puro oggetto. Esso, al contrario, è interpretazione eternamente cangiante. Il tempo storico, lo stiamo vedendo a poco a poco, assume un carattere tridimensionale, sferico, essendo caratterizzato da interpretazioni del passato, impegni nell’attualità e progetti per l’avvenire eternamente in movimento. L’origine mitica finisce per proiettarsi nel futuro, in funzione eversiva nei confronti dell’attualità. Le diverse prospettive che ne fuoriescono finiscono per scontrarsi dando vita al conflitto epocale.


Il conflitto epocale


Il “conflitto epocale” è dato dallo scontro di due tendenze antagoniste. Si è già detto quale siano le tendenze della nostra epoca: egualitarismo e sovrumanismo. Ogni tendenza attraversa tre fasi: quella mitica (in cui sorge una nuova visione del mondo in modo ancora istintuale, come sentimento del mondo non razionalizzato e quindi come unità dei contrari), quella ideologica (in cui la tendenza, affermandosi storicamente, comincia a riflettere su se stessa e quindi si divide in differenti ideologie apparentemente contrapposte tra loro) e quella autocritica o sintetica (in cui la tendenza prende atto della sua divisione ideologica e cerca di ricreare artificialmente la propria unità originaria). E se l’egualitarismo (oggi in fase “sintetica”) è la tendenza storica dominante da duemila anni, la prima espressione “mitica” del sovrumanismo va ricercata nei movimenti fascisti europei.

Il fascismo, per Locchi, non può essere compreso che alla luce della “predicazione sovrumanista” di Nietzsche e Wagner
6 e della “volgarizzazione” di tali tesi ad opera degli intellettuali della Rivoluzione Conservatrice (che, quindi, cessa di essere un’entità “innocente”, astrattamente separata dalle sue realizzazioni pratiche, come vorrebbe certo neodestrismo debole). Fascismo come espressione politica del Nuovo Mito comparso nell’ottocento da qualche parte tra Bayreuth e Sils Maria, quindi. Un qualcosa di nuovo, dunque. Ma, wagnerianamente, anche un qualcosa di antico.

Il fascismo, infatti, rappresenta anche la piena assunzione del “residuopagano che il cristianesimo non è riuscito a cancellare e che è sopravvissuto nell’inconscio collettivo europeo. Un fenomeno rivoluzionario, insomma, che si richiama ad un passato quanto più possibile ancestrale ed arcaico, proiettandolo nel futuro per sovvertire il presente. Lo scopo, nella lunga durata, è quello di far «regredire oltre la soglia memoriale» la Weltanschauung cristiana, versando significati nuovi nei significanti vecchi di matrice biblica, così come originariamente il cristianesimo “falsificò” i termini pagani per veicolare la propria visione del mondo in un linguaggio che non risultasse incomprensibile alle genti europee. È il progetto che il Parsifal wagneriano esprime con la formula «redimere il redentore»
7.


Il male americano


Ma il primo tentativo di agire concretamente nella storia da parte della tendenza sovrumanista, come sappiamo, è sfociato nella sconfitta militare europea del 1945. Una sconfitta che ha posto il vecchio continente tra le fauci della tenaglia costruita a Yalta. In quel periodo, è bene ricordarlo, troppi eredi del mondo uscito perdente dal secondo conflitto mondiale pensarono di rinverdire la loro militanza sostenendo uno dei due bracci della tenaglia a scapito dell’altro, vagheggiando di un Occidente “bianco” che altro non poteva essere se non la “terra della sera” (Abend-land) in cui veder tramontare ogni speranza di rinascita europea. Scelsero, quei “fascisti” vecchi o nuovi, la tattica del “male minore”. Che, notoriamente, non è altro che la tattica dell’“utile idiota” vista… dall’utile idiota.

In questo contesto, sarà proprio Locchi (non da solo, né per primo: si pensi solo a Jean Thiriart) a denunciare le insidie del “male americano”. E Il male americano è anche il titolo di un libro tratto da un articolo comparso su Nouvelle Ecole nel 1975 a firma Robert De Herte ed Hans-Jürgen Nigra, pseudonimi rispettivamente di Alain de Benoist e dello stesso Locchi. Tale testo contribuirà in maniera decisiva a depurare il corpus dottrinale della Nuova Destra di ogni suggestione occidentalista. Del resto, i due autori cortocircuiteranno la logica dei blocchi citando una frase di Jean Cau: «Nell’ordine dei colonialismi, è prima di tutto non essendo americani oggi che non saremo russi domani». C’è una grande saggezza in tutto ciò. Ne Il male americano l’America è descritta più nella sua ideologia implicita, nel suo way of life, che nella sua prassi criminale. Un’ideologia fatta di moralismo puritano, di disprezzo per ogni idea di politica, tradizione o autorità, di mentalità utilitarista, di conformismo e mancanza di stile, di odio freudiano contro l’Europa. Ciò che soprattutto interessa agli autori è l’influenza della Bibbia nella mentalità collettiva statunitense, senza la quale sarebbero inconcepibili i deliri neocons dell’attuale gestione. Ed inoltre – il ricordo del ‘68 è ancora caldo – non manca la ripetuta sottolineatura della sostanziale convergenza tra la contestazione sinistrorsa ed i miti di oltre-Atlantico. New York come capitale del neo-marxismo: ce n’è abbastanza per distinguere il testo di Locchi/De Benoist dalle denunce “progressiste” dei vari Noam Chomsky (che pure, beninteso, hanno anch’esse la loro funzione).


La terra dei figli


Ma “il male americano” è soprattutto un male dell’Europa. Oggi che la Guerra Fredda è finita e all’ordine di Yalta è subentrato il feroce solipsismo armato di uno pseudo-impero fanatico e usuraio, ce ne accorgiamo più che mai. L’Europa: il grande malato della storia contemporanea. Ma anche un’idea-forza, un mito, un ripiego sulle origini che è progetto d’avvenire, come vuole la logica del tempo sferico.





In questo senso, i riferimenti all’avventura indoeuropea o all’Imperium romano, alle poleis greche piuttosto che al medioevo ghibellino servono come materiale grezzo da cui forgiare qualcosa di nuovo, qualcosa che non si è mai visto. «Se si vuol parlare d’Europa, progettare una Europa, bisogna pensare all’Europa come a qualcosa che ancora non è mai stato, qualcosa il cui senso e la cui identità restano da inventare. L’Europa non è stata e non può essere una “patria”, una “terra dei padri”; essa soltanto può essere progettata, per dirla con Nietzsche, come “terra dei figli”»8. Se nostalgia dev’esserci, allora che sia “nostalgia dell’avvenire”, come nello (stranamente felice) slogan missino di qualche tempo fa. Questo mondo che crede nella fine della storia sta forse assistendo semplicemente alla fine della propria storia. Per il resto, nulla è scritto. Sprofonderemo anche noi fra le rovine putride di questa decadenza al neon? Oppure avremo la forza di forgiare il nostro destino attraverso l’istituzione di un “nuovo inizio”? A decidere sarà solo la saldezza della nostra fedeltà, la profondità della nostra azione, la tenacia della nostra volontà.


Note


(
1) Stefano Vaj, Introduzione a Giorgio Locchi, Espressione e repressione del principio sovrumanista. Tra gli intellettuali influenzati da Locchi ricordiamo, oltre allo stesso Vaj, tutto il nucleo fondante della Novelle Droite anni ‘70/80, da De Benoist a Faye, Steukers, Vial, Krebs, ma anche Gennaro Malgieri ed Annalisa Terranova, oggi in AN. Spunti locchiani emergono anche in tempi recenti in Giovanni Damiano e Francesco Boco. Non possiamo non citare, inoltre, Paolo Isotta, critico musicale del “Corriere della Sera” (!), cui Maurizio Cabona riuscì a far redigere un entusiastico saggio introduttivo al libro su Nietzsche e Wagner e che anche ultimamente (vedi nota successiva) è tornato a citare Locchi proprio sulle colonne del maggiore quotidiano italiano.

(
2) Paolo Isotta, “La Rivoluzione di Wagner”, ne “Il Corriere della Sera” del 04/04/2005.

(
3) Va detto, inoltre, che tra le carte lasciate da Locchi si trova diverso materiale inedito, tra cui un saggio su Martin Heidegger probabilmente e sfortunatamente destinato a non vedere mai la luce.

(
4) Da Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista.

(
5) Ibidem.

(
6) Grande merito di Locchi è del resto il fatto stesso di aver riscoperto le potenzialità rivoluzionarie dell’opera wagneriana in un ambiente che continuava a pensare al compositore tedesco nell’ottica della duplice “scomunica” nietzschana ed evoliana.

(
7) Gli indoeuropei, la filosofia greca, Nietzsche, la Konservative Revolution, il fascismo, l’Europa: il lettore attento avrà già scorto, dietro a simili riferimenti, l’ombra possente di Adriano Romualdi. Eppure, incredibilmente, Locchi sviluppò il suo pensiero del tutto autonomamente da Romualdi. Anzi, sarà solo grazie ad alcuni giovani italiani recatisi da lui in visita a Parigi che il filosofo conoscerà l’opera del giovane pensatore morto prematuramente. Senza mancare di sottolineare l’oggettiva convergenza di vedute. Per gli amanti della rete (e i poliglotti), segnaliamo la presenza, in Internet, di un testo in spagnolo (La esencia del fascismo como fenómeno europeo. Conferencia-Homenaje a Adriano Romualdi) che riproduce un discorso di Locchi pronunciato proprio in onore del compianto autore di Julius Evola: l’uomo e l’opera. Ignoriamo le circostanze cui far risalire tale discorso.

(
8) Da L’Europa: non è eredità ma missione futura.

samedi, 14 février 2009

D. Venner : L'Europe et l'européanité

L'Europe et l'Européanité par Dominique Venner

Qu'est-ce que l'Europe ? Qu'est-ce qu'un Européen ?
D'un point de vue géopolitique et historique, l'Europe se définit d'abord par ses limites. Au centre, l'Europe noyau, formée par les nations qui ont vécu depuis le Haut Moyen Age une histoire solidaire bien que souvent conflictuelle. Pour l'essentiel, il s'agit des nations issues de l'Empire carolingien et de ses marges, celles qui constituèrent au traité de Rome (1957) l'Europe dite des Six. Au-delà, on voit se dessiner un deuxième cercle incluant les nations atlantiques et septentrionales, ainsi que celles de l'Europe orientale et balkanique. Enfin, un troisième cercle d'alliances privilégiées s'élargit jusqu'à la Russie. On ne plaide ici nullement pour un projet politique. C'est seulement l'historien qui parle et rappelle une série de réalités. On pourrait en invoquer d'autres. L'empire danubien des Habsbourg fut une réalité. L'Europe de la Baltique en fut une également, ce qui n'est plus vrai de la Méditerranée qui a cessé d'être un facteur d'unité à partir de la conquête arabo-musulmane du vue siècle. Mais l'Europe est bien autre chose que le cadre géographique de son existence.

La conscience d'une appartenance européenne, donc d'une européanité, est très antérieure au concept moderne d'Europe. Elle s'est manifestée sous les noms successifs de l'hellénisme, de la celtitude, de la romanité, de l'empire franc ou de la chrétienté. Conçue comme une tradition immémoriale, l'Europe est issue d'une communauté de culture multimillénaire tirant sa spécificité et son unicité de ses peuples constitutifs, d'un héritage spirituel qui trouve son expression primordiale dans les poèmes homériques.

Comme les autres grandes civilisations, Chine, Japon, Inde ou Orient sémitique, la nôtre plongeait loin dans la Préhistoire. Elle reposait sur une tradition spécifique qui traverse le temps sous des apparences changeantes. Elle était faite de valeurs spirituelles qui structurent nos comportements et nourrissent nos représentations même quand nous les avons oubliées. Si, par exemple, la simple sexualité est universelle au même titre que l'action de se nourrir, l'amour, lui, est différent dans chaque civilisation, comme est différente la représentation de la féminité, l'art pictural, la gastronomie ou la musique. Ce sont les reflets d'une certaine morphologie spirituelle, mystérieusement transmise par atavisme, structure du langage et mémoire diffuse de la communauté. Ces spécificités nous font ce que nous sommes, à nul autre pareils, même quand la conscience en a été perdue. Comprise dans ce sens, la tradition est ce qui façonne et prolonge l'individualité, fondant l'identité, donnant sa signification à la vie. Ce n'est pas une transcendance extérieure à soi. La tradition est un « moi » qui traverse le temps, une expression vivante du particulier au sein de l'universel.

Le nom d'Europe apparut voici 2 500 ans chez Hérodote et dans la Description de la terre d'Hécatée de Milet. Et ce n'est pas un hasard si ce géographe grec classait les Celtes et les Scythes parmi les peuples de l'Europe et non parmi les Barbares. Cette époque était celle d'une première conscience de soi, surgie de la menace des guerres médiques. C'est une constante historique : l'identité naît des menaces de l'altérité.

Une vingtaine de siècles après Salamine, la chute de Constantinople, le 29 mai 1453, fut ressentie comme un séisme pire encore. Tout le front oriental de l'Europe se trouvait offert à la conquête ottomane. L'Autriche des Habsbourg devenait l'ultime rempart. Cet instant critique favorisa l'éclosion d'une conscience européenne, au sens moderne du mot. En 1452, le philosophe Georges de Trébizonde avait déjà publié Pro defenda Europa, manifeste où le nom d'Europe remplaçait celui de Chrétienté. Après la chute de la capitale byzantine, la cardinal Piccolomini, futur pape Pie II, écrivit : "On arrache à l'Europe sa part orientale." Et pour faire sentir toute la portée de l'événement, il invoquait, non les pères de l'Église, mais, plus haut dans la mémoire européenne, les poètes et les tragiques de la Grèce antique. Cette catastrophe, disait-il, signifie « la seconde mort d'Homère, de Sophocle et d'Euripide ». Ce pape lucide mourut en 1464 dans le désespoir de n'avoir pu réunir une armée et une flotte pour délivrer Constantinople.

Que l'Europe fût une très ancienne communauté de civilisation, toute l'histoire en témoigne. Sans remonter aux peintures rupestres et à la culture mégalithique, il n'y a pas un seul grand phénomène historique vécu par l'un des pays de l'espace franc qui n'ait été commun à tous les autres. La chevalerie médiévale, la poésie épique, l'amour courtois, le monachisme, les libertés féodales, les croisades, l'émergence des villes, la révolution du gothique, la Renaissance, la Réforme et son contraire, l'expansion au-delà des mers, la naissance des Etats-nations, le baroque profane et religieux, la polyphonie musicale, les Lumières, le romantisme, l'univers prométhéen de la technique ou l'éveil des nationalités... Oui, tout cela est commun à l'Europe et à elle seule. Au cours de l'histoire, tout grand mouvement lié dans un pays d'Europe a trouvé immédiatement son équivalent chez les peuples frères et nulle part ailleurs. Quant à nos conflits qui ont longtemps contribué à notre dynamisme, ils furent dictés par la compétition des princes ou des États, nullement par des oppositions de culture et de civilisation.

Contrairement à d'autres peuples moins favorisés, les Européens avaient rarement eu à se poser la question de leur identité. Il leur suffisait d'exister, nombreux, forts et souvent conquérants. Voilà qui est fini. Le terrible « siècle de 1914 » a mis fin au règne des Européens que taraudent désormais tous les démons des interrogations sur eux-mêmes et de la culpabilité, tempérés il est vrai par une abondance matérielle provisoire. Les artisans de l'unification évacuent même avec effroi la question de l'identité. Celle-ci commande pourtant la nécessaire perception d'une communauté autant que la question vitale des frontières ethniques et territoriales.

Dominique Venner, Le Siècle de 1914, 2006.

A lire:
>>> Dominique Venner,
Histoire et Tradition des Européens : 30000 ans d'identité, Ed. du Rocher, 2004.

mercredi, 11 février 2009

El cantor del nuevo mito - Giorgio Locchi revisitado

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El cantor del nuevo mito. Giorgio Locchi revisitado.

Adriano Scianca



“…sonaba, tan antiguo, y sin embargo era tan nuevo…”

Richard Wagner


Y por último llegó la “globalización”. En dos mil años de pensamiento único igualitario nos hemos tragado: la “inevitable” venida de los tiempos mesiánicos, el “inevitable” avance del progreso técnico, económico y moral, el “inevitable” advenimiento de la sociedad sin clases, el “inevitable” triunfo del dominio americano, la “inevitable” instauración de la sociedad multirracial. Y ahora, precisamente, es la globalización la que se impone como “inevitable”. El camino ya está trazado, nada podemos contra el Sentido de la Historia. Es cierto que la entrada triunfal en el Edén final es postergada de manera continua porque siempre surgen pueblos impertinentes que no aprecian los hegelianismos en salsa yanqui como los anteriormente citados. Pero, tarde o temprano- nos lo dice Bush, nos lo dicen los pacifistas, nos lo dicen los científicos, los filósofos y los curas- la historia llegará a su fin. Seguro. ¿Seguro?



¿El fin de la historia?

Es verdad: la historia, efectivamente, puede llegar a su fin. Es del todo plausible que en el futuro que nos espera se pueda asistir al triste espectáculo del “último hombre” que da saltitos invicto y triunfante. Pero este es sólo uno de los posibles resultados del devenir histórico. El otro, también este siempre posible, va en la dirección opuesta, hacia una regeneración de la historia a través de un nuevo mito. Palabra de Giorgio Locchi. Romano, licenciado en Derecho, corresponsal en París de “Il tempo” durante más de treinta años, animador de la primera y más genial Nouvelle Droite, fino conocedor de la filosofía alemana, de música clásica, de la nueva física, Locchi ha representado una de las mentes más brillantes y originales del pensamiento anti-igualitario posterior a la derrota militar europea del 45.

Muchas jóvenes promesas del pensamiento anticonformista de los años 70 conservan todavía hoy el nítido recuerdo de las visitas que hicieron a “Meister Locchi” en su casa de Saint-Cloud, en París, “casa a la que muchos jóvenes franceses, italianos y alemanes se dirigían más en peregrinaje que de visita; pero simulando indiferencia, con la esperanza de que Locchi (…) estuviese como Zarathustra con el humor adecuado para vaticinar y no, como desgraciadamente sucedía más a menudo, para que les hablase del tiempo o de su perro o de actualidades irrelevantes” (1). Las razones de tal veneración no pasan tampoco inadvertidas para quienes sólo hayan conocido al autor romano a través de sus textos. Leer a Locchi, de hecho, es una “experiencia de verdad”: tomemos su Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista – un “gran libro”, “unos de los textos clásicos de la hermenéutica wagneriana”, como lo define Paolo Isotta en el… ¡Corriere della Sera! (2)- uno se encuentra ante el desvelamiento (a-letheia) de un saber original y originario. Desvelamiento que no puede ser nunca total.

La aristocrática prosa de Locchi es, de hecho, hermética y alusiva. El lector es conquistado por ella, tratando de atisbar entre las líneas y de captar un saber ulterior que, estamos seguros de ello, el autor ya posee pero dispensa con parsimonia (3). A aumentar la fascinación de la obra de Locchi, además, contribuye también la vastedad de referencias y la diversidad de los ámbitos que toca: de las profundas disertaciones filosóficas a los amplios paréntesis musicológicos, pasando por las referencias a la historia de las religiones y por las audaces digresiones sobre la física y la biología contemporánea. Quien está acostumbrado a la atmósfera asfixiante de cierto neofascismo onanista o a los tics de los evolamaniacos de estricta observancia es raptado inmediatamente por todo ello.



La libertad histórica

El punto de partida del pensamiento locchiano es el rechazo de todo determinismo histórico, es decir, la idea de que “la historia- el devenir histórico del hombre- surge de la historicidad misma del hombre, es decir, de la libertad histórica del hombre y del ejercicio siempre renovado que de esta libertad histórica, de generación en generación, hacen personalidades humanas diferentes” (4). Es el rechazo de la “lógica de lo inevitable”. La historia está siempre abierta y es determinable por la voluntad humana. Dos son, a nivel macrohistórico, los resultados posibles, los polos opuestos hacia los que dirigir el porvenir: la tendencia igualitarista y la tendencia sobrehumanista, ejemplificadas por Nietzsche con los dos mitemas del triunfo del último hombre y del advenimiento del superhombre (o, si se prefiere, del “ultrahombre”, como ha sido rebautizado por Vattimo en el intento de despotenciar su carga revolucionaria). El filósofo de la voluntad de poder afirma la libertad histórica del hombre mediante el anuncio de la muerte de Dios: quien ha adquirido la conciencia de que “Dios ha muerto” “no cree ya que esté gobernado por una ley histórica que lo trasciende y lo conduce, con toda la humanidad, hacia una finalidad- y un fin- de la historia predeterminada ab aeterno o a principio; sino que sabe ya que es el hombre mismo, en todo “presente” de la historia, el que establece conflictivamente la ley con la que determinar el porvenir de la humanidad” (5).

Todo esto lleva a Locchi a identificar una auténtica “teoría abierta de la historia”. El futuro, desde esta perspectiva, no está nunca establecido de una vez por todas, ha de ser decidido constantemente. No sólo eso: tampoco el pasado está cerrado. El pasado, de hecho, no es lo que ha acaecido de una vez por todas, un mero dato inerte que el hombre puede estudiar como si fuese un puro objeto. Al contrario, es interpretación eternamente cambiante. El tiempo histórico, lo vamos viendo poco a poco, asume un carácter tridimensional, esférico, estando caracterizado por interpretaciones del pasado, compromisos en la actualidad y proyectos para el porvenir eternamente en movimiento. El origen mítico acaba proyectándose en el futuro, en función eversiva con respecto a la actualidad. Las distintas perspectivas que brotan de ello acaban chocando dando vida al conflicto epocal.



El conflicto epocal

El “conflicto epocal” se da por el choque de dos tendencias antagónicas. Ya se ha dicho cuales son las tendencias de nuestra época: igualitarismo y sobrehumanismo. Toda tendencia atraviesa tres fases: la mítica (en la que surge una nueva visión del mundo de manera todavía instintiva, como sentimiento del mundo no racionalizado y, por tanto, como unidad de los contrarios), la ideológica (en la que la tendencia, habiéndose afirmado históricamente, comienza a reflexionar sobre sí misma y, entonces, se divide en diferentes ideologías contrapuestas entre sí) y la autocrítica o sintética (en la que la tendencia toma nota de su división ideológica y trata de recrear artificialmente la propia unidad originaria). Y si el igualitarismo (hoy en fase “sintética”) es la tendencia histórica dominante desde hace dos mil años, la primera expresión “mítica” del sobrehumanismo ha de buscarse en los movimientos fascistas europeos.

El fascismo, para Locchi, no puede ser comprendido más que a la luz de la “predicación sobrehumanista” de Nietzsche y Wagner (6) y de la “vulgarización” que de tales tesis llevaron a cabo los intelectuales de la Revolución Conservadora (que, por tanto, deja de ser una entidad “inocente”, abstractamente separada de sus realizaciones prácticas, tal y como quisiera cierto neoderechismo débil). Por tanto, el fascismo como expresión política del Nuevo Mito que apareció en el siglo XIX en algún lugar entre Bayreuth y Sils Maria. Entonces, algo nuevo. Pero, wagnerianamente, algo antiguo también.

El fascismo, de hecho, representa también la plena asunción del “residuo” pagano que el cristianismo no logró borrar y que ha sobrevivido en el inconsciente colectivo europeo. Un fenómeno revolucionario, en definitiva, que se reconoce en un pasado lo más ancestral y arcaico posible, proyectándolo en el futuro para subvertir el presente. El objetivo, de larga duración, es hacer que la Weltanschauung cristiana “retroceda más allá del umbral de la memoria”, derramando significados nuevos en los significantes viejos de matriz bíblica, tal y como originariamente el cristianismo “falsificó” los términos paganos para canalizar la propia visión del mundo en un lenguaje que no resultase incomprensible a las gentes europeas. Es el proyecto que el Parsifal wagneriano expresa con la fórmula “redimir al redentor” (7).



El mal americano

Pero la primera tentativa de actuar concretamente en la historia por parte de la tendencia sobrehumanista, como sabemos, desembocó en la derrota militar europea de 1945. Una derrota que puso al viejo continente entre las fauces de la tenaza construida en Yalta. En aquel periodo, está bien recordarlo, demasiados herederos del mundo que salió derrotado de la segunda guerra mundial pensaron en renovar su militancia sosteniendo uno de los dos brazos de la tenaza a expensas del otro, anhelando un Occidente “blanco” que no podía ser otra cosa que la “tierra del anochecer” (Abend-land) en la que ver el crepúsculo de toda esperanza de renacimiento europeo. Eligieron, aquellos “fascistas” viejos o nuevos, la táctica del “mal menor”, que, como se sabe, no es otra que la táctica del “tonto útil” vista… por el tonto útil.

En este contexto, será precisamente Locchi (no sólo, ni el primero: sólo hay que pensar en Jean Thiriart) quien denuncie las insidias del “mal americano”. Y El mal americano (Il male americano) es también el título de un libro que salió de un artículo aparecido en Nouvelle Ecole en 1975 con la firma de Robert de Herte y Hans-Jürgen Negra, pseudónimos respectivamente de Alain de Benoist y del mismo Locchi. Tal texto contribuirá de manera decisiva a depurar el corpus doctrinal de la Nueva Derecha de toda sugestión occidentalista. Por lo demás, los dos autores provocarán un cortocircuito en la lógica de los bloques citando una frase de Jean Cau: “En el orden de los colonialismos, es ante todo no siendo americanos hoy, como no seremos rusos mañana”. Hay una gran sabiduría en todo esto. En Il male americano América es descrita más en su ideología implícita, en su way of life, que en su praxis criminal. Una ideología hecha de moralismo puritano, de desprecio por toda idea de política, tradición o autoridad, de mentalidad utilitarista, de conformismo y ausencia de estilo, de odio freudiano contra Europa. Lo que especialmente interesa a los autores es la influencia de la Biblia en la mentalidad colectiva estadounidense, sin la cual serían inconcebibles los delirios neocon de la actual administración. Y además – el recuerdo del 68 estaba todavía caliente- no falta el repetido énfasis de la sustancial convergencia entre la contestación izquierdista y los mitos del otro lado del Atlántico. Nueva York como capital del neo-marxismo: basta con esto para distinguir el texto del Locchi/ de Benoist de las denuncias “progresistas” de los varios Noam Chomsky (aunque, por supuesto, también estos tienen su función).



La tierra de los hijos

Pero “el mal americano” es sobre todo un mal de Europa. Hoy que la guerra fría ha terminado ya y al orden de Yalta le ha sucedido el feroz solipsismo armado de un pseudoimperio fanático y usurero, nos damos cuenta de ello más que nunca. Europa: el gran enfermo de la historia contemporánea. Pero también una idea-fuerza, un mito, un retorno a los orígenes que es proyecto de porvenir, como proclama la lógica del tiempo esférico.

En este sentido, las referencias a la aventura indoeuropea o al Imperium romano, a las polis griegas más que al medievo gibelino sirven como materia prima a partir de la cual forjar algo nuevo, algo que no se ha visto nunca. “Si se quiere hablar de Europa, proyectar una Europa, es preciso pensar en Europa como en algo que nunca ha sido, algo cuyo sentido y cuya identidad han de ser inventados. Europa no ha sido y no puede ser una ‘patria’, una ‘tierra de los padres`, ésta solamente puede ser proyectada, para decirlo como Nietzsche, como ‘tierra de los hijos’ (8). Si tiene que haber nostalgia, entonces que sea “nostalgia del porvenir”, como en el (extrañamente feliz) eslogan del MSI de hace ya años. Este mundo que cree en el fin de la historia quizás está asistiendo simplemente al fin de su propia historia. Después de todo, nada está escrito. ¿Nos hundiremos también nosotros en las pútridas ruinas de esta decadencia iluminada con luces de neón? ¿O tendremos la fuerza para forjar nuestro destino a través de la institución de un “nuevo inicio”? Lo decidirá tan sólo la solidez de nuestra fidelidad, la profundidad de nuestra acción, la tenacidad de nuestra voluntad.



Notas:

(1) Stefano Vaj, Introduzione a Girogio Locchi, Espressione e repressione del principio sovrumanista (La esencia del fascismo).Entre los intelectuales influenciados por Locchi recordamos, además del propio Vaj, todo el núcleo fundador de la Nouvelle Droite de los años 70/80, desde De Benoist a Faye, pasando por Steuckers, Vial, Krebs, pero también Gennaro Malgieri y Annalisa Terranova, hoy en AN. Ideas locchianas aparecen también en tiempos recientes en Giovanni Damiano y Francesco Boco. No podemos dejar de citar, además, a Paolo Isotta, crítico musical del Corriere della Sera (¡!), a quien Maurizio Carbona logró convencer para que redactara un entusiasta ensayo introductorio al libro sobre Nietzsche y Wagner y que últimamente (véase la siguiente nota) ha vuelto a citar a Locchi precisamente en las columnas del mayor diario italiano.

(2) Paolo Isotta, “La Rivoluzione di Wagner”, en Il Corriere della Sera del 4/4/05

(3) Hay que decir, además, que entre los papeles que Locchi dejó, se encuentra diverso material inédito, entre el cual está un ensayo sobre Martin Heidegger probable y desafortunadamente destinado a no ver nunca la luz.

(4) De Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista.

(5) Ibidem

(6) Por otra parte, gran mérito de Locchi es el hecho de haber redescubierto las potencialidades revolucionarias de la obra wagneriana en un ambiente que continuaba pensando en el compositor alemán desde la perspectiva de la doble “excomunión” nietzscheana y evoliana.

(7) Los Indoeuropeos, la filosofía griega, la Konservative Revolution, el fascismo, Europa: el lector atento habrá vislumbrado, detrás de referencias semejantes, la sombra pujante de Adriano Romualdi. Y sin embargo, increíblemente, Locchi desarrolló su pensamiento de manera completamente autónoma de Romualdi. Es más, será sólo gracias a algunos jóvenes italianos que fueron a visitarle a París como el filósofo conocerá la obra del joven pensador que murió prematuramente. Sin dejar de subrayar la objetiva convergencia de perspectivas. Al respecto, véase La esencia del fascismo como fenómeno europeo. Conferencia-Homenaje a Adriano Romualdi, que reproduce un discurso de Locchi pronunciado precisamente en honor del llorado autor de Julius Evola: el hombre y la obra.

(8) De L’Europa: non è eredità ma missione futura

dimanche, 18 janvier 2009

Por la autodefensa étnica integral: Reflexiones sobre "La colonizacion de Europa" de Guillaume Faye

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Por la autodefensa étnica integral: Reflexiones sobre "La colonización de Europa", de Guillaume Faye

Stefano Vaj

[Traducción de Santiago Rivas]

Conocí a Guillaume Faye en París en 1978, durante el undécimo congreso anual del GRECE (Groupement de Recherche et Etudes pour la Civilisation Européenne), en el momento álgido de una personal "crisis de identidad".

Aun siendo yo muy joven, llevaba cuatro o cinco años sumergido en un ambiente que creía hacer política prestando el empeño militante al sostenimiento del MSI, un partido sustancialmente empeñado en administrar los restos italianos de la derrota militar europea. Peor aún, la estrategia de aquella administración consistía en aguardar a la espera de ser finalmente reciclada, y en ofrecer sus servicios a las franjas más a la retaguardia de la "clase dirigente" vaticanista-capitalista-masónica –en una época un tanto preocupada por la atenuación de la guerra fría y por la garantía americana, así como por la concurrencia de los "compañeros de reparto" de observancia soviética.

Por lo demás, tal ambiente vivía en una absoluta esquizofrenia política, permaneciendo unido casi exclusivamente por el ansia de diferenciarse y por el rechazo respecto a la línea general biempensante, conservadora y ávida de respetabilidad, del partido; aquel mismo partido del cual continuaban frecuentando sus sedes, sosteniendo sus listas, suscribiendo sus manifiestos, etc. Los varios personajes que encontré no eran por lo demás ajenos a los miles de pequeños compromisarios, aunque llevasen cargos cuya denominación altisonante se correspondiese con una absoluta falta de poder real; además, pertenecían a connotaciones ideológicas tan variadas como carentes de correspondencia con mis propias ideas, o por mejor decir, a la sensibilidad que me había aproximado a un ambiente tal. Católicos integristas, anticomunistas genéricos, personajes convencidos de que la guerra mundial había sido combatida para hacer participar a cualquier representante sindical en las reuniones de los consejos de administración ("...como en Alemania Federal, como en Yugoslavia"), tradicionalistas y esoteristas al borde de la sesión espiritista, nihilistas, admiradores indiscriminados del militarismo chileno, israelita o francés, pseudoidealistas que nunca habían leído una línea de Spirito, Gentile o Fichte, vestales y adoradores de una crónica política pasada y mal comprendida; pero el empacho de la elección no era algo que me repugnase mayormente. Por muchos aspectos una corte de los milagros, en suma, cuyos miembros eran ciertamente "desviados" pero también en gran parte "recuperados" por el Sistema, presa de sugestiones ideológicas cuya gran variedad iba solamente a la par de la sustancial extrañeza de esos elementos con la "tendencia histórica" encarnada por las grandes revoluciones nacional-populares de la primera mitad del siglo, por Nietzsche, Wagner y Stefan George, Marinetti, D´Anunnzio y Drieu La Rochelle.

La imagen tan caricaturesca, demoníaca y en el fondo ridícula que de tal ambiente era ofrecida desde el exterior, con su intrigante perfume de azufre, era casi más atractiva que la mediocre realidad que yo experimentaba directamente cada día

El contacto con el ambiente francés, por entonces principalmente representado por el GRECE, "Groupement de Recherches et Etudes pour la Civilisation Européenne" (1), fue, por todo lo dicho, mucho más que una agradable sorpresa. No me había inventado una pertenencia literaria a una comunidad mítica irremediablemente extinta; aún existían personas que verdaderamente compartían aquellos valores que me habían atraído hacia un mundo italiano que teóricamente habría debido ser su heredero, pero que no usaba argumentos de acción histórica ni de "gran política".

Por lo demás, el movimiento francés, después de un decenio de duro trabajo, se encontraba visiblemente en la espera de un gran suceso, intentando agregar en torno suyo "compañeros de viaje" de notable renombre y, sobe todo, de suscitar un séquito, pequeño pero entusiasta, en numerosos países europeos, de Bélgica a Grecia, de Alemania a Inglaterra, de Suiza a la misma Italia. Un séquito que únicamente pedía ofrecer su propia contribución, creando comunidades locales o participando en el trabajo de difusión de ideas por medio de conferencias, publicaciones e infiltraciones en los medios de comunicación y de la universidad.

Pero alejemos las divagaciones. El congreso en cuestión trataba sobre "L´inégalité de l´homme", y venía a focalizar uno de aquellos temas que ya habían sido estabilizados como "leit-motivs" de la batalla cultural del movimiento, temática de identificación, de encuentro y alternativas de nuestra época, de antítesis frente a las ideologías de matriz judeo-cristiana, democrática, marxista, etc., y de visión del mundo antiigualitaria, aristocrática y sobrehumanista.

Entre los participantes se encontraban, naturalmente, Alain de Benoist el intelectual; Giorgio Locchi el filósofo –que habría de ser mi gurú y "maitre á penser" personal, si alguna vez tuve alguno, y cuya intervención en el congreso fue posteriormente publicada por "l´Uomo libero" n.6 con el título "Mito y Comunidad"–; y, sobre todo, Guillaume Faye el militante, el ponente que sin duda más me impactó.

Orador excepcional, hipnótico en su lectura de una relación escrita en la atenuada atmósfera de un convenio de estudios en un palacio de congresos, Guillaume Faye se asemejaba físicamente y en sus movimientos un poco al joven Feddersen interpelado por Gustav Froelich, el protagonista de "Metrópolis", de Fritz Lang; y era ya indiscutiblemente el astro en alza del movimiento. Especialmente para un dieciochioañero sediento de coherencia y pasión, pero también asaltado por la despreocupación, Faye daba la impresión de un "lúcido fanatismo" en donde de mezclaban reminiscencias del Che Guevara, D´Annunzio, Ignacio de Loyola y Goebbles, lejos, muy lejos de ese material humano sectario y arribista, conformista y reaccionario que dominaba en mi experiencia política de la Italia del momento. Las noches pasadas en discutir las cuestiones fundamentales de nuestra época y del futuro de Europa en la campiña provenzal de la Universidad de Verano del GRECE fueron, desde el principio, una bienvenida bocanada de oxígeno.

No sorprendía por ello que Faye fuese simplemente adorado por toda la base del movimiento, incluyendo los componentes internacionales, obviamente menos atraídos por otros exponentes condicionados por un residuo de "espíritu de salón parisino", o bien por una excesiva preocupación por la administración de las vicisitudes cotidianas y locales de la asociación. Y fue precisamente con Faye, Pierre Vial, Jason Hadgidinas y otros camaradas europeos de este ambiente con quienes nos reencontramos pocos años después en Grecia, en el santuario de Apolo en Delfos, al alba, para jurar en diez lenguas en una ceremonia privada nuestra fidelidad a Europa, a sus Dioses y al Sol (re)naciente de su cultura, tras el solsticio de invierno de nuestra época.

Ese rol especial de Guillaume Faye vino después a enfatizarse cuando, poco después, el movimiento, bautizado para la ocasión por los "media" como Nueva Derecha, tomó el control de la redacción de la revista "Figaro-Magazine", apareciendo en la primera página de los diarios de todo el mundo, ilusionándose por un instante de haber afirmado unas raíces inextirpables en la oficialidad. Excluyendo a unos pocos personajes dedicados a misiones meramente organizativas, Faye fue prácticamente el único que no jugó sus cartas en los medios tradicionales, en los círculos intelectuales acreditados y en la universidad, el único que permaneció empeñado únicamente en el movimiento, para el cual trabajaba a tiempo completo, en donde sus problemas de supervivencia eran de naturaleza puramente… económica. En semejante posición particular, Faye abrió algunos temas y frentes de lucha fundamentales que más tarde resonaron en toda Europa. En "El sistema contra los pueblos", traducido por mí mismo al italiano para "Edizioni dell´Uomo libero" y recientemente reeditado por "Societá Editrice Barbarossa" (2), constituyó el primer manifiesto contra la globalización publicado en nuestro continente, durante la época de los bloques y de las últimas etapas de la descolonización. La versión definitiva en la cual fue publicada el libro constituyó el fruto de una lucha épica, típica de Faye, contra los editores de "Copernic", por entonces la principal editorial del movimiento. Como es sabido, en el mundo francés y más aun en el anglosajón no son las editoriales (o publisher), sino los editores que jamás han publicado un renglón propio quienes pretenden enseñar a los escritores qué es escribir y cómo se escribe. En el caso, estas figuras no solamente discutían problemas de puntos y comas, de extensión de los capítulos o de "provocaciones" lo suficientemente atractivas para suscitar la atención de esos lectores que raramente superan las primeras páginas antes de regresar definitivamente sobre la cubierta, sino que también ejercieron una tentativa de atenuación y sustancial censura política de un mensaje considerado esta vez demasiado "paradójico", "visionario", "poco realista", "poco serio". El hecho de que el libro sea hoy una descripción fiel de cuanto positivamente ha sucedido y está sucediendo ante los ojos de todos, es el fruto y el testimonio del increíble entusiasmo y energía destinados a convencer, ilustrar, re-escribir la re-escritura de personajes más o menos ignotos, y al final… conseguirlo por cansancio.

Del mismo modo, Guillaume Faye fue quizá el primero en identificar en los Derechos Humanos la doctrina sincrética y final de la tendencia humanista, que el marxismo no ha sabido ser, y que representa el punto de convergencia final, post-ideológico, de todas las corrientes laicas y religiosas en las cuales tal tendencia se ha subdividido después de su afirmación en Europa con el edicto de Teodosio y la derrota de los sajones. El "especial" publicado al respecto por uno de los números de "Elèments" constituyó la inspiración para mi tesis de licenciatura, que después constituyó el núcleo de mi libro publicado con el título "Indagine sui Diritti dell´Uomo" (3) (L.Ed.E., Roma 1985), prologado por Julien Freund, y el cual dediqué al propio Faye. Otra piedra miliar en el recorrido de Faye es la representada por la publicación del "Nouveau Discours à la Nation Européenne" (4), incitación fichteana a la reivindicación de la propia identidad, al redescubrimiento de la fuerza de Europa y a la revuelta contra la dominación extranjera y mundialista de nuestro espacio vital; obra que el autor logró ver publicada por una editora "oficial" (Albatros), con introducción de Michel Jobert, exministro de De Gaulle.

Y aunque hoy pueda parecer banal, debemos a Faye la definitiva liquidación, en "L´Occident comme déclin" (5), de una confusión que hacía todavía a finales de los años setenta a los cantautores nacional-revolucionarios glorificar a la "civilización occidental", mientras algunos epígonos franceses de aquellos que habían combatido en Normandía contra los americanos aún denominaban "Occident" a uno de los pocos movimientos políticos con una cierta importancia. Igualmente, fue nuestro autor el primero en reproponer, en oposición tanto al progresismo ingenuo como al rechazo tradicionalista y neolúdico, la visión faústica de la técnica, relacionándola con la sensibilidad postmoderna que lucha por emerger en la cultura contemporánea ("Hermes, le retour du sacré". Ed. Le Labyrinthe). Siempre a Faye debemos, además, el clarividente análisis sociológico sobre "La Nueva Sociedad de Consumo", o el relanzamiento de modelos económicos alternativos basados en los grandes espacios continentales autocentrados y semiautárquicos (ver el artículo "Por la independencia económica", publicado en italiano por "l´Uomo libero" n. 13). Y podríamos continuar extendiéndonos, empezando por sus traducciones en esta misma revista que pueden consultarse en el sumario de números atrasados.

Por lo demás, frente a mi experiencia directa de la realidad italiana que se distinguía en asociar paradójicamente "fraccionismo" y conformismo, la acción de Faye en el ámbito de la Nueva Derecha conjugaba hasta el extremo disciplina y libertad de espíritu, por cuanto él mismo es uno de los pocos en recoger verdaderamente, junto a otras "piedras en el estaño", la invitación a intensificar el "debate interno" –concepto que ha preocupado durante un cierto periodo a los espontáneos del movimiento, obsesionados con la idea de devenir, o ser percibidos como, una "secta".

Entretanto, había llegado el tiempo de las intervenciones críticas sobre la cuestión religiosa y sobre la postura del GRECE en esta materia.

En efecto, la experiencia común mostraba que cuando en el neo-paganismo la partícula "neo" es gradualmente olvidada, fácilmente aparece la obsesión por la "positividad" y la "legitimación".

Después de todo, mientras es perfectamente posible ser el único, o el último, cristiano, musulmán o judío del mundo, la "religión", desde el punto de vista pagano, es aquello que "liga al conjunto" de un pueblo y a éste con sus orígenes. Pero, desde el momento en que el paganismo innegablemente no es una religión positiva, o bien se tiene el coraje trágico y zaratrustiano de intentar conscientemente la creación de formas originales y de nuevas "normas de valores", ciertamente inspiradas en el pasado que se reclama, pero precisamente por ello distintas, o bien es absolutamente central la búsqueda de una "legitimación" de cualquier tipo. Ésta, para los tradicionalistas evolianos o guenonianos termina regularmente por ser esotérica (los Sabios Ocultos, el Rey de la Montaña, la Tradición Oculta, etc.), cuando no termina por confluir en muchos casos en el Islam, en cualquier variante minoritaria del catolicismo católico u ortodoxo o, mucho peor aún, en los sincretismos vagamente masónicos o New Age.

Para el GRECE, sin embargo, como ya antes para el movimiento völkish de la Alemania de los años treinta, tal búsqueda de legitimación es, antes que metafísica, esencialmente sociológica, tendente a valorizar como "políticamente" importante cualquier fósil de creencia o hábito popular del cual se pueda hipotetizar un origen autóctono, precristiano o simplemente a-cristiano, desde la "fiesta del conejo" a las "estatuas de la felicidad" y otros folklores.

Respecto a todo ello, fue nuevamente Faye el reivindicador, mediante un famoso artículo en "Elements", de las razones de un paganismo laico, solar y postmoderno, abiertamente nietzscheano, distiguiéndose netamente de la obsesión de la "ninfa en su capullo" y de las manías de un "catolicismo a la inversa" de muchos conspicuos componentes de la Nueva Derecha, condicionada así por la rivalidad con las confesiones cristianas que a veces terminaban por remendar.

Artículo profético respecto a la más tardía "evolución" de un De Benoist, el cual, comenzando desde un interés hacia el empirocriticismo y la epistemología russelliana o popperiana, acabó paradójicamente, después de su libro "¿Cómo ser pagano?" (6) y tras un paréntesis heideggeriano, discutiendo con cristianos y judíos sobre metafísica y valores comunes de matriz sustancialmente neoplatónica o neognóstica, sobre cuya base poder atribuir la palma de la superioridad moral a Séneca o a Pablo de Tarso como oponentes de la secularización (ver, por ejemplo, su obra sobre "L´éclipse du sacré" ) (7). Si alguien desea ver los detalles del fin de un sueño no tiene más que leer las páginas de la nueva y extensa introducción de Robert Steuckers a "El sistema contra los pueblos", añadida a la mía en la última edición ya citada del libro de Faye.

A finales de 1986 la crisis anunciada por Giorgio Locchi ("todo lo que está de moda pasa de moda…") llegó a su maduración. Los animadores originales del GRECE, cuando no han sido simplemente recuperados por el Sistema, se encuentran reducidos por un lado a una dimensión de puro testimonio y, por el otro, son cada vez más marginalizados por la realidad de la vida cotidiana de la asociación, dedicada a burocráticos empeños de recolección de fondos para pagar al personal dedicado a recoger fondos… en una degeneración estilo Cienciología. Otros han decidido jugar la carta del Frente Nacional de Le Pen, en su tiempo duramente ridiculizado y ahora en posición de ridiculizar a su vez a la Nueva Derecha, que ya no es percibida como un sujeto dotado de un proyecto histórico o político y aparece reducida a un simple productor de conferencias y publicaciones con ambiciones limitadas.

Los temas de las publicaciones del área (en sustancia "Elèments", "Nouvelle Ecole" y su réplica de infeliz título "Krisis") cada vez son más refinados y literarios. El mismo Alain de Benoist, en una especie de regresión romántica, confiesa a Faye, a mitad de los años ochenta, estar cada vez más interesado en las "imágenes" antes que en las "ideas", hasta el punto de que éste último, en una conversación privada conmigo mismo durante el mismo periodo, describe la contraposición entonces presente en el ambiente como la de los "germanómanos no sobrehumanistas frente a los sobrehumanistas no germanómanos". Entre las consecuencias de tal deriva cabe destacar la extremización de las operaciones consistentes en el reclamo y valorización de los más estrafalarios componentes y sectores de la Revolución Conservadora alemana, por cuanto puedan alabar cualquier disidencia frente a los regímenes fascistas de los años treinta. Es más, era progresiva la concentración sobre temas de carácter sustancialmente histórico, literario y mítico, a despecho de las grandes argumentaciones de naturaleza sociológica, tecnocientífica, política, económica, sobre las cuales, en los años precedentes, el movimiento había tomado posiciones fuertemente originales e innovadoras.

Frente a la creciente presión de la censura y del "pensamiento único", el movimiento responde, por lo demás, con un creciente silencio sobre temas decisivos, paradójicamente acompañado de una constante irrigación de los temas secundarios y por "fugas hacia delante" difícilmente comprensibles para el público propio, como el guiño de ojos a un filosovietismo a lo Jean Cau, del todo onírico y prontamente liquidado por la evolución histórica. También por la incapacidad de no hacerse un hueco en las antítesis del debate político (nacionalismo-cosmopolitismo, liberalismo-socialismo, aborto sí aborto no, ecologismo-antiecologismo, feminismo-antifeminismo, imperialismo-anticolonialismo, comunismo-anticomunismo, etc.), por pretender imponer los propios, pero que se transformará o bien en una incapacidad de tomar posiciones sobre los problemas centrales de nuestro tiempo o bien en un gusto por la batuta brillante y por los eslóganes con fin en sí mismos.

Toparon después con el peine los nudos de los errores políticos y propagandísticos cometidos. El primero de todos: la obsesión con evitar ser presos de cualquier suerte de "internacional negra", y la falta de compresión del potencial de una dimensión verdaderamente internacional, más fácilmente accesible; por ejemplo en términos de capacidad de superar las crisis locales contingentes, de disminución de la vulnerabilidad a la represión y al "black-out" mediático, de movilización mítica de los militantes. Secundariamente, pesó muy negativamente el progresivo vacío de la función central del GRECE (presa del micro-leninismo de los funcionarios antes descritos, siempre más asfixiantes en su tentativa de sobrevivir a sí mismos en su improductividad metapolítica) a favor de una supuesta "corriente" y "comunidad", de cuyos confines e identidad, por cuanto indefinidos, se hipotetizaba que eran los mejores para mantener la riqueza, variedad u organicidad típicas de los grandes movimientos culturales, y sobre todo para evitar los golpes de la reacción, penetrar en los ganglios del poder cultural y evitar la temida "transformación en secta". En fin, al final terminó insostenible para muchos la ambigüedad respecto a los temas de la política real, cuyos contenidos eran justamente rechazados como inesenciales, pero que terminaron condicionando negativamente al movimiento como una suerte de "angelicalismo" y de "neutralidad" en toda materia, dada las posiciones públicas de Alain de Benoist, quien había rechazado en los años setenta, patrocinado por Maurizio Cabona, asumir la titularidad de una firma en el "Candido" de Giorgio Pisano, revista no precisamente arcádica.

Esta involución no pudo remediarla por si solo Guillaume Faye, con una incesante animación de iniciativas siempre más personales y "paralelas" –desde las transmisiones radiofónicas de temática postmoderna "Avant-Guerre", hasta la creación de siglas y actividades –como "l'Institut des Arts et des Lettres" (Instituto de las Artes y las Letras) o el "Collectif de Réflexion sur le Monde Contemporain" (Colectivo de Reflexión sobre el Mundo Contemporáneo)–, llevadas adelante sin un sueldo, un apoyo o un patrocinador, y contempladas con indiferencia, suficiencia y creciente hostilidad desde los vértices del movimiento, aparentemente cada vez más interesado, cuando no se ocupaba por la contabilidad, por las mistificaciones del arte moderno, la poética sobre los elfos en la Sajonia del siglo XV o los "decisivos" debates con Thomas Molnar sobre la cuestión de si lo divino se expresa "en" el mundo o "a través de" el mundo.

El abandono final de Faye devino así –junto con la muerte de Locchi, por lo demás ya aislado del movimiento muchos años antes, en el aparente ocaso de la Nueva Derecha– el símbolo de la conclusión de un ciclo, y el inicio de un periodo de relativa desmovilización en toda Europa, que vió a algunos refugiarse en la política tradicional, a otros en el ámbito de lo privado, y a muchos en confortables "capillas" locales con contactos externos cada vez más reducidos. Sin animar las escisiones, sin intentar apuntalar un flanco ni señalar una dirección, sin mucho menos "convertirse" a lo Marco Tarchi, Guillaume Faye se retira durante un decenio a la sombra, mientras el GRECE, naturalmente sin pagar derechos de autor, continúa utilizando sus escritos, no sin tolerar ciertos rumores según los cuales Faye estaba loco, tenía el cerebro embrutecido por la droga o había sido reclutado por la CIA.

En este escenario, su re-emersión, a finales de los "malditos" años noventa que vieron el derrumbe de tantas esperanzas y el triunfo del Sistema mundialista inútilmente denunciado y combatido con increíble clarividencia, no pudo sino representar para mí un presagio de buen augurio, y un estímulo para una re-movilización de cada uno, con el acostumbrado "pesimismo de la razón, optimismo de la voluntad", que no es sino la lógica del que no puede hacer otra cosa y no puede sino encontrar una dimensión existencialmente atractiva en la sola propia vida cotidiana, profesional y familiar.

Que los diez años no habían pasado en vano está bien ilustrado por la aparición del ensayo sobre "El Arqueofuturismo" (París 1998, L'Aencre, 12 rue de la Sourdière) (8), que en trescientas páginas diseña un balance comprensivo de treinta años de debate político y cultural europeo, de la sociología de la concertación a la política y el significado cultural del deporte, del cine y la música a la genética y la homosexualidad, de la inmigración y la globalización a los modelos económicos, la religión y la ecología, para concluir con una "novela" arqueofuturista que constituye una sugestiva continuación al prólogo de "El Sistema contra los pueblos": si entonces se trataba de una figuración, durante una época considerada "paradójica", de cómo el mundo estaba en efecto a las puertas de su transformación con la victoria mundialista, ahora se trataba de la descripción de un mundo inversamente transformado en un escenario "arqueofuturista", en donde también tenía su pequeño puesto un… descendiente directo mío en la Milán del año 2073.

Como siempre, la mirada penetrante de Faye diseña nuevas pistas ya antes batidas, une lo impensable, despedaza los ídolos y los tópicos del pensamiento hegemónico, combate el conformismo… del pensamiento anticonformista, ayudando a cada uno de nosotros a pensar hasta el fondo todo aquello que ya piensa. La ruptura con la Nueva Derecha, de cuyas experiencias diseña un balance equilibrado y al margen de toda lógica de resentimiento personal que pudiera tener miles de justificaciones, hace ahora más libre el análisis tanto de las tendencias dominantes (respecto a las cuales destacan las cautelas del "political correctness" presentes en tantos escritos del movimiento) como de las carencias del mundo que ha buscado defenderse y afirmarse en oposición a ellas, desde el redescubrimiento de las identidades regionales a la defensa del cine nacional desde una oposición política militante.

"El Arqueofuturismo" fue continuado, por la misma editorial, por una reedición corregida y aumentada" del ya citado "Nouveau discours à la Nation Européenne", seguido a su vez por "La colonisation de l´Europa – Discours vrai sur la Colonisation et l´Islam" (9), que representa uno de los más interesantes estudios publicados en materia de política demográfica, inmigración y colonización de nuestro continente.

Decimos "estudio" para subrayar el grado de profundización, pero también insólito en cuanto al argumento y el trato. Aunque no será ciertamente una sorpresa para los lectores que conozcan al autor, es necesario precisar que las intenciones del libro no son precisamente "inocentes".

"Son muchos los que intentaron disuadirme de escribir este libro. Me avisaban con argumentos del tipo: No es necesario decir las cosas como son. Es peligroso, ¿Entiendes? Hubieras podido escribir un ensayo ilegible y pseudofilosófico, o vagamente sociológico, sobre las virtudes comparadas de la asimilación, la integración y el comunitarismo. Pero el intelectualismo burgués no me interesa (…) La apuesta de la disidencia es hoy la más fecunda. Ésta es la del pensamiento radical… Se trata de retornar –lejos de todo extremismo– a las raíces de las cosas, y atacar las cuestiones fundamentales de la época. No se debate del sexo de los ángeles cuando los bárbaros asedian Constantinopla. Ahora bien, la cuestión principal de la época es la más visible y a un tiempo la más clandestina, aquella de la que todos hablan pero que no es abordada sino con medias palabras y en voz baja, es decir la colonización demográfica que sufre Europa por parte de los pueblos magrebíes, africanos y asiáticos y se acompaña con una empresa de conquista del suelo europeo por parte del Islam. No es una curiosidad política, es un advenimiento histórico clamoroso, sin precedente alguno en la historia europea por mucho que queramos alargar la memoria. Se trata ante todo de tomar acto, de desvelar a las conciencias este hecho capital. No para admitirlo ni para mejor "convivir", sino para rechazarlo y abrir el debate sobre la manera de combatirlo e invertir su marcha (…) Es urgente. La casa está en llamas. No se trata de hacer folklore, ni de insultar, ni de profundizar en delirios odiosos, ni de un racismo de portería. Se trata de afirmar. De afirmarse con rigor y con determinación y defender el derecho imprescindible de los europeos a continuar siendo ellos mismos, un derecho que se les niega mientras le es reconocido a todos los otros pueblos del mundo… El tiempo de las prudencias metapolíticas ha terminado". Y el autor concluye: "En este libro preconizo la guerra civil étnica y apelo a la Reconquista".

Podemos continuar. El libro contiene gran cantidad de datos, anécdotas, análisis, refutaciones, puntos que desenmascaran la censura de desinformación del Sistema sobre el tema, que denuncian la gravedad calamitosa de las consecuencias socio-politicas y socio-económicas que se anuncian, poniendo en vereda las ilusiones de controlar el fenómeno y las "ilusiones" prefabricadas sobre las cuales debate la "política politicante".

Contiene también numerosas provocaciones, fecundas y desalentadoras también respecto a ideas o temas dados por descontado entre los opositores al mundialismo. Leemos, por ejemplo, respecto a los pueblos del Tercer Mundo: "No somos nosotros quienes han "destruido sus culturas", como pretenden los defensores –en el fondo rousseanianos y adeptos del mito del buen salvaje– del etnopluralismo, ya sean de derecha o de izquierda. ¿Después del paso de los europeos, las culturas árabe, índia, china, africana, etc., se han cancelado y desaparecido? Para nada. En realidad han quedado mucho más vivas y mucho menos occidentalizadas y americanizadas que las pobres culturas europeas". O aun más: "En general, el pauperismo de muchos países del sur del mundo no es la consecuencia del colonialismo o del neocolonialismo, sino de la incapacidad de hacerse cargo de sí mismos, aun cuando posean inmensos recursos naturales. También yo he pensado que el colonialismo europeo era cínicamente responsable, por gusto del beneficio, del pauperismo del Tercer Mundo. Es una visión intelectual que abandoné hace tiempo".

Otra tendencia de un cierto fenomeno en Italia, de la cual el libro hace sumariamente justicia, es aquella que Faye había liquidado junto a la Nueva Derecha de los inicios de los años ochenta, pero que ahora resurgía a caballo de su involución neotradicionalista. Hablamos de la tendencia a afirmar la existencia de una Tradición fundamentalmente unitaria, metacultural y metarracial por cuanto metafísica, de la cual Europa habría participado en el pasado, "paritariamente" (según el Evola de postguerra), o "parasitándola" del Oriente (como dice Guénon), y cuyos vestigios sobrevivieron eventualmente en otro lugar. Es obvio que el "antimodernismo" de tales corrientes no es en absoluto suficiente para fundar teóricamente una praxis política y metapolítica de oposición a la globalización. En conjunto, no representan sino una variante "invertida" del progresismo linealista, universalista y homologador del Sistema, en la común indiferencia a las tradiciones concretas y plurales y a la conservación y desarrollo de las identidades irreductibles de las cuales está compuesta la especie humana, indiferencia fundada sobre una supuesta "unidad trascendente de todas las religiones", así como de todas las razas y culturas (que representarían, a lo sumo, grados diversos en una jerarquía de valores comunes, o de decadencia irresistible).

Aún más. Faye es muy claro en reivindicar los límites de la tolerancia "politeísta" al Otro-en-sí, límites por lo demás bien presentes también en la reacción de la romanidad más conservadora y menos decadente, de Nerón a Celso y Juliano, contra la intolerancia y el sectarismo de importación medio-oriental que habia llegado para pervertir la identidad etno-cultural del Imperio. Sobre un plano más político, otro tema subyacente a todo el texto contenido en "La colonización de Europa" es la implícita visión identitaria que hace forzosamente diferentes las naturalezas de los movimientos migratorios internos, intraeuropeos, y la colonización por parte de las poblaciones foráneas.

Es este un aspecto que merece ser resaltado en nuestro país (Italia), donde los obispos predican la inmigración de asistentas y trabajadores filipinos, "bravos católicos", y donde todo transexual mulato brasileño encuentra trabajo rápidamente en las calles tras desembarcar con un visado de turista en cualquier aeropuerto nacional, mientras las raras "exhibiciones de fuerza" del régimen son reservadas a croatas, albaneses, búlgaros, yugoslavos, rechazados de cuando en cuando al mar con sus mujeres e hijos, concentrados a la Pinochet en los estadios por orden del ministro del interior, ¡mientras su gobierno discute la admisión en la Unión Europea de Israel y Turquía!

Los mismos procesos lingüísticos en uso tampoco son inocentes. La imposición por parte de los "media" y del lenguaje burocrático del término "extracomunitario" (término nunca aplicado a los suizos o americanos, y que en sustancia significa "de color") es absolutamente elocuente de la tentativa de acreditar una pretensión común de pertenencia económico-comunitaria y promover una "solidaridad" implícita, pongamos por caso, con un jamaicano de ciudadanía británica o con un nacional de religión judaica, en contraposición a la pretendida "extrañeidad" nacional de un húngaro o de un croata. También esto sirve para negar y dividir la identidad europea, facilitando su fagotización. Por lo demás, el libro de Faye es sobre todo una invitación a la reflexión, a la toma de posiciones y al debate. "Las tesis que sostengo no son dogmas. Llevar el debate hasta las cosas esenciales, electrizar las consciencias, éste es mi único objetivo. Soy un provocador. Informaos sobre la etimología latina de este término".

Por ello recojo la invitación del autor continuando un diálogo personal y a distancia que dura ya, al menos, veinte años, tomando posiciones sobre algunas de las cuestiones por él levantadas.

Un punto sobre el cual Faye, yo, y lo que resta de la Nueva Derecha estamos absolutamente de acuerdo es en la crítica y el rechazo del asimilacionismo, o del denominado "racismo integracionista". La procedencia francesa de la más fuerte denuncia de esta tendencia, sea en sus formas explícitas y conscientes como en sus formas latentes, es más que significativa. Francia es, en efecto (aunque en medida menor que los Estados Unidos) la patria de elección de la ideología integracionista más dura. Ideología abstracta, irrealista, que prolonga el monoteísmo político del jacobinismo y encuentra su mismo origen en la Francia de los Cuarenta Reyes, de la Revolución y del rechazo al modelo imperial, a favor tanto de la negación tanto de las realidades políticas, étnicas y culturales supraordenadas, como de las mismas nacionalidades diversas alojadas en el "Hexágono" francés, reprimidas y canceladas durante ochocientos años con una dureza y sobre todo con una tenacidad que ha tenido pocos iguales en Europa.

Tal tendencia se refleja inmutable en la política y la cultura colonial francesa, aunque otros colonialismos no han sido inmunes. Pero el italiano o el alemán, por ejemplo, estaban poseídos por la idea de expansión imperial, y el anglosajón era en el fondo la expresión de un instrumento mercantilista de una clase de aventureros que marchaban de sus comunidades locales para recrear caricaturas periféricas e impermeables de la sociedad inglesa en la jungla de Borneo o en la sabana africana. Francia, sin embargo, devino el escenario de los prefectos, de los burócratas y de los gendarmes encargados de la administración de los territorios y dominios de ultramar según el modelo centralista del Estado-nación, con su séquito de instructores que enseñaban a los pequeños senegaleses a repetir en coro: "Nuestros antepasados, los galos, eran altos y rubios" ("Ils étaient grands, ils étaient blonds, nos ancétres, les Gaulois"), y a apreciar las virtudes republicanas.

Esta tendencia, más difusa en su versión "humanitaria", "misionera" y "redentora", habita todavía profundamente, en su versión "dura", también en el espíritu de cierta derecha francesa, especialmente gaullista (por ejemplo, Charles Pascua o Alain Griotteray), gracias a una claramosa afirmación del principio sacrosanto según el cual un pueblo no es (sólo) una raza, sino sobre todo un proyecto común al que cualquiera -- independientemente de su origen étnico -- puede unirse. El "asimilacionismo forzado" no es tampoco extraño a ciertos ambientes italianos que se declaran de algún modo antiimigracionistas o, como mínimo, favorables a un control de la inmigración, particularmente a algunos componentes del ambiente legista.

La variante práctica y menos intelectualmente pulida de esta inclinación corresponde, por lo demás, a las versiones pequeño-burguesas y "de derechas" de la nostalgia de "un" proletariado, sea cual sea, del cual se siente evidentemente su ausencia. ¿Cuántas veces hemos oído decir: "El huésped debe respetar las reglas de la casa", o "No tengo nada contra los inmigrantes, siempre que respeten las leyes / hablen nuestra lengua / hagan un trabajo honesto / se comporten como los demás / no sean molestos / hagan la comunión todos los domingos / se vistan como nosotros / se comporten como "personas civilizadas", con segundas intenciones más o menos alucinatorias sobre la posibilidad, mejor dicho el derecho, de convertir al inmigrante extra-europeo en alguien "como nosotros", pero deseablemente más gentil y amable, dispuesto a trabajar en el mercado negro, a bajo coste y a tiempo indefinido, a prestarse para realizar "los trabajos que los europeos ya no quieren hacer"?

Al contrario, la realidad nos dice que el asimilacionismo solo puede funcionar al límite únicamente con minorías demográficamente insignificantes y étnicamente próximas. Pero en el resto de los casos no es sino una vía acelerada hacia el mestizaje cultural, también para los "asimiladores", y a la perdida brutal de la identidad de los inmigrados, de sus pertenencias y reglas comunitarias y, necesariamente, hacia una militarización creciente de la sociedad, ya que la integración forzada, cuando no es causa de una definitiva destrucción de la identidad de los ingredientes (de los alógenos y de los autóctonos), solamente puede ser mantenida por medio de una presión constante, sustancialmente policíaca.

Partiendo de los grupos espontáneos que se forman según el orígen en las aulas escolares hasta la composición del panorama urbano, los grupos etnoculturales tienden sin embargo a separarse como los componentes de una emulsión de agua y aceite, hasta el punto en que, cuando los "blancos" devienen ya irrelevantes, explota la rivalidad étnica, ahora con mayor intensidad, entre los etíopes y los egipcios, los nigerianos y los senegaleses, los cubanos y los puertorriqueños. Un famoso cómic de Lauzier muestra una mujer blanca de la periferia parisina, siendo entrevistada por un periodista de "Le Monde" sobre el racismo: "Ah, sí. Tenemos un grave problema en nuestro barrio con la intolerancia entre los bantúes y los mandingos… ¿Cómo dice? ¿Con los franceses?. No. Nadie nos hace caso, somos tan pocos…"

La misma particular crueldad de la guerra de Argelia refleja, por lo demás, la intolerancia y la incomprensión jacobina de los motivos por los cuales algunos "franceses" de ultramar pudieron, llegados a un cierto punto, tener ciertos motivos para rebelarse y traicionar a la "patria", puesto que la piel, la religión, usos, lengua y geografía no eran sino accidentes privados de peso en la visión idealista, abstracta y burocrática de la patria del gobierno francés de la epoca.

Un equivalente contemporáneo de la ideología colonialista de modelo "francés" es la idea, ya no inaudita en Italia, ya no sólo en los ambientes legistas, sino ahora también presente entre el electorado de "Alleanza Nazionale" (10) y de los partidos católicos del Polo, de acoplar un eventual y veleidoso "control" o "limitación" de la inmigración con la nacionalización forzada de los inmigrantes y de las poblaciones étnicamente extrañas que han adquirido ya la ciudadanía, a base de peticiones populares contra la edificación de mezquitas, del monolingüismo obligatorio o de la prohibición del uso del chador (hasta el punto de poner en cuestión la tolerancia de siempre hacia las monjas católicas). Actitudes que reproducen exactamente tanto la represión centralista tradicional contra las minorías autóctonas –especialmente en Francia (como bien saben corsos, vascos, bretones, normandos, occitanos…), pero también en nuestro propio país (caso del Tirol Sur)– como el tipo de ideología "colonialista" antes descrita, que en este caso sería aplicada a una especie de "re-colonización" puramente ideológica, prescindiendo del elemento etnodemográfico… del propio territorio nacional, y/o de la "mano de obra" cuya importación ha sido ya diseñada.

Así, al contrario que en la perspectiva "imperial" diferencialista, italo-alemana", en la perspectiva del "racismo asimilacionista" francés, la hibridación y el mestizaje no son solamente irrelevantes, sino incluso fenómenos positivos en cuanto conducen, en tal visión, a la "absorción" y a la "conversión", ayer del "colonizado", hoy del inmigrante, hasta transformarles en "ciudadanos" de la "república". Ahora bien, es fácil notar que tal punto de vista no es sino la versión "nacional", "politizada" y autoritaria de la globalización y homogeneización planetaria impuestas por el Sistema, tal y como la revolución francesa y Rousseau fueron las versiones locales de la revolución americana y de Locke, respectivamente.

Esta actitud es ciertamente "racista", en cuanto toma en cuenta la identidad cultural y étnica del Otro para abolirla e integrarla en un modelo propio, pero no tiene nada que ver con el pensamiento identitario europeo (ni africano, japonés, etc.). La demostración de la absoluta confusión mental que reina al respecto es la dada por las definiciones en términos de "limpieza étnica", con referencias más o menos explícitas al nacionalsocialismo (!) de la supuesta política de violaciones en masa desarrollada en Yugoslavia, cuyo resultado en términos procreativos, obviamente, no podía sino ser diametralmente opuesto a cualquier objetivo de defensa o "purificación" de la identidad étnica de los violadores. Aquí, ahora, nos encontramos entre grupos que, entre fuertes rivalidades históricas, y por ello entre una inevitable acentuación polémica de las diferencias existentes, viviendo en la misma región durante siglos, y presentando durante siglos un fuerte cruce de componentes políticas, lingüísticas, genéticas, religiosas, etcétera, que no tiene nada que ver con la hipotética convivencia, viviendo en los mismos barrios y en los mismos edificios comunales, con poblaciones provenientes de todos los posibles extremos del espectro ofrecido por la especie humana y por la geografía.

Así, el asimilacionismo "de derechas" aún piensa en celebrar sus propios complejos de superioridad en el intento de forzar a los inmigrantes (que creen poder importar "por encargo", según las necesidades coyunturales del momento) a convertirse en… caricaturas de los europeos, con la idea de tener una propia reserva de esclavos a su pronta disposición; exactamente como el asimilacionismo católico-comunista (11), en el fondo, contempla con buenos ojos la inmigración en su idea de convertir a los extraeuropeos a la democracia, al humanitarismo y a las religiones locales, con la idea de tener a su disposición una buena masa de desarrapados que puedan cambiar la vacilante fortuna de sus estructuras militantes.

Es casi inútil revelar cómo, en el mejor de los términos, los resultados son contrarios a los esperados por los mismos aprendices de brujo, puesto que el intento de asimilación forzada de importantes flujos migratorios fuertemente heterogéneos genera en realidad, aun más que la política "multicomunitarista" de la sociedad a manchas de leopardo sobre la cual hablaremos, costes sociales (y también, al final, costes económicos) espantosos, odios y enfrentamientos raciales, así como sociedades depauperadas, policíacas, asustadizas, híbridas, perdidas, confusas, violentas, en las cuales no tienen un gran peso los intereses de la burguesía blanca ni los valores "biempensantes", y en las cuales la política se transforma en una cuestión de simple pertenencia de tipo tribal.

La explosiva situación francesa de nuestros días reproduce por lo demás, "mutatis mutandis", el profundo cambio verificado en los últimos veinte años en el país que hizo del "melting pot" su mismo mito de fundación: los Estados Unidos de América, en donde las mismas "minorías", o menor los componentes étnicos menos favorecidos, tienden a re-ghettizarse, recreando comunidades homogéneas en difícil convivencia o en abierto conflicto con sus vecinos, dotadas con una vida social propia, civil y religiosa, con una propia economía local más o menos en los límites de la legalidad y la ilegalidad, con sus propios líderes, etc.; y en las cuales la "integración" tiende, cuando no al nivel del mero discurso teórico, a refugiarse en las provincias declaradas como "zona franca" y en las instituciones comunes, como las fuerzas armadas, los "show-business", el deporte profesional, etc., antes que permear la vida cotidiana de las masas de población.

Con algunas significativas diferencias, que Faye es el primero en recordar. Primera entre todas: que los Estados Unidos, a diferencia de los países europeos, se han dado forma a sí mismos a partir del rechazo colectivo de la identidad y de las pertenencias orgánicas (también aunque, como se ha dicho, reemergen constantemente), rechazo que constituye la misma razón de ser de un país que goza de recursos y espacios inmensos no sólo en sentido geográfico, espacios donde poder difuminar las comunidades étnicas, religiosas, etc., y donde pueden permitirse, al menos fuera de los grandes conglomerados urbanos, unas condiciones de relativa segregación; un país donde la naturaleza compuesta de su base social ya conoce una inmigración, legal o clandestina, fuertemente limitada y organizada sobre la base de un sistema de cuotas, y no una invasión salvaje de desesperados alógenos; un país, en fin, cuyo poder de "reducción" y de "control" de la identidad por parte del Sistema es el más eficaz del mundo, gracias en parte a los enormes medios que dispone el poder local, y gracias también a su dominio sobre el resto del mundo.

Por no mencionar el hecho de que la sociedad americana es mucho más brutal y pragmática (cosa por cierto normal para una sociedad de "pioneros", o cuando menos de sus herederos) frente a todo cuanto nos gusta pensar, o sea tolerar, en Europa. Con un sistema judicial ciertamente en mucho sentidos más "garantista" que el nuestro, el ciudadano americano convive perfectamente no tanto con una pena de muerte rara y tardíamente aplicada sobre todo por costosa (los gastos por los procedimientos relativos se cuantifican en varias decenas de miles de dólares por cada ejecución), sino mucho más concretamente con una población carcelaria en proporción diez veces superior a la italiana o la francesa, con un derecho penal basado en penas elevadísimas, y con métodos de control social –dada la inexistencia de una previsión digna de este nombre en lo relativo al comportamiento práctico sobre el territorio de los "vrai law enforcement officers"– cuando menos sospechosos para nuestros actuales "standards".

Igualmente es digna de mención la crítica radical de Guillaume Faye a las posiciones respecto a los problemas consecuentes de la colonización de Europa por la Nueva Derecha actual, cuyos exponentes, hoy, como alternativa a la entropía socio-cultural y a la desnaturalización de la civilización europea, proponen el fantasioso escenario de una sociedad multiétnica y comunidades diferenciadas, cada una de ellas enraizada en la propia identidad específica, ¡sobre… territorio europeo!

Así, la revista "Eléments" (n. 91, 1998) publicó un dossier titulado "El desafío multicultural", con una mujer magrebí velada en la portada gritando con megáfono frente a la sede de la CRS (policía francesa) en claro disturbio de orden público. Tal "dossier" está perfectamente citado en "La colonización de Europa", en donde las críticas van dirigidas sobre todo al título, pero no sólo.

Ya la palabra "desafío" dice el autor, sugiere que la inmigración en masa, la colonización demográfica que sufrimos, sea un desafío a aceptar, un dato al cual hacer frente para adaptarse. "Esto es fatalismo y etnomasoquismo. Es más, ¿por qué decir "multicultural" cuando el problema es multirracial y multiétnico? ¿Por qué cancelar esta dimensión antropo-biológica y religiosa de la inmigración, cuando nos encontramos frente al arribo masivo de poblaciones radicalmente alógenas y de un monoteísmo teocrático, el Islam, y no frente a la aportación "arriesgada" de "nuevas culturas", como infelizmente sugiere "Eléments"?

Esta actitud conduce objetivamente a travestir la realidad volviéndola neutra, "simpática", aceptable, a hacer pasar una colonización agresiva por una presencia pacífica y fraterna de "otras culturas". Se llega así a la afirmación del discurso de la izquierda y del episcopado francés: la inmigración sería una riqueza (cultural, etc.) para Europa. "Encuentro un pecado que los intelectuales de la Nueva Derecha actual hayan caído en semejante trampa. Como si el multiculturalismo no fuese ya una riqueza europea autóctona, como si tuviésemos necesidad imperiosa de afromagrebíes y musulmanes… para enriquecer nuestro natural pluralismo de identidades entre los europeos"

Según el editorial del número en cuestión de la revista, "como todo fenómeno postmoderno, el multiculturalismo… busca conciliar la memoria y el proyecto, la tradición y la novedad, lo local y lo global; representa una tentativa de sustraerse a la homogeneización institucional y humana" realizada por el Estado represivo y terapéutico. El multiculturalismo y el "comunitarismo" (en el sentido de promoción de la constitución y mantenimiento de comunidades diferenciadas por razones de pertenencia) podrían así "facilitar la comunicación dialogadora y por ello mismo fecunda entre grupos claramente situados los unos respecto de los otros", y ofrecerían "la posibilidad, para aquellos que lo auspician, de no deber pagar su integración social con el olvido de sus raíces". Ahora bien, se pregunta Faye: ¿pero porqué deben afirmar sus raíces aquí, entre nosotros?

Ante un relieve tan obvio, reforzado por la fácil constatación de que ningún país europeo, incluyendo a aquellos con fuerte emigración, sueña con consentir a otros pueblos, constituidos como tales, intentar nada semejante sobre el propio territorio, podemos añadir que tal visión, por mucho que pueda aparentar ser "moderna", "realista", "constructiva", "sin prejuicios", resulta en realidad fatalista, conservadora y, sobre todo, perfectamente irreal. A toda inmigración corresponde necesariamente una emigración, que empobrece, destruye y altera los equilibrios naturales y las tradiciones de la cultura de procedencia, tanto en el país abandonado como obviamente aun más en la población que se transfiere. Con toda la simpatía por los esfuerzos de los emigrantes italianos para conservar una identidad en los países de acogida, no creemos que nadie pueda probar nostalgia por los países vaciados y abandonados a los viejos, los criminales, los parásitos, o por las parodias de "sociedad italiana" recreadas en las varias "Little Italy" que viven entre la tentación de integrarse y la tenaz conservación de hábitos privados de un significado que no sea puramente folklórico.

Por no hablar de la estaticidad de una tal visión, que no toma en cuenta los flujos aun en acto y su potencial capacidad de expulsar de su territorio a las poblaciones autóctonas, desde el punto de vista físico, demográfico y político. Faye cita a este propósito el ejemplo de Kosovo, cuna de la nacionalidad serbia y convertido objetivamente en albanés a pesar de los esfuerzos del régimen de Belgrado; pero tal ejemplo no nos parece apropiado, pues se trata de fenómenos que permanecen en un lugar en cierto modo superficial, puramente político o, a lo más, lingüístico. Un ejemplo más adecuado de aquello que la "sociedad multicultural" puede aportar a Europa sea quizás el aportado por la "enriquecedora" inmigración extra-americana a los nativos de América del Norte. ¿Acaso los amerindios no gozan de una sociedad "multicultural"? Sí, pero solamente si por tal definición entendemos la supervivencia de cuatro alcohólicos fumando el calumet para gozo de los turistas de la reserva, cuyos hijos hablan exclusivamente inglés en un 95% y expresan su propia identidad mediante el deseo de ingresar, en la escuela, en una banda de pandilleros puertorriqueños o chinos. Esta perspectiva, que según "Eléments" conciliaría "la memoria y el proyecto", no ofrece ningún espacio ni a la primera ni al segundo.

Ciertamente, es más "trendy", y también demagógico (al menos entre los mismos inmigrantes y los intelectuales de la "political correctness"), "tomar nota" del pretendido carácter "irreversible" de la repoblación ya en marcha, y hasta del fenómeno migratorio todavía en curso, y estudiar "soluciones" a partir de este dato.

La solución propuesta por la Nueva Derecha es por otra parte, en sus últimas consecuencias, exactamente aquella antes combatida bajo los nombres de Sistema, americanización, mundialismo o globalización. El desarraigo territorial, la proletarización, el despedazamiento de todos los lazos comunitarios e identitarios en los aspectos que cuentan verdaderamente (el Estado-nación, el pueblo, la región) encuentra una compensación puramente virtual, consoladora y consumista a nivel de parroquias, "reservas", escuelas para extranjeros, ghettos para emigrantes de similar procedencia, etc. Todo esto no es ni siquiera el modelo americano, donde existen comunes valores federales, como no sea en negativo; es más bien el modelo del apartheid, del "desarrollo separado de las culturas" de la memoria sudafricana, que no resultó demasiado bien para ninguna de las culturas implicadas, salvo quizás para los intereses de los círculos especuladores anglo-hebreos; es el modelo que de seguro no goza de ninguna buena prensa en Europa y en el Tercer Mundo, si ésta fuese nuestra preocupación principal.

No se puede eludir esta realidad haciendo poesía. Leemos nuevamente en "Eléments": "En los últimos treinta años, el mundo ha entrado en una nueva era marcada por la diseminación y la reticulación: las pirámides ceden el puesto a los laberintos, las estructuras a las redes, lo vertical a lo horizontal, los territorios a los flujos". La inmigración no sería sino un fenómeno postmoderno, parte de un proceso mundial, aceptable e ineludible, al cual sería ilusorio y reaccionario oponerse. Pero, sorprende que los autores del dossier eludan que tales ideas resultan impregnadas de determinismo y de un fatalismo en verdad sorprendente en un movimiento intelectual fundado en torno al rechazo de las visiones lineales, deterministas, providencialistas o progresistas, de la historia.

Como apunta Faye, esta visión traduce por lo demás una falta de perspectiva geográfica e histórica (el fenómeno en cuestión, a diferencia de la "globalización", contra la cual sin embargo se continúa combatiendo, no afecta a una escala global; y la experiencia del pasado es rica en ejemplos de intensos cambios que han conducido a la destrucción de la identidad y del tejido social de los protagonistas relativos). Ahora bien, por "anticolonialismo", este aspecto caleidoscópico, esta naturaleza reticular del mundo contemporáneo, parece atribuir un derecho de repartición y colonización del territorio y de la sociedad exclusivamente a las poblaciones extraeuropeas empujadas a transferirse entre nosotros, lo cual cuando menos es difícil de justificar. En fin, después de tanto hablar de "comunidad y sociedad", este discurso comporta la renuncia a ver realizada en Europa y en los singulares países que la componen una verdadera estructura comunitaria y orgánica, en favor, mas bien, de la implantación sobre nuestro territorio de una "sociedad multirracial de comunidades" más o menos utópicamente confederadas por un contrato social basado sobre puros intereses comunes.

Este género de tesis nace en realidad de dos errores. La primera, una deriva y un equívoco de fondo de carácter ideológico. "Se comienza", comenta Faye, "por defender con justo derecho una concepción politeísta de la sociedad contra el universalismo asimilador, el centralismo jacobino, el republicanismo igualitario que niega la comunidad orgánica y las diferencias en beneficio de un individuo abstracto, simple consumidor desarraigado y "ciudadano" desencarnado. Esta visión se opone al modelo americano (y francés) de Estado, cuyo "crisol" pretende homogeneizar los pueblos en una masa nacional eventualmente animada por un patriotismo abstracto, y en la práctica por valores cosmopolitas". Esta visión, sin embargo, intentaba en sus inicios una defensa de la identidad de los pueblos europeos contra el centralismo de los estados-nación primero, y contra el universalismo mesiánico y tecnocrático del Sistema después, que intentan eliminar las diferencias y las pertenencias; es una visión, sí, "plural", pero étnica y arraigada. Más tarde se desvía: el principio del etnopluralismo es exagerado, pervertido. Se olvida la noción de proximidad étnica. Se ponen en un mismo plano las sacrosantas reivindicaciones autonomistas de los bretones, los tiroleses, los escoceses, los vascos, los corsos o… los italianos del norte –reivindicaciones centradas en gran parte sobre el mantenimiento del control económico y estructural del propio territorio contra la amenaza de colonización– y la creación, nada más y nada menos, de espacios de contrapoder de comunidades inmigrantes instaladas sobre nuestro territorio.

Llegamos así al punto en donde Charles Champetier, siempre en "Eléments", llega a escribir: "En una sociedad pluriétnica, las culturas no deben ser solamente toleradas en la esfera privada, sino reconocidas en la esfera pública, en particular bajo la forma de "derechos colectivos" específicos de las minorías." Buen cuadro, en verdad. Si la difusión de tales tesis se extendiese improbablemente tanto a los ambientes de la inmigración como a nosotros los europeos de origen, una vez convertidos en minoría podremos (quizás) continuar regulando nuestros asuntos internos. Eso o simplemente extinguirnos, después de haber debidamente colaborado, con nuestro ejemplo de borregos, a la occidentalización y al suicidio cultural de los mismos inmigrantes. Y no esperemos que la tolerancia, o incluso la promoción, del poder de la comunidad inmigrante sobre sus propios miembros tenga efectos limitados sobre los desvíos criminales de éstos últimos. Las experiencias históricas de "política de ghetto" demuestran que tales expectativas son completamente utópicas.

Igualmente, el reclamo hecho a propósito por la actual Nueva Derecha al modelo imperial, al politeísmo político y al "derecho a la diferencia" un poco incoherente. Se trata, muy al contrario, de rechazar con la inmigración la reducción forzada de las diferencias y de las pertenencias arraigadas y plurales, impuesta por un monoteísmo práctico (el universalismo de los Derechos Humanos y del indiferentismo trámite de la folklorización, que en parte camina también con las piernas de los monoteísmos religiosos, en particular de variante islámica), desnaturalización niveladora que representa exactamente la negación de tal "politeísmo".

Particularmente mal elegido resulta en particular el ejemplo del Imperio romano, cuando precisamente la Nueva Derecha ha subrayado tantas veces las consecuencias de su trágica inclinación, a pesar de los ocasionales sobresaltos de conciencia, al considerar superficialmente al dios judeocristiano "un dios como tantos otros" y al concederle apresuradamente la ciudadanía.

Una segunda componente, casi más psicológica que ideológica, de este tipo de posiciones es la desesperada convicción de que la presencia de comunidades organizadas, tradicionalistas y antioccidentalistas sobre nuestros territorios limita el mestizaje (una especie de "confianza en el racismo de los otros") y pueda por ello inducir a los europeos a redescubrir, por contraste y por imitación a un mismo tiempo, la propia identidad.

Tal convicción no tiene ningún fundamento real. Ante todo, una componente significativa de la inmigración mira decidida y espontáneamente hacia la integración, y los matrimonios mixtos, por lo demás de media poco estables, se intensifican inevitablemente, así como se pervierten las lenguas y se alteran las costumbres. El mismo improponible sistema indio de las castas, trágica tentativa de una ínfima minoría conquistadora de no ser reabsorbida por las poblaciones conquistadas, muestra el inevitable fracaso de las políticas de este género; pero además, aquí no estamos frente a una comunidad estable, sino ante un aluvión migratorio incontrolado, aun en acto heterogéneo incluso desde su propio interior y poseedor de una dinámica demográfica superior a la de las poblaciones autóctonas.

En cierto modo, esta posición se asemeja a la postura puramente defensiva del extremismo "blanco" y boer sudafricano, que al final del régimen no apoyó sin embargo al gobierno "nacional", alegando: estamos aquí desde ocho o diez generaciones, somos una minoría; ¿en qué somos diferentes de los zulúes? Hagamos como ellos y transformémonos en una tribu celosa y custodia de los propios intereses colectivos, en competición con las otras tribus, en lugar de hacernos cargo de todos los "problemas" y del gobierno de la sociedad. Un nivel de replegamiento que, en la Europa contemporánea, parece todavía francamente excesivo.

Por lo demás, los inmigrantes que rechazan la asimilación suelen ser radicalmente antieuropeos –y por ello reclaman polémica y propagandísticamente temas identitarios con fines de su propia afirmación como grupo en nuestra sociedad, sea de forma política, intelectual, mafiosa o pandillera de barrio– sin necesidad de ser por ello antioccidentales en sus comportamientos y en sus valores prácticos.

La cosa está más que demostrada por los poquísimos deseos que muestran de retornar a sus lugares de origen –cuyos estilos de vida y cuyas reglas, especialmente para las mujeres, los jóvenes y los intelectuales, les resultarían ya inaceptables– también una vez que eventualmente han "hecho fortuna", y es por ello que cesa la ayuda del "hambre" cantada por los inmigracionistas. La reivindicación de cuotas de reserva, reclamada a la administración pública especialmente por los musulmanes, no se acompaña sin embargo sino muy raramente por la aspiración de retornar a unos países donde la libertad de palabra es desconocida, el consumo de alcohol está prohibido, el clítoris es considerado un inútil ornamento del cual es preciso librarse, y el robo está castigado con la amputación al término de los procesos sumarios.

Además, el "hambre" en sentido literal es un factor del todo secundario en la nueva trata de esclavos suscitada por el sistema, como demuestra el hecho de que la inmigración procedente de los países cuyas condiciones de vida son objetivamente peores es más modesta respecto a aquellos relativamente acomodados, en donde el modelo consumista puede cómodamente agitarse bajo la nariz de las masas, y donde sin embargo pueden generarse más fácilmente conflictos sociales y culturales entre las rutilantes imágenes difundidas por los televisores vía satélite y una realidad local no sólo más austera, sino también bajo el fuerte control social de los modos de vida tradicionales.

Una variante aun más implícita, o quizás más inconsciente, de estas convicciones "multiculturalistas" es la tácita esperanza de que, en la instauración del caos étnico-religioso, en el fallecimiento del orden social, en la atribución de derechos colectivos a las "tribus" que compondrán la sociedad europea, podría existir una posibilidad para las minorías "incorrectas", por ejemplo antiigualitarias y "fascistas", de ser "dejadas en paz" o incluso autorizadas, en el cuadro del caleidoscópico "patchwork" multicultural, a autoconstituirse o autorregularse en alguna medida como "comunidad" a la par con las otras, e idealmente con la oportunidad de devenir en polo de atracción y/o encarnación residual de la "tribu europea".

Esta idea, naturalmente, representa la renuncia a todo sueño de "Grosse Politik" y la aceptación del modelo, no por casualidad estadounidense, de los amish, o de los mormones hasta los años cincuenta, contentos de vivir recluidos en un ambiente delimitado donde pueden de algún modo poner en práctica sus ideas –pero en este caso sin ninguna Utah deshabitada a donde emigrar para escapar a las "contaminaciones". Y en efecto, en la mejor (y más improbable) de las hipótesis, la realización de esta esperanza conduce derecha al "sueño americano", donde todo puede ser dicho y donde… nada de lo que se dice tiene la menor importancia, excepto para tu pequeño grupo de "desplazados".

Naturalmente, todos estos discursos, en nuestro continente, no son otra cosa que fantapolítica propia de un cómic. No solamente faltan los espacios y la "cultura" para implementar un modelo de este género, sino que en los mismos ambientes de la inmigración, más allá de reclamos identitarios que en Europa aparecen como puramente demagógicos y "cortijeros", son completamente recuperados e integrados a la ideología dominante. La eventual mala fe con la cual sacrifican cada día ante el altar de los Derechos Humanos, del poder de las organizaciones internacionales como la ONU, del ecumenismo religioso (naturalmente sólo entre religiones "del Libro"), no tiene la más mínima importancia, puesto que otra "mala fe" puede ser también hipotetizada en los centros del poder mundialista, sin que esto cambie mínimamente los valores que hoy informan nuestra sociedad. La intolerancia hacia los valores realmente alternativos crece, nunca disminuye, con la instauración del caos étnico en nuestra sociedad, en donde la "political correctness" termina así por ser el único criterio de ciudadanía.

Cuando veamos por vez primera a un exponente de la inmigración alzar la voz en defensa de un detenido político europeo antioccidental, o a favor de las minorías étnicas autóctonas del país huésped, nos replantearemos nuestras dudas.

Pero hay más. Como apunta Faye, el "asimilacionismo forzado" es hoy en día un blanco polémico antes que una praxis real y coherente de los gobiernos europeos, que permanecen en realidad, en su sustancial inmigracionismo, presos y en poder de un comportamiento esquizofrénico entre la asimilación y el "etnopluralismo" propuesto como la gran alternativa a la primera. Tras una campaña contra la ablación femenina (hipócrita, cuando la circuncisión neonatal masculina judía es en nuestros países un dato adquirido que nadie osa poner en discusión…) y una protesta "verde" contra las matanzas de corderos en cualquier festividad musulmana, siempre son cada vez más numerosas las voces favorables a la adopción de sistemas de cuotas y de "affirmative action", financiación de las actividades culturales y religiosas de los grupos alógenos, etc., medidas todas típicamente comunitaristas (si, por decreto, las razas y las religiones "no existen", no tienen importancia, obviamente no tendría sentido atribuirles porcentajes y puestos).

Escribe Faye: "Ser corso, alsaciano, vasco, flamenco o bretón ya es tener pocas posibilidades de obtener subvenciones para una asociación cultural, una escuela donde enseñar la propia lengua y cultura, iniciativas que enriquecen el patrimonio étnico europeo; pero ser chino, cingalés, nigeriano y –sobre todo– árabe-musulmán es tener siempre atenta a la administración ante todas las solicitudes de financiación, tanto en París como en Bruselas. En París, las fiestas rituales asiáticas y los diarios "comunitaristas" son en parte costeados por la administración pública. La asociación de los Arvernos de París (12), como otras de vascos o bretones, por su parte, sólo pueden contar con sus propios recursos. El señor Tiberi, que sin duda olvida ser corso antes que gaullista o ciudadano del mundo, se niega a conceder ayudas a las asociaciones de enseñanza de la lengua corsa. Sería subversivo, ¿capite bene…? En compensación, los centros de enseñanza del árabe han recibido en 1998 la suma de 123 millones de francos, con el fin de poder dispensar gratuitamente sus propios servicios. En París, aprender el árabe o el chino es gratis. Aprender el holandés, el italiano o el bretón cuesta dinero".

¡Y así también en Londres, Milán, Madrid o Viena! La tolerancia que es la oportunidad concretamente ofrecida a los inmigrantes para practicar un contrapoder territorial real, con suspensión del ordenamiento jurídico ordinario, y la creación de espacios donde es tolerada la violación de casi cualquier norma, desde la ablación y la bigamia hasta el ejercicio de la actividad comercial; constituye un ulterior ejemplo de discriminación antieuropea, frente a la obsesión del control de todo detalle mínimo de la vida social que aun denotan las políticas nacionales y de la CEE, más allá de la retórica de la desregularización, y que continúa ejerciéndose con mano dura sobre las poblaciones autóctonas y sobre territorios aún no bajo dominio extrauropeo.

Las ideas de "gobernar la transformación", de "colocarse a la cabeza de los procesos para mejor guiarlos", de "afrontar virilmente la realidad", de cortar gordianamente los nudos de cualquier dilema en una síntesis superior, son perfectamente legítimos en muchos casos.

Pero al así obrar, uno corre el riesgo de aceptar los falsos alivios de la desmovilización, y de tomar posiciones históricas perdidas y de hecho conservadoras. Desde el dirigente belga resignado a convivir con Hitler "por mil años" relatado por Degrelle, a los ambientes diplomáticos alemanes convencidos de que el comunismo y la partición de Alemania eran "realidades que siempre habría que tener en cuenta", a los nacionalistas irlandeses que acusaban a Michael Collins de "aventurero irresponsable", muchos, después de haber ridiculizado o criminalizado como "utópicos" a los propios políticos rivales, se encontraron a la vuelta ridiculizados por la historia, sea en la esperanza de "convivir" con la realidad de su época y "controlarla", sea en la miope convicción de que tal realidad era el reflejo de datos de naturaleza eterna.

Ahora bien, "La colonización de Europa" es bien clara al afirmar que, una vez que se rechaza el inmigracionismo salvaje, etnomasoquista y suicida de los circulos más ligados a la ideología y a los intereses del Sistema, la alternativa no está entre el "control" y la "integración forzada" de la inmigración por un lado y la sociedad neotribal por el otro. La alternativa está entre la rendición a este proceso o la autodefensa étnica integral. Autodefensa que se sustenta en todas aquellas medidas y reacciones inmunitarias que la combatan en todas las zonas del mundo eventualmente amenazadas de repoblación y de colonización demográfica y cultural del propio espacio histórico y geográfico.

Esta "utopía" es todavía la realidad cotidiana del Japón, el cual, a pesar de una derrota, una ocupación militar y un pesadísimo condicionamiento político, vemos aun acompañado por un (puro contraste) proceso de occidentalización de los valores y una admirable capacidad de mantener y desarrollar la propia homogeneidad racial, la propia dinámica demográfica, la propia identidad lingüística y modelos socio-económicos originales. Ejemplos similares pueden citarse de la praxis y la mentalidad, obviamente más contrastada, de los países islámicos antioccidentales, de las dos Chinas, de las dos Coreas, de la India y, en verdad, si incluimos el punto de vista jurídico, de la mayor parte de las naciones del mundo, comenzando por los Estados Unidos e Israel, que bien se guardan de hacer aceptaciones pasivas e indiferentes de los posibles flujos de emigrantes en amenaza de su composición étnica, lingüística y religiosa.

Es por lo demás "irreal" e imposible –si no en sentido lógico o físico, si en sentido humano y político– que la pequeña zona del planeta coincidente con una porción de la península euroasiática, con recursos naturales limitados y explotados al máximo durante siglos, contaminada, actualmente (a pesar del declive demográfico) relativamente superpoblada, con delicados equilibrios sociales, política y económicamente "fracturada" por la subordinación a mecanismos y centros de poder internacionales, pueda ser el receptáculo de masas de desocupados y prófugos, de colonia de criminales, de comunidades heterogéneas, de odre de esclavos rebeldes, por los demás destinados a urbanizarse súbitamente. El mismo improbable escenario en el cual "no sucede nada", y la evolución de la situación prosigue de modo lineal en la misma dirección sin crisis significativas, conduce sin remisión a una inmensa favela en donde las bandas étnicas de desesperados se mueven sobre un escenario dilapidado y "post-atómico", contentándose (y terminando por destruir) con los restos del pasado, tras pequeñas fortalezas privilegiadas completamente aisladas y fuertemente defendidas, desde la cuales se administrará el poder militar y cultural del sistema mediante tanques teleguiados y antenas de televisión, en un contexto mucho más similar al de "Mad Max" o "1997. Fuga de Nueva York" que al de "Metrópolis" o "1984".

Para apreciar toda la "magia" de esta perspectiva, vale la pena visitar, mucho antes que los ghettos de Los Angeles o el Bronx –que, después de todo, son lugares privilegiados por el hecho de encontrarse en los Estados Unidos– las periferias de México DF, de Río de Janeiro o de Johannesburgo, o incluso de eso en lo que se está convirtiendo el extrarradio parisino, para hacernos una idea precisa de lo que el Sistema reserva para Europa.

La autodefensa de la cual habla Faye no debería por lo demás reducirse a la esfera jurídico-administrativa. El problema no puede en modo alguno ser resuelto únicamente a nivel "policial", o de control de las fronteras, dada la inadecuación absoluta, en términos culturales y de recursos, de los aparatos estatales. Estos últimos están además fuertemente infiltrados, especialmente en los países donde, como en Francia y a diferencia de Italia o Alemania, rige el "jus soli" (es ciudadano aquel que ha nacido en el territorio) y no el "jus sanguinis" (es ciudadano el hijo de otro ciudadano), y en donde las minorías, en vías de convertirse en mayorías gracias a la "fuerza de las cunas", incluso sin continuos los refuerzos recibidos, están representadas por inmigrantes de segunda y tercera generación. El problema únicamente puede ser afrontado a nivel de conciencias y movilización social general: una movilización del mismo tipo a la que ha permitido a las minorías vasca en España o germanófona en Italia no ser sumergidas y canceladas, o al Tibet no transformarse aun en una provincia China.

Una tal movilización práctica y popular tiene además la ventaja de forzar mucho más fácilmente el cuadro jurídico impuesto por el Sistema y las ideologías dominantes, desgraciadamente hoy en día garantizadas a niveles internacionales. Aun siendo numerosísimas las posibles medidas útiles, formalmente respetuosas de tal cuadro, que podrían reingresar en los poderes ordinarios y en las políticas legítimas de los gobiernos no paralizados por el mito incapacitante de la "sociedad multiétnica inevitable", Faye no se hace ilusiones de que los procesos en curso puedan ser invertidos sin la adopción de medidas extraordinarias, más allá y fuera de la legitimidad burguesa y socialdemócrata; medidas que hoy en día solamente pueden ser impuestas desde lo bajo, y no ciertamente por administraciones impotentes, por un lado en cuanto sirven al Sistema y, por el otro, en cuanto están ellas mismas en vías de ser colonizadas, a partir del nivel local.

A la inversa, continuamos asistiendo en Italia al insólito espectáculo de una "Immigration Law" cada vez más esotérica e imposible para los abogados que tienen el problema de obtener un permiso para que un "manager" japonés o argentino pueda venir a dirigir una empresa italiana comprada por su casa madre, mientras traficantes, prostitutas, abusadores de todo género y simples desesperados tienen "de facto" libre acceso, y que a los pocos meses de desembarcar se comportan no como extranjeros, sino como verdaderos ocupantes.

Todo ello mientras, como subraya Faye, en la mayor parte de los países del mundo fuera de Europa los inmigrantes o los extranjeros presentes en su territorio son, en toda circunstancia, considerados no como colonos definitivos, ni como refugiados acogidos en nombre de la religión de los Derechos Humanos, sino como "visitantes" y "huéspedes", sin que nadie tenga en mente contestar las normas vigentes en materia de "preferencia nacional" o de expulsión de los clandestinos, como por ejemplo aquellas aplicadas por el benjamín islámico del Sistema, el gobierno de Arabia Saudita que, preocupado por la inmigración asiática, "ha reforzado la "saudización" de su mano de obra, con el consiguiente despido del 90% de los extranjeros y reemplazando a los mismos con súbditos saudíes. El sector privado también ha sido forzado a seguir tal política: los efectivos de todas las empresas deben comprender al menos un 80% de saudíes" (Al Quds Al-Arabi, 1 de enero 1999).

En fin, otro de los puntos tocados por Faye en la conclusión de su libro, quizás para poner el acento, es un punto que retoma el análisis actual de la Nueva Derecha para volcar voluntarísticamente las conclusiones. Hablamos de la novedad del escenario con el cual nos enfrentamos. Si la cosa no puede evidentemente devenir en una coartada para el suicidio histórico de Europa, es simplemente cierto que el mundo actual es diverso de aquel que lo ha precedido, y que está atravesando una crisis de pasaje epocal, respecto al cual las dos guerras mundiales, la revolución industrial, las revoluciones democráticas y comunistas no serían sino notas a pie de página de la historiografía futura. Una crisis cuyo orden de grandeza se asemeja al de la revolución neolítica.

La tecnología y la capacidad de gestión de la información y de las comunicaciones, el grado de influencia sobre el ambiente en el cual estamos inmersos, la anulación de las distancias, el control que el hombre está adquiriendo sobe su misma identidad biológica y de las especies animales y vegetales con las que convive, ciertamente, van mucho más allá de lo que representaron la máquina de vapor o la rotación de los cultivos.

Hoy, la atenuación de las tradicionales presiones selectivas por un lado y, por el otro, la disponibilidad de tecnologías como la diagnosis prenatal, la fecundación artificial, el chequeo genético, el implante de embriones y la gestación extrauterina, la clonación, la manipulación directa del genotipo y por ello de las líneas germinales, representan adquisiciones epocales que hacen a nuestra especie íntegramente responsable de la propia identidad biológica, por mucho que algunos de sus componentes decidan "removerlo" e ignorarlo. Es exactamente como el hecho de tener una pistola en la mano vuelve al poseedor el único responsable, para bien y para mal, de la elección de disparar o no disparar (indiferentemente del hecho de que obre para cometer un atraco, defender a un inerme o festejar el año nuevo), sin que pueda sustraerse de modo alguno a tal responsabilidad.

En efecto, también arrojar la pistola, o fingir que no existe como implícitamente propone la tendencia histórica judeocristiana y democrático-humanista, representa exactamente una de las elecciones posibles, que el desarmado no tiene necesidad de hacer. El desafío "postmoderno" representado por esta revolución ya ha sido repetidamente discutido tanto por Locchi como por Faye o por mí mismo, por ejemplo en el artículo "La técnica, l'uomo, il futuro" ("La técnica, el hombre, el futuro"), publicado en el ya citado n. 20 de "l´Uomo libero", donde apuntaba que las dos únicas respuestas posibles son la opción prometeica, "sobrehumanista", de quienes se hacen cargo de tal destino ("¿En qué quiero/queremos devenir?, ¿Qué gran proyecto celebra mejor mi libertad?"), o la negación freudiana y el pretendido rechazo del "dominio del hombre por el hombre" ("nadie podrá poseer esclavos, porque fuisteis creados mis esclavos", dice Yahvé), que conduce a la tiranía anónima, mecanicista, literalmente "insensata", representada por el Sistema.

En este cuadro, no puede ser ignorado el hecho de que las culturas y las razas nacen y se desarrollan por la identidad, fecundidad y creatividad de los relativos troncos a través de una separación ligada a factores naturales de los cuales no es hipotetizable la reproducción sino en improbables épocas neoprimitivas. Tales épocas pueden ciertamente ver la luz fuera de los estudios de Hollywood, pero serían necesarias catástrofes de tal magnitud que ya no sería puesta más en discusión, posiblemente, la supervivencia del ecosistema, o al menos de la especie humana, sino más bien la conservación de adquisiciones probablemente destinadas a permanecer con nosotros para siempre.

También en el campo étnico, racial y demográfico, la clave del análisis siempre nos remite al advenimiento del "tercer hombre". Así como el primer hombre estuvo inmerso en el reino animal y el segundo se hizo cargo, tras la revolución neolítica, del destino del mundo, el hombre es ahora llamado a asumir trágicamente el propio destino, incluida su identidad biológica.

Un hecho objetivo que hoy es del todo silenciado por intolerable, y que estaba perfectamente claro en los años treinta, y no sólo en Alemania sino también en los países escandinavos, en Francia y en los mismos Estados Unidos, cuando la ingeniería genética y las manipulaciones directas solamente eran posibles en los marcos de la ciencia-ficción y de la especulación pura, es que, en el futuro, la conservación de la evolución, o incluso el nacimiento, de razas, lenguas y culturas diversificadas solamente podrá ser el fruto de una elección deliberada en tal sentido, elección que podrá determinar los contenidos y las características, sobre la base de valoraciones de naturaleza esencialmente estética y afectiva.

En este sentido, no es casualidad que el alcance entrópico de la colonización poblacional de Europa represente a fin de cuentas un valor positivo desde el punto de vista del universalismo de la ideología del Sistema y del fin de la historia, sobre una escala mucho más amplia que el mero dato político inmediato, y precisamente como elemento de oposición respecto a la "tentación" identitaria y faústica; mientras un correspondiente disvalor viene ampliamente asignado por las mismas fuerzas al terrible poder de autodeterminación del cual el hombre ha sido llamado a hacerse cargo.

Por lo demás, estos elementos de fondo son también de alguna medida prometedores. Si la extinción de nuestra identidad étnica, amenaza que hoy pesa sobre nosotros, es ciertamente más definitiva que cualquier decadencia política, cultural o económica, en cuanto por definición irremediable. Existe ya una experiencia histórica, cuando el hombre operaba solamente con los instrumentos tradicionales de los procedimientos legislativos y administrativos, de la propaganda, de la medicina y de la educación colectiva, de cómo los "trends" demográficos y los procesos aparentemente consolidados pueden al día de hoy ser invertidos en el giro de una sola generación. En pocos decenios, las características y la identidad étnica y biológica de nuestras poblaciones serán íntegramente determinadas (o no determinadas, por pura elección, si prevalece la filosofía de la condena y de la degradación) por opciones individuales y colectivas. En cualquier caso, la responsabilidad relativa no será ya de la "naturaleza", ni de los procesos históricos "parabiológicos" que han gobernado hasta ahora las afirmaciones, la decadencia y el ascenso de las razas y de las civilizaciones. En todo caso, los cielos spenglerianos descritos en "La decadencia de Occidente" han llegado a su fin.

Si nuestras visiones de fondo continúan manifestando una absoluta consonancia con Faye, por otra parte emergen en las actuales posiciones "políticas" del mismo autor elementos menos convincentes. No trato aquí solamente de responder a la invitación al debate por él formulada en su libro, sino que también deseo resaltar cómo muchas de sus posiciones son debatidas actualmente en Italia.

La primera cuestión fundamental es la anunciada en el subtítulo mismo del libro, en la cual la colonización de Europa es tratada al modo de un "discurso verdadero" sobre la inmigración y el Islam.

En lo que respecta al último, la posición de Faye es cristalina. "En el curso de conferencias que he podido pronunciar, en el curso de las cuales he abordado incidentalmente la cuestión del Islam en Europa, jóvenes musulmanes me han acusado de "hostilidad visceral hacia el Islam" y de "complot contra el Islam". Mi respuesta siempre ha sido muy pacífica y determinada. Sí muestro una hostilidad visceral contra el Islam, tenéis razón. No, no fomento ningún complot contra el Islam, porque el "complot" hace referencia a una hostilidad disimulada, mientras que la mía es franca y abierta".

Al respecto, el autor tiene razón al subrayar cómo la "islamofilia" de muchos ambientes, paradójicamente con la primera línea ocupada por sectores del episcopado católico, progresistas, burgueses y extremistas de extracción varia, se funda sobre todo en la ignorancia: "Ninguno de ellos ha estudiado el Corán, ninguno habla el árabe, ninguno ha puesto nunca el pie en un país musulmán (salvo quizás en el enclave de algún "Club Med"), ninguno ha visitado una ciudad de mayoría musulmana. Para ellos, el Islam –y la inmigración– son hechos abstractos, lejanos, simpáticos".

Ahora bien, el que escribe no da pruebas de ninguna "ternura filosófica" por el Islam. "Religión del desierto" en mayor medida que las otras dos "del Libro", entristecida por la predestinación aun más que la confesión luterana, con la cual además no comparte el rigor alemán, más represiva e hipócrita que el catolicismo, más ritualista y justificacionista que el judaísmo, mercantil como el calvinismo, iconoclasta, universalista, levantina, completamente desprovista del concepto de honor en el sentido que ha sido entendido durante tres mil años en nuestro continente, no tiene necesidad de una ojeada particularmente profunda para evidenciar su profunda alteridad respecto a la sensibilidad y a los valores que me hacen sentir europeo".

La ceguera que ha conducido a autores y opositores al sistema como Claudio Mutti, o algunos militantes de la derecha radical francesa, a la conversión al Islam, siguiendo al "ilustre" precedente guenoniano, no es sino una variante de esa ceguera que ha conducido a otros muchos, especialmente el Italia, a refugiarse entre los brazos de la Santa Madre Iglesia, especialmente después de algún trauma histórico o personal, a la búsqueda de unas migajas de identidad europea, de la que abjuran, que hayan podido quedar atrapadas en el vestido a pesar de los enérgicos y continuos cepillados.

Es perfectamente cierto, por lo demás, que el cristianismo (y el mismo judaísmo) han participado de nuestra historia, y no por ello son, en muchos sentido, menos extraños que el Islam.

Esta consideración, por otra parte, puede ser exactamente contestada en la constatación de que el Islam es una religión árabe, de matriz árabe, afirmada en Arabia y en la inmediata esfera de expansión de tal mundo, y cuyo destino en parte conspicuo se asocia estrechamente al de la nación y la identidad de los árabes. En este modo, el Islam nos parece efectivamente acercarse mucho más, "mutatis mutandis", a una religión ancestral, "política" e identitaria en sentido europeo; particularmente en oposición al judaísmo, fundado sobre el rechazo de la validez religiosa de la comunidad política, por lo cual el mismo Israel sería la anti-nación; y también en relación al cristianismo, cuyas (pasadas) relaciones privilegiadas con Europa han sido fruto de una identificación contingente y por ello incompleta, y cuya vocación universalista es, por ello, tanto más explícita.

Símbolo de este último punto es la relación respectiva de las dos religiones por un lado con el latín, lengua no originaria que fue abandonada sin demasiados problemas en el curso de una generación, y por el otro con el árabe coránico, que es Palabra de Dios, desde el punto de vista musulmán también desde un punto de vista lingüístico, dada de una vez y para siempre en su perfecta e insuperable formulación (exactamente como el hebreo bíblico, lengua ya muerta en la época del Imperio romano y artificialmente resucitada por el sionismo, y por los siglos de los siglos la única lengua del Eretz-Israel). Y en cuanto a la pretendida "intolerancia" islámica, ¿se trata simplemente de la característica de un sistema religioso en una fase menos decadente y envejecida de las que estamos habituados?

La dulzura y mansedumbre cristianas se implantaron en Europa con el asesinato a traición de un emperador por haber rechazado la nueva fe, el genocidio de los sajones, la persecución de los "hombres libres" del norte arrinconados hasta Islandia; y la misma dulzura y mansedumbre, en el momento de su triunfo, "santificó" las ciudades con las campanas y las hogueras preparadas para las brujas y los herejes, la matanza fratricida de la noche de San Bartolomé, el regicidio, las guerras de religión sobre el suelo europeo, el genocidio de los indios que rechazaron la conversión, el terrorismo de las sectas subversivas y el simétrico terrorismo represivo de la inquisición, que por vez primera en Europa elevó la tortura, el lavado de cerebro y la perversión del proceso judicial, a una forma de arte.

Sobre el plano histórico y doctrinal, el escenario diseñado por ejemplo por "Las mil y una noches" (ver la historia de Hasan al-Basri, capítulos 778-831, o la del sastre, del jorobado, del hebreo del intendente y del cristiano, capítulos 25-34) representa una sociedad cruel y profundamente extraña a nosotros, pero en el fondo más pluralista, flexible y articulada también desde el punto de vista religioso que aquella alumbrada por las "Luces del Medievo" cruzado y, después, por los fastos de la Reforma y de la Contrarreforma. Una sociedad en la cual se mueven libremente no sólo cristianos y judíos reconocidos como tales, aunque sean ridiculizados y condenados, sino también los temidos "magos adoradores del fuego" –que no son otra cosa que los supervivientes (perseguidos al día de hoy en pleno Jomeinismo) del culto zoroastriano en la Persia islamizada–, ciertamente de cuando en cuando matados por el héroe de turno o por la autoridad, pero aparentemente más a sus anchas de lo que pudieron estar nuestras brujas en Toledo o las americanas, algunos años después, en Salem.

Por lo demás, como recuerda Faye una vez más en "La colonización de Europa", "si hoy la Iglesia católica no practica la intolerancia inquisitorial, no predica la conversión universal y la cristianización del mundo, sino que se repliega sobre el "ecumenismo" y sobre la "apertura al Otro", es simplemente porque se encuentra en decadencia, porque las relaciones de fuerza no juegan ya a su favor, de modo que la fe es cancelada por la caridad y ésta última es cada vez más secularizada hasta terminar confundiéndose con los Derechos Humanos.

El mismo libro de Faye abunda en concesiones relativas al hecho de que los musulmanes, desde su punto de vista, hacen bien en ser lo que son, y en el reconocimiento del hecho de que sus componentes emigrados permanecen más arraigados en su cultura que las mismas poblaciones en las cuales se insertan. Incluso llega a acreditarles méritos que quizás, como veremos, ni siquiera tienen, escribiendo: "Pero no es necesario negar al enemigo su nobleza, ni la humana justicia de su causa. Llena el suelo que tú abandonas. Preserva su territorio y su sangre, engrandece su territorio con el tuyo y reemplaza tu sangre por la suya. El enemigo que juega su papel es estimable. Y el traidor en no serlo en absoluto…" Y continúa: "El Islam nos considera como una civilización en un tiempo temible y hoy desvirilizada, decadente, afeminada, homofilizada. Nos ataca por ello. Y desde su punto de vista tiene buenas razones… Se pueden perfectamente compartir valores comunes con el enemigo que te invade… El Islam aparece como una "rebelión contra el mundo moderno" (13), y por ello seduce… Respeto, como enemigo digno de interés, al musulmán conquistador, al "Beur" (14) presa del odio y la venganza".

A la luz de tales relieves, no es posible comprender cómo Faye pueda individuar en sus conclusiones al Islam como el "enemigo principal", añadiendo, aunque sea en modo cualificado: "Los Estados Unidos son, como ya he explicado en otra obra, y más precisamente en "El Arqueofuturismo", un adversario, no un enemigo".

Ciertamente, Carl Schmitt, abundantemente citado en las obras de Faye, distingue entre "inimicus" (el oponente civil, el opuesto de un aliado y un compañero en el interior de la comunidad) y "hostis" (el enemigo externo, el extranjero hostil en guerra perenne, actual o potencial, con la comunidad). En este sentido, al menos etimológicamente, "inimicus" es un término que denota una alteridad más blanda y meramente "concurrente". También cuando el uso corriente de los términos "enemigo" y "adversario", en el francés, italiano o inglés contemporáneo, parecen indicar conceptos diversos especularmente inversos.

La cuestión, por terminológica que pueda ser, es grave, porque comúnmente, cuando se hace la relativa distinción, se atribuyen al "adversario" exactamente las posiciones antes descritas para el Islam, es decir una rivalidad y una concurrencia nutridas en sustancia por un mero conflicto de intereses y de voluntades de poder contrastadas, entre sujetos distintos entre sí, pero no "metafísicamente" opuestos, y en posiciones de algún modo simétricas y equivalentes en el ámbito respectivo, que pueden también encontrar ocasionalmente razones de alianza (por ejemplo contra un enemigo común) y de respeto recíproco.

El "enemigo" parece exactamente ser aquello que el Sistema representa para todas las culturas y las razas vitales, la misma negación radical de su legitimidad y posibilidad de existir. La afirmación de Faye suena así paradójica, similar a aquella de un pretendiente al trono de los zares que declarase que el "verdadero enemigo" es su rival en la sucesión, reconociendo a la inversa a los bolcheviques que están a las puertas del Palacio de Invierno como legítimos "adversarios", oponentes deportivamente respetuosos de las reglas y de los valores de la sociedad rusa tradicional. Pero el sentido común nos dice, por el contrario, que en el lenguaje corriente el verdadero "enemigo" de los muchachos de la calle Pala no es la banda que disputaba con ellos el uso del campo de juegos, sino la empresa que terminó desmantelándolo para construir allí un edificio, después de tantos sacrificios inútiles para defenderlo.

El vuelco de esta distinción parece confinar peligrosamente con una deriva en donde se termina por reconocer, en la más pura ideología de las burocracias de Estrasburgo y Bruselas, una común pertenencia "concurrencial" de los Estados Unidos y la Unión Europea al mismo "club occidental", contrapuesto en cuanto tal a todos los demás. Y por lo demás, dado que los "traidores" a quienes Faye reserva un peor juicio son exactamente los partidarios del Sistema y del poder internacional y fundamentalmente americano, parece extraño considerar digno de respeto al partido "enemigo", y de desprecio e ignominia al partido solamente "adversario".

La afirmación no parece fruto de un lapsus ocasional. Faye insiste repetidamente en su libro en su perdurable y absoluta oposición al poder americano en Europa (oposición que es, por lo demás, el tema central del "Nouveau discours à la Nation Européenne", también en su segunda edición), generando cierta notable perplejidad un par de puntos sobre la Guerra del Golfo. Leemos, por ejemplo, al autor escandalizarse en sustancia por los estados de ánimo perplejos de los pilotos ingleses musulmanes al bombardear Iraq. O bien, en otro punto, mencionar de paso la crisis iraquí como un caso en el cual los "europeos" (¿!) supieron "una vez más" comportarse como "predadores", término por cierto no particularmente insultante ni para Faye ni para su público.

Estas salidas son absolutamente sorprendentes tanto en líneas generales como desde el punto de vista del autor, desde el momento en que se refieren a un caso en el cual los europeos han ido a la zaga de los americanos y de Israel en la defensa de las fortalezas del tradicionalismo islámico más oscurantistas y feudales, aunque políticamente más sumiso del Sistema, contra un Estado ciertamente árabe y de mayoría musulmana, pero administrado por un gobierno laico dirigido por principio de socialismo nacional, al menos en la contingencia específica en posición anti-Sistema, y representado por un ministro de exteriores de fe cristiana.

Situación que Saddam Hussein no ha sabido utilizar propagandísticamente, por ejemplo transmitiendo por televisión las misas de Navidad en Bagdad, mientras los "cristianísimos" obispos católicos y adventistas americanos destinados en territorio saudita deben guardarse bien de turbar la sensibilidad religiosa de sus protectores musulmanes con "inoportunas" celebraciones.

Por otra parte, Faye cita ampliamente un libro de Alexandre Del Valle: "Islamisme et Etats-Unis, une alliance contre l'Europe" (Editions L'Age d'Homme) (15), para demostrar que, si los americanos y comúnmente el Sistema apoyan y promueven la inmigración, por ejemplo a través de la política de las organizaciones internacionales, el Islam sería a su vez el aliado objetivo de los EEUU en la destrucción del continente europeo, no sólo a través de la inmigración, sino por ejemplo a través de la política petrolífera, la crisis de Bosnia, etc., hasta el punto de ser muy creíble una sustitución del condominio americano-soviético por un condominio americano-islámico, con la potestad de los mismos EEUU para intervenir como "pacificadores" o "garantes de los Derechos Humanos" también en países de la Europa occidental donde el enfrentamiento étnico superase cierto umbral, provocando una situación similar a la de Bosnia. En realidad, el "anti-islamismo" y el "anti-arabismo" de Guillaume Faye parecen nutrirse de una perspectiva en este caso "francesa, demasiado francesa", un tanto paradójica en un autor generacional y etiológicamente extraño a la hipoteca "argelina" que tanto ha pesado desde la postguerra en los ambientes anticonformistas transalpinos.

Y es evidente en numerosas admisiones del autor una especie de identificación refleja entre "inmigrante" y "musulmán", entre musulmán y árabe e, incluso aunque menos posiblemente, entre árabe y magrebí. Como demuestran los ejemplos y las citas de los ambientes de la inmigración que abundan en su libro. Cuando Faye habla de inmigración y Tercer Mundo hace en toda evidencia referencia a una realidad en sustancia representada por argelinos y marroquíes, o comúnmente a árabes con un fuerte predominio norteafricano, a lo máximo con alguna franja subsahariana, cerrando sus conclusiones con alguna experiencia personal directa, adquiridas "in situ", de la realidad saudita.

Pero la realidad de los barrios periféricos de París o del mediodía francés, que Faye describe de modo apasionado pero objetivo, no es la fotocopia exacta de los problemas de todo el resto del continente, y aun menos su proyección cósmica en términos de definición de los escenarios del choque final. Según los datos publicados por "Il Giornale" del 13 de enero de 2001, diario no sospecho de filo-arabismo, los árabes musulmanes son, según el Ministerio del Interior (y son datos que podrían estar subestimados, existiendo otras áreas en donde la componente clandestina de la inmigración es más elevada) menos de un quinto de toda la realidad de la inmigración italiana, y esto solo gracias a una reciente contribución masiva de Marruecos. Egipto, por ejemplo, no representa más del tres por ciento; Túnez –a unos pocos cientos de kilómetros de nuestras costas– el cinco; y el porcentaje del resto de países árabes hace proverbial referencia directa a sus prefijos telefónicos (16), mientras las cristianísimas Filipinas aportan a la casa ocho puntos, y el Senegal y la China rondan el cuatro por ciento cada uno.

Y hablando de "trends" demográficos y de pesos respectivos, ésta última por sí sola tiene, además de una excepcional homogeneidad étnica dominada en un 95% por la raza jan, una población siete u ocho veces superior a todos los países árabes juntos (o quizás deberíamos decir árabo-bereber-fenicios, dadas las crecientes reivindicaciones de los tamazigh en el África noroccidental y la componente no árabe del Líbano). El editorialista de "Il Corriere della Sera" del 2 de febrero de 2001 recuerda las proféticas palabras recientemente pronunciadas al respecto por la actual élite china: "¿creen en verdad que trataremos de administrar un país en donde se concentra un cuarto de la humanidad según los principios de la legalidad burguesa occidental? ¿Creen poder afrontar un derrumbe del cual nacería un flujo migratorio sin precedentes en la historia?"

Ahora bien, Faye parece paradójicamente mucho menos preocupado por esta perspectiva, hasta el punto de oponer la "buena integración" o la aparente tranquilidad (organizada por los Tong, las Tríadas y los traficantes de carne humana y heroína) de las minorías asiáticas a las minorías árabe-musulmanes de los pandilleros que se hacen notar rompiendo escaparates y violentando a las mujeres blancas en el metro parisino.

Por lo demás, mientras la India superó hace ya tiempo los mil millones de habitantes, la misma África negra tiene una presión demográfica notablemente superior a la de los países árabes, a pesar de las continuas sequías y las carestías de todo género, y a pesar también de la perdurante mortalidad infantil y la difusión endémica del SIDA, problemas que implican en mucha menor medida a la población emigrada en Europa, donde pueden gozar de condiciones de vida, higiene y nutrición, similares a la población local. Y sus emigrantes son mucho menos "integrables" que los árabes, como las mismas comunidades negras americanas, hoy compuestas exclusivamente por mulatos de diferente gradación, demuestran.

Alemania, como indirectamente también recuerda "La colonización de Europa", sufre a su vez mucho menos de una inmigración árabe que turca, etnia a la que Faye dedica en algunos puntos singulares palabras de simpatía, con obvia función antiárabe. Pero, aunque los turcos ("mal islamizados", según Faye) hayan aplastado durante algunos siglos a los países árabes y norteafricanos bajo su dominio, por mucho que puedan haber sido aliados de los imperios centrales o haber refundado su propio estado en los años de entreguerras en imitación de los institutos y reformas introducidos por las revoluciones nacionales europeas, el verdadero "enemigo musulmán de Europa", despues de los "moros" de Carlos Martel, los enfrentamientos armados con los restos del Imperio bizantino y la Reconquista española, siempre ha estado representado sustancialmente por los turcos. Partiendo de las alucinantes vicisitudes que les vieron competir en humanidad y caballería con personajes como Vlad Tepes, alias Dracul, en los Balcanes, hasta llegar al asedio de Viena, pasando por la piratería mediterránea y las batallas de Creta, Malta y Lepanto. "Mamma, li Turchi!", se gritó en las costas italianas durante siglos a la llegada de los piratas, "Mamma, gli Arabi!" es una exclamación posible en nuestra lengua solamente… desde finales de los años noventa. Y aun hoy los turcos son la comunidad musulmana más numerosa en territorio europeo.

Mientras los árabes son acusados de esterilidad y parasitismo cultural, pues lo habrían tomado todo de los países conquistados (tesis que tiene indudables elementos de verdad), generalmente se escucha un clamoroso silencio frente a la "refinada" civilización otomana creada por predadores asiáticos y mercenarios rebelados contra sus señores araboegipcio-iraquíes para construir una parodia del Bajo Imperio, con tantos trazos discutibles y por lo demás con tantos éxitos a la hora de integrarse en la historia y en la identidad griega y balcánica. Y que hoy están dignamente prolongados por películas como "El expreso de media noche" y "Hamman". Un país en donde, para mostrar la propia desaprobación civil a las posiciones expresadas por un adversario político, no es el todo inaudito encontrarse al hijo crucificado en la puerta de casa con los ojos arrancados y los genitales en la boca, en donde corrupción, terrorismo y represión compiten en una carrera infinita y donde se consuma con toda tranquilidad el etnocidio de los kurdos y los armenios con la bendición del Sistema y de los aliados en la OTAN.

La misma realidad del Islam es una realidad compleja, que "La colonización de Europa" afronta certeramente sobre el plano cultural y teológico, desmintiendo con justicia muchos tópicos y mucha propaganda tranquilizadora al respecto, pero que merecen una mayor profundización también sobre el plano histórico-político.

Parece, por ejemplo, una consideración obvia que algunos de los principales Estados musulmanes, para bien y para mal, no son en absoluto árabes, ni étnica ni políticamente, ni siquiera –en parte– culturalmente: ver, más allá de la citada Turquía, el Irán, Afganistán y Paquistán. Además, el África del Norte es en varios aspectos una realidad bien distinta al Oriente Medio. Igualmente, la distinción entre sunnitas y chiítas reviste hoy en día un peso ciertamente superior al que divide, por ejemplo, a los cristianos ortodoxos de los católicos. Aun teniendo presente que, como dice Faye, "no se discute sobre el sexo de los ángeles cuando los bárbaros están a las puertas", y que no parece adecuado adentrarnos en minucias irrelevantes y desmovilizantes, para combatir a algo o a alguien, sea enemigo o adversario, es preciso conocerlo.

Aun más relevantes nos parecen otro tipo de distinciones, que ven hoy en día al "mundo islámico" subdividirse en algunas grandes componentes:

– las áreas fuertemente occidentalizadas, completamente integradas al sistema, como Túnez en primer lugar y en segundo Marruecos, a los que hay que añadir Turquía, Argelia y Egipto, a pesar de las fuertes oposiciones internas.

– los gobiernos del tradicionalismo y oscurantismo feudal musulmán, como Arabia Saudita, Kuwait, Qatar y, en parte, los Emiratos Árabes Unidos, todos de hecho protectorados americanos, aliados objetivos del sistema y traidores a los intereses del pueblo árabe.

– los países "laico-revolucionarios", "en los márgenes de la comunidad internacional", como Libia, Iraq (17) y, en posiciones más ambiguas, Siria y Paquistán.

– los países y movimientos del Islam militante, como el Irán, Afganistán, los libaneses de Hezbollah, Sudán, el denominado fundamentalismo islámico en Argelia, Egipto, Turquía y las repúblicas ex soviéticas, los componentes "extremistas" de la resistencia palestina, etc.

Ahora bien, los problemas para Europa, en materia de inmigración, provienen en sustancia del primer grupo. La alianza política objetiva con las fuerzas del Sistema denunciada por Faye no atañe sino al primer y al segundo grupo. Para el tercero y el cuarto, frente a la retórica sobre la agresividad del Islam, parecen ciertamente retorcidos los análisis que intentan demostrar la alianza "objetiva" entre Libia y los Estados Unidos, entre Nato e Intifada, entre la oposición argelina y los "sponsors" internacionales del gobierno que capturó el poder tras un golpe de Estado que canceló el respaldo electoral favorable a las fuerzas islámicas (¡!). Siguiendo ese hilo, podríamos concluir imaginando a los talibanes o a los imanes chiítas incitando a la propia juventud a desertar del propio país y de la propia comunidad militante para emigrar a los países donde el alcohol se consume en público, la mujer goza de una libertad sexual análoga a la del hombre y la blasfemia reina soberana, salvo quizás para pensar en salvar el alma con la firma de alguna petición para la construcción de alguna pequeña mezquita en nombre de los Derechos Humanos.

La verdad es que ningún italiano ha visto un libio de carne y hueso en la segunda mitad del siglo apenas concluso, a menos de haber sido llevado al lugar o a la embajada. Y se trata de un país que fue una de nuestras colonias por más de una generación, donde aún se habla la lengua italiana, y casi a tiro de artillería o de las lanchas neumáticas desde las costas de Pantelleria (¡!).

No por lo demás los ayatolás iraníes o el gobierno iraquí aparecen en primera fila incitando a la emigración, mientras los fundamentalistas egipcios manifiestan todo el propio deseo de mezclarse con los infieles organizando además atentados contra los turistas. Al contrario, es posible sostener que los únicos inmigrantes que originan los países no alineados con mayorías musulmanas son disidentes filo-occidentales o minorías étnicas –¡quizás católicos, como los armenios!

Si en Argelia no hubiese tenido lugar un golpe de Estado anti-islámico apoyado por Occidente, la misma Francia tendría quizás menos problemas de inmigración con su más discutida ex-colonia, exactamente como la inmigración de la Europa oriental no representó mayor problema hasta que los ciudadanos de tales Estados no precisaron solicitar un visado de salida. Y ello aunque el Adriático no se hubiese vuelto en ningún modo más estrecho, o los albaneses de algún modo mejor equipados en cuanto a embarcaciones o más emprendedores de lo que eran antes.

El Islam será seguramente siendo agresivo, y los países en donde viene siendo practicado no tienen ciertamente nada en contra para expandir con la mejor buena conciencia el propio territorio y esfera de influencia, pero si se le acredita representar un movimiento conquistador, identitario, patriarcal y autoritario, por cuanto gravado por la hipoteca universalista y monoteísta propia a todas las religiones del Libro, difícilmente se le puede imaginar dispuesto a promover la emigración hacia un país donde, como recuerda Faye, el 20% de los matrimonios de hoy en día son mixtos, estadísticamente destinados terminar en el divorcio y con la prole confiada a las mujeres infieles (¡!). Aquello que es directamente causante de la  inmigración no es la pobreza, ni mucho menos la agresividad o rebeldía de los respectivos gobiernos. Es el dominio de los valores occidentales en su sociedad, y el grado de sometimiento político y económico de sus países al Sistema.

De Iraq solamente emigran los kurdos, a pesar de ser un país sometido a un terrible embargo internacional, con el 15% de los niños, según "Il Giornale" del 19 de febrero de 2001, afectados de desnutrición. No hay que olvidar que el primero de los Derechos Humanos, el primer elemento de desarticulación –¡también interna!– de los residuos de identidad común en las regiones aun no alienadas y occidentalizadas, es la libertad de andar y venir, el desarraigo de las raíces territoriales que vuelve a las poblaciones móviles, fungibles, proletarizadas, privadas de pertenencias (cuando no en el límite alienado e imaginario representado por los restaurantes y la parroquias, o por la afición futbolera), cuyo vértice es naturalmente la emigración.

Otra cosa es, naturalmente, el islamismo "literario" de los conversos europeos, o el imaginario y polémico de los negros extremistas estadounidenses, que se creen musulmanes como el barbudo americano de color protagonista del film "Ghost Dog" cree, leyendo el "Hagakure" de Yoko Yamoto, ser un samurai del medioevo japonés, ejemplos tan patéticos como la convicción de algunas "stars" occidentales del espectáculo de ser budistas. Y otra cosa es aun el islamismo minoritario y sedicioso, representado no sólo por la componente "radical" de los inmigrantes musulmanes en Europa, sino por ejemplo por una parte notable de la población india –contexto en el cual parece obvio el deber de tomar partido por un gran país cuya cultura y religiosidad profundizan en las más lejanas (y degeneradas) raíces indoeuropeas, contra la intolerancia facciosa de sectas fanáticas que han llevado la maldición de Abraham contra la sacralidad del mundo y de la comunidad política hasta la tierra de la literatura védica, de Indra, Mitra y Varuna.

Es pues el mismo Guillaume Faye quien, acusando a la Nueva Derecha de confundir la perspectiva de acuerdos geoestratégicos con el Islam (entendido como conjunto de entidades políticas y estatales) con la tolerancia hacia la inmigración o la islamofilia "filosófica", subraya indirectamente cómo las dos posiciones no tienen absolutamente ninguna relación necesaria. Cosa demostrada históricamente, por lo demás, por la política filo-árabe de los ingleses a principios del siglo XX (en función anti-turca) y de los alemanes de entreguerras y durante toda la Segunda Guerra Mundial (en función anti-occidental), ciertamente ni en el primero ni en el segundo caso por aspiraciones al mestizaje árabe-europeo, o a la conversión o a la creación de sociedades multirraciales en los propios países.

De nuevo es el mismo autor quien explícitamente hipotetiza posibles relaciones diversas, incluso alianzas, entre Europa y los países islámicos, enumerando como pre-condiciones: que no sea suscitada ni la interpenetración étnica ni el proselitismo religioso; que cese la política de alianza subterránea antieuropea con los Estados Unidos; que sea reconocida la soberanía europea sobre el territorio que abarca "desde Portugal hasta el estrecho de Behring, del Cáucaso al espacio siberiano". Pero, en el momento de exponerlas sobre el plano político concreto, apenas podemos imaginar la perplejidad de un dirigente político islámico frente a estas "condiciones" o "solicitudes" ante una mesa de negociaciones.

Veámoslo brevemente desde el punto de vista del imaginario dirigente:

1) El tráfico de mano de obra musulmana hacia las tierras infieles está organizado por el Sistema y por los gobiernos fantoches de los países filo-occidentales, aun cuando éstos no lo promuevan activamente, ni escondan su preferencia por algunos miles de dólares de más en "ayudas internacionales", empleados sobre el lugar por parte de las corruptas burocracias del poder, respecto a diez permisos de trabajo de otros tantos emigrantes cuyos (dudosos y eventuales) envíos de divisas a las familias de procedencia son ciertamente más difíciles de interceptar.

2) Mientras exista una obvia presión objetiva a la conversión en las zonas y en los barrios europeos de dominio musulmán, para un musulmán, como subraya Faye, el aspecto religioso permanece estrechamente conectado al aspecto político y étnico, así que el escenario de "misioneros del Islam" enviados a convertir a otras poblaciones según el modelo católico y protestante no tiene ninguna posible comparación histórica pasada o contemporánea. Para la mentalidad árabe, la única verdadera "conquista" es aún la tradicional adquisición de territorios a través de anexiones político-militares.

3) Ninguna de las naciones árabes tiene reivindicaciones territoriales o dominios sobre Europa; a lo más, es Turquía, a la que hemos visto gozar de la indulgencia cuando no de la simpatía de Faye, quien mantiene bajo el propio indiscutible dominio una ciudad particularmente importante en la historia europea bajo los nombres de Bizancio y Constantinopla, controlando además por cuenta de los americanos los estrechos y el acceso de las poblaciones eslavas del este al Mediterráneo.

4) La posición de la Europa actual no la de la oposición a la "alianza subterránea" reprochada por Faye a los árabes respecto a los EEUU –situación que por lo demás únicamente describe las posiciones de los gobiernos árabes filo-occidentales–, sino una subordinación del todo abierta y "oficial" a los mismos EEUU y a las organizaciones internacionales por ellos dominadas, que se manifiesta en particular con un apoyo incondicionado a los intereses americanos e israelitas en el Mediterráneo y en el Oriente Medio (¡!). No es difícil imaginar que si nuestro hipotético dirigente tiene algún conocimiento de la Biblia, además del Corán, la primera idea en venirle a la mente sea la parábola de la paja en el ojo ajeno y la viga en el propio.

Todo ello nos lleva a introducir un nuevo elemento crítico respecto al análisis contenido en "La colonización de Europa".

La utilización de términos como "conquista", "guerra", "colonización", es absolutamente legítima para evocar la situación de dramática emergencia en la cual nos encontramos, y tiene su eficacia y posibilidad en términos metafóricos. Pero tal utilización parece menos justificable, y comúnmente menos útil en términos estrictamente políticos, cuando es expresada en sentido literal y con vistas a acreditar la tesis de que exista un positivo y consciente "complot" por parte de las jerarquías religiosas, de los emigrantes y de los gobiernos de los países islámicos, todos indiferente y globalmente incluidos, con vistas a la realización de un diseño político unitario.

Hemos visto que el Islam, incluyendo la más reducida nación árabe, por desgracia o por fortuna, ni está unido ni es particularmente unitario. Mientras en cada uno de los países y componentes anidan algunos de los más resueltos opositores contemporáneos al sistema de poder internacional, otros no solamente están perfectamente alineados a éste último, sino que no constituyen más que irrelevantes fiduciarios locales de una colonización occidental que persiste en tales países de una forma nueva, hasta privarles de cualquier capacidad o poder de iniciativa que vaya más allá del hecho de negar la extradición de Craxi a los ministerios públicos de la República Italiana o de constituir útiles objetos y pretextos para las guerras occidentales contra otros musulmanes.

Ahora bien, las masas sociales de desadaptados, homologados neo-occidentales, criminales, jóvenes desarraigados y desesperados varios que hacen fila para entrar en Europa, vientre blando y puerta de servicio del "centro del Imperio", al mismo tiempo original en el pasado y copia bruta actual de la realidad transmitida por los televisores vía satélite, no son ciertamente las orgullosas tropas de asalto de una civilización conquistadora. Son mucho más similares a los rechazados de regiones y culturas que sufren a su vez de una fortísima incomodidad a una horda empujada sobre nuestras orillas por el atractivo de botines imaginarios, desplazados, "merci umane", por el sistema económico internacional según las propias exigencias. Representan las avanzadas de una "conquista" árabo-musulmana de Europa exactamente como los Padres Peregrinos representaron la conquista del continente americano por parte de la milenaria cultura europea o del Sacro Imperio Romano. Algo, seamos claros, que no impedirá a nuestros inmigrantes reducir a la ruina y a la extinción a nuestros pueblos, exactamente como las culturas de los pieles rojas fueron extirpadas por los emigrantes que partieron allí para así mejor renegar de la propia civilización, la propia raza y su comunidad. No es casualidad, por lo demás, que la norteamericana haya sido, como la que hoy nos amenaza, un colonia de población, como lo fueron en gran parte Australia o Sudáfrica, zonas ambas, por lo demás, a diferencia de Europa, con una bajísima densidad de población autóctona –en oposición a las colonias un tanto diversas como las de Indochina, Malasia, Tanzania, Etiopía o las Filipinas.

Cuando, como relata Faye, los imanes de la periferia de París predican: "Este continente se ofrece a nosotros, o mejor es Allah quien nos lo ofrece, como un fiero guerrero metamorfoseado en mujer sumisa" (de un boletín difundido por "Amicale des Musulmans de Créteil" en noviembre de 1999), se oyen resonar distintos ecos, muchos árabes, de desesperación depresiva y de una arrogancia compensatoria, incluso no sea una cita extraña a los lectores de "Las mil y una noches" (ver la historia entre el rey an-Un´man y sus descendientes contra el Imperio bizantino, capítulo 45). Por ello, las comparaciones históricas con Solimán el Magnífico, con Saladino el feroz o con el mismo imperialismo otomano aparecen sin duda sugestivas, potencialmente movilizadoras, pero sólo con la condición que tales referencias no vengan ofuscadas con la correcta comprensión de la realidad histórica y de las aclaraciones pertinentes.

Parece que este caso es el propio Faye quien concede un crédito excesivo a los gobiernos y a los países emigracionistas, en atribuirles planes orgánicos y coordinados de conquista, cuando su rol y peso actual parece más similar al de los jefes de tribu del África central y occidental que durante al menos cuatro siglos vendieron regularmente a sus propios súbditos a los traficantes de esclavos, primero para abastecer los mercados árabes y después los brasileños y los estadounidenses. ¿Aquel tráfico de esclavos puede ser considerado una "estrategia" para alterar la composición étnica del África sahariana o de los inmigrantes americanos "caucásicos", o para colonizar genética y culturalmente los relativos ámbitos?

Sería más que dudoso. Seguramente tal emigración ha mestizado más o menos consistentemente las zonas de destino, seguramente en los casos brasileño y estadounidense ha alterado irremediablemente las líneas culturales. Pero que todo ello correspondiese a una expansión deliberada, y al avance histórico, cultural y biológico de las poblaciones implicadas, es en verdad difícil de sostener. El autor parece aquí víctima de la propaganda identitaria de los mismos inmigrantes que, extraños en tierra extranjera, buscan en el peor de los casos recuperar y mantener una cohesión interna con valencia sustancialmente sindical y reivindicadora, compensatoria y consoladora de su "status" de desarraigados y renegados mestizos que, a pesar de todo, a diferencia de muchos europeos, americanos o brasileños, evidentemente aun no están enteramente habituados. También aquí habla en el fondo de Guillaume Faye la voz del ciudadano de un país antaño colonialista, que conoce desde hace pocos decenios la inmigración, pero que por emigración entiende aun hoy… ¡el éxodo hacia otras cortes europeas del residuo no guillotinado de la aristocracia francesa durante el periodo napoleónico y revolucionario! Concepto y experiencia cuando menos diferente de aquellos que el término "emigración" representa por ejemplo para la cultura italiana o irlandesa.

Si es cierto que el veinte por ciento de los matrimonios franceses son hoy en día matrimonios mixtos –incluso atribuyendo todo el peso del caso al hecho significativo de que se traten en la gran mayoría de los casos de matrimonios entre inmigrantes y mujeres autóctonas (y los jueces franceses contemporáneos asignan regularmente, en caso de separación, la prole a la madre, exactamente como los italianos)–, si es cierto que los inmigrantes no son (todavía) mayoría, y si finalmente es cierto que los inmigrantes no son ciertamente homogéneos entre sí, ¡no se diseña en el panorama un futuro de "limpieza étnica" para las comunidades extranjeras en el hexágono francés!

Por lo demás, al frente de las preocupaciones expresadas en "La colonización de Europa" a propósito del potencial condicionamiento de la libertad de la política exterior europea (¡!) por parte de los ambientes de la inmigración, en particular musulmana, es fácil constatar que la incidencia que la comunidad islámica puede ejercer al respecto es muy similar a aquella, en verdad mínima, de la comunidad italiana y alemana en América en las vigilias de la Segunda Guerra Mundial, y no por ejemplo a aquella de signo opuesto de la comunidad judía en nuestros países, o a aquella ejercida, por la vía del chantaje económico, la ocupación militar y el sometimiento político-cultural, por los Estados Unidos.

Estoy perfectamente de acuerdo con Faye al considerar hipócrita, jesuítico y perdedor el eslogan que invita a luchar "contra la inmigración, no contra los inmigrantes", muy parecido al anticomunismo clerical de los años cincuenta que quería "combatir al pecado, no a los pecadores". Los segundos caminan evidentemente con las piernas de la primera, y combatir la inmigración significa combatir la llegada, la instalación y la permanencia de los inmigrantes, por lo demás en nuestro país casi siempre ilegales en el sentido de la propia normativa vigente.

Pero considerar a los inmigrantes la consciente quinta columna de una guerra de conquista, cuando son a la inversa los gérmenes patógenos de un desarraigo universal que vacía y destruye las culturas y las economías de procedencia y saquea hasta reducirlas a ruinas las de destino (más allá de las momentáneas ventajas que aún están por demostrar), parece fruto de un "complotismo" que termina por revelarse políticamente funcional como discurso de legitimación para una "microguerra local de bandas", que es precisamente uno de los aspectos mas caracteristicos de la sociedad multirracial a la americana.

Evidentemente, también aquella de la "trata de esclavos" es una metáfora. Los inmigrantes, no sólo en Francia, apenas llegados se "empadronan" se benefician en la mayoría de los casos de un inmediato acceso a los bienes de consumo normalmente muy superior al que gozaban en los países de procedencia; se integran casi inmediatamente en la economía más o menos ilegal, cuando no criminal, de las respectivas comunidades; obtienen beneficios, ayudas y asistencia pública, con condiciones incluso discriminatorias para las poblaciones autóctonas. En una palabra, se "aburguesan". ¿Pero acaso es esto lo que entendemos por "victoria" y por "conquista"? Después de lamentar una tal suerte para las poblaciones europeas, ¿reconocemos en ella una "victoria histórica" de los inmigrantes? Del mismo modo se podría sostener que el proletariado o la Unión Soviética "han vencido", porque, hoy, con un poco de fortuna pueden comprar algún foulard de Hermes en las rebajas del supermercado occidental…

En "El Arqueofuturismo" Faye critica tal vez con exceso las que él mismo define como sus pasadas posiciones, y el proyecto político resumido en el título del libro "Europe-Tiers Monde, méme combat" de Alain de Benoist. Es absolutamente cierto que en Arabia Saudita un "pagano" o un "ateo", a diferencia de un cristiano o un judío, no tienen ningún derecho de entrada, y que los musulmanes desprecian a los europeos (por lo demás, como reconoce Faye, perfectamente con razón). Es cierto que son ilusorios "acuerdos" y "alianzas" entre mundos que en gran parte compiten para mejor comprometerse con el común enemigo americano. Pero no es en absoluto necesario que la detención del "ataque demográfico", o de una "colonización" que sólo es tal en el sentido zoológico del término, devenga objeto de un "acuerdo negociado" Europa-Tercer Mundo, según la hipótesis debenoistiana de la época (hoy desfasada en el "comunitarismo etnopluralista" de la Nueva Derecha ya tratado).

La verdad es que los países del Tercer Mundo que conservan algún residuo de independencia política o de cultura comunitaria e identitaria no han sido antes y no son ahora países de emigración, puesto que en ellos se entiende comúnmente que los recursos humanos pertenecen a la comunidad nacional, y pueden y deben ser empleados para resolver los posibles problemas comunes, e igualmente para compartir el destino común.

Y no es casualidad, exactamente como sucedió en Europa, que el enfriamiento y la inversión de los flujos migratorios siempre ha dependido constantemente del grado de sometimiento o independencia del país implicado (ver en nuestro continente como ejemplos a la Escocia después de la batalla de Culloden, la Irlanda dominada por los ingleses, la Alemania de los pequeños estados preguillerminos…). Exactamente como inversamente proporcional al grado de sometimiento político resulta la presión demográfica autóctona –lo que deja no sorprendentemente a Italia y Alemania en el fondo del mismo grupo europeo-occidental, ¡con la tasa de natalidad más baja de la historia de nuestro continente, como anota Faye, del tercer siglo después de Cristo!

Por lo demás, en términos ciertamente no de "cohabitación", sino más bien de "consistencia histórica posible, hemos ya apuntado que el cristianismo es intrínsecamente misionero y universalista (y aún lo es más en sus formas secularizadas), y por consiguiente inevitablemente llamado a "convertir" y adulterar con todos los medios las culturas ajenas; el judaísmo es fundamentalmente cosmopolita y por ello llamado a insertarse como cuerpo extraño etno-religioso en las otras culturas y comunidades y a minar y negar su cohesión interna; el Islam es hoy fundamentalmente el monoteísmo identitario de una comunidad etnocultural compuesta, ciertamente antifaústico y fundado sobre el rechazo de la visión europea de la historia, ciertamente imperialista e investido por una misión divina de autoafirmación, pero sobretodo, y, no sin razón, preocupado de no ser asimilado.

Tal diversificación tiene orígenes no solamente en diferencias teológicas, sino en experiencias históricas muy concretas que han envuelto a las tres religiones, llevándolas a ser lo que son, de tal modo que el Islam es el único en poder reivindicar con buen derecho una especie de "autoctonía" (que en el ámbito monoteísta sólo las corrientes sionistas del judaísmo buscan, no por casualidad, remedar con la constitución del Estado de Israel). En tal sentido, el expansionismo islámico, con la excepción quizás de la compleja vivencia de la primera islamización de Persia, parece ciertamente más cercano, a pesar de todo, a los modelos tradicionales de expansionismo político-culturales propios a todas las civilizaciones que al tipo de influencia etnocida ejercida en Occidente y en todo el mundo por el judeocristianismo, primero, y por sus variantes secularizadas que conocemos con el nombre de Sistema después; y por ello parece ciertamente menos inclinado a malgastar la propia voluntad de poder en la conversión y la adulteración forzada y/o en la dominación oculta.

Simétricamente, a diferencia de la mentalidad propia al judaísmo y al cristianismo, las poblaciones musulmanas derrotadas y sometidas, como reconoce Faye, siempre se encierran en el fatalismo y en la preservación de las propias tradiciones, sin representar ningún particular potencial de "envenenamiento" para aquellos que han llegado eventualmente a dominarles. Parece así difícilmente admisibles, y casi increíbles en boca del autor, algunas declaraciones en las que se deja arrastrar en su brillante discurso, como aquella (pág. 147) según la cual… "el pagano puede vivir sin conflictos con el cristiano o el judío, pero no con el musulmán" (¡!)

Del mismo modo, me parecen históricamente muy dudables, y políticamente desmovilizadoras, las opiniones según las cuales "es más fácil liberarse de unos "jeans" que de un chador, de un McDonald´s que de una mezquita". La historia está repleta de culturas que se imponen sobre otras culturas, para luego sufrir el desquite; las mezquitas fueron ya extirpadas sin mayores problemas de España, de Sicilia y de los Balcanes; la destrucción de todo testimonio cultural en el magma indiferenciado del Sistema, especialmente allí donde deviene completa, parece, según el actual estado de las experiencias, más irremediable.

Así, este tipo de afirmaciones, que sería erróneo extrapolar del contexto globalmente condivisible de la obra que comentamos, me parecen muy peligrosas bajo tres perfiles. El primero: la desenfatización de ese componente del aspecto propiamente racial y demográfico del problema, sobre el cual Faye ha insistido antes como una de las componentes trágicamente ignorados en las tendencias asimilacionistas o multiculturalistas por él criticadas. El segundo, estrechamente unido al primero: la objetiva continuidad que se genera con las posiciones del clero católico "combativo", que ya pagó el cambio con un lento declive de las vocaciones y del peso religioso contra el reconocimiento y el respeto social ahora unánimemente compartidos en exclusiva con los "hermanos mayores" de religión hebrea, y que hoy no tolera la improvista llegada de los "primos" mahometanos, convocando así a ciertos cruzados según quienes "nuestra cultura" será defendida solamente prohibiendo el culto islámico o expulsando al mar a los prófugos (europeos, a pesar de todo) de Bosnia, mientras serían bien recibidos los párrocos del Zaire, las criadas filipinas, los obreros andinos, las hermanas jamaicanas, los programadores israelíes…

Y, en tercer lugar, el hecho de que la pseudo-cultura de los McDonald´s y los jeans preparan y hacen posible exactamente el tipo de sociedad en donde conviven mil sectas entre sí, con el indiferentismo común y mayoritario, entre cientos de razas diversas sobre el mismo territorio. Todo el mundo es ciudadano, todos van y vienen, se entienden en inglés, no hay razón para no llevar a casa el propio pedacito de folklore o de creencia, o para no organizar la propia banda étnica en la cual encontrarse y encontrar un sucedáneo de política en el enfrentamiento tribal contra el barrio o el condominio confinante.

Retornando sobre un plano más filosófico y cosmo-histórico, uno de los eslóganes propuestos por "La colonización de Europa" es "Del etnopluralismo al etnocentrismo". Tales posiciones siguen los pasos de una ulterior crítica a la extremización (o mejor, en realidad, a la "externalización") de las posiciones antiuniversalistas de la Nueva Derecha.

También en este caso la Nueva Derecha ha partido de presupuestos correctos, y sobre todo capaces de derrotar políticamente al interlocutor "politically correct", precisamente por la constatación de la fundamental irreductibilidad de las civilizaciones y de las razas humanas, de modo que toda hipótesis de "igualdad humana" en sentido intercultural es en primer lugar ofensiva y lesiva para la identidad y el legítimo orgullo de pertenencia del "igualado". "Igualado" que es aburridamente asimilado, desde un punto de vista ideal antes que práctico, en una "humanidad" genérica definida sobre la base de parámetros occidentales, en donde como en Schelling "todas las vacas son grises", negando implícitamente el mismo derecho del Otro a la existencia –lo cual termina por reflejo negando implícitamente la existencia del Uno.

El subrayado de tal consecuencia "racista" inscrita en los postulados ideológicos del Sistema pertenece, por lo demás, a una estrategia más general del "déplacement" siempre aplicada en los ambientes de la Nueva Derecha, como ya hemos visto por ejemplo elevando a sistema el hecho de relanzar las tesis más inconvenientes a través de la sagacidad de citar entre comillas a personajes "santificados" por cualquier discrepancia con los regímenes fascistas históricos (quizás por repugnancia hacia un guardia urbano, o paradójicamente por… extremismo político mal conciliable con la "centralidad" mussoliniana o hitleriana), de la serie "he aquí, si queremos citar las ideas incómodas ya perseguidas también en los años treinta, etc."; y en este caso gritando a la inversa: "no respetan el derecho a las diferencias y las características concretas y específicas de las poblaciones extraeuropeas" (acusación que muchos toleran si se refiere a nuestra cultura y raza, pero que deja un fuerte sentido de incomodidad si se generaliza en una acusación de "injusticia" hacia los otros).

Al igual que en el ejemplo citado se termina en verdad por ser influenciado por todas las componentes más bizarras, lunáticas y marginales del mundo antiliberal de la primera mitad del siglo XX, también el discurso de la Nueva Derecha relaciona la cuestión de la originalidad e incompatibilidad de las culturas que termina siempre por desembocar en la idea perniciosa de una fundamental equivalencia entre la civilización y la raza, de una "par dignidad" acordada incondicional y automáticamente en toda dirección histórica y geográfica.

Desde aquí no hay mas que un paso para admitir incluso una inferioridad de la civilización europea, o al menos de la civilización europea históricamente existente, tesis que por lo demás ya había sido aceptada tanto en los ambientes tradicionalistas ("ex oriente luz", la "acción" como sierva de la "contemplación", la decadencia moderna y el reino de la cantidad respecto a la conservación a través de usos y costumbres más cercanos a una presunta Tradición ancestral común) como en los ecologistas y neoprimitivistas (con sus declaraciones en favor de sociedades históricamente extrañas, en supuesta armonía con la naturaleza, "no-agresivas" antifaústicas).

Tal conjunto de ideas es justamente rechazado por Faye como fruto y manifestación de un disolvente oscuro, de un etnomasoquismo enfermo que reniega de las propias raíces y no puede percibir intelectual ni afectivamente la absoluta peculiaridad de la propia identidad respecto a la identidad de los demás.

En oposición a ello, el autor retiene de nuevo la afirmación polémicamente opuesta de la superioridad de la cultura europea, que el libro "demuestra" con ejemplos y argumentos cuando menos convencionales y propios del siglo XIX, como la comparación entre Miguel Angel y la estatuaria precolombina, entre Mozart y la música ritual del Asia u Oceanía, enumerando además los legados de la cultura europea "en campos tan diversos como la arquitectura, la poesía, la literatura, las artes plásticas, la música, la astronomía, la física, las ciencias naturales, las matemáticas, la filosofía, la espiritualidad, la medicina, las técnicas aplicadas".

Ciertamente, cualquier tentativa de devolver a los europeos "conciencia de sí" es seguramente apreciable. Pero el discurso de "La colonización de Europa" deviene tan ambiguo y desviado como aquellos a los que se opone el autor cuando él mismo termina por escribir: "Existen criterios objetivos y universales de comparación entre las civilizaciones". O peor aún, en una caída absolutamente insólita de Faye en el tópico y en lo "políticamente correcto": "Hay religiones objetivamente superiores a otras porque sus obras espirituales son más elevadas (?) y porque no han dado lugar a masacres" (!).

Ahora bien, la idea de la "superioridad objetiva" es exactamente el punto de vista del extremismo "blanco" americano, del colonialismo franco-británico y tambien del reciente occidentalismo liberal (como por ejemplo, en Francis Fukuyama), y está tan viciada en sus presupuestos como es perjudicial en sus recetas prácticas. Por mucho que pueda aparentar ser "etnocentrista", comporta en realidad la admisión de una comparación universalista "entre naranjas y manzanas", como dicen los ingleses, algo extraño a la experiencia y al espíritu de las grandes civilizaciones históricas. Escribe Faye: "Los pueblos de larga duración, las civilizaciones vivaces siempre se han creído centrales y superiores", y cita como ejemplos a la China y al pueblo judío. Trasladando aquí las cuestiones más complejas y absolutamente peculiares que posee éste último, es perfectamente cierto que todas las grandes culturas y razas siempre se han considerado "superiores", pero en relación a los valores que ellas mismas se daban y expresaban, sin importarles mínimamente que en la base de tales reivindicaciones obvias (y contingencias) hubiese o no cualquier "verdad objetiva" de naturaleza universal, supercultural e interracial.

También me parece equívoco el criterio del "suceso histórico", porque tal "suceso" de la civilización europea es hoy peligrosamente puesto es discusión sobre el plano cultural y biológico, sin que ello deba mínimamente poner de nuevo en discusión la fidelidad que debo tributar a la misma civilización europea. Y secundariamente porque el mismo criterio está evidentemente influenciado por un punto de vista exactamente occidental-europeo, puesto que el "suceso" (versión pervertida de la idea de la "gloria inmortal" específica de la mentalidad indoeuropea, y por nada universal) es ya un sistema de medida culturalmente relativo, y como tal puede representar bien poco, o ser completamente incomprensible, en la perspectiva original, no occidentalizada, de la cultura malgache o de la tibetana.

Aún peor me parece el recurso a los "reconocimientos" que a la "superioridad" europea vemos tributar por otras culturas ("En el Japón, por ejemplo, la música europea es reconocida como más evolucionada que la música nacional"). Es fácil identificar en muchos de tales reconocimientos nada más que la manifestación del desarraigo impuesto por el colonialismo cultural del sistema occidental, o nada menos que la regresión a un estadio ulterior de degradación, un equivalente local del exotismo folklórico y de la xenofilia que Faye reprocha a los europeos (ver los coreanos que cenan en restaurantes con los camareros disfrazados de gondoleros o con traje tirolés). Pero en otras ocasiones, los mismos reconocimientos no son sino la manifestación de un fenómeno legítimo de (crítica y limitada) "cross-pollination" cultural, que siempre ha existido a nivel de las élites, y absolutamente funcional en el nacimiento, desarrollo y floración de las grandes culturas (que para ser sí mismas tienen necesidad de otro del cual distinguirse y con el cual relacionarse dialécticamente), al cual se opone Faye, declarándose provocadoramente partidario del "aislacionismo cultural".

El pensamiento identitario de matriz, decíamos, italogermano y centroeuropeo se funda sobre una afirmación voluntarista de valores, tradiciones y elementos culturales que son defendidos y propugnados simplemente porque son los reconocidos y reivindicados como propios. Y ello sin necesidad de recurrir a una dudable Razón Universal, como tal susceptible de ser desmentida (¿qué le importa a un indio boliviano que nunca ha tomado contacto con el Occidente el pensamiento de Heráclito, o sobre qué bases debería reconocerlo como "superior" y prescindir de la cultura irreduciblemente distinta en la cual vive él?).

La misma teoría nacionalsocialista de la "raza superior", correctamente entendida, retiene la afirmación de ciertos valores y elementos a un nivel completamente interno a una dialéctica alemana y europea, a un juicio aparentemente fundado sobre elecciones y pertenencias ya dadas por descontado, y a una voluntad de poder colectiva y autofundada. A ningún autor o dirigente de tal ambiente se le habría pasado por la mente la idea de que la civilización europea pudiera ser considerada "superior" desde el punto de vista de un judío, un africano o un japonés, así como estaba claro para todos que el juicio diverso sobre estas tres razas y tradiciones, por ejemplo, fuese el único juicio posible sobre ellas: era el juicio desde el punto de vista europeo, alemán y nacionalsocialista, y no el de un inexistente "observador desencarnado".

En el momento en que –después de haber reconocido (y luego inexplicablemente olvidado) que cada raza y cultura no puede sino considerarse superior desde su propia perspectiva– introducimos la idea según la cual existe una posible "discusión" al respecto fundada en referencias comunes y "objetivas", justificamos evidentemente la "conversión" a la "superior" civilización occidental, conversión que a su vez termina por justificar la "acogida" por parte de ésta última de elementos humanos y culturales extraños, así "convertidos" y mestizados, a lo más bajo una temporal "tutela" europea, pero al final, inevitablemente, inmersos en la entropía étnica total.

Estoy perfectamente de acuerdo con el hecho de que los europeos deben ante todo (pre)ocuparse de su identidad cultural y racial antes de angustiarse por la de los otros, que además corren menos riesgos. Pero también es cierto que todo ataque occidental a la identidad de los otros representa una llama que ataca por ambos lados, porque el mestizaje étnico y cultural anula cualquier especificidad de pertenencia.

Y estas especificidades son, como reconoce Faye, una riqueza que condiciona la misma capacidad de la especie humana en su complejo de conservar la propia peculiaridad respecto al resto de la biosfera, sobrevivir y realizar el propio destino. Las razas y culturas humanas no son solamente como las razas de los caballos o de los perros. Son también experimentos, a escala cósmica y macrocósmica, de una autocreación en la cual el hombre es trágicamente llamado para ser, o mejor devenir, aquello que es. Por ello, toda gran civilización ha necesitado de la existencia y de la resistencia de otras poblaciones distintas, en términos genéticos, espirituales, lingüísticos, para autodefinirse y adquirir, polémicamente, una consistencia de sí. Lo repetimos una vez más: quien afirma agresivamente la propia identidad es un rival contingente, que la niega y reniega ("te envenena también a ti") con éxitos potencialmente fatales para todos los pueblos.

Al contrario, Faye tiene perfectamente razón cuando subraya la absoluta prioridad, entre las varias cuestiones políticas actuales, de la cuestión relativa a la inmigración alógena, como amenaza a la supervivencia étnica, física y biológica de los pueblos europeos.

En este sentido toda otra cuestión es relativamente secundaria, en cuanto que ésta representa la amenaza última, la catástrofe irremediable que hoy nos amenaza.

Pero de nuevo a mi parecer hay que añadir un nuevo dato, a nivel político, sobre la inserción de tal fenómeno en un escenario migratorio, e "inmigratorio", más complejo, que en cierto sentido constituye también el cuadro que hace posible, facilita o acompaña, tal "inmigración de población" fundamentalmente etnocida.

Intento obviamente hacer referencia a la inmigración que, por ejemplo, recibe hoy en día Italia de la Europa suroriental (Albania, Rumanía, ex Yugoslavia en primera fila), por ser un veinte por ciento del total y que técnicamente puede ser considerado un flujo interno europeo, y que aun siendo la única reprimida por el poder constituido (aunque sea con resultados ridículos) comporta consecuencias sociales desastrosas en términos por ejemplo de criminalidad común y mafiosa, de orden público, de ilegalidad difusa, que a su vez afecta a la ya limitada capacidad de resistencia y conciencia identitaria de las poblaciones más directamente expuestas. Igualmente merece ser mencionada la migración interna del Sur al Norte presente en muchos países europeos, así como de la "periferia" al "centro", en la última fase de un proceso re-instalación y proletarización (o mejor, "movilización" a la americana) que aún no ha terminado de consumarse así como aún no ha terminado de consumarse la destrucción en curso de las identidades regionales bajo el ataque concentrado de la inmigración alógena y de la "naturalización" forzada centralista aún en acto.

Reconocer el "status" de europeos a los albaneses o a los rumanos, y subrayar la paradójica discriminación sustancial que éstos sufren respecto a los senegaleses, los chinos, los filipinos o los zulúes, no significa aprobar o tolerar el traspaso en masa de aquellos a nuestras ciudades, o la implantación masiva de comunidades extrañas –y además parasitarias, nómadas o criminales– sobre el territorio italiano.

Así como la pertenencia al mismo Estado-nación no puede representar una justificación para la perduración en vastas áreas europeas, concretamente en el sur de ciertos países, de círculos viciosos típicos de la emigración – subdesarrollo – asistencialismo – clientelismo – mafia - emigración, que generan presiones fiscales y distorsiones económico-políticas inaceptables en las regiones urbanas y en el norte, causa a su vez de disgregaciones sociales según el modelo mexicano-brasileño, y de sucesivas e irresponsables importaciones de mano de obra a bajo precio sobre todo el territorio (ver la actual situación de la agricultura en el valle del Po).

Estos fenómenos, lejos de ser irrelevantes, constituyen el marco en donde se inserta y prospera el etnocidio de las poblaciones europeas autóctonas, contribuyendo a desquiciar los "fundamentos" comunitarios de una posible resistencia, como parecen al menos haberse dado cuenta las áreas más conscientes del legismo italiano, del movimiento bretón o del nacionalismo galés.

En fin, hemos visto cómo Guillaume Faye profetiza la guerra civil étnica sobre el suelo europeo. Que será, como él mismo precisa, antes que una guerra civil del tipo clásico y fratricida, una guerra de liberación nacional, en sentido muy literal.

El autor manifiesta sin embargo, con razón, una desconfianza absoluta en la capacidad de nuestra sociedad para administrar el impacto del asentamiento masivo de poblaciones y culturas alógenas y hostiles (sea a través de la absorción forzada o a través de la implantación de un modelo social "multicultural" y neotribal) y en la posibilidad actual de contrastar el fenómeno en el ámbito de la pura política gubernamental o en el ámbito de la legalidad constitucional e internacional del Sistema, y es así que prevé el alcance en todo caso de un punto de ruptura que ponga en discusión los procesos denunciados. Y no sólo. Confía en que tal crisis se produzca, como elemento necesario para que pueda producirse un vuelco de la mentalidad presente y del escenario político contemporáneo, en un contexto sustancialmente insurreccional.

Ahora bien, que no existen soluciones prácticas en el interior del contexto político y cultural contemporáneo es perfectamente cierto, así como lo es el hecho de que se debe tener el coraje salir decisivamente de los parámetros mentales de la "political correctness" y de los regímenes democrático-liberales tradicionales. La "espera de la crisis" en el pensamiento de Faye, crisis étnica en "La colonización de Europa" como económica y ecológica en "El Arqueofuturismo", amenaza sin embargo de colorearse de aspectos mesiánicos, en el sentido en que la Revolución comunista era la espera de la extrema agravación de la explotación, de la concentración de la propiedad de los medios de producción y de la lucha de clases. Por lo demás puesto que tal crisis es tanto más probable cuanto más brutal, cuanto menos gradual es el fenómeno combatido, tal postura lleva a una valoración ambigua de su agravación, por sus auspiciadas potencialidades "catastróficas", en sentido etimológico; valoración que amenaza confinar, como en todos los "adventismos" religiosos y laicos, con una "lógica de lo peor", a nivel político fundamentalmente desmovilizante, en cuanto incoherente con los valores defendidos. Una lógica verdaderamente peligrosa, exactamente a la luz de la potencial irremediabilidad, sobre lo cual el mismo Faye insiste mucho, de procesos que inciden sobe la misma existencia física del sujeto histórico europeo, entendido como grupo etnocultural concreto. Soy, en efecto, en cierto modo más pesimista que el autor; y no se me escapa, bajo la falsilla de las reflexiones de Giorgio Locchi, que, si la historia es verdaderamente "abierta", el mismo fin de la historia es posible; que, a pesar de la resistencia siempre renaciente a la misma, la entropía cultural racial y lingüística encarnada por el Sistema puede perfectamente realizarse hasta el fondo, también a precios y con costos hoy impensables para sus actores. De la "crisis" profetizada no me parece en efecto cierto ni su verificación –especialmente allí donde y cuando la gradualidad, la aceleración de los fenómenos extiendan la toma de conciencia y de reacción colectiva–, ni sobre todo el éxito. Para que estalle la guerra de liberación, y sobre todo para que resultemos vencedores, debe haber alguien dispuesto a combatir. El etnocidio de por sí no genera revuelta, o al menos revuelta de relieve político, como la crisis económica y la explotación no generan por sí la revolución, o la difusión del pecado y los cataclismos simbolizadores del adviento del Anticristo generen de por sí las condiciones para la Segunda Venida.

Pero, mientras el mito solsticial ("la ocasión se manifiesta a quien la sabe atender", "donde el peligro es mayor, allí nace lo que salva", "tocar el fondo del cual ya no se puede salir", "nada hay más oscuro que la medianoche", etc.) representa una referencia espiritual ineludible para quienes hoy se baten por el renacimiento y la misma supervivencia de Europa, es útil reafirmar que no es la crisis la que provoca la "ruptura del tiempo de la historia" de la que representa a lo sumo la ocasión, sino que es la voluntad histórica del sujeto que en ella se esconde.

Y no sabremos cómo suscitar, mantener y cementar tal voluntad si no es a través de una acción y una praxis militante y coherente con los principios afirmados, que impongan hoy combatir la colonización y el etnocidio de Europa a todos los niveles y en todos los ámbitos posibles y concretamente en la elección política y personal cotidiana, ciertamente en la conciencia de su insuficiencia y en la determinación de aprovechar el cambio de las condiciones comúnmente destinadas a producirse, pero también en el apoyo constante a cualquier iniciativa de contraste y contención que se ofrezca concretamente.

 

 

Traducción de Santiago Rivas

 

 

Notas

(1) Grupo de Investigación y Estudios para la Cultura Europea. "Grece", en francés, significa "Grecia" [NdT]

(2) Con el título "Il sistema per uccidere i popoli" (El sistema para matar a los pueblos), Societá Editrice Barbarossa, Milano 1997.

(3) Indagaciones sobre los Derechos Humanos.

(4) Nuevos discursos a la Nación Europea.

(5) Occidente como decadencia.

(6) Ediciones Nueva República. Barcelona 2003.

(7) (El eclipse de lo sacro). Editions du Labyrinthe. París 1990.

(8) Traducido al español por Klaas Malan y disponible en red-vertice.com

(9) La Colonización de Europa. Edición particular. Madrid 2001

(10) El grupo dirigido por Gianfranco Fini, que aglutina a los denominados "postfascistas" procedentes del antiguo MSI:

(11) "Catto-comunista", expresión corriente en el lenguaje político italiano y de difícil traducción literal a otras lenguas. En sí, hace referencia a las corrientes de la Iglesia Católica permeables a las ideologías progresistas en general y no tanto marxistas en particular.

(12) Se trata de una famosa asociación cultural y folclórica celticista. Los Arvernos fueron una de las tribus de la antigua Galia.

(13) Referencia a la famosa obra de Julius Evola, "Rivolta contro il mondo moderno".

(14) Beur: joven árabe nacido en Francia de padres inmigrantes.

(15) "El Islam y los EEUU. Una alianza contra Europa". Inédito, no publicado. Madrid 2000.

(16) se trata de una broma: los prefijos telefónicos internacionales, desde Italia, comienzan todos 000.

(17) Obviamente escrito antes de la segunda Guerra del Golfo y la posterior ocupación americana.

 

[Extraído de la Revista L'Uomo Libero, número 51, Mayo de 2001]

jeudi, 18 décembre 2008

Nationalisme, concert européen impérial, nouvelle droite et renouveau catholique

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

Nationalisme, concert européen impérial , nouvelle droite et renouveau catholique

Entretien avec Robeert STEUCKERS - Propos recueillis par Xavier Cheneseau

Animateur des revues «Vouloir» et «Orientations» (qui ont pris peu à peu la place d'«Eléments» dans le public de la «Nouvelle Droite», pouvez-vous nous dire comment vous percevez le retour des nationalismes en Europe?

Le terme «nationalisme» recouvre une quantité d’aspirations politiques, parfois divergentes. Alors, je commencerai par mettre les choses au point: pour moi, le «nationalisme», en tant qu’idéologie et pratique politiques, dérive tout naturellement du mot «nation»; au sens étymologique, c’est-à-dire au sens premier, le mot «nation» contient la même racine que «naître» (du latin «nascere»/«nasci», «natus»). La nation est donc la grande famille dans laquelle je nais, et aussi le sol où cette grande famille s’est épanouie. La nation est donc le peuple et le pays au sens charnel du terme. Toute autre définition de la nation est pour moi abusive, tronquée ou extrapolée. Donc fausse. Comme l’Europe est faite de multiples nations, voisines les unes des autres, le philosophe, l’historien ou le militant qui pensent en termes de nationalité déploient automatiquement une pensée qui accepte la variété, la diversité, la multiplicité, la pluralité et s’en réjouissent. Il veut un monde fait d’une infinité de coloris et non un monde de grisaille, comme nous en connaissons dans les banlieues de nos grandes villes. Cette définition de la nation postule que je dois admettre que l’autre veuille gérer son destin local à sa manière. Mais cette multiplicité est difficile à gérer à l’échelle de notre continent, surtout à l’heure où de vieux peuples réclament une structure étatique propre et une voix dans le concert européen. De cette revendication peut jaillir un nouveau désordre, si toutes ces entités politiques, les vieilles comme les nouvelles, se ferment sur elles-mêmes et se refont la guerre au nom de querelles anciennes. Mais si l’on se place directement au niveau européen, au niveau de notre civilisation, et que nous acceptons que cette civilisation s’exprime par une grande variété de modes et de façons, on s’efforcera automatiquement d’élaborer un droit des gens capable de gérer cette diversité sans heurts. Et ce droit des gens s’inspirera des techniques impériales (propres au Saint-Empire médiéval), des modalités fédéralistes de gestion de l’Etat (Suisse, RFA) et acceptera les clauses de la CSCE quant à la protection des minorités linguistiques. En effet, le retour des nationalismes n’est pas tant un retour à l’Etat fermé qu’une volonté de se débarrasser des centralismes trop contraignants et des modes de gestion propres au communisme marxiste-léniniste et au technocratisme libéral occidental. Aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies de communication, le centralisme rigide d’autrefois n’est plus de mise. L’homme du 21ième siècle devra faire face à cette triple nécessité: nécessité géopolitique de concevoir l’unité de l’Europe, nécessité éthique de respecter les diversités productrices de richesses et nécessité pratique de mettre les appareils politiques au diapason des nouvelles techniques de communications.

 

Ces nationalismes peuvent-ils déboucher sur l'émergence d'un Empire européen?

 

Il me semble qu’il est encore trop tôt pour parler d’«Empire européen». D’abord parce que la logique impériale, qui est fédérale, et fonctionne selon le principe de subsidiarité, n’est pas également répartie en Europe. Il subsiste des zones rétives à cette logique de pacification intérieure du continent. Je crois qu’il faut d’abord travailler au sein d’une structure qui existe et qui est la CSCE (qui regroupe tous les pays européens, Russie comprise, plus les Etats-Unis et le Canada). L’idéal, ce serait que la CSCE évolue vers un concert civilisationnel européen et euro-centré, que les Etats-Unis et le Canada s’en retirent pour concentrer leurs efforts sur l’ALENA (Association de Libre-Echange Nord-Américaine). Les Etats d’Amérique du Nord (USA, Canada et Mexique) auront une longueur d’avance: tous trois sont effectivement gérés par un système fédéral. Ce qui facilite les choses. La CEE, c’est-à-dire l’Europe de Maastricht est insuffisante. La fermer sur elle-même est une erreur géopolitique et une injustice sociale à l’égard des pays de l’Est. De plus, sur le plan stratégique et militaire, cette CEE n’est pas viable. La seule entité géostratégiquement viable à très long terme, c’est l’union stratégique des pays européens et asiatiques de la CSCE, reposant sur une interprétation du droit des gens qui accepte les différences culturelles, les gère et les cultive. L’erreur de la CEE a été de vouloir uniformiser l’économie avant d’arriver à un accord inter-européen sur les principes de droit (droit des gens et droit constitutionnel). Le travail de la CEE a été de déconstruire les barrières douanières en tous domaines. Il est évident que c’était peut-être nécessaire dans certaines grosses industries (le charbon et l’acier, d’où la CECA) mais nullement en agriculture. Résultat, nous avons partout en Europe des zones périphériques déshéritées, incapables de sortir de la mélasse puiqu’elles ne peuvent plus recourir à la technique des barrières douanières pour protéger l’emploi chez elles. De surcroît, globalement, l’Europe n’est pas indépendante sur le plan alimentaire, ce qui la met à la merci des puissances exportatrices de céréales (les Etats-Unis). La CSCE est intéressante parce qu’elle repose prioritairement sur le droit et non sur l’économie. Et ce droit règle notamment des problèmes de minorités, qui sont des entités collectives porteuses de culture. Si un «Empire européen» doit advenir —mais je préfère parler d’un concert européen intégré— il reposera sur la généralisation d’un droit constitutionnel de type fédéral, sur la défense de toutes les minorités linguistiques et culturelles et sur l’effort concret de parvenir à l’indépendance alimentaire.

 

Longtemps la «Nouvelle Droite» s'est présentée comme païenne, comment voyez-vous le renouveau du catholicisme en Europe et dans le monde?

 

Je tiens beaucoup à préciser que le paganisme, pour moi, dès le départ, n’a jamais été la volonté de forger un comportement religieux nouveau, mais essentiellement une défense des humanités gréco-latines et l’étude des racines culturelles de tous les autres grands goupes ethniques européens. Ces «humanités» nous dévoilaient une conception du droit et de l’Etat (des «res publicae», des choses publiques: notons le pluriel!) qui pourrait parfaitement nous inspirer encore aujourd’hui. Je rappelle aux zélotes d’une religion caricaturale et sulpicienne que les notions de droit, propres aux Romains, aux Grecs et aux Germains, sont plus anciennes que la religion chrétienne et que ce sont eux qui forment véritablement l’armature de la civilisation européenne. Bien sûr, j’ai toujours reproché aux cercles de la Nouvelle Droite de ne jamais avoir exploré cette veine-là et d’avoir voulu rétablir un culte païen, en ne tenant pas compte du fait que l’Europe pré-chrétienne était animée par une religion de la Cité, c’est-à-dire une religion éminemment politique et non prioritairement esthétique, morale ou éthique. En voulant théoriser une «éthique païenne» ou recréer ex nihilo une «esthétique païenne», avant de rétablir le droit romain ou germanique dans sa plénitude et dans son sens initial, les vedettes les plus bruyantes de la «Nouvelle Droite» ont fait du christianisme inversé, ont tout simplement joué, comme des adolescents irrévérencieux, à renverser les tabous de leur éducation catholique. C’était stupide et peu constructif. Quant au renouveau catholique, je suis sceptique. Evidemment, plusieurs revues italiennes, plus ou moins proche du Vatican (Il Sabato, 30 Giorni), publient des textes de grande valeur, qui renouent avec les grands principes généraux de la politique romaine et abandonnent les chimères de Vatican II ou de mai 68. Par ailleurs, la dépravation morale contemporaine, due aux excès de matérialisme socialiste ou capitaliste, rend attirantes la religion en général et l’idée de communauté fraternelle en particulier. Mais, je ne suis pas prêt à parier pour un catholicisme qui voudrait réduire à néant les acquis du protestantisme ou le caractère sublime de l’orthodoxie gréco-byzantine et russe ou reprendre une croisade contre l’Islam ou dénaturer le vieux fond gréco-celto-romano-germano-slave. Chez les catholiques, il faut retenir, à mon sens, mais en laïcisant ces intuitions et en les ramenant à leur matrice juridique romaine:

1) L’idée d’un œkumène européen, animé par une nouvelle synthèse spirituelle (ce qu’avait voulu réaliser le Tsar Alexandre Ier après la parenthèse napoléonienne).

2) La notion de forme politique basée sur la famille (mais non plus la famille nucléaire actuelle ou évangélique, mais la “gens” au sens romain ou la “Sippe” au sens germanique). Carl Schmitt est le penseur qui a théorisé la notion de «forme politique catholique (au sens d’universel)». Il faut le relire.

2) Reprendre, en les laïcisant, les linéaments du catholicisme social, tant dans sa variante corporatiste que dans sa variante sociologique (Othmar Spann).

3) En France, s’inspirer des études de Stéphane Rials et de Chantal Millon-Delsol, pour y généraliser un droit inspiré par la subsidiarité.

Le renouveau catholique ne saurait être, pour mes camarades et moi-même, le triste guignol intégriste avec ses monstrations esthétiques et ses vaines recherches d’une vérité éthique; ce qui fait urgence, c'est bien le retour à une forme romaine du politique, valable pour toute l’Europe. Un véritable renouveau catholique devrait abandonner la fibre religieuse évangélique, renoncer à toute forme de bigoterie, sphères où désormais les pires simagrées psycho-pathologiques sont possibles, où ont sévi les pires vecteurs de l’anti-politisme, pour redevenir purement et pleinement religiosité politique. Il ne faut retenir du message catholique que ce qui a amélioré et perfectionné le vieux fond politico-juridique romain (au sens pré-impérial, républicain, du terme). Méditons en ce sens Caton l’Ancien.

 

 

dimanche, 02 novembre 2008

Misère des intellectuels de "droite"

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ARCHIVES DE SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Misère des intellectuels de “droite”

 

L'option métapolitique de la “nouvelle droite” est, dans l'espace culturel germanique, une importation française. La ND, regroupée autour d'Alain de Benoist, a tenté d'adapter à la droite la théorie du communiste italien Antonio Gramsci, à un moment de l'évolution de cette droite, moment où elle se demandait quels étaient les véritables ressorts de la société. Point de départ de Gramsci: la société n'est mue que partiellement par les groupes politiques visibles, c'est-à-dire les partis. Plus essentielle est la superstructure idéelle de la société, où sont façonnées valeurs, morale et idées. La tâche des “intellectuels organiques” serait alors de mener un combat culturel au sein même de cette superstructure, combat dont le but ultime ne peut être que la révolution. D'après Gramsci, on ne peut donc révolutionner une société que si l'hégémonie culturelle qui la régente est brisée, c'est-à-dire quand les tenants de cette hégémonie ne croient plus en eux-mêmes. C'est alors que les valeurs révolutionnaires prennent le pas sur les valeurs dominantes fragilisées et deviennent graduellement hégémoniques. Le combat culturel mené par les intellectuels devient dans une telle optique la stratégie principale du “révolutionnement” politique de la société.

 

Dieter Stein, le directeur de l'hebdomadaire néo-conservateur berlinois Junge Freiheit, a analysé très justement cette vision gramscienne de la révolution, qui ne survient que par le biais de la culture; au bout de son analyse, il lance un avertissement: une telle vision de la révolution culturelle pourrait déboucher sur une “political correctness” de droite (cf. JF n°8/97). Si je trouve la critique de Stein pertinente, cela ne veut pas dire que je juge le point de vue de Gramsci incorrect. C'est aujourd'hui précisément que nous constatons que la “superstructure intellectuelle”, c'est-à-dire les médias, a acquis une puissance bien trop considérable, tant et si bien que les hommes politiques ne sont plus que des figurants pour les émissions d'actualité. La puissance qu'ont acquises les émissions de “talkshows” est emblématique et révèle un phénomène inhabituel, soit la “pluralisation totale” de la société mais avec pour corollaire paradoxal la réduction de tout aux idéaux du plus grand nombre, du “brave quidam”, du “Gutmensch” (ndt: ce terme est ironique; il a été forgé par les critiques allemands de la “PC”). C'est cette contradiction qui produit la “political correctness” (PC), qui, lorsqu'elle aura atteint son stade idéal, sera une censure bien installée dans l'intériorité même des citoyens. Cette nouvelle intériorité auto-contrôlée produit un discours mortifère, un discours assassin, qui frapperait abruptement toute personne qui, pour une raison ou une autre, serait déclarée non “politiquement correcte”. Tous ceux qui entendent ignorer les gestes symboliques et rituels de la PC, tous ceux qui ne se sentiraient pas “concernés” par ses gestes et ses agitations, tous ceux qui avanceraient un certain type d'arguments non conventionnels seraient purement et simplement “morts”, du moins au sens figuré.

 

Pourtant, à droite, beaucoup de militants souhaiteraient, eux aussi, l'avènement d'une telle “censure intérieure”. Mais qui serait tout simplement de signe opposé. Ceux qui ne détiennent aucune puissance politique développent souvent des fantasmes de toute-puissance, mais d'une toute-puissance basée sur d'autres critères que ceux maniés par la toute-puissance en place. Quoi d'étonnant, dès lors, que le concept narcotique d'“hégémomie culturelle” ait été importé de France en Allemagne par des groupuscules qui ont voulu, dans un premier temps, divulguer les aspects intéressants de la nouvelle droite française, mais se sont enlisés, finalement, dans la prédication d'une “stratégie rédemptrice” et, pire, ont fini par aller faire de la formation dans des groupuscules néo-nazis interdits.

 

La trajectoire du néo-droitisme gramscien est triste, mais cette tristesse provient de plusieurs causes:

1. Il n'existe pas de “nouvelle droite” unitaire.

2. Si, au départ, les intellectuels de droite se voulant gramsciens ont souhaité l'émergence d'un débat, ils se sont rapidement enlisés dans la recherche d'une “Weltanschauung” idéale.

3. La “Révolution conservatrice” n'est pas pour eux une mine de concepts intéressants pour affronter le monde actuel, mais, plus prosaïquement, l'occasion de répéter à satiété un discours invariable, fait d'invocations stériles.

4. Ces intellectuels de droite se sont créé un petit monde, hermétiquement protégé de l'effervescence du réel.

 

Il n'existe pas “UNE” nouvelle droite. C'est pourtant clair: il suffit de comptabiliser tout ce que l'on vend au public sous cette appelation. Dans ce bric-à-brac, il y a toujours quelque chose de “plus neuf”. Dans les années 60, on disait des nationaux-révolutionnaires allemands qu'ils étaient la “nouvelle droite”. Mais, il n'est pratiquement rien resté de cette école nationale-révolutionnaire. Son espace idéologique était à l'intersection de la gauche et de la droite. Les nationaux-révolutionnaires affirmaient qu'ils n'étaient ni de droite ni de gauche: ils n'ont pas survécu sur la scène politique. Hennig Eichberg, qui, à cette époque, était la tête pensante de cette “nouvelle droite”, se considère aujourd'hui comme un homme de gauche. Beaucoup de nationaux-révolutionnaires de ces années 60 se retrouvent aujourd'hui chez les Republikaner.

 

Quant à la “nouvelle droite” la plus récente, elle a fini par démontrer qu'elle était au fond “conservatrice”, mais elle s'adresse à de plus larges catégories sociales que ses ancêtres de la nouvelle droite de 1968 qui tentaient d'apporter une réponse aux intellectuels de gauche et à la sottise de la vieille droite. Plus typés étaient les néo-droitistes  —quelques personnes et quelques journaux—  qui voulaient et veulent faire de leur nouvelle droite un projet de modernisation de l'extrême-droite. Cette catégorie de “néo-droitistes” reste la plus problématique, car, au fond, elle se borne à sortir de la naphtaline la “pensée anti-démocratique” de l'époque de Weimar (telle que l'a définie Kurt Sontheimer). Par cet exercice, elle veut hisser la pensée de l'extrême-droite à l'excellent niveau et à la belle forme, acquis par la “révolution conservatrice” sous Weimar.

 

A côté de ces “requinqueurs” de vieux corpus, s'est regroupée une autre “nouvelle droite”, composée pour l'essentiel de conservateurs (en Allemagne) ou de nationaux-libéraux et de conservateurs (en Allemagne et en Autriche). Ils ont abordé sans complexe la pensée moderne, ils ont, en ce sens, été conséquents, ont modulé leur action sur ce choix et ont investi les territoires politiques assignés par convention sociale à ces idéologies bourgeoises, bien ancrées et établies. Ces entristes, qui ont pénétré dans les rouages de la CDU, de la CSU ou de l'ÖVP, voire de la FDP ou de la FPÖ, sont de braves citoyens, ils sont tout simplement un petit peu à droite que les autres.

 

Si l'on mélange ces deux courants sous l'appelation commune de “nouvelle droite”, on débouche évidemment dans un beau désordre, sinon dans une aporie intellectuelle. Les “nouvelles droites” ancrées dans les diverses formes d'extrémismes droitiers confondent la volonté de débattre intellectuellement avec la proclamation impavide d'une Weltanschaunng ancienne, dont elles ont la nostalgie. Pour sortir de cette impasse, on recourt généralement à deux stratagèmes, dont on use et on abuse:

- soit on recommence à se référer directement aux racines théologiques du politique, en tentant de formuler un nouveau projet de “théologie politique”, dans le sens où l'entendait Carl Schmitt,

- soit on s'efforce de séculariser ce besoin d'absolu.

Dans ce cas, on se tourne vers d'autres certitudes, des certitudes immanentes, comme le “peuple” (Volk), des certitudes idéalistes, comme cette “science des citoyens d'Empire” de facture hégélienne, plus exactement mi-hégélienne-de-gauche, mi-hégélienne-de-droite, à l'usage de citoyens qui ne vivent plus dans un Reich et ne souhaitent certainement pas y revivre, les plages de Torremolinos ou des Baléares ayant pour eux plus d'attraits... Les multiples expressions de ces exercices para-théologiques ou “hégélisants” varient considérablement: les plus “sortables” ne sont “que” autoritaires, mais, dans la plupart des cas, le mode totalitaire est bien vite accepté, illustré et défendu...

 

C'est dans ces recherches et ces tâtonnements qu'il faut replacer l'engouement pour la “révolution conservatrice” de l'entre-deux-guerres. Soyons clairs et honnêtes: cette “révolution conservatrice” est une mine d'or, elle ne cesse de susciter les intérêts des philosophes et des politologues, à juste titre; il est intéressant d'en étudier tous les aspects si l'on veut connaître l'archéologie de certaines pensées aujourd'hui classées à “droite”, si l'on veut se plonger dans des corpus entièrement différents de l'idéologie dominante actuelle, si l'on veut lire de “mauvais livres” au regard des catégories politiques contemporaines. En pratiquant ainsi une forme de transversalité, indubitablement, on se forme l'esprit, on acquiert un sens critique, on aiguise ses intuitions. La “révolution conservatrice” nous apprend que les hommes de droite n'ont pas toujours été bêtes. Mais, en réceptionnant la “révolution conservatrice” de cette sorte, on ne doit pas non plus oublier qu'elle fut un échec. Ni oublier qu'elle fut, en bon nombre de ses aspects, antidémocratique et partiellement extrémiste. Aujourd'hui, notre regard doit se porter sur elle avec le même sens critique que sur les corpus de gauche de la même époque. Malheureusement, pour beaucoup d'hommes de droite actuels, de militants, cette “révolution conservatrice”, dans ses innombrables variantes, n'est que prétexte à répétitions, à dévotions naïves et bigotes, répétitions et dévotions qui remplacent toute intellectualité autonome ou permettent des exercices pénibles comme réitérer une attitude antidémocratique classique en citant des extraits d'auteurs “révolutionnaires-conservateurs”, pour faire intelligent ou pour donner le change.

 

Le résultat de tout cela est lamentable, car une telle nouvelle droite paraît toujours bien vieille, elle parait truffée de science, elle se gargarise de sa belle Weltanschauung  prête-à-porter, mais elle n'est quasi pas branchée sur la réalité. Car la belle Weltanschauung néo-droitiste n'est qu'une construction intellectuelle consolatrice pour tous ceux qui sont laissés-pour-compte dans la société réellement existante. Les plus lucides d'entre eux savent certes que le “peuple” (Volk) de leur idéologie n'est pas le peuple réel qui circule dans les rues d'Allemagne. Mais ce sont les “autres” qui sont coupables de cette inadéquation. Le peuple devrait correspondre à leur image du peuple: nous n'avons plus affaire là à de la nostalgie, à la nostalgie d'une “hégémonie culturelle” de droite, conservatrice, mais la rage de voir partout l'inadéquation génère subtilement une sorte de totalitarisme, camouflé derrière un verbiage conservateur, qui se veut apaisant, moral et “traditionnel”.

 

Au bout du compte, nos intellectuels de la “nouvelle droite” sont soit des modernisateurs de l'extrémisme, soit des bourgeois à un âge où il n'y a plus de bourgeois classiques, cultivés et conventionnels. Cette alternative, dont les deux termes sont également figés, est le résultat de la ghettoïsation des droites. Elles marinent dans leur jus. Alors que reste-t-il de la “nouvelle droite”?

 

Il reste sans doute quelques intellectuels de droite, qui se posent en anarchistes pour ne pas sombrer dans le dogmatisme, pour ne pas se laisser aveugler par les illusions. La réalité prosaïque, c'est qu'il n'y a dans le monde ni consolation ni rédemption. Mais, justement, ce n'est pas la tâche des intellectuels de droite de proposer de la consolation et d'annoncer une rédemption: au contraire, ils devraient se donner pour seule mission de déconstruire systématiquement toute idéologie de la consolation et de la rédemption. Travail difficile: en effet, c'est la meilleure façon de se faire mal aimer de tous; les uns détestent le “déconstructiviste” parce qu'il ne partage par leur illusion et n'apporte donc pas de quoi l'alimenter, de quoi entretenir la consolation; les autres le détestent tout autant parce qu'ils sont de gauche ou libéraux, qu'ils appartiennent à des espaces politico-philosophiques dans lesquels, forcément, le déconstructiviste n'aimera pas aller mariner: au contraire, il aimera les détricoter avec une égale délectation. Le véritable intellectuel de la nouvelle droite devrait être celui qui d'emblée se définit comme l'homme sans aucune illusion.

 

Nos sociétés souffrent d'une absence de créneau critique. Pourtant, aujourd'hui plus qu'auparavant, le terme “critique” est le vocable le plus prisé des hommes de gauche, au point qu'ils identifient les mots “gauche” et “critique”. L'école de Francfort, réservoir idéologique de la gauche, s'est effectivement auto-dénommée “critique”. Mais la gauche ne critique plus, elle accepte le statu quo et gère la crise. Automatiquement, dans un tel contexte, la pratique de la critique incombe alors à la droite. Pire, si un homme de gauche pratique encore la critique, il sera désormais traité de “fasciste” ou de “crypto-fasciste” par ses coreligionnaires (Botho Strauss, même Peter Handke, le cinéaste Fassbinder, le dramaturge Heiner Müller, héritier du théâtre de Brecht).

 

Pour nous, la démarche “critique”, c'est d'affronter les aléas du réel sans s'embarresser de tabous. L'actuelle “political correctness” instaure de nouveaux tabous et aboie son hostilité à l'égard de tout discours, de tout débat, et justifie ces tabous et ces aboiements au nom d'idées de gauche. Forcément, l'homme de droite sera celui qui s'opposera avec énergie à ces tabous et à ces aboiements: il se dira de droite parce que ces tabous et ces aboiements se disent de gauche. Il rejettera la “political correctness” parce qu'elle refuse tout discours et tout débat. Il restaurera le débat par le simple fait de prendre la parole de force, en avançant des arguments de signes nouveaux ou de signes contraires. Cet acte de prise de parole constitue une pluralisation volontaire du discours et place l'homme de droite  —nouveau contestataire radical—  au centre même de la vie sociale en danger de rigidification définitive. Il reconnaît alors que la confrontation des idées n'est possible que dans une société marquée du sceau du pluriel. L'intellectuel de droite prend dès lors position pour un ordre social où règne la liberté et où s'épanouit la diversité. Il défend cette liberté précisément parce que ses idées sont bannies et ostracisées dans une société qui devient de moins en moins plurielle et différenciée. Sa tâche consiste à réfléchir et à chercher. Car celui qui connaît les réponses avant de formuler ses questions, tombe dans le piège du totalitarisme.

 

Que reste-t-il de la “nouvelle droite”? Sans doute un homme de droite qui n'est plus un homme de droite au sens conventionnel du terme. Un homme qui part à l'aventure dans la vie ou dans les épaisses forêts de la pensée, car il sait que rien n'est définitivement sûr, que ce savoir de l'incertitude universelle fait de lui le meilleur critique des conventions figées de la société, mais d'une société dont il connaît les ressorts (organiques), parce qu'il en est issu.

 

Jürgen HATZENBICHLER.

(Correspondant de “Synergies Européennes” en Carinthie, responsable de la chronique politique de Junge Freiheit/Autriche; article paru dans Junge Freiheit, n°16/97; traduction et adaptation françaises de Robert Steuckers).

dimanche, 21 septembre 2008

G. Faye: le choc des conceptions du monde

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Le choc des conceptions du monde

 

par Guillaume FAYE

 

La pensée métaphysique, issue du monothéisme et qui s'achève dans l'humanisme, a voulu définitivement nommer l'être, le «connaître», et, par là fixer les valeurs. La métaphysique, rompant avec la philosophie grecque pré-socratique, a pensé l'être-du-monde comme un acquis, comme une valeur suprême. Elle a envisagé l'être comme Sein  (Etre-en soi) et non comme Wesen (Etre-Devenir). Le mot français «être», ne rend pas ce double sens. Rechercher   —et prétendre trouver—  l'être comme Sein (einai en grec), c'est le dévaluer, c'est commencer une "-«longue marche vers le nihilisme». La philosophie de l'Esprit (Geist;  le noús  platonicien) prend le pas sur la philosophie de la vie et de l'action, sur la «création», la poiésis.  Toute une anthropologie en découle: pour la conception-du-monde de la tradition métaphysique et humaniste, l'humain est un être achevé puisqu'il participe de valeurs suprêmes (Dieu, notamment, ou des «lois», des «grands principes moraux») elles-mêmes achevées, connaissables, stables, universelles. «Il n'y a plus de mystère dans l'être» dit alors Heidegger. Enfermé dans les essences et les principes, l'humain perd son mystère: c'est l'humanisme précisément. Toute possibilité de dépassement de l'humain par l'homme doit être abandonnée. Les «valeurs» humaines, prononcées une fois pour toutes, courent alors le risque de la sclérose ou du tabou.

 

D'où la séparation, qui s'est toujours remarquée dans l'histoire, entre les valeurs proclamées avec emphase par les philosophies monothéistes et humanistes, et les comportements auxquels elles donnaient lieu. Sur le plan religieux, l'enfermement de l'action humaine dans des «lois», et le caractère infini mais fini à la fois du Dieu suprême, que l'on sait être définitivement omnipotent, tend a transformer le lien religieux en relation intellectuelle, en logos,  compromettant à la longue la force des mythes. Spinoza, Leibniz, Pascal et Descartes offrent des exemples de cette transformation de la métaphysique religieuse en logique; il faut se souvenir de l'amor intellectualis dei  de Spinoza, de la déduction des attributs de Dieu chez Leibniz, de l'intelligibilité de Dieu pour toute raison, affirmée par Descartes, ou, allant encore un peu plus avant dans le nihilisme religieux, du paradigme marchand du pari sur le divin de Pascal. Bernard-Henri Lévy avait parfaitement raison, en proclamant conjointement son biblisme et son athéisme, dans Le Testament de Dieu,  de se dire fidèle à la religion métaphysique hébraïque, creuset des autres monothéismes, la première à avoir formulé la préférence du logos  sur le muthos.

 

Perpétuel interrogateur

 

Au rebours, la tradition grecque qui commence avec Anaximandre de Samos et Héraclite, et qui serpentera, en tant que conception-du-monde implicite dans toute l'histoire européenne jusqu'à Nietzsche, se refuse à nommer l'être. Celui-ci est pensé comme Wesen  (être-en-devenir) comme gignesthai  (devenir transformant), mais n'est jamais défini. Le mot grec pour «vérité», nous explique Heidegger, est alèthéia,  ce qui signifie «dévoilement inachevé». La vérité n'y est point celle du Yahvé biblique, «Je suis l'Un, je suis la Vérité». Est vérité ce qui est éclairé par la volonté humaine, cette volonté qui soulève le voile du monde sans jamais faire advenir au jour la même réalité.

 

Dans la philosophie grecque, comme chez Heidegger, des mots innombrables sont utilisés pour «penser l'être». On ne pourra jamais répondre à la question de l'être, comme on ne pourra jamais connaître 1'«essence du fleuve», perpétuellement changeant, qui coule sous le pont. Le monde, dans son être-devenir, reste alors toujours l'«Obscur», et l'homme, un perpétuel interrogateur, un animal en quête constante de l'«éclairement». L'hominité, nous dit Heidegger, est caractérisée par le deinotaton, l'«inquiétance»: inquiéter le monde, c'est le questionner éternellement, le faire sortir et se faire sortir soi-même de la quiétude, cette illusion de savoir où l'on est et où l'on va.

 

Cette conception-du-monde se représente l'humain, perpétuel donneur de sens, en duel avec le monde, qui se dérobe à ses assauts, et qui demande, pour se laisser partiellement arraisonner, toujours de nouvelles formes d'action humaine, de nouveaux sens, de nouvelles valeurs, qui seront à leur tour transgressées.

 

Sacré et ouverture-au-monde

 

La mythologie grecque qui nous offre le spectacle de combats entre des dieux inconstants et des guerriers humains jamais découragés, toujours ardents dans leur passion de violer les lois divines pour préserver leur vie ou les lois de leur communauté, constitue l'aurore de cette conception européenne du monde. Une fin de l'histoire, par la réconciliation avec le divin métaphysique, enfin connu, lui est profondément étrangère. Cette conception-du-monde est la seule qui autorise à envisager la fondation d'un surhumanisme: l'humain, passant de cycles historiques de valeurs en cycles historiques de valeurs, transforme à chaque étape épochale la nature de sa Volonté-de-Puissance selon le processus de l'Eternel Retour de l'Identique. Le cosmos reste un mystère, il est 1'«obscur en perpétuel devoilement», comme, de manière singulièrement actuelle, l'envisage aussi la physique moderne. Le mythe reste présent au cœur du monde; cette impossibilité voulue et acceptée de connaître et de nommer l'être du monde, confère à celui-ci un caractère aventureux et risqué, et à l'action humaine la dimension tragique et solitaire d'un combat éternellement inachevé. Le sacré, au sens le plus fort, peut alors surgir dans le monde: il réside dans cette distance entre la volonté humaine et la «dérobade» du monde, bien visible d'ailleurs dans les entreprises scientifiques et techniques modernes. Le sacré n'est pas réservé à un principe (moral ou divin) ou à un attribut substantiel de l'être (un dieu), mais il habite par le fait de l'homme, le monde. Le sacré s'apparente à un sens donné par l'humain à son entour: le monde, nous dit Hölderlin, est vécu alors comme «nuit sacrée». Il n'y a plus lieu de se rassurer en recherchant 1'«essence de l'être», prélude à la fin de l'histoire, puisque l'homme de cette conception grecque du monde désire l'inquiétude. Il s'assume ainsi comme pleinement humain, c'est-à-dire toujours en marche vers le sur-humain, puisqu'il se conforme à son ouverture-au-monde ( la Weltoffenheit  dont parlait Gehlen) inscrite dans sa physiologie et éprouvée par la biologie moderne.

 

La recherche de l'être comme Sein, quête de l'absolu métaphysique et moral, peut s'envisager alors comme une entreprise in-humaine, et l'humanisme qui en découle philosophiquement comme une idéologie proprement non-humaine, plus exactement maladive. C'est dans l'historicité (Geschichtlichkeit)  et la mondanité (Weltlichkeit),  ce que les grecs appelaient le to on (l'étant) et les latins l'existentia, que réside le chemin que nous pouvons choisir de suivre ou de ne pas suivre.

 

Le suivre, s'enfoncer dans le Holzweg, la sente de bûcheron qui ne mène «nulle part» sinon «au cœur de la forêt sacrée», dont nous parle mystérieusement Heidegger, voilà ce qui est renouer avec l'aurore de la Grèce: reprendre le fil coupé par le christianisme et «la sortir de l'oubli». La sente ne mène pas vers un bourg, celui où les marchands se reposent, mais, inquiétante, elle s'enfonce vers l'aventure. L'«aventure», c'est-à-dire   l'advenir, ce qui, au détour du chemin «surgit du futur»: l'histoire.

 

Voici donc le sens fondamental de l'entreprise de Nietzsche, puis de Heidegger, et après lui sans doute de bien d'autres: réinstaller, en Europe, à l'époque technique, cette conception-du-monde incomplètement formulée, inachevée par certains grecs, mais le faire sous une forme différente, auto-consciente en quelque sorte, en sachant que même ce travail sera à recommencer. Nous, hommes du soir, de l'Hespérie (Abend-land), (par rapport à cette Grèce des pré-socratiques qui a voulu être l'Aurore d'une conception du monde) un travail nous attend, qui n'a rien de philosophique, au sens intellectuel du terme: rendre auto-consciente, au sein de l'Europe de la civilisation technique, une forme transfigurée de cette conception-du-monde, ou de cette religion-du-monde de l'aube grecque, tirée de l'oubli par Nietzsche et Heidegger.

 

Guillaume FAYE.

 

mercredi, 03 septembre 2008

R. Steuckers: entretien à "Militant" (1992)

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ARCHIVES: Un entretien de 1992, pour tous ceux qu'intéressent à l'histoire du mouvement identitaire et "néo-droitiste" (en dépit des variétés que cette appelation peut recouvrir). A noter, cet entretien a été accordé à Xavier Cheneseau quelques semaines avant la rupture définitive avec le "canal historique" (et hystérique) de la nouvelle droite centrée autour d'Alain de Benoist et au moment des accords de Maastricht. La donne internationale a considérablement changé depuis. Prière aux lecteurs de 2008 d'en tenir compte!

 

 

Entretien de Robert Steuckers à la revue «Militant»

 

I - Animateur de la «Nouvelle Droite», pensez-vous que votre mouvance a contribué à préparer le terrain pour le Front National, par exemple?

 

Je voudrais d'abord apporter une petite précision: je ne me sens ni ne me considère comme étant de «droi­te», même si j'ai souscrit à bon nombre d'ana­lyses posées par le mouvement d'Alain de Benoist, abusivement baptisé «Nouvelle Droite» par les milieux du journalisme parisien. Dans cette mouvan­ce, c'est essentiellement la «nouveauté» qui m'a sé­duit. Je ne crois pas que la «Nouvelle Droite» d'A­lain de Benoist et de Guillaume Faye ait préparé le terrain pour le Front National. Celui-ci a été porté par une dynamique qui lui est propre. Si le Front Na­tional s'était laissé inspirer par les thèses de la ND, il aurait choisi une orientation moins occiden­taliste et repris à son compte l'anti-américanisme gaul­lien; son programme économique n'aurait pas été directement calqué sur Reagan et Thatcher, mais aurait opté pour un dirigisme à la française (Déat, le néo-socialisme, le gaullisme) ou pour un auto-cen­tra­ge tel que l'a préconisé le grand économiste fran­çais François Perroux. Enfin, le poids de l'intégris­me catholique aurait été moins net dans la presse du FN, si le souffle du «paganisme néo-droitiste» l'a­vait touchée, paganisme qui, en dernière instance, est une religion de la Cité et un refus tranché de tou­te forme de cosmopolitisme.

 

2 - Ne pensez-vous pas que le succès relatif du lepénisme peut apparaître com­me un démenti cinglant à la stra­té­gie métapolitique?

 

Le succès électoral du FN, drôlement étrillé à cause des manipulations de la loi électorale, est une chose. La stratégie métapolitique en est une autre. Celle-ci n'a nullement perdu de sa validité, quand le FN a com­mencé son ascension. Par stratégie métapoli­ti­que, il faut entendre une volonté de réactiver des idées, des pratiques, des programmes, des faits d'his­toire, qui ont été refoulés par les idéologies do­minantes. Devant les effets du déclin, que nous cons­tatons tous, cette stratégie métapolitique possè­de des vertus réparatrices: elle permet, sur base d'u­ne documentation, d'une incessante combinaison de thèmes politiques et historiques, de critiquer les idéo­logies dominantes, d'en montrer les tares et les insuffisances qui conduisent à des faillites reten­tis­santes, ce que prouvent des faits comme la désin­dustrialisation de l'Europe, le chômage de masse, le déclin démographique, l'incapacité de construire une défense européenne cohérente et de fédérer les a­touts industriels de notre continent, et, enfin, le lais­ser-aller généralisé, que les sociologues contempo­rains ont appelé l'«ère du vide» de la «bof-gene­ra­tion». Le FN a obéi à une toute autre logique que celle de la «métapolitique» d'Alain de Benoist: il a réac­tivé les clivages de la IVème République, re­nonçant ainsi à prendre acte des potentialités de l'ère gaullienne: organisation de la société française selon les critères de la «participation», orientations diplo­matiques de Troisième Voie (dialogue euro-arabe, re­lations avec l'Amérique Latine, avec la Chine, l'URSS, l'Inde, etc.), indépendance militaire et nuc­léaire, centrage de l'économie (Elf-Aquitaine), grands projets technologiques (Concorde), etc. La ND, quant à elle, n'a peut-être pas assez insisté sur ces réalités, bien que les livres de Faye constituent un bon tremplin didactique pour les réinjecter dans le débat.

 

3 - Partisan d'une Europe indépen­dan­te, vous préconisez une économie au­to-centrée. Pouvez-vous dire pourquoi et comment vous comptez y arriver?

 

L'idée d'un auto-centrage de notre continent est as­sez ancienne et, dans la littérature économique, elle est récurrente. Je songe aux projets de Friedrich List (1789-1846), qui fut l'artisan du Zollverein alle­mand et des politiques protectionnistes américaines, à l'œuvre d'Anton Zischka, qui traverse le siècle, et aux théories de François Perroux, qui a démontré les atouts du centrage des économies et la nécessité, pour le bon fonctionnement de celles-ci, d'une ho­mo­généité culturelle. C'est dans cette tradition multi­céphale, refoulée, radicalement différente de celles des idéologies dominantes, que je m'inscrit. Ce qu'il faut faire, sur base de ces théories? D'abord mi­liter pour la diffusion de ces alternatives cohé­ren­tes, non utopiques et, abandonner l'a priori anti-éco­nomie des «droites», qui rend leurs programmes to­talement inopérants à long terme. Ensuite, quand ces idées pratiques auront acquis une certaine notoriété, travailler à infléchir la logique actuelle qui est mon­dialiste, qui disperse les capitaux tous azimuts et dé­laisse l'investissement dans nos pays. A l'échelon eu­ropéen, nous nous ferons les défenseurs des fu­sions industrielles internes à notre continent. En clair, nous applaudirons à des fusions comme Ma­tra-Ericsson (le cas du contrat de la CGCT), comme Volvo-Daf, comme Peugeot-Mercedes et nous lutte­rons contre les fusions qui impliquent des parte­nai­res non européens, japonais ou américains. Cette idée, nous la partageons avec beaucoup d'Euro­péens engagés dans d'autres circuits politiques et idéo­logiques que le nôtre. Nous espérons que se réa­lisera un jour la fusion de ces bonnes volontés, en dépit des étiquettes actuelles.

 

4 - La politique euro-arabe préconisée par Benoist-Méchin vous paraît-elle tou­jours applicable?

 

Le monde arabe est pluriel, malgré la force unifi­ca­trice de l'Islam ou les nostalgies nasseriennes. Le rô­le de l'Europe est de jouer la conciliation entre les parties, sans imposer quelque politique que ce soit. Les Arabes sont nos voisins et, si nous sommes réa­listes, nous devons bien admettre qu'il faut s'enten­dre avec eux pour éliminer, chez nous, les effets né­ga­tifs de Yalta. La logique des relations euro-arabes futures ne saurait plus être de type colonialiste, puis­que les Arabes disposent désormais de solides atouts dans leur jeu: pétrole, démographie en haus­se, identité politique, grands espaces. L'Europe, mal­gré son déclin démographique préoccupant, pos­sède encore et toujours les cerveaux techniciens et une infrastructure industrielle remarquable, qui a be­soin de débouchés. Les Arabes ont intérêt à s'en­ten­dre avec les Européens plutôt qu'avec les Amé­ri­cains qui financent une tête de pont dans leur es­pa­ce, Israël, qui bafoue leur dignité et ne serait pas via­ble sans cette aide. Des opérations comme l'orga­nisation de la téléphonie saoudienne par les Suédois d'Ericsson, la vente d'appareils militaires français, la reconquête des zones désertifiées en Algérie par une équipe du Baden-Wurtemberg, les pourparlers (tor­pillés) entre Belges et Libyens ou entre Français et Irakiens en matières nucléaires, les bonnes rela­tions commerciales que continue à entretenir la RFA avec l'Iran, sont autant d'opportunités qui s'offrent à nos pays de sortir de la logique binaire de Yalta, de s'affranchir des dépendances économiques impo­sées par les réseaux transnationaux téléguidés de­puis Washington et d'accroître leurs potentiels in­dus­triels. A la logique de Benoist-Méchin, qui, mal­gré son passé collaborationiste, a infléchi la politi­que de la Vème République dans un sens arabo­phi­le, doit s'ajouter la logique de Zischka, qui en 1952 avait ébauché un plan de reconquête et de renta­bi­lisation du Sahara, plan que les politiciens médio­cres de notre après-guerre n'ont pas retenu (cf. Anton Zischka, Afrique, complément de l'Europe, Laffont, 1952). L'industrialisation et la refertili­sa­tion des zones sahariennes exigeront beaucoup de main-d'œuvre et les immigrés maghrébins d'Europe pourraient y pourvoir. L'immigration, qui crée un an­ta­gonisme euro-arabe compréhensible, est un fruit du libéralisme économique: cette idéologie a tou­jours rejeté les planifications audacieuses, comme cel­les de Zischka, parce que, par idéalisme irréaliste, elle ne reconnaît pas le primat du politique. Le retour à un planisme grandiose permettrait de règler la ques­tion de l'immigration dans un sens positif. Le pé­trole des Libyens et des Saoudiens pourrait large­ment financer des projets agricoles et industriels de ce type. Les fermes libyennes, irriguées selon des pro­cédés modernes, sont d'ores et déjà des modèles du genre.

 

Autre écueil à éviter: prendre parti pour une et une seule idéologie arabe, au détriment de toutes les au­tres. Les Européens, dans leur politique arabe, ne doi­vent privilégier aucun interlocuteur: ni les nassé­riens, ni les intégristes, ni les baathistes, ni les frè­res musulmans, ni les Libyens, ni les Irakiens mais vi­ser la conciliation de tous sans s'immiscer dans les affaires intérieures des pays arabes.

 

5 - La Turquie, Israël, les pays d'Afrique du Nord ont demandé à rejoindre la CEE. Que vous inspirent ces deman­des?

 

On ne crée pas un espace économique auto-centré sans homogénéité culturelle. Les différences entre le Nord et le Sud de l'Europe, entre les pôles latin et germanique, entre les Britanniques et les Continen­taux, etc. rendent le fonctionnement de l'Europe des 12 déjà fort problématique. Si l'on y adjoint le Ma­ghreb et la Turquie, le chaos sera à son comble. Tout centrage économique sans homogénéité cultu­relle conduit à une logique implosive, à un dérè­gle­ment généralisé. Au nom des impératifs géopo­liti­ques, la Turquie et les pays du Maghreb doivent de­venir des alliés de l'Europe, dans des sphères voi­si­nes, intégrées selon les mêmes règles de l'auto-cen­trage. La Turquie, dont l'opposition politique à Tür­güt Özal ne veut pas de la CEE, a intérêt à rejouer un rôle «ottoman» au Proche-Orient et à renouer avec la Syrie, l'Irak et l'Iran, en dépit des conflits récents. Tout axe diplomatique optimal pour la Turquie s'o­riente vers le Golfe Persique, alors que l'axe occi­den­tal, choisi par Özal, conduirait Ankara à n'être qu'un appendice mineur de la CEE, mal industrialisé et incapable de tenir devant les concurrences ouest-eu­ropéennes. Les Nord-Africains, eux, doivent jouer la carte du Grand Maghreb et refuser que leurs ressortissants ne deviennent les nouveaux esclaves de l'Europe industrialisée. L'Europe doit, pour sa part, tolérer l'expansion des Etats nord-africains vers le sud et, en tant que non français, je déplore l'ac­tion retardatrice que joue sur ce plan l'armée fran­çaise au Tchad, faisant ainsi le jeu des Amé­ri­cains, ennemis de toute forme de rassemblements con­tinentaux ou sub-continentaux. Quant à Israël, un seul choix s'offre à lui, qui s'articule comme suit: renoncer à son rôle de tête de pont de l'im­pé­ria­lisme américain en Méditerranée orientale, s'en­ten­dre avec les Palestiniens comme le préconisent les di­plomates européens et l'Internationale Socialiste (cf. la récente visite d'Arafat à Strasbourg), dia­lo­guer avec les Turcs soucieux d'orienter leur diplo­matie dans un sens ottoman. L'option CEE n'est pas un remède pour Israël: en effet, comment pourrait-il y vendre ses fruits devant la concurrence espagnole? De plus, il serait excentré et détaché artificiellement de son voisinage. La faiblesse géographique de l'E­tat hébreux le rend inviable à long terme, a fortiori quand la démographie palestinienne minorise déjà le peuplement juif. Les élites israëliennes, comme les chrétiens du Liban, ont intérêt à réviser leur sio­nis­me ou leur particularisme dans la perspective d'un néo-ottomanisme: c'est pour eux une question de vie ou de mort politiques.

 

6 - L'Acte Unique européen vous paraît-il une bonne base de départ pour l'Em­pire européen à construire?

 

Votre question n'autorise pas de réponse tranchée. L'Ac­te Unique aura pour conséquence d'éliminer des secteurs viables sur le plan national mais aussi des tares locales anachroniques. L'Acte Unique fa­vo­risera les grandes entreprises capitalistes au dé­triment des PME mais créera simultanément des ins­titutions permettant une plus grande mobilité d'ac­tion pour tous. Nous restons conscients du fait que la CEE a été créée jadis pour faciliter la pénétration en Europe des capitaux du Plan Marshall mais que l'idée d'une unité continentale et d'une intégration éco­nomique est plus ancienne et ne provient pas des Etats-Unis. Le défi à affronter, complexe et à fa­cet­tes multiples, est donc le suivant: choisir une poli­ti­que d'auto-centrage mais ne pas confisquer à cer­tains Européens les relations privilégiées qu'ils en­tretiennent avec des Etats européens non membres de la CEE. Le «grand espace» de 1992 ne sera pas d'emblée un paradis, un bijou politique. Le risque d'un gigantisme stérilisant demeure, donc cette Eu­ro­pe en gestation ne doit pas se considérer comme achevée; elle doit être ouverte à toutes les candida­tu­res européennes, fermée aux candidatures non euro­péennes. Prenons quelques exemples: la Suède et la Norvège comptent des industries de pointe remar­quables, avec lesquelles les grands consortiums eu­ro­péens ont intérêt à s'entendre plutôt qu'avec des équi­valents japonais ou américains. La RDA est mem­bre du COMECON mais, par le biais des rela­tions inter-allemandes, elle constitue aussi, officieu­se­ment, le treizième Etat de la CEE; la RFA, à partir de 1992, ne devra pas renoncer à ses liens spéciaux avec la RDA ni avec les autres pays de l'Est euro­péen, car cette situation est l'amorce d'un élargisse­ment généralisé à toute l'Europe. La Grèce souhaite, pour sa part, une accentuation des relations inter-bal­kaniques. Toutes ces dynamiques et ces syner­gies, dont l'impact dépasse le cadre territorial de la CEE, ne seront possibles que quand disparaîtra l'OTAN et l'inféodation à Washington, car sinon ja­mais les Suédois, les Suises, les Autrichiens et les Yougoslaves, qui détiennent des zones cruciales en Europe, ne pourront participer à la construction de notre continent. Mes amis et moi-même, qui consti­tuons une forme de pôle germano-belge de la ND eu­ropéenne, avons souvent été accusés de pro-so­vié­tisme par des camarades français. Nous consta­tons, en revanche, que ces accusateurs sont frappés d'une étrange myopie historique et réduisent l'Eu­rope au territoire de la CEE ou à celui de l'OTAN. A l'heure où la perestroïka  de Gorbatchev est avant tou­te chose un aveu d'impuissance économique, le danger ne vient plus prioritairement de l'Est. Il vient des concurrences capitalistes extra-continentales. Le danger soviétique ne redeviendra primordial que si l'Eu­rope actuelle, celle des libéraux et des mar­chands, reste sur ses positions et refuse les dy­na­mi­ques que je viens d'évoquer. Les Russes n'auront plus qu'une solution: reconduire leur vieille alliance avec l'Amérique. Car il faut savoir que la Russie ne pactice qu'avec le plus fort: avec l'Amérique comme pendant la Guerre de Sécession  —ce qu'avait prévu Tocqueville en 1834—  ou sous Roosevelt (de 1941 à 1945) et Khroutchev (de 1959 à 1962); avec l'Allemagne (de 1939 à 1941) ou l'Europe unie quand celles-ci sont puissantes et fermes.

 

En conclusion, l'Acte Unique peut être le meilleur ou le pire: espérons au moins qu'il balaiera les ana­chronismes nationaux, portés par des politiciens sans envergure, sans mémoire historique et, surtout, sans vision d'avenir grandiose.

 

lundi, 02 juin 2008

G. FAye: Preparing for WW3

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Dear Friends, here a US-American analysis of Faye’s last book.
Beste vrienden, hier een Amerikaanse analyse van het laatste boek van Faye.
Liebe Freunde, Hier eine US-amerikanische Analyse von Fayes letztes Buch.
Chers amis, voici une analyse américaine du dernier livre de Faye.

Preparing for World War III

ex: http://theoccidentalquarterly.com/vol3no2/mo-worldwara.html

 

Avant-Guerre: Chronique d’un cataclysme annoncé

(Pre-War: Account of an Impending Cataclysm)

Guillaume Faye, Paris: L’ Æncre, 2002, 24 Euros, 382 pp.

Reviewed by Michael O’Meara

Readers of The Occidental Quarterly are probably unfamiliar with the work of Guillaume Faye, but his ideas are increasingly those of Europe’s nationalist vanguard.

An early associate of Alain de Benoist and one of the architects of the European New Right, the young Faye left politics in the late 1980s to pursue a career in media.  In 1998 he returned, instantly re-establishing himself as the intellectual force on the nationalist right.

He has since published five books, each of which has had a major impact on the struggle against multiculturalism, Third World immigration, and globalization.
1 Unlike Benoist and other New Right theoreticians, whose defense of the European ethnos is waged almost exclusively on the cultural terrain, and unlike Le Pen's National Front, which favors the assimilation rather than the forced repatriation of non-Europeans, Faye claims that race is not only primary to cultural identity, but that race and culture are, at root, inseparable.  For this reason he argues that the struggle to preserve Europe's cultural patrimony is no less a struggle to defend its genetic heritage and the ethnic integrity of its Lebensraum.(2)

His latest work—Avant-Guerre: Chronique d’un cataclysme annoncé (Pre-War: Account of an Impending Cataclysm)—is reminiscent of Spengler’s Hour of Decision.  Like Spengler, Faye looks at the storm clouds on the horizon and predicts that within ten years a coming era of world-altering tempests will descend on the white race, determining if it is to have a future or not.

In his view, these cataclysms will be neither ideological nor economic in character, but (à la Huntington) racial and civilizational, involving clashing continental blocs and warring ethno-racial groups. They are thus likely to engender unprecedented violence and destruction, forcibly shaking white people from the stupor that is leading them toward extinction.  Although presently unprepared to fight such wars and alienated from all that is distinct to their race and heritage, the struggles of the twenty-first century, he believes, will give Europeans on both sides of the Atlantic a final chance to throw off the forces that have denatured and debilitated then over the last half century.

Europe and America

Like most "nationalists" who fight in Europe’s name, Faye is extremely critical of the American government and the role it has played in repressing the worldwide forces of white solidarity. But unlike many on the anti-American right, Faye does not believe the U.S. is Europe’s principal enemy, even if its Judeo-liberal New Class has been responsible for eroding European autonomy and demonizing its culture. An enemy, he contends, does more than corrupt and intimidate, it threatens one’s biological existence. Taking his cue from Carl Schmidt, he thinks it is more accurate to characterize the U.S. as Europe’s "adversary"—an adversary that needs to be opposed if Europeans are ever to re-assert the Faustian project distinct to their ethos—but nevertheless one with whom a life-and-death struggle is not at all inevitable.

The real enemy threatening the white homelands comes, he claims, from the Third World.  Accordingly, the terror attack of "9/11" suggests one form his predicted cataclysm will take. But while Islam is Europe’s principal enemy, it is not, paradoxically, America’s. Based on the work of General Gallois, Alexandre Del Valle, and a new generation of European geopoliticists, Faye argues that Islam has long served the U.S. in furthering the hegemonic ambitions of its global village, specifically in dividing Europe and weakening Russia. That its recruitment and arming of Islamic fanatics to fight in Afghanistan and Chechnya and in Bosnia and Kosovo at last boomeranged ought not to detract from the fact that for a quarter century the U.S. systematically incited Islamic insurgencies for the sake of its strategic aims.

In Faye’s view, America’s principal Third World enemy, and thus the power it will face in World War III, comes not from the Middle East (even if militant Islam continues to target it), but from a rapidly developing and technologically armed China bent on contesting its dominance in the Pacific. In this potential Sino-American conflict, Faye believes the future lies entirely on the Chinese side. Unlike the Middle Kingdom, the U.S.’s disparate mix of race and cultures has left it without a coherent heritage and thus a destining project worth dying for. This makes it not a nation in the European sense, but simply une symbiose étatico-entrepreneuriale. Because such an entity is likely to fly apart if challenged by a determined enemy, in the great cataclysms to come it will be Europe (and Russia), not the U.S., that will stand at the center of the struggle to defend the white West from a hostile non-white world.

Islam

While America’s future holds out the prospect of an interstate war with China, Faye believes Europe faces an intrastate war with the forces of an insurgent Islam—a war, to repeat, that will resemble 9/11 more than the conventional military engagement the U.S. can expect in the Pacific.

In the four decades since 1962, when Africa broached Europe’s southern frontier, the continent, especially France and Belgium, has been inundated by successive waves of Third World immigrants. The amplitude of this immigration, involving masses not individuals, is such that not a few demographers contend that it is more accuratelydescribed as "colonization." Due to disproportional birthrates, the unrelenting influx of non-white, unassimilable, and largely Muslim immigrants has already begun to "de-Europeanize" Europe. For example, virtually everywhere they have settled in France they have succeeded in "ethnically cleansing" former neighborhoods, establishing not ghettos, but conquered territories, from which future conquests are being prepared. With their seven to eight million inhabitants, these territories have become, in effect, hostile African/Middle Eastern encampments within an increasingly besieged France.3

This immigration is creating an extremely volatile situation, for Europe lacks the massive police apparatus and vast geographical expanses that have kept ethnoracial tensions ‘manageable’ in the U.S. Typically, in urban areas where neighborhoods have been lost to Islamic civilization, Europeans have come to experience not only escalating levels of violence and insecurity, but the loss of their laws and institutions. There are now more than 1400 zones de non-droit in France (including eleven towns), and in nearly a hundred of these, republican jurisdiction has been supplanted by the shari`a (Islamic law).4

Within such zones, whose deteriorating conditions politically correct public officials persist in describing in socioeconomic rather than biocultural terms, it is nearly impossible for a Frenchman to reside in the public housing estates (HLM) built for the French working class, to find a café serving wine or ham, or for his wife to dress or behave in public as do European women. In contrast to the Little Italies and Germantowns arising in many American cities in the last century, these non-European enclaves have not the slightest intention of assimilating into the dar-al-Harb (the "impious" non-Islamic world, which Muslims view as the "world of war"), and have, in fact, begun to assert their autonomy vis-à-vis it. In recent years, hardly a week passes without a newspaper report of a riotor bloody incident provoked by clashes between police and Muslim gangs.

Since 1990, urban violence has grown five percent annually—since 2000, by ten percent—as the anomie, violence, and disintegration associated with America’s inner cities becomes an increasingly familiar European reality. In fact, in 2000, for the first time in history, French criminality, whose ethnoracial character is overwhelmingly non-European, surpassed that of the U.S. crime rate; and Paris, once the City of Lights, became the least safe of the major European cities.

In the face of these threats to the continent’s demographic, cultural, and institutional foundations, the media, the academy, and the established "anti-racist" organizations (mostly controlled by Zionists) attempt to silence whoever criticizes such changes, all the while making the term "multiculturalism" emblematic of the mobile postmodern society of optional values and fashionable identities that comes with globalization. Instead, then, of mobilizing the Christian West against such threats, these New Class forces preach cowardice, resignation, escapism, and a self-destructive humanitarianism.

An ethno-masochistic response of this kind has naturally emboldened the more militant members of France’s Muslim community, who now call for jihad against the "white cheese." Public authorities, though, persist in distinguishing between violent fundamentalists (who number perhaps 40,000) and the "peace-loving" Muslim community, unable or unwilling to acknowledge Islam’s inherent hostility to Europe’s secular society.  Between orthodox and fundamentalist Islam, Faye, though, claims there is solely a difference in temperament. And even this is increasingly compromised by fundamentalist aggressions. Years before the 9-11 attack on the symbols of U.S. hegemony, this "monstrous offshoot of Judaism" had already begun its third great offensive against the dar-al-Harb, targeting Europe as a future Muslim homeland.5

Buoyed up by U.S.-protected strongholds in Southeast Europe (Albania, Bosnia, Kosovo), U.S. pressure to admit Muslim Turkey to the EU, and large stockpiles of sophisticated arms, Islamists have already begun organizing for a new conquest.

It is not surprising, then, that Faye interprets the growth of European Islam as the opening salvo in a larger struggle for the continent’s future.
6 Faye’s militant opposition to Islam does not, however, bear a resemblance to that of President Bush’s handlers. The struggle against Islam, he insists, is a struggle to free Europe from a dire threat to existence—not a justification for further Zionist aggression.

What War Will Bring

In the coming cataclysms—likely to involve street battles between rival racial communities, guerrilla skirmishes, mega-terrorism, perhaps even small-scale nuclear exchanges with "dirty bombs," along with conventional-style invasions from neighboring Islamic armies—Faye believes Europe will either perish or experience a rebirth. In any case, the confrontations ahead will create a situation in which the present politically correct delusions are impossible to sustain.

For like every great struggle affecting human’s natural selection, war privileges the elemental and the vital. With it, the subtleties and distractions that sophists and simulators have used to misdirect Europeans cannot but cease to count, as will those minor differences that have historically divided them. Then, as "money and pleasure" cede to the imperatives of "blood and soil," only the traditions, the way of life, and the genetic principles defining them as a people will matter.

The situation the white race finds itself in today may therefore be unconditionally bleak, but in that hour when everything risks being lost, Faye believes a final opportunity for renaissance will present itself.

In this vein, he predicts that the dominant musical theme of the twenty-first century will be neither an orchestral ode to joy nor the doggerel of an urban savage, but rather a solemn military march based on ancient hymns. Europeans on both sides of the Atlantic, he advises, would do well to keep step with its strong, marked rhythm.
 

Michael O’Meara is a scholar who resides and teaches on the West Coast of the United States. He is the author of numerous articles and book reviews.

End Notes


1. L’archéofuturisme (1998); Nouveau discours à la nation européenne, 2nd ed. (1999);  La colonisation de l’Europe (2000); Pourquoi nous combattons (2001). All these works have been published by L’Æncre and can be purchased at the Librairie Nationale, 12 rue de la Sourdière, 75001 Paris, or on the Internet at www.librairienationale.com/.

2. See Michael Torigian, New Right, New Culture: Anti-Liberalism in Postmodern Europe (Lanham, MD: University Press of America, 2003).

3. The number of non-Europeans in France is not officially known. The cited figure is the estimate of one of the country’s leading demographers. See “L’avenir démographique: Entretien avec Jacques Dupâquier,” in Krisis 20-21 (November 1997). Another academic (J. P. Gourevich) claims it is closer to 9 million. Some put the figure as high as 14 million, while the media usually refer to 4, 5, or 6 million. But more alarming than these figures is the fact that one-third of the population under 30 is now of non-European origins and has a birth rate four or five times higher than the European one.

4. Jeremy Rennher, “L’Occident ligoté par l’imposture antiraciste,” in Écrit de Paris 640 (February 2002). Even the politically correct editor of Violences en France (Paris: Seuil, 1999), Michael Wieviorka, acknowledges that the explosion of violence and criminality since 1990 is an outgrowth of Islamic power. Because the French government keeps most data on immigrant crime and racial terror securely under wraps, the little that is known has been surreptiously leaked by frustrated officials. The publication with the best access to these leaks is the monthly J’ai tout compris! Lettre de désintoxification, edited, not coincidentally, by Guillaume Faye.

5. The first, Arab wave of the seventh century brought the Muslims to Poitiers, and the second, Turkish wave of the twelth through the seventeenth centuries led to the destruction of Christian Byzantium and the seige of Vienna. The third wave, in the form of the present colonization, is stealthy in character, but potentially even more catastrophic.

6. Accordingly, the more militant Europeanists now invoke the need for a new reconquista. This is especially evident in Philippe Randa’s novel Poitiers demain (Paris: Denoël, 2000) and the album Reconquista by the group Fraction (Heretik Records).
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vendredi, 16 mai 2008

G. Faye: La dictature du bien-être

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Guillaume FAYE,

La dictature du bien-être,  mars 1979.

Aldous Huxley pensait avoir fait œuvre de fiction en situant son Brave new world au 3e millénaire. Il est mort en constatant que la société sans souffrances et sans besoins insatisfaits était en passe de devenir la triste réalité de notre temps et que, comme dans son Brave new world, tout individu libre ou faisant preuve de quelque pensée originale était déjà considéré comme malfaisant par des masses conditionnées par ce que le socio-anthropologue Arnold Gehlen a appelé la dictature du bien-être. Car la religion du bien-être est bel et bien devenue dictature.

Cette volonté, partout affirmée, de satisfaire les désirs matériels et la soif de consommation des hommes de notre temps n’est du reste pas choquante en soi : elle est intrinsèquement liée à l’existence même de la fonction de production telle que la connaissent les sociétés d’origine indo-européenne. Mais dans le système de tripartition du monde indo-européen, tel que l’a dégagé Georges Dumézil, la fonction de production demeure impérativement subordonnée à la fonction guerrière et, surtout, à la fonction de souveraineté. Or le drame est que nous assistons à une inversion de ce rapport de subordination, que la société entière se trouve dominée par ces exigences consuméristes, et que l’économie s’est investie du pouvoir de résoudre tous les problèmes humains.

En réduisant tous les facteurs sociaux à l’économie, la société marchande fait de celle-ci l’instrument d’un développement global, motivé par une fausse conception du bonheur, mélange illusoire d’abondance matérielle et de loisirs plus ou moins organisés. Ce qui laisse croire qu’il n’existe que des besoins et des désirs matériels, que ceux-ci ne sont qu’individuels, toujours quantitatifs et toujours susceptibles d’être comblés. Certains patrons n’hésitent d’ailleurs pas affirmer que "l’entreprise fait le monde". Pour Entreprise et progrès, qui se veut le "poil à gratter" du CNPF [NB : ancêtre du MEDEF], les mutations de l’entreprise déterminent les mutations sociales, l’entreprise est le phénomène directeur de la société, phénomène auquel les Français auraient toutefois quelque peine à s’adapter en raison de leurs "tares culturelles" (sic).

Le pire est sans doute que la plupart des gens se laissent prendre à l’apparente générosité de ce totalitarisme économique. Les arguments de bon sens ne manquent pas. Valéry Giscard d’Estaing écrit : "Seules les économies de marché sont réellement au service du consommateur. Si on laisse de côté les idéologies pour ne considérer que les faits, force est de constater celui-ci : les systèmes économiques dont la régulation est assurée par une planification centrale offrent aux consommateurs des satisfactions incomparablement moins grandes en quantité et en qualité que ceux qui reposent sur le libre jeu du marché". Mais au nom de la liberté individuelle d’accéder à la consommation de masse, ce totalitarisme diffuse un individualisme forcené - l’hypersubjectivisme dont parle Arnold Gehlen - qui décompose les groupes humains en détruisant les liens sociaux et organiques de leurs membres, en interdisant tout projet collectif, historique ou national.

Pourtant, à force de promettre le bonheur pour tous et tout de suite, le libéralisme marchand finit par engendrer des espoirs déçus et une ambiance d’insatisfaction collective. Le mythe égalitaire du bonheur obligatoire s’est ici couplé avec celui de la progression indéfinie du niveau de vie individuel, quelle que soit la prospérité des circuits économiques. Paradoxalement, chaque accroissement quantitatif de ce niveau de vie renforce l’insatisfaction psychologique qu’il était censé éliminer, provoquant dans le corps social une dépendance quasi physiologique à l’égard des désirs économiques, avec les multiples conséquences pathologiques qui en découlent. "La fausse libération du bien-être, écrit Pasolini, a créé une situation tout aussi folle et peut-être davantage que celle du temps de la pauvreté" (Écrits corsaires).

L’attente d’un progrès automatique et mécaniquement acquis rend les hommes esclaves du système et les dispense de faire preuve d’imagination et de volonté. La dictature du bien-être use les sensations et finit par user l’homme. Konrad Lorenz écrit : "Dans un passé lointain, les sages de l’humanité avaient déjà reconnu fort justement qu’il n’était pas bon pour l’homme de parvenir trop bien à son aspiration instinctive à atteindre au plaisir et à se soustraire à la peine". Émoussé par l’habitude, le plaisir exige alors une surenchère permanente et entraîne à la perversion. Les consommateurs modernes veulent impatiemment avoir tout et tout de suite, mais cette hypersensibilité à la privation les rend en réalité incapables de goûter les joies de l’acquisition. Konrad Lorenz précise encore : "Le plaisir n’est que l’acte du consommateur. La joie est le plaisir de l’acte créateur".

Arnold Gehlen a nommé pléonexie cette aliénation psychologique par laquelle la satisfaction d’une revendication égalitaire provoque un surcroît de désir égalitaire. Et il a nommé néophilie cette incapacité profonde des mentalités soumises à l’esprit marchand à se satisfaire d’une situation acquise. Ce qui conduit le système à entretenir un état de rebellion permanent, d’autant plus vif que cette insatisfaction paraît toujours plus insupportable. C’est une spirale sans fin. La hausse indéfinie du niveau de vie, promise et revendiquée dans n’importe quelle conjoncture, est un facteur de crise, tant et si bien qu’à la limite, cette dictature du bien-être menace le système même qui l’a engendrée tout en aliénant toujours plus profondément ses sujets.

Asservis au mythe égalitaire du bien-être, les consommateurs sont en effet en voie de domestication rapide. L’éthologie nous a enseigné l’histoire du Sacculina carcini, ce crabe d’apparence normale qui, dès qu’il se fixe en parasite sur un autre crabe, perd ses yeux, ses pattes et ses articulations pour devenir une créature en forme de sac - ou de champignon - dont les tentacules souples plongent dans le corps de l’animal parasité. "Horrible dégénérescence", s’écrit Konrad Lorenz qui ne peut s’empêcher d’observer déjà des "phénomènes de domestication corporelle chez l’homme". Ainsi l’humanité s’est-elle engagée dans une voie qui la laisse survivre mais qui la prive de sensibilité, vers une sorte de Brave new world peuplé de parasites "vulgarisés"...

Cet asservissement mental aux bienfaits illusoires du progrès continu fabrique, selon Raymond Ruyer, des peuples courts-vivants. Repliés dans leur cocon douillet et préservés du monde extérieur, ces peuples s’accrochent à des valeurs à court terme et se contentent d’actes aux conséquences immédiatement et directement mesurables ou quantifiables, exprimées en valeurs économiques convenues. Ce qui conduit nos hommes d’État à se définir comme "de bons gestionnaires de l’affaire France", assimilant ainsi le pays à une sorte de "société anonyme par actions-bulletins de vote".

L’individu court-vivant n’envisage plus son héritage et son après-mort : sa descendance et sa lignée deviennent pour lui des concepts incompréhensibles. Il gère au jour le jour son destin étroit et limité, se contentant de rendre des comptes sur ses activités aux gestionnaires placés plus haut que lui. Il navigue à vue, calculant même - grâce aux nouveaux économistes à qui rien n’est impossible - le prix de son enfant jusqu’à sa majorité. L’affection, non mesurable, est ainsi remplacée par des liens contractuels.

Dans le Manifeste du Parti Communiste (1848), Karl Marx écrit : "La bourgeoisie a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité à quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange et, à la place des libertés si chèrement acquises, elle a substitué l’unique et impitoyable liberté du commerce (...) Elle force toutes les nations à adopter le style de production de la bourgeoisie, même si elles ne veulent pas y venir. Elle les force à introduire chez elles la prétendue civilisation, c’est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle forme le monde à son image".

Comment mieux décrire les effets destructeurs, pour les cultures, de l’esprit marchand propagé par la bourgeoisie ? Ces cultures se trouvent ainsi réduites à de simples comportements de consommation et le seul langage admis est celui du pouvoir d’achat, potentiellement égal chez tous les peuples et sur toute la Terre. Cette volonté de diffusion d’un seul mode de vie menace à terme la richesse culturelle de l’humanité. De même que pour les marchands classiques, les frontières et les mœurs variées constituaient des obstacles intolérables, pour la société marchande, les différences ethniques, culturelles, nationales, sociales et même personnelles, doivent être inexorablement résolues. Le rêve universaliste d’un vaste et homogène marché mondial de la consommation annonce l’avènement de l'homo œconomicus.

Dépassant ainsi largement sa fonction de satisfaction des besoins matériels essentiels, l’économie est devenue le fondement même de la nouvelle "culture" universelle. Cette mutation a réduit l’homme à n’être plus que ce qu’il achète : pour employer un mot à la mode, il s’est réifié. Et Valéry Giscard d’Estaing de définir en ces termes son projet politique : "Promouvoir une immense classe moyenne de consommateurs". Dictature du bien-être ? Dès 1927, Drieu La Rochelle nous mettait en garde : "L’étouffement des désirs par la satisfaction des besoins, telle est l’économie sordide, découlant des facilités dont nous accablent les machines, qui viendra à bout de nos races. L’abondance de l’épicerie tue les passions. Bourrée de conserves, il se fait dans la bouche de l’homme une mauvaise chimie qui corrompt les vocables. Plus de religions, plus d’arts, plus de langages. Assommé, l’homme n’exprime plus rien" (Le Jeune Européen).

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mardi, 29 janvier 2008

De ondraaglijke lichtheid van het zgn. antifascistisch discours

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DE ONDRAAGLIJKE LICHTHEID VAN HET ZGN. ANTIFASCISTISCH DISCOURS
door Peter LOGGHE

Voor De Standaard der Letteren van 7 augustus 2003 vat G. Van den Berghe het boek van Peter Godman over de katholieke inquisitie samen, en heeft het daarin in volgende bewoordingen over de heren inquisitoren : “Daaruit blijkt dat in zijn ogen de wereld werd beheerst door de strijd tussen goed en kwaad, en dat de Kerk en haar vertegenwoordigers die twee polen feilloos van elkaar konden onderscheiden. De kerkelijke elite voelde zich hoog verheven boven de “eenvoudigen en ongeletterden” (simplices et idiotae), die ze moesten leiden, onderrichten en behoeden voor foute interpretaties van de bijbel”. En verder : “(Ze) zagen het katholicisme als een belegerde vesting die ze uit alle macht moesten verdedigen. De waarheid was één en ondeelbaar, en werd vastgelegd door de Kerk. Alles wat daarvan afweek was ketterij, verraad aan God, majesteitsschennis”. En tenslotte : “De congregatie werkte ongecoördineerd en chaotisch. Het ene lid verbood wat het andere gedoogde. Enkelen bezaten de geestelijke souplesse en intellectuele scherpte om subtiele overwegingen te maken maar de meesten konden alleen de hakbijl hanteren”.

Godman, die Van den Berghe bespreekt, heeft het, zoals gezegd, over de inquisitie. Nu is het allang bon ton om in de katholieke pers de katholieke inquisitie te veroordelen, enige moed is hiertoe niet meer vereist, onze kranten lopen daarmee geen enkel risico, integendeel, vanuit bepaalde vrijzinnige hoek kunnen ze zelfs handgeklap en schouderklopjes ontvangen. Maar het vergt véél meer moed om dezelfde toon aan te slaan tegen de zgn. antifascistische inquisitie. Want, geachte lezers, vervangt u de woorden “God” door “Marx”, “Kerk” door “het stalinistisch communisme”, “ketters” door “fascisten”, en “(ze)” en “kerkelijke elite” door de “antifascisten” en u leest deze tekst als een treffende beschrijving van het zgn. antifascistisch kamp. In België, in Nederland, Duitsland, Frankrijk, in gans Europa.

De tactiek van het zgn. antifascistisch kamp is heel duidelijk : alles wat afwijkt van het dogmatisch marxisme wordt – in een geleidelijk proces weliswaar – gelijkgeschakeld met het verfoeilijke “fascisme”, te beginnen met wat men gespierd rechts zou kunnen noemen en eindigend bij allerlei rechtsliberale en conservatief-christelijke groepjes en clubjes. Althans, voor zover men hen hun gangen laat gaan. . De methoden zijn gekend : criminalisering, stigmatisering van andersdenkenden. Niet alleen de politieke en culturele uitingen van “andersdenken” moeten worden verboden, maar zelfs de gedachten, zelfs het politiek denken moet worden gestroomlijnd, zodat afwijkingen van de zuivere leer zelfs niet meer kunnen worden gedacht. Hier is al een tijdje aan de gang, wat ook in Duitsland – en dan vooral in het Bundesland Nordrhein-Westpfalen – met het begrip “nieuw rechts” aan de gang is. “Fascisme, zoals nieuw rechts, schrijft Dieter Stein in de uitgave 30 (van 3 tot 18 juli) van 2003 van het conservatieve weekblad Junge Freiheit, is een kauwgom, waar letterlijk alles kan worden ondergebracht, wat ook maar enigszins bedreigend voor de ingenomen machtspositie kan zijn”. Hij denkt dan aan “de inzichten van Amerikaanse communautaristen over sociale verbanden, de ideeën van de Britse adel over de Franse revolutie, Franse Gaullisten die nadenken over soevereiniteit en Deense rechtse liberalen over het migratieprobleem”. Wij kunnen hieraan toevoegen : De inzichten van Vlaams-nationalisten over Vlaamse onafhankelijkheid en hoe die te behalen op korte of middellange termijn. Dit alles vatten de heren zgn. antifascisten allemaal onder de hoed “rechts-extreem”, dus fascistisch en moet bestreden of verboden worden. De bedoeling is voor hoofdredacteur Stein duidelijk : rechtsintellectuele en conservatieve stromingen het etiket “rechts-extreem” opkleven, zodat men de gedachten kan verbieden, zonder de feitelijke discussie te moeten aangaan. Een zeer comfortabele positie : zo kunnen ze elk debat weigeren, want het gaat toch maar om “fascisten”.

Mark Grammens schrijft in Journaal nr. 341 van 17 mei 2001 kort, bondig maar daarom niet minder correct : “Men kan in een democratie geen mensen diskwalificeren omdat ze andere ideeën aanhangen”. Het gedachtemisdrijf is in wezen een kenmerk van totalitaire regimes, en hoort dus niet thuis in een echte democratie. Maar wat is er aan democratie overgebleven als bepaalde prominente leden van de zgn. progressieve pers – let wel : zonder dat ze hierop door andere weldenkenden worden aangesproken – kunnen schrijven : “De kiezer heeft altijd gelijk, luidt een mooi democratisch axioma, ik ben het daar niet langer mee eens” (Yves Desmet in De Morgen van 14 oktober 2000) ? Dit lijkt toch wel op een eerste aardige paradox in het zgn. antifascistisch discours : het aanwenden van fascistische methoden om een zgn. antifascistisch, maar in wezen totalitair regime te vestigen. De kaste van hogepriesters is al gewijd, nu alleen nog het volk vinden om de kerk te vullen. En dan is de vergelijking tussen zgn. antifascisten en de inquisitie toch al zo moeilijk niet meer, of vergis ik mij ?

Waar komt dit antifascisme vandaan ? Als je onderzoekt wie allemaal met dit scheldwoord wordt belaagd, Britse conservatieven, Vlaamse separatisten, Deense antifiscalisten, dan kan je niet om deze tweede paradox van het zgn. antifascistisch discours heen : het is een inhoudsloos woord geworden. En de geschiedenis van het zgn. antifascisme schetst dezelfde, gewaardeerde Mark Grammens in zijn Journaal als volgt in (pag. 2779) :
“Ervan uitgaande dat het fascisme van alle Europese diktaturen uit de eerste helft van de 20e eeuw waarschijnlijk de zachtaardigste was – en zelfs, samen met de diktatuur van Franco in Spanje, niet eens racistisch – vanwaar komt dan de omzetting van het begrip “fascisme” in een scheldwoord ? Dit is het gevolg van weer zo’n taboe in onze geschiedschrijving, namelijk het door Stalin via de Komintern aan zijn volgelingen in de wereld in de dertiger jaren gegeven bevel om hun pijlen niet te richten op het nationaal-socialisme, maar wel het “fascisme” tot enige en absolute vijand te maken. Was de reden hiervoor dat Stalin reeds met de gedachte van een bondgenootschap met het nationaal-socialisme speelde (het Ribbentrop-Molotov pakt van 1939) ? Neen, volgens de beschikbare gegevens was het alleen maar zijn vermoedelijk wel terechte vrees dat “nationaal-socialisme” door de opinie beschouwd kon worden als “socialisme” en dat aanvallen op dat regime dus onrechtstreeks en wellicht ten dele onbewust zijn socialisme konden benadelen. “Fascisme”, hoewel eveneens voortgekomen uit het socialisme, bevatte voor het dom gehouden volk die samenhang niet. Wie dus vandaag zijn tegenstander “fascist” noemt, terwijl die tegenstander geen Italiaan is, geen voorstander van een “corporatistische” staat, en geen andere specifieke denkbeelden van het fascisme aanhangt, - misschien zelfs, in tegenstelling tot de echte fascisten, racistisch is – is in wezen een stalinist : hij voert postuum de bevelen van Stalin uit.”

Natuurlijk moet men ook de slotformulering van Mark Grammens die het gebruik van het scheldwoord “fascisme” in de Vlaams-Belgische politiek een absurditeit noemt, volledig onderschrijven. Vermeende racisten als “fascisten” uitspuwen is stupied, lachwekkend wordt het als men Vlaamse separatisten eveneens met het scheldwoord “fascisten” bedenkt. Vlaamse separatisten streven naar het uiteenvallen van België, en Italiaanse fascisten streefden juist het tegenovergestelde na. In dit verband kan men het scheldwoord “fascisme” het best toepassen op de Groenen van Agalev en Ecolo en op de gehele Belgische intelligentsia die de lof en grootheid van het Belgische vaderland bezingt.

U heeft het al begrepen, lezer, fascisme is een scheldwoord geworden. In België dient dit scheldwoord als cement, als bindmiddel in een toch wel zeer vreemde coalitie van zeer tegenstrijdige krachten, maar die één zaak gemeen hebben : het heropleven en het voortbestaan van het Nederlands volksdeel, dat men Vlaanderen heet, bestrijden. Dit andere Vlaanderen bezit een oud vrijbuitersmentaliteit, is koppig en wil niet weten van allerlei opgelegde dogma’s. Des te erger voor dit Vlaanderen !

Maar we moeten onze blik niet eens verengen tot Vlaanderen om dezelfde strategie, dezelfde tactiek waar te nemen om elke conservatief, elke identitaire stroming te criminaliseren en te stigmatiseren. Dit is een Europese strategie. En dan is het verdraaid nuttig naar Europese figuren te kunnen verwijzen, die het voorgekauwde dogmatisch-marxistisch schema door elkaar hebben gehaald. Ik roep graag enkele getuigen à décharge op, figuren van Europees niveau. Zij hebben het zgn. antifascistisch spelletje grondig dooreen gehaald, en het past daarom even bij hen stil te staan.

EERSTE GETUIGE à décharge : Armin Mohler, de puzzellegger, de regenfluiter

Armin Mohler, ver buiten de Duitse staatsgrenzen bekend als auteur van het standaardwerk over de conservatieve revolutie (Die konservative Revolution in Deutschland 1918-1932 – Ein Handbuch) stierf op 4 juli 2003. Geboren in Basel (Zwitserland) in 1920 was hij in zijn jeugd duidelijk links georiënteerd. Hij onderging ook invloeden van Spengler, Nietzsche, Jünger. Even papte hij aan met het nationaal-socialisme en ging zelfs clandestien de grens over om in de Waffen-SS dienst te nemen, plan dat echter niet doorging. Ook werd hem heel snel de tegenstelling duidelijk tussen het nationaal-socialistisch apparaat en zijn conservatief-revolutionaire idealistische voorstellingen. Dan maar van het ongemak een deugd gemaakt : hij studeerde uiteindelijk af bij de professoren Karl Jaspers en Herman Schumacher over de conservatieve revolutie.

Eigenlijk moeten wij Armin Mohler enorm erkentelijk zijn : het begrip conservatieve revolutie werd door hem succesvol gelanceerd en blijft als begrip tot op vandaag overeind. Volgens Stephan Breuer is Mohler op die manier verantwoordelijk voor dit succesvolle begrip dat het ook in wetenschappelijke kringen heeft gemaakt. Het is ironisch dat deze term, die nu vaak door de hogepriesters van het zgn. antifascistisch geloof wordt verbonden aan het fascisme, juist door Armin Mohler werd geponeerd om duidelijk te maken dat er duidelijke verschillen bestonden tussen de conservatief-rechtse en/of jong-nationalistische krachten in het tussenoorlogse Duitsland en het aanstormende nationaal-socialisme en dat, als er van overlappingen tussen beide “kampen” kan worden gesproken, deze verbindingen zeker en misschien uitgebreider bestonden tussen andere politieke krachten (sociaal-democraten, liberalen, etc.) en het nationaal-socialisme.
Mohler omschreef het heterogene gezelschap van jongconservatieven, Völkischen, nationaal-revolutionairen, Bündischen en Landvolkbewegung als Konservative Revolution en zag hun eenheid in de strijd tegen de liberale decadentie en de universalistische tendensen van het moderne. Karl Heinz Weissmann herhaalt Armin Mohler in Junge Freiheit als hij schrijft : “Voor de Achsenzeit was het conservatief streven gericht op het verleden, daarna op de toekomst. Voordien is het erop geconcentreerd het overgeleverde te bewaren, of zelfs de verloren gegane toestand te herstellen. De Achsenzeit is voor de conservatief een tijd van ontnuchtering. Hij ziet dat bepaalde groepen een status quo hebben geschapen, die voor hen niet acceptabel is, en dat vroegere toestanden niet meer herstelbaar zijn. Zijn blik wendt zich voorwaarts”.
Onder invloed van de historicus Zeev Sternhell zou Armin Mohler iets later tot het besluit komen dat niet de Eerste Wereldoorlog of de bolsjewistische revolutie het echte lontmoment geweest waren voor de conservatieve revolutie, maar wel het feit dat het wegvallen van de toepasbaarheid van de termen “links” en “rechts” bij veel mensen voor reacties had gezorgd, en zij hierna stellingen begonnen te nemen die nu eens “links” en dan weer “rechts” waren. Men kan het ook anders omschrijven : ontgoochelden van links en rechts vonden zich in nieuwe positioneringen, die Zeev Sternhell als “fascisme” omschreef en Mohler juister als “konservatieve revolutie” bepaalt. Mohler doorstak het ballonnetje van rechts = conservatief = fascisme.

Laten wij Mohler echter niet de geschiedenis ingaan als alleen maar de auteur van een razend interessant handboek. Hij was secretaris van Ernst Jünger tot 1953 en als journalist voor enkele Zwitserse en Duitse dagbladen actief in Parijs. In 1961 leidde hij de Carl Friedrich von Siemensstiftung (tot 1981), een culturele kring met enorme uitstraling. Uit zijn Franse tijd hield hij een oprechte bewondering over voor het Gaullisme en hij probeerde vruchteloos de waarde van dit buitenlandse voorbeeld in de Duitse pers te brengen. Hij ging zwaar te keer tegen de Vergangenheitsbewältigung in Duitsland en stelde de onbehoorlijke vraag waartoe ze moest dienen. (Was die Deutschen fürchten en Der Nasenring behandelen dit thema uitvoerig). Mohler wees met scherpe pen op het soevereiniteitsdeficit en schaamde zich er niet voor uit te halen naar de VSA, zijn voornaamste vijand. Hij was niet in de eerste plaats anticommunist, wat hem onderscheidde van zovele (bange) Duitse conservatieven. Vijandschappen legde hij slechts na lang wikken en wegen vast, als we Karl Heinz Weissmann mogen geloven. Links viel hij aan niet omwille van haar neomarxisme, maar “wel omwille van haar steriliteit, haar neiging om de heropvoeding (van de Duitsers, red.) verder te zetten en haar hedonisme die elke cultuurscheppende ascese kapot maakt”.

Armin Mohler hield niet erg van het woord conservatief, omdat iedereen wel iets wil behouden of bewaren. Hij vond meer inhoud in rechts : rechts wil niet conserveren, het gaat er in werkelijkheid om toestanden te creëren, nieuw te creëren, waarvan het loont ze te bewaren.

Zijn laatste grote omslag kwam er met de Franse Nouvelle Droite (en hier kan misschien ook even opgemerkt dat Armin Mohler de Deltastichting en TekoS heeft gekend – ik verwijs naar het afscheidsartikel van Luc Pauwels in het ledenblad van de Delta-Stichting). Eén van de zaken die hem op filosofisch vlak verbond met de (toen) jonge Fransman Alain de Benoist was het nominalisme, waarover in TEKOS nummer 109 in vertaling een bijdrage werd afgedrukt. Nominalisme, een begrip en een inhoud die zoveel conservatieven irriteerden – zoals Mohler ook op andere manieren op conservatieven kon inhakken en hen irriteren : het onburgerlijke, ja zelfs het antiburgerlijke bij Mohler, zijn vitaliteit, zijn capaciteit om te begeesteren, zijn scherp oordeel en soms té scherp woord. Links of rechts : het kon Mohler eigenlijk niet veel schelen, als ze hun ding maar goed verdedigden.

Mohler heeft zijn droom, een professoraat politieke wetenschappen opnemen, nooit kunnen waarmaken. Veel uitgeverijen sloten voor hem hun deuren. In 1967 werd hem de Adenauerprijs toegekend en ontketende een bepaalde pers een heksenjacht tegen hem
Is hij mislukt in zijn leven ? Mohler, zo besluit Weissmann zijn artikel in Junge Freiheit, wees graag op auteurs die onduidelijke maar aanwijsbare invloeden op het leven hebben. “Regenfluiters” worden ze genoemd, maar het zijn eigenlijk vogels die met hun gefluit een storm aankondigen. Armin Mohler behoort tot het gild van de regenfluiters. Zo zei Mohler zelf : “Ze waarschuwen voor de komende vernietiging, maar ze wensen op geen enkele manier een terugkeer naar de goede oude tijd. Hun doel is niet het bewaren van hetgeen reeds land over zijn tijd heen is, maar het vasthouden aan het wezenlijke”. Mohler wees op het wezenlijke, wees op Europa, op onze cultuur, en dat had niets met “fascisme” te doen. De getuigenis van Armin Mohler zal van wezenlijk belang blijven in onze strijd .

TWEEDE GETUIGE à décharge : Ernst Niekisch, de taboebreker

Het complexe en niet alledaagse leven van Ernst Niekisch, zijn ideeën en de evolutie van zijn ideeën vormen één groot démenti van de ondraaglijke lichtheid van het zgn. antifascistisch discours : conservatief = rechtse zak = antisociaal = fascisme. Het blijft daarom boeiend enkele facetten en feiten aan het papier toe te vertrouwen en wij baseren ons hiervoor op de inleiding van Alain de Benoist van de Franse vertaling van Ernst Niekisch, Adolf Hitler – une fatalité allemande, Pardès, Puiseaux, 1991, ISBN 2 – 86714-093-5.

Niekisch gaat door voor één van de heftigste tegenstanders van het nationaal-socialisme en is een epigoon van wat men het nationaalbolsjewisme heeft genoemd. Hij werd geboren in Silezië in 1889 en zal in Berlijn sterven in 1967. Tijdens de Eerste Wereldoorlog is hij instructeur van jonge rekruten en Feldwebel in een gevangenenkamp in München. Hij leest er Marx en sluit zich aan bij de sociaal-democraten. Op 18 november 1918 verneemt hij dat de republiek in München door Kurt Eisner is uitgeroepen, dat soldaten in Augsburg hun raden zouden willen aanduiden. De sociaal-democraten aarzelen en besluiten dan Niekisch naar de kazerne te sturen. Uren later is hij de voorzitter van de soldaten- en arbeidersraad, zit in het centraal comité van Beieren en zal zelfs afgevaardigde worden in het nationaal congres in Berlijn. Na de moord op Eisner, op 21 februari 1919, zal hij de beweging even leiden, en heeft hij oa. gesprekken met Rathenau, in de hoop de beweging nog te kunnen redden. Hij zal zich verzetten tegen de pogingen van de anarchisten Landauer en Mühsam om een tweede, communistische revolutie uit te lokken, want hij vindt het sovjetsysteem voor Beieren niet geschikt – een ruraal gebied. De witte terreur zal ook Niekisch niet sparen en hij wordt tot 2 jaar opsluiting veroordeeld Hij ontdekt er Spengler en leert er het primaat van de buitenlandse politiek erkennen, hij deduceert er dat een sociale revolutie eerst een nationale revolutie onderstelt. En bij Pruisische auteurs snuift hij de Pruisische geest op.

In 1922 ontmoeten wij Niekisch in Berlijn, de stad waar hij steeds naartoe wilde. Hij is er secretaris van de jeugdafdeling van de Duitse Textielvakvereniging (met 70 000 leden) en gaat er vrij snel de strijd aan met de reformistische vleugel van de partij. Hij wil een nieuwe intellectuele lijn voor de partij en pleit voor een verregaande identificatie van de arbeidersklasse met de staat en tegen de capitulatie t.o.v. Frankrijk en het Dawesplan, dat zal leiden tot een grote inmenging van het Amerikaanse bankwezen in Duitsland. De Duitse sociaal-democratische partij moet “de weerstand van het Duitse volk groeperen tegen het Westers imperialisme”. Hij poneert de quasi-identiteit van volks en staat. Staat en volk zijn één, een eenheid die boven de veranderingen van tijden staat, ook omdat zij niet één generatie vertegenwoordigt, maar alle. Dit is iets wat het uitsluitend politieke karakter van het liberalisme niet kan begrijpen, noteert Niekisch.

In Grundfragen deutscher Aussenpolitik (1925) verdedigt Ernst Niekisch de idee van klassentegenstellingen, maar onderstreept hij terzelfdertijd het primaat van de buitenlandse politiek, waar de klassentegenstellingen slechts secundair zijn. Als men de Russische revolutie slechts ziet als een sociaal revolutionaire gebeurtenis, dan merkt men het essentiële niet op. Men kan haar slechts begrijpen vanuit het licht van de buitenlandse politiek. En Niekisch hamert hier reeds op een nagel, die hij later nog herhaaldelijk zal beslaan : hij roept Duitsland op om weerstand te bieden tegen de “gerichtheid op het Westen”, gerichtheid die tegengesteld is aan de echte Duitse belangen. En door haar oriëntatie op het Westen versterkt de SPD (sociaal-democraten) het kapitalisme. Met deze stellingen heeft hij succes bij de Hofgeismarkreis, een kring van SPD’ers die proberen de nationale idee en het socialisme te verzoenen, en het is met deze kring dat hij het tijdschrift zal starten, Widerstand (vanaf 1926) dat hem befaamd zal maken. Met de medewerking van August Winnig krijgt het blad een nationaal-revolutionair karakter, Winnig riep de arbeiders op om deel te nemen aan de nationale opstand en stelde dat de vijand niet de patroon of de werkgever was, maar het internationaal financieel kapitaal. Jongconservatieven, neo-nationalisten, paramilitaire groepen met als voornaamste Oberland, Bündische groepen zullen de ideeën van Niekisch nu leren kennen, en uit bvb. de Bündische groepen, met hun ideeën over “Bündisch socialisme” zullen heel wat latere nationaal-bolsjewisten komen.

Belangrijk voor Niekisch is ook zijn ontmoeting met Ernst Jünger, die voor Widerstand enkele belangrijke bijdragen zal schrijven, maar die zich toch nooit nationaal-bolsjewist zal noemen. Hij heeft wel invloed op het blad en zal het in de richting duwen van een “nieuw aristocratisme”, geïnspireerd door een “heroïsch realisme”.

1928-1930 : De Widerstandskringen nemen uitbreiding, zowel op het vlak van medewerkers als op het vlak van invloed onderaan. A. Paul Weber, van wie we hier enkele tekeningen afdrukken, verleent zijn medewerking en de filosoof Hugo Fischer zet zijn schouders mee onder de onderneming. In 1928 wordt een uitgeverij opgericht, de Widerstandsverlag.

Het valt niet te ontkennen dat dit nationaalbolsjewisme tevens een hernieuwing betekent van de aloude “Ostorientierung”, maar nu tevens verbonden met een nieuwe ideologie in het Oosten, het bolsjewisme. Nationaalbolsjewisten wilden een gerichtheid op het Oosten, eerder dan op de Rijnlandse gebieden. En : voor hen is het Verdrag van Versailles een instrument van de liberaalkapitalistische bourgeois om de oorlog tegen Duitsland verder te zetten en haar op een blijvende manier te knechten. Het kapitalisme is het systeem van de onderdrukker en toevallig ook het economisch stelsel van het Westen. Duitsland moet dus een Schicksalsgemeinschaft vormen met Rusland.
Binnen de totaliteit van de Konservative Revolution zorgde dit wel voor moeilijkheden : hoe een natuurlijke “Ostorientierung” verzoenen met een noodzakelijke kritiek op het marxisme ? Twee sleutelideeën zullen hierbij helpen :
1. De overtuiging dat er heel wat gemeenschappelijke punten bestaan tussen bolsjewisme en Pruisische stijl – een sterke staat, gehiërarchiseerd, de wil om het burgerlijke parasietendom te vernietigen.
2. En de idee dat het bolsjewisme vooral een Russische beweging is, waarvan het internationaal marxisme maar een façade is.

Maar er bleef toch steeds een ambiguïteit bestaan binnen de conservatieve beweging : voor de enen was de bolsjewistische revolutie niets anders dan de radicale vorm van kosmopolitisme, anderen zagen 1917 dan weer als een elektrische schok, noodzakelijk om de Russen opnieuw een gevoel van eigenwaarde te geven. “Elk volk heeft zijn eigen socialisme” zou Moeller van den Bruck schrijven, met als onderliggende idee dat elk volk zijn eigen revolutie heeft, en dat elke revolutie ook door het volk wordt gekleurd. Nog anderen zien in het marxisme een soort nageboorte van het kapitalisme en achtten het dus niet in staat om dit kapitalisme afdoende te bestrijden. Vele nationaalrevolutionairen echter blijven de affiniteiten onderstrepen : het bolsjewisme is een idealistische beweging, gericht op een ethiek, een ethiek van de arbeid, het offer, het primaat van de collectiviteit op de enkeling. Vanaf 1927 wordt in deze kringen de Russische revolutie dan ook als een mogelijk voorbeeld van nationale en sociale herstructurering beschouwd. Widerstand zal in 1928 Stalin zelfs gelukwensen met de dood van Trotsky en zijn pogingen om de nationale orde en eenheid in Rusland te versterken. Niet alle nationaalrevolutionairen gaan even ver, en sommigen gaan nog verder. Karl O. Paetel, die in 1941 asiel zoekt in New York, en in 1963 een anthologie over de Beat generation zal schrijven, staat volledig achter de klassenstrijd.

In 1929 schrijft Niekisch met Jünger een artikel waarin zij pleiten voor een samenwerking met de communisten, op voorwaarde dat het marxisme zich zou keren tegen de gevestigde Weimarorde. Het wordt een dovemansgesprek, want voor de nationalisten zijn de marxisten nog maar halverwege, en voor de marxisten is het al even duidelijk : als de nationalisten werkelijk zo begaan zijn met het lot van de arbeiders, moeten ze maar gewoon marxisten worden.

In 1930 werkt Niekisch opnieuw hard in de richting van een nieuwe “Ostorientierung” : hij maakt duidelijk dat de Duitser geen slaaf of Rus moet worden, maar dat het gaat om een noodzakelijke coalitie. Rusland, voegt hij er aan toe, is niet liberaal, is niet parlementair en is niet democratisch. Zijn ideeën slaan vooral aan in Bündische kringen en bij het Oberlandkorps (vrijkorps). Niekisch mag regelmatig op bijeenkomsten het woord voeren, maar zijn minder gemakkelijk karakter veroorzaakt scheuren, en hij besluit zijn eigen kringen op te richten – wat daadwerkelijk gebeurt vanaf 1930-31, de zgn. Widerstandskringen. Het totaal aan effectieven schat Uwe Sauermann (een na-oorlogs publicist) op 5000, maar de invloed is vele malen groter. Louis Dupeux schat het totaal aan nationaalbolsjewisten op ongeveer 25 000. De invloed van Niekisch is vooral aantoonbaar bij jongeren, die worden aangesproken door zijn radicalisme, zijn scherpe formuleringen. Anderen verwijten hem dan weer zijn gebrek aan soepelheid, zijn moeilijk karakter. Hij was m.a.w. geen practisch politicus. Hij trok begeesterde leerlingen aan, maar kon nooit massa’s volgelingen verzamelen.

Nog een woord over de verhouding van Ernst Niekisch en het nationaal-socialisme. Hij was ongetwijfeld een van de eersten om te waarschuwen voor het nationaal-socialisme, reeds in 1927. Niet alleen omwille van haar jodenpolitiek, maar ook omdat het nationaal-socialisme vastzit in een fanatiek anticommunisme en haar “Ostorientierung” niets anders is dan expansionisme en imperialisme. Een politieke leer, die het ras als het beslissende element van haar politiek beleid maakt, beschouwt Niekisch niet als Duits, maar als Beiers, zuiders en katholiek. Begin 1932 brengt hij zijn brochure Hitler – ein deutsches Verhängnis op de markt, waarin hij zijn waarschuwingen nog eens herhaalt. Het boekje haalt een oplage van 40 000 exemplaren. Sebastian Haffner ziet Niekisch en Hitler als twee volmaakte antipoden, die maar één gemeenschappelijk punt hadden : hun haat voor de Weimarrepubliek.
In de lente van 1932 neemt Niekisch nog deel aan een studiereis naar de Sovjet-Unie op uitnodiging van een arbeidsgroep voor de studie van planeconomie (Arplan), hij heeft er contact met Karl Radek, en schrijft bij thuiskomst nog een lovend artikel over de Sovjet-Unie, waarin hij pleit voor de collectivisatie als een mogelijke sociale organisatievorm die “de moordende effecten van de techniek het best kan beheersen”.

Niekisch wordt – zoals iedereen – in snelheid gepakt door de machtsgreep van Hitler, “een persoonlijk succes voor de man, een mislukking voor het nationaal-socialisme” vindt hij. Hij noemt hem ook “der Talentlose”. Op 20 december 1934 wordt Widerstand verboden, en Niekisch wordt de verklaarde vijand van de NSDAP. Ondanks politiecontrole slaagt hij er nog in enkele binnen- en buitenlandse reizen te maken. Hij blaast de rijksgedachte nieuw leven in als laatste poging om het racisme van het nationaal-socialisme een alternatief te bieden. Zijn laatste brochure Die dritte Imperiale Figur en Im Dickicht der Pakte worden door de Gestapo opgespoord. Op 22 maart 1937 wordt hij, samen met een zeventigtal van zijn medestanders, aangehouden en op 10 januari 1939 volgt het oordeel : hij wordt veroordeeld wegens hoogverraad, zijn bezittingen worden aangeslagen en hij verliest zijn burgerrechten. In 1945 wordt hij door de Amerikanen bevrijd, hij wordt lid van de (West-Duitse) KPD en hij wordt professor aan de Humboldt-universiteit in het oostelijke deel van Berlijn. Hij noemt zich voortaan democraat en progressief, hij valt opnieuw de westelijke orientering aan van de BRD en staat op een strikt neutralisme, maar hij blijft streven naar een herenigd Duitsland.

Niekisch een fascist ? Voor Sebastian Haffner is hij een revolutionair socialist, Armin Mohler beschrijft hem als de meest radicale nationalist. Alain de Benoist sluit zijn inleiding als volgt af : Niekisch werd gevangengezet onder Weimar, onder Hitler, uitgespuwd door de overheden van de BRD en veracht door de DDR. Zijn fundamentele idee blijft dat nationale bevrijding en socialistische revolutie samengaan. De paradox is dat Niekisch de URSS bewonderde door juist die redenen, waarvoor ze werd verafschuwd door haar tegenstanders, en voor de omgekeerde redenen, waarvoor ze werd bejubeld door haar bewonderaars. Natuurlijk heeft Niekisch zich veel illusies gemaakt over de Sovjet-Unie, maar hij heeft het toch op enkele punten bij het rechte eind : is het vanop afstand bekeken niet zo dat het Stalinistische Rusland eerder moet worden gekwalificeerd als een nationaal-bolsjewistische staat ? En opent een nieuwe Duits-Russische samenwerking geen perspectieven voor morgen ?

CONCLUSIE

Er is geen fascistische dreiging in Vlaanderen, in Nederland, in Europa. Een logische vraag blijft dus gesteld : waarom is er dan een zgn. antifascisme ? De twee getuigen à décharge moeten de druk op dit zgn. antifascistisch kamp verhogen om eindelijk eens hierover de discussie aan te gaan.

samedi, 19 janvier 2008

Pour une volonté impériale !

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Marcello DE ANGELIS :

Pour une volonté impériale !

Etre ou ne pas être : le dilemme d’Hamlet se pose à la jeunesse d’Europe

Quand Samuel Huntington, professeur à Harvard, a publié son célè­bre livre, The Clash of Civilizations, aujourd’hui cité jusqu’à la nau­sée, il augurait l’avènement d’une nouvelle dimension conflictuelle dans le monde, suscitée cette fois par les origines culturelles, ras­sem­blées dans des espaces organiques autocentrés de dimensions continentales, espaces opposés les uns aux autres ; dans cet affron­te­ment planétaire à acteurs multiples, il réservait à l’Europe un rôle pour le moins ambigu. Il désignait notre continent comme la matrice de la « civilisation occidentale », admettait qu’il allait devenir une su­per­puissance économique et militaire. Mais au fil de son exposé, il fi­nissait par répéter l’hypothèse que, dans le futur, l’Europe conti­nue­rait son petit bonhomme de chemin comme dans les années 50, au sein de ce que l’on appelle depuis lors le « monde occidental ». Il n’y au­ra pas, selon Huntington, deux agrégats indépendants et auto­no­mes respectivement sur le continent nord-américain et en Europe. Cette thèse n’a guère préoccupé les esprits, elle est passée quasi inaperçue, la plupart des observateurs ont considéré que ce vice d’analyse dérive d’un effet d’inertie, propre de la culture américaine, qui s’est répercuté sur le cerveau de l’honorable professeur, par ail­leurs excellent pour tous les brillants raisonnements qu’il produit.

Huntington mérite aussi nos éloges pour avoir eu tant d’intuitions, pour avoir prospecté l’histoire européenne , en feignant un à-peu-près qui découvre par « accident » les rythmes réels du monde, qui lui permettait de prédire que le destin de notre Europe n’était pas prévisible comme l’était celui des autres parties du monde. Certes, l’Europe pourra soit se muer en un bloc autocentré soit garder le corps de ce côté de l’Atlantique et le cerveau de l’autre. La question reste sans solution. Et si le livre de Huntington  —comme le sou­li­gnent quelques esprits plus fins—  n’était pas un simple essai aca­démique mais plutôt un scénario à l’usage de l’établissement amé­ricain… Quoi qu’il en soit, l’établissement a très bien retenu la leçon de Huntington et a vite mis tout en œuvre pour agencer le monde selon ses intérêts économiques et géopolitiques.

Les deux concurrents les plus sérieux des Etats-Unis à l’échelle de la planète, selon la logique d’affrontement décrite par Huntington, devraient être l’Empire européen et un Califat islamique rené de ses cendres. L’Empire européen (potentiel), fort d’une culture spécifique et pluri-millénaire, humus indestructible d’une formidable mentalité, ca­pable de disposer d’une technologie militaire de pointe, bénéficiant d’un marché intérieur supérieur à celui des Etats-Unis, aurait fa­cile­ment marginalisé le colosse américain grâce à un partenariat quasi­ment obligatoire avec les pays limitrophes de l’Europe de l’Est et à un développement harmonieux des pays de la rive sud de la Méditer­ranée. De son côté, le monde islamique, qui peut plus difficilement en­gager un dialogue avec la civilisation américaine, décrite par quel­ques scolastiques musulmans comme le pire mal qui ait jamais frap­pé la planète et le contraire absolu de tout ce qui est « halal » (pur) ou « muslim » (obéissant à la loi de Dieu). Ce monde musulman con­naît une formidable expansion démographique et détient la majorité des gisements de pétrole. Si l’Empire européen voit le jour, se con­so­lide et s’affirme, il est fort probable que ce mon­de musulman chan­ge de partenaires commerciaux et abandonne les sociétés américai­nes. Le monde orthodoxe-slave-byzantin, handica­pé par la totale dé­pendance de la Russie vis-à-vis de la Banque mon­diale, connaît ac­tuellement une terrible phase de recul.

Actuellement, les mages de la stratégie globale américaine semblent avoir trouvé une solution à tous les maux. D’un côté, ils favorisent la constitution d’un front islamique hétérogène, avec la Turquie pour fer de lance et l’Arabie Saoudite pour banque. Ce front en forme de « croissant » ( !) aura l’une de ses pointes au Kosovo, c’est-à-dire au cœur de l’Europe byzantine, et l’autre dans la république la plus orientale de l’Asie Centrale ex-soviétique : ainsi, toute éventuelle re­nais­­sance du pôle orthodoxe ou panslave sera prise dans un étau et le monde islamique sera coupé en deux. Pire, en ayant impliqué l’U­nion Européenne dans l’attaque contre la Serbie, les stratèges amé­ricains ont empoisonné tout dialogue futur en vue de créer une zone d’é­change préférentiel entre cette Union Européenne et le grand marché oriental slave et orthodoxe. Or, ce marché est l’unique espoir de voir advenir un développement européen et de sortir l’Eu­rope ex-soviétique du marasme actuel ; le passage de l’aide amé­ricaine à l’aide européenne aurait permis un saut qualitatif ex­ceptionnel.

L’Europe se trouve donc dans l’impasse. Comment faire pour en sor­tir ? Mystère ! Une Europe forte économiquement, même bien ar­mée, s’avère inutile si elle n’est pas libre et indépendante ; tout au plus peut-elle être le complément subsidiaire préféré d’une autre puis­sance. Toute Europe autonome et puissante est obligatoirement le principal concurrent des Etats-Unis tant sur le plan économique et com­mercial que sur le plan politique et diplomatique. Notre continent de­vra donc opérer ce choix crucial et historique : ou bien il restera ce volet oriental du Gros-Occident, niant de ce fait sa propre spécificité, diluant progressivement sa propre identité dans une sur-modernité qui la condamnera à demeurer terre de conflits et zone frontalière, li­mes face à l’Est et face à l’Islam pour protéger les intérêts et la sur­vie d’une puissance impériale d’au-delà de l’océan ; ou, alors, l’Eu­ro­pe se réveillera et retrouvera une nouvelle dimension, qui est tout à la fois sa dimension la plus ancienne ; elle ramènera son cerveau en son centre et en son cœur, elle rompra les liens de subordination qui l’en­travent et partira de l’avant, redevenant ainsi maîtresse de son destin.

Ce réveil est le juste choix. Mais est-il possible ? On ne peut malheu­reu­sement rien prédire aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, il reste en Eu­ro­pe une certaine volonté d’agir dans la liberté et l’indépendance.

Marcello de ANGELIS.

(article paru dans Area, juin 1999).         

vendredi, 11 janvier 2008

P. Maugué: questions à la ND

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Un texte du regretté Pierre Maugué, décédé prématurément, sur la ND, rédigé dans le feu de la polémique qui avait opposé ses différentes fractions en l'an 2000. Texte toujours instructif, à lire avec le recul qu'impose le temps écoulé...

Pierre MAUGUE :

Questions à la "Nouvelle Droite"

La ND française à la croisée des chemins

La Nouvelle droite française se trouve à la croisée des che­mins. Elle n’embraye plus, comme jadis, sur les réalités politi­ques, économiques, sociales et sociétales de notre épo­que. Si elle parvient encore à identifier la plupart des problè­mes majeurs auxquels nous sommes confrontés[1],elle les ana­lyse de plus en plus du point de vue de Sirius, sans indi­quer, sinon des solutions, du moins des voies qui pourraient être sérieusement explorées pour sortir de l’impasse. Elle em­ploie de plus en plus le langage descriptif et explicatif de l’historien ou du sociologue pour dessiner le monde qui est en train de se construire (ou de se détruire), renonçant à essayer de le changer, et tournant résolument le dos à toute possibilité d’action.

Déconnectant la théorie de la praxis (alors que d’autres déconnectent la praxis de la théorie), elle paraît plus avide d’être reconnue par l’intelligentsia en place que de peser sur le cours de l’histoire, avec tous les risques que cela compor­te. Elle oublie que si Marx a eu une influence majeure sur l’histoire politique du dernier siècle, et non pas seulement sur l’histoire des idées, ce n’est pas en raison de son œuvre majeure, Das Kapital, destinée à un cénacle de spécialistes et que pratiquement personne (même parmi les grands leaders et intellectuels marxistes) n’est parvenu à lire en en­tier, mais par  Le Manifeste communiste, fresque grandiose propre à enflammer les imaginations, et traduite dans pra­tiquement toutes les langues. C’est enfin par la création et l’ani­mation de sections nationales de l’Internationale soci­a­liste que les idées de Marx ont commencé à influer sur l’histoire du monde qui était en train de se faire.

La Nouvelle droite française et ses dirigeants paraissent, quant à eux, affligés du même défaut que la vieille droite d’Ac­tion française. En effet, si Charles Maurras fut un pen­seur qui ne manqua pas de lucidité, il eut une absence quasi totale de stratégie politique, et n’influa jamais réellement sur le cours des évènements.

Cette déconnexion entre théorie et praxis (Nouvelle droite) et entre praxis et théorie (droite populiste), est un écueil ma­jeur, qui se retrouve, à des degré divers, dans toute l’Euro­pe, mais qui semble atteindre son paroxysme en France.

Une série de questions mériteraient d’être débattues. Sans avoir la prétention d’être exhaustif, nous soumettons la liste suivante :

SUR LA FORME

1 - Peut-on prétendre défendre les traditions indo-européen­nes de l’Europe dans le cadre d’un mouvement dirigé d’une manière autocratique, contraire au principe de gouverne­ment des communauté d’hommes libres que l’on retrouve de la Grèce ancienne à la Scandinavie?

2 - Dans une société qui est rien moins que respectable, un souci constant de respectabilité ( qui n’est le plus souvent qu’un alignement sur la politique du politiquement correct) est-il justifié pour la Nouvelle droite ? Reflet d’une mentalité  petite-bourgeoise chez ceux-là mêmes qui prêchent une mo­rale aristocratique, est-il compatible avec la conquête de nou­veaux territoires idéologiques  ?

3 - La polémique ( forme ritualisée du duel) est-elle une ar­me qui peut être utilisée contre nos adversaires, sans com­pro­mettre le sérieux de notre discours ?[3] Faut-il réintroduire l’ironie et  l’insolence dans le combat des idées et reprendre, à cet égard,  la tradition d’Erasme et de Fischart ?

4 - Peut-on, par crainte d’être accusé de populisme, décon­necter la théorie de la praxis, et prétendre avoir une action sur l’évolution du monde uniquement par l’écrit et la parole ? L’action métapolitique ne comporte-t-elle pas le risque de de­venir une justification de l’impuissance ?

SUR LE FOND

5 - Peut-on prétendre défendre la culture millénaire de l’Eu­rope sans défendre prioritairement, avec la plus grande vi­gueur, toute atteinte portée au socle ethnique de cette cultu­re ?

6 - La question de l’immigration peut-elle être considérée comme  transcendant le traditionnel clivage gauche/droite ? Si tel est le cas, doit-on défendre l’idée que le peuple puisse s’exprimer par voie référendaire[4] sur la politique d’immi­gra­tion et que, si nécessaire, la constitution de l’Etat soit mo­difiée à cet effet ?

7 - Indépendamment des positions idéologiques de chacun, peut-on, dans une Europe en plein déclin démographique, être en faveur d’une libéralisation excessive de l’avortement, voire même, promouvoir l’avortement ?

8 - La géopolitique est-elle un élément essentiel de toute ré­flexion politique, et peut-elle être crédible si elle ne s’appuie pas sur les données démographiques propres à l’époque en­visagée ?

9 - Même si le fédéralisme ethnique peut apparaître comme le meilleur moyen de protéger la diversité ethno-culturelle de l’Europe, n’y a-t-il pas cependant un risque d’émiettement de  souveraineté propre à affaiblir l’Europe, si ce principe est ap­pliqué inconsidérément? Le danger existe-t-il que les Etats-U­nis, ou d’autres ennemis de l’Europe, attisent les diffé­ren­ces ethniques entre peuples européens pour en faire des fac­teurs de déstabilisation et les utiliser à leur profit (Diviser pour régner) ?

10- Toutes les religions monothéistes doivent-elles être con­si­dérées comme présentant un danger d’égale nature et de même ampleur dans l’optique d’une défense de la compo­sante païenne de l’identité européenne ?

SUR LA STRATÉGIE

11 - Les idées de la Nouvelle droite peuvent-elles être effica­cement défendues en Europe par des mouvements qui con­tinuent (même s’ils restent en contact) à marcher en ordre dispersé, alors que l’orientation politique de l’Europe socialo-libérale  est de plus en plus déterminée par des institutions com­munes, à Bruxelles, Strasbourg ou Luxembourg. ? Se­rait-il opportun de créer une structure de type fédératif pour harmoniser  la doctrine et l’action des divers mouvements nationaux ?

12 - Des actions communes, à l’échelle européenne, pour­raient-elles être envisagées sur des questions précises ? Par exemple, orchestration d’une campagne demandant que la procédure du référendum d’initiative populaire soit introduite dans tous les pays européens, afin que le peuple lui-même puisse se prononcer sur la politique d’immigration ?

Pierre MAUGUÉ.

 
Il est à regretter ainsi qu’une place ne soit pas faite, non seulement à la géopolitique, mais à la démographie.
[2] « Où est votre chef » demandait un chevalier français à des guerriers vikings. Ce à quoi, un de ceux-ci répondit  « Nous n’avons pas de chef », signifiant par là qu’ils étaient avant tout des hommes libres, et que toute délégation de pouvoir n’était pas abdication de pouvoir. La même fière remarque est faite par les Grecs aux Perses dans la tragédie d’ Eschyle. Dans l’ancienne Normandie, comme le rappelle La Varende, chacun était « sire de soi »
[4] Référendum d’initiative populaire, comme dans la Confédération suisse

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lundi, 07 janvier 2008

Du dextrisme

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Un texte de la polémique interne aux "Nouvelles Droites", qui fit rage en 2000. Elle mérite une lecture attentive, mais avec le recul voulu...

 

Patrick CANAVAN :

Du Dextrisme

 

Dans le cadre du débat qui agite la nouvelle droite française, Patrick Canavan, collaborateur de Vouloir et de Nouvelles de Synergies Européennes, présente sa propre définition du "dextrisme", néologisme qui doit désigner, selon lui, le microcosme néo-droitier. Il est clair que Canavan prend parti pour l'orientation Faye/Vial, tout en restant critique.

 

"Soyons des donneurs de sens" (Pierre Vial).

 

" Notre terre, c’est l’Eurosibérie, l’Empire du Soleil, le domaine d’Apollon et de Dionysos, de l’Atlantique au Pacifique, immense espace sur le quel le soleil ne se couche jamais " (Guillaume Faye).

 

Parallèlement au numéro 11 de Vouloir, dossier important con­sacré aux nouvelles droites, il a paru bon d’évoquer les ré­centes publications issues de cette mouvance dextriste pour apprécier comment sont analysés les principaux enjeux idéologiques de l’an 2000. Par Nouvelle Droite, on entend généralement le GRECE groupé autour du seul Alain de Be­noist. Parler de nouvelles droites, au pluriel et sans majus­cule paraît plus fidèle à la réalité. Le terme "dextrisme" pourrait définir un état d’esprit, une vision de l’homme et du monde dont nul n’a le monopole et ignorant l’orthodoxie.

Pierre Vial, professeur d’histoire médiévale à Lyon III, fon­dateur du GRECE (en mai 68!) et animateur de Terre et Peu­ple s’est plié au jeu de l’entretien avec O. Chalmel qui dirige la revue de cette association pour une culture en­racinée (1). Le résultat est excellent: l’entretien est vivant, libre et nous apprend énormément sur le personnage, nettement plus complexe que l’image du militant national-populiste habituellement colportée. Guillaume Faye paie sa dette intellectuelle et spirituelle à son vieil ami dans une belle préface: Vial fut, avec G. Locchi, J. Mabire, D. Venner, l’un des maîtres du jeune Faye, qui s’imposa vite comme l’un des principaux esprits, sans doute le plus novateur, du GRECE, dès 1973. Faye définit bien Vial comme une sorte de moine-soldat, perdu dans ce stupide XXème siècle... Pour le XXIème, je n’en dirais pas autant puisqu’il verra se réincarner - comme Faye l’a bien montré dans son Archéofu­turisme - des figures plus qu’anciennes. Vial est de celles-ci. On pense aussi au sanglier, qui "n’attaque que pour se dé­fendre", mais alors quelle charge! Et c’est vrai que la prose de Vial dégage un fumet de gibier, de fortes odeurs fo­restières qui peuvent heurter les narines de certains, plus habitués à la nouvelle cuisine.

 

Faye définit aussi l’association Terre et Peuple - allusion clai­re au sang et au sol, ce qui se transmet de générations en générations - comme " la principale force de combat et d’action métapolitique et culturelle pour l’idée européenne ". Il rappelle aussi que la métapolitique bien comprise n’est jamais entièrement coupée du politique, sous peine de neu­tralisation. On ne demande certes pas aux théoriciens de coller des affiches ni d’abdiquer leur esprit critique, mais de ne pas démobiliser ceux qui se sentent faits pour le combat au quotidien, les militants.

 

La lourde hérédité de Pierre Vial

 

Celui qui s’est imposé comme l’un des spécialistes de l’Or­dre du Temple, est manifestement fier de ses ascendances lyonnaises et mal-pensantes: un ancêtre blanquiste, un autre poilu de la Grande Guerre, on voit que l’hérédité du Pro­fes­seur est lourde. A lire ses évocations du Lyon de sa jeu­nesse, de son père bonapartiste, on comprend mieux l’or­ganicisme quasi obsessionnel de P. Vial, cette conception très charnelle de l’héritage. D’avoir vu son père pleurer le jour de la chute de Diên Biên Phu a marqué cet adolescent à jamais, l’entraînant sur des chemins périlleux dont il n’a pas dévié d’un pouce. Itinéraire impeccable, via recta qui forcent le respect, même si l’on nuancera tel ou tel point. Mais l’essentiel est là, dans l’attitude. Or comme disait Drieu: " on est plus fidèle à une attitude qu’à des idées ". Sur ce plan-là, Vial se qualifie benoîtement de " nationaliste révolutionnaire ", de " gibelin " et même, horresco referens, de paganus, ce qui, pour un élève des Pères n’est pas gentil. Mais voilà, Vial est l’un de ces Gentils (en grec: ethnikoi) qui regrettent l’absence toute provisoire des Druides. Ceci ne fait pas de lui un rêveur inoffensif.

 

Après ses premières armes au sein de groupes subversifs (notamment Jeune Nation avec D. Venner), il est l’un des fondateurs du GRECE, et l’une de ses chevilles ouvrières jusqu’en 1987, date de son passage au FN. Son témoignage sur ces vingt ans de combat culturel est du plus haut intérêt puisqu’il couvre la grande époque de la nouvelle droite originelle aujourd’hui éclatée. Elle innove et suscite alors de grands débats: les Indo-Européens, l’inné et l’acquis, les races, l’égalitarisme, l’eschatologie judéo-chrétienne, le pa­ga­nisme, l’éthologie, Schmitt et Gehlen, etc. Un feu d’artifice. Mais comme le montre bien Vial, qui connaît ce mouvement de l’intérieur (et y a gardé quelques amis), le GRECE subit l’usure, ignore pour des raisons obscures de grands problè­mes, tel que l’immigration non européenne. Surtout, son chef prend systématiquement ses distances avec ce qui pourrait ressembler à une application concrète des grands principes. Le réel semble lui soulever le coeur. Vial est sévère, comme tous les amis déçus: le GRECE, à la fin des années 80, " se mord la queue ", perd toute prise sur une réalité de plus en plus dramatique.

 

Naguère A. Imatz, dans son excellente synthèse Par delà droite et gauche (Ed. G. de Bouillon, Paris 1996, recensé à l’époque dans Vouloir) avait déjà fait le même diagnostic en parlant de stagnation. Et si cette association avait été la principale victime du succès de Le Pen? La hantise d’être amalgamé au clan populiste (aux insuffisances bien réelles !) n’a-t-elle pas poussé certains à se distancier au point de perdre le contact, ou à renoncer à dire le fond de leur pen­sée?

 

Refuser l'académisme pour prôner le rêve et l'action

 

Le médiéviste nous livre des réflexions profondes sur l’es­sence du pouvoir. Servi par une culture historique sans rien de sec, Vial a médité, malgré son activisme débordant, sur le Politique; il est manifestement un disciple de Julien Freund. Le pédagogue a aussi planché sur l’indispensable formation des militants, auxquels il voue un amour sincère (toujours ce côté charnel, boy-scout diront les malicieux): Vial sait que l’idée doit toujours s’incarner et que sans soldats prêts à les défendre, elles ne sont que prétexte à notes en bas de page. Plaisant paradoxe que cet universitaire qui, n’ayant rien à prouver dans le domaine de l’érudition alimentaire, refuse l’a­cadémisme démobilisateur pour prôner et le rêve et l’action!

 

Nuançons tout de suite le propos et ne soyons pas ha­gio­graphes: du reste ce drôle de moine ne doit pas apprécier les Vies de saints, ou alors pour y retrouver les traces de l’an­cienne religion! Terre et peuple, sang et sol, en bref l’héritage. Fort bien. Et l’Esprit? N’y a-t-il pas risque de matérialisme grossier, voire de malentendu. Blut und Boden et exaltation de la horde: tout ceci est connu, diabolisable à l’infini, et, surtout, a montré ses limites. Le piège serait le mi­métisme, le jeu de rôle (tribalisme virtuel et saine barbarie), l’ambiguïté, postures toutes les trois impolitiques et irréa­listes. Or Aristote le disait fort bien: la Politique est l’art du possible. Hors de ce constat, point de salut.

 

A propos de l’inévitable accusation de racisme , Vial rappelle que l’identité compte trois composantes: la race (" qui con­ditionne beaucoup de caractères " remarquons qu’il ne dit pas " tous les caractères "), la culture (et l’éducation comme dressage) et la volonté (facteur aujourd’hui déterminant car indispensable pour refuser le métissage). Voilà des idées à développer, ainsi que celle de différence et de (légitime) préférence. Tout un travail d’encyclopédiste à effectuer sur le vocabulaire. Naguère, Faye et Steuckers avaient publié un exemplaire lexique du partisan européen, qu’il conviendrait de refondre avec l’aide d’une équipe dextriste mêlant les sensibilités et les générations: de Mabire à Racouchot par exemple.

 

Une géopolitique aux intuitions justes

 

Comme son ami Faye, comme Steuckers, autre gibelin, Vial se révèle géopoliticien aux intuitions justes: " Il faut penser à l’Eurosibérie, à l’espace eurosibérien, au grand empire que peut être un jour l’Europe et son prolongement en direction de l’Asie. Là il y a des éléments de motivation, de mobi­lisa­tion psychique et d’enthousiasme capables de parler à l’ima­ginaire des gens qui ont vingt ans ". Un livre sur la néces­saire confédération impériale est d’ailleurs en chantier dans les scriptoria de Terre et Peuple. Lors du colloque de mai 2000, qui fut un franc succès (350 personnes enthousiastes, dont une majorité de jeunes) un appel appuyé à l’Eurosibérie ethnocentrée (et même au Sacrum Imperium) a été lancé par les divers orateurs, comme en témoigne le compte-rendu assez objectif publié par Le Monde (30 mai 2000).

 

On trouvera dans ce livre qui fera date des textes plus an­ciens de Vial publiés dans Eléments, Identité, Questions de, etc. et traitant des marottes du Professeur: la guerre et le sacré, la forêt, Merlin, Vincenot. Ce florilège se termine par une belle exhortation au mouvement identitaire grand-continental, nécessairement multipolaire, ce Mouvement So­cial d’Empire dont l’Eurosibérie a besoin.

 

Une condamnation de l'ethno-masochisme

 

Après le Nouveau discours à la nation européenne et l’Ar­chéofuturisme, G. Faye revient avec un livre explosif tout simplement intitulé La colonisation de l’Europe. Discours vrai sur l’immigration et l’Islam. Pour en parler, la prudence s’im­pose, vu que la République, dans son infinie bonté, s’est dotée de lois liberticides restreignant le débat sur cette ques­tion essentielle: le devenir anthropologique de l’Europe. L’es­sai (350 pages) est torrentiel, comporte parfois des redites, des approximations (des chiffres cités seraient inexacts), mais quelle rupture avec l ’idéologie dominante! (2) Quelle con­damnation de l’ethnomasochisme occidental dans ce cri d’alarme face à la submersion de notre continent par des mas­ses souvent musulmanes parties à la recherche de l’El­do­rado, tels les miséreux du roman déjà ancien de J. Ras­pail: Le camp des saints. Refusant à la fois la naïveté prométhéenne et le caritarisme chrétien, Faye nous met en garde contre les utopies assimilationnistes et communau­ta­riennes. Il rappelle que le conflit, le rapport de force, même codifiés, demeurent les fondements de la vie sociale. Or aujourd’hui, le risque de fracture ethnique, de partition du territoire européen existe bel et bien. Pour lui, le socle bio-anthropologique de notre civilisation est en passe d’être profondément modifié. De façon très lucide, Faye met en lumière des phénomènes soigneusement cachés par les élites au pouvoir: la dévirilisation des Européens et la bestialisation des Africains (dans la publicité par exemple), l’ethnomasochisme des Blancs (haine de soi et mixomanie), la montée d’une guérilla raciale, la constitution comme aux Etats-Unis de tribus hostiles pratiquant la razzia et l’éco­nomie parallèle, etc.

 

Le GRECE hors du réel 

 

Suivant les thèses développées par le politologue Alexandre del Valle dans ses deux livres déjà classiques sur l’instrumentalisation de l’Islam combattant par Washington pour diviser le continent (Golfe-Balkans-Tchétchénie), de l’immigration incontrôlée pour le saper de l’intérieur, Faye évoque la thèse d’une alliance (temporaire) entre thalas­socrates et islamistes. Il critique aussi le risque de dé­mobilisation de la mouvance identitaire par certains théo­riciens de l’actuel GRECE qui tiennent des propos fran­che­ment irréalistes sur l’immigration, aux lisières du politique­ment correct, et surtout en rupture complète avec la simple observation du réel. Des rumeurs d’éventuel procès contre G. Faye ayant filtré en mai 2000, nous conseillons à nos lec­teurs de se procurer sans tarder ce livre authentiquement subversif et idéologiquement délinquant qui place son auteur parmi la cohorte des déviants, pourchassés par les in­qui­siteurs et respectés par les hérétiques du moment. Une critique, justement signalée par divers lecteurs (R. Steuckers dans ses passionnantes lettres électroniques – robert.steuckers@skynet.be ainsi qu’un mystérieux Cercle Gibelin cerclegibelin@hotmail.com) : l’allusion récurrente à la guerre ethnique peut être dangereuse auprès de jeunes esprits non encadrés car comprise de travers comme un appel à la guerre civile, distorsion que les adversaires ne manqueront pas d’exploiter.

 

Après ces deux livres remplis de sève, volcaniques et ra­di­caux, abordons maintenant deux titres qui illustrent la dé­marche de l’actuel GRECE.

 

A l’occasion du colloque de janvier 2000 sur la désin­for­ma­tion, l’association publie un Manifeste pour une re­naissance européenne, rédigé par Alain de Benoist et Charles Cham­petier, les idéologues de cette mouvance (3). Malgré des as­pects intéressants (le monde comme pluriver­sum, le cosmos comme continuum), le texte en est déce­vant: ton compassé, langue de bois, ambiguïtés et insuffi­sances sur des sujets graves. En voici un exemple, à propos de l’immigration: "ni apartheid ni melting pot: acceptation de l’autre en tant qu’au­tre dans une perspective dialogique d’en­richissement mu­tuel". Que signifie ce charabia "dialo­gique" qui fait penser aux brochures en faveur de "l’ou­verture à l’Autre" (la ma­jus­cu­le aurait été préférable). Tout ceci serait comique si le su­jet n’interdisait la légèreté: c’est de l’avenir de notre com­munauté dont nous parlons. Plus loin, les mêmes prônent une véritable reconnaissance dans la sphère publique des  "différentes communautés qui vivent en France" (admirez l’euphémisme), bref, en clair, l’accepta­tion d’un droit islami­que, et à terme, de la partition du terri­toire car on ne voit pas ce qui ferait reculer les élus mu­sul­mans et leurs institutions (nous parlons bien de "recon­nais­sance dans la sphère publi­que ") de réclamer leur territoire. Cela s’est vu  et traduit par des millions de personnes tuées ou expulsées de force au Pa­kistan, au Bengladesh, au Ko­sovo. Est-ce cela le modèle proposé par le GRECE ? Qui mobilisera-t-il ?

 

Toujours au sujet de cette mouvance, signalons le recueil de textes Aux sources de la droite,  publié par A. Guyot-Jean­nin, journaliste du GRECE, qui avait déjà édité un décevant dossier Evola (4). Il récidive aujourd’hui avec ce livre où di­vers acteurs de la scène dextriste interviennent sur des su­jets tels que l’Europe (J. Mabire), la résistance (P. Conrad), la Tradition (JP Lippi), les Lettres (d’Algange), les régions (JJ Mourreau), etc. Les textes cités ici, malgré leur taille réduite, sont parmi les plus intéressants de ce recueil assez inégal, où manquent les signatures d’un Venner, d’un Vial, et de G. Faye bien sûr. Ils semblent avoir été jugés indignes de fi­gu­rer au sommaire du recueil, qui n’aborde pas les questions telles que la droite et l’ordre, la géopolitique, l’art, le temps, le paganisme (pour la religion, seul le catho­lique C. Rous­seau a droit à la parole), etc. De même, appel n’a pas été fait à des écrivains : Raspail, Déon, Mour­let, de jeunes au­teurs auraient pu ajouter leur grain de sel. On est surpris de ne lire aucun acteur politique : un Mégret, un Le Gallou, une I. Pivetti, voire un Bossi auraient pu être in­terrogés. Et Haider : n’était-ce pas le moment de voir ce qu’il pense ?

 

Guyot-Jeannin: travail incomplet et bâclé

 

Autre reproche : n’avoir interrogé que des Français alors que c’est en Italie, en Grande-Bretagne et pourquoi pas aux E­tats-Unis que le courant néo-conservateur effectue un travail novateur. Rien sur la droite en Europe centrale et orientale, rien sur la Russie. Travail incomplet et bâclé dont l’objectif visible est davantage d’occuper le terrain que de tracer des pistes. Parisianisme et copinage, bref rien de fondateur. L’in­troduction de Guyot-Jeannin est du charabia d’inspiration pseudo-légitimiste (Pierre Boutang doit hurler là-haut !), la bibliographie fort pauvre quand on la compare à l’essai ex­cel­lent d’Imatz cité plus haut. Plus grave, les so­phismes a­bondent tel que celui-ci, dû à A. Guyot-Jeannin, qui fait ici preuve de sa clairvoyance habituelle: "Ce n’est pas parce que certains immigrés posent problème (sic) que les Fran­çais vivent dans la décadence, mais bien parce que les Fran­çais vivent dans la décadence que certains immigrés posent problème".  Bel exemple d’ethnomasochisme et de mépris pour son peuple, le type même du discours aussi dé­connecté que prétentieux. Pourquoi tenter de (maladroite­ment) culpabiliser ses compatriotes? Qu’y peuvent ces mil­lions de Français sans fortune (qui n’ont pas le privilège de vivre à Neuilly-sur-Seine comme l’éditeur du recueil) forcés de cohabiter avec des allogènes de plus en plus nombreux, souvent hostiles? Se moquer des petites gens, les insulter n’a rien d’aristocratique mais relève du bour­geoisisme le plus puant.  Comme si, en plus, l’immigration ne concernait que la France, la seule France ! Comme si la question était le " problème " posé par " certains " immigrés ! Accepte-t-il donc le principe même de l’immigration massive ? On reste confondu devant pareil aveuglement, exprimé avec tant de prétention. Si c’est cela la " droite essentielle ...

 

«La gauche réactionnaire» de Marc Crapez

 

Cette synthèse sur la droite souffre d’une autre lacune gra­ve: les travaux novateurs de M. Crapez sur la naissance de la gauche réactionnaire  et de la droite égalitaire (La gau­che réactionnaire. Mythes de la plèbe et de la race, Berg 1997, préface de P.A.Taguieff et Naissance de la gauche, Micha­lon, 1999) ne sont pas utilisés. Or Crapez renouvelle l’analy­se de la droite en affinant la vieille distinction, clas­sique, due à R. Rémond, entre droites contre-révolution­nai­re, bonapar­tiste et orléaniste. Son livre sur la gauche réac­tionnaire est du plus haut intérêt pour qui s’interroge sur les racines des nou­velles droites (voir " Vieilles gauches et nouvelles droi­tes", pages 275-318). Crapez n’a pas été uti­lisé par les nou­velles droites comme il le mérite. Il distingue ainsi trois gau­ches (égalitaire, fraternitaire et libérale) et trois droites : la libérale (modérée ou libertarienne), conservatrice (libérale ou impériale), réactionnaire (traditionaliste ou po­pu­liste). Crapez souligne les contacts: le bonapartisme résult­e­rait des noces d’une droite conservatrice impériale et d’une gauche égalitai­re autoritaire. L’utilisation de ces concepts au­rait permis une analyse autrement plus novatrice... et utile pour critiquer la gauche idéologique, que Crapez définit com­me une extrême droite retournée (Le Figaro du 3 avril 1999): elle pratique un terrorisme intellectuel fort efficace, justifiant la fusion des peuples européens dans le grand métissage, préalable à leur neutralisation définitive en tant que porteurs de civilisa­tion. La gauche idéologique est devenue le chien de garde de la Nouvelle Classe, bourgeoisie humaniste, universaliste et multiraciale.  Au lieu de cela, Guyot-Jeannin inflige à ses lecteurs un ennuyeux prêt-à-penser.

 

Pour terminer, je citerai le livre de l’Allemand P. Krebs, Doc­teur ès Lettres, qui anime le Thule-Seminar. Lui aussi a fré­quenté le GRECE : sa synthèse, Europe contre Occident (5), est un parfait manuel de résistance aux idéologies mor­ti­fè­res, dénuée quant à elle de toute concession à l’im­posture, dans la veine de Faye et du jeune Alain de Benoist. Lisez Krebs avec les livres de Vial et de Faye : vous y re­trou­verez le même souffle, la même voix, celle des dissi­dents. La voix des Impériaux.

 

Patrick CANAVAN.

 

(1) P. Vial, Une terre, un peuple, Ed. Terre et Peuple, Paris 2000, 130FF. BP 1095, F-69612 Villeurbanne cedex,

www.geocities.com/Athens/Agora/3973/

(2) G. Faye, La colonisation de l’Europe. Discours vrai sur l’immi­gration et l’Islam, Aencre, Paris 2000, 145FF. 12 rue de la Sourdière, F-75001 Paris.

(3) A. de Benoist & C. Champetier, Manifeste pour une renaissance européenne, GRECE, Paris 2000, 50FF. 99-103 rue de Sèvres, F-75006 Paris, http://grece.hypermart.net Signalons aussi d’A; de Be­noist, L’écume et les galets, Labyrinthe 2000, 280F. Recueil des chroniques anonymes publiées dans La Lettre de Magazine-Hebdo, revue de la droite radicale publiée par J.C. Valla et aujourd’hui dispa­rue. A. de B. s’y révèle bon chroniqueur de l’actualité, et l’anonymat lui donne un punch souvent réjouissant.

(4) A. Guyot-Jeannin (éd.), Aux sources de la droite, Age d’Homme, Lausanne 2000, 130FF.

(5) P. Krebs, Europe contre Occident, Ed. Héritage européen, Overijse 1997 (voir à la Librairie nationale).    

samedi, 15 décembre 2007

Impact de Nietzsche sur la gauche et la droite

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L'impact de Nietzsche dans les milieux politiques de gauche et de droite

par Robert Steuckers

intervention lors de la 3ième Université d'été de la FACE, Provence, juillet 1995

Analyse:

-Steven E. ASCHHEIM, The Nietzsche Legacy in Germany. 1890-1990, University of California Press, Berkeley/Los Angeles/Oxford, 1992, 337 p., ill., ISBN 0-520-07805-5.
- Giorgio PENZO, Il superamento di Zarathustra. Nietzsche e il nazionalsocialismo, Armando Editore, Roma, 1987, 359 p., 25.000 Lire.

L'objet de mon exposé n'est pas de faire de la philosophie, d'entrer dans un débat philosophique, de chercher quelle critique adresse Nietzsche, par le biais d'un aphorisme cinglant ou subtil, à Aristote, à Descartes ou à Kant, mais de faire beaucoup plus simplement de l'histoire des idées, de constater qu'il n'existe pas seulement une droite ou un pré-fascisme ou un fascisme tout court qui dérivent de Nietzsche, mais que celui-ci a fécondé tout le discours de la sociale-démocratie allemande, puis des radicaux issus de cette gauche et, enfin, des animateurs de l'Ecole de Francfort. De nos jours, c'est la ³political correctness² qui opère par dichotomies simplètes, cherche à cisailler à l'intérieur même des discours pour trier ce qu'il est licite de penser pour le séparer pudiquement, bigotement, de ce qui serait illicite pour nos cerveaux. C'est à notre sens peine perdue: Nietzsche est présent partout, dans tous les corpus, chez les socialistes, les communistes, les fascistes et les nationaux-socialistes, et, même, certains arguments nietzschéens se retrouvent simultanément sous une forme dans les théories communistes et sous une autre dans les théories fascistes.

La ³political correctness², dans sa mesquinerie, cherche justement à morceler le nietzschéisme, à opposer ses morceaux les uns aux autres, alors que la fusion de toutes les contestations à assises nietzschéennes est un impératif pour le XXIième siècle. La fusion de tous les nietzschéismes est déjà là, dans quelques cerveaux non encore politisés: elle attend son heure pour balayer les résidus d'un monde vétuste et sans foi. Mais pour balayer aussi ceux qui sont incapables de penser, à gauche comme à droite, sans ces vilaines béquilles conventionnelles que sont les manichéismes et les dualismes, opposant binairement, répétitivement, une droite figée à une gauche toute aussi figée.

La caractéristique majeure de cet impact ubiquitaire du nietzschéisme est justement d'être extrêmement diversifiée, très plurielle. L'¦uvre de Nietzsche a tout compénétré. Méthodologiquement, l'impact de la pensée de Nietzsche n'est donc pas simple à étudier, car il faut connaître à fond l'histoire culturelle de l'Allemagne en ce XXième siècle; il faut cesser de parler d'un impact au singulier mais plutôt d'une immense variété d'impulsions nietzschéennes. D'abord Nietzsche lui-même est un personnage qui a évolué, changé, de multiples strates se superposent dans son ¦uvre et en sa personne même. Le Dr. Christian Lannoy, philosophe néerlandais d'avant-guerre, a énuméré les différents stades de la pensée nietzschéenne:
1er stade: Le pessimisme esthétique, comprenant quatre phases qui sont autant de passages: a) du piétisme (familial) au modernisme d'Emerson; b) du modernisme à Schopenhauer; c) de Schopenhauer au pessimisme esthétique proprement dit; d) du pessimisme esthétique à l'humanisme athée (tragédies grecques + Wagner).
2ième stade: Le positivisme intellectuel, comprenant deux phases: a) le rejet du pessimisme esthétique et de Wagner; b) l'adhésion au positivisme intellectuel (phase d'égocentrisme).
3ième stade: Le positivisme anti-intellectuel, comprenant trois phases: a) la phase poétique (Zarathoustra); b) la phase consistant à démasquer l'égocentrisme; c) la phase de la Volonté de Puissance (consistant à se soustraire aux limites des constructions et des constats intellectuels).
4ième stade: Le stade de l'Antéchrist qui est purement existentiel, selon la terminologie catholique de Lannoy; cette phase terminale consiste à se jeter dans le fleuve de la Vie, en abandonnant toute référence à des arrière-mondes, en abandonnant tous les discours consolateurs, en délaissant tout Code (moral, intellectuel, etc.).

Plus récemment, le philosophe allemand Kaulbach, exégète de Nietzsche, voit six types de langage différents se succéder dans l'¦uvre de Nietzsche: 1. Le langage de la puissance plastique; 2. Le langage de la critique démasquante; 3. Le style du langage expérimental; 4. L'autarcie de la raison perspectiviste; 5. La conjugaison de ces quatre premiers langages nietzschéens (1+2+3+4), contribuant à forger l'instrument pour dépasser le nihilisme (soit le fixisme ou le psittacisme) pour affronter les multiples facettes, surprises, imprévus et impondérables du devenir; 6. L'insistance sur le rôle du Maître et sur le langage dionysiaque.

Ces classifications valent ce qu'elles valent. D'autres philosophes pourront déceler d'autres étapes ou d'autres strates mais les classifications de Lannoy et Kaulbach ont le mérite de la clarté, d'orienter l'étudiant qui fait face à la complexité de l'¦uvre de Nietzsche. L'intérêt didactique de telles classifications est de montrer que chacune de ces strates a pu influencer une école, un philosophe particulier, etc. De par la multiplicité des approches nietzschéennes, de multiples catégories d'individus vont recevoir l'influence de Nietzsche ou d'une partie seulement de Nietzsche (au détriment de tous les autres possibles). Aujourd'hui, on constate en effet que la philosophie, la philologie, les sciences sociales, les idéologies politiques ont receptionné des bribes ou des pans entiers de l'¦uvre nietzschéenne, ce qui oblige les chercheurs contemporains à dresser une taxinomie des influences et à écrire une histoire des réceptions, comme l'affirme, à juste titre, Steven E. Aschheim, un historien américain des idées européennes.

Nietzsche: mauvais génie ou héraut impavide?

Aschheim énumère les erreurs de l'historiographie des idées jusqu'à présent:
- Ou bien cette historiographie est moraliste et considère Nietzsche comme le ³mauvais génie² de l'Allemagne et de l'Europe, ³mauvais génie² qui est tour à tour ³athée² pour les catholiques ou les chrétiens, ³pré-fasciste ou pré-nazi² pour les marxistes, etc.
- Ou bien cette historiographie est statique, dans ses variantes apologétiques (où Nietzsche apparaît comme le ³héraut² du national-socialisme ou du fascisme ou du germanisme) comme dans ses variantes démonisantes (où Nietzsche reste constamment le mauvais génie, sans qu'il ne soit tenu compte des variations dans son ¦uvre ou de la diversité de ses réceptions).
Or pour juger la dissémination de Nietzsche dans la culture allemande et européenne, il faut: 1. Saisir des processus donc 2. avoir une approche dynamique de son ¦uvre.

Le bilan de cette historiographie figée, dit Aschheim, se résume parfaitement dans les travaux de Walter Kaufmann et d'Arno J. Mayer. Walter Kaufmann démontre que Nietzsche a été mésinterprété à droite par sa s¦ur, Elisabeth Förster-Nietzsche, par Stefan George, par Ernst Bertram et Karl Jaspers. Mais aussi dans le camp marxiste après 1945, notamment par Georg Lukacs, communiste hongrois, qui a dressé un tableau général de ce qu'il faut abroger dans la pensée européenne, ce qui revient à rédiger un manuel d'inquisition, dont s'inspirent certains tenants actuels de la ³political correctness². Lukacs accuse Nietzsche d'irrationalité et affirme que toute forme d'irrationalité conduit inéluctablement au nazisme, d'où tout retour à Nietzsche équivaut à recommencer un processus ³dangereux². L'erreur de cette interprétation c'est de dire que Nietzsche ne suscite qu'une seule trajectoire et qu'elle est dangereuse. Cette vision est strictement linéaire et refuse de dresser une cartographie des innombrables influences de Nietzsche.

Arno J. Mayer rappelle que Nietzsche a été considéré par certains exégètes marxisants comme le héraut des classes aristocratiques dominantes en Allemagne à la fin du XIXième siècle. L'insolence de Nietzsche aurait séduit les plus turbulents représentants de cette classe sociale. Aschheim estime que cette thèse est une erreur d'ordre historique. En effet, l'aristocratie dominante, à cette époque-là en Allemagne, est un milieu plutôt hostile à Nietzsche. Pourquoi? Parce que l'anti-christianisme de Nietzsche sape les assises de la société qu'elle domine. L'³éthique aristocratique² de Nietzsche est fondamentalement différente de celle des classes dominantes de la noblesse allemande du temps de Bismarck. Par conséquent, Nietzsche est jugé ³subversif, pathologique et dangereux². La ³droite² (en l'occurrence la ³révolution conservatrice²) ne l'utilisera surtout qu'après 1918.

Les ³transvaluateurs²

Hinton Thomas, historien anglais des idées européennes, constate effectivement que Nietzsche est réceptionné essentiellement par des dissidents, des radicaux, des partisans de toutes les formes d'émancipation, des socialistes (actifs dans la social-démocratie), des anarchistes et des libertaires, par certaines féministes. Thomas nomme ces dissidents des ³transvaluateurs². La droite révolutionnaire allemande, post-conservatrice, se posera elle aussi comme ³transvaluatrice² des idéaux bourgeois, présents dans l'Allemagne wilhelmienne et dans la République de Weimar. Hinton Thomas concentre l'essentiel de son étude aux gauches nietzschéennes, en n'oubliant toutefois pas complètement les droites. Son interprétation n'est pas unilatérale, dans le sens où il explore deux filons de droite où Nietzsche n'a peut-être joué qu'un rôle mineur ou, au moins, un rôle de repoussoir: l'Alldeutscher Verband (la Ligue Pangermaniste) et l'univers social-darwiniste, plus particulièrement le groupe des ³eugénistes².

En somme, on peut dire que Nietzsche rejette les systèmes, son anti-socialisme est un anti-grégarisme mais qui est ignoré, n'est pas pris au tragique, par les militants les plus originaux du socialisme allemand de l'époque. Les intellectuels sociaux-démocrates s'enthousiasment au départ pour Nietzsche mais dès qu'ils établissent dans la société allemande leurs structures de pouvoir, ils se détachent de l'anarchisme, du criticisme et de la veine libertaire qu'introduit Nietzsche dans la pensée européenne. La social-démocratie cesse d'être pleinement contestatrice pour participer au pouvoir. Roberto Michels appelera ce glissement dans les conventions la Verbonzung, la ³bonzification², où les chefs socialistes perdent leur charisme révolutionnaire pour devenir les fonctionnaires d'une mécanique partitocratique, d'une structure sociale participant en marge au pouvoir. Seuls les libertaires comme Landauer et Mühsam demeurent fidèles au message nietzschéen. Enfin, au-delà des clivages politiques usuels, Nietzsche introduit dans la pensée européenne un ³style² (qui peut toujours s'exprimer de plusieurs façons possibles) et une notion d'³ouverture², impliquant, pour ceux qui savent reconnaître cette ouverture-au-monde et en tirer profit, une dynamique permanente d'auto-réalisation. L'homme devient ce qu'il est au fond de lui-même dans cette tension constante qui le porte à aller au-devant des défis et des mutations, sans frilosité rédhibitoire, sans nostalgies incapacitantes, sans rêves irréels.

Enfin, Nietzsche a été lu majoritairement par les socialistes avant 1914, par les ³révolutionnaires-conservateurs² (et éventuellement par les fascistes et les nationaux-socialistes) après 1918. Aujourd'hui, il revient à un niveau non politique, notamment dans le ³nietzschéisme français² d'après 1945.

L'impact de Nietzsche sur le discours socialiste avant 1914 en Allemagne

En Allemagne, mais aussi ailleurs, notamment en Italie avec Mussolini, alors fougueux militant socialiste, ou en France, avec Charles Andler, Daniel Halévy et Georges Sorel, la philosophie de Nietzsche séduit principalement les militants de gauche. Mais non ceux qui sont strictement orthodoxes, comme Franz Mehring, que les nietzschéens socialistes considèrent comme le théoricien d'un socialisme craintif et procédurier, fort éloigné de ses tumultueuses origines révolutionnaires. Franz Mehring, gardien à l'époque de l'orthodoxie figée, évoque une stricte filiation philosophie  ‹en dehors de laquelle il n'y a point de salut!‹   partant de Hegel pour aboutir à Marx et à la pratique routinière, sociale et parlementariste, de la sociale-démocratie wilhelminienne. Face à ce marxisme conventionnel et frileux, les gauches dissidentes opposent Nietzsche ou l'un ou l'autre linéament de sa philosophie. Ces gauches dissidentes conduisent à un anarchisme (plus ou moins dionysiaque), à l'anarcho-syndicalisme (un des filons du futur fascisme) ou au communisme. Ainsi, Isadora Duncan, une journaliste anglaise qui couvre, avec sympathie, les événements de la Révolution Russe pour L'Humanité, écrit en 1921: "Les prophéties de Beethoven, de Nietzsche, de Walt Whitman sont en train de se réaliser. Tous les hommes seront frères, emportés par la grande vague de libération qui vient de naître en Russie". On remarquera que la journaliste anglaise ne cite aucun grand nom du socialisme ou du marxisme! La gauche radicale voit dans la Révolution Russe la réalisation des idées de Beethoven, de Nietzsche ou de Whitman et non celles de Marx, Engels, Liebknecht (père), Plekhanov, Lénine, etc.

Pourquoi cet engouement? Selon Steven Aschheim, les radicaux maximalistes dans le camp des socialistes se réfèrent plus volontiers à la critique dévastatrice du bourgeoisisme (plus exactement: du philistinisme) de Nietzsche, car cette critique permet de déployer un ³contre-langage², dissolvant pour toutes les conventions sociales et intellectuelles établies, qui permettent aux bourgeoisies de se maintenir à la barre. Ensuite, l'idée de ³devenir² séduit les révolutionnaires permanents, pour qui aucune ³superstructure² ne peut demeurer longtemps en place, pour dominer durablement les forces vives qui jaillissent sans cesse du ³fond-du-peuple².

En fait, dès la fin de la première décennie du XXième siècle, la sociale-démocratie allemande et européenne subit une mutation en profondeur: les radicaux abandonnent les conventions qui se sont incrustées dans la pratique quotidienne du socialisme: en Allemagne, pendant la première guerre mondiale, les militants les plus décidés quittent la SPD pour former d'abord l'USPD puis la KPD (avec Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht); en Italie, une aile anarcho-syndicaliste se détache des socialistes pour fusionner ultérieurement avec les futuristes de Marinetti et les arditi  revenus des tranchées, ce qui donne, sous l'impulsion de la personnalité de Mussolini, le syncrétisme fasciste; etc.

le socialisme: une révolte permanente contre les superstructures

Par ailleurs, dès 1926, l'Ecole de Francfort commence à déployer son influence: elle ne rejette pas l'apport de Nietzsche; après les vicissitudes de l'histoire allemande, du nazisme et de l'exil américain de ses principaux protagonistes, cette Ecole de Francfort est à l'origine de l'effervescence de mai 68. Dans toutes ces optiques, le socialisme est avant toutes choses une révolte contre les superstructures, jugées dépassées et archaïques, mais une révolte chaque fois différente dans ses démarches et dans son langage selon le pays où elle explose. A cette révolte socialiste contre les superstructures (y compris les nouvelles superstructures rationnelles et trop figées installées par la sociale-démocratie), s'ajoute toute une série de thématiques, comme celles de l'³énergie² (selon Schiller et surtout Bergson; ce dernier influençant considérablement Mussolini), de la volonté (que l'on oppose chez les dissidents radicaux du socialisme à la doctrine sociale-démocrate et marxiste du déterminisme) et la vitalité (thématique issue de la ³philosophie de la Vie², tant dans ses interprétations laïques que catholiques).

Une question nous semble dès lors légitime: cette évolution est-elle 1) marginale, réduite à des théoriciens ou à des cénacles intellectuels, ou bien 2) est-elle vraiment bien capillarisée dans le parti? Steven Aschheim, en concluant son enquête minutieuse, répond: oui. Il étaye son affirmation sur les résultats d'une enquête ancienne, qu'il a analysée méticuleusement, celle d'Adolf Levenstein en 1914. Levenstein avait procédé en son temps à une étude statistique des livres empruntés aux bibliothèques ouvrières de Leipzig entre 1897 et 1914. Levenstein avait constaté que les livres de Nietzsche étaient beaucoup plus lus que ceux de Marx, Lassalle ou Bebel, figures de proue de la sociale-démocratie officielle. Cette étude prouve que le nietzschéisme socialiste était une réalité dans le c¦ur des ouvriers allemands.

"Die Jungen" de Bruno Wille, "Der Sozialist" de Gustav Landauer

En Allemagne, la première organisation socialiste/nietzschéenne était Die Jungen (Les Jeunes) de Bruno Wille. Celui-ci entendait combattre l'³accomodationnisme² de la sociale-démocratie, son embourgeoisement (rejoignant par là Roberto Michels, analyste de l'oligarchisation des partis), le culte du parlementarisme (rejoignant Sorel et anticipant les deux plus célèbres soréliens allemands d'après 1918: Ernst Jünger et Carl Schmitt), l'ossification du parti et sa bureaucratisation (Michels). Plus précisément, Wille déplore la disparition de tous les réflexes créatifs dans le parti; l'imagination n'est plus au pouvoir dans la sociale-démocratie allemande du début de notre siècle, tout comme aujourd'hui, avec l'accession au pouvoir des anciens soixante-huitards, l'imagination, pourtant bruyamment promise, n'a plus du tout droit au chapitre, ³political correctness² oblige. Ensuite, autre contestataire fondamental dans les rangs socialistes allemands, Gustav Landauer (1870-1919), qui tombera les armes à la main dans Munich investie par les Corps Francs de von Epp, fonde une revue libertaire, socialiste et nietzschéenne, qu'il baptise Der Sozialist. Chose remarquable, son interprétation de Nietzsche ignore le culte nietzschéen de l'égoïté, l'absence de toute forme de solidarité ou de communauté chez le philosophe de Sils-Maria, pour privilégier très fortement sa fantaisie créatrice et sa critique de toutes les pétrifications à l'¦uvre dans les sociétés et les civilisations modernes et bourgeoises.

Max Maurenbrecher et Lily Braun

Max Maurenbrecher (1874-1930), est un pasteur protestant socialiste qui a foi dans le mouvement ouvrier tout en se référant constamment à Nietzsche et à sa critique du christianisme. La première intention de Maurenbrecher a été justement de fusionner socialisme, nietzschéisme et anti-christianisme. Son premier engagement a lieu dans le Nationalsozialer Verein de Naumann en 1903. Son deuxième engagement le conduit dans les rangs de la sociale-démocratie en 1907, au moment où il quitte aussi l'église protestante et s'engage dans le ³mouvement religieux libre². Son troisième engagement est un retour vers son église, un abandon de toute référence à Marx et à la sociale-démocratie, assortis d'une adhésion au message des Deutschnationalen. Maurenbrecher incarne donc un parcours qui va du socialisme au nationalisme.

Lily Braun, dans l'univers des intellectuels socialistes du début du siècle, est une militante féministe, socialiste et nietzschéenne. Elle s'engage dans les rangs sociaux-démocrates, où elle plaide la cause des femmes, réclame leur émancipation et leur droit au suffrage universel. Ce féminisme est complété par une critique systématique de tous les dogmes et par une esthétique nouvelle. Son apport philosophique est d'avoir défendu l'³esprit de négation² (Geist der Verneinung), dans le sens où elle entendait par ³négation², la négation de toute superstructure, des ossifications repérables dans les superstructures sociales. En ce sens, elle annonce certaines démarches de l'Ecole de Francfort. Lily Braun plaidait en faveur d'une juvénilisation permanente de la société et du socialisme. Elle s'opposait aux formes démobilisantes du moralisme kantien. Pendant la première guerre mondiale, elle développe un ³socialisme patriotique² en arguant que l'Allemagne est la patrie de la sociale-démocratie, et qu'en tant que telle, elle lutte contre la France bourgeoise, l'Angleterre capitaliste et marchande et la Russie obscurantiste. Son néo-nationalisme est une sociale-démocratie nietzschéanisée perçue comme nouvelle idéologie allemande. La constante du message de Lily Braun est un anti-christianisme conséquent, dans le sens où l'idéologie chrétienne est le fondement métaphysique des superstructures en Europe et que toute forme de fidélité figée aux idéologèmes chrétiens sert les classes dirigeantes fossilisées à maintenir des superstructures obsolètes.

Contre le socialisme nietzschéen, la riposte des ³bonzes²

Avec Max Maurenbrecher et Lily Braun, nous avons donc deux figures maximalistes du socialisme allemand qui évoluent vers le nationalisme, par nietzschéanisation. Cette évolution, les ³bonzes² du parti l'observent avec grande méfiance. Ils perçoivent le danger d'une mutation du socialisme en un nationalisme populaire et ouvrier, qui rejette les avocats, les intellectuels et les nouveaux prêtres du positivisme sociologique. Les ³bonzes² organisent donc leur riposte intellectuelle, qui sera une réaction anti-nietzschéenne. Le parallèle est facile à tracer avec la France actuelle, où Luc Ferry et Alain Renaut critiquent l'héritage de mai 68 et du nietzschéisme français des Deleuze, Guattari, Foucault, etc. Le mitterrandisme tardif, très ³occidentaliste² dans ses orientations (géo)politiques, s'alignent sur la contre-révolution moraliste américaine et sur ses avatars de droite (Buchanan, Nozick) ou de gauche, en s'attaquant à des linéaments philosophiques capables de ruiner en profondeur  ‹et définitivement‹  les assises d'une civilisation moribonde, qui crève de sa superstition idéologique et de son adhésion inconditionnelle aux idéaux fluets et chétifs de l'Aufklärung. L'intention de Ferry et Renaut est sans doute de bloquer le nietzschéisme français, afin qu'il ne se mette pas au service du lepénisme ou d'un nationalisme post-lepéniste. Démarche bizarre. Curieux exercice. Plus politicien-policier que philosophique...

Kurt Eisner: nietzschéen repenti

L'exemple historique le plus significatif de ce type de réaction, nous le trouvons chez Kurt Eisner, Président de cette République des Soviets de Bavière (Räterepublik), qui sera balayée par les Corps Francs en 1919. Avant de connaître cette aventure politique tragique et d'y laisser la vie, Eisner avait écrit un ouvrage orthodoxe et anti-nietzschéen, intitulé Psychopathia Spiritualis,  qui a comme plus remarquable caractéristique d'être l'¦uvre d'un ancien nietzschéen repenti! Quels ont été les arguments d'Eisner? Le socialisme est rationnel et pratique, disait-il, tandis que Nietzsche est rêveur, onirique. Il est donc impossible de construire une idéologie socialiste cohérente sur l'égocentrisme de Nietzsche et sur son absence de compassion (ce type d'argument sera plus tard repris par certains nationaux-socialistes!). Ensuite, Eisner constate que l'³impératif nietzschéen² conduit à la dégénérescence des m¦urs et de la politique (même argument que le ³conservateur² Steding). A l'injonction ³devenir dur!² de Nietzsche, Eisner oppose un ³devenir tendre!², pratiquant de la sorte un exorcisme sur lui-même. Eisner dans son texte avoue avoir succombé au ³langage intoxicateur² et au ³style narcotique² de Nietzsche. Contrairement à Lily Braun et polémiquant sans doute avec elle, Eisner s'affirme kantien et explique que son kantisme est paradoxalement ce qui l'a conduit à admirer Nietzsche, car, pour Eisner, Kant, tout comme Nietzsche, met l'accent sur le développement libre et maximal de l'individu, mais, ajoute-t-il, l'impératif nietzschéen doit être collectivisé, de façon à susciter dans la société et la classe ouvrière un pan-aristocratisme (Heinrich Härtle, ancien secrétaire d'Alfred Rosenberg, développera un argumentaire similaire, en décrivant l'idéologie nationale-socialiste comme un mixte d'impératif éthique kantien et d'éthique du surpassement nietzschéenne, le tout dans une perspective non individualiste!).

Si Eisner est le premier nietzschéen à faire machine arrière, à amorcer dans le camp socialiste une critique finalement ³réactionnaire² et ³figeante² de Nietzsche et du socialisme nietzschéen, si Ferry et Renaut sont ses héritiers dans la triste France du mitterrandisme tardif, Georg Lukacs, avec une trilogie inquisitoriale fulminant contre les mutliples formes d'³irrationalisme² conduisant au ³fascisme², demeure la référence la plus classique de cette manie obsessionnelle et récurrente de biffer les innombrables strates de nietzschéisme. Pourtant, Lukacs était vitaliste dans sa jeunesse et cultivait une vision tragique de l'homme, de la vie et de l'histoire inspirée de Nietzsche; après 1945, il rédige cette trilogie contre les irrationalismes qui deviendra la bible de la ³political correctness² de Staline à Andropov et Tchernenko dans les pays du COMECON, chez les marxistes qui se voulaient orthodoxes. Pourtant, les traces du nietzschéisme sont patentes dans la gauche nietzschéenne, chez Bloch et dans l'Ecole de Francfort.

Les gauchistes nietzschéens

Par gauchisme nietzschéen, Aschheim entend l'héritage d'Ernst Bloch et d'une partie de l'Ecole de Francfort. Ernst Bloch a eu une grande influence sur le mouvement étudiant allemand qui a précédé l'effervescence de mai 68. Une amitié fidèle et sincère le liait au leader de ces étudiants contestataires, Rudy Dutschke, apôtre protestant d'un socialisme gauchiste et national. Bloch opère une distinction fondamentale entre ³marxisme froid² et ³marxisme chaud². Ce dernier postule un retour à la religion, ou, plus exactement, à l'utopisme religieux des anabaptistes, mus par le ³principe espérance². Lukacs ne ménagera pas ses critiques, et s'opposera à Bloch, jugeant son ¦uvre comme ³un mélange d'éthique de gauche avec une épistémologie de droite². Bloch est toutefois très critique à l'égard de la vision de Nietzsche qu'avait répandue Ludwig Klages. Bloch la qualifiera de ³dionysisme passéiste², en ajoutant que Nietzsche devait être utilisé dans une perspective ³futuriste², afin de ³modeler l'avenir². Bloch rejette toutefois la notion d'éternel retour car toute idée de ³retour² est profondément statique: Bloch parle d'³archaïsme castrateur². Le dionysisme que Bloch oppose à celui de Klages est un dionysisme de la ³nature inachevée², c'est-à-dire un dionysisme qui doit travailler à l'achèvement de la nature.

Bloch n'appartient pas à l'Ecole de Francfort; il en est proche; il l'a influencée mais ses idées religieuses et son ³principe espérance² l'éloignent des deux chefs de file principaux de cette école, Horkheimer et Adorno. Les puristes de l'Ecole de Francfort ne croient pas à la rédemption par le principe espérance, car, disent-il, ce sont là des affirmations para-religieuses et a-critiques. Dans leurs critiques des idéologies (y compris des idéologies post-marxistes), les principaux protagonistes de l'Ecole de Francfort se réfèrent surtout au ³Nietzsche démasquant², dont ils utilisent les ressources pour démasquer les formes d'oppression dans la modernité tardive. Leur but est de sauver la théorie critique, et même toute critique, pour exercer une action dissolvante sur toutes les superstructures léguées par le passé et jugées obsolètes. Dans ce sens, Nietzsche est celui qui défie au mieux toutes les orthodoxies, celui dont le ³langage démasquant² est le plus caustique; Adorno justifiait ses références à Nietzsche en disant: "Il n'est jamais complice avec le monde". A méditer si l'on ne veut pas être le complice du ³Nouvel Ordre Mondial²...

Marcuse: un nietzschéisme de libération

Quant à Marcuse, souvent associé à l'Ecole de Francfort, que retient-il de Nietzsche? L'historiographie des idées retient souvent deux Marcuse: un Marcuse pessimiste, celui de L'homme unidimensionnel, et un Marcuse optimiste, celui d'Eros et civilisation. Pour Steven Aschheim, c'est ce Marcuse optimiste  ‹il met beaucoup d'espoir dans son discours‹  qui est peut-être le plus ³nietzschéen². Son nietzschéisme est dès lors un nietzschéisme de libération, teinté de freudisme, dans le sens où Marcuse développe, au départ de sa double lecture de Nietzsche et de Freud, l'idée d'un ³pouvoir libérateur du souvenir². Jadis, la mémoire servait à se souvenir de devoirs,   d'autant de ³tu dois², suscitant tout à la fois l'esprit de péché, la mauvaise conscience, le sens de la culpabilité, sur lesquels le christianisme s'est arcbouté et a imprégné notre civilisation. Cette mémoire-là ³transforme des faits en essences², fige des bribes d'histoire peut-être encore féconds pour en faire des absolus métaphysiques pétrifiés et fermés, qu'on ne peut plus remettre en question; pour Nietzsche, comme pour le Marcuse optimiste d'Eros et civilisation, il faut évacuer les brimades et les idoles qu'a imposées cette mémoire-là, car les instincts de vie (pour Freud: l'aspiration au bonheur total, entravée par la répression et les refoulements), doivent toujours, finalement, avoir le dessus, en rejettant sans hésiter toutes les formes d'³escapismes² et de négation. Pour Marcuse, en cela élève de Nietzsche, la civilisation occidentale et son pendant socialiste soviétique (Nietzsche aurait plutôt parlé du christianisme) sont fondamentalement fallacieux (parce que sur-répressifs) (*) car ils conservent trop d'essences, d'interdits, et étouffent les créativités, l'Eros. On retrouve là les mêmes mécanismes de pensée que chez un Landauer.

La ³science mélancolique² d'Adorno

Adorno, dans Minima Moralia, se réfère à la dialectique négative de Nietzsche et se félicite du fait que cette négation nietzschéenne permanente ne conduit à l'affirmation d'aucune positivité qui, le cas échéant, pourrait se transformer en une nouvelle grande idole figée. Mais, Adorno, contrairement à Nietzsche, ne prône pas l'avènement d'un ³gai savoir² ou d'une ³gaie science², mais espère l'avènement d'une ³science mélancolique², sorte de scepticisme méfiant à l'endroit de toute forme d'affirmation joyeuse. Adorno se démarque ainsi du ³panisme² de Bloch, des idées claires et tranchées d'un Wille ou d'une Lily Braun, du communautarisme socialiste d'un Landauer ou, anticipativement, du ³gai savoir² d'un philosophe nietzschéen français comme Gilles Deleuze. Pour Adorno, la joie ne doit pas tout surplomber.

Pour Aschheim, l'Ecole de Francfort adopte alternativement deux attitudes face à ce que Lukacs, dans sa célèbre polémique pro-rationaliste, a qualifié d'³irrationalisme². Selon les circonstances, l'Ecole de Francfort distingue entre, d'une part, les irrationalismes féconds, qui permettent la critique des superstructures (dans ce qu'elles ont de figé) et/ou des institutions (dans ce qu'elles ont de rigide) et, d'autre part, les irrationalismes réactionnaires qui affirment brutalement des valeurs en dépit de leur obsolescence et de leur fonction au service du maintien de hiérarchies désuètes.

A quoi sert la ³political correctness²?

Aschheim constate que l'idéologie des Lumières introduit et généralise dans la pensée européenne le relativisme, le subjectivisme, etc. qui développent, dans un premier temps, une dynamique critique, puis retournent cette dynamique contre le sujet érigé comme absolu dans la civilisation occidentale par les tenants de l'Aufklärung eux-mêmes. Ce que Ferry a appelé la ³pensée-68² est justement cette idéologie des Lumières qui devient justement sans cesse plus intéressante, en ses stades ultimes, parce qu'elle retourne sa dynamique relativiste et perspectiviste contre l'idole-sujet. Ferry estime que ce retournement est allé trop loin, dans les ¦uvres de philosophes français tels Deleuze, Guattari, Foucault,... La ³pensée-68² sort donc de l'Aufklärung stricto sensu et travaille à dissoudre le sacro-saint sujet, pierre angulaire des régimes libéraux, pseudo-démocratiques, nomocratiques et/ou ploutocratiques, axés sur l'individualisme juridique, sur la méthodologie individualiste en économie et en sociologie. Par conséquent, contre l'avancée de l'Aufklärung jusqu'à ses conséquences ultimes, avancée qui risque de faire voler en éclat des cadres institutionnels vermoulus qui ne peuvent plus se justifier philosophiquement, un personnel composite de journalistes, de censeurs médiatiques, de fonctionnaires, de juristes et de philosophes-mercenaires doit imposer une ³correction politique², afin de restituer le sujet dans sa plénitude et sa ³magnificence² d'idole, afin de promouvoir et de consolider une restauration néo-libérale.

Revenons toutefois à Aschheim, qui cherche à remettre clairement en évidence les linéaments de nietzschéisme dans l'Ecole de Francfort, tout en montrant par quelles portes entrouvertes la correction politique, sur le modèle des Mehring, Eisner, Lukacs, Ferry, etc., peut simultanément s'insinuer dans ce discours. Horkheimer, chef de file de cette Ecole de Francfort et philosophe quasi officiel de la première décennie de la RFA, juge Nietzsche comme suit: le philosophe de Sils-Maria est incapable de reconnaître l'importance de la ³société concrète²   (**) dans ses analyses, mais, en dépit de cette lacune, inacceptable pour ceux qui ont été séduits, d'une façon ou d'une autre, par le matérialisme historique de la tradition marxiste, Nietzsche demeure toujours libre de toute illusion et voit et sent parfaitement quand un fait de vie se fige en ³essence² (pour reprendre le vocabulaire de Marcuse). Horkheimer ajoute que Nietzsche ³ne voit pas les origines sociales des déclins². Position évidemment ambivalente, où admiration et crainte se mêlent indissolublement.

Nietzsche, le maître en ³misologie²

En 1969, J. G. Merquior, dans Western Marxism,  ouvrage qui analyse les ressorts du ³marxisme occidental², rappelle le rôle joué par les diverses lectures de Nietzsche dans l'émergence de ce phénomène un peu paradoxal de l'histoire des idées; Nietzsche, disait Merquior, est un ³maître en misologie² (néologisme désignant l'opposition radicale des irrationalistes à l'endroit de la raison voire de la logique). Cette misologie transparaît le plus clairement dans la Généalogie de la morale  (1887), où Nietzsche dit que ³n'est définissable que ce qui n'a pas d'histoire²; en effet, on ne peut enfermer dans des concepts durables que ce qui n'a plus de potentialités en jachère, car des potentialités insoupçonnées peuvent à tout moment surgir et faire éclater le cadre définitionnel comme une écorce devenue trop étroite.

Notre point de vue dans ce débat sur l'Ecole de Francfort: cette école critique à juste titre l'étroitesse des vieilles institutions, lois, superstructures, qui se maintiennent envers et contre les mouvements de la vie, mais, dans la foulée de sa critique, elle heurte et tente d'effacer des legs de l'histoire qui gardent en jachère des potentialités réelles, en les jugeant a priori obsolètes. Elle n'utilise qu'une panoplie d'armes, celles de la seule critique, en omettant systématiquement de retourner les forces vives et potentielles des héritages historiques contre les fixations superstructurelles, les manifestations institutionnelles reflètant dans toutes leurs rigidités les épuisements vitaux, et les processus de dévitalisation (ou de désenchantement). Bloch, en dépit de ses références aux théologies de libération et aux messianismes révolutionnaires, abandonne au fond lui aussi l'histoire politique, militaire et non religieuse  ‹c'est du moins le risque qu'il court délibérément en déployant sa critique contre Klages‹   pour construire dans ses anticipations quasi oniriques un futur somme toute bien artificiel voire fragile. Son recours aux luttes est à l'évidence pleinement acceptable, mais ce recours ne doit pas se limiter aux seules révoltes motivées par des messianismes religieux, il doit s'insinuer dans des combats pluriséculaires à motivations multiples. Adorno et Horkheimer abandonnent eux aussi l'histoire, la notion d'une continuité vitale et historique, au profit du magma informe et purement ³présent², sans profondeur temporelle, de la ³société² (erreur que l'on a vu se répéter récemment au sein de la fameuse ³nouvelle droite² parisienne, où l'histoire est étrangement absente et le pilpoul sociologisant, nettement omniprésent). Le risque de ce saltus pericolosus, d'Adorno et Horkheimer, dit Siegfried Kracauer (in: History: The Last Things Before the Last, New York, OUP, 1969), est de perdre tout point d'appui solide pour capter les plus fortes concrétions en devenir qui seront marquées de durée; pour Kracauer la ³dialectique négative² des deux principaux parrains de l'Ecole de Francfort ³manque de direction et de contenu². Tout comme les ratiocinations jargonnantes et sociologisantes d'Alain de Benoist et de sa bande de jeunes perroquets.

L'entreprise de ³dé-nietzschéanisation² de Habermas

Si Nietzsche a été bel et bien présent, et solidement, dans le corpus de l'Ecole de Francfort, il en a été expulsé par une deuxième vague de ³dialecticiens négatifs² et d'apôtres, sur le tard, de l'idéologie des Lumières. Le chef de file de cette deuxième vague, celle des émules, a été sans conteste Jürgen Habermas. Aschheim résume les objectifs de Habermas dans son travail de ³dé-nietzschéanisation²: a) ¦uvrer pour expurger les legs de l'Ecole de Francfort de tout nietzschéisme; b) rétablir une cohérence rationnelle; c) re-coder (!) (Deleuze et Foucault avaient dissous les codes); d) reconstruire une ³correction politique²; e) réexaminer l'héritage de mai 68, où, pour notre regard, il y a quelques éléments très positifs et féconds, surtout au niveau de ce que Ferry et Renaut appelerons la ³pensée-68²; dans ce réexamen, Habermas part du principe que la critique de la critique de l'Aufklärung, risque fortement de déboucher sur un ³néo-conservatisme²; de ce fait, il entend militer pour le rétablissement de la ³dialectique de l'Aufklärung²  dans sa ³pureté² (ou dans ce qu'il veut bien désigner sous ce terme). Pour Habermas, le nietzschéisme français, le néo-heideggerisme, le post-structuralisme de Foucault, le déconstructivisme de Derrida, sont autant de filons de 68 qui ont chaviré dans ³l'irrationalisme bourgeois tardif². Or ces démarches philosophiques non-politiques, ou très peu politisables, ne se posent nullement comme des options militantes en faveur d'un conservatisme ou d'une restauration ³bourgeoise², bien au contraire, on peut conclure que Habermas déclenche une guerre civile à l'intérieur même de la gauche et cherche à émasculer celle-ci, à la repeindre en gris. Dans son combat, Habermas s'attaque explicitement aux notions d'hétérogénité (de pluralité), de jeu (de tragique, de kaïros tel que l'imaginait un Henri Lefebvre), de rire, de contradiction (implicite et incontournable), de désir, de différence. Selon Habermas, toutes ces notions conduisent soit au ³gauchisme radical² soit à l'³anarchisme nihiliste² soit au ³quiétisme conservateur². De telles attitudes, prétend Habermas, sont incapables d'envisager un changement chargé de sens (i. e. un sens progressiste et modéré, évolutionnaire et calculant). D'où Habermas, et à sa suite Ferry et Renaut, estiment être les seuls habilités à énoncer le sens, lequel est alors posé a priori, imposé d'autorité. Le libéralisme ou le démocratisme que habermas, Ferry et Renaut entendent représenter sont dès lors les produits d'une autorité, en l'occurence la leur et celle de ceux qui les relaient dans les médias.

Le libéralisme et le démocratisme autoritaires (sur le plan intellectuel), mais en apparence tolérants sur le plan pratique, constituent en fait le fondement de notre actuelle ³political correctness² qui se marie très bien avec le pouvoir des ³socialistes établis², héritiers du social-démocratisme à la Mehring, et flanqués des orthodoxes marxistes dévitalisés à la Lukacs. Cette alliance vise à remplacer un autoritarisme par un autre, une superstructure par une autre, qui serait le réseau des notables, des mafieux et des fonctionnaires socialistes. Une telle constellation idéologique renonce à émanciper continuellement les masses, les citoyens, les esprits mais entend installer un appareil inamovible (au besoin en noyautant les services de police, comme c'est le cas des socialistes en Belgique qui transforment la gendarmerie, déjà Etat dans l'Etat, en une armée au service du ministère de l'intérieur socialiste, tenu par un ancien gauchiste adepte de la marijuana). Cette constellation idéologique et politique refuse de réceptionner l'innovation, de quelqu'ordre qu'elle soit, et les rénégats de 68, les repentis à la façon d'Eisner, trahissent les intellectuels féconds de leur propre camp de départ, pour déboucher sur un discours sans relief, sans sel.

Donc l'aventure commencée par Die Jungen  autour de Wille est un échec au sein de la sociale-démocratie. Ses forces dynamiques vont-elles aller vers un nouveau fascisme? Il semble que la sociale-démocratie n'écoute pas les leçons de l'histoire et qu'en alignant à l'université des Habermas, des Ferry et des Renaut, ou en manipulant des groupes de choc violents, ou en animant des cercles conspirationnistes parallèles comme le CRIDA de ³René Monzat², elle prépare un nouvel autoritarisme, qu'en d'autres temps elle n'aurait pas hésiter à qualifier de ³fascisme². Dans toute tradition politico-intellectuelle, il faut laisser la porte ouverte au dynamisme juvénile, immédiatement réceptif aux innovations. Une telle ouverture est une nécessité voire un impératif de survie. Dans le cas de la sociale-démocratie, si ce dynamisme juvénile ne peut s'exprimer dans des revues, des cercles, des associations, des mouvements de jeunesse liés au parti, il passera forcément ³à droite² (ce qui n'est jamais qu'une convention de langage), parce que la gauche-appareil ne cesse de demeurer sourde à ses revendications légitimes. Aujourd'hui, ce passage ³à droite² est possible dans la mesure où la ³droite² est démonisée au même titre que l'anarchisme au début du siècle. Et les démonisations fascinent les incompris.

Nietzsche et la ³droite²

Avant 1914, la droite allemande la plus bruyante est celle des pangermanistes, qui ne se réfèrent pas à Nietzsche, parce que celui-ci n'évoque ni la race ni la germanité. Lehmann pensait que Nietzsche restait en dehors de la politique et qu'il était dès lors inutile de se préoccuper de sa philosophie. Paul de Lagarde ne marque pas davantage d'intérêt. Quant à Lange, il est férocement anti-nietzschéen, dans la mesure où il affirme que la philosophie de Nietzsche est juste bonne ³pour les névrosés et les littérateurs², ³les artistes et les femmes hystériques². A Nietzsche, il convient d'opposer Gobineau et de parier ainsi pour le sang, valeur sûre et stable, contre l'imagination, valeur déstabilisante et volatile. Otto Bonhard, pour sa part, réfute l'³anarchisme nietzschéen².

C'est sous l'impulsion d'Arthur Moeller van den Bruck que Nietzsche fera son entrée dans les idéologies de la droite allemande. Moeller van den Bruck part d'un premier constat: le défaut majeur du marxisme (i. e. l'appareil social-démocrate) est de ne se référer qu'à un rationalisme abstrait, comme le libéralisme. De ce fait, il est incapable de capter les véritables ³sources de la vie². En 1919, la superstructure officielle de l'empire allemand s'effondre, non pas tant par la révolution, comme en Russie, mais par la défaite et par les réparations imposées par les Alliés occidentaux. L'Armée est hors jeu. Inutile donc de défendre des structures politiques qui n'existent plus. La droite doit entrer dans l'ère des ³re-définitions², estime Moeller van den Bruck, et à sa suite on parlera de ³néo-nationalisme².

Si tout doit être redéfini, le socialisme doit l'être aussi, aux yeux de Moeller. Celui-ci ne saurait plus être une ³analyse objective des rapports entre la superstructure et la base², comme le voulait l'idéologie positiviste de la sociale-démocratie d'après le programme du Gotha, mais une ³volonté d'affirmer la vie². En disant cela, Moeller ne se contente pas d'une déclamation grandiloquente sur la ³vie², de proclamer un slogan vitaliste, mais dévoile les aspects très concrets de cette volonté de vie: une juste redistribution permet un essor démographique. La vie triomphe alors de la récession. Dès lors, ajoute Moeller, les clivages sociaux ne devraient plus passer entre des riches qui dominent et des masses de pauvres. Au contraire, le peuple doit être dirigé par une élite frugale, apte à diriger des masses dont les besoins élémentaires et vitaux sont bien satisfaits. Ce processus doit se dérouler dans des cadres nationaux visibles, assurant une transparence, et, bien entendu, clairement circonscrits dans le temps et l'espace pour que le principe ³nul n'est censé ignorer la loi² soit en vigueur sans contestation ni coercition.

Même raisonnement chez Werner Sombart: le nouveau socialisme s'oppose avec véhémence à l'hédonisme occidental, au progressisme, à l'utilitarisme. Le nouveau socialisme accepte le tragique, il est non-téléologique, il ne s'inscrit pas dans une histoire linéaire, mais fonde un nouvel ³organon², où fusionnent une vox dei et une vox populi, comme au moyen-âge, mais sans féodalisme ni hiérarchie rigide.

Spengler et Shaw

Pour Spengler, on doit évaluer positiviement le socialisme dans la mesure où il est avant toute chose une ³énergie² et, accessoirement, le ³stade ultime du faustisme déclinant². Spengler estime que Nietzsche n'a pas été jusqu'au bout de ses idées sur le plan politique. Ce sera Georges Bernard Shaw, notamment dans Man and Superman et Major Barbara, qui énoncera les méthodes pratiques pour asseoir le socialisme nietzschéen dans les sociétés européennes: mélange d'éducation sans moralisme hypocrite, de darwinisme tourné vers la solidarité (où les communautés les plus solidaires gagnent la compétition), d'ironie et de distance par rapport aux engouements et aux propagandes. Shaw, en annexe de son drame Man and Superman, publie ses Maxims for Revolutionists, rappelle que la ³démocratie remplace la désignation d'une minorité corrompue par l'élection d'un grand nombre d'incompétents², que la ³liberté ne signifie [pas autre chose] que la responsabilité et que, pour cette raison, la plupart des hommes la craignent²; enfin: ³l'homme raisonnable est celui qui s'adapte au monde; l'hommer irraisonnable est celui qui persiste à essayer d'adapter le monde à lui-même. C'est pourquoi le progrès dépend tout entier de l'homme raisonnable. L'homme qui écoute la Raison est perdu: le Raison transforme en esclaves tous ceux dont l'esprit n'est pas assez fort pour la maîtriser². ³Le droit de vivre est une escroquerie chaque fois qu'il n'y a pas de défis constants². ³La civilisation est une maladie provoquée par la pratique de construire des sociétés avec du matériel pourri². ³La décadence ne trouvera ses agents que si elle porte le masque du progrès².

Le socialisme doit donc être forgé par des esprits clairs, dépourvus de tous réflexes hypocrites, de tout ballast moralisant, de toutes ces craintes ³humaines trop humaines². Dans ce cas, conclut Spengler à la suite de sa lecture de Shaw, le ³socialisme ne saurait être un système de compassion, d'humanité, de paix, de petits soins, mais un système de volonté-de-puissance². Toute autre lecture du socialisme serait illusion. Il faut donner à l'homme énergique (celui qui fait passer ses volontés de la puissance à l'acte), la liberté qui lui permettra d'agir, au-delà de tous les obstacles que pourraient constituer la richesse, la naissance ou la tradition. Dans cette optique, liberté et volonté de puissance sont synonymes: en français, le terme ³puissance² ne signifie pas seulement la volonté d'exercer un pouvoir, mais aussi la volonté de faire passer mes potentialités dans le réel, de faire passer à l'acte, ce qui est en puissance en moi. Définition de la puissance qu'il convient de méditer,  ‹et pourquoi pas à l'aide des textes ironiques de Shaw?‹   à l'heure où la ³correction politique² constitue un retour des hypocrisies et des moralismes et un verrouillage des énergies innovantes.

Aschheim montre dans son livre le lien direct qui a existé entre la tradition socialiste anglaise, en l'occurence la Fabian Society animée par Shaw, et la redéfinition du socialisme par les premiers tenants de la ³révolution conservatrice² allemande. Dénominateur commun: le refus de conventions stérilisantes qui bloquent l'avancée des hommes ³énergiques².

Nietzsche et le national-socialisme

Au départ, Nietzsche n'avait pas bonne presse dans les milieux proches de la NSDAP, qui reprend à son compte les critiques anti-nietzschéennes des pangermanistes, des eugénistes et des idéologues racialistes. Les intellectuels de la NSDAP poursuivent de préférence les spéculations raciales de Lehmann et se désintéressent de Nietzsche, plus en vogue dans les gauches, chez les littéraires, les féministes et dans les mouvements de jeunesse non politisés. Ainsi, au tout début de l'aventure hitlérienne, Dietrich Eckart, le philosophe folciste (= völkisch) de Schwabing, rejette explicitement et systématiquement Nietzsche, qui est ³un malade par hérédité², qui a médit sans arrêt du peuple allemand; pour Eckart, la légende d'un Nietzsche qui vitupère contre l'Allemagne parce qu'il l'aime au fond passionément est une escroquerie intellectuelle. Enfin, constate-t-il, l'individualisme égoïste de Nietzsche est totalement incompatible avec l'idéal communautaire des nationaux-socialistes. Après avoir édité des exégèses de Nietzsche pourtant bien plus fines, Arthur Drews, théologien folciste inféodé à la NSDAP, s'insurge en 1934 dans Nordische Stimme  (n°4/34), contre la thèse d'un Nietzsche qui aime son pays malgré ses vitupérations anti-germaniques et affirme  ‹ce qui peut paraître paradoxal‹   que le jeune poète juif Heinrich Heine, lui, critiquait l'Allemagne parce qu'il l'aimait réellement. Nietzsche est ensuite accusé de ³philo-sémitisme²: pour Aschheim et, avant lui, pour Kaufmann, le texte le plus significatif de l'ère nazie en ce sens est celui de Curt von Westernhagen, Nietzsche, Juden, Antijuden (Weimar, Duncker, 1936). Alfred von Martin, critique protestant, revalorise l'humaniste Burckhardt et rejette le négativisme nietzschéen, plus pour son manque d'engagement nationaliste que pour son anti-christianisme (Nietzsche und Burckhardt, Munich, 1941)! Finalement, les deux auteurs pro-nietzschéens sous le Troisième Reich, outre Bäumler que nous analyserons plus en détail, sont Edgar Salin (Jacob Burckhardt und Nietzsche, Bâle, 1938), qui prend le contre-pied des thèses de von Martin, et le nationaliste allemand, liguiste (= bündisch) et juif, Hans-Joachim Schoeps (Gestalten an der Zeitwende: Burckhardt, Nietzsche, Kafka, Berlin, Vortrupp Verlag, 1936). Quant au critique littéraire Kurt Hildebrandt, favorable au national-socialisme, il critique l'interprétation de Nietzsche par Karl Jaspers, comme le feront bon nombre d'exilés politiques et Walter Kaufmann. Jaspers aurait développé un existentialisme sur base des aspects les moins existentialistes de Nietzsche. Tandis que Nietzsche s'opposait à toute transcendance, Jaspers tentait de revenir à une ³transcendance douce², en négligant le Zarathoustra et la Généalogie de la morale. Enfin, plus important, l'apologie de la créativité chez Nietzsche et sa volonté de transvaluer les valeurs en place, de faire éclore une nouvelle table des valeurs, font de lui un philosophe de combat qui vise à normer une nouvelle époque émergeante. Dans ce sens, Nietzsche n'est pas un intellectuel virevoltant (freischwebend) au gré de ses humeurs ou de ses caprices, mais celui qui jette les bases d'un système normatif et d'une communauté positive, dont les assises ne sont plus un ensemble fixe de dogmes ou de commandements (de ³tu dois²), mais un dynamisme bouillonant et effervescent qu'il faut chevaucher et guider en permanence (Kurt Hildebrandt, "Über Deutung und Einordnung von Nietzsches System", Kant-Studien, vol. 41, Nr. 3/4, 1936, pp. 221-293). Ce chevauchement et ce guidage nécessitent une éducation nouvelle, plus attentive aux forces en puissance, prêtes à faire irruption dans la trame du monde.

Plus explicite sur les variations innombrables et contradictoires des interprétations de Nietzsche sous le Troisième Reich, est le livre du philosophe italien Giorgio Penzo (cf. supra), pour qui l'époque nationale-socialiste procède plus généralement à une dé-mythisation de Nietzsche. On ne sollicite plus tant son ¦uvre pour bouleverser des conventions, pour ébranler les assises d'une morale sociale étriquée, mais pour la réinsérer dans l'histoire du droit, ou, plus partiellement, pour faire du surhomme nietzschéen un simple équivalent de l'homme faustien ou, chez Kriek, l'horizon de l'éducation. On assiste également à des démythisations plus totales, où l'on souligne l'infécondité fondamentale de l'anarchisme nietzschéen, dans lequel on décèle une ³pathologie de la culture qui conduit à la dépolitisation². Ce reproche de ³dépolitisation² trouve son apothéose chez Steding. D'autres font du surhomme l'expression d'une simple nostalgie du divin. L'époque connaît bien sûr ses ³lectures fanatiques², dit Penzo, où l'incarnation du surhomme est tout bonnement Hitler (Scheuffler, Oehler, Spethmann, Müller-Rathenow). Seule notable exception, dans ce magma somme toute asses confus, le philosophe Alfred Bäumler.

Bäumler: héroïsme réaliste et héraclitéen

La seule approche féconde de Nietzsche à l'ère nationale-socialiste est donc celle de Bäumler. Pour Bäumler, par ailleurs pétri des thèses de Bachofen, Nietzsche est un ³penseur existentiel², soit un philosophe qui nous invite à nous plonger dans la concrétude sociale, politique et historique. Bäumler ne retient donc pas le reproche de ³dépolitiseur², que d'aucuns, dont Steding, avaient adressé à Nietzsche. Bäumler définit l'³existentialité² comme un ³réalisme héroïque² ou un ³réalisme héraclitéen²; l'homme et le monde, dans cette perspective, l'homme dans le monde et le monde dans l'homme, sont en devenir perpétuel, soumis à un mouvement continu, qui ne connaît ni repos ni quiétude. Le surhomme est dès lors une métaphore pour désigner tout ce qui est héroïque, c'est-à-dire tout ce qui lutte dans la trame en devenir de l'existence terrestre.

On constate que Bäumler donne la priorité au ³Nietzsche agonal² plutôt qu'au ³Nietzsche dionysiaque², qui hérissait Steding, parce qu'il était le principal responsable du refus des formes et des structures politiques. Bäumler estime que Nietzsche inaugure l'ère de la ³Grande Raison des Corps², où la Gebildetheit, ne s'adressant qu'au pur intellect en négligeant les corps, est inauthentique, tandis que la Bildung, reposant sur l'intuition, l'intelligence intuitive, et une valorisation des corps, est la clef de toute véritable authenticité. Notons au passage que Heidegger, ennemi de Bäumler, parlait aussi d'³authenticité² à cette époque. La logique du Corps, qui est une logique esthétique, sauve la pensée, pense Bäumler, car toute la culture occidentale s'est refermée sur un système conceptuel froid qui ne mène plusà rien, système dont la trajectoire a été jalonnée par le christianisme, l'humanisme (basé sur une fausee interprétation, édulcorée et falsifiée, de la civilisation gréco-romaine), le rationalisme scientiste. La notion de Corps (Leib), plus le recours à ce que Bäumler appelle la ³grécité véritable², soit une grécité pré-socratique, de même qu'à une germanité véritable, soit une germanité pré-chrétienne, conduisent à un retour à l'authentique, comme le prouvent, à l'époque, les innovations de la philologie classique. Cette mise en équation entre grécité pré-socratique, germanité pré-chrétienne et authenticité, constitue le saltus periculosus de Bäumler: dénier toute authenticité à ce qui sortait du champs de cette grécité et de cette germanité, a valu à Bäumler d'être ostracisé pendant longtemps, avant d'être timidement réhabilité.

Les impasses philosophiques de la bourgeoisie allemande

Dans un second temps, Bäumler politise cette définition de l'authenticité, en affirmant que le national-socialisme, en tant que Weltanschauung, représente ³une conception de l'Etat gréco-germanique². Bäumler ne se livre pas trop à des rapprochements hasardeux, ni à des sollicitations outrancières. Pourquoi affirme-t-il que l'Etat national-socialiste est grèco-germanique au sens où Nietzsche a défini la corporéité grecque et accepté la valorisation grecque des corps? Pour pouvoir affirmer cela, Bäumler procède à une inteprétation de l'histoire culturelle de la ³bourgeoisie allemande², dont tous les modèles ont été en faillite sous la République de Weimar. L'Aufklärung, première grande idéologie bourgeoise allemande, est une idéologie négative car elle est individualiste, abstraite et ne permet pas de forger des politiques cohérentes. Le romantisme, deuxième grande idéologie de la bourgeoisie allemande, est une tradition positive. Le piétisme, troisième grande idéologie bourgeoise en Allemagne, est rejeté pour les mêmes motifs que l'Aufklärung. Le romantisme est positif parce qu'il permet une ouverture au Volk, au mythe et au passé, donc de dépasser l'individualisme, le positivisme étriqué et la fascination inféconde pour le progrès. Cependant, en gros, la bourgeoisie n'a pas tiré les leçons pratiques qu'il aurait fallu tirer au départ du romantisme. Bäumler reproche à la bourgeoisie allemande d'avoir été ³paresseuse² et d'avoir choisi un expédiant; elle a imité et importé des modèles étrangers (anglais ou français), qu'elle a plaqué sur la réalité allemande.

Parmi les bricolages idéologiques bourgeois, le plus important a été le ³classicisme allemand², sorte de mixte artificiel d'Aufklärung et de romantisme, incapable, selon Bäumler, de générer des institutions, un droit et une constitution authentiquement allemands. En rejetant l'Aufklärung   et le piétisme, en renouant avec le filon romantique en jachère, explique et espère Bäumler, le national-socialisme pourra ³travailler à élaborer des institutions et un droit allemands². Mais le nouveau régime n'aura jamais le temps de parfaire cette tâche.

Action, destin et décision

Dans l'interprétation bäumlerienne de Nietzsche, la mort de Dieu est synonyme de mort du Dieu médiéval. Dieu en soi ne peut mourir car il n'est rien d'autre qu'une personnification du Destin (Schicksal). Celui-ci suscite, par le biais de fortes personnalités, des formes politiques plus ou moins éphémères. Ces personnalités ne théorisent pas, elles agissent, le destin parle par elles. L'Action détruit ce qui existe et s'est encroûté. La Décision, c'est l'existence même, parce que décider, c'est être, c'est se muer en une porte qu'enfonce le Destin pour se ruer dans la réalité. Ernst Jünger aurait parlé de l'³irruption de l'élémentaire². Pour Bäumler, le ³sujet² a peu de valeur en soi, il n'en acquiert que par son Action et par ses Décisions historiques. Ce déni de la ³valeur-en-soi² du sujet fonde l'anti-humanisme de Bäumler, que l'on retrouve, finalement, sous une autre forme et dans un langage marxisé, chez Althusser, par exemple, où la ³fonction pratique-sociale² de l'idéologie prend le pas sur la connaissance pure (comme, dans la conception de Bäumler, le plongeon dans la vie réelle se voyait octroyer une bien plus grande importance que la culture livresque de l'idéologie des Lumières ou du classicisme allemand). Pour Althusser, dont la pensée est arrivée à maturité dans un camp de prisonniers en Allemagne pendant la 2ième Guerre mondiale, l'idéologie (la Weltanschauung?), était une instance mouvante, portée par des penseurs en prise sur les concrétudes, qui permettait de mettre en exergue les rapports de l'homme avec les conditions de son existence, de l'aider dans un combat contre les ³autorités figées², qui l'obligeaient à répéter sans cesse,  ‹³sisyphiquement² serait-on tenter de dire‹, les mêmes gestes en dépit des mutations s'opérant dans le réel. Pour Althusser, l'idéologie ne peut donc jamais se muer en une science rigide et fermée, ne peut devenir pur discours de représentation, et, en tant que conceptualisation permanente et dynamique des faits concrets, elle conteste toujours le primat de l'autorité politique ou politico-économique installée et établie, tout comme l'³anarchisme² gauchiste et nietzschéen de Landauer refusait les rigidifications conventionnelles, car elles étaient autant de barrages à l'irruption des potentialités en germe dans les communautés concrètes. Enfin, il ne nous paraît pas illégitime de comparer les notions d'³authenticité² chez Bäumler (et Heidegger) et de ³concrétude² chez Althusser, et de procéder à une ³fertilisation croisée² entre elles.

L'anti-humanisme de Bäumler repose, quant à lui, sur trois piliers, sur trois ¦uvres: celles de Winckelmann, de Hölderlin et de Nietzsche. Winckelmann a brisé l'image toute faite que les ³humanités² avaient donné de l'antiquité grecque à des générations et des générations d'Européens. Winckelmann a revalorisé Homère et Eschyle plutôt que Virgile et Sénèque. Hölderlin a souligné le rapport entre la grécité fondamentale et la germanité. Mais l'anti-humanisme de Bäumler est une ³révolution tranquille², plutôt ³métapolitique², elle avance silencieusem

lundi, 03 décembre 2007

J.J. Esparza: Curso General de Disidencia

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José Javier Esparza:

Curso General de Disidencia

Apuntes para una visión del mundo alternativa

http://es.geocities.com/sucellus24/CGD_index.htm...

vendredi, 09 novembre 2007

Polémique sur G. Faye

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Yann-Ber TILLENON:

À PROPOS DE LA POLÉMIQUE SUR GUILLAUME FAYE

Il me semble, finalement, que le réel problème posé par Guillaume Faye, est bien au-delà des états d’âme subjectifs et des interprétations concernant quelques diffamations, trahisons, calomnies, fantaisies, canulars, délires humoristiques etc… Une analyse constructive s’impose.

Le problème est très intéressant pour comprendre ce que nous devons faire. Il est, je pense, très objectif. Face à l’impérialisme islamo arabe en Europe qui le révolte, Guillaume Faye, depuis quelque temps, s’est orienté vers une tentation pour l’impérialisme cosmopolite américain anti arabe.

C’est une grave erreur qui se répète souvent dans l’histoire. Elle surgit quand des combattants très actifs, comme lui, sont déçus par leur propre peuple passif et inconscient qui ne les suit pas. Effectivement, le peuple préfère aujourd’hui rester un grand tube digestif de la société de consommation.

Le peuple se vautre dans la soumission et la collaboration. Les « résistants » conscients rejoignent alors, comme cela arrive souvent, un impérialisme qui pourrait les aider à se débarrasser de leurs envahisseurs.

Cette erreur fut, par exemple, celle d’une fraction du mouvement nationaliste breton et d’autres mouvements de libération pendant la seconde guerre mondiale. Les Bretons cherchèrent à profiter de la victoire passagère du pouvoir impérialiste allemand pour se libérer du pouvoir impérialiste français puisque le peuple breton ne les suivait pas. On connaît la suite…

Seules les petites nations européennes, nommées péjorativement « régions » ou « provinces » par les États nations constituent l’Europe authentique. C’est cette Europe que nous devons projeter dans une future postmodernité. Les « Régions » forment le grand peuple européen, contre les États nations impérialistes qui ont toujours cherché à les soumettre, les neutraliser. Ils les ont même poussées à s’exterminer entre elles dans des guerres qu’ils ont organisées pour cela, comme en 14/18.

La libération européenne se fera grâce à un mouvement dialectique de l’histoire en opposition aux deux grands envahisseurs de l’Europe et de ses États nations collaborateurs. Ces deux impérialismes se complètent. Le premier, « arabo musulman » a besoin du soutien du cosmopolitisme américain, de son idéologie du métissage, pour justifier sa conquête. Le deuxième a besoin de l’invasion des premiers pour faire perdre toute conscience d’enracinement national aux peuples d’Europe et ainsi pouvoir les dominer et les gouverner.

Seules les petites nations, les peuples de culture, constituent la seule vraie Europe réelle à mettre en forme politique. À plus forte raison, l’addition de leurs mouvements de libération constitue le mouvement de libération de l’Europe, c’est-à-dire le « mouvement européiste » de la grande fédération.

Ce mouvement ne peut pas se permettre de demander, sans se discréditer, une aide au camp des oppresseurs. C’est malhonnête et stupide. C’est un dérivatif, un mensonge dialectique. C’est un pis-aller opportuniste de combattants désemparés quand ils sont perdus, en totale contradiction avec eux-mêmes. Déboussolés, ils avouent leur impuissance comme les naufragés sur un radeau font appel au paquebot qui a fait couler leur bateau...

Le fondement même de tout mouvement de libération d’un peuple, aujourd’hui comme hier, c’est une réaction contre l’aliénation, quand ce peuple devient « autre » que lui-même. Chez nous, cela fait suite à l'occupation, à la colonisation des peuples d’Europe par des populations et des systèmes politico-religieux qui leur sont étrangers.

Ceci est la suite logique des systèmes politiques internes de l’Europe physique. C’est le résultat des nationalismes des Etats nations. Ils ont organisé la fragmentation, le génocide des peuples européens depuis le 19e siècle pour les neutraliser. Ils ont ainsi rendu possible l’actuelle invasion par la chute démographique en Europe divisée.

Le mouvement européiste de libération est donc forcément constitué des mouvements de libération des petites nations aliénées. Il doit créer un nouvel ordre international. Ce nouvel ordre ne peut naître que sur les ruines des impérialismes qui détruisent les petits peuples d’Europe et du monde. Ils détruisent même aujourd’hui l’équilibre naturel de la planète, comme l’impérialisme marchand du mondialisme cosmopolite américain.

Les combattants du mouvement européiste de libération sont des artistes historiens, des créateurs. Ils ont pour mission de faire exister ce qui n’existe pas encore. Ils ne peuvent donc que refuser toute espèce de compromission avec quelque impérialisme que ce soit, avec ce qui existe déja. Demander secours à une puissance impérialiste particulière, ou flirter avec elle, contre un autre impérialisme équivaut à renforcer l’impérialisme en général. C’est donc combattre le fondement même du mouvement de libération européiste.

Guillaume Faye a eu, maladroitement, la bonne idée de poser un problème philosophique fondamental. La solution, c’est de structurer, coordonner tous les mouvements de libération en Europe. Ainsi ils pourront créer un vrai mouvement puissant de libération.

Il pourra alors devenir, historiquement, le germe d’un État fédéral européen de Brest à Vladivostok. Une nouvelle civilisation peut naître de cette nouvelle grande communauté humaine. Elle peut prendre une nouvelle forme historique, être un nouvel archétype dans l’histoire pour sauver l’humanité aujourd’hui alarmée par sa possible disparition.

Elle peut devenir exemplaire pour cette humanité menacée, en cette fin de modernité, en appliquant une philosophie pratique quotidienne, un nouveau savoir-vivre. Elle pourra acquérir son indépendance politique économique et culturelle. Ses adeptes n’auront plus besoin de recourir à une puissance étrangère ennemie car ils auront eux-mêmes la puissance d’un nouvel ordre chez eux.

Yann-Ber TILLENON. (07 11 07)

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jeudi, 08 novembre 2007

R. Steuckers: discours à Vienne

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Discours de Robert Steuckers à Vienne à l’occasion du 10ième anniversaire de l’hebdomadaire « zur Zeit »

 

Mesdames, Messieurs, chers amis,

 

D’abord, je vous apporte un salut amical des anciens Pays-Bas autrichiens, dont le sujet le plus célèbre fut sans conteste le Feld-maréchal et Prince de Ligne, mort en vos murs et dont j’ai visité le magnifique château de Beloeil cet été. Ceci pour dire que nous avons tout de même, en dépit d’une séparation de plus de deux siècles, de très belles pages d’histoire commune.

 

Ensuite, je voudrais rappeler, en cette occasion unique, qu’il y a déjà plus de vingt ans que les premiers étudiants viennois du groupe, qui allait plus tard participer au lancement de « zur Zeit », sont venus nous voir en Flandre à l’occasion de séminaires européens, visites qui ont forgé, au fil des années, une amitié indéfectible. Dès la fin des années 80, nous voyions arriver, chaque printemps, un minibus autrichien plein d’étudiants, avec leur guitariste attitré, et, quelques jours plus tard, nous revoyions ce véhicule rouge bordeaux partir, chargé de bières d’abbaye et de Kriek du Payottenland !

 

Ces séminaires furent suivis d’universités d’été en Provence, en Ombrie, en Lombardie, dans le Trentin et en Basse-Saxe (de 1993 à 2000), d’un colloque international à Vienne sur le centenaire du philosophe traditionaliste italien Julius Evola en 1998, d’une visite mémorable en Carinthie en 2002 et d’un débat près du Belvédère assorti d’un voyage privé et familial en 2004.

 

En l’an 2000, le ministre belge des affaires étrangères, Louis Michel, encore l’une de ces figures qui nous déshonorent et qui sont l’indice de la dégénérescence politique du royaume, avait, dans un discours profondément imbécile, fustigé le peuple autrichien parce qu’il n’avait pas voté selon ses désirs, et interdit par la même occasion aux Flamands et aux Wallons d’aller skier en Autriche ; peu après ce discours de malotru, foulant aux pieds les règles les plus élémentaires de la courtoisie diplomatique, j’ai reçu, en avril, un coup de téléphone des amis de Vienne, perplexes et meurtris, et, pour leur mettre un peu de baume au cœur, nous avons décidé d’organiser un petit tour de Flandre pour démontrer que la vox populi était bien différente de celle du minable ministre des affaires étrangères. Une quinzaine d’étudiants ont ainsi débarqué à Bruxelles, où ils ont aussi rencontré des amis de Liège, de Mons et de Charleroi, avant de pérégriner vers Gand, Bruges et Anvers, où ils furent chaleureusement reçus, une chaleur humaine qui infirmait clairement les propos haineux de Louis Michel.

 

Plus tard, des lecteurs plus âgés de « zur Zeit » ont fait le voyage en car vers Bruxelles et les autres villes flamandes dans une optique à la fois culturelle et politique, alternant les visites sur les sites touristiques habituels et les visites politiques aux différents parlements que compte la capitale belge. Au-delà des barrières générationnelles, l’amitié n’a donc cessé de se renforcer.

 

Le thème du mot que j’ai adressé, il y a quelques jours, à la rédaction de « zur Zeit » était avant tout celui du droit à la satire. J’entends prononcer un plaidoyer pour la satire et l’impertinence dans tout langage politique offensif, pour la création de caricatures mordantes  -et, à ce propos, je suis heureux de constater que, dans le numéro actuel de « zur Zeit », un vibrant hommage a été rendu au caricaturiste du journal-  et pour un retour à l’esprit d’un grand titre allemand, le « Simplicissimus », avec son logo représentant un bouledogue rouge.

 

Mais j’avais écrit ces quelques lignes sur la nécessité de donner une dimension satirique à la presse d’opposition, en notre époque de censure et de « political correctness », sans savoir que l’éditeur belge de la feuille satirique bruxelloise « Père Ubu », dernier flambeau de résistance dans les kiosques en Belgique francophone, mourrait dans une clinique de notre capitale. Je veux parler de Rodolphe, alias Rudy, Bogaert. Certes, Bogaert ne partageait pas notre vision du monde : sur l’Amérique, sur le Moyen Orient et, dans une certaine mesure, sur le monde islamique, nous n’étions en rien d’accord, puisque nous sommes, nous, pour le découplage total entre l’Europe et l’Amérique, pour le retrait des troupes américaines d’Irak, contre les menaces de guerre en Iran et pour une réhabilitation des régimes laïcs arabes.

 

Il n’empêche que dans notre période de confusion totale, Bogaert apportait chaque semaine une bouffée d’air frais : tous les politicards véreux du royaume étaient fustigés dans les colonnes de « Père Ubu ». Bogaert était le seul à dénoncer leurs turpitudes, à les moquer, à les stigmatiser. Ses cibles étaient surtout socialistes (Arena, Onkelinks, Flahaut, Moureaux, etc.), mais le « bizarre Monsieur Michel » (« der seltsame Monsieur Michel »), comme vous l’appeliez ici à Vienne, n’était jamais épargné et « Père Ubu » dressait à longueur de semaines la liste de ses manquements, gaffes, maladresses et corruptions. Voilà pourquoi, parce qu’il y a recul de la liberté de protester par un coup malencontreux de la « Grande Faucheuse », je me permets d’essuyer quelques larmes pour ce pauvre Bogaert, en votre présence et parce que nous devons, quelque part, reprendre le flambeau.

 

L’impertinence de ton, le mordant des critiques, surtout si elles sont émises par un caricaturiste, par un humoriste, sont des armes métapolitiques qui font toujours cruellement mouche. Dans un monde où règne l’uniformisation générale, la mise au pas des esprits libres, dans un monde qui commence à correspondre aux pires cauchemars de George Orwell et d’Aldous Huxley, la moquerie, le rire, l’esprit de Villon, de Rabelais, de Voltaire ou d’Oscar Panizza sont plus que jamais nécessaires. Notre monde, effectivement, mêle, dans son idéologie dominante, la police de la pensée, l’immixtion de cette police en tout, le refus obstiné de l’histoire passée que l’on retrouve dans le « 1984 » d’Orwell, et les paradis artificiels du sexe et de la drogue, la permissivité totale manipulatrice et privatrice de libertés concrètes et réelles, qui sont esquissés dans « Brave New World » d’Huxley. Le mixte des deux modes de contrôle, le « hard » et le « soft », à dosages divers selon les cultures politiques, forme la trame profonde de la « political correctness » d’aujourd’hui. En bout de course, il ne nous reste plus que les seules opinions fabriquées par les grandes agences de presse, dont les QG se trouvent la plupart du temps outre-Atlantique.

 

Avec chacun des conflits récents, des faux charniers de Timisoara/Temeschburg aux faux massacres du Kosovo, des armes inexistantes de destruction massive de Bagdad aux événements du Myanmar, nous avons vu à l’oeuvre les machines à formater les têtes, à désigner le croquemitaine à abattre ou à pendre, machines qui ne poursuivent évidemment pas l’objectif d’humaniser la politique, mais, plus concrètement, à réaliser des objectifs géopolitiques depuis longtemps inscrits à l’agenda (au Myanmar : empêcher la construction d’oléoducs vers la Chine pour éviter de passer par le Détroit de Malacca, point d’étranglement permettant de barrer, le cas échéant, la route des pétroliers vers une puissance montante des rives pacifiques de l’Extrême Orient).

 

Toutes ces raisons doivent nous amener à retourner, et bien vite, à l’esprit du bouledogue rouge du « Simplicissimus », qui aboiera, haut et clair, le rictus rigolard, les vérités que veulent cacher les machines propagandistes de l’idéologie dominante.

 

Le spécialiste russe de Rabelais, Mikhail Bakhtine, philologue et romaniste hors pair, disait, quand il entendait réhabiliter la vigueur langagière du 16ième siècle français, qu’il fallait ressusciter la « langue du peuple sur la place du marché », langue crue, langue vraie, langue cruelle pour les pouvoirs arbitraires, pour les menteurs en place. Chez lui, cette volonté de retrouver pareil langage constituait, bien entendu, une critique subtile et camouflée du pouvoir soviétique de son temps ; elle était subtile car elle se plaçait du côté du peuple en se posant ainsi comme marxiste, le marxisme officiel réhabilitant le peuple du 16ième siècle car cette époque était jalonnée de jacqueries paysannes contre les pouvoirs qui devenaient petit à petit absolus. Le marxisme soviétique cherchait à s’identifier aux luttes populaires de la fin du moyen âge et du début de l’ère moderne. Aujourd’hui, les établissements traitent de « populistes » tous ceux qui les critiquent, parce qu’ils se font les avocats et les porte paroles de la population grugée et muselée, qui risque, un jour, de se révolter comme les paysans des 15ième et 16ième siècles.

 

Pour les vingt prochaines années de vie de « zur Zeit », suivons le conseil de Bakhtine et écoutons la véritable voix du peuple, au-delà de toutes les platitudes de la « political correctness », qui ne nous permet plus d’être hommes, car le propre de l’homme, comme vient de nous le rappeler tout à l’heure le Dr. Otto Scrinzi, est d’être une créature ouverte au monde, en état de perpétuelle ouverture et de réceptivité, permettant d’apporter toujours des réponses adaptées aux défis mortels du monde physique et politique. Cette plasticité de l’âme humaine est meurtrie aujourd’hui par les tenants de la « correction politique », qui ne cessent de la grever de ballasts pesants et inutiles, car toute expression de cette plasticité pourrait jeter bas leurs pouvoirs. La satire, la langue du peuple sur la place du marché, l’impertinence et l’effronterie de l’humoriste sont les dissolvants nécessaires qui réduiront à néant ces ballasts. Sans le droit à la satire, la réalité politique se rigidifie, moisit et meurt.

 

Notre objectif est d’enrayer cette œuvre mortifère, en Autriche, en Allemagne, dans les Pays-Bas du Nord comme du Sud. En Hollande, le peuple retrouve ses traditions satiristes, celles des actualistes des années 20, celle des Pissuyt, Wichman et Blokzijl, celle des provos de gauche dans les années 60 et 70 ; il les retrouve avec le trio Pim Fortuyn, assassiné, Van Gogh, assassiné, et Wilders, dont nous ne partageons évidemment pas toutes les valeurs ou obsessions, loin s’en faut, mais qui ont le mérite de créer une effervescence salutaire et de secouer hardiment le cocotier. En Italie, un certain Beppe Grillo mobilise les foules avec son « Vaffanculo Day », au grand dam des politiciens de l’établissement, à la notable exception de Berlusconi qui ricane et dit que cela lui rappelle ses premières années de succès au début de la décennie 90 du siècle qui vient de s’écouler. Grillo provoquera-t-il un raz-de-marée comme le firent jadis le mouvement « Forza Italia » de Berlusconi et les propos forts et tonifiants d’Umberto Bossi et de sa « Lega Nord » ? Quoi qu’il en soit, nous voyons qu’aux Pays-Bas comme en Italie, le style satiriste fonctionne et provoque des failles dans le béton du bunker de la « correction politique ».

 

Nous voulons aussi enrayer cette œuvre mortifère au Parlement Européen, au sein de la fraction ITS ou en dehors d’elle. Mais, dans le reste de la société, à la base, cette tâche est notamment dévolue, me semble-t-il, aux corporations étudiantes, aux Burschenschaften.

 

Je vous remercie.

 

Robert Steuckers,

Vienne, 30 octobre 2007.

 

mercredi, 07 novembre 2007

Pour un langage impertinent !

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Un combat pour un langage impertinent et mordant en politique !

 

Message amical de Robert Steuckers à la rédaction du journal hebdomadaire « Zur Zeit » (Vienne), à l’occasion de son dixième anniversaire

 

« Political Correctness » ? Non merci ! Est-ce là encore une platitude de notre monde moderne, qui voudrait subitement ne plus être « moderne », comme nous ? Peut-être. Ou peut-être pas. Car créer un hebdomadaire conservateur (des valeurs et non des structures) qui soit simultanément libre d’esprit, freisinnig, cela signifie vouloir immuniser le citoyen contre l’emprise des « généralités » rigides, qui tiennent le haut du pavé en Europe aujourd’hui. Un tel combat n’est ni d’hier ni d’avant-hier. La galerie des ancêtres, qui nous ont précédé dans cette lutte, est impressionnante.

 

Notre maître à tous, Armin Mohler, avait posé le combat contre toutes les « généralités » dominantes, terriblement simplificatrices, et pour le maintien de l’infinie diversité du monde comme l’ « agonalité » en soi. Aux sources des « généralités » qui sévissent aujourd’hui, nous trouvons une interprétation boiteuse de la philosophie des Lumières, interprétation boiteuse qui est couplée à une apologie du bavardage que l’on veut nous servir sous la forme de la « raison communicationnelle » de Jürgen Habermas. Cette interprétation pauvre et limitée des Lumières, propre au jacobinisme, fait en sorte que a) toute continuité particulière de nature historique est biffée, car, dans cette optique, tout ce qui a été jadis est d’office considéré comme irrémédiablement révolu ; ensuite, b) cette interprétation boiteuse géométrise ou rend abstraite toute pensée politique (cf. Georges Gusdorf), ce qui entraîne que toute communauté politique/historique se voit vidée de ses forces originales par des zélotes frénétiques, si bien, qu’en bout de course, il n’y a plus qu’un et un seul possible qui soit toléré : la répétition ad infinitum du même discours monotone et dévitalisé, ce qui revient à répéter les « vérités » abstraites posées une fois pour toutes par ces zélotes autoritaires.

 

Les peuples doivent dès lors écouter l’appel : « Prolétaires de tous les pays, devenez des perroquets bavards ! ». Chaque mot qui n’est pas la répétition du déjà répété se verra labelliser « scandaleux », contraire à l’esprit perroquet, voire « fasciste » pour reprendre, ironiquement et pour une fois, les tics langagiers de notre misère contemporaine. Orwell nous salue, de là où il se trouve aujourd’hui ! Nous exigeons dès lors le droit de ne plus avoir à répéter les slogans pétrifiés de la « correction politique », nous réclamons le droit d’innover, le droit de pérégriner à nouveau vers les sources vives, vers les fleuves, qui sont certes toujours les mêmes fleuves mais dont les eaux ne sont jamais identiques, ne coulent jamais de la même façon (Héraclite !). Raison pour laquelle, il s’avère impératif de créer un autre langage politique, un langage qui rend à nouveau les concepts fluides, qui corrode et dissout les rigidités de l’établissement par son insolence et son acidité, qui s’exprime par le rire et la moquerie ! Notre arme principale doit être ou redevenir l’ironie ; notre tâche principale est de ramener à la vie la fraîcheur d’esprit de ce bon vieux Diogène !

 

Les revues sont les laboratoires de l’avenir, qui ont pour tâche de saisir le devenir et l’effervescence du monde, et, de ce fait, il n’y a pas d’avenir possible si l’on n’obtient ou ne conquiert pas le droit d’affirmer de nouvelles valeurs ou de raviver des valeurs anciennes et fondamentales, sans avoir à craindre de censure.

 

Voilà pourquoi je souhaite encore de longues années d’agonalité à « zur Zeit » et à ses animateurs, et surtout, en particulier, à ceux d’entre eux que je connais depuis de si longues années et qui sont venus de Vienne, tout jeunes, pour participer aux séminaires de Munkzwalm en Flandre orientale avec des amis accourus de toute l’Europe, ce qui a forgé des liens d’amitié indéfectibles. Je leur souhaite donc de longues années d’agonalité, ce qui mettra indubitablement du sel dans notre soupe quotidienne. Je nous souhaite à tous une longue route pleine de découvertes et d’enrichissements intellectuels, avec des hauts et des bas, et toujours bien loin des fades opinions de nos contemporains repus, opinions que nous allons, bien évidemment, moquer avec polissonnerie, sans trêve et dans la joie ! Glück Auf !

 

Robert Steuckers.

mardi, 30 octobre 2007

Ein Kampf für eine frech-bissige Sprache in der Politik

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BOTSCHAFT ROBERT STEUCKERS ZUR GELEGENHEIT DES JUBILAEUMSFEIER DER WIENER WOCHENZEITSCHRIFT "ZUR ZEIT"

Ein Kampf für eine frech-bissige Sprache in der Politik !

„Political Correctness“? Nein Danke ! Noch eine Schablone der Moderne bzw. Postmoderne, die aber nicht als „modern“ gelten will? Vielleicht. Aber vielleicht auch nicht. Eine wertkonservative und freisinnige Wochenzeitschrift zu gründen heisst selbstverständlich den Bürger gegen die Zugriffe steifer „Verallgemeinheiten“ immunisieren zu wollen. Ein solcher Kampf ist nicht von gestern noch von vorgestern. Die Ahnenreihe der Kämpfer in diesem Ringen ist lang.

Unser aller Lehrmeister Armin Mohler hat der Kampf gegen alle „Verallgemeinheiten“ und für die zu erhaltende Buntheit der weiten Welt als das „Agonale“ schlechthin gestellt. An der Quelle der heutigen „Verallgemeinheiten“ steht eine verballhornte Interpretation der Aufklärung, die an eine Apologie des Schwätzens in der Form der Habermaschen Kommunikationsvernunft gekoppelt ist. Diese verarmte Aufklärungsdeutung jakobinischer Prägung a) schliesst jede partikularen Kontinuität geschichtlicher Art aus, da alles was einmal da war, als mangelhaft weil unvermeidlich veraltet betrachtet wird, und 2) geometrisiert bzw. abstrahiert jedes politische Denken (George Gusdorf), was dazu leitet, dass jedes gewachsene organisch-politische Gemeinwesen seiner ursprünglichen Kräften willkürlich durch besessene Eiferer entledigt wird, sodass nur noch eine einzige Möglichkeit toleriert wird: die endlose Wiederholung des gleichen eintönigen und blutlosen Diskurses, d. h. das Repetieren der schon einmal für immer autoritär gesetzten abstrakten „Wahrheiten“.

Völker hört das Signal: Proletarier aller Länder, werdet endlich schwatzhaftige Papageien! Jedes Wort, das nicht Wiederholung des Wiederholten ist, wird als skandalös  nicht-papageiisch betrachtet, also als „faschistisch“, um das fade Sprachgebrauch unserer zeitgenössischen Misere einmal ironisch zu benutzen. Orwell lässt grüssen! Wir fordern das Recht, nicht mehr starre Schlagworte wiederholen zu dürfen, das Recht zu erneuern, das Recht, wieder zur Quellen zu pilgern, zu Flüssen, die zwar immer die gleichen Flüsse sind, aber wo die Gewässer nie wiederholend-identisch sind (Herakleitos!). Deshalb ist die Schaffung einer anderen Politsprache notwendig, eine Sprache, die die Begriffe wieder flüssig macht, die die Rigiditäten des Etablierten durch ihre Frechheit und Bissigkeit lachend und spottend ätzt und auflöst! Unsere Hauptwaffe sollte wieder die Ironie sein und bleiben; unsere Hauptaufgabe ist die Seele des guten alten Diogenes wieder frisch lebendig zu machen!

Zeitschriften sind Laboratorien der Zukunft, die das Werden und die Gärung der Welt ergreifen, und es gibt aber keine mögliche Zukunft, wenn nicht erneuernd und furchtlos neue Werte oder neu wieder belebte Werte behauptet werden dürfen.

Deshalb wünsche ich „ZZ“ und seinen Mitarbeitern und unter ihnen insbesondere diejenigen, die ich schon so lange Jahre kenne und die noch damals in ihren sehr jungen Jahren im ostflämischen Munkzwalm mit Freunde aus ganz Europa mit mir getagt haben, was eine sehr dauerhafte Freundschaft geschmiedet hat, noch viele lange Jahre „Agonalität“, was unzweifelhaft Salz in unserer täglichen Lebenssuppe streuen wird. Ich wünsche uns alle, einen langen Weg voller Entdeckungen und Bereicherungen, mit Auf und Ab, stets weit von den blassen Gesinnungen unserer satten Zeitgenossen, Gesinnungen, die wir frech, pausenlos und lustig bespotten werden! Glück Auf!

Robert Steuckers, Brüssel.

mercredi, 17 octobre 2007

Les 8 questions auxquelles A. de Benoist n'a jamais voulu répondre

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Les huit questions auxquelles Alain de Benoist n’a jamais voulu répondre…

Fin 1990, début 1991, Alain Benoist me convoque et me soumet un projet. Il voulait que je l’interviewe pour Vouloir ou Orientations, afin de mettre en exergue, par le biais d’un tel en­tretien, les nouvelles pistes que la Nou­velle Droite était sur le point d’em­prunter. Alain de Benoist m’explique que la situation politique et intellec­tuelle de la France et les mentalités en général ont considérablement changé depuis la naissance de la Nouvelle Droi­te, plus exactement du GRECE et de la revue Nouvelle école en 1968-69. Dès lors, ajoutait-il, le GRECE ne peut plus véhiculer certains idéolo­gè­mes, devenus obsolètes au fil du temps. En revanche, il s’avère impé­ra­tif d’explorer de nouvelles pistes. Mais cette nouveauté risque de provoquer le désarroi chez d’anciens militants, en­core trop prisonniers de schémas dé­passés, m’a-t-il précisé. Vouloir ou Orientations sont des revues extérieu­res au mouvement, elles sont publiées hors de France : elles sont donc le trem­­plin idéal pour lancer ces nou­vel­les pistes.

Les arguments d’Alain de Benoist me semblaient judicieux et correspon­daient effectivement à mon analyse de­puis 1989, où, en juin de cette an­née, par ma première conférence of­fi­cielle au GRECE depuis mon retour (1), j’avais réclamé (en vain !) une ou­ver­ture aux nouvelles recherches pros­pec­tives et fondamentales de la phi­losophie française. En réclamant cette ouverture, je suivais un conseil d’Ar­min Mohler, engageant les lec­teurs de Criticón à lire les post-mo­der­nes français à travers l’analyse de leurs œuvres que proposait, avec un re­­marquable esprit de synthèse, le pro­­fesseur allemand Wolfgang Welsch, spécialiste incontesté de ces problématiques. Alain de Benoist a souvent écouté Armin Mohler, recopié ce qu’il disait, béatement paraphrasé ce qu’il énonçait dans le contexte alle­mand, sauf en ce qui concerne les post-modernes et les synthèses de Welsch, où il n’a pas été le bon petit é­lève obéissant, mais plutôt le cancre, sourd à tout bon conseil.

J’ai donc, à la demande explicite de de Benoist, composé les questions ci-des­sous que je lui ai faxées cinq jours plus tard. Mon objectif en posant ces questions : pouvoir expliciter les muta­tions idéologiques qui avaient jalonné l’itinéraire intellectuel du GRECE et de son animateur principal. Quand de Be­noist a reçu ces questions, il les a tout de suite contestées en montrant une ner­vosité incompréhensible, il a criti­qué des détails sans importance (le fait d’utiliser le terme « dada » pour dé­signer des engouements philoso­phi­ques), il n’a abordé aucune des thé­matiques de fond, soulevées par mes questions. Lors d’une entrevue quel­ques semaines plus tard, il a ré­i­té­ré ces critiques sans me donner d’ex­plications satisfaisantes. De Be­noist é­tait dans un état de nervosité bizarre, ses paroles étaient ponctuées de drô­les de rictus, ses doigts se cram­pon­naient à ses longues cigaret­tes, dont il as­pirait la fumée à grosses bouffées. Inutile de préciser qu’il n’a JA­MAIS ré­pondu à cette proposition d’en­tretien, qu’il avait lui-même récla­mé ! Pour­tant, une brochure avec des réponses clai­res aurait permis de cla­ri­fier les po­sitions de la Nouvelle Droi­te, d’orienter les militants et les sym­pa­thisants de ce courant de pensée. Je soumets au­jour­d’hui ces questions aux lecteurs de Vouloir. A eux de ju­ger comme il se doit le silence du gou­rou de la Nou­velle Droite. Un silence plus révélateur que tous ses discours et écrits…

HUIT QUESTIONS A ALAIN DE BENOIST

La Nouvelle Droite: histoire, destin, évolution, ruptures

1. Quand vous avez fondé avec quel­ques-uns de vos amis les structures qui allaient donner naissance à Nou­velle Ecole puis au GRECE et à la mou­vance «Nouvelle Droite», vous é­tiez animé par un désir de rupture. Une rupture qui tournait le dos à l'agitation politique groupusculaire pour approfondir les fondements, non seulement des sciences politiques, mais de toutes les disciplines humai­nes. Près de 25 ans après, comment jugez-vous cette rupture qui a décidé de votre destin de «journaliste méta­politique», de «maître-à-penser» d'u­ne génération hostile à bien des com­promissions?

2. Il serait peut-être utile aussi que vous nous rappeliez le contexte global de cette époque où vous avez amorcé votre rupture, tant sur le plan philo­so­phique, avec la vogue existentialiste, que sur le plan politique, avec les guer­res de décolonisation et du Viet­nam. En effet, les jeunes gens des années 70 et 80, a fortiori ceux qui seront la génération des années 90, ont baigné dans des atmosphères in­tellectuelles et politiques très diffé­ren­tes et certains d'entre eux m'ont déjà exprimé le souhait de connaître les mo­tivations et les sentiments qui ac­com­pagnaient les premiers balbutie­ments de ce qui allait devenir la «Nou­velle Droite»?

3. Votre «démarche rupturale initiale» est contemporaine de mai '68. Dans l'u­niversité d'alors, sur le terrain po­litique, dans les débats intellectuels, quels ont été les facteurs qui ont dé­terminé vos options, quels sont les cli­vages qui vous semblaient incon­tour­nables et empêchaient tout dialogue avec les «contestataires d'en face». Je pose cette question en sachant très bien qu'il existe aujourd'hui chez beau­coup d'ex-soixante-huitards une volonté très nette de brûler ce qu'ils ont adoré et de dénoncer l'«anti-humanisme» de leur jeunesse. Dans certains de vos écrits récents, vous soulignez, à rebours des « renégats de 68», le grand intérêt intellectuel de certains linéaments philosophiques de cette époque contestataire. Quel ju­ge­ment pose l'Alain de Benoist d'au­jour­d'hui?

4. Vous avez posé un pari faustien et prométhéen au début de votre aven­ture intellectuelle, assorti d'une criti­que de la sinistrose et du mythe du bon sauvage (notamment dans la forme que celui-ci prenait chez Claude Lévi-Strauss) et d'une apologie du «gé­nie européen». De ce fait, vous a­vez été accusé de «racisme» par quel­ques adversaires manichéens, dont les héritiers sévissent encore au­jourd'hui. Vous étiez sur la même lon­gueur d'onde qu'un André Reszler lorsqu'il écrivait L'intellectuel contre l'Europe (PUF, 1976). Par la suite, vo­tre pensée semble avoir connu une sor­te de retournement: la linéarité quantitativiste du matérialisme occi­den­tal, vous avez commencé à la con­sidérer comme un avatar matérialiste de la linéarité judéo-chrétienne. Ipso facto, cette linéarité est devenue en quelque sorte votre «ennemi prin­ci­pal», auquel vous opposez les essen­ces identitaires qu'elles soient euro­péen­nes ou extra-européennes. Mais dans ce cheminement philosophique, qui est le vôtre, on assiste à une mu­ta­tion dans votre définition de l'identité européenne: celle-ci ne serait plus ex­clusivement de nature faustienne/pro­méthéenne mais autre, c'est-à-dire moins vectorielle, moins progressiste, moins marquée par les linéarités du judéo-christianisme et de ces avatars laïcisés. Pouvez-vous nous préciser cette nouvelle définition de l'identité eu­ropéenne?

5. Des auteurs comme Robert Mu­chem­bled (avec sa distinction entre la «culture des élites» et la «culture du peuple») ou Carlo Ginzburg (avec son analyse des propos d'un meunier friou­lan promis au bûcher de l'In­qui­si­tion) ont-ils joué un rôle dans l'é­volution de votre pensée, partie d'un prométhéisme assez techniciste et quantitativiste?

6. Toujours dans la même optique, vous êtes passé d'un dada philo­so­phique à un autre: en l'occurrence de l'empirisme logique anglo-saxon, intro­duit en France par l'un de vos maîtres-à-penser, Louis Rougier, pour aboutir à un discours anti-techniciste très mar­qué par Heidegger. Beaucoup de vos lecteurs n'ont pas compris cette évolution. Généralement, quand ils m'en parlent, je réponds que le «chaî­non manquant» dans cette évolution, est peut-être une réflexion sur la pen­sée de Wittgenstein, qui, au-delà de sa logique rigoureuse, de sa critique des ambiguïtés du langage, n'est pas dépourvue de mysticisme. Réflexion qui, de surcroît, n'a pas été consignée dans un texte majeur de vous-même ou de l'un de vos collaborateurs. Quelle est votre explication? Y a-t-il un lien entre le mysticisme de Witt­gen­stein et votre engouement pour Hei­degger?

7. La «nouvelle droite» est souvent ca­taloguée dans la mouvance d'un néo-paganisme. Votre critique de la li­néarité judéo-chrétienne vous a induit à ouvrir une réflexion sur le temps et l'histoire. En opérant cette réflexion, vous deviez nécessairement aborder les façons non linéaires de saisir temps et histoire notamment les théo­ries cycliques de l'histoire, propres aux cultures traditionnelles. Par ail­leurs, à la suite d'Armin Mohler, vous avez parlé de la sphéricité du temps: en clair, dans cette optique, le temps est une sphère et n'est pas vectoriel mais, en revanche, le cycle qu'il par­court n'est pas répétitif; à tout mo­ment, une direction nouvelle peut être impulsée par la volonté d'un peuple, d'un chef, d'une personnalité charis­ma­tique, d'un génie de la pensée, etc. Aujourd'hui, dans vos écrits les plus ré­cents, on aperçoit une influence crois­sante des auteurs traditionalistes comme Guénon, Evola, Schuon ou Coo­maraswamy. Avez-vous renoncé à la théorie sphérique de l'histoire, abandonné l’amor fati de Nietzsche, pour retrouver le silence immobile de la tradition? Votre approche païenne, approche basée sur une option pour le devenir et non pas pour l'être, s'es­tom­pe-t-elle, passe-t-elle au second plan?

8. Sigrid Hunke, dans son célèbre ou­vrage Europas andere Religion, dont vous avez patronné la traduction fran­çaise aux éditions Le Labyrinthe, a dé­montré que l'essence de la religiosité européenne était l'unité du monde, l'u­nité fondamentale de toutes les cho­ses qui s'exprime la plupart du temps par la mystique. Dans Comment peut-on être païen?, vous embrayé dans ce sens, en critiquant systématiquement les théologies et les pensées de la «cé­sure», des dualismes qui opèrent précisément une césure, en valorisant certaines catégories de choses et de faits et en en rejetant d'autres dans une géhenne d'opprobre, instaurant de la sorte la désacralisation d'une bon­ne partie du monde, notamment de la vie, de la sexualité, des énergies sourdes qui irriguent les cultures de l'hu­manité. A la critique hunkienne du dualisme métaphysique, vous avez quel­ques fois ajouté des éléments très féconds puisés dans la physique non dualiste, dans la logique du tiers-in­clus de Sté­phane Lupasco et de son disciple Basarab Nicolescu. Aujour­d'hui, Jean-Jacques Wunenburger, qui vient de collaborer à votre nouvelle re­vue Kri­sis, a élaboré une « raison contra­­dic­toire». Comment Alain de Be­noist re­lie-t-il aujourd'hui son option païenne anti-dualiste à la logique lu­pascienne du tiers-inclus voire à la «rai­son con­tra­dictoire» de Wunenbur­ger?

◊ ◊ ◊

Huit ans plus tard, nous attendons tou­jours les réponses d’Alain de Be­noist…

Notes :

(1) Je ne compte pas mon intervention fortuite lors du Colloque annuel de l’as­so­ciation en novembre 1986, où j’ai été con­voqué à mon grand étonnement, vraisem­blablement parce qu’on craignait la dé­fec­tion de Faye, qui contestait durement la di­rec­tion du GRECE, à ce moment ; après cet­te intervention au colloque de 86, je n’ai plus eu de contacts avec le GRECE jus­qu’en mai-juin 1989, période où Charles Cham­petier m’a demandé de prononcer cet exposé sur la post-modernité de juin 89, à la tribune du « Cercle Héraclite ». J’avais tou­tefois reçu une lettre de Charles Cham­pe­tier en juin 1988, me demandant une col­lection complète de mes publications pour ses archives personnelles. Champetier n’a­vait pas encore pris contact avec le GRE­CE. Je l’ai rencontré pour la première fois le 31 juillet 1988 en Suisse, lors d’une assem­blée de la Lugnasad, organisée à l’occasion de la fête nationale helvétique. Champetier est ensuite venu à Bruxelles en septembre 88 me demander des conseils sur la voie à suivre. Il a investi la ND, où il n’y avait quasi plus personne, donnant au mouvement d’A­lain de Benoist un souffle nouveau. C’est dans le cadre de ses nouvelles fonctions au GRECE que Champetier m’a invité en juin 1989, ainsi qu’en mars 1990, pour un collo­que sur le futurisme, avec Jean-Marc Viven­za et Omar Vecchio. Alessandra Colla ac­com­pagnait ces exégètes du futurisme. Je n’ai en aucune façon influencé Champetier dans le choix des orateurs. C’est ainsi que j’ai fait connaissance avec la future Prési­dente du Bureau Européen de Synergies Eu­ropéennes et avec J. M. Vivenza, grâce, je tiens encore à le préciser, à l’entremise de Charles Champetier et dans le cadre du GRECE. Mais aussitôt a­près cette ma­nifestation consacrée au futu­risme, derrière le dos de Champetier, une campagne de dé­nigrement systématique a été habilement or­chestrée contre Vivenza (un « fou ») et Ales­sandra Colla (une « dan­gereuse extré­miste ») et, partiellement, con­tre moi-même. Champetier a fini par pren­dre ces ragots pour argent comptant et par perdre son in­dé­pendance d’esprit ; il a ac­quis les réfle­xes sectaires de l’apparatchik et perdu toute originalité intellectuelle. Pire : il a abandon­né ses propres initiatives, le groupe de ré­fle­xion IDEE et, un peu plus tard, sa revue, modeste mais pertinente, Métapo. Char­les Cham­petier ne s’est jamais posé de ques­tions sur les rai­sons pratiques ou psy­chia­tri­ques qui pous­saient son « chef » à colpor­ter des ra­gots infondés contre cer­taines per­sonnes (sur­tout quand elles sont dotées d’un vérita­ble diplôme universitaire ou, mê­me, d’une pe­tite peau d’âne de ba­chelier !). Un tel com­portement empêchait à l’éviden­ce le mou­vement de se développer : un tel sa­bo­tage systématique est-il le résul­tat d’une dé­faillance comportementale ou psy­chique ou bien, plus subtilement, est-ce une tactique dû­ment réfléchie et inspirée par cert­ains ser­vi­ces ? Trop jeune et finale­ment fort naïf, Charles Champetier ne s’est appa­remment ja­mais rendu compte de la si­tua­tion… De mê­me, en ne répondant pas aux questions que je posais (à sa propre de­man­de ! ! !), l’a­ni­mateur principal du GRE­CE maintenait son mouvement dans un « flou artistique », per­mettant toutes les ma­ni­pulations. De plus, alors qu’il annonçait vou­loir rompre avec certains éléments pas­séistes de son grou­pe, on constate, dix ans après, que les mê­mes olibrius encombrants et ridicules (un ridicule qui tue !) continuent leurs pitreries drui­dico-avinées, cucu-nazies et pagano-bur­les­ques en marge des dis­cours doctes de de Benoist et Champetier, qui affirment, avec les trémolos de la vierge effarouchée, qu’ils n’ont rien à voir avec le IIIième Reich (ni avec David Mortimerson).

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vendredi, 28 septembre 2007

ND: débat Champetier/Tingaud/Steuckers

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Débat ND (13)

 

Lettre de Charles Champetier

Réponses de Grégoire Tingaud (MNR)

Réponses de Robert Steuckers

 

Cher Grégoire

Quelques remarques très rapides :

 

1.

Je n'ai jamais critiqué le FN parce qu'il était "populiste" (j'ai mêmerédigé il n'y a pas si longtemps une présentation élogieuse du principal théoricien américain du populisme, Christopher Lasch ; cf. "Les peuples  contre la Nouvelle Classe" in Eléments). Au contraire, le "gaucho-lepénisme" m'apparaissait comme un des aspects les plus intéressants du phénomène, à l'encontre de ses réflexes plus conservateurs (moins de fiscalité, critique facile du "gauchisme", ordre moral, valeurs chrétiennes, etc.), souvent dominants dans les discours.

 

GT - Je n'avais pas relevé cette subtilité dans tes propos, et je trouve ton explication contradictoire avec ton argumentation contre Guillaume Faye (qui selon toi "bunkeriserait" nos idées par un goût affirmé de la provocation et la flatterie à l'égard des pulsions supposées "racistes" du peuple).

Mais ce n'est pas la première fois que je découvre ton étonnante sympathie pour Le Pen et le lepénisme : serais-tu à ton corps défendant touché par ce "romantisme de la défaite" propre à cette extrême-droite que tu méprises tant ?..

 

RS - Je peux témoigner avoir entendu très souvent (trop souvent) Monsieur Champetier se moquer méchamment des réactions populaires et populistes, que celles-ci émanent du FN français ou d'autres formations politiques ou associations. Je prends note de son recours à des thèses américaines actuelles, au demeurant excellentes, qui posent le peuple (voire la "majorité silencieuse", dénomination que Champetier n'aime pas) aux nouvelles élites intellectuelles, tenaillées par des utopies idéologiques impossibles à incarner dans la réalité politique, et aux détenteurs du pouvoir marqués par cette bouillie idéologique. Utopisme et idéologie sont ici considérés comme les armes d'un pouvoir qui se proclame "démocratique" mais qui n'est rien d'autre que coercitif. Souvent les révoltes populistes américaines étaient fort anti-intellectualistes, plus anti-intellectualistes que les mouvements identitaires européens d'aujourd'hui. Champetier se contredit en quelque sorte...

 

Ensuite, je trouve curieuse la démarche de Champetier aujourd'hui, qui est si fier d'avoir recensé un ouvrage de Lash. Faye avait analysé cet auteur en profondeur dès 1980-81 (Bulletin intérieur du GRECE, Nouvelle école, Orientations, que CC compulse sa documentation ou celle de son patron). Lash a exercé une influence profonde sur Faye. D'où, nous sommes en présence d'un paradoxe supplémentaire: CC s'attaque aux nouvelles thèses de Faye, qui dérivent partiellement d'une lecture ancienne et attentive de Lash, tout en se réclamant du populisme de Lash. Pourquoi cette attitude pour le moins biscornue? Tout simplement parce que CC tente de flatter les directeurs de la revue américaine Telos, pour qu'il puisse encore y écrire un article. Or, Paul Piccone, directeur en exercice de cette revue intéressante, ne cache pas son enthousiasme pour la Lega Nord de Bossi, dont le discours sur l'immigration est tout de même fort musclé. Ce flou dans l'attitude de CC (et d'AdB qui se dissimule toujours derrière lui et tient souvent sa plume...) semble donner raison à Faye: leur attitude hostile à son égard est dictée par des motivations bassement commerciales. Ils veulent éliminer un concurrent, qui publie dans une autre maison d'édition que le Labyrinthe.

 

2.

Je pense que la "majorité morale" n'existe plus en tant que force politique ; elle perdure en revanche en tant que masse sociologique réactive sur des points précis de l'évolution de nos sociétés. Il me semble que les partis politiques ne sont plus les formes les mieux appropriées pour faire bouger les choses sur ces points précis (cf. le paradoxe connu depuis 16 ans: les deux-tiers des Français partagent certains points du programme FN-MNR

mais les deux-tiers des Français considèrent en même temps ces partis comme dangereux).

 

GT - Il y a eu de tout temps des personnes pour enterrer l'action politique en la qualifiant d'impasse.

Il n'empêche qu'elle est toujours là, et qu'elle peut, en complément d'autres initiatives, se révéler la plus efficace, ne serait-ce que par sa capacité à toucher le maximum de personnes.

 

RS - Que Champetier le veuille ou non, il existe une "majorité morale" dans tous les pays du monde, même si celle-ci n'a plus nécessairement des références chrétiennes. C'est là effectivement que réside la difficulté majeure pour ceux qui veulent l'action politique. Ils doivent prendre appui sur une minorité activiste, ou sur un ensemble (limité) de minorités activistes, dont le discours est profilé d'une certaine manière bien précise et non partagé, en apparence, par la majorité de la population. L'objectif est de conquérir cette majorité, en diversifiant les langages et les argumentaires, en leur donnant un ton naturel (c'est le succès de Haider), sans heurter les activistes du départ (qui tiennent à conserver leurs prérogatives au sein des partis, associations, etc.). Les partis politiques ne sont plus tout à fait des formes adéquates effectivement: il me semble qu'ils doivent être flanqués de lobbies, à la manière américaine. Il faut travailler sur les contradictions de nos sociétés, dont les oligarques et leur prêtraille d'idéologues sont responsables. Néanmoins, le travail en lobbies doit déboucher sur une traduction politique, via des formations participant aux élections. Il faut au moins faire perdre un maximum de voix aux partis établis, freiner leur progression. Si 2/3 des Français sont d'accord avec les idées des partis populistes mais les considèrent comme dangereux, c'est la un hiatus dû à la dictature médiatique, que doivent combattre les associations métapolitiques. Que CC se mette donc au travail.

 

3.

La loi Gayssot n'empêche nullement de créer un Observatoire de l'immigration ou même un Observatoire des minorités. Et sauf erreur de ma part, la discrimation religieuse est autant punie par la loi que la discrimination raciale. La focalisation sur l'Islam plaît surtout à une minorité catholique. Elle est contradictoire avec la focalisation sur l'ethnie.

 

GT - Je suis d'accord sur le premier aspect (si ce n'est que parler d'islam évite de parler ouvertement de "race", alors que le message sous-jacent est bien le même).

Quant à l'opportunité du combat contre l'islam - et a fortiori contre l'islamisme et l'islamisation - nous sommes évidemment en total désaccord, ce qui ne te surprendra pas. PS : Ce combat est d'autant moins réductible à une "minorité catholique" qu'il s'inscrit parfaitement dans une vision du monde polythéiste...

 

RS - Champetier semble accepter que les discriminations religieuses soient punies par la loi. Soit. Mais toute religion est discriminante par rapport aux autres. Donc on risque de ne jamais en sortir et d'en arriver, tôt ou tard, à la saturation des tribunaux (ce qui est logique quand on veut arbitrer les goûts et les couleurs, ce qui n'est pas la fonction du droit)... Ensuite, il n'y a pas si longtemps  —mais sans doute Champetier a-t-il la mémoire courte—  sa revue éléments revendiquait haut et clair le "droit au blasphème", donc le droit à s'opposer à toutes les formes d'intolérance religieuse, voire le droit de se moquer des dévots. Pourquoi Faye n'aurait-il dès lors pas le droit de s'insurger contre certaines dérives du fondamentalisme islamiste?

 

Quant à la "focalisation sur l'Islam" dont parle Champetier, elle n'est pas la spécialité d'une minorité catholique, mais se retrouve également dans bon nombre de milieux laïcs voire laïcards qui s'inquiètent justement du recul de l'esprit voltairien. De plus, les options "païennes" de la secte où officie Champetier, à la droite du gourou, ne sont pas davantage compatibles avec un islamisme fondamentaliste, même si quelques psychopathes qui s'y produisent se proclament tout à la fois catholiques, islamistes et païens. Mais ce n'est pas là un fait sociologique, mais une psychopathologie individuelle. 

 

4.

Nous n'avons pas le même "adversaire principal", et c'est bien là le problème. L'entreprise de destruction systématique de la ND depuis la campagne de 1979 aussi bien que les 15 ans de harcèlement du FN ont démontré que les véritables maîtres de l'opinion en démocratie occidentale sont désormais les médias au sens large, qui conforment les mentalités et discriminent les attitudes ou opinions recevables/irrecevables. Jusqu'à plus ample information, ces médias ne sont pas tenus par des islamistes ou des afro-asiatiques. La dénonciation de l'islamisme est précisément un lieu commun de ces médias depuis longtemps : sur ce point, je ne vois pas de  différences majeures entre les violents éditos "anti-intégristes" de Jean Daniel et la prose d'Alexandre Del Valle.

 

GT - Je ne vois pas en quoi l'adversaire principal est différent.

Mais attaquer frontalement les "médias" s'est jusqu'à présent révélé infructueux, voire contre-productif (cf. les expériences dans ce domaine, effectivement, du FN et de la ND...).

Je crois que c'est dû principalement au fait que ce danger n'est pas ressenti par l'opinion, contrairement à l'excès d'immigration, lequel n'est possible que par la complicité du système dans son entier (politique, médiatique, etc.).

Une fois encore, il ne faut pas confondre combat politique (nécessairement simplificateur car mobilisateur à partir d'un fait / d'une menace tangible) et engagement métapolitique (qui doit en effet analyser en profondeur les rapports de force afin de dégager des axes de rupture possible).

Quant à moi, je me refuse à mettre sur un pied d'égalité envahisseurs et envahis, par principe et par solidarité "naturelle" avec les seconds, qui constituent malgré tout mon peuple ...

 

RS - L'adversaire principal est effectivement l'établissement, qui use et abuse des armes médiatiques. Or le phénomène migratoire (dont la majorité des ressortissants sont de confession islamique) a servi à cet établissement pour disloquer systématiquement et graduellement les bases juridiques de nos Cités politiques, pour ruiner l'idée de citoyenneté (liée à l'appartenance), pour détruire l'enseignement (qui donnait une égalité des chances à tous), pour démolir les ressorts des communautés et des familles, etc. De manière à avoir des masses atones de consommateurs dociles.

Ensuite, que Champetier ne fasse pas le bête: l'anti-intégrisme de Jean Daniel dérive de son idiosyncrasie per­sonnelle: il est né à Alger, il connaît l'Algérie charnellement, etc. Son anti-intégrisme repose essentielle­ment sur une appréciation personnelle du drame algérien depuis Sétif en 1945. Le propos de Del Valle est complè­te­ment différent: il argumente de manière plus globale et tire des leçons d'ordre géopolitique. Del Valle a le mé­rite de dénoncer l'alliance des Etats-Unis, de la Turquie et de l'Arabie Saoudite (et du Pakistan) contre l'Europe, la Russie et l'Inde. Je ne crois pas que Jean Daniel ait le souci de défendre l'Europe (centrée autour de l'Alle­magne et de l'Autriche), la Russie et l'Inde... 

 

5.

Le positionnement "droitier-conservateur" est une tactique. Peut-être. Mais en politique, les tactiques devien­nent vite des stratégies, et les stratégies des réalités. RV donc dans quelques mois ou années pour voir à quoi tout cela vous mène. Et si cela menait au pouvoir —ce qu'après tout je vous souhaite—, voyons pour quoi faire.

 

GT - La conquête du pouvoir ne se confond pas avec son exercice, à moins de s'enivrer d'un idéalisme par trop adolescent.

Quand au positionnement "conservateur", je maintiens qu'il est tout à fait compatible (voire consubstantiel) avec un état d'esprit révolutionnaire. Une preuve ? L'une des valeurs les plus conservatrices a priori (l'enra­cine­ment, et par voie de conséquence le régionalisme et le combat identitaire) est une arme de combat contre le Système dans son entier (mondialiste et donc niveleur) et est d'ailleurs considéré comme tel (cf. l'opération de "repentance" exigée du Mouvement breton, de l'attentat de Quevert au lycée Diwan "Roparz Hémon"...).

 

RS - La défense de l'enracinement a eu des visages conservateurs et des visages révolutionnaires. Tout comme la défense du peuple contre les oligarchies aux Etats-Unis, pour revenir au début de cette discussion et aux débats qu'organise la revue Telos. L'objectif de toute métapolitique bien comprise doit être de fusionner ces motivations diverses en un tout cohérent. Ce à quoi je me suis employé, très tôt, dès le début des années 80, dans le sillage du neutralisme allemand. J'ai été épaulé dans ce combat par Thierry Mudry, Jean-Pierre Patin, Ange Sampieru et plusieurs autres. A l'époque, de Benoist nous traitait de "trotskistes" et s'amusait à répandre des ragots ineptes contre la personne de Thierry Mudry. Aujourd'hui, cette politique, qui fut la nôtre, et qui fut critiquée par les pontes de la ND, est devenue subitement la panacée, chez ceux qui la rejetaient hier. Comprenne qui pourra...

 

CC - Cordialement

GT - Idem.

RS - Meilleures salutations.

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mardi, 11 septembre 2007

R. Steuckers: Entretien accordé à G. Luyt

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Réponses aux questions de Guillaume Luyt

Entretien avec Robert Steuckers

Robert Steuckers, qu'est-ce que Synergies Européennes ?

«Synergies Européennes» est une amicale paneuropéenne, qui regroupe, de manière somme toute assez infor­mel­le, des non conformistes de toutes nationalités qui travaillent sur un ensemble de thèmes communs: criti­que du mondialisme et des idéologies dominantes, révolution conservatrice et thématiques assimilables à ce complexe politico-idéologique riche de différences, projets alternatifs en économie et en droit, littérature cri­tique des travers de notre monde contemporain, philosophie nietzschéenne et postmoderne, etc. Cette ami­cale "fonctionne" naturellement et spontanément sans structures autres qu'un bureau européen, dont j'assure le secrétariat et qui a pour simple tâche de coordonner des activités communes, comme les séminaires ré­guliers ou ponctuels, les universités d'été ou les rencontres amicales. Comme vous l'aurez sans doute appris par la rumeur, j'avais découvert la ND en 1973 quand j'avais 17 ans et j'y ai travaillé longtemps en gardant toutefois un certain scepticisme au fond du cœur. Toujours, j'ai voulu œuvrer à la charnière de cette ND, que je percevais comme un cercle d'études (j'étais avec Guillaume Faye au “Secrétariat Etudes & Recherches"/ SER), et les diverses expressions du nationalisme révolutionnaire, que je percevais comme des tentatives d'an­crage de nos études dans la réalité sociale; comme des espaces effervescents capables de conquérir une niche et de la consolider sur les échiquiers politiques nationaux dans les Etats européens.

Pour moi, l'aire NR devait être aux forces identitaires ce que le tissu associatif gauchiste était aux forces mar­xistes et surtout à la sociale-démocratie européenne. On mesure pleinement aujourd'hui le succès de ce travail gau­chiste en marge de la sociale-démocratie ou des forces écologistes quand on aperçoit des Fischer ou des Jo­s­pin, des Blair ou des Schröder au pouvoir. Je me suis malheureusement trompé jusqu'ici, mais, en dépit de cet­te erreur d'analyse factuelle, je demeure convaincu qu'une consolidation de cette aire politique, si elle se réa­­lise, sera la base de départ d'un renouveau. Que les extrêmes droites classiques, véhiculant un vétéro-natio­na­lisme anti-social, a-critique à l'égard des structures dominantes, ou des résidus de pensée théologique ou des bricolages complotistes ou des nostalgies des fascismes ou des para-fascismes, sont incapables de mener à bien. La ND, centrée autour d'Alain de Be­noist, avait toujours refusé, avant 1985 et après 1987, de frayer avec des groupes plus militants, portés par des jeunes gens dynamiques (entre 1985 et 1987, les principaux ex­po­sants de la ND accordent toutefois des entretiens aux revues du MNR de J. G. Mal­liarakis, sans que cette coo­pé­ra­tion ponctuelle et passagère ne donne de véritables résultats). Pour nous, qui œuvrions à Bruxelles depuis 1976, ce refus néo-droitiste était une insuffisance. Nous préférions les synthèses allemandes et italiennes, notamment le mélange allemand de nationalisme révolutionnaire et de nouvelle droite, dont les observateurs scientifiques ou critiques ne parviennent pas à séparer les ingrédients (voir les travaux de Bartsch, Pröhuber, etc.). En Italie, Pino Rauti, entre 1978 et 1982, dirigeait le bimensuel Linea, où les options nationales ré­vo­lu­tion­nai­res se mêlaient très habilement à certaines thèses de la ND, rendant particulièrement instructive la lecture de cette publication très vivante, très en prise sur les réalités quotidiennes de la péninsule. La syn­thèse réussie de Linea a toujours été pour moi un modèle.

Dans le cadre de mes activités en marge du GRECE d'abord, du Groupe EROE ("Etudes, Recherches et Orien­ta­tions Européenne") puis de Synergies Européennes ensuite, j'ai toujours tenté de rétablir un contact entre ces deux pôles, l'un théoricien, l'autre activiste. Je n'ai jamais renié mon compatriote Jean Thiriart, avec qui j'ai échangé un courrier aussi abondant que truculent (nous nous échangions des épithètes dignes du Capitaine Haddock), qui fut un maître incontournable sur deux plans: sa volonté de parfaire toujours une analyse géopo­li­ti­que de la scène internationale et, ensuite, sa volonté d'analyser les situations politiques intérieures à l'aune des instruments que nous ont laissés des hommes comme Vilfredo Pareto, Gaetano Mosca, Serge Tchakhotine, Da­vid Riesman, Raymond Aron (surtout "Les grands courants de la sociologie contemporaine"), etc. Thiriart était un analyste lucide des tares des régimes dominants; il méprisait profondément les politiciens à la petite semaine, qui n'agissent que par fringale d'intérêts personnels et par appétit de petits pouvoirs sans impact sur le fonctionnement réel de la politique. J'ai aussi participé régulièrement aux activités du MNR de Jean-Gilles Malliarakis à Paris, dont les interventions publiques étaient si chaleureuses à la mode latine et méditerra­néen­ne. Le MNR de Malliarakis était comme une grande famille et je regrette vivement qu'une structure de ce type n'existe plus aujourd'hui dans la capitale française, permettant des échanges féconds.

J'ai également participé à la revue Nationalisme et République de Michel Schneider, ce qui m'a valu les foudres d'A­lain de Benoist et de Charles Champetier. Heureusement que ces deux personnages ne sont que des Jupiters de petit voltage, juchés sur des taupinières, et que leurs foudres ne m'ont pas terrassé: elles n'ont eu que l'ef­fet d'un micro-postillon crachoté par une musaraigne. L'expérience de Nationalisme et République a été fort in­­téressante dans la mesure où des esprits très différents ont fait confluer leurs réflexions non conformistes dans ce journal, lui conférant une pertinence rarement égalée depuis. Ensuite, dernière remarque sur Natio­na­lisme et République: cette trop courte expérience éditoriale a permis notamment de suggérer les bases d'une recomposition géopolitique de l'Europe.

Incompatibilité entre politique et satano-saturnalisme

En revanche ma collaboration avec Christian Bouchet ("Nouvelle Résistance", le FEL) a tourné court. Bien que j'ai toujours amèrement déploré sa rupture, incompréhensible, avec le mouvement "Troisième Voie" de Jean-Gilles Malliarakis, qui, lui, a trop vite jeté l'éponge, j'ai toujours regardé le mouvement lancé ou repris par Bouchet avec sympathie et nous échangions publications et informations; nous nous sommes retrouvés à Paris dans une salle du 18ième arrondissement à côté d'Alexandre Douguine, nous semblions coopérer sans arrière-pen­sées, jusqu'au jour où Bouchet a eu une idée somme toute assez saugrenue. A la veille des élections euro­péennes de 1994, il a rendu visite au président français de "Synergies Européennes", Gilbert Sincyr, un ancien du GRECE, pour lui demander de placer les membres de SE sur une liste de candidats, dirigée par Bouchet lui-même, qui devait s'opposer à celle du FN de Le Pen. A juste titre, Sincyr a jugé que cette opé­ra­tion n'avait pas raison d'être et que SE, tout comme le FEL, risquait de se couvrir de ridicule, vu les scores for­cé­ment dérisoires que cette liste aurait obtenus. Bouchet a très mal pris ce refus et s'est mis en campagne contre Synergies Européennes, avec, en coulisse, l'appui d'Alain de Benoist et du "Chancelier" (!) du GRECE, Maurice Rollet, qu'il rencontrera à Marseille pour jeter les bases d'un "front commun" contre nous (et contre moi en particulier!).

Ce comportement irrationnel et puéril a fait perdre beaucoup de temps au mouvement. Par ailleurs, bon nom­bre de "synergétistes" voyaient d'un fort mauvais œil les activités non politiques de Bou­chet, où se mê­laient un culte du Britannique Aleister Crowley (sujet/objet de sa thèse universitaire), des pra­ti­ques sa­ta­nistes et sa­turnalistes, des rites sexuels du plus haut comique, où les participants s'affublent d'ori­peaux sacerdotaux d'où dépassent, obscènes, leurs attributs, sacrifices de poulets (pauvres bêtes!) par dé­ca­pitation en psalmodiant des in­cantations hystériques en faux tibétain, etc. Bouchet fait évidemment ce qu'il veut dans ses pénates, s'in­vente les jeux érotiques qui lui plaisent (à chacun selon ses voluptés!), mais un mixte de ces bouffonneries et de la politique —chose sérieuse quand elle refuse d'être purement politicienne— ne peut rien rapporter de bon, si ce n'est les quolibets de nos adversaires, qui peuvent ainsi largement alimenter leurs fantasmes. Le grou­pe “anti-fasciste” Golias étant particulièrement friand de ce genre de mixtum com­po­situm. Tout en gar­dant certaines réserves et en conservant mon esprit critique, je reconnais pleinement par ail­leurs l'excellence des deux derniers ouvrages de Bouchet: le volume collectif intitulé Les nouveaux natio­nalistes et l'ouvrage didactique qu'il vient de publier chez Pardès: Le B.A.BA du néo-paganisme. Bouchet a fait là œuvre utile, mais pour ses dérapages "saturnalistes", je conseille à tous de lire les deux pages bien claires de Victor Vallière, intitulées “De Satan à Loki: l'erreur de parcours de certains néo-païens” (in: Réfléchir & Agir, n°9, été 2001). Vallière nous donne là le vade-mecum de tout responsable local pour faire face à des velléités de saturnalisme ou de satanisme: il faut leur opposer un non possumus catégorique.

Ma collaboration avec Lookmy Shell (PCN) n'a débouché sur rien non plus, mis à part quelques articles dans ses publications. Ultérieurement, la querelle Bouchet/Shell, quels qu'en soient les motifs, a enrayé, à mon avis, la progression du mouvement nationaliste révolutionnaire, y compris des revues de Shell lui-même, qui au­raient pourtant mérité une plus ample diffusion, surtout qu'elles contenaient les articles de Frédéric Kisters, dont le niveau est excellent. Je reconnais notamment le bien fondé des tentatives de Lookmy Shell d'éradiquer tou­­tes les formes de “nazisteries” qui entachent le mouvement national-révolutionnaire et le couvrent de ridi­cule. Mais de là à imiter les insuffisances des mouvements qui s'auto-proclament “anti-fascistes” ou “anti-ra­cis­tes” et de faire du “nazisme” (défunt depuis mai 1945!!!) un concept extensible à l'infini, il y a une marge… Lookmy Shell a malheureusement franchi cette marge et renforcé la confusion qui règne depuis longtemps déjà dans la mouvance NR. J'aurais voulu poursuivre avec lui une quête sur le stalinisme, l'histoire de la diplomatie so­vié­ti­que, la mise en œuvre de la Sibérie dans les premières décennies du pouvoir soviétique, sur l'eurasisme, sur la di­plomatie soviétique pendant la guerre froide, sur la géopolitique des Balkans. A cause de l'attitude incom­pré­hensible de Lookmy Shell, toute cette documentation est restée en jachère mais, soyez-en sûrs, elle ser­vi­ra à d'autres. Par ailleurs, le comportement de Shell à mon égard demeure inexplicable. Il me reproche no­tam­ment d'a­voir dialogué avec le FNB de Marguerite Bastien, dont le journal, Le Bastion, a repris certains de mes pro­pos, sous la forme de deux ou trois interviews, axés principalement sur le problème de la Turquie dans l'OTAN et dans l'an­tichambre de l'UE. Lookmy Shell accusait l'équipe du Bastion d'être inspirée par une idéologie bru­ne-bleue (c'est-à-dire naziste-libérale) et d'être pro-occidentale, alors que dans le conflit du Kosovo, par ex­em­ple, elle a sévèrement critiqué la politique de l'OTAN et ne s'est jamais réclamée du national-socialisme. Je me de­man­de en quoi mes rapports avec les uns ou les autres regardent Lookmy Shell, et pourquoi s'arroge-t-il le droit de se poser en juge (fouquier-tinvillesque) de toute une presse, nationale ou autre? Quelles sont ses com­pé­­ten­ces intellectuelles, quelle élection l'a donc érigé à ce poste qu'il se donne arbitrairement? Shell n'a jamais été mon professeur et je n'ai jamais été membre de son mouvement. Dont acte. Et s'il n'en prend pas acte, je pense que son jugement est vicié et s'assimile aux rodomontades d'un interné qui se prendrait pour l'Empereur Napoléon (ou pour un autre personnage historique). Il y aurait là un vice dans l'appréhension du réel. Que je dé­­plore. Quand je visiterai une nouvelle fois un Asklepion hellénique, je demanderai à ce bon Esculape d'in­ter­céder en sa faveur, de trouver remède à ce mal qui afflige mon bon compatriote Lookmy Shell. Et quand un voi­sin catholique se rendra à Lourdes, je lui demanderai de dire une belle prière pour le Chef suprême du PCN, dont le retour à l'équilibre vaut bien quelques cierges consumés devant cette belle grotte pyrénéenne. Afin que nous puissions tous bénéficier de son rétablissement. Et relancer la machine interrompue à cause de ses co­lères aussi bruyantes qu'inexplicables.

Ces diverses péripéties montrent que l'espace ND/NR pose problème. Qu'il est tiraillé entre un empyrée théo­rique parfaitement éthéré —la planète Sirius disait un jour Pierre Vial en faisant allusion au GRECE— et un dis­cours qui s'englue dans des répétitions stériles, c'est-à-dire dans un piège mortel, où l'on n'appréhende plus le réel correctement. Si, à cet irréalisme et à ses répétitions, s'ajoutent l'arbitraire de personnalités en proie à des défaillances de jugement ou des illusions de grandeur, tout l'édifice, déjà fragile, bascule dans le néant. C'est pourquoi je salue avec joie, aujourd'hui, l'émergence de personnalités nouvelles, qui ont le sens de la camaraderie, de la solidarité, des nuances, de la nécessité de fédérer toutes les forces, de proposer une al­ter­native crédible et acceptable, à condition que ces personnalités adoptent systématiquement des démarches prospectives en direction des besoins réels de nos sociétés, quittent les marécages dangereux du nostalgisme et du sectarisme. Je pense aux efforts d'Eddy Marsan en France, qui juge la situation politique avec le regard acéré du philosophe réaliste, et de l'équipe du journal De­venir en Belgique, qui bénéficie depuis quelques nu­méros de la plume de Frédéric Kisters, qui a quitté, ef­fra­yé, le PCN de Lookmy Shell, à la suite de déboires dont je ne connais pas les détails. La tâche de ces person­na­lités nouvelles et dynamiques sera ardue, mais si elles persévèrent, elles réussiront au moins à établir soli­de­ment un édifice critique (à l'encontre de l'éta­blis­se­ment) et affirmateur (de valeurs et de perspectives poli­ti­ques nouvelles) dans le double champ de la ND et du NR. Et devenir, par conséquent, l'espace de renou­velle­ment des forces identitaires en Europe, que j'avais tou­jours espéré voir advenir. Laissons les personnalités à pro­blèmes se réfugier dans leur tour d'ivoire, prendre une retraite parfois méritée, dans de belles demeures ru­ra­les, en zone verte, pour se calmer les nerfs en siro­tant de réconfortantes tisanes.

Travailler à l'avènement d'une collégialité conviviale

Ce dont nous avons besoin, et que nous appelons de nos vœux depuis l'émergence de "Synergies Européennes", c'est l'avènement d'une col­lé­gialité conviviale et courtoise (ce sont les termes mêmes de notre charte), où cha­cun garde bien sûr qui sa re­vue, qui son cercle, qui son site internet, dans une pluralité féconde qui sera fédé­rée en ultime instance par un état d'esprit non sectaire, où l'intérêt collectif prime les humeurs et les af­fects per­sonnels. Ceux qui souf­frent de tels affects, ou se prennent pour des oracles infaillibles tout en menant des "stra­tégies personnelles" et en semant la zizanie, n'ont pas leur place au sein d'une telle collégialité. Il ne s'agit pas d'oblitérer les élans personnels et les initiatives de qualité; au contraire, il faut les laisser intacts et les fé­dérer ponctuellement, sans faire régner un mauvais esprit de soupçon, ni un caporalisme stérilisant, car de tels es­prits sapent le fonc­tion­nement optimal de tout groupe organisé.

Dans le cadre de la ND, il faut aussi déplorer une ambiguïté importante dans la définition qu'elle donne de la "cul­­ture", en tentant de la dégager et de l'autonomiser par rapport à toute démarche ou réflexion politiques, aus­si modestes soient-elles. Pour moi, une culture politique implique d'aborder les questions

- de la géopolitique (la dynamique croisée de l'histoire et de la géographie, des volontés humaines et de la don­née spatiale),

- du droit (le droit comme expression de l'identité politique d'un peuple, d'un Etat ou d'un Empire),

- de l'économie (les institutions économiques nationales ou locales sont autant l'expression de la culture d'un peu­ple que ses productions artistiques; la revalorisation des institutions économiques spécifiques est un an­­tidote contre les tentatives d'arasement globaliste)

- de l'histoire ancienne et immédiate, car nos méthodes sont généalogiques et archéologiques au contraire de celles des idéologies dominantes, qui plaquent sur le réel des idées toute faites; chaque entité poli­ti­que doit être ramenée à son histoire, à sa trajectoire propre dans le temps, et ramasser son passé pour le pro­jeter vers l'avenir, son avenir, distinct de celui des autres entités.

Cette approche nous différencie de la ND au sens habituel du terme, qui n'a pas abordé ces questions de ma­niè­re systématique, mais a mis davantage l'accent sur la volonté de créer une religion-ersatz (avec des rituels as­­sez parodiques et puérils: incantations biscornues devant une vieille pierre de meule rebaptisée "soleil de pierre", d'où l'expression d'un humoriste, qui avait assisté, à son corps défendant, à ce médiocre spectacle: le "pa­­ganisme du soleil pétrifié"), de forger une nouvelle morale en posant des interrogations sans fin (comme l'at­­­testent, par exemple, les deux numéros de Krisis sur la morale qu'Alain de Benoist a fait paraître naguère). Je ne nie pas l'importance des questions religieuses, morales ou éthiques mais je critique la propension à pren­dre prétexte de ces questions pour générer un questionnement sans fin qui n'aboutit à rien (les philosophes di­ront: le "trilemme de Münchhausen"). Les grandes valeurs religieuses ou éthiques ont déjà été énoncées et vé­cues dans le passé: il suffit de le reconnaître et de s'y soumettre. Le Bushido du shintoïsme japonais ou le Tao Te King chinois, par exemple, tous deux sources d'inspiration d'Evola, sont là, depuis toujours à notre dispo­si­tion. Nous pouvons les méditer, nous forger le caractère à leur lecture comme des millions d'hommes avant nous, intérioriser les admirables leçons de force et de modestie que ces deux textes nous offrent. C'est cela la pé­rennité de la Tradition. Un questionnement inquiet et torturé ne peut rien apporter de bon, si ce n'est l'in­dé­cision et le solipsisme, tares impolitiques par excellence.

Quelle est la dimension de votre combat ?

La dimension de notre combat est tout à la fois culturelle et politique. Elle vise la création d'une école politi­que européenne, puisant ses arguments dans les corpus culturels de notre continent. Géographiquement, ce com­bat est d'emblée européen, car, en notre point de départ, la Belgique, le cadre offert par le territoire na­tional est insuffisant (voire ridicule dans ses limites et indéfendable militairement). Les grands élans politiques ont toujours été impériaux ou européens chez nous, tant dans leurs dimensions laïques (comme chez "Jeune Eu­­rope" de Jean Thiriart), que bien souvent aussi dans leurs dimensions catholiques, où l'iconographe et pé­da­go­gue de l'histoire, le Chanoine Schoonjans des Facultés Saint-Louis, défendait toujours un point de vue im­pé­rial et catholique, même s'il devait parfois faire des concessions au "nationalisme petit-belge". En ultime in­stan­­ce, la patrie est le Saint-Empire, héritier de Rome. Les intellectuels de la fonction souveraine de ce Saint-Em­­pire, à ses débuts, étaient les clercs "lotharingiens", dont la plupart venaient du triangle Liège/Maas­tricht/ Aix-la-Chapelle, patrie originelle des Pippinides. Malgré cet affreux oubli du passé, qui nous pousse au­jourd'hui vers un univers orwellien, vers cette société du spectacle absolu sans profondeur temporelle que nous annon­çait Guy Debord, l'idée de cet aréopage de "lotharingiens" qui travaillent silencieusement au maintien de la struc­ture impériale, est une des idées motrices qui nous animent dans nos cercles de Brabant et de Liège. Cet­te Chancellerie "lotharingienne" trouve un écho dans la volonté de Carl Schmitt de recréer une telle in­stance, ap­pelée à énoncer un droit constitutionnel continental, de facture historiciste, flanquée d'une é­co­no­mie auto-cen­trée d'échelle continentale, reposant tous deux sur un recours à la Tradition, c'est-à-dire aux for­ces spi­ri­tuelles éternelles de l'Europe. Des "Lotharingiens" à Carl Schmitt, nous avons trouvé la conti­nui­té de gran­de pro­fondeur temporelle dans laquelle, humblement, nous nous inscrivons, en tâchant d'être de mo­destes con­ti­nua­teurs ou, du moins, les vestales de feux qui ne doivent pas s'éteindre.

De la guerre préventive des Américains contre l'Europe dans les Balkans, en Méditerranée orientale et en Asie centrale

Quant à la dimension plus pragmatique, que les impératifs de l'heure nous imposent, nous tentons de travailler de concert avec des amis allemands, italiens, espagnols, britanniques, français, helvétiques, russes, croates ou ser­bes sur des thématiques communes à toute l'Europe. Nous tentons de déconstruire à l'avance les antago­nis­mes artificiels que les services de diversion américains cherchent à bétonner en Europe. Par exemple, quand Hun­tington laisse sous-entendre qu'un clivage insurmontable existe de facto entre l'Europe occidentale (catho­lique et protestante) et l'Europe orientale (slavo-orthodoxe et son prolongement sibérien), il avance en fait un ar­gument de propagande pour rendre possible la guerre préventive que mènent les Etats-Unis contre toute con­centration de forces sur la masse territoriale eurasienne. En incluant la Grèce dans la sphère slavo-orthodoxe, les Etats-Unis, héritiers des stratégies de "containment" de l'Empire britannique, veulent à l'avance bloquer toute avancée des puissances danubiennes d'Europe centrale (allemande et serbe) en direction du bassin orien­tal de la Méditerranée, où Chypre déjà, est occupée par les Turcs depuis 1974. En fabriquant un axe musulman et néo-ottoman de la Thrace turque à l'Albanie, les Américains tirent un verrou infranchissable dans la portion sud du territoire balkanique, isolant la Grèce, qui, membre de l'UE et de l'OTAN, et réticente face aux pro­vocations turques, ne peut plus servir de tête de pont dans le bassin oriental. La géopolitique, vous le con­sta­tez, dans cet exemple très actuel, est une discipline faite de méthodologies diverses, qui vise à donner autant d'ouvertures possibles à nos forces continentales et apprend à prévoir l'organisation par nos adversaires de verrous ou le déploiement de stratégies bloquantes, qui visent à nous asphyxier politiquement, économique­ment, culturellement. Les travaux de nos amis croates et serbes (Antun Martinovic et Dragos Kalajic) ont été très éclairants dans cette problématique.

Enfin, il n'y a pas d'impérialité possible en Europe sans une économie propre qui suit ses règles spécifiques et non pas des recettes, néo-libérales et globalistes, énoncées en d'autres lieux, notamment dans les écoles et in­stituts de l'adversaire principal, les Etats-Unis. L'application de ces recettes conduit à notre impuissance. Nous travaillons donc sur les alternatives viables en économie, que des économistes français, tels Perroux, Albertini et Silem, avaient nommé les "hétérodoxies", qu'ils opposaient aux "orthodoxies", c'est-à-dire le libéralisme clas­sique (radicalisée aujourd'hui en "néo-libéralisme"), le communisme soviétique, désormais défunt, et les recet­tes de Keynes telles qu'elles sont appliquées par les sociales démocraties européennes (alors que l'œuvre de Key­­nes, nous le verrons parce que nous la travaillons actuellement, permet d'autres politiques). Pas d'im­pé­ria­lité non plus sans un droit clair et unifié, permettant d'harmoniser l'unité et la diversité. Un disciple de Carl Schmitt, Ernst Rudolf Huber, nous suggère un fédéralisme unificateur, respectueux des forces enracinées, seu­les garantes d'une "Sittlichkeit", c'est-à-dire d'une identité éthique et historique offrant la stabilité évoluante d'une continuité. C'est-à-dire une éthique vivante, politique et historique, qui permet de se projeter dans l'a­venir sans rester engluée dans des formes de gouvernance figées et sans jeter par-dessus bord les acquis du pas­sé. Guillaume Faye parlerait, lui, d'"archéofuturisme". En bref: l'antidote radicale à l'obsession de la "table rase" qui nous conduit tout droit à l'ambiance sinistre du 1984 d'Orwell et à la société moutonnière du spec­tacle, critiquée par Debord.

Vous venez de tenir votre université d'été, quelle place tient ce rendez-vous dans l'action de SE ?

L'Université d'été tient effectivement une place centrale dans nos activités. Elle est simultanément la Diète du mouvement, qui permet à nos sympathisants, venus de toute l'Europe, de se rencontrer et de constater que bon nombre de leurs préoccupations sont les mêmes en dépit des barrières nationales ou linguistiques.

Quelles en ont été les interventions principales ?

Il n'y a pas eu d'interventions principales et d'interventions secondaires, lors de cette 9ième Université d'été (qui est simultanément notre 16ième rencontre internationale). Nous avons toujours voulu présenter un panel d'orateurs chevronnés et d'orateurs néophytes. Cette méthode permet un enrichissement réciproque et évite le piège de la répétition, qui, comme je viens de vous le dire, est mortel à terme. Souvent les orateurs néophytes se défendent d'ailleurs fort bien. Ce fut le cas cette année plus que jamais. Parmi les orateurs chevronnés, nous avons eu Guillaume Faye, Frédéric Valentin, le Général Reinhard Uhle-Wettler et moi-même.

Faye nous a parlé de la "convergence des catastrophes" qui risque fort bien de s'abattre sur l'Europe dans les deux prochaines décennies. C'est un thème qu'il a déjà eu l'occasion d'évoquer dans ces trois derniers ouvrages, mais qu'il va approfondir en étudiant les théories de la physique des catastrophes. Le résultat final de cette quête va paraître dans une dizaine de mois et nous offrir une solide batterie d'argumentaires pour notre "philosophie de l'urgence", que nous avons tous deux héritée de nos lectures de Carl Schmitt (l'Ernstfall sur lequel nous travaillions déjà ensemble au début des années 80, notamment avec le concours de notre ami milanais Stefano Sutti Vaj et de la revue portugaise Futuro Presente), d'Ernst Jünger et de Martin Heidegger. Cette "philosophie de l'urgence" est dénoncée avec rage aujourd'hui par notre ancien "patron", Alain de Benoist, qui renie ainsi une bonne partie de ses propres positions, exprimées dans les colonnes des diverses revues néo-droitistes: on reste pantois à voir ainsi le chef de file de la ND/Canal historique renier purement et simplement les auteurs clefs de la RC et de la ND, qui se veut son héritière. Pire: il s'était posé comme le disciple fidèle d'Armin Mohler, auteur du manuel de référence principal des ND allemandes et italiennes (paru en version fran­çaise chez Pardès). Mohler développait une pensée de l'urgence, tirée des auteurs de la RC dont Jünger, de Carl Schmitt (“die Entscheidung”, “der Ausnahmezustand”), des disciples de celui-ci qui parlaient d'«Ernstfall», de la théorie de Walter Hof sur le “réalisme héroïque” et de la philosophie du Français Clément Rosset, auteur d'un ouvrage capital: La logique du pire. Pour Rosset, il fallait en permanence penser le pire, donc l'urgence, pour pouvoir affronter les dangers de l'existence et ne pas sombrer dans le désespoir devant la moindre contra­rié­té ou face à un échec cuisant mais passager. Mohler et Rosset sont mes professeurs: je n'accepte pas qu'on les trahisse aussi misérablement, que l'on opère une volte-face aussi pitoyable, surtout que rien, mais alors rien, n'est jamais venu infirmer la justesse de leurs démonstrations. La critique d'Alain de Benoist contre la pen­sée de l'urgence, telle que Faye l'articule, est résumée en une seule page de son journal, celle du 1 août 1999 (cf. La dernière année, L'Age d'Homme, 2000). Elle est à mon avis très bête, et toute à la fois suffisante et insuffisante. “Suffisante” par la prétention et la cuistrerie qui se dégagent de cette leçon sans substance, dia­métralement opposée à celles de Mohler et Rosset, et “insuffisante” par sa nullité et sa non pertinence.

Economie régulée et modèles sociaux traditionnels

Frédéric Valentin a abordé deux thèmes importants: la théorie de la régulation, avancée par les gauches au­jourd'hui, mais qui puise dans les corpus "hétérodoxes" (selon la définition de Perroux, Albertini et Silem). Pour les régulationistes français, la bonne marche de l'économie dépend de l'excellence des institutions politiques et économiques de l'entité où elle se déploie. Ces institutions découlent d'une histoire propre, d'un long terme his­torique, d'une continuité, qu'il serait tout à fait déraisonnable d'effacer ou de détruire, sous peine de dis­lo­quer la société et d'appeler une cascade de problèmes insolubles. Par conséquent, une économie qui se vou­drait "mondiale" ou "globale" est une impossibilité pratique et une dangereuse illusion. Dans sa deuxième in­ter­vention, il a montré comment les civilisations indiennes et chinoises avaient mis au point des garde-fous pour em­pêcher les classes sociales s'adonnant au négoce (du latin "neg-otium", fébrilité ou frénésie sans élégance) de contrôler l'ensemble du corps social.

Le Général Uhle-Wettler, ancien commandant des unités parachutistes allemandes et ancien chef de la 1ière Division aéroportée de la Bundeswehr, nous a exhorté à lire attentivement

- les ouvrages de Paul Kennedy sur la dynamique des empires et sur le concept d'hypertension impériale (im­perial overstretch),

- de Zbigniew Brzezinski pour connaître les intentions réelles de Washington en Eurasie et

- de Noam Chomsky pour connaître les effets pervers du globalisme actuel.

Cet exposé a été d'une clarté limpide, tant par la voix d'un homme habitué à haranguer ses troupes que par la concision du chef qui donne des ordres clairs. En tous points, les énoncés et les conclusions du Général cor­res­pondaient aux projets de notre "Ecole des Cadres", dirigée par Philippe Banoy, ce qui a évidemment en­thou­siasmé les stagiaires de cette école, présents à l'Université d'été! Mieux: debout à côté du Général pour tradui­re ses propos en français, j'ai été frappé d'entendre son appel aux jeunes Allemands à rejoindre un cercle com­me le nôtre pour élaborer l'alternative au monde actuel.

Pour ma part, j'ai présenté 54 cartes historiques de l'Europe, montrant le conflit cinq fois millénaire de nos peuples avec les peuples de la steppe eurasiatique. Nos cartographies scolaires sont généralement insuffisantes en France, en Allemagne et en Belgique. Les Britanniques en revanche, avec les atlas scolaires de Colin McEvedy, que je ne cesse de potasser depuis plus de vingt ans, disposent d'une cartographie historique beaucoup plus précise. En gros, quand les peuples européens dominent la steppe eurasienne jusqu'aux confins du Pamir (et peut-être au-delà, vers la Chine, à partir de la Dzoungarie et du désert du Taklamakan), ils sont maîtres de leur destin. Mais dès qu'un peuple non européen (Huns, Turcs) dépasse le Pamir pour s'élancer sur la ligne Lac Balkhach, Mer d'Aral, Mer Caspienne, il peut rapidement débouler en Ukraine puis dans la plaine hongroise et disloquer la cohésion territoriale des peuples européens en Europe. Cette vision, bien mise en exergue par la cartographie de Colin McEvedy, depuis la dispersion des peuples iraniens en Eurasie (vers 1600 av. J. C.), permet de bien mesurer les dangers actuels, où, avec Brzezinski, les Américains considèrent que l'Asie centrale fait partie de la zone d'influence des Etats-Unis, qui s'appuient sur les peuples turcophones.

Pour jeter les bases d'une "révolution conservatrice" civile

Dans une deuxième intervention, plus littéraire celle-là, j'ai montré comment les ferments de la fameuse "ré­volution conservatrice" allemande étaient né dans un cercle lycéen de Vienne en 1867, pour se développer en­suite à l'Université puis dans la sphère politique, tant chez les socialistes que chez les nationalistes. L'objectif de ce cercle, animé par la personnalité d'Engelbert Pernerstorfer, était de raviver les racines, de promouvoir un système d'enseignement populaire, de combattre les effets de la société marchande et de la spéculation boursière, de diffuser des formes d'art nouvelles selon les impulsions lancées par Schopenhauer, Wagner et Nietzsche (la "métaphysique de l'artiste", créateur de formes immortelles par leur beauté). La "révolution con­ser­vatrice" de Pernerstorfer est intéressante dans la mesure où elle se déploie avant la césure gauche/droite, socialistes/nationalistes, dévoilant une synthèse commune qui nous permet aujourd'hui de surmonter le clivage gauche/droite, qui bloque toute évolution idéologique, sociale et politique dans nos sociétés. Ensuite, le cor­pus idéologique qui a germé à Vienne de 1867 à 1914, permet de déployer une "révolution conservatrice" civile, c'est-à-dire une RC qui est en phase avec toutes les problématiques d'une société civile et non pas de la réduire à un "univers soldatique" comme dans la période de guerre civile qui a régné en Allemagne de 1918 à 1923. L'"u­ni­vers soldatique" est certes fascinant mais demeure insuffisant pour une pratique politique en temps normal (ceci dit pour répondre aux critiques insuffisantes et insultantes de de Benoist à l'encontre de toute pensée de l'urgence).

Deux autres orateurs de 40 ans se sont succédé à notre tribune: Andreas Ferch qui nous a brossé une esquisse biographique de Georg Werner Haverbeck, ancien animateur de la jeunesse "bündisch", inféodé par décret aux jeunesses hitlériennes, en rupture de banc avec le parti dès 1936 (parce que Haverbeck voulait une jeunesse fonctionnant selon les principes de la "démocratie de base" et non pas une jeunesse sous la tutelle d'un Etat), pasteur à Marbourg dans les années 40 et 50, animateur de cercles pacifiques au temps de la guerre froide (ce qui lui a valu le reproche d'être un "agent rouge"), fondateur de l'écologie non politicienne dans les années 80, refusant l'inféodation au gauchisme des Grünen (ce qui lui a valu le reproche de "néo-nationaliste" sinon pi­re…). Un destin étonnant qui résume toutes les problématiques de notre siècle. Werner Haverbeck est décédé à la fin de l'année 1999, à l'âge de 90 ans.

Heidegger et les effets pervers de la manie "faisabiliste"

Oliver Ritter, pour sa part, nous a parlé avec une extraordinaire concision et une remarquable clarté de Martin Heidegger. Il a parfaitement démontré que la transposition de critères et de grilles d'analyse de type technique ou de nature purement quantitative/comptable dans l'appréhension du réel conduit à des catastrophes (à cause du "voilement" ou de l'"oubli" de l'Etre). Face à l'option "archéofuturiste" de Faye, qui a des aspects techniciens, voire assurément "technophiles", en dépit de références heideggeriennes, les positions de Ritter sont bien sûr différentes, mais non "technophobes", dans la mesure où Heidegger s'émerveille aussi devant la beauté d'un pont qui enjambe une vallée, d'un barrage qui dompte une rivière ou un fleuve. Heidegger, et Ritter à sa suite, dénonce le désenchantement, y compris celui des productions de la technique, par l'effet pervers de ce culte technicien et quantitativiste de la faisabilité (Machbarkeit, feasability). Cette faisabilité (que critique aussi Ema­nuele Severino en Italie) réduit à rien la force intérieure des choses, qu'elles soient organiques ou produites de la main de l'homme. Cette réduction/éradication conduit à des catastrophes, et assurément à celles, convergentes, qu'annonce Faye. Ce dernier est plus proche du premier Heidegger, qui voit l'homme ar­raisonner le réel, le commettre, le requérir; Ritter, du second, qui contemple, émerveillé, les choses, souvent simples, comme la cruche qui contient le vin, au sein desquelles l'Etre n'a pas encore été voilé ou oublié, de ce second Heidegger qui dialogue avec ses disciples zen japonais dans son chalet de la Forêt Noire.

Sven Henkler, secrétaire de Synergon-Deutschland, vient de sortir un ouvrage sur le rapport homme-animal, totalement vicié aujourd'hui. Henkler nous a présenté son ouvrage le plus récent, Mythos Tier, qui déplore la déperdition définitive du rapport sacré qui existait entre l'homme et l'animal, de l'effroi respectueux que ressentait parfois l'homme face à la force de l'animal (notamment l'ours). L'animal est devenu pure mar­chan­di­se, que l'on détruit sans pitié quand les réquisits de l'économie l'exigent. Thierry de Damprichard a présenté un panorama des auteurs américains de la Beat Generation et explicité quelles influences ils avaient reçues d'Ezra Pound. Cette présentation a suscité un long débat qu'il a magistralement co-animé avec Guillaume Faye, très bon connaisseur de cette littérature, très en vogue dans les années 60. Ce débat a permis de rappeler que no­tre contestation du système (et de l'«américanosphère») est également tributaire de cette littérature protesta­taire. Guillaume Faye a notamment dit qu'elle avait marqué une figure non-conformiste française qui a démar­ré sa carrière dans ces années-là, qui est toujours à nos côtés: Jack Marchal.

Le rôle géopolitique futur de l'Inde et de sa marine

Jorge Roberto Diaz nous a parlé de la géopolitique de l'Inde, dans le cadre de diverses interventions sur les questions stratégiques et géostratégiques. Nous abordons chaque année un ensemble de questions de ce domai­ne, afin de consolider nos positions géopolitiques. L'ouvrage auquel Diaz s'est référé pour prononcer son exposé est celui d'Olivier Guillard, La stratégie de l'Inde pour le 21ième siècle (Economica, Paris, 2000). Jouer la carte in­dienne est un impératif géostratégique pour l'Europe et la Russie d'aujourd'hui, qui permettrait de contourner la masse territoriale turcophone, afghane/talibanique et pakistanaise, mobilisée contre l'UE et la Fédération de Rus­sie par les Etats-Unis. Une alliance entre l'UE, la Russie et l'Inde aurait pour corollaire de contenir l'effer­ves­cence islamiste et surtout, comme l'a très bien exposé Diaz, de contrôler l'Océan Indien et le Golfe Persique, donc les côtes des puissances islamiques alliées des Etats-Unis. Le développement de la marine indienne est donc un espoir pour l'Europe et la Russie qui permettra, à terme, de desserrer l'étau islamique dans le Caucase et les Balkans et de parfaire, le cas échéant, un blocus de l'épicentre du séisme islamiste, c'est-à-dire l'Arabie Saoudite. La menace qui pèse sur l'Inde vient de l'occupation américaine de l'île de Diego Garcia, où sont con­cen­trées des forces impressionnantes, permettant aux Etats-Unis de contrôler les flots et le ciel de l'Océan In­dien ainsi que le transit maritime du pétrole en direction de l'Europe, de l'Afrique du Sud, du Japon et des nou­veaux pays industriels d'Asie orientale.

Max Steens nous a plongés dans la pensée politique chinoise, en évoquant la figure de Han Fei, sage du 3ième siècle avant l'ère chrétienne. Han Fei nous suggère une physique politique limpide, sans jargon, avec, en plus, 47 principes pour prévenir toute pente vers la décadence. Phrase ou aphorismes courts, à méditer en perma­nen­ce! Le renouveau de notre espace politico-idéologique passe à notre sens par une lecture des sagesses po­litiques extrême-orientale, dont

- le Tao-Te-King, traduit en italien par Julius Evola pendant l'entre-deux-guerres et texte cardinal pour com­prendre son idéal de “personnalité différenciée” et son principe de “chevaucher le Tigre” (c'est-à-dire de vivre la décadence, de vivre au sein même de la décadence et de ses manifestations les plus viles, sans perdre sa force intérieure et la maîtrise de soi),

- le traité militaire de Sun Tsu comme le préconise Philippe Banoy, chef de notre école des cadres de Wal­lonie,

- le "Tao du Prince" de Han Fei, comme le préconise Steens de l'école des cadres de Bruxelles et

- le code du Shinto japonais, comme le veut Markus Fernbach, animateur de cercles amis en Rhénanie-West­phalie. Fernbach est venu nous présenter le code du Shinto avec brio, avec une clarté aussi limpide que son homologue français ès-shintoïsme, que je n'ai pas l'honneur de connaître, Bernard Marillier, auteur d'une étude superbe sur ce sujet primordial, parue récemment chez Pardès.

Tremper le caractère, combattre les affects inutiles qui nous distraient de l'essentiel

Ces voies asiatiques conduisent à tremper le caractère, à combattre en nos fors intérieurs tous les affects inu­tiles qui nous distraient de l'essentiel. Un collège de militants bien formés par ces textes, accessibles à tous, per­mettrait justement de sortir des impasses de notre mouvance. Ces textes nous enseignent tout à la fois la du­reté et la sérénité, la force et la tempérance. Après la conférence de Fernbach, le débat s'est prolongé, en abordant notamment les similitudes et les dissemblances entre ce code de chevalerie nippon et ses homologues persans ou européens. On a également évoqué les "duméziliens" japonais, étudiés dans le journal "Etudes indo-européennes" du Prof. Jean-Paul Allard de Lyon III, bassement insulté par la presse du système, qui tombe ainsi le masque et exhibe sa veulerie. Enfin, il y a eu un aspect du débat qui me paraît fort intéressant et promet­teur: notre assemblée comptait des agnostiques, des païens, des catholiques et des luthériens. Ethique non chré­tienne, le Shinto peut être assimilé sans problème par des agnostiques ou des païens, mais aussi par des ca­tho­liques car le Vatican a admis en 1936 la compatibilité du shintoïsme et du catholicisme romain. On peut donc être tout à la fois catholique et shintoïste selon la hiérarchie vaticane elle-même. Dès lors pourquoi ne pas étendre cette tolérance vaticane aux autres codes, ceux de la Perse avestique ou des kshatriyas indiens, le culte romain des Pénates, etc., bref à tout l'héritage indo-européen? Voilà qui apporterait une solution à un problème qui empoisonne depuis longtemps notre mouvance. Mais cette reconnaissance du shintoïsme, qui da­te de 1936, sous le Pontificat de Pie XII, est-elle encore compatible avec les manifestations actuelles du catho­li­cisme: les mièvreries déliquescentes de Vatican II ou l'impraticable rigidité des intégrismes obtus?

Manfred Thieme nous a ramenés à l'actualité en montrant avec précision les effets de la privatisation de l'éco­nomie dans les PECO (pays d'Europe centrale et orientale), en prenant pour exemple l'évolution de la Répu­blique Tchèque.

Les autres conférences, prévues à Bruxelles pendant le week-end précédant l'Université d'été proprement dite, seront prononcées plus tard, majoritairement en langue néerlandaise. Successivement, Jürgen Branckaert, Pré­sident des Jeunes du Vlaams Blok, l'historien brugeois Kurt Ravyts, Philippe Banoy, Guillaume Faye et moi-même y prendront la parole. Branckaert évoquera une figure cardinale de notre histoire: le Prince Eugène de Savoie, vainqueur des Turcs à la fin du 17ième siècle. Un cercle "Prince Eugène" verra le jour à Bruxelles, ras­sem­blant des Flamands et des Wallons fidèles à l'idée impériale, fédérant les cercles épars qui véhiculent la même inébranlable fidélité, tels “Empire et puissance” de Lothaire Demambourg ou la “Sodalité Guinegatte”. Des sections seront créées ensuite en Autriche, en Hongrie et en Croatie, de façon à nous remémorer notre seule légitimité politique possible, détruite par la révolution française, mais dans une perspective plus claire et plus européenne que celle de l'iconographie que nous avait présentée, dans notre enfance, le Chanoine Schoonjans, avec les images de la collection “Historia”. Ravyts analysera les influences de Gabriele d'Annunzio et de Léon Bloy, notamment sur la figure du national-solidariste flamand Joris Van Severen. Il rendra de la sorte cette figure de notre histoire plus compréhensible pour nos amis français et italiens. Cet exposé per­mettra également de raviver le souvenir de Léon Bloy dans notre mouvance, qui l'a trop négligé jusqu'ici. Banoy analysera l'œuvre de Vladimir Volkoff et en tirera tous les enseignements nécessaires: lutte contre la sub­version et la désinformation. Guillaume Faye présentera une nouvelle fois sa théorie de la “convergence des catastrophes".

La diversité de vos intervenants se retrouve dans la liste de diffusion multilingue que vous animez sur le net. Qu'il s'agisse de culture, de politique ou de géostratégie, vous offrez à vos destinataires des contri­butions qui tranchent bien entendu avec la pensée unique mais aussi bien souvent avec la routine intel­lectuelle des milieux nationalistes, français en tous cas. Précisément, quel regard portez-vous sur les na­tionalismes européens en général et français en particulier ?

Le rôle d'un cercle "métapolitique" est aussi de diffuser de l'information en vrac pour aider les jugements à se forger, pour concurrencer, dans la mesure du possible, l'idéologie que véhiculent les médias. Nous diffusons en six langues, le français, l'anglais, l'allemand, le néerlandais, l'espagnol et l'italien. Ce sont les six langues de travail de Synergies Européennes en Europe occidentale. Bon nombre de nos destinataires sont multilingues et la combinaison de langues maîtrisées varie d'individu à individu. Ce service de documentation électronique vise essentiellement, comme vous le devinez, à contredire et à critiquer l'idéologie dominante, celle de la "pensée unique" et de la "political correctness", mais aussi à enrichir le discours de nos lecteurs, quel que soit le secteur où ils sont actifs, politiquement ou professionnellement. En confrontant les idées de leurs milieux national, politique ou professionnel à celles de milieux similaires dans d'autres pays ou espaces linguistiques, ils consolident leurs idées, apprennent à les illustrer avec davantage d'arguments donc à transcender tout ce qui pourrait être répétition stérile. Nous tranchons de la sorte avec les routines du nationalisme français comme avec toutes les autres routines qui sévissent ailleurs. Pour moi, le nationalisme n'a de sens que s'il est une pratique qui consiste à capter les forces agissantes dans la société civile, dans le "pays réel" aurait dit Maurras, mais qui sont contrecarrées dans leur déploiement par l'établissement, ou le "pays légal".

Le "pays réel" des petites et honnêtes gens

Quant au regard que nous portons sur le nationalisme français, vous devinez qu'il est critique, justement parce qu'il vient d'ailleurs, d'un lieu hors Hexagone. En général, les observateurs scientifiques des phénomènes nationalistes dans le monde opèrent une distinction entre les "nationalismes étatiques" et les "nationalismes populaires" ou "ethniques". Les nationalismes étatiques, dans cette optique, seraient ceux qui privilégieraient les appareils d'Etat sans tenir compte des facteurs ethniques ou en s'opposant à ceux-ci. Les nationalismes populaires ou ethniques serait ceux qui instrumentaliseraient les forces populaires contre les appareils, jugés étrangers et coercitifs. Généralement, les nationalismes populaires ou ethniques se réclament du philosophe allemand Johann Gottfried Herder, père spirituel des nationalismes allemand, flamand, scandinaves, finnois, hongrois, russe, serbe, croate, tchèque, grec, slovaque, irlandais, breton, etc. On a opposé ce nationalisme du substrat ethnique aux idées de la révolution française, qui utilisent les forces organiques du peuple pour faire triompher des abstractions qui, une fois établies, travailleront à éradiquer les peuples réels. En dehors de France, le nationalisme français est souvent confondu avec les idées révolutionnaires jacobines, qui sont considérées comme anti-nationales. Ernest Renan a tenté de formuler un "nationalisme d'élection", un nationalisme fait d'adhésion volontaire à une "idée" nationale. Cette formule est également considérée comme un leurre par les nationalismes d'inspiration herdérienne, cette volonté et cette "idée" apparaissant trop éthérées par rapport à la substantialité que représentent l'héritage ancestral, la littérature véhiculée de génération en génération, les lignées de chair et de sang, la langue comme réceptacle de tous les souvenirs ataviques. La formule de Maurras éveille la même suspicion, à l'exception de sa distinction entre "pays réel" et "pays légal". Où le pays réel des "petites et honnêtes gens" (Péguy!) est exploité et écrasé par un pays légal mais foncièrement illégitime. En ce sens, Maurras est ambigu: dans sa jeunesse félibrige, il était un adepte de Herder qui s'ignorait. Il pariait directement sur le charnel local, cherchait à le dégager de l'emprise d'un légalisme abstrait. Cette trajectoire va continuer : la nostalgie d'un populisme organique ne cesse de hanter de grands esprits en France. Les fédéralistes autour d'Alexandre Marc et de Guy Héraud, qui commencent leurs travaux dans les années 30, les éléments critiques à l'égard d'un étatisme trop rigide que l'on repère dans l'œuvre de Bertrand de Jouvenel, le "folcisme" provençal, rural et paysan d'un Giono, les mouvements paysans de l'entre-deux-guerres, le slogan la "Terre ne ment pas" du temps de Vichy, les éléments épars de toute cette quête diffuse qui se retrouve dans le populisme gaulliste pendant la guerre et dans l'après-guerre, etc. La synthèse de toutes ces merveilles de la pensée du 20ième siècle n'a pas encore été faite. Malheureusement ! Cependant, les orientations nouvelles du gaullisme dans les années 60, après les tumultes de la guerre d'Algérie, avec la volonté de créer un Sénat des régions et des professions et de lancer l'idée mobilisatrice de "participation" mériteraient, à notre sens, une attention plus soutenue de la part des cercles néo-nationalistes en France, qu'ils soient inféodés à des partis ou non.

Un programme nouveau pour le nationalisme français

Enfin, il est évidemment qu'en dehors de France, et même dans les régions francophones à la périphérie de l'Hexagone, l'Histoire n'est pas jugée de la même manière. Par rapport au reste de l'Europe, l'Histoire de Fran­ce, depuis Louis XI (que nos instituteurs appelait l'«Universelle aragne», en reprenant l'expression qu'utilisait à son propos Charles le Hardi, Duc de Bourgogne, que l'historiographie française nomme le «Téméraire») et sur­tout depuis François I est regardée avec une évidente animosité. L'alliance que François I noue avec les Ot­tomans est considérée comme une trahison à l'égard du "bloc civilisationnel" européen. Cette animosité est difficilement surmontable, car lorsque nous avons affaire à des amis allemands (surtout du Sud), espagnols, autrichiens, hongrois, croates, lombards ou vénitiens, nous sommes amenés tout naturellement à partager la même vision de l'histoire: celle qui voit l'Europe unie contre les adversaires communs en Afrique du Nord et dans les Balkans. La France, comme du reste l'Angleterre, et dans une moindre mesure le Portugal et la Suède, fait bande à part, est perçue comme étant en marge de notre bloc civilisationnel. Par conséquent, notre souhait est de voir se développer une nouvelle historiographie française qui aurait les caractéristiques suivantes:

◊ Elle se réapproprierait une bonne part de la tradition bourguignonne, dans la mesure où celle-ci est fidèle à l'Empire, forge un "Ordre de la Toison d'Or" visant à reprendre pied dans l'espace pontique (Mer Noire);

◊ Elle revaloriserait des figures comme Catherine Ségurane, héroïque niçoise en lutte contre les Ottomans et François I (cf. «Une jeune Niçoise résiste au Turc Barberousse», in : Historia, n°593, mai 1996);

◊ Elle se réfèrerait davantage à la Sainte-Ligue, au-delà d'un catholicisme trop intransigeant, car la Sainte-Ligue était alliée à une Espagne combattante, notamment en Méditerranée et en Afrique du Nord;

◊ Elle se réfèrerait aux mouvements populaires de résistance, ainsi qu'à la Fronde, contre les tentatives de centralisation, qui n'avait qu'un but, spolier la population pour financer des guerres contre le reste de l'Europe et au profit de l'allié ottoman;

◊ Elle réactualiserait la politique maritime de Louis XVI, qui fut capable de damer le pion à la Royal Navy, et qui aurait, s'il avait réussi, dégagé définitivement l'Europe de l'«anaconda» thalassocratique (Haushofer);

◊ Elle mettrait en exergue la conquête de l'Algérie, imposée par la Restauration européenne à la France, pour expier les fautes de François I, qui avait, par ses manœuvres pro-ottomanes, fait échouer les conquêtes de Charles-Quint, amorcées en Tunisie, et des troupes espagnoles en Oranie;

◊ Elle renouerait avec le gaullisme anti-impérialiste et participationniste, en dépit des clivages catastrophiques de la guerre d'Algérie, ce qui permettrait de retomber à pieds joints dans le concret, en avançant une politique d'indépendance agricole et d'indépendance énergétique, pariant sur la diversité des sources, en proposant un modèle social original, dépassant les insuffisances du libéralisme et du capitalisme de type anglo-saxon, de lancer une politique spatiale (de concert avec le reste de l'Europe), de consolider un armement nucléaire, de relancer une flotte crédible (cf. les thèses de l'Amiral Castex et les travaux de Hervé Coutau-Bégarie) et de maintenir l'atout majeur qu'est une industrie aéronautique autonome, prête à coopérer avec ses consœurs européennes (notamment Saab en Suède).

Vous le constatez: nous ne sommes pas seulement critiques, par rapport aux errements du passé, nous sommes surtout positifs car nous proposons aux Français de mettre leurs atouts au service d'un bloc civilisationnel, capable de résister aujourd'hui aux Etats-Unis et à son appendice, le monde islamique, travaillé par les intégrismes de tous acabits.

 

dimanche, 05 août 2007

R. Steuckers : Entretien (3)

Troisième et dernière partie des “réponses de Robert Steuckers au questionnaire d’un étudiant…”

9. Dans vos revues, au cours des années 80, vous avez défendu des positions neutralistes; est-ce la même logique qui vous fait défendre un monde multipolaire ou constitués de grands blocs qui ne pratiqueraient pas entre eux la politique d’ingérence et d’immixtion, qui semble dominante aujourd’hui ?

Entendons-nous d’abord sur le terme « neutralisme ». Le neutralisme n’est pas une idéologie démissionnaire, un pacifisme bêlant comme celui des gauches qui manifestaient contre l’installation des missiles américains, au début des années 80. Le neutralisme, pour moi, est armé et même surarmé. L’exemple est helvétique et suédois, autrichien et yougoslave. Il s’agissait d’organiser une armée de citoyens, capable de mailler totalement le territoire. Il impliquait la fusion armée/nation. Sur le plan diplomatique, il s’interdisait de participer à des alliances, comme l’OTAN, par exemple, et mettait l’accent sur l’indépendance et la souveraineté nationales. Parallèlement à ce neutralisme classique, de type suisse, il y avait aussi le gaullisme, ou la sanctuarisation nucléaire du territoire national. Cette option neutraliste ou gaullienne impliquait aussi de conserver des usines d’armement nationales et de créer les conditions d’une autarcie militaire. La Suède y parvenait. L’Europe, à plus grande échelle, aurait parfaitement pu réussir sa déconnexion, par rapport aux blocs atlantique et soviétique. C’est aussi ce que réclamait les Tchèques lors du printemps de Prague: rappelez-vous le Paris-Match de l’époque, avec cette jeune fille pragoise, blonde et fort maigre, qui, devant les chars soviétiques qui entraient dans la ville, portait sur la poitrine un écriteau, avec ce seul mot: « Neutralitu ». Elle exprimait le désir de la population tchèque et slovaque de se dégager du bloc soviétique sans pour autant vouloir se noyer dans le bloc capitaliste. Un mouvement neutraliste, de part et d’autre du Rideau de Fer, suite logique d’une application graduelle de la « Doctrine Harmel », aurait rendu à l’Europe son indépendance et sa puissance.

En 1984, quand j’ai rencontré le Général Löser, lors de la Foire du Livre de Francfort, il venait de sortir un livre programmatique, appelant ses compatriotes, les ressortissants des trois Etats du Bénélux, les Hongrois, les Tchèques, les Slovaques et les Polonais à se dégager des blocs. Ce livre s’intitulait justement Neutralität für Mitteleuropa. Löser, ancien Commandeur de la 24ième Panzerdivision de la Bundeswehr et rescapé de Stalingrad, était aussi un théoricien militaire qui s’alignait sur les stratèges Spannocchi (Autriche), Brossolet (France gaullienne), sur leurs homologues yougoslaves, suisses et suédois. Sa neutralité n’était pas une neutralité désarmée, mais, au contraire, une neutralité vigilante et citoyenne, centrée sur elle-même et non aliénée par l’appartenance à un bloc, dominé par une superpuissance, qui oblitérait les spécificités nationales et tenait sa part d’Europe sous tutelle.

Le monde est effectivement multipolaire. On ne peut réduire l’inépuisable diversité humaine à deux blocs ou à un monde global unifié,comme le voudrait le « nouvel ordre mondial » de Bush-le-Père et de son théoricien Francis Fukuyama (qui a révisé ses positions depuis ses euphories du début des années 90). Les Etats-Unis veulent imposer leur modèle et utilisent, pour y parvenir, l’idéologie des « droits de l’homme », indéfinie, mise à toutes les sauces, manipulable à l’envi (on l’a vu au Kosovo, où elle a servi à mettre en place un régime de mafieux et de maquereaux). L’idée d’un « nouvel ordre mondial », outre ses aspects missionnaires, part du principe d’un genre humain indifférencié ou de l’idée d’un genre humain amnésique, épuré de tous les legs de l’histoire, dévalorisés a priori comme s’ils n’étaient que de vulgaires scories. Or les hommes ont été appelés à créer des formes, variées et différentes, sur la Terre. Ce sont ces formes qui font l’humanité, qui permettent de dépasser le stade purement animal et générique de l’espèce. Par conséquent, l’espace politique de la Terre n’est pas un « uni-versum », mais un « pluri-versum ». Le respect du passé, des formes, des continuités, comme nous l’enseigne Naipaul, postule de respecter ces acquis, de ne pas vouloir revenir à un stade purement générique et de ne pas vouloir éradiquer purement et simplement, avec une rage frénétique, ce qui a été, est et demeurera. L’acceptation de la nature « pluri-verselle » de l’échiquier mondial implique de reconnaître la multiplicité des pôles politiques dans le monde. C’est donc bien une option « multipolaire ».

Face à la volonté américaine d’établir un « nouvel ordre mondial », la Chine, notamment, a suggéré des « amendements ».D’abord, elle a souhaité une adaptation de la notion de « droits de l’homme » à chaque aire civilisationnelle de la planète. Chaque aire de civilisation adapterait ainsi la déclaration universelle des droits de l’homme à ses propres spécificités culturelles, et la Chine, par exemple, lui donnerait une connotation « confucéenne ». La Chine a demandé à l’Occident de « respecter l’étonnante pluralité des valeurs et des systèmes sociaux, économiques et politiques », de « renoncer à toutes manoeuvres coercitives d’unification ou d’uniformisation ». Les Chinois estiment, à juste titre, que: « ces dix mille choses peuvrent croître de concert, sans se géner mutuellement, et les taos peuvent se déployer parallèlement sans se heurter ». C’est l’esprit de la « Déclaration des Droits de l’Homme de Bangkok », proclamée le 2 avril 1993. La Chine a tenté de faire front, de s’opposer à la volonté américaine d’homogénéisation de la planète. Elle s’est expressément référée à la notion de « pluralité ». Sa volonté était aussi d’imposer un modèle des relations internationales, reposant sur les « cinq principes de la coexistence pacifique »: 1) le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats; 2) le principe de non-agression; 3) le refus de toute immixtion dans les affaires intérieures d’Etats tiers; 4) l’égalité des partenaires sur l’échiquier international; 5) le respect des besoins vitaux de chacun (auxquels il est illicite de porter atteinte). Ces cinq principes, me semble-t-il, résument parfaitement nos propres positions « multipolaristes ». Ils sont l’expression d’une antique sagesse, qu’il serait sot de ne pas écouter.

10. Votre vision d’une Europe impériale est donc tout-à-fait antinomique de tout impérialisme à l’intérieur ou à l’extérieur de celle-ci. Qu’en est-il ?

Le débat qui porte sur l’Europe impériale, sur les impérialismes intérieur et extérieur est sans fin. La notion d’Empire en Europe remonte aux Romains. La personnalité collective, porteuse de cet Empire, est le « Senatus Populusque Romanus », soit le Sénat et le Peuple romains. Par la « Translatio Imperii », elle passe aux Francs de Charlemagne (« Translatio Imperii ad Francos »), puis, avec Othon Ier, à l’ensemble des peuples germaniques (« Translation Imperii ad Germanos »). Ou plus exactement, aux ressortissants des territoires relevant du « Saint Empire Romain de la Nation Germanique ». Cela a été tout théorique, surtout après l’élimination de la descendance de Frédéric II de Hohenstaufen. Outre les vicissitudes dynastiques du Saint Empire, le noyau territorial concret de cet ensemble, forgé depuis César (Caesar / Kaiser), implique d’unir le continent européen autour de trois bassins fluviaux, le Rhône (conquis depuis Marius), le Rhin et le Danube, plus le Pô en Italie du Nord. C’est à partir de ces trois bassins, et des territoires qui se situent entre eux, et à partir de la plaine nord-européenne aux fleuves parallèles, de l’Yser au Niémen, que l’Europe doit se former. C’est, disait le géopolitologue autrichien, le Général-Baron Jordis von Lohausen, la paume de la main « Europe », dont les doigts sont les espaces périphériques: scandinave, ibérique, italique, balkanique, britannique. Sans une cohésion solide de cette paume, pas d’unification européenne possible. Et sans cette unification, c’est l’anarchie et la dissolution. Or c’est ce désordre et cette dispersion qui ont été le lot de l’Europe au cours de l’histoire post-romaine. Napoléon a voulu l’unifier à partir de la frange occidentale de la paume, l’espace gaulois, dont les bassins fluviaux portent vers l’Atlantique et non pas vers le c ?ur du continent, dont l’artère majeure est le Danube, symbole fluvial de l’Europe comme forme de vie. La tentative napoléonienne est donc grevée d’une impossibilité physique et géographique. L’ « hegemon » ne pouvait être français, à cause des faits géographiques et hydrographiques, qui sont évidemment incontournables. Hitler est prisonnier de la vision « ethniste », qui domine en Allemagne à son époque. Il se vaut libérateur et émancipateur, fondateur d’un nouvel ordre social, plus juste et plus efficace pour les ouvriers et les paysans. Il séduit. Incontestablement. Mais quand ses troupes entrent en Bohème tchèque, à Prague, elles réduisent ipso facto à néant le principe cardinal de la politique allemande, depuis la « prussianisation » protestante du « Reich ». En entrant dans l’espace linguistique tchèque, les armées de Hitler remettaient en question le fondement même du Reich protestantisé, et donc particulariste, et la propre propagande ethniste du national-socialisme. Une contradiction qui n’a jamais pu être surmontée, avant la fin du deuxième conflit mondial. De Gaulle, après 1945, et surtout dans les années 60, veut assumer une sorte de leadership, mais sa France, bien que souveraine et membre du Conseil de sécurité de l’ONU, n’est plus prise au sérieux: la défaite de 1940 est toujours dans les têtes, le pays paraît pauvre et archaïque (cf. les études d’Eugen Weber sur la France rurale), ne séduit pas les Nord-Européens qui le regardent avec commisération, les défaites coloniales d’Indochine et d’Algérie écornent son prestige. La France gaullienne, en dépit de ses efforts, ne sera pas le « Piémont » d’une Europe dégagée des blocs. Le retour à une Europe impériale ne sera possible que s’il y a unanimité des Européens, sans autre « hegemon » que la volonté organisée et structurée des européistes de toutes nationalités.

Il est évident que le colonialisme de papa, essentiellement capitaliste dans son essence, est inacceptable dans la situation actuelle. En Indochine, par exemple, l’imbroglio de 1940 à 1946, entre Japonais, Français de Vichy et de Londres, Britanniques, Américains, Indochinois de droite et Vietminh, semblait insoluble. Les Japonais avaient appuyé les mouvements d’émancipation anticolonialistes; les Américains avaient pris le relais. Il était évident que la seule solution raisonnable, pour la France de Londres, qui appartenait au camp des vainqueurs, aurait été de négocier directement avec le Vietminh, plus nationaliste que communiste au lendemain de l’occupation japonaise. Un accès graduel mais rapide à l’indépendance des territoires indochinois aurait permis de sauver une certaine présence française, donc européenne, de se faire le champiuon de l’émancipation coordonnée des peuples extra-européens, dans ce territoire hautement stratégique, où se situent les embouchures des grands fleuves asiatiques, qui prennent leurs sources sur les flancs de l’Himalaya (Fleuve Rouge, Mékong, …). Les hésitations, l’illusion de vouloir perpétuer un empire colonial du 19ième siècle dans les conditions très différentes d’après 1945 a empêché les uns et les autres de trouver une solution rapide et harmonieuse.

La défaite de Dien Bien Phu encourage ensuite la rébellion algérienne, qui couvait depuis les événements sanglants de Sétif en 1945. Mais, l’Algérie se trouvant aux portes de l’Europe, l’histoire de sa conquête et de sa colonisation est fort différente de celle de l’Indochine. Si la présence française en Extrême-Orient est due à la course effrénée de toutes les puissances européennes pour se tailler une fenêtre sur le Pacifique, la conquête de l’Algérie, après 1830, provient d’une volonté européenne d’imposer à la France une tâche « réparatrice », après les guerres révolutionnaires et napoléoniennes. La France avait été l’alliée des Ottomans et des Barbaresques contre la légitimité impériale; elle s’était mise ainsi au ban des nations européennes. Comme la piraterie barbaresque ne cessait de sévir au début du 19ième siècle, l’Europe de la Sainte-Alliance a décidé d’y mettre un terme et de charger la France de cette mission. La présence d’une puissance européenne en Afrique du Nord se justifiait par la nécessité de sécuriser la Méditerranée, de garantir la libre circulation des navires européens et d’éviter les rafles d’esclaves sur les côtes chrétiennes de la Méditerranée. Si la France n’avait pas imposé son système jacobin aberrant en Algérie, la révolte n’aurait pas été aussi sauvage et la décolonisation aurait sans doute pu s’opérer dans l’harmonie. En dépit de cela, l’Europe aurait dû se montrer solidaire des Européens d’Algérie, appuyer la France et les colons espagnols et italiens d’Algérie. L’Espagne avait un droit d’intervenir en Oranie, où la population européenne de souche espagnole était majoritaire. L’Europe, et surtout l’Espagne (avant même la France), a le droit d’entretenir des troupes en Afrique du Nord en représailles des agressions sarazines et barbaresques, qui ont duré plus d’un millénaire. On ne peut transposer l’idée d’une libération nationale et anticoloniale, comme elle s’est exprimée en Indochine, en Afrique du Nord, puisque l’intervention française est la réponse européenne à des agressions répétées et particulièrement horribles. Au nom du Testament de Charles-Quint, qui doit constituer le bréviaire de tout homme politique qui se respecte en Belgique, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Croatie, en Italie et en Espagne, les zones d’Afrique du Nord doivent être tenues constamment sous surveillance. La présence espagnole à Ceuta et Melilla est ainsi entièrement justifiée, ne peut être soumise à révision, même si nos concitoyens de souche marocaine ne le comprennent pas.

Toute démarche impériale offensive, en dehors de la zone initiale d’un Empire, est justifiable si elle est dictée par des motifs stratégiques et géopolitiques. En revanche, elle est injustifiable si elle est dictée par des motifs économiques. De même, autre facteur dont il faut tenir compte: la proximité spatiale. En Indochine, la France est une « raumfremde Macht » (une puissance étrangère à l’espace), exactement comme l’Allemagne avait été une « raumfremde Macht » en Micronésie avant 1918, ce que reconnaissait pleinement le géopolitologue Haushofer. En Afrique du Nord, aucune puissance européenne riveraine de l’Atlantique et de la Méditerranée n’est une « raumfremde Macht », puisque toutes ont subi les agressions sarazines ou barbaresques pendant près d’un millénaire. L’Europe a le droit inaliénable de protéger ses abords, même en constituant des glacis hors de son espace propre. En Europe même, aucun colonialisme intérieur n’est acceptable.

Les Etats-Unis sont en train de créer un OTAN-Sud comprenant tous les pays arabes d’Afrique du Nord, du Maroc jusqu’à l’Egypte, Libye comprise, afin de pénétrer l’Afrique subsaharienne et d’y puiser les richesses du sous-sol, non encore pleinement exploitées. L’OTAN-Sud arabophone a donc deux fonctions:

1) parachever l’encerclement de l’Europe;
2) contrôler l’Afrique subsaharienne et servir de verrou entre l’Europe et celle-ci. Ce projet n’est possible que sans présence européenne en Afrique du Nord, d’où la bienveillance américaine à l’égard des terroristes algériens en lutte contre la France jadis, à l’égard du Maroc contre l’Espagne à la fin des années 50, enfin, à l’égard de l’agression marocaine contre Perejil et l’Espagne en juillet 2002. Les Etats-Unis misent sur le trop-plein démographique nord-africain, sur le « Youth Bulge » comme disent leurs stratèges, afin d’y recruter des mercenaires pour bloquer l’Europe par le Sud et engager des troupes le long des nouveaux oléoducs qui achemineront le brut africain vers les côtes de l’Atlantique, si des troubles ou des rébellions enflamment la région. L’émergence imminente d’un OTAN-Sud aurait dû inciter les autorités européennes à la vigilance. L’Europe perd toutes ses cartes en Afrique.

La question de l’impérialisme extérieur est donc bien trop complexe pour la réduire à ces schémas binaires dont se gargarisent les belles âmes de gauche.

11. Actuellement, il semble que l’anti-américanisme soit à la mode. Quelles sont vos critiques à l’égard de celui-ci et de l’anti-Bushisme médiatique ?

Si l’anti-américanisme a le vent en poupe actuellement, c’est dû essentiellement à une décennie et demie d’interventions américaines dans le monde. La disparition de la « Soviétie », et donc la fin de la Guerre Froide, avait fait espérer, surtout en Europe, l’avènement d’une longue ère de paix, de reconstruction, de fraternité, où les deux parties de l’Europe se seraient lentement mais sûrement resoudées. Les Etats-Unis ont déçu cet espoir. C’est la raison majeure de l’anti-américanisme réel et sincère qui déferle sur la planète et surtout sur l’Europe. Mais il existe aussi un « anti-américanisme » fabriqué, notamment dans les milieux « altermondialistes ». Christian Harbulot, officier et stratége français, spécialiste de la « guerre cognitive », constate que l’ouvrage théorique majeur, censé exprimer la sensibilité altermondialiste, Empire de Hardt et Negri, évoque lourdement la nécessité d’organiser une « résistance » en « réseaux », dont la caractéristique majeure serait d’être non territorialisée. Cette idée est devenu le « joujou » de la nouvelle gauche actuelle. Or, on ne peut résister sans avoir de base territoriale, sans restructurer des souverainetés territorialisées, de préférence à l’échelle continentale. Par conséquence, une « résistance » déterritorialisée ne débouche sur rien, comme le constate très justement Harbulot. La gauche est aussi très excitée parce que Bush est républicain. Or les démocrates, que cette gauche juge plus pacifiques, sont tout aussi bellicistes, comme l’a prouvé l’Administration Clinton, en déclenchant la guerre dans les Balkans. Kerry, nouvelle figure de proue démocrate, accepte le fait de la guerre en Irak et appartient vraisemblablement au même groupe étudiant de Yale, la fameuse société « Skull & Bones », dont les Bush ont fait partie et qui semble être le noyau dur, dont sont issus les dirigeants américains actuels. La gauche ne tient pas un raisonnement géopolitique mais « moraliste ». Or on ne riposte pas à une agression militaire, permanente et planétaire, par des déclarations moralisantes. Elles ont toujours eu, ont et auront un effet nul.

L’anti-bushisme se borne à ridiculiser le Président américain, à dire qu’il est un « idiot », alors que la démarche impériale qu’il poursuit a été jusqu’ici couronnée de succès. Certes, c’est au détriment de l’Europe, de la Russie et du nationalisme arabe laïc, mais, objectivement, cette stratégie, assortie de culot et d’audace, foulant aux pieds le droit international, paie. Les lamentations ne servent donc à rien et l’anti-bushisme à la Michael Moore n’est finalement qu’une dérivation, qui sert à dire : « Voyez, nous sommes réellement démocrates, nous tolérons la critique, nous admettons que l’on soit outrancièrement irrévérencieux à l’égard du Président ». Pendant ce temps, les chars tirent sur Bagdad, les grandes entreprises logistiques comme Halliburton entrent en action, les satellites espions ne cessent pas de fonctionner.

12. Les mouvements d’extrême-gauche sont aussi souvent très anti-américains. Que pensez-vous de leurs thèses ?

Les mouvements d’extrême-gauche devraient se livrer à un petit travail d’anamnèse. La gauche extrême, qui existe aujourd’hui, est l’héritière de ceux qui scandaient, en Allemagne et à Paris entre 1967 et 1969: « Ho Ho Ho Chi Minh !». Or cet homme politique vietnamien, qui a dégagé son pays des tutelles japonaise, française et américaine, a d’abord négocié avec Washington dans le dos des Français, immédiatement après la seconde guerre mondiale. Ho Chi Minh a d’abord été un agent américain, avant de devenir un ennemi de Washington dans le Sud-Est asiatique. Après le départ des troupes américaines en 1975, les relations américano-vietnamiennes se sont rapidement « normalisées », prouvant que, malgré l’horreur de la guerre du Vietnam (bombardements sur Hanoï, défoliation des forêts tropicales indochinoises par l’agent orange, etc.), des passerelles entre les deux pays existaient, tout comme d’ailleurs, entre la Chine de Mao et les Etats-Unis, notamment par l’intermédiaire de brillants journalistes sinologues.

Ce qui caractérise les diverses extrêmes gauches, c’est l’absence de rétrospective historique, c’est l’amnésie, c’est une propension agaçante à raisonner en termes figés, à ériger des mythologies propagandistes au rang de vérités historiques. J’ai toujours trouvé de bonnes analyses factuelles dans les publications et chez les auteurs dits d’« extrême gauche », mais les conclusions étaient trop souvent erronées, car elles partaient de raisonnements détachés du flux de l’histoire, lequel ne s’arrête pas. On a assisté plus d’une fois à des débats stériles pour tenter d’interpréter les nouvelles donnes qui surgissaient sur l’échiquier international. Je me rappelle surtout des discussions sans fin (et sans objet) au moment du rapprochement sino-soviétique en 1972, puis, dans la foulée, entre partisans du Vietnam devenu entièrement communiste et partisans du Cambodge de Pol Pot. Tout cela a fini par lasser le public. L’extrême gauche relève donc, le plus souvent, d’un rituel sans impact politique réel. Tout comme l’extrême droite d’ailleurs, qui cultive d’autres fantasmes.

Aujourd’hui, les thèses les plus intéressantes débattues dans le petit espace de l’extrême gauche internationale sont indubitablement celles de Noam Chomsky. L’analyse géopolitique n’y est pas clairement énoncée. L’option moraliste et internationaliste de ce corpus ne permet pas d’incarnation politique réelle, puisqu’elle entend se situer au-delà des Etats nationaux, tout en admettant que les nations du tiers-monde, mais elles seules, ont un droit à l’auto-détermination. L’Europe est généralement assimilée, ni plus ni moins, au camp « impérialiste », alors qu’elle est sous tutelle et ne dispose d’aucune marge de manoeuvre réelle ! Tous les faits énoncés par Chomsky, Chossudovsky, etc. doivent être inclus et assimilés dans les analyses géopolitiques classiques, qui se hissent bien évidemment au-dessus des étiquettes et clivages idéologiques. La fusion des deux corpus pourrait donner à terme un outil politique efficace. Quant à l’altermondialisme, je le répète, il ne peut se laisser piéger par le leurre qu’on lui agite sous le nez, à savoir cette idée de « réseaux » sans ancrage territorial.

13. Quelle est votre opinion sur la Guerre Froide ? A-t-elle été une mascarade et, si oui, pourquoi les Etats-Unis ont-ils poussé à la chute de l’URSS ?

La Guerre Froide est un répit. Il s’agissait d’assiéger, de « contenir » l’URSS, soit, dans le langage du géopolitologue britannique Mackinder, de coincer la puissance maîtresse du « Heartland » continental, de l’enserrer dans un jeu d’alliances, dont les maillons se situent sur l’ « anneau extérieur littoral », afin qu’elle ne puisse conquérir cette frange périphérique et maritime du vaste continent eurasien. Auparavant, il s’était agi d’utiliser les forces du « Heartland » pour harceler les puissances organisatrices de la « Forteresse Europe », dont l’Allemagne, pièce géographique centrale de la « Zwischeneuropa », et du Japon, organisateur de la « sphère de coprospérité est-asiatique ». Les Etats-Unis, ont bien assimilé la dialectique théorisée par Mackinder pour affaiblir toutes les puissances d’Eurasie. Après les ennemis principaux, Allemands et Japonais, il fallait mettre hors jeu l’allié principal, le « spadassin continental » soviétique (« kontinentaler Haudegen », dixit Ernst von Reventlow). Pour y parvenir, il fallait organiser le « containment », l’encerclement de l’ancien allié, maître de la « Terre du Milieu », en organisant sur les « franges continentales » (ou « rimlands »), des systèmes d’alliance, tels l’OTAN, l’OTASE, le CENTO, etc. L’objectif était évidemment d’éviter tout rapprochement germano-soviétique, ou euro-soviétique, après 1945. Le terme « mascarade » ne me paraît dès lors pas adéquat. La Guerre Froide est la suite logique des deux premières guerres mondiales. L’intention des puissances thalassocratiques anglo-saxonnes a toujours été, depuis les préludes de la Guerre de Crimée au 19ième siècle, de détruire la puissance russe, de la faire imploser. En 1941, après la défaite de la France, l’Allemagne est le danger primordial. Il faut dès lors la détruire en utilisant le potentiel militaire et démographique de la seconde puissance du continent: en l’occurrence, l’URSS de Staline. Une fois le danger allemand écarté, on passe à l’étape suivante: détruire la Russie. Le même scénario s’observe au Moyen-Orient, où les Etats-Unis ont armé Saddam Hussein contre l’Iran, puis désigné l’Irak comme ennemi du genre humain, pour qu’il ne puisse exercer aucun contrôle de type hégémonique dans la région. Après 1945, la France, alliée, est évincée de ses positions extra-européennes en Indochine, avec la complicité des Etats-Unis, qui se retournent ensuite contre leurs alliés communistes vietnamiens du départ. La dernière phase consiste à organiser des « abcès de fixation » sur les franges extérieures de la Fédération de Russie, aux frontières déjà complètement démembrées depuis la chute de l’Union Soviétique. L’imbroglio tchétchène, qui s’étend à l’Ingouchie, à l’Ossétie et au Daghestan, en est un exemple d’école. Ces processus n’étonnent que ceux qui prennent les vérités de propagande anti-hitlériennes, anti-staliniennes, anti-nasseriennes, anti-irakiennes pour des faits objectifs et imaginent que les services américains croient à leur propre propagande: en fait, ils ne font que manipuler un discours, qu’ils savent parfaitement construit et amplifié par les grands médias internationaux, undiscours qui sert à réaliser des buts géopolitiques, définis depuis des décennies sinon des siècles.

14. Comment voyez-vous l’évolution des Etats-Unis au cours de ces prochaines années ?

Je ne possède pas de boule de cristal, me permettant de voir l’avenir. La seule chose que l’on puisse dire avec suffisamment de certitude, au vu de l’évolution actuelle de la situation internationale, c’est que les Etats-Unis cherchent, au Moyen-Orient et en Afrique Noire, à s’emparer du maximum de ressources pétrolières, de gagner la bataille des énergies pour conserver les rentes que leur offre le pétrole, afin de les investir dans les recherches de haute technologie. Ainsi, les Etats-Unis pourront forger les armes et les technologies satellitaires qui leur permettront de conserver leur leadership pendant un siècle ou deux. Ils s’assureront une domination très confortable sur les autres et pérenniseront leur puissance. Je me méfie des discours récurrents, qui apparaissent dans les médias et qui prévoient le déclin imminent des Etats-Unis.

15. Pourquoi les atlantistes en Europe, mais aussi aux Etats-Unis ne militent-ils pas pour la création des Etats-Unis d’Occident, comme le suggère « Xavier de C* » dans son livre « L’Edit de Caracalla ou plaidoyer pour des Etats-Unis d’Occident », paru chez Fayard en 2002 ?

Les atlantistes européens sont des internationalistes qui croient à la propagande de Washington. Mais les vrais détenteurs du pouvoir américain, qui orchestrent cette propagande « mondialiste » ne le sont que d’une certaine façon. Ils croient à l’ancrage américain. Imaginez la situation qui émergerait, si l’Europe votait toujours pour des pacifistes ou si son poids démographique contribuait à faire élire exclusivement des présidents européens, qui feraient une géopolitique européenne et non plus américaine. Les programmes géopolitiques américains, définis depuis si longtemps, ne pourraient plus être mis en oeuvre. L’écoumène atlantiste ne serait plus américanocentré. Le protestantisme puritain deviendrait minoritaire, sous le poids du catholicisme européen et latino-américain. Ce « Xavier de C*» ignore que le moteur religieux de l’américanisme est ce protestantisme dissident, puritain et fanatique des « Founding Fathers ». Son projet « caracallien » minorise ipso facto ce puritanisme, donc fait perdre à l’Amérique sa spécificité fondatrice. C’est un projet d’atlantiste européen naïf et non pas un projet puritain-américain réaliste, car un tel projet n’imaginerait pas une fusion globale où il ne serait plus qu’un facteur périphérique et marginalisé.

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