par Guillaume Berlat
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Le châtiment de l’hybris1 est la némésis, le châtiment des dieux qui fait se rétracter l’individu à l’intérieur des limites qu’il a franchies. Le Dieu de la verticalité du pouvoir n’en aurait-il pas trop fait dans le registre de la démesure depuis sa victoire de mai 2017 ? Emmanuel Macron n’avait-il pas trop tendance à se croire sorti de la cuisse de Jupiter tant dans l’Hexagone que sur la scène internationale ? Si ces facéties, déjà fort nombreuses, font le jeu des humoristes et autres amuseurs publics français (Nicolas Canteloup, Laurent Gerra…), elles font plutôt grincer des dents dans les chancelleries occidentales (allemande, américaine, belge, hongroise, italienne, et autres (iranienne, russe, turque…).
Après l’acte II de affaire Benalla, la crise des « gilets jaunes »2 a eu un effet révélateur, dévastateur radical pour l’image du président de la République à l’étranger. Le roi est nu sur l’échiquier international ! Échec et mat. C’est qu’il n’y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne. Manu et Bijou avaient eu trop tendance à l’oublier. Après un premier succès de l’année 2018 marqué par une inflation d’envolées diplomatico-lyriques, les temps ont bien changé. Emmanuel Macron est pris au piège qu’il a lui-même armé, celui des ambitions planétaires paralysées.
LE SEMESTRE DES ENVOLÉES DIPLOMATICO-LYRIQUES
Le champion toute catégorie de la parole diplomatique généreuse commence son tour du monde en fanfare et caracole en tête de peloton, devançant tous ses principaux concurrents, sidérés par le grimpeur hors-pair qui avale les cols de première catégorie au train.
Un départ en fanfare : Macron-Jupiter
Dans la foulée de son premier semestre au pouvoir (2017) marqué au sceau de la fébrilité pathologique et de l’agitation permanente sur le plan international (discours devant le Congrès américain ; lors de la semaine des ambassadeurs ; discours sur la refondation de l’Europe à la Sorbonne, idée stupide qui tourne au cauchemar ; plaidoyer pour le multilatéralisme à l’ONU ; discours devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg ; discours lors de la COP23 à Bonn ; discours sur la fin de la Françafrique à Ouagadougou ; réunion à Paris du One Planet Summit ; du G5 Sahel à La Celle-Saint-Cloud ; The Economist décrète que la France d’Emmanuel Macron est le pays de l’année 2017, visite au Niger pour rencontrer la force « Barkhane ». , le premier semestre de l’année 2018 se poursuit sur la lancée du second de l’année 2018. À vive, pour ne pas dire, très vive allure. N’oublions pas les nombreux déplacements bilatéraux, qu’il effectue à l’étranger où il est attendu tel le Messie, ainsi que les multiples visites de ses homologues à Paris, attirés par le nouveau prodige de la diplomatie française.
Une sorte de nouveau Talleyrand, jeunesse en plus, qui réapparait dans l’Hexagone et dans le reste du monde. Le président français est partout à la fois. Il déclame, sermonne, tance, apostrophe, félicite, s’indigne. Jupiter s’est autodésigné en conscience universelle. Rien ne semble lui résister. Il prend à bras le corps les principaux maux dont souffre le monde et y apporte sur le champ le remède idoine. L’homme comprend vite les spasmes de la planète. Il entend ne pas perdre de temps pour remettre de l’ordre, partout où la France est attendue… mais aussi où personne ne lui a rien demandé. Le pompier est plus souvent sur le terrain des incendies planétaires que dans sa caserne à attendre les appels à l’aide de ses collègues incompétents et peureux.
Une course en tête : le premier de cordée
Le nouvel an 2018 passé, Jupiter reprend son bâton de pèlerin pour évangéliser les peuples, les institutions internationales, les organisations gouvernementales, les GAFAM… Tous doivent se soumettre aux évangiles du temps, le macronisme pur et dur. Pour être dans l’air du temps, il enterre la langue française au profit du globish mondialisé. Au diable la Francophonie. Il mériterait amplement le prix de la carpette anglaise décernée au président du CSA, Olivier Schrameck3. Il est vrai qu’il était hors catégorie. Reprenons ses principales activités sur la scène mondiale, la seule suffisamment vaste pour contenir ses initiatives incessantes, parfois brouillonnes ! Il passe allégrement d’un sujet à un autre : il déjeune à Paris avec le chancelier autrichien, président de l’Union européenne ; il déclame sur le thème de l’immigration à Calais ; Emmanuel Macron réunit le premier sommet de l’attractivité (« Choose France ») à Versailles (140 grands patrons avant le sommet de Davos) ; il annonce un nouveau traité franco-allemand ; il intervient longuement au sommet de Davos ; il s’engage à créer un jour de commémoration du génocide arménien ; il participe au sommet de l’éducation à Dakar ; il visite l’Inde avec laquelle il entend sceller un « pacte fort » et il en profite pour lancer l’Alliance solaire internationale ; il boycotte le pavillon russe au salon du livre ; il déclame à l’Académie française à l’occasion de la journée de la Francophonie ; il effectue une visite aux Pays-Bas et au Luxembourg ; il reçoit trois figures de la contestation anti-Maduro ; il reçoit le sulfureux prince MBS à Paris ; il harangue le parlement européen à Strasbourg ; il effectue une visite aux États-Unis au cours de laquelle il joue au nouveau Alexis de Tocqueville ; il visite l’Australie et la Nouvelle-Calédonie, il fait un superbe discours sur l’Europe à Aix-La-Chapelle où il reçoit le prix Charlemagne ; il rencontre les géants du numérique (« Tech for good ») ; il effectue une visite en Russie à l’occasion du Forum économique de Saint-Pétersbourg ; lors de la session ministérielle de l’OCDE (Paris), il plaide pour un « multilatéralisme fort, meilleur et refondé » ; il reçoit Justin Trudeau à Paris ; il fait le coup de force avec Donald Trump au G7 de Charlevoix ; il se querelle avec l’Italie ; il s’entretient avec le nouveau premier ministre espagnol et le président du conseil européen ; il est reçu en audience par le pape François ; il visite la Mauritanie et le Nigéria ; l’Espagne et le Portugal ; il rencontre Theresa May à Brégançon ; il se pavane lors de la semaine des ambassadeurs et des ambassadrices… même si le ton est un peu moins martial qu’il ne l’état en août 2017. Il est en France et à l’étranger en même temps si bien qu’il commence à donner le tournis à ses collaborateurs sur les rotules. Certains évoquent même le vilain mot de « burn-out » (souffrance au travail).

On l’aura compris, la diplomatie française jupitérienne part dans tous les sens. Elle est tous azimuts. Mais, revers de la médaille, on peine à trouver un fil conducteur, les linéaments d’une authentique politique étrangère digne de ce nom. On commence à parler de « surchauffe diplomatique » : 120 000 km, 22 voyages en 11 mois.
« Le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure » (Hérodote). Après les engouements des premiers mois du quinquennat du plus jeune président de la Cinquième République, vient le temps des critiques, des désaveux, des débandades. Nos partenaires séduits en 2017 par la puissance du verbe, découvrent en 2018 un verbe à géométrie variable. Jupiter déroute, au mieux, inquiète, au pire. Il est boiteux, franchit les lignes jaunes européennes, ignore ses avertissements sur le climat adressés à Donald Trump…
LE SEMESTRE DES AMBITIONS PLANÉTAIRES PARALYSÉES
La plus grande confusion qui règne dans l’Hexagone depuis plusieurs semaines à l’occasion de la « crise des gilets jaunes » et de l’acte II de l’affaire Benalla conduit inéluctablement à ternir l’image de Jupiter à l’étranger, voire à restreindre de façon drastique sa marge de manœuvre diplomatique. Signe des temps, il est de moins en moins présent à l’étranger. Désormais, il privilégie l’ombre à la lumière. Horresco referens !
La plus grande confusion dans l’Hexagone
Jupiter est pris de court par la grogne sociale consécutive à l’annonce de la taxation des carburants. Il n’avait pas envisagé que cette fronde prendrait la forme d’une jacquerie fiscale doublée d’une crise de la démocratie, de la représentativité qui devrait le conduire à lâcher du lest, faire des sacrifices (quitte à mécontenter les experts-comptables de la commission européenne à Bruxelles) pour donner à sa politique un air un tant soit peu social. Emmanuel Macron est contraint d’organiser dans l’urgence le débat national de sortie de crise sur les « gilets jaunes », de ne plus refuser ab initio l’idée de référendum d’initiative citoyenne (RIC)…, voire de confesser qu’il n’avait pas très bien anticipé cette grogne de la populace, de la plèbe, du vulgum pecus4. Le premier ministre annule puis rétablit, le 18 décembre 2018, des concessions aux « gilets jaunes ». Emmanuel Macron, qui en est réduit à solliciter les conseils de l’un des prédécesseurs, demande à Nicolas Sarkozy de le représenter à l’investiture de la présidente géorgienne, l’ex-diplomate française, Salomé Zourabichvili5. Le bateau France égaré sur les canaux intérieurs n’a plus de cap précis sur les grands océans tempétueux6. L’équipe diplomatique s’est brusquement transformée de « dream team » (équipe de rêve) en « nightmare team » (équipe de cauchemar). Nous apprenons par le Journal Officiel (JORF) du 3 janvier de deux femmes de la cellule diplomatique : Barbara Frugier, conseillère communication internationale et Ahlem Garbi, conseillère Afrique du Nord et Moeyn-Orient (il est vrai que la diplomatie jupitérienne sur la zone est calamiteuse) le jour même où le très puissant conseiller en communication et plume du président, Sylvain Fort, fragilisant ainsi Emmanuel Macron7. Ainsi, va le monde au temps de Jupiter transformé en bateleur de foires.
L’image ternie de Jupiter à l’étranger8
Le cœur n’y est plus. La fin de l’été débute par un déplacement présidentiel au Danemark (il stigmatise « les gaulois réfractaires au changement ») et en Finlande au moment où Nicolas Hulot démissionne ; une énième rencontre Merkel/Macron à Marseille pour relancer une Union européenne moribonde ; Emmanuel Macron reçoit Mahmoud Abbas sur un constat d’impuissance y compris dans les mots (« je veux être efficace ») ; il s’entretient avec Donald Trump en marge de la 73ème AGNU dans un climat de grande défiance et de totale divergence sur la question de la place du multilatéralisme dans la gouvernance mondiale ; Emmanuel Macron fait de la démagogie au sommet de la Francophonie à Erevan ; il adopte une position en retrait après l’assassinat de l’opposant Jamal Kashoggi au consulat général saoudien à Istanbul sur ordre de MBS ; Emmanuel Macron effectue une visite à Prague et à Bratislava pour fissurer le bloc des nationalistes alors qu’il passe sous la barre des 30% des opinions favorables ; il organise un Forum de la paix en marge des cérémonies du 11 novembre 2018 qui ne débouche sur rien de concret ; lors d’un discours devant le Bundestag, il propose une relance du couple franco-allemand et de l’Union européenne ; il se rend en visite officielle en Belgique ; il participe au G20 de Buenos Aires qui se conclut sur un accord a minima ; il s’entretient le 2 janvier 2018 au téléphone avec Vladimir Poutine quémandant un strapontin dans les futures négociations sur la Syrie ; pour sa part, Jean-Yves Le Drian/Le Chouchen annonce le lancement d’une nouvelle stratégie internationale de la France en matière de droits de l’homme à l’occasion du 70ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme… au moment où la France apparait de plus comme la patrie des violations des droits de l’homme. La diplomatie française part dans tous les sens faute de priorités, de hiérarchisation des initiatives, de tri entre l’accessoire et le principal.

Jupiter est ridiculisé. Le constat est sans appel. À l’étranger, l’image du chef de l’État et de la France sont écornées9. C’est la fable de l’arroseur arrosé. « Des fautes majeures ont cassé la confiance » (Ségolène Royal). Pour cause de « gilets jaunes », Emmanuel Macron est contraint d’annuler sa visite en Serbie, son intervention à la COP24 de Katovice, sa présence à Biarritz pour présenter sa présidence du G7 et de revoir sa stratégie pour les prochaines élections européennes10. Des ONG attaquent la France pour « inaction climatique » alors qu’il présentait la France en parangon de vertu dans ce domaine. On constate une image dégradée de la France auprès des investisseurs internationaux en raison de la crise des « gilets jaunes ». La répétition des « Black Saturday » entraîne les sarcasmes de Donald Trump (il évoque un « Paris qui brûle »), des présidents iranien, russe et turc, du ministre italien de l’Intérieur sur la manière dont les manifestants sont traités en France (« usage disproportionné de la force »). Ce mouvement met en lumière la faiblesse du président français tant sur la scène européenne (le couple franco-allemand n’existe plus et le président doit rassurer11, finie la refondation de la Sorbonne) que sur l’échiquier international (Jupiter fait franchement rire, c’est de la franche rigolade). Sa parole n’est plus crédible. Comme par enchantement, elle devient plus rare pour ne pas dire inaudible. Finies les doctes leçons de morale infligées à ses opposants ! Les droits de l’homme sont mis en sourdine12. Lors des vœux du 31 décembre 2018, il annonce l’annonce de nouvelles propositions sur la refondation de l’Europe dans un très proche avenir. À quoi a donc bien pu servir le discours de la Sorbonne ? Si ce n’est à faire le buzz, rien de plus !
La France supplantée en Afrique. Que constate-t-on en effet ? En septembre 2018, le lancement à Pékin du 7ème Forum sur la coopération sino-africaine marque l’ancrage durable de l’Empire du milieu sur le continent. Le riche président Xi Jinping annonce l’octroi d’une aide gratuite et de prêts sans intérêts de 15 milliards de dollars. La Chine dispose déjà d’une base à Djibouti, particulièrement utile pour tisser ses « nouvelles de la soie » en Afrique mais aux quatre coins de la planète. Elle est solidement implantée sur l’ensemble du continent, y compris dans notre ancien pré carré. Tout ceci se situe dans le cadre d’une stratégie de long terme que nous n’avons pas anticipée en temps voulu (Cf. le discours de Xi Jinping du 18 décembre 2018)13. C’est désormais au tour de la Russie d’être solidement ancrée en République Centrafricaine (RCA)14. La diplomatie française paie dans ce pays les résultats de son incurie et de son impéritie15. L’ambassadeur clairvoyant est sanctionné pour de fausses raisons. C’est l’air bien connu : l’ambassadeur a dit la vérité, il doit être exécuté. Moscou ne serait-il pas tenté par une Russafrique à l’instar de la Chinafrique ?16. Comme le Petit Poucet, elle sème ses petits cailloux sur le continent17. Jusque et y compris Israël qui tente un « happy come back » en Afrique et qui nous dame le pion18. Le Brésil, la Turquie veulent également leur part du gâteau et ne plus se contenter du rôle d’observateur. La chasse française n’est plus gardée. Elle est ouverte à tous les vents, à tous les appétits.
Le fiasco syrien. Nous n’aurons pas la cruauté de reprendre toutes les analyses pertinentes et régulières publiées dans notre site prochetmoyen-orient.ch sur la débandade française en Syrie, commencée sous le règne d’Alain Juppé, poursuivie sous celui de Laurent Fabius et conclue en apothéose sous la mandature de Jean-Yves Le Chouchen19. Sans parler de la décision unilatérale de Donald Trump de retirer ses troupes de Syrie (même si cette opération ne sera pas instantanée) sans en avertir son ami et allié Emmanuel Macron, laissant nos forces spéciales dans ce pays à la merci de la Turquie. La France ne sera pas invitée à la table des vainqueurs20. Elle serait bien inspirée de rouvrir son ambassade à Damas, y compris au niveau d’un chargé d’affaires pour ne pas insulter l’avenir et ne pas être distancée par ses principaux partenaires qui se précipiteront pour contribuer à la reconstruction d’un pays après huit ans d’une guerre globale sans merci. Encore un brillant exemple de la diplomatie du dindon de la farce !
La diplomatie française malade. C’est au tour du quotidien Le Monde, si servile durant la première année du quinquennat, de mettre en lumière la fragilisation de l’outil diplomatique français au temps de Jupiter21. Voir de sonner l’halali ! La diplomatie française n’aurait plus les moyens de ses ambitions22. Elle serait « à l’os » tant Tonton Bercy/Oncle Picsou l’aurait dépecée au fil des ans. En trente ans, le Quai d’Orsay a perdu 53% de ses effectifs. Les diplomates se sentent mal défendus par un pouvoir à vocation universelle et ambition provinciale. Et l’éditorialiste du quotidien du soir enfonce le clou sur le thème de la raillerie de la diplomatie du verbe et de l’incantation du plus jeune président de la Ve République23. Loin, très loin semble le temps où le Times, l’hebdomadaire de référence pour Boboland, faisait sa une sur le portrait impérial d’Emmanuel Macron accompagné de cette légende ô combien « prophétique » : « The next Leader of Europe ». Cela se passe de commentaire. Ne voilà-t-il pas que le très discret et mesuré Hubert Védrine stigmatise une diplomatie jupitérienne brouillonne en des termes peu amènes : « Il a si clairement les limites et les fragilités du système multilatéral et les menaces internes et externes sur le projet européen, il a fait tant de propositions pour préserver la coopération internationale et pour réveiller le système européen, qu’il devrait pouvoir, dans cette phase nouvelle, trier, hiérarchiser, trancher, et durcir, et entraîner »24. In cauda venenum, pourrait-on dire !
Comme le clamait feu le journaliste expert du football, Thierry Roland lorsqu’un match basculait : « les mouches ont changé d’âne ». La roche tarpéienne est toujours proche du Capitole, ne l’oublions-pas.
« C’est donc à quitte ou double que le président va aborder l’année 2009 »25. Surtout pour une année au cours de laquelle la France va assumer la lourde tâche de la présidence du G7. Le chef de l’État devra, une bonne fois pour toutes, arbitrer entre raison et passion au moment où les réalités rappellent les plus téméraires à la raison et où Jupiter a trop tendance à prendre du bruit pour de la gloire (Paul-Louis Courier).
Comme le rappelle Gabriel Chevallier, gouverner, c’est peut-être prévoir, mais c’est surtout temporiser ! Aujourd’hui, il est impossible de décliner en quelques phrases simples les grands axes de la politique étrangère jupitérienne et sa traduction diplomatique ledrianesque (ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement). Le temps de celui qui s’est toujours trompé (couple franco-allemand, Europe, Trump, mondialisation, protectionnisme, Syrie…), qui continue de donner des leçons à la terre entière, ce temps-là est révolu. Le temps du sursaut et de la refondation de la diplomatie jupitérienne affaiblie par ses péchés de jeunesse est venu.
Le recours à une autre diplomatie ne fait plus débat si la France ne veut pas être reléguée au rang des petits qui ne comptent plus sur l’échiquier international en dépit de son statut de puissance nucléaire au sens du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. En effet, aujourd’hui, il y a pénurie de tout sauf de ridicule tant la diplomatie jupitérienne, en 2018, est passée de la grandeur (éphémère) à la décadence (durable).
Guillaume Berlat
7 janvier 2019![]()
1 Hybris vient du grec ancien, et signifie excès, démesure, orgueil inacceptable de la part d’un mortel.
2 Natacha Polony/Louis Haushalter/Soazig Quéméner, Tout ça pour ça !, Marianne, 14-19 décembre 2018, pp. 12-13-14.
3 François Darras, Schrameck ou l’indignité civique, Marianne, 14-19 décembre 2018, p. 48.
4 La politique option latin-grec, Le Monde Idées, 29 décembre 2018.
5 Fabrice Arfi, Macron-Sarkozy, Benalla-Djouhri : les étranges alliances du « nouveau monde », www.mediapart.fr , 19 décembre 2018.
6 Guillaume Berlat, Quand le Quai d’Orsay perd le cap et la boussole…, www.prochetmoyen-orient.ch , 24 décembre 2018.
7 Lénaïg Bredoux, Emmanuel Macron fragilisé par l’instabilité de son entourage, www.mediapart.fr , 3 janvier 2018.
8 Jean-Baptiste Chastand, L’image ternie d’Emmanuel Macron à l’étranger, Le Monde, 9-10 décembre 2018, p. 9.
9 À l’étranger, l’image de Macron et de la France est endommagée, Le Figaro, 17 décembre 2018, p. 5.
10 Alexandre Lemarié/Cédric Pietralunga, Européennes : Macron obligé de revoir sa stratégie, Le Monde, 18 décembre 2018, p. 10
11 Anne Rovan, UE : Macron veut rassurer ses partenaires, Le Figaro, 15-16 décembre 2018, p. 10.
12 Marc Semo, Macron met les droits de l’homme en sourdine, le Monde, 6 décembre 2018, p. 24.
13 Cyrille Pluyette, 40 ans après les réformes, la Chine s’interroge sur sa stratégie, Le Figaro, 18 décembre 2018, p. 8.
14 Christophe Châtelot/Isabelle Mandraud/Marie Bourreau, Centrafrique. Un pion sur l’échiquier russe, Le Monde, Géopolitique, 16-17 décembre 2018, pp. 18-19.
15 Fanny Pigeaud, La France veut reprendre pied en Centrafrique, tentée par les Russes, www.medapart.fr , 11 décembre 2018.
16 La tentation d’une Russafrique, Le Monde, 16-17 décembre 2018, p. 20.
17 Arnaud Kalika, « En Afrique, la Russie sème des petits cailloux et attend de voir ce que ça donne », Le Monde, 16-17 décembre 2018, p. 21.
18 Tanguy Berthemet/Thierry Oberlé, Israël peut-il réussir son retour en Afrique ?, Le Figaro, 17 décembre 2018, p. 19.
19 Ali Baba, Lafarge en Syrie : la faute à Juppé et à Fabius, www.prochetmoyen-orient.ch , 31 décembre 2018.
20 Marc Semo, La France mise hors-jeu dans le dossier syrien, Le Monde, 1er – 2 janvier 2019, p. 19.
21 Marc Semo, Diplomatie. Le blues du Quai d’Orsay, Le Monde, 30-31 décembre 2018, pp. 12-13.
22 Marc Semo, Des ambitions universelles, un budget compté, Le Monde, 30-31 décembre 2018, p. 12.
23 Éditorial, La diplomatie de Macron, un beau discours, Le Monde, 30-31 décembre 2018, p. 24.
24 Hubert Védrine (propos recueillis par Alain Salles et Marc Semo), « Soyons déterminés face aux puissances indifférentes ou hostiles à nos valeurs », Le Monde, 30-31 décembre 2018, p. 14.
25 Gérard Courtois, 2019 à quitte ou double, Le Monde, 19 décembre 2018, p. 23.




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Superseding this once-proud tradition of free speech, empiricism, and free inquiry is calculating, cautious, self-censoring phraseology. And when people do express unorthodox views, it is often in hushed tones, out of fear that an overheard comment could kill their career and get them ostracized from polite society. A 
And yet the moment of the Soviet collapse carried a hidden threat that, in less than three decades, would deepen our divisions and weaken the foundations of individual liberty. Our sense of victory contained within it the seeds of arguably the greatest peril the West has ever confronted: the ideological certitude—not just on the Left—that we had cracked the code of the human condition and could get on with the work of perfecting both the individual and society.





Liberalism is also no match for realism. At its core, liberalism assumes that the individuals who make up any society sometimes have profound differences about what constitutes the good life, and these differences might lead them to try to kill each other. Thus a state is needed to keep the peace. But there is no world state to keep countries at bay when they have profound disagreements. The structure of the international system is anarchic, not hierarchic, which means that liberalism applied to international politics cannot work. Countries thus have little choice but to act according to balance-of-power logic if they hope to survive. There are special cases, however, where a country is so secure that it can take a break from realpolitik and pursue truly liberal policies. The results are almost always bad, largely because nationalism thwarts the liberal crusader.
Comme toute guerre, celle dans laquelle nous sommes engagés sans réserve nécessite une mobilisation totale. Et comme toujours dans l’histoire, les porteurs de vérité sont peu nombreux. Ils assument le rôle d’avant-garde sur le front intellectuel, portant la responsabilité morale d’une élite authentique pour guider leur nation vers l’objectif consistant à se libérer du joug de ce nouveau type d’impérialisme extraterritorial. Lucien Cerise défie fermement toutes les limitations imposées par la dictature du politiquement correct. Il parvient à détruire jusque dans les moindres détails le fonctionnement du Système dans ses dimensions géopolitique, militaire, économique, culturelle, éducative et médiatique. L’enjeu de cette guerre totale est sans précédent dans l’histoire de l’humanité puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, de sauver l’espèce humaine de son extinction.
Dans notre cas, cela évoque l’exacerbation maladive des obsessions et des traumatismes des communautés roumanophone et russophone en nourrissant des représentations catastrophiques sur certaines périodes historiques. L’une des parties du conflit occupe la place de la victime, et l’autre partie a le rôle de bourreau, chacune des parties ayant sur sa propre identité une perception narcissique en symétrie inversée dans une structure duelle où les rôles bourreau-victime sont interchangeables. Ainsi, le sentiment de frustration suscité par une injustice réelle ou imaginaire se transforme en une soif de vengeance par annihilation du groupe bourreau, associé au mal absolu. Ce procédé d’ingénierie sociale négative connaît un succès majeur en République de Moldavie en raison de la rivalité d’influence entre la Russie et la Roumanie sur notre territoire, historiquement explicable, mais contre-productive et exploitée avec perversité à l’heure actuelle. Par conséquence, les russophiles qui sont obligatoirement roumanophobes se confrontent avec les roumanophiles qui sont par définition russophobes, les moldovenistes sont en guerre avec les unionistes identitaires, et cela dure depuis des décennies. Et les efforts d’éclaircissements sur le caractère stérile de cette guerre d’identité sans fin sont rejetés avec agressivité et dans l’opacité totale. Qui profite de cette bataille absurde de deux camps également perdants ? Il existe deux niveaux d’acteurs gagnants qui restent plus ou moins dissimulés. 

Son constat est édifiant : « L’extraction et le raffinage des terres rares sont très polluants (p. 94). » Pis, « la production de métaux indispensables à un monde plus propre est un processus polluant (p. 43) ». Cela n’empêche pas les États et les grandes entreprises multinationales de prospecter partout, y compris dans l’espace avec l’exploitation future des astéroïdes. Les États-Unis de Barack Obama ont déjà légiféré sur ce sujet particulier. Et ce n’est pas tout ! « La bataille des terres rares (et de la transition énergétique et numérique) est bel et bien en train de gagner le fond des mers (p. 242). » Deuxième domaine maritime mondial, la France détient des atouts stratégiques et économiques non négligeables avec son outre-mer océanien, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie (avec Clipperton) et Wallis-et-Futuna riches en terres rares sous-marines. L’auteur découvre la spécificité de cet archipel méconnu où règnent trois rois et où s’applique comme en Nouvelle-Calédonie « voisine » le droit coutumier dérogatoire des codes hexagonaux. Il garde sur ce point un regrad parisien et centralisateur obsolète.



Koudrine emploie des porte-parole à la Chambre des Comptes et dans une organisation politique qu’il entretient, le Comité d’Initiative Civile. Cette organisation, créée par Koudrine en 2012 à la suite de sa 



Le danger du « patriotisme constitutionnel », théorisé par le grand gourou du système en Allemagne, Jürgen Habermas, est celui d’un état d’esprit qui vénère la norme, et rien que la norme, et évacue la force, et même et surtout la simple force des choses, écrit le politologue français d’origine libanaise Zaki Laïdi. En évacuant toute force et toute simple force des choses, le patriotisme constitutionnel, cher à Habermas et défendu avec jactance par Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt, est un pur déni du réel, qui place l’Europe dans un état de faiblesse très inquiétant, tout en interdisant les remèdes, d’avance condamnés comme étant les expressions morbides du populisme, nouveau croquemitaine des intellocrates et des médiacrates, au service de la superclasse.
Après le pompage des données sensibles de nos entreprises les plus performantes, qui se poursuit allègrement, sans rencontrer ni critiques ni résistances, une nouvelle arme a été sortie de la panoplie américaine : le droit. Depuis une dizaine d’années, depuis la crise de 2008, de grandes entreprises européennes subissent les foudres des procureurs du département de la Justice américaine et l’assaut des agences de régulations financières. Elles sont accusées de violer les embargos imposés à Cuba, à la Corée du Nord et surtout à l’Iran. Les amendes qu’on leur inflige montent à des millions voire des milliards de dollars. Tour à tour, Siemens, la banque ABN Amro, Technip, la BNP, Alstom, la Société Générale, etc. ont été dans le collimateur ; ces multinationales européennes figurent au top dix des plus lourdes sanctions imposées par Washington, en attendant d’être rejointes demain par Airbus ou de passer sous pavillon américain, écrit Ali Laïdi, chercheur auprès de l’IRIS et spécialiste des guerres économiques. Cette attaque systématique et continue contre nos entreprises est le résultat de la doctrine Clinton, car, depuis qu’elle a été énoncée, les Etats-Unis n’ont plus d’alliés mais se trouvent face à des « cibles étrangères » qu’il convient de viser et de frapper quand elles risquent de dépasser en ampleur leurs équivalentes américaines ou de développer des technologies supérieures à celles créées par leurs concurrentes d’Outre-Atlantique. Les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles à New York ont servi de prétexte, sous Bush II, pour planétariser des lois qui ne s’adressaient, jusqu’alors, qu’aux entreprises et aux citoyens américains. Les terroristes wahhabites ont bon dos : l’action terroriste spectaculaire qu’on leur attribue a permis de lancer une attaque systématique contre le véritable ennemi européen, dont il faut, par la coercition juridique, vassaliser les meilleures entreprises, surtout en Allemagne et en France.



Le sort des cadres chinois de Huawei, poursuivis par la « justice » américaine, laisse préfigurer le pire aux Européens qui transgresseraient les interdits formulés par le Deep State américain. Le récit que vient de nous livrer Frédéric Pierucci dans son livre intitulé « Le piège américain » est affolant : ce cadre d’Alstom a été emprisonné pendant de longs mois aux Etats-Unis pour faire chanter les dirigeants de l’entreprise française qui ont fini par la céder à un consortium américain, avec toute la complaisance de Macron.
Face à cette puissance numérique du tout-virtuel, du Big Data, du « hors sol » et du « cloud », la Chine –et je le dis avec amertume parce que j’aurais voulu que ce fut notre Europe qui le fasse- formule le projet intéressant des « routes de la soie », propose ainsi une organisation continentale, celle des géomètres romains, aurait dit Carl Schmitt, renoue avec la pensée du développement chez Friedrich List, entend vertébrer le monde plutôt que le fluidifier et le sublimer dans le « cloud ». Elle parie pour le temps long. Face à cette tâche qu’elle aurait dû suggérer et entreprendre elle-même, l’Europe, dit Empereur, « a souscrit béatement au grand récit de la mondialisation heureuse et de la fin de l’histoire », annoncée au début des années 1990 par Francis Fukuyama. En souscrivant à ces fables sans consistance, elle a évité ainsi la pensée du long terme, que Chinois, sur le plan tellurique, et Américains, sur le plan numérique, ont pourtant toujours eu en tête. Le présentisme obtus des Européens est une erreur fatale. Ce « présent idéal », mais figé, correspondait peut-être à des temps désormais révolus, ceux de la coexistence pacifique qui édulcorait la guerre froide, ceux des Trente Glorieuses qui se sont muées en Trente Piteuses, ou encore ceux de la perestroïka de Gorbatchev. Or le monde est redevenu « normal », c’est-à-dire multipolaire et conflictuel, précise Empereur. Voilà pourquoi un projet de refondation est impératif pour l’UE, aujourd’hui, alors que les peuples renâclent : les Européens, en effet, ont le sentiment diffus que leurs institutions bruxelloises ne sont qu’un fatras technocratique oppressant qui s’auto-justifie par une idéologie vertuiste, tissée de repentance et de culpabilité. Les Européens, ajoute Empereur, « ne disposent ni de la puissance numérique actuellement dominée par les Américains et sans doute demain par les Chinois et sont coupés de toute profondeur stratégique non seulement par leur situation géographique de petit cap de l’Asie mais aussi par l’interdiction absolue qui leur est faite, par leurs alliés anglo-saxons, de s’entendre avec la Russie dans une perspective eurasiatique. (…). Cette stratégie d’interdiction géopolitique est totalement contraire aux intérêts européens ». Pire : ces dernières semaines, à l’occasion de la soixante-troisième conférence sur la sécurité à Munich, Mike Pence, porte-paroles du gouvernement américain, a tenté de forcer Merkel à refuser et à saborder le projet de gazoduc Nord Stream 2 et a déconseillé aux Européens de commercer avec l’Iran. Macron prendra le relais en répétant les admonestations de Pence, ruinant ainsi le binôme franco-allemand, reposant sur une volonté d’émancipation européenne. Sans le gaz russe, l’Europe germanique et bénéluxienne ne peut tout simplement pas survivre ; sans l’apport du commerce iranien, l’Europe est condamnée à la stagnation et à ne disposer que de fonds réduits pour ses « recherches et développements », alors que ceux-ci sont urgentissimes pour rattraper ses retards dans le numérique et dans d’autres domaines de pointe.
Les dépenses militaires américaines, surtout après l’aventure vietnamienne et après le projet de « guerre des étoiles » cher à Reagan, ont servi à lancer une industrie numérique qui assure la domination américaine sur la planète entière. Les Européens n’ont jamais eu le réflexe de coordonner leurs actions pour être à l’avant-garde des innovations scientifiques et technologiques.